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Etude du projet de toi no 70
Loi constituant la Société
nationale de l'amiante
(Quinze heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Les membres de la commission pour la présente séance sont:
M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu
(Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M.
Gravel (Limoilou) en remplacement de M. Laplante (Bourassa); M. Ouellette
(Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal)
remplace M. Raynauld (Outremont).
Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin
(Mercier), M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry (Fabre), M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy
(Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Motion pour suspendre l'étude
de l'article 19 et entreprendre
l'étude de l'article 18
Nous en étions à discuter une motion du
député de Frontenac qui visait à suspendre l'étude
de l'article 19, pour entreprendre l'étude de l'article 18 du projet de
loi 70. M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je viens de vous entendre
confirmer l'information qui m'était parvenue par la rumeur publique
à laquelle je n'osais attribuer foi. Il me semble assez inimaginable que
l'on veuille, à l'insistance, me dit-on, du gouvernement, en arriver
tout de suite à l'étude de l'article 19 pour immédiatement
après suggérer de le suspendre pour étudier l'article 18.
Est-ce que c'est un nouveau processus législatif qu'on aurait mis sur
pied au cours de la dernière semaine, M. le Président, en vertu
duquel on commencerait par le dernier article du projet de loi? On ferait une
motion pour suspendre celui-là et étudier l'avant-dernier, mais
avant de procéder, en faisant une motion pour suspendre lavant-dernier,
on suggérerait d'étudier la pénultième et ainsi de
suite, jusqu'au premier article. Il serait plus simple de revenir au
procédé traditionnel, par ordre numérique logique.
Nous en étions à l'article 4, si je comprends bien, et
après quelques jours d'absence motivés, M. le Président,
je brûle de retourner à l'étude de l'article 4, qui est
devenu le grand favori de cette commission au cours de ses séances
antérieures, II me semble que là-dessus, au moins, on ne se
trompait pas sur la procédure. Il y aurait un grand avantage pour nos
amis ministériels d'abandonner ces tactiques et d'en revenir à
une étude systématique du projet de loi les articles 1, 2
et 3 sont terminés, M. le Président en essayant de
terminer, au cours de la séance de cet après-midi, si possible,
l'étude de l'article 4, puisque nous avons encore bon nombre
d'amendements à proposer aux articles subséquents 5, 6, 7, 8,
amendements de nature technique, de toute manière, qui sont dans le plus
grand intérêt du gouvernement lui-même qui a, je pense, dans
sa rédaction, fait des omissions et des inexactitudes qui
mériteraient d'être corrigées avant que ce projet de loi
à cause de la procédure expéditive que le
gouvernement a choisi d'adopter, au cours des derniers jours ne
reçoive sa sanction, parce que ces erreurs, une fois consacrées
par la signature du lieutenant-gouverneur, deviendront permanentes et
malheureuses à plus d'un titre.
M. le Président, je me demande si, la réflexion de la fin
de semaine ayant porté fruit, le député de Frontenac ne
voudrait pas tout simplement laisser tomber sa motion de suspendre l'article 19
pour étudier l'article 18. Je soupçonne que tout de suite
après, si on acceptait cette motion, il nous demanderait de suspendre
l'article 18 pour considérer l'article 17. Avec un peu de temps il va se
rendre à l'article 4, mais il pourrait y aller plus directement et
beaucoup plus rapidement.
M. Bérubé: On demande le vote. M.
Grégoire: On demande le vote.
M. Forget: Vous maintenez votre désir de revenir à
l'article 18, en mettant de côté l'article 19, pour lequel vous
aviez manifesté tant d'impatience dans le passé.
M. Ciaccia: Est-ce que cela serait trop vous demander de nous
dire pourquoi vous ne voulez pas étudier les articles 5 à 18.
M. Bérubé: Tout de suite après on revient
à la fin de l'article 4 et on va continuer.
M. Grégoire: Tout de suite après.
M. Ciaccia: Je ne dis pas que vous avez peur de continuer
à discuter les articles 5 à 18.
M. Grégoire: Non, si vous cessez de nous faire perdre
notre temps, on va revenir à l'article 4, ce ne sera pas long. Si vous
parlez pendant 10 minutes, comme vous venez de le faire, pour ne rien dire,
cela va prendre du temps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: Vous n'écoutiez pas, alors vous pouvez
difficilement argumenter de cette façon.
M. Grégoire: Ce n'est pas toujours nécessaire de
vous écouter.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: II ne s'est pas amélioré depuis la
dernière semaine.
M. Grégoire: ... pas amélioré, M. le
Président, le printemps me donne de la vigueur.
M. Forget: Contrairement au vin, en vieillissant il ne
s'améliore pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, à l'ordre!
M. Ciaccia: Si vous remarquez, si on perd du temps, c'est que
vous êtes arrivé une demi-heure en retard. On était
supposés être ici à trois heures pour continuer la
discussion...
M. Grégoire: J'étais dans le comté de
l'amiante pendant ce temps-là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion du député de Frontenac sera adoptée?
M. Forget: C'est sûr qu'on est contre, M. le
Président, j'imagine qu'elle sera adoptée, le nombre aidant.
Donc, avec une demi-heure de retard dans le début de nos travaux, on a
réussi à trouver une majorité de l'autre côté
pour adopter cette motion, sur division.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté, sur division. Nous entreprendrons l'étude de l'article
18.
Motion d'amendement à l'article 18
M. Bérubé: M. le Président, j'aimerais
présenter un amendement à l'article 18, qui consiste à
remplacer le troisième alinéa de l'article 18 par le suivant:
"Toute directive émise en vertu du présent article doit
être déposée à l'Assemblée nationale, si elle
est en session, dans les quinze jours de son approbation par le gouvernement.
Si la directive est émise alors que l'Assemblée nationale ne
siège pas. la directive doit être déposée devant
elle dans les quinze joues de l'ouverture de la session suivante ou, suivant le
cas, dans les quinze jours de la reprise de ses travaux. "
Recevable, ou non recevable?
Je ne peux pas vous en faire faire, c'est arrivé très
rapidement. Oh, pardon, j'ai même une deuxième copie, il me fait
plaisir de vous transmettre cette feuille. On est arrivé... mon
collègue de l'Union Nationale...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
recevable, sauf qu'étant donné que c'est déposé par
le ministre, je proposerais que le troisième paragraphe, tel que
proposé dans un amendement, devienne partie intégrante de
l'article 18. Avec ce nouveau troisième paragraphe, il est possible de
l'amender par la suite.
Est-ce que vous êtes d'accord, M. le député de
Saint-Laurent? C'est la procédure qu'on suit...
M. Forget: Non, j'aurais une certaine difficulté. Je
serais d'accord, normalement, sauf qu'il y a un langage assez... cela fait deux
fois que je le relis et j'essaie de comprendre le texte original...
M. Bérubé: J'ai dû le faire aussi vite que
vous, M. le député.
M. Forget: ... et comme il n'y a pas de correspondance absolue,
du moins dans mon esprit, à moins que je prenne une heure pour le relire
trois ou quatre fois, j'aimerais que le ministre nous explique le sens de cette
modification et qu'on l'adopte formellement, parce que je ne peux même
pas savoir si c'est de forme ou de fond, cette modification.
M. Bérubé: Je ne vous cacherai pas qu'elle m est
arrivée, il y a exactement une demi-heure par le comité de
législation qui, par hasard, en faisant une vérification,
essentiellement, a suggéré des changements pour des raisons,
semble-t-il, de clarté. Cela peut d'ailleurs, se comprendre.
Si vous reprenez l'article de loi original, à la quatrième
ou à la troisième ligne, on lit ce qui suit: Si la directive est
émise alors que l'Assemblée nationale n'est pas en session", vous
remarquez que c'est modifié, puisqu'il est écrit maintenant: "Si
la directive est émise alors que l'Assemblée nationale ne
siège pas". C'est donc écrit en termes plus
généraux et ça permet d'enlever carrément les trois
lignes subséquentes, parce qu'il fallait distinguer si elle était
en session entre le moment où elle ajourne ou la date fixée pour
la reprise de ses travaux. Je suppose que c'est l'ajournement
d'été ou l'ajournement pour les vacances de Pâques et,
à ce moment-là, lorsqu'on utilisait l'expression
"l'Assemblée nationale en session", il fallait distinguer tous les cas
possibles d'ajournement sans qu'il y ait, effectivement, fin de la session.
Ce que le comité de législation nous propose, c est
d'enlever le terme, "n'est pas en session ", et de le remplacer par "ne
siège pas", qui est un terme plus général et, à ce
moment, cela permet d'éliminer toute cette série de
considérations secondaires pour distinguer tous les cas possibles
où l'Assemblée nationale ne siégerait pas. Alors, il
s'agirait d'une modification de forme qui allégerait la loi plus
qu'autre chose.
M. Forget: Nous sommes en faveur de l'adoption de cet
amendement.
M. Bérubé: M. le Président, je n'en reviens
pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'amendement est adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté.
M. Bérubé: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Je demanderais une directive.
M. le Président, nous avons, la semaine dernière, à
la toute fin de nos travaux, voulu apporter un amendement et j'aimerais une
directive de votre part. En effet, l'amendement que nous avons proposé,
qui était d'ailleurs annoncé depuis déjà un certain
temps, consistait à insérer un article 18a, essentiellement. Nous
avons donc peiîé que la méthode que favorisait la
procédure po jr une telle modification au projet de loi consistait
essentiellement à suspendre l'étude du projet de loi et à
nous reporter à l'article 19. et, en entamant I étude de
l'article 19, à demander une renumérotation de l'article 19, ce
contre quoi vous vous êtes élevé, M. le Président.
Je dois dire, cependant, qu'ayant pris le temps d'aller faire quelques contacts
auprès d'autres juristes éminents du groupement des
présidents, nous avons eu d'autres opinions. Il semble qu'il existe
plusieurs théories sur la façon d'atteindre cette fin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils
n'ont pas contesté ma décision.
M. Bérubé: Ils n'ont pas contesté votre
décision.
Néanmoins, M. le Président, j'aimerais savoir si, advenant
la suspension de l'article 18...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'amendement est adopté.
M. Bérubé: Un instant, je n'ai pas terminé.
Advenant la suspension de l'article 18. dois-je conclure que nous passerions
immédiatement à l'article 19, c'est-à-dire que nous
passerions par un état intermédiaire; nous cherchons depuis
tantôt, depuis la semaine dernière à trouver un état
intermédiaire, un état transitoire qui nous permettrait, à
ce moment, de glisser rapidement notre amendement 18a.
M. Forget: Furtivement.
M. Bérubé: Furtivement dois-je dire, mais je
n'arrive pas à découvrir par quel prodige de la procédure,
M. le Président, j'arriverais à trouver ce moment furtif,
passager, transitoire qui me permettrait de glisser l'article 18a. M. le
Président, je vous demande donc une directive...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
conseil.
M. Bérubé: ... Un conseil qui consisterait à
suspendre l'article 18 et j'ose présumer que nous devrions
automatiquement passer à l'étude de l'article 19, ce qui me
donnerait le temps de glisser, entre le moment où vous ouvririez la
bouche, mon amendement 18a. Est-ce juste?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On n'a
pas encore... S'il vous plaît! Actuellement, on n'a pas encore
adopté l'article 18; nous avons adopté un amendement qui a pour
but de modifier l'article 18, mais je n'ai pas encore demandé le vote
sur l'article 18. Votre question est hypothétique et se poserait
beaucoup plus après l'adoption de l'article 18.
M. Bérubé: Si je demandais la suspension de
l'article 18, M. le Président, ayant droit de parole...
M. Brochu: Cela ne vous arrange pas plus, parce que ce n'est pas
encore le moment de la discussion sur l'article intermédiaire.
M. Grégoire: M. le Président, je pense bien que je
vais demander à mes collègues d'en face s'ils accepteraient de
suspendre l'article 18 pour introduire un amendement, un nouvel article 19,
quitte à ne pas l'étudier immédiatement et à aller
immédiatement à l'article 4 puisque mes bons amis d'en face
voulaient y aller.
M. Ciaccia: Non, non, cela va tout mêler!
M. Grégoire: Je demande le consentement unanime.
M. Ciaccia: Vous n avez rien appris.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, je vous arrête immédiatement
vous êtes en train de faire la même erreur que la semaine
dernière. Vous avez parlé d'un nouvel article 19.
M. Ciaccia: C'est le même problème qu'on a eu
vendredi matin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: M. le Président, je demande le
consentement unanime. Je crois que cette commission parlementaire est en
même temps...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Voulez-vous que je vous donne une directive?
M. Forget: Oui, oui.
M. Ciaccia: Oui, dites-leur donc comment faire leur travail.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'abord,
vous ne pouvez pas proposer un nouvel article 19 qui viendrait écarter
l'article 19 actuel. En utilisant les mots "proposer un nouvel article 19", ce
serait immédiatement jugé irrecevable; c'est exactement le
même cas que vendredi dernier. Pour répondre à votre
question, évidemment, on peut être momentanément dans un
état intermédiaire, entre l'article 18 et l'article 19 si,
avant
que le président n'appelle l'article 19, le ministre prend la
parole pour suggérer l'inclusion d'un nouvel article qui se situerait
non pas en remplacement de l'article 19, mais comme un nouvel article qui
pourrait être 18a.
M. Bérubé: Je vais vous prendre au vol, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est la
directive.
M. Bérubé: Je demanderais la suspension de
l'article 18 de manière à saisir ce moment fugitif.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): N'y
aurait-il pas lieu de demander, au préalable, si l'article 18 est
adopté?
M. Ciaccia: C'est assez logique, je crois.
M. Bérubé: Auquel cas nous nous exposons à
une série d'amendements. Vous pouvez le demander, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, puis-je vous donner une autre directive? Vous pouvez toujours
présenter, à tout moment, une motion de suspension de
l'étude de l'article.
M. Bérubé: M. le Président, j'accepte votre
manoeuvre stratégique.
M. Forget: Vous avez demandé si on adoptait l'article 18,
si je comprends bien, M. le Président? On adopte, quant à nous,
l'article 18.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 18 est adopté tel qu'amendé.
M. Bérubé: Puisque j'avais l'impression d'avoir
compris un peu la règle de procédure, j'aimerais...
M. Ciaccia: Là, par exemple, "watchez-vous"!
M. Bérubé: Ah, ah, ah! J'aimerais présenter
ici un amendement au projet de loi no 70 qui consisterait à
insérer un article 18a, entre l'article 18 et l'article 19, qui se
lirait ainsi.
M. Forget: M. le Président, question de règlement.
Indépendamment du texte que se propose de lire le ministre, l'insertion
d'un nouvel article dans le projet de loi, à ce moment-ci, n'est pas
recevable selon l'article 3 de notre règlement qui fait
référence à la tradition; dans le cas où la
tradition s'incorpore dans l'ancien règlement, on dit explicitement que
les dispositions non contraires de l'ancien règlement s'appliquent. Or,
l'ancien règlement son article 564 prévoyait un
certain ordre pour l'étude d'un projet de loi. Il s'agit d'abord des
articles imprimés du projet de loi; des articles imprimés qui ont
été différés; les articles nouveaux, en
troisième lieu; quatrièmement, les annexes imprimées;
cinquièmement, les annexes nouvelles; sixièmement, le
préambule et septièmement, le titre, mais seulement s il y a lieu
de l'amender.
C'est une tradition, à ma connaissance, que toutes les
commissions parlementaires continuent de respecter. C'est pourquoi il n'est pas
possible, à ce moment-ci, d'introduire, même de la part du
proposeur du projet de loi, un nouvel article qui ne soit pas imprimé;
on pourra le faire, cependant, lorsque l'étude du projet de loi dans son
entier aura été complétée, c'est-à-dire les
25 articles que comporte le projet de loi, mais à ce moment-ci une telle
motion est prématurée.
M. Bérubé: M. le Président, n'ayant pas une
longue expérience des débats parlementaires, je ne suis pas
familier avec le règlement antérieur de I'Assemblée
nationale et je devrai me fier à votre interprétation.
Néanmoins, il m'apparaît que cette technique a été
largement utilisée dans le cas de la loi 101 et de la loi 45 où
les ministres ont été amenés à proposer de nouveaux
articles qu'ils ont insérés à l'intérieur des
articles existants. Par conséquent, il s'agit là d'une
procédure tout à fait courante, tout à fait usitée
et habituelle. D'autant plus, M. le Président, que si l'article qui est
proposé ici allait à l'encontre de la décision de
l'Assemblée nationale en deuxième lecture quant au principe de la
Société nationale de l'amiante... Nous avons connu en
aparté le cas de la Loi sur l'assurance automobile où on
s'est opposé à réintroduire certains articles portant sur
la possibilité pour la société de s'impliquer au niveau de
I'assurance pour dommages matériels, puisque le projet de loi initial
n'incluait pas une telle provision. Donc, à l'époque, on
s'était opposé. Le président avait donné raison
à l'Opposition parce qu effectivement l'article proposé pouvait
modifier substantiellement l'esprit même de la loi qui avait
été adoptée en deuxième lecture.
Cependant, dans le cas présent, l'article que nous voudrions
proposer ne va pas à l'encontre de l'esprit de la loi. Il a d'ailleurs
fait l'objet d'un long débat ici, l'Opposition demandant qu'un tel
article soit intégré. Notre opposition avait pour but d indiquer
qu'un tel article devait plutôt s'insérer au niveau des conditions
d'exercice du pouvoir de la société plutôt qu'au niveau de
la constitution de la société. De ce fait, nous n'étions
pas entièrement d'accord sur la place que devait occuper l'article dans
le projet de loi. Mais néanmoins, l'amendement que je propose...
D'ailleurs l'Opposition est parfaitement au courant du contenu de cet
amendement bien qu'elle n'ait pas à se prononcer pour l'instant sur le
contenu de l'amendement; I'Opposition reconnaîtra que cet article ne va
pas à l'encontre de l'esprit du projet de loi puisqu'elle-même en
proposait un similaire.
M. Forget: Sur ce point de règlement, M. le
Président, il est vrai que de consentement tous les règlements
qui s'appliquent aux travaux des commissions parlementaires peuvent être
écartés si
tous les membres de la commission y consentent, pour des raisons qui
peuvent varier d'un cas à l'autre. Dans ce cas-ci ce n'est pas
clairement le cas. Ce n'est certainement pas au moment où l'Opposition
se fait imposer la guillotine qu'elle va donner son consentement pour que le
gouvernement choisisse parmi les nombreux articles du projet de loi qui restent
ceux qu'il veut bien discuter d'ici à demain matin. Il n'est donc pas
concevable que nous donnions notre consentement pour étudier cet
amendement. Cela ne pourrait donc se faire que si le règlement y
pourvoyait. Alors, précisément, le règlement n'y pourvoit
pas. Et les précédents qui ont été cités par
le ministre l'ont été de consentement. Les dépôts
ont été effectués de consentement et ont été
faits au début de l'étude des projets de loi en question. Non pas
à la fin comme le ministre se propose de le faire dans le moment. Lors
de l'étude du projet de loi 45 c'est au début de I'étude
article par article du projet de loi, après les exposés
préliminaires, qu'ont été déposés certains
amendements; on me dit que la même chose a prévalu dans le cas de
l'étude de la loi 101. Dans ce cas-ci, il y a donc deux conditions
manquantes: Le consentement et le fait que ce consentement est sollicité
à un moment bien différent du moment où il a
été sollicité dans d'autres occasions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus pour dix minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
Reprise de la séance à 16 h 30
Décision du président
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Comme vous le voyez, ma réflexion a duré plus de dix
minutes, je m'en excuse. De toute façon, c'est une décision
importante que j'ai à rendre qui va servir, peut-être pas de
précédent... mais pour la présente Législature,
c'est la première fois que cela se présente. Cela s'est
déjà présenté lors de l'étude du bill 22,
mais pas de façon identique. On avait eu l'occasion d'appliquer l'ancien
règlement. Les députés de l'Opposition faisaient des
motions pour amender le préambule d'un texte de loi et le
député de Gatineau, qui était président de la
commission, s'est servi de l'ancien règlement, étant donné
le silence du règlement actuel, pour dire que le préambule, en
fait, serait étudié dans l'ordre prévu à l'article
564 de l'ancien règlement.
Des nuances, cependant, s'imposent, en ce sens qu'il faut bien se mettre
dans l'esprit qu'actuellement, nous allons de motion de suspension en motion de
suspension. Autrement dit, lorsque nous étudions un projet de loi
article par article, rien n'empêche le ministre, sans consentement, de
présenter par exemple, après l'étude de l'article
3, nous avons étudié l'article 1, l'article 2, et l'article 3
rien n'empêche le ministre responsable du bill de présenter
entre l'article 3 et l'article 4, un nouvel article qui serait, par exemple,
intitulé "article 3a", et ainsi de suite. Rendu à l'article 12,
rien n'empêche le ministre de présenter un nouvel article qui
s'intitulerait "article 12a".
C'est le principe, sauf que dans le cas actuel, nous avons eu une
première motion demandant de suspendre l'étude des articles 4
à 18 inclusivement pour entreprendre l'étude de l'article 19.
L'article 19 ayant été appelé, on a présenté
un amendement à l'article 19 que j'ai jugé irrecevable, puisque
écartant la motion principale. A ce moment-là, on m'a
présenté une motion demandant de suspendre l'étude de
l'article 19 pour entreprendre l'étude de l'article 18. L'article 18 a
été adopté tel qu'amendé. Je suis donc lié
par les motions qui m'ont été présentées au
préalable. La dernière motion me demandant temporairement
et c'est tacitement temporaire parce que ce n'est pas dans la motion la
suspension, bien sûr, de l'article 19 pour entreprendre l'étude de
l'article 18 et nécessairement une suspension temporaire, je me dois
donc, une fois que l'article 18 aura été adopté, de
revenir à l'article 19, lié que je suis par le texte même,
le libellé même de la motion qui a été
présenté par le député de Frontenac et que j'ai
déclarée recevable.
Donc, notre suspension ayant eu lieu pour l'étude de l'articie
18, l'article 18 ayant été adopté, je me dois de retourner
à la motion principale, qui est de revenir, 18 étant
adopté, à l'article 19.
En conséquence, j'appelle l'article 19. Donc, le nouvel article
que le ministre voulait présenter est déclaré non
recevable, si on peut dire, et si on me demandait, comme directive, comment
l'introduire je sais que c'est une question qu'on va me poser je
dirais, conformément à ce que je viens de dire, que ce n'est
qu'une fois l'étude des articles 1, 2 à 17 accomplie, l'article
18 ayant.été adopté, que le ministre pourra
présenter un nouvel article numéroté 18a.
C'est le sens de la décision que je viens de rendre, sauf qu'avec
le consentement unanime évidemment, l'assemblée
étant maîtresse de ses travaux, bien sûr, on peut tout
faire, même faire échec au règlement. Le consentement
unanime n'a pas été obtenu, donc, j'appelle l'article 19.
M. Bérubé: II a été suspendu
celui-ci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je dois
vous dire immédiatement qu'après l'article 19,
conformément à l'ancien règlement qui doit nous guider
dans cette façon de procéder, je me dois de retourner au dernier
alinéa de l'article 4, puisque le projet de loi doit être
étudié dans l'ordre numérique des articles, à moins
qu'il y ait motion de suspension qui nous permette de sauter à d'autres
articles. M. le ministre.
