L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des richesses naturelles

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des richesses naturelles

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le lundi 8 mai 1978 - Vol. 20 N° 65

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 70 - Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Etude du projet de toi no 70

Loi constituant la Société

nationale de l'amiante

(Quinze heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Gravel (Limoilou) en remplacement de M. Laplante (Bourassa); M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Motion pour suspendre l'étude

de l'article 19 et entreprendre

l'étude de l'article 18

Nous en étions à discuter une motion du député de Frontenac qui visait à suspendre l'étude de l'article 19, pour entreprendre l'étude de l'article 18 du projet de loi 70. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je viens de vous entendre confirmer l'information qui m'était parvenue par la rumeur publique à laquelle je n'osais attribuer foi. Il me semble assez inimaginable que l'on veuille, à l'insistance, me dit-on, du gouvernement, en arriver tout de suite à l'étude de l'article 19 pour immédiatement après suggérer de le suspendre pour étudier l'article 18. Est-ce que c'est un nouveau processus législatif qu'on aurait mis sur pied au cours de la dernière semaine, M. le Président, en vertu duquel on commencerait par le dernier article du projet de loi? On ferait une motion pour suspendre celui-là et étudier l'avant-dernier, mais avant de procéder, en faisant une motion pour suspendre lavant-dernier, on suggérerait d'étudier la pénultième et ainsi de suite, jusqu'au premier article. Il serait plus simple de revenir au procédé traditionnel, par ordre numérique logique.

Nous en étions à l'article 4, si je comprends bien, et après quelques jours d'absence motivés, M. le Président, je brûle de retourner à l'étude de l'article 4, qui est devenu le grand favori de cette commission au cours de ses séances antérieures, II me semble que là-dessus, au moins, on ne se trompait pas sur la procédure. Il y aurait un grand avantage pour nos amis ministériels d'abandonner ces tactiques et d'en revenir à une étude systématique du projet de loi — les articles 1, 2 et 3 sont terminés, M. le Président — en essayant de terminer, au cours de la séance de cet après-midi, si possible, l'étude de l'article 4, puisque nous avons encore bon nombre d'amendements à proposer aux articles subséquents 5, 6, 7, 8, amendements de nature technique, de toute manière, qui sont dans le plus grand intérêt du gouvernement lui-même qui a, je pense, dans sa rédaction, fait des omissions et des inexactitudes qui mériteraient d'être corrigées avant que ce projet de loi — à cause de la procédure expéditive que le gouvernement a choisi d'adopter, au cours des derniers jours — ne reçoive sa sanction, parce que ces erreurs, une fois consacrées par la signature du lieutenant-gouverneur, deviendront permanentes et malheureuses à plus d'un titre.

M. le Président, je me demande si, la réflexion de la fin de semaine ayant porté fruit, le député de Frontenac ne voudrait pas tout simplement laisser tomber sa motion de suspendre l'article 19 pour étudier l'article 18. Je soupçonne que tout de suite après, si on acceptait cette motion, il nous demanderait de suspendre l'article 18 pour considérer l'article 17. Avec un peu de temps il va se rendre à l'article 4, mais il pourrait y aller plus directement et beaucoup plus rapidement.

M. Bérubé: On demande le vote. M. Grégoire: On demande le vote.

M. Forget: Vous maintenez votre désir de revenir à l'article 18, en mettant de côté l'article 19, pour lequel vous aviez manifesté tant d'impatience dans le passé.

M. Ciaccia: Est-ce que cela serait trop vous demander de nous dire pourquoi vous ne voulez pas étudier les articles 5 à 18.

M. Bérubé: Tout de suite après on revient à la fin de l'article 4 et on va continuer.

M. Grégoire: Tout de suite après.

M. Ciaccia: Je ne dis pas que vous avez peur de continuer à discuter les articles 5 à 18.

M. Grégoire: Non, si vous cessez de nous faire perdre notre temps, on va revenir à l'article 4, ce ne sera pas long. Si vous parlez pendant 10 minutes, comme vous venez de le faire, pour ne rien dire, cela va prendre du temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Vous n'écoutiez pas, alors vous pouvez difficilement argumenter de cette façon.

M. Grégoire: Ce n'est pas toujours nécessaire de vous écouter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: II ne s'est pas amélioré depuis la dernière semaine.

M. Grégoire: ... pas amélioré, M. le Président, le printemps me donne de la vigueur.

M. Forget: Contrairement au vin, en vieillissant il ne s'améliore pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, à l'ordre!

M. Ciaccia: Si vous remarquez, si on perd du temps, c'est que vous êtes arrivé une demi-heure en retard. On était supposés être ici à trois heures pour continuer la discussion...

M. Grégoire: J'étais dans le comté de l'amiante pendant ce temps-là.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion du député de Frontenac sera adoptée?

M. Forget: C'est sûr qu'on est contre, M. le Président, j'imagine qu'elle sera adoptée, le nombre aidant. Donc, avec une demi-heure de retard dans le début de nos travaux, on a réussi à trouver une majorité de l'autre côté pour adopter cette motion, sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté, sur division. Nous entreprendrons l'étude de l'article 18.

Motion d'amendement à l'article 18

M. Bérubé: M. le Président, j'aimerais présenter un amendement à l'article 18, qui consiste à remplacer le troisième alinéa de l'article 18 par le suivant: "Toute directive émise en vertu du présent article doit être déposée à l'Assemblée nationale, si elle est en session, dans les quinze jours de son approbation par le gouvernement. Si la directive est émise alors que l'Assemblée nationale ne siège pas. la directive doit être déposée devant elle dans les quinze joues de l'ouverture de la session suivante ou, suivant le cas, dans les quinze jours de la reprise de ses travaux. "

Recevable, ou non recevable?

Je ne peux pas vous en faire faire, c'est arrivé très rapidement. Oh, pardon, j'ai même une deuxième copie, il me fait plaisir de vous transmettre cette feuille. On est arrivé... mon collègue de l'Union Nationale...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est recevable, sauf qu'étant donné que c'est déposé par le ministre, je proposerais que le troisième paragraphe, tel que proposé dans un amendement, devienne partie intégrante de l'article 18. Avec ce nouveau troisième paragraphe, il est possible de l'amender par la suite.

Est-ce que vous êtes d'accord, M. le député de Saint-Laurent? C'est la procédure qu'on suit...

M. Forget: Non, j'aurais une certaine difficulté. Je serais d'accord, normalement, sauf qu'il y a un langage assez... cela fait deux fois que je le relis et j'essaie de comprendre le texte original...

M. Bérubé: J'ai dû le faire aussi vite que vous, M. le député.

M. Forget: ... et comme il n'y a pas de correspondance absolue, du moins dans mon esprit, à moins que je prenne une heure pour le relire trois ou quatre fois, j'aimerais que le ministre nous explique le sens de cette modification et qu'on l'adopte formellement, parce que je ne peux même pas savoir si c'est de forme ou de fond, cette modification.

M. Bérubé: Je ne vous cacherai pas qu'elle m est arrivée, il y a exactement une demi-heure par le comité de législation qui, par hasard, en faisant une vérification, essentiellement, a suggéré des changements pour des raisons, semble-t-il, de clarté. Cela peut d'ailleurs, se comprendre.

Si vous reprenez l'article de loi original, à la quatrième ou à la troisième ligne, on lit ce qui suit: Si la directive est émise alors que l'Assemblée nationale n'est pas en session", vous remarquez que c'est modifié, puisqu'il est écrit maintenant: "Si la directive est émise alors que l'Assemblée nationale ne siège pas". C'est donc écrit en termes plus généraux et ça permet d'enlever carrément les trois lignes subséquentes, parce qu'il fallait distinguer si elle était en session entre le moment où elle ajourne ou la date fixée pour la reprise de ses travaux. Je suppose que c'est l'ajournement d'été ou l'ajournement pour les vacances de Pâques et, à ce moment-là, lorsqu'on utilisait l'expression "l'Assemblée nationale en session", il fallait distinguer tous les cas possibles d'ajournement sans qu'il y ait, effectivement, fin de la session.

Ce que le comité de législation nous propose, c est d'enlever le terme, "n'est pas en session ", et de le remplacer par "ne siège pas", qui est un terme plus général et, à ce moment, cela permet d'éliminer toute cette série de considérations secondaires pour distinguer tous les cas possibles où l'Assemblée nationale ne siégerait pas. Alors, il s'agirait d'une modification de forme qui allégerait la loi plus qu'autre chose.

M. Forget: Nous sommes en faveur de l'adoption de cet amendement.

M. Bérubé: M. le Président, je n'en reviens pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté.

M. Bérubé: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Je demanderais une directive.

M. le Président, nous avons, la semaine dernière, à la toute fin de nos travaux, voulu apporter un amendement et j'aimerais une directive de votre part. En effet, l'amendement que nous avons proposé, qui était d'ailleurs annoncé depuis déjà un certain temps, consistait à insérer un article 18a, essentiellement. Nous avons donc peiîé que la méthode que favorisait la procédure po jr une telle modification au projet de loi consistait essentiellement à suspendre l'étude du projet de loi et à nous reporter à l'article 19. et, en entamant I étude de l'article 19, à demander une renumérotation de l'article 19, ce contre quoi vous vous êtes élevé, M. le Président. Je dois dire, cependant, qu'ayant pris le temps d'aller faire quelques contacts auprès d'autres juristes éminents du groupement des présidents, nous avons eu d'autres opinions. Il semble qu'il existe plusieurs théories sur la façon d'atteindre cette fin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils n'ont pas contesté ma décision.

M. Bérubé: Ils n'ont pas contesté votre décision.

Néanmoins, M. le Président, j'aimerais savoir si, advenant la suspension de l'article 18...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement est adopté.

M. Bérubé: Un instant, je n'ai pas terminé. Advenant la suspension de l'article 18. dois-je conclure que nous passerions immédiatement à l'article 19, c'est-à-dire que nous passerions par un état intermédiaire; nous cherchons depuis tantôt, depuis la semaine dernière à trouver un état intermédiaire, un état transitoire qui nous permettrait, à ce moment, de glisser rapidement notre amendement 18a.

M. Forget: Furtivement.

M. Bérubé: Furtivement dois-je dire, mais je n'arrive pas à découvrir par quel prodige de la procédure, M. le Président, j'arriverais à trouver ce moment furtif, passager, transitoire qui me permettrait de glisser l'article 18a. M. le Président, je vous demande donc une directive...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un conseil.

M. Bérubé: ... Un conseil qui consisterait à suspendre l'article 18 et j'ose présumer que nous devrions automatiquement passer à l'étude de l'article 19, ce qui me donnerait le temps de glisser, entre le moment où vous ouvririez la bouche, mon amendement 18a. Est-ce juste?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On n'a pas encore... S'il vous plaît! Actuellement, on n'a pas encore adopté l'article 18; nous avons adopté un amendement qui a pour but de modifier l'article 18, mais je n'ai pas encore demandé le vote sur l'article 18. Votre question est hypothétique et se poserait beaucoup plus après l'adoption de l'article 18.

M. Bérubé: Si je demandais la suspension de l'article 18, M. le Président, ayant droit de parole...

M. Brochu: Cela ne vous arrange pas plus, parce que ce n'est pas encore le moment de la discussion sur l'article intermédiaire.

M. Grégoire: M. le Président, je pense bien que je vais demander à mes collègues d'en face s'ils accepteraient de suspendre l'article 18 pour introduire un amendement, un nouvel article 19, quitte à ne pas l'étudier immédiatement et à aller immédiatement à l'article 4 puisque mes bons amis d'en face voulaient y aller.

M. Ciaccia: Non, non, cela va tout mêler!

M. Grégoire: Je demande le consentement unanime.

M. Ciaccia: Vous n avez rien appris.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, je vous arrête immédiatement vous êtes en train de faire la même erreur que la semaine dernière. Vous avez parlé d'un nouvel article 19.

M. Ciaccia: C'est le même problème qu'on a eu vendredi matin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: M. le Président, je demande le consentement unanime. Je crois que cette commission parlementaire est en même temps...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voulez-vous que je vous donne une directive?

M. Forget: Oui, oui.

M. Ciaccia: Oui, dites-leur donc comment faire leur travail.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'abord, vous ne pouvez pas proposer un nouvel article 19 qui viendrait écarter l'article 19 actuel. En utilisant les mots "proposer un nouvel article 19", ce serait immédiatement jugé irrecevable; c'est exactement le même cas que vendredi dernier. Pour répondre à votre question, évidemment, on peut être momentanément dans un état intermédiaire, entre l'article 18 et l'article 19 si, avant

que le président n'appelle l'article 19, le ministre prend la parole pour suggérer l'inclusion d'un nouvel article qui se situerait non pas en remplacement de l'article 19, mais comme un nouvel article qui pourrait être 18a.

M. Bérubé: Je vais vous prendre au vol, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est la directive.

M. Bérubé: Je demanderais la suspension de l'article 18 de manière à saisir ce moment fugitif.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): N'y aurait-il pas lieu de demander, au préalable, si l'article 18 est adopté?

M. Ciaccia: C'est assez logique, je crois.

M. Bérubé: Auquel cas nous nous exposons à une série d'amendements. Vous pouvez le demander, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, puis-je vous donner une autre directive? Vous pouvez toujours présenter, à tout moment, une motion de suspension de l'étude de l'article.

M. Bérubé: M. le Président, j'accepte votre manoeuvre stratégique.

M. Forget: Vous avez demandé si on adoptait l'article 18, si je comprends bien, M. le Président? On adopte, quant à nous, l'article 18.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 18 est adopté tel qu'amendé.

M. Bérubé: Puisque j'avais l'impression d'avoir compris un peu la règle de procédure, j'aimerais...

M. Ciaccia: Là, par exemple, "watchez-vous"!

M. Bérubé: Ah, ah, ah! J'aimerais présenter ici un amendement au projet de loi no 70 qui consisterait à insérer un article 18a, entre l'article 18 et l'article 19, qui se lirait ainsi.

M. Forget: M. le Président, question de règlement. Indépendamment du texte que se propose de lire le ministre, l'insertion d'un nouvel article dans le projet de loi, à ce moment-ci, n'est pas recevable selon l'article 3 de notre règlement qui fait référence à la tradition; dans le cas où la tradition s'incorpore dans l'ancien règlement, on dit explicitement que les dispositions non contraires de l'ancien règlement s'appliquent. Or, l'ancien règlement — son article 564 — prévoyait un certain ordre pour l'étude d'un projet de loi. Il s'agit d'abord des articles imprimés du projet de loi; des articles imprimés qui ont été différés; les articles nouveaux, en troisième lieu; quatrièmement, les annexes imprimées; cinquièmement, les annexes nouvelles; sixièmement, le préambule et septièmement, le titre, mais seulement s il y a lieu de l'amender.

C'est une tradition, à ma connaissance, que toutes les commissions parlementaires continuent de respecter. C'est pourquoi il n'est pas possible, à ce moment-ci, d'introduire, même de la part du proposeur du projet de loi, un nouvel article qui ne soit pas imprimé; on pourra le faire, cependant, lorsque l'étude du projet de loi dans son entier aura été complétée, c'est-à-dire les 25 articles que comporte le projet de loi, mais à ce moment-ci une telle motion est prématurée.

M. Bérubé: M. le Président, n'ayant pas une longue expérience des débats parlementaires, je ne suis pas familier avec le règlement antérieur de I'Assemblée nationale et je devrai me fier à votre interprétation. Néanmoins, il m'apparaît que cette technique a été largement utilisée dans le cas de la loi 101 et de la loi 45 où les ministres ont été amenés à proposer de nouveaux articles qu'ils ont insérés à l'intérieur des articles existants. Par conséquent, il s'agit là d'une procédure tout à fait courante, tout à fait usitée et habituelle. D'autant plus, M. le Président, que si l'article qui est proposé ici allait à l'encontre de la décision de l'Assemblée nationale en deuxième lecture quant au principe de la Société nationale de l'amiante... Nous avons connu — en aparté — le cas de la Loi sur l'assurance automobile où on s'est opposé à réintroduire certains articles portant sur la possibilité pour la société de s'impliquer au niveau de I'assurance pour dommages matériels, puisque le projet de loi initial n'incluait pas une telle provision. Donc, à l'époque, on s'était opposé. Le président avait donné raison à l'Opposition parce qu effectivement l'article proposé pouvait modifier substantiellement l'esprit même de la loi qui avait été adoptée en deuxième lecture.

Cependant, dans le cas présent, l'article que nous voudrions proposer ne va pas à l'encontre de l'esprit de la loi. Il a d'ailleurs fait l'objet d'un long débat ici, l'Opposition demandant qu'un tel article soit intégré. Notre opposition avait pour but d indiquer qu'un tel article devait plutôt s'insérer au niveau des conditions d'exercice du pouvoir de la société plutôt qu'au niveau de la constitution de la société. De ce fait, nous n'étions pas entièrement d'accord sur la place que devait occuper l'article dans le projet de loi. Mais néanmoins, l'amendement que je propose... D'ailleurs l'Opposition est parfaitement au courant du contenu de cet amendement bien qu'elle n'ait pas à se prononcer pour l'instant sur le contenu de l'amendement; I'Opposition reconnaîtra que cet article ne va pas à l'encontre de l'esprit du projet de loi puisqu'elle-même en proposait un similaire.

M. Forget: Sur ce point de règlement, M. le Président, il est vrai que de consentement tous les règlements qui s'appliquent aux travaux des commissions parlementaires peuvent être écartés si

tous les membres de la commission y consentent, pour des raisons qui peuvent varier d'un cas à l'autre. Dans ce cas-ci ce n'est pas clairement le cas. Ce n'est certainement pas au moment où l'Opposition se fait imposer la guillotine qu'elle va donner son consentement pour que le gouvernement choisisse parmi les nombreux articles du projet de loi qui restent ceux qu'il veut bien discuter d'ici à demain matin. Il n'est donc pas concevable que nous donnions notre consentement pour étudier cet amendement. Cela ne pourrait donc se faire que si le règlement y pourvoyait. Alors, précisément, le règlement n'y pourvoit pas. Et les précédents qui ont été cités par le ministre l'ont été de consentement. Les dépôts ont été effectués de consentement et ont été faits au début de l'étude des projets de loi en question. Non pas à la fin comme le ministre se propose de le faire dans le moment. Lors de l'étude du projet de loi 45 c'est au début de I'étude article par article du projet de loi, après les exposés préliminaires, qu'ont été déposés certains amendements; on me dit que la même chose a prévalu dans le cas de l'étude de la loi 101. Dans ce cas-ci, il y a donc deux conditions manquantes: Le consentement et le fait que ce consentement est sollicité à un moment bien différent du moment où il a été sollicité dans d'autres occasions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus pour dix minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

Reprise de la séance à 16 h 30

Décision du président

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Comme vous le voyez, ma réflexion a duré plus de dix minutes, je m'en excuse. De toute façon, c'est une décision importante que j'ai à rendre qui va servir, peut-être pas de précédent... mais pour la présente Législature, c'est la première fois que cela se présente. Cela s'est déjà présenté lors de l'étude du bill 22, mais pas de façon identique. On avait eu l'occasion d'appliquer l'ancien règlement. Les députés de l'Opposition faisaient des motions pour amender le préambule d'un texte de loi et le député de Gatineau, qui était président de la commission, s'est servi de l'ancien règlement, étant donné le silence du règlement actuel, pour dire que le préambule, en fait, serait étudié dans l'ordre prévu à l'article 564 de l'ancien règlement.

Des nuances, cependant, s'imposent, en ce sens qu'il faut bien se mettre dans l'esprit qu'actuellement, nous allons de motion de suspension en motion de suspension. Autrement dit, lorsque nous étudions un projet de loi article par article, rien n'empêche le ministre, sans consentement, de présenter — par exemple, après l'étude de l'article 3, nous avons étudié l'article 1, l'article 2, et l'article 3 — rien n'empêche le ministre responsable du bill de présenter entre l'article 3 et l'article 4, un nouvel article qui serait, par exemple, intitulé "article 3a", et ainsi de suite. Rendu à l'article 12, rien n'empêche le ministre de présenter un nouvel article qui s'intitulerait "article 12a".

C'est le principe, sauf que dans le cas actuel, nous avons eu une première motion demandant de suspendre l'étude des articles 4 à 18 inclusivement pour entreprendre l'étude de l'article 19. L'article 19 ayant été appelé, on a présenté un amendement à l'article 19 que j'ai jugé irrecevable, puisque écartant la motion principale. A ce moment-là, on m'a présenté une motion demandant de suspendre l'étude de l'article 19 pour entreprendre l'étude de l'article 18. L'article 18 a été adopté tel qu'amendé. Je suis donc lié par les motions qui m'ont été présentées au préalable. La dernière motion me demandant temporairement — et c'est tacitement temporaire parce que ce n'est pas dans la motion — la suspension, bien sûr, de l'article 19 pour entreprendre l'étude de l'article 18 et nécessairement une suspension temporaire, je me dois donc, une fois que l'article 18 aura été adopté, de revenir à l'article 19, lié que je suis par le texte même, le libellé même de la motion qui a été présenté par le député de Frontenac et que j'ai déclarée recevable.

Donc, notre suspension ayant eu lieu pour l'étude de l'articie 18, l'article 18 ayant été adopté, je me dois de retourner à la motion principale, qui est de revenir, 18 étant adopté, à l'article 19.

En conséquence, j'appelle l'article 19. Donc, le nouvel article que le ministre voulait présenter est déclaré non recevable, si on peut dire, et si on me demandait, comme directive, comment l'introduire — je sais que c'est une question qu'on va me poser — je dirais, conformément à ce que je viens de dire, que ce n'est qu'une fois l'étude des articles 1, 2 à 17 accomplie, l'article 18 ayant.été adopté, que le ministre pourra présenter un nouvel article numéroté 18a.

C'est le sens de la décision que je viens de rendre, sauf qu'avec le consentement unanime — évidemment, l'assemblée étant maîtresse de ses travaux, bien sûr, on peut tout faire, même faire échec au règlement. Le consentement unanime n'a pas été obtenu, donc, j'appelle l'article 19.

M. Bérubé: II a été suspendu celui-ci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je dois vous dire immédiatement qu'après l'article 19, conformément à l'ancien règlement qui doit nous guider dans cette façon de procéder, je me dois de retourner au dernier alinéa de l'article 4, puisque le projet de loi doit être étudié dans l'ordre numérique des articles, à moins qu'il y ait motion de suspension qui nous permette de sauter à d'autres articles. M. le ministre.

