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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le lundi 1 mai 1978 - Vol. 20 N° 53

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 70 - Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 70

Loi constituant la Société

nationale de l'amiante

(Quinze heures quinze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission pour la présente sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).

Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier)...

M. Lalonde: Seulement pour aujourd'hui.

M. Bérubé: Est-ce que vous remplacez M. Raynauld, qui vous avait remplacé?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, s'il vous plaît! M. Raynauld (Outremont) comme intervenant remplace M. Garneau (Jean-Talon); M. Landry (Fabre)... Ce n'est pas mieux un lundi qu'un mardi. Vous vous interrompez et on n'a pas encore commencé.

M. Grégoire: On leur souhaite la bienvenue pour la semaine.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Raynauld (Outremont) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Landry (Fabre), M. Lari-vière (Pontiac-Témiscamingue) est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Si vous pouviez m'indiquer où on était rendu. Je sais que nous étions à discuter...

M. Lalonde: Je n'ai aucune idée où on est rendu, M. le Président.

Objets de la société

Motion sur le recyclage des résidus d'amiante (suite)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... on était à l'article 4, paragraphe d). Il y a un sous-amendement qui avait été adopté. Nous étions rendus à la motion principale, laquelle se lisait comme suit: "Le recyclage des résidus d'amiante". Qui avait la parole?

M. Bérubé: J'avais pris la parole, M. le Président, jusqu'à midi et demi, ce qui nous a permis, en même temps, d'examiner plus avant cet amendement. Après l'avoir soigneusement examiné, compte tenu des remarques que j'ai faites lors de mon intervention, remarques qui, à mon point de vue, demeurent toujours pertinentes dans la mesure où on dit, au paragraphe b) de cet article, que "la société a pour objet toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale..." Par conséquent, cela doit également inclure, dans son mandat, le traitement des résidus d'amiante, traitement qui pourrait produire des profits, donc qui s'avérerait économique. Par conséquent, déjà au paragraphe b) du premier alinéa, nous avons inclus, à l'intérieur de ce paragraphe, le mandat de s'occuper des résidus d'amiante. Je dois également souligner que dans la mesure où nous avons un autre article qui donne un pouvoir de directive— c'est l'article 18—au ministre des Richesses naturelles, par conséquent, il demeure tout à fait possible — et d'ailleurs, c'est ce qui s'avérera la réalité lorsque nous émettrons nos premières directives — il s'avérera donc toujours possible de définir dans nos directives un mandat à la société qui viserait à l'obliger à s'occuper du traitement des résidus d'amiante. Cependant, il demeure que présentement, à notre connaissance en tous les cas, il n'existe pas de résidus d'amiante que l'on puisse exploiter commercialement. On ne connaît pas de procédés commerciaux actuels permettant le traitement des résidus, et la crainte que je manifesterais à l'amendement du député d'Outremont, amendement qui, en soi, peut sembler assez innocent, la crainte que je pourrais manifester vis-à-vis de cet amendement est que la société pourrait peut-être se servir de cet amendement particulier pour justifier des opérations non commerciales, non économiques, non industrielles, non manufacturières, donc, justifier un autre type d'activités qui ne répondent pas comme telles à l'objectif que le gouvernement s'est fixé pour la Société nationale de l'amiante qui est d'en faire une entreprise commerciale, industrielle, manufacturière rentable.

Par conséquent, étant donné la possibilité de confusion ultérieure quant au vouloir des législateurs au moment de la rédaction des objets, je préférerais donc que cet amendement soit rejeté.

Le Président (M. Vaillancourt, onquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, on se fait servir des arguments à la convenance du ministre. Il ne change même pas la couleur de la sauce que ce soit de la chair ou du poisson ou la plupart du temps ni l'un, ni l'autre; M. le Président, on se les fait servir avec la même sauce.

M. Bérubé: Les grands vins se servent avec n'importe quel mets.

M. Forget: M. le Président...

M. Lalonde: M. le Président, pour votre salade.

M. Grégoire: Le vin ne se prend pas avec la salade non plus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Franchement, pour un président qui n'a pas dîné, vos propos sont... M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Vous ne nous invitez pas à suspendre jusqu'à ce que le président ait dîné. Ce serait une motion débattable probablement. Non, on s'abstiendra de demander une suspension pour le plus grand confort du président. Il reste que le raisonnement qu'on nous a servi souvent durant les travaux de cette commission, à savoir qu'il y aura un conseil d'administration et que le conseil déciderait, etc. Maintenant, à ce moment, il s'agissait, bien sûr, d'éviter de faire quelque chose, d'éviter de s'engager dans quoi que ce soit, dans des opérations manufacturières, de s'engager plus avant que dans des généralités. On disait: Cela sera étudié, évalué par la Société nationale de l'amiante. Lorsqu'il s'est agi de nouveaux gisements, on nous a dit: Lorsque la Société nationale de l'amiante existera, ils verront s'il est opportun ou non de s'engager de ce côté.

Là, on nous sert à peu près la même salade pour éviter de parier d'un sujet, tout simplement, éviter de mentionner dans la loi qu'il y a une responsabilité. On pourrait tout aussi bien dire que le paragraphe a) et le paragraphe b) devraient être supprimés, qu'on devrait se limiter à créer une société de l'amiante; le titre étant par lui-même tellement expressif, on saurait bien à quoi cela doit servir. On devrait laisser au pouvoir de directives du gouvernement et à la discrétion...

M. Bérubé: Ce n'est pas une mauvaise idée!

M. Forget: ... du conseil d'administration de déterminer s'il va faire de l'exploitation minière, s'il va faire du commerce international ou s'il va faire de la fabrication. Après tout, ce sont des questions administratives. Pourquoi le législateur s'est-il donné la peine d'écrire le paragraphe a) et le paragraphe b)? Tout à coup, quand arrive le paragraphe c), on dit: II y a aussi la question des détritus, la question des résidus ou des crassiers, comme le dit le député de Mercier.

M. Bérubé: M. le député de Saint-Laurent, le paragraphe c) a été modifié, a été ajouté, puisqu'il porte sur la recherche et le développement et que nous l'avons accepté; nous sommes maintenant au paragraphe d).

M. Forget: C'est cela, au paragraphe d). On ne nous a pas dit, dans le cas de la recherche: Non, on va faire cela d'une autre façon, on fera cela par directives. Cela a été jugé important, significatif. D'ailleurs, j'en félicite le ministre; c'est la seule ouverture d'esprit qu'il a manifestée pendant huit semaines, mais toute règle a son exception.

Quand on arrive aux résidus, il me semble, pour avoir d'abord vu les crassiers en question, pour avoir parlé aux gens qui se sont préoccupés de cela depuis un bon nombre d'années, il y a à peu près quatre ou cinq ans, un des syndicats actifs dans la région de l'amiante a pris l'initiative d'une étude. Je crois qu'ils en ont pris eux-mêmes et seuls l'initiative au départ. Je pense que c'était le syndicat qui est actif dans le comté de Richmond, dans Asbestos, qui a mis en valeur la notion d'une utilisation des résidus. Ayant fait cette démonstration, du moins de façon superficielle, de façon assez convaincante, le ministère des Richesses naturelles et le ministère de l'Industrie et du Commerce ont commandité et entrepris eux-mêmes une étude sur l'utilisation des résidus, une étude fort intéressante, d'ailleurs, que j'ai à mon bureau et que j'ai lue. Justement, je félicite le député de Frontenac de l'avoir en sa possession, je ne sais pas s'il l'a lue.

M. Grégoire: Au complet.

M. Forget: S'il l'a lue...

M. Grégoire: Elle a été annotée partout.

M. Forget: ... probablement qu'il pourrait, avec encore plus de persuasion que moi, suggérer la lecture de ce document au ministre qui apprendrait par là qu'il y a toute une dimension, à la question de l'amiante, qui devrait être mentionnée dans la loi constitutive d'une société de l'amiante. Qu'on mentionne l'utilisation des résidus dans une loi créant la Société de l'amiante, ça n'a pas du tout pour but de forcer la société à produire de l'engrais chimique, par exemple. C'est une des utilisations possibles, ni... bien, le magnésium est un métal, mais on peut l'utiliser, soit pour en extraire certains métaux, comme le nickel ou le magnésium ou on peut, sans l'utiliser, sous forme de sel, s'en servir comme engrais, non pas sous forme métallique, mais sous forme de sel, comme engrais chimique.

C'est d'ailleurs peut-être...

M. Grégoire: ... magnésium, phosphate de magnésium.

M. Forget: Bien sûr. C'est parce qu'il y a certains éléments dans le résidu qu'on peut utiliser, mais on ne l'utilise pas comme élément métallique, alors qu'il serait aussi imaginable d'en extraire le magnésium ou même le nickel, quoique les prix, de ce côté, de ces deux métaux ne sont pas tels, surtout dans le cas du nickel, même s'il y en a une quantité importante dans le résidu, ce n'est pas, apparemment, susceptible de justifier une exploitation sous cette forme.

Certainement à titre d'engrais chimique, il semble qu'il y ait là un débouché très intéressant. Même si on le mettait dans le projet de loi, ça ne forcerait pas la société, demain matin... D'ailleurs, ce qui est remarquable, c'est que la Société de l'amiante n'est pas obligée de faire quoi que ce soit demain matin. C'est vrai pour les engrais chimiques comme c'est vrai pour la production de n'importe quoi; il demeure qu'elle a la discré-

tion de le faire, au moment opportun, de la manière opportune, pour des produits qui lui semblent appropriés.

Mais ce serait, malgré tout, de témoigner de l'intérêt que le gouvernement prend dans cette question des résidus qui constitue un problème localement, un problème qui est bien connu. On s'est complu, dans certains reportages cinématographiques sur la région, à démontrer l'omniprésence de ces crassiers dans la région de l'amiante; les gens qui y vivent les voient tous les jours, ce n'est pas un spectacle qui est très réjouissant. Non seulement cela existe-t-il sur le plan esthétique pour quelqu'un qui arrive de l'extérieur et qui voit ces amoncellements pour la première fois, mais il demeure que, même pour les gens qui y vivent... Un syndicat, en particulier, a témoigné de son intérêt dans la question.

Or, ce que cela indiquerait, si on le mettait dans la loi par la voie d'un amendement, c'est que, outre les buts économiques poursuivis par le gouvernement, c'est-à-dire la création d'emplois dans le secteur de la transformation en particulier, outre ces objectifs économiques, il existe des objectifs sociaux; on en a parlé beaucoup lorsqu'on a parlé de sociétés d'État, dans tous les pays et ici aussi, on veut parler de nouveaux critères de performance pour les sociétés d'État. Cela ne sert à rien de parler de critères de performance et d'objectifs, et de les bien définir, si on se confine, dans le secteur public, à des objectifs que le secteur privé pourrait tout aussi bien réaliser et poursuivre. Dans le fond, le gouvernement s'intéresse à cette question parce que— du moins c'est la seule raison valable qu'on puisse y trouver— il est persuadé que le secteur privé laissé à lui-même n'a pas la motivation, l'intérêt suffisant, la conscience sociale qu'il faut pour poursuivre un certain nombre d'objectifs que seule une entreprise publique peut poursuivre. C'est un objectif absolument valable et défendable qu'il y ait, dans une intervention de l'État, des objectifs autres que des objectifs strictement économiques.

Or, l'élimination par leur utilisation à des fins socialement productives, mais l'élimination, même si ce n'est pas terriblement rentable, de cet élément, de ces retombées assez négatives de l'extraction de l'amiante, devrait compter parmi les objectifs sociaux d'une société d'État.

Il est déplorable que le ministre se retranche derrière un pouvoir de directives qu'il prétend vouloir invoquer le lendemain de la création de la Société de l'amiante. Allons donc! S'il avait vraiment cette intention, il ne lui en coûterait pas de consacrer, dans le projet de loi lui-même, que cette préoccupation, que n'ont pas eue les sociétés ex-tractrices de fibres jusqu'à maintenant et que vraisemblablement elles n'auront jamais, si laissées à elles-mêmes, fait partie des préoccupations gouvernementales et constitue l'une des raisons d'être de l'intervention du gouvernement dans l'industrie de l'amiante.

Encore une fois, si cette indication apparaît dans le projet de loi, la Société de l'amiante, le lendemain de sa création, n'est pas pour autant obligée immédiatement d'amorcer quelque chose de concret. Elle n'est pas davantage obligée d'amorcer la construction d'une usine de transformation le lendemain de sa création. On lui laisse une grande liberté de moyens, une grande liberté de temps, mais il reste qu'elle doit avoir des objectifs à long terme. La transformation en est un, la recherche en est un autre, par un amendement que le ministre a accepté d'intégrer au projet de loi. Il me semble que l'élimination des résidus et l'élimination des accumulations de résidus par une utilisation la plus productive possible, la moins coûteuse possible, correspond à une de ces grandes préoccupations sociales qui doivent fonder l'intervention de l'État dans des activités industrielles ou commerciales.

Dans tous les cas, lorsque les États interviennent, ils ont ordinairement au moins la précaution de le faire au nom d'objectifs qui dépassent simplement le monde relativement étroit des considérations économiques et utilitaires. Il me semble que ce serait bien vu que le ministre, même s'il est un ministre sectoriel qui pourrait prétendre, à la limite, ne s'intéresser qu'au développement des richesses naturelles, témoigne également de sa préoccupation pour les dimensions sociales, si l'on veut, les dimensions plus larges des activités minières. (15 h 30)

D'ailleurs, ce serait un exemple excellent à donner à ceux qui, un peu partout, pas seulement pour l'amiante, mais pour d'autres productions minérales, ravagent littéralement le paysage et même lorsqu'un gisement est complètement épuisé, ne se soucient aucunement de restaurer l'environnement physique qu'ils ont parfois troublé de façon irrémédiable. Ce n'est pas le cas seulement des grandes compagnies minières, c'est le cas même de ces innombrables carrières de gravelle que l'on retrouve à travers tout notre paysage québécois, M. le Président, qui n'ont que depuis peu fait l'objet d'une sollicitude quelconque de la part du gouvernement et qui déchirent littéralement le paysage. Il y a là un exemple à donner d'une société gouvernementale qui aurait, dans ses objectifs mêmes, celui de restaurer un certain équilibre écologique. Cela pourrait être formulé...

Si le gouvernement voulait faire des améliorations, nous serions ouverts à cela. On a suggéré que, même s'il était possible de découvrir une utilisation aux résidus, au fur et à mesure de leur production... parce qu'il y a évidemment quelque chose comme 80% en poids, en masse de la roche extraite des mines qui représentent des déchets, mais il y a, au plus, une partie beaucoup plus faible qui est utilisable sous forme de fibre d'amiante...

Donc, l'immense majorité de ce qu'on extrait de la mine devient des rebuts. Même si on trouvait une utilisation à ces résidus, il est fort probable que la production courante des résidus dépasserait de loin ce qu'il serait possible d'utiliser sous quelque forme nouvelle que ce soit. Même si c'était pour produire de l'engrais, on se bornerait probablement à utiliser les résidus courants.

Pour ce qui est des accumulations passées, il y a quelque cent ans d'exploitation minière, il n'y a pas beaucoup d'espoir d'utiliser ces masses, parce qu'encore une fois il y en a trop qui viennent en circulation tous les ans pour qu'on puisse, en plus de cela, utiliser ce qui s'est accumulé dans le passé. C'est du moins ce que l'étude que le député de Frontenac avait entre les mains tout à l'heure tente de suggérer.

Dans ces cas-là, il me semble que la Société de l'amiante pourrait, à ces fins, recevoir des subventions spéciales du gouvernement— il n'y a absolument aucune objection à cela—et pourrait devenir l'agent gouvernemental chargé de restaurer l'environnement par certains travaux d'aménagement de ces crassiers.

Une des choses qui m'ont frappé, étant sur place, c'est que certaines de ces accumulations sont là depuis très longtemps, présumément. On n'y ajoute plus rien. De toute façon, elle sont là depuis longtemps. On n'y ajoute plus de résidu. On a fait d'autres piles à côté. Même ces dépôts anciens sont sujets à une érosion continuelle. On n'a pas réussi à stabiliser les pentes, de façon satisfaisante; alors la végétation ne peut pas y prendre racine. Il y a des travaux nécessaires pour restaurer l'environnement de ce côté.

Il me semble que, plus encore qu'au gouvernement lui-même, il reviendrait à la société de l'amiante d'être l'agent gouvernemental pour expérimenter d'abord sur une échelle réduite certains projets de stabilisation des pentes, d'ensemencement, de plantation, et Dieu sait quoi, si c'est possible, mais cela doit être possible par un amendement quelconque au sol. Je suis sûr que le ministre a à la bouche, sur le bout des lèvres, des expressions qui vont souffler l'Opposition. On va sûrement nous servir une expression technique. Je sens, d'ailleurs, le ministre assis sur le bout de sa chaise...

M. Bérubé: Ce ne sont pas des amendements au sol, ce sont des amendements à la loi.

M. Forget: ... qui se prépare à nous réciter un chapitre de la géologie des sols en mouvement ou quelque chose dans ce genre, qui va nous régaler, d'ici quelques minutes, de tout un arsenal de termes techniques qui vont nous permettre de comprendre ce que la société de l'amiante devrait faire, dans ce domaine...

M. Lalonde: Ou de ce qu'il ne faut pas faire.

M. Bérubé: Vous n'avez pas l'air de comprendre grand chose.

M. Forget: ... ce que d'humbles profanes, comme nous, ne connaissons évidemment pas. Tout ce qu'on sait, c'est que les crassiers sont là. On sait également que les gens qui vivent dans la région de l'amiante les ont en pleine face depuis des années. Ils souhaiteraient que le gouvernement, alors qu'il s'apprête à poser un geste, le fasse non seulement pour des motifs bassement économiques, M. le ministre, mais aussi ait certaines préoccupations du côté de la qualité de la vie dans cette région, de l'environnement. Je pense qu'ils vont s'étonner beaucoup— dans deux minutes, je vais bientôt terminer— d'entendre parler du ministre et du député de Frontenac, lorsqu'on leur dira: Écoutez, on a cherché à faire inscrire dans la charte de la société de l'amiante une préoccupation, quelques mots seulement, moins de cinq lignes, deux lignes et demie, je pense, pour qu'on ne perde pas de vue, du côté gouvernemental, du côté de la société de l'amiante, le problème que constituent les résidus, alors qu'ils savent eux, que depuis des années il en est question. Le gouvernement a créé des comités d'étude là-dessus. Il a publié des rapports. Les syndicats eux-mêmes ont été actifs sur ce dossier. Tous ces gens vont se demander ce qui se passe. Notre député, adjoint parlementaire du ministre des Richesses naturelles...

M. Lalonde: C'est presque un ministre. M. Forget: C'est presque un ministre. M. Lalonde: Entre nous. M. Bérubé: ... tout état.

M. Forget: II a le pied dans la porte, M. le Président. Il a le pied dans la porte du cabinet.

M. Grégoire: En tout cas, pas un ancien.

M. Forget: II serait mieux d'avoir la tête, mais il a le pied. C'est déjà...

M. Lalonde: ... est rendu.

M. Forget: Le reste suit. Espérons-le pour lui.

M. Grégoire: ... le pied dans la porte que d'être sorti complètement à coup de pied dans le derrière.

Le Président (M. Ouellette): À l'ordre! M. Grégoire: Vous, vous êtes sortis.

M. Forget: M. le Président, c'est un étonnement non mitigé qu'éprouveront tous ceux qui connaîtront la réticence du gouvernement à inscrire quelque chose en noir sur blanc relativement aux résidus. Cela fait des années. Encore une fois, on ne peut pas aller là sans se faire littéralement harasser par des interventions relatives aux résidus. On sait que cela frappe les gens de l'extérieur. Probablement qu'on profite de notre étonnement devant cette situation pour nous faire comprendre que ce n'est pas drôle de vivre dans cette région. Non seulement on a la pollution dans l'air et même dans les poumons, pour un certain nombre de ces gens, mais on a, devant les yeux, le signe constant de ce dont on dépend pour sa vie de tous les jours. Ce n'est pas un paysage très réjouissant.

Encore une fois, c'est un objectif social que le gouvernement ferait bien d'inscrire dans une telle loi. Cela ne crée pas plus d'obligation là que cela en crée pour d'autres sujets. Cela laisse au conseil d'administration le soin de choisir les moyens.

Quand le ministre nous a dit, à plusieurs reprises, qu'un conseil d'administration d'une société d'État jouissait d'une autonomie de fonctionnement, je suis sûr qu'il ne voulait pas parler des objectifs, M. le Président. Il ne voulait quand même pas dire que ces gens recevaient $250 millions et après cela s'assoyaient autour d'une table pour décider à quoi ils serviraient. Les objectifs ne dépendent pas du conseil d'administration. Les objectifs leur sont donnés de l'extérieur, par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du gouvernement. C'est très bien, mais qu'on ne nous dise pas que ce sont eux qui décident des objectifs. Or, il peut être difficile pour un conseil d'administration qui se voit donner certains objectifs, mais pas d'autres, d'interpréter — ce serait la seule façon de le faire — avec restriction son mandat.

C'est une loi spéciale qui crée cette société. On ne dit pas qu'elle a le droit de prendre tous les moyens et de tout faire relativement à l'amiante. On dit qu'elle a le droit de faire A et B. On va faire A et B et ce qui est en dehors de A et B, on va le juger conformément à l'interprétation normale du droit statutaire. Tout ce qui échappe à A et B est, par définition, implicitement exclu. Si on ne l'a pas explicitement comme objectif, c'est évident que le conseil d'administration sera ultra vires de décider d'une intervention dans ce domaine. Même le gouvernement ne pourrait pas, légalement et validement, émettre des directives contrairement aux objets de la loi.

Comme on le verra à l'article 17, les directives sont restreintes à l'objet de la loi. Le gouvernement ne peut pas amender la loi par une directive. Il y est astreint comme tout le monde. C'est pour cette raison, M. le Président, qu'il est absolument important — c'est un symbole de l'intention du gouvernement de voir les choses largement plutôt qu'étroitement — que cet amendement soit adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser au député de Saint-Laurent. Quand le député de Saint-Laurent nous dit que les crassiers sautent aux yeux, je dois lui dire que c'est vrai. On voit ces montagnes depuis longtemps. Cela a commencé par des petits tas, dans le temps de S.-M. Parent, premier ministre libéral, au début du 20e siècle, il y a 78 ans. Cela a continué avec Lomer Gouin, premier ministre libéral; les tas ont grossi.

M. Forget: C'étaient des petits tas encore.

M. Grégoire: Non, là ils étaient plus gros. Cela a continué avec Alexandre Taschereau, premier ministre libéral.

M. Forget: Là, j'admets que le tas a dû grossir.

M. Grégoire: II y avait plus de tas et ils étaient plus gros.

M. Lalonde: On a toujours été au pouvoir?

M. Grégoire: Cela a continué avec Adélard God bout, en 1940, 1945...

M. Lalonde: Vous en passez un là.

M. Grégoire: Non, après Alexandre Taschereau, je nomme les premiers ministres libéraux.

M. Lalonde: C'est cela, vous en passez quelques-uns. Les gens de l'Union Nationale ne seront pas heureux.

M. Grégoire: Le siège est vide, alors... Je ne parle pas des absents. Le chef des tas. Les chefs des tas libéraux. Cela a continué avec Adélard Godbout, cela a continué avec Jean Lesage, avec Robert Bourassa et alors, les tas grossissaient, il y en avait en plus grand nombre.

M. Forget: On commençait à se poser des questions.

M. Grégoire: Oui, mais vous ne vous êtes que posé des questions comme vous posez des questions, mais...

M. Lalonde: Oui, mais depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau chef d'État, est-ce qu'ils sont encore là, les tas?

M. Forget: Là c'est fini, on n'en pose plus de questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Grégoire: Vous vous êtes toujours posé des questions et c'est pourquoi, quand vous parliez tantôt de ceux qui étaient à la porte ou dans l'antichambre des ministres, vous autres, vous avez perdu complètement le ministère. Vous en êtes sortis parce que cela faisait assez longtemps que vous voyiez grossir les tas. Que vous vous posiez des questions" cela n'a pas donné de réponse.

M. Forget: II fallait aller voir les...

M. Grégoire: Que vous étiez dans l'indécision... Je voudrais demander au député de Saint-Laurent, pour revenir aux choses sérieuses: Quand il parle des résidus et d'essayer d'éliminer cela ou de trouver une autre solution, d'arranger les pentes, de replanter, est-ce que c'est la Société nationale de l'amiante qui doit s'occuper de cela, d'après lui, pour toutes les compagnies ou simplement pour les mines qu'elle exploiterait? Est-ce qu'à ce moment, il faudrait que la Société natio-

nale de l'amiante rédige également les règlements ou défraie les coûts d'enterrement des tas de résidus de la Johns-Manville ou de la Canadian Carey?

M. Forget: Pour les enterrer, cela pourrait être difficile avant de creuser d'autres trous.

M. Grégoire: Oui, mais prenez le cas de la Flintkote où la Flintkote a cessé ses opérations; il y a le trou et il y a le tas. Elle est partie. Elle n'est pas restée là, mais elle a laissé le trou et le tas. Devrait-il y avoir, d'après vous, une loi qui l'obligerait à refermer? Devrait-il y avoir un fonds spécial pour prévenir cela? En d'autres termes, est-ce que la Société nationale de l'amiante devrait s'occuper de tous les tas de résidus, de tous les crassiers?

M. Lalonde: Vous ne vous êtes pas encore posé cette question?

M. Grégoire: Est-ce qu'elle devrait fournir les règlements? Je veux savoir ce que vous en pensez.

M. Lalonde: Vous êtes au gouvernement. Vous ne vous êtes pas posé ces questions?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Grégoire: Je fais des suggestions, le député de Saint-Laurent a parlé de cela. Est-ce que la Société nationale de l'amiante devrait avoir comme mandat de le faire pour toutes les compagnies ou simplement pour les mines qu'elle exploiterait? Je veux le demander au député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, étant donné...

M. Grégoire: Si le député de Saint-Laurent ne veut pas répondre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Étant donné que le temps de parole du député de Saint-Laurent est écoulé, s'il répond, il répond sur votre temps, évidemment.

M. Grégoire: S'il ne veut pas répondre...

M. Forget: Écoutez, s'il veut absolument poser la question, je répondrais en le renvoyant aux propos du ministre quand on a posé des questions analogues. Il a dit: Écoutez, attendons de voir qui a l'expertise. La Société nationale de l'amiante va avoir l'expertise. Elle va tout connaître dans le domaine de l'amiante. Elle va répondre à toutes les questions du député de Frontenac.

M. Grégoire: Ah bon! C'est le patinage qui continue.

M. Lalonde: Où est-ce que vous voyez le patinage?

M. Forget: C'est le patinage du ministre là.

M. Grégoire: Comme le patinage du député de Saint-Laurent.

M. Forget: II n'en avait pas de solution, lui non plus.

M. Grégoire: Comme cela, vous savez qu'en Allemagne, le député de Saint-Laurent est peut-être au courant, le gouvernement allemand oblige, à Noddenham, d'enterrer au fur et à mesure les résidus, ce qui revient à $7 la tonne. Est-ce que c'est une des suggestions que le député de Saint-Laurent fait ou quoi?

M. Forget: Je ne suis pas un expert en enterrement de détritus, mais je suis prêt à prendre la parole du député de Frontenac.

M. Grégoire: Je m'aperçois que vous avez laissé monter les tas sans savoir ce que c'était.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Bérubé: Qu'ils se contentent d'enterrer le fédéralisme.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre.

M. Grégoire: On aurait peut-être une proposition à faire au député de Saint-Laurent et au député de Marguerite-Bourgeoys pour inclure l'idée des résidus sous une autre forme. Si vous voulez l'accepter, c'est pour inclure l'idée—non, j'ai une proposition...

M. Forget: On est ouverts aux propositions.

M. Grégoire: ... et cela prendra probablement le consentement parce que ce serait revenir sur un article déjà adopté. Ce serait d'ajouter, à la suite du paragraphe b), de l'article 4 qui se lit comme suit: "Toute activité de nature industrielle, manufacturière ou commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de la fibre d'amiante, les mots "y compris la récupération des résidus."

M. Bérubé: D'abord, le terme "récupération" est supérieur au terme recyclage parce que de fait on ne recycle pas les résidus. Quand on parle de recyclage des déchets, en général, c'est que ces produits ont servi à une première utilisation, ils sont rejetés et on les reprend à nouveau pour une deuxième utilisation. Donc, le terme "récupération" serait, d'un strict point de vue grammatical, le terme correct. Deuxièmement, l'idée...

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement. Je voudrais simplement savoir si le ministre parle sur une motion d'amendement ou sur un...

M. Bérubé: Je veux simplement expliquer la raison pour laquelle... (15 h 45)

M. Grégoire: II faudrait revenir au paragraphe b).

M. Lalonde: Puis-je vous demander une directive?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Lalonde: Comme le député de Frontenac le suggère, est-il exact qu'il faudrait le consentement pour revenir à l'article b) qui a déjà été adopté?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Grégoire: Oui, pour parler sur cette motion-là ou cet amendement-là...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article b) a été adopté. Si le député de Frontenac proposait un amendement, pour que je puisse le déclarer recevable, il faudrait nécessairement le consentement, puisque l'article b) a été adopté.

M. Forget: Est-ce que je peux poser une question, en retour?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Lalonde: C'est de l'improvisation, un peu.

M. Forget: On ne comprend pas. Personnellement, je ne comprends pas l'idée, non pas d'enterrer les résidus, mais d'enterrer la référence aux résidus dans un autre paragraphe. Il y a une dimension différente. Lorsqu'on parle des activités industrielles et commerciales, ce sont des activités qui sont poursuivies pour elles-mêmes. Dans le cas des résidus, ce n'est pas nécessairement une activité dans laquelle on se lance pour des raisons économiques, mais pour des raisons autres que commerciales. Il y a là la question d'un coût social, peut-être, d'une dimension sociale à l'ensemble des activités qui devrait être traitée plus qu'incidemment à des activités commerciales, mais bien comme l'un des objectifs de la société auxquels elle jugera, selon ses moyens, d'accorder plus ou moins d'importance en termes de budget. Mais c'est vraiment un objectif. C'est pour cela que je me dis que si on l'enterre dans un autre paragraphe, cela a l'air d'une mention en passant, qu'on fera cela aussi, si possible, à l'occasion d'une autre activité. Il me semble y avoir une différence de nature.

M. Grégoire: S'il s'agit de prendre le point de vue de la protection de l'environnement, je crois qu'à ce moment-là c'est le ministère de l'environnement qui définit ces règlements. À ce moment-là, toutes les mines y sont soumises et non pas seulement une mine qui serait détenue ou dirigée, par exemple, par la Société nationale de l'amiante. Elles seraient toutes sur le même pied, en concurrence commerciale, pour l'observance des règlements du ministère de l'environnement.

Lorsqu'on parle ici de récupération, on parle des tas existants, comme le député de Saint-Laurent en parlait tout à l'heure, qui n'ont pas nécessairement une valeur économique.