M. Bérubé: Advenant l'hypothèse qu'au cours
de l'étude du projet de loi nous devions sauter au-dessus de l'article 5
et continuer avec les articles 6, 7, 8, 9, 10 et qu'arrivant à l'article
18, nous
proposions un article 18a, accepteriez-vous d'étudier I article
18;
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Conformément à ce que je viens de dire, je retournerais à
l'article 5.
M. Bérubé: Je comprends. Je commence à voir
la cohérence interne dans vos propos. Donc, d'après votre
directive, il n'est pas possible de suspendre l'étude d'un article pour,
éventuellement, insérer un nouvel article; il faudrait absolument
les étudier à la suite les uns des autres et cela serait
uniquement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins
de consentement, parce qu'à partir du moment où on suspend
l'étude d'un article, pour entreprendre l'étude d'un autre
article, nous nous devons, après l'adoption de cet article, de revenir
à l'article dont l'étude a été suspendue. C'est ce
que l'on fait actuellement. On suspend l'article 19, on retourne à
l'article 18 et, l'article 18 étant adopté, nous revenons
à l'article 19. C'est une question rigoureuse de logique, même si
ce n'était pas aussi logique que cela, tout à l'heure.
M. Grégoire: L'espace intermédiaire entre deux
articles n'existerait pas.
M. Bérubé: ... et aux commissions, suspend son
action...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
C'est-à-dire que l'espace intermédiaire entre deux articles
existe pour autant que nous étudions les articles dans leur ordre
numérique. Mais à partir du moment où il y a une motion de
suspension, nous nous devons nécessairement, même s il y a,
théoriquement, encore là, un espace entre deux articles nous
permettant de présenter d'autres sortes de motions, nous nous devons de
revenir à l'article dont I'étude a été
suspendue.
M. Grégoire: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'ailleurs, je pense que c'est la définition même du mot
"suspension".
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais vous
demander une directive. Est-ce qu il me serait possible, dans ces
circonstances, de présenter une motion demandant la suspension de
l'article 4, ainsi que la suspension des articles 5 à 25, ainsi que la
suspension de I'étude du titre, pour passer à l'étude des
articles nouveaux?
Si je peux demander la suspension d'un article... M. le
Président, je crois que si je peux demander la suspension d'un
article... Je crois que vous avez le texte de l'ancien règlement, si
vous me le prêtez, M. le député; me le prêtez-vous,
une minute?
M. Forget: Oui.
M. Grégoire: Si je peux demander la suspension d'un
article, je peux certainement demander la suspension de tous les articles
imprimés. Je peux demander également, je crois, la suspension de
tous les articles imprimés qui ont été
différés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
pouvez présenter toutes sortes de motions que la présidence aura
à juger recevables ou non, une fois qu'elles seront
présentées.
M. Grégoire: Je demande une directive. Pour avoir une
autre directive, je voudrais vous proposer, conformément à
l'article 3 du...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant
donné que je sens qu'elle va être complexe, vous la ferez par
écrit, s'il vous plaît.
M. Grégoire: Elle sera très simple, M. le
Président, conformément à l'article 3...
M. Bérubé: On va les laisser revenir...
M. Grégoire: ... la directive du président qui
serait, il me semble, très originale à entendre...
M. Bérubé: Nous ne le saurons pas. M. le
député de Frontenac...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle est
peut-être originale, mais elle est certainement conforme au
règlement.
M. Grégoire: Elle serait présentable et
receva-ble.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'importance de la décision d'un président, ce n'est pas
d'être originale, c'est d'être conforme au règlement.
M. Grégoire: Elle serait recevable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je n ai
pas dit ça. Présentez-la et on verra.
M. Bérubé: II faudrait 45 minutes d'étude,
M. le député de Frontenac.
M. Brochu: Présentez-la.
M. Grégoire: M. le Président, est-ce que...
M. Bérubé: II faudrait 45 minutes de suspension des
travaux; je pense que l'Opposition serait peut-être mieux de suspendre
l'article 19...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J
appelle l'article 19. Est-ce que l'article 19 sera adopte?
M. Forget: M. le Président, on ne retiendra pas l'adoption
de l'article 19, mais j'aimerais, pour les fins de ma bonne
compréhension de votre déci-
sion, bien saisir le sens dans lequel votre interprétation de
l'ancien article 564 du règlement ou de l'article 564 de l'ancien
règlement pour être plus correct doit être faite.
Si je comprends bien, vous avez dit: Le ministre peut, en tout temps,
lorsque l'étude d'un projet de loi se fait dans l'ordre numérique
normal des articles, introduire un article 12a après l'article 12, etc.
Ce qui veut dire que, pour les fins de l'interprétation de l'article
564, faut-il comprendre que le numéro 3 qui se lit comme suit: "Les
articles nouveaux ne s'appliquent pas aux amendements ou aux nouveaux articles
introduits par le ministre..."
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est de
tradition; les articles nouveaux présentés par un ministre ne
sont pas considérés comme des amendements, mais comme des
articles faisant partie intégrante du projet de loi.
M. Forget: C'est là-dessus que repose votre
décision? C'était simplement pour obtenir un
éclaircissement, M. le Président.
Je ne conteste ni ne fais quoi que ce soit là-dessus; je prends
simplement note de votre décision.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est
entendu que si, par exemple, l'article 4 étant complété,
le ministre avait un nouvel article 14 à proposer, je ne pense pas que
cela nécessiterait le consentement unanime des membres de la commission
parlementaire pour déposer le nouvel article.
M. Forget: Superficiellement, cela peut paraître une
interprétation audacieuse de l'ancien article 564, mais encore une fois,
je prends votre décision comme elle est rendue, sans faire de plaidoyer
là-dessus. D'accord, je n'ai rien d'autre à dire sur le
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce ne
sont pas des décisions faciles à prendre.
M. Forget: Non.
Comptes et rapports (suite)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'appelle l'article 19.
M. Bérubé: Adopté, M. le Président.
M. Grégoire: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 19 est adopté.
M. Forget: Un instant, M. le Président. A l'article 19,
selon l'expression usuelle de nos jours, y a rien là, dans un certain
sens, puisqu'on dit qu'il doit y avoir un rapport annuel. Cependant, j'ai une
question de forme et un peu aussi de substance. Est-ce qu'il n'y a pas une
tradition à l'effet que les exercices financiers des
sociétés d'Etat se terminent tous à la même date et
coïncident avec l'année civile ou bien l'exercice financier du
gouvernement. Est-ce qu'il n'y a pas une tradition de ce côté,
comme le 31 mars, par exemple, et est-ce qu'il y a véritablement un
avantage à permettre que cette date soit sujette à des variations
décrétées par règlement du gouvernement. Il semble
qu'on a plusieurs autres sociétés REXFOR, SOQUIP qui
précisent en particulier que l'année financière se termine
le 31 mars de chaque année. Est-ce qu'il y a une raison pour
s'écarter de ce "pattern", de cette coutume?
M. Bérubé: La seule raison immédiate, c'est
que les sociétés qui pourront être acquises par la
Socété nationale de l'amiante on peut penser à une
en particulier peuvent avoir un exercice financier qui ne se termine pas
à la date conventionnelle, soit l'exercice financier du gouvernement,
soit l'année fiscale. Par conséquent, on pourrait être
amené à avoir un exercice financier qui soit
légèrement différent. C'est pour garder une certaine
flexibilité devant l'inconnu.
M. Forget: Ne serait-il pas prudent je le fais seulement
à titre de suggestion au ministre. Cela pourrait faire l'objet d'une
motion formelle et d'un débat de vingt minutes, mais il n'est pas
question de cela de prévoir, une fois cette date établie
par règlement, à la suite des remarques du ministre selon
lesquelles on peut faire l'acquisition d'une société dont
l'exercice financier se termine à une date autre que le 31 mars, ne
serait-il pas prudent que cela ne puisse plus être changé, sauf
par une loi?
Il y a une raison pour laquelle l'exercice financier est
déterminé par la loi plutôt que par le règlement. Si
cette raison est valable et que, par ailleurs, la raison qu'a
évoquée le ministre dans ce cas précis est
également valable, il y a une façon de concilier tout cela en
disant que le gouvernement pourra, une première fois, déterminer
la fin de I exercice financier et qu'une fois ainsi déterminé, il
demeurera inchangé à moins d'une modification à la loi.
Ceci pour éviter qu'un gouvernement ultérieur je n'accuse
personne ne cherche, en changeant la date, à camoufler
l'incidence de certaines décisions sur les états financiers d'une
société d'Etat en allongeant ou en raccourcissant un exercice
financier. Cela peut se faire. C'est probablement la raison pour laquelle, dans
les lois, on dit que cela se termine à telle date de façon que ce
ne soit pas possible autrement, à moins que cela donne lieu à un
débat.
C est une suggestion que je fais. Peut-être le ministre
voudra-t-il la prendre en considération.
M. Bérubé: Si le député de
Saint-Laurent n'avait pas d'objection, j'aimerais avant de lui donner
une réponse ce soir en discuter avec certains conseillers
juridiques et voir s'ils ont d'autres arguments vraiment importants. Sinon,
effectivement, les remarques que vous faites me paraissent fondées.
Personnellement, je n'ai pas d'objection à fixer cela dans la loi comme
tel.
M. Forget: D'accord, Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Article
19, adopté.
M. Grégoire: Adopté.
Objets de la société (suite)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Maintenant, conformément au règlement, je me dois de revenir
à l'article 4. Est-ce que l'article 4 sera adopté?
M. Bérubé: Adopté.
M. Forget: Non, M. le Président. On va se resituer, avec
votre permission...
M. le Président, dans l'exécution de son mandat, de son
double mandat, mais particulièrement de son mandat industriel, la
société de l'amiante, quoi qu'en dise le ministre quant à
I'acquisition d expertises via l'achat d'une société
minière, va se trouver sur un terrain inconnu d'elle, forcément,
inconnu du gouvernement, inconnu même des fonctionnaires qui seront soit
délégués à cette société ou qui
seraient en mesure, à partir du ministère des Richesses
naturelles ou du ministère des Finances, d'évaluer les
décisions qui seront prises au nom du gouvernement par la
Société nationale de l'amiante.
Afin d'éviter des erreurs graves qui sont plus susceptibles de se
produire au moment du lancement de certaines activités ou de certaines
opérations industrielles Dieu sait que le Québec, dans les
tentatives qu'il a faites pour prendre en main son développement
économique depuis une quinzaine d'années, a éprouvé
un certain nombre de déboires dus, assez souvent, à
l'inexpérience des gens, des structures en place il
apparaît qu'il serait opportun que, dans l'exécution de son mandat
en particulier la partie du mandat qui est décrite par le
paragraphe b) de l'article 4 la société de l'amiante, au
moins au départ la loi pourra, dans quelques années,
être révisée à la lumière de
l'expérience acquise soit soumise à une contrainte qui
tienne compte justement de cette inexpertise relative de cette
société, en l'obligeant à s'associer, à s'engager
seulement sous la forme de "joint venture " si I'on peut employer cette
expression dans une langue autre que le français à
s'associer à d'autres entreprises qui ont déjà la
connaissance des marchés ou des procédés de fabrication,
etc., de manière que et ceci sans porter atteinte à quoi
que ce soit au dévouement, au désir de bien faire de ceux
à qui on confiera ces responsabilités ses premières
décisions soient prises dans le meilleur contexte possible. Ceci peut se
faire lorsqu'on s'associe à d'autres qui y risquent eux-mêmes
certains capitaux et qui disposent, par ailleurs, de certaines expertises.
Dans ce sens, j'aimerais présenter un amendement à
l'article 4 qui se lirait comme suit: "Que le deuxième alinéa de
l'article 4 soit modifié en remplaçant dans la première
ligne les mots "A cet effet" par les mots Aux fins du paragraphe b) de
l'alinéa précédent' ; en remplaçant dans la
première ligne les mots "aussi bien que" par les mots directement ou
pas"; en remplaçant, dans la première ligne, le mot "peut" par le
mot "doit"; en remplaçant, dans la deuxième ligne, les mots
"toute personne ou" par le mot "une"; et en remplaçant, dans les
deuxième et troisième lignes, les mots "sous réserve des
autres dispositions de la présente loi" par les mots "ayant entre autre
pour objet la fabrication ou la mise en marché de produits à base
d'amiante ou de produits ayant des usages analogues".
L'alinéa amendé se lirait donc comme suit:
Aux fins du paragraphe b) de l'alinéa précédent. la
Société, directement ou par ses filiales, doit s'associer ou
conclure des accords avec une société ayant entre autres pour
objet la fabrication ou la mise en marché de produits à base d
amiante ou de produits ayant des usages analogues."
Le motif de ceci, je l'ai exposé, c'est de prévoir une
période de rodage en quelque sorte...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Motion
recevable.
M. Forget: Merci, M. le Président... Prévoir une
période de rodage de l'équipe dirigeante de la
Société nationale de l'amiante qui permette par association
d'acquérir une expérience, une expertise appropriée
à des risques qui sont malgré tout considérables. Les
fonds qu'on va investir dans tout ceci, à même le trésor
public ou à même le crédit de I'Etat, sont
considérables, sont peut-être d'une envergure plus grande en terme
absolu que ceux qu'on a initialement consacrés à toute autre
espèce de projets de caractère industriel ou commercial venant du
gouvernement du Québec. Bien sûr. le texte initial de la loi peut
permettre des associations. Il n'y a rien qui l'interdise dans le texte et
c'est une réponse qu'on pourrait nous faire, une objection qu'on
pourrait faire à cet amendement en disant que c'est au conseil
d'administration à juger s'il est opportun ou non pour lui de s'associer
de cette façon. C'est vrai qu'un conseil d'administration a le pouvoir
de s'associer ou pas si la loi ne le lui interdit pas et qu'il serait fort
possible qu'un conseil d'administration décide de son propre chef, de
minimiser ces risques d'augmenter ses chances de succès en cherchant de
telles associations.
Cependant, il faut bien voir que, s'il a l'entière
responsabilité de cette décision, un certain nombre de facteurs
peut l'en décourager.
Il y a d'abord le contexte psychologique ou même, si I'on veut,
politique de la décision entourant la création de la
Société nationale de l'amian-te, qui est d'ailleurs
volontairement présentée par le gouvernement comme un geste
politique d'affirmation, d'indépendance économique, ou
d'autonomie économique, c'est susceptible de constituer, sur les membres
du conseil d administration. une espèce de frein trop
considérable pour diluer cet aspect d'autodétermination
économique que représente la création de la
Société nationale de I'amiante. S'ils sont le moindrement
sensibles à ce
climat, même si le ministre n'exerce aucune pression, il reste que
l'opinion publique, le contexte politique, encore une fois, et psychologique
dans lequel la société est créée est susceptible de
les retenir, de leur faire se poser la question: Si on le fait et si cette
entente finalement devient un objet de controverse politique, nous serons sans
défense puisque, évidemment, ce sont des administrateurs qui
n'ont pas de voie politique, qui ne peuvent pas s'exprimer directement à
I'Assemblée nationale. Ils peuvent se sentir gênés ou
plutôt ils peuvent hésiter à poser des gestes qui
pourraient être interprétés comme une gêne pour les
responsables politiques, pour le Conseil des ministres. Ils peuvent vouloir
éviter au Conseil des ministres, peut-être à tort,
peut-être sur une fausse impression, d'avoir à défendre une
telle entente, d'avoir à s'expliquer, soit à l'Assemblée
nationale, soit même devant les instances du parti qui détient
actuellement les rênes du pouvoir, sur un geste qui serait
considéré par certains on ne peut se le cacher
comme étant une espèce de semi-abdication d'une autonomie
chèrement acquise sur le plan du développement de l'amiante,
etc.
Je pense que l'on comprend très bien ce à quoi je fais
allusion. C'est inévitable que ce genre de débat soit
soulevé. Il l'a toujours été lorsqu'une de nos
sociétés d'Etat s est associée de près ou de loin
à une entreprise commerciale ou industrielle, à plus forte raison
si la propriété ou le contrôle de cette
société industrielle ou commerciale est entre des mains
étrangères. On se souvient encore des fameuses controverses sur
le rôle joué par Bechtel dans le développement de la baie
James et le nouveau gouvernement a jugé, du moins le ministre
responsable délégué à l'énergie a
jugé que ce contrat était tout a fait conforme à ce qu'il
avait fait lui-même. Cependant, il y a eu des controverses dans le
passé. Je ne veux pas retourner le fer dans la plaie, mais il est clair
que tous les administrateurs de sociétés d'Etat sont conscients,
de façon aiguë, du brouhaha politique que peut soulever une telle
association, de façon d'ailleurs imprévisible pour eux. parce
qu'ils n ont pas nécessairement les antennes politiques suffisantes pour
apprécier les tenants et aboutissants d'une question comme
celle-là. Or. de leur confier toute la responsabilité d'une telle
décision, c'est peut-être piper les dés contre une telle
association. Et piper les des contre une telle association, dans une
période initiale, c'est littéralement lancer en affaires, a
même les deniers publics, et beaucoup de deniers publics, une
équipe qui est "untried and untested". Ce sont des gens qui ont de leur
côté énormément de bonne volonté, une
certaine connaissance, peut-être un peu livresque, des problèmes,
mais certainement pas une expérience, un enracinement profond dans ce
genre d'acti-vité et des erreurs dans ce domaine, on le sait
d'experience maintenant au Québec, même si on se fermait les yeux
sur les experiences étrangères dans ce domaine... Une telle
experience et de telles experimentations peuvent être extrêmement
coûteuses.
Je ne dis pas que de telles contraintes devraient exister de
façon indéterminée ou indéfinie. Il est bien
sûr qu'un projet de loi comme celui-là va revenir devant le
Parlement, comme les lois de toutes nos sociétés d'Etat
reviennent à l'occasion, de temps à autre, pour un amendement
mineur. Si notre amendement était accepté, j'imagine que dans
cinq ans, dans six ans, dans sept ans, après qu'une expérience
aura été acquise, il sera possible de supprimer cette contrainte.
Je pense que, dans la période initiale, c'est une protection pour les
administrateurs qu'on va désigner sur le conseil d'administration, que
le gouvernement va désigner. C'est une garantie qu'ils n'auront pas
à faire face à un barrage ou à des objections de
caractère politique, pour lesquelles ils sont mal préparés
à prendre position.
C'est d'autre part donner certaines assurances aux contribuables du
Québec, à savoir que, lorsque je gouvernement du Québec
décidera de faire des investissements et de se lancer en affaires, de ce
côté-là, il le fera avec des partenaires qui, eux aussi, y
risqueront quelque chose; donc disposant d'une plus grande expérience,
ils seront en mesure d'offrir certaines garanties de faisabilité.
Au-delà des analyses et des rapports très bien reliés et
magnifiques qu'on voit, il y a souvent la réalité
concrète, une certaine intuition, une certaine connaissance du milieu,
qui sont indispensables dans le lancement de choses de ce genre.
Dans le texte de l'amendement, on retrouve, outre cette notion, un
libellé qui peut porter à interrogation, puisqu on fait allusion
à une société ayant entre autres, pour objet, la
fabrication ou la mise en marché de produits à base d'amiante;
cela va très bien, donc une société qui fait
déjà ce qu'on veut faire, ce que présumément on
voudrait faire, en se lançant dans la fabrication de produits à
base d'amiante ou de produits ayant des usages analogues. Ici, ce que nous
avons à l'esprit, ce sont des entreprises, qui seraient présentes
sur les marchés étrangers c'est une idée sur
laquelle on a d'ailleurs insisté, pas seulement cette fois-ci, mais
à d'autres reprises au cours de ces débats. Une
société étrangère qui, par exemple, ne serait pas
nécessairement dans la fabrication des produits à base d'amiante,
mais qui serait composée d'importants distributeurs de produits
connexes, comme les matériaux de construction, et qui aurait un
réseau de distribution au Mexique, au Japon, aux Etats-Unis, ou Dieu
sait où, où on veut écouler une partie de la production
québécoise. On voudrait s'associer à cette compagnie qui
vend des cious, des vis ou Dieu sait quoi, des tuyaux en plastique ou autres,
et on voudrait s'associer à une compagnie qui a un réseau de
distribution: des vendeurs sur la route, des entrepôts, des relations et
une liste des entrepreneurs, des constructeurs, etc. On voudrait s'associer
avec une telle société, soit au Mexique, en Argentine ou Dieu
sait où, pour écouler une partie de la production d un produit,
d'un panneau d'amiante-ciment ou Dieu sait quoi, fabriqué au
Québec.
Pour ouvrir cette possibilité, je pense qu'il ne faut pas se
restreindre exclusivement à des entreprises qui ont des activités
de fabrication. L'autre type d'association peut également
représenter une garantie de débouchés extérieurs
qui devront exister, à mon avis, avant qu'on puisse s'engager fermement
dans des implantations d'usines ayant un débit de production qui
dépasse de loin la capacité d'absorption du marché
domestique.
C'est, me semble-t-il, une précaution. Encore une fois, c'est une
contrainte; d'où la nécessité de la mettre dans la loi. Ce
n'est pas seulement un jeu, c'est une contrainte qu'il ne faut pas voir comme
une tentative de diminuer la société de I'amiante. Au contraire,
c'est pour lui permettre de s'engager dans des projets ambitieux avec les
meilleures chances possible de succès et d'enlever aux administrateurs
l'odieux d'une décision qui, inévitablement, dans le contexte,
est destinée à avoir un aspect politique, une dimension
politique. C'est pour dire aux gens que le gouvernement, quel qu'il soit, va
désigner les administrateurs de cette société et va leur
dire: Ecoutez, vous avez déjà les autorisations
nécessaires pour faire un certain nombre d'ententes et d'avance cette
question a été réglée. Ne vous inquiétez
donc pas de nous embarrasser politiquement par une décision qui,
administrativement, vous apparaîtrait comme celle que vous devez prendre,
décision saine destinée à augmenter le plus possible vos
chances de succès. Cette décision, ce débat a
déjà eu lieu et c'est déjà accepté. Non
seulement vous pouvez le faire, mais pour une période initiale de
quelques années au moins, vous devez le faire. (17 heures)
Donc, il y a une liberté beaucoup plus grande. Même si
ça prend la forme d'une contrainte, je suis sûr que de la part
d'un administrateur putatif ou éventuel de cette société
de l'amiante, cela apparaîtra, non pas comme une contrainte, mais comme
une liberté, celle de faire une chose qu'il ferait, de toute
façon, mais en dehors d'un climat de controverse politique ou d'une
responsabilité essentiellement politique. Etant administrateur, il ne
souhaite certainement pas prendre des décisions ayant des implications
ou une connotation politique.
C'est donc un peu paradoxal, mais je pense que c'est tout à fait
ce qui existe lorsqu'une loi impose certaines choses à des organismes
publics. C'est souvent interprété, non pas comme une contrainte,
mais justement comme une autorisation de faire, sans controverse, ce que I'on
voudrait faire de toute façon.
C'est dans cet esprit que nous proposons cet amendement, M. le
Président, à la fois pour donner la garantie que des gestes sages
seront posés par les administrateurs, conformément à leur
voeu c'est ce que nous tenons pour acquis au départ et que
des décisions seront prises sans implication désagréable,
sans controverse inutile. Pour ce qui est du contribuable, pour ce qui est du
ministre des Finances lui-même, que toutes les garanties existeront pour
maximiser les chances de succès des initiatives qui devraient suivre de
très près I'adoption de ce projet de loi, s'il est vrai,
conformément aux prétentions du gouvernement, que I'adoption de
ce projet de loi est significative ou importante pour le développement
d'une industrie de transformation de I'amiante au Québec.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond?