M. Bérubé: Advenant l'hypothèse qu'au cours de l'étude du projet de loi nous devions sauter au-dessus de l'article 5 et continuer avec les articles 6, 7, 8, 9, 10 et qu'arrivant à l'article 18, nous

proposions un article 18a, accepteriez-vous d'étudier I article 18;

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Conformément à ce que je viens de dire, je retournerais à l'article 5.

M. Bérubé: Je comprends. Je commence à voir la cohérence interne dans vos propos. Donc, d'après votre directive, il n'est pas possible de suspendre l'étude d'un article pour, éventuellement, insérer un nouvel article; il faudrait absolument les étudier à la suite les uns des autres et cela serait uniquement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins de consentement, parce qu'à partir du moment où on suspend l'étude d'un article, pour entreprendre l'étude d'un autre article, nous nous devons, après l'adoption de cet article, de revenir à l'article dont l'étude a été suspendue. C'est ce que l'on fait actuellement. On suspend l'article 19, on retourne à l'article 18 et, l'article 18 étant adopté, nous revenons à l'article 19. C'est une question rigoureuse de logique, même si ce n'était pas aussi logique que cela, tout à l'heure.

M. Grégoire: L'espace intermédiaire entre deux articles n'existerait pas.

M. Bérubé: ... et aux commissions, suspend son action...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est-à-dire que l'espace intermédiaire entre deux articles existe pour autant que nous étudions les articles dans leur ordre numérique. Mais à partir du moment où il y a une motion de suspension, nous nous devons nécessairement, même s il y a, théoriquement, encore là, un espace entre deux articles nous permettant de présenter d'autres sortes de motions, nous nous devons de revenir à l'article dont I'étude a été suspendue.

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'ailleurs, je pense que c'est la définition même du mot "suspension".

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais vous demander une directive. Est-ce qu il me serait possible, dans ces circonstances, de présenter une motion demandant la suspension de l'article 4, ainsi que la suspension des articles 5 à 25, ainsi que la suspension de I'étude du titre, pour passer à l'étude des articles nouveaux?

Si je peux demander la suspension d'un article... M. le Président, je crois que si je peux demander la suspension d'un article... Je crois que vous avez le texte de l'ancien règlement, si vous me le prêtez, M. le député; me le prêtez-vous, une minute?

M. Forget: Oui.

M. Grégoire: Si je peux demander la suspension d'un article, je peux certainement demander la suspension de tous les articles imprimés. Je peux demander également, je crois, la suspension de tous les articles imprimés qui ont été différés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous pouvez présenter toutes sortes de motions que la présidence aura à juger recevables ou non, une fois qu'elles seront présentées.

M. Grégoire: Je demande une directive. Pour avoir une autre directive, je voudrais vous proposer, conformément à l'article 3 du...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant donné que je sens qu'elle va être complexe, vous la ferez par écrit, s'il vous plaît.

M. Grégoire: Elle sera très simple, M. le Président, conformément à l'article 3...

M. Bérubé: On va les laisser revenir...

M. Grégoire: ... la directive du président qui serait, il me semble, très originale à entendre...

M. Bérubé: Nous ne le saurons pas. M. le député de Frontenac...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle est peut-être originale, mais elle est certainement conforme au règlement.

M. Grégoire: Elle serait présentable et receva-ble.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'importance de la décision d'un président, ce n'est pas d'être originale, c'est d'être conforme au règlement.

M. Grégoire: Elle serait recevable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je n ai pas dit ça. Présentez-la et on verra.

M. Bérubé: II faudrait 45 minutes d'étude, M. le député de Frontenac.

M. Brochu: Présentez-la.

M. Grégoire: M. le Président, est-ce que...

M. Bérubé: II faudrait 45 minutes de suspension des travaux; je pense que l'Opposition serait peut-être mieux de suspendre l'article 19...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J appelle l'article 19. Est-ce que l'article 19 sera adopte?

M. Forget: M. le Président, on ne retiendra pas l'adoption de l'article 19, mais j'aimerais, pour les fins de ma bonne compréhension de votre déci-

sion, bien saisir le sens dans lequel votre interprétation de l'ancien article 564 du règlement — ou de l'article 564 de l'ancien règlement pour être plus correct — doit être faite.

Si je comprends bien, vous avez dit: Le ministre peut, en tout temps, lorsque l'étude d'un projet de loi se fait dans l'ordre numérique normal des articles, introduire un article 12a après l'article 12, etc. Ce qui veut dire que, pour les fins de l'interprétation de l'article 564, faut-il comprendre que le numéro 3 qui se lit comme suit: "Les articles nouveaux ne s'appliquent pas aux amendements ou aux nouveaux articles introduits par le ministre..."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est de tradition; les articles nouveaux présentés par un ministre ne sont pas considérés comme des amendements, mais comme des articles faisant partie intégrante du projet de loi.

M. Forget: C'est là-dessus que repose votre décision? C'était simplement pour obtenir un éclaircissement, M. le Président.

Je ne conteste ni ne fais quoi que ce soit là-dessus; je prends simplement note de votre décision.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est entendu que si, par exemple, l'article 4 étant complété, le ministre avait un nouvel article 14 à proposer, je ne pense pas que cela nécessiterait le consentement unanime des membres de la commission parlementaire pour déposer le nouvel article.

M. Forget: Superficiellement, cela peut paraître une interprétation audacieuse de l'ancien article 564, mais encore une fois, je prends votre décision comme elle est rendue, sans faire de plaidoyer là-dessus. D'accord, je n'ai rien d'autre à dire sur le règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre.

M. Forget: Non.

Comptes et rapports (suite)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'appelle l'article 19.

M. Bérubé: Adopté, M. le Président. M. Grégoire: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 19 est adopté.

M. Forget: Un instant, M. le Président. A l'article 19, selon l'expression usuelle de nos jours, y a rien là, dans un certain sens, puisqu'on dit qu'il doit y avoir un rapport annuel. Cependant, j'ai une question de forme et un peu aussi de substance. Est-ce qu'il n'y a pas une tradition à l'effet que les exercices financiers des sociétés d'Etat se terminent tous à la même date et coïncident avec l'année civile ou bien l'exercice financier du gouvernement. Est-ce qu'il n'y a pas une tradition de ce côté, comme le 31 mars, par exemple, et est-ce qu'il y a véritablement un avantage à permettre que cette date soit sujette à des variations décrétées par règlement du gouvernement. Il semble qu'on a plusieurs autres sociétés REXFOR, SOQUIP qui précisent en particulier que l'année financière se termine le 31 mars de chaque année. Est-ce qu'il y a une raison pour s'écarter de ce "pattern", de cette coutume?

M. Bérubé: La seule raison immédiate, c'est que les sociétés qui pourront être acquises par la Socété nationale de l'amiante — on peut penser à une en particulier — peuvent avoir un exercice financier qui ne se termine pas à la date conventionnelle, soit l'exercice financier du gouvernement, soit l'année fiscale. Par conséquent, on pourrait être amené à avoir un exercice financier qui soit légèrement différent. C'est pour garder une certaine flexibilité devant l'inconnu.

M. Forget: Ne serait-il pas prudent — je le fais seulement à titre de suggestion au ministre. Cela pourrait faire l'objet d'une motion formelle et d'un débat de vingt minutes, mais il n'est pas question de cela — de prévoir, une fois cette date établie par règlement, à la suite des remarques du ministre selon lesquelles on peut faire l'acquisition d'une société dont l'exercice financier se termine à une date autre que le 31 mars, ne serait-il pas prudent que cela ne puisse plus être changé, sauf par une loi?

Il y a une raison pour laquelle l'exercice financier est déterminé par la loi plutôt que par le règlement. Si cette raison est valable et que, par ailleurs, la raison qu'a évoquée le ministre dans ce cas précis est également valable, il y a une façon de concilier tout cela en disant que le gouvernement pourra, une première fois, déterminer la fin de I exercice financier et qu'une fois ainsi déterminé, il demeurera inchangé à moins d'une modification à la loi. Ceci pour éviter qu'un gouvernement ultérieur — je n'accuse personne — ne cherche, en changeant la date, à camoufler l'incidence de certaines décisions sur les états financiers d'une société d'Etat en allongeant ou en raccourcissant un exercice financier. Cela peut se faire. C'est probablement la raison pour laquelle, dans les lois, on dit que cela se termine à telle date de façon que ce ne soit pas possible autrement, à moins que cela donne lieu à un débat.

C est une suggestion que je fais. Peut-être le ministre voudra-t-il la prendre en considération.

M. Bérubé: Si le député de Saint-Laurent n'avait pas d'objection, j'aimerais — avant de lui donner une réponse ce soir — en discuter avec certains conseillers juridiques et voir s'ils ont d'autres arguments vraiment importants. Sinon, effectivement, les remarques que vous faites me paraissent fondées. Personnellement, je n'ai pas d'objection à fixer cela dans la loi comme tel.

M. Forget: D'accord, Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Article 19, adopté.

M. Grégoire: Adopté.

Objets de la société (suite)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Maintenant, conformément au règlement, je me dois de revenir à l'article 4. Est-ce que l'article 4 sera adopté?

M. Bérubé: Adopté.

M. Forget: Non, M. le Président. On va se resituer, avec votre permission...

M. le Président, dans l'exécution de son mandat, de son double mandat, mais particulièrement de son mandat industriel, la société de l'amiante, quoi qu'en dise le ministre quant à I'acquisition d expertises via l'achat d'une société minière, va se trouver sur un terrain inconnu d'elle, forcément, inconnu du gouvernement, inconnu même des fonctionnaires qui seront soit délégués à cette société ou qui seraient en mesure, à partir du ministère des Richesses naturelles ou du ministère des Finances, d'évaluer les décisions qui seront prises au nom du gouvernement par la Société nationale de l'amiante.

Afin d'éviter des erreurs graves qui sont plus susceptibles de se produire au moment du lancement de certaines activités ou de certaines opérations industrielles — Dieu sait que le Québec, dans les tentatives qu'il a faites pour prendre en main son développement économique depuis une quinzaine d'années, a éprouvé un certain nombre de déboires dus, assez souvent, à l'inexpérience des gens, des structures en place — il apparaît qu'il serait opportun que, dans l'exécution de son mandat — en particulier la partie du mandat qui est décrite par le paragraphe b) de l'article 4 — la société de l'amiante, au moins au départ — la loi pourra, dans quelques années, être révisée à la lumière de l'expérience acquise — soit soumise à une contrainte qui tienne compte justement de cette inexpertise relative de cette société, en l'obligeant à s'associer, à s'engager seulement sous la forme de "joint venture " — si I'on peut employer cette expression dans une langue autre que le français — à s'associer à d'autres entreprises qui ont déjà la connaissance des marchés ou des procédés de fabrication, etc., de manière que — et ceci sans porter atteinte à quoi que ce soit au dévouement, au désir de bien faire de ceux à qui on confiera ces responsabilités — ses premières décisions soient prises dans le meilleur contexte possible. Ceci peut se faire lorsqu'on s'associe à d'autres qui y risquent eux-mêmes certains capitaux et qui disposent, par ailleurs, de certaines expertises.

Dans ce sens, j'aimerais présenter un amendement à l'article 4 qui se lirait comme suit: "Que le deuxième alinéa de l'article 4 soit modifié en remplaçant dans la première ligne les mots "A cet effet" par les mots Aux fins du paragraphe b) de l'alinéa précédent' ; en remplaçant dans la première ligne les mots "aussi bien que" par les mots directement ou pas"; en remplaçant, dans la première ligne, le mot "peut" par le mot "doit"; en remplaçant, dans la deuxième ligne, les mots "toute personne ou" par le mot "une"; et en remplaçant, dans les deuxième et troisième lignes, les mots "sous réserve des autres dispositions de la présente loi" par les mots "ayant entre autre pour objet la fabrication ou la mise en marché de produits à base d'amiante ou de produits ayant des usages analogues".

L'alinéa amendé se lirait donc comme suit:

Aux fins du paragraphe b) de l'alinéa précédent. la Société, directement ou par ses filiales, doit s'associer ou conclure des accords avec une société ayant entre autres pour objet la fabrication ou la mise en marché de produits à base d amiante ou de produits ayant des usages analogues."

Le motif de ceci, je l'ai exposé, c'est de prévoir une période de rodage en quelque sorte...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Motion recevable.

M. Forget: Merci, M. le Président... Prévoir une période de rodage de l'équipe dirigeante de la Société nationale de l'amiante qui permette par association d'acquérir une expérience, une expertise appropriée à des risques qui sont malgré tout considérables. Les fonds qu'on va investir dans tout ceci, à même le trésor public ou à même le crédit de I'Etat, sont considérables, sont peut-être d'une envergure plus grande en terme absolu que ceux qu'on a initialement consacrés à toute autre espèce de projets de caractère industriel ou commercial venant du gouvernement du Québec. Bien sûr. le texte initial de la loi peut permettre des associations. Il n'y a rien qui l'interdise dans le texte et c'est une réponse qu'on pourrait nous faire, une objection qu'on pourrait faire à cet amendement en disant que c'est au conseil d'administration à juger s'il est opportun ou non pour lui de s'associer de cette façon. C'est vrai qu'un conseil d'administration a le pouvoir de s'associer ou pas si la loi ne le lui interdit pas et qu'il serait fort possible qu'un conseil d'administration décide de son propre chef, de minimiser ces risques d'augmenter ses chances de succès en cherchant de telles associations.

Cependant, il faut bien voir que, s'il a l'entière responsabilité de cette décision, un certain nombre de facteurs peut l'en décourager.

Il y a d'abord le contexte psychologique ou même, si I'on veut, politique de la décision entourant la création de la Société nationale de l'amian-te, qui est d'ailleurs volontairement présentée par le gouvernement comme un geste politique d'affirmation, d'indépendance économique, ou d'autonomie économique, c'est susceptible de constituer, sur les membres du conseil d administration. une espèce de frein trop considérable pour diluer cet aspect d'autodétermination économique que représente la création de la Société nationale de I'amiante. S'ils sont le moindrement sensibles à ce

climat, même si le ministre n'exerce aucune pression, il reste que l'opinion publique, le contexte politique, encore une fois, et psychologique dans lequel la société est créée est susceptible de les retenir, de leur faire se poser la question: Si on le fait et si cette entente finalement devient un objet de controverse politique, nous serons sans défense puisque, évidemment, ce sont des administrateurs qui n'ont pas de voie politique, qui ne peuvent pas s'exprimer directement à I'Assemblée nationale. Ils peuvent se sentir gênés ou plutôt ils peuvent hésiter à poser des gestes qui pourraient être interprétés comme une gêne pour les responsables politiques, pour le Conseil des ministres. Ils peuvent vouloir éviter au Conseil des ministres, peut-être à tort, peut-être sur une fausse impression, d'avoir à défendre une telle entente, d'avoir à s'expliquer, soit à l'Assemblée nationale, soit même devant les instances du parti qui détient actuellement les rênes du pouvoir, sur un geste qui serait considéré par certains — on ne peut se le cacher — comme étant une espèce de semi-abdication d'une autonomie chèrement acquise sur le plan du développement de l'amiante, etc.

Je pense que l'on comprend très bien ce à quoi je fais allusion. C'est inévitable que ce genre de débat soit soulevé. Il l'a toujours été lorsqu'une de nos sociétés d'Etat s est associée de près ou de loin à une entreprise commerciale ou industrielle, à plus forte raison si la propriété ou le contrôle de cette société industrielle ou commerciale est entre des mains étrangères. On se souvient encore des fameuses controverses sur le rôle joué par Bechtel dans le développement de la baie James et le nouveau gouvernement a jugé, du moins le ministre responsable délégué à l'énergie a jugé que ce contrat était tout a fait conforme à ce qu'il avait fait lui-même. Cependant, il y a eu des controverses dans le passé. Je ne veux pas retourner le fer dans la plaie, mais il est clair que tous les administrateurs de sociétés d'Etat sont conscients, de façon aiguë, du brouhaha politique que peut soulever une telle association, de façon d'ailleurs imprévisible pour eux. parce qu'ils n ont pas nécessairement les antennes politiques suffisantes pour apprécier les tenants et aboutissants d'une question comme celle-là. Or. de leur confier toute la responsabilité d'une telle décision, c'est peut-être piper les dés contre une telle association. Et piper les des contre une telle association, dans une période initiale, c'est littéralement lancer en affaires, a même les deniers publics, et beaucoup de deniers publics, une équipe qui est "untried and untested". Ce sont des gens qui ont de leur côté énormément de bonne volonté, une certaine connaissance, peut-être un peu livresque, des problèmes, mais certainement pas une expérience, un enracinement profond dans ce genre d'acti-vité et des erreurs dans ce domaine, on le sait d'experience maintenant au Québec, même si on se fermait les yeux sur les experiences étrangères dans ce domaine... Une telle experience et de telles experimentations peuvent être extrêmement coûteuses.

Je ne dis pas que de telles contraintes devraient exister de façon indéterminée ou indéfinie. Il est bien sûr qu'un projet de loi comme celui-là va revenir devant le Parlement, comme les lois de toutes nos sociétés d'Etat reviennent à l'occasion, de temps à autre, pour un amendement mineur. Si notre amendement était accepté, j'imagine que dans cinq ans, dans six ans, dans sept ans, après qu'une expérience aura été acquise, il sera possible de supprimer cette contrainte. Je pense que, dans la période initiale, c'est une protection pour les administrateurs qu'on va désigner sur le conseil d'administration, que le gouvernement va désigner. C'est une garantie qu'ils n'auront pas à faire face à un barrage ou à des objections de caractère politique, pour lesquelles ils sont mal préparés à prendre position.

C'est d'autre part donner certaines assurances aux contribuables du Québec, à savoir que, lorsque je gouvernement du Québec décidera de faire des investissements et de se lancer en affaires, de ce côté-là, il le fera avec des partenaires qui, eux aussi, y risqueront quelque chose; donc disposant d'une plus grande expérience, ils seront en mesure d'offrir certaines garanties de faisabilité. Au-delà des analyses et des rapports très bien reliés et magnifiques qu'on voit, il y a souvent la réalité concrète, une certaine intuition, une certaine connaissance du milieu, qui sont indispensables dans le lancement de choses de ce genre.

Dans le texte de l'amendement, on retrouve, outre cette notion, un libellé qui peut porter à interrogation, puisqu on fait allusion à une société ayant entre autres, pour objet, la fabrication ou la mise en marché de produits à base d'amiante; cela va très bien, donc une société qui fait déjà ce qu'on veut faire, ce que présumément on voudrait faire, en se lançant dans la fabrication de produits à base d'amiante ou de produits ayant des usages analogues. Ici, ce que nous avons à l'esprit, ce sont des entreprises, qui seraient présentes sur les marchés étrangers — c'est une idée sur laquelle on a d'ailleurs insisté, pas seulement cette fois-ci, mais à d'autres reprises au cours de ces débats. Une société étrangère qui, par exemple, ne serait pas nécessairement dans la fabrication des produits à base d'amiante, mais qui serait composée d'importants distributeurs de produits connexes, comme les matériaux de construction, et qui aurait un réseau de distribution au Mexique, au Japon, aux Etats-Unis, ou Dieu sait où, où on veut écouler une partie de la production québécoise. On voudrait s'associer à cette compagnie qui vend des cious, des vis ou Dieu sait quoi, des tuyaux en plastique ou autres, et on voudrait s'associer à une compagnie qui a un réseau de distribution: des vendeurs sur la route, des entrepôts, des relations et une liste des entrepreneurs, des constructeurs, etc. On voudrait s'associer avec une telle société, soit au Mexique, en Argentine ou Dieu sait où, pour écouler une partie de la production d un produit, d'un panneau d'amiante-ciment ou Dieu sait quoi, fabriqué au Québec.

Pour ouvrir cette possibilité, je pense qu'il ne faut pas se restreindre exclusivement à des entreprises qui ont des activités de fabrication. L'autre type d'association peut également représenter une garantie de débouchés extérieurs qui devront exister, à mon avis, avant qu'on puisse s'engager fermement dans des implantations d'usines ayant un débit de production qui dépasse de loin la capacité d'absorption du marché domestique.

C'est, me semble-t-il, une précaution. Encore une fois, c'est une contrainte; d'où la nécessité de la mettre dans la loi. Ce n'est pas seulement un jeu, c'est une contrainte qu'il ne faut pas voir comme une tentative de diminuer la société de I'amiante. Au contraire, c'est pour lui permettre de s'engager dans des projets ambitieux avec les meilleures chances possible de succès et d'enlever aux administrateurs l'odieux d'une décision qui, inévitablement, dans le contexte, est destinée à avoir un aspect politique, une dimension politique. C'est pour dire aux gens que le gouvernement, quel qu'il soit, va désigner les administrateurs de cette société et va leur dire: Ecoutez, vous avez déjà les autorisations nécessaires pour faire un certain nombre d'ententes et d'avance cette question a été réglée. Ne vous inquiétez donc pas de nous embarrasser politiquement par une décision qui, administrativement, vous apparaîtrait comme celle que vous devez prendre, décision saine destinée à augmenter le plus possible vos chances de succès. Cette décision, ce débat a déjà eu lieu et c'est déjà accepté. Non seulement vous pouvez le faire, mais pour une période initiale de quelques années au moins, vous devez le faire. (17 heures)

Donc, il y a une liberté beaucoup plus grande. Même si ça prend la forme d'une contrainte, je suis sûr que de la part d'un administrateur putatif ou éventuel de cette société de l'amiante, cela apparaîtra, non pas comme une contrainte, mais comme une liberté, celle de faire une chose qu'il ferait, de toute façon, mais en dehors d'un climat de controverse politique ou d'une responsabilité essentiellement politique. Etant administrateur, il ne souhaite certainement pas prendre des décisions ayant des implications ou une connotation politique.

C'est donc un peu paradoxal, mais je pense que c'est tout à fait ce qui existe lorsqu'une loi impose certaines choses à des organismes publics. C'est souvent interprété, non pas comme une contrainte, mais justement comme une autorisation de faire, sans controverse, ce que I'on voudrait faire de toute façon.

