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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 1 juin 1972 - Vol. 12 N° 44

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Société d'aménagement de la baie James


Journal des débats

 

Commission permanente des Richesses naturelles

Société d'aménagement de la baie James

Séance du jeudi 1er juin 1972

(Seize heures vingt-deux minutes)

M. SEGUIN (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La séance de la commission, appelée pour quatre heures, commence ponctuellement à quatre heures trente.

M. PERREAULT: M. le Président, au début, est-ce qu'on pourrait remplacer M. Arsenault par M. Bourassa; M. Drummond par M. Saint-Pierre; M. Larivière par M. Marchand?

M. JORON: M. Lessard est remplacé par M. Joron.

M. ROY (Beauce): Pour nous, M. Tétrault par M. Roy (Beauce).

M. LE PRESIDENT: Et M. Simard (Témiscouata) par M. Lavoie (Wolfe).

Nous attendions l'arrivée du rapporteur officiel. Nous allons quand même débuter, il arrivera sans doute d'ici quelques minutes. On m'informe que M. Dozois a une déclaration ou un commentaire à faire.

Déclaration de l'Hydro-Québec

M. DOZOIS: M. le Président, vous me permettrez de lire le texte suivant qui apportera sans doute quelque lumière sur ce qui s'est passé récemment. Le texte que je lis a été approuvé par les cinq membres de l'Hydro-Québec, y compris M. Giroux.

Étant donné que toutes sortes d'affirmations ont été faites ces jours derniers sur les prises de position de l'Hydro-Québec concernant le développement des ressources hydro-électriques de la baie James, nous croyons qu'il est opportun de faire certains commentaires sur cette question.

Il faut tout d'abord se rappeler que dans la lettre que M. Roland Giroux faisait parvenir au nom de l'Hydro-Québec à M. Robert Bourassa, premier ministre, le 29 avril 1971, il était clairement établi — 3e paragraphe — que, "si un organisme était créé pour réaliser le projet de la baie James et qu'il était exclusivement d'ordre hydro-électrique, il serait normal que l'Hydro-Québec demande à être autorisée à l'exécuter seule".

Il faut également se rappeler que l'Hydro-Québec et la Société de développement de la baie James sont deux organismes mandataires du gouvernement du Québec.

L'Hydro-Québec est mandataire d'après l'ar- ticle 29 de sa loi pour "produire, acquérir, vendre, transporter et distribuer de l'énergie dans toute la province".

La Société de développement de la baie James est mandataire pour le développement général du territoire de la baie James avec cependant certaines restrictions quant au développement des ressources hydro-électriques.

Le bill 50 prévoit que la Société de développement de la baie James peut faire effectuer l'exploration et l'exploitation des richesses naturelles du territoire autres que les ressources hydro-électriques par des filiales dans lesquelles elle détiendra 51 p.c. des actions et comptera la majorité des administrateurs.

Quant aux ressources hydro-électriques, l'article 16 de cette même loi dit que "le développement des ressources hydro-électriques, la production et la distribution de l'électricité dans le territoire ainsi que sa transmission seront effectués par une compagnie dont au moins la majorité des actions, comportant un droit de vote en toutes circonstances, seront détenues par l'Hydro-Québec et dont, au plus, quarante pour cent seront détenues par la société".

Conformément à ce qui précède une filiale a été créée le 20 décembre 1971, sous le nom de Société d'énergie de la baie James; le montant du capital-actions est fixé à un milliard de dollars, divisé en 10 millions d'actions ordinaires ayant une valeur nominale de $100 chacune.

Depuis la création de la Société d'énergie de la baie James, la capitalisation de cette compagnie s'est effectuée comme suit: 1)Au moment de l'incorporation, les cinq administrateurs ont souscrit chacun une action de $100. 2)Le 21 janvier 1972, l'Hydro-Québec offrait par résolution de souscrire 7 millions d'actions à $100 chacune, soit un total de $700 millions dont le versement serait réparti sur une période de 10 ans. 3)Le 27 janvier, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la baie James invite la Société de développement à souscrire au capital-actions de la Société d'énergie de la baie James. 4)Le 3 février, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la baie James, étant informé que la Société de développement de la baie James ne se prévalait pas de cette invitation à souscrire au capital-actions, accepte, sur proposition de M. Nadeau appuyé par M. Boulva, l'offre de souscription de l'Hydro-Québec et, le même jour, les actionnaires à l'unanimité ratifient cette décision.

Donc, depuis le 3 février, l'Hydro-Québec et les membres de la commission détiennent la totalité des actions émises, sauf deux actions qui sont détenues par MM. Nadeau et Boulva.

L'Hydro-Québec étant, à toutes fins pratiques, l'unique propriétaire de la Société d'énergie de la baie James, qui est un organisme exclusivement d'ordre hydro-électrique, ne voit pas la nécessité de bâtir de toutes pièces un

personnel pour diriger l'implantation du complexe La Grande, étant donné qu'elle peut, avec l'aide de ses cadres et de son personnel dont la compétence est reconnue, organiser l'équipe nécessaire à la direction d'un tel projet.

Quant à la gérance du projet, des offres de service ont été reçues soit par la Société de développement de la baie James, soit par la Société d'énergie soit par l'Hydro-Québec. On peut citer, entre autres, les propositions de la Société d'ingénierie Cartier, d'ABBDL, de Techman Inc. et du consortium SNC-Montreal Engineering-Janin. De plus, le conseil d'administration de la Société d'énergie de la baie James s'est enquis des services que pouvait offrir la compagnie Bechtel.

Cette dernière s'est verbalement dite intéressée à assumer de telles responsabilités, mais n'a pas fait d'offres formelles, ni à la Société d'énergie de la baie James, ni à l'Hydro-Québec. Aucune des offres de service ci-haut mentionnées n'a été discutée à une assemblée de la Commission hydro-électrique de Québec.

L'Hydro-Québec croit qu'elle doit être investie par la Société d'énergie du mandat de gérance de ce projet. Comme le disait M. Giroux dans son exposé du 16 mai 1972, devant la commission parlementaire, l'Hydro-Québec "pourra s'adjoindre les services d'une firme reconnue dans le domaine de la gérance de grands projets". Cela n'exclut pas, au départ, les firmes qui nous ont fait des offres de services.

En ce qui concerne l'ingénierie, l'Hydro-Québec a déjà reçu des offres et pourra confier des contrats à plusieurs sociétés d'ingénieurs-conseils du Québec, dont la compétence nous est connue en raison des services rendus dans le passé. Nous croyons que cette attitude de l'Hydro-Québec est en tout point conforme aux principes énoncés dans la lettre du 29 avril 1971, citée précédemment.

M. LE PRESIDENT: Le premier ministre.

M. BOURASSA: Si je comprends bien, m'a-dressant à la commission, est-ce qu'on s'attaque au problème de la gérance immédiatement? D'accord. M. Boyd, est-ce que vous aviez quelque chose à ajouter sur la gérance?

M. LE PRESIDENT: J'ai deux demandes présentement: M. Boyd, tout d'abord, et M. Nadeau. Ensuite, les questions pourront être posées. M. Boyd.

M. BOYD: Concernant la gérance, j'aimerais ajouter quelques détails, si cela peut aider aux discussions. C'est dans l'esprit que le mandat est confié à l'Hydro-Québec par la Société d'énergie pour réaliser le projet de la baie James. L'organisation montre dans le moment — tout n'est pas complété, évidemment — que la responsabilité complète est confiée à l'Hydro-Québec.

L'exécution de ce mandat se fera par le personnel de l'Hydro-Québec, avec la collaboration du personnel le plus compétent provenant des différentes entreprises oeuvrant au Québec.

Il y a là possibilité d'accorder certains contrats de gérance mais cette possibilité est à l'étude; rien n'est décidé à ce sujet.

Quant au recours à des spécialistes au besoin, comme consultants, c'est une chose que fait l'Hydro-Québec depuis très longtemps. Si on recule un peu dans le passé, on se rappelle que le barrage de Manic 5, l'Hydro-Québec, par l'entremise de la compagnie SNC qui groupe des ingénieurs-conseils, a employé Coyne et Bélier une firme française; sur différents projets de Manic-Outardes, on a employé, entre autres, les ingénieurs Casagrande et dans le cas du contrat avec Churchill Falls, avant les signatures définitives, on avait retenu les services d'Ebasco qui nous ont été très favorables parce que ce sont des experts en analyses de contrats et de tarifications pour quelque chose comme $100,000 et on a pu faire des économies de plus de $400 millions.

Nous voyons la nécessité de recourir à certains spécialistes. La gérance ou le "management" devrait avoir un seul chapeau, soit celui de l'Hydro-Québec. Par là je veux dire qu'il doit y avoir une équipe, et que le personnel vienne de l'Hydro-Québec ou de certaines entreprises qui viendraient compléter les forces de l'Hydro-Québec. Tous ceux, sur les chantiers, qui s'occuperaient de gérance devraient être identifiés comme étant de l'équipe HydroQuébec. C'est la seule façon d'avoir une unité de pensée dans la gérance.

Par contre, les différents bureaux d'ingénieurs-conseils qui seraient employés pour l'ingénierie retiendraient leur identité et leurs responsabilités. Par contre on voit que tous ces spécialistes, ces ingénieurs devraient travailler sous le même toit. L'ingénierie et la gérance seraient sous le même toit afin de favoriser les contacts et d'avoir un meilleur contrôle sur l'exécution des travaux d'ingénierie et de gérance et diminuer les coûts de ce travail. L'équipe de gérance aurait la responsabilité et la direction de l'ingénierie, des approvisionnements, de la construction, du contrôle des coûts et des programmes, de l'administration et des services.

En somme, c'est un mandat global de gérance.

Comment, en quelques mots, ce groupe de gérance pourrait-il exercer sa fonction et comment se rapporterait-il à ses supérieurs ou à ceux qui en sont responsables? On voit que le groupe de gérance soumettra tout rapport, compte-rendu ou recommandation concernant le projet à la Société d'énergie et à l'Hydro-Québec en même temps, dans le but d'accélérer le processus de décision. La Société d'énergie émettra les contrats après l'émission d'appels d'offres, selon la politique d'achat de l'Hydro-Québec. La Société d'énergie transmettra les décisions prises pour que le groupe de gérance puisse le mettre à exécution.

Concernant l'ingénierie, des contrats seraient octroyés pour chaque projet à des bureaux d'ingénieurs-conseils du Québec dont la compétence nous est connue en raison des services rendus dans le passé. On voit là des projets et des contrats qui seraient suffisamment nombreux pour intéresser et occuper tous nos bureaux d'ingénieurs-conseils québécois qui ont la compétence voulue et, également, les ingénieurs de l'Hydro-Québec, selon leur compétence. Les approvisionnements se feraient par l'entremise de l'Hydro-Québec, selon les politiques d'achat de l'Hydro-Québec que tous connaissent.

Pour la construction, les contrats seraient octroyés à l'entreprise privée selon les besoins et conformément aux politiques suivies par l'Hydro-Québec.

C'est en somme, un résumé de ce qu'on voit dans le moment comme mandat de gérance ou plutôt comme façon d'exécuter un mandat pour le projet de la baie James.

M. LE PRESIDENT: M. Nadeau.

Commentaire du président

de la Société de développement

de la baie James

M. NADEAU: M. le Président, je voudrais d'abord faire quelques commentaires sur la déclaration que nous a lue M. Dozois. A la page 3, on constate que la Société d'énergie a fait une demande à la Société de développement de la baie James pour qu'elle souscrive au capital de la société d'énergie.

Vous comprendrez comme moi qu'en bon administrateur, la Société de développement de la baie James ne pouvait engager des capitaux, qui étaient empruntés à des taux de 8 1/2 p.c. ou 8 3/4 p.c, dans la Société d'énergie, alors que celle-ci n'en avait pas besoin, à ce moment. On aurait dû les réinvestir, pour des termes courts ou moyens, à des taux de 5 1/2 p.c. ou 6 p.c. Cela aurait été de la mauvaise administration que d'investir des millions de dollars à ce moment-là, des millions de dollars dont nous n'avions pas besoin, d'ailleurs, à la Société d'énergie. Première mise au point.

Deuxièmement, à la page 5, au dernier paragraphe, on dit: "Nous croyons que cette attitude de l'Hydro-Québec est en tout point conforme aux principes énoncés dans la lettre du 29 avril, citée précédemment." Cette lettre était signée par M. Giroux. La Société de développement de la baie James fonctionne dans l'esprit de la loi no 50 et non pas dans l'esprit de la lettre qui a pu être écrite par M. Giroux, le 29 avril. La loi, je crois, a été adoptée le 14 juillet et nous nous en tenons strictement aux termes de la loi.

M. le Président, cette mise au point faite, je crois que nous devrions, pour mieux situer la question de gérance dans l'ensemble de tout ce qui a été dit, expliquer à la commission, à l'aide d'un tableau, de quelle façon se définit la position de la Société de développement de la baie James.

Si vous voulez me le permettre, j'aimerais me servir du tableau vert qui est à votre gauche. Je regrette, mais l'on devra se retourner. Mais c'est la meilleure façon, je crois, pour vous expliquer les recommandations de la société.

M. le Président, la loi no 50 dit, à l'article 16, que le développement des ressources hydro-électriques doit être fait parce qui s'appelle, aujourd'hui, la filiale, la Société d'énergie de la baie James. La loi précise donc, à l'article 16, que le développement des ressources hydroélectriques, la production et la distribution de l'électricité dans le territoire ainsi que sa transmission seront effectués — je souligne "seront effectués", la loi ne dit pas "pourront" — par une compagnie constituée en vertu de l'article 21. On en a fait la lecture tout à l'heure. Alors, je vous épargne ceci.

Donc, si vous voulez, ici, en haut, vous avez la province de Québec, ou le gouvernement du Québec, en somme, les Québécois qui sont propriétaires de la Société de développement de la baie James et de l'Hydro-Québec.

Ces deux sociétés paragouvernementales forment une société qu'on appelle la Société d'énergie de la baie James. Cette même société d'énergie, on y reviendra, si vous voulez, un peu plus tard.

Si nous voulons, à ce moment-ci, faire un parallèle entre ce qui s'est fait à Churchill Falls et ce qu'on a l'intention de faire, vous avez ici, dans l'affaire de Churchill Falls, Brinco et l'Hydro-Québec qui ont confié à deux sociétés de l'entreprise privée, Acres et Becutal en l'occurrence, la gérance du projet.

Ce que veut l'esprit de la loi, je crois, c'est que cette Société d'énergie, qui a été créée en vertu de l'article 16, soit le maître d'oeuvre des aménagements hydro-électriques de la baie James. C'est donc la Société d'énergie de la baie James qui, en vertu de la loi, est responsable du développement des ressources hydro-électriques de la région de la baie James. C'est encore la Société d'énergie qui, conformément à la loi, doit étudier les différents mandats de conception et d'exécution à accorder à l'Hydro-Québec, à d'autres organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux ou à l'entreprise privée.

Je vous ai dit tantôt qu'on reviendrait à la Société d'énergie. Revenons-y encore. La Société d'énergie est constituée comme ceci. Vous avez d'abord le bureau de direction duquel trois représentants de l'Hydro-Québec sont partie. Donc, ils ont la majorité. Ils y détiennent aussi, évidemment, 70 p.c. des actions à ce jour. Vous avez, en-dessous, le président. En-dessous du président, son adjoint exécutif ou, si vous voulez, le directeur général du projet. Ici, directement sous le président, vous avez les finances, les relations publiques, le contentieux, le secrétariat et aussi, peut-être, un bureau de consultants extérieurs qui peuvent servir de conseillers techniques sur une haute échelle.

Au-dessous de l'adjoint, vous avez un directeur de projet et au-dessous du directeur de projet, vous avez toute une série de cadres ou d'individus qui peuvent se situer, en chiffres, entre 94 et 134. Ce sont les estimations qui ont été préparées selon un organigramme copié sur celui de Churchill Falls.

Ces 94 ou 134 individus — suivant la courbe d'intensité des travaux — peuvent nous venir de l'Hydro-Québec, s'ils sont disponibles, en vertu des grands ouvrages que l'Hydro aura à faire simultanément, soit pour des usines pompées ou nucléaires, etc. On évite ainsi la création d'une société immense. Et au-dessous de cette unité de contrôle, qui est la Société d'énergie ou la Churchill Falls du Québec, vous avez la gérance du proejt.

Et la gérance du projet, qui vient se situer au-dessous de la Société d'énergie. Suivant l'intensité et la courbe d'avancement des travaux — la gérance pourra employer de 900 à 1,500 personnes à la pointe. Cette société de gérance, qui est une entreprise privée, est démembrée à la fin des travaux. Donc, on ne crée pas une boutique permanente avec un nombre d'individus qu'on sera obligé de garder lorsque les travaux seront terminés. Mais quand cette société de gérance se démembre, les ingénieurs qui sont affectés ici peuvent être affectés à d'autres travaux suivant la demande à travers le monde ou le Canada.

Prenons une autre hypothèse: Vous avez encore ici la SDBJ et l'Hydro-Québec, avec toujours en haut la province de Québec, qui ont formé la Société d'énergie. Cette société confie à l'Hydro-Québec le contrat de gérance. Ce qui veut dire que l'Hydro-Québec va fournir le génie, etc. Elle doit ajouter le personnel de 94 à 134 que j'ai mentionné tantôt, plus les 900 à 1,500 que j'ai mentionnés. Et ces individus-là deviennent des permanents à l'Hydro-Québec.

Dans ce contexte-là, l'Hydro-Québec devient le client, le propriétaire, le concepteur, l'exécuteur et le contrôleur. Par exemple les travaux de génie qui doivent être surveillés par la gérance peuvent être critiqués par la gérance et le génie, et ainsi de suite jusqu'en haut.

Alors continuons si vous voulez notre hypothèse, gardons ce dessin, mais imaginons que l'Hydro-Québec à laquelle la Société d'énergie aurait confié la gérance, ait recours à son tour à l'entreprise privée. Alors, ce qu'on vient de faire tout simplement, c'est de créer une entité inutile, à un ou l'autre endroit. Mais on vient de créer une entité qui est superflue et qui élimine à peu près les responsabilités et les devoirs de contrôle que la société d'Energie doit détenir afin de parfaire le projet.

Je comprends mal cette bifurcation qu'on ferait quand tout simplement on pourrait avoir, en-dessous de la Société d'énergie, la gérance avec les contrôles que l'Hydro-Québec désire avoir parce qu'elle a la majorité des administrateurs; elle a en même temps ce contrôle et pour elle et pour la Société d'énergie. Alors, nous conformant à l'article 16, nos recommandations relativement â la gérance sont les suivantes: Que le groupe de gérance soit directement sous le contrôle de la Société d'énergie, que ce groupe de gérance soit distinct de l'Hydro-Québec et que ce groupe de gérance soit tiré des rangs de l'entreprise privée québécoise.