M. Brochu: Pas besoin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre?
M. Bérubé: On demande le vote, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, les termes de I'article 4 du
projet de loi actuel donnent un grand champ de liberté à la
société. Cela lui permet peut-être de s'embarquer dans
toutes sortes d'entreprises et pour la protection seulement de ceux qui seront
appelés à payer et à avancer les fonds à la
société, pour la protection des administrateurs, parce que les
administrateurs auront une grande responsabilité. Ils seront
appelés à prendre des décisions à savoir commencer
la transformation, aller dans des entreprises de transformation. Il faudrait
qu'ils s'assurent que cela soit vraiment rentable.
Le but de cette restriction n'est pas vraiment de restreindre
l'activité de la compagnie. Mais quelquefois, en mettant des conditions
obligeant les administrateurs et la société à prendre
certaines mesures, cela peut leur permettre d'agir d'une meilleure façon
et d'augmenter l'activité de la compagnie, parce que les administrateurs
auront, premièrement, un fonds assez limité pour commencer de
nouvelles industries, pour commencer l'industrie de la transformation et ils
auront la grande responsabilité de s'assurer eux-mêmes de la
rentabilité de cette industrie. Aucun administrateur ne pourra
peut-être prendre une décision et cela peut être long avant
que la société n'entreprenne l'industrie de la
transformation.
Une des meilleures façons, un des meilleurs moyens de s'assurer
que cette société non seulement va acheter la compagnie Asbestos
Corporation mais que vraiment elle va entreprendre la mise en marché,
l'industrie de la transformation, ce serait d obliger la société
à s associer avec I'entreprise privée, avec d'autres organismes.
Le meilleur moyen de savoir si une entreprise est rentable ou non, c'est de
vérifier si un autre organisme, qui a peut-être plus
d'expérience, est prêt à y placer des fonds, à
entreprendre cette industrie. Cela enlèvera beaucoup de
responsabilités aux administrateurs et beaucoup de décisions
à prendre.
Par exemple, si une autre société est prête à
investir X millions dans une entreprise, c'est certainement parce qu il y a eu
des études de faites.
Cela ne veut pas dire qu'il faudrait y aller aveuglément avec
eux, mais c'est déjà une étape franchie. C'est quelque
chose qui a déjà été fait, des études de
plus, et cela minimise le risque qu'aura à prendre la
société d'Etat. Non seulement, cela va prolonger les
administrateurs, mais cela va protéger les contribuables parce
qu'après tout l'argent qu'on doit avancer à la
société pour entreprendre ses travaux, c'est l'argent des
contribuables.
Non seulement cela, mais les fonds disponibles à cette
société vont être très limités. Si par
exemple on parle du rapport SORES on parle d'un chiffre de $60
millions à investir dans l'industrie de transformation, ces $60 millions
sont investis non seulement par une société, mais sont investis
de concert avec plusieurs sociétés, cela permettra à
beaucoup plus d'entreprises de commencer... parce que forcément, par la
nature des choses, les administrateurs, la société nationale va
être limitée physiquement dans ses travaux. Elle ne pourra pas
s'occuper de commencer elle-même toutes les nouvelles industries. En
s'associant avec d'autres entreprises, au lieu d'avoir une ou deux industries,
au lieu de créer des emplois, qui le seraient par cette industrie, cela
va leur permettre de s'associer à plusieurs autres. Cela va ainsi
augmenter sensiblement le nombre d'emplois créés. C'est logique
de penser que si, au lieu de lancer une industrie, cette société
peut s'associer à cinq, six ou huit autres entreprises,
nécessairement, le nombre d'emplois va augmenter sans augmenter les
risques de la société. De cette façon, cela
accélérerait même les objectifs du gouvernement dont le
premier est d'augmenter le rôle de l'industrie de transformation au
Québec et de créer plus d'emplois. Si la société le
fait seule, cela sera beaucoup plus difficile.
Le ministre, en réponse à quelques questions quand on lui
avait suggéré qu'il n'était pas nécessaire
d'acheter la société Asbestos Corporation pour faire de la
transformation, avait invoqué la raison de l'acquisition d'expertises.
Il a répondu: Comment voulez-vous qu'on commence d'autres industries si
on n'a pas d'expertises? Quand nous achetons la société Asbestos
Corporation, nous acquérons, en partie, certaines expertises. Si on
prend cet argument et qu'on l'applique à l'amendement du
député de Saint-Laurent, on voit une autre raison pour laquelle
nous devrions accepter cet amendement, parce que cela permet vraiment d'aller
chercher beaucoup d'autres expertises non seulement dans la
société d'amiante Asbestos Corporation, mais ailleurs aussi. Si,
jusqu'à présent, elle n'a pas fait la transformation voulue,
c'est peut-être qu'elle n'a pas non plus l'expertise. Il faudrait s
associer avec d'autres compagnies qui sont capables de donner de l'expertise et
d'accélérer la création d'emplois.
Cela nous amène aussi à vouloir connaître les
montants. On a déjà demandé au ministre, quels sont les
montants disponibles, quel est le plan d investissement pour l'industrie de
transformation. Le ministre nous a répondu qu'un des moyens de s'assurer
que l'industrie de transformation sera implantée au Québec sera
de prendre, par exemple, les taxes payables par Asbestos
Corporation et, au lieu de les payer au fédéral, utiliser
ces montants pour des fins de transformation.
Je pourrais demander au ministre, si le ministre veut bien, pour un
instant, m'accorder un peu d'attention. Le ministre me permettrait-il une
question?
M. Bérubé: Oui.
M. Ciaccia: On a parlé d'un moyen de financer l'industrie
de transformation en prenant, par exemple, les taxes payables par Asbestos
Corporation. Ce n'était pas le seul, mais c'était un moyen. On
utiliserait ces montants pour les investir dans l'industrie de la
transformation. Dans le bilan d'As-bestos Corporation, les taxes pour 1977,
sont approximativement de $20 millions.
M. Bérubé: Une vingtaine de millions.
M. Ciaccia: Une vingtaine de millions. Est-ce I'intention du
ministre de prendre ces $20 millions et de les utiliser pour l'industrie de la
transformation?
M. Bérubé: Non, M. le Président, pour
répondre à la question du député de Mont-Royal.
Excusez, je vais abandonner mon journal. C'était passionnant,
d'ailleurs.
M. Ciaccia: Tous les journaux le sont et spécialement le
lundi.
M. Bérubé: Pour répondre à la
question du député de Mont-Royal, non, M. le Président, de
fait il n'est pas nécessaire d'émettre une directive à la
Société nationale de l'amiante d'utiliser les taxes de l'Asbestos
Corporation à des fins de transformation. Il suffit d'émettre des
directives à la Société nationale de l'amiante de
s'impliquer dans la transformation et celle-ci aura à décider du
moyen le plus approprié pour atteindre ces fins.
En d'autres termes, la Société nationale de I'amiante,
n'ayant pas d'impôt à payer, va bénéficier d'une
marge de profit double de celle que connaît la société
Asbestos présentement. En d'autres termes, les profits avant et
après impôt seraient cette année de $40 millions au lieu de
$20 millions. Dans ces conditions, la Société nationale de
I'amiante, qui se verrait inculquée dans une industrie de
transformation, pourrait décider exactement comme le font,
d'ailleurs, les autres sociétés concurrentes de consentir
à ses filiales de transformation des prix de transfert
inférieurs. De combien inférieurs? Cela est très relatif
puisqu'il y a des cas où il n'est pas du tout nécessaire
d'abaisser les prix. A titre d'exemple, dans I'endos à linoléum,
étant donné que le coût du transport est relativement le
même pour la fibre que pour le feutre d'amiante comme tel, à ce
moment-là, il n'y a pas vraiment d'avantages pour le fabricant
étranger puisqu'il se retrouve avec des coûts de production assez
semblables. Egalement, en ce qui a trait aux tarifs d'entrée,
d'importation aux
Etats-Unis, comme les tarifs, dans le cas de I'endos à
linoléum, sont négligeables, par conséquent, la
Société nationale de l'amiante n'aurait pas à abaisser le
prix de la fibre à sa filiale pour tenter de rendre celle-ci
concurrentielle puisqu'elle serait concurrentielle en soi.
Donc, selon les produits et le type d'industrie dans laquelle la
Société nationale de I'amiante s'impliquera, elle pourrait avoir
à consentir des rabais à ses filiales, mais il va de soi que ces
rabais varient et dépendent énormément du type de
produit.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous dites qu'au lieu de
disposer de $20 millions, la société disposerait de $40 millions
parce qu'elle serait une société d'Etat.
M. Bérubé: De fait, c'est ce qui se produirait.
M. Ciaccia: C'est ce qui se produirait. Y a-t-il des montants en
taxes que cette société doit payer à des autorités
gouvernementales autres que celles d'Ottawa et de Québec?
M. Bérubé: Oui. Les taxes municipales qui sont d'un
autre type; c'est inclus dans les dépenses de la société;
elles n'apparaissent pas véritablement dans les impôts. Lorsque
vous avez parlé des impôts de $20 millions, les trois formes de
taxation directe sont: l'impôt fédéral, I' impôt
provincial et les droits miniers.
M. Ciaccia: Le ministre serait-il surpris parce qu il y
aurait peut-être une différence dans votre façon
d'acquérir cette compagnie, l'industrie de la transformation... Au lieu
d'avoir $20 millions, elle aura $40 millions...
M. Bérubé: Pertinence du débat, M. le
Président.
M. Ciaccia: Oui, cela fait partie de l'amendement. Il y aurait
une somme disponible de $40 millions. Mais si, dans l'état financier de
I'Asbestos Corporation, dans les $20 millions de taxes payables, il y avait
approximativement $8 500 000 de ces taxes payables en Allemagne par une des
filiales de I'Asbestos Corporation... S'il y avait environ $3 400 000 de taxes
différées differed taxes" nous en venons à
un montant de $11 900 000, s'il n'y a que $3 800 000 qui sont payables à
Ottawa, cela veut dire que les chiffres que vous venez de nous donner ne sont
pas tout à fait exacts. Il y a une grosse différence. (17 h
15)
M. Bérubé: J'ai extrait les montants que vous venez
de me donner directement du rapport financier. Je n'ai pas fait le
décompte comme tel.
M. Ciaccia: Non, les chiffres que vous avez toujours
mentionnés étaient vraiment ces $20 millions additionnels. $20
millions de profits et $20 millions de taxes. Vous avez laissé entendre
qu'une fois le gouvernement devenu propriétaire de la
société, ce ne serait pas $20 millions de profits dont
disposerait la société pour investir et pour aller dans
l'industrie de transformation, mais S40 millions.
M. Bérubé: Effectivement, nous avons pu...
M. Ciaccia: Effectivement, d'après les chiffres, àa
moins que les chiffres qu'on m'a donnés ne soient pas exacts, je crois
que ce ne serait pas $40 millions dont vous auriez à disposer, ce serait
plutôt $20 millions plus 3.8% au fédéral, plus les 4% que
vous avez déjà. Vous auriez $3.8 millions de plus, vous n'auriez
pas $20 millions de plus, parce que 8.5% sont payés par des filiales en
Allemagne. Ce n'est pas de l'argent, vous seriez obligés de les payer
quand même. Même si c'est le gouvernement du Québec qui va
acquérir les actions de Asbestos Corporation, la filiale qui fait
affaires en Allemagne ne sera pas exempte de taxes. Si vous regardez les
détails... C'est pour cela qu'on voulait avoir des chiffres et que vous
nous fournissiez ces montants. Vous ne l'avez pas fait.
M. Bérubé: Je regrette infiniment, mais les
impôts payés par la société...
M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Vous ne nous avez jamais dit qu'il
y avait $8,5 millions d'impôts payables à l'Allemagne. Sur les $20
millions, vous n'avez jamais porté à l'attention du public ou a
I'attention de la commission...
M. Bérubé: Les renseignements. M. le
Président...
M. Ciaccia: ... qu'il y avait $3.4 millions en impôts
différés.
Cela veut dire que vraiment, le profit, avec ce que vous jouez pour la
société Asbestos, est de $3.8 millions. Il y a une grosse
différence entre $3.8 millions à investir dans l'industrie de la
transformation par année et $20 millions. Cela ne donne pas tout
à fait le même portrait!
M. Bérubé: M. le Président, concernant ce
point particulier, de fait les montants payés par la
Société nationale de l'amiante au gouvernement du Québec
n'ont jamais fait l'objet de declarations de ma part pour une raison
très simple: ce sont des renseignements confidentiels qu'il ne m
appartient pas de dévoiler. Tout ce que je peux utiliser comme chiffres
en public ce sont les chiffres publiés. Par conséquent, vous avez
dans le rapport de 1976 je n'ai pas celui de 1977 sous la main
les impôts...
M. Ciaccia: Ce n'est pas confidentiel, les 8.5% payables à
I'Allemagne par une filiale subsidiaire. Ce n est pas confidentiel! Vous nous
avez toujours donné le chiffre de $20 millions.
M. Bérubé: Le chiffre que j'ai cité
était tout simplement le chiffre de 1976 et le chiffre de 1977 donnait
sensiblement près de $20 millions, tel que publié dans les
états consolidés.
M. Ciaccia: Dans les états consolidés...
M. Bérubé: Une chose non, je ne pourrais pas
faire cette déclaration on peut cependant remettre en cause la
façon, pour la société, de répartir ses profits
entre ses filiales et sa société mère. C'est elle qui fixe
le prix de vente de son concentré à l'Allemagne.
M. Forget: Je ferai observer au ministre que, avant de convaincre
les autorités fiscales de I'Allemagne de l'Ouest que le prix de
transfert sur lequel elles basent leur perception d'impôt est
erroné, il y a peut-être des tâches de persuasion pour
lesquelles le ministre ou ses fonctionnaires ne sont pas tout à fait
à la hauteur.
M. Ciaccia: Qui sont hors du contrôle du ministre.
M. Bérubé: Je n'entrerai pas dans le détail
de la déconsolidation des impôts payés par la
Société Asbestos dans la mesure où il s'agit là de
renseignements purement confidentiels. Je n'ai pas le droit de les
révéler au public.
M. Forget: Mais il reste que ce n'est pas $20 millions.
M. Ciaccia: Ce n'est pas $20 millions.
M. Bérubé: Vous pourrez supposer que sur ces $20
millions, il y en a une certaine partie... Vous pouvez toujours calculer, si
vous voulez essayer de préciser, que vous avez la moitié du "cash
flow qui est générée par l'exploitation de Asbestos Hill
et vous pouvez également supposer que I'exploitation de Asbestos Hill
est essentiellement subdivisée en deux parties, soit une
préconcentration dans le nord du Québec et une concentration
finale en Allemagne. Par conséquent, vous devrez faire la
répartition des profits entre ces deux exploitations en assignant un
certain profit à chaque niveau et à ce moment-là vous
aurez le chiffre exact. Comme vous voyez...
M. Ciaccia: Même en faisant cet exercice, c'est faux de
dire qu'il y a $20 millions. Même en faisant cet exercice, et même
en ne donnant pas les chiffres exacts, même si vous parlez d'une question
de confidentialité, c'est-à-dire que vous ne voulez pas donner le
chiffre d'impôt payable à Quebec, c'est erroné de dire
qu'il y a $20 millions de disponibles. Il y a loin de cela.
M. Bérubé: Pardon. Si vous reprenez mon texte, vous
verrez que j'ai indiqué que, si par exemple nous prenons les $20
millions et que nous les reportons en réduction, voici quelle serait la
réduction dans les prix. Je me suis servi de cela comme exemple pour
vous permettre de voir l'ordre de grandeur et de voir comment on pourrait
utiliser cet atout. En aucun moment je n'ai pris des chiffres réels que
j'avais à ma disposition. J'ai pris les chiffres tels que publiés
dans les états consolidés qui sont disponibles au public. Par
conséquent, je ne peux pas être accusé de dévoiler
le moindre chiffre.
M. Forget: M. le Président, il reste qu'il y a une ligne
de démarcation extrêmement étroite. Le ministre est dans un
corridor extrêmement étroit quand, au cours d'un débat pour
démontrer l'importance de l'acquisition d'une société, il
se livre à des exercices numériques et laisse croire qu'il serait
possible de diminuer le coût de revient de la fibre d'amiante au
Québec d'une proportion de 43% ou 47%, tel qu'il l'a affirmé, en
se basant sur l'existence de $20 millions qui n'existent pas. Il y a une ligne
bien étroite à tracer entre une affirmation de ce genre et une
affirmation qui a tout simplement pour but d'induire l'Assemblée
nationale en erreur et la population du Québec également, parce
que c'est faire miroiter un potentiel de lutte économique sur le
marché de la guerre des prix qui pourrait être gagnée,
selon l'expression du ministre, par la Société nationale de
I'amiante, à l'aide de ressources financières qui ne sont pas
là et qui n'y seront pas. Je ne voudrais pas accuser le ministre d'avoir
induit l'Assemblée nationale en erreur avec des propos
délibérés, mais je pense bien que n'importe qui peut
admettre que I'utilisation répétée d'un exemple
numérique, soi-disant tiré des chiffres mêmes de la
compagnie, laisse beaucoup à désirer sur le plan de la candeur,
de l'honnêteté intellectuelle, parce que ce sont des chiffres qui
demeurent comme une illustration de ce qu'il sera possible de faire. Or, c'est
tout à fait faux. Ce ne sera pas du tout possible de faire cela.
M. Bérubé: Cela pourrait être plus de $20
millions. Je peux vous dire cela.
M. Forget: Cela ne pourra pas être plus de $20 millions
parce que le ministre n'est pas capable de nous démontrer que le
gouvernement de l'Allemagne de l'Ouest va moins imposer la
société Asbestos une fois qu'elle aura changé de
propriétaire. Peu importe la façon qu'il choisit pour calculer la
distribution des profits, il reste que le gouvernement, les autorités
fiscales de l'Allemagne de I'Ouest sont entièrement libres de
déterminer un prix de transfert, tout comme le Québec l'est, d
ailleurs, à l'égard des profits soi-disant
transférés à I'étranger. Les autorités
fiscales de tous les pays sont capables de dire: Même si vous vendez ou
prétendez vendre l'amiante concentré ou pas concentré, la
fibre concentrée ou pas, à tel prix, nous décidons que
c'est tel autre prix et on va calculer à nouveau vos
bénéfices comme si vous l'aviez vendu plus cher ou moins cher,
selon le cas, de manière à imposer les profits de la façon
qu'on choisit. Ce n'est certainement pas un chan-
gement de propriétaire qui va être un élément
de persuasion vis-a-vis des autorités fiscales d'un pays
étranger.
M. Bérubé: Une chose est sûre, c'est que,
pour les années inférieures à 1974, pour lesquelles
j'avais des chiffres, sous les yeux, c'est de beaucoup supérieur
à $3,9 millions.
M. Forget: Qu'est-ce que vous voulez dire par les années
inférieures?
M. Bérubé: Les années antérieures
à 1974. M. Forget: Antérieures. C'est de beaucoup?
M. Bérubé: Beaucoup supérieur à $3,9
millions, contrairement à l'affirmation du député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je parle de l'année 1977.
M. Forget: Les années inférieures, il n'y avait pas
d'impôt payé à certains moments. M. le Président,
toute cette conversation illustre très bien que si le ministre quittait,
pour un instant, sa détermination de procéder en secret, dans le
cas où des fonds publics sont engagés, on n'aurait pas cette
atmosphère de cachette, de demi-vérité ou même de
fausseté qui sont utilisés comme des arguments ex cathedra par le
ministre, en commission parlementaire, et ailleurs quand il fait ses
soi-disantes tournées.
M. Bérubé: M. le Président, de toute
évidence, l'argumentation de l'Opposition ne tient pas. parce que la
moitié du "cash flow" est générée par les
opérations de Nordenham et d'Asbestos Steel. Par conséquent, au
moins la moitié des $20 millions des impôts devrait être
perçue par le gouvernement du Québec, premièrement,
à tout le moins. Deuxièmement, au point de vue valeur, parce que
la...
M. Ciaccia: Non, parce qu'une des raisons que pour lesquelles
c'est $8,5 millions en Allemagne, c'est dû à la valeur du deutsch
mark. Alors, même si le montant de l'activité peut être la
moitié ici, les montants que vous payez ailleurs peuvent être
influencés par la valeur sur les...
M. Bérubé: M. le Président, on m'a
demandé une explication. Je tente d'éclairer l'Opposition, sans
pour autant révéler des données fiscales. La moitié
des profits est générée par l'exploitation de la
société Thetford. L'autre moitié des profits est
générée en gros, par son exploitation de Nordenham.
Premièrement, soulignons que les droits miniers ne sont perçus
que sur l'exploitation minière, et non pas perçus par le
gouvernement allemand sur les opérations de transformation. Il faut
également, sur l'exploitation minière, prélever les droits
miniers qui s'ajoutent déjà à la moitié des profits
prévus sur la première partie.
Deuxièmement, quant aux profits générés sur
lesquels on perçoit impôts provincial et fédéral, il
faut subdiviser ces impôts en une partie payable à Québec
et à Ottawa, parce que la transformation se fait au Québec et
l'autre partie, parce que la transformation se fait en Allemagne. Je vous
laisse maître de juger quelle est la fraction qui, normalement, devrait
être défrayée en Allemagne.
M. Forget: Au lieu d'avoir recours à des devinettes, M. le
Président, est-ce que le ministre, sans rien dévoiler de ses
secrets d'Etat sur lesquels il se base pour dépenser un quart de
milliard, serait prêt à affirmer que les impôts payés
aux autorités de l'Allemagne de l'Ouest, par la société
Asbestos, sont inférieurs à $8 millions pour la dernière
année?
M. Bérubé: Non, je ne le sais pas.
M. Forget: Vous ne le savez pas ou vous n êtes pas
prêt à l'affirmer?
M. Bérubé: Non, je ne le sais pas.
M. Forget: Alors, tout ce raisonnement et toutes ces devinettes
de tantôt ne veulent rien dire: Est-ce qu'ils sont supérieurs,
alors, à $8 millions?
M. Bérubé: M. le Président, même si...
M. Forget: Vous ne voulez pas le dire? M. Bérubé:
En 1977...
M. Forget: Alors, épargnez-nous vos calculs sur le dos d
une enveloppe. Si vous ne savez pas ces chiffres-là, vous ne savez pas
grand-chose.
M. Grégoire: M. le Président, sur ce point, les
hommes d'affaires allemands qui s'occupent de I usine de Nordenham, ou la
succursale d'Asbestos Corporation; ces types-là savent fort bien qu'ici
au Canada ou au Québec, il y a deux impôts sur les profits des
compagnies à payer, ce qui est à peu près unique au monde.
On est probablement le seul peuple dans le monde entier à avoir à
payer des impôts à deux gouvernements, comme on le fait ici, sur
les profits des compagnies.
M. Forget: Le député de Frontenac devrait se
renseigner un peu.