C'est dans cet esprit que nous proposons cet amendement, M. le Président, à la fois pour donner la garantie que des gestes sages seront posés par les administrateurs, conformément à leur voeu — c'est ce que nous tenons pour acquis au départ — et que des décisions seront prises sans implication désagréable, sans controverse inutile. Pour ce qui est du contribuable, pour ce qui est du ministre des Finances lui-même, que toutes les garanties existeront pour maximiser les chances de succès des initiatives qui devraient suivre de très près I'adoption de ce projet de loi, s'il est vrai, conformément aux prétentions du gouvernement, que I'adoption de ce projet de loi est significative ou importante pour le développement d'une industrie de transformation de I'amiante au Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond?

M. Brochu: Pas besoin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre?

M. Bérubé: On demande le vote, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, les termes de I'article 4 du projet de loi actuel donnent un grand champ de liberté à la société. Cela lui permet peut-être de s'embarquer dans toutes sortes d'entreprises et pour la protection seulement de ceux qui seront appelés à payer et à avancer les fonds à la société, pour la protection des administrateurs, parce que les administrateurs auront une grande responsabilité. Ils seront appelés à prendre des décisions à savoir commencer la transformation, aller dans des entreprises de transformation. Il faudrait qu'ils s'assurent que cela soit vraiment rentable.

Le but de cette restriction n'est pas vraiment de restreindre l'activité de la compagnie. Mais quelquefois, en mettant des conditions obligeant les administrateurs et la société à prendre certaines mesures, cela peut leur permettre d'agir d'une meilleure façon et d'augmenter l'activité de la compagnie, parce que les administrateurs auront, premièrement, un fonds assez limité pour commencer de nouvelles industries, pour commencer l'industrie de la transformation et ils auront la grande responsabilité de s'assurer eux-mêmes de la rentabilité de cette industrie. Aucun administrateur ne pourra peut-être prendre une décision et cela peut être long avant que la société n'entreprenne l'industrie de la transformation.

Une des meilleures façons, un des meilleurs moyens de s'assurer que cette société non seulement va acheter la compagnie Asbestos Corporation mais que vraiment elle va entreprendre la mise en marché, l'industrie de la transformation, ce serait d obliger la société à s associer avec I'entreprise privée, avec d'autres organismes. Le meilleur moyen de savoir si une entreprise est rentable ou non, c'est de vérifier si un autre organisme, qui a peut-être plus d'expérience, est prêt à y placer des fonds, à entreprendre cette industrie. Cela enlèvera beaucoup de responsabilités aux administrateurs et beaucoup de décisions à prendre.

Par exemple, si une autre société est prête à investir X millions dans une entreprise, c'est certainement parce qu il y a eu des études de faites.

Cela ne veut pas dire qu'il faudrait y aller aveuglément avec eux, mais c'est déjà une étape franchie. C'est quelque chose qui a déjà été fait, des études de plus, et cela minimise le risque qu'aura à prendre la société d'Etat. Non seulement, cela va prolonger les administrateurs, mais cela va protéger les contribuables parce qu'après tout l'argent qu'on doit avancer à la société pour entreprendre ses travaux, c'est l'argent des contribuables.

Non seulement cela, mais les fonds disponibles à cette société vont être très limités. Si par exemple — on parle du rapport SORES — on parle d'un chiffre de $60 millions à investir dans l'industrie de transformation, ces $60 millions sont investis non seulement par une société, mais sont investis de concert avec plusieurs sociétés, cela permettra à beaucoup plus d'entreprises de commencer... parce que forcément, par la nature des choses, les administrateurs, la société nationale va être limitée physiquement dans ses travaux. Elle ne pourra pas s'occuper de commencer elle-même toutes les nouvelles industries. En s'associant avec d'autres entreprises, au lieu d'avoir une ou deux industries, au lieu de créer des emplois, qui le seraient par cette industrie, cela va leur permettre de s'associer à plusieurs autres. Cela va ainsi augmenter sensiblement le nombre d'emplois créés. C'est logique de penser que si, au lieu de lancer une industrie, cette société peut s'associer à cinq, six ou huit autres entreprises, nécessairement, le nombre d'emplois va augmenter sans augmenter les risques de la société. De cette façon, cela accélérerait même les objectifs du gouvernement dont le premier est d'augmenter le rôle de l'industrie de transformation au Québec et de créer plus d'emplois. Si la société le fait seule, cela sera beaucoup plus difficile.

Le ministre, en réponse à quelques questions quand on lui avait suggéré qu'il n'était pas nécessaire d'acheter la société Asbestos Corporation pour faire de la transformation, avait invoqué la raison de l'acquisition d'expertises. Il a répondu: Comment voulez-vous qu'on commence d'autres industries si on n'a pas d'expertises? Quand nous achetons la société Asbestos Corporation, nous acquérons, en partie, certaines expertises. Si on prend cet argument et qu'on l'applique à l'amendement du député de Saint-Laurent, on voit une autre raison pour laquelle nous devrions accepter cet amendement, parce que cela permet vraiment d'aller chercher beaucoup d'autres expertises non seulement dans la société d'amiante Asbestos Corporation, mais ailleurs aussi. Si, jusqu'à présent, elle n'a pas fait la transformation voulue, c'est peut-être qu'elle n'a pas non plus l'expertise. Il faudrait s associer avec d'autres compagnies qui sont capables de donner de l'expertise et d'accélérer la création d'emplois.

Cela nous amène aussi à vouloir connaître les montants. On a déjà demandé au ministre, quels sont les montants disponibles, quel est le plan d investissement pour l'industrie de transformation. Le ministre nous a répondu qu'un des moyens de s'assurer que l'industrie de transformation sera implantée au Québec sera de prendre, par exemple, les taxes payables par Asbestos

Corporation et, au lieu de les payer au fédéral, utiliser ces montants pour des fins de transformation.

Je pourrais demander au ministre, si le ministre veut bien, pour un instant, m'accorder un peu d'attention. Le ministre me permettrait-il une question?

M. Bérubé: Oui.

M. Ciaccia: On a parlé d'un moyen de financer l'industrie de transformation en prenant, par exemple, les taxes payables par Asbestos Corporation. Ce n'était pas le seul, mais c'était un moyen. On utiliserait ces montants pour les investir dans l'industrie de la transformation. Dans le bilan d'As-bestos Corporation, les taxes pour 1977, sont approximativement de $20 millions.

M. Bérubé: Une vingtaine de millions.

M. Ciaccia: Une vingtaine de millions. Est-ce I'intention du ministre de prendre ces $20 millions et de les utiliser pour l'industrie de la transformation?

M. Bérubé: Non, M. le Président, pour répondre à la question du député de Mont-Royal. Excusez, je vais abandonner mon journal. C'était passionnant, d'ailleurs.

M. Ciaccia: Tous les journaux le sont et spécialement le lundi.

M. Bérubé: Pour répondre à la question du député de Mont-Royal, non, M. le Président, de fait il n'est pas nécessaire d'émettre une directive à la Société nationale de l'amiante d'utiliser les taxes de l'Asbestos Corporation à des fins de transformation. Il suffit d'émettre des directives à la Société nationale de l'amiante de s'impliquer dans la transformation et celle-ci aura à décider du moyen le plus approprié pour atteindre ces fins.

En d'autres termes, la Société nationale de I'amiante, n'ayant pas d'impôt à payer, va bénéficier d'une marge de profit double de celle que connaît la société Asbestos présentement. En d'autres termes, les profits avant et après impôt seraient cette année de $40 millions au lieu de $20 millions. Dans ces conditions, la Société nationale de I'amiante, qui se verrait inculquée dans une industrie de transformation, pourrait décider — — exactement comme le font, d'ailleurs, les autres sociétés concurrentes — de consentir à ses filiales de transformation des prix de transfert inférieurs. De combien inférieurs? Cela est très relatif puisqu'il y a des cas où il n'est pas du tout nécessaire d'abaisser les prix. A titre d'exemple, dans I'endos à linoléum, étant donné que le coût du transport est relativement le même pour la fibre que pour le feutre d'amiante comme tel, à ce moment-là, il n'y a pas vraiment d'avantages pour le fabricant étranger puisqu'il se retrouve avec des coûts de production assez semblables. Egalement, en ce qui a trait aux tarifs d'entrée, d'importation aux

Etats-Unis, comme les tarifs, dans le cas de I'endos à linoléum, sont négligeables, par conséquent, la Société nationale de l'amiante n'aurait pas à abaisser le prix de la fibre à sa filiale pour tenter de rendre celle-ci concurrentielle puisqu'elle serait concurrentielle en soi.

Donc, selon les produits et le type d'industrie dans laquelle la Société nationale de I'amiante s'impliquera, elle pourrait avoir à consentir des rabais à ses filiales, mais il va de soi que ces rabais varient et dépendent énormément du type de produit.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous dites qu'au lieu de disposer de $20 millions, la société disposerait de $40 millions parce qu'elle serait une société d'Etat.

M. Bérubé: De fait, c'est ce qui se produirait.

M. Ciaccia: C'est ce qui se produirait. Y a-t-il des montants en taxes que cette société doit payer à des autorités gouvernementales autres que celles d'Ottawa et de Québec?

M. Bérubé: Oui. Les taxes municipales qui sont d'un autre type; c'est inclus dans les dépenses de la société; elles n'apparaissent pas véritablement dans les impôts. Lorsque vous avez parlé des impôts de $20 millions, les trois formes de taxation directe sont: l'impôt fédéral, I' impôt provincial et les droits miniers.

M. Ciaccia: Le ministre serait-il surpris — parce qu il y aurait peut-être une différence dans votre façon d'acquérir cette compagnie, l'industrie de la transformation... Au lieu d'avoir $20 millions, elle aura $40 millions...

M. Bérubé: Pertinence du débat, M. le Président.

M. Ciaccia: Oui, cela fait partie de l'amendement. Il y aurait une somme disponible de $40 millions. Mais si, dans l'état financier de I'Asbestos Corporation, dans les $20 millions de taxes payables, il y avait approximativement $8 500 000 de ces taxes payables en Allemagne par une des filiales de I'Asbestos Corporation... S'il y avait environ $3 400 000 de taxes différées — differed taxes" — nous en venons à un montant de $11 900 000, s'il n'y a que $3 800 000 qui sont payables à Ottawa, cela veut dire que les chiffres que vous venez de nous donner ne sont pas tout à fait exacts. Il y a une grosse différence. (17 h 15)

M. Bérubé: J'ai extrait les montants que vous venez de me donner directement du rapport financier. Je n'ai pas fait le décompte comme tel.

M. Ciaccia: Non, les chiffres que vous avez toujours mentionnés étaient vraiment ces $20 millions additionnels. $20 millions de profits et $20 millions de taxes. Vous avez laissé entendre qu'une fois le gouvernement devenu propriétaire de la société, ce ne serait pas $20 millions de profits dont disposerait la société pour investir et pour aller dans l'industrie de transformation, mais S40 millions.

M. Bérubé: Effectivement, nous avons pu...

M. Ciaccia: Effectivement, d'après les chiffres, àa moins que les chiffres qu'on m'a donnés ne soient pas exacts, je crois que ce ne serait pas $40 millions dont vous auriez à disposer, ce serait plutôt $20 millions plus 3.8% au fédéral, plus les 4% que vous avez déjà. Vous auriez $3.8 millions de plus, vous n'auriez pas $20 millions de plus, parce que 8.5% sont payés par des filiales en Allemagne. Ce n'est pas de l'argent, vous seriez obligés de les payer quand même. Même si c'est le gouvernement du Québec qui va acquérir les actions de Asbestos Corporation, la filiale qui fait affaires en Allemagne ne sera pas exempte de taxes. Si vous regardez les détails... C'est pour cela qu'on voulait avoir des chiffres et que vous nous fournissiez ces montants. Vous ne l'avez pas fait.

M. Bérubé: Je regrette infiniment, mais les impôts payés par la société...

M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Vous ne nous avez jamais dit qu'il y avait $8,5 millions d'impôts payables à l'Allemagne. Sur les $20 millions, vous n'avez jamais porté à l'attention du public ou a I'attention de la commission...

M. Bérubé: Les renseignements. M. le Président...

M. Ciaccia: ... qu'il y avait $3.4 millions en impôts différés.

Cela veut dire que vraiment, le profit, avec ce que vous jouez pour la société Asbestos, est de $3.8 millions. Il y a une grosse différence entre $3.8 millions à investir dans l'industrie de la transformation par année et $20 millions. Cela ne donne pas tout à fait le même portrait!

M. Bérubé: M. le Président, concernant ce point particulier, de fait les montants payés par la Société nationale de l'amiante au gouvernement du Québec n'ont jamais fait l'objet de declarations de ma part pour une raison très simple: ce sont des renseignements confidentiels qu'il ne m appartient pas de dévoiler. Tout ce que je peux utiliser comme chiffres en public ce sont les chiffres publiés. Par conséquent, vous avez dans le rapport de 1976 — je n'ai pas celui de 1977 sous la main — les impôts...

M. Ciaccia: Ce n'est pas confidentiel, les 8.5% payables à I'Allemagne par une filiale subsidiaire. Ce n est pas confidentiel! Vous nous avez toujours donné le chiffre de $20 millions.

M. Bérubé: Le chiffre que j'ai cité était tout simplement le chiffre de 1976 et le chiffre de 1977 donnait sensiblement près de $20 millions, tel que publié dans les états consolidés.

M. Ciaccia: Dans les états consolidés...

M. Bérubé: Une chose — non, je ne pourrais pas faire cette déclaration — on peut cependant remettre en cause la façon, pour la société, de répartir ses profits entre ses filiales et sa société mère. C'est elle qui fixe le prix de vente de son concentré à l'Allemagne.

M. Forget: Je ferai observer au ministre que, avant de convaincre les autorités fiscales de I'Allemagne de l'Ouest que le prix de transfert sur lequel elles basent leur perception d'impôt est erroné, il y a peut-être des tâches de persuasion pour lesquelles le ministre ou ses fonctionnaires ne sont pas tout à fait à la hauteur.

M. Ciaccia: Qui sont hors du contrôle du ministre.

M. Bérubé: Je n'entrerai pas dans le détail de la déconsolidation des impôts payés par la Société Asbestos dans la mesure où il s'agit là de renseignements purement confidentiels. Je n'ai pas le droit de les révéler au public.

M. Forget: Mais il reste que ce n'est pas $20 millions.

M. Ciaccia: Ce n'est pas $20 millions.

M. Bérubé: Vous pourrez supposer que sur ces $20 millions, il y en a une certaine partie... Vous pouvez toujours calculer, si vous voulez essayer de préciser, que vous avez la moitié du "cash flow qui est générée par l'exploitation de Asbestos Hill et vous pouvez également supposer que I'exploitation de Asbestos Hill est essentiellement subdivisée en deux parties, soit une préconcentration dans le nord du Québec et une concentration finale en Allemagne. Par conséquent, vous devrez faire la répartition des profits entre ces deux exploitations en assignant un certain profit à chaque niveau et à ce moment-là vous aurez le chiffre exact. Comme vous voyez...

M. Ciaccia: Même en faisant cet exercice, c'est faux de dire qu'il y a $20 millions. Même en faisant cet exercice, et même en ne donnant pas les chiffres exacts, même si vous parlez d'une question de confidentialité, c'est-à-dire que vous ne voulez pas donner le chiffre d'impôt payable à Quebec, c'est erroné de dire qu'il y a $20 millions de disponibles. Il y a loin de cela.

M. Bérubé: Pardon. Si vous reprenez mon texte, vous verrez que j'ai indiqué que, si par exemple nous prenons les $20 millions et que nous les reportons en réduction, voici quelle serait la réduction dans les prix. Je me suis servi de cela comme exemple pour vous permettre de voir l'ordre de grandeur et de voir comment on pourrait utiliser cet atout. En aucun moment je n'ai pris des chiffres réels que j'avais à ma disposition. J'ai pris les chiffres tels que publiés dans les états consolidés qui sont disponibles au public. Par conséquent, je ne peux pas être accusé de dévoiler le moindre chiffre.

M. Forget: M. le Président, il reste qu'il y a une ligne de démarcation extrêmement étroite. Le ministre est dans un corridor extrêmement étroit quand, au cours d'un débat pour démontrer l'importance de l'acquisition d'une société, il se livre à des exercices numériques et laisse croire qu'il serait possible de diminuer le coût de revient de la fibre d'amiante au Québec d'une proportion de 43% ou 47%, tel qu'il l'a affirmé, en se basant sur l'existence de $20 millions qui n'existent pas. Il y a une ligne bien étroite à tracer entre une affirmation de ce genre et une affirmation qui a tout simplement pour but d'induire l'Assemblée nationale en erreur et la population du Québec également, parce que c'est faire miroiter un potentiel de lutte économique sur le marché de la guerre des prix qui pourrait être gagnée, selon l'expression du ministre, par la Société nationale de I'amiante, à l'aide de ressources financières qui ne sont pas là et qui n'y seront pas. Je ne voudrais pas accuser le ministre d'avoir induit l'Assemblée nationale en erreur avec des propos délibérés, mais je pense bien que n'importe qui peut admettre que I'utilisation répétée d'un exemple numérique, soi-disant tiré des chiffres mêmes de la compagnie, laisse beaucoup à désirer sur le plan de la candeur, de l'honnêteté intellectuelle, parce que ce sont des chiffres qui demeurent comme une illustration de ce qu'il sera possible de faire. Or, c'est tout à fait faux. Ce ne sera pas du tout possible de faire cela.

M. Bérubé: Cela pourrait être plus de $20 millions. Je peux vous dire cela.

M. Forget: Cela ne pourra pas être plus de $20 millions parce que le ministre n'est pas capable de nous démontrer que le gouvernement de l'Allemagne de l'Ouest va moins imposer la société Asbestos une fois qu'elle aura changé de propriétaire. Peu importe la façon qu'il choisit pour calculer la distribution des profits, il reste que le gouvernement, les autorités fiscales de l'Allemagne de I'Ouest sont entièrement libres de déterminer un prix de transfert, tout comme le Québec l'est, d ailleurs, à l'égard des profits soi-disant transférés à I'étranger. Les autorités fiscales de tous les pays sont capables de dire: Même si vous vendez ou prétendez vendre l'amiante concentré ou pas concentré, la fibre concentrée ou pas, à tel prix, nous décidons que c'est tel autre prix et on va calculer à nouveau vos bénéfices comme si vous l'aviez vendu plus cher ou moins cher, selon le cas, de manière à imposer les profits de la façon qu'on choisit. Ce n'est certainement pas un chan-

gement de propriétaire qui va être un élément de persuasion vis-a-vis des autorités fiscales d'un pays étranger.

M. Bérubé: Une chose est sûre, c'est que, pour les années inférieures à 1974, pour lesquelles j'avais des chiffres, sous les yeux, c'est de beaucoup supérieur à $3,9 millions.

M. Forget: Qu'est-ce que vous voulez dire par les années inférieures?

M. Bérubé: Les années antérieures à 1974. M. Forget: Antérieures. C'est de beaucoup?

M. Bérubé: Beaucoup supérieur à $3,9 millions, contrairement à l'affirmation du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je parle de l'année 1977.

M. Forget: Les années inférieures, il n'y avait pas d'impôt payé à certains moments. M. le Président, toute cette conversation illustre très bien que si le ministre quittait, pour un instant, sa détermination de procéder en secret, dans le cas où des fonds publics sont engagés, on n'aurait pas cette atmosphère de cachette, de demi-vérité ou même de fausseté qui sont utilisés comme des arguments ex cathedra par le ministre, en commission parlementaire, et ailleurs quand il fait ses soi-disantes tournées.

M. Bérubé: M. le Président, de toute évidence, l'argumentation de l'Opposition ne tient pas. parce que la moitié du "cash flow" est générée par les opérations de Nordenham et d'Asbestos Steel. Par conséquent, au moins la moitié des $20 millions des impôts devrait être perçue par le gouvernement du Québec, premièrement, à tout le moins. Deuxièmement, au point de vue valeur, parce que la...

M. Ciaccia: Non, parce qu'une des raisons que pour lesquelles c'est $8,5 millions en Allemagne, c'est dû à la valeur du deutsch mark. Alors, même si le montant de l'activité peut être la moitié ici, les montants que vous payez ailleurs peuvent être influencés par la valeur sur les...

M. Bérubé: M. le Président, on m'a demandé une explication. Je tente d'éclairer l'Opposition, sans pour autant révéler des données fiscales. La moitié des profits est générée par l'exploitation de la société Thetford. L'autre moitié des profits est générée en gros, par son exploitation de Nordenham. Premièrement, soulignons que les droits miniers ne sont perçus que sur l'exploitation minière, et non pas perçus par le gouvernement allemand sur les opérations de transformation. Il faut également, sur l'exploitation minière, prélever les droits miniers qui s'ajoutent déjà à la moitié des profits prévus sur la première partie.

Deuxièmement, quant aux profits générés sur lesquels on perçoit impôts provincial et fédéral, il faut subdiviser ces impôts en une partie payable à Québec et à Ottawa, parce que la transformation se fait au Québec et l'autre partie, parce que la transformation se fait en Allemagne. Je vous laisse maître de juger quelle est la fraction qui, normalement, devrait être défrayée en Allemagne.

M. Forget: Au lieu d'avoir recours à des devinettes, M. le Président, est-ce que le ministre, sans rien dévoiler de ses secrets d'Etat sur lesquels il se base pour dépenser un quart de milliard, serait prêt à affirmer que les impôts payés aux autorités de l'Allemagne de l'Ouest, par la société Asbestos, sont inférieurs à $8 millions pour la dernière année?

M. Bérubé: Non, je ne le sais pas.

M. Forget: Vous ne le savez pas ou vous n êtes pas prêt à l'affirmer?

M. Bérubé: Non, je ne le sais pas.

M. Forget: Alors, tout ce raisonnement et toutes ces devinettes de tantôt ne veulent rien dire: Est-ce qu'ils sont supérieurs, alors, à $8 millions?

M. Bérubé: M. le Président, même si... M. Forget: Vous ne voulez pas le dire? M. Bérubé: En 1977...

M. Forget: Alors, épargnez-nous vos calculs sur le dos d une enveloppe. Si vous ne savez pas ces chiffres-là, vous ne savez pas grand-chose.

M. Grégoire: M. le Président, sur ce point, les hommes d'affaires allemands qui s'occupent de I usine de Nordenham, ou la succursale d'Asbestos Corporation; ces types-là savent fort bien qu'ici au Canada ou au Québec, il y a deux impôts sur les profits des compagnies à payer, ce qui est à peu près unique au monde. On est probablement le seul peuple dans le monde entier à avoir à payer des impôts à deux gouvernements, comme on le fait ici, sur les profits des compagnies.