Je dois vous dire qu'à l'heure actuelle, chaque jour et de plus en plus, des entrepreneurs en voirie, par exemple, vont avoir des contrats avec des mines d'amiante et vont chercher les résidus. Pour eux, cela devient non pas une action pour la protection de l'environnement, mais une action économique car ils se servent de cela pour les routes, les chemins, etc. Il faut dire aussi — et cela n'est pas dans la protection de l'environnement— si on prend l'Asbestos Corporation, par exemple, que de plus en plus l'Asbestos—pendant certaines périodes, on le fait—va rechercher la fibre plus longue dans les tas de résidus. Il y a là des actions économiques qui ne sont pas nécessairement liées au fait de la protection de l'environnement.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il faut nécessairement qu'il y ait un consensus. Je voudrais tout simplement souligner un point au député de Saint-Laurent. La nature de ses objections vient peut-être du fait qu'il a gardé à l'esprit la motion originale qu'il nous a proposée. Je ne l'ai pas sous les yeux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De manière à assurer un meilleur rendement...

M. Bérubé: C'est cela. Dans la motion originale, il y avait une section, à cette résolution, qui a été retirée lors d'un sous-amendement. Par conséquent, l'amendement que nous discutons présentement est le recyclage des résidus d'amiante. D'une part, le mot "recyclage" est inexact sur le plan grammatical; donc, il y aurait lieu de modifier ce terme. Quant à modifier le terme "recyclage", à ce moment-là, la suggestion que nous ferions serait de se servir, au lieu d'inscrire "la récupération des résidus d'amiante", de ce terme et de l'ajouter au paragraphe b) directement plutôt que d'en faire, non pas un alinéa, mais un paragraphe supplémentaire.

M. Forget: Personnellement, je ne suis pas convaincu qu'on obtienne le même résultat...

M. Bérubé: Bon, alors, il n'y a pas le consensus.

M. Forget: ... de cette façon-là, à moins que je ne me trompe. Il ne faudrait pas non plus donner à la Société nationale de l'amiante un mandat qui, dans son volet commercial et industriel, grève la société d'un fardeau plus lourd que celui qui grève les autres sociétés qui exploitent, par exemple, les mines. Si on en fait un paragraphe spécial, à ce

moment-là, cela devient un mandat particulier vis-à-vis de l'ensemble de l'industrie et pour lequel, encore une fois, il pourrait y avoir des budgets de l'État.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Donc, il n'y a pas consensus.

M. Forget: C'est ce que je constate, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): N'ayant pas le consentement unanime, on revient à la motion d'amendement...

M. Grégoire: L'amendement ne spécifiait pas cela...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît...

M. Grégoire: C'était mon droit de parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II achève, votre droit de parole, il reste deux minutes.

M. Grégoire: Dans votre amendement, vous ne spécifiez pas du tout ce que vous venez d'ajouter, à savoir que c'était un mandat de la société pour l'ensemble des mines. Je ne vois pas pourquoi la Société nationale de l'amiante, à ce moment-là, irait se substituer au ministère de l'Environnement. Rendu là, vous pourriez tout aussi bien donner un mandat à la Société nationale de l'amiante qui lui permettrait de se substituer au ministère des Finances ou au ministère des Affaires sociales ou au ministère de l'Agriculture en lui disant: Plante des carottes et des patates sur les tas de résidus. Je ne vois pas pourquoi cela ajouterait quelque chose.

Si nous sommes en faveur de spécifier l'idée de récupération des résidus d'amiante, nous croyons que même si les recherches ne sont pas toutes faites, même s'il y a encore des recherches à faire, qu'il y a possibilité de récupération économique des résidus et c'est pourquoi nous avons fait la proposition que nous avons faite. Si vous voulez absolument en faire un mandat spécial ou en faire quelque chose s'adressant à toutes les compagnies, nous ne croyons pas qu'il appartiendrait à la Société nationale de l'amiante de régir la protection de l'environnement pour toutes les compagnies d'amiante.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... je ne comprends plus rien.

M. Bérubé: Cela fait longtemps qu'il ne comprend rien; M. le Président, ça fait trois mois qu'on se rend compte qu'il ne comprend rien; enfin, il l'avoue.

M. Lalonde: Devant ce gouvernement, M. le Président, ce n'est pas surprenant qu'on ne comprenne plus rien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: II a dû avouer qu'il ne comprenait rien.

M. Bérubé: II a finalement avoué qu'il ne comprenait rien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Lalonde: On ne comprend plus rien à ce gouvernement, il n'y a plus rien à y comprendre, M. le Président.

M. Grégoire: Si vous ne compreniez rien...

M. Bérubé: ... la même chose.

M. Grégoire: Qu'est-ce que vous faites ici?

M. Lalonde: Voilà un gouvernement qui, la semaine dernière, a accepté d'ajouter un objectif à ceux qu'il avait proposés, à savoir la recherche et le développement de nouveaux usages ou procédés de transformation de l'amiante, qu'on aurait pu plaider facilement être inclus au paragraphe b), par exemple. Mais non, on a accepté de l'ajouter sans discussion, à ce qu'on me dit. Voilà un gouvernement qui, après avoir proposé un sous-amendement à une motion d'amendement, c'est-à-dire d'enlever les mots, "de manière à assurer un meilleur environnement physique", se retourne et vote contre la motion d'amendement. Mais il me semble que si le gouvernement a indiqué son désir d'améliorer l'amendement en y faisant un sous-amendement, en enlevant un membre de la phrase, il indiquait sans doute qu'il était prêt à voter en faveur de la motion d'amendement, telle que sous-amendée.

C'est tellement vrai qu'on l'a vu tantôt dans un exercice d'improvisation que j'ai rarement vu en commission parlementaire après neuf semaines de séance, alors qu'on est seulement à l'article 4, tenter de revenir au sous-paragraphe b) pour ajouter, d'un trait de crayon sur le coin de la table, des objectifs qui méritent d'être spécifiés de façon séparée.

L'argument du député de Frontenac fait sourire un peu. Il dit: On ne veut pas que notre société d'amiante remplace le ministère de l'Environnement, mais il a justement sous-amendé notre motion d'amendement pour ne pas que cela arrive. On a justement enlevé... D'ailleurs le ministre le demandait au député de Saint-Laurent tantôt, vous souvenez-vous, est-ce que vous savez qu'on a enlevé une partie de la phrase? Je repose la question et le député de Frontenac le sait-il? Est-ce qu'il sait, le député de Frontenac, qu'il a voté lui-même en faveur d'un sous-amendement, qu'il a enlevé

les mots, "de manière à assurer un meilleur environnement physique"?

Donc, il n'est pas question que la société serve de ministère de l'Environnement. On ne parle donc que de recyclage, récupération, si le ministre préfère. On peut faire facilement un amendement et, d'avance, on vous le dit, on va l'accepter sans même en parler, "récupération des résidus d'amiante."

Parce qu'on pense que le gouvernement aurait dû y penser avant, ça fait neuf semaines qu'on en discute. Si la récupération des résidus le préoccupait un peu, il aurait dû l'inclure lui-même au paragraphe b), premièrement; deuxièmement, on pense qu'il s'agit d'un objectif assez important pour recevoir du législateur un traitement spécifique et séparé, dans le sens suivant: que la société a pour objet d'abord la recherche, le développement et l'exploitation de gisements d'amiante, etc.; deuxièmement, toute activité de nature industrielle, etc.; troisièmement, la recherche et le développement des nouveaux usages ou procédés de transformation de l'amiante et quatrièmement la récupération des résidus d'amiante, pas nécessairement de toute l'industrie, pas nécessairement de toutes les compagnies, mais possiblement de toutes les sociétés. C'est un objet de cette nouvelle Société nationale de l'amiante, le président le sait. Quand on crée une compagnie, quand on crée une société, on met des objets. Ce n'est pas une obligation, mais cela lui donne le pouvoir de le faire. On souhaiterait que les autres sociétés privées qui sont actuellement dans le domaine de l'amiante le fassent ou l'aient fait davantage dans le passé.

Pourquoi ne veut-on pas actuellement, après avoir, dans l'esprit du gouvernement, bonifié la motion d'amendement du député de l'Opposition officielle la semaine dernière, après avoir voté en faveur de cet amendement avec l'air de dire: Si on enlève tel ou tel mot, à ce moment-là, on va voter en faveur... On arrive aujourd'hui et on vote contre. Réellement, je me demande quelle est la cohérence. Au nom de quelle cohérence le ministre peut-il aujourd'hui nous dire: On a amendé votre motion, on a enlevé tout ce qui ne nous plaisait pas, mais on est contre ce qui reste. Il me semble que la motion de sous-amendement, M. le Président, aurait dû être de tout enlever. Cela aurait été irrecevable. On nous dit: Ce qui ne nous plaît pas, c'est tel ou tel mot, on les a enlevés; mais ce qui reste, on est contre. Je ne comprends plus rien.

Est-ce que le gouvernement est prêt à nous présenter un projet de loi préparé? Il veut corriger un paragraphe qui a déjà été adopté. Nous croyons qu'on doit traiter de la récupération des résidus de façon séparée. L'action du gouvernement, actuellement, m'apparaît tellement illogique! Tout d'abord, le ministre vote contre, après l'avoir amendée la semaine précédente, et tout de suite après il est prêt à voter pour, mais dans un autre paragraphe. Si on ne le met pas dans l'autre paragraphe— parce que cela prend notre consentement— il va voter contre. C'est vrai, M. le Président, il n'y a rien à y comprendre.

Et il s'agit de quoi? Il ne s'agit plus, naturellement, du grand drapeau. Il y a cela. Ce n'est plus tellement important, M. le Président. Ce qui est important, c'est le drapeau. Il faut brandir le drapeau de l'amiante aux fins nationalistes et aux fins de tous les objectifs du Parti québécois.

Les résidus, cela ne fait pas bien beau sur un drapeau. Il faut les cacher. Alors, on n'en parlera pas. Le refus du ministre de se donner cela comme objectif, toutefois, est plein de conséquences pour la population environnante. De plus en plus, les populations environnantes, dont on nous invoque les désirs depuis le commencement de ce débat, vont se réveiller et vont s'apercevoir que le gouvernement, au fond, tout ce qu'il veut, c'est s'approprier le problème de transformer un drapeau à des fins partisanes. Le problème particulier et précis des crassiers, ce ne sont pas des problèmes propres, propres, ce sont des problèmes sales, on ne peut pas mettre cela sur un drapeau. Ce n'est pas important, cela, mais c'est important pour les populations environnantes.

De plus en plus les populations de la région vont poser des questions au député de Frontenac: Pourquoi n'avez-vous pas voulu, M. le député de Frontenac, notre député, te député de l'amiante — qui ne m'écoute pas actuellement, parce qu'il sait très bien que s'il entend cela, il entend l'écho des suppliques et des plaintes de ses électeurs—n'avez-vous pas voté en faveur de la récupération des résidus? Pourquoi l'avez-vous refusée? Je comprends qu'il soit absent de la table actuellement, parce qu'il n'aime pas répondre à de telles questions... Je parle du député de Frontenac. Quelle réponse va-t-il donner à ses électeurs quand ils vont lui demander: Pourquoi ne vous êtes-vous pas occupé des résidus, de la récupération des résidus?

M. Grégoire: II n'y en a pas un qui va me dire cela.

M. Lalonde: II va y en avoir plusieurs qui vont vous dire cela.

M. Grégoire: Jamais de la vie. M. Lalonde: Oui.

M. Grégoire: Ils savent que je m'en occupe, bien plus que vous vous en êtes occupés.

M. Lalonde: Occupez-vous un peu plus, parce qu'ils sont encore là les crassiers, ils sont encore là les tas.

M. Grégoire: Vous ne vous en êtes jamais occupés, vous autres; ils savent que nous autres, on s'en occupe. C'est la première fois qu'ils commencent à diminuer...

M. Lalonde: Occupez-vous-en un peu plus. Je ne sais pas ce que vous en faites, et cela ne m'intéresse pas non plus.

M. Grégoire: II n'y a personne qui va me poser cette question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, M. le député de Frontenac!

M. Grégoire: II m'a posé une question, j'y réponds.

M. Lalonde: M. le Président, les électeurs du comté de Frontenac vont lui demander: Pourquoi avez-vous voté contre cette motion?

M. Grégoire: Parce que la motion était mal rédigée, c'est tout. (16 heures)

M. Lalonde: Pourquoi n'avez-vous pas proposé une bonne rédaction?

M. Grégoire: On en a proposé une, vous l'avez refusée.

M. Lalonde: Oui, mais pourquoi ne pas proposer une motion d'amendement, M. le Président, qui va remplacer le mot "recyclage" par "récupération"? Cela va satisfaire le député de Frontenac.

M. Grégoire: Vous avez la proposition. Elle a été faite tantôt. C'est moi qui l'ai faite. Vous n'en avez pas voulu.

M. Lalonde: Vous êtes deux semaines en retard.

M. Grégoire: Vous n'en avez pas voulu, c'est de votre faute.

M. Lalonde: Le sous-paragraphe b), cela fait deux semaines qu'on a passé cela.

M. Grégoire: C'est de votre faute, si ce n'est pas dedans.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Quelle improvisation! C'est épouvantable. Vous n'y avez pas pensé à ce moment-là?

M. Grégoire: C'est de votre faute.

M. Lalonde: C'est cela que vos électeurs vont nous demander. Pourquoi n'avez-vous pas pensé aux résidus quand vous en êtes arrivés au sous-paragraphe b)?

M. Bérubé: Vois-tu ton électeur te demander cela?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Lalonde: Pourquoi n'y avez-vous pas pensé? C'est votre réponse, c'est la rédaction.

M. Grégoire: Le projet de loi no 70, article 4, paragraphe b), petit a) pourquoi n'y avez-vous pas pensé à ce moment-là?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: II n'y a pas un électeur qui va me demander cela, voyons donc.

M. Lalonde: Comptez sur moi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre s'il vous plaît, M. le député de Frontenac!

M. Grégoire: II a bien pu vous...

M. Bérubé: Le paragraphe b), ah oui!

M. Grégoire: Le paragraphe b).

M. Lalonde: Comptez sur nous.

M. Grégoire: Venez dans mon comté...

M. Lalonde: Beaucoup de questions vous serons posées par vos électeurs désormais.

M. Grégoire:... et je serai sûr d'être réélu pour longtemps.

M. Lalonde: Beaucoup ont dit cela avant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: C'est le fameux défi classique. Venez dans mon comté. J'espère que vous allez venir dans mon comté, parce que je vais être réélu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Quand je parle de Forget et Lalonde, dans Frontenac, on dit: Les deux gars qui retardent tout, qui ne savent pas quoi dire, qui parlent pour ne rien dire? Je dis: Oui, c'est cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: II prend cela sur son temps, M. le Président, n'est-ce pas?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'en a presque plus.

M. Lalonde: Il n'a presque plus de temps. Vous voulez dire qu'il n'a plus de temps, ou presque plus de temps. Vous ne voulez pas m'annon-cer une bonne nouvelle?

M. Grégoire: C'est long de parler vingt minutes, quand on n'a rien à dire?

M. Lalonde: M. le Président, c'est rare qu'on a été mis devant une contradiction aussi flagrante de la part du gouvernement. J'espère que le ministre écoute. Je sais qu'il a l'habitude d'écouter que d'une oreille, mais peut-il m'expliquer comment il se fait que, la semaine dernière, il ait fait une motion d'amendement pour enlever la moitié simplement de l'amendement? Avait-il l'intention de voter pour à ce moment-là? Si oui, il n'avait pas besoin de l'amender, il n'avait simplement qu'à parler contre la motion du méchant député de l'Opposition officielle. S'il avait l'intention de voter pour, il n'avait qu'à proposer un amendement lui-même. Qu'est-ce qui l'a fait changer d'idée? Le ministre peut-il répondre à ces questions?

M. Bérubé: Est-ce une question très intelligente de la part du député de Marguerite-Bourgeoys ou s'agit-il tout simplement de faire traîner en longueur le débat?

M. Lalonde: Je laisse au ministre l'appréciation de l'intelligence de la question.

M. Bérubé: C'est par pure magnanimité de la part du gouvernement, puisque l'Opposition nous a proposé un amendement, un amendement totalement superflu puisqu'il est entièrement inclus dans le paragraphe b). Malheureusement, depuis un bout de temps, on parle de crassiers et malheureusement je pense que, comme le député de Marguerite-Bourgeoys l'a très bien souligné tantôt, il n'y comprenait plus rien. En fait, j'ai l'impression que, depuis le début, il a manifesté une ignorance crasse et, de fait, ce qu'il faut reconnaître, c'est que, comme l'amendement qu'il nous a proposé était déjà inclus dans le paragraphe b), on a pensé lui rendre service en l'explicitant dans le paragraphe b), puisqu'il ne semblait pas l'y vouloir là, mais puisqu'il ne veut pas accepter notre modification, c'est avec plaisir que nous battrons son amendement quand viendra le temps du vote.

M. Lalonde: M. le Président, cela ne répond pas à ma question. Qu'est-ce qui l'a fait changer d'idée lorsqu'il a proposé la motion d'amendement; il avait sûrement l'intention de voter pour l'amendement amendé, sous-amendé. Sinon, cela aurait et strictement l'incohérence la plus totale.

M. Bérubé: Je peux vous le dire.

M. Lalonde: Étant donné qu'on n'a jamais de réponse sérieuse de la part du ministre, je lui ai donné la chance de s'expliquer et les explications sont totalement insatisfaisantes. Est-ce que c'est comme cela...

M. Grégoire: Moi, je suis satisfait de l'explication.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Cela me rassure sur l'insatisfac- tion que je ressentais. Cela va. J'avais raison d'être insatisfait. Le député de Frontenac l'est satisfait.

On a invoqué l'article 18. Quand on est mal pris, naturellement, on veut noyer le poisson. Tout ce que dit l'article 18, c'est que le ministre des Richesses naturelles peut, dans le cadre des responsabilités et pouvoirs qui lui sont confiés, émettre des directives. Ce n'est pas cela que nous voulons. Premièrement, on n'a pas confiance au ministre des Richesses naturelles actuel. Deuxièmement, rien ne nous dit qu'un prochain ministre des Richesses naturelles va donner comme objectif à la Société nationale de l'amiante le soin de régler le problème des résidus.

M. Bérubé: S'il est libéral, il n'a aucune chance.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, laissez-le, plus il dit des choses comme celles-là, plus il montre son vrai visage. Les gens vont en juger.

M. le Président, c'est noyer le poisson de dire qu'on doive laisser au ministre des Richesses naturelles le soin de dire à la Société nationale de l'amiante: Occupez-vous donc du sol. C'est absolument inacceptable. C'est à l'Assemblée nationale de le faire. Quant à moi, je ne partage pas du tout l'avis du ministre là-dessus. Il y aurait toujours l'article 16. En concluant, on peut dire: "La société ne peut — je cite—sans l'autorisation du gouvernement, sous réserve des exceptions et conditions prévues par règlement du gouvernement, premièrement: Exercer ses pouvoirs relativement aux objets visés au deuxième alinéa de l'article 4." Donc, le gouvernement a encore un mot à dire, à ce moment, mais seulement, dans le cadre de l'article 4. Le gouvernement lui-même ne pourra pas aller au-delà de l'article 4. Si on ne met pas dans l'article 4 "ce qui est désirable pour la population" en ce qui concerne l'amiante, en ce qui concerne, non seulement la mise en marché et la mise en valeur de la firme, mais aussi le traitement des résidus, on n'a pas fait notre boulot. C'est ce que j'accuse le gouvernement de ne pas faire actuellement.

Vote sur la motion

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Est-ce que la motion du député d'Outremont sera adoptée?

M. Grégoire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brochu (Richmond)? Il sera ici, en passant, à 16 h 15, j'en ai été avisé à 15 heures. M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rancourt (Saint-François)?

M. Rancourt: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion d'amendement du député d'Outremont est rejetée à cinq voix contre deux. J'appelle maintenant le dernier alinéa de l'article 4.

M. Bérubé: J'aimerais, à la suite d'une réflexion du député de Marguerite-Bourgeoys, lors de la dernière séance, à savoir qu'il aurait aimé que l'on aborde le plus rapidement possible l'article 3. Il avait même souligné, à ce moment, qu'on pourrait envisager de suspendre l'étude de l'article 4, pour passer directement à l'étude de l'article 3, étant donné qu'il est difficile de coordonner l'activité de nos juristes au gouvernement, et peut-être les activités de cette commission. Nous avons donc, suivant cette suggestion, demandé à M. Jules Brière de se joindre à nous aujourd'hui pour discuter plus précisément de cet article 3. Est-ce que l'Opposition y verrait des objections que nous suspendions temporairement l'article 4 pour passer à l'article 3?

M. Forget: C'est parfaitement valable.

M. Lalonde: D'ailleurs, c'est conforme à ce qui était entendu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. De consentement unanime, l'étude du dernier alinéa de l'article 4 est suspendue, et de l'article 4 en tant que tel, pour retourner à l'étude de l'article 3.

M. Lalonde: Je vous ferai quand même remarquer que c'est à la suggestion du gouvernement qu'on recule actuellement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article...

M. Bérubé: Non, c'est une suggestion du député de Marguerite-Bourgeoys.

Droits, privilèges et biens

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 3 sera adopté? C'est de mon devoir de poser cette question au préalable.

M. Lalonde: Non. J'avais soulevé des questions, non pas des objections, mais certaines questions quant à la rédaction de l'article 3, à savoir que la société, et je cite, "jouit des droits et des privilèges d'un mandataire du gouvernement", à savoir, deuxièmement, et je cite, "les biens de la société font partie du domaine public dans l'exécution de ces obligations, mais l'exécution de ces obligations peut être poursuivie sur ces biens".

J'avais posé certaines questions au ministre parce qu'il me semble qu'il s'agit là du droit relativement nouveau, c'est-à-dire qu'on ne retrouve pas, du moins, de cette manière, dans les lois qui ont créé des sociétés d'État dans un passé récent. À ce moment, M. le ministre avait suggéré de consulter les conseillers juridiques. Je le remercie de nous offrir les talents de Me Brière. Peut-être qu'on pourrait poser la question immédiatement. Quel est cet...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela va prendre votre consentement pour que Me Brière réponde et réponde au nom du ministre. Tout ce qu'il dira sera dit au nom du ministre, mais il pourra parler lui-même.

M. Lalonde: Cela va quand même améliorer la qualité...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Me Brière, d'ailleurs, qui est un de mes anciens professeurs à l'Université Laval en droit constitutionnel.

M. Lalonde: On ne choisit pas ses élèves. M. Grégoire: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On ne choisit pas nos professeurs, mais dans ce cas, j'ai été gâté.

M. Lalonde: La question qu'on se posait, c'était...

M. Bérubé: Posez-la.

M. Lalonde: ... dans quelle mesure on pouvait, en même temps, conserver une personnalité juridique et un patrimoine séparé et avoir ces biens qui font partie du domaine public? Quel est le but aussi du premier alinéa qui fait en sorte que maintenant, désormais, de façon aussi formelle, une société d'État est mandataire du gouvernement.

M. Bérubé: Au fond, il y a deux éléments de réponse que je suis en mesure de fournir sur le

plan technique. Le premier élément de réponse est la citation de certains précédents dans la législation québécoise où cette technique a été utilisée. On la retrouve dans la Loi organique de l'Hydro-Québec, dans la Loi organique de la Société des alcools et dans la Loi organique de la Société d'information juridique. Ces lois ont été respectivement adoptées en 1964, 1971 et 1975.

Je vous ferai remarquer — c'est un détail important du point de vue technique — que la Société des alcools est une compagnie à fonds social. Ce n'est pas un organisme.

M. Lalonde: Ce n'est pas SOQUIJ.

M. Bérubé: Pas SOQUIJ.

M. Lalonde: Cela, j'allais vous le dire.

M. Bérubé: La Loi organique de SOQUIJ parle d'un organisme qui est constitué alors que la Loi de la Société des alcools dit qu'une compagnie à fonds social est constituée. D'après ce que j'ai pu comprendre, à partir de mon expérience de légiste, le but de dispositions de ce genre est essentiellement fiscal, c'est-à-dire, comme vous le savez, en vertu de l'article 125 du BNA Act, les propriétés de la couronne sont exemptes de taxation. En précisant dans la loi que la société jouit des droits et privilèges d'un mandataire du gouvernement, on se trouve à faire bénéficier la société de ce privilège ou de cet avantage dont bénéficie la couronne au terme du BNA Act. En plus, cela se trouve à faire bénéficier la société de l'avantage de l'imprescriptibilité de ses biens, un autre bénéfice qu'on pourrait appeler de présomption de solvabilité vis-à-vis de ses créanciers.

Toutefois, dans un deuxième alinéa, on précise, comme vous l'avez remarqué, que même si les biens font partie du domaine public... Cela aurait été superflu compte tenu du premier alinéa, mais cette affirmation indiquant que cela fait partie du domaine public est nécessaire à cause de la réserve qui suit: "L'exécution de ces obligations peut être poursuivie sur ses biens." C'est pour permettre de créer des liens sur les biens de la société même s'ils font partie, théoriquement du domaine public. Autrement, il n'y aurait pas d'hypothèque possible. Les détenteurs d'obligations ou les créanciers, par exemple, seraient dans une situation défavorisée, d'une certaine manière, par rapport à d'autres créanciers de sociétés privées. Cependant, ceci mérite une précision. On peut dire qu'en bénéficiant de la présomption de solvabilité, les créanciers ne seraient pas si mal partagés. Cependant, ce détail a été jugé nécessaire dans le cas de l'Hydro-Québec en raison, m'a-t-on dit et cela c'est en 1964, de remarques qui étaient en provenance du marché obligataire. En toute bonne foi, c'est l'information que j'ai obtenue lorsque je me suis enquis de la raison pour laquelle on avait inscrit cela dans la Loi de l'Hydro-Québec. Cette précision n'était pas là au début. Elle a été ajoutée en 1964. C'était pour des raisons de clarté.

M. Lalonde: Excusez-moi de vous interrompre. La loi en 1964 était-elle pour ajouter l'équivalent du premier alinéa ou du... (16 h 15)

M. Bérubé: Du deuxième.

M. Lalonde: Du deuxième.

M. Bérubé: C'est-à-dire la mention que l'exécution des obligations de l'Hydro peut être poursuivie sur ses biens. Maintenant, il y a un deuxième avantage, à mon avis, qui est poursuivi, lorsqu'on prévoit cette mention dans les lois, c'est celle d'éviter des débats judiciaires. Comme vous le savez, les tribunaux ont développé toute une théorie de la notion de mandataire du gouvernement ou, comme le droit public anglais le dit, la notion de "Agency of the Crown". II y a une série de critères jurisprudentiels qui ont été élaborés par les tribunaux et qui doivent être utilisés chaque fois qu'un doute s'élève sur la question de savoir si la société ou l'agent en question doit payer des taxes ou bénéficier d'un privilège Y, X ou Z. Chaque fois, il y a une incertitude qui est créée. Donc, en le précisant dans la loi, en précisant que l'organisme en question est mandataire du gouvernement, on évite ainsi des débats judiciaires qui se sont produits à propos d'autres sociétés, comme vous le savez peut-être, ou d'autres organismes du même titre.

S'agissant d'une société dont les activités sont de nature commerciale et industrielle, a priori, on serait porté à croire qu'il y a peu de chances que les tribunaux estiment que c'est un mandataire du gouvernement en utilisant les critères qu'ils utilisent généralement, dont un de ceux-là est la nature des fonctions assumées par l'organisme. Cependant, ce n'est pas le seul. Il y a d'autres critères qui sont utilisés, le degré de contrôle qui peut être exercé par le gouvernement, par exemple, en est un. Le pouvoir de directive étant prévu dans une loi, on peut imaginer, je ne dis pas que cela serait la conclusion d'un tribunal — je ne veux pas donner d'opinion juridique aussi catégorique— mais il y aurait un risque.

Un des objectifs poursuivis, c'est de clarifier cette question.

M. Lalonde: Si vous le permettez, est-ce que, d'après vous, l'article 1727 du Code civil, qui dit que le mandant est responsable envers les tiers pour tous les actes de son mandataire faits dans l'exécution et les limites de son mandat, etc., s'appliquerait ici? Est-ce que le gouvernement pourrait être poursuivi sur ses propres biens, au-delà des biens de la Société nationale de l'amiante...

M. Bérubé: Je ne crois pas.

M. Lalonde: ... pour tout acte fait dans l'exécution de son mandat par la Société nationale de l'amiante? J'attire votre attention et là, je ne veux pas que cela devienne une discussion juridique parce que si on ne s'entend pas, éventuellement...

Lorsqu'on dit: "L'exécution de ses obligations peut être poursuivie sur ses biens", est-ce que cela sous-entend que l'exécution des obligations de la société peut aussi être poursuivie sur les biens du mandant?

M. Bérubé: Je ne crois pas que le mandat au sens du Code civil s'applique à un mandataire du gouvernement du type de celui de la Société nationale de l'amiante ou d'un organisme analogue. Je pense que, d'après la jurisprudence courante, la théorie du mandat est utilisée pour expliquer parfois le lien entre un préposé ou une personne physique qui agit au nom du gouvernement pour l'engager dans un contrat. On a recours, parfois... et même la Cour suprême du Canada, encore récemment, y a fait allusion à l'occasion d'un contrat administratif, de l'analyse qu'elle a faite dans un contrat administratif. Le juge Pigeon, en particulier, y a fait référence, mais pas dans le contexte d'un mandataire, d'un "Agent of the Crown", au sens où on l'entend en droit public.

Comme vous le savez, le droit fondamental au Québec, de nature publique, comparativement au droit privé, c'est le droit anglais. C'est le Code civil comme tel. Les concepts de droit civil ne sont pas applicables ou transposables lorsqu'il s'agit d'une personne de droit public, comme le gouvernement ou un de ses agents, au sens de "Agent of the Crown", si vous me pardonnez l'expression. De sorte que, a priori, je ne crois pas que cette disposition du Code civil soit applicable implicitement du fait que l'on réfère ici à la possibilité—parce que c'est votre question, si je comprends bien — que les obligations puissent être poursuivies sur ses biens. Je pense que ce sont les obligations de la société elle-même qui ne peuvent être poursuivies que sur ses biens à elle et non pas sur ceux du gouvernement.

Je ne crois pas que la théorie du mandat au sens du Code civil puisse être transposée ici dans le cas de l'article 3. Maintenant, c'est une opinion.

M. Lalonde: Le troisième alinéa, à ce moment, me crée un problème. On dit: La société n'engage qu'elle-même, lorsqu'elle agit en son propre nom. Est-ce qu'on peut conclure que, lorsqu'elle agit comme mandataire, elle engagerait quelqu'un d'autre.

M. Bérubé: Je comprends votre...

M. Lalonde: Quelle est la raison d'être du troisième alinéa?

M. Bérubé: C'est une raison de protection des biens publics. Selon toute apparence, pour éviter tout doute sur la possibilité que la société puisse engager le gouvernement ou le patrimoine de la couronne, si vous voulez, ou le patrimoine gouvernemental lorsqu'elle agit.

