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Etude du projet de loi no 78
(Quinze heures quarante minutes)
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs.
Messieurs, nous allons commencer les travaux de cette commission
parlementaire élue permanente des richesses naturelles. Elle a un mandat
de faire l'étude, article par article, après la deuxième
lecture, du projet de loi 78, Loi modifiant de nouveau la Loi du régime
des eaux.
Sont membres de cette commission: M. Bérubé (Matane), M.
Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M.
Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette
(Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. O'Gallagher
(Robert-Baldwin) en remplacement de M. Raynauld (Outremont).
Pourraient aussi intervenir à cette commission: M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Garneau (Jean-Talon), M. Godin (Mercier), M. Landry
(Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger
(Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette
(Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Avant de commencer l'étude du projet de loi, il faudrait nommer
un rapporteur pour les travaux de cette commission. Est-ce que quelqu'un me
fait une suggestion?
M. Grégoire: Je suggérerais M. le
député d'Abitibi-Est.
Le Président (M. Dussault): M. le député
d'Abitibi-Est est proposé. Est-ce que vous acceptez, M. le
député?
M. Bordeleau: Oui, M. le Président, avec plaisir.
Le Président (M. Dussault): La commission est-elle
d'accord? Oui. M. le député d'Abitibi-Est devient le rapporteur.
Messieurs, s'il vous plaît! S'il n'y a pas de propos préalables
aux travaux de cette commission, je vais appeler l'article 1 du projet de loi
no 78. M. le ministre, je suppose que vous avez des remarques à faire
sur votre projet la loi.
Exposé préliminaire du ministre
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, oui enfin, si
peu de remarques néanmoins, puisque le débat à
l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a porté sur un
projet de loi qui, tout compte fait, n'a qu'un article, il ne pouvait faire
autrement que de porter sur le contenu de l'article comme tel.
J'ai donc eu l'occasion d'expliquer, dans ce débat de
deuxième lecture, qu'il fallait de nouveau amender la Loi du
régime des eaux de manière à adapter celle-ci à des
conditions un peu particulières.
En effet, si on refait l'historique des amendements successifs à
la Loi du régime des eaux, nous constatons qu'avant 1916, l'agent des
terres avait pleine juridiction pour l'aliénation, pour
l'émission de baux portant sur les lits des cours d'eau, des lacs ou des
rivières. Cependant, à partir de 1916, dans le but
d'éviter d'éliminer l'arbitraire politique, les gouvernements
antérieurs avaient choisi de réserver au lieutenant-gouverneur en
conseil la juridiction sur les lits des rivières et de n'autoriser que
le lieutenant-gouverneur à faire de telles aliénations.
Cependant, en 1974, je suppose l'accumulation de dossiers, de
décisions finissant par alourdir les travaux du Conseil des ministres,
évidemment, le lieutenant-gouverneur en conseil a recommandé une
modification de la loi, de manière à permettre à nouveau
au ministre des Richesses naturelles d'effectuer de telles aliénations.
Toutefois, ces aliénations devaient être conditionnelles au
respect de règlements préparés par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Les règlements furent donc
adoptés et, depuis ce temps, le ministre des Richesses naturelles
accepte un certain nombre d'aliénations, en général assez
rares, toujours en conformité avec les règlements en
question.
Cependant, nous nous heurtons à certaines difficultés. En
effet, certains citoyens, de bonne foi en général,
empiètent sur les lits des cours d'eau et, par conséquent, nous
devons régulariser la situation lorsque des normes de protection de
l'environnement prohibent, par exemple, le retrait de l'empiétement,
donc, son élimination. Il s'est donc retrouvé des cas où
les règlements ne pouvaient pas prévoir ces cas individuels. La
plupart des cas sont prévisibles, mais un certain nombre de cas ne le
sont pas. J'ai cité à l'Assemblée nationale, à
titre d'exemple, le problème des baux ne pouvant excéder 25
ans.
Nous avons eu des cas où, effectivement, il y a eu lieu
d'émettre un bail pour une période plus longue. Nous avons
souligné le cas également des marinas qui nous ont posé
des problèmes puisque la superficie étant considérable, le
loyer que l'on se devait d'exiger en vertu des règlements, même si
ce loyer était acceptable pour la plupart des empiétements
lorsqu'il était applicable à des marinas, devenait prohibitif. En
fait, il s'est révélé que quelques cas, 80 à peu
près, pouvaient difficilement être réglés par voie
de règlements généraux. Il y avait différentes
techniques possibles. En particulier, nous pouvions évidemment amender
les règlements chaque fois que nous nous trouvions devant une situation
particulière et, en vertu du nouveau règlement, régler la
situation. Cependant, cela aurait amené nécessairement une
modification peut-être plusieurs fois par année de ces
règlements. Je pense que c'est contraire à des techniques
juridiques normales. (15 h 45)
Comme il apparaît assez normal que l'exécutif d'un
gouvernement dans le système britannique est là pour gouverner,
est là pour prendre des décisions et que les citoyens qui font
face à un problème d'empiétement, qui doient
régulariser leur situation attendent une réponse de la part du
gouvernement, il est en général assez frustrant
qu'on doive répondre que la loi ne nous permet pas de
régler leur situation et que, par conséquent, ils doivent soit
démolir carrément l'empiétement, ce qui est contraire
à toutes les normes de protection de l'environnement, dans certains cas,
soit vivre dans l'illégalité, ce qui nous apparaît
complètement arbitraire.
Par conséquent, ce que nous suggérons, c'est de continuer
à régler la plupart de ces cas par voie réglementaire
traditionnelle, mais cependant de redonner au lieutenant-gouverneur en conseil
le pouvoir qu'il avait en 1974 de régler les cas individuels qui ne sont
malheureusement pas solubles en vertu des règlements. C'est donc
uniquement un retour à l'ancien état de choses d'avant 1974,
uniquement pour les cas où, effectivement, les règlements ne nous
permettent pas de prévoir.
Le Président (M. Dussault): Sur l'article 1, M. le
député de Saint-Laurent.
Remarques de l'Opposition M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, je ne veux pas rouvrir le
débat de deuxième lecture, pas plus que le ministre, mais je
crois qu'il serait bon de faire un peu l'inventaire des problèmes qu'on
a mentionnés en passant au moment de la deuxième lecture et qui
ne trouvent pas de solution dans ce projet de loi, qui est évidemment
très concis, très bref, peut-être à
l'excès.