M. Forget: Le député de Frontenac devrait se renseigner un peu.

M. Grégoire: Vous allez vous apercevoir que même dans la majorité des autres provinces, ce double impôt n'existe pas. Comme les impôts sont plus élevés à cause du double paiement d'impôt à cause du système confédéral dans lequel nous vivons, la compagnie vend à un prix moindre le minerai transporté en Allemagne et se réserve le droit de faire des profits sur les transactions de Nordenham, parce que les impôts payés à cet endroit sont moins élevés qu'ici.

Or, I'Asbestos Corporation devenant une so-

ciété qui peut s'exempter de ses impôts payés ici au Québec verra à faire ses prix de transferts, à les déterminer d'une autre façon, de telle sorte que les impôts se paieront au Québec plutôt, les profits resteront au Québec plutôt que d'aller en Allemagne. C'est aussi simple que ça.

M. Forget: Voilà pourquoi votre fille est muette.

M. Ciaccia: Ça n explique pas pourquoi... M. Grégoire: Cela explique.

M. Ciaccia : Non, ce n'est pas cette démagogie qui va expliquer.

M. Bérubé : Egalement, je tiendrais à souligner à cette commission que ce n'est pas moi qui, en aucune façon, ai signalé les moindres impôts payés par ces sociétés. Et je ne voudrais pas, dans les comptes rendus qui pourraient être publiés dans les journaux, qu'apparaissent éventuellement des chiffres d'impôts payés par la société, qui auraient été cités par le ministre. Je suis tenu au secret, par suite de la fonction que j'occupe, d'autant plus que j'ai forcément accès à ces informations.

Par conséquent, il va de soi qu'il n'est absolument pas loisible au ministre de citer quelque chiffre que ce soit, autrement que de prendre des chiffres qui sont publics et de les utiliser à titre d'exemple. Si l'Opposition a, par le biais de contacts avec nos fonctionnaires, obtenu des renseignements strictement confidentiels, évidemment, il va de soi qu'il s'agit là d'une opération absolument illégale. Si, cependant, grâce à ses entrées auprès de la société Asbestos, elle a pu avoir le chiffre des impôts que la société paiera en 1977, il est évidemment loisible à la société Asbestos de fournir tous les renseignements qu'elle estime devoir fournir à l'Opposition libérale.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Forget: On dirait que le ministre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre.

M. Forget: ... admet la véracité de nos informations, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre. M. le député de Mont-Royal, votre temps est terminé.

M. Ciaccia: Si vous me permettez, M. le Président, avez-vous inclus dans mon temps la longue réponse du ministre? (17 h 30)

M. Grégoire: C'est le député de Mont-Royal qui a posé des questions.

M. Ciaccia: Je voudrais seulement soulever un point, très brièvement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous consentez?

M. Ciaccia: Sans dévoiler les secrets de votre ministère, je ne pense pas que ce soit le but de notre question, je pense que vous avez le devoir de ne pas nous laisser sous l'impression que vous aviez $20 millions qui seraient disponibles comme impôts que la société pourrait utiliser et que la société ne paierait pas, parce qu'elle serait une société d'Etat. De ces $20 millions, il y en a beaucoup plus que la moitié qui seraient payables, il y a un montant d'environ $8 millions payables en dehors du pays, il n'y a que $3 800 000, d'après certains renseignements, qui sont payables à Ottawa, alors votre marge de manoeuvre n'était pas de $20 millions, elle était plus près de $3 millions.

Je crois qu'on a été induit en erreur par la façon dont vous avez agi.

M. Bérubé: Si je comprends bien, l'impôt, cette année, est de combien, avez-vous dit?

M. Ciaccia: Pour un ministre qui s'occupe d'acheter une société, il ne sait même pas combien elle paie en impôts; je trouve cela un peu...

M. Bérubé: Les impôts que vous citez, ce sont les impôts de 1976 ou de 1977?

M. Ciaccia: De 1977. Les mêmes $20 millions que vous nous citez depuis deux mois.

M. Bérubé: Non, moi, j'ai pris mes chiffres à partir de 1976.

M. Forget: Ce sont sensiblement les mêmes pour 1977, de toute façon.

M. Bérubé: Les chiffres que j'avais tantôt sous les yeux étaient de l'ordre de $20 millions en 1976. Quant à la subdivision entre les différents niveaux de gouvernement, vous pouvez faire le calcul qui vous convient. Dans ce cas-ci, vous prétendez que c'est $8,5 millions qui vont à l'Allemagne fédérale; par conséquent, suivant ces calculs, il en resterait exactement $11,5 millions qui reviendraient au gouvernement du Québec et qui pourraient servir.

M. Ciaccia: Pas nécessairement, parce qu'il y a $3.4 millions en impôts différés, "deferred income". Ce n'était pas payable cette année. A limpôt provincial, il en revient approximativement $3,8 millions. Ce qu'on trouve pénible...

M. Grégoire: II y a deux impôts, deux ans de suite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... c'est que vous avez toujours utilisé ces $20 millions pour nous laisser entendre que la société aurait $20 millions, tandis qu'elle va

en avoir $3 millions. Cela fait une grande différence.

M. Bérubé: Les impôts différés, de toute façon, ce sont des impôts payés l'année précédente, cela revient au même.

M. Ciaccia: Mais pour l'année...

M. Forget: C'est une fiction comptable les impôts différés, ce n'est jamais payé.

M. Grégoire: Cela fait combien d'années de suite qu'il y en a pour $20 millions?

M. Bérubé: Je suis d'accord, mais le profit est là.

M. Grégoire: Cela fait combien d'années de suite qu'ils sont là?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion d'amendement du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Grégoire: Non, M. le Président.

M. Forget: Je demande le vote enregistré.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane).

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond).

M. Brochu: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire (Frontenac).

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Gravel (Limoilou).

M. Gravel: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rancourt (Saint-François).

M. Rancourt: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal).

M. Ciaccia: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement est rejeté quatre voix contre trois.

Est-ce que le dernier alinéa de l'article 4 sera adopté?

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, nous avons proposé et le gouvernement a adopté, peut-être par distraction, puisque c'est le seul amendement qu'il a adopté, un paragraphe c) au premier alinéa de I'article 4. Il semble, cependant, que de la même façon qu'on prévoit les modalités d'application et les autres dispositions, il serait souhaitable que la dernière partie de l'article 4 prévoie des modalités d'application de ces préoccupations de la société pour les activités de recherche et de développement.

Nous voudrions donc présenter la motion d'amendement suivante: "Que l'article 4 soit modifié en ajoutant, à la fin, l'alinéa suivant: "Aux fins du paragraphe c) du premier alinéa, la société peut octroyer des contrats de recherche et de développement à des organismes reconnus de recherche, y compris les universités. La société peut également, avec d'autres sociétés ayant pour objet I'exploitation de gisements d'amiante ou la fabrication de produits à base d'amiante, participer a la création et au financement d'un institut de recherche sur l'amiante ayant pour but les fins décrites au paragraphe c) du premier alinéa. "

Comme le ministre, lors de la séance de vendredi, annonçait une loi qui est censée, à l'automne, un jour, mettre sur pied un institut de recherche sur l'amiante, il serait approprié, pensons-nous, que l'article 4 qui décrit les objets élimine toute espèce de confusion quant à la possibilité pour la Société nationale de l'amiante de participer à la mise sur pied et au financement d'un tel institut. Puisqu'il s'agit d'un article statutaire qui doit être interprété de façon restrictive et qu'on a inscrit dans le projet de loi le paragraphe c). il serait bon de voir à ces modalités d'application de manière que l'interprétation en soit la plus aisée possible.

Je n'ai pas besoin de développer longuement I'intérêt que présentent les activités de recherche non seulement pour le développement de nouveaux usages ou de nouveaux procédés, mais pour la stabilisation du marché actuel, pour la stabilisation des débouchés existants pour la fibre d'amiante et aussi, ce qui est peut-être encore plus important que toutes les autres considérations, pour assurer que les utilisations actuelles ne soient pas I'objet d'une érosion graduelle de la part de produits concurrents à cause de craintes qui seraient injustifiées mais qui sont, malgré tout, très réelles, très présentes quant à la salubrité de ce matériau.

Des recherches sont nécessaires pour établir la sécurité sur le plan de la salubrité des produits et même des utilisations actuelles de l'amiante. C'est donc impératif qu'un des premiers gestes que le gouvernement pose soit destiné à établir un tel institut. Le gouvernement semble avoir procédé de

cette façon beaucoup plus lentement que dans sa décision de prendre le contrôle de la société Asbestos. Il est difficile de s'expliquer de l'extérieur, en l'absence de justification du côté gouvernemental, pourquoi les priorités gouvernementales ont pris cette allure.

Il semblerait qu'avant de songer à du développement industriel, il faille s'assurer d'une base solide de recherche. Le temps de gestation d'un institut de recherche, avant qu'il ne soit efficace et qu'il ne produise des résultats, est au moins aussi long que le temps de gestation d'une industrie de transformation. Je ne vois pas en quoi le gouvernement hésite, à moins que l'implantation du siège social de l'institut ne constitue un problème pratiquement insoluble entre Asbestos et Sherbrooke ou peut-être d'autres candidats. C'est probablement le sujet qui a été le plus débattu, cette question de savoir où sera implanté l'institut de l'amiante. On savait bien qu'on ne pouvait pas déménager les mines, le seul espoir était de s'approprier l'institut de recherche.

Il y a eu des distinctions savantes entre la recherche appliquée et la recherche pure, comme s'il était question de recherche pure. Je pense que c'est un peu se faire des illusions sur les mots que de croire que le gouvernement va s'intéresser à la recherche pure sur l'amiante. Je ne vois pas en quoi, d'ailleurs, cela pourrait consister. L'analyse spectrale des fibres d'amiante peut présenter un certain intérêt théorique, mais je pense bien que ce n'est pas tout à fait le genre de préoccupation qui est le plus rentable pour une entreprise de recherche, un institut de recherche qui a quand même des impératifs très précis ou qui devrait les avoir, soit les questions de salubrité — c'est de la recherche appliquée — de nouveaux procédés de fabrication et de nouveaux procédés d'extraction qui sont aussi de la recherche appliquée. Je ne vois absolument pas de place pour la recherche pure, encore que si on veut justifier une implantation quelconque on trouvera bien les mots qu'il faut pour enrober cela à la satisfaction générale des premiers intéressés.

De toute façon, M. le Président, je pense que, si le gouvernement est sérieux dans son désir de créer un tel institut, il devrait, dès l'adoption de ce projet de loi, prévoir un pouvoir explicite de la Société de l'amiante et une modalité d'exercice de ce pouvoir, c'est-à-dire l'octroi du contrat de recherche et de développement. Mais la restriction est importante pour des organismes reconnus dans le domaine de la recherche, y compris les universités. Je crois qu'il va falloir éviter, sous le couvert de la recherche, de financer à peu près n'importe quoi qui a des allures d'être politiquement intéressant ou bien appuyé par des amis du régime ou des gens qui sont des notables locaux et qui veulent obtenir une partie du gâteau, des contrats gouvernementaux. C'est toujours un très grand danger. Quand il est question de recherche, un gouvernement a toujours deux difficultés. Il y a d abord la difficulté de se décider à en faire ou à I'appuyer et une fois qu'il a surmonté ce premier obstacle, il a parfois la difficulté d'abandon- ner les projets chéris de certains promoteurs qui sont beaucoup plus des entrepreneurs en recherche que de véritables chercheurs. J'espère que le ministre est conscient de ce danger. C'est un danger très réel.

D'autant plus, encore une fois, que les préoccupations qui ont été exprimées tellement abondamment dans les journaux — dans la Tribune de Sherbrooke, entre autres, et certains journaux locaux — montrent que les véritables objectifs de la recherche sont très loin de la préoccupation de la plupart des gens qui en parlent. Il serait donc important, s'il y a des commandites quelconques, qu'elles se fassent a l'endroit d'organismes qui ont une solide réputation, qui peuvent assurer le sérieux de l'entreprise. Il n y a rien de plus tragique que de voir les faibles ressources que nos gouvernements réussissent à dégager pour les fins de recherche, être englouties par des activités maison qui n'ont aucune espèce de lendemain.

C'est le sens de cette référence à des organismes reconnus dans le domaine de la recherche, y compris les universités. Il faut se méfier énormément de ces instituts créés de toutes pièces avec charte spéciale et qui, encore une fois, tombent entre les mains de certains entrepreneurs de la recherche qui vivent au crochet du gouvernement. Je pourrais citer comme exemple, dans le secteur public québécois, de tels instituts qui n'ont été que des espèces de parasites entretenus à coup de millions de dollars qui, au fond, servaient de régime de retraite à des gens qui, selon l'apho-risme anglo-saxon, ne pouvaient faire rien d'autre et qu on a, par conséquent, pu satisfaire en leur donnant le pompeux titre de chercheurs. Il y en a un certain nombre; je mentionnerai pas des noms quoiqu'il y en a une foule qui se pressent à ma mémoire. Mais ce serait fort peu délicat, bien sûr, de se lancer sur ce terrain.

D autre part, il s'agit, pour la Société de l'amiante, de participer à la mise sur pied d'un institut de recherche. Je crois que cela peut être important de le préciser dans le projet de loi puisque, procéder autrement, c'est présenter la Société nationale de l'amiante devant un fait accompli. Le ministre pourra faire état tantôt de ses intentions quant à la création d'un institut de recherche. Un des dangers, s'il s'agit de recherche appliquée, c'est de procéder en vase clos, trop loin des utilisateurs éventuels des produits de la recherche. Or, le ministre, pour des considérations qui sont les siennes, et ses conseillers immédiats dans ce secteur-là pourraient trouver intéressant ou avantageux d'amorcer l'implantation d'un institut de recherche, comme une opération trop séparée de la mise sur pied de la Société nationale de l'amiante. Pour toutes sortes de raisons humaines, faire plaisir à un tel ou à un autre, diversifier les responsabilités, répartir les tâches, on risque de voir un divorce comme celui-là qui pourrait se justifier pour des raisons étroitement d'organisation, on risque de semer les germes d'un divorce beaucoup plus permanent. Il y a quelques années, lorsque le Conseil canadien des sciences a fait une étude sur la rentabilité de la recherche dans

I'industrie canadienne et dans I'économie canadienne en général, I'observation principale à laquelle il en est venu consistait à dire précisément qu'une grande partie de la recherche, particulièrement la recherche patronnée ou commanditée par les gouvernements, était absolument inutile, non pas parce qu'elle était mauvaise nécessairement, non pas parce qu'elle débouchait sur des conclusions négatives, mais parce qu'elle était trop divorcée, en termes concrets, des utilisateurs éventuels des résultats de la recherche, contrairement à la pratique aux Etats-Unis ou au Japon, ou I'intégration de la recherche, particulièrement la recherche appliquée — c est bien sûr de celle-là qu on parle — est extrêmement plus heureuse. Cela ne sert à rien d avoir de grands instituts gouvernementaux qui découvrent des procédés de fabrication, etc., et qui, à cause de l'absence assez normale, assez habituelle de liens de communications interpersonnels et même institutionnels entre les individus qui font la recherche et ceux qui pourraient I'utiliser, doivent attendre le déroulement d'un circuit beaucoup trop long d'informations officielles. Effectivement, le joint ne se fait pas, la relation ne s'établit pas et les chercheurs s'en vont dans des directions toujours de plus en plus ésotériques, alors que les utilisateurs sont dépourvus de moyens pour résoudre des problèmes concrets auxquels ils sont confrontés. (17 h 45)

Si le gouvernement se lance dans la recherche de façon divorcee de l'exploitation d'une société nationale de transformation et d'exploitation de I'amiante et si, dans l'organisation même de ces deux efforts, il n'y a pas une liaison extrêmement étroite au point même de confier comme mandat à la société de l'amiante, dès sa formation, la tache d'agir comme agent du gouvernement dans la mise sur pied de I'institut de recherche, on risque de voir se perpétuer ce divorce, peut-être de façon irrémédiable parce que beaucoup dépend, dans ce genre de situations, des relations interpersonnelles qui sédifient ou ne s'édifient pas justement. Il nous paraît que, pour cette raison, il n est pas suffisant d inciter la Société nationale de l'amiante à s intéresser à la recherche.

Il faudrait l'inciter à la faire directement par une participation immédiate, au nom du gouvernement, dans la mise sur pied de l'Institut de recherche sur I'amiante. Ce sont donc les deux motifs, M. le Président, que nous avons, prenant acte du fait que le ministre a accepté d'inclure cet objet parmi ceux couverts par larticle 4, attribués à la Société nationale de I'amiante, d'inscrire la recherche comme un des objets principaux — I'inscription des modalités d'application est extrêmement importante pour éviter que ces fonds, ces efforts soient dispersés ou orientés vers des organismes qui ne pourraient pas garantir la qualité nécessaire à l'exercice de recherches en établissant certaines restrictions — et deuxièmement, d'inviter la Société nationale de l'amiante à jouer un rôle actif immédiat et direct, non pas seulement par son actionnaire qu'est le gouverne- ment, mais directement s'impliquer dans la création de l'lnstitut de recherche de manière que, dès le départ, sur le plan des individus comme sur le plan des institutions, il y ait une symbiose, une action des plus étroites, une concertation la plus entière possible entre la recherche et son utilisateur principal à venir.

Je pense, M. le Président, qu'il s'agit là de deux motifs auxquels le ministre pourrait facilement souscrire puisqu'ils s'inscrivent dans la foulée d'un principe qu'il a accepté et qui ne contredit pas du tout, au contraire, mais qui ne fait que compléter lintention qu'il a exprimée tout récemment de créer, par une loi spéciale, l'Institut de recherche, parce que la loi, pour créer cet institut, ne viendra que consacrer un fonds, un programme une programmation qui devra déjà être élaborée. J'imagine qu'on ne nous servira pas à l'automne un projet qui n'existe que sur papier, mais que la loi viendra donner une existence légale à une réalité qui sera déjà présente, une équipe en voie de formation, une orientation de la recherche qui sera déjà précisée.

J'espère qu'on ne nous arrivera pas, encore une fois, comme on l'a fait pour ce projet, avec des voeux pour l'avenir, des invitations à faire confiance au conseil d'administration au cours des dix prochaines années, ce genre de raisonnement à rebours où au lieu de faire des choses, on veut simplement poser des gestes sur papier. Il me semble que ce n'est pas la façon de procéder, ce n'est pas une façon sérieuse de procéder. Un exemple formidable est donné par la Société de l'amiante elle-même qui va être créée sur papier avant même que son principal actif ne soit une chose acquise. Je ne suis même pas sûr que les négociations aient commencé. La loi sera proclamée, créant une Société de l'amiante, qui ne voudra strictement rien dire jusqu'à une date ultérieure où peut-être un autre projet de loi devra intervenir si le gouvernement a réussi à prendre son courage à deux mains, quand il en sera rendu là, pour exproprier la société General Dynamics comme il a menacé de le faire. C est seulement là que ce que nous faisons depuis un certain nombre de semaines prendra son sens. D'ici-là, c'est une loi de plus dans nos cahiers, M. le Président, mais il n'y aura strictement rien. Quand on arrivera à la recherche, le ministre n'aura pas l'excuse de l'improvisation ou de la hâte, il y aura six mois additionnels. J'imagine que c'est déjà tout prêt; d'ailleurs, il y a déjà eu un grand nombre de discussions. On sait déjà qui pourra être le directeur d'un institut de recherche. L'individu le plus important dans un institut de recherche, c'est celui qui va être le chef de I'équipe, qui va être respecté comme administrateur, mais aussi comme leader scientifique. Est-ce qu'on a cette personne-là? Est-ce qu'on envisage de pouvoir recruter une personne qui soit suffisamment mûre, qui ait suffisamment de maturité pour pouvoir former le noyau des chercheurs ou est-ce qu'on va faire du recrutement à droite et à gauche en attendant pour la fin de la nomination du directeur de la recherche, du directeur professionnel de

l'institut de recherche? Si on fait cela, on peut déjà faire la prédiction d'un échec monumental, parce qu'il est important que l'équipe soit conduite par un chef de file. Est-ce qu'on a quelqu'un en vue?

On parle de structures, encore là, est-ce qu'on parle du capital humain qui essentiel à la mise sur pied d'un tel service? Je n'en sais rien. Je n'ai pas trop d'espoir de ce côté, M. le Président.

Pour ce qui est de la présidence de la direction générale de la Société nationale de l'amiante, on en est peut-être aux rumeurs ou aux conjectures. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est déjà quelque chose. On se dit: II y a peut-être des possibilités que le gouvernement ait déjà des noms en tête. Pour ce qui est de l'institut de recherche, on n'est même pas rendu à la phase des conjectures et des rumeurs et pourtant c'est la pierre d'achoppement ou la pierre de touche, si l'on veut. Avant d'être la pierre d'achoppement, cela, on verra à l'expérience, mais c'est la pierre de touche des entreprises comme celle-là.

Je vois avec plaisir que le ministre, dans tout cela, fait un cycle complet. Il a commencé par la lecture des journaux, il est en train de terminer cette commission parlementaire avec la lecture des journaux. C'est un homme qui est vraiment "well-read" comme disent les Anglais. Il a des lectures très larges, du moins du côté des journaux. J'ai remarqué qu'il n'a aucune discrimination dans ses lectures, il consulte avec un intérêt égal, le Devoir, le Journal de Montréal. Cela réjouirait, devrais-je dire, tous les membres de la galerie de la presse qui ont joyeusement absents en ce moment. Ce n'est pas tellement ce que nous disons actuellement qui les ferait réfléchir mais surtout les tergiversations de procédures auxquelles nous avons assisté à la fin de la séance précédente et au début de celle-ci. Quoi qu'il en soit, je ne sais pas si le ministre a compris quelque chose, mais on serait fort intéressé d'avoir sa réponse, s'il en a une.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, quelques mots. Je commencerai par aborder la question par la fin en discutant un peu du problème du capital humain. Effectivement, il ne fait aucun doute que du fait qu'il y a eu peu de recherche sur lamiante au Québec dans les années passées, le capital humain est restreint.