Encore une fois, si nous recommandons que la gérance soit directement sous la juridiction de la Société d'énergie, c'est afin que la lettre et l'esprit de la loi 50 soient respectés.

D'un autre côté, devant l'ampleur du projet, nous sommes d'avis, au sujet de la gérance, c'est-à-dire le groupe responsable du respect des budgets et responsable du calendrier des travaux, de l'exécution, que cet organisme doit être distinct du maître d'oeuvre, si vous voulez, ou du client ou du propriétaire, mais responsable devant lui.

Alors, M. le Président, je crois que nous avons exposé nos idées assez clairement. Nous avons peut-être réussi à situer un peu mieux les membres de cette commission devant nos recommandations et dire comment nous voyons cet organigramme et cette structure. En conclusion, nous croyons sincèrement que nous avons ici des ressources, celles de la baie James qui font l'envie du monde entier, nous en sommes convaincus, et l'objectif commun devrait être de les exploiter au profit des Québécois et de la façon la plus rationelle possible.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Nadeau.

M. DOZOIS: Vous me permettrez, M. le Président, d'ajouter quelques commentaires à ce que vient de dire M. Nadeau. Je veux tout simplement faire remarquer, au tout début, que je n'ai imputé aucun motif à la Société de développement de la baie James pour l'acceptation ou la non-acceptation de l'invitation de souscrire au capital-action de la Société d'énergie. J'ai énoncé des faits. C'est tout ce que je veux corriger dans les commentaires ayant trait à la déclaration que j'ai faite.

Je voudrais cependant ajouter que, lorsqu'on fait une analogie avec Churchill Falls, il faut se rappeler que le capital-actions de cette compagnie est détenu dans une proportion de 56 p.c. par Brinco, 34 p.c. par l'Hydro-Québec et 10 p.c. par la province de Terre-Neuve. Or, Churchill Falls, qui veut réaliser son projet de l'aménagement des chutes Churchill, pour exécuter ces travaux, pouvait difficilement les faire exécuter par l'actionnaire majoritaire qui est Brinco, puisque Brinco n'est pas spécialisée dans ce domaine.

Elle pouvait également difficilement se retourner vers l'Hydro-Québec qui, elle, était actionnaire minoritaire et, en même temps, client presque unique de Churchill Falls. Je pense bien que l'actionnaire majoritaire n'aurait pas accepté de confier entièrement les travaux à l'actionnaire minoritaire qui était, en l'occu-

rence, l'Hydro-Québec. Je pense bien qu'elle ne les aurait pas confiés à la province de Terre-Neuve qui ne détient que 10 p.c. des actions de Churchill Falls.

Or, la Société d'énergie, il faut bien le réaliser, est la propriété, comme je le disais tout à l'heure, de l'Hydro-Québec, dans une proportion — je n'ai pas fait le calcul — de peut-être 99.999 p.c. des actions. L'Hydro-Québec sera le seul client à acheter cette énergie et elle vendra cette énergie aux citoyens de la province de Québec. L'intérêt de l'Hydro-Québec est de se procurer cette énergie au meilleur coût possible. Nous avons un intérêt primordial à-dedans, c'est de nous procurer cette électricité, pour la vendre aux citoyens de la province de Québec, à nos abonnés, au meilleur coût possible.

Je ne dis pas que la Société de développement n'aurait pas le même souci, mais il reste qu'elle n'est pas spécialiste de cette question. On ne peut confier la totalité de la gérance à une telle entreprise, quels que soient ses mérites. Nous croyons qu'il appartient plutôt à l'actionnaire majoritaire, qui est, en même temps, client et fournisseur de cette précieuse denrée, de décider comment ces travaux seront exécutés et de surveiller les coûts, etc. C'est dans cet esprit que l'Hydro-Québec réclame la gérance, en tenant compte de tous ces facteurs. L'Hydro-Québec n'aurait sûrement pas d'objection — je pense que c'est une affirmation que je peux faire; mes collègues ne partageront pas mon opinion, si le coeur leur en dit — si la Société de développement veut faire le développement, mais il faudrait qu'elle signe un contrat avec l'Hydro-Québec et que nous acceptions d'acheter l'électricité à un coût que nous jugerions raisonnable afin de la revendre à des conditions raisonnables à nos abonnés.

Si la Société de développement veut prendre le risque de nous signer un contrat et de déterminer immédiatement le prix, si elle arrive avec un déficit, c'est-à-dire que le prix de vente de son électricité ne rencontre pas ses coûts, elle en subira les conséquences. Comme propriétaires de la compagnie qui va faire les travaux, nous avons avantage à les faire au meilleur coût possible pour nous procurer la denrée dont nous sommes responsables quant à sa distribution et quant à sa vente. Ce sont les commentaires que je voulais faire.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Dozois. Le député de Verchères.

M. SAINT-PIERRE: Merci, M. Dozois. Dans votre exposé, vous avez mentionné l'Hydro-Québec, d'une part, et la Société de développement de la baie James, d'autre part. Vous avez dit — vous venez de terminer par ces propos —. Si la société voulait bien le faire, nous n'avons pas d'objection, pour autant qu'elle s'engage à le faire à un certain coût. Donc, vous parlez de deux institutions: l'Hydro-Québec et la Société de développement de la baie James.

L'article 16 de la loi 50 parle de la Société d'énergie qui est un troisième organisme et elle confie à celle-ci cette responsabilité. Tenant compte, comme vous l'avez mentionné dans votre propre texte, que l'Hydro-Québec détient actuellement 97 p.c...

M. DOZOIS: Plus de 99 p.c.

M. SAINT-PIERRE: ... plus de 99 p.c. des actions et qu'enfin, suivant la loi, il y a quand même une majorité absolue tant chez les actionnaires que chez les administrateurs, est-ce que l'Hydro-Québec ou les commissaires considèrent que la Société d'énergie de la baie James pourrait être un mécanisme approprié pour être maître d'oeuvre du projet?

M. DOZOIS: Si la Société d'énergie veut confier le mandat. Le seul litige, c'est qu'il y en a à la Société d'énergie qui voudraient confier le mandat à un bureau d'ingénieurs ou à un consortium de bureaux d'ingénieurs alors qu'en tant qu'actionnaire majoritaire, c'est le consensus qu'on en conclut puisque ce qui a été dit ici a été approuvé par les cinq membres de la commission, nous croyons, nous, qu'il est plus avantageux que la société d'énergie fasse exécuter ces travaux, en tant que mandataire, par l'Hydro-Québec. Comme je le disais tout à l'heure, nous avons le personnel qui a l'expérience, la compétence, qui est bien versé là-dedans et qui est en mesure de mettre sur pied, avec la surveillance nécessaire — comme je pense que M. Boyd l'a exposé tout à l'heure — une gérance qui, à notre avis, va réaliser tout ce projet à des coûts qui selon nous seront raisonnables.

M. SAINT-PIERRE: En s'attaquant à ces grands projets, on a de plus en plus recours, non pas à un type d'organisation qui repose sur des lignes de hiérarchie très bien déterminées, mais plutôt sur le concept appelé communément de groupes de travail, de "task force". On a l'exemple de plusieurs grands projets, que ce soit l'Expo-67, la voie maritime du Saint-Laurent, l'aéroport de Montréal. Dans d'autres pays, pensez à la NASA, où on constitue un groupe de travail séparé qui reçoit un mandat particulier pour un projet particulier. Si c'était fait à l'intérieur de l'Hydro-Québec — ma question s'adresse à M. Boyd ou à M. Gauvreau — est-ce que ce serait l'intention, pour former ce groupe de travail, de former une nouvelle direction générale à l'Hydro-Québec ou est-ce que ce serait confié au groupe de génie ou au groupe de construction? Quelle structure serait envisagée dans le cas où ça pourrait être confié exclusivement, comme un blanc-seing, à l'Hydro-Québec?

M. GAUVREAU: M. le ministre, je voudrais répondre clairement à votre question, mais dans un premier temps, si vous me le permettez, comme le premier ministre a formulé le voeu à

plusieurs reprises au cours de la semaine que la discussion d'aujourd'hui soit claire, je crois qu'il faudrait faire quelques distinctions. Il y a des termes qui ne sont pas très bien compris quand on dit: gérance, maître d'oeuvre, propriétaire. Vous me permettrez, au cours de la discussion, de préciser ces distinctions. En gros, il y a quand même deux problèmes à régler aujourd'hui dans la discussion. Il y a d'abord le problème des relations entre l'Hydro-Québec et la Société d'énergie. Je crois que tant qu'on ne l'aura pas réglé, on n'aura rien éclairci. Ensuite, il y a le problème de l'entreprise privée, les services achetés. L'Hydro-Québec a déjà acheté des services de génie, elle a déjà acheté des services de construction, elle pourrait acheter des services de gérance.

Je crois qu'il faudra un peu faire la distinction de ça. Lorsque nous parlons d'un contrat total d'ingénierie et de gérance, peut-être que ça prête un peu à confusion parce qu'en employant le mot gérance, l'Hydro-Québec se donnant la gérance, par sa filiale, c'est comme si on excluait l'idée d'acheter des services de l'entreprise privée pour nous venir en aide. C'est une distinction que je voulais faire. Je crois que les députés l'apprécieront et on pourra encore donner des précisions là-dessus.

M. SAINT-PIERRE: M. Gauvreau, dans l'hypothèse où la gérance serait complètement donnée à l'Hydro-Québec, vous n'excluez pas, pour les fins de gérance, le recours à des entreprises privées pour assister vos...

M. GAUVREAU: Non. Nous vous dirons dans quels termes et pourquoi. Encore ici, M. Dozois tout à l'heure a dit peut-être qu'on n'est pas d'accord. Je ne voudrais pas qu'on pense que si on ne dit pas les choses dans les mêmes termes, ça veut dire qu'on peut n'être pas d'accord. Vous savez, quand on n'a pas discuté une question ensemble pendant un certain nombre de semaines, on ne peut pas être d'accord dessus. On a pris la décision de faire La Grande le 11 mai et on n'a pas eu grand temps depuis pour étudier vraiment les propositions, les modalités d'organisation.

On fait beaucoup de reproches à l'Hydro-Québec, et j'aimerais relever quelques-uns de ces reproches qui nous viennent un peu de toutes parts: monstre, Etat dans l'Etat, etc.

Je suis heureux de cette formule, parce qu'on dit: Une organisation très grosse comme l'Hydro-Québec qui a beaucoup de choses à faire — de l'exploitation à un certain rythme, de la construction-distribution, de la distribution, des achats pour son fonctionnement normal — ne peut pas fonctionner avec la même efficacité qu'une organisation qui est donnée entièrement à un projet, précis, à un projet de construction qui a des délais, des contraintes très différentes.

Or, vous avez fait allusion à l'organisation par projet et aussi au "construction management", qui sont deux choses près l'une de l'autre. L'une est hiérarchique à l'intérieur de l'entreprise et le "construction management" est la même chose, mais sur une base contractuelle. L'organisation par projet à l'Hydro-Québec, nous ne l'avons jamais appliquée comme telle. Mais nous y réfléchissons, comme toute entreprise en évolution, nous avons un rapport. Je peux en citer un d'il y a quatre ou cinq ans, de M. Boulet, qui nous faisait un rapport sur les organisations par projet dans le monde. On donne toujours l'exemple de la NASA. Maintenant, les exemples sont plutôt du côté des constructions d'édifices, de buildings aux Etats-Unis. Nous avons un rapport du comité de l'ingénierie. M. Baribeau, avant son départ de l'Hydro-Québec, disait — j'ai encore la lettre, la recommandation ici: Pour fins de la baie James, nous devrions avoir une organisation par projet, ce qui est une unité administrative semi-autonome avec beaucoup plus de pouvoirs, tous les services sous un seul chef et pouvant fonctionner beaucoup plus efficacement. Il y a les services techniques et services de support comme les achats, les approvisionnements, etc. De temps à autre, lorsque c'est nécessaire, elle peut avoir recours à la société mère, qui a une longue expérience dans la rédaction des contrats, dans l'embauchage du personnel, dans toutes sortes de spécialités techniques.

Nous y pensons et il n'y a pas de doute que, si le projet de la baie James n'avait pas été confié à la société d'énergie, nous nous serions organisés, nous nous serions dotés d'une organisation par projet. Nous aurions eu une direction générale de la baie James. Est-ce que cela répond à votre question?

M. SAINT-PIERRE: Oui, très bien. Je vous remercie, M. Gauvreau. Mais si je comprends bien, sans avoir pris officiellement position, à cause des délais — vous n'avez pas eu le temps de discuter à fond de la chose — vous envisagez, presque unanimement, le fait d'un concept d'une direction générale de la baie James à l'intérieur de l'Hydro-Québec, si vous avez un mandat?

J'ai une deuxième question. Compte tenu du fait que vous êtes fortement majoritaire sur tous les plans, en particulier les actionnaires, le bureau de direction et plus encore la charte, qui quand même donne beaucoup de pouvoirs à l'Hydro-Québec, est-ce que la structure de la Société d'énergie de la baie James n'est pas toute indiquée pour être l'équivalent de ce que vous aviez envisagé comme direction générale de la baie James?

M. GAUVREAU: Il faudrait peut-être en discuter et poser la question à nos deux commissaires ici qui sont administrateurs de la baie James. Moi, je ne le suis pas. Personnellement, je souhaiterais que ce soit la formule acceptée. Je souhaiterais que le droit de regard, la surveillance, les liens, la collaboration soient

assez harmonieux, assez étroits pour que cette société, vraiment — puisqu'elle existe — devienne la direction générale de la baie James.

Maintenant, est-ce que nous avons suffisamment de contrôle? Dans les termes employés chez nous, nous nous sommes dit: Oui, mais ce sont des contrôles négatifs, ce sont des contrôles a posteriori. Je crois que le meilleur mot est celui employé par M. Dozois, qui a dit: Nous n'avons pas toujours l'initiative. Alors, cet exemple, je le pose comme ceci. M. Nadeau propose au conseil le consortium SNC et, après des négociations de quelques mois, l'Hydro-Québec dit non. Alors, tout ce qu'il peut faire, c'est de se retourner, aller en chercher un autre et revenir. L'Hydro-Québec dit encore non jusqu'à ce qu'elle trouve le bon. Au bout de quelque temps, c'est un peu lourd. Cela fait quand même deux paliers de décision.

Il y a des difficultés aussi dans l'autre formule. Je finis ce que j'ai à dire, vous me permettez? Il y a des problèmes juridiques à résoudre qui ne sont pas très clairs encore. J'ai pratiqué le droit d'une certaine manière, je ne suis pas un spécialiste et cela fait longtemps que j'ai abandonné cela, mais je crois qu'il faudrait des opinions juridiques très précises et très claires pour nous dire que la Société d'énergie peut nous confier un contrat. Le contrat que nous envisageons, si nous voulons vraiment avoir ce contrôle, c'est une cession de juridiction à toutes fins pratiques.

On vous dit: Cédez-nous la juridiction, le mandat qui vous a été donné d'exécuter ça. Je me pose des questions: Est-ce qu'elle a le droit de le faire? Au gouvernement d'en décider avec les conseillers juridiques. Deuxième question: Est-ce que l'Hydro-Québec peut l'accepter? En général, l'Hydro-Québec a reçu mandat de faire exécuter des choses mais elle n'est pas là pour recevoir des mandats d'exécution. Alors, ce sont deux petits problèmes juridiques qui, probablement, pourraient être résolus.

Mais, j'ai quand même l'impression, comme M. Nadeau l'a dit, que faire ce contrat, c'est une façon de passer à côté, si vous voulez, c'est court-circuiter la Société de la baie James. Il me semble que ce serait plus clair pour tout le monde que le gouvernement nous donne les pouvoirs que nous voulons avoir dans la Société d'énergie de la baie James pour que nous ne soyons pas obligés de signer ce genre de contrat. Pourquoi demandons-nous beaucoup d'autorité? Là, je réitère ce qui a été dit par mes collègues. Nous croyons que nous en avons besoin parce que nous en avons de l'expérience, parce que nous devrons augmenter les tarifs. Les problèmes de délais, les problèmes de coûts, ce sont des problèmes importants et cela, vous le savez.

Enfin, on voudrait que notre personnel de cadre — je ne dis pas qu'on en a des centaines à mettre à leur disposition — ait la priorité. On ne voudrait pas qu'un personnel d'expérience, de premier niveau, soit placé au troisième niveau dans la Société d'énergie. Alors, est-ce que cela répond à votre question?

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Oui?

M. JORON : Question supplémentaire qui éclairerait peut-être nos débats et qui est très courte, si vous me permettez M. le Président. Quand le maître d'oeuvre devrait-il être nommé? Cela nous donnera une idée des délais qui sont impliqués et de l'urgence de cette décision.

M. LE PRESIDENT: Cette question simple, est-ce qu'on pourrait y répondre?

M. GAUVREAU: Oui. Parce que maître d'oeuvre, parfois...

M. JORON: D'accord.

M. GAUVREAU: ... ce sont plutôt des clients, mais c'est le propriétaire. Alors, on va dire le propriétaire et le gérant.

M. JORON : Oui. Pour respecter le calendrier, tel que prévu, le gérant devrait être nommé, au plus tard, quand?

M. GAUVREAU: J'aimerais qu'on ait encore six semaines pour y penser.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bellechasse.

M. GAUVREAU: Le plus tôt possible.

M. LOUBIER: M. le Président, j'ai écouté, tout à l'heure, M. Dozois, là MM. Gauvreau et Nadeau. Est-ce que j'ai bien saisi, d'après les propos qui sont tenus, que la Société d'énergie — même et à plus forte raison, justement parce que l'Hydro-Québec est dans l'investissement à 95 p.c. ou à 97 p.c, justement à cause du fait que, au bureau de direction, l'Hydro-Québec est majoritaire par ses membres, justement à cause de ces deux faits particuliers, assez révélateurs — trouve que c'est une structure qui ne devrait pas exister? Comme le disait M. Dozois, que le mandat de la gérance soit confié à la Société de développement ou à l'Hydro-Québec, l'Hydro-Québec se refuse d'être caution dans la Société d'énergie, de servir de tampon ou encore d'être plus ou moins à l'aise pour avoir toute la latitude voulue pour cette gérance. Est-ce que c'est un peu le sens des propos qui ont été tenus par MM. Gauvreau et Dozois, en ce sens que la Société d'énergie semble superflue dans le contexte actuel? Lorsqu'on soutient l'existence de la Société d'énergie, pourquoi l'Hydro-Québec s'en plaindrait-elle puisqu'elle a déjà trois membres sur cinq, puisqu'elle contrôle 97 p.c. ou 99 p.c. sur le

plan des investissements? Pourquoi l'Hydro-Québec ne veut-elle pas accepter que ce soit la Société d'énergie alors que c'est elle, en fait, qui a une voix prépondérante dans cette Société d'énergie? La réponse de l'Hydro-Québec, si je comprends bien, est la suivante: Justement à cause de ces faits, pourquoi ne pas confier le mandat, de façon très explicite, directement et sans passer par cette structure à l'Hydro-Québec? Est-ce que c'est un peu ça le sens de vos propos?

