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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 31 octobre 1978 - Vol. 20 N° 179

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 78 - Loi modifiant de nouveau la Loi du régime des eaux


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 78

(Quinze heures quarante minutes)

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs.

Messieurs, nous allons commencer les travaux de cette commission parlementaire élue permanente des richesses naturelles. Elle a un mandat de faire l'étude, article par article, après la deuxième lecture, du projet de loi 78, Loi modifiant de nouveau la Loi du régime des eaux.

Sont membres de cette commission: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin) en remplacement de M. Raynauld (Outremont).

Pourraient aussi intervenir à cette commission: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Garneau (Jean-Talon), M. Godin (Mercier), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Avant de commencer l'étude du projet de loi, il faudrait nommer un rapporteur pour les travaux de cette commission. Est-ce que quelqu'un me fait une suggestion?

M. Grégoire: Je suggérerais M. le député d'Abitibi-Est.

Le Président (M. Dussault): M. le député d'Abitibi-Est est proposé. Est-ce que vous acceptez, M. le député?

M. Bordeleau: Oui, M. le Président, avec plaisir.

Le Président (M. Dussault): La commission est-elle d'accord? Oui. M. le député d'Abitibi-Est devient le rapporteur. Messieurs, s'il vous plaît! S'il n'y a pas de propos préalables aux travaux de cette commission, je vais appeler l'article 1 du projet de loi no 78. M. le ministre, je suppose que vous avez des remarques à faire sur votre projet la loi.

Exposé préliminaire du ministre

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, oui enfin, si peu de remarques néanmoins, puisque le débat à l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a porté sur un projet de loi qui, tout compte fait, n'a qu'un article, il ne pouvait faire autrement que de porter sur le contenu de l'article comme tel.

J'ai donc eu l'occasion d'expliquer, dans ce débat de deuxième lecture, qu'il fallait de nouveau amender la Loi du régime des eaux de manière à adapter celle-ci à des conditions un peu particulières.

En effet, si on refait l'historique des amendements successifs à la Loi du régime des eaux, nous constatons qu'avant 1916, l'agent des terres avait pleine juridiction pour l'aliénation, pour l'émission de baux portant sur les lits des cours d'eau, des lacs ou des rivières. Cependant, à partir de 1916, dans le but d'éviter d'éliminer l'arbitraire politique, les gouvernements antérieurs avaient choisi de réserver au lieutenant-gouverneur en conseil la juridiction sur les lits des rivières et de n'autoriser que le lieutenant-gouverneur à faire de telles aliénations.

Cependant, en 1974, je suppose l'accumulation de dossiers, de décisions finissant par alourdir les travaux du Conseil des ministres, évidemment, le lieutenant-gouverneur en conseil a recommandé une modification de la loi, de manière à permettre à nouveau au ministre des Richesses naturelles d'effectuer de telles aliénations. Toutefois, ces aliénations devaient être conditionnelles au respect de règlements préparés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Les règlements furent donc adoptés et, depuis ce temps, le ministre des Richesses naturelles accepte un certain nombre d'aliénations, en général assez rares, toujours en conformité avec les règlements en question.

Cependant, nous nous heurtons à certaines difficultés. En effet, certains citoyens, de bonne foi en général, empiètent sur les lits des cours d'eau et, par conséquent, nous devons régulariser la situation lorsque des normes de protection de l'environnement prohibent, par exemple, le retrait de l'empiétement, donc, son élimination. Il s'est donc retrouvé des cas où les règlements ne pouvaient pas prévoir ces cas individuels. La plupart des cas sont prévisibles, mais un certain nombre de cas ne le sont pas. J'ai cité à l'Assemblée nationale, à titre d'exemple, le problème des baux ne pouvant excéder 25 ans.

Nous avons eu des cas où, effectivement, il y a eu lieu d'émettre un bail pour une période plus longue. Nous avons souligné le cas également des marinas qui nous ont posé des problèmes puisque la superficie étant considérable, le loyer que l'on se devait d'exiger en vertu des règlements, même si ce loyer était acceptable pour la plupart des empiétements lorsqu'il était applicable à des marinas, devenait prohibitif. En fait, il s'est révélé que quelques cas, 80 à peu près, pouvaient difficilement être réglés par voie de règlements généraux. Il y avait différentes techniques possibles. En particulier, nous pouvions évidemment amender les règlements chaque fois que nous nous trouvions devant une situation particulière et, en vertu du nouveau règlement, régler la situation. Cependant, cela aurait amené nécessairement une modification peut-être plusieurs fois par année de ces règlements. Je pense que c'est contraire à des techniques juridiques normales. (15 h 45)

Comme il apparaît assez normal que l'exécutif d'un gouvernement dans le système britannique est là pour gouverner, est là pour prendre des décisions et que les citoyens qui font face à un problème d'empiétement, qui doient régulariser leur situation attendent une réponse de la part du gouvernement, il est en général assez frustrant

qu'on doive répondre que la loi ne nous permet pas de régler leur situation et que, par conséquent, ils doivent soit démolir carrément l'empiétement, ce qui est contraire à toutes les normes de protection de l'environnement, dans certains cas, soit vivre dans l'illégalité, ce qui nous apparaît complètement arbitraire.

Par conséquent, ce que nous suggérons, c'est de continuer à régler la plupart de ces cas par voie réglementaire traditionnelle, mais cependant de redonner au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir qu'il avait en 1974 de régler les cas individuels qui ne sont malheureusement pas solubles en vertu des règlements. C'est donc uniquement un retour à l'ancien état de choses d'avant 1974, uniquement pour les cas où, effectivement, les règlements ne nous permettent pas de prévoir.

Le Président (M. Dussault): Sur l'article 1, M. le député de Saint-Laurent.

Remarques de l'Opposition M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, je ne veux pas rouvrir le débat de deuxième lecture, pas plus que le ministre, mais je crois qu'il serait bon de faire un peu l'inventaire des problèmes qu'on a mentionnés en passant au moment de la deuxième lecture et qui ne trouvent pas de solution dans ce projet de loi, qui est évidemment très concis, très bref, peut-être à l'excès.