M. Grégoire: Vous allez vous apercevoir que même
dans la majorité des autres provinces, ce double impôt n'existe
pas. Comme les impôts sont plus élevés à cause du
double paiement d'impôt à cause du système
confédéral dans lequel nous vivons, la compagnie vend à un
prix moindre le minerai transporté en Allemagne et se réserve le
droit de faire des profits sur les transactions de Nordenham, parce que les
impôts payés à cet endroit sont moins élevés
qu'ici.
Or, I'Asbestos Corporation devenant une so-
ciété qui peut s'exempter de ses impôts payés
ici au Québec verra à faire ses prix de transferts, à les
déterminer d'une autre façon, de telle sorte que les impôts
se paieront au Québec plutôt, les profits resteront au
Québec plutôt que d'aller en Allemagne. C'est aussi simple que
ça.
M. Forget: Voilà pourquoi votre fille est muette.
M. Ciaccia: Ça n explique pas pourquoi... M.
Grégoire: Cela explique.
M. Ciaccia : Non, ce n'est pas cette démagogie qui va
expliquer.
M. Bérubé : Egalement, je tiendrais à
souligner à cette commission que ce n'est pas moi qui, en aucune
façon, ai signalé les moindres impôts payés par ces
sociétés. Et je ne voudrais pas, dans les comptes rendus qui
pourraient être publiés dans les journaux, qu'apparaissent
éventuellement des chiffres d'impôts payés par la
société, qui auraient été cités par le
ministre. Je suis tenu au secret, par suite de la fonction que j'occupe,
d'autant plus que j'ai forcément accès à ces
informations.
Par conséquent, il va de soi qu'il n'est absolument pas loisible
au ministre de citer quelque chiffre que ce soit, autrement que de prendre des
chiffres qui sont publics et de les utiliser à titre d'exemple. Si
l'Opposition a, par le biais de contacts avec nos fonctionnaires, obtenu des
renseignements strictement confidentiels, évidemment, il va de soi qu'il
s'agit là d'une opération absolument illégale. Si,
cependant, grâce à ses entrées auprès de la
société Asbestos, elle a pu avoir le chiffre des impôts que
la société paiera en 1977, il est évidemment loisible
à la société Asbestos de fournir tous les renseignements
qu'elle estime devoir fournir à l'Opposition libérale.
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Forget: On dirait que le ministre...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre.
M. Forget: ... admet la véracité de nos
informations, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre. M. le député de Mont-Royal, votre temps est
terminé.
M. Ciaccia: Si vous me permettez, M. le Président,
avez-vous inclus dans mon temps la longue réponse du ministre? (17 h
30)
M. Grégoire: C'est le député de Mont-Royal
qui a posé des questions.
M. Ciaccia: Je voudrais seulement soulever un point, très
brièvement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que vous consentez?
M. Ciaccia: Sans dévoiler les secrets de votre
ministère, je ne pense pas que ce soit le but de notre question, je
pense que vous avez le devoir de ne pas nous laisser sous l'impression que vous
aviez $20 millions qui seraient disponibles comme impôts que la
société pourrait utiliser et que la société ne
paierait pas, parce qu'elle serait une société d'Etat. De ces $20
millions, il y en a beaucoup plus que la moitié qui seraient payables,
il y a un montant d'environ $8 millions payables en dehors du pays, il n'y a
que $3 800 000, d'après certains renseignements, qui sont payables
à Ottawa, alors votre marge de manoeuvre n'était pas de $20
millions, elle était plus près de $3 millions.
Je crois qu'on a été induit en erreur par la façon
dont vous avez agi.
M. Bérubé: Si je comprends bien, l'impôt,
cette année, est de combien, avez-vous dit?
M. Ciaccia: Pour un ministre qui s'occupe d'acheter une
société, il ne sait même pas combien elle paie en
impôts; je trouve cela un peu...
M. Bérubé: Les impôts que vous citez, ce sont
les impôts de 1976 ou de 1977?
M. Ciaccia: De 1977. Les mêmes $20 millions que vous nous
citez depuis deux mois.
M. Bérubé: Non, moi, j'ai pris mes chiffres
à partir de 1976.
M. Forget: Ce sont sensiblement les mêmes pour 1977, de
toute façon.
M. Bérubé: Les chiffres que j'avais tantôt
sous les yeux étaient de l'ordre de $20 millions en 1976. Quant à
la subdivision entre les différents niveaux de gouvernement, vous pouvez
faire le calcul qui vous convient. Dans ce cas-ci, vous prétendez que
c'est $8,5 millions qui vont à l'Allemagne fédérale; par
conséquent, suivant ces calculs, il en resterait exactement $11,5
millions qui reviendraient au gouvernement du Québec et qui pourraient
servir.
M. Ciaccia: Pas nécessairement, parce qu'il y a $3.4
millions en impôts différés, "deferred income". Ce
n'était pas payable cette année. A limpôt provincial, il en
revient approximativement $3,8 millions. Ce qu'on trouve pénible...
M. Grégoire: II y a deux impôts, deux ans de
suite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... c'est que vous avez toujours utilisé ces
$20 millions pour nous laisser entendre que la société aurait $20
millions, tandis qu'elle va
en avoir $3 millions. Cela fait une grande différence.
M. Bérubé: Les impôts différés,
de toute façon, ce sont des impôts payés l'année
précédente, cela revient au même.
M. Ciaccia: Mais pour l'année...
M. Forget: C'est une fiction comptable les impôts
différés, ce n'est jamais payé.
M. Grégoire: Cela fait combien d'années de suite
qu'il y en a pour $20 millions?
M. Bérubé: Je suis d'accord, mais le profit est
là.
M. Grégoire: Cela fait combien d'années de suite
qu'ils sont là?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion d'amendement du député de Saint-Laurent sera
adoptée?
M. Grégoire: Non, M. le Président.
M. Forget: Je demande le vote enregistré.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bérubé (Matane).
M. Bérubé: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond).
M. Brochu: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Forget (Saint-Laurent).
M. Forget: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grégoire (Frontenac).
M. Grégoire: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Gravel (Limoilou).
M. Gravel: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Rancourt (Saint-François).
M. Rancourt: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal).
M. Ciaccia: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'amendement est rejeté quatre voix contre trois.
Est-ce que le dernier alinéa de l'article 4 sera
adopté?
M. Forget: Non, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, nous avons proposé et
le gouvernement a adopté, peut-être par distraction, puisque c'est
le seul amendement qu'il a adopté, un paragraphe c) au premier
alinéa de I'article 4. Il semble, cependant, que de la même
façon qu'on prévoit les modalités d'application et les
autres dispositions, il serait souhaitable que la dernière partie de
l'article 4 prévoie des modalités d'application de ces
préoccupations de la société pour les activités de
recherche et de développement.
Nous voudrions donc présenter la motion d'amendement suivante:
"Que l'article 4 soit modifié en ajoutant, à la fin,
l'alinéa suivant: "Aux fins du paragraphe c) du premier alinéa,
la société peut octroyer des contrats de recherche et de
développement à des organismes reconnus de recherche, y compris
les universités. La société peut également, avec
d'autres sociétés ayant pour objet I'exploitation de gisements
d'amiante ou la fabrication de produits à base d'amiante, participer a
la création et au financement d'un institut de recherche sur l'amiante
ayant pour but les fins décrites au paragraphe c) du premier
alinéa. "
Comme le ministre, lors de la séance de vendredi,
annonçait une loi qui est censée, à l'automne, un jour,
mettre sur pied un institut de recherche sur l'amiante, il serait
approprié, pensons-nous, que l'article 4 qui décrit les objets
élimine toute espèce de confusion quant à la
possibilité pour la Société nationale de l'amiante de
participer à la mise sur pied et au financement d'un tel institut.
Puisqu'il s'agit d'un article statutaire qui doit être
interprété de façon restrictive et qu'on a inscrit dans le
projet de loi le paragraphe c). il serait bon de voir à ces
modalités d'application de manière que l'interprétation en
soit la plus aisée possible.
Je n'ai pas besoin de développer longuement
I'intérêt que présentent les activités de recherche
non seulement pour le développement de nouveaux usages ou de nouveaux
procédés, mais pour la stabilisation du marché actuel,
pour la stabilisation des débouchés existants pour la fibre
d'amiante et aussi, ce qui est peut-être encore plus important que toutes
les autres considérations, pour assurer que les utilisations actuelles
ne soient pas I'objet d'une érosion graduelle de la part de produits
concurrents à cause de craintes qui seraient injustifiées mais
qui sont, malgré tout, très réelles, très
présentes quant à la salubrité de ce matériau.
Des recherches sont nécessaires pour établir la
sécurité sur le plan de la salubrité des produits et
même des utilisations actuelles de l'amiante. C'est donc impératif
qu'un des premiers gestes que le gouvernement pose soit destiné à
établir un tel institut. Le gouvernement semble avoir
procédé de
cette façon beaucoup plus lentement que dans sa décision
de prendre le contrôle de la société Asbestos. Il est
difficile de s'expliquer de l'extérieur, en l'absence de justification
du côté gouvernemental, pourquoi les priorités
gouvernementales ont pris cette allure.
Il semblerait qu'avant de songer à du développement
industriel, il faille s'assurer d'une base solide de recherche. Le temps de
gestation d'un institut de recherche, avant qu'il ne soit efficace et qu'il ne
produise des résultats, est au moins aussi long que le temps de
gestation d'une industrie de transformation. Je ne vois pas en quoi le
gouvernement hésite, à moins que l'implantation du siège
social de l'institut ne constitue un problème pratiquement insoluble
entre Asbestos et Sherbrooke ou peut-être d'autres candidats. C'est
probablement le sujet qui a été le plus débattu, cette
question de savoir où sera implanté l'institut de l'amiante. On
savait bien qu'on ne pouvait pas déménager les mines, le seul
espoir était de s'approprier l'institut de recherche.
Il y a eu des distinctions savantes entre la recherche appliquée
et la recherche pure, comme s'il était question de recherche pure. Je
pense que c'est un peu se faire des illusions sur les mots que de croire que le
gouvernement va s'intéresser à la recherche pure sur l'amiante.
Je ne vois pas en quoi, d'ailleurs, cela pourrait consister. L'analyse
spectrale des fibres d'amiante peut présenter un certain
intérêt théorique, mais je pense bien que ce n'est pas tout
à fait le genre de préoccupation qui est le plus rentable pour
une entreprise de recherche, un institut de recherche qui a quand même
des impératifs très précis ou qui devrait les avoir, soit
les questions de salubrité c'est de la recherche appliquée
de nouveaux procédés de fabrication et de nouveaux
procédés d'extraction qui sont aussi de la recherche
appliquée. Je ne vois absolument pas de place pour la recherche pure,
encore que si on veut justifier une implantation quelconque on trouvera bien
les mots qu'il faut pour enrober cela à la satisfaction
générale des premiers intéressés.
De toute façon, M. le Président, je pense que, si le
gouvernement est sérieux dans son désir de créer un tel
institut, il devrait, dès l'adoption de ce projet de loi, prévoir
un pouvoir explicite de la Société de l'amiante et une
modalité d'exercice de ce pouvoir, c'est-à-dire l'octroi du
contrat de recherche et de développement. Mais la restriction est
importante pour des organismes reconnus dans le domaine de la recherche, y
compris les universités. Je crois qu'il va falloir éviter, sous
le couvert de la recherche, de financer à peu près n'importe quoi
qui a des allures d'être politiquement intéressant ou bien
appuyé par des amis du régime ou des gens qui sont des notables
locaux et qui veulent obtenir une partie du gâteau, des contrats
gouvernementaux. C'est toujours un très grand danger. Quand il est
question de recherche, un gouvernement a toujours deux difficultés. Il y
a d abord la difficulté de se décider à en faire ou
à I'appuyer et une fois qu'il a surmonté ce premier obstacle, il
a parfois la difficulté d'abandon- ner les projets chéris de
certains promoteurs qui sont beaucoup plus des entrepreneurs en recherche que
de véritables chercheurs. J'espère que le ministre est conscient
de ce danger. C'est un danger très réel.
D'autant plus, encore une fois, que les préoccupations qui ont
été exprimées tellement abondamment dans les journaux
dans la Tribune de Sherbrooke, entre autres, et certains journaux locaux
montrent que les véritables objectifs de la recherche sont
très loin de la préoccupation de la plupart des gens qui en
parlent. Il serait donc important, s'il y a des commandites quelconques,
qu'elles se fassent a l'endroit d'organismes qui ont une solide
réputation, qui peuvent assurer le sérieux de l'entreprise. Il n
y a rien de plus tragique que de voir les faibles ressources que nos
gouvernements réussissent à dégager pour les fins de
recherche, être englouties par des activités maison qui n'ont
aucune espèce de lendemain.
C'est le sens de cette référence à des organismes
reconnus dans le domaine de la recherche, y compris les universités. Il
faut se méfier énormément de ces instituts
créés de toutes pièces avec charte spéciale et qui,
encore une fois, tombent entre les mains de certains entrepreneurs de la
recherche qui vivent au crochet du gouvernement. Je pourrais citer comme
exemple, dans le secteur public québécois, de tels instituts qui
n'ont été que des espèces de parasites entretenus à
coup de millions de dollars qui, au fond, servaient de régime de
retraite à des gens qui, selon l'apho-risme anglo-saxon, ne pouvaient
faire rien d'autre et qu on a, par conséquent, pu satisfaire en leur
donnant le pompeux titre de chercheurs. Il y en a un certain nombre; je
mentionnerai pas des noms quoiqu'il y en a une foule qui se pressent à
ma mémoire. Mais ce serait fort peu délicat, bien sûr, de
se lancer sur ce terrain.
D autre part, il s'agit, pour la Société de l'amiante, de
participer à la mise sur pied d'un institut de recherche. Je crois que
cela peut être important de le préciser dans le projet de loi
puisque, procéder autrement, c'est présenter la
Société nationale de l'amiante devant un fait accompli. Le
ministre pourra faire état tantôt de ses intentions quant à
la création d'un institut de recherche. Un des dangers, s'il s'agit de
recherche appliquée, c'est de procéder en vase clos, trop loin
des utilisateurs éventuels des produits de la recherche. Or, le
ministre, pour des considérations qui sont les siennes, et ses
conseillers immédiats dans ce secteur-là pourraient trouver
intéressant ou avantageux d'amorcer l'implantation d'un institut de
recherche, comme une opération trop séparée de la mise sur
pied de la Société nationale de l'amiante. Pour toutes sortes de
raisons humaines, faire plaisir à un tel ou à un autre,
diversifier les responsabilités, répartir les tâches, on
risque de voir un divorce comme celui-là qui pourrait se justifier pour
des raisons étroitement d'organisation, on risque de semer les germes
d'un divorce beaucoup plus permanent. Il y a quelques années, lorsque le
Conseil canadien des sciences a fait une étude sur la rentabilité
de la recherche dans
I'industrie canadienne et dans I'économie canadienne en
général, I'observation principale à laquelle il en est
venu consistait à dire précisément qu'une grande partie de
la recherche, particulièrement la recherche patronnée ou
commanditée par les gouvernements, était absolument inutile, non
pas parce qu'elle était mauvaise nécessairement, non pas parce
qu'elle débouchait sur des conclusions négatives, mais parce
qu'elle était trop divorcée, en termes concrets, des utilisateurs
éventuels des résultats de la recherche, contrairement à
la pratique aux Etats-Unis ou au Japon, ou I'intégration de la
recherche, particulièrement la recherche appliquée c est
bien sûr de celle-là qu on parle est extrêmement plus
heureuse. Cela ne sert à rien d avoir de grands instituts
gouvernementaux qui découvrent des procédés de
fabrication, etc., et qui, à cause de l'absence assez normale, assez
habituelle de liens de communications interpersonnels et même
institutionnels entre les individus qui font la recherche et ceux qui
pourraient I'utiliser, doivent attendre le déroulement d'un circuit
beaucoup trop long d'informations officielles. Effectivement, le joint ne se
fait pas, la relation ne s'établit pas et les chercheurs s'en vont dans
des directions toujours de plus en plus ésotériques, alors que
les utilisateurs sont dépourvus de moyens pour résoudre des
problèmes concrets auxquels ils sont confrontés. (17 h 45)
Si le gouvernement se lance dans la recherche de façon divorcee
de l'exploitation d'une société nationale de transformation et
d'exploitation de I'amiante et si, dans l'organisation même de ces deux
efforts, il n'y a pas une liaison extrêmement étroite au point
même de confier comme mandat à la société de
l'amiante, dès sa formation, la tache d'agir comme agent du gouvernement
dans la mise sur pied de I'institut de recherche, on risque de voir se
perpétuer ce divorce, peut-être de façon
irrémédiable parce que beaucoup dépend, dans ce genre de
situations, des relations interpersonnelles qui sédifient ou ne
s'édifient pas justement. Il nous paraît que, pour cette raison,
il n est pas suffisant d inciter la Société nationale de
l'amiante à s intéresser à la recherche.
Il faudrait l'inciter à la faire directement par une
participation immédiate, au nom du gouvernement, dans la mise sur pied
de l'Institut de recherche sur I'amiante. Ce sont donc les deux motifs, M. le
Président, que nous avons, prenant acte du fait que le ministre a
accepté d'inclure cet objet parmi ceux couverts par larticle 4,
attribués à la Société nationale de I'amiante,
d'inscrire la recherche comme un des objets principaux I'inscription des
modalités d'application est extrêmement importante pour
éviter que ces fonds, ces efforts soient dispersés ou
orientés vers des organismes qui ne pourraient pas garantir la
qualité nécessaire à l'exercice de recherches en
établissant certaines restrictions et deuxièmement,
d'inviter la Société nationale de l'amiante à jouer un
rôle actif immédiat et direct, non pas seulement par son
actionnaire qu'est le gouverne- ment, mais directement s'impliquer dans la
création de l'lnstitut de recherche de manière que, dès le
départ, sur le plan des individus comme sur le plan des institutions, il
y ait une symbiose, une action des plus étroites, une concertation la
plus entière possible entre la recherche et son utilisateur principal
à venir.
Je pense, M. le Président, qu'il s'agit là de deux motifs
auxquels le ministre pourrait facilement souscrire puisqu'ils s'inscrivent dans
la foulée d'un principe qu'il a accepté et qui ne contredit pas
du tout, au contraire, mais qui ne fait que compléter lintention qu'il a
exprimée tout récemment de créer, par une loi
spéciale, l'Institut de recherche, parce que la loi, pour créer
cet institut, ne viendra que consacrer un fonds, un programme une programmation
qui devra déjà être élaborée. J'imagine qu'on
ne nous servira pas à l'automne un projet qui n'existe que sur papier,
mais que la loi viendra donner une existence légale à une
réalité qui sera déjà présente, une
équipe en voie de formation, une orientation de la recherche qui sera
déjà précisée.
J'espère qu'on ne nous arrivera pas, encore une fois, comme on
l'a fait pour ce projet, avec des voeux pour l'avenir, des invitations à
faire confiance au conseil d'administration au cours des dix prochaines
années, ce genre de raisonnement à rebours où au lieu de
faire des choses, on veut simplement poser des gestes sur papier. Il me semble
que ce n'est pas la façon de procéder, ce n'est pas une
façon sérieuse de procéder. Un exemple formidable est
donné par la Société de l'amiante elle-même qui va
être créée sur papier avant même que son principal
actif ne soit une chose acquise. Je ne suis même pas sûr que les
négociations aient commencé. La loi sera proclamée,
créant une Société de l'amiante, qui ne voudra strictement
rien dire jusqu'à une date ultérieure où peut-être
un autre projet de loi devra intervenir si le gouvernement a réussi
à prendre son courage à deux mains, quand il en sera rendu
là, pour exproprier la société General Dynamics comme il a
menacé de le faire. C est seulement là que ce que nous faisons
depuis un certain nombre de semaines prendra son sens. D'ici-là, c'est
une loi de plus dans nos cahiers, M. le Président, mais il n'y aura
strictement rien. Quand on arrivera à la recherche, le ministre n'aura
pas l'excuse de l'improvisation ou de la hâte, il y aura six mois
additionnels. J'imagine que c'est déjà tout prêt;
d'ailleurs, il y a déjà eu un grand nombre de discussions. On
sait déjà qui pourra être le directeur d'un institut de
recherche. L'individu le plus important dans un institut de recherche, c'est
celui qui va être le chef de I'équipe, qui va être
respecté comme administrateur, mais aussi comme leader scientifique.
Est-ce qu'on a cette personne-là? Est-ce qu'on envisage de pouvoir
recruter une personne qui soit suffisamment mûre, qui ait suffisamment de
maturité pour pouvoir former le noyau des chercheurs ou est-ce qu'on va
faire du recrutement à droite et à gauche en attendant pour la
fin de la nomination du directeur de la recherche, du directeur professionnel
de
l'institut de recherche? Si on fait cela, on peut déjà
faire la prédiction d'un échec monumental, parce qu'il est
important que l'équipe soit conduite par un chef de file. Est-ce qu'on a
quelqu'un en vue?
On parle de structures, encore là, est-ce qu'on parle du capital
humain qui essentiel à la mise sur pied d'un tel service? Je n'en sais
rien. Je n'ai pas trop d'espoir de ce côté, M. le
Président.
Pour ce qui est de la présidence de la direction
générale de la Société nationale de l'amiante, on
en est peut-être aux rumeurs ou aux conjectures. Ce n'est pas beaucoup,
mais c'est déjà quelque chose. On se dit: II y a peut-être
des possibilités que le gouvernement ait déjà des noms en
tête. Pour ce qui est de l'institut de recherche, on n'est même pas
rendu à la phase des conjectures et des rumeurs et pourtant c'est la
pierre d'achoppement ou la pierre de touche, si l'on veut. Avant d'être
la pierre d'achoppement, cela, on verra à l'expérience, mais
c'est la pierre de touche des entreprises comme celle-là.
Je vois avec plaisir que le ministre, dans tout cela, fait un cycle
complet. Il a commencé par la lecture des journaux, il est en train de
terminer cette commission parlementaire avec la lecture des journaux. C'est un
homme qui est vraiment "well-read" comme disent les Anglais. Il a des lectures
très larges, du moins du côté des journaux. J'ai
remarqué qu'il n'a aucune discrimination dans ses lectures, il consulte
avec un intérêt égal, le Devoir, le Journal de
Montréal. Cela réjouirait, devrais-je dire, tous les membres de
la galerie de la presse qui ont joyeusement absents en ce moment. Ce n'est pas
tellement ce que nous disons actuellement qui les ferait
réfléchir mais surtout les tergiversations de procédures
auxquelles nous avons assisté à la fin de la séance
précédente et au début de celle-ci. Quoi qu'il en soit, je
ne sais pas si le ministre a compris quelque chose, mais on serait fort
intéressé d'avoir sa réponse, s'il en a une.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond. M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, quelques mots.
Je commencerai par aborder la question par la fin en discutant un peu du
problème du capital humain. Effectivement, il ne fait aucun doute que du
fait qu'il y a eu peu de recherche sur lamiante au Québec dans les
années passées, le capital humain est restreint.
Par contre, vous n'êtes pas sans savoir que l'Université de
Sherbrooke a un programme intéressant et que plusieurs chercheurs
travaillent sur le problème de l'amiante. De même, le Centre de
recherche industrielle du Québec a déjà une petite
équipe travaillant sur l'amiante et faut-il souligner que, dans le
domaine du traitement mécanique de I'amiante, le Centre de recherche
minérale du Québec possède une des usines pilotes les
mieux outillées, ce qui nous permet d'entreprendre des travaux sur les
minerais d'à peu près n'importe quel pays.