Par contre, vous n'êtes pas sans savoir que l'Université de Sherbrooke a un programme intéressant et que plusieurs chercheurs travaillent sur le problème de l'amiante. De même, le Centre de recherche industrielle du Québec a déjà une petite équipe travaillant sur l'amiante et faut-il souligner que, dans le domaine du traitement mécanique de I'amiante, le Centre de recherche minérale du Québec possède une des usines pilotes les mieux outillées, ce qui nous permet d'entreprendre des travaux sur les minerais d'à peu près n'importe quel pays.

Donc, il existe bien, au niveau du Québec, une petite équipe. Ce qu'il faudrait cependant éviter — et là-dessus je serai d'accord avec mon collègue de Saint-Laurent — c'est qu'un centre de recherche prenne, au départ, une expansion extrêmement rapide et que l'on draine, de cette façon, absolument tout ce qu'il y a de valable dans le secteur de l'amiante au Québec et qu'on fasse le vide. Ce serait une approche assez déplorable. Il nous faudra donc tabler sur une certaine croissance lente de notre centre de recherche de manière à ne pas épuiser le capital humain disponible au Québec.

Il faut cependant souligner que nos universités ont produit bon nombre de diplômés dans le domaine du génie civil, chimique, mine et métallurgie qui ont de la difficulté à se trouver de l'emploi parce qu'il n'existe que très peu de centres de recherche au Québec. On me dit que plus de 80% de la recherche se font en Ontario et de fait...

M. Ciaccia: Vous les avez renvoyés avec le bill 101.

M. Bérubé: M. le Président, je n'ai pas interrompu le député de Mont-Royal, pourquoi celui-ci...

M. Ciaccia: Oui, tu lisais ton journal; c'est une autre forme d'interruption, ça.

M. Bérubé: Je n'ai pas interrompu.

M. Ciaccia: Ah oui! quand tu n'écoutes pas, c'est une forme d'interruption.

M. Bérubé: Donc, c'est un problème réel et je pense qu'il devra être abordé avec prudence. Je crois néanmoins que l'absence de centres de recherche au Québec devrait nous permettre de faire appel à un capital humain, peut-être plus jeune, moins expérimenté, mais qui pourra être formé par certains de nos checheurs seniors.

Il sera sans doute important de veiller à ce que le démarrage du centre se fasse de concert avec les activités en cours à l'intérieur des universités ou à l'intérieur du Centre de recherche minérale, de manière à ce que, au départ, on puisse tabler sur l'expérience acquise et que ces chercheurs n'aient pas nécessairement à quitter leur environnement naturel pour se retrouver à l'intérieur d'un centre de recherche, ce qui, à ce moment-là, priverait l'université ou le Centre de recherche industrielle de toute expertise dans le domaine. Egalement, on peut faire appel à un certain nombre de chercheurs étrangers qui, eux, pourraient peut-être compléter l'équipe.

Cependant, ayant peut-être tenté de donner quelques explications au député de Saint-Laurent concernant le programme du capital humain, qui est un problème qu'il avait raison de souligner, je me dois de revenir à l'amendement qui est proposé ici...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, ce soir, s'il vous plaît. Afin de terminer ce qui concerne la procédure puisque nous l'avions commencée, j'aimerais compléter la décision que j'ai rendue tout à l'heure en disant que rien n'empêche un ministre, en n'importe quel moment, de déposer tous les articles nouveaux et les amendements qu'il veut soumettre. Mais cela ne change en rien la décision rendue. Même si ces amendements et articles nouveaux sont déposés en bloc, ils sont appelés dans l'ordre au moment opportun, conformément à la décision.

Merci. Les travaux sont ajournés à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

Reprise de la séance a 20 h 24

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A I'ordre, s'il vous plaît!

Y aurait-il consentement pour que le député de Taschereau. M. Guay, remplace M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Brochu: Pas de problème.

M. Ciaccia: A une condition: qu'il ne commence pas à me rappeler que le gouvernement fédéral, par Radio-Canada, ne donne pas le temps égal au gouvernement du Québec et que Mme Sauvé est "une pas bonne". C'est une condition à mon consentement: pas de référence à Radio-Canada.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C est à une autre commission parlementaire.

Y a-t-il consentement? D'accord. M. le ministre.

M. Bérubé: Ah, oui, c'est vrai, j'avais la parole. Une Voix: Parlons de Radio-Canada!

M. Bérubé: Je n'ai malheureusement pas les amendements sous les yeux, mais l'amendement qui nous est présenté ici vise à permettre à la société de donner des subventions de recherche et de participer, si j'ai bien lu le texte, à la formation d'un institut de recherche. De toute façon, elle le peut. Par conséquent, indiquer dans une loi qu'elle peut faire ceci ou cela, c'est un peu comme affirmer qu'elle pourrait vendre de l'amiante, qu'elle pourrait vendre des produits manufacturés d'amiante, qu'elle pourrait entreprendre différents projets de transformation de l'amiante; de fait, c'est là le but de la société.

Il ne fait aucun doute qu'en acceptant l'amendement de l'Opposition libérale pour que la société s'engage dans la recherche et le développement de nouveaux produits, on a accepté implicitement — c'était déjà inclus dans le projet de loi original, au paragraphe b) — le principe selon lequel la Société nationale de l'amiante peut s'engager dans la recherche. Par conséquent, je m'interroge sur l'utilité de l'amendement tel qu'il nous est proposé.

A titre d'exemple, la société peut octroyer des contrats de recherche et de développement à des organismes reconnus de recherche. Ce n'est certainement pas inscrit dans la charte de SOQUEM et pourtant SOQUEM le fait couramment. De la même façon, je pense, toutes nos sociétés d'Etat, lorsqu'elles ont à faire appel à de l'expertise extérieure, le font. On aurait dit "doit" que je me serais sans doute opposé à l'amendement de toute façon, mais cela aurait eu un certain sens puis-qu'en en faisant une obligation à la société, on lui aurait imposé...

On aurait dit "doit" que je me serais sans doute opposé à I'amendement de toute façon, mais cela aurait eu un certain sens puisqu'en en faisant

une obligation à la société, on lui aurait imposé un devoir que l'on n'impose peut-être pas à une autre entreprise privée et, par conséquent, ceci aurait supposé que la société devrait octroyer des contrats de recherche et de développement à des organismes reconnus de recherche.

D'ailleurs — et là je m'amuserais un peu en pensant au député de Frontenac qui, malheureusement a dû retourner d'urgence dans son comté ce soir...

M. Ciaccia: ... pourquoi il a voté contre les motions d'amendements qui ont trait à la santé; c'est pour cela qu'il est retourné dans son comté.

M. Bérubé: Ce n'est pas vraiment la raison pour laquelle il a voté contre...

M. Ciaccia: Contre l'environnement, contre la santé des ouvriers.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre.

M, Bérubé: Non, parce que, en général, on lui demande rarement de justifier pourquoi il a voté contre. De toute façon, les amendements proposés sont tellement insipides que ses électeurs comprennent instantanément pourquoi il a voté contre. Alors, en général, il a rarement à s'expliquer à ce sujet.

M. Brochu: Si je comprends bien, il aurait pu être ici ce soir; il n'aurait pas eu besoin d'aller dans son comté.

M. Bérubé: Mais, à titre d'exemple, on peut octroyer des contrats de recherche et de développement à des organismes reconnus de recherche, y compris les universités, quand on fait du CEGEP de Thetford Mines... J'imagine, j'entends presque le député de Frontenac qui, dans des élans passionnés, critiquerait l'Opposition d'avoir présenté un amendement si incomplet puisque, évidemment, il va de soi que le CEGEP de Thetford Mines ne peut pas être mis de côté dans l'effort de développement de la recherche.

Par conséquent...

M. Forget: Est-ce que le ministre est sérieux? M. Bérubé: Pas vraiment. M. Forget: Vous me rassurez.

M. Bérubé: Mais, essentiellement, je pense que l'amendement qui nous est proposé ici n'est guère plus sérieux parce qu'on dit tout simplement que la société peut octroyer des contrats de recherche. La société peut également signer des ententes pour l'exploitation de gisements d'amiante, pour la fabrication de produits à base d'amiante. De toute évidence, je pense que la Société nationale de l'amiante peut, qu'on l'inscrive dans la loi ou qu'on ne l'inscrive pas; cela fait partie des pouvoirs de toute société. Par conséquent, je ne vois pas l'avantage à alourdir le projet de loi tel qu'il est présenté et. de ce fait, je m'y opposerais puisqu'on n'en retirerait absolument aucun avantage. D'autant plus qu'il faut peut-être laisser à chaque gouvernement le soin de développer la Société nationale de l'amiante comme elle l'entendra. Nous donnons au gouvernement un pouvoir de directives. Le pouvoir de directives ne veut pas dire que le Parti québécois, qui est au pouvoir aujourd'hui, va donner, pour jamais...

M. Ciaccia: ... au pouvoir. M. Bérubé: ... à jamais... M. Ciaccia: Non.

M. Bérubé: ... les directives à sa société d'amiante. Je suppose que l'Union Nationale, un jour, pourra peut-être accéder au pouvoir... On me dit le prochain mandat. Alors, les libéraux pourront attendre un mandat de plus.

M. Forget: II ne durera certainement pas longtemps!

M. Bérubé: Ceci pour dire que chaque gouvernement voudra sans doute, s'il a une volonté politique, et là je pense que pour les libéraux, elle est inexistante, mais je suppose que, dans le cas de l'Union Nationale, si l'Union Nationale est véritablement animée d'une volonté politique, on peut s'attendre que des directives à la Société nationale de l'amiante soient émises. Par conséquent on pourrait demander à la Société nationale de l'amiante de financer les projets de recherche dans les universités, dans les instituts de recherche existants, et même, comme l'avait d'ailleurs proposé dans une motion précédente le député de Saint-Laurent, la société pourrait s'adjoindre d'autres entreprises, d'autres sociétés privées pour faire du développement dans la transformation, dans la fabrication. Par conséquent, il ne fait aucun doute que de toute façon la loi telle que rédigée permet à la Société nationale de l'amiante d'entreprendre tous les projets qui sont ici indiqués. Je ne vois absolument aucun avantage à vouloir expliciter quelque chose qui de toute évidence est déjà inscrit dans la loi. Par conséquent, je pense qu'il est plus simple de garder la loi dans son état original, c'est-à-dire sans la compliquer inutilement et de voter contre la motion.

M. Forget: M. le Président, est-ce que M. le ministre me permettrait de lui poser des questions?

M. Bérubé: Toutes les questions que vous voudrez, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre a indiqué qu'au fond, il n'a pas besoin de cela. La société peut faire tout ce que cet amendement suggère de faire. A plus

forte raison, comme l'amendement suggère des initiatives visant à la mise sur pied, la création et le financement d'un institut de recherche sur l'amiante, à plus forte raison, s'il est superflu d'apporter un amendement de quelques lignes, il est superflu d'entreprendre une législation spéciale pour créer le même institut, puisque la société a déjà tous les pouvoirs pour le faire, sans amendement, elle a encore moins besoin d'une loi particulière pour le faire.

M. Bérubé: Je me fais un plaisir de répondre. D'une part, posons l'hypothèse que la Société nationale de l'amiante, parce qu'elle maintient de bonnes relations avec le chercheur X, dans tel laboratoire ou tel institut ou telle université, finance de façon exagérée des projets de recherche qui n'ont peut-être pas de véritable valeur scientifique. Le gouvernement au pouvoir pourrait certainement émettre une directive selon laquelle la Société nationale de l'amiante devrait se garder de telles pratiques. Cependant, si nous avions un alinéa, un article à l'effet qu'elle peut octroyer des contrats de recherche, évidemment, on pourrait toujours prétendre que le pouvoir de directives peut emporter l'alinéa qui est là, mais de fait, elle pourrait toujours invoquer cet alinéa, cet amendement tel que proposé pour justifier sa décision.

A mon point de vue, vouloir expliciter continuellement des pouvoirs de la société, c'est en même temps les restreindre parce que l'on donne des pouvoirs extrêmement larges à une société. Dès que l'on se met à préciser, à ce moment-là, il est possible que le législateur, dans l'avenir, finisse par conclure que si le législateur a précisé, c'est que dans le fond il voulait privilégier certains pouvoirs au détriment d'autres, et à ce moment-là, modifier substantiellement le mandat de la société ce qui, j'en suis sûr, n'est pas ce que le député de Saint-Laurent a à l'esprit.

Quant à l'institut je pense qu'il y a une distinction qui est importante. D'abord, il serait possible de constituer un institut de recherche sur l'amiante, un centre de recherche sur l'amiante, un laboratoire de recherche sur l'amiante qui ne ferait pas appel à l'industrie, donc, qui serait un institut gouvernemental. Il recevrait des commandites de l'industrie, comme le Centre de recherche industrielle du Québec, mais, comme tel, serait indépendant de l'industrie. Cela pourrait être une approche.

Une deuxième aproche pourrait consister à rattacher l'Institut de recherche à la Société nationale de l'amiante. Ce serait, en fait, un centre de recherche appliquée de type industriel, comme on connaît dans le cas de la société Noranda, de la société Alcan, et de plusieurs autres sociétés québécoises, Fer et titane du Québec. Cependant, l'objectif du gouvernement est d'associer l'ensemble de l'industrie minière au développement de la transformation au Québec, donc au développement de la recherche aussi. Par conséquent, nous estimons que les sociétés doivent être un peu sur un pied d'égalité, elles doivent participer de façon un peu paritaire à l'élaboration de ce centre et cela doit donc faire l'objet, sans doute, dune entente de développement. Pour cette raison, la Société nationale de l'amiante ne serait qu'un participant à cet Institut de recherche sur lamian-te et je pense qu'il est important de souligner que, tel que rédigé, l'amendement ne nuit pas, puis-qu on dit tout simplement que la société peut également participer à la création et au financement d un institut de recherche.

De toute façon, nous avons l'intention de faire en sorte que la Société nationale de I'amiante participe à la création et au financement de cet Institut de recherche, mais nous ne voyons pas vraiment d'avantages à faire en sorte qu'il y ait un amendement comme tel qui puisse éventuellement être interprété comme étant des restrictions ou des pouvoirs du mandat de la société. Au contraire, comme les paragraphes a et b incluent cela et que dans notre esprit la société, pour autant que le gouvernement actuel est concerné, devrait s'engager dans de telles activités, nous croyons que le pouvoir de directive est suffisant. Cependant, nous sommes absolument d'accord pour que, peut-être dans 25 ans, quand les libéraux reprendront le pouvoir, ceux-ci puissent évidemment modifier...

M. Guay: Sitôt que cela?

M. Bérubé: Dans 50 ans, excusez-moi. Oui, j'abrégeais la longue carrière du député de Taschereau. Dans ces conditions, je pense qu'il est impossible qu'un gouvernement entende modifier le mandat de la société. Je ne vois pas véritablement d'avantages à essayer de restreindre le mandat de la société plutôt que de le garder suffisamment ouvert.

Présentement, dans l'alinéa b, il n'y a absolument rien qui empêche la société — et particulièrement amendé, comme l'a proposé l'Opposition libérale, ce qui est parfaitement défendable — tel qu amendé, en incluant la recherche et le développement, puisque quelqu'un pourrait dire que la recherche et le développement ne sont pas des activités de nature industrielle, ce qui peut être défendable... Je ne vois vraiment pas pourquoi I'Opposition libérale cherche à nous faire voter cela.

M. Forget: M. le Président, je m'excuse auprès du ministre, j'ai sûrement mal formulé ma question. Très brièvement, je reviens à la charge. Le ministre prétend qu'il n'a pas besoin d'un amendement de quatre lignes, parce que déjà la loi, dans sa formulation actuelle, permet à la société de lamiante de participer à la formation et au financement d'un institut de recherche. S il n'a pas besoin de huit ou neuf lignes pour faire cela, pourquoi envisage-t-il une loi spéciale pour la création d'un institut qui pourrait déjà être formé à I'aide des lois existantes?

M. Bérubé: Là-dessus, le député de Saint-Laurent pourrait avoir raison, en ce sens que nous sommes présentement en discussion avec l'indus-

trie de l'amiante concernant la création de ce centre. J'ai présentement, ou du moins je l'avais cet après-midi, l'esquisse d'un projet de loi créant cet institut de l'amiante, mais je reconnaîtrai cependant que, au départ, il nous est apparu possible de créer l'institut de recherche sur l'amiante sans faire appel à une loi spéciale. Cependant, les problèmes de salubrité et de santé sont tels qu'il faut donner un mandat à cet institut qui soit distinct du mandat de simple recherche et développement technologique, ce qui, à ce moment-là, implique que la loi définirait la volonté gouvernementale dans ce secteur. Je ne peux pas dire que présentement le lit du gouvernement est fait quant à la nature, même légale, de ce futur institut de l'amiante, mais il est très possible que les lois actuelles du Québec nous permettent d'atteindre nos fins.

Il semble que présentement, le groupe de travail qui se penche sur cette question de la création d'un centre de recherche sur l'amiante opine vers la présentation d'un projet de loi distinct. Il s'agit là de l'opinion d'un groupe de travail et ça pourrait être remis en question. Il me fera sûrement plaisir d'écouter l'exposé du député de Saint-Laurent sur la nécessité ou non de présenter un projet de loi distinct pour créer cet institut de l'amiante. Connaissant son très grand et très vif intérêt pour la recherche dans le développement de la technologie concernant l'amiante et le développement de nouveaux produits, je suis convaincu qu'il doit avoir plusieurs idées tout à fait arrêtées sur la question. Il nous fera plaisir d'en prendre connaissance.

M. Forget: M. le Président, je ne veux pas parler longuement là-dessus, mais comme le ministre m'a invité...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne vous reste plus de temps, de toute façon.

M. Forget: Comme le ministre m'a invité...

M. Ciaccia: C'est une invitation du ministre, c'est un consentement implicite.

M. Forget: ... à faire des commentaires, je pense que dans les remarques qu'il vient de faire, il a donné lui-même la réponse à la question rhétorique qu'il posait au début: Pourquoi propo-se-t-on un tel amendement? Il devient évident, d'après sa réponse, que l'institut qu'il envisage de créer à l'automne par une loi spéciale se consacrera au problème de salubrité, parce qu'il a parlé de la nécessité d'une indépendance vis-à-vis des producteurs. Sans me prononcer sur la valeur de ce principe d'indépendance de l'institut de recherche quant à question de salubrité, ce qui est plausible, au moins comme hypothèse, il reste que si on part sur ce pied pour la création d'un institut de recherche, c'est-à-dire lui donner pour objet les questions de salubrité, il devient d'autant plus important de préciser que la recherche de type industriel, technologique et le développement de nouveaux produits, nouveaux procédés de fabrication, soient faits en liaison étroite avec la Société de l'amiante plutôt qu avec ce futur institut.

Parce qu'il y a un très grand risque que la recherche qui est faite de façon trop isolée des utilisateurs, comme c'est très souvent le cas, dans les instituts gouvernementaux, soit stérile, étant donné les difficultés pratiques de communication. Cela explique le sens de cet amendement. Les explications du ministre — je terminerai là-dessus — constituent la meilleure justification possible de cet amendement et en illustrent très bien la nécessité.

Si on veut que la recherche de caractère industriel, technologique soit fructueuse pour le Québec, il est important qu'elle se fasse en relation extrêmement étroite avec ses utilisateurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Non, merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre? Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Bérubé: Non, M. le Président.

M. Forget: Appel nominal, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est). M. Brochu (Richmond).

M. Brochu: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rancourt (Saint-François).

M. Rancourt: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal).

M. Ciaccia: En faveur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Vaillancourt (Jonquière).

Contre, pour les mêmes raisons déjà invoquées lors d'un vote antérieur.

M. Bérubé: Le statu quo constitutionnel, cela doit vous faire plaisir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Statu quo au niveau du texte de la loi.

Est-ce que le dernier alinéa de l'article 4 est adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai mal compris.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le dernier alinéa de l'article 4 est adopté.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 4 est adopté? Article 4, adopté.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai l'impression que l'Opposition libérale avait oublié un dernier amendement.

Conseil d'administration

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous piait, à l'ordre! J'appelle l'article 5. Est-ce que l'article 5 sera adopté?

M. Forget: Absolument, il y en a quelques-uns qu'on a omis, étant donné votre peu de réceptivité. Il y en a effectivement quatre ou cinq qu'on a passés.

M. Ciaccia: ... à la Grégoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 5 est adopté?

M. Guay: Adopté.

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Guay: C'est un "filibuster", ma foi.

M. Forget: Cet article est le premier de la section II du projet de loi qui traite de la structure administrative de la future Société nationale de I'amiante. On y dit que les affaires de la société sont administrées par un conseil d'administration d'au moins sept et d'au plus onze membres.

Le deuxième paragraphe se lit comme suit: "Ces membres sont les administrateurs de la Société au sens de la Loi des compagnies, mais la qualité d'actionnaire n'est pas requise."

Dans les autres lois analogues de sociétés d'Etat, les membres des conseils d'administration, dont le président, sont nommés par le gouvernement. C'est la procédure normale puisque, contrairement aux lois formées en vertu de la Loi des compagnies où il y a, évidemment, une procédure de nomination des officiers ou des administrateurs de la compagnie par une élection à l'assemblée des actionnaires, la raison d'être d'une loi spéciale créant une société d'Etat c'est évidemment le caractère fort spécial de ces sociétés qui n'ont qu'un actionnaire, ce qui rend la procédure élective superflue et qui, de toute façon, est purement factice puisque tout le monde sait très bien que l'actionnaire, celui qui a le pouvoir de faire ces nominations, ces élections, si on insiste absolument pour utiliser les mêmes termes, c'est le gouvernement. Pourquoi ne pas y aller directement et dire simplement que ces administrateurs doivent être nommés par le gouvernement? Pourquoi procéder de cette façon? Je n'en sais rien. Pourquoi aussi laisser vague la question du nombre des administrateurs? Il me semble que toutes les sociétés d'Etat, dont je puis me souvenir d'avoir lu les statuts, mentionnent un nombre défini, un nombre fixe d'administrateurs et non pas un nombre variable. (20 h 45)

II y a déjà dans le projet de loi, à l'article 18 que nous avons adopté par le détour de procédure qu'on connaît, une procédure officielle de directive. Cette procédure, je la connais bien; elle m est familière parce que j'ai eu le privilège, à une autre époque, d'être celui qui a, pour la première fois dans les lois du Québec, introduit cette disposition. Il s'agissait d'une révision de la Loi de la Régie de l'assurance-maladie, en 1974, et c'est mot pour mot celle qu'on retrouve à chaque révision ou à chaque création d'une nouvelle société d'Etat y compris celle-ci.