Je crois que si on veut résumer l'ensemble des problèmes qui n'ont pas de solution dans ce projet de loi, on pourrait dire qu'on voit ici, dans la question du régime des eaux, un autre exemple de ce comportement des gouvernements modernes — ce n'est pas particulier au Québec — en vertu duquel on n'a plus un Etat, un gouvernement qui agit comme un tout intégré et coordonné, mais une série d'entreprises gouvernementales parallèles, chacune avec ses préoccupations et ses pouvoirs et avec, dans le fond, le problème de coordination de toutes ces interventions et de toutes ces entreprises gouvernementales largement laissées au hasard des circonstances et à l'initiative des citoyens. C'est tout à fait déplorable, je pense, et il va bien falloir, un jour, commencer par apporter des solutions à chacun des domaines où on retrouve ces pareils tiraillements de l'administration publique dont les citoyens doivent faire les frais.

Deux exemples viennent tout de suite à l'esprit lorsqu'on parle du régime des eaux. Le premier exemple, c'est qu'on devrait trouver dans un projet de loi comme celui-là une affirmation qui aurait à peu près l'effet suivant, à savoir qu'une autorisation donnée pour un empiétement par le ministère des Richesses naturelles fait preuve de façon irréfutable et irrévocable d'une autorisation gouvernementale quant à tous les usages et à toutes les préoccupations gouvernementales, y compris celles de l'environnement.

Qu'un ministère qui est chargé de gérer le patrimoine territorial, qu'il s'agisse des terres, des eaux, des forêts ou Dieu sait quoi, donne une autorisation pour un usage spécifique et privé d'une partie du territoire. Cela devrait faire preuve relativement à toutes les autres préoccupations et il ne devrait pas être possible au ministère de l'Environnement de dire: Peut-être que oui, vous avez le droit de faire un empiètement, mais pour des raisons d'environnement, on veut contester cette autorisation qui a été donnée dans le cadre plus étroit d'une gestion du patrimoine territorial.

Je pense qu'il y aurait un grand intérêt pour le citoyen à ce que la loi lui donne des protections, des garanties de ce côté, que ce qui est fait par un ministère ne puisse pas être remis en question par un autre ministère.

La question se pose dans le cas de l'environnement et elle se pose également dans le cas de l'aménagement du territoire. On ne retrouve pas, dans cet article de loi, la notion que certains territoires peuvent être inaliénables en fonction de décisions prises par d'autres instances quant au zonage du territoire, quant à des politiques qui pourraient être énoncées de temps à autre par des instances qu'on va, par ailleurs, vouloir mettre sur pied et qui pourraient déterminer que les rives de certains cours d'eau doivent demeurer intégralement propriété publique et ne peuvent jamais, sous aucune considération, même par distraction, être cédées, font partie inaliénable du domaine public. C'est un exemple et on pourrait en citer d'autres et à moins d'avoir une référence précise dans la loi, bien sûr, on se trouve devant une situation où le citoyen sera appelé à se poser la question: Mon autorisation venant du ministère fait-elle preuve envers et contre tous les autres ministères? Si l'on regarde la chose du côté du gouvernement, dans son ensemble, on se retrouve devant le même dilemme.

Combien de fois la direction générale de l'environnement a-t-elle été placée devant des situations de fait où, dans une période plus ou moins reculée dans le passé, le ministère des Richesses naturelles avait consenti des empiètements qui, subséquemment, ont été jugés néfastes pour l'environnement par cette direction générale, mais qu'il était impossible ou difficile à moins de vraiment causer des dommages irréparables à certains individus, d'apporter des corrections.

Il y a donc, du côté du gouvernement, la préoccupation que lorsqu'un ministère agit, il peut porter préjudice à d'autres dimensions de l'intérêt public et pour les citoyens, la crainte existe toujours que l'autorisation de A sera contestée par une action de B, A et B se situant au niveau gouvernemental dans différents ministères et différentes agences publiques.

Je crois qu'il y a un besoin urgent d'une meilleure coordination, pas seulement administrative, parce qu'on peut bien dire: Oui, les gens se parlent, et on va faire des regroupements de ministères, etc., mais que ces actions distinctes aient un impact légal et produisent des garanties

pour le citoyen, parce que, finalement, c'est seulement là qu'on va avoir la véritable incitation. Si le gouvernement savait que l'action d'un ministère peut porter préjudice à l'action de tous les autres ministères, il y aurait déjà une raison par excellence pour se coordonner, mais si on se dit: Ce n'est pas trop grave, si le ministère A donne une autorisation, le ministère B pourra toujours la contester devant les tribunaux pour d'autres raisons en vertu de sa propre loi et tant pis pour le citoyen, il n'a qu'à prendre cela, prendre ses assurances en fonction de cela, je pense qu'on diminue d'autant l'incitation qui peut exister au sein de l'administration publique et du gouvernement pour obtenir une meilleure coordination. Je pense que c'est un exemple. On pourrait probablement soulever un point comme celui-là à l'occasion d'autres projets de loi, mais il est particulièrement approprié de le soulever ici, parce que, bien sûr, les intérêts patrimoniaux des individus comme ceux de l'Etat sont en jeu. Ce sont des intérêts qui sont beaucoup plus permanents et beaucoup plus importants en termes relatifs pour les uns et pour les autres que des questions de caractère plus transitoire, des autorisations qui ne laissent pas de trace, dans le fond. Les autorisations dont on parle ici laissent des traces permanentes et c'est important.

Il y a une autre question, et je terminerai là-dessus, parce que mon collègue, le député de Robert Baldwin, va donner plus de détails quant aux implications concrètes de tout cela, mais cela tient à la nature de l'autorisation. Le dernier point que je veux soulever tient à la nature, au caractère de l'autorisation donnée par un ministère. Il me semble important que cette autorisation ait toutes les caractéristiques d'un acte officiel et que cette autorisation comporte tous les éléments nécessaires pour assurer non seulement l'apparence d'un droit pour l'individu qui se voit octroyer une autorisation, mais la pleine réalisation, la pleine actualisation de ce droit. Ce que je veux dire, c'est que si on donne une autorisation de caractère domanial ou territorial à un individu, faire un empiétement, c'est important d'avoir l'autorisation, mais il est tout aussi important de savoir exactement à quelle parcelle de terrain, comment cette parcelle est délimitée en termes physiques pour l'individu impliqué.