Je crois que si on veut résumer l'ensemble des problèmes
qui n'ont pas de solution dans ce projet de loi, on pourrait dire qu'on voit
ici, dans la question du régime des eaux, un autre exemple de ce
comportement des gouvernements modernes ce n'est pas particulier au
Québec en vertu duquel on n'a plus un Etat, un gouvernement qui
agit comme un tout intégré et coordonné, mais une
série d'entreprises gouvernementales parallèles, chacune avec ses
préoccupations et ses pouvoirs et avec, dans le fond, le problème
de coordination de toutes ces interventions et de toutes ces entreprises
gouvernementales largement laissées au hasard des circonstances et
à l'initiative des citoyens. C'est tout à fait déplorable,
je pense, et il va bien falloir, un jour, commencer par apporter des solutions
à chacun des domaines où on retrouve ces pareils tiraillements de
l'administration publique dont les citoyens doivent faire les frais.
Deux exemples viennent tout de suite à l'esprit lorsqu'on parle
du régime des eaux. Le premier exemple, c'est qu'on devrait trouver dans
un projet de loi comme celui-là une affirmation qui aurait à peu
près l'effet suivant, à savoir qu'une autorisation donnée
pour un empiétement par le ministère des Richesses naturelles
fait preuve de façon irréfutable et irrévocable d'une
autorisation gouvernementale quant à tous les usages et à toutes
les préoccupations gouvernementales, y compris celles de
l'environnement.
Qu'un ministère qui est chargé de gérer le
patrimoine territorial, qu'il s'agisse des terres, des eaux, des forêts
ou Dieu sait quoi, donne une autorisation pour un usage spécifique et
privé d'une partie du territoire. Cela devrait faire preuve relativement
à toutes les autres préoccupations et il ne devrait pas
être possible au ministère de l'Environnement de dire:
Peut-être que oui, vous avez le droit de faire un empiètement,
mais pour des raisons d'environnement, on veut contester cette autorisation qui
a été donnée dans le cadre plus étroit d'une
gestion du patrimoine territorial.
Je pense qu'il y aurait un grand intérêt pour le citoyen
à ce que la loi lui donne des protections, des garanties de ce
côté, que ce qui est fait par un ministère ne puisse pas
être remis en question par un autre ministère.
La question se pose dans le cas de l'environnement et elle se pose
également dans le cas de l'aménagement du territoire. On ne
retrouve pas, dans cet article de loi, la notion que certains territoires
peuvent être inaliénables en fonction de décisions prises
par d'autres instances quant au zonage du territoire, quant à des
politiques qui pourraient être énoncées de temps à
autre par des instances qu'on va, par ailleurs, vouloir mettre sur pied et qui
pourraient déterminer que les rives de certains cours d'eau doivent
demeurer intégralement propriété publique et ne peuvent
jamais, sous aucune considération, même par distraction,
être cédées, font partie inaliénable du domaine
public. C'est un exemple et on pourrait en citer d'autres et à moins
d'avoir une référence précise dans la loi, bien sûr,
on se trouve devant une situation où le citoyen sera appelé
à se poser la question: Mon autorisation venant du ministère
fait-elle preuve envers et contre tous les autres ministères? Si l'on
regarde la chose du côté du gouvernement, dans son ensemble, on se
retrouve devant le même dilemme.
Combien de fois la direction générale de l'environnement
a-t-elle été placée devant des situations de fait
où, dans une période plus ou moins reculée dans le
passé, le ministère des Richesses naturelles avait consenti des
empiètements qui, subséquemment, ont été
jugés néfastes pour l'environnement par cette direction
générale, mais qu'il était impossible ou difficile
à moins de vraiment causer des dommages irréparables à
certains individus, d'apporter des corrections.
Il y a donc, du côté du gouvernement, la
préoccupation que lorsqu'un ministère agit, il peut porter
préjudice à d'autres dimensions de l'intérêt public
et pour les citoyens, la crainte existe toujours que l'autorisation de A sera
contestée par une action de B, A et B se situant au niveau
gouvernemental dans différents ministères et différentes
agences publiques.
Je crois qu'il y a un besoin urgent d'une meilleure coordination, pas
seulement administrative, parce qu'on peut bien dire: Oui, les gens se parlent,
et on va faire des regroupements de ministères, etc., mais que ces
actions distinctes aient un impact légal et produisent des garanties
pour le citoyen, parce que, finalement, c'est seulement là qu'on
va avoir la véritable incitation. Si le gouvernement savait que l'action
d'un ministère peut porter préjudice à l'action de tous
les autres ministères, il y aurait déjà une raison par
excellence pour se coordonner, mais si on se dit: Ce n'est pas trop grave, si
le ministère A donne une autorisation, le ministère B pourra
toujours la contester devant les tribunaux pour d'autres raisons en vertu de sa
propre loi et tant pis pour le citoyen, il n'a qu'à prendre cela,
prendre ses assurances en fonction de cela, je pense qu'on diminue d'autant
l'incitation qui peut exister au sein de l'administration publique et du
gouvernement pour obtenir une meilleure coordination. Je pense que c'est un
exemple. On pourrait probablement soulever un point comme celui-là
à l'occasion d'autres projets de loi, mais il est
particulièrement approprié de le soulever ici, parce que, bien
sûr, les intérêts patrimoniaux des individus comme ceux de
l'Etat sont en jeu. Ce sont des intérêts qui sont beaucoup plus
permanents et beaucoup plus importants en termes relatifs pour les uns et pour
les autres que des questions de caractère plus transitoire, des
autorisations qui ne laissent pas de trace, dans le fond. Les autorisations
dont on parle ici laissent des traces permanentes et c'est important.
Il y a une autre question, et je terminerai là-dessus, parce que
mon collègue, le député de Robert Baldwin, va donner plus
de détails quant aux implications concrètes de tout cela, mais
cela tient à la nature de l'autorisation. Le dernier point que je veux
soulever tient à la nature, au caractère de l'autorisation
donnée par un ministère. Il me semble important que cette
autorisation ait toutes les caractéristiques d'un acte officiel et que
cette autorisation comporte tous les éléments nécessaires
pour assurer non seulement l'apparence d'un droit pour l'individu qui se voit
octroyer une autorisation, mais la pleine réalisation, la pleine
actualisation de ce droit. Ce que je veux dire, c'est que si on donne une
autorisation de caractère domanial ou territorial à un individu,
faire un empiétement, c'est important d'avoir l'autorisation, mais il
est tout aussi important de savoir exactement à quelle parcelle de
terrain, comment cette parcelle est délimitée en termes physiques
pour l'individu impliqué.
