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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 26 avril 1978 - Vol. 20 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 70 - Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 70

Loi constituant la Société

nationale de l'amiante

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, messieurs!

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry (Fabre), M. Raynauld (Outremont) en remplacement de M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je pense que lorsque vous avez ajourné hier, le ministre avait la parole sur l'article 4, le paragraphe a). M. le ministre.

Objets de la société

Recherche, développement et exploration de gisements (suite)

M. Bérubé: M. le Président, je dois avouer que je commençais à apprécier cette salle 81-A qui est beaucoup plus intime, beaucoup plus familiale, si on veut. Nous en étions arrivés à nous détester cordialement, alors qu'ici c'est beaucoup plus froid. Néanmoins, je continuerai donc cet exposé.

Je vous rappellerai, M. le Président, qu'à la fin de cet exposé, j'essayais d'illustrer par quelques exemples l'avantage comparatif que pourrait offrir l'intégration d'une industrie de transformation à une industrie minière.

Je voudrais n'en donner comme exemple que celui de l'industrie des pâtes et papiers. On sait que le fabricant de papier fin qui doit acheter sa pâte sur le marché mondial est désavantagé par rapport au fabricant de papier fin, qui, lui, est intégré en amont, c'est-à-dire qu'il fabrique sa propre pâte. À ce moment-là, il peut évidemment vendre la pâte à prix coûtant. Il considère la rentabilité globale de l'opération.

Le raisonnement que je fais présentement est un raisonnement de même nature. C'est: Qu'est-ce qui différencie le fabricant québécois de produits d'amiante de son compétiteur qui achète la fibre sur le marché mondial, alors que lui a accès à de la fibre directement au Québec?

Puisque nous discutons ici d'une politique gouvernementale de l'amiante, il s'agit donc, pour le gouvernement, de tenter de modifier une situation économique telle qu'il n'y a pas d'avantages comparatifs à fabriquer des produits d'amiante au Québec. Là-dessus, je pense que l'Opposition libérale est unanime, du moins le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je vous écoute.

M. Bérubé: II a souligné en Chambre, les désavantages comparatifs auxquels devait faire face l'industrie québécoise pour expliquer l'absence de transformation au Québec. Il nous a même accusés d'y voir là une sombre machination, alors qu'en pratique, de l'avis même du député d'Outremont, ce n'était que le jeu normal de la libre entreprise, et cela ne faisait que tenir compte des conditions particulières de l'industrie de l'amiante.

Donc, partant de cette reconnaissance de fait qu'il existe des tarifs à l'exportation des produits finis, qu'il existe des coûts de transport supérieurs pour les produits finis à ceux de l'expédition de la fibre brute, nous introduisons un désavantage comparatif pour le Québec face au reste du monde pour ce qui a trait à la transformation d'amiante, dans la mesure où nous n'avons pas au Québec un marché suffisamment volumineux pour justifier une industrie locale vivant essentiellement du marché local et n'utilisant le marché d'exportation que comme supplément, donc comme un ajout à l'ensemble de l'activité de cette société. Nous sommes dans la situation inverse. Nous devons, dès le départ, concevoir une industrie qui sera tournée vers l'exportation. Puisqu'il s'agit d'une industrie tournée vers l'exportation, que cette industrie fait face à un certain nombre de barrières, à tout le moins, artificielles, à titre d'exemple, le contrôle des réseaux de distribution par les concurrents, cela pourrait s'appeler une barrière artificielle, puisque c'est une barrière qui résulte de l'action de l'homme, mais également les tarifs à l'exportation, c'est également une autre barrière artificielle, j'ai donc essayé de voir dans quelle mesure, nous pourrions opposer ces barrières, ces "man made barriers" par d'autres "man made barriers", c'est-à-dire opposer ces désavantages comparatifs par d'autres avantages comparatifs.

Voici ce que j'ai fait. J'ai pris l'hypothèse que cette Société nationale de l'amiante, étant une société d'État, elle ne paie pas d'impôt. J'ai donc voulu examiner quelle serait l'incidence du non-paiement de ces impôts sur le coût de fabrication d'un certain nombre de produits. J'ai supposé que nous transformerions 7% de la fibre, de telle sorte qu'avec les 3% que nous transformons déjà, nous aurions un total de transformation de 10%, qui est l'objectif à court terme du gouvernement. J'ai donc essayé de voir dans quelle mesure ceci serait possible en réduisant le prix de la fibre. J'ai donc pu conclure que dans le cas de l'amiante-ciment, on pourrait réduire son prix de quelque $23.50 la tonne, soit un coût qui est de 18% inférieur au coût prévu par la société SORES. Pour illustrer l'avantage que cela nous conférerait, j'ai recomparé le coût des ventes, livrées à New York, à To-

ronto et dans d'autres villes avec le coût des ventes d'un producteur, d'un fabricant qui serait situé dans ces mêmes villes. Pour la ville de Toronto, je constate que, présentement, il en coûterait, d'après SORES, $7 de plus à un fabricant montréalais pour livrer son amiante-ciment à Toronto, par rapport à un producteur ontarien. Dans le cas de New York, SORES nous signale un désavantage de $12 la tonne, à cause du transport et $2 la tonne à cause de la douane, ce qui fait un désavantage concurrentiel de $14 la tonne. Or, comme l'avantage de prix de fibre que nous confère le contrôle d'une société s'évalue à environ $23.50 la tonne, nous aurions donc un avantage net, au marché de New York, de $9.50.

Je continue avec d'autres exemples, nous pourrions prendre Paris où le désavantage devient de $4.50 la tonne. Cet avantage devient encore plus important dans le cas d'un pays qui ne fabrique pas ces produits, parce que lorsque un pays ne fabrique pas ces produits, il doit les importer et nous sommes cette fois-ci à armes égales avec un autre fabricant, soit européen, soit américain et là nous bénéficions vraiment de la pleine valeur de la réduction de prix. D'une façon générale, pour tout pays importateur de plaques d'amiante-ciment, l'avantage du Québec serait de 18%. On comprend que, dans ces conditions, toute l'étude de SORES est en fait à refaire puisqu'elle repose sur un certain nombre de postulats qui peuvent être modifiés lorsqu'il y a décision gouvernementale d'intervention, lorsqu'il y a politique.

Je pourrais utiliser d'autres exemples, comme les textiles fils. SORES nous dit que le coût est d'environ $1700 la tonne; de ce coût de fabrication, on retrouve $900 en amiante. Or, si, grâce à la politique gouvernementale, on épargne 47% de $900, on retrouve un coût Québec inférieur de 25% au coût SORES. Je pense qu'il est inutile de refaire les calculs antérieurs puisque, dans le cas de ce produit, nous reconnaissons tous maintenant, avec l'expérience que nous avons de l'amiante, que les coûts de transport sont beaucoup moins importants dans ce cas-ci que dans le cas de l'amiante-ciment et que, par conséquent, on pourrait utiliser cet avantage directement sur le prix de vente à l'étranger. Par conséquent, cela aurait un impact considérable, en fait, aucun pays du monde ne pourrait entrer en concurrence avec nous.

On pourrait s'amuser dans le cas de l'endos à linoléum aussi puisque, dans le cas de l'endos à linoléum, le coût de production est de $370 la tonne, dont $190 la tonne en amiante. Dans ce cas-ci, nous épargnons $89 la tonne, soit un coût au Québec inférieur de 24%.

Cette première démonstration nous montre une chose. Elle nous montre qu'un producteur, un fabricant intégré à un approvisionnement bénéficie d'un avantage par rapport à ses compétiteurs, avantage qu'il n'est pas obligé d'utiliser. Il ne fait aucun doute que le fabricant québécois n'est pas obligé de vendre moins cher que le fabricant new-yorkais, mais, ce qu'il est important de réaliser, c'est qu'advenant une guerre des prix, il doit être capable de surnager le dernier. C'est fondamentalement le principe d'une guerre des prix. Si vous avez des coûts de production plus bas et que vous faites face à une guerre des prix, vous serez le dernier à devoir céder. Par conséquent, vous êtes donc dans une position économique de force. Il n'est donc pas nécessaire d'utiliser cet avantage, mais il peut s'avérer nécessaire advenant une guerre des prix et, par conséquent, on a entre les mains un instrument de persuasion qu'auparavant, nous n'avions pas, puisque, dans l'hypothèse où nous accepterions l'avancé de l'Opposition selon lequel il suffit de construire des usines de transformation et de vendre sur les marchés étrangers, ce qu'il faut reconnaître dans ce cas, c'est que, pour l'amiante-ciment, nous saurions, si nous essayions de vendre à Toronto à un coût supérieur de $7 la tonne, qu'il nous faudrait nécessairement compenser par une subvention à la tonne. Si nous voulons amener un fabricant étranger à s'implanter au Québec, il faudra, puisque nous le convainquons de se situer au Québec plutôt qu'à Toronto, nous devrons lui donner une subvention de $7 la tonne. Ce sera la seule condition qui l'amènera à s'implanter au Québec, sauf s'il est menacé d'être privé de fibre en s'installant àToronto, par suite d'une pénurie de fibre, et, à ce moment-là, il choisit de s'implanter au Québec parce que, dans ce cas, il échange un coût supérieur, qui n'est quand même pas majeur, contre une garantie d'approvisionnement qu'il n'aurait pas à Toronto et qui risquerait, dans cinq ou sept ans, de le mener à la fermeture.

Donc, il faut reconnaître que nous avons deux avantages. Cela ne veut pas dire qu'on utilise chaque fois les deux; tantôt, cela peut être l'un, tantôt cela peut être l'autre, mais ce qui est important, c'est qu'il faut rétablir l'équilibre des forces qui joue contre nous et que SORES reconnaît, puisque SORES, dans son analyse, reconnaît que nous avons des désavantages comparatifs dans tous les produits de l'amiante et qu'il n'y a aucune justification économique comme telle à implanter une industrie de transformation de l'amiante, sauf si nous utilisons un avantage, soit celui de contrôler l'approvisionnement mondial en fibre. Si nous ne contrôlons pas cet avantage, nous n'avons pas rétabli cette concurrence. À titre d'exemple, dans le domaine du cuivre, il nous serait totalement impossible d'utiliser cet avantage ou à peu près impossible, parce que le volume que nous contrôlons est tellement faible que la réduction de prix ne nous donne pas d'avantages réels et il est toujours possible pour un fabricant de s'approvisionner ailleurs. Par conséquent, on se rend compte que dans la plupart des produits où nous sommes en concurrence, le volume de marché mondial que nous contrôlons est tellement faible, tellement insignifiant qu'il ne nous donne pas d'avantages comparatifs marqués.

Je vois déjà le député de Saint-Laurent lever les bras au ciel et souligner qu'évidemment le Québec n'a fait que subventionner cette industrie puisqu'en acceptant une réduction d'impôt le gouvernement n'a fait que subventionner l'indus-

trie. Là-dessus, cela ne fait aucun doute. Cela reviendrait à l'équivalence. C'est de la même façon, comme je le citais tantôt, qu'un fabricant de papier fin s'intègre; il s'intègre en amont de manière à subventionner son industrie du papier fin, de manière à être plus concurrentiel. C'est une pratique courante. Je reviendrai tantôt d'ailleurs sur les accusations fondamentales du député de Saint-Laurent selon lesquelles les lois antitrust et antidumping viendraient mettre rapidement fin à une telle pratique et j'essaierai de démontrer que le député de Saint-Laurent a erré dans son interprétation des lois antidumping et antitrust.

Je pense que ce qu'il est important de calculer maintenant, c'est quel avantage retire le Québec de cette industrie de transformation. Nous avons supposé 7% de transformation au Québec, par suite de cette politique dynamique du gouvernement, puisque cela fait 100 ans que nous avons une industrie de l'amiante et nous n'avons toujours pas d'usine. Je pose l'hypothèse que grâce à cette intervention du gouvernement, nous avons réussi à rétablir une certaine concurrence de notre industrie et que nous avons maintenant 7% de plus de transformation. J'eus supposé qu'elle se transformerait schématiquement en suivant un peu les recommandations du rapport SORES puisque j'utilise toujours l'information qui vous est disponible, 4% en amiante-ciment, 2,5% d'endos à linoléum et 0,5% de fil d'amiante.

Je vous épargnerai le calcul relativement simple que vous pourriez faire avec toutes les données que vous avez dans le rapport SORES. Je vous en épargnerai le calcul détaillé et je reviendrai directement à la conclusion. Supposons une marge de profit de 10% dans cette industrie de transformation, donc une marge de profit très faible. Je l'ai vraiment prise minimale. Par conséquent, je n'ai pas touché à la marge de profit d'Asbestos Corporation; il faut bien que l'on m'entende, je n'ai touché qu'à ses impôts.

Quant à l'industrie de transformation, je ne lui donne aucun avantage particulier, si ce n'est d'avoir accès à de la fibre à meilleur compte. Ce que je fais est très simple, je fais le calcul de l'impôt payé par cette industrie de transformation, payé par les travailleurs de cette industrie qui ne doivent leur emploi qu'à cette action gouvernementale, puisque avoir une politique gouvernementale veut dire créer une activité économique qui, sans l'action du gouvernement, ne se serait pas produite. Je pense que nous sommes tous unanimes pour dire qu'elle ne s'est pas produite dans le passé.

Eh bien, un simple calcul, avec la pondération que je viens de vous souligner précédemment, nous permet de récupérer annuellement, en impôts, $17,6 millions, contre $20 millions que nous avons sacrifiés. Je n'ai pas calculé les effets induits, je n'ai pas calculé pour chaque emploi dans l'industrie de transformation le nombre d'emplois créés dans l'économie, je n'ai pas calculé l'ensemble des impôts qui retournent à l'État, je n'ai calculé que les impôts directs perçus des travailleurs de l'industrie de l'amiante en question. Les impôts perçus par ces travailleurs sont très faciles à calculer, puisque le rapport SORES nous donne le nombre de travailleurs, le nombre d'emplois créés. Par conséquent, il vous est tout à fait loisible d'effectuer ces calculs. Il suffit d'avoir une petite règle à calcul et je vous prêterai volontiers la mienne.

Donc, vous pouvez faire le calcul à ce moment-là et constater que les revenus à l'État sont aussi importants, et même plus si on calcule les retombées indirectes, sinon plus que ce que l'État a perdu en impôts directs sur les profits de la société en question. Voilà essentiellement ce que j'essayais de démontrer.

Démonstration en deux points. Premier point; une garantie d'approvisionnement de la fibre nous permet de négocier avec des fabricants étrangers l'implantation au Québec en faisant valoir cette garantie contre des coûts de production qui pourraient être plus élevés d'une part. D'autre part, si cette approche ne réussit pas, on peut procéder à la deuxième approche, c'est-à-dire la vente au coût de la fibre d'amiante. Cette pensée qui horripile le député de Saint-Laurent, je dois lui dire, et cela va intéresser le député de Richmond, mais comme les deux sont présentement perdus dans leur réflexion profonde, ils ne peuvent sans doute pas suivre l'argumentation...

M. Brochu: ...

M. Bérubé: Merci, M. le député de Richmond. Je vois que vous suivez depuis le début les travaux de cette commission, vous suivez toujours très attentivement nos travaux et je dois dire que je suis très attentivement vos interventions également. Elles sont toujours intéressantes, je dois dire. (10 h 30)

M. le Président, j'ai donc essayé de montrer, d'une part, ce que la garantie d'approvisionnement pourrait apporter, et d'autre part, ce qu'une réduction de prix pourrait apporter. Pour intéresser le député de Richmond, puisqu'on s'intéresse toujours davantage à des cas probants, une des premières propositions que nous a faites la société Johns-Manville, c'est une proposition analogue à celles que ces gens font en Islande, où ils vendent au coût au gouvernement islandais, une diatomite — c'est un produit minéral quelconque — de manière que le gouvernement islandais puisse financer une industrie de transformation de l'amiante.

Donc, une telle pratique est tout à fait possible. Dans notre industrie papetière, elle est couramment utilisée. La vente au coût de la pâte à une usine de transformation est une pratique courante, une pratique qui n'a jamais fait l'objet de la moindre accusation suivant les lois antidumping et antitrust.

Revenons donc à l'argumentation du député de Saint-Laurent sur les lois antitrust. Les lois antitrust, comme tous les membres de cette commission le savent, visent à empêcher un industriel de prendre le contrôle d'une part trop importante du marché, de manière à pouvoir éventuellement en

contrôler le prix, essentiellement, en contrôler l'offre.

Dans le cas présent, il va de soi que la société Asbestos Corporation contrôle 35% de la production québécoise. Elle doit contrôler, comme pourcentage de la production mondiale, 12%, disons 15% de la production mondiale d'amiante. Que je sache, elle n'a jamais été accusée, en vertu des lois antitrusts. La société Johns-Manville contrôle un pourcentage encore plus élevé. On n'a pas considéré jusqu'à maintenant que le contrôle de cette fibre pouvait mener à une accusation en fonction des lois antitrusts.

D'autre part, dans le domaine de la transformation, si on regarde ce que représente 10% de transformation, comme je viens de parler, c'est un pourcentage minime par rapport à la transformation mondiale. Puisque le Québec produit 30% de la production mondiale totale, incluant celle de l'Union Soviétique, et que nous n'allons transformer que 10% de notre production, c'est donc 3% de la transformation totale dans le monde. On ne peut certainement pas nous accuser de monopole.

Les lois antitrusts ne peuvent certainement pas s'appliquer. On voit que le député de Saint-Laurent a utilisé ce type d'argument qu'on entend assez fréquemment qui consiste à invoquer des choses qui restent assez vagues et qui peuvent et sont susceptibles de faire un peu peur à l'électorat. C'est la politique de la terreur. Ils ont utilisé cela contre le Parti québécois pendant une dizaine d'années, nous accusant un peu de toutes sortes de choses.

M. Forget: Question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Étant donné que le ministre se donne la répartie lui-même en utilisant mon nom, j'aimerais...

M. Bérubé: Quel règlement, M. le Président? M. Forget: ... corriger certains faits.

M. Bérubé: Une correction de faits, ce n'est pas une question de règlement.

M. Forget: M. le Président, il y a des pratiques auxquelles se livre le ministre: supposer qu'il parle en mon nom pour se livrer par la suite à une argumentation de son choix. C'est un procédé qui est utilisé de mauvaise foi.