M. DOZOIS: Vous me posez la question. En ce qui me concerne, je dirai ceci: Personnellement, je n'ai pas d'objection à ce que la Société d'énergie existe et continue d'exister. Mais ce sera peut-être très utile qu'il y ait ce lien entre la Société de développement et l'Hydro-Québec. Il va sûrement y avoir une foule de problèmes qui vont naître quotidiennement dans la baie James.

La Société de développement de la baie James est chargée de l'exploration minière et de l'exploitation des forêts, de l'exploration pétrolière, du développement touristique et de tout le développement de la baie James. La Société d'énergie, elle, est strictement chargée des ressources hydro-électriques. Il y aura sûrement une collaboration nécessaire entre les deux organismes. Je pense que c'est un organisme tampon entre les deux. Personnellement, je crois cela. La différence, c'est que M. Nadeau, au nom de la Société de développement de la baie James, croit que le projet hydro-électrique serait mieux réalisé s'il était confié à un groupe de gérance indépendant, alors que nous, pour les raisons que j'ai données tout à l'heure, nous croyons qu'il serait mieux dirigé par l'Hydro-Québec, étant donné se compétence dans le domaine, son expérience et les cadres qu'elle possède.

Maintenant, cela ne veut pas dire que la Société d'énergie n'aurait plus rien à faire. J'estime que le développement va se faire par la Société d'énergie, mais que celle-ci va donner un mandat à l'Hydro-Québec.

M. SAINT-PIERRE: M. Dozois, si vous me le permettez, peut-être pour clarifier, je ne sais pas si on pourrait mettre de l'avant un concept qui, selon moi, illustre bien cela. Devant l'ampleur du projet, on ne parle pas d'un mandat comme celui qu'une personne confie à un architecte pour faire les plans de sa maison. Il y a une fonction que j'appelle de client averti et que, je pense, M. Gauvreau appelait maître d'oeuvre. Il s'agit de celui qui prend les décisions, qui permet que les lumières vertes s'allument et qui dit: Oui, je suis prêt à endosser le projet. Appelons cela, disons, un client averti.

Si je comprends bien votre intervention, compte tenu des pouvoirs de décision que vous avez à l'intérieur de la Société d'énergie, vous n'êtes pas opposé à ce que ce soit la Société d'énergie qui joue ce premier rôle de client averti.

M. DOZOIS: C'est cela.

M. SAINT-PIERRE: M. Nadeau a le même sentiment. Le deuxième point touchant ce client averti, qui est contrôlé à 98 p.c. par l'Hydro-Québec et qui — voyons cela clairement — n'implique pas une ou deux personnes, mais peut impliquer, peut-être, une centaine de personnes, parce qu'un client averti doit avoir suffisamment de ressources pour être capable de juger de la qualité des avis qu'on lui donne, est le suivant et c'est là qu'il y a peut-être divergence. Nous pourrions en discuter dans un deuxième temps. Il s'agit de savoir à qui ce client averti confie ce qu'on appelle proprement la gérance, c'est-à-dire l'organisation de tous les jours de l'ensemble du projet, la décomposition du projet dans des contrats donnés, l'octroi de ces contrats, le contrôle des devis et de la qualité, le contrôle des coûts et l'échéancier. C'est là qu'il y a peut-être une divergence. M. Nadeau, dans ce deuxième temps — au premier temps, on est d'accord que le client averti pourrait être la Société d'énergie — dit: Cela devrait être le secteur privé, comme ce fut le cas à Churchill Falls. Si je comprends bien, M. Dozois et M. Gauvreau, vous dites que l'Hydro-Québec pourrait peut-être avoir ce mandat, avec des nuances, puisque vous dites, dans votre texte, que le secteur privé pourrait également être appelé à contribuer à ceci.

M. GAUVREAU: Je n'ai pas de texte.

M. SAINT-PIERRE: Non, mais dans le texte de M. Dozois.

M. GAUVREAU: Vous faites référence au client averti, M. le ministre. Beaucoup de gens ne comprennent pas cela. Voici des précisions que je voudrais donner sur la nature ou l'étendue de la délégation qui peut être formulée dans un contrat de gérance.

Des contrats de gérance, j'en ai une quinzaine dans mon dossier, ici, qui existent dans le monde, qui ont été exécutés et qui ont été donnés. En général, quand un client est un petit propriétaire, qui ne fait pas souvent des travaux, s'il emploie un gérant, il lui donne un mandat très large à partir des études de recherche préliminaire, de planification, etc. Si vous prenez un client de dimension moyenne qui, de temps à autre, fait des travaux, comme une municipalité, il est un peu plus ce que vous appelez un client averti. Alors, il se garde une partie du travail et il en délègue plus au gérant. Si c'est quelqu'un comme l'Hydro-Québec, qui fait, depuis toujours, de la construction de même nature et qui a un intérêt très direct dans les résultats de la construction, évidemment, le mandat qu'il donnera à son gérant sera beaucoup plus restrictif. Le propriétaire va faire beaucoup plus de choses et le gérant en fera moins. A mon avis, nous sommes à l'exemple extrême.

On cite le cas de Churchill Falls, qui avait

donné un très large mandat à Acres Bechtel, mais il ne faut pas oublier que Churchill Falls n'a construit qu'une seule centrale. Il y a seulement un projet. Par ailleurs, on s'était réservé un droit de regard très poussé, même sur tout ce qu'on avait délégué et même, à tout bout de champ, on pouvait modifier le contrat et dire: Sur telle et telle chose, nous voulons plus de contrôle qu'avant.

Il n'y a donc pas de doute, si c'est le sujet, que si l'Hydro-Québec ou sa filiale ou la direction générale donnait un contrat ou utilisait des services achetés, elle en ferait une bonne part, elle-même. Elle s'équiperait en conséquence. Il lui faudrait une équipe de 100, 125, 130 personnes, au départ, pour vérifier ce qui serait donné au gérant. Et peut-être plus, parce que j'en donnerais moins que ça encore au gérant. Il y a des choses que nous aimerions faire nous-mêmes.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, en réponse?

M. DEGUISE: Sur le même sujet. Je me demande au fond si les deux formules sont tellement distantes, s'il y a tellement d'écart entre elles, et je m'explique. Pourquoi y a-t-il un peu d'ambiguité? Je voudrais tout de suite préciser que c'est seulement, comme disait M. Gauvreau, le 14 mai qu'on a décidé quel était le programme d'aménagement de la baie James. Même l'Hydro-Québec n'a pas encore fait connaître ce qu'elle fera en 1978 et en 1979. On peut entrevoir Outardes, une centrale pompée, une centrale nucléaire, etc. Et je crois que ce qui reste à faire à l'intérieur de l'Hydro-Québec, c'est une projection des effectifs qui sont requis pour tous les différents travaux, une analyse serrée du personnel qui est actuellement disponible. M. Gauvreau parle de 5 ou 6 semaines parce que le personnel dont dispose l'Hydro-Québec n'est pas tellement considérable. Dans le texte que M. Dozois vous a lu, à la page 4, au milieu, on dit: "...étant donné qu'elle peut, avec l'aide de ses cadres et de son personnel, dont la compétence est reconnue, organiser l'équipe nécessaire..." On ne dit pas qu'elle l'a.

Comme on vient de le mentionner, je pense qu'on est peut-être à un pourcentage près. Est-ce que l'Hydro-Québec va fournir 15 p.c, 20 p.c, 25 p.c. du personnel de gérance et qu'elle va obtenir le reste d'ailleurs? Ou bien va t-elle le donner globalement â l'extérieur? C'est peut-être la nuance qu'il nous reste à préciser.

M. LOUBIER : Mais si vous me permettez de reprendre les propos du ministre, j'étais en train de poser mes questions, le client averti auquel se réfère le ministre c'est la Société d'énergie. Or, la Société d'énergie a le droit, la responsabilité, la possibilité de confier le mandat de la gérance — puisque c'est le client averti — à qui elle veut. C'est ça?

Etant donné que les membres de l'Hydro-

Québec sont majoritaires au bureau de direction, si ces membres décident de le confier à l'Hydro-Québec, la décision est-elle finale?

M. DEGUISE: Oui.

M. LOUBIER: Ou cette décision est-elle susceptible d'appel ou de veto de la part de la Société de développement? Si la Société d'énergie a pleins pouvoirs décisionnels et que la décision est sans appel, étant donné que l'Hydro-Québec est majoritaire à la Société d'énergie, c'est bien évident que l'Hydro-Québec aura la pleine latitude de donner le mandat à qui elle voudra le donner. Etant donné que l'Hydro-Québec considère que c'est une condition essentielle que la gérance lui soit confiée, pourquoi s'embarrasser de la Société d'énergie quant au mandat de la gérance, puisque l'on sait d'avance la volonté exprimée par les membres de l'Hydro-Québec, qui seront majoritaires à ce bureau de direction?

Et je me pose la question: Pourquoi se faire des chinoiseries avec tout ça et ne pas déterminer tout de suite que la gérance sera confiée à l'Hydro-Québec si la décision de la Société d'énergie est sans appel? Comme cette Société d'énergie est composée majoritairement de membres de l'Hydro-Québec, je me demande pourquoi on perd son temps à discuter de tout ça. Pourquoi ne pas le définir tout de suite aujourd'hui, puisqu'on sait d'avance quelle sera la volonté de l'Hydro-Québec?

M. GAUVREAU: J'ai demandé à des collègues qui sont membres de la Société d'énergie, il y a quelques semaines, s'ils croyaient pouvoir préparer ou faire préparer par nos services un organigramme décrivant exactement les tâches, comment ils veulent que ça fonctionne à la Société d'énergie et s'ils pouvaient le déposer à son conseil d'administration. J'ai demandé si cette proposition serait acceptée. Je pense que la réponse est claire. Ce serait certainement accepté parce qu'ils ont la majorité.

M. LOUBIER: Mais est-ce que le président de la Société de développement, M. Nadeau, partage cette opinion-là que le pouvoir de décision de la Société d'énergie, quant au mandat de confier la gérance, est illimité, absolu et sans appel?

M. NADEAU: En théorie, M. Loubier, vous avez raison.

M. LOUBIER: Là, c'est en pratique; je ne veux pas parler de la théorie.

M. NADEAU: Enfin, il faudrait que le bureau de direction de la Société d'énergie se réunisse et prenne une telle décision. Mais, en théorie, oui, c'est vrai, l'Hydro-Québec, étant majoritaire, peut décider, si les membres du conseil d'administration représentant l'Hydro-

Québec sont tous d'accord, que le mandat lui sera donné.

M. LOUBIER: Où se situe le dilemme, étant donné que, dans le premier mémoire qui a été présenté par M. Giroux et, dans son essence, réitéré par M. Dozois aujourd'hui, on considère que le mandat de gérance doit être absolument confié à l'Hydro-Québec et que c'est essentiel si l'on veut que l'Hydro-Québec exécute le mandat? Sinon, l'Hydro-Québec dit: Bien, qu'on confie cette gérance-là à qui on voudra, à la Société de développement, mais nous, à ce moment-là, nous n'engageons pas notre responsabilité. Nous ne mettons pas en jeu notre prestige; nous ne mettons pas en jeu, non plus, nos cadres, parce que nous n'avons plus d'autorité et que nous servirions, à toutes fins pratiques, de caution ou d'accessoire aux décisions que pourrait prendre une autre société. C'est pourquoi je demande si, en pratique, de fait, comme dirait mon ami Jean-Noël Tremblay, de facto, la décision de la Société d'énergie est définitive et sans appel. Etant donné la volonté préalablement exprimée, de façon précise, par l'Hydro-Québec qu'elle veut le mandat de gérance, pourquoi, aujourd'hui, rediscuter de tout ça?

M. NADEAU: Vous avez raison. En pratique aussi bien qu'en théorie, l'Hydro-Québec, étant majoritaire dans la Société d'énergie de la baie James, peut prendre une telle décision. Toutefois, la loi dit ceci à propos de la Société d'énergie de la baie James ou de la filiale créée pour fins d'aménagements hydro-électriques: "Le développement des ressources hydro-électriques, la production et la distribution de l'électricité dans le territoire, ainsi que sa transmission seront effectués — on ne dit pas pourront — par une compagnie constituée en vertu de l'article 21." Cette compagnie est constituée depuis le 20 décembre.

Donc, si on vit dans l'esprit de la loi et qu'on veut appliquer la loi, les aménagements hydroélectriques devront être exécutés par la Société d'énergie, filiale qui a été créée selon les termes de l'article 21 de la Loi des compagnies.

M. LOUBIER: Et la Société d'énergie, à ce moment-là, décidant que c'est l'Hydro-Québec qui a le mandat de gérance...

M. NADEAU: Cela serait contourner ou court-circuiter, si vous voulez, la loi ou l'esprit de la loi.

M. LOUBIER : Vous êtes en train de me mettre au courant, avec vos courts-circuits.

M. DOZOIS: M. le Président, je pense qu'on peut interpréter, d'une façon plus large, ces mots "seront effectués par la Société d'énergie." Si la Société d'énergie, comme le propose M. Nadeau, confie un mandat au consortium qui lui a fait une offre, donc, elle ne les effectuera pas elle-même. Je crois comprendre que M. Nadeau veut exposer devant cette commission qu'en vertu de cet article ce serait la Société d'énergie qui serait obligée de faire les travaux. Si on veut l'interpréter d'une façon aussi restrictive, il faudrait que la Société d'énergie engage tout le personnel et ne confie absolument rien à l'extérieur.

Moi, je prétends que, du moment que la société a le mandat d'effectuer les travaux et qu'elle peut confier un mandat au consortium, elle peut également confier un mandat à l'Hydro-Québec. On va dire: L'Hydro-Québec est intéressée. Sûrement qu'elle est intéressée! C'est pour ça que l'Hydro-Québec veut que le mandat lui revienne, parce qu'elle est propriétaire, elle est cliente et, elle est chargée de distribuer, puis de vendre cette électricité à de bonnes conditions.

M. NADEAU: La seule chose, M. le Président, si vous me le permettez, c'est que la Société d'énergie serait constituée comme une société de contrôle — je l'ai expliqué tantôt — avec les effectifs nécessaires, qui se limiteraient entre 94 et 134 individus, selon la densité ou l'intensité des travaux. Cette société-là, évidemment, serait une société de contrôle. Maintenant, tous ces contrôles-là ne seraient pas transférés, si vous voulez à l'Hydro-Québec, mais resteraient au sein de la Société d'énergie où les cinq administrateurs ont droit de regard, avec la majorité détenue par l'Hydro-Québec.

M. LOUBIER : A toutes fins pratiques, si vous me le permettez — je m'excuse de revenir, mais c'est la dernière fois, parce que je voudrais donner la chance à mes collègues de poser des questions aussi — dans votre esprit, M. Nadeau, vous concevez très bien que l'Hydro-Québec, étant majoritaire à la Société d'énergie, par ses membres, c'est elle qui, en définitive, va confier le mandat de gérance.

M. NADEAU: Oui, certainement, avec l'assentiment ou les opinions des autres...

M. LOUBIER: Si vous permettez, sans vouloir vous questionner d'une façon obsédée, étant donné le voeu préalablement exprimé comme condition essentielle, absolue par l'Hydro-Québec, pourquoi ne pas déterminer tout de suite que ce sera l'Hydro- Québec qui aura la gérance? Autrement, on se laisse aller à un paquet de procédures et de chinoiseries.

M. NADEAU: C'est une décision qui, je crois, devrait être prise au niveau du bureau de l'administration de la Société d'énergie de la baie James. Encore une fois, en théorie, oui c'est vrai; en pratique, est-ce que ceux qui sont assis autour de la table du bureau de direction de la Société d'énergie sont d'accord?

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je ne voudrais pas interrompre cette discussion qui est des plus intéressante, mais il faudrait qu'on ait une plus grande participation. Il y a déjà ici le député de Beauce, le député de Gouin, le député de Bellechasse et le ministre des Affaires sociales qui ont demandé la parole. Il y en a plusieurs qui ont des questions à poser. Probablement que les réponses que vous voulez donner maintenant viendront à la suite de ces questions ou des autres commentaires qu'on aurait à faire.

Afin de permettre une plus grande participation, si le député de Bellechasse a à peu près terminé, on passerait à autre chose.

M. LOUBIER: Je n'avais pas terminé mais je pense que mes collègues ont la liberté de poser des questions.

M. LE PRESIDENT: Vous aviez fait la suggestion vous-même. Peut-être que le ministre pourrait parler.

M. CASTONGUAY: M. le Président, il me semble — ça va un peu dans le sens de certaines des questions et des affirmations faites par M. Loubier, je crois — que si on se place sur un plan strict et si on suit le cheminement des compagnies, de leur constitution, on en arrive à la conclusion de l'Hydro-Québec, exprimée par M. Dozois.

Si on regarde, d'un autre côté, le plan plus pratique — là, je me réfère à ce que M. Gauvreau disait — j'avais l'impression de réentendre exactement ce que M. Nadeau disait ou à peu près. M. DeGuise a dit tantôt: "Il nous faut, à l'Hydro-Québec, voir quels sont nos projets outre celui de la baie James, déterminer quels seront nos besoins en effectifs, voir ceux qu'on peut affecter à la gérance du projet de la baie James". Si on part du fait qu'il faut réaliser des travaux d'aménagement à la baie James, que la base de direction par projet est retenue, il semble que, sur ce plan, aussi bien l'Hydro-Québec que la Société de la baie James sont d'accord, dans une assez large mesure.

On parle de la création d'une direction générale à l'Hydro-Québec. A ce moment-là, le cadre qui est prévu, qui existe par la loi, est celui de la Société d'énergie de la baie James, dans lequel, comme le disait M. Nadeau tantôt, on pourrait faire appel à du personnel de l'Hydro-Québec, dans le même sens mentionné par M. DeGuise; et s'il y a besoin de personnel additionnel, on ira le chercher, comme disait M. Nadeau, au Québec pour s'assurer des effectifs suffisants pour une bonne gérance.