Ce n'est pas suffisant de dire: Ah oui! le ministère a dit oui,
que je pouvais faire un empiétement. Il faut savoir exactement comment
cela est délimité. Il y a plusieurs façons de le faire,
c'est de le décrire de façon sommaire dans un document à
caractère strictement administratif et de dire: S'il y a une
contestation qui, subséquemment, s'élève soit entre des
particuliers, soit entre le particulier et l'Etat relativement à cette
autorisation, à son empiétement physique, à son envergure
physique, les tribunaux seront appelés à trancher. A ce
moment-là, c'est faire assumer par les tribunaux et par les individus,
les citoyens, le coût d'une détermination précise de
l'autorisation initialement donnée.
L'autre possibilité qui nous semblerait préfé-
rable, c'est de dire, en fonction de la loi: Non seulement cela va être
une autorisation, mais elle va être insérée dans un
document qui va comporter une description physique; ce n'est pas tout, cette
description physique du territoire sur lequel s'applique l'autorisation va
avoir le même effet que certains autres documents auxquels fait mention
le Code civil et le Code de procédure civile, c'est-à-dire qu'il
va avoir l'effet d'un procès-verbal de bornage, par exemple.
C'est-à-dire qu'on n'aura pas besoin de retourner chez un arpenteur,
d'intenter une action en bornage auprès d'une cour civile pour
être sûr que l'autorisation donnée en telle année par
le ministère des Richesses naturelles, vraiment, s'étend de tant
de pieds à gauche de telle ligne et etc., le genre de description qu'on
retrouve dans un procès-verbal d'arpentage, mais que l'autorisation
elle-même va comporter ces caractéristiques.
Dans le fond, si on veut que ce soit un service public, je pense bien
que c'est cela dans la mesure où on trouve que l'intérêt
public n'exige pas que telle parcelle de rive ou de territoire demeure
propriété du domaine public, on dit: Comme service au public, on
veut le rendre accessible à des individus qui en ont besoin pour telle
ou telle fin légitime. Si on pousse un peu plus loin cette notion, on
devrait donner à ces individus auxquels on donne une autorisation les
moyens légaux de se défendre, ensuite, contre des contestations
toujours possibles et extrêmement coûteuses quand elles
viennent.
Il y a eu des exemples. Encore une fois, mon collègue de Robert
Baldwin va les citer et cela est une dimension. Dans le fond, les trois
remarques que je fais, c'est de me poser la question suivante: C'est
très bien de vouloir donner la souplesse et la flexibilité dans
la manière dont les autorisations sont données, c'est très
bien, c'est probablement inévitable; ce serait peut-être
souhaitable qu'elles puissent toujours être faites à
l'intérieur d'un règlement, mais il y a une limite à ce
qu'on peut mettre dans les règlements pour prévoir des situations
particulières. Il faut, je pense bien, accepter un certain pouvoir
discrétionnaire, dans le meilleur sens du mot.
Cependant, on ne s'arrête pas là. Il faut dire: Une fois
qu'on a un pouvoir qui s'exerce en vertu des règlements ou en vertu d'un
pouvoir discrétionnaire, est-ce qu'il est assorti de toutes les
conditions nécessaires pour que les autorisations qu'on donne aient
véritablement la portée qu'on veut leur donner et qu'elles
donnent ces autorisations aux citoyens qui sont bénéficiaires des
droits réels, ou plutôt des espérances de droits qui sont
toujours contestables, soit par d'autres ministères, soit par des
particuliers et alors entraînent ces individus dans une espèce de
maquis juridique extrêmement coûteux faisant de ces concessions ces
autorisations, par incurie ou par manque de spécification de ce qu'elles
devraient contenir et leurs implications légales, une espèce de
cadeau de Grec ou de cadeau empoisonné, où on donne, mais on ne
donne pas complètement? En fait, on donne un droit qui est contestable,
mal délimité, et
qui peut être la source et qui, effectivement, était
la source, pour bien des individus de difficultés
considérables.
M. le Président, c'est tout ce qu'on a à dire. En
terminant, je devrais peut-être vous mentionner que ces propos, on aurait
pu les consigner dans des motions d'amendement formelles, mais ce n'est pas
notre intention. On veut simplement souligner au ministre qu'il y a ces
dimensions-là. S'il pouvait en tenir compte, on l'apprécierait
beaucoup. C'est une contribution qui se veut positive.
On ne veut pas bloquer cette loi parce qu'elle est souhaitable. Mais il
me semble que cela donne une occasion au gouvernement, en allant juste un peu
plus loin, de solutionner un tas d'autres problèmes, pas seulement ses
problèmes de décision à lui, mais les problèmes
qu'ont les citoyens face à l'administration publique. Dans le fond, si
on pouvait faire les deux en même temps, tout le monde serait content et
on n'aurait rien perdu. Sur le plan des objectifs de la loi et du gouvernement,
je pense bien qu'on n'a absolument rien perdu. Au contraire, on pourrait dire
qu'on n'a pas réglé seulement un problème, mais qu'on en a
réglé trois ou quatre en même temps. (16 heures)
Etude du projet de loi
Le Président (M. Dussault): Je suis l'ordre d'alternance.
M. le député de Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, peut-être que le
ministre pourra me renseigner. Jusqu'à quel point cette loi peut-elle
affecter les propriétaires de maisons d'été situées
le long d'un cours d'eau, où il y aurait peut-être 25 ou 30 camps,
avec des petits quais, soit pour leur bateau ou leur canot? Souvent, il y a des
passerelles flottantes, d'autres sont sur pivots. Est-ce que le projet de loi
éveillerait un certain état policier qui ferait que tous ces gens
seraient visités et se feraient dire: Ecoutez vous n'avez plus le droit
de faire cela.
Je ne sais pas s'ils ont le droit actuellement par d'autres lois. C'est
cela qui me préoccupe le plus dans ces cas-là. Jusqu'où
pourrait-on aller pour faire démolir tous ces genres de petites
passerelles? Est-ce qu'on leur facturait un loyer annuel pour
l'empiétement sur les cours d'eau? Pouvez-vous me répondre
là-dessus, M. le ministre?
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Bérubé: Oui. M. le Président, nous avons
présentement un règlement qui nous permet de régulariser
l'occupation par des riverains du domaine foncier pour des fins justement
d'accessibilité telles que quais, etc., et il arrive parfois que, de
l'opinion de nos administrateurs et en général, c'est en fonction
de considérations environnementales, ces empiétements soient par
trop importants et qu'ils doivent être réduits. Il arrive donc aux
autorités du ministère d'exiger la démolition partielle de
certains empiétements. Certes, cela se produit.