M. Bérubé: L'article 96 du règlement. J'invoque l'article 96.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comment, l'article 96? À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! C'est justement l'article 96 qui est soulevé par le député de Saint-Laurent.

M. Bérubé: II ne l'a pas dit, M. le Président.

M. Forget: Exactement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je l'ai présumé.

M. Forget: Peu importe, le président est censé connaître le règlement et le ministre aussi. C'est un procédé qui est inadmissible. Je n'ai pas soulevé la question d'antitrusts dans ce contexte. Soit que le ministre était distrait, soit qu'il n'ait pas compris, mais, de toute façon, il n'a aucun droit de placer dans ma bouche des paroles que je n'ai pas prononcées. S'il n'a pas compris le raisonnement sur la question d'antitrusts, nous pourrons y revenir plus tard...

M. Bérubé: Je l'ai fait après vos interventions.

M. Forget: ... mais il n'a aucun droit de m'at-tribuer des paroles que je n'ai pas prononcées. Il peut faire les commentaires qu'il choisit, c'est son affaire, mais quant aux déclarations que j'aurais faites, qu'il se réfère au journal des Débats, mot à mot. C'est la raison de l'existence du journal des Débats. Il n'a pas à interpréter mes paroles en déformant leur sens.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Messieurs les membres de la commission, effectivement, M. le député de Saint-Laurent s'est servi de l'article 96 qui permet à un député de rectifier les faits, suite à un discours qu'il a lui-même prononcé. Cette intervention habituellement se fait après le discours de celui qui intervient, à moins d'un consentement exprès ou tacite. J'ai présumé...

M. Bérubé: Je ne l'ai pas donné, M. le Président, c'est assez évident.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous donne à nouveau la parole sur l'article 4a.

M. Bérubé: M. le Président, je vous remercie de m'avoir donné à nouveau la parole qui m'a été enlevée par le député de Saint-Laurent, à l'encon-tre du règlement, comme vous venez d'ailleurs de le reconnaître, puisque je n'ai jamais donné mon consentement à ce que le député de Saint-Laurent intervienne, comme d'ailleurs il a pris l'habitude de ne jamais donner son consentement quand je veux intervenir. Je demande toujours l'autorisation. Il l'a camouflée sous une question de règlement inacceptable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, je dois dire que la question de règlement était très bien fondée, sauf qu'elle aurait dû, normalement, être faite à la fin de votre intervention.

M. Bérubé: M. le Président...

M. Ciaccia: M. le Président, je pourrais vous référer au règlement 99 et référer le ministre au règlement 99 où il est interdit à celui qui a la pa-

role de se servir d'un genre de langage ou d'imputer certains motifs, comme il a fait, c'est-à-dire accuser le député de Saint-Laurent de terrorisme envers le Parti québécois. Je pense bien que cela va à l'encontre de la lettre et de l'esprit de l'article 99. Dans ce sens, l'intervention du député de Saint-Laurent était à point. Il n'avait pas besoin d'attendre que le député de Matane finisse son intervention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, nous parlions donc de l'invocation des lois antitrust. Dans le cas des lois antidumping, j'ai souligné, au début de mon intervention, que le député de Saint-Laurent était dans une position plus solide. Je m'attacherai à démontrer que si apparemment solide fut-elle, cette position ne m'apparaît guère plus solide que la première. En effet, dans le cas des produits finis, une accusation de dumping repose essentiellement sur le fait qu'une industrie vend à l'étranger à des prix inférieurs à ceux qu'elle pratique sur son propre territoire. À titre d'exemple, lorsque les producteurs de tomates ontariens qui ont consommé 90% de leur production, inondent le marché avec les derniers 10% à des coûts largement inférieurs, à des prix largement inférieurs à ceux qu'ils ont pratiqués sur leur propre marché, ils peuvent être accusés en vertu des lois antidumping, puisqu'il s'agit d'écouler sur le marché des produits qui sont, évidemment, vendus à des prix inférieurs à ceux qui étaient pratiqués sur leur propre marché.

Quant à la fibre, on pourrait invoquer que nous vendons la fibre sur les marchés étrangers plus chère que nous la vendons à nos propres industries. Nous pourrions ainsi être accusés en vertu des lois "anti antidumping", parce que les lois antidumping portent justement sur la vente à l'étranger à des prix inférieurs à ceux pratiqués chez soi, mais non la vente à des prix supérieurs à ceux pratiqués chez soi. Par conséquent, il faut...

M. Forget: Me permettez-vous une question?

M. Bérubé: Non, M. le député de Saint-Laurent, il me fera plaisir d'y répondre à la fin.

M. Forget: Oui, on y reviendra, bien sûr.

M. Bérubé: Pour l'instant, j'apprécie votre façon...

M. Forget: On y reviendra.

M. Bérubé: On y reviendra, certainement.

M. Forget: Sûrement.

M. Bérubé: Donc, les lois antidumping comme telles ne s'appliquent pas. Je soulignerais, à titre d'exemple, que l'industrie américaine paie, comme taux d'imposition, un taux d'environ 32% dans l'industrie des pâtes et papiers, contre une moyenne de 42% à 45% au Canada. Nous n'avons, que je sache, jamais accusé l'industrie américaine de pratique antidumping sur nos marchés. Parce qu'un pays choisit de taxer plus ou moins, cela n'implique pas qu'il puisse être accusé en vertu des lois antidumping. Les taxes sont perçues sur les profits. Rien n'empêche nos concurrents au Québec de vendre au coût, eux aussi, s'ils le veulent. Ils peuvent donc utiliser la même stratégie. S'ils vendent au coût, ils ne feront aucun profit, et dans ce cas, nous serons, à nouveau, à armes égales. En d'autres termes, nous n'avons pas violé les règles de la compétition, mais nous avons certainement donné un avantage, en ce sens que, comme Québécois, nous pouvons choisir de nous priver de certains revenus en vue d'atteindre un objectif économique. C'est là, comme Québécois, le sens de notre intervention politique dans le secteur de l'amiante.

Donc, ce que j'ai essayé de faire aujourd'hui, c'est d'expliquer en quoi le contrôle d'une mine peut être avantageux. Je n'ai évidemment pas parlé — l'Opposition a été très généreuse en ne me demandant pas de revenir au sens même de l'article — des nouvelles mines. J'ai parlé, en général, du contrôle des mines. Pourquoi nous sommes-nous opposés au principe simple du contrôle de nouvelles mines? Il existe plus d'une raison pour laquelle on peut désirer le contrôle d'une mine. On peut désirer prendre le contrôle des mines au Québec, parce qu'on estime que l'exploitation des richesses naturelles des Québécois devrait être faite par des Québécois et non par des étrangers. Cela peut être un souci légitime que le développement de notre économie minérale. Nous pouvons, comme Québécois, avoir comme objectif que cela soit fait par des Québécois.

On pourrait avoir un autre objectif, et c'est l'objectif, je pense, de l'Opposition libérale, qui est tout à fait justifié. Que le développement minéral, que l'exploitation de nos richesses soit faite par des étrangers, cela est un objectif tout à fait légitime, mais...

M. Forget: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que c'est sur l'article 96?

M. Forget: L'article 96 encore une fois, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je dois demander...

M. Forget: II faut que je le soulève pour demander la permission au ministre de le soulever, mais il faut bien que je le dise...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Forget:... il est encore en train de parler au nom de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, M. le ministre...

M. Bérubé: Je ne donne toujours pas mon consentement, dans la mesure où...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, à la fin de l'intervention.

M. Bérubé: ... le député de Saint-Laurent est d'abord un avocat d'une très rare habileté qui a le don, continuellement, de fausser légèrement nos affirmations pour nous prêter des affirmations.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur l'article 4.

M. Bérubé: II utilise très fréquemment cette technique et je dois dire qu'à son école, j'apprends tranquillement... Depuis trois mois d'ailleurs.

M. Ciaccia: Vous pourriez nous en montrer.

M. Bérubé: M. le député de Richmond, pourriez-vous m'indiquer où j'en étais puisque ces interruptions fréquentes m'empêchent de suivre mon exposé?

M. Forget: Vous pourriez sauter au prochain sujet, ce serait plus fructueux.

M. Brochu: ... sautez une page.

M. Ciaccia: II ne sait même pas ce qu'il dit.

M. Bérubé: Cela pourrait être une option politique que de laisser à des étrangers le soin de développer nos richesses. Nous croyons que si les étrangers développent nos richesses et qu'ils y voient un avantage économique, si les Québécois le faisaient eux-mêmes, ils y verraient aussi un avantage économique. Évidemment, c'est là une hypothèse tout à fait discutable, et je comprends que certains partis de l'Opposition — pour ne pas les nommer — puissent avoir une vue contraire à celle-là, mais je pense que le développement de notre industrie de l'amiante au Québec, par des Québécois, peut être un objectif politique valable en soi. Ce n'est pas simplement pour faire plaisir à nos sentiments nationalistes, c'est simplement par réalisme économique.

M. Forget: Avec de l'argent emprunté à New York.

M. Bérubé: Donc, M. le Président, l'achat d'une compagnie ou le développement d'une industrie minière, par les Québécois, peut être un objectif en soi, dans la mesure où il s'agit d'un développement qui a des retombées économiques sur le développement économique du Québec, d'une part. D'autre part, le développement de nouvelles mines, étant donné la nature très particulière des gisements d'amiante, suppose des installations considérables, des investissements majeurs, une technologie assez sophistiquée, et la pénétration du marché. Dans la mesure où l'offre de la fibre est limitée, il n'y a d'utilisateurs dans le monde que pour autant que l'offre existe. La demande est donc ajustée à l'offre. Lorsque vous ouvrez une nouvelle mine, vous devez donc introduire sur le marché, subito presto, un nouvel approvisionnement de 150 000 ou 200 000 tonnes. Dans ces conditions, il faut laisser le marché absorber graduellement...

M. Forget: Pénurie.

M. Bérubé: Absolument pas.

M. Forget: II n'y a pas pénurie! (10 h 45)

M. Bérubé: II y a une pénurie... Le député de Saint-Laurent n'a jamais compris ce qu'était la notion de pénurie dans le domaine économique. Je vais la lui expliquer d'ailleurs, parce que j'ai toujours mon droit de parole et c'est un des avantages d'être ministre, le droit de parole illimité.

M. Forget: Profitez-en pendant que cela dure.

M. Bérubé: J'en profite aujourd'hui. C'est la seule fois que j'en ai profité. Mais j'ai dit que je parlerais quand on arriverait au fond du débat.

M. Brochu: Ce qu'il y a de curieux quand même, M. le Président, c'est que, je vous le rappelle, le mercredi, c'est la journée des députés, en vertu de nos règlements. Mais, on va permettre au ministre d'avoir pleine jouissance de son droit.

Le Président (M. Vaillancourt): Àl'Assemblée nationale.

M. Forget: ... plus rapidement.

M. Bérubé: Elaborons sur la notion de pénurie. Il va de soi que, lorsqu'un industriel ne peut pas s'approvisionner en fibre, il s'approvisionne en autre chose, la fibre de verre ou un autre produit succédané. Il y en a plusieurs, je vous ai remis un rapport qui développe tous ces succédanés qui sont généralement moins bons, qui sont, la plupart du temps, plus coûteux et donc, qui ont des désavantages importants.

Cependant, faute de mieux, on se contente, mais on ne peut pas modifier une structure industrielle du jour au lendemain. Si, demain, je mets sur le marché 150 000 tonnes supplémentaires d'amiante, il me faudra un certain nombre d'années pour pénétrer ce marché, parce qu'il faudra que les industriels, réalisant que l'amiante est disponible, s'équipent pour l'utiliser, et il faut nécessairement, entre le moment où l'amiante devient disponible et le moment où une industrie entre en production, qu'il y ait un certain décalage, un cer-

tain nombre d'années. Il faut donc s'attendre à un certain nombre d'années assez difficiles, étant donné ce marché extrêmement fermé, ce très petit nombre de fournisseurs. Ce ne serait évidemment pas le cas si nous avions un très grand nombre de fournisseurs, parce que, dans un tel cas, évidemment, la loi de l'offre et de la demande joue beaucoup plus librement et, en général, on s'ajuste uniformément chez un grand nombre de fournisseurs en baissant le niveau d'approvisionnement pour laisser entrer un nouveau compétiteur, ceci à la suite d'une guerre des prix.

Or, il va de soi que, si l'on veut lancer un nouveau gisement, nous serons dans la même situation que SIDBEC, de Saint-Félicien. En effet, SIDBEC entre en production au moment où il y a des surplus, au moment où ces gens doivent pénétrer le marché même avec un nouveau produit, des boulettes enrichies, qui sont particulièrement adaptées à la réduction directe, qui sont particulièrement adaptées aux hauts fourneaux, lorsqu'on veut faire marcher un haut fourneau à 110% de sa capacité, mais, lorsqu'un haut fourneau fonctionne à 100% ou à 90% de sa capacité, on ne voit pas tellement d'avantages à utiliser ce produit... On se retrouve donc à peu près dans la même situation. Entrant avec un nouveau produit sur le marché, il faudra un certain nombre d'années. C'est donc au gouvernement à supporter cette pénétration du marché par un nouveau fournisseur qui n'est déjà pas intégré. Ce serait beaucoup plus facile si c'était déjà intégré à un réseau de mise en marché du minerai de fer.

C'est un peu le même problème dans la pâte dans le cas de Saint-Félicien, puisqu'il faut prévoir, dans les prochaines années, une mise en marché difficile, des déficits importants, jusqu'à ce que Saint-Félicien ait réussi à pénétrer le marché. De la même façon, Cabano, qui est un producteur indépendant, a des problèmes de trésorerie graves depuis son ouverture, en dépit du fait qu'il s'agit là de l'usine de fabrication de médium la plus économique au Québec, et probablement une des plus économiques en Amérique du Nord, avec des coûts de production bien en deçà de ceux de ses compétiteurs, a des problèmes de pénétration de marché.

On se rend donc compte que, lorsque le député de Saint-Laurent nous dit: "Parce qu'il y a pénurie, vous allez pouvoir immédiatement pénétrer le marché", ce n'est pas le cas. Il faudra s'attendre à un an, deux ans, trois ans d'efforts avant de pouvoir pénétrer le marché. Ceci ne pourra se faire qu'au détriment, évidemment, des finances gouvernementales. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la société BRINCO se cherche des partenaires qui s'engagent à prendre leur pourcentage de fibre. BRINCO ne veut pas rester avec toute la production du gisement sur les bras. Ces gens se rendent très bien compte que, financièrement, ce serait difficile. Alors, ils s'organisent pour partager la fibre entre plusieurs distributeurs; entre autres, ils se cherchent un industriel qui est déjà impliqué dans la mise en marché.

Cela veut donc dire que, si le gouvernement du Québec devenait partenaire au tiers, nous devrions, dès le lendemain, écouler 33% de notre production sur les marchés mondiaux, en concurrence avec tout le monde, avec les problèmes de pénétration. Cependant, si nous le faisons par le biais d'une société qui est déjà dans le domaine, qui a déjà des clients, qui peut déjà chercher à enlever des clients à d'autres sociétés, nous sommes déjà en bien meilleure posture. Donc, l'achat d'une compagnie minière qui fait déjà de la mise en marché comme Asbestos Corporation va nous aider à commercialiser ces 33% de fibre que nous pourrions avoir à mettre en marché au moment du développement du gisement de l'Abitibi.

Mais là, je m'arrête tout de suite, parce que j'ai dit: au moment du développement. Il n'est même pas certain qu'on puisse développer le gisement d'Abitibi-Amiante puisque nous ne sommes même pas certains, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer, de sa rentabilité, de la faisabilité de la transformation de la fibre en un produit économique. Par conséquent, il est important que nous puissions disposer d'une évaluation de cela par des gens qui s'y connaissent. Or, la seule compagnie minière au Québec qui a fait un développement minier récent c'est Asbestos. C'est la seule qui a développé un gisement, qui a un nouveau gisement à développer présentement et qui, par conséquent, a déjà cette expertise, qui a dû même ouvrir de nouveaux marchés. Par conséquent, le contrôle de la société Asbestos, à" nouveau, nous avantage pour ce qui a trait au développement de nouvelles mines, et fera en sorte que les investissements gouvernementaux, s'il devait y avoir une nouvelle mine, un nouveau projet comme Abitibi-Amiante, puissent être des investissements solides, des investissements sécuritaires; ce qui n'est nullement le cas si, demain, je devais donner comme directive à nos fonctionnaires, à notre Société nationale de l'amiante, pour qu'elle s'engage dans le développement de Abitibi-Amiante et voir, dans quelques années, si c'est rentable. Je pense que ce serait illogique de ma part. Je dois avoir d'abord un conseil éclairé de la part d'ingénieurs, de techniciens qui connaissent bien le secteur. De là l'importance de l'achat d'Asbestos Corporation. Donc, l'achat d'Asbestos peut être un objectif en soi, parce que le contrôle par les Québécois de leur industrie minière peut être un objectif politique pour un gouvernement qui se tient debout. Le contrôle d'Asbestos Corporation peut nous permettre de nous lancer dans le développement de nouveaux gisements, de nous lancer dans l'exploration de l'amiante au Québec et de devenir un moteur de ce développement, parce que nous aurons et les moyens de la mise en marché et l'expertise pour le développement de ces gisements. Troisièmement, l'intégration en amont de notre industrie de transformation nous conférera deux avantages importants. Le premier avantage, elle nous permet d'offrir des garanties d'approvisionnement à long terme à des partenaires étrangers qui contrôlent déjà les marchés qui n'ont aucun avantage à venir s'établir au Québec, sauf si on peut leur garantir une compensation pour les dé-

savantages comparatifs à s'implanter ici. Le rapport SORES, le député d'Outremont ont très bien vu les désavantages comparatifs à s'implanter au Québec. Ils ont très bien noté que la vente d'amiante-ciment à Toronto coûterait $7 plus cher que si on la faisait à Toronto et que si on ne compense pas par un moyen quelconque ce désavantage comparatif, il n'y a aucune justification économique à transformer au Québec, à moins de demander aux travailleurs québécois qu'à travail égal ils fassent les frais de la compensation de ce désavantage comparatif et qu'ils acceptent des salaires moindres. Certes, si des travailleurs québécois acceptaient des salaires moindres à ceux de nos compétiteurs américains, européens ou ontariens, il serait tout à fait possible d'implanter au Québec une industrie de transformation rentable. Mais nous n'avons pas, comme gouvernement, l'intention de proposer une politique qui vise à faire payer des salaires moindres aux travailleurs québécois pour tout travail comparable. Ce n'est pas l'objectif du gouvernement actuel. Constatant la réalité des faits, nous y avons fait face et nous avons cherché à rétablir cet équilibre pour le faire jouer, peut-être davantage, pour nous.