Il me semble que sur le plan très pratique, à partir du moment où on dit que ce doit être fait selon le concept de la direction par projet, on a là le cadre tout trouvé qui protège en même temps l'Hydro-Québec, puisque l'Hydro-Québec a la majorité des actions dans cette Société d'énergie. Je ne sais pas si je conclus faussement au nom d'individus mais je n'ai pas pu voir, à partir du moment où on discute sur la base de direction par projet, de différence entre ce que disent M. Gauvreau, M. DeGuise et M. Nadeau. Lorsqu'on se reporte sur l'autre base, qui est purement celle des structures corporatives, là, évidemment, on en arrive à la conclusion de M. Dozois, Il me semble que la décision doit être prise à partir de cette question fondamentale : est-ce qu'on y va par celle de la direction par projet, qui semble avoir fait ses preuves pour ce type de travaux?

M. GAUVREAU: M. Castonguay, j'ai déjà dit que j'aimerais avoir encore six semaines pour y penser. Avant de vous dire que j'accepte la Société d'énergie comme la direction générale de la baie James, j'aimerais qu'on en discute encore un peu plus chez nous et qu'on discute aussi des problèmes de la gérance, du personnel, quoique j'ai ici des chiffres très précis sur les effectifs requis. Je sais combien d'effectifs sont disponibles à l'Hydro-Québec, mais ce n'est pas encore assez. Il y a peut-être un problème aussi d'initiative. Remarquez que les deux directeurs qui ont une loyauté à l'égard de la Société de développement sont à temps plein et que les trois directeurs qui sont nommés par l'Hydro-Québec ne sont pas à temps plein. Alors, il y a peut-être un problème d'influence d'au jour le jour. On n'a pas de directeur général, il n'est pas nommé par l'Hydro-Québec à la Société d'énergie. Vous connaissez un peu les corporations, vous savez quel est le rôle d'un directeur général. Quoique M. Nadeau ait identifié, je crois, M. Boulva comme le directeur général tout à l'heure... Je ne le sais pas, je n'assiste pas à leurs séances, mais j'aimerais regarder cela de plus près avant de vous dire que je suis satisfait. Je crois cependant que vous avez bien interprété ma pensée.

M. LE PRESIDENT: M. Boyd, en réponse, je pense aussi...

M. BOYD: Comme le disait M. Castonguay, il y a beaucoup de choses qui sont reprochées mais il y a une chose capitale qui ne l'est pas: c'est vrai qu'on reconnaît tous une fonction de contrôle à la Société d'énergie. Dans les comptes rendus ou les déclarations devant la commission, on l'a reconnu, chacun notre tour. Je le reconnais aussi. Quand j'ai parlé de la façon dont le mandat de gérance serait exécuté par l'Hydro-Québec, je reconnaissais ce rôle de contrôle.

La question de gérance par projet, ce que j'ai défini c'est ça. La différence, c'est que la minorité au conseil d'administration de la Société d'énergie propose de confier la responsabilité de la gérance à une entreprise ou à un groupe d'entreprises privées tandis que la majorité ou l'Hydro-Québec, comme actionnaire majoritaire, propose que cette gérance lui soit confiée. Pour ça, l'Hydro-Québec a des raisons

de responsabilités financières, des raisons de compétence et d'expérience qui sont assez importantes. C'est l'Hydro-Québec qui, comme actionnaire majoritaire et détenant la majorité des actions, va être appelée à financer, à acheter l'énergie et, au point de vue comptable, la Société d'énergie est une filiale de l'Hydro-Québec. Devant le peuple, le gouvernement et par sa loi, c'est l'Hydro-Québec qui est responsable des coûts de l'énergie. L'Hydro-Québec a démontré sa compétence et, je pense bien, son expérience, dans les domaines qui la concernent, soient les grands projets hydro-électriques.

Il faudrait que l'on confie, d'après l'élément minoritaire de la Société d'énergie, cette responsabilité de gérer et de mener à bonne fin ce projet à des tiers quand, d'après la loi 50, d'après les actions qu'on détient, d'après notre loi de l'Hydro-Québec, la responsabilité des coûts relève de l'Hydro-Québec qui est responsable vis-à-vis du gouvernement et vis-à-vis du Parlement, vis-à-vis du peuple en ce qui touche les coûts de l'énergie.

C'est là la différence. C'est que l'Hydro-Québec veut avoir la responsabilité de la gérance et que les actionnaires minoritaires veulent la donner à l'entreprise privée.

M. LE PRESIDENT: J'interviens, j'ai cru comprendre que lorsque M. Gauvreau s'est arrêté pour prendre son souffle, je lui ai enlevé la parole. Je la lui remets tout de suite avec mes excuses.

M. GAUVREAU: Je ne sais pas comment M. Boyd peut dire que la Société d'énergie s'est prononcée d'une façon catégorique, irrévocable en faveur de ce système parce que ça n'a pas été transmis à l'Hydro-Québec dans ces termes. On a entendu parler d'une proposition et ça finit là. La proposition ne nous a même pas été transmise officiellement. Personnellement, je ne vois pas qu'il n'y ait pas moyen de les convaincre et même d'imposer, s'il le faut, à ces actionnaires minoritaires la façon dont nous voulons que ça marche. Par ailleurs, pour ce qui est de la collaboration avec l'entreprise privée dans le Québec, vous savez, nous sommes très fiers et très sensibles à l'Hydro-Québec, nous les commissaires ici, avec tout ce personnel derrière nous qui se demande si nous allons prendre sa part.

Nous tenons à ce que l'Hydro-Québec ait la haute main, la plus grande participation à la direction de ces travaux.

Si nous avons réalisé de grandes choses dans le passé, nous ne pouvons pas nous attribuer le mérite exclusif de ce qui a été fait. Cela a été fait avec des services achetés en partie; nous avons collaboré avec toutes sortes de bureaux. S'il faut céder une partie de la gérance — pas s'il le faut, parce qu'on nous le demande — mais s'il est opportun, s'il est utile nous l'envisagerons et nous le considérerons. Mais je ne crois pas que l'Hydro-Québec puisse se laisser imposer une solution de gérance totale accordée à l'entreprise privée par la Société de la baie James, avec les pouvoirs qu'elle détient.

M. LOUBIER: Je m'excuse, je le dis sans aucune malice, mais n'y a-t-il pas certaines contradictions dans ce que vous venez de dire? Par exemple, vous n'êtes pas disposé, aujourd'hui, à affirmer que la Société d'énergie devra accorder à l'Hydro-Québec la gérance. Vous voulez avoir encore quelques semaines pour y songer.

M. GAUVREAU: L'aménagement des pouvoirs. Il y a assez des règlements à passer...

M. LOUBIER: Je m'excuse, si vous voulez que je finisse ma question. D'une part, vous prétendez que ce n'est pas assez mûri, ce n'est pas encore décidé dans votre esprit et il faudrait qu'il y ait d'autres rencontres avec les commissaires de l'Hydro-Québec pour pouvoir prendre une décision finale à ce sujet, à savoir confier le mandat de la gérance à l'Hydro-Québec, par le truchement de la Société d'énergie. D'autre part, vous dites sensiblement que ce serait impensable, que vous devez protéger ceux qui sont en arrière de vous, que l'Hydro-Québec a réalisé de grandes choses, etc. Vous voudriez que l'Hydro-Québec ne soit pas mise de côté et que, si $le juge à propos de donner les mandats partiels ou sectoriels à l'entreprise privée ou ailleurs, il lui appartiendra de le décider.

Or, je pense que, globalement, on peut déduire que vous êtes d'accord avec MM. Dozois et Giroux, que la Société d'énergie doit donner le mandat pour la gérance à l'Hydro-Québec. Celle-ci après, si elle le juge à propos, morcellera ou donnera des mandats partiels à l'entreprise privée ou ailleurs. Mais, globalement, vous êtes favorable à ce que l'initiative, la responsabilité entière de la gérance soit confiée à l'Hydro-Québec, quitte à donner des sous-mandats.

M. GAUVREAU: Je n'aime pas cette expression de mandat de gérance...

M. LOUBIER: Choisissez-en une autre.

M. GAUVREAU: ... mandat d'exécution ou qu'elle accepte la Société d'énergie comme sa direction générale de la baie James, ce n'est pas tout à fait la même chose. S'il faut, pour des raisons juridiques, procéder par un mandat d'exécution, nous le ferons. Si ce n'est pas nécessaire, nous l'accepterons. Ce serait mon point de vue.

M. LOUBIER : Mais, globalement, vous...

M. GAUVREAU: Nous accepterions que ce soit la Société d'énergie qui le fasse pour nous, avec nos hommes. Quand je parle de délais, il y

a des questions d'aménagement. Voyez-vous, il y a une question de décisions. C'est déjà assez long de passer une résolution dans une corporation. S'il faut qu'une décision de l'Hydro-Québec soit rédigée par le secrétaire, transmise à la Société et redécidée encore, ratifiée ou, inversement, que la Société d'énergie doive prendre une décision et la faire ratifier par l'Hydro-Québec après, je crois qu'il y a une lourdeur. Il faudrait tâcher d'aménager un système permanent par lequel les décisions prises au niveau de l'Hydro-Québec seraient exécutoires immédiatement.

Je n'ai pas eu le temps encore d'en parler avec des conseillers juridiques, mais je me demande si ceci ne pourrait pas être déterminé par les règlements de l'Hydro-Québec et par les règlements de la Société d'énergie.

M. LE PRESIDENT: M. DeGuise, et le député de Beauce enchaînera à la suite.

M. DEGUISE: J'aimerais préciser ma pensée en rapport avec l'intervention de M. Castonguay. Je voudrais bien dire qu'à cause des responsabilités de l'Hydro-Québec je suis en faveur qu'elle joue un rôle prépondérant. J'ai exprimé des doutes. J'ai parlé des effectifs que nous connaissons et ceux que nous pouvons deviner devoir être nécessaires. Il apparaîtrait que nous aurons à louer, dans une assez large mesure, des services de l'extérieur ou nous aurons à bâtir une équipe à ajouter à nos effectifs.

Quels seront les effectifs extérieurs, que ce soit de la baie James, des ingénieurs-conseils? Je ne me prononce pas. En fait, je ne crois pas qu'il appartienne à l'Hydro-Québec de fixer un rôle à la Société d'énergie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. NADEAU: M. le Président, juste pour ajouter un peu à ce que M. DeGuise vient de dire, je suis pleinement d'accord qu'on puisse intégrer, au sein de la Société d'énergie, autant de cadres que possible qui seront détachés de l'Hydro-Québec. C'est donc dire que l'Hydro-Québec, encore une fois, pourrait jouer là, dans la Société d'énergie, un rôle prépondérant en plus de celui qu'elle joue comme actionnaire majoritaire et en plus des administrateurs qu'elle détient en majorité.

M. ROY (Beauce): M. le Président, depuis le début de la séance, cet après-midi, nous écoutons, avec attention, toutes les questions qui ont été posées et les réponses. Je pense que M. Boyd, tout à l'heure, a très bien situé le problème qui est devant nous et qui se situe, à mon sens, à moins que j'aie mal compris, à un seul niveau: qui va gérer le projet. Est-ce ça: Alors, évidemment, il y a un conflit d'intérêts. Mais tout de même, il y a une chose, à la suite de l'exposé que nous avait fait M. Nadeau, tout à l'heure, au tableau, du rapport que M. Dozois nous a remis, à la page 3: "Conformément à ce qui précède, une filiale a été créée le 20 décembre 1971 sous le nom de Société d'énergie de la baie James. Le montant du capital-actions est fixé à un milliard de dollars, divisé en 10 millions d'actions ordinaires ayant une valeur nominale de $100 chacune; ceci conformément à l'article 16 de la section 3 du bill no 50." Dans cet article, on dit "... les actions seront détenues majoritairement par l'Hydro-Québec et pour au moins 40 p.c. par la Société."

M. DOZOIS: Pas plus.

M. ROY (Beauce): Pas plus de 40 p.c. C'est parce que j'avais le texte original. Je me demandais si la loi n'avait pas été amendée. On dit, plus loin, qu'au moment de l'incorporation, il y aura cinq administrateurs, cela d'accord. Mais le 21 janvier 1972, l'Hydro-Québec offrait, par résolution, de souscrire 7 millions d'actions de $100 chacune. Est-ce que cette offre a été faite par l'Hydro-Québec, sans la demande de la Société d'énergie de la baie James, ou si cette demande avait été faite par la Société d'énergie de la baie James, à savoir qui serait intéressé et quand souscrire les actions?

M. DOZOIS: M. le Président, la loi prévoit que l'Hydro-Québec doit détenir plus que la majorité des actions. Or, conformément à la loi, l'Hydro-Québec, par résolution, a fait cette offre à la Société d'énergie. Lorsque la Société d'énergie a reçu cette offre, nous avons adopté une résolution invitant la Société de développement, comme je le relate dans le mémoire que j'ai déposé, à faire une offre de souscription au capital-actions de la Société d'énergie. Alors, je dis qu'à telle assemblée, étant informés que la Société de développement ne répondait pas favorablement à cette invitation, MM. Nadeau et Boulva ont proposé que l'offre de l'Hydro-Québec soit acceptée. Elle l'a été, en fait, à l'unanimité. Lea actionnaires ont ratifié cette offre.

Or, depuis le 3 février, toutes les actions sont détenues par l'Hydro-Québec et les cinq membres de la commission, et deux actions par MM. Nadeau et Boulva.

M. ROY (Beauce): Mais ce qui m'étonne,...

M. NADEAU: M. le Président, si vous me permettez, pour faire suite à votre question,...

M. ROY (Beauce): Oui.

M. NADEAU: ...dans le même ordre, lors de la souscription de l'Hydro-Québec à la Société d'énergie, une offre a été faite de 70 p.c. A ce moment-là, nous avons résisté à cette offre disant que c'était peut-être un peu fort. Mais la réponse qu'on a eue, c'est: ou on souscrit 70 p.c. ou on ne souscrit pas du tout.

M. ROY (Beauce): Pardon?

M. NADEAU: La réponse que nous avons eue: Ou nous souscrivons 70 p.c. ou nous ne souscrivons pas du tout.

M. ROY (Beauce): Ah bon!

M. NADEAU: Autrement dit, c'était un genre d'ultimatum, ou si on peut appeler cela ainsi, une condition expresse: ou on souscrivait 70 p.c. ou on ne souscrivait pas du tout. Voulant vivre dans l'esprit de la loi, encore une fois, et réaliser le projet, nous nous sommes vus forcés, si vous voulez, d'accepter la souscription de 70 p.c.

M. ROY (Beauce): M. Dozois pourrait-il nous dire si c'est exact? Je ne mets pas en doute les paroles de M. Nadeau.

M. NADEAU: Je pense que c'est une question d'interprétation.

M. ROY (Beauce): C'est que j'ai d'autres questions à poser, dans le même ordre d'idées.

M. DOZOIS: Si vous me permettez, M. le Président, de préciser. C'est que l'Hydro-Québec a offert de souscrire 70 p.c. Dans la discussion qu'il y a eu au conseil d'administration, les membres représentant la Société de développement de la baie James ont dit : Pourquoi voulez-vous souscrire tant que cela? Laissez-nous donc souscrire! Alors, le président, au nom de l'actionnaire majoritaire, a dit : Si nous souscrivons moins que 70 p.c, nous ne souscrirons pas plus que 51 p.c. Comme, pour financer — ce que j'expliquais la semaine dernière — les emprunts de plusieurs milliards de dollars, nous estimons qu'il faudrait avoir une capitalisation d'au moins $700 millions, le président, M. Giroux, a dit : Ou nous souscrivons 51 p.c. et la Société de développement de la baie James souscrira 19 p.c. ou, si la Société de développement de la baie James ne veut pas mettre 19 p.c., nous mettrons 70 p.c. La Société de développement de la baie James, n'ayant pas voulu souscrire 19 p.c. des actions, a accepté que nous fournissions la totalité des actions qui ont été émises à ce jour.

M. ROY (Beauce): Mais pourquoi l'HydroQuébec a-t-elle demandé de souscrire 70 p.c. des actions, alors que l'article 16 de la loi est très clair et dit que la société doit détenir 40 p.c. des actions?

M. DOZOIS: Non, non.

M. ROY (Beauce): La loi dit: Au moins 40 p.c. par là société.

M. DOZOIS: Au plus 40 p.c, alors que la loi dit que l'Hydro-Québec doit détenir plus que la majorité.

M. ROY (Beauce): Un instant, M. le Président. Je n'ai pas terminé les questions que je voulais poser à ce sujet. Y avait-il d'autres raisons — la question s'adresse à M. Nadeau — que celles que vous nous avez données aujourd'hui qui ont motivé la décision que vous avez prise au niveau de la Société de développement de la baie James, lorsque vous nous avez dit, par exemple, que les capitaux n'étaient pas nécessaires présentement et qu'il vous fallait nécessairement payer un intérêt assez élevé sur les sommes que vous deviez investir?

M. NADEAU: D'abord, laissez-moi faire une légère mise au point. Je ne doute pas des paroles de M. Dozois, au contraire. Si ma mémoire est fidèle, et cela peut être confirmé par M. Boulva qui est au conseil d'administration, ainsi que par M. DeGuise. Ce que j'ai dit tantôt, je crois, est exact. Nous nous sommes trouvés devant un fait et, si ce fait n'était pas réalisé, l'Hydro-Québec ne souscrivait pas.

La raison pour laquelle la Société de développement de la baie James n'a pas souscrit est fort simple. D'abord, parce que les capitaux n'étaient pas requis, à ce moment-là, et qu'il ne servait à rien d'investir des sommes qui nous viennent du gouvernement qui les emprunte, lui, à 8 1/2 p.c, 8 3/4 p.c. ou 9 p.c., je ne sais pas. Nous, nous nous serions vus forcés de réinvestir, à court terme ou à moyen terme, à des taux de 51/2 p.c. ou 6 p.c. Je pense que vous auriez été les premiers à nous blâmer de faire cela.

La souscription de la Société de développement de la baie James dans la Société d'énergie, vous devez réaliser qu'elle nous viendra du gouvernement du Québec. C'est évident parce que la souscription au capital de la Société de développement de la baie James n'est que de $10 millions par année. Donc, il nous est impossible d'en consacrer une portion raisonnable à la souscription de la Société d'énergie parce qu'il y a, tout de même, les autres aspects du développement de la baie James: les mines, les forêts, etc. Ces capitaux sont requis pour ces développements.