Ce n'est pas suffisant de dire: Ah oui! le ministère a dit oui, que je pouvais faire un empiétement. Il faut savoir exactement comment cela est délimité. Il y a plusieurs façons de le faire, c'est de le décrire de façon sommaire dans un document à caractère strictement administratif et de dire: S'il y a une contestation qui, subséquemment, s'élève soit entre des particuliers, soit entre le particulier et l'Etat relativement à cette autorisation, à son empiétement physique, à son envergure physique, les tribunaux seront appelés à trancher. A ce moment-là, c'est faire assumer par les tribunaux et par les individus, les citoyens, le coût d'une détermination précise de l'autorisation initialement donnée.

L'autre possibilité qui nous semblerait préfé- rable, c'est de dire, en fonction de la loi: Non seulement cela va être une autorisation, mais elle va être insérée dans un document qui va comporter une description physique; ce n'est pas tout, cette description physique du territoire sur lequel s'applique l'autorisation va avoir le même effet que certains autres documents auxquels fait mention le Code civil et le Code de procédure civile, c'est-à-dire qu'il va avoir l'effet d'un procès-verbal de bornage, par exemple. C'est-à-dire qu'on n'aura pas besoin de retourner chez un arpenteur, d'intenter une action en bornage auprès d'une cour civile pour être sûr que l'autorisation donnée en telle année par le ministère des Richesses naturelles, vraiment, s'étend de tant de pieds à gauche de telle ligne et etc., le genre de description qu'on retrouve dans un procès-verbal d'arpentage, mais que l'autorisation elle-même va comporter ces caractéristiques.

Dans le fond, si on veut que ce soit un service public, je pense bien que c'est cela dans la mesure où on trouve que l'intérêt public n'exige pas que telle parcelle de rive ou de territoire demeure propriété du domaine public, on dit: Comme service au public, on veut le rendre accessible à des individus qui en ont besoin pour telle ou telle fin légitime. Si on pousse un peu plus loin cette notion, on devrait donner à ces individus auxquels on donne une autorisation les moyens légaux de se défendre, ensuite, contre des contestations toujours possibles et extrêmement coûteuses quand elles viennent.

Il y a eu des exemples. Encore une fois, mon collègue de Robert Baldwin va les citer et cela est une dimension. Dans le fond, les trois remarques que je fais, c'est de me poser la question suivante: C'est très bien de vouloir donner la souplesse et la flexibilité dans la manière dont les autorisations sont données, c'est très bien, c'est probablement inévitable; ce serait peut-être souhaitable qu'elles puissent toujours être faites à l'intérieur d'un règlement, mais il y a une limite à ce qu'on peut mettre dans les règlements pour prévoir des situations particulières. Il faut, je pense bien, accepter un certain pouvoir discrétionnaire, dans le meilleur sens du mot.

Cependant, on ne s'arrête pas là. Il faut dire: Une fois qu'on a un pouvoir qui s'exerce en vertu des règlements ou en vertu d'un pouvoir discrétionnaire, est-ce qu'il est assorti de toutes les conditions nécessaires pour que les autorisations qu'on donne aient véritablement la portée qu'on veut leur donner et qu'elles donnent ces autorisations aux citoyens qui sont bénéficiaires des droits réels, ou plutôt des espérances de droits qui sont toujours contestables, soit par d'autres ministères, soit par des particuliers et alors entraînent ces individus dans une espèce de maquis juridique extrêmement coûteux faisant de ces concessions ces autorisations, par incurie ou par manque de spécification de ce qu'elles devraient contenir et leurs implications légales, une espèce de cadeau de Grec ou de cadeau empoisonné, où on donne, mais on ne donne pas complètement? En fait, on donne un droit qui est contestable, mal délimité, et

qui peut être la source — et qui, effectivement, était la source, pour bien des individus — de difficultés considérables.

M. le Président, c'est tout ce qu'on a à dire. En terminant, je devrais peut-être vous mentionner que ces propos, on aurait pu les consigner dans des motions d'amendement formelles, mais ce n'est pas notre intention. On veut simplement souligner au ministre qu'il y a ces dimensions-là. S'il pouvait en tenir compte, on l'apprécierait beaucoup. C'est une contribution qui se veut positive.

On ne veut pas bloquer cette loi parce qu'elle est souhaitable. Mais il me semble que cela donne une occasion au gouvernement, en allant juste un peu plus loin, de solutionner un tas d'autres problèmes, pas seulement ses problèmes de décision à lui, mais les problèmes qu'ont les citoyens face à l'administration publique. Dans le fond, si on pouvait faire les deux en même temps, tout le monde serait content et on n'aurait rien perdu. Sur le plan des objectifs de la loi et du gouvernement, je pense bien qu'on n'a absolument rien perdu. Au contraire, on pourrait dire qu'on n'a pas réglé seulement un problème, mais qu'on en a réglé trois ou quatre en même temps. (16 heures)

Etude du projet de loi

Le Président (M. Dussault): Je suis l'ordre d'alternance. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, peut-être que le ministre pourra me renseigner. Jusqu'à quel point cette loi peut-elle affecter les propriétaires de maisons d'été situées le long d'un cours d'eau, où il y aurait peut-être 25 ou 30 camps, avec des petits quais, soit pour leur bateau ou leur canot? Souvent, il y a des passerelles flottantes, d'autres sont sur pivots. Est-ce que le projet de loi éveillerait un certain état policier qui ferait que tous ces gens seraient visités et se feraient dire: Ecoutez vous n'avez plus le droit de faire cela.

Je ne sais pas s'ils ont le droit actuellement par d'autres lois. C'est cela qui me préoccupe le plus dans ces cas-là. Jusqu'où pourrait-on aller pour faire démolir tous ces genres de petites passerelles? Est-ce qu'on leur facturait un loyer annuel pour l'empiétement sur les cours d'eau? Pouvez-vous me répondre là-dessus, M. le ministre?

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Bérubé: Oui. M. le Président, nous avons présentement un règlement qui nous permet de régulariser l'occupation par des riverains du domaine foncier pour des fins justement d'accessibilité telles que quais, etc., et il arrive parfois que, de l'opinion de nos administrateurs et en général, c'est en fonction de considérations environnementales, ces empiétements soient par trop importants et qu'ils doivent être réduits. Il arrive donc aux autorités du ministère d'exiger la démolition partielle de certains empiétements. Certes, cela se produit.