Ce pouvoir de directive constitue un pouvoir explicite dont I exercice est conditionné à certaines règles strictes de publicité, c'est-à-dire qu'il doit y avoir dépôt à l'Assemblée nationale et un débat, bien sûr, est possible à l'initiative d'un membre quelconque de l'Assemblée nationale par une motion du mercredi, ou même par une question avec débat, sur l'exercice que le gouvernement fait de sa discrétion administrative. Or, le moyen envisagé ici, au premier alinéa de l'article 5, à savoir prévoir de sept à onze membres est une façon détournée d'arriver au même objectif puis-qu on peut imaginer facilement la situation suivante où, initialement, le gouvernement nomme sept membres du conseil d'administration. Arrive une question particulièrement délicate ou difficile, et il s'avère qu'au conseil d'administration les voix sont partagées, mais partagées dans un sens que le gouvernement désapprouve et il suffirait de nommer deux, trois ou quatre membres additionnels pour renverser la majorité; cela s'est déjà vu, il y a eu des précédents célèbres à la Cour suprême des Etats-Unis, dans le temps de Roosevelt.

M. Bérubé: Elle est bonne, celle-là, je n'y avais pas pensé. C'est vraiment un esprit retors qu'a ce député de Saint-Laurent!

M. Forget: Non. on ne fait que s'inspirer des innovations législatives du ministre. Là-dessus,

j'aimerais soulever le commentaire faussement naïf du ministre. Il y a un précédent dans nos lois sur la façon de rédiger ces articles. Si le ministre, consciemment — j'imagine qu'il sait ce qu'il fait même s il se cache quand vient le temps d'en délibérer à l'Assemblée nationale — sait ce qu'il fait — c'est la présomption la plus charitable qu'on puisse faire à son endroit — introduit une disposition nouvelle — c'est du droit nouveau, cela ne se voit pas ailleurs — c'est donc qu'il a un objectif. S'il fait quelque chose sans savoir pourquoi, ce n'est pas une épithète d'inconscience qu'il faut y voir, c'est plus grave que cela dans le cas d'un ministre prétendument responsable.

Donc, s'il a introduit cette disposition, c'est qu'il a un jour l'intention de s'en servir. Il ne peut pas y avoir d'autres utilisations possibles que celle-là. Je prétends que c'est une façon indirecte et hypocrite de faire ce que l'article 18 permet de faire directement, mais moyennant un débat à l'Assemblée nationale. Je ne vois absolument pas pourquoi le ministre prend de telles garanties à savoir s'assurer non seulement d'une majorité, mais d'une majorité absolue parce que le gouvernement va nommer tout le monde. Il n'a qu'à prendre les précautions raisonnables de nommer les gens à qui il peut parler. On s'est assuré depuis quelques mois que les nominations qui se font sont telles que ceci ne soulève aucune espèce d'inquiétude, j'imagine, dans l'esprit du gouvernement. Il y a eu suffisamment de nominations pour qu'on puisse se faire une opinion à ce sujet-là. Je pense qu'il y a bien des gens qui se sont fait des opinions à ce sujet-là. Il n'y a pas eu de nomination hétérodoxe dans les dernières annonces que le gouvernement a faites; tout est très conforme. Si le gouvernement connaît son monde — comme je le suppose, il faut donner le crédit au gouvernement qu'il connaît son monde; jusqu'à maintenant, il l'a démontré — il n'a pas à s'attendre à des surprises de ce côté-là. Si, malgré tout, il veut se réserver, en dépit du fait qu'il possède déjà un pouvoir de directive, une porte de sortie, en disant: Si jamais on veut renverser une décision et si on ne veut pas que cela se voit, on ne voudrait certainement pas déposer des directives à l'Assemblée nationale; c'est embarrassant. Cela va se voir un peu trop clairement; on aimerait bien pouvoir, en douce, furtivement, à la façon, d'ailleurs, qui est un peu la marque de commerce du ministre puisque tout se fait un peu furtivement: les chiffres, les nominations, tout cela va se faire un peu à la bonne franquette, sur le coin de la table... Alors,...

M. Ciaccia: ... les taxes.

M. Forget: Oui.

M. Ciaccia: Les taxes payables.

M. Forget: Les taxes payables, les montants des profits qu'on va récupérer ou non, tout cela n'est pas très clair. Mais de ce côté-là, sur la composition du conseil d'administration, on s'a- muse encore, on se fait un autre petit gadget pour pouvoir mieux contrôler tout ce qu'on veut contrôler, mais qu'on n'ose pas admettre vouloir contrôler.

Il m'apparaît que ce genre de manipulation devrait être mis de côté carrément; il n'y a absolument aucune justification. Si, un jour, le ministre est d'avis que les tâches des administrateurs de la Société nationale de l'amiante sont si lourdes qu'elles ne peuvent absolument pas être assumées par seulement sept personnes, mais qu'il est absolument nécessaire, étant donné le très grand nombre de filiales, d'intégrer dans un conseil d'administration un nombre supérieur d'administrateurs, nous serions tout à fait disposés à amender l'article 5. Je ne peux évidemment pas engager l'Assemblée nationale, pas plus que personne, mais un amendement ayant pour effet de porter de sept à neuf ou de sept à onze le nombre des administrateurs ne donnerait certainement pas lieu à un long débat; cela ne se réfère pas à l'occasion d'un problème particulier, mais pour des raisons que le ministre serait prêt à venir défendre à l'Assemblée nationale.

Je serai prêt, M. le Président, à lui concéder onze membres tout de suite, s'il le veut, mais je pense que ce qui est inadmissible, c'est de se donner de la discrétion.

Il est évident que le deuxième alinéa est une chose qui va de soi, étant donné que c'est une société d'Etat; ce n'est donc pas une chose sur laquelle nous allons insister beaucoup. Encore une fois, il y a la question du nombre variable d'administrateurs qui m'apparaît fort discutable. Il y a aussi la question de procéder indirectement alors que l'on peut le faire directement quant à la source de la nomination. Il faudrait dire carrément qu'ils sont nommés par le gouvernement puisque c'est dans le sens même d'une société d'Etat que les administrateurs soient nommés par le gouvernement. Il ne vaut pas la peine, à mon avis, de s'encombrer d'une fiction juridique de ce côté-là en présumant qu ils sont actionnaires, que ce sont les actionnaires, alors qu'on sait très bien qu'il n'y en a qu'un seul, qu'ils vont faire l'élection. C'est d'ailleurs presque ironique de voir ce genre de terme utilisé dans la constitution d'une société d'Etat.

A cet effet, j'aimerais faire la motion d'amendement suivante: Que le premier alinéa de l'article 5 soit modifié en remplaçant, dans la deuxième ligne, les mots "d'au moins sept ou d'au plus onze", par les mots "de sept" et en ajoutant, dans la deuxième ligne après le mot "membres", les mots "nommés par le gouvernement". L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Les affaires de la société sont administrées par un conseil d'administration de sept membres nommés par le gouvernement".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Motion recevable.

Est-ce que la motion d'amendement du député de Saint-Laurent sera adoptée?

Une Voix: Non.

M. Forget: Est-ce qu'on pourrait avoir I'honneur d'un commentaire de la part du ministre, M. le Président?

M. Bérubé: Je lis soigneusement...

M. Guay: II y a au moins une chose qui est fausse dans ce que le député de Saint-Laurent a dit. Je ne vois pas très bien quel est le rapport, dans son esprit, entre l'article 5 et l'article 18, puisqu à un moment donné le député de Saint-Laurent a fait allusion au fait que l'article 18 pouvait permettre de faire ce que l'article 5 prévoyait, ou quelque chose comme cela. C'est bien cela que le député de Saint-Laurent a dit, ou ai-je mal saisi, ou l'inverse?

M. Forget: Est-ce que j'ai bien compris que le député de Taschereau me demande de recommencer mon exposé?

M. Guay: Non, non. Je vous demandais simplement de clarifier ce point parce que ce n'était pas très clair.

M. Forget: Ce n'était pas très clair? Je ne sais pas! Est-ce que le ministre a les mêmes difficultés? J'imagine que oui parce qu'il était absent, M. le Président. Je n'ai pas d'objection, étant donné qu'il me reste du temps, à recommencer mon exposé pour le bénéfice des membres du côté ministériel.

M. Bérubé: Le député de Taschereau est parfaitement en droit de demander des explications.

M. Guay: Le député de Saint-Laurent qui possède un sens aigu... qui a une capacité remarquable de résumer ses propos de façon succincte et concise peut, simplement, sur ce point-là, brièvement, rapidement, en trente secondes, en capsule...

M. Forget: Je vais m'exécuter. J'avais fait crédit aux membres ministériels de comprendre rapidement, mais peut-être qu'ils comprennent rapidement, comme on dit, mais il faut expliquer longuement. C'est peut-être une mauvaise habitude qu'on leur a donnée et j'aurais bien mauvaise grâce de les en blâmer à ce moment-ci.

M. Guay: Le député de Saint-Laurent s'ennuierait si on ne lui permettait pas d'expliquer longuement.

M. Forget: Probablement parce qu'il ne faut pas en arriver trop rapidement à certains articles embarrassants pour le gouvernement, on va pouvoir peut-être passer un peu plus de temps sur cet article 5. A l'article 18 que nous avons adopté, n est-il pas vrai que le gouvernement se réserve un pouvoir de contrôle sur cette société d Etat que sera la Société nationale de l'amiante? N est-il pas vrai que, par des directives, il pourra infléchir l'administration de cette société selon ce qui lui apparaît être les meilleurs intérêts de la nation, pourvu qu'il se conforme aux objectifs et à I'orientation de la société dans l'exécution des fonctions qui lui sont confiées par la loi? C est le premier paragraphe. Il pourra émettre, dans cette mesure, des directives pour corriger le tir des administrateurs de la société.

Toutefois, n'est-il pas vrai que ce pouvoir du gouvernement de contrôler les sociétés d'Etat est assujetti à certaines restrictions de caractère démocratique puisque, si tant est que ce pouvoir est exercé, le gouvernement devra, à ce moment-là, déposer devant l'Assemblée nationale si elle est en session et, si elle ne l'est pas, le faire dans les quinze jours de la reprise de ses travaux, la directive qu'il aura ainsi émise à l'intention de cette société d'Etat? Est-ce que mes propos sont clairs, M. le Président et est-ce que nous nous suivons bien?

M. Guay: Pour se suivre, il faut s'entendre. Les propos sont clairs. On ne suit pas beaucoup, mais on...

M. Forget: Vous n'êtes pas d'accord sur la lecture de cet article 18?

M. Guay: Je suis d'accord sur la lecture de l'article 18, sauf que l'article 18 ne permet pas, M. le Président, au gouvernement de faire n'importe quoi avec le conseil d'administration, d'où la pertinence de l'article 5.

M. Forget: Non, n'allons pas trop vite à notre tour, M. le Président.

M. Guay: Non.

M. Forget: Et n'anticipons pas sur ce qui peut être dit sur l'article 5. Mais je pense qu'on peut s entendre que le gouvernement peut émettre des directives pour infléchir l'administration d'une société d'Etat en vertu de l'article 18 mais que, s'il le fait, il est astreint à la publicité de ses directives et à un débat possible à l'Assemblée nationale et dans l'opinion publique sur le bien-fondé de cette intervention politique de sa part dans la gestion d'une société d'Etat, quoique c'est un droit qui est clairement affirmé à l'article 18, un pouvoir éminent de contrôle de l'Etat sur les activités des sociétés d'Etat, le tout sur quoi je suis parfaitement d'accord.

M. Guay: Bravo! On peut revenir à l'article 5.

M. Forget: Cela étant, l'article 5 — et telle est la prétention que nous avons de ce côté-ci de la table, M. le Président — permet également un pouvoir de contrôle, donne également un pouvoir de contrôle au gouvernement sur une société d'Etat dans la mesure où, jouissant d'une discrétion quant au nombre de personnes qui peuvent être nommées au conseil d'administration et ayant pris la précaution initialement de nommer un nombre minimum de membres, il pourra toujours.

en cours d'opération, menacer ou effectivement mettre à exécution sa menace de nommer des membres additionnels au conseil d'administration de façon à renverser une décision déjà prise par ledit conseil d'administration de la société d'Etat ou à infléchir, dans un sens prédéterminé par lui, le gouvernement, une décision qu'il sait que cette société d'Etat est sur le point de prendre, puisque, bien sûr, ces choses-là s'ébruitent dans les officines ministérielles. Cela étant, l'article 5 donne au gouvernement, par l'utilisation de cette discrétion le même pouvoir que l'article 18 donne déjà et qui lui est déjà concédé, puisque nous avons adopté l'article 18. Donc ce n'est pas une question hypothétique, il a un pouvoir de directive, mais s'il ne veut pas utiliser ce pouvoir de directive puisqu'il est assorti d'une publicité, d'un débat, donc d'un embarras politique possible, il pourra toujours, à l'aide de la discrétion de l'article 5, si l'article 5 n'est pas modifié conformément à notre amendement, contrôler indirectement la société d'Etat en menaçant de faire des nominations, d'inonder une majorité à ce conseil d'administration par des gens qu'il nommera spécifiquement pour qu'ils aillent voter dans le sens qui leur aura été indiqué d'avance. Il existe des précédents dans l'histoire constitutionnelle, pas nécessairement du Québec, parce que je ne pense pas qu'on ait vécu dans les annales du moins écrites de telles expériences — je n'en connais pas personnellement — mais l'histoire constitutionnelle américaine cite des cas célèbres de ce genre-là, bien sûr, puisque c'est ainsi que le président Roosevelt, en 1933 ou en 1934, a renversé une majorité également célèbre à la Cour suprême des Etats-Unis en menaçant de nommer suffisamment de juges et en le faisant, effectivement, pour laisser les décisions qui é-taient défavorables à la législation du "New Deal" qui avait été jugée anticonstitutionnelle, selon la loi américaine. C'est donc une technique de gouvernement, si l'on veut, dans le sens large du mot, qui est connue, qui a été utilisée ailleurs et qui est introduite ici dans ce projet de loi en dérogation avec une pratique commune dans nos lois du Québec régissant les sociétés d'Etat.

J'ai fait le compliment au ministre que s'il avait innové dans cette loi, il ne le faisait pas sans but. Contrairement à son étonnement de façade, je pense que le ministre a dû avoir une raison pour agir de cette façon et créer du droit nouveau. Autrement, on devrait juger qu'il était livré innocent aux menées de ses conseillers, ce qui serait évidemment une remarque fort peu flatteuse que je m'abstiens de faire à l'endroit du ministre. Je suppose qu'il dirige ses conseillers, d'une façon permanente, qu'il perce tous leurs secrets, qu'il devine tous leurs complots, qu'il déjoue toutes les manoeuvres. Il a certainement vu clair dans ce petit jeu et il s'est dit: oui je l'achète, je pense que c est là un instrument utile, une astuce dont nous pourrons vouloir nous servir un jour. Mais s'est-il rendu compte, M. le Président, qu'un tel instrument pourrait servir entre toutes sortes de mains, s'il juge les siennes au-dessus de tout doute...

M. Bérubé: M. le Président, je retournerai la question au député de Saint-Laurent, est-ce qu'il s'amuse?

M. Forget: Je m'amuse un peu, parce que votre collègue, le député de Taschereau, m'a forcé à parcourir le même chemin pour une deuxième fois; il faut bien que je trouve mon plaisir quelque part. Ce n'est pas facile.

M. Bérubé: Ce qui n'est pas facile, étant donné le caractère sinueux de votre démarche.

M. Forget: Ma démarche est assez directe, puisqu'elle débouche en pleine cible sur un amendement qui vise à vous enlever ce pouvoir discrétionnaire que vous pourriez être tentés, vous ou d'autres, d'utiliser à mauvais escient, ce qui serait fort déplorable pour ceux qui seraient les objets directs de vos interventions, ce qui pourrait fausser les règles du jeu. Pour être plus sérieux, il reste que...

M. Bérubé: ... voulait changer aussi.

M. Forget: ... au moins quant au style, parce que le fond n'a pas cessé de l'être. A un moment où le gouvernement prétend — à tort ou à raison, l'avenir nous le dira, puisque tout ce qu'on a dans le moment ce sont des promesses — prétend être en voie d élaborer de nouvelles normes devant régir l'évaluation de la performance, la façon pour l'Etat de diriger toutes les sociétés qui dépendent de lui, etc., dans cette veine-là. Au moment où on prétend se livrer à un exercice de ce genre, est-ce qu il faut voir dans une tentative comme celle-ci une prémisse de ce qui s'en vient, un oubli, une inadvertance? Enfin, il faudrait bien se rendre compte. Est-ce que c'est un précédent qu'on veut créer et après on voudra l'invoquer pour nous dire: cela est déjà passé dans le projet de loi 70, personne n'a soulevé cela, donc c'est maintenant du droit commun ou je ne sais quoi, je ne sais pas quelle signification on voudrait attacher à cela? C est la raison pour laquelle, même si c'est un point relativement technique, relativement de détail dans cette législation... Ce n'est pas relié aux grands objectifs du projet de loi, pour autant qu on peut les déceler, mais il reste que c'est un détail important. Parce que si l'on veut l'utliser après, comme un précèdent, à mon avis, c'est un précédent extrêmement regrettable. On n'a pas du tout besoin de cela. Encore une fois, comme je viens de lindiquer au ministre, s il nous disait — ce n'est pas le sens de notre amendement, notre amendement vise à réduire à sept, point, sans discrétion, le nombre d'administrateurs, étant donné qu'il va falloir les payer, autant en avoir le nombre strictement nécessaire — mais si le ministre était prêt, ce soir, à nous dire: Non, il nous en faut absolument onze, et qu'il fasse un plaidoyer de deux minutes là-dessus, nous concéderions rapidement une telle chose, parce que ce qui est important, ce n'est pas que ce soit sept plutôt que onze, c'est

que ce soit l'un ou l'autre, pas les deux. Pas un choix d'un nombre quelconque compris entre sept et onze.

C'est relié non seulement à la question de manipulation ou de contrôle indu... indu, non pas dans le sens que l'Etat ne devrait pas contrôler les sociétés d'Etat, leur nom l'indique, mais s'il le fait, il devrait le faire selon des normes bien connues, bien établies et il devrait se soumettre, dans son contrôle, à un examen démocratique des responsabilités qu'il assume en contrôlant les sociétés d'Etat.

Il reste qu'au delà de ce principe qui est important, il y a aussi celui de contrôler les dépenses publiques, et le nombre d'administrateurs est relié directement aux dépenses publiques. Il y a dans les lois, par exemple, sur l'organisation des tribunaux judiciaires, M. le Président — je suis sûr que vous êtes sensible à ça, puisque vous avez une formation juridique — bien sûr, je ne veux laisser rien entendre de disgracieux à ce sujet — il reste que, comme vous le savez, dans les lois sur l'organisation des tribunaux judiciaires, vous avez un énoncé précis du nombre de juges de la Cour Provinciale. On ne dit pas: Le gouvernement peut créer un nombre quelconque de juges entre 50 et 200, on dit: II y a tant de postes de juge à la Cour Provinciale; c'est rendu à 107 ou 108, je ne le sais pas exactement, mais c'est dans ces chiffres.

Quand on doit en ajouter deux ou trois, on introduit un amendement à l'Assemblée nationale. Pourquoi? Est-ce qu'il y a quelqu'un, un jour, qui s est posé la question? J'imagine que oui. Pourquoi fait-on un amendement à la Loi des tribunaux judiciaires pour ajouter deux juges? Qu'on réfléchisse à ça et que, par analogie, on réfléchisse également à la nomination des administrateurs dans les sociétés d'Etat.

Je pense qu'il y a au moins une analogie, peut-être davantage, qu'on peut tirer de cette réflexion.

M. le Président, c'est ça. Ce n'est pas un plaidoyer partisan, même s'il est émaillé de quelques ironies, il reste qu'il y a une question de fond sur le contrôle des activités de l'Etat qui se pose là et j'aimerais qu'en toute simplicité, on puisse en délibérer et si possible améliorer le projet de loi.

M. Guay: M. le Président, puisque j'avais posé la question au député de Saint-Laurent, il faut lui savoir gré d'avoir résussi ainsi à résumer sa première intervention en prenant deux fois plus de temps en la résumant qu'en la faisant de façon initiale.

Puisque le député de Saint-Laurent a affirmé, au cours de ce résumé qu'il a fait de sa position initiale, qu'il fallait bien qu'il prenne son plaisir quelque part et que son plaisir venait dans le fait de parler longtemps, si j'ai bien saisi, je suis fort heureux, M. le Président, d'avoir pu procurer au député de Saint-Laurent une occasion de jouissance, comme le dit le député de Richmond. Ces occasions sont rares en commission parlementaire.

Ma foi, si le député de Saint-Laurent, auquel je trouvais le teint un peu pâlot tantôt en entrant en commission, comparativement au député de Mont-Royal qui a dû passer la fin de semaine au soleil, je ne sais trop, mais il a l'air en forme... Le député de Saint-Laurent avait l'air un peu pâlot. Ce sont peut-être ces longues semaines verbo-motrices qui, au bout du compte, commencent à taxer ses énergies, bien que je dois reconnaître que pour des énergies taxées, elles continuent à être pleines de ressources. La meilleure preuve est précisément I'intervention qu'il vient de nous faire.

C'est une intervention qui, M. le Président, par contre, quant au fond, tant le résumé que la position initiale, m'apparaît singulièrement inquiétante quant à la démarche intellectuelle que suit le député de Saint-Laurent.

On se souvient qu'il fut, jadis, haut-fonctionnaire, sous-ministre et enfin il accéda au cénacle en devenant ministre. Cela m'apparaît singulièrement inquiétant qu'un ancien ministre et ancien sous-ministre, qui, tout ce temps, n'a peut-être pas eu tout le loisir de parler à son gré, étant donné que quand on est sous-ministre, on ne peut pas dire tout ce qu on a à dire parce qu'on est sous-ministre et que quand on est ministre, il faut quand même faire attention aux collègues et au premier ministre.

Si bien que depuis qu'il est dans l'Opposition, le député de Saint-Laurent peut se défouler, si I on veut, et parler à son gré sur tous les sujets; il le fait d'ailleurs avec beaucoup de volubilité.