Donc, il existe bien, au niveau du Québec, une petite
équipe. Ce qu'il faudrait cependant éviter et
là-dessus je serai d'accord avec mon collègue de Saint-Laurent
c'est qu'un centre de recherche prenne, au départ, une expansion
extrêmement rapide et que l'on draine, de cette façon, absolument
tout ce qu'il y a de valable dans le secteur de l'amiante au Québec et
qu'on fasse le vide. Ce serait une approche assez déplorable. Il nous
faudra donc tabler sur une certaine croissance lente de notre centre de
recherche de manière à ne pas épuiser le capital humain
disponible au Québec.
Il faut cependant souligner que nos universités ont produit bon
nombre de diplômés dans le domaine du génie civil,
chimique, mine et métallurgie qui ont de la difficulté à
se trouver de l'emploi parce qu'il n'existe que très peu de centres de
recherche au Québec. On me dit que plus de 80% de la recherche se font
en Ontario et de fait...
M. Ciaccia: Vous les avez renvoyés avec le bill 101.
M. Bérubé: M. le Président, je n'ai pas
interrompu le député de Mont-Royal, pourquoi celui-ci...
M. Ciaccia: Oui, tu lisais ton journal; c'est une autre forme
d'interruption, ça.
M. Bérubé: Je n'ai pas interrompu.
M. Ciaccia: Ah oui! quand tu n'écoutes pas, c'est une
forme d'interruption.
M. Bérubé: Donc, c'est un problème
réel et je pense qu'il devra être abordé avec prudence. Je
crois néanmoins que l'absence de centres de recherche au Québec
devrait nous permettre de faire appel à un capital humain,
peut-être plus jeune, moins expérimenté, mais qui pourra
être formé par certains de nos checheurs seniors.
Il sera sans doute important de veiller à ce que le
démarrage du centre se fasse de concert avec les activités en
cours à l'intérieur des universités ou à
l'intérieur du Centre de recherche minérale, de manière
à ce que, au départ, on puisse tabler sur l'expérience
acquise et que ces chercheurs n'aient pas nécessairement à
quitter leur environnement naturel pour se retrouver à
l'intérieur d'un centre de recherche, ce qui, à ce
moment-là, priverait l'université ou le Centre de recherche
industrielle de toute expertise dans le domaine. Egalement, on peut faire appel
à un certain nombre de chercheurs étrangers qui, eux, pourraient
peut-être compléter l'équipe.
Cependant, ayant peut-être tenté de donner quelques
explications au député de Saint-Laurent concernant le programme
du capital humain, qui est un problème qu'il avait raison de souligner,
je me dois de revenir à l'amendement qui est proposé ici...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, ce soir, s'il vous plaît. Afin de terminer ce qui concerne la
procédure puisque nous l'avions commencée, j'aimerais
compléter la décision que j'ai rendue tout à l'heure en
disant que rien n'empêche un ministre, en n'importe quel moment, de
déposer tous les articles nouveaux et les amendements qu'il veut
soumettre. Mais cela ne change en rien la décision rendue. Même si
ces amendements et articles nouveaux sont déposés en bloc, ils
sont appelés dans l'ordre au moment opportun, conformément
à la décision.
Merci. Les travaux sont ajournés à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
Reprise de la séance a 20 h 24
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
I'ordre, s'il vous plaît!
Y aurait-il consentement pour que le député de Taschereau.
M. Guay, remplace M. Ouellette (Beauce-Nord)?
M. Brochu: Pas de problème.
M. Ciaccia: A une condition: qu'il ne commence pas à me
rappeler que le gouvernement fédéral, par Radio-Canada, ne donne
pas le temps égal au gouvernement du Québec et que Mme
Sauvé est "une pas bonne". C'est une condition à mon
consentement: pas de référence à Radio-Canada.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C est
à une autre commission parlementaire.
Y a-t-il consentement? D'accord. M. le ministre.
M. Bérubé: Ah, oui, c'est vrai, j'avais la parole.
Une Voix: Parlons de Radio-Canada!
M. Bérubé: Je n'ai malheureusement pas les
amendements sous les yeux, mais l'amendement qui nous est
présenté ici vise à permettre à la
société de donner des subventions de recherche et de participer,
si j'ai bien lu le texte, à la formation d'un institut de recherche. De
toute façon, elle le peut. Par conséquent, indiquer dans une loi
qu'elle peut faire ceci ou cela, c'est un peu comme affirmer qu'elle pourrait
vendre de l'amiante, qu'elle pourrait vendre des produits manufacturés
d'amiante, qu'elle pourrait entreprendre différents projets de
transformation de l'amiante; de fait, c'est là le but de la
société.
Il ne fait aucun doute qu'en acceptant l'amendement de l'Opposition
libérale pour que la société s'engage dans la recherche et
le développement de nouveaux produits, on a accepté implicitement
c'était déjà inclus dans le projet de loi original,
au paragraphe b) le principe selon lequel la Société
nationale de l'amiante peut s'engager dans la recherche. Par conséquent,
je m'interroge sur l'utilité de l'amendement tel qu'il nous est
proposé.
A titre d'exemple, la société peut octroyer des contrats
de recherche et de développement à des organismes reconnus de
recherche. Ce n'est certainement pas inscrit dans la charte de SOQUEM et
pourtant SOQUEM le fait couramment. De la même façon, je pense,
toutes nos sociétés d'Etat, lorsqu'elles ont à faire appel
à de l'expertise extérieure, le font. On aurait dit "doit" que je
me serais sans doute opposé à l'amendement de toute façon,
mais cela aurait eu un certain sens puis-qu'en en faisant une obligation
à la société, on lui aurait imposé...
On aurait dit "doit" que je me serais sans doute opposé à
I'amendement de toute façon, mais cela aurait eu un certain sens
puisqu'en en faisant
une obligation à la société, on lui aurait
imposé un devoir que l'on n'impose peut-être pas à une
autre entreprise privée et, par conséquent, ceci aurait
supposé que la société devrait octroyer des contrats de
recherche et de développement à des organismes reconnus de
recherche.
D'ailleurs et là je m'amuserais un peu en pensant au
député de Frontenac qui, malheureusement a dû retourner
d'urgence dans son comté ce soir...
M. Ciaccia: ... pourquoi il a voté contre les motions
d'amendements qui ont trait à la santé; c'est pour cela qu'il est
retourné dans son comté.
M. Bérubé: Ce n'est pas vraiment la raison pour
laquelle il a voté contre...
M. Ciaccia: Contre l'environnement, contre la santé des
ouvriers.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre.
M, Bérubé: Non, parce que, en
général, on lui demande rarement de justifier pourquoi il a
voté contre. De toute façon, les amendements proposés sont
tellement insipides que ses électeurs comprennent instantanément
pourquoi il a voté contre. Alors, en général, il a
rarement à s'expliquer à ce sujet.
M. Brochu: Si je comprends bien, il aurait pu être ici ce
soir; il n'aurait pas eu besoin d'aller dans son comté.
M. Bérubé: Mais, à titre d'exemple, on peut
octroyer des contrats de recherche et de développement à des
organismes reconnus de recherche, y compris les universités, quand on
fait du CEGEP de Thetford Mines... J'imagine, j'entends presque le
député de Frontenac qui, dans des élans passionnés,
critiquerait l'Opposition d'avoir présenté un amendement si
incomplet puisque, évidemment, il va de soi que le CEGEP de Thetford
Mines ne peut pas être mis de côté dans l'effort de
développement de la recherche.
Par conséquent...
M. Forget: Est-ce que le ministre est sérieux? M.
Bérubé: Pas vraiment. M. Forget: Vous me rassurez.
M. Bérubé: Mais, essentiellement, je pense que
l'amendement qui nous est proposé ici n'est guère plus
sérieux parce qu'on dit tout simplement que la société
peut octroyer des contrats de recherche. La société peut
également signer des ententes pour l'exploitation de gisements
d'amiante, pour la fabrication de produits à base d'amiante. De toute
évidence, je pense que la Société nationale de l'amiante
peut, qu'on l'inscrive dans la loi ou qu'on ne l'inscrive pas; cela fait partie
des pouvoirs de toute société. Par conséquent, je ne vois
pas l'avantage à alourdir le projet de loi tel qu'il est
présenté et. de ce fait, je m'y opposerais puisqu'on n'en
retirerait absolument aucun avantage. D'autant plus qu'il faut peut-être
laisser à chaque gouvernement le soin de développer la
Société nationale de l'amiante comme elle l'entendra. Nous
donnons au gouvernement un pouvoir de directives. Le pouvoir de directives ne
veut pas dire que le Parti québécois, qui est au pouvoir
aujourd'hui, va donner, pour jamais...
M. Ciaccia: ... au pouvoir. M. Bérubé: ...
à jamais... M. Ciaccia: Non.
M. Bérubé: ... les directives à sa
société d'amiante. Je suppose que l'Union Nationale, un jour,
pourra peut-être accéder au pouvoir... On me dit le prochain
mandat. Alors, les libéraux pourront attendre un mandat de plus.
M. Forget: II ne durera certainement pas longtemps!
M. Bérubé: Ceci pour dire que chaque gouvernement
voudra sans doute, s'il a une volonté politique, et là je pense
que pour les libéraux, elle est inexistante, mais je suppose que, dans
le cas de l'Union Nationale, si l'Union Nationale est véritablement
animée d'une volonté politique, on peut s'attendre que des
directives à la Société nationale de l'amiante soient
émises. Par conséquent on pourrait demander à la
Société nationale de l'amiante de financer les projets de
recherche dans les universités, dans les instituts de recherche
existants, et même, comme l'avait d'ailleurs proposé dans une
motion précédente le député de Saint-Laurent, la
société pourrait s'adjoindre d'autres entreprises, d'autres
sociétés privées pour faire du développement dans
la transformation, dans la fabrication. Par conséquent, il ne fait aucun
doute que de toute façon la loi telle que rédigée permet
à la Société nationale de l'amiante d'entreprendre tous
les projets qui sont ici indiqués. Je ne vois absolument aucun avantage
à vouloir expliciter quelque chose qui de toute évidence est
déjà inscrit dans la loi. Par conséquent, je pense qu'il
est plus simple de garder la loi dans son état original,
c'est-à-dire sans la compliquer inutilement et de voter contre la
motion.
M. Forget: M. le Président, est-ce que M. le ministre me
permettrait de lui poser des questions?
M. Bérubé: Toutes les questions que vous voudrez,
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Le ministre a indiqué qu'au fond, il n'a pas
besoin de cela. La société peut faire tout ce que cet amendement
suggère de faire. A plus
forte raison, comme l'amendement suggère des initiatives visant
à la mise sur pied, la création et le financement d'un institut
de recherche sur l'amiante, à plus forte raison, s'il est superflu
d'apporter un amendement de quelques lignes, il est superflu d'entreprendre une
législation spéciale pour créer le même institut,
puisque la société a déjà tous les pouvoirs pour le
faire, sans amendement, elle a encore moins besoin d'une loi
particulière pour le faire.
M. Bérubé: Je me fais un plaisir de
répondre. D'une part, posons l'hypothèse que la
Société nationale de l'amiante, parce qu'elle maintient de bonnes
relations avec le chercheur X, dans tel laboratoire ou tel institut ou telle
université, finance de façon exagérée des projets
de recherche qui n'ont peut-être pas de véritable valeur
scientifique. Le gouvernement au pouvoir pourrait certainement émettre
une directive selon laquelle la Société nationale de l'amiante
devrait se garder de telles pratiques. Cependant, si nous avions un
alinéa, un article à l'effet qu'elle peut octroyer des contrats
de recherche, évidemment, on pourrait toujours prétendre que le
pouvoir de directives peut emporter l'alinéa qui est là, mais de
fait, elle pourrait toujours invoquer cet alinéa, cet amendement tel que
proposé pour justifier sa décision.
A mon point de vue, vouloir expliciter continuellement des pouvoirs de
la société, c'est en même temps les restreindre parce que
l'on donne des pouvoirs extrêmement larges à une
société. Dès que l'on se met à préciser,
à ce moment-là, il est possible que le législateur, dans
l'avenir, finisse par conclure que si le législateur a
précisé, c'est que dans le fond il voulait privilégier
certains pouvoirs au détriment d'autres, et à ce
moment-là, modifier substantiellement le mandat de la
société ce qui, j'en suis sûr, n'est pas ce que le
député de Saint-Laurent a à l'esprit.
Quant à l'institut je pense qu'il y a une distinction qui est
importante. D'abord, il serait possible de constituer un institut de recherche
sur l'amiante, un centre de recherche sur l'amiante, un laboratoire de
recherche sur l'amiante qui ne ferait pas appel à l'industrie, donc, qui
serait un institut gouvernemental. Il recevrait des commandites de l'industrie,
comme le Centre de recherche industrielle du Québec, mais, comme tel,
serait indépendant de l'industrie. Cela pourrait être une
approche.
Une deuxième aproche pourrait consister à rattacher
l'Institut de recherche à la Société nationale de
l'amiante. Ce serait, en fait, un centre de recherche appliquée de type
industriel, comme on connaît dans le cas de la société
Noranda, de la société Alcan, et de plusieurs autres
sociétés québécoises, Fer et titane du
Québec. Cependant, l'objectif du gouvernement est d'associer l'ensemble
de l'industrie minière au développement de la transformation au
Québec, donc au développement de la recherche aussi. Par
conséquent, nous estimons que les sociétés doivent
être un peu sur un pied d'égalité, elles doivent participer
de façon un peu paritaire à l'élaboration de ce centre et
cela doit donc faire l'objet, sans doute, dune entente de développement.
Pour cette raison, la Société nationale de l'amiante ne serait
qu'un participant à cet Institut de recherche sur lamian-te et je pense
qu'il est important de souligner que, tel que rédigé,
l'amendement ne nuit pas, puis-qu on dit tout simplement que la
société peut également participer à la
création et au financement d un institut de recherche.
De toute façon, nous avons l'intention de faire en sorte que la
Société nationale de I'amiante participe à la
création et au financement de cet Institut de recherche, mais nous ne
voyons pas vraiment d'avantages à faire en sorte qu'il y ait un
amendement comme tel qui puisse éventuellement être
interprété comme étant des restrictions ou des pouvoirs du
mandat de la société. Au contraire, comme les paragraphes a et b
incluent cela et que dans notre esprit la société, pour autant
que le gouvernement actuel est concerné, devrait s'engager dans de
telles activités, nous croyons que le pouvoir de directive est
suffisant. Cependant, nous sommes absolument d'accord pour que, peut-être
dans 25 ans, quand les libéraux reprendront le pouvoir, ceux-ci puissent
évidemment modifier...
M. Guay: Sitôt que cela?
M. Bérubé: Dans 50 ans, excusez-moi. Oui,
j'abrégeais la longue carrière du député de
Taschereau. Dans ces conditions, je pense qu'il est impossible qu'un
gouvernement entende modifier le mandat de la société. Je ne vois
pas véritablement d'avantages à essayer de restreindre le mandat
de la société plutôt que de le garder suffisamment
ouvert.
Présentement, dans l'alinéa b, il n'y a absolument rien
qui empêche la société et particulièrement
amendé, comme l'a proposé l'Opposition libérale, ce qui
est parfaitement défendable tel qu amendé, en incluant la
recherche et le développement, puisque quelqu'un pourrait dire que la
recherche et le développement ne sont pas des activités de nature
industrielle, ce qui peut être défendable... Je ne vois vraiment
pas pourquoi I'Opposition libérale cherche à nous faire voter
cela.
M. Forget: M. le Président, je m'excuse auprès du
ministre, j'ai sûrement mal formulé ma question. Très
brièvement, je reviens à la charge. Le ministre prétend
qu'il n'a pas besoin d'un amendement de quatre lignes, parce que
déjà la loi, dans sa formulation actuelle, permet à la
société de lamiante de participer à la formation et au
financement d'un institut de recherche. S il n'a pas besoin de huit ou neuf
lignes pour faire cela, pourquoi envisage-t-il une loi spéciale pour la
création d'un institut qui pourrait déjà être
formé à I'aide des lois existantes?
M. Bérubé: Là-dessus, le
député de Saint-Laurent pourrait avoir raison, en ce sens que
nous sommes présentement en discussion avec l'indus-
trie de l'amiante concernant la création de ce centre. J'ai
présentement, ou du moins je l'avais cet après-midi, l'esquisse
d'un projet de loi créant cet institut de l'amiante, mais je
reconnaîtrai cependant que, au départ, il nous est apparu possible
de créer l'institut de recherche sur l'amiante sans faire appel à
une loi spéciale. Cependant, les problèmes de salubrité et
de santé sont tels qu'il faut donner un mandat à cet institut qui
soit distinct du mandat de simple recherche et développement
technologique, ce qui, à ce moment-là, implique que la loi
définirait la volonté gouvernementale dans ce secteur. Je ne peux
pas dire que présentement le lit du gouvernement est fait quant à
la nature, même légale, de ce futur institut de l'amiante, mais il
est très possible que les lois actuelles du Québec nous
permettent d'atteindre nos fins.
Il semble que présentement, le groupe de travail qui se penche
sur cette question de la création d'un centre de recherche sur l'amiante
opine vers la présentation d'un projet de loi distinct. Il s'agit
là de l'opinion d'un groupe de travail et ça pourrait être
remis en question. Il me fera sûrement plaisir d'écouter
l'exposé du député de Saint-Laurent sur la
nécessité ou non de présenter un projet de loi distinct
pour créer cet institut de l'amiante. Connaissant son très grand
et très vif intérêt pour la recherche dans le
développement de la technologie concernant l'amiante et le
développement de nouveaux produits, je suis convaincu qu'il doit avoir
plusieurs idées tout à fait arrêtées sur la
question. Il nous fera plaisir d'en prendre connaissance.
M. Forget: M. le Président, je ne veux pas parler
longuement là-dessus, mais comme le ministre m'a invité...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne
vous reste plus de temps, de toute façon.
M. Forget: Comme le ministre m'a invité...
M. Ciaccia: C'est une invitation du ministre, c'est un
consentement implicite.
M. Forget: ... à faire des commentaires, je pense que dans
les remarques qu'il vient de faire, il a donné lui-même la
réponse à la question rhétorique qu'il posait au
début: Pourquoi propo-se-t-on un tel amendement? Il devient
évident, d'après sa réponse, que l'institut qu'il envisage
de créer à l'automne par une loi spéciale se consacrera au
problème de salubrité, parce qu'il a parlé de la
nécessité d'une indépendance vis-à-vis des
producteurs. Sans me prononcer sur la valeur de ce principe
d'indépendance de l'institut de recherche quant à question de
salubrité, ce qui est plausible, au moins comme hypothèse, il
reste que si on part sur ce pied pour la création d'un institut de
recherche, c'est-à-dire lui donner pour objet les questions de
salubrité, il devient d'autant plus important de préciser que la
recherche de type industriel, technologique et le développement de
nouveaux produits, nouveaux procédés de fabrication, soient faits
en liaison étroite avec la Société de l'amiante
plutôt qu avec ce futur institut.
Parce qu'il y a un très grand risque que la recherche qui est
faite de façon trop isolée des utilisateurs, comme c'est
très souvent le cas, dans les instituts gouvernementaux, soit
stérile, étant donné les difficultés pratiques de
communication. Cela explique le sens de cet amendement. Les explications du
ministre je terminerai là-dessus constituent la meilleure
justification possible de cet amendement et en illustrent très bien la
nécessité.
Si on veut que la recherche de caractère industriel,
technologique soit fructueuse pour le Québec, il est important qu'elle
se fasse en relation extrêmement étroite avec ses
utilisateurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Non, merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre? Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera
adoptée?
M. Bérubé: Non, M. le Président.
M. Forget: Appel nominal, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bérubé (Matane)?
M. Bérubé: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bordeleau (Abitibi-Est). M. Brochu (Richmond).
M. Brochu: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Forget (Saint-Laurent).
M. Forget: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay
(Taschereau).
M. Guay: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Rancourt (Saint-François).
M. Rancourt: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal).
M. Ciaccia: En faveur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Vaillancourt (Jonquière).
Contre, pour les mêmes raisons déjà invoquées
lors d'un vote antérieur.
M. Bérubé: Le statu quo constitutionnel, cela doit
vous faire plaisir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Statu
quo au niveau du texte de la loi.
Est-ce que le dernier alinéa de l'article 4 est
adopté?
M. Forget: Adopté, M. le Président.
M. Bérubé: M. le Président, j'ai mal
compris.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
dernier alinéa de l'article 4 est adopté.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 4 est adopté? Article 4, adopté.
M. Bérubé: M. le Président, j'ai
l'impression que l'Opposition libérale avait oublié un dernier
amendement.
Conseil d'administration
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous piait, à l'ordre! J'appelle l'article 5. Est-ce que l'article 5
sera adopté?
M. Forget: Absolument, il y en a quelques-uns qu'on a omis,
étant donné votre peu de réceptivité. Il y en a
effectivement quatre ou cinq qu'on a passés.
M. Ciaccia: ... à la Grégoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'article 5 est adopté?
M. Guay: Adopté.
M. Forget: Non, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Guay: C'est un "filibuster", ma foi.
M. Forget: Cet article est le premier de la section II du projet
de loi qui traite de la structure administrative de la future
Société nationale de I'amiante. On y dit que les affaires de la
société sont administrées par un conseil d'administration
d'au moins sept et d'au plus onze membres.
Le deuxième paragraphe se lit comme suit: "Ces membres sont les
administrateurs de la Société au sens de la Loi des compagnies,
mais la qualité d'actionnaire n'est pas requise."
Dans les autres lois analogues de sociétés d'Etat, les
membres des conseils d'administration, dont le président, sont
nommés par le gouvernement. C'est la procédure normale puisque,
contrairement aux lois formées en vertu de la Loi des compagnies
où il y a, évidemment, une procédure de nomination des
officiers ou des administrateurs de la compagnie par une élection
à l'assemblée des actionnaires, la raison d'être d'une loi
spéciale créant une société d'Etat c'est
évidemment le caractère fort spécial de ces
sociétés qui n'ont qu'un actionnaire, ce qui rend la
procédure élective superflue et qui, de toute façon, est
purement factice puisque tout le monde sait très bien que l'actionnaire,
celui qui a le pouvoir de faire ces nominations, ces élections, si on
insiste absolument pour utiliser les mêmes termes, c'est le gouvernement.
Pourquoi ne pas y aller directement et dire simplement que ces administrateurs
doivent être nommés par le gouvernement? Pourquoi procéder
de cette façon? Je n'en sais rien. Pourquoi aussi laisser vague la
question du nombre des administrateurs? Il me semble que toutes les
sociétés d'Etat, dont je puis me souvenir d'avoir lu les statuts,
mentionnent un nombre défini, un nombre fixe d'administrateurs et non
pas un nombre variable. (20 h 45)
II y a déjà dans le projet de loi, à l'article 18
que nous avons adopté par le détour de procédure qu'on
connaît, une procédure officielle de directive. Cette
procédure, je la connais bien; elle m est familière parce que
j'ai eu le privilège, à une autre époque, d'être
celui qui a, pour la première fois dans les lois du Québec,
introduit cette disposition. Il s'agissait d'une révision de la Loi de
la Régie de l'assurance-maladie, en 1974, et c'est mot pour mot celle
qu'on retrouve à chaque révision ou à chaque
création d'une nouvelle société d'Etat y compris
celle-ci.