Pour autant que le présent amendement est concerné, il n'a pas pour objectif de rendre la loi plus stricte, mais il a au contraire comme objectif de rendre la loi plus souple. En d'autres termes, si nous devons appliquer un règlement, nous sommes donc tenus de respecter un ensemble de règles précises qui ne peuvent pas toujours décrire fidèlement les situations auxquelles l'administrateur aura à faire face et, par conséquent, il doit donc ramener la réalité au niveau de l'organisation des règlements eux-mêmes. Il doit donc souvent exercer des contraintes beaucoup plus importantes que nous le voudrions. C'est pour cette raison qu'en permettant à l'administration publique de faire preuve d'un peu plus de flexibilité, mais cependant en soumettant une telle flexibilité à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil de manière à compliquer, de façon significative, de tels règlements, on pourra permettre à la loi d'être plus humaine, plus flexible, plus compréhensive.

L'objectif du présent amendement n'est pas de rendre encore plus sévères les règlements, mais, au contraire, de maintenir les règlements actuels et, à la place, de tenter de les rendre un peu plus flexibles.

Cependant, présentement, nous reconnaissons que même nos règlements au niveau de la direction générale des eaux sont peut-être insuffisamment précis. Nous croyons qu'il existe certains types d'empiétements, tels qu'un quai flottant, par exemple, de petites dimensions, pouvant être relié soit à la superficie occupée ou soit à son importance par rapport à la largeur d'un cours d'eau. Certaines occupations du lit des cours d'eau sont des occupations, somme toute, bénignes et il n'est pas nécessaire, à ce titre, de demander un permis puisque la tendance de tous les gouvernements, c'est d'augmenter le nombre de permis nécessaires et on finit pas s'embourber.

Ce que nous cherchons présentement à faire — nous aurons bientôt une proposition à faire au Conseil des ministres — c'est modifier les amendements de manière que le citoyen ordinaire qui se construit un quai flottant, facilement amovible n'ait pas d'autorisation à demander, dans la mesure où il respecte un certain nombre de contraintes de dimensions, les permis requis du ministère s'appliquant à ce moment-là pour les empiétements mineurs, par exemple des quais flottants, mais de plus grande envergure, ou encore les empiétements permanents.

Cependant je ne veux pas entrer dans les détails des objections qu'a soulevées le député de Saint-Laurent. J'aimerais peut-être y apporter plus de temps dans quelques instants, mais je pense que cela devrait répondre essentiellement à votre question, en ce sens que les règlements se dirigent présentement du côté d'un assouplissement en n'exigeant plus, de la part des propriétaires riverains qui ont empiété de façon bénigne, sous la forme de quais, par exemple, en n'exigeant plus de permis gouvernementaux, mais en continuant à le faire pour l'ensemble des autres empiétements. Nos règlements s'assouplissent aussi dans la mesure où, ne pouvant tout prévoir, nous

pourrons désormais régler les cas particuliers en allant directement au lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Laplante: Je suis très heureux de cette réponse, parce que depuis que les débats sont télévisés, dès la fin de semaine dernière, j'ai reçu justement des lettres de la part des citoyens exprimant leur crainte que le gouvernement abuse à cause de ces passerelles. J'étais dans l'impossibilité de leur répondre. C'est pourquoi je vous ai posé la question. Je suis très satisfait de la réponse que vous donnez. En somme, il y a une nette différence entre un particulier qui a une petite passerelle ou un petit quai pour son petit canot ou son petit bateau, et un autre groupe qui forme justement ce genre de marina. Ce groupe aura des permissions à demander. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Le projet de loi 78 donne au ministère des Richesses naturelles des pouvoirs additionnels pour entreprendre des transactions immobilières avec le public pour la bonne gestion du domaine public qui est sous sa gérance, particulièrement, les grèves et les lits de rivières et de lacs. Le ministère des Richesses naturelles a déjà une réglementation assez compréhensive qui lui permet de protéger le domaine public. Cette réglementation additionnelle qu'on demande aujourd'hui est sans doute pour régler des cas d'exception. Depuis quelques années, le ministère des Richesses naturelles offre au public riverain des lacs et des cours d'eau qui sont dans une situation d'empiétement, un choix assez large, de manière à légiférer sur leur situation, soit par bail à long terme, à court terme ou par une vente directe avec lettres patentes de la couronne.

On donne ici, comme exemple, tout le tour de l'île de Montréal où vous avez des citoyens qui sont dans une situation d'empiétement au-delà de la ligne des autres eaux ordinaires. C'est la ligne de division entre un domaine public et un domaine privé. C'est une situation extrêmement sérieuse pour les citoyens, quels qu'ils soient, riches ou pauvres. Ces maisons ou ces propriétés sont menacées d'une espèce d'hypothèque. Il faut que l'empiétement, s'il existe, soit réglé, que la propriété soit dans un état de pleine valeur pour être vendue. Ces empiétements, dans la majorité des cas, sont faits de bonne foi, pas nécessairement par le propriétaire actuel, mais souvent par le précédent, dans la plupart des cas, bien avant que le ministère des Richesses naturelles n'ait institué la surveillance des rivières et des cours d'eau.

Pour légiférer sur cette situation d'empiètement et pour donner sa juste valeur à sa propriété, le ministère des Richesses naturelles a mis à la disposition du public des moyens d'acquérir ces terrains sur lesquels on a empiété.

Par mon exposé, je veux faire valoir la situa- tion du propriétaire qui est aussi riverain, mais qui n'est pas dans une situation d'empiétement. Les lois et ce projet de loi sont faits pour bien gérer le domaine public dans les cas d'empiètement, mais dans le cas où il n'y a pas d'empiètement, le citoyen a beaucoup de difficulté a faire établir sa ligne de propriété par la couronne d'une façon simple, non dispendieuse, rapide et surtout avec permanence.

M. le Président, permettez-moi de vous citer des exemples. Le cas d'un citoyen, situé sur le bord d'une rivière ou d'un lac, qui veut se construire un mur de soutènement sur la ligne des hautes eaux ordinaires, soit la ligne entre le domaine public et le domaine privé. Il fait venir un inspecteur, sur demande du ministère des Richesses naturelles, qui examine les lieux, pose des piquets à des endroits où, dans l'opinion de l'inspecteur, passe la ligne des hautes eaux ordinaires. Le propriétaire construit le mur. L'inspecteur revient, donne son approbation verbale et c'est tout. Il n'y a aucun papier signé par quelque personne en autorité qui soit remis au citoyen et qui indique qu'il y a eu entente officielle entre le ministre des Richesses naturelles et le citoyen.

