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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 27 avril 1978 - Vol. 20 N° 49

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 70 - Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 70

Loi constituant la Société nationale de l'amiante

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).

Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Décision du président

On m'a remis hier soir ou ce matin une motion qui avait été présentée, je présume, par le député d'Outremont, et qui se lit ainsi: "Que cette commission suspende l'étude du paragraphe b) du premier alinéa de l'article 4 jusqu'à ce que le ministre des Richesses naturelles ait fait connaître en détail aux membres et intervenants de cette commission le programme d'investissement concernant la phase deux de la politique de l'amiante, soit la phase relative à la transformation au Québec de la fibre d'amiante en produit fini".

Je dois vous dire qu'à la lecture de cette motion, elle m'apparaît irrecevable, parce que conditionnelle. Je réfère tout simplement les membres de la commission parlementaire à une décision qui avait été rendue le 6 avril 1978, à la suite d'une motion semblable présentée par le député de Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, et qui se lisait ainsi: "Que la commission des richesses naturelles suspende l'étude de l'article 2 du projet de loi no 70 jusqu'à ce que le gouvernement ait fait connaître officiellement l'endroit déterminé pour l'établissement du siège social de la Société nationale de l'amiante".

Le député de Marguerite-Bourgeoys ajoutait: "M. le Président, il est possible que cet élément soit de trop, mais..." Pour cette unique raison, je déclare irrecevable la motion présentée par le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Par le député d'Outremont.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Excusez-moi, par le député d'Outremont.

M. Ciaccia: Je voulais argumenter sur cette motion, je pensais qu'elle était recevable, mais...

M. Grégoire: M. le Président, quels sont les membres permanents? Hier, M. Raynauld était à la commission... Il vous remplaçait, je crois?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les membres d'aujourd'hui — parce que ceux d'hier nous intéressent peu — sont M. Lalonde et M. Forget. M. Ciaccia est un intervenant.

M. Grégoire: Mais M. Raynauld remplaçait M. Lalonde hier.

M. Lalonde: Je ne le sais pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui. M. Lalonde remplace M. Raynauld aujourd'hui.

M. Grégoire: D'accord.

M. Bérubé: Est-ce que le temps pris par M. Raynauld est automatiquement effacé? Est-ce que celui qui le remplace se retrouve devant une ardoise totalement vierge?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne suis pas au courant si M. Raynauld a pris du temps ou non. Je n'étais pas ici hier.

M. Lalonde: La motion est irrecevable.

M. Forget: De toute façon, cela ne s'applique pas, parce que la motion est irrecevable, donc on recommence.

M. Grégoire: Mais il a pris son temps de parole sur le paragraphe b).

M. Lalonde: Cela vous inquiète tant. Comment se fait-il que cela vous inquiète comme cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Bérubé: Sur le paragraphe b) de la motion...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le problème ne se pose pas, la motion est déclarée irrecevable.

M. Grégoire: Oui, mais il a parlé vingt minutes avant de présenter son amendement.

M. Bérubé: II a présenté son amendement à la fin.

M. Lalonde: On peut juger qu'il a parlé vingt minutes sur ce paragraphe b).

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, je verrai. Je ne sais pas encore si le député de Marguerite-Bourgeoys a l'intention de parler sur le paragraphe b)...

M. Lalonde: Peut-être.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... lui qui remplace M. Raynauld.

M. Bérubé: C'est que nous essayons de limiter au minimum.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que la question pourra se poser — c'est une très bonne question, d'ailleurs—au moment où M. le député de Marguerite-Bourgeoys prendra la parole.

M. Lalonde: S'il y avait des questions de privilège, j'en ferais une. Quelle est cette crainte que je prenne la parole? Le ministre a-t-il peur de ce que je vais dire? Il vient de nous transporter dans le salon rouge pour l'exécution de la commission, parce qu'ici, c'est la chambre à exécution, apparemment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: C'est pour cela que c'est rouge, le sang ne paraît pas!

M. Grégoire: Quelle exécution?

M. Lalonde: L'exécution de la commission.

M. Grégoire: Est-il question de cela?

Objets de la société

Activité reliée à la transformation de la fibre d'amiante

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Le paragraphe b) de l'article 4 est-il adopté?

M. Grégoire: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président. Comme vous venez de rendre une décision relativement à la recevabilité de la motion à cause de son caractère, en quelque sorte, conditionnel, il serait probablement possible de proposer à cette commission une motion qui élimine toute espèce de condition ou de menace...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez bien compris, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... implicite à l'endroit du ministre. On pourrait faire la motion suivante: Que cette commission suspende tout simplement l'étude de l'article 4 et procède immédiatement à l'étude de l'article 5. Je vais parler sur cette motion, si elle est recevable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle est recevable, puisque le seul et unique motif pour lequel je l'avais déclarée irrecevable, c'était le fait qu'elle était conditionnelle. Ce que vous faites est en plein ce qui avait été fait le 6 avril 1978 par le député de Marguerite-Bourgeoys, qui avait corrigé cette motion...

M. Lalonde: C'était bien fait.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... pour la présenter telle que vous la formulez actuellement. Telle que vous venez de la formuler, elle est raisonnable.

M. Grégoire: Dans les directives, je crois qu'il y a un article du règlement qui dit qu'on peut proposer une motion de suspension une fois par jour.

M. Lalonde: Une motion d'ajournement. On ne l'a pas faite encore aujourd'hui, celle-là.

M. Grégoire: Maintenant, une motion de suspension d'un article comme celle-là peut être faite n'importe quand.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a des motions d'ajournement des travaux et des motions de suspension d'un article.

M. Grégoire: Oui, mais ce que nous avons...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, nous sommes en face de la motion de suspension d'un article qui peut être présentée à n'importe lequel des articles du projet de loi.

M. Grégoire: Je demande une directive. À l'heure actuelle, on demande la suspension de l'article 4 pour aller à l'article 5. Si c'est battu, est-ce que le même député peut revenir avec une autre motion demandant la suspension de l'article 4 pour aller à l'article 6, la motion n'étant plus la même?

M. Lalonde: Vous êtes diabolique. Jamais on n'aurait pensé à cela.

Une voix: C'est une bonne idée... machiavélique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La question est absolument hypothétique, on verra. Je peux vous dire, M. le député de Frontenac...

M. Lalonde: Vous nous prêtez de mauvaises intentions, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce genre de motion est accepté de façon régulière par les présidents de commissions parlementaires, puisqu'elle est conforme à notre règlement.

M. Forget: M. le Président...

M. Lalonde: Excusez-moi, si M. le député de

Saint-Laurent me le permet, avant qu'il ne commence à plaider sur sa motion, j'aurais une question à poser au ministre, avec votre permission, M. le Président. On a déjà suspendu l'article 3 avec le consentement de tous les membres. Cela fait déjà quelques semaines et je vous avoue que, de retour à la commission après deux semaines— j'étais à l'étude des crédits des Consommateurs et de la Justice — je suis très déçu de voir qu'on en est encore à l'article 4, et je vois qu'on n'a pas encore disposé de l'article 3.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire les conclusions des études qui ont été faites relativement à l'article 3 ou préfère-t-il qu'on passe...?

M. Bérubé: II n'y a pas eu de conclusion ou d'étude. Présentement, nous avons des conseillers juridiques qui sont en attente et dès que nous pourrons aborder l'article 3... Puisqu'il s'agissait, en fait, d'une discussion un peu juridique sur les droits et privilèges d'un mandataire du gouvernement, par conséquent, j'ai tenu à ce que les juristes du gouvernement, qui sont responsables de l'évolution de la pensée concernant ce caractère des sociétés d'État, puissent être ici de manière à pouvoir nous conseiller, et même, éventuellement, expliquer, si la commission le juge bon, l'idée qu'ils avaient en introduisant cet article, puisqu'il s'agit d'un article à caractère essentiellement juridique, que je serais mal placé de commenter autrement que d'une façon générale.

M. Lalonde: Alors, si je comprends bien, le ministre serait prêt à aborder l'article 3 éventuellement.

M. Bérubé: Sans aucun problème.

M. Ciaccia: Ce n'est pas un reproche que vous faites à vos collègues parce que nous ne sommes pas assez avancés dans nos travaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous avons une motion devant nous. Ce n'est pas une période interrogatoire; elle a été déclarée re-cevable.

M. Lalonde: J'exprimerai mes...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Grégoire: Qu'est-ce que vous...

M. Lalonde: Ils ne sont même pas là, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Grégoire: Je ne vois pas pourquoi, M. le Président. On va finir l'article 4.

M. Forget: On va vous expliquer cela.

M. Grégoire: Faites l'appel des noms.

M. Forget: Auparavant, j'aimerais, à titre de brève parenthèse, indiquer au ministre que les membres de ce côté-ci de la table sont disponibles à tout moment pour reprendre l'étude de l'article 3. On a fait cette motion de suspension, parce qu'il nous apparaissait qu'il y avait des difficultés d'ordre juridique, mais on n'a aucun désir de bloquer l'étude de cet article. Si le ministre veut, dès cet après-midi, aborder l'étude de cette question, nous sommes prêts à interrompre n'importe quel débat sur l'article 4, 5 ou autre pour revenir à l'article 3. Il pourrait y avoir des difficultés de rédaction et il me semble qu'on pourrait en disposer assez rapidement.

M. Bérubé: De l'article 3. M. Forget: De l'article 3.

M. Bérubé: Malheureusement, M. Rioux n'est pas ici présentement.

M. Forget: Amenez-le quand vous voulez et on fera passer un...

M. Lalonde: Sentez-vous tout à fait libre de suspendre à votre demande les travaux.

M. Bérubé: On pourra prendre les moyens pour le faire venir. La prochaine séance devrait avoir lieu cet après midi après la période des questions?

M. Grégoire: Est-ce que la chambre va siéger cet après midi? Cela pourrait être ce soir ou demain matin?

M. Forget: Le ministre de concert avec le leader parlementaire pourra s'entendre là-dessus, mais on veut indiquer qu'on est disponible quant à nous. Alors, M. le Président, la décision que vous avez rendue sur la recevabilité tantôt ne nous surprenait pas et je dois vous avouer, très candidement, que la raison pour laquelle nous avons formulé cette première motion avec les exposés de motifs, c'était pour ne laisser aucun doute sur ce qui nous poussait à présenter une motion de suspension. Ce n'est pas en soi que le paragraphe b) nous soit désagréable, ne nous soit pas acceptable. Au contraire, le paragraphe b), c'est le seul paragraphe de cet article auquel nous souscririons à cent pour cent.

Si, toutefois — et c'est cela, le but de la motion de suspension— nous étions bien sûrs qu'il y avait derrière cet énoncé de principe du paragraphe b), des choses concrètes dans l'esprit du gouvernement. Sans en faire une motion formelle qui est irrecevable, nous voulions bien souligner le fait que, si nous acceptons la notion de la création d'une société d'État pour stimuler, développer la transformation des produits d'amiante au Québec, on voudrait souscrire, non pas à un voeu pieux, mais on voudrait souscrire à quelque chose qui est tangible, qui est concret et qui ne se réalisera

pas aux calendes grecques, mais dans un avenir prévisible.

De ce côté, je pense, que ce n'est pas trop demander, après presque deux mois et demi — cela fait certainement deux mois, tout le mois de mars et tout le mois d'avril de débats à différentes tables de la procédure parlementaire— ce n'est pas trop demander de dire au gouvernement... Enfin, maintenant qu'on est rendu à ce paragraphe-clef, qui est la raison d'être même de la création de la société de l'amiante — on comprend que vous n'avez pas voulu nous dire quoi que ce soit sur le prix que vous avez payé pour la société minière et vous n'avez pas voulu faire aucune concession quant à la question d'investir des sommes importantes dans l'acquisition de mines, existantes ou nouvelles, alors, oublions tous ces arguments—il reste que votre objectif, comme le nôtre, est de stimuler la transformation au Québec des fibres d'amiante, mais peut-être qu'au moins sur ce sujet-là autour duquel nous nous entendons quant aux objectifs, au moins là-dessus, il n'est pas question de négociation, il n'est pas question de faire monter les prix ou de faire descendre les prix de quoi que ce soit, au moins là-dessus, pourrait-on savoir concrètement, qu'est-ce qu'on va faire de plus.

On sait bien que le ministre va nous renvoyer dans sa réponse au rapport SORES en disant: vous voyez il y a quelque chose, c'est public, tout le monde l'a lu. Mais oui, nous aussi on l'a lu, le rapport SORES. Il reste que le rapport SORES lui-même, quand on le lit attentivement, soulève autant de questions qu'il n'en résout, en ce sens que les auteurs du rapport disent très bien, écoutez cela est une exploration et, même si elle est fort détaillée et fouillée, ne permet pas à un investisseur de mettre sur la table $50 millions ou $60 millions en disant, voici, j'ai un projet complètement développé qui peut être mis en route le mois prochain.

Il y a des négociations qui devraient avoir lieu. Le ministre a ouvert la porte à toutes sortes d'hypothèses de ce côté. On aimerait bien voir s'il y a autre chose que des hypothèses. Il a dit que des discussions étaient en cours et qu'on chercherait, par des ententes, des "joint ventures", ou des ententes avec des sociétés multinationales qui sont présentes sur les marchés étrangers et qu'on veut investir, qu'on veut pénétrer; des ententes pour justement favoriser l'écoulement à l'étranger de produits finis d'amiante fabriqués au Québec.

Cela serait très intéressant de savoir si, effectivement, des hypothèses concrètes sont à l'étude avec quelles sociétés, si des missions sont à l'étranger ou seront, sous peu, dépêchées à l'étranger pour amorcer ces discussions, soit avec la société Eternit, soit avec Pont-à-Mousson, soit avec Turner et Newall, soit avec une société italienne ou autre qui pourrait nous faire déboucher sur des projets concrets d'implantation au Québec d'usines de transformation.

Si on avait des indications comme celles-là, nous aurions une base pour dire que nous n'avons à adopter une espèce de coquille vide, une espèce de chèque en blanc, comme le collègue de Richmond le dit depuis le départ. Est-ce que c'est tout simplement un chèque en blanc ou est-ce qu'il y a quelque chose de plus précis? (10 h 30)

Même si, théoriquement, le Parlement pourrait fonctionner presque à vide et adopter la loi créant une société de l'amiante qui ne représenterait qu'une structure sur papier, avec la perspective d'attendre deux, trois, quatre ou cinq ans avant qu'il n'y ait quelque chose de concret, tout le monde serait bien rassuré d'entendre le ministre dire: Voici la stratégie que nous avons adoptée, voici le genre de projet que nous considérons, voici la priorité que nous donnons à tel ou tel projet par rapport à tel autre, voici les conditions dans lesquelles nous pensons qu'il est nécessaire de réaliser ces projets, les conditions sur le plan de l'accès au marché. Quels sont les marchés qui ont été choisis pour un effort prioritaire? Tout cela demande d'être expliqué.

Encore une fois, ni dans le débat en deuxième lecture, ni dans l'étude en commission parlementaire, malgré tout le temps qu'on y a accordé, n'a-t-on eu la moindre indication de quelque chose de concret. Les seules choses concrètes— et cela est toujours assez étonnant quand on dit que c'est fait par un ministre — sont des discussions sur les recommandations du rapport SORES. Je comprends que c'est un document que tout le monde a entre les mains, donc, c'est une espèce de terre commune qui peut être parcourue par tous sans difficulté, mais est-ce que l'usage par le ministre, du rapport SORES comme seule illustration de ses projets, est-ce que cela indique qu'il n'y en a effectivement pas d'autre? Est-ce que cela indique que les services gouvernementaux, le bureau de l'amiante, les quelques fonctionnaires qui accompagnent le ministre à cette commission parlementaire et d'autres, j'imagine, qui s'occupent du dossier sans être présents en commission parlementaire, est-ce que cela veut dire que tous ces gens-là n'ont rien fait de leur côté, pour élaborer des hypothèses, des budgets pro forma, pour des entreprises, certaines hypothèses de projets concrets avec des coûts soigneusement évalués, certaines conclusions préliminaires quant à la rentabilité?

On sait qu'on va devoir financer ces projets à perpétuité, à même le produit d'un impôt qu'on va sacrifier, un impôt dont le rendement actuel est de l'ordre de $20 millions par année. On va le sacrifier à perpétuité par le subterfuge d'une intégration verticale et d'une vente à rabais de la fibre sur le marché domestique.

Si le contribuable du Québec, les travailleurs du Québec, qui paient des impôts, sont appelés à financer— c'est cela qui va arriver, on va diminuer le rendement fiscal, on va diminuer le rendement de l'impôt, en sacrifiant ces $20 millions qui sont puisés actuellement dans les profits de la société Asbestos — et pour compenser cette perte...

M. Bérubé: Question de privilège, M. le Président. Il y a déformation des propos de mon inter-

vention d'hier, parce que j'ai fait la démonstration qu'il n'y aurait pas diminution de revenus fiscaux, au contraire, il y aurait augmentation de revenus fiscaux pour le gouvernement.

M. Forget: La démonstration n'était pas une démonstration. C'était un effort forcené pour essayer de produire un équilibre entre des chiffres qui ne s'équilibrent pas du tout. Comptabiliser les profits possibles d'une société de transformation et l'impôt sur les revenus des travailleurs engagés dans une société de transformation, comme une compensation pour l'impôt sur le revenu qu'on sacrifie sur les activités minières, c'est un tour de passe-passe inexcusable, M. le ministre.

Bien sûr, è ce titre-là, il n'y a rien qui ne se justifierait pas. Il n'y a aucune subvention, si grosse soit-elle, qui ne pourrait se justifier. S'il s'agissait, pour justifier l'implantation d'une entreprise, de dire: On abandonne tous les impôts là-dessus, on va peut-être pouvoir, en vendant le produit à un prix dérisoire, favoriser un plus grand nombre d'emplois et cela va compenser pour la perte. On ne s'enrichit pas en prenant des billes dans un sac et en les mettant dans le sac voisin. Ce n'est pas une source d'enrichissement.

M. Bérubé: À nouveau, c'est erroné, puisque souvent, les réductions d'impôt sont génératrices d'activités économiques qui, largement, compensent pour les réductions d'impôt. C'est d'ailleurs la stratégie, l'approche de M. Chrétien.

M. Forget: Dans ce cas-ci, ils ne compenseront pas, puisque le ministre a omis de calculer le remboursement du capital et l'intérêt sur les emprunts qui seront nécessaires pour l'achat de la mine.

M. Bérubé: Absolument pas, M. le Président, c'est inclus dans les profits de la société.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: C'est inclus dans les profits, justement. Ils n'y sont pas inclus dans le moment. Donc, les revenus actuels sont gonflés d'une somme qui disparaîtra lorsqu'il faudra payer ces sommes, payer ces intérêts et ne seront pas disponibles pour subventionner le prix de l'amiante. Donc, c'est le contribuable, c'est le travailleur du Québec dont les impôts seront haussés de façon correspondante pour compenser ce manque à gagner de...

M. Grégoire: Est-ce qu'on est réellement, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! S'il vous plaît...

Une voix: On n'est pas sur la pertinence du débat.

M. Forget: Oui, on est sur la pertinence du débat puisqu'on parle de projets de transformation qui sont essentiellement financés par un sacrifice fiscal de la part de l'État. Un sacrifice fiscal qui devrait être compensé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout d'abord, j'aimerais dire à ceux qui voudraient se servir de l'article 96, comme on l'a dit hier, que cela prend la permission de celui qui parle, parce que normalement, c'est à la fin de l'intervention. Deuxièmement, soulever des questions de règlement, s'il y en a qui pensent que l'orateur ou celui qui fait une intervention est en dehors de la pertinence du débat, soulevez une question de règlement et j'en jugerai. En ce qui me concerne, je n'ai pas l'intention de le faire d'office, à moins que ce ne soit tellement évident.

M. Grégoire: M. le Président, c'est justement ce que je voulais soulever. Est-ce que la motion qu'on a présentement devant nous, demandant la suspension de l'article 4, peut permettre de retourner, de discuter sur...

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

M. Grégoire: ... n'importe quoi et est-ce que c'était réellement dans la pertinence du débat?

M. Lalonde: ... je pense qu'il est évident et cela me surprend que le député de Frontenac, avec sa grande expérience parlementaire, ne s'en soit pas aperçu. Lorsqu'on demande la suspension d'un article, de l'étude d'un article, on peut donner n'importe quelle raison qui nous semble pertinente. Que ce soit la température —je caricature actuellement—ou que ce soient les questions fondamentales du débat — comme le député de Saint-Laurent le dit actuellement—qui n'ont pas satisfait l'Opposition, n'ont pas satisfait le député de Saint-Laurent en particulier, c'est tout à fait pertinent, lorsqu'on demande la suspension d'un article. J'ai d'autres raisons que je vais apporter, qui ne sont pas celles, probablement du député de Saint-Laurent et peut-être que le député de Frontenac aurait aussi des raisons de suspendre l'étude de l'article 4.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour répondre à la question de règlement du député de Frontenac, c'est bien clair que lorsqu'une motion a pour effet de suspendre l'étude d'un article, celui qui parle, peu importe qui il est, doit se borner à donner les raisons pour lesquelles il favorise la suspension de l'article. Les raisons peuvent être multiples selon les députés et à partir du moment où le député énonce ses raisons, à ce moment-là, c'est dans la pertinence du débat puisque la motion de suspension est une motion qui amène inévitablement le député à donner les raisons pour lesquelles il veut la suspension de l'article. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Précisément, il me semble que la raison essentielle, c'est

que l'intérêt du contribuable est vitalement impliqué dans cette question de transformation puisqu'on va l'amener à compenser les pertes qui sont nécessaires, les pertes de revenus fiscaux qui sont nécessaires pour le financement à perpétuité de cette activité de transformation. C'est lui qui devra compenser par des impôts qui seront plus élevés, c'est le travailleur du Québec dont le revenu réel après impôt sera diminué parce qu'il va devoir payer plus d'impôt à cause des $20 millions que la Société Asbestos, désormais propriété du gouvernement, ne paiera plus. Parce que c'est justement des dépenses qui sont essentiellement des dépenses publiques, c'est un sacrifice fiscal, c'est l'équivalent de dépenses publiques, ce sont des précisions qui doivent être fournies avant qu'on puisse accepter.

Parce que, quand on accepte le paragraphe b), essentiellement, étant donné le mécanisme de financement qu'a expliqué le ministre dans ses interventions d'hier, c'est l'équivalent d'approuver des dépenses publiques futures pour un avenir indéterminé. On autorise le gouvernement à financer par des impôts une industrie de transformation de l'amiante au Québec. Il me semble que l'essentiel, le minimum, c'est de donner au contribuable des détails sur ce qu'on va l'amener à financer par ses impôts. Il va avoir un revenu réel plus bas.

Il y a une certaine ironie, M. le Président, lorsque le ministre dit: Bien sûr, la transformation de l'amiante au Québec pourrait être concurrentielle avec n'importe quel autre pays si les travailleurs du Québec acceptaient une rémunération réelle inférieure, de manière que les coûts de main-d'oeuvre compensent en étant plus bas, compensent les autres désavantages sur le plan des transports, des coûts de transports, sur le plan des douanes qu'ils doivent payer avant de pénétrer les marchés étrangers. Le gouvernement se défend de vouloir diminuer le revenu réel des travailleurs du Québec en disant: Non, jamais. On va maintenir leur revenu réel et on va prendre d'autres moyens pour donner un avantage concurrentiel à l'industrie de transformation de l'amiante. Or, lorsqu'on utilise des impôts pour donner à une industrie un avantage concurrentiel, ces impôts viennent de quelque part. Ils viennent de la poche des contribuables qui sont, dans 99% des cas, des travailleurs salariés au Québec qui devront payer plus cher, puisque je pense bien que le gouvernement n'a pas l'intention de diminuer ses dépenses sociales, n'a pas l'intention de diminuer les autres dépenses publiques parce qu'il fait des investissements dans l'amiante dont il devra y avoir plus d'impôts à payer par les travailleurs au Québec pour compenser la perte d'impôts qui ne seront plus payés par la Société Asbestos.

Ce sont les travailleurs du Québec qui auront un revenu réel, après impôts, plus bas parce qu'on veut donner un avantage concurrentiel à une de nos industries, l'industrie de transformation de l'amiante. C'est sûr que ça fait l'affaire des travailleurs dans l'amiante de se voir subventionnés par l'ensemble des travailleurs du Québec, de manière à leur permettre de fabriquer au Québec des produits à base d'amiante.

Mais il demeure qu'il est faux pour le gouvernement de prétendre que l'on peut, magiquement, empêcher que ce soit l'ensemble des travailleurs du Québec qui solde la note de cet avantage concurrentiel qu'on veut artificiellement créer pour palier, comme le ministre l'a dit, les barrières artificielles qui seront opposées à la pénétration de leur marché par certains pays étrangers, entre autres par les États-Unis.

À une barrière artificielle qui donne à ces pays un surcroît d'argnt, puisque les douanes contribuent à leurs recettes fiscales, on va opposer un avantage concurrentiel également artificiel mais qui va nous coûter de l'argent, va impliquer encore une fois des impôts plus élevés pour l'avenir pendant un temps indéfini pour les travailleurs du Québec.

C'est pour cette raison, M. le Président, qu'il me semble absolument important que le gouvernement précise ce pour quoi il veut que l'on concentre ce sacrifice collectif. C'est peut-être un sacrifice qui en vaut la peine, s'il a des effets d'entraînement, si un jour on pouvait avoir une lueur d'espoir que cela deviendra viable, ce que le ministre a plus ou moins écarté, même radicalement écarté en disant que jamais le Québec ne serait dans une position concurrentielle avantageuse en vertu de sa situation géographique, de son éloignement des marchés, des politiques commerciales des pays étrangers, mais si au moins il y avait un espoir dans l'avenir, il serait permis de juger que c'est là un investissement qui en vaut la peine.

Ce serait une des raisons qui nous permettrait d'en juger. Mais pour porter des jugements comme ceux-là, pour souscrire en connaissance de cause au paragraphe b), il nous faut décidément avoir des indications beaucoup plus précises de la part du gouvernement qui n'a rien dit à ce moment-ci de ses intentions.

Est-ce qu'il a l'intention, effectivement, de promouvoir la fabrication des panneaux d'amiante-ciment qui sont très populaires dans la construction en Europe en particulier, et qui sont virtuellement inconnus en Amérique du Nord. Si le gouvernement a l'intention de se lancer dans cette voie, il lui sera nécessaire de s'associer avec les entreprises qui détiennent les brevets de fabrication et les secrets de fabrication de ces panneaux d'amiante-ciment, à moins de vouloir bien sûr consentir des dépenses de recherche et de développement considérables, mais on n'en voit même pas le signe avant-coureur de cette intention, M. le Président. Le ministre nous dit que pour ce qui est de la recherche, tout se ferait, tout se dirait à l'automne et dans un autre contexte que celui dont on s'occupe dans le moment.

C'est bien dommage, il me semble que la recherche est une priorité dans cette industrie, ne serait-ce que pour consolider les marchés actuels de l'amiante. On n'accusera pas l'Opposition de faire une propagande malicieuse sur les questions de l'amiante. Tous les jours, les journaux relatent une déclaration, soit d'une agence américaine ou d'une agence européenne ou d'un syndicat européen ou américain à l'effet que l'amiante représente un danger pour les travailleurs qui y travail-

lent, non seulement dans son extraction, mais à plus forte raison dans sa fabrication, et même dans son utilisation dans les produits d'isolation, par exemple.

Ce qui est frappant, c'est qu'à moins que des recherches intensives ne soient amorcées au Québec pour découvrir et faire la démonstration qu'il existe des procédés d'utilisation et de fabrication de l'amiante qui sont sans danger pour la santé des travailleurs et des utilisateurs, on risque de voir une érosion des marchés actuels pour l'amiante. (10 h 45)

II y a donc une grande nécessité de recherche déjà sans ce secteur; il y a aussi une grande nécessité de recherche de procédés nouveaux de fabrication et de produits nouveaux, mais là encore, on nous remet cela à plus tard puisque la recherche qui s'est faite était une recherche très appliquée dans le domaine de certains produits d'usage courant; la question des cendriers n'est pas en soi une démonstration percutante; également dans le domaine de l'utilisation des résidus. Mais la recherche qui serait susceptible d'éliminer les doutes sur la salubrité du produit et des procédés de fabrication, on n'en entend pas parler. À plus forte raison, faudrait-il faire des recherches pour doubler ce qui est déjà en possession de sociétés commerciales, si le ministre ne réussit pas à conclure des ententes, par exemple, avec la Société Eternit qui dispose de brevets de fabrication pour les panneaux amiante-ciment Glazal. Est-ce qu'il y a des discussions de ce côté? Est-ce qu'on a des projets précis? Est-ce qu'on a une mission?

Il y a une rumeur selon laquelle le ministre aurait envoyé des gens en Europe, il aurait recruté des gens spécialement pour les envoyer dans des missions en Europe sur ces sujets. S'agit-il simplement de voyages de formation, de tourisme aux frais de l'État ou s'agit-il de projets précis dont le but est d'amorcer des négociations, des ententes commerciales avec un certain nombre de ces sociétés, au moins de préparer le terrain? On aimerait bien le savoir parce que, là aussi, il y a des fonds publics qui sont engagés, M. le Président. Quels sont les mandats qui sont donnés à ces fonctionnaires qui se déplacent un peu partout en Europe, soi-disant, pour étudier la question de l'amiante? Ont-ils des objectifs précis à l'esprit? C'est ce que nous voudrions savoir et c'est la raison pour laquelle nous disons: Suspendons cet article, que le ministre fasse un exposé complet et, après, il nous fera plaisir d'adopter le paragraphe b) de l'article 4. Parce que nous souscrivons à l'objectif, mais est-ce que c'est un voeu, un pur geste symbolique ou y a-t-il quelque chose de réel du côté gouvernemental là-dedans?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.

M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Au point de départ, au premier abord de cette motion présentée par le député de Saint-Laurent, on pourrait dire: Procédons immédiatement à l'étude de l'arti- cle 4b, puisqu'il s'agit là, en fait, d'une des parties essentielles du projet de loi, du deuxième principe que nous avons à discuter, soit celui de la transformation des produits d'amiante en sol québécois. À ce sujet la position de l'Union Nationale, comme la position des autres participants à cette commission parlementaire, a été claire et nette. On dit oui à l'objectif, on dit oui à cette transformation de nos produits d'amiante en sol québécois, avec évidemment les réserves que nous avons faites dans le passé et avec les réserves que nous avons faites au paragraphe 4a du présent projet de loi.

Cependant, lorsqu'on analyse davantage l'ensemble de nos discussions en cette commission parlementaire—même si la commission parlementaire a siégé pendant de nombreuses heures—lorsqu'on regarde ce qui s'est discuté, lorsqu'on regarde les motifs qui ont été apportés...

M. Burns: 23 séances.

M. Brochu: Le leader parlementaire du gouvernement me dit: 23 séances, alors c'est déjà...

M. Burns: C'est ce matin la 23ième. M. Brochu: ... très bien.

M. Ciaccia: Vous ne trouvez pas que le sujet est assez important pour avoir 23 séances.

M. Burns: Oui.

M. Ciaccia: Pour $200 millions, cela fait environ $10 millions par séance.

M. Burns: Oui, mais je trouve aussi assez important que cela débloque un peu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Brochu: Par contre, ce qui ressort, même après 23 séances, comme l'a dit le leader du gouvernement, c'est qu'il nous apparaît actuellement que nous n'avons pas assez de garanties en ce qui concerne la rentabilité de ce projet du gouvernement. Rentabilité, non pas d'un projet ayant des assises solides dans la réalité, mais qui nous apparaît davantage comme une hypothèse de travail qui n'est pas suffisamment fondée sur des données réelles pour nous permettre d'aller plus avant et plus à fond dans l'étude immédiate de l'article 4b. Tout en admettant que cet article fait le consensus général, il nous apparaît cependant que, à cause du mode d'approche que le gouvernement a choisi, du peu de données qui nous sont disponibles actuellement et des garanties que le gouvernement ne nous donne pas, il m'apparaît, à ce stade-ci, que la motion présentée par le député de Saint-Laurent est tout à fait acceptable, puisque même si le paragraphe en soi, l'article 4b, peut être acceptable comme tel, avec peut-être certaines nuances, il ne repose en fait que sur très peu de choses dans l'ensemble du projet de loi.

Quelle garantie, en effet, nous a-t-on réellement donnée en ce qui concerne la rentabilité de l'entreprise? Quelle garantie nous a-t-on donnée réellement jusqu'à maintenant, de façon tangible, concernant les marchés réels que pourra atteindre cette entreprise gouvernementale?

Quelle garantie aussi pourra-t-on nous donner ou pourrait-on nous donner et qu'on ne nous a pas encore donnée en ce qui concerne — et cela, j'y suis revenu à différentes occasions—les coûts réels de cette entreprise pour le gouvernement?

On sait que là-dedans, il reste une marge de manoeuvre quand même assez large puisque le gouvernement a choisi de procéder, pour la transformation des produits de l'amiante, par le biais de l'acquisition d'une des entreprises existant au Québec, ayant choisi, après un bref "window shopping" auprès des entreprises, la plus vieille entreprise en existence où on devra, dès l'acquisition, reconstruire pour commencer les installations de l'entreprise. On est actuellement en négociation avec Asbestos Corporation, mais on peut aller également, éventuellement, du côté de l'expropriation de l'entreprise comme telle et le mode de financement ne nous est pas connu actuellement, ni les taux que nous aurons à payer pour ce financement comme tel, pour l'acquisition de cette entreprise. Ce qui nous fait dire que l'ensemble du projet de loi, même si cette partie du projet de loi qui est l'article 4b est acceptable en soi parce qu'à ce moment, on reconnaît le besoin de transformation davantage de fibre d'amiante au Québec, même si on reconnaît le bien-fondé de cet article, tout le reste n'est pas suffisamment clair et suffisamment précis pour nous permettre de donner une adhésion immédiate et un chèque en blanc, comme je l'ai mentionné à différentes occasions, au gouvernement en ce qui concerne son entreprise.

Par ailleurs, ni le ministre, ni les intervenants du côté gouvernemental, n'ont établi assez clairement ce que je pourrais appeler la marge de manoeuvre que le gouvernement du Québec aura face aux autres entreprises exploitant dans le domaine de l'extraction des gisements d'amiante au Québec, comme dans le domaine de la transformation des produits d'amiante également.

On ne nous a pas clairement établi ce corridor de manoeuvre dans lequel le gouvernement du Québec devra fonctionner au lendemain de l'acquisition d'Asbestos Corporation puisqu'il se retrouvera alors en pleine concurrence avec des titans qui possèdent déjà des marchés, qui possèdent déjà le "know how", l'expertise nécessaire, qui ont leur bureau de vente, etc. On ne nous a pas clairement défini et indiqué l'importance de la marge de manoeuvre à l'intérieur de laquelle le gouvernement devra fonctionner s'il veut rendre son entreprise rentable et s'il veut au moins y obtenir un certain succès.

L'argumentation que le ministre a faite hier à ce sujet, au niveau même de l'article 4a, demeure quand même et m'apparaît encore aujourd'hui, comme étant simplement une hypothèse. On peut fonctionner avec une hypothèse. On peut développer une hypothèse de travail. Cependant, lors- que cette même hypothèse de travail veut se transformer, par une volonté politique, en projet de loi qui engagera le gouvernement et la population du Québec pour les années à venir, dans un domaine aussi important, à ce moment, il convient et je pense qu'il est de première importance que ce projet ne soit plus seulement une hypothèse, ce qu'il demeure dans mon esprit essentiellement jusqu'à maintenant.

Le projet de loi no 70 n'est pas un projet de loi. C'est une hypothèse de travail qui ne trouve pas, dans la réalité, suffisamment de données sur lesquelles s'appuyer de sorte que cela demeure strictement une aventure dans laquelle on implique des sommes d'argent dont on ne connaît même pas le montant actuellement, des marchés qu'on ne peut garantir et des marges de manoeuvre tout à fait inconnues.

Le ministre nous a donc présenté une hypothèse de travail, mais on s'est bien gardé tout au long de cette commission, comme dans nos dernières discussions, de nous indiquer quelle garantie on a, par exemple, que les marchés et que la demande demeureront les mêmes en ce qui concerne les produits d'amiante.

Je rappelle aussi la dernière allocution du président de l'Association des mines d'amiante du Québec, M. Messel, qui indiquait, par exemple, que simplement pour l'année 1978, il y a certaines difficultés majeures à prévoir dans le domaine de l'amiante, comme je l'ai indiqué récemment, et que ces situations appelleront des correctifs. Mais on ne nous a pas indiqué que le gouvernement avec son projet de loi, tel que présenté actuellement, aura à faire face aux mêmes difficultés de marché, aux mêmes problèmes que les entreprises exploitant actuellement.

Celles-ci sont en place. Elles ont des moyens que le gouvernement, à mon sens, n'a pas pour réagir face à de telles situations et elles-mêmes disent que pour l'année 1978, dans le domaine de l'amiante, elles prévoient certaines difficultés. On pense, en particulier, au marché européen et aux remous qui persistent dans ce domaine en ce qui concerne l'utilisation des produits de l'amiante. C'est non seulement au niveau d'une volonté politique qui semble qu'on veuille se soustraire à l'utilisation des produits de l'amiante, mais le problème se situe d'abord et avant tout au niveau de la perception qu'ont les consommateurs européens des produits à base de fibre d'amiante. Ce problème, tout en n'étant pas le seul et unique problème majeur en ce qui concerne les problèmes de l'année 1978 dans le domaine de l'amiante, est quand même de toute première importance et le gouvernement du Québec devra lui faire face aussi au même titre que les autres entreprises. À ce moment-là, il devra en supporter les conséquences.

Le ministre, comme les autres personnes qui ont pris part à ce débat du côté ministériel, a parlé en principe des facilités de pénétration des marchés. Cependant, on ne nous a pas donné suffisamment de garanties à ce niveau. On a parlé, par exemple, afin de pénétrer les marchés étrangers, d'association possible avec différentes entreprises

oeuvrant dans le domaine et qui pourraient être intéressées à une aventure ou à un "joint venture" ou à une coopération avec le gouvernement du Québec. Cependant, là encore, on demeure en zone grise puisqu'on ne nous a donné, non plus, aucune indication d'approche qui aurait été faite auprès d'entreprises quelconques et on n'a aucune garantie que ces entreprises seraient intéressées.