Ce pouvoir de directive constitue un pouvoir explicite dont I exercice
est conditionné à certaines règles strictes de
publicité, c'est-à-dire qu'il doit y avoir dépôt
à l'Assemblée nationale et un débat, bien sûr, est
possible à l'initiative d'un membre quelconque de l'Assemblée
nationale par une motion du mercredi, ou même par une question avec
débat, sur l'exercice que le gouvernement fait de sa discrétion
administrative. Or, le moyen envisagé ici, au premier alinéa de
l'article 5, à savoir prévoir de sept à onze membres est
une façon détournée d'arriver au même objectif
puis-qu on peut imaginer facilement la situation suivante où,
initialement, le gouvernement nomme sept membres du conseil d'administration.
Arrive une question particulièrement délicate ou difficile, et il
s'avère qu'au conseil d'administration les voix sont partagées,
mais partagées dans un sens que le gouvernement désapprouve et il
suffirait de nommer deux, trois ou quatre membres additionnels pour renverser
la majorité; cela s'est déjà vu, il y a eu des
précédents célèbres à la Cour suprême
des Etats-Unis, dans le temps de Roosevelt.
M. Bérubé: Elle est bonne, celle-là, je n'y
avais pas pensé. C'est vraiment un esprit retors qu'a ce
député de Saint-Laurent!
M. Forget: Non. on ne fait que s'inspirer des innovations
législatives du ministre. Là-dessus,
j'aimerais soulever le commentaire faussement naïf du ministre. Il
y a un précédent dans nos lois sur la façon de
rédiger ces articles. Si le ministre, consciemment j'imagine
qu'il sait ce qu'il fait même s il se cache quand vient le temps d'en
délibérer à l'Assemblée nationale sait ce
qu'il fait c'est la présomption la plus charitable qu'on puisse
faire à son endroit introduit une disposition nouvelle
c'est du droit nouveau, cela ne se voit pas ailleurs c'est donc qu'il a
un objectif. S'il fait quelque chose sans savoir pourquoi, ce n'est pas une
épithète d'inconscience qu'il faut y voir, c'est plus grave que
cela dans le cas d'un ministre prétendument responsable.
Donc, s'il a introduit cette disposition, c'est qu'il a un jour
l'intention de s'en servir. Il ne peut pas y avoir d'autres utilisations
possibles que celle-là. Je prétends que c'est une façon
indirecte et hypocrite de faire ce que l'article 18 permet de faire
directement, mais moyennant un débat à l'Assemblée
nationale. Je ne vois absolument pas pourquoi le ministre prend de telles
garanties à savoir s'assurer non seulement d'une majorité, mais
d'une majorité absolue parce que le gouvernement va nommer tout le
monde. Il n'a qu'à prendre les précautions raisonnables de nommer
les gens à qui il peut parler. On s'est assuré depuis quelques
mois que les nominations qui se font sont telles que ceci ne soulève
aucune espèce d'inquiétude, j'imagine, dans l'esprit du
gouvernement. Il y a eu suffisamment de nominations pour qu'on puisse se faire
une opinion à ce sujet-là. Je pense qu'il y a bien des gens qui
se sont fait des opinions à ce sujet-là. Il n'y a pas eu de
nomination hétérodoxe dans les dernières annonces que le
gouvernement a faites; tout est très conforme. Si le gouvernement
connaît son monde comme je le suppose, il faut donner le
crédit au gouvernement qu'il connaît son monde; jusqu'à
maintenant, il l'a démontré il n'a pas à s'attendre
à des surprises de ce côté-là. Si, malgré
tout, il veut se réserver, en dépit du fait qu'il possède
déjà un pouvoir de directive, une porte de sortie, en disant: Si
jamais on veut renverser une décision et si on ne veut pas que cela se
voit, on ne voudrait certainement pas déposer des directives à
l'Assemblée nationale; c'est embarrassant. Cela va se voir un peu trop
clairement; on aimerait bien pouvoir, en douce, furtivement, à la
façon, d'ailleurs, qui est un peu la marque de commerce du ministre
puisque tout se fait un peu furtivement: les chiffres, les nominations, tout
cela va se faire un peu à la bonne franquette, sur le coin de la
table... Alors,...
M. Ciaccia: ... les taxes.
M. Forget: Oui.
M. Ciaccia: Les taxes payables.
M. Forget: Les taxes payables, les montants des profits qu'on va
récupérer ou non, tout cela n'est pas très clair. Mais de
ce côté-là, sur la composition du conseil d'administration,
on s'a- muse encore, on se fait un autre petit gadget pour pouvoir mieux
contrôler tout ce qu'on veut contrôler, mais qu'on n'ose pas
admettre vouloir contrôler.
Il m'apparaît que ce genre de manipulation devrait être mis
de côté carrément; il n'y a absolument aucune
justification. Si, un jour, le ministre est d'avis que les tâches des
administrateurs de la Société nationale de l'amiante sont si
lourdes qu'elles ne peuvent absolument pas être assumées par
seulement sept personnes, mais qu'il est absolument nécessaire,
étant donné le très grand nombre de filiales,
d'intégrer dans un conseil d'administration un nombre supérieur
d'administrateurs, nous serions tout à fait disposés à
amender l'article 5. Je ne peux évidemment pas engager
l'Assemblée nationale, pas plus que personne, mais un amendement ayant
pour effet de porter de sept à neuf ou de sept à onze le nombre
des administrateurs ne donnerait certainement pas lieu à un long
débat; cela ne se réfère pas à l'occasion d'un
problème particulier, mais pour des raisons que le ministre serait
prêt à venir défendre à l'Assemblée
nationale.
Je serai prêt, M. le Président, à lui
concéder onze membres tout de suite, s'il le veut, mais je pense que ce
qui est inadmissible, c'est de se donner de la discrétion.
Il est évident que le deuxième alinéa est une chose
qui va de soi, étant donné que c'est une société
d'Etat; ce n'est donc pas une chose sur laquelle nous allons insister beaucoup.
Encore une fois, il y a la question du nombre variable d'administrateurs qui
m'apparaît fort discutable. Il y a aussi la question de procéder
indirectement alors que l'on peut le faire directement quant à la source
de la nomination. Il faudrait dire carrément qu'ils sont nommés
par le gouvernement puisque c'est dans le sens même d'une
société d'Etat que les administrateurs soient nommés par
le gouvernement. Il ne vaut pas la peine, à mon avis, de s'encombrer
d'une fiction juridique de ce côté-là en présumant
qu ils sont actionnaires, que ce sont les actionnaires, alors qu'on sait
très bien qu'il n'y en a qu'un seul, qu'ils vont faire
l'élection. C'est d'ailleurs presque ironique de voir ce genre de terme
utilisé dans la constitution d'une société d'Etat.
A cet effet, j'aimerais faire la motion d'amendement suivante: Que le
premier alinéa de l'article 5 soit modifié en remplaçant,
dans la deuxième ligne, les mots "d'au moins sept ou d'au plus onze",
par les mots "de sept" et en ajoutant, dans la deuxième ligne
après le mot "membres", les mots "nommés par le gouvernement".
L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Les affaires de la
société sont administrées par un conseil d'administration
de sept membres nommés par le gouvernement".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Motion
recevable.
Est-ce que la motion d'amendement du député de
Saint-Laurent sera adoptée?
Une Voix: Non.
M. Forget: Est-ce qu'on pourrait avoir I'honneur d'un commentaire
de la part du ministre, M. le Président?
M. Bérubé: Je lis soigneusement...
M. Guay: II y a au moins une chose qui est fausse dans ce que le
député de Saint-Laurent a dit. Je ne vois pas très bien
quel est le rapport, dans son esprit, entre l'article 5 et l'article 18, puisqu
à un moment donné le député de Saint-Laurent a fait
allusion au fait que l'article 18 pouvait permettre de faire ce que l'article 5
prévoyait, ou quelque chose comme cela. C'est bien cela que le
député de Saint-Laurent a dit, ou ai-je mal saisi, ou
l'inverse?
M. Forget: Est-ce que j'ai bien compris que le
député de Taschereau me demande de recommencer mon
exposé?
M. Guay: Non, non. Je vous demandais simplement de clarifier ce
point parce que ce n'était pas très clair.
M. Forget: Ce n'était pas très clair? Je ne sais
pas! Est-ce que le ministre a les mêmes difficultés? J'imagine que
oui parce qu'il était absent, M. le Président. Je n'ai pas
d'objection, étant donné qu'il me reste du temps, à
recommencer mon exposé pour le bénéfice des membres du
côté ministériel.
M. Bérubé: Le député de Taschereau
est parfaitement en droit de demander des explications.
M. Guay: Le député de Saint-Laurent qui
possède un sens aigu... qui a une capacité remarquable de
résumer ses propos de façon succincte et concise peut,
simplement, sur ce point-là, brièvement, rapidement, en trente
secondes, en capsule...
M. Forget: Je vais m'exécuter. J'avais fait crédit
aux membres ministériels de comprendre rapidement, mais peut-être
qu'ils comprennent rapidement, comme on dit, mais il faut expliquer longuement.
C'est peut-être une mauvaise habitude qu'on leur a donnée et
j'aurais bien mauvaise grâce de les en blâmer à ce
moment-ci.
M. Guay: Le député de Saint-Laurent s'ennuierait si
on ne lui permettait pas d'expliquer longuement.
M. Forget: Probablement parce qu'il ne faut pas en arriver trop
rapidement à certains articles embarrassants pour le gouvernement, on va
pouvoir peut-être passer un peu plus de temps sur cet article 5. A
l'article 18 que nous avons adopté, n est-il pas vrai que le
gouvernement se réserve un pouvoir de contrôle sur cette
société d Etat que sera la Société nationale de
l'amiante? N est-il pas vrai que, par des directives, il pourra
infléchir l'administration de cette société selon ce qui
lui apparaît être les meilleurs intérêts de la nation,
pourvu qu'il se conforme aux objectifs et à I'orientation de la
société dans l'exécution des fonctions qui lui sont
confiées par la loi? C est le premier paragraphe. Il pourra
émettre, dans cette mesure, des directives pour corriger le tir des
administrateurs de la société.
Toutefois, n'est-il pas vrai que ce pouvoir du gouvernement de
contrôler les sociétés d'Etat est assujetti à
certaines restrictions de caractère démocratique puisque, si tant
est que ce pouvoir est exercé, le gouvernement devra, à ce
moment-là, déposer devant l'Assemblée nationale si elle
est en session et, si elle ne l'est pas, le faire dans les quinze jours de la
reprise de ses travaux, la directive qu'il aura ainsi émise à
l'intention de cette société d'Etat? Est-ce que mes propos sont
clairs, M. le Président et est-ce que nous nous suivons bien?
M. Guay: Pour se suivre, il faut s'entendre. Les propos sont
clairs. On ne suit pas beaucoup, mais on...
M. Forget: Vous n'êtes pas d'accord sur la lecture de cet
article 18?
M. Guay: Je suis d'accord sur la lecture de l'article 18, sauf
que l'article 18 ne permet pas, M. le Président, au gouvernement de
faire n'importe quoi avec le conseil d'administration, d'où la
pertinence de l'article 5.
M. Forget: Non, n'allons pas trop vite à notre tour, M. le
Président.
M. Guay: Non.
M. Forget: Et n'anticipons pas sur ce qui peut être dit sur
l'article 5. Mais je pense qu'on peut s entendre que le gouvernement peut
émettre des directives pour infléchir l'administration d'une
société d'Etat en vertu de l'article 18 mais que, s'il le fait,
il est astreint à la publicité de ses directives et à un
débat possible à l'Assemblée nationale et dans l'opinion
publique sur le bien-fondé de cette intervention politique de sa part
dans la gestion d'une société d'Etat, quoique c'est un droit qui
est clairement affirmé à l'article 18, un pouvoir éminent
de contrôle de l'Etat sur les activités des sociétés
d'Etat, le tout sur quoi je suis parfaitement d'accord.
M. Guay: Bravo! On peut revenir à l'article 5.
M. Forget: Cela étant, l'article 5 et telle est la
prétention que nous avons de ce côté-ci de la table, M. le
Président permet également un pouvoir de contrôle,
donne également un pouvoir de contrôle au gouvernement sur une
société d'Etat dans la mesure où, jouissant d'une
discrétion quant au nombre de personnes qui peuvent être
nommées au conseil d'administration et ayant pris la précaution
initialement de nommer un nombre minimum de membres, il pourra toujours.
en cours d'opération, menacer ou effectivement mettre à
exécution sa menace de nommer des membres additionnels au conseil
d'administration de façon à renverser une décision
déjà prise par ledit conseil d'administration de la
société d'Etat ou à infléchir, dans un sens
prédéterminé par lui, le gouvernement, une décision
qu'il sait que cette société d'Etat est sur le point de prendre,
puisque, bien sûr, ces choses-là s'ébruitent dans les
officines ministérielles. Cela étant, l'article 5 donne au
gouvernement, par l'utilisation de cette discrétion le même
pouvoir que l'article 18 donne déjà et qui lui est
déjà concédé, puisque nous avons adopté
l'article 18. Donc ce n'est pas une question hypothétique, il a un
pouvoir de directive, mais s'il ne veut pas utiliser ce pouvoir de directive
puisqu'il est assorti d'une publicité, d'un débat, donc d'un
embarras politique possible, il pourra toujours, à l'aide de la
discrétion de l'article 5, si l'article 5 n'est pas modifié
conformément à notre amendement, contrôler indirectement la
société d'Etat en menaçant de faire des nominations,
d'inonder une majorité à ce conseil d'administration par des gens
qu'il nommera spécifiquement pour qu'ils aillent voter dans le sens qui
leur aura été indiqué d'avance. Il existe des
précédents dans l'histoire constitutionnelle, pas
nécessairement du Québec, parce que je ne pense pas qu'on ait
vécu dans les annales du moins écrites de telles
expériences je n'en connais pas personnellement mais
l'histoire constitutionnelle américaine cite des cas
célèbres de ce genre-là, bien sûr, puisque c'est
ainsi que le président Roosevelt, en 1933 ou en 1934, a renversé
une majorité également célèbre à la Cour
suprême des Etats-Unis en menaçant de nommer suffisamment de juges
et en le faisant, effectivement, pour laisser les décisions qui
é-taient défavorables à la législation du "New
Deal" qui avait été jugée anticonstitutionnelle, selon la
loi américaine. C'est donc une technique de gouvernement, si l'on veut,
dans le sens large du mot, qui est connue, qui a été
utilisée ailleurs et qui est introduite ici dans ce projet de loi en
dérogation avec une pratique commune dans nos lois du Québec
régissant les sociétés d'Etat.
J'ai fait le compliment au ministre que s'il avait innové dans
cette loi, il ne le faisait pas sans but. Contrairement à son
étonnement de façade, je pense que le ministre a dû avoir
une raison pour agir de cette façon et créer du droit nouveau.
Autrement, on devrait juger qu'il était livré innocent aux
menées de ses conseillers, ce qui serait évidemment une remarque
fort peu flatteuse que je m'abstiens de faire à l'endroit du ministre.
Je suppose qu'il dirige ses conseillers, d'une façon permanente, qu'il
perce tous leurs secrets, qu'il devine tous leurs complots, qu'il déjoue
toutes les manoeuvres. Il a certainement vu clair dans ce petit jeu et il s'est
dit: oui je l'achète, je pense que c est là un instrument utile,
une astuce dont nous pourrons vouloir nous servir un jour. Mais s'est-il rendu
compte, M. le Président, qu'un tel instrument pourrait servir entre
toutes sortes de mains, s'il juge les siennes au-dessus de tout doute...
M. Bérubé: M. le Président, je retournerai
la question au député de Saint-Laurent, est-ce qu'il s'amuse?
M. Forget: Je m'amuse un peu, parce que votre collègue, le
député de Taschereau, m'a forcé à parcourir le
même chemin pour une deuxième fois; il faut bien que je trouve mon
plaisir quelque part. Ce n'est pas facile.
M. Bérubé: Ce qui n'est pas facile, étant
donné le caractère sinueux de votre démarche.
M. Forget: Ma démarche est assez directe, puisqu'elle
débouche en pleine cible sur un amendement qui vise à vous
enlever ce pouvoir discrétionnaire que vous pourriez être
tentés, vous ou d'autres, d'utiliser à mauvais escient, ce qui
serait fort déplorable pour ceux qui seraient les objets directs de vos
interventions, ce qui pourrait fausser les règles du jeu. Pour
être plus sérieux, il reste que...
M. Bérubé: ... voulait changer aussi.
M. Forget: ... au moins quant au style, parce que le fond n'a pas
cessé de l'être. A un moment où le gouvernement
prétend à tort ou à raison, l'avenir nous le dira,
puisque tout ce qu'on a dans le moment ce sont des promesses
prétend être en voie d élaborer de nouvelles normes devant
régir l'évaluation de la performance, la façon pour l'Etat
de diriger toutes les sociétés qui dépendent de lui, etc.,
dans cette veine-là. Au moment où on prétend se livrer
à un exercice de ce genre, est-ce qu il faut voir dans une tentative
comme celle-ci une prémisse de ce qui s'en vient, un oubli, une
inadvertance? Enfin, il faudrait bien se rendre compte. Est-ce que c'est un
précédent qu'on veut créer et après on voudra
l'invoquer pour nous dire: cela est déjà passé dans le
projet de loi 70, personne n'a soulevé cela, donc c'est maintenant du
droit commun ou je ne sais quoi, je ne sais pas quelle signification on
voudrait attacher à cela? C est la raison pour laquelle, même si
c'est un point relativement technique, relativement de détail dans cette
législation... Ce n'est pas relié aux grands objectifs du projet
de loi, pour autant qu on peut les déceler, mais il reste que c'est un
détail important. Parce que si l'on veut l'utliser après, comme
un précèdent, à mon avis, c'est un précédent
extrêmement regrettable. On n'a pas du tout besoin de cela. Encore une
fois, comme je viens de lindiquer au ministre, s il nous disait ce n'est
pas le sens de notre amendement, notre amendement vise à réduire
à sept, point, sans discrétion, le nombre d'administrateurs,
étant donné qu'il va falloir les payer, autant en avoir le nombre
strictement nécessaire mais si le ministre était
prêt, ce soir, à nous dire: Non, il nous en faut absolument onze,
et qu'il fasse un plaidoyer de deux minutes là-dessus, nous
concéderions rapidement une telle chose, parce que ce qui est important,
ce n'est pas que ce soit sept plutôt que onze, c'est
que ce soit l'un ou l'autre, pas les deux. Pas un choix d'un nombre
quelconque compris entre sept et onze.
C'est relié non seulement à la question de manipulation ou
de contrôle indu... indu, non pas dans le sens que l'Etat ne devrait pas
contrôler les sociétés d'Etat, leur nom l'indique, mais
s'il le fait, il devrait le faire selon des normes bien connues, bien
établies et il devrait se soumettre, dans son contrôle, à
un examen démocratique des responsabilités qu'il assume en
contrôlant les sociétés d'Etat.
Il reste qu'au delà de ce principe qui est important, il y a
aussi celui de contrôler les dépenses publiques, et le nombre
d'administrateurs est relié directement aux dépenses publiques.
Il y a dans les lois, par exemple, sur l'organisation des tribunaux
judiciaires, M. le Président je suis sûr que vous
êtes sensible à ça, puisque vous avez une formation
juridique bien sûr, je ne veux laisser rien entendre de
disgracieux à ce sujet il reste que, comme vous le savez, dans
les lois sur l'organisation des tribunaux judiciaires, vous avez un
énoncé précis du nombre de juges de la Cour Provinciale.
On ne dit pas: Le gouvernement peut créer un nombre quelconque de juges
entre 50 et 200, on dit: II y a tant de postes de juge à la Cour
Provinciale; c'est rendu à 107 ou 108, je ne le sais pas exactement,
mais c'est dans ces chiffres.
Quand on doit en ajouter deux ou trois, on introduit un amendement
à l'Assemblée nationale. Pourquoi? Est-ce qu'il y a quelqu'un, un
jour, qui s est posé la question? J'imagine que oui. Pourquoi fait-on un
amendement à la Loi des tribunaux judiciaires pour ajouter deux juges?
Qu'on réfléchisse à ça et que, par analogie, on
réfléchisse également à la nomination des
administrateurs dans les sociétés d'Etat.
Je pense qu'il y a au moins une analogie, peut-être davantage,
qu'on peut tirer de cette réflexion.
M. le Président, c'est ça. Ce n'est pas un plaidoyer
partisan, même s'il est émaillé de quelques ironies, il
reste qu'il y a une question de fond sur le contrôle des activités
de l'Etat qui se pose là et j'aimerais qu'en toute simplicité, on
puisse en délibérer et si possible améliorer le projet de
loi.
M. Guay: M. le Président, puisque j'avais posé la
question au député de Saint-Laurent, il faut lui savoir
gré d'avoir résussi ainsi à résumer sa
première intervention en prenant deux fois plus de temps en la
résumant qu'en la faisant de façon initiale.
Puisque le député de Saint-Laurent a affirmé, au
cours de ce résumé qu'il a fait de sa position initiale, qu'il
fallait bien qu'il prenne son plaisir quelque part et que son plaisir venait
dans le fait de parler longtemps, si j'ai bien saisi, je suis fort heureux, M.
le Président, d'avoir pu procurer au député de
Saint-Laurent une occasion de jouissance, comme le dit le député
de Richmond. Ces occasions sont rares en commission parlementaire.
Ma foi, si le député de Saint-Laurent, auquel je trouvais
le teint un peu pâlot tantôt en entrant en commission,
comparativement au député de Mont-Royal qui a dû passer la
fin de semaine au soleil, je ne sais trop, mais il a l'air en forme... Le
député de Saint-Laurent avait l'air un peu pâlot. Ce sont
peut-être ces longues semaines verbo-motrices qui, au bout du compte,
commencent à taxer ses énergies, bien que je dois
reconnaître que pour des énergies taxées, elles continuent
à être pleines de ressources. La meilleure preuve est
précisément I'intervention qu'il vient de nous faire.
C'est une intervention qui, M. le Président, par contre, quant au
fond, tant le résumé que la position initiale, m'apparaît
singulièrement inquiétante quant à la démarche
intellectuelle que suit le député de Saint-Laurent.
On se souvient qu'il fut, jadis, haut-fonctionnaire, sous-ministre et
enfin il accéda au cénacle en devenant ministre. Cela
m'apparaît singulièrement inquiétant qu'un ancien ministre
et ancien sous-ministre, qui, tout ce temps, n'a peut-être pas eu tout le
loisir de parler à son gré, étant donné que quand
on est sous-ministre, on ne peut pas dire tout ce qu on a à dire parce
qu'on est sous-ministre et que quand on est ministre, il faut quand même
faire attention aux collègues et au premier ministre.
Si bien que depuis qu'il est dans l'Opposition, le député
de Saint-Laurent peut se défouler, si I on veut, et parler à son
gré sur tous les sujets; il le fait d'ailleurs avec beaucoup de
volubilité.