C'est donc en utilisant ce moyen, soit l'achat d'Asbestos Corporation, soit le développement minier, que nous avons choisi de rétablir cet équilibre entre nos compétiteurs et nous-mêmes et donner une chance à notre industrie de transformation de se développer. Il est complètement utopique — je m'excuse de devoir le dire à l'Opposition — de vouloir implanter une industrie de transformation au Québec, à moins de bénéficier de certains avantages. Je donnerais le cas Distex, à Montréal, qui fabrique des plaquettes de freins d'automobile et dont un des principaux marchés est le marché californien. Un dynamisme exceptionnel d'un homme d'affaires peut certes lui permettre d'aller développer de nouveaux marchés. Mais à quel prix?

Est-on justifié de supposer que nos hommes d'affaires seront toujours plus dynamiques que les autres hommes d'affaires. Eh bien! non, M. le Président. Nos hommes d'affaires auront en moyenne le même dynamisme que nos compétiteurs et nous ne sommes pas justifiés de leur imposer un fardeau que leurs compétiteurs n'auront pas à subir. Pour le développement du marché local, on pense à Asbestonos. Évidemment, la Société Asbestonos n'a pas de problèmes particuliers, puisqu'elle n'a pas à faire face à des droits de douane, et, compte tenu de son marché, elle arrive certainement à être concurrentielle.

Donc, d'une façon générale, pour le marché interne, il peut ne pas y avoir d'inconvénient à ce qu'on ne donne pas d'avantages comparatifs à notre industrie, mais si on vise à développer une industrie importante, donc transformer 10% de notre fibre au Québec, il faut nécessairement viser les marchés étrangers et il faut nécessairement avoir des atouts pour négocier.

Un autre point de vue que j'aimerais soulever, M. le Président, s'apparente aux désavantages ou aux inconvénients que pourrait subir une industrie de transformation établie au Québec, face à l'industrie gouvernementale de transformation. En effet, on pourrait parler d'une concurrence indue. C'est pour cette raison qu'on commence à comprendre toute la politique de l'amiante du gouvernement. La politique de l'amiante du gouvernement, ce n'est pas l'achat d'Asbestos, comme on s'est complu à vouloir le présenter dans les journaux, parce que c'est ce qui faisait l'impact. Asbestos n'est qu'un moyen.

La politique de l'amiante du gouvernement, c'est favoriser la transformation de l'amiante au Québec. L'Asbestos est un moyen. Un deuxième moyen s'appelle l'entente de développement. Nous offrons la possibilité aux industriels établis au Québec de s'asseoir avec le gouvernement et de négocier des ententes qui leur permettront de profiter des avantages. L'entente de développement est justement là pour faire en sorte que l'on puisse corriger certains inconvénients.

Deuxièmement, il est normal que le gouvernement ne cherche pas, comme l'a souligné très bien le député de Saint-Laurent, à s'engager dans des produits qui concurrencent directement des produits existants au Québec. À titre d'exemple, nous avons, avec Atlas Asbestos, une usine de fabrication de tuyaux d'amiante-ciment qui, présentement, doit presque exporter toute sa production, si je ne m'abuse, soit 70%, faute d'un marché intérieur suffisamment dynamique. Le député de Saint-Laurent a souligné que si ce marché intérieur devait être très dynamique, cela impliquerait, à court terme, la fermeture de la fonderie de Lotbinière, je crois, parce que M. Biron se spécialise dans les tuyaux de fonte, ou se spécialisait, parce qu'il a vendu la fonderie aux Ontariens; je m'excuse, M. le député de Richmond. On me dit même qu'ils ont l'intention de déménager les services comptables, c'est clair. C'est encore le déménagement... enfin, c'est une fausse rumeur, comme la fuite de beaucoup de sièges sociaux, d'ailleurs.

M. Brochu: De toute façon, si vous avez besoin d'un bon tuyau, vous savez où aller.

M. Bérubé: II va de soi que se lancer dans des produits qui concurrenceraient une industrie québécoise serait également de nature à être néfaste pour notre économie et le gouvernement doit, par son pouvoir de directive, certainement pouvoir orienter l'activité de la Société nationale de l'amiante, de manière à ne pas concurrencer de façon anormale des produits qui sont déjà faits au Québec. Et si on veut éviter une concurrence déloyale, II faut donc peut-être se tourner vers l'avenir. Il y a quinze jours, j'ai présenté à cette commission un nouveau produit québécois de l'amiante, un caoutchouc-mousse amiantifère isolant, pouvant remplacer notre bon vieux "styro-foam", notre mousse de polyuréthane, je pense. (11 heures)

Ce caoutchouc-mousse qui peut se brocher directement à l'intérieur des murs, dont la fibre est entièrement contenue dans un latex qui retient la fibre, est un produit d'amiante nouveau que l'on

pourrait espérer commercialiser, donc une industrie fondée sur le dynamisme.

Hier, je crois, j'ai déposé également un nouveau produit. C'est un produit qui incorpore des rejets amiantifères à fibre courte dans des plastiques, comme charges minérales pour les isolants. J'ai déposé un cendrier et la raison de ceci, c'est qu'étant donné la complication du moulage d'une telle pièce, comme vous avez pu le constater, on voulait, en même temps, vérifier ses propriétés rhéologiques qui se sont avérées excellentes. Donc, deuxième produit.

Récemment, j'avais l'occasion de voir un troisième produit développé, et ceci, en l'espace d'un an, dois-je vous souligner, avec l'appui du gouvernement.

M. Ciaccia: Pour acheter la mine.

M. Bérubé: On voit donc l'importance d'une politique de l'amiante, ce que le Parti libéral n'a jamais compris.

M. Ciaccia: Acheter une mine.

M. Bérubé: Un nouveau produit aussi: l'agrégat-bulle. C'est un agrégat extrêmement léger en amiante-ciment et qui pourrait être un matériau de l'avenir, les murs "sandwiches". Il y a plusieurs produits présentement que nous testons. Présentement, au Japon, nous sommes à faire des essais d'un nouveau type d'engrais basé sur les résidus d'amiante aux propriétés extrêmement intéressantes.

Cette semaine, à New-York, nous négocions également une évaluation d'un nouveau procédé pour la fabrication de magnésium, financé également à l'intérieur du programme gouvernemental de recherche. Je défie le Parti libéral d'avoir fait autant en l'espace d'un an, dans un seul secteur, par suite d'une volonté arrêtée.

M. Forget: ...

M. Bérubé: Donc, la politique de l'amiante repose: 1.Sur le développement de nouveaux produits, de manière à ne pas concurrencer inutilement les produits existants. 2.Sur le contrôle d'une industrie primaire de l'amiante, de manière à conférer à notre industrie de transformation certains avantages qui compensent pour les désavantages sur lesquels nous sommes tous d'accord. 3.Sur des ententes de développement qui permettent à toute entreprise établie au Québec de bénéficier des mêmes avantages.

C'est cela, la politique de l'amiante, c'est un tout et ce n'est pas l'achat d'Asbestos Corporation. Mettre l'accent, dans cette commission, uniquement sur l'achat d'Asbestos, c'est ne pas avoir compris la politique de l'amiante. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: II y avait des questions que j'avais adressées au ministre, et auxquelles il avait accepté de répondre à la fin de son exposé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, uniquement des questions.

M. Forget: Deux brèves questions. D'une part, j'aimerais savoir si le ministre a tenu compte, dans le calcul des taxes payées par la société Asbestos et qui servent à alimenter ce rabais sur le prix de la fibre, s'il a tenu compte du fait qu'après l'acquisition de la société Asbestos, son passif à long terme n'aura plus la même configuration qu'actuellement.

Autrement dit, il a une dette à long terme qu'il devra financer également, qui coûtera à la société quelque $15 millions à $20 millions par année, qu'il faut comparer aux $15 millions ou $20 millions d'impôts qui sont payés dans le moment.

M. Bérubé: D'abord, ce que nous payons, ce sont les actions. Il existe certainement un passif à long terme et ce sont les dettes de l'entreprise existante. Ce ne sont pas celles-là dont vous parlez.

M. Forget: Non. Si on regarde le passif, on voit qu'ils ont, au passif à long terme, une dette légère qui leur cause un déboursé annuel d'intérêts sur leur dette à long terme, de l'ordre de $3 millions par année.

M. Bérubé: Oui.

M. Forget: Mais ils ont aussi des placements qui leur donnent des intérêts d'à peu près $2,8 millions. On peut dire qu'ils n'ont pas de...

M. Bérubé: D'accord. Vous ne parlez pas de ce passif à long terme que la société...

M. Forget: Mais quand vous achetez la société à un prix qu'on peut estimer de... Au prix actuel de $40, ce serait à peu près $100 millions, plus ou moins. Si le prix est supérieur — le prix aux livres est de $60 à peu près, nous a-t-on dit — ce serait $150 millions. Cela peut être davantage selon l'évaluation qu'on placera sur les réserves. Il y a une somme de $150 millions ou $175 millions qui peut très bien être payée pour la société. L'intérêt que le gouvernement devra payer sur l'emprunt qu'il devra faire — vous avez admis vous-même qu'il va devoir faire un emprunt pour acheter les actions, toutes les actions, non pas seulement celles de la General Dynamics, mais toutes les actions — l'intérêt annuel sur cet emprunt va s'élever entre $15 millions et $20 millions au taux actuel d'intérêt, y compris l'amortissement de l'escompte, etc.

Ce sont $15 millions ou $20 millions qui ne seront pas là et qui compensent presque exactement les $20 millions d'impôt qui sont actuellement payés.

M. Bérubé: M. le Président, oui. En fait, le prix — c'est là tout le sens de la gymnastique ac-

tuelle—payé pour la société Asbestos sera en fonction des bénéfices anticipés et des investissements requis pour réaliser ces bénéfices.

Si le député de Saint-Laurent prétend que l'emprunt nécessaire pour acheter l'Asbestos n'est pas couvert par les profits en question, c'est que nous aurons payé trop cher, n'est-ce pas?

M. Forget: Pour une impossibilité.

M. Bérubé: Dans la négociation avec l'entreprise, même en cours, nul n'est tenu de payer plus cher que ce que cela vaut. Vous avez souligné une des façons de calculer la valeur. C'est la technique basée sur la valeur obligataire. On calcule la valeur des obligations produisant le même profit. La valeur obligataire n'est jamais utilisée dans une telle discussion pour la simple raison, M. le député de Saint-Laurent, qu'une entreprise ne garantit pas des profits, alors que des obligations les garantissent.

Par conséquent, on accepte un taux de rendement d'obligations de 9 1/2%, parce qu'elles sont sécuritaires, à 100% ou quasi, alors qu'on refuserait d'acheter une entreprise qui ne rapporterait que 9% d'intérêt, parce qu'il y aurait là l'élément risque.

Dans l'actualisation des bénéfices escomptés, on utilise un taux d'escompte qui n'a rien à voir avec le taux d'intérêt payé par le gouvernement pour ses obligations.

M. Forget: Vous devrez payer.

M. Bérubé: C'est là toute la gymnastique. Si le député de Saint-Laurent veut se renseigner pour savoir comment cela se fait, il pourra certainement, étant donné que maintenant... Non, malheureusement, c'est au Manitoba, je me trompe. J'allais dire qu'il pourrait toujours s'adresser au gouvernement de la Saskatchewan qui a procédé à l'achat, de gré à gré, de deux compagnies de potasse et qui, dans son intention arrêtée et dans le projet de loi qu'il a déposé à sa Chambre des communes, a inclus une clause d'expropriation de toutes ces sociétés exploitant la potasse au juste prix du marché.

M. Forget: ... ne le fait pas?

M. Bérubé: Elle a évalué ces compagnies minières spécialisées dans l'extraction de la potasse exactement sur les mêmes bases que nous le faisons pour notre industrie. Dois-je souligner que les profits faits par la société d'État, la Saskatchewan Potash Corporation, cette année, sont absolument remarquables?

En d'autres termes, le prix payé pour les mines de potasse jusqu'ici est tel que le gouvernement fait des profits extrêmement intéressants dans le domaine présentement. Il va de soi que le prix d'achat de l'Asbestos Corporation doit nous permettre de faire des profits qui seront certainement escomptables, en tout cas, à un taux supérieur au taux d'escompte des obligations du Qué- bec. C'est absolument évident. Je ne comprends pas pourquoi le député de Saint-Laurent n'a pas encore compris cette évidence. Cela m'apparaît strictement fondamental. C'est la pratique courante chaque fois qu'une telle opération est pratiquée.

M. Forget: M. le Président, tant mieux pour la Saskatchewan, mais le ministre n'a pas répondu à la question qu'il n'aura plus les $20 millions d'impôt payables, lorsqu'on paiera de $15 millions à $20 millions d'intérêt sur un emprunt à long terme. On verra bien combien le gouvernement paiera.

M. Bérubé: Ah! Mais, M. le Président, la société Asbestos Corporation fait des profits!

M. Forget: C'est ce qu'on vous dit, ils seront compensés par le paiement des intérêts que vous devrez sur la dette à long terme.

M. Bérubé: Non, les profits, on les retourne en dividendes, M. le Président. Au lieu de les retourner en dividendes, on va les retourner au gouvernement qui, lui, va payer l'emprunt. Je n'ai jamais vu...

M. Forget: Deuxième question, M. le Président. La longueur de la réponse est un fait indépendant de ma volonté, M. le Président.

Le Président (M. (Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Forget: Je pense que vous le reconnaîtrez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, le ministre a un temps indéterminé, et vous vous n'avez plus de temps.

M. Bérubé: Parfait.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Puisque le ministre a accepté de répondre à quelques questions, deuxième question.

M. Forget: La deuxième question, c'est relativement à la question du dumping dont serait accusée une société fabriquant des produits d'amiante au Québec, à l'aide de fibres d'amiante subventionnées par une politique gouvernementale.

Est-ce que le ministre a entendu parler du ASP, du "American selling price", qui est la façon dont les Américains appliquent les règles de dumping, des règles qui sont définies de telle façon dans leur application concrète—plutôt que dans les manuels de théorie que cherche à nous citer le ministre, au lieu de nous répondre directement— qui sont appliquées de telle façon que les produits chimiques européens, en particulier, qui sont très concurrentiels, sans même d'aide gouvernementale, n'ont jamais pénétré le marché américain, parce que les Américains se basent sur leur prix de vente domestique pour calculer le

dumping, non pas sur le prix de vente dans le pays d'exportation ou d'origine.

De cette façon, on peut assurer le ministre que si le gouvernement du Québec subventionne ou même donne la fibre aux fabricants de produits d'amiante du Québec, il y aura de très nombreux moyens dans l'arsenal des moyens de défense commerciale des États-Unis et du marché commun pour l'empêcher de réaliser ses ambitions de pénétration rapide et facile du marché aux dépens des contribuables du Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, M. le Président. D'ailleurs, dans mon exposé, j'ai fait certaines mises en garde. Je n'ai pas dit qu'il fallait vendre aux États-Unis en utilisant tout l'avantage comparatif que j'ai souligné ici. La seule chose, c'est qu'il suffit de pouvoir vendre au moins à "l'American selling price"; ce que nous ne pouvons faire présentement. C'est là toute la base de l'argumentation. Dans la situation actuelle, il est impossible de vendre à ce prix courant américain, dans la mesure où nous avons des coûts de production semblables qui ne diffèrent que par les coûts énergétiques finalement. Nous avons des coûts de production semblables et des coûts supplémentaires en transport et en douane. Donc, il va de soi que si nous vendions à un prix extrêmement bas, le gouvernement américain pourrait..., et c'est toujours le problème—vous maniez la peur, ... comme outil...

M. Forget: C'est facile de répondre cela.

M. Bérubé: Ce que je dis, c'est que ce qui est important pour un industriel, c'est de savoir que, si jamais il y a une guerre des prix, il peut survivre. Je n'ai pas dit que pour vendre à Toronto, il fallait vendre $7 meilleur marché pour éliminer les concurrents, mais il faut être capable de s'accrocher au prix du concurrent. C'est ce que présentement notre industrie de la cartonnerie au Québec ne peut faire; nos coûts de production étant de $100 plus cher, ils ne peuvent s'accrocher. Que demande notre industrie? Elle nous demande de réduire les droits de coupe, de financer la voirie forestière, à titre d'exemple.

M. le Président, à chaque fois que le gouvernement intervient, lorsque le gouvernement— c'était une pratique courante sous l'ancienne administration, puisque dans la politique forestière, le gouvernement avait proposé de prendre à sa charge la construction de voirie forestière... Que faisait le gouvernement? Il subventionnait son industrie. Les subventions à l'exportation sont continuellement surveillées. Pour autant, on n'a pas d'accusation antidumping contre le Canada. Aux États-Unis, où les voies d'accès à la forêt sont beaucoup plus nombreuses et sont entièrement financées par l'État, l'industrie bénéficie d'avantages comparatifs. Qu'à l'intérieur d'une compagnie, on produise sa propre pâte, de ma- nière à ne pas être obligé de l'acheter sur les marchés mondiaux, donc de manière à avoir des coûts de production plus bas, il n'y a pas là matière à accusation antidumping. Cependant, si, profitant de cet avantage, nos producteurs vendaient à un prix nettement en bas des prix américains, il pourrait certainement y avoir accusation. Il pourrait y avoir enquête sur les prix de transfert pratiqués par toutes les compagnies d'amiante présentement au Québec envers leurs filiales. Il pourrait, certes, y avoir une analyse de toutes les pratiques commerciales, mais cela implique l'ensemble des pratiques commerciales. Présentement, les accords de l'article 4 parlent d'introduire la notion de subvention dans les paramètres dont on tiendra compte lorsqu'il s'agira d'établir les tarifs. La seule existence des tarifs n'est pas à l'origine de la non-concurrence ou de la concurrence entre différents produits. Il faut tenir compte des subventions. (11 h 15)

Lorsqu'une industrie s'installe dans le sud des États-Unis, on lui offre des subventions. Ceci favorise sa concurrence. Je pense que, continuellement, les gouvernements interviennent. Les compagnies le pratiquent avec des prix de transfert intérieurs différents des prix de vente des marchés.