Nous avons consulté le gouvernement du Québec pour constater que ces souscriptions n'étaient pas requises, que la Société d'énergie n'en avait pas besoin à ce moment-là. Donc, on a dû retarder notre offre de souscription, afin de ne pas grever le fonds du gouvernement du Québec en le faisant investir dans une société qui n'en avait pas besoin.

M. ROY (Beauce): Vous n'avez pas refusé de souscrire les montants, vous avez simplement retardé la souscription?

M. NADEAU: Pas du tout, au contraire, nous n'avons nullement refusé de souscrire à la Société d'énergie. Au contraire. Et nous tenons à ce que la Société de développement investisse éventuellement quand les besoins se feront sentir.

M. BOYD: Sur la même question, je crois qu'il faudrait distinguer entre s'engager à souscrire et investir ou acheter des actions. L'Hydro-Québec s'est engagée à souscrire $700 millions sur une certaine période et demandait à la Société de développement si elle voulait s'engager à souscrire. Il n'était pas question d'investir, d'aller emprunter de l'argent pour investir. Il s'agissait de s'engager à souscrire. C'est une grande différence.

D'ailleurs, la Société d'énergie a besoin d'argent en 1972. Elle a besoin de près de $100 millions. L'Hydro-Québec à même les $700 millions a même déjà pris l'engagement ferme d'acheter pour $50 millions en 1972 et pour $50 millions en 1973 des actions faisant partie du montant de $700 millions. Pour le reste des $600 millions, le rythme auquel l'Hydro-Québec achètera les actions dépendra des besoins du financement.

M. ROY (Beauce): Sur cette souscription de capitaux — j'ai remarqué que l'Hydro-Québec nous a dit qu'elle est propriétaire de 99.99 p.c. des actions de la Société d'énergie — M. Nadeau nous a donné des réponses à l'effet qu'il semblait prématuré de souscrire car, évidemment, pour souscrire ces actions et les verser, la Société de développement de la baie James devait avoir ces capitaux.

Est-ce que vous disposiez de capitaux?

M. NADEAU: Non, pas pour investir dans la Société d'énergie. Les capitaux que nous devrons investir dans la Société d'énergie nous viendront du gouvernement. C'est prévu dans la loi que le gouvernement peut nous prêter de l'argent.

M. ROY (Beauce): Est-ce que ceci a constitué un obstacle pour vous?

M. NADEAU: En ce sens que nous n'avons pas souscrit parce que les capitaux n'étaient peut-être pas disponibles. S'ils avaient été disponibles de la part du gouvernement nous aurions souscrit.

M. ROY (Beauce): Si les capitaux avaient été disponibles du gouvernement, vous auriez alors souscrit. Vous avez été en quelque sorte pris de court du fait que le gouvernement ne vous avait pas donné assez vite les capitaux dont vous aviez besoin pour rencontrer vos obligations à la suite du mandat qui vous avait été confié.

M. NADEAU: Non, à la suite de l'offre aussi de l'Hydro-Québec, l'ultimatum de souscrire 70 ou rien. Il n'y avait pas d'urgence non plus pour la Société de souscrire.

M. LOUBIER: M. Nadeau, je pense qu'il y a une nuance capitale entre souscrire et payer.

M. LEGER: M. le Président, pendant deux heures nous n'avons pas eu l'occasion de poser une question.

M. LOUBIER : Vous allez avoir votre publicité quand même.

M. ROY (Beauce): Oui, vous avez posé la première.

M. LE PRESIDENT: J'essaie de diriger selon l'ordre ici. Il est six heures. Donc, à huit heures et quart ce soir.

M. JORON: J'aurais une suggestion qui permettrait d'accélérer les travaux à la reprise si les membres de la commission voulaient m'enten-dre moins d'une minute.

M. LE PRESIDENT: Il est six heures. M. JORON : De la volonté des membres... (Suspension de la séance à 17 h 52)

Reprise de la séance à 20 h 22

M. SEGUIN (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La commission qui devait siéger à 8 h 15 précises commence à 8 h 30, à l'heure.

Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, au moment où nous avions suspendu la séance à l'heure du repas, nous parlions justement de la souscription et des versements du capital-actions dans la Société d'énergie de la baie James. Et pour nous remettre dans l'atmosphère, je vais, M. le Président, si vous me le permettez, tenter de résumer un peu les réponses que nous avons eues pour me permettre de poser d'autres questions.

J'ai demandé à M. Nadeau s'il y avait des raisons particulières pour lesquelles la Société de développement de la baie James n'avait pas souscrit les actions au moment où l'Hydro-Québec a fait sa souscription d'actions, c'est-à-dire le 27 janvier. On nous a répondu tout à l'heure que, selon les ententes ou selon ce qui avait été discuté, l'Hydro-Québec avait demandé de souscrire 70 p.c, tel qu'indiqué à l'article 2 de la page 3, sinon l'Hydro-Québec se limiterait à souscrire 51 p.c. des actions, alors que la Société de développement de la baie James ne peut pas, en vertu de la'loi, souscrire plus de 40 p.c.

Alors, je demandais à M. Nadeau, simplement, si le fait de ne pas avoir souscrit ces actions venait de ce que les capitaux n'étaient pas encore versés à la Société de développement. Il y aurait peut-être eu moyen à ce moment-là de prendre entente de façon que la Société de développement souscrive les actions, quitte à attendre pour faire le déboursé.

Je voudrais demander à M. Nadeau pour quelle raison on n'a pas procédé de cette façon, et si effectivement d'autres raisons vous ont incité, en tant que directeur de la Société de développement de la baie James, à retarder ou à différer la souscription du capital-actions dans la Société d'énergie.

M. NADEAU: M. le Président, c'est qu'après consultation avec le gouvernement, ce dernier n'a pas jugé opportun de fournir à la Société de développement les capitaux nécessaires pour souscrire au capital de la Société d'énergie à ce moment-là. Ceci ne veut pas dire que la Société de développement éventuellement n'aurait pas souscrit plus que les 30 p.c. qu'on lui laisse maintenant.

Permettez-moi de retracer les faits tels qu'ils se sont produits:: l'Hydro-Québec offre de souscrire $700 millions et la Société de développement, suggère que la souscription de l'Hydro-Québec se limite à $650 millions afin de conserver à la Société de développement plus de 33 1/3.

Deuxièmement, M. Giroux dit: Nous souscrivons $700 millions ou $510 millions. Si nous souscrivons $510 millions, que la Société de développement de la baie James souscrive $190 millions, ce qui aurait formé les $700 millions. Après consultation avec le gouvernement, encore une fois, nous constatons qu'il n'est pas utile ni possible de souscrire immédiatement. Nous reformulons donc notre demande à M. Giroux de ne souscrire que $650 millions afin, encore une fois, de nous laisser la possibilité de souscrire au moins 35 p.c.

M. Giroux refuse et nous dit: Nous souscrirons $700 millions ou rien. Donc, le dernier événement est que nous avons accepté la souscription de $700 millions à la Société d'énergie par l'Hydro-Québec.

M. ROY (Beauce): A l'heure actuelle, la Société de développement n'a rien souscrit à la Société d'énergie.

M. NADEAU: Parce qu'il n'y avait pas nécessité de le faire et que nous ne voulions pas engager des capitaux qui, encore une fois, pourraient servir au gouvernement à des fins plus utiles alors que le besoin, dans la Société d'énergie, ne se faisait pas sentir.

M. ROY (Beauce): Maintenant, quelles sont vos intentions — si ce n'est pas présumer un peu d'avance — à ce sujet-là au cours des prochaines semaines? Avez-vous l'intention effectivement de souscrire le montant du capital qu'on vous demande ou si vous attendez tout simplement que les décisions soient prises ici, au niveau de la commission parlementaire, que de nouvelles recommandations ou de nouvelles demandes vous soient faites ou qu'on vous donne de nouvelles directives?

M. NADEAU: Nous avons l'intention, dans la mesure où ce sera possible, de souscrire les 30 p.c. qu'il restera.

M. ROY (Beauce): J'aurais une question mais l'honorable premier ministre vient de sortir. J'aurais aimé demander à l'honorable premier ministre...

M. LE PRESIDENT: Il sera de retour dans un instant, il n'est sorti que pour quelques minutes.

M. ROY (Beauce): Je pourrais peut-être revenir sur la question de la gérance puisqu'il semble que l'imbroglio, si on peut dire, le différend est au niveau de la gérance. M. Nadeau vous avait recommandé, dans le rapport que vous nous avez remis la semaine dernière, que la gérance soit confiée à l'entreprise privée alors que l'Hydro-Québec veut que la gérance lui soit confiée à elle-même. L'Hydro-Québec nous a expliqué les raisons pour lesquelles, elle tient à ce que la gérance lui soit confiée.

Quels étaient les principaux arguments ou les principes de base qui ont motivé votre décision ou votre recommandation de confier à l'entreprise privée la gérance de ce projet?

M. NADEAU: C'est que nous considérons la réalisation du projet de la baie James comme un tout, un ensemble, un complexe en soi. Nous prévoyons que la seule façon de contrôler ces coûts est d'attribuer au projet lui-même tous les coûts, que ce soit les coûts du contentieux, des appels d'offres, des relations publiques et ainsi de suite. Nous voulons que tous ces coûts soient attribués au projet. Une des seules façons de le faire, c'est par le truchement de la Société d'énergie, comme je l'ai expliqué cet après-midi.

Si le projet était confié dans son entier à l'Hydro-Québec, les chances seraient que certaines dépenses — pas par mauvaise volonté, remarquez bien — ne seraient probablement pas attribuées au projet, mais entreraient dans des budgets globaux.

M. ROY (Beauce): Dans les budgets globaux de l'Hydro-Québec, dans l'administration générale.

M. NADEAU: C'est ça.

M. ROY (Beauce): Et ceci pourrait empêcher le gouvernement...

M. NADEAU: C'est qu'à la fin du projet on ne saurait probablement jamais exactement combien il aurait coûté, s'il y a des dépenses qui sont attribuées à des budgets globaux ou qui font partie des budgets d'exploitation de l'Hydro-Québec.

M. ROY (Beauce): En somme, c'est un des principaux arguments que vous invoquez à ce sujet.

M. NADEAU: Bien, je pense qu'on devrait savoir exactement combien coûtera le projet à la fin et qu'on devrait savoir, au cours du projet aussi, où on s'en va exactement. Pour ce faire, il faut que les dépenses soient attribuées exactement à tel ou tel poste.

M. LOUBIER: Dans le même ordre d'idées que le député de Beauce, est-ce que l'Hydro-Québec ne tiendrait pas une comptabilité précise pour ses dépenses? Cela se fait régulièrement dans toutes les compagnies; sur un chantier donné, on délègue tant d'hommes et c'est évalué à tel taux horaire, etc.

Moi, je ne vois pas un argument très fort à ce qu'on dise qu'on ne pourrait pas évaluer le coût global. J'ai nettement l'impression qu'à l'Hydro-Québec on doit avoir un service d'administration, une direction de personnel, un coût de revient. Tout doit être évalué à la perfection. A ce moment-là, une comptabilité distincte serait tenue pour les employés, pour les professionnels, pour les matériaux, etc.

Je ne vois pas du tout quel est l'impact de cette argumentation, à moins qu'on prétende ou qu'on préjuge que l'Hydro-Québec aurait une administration de broche à foin, comme on dit populairement, ce que je me refuse de croire. A cause du sérieux de l'entreprise et des projets qu'elle a menés à terme, je ne pense pas que l'on puisse — remarquez bien que je le dis en tout respect pour les propos que vous avez tenus — décerner un diplôme de manque de discernement ou de manque de comptabilité précise à l'Hydro-Québec dans sa participation. On pourrait facilement évaluer le coût de ce que l'Hydro-Québec aurait à investir pour sa participation.

M. ROY (Beauce): J'avais permis au député de Bellechasse de poser une petite question...

M. LOUBIER: C'était dans le même ordre d'idées, d'ailleurs.

M. ROY (Beauce): ... mais je m'aperçois qu'il a tenu à faire une mise au point sur les questions que je voulais poser. De toute façon, j'aimerais tout simplement revenir sur ce point. Etant donné les circonstances et étant donné le fait que des travaux sont effectués présentement, à quel niveau les décisions qui ont été prises jusqu'ici l'ont-elles été?

M. NADEAU: Est-ce que vous parlez des décisions en ce qui concerne les aménagements hydro-électriques?

M. ROY (Beauce): En ce qui concerne l'aménagement hydro-électrique justement.

M. NADEAU: Bien, il n'y en a pas eu.

M. ROY (Beauce): Est-ce que les décisions ont été prises au niveau de l'Hydro-Québec ou au niveau de la Société d'énergie?

M. NADEAU: En fait, jusqu'ici, nous nous sommes concentrés sur les infrastructures et ces décisions ont été prises au niveau de la Société de développement conjointement avec la Société d'énergie. Quant aux aménagements hydro-électriques, par exemple le fait de choisir La Grande au lieu de la NBR, la décision même d'aller sur La Grande n'a pas été prise encore. Les recommandations ont été faites par l'Hydro-Québec et par la Société de développement. Mais la décision, qui doit revenir à la Société d'énergie, j'imagine, n'a pas été prise encore.

M. ROY (Beauce): Autrement dit, ce que vous voulez dire, c'est qu'il n'y aurait aucune décision de prise, à l'heure actuelle, qui aurait dû relever, selon le bill no 50, de la Société d'énergie et aucune décision par d'autres personnes que la Société d'énergie.

M. NADEAU: Non, sauf que certaines déci-

sions prises au niveau du bureau de direction de la Société d'énergie ont dû être ratifiées par les actionnaires majoritaires, donc la Commission hydro-électrique.

M. ROY (Beauce): Si on me le permettait, j'aimerais poser une question à M. Boyd sur le même sujet. Est-ce qu'au niveau de l'Hydro-Québec, à l'heure actuelle, étant donné que des investissements sont commencés, que des recherches ont été faites ainsi que différents travaux, vous avez mis en place certains mécanismes ou certains postes budgétaires ou certains postes au niveau de la nomination de certaines personnes, dans la direction ou ailleurs, pour travailler sur ce projet précis de la baie James?

M. BOYD: Evidemment, jusqu'à présent, cela a été des études. On a dit précédemment que l'Hydro-Québec étudiait, depuis 1964 et 1965, avec un arrêt en 1967. On a parlé de $30 millions qui ont été dépensés, jusqu'à présent. Toutes ces sommes d'argent ont été comptabilisées, comme il se doit, par l'Hydro-Québec. Au cours de 1972, il y a des travaux qui sont faits par l'Hydro-Québec, des études, des sondages, etc., ainsi que de la photographie. Certains à même les budgets de l'Hydro-Québec, certains par mandats, la Société d'énergie confiant à l'Hydro-Québec des mandats pour exécuter des travaux. Mais, comme il se doit, c'est comptabilisé. Au génie, en particulier, un groupe de personnes responsables s'occupent de ce projet et des études qui sont faites là.

M. LE PRESIDENT: Je préviens le député qu'il ne faudrait pas revenir sur les articles qui ont déjà été discutés à fond en ce qui concerne les études, le début des études, ce qui a été fait depuis 1964, etc. Nous sommes sur le problème de la gestion et j'aimerais bien que nous y restions sans retourner en arrière sur des questions qui ont été discutées à fond et auxquelles on a eu des réponses. Je pense que le député lui-même a été un de ceux qui posaient des questions sur ces problèmes. Il ne faudrait pas faire un retour en arrière.

M. ROY (Beauce): Je ne veux pas faire de retour en arrière. J'étais simplement au niveau des décisions prises en ce qui concerne la gérance de l'Hydro-Québec. Maintenant, pour faire suite aux questions que nous avons posées tout à l'heure et, également, à ce qu'a ajouté le député de Bellechasse, est-ce que l'Hydro-Québec, au niveau de l'administration, tient une comptabilité très particulière, très précise de façon à connaître exactement les montants d'argent qu'elle a investis au niveau de la baie James? Je vais prendre un exemple. J'imagine facilement que c'est comme dans toutes les autres entreprises, d'ailleurs. Vous avez du personnel qui travaille pendant un certain temps dans un tel endroit, puis dans un autre endroit.

Avez-vous prévu des mécanismes ou des dispositions, au niveau de l'administration, au niveau de la comptabilité, de façon à pouvoir établir et comptabiliser clairement les dépenses, le temps et tout ce qui a nécessité des dépenses, soit en temps, en salaires, en équipement ou autres pour établir le budget complet du coût de l'aménagement de ce projet?

M. BOYD: M. Lemieux, directeur général de la finance et de la comptabilité, pourrait peut-être répondre.

M. LEMIEUX: Bien sûr, nous tenons une comptabilité complètement séparée, non pas un système comptable mais nous tenons des comptes séparés pour tout ce que nous dépensons pour le projet. Nous préparons des factures en conséquence pour la Société d'énergie.

M. ROY (Beauce): Ne pensez-vous pas qu'il y aurait un danger — c'est ce qui m'apparaît. Je peux me tromper — qu'en confiant le tout à l'Hydro-Québec, directement, en la substituant à la Société d'énergie de la baie James, comme on semble vouloir le réclamer, qu'il y ait spéculation sur les coûts, sur les imputations budgétaires, d'un poste à un autre, par exemple? Vous ne prévoyez pas qu'il peut y avoir un danger, à ce moment-là? Etes-vous capable de garantir aux membres de la commission qu'il y a possibilité d'établir un contrôle assez strict pour ne pas qu'il y ait de capitaux, de dépenses courantes qui s'en aillent?

M. GAUVREAU: Je peux vous assurer que la principale préoccupation de l'Hydro-Québec dans ce projet, qu'elle le fasse directement ou par l'intermédiaire de sa filiale, ce sera d'en connaître les coûts avec la plus grande précision possible, que nous détenons les outils pour ce faire et que nous avons, à notre disposition, des ingénieurs spécialisés en coûts et des comptables experts en construction et en ingénierie, qui sont absolument capables de faire toutes les imputations nécessaires. Il n'y a aucun danger que les frais dits généraux, qui peuvent être utilisés ailleurs, que le pourcentage utilisé de ces frais généraux pour la baie James, ne soient pas bien appréciés et évalués. Vous pouvez être certain de cela parce qu'il n'y a personne qui se laisse imputer les frais des autres.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, cette question de la gérance nous a conduits, m'a-t-il semblé, depuis le début de nos travaux, dans un imbroglio juridique, pour reprendre le mot du député de Beauce.