Toujours est-il que dans l'exposé, le résumé de
l'exposé qu'il a fait tantôt, j'ai cru dénoter chez lui une
lecture de l'article 5 qui m'inquiète dangereusement si, par malheur, il
fallait que le parti auquel il appartient et lui-même soient
appelés de nouveau, un jour, à diriger l'Etat, parce que la
lecture qu'il fait de l'article 5 implique, de la part du ministre qui serait
responsable de la Société nationale de l'amiante ou des ministres
qui seraient responsables de n'importe quelle société d Etat dans
l'optique où il la voit, un cynisme machiavélique qui, à
mon avis, se lie mal avec la bonne gestion de l'Etat au sens du bon père
de famille que prévoit le Code civil.
M. Forget: Ce n'est pas moi qui l'ai rédigé.
M. Guay: Peut-être, évidemment dans les six
années ou enfin, dans son cas, dans les trois années où il
a été ministre ayant eu, au sommet de l'Etat, au premier chef de
l'Etat, un exemple assez remarquable de cynisme et de machiavélisme,
peut-être en a-t-il retenu le son pour l'avenir qui l'a marqué de
façon indélébile. Toujours est-il que je ne pense pas
qu'on doive lire dans l'article 5 le dessein machiavélique qu'y voit le
député de Saint-Laurent, à moins, bien sûr, que ce
dessein machiavélique ne soit la marque de commerce de la formation
politique à laquelle il appartient. Alors, que Dieu nous préserve
de voir cette formation politique diriger de nouveau un jour les
destinées du Québec, puisqu'à ce moment, cela veut dire
qu'aucun tribunal, aucune société d'Etat, rien de ce qui
relève de près ou de loin de I'Etat ne
serait à l'épreuve de manipulations politiques de la part
du Parti libéral; ce à quoi il se conformerait de façon
assez éloquente avec la tradition qu'il a établie de 1970
à 1976, tradition à laquelle, fort heureusement, le Parti
québécois a mis fin en arrivant au pouvoir.
M. Forget: M. le Président, en parlant de tradition,
j'aimerais très brièvement, puisqu'il est question de tradition,
souligner que SOQUIA qui a été fondée par la
précédente administration, à son article 8, prévoit
cinq membres: SOQUEM, à l'article 7, prévoit sept membres; SOQUIP
également, sept membres; REXFOR, à l'article 10, cinq membres; et
en particulier, dans le cas de SOQUIP, la loi initiale qui a été
adoptée en 1969 prévoyait cinq membres et, en 1974, un amendement
est intervenu pour augmenter de cinq à sept le nombre de membres du
conseil d'administration.
Donc, il y a là des précédents nombreux bien
établis qui démontrent clairement que ce genre de dispositions ne
fait pas partie des moeurs législatives au Québec, et que, s'il y
a du cynisme quelque part, ce n'est pas du côté de l'ancienne
administration qui s'en est abstenu, mais qu'elle ne peut pas faire autrement
que de lire un texte de loi quand on la lui met sous le nez et de se demander
qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire, ce nouveau texte. Cela doit vouloir
dire quelque chose.
M. Ciaccia: M. le Président, simplement pour
répondre au député de... Excusez.
M. Bérubé: Si le député de Mont-Royal
veut répondre à la question...
M. Ciaccia: Non, non, allez-y.
M. Bérubé: M. le Président, j'ai
écouté l'argumentation du député de Saint-Laurent
qui, sous des apparences logiques, cherche finalement à remettre en
cause chacun des éléments du projet de loi. Je dis bien
apparences logiques, puisque, en fait, il utilise un argument essentiellement
ad hominem, tendant à prêter des intentions toujours les plus
malsaines au gouvernement au pouvoir.
D'une part, M. le Président, ce qui se produit dans le cas d'une
société comme la Société nationale de l'amiante est
un phénomène un peu particulier, c'est qu'on s'attend que cette
société assume une certaine croissance dans les premières
années. Nous nous sommes interrogés, à savoir si le nombre
de membres du conseil d'administration devait se situer au niveau de onze ou
plutôt à un niveau plus raisonnable de sept. En effet, dans la
plupart des sociétés d'Etat maintenant le nombre de membres est
toujours de sept, et la tendance en général a été
à l'augmentation, par amendements successifs des lois, du nombre de
membres du conseil d'administration. Présentement, on commence
même à se demander si onze ne serait pas un nombre
préférable, compte tenu de ce que parfois les
responsabilités conférées aux sociétés
d'Etat sont assez considérables, particulièrement dans le cas
d'un "holding". En effet, dans le cas de la Société nationale de
l'amiante, qui devra prendre en main la société Asbestos
Corporation, qui pourrait avoir à s'impliquer au niveau
d'Abitibi-Amiante, qui pourrait avoir à s'impliquer au niveau de
plusieurs entreprises de transformation, qui aura à s'impliquer au
niveau de l'Institut de recherche de lamiante, cette société
pourrait voir rapidement son conseil d'administration taxé lourdement. A
cause de cela, nous avons pensé qu'un nombre d'environ onze membres
serait sans doute le nombre le plus judicieux pour la Société
nationale de lamiante. (21 h 15)
Cependant, il nous faut reconnaître qu'en créant la
société, il va de soi qu'au départ il est peut-être
un peu lourd de nommer onze membres et il est peut-être
préférable d'avoir un conseil d'administration plus léger,
d'environ sept membres, quitte à faire croître ce conseil
d'administration au fur et à mesure des besoins. Dans la mesure
où l'Etat doit administrer, doit gérer ces sociétés
d'Etat, de manière qu'elles soient les plus efficaces, les plus
rentables possible, il faut tout de même donner au ministre des Finances
le pouvoir, s'il le juge bon, d'augmenter le nombre de membres du conseil
d'administration. Or, on connaît la lourdeur du processus parlementaire.
En effet, inutile de dire que pour des questions de principe, l'Opposition a
bloqué le présent projet de loi pendant trois mois, mais on nous
a bien dit qu'on n'était pas opposé au principe mais que,
remettant en cause l'objectif de l'achat d'Asbestos Corporation, on pouvait,
sans la moindre vergogne, accepter d'immobiliser totalement le processus
parlementaire pendant une période passablement longue.
Le député de Saint-Laurent n'a pas caché que son
intention était très arrêtée d'utiliser tous les
moyens que lui permettait la procédure parlementaire; d'ailleurs, sa
verve épistolaire lui a permis de l'écrire même dans sa
dernière publication dans le Devoir. Il n'a donc pas
hésité à souligner qu'il était prêt, de toute
façon, à utiliser tous les moyens que la procédure mettait
à sa disposition pour ralentir le passage d'un projet de loi. Donc,
lorsqu'on reconnaît la mauvaise foi de l'Opposition, lorsqu'on
reconnaît que l'Opposition n'a d'autre objectif que de bloquer les
projets de loi gouvernementaux plutôt que de chercher à les
bonifier, plutôt que de chercher...
M. Forget: On a de bonnes raisons pour cela.
M. Bérubé: ... à collaborer avec le
gouvernement dans des projets de loi fondamentaux, il s'avère que le
risque est grand de devoir, dans six mois, présenter un nouvel
amendement à la loi pour dire que cette fois-ci, le nombre de membres
passe de sept à onze. Par exemple, j'ai sous les yeux ce qui nous
était présenté par le député de
Saint-Laurent tantôt quant au nombre d'administrateurs. Dans le cas de
SOQUIA, c'est vrai, il y a cinq membres, mais dans le cas de la SGF, qui est
aussi un "holding ", où on doit suivre, où on
devrait suivre de beaucoup plus près les filiales, à ce
moment-là, le nombre est porté à onze. Par
conséquent, je pense qu'il est un peu normal que l'objectif visé
pour le conseil d'administration soit un nombre d'environ onze. Cependant, dans
la période de rodage de la société, le nombre devrait
probablement s'établir à sept, au départ, quitte à
l'accroître avec le temps, au fur et à mesure que la
société prendra de l'expansion, donc, garder un article de loi
suffisamment général, tel qu'il a été
rédigé, pour permettre la flexibilité nécessaire et
peut-être et c'est la leçon qu'on retire de l'Opposition
présentement éviter des débats absurdes. J'imagine
très bien, venant l'an prochain augmenter le nombre de sept à
neuf, le député de Saint-Laurent m'expliquer qu'étant
opposé à la politique de l'amiante, il verrait d'un tout à
fait bon oeil un "filibuster " qui lui permettrait de retarder pendant trois
mois l'augmentation du nombre de membres du conseil d'administration.
M. Forget: ... Parlement, jamais, pour rien, même pas pour
vos crédits!
M. Bérubé: C'est le député
lui-même qui, par son attitude, condamne le processus parlementaire qui
oblige le ministre des Finances à se garder une certaine
flexibilité.
M. Forget: Oui, gouverné par des Grecs ou la junte
militaire au Chili ou quelque chose du genre.
M. Bérubé: Je vois présentement que mon
intervention semble frapper sérieusement le député de
Saint-Laurent. Effectivement, il a raison de dresser l'oreille et de porter
attention aux propos que je tiens parce que je pense que le
député de Saint-Laurent s'est montré coupable, au cours
des dernières semaines, d'un abus de la part de l'Opposition. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Premièrement, je voudrais répondre aux
remarques du député de Taschereau, mais je ne pourrai pas laisser
passer les remarques du ministre.
M. Bérubé: Sans doute.
M. Ciaccia: Cela nous donne une drôle d'impression du
rôle de I'Assemblée nationale, du rôle des commissions
parlementaires. On dirait que vous n'avez pas encore compris ce qu'est la
démocratie parlementaire; j'y reviendrai tantôt.
Premièrement, le député de Taschereau a
référé à un cynisme et à un
machiavélisme dans l'interpréation de l'article 5. Quand on porte
ce genre d'accusation, c'est souvent révélateur de I'esprit de
celui qui porte les accusations plutôt que de celui qui a essayé,
comme le député de Saint-Laurent, de donner une explication quant
à l'interprétation possible. Sans être
machiavélique, il faut toujours avoir le pouvoir d analyser les possi-
bilités d'interprétation d'un article; c'est cela le rôle
d'une commission parlementaire; c'est cela le rôle que nous avons
ici.
Je pense que vous nous donnez une perception de la possibilité de
cet article. La seule chose que nous faisons: nous vous disons les
possibilités. Comment peut-elle être interprétée?
Comment peut-elle être utilisée? D'ailleurs, c'est pour cela qu'il
y a des légistes dans le gouvernement. C'est pour cela que vous
rédigez les lois d'une certaine façon; autrement, pourquoi avoir
l'article 5? Pourquoi avoir même 25 articles? Il faut leur donner une
certaine interprétation et il est important que la signification de ces
articles soit la plus claire et la moins ambiguë possible, et la moins
ouverte à des abus possibles.
L'article 5, tel qu'il est rédigé, ouvre la porte à
des abus. C'est la seule chose que nous vous signalons. Ce n'est pas nous qui
l'avons rédigé; ce n'est pas nous qui allons l'administrer;
c'est...
M. Guay: C'est vrai cela; c'est pour longtemps.
M. Ciaccia: ... au début, il se peut
qu'éventuellement ce soit notre responsabilité.
M. Guay: II y a d'abord eu l'Union Nationale.
M. Ciaccia: Nous allons la changer et nous n'aurons pas la
crainte de venir devant une commission parlementaire et d'expliquer pourquoi
nous voulons faire ce changement. Mais pour le moment, pendant que votre
gouvernement aura à administrer cette loi, elle sera sujette à
des abus possibles et elle serait sujette aux mêmes abus, même si
ce n'était pas votre gouvernement. Je crois qu'un des rôles d'une
commission parlementaire est de bonifier un projet de loi, de le rendre
cohérent et de lui enlever toute ambiguïté. Nous voulons
porter à votre attention les interprétations possibles. On
pourrait vous signaler que ce projet de loi doit être conforme aux autres
lois, aux autres traditions, aux autres usages et non pas toujours créer
de la nouvelle jurisprudence qui porte à des abus.
Par exemple, dans la Loi des compagnies, quand vous obtenez une charte
pour une compagnie, la loi exige que vous spécifiez le nombre d
administrateurs. Par la suite, si vous voulez le changer, vous procédez
par lettres supplémentaires et vous pouvez nommer d'autres
administrateurs, en augmenter le nombre. C'est seulement...
M. Guay: Pas dans la nouvelle loi fédérale.
M. Ciaccia: Une des conditions qu'on vous a données pour
avoir le droit de parole, c'est d'arrêter de référer au
gouvernement fédéral.
M. Guay: J'y réfère positivement.
M. Ciaccia: Vous êtes paranoïa du
fédéral. Je vous parle de la loi provinciale, du rôle du
Québec.
M. Guay: J'y réfère positivement. Qu'avez-vous
contre le fédéral?
M. Ciaccia: Je n'ai rien contre le fédéral.
M. Guay: M. le Président, le député de
Mont-Royal en a contre le gouvernement fédéral.
M. Ciaccia: Mais on parle...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Guay: C'est un acte... c'est presque séditieux comme
propos.
M. Ciaccia: Mais je vous parle... Vous essayez de changer les
propos. Je vous réfère à la loi provinciale; c'est
peut-être un mot que nous n'aimez pas.
M. Guay: Parlant de nouvelle jurisprudence, le
fédéral vient d'en faire.
M. Ciaccia: D'accord? Selon la loi provinciale, la Loi des
compagnies du Québec, vous spécifiez le nombre d'administrateurs
et si vous voulez le changer, vous procédez par lettres patentes
supplémentaires.
M. Bérubé: M. le député de Mont-Royal
me permettrait-il...
M. Ciaccia: Après.
M. Bérubé: De toute façon, cela va vous
permettre de progresser dans votre question. Effectivement...
M. Ciaccia: Allez-y donc; vous allez le changer.
M. Bérubé: ... on me mentionne que la nouvelle loi
fédérale concernant les sociétés, maintenant...
M. Ciaccia: II y a beaucoup de changements.
M. Bérubé: ... donne un minimum et un maximum du
nombre des administrateurs. Par conséquent, c'est une innovation
législative dans ce domaine du droit corporatif.
M. Ciaccia: Oui, pour des fins privées qui ne sont pas
sujettes... La nouvelle loi fédérale ne contient pas l'article
18; elle ne s'applique pas spécifiquement à une loi sur
l'amiante; elle n'est pas ouverte aux abus d'une société d'Etat.
On essaie de prévenir des abus possibles. Je ne veux pas
répéter les arguments de l'article 18, mais je vous donne cela
comme exemple de la logique et de la cohérence de certaines lois. Toutes
les autres sociétés d'Etat qui ont été
créées spécifient le nombre d'administrateurs. Elles ne
donnent pas le droit de jouer avec elles. Maintenant, quand vous parlez de la
lourdeur du processus parlementaire, franchement...
M. Bérubé: Vous écoutez...
M. Guay: Cela en est un bon exemple.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que c'est un
gouvernement par "fait" que vous voulez, des décrets du gouvernement?
Est-ce que vous voulez abolir l'Assemblée nationale? Cela vous
empêche de faire ce que vous voulez? S'il y a eu un "filibuster" ici
à la fin... Oui, parce que l'obstruction systématique a
été...
M. Bérubé: Le député de
Saint-Laurent, dès le début de la commission parlementaire, a dit
qu'il allait prendre tous les moyens nécessaires pour retarder pendant
au moins six ans l'adoption du projet de loi.
M. Ciaccia: Ce n'est pas vrai. Je ne me souviens pas qu'il ait
dit cela.
M. Guay: Parce qu'il en avait long à dire.
M. Ciaccia: L'article du Devoir auquel vous vous
référez a paru à la fin de nos travaux; le but
n'était pas de retarder pour le plaisir de retarder. Si vous aviez lu
cet article comme il faut je pense que vous l'avez lu, mais vous aimez
détourner les propos et faire une farce de tous les travaux de la
commission le but que le député de Saint-Laurent avait
quand il a voulu apporter des changements à la commission le
"filibuster", si vous voulez l'appeler ainsi c'était pour porter
à l'attention du public certains faits que vous essayez de lui cacher.
Chaque fois qu'on vous a demandé des informations, vous nous les avez
mal données.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous ne
parlez pas sur la motion actuellement.
M. Ciaccia: Je parle sur la motion, je réponds aux
propos...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Bérubé: Ils sont vraiment autant ad rem qu'ils
l'ont été pendant toute la commission!
M. Ciaccia: Vous essayez de cacher certains faits. Encore une
fois, vous essayez de vous donner toute la marge possible, et vous l'avez admis
vous-mêmes. Vous voulez avoir le droit d'aller de sept à onze,
parce que vous ne voulez pas revenir devant l'Assemblée nationale. Vous
voulez vous donner tous les pouvoirs possibles; ainsi l'Assemblée
nationale n'aura rien à faire avec l'administration de cette
société. Je pense que c'est aller un peu loin. Cela trahit votre
vraie pensée, mais c'est quasiment un mépris de
l'Assemblée nationale, ce que vous avez dit. C'est non
seulement un mépris de cette commission, mais c'est un
mépris de l'Assemblée nationale.
M. Guay: Non.
M. Ciaccia: Absolument, parce qu'on ne veut pas retourner devant
l'Assemblée nationale. On a peur que nous posions des questions.
M. Guay: Non, vous allez faire un "filibuster"!
M. Ciaccia: II y a beaucoup de lois qui ont été
adoptées par l'Assemblée nationale, même sous votre
régime, qui n'ont pas fait l'objet de "filibuster", qui n'ont pas fait
l'objet d'études prolongées comme celles-ci.
M. Forget: Qui ont été adoptées si
rapidement qu'ils l'ont regretté eux-mêmes!
M. Ciaccia: Mais c'est parce que le sérieux de cette loi,
les conséquences, le manque d'information, non seulement le manque
d'information, mais vous nous avez même induits en erreur avec vos $20
millions de taxes... On vient de le découvrir au-jourd'hui.
M. Bérubé: Absolument pas.
M. Ciaccia: Ne mentez pas, écoutez! On va y revenir
éventuellement, on ne laissera pas tomber cela comme cela. Quand un
ministre continue de répéter qu'on a une enveloppe de $40
millions, il amène le public à penser que, vraiment, quand la
société sera acquise par le gouvernement, il va y avoir $40
millions; quand ce n'est pas $40 millions, c'est $20 millions plus $3,8
millions. Il y a une grosse différence! Le genre de tactique que vous
utilisez... non seulement le refus de donner des informations, mais le fait de
donner de mauvaises informations nous porte à insister...
M. Bérubé: Je n'ai pas donné de mauvaises
informations, j'ai pris les textes et les documents que vous avez sous les
yeux.
M. Ciaccia: Oui. Je comprends. C'est pour cette raison que nous
apportons des amendements comme celui-ci, pour éviter des abus. Si vous
voulez augmenter, prenez-en onze, neuf ou sept, le nombre que vous voudrez! Je
crois que c est tout à fait logique pour nous d exiger que si vous
voulez un changement de cette nature, vous reveniez devant l'Assemblée
nationale. Vous avez la majorité, vous avez le pouvoir. Cela va vous
prendre quelques jours, mais il va falloir que vous justifiiez vos actions.
C'est le principe qui sous-tend plusieurs des amendements que nous avons faits,
spécialement l'amendement qui est suggéré par le
député de Saint-Laurent.
M. Bérubé: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Quelques mots. D'abord, lorsque le
député de Mont-Royal accuse le gouvernement de mépris de
l'Assemblée nationale, je pense que c'est inexact. Je pense que
l'Assemblée nationale a un rôle.
M. Ciaccia: ... vos propos. (21 h 30)
M. Bérubé: L'Assemblée nationale a un
rôle qui est certes de rédiger les lois, de les corriger, de les
améliorer ou de les bonifier. Cependant, l'exécutif du
gouvernement a également un mandat. Il ne fait aucun doute que
lorsqu'une société d Etat présente un bilan
déficitaire... A titre d exemple i Opposition nous a cité tant et
tant de fois le cas de SIDBEC alors que le cas de SIDBEC, on nous demande de
l'assumer et lorsqu'on regarde l'origine des déficits qu'encourt la
société, on se rend compte qu'ils découlent d'une suite de
décisions qui ont été prises sous l'ancienne
administration.
Néanmoins, nous ne cherchons pas à nous camoufler
derrière les décisions de l'ancienne administration. Nous
assumons un héritage que nous laisse l'ancien gouvernement,
héritage qui peut être lourd à porter dans le cas de
SIDBEC, mais que nous ne cherchons pas à faire porter sur le Parti
libéral, sur l'ancien gouvernement. Cependant, ce que nous disons, c'est
que tout gouvernement qui a le sens des responsabilités peut, à
un moment donné, avoir à intervenir dans une
société d'Etat. En d'autres termes, il appartient certainement au
gouvernement de veiller à ce que celle-ci soit bien
administrée.
Si le gouvernement estime que, pour des raisons de flexibilité,
il est préférable qu'au tout début du mandat de cette
société le nombre d administrateurs soit fixé à
sept, la société sera légère, sera flexible, elle
devra montrer beaucoup de dynamisme et, par conséquent, il est
préférable d avoir un conseil d'administration léger. Je
pense que cela peut être une volonté gouvernementale. Cependant,
si après l'achat d'Asbestos Corporation, après la création
de l'institut de recherche, après la création d'un certain nombre
d'organismes d'ailleurs, il faudra voir à quelle vitesse ces
organismes-là croîtront il s'avère, à ce
moment-là, que le gouvernement estime devoir porter à onze, comme
dans le cas de la SGF, comme il semble d'ailleurs assez admis parce
qu'après avoir vérifié auprès des
sociétés d'Etat, il semble ressortir qu'un nombre de onze
administrateurs est un nombre convoité dans la plupart de ces
sociétés présentement le nombre de membres pour des
raisons de saine administration de l'entreprise, il faut que le gouvernement
soit en mesure de le faire et cela, le plus rapidement possible.
Par conséquent, je pense que la décision qui sera prise
à ce moment-là n'entache nullement le processus
démocratique. L'Assemblée nationale se compromet quant à
un objet pour cette Société nationale de l'amiante, elle se
compromet quant à une taille, une taille relative du conseil
d'administration. Ce n'est pas zéro, variante zéro et onze,
c'est variant entre sept et onze. Egalement, elle se compromet
vis-à-vis d'un certain nombre de pouvoirs que le gouvernement aura, tel
que le pouvoir de directives, tel que l'obligation pour la
société de soumettre un plan de développement. Donc,
l'Assemblée nationale nous propose un certain nombre de guides auxquels
devra se soumettre la Société nationale de l'amiante. C'est le
rôle de l'Assemblée nationale.
Cependant, lorsque vient le moment de gérer cette
société, donc de pouvoir prendre une décision à
l'effet de modifier la constitution du conseil d'administration pour en
augmenter le nombre de membres, je pense qu'à ce moment-là, il
faut donner au gouvernement un certain pouvoir, parce que c'est lui qui aura
à l'assumer. Présentement, le gouvernement actuel est
obligé d'assumer des erreurs commises sous l'ancienne administration. Je
pense que nous les assumons. Néanmoins il nous semble que si nous avons
à intervenir auprès de la Société nationale de
l'amiante pour la rendre plus efficace, je pense que nous devons avoir les
coudées suffisamment franches pour pouvoir le faire, sachant que
l'objectif de l'Opposition libérale elle l'a montré depuis
maintenant trois mois sera nécessairement de tenter de bloquer,
par tous les moyens possibles, le processus démocratique afin que le
gouvernement ne puisse pas prendre des décisions rapides. Pour cette
raison, je pense qu'il m'apparaît normal de maintenir le conseil
d'administration tel que proposé dans le projet de loi.