De toute façon, M. le Président, je vous rappelle que l'entreprise privée veut travailler pour obtenir des profits, ce qui est normal et ce qui est habituel. Elle ne reste pas en affaires s'il n'y a pas de profits. D'ailleurs, le projet de loi 70 du gouvernement n'a aucune garantie de nous apporter ces profits. Le ministre lui-même a dit que cela prendrait un certain nombre d'années avant que cette entreprise acquière une stature profitable et qu'il faudrait à ce moment-là se serrer la ceinture pour être capable de financer le projet, de le maintenir et de le garder en marche. Ceci veut donc dire, M. le Président, qu'il faudrait à ce moment-là avertir les entreprises en question que si elles acceptent, ce qui n'est pas sûr, parce qu'on n'a aucune indication dans ce sens-là, si elles acceptent de participer à des programmes conjoints ou à des associations avec le gouvernement du Québec, elles devraient accepter de fonctionner à perte peut-être. Je pense que ce n'est pas l'objectif d'aucune entreprise privée dans le domaine. C'est un secteur où il m'apparaît que l'approche du gouvernement est passablement douteuse et ne repose pas sur des données assez précises pour nous permettre d'aborder sérieusement l'étude de l'article 4b et d'y aller à fond, comme si on tenait pour acquis... Et c'est cela qui me fait appuyer la motion du député de Saint-Laurent.

Si on étudiait immédiatement l'article 4b tel que présenté maintenant, c'est un peu comme si on disait en même temps au gouvernement: Oui, ce que vous nous avez fourni jusqu'à maintenant comme indication nous permet d'accepter votre volonté de transformation des produits de l'amiante en sol québécois, comme si tout le reste devait s'effacer et qu'on puisse donner ce chèque en blanc, sans autre considération préalable.

C'est un peu la même chose — j'y reviens— lorsqu'on parle de la question de la pénétration des marchés. On a été très peu loquace, par exemple, sur la question des réactions possibles à cette nouvelle pénétration des marchés...

M. Bérubé: ... à la commission, on a été très loquace.

M. Brochu: ... parce qu'on sait... La commission a peut-être été loquace mais du côté gouvernemental, on a été très peu loquace sur les faits et les données précises en ce qui concerne ces choses. C'est là, je pense, que se situe la majeure partie du problème. C'est là que le bât blesse, en ce qui concerne le projet de loi 70 pour le gouvernement.

Lorsqu'on parle de pénétration de marché, j'ai clairement indiqué qu'il y avait deux niveaux en ce qui concerne le projet de loi 70: D'abord, le niveau des produits déjà existants, là où les entreprises ont déjà une mainmise assez forte et où le gouvernement devra faire une lutte gigantesque s'il veut être capable de s'implanter, et deuxièmement en ce qui concerne les produits nouveaux, évidemment, il s'agit de tout l'aspect de mise en marché, de points de vente. À ce moment, cela implique tout un autre processus auquel le gouvernement devra faire face. Mais le principe est le suivant, c'est que lorsqu'on parle de pénétration de marché, sans aucun doute, on doit, de façon nécessaire, considérer les réactions à cette pénétration de marché également. Encore là, de ce côté, on n'a pas mesuré l'impact de l'intervention du gouvernement, ni d'association possible avec d'autres entreprises pour faire entrer d'autres marchés. Ce qui me fait dire qu'encore là, on travaille à l'intérieur d'une zone grise, comme cela l'est également pour la question des coûts.

M. le Président, pour conclure, j'aimerais simplement souligner que je vais appuyer cette motion du député de Saint-Laurent, même si je suis entièrement d'accord avec l'article 4b du projet de loi, comme nous l'avons déjà indiqué. Je persiste à croire que le projet de loi no 70 n'est autre chose, en réalité, qu'une hypothèse de travail qui n'est pas suffisamment fondée, mais qui est davantage la recherche d'un symbole politique, celui de la possession d'une des mines d'amiante du Québec. (11 heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: J'aimerais dire quelques mots là-dessus. Je suis tout à fait estomaqué de voir l'attitude de l'Opposition ce matin. L'Opposition nous répète depuis des mois qu'elle est en faveur de la transformation de l'amiante et de la construction d'usines de transformation au Québec pour donner de l'emploi à nos ouvriers.

Qu'est-ce qui se produit lorsqu'on arrive justement sur le point qui va permettre la transformation de l'amiante au Québec, qui va favoriser la construction d'usines de transformation? Lorsqu'on arrive sur le point principal où on dit que la société nationale aura pour objet toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante, quand on arrive là-dessus, malgré tous vos beaux discours, vous êtes là, on ne marche plus, on n'étudie pas cela, on suspend. C'est épouvantable de voir cela. Je ne comprends rien à votre attitude.

M. Forget: On veut en savoir plus.

M. Grégoire: Depuis des mois, vous nous dites: "On est pour la transformation de l'amiante", mais quand on arrive pour parler de créer des industries de transformation...

M. Forget: Parlez-en.

M. Grégoire: Vous présentez une motion, suspendons l'étude de l'article.

M. Forget: Parlez-en.

M. Grégoire: Non, vous demandez de suspendre l'étude de l'article.

M. Forget: Allez-vous vous permettre de nous en dire plus?

M. Grégoire: Si vous voulez savoir des choses, discutons sur l'article. Vous êtes contradictoires, vous dites que vous voudriez savoir, mais en même temps, vous demandez de suspendre l'étude de l'article. Si on suspend l'étude de l'article, on ne pourra pas en parler et le ministre ne pourra pas vous donner de renseignements.

M. Forget: Qu'il s'engage à nous donner des détails et on ne suspendra pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Grégoire: Votre position est complètement ridicule. Où voulez-vous qu'on parle de transformation? À l'article 26?

M. Forget: En avez-vous des détails à donner?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Grégoire: Vous les poserez vos questions.

M. Forget: Vous engagez-vous à en donner des détails?

M. Grégoire: Mais, à l'article 4, paragraphe b), pas en suspendant l'étude du paragraphe. J'ai rarement vu...

M. Forget: On va retirer notre motion si le ministre s'engage à nous donner des détails.

M. Grégoire: Je vois que vous êtes pris dans votre propre piège et vous réalisez le ridicule de la situation dans laquelle vous vous êtes mis.

Quand je vois mon bon ami, le député de Richmond, qui dit: "Moi aussi j'approuve cela, suspendons l'étude de l'article b)", et il va dire qu'il veut des usines de transformation. C'est le paragraphe b) de l'article 4 qui va en donner des usines de transformation et vous voulez qu'on passe par-dessus.

M. Forget: Non, ce n'est pas le paragraphe b), ce sont les projets du gouvernement...

M. Grégoire: C'est grave.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Grégoire: C'est drôle, je vous ai laissé parler et tout d'un coup, vous parlez en même temps que moi. M. le Président, est-ce que cela est normal, le geste de l'Opposition, ils sont trois, non pas un mais trois qui m'interrompent en même temps, ils s'interrompent entre eux.

M. Ciaccia: On a appris cela de vous.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Aucune interruption n'est normale, M. le député.

M. Ciaccia: II y a même certaines interventions qui ne sont pas normales.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Grégoire: Mais pourquoi ne voulez-vous pas l'adopter? C'est parce que vous ne voulez pas d'usine de transformation en plus de cela? Vous avez une position que je ne puis comprendre. C'est épouvantable de voir votre rôle.

Premièrement, vous voulez avoir des renseignements sur l'article 4b, mais vous ne voulez pas qu'on l'étudie. Deuxièmement, vous nous dites: "On veut des industries de transformation de l'amiante"; c'est le paragraphe b) qui peut le permettre et vous dites de sauter par-dessus cela. Alors, que voulez-vous? Vous êtes en contradiction avec vous-mêmes. Votre attitude est absolument illogique et ridicule, je n'y comprends rien.

J'avais, tout à l'heure, un groupe de citoyens de Thetford, de Black Lake, de Coleraine, ils ont dit: "On s'en va, ils sont niaiseux."

M. Lalonde: Remarquez qu'ils sont partis avant que vous ne parliez, ils n'ont pas pris de chance.

M. Grégoire: Je les laisse faire.

M. Ciaccia: On l'a assez entendu le 16 novembre.

M. Grégoire: On en a assez entendu, on s'en va.

M. Forget: Ils vous connaissent. M. Brochu: ...

M. Grégoire: Ils n'ont plus de doute sur votre cas, vous êtes bien classés, bien catégorisés. Ils sont partis, d'ailleurs, en plein milieu de l'exposé du député de Richmond.

M. Bérubé: Ils ont dit: "On n'est pas venus ici pour s'endormir."

M. Grégoire: La population...

M. Brochu: Ils étaient venus ici pour connaître leur député.

M. Grégoire: Dites-vous bien une chose...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Grégoire: La population du Québec qui regarde un peu ce qui se produit—il y en a qui viennent voir cela — surtout ceux de la région de l'amiante, il en vient également d'Asbestos...

M. Brochu: Est-ce que vous me permettez une question?

M. Grégoire: Oui.

M. Brochu: Comment se fait-il que vous ayez attendu qu'ils soient partis pour parler?

M. Grégoire: C'est parce que vous parliez. Je ne vous ai pas interrompu. J'aurais aimé pouvoir le dire devant eux, mais vous parliez et ils sont partis avant de s'endormir.

M. Brochu: On vous aurait accordé le droit de parole avec plaisir.

M. Grégoire: Comme ils n'étaient pas venus à Québec pour s'endormir, ils sont partis.

M. Brochu: Avant que vous ne commenciez à parler.

M. Grégoire: On est justement sur le point qui permettrait les usines de transformation, et je le répète, et vous ne voulez plus qu'on l'étudie. Non seulement vous ne voulez pas voter contre, mais vous ne voulez pas qu'on en parle, vous ne voulez même pas qu'on l'étudie, vous ne voulez même pas qu'on en discute de ce paragraphe b) qui permettrait les usines de transformation. Je vous trouve illogiques. M. le Président, c'est tellement illogique que je ne trouve pas les mots.

M. Lalonde: Bravo!

M. Grégoire: Je termine ici pour le moment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Bérubé: Là, cela va être fort.

M. Ciaccia: Cela va être aussi fort qu'hier matin quand vous n'aviez pas de réponse aux questions qu'on vous a posées. Les propos du député de Frontenac, c'est du pur sophisme.

M. Grégoire: Sophisme.

M. Ciaccia: Exactement.

M. Grégoire: Savez-vous ce que cela veut dire?

M. Ciaccia: C'est justement parce qu'on a besoin de ces informations que l'on demande la suspension de l'article. Le ministre pourrait nous donner les informations dont nous avons besoin avant d'étudier l'article 4b. Avec les expériences qu'on a eues à ce jour chaque fois que l'on demande des informations, il faut faire des motions pour obtenir les données sur le programme d'investissements, sur la méthode d'achat d'Asbestos Corporation. On ne nous en fournit pas du tout. Alors, c'est inutile de nous dire ou de nous faire croire que si on discutait de l'article 4b, on obtiendrait les informations. Je pense que le fardeau de la preuve vous appartient maintenant, de montrer un peu de bonne foi, de nous donner des informations avant qu'on ne s'engage dans la discussion d'un article comme 4b.

Dans l'article 4b, le projet de loi dit que la société a pour objets: Toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante. C'est assez large, on n'est pas contre cela mais on est contre la façon que vous percevez votre rôle et la façon dont vous voyez l'administration des fonds publics et la façon par laquelle vous voulez vous donner carte blanche dans vos projets de loi.

Quels contrôles aurons-nous sur ces objets tellement larges qu'il n'y aura pas moyen de savoir ce que vous allez faire? Quelles sont vos intentions?

Quels contrôles aurons-nous sur ces objets tellement larges qu'il n'y aura pas moyen de savoir ce que vous allez faire? Quelles sont vos intentions?

Hier, le ministre nous a un peu lancé à la figure le fait que vous ayez de l'expérience dans le domaine des affaires. Vous sembliez prendre cela à la légère. Je veux vous dire que dans le domaine des affaires—nous sommes ici comme un bureau de direction d'une société.

M. Grégoire: On ne sera jamais au même bureau de direction.

M. Ciaccia: Nous administrons les deniers publics, les fonds publics. Avant de prendre des décisions. La manière normale de fonctionner de toute société, bureau d'administration, groupe de gens qui administrent les fonds des autres, avant d'autoriser une certaine aventure, c'est d'avoir toutes les informations. Vous ne pourriez jamais, si vous aviez eu un peu d'expérience dans le domaine des affaires, vous autoriser et dire: Nous allons commencer la transformation, nous allons entrer dans tel ou tel domaine, sans fournir des données précises.

Si on était un bureau d'administrateurs, de quoi aurions-nous besoin? De quelle information aurions-nous besoin avant de prendre une décision? On ne prendrait pas une décision en disant: Allons-y, commençons la transformation, autorisons-nous de faire le nécessaire, sans savoir dans quoi on s'embarquait. On aurait besoin d'un bilan, on aurait besoin de voir—le fait que nous nous embarquons dans cette entreprise—quels en seront les profits, quels en seront les actifs et les passifs. Nous avons besoin de connaître, par exemple, le programme d'investissements.

C'est bien beau de nous autoriser, de la manière la plus large, à entrer dans cette entreprise

mais quelles sont les sommes dont nous aurions besoin? Est-ce que ce sont $50 millions, $100 millions, $150 millions, $200 millions? M. le Président, $250 millions, c'est censé inclure tout le paquet: l'achat d'Asbestos Corporation plus la transformation.

Vous n'avez pas voulu nous donner les données sur l'achat parce que vous dites que cela va préjuger votre négociation. On n'est pas d'accord mais sur la question du programme d'investissements, cela n'a rien à voir avec vos négociations. On a le droit de le savoir, avant d'autoriser le gouvernement à adopter ce projet de loi et de s'embarquer dans cela, on a le droit d'obtenir cette information. Quel est le programme d'investissements? Sur combien d'années cela va-t-il s'échelonner? Si vous avez besoin de $60 millions dans une année, c'est une chose, si vous avez besoin d'échelonner cela sur cinq ou six ans, c'est une autre chose. Le public a le droit de savoir cela. Nous avons le droit de savoir cela. Pourquoi ne voulez-vous pas nous donner cette information? Peut-être ne l'avez-vous pas? Quand on regarde votre budget, vous n'avez aucune somme prévue pour cela. Est-ce que c'est vraiment parce que vous ne savez pas où vous vous en allez? Vous ne savez pas ce que vous allez faire? Vous n'avez pas les informations? Si vous ne les avez pas, c'est peut-être prématuré, de vous embarquer et d'autoriser ce projet de loi, seulement pour rencontrer quelques promesses, quelques engagements que vous avez pris envers certains électeurs? On a plus de responsabilité que cela. Vous parlez de la transformation, très bien. Nous sommes d'accord, avec cela, mais quelle méthode allez-vous utiliser? Quelles sont les autres options? Quelle étude du marché avez-vous faite? Nous avons besoin de savoir cela. Est-ce que cela va être rentable? Quels produits allez-vous transformer? Dans quel domaine allez-vous vous lancer? Allez-vous faire de la concurrence avec des produits actuels? Vous dites, non.

Des affirmations comme celles-là, il y en a beaucoup de ministres, comme vous, et avant vous, qui ont fait des affirmations en commission parlementaire, mais cela ne se traduit pas par des projets de loi, cela ne se traduit pas par des actions concrètes du gouvernement après. Alors, nous voulons avoir ces garanties. Nous avons besoin de ces informations. Quel moyen allez-vous prendre pour sauvegarder la santé des travailleurs? Je remarquais ce matin qu'un avertissement a été donné par le gouvernement des États-Unis, un avertissement qui dit à des millions d'Américains qu'être exposé à l'amiante, même aussi longtemps qu'il y a 35 ans, augmente le risque du cancer des poumons et autres maladies fatales. C'est un avertissement que M. Joseph Califano, le secrétaire de Santé, d'Éducation et de Bien-être américain, vient de donner à toute la population américaine et il continue, dans son exposé, de dire que l'amiante, c'est une fibre qui est assez dangereuse, non seulement pour ceux qui travaillent dans ce domaine, mais pour ceux qui y sont exposés. Alors, on a le droit de savoir, si vous allez transformer ce produit, quelles mesures de sécu- rité, quelle sauvegarde vous allez prendre pour éviter d'exposer les travailleurs aux dangers qu'on connaît aujourd'hui que peut-être il y a vingt ans, vingt-cinq ans on ne connaissait pas. C'est bien beau de parler, de vouloir protéger les travailleurs; les compagnies ont pris avantage de la situation, elles n'ont rien fait elles se sont occupées des profits plutôt que de la santé des travailleurs. Mais, vous, en vous embarquant dans ce domaine de transformation, qu'allez-vous faire? Je ne pense pas que c'est trop demander que vous inviter à nous exposer votre programme, les mesures de sauvegarde que vous allez prendre, et les mesures que vous allez prendre pour vous assurer que dans la transformation de ce produit, vous n'exposerez pas les travailleurs à des risques indus, aux mêmes risques qui existent aujourd'hui et dont on accuse les sociétés existantes. Je crois que c'est quelque chose auquel nous avons droit, non seulement, le droit, mais que vous avez la responsabilité de nous fournir.

Ces produits, comment allez-vous les vendre? Allez-vous instituer un bureau de mise en marché? Vous en avez parlé dans votre programme, aujourd'hui on n'en voit pas, on n'a aucune information. Je crois que ces produits ne se vendront pas tout seuls. En plus d'avoir la bonne intention de transformer et d'avoir une industrie de transformation au Québec, il faut vendre les produits. Comment allez-vous procéder? Qu'allez-vous faire? Quelles garanties aurez-vous que les produits seront rentables et que vous allez pouvoir les mettre en marché? Est-ce que vous préconisez un bureau de mise en marché, oui ou non? Quelles mesures allez-vous prendre? Je pense que ce sont des données que vous pourriez nous fournir. (11 h 15)

Hier on a eu des discussions sur la méthode de financement, on parlait d'impôts, on parlait de subventions à perpétuité. On vous a donné des alternatives et je crois que... Oui, on vous a donné l'alternative. Si vous voulez subventionner le produit, la fibre, la vendre "at cost", ce n'est pas nécessaire de dépenser $150 millions pour acheter une compagnie et en plus avoir le capital à débourser et les intérêts à payer pour vendre le produit "at cost". Vous pourriez constituer une société d'État pour acheter des fibres et les vendre au prix que cette société jugerait bon. Si vous remarquez, dans le bilan d'Asbestos Corporation, il y a un inventaire considérable.

M. Bérubé: Je pourrais vous poser toutes les questions nécessaires.

M. Ciaccia: Non, juste un instant; après mon intervention, M. le ministre, vous pourrez me poser ces questions.

M. Bérubé: II me fera plaisir de vous poser des questions, car j'aimerais que vous détailliez cette intéressante idée parce que j'aimerais qu'elle soit couchée dans le journal des Débats, soigneusement.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre!

M. Ciaccia: Ce que j'ai à exposer, si cela prend le temps, je ne veux pas que cela soit déduit de mon temps; après cela vous pourrez me poser les questions que vous voudrez.

M. Bérubé: Vous avez raison, parce que votre exposé nous est tellement précieux pour la compréhension future.

M. Ciaccia: Très bien, exactement. Cela semble être la marque de commerce de votre gouvernement. Quand vous n'avez pas de réponse sur la substance, vous tournez cela au ridicule. On va continuer nos questions quand même. Nous ne nous laisserons pas intimider et nous ne changerons pas d'idée.

Si le but d'acquérir la Société Asbestos Corporation est de vendre les fibres "at cost" et de subventionner l'industrie de transformation, il y a d'autres moyens de le faire sans dépenser $100 millions. On vous l'a clairement démontré hier, on a parlé de la question constitutionnelle. Mais écoutez, c'est une fumisterie aussi parce que lorsque l'on veut trouver des solutions, je vous assure que ce n'est pas le "BNA Act" qui va nous en empêcher. Je pourrais vous donner des exemples dans tous les domaines. Par exemple, dans l'entente de la baie James, il y avait des problèmes constitutionnels. On a voulu résoudre un problème et les deux niveaux de gouvernement se sont entendus, ils ont trouvé la solution. Je crois que la même chose pourrait se faire ici, sans qu'on s'embarque dans l'acquisition d'une compagnie dont on ne sait pas l'avenir; on ne sait pas ce qui va se passer, même devant les conditions qu'on vient de souligner, aux États-Unis, les mêmes conditions qu'on a soulignées dans le marché européen. Alors, on vous a donné des alternatives, vous ne nous avez pas répondu sur ces alternatives. C'est une autre raison pour suspendre l'étude de cet article 4b, afin d'avoir d'autres moyens; si c'est seulement une question de subvention, une question de vente de fibre, il y a d'autres moyens de le faire. Par exemple, comme je le disais tantôt: Dans le bilan d'Asbestos Corporation, on voit que l'inventaire des fibres a augmenté.

Il me semble que les données du marché faciliteraient l'institution d'une société d'État qui s'occuperait seulement de cet aspect, si... Je donne cette alternative pas comme la solution, mais comme une des alternatives à la solution que vous avez proposée hier. Peut-être qu'il y en aura beaucoup d'autres et c'est cela que nous voulons étudier. Quels sont tous les moyens que vous avez préconisés pour commencer cette industrie de transformation? Quels sont les programmes, quels sont tous les plans que vous avez, que vous voulez établir?

M. le Président, je crois que le ministre, si vraiment il est sérieux en mettant l'article 4b en application, je pense qu'il devrait dévoiler et nous faire part de ces programmes. Le député de Frontenac a dit: Seulement avec l'article 4b, cela va créer l'industrie de transformation. Je crois bien que ses paroles ont dépassé sa pensée parce que cela va prendre beaucoup plus que l'adoption de l'article 4b pour commencer cette industrie au Québec; cela va prendre premièrement une planification, cela va prendre des investissements, cela va prendre du "know-how". La seule chose que nous vous demandons, c'est que vous nous fassiez part de ces programmes, que vous nous fassiez part de cette planification, si elle existe, que vous nous fassiez part des montants d'argent que vous entendez dépenser dans cette industrie, dans ce domaine de transformation.

Je ne pense pas qu'on puisse discuter, autoriser l'article 4b et dire qu'on a confiance au gouvernement, qu'il va faire le nécessaire. Je pense que la population nous en voudrait, parce que quand vous aurez tout dépensé et que ce ne sera pas rentable, la population dira: pourquoi n'avez-vous pas demandé ces informations avant d'adopter le projet de loi?

M. le Président, je vous assure que ce sont des renseignements que nous avons besoin de savoir, ce sont des questions précises que nous demandons. Si le gouvernement est sérieux de procéder à l'achat de cette industrie, que ce n'est pas seulement un symbole et si on veut adopter ce projet de loi, je pense qu'il doit nous faire part de ces programmes, de ces informations, afin que nous puissions vraiment étudier l'article 4b et donner des commentaires en toute connaissance de cause, dans le but de faciliter l'installation de l'industrie de transformation au Québec.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: M. le Président, en écoutant le député de Mont-Royal, je me suis demandé si vraiment on ne dissociait pas le rôle des parlementaires et le rôle du conseil d'administration. Vous nous avez parlé, pour la plupart du temps, de l'article 5, qu'est-ce qu'était un conseil d'administration à l'intérieur de l'administration, qui verrait où est placé l'argent, quelle entente il pourrait faire, vers quelle transformation on pourrait aller. C'est vraiment le rôle d'un conseil d'administration d'une société.

Mais ici, comme parlementaires, nous avons, vous comme moi, un projet de loi à étudier, l'article 4, paragraphe b) et, justement là, la politique est que nous voulons former une société nationale de l'amiante qui aurait une activité manufacturière et commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation. C'est notre rôle ici et actuellement, en demandant de suspendre l'étude de cet article, je ne crois pas que nous jouions réellement notre rôle, parce qu'il faut bien les dissocier.

Tout le temps que vous avez parlé, à ma connaissance, vous avez parlé du rôle d'un conseil d'administration. Vous nous avez dit que nous étions un conseil d'administration. Je n'en suis pas sûr. Nous n'avons pas nécessairement l'expérience d'un conseil d'administration. Nous pouvons percevoir vers quoi nous pouvons aller avec les études qui ont été déposées, que ce soit SORES, que ce soit dans le domaine public ou au-

tre. Nous avons des indications à savoir vers quoi un conseil d'administration pourrait aller. Mais réellement, ici, nous étudions l'article 4, qui est le but de la société nationale de l'amiante. C'est tout ce que j'avais à dire sur ce sujet.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Je trouve que l'intervention du député de Saint-François est éminemment justifiée. Elle est justifiée d'une part, mais en même temps, elle est un constat d'échec du rôle que devrait jouer l'Assemblée nationale, du rôle que devrait jouer l'Opposition en particulier.

En effet, nous sommes ici pour nous prononcer sur un projet de loi, lequel projet de loi est un cadre administratif, qui va créer un cadre administratif, qui va donc permettre à l'état de poursuivre certains objectifs. Il s'agit donc de décider si, comme gouvernement, l'état du Québec se doit de mettre sur pied une société nationale de l'amiante pour promouvoir la transformation.

Les députés de l'Opposition ont tous été unanimes à reconnaître qu'il n'y a pas eu de transformation au Québec, que nous exploitons une richesse naturelle au Québec qui nous passe sous le nez et qui contribue à développer l'économie des pays étrangers. Tous les députés de l'Opposition l'ont reconnu. Tous les députés de l'Opposition ont dit qu'il faut transformer au Québec. Nous sommes tout à fait favorables à ce que le gouvernement encourage, par le biais de la Société nationale de l'amiante, la transformation au Québec. Mais là, on vient nous dire qu'il faudrait suspendre le débat. Cela fait combien de fois que l'on parle de suspendre le débat, et, chaque fois, on le suspend puisqu'il faut en discuter pendant une heure et demie à savoir si on devrait, oui ou non, suspendre. Donc, nous devons discuter à nouveau de la suspension des débats.

Pourquoi devons-nous suspendre les débats? Parce que là, on voudrait évidemment un certain nombre de projets précis. Le député de Saint-François, qui a peut-être plus de connaissance en affaires finalement que le député de Mont-Royal, lui a fait la distinction entre le rôle de l'Assemblée nationale, le rôle d'un gouvernement, du Conseil exécutif, le rôle du conseil d'administration de la société, le rôle du bureau de direction de la société. En d'autres termes, il existe des niveaux de décisions qui sont différents.

Quel est le rôle de cette Assemblée nationale? Il est de donner, aux Québécois, les outils nécessaires à leur développement. Il est de fournir aux Québécois le cadre législatif qui leur permettra d'évoluer comme nation. Le rôle de notre Assemblée nationale c'est de donner les grandes directions de notre société. Messieurs de l'Opposition, vous êtes l'exemple complet de l'échec de ce rôle parce que vous devriez décider s'il faut que nous ayons une société nationale de l'amiante qui va s'occuper de promouvoir la transformation au Québec. Évidemment, il doit exister, à ce sujet, une présomption que la transformation est possible au Québec.

Cette présomption, M. le Président, les dépu- tés ont pris une bonne partie de leurs exposés, depuis trois mois, pour citer, à plusieurs reprises, les études soit gouvernementales, soit l'étude de SORES, qui soulignent un certain nombre de projets qui pourraient démarrer très rapidement. J'ai, à cette commission même, présenté un produit fort intéressant que, grâce aux subventions gouvernementales, l'on a pu développer dans le domaine de l'amiante.

M. Forget: ... Johns-Manville annonce, actuellement, dans les magazines.

M. Bérubé: Vous pourriez peut-être me montrer l'annonce de Johns-Manville, je pourrai commenter s'il s'agit de la même.

M. Brochu: Les produits d'isolation, la plaque est semblable à celle que vous nous avez montrée la semaine dernière.

M. Bérubé: Ressemble...

M. Brochu: Je voudrais, en même temps, demander au ministre s'il a vérifié la question des brevets là-dedans? Cela appartient à Johns-Manville?

M. Bérubé: Je vous dirai cela après. Voulez-vous que je vous transmettre la copie immédiatement?

M. Brochu: Certainement. Je ne peux pas vous demander de déposer la copie puisque c'est interdit mais je vous demanderais, au moins, de la faire circuler.

M. Bérubé: Je vais la faire circuler moi-même, jusqu'ici.

Une voix: On pourrait peut-être la déposer.

M. Bérubé: Elle n'a certainement pas la même allure, la même forme. Je vous ferai remarquer que, dans ce cas-ci, à l'oeil en tous les cas, la fibre ne m'apparaît pas incorporée de la même façon que dans l'autre produit. Je pourrais également aller plus loin...

M. Forget: Expertise instantanée.

M. Lalonde: Par voie photographique.

M. Bérubé: Exactement.

On n'a pas suffisamment d'indications présentement pour souligner... Cela me semble un feutre d'amiante, à l'oeil en tout cas; ce que je vous ai présenté ici n'avait rien à voir avec un feutre d'amiante.

M. Brochu: C'est un produit d'isolation. C'est un des nombreux produits d'isolation produits par Johns-Manville.

M. Bérubé: Dès qu'on met le mot isolation, on voit immédiatement le député de Richmond faire montre de ses talents.

M. Brochu: II n'y a pas de réponse. M. Ciaccia: Non, non, il va rire de toi.

Une voix: II se sent isolé dans l'Union Nationale.

M. Ciaccia: Prenez-vous des leçons du Dr Laurin, vous autres? ... ensemble, il donne un cours spécial: Comment insulter l'Opposition.

M. Brochu: Le ministre n'a toujours pas répondu.

M. Bérubé: M. le Président...

M. Ciaccia: Là, il insulte Johns-Manville.

M. Bérubé: II va de soi que c'est extrêmement difficile à l'oeil, ceci ressemble à un feutre d'amiante alors que ce que je vous ai présenté n'avait rien à voir avec un feutre d'amiante. Cela ressemble davantage à un produit que l'on connaît sous le nom de Litoflex dans le commerce, qui est une incorporation de fibres dans du latex, qui lui donne une consistance un peu caoutchoutée. Cela semble un peu différent; enfin, je ne peux pas vous assurer.

M. Brochu: Par contre, en lisant les paragraphes en dessous de l'annonce, vous allez voir qu'il y a différents produits aussi qui s'approchent...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: M. le député de Richmond, je pense que je n'ai pas autorisé le député de Richmond à m'interrompre aussi fréquemment. (11 h 30)

Donc, nous avons un mandat ici à l'Assemblée nationale, c'est celui de décider si le gouvernement du Québec doit, oui ou non, favoriser la transformation de l'amiante au Québec et, évidemment, nous devons nous prononcer à savoir quels sont les outils. Le gouvernement a proposé la création d'une société nationale de l'amiante pour que cette société puisse, par le biais de son bureau de direction et ses cadres et ses employés, travailler à la réalisation d'un certain nombre de projets. Il va de soi, que cette société devra faire des études de mise en marché, elle devra contacter des partenaires éventuels, elle devra s'assurer un réseau de distribution de ses produits, elle devra, donc, dans chacun des produits en question, nécessairement, effectuer toutes les études nécessaires avant de s'engager dans un investissement.

Par conséquent, ce n'est pas à l'Assemblée nationale et non plus au Conseil exécutif, de décider quel doit être le projet dans lequel doit s'engager la société nationale de l'amiante. Notre société nationale de l'amiante doit d'abord effectuer ces études, présenter un dossier bien étayé qui nous permet éventuellement, comme gouvernement, de décider si...

M. Ciaccia: C'est le contraire que vous venez de dire. Vous êtes en train de vous mêler.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Bérubé: Non, dans les investissements primaires. Donc, la société nationale de l'amiante a un rôle. À titre d'exemple, le gouvernement ne peut pas présentement se compromettre quant au développement du gisement d'Abitibi-Amiante, parce que nous n'avons pas, comme gouvernement, l'expertise nécessaire pour prendre une décision. Cependant, nous pourrions choisir de doter l'État du Québec d'un groupe d'experts qui eux pourraient faire une telle évaluation.

Or, présentement, ce que cette commission, ce que l'Opposition prétend, c'est que, nous ne pouvons pas décider si nous aurons ce groupe d'experts, parce que nous ne savons pas si le projet est rentable. Alors, là, on se demande si c'est l'oeuf qui précède la poule, ou si c'est la poule qui précède l'oeuf. Et, c'est exactement la situation dans laquelle l'Opposition nous place présentement, parce qu'elle ne peut pas constituer une société nationale de l'amiante qui va s'attaquer au problème de la transformation au Québec, si elle n'a pas sous les yeux les études de faisabilité et évidemment, à cela nous répondons: On pourra avoir des études de faisabilité le jour où nous aurons une société nationale de l'amiante dont ce sera le mandat de faire de telles études. Il faut donc décider d'abord s'il est intéressant pour l'État du Québec de faire des études de faisabilité. Nous sommes donc è une étape préliminaire de décision et c'est une décision que nous devons prendre sur la structure même qui devra faire de telles études.

Or, qu'est-ce que nous avons déposé devant cette commission. Nous avons déposé devant cette commission des documents qui démontrent que, dans un certain nombre de produits, il existe des potentiels intéressants. Nous n'avons certainement pas dit qu'une étude de faisabilité existait pour démontrer que l'on pourrait investir dans du panneau d'amiante ciment.

SORES dit qu'il existe un marché de 700 millions de pieds carrés et suggère qu'une industrie fabriquant 15 millions de pieds carrés—15 millions ou 30 millions de pieds carrés—serait rentable, mais néanmoins ils n'ont pas fait d'étude de faisabilité. En effet, pour prendre une telle décision, il faudrait, d'abord, que l'entreprise s'assure du marché, s'assure des brevets de fabrication, des techniques de fabrication, qu'elle s'assure, non seulement, qu'il existe un marché, mais qu'elle aura des gens capables de vendre à ceux susceptibles d'utiliser le produit. Donc, il faudra, certainement, que la société nationale d'amiante, si on devait suivre la recommandation du groupe SORES, il faudrait certainement que la société nationale d'amiante entreprenne une étude systématique des marchés, des contacts avec des industriels, de manière à pouvoir, éventuellement, prendre une décision positive ou négative.

Ce n'est qu'à la suite, donc, d'un tel inventaire

que la société nationale de l'amiante prendra une décision concrète. Or, ce que demande le député de Richmond, ce que demande le député de Saint-Laurent ou le député de Ville Mont-Royal, c'est, finalement, qu'on fournisse à cette commission de telles études avant que la commission se prononce.

Mais comme la commission ne veut pas que la Société nationale de l'amiante soit mise sur pied pour effectuer de telles études, de telles analyses, et prendre de telles décisions, évidemment, ce n'est certainement pas la peine.

Je pense que notre rôle, notre mission, au niveau de l'Assemblée nationale, c'est d'établir un cadre juridique; comment devrait fonctionner une telle société? Comment devrait-on élire les administrateurs? Quel sera le cadre de fonctionnement, les objets de cette société. Une fois que nous nous serons mis d'accord sur le cadre juridique de cette Société nationale de l'amiante, évidemment, il faudra à ce moment, créer la Société nationale de l'amiante. Il faudra que le gouvernement, et c'est le mandat du gouvernement, il faudra que le gouvernement choisisse des administrateurs pour cette société et qu'il exerce un certain contrôle par le biais de directives par le biais de plans de développements à être soumis par cette société, il faudrait donc que le gouvernement surveille l'évolution de cette société de manière que celle-ci ne s'engage finalement, que dans des projets où il existe une rentabilité, où il existe des avantages.

Par conséquent, malheureusement il faut reconnaître que l'Opposition confond le rôle de cette Assemblée nationale et le rôle du Conseil exécutif et le rôle du conseil d'administration et même le rôle du bureau de direction de la société. Et cela devient dangereux lorsqu'on se met à confondre les rôles, parce qu'on finit par ne plus effectuer le travail pour lequel on a été élu par la population. La population nous demande, non pas d'analyser ici les études de faisabilité ou de rentabilité, ce n'est pas là notre rôle. La Société nous demande de discuter d'un cadre juridique à savoir: Est-ce que le gouvernement peut, par le biais d'une société nationale de l'amiante, s'engager dans la transformation de l'amiante? Si l'Opposition prétend que oui, l'État du Québec devrait créer une Société nationale de l'amiante pour examiner les possibilités de transformation, le débat serait vite clos.

Si, au contraire, l'Opposition, comme c'est son droit le plus strict, prétend que l'État ne devrait pas se mêler de la transformation de l'amiante, qu'on ne devrait pas créer de Société nationale de l'amiante pour faire de la transformation, c'est également son droit le plus strict. Cependant, doit-on souligner que, en deuxième lecture, il y a eu un vote. L'Assemblée nationale s'est prononcée sur le principe de la création d'une Société nationale de l'amiante sur lequel nous ne pouvons pas revenir. Alors, il faudra donc confier un mandat à cette Société nationale de l'amiante; nous sommes ici pour discuter du mandat. Présentement, ayant accepté le paragraphe a) de l'ar- ticle 4, nous reconnaissons que la Société nationale de l'amiante devra se préoccuper du développement de nouveaux gisements, comme des gisements existant au Québec. Elle pourra donc faire l'acquisition de tels gisements. Cette commission s'est prononcée et elle ne peut plus revenir en arrière.

La deuxième partie de l'article 4 porte sur un mandat portant, lui, sur la transformation au Québec. Il s'agit donc de savoir si la Société nationale de l'amiante doit effectuer des efforts pour transformer au Québec. Je pense, M. le Président, que nous avons en main avec les études du gouvernement, avec les études de SORES, nous avons en main suffisamment d'éléments pour nous dire qu'il existe un potentiel de transformation au Québec. J'ai même, hier, expliqué à l'Opposition comment la possession d'une industrie primaire dans l'amiante serait de nature à favoriser le développement d'une industrie de transformation.

J'ai signalé à l'Opposition deux éléments importants qui étaient une garantie d'approvisionnement, une sécurité d'approvisionnement d'une part, et d'autre part la possibilité de pratiquer les prix de transfert à l'intérieur de la Société qui permettent à cette Société de concurrencer sur les marchés mondiaux et par conséquent pouvant effectivement soumettre des prix à tout le moins concurrentiels. On peut donc supposer que la Société nationale de l'amiante pourra, sur l'ensemble des marchés que j'ai décrits—j'ai décrit certainement les marchés ontariens, j'ai décrit certainement les marchés de l'Est des États-Unis—et j'ai même signalé que sur tous les marchés d'exportation, nous aurions un avantage comparatif.