Si je comprends bien votre question, si on disait "la société n'engage qu'elle-même", votre question ne se souderait pas.

M. Lalonde: C'est-à-dire qu'il faudrait aussi...

M. Bérubé: Cette dernière partie de la question ne se souderait pas.

M. Lalonde: Ce serait probablement contradictoire avec le paragraphe b) selon une certaine interprétation. Enfin, je vous remercie de vos réponses. On voit que dans ce domaine, les questions ne sont pas toutes réglées encore.

M. Bérubé: C'est vrai.

M. Lalonde: Je vous remercie d'avoir attiré notre attention là-dessus.

M. Forget: M. le Président, me permettriez-vous une ou deux questions?

Lorsque vous dites que la notion de "mandataire" du Code civil ne s'appliquerait pas puisqu'il s'agit là d'un domaine de droit public, cela soulève immédiatement la question de savoir si la traduction de "agency" en droit public britannique doit nécessairement être "mandataire".

M. Bérubé: C'est une question que les légistes se posent depuis un certain nombre d'années. Il y a un écueil dans cette utilisation qu'on fait du mot "mandat". C'est comme le mot "gouvernement" qui est parfois utilisé à tort pour désigner l'équivalent de la couronne ou l'État, si vous voulez. Le mot "agent", qui serait une traduction plus littérale de "Agent of the Crown", a été abandonné. À ma connaissance, c'est une question de terminologie. Je ne pense pas que le risque de confusion avec le mandat au sens du droit civil soit tel qu'il faille nécessairement utiliser un terme différent. Un mandataire de la couronne ou un mandataire du gouvernement, c'est une expression en soi, qui a sa signification propre; je pense qu'il n'y a aucun doute là-dessus. Ce n'est pas un mandataire au sens du Code civil.

Si on parlait d'un mandataire tout court, dans le texte d'une loi, et qu'on voulait impliquer par là qu'il s'agit d'un "Agent of the Crown", il y aurait peut-être un risque, mais je ne crois pas que dans le contexte l'expression prise dans sa globalité "mandataire de la couronne ou du gouvernement" puisse prêter à confusion à cet égard.

M. Forget: Vous avez souligné que dès 1964 on voit apparaître l'expression "mandataire du gouvernement" ou l'expression "mandataire de la couronne" des lois du Québec.

M. Bérubé: ce qui est apparu en 1964, c'est la mention...

M. Lalonde: Le deuxième alinéa.

M. Bérubé: ... que la société ou l'Hydro-Québec pouvait être poursuivie sur ses biens. La Loi de l'Hydro-Québec, enfin, l'article 13, je ne sais pas à quelle date il a été édicté... Je m'excuse, c'est juste de dire que c'est en 1964 que cette mention a été ajoutée dans la Loi de l'Hydro-Québec, mais rétroactivement au 14 avril 1944. Je vais vous lire la disposition. Cela dit: "La commission est, pour les fins de ta présente loi, un agent

de la couronne. Au droit de la province, il l'a toujours été depuis le 14 avril 1944." On voit que c'était pour clarifier une ambiguïté.

M. Forget: On a donc légiféré rétroactivement...

M. Bérubé: Oui, pour clarifier.

M. Forget: ... pour faire cette précision. Dans SOQUIJ, évidemment, on l'a fait aussi. Ce qui n'est pas clair dans tout cela, c'est qu'il y a eu beaucoup d'autres sociétés qui ont été constituées dans cet intervalle. Ce que je ne comprends pas, c'est que tous les motifs qui viennent d'être évoqués à l'appui de l'utilisation de l'expression se transposent à 100% pour toutes les autres sociétés. Ces deux théories étaient connues en même temps. C'est donc qu'on doit comprendre qu'il y a une distinction, quelque part, qui a été jugée importante et on a choisi que, par exemple, SOQUEM, REXFOR, SOQUIA ne soient pas des mandataires du gouvernement.

Ce que j'aimerais comprendre— et ce sera ma dernière question — c'est pourquoi, puisqu'on ne voulait probablement pas les soumettre à l'impôt, etc., enfin, toutes les raisons valables prima facie que vous avez citées au départ...

M. Bérubé: On trouve cette mention dans la Loi de la Société des alcools.

M. Lalonde: Est-ce à capital-actions?

M. Bérubé: C'est une société à fonds social.

M. Lalonde: À fonds social, mais est-ce à capital-actions?

M. Bérubé: Non, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de capital-actions, mais il y a un fonds social.

M. Lalonde: Autrement dit...

M. Bérubé: Ce n'est pas divisé en actions.

M. Lalonde: ... cela prend un fonds social, je comprends.

M. Bérubé: Oui.

M. Lalonde: Mais dans les trois exemples que vous nous donnez, la Commission hydroélectrique n'a pas de capital-actions?

M. Bérubé: Non, mais il y a un capital-actions de 300 000 actions d'une valeur nominale de $100 chacune, dans la loi de la Société des alcools.

M. Lalonde: Dans les trois exemples, il y en a deux qui sont des organismes du gouvernement, un est une commission hydroélectrique, l'autre, SOQUIJ, est un organisme sans capital-actions et le seul qui soit mandataire à la Société des alcools, qui a un capital-actions.

M. Bérubé: Mais en termes de... Je pense que, dans la réalité, il faut considérer l'Hydro-Québec, bien que flanquée de l'appellation commission, comme un organisme qui a une fonction qui s'apparente beaucoup à celle d'une société, beaucoup plus que celui d'une commission qui, d'après la terminologie généralement utilisée, est un organisme de réglementation, une commission... Alors...

M. Lalonde: Je veux seulement faire une distinction au niveau du capital-actions.

M. Bérubé: II n'y a pas de fonds social dans le cas de l'Hydro-Québec.

M. Lalonde: C'est pour ça qu'on se pose la question, pourquoi une société... ce n'est pas à vous que je pose la question, c'est au ministre...

M. Bérubé: Pourquoi les divers gouvernements...

M. Lalonde: Pourquoi une société à capital-actions, une société d'État, ici, alors que par l'article 4, on la traite de la même façon qu'un organisme gouvernemental et qu'on ne traite pas généralement les sociétés d'État de cette façon?

M. Bérubé: Ce serait difficile pour nous de se prononcer quant aux autres lois adoptées antérieurement, dans la mesure où on veut que cette société bénéficie du privilège d'immunité fiscale et qu'il n'y ait aucune contestation quant à ce privilège. Évidemment, c'est peut-être préférable de le mettre dans le texte de loi comme mandataire de l'État. Cela pourrait être l'explication. Cependant, j'étais sous l'impression que SOQUEM ne paie pas d'impôt non plus; par conséquent, ils agissent véritablement en mandataires du gouvernement.

M. Lalonde: La SGF ne paie pas d'impôt.

M. Bérubé: Ils agissent comme mandataires du gouvernement.

M. Forget: On peut tout aussi bien supposer— je ne sais pas si je devrais même demander une réponse à ça—que les différences sont tout autant dues à la personnalité des conseillers juridiques successifs qu'à toute autre théorie de droit public.

M. Bérubé: Ce n'est pas M. Brière qui a préparé cette loi.

M. Forget: II peut en parler avec indépendance d'esprit.

M. Bérubé: Je pense qu'il n'y a pas de principe de base en cette matière. Je serais tenté d'expliquer ces différences par le désir plus ou moins présent et immédiat, au moment de l'adoption de la loi ou de l'intervention de la loi, de faire bénéficier de certains avantages des sociétés

qu'on a créées. C'est sûr que SOQUEM, SOQUIP, REXFOR, SOQUIA, n'ont pas de disposition à leur loi; la Société des alcools en a. Il n'y a pas de ligne de démarcation absolue qui pourrait être un élément d'explication juridique à la chose. Je pense qu'on a, dans certains cas, voulu mettre l'accent davantage sur le caractère concurrentiel de l'entreprise.

M. Lalonde: La Société des alcools a un monopole, c'est étrange.

M. Bérubé: Dans d'autres cas, on a moins voulu mettre l'accent là-dessus.

M. Forget: ... Dussault ne comporte pas de chapitre là-dessus.

M. Bérubé: Non.

M. Lalonde: Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Messieurs de l'Opposition, est-ce que vous avez encore besoin de Me Brière? Est-ce qu'il peut disposer, s'il le veut?

M. Lalonde: Est-ce que c'est l'Opposition qui mène?

M. Grégoire: Est-ce que l'article 3 est adopté, d'abord?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, s'il vous plaît.

M. Forget: Est-ce qu'on peut demander quelques minutes, parce qu'il y a des éléments d'information qui nous ont été donnés?

M. Grégoire: On peut prendre cinq minutes?

M. Bérubé: Certainement, cinq minutes d'ajournement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux sons suspendus pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

Reprise de la séance à 16 h 40

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, messieurs!

Est-ce que l'article 3 sera adopté?

M. Forget: Non, M. le Président, il ne sera pas adopté. Nous avons des amendements.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, il est désormais acquis, d'après ce que nous avons entendu, que l'objectif de l'article 3, en particulier de son premier alinéa, est essentiellement de viser à accorder à la société de l'amiante un statut fiscal qui l'exonère de toute charge fiscale, de tout impôt.

Nous savons par ailleurs, à cause des allégations du ministre, lors de l'étude de l'article 4, que cette caractéristique de la société de l'amiante est au coeur même de la stratégie adoptée par le ministre pour "développer" la fabrication des produits à base d'amiante, c'est-à-dire d'utiliser le manque-à-gagner fiscal dans le domaine minier, de manière à subventionner, de façon perpétuelle, la fabrication de produits à base d'amiante.

Nous ne serions donc guère fidèles à l'attitude que nous avons prise au cours des travaux de cette commission, si nous ne soulignions pas avec insistance cet élément malheureux de la stratégie adoptée par le gouvernement, un aveu d'impuissance, dans le fond, lorsque le ministre affirme que jamais la société de l'amiante ne pourra acquérir une situation concurrentielle avantageuse au Québec et que, en conséquence, il faut lui accorder un statut fiscal particulier, de manière qu'on puisse indirectement faire ce qui ne serait pas possible de faire directement, c'est-à-dire de subventionner les activités de fabrication à l'aide du surplus engendré dans les activités d'extraction.

Motion pour retrancher le premier alinéa de l'article 3

Ce genre de raisonnement, nous le trouvons inacceptable, M. le Président, et dans ce but, nous allons proposer un amendement à l'article 3, de manière à biffer le premier alinéa de l'article 3. La motion d'amendement se lit donc essentiellement comme suit: "Que l'article 3 soit modifié en retranchant le premier alinéa".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion est recevable.

M. Forget: M. le Président, nous avons écouté avec étonnement, même avec stupeur, le ministre dire une chose que, même dans nos rêves les plus fantaisistes, nous n'aurions jamais supposé qu'un ministre responsable avoue, à savoir qu'une industrie qu'il veut stimuler au Québec, une industrie sur laquelle il mise pour la création d'emplois, la génération de richesses, que cette même industrie

est condamnée, de façon irrémédiable, à toujours vivre de l'aide, de la charité publique.

Si c'est là la prémisse, comme cela l'est, malheureusement, puisqu'il l'a affirmé à de nombreuses reprises, si c'est là la prémisse qui guide le ministre dans l'élaboration d'une politique de développement de l'industrie de l'amiante au Québec, il est de la plus haute importance que, non seulement les membres de cette commission en soient saisis, mais il faut que cette nouvelle se répande le plus possible. C'est en effet la politique d'un gouvernement, qui est probablement sans équivalent au monde, qui veut encourager ce qu'il juge, a priori, comme non viable.

Sans doute, des gouvernements, sous toutes les latitudes et à différentes époques, même ici, se sont fait des illusions sur la viabilité de certaines entreprises, de certaines industries qu'ils cherchaient à stimuler. Ils se sont imaginés, à tort parfois, qu'il suffisait d'un coup de pouce initial de l'État, qu'il suffisait de réunir des fonds, un capital suffisamment important pour lancer le mouvement, pour faire démarrer le mouvement, pour situer une société, une entreprise à un palier au-delà d'un seuil minimal, seuil que ne pouvaient franchir, pour différentes raisons, les agents économiques du secteur privé, et qu'une fois ce coup de pouce donné, une fois ce seuil franchi, une fois ces fonds amassés, il serait possible et effectivement on devait espérer que l'entreprise, l'industrie qu'on cherchait à stimuler serait non pas une espèce de boulet de canon que l'économie du Québec traînerait en permanence derrière elle, mais un moteur de richesse, un moteur de développement et non pas un frein.

D'ailleurs, dans le raisonnement sous-jacent qu'on retrouve explicitement dans des mémoires comme dans ceux du CRDE, qu'on retrouve même dans certains travaux qui ont inspiré au Parti québécois et au gouvernement actuel son intervention, son désir d'intervention, on retrouve cette foi, cette croyance qu'il y a là, du côté de l'amiante, un réservoir inexploité, sous-développé de richesses pour la collectivité québécoise. Jamais n'a-t-on soupçonné que cette industrie était condamnée au départ et que, si elle ne s'était pas développée au-delà de la phase d'extraction de la fibre, c'était effectivement pour des raisons qu'aucune intervention ne saurait surmonter. Pourtant, c'est là l'affirmation que nous a faite le ministre à plusieurs reprises.

Il nous dit, dans le fond, que l'attitude des sociétés productrices d'amiante était justifiée, que leur absence d'intérêt pour toute espèce de transformation, étant donné leur statut d'entreprises privées, était compréhensible, et que, s'il avait été à leur place, il eut fait exactement la même chose. Il est bien évident— personne ne s'attend que des sociétés privées fassent des cadeaux à la collectivité—qu'elles ne pourraient réussir longtemps à le faire puisque, bien sûr, elles ne peuvent continuer à exister que pour autant que leurs recettes dépassent leurs déboursés, qu'elles produisent un surplus.

Le ministre, en proclamant bien haut sa totale incrédulité quant aux possibilités de développe- ment autonome, non pas dans le sens habituel de ce mot, mais dans le sens où cette société n'aurait plus besoin, après une période initiale, d'une espèce de transfusion sanguine ininterrompue, n'aurait plus besoin d'un appui continu de l'État, il nous a dit qu'il ne croyait pas à cette possibilité, que, quant à lui, le Québec serait toujours désavantagé sur le marché mondial quant à la production de produits à base d'amiante et que cette réalité inéluctable, il fallait y faire face par une concession fiscale permanente.

Ses tentatives pour justifier une telle attitude en disant que c'est une pratique courante que d'utiliser l'intégration verticale pour produire une économie d'ensemble sur l'ensemble d'une production ne sont pas très convaincantes, M. le Président. Cela me rappelle un peu cette anecdote où un bonhomme qui veut décrire de façon imagée le fonctionnement des grandes sociétés qui réussissent à couper les prix, à faire une concurrence féroce, en vient à dire qu'au fond, ces concurrents qui le menacent de faillite par leur concurrence très dure font des pertes sur chaque élément, chaque produit qu'ils fabriquent, et que c'est le volume qui les réchappe. Ils perdent surtout sur chaque article produit, mais ils en produisent tellement qu'ils réussissent, malgré tout, à faire des profits. Vous savez, ce genre de raisonnement naïf n'émeut personne. Il est bien clair qu'il est possible pour des sociétés intégrées d'avoir des prix internes qui reflètent les coûts de production avec une contribution nulle au profit, mais c'est plus que cela que le ministre suggère. Il suggère, au fond, d'aller au-delà de cela. Il suggère d'aller à un point où certaines productions à long terme, parce que ce sont souvent des raisonnements à court terme qui peuvent être appropriés lorsqu'il y a un affaissement d'un marché... On peut consentir à produire et à commercialiser un produit, pourvu que les coûts directs de fabrication soient tout juste couverts. Il n'y a pas d'exemple dans l'industrie privée où l'on planifie des investissements sur cette base, parce qu'à long terme, les coûts généraux, les frais généraux doivent être absorbés proportionnellement par toutes les lignes de production et par tous les stades de fabrication d'un produit, sinon il n'y a aucune raison pour la société d'investir ou de réinvestir dans |a maintenance même, dans le renouvellement et dans les réparations de l'équipement qui ne produirait pas un taux de rendement suffisant pour se justifier lui-même.

Il faut donc s'enlever de la tête la notion selon laquelle en faisant des concessions sur le prix de la fibre, le gouvernement ne ferait que parodier le fonctionnement de sociétés verticalement intégrées. À long terme, il est impossible de planifier de cette façon. Si on le fait, on se met dans la situation ridicule où on pourrait se retrouver un peu, par analogie, avec cette anecdote de tout à l'heure, où dans l'espoir d'avoir un rendement global intéressant, on fera des pertes à tous les stades de la fabrication.

Il n'est pas raisonnable, encore une fois, lorsqu'on parle d'une industrie qui était censée, d'après tout le monde — d'autant plus qu'il

connaissait moins l'industrie — être un générateur de richesse pour le Québec, de faire comme si elle devait, au contraire, être un boulet de canon, une espèce de puits sans fond. On va utiliser tout ce qu'elle produit de surplus annuellement et dont l'État bénéficiera, d'ailleurs, d'une bonne part, par la fiscalité, pour essayer de maintenir à flot une industrie de fabrication qui n'a pas de justification en elle-même, du moins, pour emprunter le langage du ministre, qui ne croit pas qu'effectivement, l'industrie de transformation de l'amiante ait un avenir quelconque au Québec, à moins, encore une fois, d'être l'objet d'un gavage, d'une transfusion sanguine continue qui va constituer un fardeau continuel pour le Québec, pour les finances publiques, en particulier, et pour l'ensemble de la société, puisque les finances publiques, si on en soulage le poids à certains endroits, vont devoir de façon correspondante, être d'autant plus lourdes et se faire sentir d'autant plus lourdement ailleurs.

Dans une telle perspective, ce serait criminel de ne pas marquer très bien que nous ne pouvons pas souscrire à cette façon de concevoir les choses. Nous ne pouvons pas souscrire à une hypothèse qui grèverait les finances publiques du Québec à perpétuité, alors qu'on a l'admission du ministre, à savoir qu'il ne s'agit pas de passer quelques années et de donner un bon coup, de se situer à un certain palier, et après, de laisser venir, de laisser évoluer la situation. Il s'agit d'un boulet de canon qui nous est bien rivé aux pieds et qui va ralentir le Québec dans d'autres efforts, dans d'autres initiatives. Tout cela repose sur la notion de mandataire du gouvernement, on vient de nous l'expliquer. Ce statut fiscal privilégié repose sur la notion de mandataire du gouvernement. Si c'est vraiment le cas, si c'est vraiment là-dessus que dépend l'exemption fiscale de la société de l'amiante, décidément, il faut raturer ce paragraphe et donner, à cette société d'État, des règles du jeu qui soient non seulement susceptibles d'établir entre la société Asbestos, eu égard à ses activités minières une situation de parité, de concurrence égale avec les autres sociétés minières—à mon avis, c'est un aspect secondaire, c'est une préoccupation sur laquelle certains pourraient s'étendre longuement, quant à moi, je m'en abstiendrai— mais veiller à ce qu'on ne pipe pas les dés au désavantage du trésor public alors qu'on n'entretient aucun espoir, à long terme, de viabilité d'une industrie.

D'ailleurs, M. le Président, je m'interroge comment le gouvernement a pu en venir à une conclusion comme celle-là alors que le ministre des Finances a fait état de son désir de voir, au moins pour des fins comptables—il ne le ferait pas pour des fins comptables s'il ne voulait pas, éventuellement, avoir une correspondance réelle — dans les états financiers, une comptabilisation de la charge fiscale qui serait normalement payable par ces sociétés.

Dans cet esprit, c'est donc le grand responsable de la politique financière du gouvernement qui juge qu'il est impératif que les sociétés de l'État soient des contributeurs à la richesse collective.

Au-delà de la question des profits, au-delà de la question de la concurrence il y a une question sociale d'une très grande envergure derrière cette question de rentabilité.

Aucune société ne peut prospérer si la valeur des ressources qu'on consacre à une fin particulière est inférieure à la valeur de ce qui en résulte soit comme produit ou comme service à la population. Autrement dit, si on prend un certain nombre de ressources humaines et matérielles, si on les dirige dans un certain sens, ces ressources ont une valeur collective pour la société. Cette valeur est constituée, en termes réels, par d'autres multiplicités de fins auxquelles les mêmes ressources peuvent être destinées à être utilisées. Ce n'est pas gratuit pour la société de consacrer des millions de jours-homme et des millions de dollars en équipement matériel. Ce sont des ressources qui, si on les utilise pour la fabrication de produits d'amiante, ne sont pas disponibles pour les Québécois pour construire des écoles, construire des hôpitaux, ou donner des services de santé ou éducatifs, ou enrichir la vie culturelle, ou améliorer le réseau routier, ou Dieu sait quoi. Ce sont des ressources qui nous coûtent, non pas seulement l'argent qu'on y consacre, mais aussi les satisfactions, les besoins que l'on se refuse de satisfaire justement parce qu'on privilégie une certaine utilisation.

Cette valeur des ressources doit, au moins, être égale à la valeur de ce qui est produit par ces ressources. Un déficit reflète tout simplement le fait que la société, en général, place une valeur inférieure sur ce qui est le résultat d'une activité qu'elle n'en place sur les ressources utilisées pour produire cette activité. Ce n'est pas seulement une perte financière, mais c'est une perte sociale. Si ce que l'on produit dans une industrie de fabrication de l'amiante vaut moins cher globalement que les ressources qu'on y consacre, ce n'est pas seulement un déficit financier que l'on encoure. C'est simplement une perte sociale. C'est la perte d'une possibilité de satisfaction de gains, de consommation, d'investissements dans d'autres secteurs. C'est un appauvrissement collectif pour le présent et pour l'avenir. (17 heures)

Lorsque le ministre nous dit qu'il n'y a aucun* espoir qu'une société de fabrication des produits à base d'amiante ne fasse ses frais, ce qu'il nous dit essentiellement, c'est qu'on va, à perpétuité, y consacrer des heures de travail, des ressources matérielles qui valent plus, globalement, que ce qu'on va en retirer.

C'est une admission d'une gravité considérable. Si l'exemption fiscale, comme c'est le cas— le ministre l'a affirmé à plusieurs reprises—est la condition essentielle pour qu'on puisse emprunter cette voie, la conclusion à laquelle j'en arrive, personnellement, c'est qu'il faut absolument enlever ce moyen, le supprimer. Tout ce que l'on va faire, si on donne ce moyen au gouvernement, ce sera de lui permettre de prendre une initiative qui va résulter en une perte constante pour la société québécoise, en un appauvrissement graduel, alors que tous avaient espéré que l'amiante, cette res-

source naturelle que nous avons en quantité particulièrement abondante au Québec, soit une source de richesse.

Voici que par l'action d'un gouvernement trop pressé à agir, qui veut des solutions, des "gadgets" plutôt que de véritables solutions, au lieu d'être une source d'enrichissement, voilà qu'on va avoir une initiative qui va être une source d'appauvrissement. Appauvrissement qui va être sensible, d'abord et avant tout, dans le secteur public, puisque ce sera une ressource du secteur public, qui va être visible de façon très concrète par un manque à gagner fiscal, tout ceci en pure perte puisque, encore une fois, jamais on n'accédera à un niveau supérieur de rentabilité. On n'a aucun espoir; le gouvernement n'entretient aucun espoir de ce côté. C'est une forme lente non pas de suicide, mais c'est une maladie chronique de l'économie québécoise que l'on entretient à plaisir, M. le Président.

La seule façon d'empêcher un tel malheur, une telle aventure, sans préjuger de la possibilité de le faire autrement et de le faire mieux, de le faire de manière que ce soit une source de richesse plutôt que d'appauvrissement, la seule façon de l'empêcher, M. le Président, c'est de retirer ce statut fiscal à la Société nationale de l'amiante. Il me semble, d'après ce qu'on a entendu, que c'est en supprimant le premier alinéa que nous y parviendrons.

C'est la raison de l'amendement et la raison pour laquelle j'implore tous les membres de la commission de reconsidérer cette question.

Le Président (M. Ouellette): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, puisque vous venez de m'accorder le droit de parole sans que je l'aie demandé, j'en profiterai pour être éminemment bref.

En dépit de l'argumentation fort savante, mais erronée du député de Saint-Laurent, l'élimination du paragraphe 1) de l'article 3 ne changerait en rien l'état de fait. En effet, dans le cas de la société SOQUEM, dans le cas de REXFOR, il n'est nullement mentionné que cette société est mandataire du gouvernement et, néanmoins, elle profite de tous ses privilèges. Il est une règle acquise au niveau des deux gouvernements que toute société d'État, dont les actions sont détenues à 90% par les gouvernements, sont, à des fins de fiscalité, considérées comme des mandataires du gouvernement, donc, bénéficient de l'immunité fiscale. Par conséquent, que nous le mettions ou que nous le retirions ne change absolument rien à la pratique. Cependant, cela risque d'ajouter un inconvénient, soit, comme le disait Me Brière, de faire en sorte qu'il existe une certaine incertitude juridique quant au véritable statut de cette entreprise, ce qui pourrait entraîner des poursuites judiciaires ou, du moins, une contestation en Cour.

Par conséquent, retirer à l'article 3 que la société jouit des droits et privilèges d'un mandataire du gouvernement ne changera absolument rien. On me souligne que dans la Loi du développement de la région de la baie James, donc du chapitre 34 des lois de 1971, si je ne m'abuse — oui — dans la partie 1 de la loi portant sur la constitution de la société, nous avons bel et bien un article 3 qui reproduit textuellement, en fait, notre article 3 de la présente loi no 70.

L'ancien gouvernement avait donc cru bon d'adopter cette formule juridique qui, je pense, à la suite de la discussion que nous avons eue tantôt, n'apparaît pas comme absolument majeure, mais permettrait à tout le moins d'enlever un élément d'incertitude.

Par conséquent, je pense que toute cette magnifique gymnastique oratoire du député de Saint-Laurent aurait pu lui être épargnée, bien qu'effectivement cela lui permet de développer sa voix qu'il a d'ailleurs fort agréable et soporifique. Cela aurait donc pu lui permettre d'éviter toute cette gymnastique et nous économiser en même temps vingt minutes, et je suppose 40 minutes puisque, sans doute, le député de Marguerite-Bourgeoys va-t-il prendre la parole pour vingt minutes. Du fait qu'on enlève ou qu'on maintienne cet article 3 ne change rien, finalement, au statut de cette société puisqu'elle continuera à être un mandataire du gouvernement, comme toutes les autres sociétés d'État. Il me paraît donc plus simple, puisque ceci ne fait que préciser et ne nuit pas à la loi comme telle, de maintenir cet article tel qu'il est; par conséquent, nous voterons contre l'amendement.

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je n'avais pas l'intention d'intervenir étant donné que j'ai moi-même été persuadé par les propos du député de Saint-Laurent. Je croyais que le ministre aurait fait de même, mais puisqu'il ne veut rien comprendre, je vais invoquer l'article 160 qui donne au ministre la chance d'écouter des arguments en faveur de la motion d'amendement que nous proposons.

Au fond, les réponses que nous avons eues...

M. Bérubé: Vous avez droit à vingt minutes, c'est juste.

M. Lalonde: ... concernant le caractère ou l'aspect juridique sont justes, je crois. Il ne s'agit pas de donner une opinion légale ici, mais il me semble que les réponses que nous avons eues étaient fort honnêtes. On a évoqué certains précédents qui militent en faveur de l'inclusion du premier alinéa de l'article 3, à savoir que la Société nationale de l'amiante jouirait des droits et privilèges d'un mandataire du gouvernement. De nombreux exemples vont dans le sens contraire. Ainsi, REXFOR, qui est une société à capital-actions, n'a pas ce statut; la société SOQUIA non plus; on peut penser à SOQUIJ, mais c'est un organisme du gouvernement, ce n'est pas une société avec une personnalité juridique distincte; on peut penser à SOQUIP qui, étant une société de la couronne, n'a pas ce statut de mandataire du gouvernement; on

peut penser aussi à SOQUEM où il en est de même.

On a évoqué le précédent de la Société des alcools du Québec. À la lecture de la loi adoptée en 1971, on voit que l'auteur ou le rédacteur de la loi 70 semble s'être inspiré quasiment verbatim de cette loi parce qu'on copie strictement l'article 4 qu'on retrouve dans la Loi de la Société des alcools du Québec. Je me suis demandé pourquoi le législateur avait cru bon agir de cette façon. Cela me paraît être une erreur qui est peut-être moins importante parce qu'il s'agit d'une société qui fonctionne dans une situation de monopole.

M. Bérubé: Pourriez-vous noter que la Société de développement de la baie James aussi a exactement les mêmes articles et cette fois-ci repris textuellement?

M. Lalonde: C'est de la même année?

M. Bérubé: Oui, même année, chapitre 34, article 3 aussi.

M. Lalonde: Je vois que le chapitre 34 des lois de 1971 est dans le même sens, sauf que je cherche la similitude avec d'autres... oui, c'est bien une société à capital-actions. Mais il semble que depuis 1971, on ait changé d'attitude de la part du gouvernement précédent, parce que les lois des sociétés que je vous ai mentionnées tantôt ne contiennent pas de telles dispositions.

On peut aussi reconnaître que la Société des alcools et même la Société de développement de la baie James, la SDBJ, toutes deux sont appelées à fonctionner dans une situation de monopole. La Société de développement de la baie James a des pouvoirs extraordinaires, en fait, presque de municipalités, d'organisation, d'infrastructure, de tout un territoire; la Société des alcools a le monopole dans la mise en marché des alcools au Québec. Mais voilà que pour une société qui va possiblement, espérons-le, s'engager dans la transformation de l'amiante, qui n'acquerra pas, d'après les projets du gouvernement, toute l'industrie de l'amiante—il semble que le projet d'acquisition ne soit arrêté qu'à Asbestos Corporation qui a produit, en 1976, je crois, les 32% ou 33% de toute la production de l'amiante au Québec.

Donc, voilà que cette société va copier les dispositions des lois régissant deux sociétés qui ne sont pas appelées à faire le même genre d'activités, c'est-à-dire qui ne sont pas appelées à être en concurrence; en copiant ces dispositions, on avoue de façon formelle que la seule raison, c'est pour être bien sûr qu'elle ne paie pas d'impôt.

M. le Président, je pense qu'à ce moment-là, on devrait, non pas faire seulement une motion de retrait de l'alinéa 1 de l'article 3, mais demander au ministre des Finances de venir nous visiter pour expliquer ici quelles sont ses vues quant à la fiscalité, quant aux obligations fiscales des sociétés de l'État, ses vues telles qu'il les a exprimées il n'y a pas tellement longtemps, à peine une semaine ou deux, où il aurait, d'après les rapports que nous avons lus dans les journaux, indiqué sa volonté très ferme de faire en sorte que toutes les sociétés d'État soient jugées quant à leur rentabilité, sur le même pied que les autres sociétés, surtout quand il s'agit de sociétés qui sont en concurrence avec des industries privées dans le même secteur.

Voyez Asbestos Corporation qui va pouvoir vendre sa fibre à des industries de transformation à des coûts beaucoup moins élevés que d'autres compagnies qui font l'extraction ici...