M. Forget: Vote enregistré, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bérubé (Matane).
M. Bérubé: Toujours contre, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Brochu (Richmond).
M. Brochu: En faveur, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Forget (Saint-Laurent).
M. Forget: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Guay
(Taschereau).
M. Guay: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Rancourt (Saint-François).
M. Rancourt: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal).
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Vaillancourt (Jonquière). Contre.
M. Forget: M. le Président, pour la troisième fois,
le président vote avec le côté ministériel.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est
pas plaisant, je peux vous dire cela. Est-ce que l'article 5 est
adopté?
M. Forget: M. le Président, comme... M. Brochu: Si
vous permettez. M. Forget: Oui, bien sûr.
M. Brochu: Très brièvement, M. le Président,
j aimerais...
M. Forget: Ce n'est pas très exigeant.
M. Brochu: ... avant d'aller plus loin, proposer l'adoption d'un
amendement à l'article 5 qui se lirait comme suit: Que l'article 5 soit
modifié en ajoutant, à la fin de l'article, l'alinéa
suivant: "Nul ne peut occuper la charge d'administrateur s'il n'est
domicilié au Québec". Je vous transmets les copies. Il s'agit
d'une simple technique pour rendre conforme le projet de loi 70 aux
dispositions des autres cadres législatifs qui ont présidé
à la formation des autres sociétés d'Etat. On retrouve,
d'ailleurs, cette même préoccupation inscrite dans les projets de
loi qui ont créé, par exemple, SOQUIA à l'article 11,
SOQUEM à l'article 11 également; dans le projet de loi qui a
créé la société REXFOR, l'article 13, et
également la société SOQUIP à l'article 11. Il
s'agit tout simplement d'indiquer clairement dans la loi que les
administrateurs doivent être domiciliés au Québec.
M. Forget: Vous perdez votre temps, le ministre est toujours
contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'amendement est adopté?
M. Bérubé: Non, M. le Président. Je pourrais
vous donner des raisons. Effectivement, il existe une telle clause dans un
certain nombre de projets de loi d'autres sociétés. Une telle
proposition a fait l'objet, il n'y a pas de doute, de discussions de
l'intérêt même du gouvernement. La raison pour laquelle nous
avons opté pour...
M. Forget: Flexibilité.
M. Bérubé: Non, pas flexibilité; nous avons
opté pour le rejet de cette clause...
M. Forget: Non, excusez.
M. Ciaccia: Cela va revenir à l'Assemblée
nationale.
M. Bérubé: C'est que le député de
Saint-Laurent a fait une intervention remarquée, sinon remarquable
aujourd'hui, et dans son intervention, il a souligné l'importance pour
la Société nationale de l'amiante de s'aventurer dans des "joint
ventures" avec des sociétés étrangères qui auraient
déjà des réseaux de distribution, de mise en
marché. Par conséquent, il nous a mentalement tracé une
sorte de toile d'araignée où la Société nationale
de l'amiante se verrait associée à un grand nombre de
sociétés étrangères avec lesquelles elle
s'aventurerait dans des projets grandioses de transformation de l'amiante,
puisque le député de Saint-Laurent voit grand.
Cependant, c'est un peu avec cette même idée que, lors de
notre réflexion, nous nous sommes dit qu'il pourrait se
révéler intéressant, éventuellement, de voir
siéger sur le conseil d'administration des administrateurs d'Eternit;
pourquoi pas? Le vice-président, si je ne m'abuse, de l'Alcan est bien
français, le président de IBM américain est
également français. Ce que l'on doit constater c est que dans nos
multinationales il existe un certain transfert de citoyens d'un pays à
l'autre pour occuper des postes sur des conseils d'administration. Partant de
cette approche...
M. Ciaccia: Le Parti québécois qu'on a connu au
mois de novembre 1976, voyons! Cela ne se peut pas.
M. Bérubé: Je vois cet ardent défenseur des
multinationales. Le grand sourire!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Ciaccia: Tout d'un coup, ils font quelque chose qui peut
être imité...
M. Bérubé: Le Vatican d'ailleurs est connu comme un
des grands actionnaires des multinationales et, avec le pape Pie XIII, le Parti
libéral devrait être à l'avant-garde dans ce domaine.
M. Forget: C'en est un...
M. Ciaccia: Votre premier ministre a envoyé une lettre au
pape.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Forget: ... qui a écrit au pape...
M. Ciaccia: ... au bureau d'administration...
M. Bérubé: M. le Président, les travaux de
cette commission ne font pas sérieux. Pour être quand même
sérieux, c'est un peu dans cette idée, c'est-à-dire, en
partant du fait qu'il se pourrait fort bien que nous cherchions par le biais de
nos ententes de développement à nous associer à des firmes
étrangères qui disposent déjà d'un réseau de
distribution, soit qu'elles soient impliquées déjà dans
l'amiante ou qu'elles soient impliquées, comme l'a souligné le
député de Saint-Laurent, dans des industries connexes permettant
la distribution, l'écoulement de produits d'amiante. Donc, partant de
cette constatation, il nous est apparu qu'il pourrait, au contraire, se
révéler intéressant de voir siéger à la
Société nationale de l'amiante des administrateurs qui nous
viendraient d autres sociétés étrangères.
D'ailleurs, pour prévenir un amendement qui sera sans doute
présenté à cette commission, l'Opposition a sans doute
déjà observé qu'une clause portant sur les conflits
d'intérêt n'apparaît pas dans le projet de loi 70. En
d'autres termes, dans certaines sociétés d'Etat, on a
prévu des clauses éliminant d'office tout administrateur qui
pourrait se trouver en conflit d'intérêt, donc pouvant oeuvrer
dans une industrie connexe ou reliée à l'industrie dans laquelle
est impliqué le gouvernement.
Dans le cas présent, également, après une
sérieuse, une longue discussion...
M. Forget: On commence à comprendre.
M. Bérubé: ... nous avons choisi...
M. Guay: Enfin!
M. Bérubé: ... également...
M. Ciaccia: Vous nous créez des complications.
M. Bérubé: ... de ne pas retenir ce principe dans
la loi, parce que, automatiquement, nous n'aurions pu faire appel, par exemple,
à des administrateurs de grandes sociétés. On peut penser
à Eternit, on peut penser à d'autres sociétés qui
se seraient jointes à la Société nationale de l'amiante
dans le développement d'industries de transformation. C'est donc
volontairement et non pas par inadvertance que le gouvernement a choisi, dans
le cas présent, de ne pas introduire une clause concernant le domicile
au Québec pour définir l'administrateur.
Je pense en effet que tout gouvernement digne de ce nom ne cherchera
pas, pour le plaisir de la chose, à nommer un très grand nombre d
étrangers. Cependant, il nous est apparu que même au nom d'un sain
nationalisme, la présence sur le conseil d'administration d'un certain
nombre d'étrangers, de non-Québécois, peut être
souhaitable. Par conséquent, nous croyons que l'efficacité, la
productivité, la profitabilité, le rendement de la
société d'Etat est peut-être plus important qu'une clause
qui servirait de drapeau pour utiliser l'expression du
député de Mont-Royal il se promène les mains en
l'air...
M. Ciaccia: ... drapeau... Est-ce que le Dr Laurin vous a
approuvé?
M. Bérubé: ... qui servirait de drapeau, sans
guère de conséquence, parce que je ne pense pas
que de toute façon, un gouvernement du Québec digne de ce
nom je ne parle pas d'un gouvernement libéral, mais je parle d'un
gouvernement du Québec digne de ce nom chercherait à
mettre sur le conseil d'administration une majorité
d'étrangers.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: ... j'ai reconnu au député de Richmond
le privilège et je le lui reconnais très volontiers
d'introduire cet amendement. Je dois dire que nous avions la même
idée. Mais je ne lui dispute pas la paternité' de cet amendement,
je suis, au contraire...
M. Bérubé: II a si peu parlé, M. le
Président.
M. Forget: ... content de le lui reconnaître. Mais le
raisonnement du ministre est pitoyable de ce côté-là. Au
fond, il ne nous a offert aucune espèce d'explication. Son long
développement sur l'opportunité d'association ou de "joint
ventures" comme explication de cette flexibilité, entre guillemets,
qu'il recherche un peu partout dailleurs dans la loi, n est pas du tout une
explication. G est même le contraire d'une explication, parce que comment
expliquer qu'on va faire un "joint venture" avec d'autres alors que les autres
sont déjà sur le conseil d'administration. Je pense que ce qu'il
voulait dire, sans l'exprimer très clairement, c'est qu'au lieu de faire
des "joint ventures", on va tout simplement inviter une participation directe
au conseil d'administration. On aura, de cette façon, une espèce
de conseil de famille, sans la nécessité d'ententes entre
entreprises, d'entreprise à entreprise, comme dans les "joint ventures"
. Parce qu'un "joint venture" se transforme en une filiale...
M. Bérubé: M. le Président, je voudrais
souligner qu'il y a cinq producteurs d'amiante et il y a six consommateurs
principaux, cela fait onze. (21 h 45)
M. Forget: M. le Président, j'ai le droit de parole, je
n'ai pas interrompu le ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, à l'ordre.
M. Forget: M. le Président, j'ai l'impression que le
ministre a confondu une participation au conseil d'administration avec un
"joint venture ". Un "joint venture" suppose la création d'une nouvelle
société, avec la participation partielle de la
Société nationale de l'amiante et d'une autre ou de plusieurs
autres sociétés, possiblement étrangères, qui est
créée spécifiquement, soit pour la mise en marché
ou la production d'une entreprise de fabrication. Un "joint venture" ne suppose
pas du tout qu'une des sociétés va prendre un certain nombre
d'administrateurs sur son conseil d'administration. Ce n'est pas du tout cela
un "joint ven- ture". L'un exclut presque l'autre, puisqu'on n'a pas besoin de
ce chassé-croisé de participation de manière que l'on
aboutisse à une situation telle qu'on ne sait plus très bien qui
est l'administrateur de quelle société.
Tous les gouvernements précédents, lorsqu'ils ont
créé une société d'Etat, ont prévu qu'il
était nécessaire que, dans le cas de sociétés
d'Etat, tous les administrateurs soient des personnes domiciliées au
Québec. J'ai hâte de voir, M. le Président, ce que le livre
blanc sur les affaires culturelles va dire quant à la composition de
sociétés privées actives dans le domaine des
communications, de l'édition et des affaires culturelles.
M. Bérubé: ... de Radio-Canada.
M. Forget: J'ai hâte de voir ce que le gouvernement va
avoir à nous dire là-dessus. S'il regarde de façon aussi
bienveillante la participation de personnes domiciliées hors du
Québec à la gestion des sociétés d'Etat,
j'espère qu'il aura la décence d'être conséquent
dans d'autres domaines. On sait très bien que tous les gouvernements du
monde, non seulement celui du Québec, dans le cas de certaines
sociétés privées et, a fortiori, dans le cas des
sociétés d'Etat prévoient que ces sociétés
doivent être composées, dirigées par des administrateurs
qui sont tous domiciliés à l'intérieur de leur territoire.
C'est donc un raisonnement sans fondement que nous a servi le ministre et ses
allusions à des possibilités d'une participation d'Eternit, etc.,
c'est de la poudre aux yeux.-
Si Eternit ou un autre producteur est intéressé à
un projet conjoint avec la Société nationale de l'amiante, elle
ne s'amusera pas à venir siéger à Québec sur le
conseil d'administration d'une société qui, de toute
façon, est contrôlée à 100% par le gouvernement.
Elle va négocier une entente quelconque qui va résulter
possiblement dans la formation d'une filiale à participation minoritaire
ou majoritaire ou égale ou paritaire des deux organismes dans une
filiale nouvelle, mais pas à des participations à des conseils
d'administration. J'ai hâte de voir le jour où la
Société nationale de l'amiante va obtenir la
réciprocité d'une participation au conseil d'administration de
Johns-Manville ou d'Eternit en Belgique. Si c'est à ce genre d'ententes
de réciprocité que pense le ministre des Richesses naturelles, je
pense qu'il va avoir le même succès ébouriffant qu'ont eu
son collègue de I'Education et le premier ministre lorsqu'ils ont
suggéré des accords de réciprocité non seulement
sur l'enseignement des langues mais sur l'accès aux écoles
minoritaires. C'est un genre de négociation qui n'est pas aussi facile
que se l'imagine le ministre.
Il n'y a aucune espèce de justification dans tous les propos qu'a
tenus le ministre pour une règle qui est en dérogation avec tout
ce qui s'est fait ailleurs ainsi qu'au Québec jusqu'à maintenant.
Quant au genre d'accusations partisanes et chauvines qu'il a
décernées à tout le monde relativement à des vrais
gouvernements, il devrait
commencer par légiférer comme du monde avant de se
permettre de passer des jugements sur les autres. Ce genre de loi ne tient pas
debout; c'est une tentative de jeter de la poudre aux yeux, comme tant de
mesures qu'il y a dans ce projet de loi, en disant: Voyez, même au
conseil d'administration, on va pouvoir avoir la participation de
sociétés étrangères, alors on a toutes sortes de
projets en cours. Evidemment, cela va le dispenser, pendant un certain temps,
de faire état de choses plus précises.
Une possibilité nous vient immédiatement à
l'esprit, et cette possibilité est peut-être moins lointaine et
pourrait peut-être se concrétiser par une participation au conseil
d'administration, mais elle n'a pas été mentionnée de
propos délibéré par le ministre. Encore là, sous
peine d'être taxé, à son retour, par le
député de Taschereau, de machiavélisme, il faut quand
même énoncer cette possibilité. Il se trouve en effet,
comme on sait, que le gouvernement va devoir émettre des obligations
pour financer l'achat des actifs de cette Société nationale de
l'amiante qui part, évidemment, avec de grands espoirs, mais avec une
tirelire absolument vide. Pour trouver des bailleurs de fonds étrangers,
puisqu'il faut s'attendre qu'il y ait une émission d'obligations au
Japon, en Allemagne ou Dieu sait où, peut-être même aux
Etats-Unis, si on a un peu d'audace... on va peut-être trouver des
bailleurs de fonds plus facilement si on peut dire à ces maisons de
courtage ou à ces "merchant banks " britanniques, suisses ou
américains, que de manière à veiller au grain, de
manière à s'assurer que leurs fonds sont gérés de
façon catholique, pour employer la nouvelle politique du gouvernement de
se coller aux grandes traditions, aux valeurs traditionnelles du Québec,
aux traditions familiales et autres j'ai cru comprendre que
c'était admirable ...
M. Guay: ... traditions fédérales, M. le
Président.
M. Ciaccia: Les traditions familiales du premier ministre.
M. Forget: ... maintenant qu'on a ce gouvernement qui veut se
coller à ces traditions et à ces valeurs traditionnelles, on va
dire dans le même souffle: Venez voir, nous avons une administration fort
prudente, venez siéger à notre conseil d'administration. A mon
avis, c'est le sens de cet article 6 qui ouvre la porte à des
participations de personnes non domiciliées au Québec, donner des
assurances, des garanties à des bailleurs de fonds de manière
qu'ils puissent venir inspecter par eux-mêmes, surveiller par
eux-mêmes le déroulement des activités.
Quant au reste, les "joint ventures", ce n'est pas nécessaire
d'avoir les membres au conseil d'administration, étant donné que
le but même d'un "joint venture", c'est de créer une filiale, non
pas d'amener des gens au conseil d'administration. C'est un soupçon
injuste dira le ministre dans un grand élan d'indignation
que de penser qu'on va ainsi se mettre à plat ventre devant les
bailleurs de fonds étrangers. L'histoire nous dira, dans quelques
années, si c'était une accusation aussi injuste que cela. Mais
c'est la seule explication valable d'une mesure comme celle-là. Encore
là, comme dans le cas de l'article précédent, il s'agit
d'un précédent, il s'agit d'un droit nouveau. Ce ne sont pas du
tout des questions étroitement administratives dont on discute; c'est du
droit nouveau, un nouveau patron qu'on établit dans la constitution et
les pouvoirs des sociétés d'Etat. On ne le fait pas sans raison;
ce n'est pas sans des raisons extrêmement sérieuses qu'on essaie
de dissimuler, avec toutes sortes d'excuses plus ou moins plausibles. Dans ce
cas-ci, elles ne sont pas du tout plausibles, M. le Président. C'est
vraiment quelque chose qui dépasse un peu l'entendement que d'en
être rendu à des contorsions de ce genre de la part du
gouvernement.
Je pense qu'il y a là matière à réflexion
pour le gouvernement. Il nous dit constamment qu'il a besoin de
flexibilité et s indigne après si on fait une
interprétation défavorable, à ses yeux, de la
flexibilité qu'il demande. Il n'y a absolument pas de raison.
D'ailleurs, j'aurais pu en faire un point de règlement tout à
l'heure, lorsque le ministre nous prête l'intention de bloquer
systématiquement tous les projets de loi qu'il présente à
l'Assemblée nationale. D'ailleurs, c'est de la fatuité de sa
part, M. le Président, de supposer que tous les amendements et toutes
les lois qu'il va présenter sont d'une importance suffisante pour
mériter un grand débat. Je suis sûr qu'il n'en est rien. Il
y a un très grand nombre de projets de lois, qu'il serait imaginable de
lui voir présenter, qui ne mériteraient pas une
demi-journée de débat pour les trois étapes de nos
travaux. Certainement, des amendements qui pourraient être
apportés pour justifier rapidement l'élargissement d'un conseil
d'administration, dans des cas particuliers à des non-résidents,
pourraient être expédiés rapidement et à plus forte
raison pour l'augmentation des membres d'un conseil d'administration. Il y a de
nombreux précédents et supposer qu'on ferait des oppositions
systématiques, c'est nous prêter des intentions, ce qu'il n'a pas
le droit de faire. Il ne peut certainement pas non plus avoir la
prétention de présenter chaque fois des choses tellement
d'envergure qu'on se donne la peine d'utiliser toutes les armes de la
procédure pour s'y opposer. Dans le cas qui nous occupe, une motion
d'amendement à l'article 5, il me semble qu'il y aurait là aussi
un moyen terme. Comme tout à Iheure, on aurait fort bien pu proposer que
le nombre de membres soit de sept pour une période initiale de deux ans,
et qu'il soit de onze subséquemment. On pourrait fort bien proposer,
à l'article 7, qu'on remplace "Nul ne peut occuper la charge
d'administrateur s'il n'est pas domicilié au Québec", par "Au
moins la majorité des membres doivent être domiciliés au
Québec". Il n'y a même pas cette règle. On pourrait laisser
croire que tout le monde peut être domicilié en dehors du
Québec, c'est une interprétation ridicule, mais il n'y a rien
dans le projet de loi qui ne l'interdise.
M. Bérubé: Vous pouvez le sous-amender et le
présenter.
M. Forget: Le ministre donne des explications pour refuser des
amendements qui ne sont pas du tout supportées par le texte qu'il
défend. Si, dans le cas de tout à l'heure, il avait dit: Pour une
période initiale, ce sera de sept membres et après 12 ou 36 mois
d'administration le nombre pourra être porté à onze, cela
aurait été en accord avec ce qu'il nous a dit. Ici aussi, s'il
nous disait que les membres doivent être domiciliés au
Québec, à l'exception de deux ou un qui peuvent être
domiciliés à l'extérieur du Québec, ce serait
conforme à ce qu'il nous a dit. Mais dans sa rédaction actuelle,
il n'y a aucune correspondance. C'est une flexibilité dont il n'a
même pas l'intention de se prévaloir. C'est une façon
négligente de rédiger les lois et l'explication qu'il en donne,
par conséquent, ne peut pas être retenue sérieusement parce
que, encore une fois, il n'y a pas de correspondance entre ce qu'il dit et le
texte qu'il commente.
M. Guay: M. le député de Saint-Laurent fait un
sous-amendement pour amender...
M. Forget: Non. Je dis simplement que si le ministre était
conséquent avec lui-même, il l'aurait suggéré. S'il
ne l'a pas fait, c'est qu'il ne croit pas lui-même à sa propre
explication!
M. Guay: L'explication est très claire. Je ne comprends
pas que le député de Saint-Laurent ait pris tant de temps pour
nous exposer qu il n'a pas compris une chose qui est pourtant évidente.
Enfin! De toute façon, je vous avoue qu'il y a une distinction
fondamentale que le député de Saint-Laurent ne semble pas faire,
d'après la nature de ses propos, entre les secteurs d'activités
d'une collectivité et la nécessité, pour un gouvernement,
d'intervenir et de fixer, par loi... Dans certains secteurs d'activités
de la société, de la collectivité, il peut être
nécessaire que la totalité ou la majorité des membres de
conseils d'administration de sociétés privées ou publiques
soient des gens qui sont domiciliés dans l'Etat national en
question.
Le premier ministre lui-même, d'ailleurs à maintes
reprises, a évoqué et je me souviens d'ailleurs que dans
son discours à l'Economic
Club à New York, il y a déjà de cela un an et demi,
à peu près, ou un an en tout cas, le premier ministre avait
évoqué, à ce moment-là, si ma mémoire est
bonne, sinon dans le discours même, en tout cas dans les entretiens avec
les hommes d'affaires new-yorkais si j'en crois les rapports lus dans
les media d'information à cette époque-là il avait
évoqué que dans un secteur d'activité bien particulier
d'ailleurs, le secteur que le député de Saint-Laurent a
mentionné lorsqu'il a parlé du livre blanc sur les affaires
culturelles, dans ce domaine-là, le gouvernement actuel du Québec
a bien l'intention de faire en sorte ce n'est rien de nouveau que
les conseils d'administration des entreprises à caractère
culturel soient protégés de toute ingérence
étrangère étant donné le caractère
très particulier de la culture québécoise, son
caractère national et son caractère, en même temps,
minoritaire sur l'ensemble d'un continent largement anglo-saxon.
Dans des circonstances comme celles-là, on peut penser qu'un Etat
est justifié de prendre des mesures qui visent à l'assurer que
les industries culturelles, les organismes oeuvrant dans le domaine de la
culture, seront administrés par des gens qui sont
québécois et que tout cela n'ouvrira pas la porte à des
ingérences étrangères. Mais tel n'est pas
nécessairement le cas dans d'autres secteurs d'activité. Je pense
qu'une distinction comme celle-là est élémentaire. Je
m'explique difficilement que le député de Saint-Laurent ne la
fasse pas. Dans un secteur comme celui de l'amiante, qui implique la
transformation du minerai, qui implique un réseau d'exportation, qui
implique des rapports économiques constants et quotidiens avec
l'extérieur, il est bien évident que le problème se pose
de façon bien différente qu'il ne se pose dans le domaine
culturel. Dans un domaine comme celui-là, l'explication qu'a fournie le
ministre me semble tout à fait pertinente. Il se peut que l'on puisse et
que l'on veuille avoir recours, dans un cas ou dans quelques cas, à des
nominations de personnes au conseil d'administration qui ne soient pas
domiciliées au Québec.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
M. le député de Taschereau, excusez-moi. Les travaux de la
commission sont ajournés à demain dix heures.
(Fin de la séance à 22 h 1)