Évidemment, l'Opposition dit: Oui, cela se fait couramment, mais vous, on va vous attendre au virage. Je dis tout simplement que, certes, si nous allions vendre sur les marchés américains à $10 ou $15 en bas du prix de fabrication parce que nous avons bénéficié d'avantages indus, il est très possible que le gouvernement américain constate que le fait, pour une société d'État, de ne pas payer d'impôt... Dois-je souligner que nos sociétés d'État ne paient pas d'impôt? C'est la même chose dans tout le Canada.

Nous vendons de la potasse aux États-Unis, par le biais de sociétés qui ne paient pas d'impôt: avantage indu de ces sociétés. Je n'ai pas encore entendu parler d'action du gouvernement américain pour contrer cette stratégie du gouvernement de la Saskatchewan, mais, dans notre cas—et cela caractérise bien la mentalité de l'Opposition libérale—on passe son temps à manipuler, non pas cette fois des oripeaux, comme on nous en accuse, mais un Bonhomme Sept Heures. On promène le Bonhomme Sept Heures pour faire peur à tout le monde, mais quand on y regarde, on dit: Qu'est-ce que les autres font? Ils font la même chose. Eux peuvent le faire, ils ne se feront jamais accuser, mais nous, nous serons accusés d'employer des pratiques commerciales déloyales.

Donc, le gouvernement américain peut imposer un tarif de 10% sur l'importation d'un frein en amiante pour les produits de remplacement et ce n'est pas une pratique commerciale déloyale, mais si le gouvernement québécois offre de la fibre à meilleur compte à son industrie de fabrication de freins, c'est une pratique déloyale et le gouvernement du Québec n'aurait pas le droit de la pratiquer.

M. le Président, cela traduit bel et bien la mentalité de l'Opposition.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je veux essayer de comprendre les propos du ministre. Est-ce que le ministre dit qu'aujourd'hui on ne peut vendre à "l'American selling price" parce que le coût de production, ici, est trop élevé? Votre position est-elle de subventionner pour pouvoir vendre à "I'american selling price".

M. Bérubé: M. le Président, c'est une question à laquelle je ne répondrai pas, parce que le député de Mont-Royal n'était pas là lorsque j'ai tout expliqué cela. Il faudrait que je reprenne encore tout mon exposé, cela me prendrait encore deux heures.

M. Ciaccia: Non, mais suite à une question du député de Saint-Laurent... Si vous le voulez bien, je vais essayer d'obtenir les renseignements possibles. Je ne vous insulterai pas et n'insultez pas ce côté-ci. D'accord? Malheureusement, je n'ai pu...

M. Bérubé: Bon!

M. Grégoire: Si vous lisez les galées d'hier et de ce matin...

M. Ciaccia: ... être ici hier. Ce n'est pas un péché mortel, j'avais d'autres engagements, je ne pouvais pas y être. Oui, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, s'il vous plaît!

J'aimerais vous avertir, M. le député de Mont-Royal, que si vous — je vous ai accordé le droit de parole, vous aviez 20 minutes—posez une question et que le ministre réponde pendant 20 minutes, cela sera pris sur votre temps.

M. Forget: Ah, M. le Président!

M. Bérubé: M. le Président, je n'aurai pas à...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, mais je voulais vous avertir tout de même parce que vous avez réellement votre droit de parole.

M. Ciaccia: Cela ne me fait rien de prendre le temps de mon droit de parole pour les questions que je pose, mais les réponses du ministre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, mais je pourrais vous suggérer de faire votre intervention et de garder vos questions pour la fin, ce qui vous permettrait d'atteindre les deux buts. Ce que le député de Saint-Laurent a fait d'ailleurs de façon...

M. Ciaccia: J'essayais d'aller un peu plus vite, j'essayais d'éviter l'accusation de "filibuster". Ce sont des informations... Je voudrais faire mon intervention...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis obligé, en vertu du règlement — si vous posez vos questions et qu'un dialogue se fait entre vous et le ministre... Le dialogue entre le député de Saint-Laurent et le ministre s'est fait avec le consentement des membres de la commission puisque le député n'avait plus le droit de parole. Vous, je vous ai accordé votre droit de parole et il est bien évident que si vous posez des questions et qu'il y a des réponses, tout cela sera pris sur votre temps. J'aimais vous le dire.

M. Grégoire: M. le Président, si vous me le permettez. Je crois qu'on serait prêt à laisser au député de Mont-Royal la chance de poser des questions et de prendre ses 20 minutes; nous y consentirions. Seulement, je voudrais suggérer ceci au député de Mont-Royal: Ce genre de question— je ne le blâme pas de ne pas avoir été là hier, cela peut arriver à tout le monde d'avoir d'autres engagements — seulement, le ministre a fait...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Même au président!

M. Grégoire: Juste une seconde, M. le Président.

Le ministre a fait son exposé pendant une demi-heure hier et une demi-heure ce matin. Si le député de Mont-Royal demande au ministre de refaire son discours là, c'est moins acceptable. On accepte qu'il ait été absent avec de bonnes excuses. On lui suggère de relire les galées et de revenir avec ses questions, mais pas de faire refaire le discours, ce serait moins acceptable.

M. Ciaccia: Je ne m'attendais pas que le ministre refasse son discours.

M. Bérubé: Je répondrai...

M. Grégoire: II y a un article du règlement qui dit qu'on ne peut répéter ce qui a déjà été dit.

M. Ciaccia: II a fait une déclaration et je voulais en comprendre le sens.

M. Bérubé: Ce que j'ai expliqué hier, essentiellement, c'est que...

M. Ciaccia: Excusez. Avant de commencer, est-ce que j'ai le consentement pour que les réponses du ministre ne prennent pas de mon temps?

M. Bérubé: Nous donnons notre consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, du consentement des membres de la commission.

M. Brochu: Le ministre paurrait simplement répondre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le consentement étant donné pour le député de Mont-Royal.

M. Bérubé: Sachant que j'apprends vite à votre école...

M. Brochu: Vous vous en venez bien.

M. Bérubé: Pour cette fois-ci, M. le Président, sans que cela constitue un précédent.

M. Grégoire: ...

M. Brochu: Très bien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Ce n'est pas un précédent. C'est du consentement des membres de la commission pour le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vous remercie.

M. Grégoire: Mais ce n'est pas pour le restant de la commission...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Bérubé: Pour rattacher votre question à l'"American selling price", lorsqu'on évalue à un prix normal de vente aux États-Unis, on utilise comme critère les coûts normaux de production américains, les coûts soi-disant normaux. Or, si on applique les mêmes coûts normaux au Québec... Évidemment, l'Hydro-Québec, jusqu'à cette année, a eu des pratiques commerciales en ce qui a trait à la vente de l'électricité qui pouvaient être taxées par le gouvernement américain d'anormales dans la-mesure où elle avait des prix de vente d'électricité inférieurs à ce qu'elle pratiquait normalement pour certaines industries.

Donc, le seul avantage dont nous pourrions bénéficier, finalement, c'est le coût d'énergie, de par la nature même de notre structure économique. Nos salaires sont, et vous le reconnaîtrez, comparables aux salaires américains. Le coût de l'électricité est légèrement plus bas qu'aux États-Unis, parce que notre production est essentiellement à base d'hydroélectricité, comparativement à des productions à base de carburant, de nucléaire et d'hydroélectricité pour nos compétiteurs. Donc, nous avons un certain avantage comparatif en ce qui a trait à l'énergie, mais qui est tout de même limité. Dans une industrie de transformation, cet avantage comparatif n'est pas majeur.

Regardons le coût de production au Québec d'un fabricant qui n'est pas intégré. Il achète sa fibre sur le marché mondial. Il a donc un prix de fibre. Il a les salaires, le tarif, le coût de transport. Si on additionne ces coûts et qu'on les compare à ceux de l'Américain de New-York qui, lui, a exac- tement les mêmes prix de fibre, mais qui n'a pas le tarif, puisque le gouvernement américain choisit de ne pas taxer la fibre brute qui pénètre aux États-Unis, donc, qui échappe aux tarifs, qui échappe à une certaine fraction du coût de transport qui varie avec les produits... Je concède que dans le cas du papier d'amiante le coût de transport est minime, par opposition au coût de transport de la fibre, auquel cas l'avantage n'est pas majeur. Mais le tarif est là.

Donc, il a des coûts supplémentaires. Il a donc, ce fabricant new-yorkais, des coûts de production plus bas. Forcément, l'"american selling price", dans ces conditions, sera inférieur au coût de fabrication, avec une marge de profit acceptable pour le fabricant québécois. Nécessairement.

Cependant, un fabricant québécois intégré, qui n'achète pas sa fibre sur les marchés mondiaux, peut acheter sa fibre "at cost", au coût de la fibre, ce qui diminue énormément le coût de sa fibre et, par conséquent, augmente de beaucoup la profitabilité de son entreprise. Ce n'est pas illégal, c'est pratiqué dans l'industrie des pâtes et papiers. C'est pratiqué partout.

M. Ciaccia: Mais s'il n'achète pas "at cost", il faudra nécessairement qu'il ait une subvention du gouvernement...

M. Bérubé: Pour compenser.

M. Ciaccia: Alors, ce serait une subvention ad vitam aeternam, parce que les conditions que vous venez de décrire vont toujours être là.

M. Bérubé: C'est cela, exactement.

M. Ciaccia: Vous nous dites que, normalement, s'il n'achète pas "at cost" et qu'il faut qu'il achète sur le marché, pour être compétitif, pour être capable de vendre à l'"american selling price", nécessairement, le gouvernement sera toujours obligé de subventionner.

M. Bérubé: II y a deux approches. L'approche proposée par le député de Saint-Laurent, c'était la subvention. Ce serait difficile pour nous de dire qu'une entreprise, chaque année, bénéficie d'une subvention de tant de dollars la tonne pour un produit fini quelconque que nous serions obligés, en vertu d'un contrat, de verser chaque année à la production. Nous estimons qu'il y a très peu d'industriels qui accepteraient ce genre d'affaire et, deuxièmement, nous serions très rapidement accusés, parce que ce serait beaucoup trop évident. Ce serait une subvention à l'exportation directe, alors que la vente au coût de la fibre, à l'intérieur d'une société intégrée, n'est pas soumise aux mêmes règles. Les prix de transfert entre les industries ne sont jamais ou à peu près jamais les prix mondiaux.

M. Ciaccia: C'est la raison pour laquelle vous avez dit que votre politique de l'amiante est une politique de transformation, que l'achat d'Asbes-tos Corporation est seulement un moyen...

M. Bérubé: C'est cela, c'est un moyen, qui nous donne...

M. Ciaccia: C'est cela que j'essaie de comprendre.

M. Bérubé: ...ce qu'en anglais, vous appelez "la comparative edge".

M. Ciaccia: Quand vous dites que vous allez financer, que vous allez prendre certains profits d'Asbestos Corporation pour les traduire dans l'industrie de transformation...

M. Bérubé: Non, c'est que la Société nationale de l'amiante ne paie pas d'impôt; alors, elle aura des profits qui seront deux à trois fois...

M. Ciaccia: Un instant. C'est justement. Si elle ne paie pas d'impôt, une fois que vous êtes propriétaire... Maintenant que vous n'êtes pas propriétaire, ces impôts, qu'est-ce qui vous empêcherait, sans devenir propriétaire d'Asbestos Corporation, de les prendre et de les utiliser pour des fins de transformation? Je verrais beaucoup d'avantage et c'est cela qu'on cherche à trouver.

M. Bérubé: Une subvention à l'année à la tonne de produit. C'est-à-dire qu'on aurait...

M. Ciaccia: Non, mais vous ne seriez pas obligé de devenir propriétaire d'Asbestos Corporation avec tout le passif que cela comporte. Alors, vous auriez $20 millions — je ne sais pas si ce sont les chiffres que vous avez donnés — de taxes que la compagnie paie à l'État. Vous auriez ces $20 millions sans les obligations du passif et vous pourriez prendre cet argent...

M. Grégoire: ...qui va à Ottawa.

M. Bérubé: Non, d'accord. On va supposer qu'on le prend. On va supposer qu'on est indépendant.

M. Ciaccia: ...que ce soit $10 millions, $15 millions, et l'utiliser pour des fins de transformation. Quel est le...

M. Bérubé: Cela suppose, à ce moment-là, une subvention annuelle à la tonne. Vous comprenez, il y a une différence fondamentale entre donner une subvention à une entreprise pour s'implanter— d'accord? — ce qui était une suggestion, par exemple, dans l'apport du MEER; on subventionnait l'implantation d'industries et j'ai souligné que ce type de subvention ne pouvait pas amener l'industrie. J'ai déjà donné l'exemple aberrant du fait qu'une entreprise pourrait, présentement, bénéficier de 25% du MEER, de 12% de la SDI et, en vertu présentement de la loi 48, elle pourrait aller chercher une autre tranche de 25%; 62% de son investissement pourraient être fournis par l'État présentement pour une petite entreprise qui irait dans la transformation de l'amiante, mais, néan- moins, cela n'amènera personne parce que... Je pense que vous avez signalé à plusieurs reprises votre très grande compétence en l'affaire, qui était de beaucoup supérieure à la nôtre, et je suis convaincu qu'avec votre très grande compétence du milieu des affaires...

M. Ciaccia: C'est ce que vous avez dit qui nous a fait changer notre position. Continuez.

M. Bérubé: ...vous réalisez qu'une fois le capital initial amorti, l'incidence de la subvention sur les coûts, sur la rentabilité de l'entreprise, disparaît puisque, quand vous calculez votre profit, vous soustrayez l'amortissement. Lorsque tout est amorti, vous n'avez plus l'incidence du capital initial sur la profitabilité de l'entreprise et, à ce moment-là, vous vous retrouvez avec ce qu'on appelle le prix de vente moins les coûts d'opération. Or, vous vous retrouvez, dans cette condition-là, avec, comme on vient de le dire, les tarifs, les transports, qui vont faire en sorte que vous allez toujours être déficitaire par rapport à votre concurrent, ce qui vous fait hésiter à investir parce que vous n'allez pas, pendant cinq ans, vouloir profiter d'un don du gouvernement pour souffrir après, pendant quinze ou vingt ans, d'un désavantage comparatif. Donc, le désavantage comparatif étant au niveau de chaque tonne de production, vous seriez obligé, selon votre hypothèse, de donner, chaque année, un certain montant de subvention à la tonne.

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela que vous faites en achetant et en vendant au prix coûtant, parce que, quand vous vendez au prix coûtant...

M. Bérubé: Chaque année...

M. Ciaccia: Un instant, une minute. Quand vous vendez au prix coûtant, vous allez acheter Asbestos Corporation. Pour acheter Asbestos Corporation, admettons que c'est à $100 millions, il faut que ce soit remboursé. Normalement, ce sera remboursé par les profits. Si vous réduisez vos profits ou si vous prenez vos profits pour les mettre dans l'industrie de transformation, comment allez-vous payer les $100 millions?

M. Bérubé: Ce n'est pas cela que je fais. J'intègre une industrie de transformation avec mon industrie primaire.

M. Ciaccia: C'est ce que vous faites.

M. Bérubé: À ce moment-là, cette industrie-là, elle...

M. Forget: Les profits vont être moindres, cela va diminuer le prix de vente.

M. Bérubé: ...fabrique des produits qu'elle vend sur les marchés mondiaux. Si elle subit une guerre des prix, à ce moment-là, elle peut choisir de réduire ses profits et c'est cela qu'elle va faire.

Elle va réduire ses profits pour rester concurrentielle. Là, on est d'accord, mais c'est là que je vais mettre en contradiction avec vous-même... (11 h 30)

M. Ciaccia: Non, le paiement...

M. Bérubé: Vous dites: Nous sommes en faveur de la transformation d'amiante au Québec, mais nous sommes opposés à ce qu'on prenne les moyens pour qu'elle se fasse. Nous disons que nous sommes en faveur de la transformation de l'amiante, mais nous...

M. Ciaccia: Nous disons qu'il y a d'autres moyens.

M. Bérubé: ... prenons les moyens pour le faire. C'est ça la différence fondamentale.

M. Ciaccia: Nous disons que les moyens que vous prenez ne sont pas les bons moyens...

M. Bérubé: Vous n'en avez proposé aucun.

M. Ciaccia: On vous pose des questions sur le prix d'achat d'Asbestos Corporation, si c'est votre intention de vendre au prix coûtant, ce qui veut dire que vous n'aurez pas de profit...

M. Bérubé: Non.

M. Ciaccia: Si vous avez les mêmes profits... Avant d'intervenir, je vais vous donner une petite explication...

M. Bérubé: II faudrait un tableau.

M. Ciaccia: Quand vous allez acheter Asbestos Corporation, disons que vous payez le prix de marché, vous payez ni plus cher, ni moins cher. Cela veut dire que basé sur certains profits d'aujourd'hui, vous allez avoir un certain prix d'achat. Vous tenez pour acquis que les profits vont continuer. Les $100 millions pour les actions que vous achetez, il va falloir que ce soit repayé avec les profits d'Asbestos Corporation. Vous ne vous attendez pas que ce soit le contribuable, tout le reste du Québec qui va payer, autrement, ce ne sera pas...

M. Bérubé: Avec les dividendes versés par la compagnie.

M. Ciaccia: ... un achat rentable. Si c'est la condition, comment pouvez-vous, une fois que vous aurez acheté Asbestos Corporation, décider que vous allez vendre la fibre au prix coûtant? Vous ne ferez pas le même profit. Ce ne sont pas les mêmes conditions que la potasse en Saskatchewan. Quant à la potasse, en Saskatchewan, les intéressés ont tout nationalisé, ils peuvent contrôler les prix, c'est un monopole. Ici, vous allez être encore assujettis aux règles du marché pour le prix de la fibre, la concurrence. Alors, vous ne pourrez pas contrôler.