J'ai souligné que, si grâce à cet avantage comparatif, la Société nationale de l'amiante devait être capable de générer des industries, mais il faut bien retenir qu'il ne suffit pas d'être capable de produire à plus bas prix, il faut encore être capable de vendre. Il faut donc développer un réseau de mise en marché. Ce sera certainement le rôle de la Société nationale de l'amiante d'établir ces liens avec différents utilisateurs, de façon à pouvoir écouler la production québécoise. Ce n'est pas parce que vous pouvez produire à plus bas-coût que nécessairement, vous êtes capable de pénétrer un marché. Mais vous avez tout de même éliminé un problème potentiel qui aurait fait que la Société nationale de l'amiante n'aurait pas pu développer la transformation. Il ne fait aucun doute que si la Société nationale de l'amiante ne pouvait pas produire à un coût au moins aussi bas que ses compétiteurs, il ne fait aucun doute qu'elle n'aurait pas pu pénétrer les marchés. Elle aurait été à la merci de la moindre guerre des prix et nous aurions eu une industrie continuellement obligée de recevoir, non plus simplement une réduction de taxe ou d'impôt, mais de recevoir des subventions supplémentaires pour arriver à résister.

Ce qui m'amène, et c'est intéressant, ce qui m'amène à expliciter un peu sur la suggestion du député de Mont-Royal selon laquelle nous devrions créer une Société nationale de l'amiante qui n'aurait comme mandat que l'achat, aux prix, évi-

demment, internationaux, l'achat de la fibre, et la revente à des prix concurrentiels, des prix suffisamment bas pour permettre à une industrie autochtone de se développer, c'est la proposition...

M. Ciaccia: La seule proposition, c'est l'alternative d'acheter l'amiante pour vendre...

M. Bérubé: C'est une proposition que défend le député de Mont-Royal. Je pense que le député de Richmond l'a écouté avec un petit sourire narquois, parce que le député de Richmond a tout de suite reconnu qu'une société qui recevrait annuellement des fonds de l'État sur chaque tonne de fibre vendue, cette société serait immédiatement accusée, en vertu, cette fois-ci très clairement, en vertu des lois, en vertu de la constitution canadienne. En effet, le gouvernement ne peut pas modifier le commerce—le gouvernement, je ne parle pas d'une société d'État—l'État du Québec ne peut pas modifier les règles du commerce international.

Nous ne pouvons, ni par la voie de taxation, ni par quelque autre voie détournée, directement comme gouvernement, modifier les règles du commerce extérieur qui, en vertu de 91, relèvent du gouvernement fédéral. Cependant, il ne fait aucun doute que par le biais d'une société, d'une entreprise, il est toujours possible de pratiquer des prix internes, des prix de transfert qui rétablissent une certaine concurrence. L'Opposition dira: "Vous avez fait, par une voie détournée, ce que vous ne pouviez faire directement".

Je dis personnellement que je trouve malhonnête, en tout cas, que l'on propose de faire directement ce que la constitution ne permet pas de faire et de ne pas, en même temps, dire à la population du Québec que pour faire ce que le député de Mont-Royal a proposé, il faudrait être indépendant. C'est là la malhonnêteté intellectuelle parce qu'on peut effectivement proposer des choses à la condition qu'on ne cherche pas à leurrer l'opinion publique. C'est ce que le député de Mont-Royal a tenté de faire lorsqu'il nous a présenté une contre-proposition qui, étant inconstitutionnelle, et ne le disant pas à la population, permet ou laisse croire à la population qu'il est possible, à l'intérieur des lois actuelles, de la constitution actuelle, de réaliser tous les objectifs économiques qu'un gouvernement normal peut espérer réaliser.

Or, je pense que le véritable scandale, c'est finalement que le gouvernement du Québec soit obligé de faire indirectement ce que la constitution ne lui permet pas de faire directement. Je suis en entier accord avec la suggestion du chef de l'Union Nationale, indiquant que comme gouvernement, nous aurions certainement pu envisager l'imposition d'une taxe à l'exportation de la fibre brute, de manière à rétablir un avantage concurrentiel pour la transformation au Québec et d'amener les industries, de leur plein gré, à s'établir au Québec. (11 h 45)

C'est ce que font, évidemment, tous les pays du monde lorsqu'ils imposent des tarifs, des quo- tas d'importation. Ils instaurent des mesures gouvernementales qui sont susceptibles de modifier les règles du jeu, de manière à développer leur propre économie.

Or, le scandale, M. le Président, c'est que nous sommes là comme représentants des Québécois. Nous sommes là pour nous préoccuper de l'utilisation que nous, les Québécois, ferons de nos richesses naturelles. Nous avons, et le député de Richmond est certainement en mesure de le confirmer, dans notre sous-sol une richesse importante, une richesse dont ses concitoyens bénéficient. Et nous, comme Québécois, nous avons un mandat, nous avons un devoir et si on grattait soigneusement dans le programme de l'Union Nationale, on verrait, sans doute, un article dans lequel le député s'engage à chercher par tous les moyens à augmenter les bénéfices que devraient retirer les Québécois de l'exploitation de leurs richesses naturelles, parce que ce sont des ressources épuisables, des ressources qui, lorsqu'elles seront taries, ne nous auront rien rapporté d'autre que des emplois durant leur exploitation. Il faut donc en profiter au maximum. Il est donc normal qu'un pays, propriétaire d'une ressource, cherche à utiliser cette ressource au plus grand bien de ses concitoyens. Il est normal qu'un gouvernement puisse choisir de modifier les règles du jeu, si cela est nécessaire de modifier les règles du jeu, pour que ses concitoyens profitent de leurs richesses.

C'est un privilège de votre Assemblée nationale et je trouve dommage que les députés de l'Opposition n'assument pas leur rôle, le rôle qui les obligerait à donner justement au gouvernement du Québec le pouvoir de modifier les règles du jeu, de manière à pouvoir bénéficier davantage de notre richesse naturelle.

Or, ce que nous faisons ici, c'est que nous créons une Société nationale de l'amiante, nous reconnaissons que cette Société nationale de l'amiante est enfin mandataire de l'État, aura des avantages indus par rapport à ses concurrents qui, eux, pourraient être amenés à payer des impôts. Nous sommes absolument d'accord avec cela, mais si c'est là le seul moyen pour le faire, et bien, qu'on le prenne, parce que dans un article du programme du Parti libéral, on y lit que le Parti libéral s'engage à prendre les moyens nécessaires pour qu'on profite au maximum de nos richesses naturelles. C'est ce que nous faisons ici, nous prenons les moyens nécessaires, mais les moyens légaux. Nous ne prenons que les moyens que nous permet la constitution. Certes, dans un Québec indépendant, souverain, cette Assemblée nationale pourrait proposer, comme l'a fait le député de Mont-Royal, comme l'a fait le député de Lotbinière, pourrait proposer d'autres moyens différents de ceux qui sont proposés ici. Et très possiblement le ministre des Richesses naturelles, tout péquiste qu'il soit, aurait accepté d'envisager ces propositions. Mais, malheureusement, dans le système confédéral que nous connaissons, dans ce carcan qui nous lie les mains, nous devons nous rabattre sur un certain nombre d'autres moyens, des moyens légaux, mais des moyens qui arrivent aux

mêmes fins. C'est cela l'objectif et je ne l'ai pas caché.

Donc, d'une part, il ne faut pas confondre le rôle de l'Assemblée nationale qui est de donner aux Québécois des moyens nécessaires et, d'autre part, à savoir quel va être l'investissement précis dans tel et tel secteur? Nous avons à nous prononcer ici, à savoir: l'État doit-il avoir les moyens? Si le député de Richmond pense que l'État ne devrait pas avoir les moyens, il est libre, il irait à l'encontre, sans doute de son programme politique, mais il est libre de renier ses origines. Il est libre de renier son penchant nationaliste. Il est libre de renier son attachement au Québec, mais M. le Président, je pense, que ce que nous discutons ici, c'est justement de moyens dont pourrait bénéficier l'État du Québec pour faire de la transformation au Québec, et si nous sommes d'accord sur les moyens, et bien, votons le paragraphe b de l'article 4. Maintenant...

M. Grégoire: Très bon projet de loi.

M. Bérubé: Quant à devoir les entendre, c'est aussi bien de parler.

M. Lalonde: Je pense qu'il y en a un qui vous écoute: vous-même.

M. Grégoire: Non, moi aussi je l'écoute attentivement et si vous l'aviez écouté...

M. Lalonde: C'est évident que vous l'écoutez, vous répétez tout le temps ce qu'il dit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: ... je vous dis que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Vous êtes son perroquet.

M. Bérubé: Donc, M. le Président, notre Société nationale de l'amiante aura à effectuer des études de faisabilité. Le gouvernement a un rôle aussi. À titre d'exemple, nous avons financé, cette année, un certain nombre de programmes de recherche, visant au développement de nouveaux produits parce que c'est le rôle de l'État d'encourager le développement et la recherche, de manière à favoriser l'implantation d'une industrie au Québec. Nous avons donc joué notre rôle. L'Assemblée nationale a à se prononcer sur les budgets du ministère et a à analyser, par le biais de sa commission des engagements financiers, chacun des investissements de l'État. Vous pouvez donc critiquer ces programmes d'aide à la recherche.

Nous avons également un Bureau de l'amiante qui regroupe une demi-douzaine de personnes. Ce n'est pas un bureau qui se spécialise dans l'évaluation de projets précis. Le Bureau de l'amiante a un certain nombre d'objectifs très clairs. Il doit, d'une part, par le biais d'ententes de développement, élaborer avec les industries au Québec un cadre de développement de notre industrie de l'amiante qui amène plus de transformation au Québec. C'est donc le cadre contractuel entre les sociétés minières du Québec et l'État qui va conduire à des projets.

Mais nous ne demanderons pas au Bureau de l'amiante de négocier des projets. Ce n'est pas son rôle. Des projets précis d'investissement... Le Bureau de l'amiante peut avoir—parce que, dans un cas précis, le Conseil des ministres a confié un mandat de recherche d'une solution concrète. Le Bureau de l'amiante a donc effectué son travail et, très bientôt, nous pourrons annoncer un résultat concret de son effort, où, là, il s'est attaqué à un projet précis. Mais d'une façon générale le Bureau de l'amiante va donc négocier avec les compagnies existantes au Québec des ententes de développement qui serviront de cadre à l'implantation d'une industrie de transformation au Québec.

De la même façon, le Bureau de l'amiante va se préoccuper de la conclusion d'ententes internationales avec, à titre d'exemple, les pays arabes, pour examiner la possibilité de construire des immeubles, des édifices, dans ces pays, à base d'amiante-ciment, à la condition qu'un certain pourcentage de la fabrication soit réalisé au Québec. Le Bureau de l'amiante peut, évidemment, déjà parler d'une certaine sécurité d'approvisionnement en fibre puisque, ayant déjà accepté, à notre commission, le principe que nous pourrions nous engager dans l'industrie primaire de l'amiante, nous pouvons déjà, dorénavant, supposer que nous aurons une fibre à échanger. Donc, le Bureau de l'amiante, déjà, prépare des esquisses d'ententes internationales dans ce secteur, pour permettre d'ouvrir de nouveaux marchés.

De la même façon, avec les pays européens, nous pouvons élaborer des ententes de développement, de manière à couvrir, par une entente parapluie, les efforts de certaines sociétés européennes qui pourraient vouloir venir s'implanter au Québec et transformer de l'amiante au Québec. Donc, des échanges de technologie.

C'est le rôle du gouvernement de signer de tels accords cadres. Ce n'est pas au Bureau de l'amiante à élaborer des projets spécifiques d'investissement. Seulement, ce groupe de travail sur l'amiante, constitué pendant tout près d'un an et demi, a réfléchi au potentiel qu'offrait l'industrie de l'amiante, aux ouvertures de marchés. On a réfléchi au problème que représentait la salubrité. On a réfléchi à l'ensemble des problèmes, de manière, éventuellement, à conclure qu'une politique apparaissait réaliste; c'était celle d'un encouragement à un certain nombre d'industries, d'usines de transformation, dans des secteurs qui ont été définis.

Nous avons également évalué l'impact des problèmes de salubrité et nous avons conclu qu'en dépit du fait que les problèmes de santé sont des problèmes réels, nous avons pu conclure, à la lumière, en particulier, des recommandations du juge Beaudry, qu'il existait un potentiel intéres-

sant pour le développement de l'industrie de l'amiante et que, d'une façon générale, nous étions mieux de travailler avec un produit dont on connaît les propriétés toxiques et que l'on manipule depuis cent ans que de travailler avec des produits sur lesquels on n'a finalement, que très peu de connaissances, puisque le secrétaire américain à la santé n'a pas parlé des problèmes de santé que causera sans doute la laine minérale dans vingt ans. C'est là le drame de tous ces produits substituts, c'est qu'on ne connaît véritablement leur danger que quelques années plus tard.

Donc, nous avons à nous prononcer ici sur un objet de la Société nationale de l'amiante qui est la transformation de l'amiante. Nous avons un certain nombre de dossiers, de documents, qui montrent qu'il existe un potentiel de transformation de l'amiante. Nous constatons qu'il existe certains écarts. SORES est plus conservateur; le rapport du gouvernement est un peu plus optimiste. Néanmoins, il faut reconnaître que le rapport du gouvernement portait sur une échelle de dix ans, alors que le rapport de SORES portait sur les trois ou quatre prochaines années.

Par conséquent, il est un peu normal qu'on ait espéré, au niveau du gouvernement du Québec, 3% de plus de transformation au Québec pour les sept années supplémentaires que couvrait notre étude. En effet, si le rapport SORES prévoit transformer 3,4% dans les trois prochaines années, nous avons supposé que, dans les sept années suivantes, nous pourrions sans doute en transformer une autre tranche de 3 à 5% supplémentaire, ce qui apparaît tout de même assez réaliste, il faut le reconnaître. Ceci à partir d'un examen des champs, des possibilités, et ce qui est intéressant, c'est de constater que les produits identifiés par l'étude gouvernementale sont sensiblement les mêmes que ceux identifiés par l'étude SORES. Donc, on retrouve une certaine unanimité.

Nous avons donc, sur la table, la reconnaissance d'un fait: II existe un potentiel. La question qui se pose à nous, c'est: Doit-on chercher à exploiter ce potentiel oui ou non? En décidant de ne pas étudier le paragraphe b) de l'article 4, l'Opposition nous dit: Non, nous ne devons pas étudier ce potentiel, nous ne devons pas créer la Société nationale de l'amiante qui aura comme mandat la transformation de l'amiante et qui, par conséquent, devra chercher à exploiter le potentiel. C'est ce que nous disons, en pratique. Disant cela, nous renions le mandat pour lequel nous avons été élus et, dans les trois quarts du temps, nous renions également le programme politique parce qu'à peu près tous les partis politiques au Québec ont tous été unanimes pour dire que l'État du Québec devait prendre les moyens pour profiter au maximum de ses richesses naturelles.

Si le moyen idéal demeure la souveraineté politique du Québec qui lui permette un choix de mesures gouvernementales beaucoup plus étendu, beaucoup plus à la mesure des aspirations des Québécois, cela m'apparaît évident, et il m'apparaît aussi évident que cela doit faire l'objet d'une vaste sensibilisation des Québécois à ce phénomène, parce que l'intervention des députés de l'Opposition a fait ressortir la très grande ignorance des Québécois sur les limitations que leur imposait la constitution, le carcan à l'intérieur duquel ils vivaient.

Le député de Mont-Royal, par exemple, avec une certaine naïveté, une certaine candeur, nous propose quelque chose qui est anticonstitutionnel. Le député de Lotbinière peut s'excuser parce qu'il a une moins longue expérience de la politique; il n'a pas été sous-ministre des Affaires indiennes à Ottawa pendant un bon nombre d'années; donc, il n'a sans doute pas la connaissance du système confédéral actuel et il peut nous proposer une réduction des impôts, des taxes, de manière à favoriser la transformation de l'amiante au Québec, sans savoir qu'elle est anticonstitutionnelle.

Je pense que les travaux de cette commission, les travaux de l'Assemblée nationale sur notre loi 70 ont permis de faire ressortir l'ignorance des élus du peuple qui nous font face des limitations de la constitution et c'est sans doute la seule et unique raison, leur ignorance, pour laquelle ils ne sont pas aujourd'hui de notre côté. Merci, M. le Président. (12 heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Grégoire: On vous souhaite la bienvenue de nouveau à notre commission.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, M. le député de Marguerite-Bourgeoys parle sur la motion.

M. Bérubé: Ah! Je ne sais pas si le député d'Outremont...

M. Lalonde: M. le Président, j'ai exprimé la déception qui m'a envahi ce matin...

M. Grégoire: Vous étiez absent depuis longtemps. Cela nous fait plaisir de vous revoir.

M. Lalonde: ... lorsque, revenant à la commission des Richesses naturelles, après avoir été éloigné des travaux de cette commission depuis deux semaines pour d'autres engagements relativement aux crédits des consommateurs et aux crédits du ministère de la Justice, je vois que cette commission est embourbée encore dans ses travaux qui se butent à l'inefficacité gouvernementale en matière de politique d'amiante.

M. Grégoire: C'est vous qui êtes embourbés.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai toutefois pu profiter du recul qui est souvent salutaire dans ce genre de débat et j'ai pu me rendre compte jusqu'à quel point les députés ministériels que j'ai entendus ce matin sont rendus à ce point le nez collé à la forêt qu'ils ne voient plus que les arbres. C'est encore les mêmes rengaines, les mêmes affirmations, les mêmes ronflements qu'on entend

du côté ministériel relativement au projet de loi, à l'article 4.

Ayant été éloigné des travaux de la commission, j'ai quand même pris connaissance des propos qui ont été tenus par le ministre en particulier et par les autres membres de cette commission. Je voudrais rappeler aux députés ministériels, par exemple, ce que le ministre disait le 11 avril à 21 heures; c'est la page R/530-B/RN, page 1, et le ministre nous disait: "Lorsque nous arriverons à l'article 4 et que nous discuterons spécifiquement d'un tel amendement que l'Opposition voudra bien déposer—on avait une invitation à ce moment — j'aurai certainement le plaisir à ce moment de tenter d'expliciter la pensée gouvernementale et je suis convaincu que les députés de notre gouvernement feront de même." un peu plus loin: "J'ai l'intention d'y répondre lorsque nous discuterons de l'article 4 et que nous aurons un amendement en bonne et due forme portant sur le fond de la loi."

Alors, c'étaient les promesses qu'on nous faisait pour nous inviter, à ce moment...

M. Grégoire: Et cela a été fait à l'article 4 a qui a été adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que j'ai un droit de parole? Pouvez-vous inviter le député de Frontenac à me laisser terminer? J'ai lu paisiblement, dans la sérénité de mon bureau, la transcription des débats depuis ce temps-là et j'ai été à même de constater, hors du brouhaha de temps en temps, que votre compétente direction, M. le Président, ne réussit pas à éliminer toujours, j'ai lu les propos du ministre et j'ai été à même de me rendre compte que malheureusement, on n'a pas eu les réponses qu'on nous avait promises dans le but de nous inviter, avec une certaine malhonnêteté, il faut le dire, à ne pas présenter de motion avant l'article 4 et avant l'article 1; de nous amener, de nous inviter à aborder l'article 4, pour obtenir les réponses qu'apparemment on nous réservait pour enfin enlever tout le caractère obscur de la politique gouvernementale.

Ce matin, j'ai entendu le député de Saint-François qui a confessé son inexpérience et a dit: Laissons donc cela au conseil d'administration; c'est au conseil d'administration de s'occuper de transformations, de s'occuper de projets. Mais alors, pourquoi nous a-t-on invités à en parler ici à la commission parlementaire en proposant un projet de loi? Je demande au député de Saint-François, si ce n'est tellement pas de nos affaires, pourquoi n'a-t-on pas confié cela, par exemple, à la SGF, à d'autres régies gouvernementales qui ont parfaitement la compétence de discuter de projets. On dit: C'est l'amiante. Comme si, parce que c'est de l'amiante, tout à coup cela devient miraculeux ou bien cela devient un mystère. Si ce sont des projets de transformation, c'est bien simple— le député de Mont-Royal le disait et j'espère que vous écouterez les propos de quelques-uns des députés qui ont un peu d'expérience dans ce genre d'entreprise—ce que cela prend pour mettre sur pied une entreprise: du capital humain et du capital financier, et aussi, toute la structure.

La matière première, il y en a. Je pense bien que le député de Frontenac ne niera pas qu'il y a de la fibre au Québec, bon. Là-dessus, on s'entend?

M. Grégoire: II y en a.

M. Lalonde: Bon, il y en a beaucoup.

M. Grégoire: Pas beaucoup, mais il y en a.

M. Lalonde: On n'a même pas réussi à démontrer qu'on devait acheter une société du secteur primaire pour nous garantir l'approvisionnement. Cela n'a jamais été démontré. Cela a été affirmé, mais cela n'a jamais été démontré.

M. Grégoire: ...

M. Lalonde: Non, M. le Président, j'ai lu toutes les transcriptions et, à moins que le député de Frontenac veuille suggérer que les transcriptions ne sont pas fidèles aux propos qu'il a tenus...

M. Grégoire: Vous avez...

M. Lalonde: J'avoue que, parfois, c'est corrigé, un petit peu, pour donner à la forme du discours du député de Frontenac un caractère un peu plus acceptable.

M. Grégoire: C'est parce que vous avez mal lu.

M. Lalonde: Mais, je pense qu'en ce qui concerne le fond, nos fonctionnaires, à la transcription des débats, sont très fidèles. Toutes les interventions du député de Frontenac sont reproduites. J'ai lu cela et il n'y a rien de nouveau. On n'a pas du tout démontré la nécessité d'acheter Asbestos Corporation. On n'a pas, non plus, démontré la nécessité de créer la Société nationale de l'amiante. On ne l'a pas démontré.

Revenons à la SGF et, pourquoi pas, à SIDBEC qui a quand même une mission bien particulière et bien limitée dans l'acier, alors que la SGF est une Société générale de financement dont les filiales s'étendent d'activité en activité, autant dans la transformation, dans certains cas, que dans... On pense à la Donohue, par exemple, dans le secteur des pâtes et papiers. Tout est possible par l'entremise de la SGF. Le "know how" est là, à savoir comment mettre sur pied les entreprises de transformation. Pas besoin de faire un drapeau.

Alors, pourquoi venir nous demander, à nous députés, d'en discuter si on ne veut pas... On nous dit, ensuite: C'est au conseil d'administration, ne vous occupez pas de cela, les députés. C'est une insulte à la fonction de député, M. le député de

Saint-François, et je ne l'accepte pas. Je ne l'accepte pas.

M. Rancourt: Je ne l'accepte pas non plus.

M. Lalonde: C'est un blanc-seing qu'on veut, un chèque en blanc? Qu'on nous le dise, nous allons dire non. Mais, tout à coup, le ministre vient nous dire qu'il a accepté—d'ailleurs, le président aussi, non seulement ici mais à l'Assemblée nationale— que le débat soit élargi depuis le début, élargi dans tous les secteurs du projet du gouvernement, y compris l'acquisition d'Asbestos Corporation, même si ce n'est pas en toutes lettres dans le projet de loi, cela fait partie intégrante du projet qui a été étudié et débattu ici.

Tout à coup, on dit: La transformation, ne vous en occupez pas. Pourtant, c'est la seule chose qui nous intéresse. Je permettrai au député de Saint-François de poser une question à la fin. C'est la seule chose qui nous intéresse, la transformation. Le ministre a raison de dire que tous les députés de l'Opposition, enfin toute la population représentée par les députés ici est d'accord pour qu'il y ait des démarches entreprises pour encourager la transformation de nos richesses naturelles. Mais une fois qu'on a dit cela, on n'est pas allé beaucoup plus loin.

M. Bérubé: C'est ce qu'on trouve ici.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: Là, le ministre...

M. Grégoire: Vous n'êtes allés nulle part.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre!

M. Lalonde: ... conclut tout de suite à la nécessité des moyens qu'il nous propose et c'est là, je trouve, qu'il écourte un peu son raisonnement, son verbe a un peu de panache, naturellement, d'ailleurs, un panache qui se permet de recourir à la démagogie, ce que j'ai trouvé dégueulasse tantôt, lorsqu'il a prêté des intentions indignes au député de Richmond et c'est absolument inacceptable. Je le répète, c'est dégueulasse, surtout de la part d'un ministre, de prêter des intentions indignes au député de Richmond qu'il a quasiment accusé de trahison à son peuple. C'est tout simplement parce qu'il n'est pas d'accord. C'est cela qui est dangereux dans l'esprit péquiste qui se manifeste chez le ministre quand il tient ces propos. Il s'est même permis de nous faire une petite leçon d'indépendance en rappelant à l'ordre le député de Mont-Royal sur la question constitutionnelle; il a dit: "Mais on voit bien que c'est l'indépendance qu'il nous faut", sans savoir...

M. Grégoire: Je suis content de savoir que vous l'avez compris.

M. Lalonde: Sans le savoir, M. le Président, il vient de confesser ce que pourtant les grands ténors du Parti québécois tentent de cacher avec tellement d'efforts, c'est qu'il ne veut que le séparatisme.

M. Grégoire: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: On a tenté de masquer le séparatisme par la souveraineté-association, mais il sait très bien—le ministre a parlé de l'indépendance et vous l'avez laissé faire, vous allez me laisser faire—quand il dit que l'indépendance va régler nos problèmes, il oublie l'association et un Québec indépendant et associé au Canada aurait des limites quant aux dispositions qu'il pourrait prendre sur la mise en marché.

M. Bérubé: II aurait le contrôle de ses richesses naturelles.

M. Lalonde: Et sur les barrières tarifaires qu'il voudrait créer par ses interventions à l'égard de ses associés.

M. Bérubé: II pourrait taxer ses richesses naturelles comme il l'entend.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: ... de dire que l'indépendance c'est le paradis, M. le Président, à moins qu'on n'en veuille plus de l'association, mais qu'on le dise.

M. Grégoire: Le député de Marguerite-Bourgeoys est un bon comédien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: Cela fait mal, n'est-ce pas?

M. Bérubé: Non pas du tout; il se spécialise quand même dans la pitrerie.

M. Lalonde: Cela fait mal, n'est-ce pas? M. Bérubé: Non, vous voyez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! On peut parler de constitution, bien sûr, mais en autant que ce soit un rapport avec l'amiante et...

M. Lalonde: C'est dans l'amiante, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, je pense que le ministre a parlé de constitution, d'indépendance par rapport à l'amiante et...

M. Lalonde: Je vous dis, M. le Président, que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous permets la même chose, mais sur l'amiante.

M. Lalonde: Sur l'amiante, en ce qui concerne...

M. Bérubé: ... la constitution à l'amiante.

M. Grégoire: La constitution est amiantosée. C'est ainsi que cela est rattaché.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Est-ce que j'ai le droit de parole, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous l'avez toujours eu, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Alors, je vous invite à le faire respecter en...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Parfois, le silence est d'or, plus important que la parole, et je l'ai dit souvent depuis un mois et demi.

M. Lalonde: Vous m'invitez à ne pas parler, en me disant que le silence est d'or?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, je dis que parfois, pour la présidence, il vaut mieux se taire que de parler.

M. Lalonde: Lorsque le ministre a tenu ces propos relativement à l'indépendance qui serait la solution en matière d'amiante, je lui dis, M. le Président, qu'il renie à ce moment-là ce qui apparaît de plus en plus dans la bouche du premier ministre, dans la bouche du ministre des affaires intergouvernementales, l'élément miraculeux de l'option constitutionnelle, c'est-à-dire l'association; parce qu'un Québec associé au Canada serait limité dans les dispositions qu'il pourrait prendre et qui constitueraient des barrières tarifaires d'un état associé à l'autre, à moins que l'association ne veuille rien dire, à moins que ce soit tout simplement un paravent pour faire tenter d'avaler la pilule du séparatisme à des gens qu'on aurait réussi à tromper comme on les a trompés le 15 novembre 1976.

M. le Président, on ne s'entend pas sur les moyens, c'est évident. Le député de Frontenac a démontré son ignorance et l'infantilisme de son attitude à l'égard de l'amiante en disant: adoptez l'article 4b et on aura notre transformation. C'est épouvantable d'être aussi naïf.

M. Grégoire: Je n'ai jamais dit cela.

M. Lalonde: C'est à peu près ce qu'il a dit: qu'on est contre la transformation parce qu'on ne veut pas adopter tout de suite l'article 4b. C'est épouvantable comme on peut être court.

M. Grégoire: Cela, je l'ai dit et je le répète.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: J'espère que le député de Frontenac, de temps en temps, en dehors de cette commission lit un peu, essaie de meubler sa pensée en matière d'amiante et non pas seulement des grandes phrases comme on a entendu ici: la région de l'amiante, le coeur de l'amiante et tout cela, il y a autre chose.

Pour expliquer cela au député de Frontenac, lorsqu'on aura dit oui en Chambre, à la troisième lecture, pour voter pour ou contre, ou enfin quand la loi sera adoptée, les usines ne sortiront pas de terre. Est-ce que le député de Frontenac comprend cela?

M. Grégoire: Ah! oui.

M. Lalonde: Alors, il y a déjà quelque chose. Mais le député de Frontenac sait-il aussi qu'on pourrait même — et je pourrais lui demander la question — est-ce possible qu'il y ait des usines de transformation qui sortent de terre sans que la loi se fasse? Par hypothèse. C'est également possible.

M. Grégoire: Mais, ce n'est pas fait. (12 h 15)

M. Lalonde: II y en a un petit peu, puisqu'il y en a 3% et il y en a une autre apparemment qui va s'installer sur la rive-sud, avec l'aide du fédéral, mais cela c'est du mauvais argent. Cela vient du fédéral, alors cela doit sûrement être du mauvais amiante aussi. C'est effrayant. C'est un crime de lèse-péquistes que le fédéral s'occupe de l'amiante; c'est épouvantable!

Une voix: Ce n'est pas à l'épreuve du feu cet amiante.

M. Lalonde: C'est épouvantable. Enfin, enfin.

M. Bérubé: On n'a pas d'objection. C'est notre argent.

M. Lalonde: Cela démystifie un petit peu le drapeau d'amiante dont le Parti québécois essaie de s'entourer pour montrer qu'il est le sauveur du peuple, mais quand même, c'est faux, M. le Président, que l'article 4b est nécessaire pour qu'il y ait de la transformation. On ne peut pas être contre un voeu naturellement, mais cela reste un voeu. On aurait souhaité—et c'est pour cela qu'on demande de suspendre l'étude de l'article—que le ministre ne nous traite pas simplement de façon aveugle, comme le député de Saint-François l'accepte. Lui, il a des raisons de l'accepter peut-être, parce qu'il fait confiance au gouvernement, c'est son erreur. Nous autres on n'a aucune raison de faire confiance à ce gouvernement, pas du tout, pas avec l'ignorance dont il a fait preuve dans ce dossier, avec le genre de documents qu'il nous a distribués provenant de comités fantômes, pas du

tout, non, M. le Président, je ne fais confiance à ce gouvernement. Moi, je ne me servirai pas de blanc-seing, pas du tout.

J'aurais aimé aussi, puisque la transformation apparemment va être encouragée grandement par les trucs fiscaux du ministre, que le député de Saint-Laurent fasse non seulement une motion pour suspendre l'étude de l'article 4 et passer à l'article 5, mais demande la suspension de l'étude du projet de loi pour entendre le ministre des Finances qui vient de dire, il y a quelques jours, que les sociétés d'État seraient assujetties à l'impôt; cela va en contradiction flagrante avec les tours de passe-passe fiscaux du ministre des Richesses naturelles. Si cela est faux cette magie, si cela n'est pas vrai, si ce n'est pas comme cela que cela va se passer, on devrait le savoir, avant d'aborder la question, peut-être qu'il y aura d'autres dispositions à apporter au projet de loi.

Alors, M. le Président, je ne vois pas comment le ministre peut et les députés ministériels peuvent se scandaliser de ce qu'on suspende l'étude d'un article, alors qu'eux-mêmes ont convenu de suspendre l'étude de l'article 3, parce qu'il y avait un problème. Il y en a un problème ici et on n'a pas à répondre. Concernant l'article 3, naturellement, ce sont des experts juridiques qui devront nous renseigner là-dessus. À l'article 4, le ministre dit d'ailleurs— c'est assez drôle de lire cela, je n'ai pas la transcription ici — comment il compte sur sa propre compétence en matière d'ingénierie pour nous faire la leçon. Alors, à l'article 4 on n'a pas besoin de comprendre nous autres. Lui, il connaît cela et nous dit que c'est bon, donc votons pour, mais c'est court un peu. Est-ce qu'on est l'Assemblée nationale ici, oui ou non? On n'est pas dans les officines du Parti québécois où on a simplement à brandir un drapeau pour que tout le monde se mette à genoux. Ici on est élu par la population et au cas où le député de Frontenac ne le saurait pas, il n'y a pas de l'amiante partout au Québec.

Dans LaSalle et Marguerite-Bourgeoys, il n'y en a pas d'amiante et les gens vont y contribuer quand même eux-autres. J'ai hâte...

M. Grégoire: Comme on a payé pour l'Expo et pour les Jeux olympiques.

M. Lalonde: ... que vous veniez dans Marguerite-Bourgeoys parce qu'il y a du monde qui vous y attend. On m'appelle et on m'écrit: Quand vient-il le ministre?

M. Grégoire: C'est l'Abitibi prochainement.

M. Lalonde: J'ai des questions à poser au ministre, combien cela va coûter, est-ce que cela va être la région de l'amiante où si, à LaSalle, on va payer cela aussi? Ce sont des questions qu'on nous pose. J'ai hâte que vous veniez, mais dites-nous d'avance où vous allez être? Il ne faudrait pas vous cacher avec quelques péquistes qui vont tout simplement essayer de se taper dans le dos sur l'amiante. Au cas ou le député de Frontenac ne le saurait pas, le député de Richmond et les députés de l'Opposition représentent à peu près—si on s'en tient aux sondages et aux résultats des dernières élections— la majorité de la population du Québec; c'est important cela aussi, qu'on nous écoute quand on parle, qu'on ne nous traite pas comme le ministre l'a fait tantôt, vis-à-vis le député de Richmond ce que j'ai trouvé absolument inacceptable. Il s'est permis de moins en moins ces écarts depuis le début de la commission, il a dû recevoir des avertissements sévères, mais là on dirait qu'il n'est pas capable de résister à la tentation et de recourir à la démagogie et à des insultes. Ce n'est pas cela qui va faire avancer le dossier, M. le Président.

Alors, pour toutes ces raisons, je pense que les députés devraient, surtout les députés ministériels qui sont prêts à se laisser bander les yeux et mettre une plume dans la main et "signe-là", comme le député de Saint-François, reconsidérer leur rôle de députés. Lorsqu'on nous soumet un projet de loi dont on n'avait pas besoin pour faire la transformation de toute façon, mais puisqu'on nous le soumet, il devrait y avoir une raison de soumettre cela aux députés!

Si on le soumet aux députés de l'Assemblée nationale, à ce moment, qu'on leur donne des réponses sérieuses et qu'on cesse ces affirmations tout simplement de politiques complotées dans les officines du Parti québécois. Qu'on nous donne des raisons d'affaires, des réponses; à ce moment, on abordera l'étude de l'article 4b en connaissance de cause. Si cette motion est battue, naturellement, on va pouvoir voter pour un voeu pieux. On votera pour un voeu pieux, mais tout le monde le saura.

M. Grégoire: J'ai encore quinze minutes?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez encore quinze minutes mais j'en ai reconnu d'autres avant vous.

M. Grégoire: Ah bon!

M. Rancourt: M. le Président, j'ai une question à poser au député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui. Son temps est écoulé, mais très brièvement.

M. Rancourt: Premièrement, je voudrais vous faire savoir que moi aussi, depuis environ deux semaines, je n'étais pas présent. J'ai été déçu de voir qu'on n'était pas rendu plus loin.

M. Lalonde: Bravo! Il est d'accord avec moi.

M. Rancourt: Justement, le fait que l'Opposition, évidemment...

M. Lalonde: Dites-le à votre ministre, et qu'il nous donne les réponses et on va pouvoir...

M. Rancourt: D'accord. Une autre chose, j'aimerais qu'il s'aperçoive aussi que dans mes questions de tantôt, il a perçu que je conteste la motion de suspension du paragraphe b) de l'article 4.

M. Lalonde: Est-ce qu'il n'y a pas une question?

M. Rancourt: Non, c'est cela, est-ce que vous avez perçu que je conteste...

M. Lalonde: II y a une question, M. le Président, puis-je répondre?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Brièvement.

M. Lalonde: Brièvement, avec le consentement, par exemple, parce que cela n'est plus dans mon temps. Le consentement est unanime? Bon. M. le Président, naturellement, j'ai perçu que vous avez perçu que vous contestiez. Vous voulez passer tout de suite à l'article 4 avec les yeux bandés et donner un chèque en blanc au gouvernement. C'est ce que j'ai perçu et c'est cela que je conteste parce que je pense que le député de Saint-François doit à ses électeurs de faire un travail sérieux et rigoureux, ici, à cette assemblée, et non pas simplement donner un congé au gouvernement; ce n'est pas le but, mais laissez-moi terminer ma réponse.

M. Rancourt: C'est ce que nous voulons faire, étudier l'article 4, paragraphe b).

M. Lalonde: Le ministre, le gouvernement et la présidence, après avoir ouvert le débat sur tous les aspects du projet, nous demandent actuellement, en ne donnant pas les réponses à nos questions et en exigeant qu'on vote sur l'article 4, paragraphe b), de cesser de tenir compte de tous les aspects, de nous réduire à un rôle simplement de cadre juridique— parce que c'est cela que le ministre a tenté de démontrer tantôt—et de laisser tout cela au conseil d'administration.