C'est un imgroglio inconcevable en fait, à en faire perdre son latin même au député de Chicoutimi ou son grec au député de Bourget.

Ce à quoi on assiste, c'est au spectacle déplorable de différentes créatures de l'Etat, puisqu'il s'agit toutes de sociétés de l'Etat qui,

en fait, sont en train de se dévorer entre elles. On se demande si, un peu à l'image du Dr Frankenstein, le monstre n'est pas en train de dévorer son créateur.

Parlant du créateur ou du maître, c'est là la source du problème. On n'en a pas parlé jusqu'à maintenant, mais, derrière tout ça, le maître, le propriétaire, c'est l'Etat. L'Etat, pour le moment, est sous la responsabilité d'un gouvernement. Je pense que, si on n'aborde pas cette question, qui est d'ordre, en partie, politique, on va tourner autour du pot bien longtemps.

Effectivement, il faut bien se rendre compte que le gouvernement peut, s'il le désire, avoir le mot final dans toute cette chinoiserie qui nous concerne depuis quatre heures cet après-midi. Le gouvernement non seulement est le propriétaire exclusif de toutes ces sociétés dont on a parlé jusqu'à maintenant, mais, en plus de ça, il peut, en autorisant les budgets et les investissements, à toutes fins pratiques, bloquer ou donner son autorité à un projet ou â un autre.

C'est lui, en définitive, qui va décider. Je dirais même que, pour contourner des décisions de ces sociétés d'Etat, il pourrait, à la rigueur, nommer des commissaires supplémentaires ou aller jusqu'à faire des lois spéciales. L'autorité suprême dans un pays, c'est le Parlement. Alors, s'il veut légiférer, il peut légiférer. A la rigueur, il pourrait présenter des lois spéciales et défaire tout ce dont on est en train de discuter. D'ailleurs, cela a été, plus ou moins, une de ses spécialités, les lois spéciales depuis quelque temps. Je ne veux pas m'aventurer là-dedans.

Pour nous, il nous apparaît qu'on ne sortira pas de cet imbroglio tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas fait savoir sa position sur cette question de gérance. Or, quelle est-elle?Il y a deux propositions qui nous sont soumises essentiellement. L'une par la bouche des représentants de l'Hydro-Québec, qui veulent confier à l'entreprise d'Etat, c'est-à-dire à l'Hydro-Québec, la gérance des travaux. L'autre, qui nous vient par la voix du président de la Société de développement de la baie James, qui vise à confier la gérance des travaux à l'entreprise privée.

Nous, dans notre éternel rôle de saint Thomas, nous voudrions scruter la valeur au mérite de ces deux propositions, pour insister à la fin auprès du gouvernement et faire appel â sa responsabilité de trancher la question. Je voudrais qu'on sorte d'ici, si possible ce soir, et que le gouvernement décide. Que d'ici là, pour éclairer la décision du gouvernement, il soit possible de mettre sur la table les avantages et les désavantages des deux formules dont il est question ici. C'est ça, le fond du problème qui nous intéresse: l'entreprise privée ou l'Hydro-Québec.

En somme, c'est ça le fond du problème.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce que le député me permettrait juste une question? Je reconnais son jugement et j'apprécie sa façon remplie de maturité avec laquelle il tente de nous éclairer. Mais est-ce que ce n'est pas simplifier trop le problème que de mettre dans la balance l'Hydro-Québec et l'entreprise privée? Jusqu'ici je suis un peu d'accord avec lui dans tout ce qu'il a dit, mais je ne pense pas que ce soit aussi simpliste que ça, la question de mettre dans la balance l'Hydro-Québec et l'entreprise privée. On pourrait même au contraire — je ne sais pas si le député est d'accord avec moi — dire que, dans les formules qui ont été exposées cet après-midi et qui pouvaient sembler divergentes en apparence, il y avait quand même beaucoup de points semblables, c'est-à-dire que les deux groupes ont reconnu qu'à la fois la Société d'énergie pouvait être un véhicule par lequel on pouvait constituer un client averti, client qui pouvait avoir autant qu'une centaine de personnes pour l'éclairer sur ce sujet-là, et deuxièmement, autant M. Nadeau a dit qu'il était incontestable que l'Hydro-Québec et son personnel devaient avoir beaucoup à jouer soit dans la Société d'énergie ou soit dans l'Hydro-Québec pour donner les autorisations, suivre le projet, de la même façon, je pense, différents commissaires ont dit que pour s'occuper du projet, il était peut-être nécessaire et opportun de recourir à des firmes québécoises.

En d'autres termes, je ne pense pas que les contradictions viennent de l'entreprise privée puis de l'Hydro-Québec. Je pense que tous ici admettent que l'Hydro-Québec, compte tenu de son expérience, a un rôle extrêmement important à jouer, qu'au niveau du client averti, il n'y a aucun doute que ce serait elle qui constituerait l'essentiel des ressources, qu'au niveau de l'exécution, c'est-à-dire la gestion de l'exécution du contrat, là il y a peut-être une certaine marge, mais jamais peut-être dans le sens de la question posée, l'Hydro-Québec, entreprise privée, je parle.

M. JORON: M. le Président, évidemment le ministre de l'Industrie et du Commerce a droit à son avis. Il peut estimer que des formules mixtes ou intermédiaires peuvent également exister, c'est son avis. S'il les présente, moi je veux bien en discuter. Il m'a semblé, selon les témoignages des gens qui sont passés devant la commission depuis le début de l'après-midi, que, jusqu'ici, ce sont principalement deux formules qui avaient été mises de l'avant. Si vous me le permettez, M. le Président, j'aurais un certain nombre de questions à poser à l'un et à l'autre sur les mérites respectifs des deux propositions que l'un et l'autre ont mises de l'avant. Et si vous me permettez de poser des questions aux membres de l'Hydro-Québec, à M. Boyd, par exemple, en l'absence de M. Giroux, je voudrais lui demander d'abord : étant donné que la loi de l'Hydro-Québec donne comme responsabilité à l'Hydro-Québec, entre autres choses et de mémoire, de fournir de l'énergie au meilleur coût possible et ainsi de

suite, est-ce que, face à cette responsabilité que la loi impose à l'Hydro-Québec, celle-ci estime qu'elle peut rendre compte de cette responsabilité si elle laisse la gérance d'un projet qui occupe une part aussi substantielle des revenus et des affaires de l'Hydro-Québec, celle qui nous concerne aujourd'hui, la baie James peut-elle garantir cette responsabilité si elle laisse la gérance à quelqu'un d'autre? Et plus précisément, plus spécifiquement dans cette question là je voudrais poser la question suivante:

Le fait que l'Hydro-Québec détiennent une majorité des actions à la Société d'énergie et ait la possibilité de recommander trois des cinq commissaires se traduit-il, dans la pratique, dans les opérations au jour le jour, par un contrôle efficace des opérations de la Société de l'énergie? Est-ce que ces deux faits-là suffisent pour garantir à l'Hydro-Québec le contrôle et la surveillance directe sur toutes les opérations qui pourraient être décidées à partir de la Société d'énergie?

C'est une première question.

M. BOYD: A mon avis, au bureau de direction de la Société d'énergie l'Hydro-Québec a trois représentants et deux sont de la Société de développement. La différence réside en ce qu'il y en a deux à plein temps et trois qui y vont comme directeurs à des assemblées de directeurs. Si, comme le veut le président de la Société d'énergie, il y a une centaine de personnes qui travaillent à plein temps avec les deux directeurs qui sont à plein temps, cela forme une équipe et il est tout naturel qu'elle discute constamment des problèmes.

Les trois directeurs qui viennent aux assemblées de directeurs n'ont pas la même connaissance des problèmes. A mon avis, il est évident qu'on ne peut pas avoir le même contrôle que si on est activement, à tous les jours, dans le problème et que les gens travaillent avec soi. Cela s'applique dans n'importe quel cas. Les commissaires sont à plein temps à l'Hydro-Québec et ils travaillent de longues journées, ils sont constamment au coeur des problèmes que soulève l'Hydro-Québec. Ce n'est certainement pas la même chose que des commissaires qui seraient à temps partiel.

L'importance de la baie James dans le financement et dans les coûts, c'est évident qu'elle est grande. On vous a parlé d'un programme de $7 milliards et un peu plus pour la période — $7,200 millions — dont $5,800 millions sont pour la baie James. C'est évident que les coûts de la baie James vont avoir une influence directe sur les coûts de l'énergie à l'avenir. Au point de vue comptable, je pense que tous les comptables admettront que la Société d'énergie est une filiale de l'Hydro-Québec. La loi dit autre chose mais, au point de vue comptable, c'est différent. Dans ses bilans consolidés, l'Hydro-Québec sera obligée de...

M. JORON: Du fait que l'Hydro-Québec détienne 51 p.c. et plus des actions, la loi l'oblige à la consolidation des bilans, n'est-ce pas?

M. BOYD : Oui. La pratique comptable oblige l'Hydro-Québec à faire des bilans consolidés. Lorsque l'Hydro-Québec à l'avenir — en fait, c'est déjà commencé, je crois — ira sur le marché pour faire des emprunts, il faudra qu'elle donne son bilan consolidé. Une chose est difficile à concevoir. Tout à l'heure j'ai dit, et tous mes confrères ont dit que nous reconnaissions un rôle de gestion de la Société d'énergie mais nous voulons quand même être responsables de l'exécution du projet. Par notre loi, par le bill 50, par nos actions, par nos emprunts futurs, etc., devant nos abonnés, c'est l'Hydro-Québec, ce sont les commissaires comme tels, chacun et en groupe, qui auront à répondre de l'administration et des bilans futurs.

M. JORON: En d'autres mots, qui porterait l'odieux d'une augmentation de tarif supplémentaire si celle-ci s'avérait nécessaire parce qu'il y aurait eu des dépassements de coûts et des choses semblables?

M. BOYD: Je pense bien que ce serait l'Hydro-Québec.

M. JORON: Bon.

M. LE PRESIDENT: Un instant. M. Gau-vreau avait indiqué son désir de faire un commentaire et je pense bien que c'était en réponse à vos questions.

M. GAUVREAU: C'est parce que M. Joron insiste pour dire qu'il y a seulement un problème. Il oppose l'Hydro-Québec à l'entreprise privée. Moi, un peu dans le sens du ministre Saint-Pierre, je maintiens ce que j'ai dit, qu'il y a deux problèmes.

Il y a le problème des relations entre l'Hydro-Québec et la Société d'énergie. C'est-à-dire est-ce que c'est l'instrument qui convient pour le faire ou pas? Il faudrait en discuter. Il y a aussi le problème des entreprises privées. Mais même le problème des entreprises privées devient secondaire à mon avis parce qu'on n'exclut pas une proportion d'entreprises privées. On n'est pas fermé à ça, ce n'est pas la citadelle imprenable, monolithique où on va tout décider nous-mêmes, tout faire nous-mêmes, où on ne se fera pas aider. Ce n'est pas ça.

Alors, il n'y en a pas seulement un problème, il y en a deux.

M. JORON: Oui. D'ailleurs, j'avais une question qui allait venir sur ce sujet.

M. SAINT-PIERRE: Question supplémentaire sur le même sujet, M. le Président, M. Boyd ne m'a pas tout à fait convaincu. Il a dit

que les trois représentants de l'hydro-Québec sont à temps partiel, qu'ils ne sont pas à temps plein parce qu'ils doivent donner une partie de leur temps pour les autres activités de l'Hydro-Québec. C'est le sens de votre réponse? Ils ne peuvent pas être à temps plein pour la Société d'énergie parce qu'ils doivent s'occuper d'autres questions de l'Hydro-Québec en général?

M. BOYD: D'ailleurs, les trois commissaires sont occupés à l'Hydro-Québec. Ils sont au bureau de direction pour les assemblées.

M. SAINT-PIERRE : Mais est-ce qu'on ne pourrait pas dire, retenant l'hypothèse que la Société d'énergie va être le client averti, que M. Nadeau est exactement dans la même position puisqu'il doit consacrer une partie de son temps à la Société d'énergie et que, si on peut aller plus loin, même si on renvoie tout à l'Hydro-Québec, on va se retrouver dans la même position, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas avoir trois commissaires qui vont donner tout leur temps à la baie James car ils doivent donner la même proportion de leur temps à d'autres fonctions de l'Hydro-Québec?

Est-ce que c'est réellement une différence importante si le client averti, pour reprendre l'expression de cet après-midi, est la Société d'énergie ou l'Hydro-Québec?

M. DOZOIS: Pour répondre à M. Saint-Pierre, je pense qu'on peut consulter l'organigramme qui a été distribué par la Société d'énergie — par M. Nadeau — où on voit d'un côté la Société de développement de la baie James et de l'autre côté l'Hydro-Québec. Les deux ont des intérêts dans la Société d'énergie. On voit que le président exécutif est M. Nadeau. Ensuite, l'adjoint exécutif au président est M. Boulva. On voit, dans cet organigramme de 132 personnes, qu'elles sont presque sous la directive exclusive de M. Nadeau et de M. Boulva qui, eux, sont de la Société de développement. Tous les autres qui pourraient venir de l'Hydro-Québec ne sont que des employés, ils ne sont pas au même niveau.

M. SAINT-PIERRE: Je me permets de poser la question. Si le président était un des commissaires de l'Hydro-Québec et si son adjoint exécutif était un autre commissaire de l'Hydro-Québec, est-ce que le problème disparaîtrait?

M. DOZOIS: C'est difficile de répondre...

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas hypothétique, je tente simplement de cerner le problème. Est-ce que c'est parce que le président est quelqu'un qui vient de la Société de développement ou est-ce la structure elle-même...

M. DOZOIS: Bien, ce n'est pas une question de personnalité, remarquez bien.

M. SAINT-PIERRE: Non, non, moi non plus d'ailleurs...

M. DOZOIS: C'est que l'Hydro-Québec détenant et investissant la presque totalité de l'argent nécessaire pour le développement, nous croyons, avec l'expérience que nous avons, qu'il nous appartient de diriger le projet.

M. SAINT-PIERRE: Mais si vous ne...

M. DOZOIS: J'ai enlevé la parole à M. Boyd, cependant, j'aimerais bien la lui redonner.

M. SAINT-PIERRE: Mais si le président de la Société d'énergie était un des commissaires de l'Hydro-Québec, vous sentiriez-vous plus confortable dans votre position?

M. DOZOIS : Ce n'est pas l'idée de placer à la présidence de la Société d'énergie quelqu'un de l'Hydro-Québec. Je pense que ce que nous avons en tête, c'est que l'Hydro-Québec ait vraiment un contrôle efficace de la gérance et de l'ingénierie. Je pense que c'est ça.

M. SAINT-PIERRE: Comme le suggérait M. Nadeau, je ne sais pas, moi, 80 p.c, 85 p.c. — enfin, M. Nadeau a même dit 99 p.c. — des cadres de la Société d'énergie pourraient être des cadres de l'Hydro-Québec. Si un changement à la Société d'énergie, au niveau de sa présidence, est réellement le problème, est-ce que cela ne vous donne pas, quand même, toute une structure qui vous permettrait d'avoir un contrôle?

M. BOYD : Je ne pense pas que cela réponde réellement à ce qu'on désire ou à ce qu'on exprime. Premièrement, que le président de la Société d'énergie soit un membre de l'Hydro-Québec, cela ne règle pas du tout le problème. Que 100 p.c. même des cadres de la Société d'énergie soient des cadres de l'Hydro-Québec, cela ne règle pas le problème, non plus. Parce que les cadres qui seraient là ne seraient plus des employés de l'Hydro-Québec à temps plein. C'est la grosse différence. L'Hydro-Québec est régie par une loi. Tant qu'elle restera comme elle est et tant qu'on est commissaire de l'Hydro-Québec, on a prêté serment, on a des responsabilités, comme d'autres en ont ailleurs. On a la responsabilité et la partager, c'est toujours embêtant.

Là, vous avez une situation où, comme le disait M. Dozois, vous avez un président et un adjoint au président qui, eux, décident de donner à une ou à des firmes la responsabilité. Vous avez éloigné l'Hydro-Québec qui, elle, va contrôler par assemblées de direction, par assemblées d'actionnaires avec des choses négatives. C'est une responsabilité partagée que les membres de la commission semblent difficilement accepter.

M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas comment fonctionne la commission de l'Hydro-Québec, mais, dans un conseil d'administration ordinaire — j'espère que la Société d'énergie est dans ce sens — lorsqu'on a trois directeurs sur cinq, il me semble qu'on peut décider que, oui, ce sera telle firme ou, non, ce sera telle autre firme. D'ailleurs, ayant lu la charte de la Société d'énergie, vous gardez, quand même, énormément de pouvoirs qui, à mon sens, ne sont pas uniquement des pouvoirs négatifs. Ce sont des pouvoirs d'initiative. En d'autres termes, vous dites que les cadres ne seraient pas des employés de l'Hydro-Québec à temps plein. Je ne vois pas comment. Il me semble que les cadres pourraient être mutés temporairement à ce que vous appelez vous-mêmes une filiale de l'Hydro-Québec. Ils seraient aussi à temps plein que si vous déplacez quelqu'un du bureau de Montréal ici, au bureau de Québec. D'autant plus que, pour ce qui est des directeurs, de l'orientation, je ne vois pas la différence. J'essaie de comprendre, parce que, cet après-midi, nous étions d'accord sur la nécessité d'une organisation par projets. Je ne vois pas la différence si c'est à l'intérieur de l'Hydro-Québec, mené comme une direction générale séparée, et si c'est mené à l'intérieur de la Société d'énergie où vous avez la majorité tant sur le plan des directeurs que sur le plan des actionnaires.

M. BOYD: La différence est assez grande, parce que notre contrôle sur la Société d'énergie, surtout par les actionnaires...

M. SAINT-PIERRE: Par le bureau de direction également.

M. BOYD: Au bureau de direction également, mais les commissaires sont habitués à fonctionner â temps plein et avec des responsabilités. Ce ne sont pas des commissaires, comme on l'entend généralement, qui sont dans un bureau de direction. Ce sont des commissaires actifs. Administrer une entreprise comme l'Hydro-Québec et travailler dans un bureau de direction, moi, je considère que c'est très différent. C'est ça que nous essayons de démontrer.

M. Nadeau a dit très clairement qu'il voulait confier cela à l'entreprise privée. On voit qu'il y a un conflit si l'Hydro-Québec veut se le confier à elle-même. Les différents commissaires ont semblé dire des choses qui n'étaient pas tout à fait les mêmes, cet après-midi, sur ce point. Je pense que ce n'est pas exact. On a dit qu'on voulait que ce soit confié à l'Hydro-Québec. Par la suite, selon nos études, l'Hydro-Québec, sous sa responsabilité toujours, confiera en plus ou moins grande quantité des contrats d'ingénierie et des contrats de gérance, suivant les besoins qu'elle aura déterminés.