Si le prix de la fibre vaut tant, vous ne pourrez pas obtenir plus. Votre marge de profit est pas mal contrôlée par la concurrence. Si vous réduisez vos profits et vous dites: Je vais vendre la fibre à mon prix coûtant, ça veut dire qu'Asbestos Corporation, société d'État, ne fera pas de profit et c'est de cette façon que je vais subventionner la transformation.

Alors, il me reste une dette de $100 millions qui, normalement, prendrait $10 millions à $15 millions...

M. Bérubé: Je vais raccourcir votre intervention.

M. Ciaccia: Non.

M. Bérubé: Parce que là, on va retirer notre consentement.

M. Ciaccia: Non, pendant que je parle, c'est mon temps, vous n'êtes pas pénalisé, c'est mon temps.

M. Grégoire: C'est sur votre temps.

M. Bérubé: C'est parce qu'on voulait vous donner vingt minutes de plus.

M. Ciaccia: Cela veut dire que vous n'aurez pas ces $10 millions à $15 millions par année pour payer le prix d'achat de $100 millions. Comment allez-vous pouvoir vendre au prix coûtant et avoir encore les profits pour rembourser la dette des actions que vous avez acquises des actionnaires d'Asbestos Corporation?

M. Bérubé: Certainement, M. le Président. D'une part...

M. Ciaccia: Si vous avez une formule pour ça, c'est quasiment de la magie.

M. Bérubé: Ce n'est pas de la magie, vous allez voir, c'est simple.

M. Ciaccia: C'est du bon "slide of hand".

M. Bérubé: II me fera plaisir, d'ailleurs, de vous remettre à un moment donné une petite synthèse de ce que j'ai exposé, parce que ça vous permettrait de voir plus clairement. Je pense qu'en fait, les bouts que vous avez manqués expliquent peut-être pourquoi vous posez cette question.

M. Forget: J'ai écouté et j'ai les mêmes questions.

M. Bérubé: Les profits, essentiellement...

M. Ciaccia: Je me fie à mon collègue de Saint-Laurent.

M. Bérubé: Le prix de vente de la fibre est égal au coût, plus les profits redistribués ou non redistribués, plus les impôts. Êtes-vous d'accord avec ça?

M. Ciaccia: Le prix de vente... Voulez-vous répéter.

M. Bérubé: Le prix de vente de la fibre d'Asbestos Corporation est égal au coût de production auquel s'ajoutent les profits, redistribués ou non, remis dans l'entreprise, plus les impôts.

M. Forget: Pas nécessairement, mais si ça fait votre affaire de le calculer ainsi.

M. Bérubé: D'une façon générale. M. Forget: Non.

M. Bérubé: J'essaie de l'expliquer d'une façon simple. Nos coûts...

M. Ciaccia: Non, parce que vous commencez par une prémisse pour arriver à votre conclusion. Mais si votre prémisse est fausse, votre conclusion va être fausse aussi.

C'est une tactique très connue.

M. Bérubé: Nos coûts... Ce que j'ai souligné, c'est que la partie de l'impôt n'est pas payée. À titre d'exemple, en 1976, les profits étaient de $40 millions, l'impôt payé, $20 millions, il restait donc quelque $20 millions de profit net de l'entreprise. C'est $20 millions de profit net servent à payer l'achat de l'entreprise.

M. Ciaccia: Alors, vous utilisez seulement l'impôt.

M. Bérubé: On s'en vient, on s'en vient.

M. Ciaccia: Si vous utilisez seulement l'impôt, vous n'avez pas besoin d'acheter la compagnie, vous l'avez l'impôt, maintenant, utilisez le.

M. Bérubé: Ce sont donc les profits générés par l'entreprise qui doivent servir à rembourser, à payer des dividendes à l'actionnaire. Comme l'actionnaire doit payer pour son emprunt qu'il avait fait sur les marchés à ce moment-là, qu'il l'ait fait sur les marchés américains, québécois ou ailleurs, il utilise donc ses dividendes pour rembourser son emprunt. Dans le cas présent, à $20 millions par année, il faudrait six, sept, dix, quinze ou trois ans, dépendant du niveau des profits, pour rembourser.

Donc, il rembourse son emprunt.

M. Ciaccia: 20 ans.

M. Bérubé: Vous choisissez 20 ans.

M. Ciaccia: Capital et intérêts, ce ne sont pas seulement les intérêts et ce n'est pas seulement le capital.

M. Bérubé: Donc, avec les profits, nous faisons ce que tout actionnaire fait: nous payons l'actionnaire. Toute compagnie fait cela: elle paie ses actionnaires avec ses profits. Nous ne modi- fions pas le système. C'est exactement la même chose.

Quant aux impôts, je n'ai pas prétendu que nous devions prendre tous ces impôts et les appliquer à une réduction du prix de vente de la fibre. J'ai dit que nous pourrions le faire. À titre d'exemple, et c'est là que je fais mon développement...

M. Ciaccia: ... les marchés avec des hypothèses, mais avec des prix plus bas.

M. Bérubé: Légèrement plus bas, sans doute. M. Ciaccia: Oui.

M. Bérubé: Ou une garantie pour un fabricant qui viendrait s'associer à nous.

M. Ciaccia: Mais qu'est-ce qui vous empêcherait de prendre ces impôts maintenant, sans avoir le négatif de la compagnie? Ce n'est pas tout de l'actif. Il va vous falloir utiliser certaines sommes d'argent pour améliorer l'usine, question de salubrité et tout cela. Ce sont des problèmes que vous aurez comme propriétaire. Si vous utilisez seulement les impôts qui ne seront pas payés, parce que c'est une société d'État...

M. Bérubé: C'est cela.

M. Ciaccia: ... pourquoi se rendre aussi loin que l'achat quand vous pourriez utiliser ces impôts aujourd'hui et arriver aux mêmes fins? Vous pourriez faire plus. Savez-vous ce que vous pourriez faire de plus? Vous pourriez augmenter les impôts et avoir plus d'argent. Vous n'augmentez pas les impôts lorsque vous serez propriétaire. Mais aujourd'hui, vous pourriez augmenter les impôts et au lieu d'avoir $20 millions à investir dans la transformation, vous pourriez en avoir $30 millions ou $40 millions. Avec cet argent, vous pourriez arriver à vos fins. C'est ce que nous essayons de vous faire comprendre. Pour arriver à la transformation du produit, l'achat est plutôt un aspect passif, un aspect négatif qui va rendre plus difficile l'atteinte de vos buts, parce que vous allez devoir vous occuper du passif de cette compagnie. Il va vous falloir payer les dettes, il va vous falloir vous occuper des améliorations. En prenant votre argumentation... prenez seulement les impôts, augmentez-les, les impôts, et suivez les recommandations de l'étude SORES, prenez ces sommes d'argent, mettez-les dans la transformation.

M. Bérubé: Vous voulez qu'on les mette sous quelle forme. Pourriez-vous m'expliquer cela?

M. Ciaccia: II y a différentes formes.

M. Bérubé: Expliquez cela. Vous n'êtes pas clair. Avez-vous dit une subvention à l'investissement?

M. Ciaccia: Non, il pourrait y avoir un "joint venture", si vous vouliez. Vous pourriez prendre cet argent et vous associer avec d'autres. Vous

avez mentionné que la question de BRINCO, vous ne pouvez pas vous associer...

M. Bérubé: Si vous voulez qu'on réponde aux questions, posez des questions.

M. Ciaccia: J'y arrive. Je vais vous poser quelques questions additionnelles. Vous avez mentionné que vous ne vouliez pas vous associer dans une nouvelle mine avec BRINCO, parce que cela peut prendre deux ou trois ans avant de pénétrer les marchés. C'était une de vos affirmations ce matin.

M. Bérubé: Plus le développement.

M. Ciaccia: Une autre raison pour laquelle vous ne voulez pas vous associer avec BRINCO, c'est que celle-ci cherchait quelqu'un pour s'assurer l'utilisation des fibres. Ils veulent avoir un acheteur garanti d'avance. Il me semble qu'il va y avoir une petite contradiction avec les affirmations que vous avez faites antérieurement et peut-être celles que le député de Frontenac a faites.

Il nous parle toujours d'une pénurie. Un certain pays a besoin de 3000 tonnes. Où est-ce qu'il va aller les chercher? Un autre pays en a besoin de 5000 tonnes. Où est-ce qu'il va aller les chercher? Ou il y a une pénurie ou il n'y en a pas.

S'il y a une pénurie, achetez BRINCO et vous n'aurez pas besoin d'attendre pour pénétrer les marchés. S'il n'y a pas de pénurie, c'est une autre raison pour ne pas acheter Asbestos Corporation. Si c'est une question d'approvisionnement... vous avez dit aussi que pour les producteurs, ceux qui veulent faire la transformation, un des avantages serait de leur garantir l'approvisionnement.

Vous venez de nous démontrer que l'acquisition, en "joint venture" ou autrement, avec BRINCO, atteindrait ce but, parce que cela garantirait un approvisionnement. Il y a des bouts qui manquent que sincèrement je ne comprends pas dans votre exposé.

M. Bérubé: II y a des bouts qui manquent dans votre compréhension.

M. Ciaccia: Je prends vos arguments et les conclusions auxquelles j'arrive, c'est que vous ne devriez pas acheter Asbestos Corporation, que vous devriez utiliser les moyens fiscaux pour obtenir plus de profits, que ces montants devraient être réinvestis dans la transformation, sans vous occuper...

M. Bérubé: Sous quelle forme?

M. Ciaccia: II y a différentes formes. On va en venir aux formes.

M. Bérubé: Vous nous parlez d'une subvention à l'investissement?

M. Ciaccia: II y a différentes formes. Il peut y avoir un "joint venture".

M. Bérubé: Ou est-ce que vous nous parlez d'une subvention à la vente de chaque tonne de produit fini?

M. Ciaccia: II y a différents moyens.

M. Bérubé: Ne patinez pas, mais il y a une maudite différence entre les deux.

M. Ciaccia: Mais, même si vous voulez faire ce que vous mentionnez, c'est une autre raison de vous occuper plutôt de nouveaux gisements comme ceux de BRINCO que de vous occuper...

M. Bérubé: II ne veut pas répondre, parce qu'il sait qu'il n'est pas capable.

M. Ciaccia: ... d'une compagnie qui a déjà plus de passif. J'aimerais que vous essayiez d'éclaircir cela, parce que je vois des contradictions flagrantes dans votre exposé.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): M. le ministre.

M. Bérubé: Est-ce que je réponds sur le temps du député de Mont-Royal?

M. Forget: C'est assez mêlant. Retirez votre consentement.

M. Ciaccia: Non, vous ne pouvez pas retirer le consentement, une fois que le consentement unanime est donné.

M. Grégoire: Ces explications que vous avez données, on les a prises sur votre temps, par exemple.

M. Ciaccia: Oui, la question que je vous ai posée...

M. Grégoire: Après dix minutes, c'est sur votre temps.

M. Ciaccia: Quand je parle, c'est sur mon temps. C'était acquis.

M. Bérubé: M. le Président, il y a une question fondamentale...

M. Ciaccia: Je ne prends pas votre approche, c'est seulement...

M. Bérubé: ... qui n'est pas résolue dans l'interrogation du député de Mont-Royal. D'abord, il dit: Les impôts, prenez-les et développez donc une industrie de transformation. Là-dessus, on pourrait peut-être se mettre d'accord, si on pouvait savoir comment on va s'en servir. Si on prend les impôts et qu'on s'en sert pour subventionner à 100%... On pourrait dire, par exemple, la Société nationale de l'amiante va implanter une usine de transformation et nous allons la financer à 100% par le gouvernement sans capitaliser un cent, de telle sorte que le coût en capital soit zéro.

Ce que je dis, c'est que cette industrie va certainement avoir un avantage comparatif important durant les cinq ou six premières années, un avantage sur papier...

M. Forget: Plus longtemps que cela.

M. Bérubé: ... mais, une fois le capital amorti, elle se retrouve face à ses concurrents sur exactement le même pied d'égalité. C'est-à-dire que sept ans après elle est absolument sur un pied d'égalité, parce que son concurrent a aussi amorti. Il faudrait donc accepter comme hypothèse que tous les investissements faits par cette entreprise, les investissements de modernisation, de transformation, devront toujours être payés entièrement par le gouvernement. C'est une approche.

Cette approche, personnellement, va absolument à l'encontre de toutes les règles commerciales.

Il y a une autre façon qui consiste à subventionner à la tonne, ainsi dire que chaque fois qu'il y a une tonne de feutre d'amiante qui sort de cette usine, je lui donne une subvention de $10 ou $15, enfin ce qui est nécessaire pour rétablir l'avantage concurrentiel.

M. Ciaccia: Je vais vous faire une suggestion bien facile. Les $20 millions, si c'est le coût de la fibre... que vous voulez donner la fibre à l'industrie de transformation au coût, vous pourriez instituer une société d'État qui va acheter la fibre et qui va la vendre à un autre prix, au "cost price". Vous auriez pris les impôts que vous n'auriez pas touchés et vous auriez acheté la fibre. Vous vendriez la fibre à un prix pour permettre à l'industrie de transformation de concurrencer l'"American selling price". C'est bien simple. Vous n'avez pas besoin de formules magiques. Vous n'avez pas besoin d'études très approfondies pour arriver à ce but. Pourquoi ne pourriez-vous pas faire cela? Cela vous éviterait de dépenser $100 millions dans une compagnie dont vous ne connaissez pas l'avenir.

M. Bérubé: Ce qui est amusant... je n'arrive pas d'ailleurs à vous faire préciser, c'est cela qui est gênant. Si effectivement vous nous dites qu'on devrait, sur chaque tonne de feutre d'amiante produite au Québec, dans notre usine, lui donner 10% ou 15%, enfin $10 ou $15 de subvention pour ramener à un niveau comparable... est-ce que c'est cela que vous proposez?

M. Ciaccia: Pas nécessairement cette formule; je propose la même formule que vous proposez. Vous dites: Je vais prendre la fibre d'Asbestos Corporation et je vais la vendre "cost price" pour la transformation.

M. Bérubé: D'accord. Je subventionne donc...

M. Ciaccia: C'est une subvention perpétuelle, n'est-ce pas? Que vous l'appeliez comme cela ou non, c'est une subvention à perpétuité.

M. Bérubé: D'accord, parfait, je comprends.

M. Ciaccia: Si vous faites cela, vous n'aurez pas l'argent pour payer le coût d'achat des actions.

M. Bérubé: Vous subventionnez l'achat d'une tonne de fibre, n'est-ce pas? essentiellement...

M. Ciaccia: Je fais la même chose que vous faites en achetant l'amiante.

M. Bérubé: M. Ciaccia, voter "oui ' au référendum, c'est anticonstitutionnel...

M. Ciaccia: Non, je ne subventionne pas dans ce sens, j'achète, je prends... (11 h 45)

M. Bérubé: Oui, toute subvention à la production visant l'exportation est de juridiction fédérale. Si vous ne connaissez pas votre constitution, ce n'est pas notre faute.

M. Ciaccia: Un instant! Si cette formule, c'est une subvention, je vous dis que la vôtre aussi, c'est une subvention.

M. Bérubé: Vous irez lire l'article 92.

M. Ciaccia: Vous ne pouvez pas faire indirectement ce que vous n'avez pas le droit de faire directement, même si vous essayer de cacher cela. Si vous dites... Soyez logique avec vous-même. Si vous dites: Je vais vendre la fibre au prix coûtant, si cela n'est pas une subvention, I do not know what it is.

Je fais la même chose que vous, mais je ne dépense pas $100 millions et je n'engage pas l'avenir dans une compagnie dont je ne connais pas l'avenir. Je ne m'engage pas dans des améliorations coûteuses et dans toutes les conditions de travail d'une industrie. J'arrive au même but, peut-être à un dixième du prix.

M. Bérubé: Ce que je fais, c'est qu'étant donné que le gouvernement du Québec a les mains liées par la constitution que nous voulons changer...

M. Ciaccia: Ne vous cachez pas derrière cela!

M. Bérubé: ... étant donné que nous avons accepté de fonctionner à l'intérieur des...

M. Ciaccia: II n'y a rien qui vous empêche, M. le ministre, d'instituer...

M. Bérubé: Est-ce qu'il veut parler ou si c'est moi?

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): À l'ordre, s'il vous plaît! J'imagine qu'il y aura de gros problèmes au journal des Débats, étant donné que le dialogue va de part et d'autre de la table à un rythme impossible. Alors, qui parle?

M. Ciaccia: Je vais prendre la parole, si vous me l'accordez.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): M. le député de Mont-Royal, toujours sur votre temps, remarquez-le.

M. Ciaccia: Oui, sur mon temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mon Dieu, il faudrait peut-être un ordinateur pour vous répondre, M. le ministre, mais il lui resterait environ quatre minutes.

M. Bérubé: Parfait.

M. Ciaccia: M. le Président, si, au lieu d'acheter Asbestos Corporation, vous prenez les impôts, et même vous augmentez les impôts, non seulement sur toute l'industrie — vous avez le droit de le faire, vous auriez plus d'argent— et si les conditions mondiales sont telles qu'on a tellement besoin de ce produit, les compagnies vont augmenter les prix en conséquence. Vous avez plus d'argent, vous constituez une société d'État pour l'achat des fibres, parce que l'industrie de transformation a besoin des fibres, et vous n'êtes pas limité à acheter seulement les fibres d'Asbestos Corporation parce que, si vous vous souvenez, quand les experts de SORES sont venus, ils ont dit que, pour la transformation, vous auriez besoin des fibres de certaines autres compagnies. Vous avez la flexibilité, vous avez une société d'État qui va acheter les fibres nécessaires pour la transformation. Le prix auquel vous allez vendre ces fibres aux compagnies qui font la transformation, ce sera la décision des administrateurs de la société. Ce n'est pas plus une subvention que votre moyen, et même, c'est exactement la même chose. L'avantage que je vois, c'est que vous n'avez pas besoin de faire d'emprunt, d'endetter le public. Vous n'avez pas besoin de vous engager dans un passif d'Asbestos Corporation. Vous n'avez pas besoin de lier les mains du ministère de l'environnement parce qu'à la minute où vous allez devenir propriétaire d'Asbestos Corporation, je vous garantis que M. Léger n'aura pas la même marge de manoeuvre pour faire respecter les normes de l'environnement. Alors, vous faites bénéficier tous les travailleurs de l'industrie, vous permettez à l'industrie de transformation d'acquérir les fibres et vous permettez à cette industrie de s'instaurer au Québec, pour le moment.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): II reste deux minutes.