M. Bérubé: N'est-ce pas honteux!

M. Lalonde: Le ministre dit: Ce n'est pas honteux.

M. Bérubé: N'est-ce pas...

M. Lalonde: Est-ce que le ministre s'est demandé dans quelle mesure les autres sociétés qui font les mêmes activités que la Société Asbestos vont pouvoir vendre au Québec leurs fibres, alors qu'elles payent de l'impôt et à quel prix? Est-ce qu'il ne s'est pas mis dans une situation de...

M. Bérubé: Elles peuvent le faire.

M. Lalonde: ... déstabilisation complète du marché de l'amiante au Québec?

M. Bérubé: Elles peuvent le faire, puisque ce sont elles qui fixent les prix internationaux. Par conséquent, elles peuvent pratiquer à peu près n'importe quelle politique de commercialisation sans qu'on puisse, en aucune façon, les en empêcher. Donc, elles peuvent faire toute la transformation qu'elles veulent au Québec. (17 h 15)

M. Lalonde: M. le Président, le ministre a tenté de répondre à ma question. Est-ce que, si la société nationale de l'amiante, ou la société Asbestos, comme filiale de la société nationale, ne paie pas d'impôt, et comme c'est le plan avoué du ministre de réduire le prix de vente de la fibre aux sociétés du Québec qui feront la transformation, est-ce que, à ce moment-là, il ne ferme pas la porte complètement aux autres sociétés...

M. Grégoire: Ils ne l'ont jamais fait.

M. Lalonde: Je sais qu'ils ne l'ont pas fait. Il y a 3% de transformation actuellement. Cela ne vient pas seulement de l'Asbestos Corporation.

M. Bérubé: Puisque vous voulez avoir la réponse à cette question...

M. Lalonde: Est-ce que le député de Frontenac veut dire que le 3% de transformation...

M. Bérubé: Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys voudrait la réponse?

M. Lalonde: Un instant.

M. Bérubé: II ne faut pas poser de questions.

M. Lalonde: Est-ce que le député de Frontenac veut dire que les 3% de la transformation des fibres d'amiante viennent toutes d'Asbestos Corporation?

M. Grégoire: Non.

M. Lalonde: Non; naturellement, il le sait très bien. Pourquoi dire que cela n'aura pas un effet de déstabilisation, puisque, Asbestos Corporation pourra vendre à X dollars de moins la tonne, simplement parce qu'elle ne paie pas d'impôt? C'est fermer la porte à tout le reste. C'est condamner toutes les autres sociétés à l'exportation.

M. Bérubé: Elle peut signer une entente de développement avec le gouvernement du Québec et, par ce biais, contribuer au développement d'une industrie de transformation au Québec et cette fois-ci, de concert avec le gouvernement du Québec.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre prétend que, à la suite d'une entente de développement il pourra acquérir au prix international, la fibre des autres sociétés, pour ensuite en faire la mise en marché, pour fins de transformation au Québec, à un prix moindre? Alors, c'est lui qui se condamne, ou c'est la société nationale de l'amiante qu'il condamne à une perte perpétuelle.

M. Bérubé: Est-ce que c'est une interprétation erronée de mes propos?

M. Lalonde: Vous êtes assez vague dans vos propos. Des ententes de développement, cela va faire quoi? Comment les autres sociétés qui, elles, vont payer de l'impôt, vont-elles pouvoir être sur un pied d'égalité quant à la vente de leur fibre au Québec, alors que la société nationale de l'amiante, nous a avoué le ministre, ne payant pas d'impôt, va ainsi subventionner chacune des tonnes de fibres vendues au Québec pour la transformation?

M. Bérubé: C'est exactement la même façon. Si toutes les sociétés au Québec décident d'un commun accord de transformer de 10% à 12% de fibre d'amiante que nous voulons lui voir transformer et que, dans ces conditions, toutes se retrouvant sur un pied d'égalité, il ne soit plus nécessaire de faire appel à un avantage comparatif au niveau du prix de l'achat de la fibre, tant mieux. Il n'y a aucune raison.

M. Lalonde: Alors, le premier alinéa de l'article 3 n'est pas si nécessaire, à ce moment-là. Vous n'aurez pas besoin du congé fiscal.

M. Grégoire: Ce n'est pas lui qui va empêcher le congé fiscal, cet article du premier paragraphe.

M. Lalonde: À ce moment-là, enlevons-le.

M. Grégoire: Le ministre l'a dit clairement, il clarifie la situation devant les tribunaux à l'égard des marchés financiers.

M. Lalonde: S'ils n'en ont pas besoin, enlevons-le.

Les seuls exemples qu'on a, ce sont deux exemples qui n'ont pas été suivis depuis sept années de législation, alors que plusieurs sociétés d'État ont été créées ce qui, d'ailleurs— M. le Président, vous êtes à même de vous en rendre compte, je ne vous demande pas une opinion— semble être un accroc à l'amendement, à l'effet qu'une société d'État que l'on veut voir comme personnalité juridique séparée et distincte, soit tout à coup mandataire du gouvernement dans tout ce qu'elle fait. À ce moment-là, ce n'est plus nécessaire de faire une société d'État. À moins que le ministre préfère ne pas avoir de société d'État. À ce moment-là, on ferait un organisme du gouvernement...

M. Forget: Une direction générale de l'amiante.

M. Lalonde: Une direction générale de l'amiante, bien oui. Et les acquisitions, on pourra faire faire cela pas la Société générale de financement, ou par d'autres sociétés d'État. On en a plusieurs qui pourraient facilement se porter acquéreurs des actions d'Asbestos Corporation, suivant le grand projet du gouvernement.

Mais ici, on veut, d'une part, créer un état de déstabilisation du marché. Je ne pense pas qu'on l'ait mesuré. La surprise du ministre, lorsque j'ai fait cette proposition, cette hypothèse, me laisse à penser qu'on n'a pas mesuré du tout les conséquences de déstabilisation du marché, le fait qu'on condamnerait littéralement toutes les autres sociétés à l'exportation. On leur interdirait directement, par cette mesure, tout effort de transformation au Québec, parce qu'il n'y aurait plus de concurrence possible avec les prix du gouvernement qui ne paierait pas d'impôt. Cette situation existe actuellement dans divers secteurs. Elle existe, par exemple, pour la Société générale de financement, qui a quelques filiales dans divers secteurs qui ont des congés d'impôt, mais ce n'est pas voulu comme tel. C'est sur cela que le ministre des Finances est venu intervenir l'autre jour. Il a dit: Ce n'est pas parce que la loi vous privilégie d'un congé fiscal que vous ne devriez pas, d'autre part, viser à une rentabilité mesurée de la même façon que dans toute l'industrie.

Est-ce que ce sera le ministre des Finances qui aura raison? Est-ce que ce sera le ministre des Richesses naturelles? On ne le sait pas. Il ne semble pas que le ministre des Richesses naturelles ou ses propos pèsent bien fort auprès du ministre des Finances, puisque, dans son propre budget, il n'a absolument rien prévu pour l'acquisition de la société Asbestos. Il ne semble pas très optimiste, mais on verra bien.

Si le ministre des Richesses naturelles acceptait d'enlever le premier alinéa, ce serait au moins un geste allant dans le sens des politiques qui sont définies par le ministre des Finances, en ce qui concerne la rentabilité des sociétés d'État. C'est important la rentabilité des sociétés d'État. On ne forme pas la Société nationale de l'amiante

et on n'achète pas la société Asbestos pour faire des pertes. Sans cela, on s'inscrit dans un processus d'appauvrissement collectif constant.

Naturellement, actuellement, on pense plutôt au drapeau, au beau geste, à la signification du symbole, mais demain matin on va se réveiller et les Québécois auront signé le chèque de $150 millions ou de $200 millions. On aura ainsi condamné toutes les autres sociétés de l'amiante à faire des exportations de façon exclusive; on leur aura interdit de s'intéresser à la transformation. La transformation aura été ni plus ni moins qu'expropriée par le gouvernement, avec une telle mesure. Est-ce que c'est cela que nous voulons? Est-ce que c'est ce genre de société qu'on veut ou est-ce que c'est le commencement d'une nationalisation de toute l'industrie? Que le gouvernement dise exactement ce qu'il a en tête.

Quant à nous, nous croyons que le retrait du premier alinéa de l'article 3 clarifierait la situation, serait conforme aux diktats, aux politiques du ministre des Finances en ce qui concerne la fiscalité des sociétés d'État et permettrait à la Société nationale de l'amiante d'être considérée comme une entité juridique séparée qui agirait comme toutes les autres ou la majorité des autres sociétés d'État, non pas comme la Société des alcools ou la Société de développement de la baie James qui agissent dans une situation de monopole, mais comme toutes les autres sociétés d'État qui sont dans une situation de concurrence.

Je vous remercie, M. le Président.

Motion rejetée

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement du député de Saint-Laurent sera-t-il adopté?

M. Grégoire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Rejeté sur division?

Une voix: Non.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion d'amendement du député de Saint-Laurent est rejetée sur division. Nous revenons à l'article 3. L'article 3 sera-t-il adopté?

M. Grégoire: Adopté.

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, comme on veut, selon l'expression du ministre, éliminer les ambiguïtés et comme nous avons déjà eu l'occasion de constater une entente philosophique autour de cette table au sujet d'un aspect connexe à celui qui vient d'être discuté et qui tombe, je pense, de façon très appropriée sous l'article 3, j'aimerais proposer un autre amendement qui se lit de la façon suivante: "Que l'article 3 soit modifié en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: La société ou ses filiales, dont elle détient plus de 50% des actions, doivent payer sur leurs biens les taxes foncières municipales et scolaires au même titre qu'une corporation privée."

En effet, dans ce...

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la recevabilité?

M. Grégoire: II y a quelque chose de prévu à l'article qu'on voulait ajouter à 16a, qui va dans le même sens. Alors, peut-être que...

M. Lalonde: Est-ce qu'on a cela?

M. Bérubé: Ce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour introduire, puisque...

M. Lalonde: Si vous avez quelque chose de semblable à l'article 16a, ce sont les pouvoirs spéciaux et conditions d'exercice de ces pouvoirs à l'article 16a. Là, c'est une obligation de payer des taxes.

M. Grégoire: Oui.

M. Lalonde: C'est dans le statut.

M. Grégoire: Oui, mais ce serait un article ajouté.

M. Lalonde: L'article 3.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, vous n'avez pas encore parlé sur la recevabilité.

M. Grégoire: Non, mais avant...

M. Bérubé: Je voudrais simplement souligner à l'Opposition que nous avions l'intention de soumettre après l'article 18 un nouvel article qui lui, indiquerait que la société doit payer les taxes municipales et scolaires sur tous les biens et immeubles qu'elle possède. Nous avons un article assez complet, je pense, qui pourrait rejoindre les préoccupations du député de Saint-Laurent. La proposition serait d'insérer cet article, cet amendement après l'article 18.

M. Forget: M. le Président, il me semble que c'est à l'article 3 que cette insertion devrait être faite, parce que c'est là qu'on définit un statut. Le statut s'accompagne d'un certain nombre de privilèges et aussi devrait comporter des obligations qui font exception à ces privilèges, étant donné que le statut de société d'État entraîne celui de l'exemption aux taxes foncières. Il me semble que c'est dans le même article qu'on doit faire cette précision, non pas dans un article qui en suit tout de suite un autre dans lequel on dit, au fond, que le ministre peut faire des subventions et des cho-

ses de ce genre. Il ne s'agit pas de subvention, II s'agit d'une obligation stricte.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le président n'a pas à décider à quel endroit doit se situer l'amendement ou non. Je le déclare recevable, débattable...

M. Grégoire: Ce qu'on peut faire, c'est de prévenir l'Opposition qui avait l'intention d'en apporter un.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est cela.

M. Lalonde: Vous pouvez voter pour à l'article 3 et cela réglerait votre problème.

M. Grégoire: Je vais voter contre à l'article 3. Si vous voulez passer à d'autres amendements, vous en avez probablement une série à faire valoir. Vous aurez l'occasion de parler sur celui-là parce qu'il serait apporté après l'article 18.

M. Lalonde: Est-ce que c'est une promesse que le député de Frontenac fait, promesse qu'on aura l'occasion de parler sur l'article 18? Est-ce que c'est un engagement?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Sur la motion...

M. Lalonde: Je ne fais pas confiance à ce gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Je ne peux pas faire confiance à l'Opposition.

M. Lalonde: Cela sent la guillotine!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Cela sent?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent, sur la motion.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais bien dire qu'il n'est pas question de guillotine, parce que pour qu'il y ait une guillotine, il faut qu'il y ait des têtes.

M. Lalonde: II y en a 12 000 qui l'ont faite avant vous, celle-là!

M. Grégoire: Elle est encore bonne. M. Lalonde: Vous perdez la mémoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! Vous pouvez aller discuter dans le corridor, si vous voulez, M. le député de Frontenac et

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, les deux ensemble.

M. Lalonde: Non, merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Grégoire: Je ne vois pas ce que je ferais dans le corridor avec M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Forget: On a eu des visiteurs au tout début de nos travaux, on s'en souviendra. D'ailleurs, le gouvernement, depuis ce temps, se gourme à toutes les occasions et même en dehors des occasions à l'idée que nous sommes en face d'un consensus d'applaudissements répétés, de tout ce qu'on veut de la part des gens de la région de l'amiante. On sait très bien, vous et moi, qui étions présents lors de ces visites, qu'on a assisté à un plaidoyer de la part des gens de la région de l'amiante, pour que quelque chose se fasse, plaidoyer passionné, fort compréhensible, étant donné les circonstances dans lesquelles se trouvent ces personnes. J'ai relu la transcription pour bien m'assurer de l'impression que j'avais conservée de cette rencontre et jamais les représentants des municipalités, les représentants du syndicat, ni même les représentants du Conseil régional de développement, ne sont allés jusqu'à affirmer qu'ils endossaient les solutions retenues par le gouvernement et qu'ils y voyaient là la meilleure des solutions possibles. Ils se sont dit intéressés à ce que quelque chose se fasse. Ils se sont dit disposés à accorder le bénéfice du doute au gouvernement; bien sûr, leur rôle n'est pas celui de l'Opposition. Il est le rôle de gens qui attendent de la part du gouvernement des gestes de bienveillance, d'intérêt, de sollicitude. Ils seraient mal placés pour venir en commission parlementaire dénoncer une initiative gouvernementale; même si elle n'avait qu'un demi de 1% de chances de réussite, ils viendraient quand même dire: Écoutez, essayez cela, et si cela ne fonctionne pas, on pourra toujours revenir vous voir et demander autre chose. C'est bien logique. Le ministre s'est réjoui un peu trop tôt, lorsqu'il a fait état publiquement d'un appui supposé. L'appui viendra quand les résultats viendront. De ce côté, je lui souhaite autant de patience qu'aux gens de la région de l'amiante. (17 h 30)

II y a quand même des choses précises que nous ont dites les gens de la région. Ils nous ont dit: Écoutez, s'il y avait moyen de préciser dans la loi un certain nombre de promesses ou d'espoirs qu'ont suscités les multiples rencontres et tournées électorales des ministres et des députés dans cette région sans excepter le premier ministre lui-même, des indications, entre autres—c'est l'objet de cette motion—que les quelque $300 000 de taxe foncière qui sont perçus par la seule municipalité de Thetford Mines, pour ne donner que cet exemple—les commissions scolaires auraient pu dire la même chose parce qu'ordinairement ils ont des montants à peu près comparables—que ces

montants ne soient pas interrompus par le changement de propriété.

Évidemment, les ministres qui se sont rendus sur place ont voulu rassurer leurs commettants de la région en leur promettant que le gouvernement, bien sûr, tiendrait compte de cela et que les municipalités recevraient des subventions pour des montants équivalents.

Actuellement, les commissions scolaires et les municipalités de la région ont le droit strict de percevoir des impôts sur ces actifs immobiliers. Les gens n'ont pas besoin de faire de pèlerinages à Québec. Ils n'ont pas besoin de demander à M. le ministre et à M. le député de bien vouloir intervenir et de faire passer un arrêté en conseil. Ils n'ont pas besoin de se mettre à genoux devant le gouvernement pour aller percevoir leurs taxes. Ce n'est pas suffisant, ce n'est pas équivalent pour un ministre de dire, du haut de sa grandeur, qu'il va avoir la sollicitude, la bienveillance de leur concéder une subvention au lieu d'une taxe foncière. Ce qu'elles aimeraient bien recevoir, c'est une assurance stricte qu'elles n'auront pas besoin de faire ces pèlerinages et ces génuflexions pour maintenir leurs revenus municipaux ou scolaires au même niveau qu'avant.

C'est là un espoir, une attente légitime de la part des conseils de ville, de la part des commissions scolaires. Le ministre devrait aller plus loin que simplement des assurances de caractère politique qui peuvent être dénuées de toute valeur réelle lorsque le moment viendra de les honorer. Ce n'est pas parce que le ministre veut tromper qui que ce soit, c'est parce que les ministres se succèdent et ils ne se ressemblent pas toujours, que les gouvernements eux-mêmes se succèdent et se ressemblent encore moins souvent. Un gouvernement qui succédera au gouvernement actuel... en effet, je ne doute pas, bien sûr, qu'il veuille continuer à honorer cette promesse, mais pourquoi engendrer le doute? Pourquoi susciter des problèmes de ce genre?

Le député de Frontenac et le ministre lui-même, sentant venir cet amendement par des propos que j'ai moi-même tenus en commission parlementaire puisque j'ai insisté sur ce point à plus d'une reprise, évidemment, ont demandé à leur conseiller juridique de proposer un amendement. Les gens d'en face sont malins, M. le Président. Ils ont soigneusement dissimulé l'amendement après l'article 18. se disant que les aléas du débat parlementaire pourraient fort bien faire qu'on ne se rende pas à l'article 18. On pourrait aller sur place...

M. Grégoire: On peut y aller tout de suite, si vous le voulez.

M. Forget: On pourrait aller sur place proclamer qu'on s'est intéressé à cette question sans, cependant, donner l'occasion, è l'Opposition, de réaffirmer ses convictions de ce côté.

M. Grégoire: On peut y aller tout de suite, si vous le voulez.

M. Forget: On se sent superflu dès qu'on devra adopter la motion sur l'article 3. On n'aura plus besoin de l'article 18. Il n'y a pas de raison de mettre à l'article 18, ni à l'article 19... si ce n'est que l'article 18 vient bien après l'article 3. C'est cela la raison. Cela vient plus loin. Le but de l'exercice, ce n'était pas de le mettre dans la loi. C'était d'éviter qu'il soit débattu en commission parlementaire. Le député de Frontenac, avec tous ses gestes, ne réussit pas à dissimuler son désarroi devant le fait que cette astuce qu'il a peut-être inventée parce que c'est le genre d'astuce que le député de Frontenac, j'imagine, peut fournir à son ministre, c'est le genre de préoccupation où il doit exceller. Il ne peut certainement pas rivaliser avec le ministre pour nous décrire la rhéologie des matières. C'est une chose qui doit lui être étrangère comme à nous, d'ailleurs, M. le Président. Je ne lui en fais pas reproche, mais quand il s'agit de bien placer un article pour s'assurer que le débat ne tournera pas mal ou tournera le moins mal possible pour le côté ministériel, on peut lui faire confiance. Si la loi avait comporté 180 articles, M. le Président, je vous fais un pari que cet amendement aurait été l'article 181a.

M. Grégoire: Recevable.

M. Forget: Mais, comme on n'avait que 25 articles, il y a quand même un certain nombre d'articles à la fin où il ne serait pas décent de dissimuler un amendement comme celui-là parce que le jupon dépasserait un peu trop. On s'est dit: Bon, entre les articles 18 et 19, c'est assez loin pour qu'on n'en parle pas, mais ce n'est quand même pas trop loin. C'est la théorie du juste milieu.

M. Grégoire: La question c'est que cela passe, soit adopté.

M. Lalonde: Rendu là, vous n'avez plus le choix.

M. Forget: On ne se laissera pas décourager par des manoeuvres parlementaires comme celles-là, M. le Président. On nous fera crédit d'assez de perspicacité pour voir, à travers les lignes, les intentions gouvernementales. Ceux qui auront la patience insigne de lire le compte rendu de nos délibérations, M. le Président—peut-être un obscur chercheur de l'an 2000 qui fera l'histoire de nos institutions—ne seront pas dupes de la manoeuvre du député de Frontenac. Ils verront clair dans son jeu et dans les histoires à venir qui s'écriront sans aucun doute de ces péripéties, il sera attribué à l'Opposition officielle l'insistance et l'initiative d'un amendement qui en est un qui devrait aller de soi.

Je le dis ici, non pas seulement pour la Société nationale de l'amiante, mais même si on peut entretenir des doutes, en général, quant à l'opportunité de verser à 100% des taxes foncières sur les édifices publics lorsqu'ils sont occupés par des services proprement gouvernementaux, pour des raisons qui sont fort simples, c'est la concentra-

tion et tant que cela demeurera aussi concentré à Québec et dans une certaine mesure à Montréal, il y aura un avantage fiscal peut-être démesuré à ce qu'il y ait une compensation à 100% pour les édifices publics du gouvernement proprement dit.

Mais dans le cas des sociétés d'État, des activités industrielles et commerciales des sociétés d'État qui sont beaucoup moins susceptibles et, effectivement, qui ne sont pas concentrées à Québec ou à Montréal, il y a d'excellentes raisons de les placer sur un pied d'égalité absolu avec les entreprises industrielles et commerciales analogues. Si c'était possible— un tel amendement ne serait évidemment pas recevable — j'irais même jusqu'à suggérer que, de façon générale, les chartes constitutives, les lois organiques de toutes les sociétés d'État soient amendées de manière à les obliger à payer les impôts fonciers et scolaires sur leurs actifs; il me semble que cela va de soi.

M. Grégoire: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

M. Forget: Ce sont des préoccupations que je n'avais pas à l'époque, M. le Président, et je n'ai jamais vu, non plus...

M. Grégoire: II ne voyait pas...

M. Forget: Je n'ai jamais vu le député de Frontenac en faire un cheval de bataille; donc, je m'étonne un peu de son étonnement. Mais s'il veut en prendre l'initiative justement au sein de son caucus, on pourra mesurer pleinement la vigueur et la force de son argumentation au cours des prochains mois lorsque nous verrons arriver un train de législation, comme on dit. On ne sait jamais où est la locomotive. Il y a des trains de législation. Peut-être pourrait-il, justement, se faire la locomotive de ce train en particulier...

M. Grégoire: II est seulement sur la voie ferrée, le train.

M. Forget: ... Et nous proposer des amendements à la Loi constitutive de toutes les sociétés d'État, au moins à celles déjà nombreuses qui dépendent du ministre auquel il est associé.

M. Bérubé: II faudrait peut-être même aller plus loin que simplement les sociétés d'État, même l'appliquer à tous les édifices gouvernementaux.

M. Forget: Si le ministre avait suivi le raisonnement que j'ai tenu plutôt que de corriger son communiqué de presse, il aurait vu qu'il y a à cela des objections possibles parce qu'encore une fois il y a un phénomène de concentration. Déjà, des citoyens à l'extérieur de Québec, par exemple, peuvent se dire: Mon Dieu, le gouvernement provincial fonctionne seulement à l'avantage de Québec d'une certaine façon. C'est là qu'il est générateur d'activités économiques. Est-ce qu'on va ajouter à cela un avantage additionnel? C'est une question que je ne prétends pas trancher, mais c'est une question qui se pose à cause de la concentration géographique.

M. Bérubé: Le gouvernement actuel est à cent coudées en avant de votre réflexion, M. le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Forget: Cent coudées, oui! On verra!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: Toute cette discussion a déjà eu lieu et elle est en cours de négociations.

M. Forget: Sur le plan des mots, vous avez une bonne heure d'avance.

M. Grégoire: Vous êtes deux ans en retard. M. Lalonde: Au moins!

M. Forget: Mais sur le plan des réalisations, on attend encore.

M. Ouellette: Deux années lumière.

M. Forget: On verra! On verra ce que vous allez faire. Ce n'est certainement pas pour ce budget-ci, de toute façon, parce que la porte est fermée. Peut-être le budget subséquent, peut-être l'autre après. Il ne faudrait pas penser au troisième après, parce que ce ne sera plus le vôtre. De toute façon, vous avez encore deux budgets pour essayer de résoudre ce problème.

Plus que cela, encore une fois, il ne s'agit pas seulement de donner de l'argent par condescendance, il s'agit de l'inscrire dans les lois et d'en faire une obligation stricte. De ce côté, il va falloir apporter des projets de loi amendant les lois organiques de toutes ces sociétés, les inscrire au budget. Je vous souhaite bonne chance pour l'an prochain, mais j'ai l'impression qu'on n'est pas si avancé que cela de l'autre côté, malgré le plaisir qu'on prend à le prétendre. Entre les déclarations et les réalisations, le peuple québécois a commencé à mesurer l'écart qui nous sépare ces temps-ci l'un de l'autre. Je ne voudrais pas répéter toutes les promesses qui ont été faites dans le programme du Parti québécois le plus récent, celui de 1976, avant les élections, car cela deviendrait une lecture embarrassante, j'en suis sûr, pour ceux qui ont rédigé ces textes. Pour ceux qui ne les ont pas rédigés et qui, comme nous, ne les ont jamais pris tout à fait au sérieux, alors que c'était une lecture tragique ou attristante, cela devient une lecture drôle, ce qui démontre très bien que, au fond, rien n'est en soi tragique ni drôle, c'est dans l'oeil de l'observateur beaucoup plus qu'autre chose.

C'est comme la beauté des roses, comme le disait Shakespeare, c'est dans l'oeil de l'observateur beaucoup plus que dans la chose elle-même.

M. Lalonde: Cela ferait une rose fanée.

M. Forget: Effectivement, comme le dit le dé-

puté de Marguerite-Bourgeoys, quand on regarde le programme politique du gouvernement au pouvoir depuis deux ans, cela fait un bouquet passablement fané!

M. Lalonde: C'est plein d'épines.

M. Forget: C'est pour cela que, quand les jardiniers nous arrivent en nous promettant de nouvelles variétés florales, des tulipes doubles ou triples, avec des feuilles en amande, etc., on se dit: On a déjà vu ça!

M. Ouellette: Vous avez une drôle de façon de lancer des fleurs!

M. Forget: C'est souvent monté en graine avant de fleurir!

Pour toutes ces raisons, je pense que c'est un amendement qui est bien placé, qui est placé au moment opportun dans la loi et dans la discussion. C'est un amendement qui est souhaité ardemment par les représentants et les porte-parole de la région de l'amiante qui sont venus devant nous, c'est un amendement dont l'adoption s'impose.

En parlant de choses comiques, il sera probablement très amusant de voir le gouvernement dire, après avoir passé huit semaines sur un projet de loi et soi-disant un an et demi à sa préparation, tout à coup qu'il ne pourra pas voter pour cet amendement parce qu'il a pensé, la semaine dernière, que cela pourrait faire l'objet de l'article 18a. Quelle belle planification! Quelle formidable planification que le spectacle en commission parlementaire de ces amendements de dernière minute auxquels même le ministre des Richesses naturelles n'échappe pas! D'ailleurs, il en a probablement d'autres en préparation. Je suis à peu près sûr qu'à partir de maintenant tous nos amendements vont être accompagnés, en sourdine, d'une expression de surprise faisant que nous avons présenter un amendement puisque le gouvernement est déjà en train de réviser sa position.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, d'une part, je dois dire que dans la rédaction originale du projet de loi, nous avions un article disant que la société devait payer toute taxe scolaire municipale et autre. Je pense que le député de Frontenac s'en souviendra d'ailleurs. Cet article a été rayé sur la base de l'argumentation selon laquelle, compte tenu des habitudes de nos législateurs, nos sociétés d'État avaient pris l'habitude de payer des en-lieux de taxes. (17 h 45)

En fait, je pense que, même dans le cas de l'Hydro-Québec, il y a présentement un programme de désengagement vis-à-vis de certaines taxes municipales qu'elle paie. La tendance au niveau de la taxation allait plutôt, au cours des années antérieures, dans le sens adopté dans le projet actuel, c'est-à-dire de ne pas inscrire dans le projet de loi l'obligation de payer des taxes scolaires ou municipales et que cela se fasse en vertu d'une pratique généralisée, universelle de paiement d'en-lieux de taxes.

Pour ne pas faire en sorte que la loi 70 soit différente de toutes les autres lois adoptées par les gouvernements antérieurs, nous avons donc choisi d'enlever, à la lumière des argumentations de nos juristes, cet article. Je dois dire cependant qu'entre-temps se déroulait une réflexion en profondeur sur la fiscalité municipale au niveau des ministères des Affaires municipales et des Finances.

Je pense que tous sont au courant de certaines modalités de ce projet, en vertu duquel non seulement les sociétés d'État allaient devoir payer des taxes foncières aux municipalités, mais également l'État du Québec. Pour répondre à l'objection du député de Saint-Laurent, ces taxes seraient divisées en deux montants, le premier allant per capita à l'ensemble de la province, donc étant versé aux municipalités sur la base d'un per capita unique, uniforme pour l'ensemble du Québec; le deuxième montant étant versé aux municipalités qui doivent offrir des services au gouvernement, qui ont donc des charges financières supérieures.

Par conséquent, toute la réflexion au niveau du gouvernement s'est faite de ce côté du paiement des taxes foncières, non seulement par les sociétés d'État, mais par le gouvernement lui-même. C'est donc à la suite de cette réflexion, particulièrement à la suite, je dois le dire, des représentations des citoyens et des municipalités qui ont demandé que l'on inclue que la Société nationale de l'amiante paie des taxes et qu'on inclue cette obligation dans le texte même de la loi — non pas que le groupement de citoyens ait demandé que ce soit inclus dans la loi, mais ils ont bien insisté pour que la Société nationale de l'amiante paie les taxes et redevances aux municipalités où elle disposera des immobilisations — par conséquent, à la lumière de ces réflexions, et compte tenu de la réflexion globale ayant cours au niveau du gouvernement concernant la fiscalité municipale et l'obligation pour le gouvernement de payer les taxes qu'il doit à ces municipalités, nous avions donc décidé, il y a déjà de cela plusieurs mois, au moins quelques semaines, d'aller à l'encontre d'une coutume juridique et d'inclure dans ce projet de loi un article qui, lui, obligerait la société à payer les taxes et il ne s'agirait plus ici d'en-lieux de taxes, mais bel et bien d'une soumission aux normes et pratiques courantes de la société québécoise.

Pourquoi introduire cela à l'article 18 plutôt qu'à l'article 3? Je pense que l'article 3 fait partie de la section I qui parle de la constitution de la société. Il définit le cadre juridique à l'intérieur duquel cette société va évoluer. Il donne donc à la fois son mandat, ses privilèges, son titre et son siège social. C'est donc la constitution de la société.