Il arrive bien souvent — j'ai vu des cas — que, quelques années plus tard, un autre inspecteur passe et dise que, selon son opinion, la ligne des hautes eaux ordinaires passe à cinq, dix ou même quinze pieds à l'intérieur du mur. Alors, le propriétaire se trouve dans une situation d'empiétement. On peut comprendre que deux personnes puissent avoir différentes opinions sur la position de la ligne des hautes eaux ordinaires, car il y a tellement de facteurs qui affectent la position. De jour en jour, sa position peut changer. Normalement, sur un terrain à l'état naturel, on peut dire que la ligne des hautes eaux ordinaires se situe là où la végétation se termine. Cependant, la position de la ligne des hautes eaux ordinaires peut être affectée par le niveau d'eau, les travaux riverains, le vent, l'érosion, les vagues, le courant, etc. C'est pour ça que nous avons des différences d'opinions d'un fonctionnaire à l'autre sur une période de quelques années.

Si une personne située sur le bord d'une rivière ou d'un lac veut faire préciser sa ligne par la couronne pour protéger sa propriété et éviter la possibilité d'être menacé d'un empiétement causé par des effets naturels, des "acts of God", il y a seulement l'action en bornage disponible pour régler cette chose. Le propriétaire peut aller en bornage avec le gouvernement pour établir définitivement sa ligne. Cette procédure — je parle en connaissance de cause comme arpenteur-géomètre — est beaucoup trop lente et extrêmement dispendieuse pour le citoyen et, par conséquent, n'est pas à la portée du public. On fait des lois et des règlements pour les rendre disponibles au public.

M. le Président, le ministre des Richesses naturelles, au nom du gouvernement, ne peut pas agir, car c'est seulement le ministre de la Justice qui peut agir dans un tel cas. Si le ministre m'écoute, je vais...

M. Bérubé: J'écoute d'une oreille et, en même temps, j'essaie d'avoir l'explication de l'autre...

M. O'Gallagher: Je vais vous donner le temps de consulter votre conseiller.

Le deuxième cas que je voudrais vous citer, M. le Président, est un cas qui m'affecte directement comme arpenteur-géomètre. Le propriétaire riverain me donne le mandat de subdiviser son terrain. Je le fais de bonne foi suivant mes meilleures connaissances et expériences. La subdivision est acceptée par le ministre des Terres et Forêts. La construction est faite par le constructeur sur le bord de l'eau et le terrain est éventuellement vendu. (76 h 15)

II n'y a rien dans la réglementation du ministère des Richesses naturelles qui permette l'acceptation définitive de la ligne de cadastre que j'ai établie...

M. Bérubé: La ligne des hautes eaux.

M. O'Gallagher: Oui, la ligne des hautes eaux. Il n'y a rien pour l'établir au moment où je la subdivise pour la fixer. C'est toujours assujetti à l'opinion d'un quelconque inspecteur, et je voudrais vous citer un cas typique que j'ai eu. Vos spécialistes vont sans doute se le rappeler. C'est une cause où j'ai été consulté. C'est le cas de M. Maccandlish, 4 Garrisson Lane, Beaconsfield.

Je vais vous laisser la lettre du ministère des Richesses naturelles. Je vais la citer. C'est une lettre écrite en anglais à part cela.

C'est une partie de la lettre que je cite: "We suggest that you inform your land surveyor that, in our opinion, he will have to alter the cadastral plan... " — écoutez cela, c'est intéressant — "...because the proposed natural high water line does not correspond to the existing cadastral boundary".

Non seulement, il y a subdivision déposée au ministère des Terres et Forêts, mais il y a eu construction d'une maison et il y a eu vente à un individu. Quelques années après que la personne a acheté le terrain, il est tout à coup menacé d'un empiétement, dans ce cas-ci, de 1100 pieds carrés de terrain de "prime land". Il y a d'autres exemples. Sans doute, vos conseillers ont-ils vu cela. Alors, il fait face à une situation. Son terrain est gelé. Il ne peut rien faire. Il ne peut le vendre immédiatement, parce qu'il y a cette menace d'hypothèque, cette menace de lien sur son terrain, de 1100 pieds carrés.

Alors, il a un choix à faire. M faut qu'il le fasse borner par le gouvernement. Il va être obligé de s'engager un avocat et un arpenteur-géomètre pour aller contre tous les spécialistes que le gouvernement peut appeler. Son affaire n'est pas très rose, ou bien il va régler sa situation avec le gouvernement et il va être obligé de payer les 1100 pieds de terrain. D'après la lettre du ministère, on va l'évaluer à 50% de sa valeur marchande. 1100 pieds de terrain sur le bord d'une rivière, à Beaconsfield, cela vaut de l'argent. Cela veut dire 1100 pieds à $2 le pied, à 50% de son rôle d'évaluation, cela fait de l'argent.

Il va s'engager à poursuivre toutes les normes du gouvernement, engager un arpenteur-géomètre, pour établir toutes les lignes suivant les normes du ministère des Terres et Forêts et suivant les normes du ministère des Richesses naturelles, ce qui lui coûte environ $1000 seulement en frais professionnels, au minimum, et ensuite, il devra payer le prix. Quel est son choix après cela? Actionner l'entrepreneur. Et ensuite, l'entrepreneur va actionner l'arpenteur-géomètre. C'est une situation...

M. Bérubé: Ah! Je vois pourquoi vous êtes mal à l'aise, M. le député.

M. O'Gallagher: Je n'étais pas impliqué dans ce cas. Mais c'est une situation qu'on voit partout et non seulement sur l'île de Montréal. C'est partout où il y a des cours d'eau et où il y a le problème d'établir la ligne entre le domaine public et le domaine privé.

Pour appuyer mon argumentation que les fonctionnaires du ministère peuvent changer d'idée d'une année à l'autre, je voudrais vous citer le cas de la rivière Nicolet où il y a eu une action par le procureur général de la province de Québec contre Jean-Paul Doyon. M. Doyon a eu la permission de construire une jetée entre son terrain et une île. Il a eu la permission d'un fonctionnaire. Vous êtes sans doute au courant de l'affaire. Il y a quelques années, pour quelque raison, je ne voudrais pas entrer dans les détails, le ministère a changé d'idée. Il n'a respecté en aucune façon la lettre du fonctionnaire. C'est allé en cour, le juge a donné raison au gouvernement. Cependant, il a rendu justice au propriétaire pour les coûts encourus.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, il faut trouver une manière de délimiter efficacement, rapidement, la ligne entre le domaine public et le domaine privé. Cela pourrait se faire par réglementation à votre ministère. Pour faire cela, M. le Président, je propose que dans le projet de loi 78, au sixième alinéa, après le premier mot "et" qu'on ajoute "à convenir d'une délimitation". Simplement cela. A la sixième ligne, après...