M. Ciaccia: II me reste deux minutes.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): M. le ministre.

M. Ciaccia: Est-ce que je peux avoir vos commentaires? C'est constitutionnel et on va trouver les moyens constitutionnels de le faire.

M. Bérubé: Étant donné que le député de Marguerite-Bourgeoys est venu à la rescousse de son équipe fort mal en point, je vais lui donner ses 20 minutes de parole; après cela, il me fera plaisir de répondre.

M. Ciaccia: C'est parce que vous ne voulez pas répondre aux propos que je vous ai tenus? Vous n'avez pas de réponse?

M. Bérubé: Non, au contraire, je vais répondre.

M. Ciaccia: Le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas demandé le droit de parole. Il vient de me dire qu'il préférerait que vous répondiez.

M. Lalonde: J'attends les commentaires du ministre.

M. Bérubé: Nous sommes prêts à voter, M. le Président.

M. Grégoire: Nous sommes prêts à aller au vote.

M. Bérubé: II n'y a pas d'intervenant.

M. Grégoire: Je propose l'acceptation du paragraphe a).

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): Est-ce que c'est sur la quatrième? Est-ce que le paragraphe a) est accepté?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

M. Ciaccia: Non, j'ai encore deux minutes. Je regrette...

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): M. le député de Mont-Royal, il vous reste deux minutes.

M. Ciaccia: M. le Président, je regrette que les points que j'ai soulevés de bonne foi, je vous assure, et les suggestions que nous avons faites pour arriver au but même que le ministre s'est donné ce matin et qu'il s'est donné depuis le début... Je regrette que le ministre n'ait pas répondu. Je ne peux pas vous en dire plus. J'espère que, peut-être, il va y repenser. Je pense que, s'il acceptait, ce serait une option beaucoup plus valable que celle de l'achat d'Asbestos Corporation.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): Est-ce que le paragraphe a) de l'article 4 est adopté?

M. Brochu: Seulement quelques remarques, M. le Président, suite aux propos qui ont été tenus par le ministre, concernant l'article 4a du présent

projet de loi qui permettrait au gouvernement de passer à l'acquisition d'une entreprise pour aller dans le domaine de l'exploitation.

En fait, si j'ai bien compris la démonstration du ministre, l'entreprise gouvernementale devrait faire montre d'une meilleure performance que l'entreprise privée dans le domaine de l'exploitation des gisements et dans la mise en marché des produits également. Je pense que le ministre aussi, dans son hypothèse — parce que cette approche de la question demeure quand même très hypothétique— présume, il tient pour acquis, dans un premier temps, que la demande va demeurer ce qu'elle est actuellement. Je souligne cela de façon particulière, mais il y a plusieurs points sur lesquels le ministre s'appuie qui sont strictement des hypothèses loin d'être vérifiées et qui, en cours de route, vont avoir une incidence assez importante sur son entreprise. D'ailleurs, même au niveau de la demande, je vous...

Une voix: ...

M. Ciaccia: Ce n'est pas juste d'interrompre le député de Richmond, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord):

Non, je suis d'accord, j'allais rappeler à l'ordre...

M. Ciaccia: En réponse à ma question, c'est que ma formule... Il devient propriétaire de l'industrie aussi parce qu'il est propriétaire d'une société.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): Je vous ferai remarquer, M. le député je Mont-Royal, que vous avez déjà épuisé votre temps. La parole est au député de Richmond et il lui reste environ sept minutes.

M. Brochu: Merci, M. le Président.

En fait, le ministre, dans son hypothèse de travail, tient pour acquis, dès l'abord, que la demande va demeurer ce qu'elle est. Dans cette hypothèse de travail, celle de l'acquisition d'une entreprise où le gouvernement va exploiter lui-même l'entreprise, on ne tient pas compte des difficultés de marché pour l'amiante au cours de l'année prochaine.

Je référerai simplement le ministre et ceux qui travaillent avec lui, aux récentes déclarations du président de l'Association des mines du Québec, M. Messel, lorsqu'il fait les prévisions pour l'année 1978, dans le domaine de l'amiante. Il indique qu'il y a certaines difficultés, peut-être pas des difficultés insurmontables, mais des réalités qui sont devant nous et que le ministre, s'il persiste à vouloir faire adopter son projet de loi et à se porter acquéreur d'une entreprise, va devoir, lui aussi, rencontrer comme tous les autres producteurs et exploitants de gisements d'amiante. Le ministre n'a pas tellement fait état de cette question dans son exposé dans son hypothèse de travail. Cela fait partie, non pas de l'hypothèse, mais de la réalité que l'on connaît et que l'on peut évaluer actuellement.

Le ministre a également appuyé son hypothèse de travail sur des soi-disant facilités de pénétration des marchés. Mais, encore là, au lendemain de l'acquisition de l'entreprise, comme je l'ai déjà indiqué, le gouvernement du Québec, propriétaire d'une entreprise, va tout simplement se retrouver dans un état de concurrence forte avec des entreprises qui connaissent les marchés, qui sont déjà installées. On sait également que, par exemple, aux États-Unis, si l'offre et la demande, en ce qui concerne les produits de l'amiante, sont équivalentes ou à peu près, une nouvelle entreprise qui essaie de pénétrer les marchés fait face à des oppositions majeures. C'est ce à quoi le gouvernement du Québec devra se heurter.

Le ministre, également dans son exposé— toujours pour couvrir ou farder son hypothèse— n'a pas parlé non plus de toute la question des substituts éventuels de l'amiante. C'est là également un autre facteur qu'on doit considérer avant de prendre une décision aussi importante que celle-là.

M. le Président, je brosse ainsi un tableau rapide pour vous dire que le ministre ne m'a pas convaincu, loin de là. Au contraire, il a simplement souligné davantage que le projet de loi du gouvernement, tel qu'il est présenté actuellement, est une aventure. Comme on l'a dit, du côté de l'Opposition— en particulier de l'Union Nationale— on a dit oui à la transformation, au grand objectif que le ministre a tracé, mais on a dit non au moyen que le gouvernement prend, celui d'acquérir une entreprise.

Lorsque j'ai posé certaines questions au ministre, hier, il m'a indiqué qu'il y avait possibilité d'en arriver à certaines ententes, par exemple, pour ce qui concerne l'approvisionnement auprès des entreprises déjà exploitantes. À ce moment-là, cela signifie également qu'on aurait avantage à explorer ce domaine. Au lieu de se porter directement acquéreur d'une entreprise, on devrait plutôt voir les possibilités d'acquérir de la fibre, d'avoir une certaine garantie d'approvisionnement et de procéder directement à de la transformation, parce qu'à ce moment-là — je résume certains points— la démonstration du ministre du fait qu'il va épargner $20 millions d'impôt s'efface d'elle-même, puisqu'il devra payer de l'intérêt et tout ce que cela coûtera pour les $250 millions d'emprunt au départ. C'étaient les remarques que j'avais à faire et, en ce qui nous concerne, on serait contre ce paragraphe.

Le Président (M. Ouellette, Beauce-Nord): Je vous ferai remarquer que le temps que vous aviez à votre disposition est maintenant écoulé. M. le député de Frontenac, vous disposez de vingt minutes.

M. Grégoire: Je voudrais au moins pouvoir dire quelques mots à l'improviste, mais, connaissant le dossier... Je crois que le ministre a très bien...

Le ministre a fait un exposé magistral ce matin sur la politique, et je crois qu'il est bon de répé-

ter, à l'intention de l'Opposition, que l'achat de l'Asbestos Corporation présente des avantages très nets que le simple jeu des impôts, comme le disait le député de Mont-Royal, ne réussirait jamais à équilibrer. L'achat de l'Asbestos Corporation— si le député de Mont-Royal avait été ici hier, il le saurait — d'abord, et c'est un très gros avantage, garantit à une industrie de transformation installée au Québec des sources d'approvisionnement et, sans ces sources d'approvisionnement, je crois qu'une industrie, dans le domaine de la transformation de l'amiante, serait nettement en désavantage comparativement aux autres qui ont déjà leurs sources d'approvisionnement. Je crois que cette garantie est importante et nécessaire. Quand on sait, par exemple, que, dans ses activités, Johns-Manville peut se permettre de vendre au coût sa fibre à des succursales qui, elles, transforment l'amiante, imaginons maintenant dans quel désavantage serait une industrie de transformation installée au Québec qui ne bénéficierait pas de cette vente au coût de la fibre.

On peut tout de suite noter de nets désavantages et, quoi qu'en dise le député de Mont-Royal, il ne sera jamais capable de défaire l'argument de l'avantage qu'une industrie de transformation, filiale de la Johns-Manville, pouvant bénéficier de la vente au coût de la fibre, aura, à comparer à une industrie de transformation qui ne serait aucunement rattachée à une mine; donc, elle ne bénéficierait pas des garanties d'approvisionnement et des coûts de la fibre dont profitent les succursales de la Johns-Manville.

Alors, M. le Président, je crois que cela est clair et ne fait aucun doute et que nous sommes maintenant prêts pour le...

M. Bérubé: M. le Président, j'aimerais répondre. Il y a au moins un journaliste et j'aimerais que cela passe dans la presse.

En effet, ce qui a caractérisé le long débat sur l'amiante, c'est que le gouvernement a fait une proposition et on a bien senti, de la part de l'Opposition, une affirmation de principe selon laquelle on était favorable à la transformation, mais qu'on était contre les moyens utilisés. On est pour le bien, contre le mal et on ne se compromet pas quant aux moyens. Il est difficile de coincer l'Opposition, de lui faire sortir un moyen. Or, c'est intéressant, le député de Mont-Royal y est allé ouvertement. Il nous a dit: Voici, vous allez créer une société de mise en marché...

M. Ciaccia: C'est une suggestion.

M. Bérubé: ... et vous allez la subventionner de manière...

M. Ciaccia: C'est une possibilité parmi d'autres. S'il veut parler à la presse, moi aussi je veux parler à la presse.

M. Bérubé: ... qu'elle puisse maintenir une différence entre son prix d'achat de la fibre et son prix de vente de la fibre, de manière à rétablir la concurrence. C'est donc l'action gouvernemen- tale. Je suis absolument d'accord avec le député de Mont-Royal, c'est une mesure absolument analogue. La différence avec notre mesure, c'est que nous passons par le biais d'une société d'État qui fait ce qu'elle veut avec ses impôts, nous utilisons les lois existantes, c'est-à-dire que la Société nationale de l'amiante, étant mandataire du gouvernement, n'a pas à payer d'impôt, nous utilisons les lois des compagnies, nous utilisons des pratiques commerciales classiques qui ne peuvent pas être jugées anticonstitutionnelles.

M. Ciaccia: Moi aussi.

M. Bérubé: Mais, l'action gouvernementale de subventionner chaque tonne de fibre achetée à un prix pour qu'elle soit revendue à un autre prix, ceci a été en vertu de 91,2 — et j'y référerais le député de Mont-Royal — en vertu de plusieurs jugements de la Cour suprême: la Colombie-Britannique vs McDonald Murphey en 1930, Te-xada Mines vs British Columbia en 1960; ces jugements ont démontré que, chaque fois qu'une taxe a manifestement comme but moins de prélever un revenu que d'exercer un contrôle commercial par exemple, bloquer l'exportation du produit brut et favoriser ainsi l'industrie locale de transformation, la taxe cesse d'être relative à la propriété et aux ressources pour devenir une taxe à l'exportation. C'est une mesure exclue de la compétence commerciale efficace. (12 heures)

M. Ciaccia: Je n'ai pas parlé de taxe, j'ai dit de prendre les revenus que vous auriez pour acheter la fibre. Je ne parle pas de taxe.

M. Bérubé: Alors, M. le Président...

M. Ciaccia: Ne détournez pas mes propos. J'invoque l'article 96, M. le Président. Ce n'est pas la suggestion que j'ai faite.

M. Bérubé: En prenant les impôts prélevés auprès des compagnies minières...

M. Ciaccia: Que vous auriez de toute façon.

M. Bérubé: ... et en se servant de ces impôts pour subventionner une entreprise qui aurait ainsi pu pratiquer une stratégie de double prix, on serait clairement allé contre la constitution. Personnellement, je suis d'accord avec le député de Mont-Royal pour dire qu'on aura atteint les mêmes fins. Le député de Lotbinière a également proposé une taxe à l'exportation de la fibre brute, mesure qui nous permet de corriger de la même façon... À nouveau, elle est anticonstitutionnelle.

Ce que le Parti québécois se tue à dire depuis dix ans, c'est que le Québec doit retrouver sa souveraineté de manière à prendre les décisions politiques qu'il juge les plus appropriées. Présentement, nous détenons la moitié d'un bâton, le quart d'un bâton, et à cause de cela nous forçons continuellement tous les gouvernements successifs du Québec à user de toutes sortes de subterfuges

pour chercher à contourner une constitution qui ne satisfait pas les besoins du Québec.

La proposition que nous fait le député de Mont-Royal et la proposition que nous a faite le député de Lotbinière sont carrément anticonstitutionnelles. Le député de Saint-Laurent en a fait d'autres en Chambre et cela traduit exactement ce que nous avons toujours prétendu, c'est que tous les partis politiques, à tour de rôle, n'ont jamais eu l'honnêteté de dire aux Québécois que la constitution à laquelle ils étaient astreints ne répondait pas aux besoins du Québec. Que l'on veuille substituer à la politique actuelle de l'amiante, qui respecte la constitution canadienne, une autre qui, en théorie, conduit au même résultat, mais qui est strictement anticonstitutionnelle, et ne pas le dire aux Québécois, je trouve cela, personnellement, malhonnête.

M. Forget: C'est la politique de l'amiante ou celle du référendum que vous plaidez ici?

M. Ciaccia: Écoutez, parlons d'amiante, pas de constitution.

M. Bérubé: Je trouve cela, personnellement, M. le Président, tout à fait malhonnête.

M. Forget: Si vous n'avez plus rien à dire sur l'amiante, on va voter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, j'invoque l'article 96, si le ministre a terminé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement et pas de débat sur l'article 96.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai aucunement suggéré une taxe pour en arriver au but que m'a imputé le ministre. J'ai seulement suggéré qu'une société d'État soit formée pour acheter la fibre à un prix. D'après les lois du marché, il pourrait la revendre à un autre prix. Il n'y a rien dans la loi, M. le Président, qui empêche cela. Il ne faudrait pas essayer de détourner l'affaire et dire qu'il y a un problème constitutionnel. Il n'y en a pas. Je ne parlais pas de taxe, je parlais d'une société d'État avec les fonds de l'État. Vous pourriez les prendre...

Une voix: Voyons donc!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Vous pourriez prendre ces fonds de l'impôt.

M. Bérubé: C'est le même principe que l'Office de mise en marché. Vous avez fait exactement la même chose. Il n'y a aucune distinction.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Ciaccia: Non, c'est la même chose dans votre programme. Il arrive au même but que votre suggestion.

M. Bérubé: Mais notre programme est réalisable.

Adoption du paragraphe a) de l'article 4

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Il n'y a pas de débat en vertu d'une rectification, suite à l'article 96. Est-ce que le paragraphe a) de l'article 4 sera adopté?

M. Grégoire: Adopté.

M. Forget: Non, M. le Président.

M. Brochu: Non, sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le paragraphe a) de l'article 4 est adopté sur division.

M. Forget: Sur division.

M. Brochu: M. le Président, avant de continuer les discussions au niveau du paragraphe b) de l'article 4, je voudrais vous demander la permission de me retirer. Ce n'est pas mon habitude de manquer les travaux de la commission parlementaire, mais on vient de m'informer que j'ai une rencontre importante immédiatement et je dois quitter la commission. Je m'en excuse.

M. Grégoire: Une seconde, M. le Président. Peut-être pourrait-on clarifier un point. Étant donné que le paragraphe b) demande de favoriser la transformation, que l'Opposition a toujours été nettement en faveur de cela, peut-être pourrions-nous, d'une façon unanime, adopter ce pour quoi on est tous en faveur, c'est-à-dire le paragraphe b), et on pourra suspendre les travaux par la suite. Est-ce qu'on peut faire la suggestion?

M. Brochu: C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de nuances à apporter encore au niveau de...

M. Forget: Le député de Frontenac peut faire la suggestion, bien sûr, mais cela ne veut pas dire qu'elle va être acceptée. Je m'en voudrais d'arrêter la verve du ministre qui, en cinq heures de séance, a occupé à lui seul à peu près quatre heures.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II en avait le droit.

M. Forget: II en avait le droit, mais il aura probablement le même goût de s'épancher au sujet du paragraphe b) qui est lui aussi un paragraphe

de fond du projet de loi. Quant à nous, on aura des questions à lui poser à ce sujet-là.

M. Brochu: ...aspect important de la question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond, vous avez le droit et c'est inscrit au journal des Débats. D'accord?

M. Grégoire: On nous a demandé, étant donné que le Parti libéral a un caucus qui commence à 12 heures, si on pouvait ajourner. Est-ce qu'on pourrait demander au député de Saint-Laurent d'user de son influence auprès de son leader parlementaire pour qu'on puisse reprendre, même s'il y a trois commissions qui siègent à l'occasion?

M. Forget: Vous me mettez dans une situation embarrassante...

M. Grégoire: Je ne veux pas que ce soit un échange, je demande la collaboration du député.

M. Ciaccia: On va le demander, on va regarder.

M. Forget: Quant à moi, j'ai indiqué en privé ma disponibilité personnelle pour siéger tous les jours à cette commission-ci. Il reste qu'il y a la politique générale de tous les partis d'Opposition de ne pas siéger à plus de deux commissions en même temps que la Chambre. Malheureusement, je n'y peux rien, malgré ma bonne volonté, si on ne peut siéger sans interruption.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 6)

Reprise de la séance à 17 h 10

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des richesses naturelles est réunie pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 70.