Par contre, nous avons, beaucoup plus loin, une autre section qui s'intitule, cette fois, les pouvoirs et les conditions d'exercice de ces pouvoirs. Il nous est donc apparu que l'endroit le plus pro-

pice pour insérer un tel article serait à l'intérieur de cette section portant sur les pouvoirs spéciaux et conditions d'exercice et que, par conséquent, nous avions l'intention, et nous avons toujours l'intention, de déposer cet amendement qui se lirait de la façon suivante: En insérant, après l'article 18, l'article suivant: "La société doit payer toutes les taxes municipales et scolaires imposées sur les biens immeubles qu'elle possède. "Néanmoins la société peut, nonobstant toute disposition législative au contraire, faire, avec des corporations de commissaires, de syndics ou d'administrateurs d'écoles, des ententes pour le paiement de sommes fixes de deniers pour tenir lieu de toutes taxes, contributions, cotisations et redevance pour services municipaux, quelle que soit la nature de ces taxes, contributions cotisations et redevances. "Les ententes conclues en vertu de l'alinéa précédent entrent en vigueur dès leur approbation par le gouvernement."

En d'autres termes, l'amendement est peut-être légèrement plus complet que celui proposé par l'Opposition libérale, puisqu'il tient compte du fait que, advenant le cas où une municipalité ou une commission scolaire voudrait procéder à un mode de taxation différent du mode de taxation courant, la loi constitutive de la Société nationale de l'amiante ne devrait pas interdire à cette société le pouvoir de signer de telles ententes—et c'est pour cette raison que nous avons cru bon de compléter l'amendement en le rendant peut-être un peu plus souple et en permettant aux municipalités, aux commissions scolaires, de signer des ententes avec la Société nationale de l'amiante— qui puissent être différentes de la simple tradition que représentent les taxes municipales et scolaires imposées sur les biens immeubles.

Par conséquent, le gouvernement votera contre l'amendement tel que proposé, d'une part parce qu'il est insuffisant et qu'il est incomplet et d'autre part, parce que, à notre avis, il ne se situe pas au bon endroit dans la loi. Il devrait plutôt apparaître, non pas dans les articles constituant la société, mais bien dans les articles traitant des pouvoirs et des conditions d'exercice de ces pouvoirs de la société.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion sera adoptée?

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre a commencé par une explication compliquée dans le sens qu'un projet no X avait une telle disposition obligeant la société à payer des taxes municipales et scolaires. Cette disposition aurait été enlevée à cause des juristes... toujours à cause des autres, M. le Président.

M. Bérubé: La tradition juridique en vigueur au gouvernement.

M. Lalonde: C'est très courageux de la part du ministre de mettre cela sur le dos des juristes. Par une autre pirouette assez nébuleuse, on vient de nous dire qu'il y a quelques mois on avait déjà décidé de remettre cela dans la loi. C'est étonnant, c'est la première fois qu'on en entend parler. Je veux m'élever contre cette façon du ministre qui est tout à fait conforme, d'ailleurs, à son attitude arrogante: Jusqu'ici il nous a donné au compte-gouttes les amendements qu'il a l'intention d'apporter au projet de loi et ceci à l'encontre d'une tradition qui a été établie depuis longtemps par d'autres gouvernements et même suivie par plusieurs de ses collègues.

On se souvient, par exemple, de l'épais volume des amendements que le ministre des Consommateurs nous avait remis pour le projet de loi 67. On savait au moins qu'à tel article on aurait tel amendement. Dans ce cas-ci, on n'en a pas eu à ma connaissance, à moins que... Non, je vois que mes collègues me disent qu'aucun de nous n'a reçu un avis des amendements que le ministre va proposer au projet de loi.

Ensuite, il conclut en disant que l'amendement du député de Saint-Laurent n'est pas complet et que le sien, que vous avez d'ailleurs laissé lire, même si on n'est pas rendu à l'article 19, ce qui crée quand même une situation un peu spéciale, M. le Président, vu que nous n'aurons peut-être pas l'occasion d'en discuter... Nous devons discuter de deux amendements dans le même temps, ce qui est un peu injuste pour les membres de cette commission.

Je vous dirai que l'amendement du ministre, en ajoutant des ententes possibles, n'est pas plus complet; il est seulement plus complexe. Il ouvre la porte à toutes sortes d'abus. Je n'ai pas l'intention d'en discuter plus longtemps. J'ai seulement saisi cet aspect, cette modalité dans la lecture qu'il en a faite, étant donné qu'il ne l'a pas distribué. Je ne peux pas en parler davantage.

Il justifie son opposition à l'amendement du député de Saint-Laurent par la section I de la constitution de la société, où l'amendement se retrouverait, tout en prétendant qu'une telle obligation, de la part de la société, devrait se retrouver dans la section intitulée "Pouvoirs spéciaux et conditions d'exercice", naturellement de ces pouvoirs spéciaux. Tout à coup, nous allons confondre une obligation avec un pouvoir. Ce n'est pas le pouvoir de payer les taxes scolaires et les taxes municipales que les autorités municipales de la région sont venues réclamer. C'est facile. Ce que les gens veulent, c'est une obligation, de la part de la Société nationale de l'amiante, de contribuer au fardeau fiscal scolaire et municipal.

M. Grégoire: C'est ce qui est dit dans l'amendement. La société doit payer.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous

pourriez, s'il vous plaît, rappeler à l'ordre le député de Frontenac que j'entends murmurer?

M. Grégoire: II dit qu'il ne comprend pas. J'essaie de le lui faire comprendre, mais il ne veut pas comprendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: Je disais donc que c'est une obligation que la population veut voir inscrire dans ce projet de loi. Comment cette obligation verrait-elle plus sa place dans la section IV, qui décrit les pouvoirs spéciaux, que dans la section I qui détermine la constitution de société, donc son cadre juridique? Le ministre lui-même a avoué que c'était là que le cadre juridique se retrouvait. C'est dans le cadre juridique que l'on définit les obligations et les droits de la Société nationale de l'amiante. Elle aura tous les droits devant la terre du gouvernement, dit-on. Nous voulons ajouter qu'elle aura aussi l'obligation d'un contribuable municipal et scolaire.

L'Opposition du parti ministériel à l'amendement me semble simplement dictée par une espèce de vanité politique qui ne devrait pas avoir sa place ici dans nos débats. Nous avons proposé avant le ministre... ce n'était pas une course, nous n'avions aucune idée qu'il le ferait. Nous avons toutes les raisons, d'ailleurs, de ne pas nous fier à ce gouvernement pour apporter les corrections nécessaires à ce projet de loi. La très grande majorité des amendements ont été proposés par l'Opposition, non pas par le parti ministériel.

C'est donc ici, à la section I, intitulée Constitution de la société, dans le paragraphe 3, où on détermine les droits et les privilèges de la société, que nous devons inscrire l'obligation de la société de payer les taxes scolaires et les taxes municipales.

Le gouvernement, en refusant son appui à notre proposition, n'agit pas comme un bon et vrai gouvernement tel qu'il l'a promis il y a un an et demi. Il ne fait que de la petite politique partisane. Qui nous dit, malgré les propos tenus par le ministre tantôt, qu'on va apporter cet amendement à l'article 19? On a déjà changé d'idée une fois. Le ministre l'a dit. On avait une telle disposition dans un avant-projet. On l'a déjà enlevée une fois. Ce n'est sûrement pas nous, de l'Opposition, qui allons donner la chance, au ministre, de l'enlever une deuxième fois. Nous lui demandons donc de voter maintenant. Étant donné la visite ponctuelle du leader parlementaire du gouvernement—vous avez sûrement remarqué qu'il nous a rendu visite comme il l'avait fait d'ailleurs au moins à une reprise la semaine dernière— il semble que le gouvernement ait donné suite à ses intentions de mettre fin à nos débats d'une façon brutale. Le ministre rit, M. le Président. Il est heureux que le débat soit terminé alors que nous n'avons...

M. Grégoire: La violence?

M. Lalonde: ... nous ne sommes rendus qu'à l'article 4.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est à cause de l'incurie et de l'incompétence de ce gouvernement. Nous sommes même revenus en arrière, à la suggestion du ministre, à l'article 3.

M. Grégoire: Est-ce qu'il est question de violence? Ais-je bien compris?

M. Lalonde: Nous n'avons même pas voté sur l'article 4.

M. Brochu: ...

M. Lalonde: On recule avec ce gouvernement.

M. Grégoire: Ais-je bien compris, M. le Président, qu'on nous menace de violence?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, à l'ordre!

M. Bérubé: Oui.

M. Lalonde: C'est donc à la demande du ministre que nous sommes revenus en arrière, M. le Président, pour répondre à votre question. Alors que nous ne sommes qu'à l'article 4 et que nous sommes menacés par une clôture bientôt—je ne sais pas quand et le ministre peut-être pas non plus —...

M. Grégoire: Vous êtes pris dans la clôture.

M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas de la peur. C'est de l'insatisfaction à l'égard du ministre et du gouvernement. Il n'a pas réussi à faire avancer les débats plus loin que l'article 4 d'un projet de loi important et déjà son collègue nous annonce un bâillon. Est-ce que les députés ministériels sont heureux de se faire bâillonner comme cela?

M. Grégoire: ... clôture de fil de fer barbelé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Ouellette: On vous annonce d'excellents amendements à l'article 18.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Nord, ne suivez pas l'exemple du député de Frontenac.

M. Lalonde: On n'a eu qu'un amendement depuis le commencement.

M. Ouellette: On vient de vous en annoncer un délicieux pour l'article 18.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 6

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

À moins que je ne me trompe...

M. Grégoire: ... la brutalité dont est victime le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La parole était au député de Marguerite-Bourgeoys, effectivement.

M. Lalonde: M. le Président, j'allais conclure en invitant le ministre et les députés ministériels à démontrer leur bonne foi dans ce débat, peut-être, s'il le faut, en procédant à un sous-amendement si l'amendement du député de Saint-Laurent leur apparaît incomplet. Mais ils peuvent facilement démontrer leur bonne foi ayant reçu la réaction qu'on a eue aux arguments du ministre qui m'apparaissent relatifs, pour dire le moins. On pourrait, si le ministre le désire, procéder à l'amender pour compléter cette motion d'amendement, mais je pense que cela démontrerait le désir, sans appel, indélébile du gouvernement de régler ce problème de la fiscalité municipale et scolaire d'une façon claire et tout à fait transparente, maintenant, et non pas dans un moment très aléatoire, c'est-à-dire, quand la commission, si on le lui permet, abordera l'article 19.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, me sentant tout à fait en accord avec le député de Marguerite-Bourgeoys, je crois que ce qu'il demande...

M. Lalonde: M. le Président...

M. Grégoire: ... est possible. M. le Président, je vous ferai remarquer qu'on m'interrompt — je pense que vous n'en avez pas dit un mot — depuis que j'ai commencé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle était bonne.

M. Grégoire: Je crois que ce serait possible. Le ministre des Richesses naturelles a bien mentionné qu'il voulait introduire un article dans la loi pour régler le problème de la fiscalité qui deviendrait l'article 19. Il me semble que l'entente peut être possible. Je crois que la question de la taxe municipale que devra payer l'Asbestos Corporation, non seulement ne devrait pas être incorporée à la section I, qui traite de la constitution de la société, mais elle doit être incorporée à la section IV qui traite des conditions d'exercice de la société. Si mes amis de l'Opposition sont consentants, nous allons tout simplement et rapidement, sans attendre ni à demain ni à 9 h 30, mais immédiatement, passer à l'article 19 et présenter l'amendement pour dire qu'Asbestos Corporation paiera ses taxes ou toute mine fonctionnant sous

l'égide de la Société nationale de l'amiante, paiera les taxes foncières et les taxes scolaires. On passera à cela immédiatement.

M. Lalonde: Cela me paraît être une question intéressante. Le député a l'air surpris.

M. Grégoire: Non, pas du tout!

M. Bérubé: Estomaqué, c'est plus exact.

M. Grégoire: Epoustouflé serait le bon terme.

M. Lalonde: Si le député me permet, ce que je préférerais, puisqu'il suggère de passer à la section IV, c'est qu'on attaque la section IV complètement, c'est-à-dire l'article 16 et non pas l'article 19 parce qu'on ne sait pas exactement dans lequel contexte cela s'inscrit.

M. Grégoire: Disons que vous devez le savoir. J'imagine que vous avez dû lire les articles 16, 17 et 18.

M. Lalonde: Mais il y a tous les amendements qu'on peut apporter.

M. Grégoire: Oui, vous y reviendrez. Là, vous voudriez inclure dans la loi l'amendement proposé comme quoi l'Asbestos Corporation continuera à payer ses taxes municipales et scolaires; il n'y a pas de problème, vous retirez votre amendement et nous appelons immédiatement l'amendement qu'a lu le ministre des Richesses naturelles. Nous sommes prêts. Vous ne serez pas obligés d'attendre, on passerait cela tout de suite pour vous démontrer notre bonne foi, pour vous démontrer...

M. Lalonde: À l'article 16.

M. Grégoire: Si vous ne voulez pas...

M. Lalonde: Si on allait à l'article 16, on serait d'accord.

M. Grégoire: C'est parce que c'est à trois articles plus loin. Vous allez encore nous blâmer si vous avez 12 amendements à l'article 16, 17 amendements à l'article 17...

M. Lalonde: II n'y a pas de bonne foi!

M. Grégoire: ... 23 amendements à l'article 18, on n'arrivera pas à l'article 19.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle se présume.

M. Lalonde: II n'y a pas de confiance! M. Grégoire: Laissez-moi hésiter un peu. M. Lalonde: Hésitez quelques minutes.

M. Grégoire: J'aimerais, M. le Président, par votre entremise, faire remarquer au député de

Marguerite-Bourgeoys que dès le début, dans ma tête, l'Opposition, pour moi, était une caractéristique musicale qui me rappelait le Boléro de Ravel.

M. Lalonde: II me semble que vous l'avez dite, celle-là.

M. Grégoire: Oui, mais cela a continué et c'est encore cela.

M. Lalonde: À la page 228, je pense.

M. Grégoire: Sachant que vous êtes capables, avec un seul thème musical, de répéter...

M. Forget: C'est de plus en plus fort. M. Grégoire: ... pendant vingt minutes... M. Forget: Mais c'est de plus en plus fort!

M. Grégoire: Non, ce n'est pas de plus en plus fort. Au début, il n'y a que la flûte et, après, les caisses de résonance et puis les instruments à vent qui soufflent à pleins poumons.

M. Lalonde: Avez-vous vu les apprentis sorciers se faire défoncer par cette musique?

M. Grégoire: Vous allez être rendus aux instruments comme le hélicon ou le trombone ou le tuba; vous êtes rendus à ces instruments. Les caisses de résonance ont fait leur apparition dans le Boléro de Ravel. Là, il se développe, ce Boléro. C'est toujours le même thème, ce sont toujours les mêmes notes...

M. Lalonde: La pertinence, M. le Président.

M. Bérubé: Quant au gouvernement, nous n'y allons que de soupirs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la motion, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Je suis sur la motion en faisant une comparaison de ces thèmes.

M. Lalonde: Ce sera bientôt un "expire".

M. Grégoire: Tout en oubliant ce qui caractérise l'Opposition, nous sommes de bonne foi, nous voulons l'être et nous sommes prêts à accepter d'aller à l'article 19. Vous allez proposer votre amendement et cela va revenir au même; cela va forcer Asbestos Corporation à payer ses taxes municipales et scolaires, mais ça va se trouver au bon endroit, tel que suggéré par les juristes. Cela deviendra l'article 19.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac...

M. Grégoire: C'est parce que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...

sur l'amendement. Là, vous parlez sur la procédure...

M. Grégoire: Je suis sur l'amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... vous faites une suggestion.

M. Grégoire: L'amendement concerne les taxes municipales. Si mes amis d'en face sont prêts, on nous a demandé d'accepter l'amendement, très bien, nous l'acceptons, à l'article 19, tel que rédigé. C'est dans la section IV qui traite des conditions d'exercice de la Société nationale de l'amiante. Je crois que cela irait mieux là que dans la section traitant de la constitution de la société; on constitue la société, mais c'est une chose que de constituer une société et lui donner son statut juridique et c'est une autre chose de lui donner ses conditions d'exercice.

Disons que si le député de Marguerite-Bourgeoys, qui, tout à l'heure, semblait être d'accord avec l'article 7, le veut, nous sommes prêts à accepter ça. Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys...

M. Lalonde: M. le Président, j'ai bien indiqué que dans le cadre d'une étude complète de la section IV, on serait d'accord avec cela.

M. Grégoire: On y reviendra à la section IV, mais on ajouterait...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, vous avez fait une offre, elle n'a pas été acceptée, est-ce qu'il y a d'autres interventions...

M. Grégoire: Non, je veux continuer, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, sur la motion.

M. Grégoire: Je n'ai pas parlé encore là-dessus. Ne demandez pas s'il y a d'autres interventions tant que je n'aurai pas fini, M. le Président. Je veux bien croire que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous aviez commencé?

M. Grégoire: J'avais commencé par une suggestion, M. le Président. Je veux bien croire que le débat sur ce point devient ennuyant. En fait, je l'ai vu bien avant six heures, quand vous bâilliez la bouche grande ouverte, M. le Président, que les remarques de mon ami de Marguerite-Bourgeoys...

M. Forget: ... question de privilège.

M. Lalonde: Question de privilège, M. le Président.

M. Grégoire: II n'y a pas de question de privilège, il n'y en a pas, il n'y en a pas.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

M. Grégoire: À quel article?

M. Lalonde: De la même manière que vous êtes le protecteur des droits des députés, surtout de l'Opposition, je m'élève contre l'attaque basse qui a été adressée à votre endroit, M. le Président.

M. Grégoire: Ce n'est pas une attaque basse. M. Lalonde: Jamais je ne vous ai vu bâiller. M. Bérubé: ... à son endroit. M. Lalonde: Je vous ai vu réfléchir.

M. Grégoire: M. le Président, ce n'est pas une attaque à l'endroit du président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Question de règlement, M. le Président. Je me dois de me porter à votre défense également, parce qu'actuellement, le député de Frontenac est en train de vous faire symboliser l'éventuel bâillon qui s'en vient sur cette commission. Il faudrait être préservé de ça, M. le Président.

M. Grégoire: M. le Président, ce n'est pas une attaque à votre endroit, c'est une attaque à l'endroit du député de Marguerite-Bourgeoys qui, à ce moment-là, parlait. C'est lui qui avait la parole, c'est lui qui vous endormait. Ce n'est pas à votre endroit, c'est à l'endroit de celui qui parlait.

M. Lalonde: C'est une question au président?

M. Grégoire: M. le Président, je crois qu'on m'interrompt continuellement, est-ce que vous allez réagir, M. le Président, quand on m'interrompt comme ça?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, oubliez les phrases que je vous ai dites à l'heure du souper, et respectez le règlement, comme je vous l'ai dit d'ailleurs.

M. Grégoire: Je crois que je dois continuer mon intervention sans...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Respectez le règlement.

M. Grégoire: Je le respecte, j'ai le droit de parole. Ce sont ceux qui m'interrompent qui ne respectent pas le règlement. (20 h 15)

Je crois que parler sur cette affaire de taxes municipales, à l'heure actuelle, comme cela a été accepté par le gouvernement, comme cela a été accepté par le ministre, cela devient ni plus ni moins qu'une discussion superflue puisque, à l'article 18, il y aura, à ce moment-là...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, s'il vous plaît, sur la motion d'amendement. Vous avez fait une offre à l'Opposition de reporter à l'article 18 ou 19... Ils ont refusé. À partir du moment où il n'y a pas consentement, je me dois de vous ramener à la motion qui est de discuter sur le fond, sur les taxes municipales et scolaires que devrait payer la société, et non pas sur l'article 18; cela a été refusé.

M. Grégoire: J'en suis à l'amendement sur l'article 3, M. le Président, disant ceci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le fond.

M. Grégoire: Sur le fond, nous sommes d'accord avec le fait, mais nous nous trouvons obligés de voter contre, justement parce que ce qui a été mentionné et lu par le ministre et accepté par vous lors de la lecture, cela reviendra à l'article 18. Je ne parle pas de l'article 18 ni de l'article 19. Je parle de l'inopportunité de l'accepter à ce moment-ci. À ce moment, je crois que je suis sur le fond, c'est-à-dire sur l'opportunité de l'accepter à un endroit ou à l'autre.

C'est pourquoi je ne veux pas m'attarder sur ce point, mais je crois que nous acceptons le bien-fondé du fait que la compagnie Asbestos Corporation paie des taxes foncières, des taxes scolaires, des taxes municipales. Elle l'a toujours fait, elle reçoit les services des municipalités. Il est bien évident qu'il y a une partie de ces mines, comme la Lake Asbestos dans le canton de Coleraine, et la Normandie qui est également dans ce canton, qui ne reçoivent pas, à l'heure actuelle, tous les services qu'elles devraient recevoir de la municipalité, parce que c'est un peu loin du centre du village.

Je crois que, pour ce qui est des mines qui sont situées dans Thetford ou dans Black Lake, elles reçoivent tous les services d'aqueduc, d'égout, de protection contre les incendies. Je crois que les mines doivent continuer à payer des taxes municipales et scolaires. C'est pourquoi je suis en faveur du principe de la chose, même si je crois que ce doit être reporté, étant toujours sur le fond du sujet des paiements de taxes, que cela doit être reporté à la section IV qui traite des modalités d'existence de la société.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée? M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, quelques remarques sur cette motion présentée par le député de Saint-Laurent. Comme tous les collègues qui ont pris la parole sur cette motion, sur le fond, je suis également d'accord que l'on doive inclure au projet de loi, de façon directe, cette obligation pour la société ou ses filiales, de devoir payer sur leurs biens les taxes foncières, municipales et scolaires.

D'ailleurs, si la Société nationale de l'amiante ne s'avère pas rentable pour les Québécois, au moins, il faudrait s'assurer qu'elle le soit pour les municipalités qui recevront en leurs murs cette dite Société nationale de l'amiante ou ses filiales. Tout au moins, le gouvernement pourrait, à ce moment-là, se targuer d'avoir rendu rentable une partie de ses opérations au moins au niveau du paiement de la taxe scolaire. À ce moment-là, il sera tout au moins un citoyen faisant face à ses obligations.

Évidemment, les espoirs que les gens ont peut-être actuellement, au niveau de la création de cette Société nationale de l'amiante, sont peut-être beaucoup plus grands que les résultats réels qui viendront par la suite. Encore là, tout au moins, le fait d'établir, dans la loi comme telle, cette obligation pour l'entreprise donnera au moins une assurance, une garantie — c'est peut-être la première garantie que nous obtenons dans le présent projet de loi — soit celle de fournir à ces municipalités les revenus équivalant aux responsabilités de cette société et de ses filiales.

Je pense que lorsque le député de Frontenac a indiqué qu'il voterait contre, tout en étant pour le principe, c'est son droit, mais je crains et j'espère que ce n'est pas le cas, qu'on ne voit jamais dans le projet de loi 70 l'adoption de cet amendement, puisque nous risquons fort bien de ne jamais nous rendre justement à cette partie du projet de loi...

M. Grégoire: On est prêt à l'adopter tout de suite.

M. Brochu: ... où se trouve l'article 18, tant et si bien, M. le Président, que déjà, dans le passé...— le ministre l'a indiqué lui-même d'ailleurs — au début, on avait pensé inclure cet amendement, mais dans le projet de loi, tel qu'il a été présenté, il n'y apparaît même pas.

Cela indique qu'en cours de route même on s'est ravisé, qu'on a d'abord vu le bien-fondé de son inclusion dans le projet de loi, de son inscription comme tel pour que l'entreprise, la société d'État ou ses filiales aient vraiment cette obligation, dans ses statuts comme tels, mais, par la suite et aux dires même du ministre, on s'est ravisé et on a enlevé du texte de loi cette obligation clairement indiquée.

On nous dit maintenant qu'on a l'intention, plus tard, au cours de l'étude du projet de loi, dans les articles qui viendront plus loin, de l'inclure. Cependant, le député de Frontenac nous dit oui en principe, mais lorsque viendra le temps, je me pose des questions. Si cela pouvait être fait le plus tôt possible, je dirais d'accord, vous y avez donné suite...

M. Grégoire: Tout de suite.

M. Brochu: ... mais lorsqu'on regarde la menace de guillotine qui pèse sur cette commission parlementaire, on peut sérieusement se demander si on a vraiment l'intention cette fois-ci d'apporter cet amendement que tous, d'ailleurs, se disent unanimes à vouloir adopter autour de cette table.

J'espère — je suis favorable à cette motion

d'amendement—que si elle est immédiatement rejetée par le gouvernement, qu'au moins on pourra passer à son adoption dans une autre partie du projet de loi.

D'ailleurs, lorsque je lis la motion telle que présentée, on dit ici que l'article 3 serait modifié en ajoutant à la fin de l'alinéa, la phrase suivante: "La société ou ses filiales dont elle détient plus de 50% des actions doivent payer sur leurs biens des taxes foncières, municipales et scolaires au même titre qu'une corporation privée." Je dirai simplement que ce sera peut-être là la seule ressemblance à une entreprise privée, soit qu'au moins, elle va payer ses taxes comme toute autre entreprise, mais au niveau de tout le restant, les garanties ne sont pas là. Au moins, si on peut avoir celle-là, déjà ce sera un acquis peut-être pour les populations qui auront à vivre avec cette société de l'amiante. Parce que je suis convaincu, et l'avenir nous le dira—j'espère me tromper— que les municipalités qui sont venues ici remplies d'espoir, tout comme les groupes aussi qui avaient beaucoup d'espoir dans la création de cette Société nationale de l'amiante, espoir d'une manne d'emplois qui pourraient venir de là ou d'une stimulation économique réelle, dans cette région, seront peut-être déçues lorsqu'elles devront faire face à la réalité. Évidemment, l'avenir le dira.

Ici, autour de cette table, chacun est libre d'exprimer ses opinions à ce sujet, de défendre le point de vue basé sur les options politiques qui sont les siennes. Cependant, seule la mise en application du projet de loi comme tel dira qui avait raison. J'espère que je me trompe, mais je crains énormément qu'à ce moment, les espoirs de ces gens soient quelque peu déçus, puisqu'il ne me semble pas qu'on ait des garanties suffisantes jusqu'à maintenant que la société comme telle ou ses filiales éventuellement créées, pourront justement apporter cette manne et ces retombées positives que ces gens ont soulignées et espérées en venant à notre commission parlementaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: M. le Président, si dans les faits, je suis d'accord avec le bien-fondé que la Société nationale de l'amiante doive payer les taxes foncières, municipales et scolaires, je serai contre l'amendement, parce que, comme nous le savons tous, les ministres des Finances et des Affaires municipales ont annoncé qu'il y aurait révision de la fiscalité municipale et que le ministre des Ressources naturelles a un ajout à l'article 18, un amendement qui fera justement qu'il sera assuré que cette Société nationale de l'amiante paiera ses taxes foncières. Je puis aussi assurer les Oppositions que du côté parlementaire, nous ferons le suivi nécessaire pour que cela soit inclus au texte du projet de loi 70.

M. Lalonde: Cela me rassure. Je prends votre parole, vous avez l'air honnête, vous.

M. Rancourt: Cela veut dire qu'elle est officielle.

M. Lalonde: Vous n'êtes pas le gouvernement, malheureusement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, brièvement, quelques points que me suggèrent les échanges auxquels j'ai assisté depuis un peu plus d'une heure de débat. Quant au premier point et à ses caractéristiques, un des objectifs que nous poursuivons par cet amendement et tout ce débat qui s'y rapporte, c'est d'éviter une perte aux municipalités où est située la société Asbestos. Il ne s'agit pas d'assurer un gain, il ne s'agit pas d'obtenir la promesse d'un avantage nouveau. Il s'agit d'éviter que les gens qui reçoivent quelque chose dans le moment le perdent. C'est assez caractéristique du contexte dans lequel on est forcé de débattre ce projet. Il faut même se battre pour garder l'acquis, le statu quo. Même cela, c'est remis en question par ce projet. J'ai ici le tableau des taxes qui sont versées par les compagnies minières à la cité de Thetford Mines. C'est une somme importante. Cela a augmenté de $291 000, soit 11,27% de toutes les taxes directes, de toutes les taxes foncières en 1973 et à $465 464 soit 12,33% du total des taxes foncières de la municipalité en 1978. C'est donc une somme importante pour une municipalité de cette taille. On en est rendu à débattre la nécessité de protéger cette source de revenu pour la municipalité. Par le miracle d'un changement dans le statut légal de cette société, par un changement de propriétaire, voilà qu'elle serait dépouillée de 10% de ce à quoi elle a droit dans le moment. C'est important de le remarquer et de le souligner— j'allais dire d'un trait rouge, mais j'imagine que le ministre est incapable de souligner quoi que ce soit d'un trait rouge, alors disons d'un trait vert pour ne pas le gêner— un large trait vert...

M. Bérubé: On ne souligne que les âneries...

M. Forget: Justement, ce n'est pas une ânerie que de préserver cette source de revenu pour la municipalité de Thetford Mines. Je suis sûr que le député de Frontenac serait d'accord avec moi. Ce n'est pas une ânerie que de souligner qu'elle a le droit actuellement de percevoir cette taxe. C'est un droit qu'elle peut même revendiquer devant les tribunaux.

Or, le projet que nous a lu le ministre relativement à sa façon de voir les choses n'est pas du tout un substitut à la motion que nous avons prononcée. Ce n'est pas un substitut valable. C'est une obligation conditionnelle. C'est une obligation qui peut être plus ou moins contournée par une négociation entre la compagnie et la municipalité. La municipalité serait devant un droit qui pourrait être aménagé, contourné, négocié par la compagnie puisque tout ce à quoi la compagnie serait

astreinte, selon le projet que nous a lu le ministre, c'est de payer des taxes ou de payer un montant selon une négociation.

Or, M. le Président, on sait très bien que dans une négociation, il n'y aurait pas d'objet, si ce n'est pour la compagnie d'aménager, de diminuer, de rendre plus facile à supporter cette obligation. On pourra nous dire qu'il n'y a pas de raison puisqu'il y aura une obligation de payer au moins les taxes foncières. Ce n'est pas du tout vrai parce qu'il y a plus qu'une dimension au problème. Par exemple, et on y reviendra tout à l'heure, la ville de Thetford Mines a des demandes à formuler auprès de la compagnie pour des questions d'aménagement urbain, de planification urbaine, etc, et on peut fort bien s'imaginer que la compagnie s'approche de la municipalité, après l'adoption du projet que propose le ministre et dise: Écoutez, je comprends qu'on est obligé de vous payer des taxes foncières, mais si vous étiez "raisonnables" entre guillemets, on pourrait regarder d'un meilleur oeil votre projet de zonage, votre projet de relocalisation de quartiers. Ce sont des choses qui se négocient entre amis et entre gens civilisés. Je comprends qu'on vous payait $200 000 d'impôt, mais là, on a le pouvoir de négocier cela. Si vous voulez, on va s'arranger pour $100 000 et, d'un autre côté, on va vous promettre solennellement, vous savez, qu'on va vraiment vous donner une considération adéquate pour la relocalisation de quartier ou l'urbanisation. Il y a toutes sortes de dépenses sociales. Mais vous comprenez, nous sommes mandataires du gouvernement par le premier alinéa de l'article 3. On ne peut pas s'engager ainsi à la légère. Ne nous demandez pas de promesses. Mais on va mettre les taxes à $100 000 et je vous assure qu'on va présenter au ministre un projet d'arrêté en conseil pour défrayer 40% du réaménagement de tel quartier.