Certains pensent que c'est plus, d'autres, moins et d'autres, pas du tout, mais c'est aux commissaires de discuter de ce problème en commission. Après étude, ils arriveront à dire que c'est l'Hydro-Québec qui a la responsabilité et la gérance du projet. Nous irons chercher des groupes, des firmes ou des personnes qui prendront une partie de la responsabilité avec nous, mais la responsabilité entière demeurera celle de l'Hydro-Québec.

M. JORON: Si on me permet,...

M. LE PRESIDENT: On comprendra que nous sommes à l'intérieur des commentaires du député de Gouin. La parole est au député de Gouin.

M. JORON : Si le député de Beauce avait une question supplémentaire...

M. LE PRESIDENT: Alors, je n'interviendrai plus.

M. ROY (Beauce): J'ai une question supplémentaire et elle va être très courte, M. le Président. C'est parce qu'on a posé une question, tout à l'heure. Lorsqu'on a parlé du poste de président de l'exécutif de la Société d'énergie de la baie James, on a dit, d'un côté, que ce n'était pas un problème De l'autre côté, on a dit que c'était un problème parce que le président de l'exécutif et son adjoint semblaient vouloir orienter les contrats vers telle ou telle personne. Alors, on a posé une question du côté ministériel à l'effet que si des personnes émanant de l'Hydro-Québec occupaient les fonctions de président de l'exécutif ou de directeur adjoint, à ce moment-là, étant donné qu'elles émaneraient de l'Hydro-Québec, elles pourraient avoir plus d'influence. Du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre.

On a parlé d'un deuxième problème parce que le député de Gouin est revenu sur le point tantôt. Il faut tout de même étudier pour voir si c'est plus avantageux l'entreprise privée ou l'Hydro-Québec. Je pense que ce ne doit pas être une question sentimentale. Ce doit être une question d'ordre pratique, une question d'affaires. On a dit qu'il y avait un deuxième problème. Le deuxième problème, je le vois là. J'aimerais qu'on m'éclaire sur ce point pour voir si réellement c'est la question du poste de président de l'exécutif. J'ai une question supplémentaire: Par quel mécanisme M. Nadeau a-t-il été nommé président de l'exécutif? Par qui a-t-il été nommé?

M. BOYD : Je peux répondre à une partie de votre question. A la deuxième, je ne peux pas répondre. La première question est peut-être bonne mais elle est hypothétique. La loi prévoit qu'il y aura trois directeurs nommés par le gouvernement, sur recommandation de l'Hydro-Québec, et deux autres recommandés par la Société de développement et nommés par le gouvernement. C'est ce qui est arrivé et vous avez les cinq membres. Parmi les cinq, il y en a

un qui a été choisi comme président. Il n'est pas de l'Hydro-Québec. Votre question est hypothétique parce que je pense que, si un commissaire de l'Hydro-Québec était président, probablement qu'il faudrait qu'il soit là à plein temps et il cesserait d'être membre de la Commission de l'Hydro-Québec.

M. ROY (Beauce): Lorsqu'on a nommé le président, est-ce que ce sont les membres de l'exécutif qui ont choisi un président, comme cela se fait dans bien des cas?

M. BOYD: Je ne sais pas.

M. ROY (Beauce): Qui pourrait me répondre à cette question? M. Nadeau?

M. NADEAU: Le bureau de direction, M. Roy.

M. ROY (Beauce): Alors, il y a trois personnes de l'Hydro-Québec qui, effectivement, ont contribué, en quelque sorte, à ce que vous soyez choisi président.

M. NADEAU: Et qui ont aussi nommé M. Boulva, adjoint exécutif au président, et M. Giroux, président du conseil.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, j'adresse à la fois à M. Boyd, peut-être, de l'Hydro-Québec et à M. Nadeau de la SDBJ ma deuxième question. Toujours dans cet effort de comparer les deux propositions, entreprise privée et Hydro-Québec, elle porte sur l'expérience des deux groupes qui font des propositions. Quand on parle d'expérience, ce qu'on a en tête, j'imagine, c'est la question des dépassements de coût. L'expérience passée peut nous donner un indice et nous assurer, dans une certaine mesure, que les estimations seront respectées.

Alors, la question, que je veux adresser à l'Hydro-Québec et à M. Nadeau, s'il peut se faire le porte-parole du premier groupe qui vous a soumis une proposition, soit SNC, Montreal Engineering et Janin, est la suivante : Quelle est l'expérience de ces deux groupes depuis une dizaine d'années? Je m'adresse à l'Hydro-Québec d'abord. Quelle est la valeur des travaux qui ont été complétés? Quelle est l'expérience de l'Hydro-Québec dans ces travaux quant aux dépassements? Est-ce que l'Hydro-Québec, au cours de cette période, a accordé des sous-contrats à l'entreprise privée? Quelle a été l'expérience de cette partie que l'Hydro-Québec aurait déléguée à l'entreprise privée quant aux dépassements des estimations et des coûts?

M. BOYD: Je pense qu'on a mentionné ces chiffres. La période de 1960 à 1971, c'est celle qu'on avait discutée. On peut rappeler les chiffres: L'Hydro-Québec a géré, au cours de cette période, pour plus de $2 milliards de travaux, dont près de la moitié était pour des lignes et des postes.

Dans ces deux cas, les coûts des travaux terminés étaient inférieurs aux estimations, tandis que, dans les centrales, les dépenses étaient de $1,190 millions par rapport à des estimations de $936 millions.

Quant â savoir si on a confié à l'entreprise privée des contrats, il y a différentes sortes de contrats.

M. JORON: Au-delà de ces $2 milliards.

M. BOYD: Dans les lignes et les postes, habituellement, la procédure, c'est que les estimations sont préparées par les ingénieurs de l'Hydro-Québec. Les travaux sont confiés à l'entreprise privée par soumissions, si vous voulez, en général, et ils sont surveillés par les ingénieurs et les techniciens de l'Hydro-Québec.

Dans le cas des centrales, les études d'avant-projets et l'étendue des projets sont définies par l'Hydro-Québec. En général, les contrats sont confiés aux ingénieurs-conseils pour les plans et devis et, dans certains cas, pour la surveillance de la qualité. L'Hydro-Québec gère les travaux. Certains contrats sont donnés, dans ces cas. D'autres travaux sont exécutés par l'Hydro-Québec.

M. JORON: Il y a des contrats dont la gérance a été donnée à l'entreprise privée, à différentes firmes d'ingénieurs-conseils, au cours de cette période, si je vous comprends bien, en dehors des $2 milliards que l'Hydro-Québec a gérés elle-même. Est-ce cela?

M. BOYD: Non, il n'y a pas eu de contrats de gérance. Dans aucun cas, l'Hydro-Québec n'a donné de contrats de gérance. Dans les lignes et les postes, l'Hydro-Québec a eu la responsabilité de la gérance, du génie et de la surveillance. Dans les centrales, l'Hydro-Québec a donné des contrats à des ingénieurs-conseils et a surveillé la construction.

M. SAINT-PIERRE: Dans les contrats d'aménagement hydro-électrique et de centrales, actuellement, M. Boyd, qui est le gérant des travaux?

M. BOYD: C'est l'Hydro-Québec.

M. SAINT-PIERRE: Lorsque vous parlez des écarts substantiels qui sont survenus pour certaines centrales, était-ce l'Hydro-Québec qui était gérant?

M. BOYD: Oui.

M. JORON: Sur les $2 milliards de travaux, au total, quand on inclut les centrales, les postes et les lignes, quelle a été l'expérience des coûts estimés par rapport aux coûts réels?

M. BOYD: Je vais vous donner les chiffres exacts. Dans les lignes, $560 millions d'estimations; $523 millions de dépenses. Dans les postes, $346 millions d'estimations et des réalisations de $340 millions.

M. JORON: Là, cela a été moins et, dans les centrales, il y a eu un dépassement.

M. BOYD: Dans les centrales, les estimations, $936 millions, et les dépenses, $1,189 millions.

M. JORON: D'accord.

M. BOYD : On a déjà donné des explications sur cela à différentes commissions parlementaires. Une partie des explications, c'était que les intérêts étaient passés de 5 p.c, 5 1/2 p.c. au débat à 10 p.c. à la fin. Mais aussi, une bonne partie était due à l'inexpérience, si on peut dire, de ceux qui préparaient les estimations.

M. JORON: Qui avait préparé les estimations, dans ces cas?

M. BOYD: La plupart du temps, les estimations sont basées sur ce que nous remettent les ingénieurs-conseils.

M. JORON: C'est d'après les estimations des firmes d'ingénieurs-conseils?

M. BOYD: Oui.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. Boyd. Comment expliquez-vous cela? N'est-ce pas une des fonctions élémentaires d'un gérant, lorsqu'on lui présente des estimations, d'être capable de dire si elles sont réalistes ou non? Si des estimations qui n'étaient pas réalistes vous ont été présentées, n'y a-t-il pas une certaine responsabilité de ne pas les avoir identifiées?

M. BOYD : Nous les avons identifiées dans certains cas, mais la principale explication qu'on a donnée, ce sont les taux d'intérêt.

M. SAINT-PIERRE: Mais comment expliquer que dans le cas des lignes et des postes le gérant, qui était l'Hydro-Québec, avait de bonnes estimations, qu'il n'a pas été influencé par les variations des taux d'intérêt et que les travaux se sont accomplis en dedans des estimations, alors que le même gérant, qui a la responsabilité des centrales, n'aurait pas décelé des estimations qui seraient fausses pour les centrales? Le même gérant n'aurait pas eu les mêmes performances dans les centrales que dans les postes et les lignes?

M. BOYD: C'est presque dire quelque chose que j'aimerais autant ne pas dire. S'il faut entrer dans les détails, il va falloir nommer des compagnies d'ingénieurs-conseils et ça peut être désagréable. Mais sans les nommer ...

M. SAINT-PIERRE: D'après votre réponse, c'est toujours le même groupe qui est gérant du projet, si je comprends bien. C'est-à-dire que dans les lignes et les centrales, d'après votre réponse, c'était l'Hydro-Québec, le gérant. Pour Manic 3, dans le moment, je pense bien qu'on ne peut dire que c'est Asselin, Benoit, Boucher, Ducharme et Lapointe qui est le gérant du projet. C'est l'Hydro-Québec. S'il y avait des écarts, est-ce que ce n'est pas là qu'on doit juger de la ...

M. BOYD: Pour Manic 3, on peut vous expliquer en détail, ainsi que pour les autres, sans nommer de noms.

M. SAINT-PIERRE: Ils ont été nommés déjà.

M. BOYD: Les compagnies qui avaient de l'expérience comme ingénieurs-conseils nous ont présenté des estimations qui étaient réalistes; les autres, leurs estimations n'étaient pas réalistes parce qu'elles n'avaient pas l'expérience. L'Hydro-Québec, elle-même, à ce moment-là, il faut l'avouer... Si vous voulez qu'on fasse le portrait, il est peut-être bon qu'on le fasse. Jusqu'en 1960 des projets de centrales, il n'y en avait pas tellement et ils avaient été confiés en grande partie à deux bureaux d'ingénieurs-conseils dont un bureau était du Québec et l'autre pas.

M. MARCHAND (président): M. DeGuise a des commentaires à faire sur le même sujet.

M. LAVOIE (Wolfe): Qui choisit les bureaux d'ingénieurs-conseils?

M. BOYD: C'est l'Hydro-Québec qui les choisit.

M. DEGUISE : Pour répondre à une question de M. Saint-Pierre, je crois qu'il y a peut-être une explication du fait que les résultats sont différents pour les postes et les lignes, par rapport aux centrales. Je crois que la période de construction étant beaucoup plus courte pour un grand nombre de postes, au moment où l'estimation se fait, l'intérêt n'a pas le temps de changer tellement. Alors que dans une centrale, quand on fait l'estimation et qu'on construit sur une période de 6 ou 7 ans, on est plus exposé à des variations de main-d'oeuvre ou d'escalation. Je crois que ça explique pourquoi, dans les postes et dans les lignes, on peut juger d'une manière plus exacte du coût final.

M. JORON: Je pense que M. Boyd était à nous donner le témoignage de l'expérience que l'Hydro-Québec avait connue au cours des onze dernières années avec différentes firmes d'ingénieurs-conseils quant aux estimations, mais sans nommer les noms, toujours. Je comprends qu'il peut être délicat de le faire. Est-ce que vous pourriez nous faire état de cette expérience?

M. BOYD: C'est que jusqu'en 1960, c'était des bureaux qui avaient de l'expérience qui faisaient les plans. En 1960 — et je pense que la décision a été bonne — on a décidé qu'il fallait bâtir des bureaux québécois et on a confié des travaux à des bureaux québécois qui ont eu à apprendre tout en travaillant. L'Hydro-Québec elle-même s'est vu confier énormément de travaux de centrales d'un coup sec et elle n'était pas prête.

Mais il y a aussi le fait que jusqu'en 1964, il n'était prévu aucune escalation dans les estimations. Par la suite, on a eu de l'escalation, comme tout le monde le sait. Donc, parce que les prix étaient assez stables, jusqu'en 1965 et il n'y avait pas d'escalation de prévue. C'est ce qui a fait la grande différence. Ce sont des choses que nous avons apprises, que les ingénieurs-conseils ont apprises. Il y a deux bureaux, se basant sur leur expérience passée, qui nous ont fait des estimations réalistes et les autres ont appris entre-temps.

C'est pourquoi, lorsqu'on parle de confier les travaux d'ingénierie de la baie James — c'est quelque chose comme une couple de $100 millions d'ingénierie qu'il va y avoir à faire dans la baie James — on propose de confier tout ça à nos ingénieurs-conseils du Québec. Nous pensons qu'ils ont acquis l'expérience au cours de ces années, mais nous pensons qu'ils n'ont pas acquis l'expérience de la gérance.

Nous pensons que c'est trop risqué de confier la gérance à des bureaux qui ont appris pendant des années à faire des plans mais qui n'ont pas appris à gérer.

M. JORON: M. le Président, si vous permettez que je poursuive, j'avais posé ma double question dont une partie s'adressait à l'Hydro-Québec. L'Hydro-Québec vient de nous apprendre qu'elle a fait état de son expérience, c'est-à-dire pour $2 milliards de travaux complétés, au cours des onze dernières années qui se sont soldés, tout inclus, en deça d'environ 10 p.c. des prévisions. Il y a eu des dépassements qui n'ont pas été au-delà de 10 p.c. M. Boyd nous a donné l'explication que c'était le facteur du mouvement des taux d'intérêt au cours de cette période-là qui a pu faire commettre des erreurs de prévisions, tant à l'Hydro-Québec qu'aux firmes d'ingénieurs privées qui avaient soumis des estimations.

La deuxième partie de la question s'adressait davantage à M. Nadeau...

M. GAUVREAU: Pardon, M. Joron.

M. JORON: Si vous voulez ajouter quelque chose, M. Gauvreau, je vous en prie.

M. GAUVREAU: A mon avis, l'exercice auquel vous essayez de vous livrer est de nous forcer à faire des comparaisons entre la compétence en estimation de l'Hydro-Québec et des maisons privées. Il me semble que cet exercice- là est extrêmement simplificateur, de la manière dont il est fait. On ne peut pas le faire comme ça. D'abord, premièrement, M. Boyd donne sa mémoire des événements. Il n'était pas à la construction dans ce temps-là.

Moi je pense — s'il y a des commissaires qui veulent me contredire, qu'ils le fassent ici — que les estimations ont été faites en collaboration avec les ingénieurs-conseils et que l'Hydro-Québec y a participé. Il n'y a pas eu tellement escalade des écarts depuis 1960, c'est un événement nord-américain absolument inconnu dans le passé pour les bonnes raisons que M. Boyd vous a données. Si on lit les "Journal of Engineering of General Construction", il y a des symposiums actuellement, on cherche à trouver moyen d'améliorer les prévisions, mais les écarts entre les estimations et les coûts sont extrêmement nombreux dans tous les domaines.

Maintenant, si vous voulez que nous fassions ce soir le procès des bureaux d'ingénieurs-conseils, il me semble que nous n'avons pas du tout, du tout, du tout entre les mains les dossiers qu'il faudrait pour le faire honnêtement. Je crois qu'à ce moment-là, il faudrait examiner chaque bureau, son expérience passée, ses estimations et ses efforts dans différents travaux. Je pense que l'exercice est beaucoup trop simplificateur pour être honnête et envers l'Hydro-Québec et envers les ingénieurs.

M. JORON: M. Gauvreau vous avez donné votre témoignage sur un sujet, vous conviendrez qu'il m'appartient, par contre, de poser les questions que je veux bien poser à qui je veux les poser.

Et sur la question de l'expérience, je veux demander à M. Nadeau quelle est l'expérience de SNC, Montreal Engineering, et Janin Construction, au cours, par exemple, de la même période, pour nous permettre de la comparer à l'expérience de l'Hydro-Québec dans des travaux de nature hydraulique. Avant, si vous me permettez, de nous engager là-dedans, je voudrais poser une question, c'est dans la proposition que vous soumettait SNC, Montreal Engineering, Janin Construction. Est-ce qu'il était fait mention que Janin puisse se retrouver en même temps gérant et exécutant s'ils se voyaient confier des contrats d'exécution à titre d'entrepreneurs? Si c'était le cas, est-ce qu'il n'y a pas là un conflit d'intérêts parce qu'en fait c'est être juge et partie que de se retrouver à la gérance et d'être un entrepreneur à contrat.

Il y a cette question là spécifiquement sur le cas de Janin. Ensuite, si vous voulez bien répondre sur l'expérience passée des trois firmes concernées.

M. NADEAU: Dans le cas de Janin évidemment le contrat de gérance devrait prévoir que Janin ne soit pas l'exécutant.

M. JORON: Ne pourrait pas être exécutant, d'accord.

M. NADEAU: Maintenant, quant à l'expérience des maisons dont vous venez de mentionner ici les noms, il ne faudrait pas que vous ayez tout de même l'impression que nous avons arrêté notre choix sur ces noms-là...