Pour autant que le présent amendement est concerné, il n'a
pas pour objectif de rendre la loi plus stricte, mais il a au contraire comme
objectif de rendre la loi plus souple. En d'autres termes, si nous devons
appliquer un règlement, nous sommes donc tenus de respecter un ensemble
de règles précises qui ne peuvent pas toujours décrire
fidèlement les situations auxquelles l'administrateur aura à
faire face et, par conséquent, il doit donc ramener la
réalité au niveau de l'organisation des règlements
eux-mêmes. Il doit donc souvent exercer des contraintes beaucoup plus
importantes que nous le voudrions. C'est pour cette raison qu'en permettant
à l'administration publique de faire preuve d'un peu plus de
flexibilité, mais cependant en soumettant une telle flexibilité
à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil de manière
à compliquer, de façon significative, de tels règlements,
on pourra permettre à la loi d'être plus humaine, plus flexible,
plus compréhensive.
L'objectif du présent amendement n'est pas de rendre encore plus
sévères les règlements, mais, au contraire, de maintenir
les règlements actuels et, à la place, de tenter de les rendre un
peu plus flexibles.
Cependant, présentement, nous reconnaissons que même nos
règlements au niveau de la direction générale des eaux
sont peut-être insuffisamment précis. Nous croyons qu'il existe
certains types d'empiétements, tels qu'un quai flottant, par exemple, de
petites dimensions, pouvant être relié soit à la superficie
occupée ou soit à son importance par rapport à la largeur
d'un cours d'eau. Certaines occupations du lit des cours d'eau sont des
occupations, somme toute, bénignes et il n'est pas nécessaire,
à ce titre, de demander un permis puisque la tendance de tous les
gouvernements, c'est d'augmenter le nombre de permis nécessaires et on
finit pas s'embourber.
Ce que nous cherchons présentement à faire nous
aurons bientôt une proposition à faire au Conseil des ministres
c'est modifier les amendements de manière que le citoyen
ordinaire qui se construit un quai flottant, facilement amovible n'ait pas
d'autorisation à demander, dans la mesure où il respecte un
certain nombre de contraintes de dimensions, les permis requis du
ministère s'appliquant à ce moment-là pour les
empiétements mineurs, par exemple des quais flottants, mais de plus
grande envergure, ou encore les empiétements permanents.
Cependant je ne veux pas entrer dans les détails des objections
qu'a soulevées le député de Saint-Laurent. J'aimerais
peut-être y apporter plus de temps dans quelques instants, mais je pense
que cela devrait répondre essentiellement à votre question, en ce
sens que les règlements se dirigent présentement du
côté d'un assouplissement en n'exigeant plus, de la part des
propriétaires riverains qui ont empiété de façon
bénigne, sous la forme de quais, par exemple, en n'exigeant plus de
permis gouvernementaux, mais en continuant à le faire pour l'ensemble
des autres empiétements. Nos règlements s'assouplissent aussi
dans la mesure où, ne pouvant tout prévoir, nous
pourrons désormais régler les cas particuliers en allant
directement au lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Laplante: Je suis très heureux de cette réponse,
parce que depuis que les débats sont télévisés,
dès la fin de semaine dernière, j'ai reçu justement des
lettres de la part des citoyens exprimant leur crainte que le gouvernement
abuse à cause de ces passerelles. J'étais dans
l'impossibilité de leur répondre. C'est pourquoi je vous ai
posé la question. Je suis très satisfait de la réponse que
vous donnez. En somme, il y a une nette différence entre un particulier
qui a une petite passerelle ou un petit quai pour son petit canot ou son petit
bateau, et un autre groupe qui forme justement ce genre de marina. Ce groupe
aura des permissions à demander. Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Le projet de loi
78 donne au ministère des Richesses naturelles des pouvoirs additionnels
pour entreprendre des transactions immobilières avec le public pour la
bonne gestion du domaine public qui est sous sa gérance,
particulièrement, les grèves et les lits de rivières et de
lacs. Le ministère des Richesses naturelles a déjà une
réglementation assez compréhensive qui lui permet de
protéger le domaine public. Cette réglementation additionnelle
qu'on demande aujourd'hui est sans doute pour régler des cas
d'exception. Depuis quelques années, le ministère des Richesses
naturelles offre au public riverain des lacs et des cours d'eau qui sont dans
une situation d'empiétement, un choix assez large, de manière
à légiférer sur leur situation, soit par bail à
long terme, à court terme ou par une vente directe avec lettres patentes
de la couronne.
On donne ici, comme exemple, tout le tour de l'île de
Montréal où vous avez des citoyens qui sont dans une situation
d'empiétement au-delà de la ligne des autres eaux ordinaires.
C'est la ligne de division entre un domaine public et un domaine privé.
C'est une situation extrêmement sérieuse pour les citoyens, quels
qu'ils soient, riches ou pauvres. Ces maisons ou ces propriétés
sont menacées d'une espèce d'hypothèque. Il faut que
l'empiétement, s'il existe, soit réglé, que la
propriété soit dans un état de pleine valeur pour
être vendue. Ces empiétements, dans la majorité des cas,
sont faits de bonne foi, pas nécessairement par le propriétaire
actuel, mais souvent par le précédent, dans la plupart des cas,
bien avant que le ministère des Richesses naturelles n'ait
institué la surveillance des rivières et des cours d'eau.
Pour légiférer sur cette situation d'empiètement et
pour donner sa juste valeur à sa propriété, le
ministère des Richesses naturelles a mis à la disposition du
public des moyens d'acquérir ces terrains sur lesquels on a
empiété.
Par mon exposé, je veux faire valoir la situa- tion du
propriétaire qui est aussi riverain, mais qui n'est pas dans une
situation d'empiétement. Les lois et ce projet de loi sont faits pour
bien gérer le domaine public dans les cas d'empiètement, mais
dans le cas où il n'y a pas d'empiètement, le citoyen a beaucoup
de difficulté a faire établir sa ligne de propriété
par la couronne d'une façon simple, non dispendieuse, rapide et surtout
avec permanence.
M. le Président, permettez-moi de vous citer des exemples. Le cas
d'un citoyen, situé sur le bord d'une rivière ou d'un lac, qui
veut se construire un mur de soutènement sur la ligne des hautes eaux
ordinaires, soit la ligne entre le domaine public et le domaine privé.
Il fait venir un inspecteur, sur demande du ministère des Richesses
naturelles, qui examine les lieux, pose des piquets à des endroits
où, dans l'opinion de l'inspecteur, passe la ligne des hautes eaux
ordinaires. Le propriétaire construit le mur. L'inspecteur revient,
donne son approbation verbale et c'est tout. Il n'y a aucun papier signé
par quelque personne en autorité qui soit remis au citoyen et qui
indique qu'il y a eu entente officielle entre le ministre des Richesses
naturelles et le citoyen.