C'est cela. On va demander aux gens de se mettre à genoux pour obtenir des fonds, de l'argent auquel ils ont droit dans le moment en vertu des taxes qui déterminent les contributions foncières. Et on va substituer à cela, un pouvoir de marchandage par une société dont les ressources financières dépassent de loin celles de la ville de Thetford Mines qui, évidemment, dépend du gouvernement, ne peut pas se lier parce que tout est soumis à l'arbitraire valablement, la décision ultime du Conseil des ministres. Alors, on ne pourra pas prendre de promesses du côté de la compagnie. Ce qu'on va faire, on va promettre de regarder les choses d'un bon oeil, d'être gentil. Les édiles municipaux sont coincés, ils ont des emprunts aux banques, etc., il faut que l'argent entre. À un moment donné, il y a des salaires à payer aux pompiers et aux policiers et à ceux qui cueillent les ordures ménagères.

Un jour, ils vont signer sur la ligne pointillée et ils vont dire: Après tout, dans la loi, le ministre ne nous a pas protégés. Il nous avait bien dit qu'il nous protégerait. Mais ce n'est pas une protection. Ils auront le doigt dans l'oeil jusqu'au coude, à ce moment, et ils pourront blâmer le ministre qui, par un amendement insuffisant, vient soi-disant réaliser une promesse qu'il a faite, mais cette pro- messe, comme les autres, c'est un faux-semblant. Les gens vont être déçus. C'est pour cette raison qu'on insiste afin que pour cette motion, les gens de l'autre côté, qui votent contre, montrent leur vraie couleur. Quand il s'agit de prendre un engagement, ils se défilent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Richmond.

M. Brochu: J'aurais quelques questions à poser au ministre.

M. Grégoire: J'aurais une réponse à donner au député, parce qu'il me reste encore du temps. Ce que le vieux gouvernement libéral faisait, qu'il ne s'imagine pas que tous les autres vont le faire. Cela s'est peut-être fait dans votre temps. C'est pourquoi vous n'êtes plus ministre.

M. Forget: Cela ne s'est jamais fait dans mon temps. Je suis capable. J'ai assez d'imagination pour savoir que vous le feriez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: Je voudrais savoir ce que vous feriez, vous.

M. Grégoire: Vous êtes rappelé à l'ordre, alors, suivez le règlement. Vous dites que vous le connaissez. Ce que le vieux Parti libéral a fait dans le passé, cela ne s'est pas fait depuis un an et demi. Alors ne prenez pas les autres pour ce que vous avez été. Si vous avez agi ainsi, vous avez été battus. Vous avez été battus et prenez votre défaite.

M. Lalonde: Le nouveau gouvernement nous fait une histoire politique, les créditistes ne se battent plus, eux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: Vous avez beaucoup d'expérience.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Merci, M. le Président, je pense avoir droit à mon droit de parole en fin de compte.

M. Forget: Servez-vous-en bien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est la monnaie de votre pièce qui vous est rendue quelque peu. Continuez.

M. Grégoire: M. le Président, je vais vous rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Je pense que peut-être vous auriez besoin... Dites-vous bien une chose, c'est que si votre gouvernement l'a fait, c'est pour cette raison qu'il a été battu. Ce n'est pas dans les intentions du nouveau gouvernement d'agir comme vous avez agi. Vous avez mal agi pendant six ans, le peuple l'a dit, le peuple vous a jugés. Admettez donc ce jugement. Vous l'étiez ministre. Vous ne l'êtes plus. Pourquoi? Parce que vous avez fait ce que vous reprochez au gouvernement, ce qu'il ne veut pas faire. (20 h 30)

M. Lalonde: La meilleure défense, c'est l'attaque. On en a la preuve.

M. Grégoire: C'est parce que vous l'avez fait pendant six ans. Vous savez, quand le peuple s'est prononcé, c'est parce qu'il disait: Finie l'indécision. Fini de toujours se poser des points d'interrogation. Cela ne sera jamais résolu.

M. Lalonde: Finie l'incertitude.

M. Grégoire: Je vous vois agir depuis le début de l'étude de cette loi, vous vous posez des questions. Avons-nous assez de renseignements? J'en ai une pile, je les ai les renseignements. Si vous n'avez pas voulu les lire, si vous n'avez pas voulu vous renseigner, c'est votre faute. Vous avez été battus à cause de cela. Écoutez...

M. Forget: Je pensais que c'était à la suite des Jeux olympiques.

M. Grégoire: ... je n'insisterai pas là-dessus, ce ne serait pas conforme au règlement. Ce serait à l'encontre du règlement. Or, je veux me conformer au règlement.

M. Forget: Est-ce que le député de Frontenac veut dire que ce sont les Jeux olympiques... je pensais que c'étaient les Jeux olympiques.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Non, ce ne sont pas seulement les Jeux olympiques, c'est vous tous. C'est votre indécision, c'est vous tous!

M. Lalonde: Ah, il y a cela aussi?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: C'est votre indécision, c'est vous tous! Vous êtes passés de 102 à 20!

M. Forget: C'est vrai, on n'aurait pas dû décider cela. C'est vrai.

M. Lalonde: Nous sommes encore ici, nous.

M. Grégoire: Cela ne s'est jamais vu.

M. Lalonde: Nous sommes encore ici, nous.

M. Grégoire: Moi, je n'y étais pas et j'y suis. M. Lalonde: Et nous sommes malcommodes!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Le député de l'amiante, avant, il y était et il n'y est plus!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: Vous aimeriez bien qu'on ne soit pas là?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Vous seriez mieux que maintenant.

M. Grégoire: Le député de la région de l'amiante...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît!

Une voix: Certains comtés ont été distraits.

M. Grégoire: II y en avait un dans Richmond qui n'y est plus, qui était là de 1973 à 1976. Il y en avait un libéral, mais il ne s'est jamais décidé; il n'a jamais fonctionné et il n'y est plus. Pourquoi voudriez-vous qu'on fasse comme vous? La population vous a rejetés. Rejetés, vous savez ce que cela veut dire? Oui!

M. Lalonde: Les taxes municipales, qu'est-ce que vous en faites?

M. Grégoire: Les municipalités vous ont rejetés.

M. Lalonde: Parlez de cela.

M. Grégoire: Quand les maires sont venus...

M. Lalonde: Parlez de cela.

M. Grégoire: ... ils ont dit: Cessez de faire les fous et votez donc pour quelque chose.

M. Lalonde: Allez-vous voter contre les taxes?

M. Grégoire: Ils ont dit: Au moins, on est sûr que cela ne sera pas pire que dans votre temps. Ils ont dit cela. Ils sont venus et ont dit: Au moins, il y a un gouvernement qui veut bouger alors que vous, vous n'avez jamais bougé. Ils ont dit: Cela ne sera pas pire que dans votre temps, vous, c'était 0.0000, presque autant de zéros qu'il y en a dans votre parti! C'est ce que la population a dit. C'est ce que la population de la région est venue vous dire au début de la commission et c'est ce

que les maires vous ont dit. Ils ont dit quoi? Ils ont dit: Non, ils ne nous ont pas fait de promesses, mais eux sont honnêtes. Vous, vous nous avez fait des promesses sur toutes sortes de choses.

Je parle des taxes municipales. Quand on leur a posé la question: Est-ce qu'ils vous ont promis de payer les taxes municipales? On ne leur a fait aucune promesse. Vous leur en avez tellement fait que vous n'avez respecté ni les unes ni les autres, qu'ils vous ont sortis. Vous n'avez plus votre ministère vous non plus, cessez de "brailler" là-dessus, c'est un fait!

M. Lalonde: Lequel avez-vous?

M. Grégoire: Je suis bien content comme je suis!

M. Lalonde: Oui, certain!

M. Grégoire: Moi, je suis le député de l'amiante, je m'occupe de l'amiante.

M. Lalonde: À votre place, je serais bien content!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Je suis le député de l'amiante et je m'occupe du problème de l'amiante avec le ministre qui est très bon pour s'occuper de cela aussi. Bon! Là, ils vous ont sortis de votre "pot", vous ne l'avez plus et cessez de "brailler" là-dessus. Les Affaires sociales, ce n'est plus vous et le Solliciteur général, ce n'est plus vous! Cessez de "brailler" là-dessus. Là, parce que vous n'avez pas agi, vous voudriez que les gouvernements qui vous suivent fassent la même chose, qu'ils ne bougent pas. Là, il y a un gouvernement qui bouge et cela vous choque, cela vous chicote, vous qui n'avez pas bougé.

M. Lalonde: Oui, il tourne en rond. Il bouge, il tourne en rond.

M. Grégoire: Au moins, il bouge. Quand les maires de la région, quand le maire de Thetford et le maire de Black Lake sont venus, ils ont dit: Non, ils ne nous ont pas fait de promesse. Ce qu'ils sous-entendaient, c'est que vous, vous en avez assez fait, que vous n'avez pas respectées, que vos maudites promesses, on ne veut plus en entendre parler!

M. Forget: Nommez-en une!

M. Grégoire: Eux, ils ne nous en feront pas. Au moins, on a plus de chances que ce soit vrai.

M. Lalonde: Laquelle?

M. Grégoire: Vous autres, vous nous en avez assez fait!

M. Forget: Laquelle, nommez-en une!

M. Grégoire: Tellement! M. Lalonde: Combien?

M. Grégoire: Des promesses? Crime! Hé! Hé! Hé!

M. Forget: Ils les ont eues.

M. Grégoire: Je me rappelle un député libéral, dans le comté de Matane, qui est arrivé et qui a dit: Si vous avez besoin d'une polyvalente, on va vous en construire une. Tout le monde a applaudi. Il a dit: Ici, il n'y a pas d'université? C'était dans une petite paroisse à 30 milles de Matane et il a dit: On va vous en construire une, une université. Tout le monde applaudissait. Il a dit: Ici, on va vous construire un pont. Tout le monde applaudissait.

Une voix: Vous n'avez pas de rivière? On va vous en creuser une.

M. Grégoire: II y en a un qui a dit: On n'a pas de rivière! On vous la promet, la rivière.

M. Lalonde: C'est une vieille histoire!

M. Grégoire: C'était dans le comté de Matane, d'un député libéral.

M. Lalonde: C'est une vieille histoire, cela, c'était en 1943!

M. Grégoire: Vous en avez promis, des choses comme ça.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: C'est en 1943!

M. Grégoire: Vous avez promis le pont où il n'y avait pas de rivière; vous avez promis la rivière parce que vous aviez promis le pont.

M. Forget: Mais vous devez admettre qu'ils ont eu le pont même s'ils n'ont pas eu la rivière.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Ils ont eu le pont et pas de rivière.

Une voix: Ils avaient des contrats à donner. M. Lalonde: Ils ont eu le pont, par exemple.

M. Grégoire: Où y a-t-il un pont sans rivière en-dessous? Cela existe au Québec! C'était la promesse d'un pont.

M. Brochu: II y a des ponts où il n'y a pas de route, la route 55.

M. Forget: À l'Ancienne-Lorette, il y en a un, mais c'est un autre problème.

M. Grégoire: Au moins, ici, ils ont reconnu l'honnêteté du gouvernement actuel qui ne leur a rien promis, ni l'endroit du siège social... Ils l'ont dit: Non, ils ne nous ont rien promis. Ils ont quand même dit: On leur fait confiance...

M. Forget: Non, ils ont dit: On aimerait cela qu'ils promettent.

M. Grégoire: ... parce que vous n'avez rien fait dans le passé.

M. Forget: Ils ont dit: On aimerait cela qu'ils promettent.

M. Grégoire: M. le Président, ai-je le droit de parole?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Parlez!

M. Grégoire: On parle à trois, est-ce qu'il faut que ces deux-là parlent en même temps que moi?

M. Forget: On veut vous poser des questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Trois, c'est déjà très bon, cela a déjà été six.

M. Grégoire: Vous me les poserez. Je vous ai dit une chose, M. le député de Saint-Laurent, votre ministère des Affaires sociales, vous l'avez perdu, la population ne voulait plus que vous soyez là. Vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, la population ne voulait plus que vous soyez là. C'est fini, cessez de brailler, là.

M. Forget: Le peuple est content.

M. Grégoire: Bon. Regardez, M. le Président. Le peuple est content, oui. Là, nous autres, on veut agir, mais on n'agira pas par promesses. Quand je me suis présenté dans le comté de Frontenac, j'ai dit: Je ne vous promets rien.

M. Lalonde: Et vous n'avez rien fait. M. Grégoire: J'ai dit: Je vous promets... M. Forget: II a tenu parole. M. Lalonde: Vous avez tenu parole.

M. Grégoire: J'ai dit: On va y voir à ça. M. le Président, c'est de la provocation à laquelle je vais répondre. C'est de la provocation à laquelle je vais répondre. J'ai dit: Je vous promets une chose, c'est de faire mon possible. Je l'ai fait. Ils disent qu'on n'a rien fait. Les libéraux, pendant quinze ans, pendant l'Union Nationale et depuis 1962, depuis seize ans que tout le monde parlait du Parc Frontenac, on faisait des analyses, il y avait du pi- quetage tous les ans... Je réponds à une intervention. Cela ne s'était jamais fait, cela a commencé l'an dernier, quand le nouveau député de Frontenac a été élu, six mois après, ça commençait. Ah! Tout le monde a dit: Tiens, il agit, les autres parlaient. Les autres piquetaient, ils faisaient du piquetage pour des plages, pour des routes, pour aller là. Là, il y en a un qui agit. Le boulevard 112...

M. Lalonde: On est rendu au boulevard 112.

M. Grégoire: Je réponds. La route 112 qui était promise par les libéraux depuis vingt ans...

M. Lalonde: M. le Président, la pertinence, s'il vous plaît.

M. Grégoire: Je réponds à une intervention, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

M. Grégoire: J'ai le droit de rectifier les faits.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La réponse ne devient pas pertinente parce que la question...

M. Grégoire: C'est mon droit de parole. Je la fais cette année, vous autres, vous l'avez promise, moi, je la fais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

M. Grégoire: C'est la différence entre vous autres et nous autres.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement. Alors que la guillotine se dessine au-dessus de notre tête, M. le Président, nos minutes sont comptées, dans l'esprit de quelqu'un, quelque part, j'aimerais que le député de Frontenac...

M. Forget: Retienne son souffle.

M. Lalonde: ... nous parle des avantages de voter contre la motion du député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... pas voter contre.

M. Lalonde: S'il veut voter contre. On enverra à son comté tous ces votes d'aujourd'hui.

M. Grégoire: M. le Président, je pense bien qu'il n'y aura pas de question de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la motion, sur la motion.

M. Grégoire: Je vais parler sur la motion, elle est bien simple...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On était rendu au ministère des Transports.

M. Grégoire: ... c'est ceci: Le paiement des taxes municipales et scolaires par l'Asbestos Corporation à la Société nationale de l'amiante, c'est parfait, mais il faut que ça figure dans la loi à l'endroit où ça doit être. Il ne s'agit pas de faire une loi de fous comme il y en a trop eu, ce qui a entraîné votre défaite. Il s'agit d'en faire une qui soit logique; ça va à la section IV et non pas à la section I. Je vous ai proposé—c'est justement sur l'intervention, je reste dans le sujet, sur le fond du problème— le paiement des taxes municipales et scolaires par la Société nationale de l'amiante.

Je vous ai proposé de le voter immédiatement, tout de suite, de ne pas attendre à demain. Vous avez refusé, parce que vous n'étiez pas décidés. Même style que depuis six ans, vous n'êtes jamais décidés, vous n'avez jamais été décidés. Vous remettiez toujours ça à plus tard, plus loin, plus tard. On vous a dit: Tout de suite. Est-ce que j'ai fini mes vingt minutes?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En concluant, M. le député de Frontenac. Vous aviez déjà pris dix minutes.

M. Grégoire: Nous autres, on est prêts à le faire en toute logique. Mais on n'hésitera pas et on ne taponnera pas comme vous l'avez fait. Le résultat, vous l'avez vu. Cela va être voté et adopté, comme disait le député de Sherbrooke et comme l'a dit le ministre, ça va être dans la loi, guillotine ou non. Mais il n'y aura pas de guillotine, parce qu'il faut des têtes, je le répète, ça va être dans la loi, une fois adoptée, à l'article 19, que la Société nationale de l'amiante va payer ses taxes foncières et scolaires. Je vais voter pour ça.

Mais de là à vouloir dire qu'on veut faire de la petite politicaillerie, de la vulgaire politicaillerie, intégrer ça n'importe où, vous auriez pu tout aussi bien dire: Le siège social de la Société nationale de l'amiante sera à Thetford, et en même temps dire: Elle paiera ses taxes foncières et scolaires; cela n'aurait eu ni queue, ni tête. On va l'arranger, la loi, pour qu'elle ait du bon sens, de la logique et ça va être dans la loi. Quand ça va être adopté en troisième lecture, ça va être dans la loi, on va voter pour.

M. Forget: Pouvoir discrétionnaire.

M. Grégoire: On va voter pour. Pas de pouvoir discrétionnaire, c'est bien dit que la Société nationale de l'amiante paiera ses taxes foncières et scolaires, ça va être dans la loi et on va voter pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Frontenac, M. le député de Richmond.

M. Brochu: J'avais une question à poser au ministre justement à ce sujet. J'aimerais l'entendre se prononcer sur cette question importante. Je ne vous dérange pas trop?

M. Bérubé: M. le Président, est-ce qu'on vous dérange dans votre conversation?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, le député de Frontenac ne me dérange pas. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Pour revenir au député de Frontenac qui est en train d'organiser les travaux de cette commission, je lisais dans la Tribune un article indiquant que, dès cette semaine, M. Grégoire veut proposer l'augmentation des séances d'étude de trois à cinq jours par semaine, soit du mardi au samedi. De cette façon dit-il, l'Opposition aura tout le loisir de présenter encore des amendements, etc. En outre, le député de Frontenac a précisé qu'il n'hésitera pas à demander l'imposition de la clôture dès le mois de mai si l'obstruction systématique devait se continuer.

À cause de cette menace qui plane sur nous, M. le ministre, est-ce que vous seriez prêt à prendre l'engagement, compte tenu du consensus qu'il y a au sujet de cette nécessité d'inclure cet amendement à la loi, que même s'il devait y avoir fin abrupte de nos travaux, que nous allons retrouver, en fin de course, dans la loi, l'amendement comme tel?

M. Bérubé: M. le député de Richmond, j'ai fait l'erreur de prendre la parole après deux exposés de nos savants collègues qui vous ont sans doute endormis, ce qui vous a empêché d'entendre qu'effectivement, nous avions la ferme intention de présenter un amendement plus complet que celui soumis par l'Opposition ici et qui va exactement dans le sens que vous soulignez.

M. Brochu: Ce que je voulais entendre, c'est un engagement formel de votre part à ce niveau, pas simplement déplacer les choses et arriver au même résultat. Au sujet du parc Frontenac, lorsque le député de Frontenac se plaignait de ceux qui, depuis des années plantaient des piquets et qu'après son arrivée, six mois après, il n'y en avait plus, mais que le parc était ouvert, les mêmes gars qui plantaient des piquets sont chez nous depuis ce temps-là, parce qu'ils mesurent la Transquébécoise et elle n'avance pas vite. Il ne faudrait pas déplacer le problème comme cela. Ils ont tout simplement déplacé l'équipe de piquets...

M. Grégoire: Occupez-vous de votre comté et ça va marcher.

M. Brochu: C'est vous qui vous ne vous en occupez pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, nous ne sommes pas au ministère des Transports ici.

M. Brochu: II y a un pont de bâti, mais il n'y a pas de route.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela me surprendrait énormément que le ministre

des Transports lise nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: On voit dans quel imbroglio l'improvisation du ministre à cette commission a amené la commission parlementaire. Vous vous souvenez sans doute, M. le Président, avec votre courte mais intense expérience au niveau des commissions parlementaires qui étudient les projets de loi article par article, que lorsqu'un gouvernement a l'intention d'apporter des amendements à ce stade de notre étude, normalement, il les dépose, il les distribue. Vous vous souviendrez peut-être même, que ce soit au projet de loi no 67 ou 101—je ne me souviens plus lequel, je pense que c'est 67, peut-être les deux— il y avait même eu une entente au départ, entérinée par la présidence, à l'effet que chacun des amendements devenait une motion principale, de sorte que si le ministre avait agi de cette façon, l'amendement du député de Saint-Laurent aurait même été irrecevable, parce qu'ayant le même objet qu'une autre motion qui était sur la table.

Je ne peux pas m'empêcher de souligner ce fait, M. le Président, qui vient d'enferrer littéralement les députés ministériels dans une position absolument abracadabrante où ils vont devoir voter contre un amendement et, ensuite, voter en faveur d'un autre, semblable, ayant le même objet, peut-être moins bon. Quand le ministre dit qu'il est plus complet, je dirais qu'il est aussi plus complet qu'une chaloupe pleine de trous et plus complet qu'une chaloupe qui n'a pas de trous. Cela va être tellement complet qu'on va pouvoir passer à côté, qu'on va pouvoir faire n'importe quoi, sauf payer les taxes, suivant le droit des gens actuellement, le droit qui donne aux commissions scolaires et aux municipalités le droit d'imposer et de recouvrer les taxes. (20 h 45)

Je vois pourquoi les légistes ont convaincu le gouvernement, le ministre en particulier, d'inclure cet amendement du ministre à la section "Pouvoirs spéciaux". Au fond, il s'agira, si j'ai bien compris l'amendement du ministre— il n'a fait que le lire, je n'en ai pas le texte— d'un pouvoir et non pas d'une obligation. La Société nationale de l'amiante aura le pouvoir de payer des taxes et aura aussi le pouvoir de ne pas les payer suivant l'entente qu'elle aura réussi à avoir avec les municipalités en cause.

C'est pourquoi il m'apparaît absolument impossible de travailler sérieusement à cette commission. Nous avons un amendement qui est désiré par le gouvernement, contre lequel il devra voter à cause de son improvisation, de son manque de préparation, de son incompétence, de l'incurie du ministre qui n'a pas cru bon de déposer ses amendements au début de nos travaux. Il est fort possible qu'on ait d'autres amendements à mesure que nos travaux vont se dérouler; ils vont peut-être répondre au désir du gouvernement, mais ils vont devoir être défaits. C'est pour cela que nos travaux sont en train de s'embourber dans l'incompétence et l'improvisation du gouvernement.

Je pense que c'est l'endroit où on doit dénoncer cet état de chose qui va sûrement—on ne peut pas s'en surprendre— inspirer des méthodes brutales mais non violentes au leader parlementaire du gouvernement, à savoir ce qui arrive à cette commission parlementaire. Je comprends qu'il soit venu nous visiter cet après-midi et encore jeudi dernier pour se rendre compte jusqu'à quel point le gouvernement est incapable de mener le débat ici. Il veut s'en rendre compte de visu, parce que c'est absolument incroyable qu'un gouvernement n'ait pu mener un débat sérieux sur un projet de loi relativement simple qui constitue une société; au-delà de quatre articles depuis un mois et demi. C'est absolument impossible à penser, sauf lorsqu'on s'en rend compte de visu, lorsqu'on vient voir jusqu'à quel point le ministre et les députés, surtout le ministre, il ne faut pas accuser les députés qui, ce n'est pas de leur faute, sont appelés plutôt à faire le nombre; ils font quelques interventions souvent fort pertinentes, mais ils sont, de par l'ordre des choses, de par la nature des choses, appelés surtout à faire la majorité plutôt qu'à intervenir. Je pense que c'est au ministre à porter la responsabilité de cet état de chose.

Ce vote de la part du gouvernement est plein de conséquences. Je ne pense pas qu'on doive... J'ai vu le député de Richmond qui, en faisant appel à tout ce qu'il peut avoir de confiance dans ce gouvernement—cela peut en surprendre quelques-uns, cela me surprend, je n'ai aucune confiance, enfin! — a demandé au ministre s'il s'engageait à faire un amendement semblable dans le projet de loi; tout ce qu'il a eu, c'est une ferme intention. Il devait y avoir aussi une intention dans l'avant-projet, quand on l'avait mis et qu'on l'a enlevé. Comment voulez-vous qu'on se fie à cela? Tout à coup que le ministre change d'idée. On ne sait jamais. Il n'a même pas cru bon, il n'a même pas cru assez à son amendement pour le déposer sur la table de la commission au début des travaux. Son intention n'était même pas assez ferme pour nous le distribuer aussitôt qu'il l'a fait. On ne sait pas quand il l'a fait. Il y a peut-être un mois et demi, peut-être un mois, peut-être hier, mais il n'y croit tellement pas qu'il ne nous l'a pas donné. Il nous semble que ce n'est pas très sérieux.

Il a dit: Je vais mettre cela dans les pouvoirs au lieu de mettre cela dans les obligations. M. le Président, c'est tout à fait inacceptable. Le député de Frontenac pourra se gargariser de toutes les réalisations qu'il aura pu amener dans son comté dont plusieurs, on s'en rend compte, ont été naturellement initiées avant qu'il n'arrive. Après moi le déluge, dit-il; il devra quand même expliquer à ses électeurs et aux municipalités en particulier le vote qu'il va prendre en se déclarant contre une motion d'amendement, contre un amendement aussi important pour les municipalités où les installations de la Société nationale de l'amiante seront situées. Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Très brièvement, pour souligner le caractère erroné d'une affirmation du député de Marguerite-Bourgeoys, reprise en choeur par le député de Saint-Laurent, à savoir que l'amendement dont j'ai lu le texte, lors de mon intervention, ne répondait pas à leur attente. Or, je prends la peine ici de répéter l'amendement tel que rédigé et tel qu'il se présentera à l'article 18.

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Lorsque le ministre a lu son amendement tantôt, j'ai été tenté de soulever un certain nombre de questions de règlement. J'ai hésité, je l'ai laissé faire. On a vu dans quel imbroglio cela nous a amenés. On est en train de comparer deux amendements, dont un n'est pas du tout sur la table. Comment voulez-vous que soit pertinent à notre amendement le fait que le ministre nous lise tous les amendements relativement à l'article 19?

M. Grégoire: Sur la question de règlement, seulement une directive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, M. le député. Ma décision est prête, la voici.

M. Lalonde: On n'a même pas le temps d'en parler.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne considère pas les propos que va tenir le ministre sur une question d'amendement formel, puisque l'amendement n'a pas été proposé. Je considère tout simplement que le ministre entend se servir de l'article 96 pour rectifier certains faits sur des propos qu'il a déjà tenus.

M. Bérubé: Exactement. J'ai donc dit, lors de mon intervention, que cet article se lirait ainsi: La société doit payer toutes les taxes municipales et scolaires imposées sur les biens et immeubles qu'elle possède.

Par conséquent, il ne peut pas être interprété de quelque façon que ce soit autrement que par une obligation qui est faite à cette société de payer les taxes municipales et scolaires imposées.

En deuxième alinéa, il est bien dit: Néanmoins, la société peut...

M. Lalonde: Néanmoins.

M. Bérubé: ... nonobstant toutes les dispositions législatives, au contraire, faire avec des corporations de commissaires, de syndics ou d'administrateurs d'écoles, des ententes. Par conséquent, ceci...

M. Forget: Pour payer moins. M. Bérubé: ... n'exclut pas.

M. Lalonde: Le "néanmoins" et le "nonobstant"...

M. Bérubé: Pardon? Je viens d'être interrompu à deux reprises; une fois par le député de Saint-Laurent. Qu'il ait l'obligeance de prendre la parole! M. le député de Saint-Laurent, nous vous écoutons.

M. Forget: Je n'ai pas le droit de parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... parole, M. le ministre.

M. Bérubé: Ah! Vous n'avez pas le droit de parole? En ce cas, il serait peut-être plus approprié que vous vous taisiez lorsque j'interviens.

M. Lalonde: Oh! J'ai le droit de parole!

M. Bérubé: Allez-y, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Oui, justement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît!

M. Bérubé: Merci, M. le Président, j'espère que vous rappelerez à l'ordre ces deux gamins.

M. Lalonde: Vous ne me donnez pas le droit de parole. On l'offre, puis on le retire.

M. Bérubé: Le deuxième alinéa de cet article ne fait qu'indiquer la possibilité pour cette société de s'entendre avec des corporations de commissaires, de syndics, d'administrateurs d'écoles, ou de municipalités pour d'autres types de paiements si ceux-ci s'avéraient nécessaires. Par conséquent, c'est plus complet que le simple paiement de taxes municipales et scolaires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La rectification étant faite, est-ce que l'amendement du député de...

M. Lalonde: Est-ce qu'il me reste quelques minutes?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste une minute.

M. Lalonde: Le ministre vient de confirmer nos craintes. Il y a un "néanmoins" et un "nonobstant" dans son amendement. Le "néanmoins" détruit tout d'abord l'idée principale. Le "nonobstant toute disposition législative", au contraire, cela le démolit, après l'avoir détruit...

M. Grégoire: C'est beau "néanmoins".

M. Lalonde: Cela veut dire que nous avions raison d'être très craintifs. Nos appréhensions sont fondées.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est vous qui avez bu le vin, M. le Président?

M. Grégoire: C'est vous.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'amendement du député de Saint-Laurent sera adopté?

M. Grégoire: Non, M. le Président.

M. Lalonde: Vote. Appel nominal, s'il vous plaît!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rancourt (Saint-François)?

M. Rancourt: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion est rejetée: cinq voix contre trois. Est-ce que l'article 3 sera adopté?

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

Coût de la relocalisation des quartiers

M. Forget: M. le Président, il y a un autre élément qui doit, à mon avis, être ajouté à l'article 3. Il prendrait la forme de l'amendement suivant: "Que l'article 3 soit modifié en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: La société ou ses filiales, dont elle détient plus de cinquante pour cent des actions, doivent défrayer le coût total de la relocalisation de quartiers rendue nécessaire en raison de l'exploitation d'une mine d'amiante".

M. le Président, très brièvement je fais la lecture du mémoire...

M. Grégoire: M. le Président, sur la recevabilité. Là, M. le Président, je crois qu'il doit y avoir une question sur la recevabilité. La section I traite de la constitution de la société. L'article 3 traite du statut juridique de la société. On dit: "Elle jouit des droits et privilèges d'un mandataire du gouvernement. Les biens de la société font partie du domaine public, mais l'exécution de ses obligations peut être poursuivie sur ses biens. La société n'engage qu'elle-même lorsqu'elle agit en son propre nom".

On voudrait faire ajouter que s'il y a transfert... la Société nationale de l'amiante n'est pas l'Asbes-tos Corporation. À la Société nationale de l'amiante, il n'est dit nulle part qu'il peut y avoir une mine tout près, mais si la mine a des obligations, la mine les remplit.