Le Président (M. Dussault): La sixième ligne de quoi, M. le député?

M. O'Gallagher: 1 b.

M. Forget: Après "et".

M. O'Gallagher: Après "et", à la sixième ligne, ajouter "à convenir d'une délimitation". Cela va régler bien des cas. Je pense qu'en consultant vos professionnels du ministère, cela va régler bien des bobos et bien des problèmes, surtout dans le cas d'une personne, qui est aujourd'hui propriétaire du bord de l'eau. Elle est toujours menacée d'une accusation possible d'empiétement. Elle peut avoir recours, tout simplement, au ministère

des Richesses naturelles pour régler cette chose définitivement.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Robert Baldwin, si j'ai bien compris l'esprit de votre intervention, vous faites une suggestion à M. le ministre, vous n'en faites pas une motion d'amendement.

M. O'Gallagher: Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Bérubé: Selon les us et coutumes de notre système parlementaire, il serait bon qu'on ait une motion.

M. O'Gallagher: J'en fais motion, M. le Président.

M. Bérubé: On l'a examinée rapidement et, effectivement, la proposition me semble tout à fait valable. D'ailleurs, j'aurai moi-même un amendement à proposer pour assouplir encore un terme, remplacer, par exemple, "à consentir la vente" plutôt que de le rédiger en disant "à consentir l'aliénation", puisqu'il y a des cas où il est préférable d'aliéner sans qu'il y ait vente comme telle. Effectivement, dans la mesure où on peut consentir une aliénation, on peut également convenir d'un tracé, d'une délimitation à la propriété. Je pense que cela revient au même. Cela ne nuit pas non plus et cela pourrait effectivement...

Cela nous semblerait utile. Je pense que c'est une bonne suggestion.

M. O'Gallagher: Je m'excuse, M. le Président, mais il y a eu d'autres cas, comme vous le savez...

M. Bérubé: Nous allons faire cela suivant nos habitudes parlementaires.

M. O'Gallagher:... entre l'Hydro-Québec et les compagnies de papier qui ont entraîné des coûts épouvantables, des procédures, des procès-verbaux de bornage. Il y a eu des coûts au-delà de $100 000 pour établir une telle ligne. Je pense que toutes ces affaires auraient été évitées par une réglementation simple.

Le Président (M. Dussault): Puisque vous en faites un amendement formel, M. le député de Robert Baldwin, je vais reprendre pour les fins du journal des Débats. Votre amendement consisterait à ajouter, à la sixième ligne, après le mot "et" et la virgule, les mots "à convenir d'une délimitation,"; là, il y aurait une autre virgule, "dans les cas non prévus..." Je ne vois pas...

M. Bérubé: C'est mal placé.

Le Président (M. Dussault): Je considère qu'il y a un problème au niveau...

M. O'Gallagher: Peut-être que c'est mal placé, il faudrait trouver la façon de le placer.

Le Président (M. Dussault): ... au niveau des mots, de la formulation.

M. Bérubé: Nous allons essayer de formuler ici, avec Me Hamel, trouver une formulation qui pourrait respecter l'esprit.

Le Président (M. Dussault): Vous permettez qu'on...

M. Forget: Au moins, il ne faudrait pas qu'il y ait une virgule après "et". Dans le fond, la structure de la phrase devient "à consentir la vente — etc. etc. — et à convenir une délimitation dans les cas non prévus par un tel règlement".

Le Président (M. Dussault): Si vous permettez, M. le député de Saint-Laurent et M. le député de Robert Baldwin, nous allons suspendre pour quelques minutes de façon à parachever l'amendement; nous serons plus à l'aise. Nous suspendons pour deux minutes.

Suspension de la séance à 16 h 27

Reprise de la séance à 16 h 37

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs!

Nous allons reprendre nos travaux. L'amendement qu'a proposé M. le député de Robert Baldwin voudrait, à la sixième ligne, après le mot "et", enlever la virgule et ajouter "à convenir d'une délimitation". Nous mettrions un point. Ensuite, "Dans" s'écrirait avec une lettre majuscule. Et, si l'on continue, "Dans les cas non prévus dans un tel règlement" il faudrait ajouter "le lieutenant-gouverneur en conseil peut" et nous continuons avec le texte que nous avons dans le projet de loi "autoriser, aux conditions que déterminent dans chaque cas, l'aliénation, l'échange, l'allocation, l'occupation de ce bien". C'est bien ce que vous voulez, M. le député?

M. O'Gallagher: La délimitation. L'occupation.

M. Bérubé: L'occupation de ce bien, et une convention de délimitation.

Le Président (M. Dussault): II s'agirait d'ajouter, en plus de "de ce bien", les mots "et une convention de délimitation".

M. Bérubé: L'occupation de ce bien et sa délimitation. C'est écrit en français, c'est plus élégant.

Le Président (M. Dussault): Je vous fais répéter, M. le ministre. Après "ou l'occupation de ce bien" il faudrait ajouter...

M. Bérubé: Et sa délimitation.

Le Président (M. Dussault): "et sa délimitation".

Est-ce que cet amendement est adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Dussault): Nous revenons à l'article 1, tel qu'amendé. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président. J'aimerais introduire un autre amendement qui m'est suggéré par M. Jules Brière et qui consisterait en la modification d'un mot. En effet, à l'alinéa b, quatrième ligne, il est écrit "le ministre des Richesses naturelles à consentir la vente". J'aimerais remplacer le mot "vente" par le mot "l'aliénation ".

M. Forget: Quel genre d'aliénation qui ne serait pas une vente?

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le ministre et M. le député. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me répéter l'amendement qui aurait pour but de remplacer "à consentir" par les mots...