Il arrive bien souvent j'ai vu des cas que, quelques
années plus tard, un autre inspecteur passe et dise que, selon son
opinion, la ligne des hautes eaux ordinaires passe à cinq, dix ou
même quinze pieds à l'intérieur du mur. Alors, le
propriétaire se trouve dans une situation d'empiétement. On peut
comprendre que deux personnes puissent avoir différentes opinions sur la
position de la ligne des hautes eaux ordinaires, car il y a tellement de
facteurs qui affectent la position. De jour en jour, sa position peut changer.
Normalement, sur un terrain à l'état naturel, on peut dire que la
ligne des hautes eaux ordinaires se situe là où la
végétation se termine. Cependant, la position de la ligne des
hautes eaux ordinaires peut être affectée par le niveau d'eau, les
travaux riverains, le vent, l'érosion, les vagues, le courant, etc.
C'est pour ça que nous avons des différences d'opinions d'un
fonctionnaire à l'autre sur une période de quelques
années.
Si une personne située sur le bord d'une rivière ou d'un
lac veut faire préciser sa ligne par la couronne pour protéger sa
propriété et éviter la possibilité d'être
menacé d'un empiétement causé par des effets naturels, des
"acts of God", il y a seulement l'action en bornage disponible pour
régler cette chose. Le propriétaire peut aller en bornage avec le
gouvernement pour établir définitivement sa ligne. Cette
procédure je parle en connaissance de cause comme
arpenteur-géomètre est beaucoup trop lente et
extrêmement dispendieuse pour le citoyen et, par conséquent, n'est
pas à la portée du public. On fait des lois et des
règlements pour les rendre disponibles au public.
M. le Président, le ministre des Richesses naturelles, au nom du
gouvernement, ne peut pas agir, car c'est seulement le ministre de la Justice
qui peut agir dans un tel cas. Si le ministre m'écoute, je vais...
M. Bérubé: J'écoute d'une oreille et, en
même temps, j'essaie d'avoir l'explication de l'autre...
M. O'Gallagher: Je vais vous donner le temps de consulter votre
conseiller.
Le deuxième cas que je voudrais vous citer, M. le
Président, est un cas qui m'affecte directement comme
arpenteur-géomètre. Le propriétaire riverain me donne le
mandat de subdiviser son terrain. Je le fais de bonne foi suivant mes
meilleures connaissances et expériences. La subdivision est
acceptée par le ministre des Terres et Forêts. La construction est
faite par le constructeur sur le bord de l'eau et le terrain est
éventuellement vendu. (76 h 15)
II n'y a rien dans la réglementation du ministère des
Richesses naturelles qui permette l'acceptation définitive de la ligne
de cadastre que j'ai établie...
M. Bérubé: La ligne des hautes eaux.
M. O'Gallagher: Oui, la ligne des hautes eaux. Il n'y a rien pour
l'établir au moment où je la subdivise pour la fixer. C'est
toujours assujetti à l'opinion d'un quelconque inspecteur, et je
voudrais vous citer un cas typique que j'ai eu. Vos spécialistes vont
sans doute se le rappeler. C'est une cause où j'ai été
consulté. C'est le cas de M. Maccandlish, 4 Garrisson Lane,
Beaconsfield.
Je vais vous laisser la lettre du ministère des Richesses
naturelles. Je vais la citer. C'est une lettre écrite en anglais
à part cela.
C'est une partie de la lettre que je cite: "We suggest that you inform
your land surveyor that, in our opinion, he will have to alter the cadastral
plan... " écoutez cela, c'est intéressant
"...because the proposed natural high water line does not correspond to the
existing cadastral boundary".
Non seulement, il y a subdivision déposée au
ministère des Terres et Forêts, mais il y a eu construction d'une
maison et il y a eu vente à un individu. Quelques années
après que la personne a acheté le terrain, il est tout à
coup menacé d'un empiétement, dans ce cas-ci, de 1100 pieds
carrés de terrain de "prime land". Il y a d'autres exemples. Sans doute,
vos conseillers ont-ils vu cela. Alors, il fait face à une situation.
Son terrain est gelé. Il ne peut rien faire. Il ne peut le vendre
immédiatement, parce qu'il y a cette menace d'hypothèque, cette
menace de lien sur son terrain, de 1100 pieds carrés.
Alors, il a un choix à faire. M faut qu'il le fasse borner par le
gouvernement. Il va être obligé de s'engager un avocat et un
arpenteur-géomètre pour aller contre tous les spécialistes
que le gouvernement peut appeler. Son affaire n'est pas très rose, ou
bien il va régler sa situation avec le gouvernement et il va être
obligé de payer les 1100 pieds de terrain. D'après la lettre du
ministère, on va l'évaluer à 50% de sa valeur marchande.
1100 pieds de terrain sur le bord d'une rivière, à Beaconsfield,
cela vaut de l'argent. Cela veut dire 1100 pieds à $2 le pied, à
50% de son rôle d'évaluation, cela fait de l'argent.
Il va s'engager à poursuivre toutes les normes du gouvernement,
engager un arpenteur-géomètre, pour établir toutes les
lignes suivant les normes du ministère des Terres et Forêts et
suivant les normes du ministère des Richesses naturelles, ce qui lui
coûte environ $1000 seulement en frais professionnels, au minimum, et
ensuite, il devra payer le prix. Quel est son choix après cela?
Actionner l'entrepreneur. Et ensuite, l'entrepreneur va actionner
l'arpenteur-géomètre. C'est une situation...
M. Bérubé: Ah! Je vois pourquoi vous êtes mal
à l'aise, M. le député.
M. O'Gallagher: Je n'étais pas impliqué dans ce
cas. Mais c'est une situation qu'on voit partout et non seulement sur
l'île de Montréal. C'est partout où il y a des cours d'eau
et où il y a le problème d'établir la ligne entre le
domaine public et le domaine privé.
Pour appuyer mon argumentation que les fonctionnaires du
ministère peuvent changer d'idée d'une année à
l'autre, je voudrais vous citer le cas de la rivière Nicolet où
il y a eu une action par le procureur général de la province de
Québec contre Jean-Paul Doyon. M. Doyon a eu la permission de construire
une jetée entre son terrain et une île. Il a eu la permission d'un
fonctionnaire. Vous êtes sans doute au courant de l'affaire. Il y a
quelques années, pour quelque raison, je ne voudrais pas entrer dans les
détails, le ministère a changé d'idée. Il n'a
respecté en aucune façon la lettre du fonctionnaire. C'est
allé en cour, le juge a donné raison au gouvernement. Cependant,
il a rendu justice au propriétaire pour les coûts encourus.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, il faut trouver une
manière de délimiter efficacement, rapidement, la ligne entre le
domaine public et le domaine privé. Cela pourrait se faire par
réglementation à votre ministère. Pour faire cela, M. le
Président, je propose que dans le projet de loi 78, au sixième
alinéa, après le premier mot "et" qu'on ajoute "à convenir
d'une délimitation". Simplement cela. A la sixième ligne,
après...