À l'heure actuelle, à l'article 3, là où il est question du statut juridique de la Société nationale de l'amiante on lui demande qu'elle prenne des engagements en ce qui concerne l'expansion d'exploitation à venir, l'expansion possible d'un cratère. Il est bien dit, à l'article 4, que la société peut exploiter un gisement, mais il n'est pas dit lequel. Il se peut qu'aucune relocalisation de quartiers ne soit rendue nécessaire. En fait, s'il y a un quartier qu'il est nécessaire de relocaliser dans Thetford, c'est la tâche de la Bell Asbestos qui est la propriété de Turner & Newall, et il n'a jamais été question de déménager ce quartier. Ici, lorsqu'il est question du statut juridique de la Société nationale de l'amiante— lui faire prendre des obligations en ce qui concerne la relocalisation de quartiers... mais de quels quartiers? Est-ce que c'est dans Thetford, dans Asbestos, dans Coleraine, dans Black Lake, dans Robertsonville, dans East Broughton, partout où il y a des mines? Non seulement ce n'est pas spécifié... La mine de Johns-Manville qui est à Asbestos où il n'a jamais été question d'achat par le gouvernement ou par la Société nationale de l'amiante... si un quartier d'Asbestos qui appartient à la Johns-Manville est à relocaliser, est-ce que la Société nationale de l'amiante est obligée de payer pour cela? Si un quartier de East Broughton qui appartient à la Canadian Carey...

M. Forget: Question de règlement... M. Grégoire: Je parle de la recevabilité.

M. Forget: On argumente sur le fond dans le moment.

M. Grégoire: Je ne parle pas sur le fond. Je parle sur la recevabilité. La motion ne spécifie rien. On dit pour "la relocalisation de quartiers rendue nécessaire en raison de l'exploitation d'une mine d'amiante". On ne dit pas laquelle, on ne dit pas quel quartier. Cela, c'est une première chose.

Deuxièmement, à l'article 3, il s'agit du statut juridique de la Société nationale de l'amiante et non pas de son exploitation, ce qui était à l'article 4, non pas de la protection de l'environnement, non pas des cas d'accidents de travail, non plus de l'achat des camions, non pas d'aucune des activités opérationnelles d'une société minière. Il s'agit de la section I qui traite de la constitution de la société et de l'article 3 qui traite du statut juridique de la société.

Si l'Opposition veut apporter un amendement dans ce sens, elle aura pleinement le droit de le faire lorsqu'elle arrivera, par exemple, aux conditions d'exercice de la société, aux pouvoirs spéciaux qu'elle aura. Elle aura l'occasion de le faire à ce moment, mais lorsqu'il s'agit du statut juridique de la société constituant la Société nationale de l'amiante, ce serait s'écarter loin du sujet.

M. Brochu: M. le Président... (21 heures)

M. Forget: Sur la recevabilité, M. le Président. D'abord, la plupart des remarques que le député de Frontenac a émises s'adressaient au fond. Il argumentait sur l'opportunité d'approuver ou de désapprouver un tel amendement. Il y a deux choses: premièrement, cet amendement n'est, par sa nature, aucunement différent de l'amendement qui a été précédemment discuté, qui est d'ajouter, en même temps qu'on dit que la société, de par son statut, est mandataire du gouvernement qu'elle ne peut pas payer de taxes, qu'elle peut agir au nom du gouvernement. Elle peut être poursuivie sur ses biens; d'énumérer, d'un autre côté, que même avec ce statut fort exalté, elle a des obligations sociales. Elle n'est pas complètement en dehors de la société, complètement une loi pour ses propres fins, mais elle a, dans son statut, justement, des obligations sociales qui en font partie intégrante.

C'est l'endroit pour le mettre. De toute façon, par analogie, cette argumentation aurait dû être présentée lors de l'étude de l'amendement précédent, c'est exactement le même type d'amendement. Si le député de Frontenac est gêné par la formulation de cet amendement, quant à moi je serais prêt, si cela peut l'aider, à dire: En raison de son exploitation d'une mine d'amiante, de manière à restreindre cela à l'exploitation d'une mine d'amiante possédée par la société Asbestos. Quant au reste, je pense que c'est parfaitement recevable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement, M. le député de Richmond.

M. Brochu: Oui, M. le Président. Je vous rappelle que vous nous avez déjà rendu une directive dans un contexte semblable, en nous disant, à ce moment, que vous deviez vous référer à ce qui vous était connu ou à ce qui avait été porté à votre connaissance comme étant le contexte de la discussion. Ceci pour faire suite aux propos tenus par le député de Frontenac. Dans ce sens, il devient évident que la Société nationale de l'amiante vise l'acquisition d'Asbestos Corporation; d'ailleurs, cela a fait l'objet de beaucoup de nos discussions dans le passé. D'autre part, vous n'êtes pas sans savoir, ce qui est aussi évident, M. le Président, qu'actuellement le gouvernement est en négociations pour l'acquisition de gré à gré ou par la suite par expropriation de l'entreprise en question.

D'ailleurs, des témoins venus à cette commission parlementaire nous l'ont clairement indiqué. En ce qui concerne même cette ville précise et cette entreprise, je vous rappellerai également, M. le Président, que le ministre lui-même a répondu — je pense que c'était dans le contexte d'une motion qui avait été présentée à des estimations de coûts en ce qui concerne l'indemnisation des amiantosés par la Société nationale de l'amiante. Donc, on admettait clairement, à ce moment, qu'il s'agissait d'une entreprise clairement identifiée, soit l'Asbestos Corporation àThet-ford Mines. Comme dernière remarque, M. le Président, pour faire suite aux propos du député de Frontenac, je vous rappellerai une motion qui a été appuyée par le député de Frontenac et qui visait à situer le siège social de la Société nationale de l'amiante à Thetford Mines. Donc, il est tellement de notoriété publique qu'il s'agit de la municipalité de Thetford Mines et des environs que le député de Frontenac lui-même avait appuyé une motion visant cet endroit. Alors, je comprends mal son argumentation à ce stade-ci lorsqu'il dit que les propos sont hors du contexte.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est vrai que la présidence peut, lorsqu'il est manifeste qu'une motion n'a absolument aucune incidence avec le sujet de l'article en question, il est manifeste que le président peut suggérer à un député de... Bien, il peut la déclarer irrecevable ou suggérer à un député de la présenter de nouveau à un autre article, ce que j'ai déjà fait. Dans le cas présent, j'estime qu'il n'est pas manifeste, qu'il n'y a aucune incidence entre la motion d'amendement et la motion pricipale qui se trouve à être l'article 3. Après avoir regardé la loi de façon très générale, il est vrai qu'on peut admettre que cette motion d'amendement pourrait être présentée à un autre article, peut-être. C'est vrai. D'autre part, il n'est pas manifeste qu'il n'y a aucune concordance et, comme on parle de droits et privilèges, comme souvent dans nos lois les droits et privilèges sont assimilés au même chapitre que les obligations, à ce moment, je me dis qu'étant donné qu'il y a un lien entre la motion d'amendement et la motion principale, qui pourrait - remarquez, et je voudrais être juste ici — être présentée ultérieu-

rement dans le cadre d'un autre article, étant donné qu'il y a un rapport entre la motion d'amendement et la motion principale, je la déclare donc recevable et débattable.

M. Forget: M. le Président, je fais référence aux représentations du Conseil municipal de Thet-ford Mines en commission parlementaire au sujet du projet de loi 70. Le 21 mars 1978, il nous soulignait ceci: Nous espérons que l'implication du gouvernement dans l'industrie de l'amiante incitera tous les producteurs à respecter de façon encore plus stricte les normes de santé qui ont été établies dans le but de protéger nos travailleurs et que, de plus, les mêmes préoccupations s'étendront à la protection et à l'amélioration de notre environnement. Il ajoutait: Nous espérons qu'avec l'application de la loi 70, le gouvernement sensibilisera davantage les producteurs d'amiante dans leurs rôles et leurs devoirs de citoyens à part entière de notre communauté. C'est cette dimension sociale qui doit se retrouver quelque part dans une loi, dans une charte créant une société d'État. Le gouvernement aurait bien pu fonder une Société nationale de l'amiante, s'il tenait absolument à lui donner ce nom-là, en vertu de la première partie de la Loi des compagnies; il n'avait absolument pas besoin de créer, par charte spéciale, une société dite de la couronne, une société d'État, si son seul objectif est de lui attribuer des objectifs commerciaux, des objectifs industriels ordinaires.

Il y a plus que cela, le gouvernement s'intéresse à cette industrie parce qu'il lui semble — du moins, c'est ce qui nous paraît devoir être le cas—qu'il y a une dimension sociale, dans cette industrie, qui dépasse les simples préoccupations économiques. On ne retrouve pas, dans le libellé de ce projet de loi, dans le moment, un reflet adéquat de ces dimensions sociales. Nous avons parlé tout à l'heure de la question des taxes; nous avons parlé, un peu plus tôt, de la question des résidus. De ces deux côtés, il y a un potentiel considérable de pousser plus loin que ne peuvent le faire les sociétés privées des actions, des initiatives et, sans aucun doute, l'engagement de crédits, l'engagement de dépenses publiques.

Du côté de l'urbanisme, du côté de l'aménagement urbain des villes, où se fait une exploitation minière aussi intense, aussi considérable que celle de l'amiante, un des premiers griefs mentionnés par les conseils de ville lorsqu'on leur en parle, c'est la difficulté extrême dans laquelle ils se trouvent de planifier le développement de leur ville et de financer ce développement de façon normale puisque les hasards de la géologie, probablement, forcent les compagnies minières à faire des développements qui, tout à coup, grugent des espaces réservés à l'habitation, réservés à des routes ou réservés à d'autres types d'industrie. Cette difficulté est considérable dans la mesure où, justement, les compagnies, dans un contexte concurrentiel, ont fortement hésité jusqu'à maintenant à dévoiler leur programme d'exploitation à moyen et à long terme aux conseils municipaux en disant: Notre mine va s'étendre de telle façon, voici comment on a plani- fié le développement du chantier minier, en quelque sorte. On pouvait fournir aux concurrents des indications que ces concurrents ne pouvaient pas obtenir d'une autre manière quant à l'orientation du gisement, quant à la forme que le gîte minier peut prendre sous le sol. On a donc été extrêmement réservé. Cela, on le comprend dans un contexte concurrentiel, dans un contexte d'entreprise privée où on doit se surveiller les uns des autres, où on doit rationner l'information qui devient impossible aux concurrents.

Encore une fois, nous avons là une initiative de l'État qui fait échos à des préoccupations de caractère social. Il n'y a pas seulement un développement industriel; pourquoi l'amiante plutôt qu'autre chose? Il y a peut-être des raisons économiques, encore qu'elles soient très peu visibles dans le raisonnement du ministre puisqu'il dit qu'il n'y a pas de motifs, sur le plan de l'avantage comparatif, à développer cette industrie; mais sur le plan social, par exemple, il y a des griefs certains, il y a des griefs nombreux et de longue date. Il nous semble que ce ne serait pas pécher par excès pour la loi organique de cette société de l'amiante de comporter en même temps et dans le même souffle, alors qu'on dit que cette société a un statut spécial, elle est dipensée de payer des impôts... Normalement, toute société fait une contribution sociale par les impôts qu'elle paie puisque ces impôts servent à financer l'éducation, les services de santé, les activités culturelles, nos institutions politiques. C'est la contribution sociale de la plupart des entreprises.

Dans ce cas-ci, on dit: Non, la contribution sociale ne pourra pas prendre cette forme, la forme économique habituelle de subventionner les services publics, on va dispenser l'industrie de l'amiante, la société Asbestos en particulier, de cette obligation de contribuer aux coûts sociaux normaux. Il devrait y avoir, dans le même article, une équivalence, une contrepartie. Quand on donne une exemption fiscale, ce n'est pas simplement pour obéir à une obscure manipulation de fonds de manière à subventionner secrètement des activités qu'on ne pourrait pas subventionner en plein jour, un peu selon le scénario assez compliqué, assez douteux du ministre; on devrait, dans la même loi, énoncer clairement des objectifs sociaux qui sont la raison d'être de l'intervention gouvernementale.

Des raisons d'être, il y en a plusieurs. Nous en citons deux. Probablement que le ministre pourrait y ajouter quelque chose, mais l'attitude du ministre n'est pas d'y ajouter quoi que ce soit, c'est de retrancher les deux obligations de type social qu'on voulait insérer dans cet article. Il veut les mettre dans des articles qui appartiennent au pouvoir de la compagnie, de la société de l'amiante. C'est très caractéristique, on veut donner à la société de l'amiante le pouvoir d'obéir à des impératifs sociaux, mais c'est aussi lui donner le pouvoir de ne pas y obéir, parce que c'est dans le chapitre sur les pouvoirs.

Un pouvoir qui ne serait pas un pouvoir, on ne devrait pas le mettre dans le chapitre sur les pouvoirs, on devrait le mettre dans le chapitre sur les

obligations. C'est ce qu'on veut faire en disant: L'article 3 est un statut très particulier d'une société d'État dans le monde industriel et commercial. En particulier, ce statut comporte l'exemption d'impôt. Pour compenser, il devrait y avoir, non pas une exemption d'impôt, mais sa contrepartie, une obligation particulière, un statut particulier d'assumer des obligations sociales, en nature, en quelque sorte, plutôt que de le faire sous forme pécuniaire, comme la plupart des sociétés industrielles et commerciales le font.

On dit: Elle ne paiera pas de revenus au gouvernement, mais au moins, cette société va s'occuper elle-même de certains objectifs sociaux. Pourquoi? Parce que— c'est là où on endosse de façon absolue l'argument du ministre, il s'en réjouira probablement — cette société a une certaine expertise dans le domaine de l'exploitation de la mine etc., et qu'il y a certains coûts sociaux qui découlent directement de l'exploitation minière. La question des résidus en était une. La question des taxes foncières, c'est un aspect. On dit: exemption fiscale, d'accord, mais pas d'une façon absolue. Que le gouvernement donne ce qui lui appartient, l'impôt sur le revenu, mais qu'il ne donne pas ce qui ne lui appartient pas, l'impôt foncier qui appartient, au contraire, aux municipalités, aux commissions scolaires.

Autre obligation sociale: l'aménagement urbain. Les travailleurs qui vivent dans ce milieu ont le droit de s'attendre, de la part d'une société d'État, de la part du nouvel actionnaire de la compagnie, à une attitude de citoyen exemplaire. Mettons de côté, pour l'instant, la question de la concurrence. Après tout, la société Asbestos, s'il est vrai que le ministre ne veut pas utiliser à 100% les bénéfices actuels ou les impôts actuels pour subventionner la vente de la fibre, il va lui en rester un peu pour subventionner les activités à orientation sociale, pour aménager un environnement physique adéquat.

D'ailleurs, il devrait être le premier à endosser une telle recommandation, parce que si on avait un citoyen exemplaire en la personne, si on peut dire, de la société Asbestos et de la société de l'amiante, ce serait une raison de plus pour que le public, la population, dans la région en particulier, appuie la décision du ministre et trouve qu'il a fait là un geste d'homme d'État, pas simplement un geste d'un ministre sectoriel qui veut développer son industrie, qui veut se lancer en affaires, en quelque sorte, qu'il s'est préoccupé, non pas seulement de ses objectifs à lui sur le plan de l'industrie et sur le plan du développement économique, mais qu'il s'est intéressé aux préoccupations des citoyens, lui, à titre de citoyen.

Une première préoccupation, j'en veux pour témoignage ce que nous disent les conseils municipaux, ce que nous disent les maires de la région, ce que nous disent tous ceux qui ont un peu réfléchi au style de vie qu'impose l'existence dans des régions où on a de crassiers qui font plusieurs centaines de pieds de hauteur et qui, littéralement, saupoudrent le paysage dans ce coin-là, une préoccupation prioritaire, dis-je, est d'avoir un en- vironnement physique qui soit moins disgracieux, qui soit moins pénible à supporter, qui soit moins caricatural dans l'impression qu'il donne d'un monde industriel sans humanité, sans considération pour la qualité de la vie. Parce que c'est visible, il y a des choses qui sont moins visibles, il y a des choses comme la poussière. Au niveau actuel, pour vraiment voir s'il y a de la poussière, dans bien des coins, il faut des instruments de mesure très sensibles. Ce n'est pas comme c'était il y a vingt ans où en été, on marchait à Thetford Mines — à ce qu'on m'a dit — et les pas sur le trottoir laissaient des traces, comme en hiver, les pas laissent des traces sur un trottoir enneigé. Ce n'est plus la même situation. Il faut maintenant mesurer cela avec des microscopes et des balances extrêmement sensibles et des filtres, etc., autrement, on ne s'en rend pas vraiment compte. (21 h 15)

Mais il y a une chose dont on se rend compte, une chose qui est le symbole du caractère inhumain du développement industriel à l'époque moderne, c'est cette accumulation de débris, c'est ce développement urbain complètement sauvage qui fait qu'à Thetford-Mines même, entre deux mines qui appartiendront à la société d'État, on trouve une rangée de maisons qui se situent à peu près à 150 pieds en dessous du niveau de la route. Il suffirait d'un gros bélier mécanique pour aplatir les deux montagnes de chaque côté, on pourrait niveler le sol et on ne verrait plus le toit des maisons. Cela serait même plusieurs dizaines de pieds en haut du toit des maisons. C'est une espèce de tranchée, c'est une espèce de tombeau à ciel ouvert.

Une voix: C'est la rue Smith.

M. Forget: Oui, c'est cela, c'est la rue Smith. C'est absolument invraisemblable, cette situation. Et on pourra, sur un plan légal, sur un plan...

M. Grégoire: Cela a été fait dans votre temps. M.Forget: Cela a été fait il y a très longtemps. M.Grégoire: Dans votre temps.

M. Forget: Mais sur un plan légal, et dans la mesure où cela demeure une entreprise privée, on peut comprendre qu'il y a des raisons juridiques, qu'il y a une contestation juridique. On dit que ces maisons-là sont déjà la propriété de la compagnie et que les gens veulent bien encore y vivre, pour un loyer dérisoire.

Mais il y a des choses qui peuvent s'expliquer en termes de relations privées. Mais quand l'État intervient, ce n'est plus tolérable. On s'attend de l'intervention de l'État qu'elle soit non seulement bénéfique quant à ses aspects économiques, mais qu'elle témoigne également d'un souci de certaines valeurs humaines qui ont leur place dans ce cadre et qui constituent, encore une fois, la raison d'être de l'intervention gouvernementale.

C'est exactement dans l'article 3, où le gouvernement fait cadeau à cette société des impôts

qu'il pourrait autrement percevoir... il lui en fait cadeau. Il dit: On ne percevra plus d'impôt. C'est $20 millions par année de cadeau. Est-ce que, dans le même article, on ne devrait pas pousser la décence jusqu'à dire: On a des obligations et on va le manifester dans cette loi qu'on a des obligations envers les gens de la région.

Bien sûr, on pourrait ajouter bien des paragraphes. On pourrait en trouver plusieurs autres.

M. Grégoire: L'ancien gouvernement n'aurait pas dû tolérer cela.

Le Président (M. Ouellette): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: On pourrait penser à un centre social pour les mineurs qui sont désoeuvrés parce qu'ils ont perdu leur emploi à cause d'un taux d'intoxication par l'amiante trop élevé. On pourrait penser à plusieurs manifestations de cela.

Mais laissons les choses dans l'ordre du raisonnable, laissons les choses dans l'ordre des priorités telles qu'elles sont dégagées et perçues localement. Je suis sûr que le député de Frontenac a entendu ces plaintes adressées aux compagnies minières sur le développement urbain.

M. Grégoire: C'est vrai, M. le Président, ils m'ont dit: L'ancien gouvernement n'aurait jamais dû tolérer que cela se fasse.

Le Président (M. Ouellette): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Frontenac!

M. Forget: Voilà un nouveau gouvernement qui lui, légifère...

M. Lalonde: Nous sommes rendus ici, maintenant.

M. Forget: ... et qui omet de légiférer là-dessus.

M. Grégoire: ...

Le Président (M. Ouellette): M. le député de Frontenac.

M. Lalonde: II y a des vieilles personnes qui radotent comme cela tout le temps, qui sont plus vieilles...

M. Grégoire: Vous auriez pu l'empêcher et vous ne l'avez pas fait. Excusez-moi, M. le Président, je ne dis plus un mot.

M. Forget: Justement, on s'acquitte de nos obligations sociales aujourd'hui, M. le Président, en poussant comme législateurs le gouvernement à agir dans ce domaine, à avoir le courage de dire: Cela ne sera pas suffisant d'avoir une certaine performance économique, une certaine performance financière, si tant est qu'on n'ait jamais des raisons de se féliciter de ce côté-là. Et on sait combien, de ce côté-ci, nous sommes sceptiques là-dessus.

Mais même si c'était un succès de ce côté-là, ce ne serait pas un succès encore suffisant puisqu'il y a d'autres considérations, il y a d'autres dimensions dans ce dossier. C'est la seule occasion que le gouvernement peut avoir de manifester son intérêt. On a vu ce scandale qu'on va voir répéter à partir du moment où l'État devient propriétaire d'une mine d'amiante, propriétaire d'industrie de transformation de l'amiante, ce scandale de voir déjà apparaître dans les rapports de fonctionnaires, avant la lettre même, des propos qui, sur le plan des préoccupations humaines, de qualité de vie, de salubrité, amènent déjà des fonctionnaires de l'État à dire: On a beaucoup charrié, on a beaucoup exagéré. Ce n'est pas vraiment le cas que la santé et la salubrité soient menacées. Vous allez voir, tout est réglé. On va arrêter d'en parler, de ces histoires. Cela nous fatigue maintenant d'en parler.

Et vous allez voir le gouvernement, non pas l'abstraction, l'État comme abstraction dans les manuels de science politique, mais l'État tel qu'il s'incarne dans les hommes qui poursuivent un objectif industriel et commercial...

Le Président (M. Ouellette): Je vous rappelle que votre temps est écoulé.

M. Forget: Dans deux secondes.

M. Lalonde: II a commencé à 21 h 5, cela fait seulement 15 minutes.

Le Président (M. Ouellette): Je veux m'excuser, il vous reste encore cinq minutes.

M. Forget: Merci, M. le Président. M. Lalonde: C'est fort intéressant.

M. Forget: On peut voir que, dans cette situation, l'État tel qu'il s'actualise dans des individus qui ne peuvent pas avoir cinquante objectifs à la fois, mais qui s'identifient tout à coup comme individus, comme équipe de travail à un objectif qui est tout à coup non plus la salubrité, non plus la protection des travailleurs, mais le développement industriel, qui deviennent un "lobby" en quelque sorte industriel au sein même de l'appareil gouvernemental et qui se mettent à avoir le langage que les industriels avaient il y a dix ans ou vingt ans en disant: Cela va aller, nous avons un job à faire et notre job, c'est de développer l'industrie de l'amiante, c'est de financer des investissements, c'est de les rentabiliser, parce qu'autrement on va nous poser des questions à l'époque de l'étude des crédits, on va nous critiquer en disant que cette industrie n'est pas rentable. Arrêtez de nous ennuyer avec des considérations sur la salubrité.

L'État n'est pas encore propriétaire d'une mine et on a vu, dans un rapport déposé en commission parlementaire pour le ministre les fonctionnaires qui se mettent à lancer des: Ah!, des parce que, des peut-être bien, des ce n'est peut-être pas sûr, on n'a pas toutes les preuves,

on a charrié, on a exagéré, on est en train de faire du tort au Québec. Ici, on va charrier dans l'autre sens; alors que quand l'État n'avait que comme rôle d'assurer un inspectorat sur la salubrité, on a pu voir un certain charriage et un certain débordement de l'autre côté que tous regrettent maintenant, tant du côté syndical et patronal, que du côté gouvernemental où on dit: On a peut-être mis en jeu, mis en péril l'avenir de l'industrie de l'amiante au Québec. Ce n'est rien ce qu'on a vu et ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Quand l'État sera propriétaire, il y a des gens dont l'avenir professionnel au sein de la fonction publique, dont l'avenir politique au sein du parti au pouvoir sera relié au développement et à la rentabilité de l'industrie de l'amiante, vous allez voir ce qu'on va dire sur les considérations de salubrité. Lorsqu'on est en face d'une possibilité, dans cet article, de donner au moins un coup de chapeau au passage à un principe qu'on prétend respecter, celui de s'occuper de la qualité de la vie, des dimensions humaines du problème de l'amiante et d'une région qui connaît 20% de chômage, on va au moins s'en préoccuper, on va au moins, en contrepartie d'une exemption fiscale absolue, imposer à cette société des obligations sociales claires, précises, non pas des choses qu'on va référer aux pouvoirs discrétionnaires et aux recommandations du conseil d'administration qui aura d'autres chats à fouetter que de s'occuper de cela.

On va lui dire, au départ, voici votre mandat: Messieurs, vous êtes les mandataires du gouvernement. Quel est votre mandat? Est-ce de faire les profits maximaux? Est-ce à tout prix d'investir les $20 millions d'impôt qu'ils ne paieront pas dans la multiplication d'emplois subventionnés jusqu'à la fin des siècles ou est-ce, dans une certaine mesure, d'être sensible aux préoccupations sociales, aux préoccupations humaines qui doivent être présentes et qui constituent—je le répète pour la dixième fois— la seule raison d'être véritablement acceptable d'une intervention de l'État dans ce secteur? Puisque, sur le plan économique, le ministre s'est déjà chargé de jeter le bébé avec l'eau du bain en disant: II n'y a pas d'espoir que ce soit rentable.

M. Bérubé: Cela fait plusieurs fois qu'on l'entend celle-là aussi.

M. Forget: Oui, c'est une expression consacrée pour décrire une réalité qui existe malheureusement dans ce dossier où le ministre a commencé par une admission d'impuissance. Or, s'il y a une admission d'impuissance sur le plan économique, au moins compensez-la par une admission partielle de puissance et de capacité dans les dimensions humaines et sociales qui vous donneront une base sur laquelle vous tenir quand vous viendrez justifier les déficits annuels de cette société que vous nous avez d'ailleurs annoncés d'avance fort prudemment en disant: Oui, c'est vrai, cela ne fait pas d'argent cette affaire, mais au moins c'est un bon citoyen corporatif. Au moins, les gens ont une qualité de vie décente, désor- mais. Désormais, il y a une qualité de vie qui est acceptable.

M. Grégoire: ... ce n'est pas mal.

M. Forget: Mais si vous n'avez rien fait comme citoyen corporatif, si vous n'avez pas aidé à réhabiliter l'environnement physique, si vous n'avez pas payé les taxes foncières, sauf après un marchandage odieux, si vous n'avez rien fait de ce côté-là, mon Dieu! vous n'aurez pas grand-chose pour justifier vos déficits, sauf l'espoir d'une rentabilité à venir que vous nous avez appris d'avance à ne pas espérer.

M. le Président, de grâce, que le gouvernement accepte notre amendement. C'est peut-être une des dernières occasions qu'il a de montrer un peu d'humanité dans ce dossier.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'on prend le vote? Est-ce que la motion d'amendement à l'article 3 est acceptée?

M. Grégoire: Rejetée.

M. Lalonde: M. le Président, l'incapacité et l'impuissance du gouvernement à réagir à la motion d'amendement du député de Saint-Laurent nous dictent, à nous de l'Opposition, des conclusions qui sont malheureusement très négatives. Nous avons vu le gouvernement piétiner sur une motion concernant la récupération des résidus d'amiante, faire un pas en avant, deux pas en arrière, et en fin de compte, se retrouver sur le dos en votant contre. Quand on a vu le gouvernement faire une pirouette pour se défiler devant l'obligation d'assurer une fiscalité foncière raisonnable et acceptable aux municipalités impliquées en nous déclarant une intention ferme de présenter un amendement à peu près semblable un peu plus loin, on aurait pu, au moins, s'attendre à un peu de décence, à un peu de bon sens de la part du gouvernement, s'attendre à ce qu'il nous dise pourquoi il est contre l'urbanisme et la protection du milieu naturel, et pourquoi il est contre la protection du milieu naturel...

M. Bérubé: On est pour le bien, mais on est contre le mal.

M. Lalonde:... de la région de l'amiante. Naturellement, si le ministre ne s'en préoccupe pas, on peut dire: II n'est pas de la région, lui, mais que le député de Frontenac et ses voisins qui sont, à divers degrés, impliqués, c'est-à-dire députés de comtés qui ont des activités d'amiante, ne disent rien du tout—ou qui veulent en avoir—à ce moment, cela dépasse les bornes. Je vous dis cela à vous, M. le Président, parce que le règlement le requiert. On dira que cela n'existe nulle part. D'ailleurs, on a tenté tantôt, heureusement que la présidence est d'une force et d'une neutralité— neutralité, il faut le présumer, d'ailleurs, personne ne peut la mettre en doute—et a fait preuve d'une

clairvoyance en acceptant cette motion, parce qu'on aurait même pu invoquer des précédents, précédents qui ont été invoqués par le ministre cet après-midi pour tenter d'appuyer le libellé de l'article 3. On a référé à d'autres lois. On a référé, en particulier, à la Loi du développement de la région de la baie James, chapitre 34 des lois de 1971. Or, dans la section I, Constitution de la société— c'est important, cela, d'ailleurs, le député de Frontenac est tout ouïe — il y a l'article 5 qui dit: La société doit veiller à la protection du milieu naturel.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est un bon jugement.

M. Lalonde: C'est un excellent jugement, le Président...

Le Président (M. Ouellette): Vous m'excuserez...

M. Grégoire: ... S'il faut que le député de Jonquière se mette à interrompre!

Le Président (M. Ouellette): ... mais j'attendais l'occasion.

M. Forget: Surtout pour critiquer le président.

M. Lalonde: Là se confirment la clairvoyance et le bien-fondé de la décision du président qui vous précédait à la chaise, étant donné que justement, dans une loi qui a constitué une société d'État, la Loi sur le développement de la région de la baie James, SDBJ, on met un article spécial, qui vient tout seul, qui n'est pas inclus dans un autre article; l'article 3 qui ressemble beaucoup au nôtre dit: La société doit veiller à la protection du milieu naturel. C'est là un engagement. Je pense que le législateur a fait preuve d'un sens des responsabilités à l'égard du milieu naturel, à l'égard des citoyens, à l'égard des gens qui vivent à l'intérieur de ce territoire. Lorsqu'on dit... Comme on disait ici, on avait le même texte qu'on a invoqué tantôt à l'article 3, et je lis le texte de l'article 3 de la Loi sur le développement de la région de la baie James: "La société jouit des droits et privilèges d'un mandataire du gouvernement".

On retrouve le même texte ici, mais au moins là, on a le pendant. On a la dimension sociale que le député de Frontenac rejette du revers de la main. Elle est tellement peu importante qu'il n'a même pas voulu parler... (21 h 30)

M. Grégoire: Je n'ai pas encore parlé là-dessus. Je ne vois pas pourquoi vous me mettez des mots dans la bouche.

M. Lalonde: Je retire mes paroles, M. le Président, étant donné que je viens de m'apercevoir que le député est prêt à parler sur cet amendement. Tantôt, on a demandé le vote et il n'a pas protesté.