Les membres de la commission sont: M. Bé-rubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Garneau (Jean-Talon) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M. Léves-que (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Bérubé: Nous avons un nouveau député qui s'est joint à nous. M. le député de?...

M. Ciaccia: De Notre-Dame-de-Grâce.

M. Godin: Ce n'est pas lui que nous attendons.

M. Bérubé: M. Ryan, comment allez-vous?

M. Godin: M. le Président, je remplace M. Patrice Laplante, à titre de membre de plein droit.

M. Raynauld: Vous êtes capable de le remplacer?

M. Godin: Je vais faire l'impossible.

Le Président (M. Marcoux): M. Laplante (Bourassa) est remplacé par M. Godin (Mercier).

M. Ciaccia: Je savais que l'amiante était un bien culturel.

M. Bérubé: D'abord, cela a été la langue, et maintenant, ce sont nos richesses naturelles.

Le Président (M. Marcoux): Vous en étiez à l'étude de l'article 4b.

M. Ciaccia: II s'est brûlé avec la langue, maintenant il veut de l'amiante pour se protéger!

Le Président (M. Marcoux): L'article 4b est-il adopté?

M. Raynauld: Non. À ce qu'on me dit, l'article 4b n'a pas été adopté non plus.

Le Président (M. Marcoux): On m'a dit qu'il avait été adopté. Je vais vérifier.

M. Bérubé: Oui, adopté.

Le Président (M. Marcoux): On m'a dit qu'il avait été adopté.

M. Raynauld: J'ai eu des rapports contradictoires sur ce sujet.

M. Bérubé: Je regrette. Cela a été adopté sur division ce matin.

Le Président (M. Marcoux): L'article 4b.

M. Bérubé: Nous le regrettons infiniment, vous avez manqué le coche. Vous vous reprendrez.

M. Raynauld: Non, non.

Le Président (M. Marcoux): Avait-il été adopté avec ou sans amendement?

M. Bérubé: Sans amendement, sur division.

Activité reliée à la transformation de la fibre d'amiante

Le Président (M. Marcoux): L'article 4b est-il adopté?

M. Bérubé: II va servir de motif pour parler de l'article 4a.

M. Raynauld: Non. Je pense que le ministre devrait savoir que je m'intéresse davantage à la transformation de l'amiante qu'à l'exploitation de mines qui sont déjà exploitées par des entreprises existantes. Par conséquent, je voudrais dire qu'en principe l'article 4b est un article qui nous satisfait, mais nous aimerions encore savoir davantage ce que le gouvernement entend faire avec cette transformation de la fibre d'amiante.

Nous aimerions savoir si cette transformation se fera à partir d'avantages comparés authentiques— puisque, apparemment, vous avez beaucoup discuté d'avantages comparés—ou si ce sont plutôt des avantages comparés absolument factices et qui sont créés de toute pièce par le gouvernement, à l'aide des fonds des contribuables.

Je pense qu'il est tout à fait opportun de discuter de cette question. Je crois que le ministre— et je m'en excuse auprès de lui si je n'étais pas là lorsqu'il a apparemment fait de longs développements pour nous expliquer ce que le gouvernement entendait faire — et ce qu'on m'a rapporté m'indiquerait—et d'ailleurs, j'avais eu l'occasion d'en discuter avec lui privément, rapidement, une fois— que le gouvernement voudrait se servir de l'achat d'Asbestos Corporation pour faciliter et rendre possible même la transformation de l'amiante dans la province de Québec.

À cet égard, je pense qu'il faut dire que, si c'est cela, l'approche du gouvernement, il se prépare des difficultés considérables. Car, si c'est exact qu'il n'y a pas d'autre avantage à produire de l'amiante sur place que celui d'avoir une société d'État pour vendre à rabais des fibres d'amiante, je pense qu'il le saura et probablement qu'il le sait déjà, qu'il n'y a pas d'entreprises viables à long terme, lorsque ces entreprises doivent compter sur des subventions et sur une aide continue de l'État.

Il y a deux aspects à cette question, le premier c'est la question de l'approvisionnement. On nous dit, depuis le début des travaux parlementaires, qu'il faut une garantie d'approvisionnement et à cela on a répondu, à plusieurs reprises, qu'on ne voyait pas pourquoi des entreprises minières refuseraient de vendre du minerai ou de vendre de la fibre à des entreprises qui seraient disposées à en acheter, et je pense que c'est une observation de sens commun.

Lorsqu'il s'agit d'une garantie à beaucoup plus long terme, je pense que la société d'État ne sera pas dans une meilleure position, meilleure posture, pour donner des garanties à long terme, si on parle de 20 ans ou plus, que n'importe quelle entreprise privée pourrait l'être. Je ne pense pas, autrement dit, que ce soit là la contrainte effective. Ce n'est pas cela qui a empêché la transformation de l'amiante au Québec. Ce n'était sûrement pas le fait qu'il n'y avait pas de garantie d'approvisionnement en fibres qui en a empêché la transformation. On ne me fera jamais croire cela.

M. Grégoire: C'est dommage que vous n'ayez pas été là ce matin pour comprendre tous les facteurs.

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: II y a d'autres facteurs qui sont à l'origine de ces difficultés; ce ne sont sûrement pas ceux de l'absence de garanties d'approvisionnement en fibres. Le deuxième point, évidemment, c'est qu'au-delà de la garantie d'approvisionnement, il s'agit de savoir si les coûts de production peuvent être abaissés suffisamment pour qu'une entreprise de transformation soit concurrentielle. Je pense que tout le monde reconnaît cela. À cet égard, il semble — et je m'excuse si mon absence de ce matin me fait mal interpréter les propos qui ont été tenus—que ce que je comprends de la situation, c'est qu'on utiliserait les profits qui seraient autrement payables au gouvernement fédéral et qui s'élèvent à peu près à $20 millions par année, aux deux niveaux de gouvernement, pour pouvoir d'une façon ou d'une autre, vendre cette fibre moins cher que le prix du marché.

De cette façon, on rendrait une entreprise concurrentielle, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. À ce sujet, je pense qu'il y a deux aspects importants qu'il faut relever. Premièrement, ces profits vont être, en grande partie, utilisés déjà si le gouvernement achète Asbestos Corporation, en ce sens que si le gouvernement l'achète, il devra emprunter ou utiliser des fonds, de quelque nature qu'ils soient et il y a un coût attaché à cette utilisation du capital.

Si le prix de cet achat s'élève à $100 millions, je pense qu'on peut dire facilement que cela en coûtera au moins $10 millions par année, peut-être $12 millions, peut-être $15 millions. Si évidem-

ment, les prix sont plus élevés, cela sera proportionnel au prix d'achat. Donc, il y a un coût du capital, et ce coût du capital, c'est précisément à cela, il me semble — si on voulait justifier l'achat d'Asbestos Corporation—que l'on devrait utiliser ces profits qui, en partie tout au moins, vont à l'heure actuelle au gouvernement fédéral et qui retomberaient dans les coffres de l'État d'une façon ou d'une autre.

Si ces fonds sont utilisés au service de la dette, ils ne sont pas disponibles pour la vente de la fibre. On ne peut quand même pas utiliser les mêmes sommes deux fois.

M. Bérubé: Cela semble assez juste.

M. Raynauld: Et ensuite, le deuxième aspect à cette question — ce sont des vérités de La Palice qui ne sont pas reconnues par le gouvernement— le ministre nous dit qu'il y a des fonds, qu'il y a $20 millions qu'il va sauver quelque part. Cela tombe du ciel, on ne sait pas d'où cela vient et on essaie d'expliquer que ces $20 millions n'existent pas. C'est cela qu'il s'agirait de comprendre, c'est peut-être une vérité de La Palice, mais il ne semble pas que le ministre ou que le gouvernement l'ait compris.

M. Grégoire: II y aurait peut-être une explication qu'il faudrait ajouter.

M. Raynauld: Parce qu'on nous dit qu'on va utiliser des fonds et que cela ne coûtera rien aux contribuables du Québec pour subventionner ainsi la transformation de l'amiante au Québec. C'est à cela je pense que j'en ai, je pense...

M. Grégoire: Non ce n'est pas complet.

M. Bérubé: Malheureusement, vous n'avez pas assisté à tout.

M. Raynauld: C'est exact, je n'ai pas assisté à tout et je m'en suis déjà excusé.

Est-ce que vous voulez que je m'excuse encore une troisième fois? ou une quatrième fois? ou une cinquième fois? Est-ce qu'il serait possible...

M. Bérubé: Pourrais-je compléter, pour vous permettre je ne dirais pas d'améliorer votre exposé qui est très intéressant, mais qui éviterait que l'on s'égare inutilement? Effectivement, j'ai souligné que cette société qui ne paierait pas d'impôt, pourrait certainement avoir des prix de transfert interne, qui pourraient avantager ses filiales faisant de la transformation. J'ai donc parlé de prix de transfert, mais j'ai également souligné que ses filiales faisant de la transformation, évidemment, il faut quand même lui donner sa marge de profits normale et j'ai été éminemment conservateur, je lui ai supposé une marge de profit de 10% sur le chiffre des ventes et à partir de cette marge de profit à la transformation, de même qu'aux salaires payés aux travailleurs faisant la transformation, j'ai calculé les impôts et j'ai pu démon- trer que le gouvernement, les gouvernements, puisque le fédéral en retirait plus que nous, retiraient plus d'impôt que ce qu'ils perdaient s'ils avaient consenti cet avantage à la société en ne percevant pas d'impôt et en lui permettant de pratiquer une politique de prix différente pour ses filiales.

En d'autres termes, la masse totale d'impôts retournant à l'État n'a pas changé, la seule distinction c'est de sacrifier certains impôts de manière à justifier la création d'emplois. Cela s'appelle avoir une politique gouvernementale.

M. Raynauld: Cela s'appelle des subventions à des entreprises. C'est comme cela que ça s'appelle.

M. Grégoire: Ce sont des prix de transfert.

M. Raynauld: Appelez donc cela des prix de transfert si vous le voulez. Un prix de transfert c'est une subvention.

M. Grégoire: Oui, mais est-ce que la Johns-Manville, quand elle vend à une de ses filiales, avec un prix de transfert plus bas, est-ce qu'elle vous fait une subvention?

M. Raynauld: Oui, exactement.

Il y a des entreprises qui à l'intérieur de leurs propres filiales, peuvent faire des subventions aux unes et aux autres, utiliser les profits qu'elles font dans une filiale ailleurs. Ce sont des subventions qui sont données à cette autre entreprise.

M. Bérubé: Lorsque le gouvernement américain applique un tarif de 10% à l'importation de produits finis d'amiante, à titre d'exemple, le gouvernement américain déforme-t-il les strictes règles économiques que vous défendez si bien, un peu comme Adam Smith et autres économistes de renom?

M. Raynauld: Je défends les idées que j'essaie de comprendre pour commencer; ce sont les seules que je défends. Je ne défends pas nécessairement les idées d'Adam Smith quoiqu'il ait prononcé des paroles qui sont encore d'actualité aujourd'hui et je serais très heureux d'être en accord avec lui. Ceci dit, lorsque vous parlez des tarifs, c'est effectivement une distorsion aux échanges commerciaux, c'est une distorsion aux échanges commerciaux, mais lorsqu'on a dit cela, lorsque cette distorsion existe et qu'on n'y peut rien parce que c'est celle d'un gouvernement étranger, on en tient compte lorsqu'on fait des politiques. À ce moment-là, si vous n'êtes pas capables de vendre votre fibre au prix du marché, plus le tarif américain, vous allez rester pris avec vos produits transformés. C'est cela que ça veut dire aussi. Ceci dit, une fois qu'on a admis que le monde n'est pas parfait, cela ne change strictement rien à l'analyse que je fais à l'heure actuelle. La question est de savoir si la transformation de l'amiante au Québec va se faire avec des subventions des contribuables ou non et quand bien même que l'on ferait des

tours de passe-passe pour dire que ce sont des profits qu'on utilise, mais que ces profits on les aurait si on ne les utilisait pas à cela...

C'est un manque à gagner, par conséquent, qu'on appelle cela n'importe quel nom, c'est une subvention et c'est à cela que j'en ai.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas nécessairement le faire à n'importe quel prix, mais je ne voudrais pas non plus que le gouvernement ou le ministre s'offusque si on dit que la politique de l'amiante qui est proposée est une politique de subventions à perpétuité à des entreprises. Il ne faudrait pas qu'il s'offusque. Il ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Ou bien il nous dit: ce seront des subventions, appelez cela des transferts, si vous le voulez, ce seront des transferts que nous ferons. Très bien. On en tirera les conséquences. Je dirais, à ce moment, que c'est une erreur que le gouvernement fasse cela comme cela.

On ne bâtit pas des sociétés pour une longue période simplement sur des subventions. Il serait préférable d'examiner s'il n'y a pas d'autres coûts de production qui pourraient être réduits. Ne serait-il pas préférable d'essayer de négocier avec les États-Unis, par exemple, sur une réduction de tarif en échange de laquelle il faudra donner quelque chose, parce que là non plus, on ne peut pas jouer sur tous les tableaux. Vous ne pourrez pas sauver tous vos secteurs mous et en même temps, sauver vos secteurs durs.

M. Bérubé: ...du discours célèbre du député d'Outremont selon lequel...

M. Raynauld: Je pense qu'il faut...

M. Bérubé: ... en pleine campagne électorale, selon lequel il fallait effectivement se débarrasser de nos secteurs mous en...

M. Raynauld: Je n'ai jamais dit cela, ce sont des calomnies qui sont répandues depuis des années.

M. Grégoire: Vous l'avez déjà dit, je peux aller chercher le texte et je vais vous le mettre sous le nez.

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre!

M. Raynauld: Allez chercher, si vous voulez, tous les textes...

M. Bérubé: Ce ne sera pas long, je l'ai ici...

M. Raynauld: Vous vous en rappelez certainement moins bien que moi.

M. Grégoire: Attendez une seconde.

M. Raynauld: Je dirai là-dessus que ce sont des calomnies qui ont été répandues; je n'ai jamais dit cela, j'ai dit qu'il fallait...

M. Godin: Le "Club des mal cités", vous aussi, peut-être?

M. Raynauld: Oui, j'en ai fait partie longtemps, ça ne m'offusque pas non plus d'ailleurs, mais je ne veux pas non plus qu'on répète toutes sortes de niaiseries quand ce n'est absolument pas vrai. La politique que j'ai prônée pendant ma campagne électorale et que j'ai toujours prônée, cela a été des réductions multilatérales de tarif, et c'est tout à fait conforme à ce que je viens de dire. Il serait peut-être préférable pour le Québec de négocier des réductions de tarif américains, s'il en existe, dans la mesure où il en existe, et d'autres mesures du même genre. Il existe beaucoup de barrières qui sont imposées au commerce par beaucoup de pays et ce serait peut-être plus profitable pour rentabiliser les entreprises qu'on a au Québec, que d'essayer de donner à ces entreprises des subventions ou des transferts des uns ou des autres.

Ceci dit, je voudrais, avant d'adopter l'article 4b, je voudrais insister de nouveau pour que nous obtenions, avant l'adoption d'un article comme celui-ci, que nous obtenions un véritable programme, une véritable politique qui permettra de juger dans quel genre d'univers on va se retrouver lorsque le gouvernement aura fait adopter son projet de loi.

M. Grégoire: Est-ce que M. le député d'Outremont me permet de citer ce qu'il a dit? Je cite, La Presse, 10 novembre 1976, page A-6...

M. Raynauld: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Un instant. À l'ordre!

M. Raynauld: On me dit que cela va être pris sur mon temps.

M. Grégoire: Non, on va l'enlever sur votre temps. Vous m'avez provoqué, je relève le défi. Vous m'avez défié, je relève le défi et on va l'enlever sur votre temps.

M. Raynauld: Vous citez quoi?

M. Grégoire: La Presse, 10 novembre 1976, page A-6...

M. Raynauld: La Presse? Ce n'est pas nécessairement l'autorité...

M. Grégoire: C'est écrit par Alain Dubuc, et voici ce que le député disait:...

M. Raynauld: Quand vous l'aurez trouvé, vous me le direz.

M. Grégoire: "II propose une stratégie qui permettrait—en parlant de M. Raynauld, selon Raynauld — il propose une stratégie qui permettrait de transformer la structure industrielle: ouvrir nos frontières aux produits étrangers pour que cette concurrence élimine progressivement les industries improductives, en l'occurrence, le textile, le vêtement, le cuir et l'alimentation, 300 000 chô-

meurs d'un coup sec"— en une phrase. Vous êtes "coton",

M. le député d'Outremont, c'est ce que vous avez déclaré.

M. Raynauld: M. le Président, je n'ai jamais déclaré cela. Je n'ai jamais déclaré une chose comme celle-là, jamais de ma vie. D'abord, je sais...

M. Grégoire: Vous preniez la parole devant 150 membres de l'Association des économistes québécois.

M. Raynauld: Je vous sortirai mon texte; je vous lirai l'original.

M. Grégoire: Alors, vous n'avez pas été compris.

M. Raynauld: Non seulement je n'ai pas été compris mais la raison pour laquelle je vous dis que ce n'est pas possible, c'est que jamais de ma vie, je n'ai parlé dans un discours, des aliments.

M. Grégoire: C'est marqué ici, le journaliste... M. Raynauld: Je vous dis que cela est faux.

M. Grégoire: Vous n'avez pas été compris, alors.

M. Raynauld: Je vous dis que cela est faux et...

M. Grégoire: Ou alors ce n'était pas clair. Ou vous n'êtes pas clair, ou vous êtes incompris.

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre M. le député de Frontenac! La parole est au député d'Outremont.