M. Bérubé: "Consentir la vente" remplacer "la vente" par "l'aliénation".

Le Président (M. Dussaul): Ah bon! "A consentir l'aliénation". Je reçois cet amendement. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Ma question était de savoir si, en étant plus général dans le libellé, on vise des aliénations qui ne sont pas des ventes. D'après l'amendement du ministre, des aliénations qui ne sont pas des ventes, on peut penser à des donations. Le gouvernement aurait le pouvoir de donner une partie du domaine public qui se situe sur les cours d'eau ou des lacs. Est-ce bien cela, ou est-ce que ce serait une aliénation qui n'aurait pas le caractèrre d'une vente, mais qui serait une cession de droits réels, telle que la cession d'un usufruit, mais non pas du bien-fonds?

M. Bérubé: Une servitude, oui, M. le Président. Effectivement, il s'agit évidemment, dans ces règlements, de tenter de régler le plus grand nombre de cas possible. Tel que le projet de loi est rédigé, seules les ventes pourraient faire l'objet d'une réglementation. Or, les cas de servitude, par exemple, ne pourraient pas faire l'objet d'une réglementation et devraient, à ce moment-là, être tous soumis au lieutenant-gouverneur en conseil. Cela veut donc dire qu'en modifiant le mot "vente" par "aliénation", on pourrait couvrir, par voie réglementaire, également le cas des servitudes ou autres droits, autres usufruits.

M. Forget: Autrement dit, quelqu'un pourrait avoir l'autorisation de construire un quai permanent en béton, par exemple, sur le lit d'une rivière ou d'un lac, non pas parce qu'il serait propriétaire du lit, mais simplement parce qu'il aurait le droit de construire un quai et de le maintenir en opération indéfiniment. Est-ce que c'est un exemple approprié ou est-ce que c'est autre chose que le ministre a en tête?

M. Bérubé: Non, dans mon esprit, pour un ouvrage permanent de ce type, il faudrait véritablement un bail à tout le moins pour pouvoir occuper un terrain. Cependant, j'essaie d'imaginer un droit de passage, par exemple, sur une berge d'un cours d'eau, qui pourrait être couvert non pas par un bail qui en donnerait une propriété, mais qui pourrait être couvert par une simple servitude de droit de passage.

M. Forget: De droit de passage sur... M. Bérubé: Sur les berges.

M. Forget: ... la rive, en bas de la ligne des hautes eaux.

M. Bérubé: On me donne l'exemple de tuyaux, de fils.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Dussault): Cet amendement est-il adopté?

M. Laplante: Est-ce qu'il vous a donné un bon tuyau?

Le Président (M. Dussault): Je répète ma question. Est-ce que...

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Dussault): Cet amendement est donc adopté. Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Bérubé: M. le Président, j'aurais aimé répondre à certaines réflexions fort pertinentes du député de Saint-Laurent, à tout le moins pour les inscrire au procès-verbal des travaux de notre commission.

Le député de Saint-Laurent a soulevé un certain nombre de questions fort pertinentes concernant d'abord la très grande complexité de l'appareil gouvernemental, de l'évidente absence de coordination des différents gestionnaires du territoire. Je me suis arrêté pour essayer d'imaginer, par exemple, dans certains cas, le nombre d'intervenants gouvernementaux ayant juridiction sur le territoire. On peut considérer que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche peut avoir juridiction sur un territoire, en vertu de la faune qui y séjourne. Le ministre d'Etat à l'environnement évidemment y a également juridiction. Le ministre des Terres et Forêts peut y avoir juridiction et, s'il s'agit d'une réserve des trois chaînes, il a juridiction également en vertu de son titre de gestionnaire des terres. S'il s'agit d'un terrain qui borne un cours d'eau, le ministre des Richesses naturelles y a évidemment juridiction.

Les Affaires municipales y ont également juridiction dans la mesure où les plans de zonage municipaux relèvent de cela. On pourrait parler du ministre de l'Agriculture si jamais cette Assemblée nationale décidait d'adopter un projet de loi introduisant, par exemple, le zonage agricole. Par conséquent...

Une Voix: II faudrait d'abord qu'il soit présenté.

M. Bérubé: C'est cela. Par conséquent, il ne fait aucun doute — j'en ai certainement oublié — que cette multiplicité de juridictions est certainement de nature à totalement confondre le citoyen. (16 h 45)

D'ailleurs, à titre d'anecdote, je me souviens d'une séance de travail du Conseil des ministres, où, ayant ratifié un arrêté en conseil, nous cédions la réserve des trois chaînes pour l'implantation de l'usine de Saint-Félicien à Donohue. Il fallait présenter, comme ministre des Terres et Forêts, un arrêté en conseil pour la vente de la réserve des trois chaînes, l'usine était d'ailleurs construite. Quinze jours plus tard, je présentais un nouvel arrêté en conseil, cette fois pour vendre le fonds du lac, puisqu'il s'agissait d'un petit lac, d'un petit étang, qui avait été rempli pour construire l'usine, ce à quoi, évidemment, le ministre de l'environnement a posé la question: M'aviez-vous demandé la permission? En d'autres termes, l'action gouvernementale était carrément diluée entre les mains de trois ministres agissant à titre différent.

Il semblerait certes intéressant de vouloir éventuellement s'assurer qu'une décision gouvernementale par un ministre entraîne automatiquement la décision de tous les autres ministres, mais, cependant, je crois que ce ne serait peut-être pas respecter la juridiction de chaque ministre, pour autant que ce ministre est chargé d'appliquer une loi. En d'autres termes, le fait pour le ministre des Richesses naturelles d'émettre un bail ou de vendre une parcelle de terrain sur un cours d'eau n'entraîne évidemment pas automatiquement que ce que le citoyen fera de cette parcelle de terrain qu'il vient d'acheter de l'Etat, est soumis aux normes de protection de l'environnement. De la même façon que, pour le ministre des Terres et Forêts qui vend une parcelle de terrain pour une implantation industrielle, ce faisant, le ministre des Terres et Forêts, évidemment, n'entraîne pas automatiquement un permis qui viendrait du ministère de l'environnement. Il va de soi que chaque ministre est tenu de voir à l'application des lois qui régissent son ministère, et, par conséquent, aucun ministre ne pourrait prétendre contrôler un autre ministère de près ou de loin.