Le Président (M. Dussault): La sixième ligne de
quoi, M. le député?
M. O'Gallagher: 1 b.
M. Forget: Après "et".
M. O'Gallagher: Après "et", à la sixième
ligne, ajouter "à convenir d'une délimitation". Cela va
régler bien des cas. Je pense qu'en consultant vos professionnels du
ministère, cela va régler bien des bobos et bien des
problèmes, surtout dans le cas d'une personne, qui est aujourd'hui
propriétaire du bord de l'eau. Elle est toujours menacée d'une
accusation possible d'empiétement. Elle peut avoir recours, tout
simplement, au ministère
des Richesses naturelles pour régler cette chose
définitivement.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Robert Baldwin, si j'ai bien compris l'esprit de votre intervention, vous
faites une suggestion à M. le ministre, vous n'en faites pas une motion
d'amendement.
M. O'Gallagher: Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Bérubé: Selon les us et coutumes de notre
système parlementaire, il serait bon qu'on ait une motion.
M. O'Gallagher: J'en fais motion, M. le Président.
M. Bérubé: On l'a examinée rapidement et,
effectivement, la proposition me semble tout à fait valable. D'ailleurs,
j'aurai moi-même un amendement à proposer pour assouplir encore un
terme, remplacer, par exemple, "à consentir la vente" plutôt que
de le rédiger en disant "à consentir l'aliénation",
puisqu'il y a des cas où il est préférable
d'aliéner sans qu'il y ait vente comme telle. Effectivement, dans la
mesure où on peut consentir une aliénation, on peut
également convenir d'un tracé, d'une délimitation à
la propriété. Je pense que cela revient au même. Cela ne
nuit pas non plus et cela pourrait effectivement...
Cela nous semblerait utile. Je pense que c'est une bonne suggestion.
M. O'Gallagher: Je m'excuse, M. le Président, mais il y a
eu d'autres cas, comme vous le savez...
M. Bérubé: Nous allons faire cela suivant nos
habitudes parlementaires.
M. O'Gallagher:... entre l'Hydro-Québec et les compagnies
de papier qui ont entraîné des coûts épouvantables,
des procédures, des procès-verbaux de bornage. Il y a eu des
coûts au-delà de $100 000 pour établir une telle ligne. Je
pense que toutes ces affaires auraient été évitées
par une réglementation simple.
Le Président (M. Dussault): Puisque vous en faites un
amendement formel, M. le député de Robert Baldwin, je vais
reprendre pour les fins du journal des Débats. Votre amendement
consisterait à ajouter, à la sixième ligne, après
le mot "et" et la virgule, les mots "à convenir d'une
délimitation,"; là, il y aurait une autre virgule, "dans les cas
non prévus..." Je ne vois pas...
M. Bérubé: C'est mal placé.
Le Président (M. Dussault): Je considère qu'il y a
un problème au niveau...
M. O'Gallagher: Peut-être que c'est mal placé, il
faudrait trouver la façon de le placer.
Le Président (M. Dussault): ... au niveau des mots, de la
formulation.
M. Bérubé: Nous allons essayer de formuler ici,
avec Me Hamel, trouver une formulation qui pourrait respecter l'esprit.
Le Président (M. Dussault): Vous permettez qu'on...
M. Forget: Au moins, il ne faudrait pas qu'il y ait une virgule
après "et". Dans le fond, la structure de la phrase devient "à
consentir la vente etc. etc. et à convenir une
délimitation dans les cas non prévus par un tel
règlement".
Le Président (M. Dussault): Si vous permettez, M. le
député de Saint-Laurent et M. le député de Robert
Baldwin, nous allons suspendre pour quelques minutes de façon à
parachever l'amendement; nous serons plus à l'aise. Nous suspendons pour
deux minutes.
Suspension de la séance à 16 h 27
Reprise de la séance à 16 h 37
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs!
Nous allons reprendre nos travaux. L'amendement qu'a proposé M.
le député de Robert Baldwin voudrait, à la sixième
ligne, après le mot "et", enlever la virgule et ajouter "à
convenir d'une délimitation". Nous mettrions un point. Ensuite, "Dans"
s'écrirait avec une lettre majuscule. Et, si l'on continue, "Dans les
cas non prévus dans un tel règlement" il faudrait ajouter "le
lieutenant-gouverneur en conseil peut" et nous continuons avec le texte que
nous avons dans le projet de loi "autoriser, aux conditions que
déterminent dans chaque cas, l'aliénation, l'échange,
l'allocation, l'occupation de ce bien". C'est bien ce que vous voulez, M. le
député?
M. O'Gallagher: La délimitation. L'occupation.
M. Bérubé: L'occupation de ce bien, et une
convention de délimitation.
Le Président (M. Dussault): II s'agirait d'ajouter, en
plus de "de ce bien", les mots "et une convention de délimitation".
M. Bérubé: L'occupation de ce bien et sa
délimitation. C'est écrit en français, c'est plus
élégant.
Le Président (M. Dussault): Je vous fais
répéter, M. le ministre. Après "ou l'occupation de ce
bien" il faudrait ajouter...
M. Bérubé: Et sa délimitation.
Le Président (M. Dussault): "et sa
délimitation".
Est-ce que cet amendement est adopté?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Dussault): Nous revenons à
l'article 1, tel qu'amendé. M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président. J'aimerais
introduire un autre amendement qui m'est suggéré par M. Jules
Brière et qui consisterait en la modification d'un mot. En effet,
à l'alinéa b, quatrième ligne, il est écrit "le
ministre des Richesses naturelles à consentir la vente". J'aimerais
remplacer le mot "vente" par le mot "l'aliénation ".
M. Forget: Quel genre d'aliénation qui ne serait pas une
vente?
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le ministre et
M. le député. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me
répéter l'amendement qui aurait pour but de remplacer "à
consentir" par les mots...
M. Bérubé: "Consentir la vente" remplacer "la
vente" par "l'aliénation".
Le Président (M. Dussaul): Ah bon! "A consentir
l'aliénation". Je reçois cet amendement. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Ma question
était de savoir si, en étant plus général dans le
libellé, on vise des aliénations qui ne sont pas des ventes.