Toujours est-il que dans l'exposé, le résumé de l'exposé qu'il a fait tantôt, j'ai cru dénoter chez lui une lecture de l'article 5 qui m'inquiète dangereusement si, par malheur, il fallait que le parti auquel il appartient et lui-même soient appelés de nouveau, un jour, à diriger l'Etat, parce que la lecture qu'il fait de l'article 5 implique, de la part du ministre qui serait responsable de la Société nationale de l'amiante ou des ministres qui seraient responsables de n'importe quelle société d Etat dans l'optique où il la voit, un cynisme machiavélique qui, à mon avis, se lie mal avec la bonne gestion de l'Etat au sens du bon père de famille que prévoit le Code civil.

M. Forget: Ce n'est pas moi qui l'ai rédigé.

M. Guay: Peut-être, évidemment dans les six années ou enfin, dans son cas, dans les trois années où il a été ministre ayant eu, au sommet de l'Etat, au premier chef de l'Etat, un exemple assez remarquable de cynisme et de machiavélisme, peut-être en a-t-il retenu le son pour l'avenir qui l'a marqué de façon indélébile. Toujours est-il que je ne pense pas qu'on doive lire dans l'article 5 le dessein machiavélique qu'y voit le député de Saint-Laurent, à moins, bien sûr, que ce dessein machiavélique ne soit la marque de commerce de la formation politique à laquelle il appartient. Alors, que Dieu nous préserve de voir cette formation politique diriger de nouveau un jour les destinées du Québec, puisqu'à ce moment, cela veut dire qu'aucun tribunal, aucune société d'Etat, rien de ce qui relève de près ou de loin de I'Etat ne

serait à l'épreuve de manipulations politiques de la part du Parti libéral; ce à quoi il se conformerait de façon assez éloquente avec la tradition qu'il a établie de 1970 à 1976, tradition à laquelle, fort heureusement, le Parti québécois a mis fin en arrivant au pouvoir.

M. Forget: M. le Président, en parlant de tradition, j'aimerais très brièvement, puisqu'il est question de tradition, souligner que SOQUIA qui a été fondée par la précédente administration, à son article 8, prévoit cinq membres: SOQUEM, à l'article 7, prévoit sept membres; SOQUIP également, sept membres; REXFOR, à l'article 10, cinq membres; et en particulier, dans le cas de SOQUIP, la loi initiale qui a été adoptée en 1969 prévoyait cinq membres et, en 1974, un amendement est intervenu pour augmenter de cinq à sept le nombre de membres du conseil d'administration.

Donc, il y a là des précédents nombreux bien établis qui démontrent clairement que ce genre de dispositions ne fait pas partie des moeurs législatives au Québec, et que, s'il y a du cynisme quelque part, ce n'est pas du côté de l'ancienne administration qui s'en est abstenu, mais qu'elle ne peut pas faire autrement que de lire un texte de loi quand on la lui met sous le nez et de se demander qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire, ce nouveau texte. Cela doit vouloir dire quelque chose.

M. Ciaccia: M. le Président, simplement pour répondre au député de... Excusez.

M. Bérubé: Si le député de Mont-Royal veut répondre à la question...

M. Ciaccia: Non, non, allez-y.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai écouté l'argumentation du député de Saint-Laurent qui, sous des apparences logiques, cherche finalement à remettre en cause chacun des éléments du projet de loi. Je dis bien apparences logiques, puisque, en fait, il utilise un argument essentiellement ad hominem, tendant à prêter des intentions toujours les plus malsaines au gouvernement au pouvoir.

D'une part, M. le Président, ce qui se produit dans le cas d'une société comme la Société nationale de l'amiante est un phénomène un peu particulier, c'est qu'on s'attend que cette société assume une certaine croissance dans les premières années. Nous nous sommes interrogés, à savoir si le nombre de membres du conseil d'administration devait se situer au niveau de onze ou plutôt à un niveau plus raisonnable de sept. En effet, dans la plupart des sociétés d'Etat maintenant le nombre de membres est toujours de sept, et la tendance en général a été à l'augmentation, par amendements successifs des lois, du nombre de membres du conseil d'administration. Présentement, on commence même à se demander si onze ne serait pas un nombre préférable, compte tenu de ce que parfois les responsabilités conférées aux sociétés d'Etat sont assez considérables, particulièrement dans le cas d'un "holding". En effet, dans le cas de la Société nationale de l'amiante, qui devra prendre en main la société Asbestos Corporation, qui pourrait avoir à s'impliquer au niveau d'Abitibi-Amiante, qui pourrait avoir à s'impliquer au niveau de plusieurs entreprises de transformation, qui aura à s'impliquer au niveau de l'Institut de recherche de lamiante, cette société pourrait voir rapidement son conseil d'administration taxé lourdement. A cause de cela, nous avons pensé qu'un nombre d'environ onze membres serait sans doute le nombre le plus judicieux pour la Société nationale de lamiante. (21 h 15)

Cependant, il nous faut reconnaître qu'en créant la société, il va de soi qu'au départ il est peut-être un peu lourd de nommer onze membres et il est peut-être préférable d'avoir un conseil d'administration plus léger, d'environ sept membres, quitte à faire croître ce conseil d'administration au fur et à mesure des besoins. Dans la mesure où l'Etat doit administrer, doit gérer ces sociétés d'Etat, de manière qu'elles soient les plus efficaces, les plus rentables possible, il faut tout de même donner au ministre des Finances le pouvoir, s'il le juge bon, d'augmenter le nombre de membres du conseil d'administration. Or, on connaît la lourdeur du processus parlementaire. En effet, inutile de dire que pour des questions de principe, l'Opposition a bloqué le présent projet de loi pendant trois mois, mais on nous a bien dit qu'on n'était pas opposé au principe mais que, remettant en cause l'objectif de l'achat d'Asbestos Corporation, on pouvait, sans la moindre vergogne, accepter d'immobiliser totalement le processus parlementaire pendant une période passablement longue.

Le député de Saint-Laurent n'a pas caché que son intention était très arrêtée d'utiliser tous les moyens que lui permettait la procédure parlementaire; d'ailleurs, sa verve épistolaire lui a permis de l'écrire même dans sa dernière publication dans le Devoir. Il n'a donc pas hésité à souligner qu'il était prêt, de toute façon, à utiliser tous les moyens que la procédure mettait à sa disposition pour ralentir le passage d'un projet de loi. Donc, lorsqu'on reconnaît la mauvaise foi de l'Opposition, lorsqu'on reconnaît que l'Opposition n'a d'autre objectif que de bloquer les projets de loi gouvernementaux plutôt que de chercher à les bonifier, plutôt que de chercher...

M. Forget: On a de bonnes raisons pour cela.

M. Bérubé: ... à collaborer avec le gouvernement dans des projets de loi fondamentaux, il s'avère que le risque est grand de devoir, dans six mois, présenter un nouvel amendement à la loi pour dire que cette fois-ci, le nombre de membres passe de sept à onze. Par exemple, j'ai sous les yeux ce qui nous était présenté par le député de Saint-Laurent tantôt quant au nombre d'administrateurs. Dans le cas de SOQUIA, c'est vrai, il y a cinq membres, mais dans le cas de la SGF, qui est aussi un "holding ", où on doit suivre, où on

devrait suivre de beaucoup plus près les filiales, à ce moment-là, le nombre est porté à onze. Par conséquent, je pense qu'il est un peu normal que l'objectif visé pour le conseil d'administration soit un nombre d'environ onze. Cependant, dans la période de rodage de la société, le nombre devrait probablement s'établir à sept, au départ, quitte à l'accroître avec le temps, au fur et à mesure que la société prendra de l'expansion, donc, garder un article de loi suffisamment général, tel qu'il a été rédigé, pour permettre la flexibilité nécessaire et peut-être — et c'est la leçon qu'on retire de l'Opposition présentement — éviter des débats absurdes. J'imagine très bien, venant l'an prochain augmenter le nombre de sept à neuf, le député de Saint-Laurent m'expliquer qu'étant opposé à la politique de l'amiante, il verrait d'un tout à fait bon oeil un "filibuster " qui lui permettrait de retarder pendant trois mois l'augmentation du nombre de membres du conseil d'administration.

M. Forget: ... Parlement, jamais, pour rien, même pas pour vos crédits!

M. Bérubé: C'est le député lui-même qui, par son attitude, condamne le processus parlementaire qui oblige le ministre des Finances à se garder une certaine flexibilité.

M. Forget: Oui, gouverné par des Grecs ou la junte militaire au Chili ou quelque chose du genre.

M. Bérubé: Je vois présentement que mon intervention semble frapper sérieusement le député de Saint-Laurent. Effectivement, il a raison de dresser l'oreille et de porter attention aux propos que je tiens parce que je pense que le député de Saint-Laurent s'est montré coupable, au cours des dernières semaines, d'un abus de la part de l'Opposition. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Premièrement, je voudrais répondre aux remarques du député de Taschereau, mais je ne pourrai pas laisser passer les remarques du ministre.

M. Bérubé: Sans doute.

M. Ciaccia: Cela nous donne une drôle d'impression du rôle de I'Assemblée nationale, du rôle des commissions parlementaires. On dirait que vous n'avez pas encore compris ce qu'est la démocratie parlementaire; j'y reviendrai tantôt.

Premièrement, le député de Taschereau a référé à un cynisme et à un machiavélisme dans l'interpréation de l'article 5. Quand on porte ce genre d'accusation, c'est souvent révélateur de I'esprit de celui qui porte les accusations plutôt que de celui qui a essayé, comme le député de Saint-Laurent, de donner une explication quant à l'interprétation possible. Sans être machiavélique, il faut toujours avoir le pouvoir d analyser les possi- bilités d'interprétation d'un article; c'est cela le rôle d'une commission parlementaire; c'est cela le rôle que nous avons ici.

Je pense que vous nous donnez une perception de la possibilité de cet article. La seule chose que nous faisons: nous vous disons les possibilités. Comment peut-elle être interprétée? Comment peut-elle être utilisée? D'ailleurs, c'est pour cela qu'il y a des légistes dans le gouvernement. C'est pour cela que vous rédigez les lois d'une certaine façon; autrement, pourquoi avoir l'article 5? Pourquoi avoir même 25 articles? Il faut leur donner une certaine interprétation et il est important que la signification de ces articles soit la plus claire et la moins ambiguë possible, et la moins ouverte à des abus possibles.

L'article 5, tel qu'il est rédigé, ouvre la porte à des abus. C'est la seule chose que nous vous signalons. Ce n'est pas nous qui l'avons rédigé; ce n'est pas nous qui allons l'administrer; c'est...

M. Guay: C'est vrai cela; c'est pour longtemps.

M. Ciaccia: ... au début, il se peut qu'éventuellement ce soit notre responsabilité.

M. Guay: II y a d'abord eu l'Union Nationale.

M. Ciaccia: Nous allons la changer et nous n'aurons pas la crainte de venir devant une commission parlementaire et d'expliquer pourquoi nous voulons faire ce changement. Mais pour le moment, pendant que votre gouvernement aura à administrer cette loi, elle sera sujette à des abus possibles et elle serait sujette aux mêmes abus, même si ce n'était pas votre gouvernement. Je crois qu'un des rôles d'une commission parlementaire est de bonifier un projet de loi, de le rendre cohérent et de lui enlever toute ambiguïté. Nous voulons porter à votre attention les interprétations possibles. On pourrait vous signaler que ce projet de loi doit être conforme aux autres lois, aux autres traditions, aux autres usages et non pas toujours créer de la nouvelle jurisprudence qui porte à des abus.

Par exemple, dans la Loi des compagnies, quand vous obtenez une charte pour une compagnie, la loi exige que vous spécifiez le nombre d administrateurs. Par la suite, si vous voulez le changer, vous procédez par lettres supplémentaires et vous pouvez nommer d'autres administrateurs, en augmenter le nombre. C'est seulement...

M. Guay: Pas dans la nouvelle loi fédérale.

M. Ciaccia: Une des conditions qu'on vous a données pour avoir le droit de parole, c'est d'arrêter de référer au gouvernement fédéral.

M. Guay: J'y réfère positivement.

M. Ciaccia: Vous êtes paranoïa du fédéral. Je vous parle de la loi provinciale, du rôle du Québec.

M. Guay: J'y réfère positivement. Qu'avez-vous contre le fédéral?

M. Ciaccia: Je n'ai rien contre le fédéral.

M. Guay: M. le Président, le député de Mont-Royal en a contre le gouvernement fédéral.

M. Ciaccia: Mais on parle...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: C'est un acte... c'est presque séditieux comme propos.

M. Ciaccia: Mais je vous parle... Vous essayez de changer les propos. Je vous réfère à la loi provinciale; c'est peut-être un mot que nous n'aimez pas.

M. Guay: Parlant de nouvelle jurisprudence, le fédéral vient d'en faire.

M. Ciaccia: D'accord? Selon la loi provinciale, la Loi des compagnies du Québec, vous spécifiez le nombre d'administrateurs et si vous voulez le changer, vous procédez par lettres patentes supplémentaires.

M. Bérubé: M. le député de Mont-Royal me permettrait-il...

M. Ciaccia: Après.

M. Bérubé: De toute façon, cela va vous permettre de progresser dans votre question. Effectivement...

M. Ciaccia: Allez-y donc; vous allez le changer.

M. Bérubé: ... on me mentionne que la nouvelle loi fédérale concernant les sociétés, maintenant...

M. Ciaccia: II y a beaucoup de changements.

M. Bérubé: ... donne un minimum et un maximum du nombre des administrateurs. Par conséquent, c'est une innovation législative dans ce domaine du droit corporatif.

M. Ciaccia: Oui, pour des fins privées qui ne sont pas sujettes... La nouvelle loi fédérale ne contient pas l'article 18; elle ne s'applique pas spécifiquement à une loi sur l'amiante; elle n'est pas ouverte aux abus d'une société d'Etat. On essaie de prévenir des abus possibles. Je ne veux pas répéter les arguments de l'article 18, mais je vous donne cela comme exemple de la logique et de la cohérence de certaines lois. Toutes les autres sociétés d'Etat qui ont été créées spécifient le nombre d'administrateurs. Elles ne donnent pas le droit de jouer avec elles. Maintenant, quand vous parlez de la lourdeur du processus parlementaire, franchement...

M. Bérubé: Vous écoutez...

M. Guay: Cela en est un bon exemple.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que c'est un gouvernement par "fait" que vous voulez, des décrets du gouvernement? Est-ce que vous voulez abolir l'Assemblée nationale? Cela vous empêche de faire ce que vous voulez? S'il y a eu un "filibuster" ici à la fin... Oui, parce que l'obstruction systématique a été...

M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent, dès le début de la commission parlementaire, a dit qu'il allait prendre tous les moyens nécessaires pour retarder pendant au moins six ans l'adoption du projet de loi.

M. Ciaccia: Ce n'est pas vrai. Je ne me souviens pas qu'il ait dit cela.

M. Guay: Parce qu'il en avait long à dire.

M. Ciaccia: L'article du Devoir auquel vous vous référez a paru à la fin de nos travaux; le but n'était pas de retarder pour le plaisir de retarder. Si vous aviez lu cet article comme il faut — je pense que vous l'avez lu, mais vous aimez détourner les propos et faire une farce de tous les travaux de la commission — le but que le député de Saint-Laurent avait quand il a voulu apporter des changements à la commission — le "filibuster", si vous voulez l'appeler ainsi — c'était pour porter à l'attention du public certains faits que vous essayez de lui cacher. Chaque fois qu'on vous a demandé des informations, vous nous les avez mal données.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous ne parlez pas sur la motion actuellement.

M. Ciaccia: Je parle sur la motion, je réponds aux propos...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Bérubé: Ils sont vraiment autant ad rem qu'ils l'ont été pendant toute la commission!

M. Ciaccia: Vous essayez de cacher certains faits. Encore une fois, vous essayez de vous donner toute la marge possible, et vous l'avez admis vous-mêmes. Vous voulez avoir le droit d'aller de sept à onze, parce que vous ne voulez pas revenir devant l'Assemblée nationale. Vous voulez vous donner tous les pouvoirs possibles; ainsi l'Assemblée nationale n'aura rien à faire avec l'administration de cette société. Je pense que c'est aller un peu loin. Cela trahit votre vraie pensée, mais c'est quasiment un mépris de l'Assemblée nationale, ce que vous avez dit. C'est non

seulement un mépris de cette commission, mais c'est un mépris de l'Assemblée nationale.

M. Guay: Non.

M. Ciaccia: Absolument, parce qu'on ne veut pas retourner devant l'Assemblée nationale. On a peur que nous posions des questions.

M. Guay: Non, vous allez faire un "filibuster"!

M. Ciaccia: II y a beaucoup de lois qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, même sous votre régime, qui n'ont pas fait l'objet de "filibuster", qui n'ont pas fait l'objet d'études prolongées comme celles-ci.

M. Forget: Qui ont été adoptées si rapidement qu'ils l'ont regretté eux-mêmes!

M. Ciaccia: Mais c'est parce que le sérieux de cette loi, les conséquences, le manque d'information, non seulement le manque d'information, mais vous nous avez même induits en erreur avec vos $20 millions de taxes... On vient de le découvrir au-jourd'hui.

M. Bérubé: Absolument pas.

M. Ciaccia: Ne mentez pas, écoutez! On va y revenir éventuellement, on ne laissera pas tomber cela comme cela. Quand un ministre continue de répéter qu'on a une enveloppe de $40 millions, il amène le public à penser que, vraiment, quand la société sera acquise par le gouvernement, il va y avoir $40 millions; quand ce n'est pas $40 millions, c'est $20 millions plus $3,8 millions. Il y a une grosse différence! Le genre de tactique que vous utilisez... non seulement le refus de donner des informations, mais le fait de donner de mauvaises informations nous porte à insister...

M. Bérubé: Je n'ai pas donné de mauvaises informations, j'ai pris les textes et les documents que vous avez sous les yeux.

M. Ciaccia: Oui. Je comprends. C'est pour cette raison que nous apportons des amendements comme celui-ci, pour éviter des abus. Si vous voulez augmenter, prenez-en onze, neuf ou sept, le nombre que vous voudrez! Je crois que c est tout à fait logique pour nous d exiger que si vous voulez un changement de cette nature, vous reveniez devant l'Assemblée nationale. Vous avez la majorité, vous avez le pouvoir. Cela va vous prendre quelques jours, mais il va falloir que vous justifiiez vos actions. C'est le principe qui sous-tend plusieurs des amendements que nous avons faits, spécialement l'amendement qui est suggéré par le député de Saint-Laurent.

M. Bérubé: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Quelques mots. D'abord, lorsque le député de Mont-Royal accuse le gouvernement de mépris de l'Assemblée nationale, je pense que c'est inexact. Je pense que l'Assemblée nationale a un rôle.

M. Ciaccia: ... vos propos. (21 h 30)

M. Bérubé: L'Assemblée nationale a un rôle qui est certes de rédiger les lois, de les corriger, de les améliorer ou de les bonifier. Cependant, l'exécutif du gouvernement a également un mandat. Il ne fait aucun doute que lorsqu'une société d Etat présente un bilan déficitaire... A titre d exemple i Opposition nous a cité tant et tant de fois le cas de SIDBEC alors que le cas de SIDBEC, on nous demande de l'assumer et lorsqu'on regarde l'origine des déficits qu'encourt la société, on se rend compte qu'ils découlent d'une suite de décisions qui ont été prises sous l'ancienne administration.

Néanmoins, nous ne cherchons pas à nous camoufler derrière les décisions de l'ancienne administration. Nous assumons un héritage que nous laisse l'ancien gouvernement, héritage qui peut être lourd à porter dans le cas de SIDBEC, mais que nous ne cherchons pas à faire porter sur le Parti libéral, sur l'ancien gouvernement. Cependant, ce que nous disons, c'est que tout gouvernement qui a le sens des responsabilités peut, à un moment donné, avoir à intervenir dans une société d'Etat. En d'autres termes, il appartient certainement au gouvernement de veiller à ce que celle-ci soit bien administrée.

Si le gouvernement estime que, pour des raisons de flexibilité, il est préférable qu'au tout début du mandat de cette société le nombre d administrateurs soit fixé à sept, la société sera légère, sera flexible, elle devra montrer beaucoup de dynamisme et, par conséquent, il est préférable d avoir un conseil d'administration léger. Je pense que cela peut être une volonté gouvernementale. Cependant, si après l'achat d'Asbestos Corporation, après la création de l'institut de recherche, après la création d'un certain nombre d'organismes — d'ailleurs, il faudra voir à quelle vitesse ces organismes-là croîtront — il s'avère, à ce moment-là, que le gouvernement estime devoir porter à onze, comme dans le cas de la SGF, comme il semble d'ailleurs assez admis — parce qu'après avoir vérifié auprès des sociétés d'Etat, il semble ressortir qu'un nombre de onze administrateurs est un nombre convoité dans la plupart de ces sociétés présentement — le nombre de membres pour des raisons de saine administration de l'entreprise, il faut que le gouvernement soit en mesure de le faire et cela, le plus rapidement possible.

Par conséquent, je pense que la décision qui sera prise à ce moment-là n'entache nullement le processus démocratique. L'Assemblée nationale se compromet quant à un objet pour cette Société nationale de l'amiante, elle se compromet quant à une taille, une taille relative du conseil d'administration. Ce n'est pas zéro, variante zéro et onze,

c'est variant entre sept et onze. Egalement, elle se compromet vis-à-vis d'un certain nombre de pouvoirs que le gouvernement aura, tel que le pouvoir de directives, tel que l'obligation pour la société de soumettre un plan de développement. Donc, l'Assemblée nationale nous propose un certain nombre de guides auxquels devra se soumettre la Société nationale de l'amiante. C'est le rôle de l'Assemblée nationale.

Cependant, lorsque vient le moment de gérer cette société, donc de pouvoir prendre une décision à l'effet de modifier la constitution du conseil d'administration pour en augmenter le nombre de membres, je pense qu'à ce moment-là, il faut donner au gouvernement un certain pouvoir, parce que c'est lui qui aura à l'assumer. Présentement, le gouvernement actuel est obligé d'assumer des erreurs commises sous l'ancienne administration. Je pense que nous les assumons. Néanmoins il nous semble que si nous avons à intervenir auprès de la Société nationale de l'amiante pour la rendre plus efficace, je pense que nous devons avoir les coudées suffisamment franches pour pouvoir le faire, sachant que l'objectif de l'Opposition libérale — elle l'a montré depuis maintenant trois mois — sera nécessairement de tenter de bloquer, par tous les moyens possibles, le processus démocratique afin que le gouvernement ne puisse pas prendre des décisions rapides. Pour cette raison, je pense qu'il m'apparaît normal de maintenir le conseil d'administration tel que proposé dans le projet de loi.