Cependant, il y a certainement lieu de tenter d'éviter la multiplication des intervenants. En particulier lorsqu'on parle de l'eau, il apparaît très normal qu'au moins, il puisse y avoir un seul gestionnaire de l'eau, que, finalement, de telles autorisations ne proviennent peut-être que d'un seul et même ministère, un ministère qui aurait juridiction sur tout ce qui a trait à l'eau. Je pense que, dans un tel cas, évidemment, on aurait simplifié la procédure. Je pense également qu'il y aurait avantage à s'assurer que la gestion domaniale soit entre les mains d'une seule et même personne, en d'autres termes, que le gestionnaire du domaine public n'ait comme but que la confection d'un cadastre, la préparation de titres de propriété clairs qui évitent les contestations ultérieures. Je pense que c'est fondamentalement le rôle, pour l'instant en tout cas, du ministre des Terres et Forêts. Il y a quelques années, d'ailleurs, le ministère des Affaires culturelles devait adopter un amendement à sa loi en vertu de laquelle, avant d'enregistrer une modification au cadastre, le ministre des Terres et Forêts doit s'assurer qu'effectivement la subdivision du lot en question se fait en conformité avec la Loi des biens culturels et dans un but de protection.

On peut comprendre, effectivement, que le gouvernement d'alors ait voulu simplifier les intervenants et ait voulu exercer un contrôle par le biais du ministre des Terres et Forêts. Cependant, la multiplication des règlements à l'intérieur de toutes les agences gouvernementales est telle qu'il devient de plus en plus difficile pour un organisme gouvernemental de savoir, par exemple lorsqu'il prend une décision d'émission de lettres patentes, si la personne en question respecte les lois de la protection de la faune, respecte la Loi des forêts, respecte la Loi des eaux, la Loi des terres, la Loi des affaires municipales, respecte, en fait, toutes les lois imaginables au Québec. Cela devient extrêmement difficile. Je pense que cela peut contribuer également à ralentir énormément le processus administratif de l'émission, par exemple, de telles lettres patentes. Par conséquent, s'il est vrai qu'il peut apparaître intéressant d'éviter la multiplication des intervenants et de tenter de consolider, de rationaliser certaines décisions administratives, je pense que l'on ne pourra pas, néanmoins, simplifier à l'extrême et nous devrons rester encore avec des juridictions éparses. Je pense que c'est de la nature même du fonctionnement gouvernemental.

Je dois dire d'ailleurs que la mise sur pied des comités ministériels sous la présidence des ministres d'Etat vise justement à ramener au niveau politique, sans atteindre, peut-être, le Conseil des ministres, ces problèmes d'arbitrage entre deux juridictions qui peuvent avoir des objectifs opposés. Il ne fait aucun doute que le ministre de l'environnement n'a comme objectif que la protection intégrale de la faune, alors que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, au contraire, peut vouloir protéger la faune uniquement dans le but de permettre la chasse et de permettre une activité économique ou une activité de loisirs. Il s'agit donc de deux objectifs qui peuvent être contradictoires et il apparaît sage qu'éventuellement, on doive aller à l'arbitrage, soit à l'arbitrage d'un ministre d'Etat au sein d'un comité ou encore à l'arbitrage du Conseil des ministres lorsqu'on ne peut concilier les deux positions.

Par conséquent, je pense que, même si je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent concernant la très grande complexité associée à la multiplicité des intervenants, il m'apparaît, dans tous les cas, difficile de voir la solution, si ce n'est peut-être pas une meilleure division des juridictions, de manière à simplifier certaines procédures administratives.

Quant aux remarques du député de Robert Baldwin concernant les plans d'arpentage, j'ai vérifié avec les administrateurs de mon ministère et on me dit que, pour les empiétements mineurs, en général, de tels empiétements font l'objet d'un permis du ministère avec confection d'un croquis simple permettant essentiellement de délimiter l'empiétement en question. Comme il s'agit d'empiétements mineurs, souvent de quais de bois, par exemple, de quais mobiles, cela ne semble pas poser d'obstacles majeurs. Mais dans le cas d'empiétements beaucoup plus majeurs, on exige un plan d'arpentage en bonne et due forme, de manière à bien clairement délimiter la propriété en question. Donc, il s'agirait véritablement d'un droit réel et bien identifié, qui est aliéné ou simplement transmis à bail par le ministère.

J'ai donc abordé la question du gestionnaire unique comme étant un objectif valable qu'on peut réaliser, sans doute, en partie. J'ai tenté également de bien distinguer l'aspect gestion domaniale, c'est-à-dire émission de titres de propriété, confection d'un cadastre fiable, comme étant une activité gouvernementale qui doit être conçue comme étant distincte, dans ses objectifs, des objectifs, par exemple, poursuivis par le ministre de l'environnement. Par conséquent, il m'apparaît que l'émission d'un titre de propriété sur un lot de grève, par exemple, même si son utilisation ou son occupation par le nouveau propriétaire peut être implicite, demeure néanmoins soumise nécessairement à l'autorisation du ministère de l'environnement.

Je pense que là où le député de Saint-Laurent a raison et là, je pense que le ministère a peut-être été fautif... Dans plusieurs de ses décisions antérieures, étant donné le lien très étroit qui existe entre une autorisation de construire un empiétement et, finalement, l'objectif gouvernemental de la protection de l'environnement, il m'apparaîtrait en général plus sage de soumettre une telle décision à une approbation, par exemple, du ministère de l'environnement avant d'émettre un tel titre. Je pense qu'à ce moment-là, on aurait simplifié les procédures administratives pour autant que le client est concerné.

Je ne crois pas avoir répondu effectivement à toutes les questions. Enfin, j'ai fait de mon mieux. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): L'article 1 est-il adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Dussault): Adopté. J'appelle l'article 2.

M. Laplante: Tel qu'amendé.

Le Président (M. Dussault): Je m'excuse, oui. L'article 1 est adopté tel qu'amendé deux fois. L'article 2 est-il adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Adopté. Ceci met fin aux travaux de cette commission...

M. Laplante: Est-ce que je pourrais vous corriger, M. le Président?

Le Président (M. Dussault): Oui, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: L'article 1 a été amendé trois fois.

Le Président (M. Dussault): Je veux dire qu'il a été amendé à deux reprises, mais il se peut qu'il y ait trois endroits où cela a été amendé. D'accord? Ceci dit, je remercie les membres de cette commission de leur collaboration. Le projet de loi no 78, Loi modifiant de nouveau la Loi du régime des eaux, est donc adopté tel qu'amendé. M. le député d'Abitibi-Est fera rapport à l'Assemblée nationale. Nous ajournons nos travaux sine die.

Fin de la séance à 16 h 56

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