M. Raynauld: Est-ce qu'on pourrait revenir au sujet...

M. Grégoire: 300 000 chômeurs d'un coup sec.

M. Raynauld: Est-ce qu'on pourrait revenir au sujet et laisser tomber les élucubrations du député de Frontenac...

M. Grégoire: Ce ne sont pas les miennes, ce sont les vôtres.

M. Raynauld: Ce sont des élucubrations qui sont indignes de lui.

M. Grégoire: J'ai lu ce que vous avez dit. Le Président (M. Marcoux): À l'ordre!

M. Raynauld: Alors, je voulais, M. le Président, demander s'il n'est pas trop tard, si le gouvernement ne pourrait pas fournir, et le ministre ne pourrait pas fournir à cette commission, un vérita- ble programme d'investissement, une véritable politique relative à la transformation de l'amiante. (17 h 30)

Je sais que le ministre a déjà répondu qu'il voudrait procéder par étape, sans doute, et qu'il n'est pas en mesure à l'heure actuelle de nous donner une politique comme celle-là. Il admettra qu'en retour si c'est cela la position qu'il prend, il est bien difficile pour des parlementaires de voter des chèques en blanc à un gouvernement, sans que nous puissions avoir la moindre idée, à ce stade-ci, après plusieurs mois de travaux en commission parlementaire, la moindre idée de la façon que le gouvernement va procéder à ce grand projet dont nous acceptons le principe de la transformation des produits de l'amiante au Québec, suivant quelle modalité il peut faire cela. En conséquence, je voudrais proposer la motion suivante: "Que cette commission suspende l'étude du paragraphe b) de l'article 4, jusqu'à ce que le ministre des Richesses naturelles ait fait connaître en détail aux membres et intervenants de cette commission le programme d'investissement concernant la phase 2 de la politique de l'amiante sur la phase relative à la transformation au Québec de la fibre d'amiante en produit fini.

M. Bérubé: ... une semblable, mais elle était déjà... Sur la recevabilité de la motion, peut-être qu'il faudrait parler.

M. Grégoire: Une telle motion est-elle recevable, M. le Président? Est-ce que l'article 70, je crois, du règlement — je ne l'ai pas ici, malheureusement— ne dit pas qu'un amendement est receva-ble lorsqu'il a pour effet de retrancher, d'ajouter ou...

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas un amendement, c'est une motion.

M. Bérubé: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas une motion d'amendement, c'est une motion, en somme, de suspension de l'étude de programme.

M. Bérubé: M. le Président, j'aimerais parler sur la recevabilité de cette motion, s'il vous plaît.

Le Président (M. Marcoux): Allez-y.

M. Bérubé: M. le Président, je m'adresse ici à la présidence. En effet, notre président précédent, le député de Jonquière, avait dû, à cette commission, rappeler qu'il n'accepterait plus désormais que des motions visant à retrancher, à modifier, à ajouter des articles de cette loi, invoquant que nous avons reçu un mandat de l'Assemblée nationale selon lequel nous devons étudier article par article les articles de ce présent projet de loi. Or, par suite d'un certain libéralisme qui a été possible, je pense, grâce à la bonne volonté du parti ministériel, nous avons accepté un certain nombre de motions qui strictement auraient dû être déclarées irrecevables, dans la mesure ou elles ne ca-

draient pas avec le mandat de cette commission parlementaire qui est, essentiellement, l'analyse article par article, avec un sens bien défini aux motions qui sont recevables. D'ailleurs le président a pris la peine de définir ce type de motions et vous pourrez référer au journal des Débats.

Par conséquent, la motion que nous avons devant nous est une motion exactement du même type que les motions antérieures qui consistent à demander le report de l'étude d'un article en attendant que l'on dépose, au nom du gouvernement, certains documents, alors que nulle part, dans le projet de loi, le gouvernement n'est obligé de déposer des documents. D'ailleurs, le dépôt de documents n'est pas permis à une commission parlementaire. Le ministre peut, simplement, distribuer des documents s'il le juge bon. Par conséquent, ce serait relier l'étude d'un article à un dépôt de documents et de ce fait, ce serait contraire à notre règlement même et de telles motions ont été déclarées irrecevables dans le passé.

M. Ciaccia: Sur la recevabilité.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Mont-Royal, sur la recevabilité.

M. Ciaccia: Je voudrais corriger ce que le ministre a dit, par rapport à la décision du président, sur les motions que l'Opposition faisait. C'est vrai qu'au début, à un moment donné, le président a dit: Écoutez, je n'entendrai plus de motions parce que le but de la commission c'est d'étudier article par article. Mais nous avons questionné le président sur les motifs pour lesquels il avait jugé irrecevable la motion en question et le président a dit: Très bien, je ne donnerai pas des motifs aussi restrictifs que de dire que toute motion qui ne se rapporte pas strictement à l'addition, le retranchement de certains mots, sera irrecevable. Alors, il a donné sa décision finale en disant que la motion était irrecevable, mais pas pour ces motifs, parce que nous avions remis en question certains articles du règlement qui ne semblent pas restreindre de cette façon le genre de motion que nous pouvons faire. Voilà pour la décision du président.

Deuxièmement, c'est une motion de suspension. Une telle motion a toujours été déclarée re-cevable. Quant le ministre dit que c'est relié à un dépôt de document, je ne crois pas que ce soit relié à un dépôt de document. On demande seulement: Jusqu'à ce que le ministre des Richesses naturelles fasse connaître. On ne demande pas que les documents soient déposés. Il peut nous le faire connaître verbalement, il peut en parler, il peut nous le dire.

M. Grégoire: Sur le paragraphe b) de l'article 4.

M. Ciaccia: Ce n'est pas du tout le but de cette motion. Il n'y a rien dans la motion qui exige le dépôt de documents. C'est strictement une motion pour la suspension de l'étude d'un article et je crois qu'une motion de ce genre est parfaitement recevable. Ce n'est pas la première fois qu'on peut suspendre l'étude d'un article et passer à un autre article. On l'a fait dans d'autres commissions, dans d'autres projets de loi. Pour ces raisons, je crois que la motion du député d'Outremont est parfaitement recevable.

M. Grégoire: M. le Président, justement sur ce que vient de faire remarquer le député de Mont-Royal, je crois que brièvement, mais juste pour relever un point...

Le Président (M. Marcoux): Un instant, d'abord le député de Mercier qui a demandé la parole, sur la question de la recevabilité, d'abord le député de Mercier.

M. Godin: Oui, je vais laisser le député de Frontenac faire une parenthèse sur mon temps peut-être, mais j'aimerais qu'après sa parenthèse fermée, on me redonne la parole s'il vous plaît, M. le Président.

M. Grégoire: C'est pour mentionner, M. le Président, si vous remarquez ce que le député de Mont-Royal a fait, justement, cela démontre, je le remarque maintenant, que cet amendement est tout à fait futile et par le fait même irrecevable. Il est futile pourquoi? Parce qu'on ne demande pas de dépôt de documents, comme dit le député de Mont-Royal, on demande au ministre de faire connaître le programme en détails aux membres de cette commission.

Or, quand peut-il le faire connaître? Sinon, justement lors de l'étude du paragraphe b) de l'article 4; si on suspend cette étude du paragraphe b) de l'article 4, le ministre n'aura pas l'occasion de faire connaître aux membres de la commission le programme de la phase II, mais si on en poursuit l'étude, si vous posez des questions au ministre, le ministre, en parlant sur le paragraphe b) de l'article 4, va vous faire connaître ce qu'il peut vous faire connaître et la seule manière d'y parvenir c'est d'étudier le paragraphe b) de l'article 4, sinon, vous ne saurez jamais ce que vous voulez savoir. Alors, l'amendement tel que rédigé est futile en soi, donc irrecevable.

M. Ciaccia: M. le Président, ce n'est pas un amendement premièrement, c'est une motion de suspension et le ministre peut le faire connaître; question de futilité, nous allons en juger nous-mêmes, vous ne pouvez pas aller sur le fond. Nous ne considérons pas que c'est futile, c'est nécessaire.

M. Godin: M. le Président, les raisons pour lesquelles j'estime qu'elle est irrecevable et je vous demande une directive là-dessus, c'est que à plusieurs reprises déjà, l'Opposition officielle est revenue avec des demandes semblables pour faire connaître le programme d'investissement, à presque chaque article en fait, entre autres à l'article 4a et, dans chaque cas précédent, la présidence a jugé que ces motions n'étaient pas recevables. Au fond, ce qu'elle tente de faire, c'est de faire reparaître sous une autre forme, à l'occasion de l'étude

d'un autre article, la même chose que dans les cas précédent, où cela avait été refusé. Je ne vois pas dans ce cas-ci, puisque cela a été refusé à l'article 4a pourquoi vous accepteriez de faire droit à cette demande qui a déjà été refusée dans le passé.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, sur les propos qui viennent d'être tenus par le député de Mercier, je lui rappellerai à ce moment que les motions qui avaient été présentées demandaient expressément au ministre de faire circuler certains documents ou de fournir certaines données relatives aux investissements dans le premier paragraphe.

M. Godin: Relatives aux investissements. Donc, c'est le même poulet qui nous revient dans une autre sauce.

M. Brochu: Non, c'est différent à ce stade-ci, c'est qu'avant d'amorcer la discussion comme telle sur la transformation, sur les modalités que le gouvernement va entreprendre là-dedans, de quelle façon il va fonctionner, ainsi de suite. On veut avoir, au point de départ, selon le contenu de la motion, des explications d'ordre général, des informations d'ordre général sur les coûts qui sont impliqués. Je vous rappellerai, M. le Président, qu'on retrouve deux principes dans l'article 4: Premièrement, dans l'article 4a, on parle de l'extraction du minerai, de l'exploitation de gisements et, à l'article 4b, on parle maintenant de transformation; donc ce sont deux choses complètement différentes.

Dans les deux cas, évidemment, cela demande certains investissements, ce sont deux choses également différentes et, avant de procéder à l'étude comme telle de la nature des activités impliquées dans l'article 4b, on demande au ministre de fournir les explications d'ordre général sur les coûts d'investissement concernant cette phase II de la politique du gouvernement en matière d'amiante.

Il m'apparaît, pour toutes ces raisons, que la motion de suspension — jusqu'à ce que cette discussion puisse avoir lieu — est tout à fait recevable. Dans le cadre des discussions, ce serait de nature à clarifier les discussions qui auront lieu lorsqu'on arrivera au contenu de l'article 4b.

M. Godin: Cela a déjà été refusé dans le passé, c'est le même poulet présenté autrement.

Le Président (M. Marcoux): Comme je n'avais pas le plaisir de présider cette commission auparavant et que vous avez des versions contradictoires sur ce qui a été refusé ou rejeté dans le passé et son interprétation, je vais suspendre pour quelques minutes, pour tenter de vérifier le sens des décisions qui avaient été prises par celui qui présidait les travaux de cette commission à ce moment-là.

M. Brochu: C'est sage, M. le Président.

M. Godin: Est-ce que vous reconnaissez, M. le député de Richmond, qu'à l'article 4a, il y a une motion demandant également, une motion de l'Opposition demandant que le programme d'investissement soit présenté devant cette commission?

M. Brochu: Oui, ce n'est pas la même chose...

M. Godin: M. le Président, le député de Richmond confirme qu'une telle demande a déjà été formulée lors de l'étude de l'article 4a.

M. Brochu: Non, j'ai clairement établi, tantôt, la différence...

M. Godin: II y avait une demande d'investissement, une demande de renseignements sur l'investissement.

M. Brochu: Je ne voudrais pas reprendre les arguments que j'ai évoqués...

M. Ciaccia: Une motion de suspension; à l'article 4a, il y avait eu une motion de demande de dépôt de certains documents, ce n'est pas la même chose, c'est totalement différent.

M. Godin: L'objectif est le même.

M. Ciaccia: Ici, on demande la suspension de l'étude, dans l'autre cas, on demandait le dépôt de certains documents.

M. Godin: C'est pour les mêmes fins, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: II peut y avoir beaucoup de choses pour les mêmes fins; certaines sont admissibles et d'autres ne le sont pas.

M. Godin: On voulait connaître les investissements, c'est cela que je veux dire.

Le Président (M. Marcoux): Suspendu. (Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise de la séance à 17 h 49)

Le Président (M. Marcoux: À l'ordre, s'il vous plaît!

Avant de rendre la décision, je vais lire des extraits du journal des Débats qui inspirent la décision que j'ai à rendre...

M. Raynauld: Ce n'est pas un article de journal, cela dépend de la décision finale.

Le Président (M. Marcoux): ... où le président vous indiquait, M. le député d'Outremont: "À ce stade-ci, comme je l'avais d'ailleurs dit au député de Saint-Laurent, j'avais déclaré votre motion irrecevable et ce, avant même de l'avoir lue de façon

intégrale, parce que le mandat premier de la commission est d'étudier article par article le projet de loi 70 et qu'en vertu de l'article 68 — en fait, on a rectifié par la suite — et suivants, à part certains amendements, comme l'ajournement des travaux et les motions préliminaires, les motions présentées doivent être des motions d'amendement et de sous-amendement. Compte-tenu de l'importance de l'article 4 dans ce projet de loi, j'ai fait à cette commission parlementaire ce que je n'ai jamais fait à d'autres commissions parlementaires, c'est-à-dire recevoir, après l'appel de l'article 4 mais avant l'étude par paragraphe, un certain nombre de motions qui avaient trait, de façon générale, aux objets qui sont discutés et dont on fait mention à l'article 4." "Je ne voudrais pas que ce que j'ai fait au cours de cette commission parlementaire à l'article 4 soit interprété comme un précédent, même si cela en est un, je pense que ce n'est pas un précédent à suivre puisque c'est la première fois. J'ai eu l'occasion de présider de grosses commissions parlementaires en passant par la loi 101 et la loi 2 et, à ces commissions parlementaires, j'ai toujours déclaré irrecevables ces motions qui n'avaient pas pour but d'amender ou de sous-amender un article de loi. J'en ai déclaré peut-être cinq, six, ou sept, huit recevables au début de l'article 4 et je sais fort bien qu'en agissant de la sorte j'ai fait preuve d'une grande souplesse, mais par contre, je désobéissais aux règles normalement suivies par les présidents de la commission parlementaire, alors que l'étude article par article est commencée. Me servant d'un pouvoir que je pense avoir d'office, je déclare donc maintenant irrecevable toute motion, à part les motions d'ajournement qui, bien sûr..."

M. Bérubé: Voulez-vous relire le texte de mon intervention de ce matin?

Le Président (M. Marcoux): ... "motions qui font rapport à l'Assemblée nationale".

M. Ciaccia: Pouvez-vous continuer, parce qu'après cela ce président, que vous citez, a corrigé les motifs pour lesquels il avait déclaré la motion irrecevable.

Le Président (M. Marcoux): II en a peut-être corrigé les motifs, mais s'il a maintenu la décision...

M. Ciaccia: II l'a précisée.

M. Brochu: Ce sont des questions additionnelles qu'on lui avait posées.

M. Raynauld: II a dit que ce n'était pas un précédent, il a dit qu'il ne fallait pas interpréter sa décision comme s'appliquant à des motions à venir. C'est là qu'il a apporté cette correction qui est très importante.

Le Président (M. Marcoux): C'est-à-dire qu'il ne voulait pas se compromettre pour toutes les motions qui pourraient être présentées dans l'ave-nir.

Une voix: Ce n'est pas une motion de suspension.

M. Ciaccia: Oui, exactement, je crois qu'à un endroit il dit carrément qu'une motion de suspension serait recevable.

M. Raynauld: Elle serait recevable, et ce n'était pas une motion de suspension qu'on avait présentée. Il faudrait lire un peu plus loin.

Le Président (M. Marcoux): Je ne l'ai pas dans ces extraits-là. Vous indiquez que plus tard il a renversé des motifs...

M. Raynauld: M. le Président, il a précisé en réponse à des directives, si je me permets, c'est une des fois où j'étais là...

M. Bérubé: C'est rare! Vous avez oublié le mot "rare".

M. Raynauld: Premièrement, ce n'était pas une motion de suspension. Deuxièmement, il a dit à la fin, une fois qu'il eut rendu sa décision, deux choses, si je me souviens bien: Premièrement, ce n'est pas un précédent, ce que je viens de faire, je vous ai dit que je n'accepterais plus de motions de dépôt de documents et de motions préliminaires, mais cela ne s'applique pas à une motion de suspension.

Le Président (M. Marcoux): Il disait qu'il ne s'engageait pas pour toutes les autres motions qui pouvaient survenir, si je comprends bien, lors de l'étude des articles qui allaient suivre, mais si je comprends bien l'esprit de la décision qu'il a rendue à la motion qui était proposée et pour commenter l'article dont j'ai lu l'extrait, il reste que le président considérait qu'il avait suffisamment entendu de motions préliminaires ou de motions générales au début de l'article 4 sur l'ensemble de l'article 4 et qu'il avait usé de largesse d'esprit et qu'en conséquence il considérait que n'étaient acceptables que des motions d'amendement ou de sous-amendement pour le reste de l'étude de l'article 4. Or...

M. Ciaccia: J'ai dit que cela ne s'appliquait pas à des motions de suspension.

M. Brochu: À la suite on a posé un certain nombre de questions et il a restreint le corridor de sa décision pour laisser une certaine latitude à des motions de suspension et cela est un élément important.

M. Grégoire: Suspension des travaux? C'est important, suspension de la séance?

M. Bérubé: Suspension des travaux et non pas suspension de l'étude d'un article. M. le Président, je vous demanderais peut-être une directive;

je pense que, dans l'esprit de la présidence, celle-ci a tenu à souligner que cette commission demeurait maîtresse de ses travaux et qu'elle pouvait, d'un accord unanime, retarder l'étude d'un article. Nous l'avons fait pour l'article 3, si je ne m'abuse. Par conséquent, cette commission demeure maîtresse de ses travaux, mais il doit y avoir à ce moment un consensus, et je pense que dans le cas présent le consensus n'existe pas, et il ne s'agit pas de motion non plus.

Le Président (M. Marcoux): Pour être bien sûr que je ne prends pas de décision contradictoire avec ce que le président a déjà décidé, dans une première étape, parce que c'est mauvais pour la poursuite de nos travaux, lorsque votre président reviendra, je suspendrai à nouveau et je vais vérifier les propos que vous faites dire au président, dans les minutes qui ont suivi.

M. Ciaccia: II est 17 h 55, est-ce qu'on peut demander...

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise de la séance à 17 h 59)

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre!

Comme je ne dispose pas actuellement de tous les éléments d'information pour prendre une décision qui n'entache pas la nature de nos travaux, je vais suspendre la décision et je vais ajourner les travaux de cette commission à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h)

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