D'après l'amendement du ministre, des aliénations qui ne sont pas
des ventes, on peut penser à des donations. Le gouvernement aurait le
pouvoir de donner une partie du domaine public qui se situe sur les cours d'eau
ou des lacs. Est-ce bien cela, ou est-ce que ce serait une aliénation
qui n'aurait pas le caractèrre d'une vente, mais qui serait une cession
de droits réels, telle que la cession d'un usufruit, mais non pas du
bien-fonds?
M. Bérubé: Une servitude, oui, M. le
Président. Effectivement, il s'agit évidemment, dans ces
règlements, de tenter de régler le plus grand nombre de cas
possible. Tel que le projet de loi est rédigé, seules les ventes
pourraient faire l'objet d'une réglementation. Or, les cas de servitude,
par exemple, ne pourraient pas faire l'objet d'une réglementation et
devraient, à ce moment-là, être tous soumis au
lieutenant-gouverneur en conseil. Cela veut donc dire qu'en modifiant le mot
"vente" par "aliénation", on pourrait couvrir, par voie
réglementaire, également le cas des servitudes ou autres droits,
autres usufruits.
M. Forget: Autrement dit, quelqu'un pourrait avoir l'autorisation
de construire un quai permanent en béton, par exemple, sur le lit d'une
rivière ou d'un lac, non pas parce qu'il serait propriétaire du
lit, mais simplement parce qu'il aurait le droit de construire un quai et de le
maintenir en opération indéfiniment. Est-ce que c'est un exemple
approprié ou est-ce que c'est autre chose que le ministre a en
tête?
M. Bérubé: Non, dans mon esprit, pour un ouvrage
permanent de ce type, il faudrait véritablement un bail à tout le
moins pour pouvoir occuper un terrain. Cependant, j'essaie d'imaginer un droit
de passage, par exemple, sur une berge d'un cours d'eau, qui pourrait
être couvert non pas par un bail qui en donnerait une
propriété, mais qui pourrait être couvert par une simple
servitude de droit de passage.
M. Forget: De droit de passage sur... M. Bérubé:
Sur les berges.
M. Forget: ... la rive, en bas de la ligne des hautes eaux.
M. Bérubé: On me donne l'exemple de tuyaux, de
fils.
M. Forget: D'accord.
Le Président (M. Dussault): Cet amendement est-il
adopté?
M. Laplante: Est-ce qu'il vous a donné un bon tuyau?
Le Président (M. Dussault): Je répète ma
question. Est-ce que...
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Dussault): Cet amendement est donc
adopté. Est-ce que l'article 1 est adopté?
M. Bérubé: M. le Président, j'aurais
aimé répondre à certaines réflexions fort
pertinentes du député de Saint-Laurent, à tout le moins
pour les inscrire au procès-verbal des travaux de notre commission.
Le député de Saint-Laurent a soulevé un certain
nombre de questions fort pertinentes concernant d'abord la très grande
complexité de l'appareil gouvernemental, de l'évidente absence de
coordination des différents gestionnaires du territoire. Je me suis
arrêté pour essayer d'imaginer, par exemple, dans certains cas, le
nombre d'intervenants gouvernementaux ayant juridiction sur le territoire. On
peut considérer que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche peut avoir juridiction sur un territoire, en vertu de la faune qui
y séjourne. Le ministre d'Etat à l'environnement
évidemment y a également juridiction. Le ministre des Terres et
Forêts peut y avoir juridiction et, s'il s'agit d'une réserve des
trois chaînes, il a juridiction également en vertu de son titre de
gestionnaire des terres. S'il s'agit d'un terrain qui borne un cours d'eau, le
ministre des Richesses naturelles y a évidemment juridiction.
Les Affaires municipales y ont également juridiction dans la
mesure où les plans de zonage municipaux relèvent de cela. On
pourrait parler du ministre de l'Agriculture si jamais cette Assemblée
nationale décidait d'adopter un projet de loi introduisant, par exemple,
le zonage agricole. Par conséquent...
Une Voix: II faudrait d'abord qu'il soit
présenté.
M. Bérubé: C'est cela. Par conséquent, il ne
fait aucun doute j'en ai certainement oublié que cette
multiplicité de juridictions est certainement de nature à
totalement confondre le citoyen. (16 h 45)
D'ailleurs, à titre d'anecdote, je me souviens d'une
séance de travail du Conseil des ministres, où, ayant
ratifié un arrêté en conseil, nous cédions la
réserve des trois chaînes pour l'implantation de l'usine de
Saint-Félicien à Donohue. Il fallait présenter, comme
ministre des Terres et Forêts, un arrêté en conseil pour la
vente de la réserve des trois chaînes, l'usine était
d'ailleurs construite. Quinze jours plus tard, je présentais un nouvel
arrêté en conseil, cette fois pour vendre le fonds du lac,
puisqu'il s'agissait d'un petit lac, d'un petit étang, qui avait
été rempli pour construire l'usine, ce à quoi,
évidemment, le ministre de l'environnement a posé la question:
M'aviez-vous demandé la permission? En d'autres termes, l'action
gouvernementale était carrément diluée entre les mains de
trois ministres agissant à titre différent.
Il semblerait certes intéressant de vouloir éventuellement
s'assurer qu'une décision gouvernementale par un ministre entraîne
automatiquement la décision de tous les autres ministres, mais,
cependant, je crois que ce ne serait peut-être pas respecter la
juridiction de chaque ministre, pour autant que ce ministre est chargé
d'appliquer une loi. En d'autres termes, le fait pour le ministre des Richesses
naturelles d'émettre un bail ou de vendre une parcelle de terrain sur un
cours d'eau n'entraîne évidemment pas automatiquement que ce que
le citoyen fera de cette parcelle de terrain qu'il vient d'acheter de l'Etat,
est soumis aux normes de protection de l'environnement. De la même
façon que, pour le ministre des Terres et Forêts qui vend une
parcelle de terrain pour une implantation industrielle, ce faisant, le ministre
des Terres et Forêts, évidemment, n'entraîne pas
automatiquement un permis qui viendrait du ministère de l'environnement.
Il va de soi que chaque ministre est tenu de voir à l'application des
lois qui régissent son ministère, et, par conséquent,
aucun ministre ne pourrait prétendre contrôler un autre
ministère de près ou de loin.
Cependant, il y a certainement lieu de tenter d'éviter la
multiplication des intervenants. En particulier lorsqu'on parle de l'eau, il
apparaît très normal qu'au moins, il puisse y avoir un seul
gestionnaire de l'eau, que, finalement, de telles autorisations ne proviennent
peut-être que d'un seul et même ministère, un
ministère qui aurait juridiction sur tout ce qui a trait à l'eau.