Au fond, on veut réduire le débat, et cela m'apparaît... Je termine là-dessus, M. le Président, brièvement. Le député de Saint-François, je pense qu'il va percevoir comme moi, dans cette nouvelle stratégie, une stratégie d'étouffement des travaux de la commission. Lui-même sera étouffé avec la commission, lui-même sera guillotiné avec la commission et je pense qu'il devrait se rebiffer tout de suite, et dire: On va passer aux articles 5, 6, 7, et 8; cela va aller plus vite et, à ce moment, l'Assemblée nationale ne trouvera pas qu'on ne fait pas notre job et alors on pourra avancer. Il s'est rendu compte lui aussi, après deux semaines d'absence, comme moi, que c'est absolument inacceptable que le gouvernement, ne nous donnant pas les outils nécessaires pour délibérer, on soit encore rendu à l'article 4.

M. Rancourt: D'accord, je me soumets, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez encore du temps; de toute façon vous pourrez intervenir à l'occasion. M. le député de Mont-Royal, vous avez quatre minutes.

M. Ciaccia: J'aurais pu utiliser l'article 96, mais je pense que je n'utiliserai pas le règlement, je vais prendre le temps qu'il me reste pour répondre à certains propos que le ministre a tenus concernant la position constitutionnelle et l'ignorance de ce côté-ci de la table des problèmes constitutionnels. La seule chose que nous avons suggérée au ministre—le ministre a référé à ma position au gouvernement fédéral avant que je vienne en politique provinciale—la seule chose qu'on a dite au ministre, c'est qu'il n'a pas exploré les alternatives. On n'a pas nié que dans certains contextes la constitution d'une société d'État pour acheter seulement des fibres, cela serait contre la constitution; tout le monde le sait.

Mais quand le ministre... un instant... Cela peut être... un instant M. le ministre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: Là, il vient de le dire!

M. Ciaccia: Cela se peut, selon la manière dont c'est fait. C'est là que vous manquez de flexibilité et vous manquez d'innovation. Vous avez référé à ma position et à l'entente de la baie James, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Écoutez, si vous examinez l'entente de la baie James, vous allez voir la façon dont certains problèmes constitutionnels beaucoup plus complexes que ceux que vous venez de soulever, quant à l'article 91, ont été résolus, quand les partis ont reconnu qu'il y avait un certain problème et qu'ils l'ont exploré. Je vous demande: Est-ce que, au moins, vous avez exploré cela avant de décider de dépenser $150 millions?

La seule raison pour laquelle j'ai fait cette suggestion, c'est à cause de votre affirmation selon laquelle il faut subventionner ad vitam aeternam l'industrie de transformation au Québec. La façon dont vous allez le faire, c'est d'acheter Asbestos Corporation, vendre la fibre au prix coûtant et enlever les profits de l'amiante.

M. Bérubé: Pas nécessairement au prix coûtant.

M. Ciaccia: Ce n'était qu'une alternative et il n'était pas nécessaire de votre part de faire la référence que vous avez faite. Je pense qu'avant de vous lancer dans ce genre d'accusation, vous devriez explorer les possibilités, explorer même avec le fédéral les possibilités, parce que si c'est vraiment cela que vous voulez atteindre, il va y avoir des moyens d'y arriver sans dépenser les $150 mil-

lions. Mais si vous faites cela, vous allez vous rendre compte qu'il y a d'autres problèmes à la question de subventions.

Quant à la question du député de Saint-François, je sais la différence entre un conseil d'administration et une commission parlementaire. Mais la seule affirmation que je voulais faire, c'est qu'au moins, nous devons prendre les mêmes sauvegardes et avoir les mêmes informations et être aussi prudents qu'un conseil d'administration. Je faisais le parallèle, nous avons presque les mêmes responsabilités vis-à-vis du public, c'est-à-dire examiner le genre de projet qu'on nous propose et ne pas donner une carte à l'un et dire: très bien, on va commencer. On n'achète pas avant pour faire des études après, c'est comme cela qu'on va en faillite. On regarde les études avant et si ce sont des choses qui peuvent se réaliser d'une façon convenable, on peut voter en faveur, ou l'inverse, on votera contre. C'est pour cela qu'on examine article par article, autrement, ce serait inutile de venir en commission parlementaire seulement pour donner un "rubber stamp", le oui sur les articles, parce qu'on est en faveur du principe. En faveur du principe, on en a parlé à l'Assemblée nationale. On n'a pas besoin de dire ici qu'on est en faveur du principe. Ici, on doit examiner les détails des articles et c'est pour cela qu'on a besoin des informations que nous demandons.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Étant donné qu'il est 12 h 28, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 28)

Reprise de la séance à 16 h 2

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Godin (Mercier) en remplacement de M. Laplante (Bourassa); M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).

Les intervenants sont M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Laplante (Bourassa), M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Ce matin, le député de Mont-Royal...

M. Forget: M. Garneau est remplacé par M. Raynauld.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Raynauld remplace M. Garneau (Jean-Talon).

Ce matin, nous avions ajourné nos travaux au moment où nous discutions de la motion de suspension de l'étude de l'article 4. Le député de Mont-Royal avait épuisé son droit de parole. J'avais reconnu le député de Frontenac. Non?

Y a-t-il d'autres interventions sur la motion du député de Saint-Laurent?

M. Brochu: Cela ne sera pas long. Cela s'en vient.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste huit minutes, M. le député de Richmond, sur la motion.

M. Brochu: M. le Président...

M. Bérubé: C'est la partie la plus intéressante.

M. Brochu: J'ai l'impression que ce n'est pas ce qui empêche le ministre de dormir, de toute façon. Il peut quand même avoir le sommeil très profond avec ou sans discours.

Je voudrais quand même relever certains...

M. Ciaccia: II a les oreilles fermées.

M. Brochu: Ah oui, il a les oreilles fermées, mais il a une demi-oreille attentive. C'est cette demi-oreille qu'il faut viser d'ailleurs.

C'est pour cette raison qu'il faut travailler avec autant d'insistance et autant de persistance du côté de l'Opposition pour justement passer par le corridor très étroit de cette demi-oreille du ministre.

M. Bérubé: Le député de Richmond avait un silence éloquent, mais depuis qu'il a commencé à parler, c'est moins intéressant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre!

M. Brochu: M. le Président, est-ce que vous pourriez rappeler le ministre au sommeil? Ce n'est pas à l'ordre, mais au sommeil. Il peut continuer de sommeiller pour qu'on puisse faire notre travail en commission parlementaire.

M. le Président, j'aimerais relever certains propos qui ont été tenus ce matin, à la suite de la présentation de cette motion, soit par le député de Frontenac ou par tout autre intervenant. En fait, ce qui est un peu anormal et qui nous place dans une drôle de position, ce qui est un peu dangereux dans cet article à deux principes qu'est l'article 4 actuellement, c'est que le gouvernement associe deux choses. Il associe la question de la transformation et en même temps celle de l'achat d'un gisement. Dans différents propos qui ont été tenus ce matin, on nous tenait rigueur, justement, d'avoir rejeté le premier principe et de souscrire au deuxième principe, mais en demandant des explications. Le ministre a même laissé entendre qu'étant donné que la commission s'était prononcée en faveur de l'article 4a du présent projet de loi, c'est-à-dire que le gouvernement pouvait aller du côté de l'extraction, il ne comprenait pas très bien comment il se fait que l'Opposition, maintenant, demande de suspendre l'article 4b puisqu'il s'agit de procéder à la phase de la transformation.

Je rappellerai simplement au ministre que, dans nos interventions, nous maintenons la même logique depuis le début et j'espère ne pas avoir à revenir constamment là-dessus. Nous avons dit oui à la transformation, sûrement, mais non au moyen, et un non catégorique, que le gouvernement prend actuellement. Le gouvernement voudrait, parce qu'on dit oui à la transformation, qu'en même temps, dans un même souffle, nous disions oui au moyen qu'il prend, soit celui d'acquérir une des entreprises, alors que ce sont deux choses passablement différentes.

Au cours des discussions que nous avons eues autour de cette table, nous avons pu faire certaines propositions sur d'autres modes d'approche qu'il aurait été possible de prendre par le gouvernement du Québec pour atteindre cet objectif de transformation. Même, à différentes occasions, j'ai eu la possibilité de dire au ministre qu'il suffirait de procéder directement à la transformation de produits de l'amiante en sol Québécois plutôt que de passer par ce grand détour qu'est l'aventure du projet de loi 70 et l'acquisition d'une mine d'amiante pour essayer d'atteindre l'objectif de création d'emploi et de transformation de l'amiante en sol québécois.

Le ministre a indiqué que la société — je rapporte ses paroles—nous demande de discuter maintenant d'un cadre juridique. Je rappellerai au ministre ce que la société, d'abord, attend, c'est de pouvoir profiter davantage de ses richesses naturelles. Je pense que c'est le premier constat qu'on doit faire. La société en général veut profiter de ses richesses naturelles, comme elle y a d'ailleurs droit.

La société vise également cet objectif d'une plus grande transformation de l'amiante sur son territoire. Elle vise aussi l'objectif d'une plus grande création d'emplois dans ce qui est logiquement réalisable, actuellement, au niveau du dossier de l'amiante.

Sur ce grand objectif, je pense que le consensus est facile à établir, mais, lorsque du même souffle, le ministre ou les autres opposants du côté gouvernemental veulent nous laisser croire qu'à cause de cet accord sur ce principe d'une transformation plus grande ou d'une création d'emplois dans ce domaine, la société nous demande d'opérer ou de choisir le moyen que le gouvernement a choisi politiquement, soit celui d'acquérir une entreprise, on doit s'inscrire en faux, puisque c'est une autre partie du raisonnement qui ne va pas du tout avec la première.

C'est sur ce terrain que certains de nos collègues ont tenté de nous amener depuis le matin, en laissant croire que si nous acceptons le principe de la transformation de l'amiante au Québec, nous devons également accepter du même coup le moyen que le gouvernement choisit pour atteindre ces fins.

Le gouvernement a le droit de choisir les moyens qu'il veut. Il a le droit d'aller se sacrer à l'eau s'il le veut, c'est son droit le plus sacré. Cependant, on doit avoir la possibilité et le droit de se dissocier et de le souligner.

D'ailleurs, le ministre a fait état des propositions qui avaient été faites par le chef de l'Union Nationale, le député de Lotbinière, en indiquant qu'il y avait peut-être d'autres modes d'approche, comme celui d'une taxation supérieure des produits non finis qui sortent du territoire québécois. Le ministre a apporté certains arguments qui militent en faveur de ses positions. Cependant, le ministre n'a pas fait état des nouvelles négociations qui pourraient s'établir avec le gouvernement fédéral à ce sujet pour amener certaines ouvertures et procéder à cette possibilité de taxation des produits non finis sortis du Québec.

Dans le cadre d'un renouvellement de la constitution canadienne, il nous apparaît possible d'obtenir des pouvoirs plus grands pour arriver aux mêmes fins que celles que nous voulons atteindre actuellement, sans pour cela passer par ce chemin, cette bifurcation qu'est le projet de loi 70, lorsqu'il veut acquérir une entreprise pour faire la transformation de l'amiante au Québec.

M. le Président, je pense qu'on doit établir clairement nos positions à cette commission parlementaire. Il faut souligner qu'au stade où on en est maintenant, on peut se poser plusieurs questions.

D'un côté, le gouvernement semble de plus en plus empressé de passer ce projet de loi et de se donner le cadre juridique, comme je l'ai déjà indiqué, peut-être pour répondre davantage à son programme politique ou à certains éléments de son groupement politique qui veulent avoir ce cadre juridique, mais peut-être, par la suite, qu'en réalisant, comme nous le faisons maintenant, l'envergure de cette aventure ou la nature de cette aventure, qui demeure simplement une hypothèse non fondée, ne fera tout simplement que laisser traîner son projet de loi, que le laisser pourrir sur

les tablettes durant X années, et ne rien faire au stade suivant.

Le député de Frontenac avait indiqué ce matin que, parce que nous appuyons cette motion de suspendre l'étude de l'article 4b, nous ne voulions pas parler du fond de la question. Au contraire, si on accepte de procéder immédiatement à la discussion de l'article 4b, on sait très bien qu'on va être limités à 20 minutes chacun et qu'on n'aura pas plus d'explications qu'on en a eu dans le passé, ni plus de garanties, tant du côté de la mise en marché, tant du côté du mode de financement, tant du côté des coûts réels, qu'on en a eu depuis le début.

On pose des questions depuis le début et on n'a pas eu de réponses précises de ce côté-là. Le gouvernement se retranche — et c'est son droit — derrière son choix politique, du moyen qu'il veut prendre pour atteindre ses fins. À ce stade-là, on peut s'inscrire en faux et on peut demander— et je pense que c'est non seulement notre droit, mais notre devoir de le faire—de suspendre cet article, pour que le ministre nous fournisse les données que nous pouvons juger pertinent d'obtenir avant de nous prononcer définitivement sur cette question.

Lorsque le député de Frontenac nous dit qu'on ne veut pas en parler, je me demande qui ne veut pas en parler, vu que nous avons maintenant la menace de la guillotine sur la tête en ce qui a trait à cette commission parlementaire, comme l'a fait valoir le leader du gouvernement en Chambre avant-hier. On peut se demander qui veut vraiment mettre fin à la commission parlementaire.

C'étaient les remarques que je voulais faire, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, ce que je trouve absolument bizarre et illogique dans les propos du député de Richmond, c'est qu'il dit que son parti est favorable au principe de la création de cette société et, en reportant l'étude de l'article 4b sous prétexte qu'il ne serait peut-être pas d'accord avec la façon dont on procéderait, il se trouve, en fait, à nier tout simplement le principe même, parce que, si on lit bien l'article 4b, il dit: La société a pour objet toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante.

Si on est pour le principe que cette société existe, on ne peut pas être contre le fait que cette société soit active.

Or, les propos que vient de tenir le député de Richmond indiquent qu'il n'est pas satisfait du libellé, semble-t-il, ou de l'intention qui apparaît à l'article 4b. Je me demande exactement quel est l'objectif qui est poursuivi, sinon — je le regrette encore une fois — de faire perdre le temps à cette commission qui a déjà été saisie d'une trentaine de motions de toutes sortes, dont cinq ou six seulement étaient de nature à éclairer le débat. (16 h 15)

Toutes les autres étaient destinées à faire tomber la commission en panne, à mettre la commission sur des blocs, comme on dit dans le monde de l'automobile, et à l'empêcher de progresser. Dans cette perspective, je me demande quel est le lien qui relie cette motion avec la déclaration qui vient d'être faite qu'il y ait un accord sur le principe.

Par ailleurs, je retrouve quand même une certaine affinité entre les déclarations du député de Richmond et un document qu'on a tous reçu dernièrement de l'Association des mines d'amiante qui, elle aussi, se pose quasiment en toutes lettres les mêmes questions que se posent les deux partis de l'Opposition.

On peut se demander — je vous pose la question— si cela ne vise pas tout simplement à empêcher que cette société voie le jour, si cela ne vise pas tout simplement à faire le jeu, autrement dit, directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment, de l'Association des mines d'amiante qui, précisément, dans un document qu'elle a distribué à tous les députés de cette Chambre, se pose elle aussi des questions sur la pertinence, sur la rentabilité, sur le bien-fondé, sur tout aspect imaginable alors qu'au fond, ce qu'elle vise, c'est tout simplement d'empêcher le gouvernement du Québec et, par conséquent, le peuple du Québec, de mettre le pied dans le secteur.

J'aurais aimé que le député de Richmond nous explique s'il poursuit un autre objectif que celui-là; car, de toute évidence, il ne peut s'agir que d'une alliance tactique peut-être avec l'Association des mines d'amiante; je ne vois pas d'autres raisons, M. le Président, pour expliquer l'attitude du député de Richmond. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: J'aurais une question à l'intention du député de Richmond, qui a pris huit minutes supplémentaires pour exposer qu'il s'opposait essentiellement, non pas à la transformation, mais surtout au fait que le gouvernement veuille acquérir une société minière pour servir d'aide, d'appui, de moyen supplémentaire pour favoriser cette transformation. Je ramènerai le député de Richmond à ce rapport SORES qu'il nous a cité tant et tant et que j'aime bien citer, puisque ce rapport semble être la bible de l'Opposition. En général, l'Opposition a tendance à ne pas le remettre en question. D'ailleurs, je soulignerai, et j'avais beaucoup apprécié les remarques du député d'Outremont, car il avait regardé ce rapport, il avait regardé la présentation et il était impressionné par la présentation. Je me souviens, comme ingénieur-conseil, en effet, je savais que ce qui était important dans un rapport technique, c'était la bonne présentation. Très fréquemment, les gens non initiés se laissent influencer par la très belle présentation et moins par le contenu. Finalement, j'ai dû constater que le député d'Outremont avait été très impressionné par la beauté de la présentation et n'avait pas été du tout critique vis-à-vis d'un cer-

tain nombre de chiffres qui, dans ce rapport, sont pour le moins discutables.

Je me suis d'ailleurs amusé—amusé est bien le mot—à relever un certain nombre de caractéristiques de ce rapport. En particulier, j'avais souligné, et là, je ramènerais le député de Richmond, si son attention veut bien revenir aux travaux de cette commission, attention dont il ne se départit jamais, mais là, temporairement, pour une fraction de seconde...

M. Godin: ... du comté de... M. Bérubé: Ah pardon!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'interrompt personne!

M. Ciaccia: II écoute avec ses oreilles, pas avez ses yeux.

M. Forget: II essaie de saisir la substantique moelle des propos du ministre. Il n'est impressionné ni par le contenu ni par le contenant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: Alors, continuez de sommeiller, parce que, quand vous dormez, vos interventions sont beaucoup plus lumineuses. En fait, je demanderais au député de Richmond, s'il voulait se référer au rapport SORES, qu'il doit sans doute traîner, phase 1, au sujet des plaques d'amiante. On compare le coût du transport de la fibre de Montréal à Toronto, qui est de $19 la tonne courte, contre le coût de transport du produit fini, qui est de $26 la tonne courte, ce qui donnait, évidemment, un désavantage en partant, uniquement pour le transport, de $7 la tonne courte. Il y a donc un désavantage de $7 à produire un panneau d'amiante-ciment au Québec, plutôt que de le produire à Toronto.

Je voudrais demander au député de Richmond, puisqu'il est favorable à la transformation, qu'il m'explique quel moyen pourrait prendre le gouvernement pour faire en sorte que l'industriel, qui viendrait s'établir au Québec plutôt qu'à Toronto pour faire la transformation, ne subisse pas un préjudice de $7 la tonne, chaque fois qu'il produit une tonne d'amiante poli. En d'autres termes, comment le gouvernement peut-il rétablir la situation? Je sais que le député de Mont-Royal s'est lancé dans une théorie absolument intéressante: un genre de société de mise en marché qui achèterait au prix du marché pour vendre à prix réduit. Évidemment, il n'a pas insisté sur le fait que, pour chaque tonne vendue, il faudrait nécessairement trouver de l'argent quelque part. Or, la société d'État n'aurait...

M. Ciaccia: Les impôts que vous étiez pour sauver...

M. Bérubé: M. le Président!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Ciaccia: Oui, mais ne détournez pas mes propos.

M. Bérubé: Le député de Mont-Royal se plaint continuellement qu'il est interrompu. Je reconnais qu'il faut éviter d'interrompre un député qui a la parole, mais je me demande pourquoi, lui, continue tout le temps d'interrompre.

M. Ciaccia: Continuez votre "filibuster"!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Bérubé: Le député de Mont-Royal en a donc tiré une hypothèse. Il a dit: Créons une société de mise en marché qui achèterait à $500 la tonne pour la revendre à $300 — je fabrique des chiffres fictifs...

M. Ciaccia: Vous fabriquez beaucoup de choses.

M. Bérubé: ... ce qui veut dire que pour chaque tonne vendue la compagnie perdrait $200. Alors...

M. Ciaccia: La seule chose que vous ne fabriquez pas, c'est la transformation.

M. Bérubé: ... voici donc une société d'État que nous venons de constituer, qui va perdre, chaque fois qu'elle va vendre une tonne de produit, $200. Évidemment, j'imagine que chaque fin d'année elle devra se retourner vers le gouvernement en disant: J'ai eu des pertes cette année...

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président. Peut-être le député de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Question de règlement sur quel règlement?

M. Ciaccia: Sur 96.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): 96, c'est à la fin de l'intervention du ministre, à moins d'avoir son consentement.

M. Lalonde: II n'a pas encore fini?

M. Bérubé: II n'y a pas de consentement.

M. Ciaccia: Alors, quand il aura fini, M. le Président, si vous le permettez, l'article 96.

M. Bérubé: M. le Président, pourrait-on suggérer à l'ensemble des membres de l'Opposition libérale de faire comme le député de Saint-Laurent et de dormir?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: M. le Président, je ne dors pas. Le ministre prend avantage...

M. Bérubé: II dort les yeux ouverts!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Forget: M. le Président, il n'y a pas de question de privilège. Ce sont des propos qui sont...

M. Lalonde: Oui, 99...

M. Forget: Effectivement, on pourrait invoquer 99.

M. Ciaccia: Les paragraphes 8 et 9.

M. Lalonde: C'est l'infantilisme chronique du ministre. Ce n'est pas la première fois qu'on en a un exemple.

M. Forget: J'écoute l'oreille rivée aux propos du ministre depuis un bon nombre de minutes. Ce n'est évidemment pas l'envie de dormir qui fait défaut, dans les circonstances, je l'avoue. Mais je n'y ai pas cédé.

Une voix: L'article 99...

M. Bérubé: J'ai tenu des propos séditieux en vertu de l'article 99.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! S'il vous plaît, à l'ordre! Sur la motion.

M. Bérubé: Donc, le député de Mont-Royal nous a proposé la création d'une société d'État, notre Société nationale de l'amiante sans doute, qui aurait comme mission de perdre $200 la tonne de fibre qu'elle vendrait. C'est là un objectif intéressant.

M. Grégoire: C'est un homme d'affaires.

M. Bérubé: Oui, c'est un excellent homme d'affaires. Il nous a souligné à plusieurs reprises, d'ailleurs, ses talents d'homme d'affaires qui étaient passablement supérieurs aux nôtres.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Ouellette: C'est un homme de fer, mais pas d'amiante.

Une voix: ... votre suggestion.

M. Bérubé: Donc, le député de Mont-Royal y est allé de sa petite théorie fort intéressante...

M. Ciaccia: Ils veulent économiser $100 000 000 en faisant cela.

M. Bérubé: ... qui suppose qu'à la fin de cha- que année, le gouvernement demande à cette Société nationale de l'amiante combien elle a vendu de tonnes et combien elle a perdu de dollars par tonne et qu'il fournisse à cette société le montant compensatoire. Ce qui, dès le lendemain, entraînerait une poursuite en cour, en vertu de l'article 92 de la constitution, qui ferait la preuve très rapidement que cette subvention est une intervention gouvernementale directe visant à faire entrave au commerce extérieur. Par conséquent, nous cesserions assez rapidement ce jeu.

Donc, l'argument, la proposition du député de Mont-Royal s'est effondrée très rapidement comme un fétu de paille. Ce n'était pas certainement pas un fétu d'amiante parce qu'il est brûlé très vite.

Mais le député de Richmond est beaucoup plus prudent. Il ne fait pas de proposition. Il dit: Je suis favorable à la transformation de l'amiante. Le député de Saint-Hyacinthe l'écoute, évidemment, avec beaucoup d'admiration. Il a dit: Voici un député de notre formation qui affirme avec conviction qu'il est favorable à la transformation de l'amiante. J'ai remarqué l'admiration dans son regard qui était, pour le moins, étonnante.

M. Cordeau: ... le "vélodrame". M.Bérubé: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Hyacinthe, ce soir vous serez...

M. Bérubé: ... là où c'est un peu moins intéressant, et je suis convaincu que mes collègues de la députation ministérielle seront d'accord avec moi, c'est que le député de Richmond n'y est pas allé de sa théorie concernant la façon pour le gouvernement de corriger ce petit déséquilibre de $7 la tonne qui fait la différence entre le prix de fabrication au Québec et le prix de fabrication en Ontario. À moins que le député de Richmond nous propose de l'implanter à Richmond même et de proposer aux travailleurs de Richmond des salaires légèrement inférieurs à ceux de Toronto, de manière à pouvoir permettre à son entreprise de prospérer. Voilà une excellente suggestion. Sans doute que le député de Richmond pourrait aller l'expliquer à ses électeurs, lors de la prochaine campagne électorale, il va sans dire. Mais en attendant, étant donné qu'il n'a pas particulièrement poussé cette suggestion — je comprends d'ailleurs assez bien pourquoi il n'insiste pas — j'aimerais beaucoup que le député de Richmond m'explique comment il va corriger ce désavantage comparatif, puisque c'est à la base de son argumentation. Il est favorable à la transformation. Il est prêt à prendre tous les moyens nécessaires puisqu'il en coûte $7 plus cher pour transformer au Québec, j'aimerais donc que le député de Richmond me dise comment il va compenser ces $7.

M. Brochu: Tout de suite?

M. Bérubé: Oui.

M. Brochu: Je pensais que vous continuiez.

M. Grégoire: II peut attendre à trois heures.

M. Bérubé: II peut prendre tout le temps qu'il voudra, de toute façon, comme il le disait tantôt, la guillotine s'en vient.

Une voix: Voyez-vous...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brochu: On a un aveu même de la part du ministre.

M. Lalonde: Une question de règlement, M. le Président.

M. Brochu: C'est une menace devant nous.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une question de règlement.

M. Lalonde: Oui, M. le Président, je veux vous demander une directive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une directive?

M. Lalonde: Concernant le déroulement de nos travaux, je pense que le ministre vient de nous faire une déclaration ministérielle...

M. Bérubé: ... M. le député de Richmond.

M. Lalonde: ... à l'effet que nos travaux seraient terminés bientôt. Est-ce qu'il pourrait nous donner un aperçu plus précis de ce déroulement?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Est-ce que je peux parler là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît. Une directive, tout d'abord, ce n'est pas demandé à un ministre, ce n'est pas demandé à un député, c'est demandé à la présidence. Je constate que cette demande est adressée au ministre, donc je la refuse. En ce qui concerne la présidence, elle n'est au courant de rien.

M. Lalonde: Cela je le savais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est pour cela que vous avez adressé votre demande au ministre. D'ailleurs, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je reconnais votre subtilité habituelle, mais quand même...

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, il n'est pas question de parler ici d'un sujet qui ne nous intéresse guère.

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, il n'est pas question de parler ici d'un sujet qui ne nous intéresse guère.

M. Grégoire: II ne peut pas être question de guillotine non plus, parce qu'il faudrait qu'il y ait des plaintes...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît.

M. Lalonde: ... beaucoup. On a une guillotine, peut-être...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le moment, ce n'est pas l'objet de nos travaux.

M. Grégoire: II faudrait qu'il y ait des têtes à couper, M. le Président.

M. Lalonde: Ce n'est pas intéressant cela?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Cordeau: On peut toujours demander quelle journée elle va tomber.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre. M. le député de Saint-Hyacinthe, soyez patient et, à moins que le député de Richmond consente à être remplacé immédiatement et cela prendrait le consentement unanime des députés, vous devrez attendre à 20 heures ce soir pour avoir le droit de parole.

M. Bérubé: Alors, le député de Richmond...

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre a terminé sur l'article 96?

M. Bérubé: Merci, M. le député...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Grégoire: On va l'amiantoser, celui-là.

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre a terminé?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je constate que le ministre a posé une question à un député. Le député n'est pas obligé de répondre. Un député à qui il ne reste plus de temps pour parler...

M. Bérubé: Parfait.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Donc, cela prend évidemment le consentement des membres de la commission pour permettre au député de Richmond de répondre à cette question du ministre, s'il le veut. D'autre part...

M. Lalonde: Ce n'est pas contre-ordre public, non?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'autre part, j'avais reconnu le député de Mont-Royal. Si le ministre a fini son intervention sur l'article 96, non pas afin d'expliquer la rhétorique, mais afin de rectifier les faits... (16 h 30)

M. Ciaccia: Oui, de rectifier, M. le Président. Le ministre a le don de ridiculiser, il n'a pas le don de répondre. Rectifier... ce n'est pas une proposition que j'ai faite. C'est une réponse que j'ai donnée à une des propositions que vous avez faites. La proposition que vous avez faite, c'était d'acheter la compagnie d'amiante et de subventionner en vendant la fibre au prix coûtant. Alors je vous ai dit, plutôt que de ne pas recevoir les impôts de $20 millions, plutôt que de ne pas avoir d'argent pour payer les actions, il serait beaucoup plus facile de créer une société d'État avec les $20 millions d'impôt, d'acheter les fibres et de cette façon, vous évitez la nécessité de dépenser $100 millions. Alors, c'est une contre-proposition, M. le Président.

Aussi sur la question constitutionnelle, je vous ai dit que certainement il y avait des problèmes constitutionnels, mais que si vous essayiez d'être un peu plus innovateur et d'examiner à fond la question, vous pourriez résoudre cette question parce que des problèmes constitutionnels d'ordre beaucoup plus important ont été résolus. Alors, je voulais rectifier, M. le Président...

M. Bérubé: La taxe de vente, par exemple.

M. Ciaccia: ... les propos du ministre. C'est une contre-proposition, certainement ridicule, mais moins ridicule que la proposition initiale du ministre qui nous obligerait à dépenser $150 millions à $200 millions, et ne pas avoir l'argent pour le payer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur l'article 96, il ne faudrait pas se méprendre. C'est un article qui sert à rectifier des faits et non pas à répéter ce qu'on a déjà dit. J'en viens maintenant à la question qui a été posée par le ministre au député de Richmond. Très brièvement!

M. Brochu: Je présume qu'il a le consentement, M. le Président?

M. Bérubé: Puis-je invoquer l'article 96 avant ou après?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous voulez rectifier des faits?

M. Bérubé: Oui, le député de Mont-Royal a affirmé quelque chose concernant une déclaration antérieure qui n'est pas exacte.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Déclaration antérieure de vous ou de lui?

M. Bérubé: De moi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Bérubé: Le député de Mont-Royal a prétendu que, dans mon exposé d'hier, j'avais proposé que la compagnie Asbestos, une fois propriété du gouvernement, sacrifie à la fois ses impôts et ses profits pour réduire le prix de vente de sa fibre. Or, je n'ai jamais dit ça; je pense que tous les membres de cette commission en ont été témoins. J'ai simplement dit que, du fait qu'elle ne paie pas d'impôt, la société Asbestos peut utiliser cette marge de manoeuvre supplémentaire pour la transformer, non pas en augmentation des profits, mais tout simplement en réduction de prix appropriée.

M. Ciaccia: Vous avez dit "vendre à prix coûtant".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, il n'y a pas de débat en vertu de l'article 96. Est-ce qu'il y a consentement unanime pour que le député de Richmond réponde à la question?

Des voix: Oui.

M. Lalonde: Oui, M. le Président, à une condition: qu'il ait tout le temps de répondre, qu'il prenne tout le temps nécessaire.

M. Brochu: Le ministre m'a indiqué que je pouvais prendre tout le temps...

M. Grégoire: On est parti.

M. Bérubé: Allez-y, M. le député de Richmond.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement. Ce consentement ne s'applique qu'au député de Richmond.

M. Brochu: Merci. Je vais me conformer, comme d'habitude, à votre directive, M. le Président, je vais être très bref.

M. Lalonde: Ce n'est pas une bonne promesse.

M. Bérubé: Je suggérerais de conclure votre conclusion.

M. Brochu: D'accord, je vais commencer par la conclusion, ce sera beaucoup plus rapide. M. le Président, le ministre lance des chiffres sur la possibilité d'un prix qui rende concurrentielle sa matière première de $7 la tonne.

M. Bérubé: Page A-4 du rapport SORES, sur la différence des coûts.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Brochu: Cependant, l'étude SORES n'a pas été faite en fonction de ce que vous avez rencontré comme obligation à partir de la création de la Société nationale de l'amiante et de l'acquisition des gisements de l'Asbestos Corporation, coût d'opération dont vous allez devoir tenir compte. En fait, vous basez toute votre approche sur des hypothèses. C'est ce pour quoi d'ailleurs la motion du député de Saint-Laurent avait tellement d'importance à ce moment-ci. On apprécierait beaucoup avoir des précisions. Dans le domaine de la transformation, on a dit oui à ce qui était faisable. Par contre, pas à n'importe quel prix, et pas de n'importe quelle façon, pour que ce ne soit pas strictement une aventure et l'achat d'un emblème, mais que ce soit basé sur des réalités économiques.

C'est dans ce sens qu'on a demandé beaucoup plus de précisions. Quand le ministre me pose cette question, pour y répondre il faut tenir compte de l'ensemble de la démarche que le gouvernement a faite, avec tout ce que cela implique de capitaux. On ne connaît même pas l'ampleur de l'acquisition de l'entreprise.

Je fais le résumé. On a dit qu'on devrait reconstruire l'usine au complet, le lendemain de son acquisition. Cela aussi fait partie de la réalité qui doit figurer dans les coûts de production, même si vous parlez d'exportation. SORES, dans ses évaluations, n'en a pas tenu compte. C'est la réalité.

Deuxièmement, vous avez parlé d'établir tout un système de mise en marché.

M. Bérubé: Puis-je poser une question au député de Richmond?

M. Lalonde: Laissez-le terminer. M. Brochu: J'aimerais terminer... M. Bérubé: C'est pour vous aider à répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est pas le consentement du député de Richmond.

M. Brochu: J'aimerais continuer ma pensée.

M. Bérubé: J'aurais voulu préciser ma question pour être certain...

M. Brochu: Lorsque vous parlez de mise en marché, vous devriez avoir vos propres points de vente et vos propres réseaux de distribution. Cela implique une toute autre approche, cela implique des déboursés supplémentaires. Il y a également des implications financières là-dedans. Vous n'avez pas, de l'autre côté de la clôture, à ce moment-ci, des garanties de marché sur lesquelles on peut s'appuyer. Je comprends que la société est en développement et tout cela, mais cela me fait dire que, lorsqu'on parle d'un chiffre comme celui que le ministre nous propose, $7 de différence, c'est loin d'être certain, parce que c'est une somme de $7 calculée de façon bien relative.

Lorsqu'on évalue une différence possible à la tonne dans le matériel, on ne l'évalue pas dans l'optique de la création de la Société nationale de l'amiante, ni dans l'acquisition de nouveaux marchés, ni dans la pénétration de marchés déjà existants. Si on parle seulement de pénétration de marchés déjà existants, à aucun moment vous nous avez parlé des réactions possibles de ce côté-là. Vous tenez facilement pour acquis, au point de départ, que vous allez être capable, sans que personne ne réagisse, de diminuer le prix de $7 la tonne et de faire concurrence, sans qu'il n'y ait de réaction. N'oubliez pas que vous entrez sur le marché international.

M. Lalonde: II y a des représailles possibles.

M. Brochu: II y a des représailles possibles. Ce sont des échanges entre pays. Là où le bât blesse, où il y a une grande difficulté pour le gouvernement actuellement, c'est qu'on joue strictement au niveau d'hypothèses. On ne peut pas s'appuyer là-dessus pour vous dire: D'accord, allez-y, il n'y a pas de problème. On dit oui aux transformations, mais il faut regarder sérieusement, faire une analyse critique basée sur des données précises et des faits réels. C'est strictement là que se situe notre analyse et notre approche de cette question. C'est dans ce sens-là que je réponds au ministre. Au contraire, j'accepte que le ministre me pose une question, mais je trouve cela curieux qu'il nous pose une question, parce que nous autres, cela fait un bout de temps qu'on en pose et on n'a pas de réponses précises. Ce serait plutôt dans l'autre sens. Le ministre aurait même pu faire une motion, à ce moment-là, pour demander à l'Opposition de lui fournir des données sur lesquelles appuyer son projet de loi. Je pense qu'on aurait souscrit à cette motion volontiers.

M. Bérubé: Elle aurait été déclarée irrecevable.

M. Brochu: Sauf qu'à ce moment-là, dans la position où nous sommes actuellement, c'est le ministre qui a la responsabilité de mener à bien son projet de loi et de mener à terme cette intervention politique du gouvernement dans le domaine de l'amiante. C'est à lui, je pense, à fournir ces données et à nous apporter un peu de matière sur laquelle on puisse se pencher. C'est dans ce sens-là que je veux répondre à votre question.

M. Bérubé: Je continuerai mon intervention. J'en conclus donc, M. le Président, que le député de Richmond, effectivement, ne sait pas, puisqu'il reconnaît, avec humilrté... Je dois reconnaître quand même qu'il ne prétend pas avoir des connaissances, contrairement au député de Mont-Royal qui s'est vanté d'être très fort en affaires...

M. Ciaccia: Cela vous achale, n'est-ce pas? Vous voyez toutes les failles de votre projet de loi.

M. Lalonde: Oui, cela leur fait mal.

M. Ciaccia: Cela fait mal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Mais au paradis, on n'a pas besoin de cela. On n'a qu'à être péquiste et on est correct.

M. Bérubé: Mais le député de Richmond ne craint pas le fait de reconnaître qu'il n'a peut-être pas toutes les informations à sa disposition présentement et qu'il n'ose pas se compromettre quant à une proposition. Et d'ailleurs, fort de l'expérience du député de Mont-Royal, qui a vu sa dernière proposition s'effondrer lamentablement à la première contre-attaque, évidemment, il prend garde de s'avancer trop.

Mais je continuerai parce que le député de Richmond, en fait, ne voulant pas admettre qu'il ne pouvait pas parler pendant au moins cinq minutes sur la question, a voulu parler autour de la question que je lui avais posée. Il a parlé d'Asbes-tos Corporation, il a parlé d'un paquet de facteurs.

Or, ce n'est pas de cela que je voulais parler. J'ai mis complètement de côté l'achat d'Asbestos. J'ai même supposé que nous avions refusé l'alinéa a) de l'article 4, que nous ne pouvions plus acheter Asbestos Corporation, que nous ne pouvions plus faire de développement minier, mais, néanmoins, forts de l'appui tangible de toute cette Opposition, nous allions, à l'intérieur de la Société nationale de l'amiante, chercher à faire de la transformation, seuls ou avec d'autres.

Je vous mets dans une situation hypothétique— je sais que le député de Richmond n'aime pas trop tabler sur des hypothèses — du problème que représente la construction à Montréal, ou à Richmond, dans son comté, évidemment, pour ne pas dire à Asbestos, mais je devrais plutôt parler de Montréal, puisque, effectivement, SORES part de Montréal comme point de lancement...