M. Forget: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane).

M. Bérubé: Toujours contre, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brochu (Richmond).

M. Brochu: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rancourt (Saint-François).

M. Rancourt: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal).

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Vaillancourt (Jonquière). Contre.

M. Forget: M. le Président, pour la troisième fois, le président vote avec le côté ministériel.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est pas plaisant, je peux vous dire cela. Est-ce que l'article 5 est adopté?

M. Forget: M. le Président, comme... M. Brochu: Si vous permettez. M. Forget: Oui, bien sûr.

M. Brochu: Très brièvement, M. le Président, j aimerais...

M. Forget: Ce n'est pas très exigeant.

M. Brochu: ... avant d'aller plus loin, proposer l'adoption d'un amendement à l'article 5 qui se lirait comme suit: Que l'article 5 soit modifié en ajoutant, à la fin de l'article, l'alinéa suivant: "Nul ne peut occuper la charge d'administrateur s'il n'est domicilié au Québec". Je vous transmets les copies. Il s'agit d'une simple technique pour rendre conforme le projet de loi 70 aux dispositions des autres cadres législatifs qui ont présidé à la formation des autres sociétés d'Etat. On retrouve, d'ailleurs, cette même préoccupation inscrite dans les projets de loi qui ont créé, par exemple, SOQUIA à l'article 11, SOQUEM à l'article 11 également; dans le projet de loi qui a créé la société REXFOR, l'article 13, et également la société SOQUIP à l'article 11. Il s'agit tout simplement d'indiquer clairement dans la loi que les administrateurs doivent être domiciliés au Québec.

M. Forget: Vous perdez votre temps, le ministre est toujours contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Bérubé: Non, M. le Président. Je pourrais vous donner des raisons. Effectivement, il existe une telle clause dans un certain nombre de projets de loi d'autres sociétés. Une telle proposition a fait l'objet, il n'y a pas de doute, de discussions de l'intérêt même du gouvernement. La raison pour laquelle nous avons opté pour...

M. Forget: Flexibilité.

M. Bérubé: Non, pas flexibilité; nous avons opté pour le rejet de cette clause...

M. Forget: Non, excusez.

M. Ciaccia: Cela va revenir à l'Assemblée nationale.

M. Bérubé: C'est que le député de Saint-Laurent a fait une intervention remarquée, sinon remarquable aujourd'hui, et dans son intervention, il a souligné l'importance pour la Société nationale de l'amiante de s'aventurer dans des "joint ventures" avec des sociétés étrangères qui auraient déjà des réseaux de distribution, de mise en marché. Par conséquent, il nous a mentalement tracé une sorte de toile d'araignée où la Société nationale de l'amiante se verrait associée à un grand nombre de sociétés étrangères avec lesquelles elle s'aventurerait dans des projets grandioses de transformation de l'amiante, puisque le député de Saint-Laurent voit grand.

Cependant, c'est un peu avec cette même idée que, lors de notre réflexion, nous nous sommes dit qu'il pourrait se révéler intéressant, éventuellement, de voir siéger sur le conseil d'administration des administrateurs d'Eternit; pourquoi pas? Le vice-président, si je ne m'abuse, de l'Alcan est bien français, le président de IBM américain est également français. Ce que l'on doit constater c est que dans nos multinationales il existe un certain transfert de citoyens d'un pays à l'autre pour occuper des postes sur des conseils d'administration. Partant de cette approche...

M. Ciaccia: Le Parti québécois qu'on a connu au mois de novembre 1976, voyons! Cela ne se peut pas.

M. Bérubé: Je vois cet ardent défenseur des multinationales. Le grand sourire!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Ciaccia: Tout d'un coup, ils font quelque chose qui peut être imité...

M. Bérubé: Le Vatican d'ailleurs est connu comme un des grands actionnaires des multinationales et, avec le pape Pie XIII, le Parti libéral devrait être à l'avant-garde dans ce domaine.

M. Forget: C'en est un...

M. Ciaccia: Votre premier ministre a envoyé une lettre au pape.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Forget: ... qui a écrit au pape...

M. Ciaccia: ... au bureau d'administration...

M. Bérubé: M. le Président, les travaux de cette commission ne font pas sérieux. Pour être quand même sérieux, c'est un peu dans cette idée, c'est-à-dire, en partant du fait qu'il se pourrait fort bien que nous cherchions par le biais de nos ententes de développement à nous associer à des firmes étrangères qui disposent déjà d'un réseau de distribution, soit qu'elles soient impliquées déjà dans l'amiante ou qu'elles soient impliquées, comme l'a souligné le député de Saint-Laurent, dans des industries connexes permettant la distribution, l'écoulement de produits d'amiante. Donc, partant de cette constatation, il nous est apparu qu'il pourrait, au contraire, se révéler intéressant de voir siéger à la Société nationale de l'amiante des administrateurs qui nous viendraient d autres sociétés étrangères.

D'ailleurs, pour prévenir un amendement qui sera sans doute présenté à cette commission, l'Opposition a sans doute déjà observé qu'une clause portant sur les conflits d'intérêt n'apparaît pas dans le projet de loi 70. En d'autres termes, dans certaines sociétés d'Etat, on a prévu des clauses éliminant d'office tout administrateur qui pourrait se trouver en conflit d'intérêt, donc pouvant oeuvrer dans une industrie connexe ou reliée à l'industrie dans laquelle est impliqué le gouvernement.

Dans le cas présent, également, après une sérieuse, une longue discussion...

M. Forget: On commence à comprendre.

M. Bérubé: ... nous avons choisi...

M. Guay: Enfin!

M. Bérubé: ... également...

M. Ciaccia: Vous nous créez des complications.

M. Bérubé: ... de ne pas retenir ce principe dans la loi, parce que, automatiquement, nous n'aurions pu faire appel, par exemple, à des administrateurs de grandes sociétés. On peut penser à Eternit, on peut penser à d'autres sociétés qui se seraient jointes à la Société nationale de l'amiante dans le développement d'industries de transformation. C'est donc volontairement et non pas par inadvertance que le gouvernement a choisi, dans le cas présent, de ne pas introduire une clause concernant le domicile au Québec pour définir l'administrateur.

Je pense en effet que tout gouvernement digne de ce nom ne cherchera pas, pour le plaisir de la chose, à nommer un très grand nombre d étrangers. Cependant, il nous est apparu que même au nom d'un sain nationalisme, la présence sur le conseil d'administration d'un certain nombre d'étrangers, de non-Québécois, peut être souhaitable. Par conséquent, nous croyons que l'efficacité, la productivité, la profitabilité, le rendement de la société d'Etat est peut-être plus important qu'une clause qui servirait de drapeau — pour utiliser l'expression du député de Mont-Royal — il se promène les mains en l'air...

M. Ciaccia: ... drapeau... Est-ce que le Dr Laurin vous a approuvé?

M. Bérubé: ... qui servirait de drapeau, sans guère de conséquence, parce que je ne pense pas

que de toute façon, un gouvernement du Québec digne de ce nom — je ne parle pas d'un gouvernement libéral, mais je parle d'un gouvernement du Québec digne de ce nom — chercherait à mettre sur le conseil d'administration une majorité d'étrangers.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... j'ai reconnu au député de Richmond le privilège — et je le lui reconnais très volontiers — d'introduire cet amendement. Je dois dire que nous avions la même idée. Mais je ne lui dispute pas la paternité' de cet amendement, je suis, au contraire...

M. Bérubé: II a si peu parlé, M. le Président.

M. Forget: ... content de le lui reconnaître. Mais le raisonnement du ministre est pitoyable de ce côté-là. Au fond, il ne nous a offert aucune espèce d'explication. Son long développement sur l'opportunité d'association ou de "joint ventures" comme explication de cette flexibilité, entre guillemets, qu'il recherche un peu partout dailleurs dans la loi, n est pas du tout une explication. G est même le contraire d'une explication, parce que comment expliquer qu'on va faire un "joint venture" avec d'autres alors que les autres sont déjà sur le conseil d'administration. Je pense que ce qu'il voulait dire, sans l'exprimer très clairement, c'est qu'au lieu de faire des "joint ventures", on va tout simplement inviter une participation directe au conseil d'administration. On aura, de cette façon, une espèce de conseil de famille, sans la nécessité d'ententes entre entreprises, d'entreprise à entreprise, comme dans les "joint ventures" . Parce qu'un "joint venture" se transforme en une filiale...

M. Bérubé: M. le Président, je voudrais souligner qu'il y a cinq producteurs d'amiante et il y a six consommateurs principaux, cela fait onze. (21 h 45)

M. Forget: M. le Président, j'ai le droit de parole, je n'ai pas interrompu le ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre.

M. Forget: M. le Président, j'ai l'impression que le ministre a confondu une participation au conseil d'administration avec un "joint venture ". Un "joint venture" suppose la création d'une nouvelle société, avec la participation partielle de la Société nationale de l'amiante et d'une autre ou de plusieurs autres sociétés, possiblement étrangères, qui est créée spécifiquement, soit pour la mise en marché ou la production d'une entreprise de fabrication. Un "joint venture" ne suppose pas du tout qu'une des sociétés va prendre un certain nombre d'administrateurs sur son conseil d'administration. Ce n'est pas du tout cela un "joint ven- ture". L'un exclut presque l'autre, puisqu'on n'a pas besoin de ce chassé-croisé de participation de manière que l'on aboutisse à une situation telle qu'on ne sait plus très bien qui est l'administrateur de quelle société.

Tous les gouvernements précédents, lorsqu'ils ont créé une société d'Etat, ont prévu qu'il était nécessaire que, dans le cas de sociétés d'Etat, tous les administrateurs soient des personnes domiciliées au Québec. J'ai hâte de voir, M. le Président, ce que le livre blanc sur les affaires culturelles va dire quant à la composition de sociétés privées actives dans le domaine des communications, de l'édition et des affaires culturelles.

M. Bérubé: ... de Radio-Canada.

M. Forget: J'ai hâte de voir ce que le gouvernement va avoir à nous dire là-dessus. S'il regarde de façon aussi bienveillante la participation de personnes domiciliées hors du Québec à la gestion des sociétés d'Etat, j'espère qu'il aura la décence d'être conséquent dans d'autres domaines. On sait très bien que tous les gouvernements du monde, non seulement celui du Québec, dans le cas de certaines sociétés privées et, a fortiori, dans le cas des sociétés d'Etat prévoient que ces sociétés doivent être composées, dirigées par des administrateurs qui sont tous domiciliés à l'intérieur de leur territoire. C'est donc un raisonnement sans fondement que nous a servi le ministre et ses allusions à des possibilités d'une participation d'Eternit, etc., c'est de la poudre aux yeux.-

Si Eternit ou un autre producteur est intéressé à un projet conjoint avec la Société nationale de l'amiante, elle ne s'amusera pas à venir siéger à Québec sur le conseil d'administration d'une société qui, de toute façon, est contrôlée à 100% par le gouvernement. Elle va négocier une entente quelconque qui va résulter possiblement dans la formation d'une filiale à participation minoritaire ou majoritaire ou égale ou paritaire des deux organismes dans une filiale nouvelle, mais pas à des participations à des conseils d'administration. J'ai hâte de voir le jour où la Société nationale de l'amiante va obtenir la réciprocité d'une participation au conseil d'administration de Johns-Manville ou d'Eternit en Belgique. Si c'est à ce genre d'ententes de réciprocité que pense le ministre des Richesses naturelles, je pense qu'il va avoir le même succès ébouriffant qu'ont eu son collègue de I'Education et le premier ministre lorsqu'ils ont suggéré des accords de réciprocité non seulement sur l'enseignement des langues mais sur l'accès aux écoles minoritaires. C'est un genre de négociation qui n'est pas aussi facile que se l'imagine le ministre.

Il n'y a aucune espèce de justification dans tous les propos qu'a tenus le ministre pour une règle qui est en dérogation avec tout ce qui s'est fait ailleurs ainsi qu'au Québec jusqu'à maintenant. Quant au genre d'accusations partisanes et chauvines qu'il a décernées à tout le monde relativement à des vrais gouvernements, il devrait

commencer par légiférer comme du monde avant de se permettre de passer des jugements sur les autres. Ce genre de loi ne tient pas debout; c'est une tentative de jeter de la poudre aux yeux, comme tant de mesures qu'il y a dans ce projet de loi, en disant: Voyez, même au conseil d'administration, on va pouvoir avoir la participation de sociétés étrangères, alors on a toutes sortes de projets en cours. Evidemment, cela va le dispenser, pendant un certain temps, de faire état de choses plus précises.

Une possibilité nous vient immédiatement à l'esprit, et cette possibilité est peut-être moins lointaine et pourrait peut-être se concrétiser par une participation au conseil d'administration, mais elle n'a pas été mentionnée de propos délibéré par le ministre. Encore là, sous peine d'être taxé, à son retour, par le député de Taschereau, de machiavélisme, il faut quand même énoncer cette possibilité. Il se trouve en effet, comme on sait, que le gouvernement va devoir émettre des obligations pour financer l'achat des actifs de cette Société nationale de l'amiante qui part, évidemment, avec de grands espoirs, mais avec une tirelire absolument vide. Pour trouver des bailleurs de fonds étrangers, puisqu'il faut s'attendre qu'il y ait une émission d'obligations au Japon, en Allemagne ou Dieu sait où, peut-être même aux Etats-Unis, si on a un peu d'audace... on va peut-être trouver des bailleurs de fonds plus facilement si on peut dire à ces maisons de courtage ou à ces "merchant banks " britanniques, suisses ou américains, que de manière à veiller au grain, de manière à s'assurer que leurs fonds sont gérés de façon catholique, pour employer la nouvelle politique du gouvernement de se coller aux grandes traditions, aux valeurs traditionnelles du Québec, aux traditions familiales et autres — j'ai cru comprendre que c'était admirable — ...

M. Guay: ... traditions fédérales, M. le Président.

M. Ciaccia: Les traditions familiales du premier ministre.

M. Forget: ... maintenant qu'on a ce gouvernement qui veut se coller à ces traditions et à ces valeurs traditionnelles, on va dire dans le même souffle: Venez voir, nous avons une administration fort prudente, venez siéger à notre conseil d'administration. A mon avis, c'est le sens de cet article 6 qui ouvre la porte à des participations de personnes non domiciliées au Québec, donner des assurances, des garanties à des bailleurs de fonds de manière qu'ils puissent venir inspecter par eux-mêmes, surveiller par eux-mêmes le déroulement des activités.

Quant au reste, les "joint ventures", ce n'est pas nécessaire d'avoir les membres au conseil d'administration, étant donné que le but même d'un "joint venture", c'est de créer une filiale, non pas d'amener des gens au conseil d'administration. C'est un soupçon injuste — dira le ministre dans un grand élan d'indignation — que de penser qu'on va ainsi se mettre à plat ventre devant les bailleurs de fonds étrangers. L'histoire nous dira, dans quelques années, si c'était une accusation aussi injuste que cela. Mais c'est la seule explication valable d'une mesure comme celle-là. Encore là, comme dans le cas de l'article précédent, il s'agit d'un précédent, il s'agit d'un droit nouveau. Ce ne sont pas du tout des questions étroitement administratives dont on discute; c'est du droit nouveau, un nouveau patron qu'on établit dans la constitution et les pouvoirs des sociétés d'Etat. On ne le fait pas sans raison; ce n'est pas sans des raisons extrêmement sérieuses qu'on essaie de dissimuler, avec toutes sortes d'excuses plus ou moins plausibles. Dans ce cas-ci, elles ne sont pas du tout plausibles, M. le Président. C'est vraiment quelque chose qui dépasse un peu l'entendement que d'en être rendu à des contorsions de ce genre de la part du gouvernement.

Je pense qu'il y a là matière à réflexion pour le gouvernement. Il nous dit constamment qu'il a besoin de flexibilité et s indigne après si on fait une interprétation défavorable, à ses yeux, de la flexibilité qu'il demande. Il n'y a absolument pas de raison. D'ailleurs, j'aurais pu en faire un point de règlement tout à l'heure, lorsque le ministre nous prête l'intention de bloquer systématiquement tous les projets de loi qu'il présente à l'Assemblée nationale. D'ailleurs, c'est de la fatuité de sa part, M. le Président, de supposer que tous les amendements et toutes les lois qu'il va présenter sont d'une importance suffisante pour mériter un grand débat. Je suis sûr qu'il n'en est rien. Il y a un très grand nombre de projets de lois, qu'il serait imaginable de lui voir présenter, qui ne mériteraient pas une demi-journée de débat pour les trois étapes de nos travaux. Certainement, des amendements qui pourraient être apportés pour justifier rapidement l'élargissement d'un conseil d'administration, dans des cas particuliers à des non-résidents, pourraient être expédiés rapidement et à plus forte raison pour l'augmentation des membres d'un conseil d'administration. Il y a de nombreux précédents et supposer qu'on ferait des oppositions systématiques, c'est nous prêter des intentions, ce qu'il n'a pas le droit de faire. Il ne peut certainement pas non plus avoir la prétention de présenter chaque fois des choses tellement d'envergure qu'on se donne la peine d'utiliser toutes les armes de la procédure pour s'y opposer. Dans le cas qui nous occupe, une motion d'amendement à l'article 5, il me semble qu'il y aurait là aussi un moyen terme. Comme tout à Iheure, on aurait fort bien pu proposer que le nombre de membres soit de sept pour une période initiale de deux ans, et qu'il soit de onze subséquemment. On pourrait fort bien proposer, à l'article 7, qu'on remplace "Nul ne peut occuper la charge d'administrateur s'il n'est pas domicilié au Québec", par "Au moins la majorité des membres doivent être domiciliés au Québec". Il n'y a même pas cette règle. On pourrait laisser croire que tout le monde peut être domicilié en dehors du Québec, c'est une interprétation ridicule, mais il n'y a rien dans le projet de loi qui ne l'interdise.

M. Bérubé: Vous pouvez le sous-amender et le présenter.

M. Forget: Le ministre donne des explications pour refuser des amendements qui ne sont pas du tout supportées par le texte qu'il défend. Si, dans le cas de tout à l'heure, il avait dit: Pour une période initiale, ce sera de sept membres et après 12 ou 36 mois d'administration le nombre pourra être porté à onze, cela aurait été en accord avec ce qu'il nous a dit. Ici aussi, s'il nous disait que les membres doivent être domiciliés au Québec, à l'exception de deux ou un qui peuvent être domiciliés à l'extérieur du Québec, ce serait conforme à ce qu'il nous a dit. Mais dans sa rédaction actuelle, il n'y a aucune correspondance. C'est une flexibilité dont il n'a même pas l'intention de se prévaloir. C'est une façon négligente de rédiger les lois et l'explication qu'il en donne, par conséquent, ne peut pas être retenue sérieusement parce que, encore une fois, il n'y a pas de correspondance entre ce qu'il dit et le texte qu'il commente.

M. Guay: M. le député de Saint-Laurent fait un sous-amendement pour amender...

M. Forget: Non. Je dis simplement que si le ministre était conséquent avec lui-même, il l'aurait suggéré. S'il ne l'a pas fait, c'est qu'il ne croit pas lui-même à sa propre explication!

M. Guay: L'explication est très claire. Je ne comprends pas que le député de Saint-Laurent ait pris tant de temps pour nous exposer qu il n'a pas compris une chose qui est pourtant évidente. Enfin! De toute façon, je vous avoue qu'il y a une distinction fondamentale que le député de Saint-Laurent ne semble pas faire, d'après la nature de ses propos, entre les secteurs d'activités d'une collectivité et la nécessité, pour un gouvernement, d'intervenir et de fixer, par loi... Dans certains secteurs d'activités de la société, de la collectivité, il peut être nécessaire que la totalité ou la majorité des membres de conseils d'administration de sociétés privées ou publiques soient des gens qui sont domiciliés dans l'Etat national en question.

Le premier ministre lui-même, d'ailleurs à maintes reprises, a évoqué — et je me souviens d'ailleurs que dans son discours à l'Economic

Club à New York, il y a déjà de cela un an et demi, à peu près, ou un an en tout cas, le premier ministre avait évoqué, à ce moment-là, si ma mémoire est bonne, sinon dans le discours même, en tout cas dans les entretiens avec les hommes d'affaires new-yorkais — si j'en crois les rapports lus dans les media d'information à cette époque-là — il avait évoqué que dans un secteur d'activité bien particulier d'ailleurs, le secteur que le député de Saint-Laurent a mentionné lorsqu'il a parlé du livre blanc sur les affaires culturelles, dans ce domaine-là, le gouvernement actuel du Québec a bien l'intention de faire en sorte — ce n'est rien de nouveau — que les conseils d'administration des entreprises à caractère culturel soient protégés de toute ingérence étrangère étant donné le caractère très particulier de la culture québécoise, son caractère national et son caractère, en même temps, minoritaire sur l'ensemble d'un continent largement anglo-saxon.

Dans des circonstances comme celles-là, on peut penser qu'un Etat est justifié de prendre des mesures qui visent à l'assurer que les industries culturelles, les organismes oeuvrant dans le domaine de la culture, seront administrés par des gens qui sont québécois et que tout cela n'ouvrira pas la porte à des ingérences étrangères. Mais tel n'est pas nécessairement le cas dans d'autres secteurs d'activité. Je pense qu'une distinction comme celle-là est élémentaire. Je m'explique difficilement que le député de Saint-Laurent ne la fasse pas. Dans un secteur comme celui de l'amiante, qui implique la transformation du minerai, qui implique un réseau d'exportation, qui implique des rapports économiques constants et quotidiens avec l'extérieur, il est bien évident que le problème se pose de façon bien différente qu'il ne se pose dans le domaine culturel. Dans un domaine comme celui-là, l'explication qu'a fournie le ministre me semble tout à fait pertinente. Il se peut que l'on puisse et que l'on veuille avoir recours, dans un cas ou dans quelques cas, à des nominations de personnes au conseil d'administration qui ne soient pas domiciliées au Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Taschereau, excusez-moi. Les travaux de la commission sont ajournés à demain dix heures.

(Fin de la séance à 22 h 1)

Document(s) associé(s) à la séance