Je pense que, dans un tel cas, évidemment, on aurait simplifié la
procédure. Je pense également qu'il y aurait avantage à
s'assurer que la gestion domaniale soit entre les mains d'une seule et
même personne, en d'autres termes, que le gestionnaire du domaine public
n'ait comme but que la confection d'un cadastre, la préparation de
titres de propriété clairs qui évitent les contestations
ultérieures. Je pense que c'est fondamentalement le rôle, pour
l'instant en tout cas, du ministre des Terres et Forêts. Il y a quelques
années, d'ailleurs, le ministère des Affaires culturelles devait
adopter un amendement à sa loi en vertu de laquelle, avant d'enregistrer
une modification au cadastre, le ministre des Terres et Forêts doit
s'assurer qu'effectivement la subdivision du lot en question se fait en
conformité avec la Loi des biens culturels et dans un but de
protection.
On peut comprendre, effectivement, que le gouvernement d'alors ait voulu
simplifier les intervenants et ait voulu exercer un contrôle par le biais
du ministre des Terres et Forêts. Cependant, la multiplication des
règlements à l'intérieur de toutes les agences
gouvernementales est telle qu'il devient de plus en plus difficile pour un
organisme gouvernemental de savoir, par exemple lorsqu'il prend une
décision d'émission de lettres patentes, si la personne en
question respecte les lois de la protection de la faune, respecte la Loi des
forêts, respecte la Loi des eaux, la Loi des terres, la Loi des affaires
municipales, respecte, en fait, toutes les lois imaginables au Québec.
Cela devient extrêmement difficile. Je pense que cela peut contribuer
également à ralentir énormément le processus
administratif de l'émission, par exemple, de telles lettres patentes.
Par conséquent, s'il est vrai qu'il peut apparaître
intéressant d'éviter la multiplication des intervenants et de
tenter de consolider, de rationaliser certaines décisions
administratives, je pense que l'on ne pourra pas, néanmoins, simplifier
à l'extrême et nous devrons rester encore avec des juridictions
éparses. Je pense que c'est de la nature même du fonctionnement
gouvernemental.
Je dois dire d'ailleurs que la mise sur pied des comités
ministériels sous la présidence des ministres d'Etat vise
justement à ramener au niveau politique, sans atteindre,
peut-être, le Conseil des ministres, ces problèmes d'arbitrage
entre deux juridictions qui peuvent avoir des objectifs opposés. Il ne
fait aucun doute que le ministre de l'environnement n'a comme objectif que la
protection intégrale de la faune, alors que le ministre du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche, au contraire, peut vouloir protéger la
faune uniquement dans le but de permettre la chasse et de permettre une
activité économique ou une activité de loisirs. Il s'agit
donc de deux objectifs qui peuvent être contradictoires et il
apparaît sage qu'éventuellement, on doive aller à
l'arbitrage, soit à l'arbitrage d'un ministre d'Etat au sein d'un
comité ou encore à l'arbitrage du Conseil des ministres lorsqu'on
ne peut concilier les deux positions.
Par conséquent, je pense que, même si je suis d'accord avec
le député de Saint-Laurent concernant la très grande
complexité associée à la multiplicité des
intervenants, il m'apparaît, dans tous les cas, difficile de voir la
solution, si ce n'est peut-être pas une meilleure division des
juridictions, de manière à simplifier certaines procédures
administratives.
Quant aux remarques du député de Robert Baldwin concernant
les plans d'arpentage, j'ai vérifié avec les administrateurs de
mon ministère et on me dit que, pour les empiétements mineurs, en
général, de tels empiétements font l'objet d'un permis du
ministère avec confection d'un croquis simple permettant essentiellement
de délimiter l'empiétement en question. Comme il s'agit
d'empiétements mineurs, souvent de quais de bois, par exemple, de quais
mobiles, cela ne semble pas poser d'obstacles majeurs. Mais dans le cas
d'empiétements beaucoup plus majeurs, on exige un plan d'arpentage en
bonne et due forme, de manière à bien clairement délimiter
la propriété en question. Donc, il s'agirait véritablement
d'un droit réel et bien identifié, qui est aliéné
ou simplement transmis à bail par le ministère.
J'ai donc abordé la question du gestionnaire unique comme
étant un objectif valable qu'on peut réaliser, sans doute, en
partie. J'ai tenté également de bien distinguer l'aspect gestion
domaniale, c'est-à-dire émission de titres de
propriété, confection d'un cadastre fiable, comme étant
une activité gouvernementale qui doit être conçue comme
étant distincte, dans ses objectifs, des objectifs, par exemple,
poursuivis par le ministre de l'environnement. Par conséquent, il
m'apparaît que l'émission d'un titre de propriété
sur un lot de grève, par exemple, même si son utilisation ou son
occupation par le nouveau propriétaire peut être implicite,
demeure néanmoins soumise nécessairement à l'autorisation
du ministère de l'environnement.
Je pense que là où le député de
Saint-Laurent a raison et là, je pense que le ministère a
peut-être été fautif... Dans plusieurs de ses
décisions antérieures, étant donné le lien
très étroit qui existe entre une autorisation de construire un
empiétement et, finalement, l'objectif gouvernemental de la protection
de l'environnement, il m'apparaîtrait en général plus sage
de soumettre une telle décision à une approbation, par exemple,
du ministère de l'environnement avant d'émettre un tel titre. Je
pense qu'à ce moment-là, on aurait simplifié les
procédures administratives pour autant que le client est
concerné.
Je ne crois pas avoir répondu effectivement à toutes les
questions. Enfin, j'ai fait de mon mieux. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): L'article 1 est-il
adopté?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Dussault): Adopté. J'appelle
l'article 2.
M. Laplante: Tel qu'amendé.
Le Président (M. Dussault): Je m'excuse, oui. L'article 1
est adopté tel qu'amendé deux fois. L'article 2 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Adopté. Ceci met fin
aux travaux de cette commission...
M. Laplante: Est-ce que je pourrais vous corriger, M. le
Président?
Le Président (M. Dussault): Oui, M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: L'article 1 a été amendé trois
fois.
Le Président (M. Dussault): Je veux dire qu'il a
été amendé à deux reprises, mais il se peut qu'il y
ait trois endroits où cela a été amendé. D'accord?
Ceci dit, je remercie les membres de cette commission de leur collaboration. Le
projet de loi no 78, Loi modifiant de nouveau la Loi du régime des eaux,
est donc adopté tel qu'amendé. M. le député
d'Abitibi-Est fera rapport à l'Assemblée nationale. Nous
ajournons nos travaux sine die.
Fin de la séance à 16 h 56