M. Forget: À Saint-Laurent, il y a de beaux édifices.

M. Ciaccia: L'édifice de la Sun Life va être vide.

M. Bérubé: Oui, c'est une ville très dynamique et très intéressante. D'ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer quelques centaines de personnes de son comté, avec lesquelles nous avons discuté du problème de l'amiante; nous avons eu des questions intéressantes, je dois le dire, des questions beaucoup plus intéressantes que celles soulevées par leur député, ce qui nous a fait dire qu'ils s'étaient trompés lors de l'élection. Ils ont tous reconnu qu'effectivement, c'était une erreur qu'ils n'avaient pas l'intention de répéter.

M. Forget: Mais ils l'ont répétée pourant, deux fois.

M. Bérubé: Néanmoins, partons de cette base de Montréal et revenons avec le coût de transport de la fibre qui est de $19 la tonne courte, alors que le coût de transport des produits, toujours à la tonne d'amiante, est de $26 la tonne courte. Il en coûte donc $7 de plus.

Nous avons cette société, cette entreprise privée, étatique ou autre qui décide de s'implanter à Montréal pour approvisionner le marché de Toronto en plaques d'amiante poli qui sait, dès l'abord, qu'il lui en coûtera $7 de plus pour s'être implantée à Montréal plutôt qu'à Toronto.

Là, le député de Richmond qui a un sens de la chose de l'État, de la res publica, veut une politique gouvernementale qui incite cette entreprise à s'établir à Montréal plutôt qu'à Toronto, parce qu'il se dit, tout de même: C'est une richesse, la richesse de mes concitoyens, de la région de l'amiante, de ce beau et magnifique comté de Richmond et je voudrais donc que les citoyens québécois profitent de cette richesse naturelle qui est la leur, je veux donc amener cette entreprise à s'implanter à Montréal.

J'aimerais que le député de Richmond m'explique comment il va faire en sorte que cette compagnie corrige ce désavantage de $7 la tonne qui l'afflige. Il a évidemment patiné autour et il n'a pas répondu à ce point-là. Comment le gouvernement va-t-il favoriser cette entreprise privée, qui n'a pas de gisement, qui n'a rien, qui achète la fibre sur le marché québécois, au prix québécois, c'est-à-dire le prix international, pour qu'elle s'implante à Montréal?

M. Brochu: M. le Président, cette nouvelle question appelle donc une nouvelle réponse.

M. Ciaccia: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Consentement?

M. Ciaccia: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Consentement au député de Richmond seulement.

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sans qu'on dialogue.

M. Brochu: II est sûr, M. le Président, au point de départ que le gouvernement du Québec pourrait consentir certaines mesures fiscales pour favoriser l'établissement de ces entreprises et ouvrir la porte de ce côté-là. Il y a des possibilités, ce sont des moyens...

M. Bérubé: De quelle nature, par exemple?

M. Brochu: ... mais, le point essentiel, c'est que dans l'optique où vous présentez votre projet de loi, vous tenez pour acquis, au point de départ, que vous allez soustraire $20 millions d'impôt que l'entreprise n'aura pas à payer en achetant Asbestos Corporation. Vous basez votre calcul dès

l'abord, là-dessus, sur ce gain que l'entreprise va faire à ne plus devoir payer...

M. Bérubé: C'est la marge de manoeuvre que la société récupère.

M. Brochu: Oui, cela vous donne une marge de manoeuvre beaucoup plus grande, au point de départ. Par contre, il y a l'autre côté de la question, parce que vous avez un investissement de $250 millions et, éventuellement davantage pour lequel vous aurez des obligations à assumer. Mettez cela à 10% et vous aurez déjà $25 millions, par année, à payer.

Vous parliez en termes d'avantages comparatifs. L'avantage comparatif que vous dites avoir de ce côté, vous le perdez automatiquement de l'autre côté. C'est mathématique, c'est la stricte réalité. Je vais même aller plus loin. Je vais retourner ma question au ministre, parce que je sais qu'il y a de nombreux produits de l'amiante qui ont déjà été finis au Québec, qu'on a discontinués, en particulier, à Asbestos. Cela aussi, c'est une partie importante de la question. Comment se fait-il qu'une entreprise qui est déjà existante, par exemple, qui est déjà sur le marché, qui possède les installations, qui possède le "know-how", qui possède les marchés ne pourrait pas entrer, comme on dit communément, dans le corps de ses concurrents dès maintenant et arriver à des chiffres aussi avantageux que ceux auxquels vous dites être capables d'arriver, même après avoir acquis une entreprise au coût de $250 millions avec tout le projet et peut-être davantage? C'est aussi une question qu'on peut se poser. Je pense que c'est la question fondamentale.

Vous dites qu'elle sera plus rentable après avoir investi tous ces montants et je ne vois vraiment pas comment.

M. Bérubé: J'aime beaucoup la question du député, parce que cela va peut-être me permettre de répéter, puisque bis repetita placent et qu'à la longue, il va peut-être voir la lumière. Je le ramène à A-6 cette fois-ci.

M. Brochu: Vous avez besoin d'avoir davantage de watts.

M. Ciaccia: Pouvez-vous nous traduire bis repetita...

M. Brochu: J'espère que cela ne va pas à l'encontre de la loi 101, toujours.

M. Lalonde: ... bis repetita placent. M. Ciaccia: Pour moi il s'est trompé.

M. Bérubé: Dans le cas de la ville de New York, à titre d'exemple...

Une voix: Est-ce du grec?

M. Ciaccia: Est-ce une langue autre que le français?

M. Bérubé: Ce n'est pas de l'italien.

M. Lalonde: Est-ce que c'est une langue autre que le français?

M. Bérubé: Autre que la langue officielle. (16 h 45)

M. Bérubé: M. le Président, puisqu'on doit toujours s'adresser au président, je vous saurais gré de vouloir noter certains chiffres et de les soumettre à l'attention du député de Richmond.

M. Brochu: Je les ai.

M. Bérubé: Vous les avez? Est-ce que cela vous ennuierait de les lire, une fois dans votre vie?

M. Brochu: Non, pas du tout. Je vais vous ramener à d'autres réalités à cet égard.

M. Bérubé: Je vais donc expliciter ma pensée.

M. Brochu: Je vais vous dire que le maximum d'emplois que vous pouvez créer, c'est 400. Cela va vous coûter $300 millions ou $400 millions pour y arriver. Je veux vous le dire aussi, $1 million par emploi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ainsi, M. le Président...

M. Brochu: On peut y aller dans ce sens aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Je constate qu'il y a un dialogue, mais j'aimerais fort bien que ce dialogue s'apparente aux raisons pour lesquelles l'étude de l'article devrait être suspendue.

M. Ciaccia: Comment? Ils n'ont pas encore suspendu cet article?

M. Lalonde: Qu'est-ce que vous attendez? Cela fait deux ans de cela...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Je constate qu'on est sur le fond. On a une motion bien précise devant nous. On s'en éloigne étrangement.

M. Bérubé: C'est pour illustrer les raisons pour lesquelles, en fait, il n'y a pas de justification. J'essaie tant bien que mal d'amener le député de Richmond à se compromettre vis-à-vis de certaines solutions, ce qui me permettrait de lui faire voir que sa solution est sans doute tout à fait inapplicable. Il s'est interrogé tantôt à savoir pourquoi une société comme Johns-Manville, transformant des produits au Québec, a pu, à un moment donné, décider de déménager sa transformation aux États-Unis. C'est très simple. Je prends, par exemple, les produits tissés d'amiante. Il en coûtait, aux dires de SORES, $12 de plus à la société Johns-Manville pour fabriquer des tissés d'amiante à Montréal plutôt qu'à New York, non pas parce que la main-d'oeuvre est plus chère,

mais parce que le coût de transport est plus élevé. Dans le cas des tissés d'amiante, il n'existait pas de tarif d'importation, et par conséquent, étant exempté, le désavantage n'était que de $12 la tonne. Chaque fois que la société Johns-Manville choisit de fabriquer ce tissé d'amiante à Asbestos, au lieu de le produire à New York, elle perd $12 la tonne.

M. Brochu: Quant à vous, vous ne perdrez pas si vous faites le même tissé.

M. Ciaccia: Cela va coûter moins cher si on le transforme...

M. Brochu: Si vous le faites ici, vous ne les perdrez pas, ces $12...

M. Bérubé: Non.

M. Brochu: ... avec le même monde, avec la même entreprise, avec les mêmes marchés, vous ne les perdrez pas.

M. Bérubé: Absolument.

M. Brochu: Je ne sais pas comment vous calculez votre affaire.

M. Bérubé: Je continue. Donc, $12 de désavantage. Maintenant, je reviens, je vais sortir mes papiers, cela devrait être quelque part; voilà.

Pour la société qui est en concurrence avec d'autres, elle n'a aucun avantage à payer $12 de plus pour fabriquer un tissé d'amiante, alors que, par exemple, ASARCO achetant sa fibre de Lake Asbestos, elle, pourrait s'amuser à faire des tissés d'amiante à New York et concurrencer Johns-Manville. Donc, si Johns-Manville veut continuer à concurrencer ses adversaires dans ce domaine de l'amiante, elle doit donc nécessairement aller se situer à l'endroit le plus favorable.

Or, que se passe-t-il pour autant que le gouvernement... parce que là, nous parlons d'une politique. Je pense que c'est un peu le drame du député d'Outremont. J'espère que ce disciple d'Adam Smith n'a pas fait école à l'intérieur de l'Union Nationale, parce que le problème du député d'Outremont, c'est qu'il ne comprend pas ce qu'est une politique gouvernementale. Il comprend les notions de libre échange. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion, à un moment donné, de suivre une très intéressante émission de télévision, durant laquelle il était interviewé, justement sur ces questions de tarif, de politique gouvernementale, d'intervention gouvernementale. Il était interviewé à côté de l'économiste Pierre Harvey. Il était assez intéressant de constater que les deux sont arrivés exactement à la même conclusion. Le député d'Outremont a dit: Le gouvernement fédéral devrait se mêler de ses affaires et ne jamais intervenir en économique. M. Harvey concluait, au contraire, que chaque fois que le gouvernement fédéral intervenait dans l'économie, avec de grandes politiques, c'est le Québec qui payait pour. Finalement, on s'aperçoit que c'est un peu la même conclusion. Ils se retrouvaient. Le député d'Outremont, lui, étant un partisan du libre échange, ne veut pas voir l'intervention gouvernementale. Ici, nous discutons justement d'une intervention gouvernementale. Nous discutons d'une politique de l'amiante. Si nous discutons d'une politique de l'amiante, nous allons sortir des simples règles de l'entreprise privée face à une situation de concurrence.

Je vais développer légèrement. Je pars de l'hypothèse suivante: Présentement, à la suite de la discussion que nous venons d'avoir, nous reconnaissons tous qu'il n'y a pas d'avantage économique particulier, sauf présentement avec la valeur du dollar canadien, à faire de la transformation de l'amiante au Québec. Compte tenu des coûts de transport que je viens d'illustrer à l'aide de quelques exemples tirés de SORES — certains de ces chiffres sont valables, nous le reconnaissons, d'autres sont plus discutables, mais, néanmoins, on peut reconnaître que dans l'ensemble il y a une bonne analyse — nous avons pris les enveloppes de tuyau, de fil ou de tissu et nous avons constaté que, pour tous ces produits, le coût du transport, auquel il faut ajouter les droits de douane, implique un coût de transformation au Québec plus élevé qu'à Toronto, New York, Paris, Tokyo ou Le Caire. Je pars de là. Si nous sommes d'accord, c'est le point de départ de notre argumentation.

Maintenant, nous nous interrogeons. Un gouvernement a deux solutions: la première est de laisser faire, soit la position du Parti libéral, alors que nous avons pris l'attitude, nous, du laisser faire, et nous les écoutons!... Il y a donc cette première position qui est de laisser faire; la deuxième position pour le gouvernement est d'intervenir pour faire en sorte que les Québécois profitent de leurs richesses. Il doit donc, cette fois-ci, modifier les règles du jeu et avoir une politique qui ne soit pas une politique du libre échange, de libéralisme économique absolu. Il doit avoir une politique qui amène la transformation.

Ce que j'ai suggéré, c'est ceci: Notre Société nationale de l'amiante, n'ayant pas d'impôt à payer, se retrouve avec une marge de profit de beaucoup supérieure. En effet, le rapport de la société Asbestos, pour 1976, nous montre que ses profits ont été d'environ $40 millions. Elle a payé une vingtaine de millions en impôt et elle a fait des profits de $20 millions après impôt. Ces profits de $20 millions après impôt, évidemment, servent à payer les actionnaires, c'est-à-dire serviraient à payer le gouvernement pour son investissement, lequel gouvernement à ce moment rembourserait l'emprunt qu'il aurait pu faire pour l'achat de la société. Donc, les profits de la compagnie restent et servent à payer l'achat de la compagnie, ce qui est tout à fait normal.

La deuxième partie, ce sont les impôts de cette société, qu'elle ne paie plus et qui peuvent évidemment représenter une augmentation de profit pour l'entreprise qui, désormais, aurait fait $40 millions de profit au lieu de $20 millions. Elle aurait pu prendre les $40 millions et faire un peu n'importe quoi.

Ce que nous disons à cette société avec ses $40 millions, c'est: Vous avez une directive concernant l'obligation que vous avez à rechercher la transformation au Québec. En d'autres termes, l'État dit: Sacrifions les $20 millions d'impôt et réduisons les prix. Je me suis amusé avec vous à calculer de combien les prix seraient réduits. J'ai d'ailleurs fait une erreur...

M. Lalonde: Ce n'est pas la première.

M. Bérubé: J'ai dit que les prix seraient réduits de 47%, alors qu'en fait, ce n'est pas exact, les prix auraient été réduits de 53%. Le prix de vente de la fibre aurait donc été encore plus bas que ce que j'avais prévu. Je pense que l'exemple est vraiment probant, puisque j'ai réussi à démontrer que c'est à peu près tous les marchés...

M. Lalonde: Ce n'est pas votre pire erreur!

M. Bérubé: Non, ce n'est pas ma pire erreur; par conséquent je la laisserai passer. Je la souligne simplement à l'intention du journal des Débats.

Or, lorsque j'ai de l'amiante vendu à plus bas prix et que mes produits d'amiante... et j'ai pris la peine de souligner un certain nombre de produits. Par exemple, le coût de fabrication de l'amiante-ciment serait de 18% inférieur au coût moyen américain calculé par SORES. Par conséquent, nous pourrions vendre à peu près partout aux États-Unis des plaques d'amiante poli sans aucun problème. J'ai même souligné que dans le cas — vous vous en rappellerez sans doute — de Toronto où, présentement, nous ne pouvons pas vendre d'amiante-ciment, désormais, nous aurions un avantage de $16.50 la tonne à vendre de l'amiante-ciment. Cela veut donc dire que tout compétiteur qui voudrait nous faire une guerre des prix le regretterait vivement. Il se rendrait très vite compte que nous avons une marge de sécurité beaucoup plus grande que la sienne. Et que par conséquent, nous pouvons l'attendre.

Donc, partant de cela, on se rend compte que, et pour l'amiante ciment, et pour l'endos à linoléum et pour le textile, nous avons maintenant un avantage comparatif très net au niveau des coûts de fabrication. Mais là, j'ai vu tout de suite le député de Saint-Laurent rugir parce qu'il se dit: oui, mais vous avez subventionné cette entreprise par une baisse d'impôt. Ce qui est parfaitement exact, c'est l'équivalent d'une subvention. Mais est-ce tellement une subvention parce que maintenant, j'ai quand même... puisque... si j'ai dû accepter de sacrifier mes impôts, c'est que je vends cette fibre à des entreprises québécoises. Donc, les entreprises québécoises existent là où elles n'existaient pas précédemment, et si je prends ces entreprises... J'ai supposé que l'on transformerait 54 000 tonnes courtes d'amiante en plaques poli, 40 000 tonnes courtes en endos à linoléum et 6000 tonnes courtes en textile.

Donc, j'ai supposé une répartition entre trois types d'industrie qui sont les trois types d'industries de SORES. Je n'ai pas parlé de nouveaux produits, puisque je reste toujours à l'intérieur du contexte que l'Opposition aime bien, c'est-à-dire celui du rapport SORES. Qu'est-ce que je constate?

Je constate que pour les plaques polies, l'impôt récupéré pour cette nouvelle activité économique uniquement est de $13 900 000; pour l'endos à linoléum, $2 millions; pour le textile: $1 700 000.

En d'autres termes, parce que le gouvernement a sacrifié ses $20 millions de profits d'impôt et qu'il a baissé les prix et que, grâce à cela, il a permis l'implantation d'usines qui, autrement, ne se seraient pas implantées au Québec, je constate que ces industries qui existent maintenant au Québec rapportent à la collectivité québécoise, en impôt direct —je n'ai pas parlé des effets induits parce qu'on sait que pour chaque emploi industriel, il y en a deux autres qui sont crées par l'économie, évidemment, avec des retours à l'État aussi—$17 600 000. En d'autres termes, j'arrive à la conclusion que ce que j'ai sacrifié d'impôt sur les profits d'Asbestos Corporation, je l'ai récupéré en impôt sur l'industrie de transformation. En même temps, j'ai éliminé mon chômage, en partie. Donc, je n'ai plus de prestations d'assurance-chômage ou de bénéfices de l'aide sociale à verser. J'ai les impôts que je perçois sur les effets indirects de ma politique et on se rend compte que les revenus à l'État sont probablement trois fois ou quatre fois supérieurs à ce que je viens d'indiquer.

Donc, par suite de l'intervention du gouvernement qui vient de sacrifier ses $20 millions d'impôt, j'ai réussi à générer peut-être pour le gouvernement des revenus additionnels de $50 millions. C'est cela l'effet d'une politique. J'ai modifié les règles du jeu et en modifiant les règles du jeu, j'ai permis un développement économique qui n'était pas possible.

Or, une telle pratique est courante. Elle est courante parce que tous les gouvernements procèdent à des stratégies de ce type. Le gouvernement américain, par exemple, dans l'industrie du papier, n'impose à ces sociétés qu'un tarif d'environ 32% alors que nos sociétés paient entre 42% et 48%. C'est un choix que la société québécoise a fait, d'imposer davantage ces compagnies qui exploitent ses forêts. Cela a comme inconvénient inévitable que notre industrie des pâtes et papiers est certainement moins profitable que l'industrie concurrente américaine. Et il y a un choix politique à établir entre augmenter les impôts et, évidemment, diminuer la compétitivité de notre industrie, ou réduire les impôts et accélérer le développement industriel, le développement économique.

Donc, il y a toujours ce jeu. Tout gouvernement est libre de choisir de sacrifier des impôts s'il veut promouvoir certains objectifs sociaux. Par exemple, nous avons des allocations de recherche. Le gouvernement canadien, tout récemment, dans son budget, vient d'introduire une mesure qui augmente substantiellement les allocations de recherche que les compagnies peuvent déduire de leur revenu.

II est à noter qu'étant donné que 80% et un peu plus de la recherche se fait en Ontario, c'est la province d'Ontario qui bénéficiera de cet avantage, ce qui a d'ailleurs permis au journaliste du Devoir, M. Nadeau, de souligner que le budget de M. Chrétien était un budget qui favorisait la centralisation des pouvoirs économiques aux mains de l'Ontario, mais c'est une décision politique. Le gouvernement fédéral peut sacrifier de ses impôts pour accélérer le développement économique et technologique de l'Ontario. Il lui est tout à fait loisible de faire cela. C'est une politique fiscale normale. (17 heures)

Ce que nous disons c'est que si nous avons une politique de l'amiante, nous pourrions adopter le même type de stratégie comme nous avons fait dans la loi 48 lorsque nous avons permis — ceci a fait plaisir au député de Lotbinière qui a toujours l'impression que la petite et moyenne entreprise est le coeur, est vraiment la base du développement économique du Québec, et je pense que cela peut se justifier, et qui a appuyé cette proposition—lorsque nous avons permis à la petite et moyenne entreprise de payer la moitié moins d'impôt au gouvernement du Québec que la grande entreprise qui ne bénéficie pas des avantages de la loi 48.

À nouveau, c'est une décision politique, oette fois-ci non seulement du gouvernement, puisque l'Union Nationale a voté en faveur de cette loi. On a donc décidé de réduire les impôts dans un secteur particulier, parce qu'on veut provoquer un développement de la petite et moyenne entreprise. De la même façon, le gouvernement du Québec choisit de se priver de certaines sources d'impôt pour favoriser le développement d'une industrie. Mais ce qui est important de souligner, c'est que nous sommes amenés à le faire à l'intérieur d'une entreprise en pratiquant des prix de transferts et non par le biais de mesures fiscales ou de mesures législatives qui elles, seraient automatiquement taxées d'anticonstitutionnalité en vertu de l'article 92. C'est là le point fondamental de cette politique qui a dû s'insérer à l'intérieur d'un contexte constitutionnel.

Mais l'objectif est, et je le reconnais, certainement de favoriser, par une intervention gouvernementale, la transformation de l'amiante au Québec. Si nous voulons, par exemple, profiter de l'expertise d'une entreprise comme Eter-nit—puisque l'Opposition a cité un certain nombre de fois Eternit, et cela m'est arrivé aussi puisqu'il s'agit d'un géant, on aurait pu citer Jim Walter ou combien d'autres, ils sont quand même peu nombreux — on aurait donc pu, si on voulait amener ces entreprises au Québec, leur proposer des approvisionnements à coûts moindres.

Là, nous avons un instrument qui, à côté de celui de la garantie d'approvisionnement en fibre, nous permet de convaincre ces entreprises de venir s'établir au Québec parce qu'elles vont y voir un avantage économique alors que, justement le député de Richmond, qui n'a pas voulu répondre à la question que je lui posais, parce qu'il se sent en terrain glissant—et je suis absolument d'accord avec lui là-dessus, il est en terrain éminemment glissant—n'a pas voulu répondre à la question précise que je lui ai posée, c'est-à-dire que s'il en coûte $7, $8, $10 ou $15 plus cher, par suite de tarifs ou de coûts de transport, à une entreprise pour fabriquer des produits au Québec, qu'est-ce qui va motiver cette entreprise à venir s'établir au Québec? C'est la question fondamentale.

Le député de Richmond ne répond pas. Il est en faveur de la transformation de l'amiante au Québec, mais il est opposé à ce que l'État prenne les moyens pour que cela se produise et de plus, nous savons que depuis 100 ans l'industrie ne l'a pas fait. Par conséquent, je dois conclure que le député de Richmond est opposé à la transformation de l'amiante au Québec.

M. Brochu: M. le Président, en vertu de l'article 96, vous me permettrez simplement de rectifier les faits dans la conclusion que le ministre vient de donner. J'ai clairement indiqué, je pense, à plusieurs reprises, que nous étions pour la transformation, mais non pas pour le moyen. Ce n'est pas le seul...

M. Bérubé: Qui veut la fin, veut les moyens.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brochu: ... Qui veut la fin de la transformation de l'amiante au Québec, ne veut pas nécessairement le moyen que choisit le Parti québécois pour y arriver. C'est complètement différent.

M. Bérubé: Mais proposez-en.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Il n'y a pas de débat. Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Grégoire: Non. Appel des noms.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane).

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Godin (Mercier)? M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rancourt (Saint-François)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion est rejetée: quatre voix contre trois. Est-ce que le paragraphe b) de l'article 4 sera adopté?

M. Grégoire: Adopté.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Sur le fond du paragraphe b), je crois que le débat auquel on vient d'assister est une très bonne démonstration de ce pour quoi, tout en étant favorable à un principe, on puisse émettre les plus graves objections relativement à la possibilité de voir quoi que ce soit de concret déboucher d'une telle initiative.

On remarquera, dans les propos du ministre, un genre de raisonnement hypothétique, très théorique, très abstrait, où on raisonne en termes d'une espèce de modèle idéal, d'une entreprise non déterminée. D'ailleurs, le ministre prend toujours soin de dire que ce sont des exemples, ce sont des hypothèses, ce sont des suppositions.

Nous n'avons effectivement entendu le ministre nous donner aucun détail concret, aucun projet concret. C'est la raison pour laquelle nous avions présenté cette motion; c'était pour donner une chance au ministre de nous fournir des indications concrètes sur les intentions gouvernementales. Ce à quoi on a eu droit, c'est un mauvais cours de la part du ministre qui s'est improvisé professeur de je ne sais pas quoi, de théorie, de placet—en utilisant même des expressions latines— sur l'implantation des entreprises. Ce n'est pas très convaincant. Parce qu'évidemment, comme dit l'expression anglaise, "The proof of the pudding is in the eating". Comme on a cité le latin, je vais utiliser, moi aussi, une langue autre que le français.

Tout ça, c'est très joli, cette rationalisation, ces raisonnements qui...

M. Lalonde: Tout le monde comprend au moins.

M. Ciaccia: Le député de l'Union Nationale est parti, tout le monde comprend, au moins.

M. Bérubé: La langue du maître!

M. Forget: Tout le monde comptend ça, je pense bien, oui. C'est très joli, tout ce genre de raisonnement, mais il reste qu'on verra bien si ça va marcher. Même si le ministre a pris l'équivalent de quatre heures de séance de nos travaux en commission parlementaire pour nous répéter sa théorie sur la rentabilisation magique d'une entreprise non rentable par la voie d'une intégration verticale de sociétés d'État, c'est une jolie expression très longue, incompréhensible d'ailleurs pour tous ceux qui n'ont pas assisté à nos travaux.

De toute façon, on pourra toujours dire: Qu'est-ce que ça donne, en pratique, et on verra bien. On est un peu dans la situation des passagers d'un avion dans un brouillard épais. Normalement, on vole aux instruments, dans ces cas-là, quand on sait d'autant plus que le pilote lui-même ne voit rien.

M. Bérubé: Surtout quand on a le cerveau fumeux, comme c'est le cas de l'Opposition.

M. Forget: On a l'impression qu'effectivement, le pilote, qui est le ministre dans ce cas-ci, ne voit pas plus que nous dehors. Il a beau s'écarquiller les yeux à travers le hublot, il n'y a que de la brume. Mais il a une théorie à lui — il n'a pas d'instruments de vol — mais il a une théorie à lui selon laquelle l'aéroport doit se trouver dans telle direction. Il nous dirige là, M. le Président. Il nous dirige là, advienne que pourra; on serre nos ceintures, on attend et on peut dire: S'il réussit à se poser sur la piste, tant mieux, on va l'applaudir.

Mais les indications sont, et les probabilités mêmes, de ce genre de vol à l'aveuglette...

M. Bérubé: On s'attache.

M. Forget: ... sont qu'on va s'écraser à peu près n'importe où, sauf sur l'aéroport, sauf sur la piste; on va se poser à peu près n'importe où. Je n'ai aucun sentiment de sécurité d'entendre ce genre de raisonnement, très théorique; au neuvième ciel, on dit: Voyez comment on va rendre notre fille muette, selon l'expression de Molière; voilà pourquoi votre fille est muette, c'est parce qu'elle n'a pas la vertu auditive ou quelque chose du genre. Cela n'a aucune espèce d'importance.

Est-ce que, en fait, on a des projets, du travail sur la planche qui va faire déboucher ça avant 1990? On n'est pas très exigeant. Mais ça semble tellement hypothétique, tellement remis à plus tard que, même si on va finalement adopter cet article b)... Parce que, nous aussi, on aime les voeux pieux; qu'est-ce que vous voulez, on peut difficilement être contre la vertu. Mais on se trouverait bien coupable de dire: Oui on est pour la vertu, avec le ministre, avec les membres de la majorité ministérielle; on trouve ça très beau, la transformation de l'amiante, cependant, on ne sent pas la moindre idée sur terre de ce que ça va donner dans un avenir prévisible.

Personne ne s'est donné la peine de faire ce travail, on en est encore à la rationalisation, au verbalisme, à des théories et on espère que l'aéroport se trouve quelque part en dessous et qu'on va bientôt toucher la piste.

M. Bérubé: Une piste en amiante-asphalte.

M. Forget: Je suis sûr que la piste va être asphaltée, oui. Pourvu qu'on la trouve, encore une fois.

M. le Président, ce qui me frappe dans tout ce raisonnement sur les projets, c'est une espèce de manie qui semble orienter, dans le fond, l'ensemble du raisonnement gouvernemental je ne sais pas si on peut appeler ça de l'"indépendantite " — c'est une manie d'essayer de faire un modèle de développement de l'industrie de transformation de l'amiante sans tenir compte des possibilités de coopération avec les ressources et les entreprises existantes, soit au Québec, soit à l'étranger, ou d'autres instances capables de nous aider.

Je peux donner quelques exemples de ce que j'ai à l'esprit. Par exemple, lorsque l'on pense aux producteurs d'amiante existant déjà au Québec—on a déjà eu l'occasion d'en parler—il est clair qu'il y a cinq ou six ans, ils étaient absolument fermés à toute possibilité de collaboration. Mais je suis persuadé, ils nous l'ont dit. On peut douter de leur parole, évidemment—le ministre, dans cette espèce de paranoïa, voit toutes sortes de complots dirigés contre l'intérêt des Québécois, peut douter de cette possibilité—mais je suis persuadé que, s'il y avait une initiative gouvernementale positive, face non pas à des producteurs indépendants, à des producteurs isolés d'amiante, mais face à l'industrie québécoise qui extrait la fibre d'amiante, qu'il y aurait des possibilités de constituer un consortium de transformation et d'exportation de produits finis à base d'amiante au Québec.

L'approche choisie par le gouvernement, les ententes de développement, en isolant les producteurs les uns des autres, introduisent un élément de très grande incertitude de la part de chacun d'entre eux qui se demande ce que son voisin est en train de concocter avec le gouvernement et donc retient son initiative et sa participation parce qu'il n'y a pas de place sur les marchés internationaux, étant donné le faible accroissement, malgré tout, de l'ordre de 3% ou 4%. Il n'y a pas de place sur les marchés internationaux pour les entreprises de transformation qui épuiseraient les économies d'échelles, qui permettraient justement de surmonter certains des handicaps qui ont été soulignés par le rapport SORES.

Mais si on produisait à une échelle suffisante des produits qui s'adresseraient à un marché international, à l'aide d'un consortium d'entreprise où il y aurait une participation importante des producteurs de fibre au Québec, il y aurait là une voie qui n'a pas été explorée. Elle ne l'a pas été, encore une fois, parce qu'on regarde l'image d'une industrie extractive qui, il est vrai jusqu'à un certain temps, n'était pas ouverte à cette possibilité. Il faut se souvenir que l'initiative, dans cette direction, ne peut pas venir de l'industrie. Ils sont légalement empêchés de prendre une initiative de ce genre-là. C'est, même pour des individus à l'intérieur de l'entrepise, un risque très grand d'amendes considérables, s'ils sont pris en flagrant délit à prendre l'initiative d'une telle proposition.

Cependant, privément, on peut se rendre compte qu'ils ne seraient pas fermés à une telle initiative gouvernementale. C'est un des volets d'une approche coopérative avec les ressources existantes qui m'apparaîtrait être beaucoup plus fructueuse qu'une approche isolée, et la tentative de tout faire soi-même, à partir de zéro, d'acquérir tout l'ensemble des ressources, à partir de zéro, pour réussir à faire quelque chose. À partir d'une espèce de philosophie de tabula rasa, on ne fait rien, on part de zéro; c'est comme s'il n'y avait pas d'industrie d'amiante, c'est comme s'il n'y avait pas d'expertise dans le domaine, c'est comme s'il n'y avait aucune possibilité de collaboration.

Un autre domaine où il y a des nécessités de collaboration, c'est la mise en marché et la pénétration des marchés étrangers. C'est surtout là-dessus que je me serais attendu à des précisions de la part du ministre, non pas à des théories sur le troisième degré de complication de l'utilisation des fonds dans une société d'État, avec toutes sortes d'incertitudes, à savoir si ce sera possible ou pas, mais des indications que des démarches ont été entreprises avec des gens qui sont sur le marché européen, sur le marché sud-américain, sur le marché japonais, de manière à pénétrer ces marchés.

On parle des panneaux d'amiante-ciment. Dans l'étude SORÉS, dans ce chapitre, on dit: C'est très joli de mettre en marché les panneaux d'amiante-ciment. Mais cela ne se fait pas tout seul. Il faut de la moulure pour la fixation, il faut des vis de fixation, il faut un tas de choses, il faut des dépliants, il faut des instructions aux installateurs, etc. Peut-être même faut-il vendre l'outillage spécialisé pour adapter aux matériaux. Cela se trouve dans bien des cas de matériaux de construction.

Ce sont les constatations que font les gens qui se sont penchés sur le problème de mise en marché. Il ne serait pas approprié et il ne serait pas réaliste d'entreprendre, à partir du Québec, une mise en marché de tous ces produits pour le Japon ou pour le Texas. Il va falloir s'entendre avec les gens qui sont sur ces marchés. On n'a entendu, de la part du ministre, aucun exposé concret de démarche, de négociation, qui pourrait s'imaginer, pour aborder le problème selon l'angle des marchés plutôt que selon l'angle physique de la matière première.

Ce serait beaucoup plus rassurant de l'entendre discourir sur cet aspect aussi longtemps qu'il l'a fait sur la prétendue insuffisance de la fibre d'amiante et les garanties d'approvisionnement. C'est un autre domaine où des collaborations seront nécessaires. On ne peut pas le manger, notre amiante. On en produit à peu près 25 fois trop pour les besoins qu'on en a nous-mêmes. Tout le monde sait très bien que, si on doit avoir des produits finis d'amiante, il faudra, comme on fait pour la fibre, largement les exporter. (17 h 15)

Autrement, on n'a même pas d'industrie viable à envisager pour le Québec. Il faut donc pénétrer les marchés internationaux. Il y a des collaborations à mettre en place. On n'a rien entendu là-

dessus. On dit: Plus tard; plus tard, on y viendra, un jour; en 1985 ou 1990, etc.; si, d'ici là, les autres exigences et le financement des améliorations des mines nous laissent l'énergie et l'argent nécessaires pour faire ces autres investissements.

Il y a donc là toutes sortes de possibilités qui ne sont pas explorées.

Dans le dernier domaine, les questions constitutionnelles, chaque fois que le ministre a tombé sur la moitié d'une excuse pour invoquer la constitution pour ne rien faire ou faire les choses d'une certaine façon plutôt que d'une autre, il l'a fait, comme si la constitution représentait une espèce de muraille de Chine, une espèce d'obstacle absolu. Mais, c'est bien sûr, dans l'esprit dans lequel il se place de tout faire comme si on était seul au monde, comme si les choses qu'on ne fait pas seul, il vaut mieux ne pas les faire du tout, comme si toute collaboration était absolument exclue au départ, par exemple avec le gouvernement fédéral qui prévoit une chose aussi simple que des taxes à l'exportation. C'est sûr que le Québec ne peut pas le faire seul, imposer seul des taxes à l'exportation, mais ce qu'il est intéressant de constater, c'est que les lois fédérales qui prévoient des taxes à l'exportation prévoient des ententes fédérales-provinciales pour imposer des taxes à l'exportation dans certains cas où c'est utile et nécessaire pour le développement d'une économie régionale. Dans le cas de l'amiante, c'est un cas excellent.

Est-ce qu'on s'apprêterait à dépenser $150 millions...

M. Godin: On a été un peu échaudé récemment là-dessus.

M. Forget: S'il vous plaît!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre!

M. Forget: Est-ce qu'on s'apprêterait à dépenser $150 millions pour faire l'économie d'une entente fédérale-provinciale sur des taxes à l'exportation sur la partie de fibre qui serait exportée avant d'être transformée au Québec?

M. Godin: Chat échaudé craint l'eau froide.

M. Forget: Je pense qu'il y a eu, du côté du gouvernement fédéral...

M. Godin: L'entente Chrétien-Parizeau, vous n'avez pas vu cela dernièrement, le succès phénoménal de cette entente?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: On a le droit d'être défaitiste.

M. Forget: On a le droit d'être défaitiste, on a le droit d'abandonner.

Une voix: Un droit que vous exercez souvent.

M. Forget: De toute façon, si le ministre des Finances était si défaitiste, il n'aurait pas mis dans le budget l'hypothèse de base que la question va se régler au cours de l'année financière. Il doit donc y avoir, du côté du ministre des Finances, un degré d'optimisme supérieur, relativement à la possibilité de régler ces problèmes, à celui qu'on trouve chez le ministre des Richesses naturelles qui suppose que tout est impossible. C'est curieux, du côté du ministre des Finances, il a comptabilisé comme des recettes les $225 millions dans son budget.

M. Ouellette: Est-ce que vous allez appuyer notre ministre des Finances?

M. Forget: C'est une autre question.

M. Ouellette: Cela se passe de l'autre côté.

M. Forget: II y a un autre débat là-dessus, comme vous le savez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En face, au salon bleu.

M. Forget: M. le Président, il reste qu'il y a des possibilités d'ententes fédérales-provinciales. Est-ce qu'on est en train de dépenser $150 millions pour faire l'économie d'une négociation d'une telle entente avec Ottawa qui pourrait très bien donner des garanties d'approvisionnement aux "fabricateurs", aux transformateurs de la fibre d'amiante au Québec?

C'est une question qui est certainement aussi valable que la prétendue question que le ministre a posée au député de Richmond, à savoir: Comment feriez-vous pour surmonter une différence de coût de $7 entre Toronto et Montréal? Le problème est: Est-ce que le ministre ferait quelque chose pour éviter de dépenser peut-être inutilement $100 millions alors qu'il n'a qu'à conclure un contrat avec le gouvernement fédéral qui a démontré dans le passé, peut-être à mauvais escient, étant donné les projets sur lesquels certains, du côté provincial, voulaient l'engager, qu'il était prêt à collaborer avec le Québec au développement de l'industrie de l'amiante? Il y a déjà une volonté de ce côté-là.

M. Godin: M. le député, puis-je vous poser une question?

M. Forget: Non, vous ne pouvez pas. M. Godin: Voyons donc!

M. Forget: J'aimerais que le député essaie de tempérer ses interruptions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Godin: II y a deux exemples récents d'échecs de M. Lougheed là-dessus.

M. Forget: II pourra parler, s'il veut, pendant vingt minutes, sur la motion principale.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement. Depuis que le député de Mercier est arrivé, on ne peut plus parler ici tranquillement. Au moins, le ministre ferme les yeux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: Je ne dis pas qu'il dort, mais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous n'avez pas de droit de parole; tout à l'heure, s'il vous plaît, je vous reconnaîtrai.