M. Grégoire: Je n'ai pas dit cela non plus. Vous ne savez pas comment je vais voter non plus.

M. Lalonde: J'ai hâte de voir comment le député de Frontenac va voter sur cet amendement et surtout quels seront les arguments qu'il pourra apporter en faveur de l'amendement.

M. Grégoire: C'est grave ce que vous dites là.

M. Lalonde: Justement pour laisser le député de Frontenac dire son mot, je vais interrompre immédiatement mes propos.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Êtes-vous prêts à voter sur la motion d'amendement?

M. Grégoire: Contre, M. le Président. M. Lalonde: M. le Président...

M. Grégoire: J'ai réussi, sachant fort bien que le député de Marguerite-Bourgeoys continuerait à parler. Je voulais le faire sursauter.

Le Président (M. Ouellette): Est-ce qu'on est prêts à passer au vote sur la motion d'amendement de l'article 3 tel que proposé par le député de Saint-Laurent?

M. Bordeleau: Nous sommes prêts, M. le Président.

M. Bérubé: M. le Président, nous aurions encore besoin de nouveaux encouragements. Le député de Marguerite-Bourgeoys devrait prolonger. Il lui reste encore quinze minutes. Il me semble qu'il devrait chercher à nous convaincre parce que jusqu'à présent son argumentation a été épouvantablement faible. Quant à celle de son collègue de Saint-Laurent, je dois dire qu'elle a été minable.

M. Grégoire: J'étais pour voter pour l'amendement, mais là, j'en suis rendu à voter contre parce que justement ils nous ont donné les mauvais arguments.

Le Président (M. Ouellette): Nous appelons le vote.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Ouellette): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... à l'occasion de nos débats, souvent la proximité surtout que cette table nous impose entre les participants, tout cela est propice à une bonne humeur et à l'échange de blagues, mais je ne peux pas m'empêcher de trouver absolument inacceptable l'absence de réaction sérieuse à l'égard de l'amendement du député de Saint-Laurent de la part des députés ministériels.

Le député de Saint-Laurent propose que la société d'État, qui doit être le meilleur citoyen corporatif possible, soit foncièrement impliquée à 100% dans la relocalisation des quartiers rendue nécessaire en raison de l'exploitation d'une mine

d'amiante par la société ou ses filiales. Naturellement, c'est un problème qui préoccupe peu les députés ministériels qui sont ici ce soir. On ne discute pas sur la question de la relocalisation des quartiers, pourtant certains députés du milieu de l'amiante qui ont vécu cette situation savent jusqu'à quel point c'est un problème important.

C'est un problème lourd à porter aussi pour les municipalités et les citoyens. M. le Président, mettons de côté la question de la planification. Le député de Saint-Laurent l'a décrite tantôt; c'était très difficile et peut-être plus difficile autrefois lorsqu'on n'avait affaire qu'à des entreprises privées qui, ne voulant pas dévoiler leurs plans à long terme, se voyaient contraintes de donner au compte-goutte leur projet de sorte qu'une planification sérieuse était impossible imposant de cette façon à des citoyens qui restent dans des maisons, dans des quartiers un état d'être, un état de demeurer qui devenait inacceptable. Ce n'est qu'après la création d'une telle situation qu'on devait relocaliser des quartiers. Mettons la planification de côté, M. le Président. Prenons la situation telle qu'elle l'est actuellement. Prenons la situation où la société Asbestos devient une filiale de la Société nationale de l'amiante. Il y a des problèmes à régler. Là, il y a une planification à faire. Il y a des problèmes de relocalisation à régler.

Le Président (M. Ouellette): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: Qu'est-ce que je pourrais bien dire?

Le Président (M. Ouellette): La parole est au député d'Outremont.

M. Lalonde: M. le Président, on assiste encore à la comédie des bouffons devant nous. On ne peut pas transposer cette bouffonnerie dans le journal des Débats. Naturellement, ce ne sont que les quelques spectateurs ici qui se rendent compte jusqu'à quel point les députés ministériels, pas tous, surtout celui de Frontenac qui devrait avoir un peu plus de sérieux à l'égard de la question de la relocalisation des quartiers rendue nécessaire en raison de l'exploitation d'une mine d'amiante... Le ministre, naturellement, mais lui, ce n'est pas la première fois qu'il fait le pitre ici, même si c'est lui qui a la responsabilité.

M. Grégoire: C'est peut-être une expression antiparlementaire, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous devez soulever une question de règlement.

M. Grégoire: Je soulève une question de règlement. Quand j'en avais prononcé une, je l'avais retirée et je n'avais pas insisté.

M. Lalonde: Si vous me dites que c'est antiparlementaire, je vais la retirer, mais je ne pense pas.

M. Grégoire: J'avais dit moins que cela et je l'avais retiré.

M. Lalonde: Quand j'ai parlé des bouffons devant nous, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense qu'il est extrêmement difficile pour la présidence de décider ce qui est antiparlementaire ou non.

M. Grégoire: J'ai soulevé la question. Je vous demande de vous prononcer. C'est antiparlementaire, oui ou non. Si oui, demandez-lui de la retirer. Vous ne le savez pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne le sais pas. Écoutez un peu, M. le député de Frontenac, on n'a pas encore fait un lexique des termes parlementaires et antiparlementaires. À l'occasion, si cela arrive, je le consulterai. Pour le moment, disons qu'il y aurait des expressions qui seraient mieux choisies, mais à savoir si c'est antiparlementaire...

M. Lalonde: M. le Président, donc si ce n'est pas antiparlementaire, je disais que le ministre qui fait le pitre en face de moi, M. le Président, depuis combien de semaines n'ajoute pas non plus à la profondeur des débats. On dirait qu'un certain ministre et certains députés devant moi se réjouissent de la proximité de la guillotine qu'ils auront bien méritée malheureusement en embourbant notre débat de l'improvisation et du manque de préparation qui ont présidé à nos débats.

M. le Président, devant ce manque de sérieux, je vais mettre fin à mes propos.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais dire deux mots. Je crois que le fond de la question est valable. Je crois qu'il faut absolument se prononcer sur le rôle social des compagnies qui exploitent des mines. Non seulement les mines d'amiante, mais toutes les exploitations minières. Cependant, il y a un mot sur lequel je pense que les députés, les pitres, les bouffons, les deux, devant nous, puisque les mots sont parlementaires, je ne sais pas lequel est le pitre et lequel est le bouffon... Comme disait le député de Mercier, je crois que c'est encore mieux les deux jumeaux du capitaine Ryan. Il y a un mot que je ne peux pas accepter, c'est le coût total. Pourquoi avoir mis le mot total? Je me le demande.

M. Lalonde: Pourquoi pas total?

M. Grégoire: C'est justement parce qu'il existe une loi fédérale...

M. Lalonde: Ah.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: La dignité, M. le Président. La dignité de Québécois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Forget: II faut se tenir debout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Lalonde: II faut être bon Québécois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Forget: II faut refuser ces temps...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît!

M. Grégoire: II faudrait employer des expressions pires que pitre et bouffon pour mes amis d'en face. Ils continuent à interrompre tout le temps et vous êtes obligé de les rappeler cinq fois de suite à l'ordre. J'ai compté le nombre de fois. Et ils continuent. Ils récidivent. L'ancien solliciteur général qui est rappelé à l'ordre, récidive. Je comprends pourquoi la population l'a expulsé, parce que c'était un récidiviste.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

M. Grégoire: J'espère que le mot est parlementaire, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président, dans le contexte de bouffonnerie qui est en face de nous, il semble que ce soit un mot très léger. Mais dans le journal des Débats, cela va mal.

M. Grégoire: M. le Président, je pense bien qu'il n'y a pas de question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: J'ai employé le terme récidiviste...

M. Lalonde: J'ai une question de règlement et vous allez m'écouter. M. le Président, dans le journal des Débats, le mot récidiviste va prendre son sens général, à savoir un délinquant qui "dé-linque" souvent. Je pense qu'ici, c'est tout à fait faux et le député devrait retirer...

M. Grégoire: Non, je pense que c'est vrai. Cinq fois rappelé à l'ordre et avoir recommencé après. C'est une récidive et je maintiens le mot récidiviste.

M. Lalonde: À l'égard du règlement. M. Grégoire: Vous êtes un récidiviste. M. Lalonde: À l'égard du règlement.

M. Grégoire: Non, vous êtes un récidiviste, parce que loin de moi l'idée que vous puissiez être délinquant. Je crois, au contraire, que vous êtes un honnête homme, et je suis prêt à l'admettre et à vous donner toutes ces qualités. Un homme avec une bonne réputation et tout. Je l'admets. Je sais que vous avez un rôle à jouer.

M. Lalonde: Mais il est récidiviste?

M. Grégoire: Selon le règlement, oui. Il est récidiviste selon le règlement, je veux bien le spécifier.

M. Lalonde: D'accord.

M. Grégoire: Je suis prêt à lever mon chapeau, je reconnais que vous avez un rôle à remplir ici. Il faut également reconnaître que vous le remplissez très bien. Je dois vous dire que je lève mon chapeau devant la façon dont vous le remplissez. Ce n'est pas le Boléro de Ravel, je pourrais même dire que vous êtes un génie de réussir à parler pendant 60 heures sans rien dire. Je vous donne toutes les qualités. Le rôle qu'on vous a confié, vous l'avez rempli à la perfection.

On mentionne le coût total. Il y a justement une loi fédérale—à ce que je sache, tant que le référendum n'aura pas eu lieu, nous sommes encore dans la confédération — qui est en vigueur déjà depuis 1971 et qui dit que la Société centrale d'hypothèques et de logement du gouvernement fédéral est prête à payer 50%...

M. Forget: Des prêts.

M. Grégoire: ... du coût de relocalisation, ce qui a été fait avec le quartier Saint-Maurice à Thetford. Je ne vois pas pourquoi mes amis d'en face voudraient prendre encore une fois la défense d'Ottawa, voudraient venir à la rescousse du gouvernement fédéral...

Une voix: Pour lui faire économiser de l'argent.

M. Grégoire: Oui, et pour encore l'empêcher de nous donner ce qui nous est dû. Je veux bien croire que jeudi dernier, devant l'évidence et l'appui massif de la population aux propositions Pari-zeau, on a dit à Ottawa: Nous sommes solidaires avec le gouvernement, il faut que vous remettiez au Québec ce qui lui est dû. Là, j'admets que c'était peut-être l'ignorance de cette loi qui existe à Ottawa qui ait fait que vous l'ayez oubliée; peut-être ne connaissiez-vous pas la loi, c'est possible. On ne peut pas tous être députés de l'amiante, je l'admets, mais il y a tout de même le fait qu'on paie des taxes et des impôts à Ottawa.

M. le Président, je suis sur le sujet parce qu'on parle du coût total. Je dis que normalement Ot-

tawa doit payer 50%. On paie des taxes et des impôts à Ottawa et je ne vois pas pourquoi vous voudriez absolument vous porter encore une fois à la défense du gouvernement libéral d'Ottawa pour essayer de l'exempter de venir payer ce qu'il doit payer étant donné qu'il reçoit des impôts et des taxes, étant donné que nous sommes une richesse qui lui permet de faire entrer de l'argent étranger au Canada; c'est le gouvernement canadien au complet qui profite des $400 millions provenant d'exportations.

M. Forget: On pourrait accepter un sous-amendement, si vous êtes en faveur du principe.

M. Grégoire: Pourquoi? Pourquoi voudriez-vous exempter Ottawa de ces coûts?

M. Forget: Voulez-vous faire un amendement?

M. Grégoire: Je n'ai pas d'amendement à faire...

M. Forget: On va l'accepter.

M. Lalonde: On va l'accepter.

M. Grégoire: ... c'est votre motion. Je vous dis ceci: Je ne peux pas me prononcer.

M. Lalonde: Ah!

M. Forget: Ah!

M. Grégoire: Parce que je veux qu'Ottawa paie sa part.

M. Lalonde: Faites un amendement.

M. Grégoire: Selon la même loi, il y a eu ce qui a été fait lors du déménagement du quartier Saint-Maurice. Le gouvernement du Québec, la Société d'habitation du Québec a payé sa part et je trouve cela normal. On paie bien notre part comme vous, les députés de Montréal, pour les Jeux olympiques, pour le stade qui est là et qu'on ne déménage pas de là. Il est à Montréal, le stade, et on paie notre part des taxes.

M. Lalonde: Le voulez-vous?

M. Grégoire: Et vous voudriez, vous autres, ne pas payer votre part quand il s'agit des affaires...

M. Lalonde: Le voulez-vous?

M. Grégoire: Si vous voulez le transporter dans mon comté, faites-le et je ne le refuserai pas, je vais lui trouver un terrain.

M. Forget: N'insistez pas trop!

M. Grégoire: Transportez-le! Vous l'avez construit et vous n'en voulez plus, n'est-ce pas?

M. Brochu: Je suis certain qu'au prochain conseil de ville il va être question de cela.

M. Grégoire: De le déménager?

M. Forget: On pourrait compenser, vous pourriez construire le mât à Thetford Mines.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Grégoire: Vous voudriez, vous autres, encore une fois...

M. Bérubé: On pourrait demander à M. Lalonde de nous fournir les crédits.

M. Grégoire: ... vous porter à la défense du gouvernement fédéral qui a une obligation de payer sa part? Avez-vous pensé aux taxes, aux impôts et à tout ce qu'il reçoit de cela? L'argent qui entre au Canada venant de l'étranger l'enrichit parce qu'on calcule toujours aussi, comme part du développement économique d'un pays, les exportations, pour essayer de compenser les importations et quand la région fait sa part pour faire rentrer des sommes considérables c'est peut-être la région qui fait le plus sa part au Canada pour faire rentrer des sommes considérables ici dans le pays vous voudriez exempter Ottawa de remplir ses obligations?

M. Forget: Encore un quart d'heure et on ne votera pas.

M. Grégoire: II reste également ceci: Vous voudriez que le gouvernement du Québec, qui a payé sa part dans le déménagement du quartier... ne paie plus? Quand on paie pour les installations, à Montréal, des Jeux olympiques, le stade, le village olympique, c'est vous autres qui l'avez fait construire, on paie pour ça, nous autres, les citoyens québécois de Thetford, ceux d'Asbestos payent pour ça. Nos taxes sont là pour ça. Vous êtes assez égoïstes pour venir nous dire que seule la région va payer? Le total, non, la société, s'il y a une mine et une relocalisation, vous voudriez que la région seule paie? (21 h 45)

M. Forget: Les impôts qu'on donne à la société...

M. Grégoire: Les impôts d'Ottawa, vous ne voudriez pas que ce soit là? Messieurs, je ne vous comprends pas, je ne vous comprends pas...

M. Lalonde: Faites un amendement.

M. Grégoire: Vous en auriez trop à faire en partant.

M. Lalonde: Faites un amendement.

M. Grégoire: Société centrale, Société d'habitation, et tout.

M. Forget: Le coût net, un seul mot, le coût net.

M. Grégoire: Vous voudriez que ce soit eux autres qui payent tout. Je ne peux pas accepter qu'on dégage Ottawa de ses responsabilités et de ses obligations. Je ne peux pas accepter ça. Je veux bien croire que vous êtes à la remorque d'Ottawa, mais si vous l'acceptez, si vous préconisez ça, si vous prenez des moyens détournés pour montrer toujours que vous êtes les fidèles esclaves, est-ce que c'est un mot parlementaire, M. le Président? Esclave est un mot parlementaire?

M. Forget: Oui.

M. Grégoire: ... esclaves du gouvernement libéral à Ottawa, pas nous autres, on va se tenir debout, messieurs d'en face. On va se tenir debout et on va vous montrer comment on fait quand on se tient de bout. Tant qu'Ottawa profitera de ça, on va aller chercher au moins la part qui nous revient. Je vais me battre pour qu'on aille chercher à Ottawa la part qui nous revient.

Ottawa ne veut pas payer sur la taxe de vente, pensez-vous qu'on va continuer à payer des impôts et des taxes à Ottawa, et qu'on va lui laisser tout garder sans rien nous remettre; sans qu'on ne reçoive plus rien? Allons donc, messieurs. L'autre jour, le chef de l'Union Nationale...

M. Forget: ... le fédéral, ça vous a bien réussi dans le passé.

M. Grégoire: ... vous a donné une magistrale leçon: comment on se tient debout plutôt que de ramper. Cela a été l'expression du chef de l'Union Nationale. Aujourd'hui, vous avez oublié ça vite, hein? Vous avez oublié ça vite. Pas moi. Je suis pour la relocalisation, que les citoyens soient dédommagés et que le gouvernement fédéral fasse sa part.

M. Forget: ... comment ça va?

M. Grégoire: Cela a été demandé par les résidants du quartier Mitchell, toute l'association, je suis allé à la réunion de l'Association du quartier Mitchell au mois de décembre. Elle est allée voir le ministre fédéral André Ouellet à ce sujet-là. Ouellet a levé le nez comme il l'a fait pour la taxe de vente. Je demande l'appui unanime de vous tous pour dire qu'Ottawa doit payer sa part. Merci, M. le Président.

M. Forget: Mais la part des citoyens, c'est elle qui est difficile à payer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Brochu: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, je vais parler là- dessus aussi, parce que ça implique quand même beaucoup de choses, cette motion, ça va beaucoup plus loin que les propos tenus par le député de Frontenac qui m'a précédé comme orateur. D'abord, parce que l'État, en se portant acquéreur de l'Asbestos Corporation, comme d'autres l'ont souligné également, va devoir devenir un employeur modèle. Il va être aux prises avec l'application de ses propres lois dans une foule de domaines. Il va devoir donner l'exemple en appliquant, le plus judicieusement possible et le plus rigoureusement possible l'ensemble de ses lois, tant en matière de travail qu'en matière de salubrité, qu'en matière de conditions de travail auprès de ses éventuels employés de la compagnie en question. Cela sera là une lourde responsabilité.

Cela me surprend qu'immédiatement, avant même que le projet de loi soit adopté, que sur la présentation d'une motion aussi importante que celle-là, qui vise à corriger une situation intolérable qui a perduré depuis trop longtemps, qui vise à corriger une injustice qui a été faite envers les citoyens résidents de cette région, alors même qu'on présente, avant la fin de l'adoption du projet de loi, une motion qui vise à apporter certains correctifs, les premières réactions, du côté du gouvernement, soient non. À ce moment-là, on cherche à trouver, à l'intérieur de la motion, toutes les bibites sur lesquelles on pourrait avoir le loisir de s'enfarger pour dire: Voici, on est contre cela.

M. le Président, face à cette motion, le gouvernement aurait actuellement l'occasion rêvée de se prononcer véritablement en ce qui concerne les travailleurs comme tels, ceux qui sont atteints par les préjudices, appelons-les de cette façon, les retombées négatives des situations dues à l'exploitation des mines d'amiante, en particulier dans la région de Thetford.

Je pense que le député de Frontenac, d'abord, comme responsable du comté, devrait se lever non pas pour ramener le débat sur la question constitutionnelle, mais se lever pour répondre aux besoins des travailleurs de sa propre région, dans ce domaine-là. Il y a des gens qui, depuis des années — je pense que je ne me trompe pas, sinon vous me corrigerez — et les candidats du Parti québécois, lors de la dernière campagne électorale, se sont élevés également contre ces situations qu'ils jugeaient eux-mêmes intolérables à ce moment-là, sur lesquelles, disaient-ils, le gouvernement a des responsabilités et doit intervenir.

Maintenant, le gouvernement veut se donner un outil, pour intervenir directement dans le domaine de l'amiante. Et, par une curieuse circonstance, il apparaît que son intervention porte justement sur une des villes au Québec, soit Thetford, qui a le plus souffert et qui a encore le plus à souffrir de ces situations qu'on jugeait, en tant que candidats péquistes lors de la dernière campagne électorale, comme intolérables et devant être corrigées au plus tôt.

Et ce soir, devant cette même commission parlementaire, ces gens de la même formation politique qui forment maintenant le gouvernement, vous disent non. On ne touchera pas à cela.

M. Grégoire: À la motion. M. Bérubé: On n'a rien dit.

M. Brochu: Vous avez dit beaucoup, par la bouche du député de Frontenac.

M. Grégoire: On a dit non à la rédaction de la motion.

M. Bérubé: On a dit que le fédéral doit participer au partage des coûts.

M. Brochu: Non, non. Ne reportez pas. Ne jouez pas au ministre de l'Agriculture et ne reportez pas à la séparation le règlement de tous les problèmes. Je vais vous ramener sur une autre dimension tout à l'heure. C'est bien différent.

Si la motion, telle que présentée, ne vous convient pas — et elle le peut, je le concède — à ce moment-là, amendez-la. Mettez le coût réel, mettez le coût correspondant à ce que le Québec doit payer. À ce moment-là, vous allez...

M. Bérubé: Si vous convenez qu'elle est inadéquate, rien ne nous empêche de l'amender.

M. Brochu: Je peux le faire. À ce moment-là, je vais...

M. Bérubé: Où allez-vous faire votre amendement?

M. Brochu: À ce moment-là, j'aurai l'appui du député de Frontenac et des députés ministériels.

M. Grégoire: Si le fédéral paie au moins 50%, c'est déjà un bon départ.

M. Brochu: Vous connaissez les proportions à ce niveau-là. Il y a des proportions établies en ce qui concerne les possibilités, concernant la société centrale et ainsi de suite. Je n'ai pas les chiffres de mémoire. Si vous voulez, dans la proposition, mettons la proportion équivalente à la part devant être payée par le Québec, suite à la participation fédérale, ou une formule semblable qui aurait pour objectif de donner la pleine responsabilité a la Société nationale de l'amiante, en ce qui concerne sa part à elle, compte tenu du contexte fédéral.

M. Grégoire: ... 63?

M. Brochu: À ce moment-là, on rejoindrait les objectifs de tout le monde. Le ministre comme les députés du côté ministériel, comme le député de Frontenac, pourraient voter en faveur de cette motion, l'appuyer, donner une garantie dans le projet de loi à ces gens qui sont touchés par les conséquences négatives de l'amiante au niveau de la relocalisation de quartier de sorte que ces gens puissent avoir la garantie qu'ils recevront les compensations nécessaires et qu'on procédera à la relocalisation telle que souhaitée.

Je pense que ce serait en même temps, M. le Président, une garantie sur le plan des principes, une garantie d'ordre général que l'on accorderait aux citoyens de cette région, leur assurant ainsi qu'il n'y aurait pas que des retombées négatives du projet de loi 70, qu'il n'y aurait pas, d'un côté, qu'à financer les coûts énormes qu'ils auront à assumer pour l'application du projet de loi, qu'il n'y aurait pas qu'à supporter la non-création d'emplois seulement, qu'il n'y aurait pas qu'à supporter toutes les conséquences négatives qui pourraient découler du projet de loi lui-même, mais qu'au moins, dans le secteur de la relocalisation sur lequel le gouvernement s'est déjà prononcé en principe, il y aurait dès maintenant, au niveau de l'adoption du projet de loi, une garantie que ce qui est faisable par le provincial au niveau du paiement des coûts de relocalisation des quartiers rendue nécessaire en raison de l'exploitation d'une mine d'amiante, il y aurait cette garantie de sorte qu'il verrait que l'ensemble du projet de loi peut peut-être offrir d'autres garanties.

M. le Président, dans ce sens, je pense qu'il convient de proposer justement une motion de sous-amendement pour rejoindre les préoccupations de mes collègues. Sur ce, je voudrais soulever aussi un autre point dans le sens que jusqu'à maintenant les travailleurs du domaine de l'amiante n'ont pas eu suffisamment de garanties à tous les niveaux et même dans les domaines d'intervention où le gouvernement, le Parti québécois avait donné des garanties d'intervention pour protéger les travailleurs. Ces engagements n'ont, d'une part, pas été respectés. Si maintenant le gouvernement se permet de rejeter du revers de la main une proposition qui apparaît aussi logique et sur laquelle il s'est déjà prononcé publiquement dans le passé, je pense que c'est quand même non pas seulement la confiance des travailleurs de l'amiante qui sera minée face au gouvernement, mais également la confiance d'une partie beaucoup plus large des citoyens du Québec. Il y a eu beaucoup de citoyens, pour vous donner un exemple, M. le Président, qui ont eu énormément confiance et, à juste titre, lors de la dernière campagne électorale, au gouvernement du Parti québécois concernant la santé des travailleurs, plus particulièrement pour ce qui concerne l'application de la loi 52. Je le donne à titre d'exemple — je pense qu'il me reste encore suffisamment de temps pour le faire — pour montrer que le gouvernement ne doit pas décevoir ici non plus et que, les preuves sont faites, il a malheureusement déçu dans d'autres domaines. Pour ce qui concerne la loi 52, vous vous rappellerez qu'il y avait énormément d'insatisfaction au moment de la campagne électorale. Plusieurs personnes se plaignaient, à ce moment, que la loi 52 n'était pas appliquée intégralement. Les candidats du Parti québécois, à ce moment, disaient — et on pourra sortir les articles de journaux nombreux à ce sujet — qu'une fois rendus au pouvoir, qu'une fois formant le gouvernement, ils verraient à appliquer la loi 52 ou à l'amender, parce qu'un bon nombre de travailleurs se trouvaient encore en milieu de

travail sans avoir leur permis de travail, donc dans l'illégalité. Maintenant, après quinze mois, seize mois d'exercice du pouvoir, ces mêmes travailleurs sont encore dans les mines en train de travailler, atteints d'amiantose à 15%, 18% ou 20% dans certains cas, sans permis de travail, travaillant dans l'illégalité. Si on appliquait sévèrement la loi, telle qu'elle est actuellement, donc passible d'amendes très fortes pour tous les jours de travail ouvrables durant lesquels ils se sont présentés au travail...

Cela fait seize mois et on n'a pas vu l'ombre d'un changement dans ce secteur. C'est cela, la forme de garantie que le gouvernement a donnée, c'est-à-dire une garantie de non-intervention. Ils ont laissé tomber après. Cela concerne un seul secteur des travailleurs soumis aux injustices de l'application de la loi 52 tel que c'est actuellement. Je suis intervenu à différentes reprises en Chambre auprès des ministres, de différentes façons. Rien n'a bougé. On n'a pas respecté les engagements qu'on avait pris à ce moment. Comment voulez-vous que maintenant, la population puisse avoir des garanties suffisantes face à un projet de loi comme celui-là? Cela ne me surprend pas tellement, j'espère que cela changera l'attitude de s'enfarger actuellement dans des virgules, du côté du gouvernement, en ne voulant pas accepter un engagement de la sorte, de vouloir compenser les travailleurs qui ont à subir les préjudices des industries de l'amiante, comme ceux de Thetford ont eu à subir par les années passées.

L'autre groupe maintenant qui a à subir l'inaction du gouvernement et le manque de réponses à ses propres promesses, si vous voulez, c'est ceux qui ont été expulsés par la loi 52 du marché du travail et qu'on a accepté d'indemniser, selon la loi, à 90% de leur salaire. Ces gens ont demandé, comme c'était leur droit, à titre d'invalidité, de bénéficier du Régime des rentes du Québec. Ils reçoivent donc une rente. Pendant quinze ou seize mois, ces gens ont reçu la compensation de la loi 52, ils ont bénéficié du Régime des rentes du Québec. Leur pension était payée à part, par exemple, à la Canadian Johns-Manville, puisque ce sont des cas d'Asbestos, comme j'en ai eu plusieurs dans mon bureau ce matin. Or, depuis quelque temps, la Commission des accidents du travail revient, oblige ces gens à fournir des déclarations en ce qui concerne le Régime de rentes du Québec et déduit maintenant de leur revenu net les montants qu'ils reçoivent de la Régie des rentes du Québec, de sorte que ces gens se voient volés directement par le gouvernement du Québec, à cause de l'inaction du gouvernement du Québec, une partie de leur salaire. Ce sont des engagements que le gouvernement s'était engagé à leur fournir, à partir du projet de loi 52 et des compensations subséquentes. Ce sont des situations auxquelles on a à faire face dans ce domaine.

Je vous citerai simplement un cas que j'ai rencontré ce matin. Ce sont des personnes qui sont venues à mon bureau en plus des nombreux appels téléphoniques reçus et des autres person- nes que j'ai rencontrées, car le problème prend de l'ampleur actuellement. C'est M. Gaston Élie, d'Asbestos, qui recevait, comme indemnité complémentaire à la loi 52, $381.35 par mois, $56.00 de son fonds de pension de Canadian Johns-Manville et $241.69 du Régime de rentes. Cela faisait un grand total mensuel de $679. Or, maintenant, par je ne sais pas quelle opération de grattage de fond de tiroir — je ne sais pas si c'est pour récupérer les $20 millions que le ministre va perdre en n'imposant pas sa corporation — je ne sais pas quel est l'objectif de cela, mais maintenant on court après ces gars. Dans son cas, on lui enlève $298 par mois, c'est-à-dire son régime de rentes et sa pension qu'il s'est lui-même payée à l'entreprise d'à-côté. La personne se retrouve donc avec un salaire passablement atrophié. Ce qui créé énormément d'injustices...

M. Grégoire: Est-ce un gars de la loi 52? M. Brochu: Oui, c'est un gars de la loi 52. M. Grégoire: Combien reçoit-il de la... M. Brochu: Je viens de donner les chiffres.

M. Grégoire: Vous dites $50 en vertu de la loi 52?

M. Brochu: Au lieu de recevoir $381 par mois comme il recevait de la loi 52, maintenant il est condamné pour ainsi dire, avec l'administration du gouvernement actuel, à ne recevoir que $82 par mois. C'est cela l'application de la loi. C'est cela la protection des travailleurs qu'on accorde actuellement. Quel genre de garantie qu'on va avoir...

M. Grégoire: II recevait seulement $381 en vertu de la loi 52?

M. Brochu: Oui, parce qu'il avait d'autres compensations à côté de son fonds de pension qu'il s'était payé à la Canadian Johns-Manville et de son régime des rentes du Québec. Le problème qui se produit actuellement, c'est que depuis trois semaines ou un mois...

M. Grégoire: Quel âge a-t-il?

M. Brochu: Ce n'est pas une question d'âge. C'est celui de la loi 52. Ils sont tous dans le même cas.

M. Grégoire: Parce que la loi 52 arrête à 65 ans.

M. Brochu: II n'a pas encore 65 ans. Ce n'est pas cela. C'est que maintenant le gouvernement a décidé de faire une rafle à l'intérieur de tous ces gars et de déduire ce qu'ils reçoivent du Régime de rentes du Québec invalidité sur le montant qu'ils recevaient d'indemnisation en vertu de la loi 52. C'est devant cela que les travailleurs se retrouvent actuellement. Cela fait des mois que je demande

au gouvernement d'intervenir, d'appliquer ou de changer la loi 52. Non seulement le gouvernement n'agit pas, mais on se retrouve devant des situations aussi ridicules ou aussi injustes que celle-là. M. le Président, c'est pour — je termine là-dessus mon intervention — souligner que cela ne m'étonne pas que le gouvernement refuse actuellement une motion telle que celle présentée devant nous, aussi logique soit-elle. Je me demande vraiment s'ils veulent le bien des travailleurs. Leur réponse à l'avenir me dira quelle est leur attitude. J'espère qu'ils la changeront.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont ajournés à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 1)

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