M. Godin: C'est fait pour échanger ici. On ne peut même pas échanger.

M. Forget: M. le Président, il y a dans toute cette attitude, encore une fois, une volonté de "do it alone", c'est de faire cela tout seul comme si on était seul au monde, ignorer l'industrie de l'amiante existante; c'est dire: On ne collabore pas avec ces gens; on se méfie de leurs intentions; on se méfie de leur velléité prétendue de collaborer à la mise sur pied d'une industrie de l'amiante. On va y aller morceau par morceau. On va essayer de les isoler, parce que si on les rencontre ensemble, vraiment ils vont nous écraser. Ils vont essayer de nous rouler, mais peut-être qu'isolément, on va pouvoir diviser pour régner. En divisant, on ne régnera pas du tout, parce que, finalement, la division de ces projets en parcelles isolées rend impossible leur réalisation séparée. Si on veut vraiment agir de façon dynamique, il faut viser à la création de consortiums de production et d'exportation. C'est le seul moyen. Le Japon a procédé, de cette façon au début de sa révolution industrielle d'après-guerre, pour envahir les marchés étrangers.

Quant à l'action de ces grandes entreprises, il les a regroupées pour fin d'exportation. Pourquoi le gouvernement du Québec n'essaie-t-il pas d'agir en ce sens, plutôt que de se croire tout seul au monde? Pourquoi n'essaie-t-il pas de conclure des ententes et de nous en parler, si jamais... Tant est qu'il envoie des fonctionnaires en Europe. Est-ce que c'est pour cela qu'il les envoie? Est-ce qu'il a des hypothèses précises à l'esprit ou est-ce que ce sont des voyages de touristes? Si le ministre dépense des fond publics pour payer des voyages à l'étranger à un certain nombre de fonctionnaires, peut-être devrait-il, au nom de la transparence, ne serait-ce que pour cela, nous dire à quoi vont servir ces dépenses. Quand il invoque des arguments constitutionnels, est-ce qu'il n'aurait pas la franchise d'aller jusqu'au bout, de dire que ce n'est pas tellement la constitution qui l'empêche, c'est son absence de volonté d'en venir à des ententes avec un autre niveau de gouvernement, pour pouvoir se draper par la suite dans le grand manteau de l'autonomie violée ou frustrée en disant: On n'a pas pu faire cela à cause de la constitution, alors que la constitution n'interdit rien. Elle oblige tout simplement, dans certains cas, à une forme de col- laboration intergouvernementale. Ce n'est pas du viol et ce n'est pas la fin du monde de le faire. Cela s'est fait dans d'autres secteurs.

Si on cessait ce genre de raisonnement, cette "indépendantite" déplacée et prématurée, je pense qu'on pourrait voir des solutions concrètes à l'amiante beaucoup plus intelligentes que celles qu'on nous propose.

Enfin, un dernier point suscite mon étonnement. On a un raisonnement, de la part du ministre, très théorique sur la façon d'attirer des entreprises. Je ne comprends plus rien. Est-ce une initiative gouvernementale ou non? Le ministre nous parle comme s'il s'agissait d'inciter l'implantation d'investisseurs privés, qui n'ont aucune espèce d'obligation de venir s'établir au Québec plutôt qu'en Ontario.

On parle d'une société d'État, on parle d'initiatives gouvernementales. Est-ce qu'il faut parler d'incitations dans le même sens et avec le même effet que lorsqu'on parle d'une société privée? Je ne reconnais plus la distinction entre une société d'État et une société privée. Il n'est pas nécessaire d'inciter la société de l'amiante à s'implanter au Québec. Il me semble que si on dispose de $250 millions, il n'est plus question d'incitation, il est question de savoir si les marges bénéficiaires que permettent certains produits, comme les plaques d'amiante-ciment, comme les garnitures de freins moulés, si ces marges bénéficiaires ne sont pas suffisamment élevées, de toute manière, étant donné le type de production et la structure des marchés pour ces produits, pour permettre d'absorber les différentiels de coûts sans subvention.

Il me semble que c'est tout à fait évident. Lorsqu'on lit le rapport SORES, on nous dit justement qu'un certain nombre de produits— les plaques finies d'amiante-ciment en sont un — sont des produits où il n'y a pas beaucoup de concurrence, particulièrement sur le marché nord-américain, et où les marges bénéficiaires seraient largement suffisantes pour absorber les coûts de la mise en marché et les coûts de transport sur le continent nord-américain. On n'a pas besoin de produire un faux calcul de rentabilité et de "compétitivité" absolue. Les marges bénéficiaires sont suffisantes pour absorber cela. Il n'est pas nécessaire de faire le sacrifice de $20 millions d'impôt.

D'ailleurs, le raisonnement est faussé au départ lorsque le ministre dit que c'est compensé par l'impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers, qui vont être créées en vertu de cette initiative. Quand il dit cela, il suppose que le seul moyen de créer ces entreprises, c'est le moyen qu'il recommande. C'est une pétition de principe. Il faudrait d'abord qu'il prouve que c'est le seul moyen. Si c'est le seul moyen, il aura au moins un début de justification de nous apporter cet argument. Si on peut imaginer, ne serait-ce qu'un seul autre moyen pour créer des entreprises de transformation... De toute manière, ces entreprises de transformation vont faire des profits, vont donner des salaires sur lesquels des impôts vont être payés. Donc, il ne faut pas compter cela comme un bénéfice qui compense la perte des $20 mil-

lions de taxes ou d'impôts sur les profits de la société Asbestos. C'est compter deux fois la même chose.

Il ne s'agit pas, je pense bien, de démontrer quoi que ce soit pour essayer de convaincre le ministre. Le ministre se ferme littéralement à toute espèce d'argument rationnel.

Cependant, on est enregistré pour le journal des Débats. Il va y avoir un "day of reckoning", un moment où des gens vont devoir rendre des comptes, au moins devant l'histoire, parce que c'est seulement devant l'histoire qu'on va rendre des comptes dans cette affaire-là; on va tous être morts quand ces projets seront réalisés, de la façon dont le gouvernement s'y prend. (17 h 30)

M. Godin: M. le Président, "A Gun Fight at O.K. Coral." John Wayne est prêt à tirer!

M. Forget: C'est seulement aux yeux de l'histoire qu'on va être jugés. C'est la grande histoire, ce n'est même pas la petite histoire, c'est la grande histoire qui s'étend sur des siècles, mais il reste que, M. le Président—plaisanterie mise à part — on va être jugés sur les résultats et on verra, dans quelques années, qui aura fait les meilleures prédictions. J'ai bien hâte de voir ce jour...

M. Godin: Prophète de malheur!

M. Forget: Prophète de malheur pour des plans mal conçus, conçus pour des raisons politiques et conçus sous des augures strictement nationalistes sans aucune espèce de sens du concret, du réel, par un ministre qui, dans le fond, pense avoir compris tous les...

M. Godin: Comme la Baie James, annoncée au congrès libéral.

M. Forget: ... problèmes, pense être l'expert instantané sur tous les produits, que ce soit l'amiante ou autre. C'est une attitude qui ne peut pas mener à des résultats concrets et on le verra bien.

M. Godin: Etiez-vous au congrès libéral quand la baie James a été lancée?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! M. le député de Mercier, est-ce que vous voulez intervenir? Je pense que oui!

M. Godin: Ah, oui, j'adorerais cela!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous accorde le droit de parole, le député de Richmond ne voulant pas intervenir pour le moment.

M. le député de Mercier.

M. Godin: On vient d'entendre, M. le Président, un cours sur deux sujets. D'abord, la transparence. Il me semble important de citer ici — non que je l'endosse totalement— le nouveau chef du Parti libéral qui, le dimanche suivant sa victoire, a défini la transparence. Je ne sais pas si ses nouveaux collègues l'ont entendu. La transparence, disait-il, ne consiste pas à tout dire, mais consiste, quand on ne dit pas quelque chose, à dire les raisons pour lesquelles on ne le dit pas. C'est la définition de votre nouveau chef; je ne sais pas si vous l'endossez. Elle m'apparaît, quant à moi, fort entortillée et laissant la porte ouverte à toutes sortes d'abus, mais enfin...

M. Lalonde: Est-ce que vous nous posez une question ou est-ce un commentaire?

M. Forget: Ce n'est ni l'un ni l'autre, ce n'est ni une question ni un commentaire.

M. Godin: Si vous avez des commentaires à faire sur ce commentaire, allez-y, je suis pour les échanges.

M. Lalonde: Je ne compte sûrement pas et surtout pas sur le député de Mercier pour interpréter les paroles de M. Ryan.

M. Godin: Mon cher collègue, je le cite au texte.

M. Lalonde: J'aimerais vérifier le texte... M. Godin: Vous avez des doutes n'est-ce pas? M. Lalonde: Oui, je ne peux m'empêcher... M. Godin: C'est très révélateur!

M. Lalonde: ... ayant lu quelques fois les productions du député de Mercier, je me fie au texte seulement.

M. Godin: M. le Président, je déposerai le texte de cette définition de la transparence par le nouveau chef du Parti libéral. C'est une définition de la transparence qui nous laisse extrêmement pantois, de ce côté-ci de la Chambre.

M. Forget: Vous préférez ne rien expliquer quand vous ne dites pas quelque chose. C'est là votre définition!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: Nous on vous explique; on a déposé des documents; le ministre a parlé là-dessus ainsi que nous sur...

M. Forget: Oui, des théories, il n'a rien donné de concret.

M. Godin: ... la majeure partie des sujets que vous soulevez. Vous avez été abondamment couverts de renseignements et malheureusement vous n'en tenez aucun compte, vous continuez à agir et à tenir des propos qui laissent croire...

M. Forget: Qu'on n'est pas persuadés.

M. Godin: ... qu'il faudrait, dès maintenant, M. le Président, alors que la société n'est pas créée, alors que nous sommes encore à discuter de la loi la créant, article par article, nos amis d'en face aimeraient que déjà nous puissions avoir réponse à toutes les questions. Or, il y a un mot qui revient souvent dans nos interventions, c'est le mot expertise. L'une des raisons pour laquelle on veut mettre le pied dans la porte pour entrer dans le club de l'amiante, club privé jusqu'à maintenant, c'est précisément pour acquérir une expertise et j'imagine que, tout au long de cette démarche, qui consistera, dans la plus grande...

M. Forget: ... millions d'expertise.

M. Godin: ... transparence, qui consistera à confier à un groupe de Québécois, nos amis d'en face seront les premiers à nous interroger, à nous poser des questions comme ils le font sur l'Hydro-Québec, comme ils le font sur SIDBEC, comme ils le font sur toutes les institutions d'État et à suivre de très près, j'en suis sûr, au jour le jour presque, ce qui se passe dans cette entreprise. Au fur et à mesure que nous prendrons des décisions, que nous prendrons quand les problèmes se présenteront, le député de... Est-ce Saint-Laurent?

M. Forget: Je ne sais pas de qui vous voulez parler.

M. Godin: Je parle de vous. M. Forget: Oui.

M. Godin: Le député de Saint-Laurent, avec une naïveté vraiment d'enfant nouveau-né...

M. Forget: Candide.

M. Godin: ... nous dit: On devrait...

M. Forget: Candide. (17 h 30)

M. Godin: ... nous dit: On devrait... Candide, oui de Voltaire... Le député Candide nous suggère de nous entendre avec le fédéral, mais vous n'avez pas lu dernièrement ce qui s'est passé dans les provinces des Prairies quant au pétrole. M. Lougheed a tenté d'imposer une taxe sur le pétrole et vous avez bien vu la réaction du fédéral.

M. Forget: C'est cela. Je n'ai pas suggéré que le Québec impose une taxe à l'exportation.

M. Godin: Non, mais vous avez bien vu quels étaient les résultats d'une tentative d'entente entre le fédéral et les provinces. Vous avez vu ce que cela a donné. Vous avez vu que le fédéral, non seulement met un frein...

M. Forget: Vous pouvez toujours réécrire l'histoire.

M. Godin: ... à toute tentative des provinces dans ce secteur, d'une part, mais d'autre part, quand une province comme l'Alberta, d'ailleurs qui l'a fait dans le domaine du transport aérien, en achetant une compagnie d'aviation ou même deux...

M. Forget: Vous aimeriez bien faire cela.

M. Godin: Quand une province fait cela et surprend ainsi le fédéral les culottes baissées — comme on ditdans Assurancetourix, le bar de national — qu'est-ce que le fédéral fait? Immédiatement, pour empêcher que toute province suive ce précédent, il adopte une loi interdisant que cela se fasse par d'autres provinces dans l'avenir.

Donc, par conséquent, notre expérience et l'expérience des autres provinces, que nous observons, que nous suivons de très près dans ces secteurs, montrent que l'entente est extrêmement difficile à atteindre dans ces domaines, avec le fédéral qui, loin d'être dans la tradition même de ses années de fondation et ainsi que l'incarnent les jugements du Conseil privé qui faisaient du fédéral une création des provinces, ce qu'on voit depuis quelques années, c'est le contraire. On a l'impression que ce sont les provinces qui sont des créations du fédéral.

M. Forget: Vous venez de conclure une entente de $75 millions pour le loisir. Il devrait être possible de faire aussi bien pour l'amiante.

M. Godin: Mon cher monsieur le député de Saint-Laurent, il est tout à fait normal que ce gouvernement central retourne au Québec ses impôts, d'une part.

M. Forget: C'est cela. Continuez. Travaillez un peu.

M. Godin: D'une part, c'est absolument normal et le moment venu...

M. Forget: On ne vous le reproche pas. Soyez imaginatif.

M. Godin: ... monsieur le député de Saint-Laurent, le peuple du Québec aura le loisir de dire oui ou non à ce rapatriement des $12 milliards. Il aura le loisir. Vous allez travailler contre. Votre chef le dit.

M. Forget: II a déjà le loisir. Il vote aux élections fédérales.

M. Godin: Vous allez travailler contre et nous estimons que ces taxes doivent être dépensées d'abord et avant tout par nous, et que nous n'avons pas à frapper à la porte du fédéral pour demander la permission de dépenser notre argent comme eux l'entendent et c'est ce qui est en cause.

M. Lalonde: C'est très simpliste comme description d'un régime fédéral.

M. Godin: Le député a-t-il une question ou fait-il des commentaires hors de propos?

M. Forget: On essaie de corriger le...

M. Godin: Si c'est une question, je suis prêt à l'écouter. Je suis pour les échanges.

M. Lalonde: Je parle simplement d'humilité...

M. Forget: On met le pilote automatique parce que le député s'en va en dehors de la course normale pour s'écraser en dehors de l'aéroport.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: La pertinence...

M. Bérubé: En parlant d'écrasement, quand je pense...

Une voix: ... je voyais tantôt que l'instrument...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: II suffit de penser au 15 novembre 1976 et l'écrasement ne fût pas tellement de ce côté-ci de la Chambre. L'avion était en flammes et les passagers ont sauté en parachute avant qu'il ne s'écrase au sol. Et c'est peut-être ce qui va se passer à Ottawa aussi.

M. Forget: Dans le comté de Mercier.

M. Godin: De toute façon, pour revenir au fond de ma question qui était l'entente éventuelle avec le fédéral, il n'est pas exclu que cela soit étudié en temps et lieu mais on a l'impression que l'Opposition voudrait—et c'est ce qui se dégage de la majeure partie de leurs interminables interventions...

M. Forget: ... moins longtemps que vous aujourd'hui, encore une fois.

M. Godin: Est-ce une question, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Non. C'est un commentaire en passant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: J'autorise les questions, mais il me semble que le président n'autorise pas les commentaires.

M. Forget: C'est la monnaie de votre pièce.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre!

M. Godin: Fausse monnaie, comme d'habi- tude. De la monnaie de pape. Vous connaissez cela? De la monnaie de pape, sinon de singe.

M. Forget: Pas beaucoup.

M. Godin: Ce qui se dégage de la majeure partie des interventions que j'ai écoutées ici, de bouche à oreille, ou que j'ai lues dans le calme de ma tour d'ivoire du troisième étage, c'est que l'Opposition voudrait, semble-t-il, qu'avant même que la société ne soit créée, que nous ayons réponse à toutes les éventualités qui pourraient se produire. Elle tient pour acquis que nous voulons, systématiquement, que cette société soit déficitaire, que cette société ne fasse que des erreurs, que cette société aille à l'encontre de la loi naturelle qui est de survivre, de se développer, de prendre de l'expansion, de faire des expériences, de prendre de l'expérience. Elle voudrait qu'avant même que tout ceci ne se passe, alors que l'enfant est encore dans ses langes, M. le Président, que nous puissions dire ce qu'il sera quand il sera majeur à 21 ans et que nous puissions prévoir, à chaque étape, de sa vie future. Je pense que si on exigeait cela de chaque enfant qui vient au monde, les deux députés d'en face, eux-mêmes n'auraient pas eu droit à la vie, parce que si on avait su ce qu'ils sont devenus, sûrement qu'on aurait pris tous les moyens pour empêcher que cela se produise. Mais non, la vie leur a fait confiance et pourquoi pas, au fond. C'est un peu la position qui est la nôtre. Il y a le mot expertise qui revient dans nos conversations et, pour moi, c'est très clair.

S il avait fallu répondre à toutes les questions éventuelles qui pouvaient se poser à l'Hydro-Québec au moment où la nationalisation a été faite, comme par exemple: Que feriez-vous si le prix du pétrole triplait ou décuplait en 20 ans. On ne le savait pas à cette époque-là, M. le Président. Que feriez-vous si jamais il y avait un marché, un débouché pour l'énergie électrique du Québec vers New-York, est-ce que vous construiriez une ligne à haute tension transportant l'énergie? On aurait dit à l'époque, ceux-là même qui étaient au pouvoir: Mais on ne sait pas. Si jamais cela se produit, on verra. Si on a des surplus, on les vendra, on les exportera. Quel prix allez-vous les vendre? On ne le sait pas. On le verra plus tard, M. le Président, quand on aura toutes les données en main. Ce qu'on a vu c'est que l'Hydro-Québec est le plus beau fleuron de la couronne de cet ancien gouvernement qui fit la Révolution tranquille, dans ses meilleures heures le gouvernement libéral, à l'époque où ce gouvernement-là avait une vision, M. le Président. Nous avons constaté que l'Hydro-Québec a pu s'adapter aux nouvelles circonstances au fur et à mesure qu'elles se présentaient. Je ne vois pas...

Est-ce que c'est une question, M. le député de Saint-Laurent? Oui si c'est encore un grain de sel...

M. Forget: Nous avons encore une vision, vous, vous avez des visions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Forget: C'est une affirmation.

M. Lalonde: C'est une affirmation.

M. Forget: Ce sont des visions que vous avez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Forget: Nous, nous avons une vision, c'est bien différent.

M. Godin: Le député grain de sel. Ils me font penser à Grumeau et Grenaille dans la fameuse émission pour les enfants.

M. Lalonde: Est-ce que vous me permettez une question?

M. Godin: Certainement.

M. Lalonde: Pour faire fonctionner votre imagination dans la même veine, pouvez-vous venir vous asseoir ici quelques minutes et regarder le ministre et le député de Frontenac assis un à côté de l'autre. Je suis sûr que ce serait un objet de votre imagination...

M. Godin: Si vous avez des remarques à faire sur mes collègues...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Godin: Ce n'est pas une question, M. le Président, c'est une tentative déguisée de me faire perdre pied. Malheureusement, cela ne réussira pas, M. le député de Marguerite-Bourgeoys? Non, c'est Grumeau.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: Ce qu'on tente de faire, M. le Président, c'est demander au ministre et à cette commission de tout, mais absolument tout prévoir, dans les détails, de ce qui va advenir de cette entreprise. C'est impossible, personne ne peut le dire. Qui aurait pu prévoir, par exemple, qu'une entreprise comme le Devoir perdrait son directeur et qu'il deviendrait chef de ce parti? Impossible. La même chose peut s'appliquer dans un certain nombre...

M. Bérubé: Surtout qu'il avait pris une décision...

M. Godin: Ferme et irrévocable, c'est vrai.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: Courte... C'était plus court le non que le oui.

M. Lalonde: Cela vous fatigue.

M. Godin: On a hâte qu'il soit ici. On a hâte de le voir.

M. Ouellette: On dit cela en riant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Godin: On a surtout hâte d'apprécier son humour. Mais nous espérons que de façon ferme et irrévocable il va venir et qu'à l'égard de ses projets sur l'avenir du Québec, il sera également ferme et irrévocable et qu'il ne changera pas d'idées tôt ou tard. Ce qui est le lot de tous ceux qui sont contre le référendum et qui demandent au peuple du Québec un chèque en blanc.

Pour revenir à l'essentiel, M. le Président, ce que ces messieurs veulent que nous fassions, c'est, ils l'ont dit, que nous tentions de nous entendre avec le fédéral comme si, depuis dix ans, il avait été possible de s'entendre avec ce gouvernement fédéral pour le Québec, et ils ont des collègues, entre autres...

M. Forget: ... des ententes à l'Assemblée nationale.

M. Godin: ... l'ex-ministre Claude Castonguay, qui a presque claqué les portes à plusieurs reprises à son gouvernement pour protester d'ailleurs contre certains comportements internes et surtout contre le comportement du fédéral à l'égard de la récupération au Québec du bien-être social. Vous savez ce que je veux dire. Dans le domaine de la police...

M. Forget: II a fini par conclure une entente.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: ... votre ex-collègue, futur "péenpiste", et maintenant libéral, Jérôme Choquette, un autre ferme et irrévocable, a lui aussi essuyé des refus, refus sur refus à Ottawa. Par conséquent, on a l'impression que ce parti, le PLQ, est plutôt le parti SM pour sadomasochiste. C'est un parti qui aime recevoir des coups de pied au derrière, M. le Président, et qui prend plaisir à se faire refuser ce qu'il demande, qui prend plaisir à continuer de dire: On va renouveler le fédéralisme, sans mandat; on ne demandera pas au peuple du Québec de nous dire: Oui, renouvelez-le; on va dire: Non, dites non, on va le renouveler, M. le Président. Il continue à nous dire: Tentons donc de nous entendre avec le fédéral, tendons donc d'aller chercher du fédéral des accords tarifaires, des accords de taxation qui vont nous permettre de contrôler un peu mieux cette ressource naturelle.

Nous sommes d'accord pour que le gouvernement du Québec, disent ces gens, nationalise ou achète une partie de l'amiante, nous sommes d'accord sur le principe, ce qui est un signe de réalisme. Mais là où ils me semblent tomber dans le sadomasochisme, c'est quand ils disent de ten-

ter de s'entendre avec le fédéral. Comme si chacun d'entre eux, tous anciens ministres, ne s'était pas cogné le nez, tour à tour, sur les portes du fédéral; comme si chacun d'entre eux, dans le secret de son coeur, j'en suis sûr, n'est pas revenu de ces conférences fédérales-provinciales la rage au coeur, humilié et déçu...

M. Forget: II fait de la projection, le député de Mercier. Vous projetez la rage au coeur que vous avez.

M. Godin: Non, je ne suis jamais allé dans une telle conférence fédérale-provinciale, monsieur, contrairement à vous et contrairement à votre collègue de Marguerite-Bourgeoys. Malgré ces refus successifs, malgré les échecs subis, ils continuent à croire que c'est possible de s'entendre, alors que tout ce qui est possible, M. le Président, c'est d'avoir le bon bout du bâton, que le référendum va nous donner et là, de pouvoir forcer, juridiquement...

M. Forget: 3% de la population de l'Amérique du Nord, vous allez être les plus forts.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: ... le rapatriement de la base fiscale, M. le Président.

M. Forget: C'est aussi fort que le pape contre Staline.

M. Godin: D'ailleurs, je lisais, l'autre jour une déclaration du nouveau chef du Parti libéral qui disait...

M. Forget: Quand vous allez lever vos armées, l'Amérique va trembler.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: Est-ce que c'est une question, M. le député?

M. Forget: Quand vous allez lever vos armées, l'Amérique du Nord va trembler.

M. Godin: Est-ce que c'est une question, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Non, c'est une affirmation, je vois tout de suite le député de Mercier comme général en chef.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît!

M. Forget: Général en chef des hussards.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Godin: Je suis un pacifique, votre gouvernement m'a foutu en prison, je suis resté pacifique.

M. Forget: Les hussards de Matapédia. M. Lalonde: Les zouaves péquistes.

M. Godin: Votre gouvernement m'a foutu en prison et je suis resté pacifique.

M. Forget: C'est ça.

M. Godin: Votre gouvernement a couché avec celui de Trudeau, m'a foutu en prison pendant une semaine, je suis resté pacifique, très pacifique.

M. Forget: Oui, mais là, vous allez vouloir prendre les moyens appropriés à la force...

M. Godin: J'aime le genre humain, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre, M. le député de Saint-Laurent!

M. Forget: ... que vous voulez acquérir.

M. Godin: Je voyais l'autre jour, M. le Président, leur chef tenir des propos qui indiquent... Là, sûrement que le député de Marguerite-Bourgeoys va dire que je cite mal une fois de plus son chef bien-aimé, mais il disait: Qu'il y ait des difficultés avec le fédéral, mais c'est normal, mais ça fait 111 ans qu'il y a des difficultés avec le fédéral, M. le Président. Nous, notre position sur ces chicanes de ménage... Est-ce qu'il y a une question, M. le député, sur ces grenailles?

M. Forget: Cela existe dans les meilleures familles. Il ne faut pas être célibataire pour savoir ça.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Forget: Dans les meilleures familles, il y a des discordes, mais il ne faut pas être célibataire pour savoir ça.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: II y en a également avec nos blondes, M. le Président. Par conséquent, par la bande...

M. Lalonde: Ce n'est pas vérifié.

M. Forget: Je vois, par la bande. Mais vous voyez, c'est tout à fait normal.

M. Lalonde: Cela prouve que l'association n'est pas meilleure que le mariage.

M. Godin: ... justement, quand ces conflits

mènent à l'impuissance ou, comme les médecins disent, à l'impotence.

M. Forget: Cela ne m est jamais arrivé, ces problèmes.

M. Godin: ... à limpotence c'est le cas du Québec dans ce système confédéral, mon cher député de...

M. Forget: De Saint-Laurent.

M. Godin: ... de Saint-Laurent, le député grenailles de Saint-Laurent.

Une voix: Grenailles, grenailles.

M. Forget: Une chance qu'il y a un souffleur.

M. Godin: ... grenailles et grumeaux.

M. Ouellette: II y a des souffre-douleur de l'autre côté, par exemple.

M. Godin: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que leur chef...

M. Lalonde: Dites-nous donc ce que vous voulez dire, cela fait un quart d'heure qu'on attend. Je cherche quelque chose et je n'ai rien trouvé encore.

M. Godin: La recherche qui est le dernier somnifère inventé par le fédéral pour endormir les Québécois, la pilule Ryan, le somnifère des Québécois, le dernier somnifère des Québécois, le dernier soporifique patenté préparé dans les laboratoires du Vatican il y a déjà plusieurs années, le soporifique qui va endormir le peuple québécois, M. le Président, disait, l'autre jour: Qu'il y ait des conflits, c'est normal.

Il ne sait pas—et j'en prends à témoin M. Pouliot — que lorsque cela ne fonctionne plus, il existe une telle chose que le divorce. Est-ce que mon temps est épuisé?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste une minute.

M. Ouellette: Est-ce que M. Ryan serait un remède?

M. Godin: M. Ryan, c'est le valium des fédéralistes au Québec. Ils veulent endormir le peuple québécois, M. le Président. Ils vont dire au peuple québécois: Ne nous donnez pas de mandat, on va aller réformer la constitution. (17 h 45)

Nous, on dit au peuple du Québec: Donnez-nous un mandat et on va aller la réformer, M. le Président. Et quand elle sera réformée, quand nos $12 milliards seront ici, nous n'aurons pas à aller— excusez l'expression — téter nos taxes au fédéral; on les aura dans nos mains et nous ferons nous-mêmes, nos politiques, conformément à la planification économique et au produit économi- que du gouvernement du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: J'aimerais revenir 30 secondes sur la contre-proposition du député de Saint-Laurent, à l'hypothèse que le ministre a d'abord mise sur la table et ensuite explicitée avec beaucoup de brio, mais que l'Opposition ne semble pas avoir comprise.

Dans sa contre-proposition, le député de Saint-Laurent suggère aux Québécois, une fois de plus, de s'adresser au gouvernement fédéral, en espérant obtenir, de ces gens, de la collaboration. Je n'ai pas l'expérience parlementaire, je ne suis pas historien non plus, mais je pense qu'à travers mes lectures et après avoir écouté les bulletins de nouvelles depuis une vingtaine d'années, j'ai rarement vu des cas où de telles ententes ont été réalisées entre le fédéral et le Québec, dans le sens de donner des avantages réels aux Québécois.

Mon voisin en a donné un certain nombre tout à l'heure; ils étaient négatifs, évidemment. Mais prenons un exemple tout récent...

M. Godin: II n'y en a pas d'autres.

M. Ouellette: Je sais qu'il n'y en a pas d'autres, je comprends bien. Prenez l'exemple de Mirabel. Cela remonte au gouvernement de l'Union Nationale, où il était question d'installer un aéroport international quelque part entre Drummondville et Montréal, ce qui l'aurait situé à peu près au coeur du Québec, ou encore entre Montréal et Toronto, ce qui risquait de donner des retombées positives à l'Ontario. Évidemment, le gouvernement fédéral a tranché et c'est justement l'Ontario qui trouvera possiblement des retombées si jamais cet aéroport risque d'en avoir des retombées positives, pour quelqu'un.

On parlait de M. Lougheed qui a essayé de s'entendre avec le gouvernement fédéral, puisqu'il avait entre les mains un pouvoir de négociation très important, celui du pétrole. Mais encore une fois, c'est une province qui s'est fait égorgée par le fédéral. Dieu soit loué, ce n'était pas des Québécois dans ce cas-là, mais cela prouve quand même que le fédéralisme canadien peut être bon s'il sert l'Ontario ou encore au moins la très grande majorité anglophone du Canada.

Sous le gouvernement libéral précédent, on a vu un monsieur qui a essayé de négocier les $200 millions que nous coûte le travail de la Sûreté du Québec, parce que le fédéral ne vient pas le faire, ce travail, alors qu'il le fait dans au moins huit autres provinces canadiennes, à ma connaissance. Est-ce que vous avez réussi, messieurs, à appuyer votre collègue de l'époque, et à obtenir un minimum de retombées positives de ce $200 millions? Non.

M. Forget: C'était normal, les ententes n'étaient pas expirées.

M. Ouellette: Mais Québec va peut-être expirer avant les ententes à ce rythme-là, par exemple.

M. Forget: C'est votre problème désormais. C'est le problème d'un bon gouvernement désormais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ouellette: C'est une question? M. Lalonde: Non, c'est une réponse.

M. Forget: C'est une réponse, vous avez posé une question.

M. Ouellette: C'est parce que j'ai pris le tic du député de Mercier.

M. Forget: Vous avez posé des questions, il faut bien répondre.

M. Ouellette: La réponse est non, de toute façon; il n'y a jamais eu d'entente et le gouvernement actuel ne veut rien savoir.

M. Forget: Ce n'est pas non.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ouellette: Le gouvernement fédéral, bien sûr.

M. Godin: C'est un autre problème. On a la solution...

M. Ouellette: Ce n'est pas le chèque en blanc de M. Ryan.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Respectez le droit de parole.

M. Forget: ...

M. Ouellette: Pensons aux tentatives de l'ancien gouvernement de prendre entente avec le fédéral pour rapatrier tout le pouvoir en matière de communications. M. Bourassa parlait même à l'époque de souveraineté—quel mauvais mot dans sa bouche, mais en tout cas! — culturelle. On a vu la tour de Pise pencher encore à gauche, comme l'avait déploré le premier ministre Duplessis il y a peut-être 25 ou 30 ans. L'histoire se répète. Cela tourne toujours du côté fédéral, parce que c'est lui qui a l'argent, c'est lui qui a les pouvoirs. En fait c'est toujours le fédéral et le Québec paie toujours la facture.

M. Lévesque, tout récemment, suite aux problèmes qu'a censé avoir soulevé la loi 101, proposait à Saint. Andrews un traité de réciprocité — je ne sais pas si le mot traité est convenable dans ce cas-là—une tentative d'entente avec le reste du Canada faisant en sorte qu'on s'engageait à res- pecter, au Québec, la minorité anglaise de la même façon que les autres provinces canadiennes s'engageaient elles-mêmes à respecter nos minorités francophones. Résultat: Non, toujours non.

Une voix: Deux poids, deux mesures.

M. Forget: Ce n'est pas le fédéralisme, c'est une attitude d'un pays indépendant.

M. Ouellette: On est quand même maître, chez nous, dans nos domaines de juridiction.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

Une voix: Cela va bien aller dans notre Proche-Orient.

M. Ouellette: L'exemple le plus récent qu'on a connu, celui de la taxe de vente.

M. Lalonde: Cela va bien aller dans l'association, parfait.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: On va être isolé.

M. Lalonde: On s'isole au Québec.

M. Godin: Où était louverture?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! M. le député de Mercier, s'il vous plaît!

M. Godin: Où était l'ouverture et la générosité? Où était la générosité de l'ouverture? Elle était chez nous.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Respectez le droit de parole du député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: Je vais me plaindre au président, mes collègues me nuisent.

M. Forget: On fera comme les Anglais d'Angleterre quand il y a de la brume sur la...

Une voix: La Tamise.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît!

M. Forget: ... La Manche. C'est le continent qui est isolé.

M. Ouellette: C'est un raisonnement très anglais, oui. Prenez l'exemple plus récent, celui qu'on est en train de débattre d'ailleurs, actuellement, au salon bleu, celui de la taxe de vente où le fédéral se mettant le nez dans nos juridictions provinciales à travers une formule plus ou moins

perfide à l'endroit des Québécois, fait en sorte que le Québec est obligé de bâtir sa propre stratégie en pensant à lui. Résultat: Ottawa dit non. On vient de perdre encore $226 millions. C'est normal, Ottawa...

M. Godin: C'est normal. M. Ryan a dit que c'est normal.

M. Ouellette: ... a les pouvoirs et le Québec paie la facture.

M. Forget: Vous ne l'avez pas perdu, vous l'avez comptabilisé comme une recette dans votre budget.

M. Ouellette: J'ai même entendu un éminent ministre...

M. Forget: Quelle confiance!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Forget: Quelle assurance!

M. Ouellette: ... fédéral qui porte mon nom dire que les Québécois étaient de mauvais citoyens puisqu'ils ne pensaient pas à la majorité anglophone. Quelle affirmation, mon Dieu! C'est un Québécois qui est élu par des Québécois pour défendre l'intérêt des Québécois à Ottawa qui nous traite, en somme, de mauvais citoyens parce qu'on ose, un bon matin, essayer de penser à nous avant de penser à l'Ontario. Alors, où est-ce qu'on s'en va dans un régime comme celui-là? Personnellement, je trouve, M. le Président, que la contre-proposition du député de Saint-Laurent est tout à fait inadmissible puisqu'elle s'inscrit dans les pages les plus noires de notre histoire canadienne fort triste qui remonte à peine à 11 ans. Mais, quand je l'écoute faire de telles propositions, je me demande pourquoi il ne regrette pas que Montcalm ait négocié la défaite au lieu de livrer la bataille sur les Plaines d'Abraham. Peut-être aurions-nous eu moins de morts, mais de toute façon le résultat étant celui qu'il anticipait, lui qui a l'habitude, de toute façon, d'être très pessimiste quant à l'avenir du Québec, je pense qu'il se serait considéré très heureux de voir qu'on s'est incliné, non pas sous l'effet des armes...

M. Forget: II faut attendre, on va gagner à la prochaine élection.

M. Ouellette: ... mais sous l'effet d'une signature britannique.

M. Lalonde: Ils vont nous faire mourir, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, très brièvement, je ne sais pas si je dois vous le demander sous forme de directive ou faire appel au règlement, je sais que vous avez un mandat bien spécifique et bien clair, celui d'être le gardien des règles du jeu à cette commission.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est difficile.

M. Brochu: Je sais que c'est difficile, M. le Président; je profite de l'occasion pour vous féliciter de la façon avec laquelle vous vous acquittez de cette lourde responsabilité, qui n'est...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, monsieur.

M. Brochu: Est-ce que je pourrais vous demander d'élargir votre mandat et d'intervenir personnellement auprès de votre collègue de droite pour le réveiller? J'aurais une question à lui poser.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que... S'il vous plaît!

M. Godin: Je puis témoigner, en tant que son plus proche voisin, qu'il ne dort pas puisqu'il bouge: "eppur, si muove", comme disait Galilée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je puis témoigner que ni le député de Saint-Laurent ni le ministre n'ont dormi cet après-midi, même si, à l'occasion, ils ont eu les yeux fermés.

M. Lalonde: Et les autres? Pourquoi l'appliquez-vous seulement à ces deux-là? Question de privilège, M. le Président.

M. Ouellette: Les autres n'ont pu dormir, puisque le député de Saint-Laurent n'a que très peu parlé.

M. Brochu: Cela illustre une fois de plus, M. le Président, la difficulté de votre rôle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le sommeil des autres députés n'a jamais été mis en doute. On n'en a jamais parlé, alors qu'on a parlé de ces deux-là. Je pense qu'étant les piliers de leur équipe respective, ils réfléchissaient plutôt.

M. Godin: Pilier, pilier sans "s".

M. Brochu: Merci, M. le Président. Dans le paragraphe b), on dit qu'il s'agira de toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante. L'article tel que présenté dit "indirectement". J'aimerais que le ministre nous donne certaines précisions sur cette dimension qu'il veut inclure au paragraphe b), lorsqu'il parle des domaines reliés indirectement à la transformation de l'amiante.

M. Bérubé: Évidemment, on cherche à garder une loi comme celle-ci, la plus générale possible. Il faudrait donc que je cherche immédiatement un

exemple d'activité qui soit indirectement reliée à la transformation. C'est pour cela que je préférerais avoir le texte exact.

Quand on dit "reliée", c'est donc toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante. Normalement, une activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale inclurait la fabrication de produits et la mise en marché de ces produits. Il existe d'autres activités, par exemple, la recherche et le développement. Si cette société devait s'engager dans de la recherche portant sur l'amiante, pourvu que ce soit relié directement ou indirectement à la transformation et qu'il y ait un lien cela pourrait s'avérer intéressant. Par exemple, dans la fabrication de freins ou dans la fabrication de revêtement caoutchouté amiantifère, on pourrait faire une recherche sur les latex, en relation avec la fabrication de ces enduits. On me signale aussi, par exemple, les matériaux de construction dans lesquels l'amiante pourrait entrer et on pourrait très bien imaginer que la Société nationale de l'amiante soit amenée, à titre d'exemple, à avoir une fonderie fabriquant le support métallique sur lequel on vient insérer un revêtement d'amiante pour un patin de frein. Donc, dans une industrie de transformation de l'amiante, on manipule non seulement l'amiante, mais on manipule généralement d'autres matériaux. Je vous donnais l'exemple du tapis caoutchouté amiantifère; le linoléum qui inclut— à titre d'exemple— une feuille de feutre d'amiante; on pourrait donc, dans cette industrie, avoir une section de l'usine ou une filiale de la compagnie qui fabriquerait des produits plastiques à incorporer à l'amiante pour la fabrication du linoléum.

Je vous ai présenté, récemment, un moulage en amiante-plastique dans lequel — dans le cas que nous avions sous les yeux—il y avait 25% d'amiante et 75% de plastique. Alors, on peut très bien imaginer que, si cette industrie se développait, au départ, elle achèterait sans doute son plastique d'une industrie fabriquant du plastique. Mais si cette industrie devait croître en importance, elle pourrait, éventuellement, vouloir faire elle-même ses mélanges de plastique et elle pourrait, à ce moment, avoir une petite entreprise spécialisée dans le plastique. C'est donc une activité qui est reliée indirectement à la transformation de l'amiante et on retrouve ce type d'activité dans l'industrie de la construction. Si on devait fabriquer des maisons à base d'amiante-ciment, la construction même de la maison pourrait être une activité qui fait appel à l'amiante, mais indirectement, puisqu'on pourrait prétendre que la fabrication de panneaux modulaires de construction, pour la fabrication de maisons ou de structures portantes, ne serait pas incluse dans le mandat de la société, puisque n'ayant à s'occuper que de la transformation de l'amiante, elle ne devrait pas avoir à s'occuper de la fabrication de panneaux. C'est donc pour garder son mandat le plus général possible, dans la mesure où cela se rattache à l'amiante, parce que cette société a besoin de fabriquer des plastiques ou de manipuler d'autres produits que l'amiante comme tel, qu'on lui permettra de pratiquer d'autres activités qui seraient nécessaires à son activité principale; son activité principale étant la transformation de l'amiante, on a voulu garder le mot "indirectement".

M. Brochu: Si je comprends bien le processus que vous décrivez, c'est d'abord au niveau de la recherche, évidemment, que vous tenez à avoir...

M. Bérubé: ... recherche, par exemple, parce que c'est lié indirectement à la transformation de l'amiante...

M. Brochu: ... et éventuellement, l'acquisition d'autres entreprises ou la création d'autres entreprises connexes, si vous arriviez à de la transformation sur une plus haute échelle possible après l'expérience faite de certains produits.

M. Bérubé: Oui, par exemple, si l'entreprise devait se spécialiser ou devait se lancer dans des fibro-plastiques, cette entreprise pourrait certainement choisir de s'adjoindre une société fabriquant des plastiques et vendant des plastiques, dont une ligne pourrait constituer des fibro-plastiques. Donc, lorsqu'on dit indirectement, c'est que l'essentiel de l'activité de la société, c'est la transformation de l'amiante, mais comme il est extrêmement difficile, a priori, de préciser exactement les activités qu'elle aura à remplir, évidemment, on préfère garder le mot indirectement.

M. Brochu: Cela ne peut pas ouvrir la porte, à un certain moment, au fait que la Société nationale de l'amiante pourrait vouloir opérer une usine de je ne sais quel produit où il entrerait .5 de 1% d'amiante, par exemple. Cela n'ouvre-t-il pas la porte au gouvernement pour se lancer dans différentes entreprises, sous prétexte qu'il y aurait un très faible pourcentage d'amiante dans le produit qu'il veut mettre en marché ou qu'il veut...

M. Bérubé: Oui. On me cite le cas, par exemple, un cas particulier sur lequel nous nous penchons présentement, le cas des additifs pour pneus qui ne contiennent que quelques pourcentages de fibre d'amiante, mais qui néanmoins présentent des caractéristiques technologiques éminemment intéressantes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Y aurait-il consentement unanime pour que le député de Saint-Hyacinthe, M. Cordeau, à la séance de ce soir, qui sera en fait la même séance que celle de cet après-midi, remplace le député de Richmond, M. Brochu?

M. Forget: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Consentement. Alors...

M. Brochu: Est-ce que je peux avoir le même consentement pour demain avant-midi?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Demain, c'est une nouvelle séance. Vous n'aurez qu'à faire la demande...

M. Brochu: ... en arrivant au début de la séance.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est cela.

M. Brochu: ... parce que je dois, malheureusement, m'absenter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais ce soir, c'est la même séance. Donc, les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 7

Le Président (M. Clair): À l'ordre, mesdames et messieurs. La commission permanente des richesses naturelles est réunie pour continuer l'étude article par article du projet de loi no 70.

M. Bérubé: Le mot "permanente", M. le Président, est tout à fait approprié compte tenu de la longueur de nos travaux.

Le Président (M. Clair): Messieurs, au moment où vous avez suspendu vos travaux à 18 heures, c'est le député de Jonquière qui présidait cette commission. Je ne suis pas informé qui avait le droit de parole au moment de la suspension des travaux.

M. Ciaccia: On va le tirer au sort. M. Bérubé: On voit clair au centre.

M. Forget: J'avais, M. le Président, utilisé mon droit de parole sur le paragraphe b). Je pense que j'étais le seul à l'avoir fait.

Le Président (M. Clair): Le paragraphe b) de l'article 4 est-il adopté?

M. Bérubé: Oui, M. le Président. M.Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Juste avant...

M. Bérubé: M. le Président, une question de règlement. J'aimerais savoir si le député de Marguerite-Bourgeoys parle présentement sur le thème général concernant les droits...

M. Ciaccia: Quel numéro du règlement?

M. Bérubé: ... je pourrais vous le dire. Non, ce n'est pas une directive. C'est dans le règlement, c'est la durée de parole de chaque député qui est de 20 minutes. Le député d'Outremont a parlé hier sur le paragraphe b) de ce projet et il a utilisé ses 20 minutes. Il a terminé par une motion, motion qui a été rejetée. J'aimerais savoir si son temps de parole doit être calculé avec le temps de parole du député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Clair): Je vais commencer par demander l'information au député de Marguerite-Bourgeoys, lui-même, si le député d'Outremont l'a informé qu'il avait complètement exercé son droit de parole et cela n'indique absolument pas le sens de ma décision, mais étant donné que c'est le député de Jonquière qui présidait, j'aimerais que vous me le disiez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je n'ai aucun renseignement à ce

sujet. Le député d'Outremont ne m'a pas informé de quoi que ce soit. Je pense que vous tenez...

M. Bérubé: II ne vous a pas informé, mais il nous a chloroformé.

M. Lalonde: Est-ce que je peux terminer. Le comique qui est à votre droite pourrait-il être un peu sérieux?

M. Ciaccia: C'est impossible, il n'en est pas capable.

M. Godin: ... à personne. Vous n'avez pas de leçon à donner.

M. Lalonde: M. le Président, pour répondre à votre question, non le député d'Outremont ne m'a pas informé de quoi que ce soit concernant son droit de parole. Moi, comme membre...

Le Président (M. Clair): Alors, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je demanderais, à ce moment-là, aux autres membres de votre formation politique s'ils en sont informés. Je suis conscient que la présidence pourrait assumer cette tâche, mais vous comprendrez sûrement qu'ayant à remplacer au pied levé le député de Jonquière, je ne suis pas informé.

M. Lalonde: Je vais vous informer. Mais moi je n'ai pas utilisé mon droit de parole sur le paragraphe b).

M. Ciaccia: M. le Président, le député d'Outremont est encore intervenant à la commission, alors s'il n'a pas le droit de parole sur l'article 4b, cela veut dire que cela a été épuisé, mais je pense que mon collègue le député de Marguerite Bour-geoys n'a pas utilisé son droit de parole. Cela n'a rien à voir avec le temps que le député d'Outremont...

Le Président (M. Clair): Pour aujourd'hui, cependant, sur la liste que m'a laissée le député de Jonquière, c'est indiqué que c'est le député de Marguerite-Bourgeoys qui remplace le député d'Outremont. Peut-être que vous avez mal compris le sens de la question de règlement du député de Matane, ministre des Richesses naturelles. Celui-ci dit: Étant donné que le député de Marguerite-Bourgeoys remplace le député d'Outremont, que ce dernier avait déjà complètement utilisé son droit de parole, en conséquence, je m'oppose à ce que le député de Marguerite-Bourgeoys puisse utiliser ce droit de parole, puisqu'à toutes fins pratiques, ça pourrait amener un remplacement continuel des membres d'une formation politique et l'exercice, plusieurs fois, du droit de parole, au nom d'un même membre, finalement, puisque chacun remplace.

M. Lalonde: Oui, mais M. le Président...

Le Président (M. Clair): Je n'indique pas le sens de ma décision, mais c'est la raison pour laquelle je posais la question...

M. Lalonde: J'aimerais quand même avoir l'occasion, après avoir répondu à votre question, d'argumenter là-dessus.

Le Président (M. Clair): Sûrement, vous aurez l'occasion d'argumenter; mais avant de recevoir quelque argumentation que ce soit, j'aimerais savoir si un membre... Je ne suis pas informé, si oui ou non le député d'Outremont a exercé son droit de parole de vingt minutes. Je demande la collaboration des membres de la formation politique de l'Opposition officielle, pour me l'indiquer, si quelqu'un d'entre vous le sait.

M. Lalonde: Moi, je ne le sais pas, je n'étais pas là.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je crois pouvoir vous éclairer de deux façons. Premièrement, quant au statut du député d'Outremont, il a effectivement pris la parole hier, mais il l'a fait à titre d'intervenant et non pas à titre de membre, parce qu'il avait été remplacé, hier, par le député de Marguerite-Bourgeoys qui, cependant, n'était pas présent physiquement à la commission. Donc, le député d'Outremont a remplacé le député de Jean-Talon hier et c'est à ce titre, comme intervenant, qu'il a exercé son droit de parole.

Aujourd'hui, le député de Marguerite-Bourgeoys...

M. Godin: Est-ce qu'il se remplace lui-même aujourd'hui?

M. Forget: II remplace le député d'Outremont, à titre de membre, cette fois-ci...

M. Bérubé: II est un peu schizophrénique sur les bords.

M. Forget: ... et à titre de membre, le député d'Outremont n'a pas pris la parole, de même que son remplaçant.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent et M. le ministre, en vertu de nos règlements, je n'ai d'autre choix que de prendre la parole du député de Saint-Laurent.

M. Godin: Est-ce que je peux poser une question de renseignement?

Le Président (M. Clair): M. le député de Mercier.

M. Godin: Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys remplace le député de Marguerite-Bourgeoys, si je comprends bien ce qui se passe?

M. Lalonde: Non.

M. Forget: Non.

Le Président (M. Clair): Non.

M. Forget: Hier, il remplaçait le député d'Outremont.

M. Godin: Mais aujourd'hui? M. Forget: Aujourd'hui...

Le Président (M. Clair): Aujourd'hui, il remplace de député d'Outremont.

M. Forget: Comme hier. M. Godin: Comme hier.

M. Forget: C'est ça. Donc, il est ici aujourd'hui à la commission à titre de député de l'Assemblée nationale, substitut à un membre, alors que le député d'Outremont hier, a pris la parole, non pas comme membre, mais comme intervenant, en remplaçant un troisième député.

M. Godin: Donc, son temps comme membre de plein droit n'a pas été utilisé.

M. Forget: II n'a pas été utilisé. M. Bérubé: ... M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent, cela m'apparaît pour le moins un peu spécial, parce que le député d'Outremont, hier, aurait pu exercer son droit de parole à titre de membre, puisqu'il est membre de la commission. Quoi qu'il en soit, encore une fois, pour couper au plus court, je prends votre parole, M. le député de Saint-Laurent. Vous me dites qu'hier, le député d'Outremont est intervenu à titre d'intervenant, en remplaçant le député de Jean-Talon et qu'aujourd'hui le député de Marguerite-Bourgeoys intervient et remplace effectivement le député d'Outremont et qu'il veut exercer ce droit de parole.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

M. Bérubé: M. le Président, une petite directive. Si je comprends bien l'interprétation que vous en donnez, il est possible qu'un membre de cette commission puisse décider qu'il devient intervenant, qu'il redevient membre, qu'il redevient intervenant. En d'autres termes, si je comprends bien le député d'Outremont qui s'est présenté à cette commission pour siéger, lorsqu'il s'est assis dans un quelconque fauteuil, ne sachant pas à qui il est attribué, parce que nos noms ne sont pas indiqués, lorsqu'il s'est assis à cette table, à ce moment-là, même s'il était membre, on pouvait dire qu'il remplaçait un autre membre de cette commission. Est-ce que c'est bien ce que je comprends?

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais ajouter quelque chose.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je peux disposer immédiatement de la demande de directive du ministre des Richesses naturelles. Il m'apparaît, à ce moment-ci, que je n'ai d'autre choix, étant donné que je ne suis pas au courant de ce qui s'est passé hier; je dois prendre la parole du député qui me rapporte ces faits. Il me rapporte qu'hier, de façon légale et conforme à nos règlements, le député d'Outremont aurait remplacé un intervenant, soit le député de Jean-Talon. En conséquence, je prends sa parole et je donne la parole au député de Marguerite-Bourgeoys. Je n'ai pas l'intention de rendre un obiter dictum sur un autre sujet que sur la demande qui m'a été formulée. Je donne la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président, je vais juste, à titre de réserve, indiquer que je vous remercie de prendre ma parole. Je n'étais pas moi-même présent hier. Mais ce sont les notes qu'on m'a communiquées sur ce qui s'est passé en commission parlementaire. Mais on peut certainement vérifier à l'aide des présences, les faits que j'ai allégués.

M. Cordeau: Mais il y a de la franchise de part et d'autre, par exemple.

Le Président (M. Clair): Étant donné que le souci du président est de ne pas retarder inutilement les travaux, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

M. Forget: La vérité a ses droits.

M. Lalonde: M. le Président, je vous remercie.

M. Godin: C'est un témoin in absentia. C'est un témoin qui ne vaut pas cher devant n'importe quelle cour et encore moins devant une présidence comme la vôtre.

M. Ciaccia: II n'est pas in absentia, il est ici.

M. Godin: Ne pourrait-on pas suspendre deux minutes pour vérifier? Je demande que soient vérifiées les allégations du témoin absent.

Le Président (M. Clair): II se peut que j'aie commis une erreur, M. le député de Mercier. Cette erreur serait fondée sur un mauvais rapport du témoin que constitue le député de Saint-Laurent. Quoiqu'il en soit, j'ai déclaré, au moment où j'ai rendu ma décision que je prenais sa parole. Ma décision est rendue et je pense qu'il serait inutile de vouloir revenir sur cette décision...

M. Ciaccia: II ne peut pas revenir sur sa décision.

Le Président (M. Clair): ... mais je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Godin: Lui-même, M. le Président, a dit qu'il n'était pas là. C'est une parole qui ne vaut pas cher. Il n'était pas là hier et il l'avoue lui-même.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent a le droit d'être mieux informé que le président lui-même. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

M. Lalonde: M. le Président...

Une voix: Cela ne lui fait pas.

M. Godin: Cela peut vous mener loin.

Le Président (M. Clair): On est déjà loin.

M. Godin: On va peut-être faire défiler 71 députés ici in absentia pour remplacer qui l'un qui l'autre et on pourra parler pendant huit heures sans arrêt sur le même sujet.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Forget: Puisqu'on a un certain temps de droit de parole, peu importe qui l'exerçait...

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Merci beaucoup, M. le Président. Avant de commencer, je me demande si je devrais être honoré ou flatté par le désir des députés ministériels que je ne parle pas. Est-ce qu'ils ont peur de la vérité?

M. Godin: Cela s'adresse...

M. Lalonde: Est-ce qu'ils craignent...

M. Bérubé: Le député de Marguerite-Bourgeoys n'était là, ni hier matin, ni hier après-midi et, hier après-midi, d'après les épreuves, le député d'Outremont était bel et bien membre de cette commission. Par conséquent, la parole du député de Saint-Laurent est certainement mise en doute.

M. Forget: Comme je le dis, c'était sous toute réserve, parce que ce sont les indications qu'on m'avait fournies.

M. Bérubé: J'ai l'impression que la parole du député de Saint-Laurent vaut ce qu'elle vaut.

M. Ciaccia: La décision a été rendue.

M. Godin: Oui, mais on peut aller en appel.

M. Ciaccia: Non, il n'y a pas d'appel, M. le Président.

Le Président (M. Clair): II n'y a pas d'appel de la décision, maintenant.

Une voix: On peut toujours destituer le président...

Le Président (M. Clair): Messieurs, afin de permettre au président de s'assurer de la légalité de ce qui se déroule, je voudrais suspendre pour deux ou trois minutes afin de faire des vérifications personnelles.

(Suspension de la séance à 20 h 19)

Reprise de la séance à 20 h 30

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs!

La commission permanente des richesses naturelles reprend ses travaux.

Pendant la suspension, j'ai eu l'occasion de vérifier la transcription du journal des Débats de la séance d'hier. J'ai pu y constater qu'à la séance d'hier matin, le député d'Outremont figurait parmi les intervenants. Cependant, ce fait n'a pas de relation avec la décision que j'ai à rendre, puisqu'à l'époque, suivant les vérifications que j'ai pu faire, de toute façon, il n'a pas été question du paragraphe 4b.

Durant l'après-midi, le député d'Outremont est mentionné comme membre à la transcription du journal des Débats, de sorte que si on doit se poser la question, à savoir si le député de Marguerite-Bourgeoys qui remplace aujourd'hui le député d'Outremont, remplace un député qui a exercé un droit de parole comme intervenant ou comme membre, on doit répondre qu'il remplace un membre de la commission qui est intervenu comme membre hier.

Le décision que j'avais rendue tantôt, on sait tous qu'en principe, un orésident ne revient pas sur sa décision. Je n'entends aucunement enfreindre la tradition parlementaire et les règlements qui veulent qu'un président ne revienne pas sur une décision qui a été rendue. Cependant, je vous ai indiqué tantôt que j'agissais en prenant la parole du député de Saint-Laurent. Loin de vouloir mettre en doute cette parole, le député de Saint-Laurent avait bien indiqué, d'ailleurs, que c'était sous réserve de vérification. Étant donné que vérification faite, la décision se basait donc sur des renseignements erronés, je pense que le principe qui doit prévaloir, c'est celui de l'honnêteté de la décision, plutôt que celui de ne pas revenir sur une décision rendue, de sorte que dans les circonstances, je considère qu'il est possible de réviser la décision.

Quant à savoir si le député de Marguerite-Bourgeoys peut, oui ou non, intervenir maintenant comme remplaçant d'un membre qui est intervenu et qui a épuisé son droit de parole hier, ma décision, je vous l'indique immédiatement, révèle qu'il n'est pas possible pour un remplaçant d'un membre qui a déjà épuisé son droit de parole, d'exercer un nouveau droit de parole de 20 minutes. Or, après vérification auprès du vice-président de l'Assemblée nationale, le député de Prévost, il ap-

pert qu'une telle décision aurait été rendue à plusieurs reprises.

Dans les circonstances, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, j'ai le regret de ne pas vous donner le droit de parole sur l'article 4b, de la loi 70.

M. Ouellette: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: C'est une information que je vous demande. Est-ce que si, par souci de générosité, on permettait au député de Marguerite-Bourgeoys de se réinscrire à cette commission, à cette séance-ci, au nom d'un autre intervenant qui n'a pas profité de ses 20 minutes de parole, avec un consentement unanime, il pourrait le faire et profiter ainsi de ses 20 minutes? Question embarrassante!

Le Président (M. Clair): Je considère le geste comme gracieux!

Cependant, messieurs, je n'ai pas suivi le déroulement des travaux de cette commission. Vous savez que c'est le député de Jonquière qui a présidé à ces travaux et je ne voudrais pas, par des directives, solutionner d'avance des problèmes qui ne se présentent pas actuellement devant moi. J'avais une question dont je devais disposer, j'en ai disposé. Si un accord intervient entre les partis représentés à cette commission pour donner un droit de parole de 20 minutes sur l'article 4b au député de Marguerite-Bourgeoys, le président ne pourra faire autrement que de reconnaître ce droit au député de Marguerite-Bourgeoys. Cependant, je vous indiquerai alors que c'est une façon détournée de remettre en cause la décision du président.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de directive.

Je pense que la suggestion, qui n'est peut-être pas encore formulée formellement, du député de Beauce-Nord...

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sans fendre les cheveux en quatre, je me demande dans quelle mesure, puisque vous n'avez pas le droit de parole...

M. Lalonde: Non, c'est une question de règlement; c'est sur l'article 4b que je n'ai pas le droit de parole, mais, M. le Président, vous me permettez de soulever des questions de règlement?

Le Président (M. Clair): Oui, effectivement...

M. Lalonde: Merci, M. le Président.

La question de changer d'intervenant à membre, il ne faut quand même pas être trop formaliste, on pourrait le faire, mais on sait jusqu'à quel point cela peut créer des situations un peu cocasses, M. le Président. J'ai déjà été, avec le député de Mont-Royal, dans une situation où, étant tous les deux intervenants, nous avions fait une motion— les membres ayant dû s'absenter— l'Opposition officielle n'a pas pu voter. Alors, je préférerais demeurer membre pour éviter une telle situation, situation qui pourrait, de toute façon, fort bien, si c'est le désir du député de Beauce-Nord que j'aie le droit de parole, se régler par un consentement unanime à ce que je parle, c'est tout.

M. Ouellette: Sur la même question de règlement. J'ai choisi cette formule pour ne pas embarrasser la présidence, mais il est bien clair que si on peut procéder en obtenant un accord, autour de cette table, à l'effet que vous ayez le droit de parole, je suis même prêt à en faire la proposition.

Le Président (M. Clair): Le député de Beauce-Nord en fait la motion?

M. Ouellette: Oui.

Le Président (M. Clair): Messieurs, y a-t-il consentement unanime—pour être bref—pour que le député de Marguerite-Bourgeoys utilise...?

M. Ouellette:... unanime. M. Bérubé: Hum!

Le Président (M. Clair): ... exerce un droit de parole...

M. Cordeau: À quel titre? M. le Président, avant d'accorder mon consentement, je voudrais savoir à quel titre.

Une voix: Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Ciaccia: Tout membre de l'Assemblée nationale peut venir à cette commission, et avec le consentement unanime de la commission, il peut avoir le droit de parole. Alors, en vertu de cet article du règlement—je peux vous trouver le numéro de l'article...

Le Président (M. Clair): M. le député de Mont-Royal, effectivement, vous avez raison. Il existe une tradition parlementaire bien reconnue à l'effet que n'importe quel membre de l'Assemblée nationale peut se présenter à peu près à n'importe quelle commission, obtenir le consentement unanime des membres de cette commission et s'exprimer en commission parlementaire.

Le problème vient du fait que je venais de rendre une décision qui privait le député de Marguerite-Bourgeoys de son droit de parole, techniquement; mais n'empêche que s'il y a un consentement unanime, plutôt que de continuer sur ces questions, je veux bien donner un droit de parole au député de Marguerite-Bourgeoys, s'il y a consentement unanime des membres présents.

M. Bérubé: À titre de membre de cette

commission, je voudrais simplement poser une question, avoir une directive. À ce moment, ce membre de l'Assemblée nationale qui, par hasard, se joint à nos travaux et qui, avec le consentement unanime de la commission, prend la parole, peut-il proposer des motions? Étant donné que pour la séance...

M. Lalonde: Pour ce que vous avez, je n'en ai pas à proposer!

Le Président (M. Clair): Étant donné que le député de Marguerite-Bourgeoys est de toute façon déjà membre de cette commission pour aujourd'hui parce qu'il remplace le député d'Outremont, il pourrait, effectivement, présenter des motions, comme n'importe quel membre qui remplace un membre de commission. Cependant, j'interpréterais le consentement unanime comme étant un consentement unanime de droit de parole sur l'article 4b et à l'intérieur de ces vingt minutes, cependant, il m'apparaît qu'il ne pourrait cependant faire une motion puisque le droit de parole qui lui serait accordé serait un droit de parole spécifiquement sur l'article 4b, mais après l'exercice de ce droit de parole, le député de Marguerite-Bourgeoys redeviendrait un membre remplaçant un membre au même titre que n'importe quel membre qui remplace un membre.

M. Ouellette: M. le Président Salomon, nous vous remercions et nous donnons notre consentement.

M. Bérubé: Je suis d'autant plus heureux qu'on vient de bonifier le député de Marguerite-Bourgeoys en le rendant intéressant, mais pas dangereux. C'est excellent.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, j'ai l'honneur de vous donner la parole.

M. Lalonde: M. le Président, 30 minutes après la question de règlement soulevée par le ministre qui a changé d'idée à la suggestion du généreux député de Beauce-Nord, il me fait plaisir d'intervenir sur l'article 4b qui se lit comme suit: "Toute activité de nature industrielle, c'est-à-dire que la société a pour objets: toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante."

J'aimerais, tout de suite, M. le Président, si j'avais le pouvoir de faire une motion d'amendement...

Le Président (M. Clair): Je ne viendrai plus ici, moi.

M. Lalonde: Je veux vous indiquer tout de suite que, si j'avais justement ce droit qu'on m'a amputé, je ne ferais pas un amendement sur la question soulevée par le député de Richmond avant l'ajournement, à savoir le mot "indirecte- ment". Je dois vous dire que la présence de cette largesse du législateur dans cet article ne m'inquiète pas du tout, au contraire. Je pense que c'est tout à fait naturel, si l'on veut donner un pouvoir à une société, qu'on le fasse de façon quand même suffisamment large pour lui permettre d'exercer complètement les objets, les pouvoirs qu'on veut bien lui donner. Cela avait été une question soulevée par le député de Richmond et le ministre a tenté de donner quelques exemples où la société pourrait intervenir dans toute activité industrielle reliée indirectement à la transformation de la fibre d'amiante. Quant à moi, cela m'apparaît tout à fait naturel et désirable que ce soit inscrit dans cet article.

Ce qui, toutefois, M. le Président, me... M. le Président, je vois l'incertitude peinte sur la figure du ministre alors que je viens d'approuver la rédaction en ce qui concerne le pouvoir d'intervenir de la société dans des activités indirectement reliées à la fibre d'amiante. Je ne vois pas pourquoi. C'est peut-être un peu l'expérience personnelle que j'ai dans la création de sociétés, à titre d'avocat, qui me rassure en fait sur le langage utilisé. C'est tout à fait naturel, c'est tout à fait désirable que ce soit comme cela, simplement.

Il reste que, lorsqu'on aborde cet article, on ne peut qu'être déçu des explications qui ont été données par le ministre sur les intentions réelles et concrètes du gouvernement en ce qui concerne la transformation de l'amiante. C'est en fait cet article 4b— et c'est pour cela que je voulais intervenir plus particulièrement là-dessus—qui exprime l'un des buts, l'un des objectifs les plus répandus dans la population, chez tous ceux qui se sont penchés sur la question de l'amiante au Québec, à savoir le besoin de transformation de cette richesse naturelle au Québec.

Tout d'abord pour que ce soit fait au profit des citoyens habitant la province et, deuxièmement, pour que ça contribue à donner un caractère plus fort à notre économie qui, tout le monde le déplore, repose trop encore sur des secteurs d'activité qui ne s'apparentent pas au secteur secondaire, donc qui ne présentent pas les caractéristiques de solidité que l'on retrouve dans le secteur de la transformation, le secteur secondaire.

Donc, ça pourrait atteindre un double but, tout d'abord en ce qui concerne l'amiante, parce que c'est une de nos richesses naturelles les plus abondantes et, deuxièmement, parce que ça contribuerait à renforcer, au Québec, le secteur secondaire. Toutefois, lorsqu'on demande au ministre comment il va s'y prendre, et surtout pourquoi il va devoir dépenser des millions de dollars des Québécois à l'achat d'une société d'extraction, pour arriver à cet article 4b, c'est là qu'on est déçu et qu'on doit être sceptique.

La théorie qui nous a été décrite par le ministre depuis quelques jours ici, sur le tour de passe-passe fiscal qu'il tente de mettre au profit du secteur de la transformation m'apparaît être une thèse d'étudiant qui aurait un peu d'imagination, mais qui n'aurait aucun sens pratique, qui n'aurait pas mesuré les effets concrets d'une telle proposition.

En effet, est-ce que le ministre, en proposant cette façon d'agir, a mesuré, par exemple, les réactions des marchés qui se trouveraient à être assujettis à une mesure protectionniste? Quelles seraient les représailles de ces milieux, à l'endroit d'un tel geste de la part du gouvernement? Ce geste ne peut pas être mesuré en vase clos, comme dans une thèse d'étudiant. C'est un geste qui aurait des répercussions et qui pourrait entraîner des conséquences dommageables pour d'autres secteurs de l'activité industrielle au Québec.

À cet égard, je pense que le ministre doit se rendre compte qu'on ne prend pas de décision...

M. le Président, j'entends les cloches, est-ce pour le quorum ou pour un vote?

Le Président (M. Bordeleau): On peut suspendre pour quelques minutes pour aller voir ce qui se passe de l'autre côté.

M. Lalonde: On peut demander à un messager.

Vote enregistré.

Le Président (M. Bordeleau): La séance est suspendue pour le temps du vote.

(Suspension de la séance à 20 h 47)

Reprise de la séance à 21 h 17

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs!

La commission permanente des richesses naturelles reprend ses travaux. Je ne vous expliquerai pas les circonstances qui ont amené le président à accorder le droit de parole au député de Marguerite-Bourgeoys, mais je vous indiquerai que le député de Marguerite-Bourgeoys a la parole. Il lui reste 13 minutes.

M. Bérubé: II parle comme membre de l'Assemblée nationale.

M. Lalonde: C'est toujours à l'article 4b que j'en étais, après avoir démontré jusqu'à quel point c'est là que l'on retrouve l'essentiel des objectifs d'une politique gouvernementale; c'est après avoir fait cette démonstration que j'étais à exprimer la déception que nous avons connue depuis les semaines, depuis les nombreuses semaines pendant lesquelles nous avons participé aux travaux de cette commission, à la demande de l'Assemblée nationale, déception devant le caractère théorique, le caractère irréaliste des explications du ministre relativement au projet de transformation de l'amiante de la part du gouvernement.

On doit dire que les interventions de cet après-midi, sauf peut-être celle du député de Beauce-Nord que je vais mettre un peu de côté, étant donné la gentillesse dont il a fait preuve à mon égard ce soir, les autres interventions de cet après-midi ne nous ont pas éclairés. S'il en est une qui a jeté encore plus d'obscurité, si c'est possi- ble, sur le sujet, c'est bien celle de notre député-poète du comté de Mercier.

J'ai eu l'occasion d'exprimer ce sentiment...

M. Grégoire: Êtes-vous contre la loi?

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: ... il y a quelques semaines, à cette commission parlementaire, mais dans une autre salle et, à ce moment-là, le député de Mercier, qui va et vient, comme dit la chanson, de la commission à d'autres travaux, parce qu'on n'a pas toujours le bonheur de l'avoir avec nous, n'était pas là.

Mais j'avais dit jusqu'à quel point j'attendais beaucoup des contributions du député de Mercier à nos débats, de par une certaine indépendance d'esprit que l'on reconnaît aux poètes, généralement, aux écrivains. J'avais aussi dû me rendre à l'évidence que la poésie, lorsque l'intérêt partisan est en jeu, se retrouve au même niveau que toutes les autres activités humaines.

M. Godin: Ayant été cité, est-ce que je peux poser une question au député de Marguerite-Bourgeoys?

Le Président (M. Clair): Si le député de Marguerite-Bourgeoys le permet.

M. Lalonde: Sur mon temps qui m'a été si généreusement...

M. Ouellette: On va faire une autre motion pour une autre période de vingt minutes.

M. Lalonde: D'accord. Cela va bien.

M. Godin: Est-ce que l'indépendance d'esprit consiste à voter comme les libéraux?

M. Lalonde: Je n'ai pas compris la question.

M. Godin: Est-ce que l'indépendance d'esprit, pour vous, consiste à voter comme les libéraux?

M. Lalonde: Non, pas nécessairement. Si les libéraux ont raison, oui.

M. Godin: Je l'ai fait d'ailleurs, vous en êtes témoin, M. le député de...

M. Grégoire: On a voté en votre faveur sur la motion de tantôt.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs! Nous nous éloignons de la question qui est celle de l'adoption de la motion principale en vue d'adopter l'article 4b de la loi 70. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sa contribution au débat, cet après-midi, n'a rien ajouté, malheureusement.

Chaque fois qu'il prend la parole, tout de suite mon esprit s'ouvre dans un geste d'accueil...

M. Godin: Ce n'est pas beau à voir.

M. Lalonde: Je suis resté sur mon appétit, M. le Président, cet après-midi surtout. Je passe sous silence les autres interventions que le député a faites à cette commission auparavant qui étaient de même caractère. Non, cela n'a pas rien ajouté, parce qu'on a simplement reconnu, réaffirmé la présomption que ce gouvernement accorde, la présomption de culpabilité, une présomption "juris et de jure", M. le Président, puisque le ministre parfois se permet quelques mots en latin — on pourra dire cela dans une langue autre que le français— que cela ne peut pas marcher le fédéralisme, que non seulement cela ne peut pas marcher, mais qu'il ne faut pas que cela marche et de là...

M. Ouellette: Cela n'a jamais marché.

M. Grégoire: Ce n'est pas une présomption, c'est une certitude.

Le Président (M. Clair): À l'ordre!

M. Grégoire: M. le Président, ne vous choquez pas.

M. Lalonde: ... le refus global du ministre et de ses acolytes à la suggestion tout à fait simple que peut-être on devrait essayer, pour contourner les difficultés, ou enfin, pour simplement se conformer à la constitution, une autre voie que celle qui va nous coûter $150 millions.

M. Godin: Non pas le fédéralisme...

M. Lalonde: Cela vaut peut-être $150 millions que de tenter de s'entendre avec le fédéral...

M. Godin: ... M. le député de Marguerite-Bourgeoys, ce fédéralisme.

M. Lalonde: ... pour qu'une politique tarifaire, pour que...

M. Godin: Ce fédéralisme, non pas le fédéralisme.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Mercier!

M. Godin: Je suis mal cité, je n'ai pas dit le fédéralisme, j'ai dit ce fédéralisme, le fédéralisme canadien qualifié...

M. Ciaccia: Vous êtes pour cela.

Le Président (M. Clair): Je comprends que vous êtes intervenu.

M. Godin: ... le fédéralisme avorté. Le fédéralisme en soi peut fonctionner...

Le Président (M. Clair): M. le député de Mercier, à l'ordre!

M. Ciaccia: Vous êtes pour le fédéralisme?

M. Lalonde: C'est cela que je ne peux pas accepter, M. le Président, dans la politique de l'amiante comme dans les autres décisions quotidiennes de ce gouvernement qui avait promis d'être un bon gouvernement, qui s'est fait élire, en mettant sous le tapis sa thèse indépendantiste. Il refuse de jouer le jeu de ce fédéralisme canadien aussi peut-être imparfait...

M. Godin: C'est le mot.

M. Lalonde: ... qu'il puisse être, parce qu'on n'est quand même pas au paradis actuellement. On l'est de moins en moins depuis que ce gouvernement a été porté au pouvoir. Ce que je trouve irresponsable de ce gouvernement, c'est de ne même pas tenter sa chance et de décider, au lieu de cela, de prendre $150 millions de nos Québécois et de dire on va donner les $150 millions à des Américains, General Dynamics, pour avoir une mine.

M. Grégoire: Vous ne voulez pas qu'on les paie?

M. Lalonde: M. le Président, j'ai entendu du bruit à votre droite.

M. Grégoire: Si vous voulez qu'on l'achète, on va la payer.

Le Président (M. Clair): Étant donné, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, que le député de Frontenac n'avait pas la parole, vous pouvez faire comme si vous ne l'aviez pas entendu.

M. Lalonde: Merci, M. le Président, c'est d'ailleurs ce que je fais d'habitude.

M. Godin: Est-ce qu'on peut en faire autant avec lui, puisqu'il a un droit de parole usurpé d'une certaine manière?

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, messieurs! Du côté ministériel, je comprends de moins en moins votre générosité, puisque vous semblez revenir de façon tacite régulièrement sur votre consentement qui était dans le sens de donner un droit de parole de vingt minutes au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Godin: Tout n'est pas naïveté, M. le Président.

M. Lalonde: Qui n'est pas usurpé, M. le Président, qui est au contraire le résultat de la générosité de ce bon député de Beauce-Nord que je ne connaissais pas beaucoup et dont je viens de connaître les beaux côtés.

M. Ouellette: Est-ce que je peux vous faire une toute petite remarque, pour

faire en sorte que ma générosité ne soit pas celle d'un masochiste?

M. Lalonde: Oui, allez donc! C'est cela que vous vouliez... Je ne le ferai pas regretter au député de Beauce-Nord. D'ailleurs, j'ai dit que je ne parlerais pas de son intervention de cet après-midi justement pour qu'il ne la regrette pas, mais qu'il ne me tente pas trop souvent.

Pour tenter de ramener à terre ces députés et leur démontrer qu'il y a nécessité qu'ils tentent le jeu du fédéralisme dans ce cas, dans l'hypothèse— et c'est une hypothèse — d'une souveraineté-association, il faudrait qu'il y ait des négociations entre les associés concernant les intérêts de chaque associé, au niveau industriel, par exemple, de mise en marché de leurs ressources. Il y aurait lieu sûrement, à un moment donné, qu'un Québec séparé mais associé avec le restant du Canada, fasse des ententes relativement à la mise en marché de l'amiante. Il y aurait, à ce moment, des négociations...

M. Godin: Certainement.

M. Lalonde: ... ce qui ne serait pas toujours facile, ce qui ne remplirait pas complètement les objectifs du Québec, à ce moment, parce qu'il y a, à ce qu'on dit, dans une langue autre que le français, du "give and take"...

M. Godin: Du "bargaining"!

M. Lalonde: ... quand on est un associé. Que ce soit le mariage ou la vie à deux...

M. Godin: "Common law wife", ou la "common law".

M. Lalonde: ... comme disait le député de Mercier tantôt, à ce moment, il faut quand même s'entendre.

M. Godin: Oui, mais on peut se séparer aussi, on peut se quitter.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Est-ce que c'est une menace que le député fait à quiconque?

M. Godin: Non, à vous.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs!

M. Lalonde: Je laisserai au député de Mercier faire son petit référendum maison. Ce n'est pas moi que vous rappelez à l'ordre, quand même!

Le Président (M. Clair): L'ensemble des membres de cette commission. M. le député.

M. Lalonde: C'est pour cette raison que je veux dire que lorsqu'on dit que le fédéralisme ne peut pas fonctionner, ne fonctionne pas, on ne le tente même pas. Cela nous coûte $150 millions. On aime mieux faire un chèque de $150 millions et donner cela à des Américains plutôt que d'essayer de faire fonctionner le fédéralisme canadien, de bonne foi, comme un bon gouvernement l'a promis. Dans l'hypothèse d'une association, vous auriez les mêmes difficultés. Là, on dit: Cela n'a pas de bon sens. M. Ryan a dit que le fédéralisme, des fois, cela entraîne des difficultés.

M. Godin: C'est ce qu'il a dit.

M. Lalonde: Dans l'association, ce serait toujours le beau fixe? Soyez quand même réalistes. Ce serait encore plus difficile, parce qu'il y aurait moins d'intérêts communs. Ne nous jouez pas quand même...

M. Ciaccia: ... la menace de séparatisme.

M. Lalonde: C'est cela. À ce moment, de quoi allez-vous menacer? Vous allez menacer votre associé d'un nouveau fédéralisme? C'est cela que vous allez faire comme deuxième jeu?

M. Godin: Séparatisme, mais si nécessaire.

M. Lalonde: D'ailleurs, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le gouvernement actuel dans sa façon de négocier, de toute façon, en claquant les portes. Imaginez-vous quel genre d'association on va négocier ainsi. Mais quand même, je soulève l'hypothèse simplement pour tenter de réduire le problème à sa plus simple expression pour que les députés ministériels comprennent. L'hypothèse, c'est qu'on est séparé et qu'on est associé, et que là, on parle d'amiante avec le Canada. On dit: Maintenant, écoutez, on achète des produits chez vous, il faudrait peut-être que vous achetiez des produits chez nous. On va faire cela de telle façon ou de telle autre, on fait des ententes économiques. Le Canada va dire: Peut-être que j'ai moins besoin d'amiante que vous avez besoin d'huile, par exemple. Cela va être du "give and take". Cela ne sera pas tous les jours le beau fixe.

M. Godin: II y a de l'huile ailleurs, au Venezuela, en Algérie, au Moyen-Orient...

M. Lalonde: Oui, il y a d'autre chose, mais il reste que notre associé, si on a une association économique, surtout si le ministre des Affaires intergouvernementales, je crois, qui parlait d'une monnaie commune...

M. Godin: Même à Saint-Eustache, il y a du pétrole.

M. Lalonde: À moins que ce soit le ministre des Finances qui ait raison, mais on n'est pas sûr de cela, surtout si on a un dollar commun. À ce moment-là, il va falloir qu'il y ait des ententes sur la façon de faire les choses à l'intérieur du territoire québécois.

M. Godin: C'est bien certain.

M. Lalonde: Donc, ce ne sera pas fête tous les jours.

M. Godin: Non.

M. Lalonde: II va y avoir des petites chicanes.

M. Godin: Certainement.

M. Lalonde: Alors, vous reconnaissez qu'il y aurait des petites chicanes?

M. Godin: C'est bien certain.

M. Lalonde: Nos petites chicanes, actuellement, sont-elles si effrayantes à côté des chicanes qu'on aurait? C'est la même chose. On...

M. Godin: Est-ce que j'ai un droit de parole après?

M. Lalonde: On ne vit pas en vase clos. C'est ce que je reproche au ministre lorsqu'il nous décrit sa théorie abstraite de l'amiante, c'est qu'il le fait complètement en vase clos. Pourquoi ne pas tenter... Je vais terminer là-dessus, M. le Président, je pense que j'ai terminé... (21 h 30)

Le Président (M. Dussault): Vous avez à peine 30 secondes pour le faire.

M. Lalonde: Oui, alors je ne veux pas abuser de la générosité.

Naturellement on va voter en faveur de cet article, mais j'aurais espéré qu'on lui mette un peu de contenu; cela reste un voeu pieux et c'est malheureux qu'après des semaines et des semaines de débats ici pour savoir ce que le gouvernement veut faire, tout ce qu'on a, ce sont des affirmations, on n'a aucune démonstration et plus on avance — et je pense que là, on est allé au bout, parce que le ministre semble rendu au bout de sa corde—on n'a rien de concret.

Les Québécois de la ville de LaSalle, de Marguerite-Bourgeoys vont se rendre compte que le gouvernement est en train de leur passer un sapin. C'est cela qui est malheureux, alors que tout le monde voudrait qu'on fasse de la transformation, qu'on n'ait rien de concret à nous offrir.

Merci, M. le Président.

M. Grégoire: M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Selon le principe de l'alternance, ce serait au tour de M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, j'ai été un peu surpris des expressions employées par le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est vrai que cela fait plusieurs semaines qu'on est en commission parlementaire sur le débat de l'amiante pour approuver une loi qui instituerait la Société nationale de l'amiante. L'article sur lequel on est, c'est pour donner à la Société nationale de l'amiante la possibilité de voir à la transformation de notre fibre d'amiante. On parle là-dessus depuis ce matin et l'Opposition semble s'opposer à la transformation de l'amiante et ne veut pas adopter cet article.

C'est ce qui se produit depuis ce matin. C'est l'article 4b qui permet à la Société nationale de l'amiante de voir à la transformation, ici au Québec, d'une richesse naturelle qui nous appartient, l'amiante. On l'a dit et répété, l'une des plus grosses richesses naturelles du Québec, c'est l'amiante; mais le Québec se contente du mineur dans le fond du trou, de la poussière dans les régions minières et ce sont les pays étrangers qui achètent notre fibre à l'état pur, et ils ont les industries pour transformer notre fibre, ils ont les emplois, ils font l'argent et nous on se contente de cela. Quand on arrive avec un projet de loi pour essayer d'aider la transformation de l'amiante, voilà que l'Opposition s'oppose et depuis hier matin...

M. Ciaccia: Je vais prendre un verre d'eau à votre santé.

M. Cordeau: II n'a rien compris!

M. Grégoire: Oui, je pense que vous en avez besoin, vous êtes asséché dans les idées ces temps-ci! Vous auriez besoin de vous humidifier les idées et je vous conseille de prendre tout le pot.

M. Ciaccia: Quand vous avez une audience... La démagogie, vous vous répétez.

M. Grégoire: Depuis hier qu'on est sur l'article 4b, qui a deux lignes, qui dit tout simplement ceci...

M. Godin: M. le député, avez-vous dit: Audience? Avez-vous utilisé le mot audience?

M. Ciaccia: M. le Président, je crois que le député de Mercier a épuisé son droit de parole.

Le Président (M. Dussault): C'est un fait, M. le député, M. le député de Mercier a épuisé son droit de parole.

M. Godin: Non, mais c'est parce que si j'ai entendu le mot audience, je trouve que cela va bien avec le nouveau consistoire libéral. Est-ce que c'est le mot audience, monsieur...

M. Ciaccia: Écoutez les zouaves, vous avez épuisé votre droit de parole.

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, messieurs! M. le député de Frontenac, si vous voulez continuer, s'il vous plaît.

M. Grégoire: Oui, M. le Président.

On étudie depuis hier matin, trois lignes dans un projet de loi, qui se lisent comme ceci: "La société a pour objets: toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante".

Cela fait cent ans qu'on exploite nos mines d'amiante au Québec. Cela fait cent ans qu'on a des mineurs dans le fond du trou à Asbestos, à Thetford et à Black Lake. Cela fait cent ans, par ailleurs, qu'on vend notre fibre à l'état brut aux étrangers. Cela procure 80 000 emplois industriels aux États-Unis, 110 000 en Europe, 40 000 au Japon et nous autres, on se contente de 6000 mineurs dans le fond de la mine. Et cela fait cent ans que vous n'avez rien fait dans ce domaine et vous parlez, vous placotez depuis deux mois...

Je n'embarquerai pas le député de Saint-Hyacinthe dans cela parce que je pense que ce n'est pas son cas. Au contraire, j'ai assez d'estime pour lui pour ne pas l'embarquer dans le même sac que l'Opposition libérale. Au contraire, je lève mon chapeau devant M. le député de Saint-Hyacinthe, mais, depuis deux mois, l'Opposition libérale nous présente motion après motion. On en a eu une ce matin qui a duré trois heures, pour dire: On n'étudiera pas tout de suite l'article 4. On va étudier l'article 5 et, après cela, on reviendra à l'article 4. Trois heures pour essayer de discuter là-dessus. C'est épouvantable.

M. Forget: Peut-on poser une question du député de Frontenac?

M. Grégoire: Après, vous aurez le loisir de poser des questions.

M. Ciaccia: Sur trois heures, vous avez pris une heure et trois quarts. Dites-le! Cela, par exemple, vous ne le dites pas comme le reste de vos affaires.

M. Grégoire: On a pris une heure et quart. Vous avez pris une heure et trois quarts pour essayer de nous montrer la stupidité de l'attitude que vous aviez là-dessus.

M. Forget: Vous avez pris plus de temps pour ne rien dire.

M. Ciaccia: Un peu de vérité.

M. Grégoire: Ce paragraphe est bien simple. Pourquoi prendre deux jours pour dire: Oui, c'est vrai. Après cent ans d'inaction, après cent ans où les anciens gouvernements n'ont rien fait, on arrive et on dit: On crée une société qui aura le droit de se lancer dans la transformation de la fibre. Cela ne devrait pas vous prendre deux jours de placotage pour accepter cela.

M. Forget: Tout ce que vous avez, ce sont deux lignes là-dessus.

M. Grégoire: Oui.

M. Forget: Vous n'avez pas une idée, pas un projet. C'est pour cela que ça prend deux jours.

M. Grégoire: II ne s'agit pas là de monter une industrie. Vous n'êtes pas un maçon. Je ne suis pas un plombier. L'autre n'est pas un électricien.

On est ici pour constituer la Société nationale de l'amiante qui prendra les moyens nécessaires pour avoir des industries de l'amiante...

M. Forget: Dans dix ans.

M. Grégoire: ... et vous voudriez qu'on vous arrive avec les plans et devis, les plans d'architecture, les bilans d'activité...

M. Forget: Une idée, un projet.

M. Grégoire: Un projet? La fibre est là. Il y a 3000 produits d'amiante. Constituez une Société nationale de l'amiante et ne vous inquiétez pas. On en trouvera des projets. C'est aussi simple que cela.

Vous avez toujours eu peur de vous lancer. Vous n'avez jamais marché et on n'a jamais eu d'industrie. Pourquoi? Parce que, depuis cent ans, vous avez été là à taponner. Après cent ans de gouvernement libéral, on s'est réveillé et on n'a pas d'industrie. Aujourd'hui, il y a un gouvernement qui est déterminé à marcher, à foncer et à avancer, qui est déterminé à faire de l'industrie autour de l'amiante parce que l'amiante est notre richesse naturelle, la plus grosse richesse minière du Québec. On contrôle 85% de l'amiante est notre richesse naturelle, la plus grosse richesse minière du Québec. On contrôle 85% de l'amiante qui change de frontières dans le monde libre. Les États-Unis produisent à peine 85 000 tonnes d'amiante. Ils en ont besoin de 850 000. C'est au Québec qu'ils viennent le chercher et, rendu aux États-Unis, cela procure 80 000 emplois, des produits finis qui valent $1 milliard. Nous autres, on a toujours laissé passer cela sous notre nez et là, on se fait dire: Avez-vous un projet? Est-on capable de faire cela? Ne dépense-t-on pas d'argent? Êtes-vous sûr que c'est bon? Vous avez toujours hésité. Vous avez toujours branlé dans le manche. Vous avez toujours chambranlé. Vous n'avez jamais pris de décision. Aujourd'hui, on vous arrive avec un projet de loi qui est simple, qui est clair. L'amiante est notre richesse naturelle. C'est à nous à le transformer.

M. Godin: Ne lâchez pas!

M. Grégoire: C'est une de nos valeurs.

Une voix: Un verre d'eau?

M. Grégoire: Non. Je ne suis pas asséché. Je n'ai pas besoin d'eau. Je laisse au Parti libéral les idées asséchées.

Je crois que c'est automatique. Je crois que c'est nécessaire de le dire à un certain moment. Depuis deux mois qu'on essaie d'empêcher l'adoption de ce projet de loi qui permettra de créer des industries au Québec, de créer de l'emploi, de nous donner au moins réellement la valeur économique que peut nous apporter la transformation de l'amiante ici au Québec. Je me demande ce que vous attendez, pourquoi vous discutez si longtemps. Vous n'avez jamais rien fait, au

moins laissez le gouvernement qui agit faire quelque chose. M. le Président, pour le moment, c'est tout ce que j'avais à dire, parce que je commençais à en avoir assez.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Bérubé: Là, cela va être bon.

M. Ciaccia: Oui, j'ai écouté attentivement. M. le Président. Pour commencer, le député de Frontenac nous a accusés...

M. Godin: ... cela aussi c'est du vrai temps.

M. Ciaccia: ... d'avoir fait une motion pour retarder les travaux ce matin. M. le Président...

M. Godin: C'est du vrai temps cela, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, messieurs, s'il vous plaît. M. le député de Mont-Royal avait la parole.

M. Ciaccia: Sur la motion de ce matin, je voudrais...

M. Godin: Ils ont essayé de vous rouler tout à l'heure, M. le Président.

M. Ciaccia: ... seulement, pour rectifier les erreurs que le député de Frontenac a mentionnées, dire que nous avons parlé 60 minutes. L'Opposition officielle globalement a parlé 60 minutes et le côté ministériel a parlé 1 h 36 minutes. Alors, ne nous accusez pas de prendre le temps inutilement.

M. le Président, nous faisons face ici à l'article 4b qui veut donner à la société certains objets, les objets étant toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante. On nous reproche, c'est ce que fait le côté ministériel, de ne pas accepter cet article, de ne pas vouloir l'étudier. C'est cela que vous nous reprochez. On demande des précisions. On demande des informations. On ne veut pas accepter un projet de loi ou un article à l'aveuglette. C'est ce que vous nous demandez de faire.

Vous nous demandez de dépenser $250 millions avec un chèque en blanc sans savoir quelles sont les études que vous avez faites, sans connaître les études de marché, sans connaître les coûts de transformation, les projets que vous avez, combien cela va coûter aux électeurs, combien cela va coûter à la population. Vous ne l'avez pas dans votre budget. On n'a aucun renseignement et pour cela, vous nous reprochez... Je pense, M. le Président, que c'est une façon d'agir irresponsable de la part du gouvernement. Nous ne sommes pas ici seulement... Certainement que nous sommes en faveur de la transformation et de cet objec- tif. Nous l'avons dit à partir du début. Si au début vous nous aviez donné les informations qu'on vous a demandées, peut-être qu'on serait beaucoup plus avancé, mais au lieu de nous donner les informations...

M. Grégoire: Justement, M. le député de Mont-Royal, vous demandez des informations que ce n'est pas le temps d'avoir.

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai le droit de parole et je l'exige.

Le Président (M. Dussault): À l'ordre.

M. Ciaccia: Au lieu de nous donner ces informations, vous prenez trois fois plus de temps pour nous dire...

M. Grégoire: Cela fait dix fois qu'on vous dit que c'est la société qui va vous fournir les informations.

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, messieurs, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: ... pourquoi vous ne pouvez pas nous donner ces informations. C'est cela que le public doit savoir.

M. Grégoire: Cela fait dix fois qu'on vous le dit.

M. Ciaccia: Vous prenez trois fois plus de temps pour nous dire que vous ne pouvez pas avoir les informations. Nous agissons, M. le Président, comme une opposition responsable. Nous avons des devoirs à accomplir.

M. Grégoire: C'est-à-dire que vous n'avez jamais agi. On n'a rien eu.

M. Ciaccia: Nous avons des informations à exiger. Donnez-nous ces informations et vous allez voir qu'on ira plus vite dans l'étude du projet de loi. Mais ne nous faites pas de reproches si sur l'étude de l'article 4b on ose vous demander quelle sorte de projet vous avez en vue, quels sont les plans d'investissement, qui va payer? combien vous allez exiger du public? de combien les taxes seront-elles être haussées parce que vous avez des projets? Quand vous n'avez pas de réponse sur le fond, vous sortez le drapeau. C'est cela que vous faites. Vous voulez des applaudissements de tout le monde, parce que vous avez sorti le drapeau. Vous parlez de 100 ans d'abus dans l'amiante, qu'on n'avait jamais rien fait. Certainement, faites en quelque chose, mais dites-nous ce que vous voulez faire. Ce n'est pas seulement par des paroles. Vous n'allez pas commencer la transformation de l'amiante, même si ce soir nous acceptons l'article 4b. Ce n'est pas cela qui va commencer vos usines de transformation. Ce n'est pas ça. Chaque fois qu'on essaie de vous demander des précisions, chaque fois qu'on vous demande des précisions, c'est le genre de démago-

gie qu'on reçoit de vous: tant d'emplois au Japon, tant en Europe, tant aux États-Unis...

M. Grégoire: Cela veut au moins dire que l'industrie est possible.

M. Ciaccia: Cela ne veut rien dire, ce que vous nous dites.

M. Grégoire: Et nous autres, on n'en a pas.

M. Ciaccia: Vous voulez faire le tour, le tour. Peut-être n'avez-vous pas de places, peut-être ne savez-vous pas combien ça va coûter, peut-être voulez-vous cacher ça au public. Quant à nous, nous voulons savoir. On est en faveur du principe, le député de Marguerite-Bourgeoys vous l'a dit, on va voter en faveur du projet, mais pas avant d'avoir essayé d'obtenir autant que possible, toutes les informations auxquelles nous avons droit, non seulement nous, on ne fait pas ces demandes à titre d'Opposition officielle, ni à titre personnel, mais on les fait pour la population du Québec. Parce que quand vous allez donner les informations, quand vous allez dire quelque chose ici, ça va devenir public. C'est ce que le public exige de vous.

M. Godin: Ce sont des emplois qu'il veut, le public veut des emplois, M. le député de Mont-Royal, ce sont des emplois qu'il veut.

M. Ciaccia: Vous parlez d'un gouvernement de transparence, le gouvernement de transparence, où est-il quand vous cachez tout? Vous ne nous avez pas donné une information, pas un brin d'information de ce que nous avons demandé depuis le début. Vous osez, ce soir, nous faire des reproches. On n'accepte pas l'article 4b. M. le Président, je m'oppose...

M. Grégoire: Question de règlement.

M. Godin: II fait son "show", il fait son "show".

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le député de Mont-Royal, question de règlement de la part de M. le député de Frontenac.

M. Ciaccia: Quel article ? Quel article? M. Grégoire: Je n'ai pas le livre ici. M. Ciaccia: Je vais vous passer le livre.

M. Grégoire: Celui qui dit qu'on ne doit pas induire une commission parlementaire en erreur, que ce soit volontairement ou involontairement.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une question de règlement.

M. Grégoire: Je crois que c'est ce que le député est en train de faire...

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. Grégoire: Parce qu'il a reçu une pile de documents comme ça.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Frontenac, à l'ordre, s'il vous plaît! Ce que vous faites valoir est une question de privilège et elle n'existe pas en commission parlementaire. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Quand le ministre, hier, nous a exposé la façon par laquelle il allait aider l'industrie de transformation, il était pour acheter la compagnie Asbestos Corporation, il a dit: Le but, ce n'est pas seulement d'acheter une compagnie, c'est d'avoir une politique de l'amiante. Une fois que nous aurions acheté la compagnie, deux choses pourraient se produire, nous aurions les taxes qui auraient été payées, nous pourrions réduire le coût de la fibre et nous irions vendre la fibre au coût... Il l'a dit clairement, hier matin.

M. le Président, nous avons fait une contre-proposition, parce que si c'est une subvention que vous voulez faire sur le dos des contribuables, nous avons suggéré une autre façon de le faire, sans dépenser $150 millions ou $200 millions. Prenez seulement... Un instant, on va venir à la question anticonstitutionnelle, donnez-moi le temps, vous allez voir, vous allez avoir votre réponse. Au lieu de dépenser $200 millions ou $250 millions, qu'il va falloir remettre et pour payer ces $250 millions, vous ne pourrez pas vendre la fibre au prix coûtant, parce qu'il ne vous restera pas de profits pour payer l'achat des actions, d'accord?

Des voix: C'est faux, c'est faux.

M. Ciaccia: C'est ça, exactement, relisez le journal des Débats d'hier matin, relisez-le, et vous reviendrez demain matin avec ce journal.

M. Ouellette: Me permettez-vous une petite question?

M. Grégoire: C'est épouvantable.

M. Ciaccia: Non, je ne permets pas, je vais continuer; après que j'aurai fini mon intervention, je vais vous permettre une question, pas maintenant.

M. Ouellette: Vous avez peur. $20 millions plus $21 millions, ça donne $41 millions.

M. Ciaccia: M. le Président, nous avons fait une contre-proposition...

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, M. le député! M. le député de Mont-Royal vous permet une question après son intervention, c'est dans les règles.

M. Ciaccia: Oui. M. le Président, nous avons fait une contre-proposition, nous avons dit: Écoutez, au lieu d'aller dépenser $250 millions...

M. Godin: La vérité... tout à l'heure, le droit de parole... (21 h 45)

M. Ciaccia: Parce qu'une fois que vous aurez acheté la compagnie, il va falloir rebâtir l'usine, il va falloir vous occuper de la question de la salubrité, il va falloir avoir une foule de dépenses. Au lieu de faire cela, vous pourriez créer—c'est une possibilité—une société d'État pour l'achat de la fibre, parce qu'il n'y a pas de pénurie de fibre. Regardez le bilan d'Asbestos Corporation. L'inventaire augmente avec les années. Je pense bien qu'elle serait bien contente de vous en vendre. Son objectif est qu'elle n'est pas dans le marché pour garder la fibre, elle est dans le marché pour la vendre. Si elle a un inventaire, c'est parce qu'elle ne peut pas la vendre.

Nous avons dit: Prenez ces impôts, les montants que vous percevrez des impôts, non seulement de l'impôt que vous recevrez de l'Asbestos Corporation, mais vous pourriez même augmenter les impôts en général, sur toute l'industrie, et utiliser ces fonds pour aider la transformation des produits.

M. Godin: Anticonstitutionnel.

M. Ciaccia: Non. Un instant, ce n'est pas anticonstitutionnel. Vous pourriez prendre ces impôts pour aider l'industrie de transformation. On est venu avec l'argument d'anticonstitutionnalité.

M. Bérubé: ... subventionner à la tonne.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas fini. Voyons donc, vous le faites en achetant l'Asbestos, vous l'avez dit vous-mêmes. Un instant.

Vous avez dit que c'est anticonstitutionnel. M. le Président, je peux vous dire que, depuis 1867, il y a eu plus de 40 amendements à la constitution. Cela peut venir comme... Ce sont des nouvelles pour vous autres.

M. Godin: ... en Ontario.

M. Ciaccia: M. le Président, c'est nécessaire de faire certains changements. Cela vaut la peine d'aller s'informer avant de dépenser $250 millions. Cela vaut la peine de faire un appel téléphonique à Ottawa et de dire: Écoutez, est-ce qu'on peut faire une telle entente? Cela ne coûtera pas $250 millions, faire un appel à Ottawa. Vous pourriez vraiment blâmer le fédéral si...

M. Godin: Avec M. Chrétien, cela va bien. Vous venez de voter...

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai le droit de parole.

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, M. le député de Mercier!

M. Godin: Ils viennent de voter unanimement avec nous parce qu'ils ne changent rien à Ottawa, ils veulent qu'on négocie encore.

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, M. le député de Mercier!

M. Godin: Ils veulent qu'on négocie encore. Qu'ils soient au moins un peu cohérents et un peu conséquents.

M. Forget: Ce n'est pas parce qu'ils ne changent rien, c'est parce qu'ils changent trop pour...

M. Ciaccia: J'exige mon droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal, vous avez la parole.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Godin: Le député de l'incohérence.

M. Ciaccia: Je vous ai donné des exemples, parce que c'est le ministre lui-même qui a soulevé le fait que j'étais sous-ministre fédéral et que je ne connaissais pas mon droit sur la constitution. Je vous ai donné l'exemple de l'entente de la baie James, M. le Président, où il y avait des problèmes constitutionnels beaucoup plus vastes que ceux que vous pouvez soulever avec votre projet de loi. Cela couvrait un territoire de 400 000 milles carrés, les deux tiers de la province. Cela couvrait $225 millions, en plus des terres, en plus des droits de chasse et de pêche. On ne s'est pas séparé du Canada pour cette entente, on a trouvé les solutions. Les deux niveaux de gouvernement les ont trouvées, parce que c'était nécessaire pour le Québec.

Et vous venez nous dire que, tout à coup, vous utilisez cela pour donner un argument en faveur du séparatisme.

M. Godin: Mais vous n'êtes plus là. Si vous étiez encore là, peut-être, mais vous n'êtes plus là.

M. Ciaccia: Je voudrais vous dire, M. le Président, que vous voulez vous séparer du Canada, c'est vrai. Vous voulez même vous séparer des lois économiques et vous voulez vous séparer du bons sens. C'est de cela que vous voulez vous séparer.

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal, est-ce que je pourrais vous rappeler à la pertinence du débat?

M. Ciaccia: C'est pertinent. Ce sont des réponses aux commentaires qui ont été faits de l'autre côté de la table. Très bien, M. le Président, je vais revenir à la pertinence.

Le Président (M. Dussault): Sauf que notre raison d'être ici est d'étudier le projet de loi article par article. Je voudrais que vous vous en teniez à l'article 4b, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: À 4b, très bien, M. le Président. Il y a peut-être un problème constitutionnel sur certains aspects et c'est possible de résoudre les problèmes constitutionnels.

Le ministre nous a donné un autre exemple. Il a créé un scénario artificiel. Il dit: On va prendre les taxes et, au lieu de prendre les taxes pour Asbestos Corporation, on va les utiliser pour promouvoir d'autres industries, comme l'industrie de la transformation. Je voudrais vous demander... Je ne veux pas une réponse tout de suite, vous la donnerez demain. Je voudrais demander ceci. Si cet aspect, si cette manière de procéder est tellement valable, pourquoi SIDBEC n'est-elle pas un succès? C'est pourtant une société d'État. Qu'est-ce qui arrive aux taxes de SIDBEC ? Pourquoi n'appliquez-vous pas la même formule à SIDBEC que vous voulez appliquer à l'Asbestos Corporation, à l'industrie de l'amiante? Si la formule...

M. Godin: On compare des pommes et des poires, M. le Président.

M. Ciaccia: ... est bonne pour une industrie qui va être concurrentielle, avec la...

M. Godin: Vous comparez des pommes et des poires.

M. Ciaccia: Chaque fois que j'ai quelque chose... je me fais interrompre. Je vous demande de protéger mon droit de parole.

M. Godin: II nous pose des questions, on répond aux questions qu'il nous pose.

M. Forget: ...

Le Président (M. Dussault): C'est ce que je tente de faire, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. Godin: II compare des pommes et des poires.

M. Ciaccia: Si cette formule est tellement valable pour l'amiante parce que vous allez acheter une compagnie qui va faire concurrence à d'autres sociétés, pourquoi n'est-elle pas valable pour SIDBEC? Cela n'a pas l'air d'être valable, parce que...

M. Godin: Cela n'a pas l'air...

M. Ciaccia: ... c'est une situation artificielle. Même un étudiant d'université ne vous donnerait pas une formule semblable. S'il vous plaît, M. le député de Frontenac, donnez-nous d'autres raisons, donnez-nous d'autres aspects de ce problème. Nous voulons le soulever ici, nous avons besoin des réponses avant d'approuver et d'autoriser une société d'État... On va perdre le contrôle. Une fois que cela sort d'ici, les parlementaires ont perdu le contrôle de cette compagnie, de cette so- ciété. Cela va rester dans les mains... Elle sera autorisée à dépenser $250 millions, elle va le faire. Est-ce que cela va être rentable? Ce n'est pas assez de dire que cela fait cent ans que cela existe? On découvre toutes sortes de choses aujourd'hui. Par exemple, on nous a dit: II y a le problème de la santé des ouvriers, des travailleurs de l'industrie de l'amiante. On a demandé très logiquement au ministre de nous faire valoir, de nous faire savoir à nous quelles mesures il va prendre dans ce projet de loi, dans la transformation de l'amiante, pour protéger la santé des ouvriers. Est-ce qu'on nous a répondu?

M. Godin: On va respecter les lois de l'environnement.

M. Ciaccia: Si vous n'êtes pas capables de faire respecter les lois dans l'industrie, ce sera encore plus difficile...

M. Godin: On va respecter les lois de l'environnement.

M. Ciaccia: ... une fois que l'État va devenir propriétaire d'une société.

On a demandé de nous démontrer les mesures que le gouvernement entendait prendre pour protéger la santé des ouvriers, les conditions de travail des ouvriers...

M. Godin: Les lois de l'environnement.

M. Ciaccia: ... on ne nous a pas répondu. On nous dit: Cela fait cent ans qu'on ne fait rien et on revient toujours avec la même histoire...

M. Godin: Les lois de l'environnement, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... on ne donne jamais de réponses à nos questions.

M. Godin: Les lois de l'environnement, les règlements de la dépollution qui existent.

M. Ciaccia: Peut-être, M. le Président, qu'il n'y a pas de réponse. On voudrait hâter l'adoption de ce projet de loi sans donner à la population du Québec toutes les réponses nécessaires qu'elle a le droit d'avoir...

M. Bérubé: Vous avez réussi à les faire fuir. M. Ouellette: Vous leur avez fait peur.

M. Ciaccia: Non, ils sont tellement de gens. Eux aussi se posent des questions, M. le Président. Ils se posent des questions quant au député de Frontenac.

M. Bérubé: II y en a un qui se gratte la tête en tout cas.

M. Ciaccia: Je vais continuer sérieusement, M. le Président.

M. Godin: Les lois de l'environnement.

M. Ciaccia: Ce sont des questions valables que nous avons à poser. Nous avons dit en plus que dans cette industrie, si l'État devient propriétaire d'une société, ce sera beaucoup plus difficile pour l'État de mettre en marche, de mettre en vigueur les règlements de protection pour les autres employés.

M. Godin: Comment cela?

M. Ciaccia: II ne sera pas tellement intéressé à dépenser tant d'argent que cela. Il va y avoir des pressions.

M. Forget: D'exagérer les freins.

M. Ciaccia: Le ministre de l'environnement qui n'est pas capable d'agir avec les autres sociétés n'agira pas avec la société d'État. Au Conseil des ministres, au Conseil du trésor, vous allez voir ce qui va arriver aux "améliorations" de l'Asbestos Corporation, "améliorations" des droits, des conditions des travailleurs. C'est pour ces raisons que nous avons demandé...

M. Godin: Le ton baisse, il n'y a plus de spectateur.

M. Ciaccia: J'apprends du député de Frontenac...

M. Godin: Viva Pagliaccio!

M. Ciaccia: ... ces renseignements. À chaque fois qu'on les demande, jamais on nous répond. On nous insulte, on nous donne toutes sortes d'autres raisons. On parle plus longtemps que nous, on nous accuse de faire de l'obstruction systématique.

M. Godin: II n'y a plus personne.

M. Ciaccia: M. le Président, c'est inacceptable.

M. Grégoire: II y a deux policiers.

M. Ciaccia: Je suis consistant. Qu'il y ait du monde ou non, j'ai mon opinion à faire prévaloir et vous allez l'entendre.

M. Grégoire: Arrêtez-le!

M. Ciaccia: M. le Président, nous souhaiterions que le gouvernement nous donne les renseignements que nous avons demandés. Nous souhaiterions qu'on nous donne en toute franchise, en toute transparence les projets d'investissements du gouvernement, les montants qui seront requis pour la transformation. Les produits, quels produits? Souvent, on dit qu'il y a des produits qui vont faire concurrence à d'autres produits qui sont déjà fabriqués au Québec. On a le droit de savoir, une fois que vous auriez acheté Asbestos Corpora- tion, pour vous sauver la peau, parce que peut-être que ce ne sera pas aussi rentable, vous allez vous lancer dans des produits qui vont faire concurrence à d'autres industries, parce que comme société d'État, vous ne voulez pas un autre SIDBEC, vous ne voulez pas des tartes. Alors, pour faire des profits, vous allez entreprendre toutes sortes de projets. On a le droit de le savoir ici, on a le droit de le savoir maintenant pour être capable vraiment de continuer l'étude du projet de loi comme elle devrait être faite. On ne peut pas nous accuser de vouloir ces renseignements. Le principe, c'est vrai, a été adopté à l'Assemblée nationale. Le ministre, ce matin, nous a fait un discours sur le rôle de l'Assemblée nationale et le rôle de la commission parlementaire. Je prétends très humblement que le ministre n'a pas vraiment compris le rôle d'une commission parlementaire, le rôle qui nous incombe, comme membres de cette commission, non seulement de l'Opposition officielle et de l'Union Nationale, mais même du côté ministériel, le rôle d'examiner et d'obtenir des renseignements. Le fait que le paragraphe 4b donne des voeux pieux, ce n'est pas assez pour l'accepter, ce n'est pas assez pour le voter. Ce n'est pas assez pour dire: Nous acceptons l'article 4b. Vous avez l'obligation et la responsabilité, chacun de vous, du côté ministériel d'obtenir des informations et si vous les avez, donnez-nous...

M. Godin: Ce sont les mêmes que vous avez, vous avez oublié de les lire.

M. Ciaccia: Si vous les avez, ne vous contredisez pas...

M. Forget: Vous êtes faciles à satisfaire. Vous n'êtes pas exigeants.

M. Ciaccia: Vous vous contredisez tous les jours et maintenant toutes les cinq minutes. Si vous avez les informations, je prierais le député de Mercier de demander à son ministre...

M. Grégoire: Vous avez oublié de les lire.

M. Godin: SIDBEC est une création libérale qu'on essaie de sauver parce qu'il y a des emplois là-dedans. Est-ce nous qui avons créé SIDBEC?

M. Ciaccia: ... de nous fournir ces informations, informations essentielles à l'étude du projet de loi.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mont-Royal, je vous demanderais de conclure, il vous reste à peine une minute.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président, je conclus en demandant encore...

M. Godin: Du temps de qui les études ont-elles été demandées?

M. Ciaccia: Nous sommes d'accord avec le principe, mais nous avons le droit d'exiger certaines informations qui ne nous ont pas été données.

M. Godin: Effectivement, vous êtes toujours là et quand on le fait, vous êtes contre.

M. Ciaccia: ...

Le Président (M. Dussault): Est-ce que l'article 4b est adopté?

M. Grégoire: Pardon.

Le Président (M. Dussault): Je demande si l'article 4b est adopté?

M. Grégoire: Adopté.

M. Forget: Adopté, M. le Président. Est-ce qu'on demande un appel nominal?

Le Président (M. Dussault): Est-ce qu'il est demandé?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Dussault): Alors je vais faire l'appel des noms.

M. le député de Matane.

M. Bérubé: Favorable.

Le Président (M. Dussault): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: En faveur.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Richmond, qui a été remplacé par le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Oui.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: En faveur.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: En faveur.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Bourassa, remplacé par M. le député de Mercier.

M. Godin: En faveur.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: En faveur.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: En faveur.

Le Président (M. Dussault): M. le député de

Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Nicolet-Yamaska... Je m'excuse, les députés intervenants n'ont pas le droit de vote. Alors, huit députés sont en faveur, aucun contre. L'article 4b est donc adopté.

Est-ce que l'article 4 est adopté?

Amendement

M. Forget: Non, M. le Président, nous avons un amendement à suggérer pour l'insertion d'un paragraphe c), après le paragraphe b), qui se lirait comme suit: "Que le premier alinéa de l'article 4 soit modifié en ajoutant, après le paragraphe b), le paragraphe suivant: c) La recherche et le développement de nouveaux usages ou procédés de transformation de l'amiante".

Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, me procurer le texte?

On vient de me le donner, alors je relis la motion d'amendement à I'article 4: "Que le premier alinéa de l'article 4 soit modifié en ajoutant, après le paragraphe b), le paragraphe suivant: c) La recherche et le développement de nouveaux usages ou procédés de transformation de l'amiante".

M. Bérubé: Nous pourrions rapidement l'adopter, M. le Président. Quant à nous, l'amendement nous apparaissait inclus dans le paragraphe b) dans la mesure où...

M. Forget: Je sais que le ministre l'a dit, mais je pense que si on crée une société moderne, la recherche devrait faire partie de ses objectifs.

M. Bérubé: Je n'ai aucune objection. M. Forget: Cela précise et cela améliore.

Le Président (M. Dussault): De toute façon, je déclare cet amendement recevable et je pose la question, puisque cela semble le désir de la commission: L'article 4c est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Dussault): Adopté. L'article 4 est-il adopté tel que modifié?

M. Forget: Nous aurions un autre amendement à proposer pour ajouter...

M. Bérubé: À cette vitesse, on peut en passer plusieurs.

M. Forget: ... à un autre paragraphe, mais je remarque qu'il est 22 heures et que je n'aurai même pas le temps de faire la lecture...

M. Bérubé: Celui-ci est plus litigieux. M. Forget: Non, je ne pense pas.

M. Grégoire: On pourrait peut-être en avoir la lecture et on en discutera demain.

M. Forget: Enfin...

Le Président (M. Dussault): De toute façon, je pense que c'est du devoir du président...

M. Forget: ... parce que nous aurons des remplacements et que cela va mêler les gens.

M. Grégoire: Consentement.

Le Président (M. Dussault): ... de mettre fin aux travaux de cette commission. Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 1)

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