M. JORON:Oh! non.

M. NADEAU: ... et que nous avons décidé d'emblée que c'était la maison qui devait satisfaire à nos besoins. Toutefois cette maison-là ou ce groupe, ce consortium nous a remis une offre de services, que nous avons d'ailleurs déposée à la Société d'énergie. En coût terminé, les travaux de gérance, j'entends, de ces trois organismes se chiffrent par $3 milliards. Maintenant il faut considérer ici que ce sont des organismes privés et que s'ils avaient dépassé les coûts, si l'expérience avait été mauvaise, ces maisons ne seraient plus en affaires, alors que toutes sont en affaires et financièrement très solides.

Si vous permettez de finir la réponse à votre question...

M. JORON: Je vous en prie.

M. NADEAU: Vous avez posé une hypothèse d'expérience quant à la réalisation d'un projet. Nous avons voulu modeler la Société d'énergie sur Churchill Falls. Ici encore, les représentants de l'Hydro-Québec, qui sont les clients de Churchill Falls et qui achètent l'électricité, n'étaient pas à Churchill Falls à temps plein, mais ils y étaient comme directeurs de la compagnie Churchill Falls. Il y avait un contrat entre les deux; l'électricité était achetée à tel prix. Cela a été, dans l'esprit de tout le monde, je crois, un véritable succès. Ce fut l'exemple d'un grand succès en ingénierie, etc., parce que des contrôles avaient été établis. Le modèle de ces contrôles est entre nos mains; nous pouvons exercer les mêmes contrôles que Churchill Falls a exercés vis-à-vis d'Acres Canadian Bechtel qui avait la gérance.

Un contrat de gérance ne nous lie pas pour la durée du projet, non plus. Si, toutefois, nous choisissions un consortium ou une maison quelconque pour faire la gérance et que nous nous appercevions que cette maison ou ce consortium n'est plus compétent, rien ne nous empêcherait de changer, à ce moment-là, et de la confier à une maison plus compétente, s'il y en a.

M. JORON: Pour que l'on puisse comparer des choses comparables, l'Hydro-Québec nous a parlé de travaux complétés sur une période allant de 1960 à 1971. Vous m'avez parlé des trois sociétés en question, des travaux complétés et en cours. Je vous ai posé une question spécifique sur les travaux complétés de nature hydraulique. Je sais que ces maisons ont aussi géré des travaux d'ordres thermique, nucléaire, etc. Il ne faudrait pas mélanger tout cela; on parle de travaux d'ordre hydraulique.

Par exemple, au cours des onze ou douze dernières années, pour combien de travaux complétés dans l'hydraulique SNC, Montreal Engineering et Janin ont-ils été gérants? Avez-vous le détail de cela?

M. NADEAU: Je regrette, je ne saurais vous donner les détails là-dessus. Il ne faut pas, non plus, penser que je tends à diminuer l'importance ou la compétence de l'Hydro-Québec; au contraire. C'est, d'ailleurs pour cela que nous avons, dans notre organigramme, incorporé un nombre aussi grand que possible des gens qui viendraient de l'Hydro-Québec. Maintenant, je peux poser la question: Combien de ces cadres l'Hydro-Québec peut-elle remplir actuellement, quand je parle des 134 individus qui devraient oeuvrer au sein de la Société d'énergie? Je ne sais pas si je pourrais avoir une réponse là-dessus.

Si on pouvait avoir 134 individus, tel que projeté, détachés de l'Hydro-Québec pour sauvegarder les intérêts de l'actionnaire majoritaire dont ils sont les employés — ils seraient détachés, mais payés par la Société d'énergie afin qu'on puisse en comptabiliser les coûts, encore une fois — à ce moment-là, je ne vois pas comment il pourrait y avoir des conflits ou un manque d'intérêt de la part de ces individus qui seraient, tout de même, appelés à retourner au sein de l'Hydro-Québec, une fois le projet terminé.

M. DOZOIS: Me permettriez-vous de compléter la réponse?

M. JORON: Je vous en prie.

M. DOZOIS: J'ai ici la proposition de Sur-veyer, Henniger et Chenevert et de Montreal Engineering. Il y a une section intitulée "Expériences de gérance de projets", pour chacune des firmes.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plait! Pourriez-vous rapprocher le micro un peu? Merci.

M. DOZOIS: Surveyer, Nenniger et Chenevert donne, dans cette liste, un projet, d'aménagement hydro-électrique aux Indes de $130 millions, dont la terminaison est prévue pour décembre 1975. Il y a Montreal Engineering qui a sept projets, pour un total de $363 millions. Certains de ces projets sont terminés et d'autres seront terminés en 1972 et en 1975. Ensuite, la maison Janin, pour laquelle des services de gérance ou d'entrepreneur général ont été fournis, en a pour $382 millions, pour des travaux de galeries de dérivation, de galeries d'amenée, pour l'installation et l'entretien des blondins, pour des digues, des centrales hydro-électriques, des lignes de transport d'énergie, digues, barrages, centrales hydro-électriques, etc.

Cela vous donne un portrait de l'expérience. Le plus gros projet hydro-électrique exécuté par

ces firmes est celui de Surveyer, Nenniger et Chenevert, aux Indes, pour $130 millions, qui n'est pas terminé.

M. SAINT-PIERRE: M. Dozois, vous me permettrez d'être d'accord avec M. Gauvreau pour dire que, dans ce type de question là, on pourrait donner des réponses et prouver, sans utiliser des chiffres, à peu près n'importe quoi. Je pourrais, moi aussi, être très méchant et vous dire: Lorsqu'on gère des projets, il faut, au moins, être capable de les concevoir.

Là, je pourrais retourner la question à l'Hydro-Québec: Est-ce que vous avez fait des plans d'une centrale qui ont été réalisés? Vous devriez me répondre non, et ce n'est pas parce que vous n'êtes pas compétent, mais c'est parce que c'est dans la nature des choses. Vous me corrigerez si j'ai tort, l'Hydro-Québec n'a jamais fait les plans d'une seule centrale. Mais je ne pose pas la question parce que je pense que ce serait une mauvaise façon de tenter de juger la compétence de votre personnel. Il y a un rôle pour chacun et c'est dans des contextes très différents. On pourrait dire que ces trois firmes ont quand même reçu des mandats de plusieurs clients, dont la Banque mondiale, des organismes internationaux, des compagnies privées et que ces mandats ont été renouvelés dans des conditions de concurrence alors que pour l'Hydro-Québec il faut admettre qu'il y a un certain marché captif. On pourrait dire, quant à ça, que les estimations auraient pu être trois fois plus élevées que vous ne les avez faites et les coûts trois fois plus élevés et on arriverait à la même conclusion aujourd'hui: vous êtes entré dans vos coûts. C'est un peu un marché captif. Mais je dois admettre que c'était la façon la plus...

M. DOZOIS : Je ne porte pas de jugement sur la valeur des choses.

M. SAINT-PIERRE: Non, mais...

M. DOZOIS : J'avais compris la question du député de Gouin comme étant: Quels sont les grands projets qu'ils ont exécutés?

M. SAINT-PIERRE: Bien, j'enregistre...

M. DOZOIS : J'ai tout simplement donné la lecture...

M. SAINT-PIERRE: Mais j'enregistre ma dissidence. En citant les millions des contrats, on peut arriver avec l'Hydro qui a fait $2 milliards puis eux qui ont fait $150 millions, donc on pourrait dire que l'Hydro est huit fois meilleure. Ce n'est pas tout à fait aussi simple que ça.

M. LE PRESIDENT: M. Boyd.

M. BOYD: M. le Président, pour le bien de nos ingénieurs du génie, surtout, il faudrait quand même, sans éterniser cette discussion qui pourrait devenir — je l'admets comme vous — désagréable, dire que les ingénieurs de l'Hydro n'ont pas fait de plans et devis détaillés de centrales, mais que depuis 1960 ils ont aidé considérablement à former les bureaux d'ingénieurs-conseils à faire ces plans et devis. Il faut leur donner le crédit d'avoir contribué à leur formation. Si on le demandait à la plupart des bureaux qui ont travaillé pour nous, je pense qu'ils admettraient que nos ingénieurs ont aidé considérablement à les former pour ça.

M. SAINT-PIERRE: Admettriez-vous avec moi que vous aviez un peu le rôle d'un client averti qui aide, évidemment, celui qui reçoit un mandat et qu'effectivement dans aucune des centrales vous n'avez pris vous-même, de A jusqu'à Z, la réalisation de tous les plans et de tous les devis ainsi que la conception? Vous avez approuvé des plans, vous avez même suggéré à des ingénieurs-conseils de corriger tel ou tel détail parce que, d'après votre expérience de client averti, il fallait demander des modifications, mais vous n'avez pas fait, à ma connaissance, les plans d'une centrale. On ne peut pas dire que Manic 3, ce sont les ingénieurs de l'Hydro-Québec ou que Manic 5 ce sont les ingénieurs de l'Hydro-Québec, tant sur les barrages que sur les centrales.

M. BOYD: Je pense que c'est beaucoup plus que ça ce que les ingénieurs de l'Hydro ont fait pour les ingénieurs-conseils. Ils les ont aidés à faire les plans de centrales, sans aller dans le détail.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'on pourrait considérer ce secteur comme clos pour le moment? Je passe la parole au député de Gouin.

M. JORON: Merci, M. le Président. Dernière question que je voulais adresser à l'Hydro-Québec. Je voulais vous demander de préciser ce que vous entendez dans votre proposition globale lorsque vous parlez de recourir à l'assistance de l'entreprise privée, des bureaux d'ingénieurs, et ainsi de suite. Quelle est l'étendue du rôle que vous leur voyez? Plus spécifiquement, puisque — les journaux en ont fait état au cours de la dernière semaine — on a beaucoup parlé de Acres-Canadian Bechtel, je voudrais vous demander, comprenant qu'il n'y a probablement rien de conclu puisque la gérance des travaux n'a pas été déterminée, à quel titre l'Hydro pensait faire appel à Acres-Canadian Bechtel, entre autres?

M. BOYD: D'abord, vous parliez des bureaux d'ingénieurs-conseils. Comme par le passé, et peut-être encore plus que par le passé, l'Hydro va confier aux bureaux d'ingénieurs-conseils du Québec les travaux d'ingénierie comme on l'a fait jusqu'à maintenant à la baie

James. Et on peut identifier des ensembles de projets qui semblent de très grande importance qui vont tenir des bureaux d'ingénieurs québécois très occupés pour les réaliser à temps. C'est en partie une réponse à votre question.

Quant à la gérance, on l'a dit de différentes façons, mais je pense qu'on disait à peu près tous la même chose.

L'Hydro-Québec peut se servir de son personnel et avoir la collaboration des entreprises oeuvrant au Québec, qu'elle aille chercher des individus qui sont chez des entrepreneurs ou des individus qui sont chez des ingénieurs-conseils. Si tout cela n'est pas suffisant, et c'est là que l'analyse devra se faire à l'Hydro-Québec pour voir quels sont les besoins, il y aura possibilité de recourir à des firmes d'ingénieurs-conseils du Québec ou à d'autres firmes du Québec pour nous aider à compléter l'équipe de gérance. Alors, ce sont, disons, les deux premières parties de votre question.

La troisième, je dois vous dire que l'Hydro-Québec n'a reçu aucune proposition officielle de la Canadian Bechtel. L'Hydro-Québec n'a pas discuté du problème de la Canadian Bechtel. On a beaucoup fait état de cela dans les journaux, mais il n'y a pas de proposition, il n'y a aucune discussion formelle. Il y a eu des demandes d'information; d'ailleurs la Société d'énergie a aussi demandé des informations auprès de la Canadian Bechtel. M. Dozois l'a dit dans son texte qui était préparé parles commissaires. L'Hydro-Québec, également, dans certains cas, a demandé des informations. Elle a reçu des offres de bureaux d'ingénieurs-conseils du Québec, lesquels l'ont vue pour offrir leurs services de génie, de gérance ou soit les deux.

Egalement, nous avons des offres qui nous viennent de bureaux des provinces de l'Ouest. Il n'y a pas de proposition de la Canadian Bechtel ou de la Bechtel américaine. Dans l'esprit de certains des commissaires, si on avait recours à la Canadian Bechtel — et je vous répète que cette question n'est pas devant la commission — ce serait à titre de consultante seulement pour pouvoir acquérir son expérience de "management"; comme consultante, pas plus.

Comme je le disais déjà, cet après-midi, nous avons eu déjà recours à des consultants qui n'étaient pas des Canadiens, comme dans le cas d'Ebasco, pour nous conseiller sur le contrat de Churchill. Cela a été très bénéfique. Si Bechtel ne nous convient pas, cela ne nous intéressera pas. C'est la Commission qui le décidera. Mais dans le moment, ce serait limité à cela, si jamais on y pensait.

M. JORON: Il n'est donc pas question pour l'Hydro-Québec de réclamer la gérance pour ensuite la remettre à une tierce partie. Vous pensez à la Bechtel, parmi d'autres, à titre de consultants tout simplement.

M. BOYD: C'est ça.

M. JORON: Quels avantages y voyez-vous? Est-ce qu'il y a des incidences sur le financement du projet?

M. BOYD: D'avoir une bonne gérance?

M. JORON : Non, cela va de soi, mais quant à l'assistance technique que cette firme, en particulier, serait susceptible de vous fournir?

M. BOYD: Je vous le répète, il faudrait que ses conditions nous soient acceptables. Mais elle pourrait nous aviser comme consultante, comme nous avons eu toutes sortes de consultants experts quand nous sommes allés les chercher. Je crois que son expérience est très valable et cela pourrait nous aider à améliorer nos capacités en gérance. Churchill a la compagnie Acres, laquelle était la contrepartie en génie, a eu l'assistance de Bechtel pour la gérance. C'était une bonne compagnie de génie très bien connue au Canada. Cela a été fructueux.

M. GAUVREAU: M. Joron, sur la question de savoir quel usage nous entendons faire des entreprises privées, je suis d'accord avec M. Boyd en disant qu'il y a de l'ouvrage pour tout le monde en ingénierie. On peut en distribuer à beaucoup de monde. C'est probablement là que sera le gros des services achetés. Du côté de la gérance, on a parlé de délais, cet après-midi, et je crois qu'on ne m'a pas très bien compris. Voici ce que je veux dire.

Je veux dire qu'il me semble que nous n'aimons pas être poussés dans le dos pour prendre une décision, demain, après demain, dans une semaine ou dans quinze jours pour savoir comment nous allons nous organiser pour réaliser le projet. Pour étudier ces propositions, si cela prend quelques semaines, c'est parce que nous voulons pouvoir évaluer nos forces, examiner nos effectifs, savoir ce que nous pouvons faire, si c'est réaliste de s'engager là-dedans tout seuls. Aussi, pour le faire, nous voulons consulter nos directeurs généraux, le directeur général de la construction, le directeur général du génie et leurs directeurs spécialisés.

Lorsque nous aurons fait ce travail, qui peut durer quelques semaines, je crois que nous pourrons vous dire et décider exactement s'il y a lieu et avantage pour l'Hydro-Québec d'avoir recours à l'entreprise privée pour de la gérance.

M. JORON : Je comprends très bien votre réponse, M. Gauvreau. Je ne pense pas que vous soyez en mesure — ce n'est pas votre rôle, non plus — de voir à l'aménagement final et aux détails techniques. Mais tout cela n'a pas empêché les commissaires de l'Hydro-Québec de réclamer, justement d'urgence, cette fois-là, de se voir confier le mandat de gérance des travaux de façon à pouvoir se mettre à l'oeuvre quant à l'aménagement technique, si je peux m'exprimer ainsi, tel que vous venez de le signaler.

M. GAUVREAU: Il n'y a pas lieu de mettre d'entrave et d'augmenter les délais inutilement.

M. JORON: D'accord.

M. GAUVREAU: C'est évident.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, j'aimerais connaître l'évolution de la pensée de l'Hydro-Québec. Dans le cours de ses études, elle a vu, au début, la Société d'énergie avec une importance telle qu'on a dû y investir $700 millions. Tout à coup, il semble que vous voulez faire de cette compagnie une compagnie tampon, une compagnie qui va jouer un rôle de beaucoup diminué. Je suis un peu surpris, autrement dit, de constater que vous investissez $700 millions dans une compagnie — ce qui est, à mon avis, une somme très considérable — et que, subitement, après cette investissement, vous considériez cette compagnie comme étant simplement une compagnie tampon entre la Société de la baie James et l'Hydro-Québec. Quelle a été l'évolution dans votre pensée?

M. DOZOIS: M. le Président, la somme investie dans la Société d'énergie est pour permettre le financement, n'est-ce pas? J'ai expliqué cela la semaine dernière. Vous n'y étiez peut-être pas, M. le député de Jacques-Cartier. Nous nous sommes basés un peu sur l'expérience de Churchill Falls qui devait emprunter $600 millions sur le marché pour réaliser son projet. La capitalisation est de $80 millions. Or, à la Société d'énergie, si, éventuellement, elle veut faire le financement elle-même et emprunter sur le marché quelque chose comme $5 milliards ou $6 milliards, dans les mêmes proportions, nous avons estimé qu'il fallait une capitalisation d'au minimum $700 millions.

Maintenant, les $700 millions que l'Hydro-Québec va verser comme mise de fonds à la Société d'énergie vont sûrement être employés, parce que la Société d'énergie reste propriétaire des investissements et, conformément à la loi, le développement hydro-électrique sera effectué par elle. Elle en sera propriétaire.

L'Hydro-Québec va fournir les $700 millions en capital. Probablement, si la Société d'énergie ne fait pas les emprunts sur le marché elle-même, l'Hydro-Québec fera des emprunts et lui prêtera l'argent. C'est comme cela que je le vois.

M. SAINT-PIERRE: M. Dozois, sur l'ensemble du financement du projet, jusqu'à quel point, d'après vous — en dehors de la rentabilité du projet lui-même, du coût estimé pour produire tant d'électricité, enfin, de la nature même du produit et de son marché — la garantie de la province, exprimée par l'article 28 de la Loi de l'Hydro-Québec, de même que la garantie de la province sur la Société de la baie James, sont-elles la même chose? Pour un investisseur étranger, lorsqu'on arrive à l'article 27 où on dit: La province a garanti cet emprunt de $7 milliards, que ce soit l'Hydro-Québec ou la Société d'énergie, est-ce qu'il y a véritablement une différence pour le financement du projet?

M. DOZOIS: Il peut y avoir une différence. Je l'ai dit la semaine dernière, M. le ministre.

Je suis d'avis que la Société d'énergie pourrait faire des emprunts sur le marché, si elle avait un contrat en bonne et due forme avec l'Hydro-Québec, qui achèterait son énergie et lui procurerait des revenus, lui permettant de rembourser les emprunts qu'elle ferait.

M. SAINT-PIERRE: On parle de bilans consolidés. Et comme on parle de filiales à 91 p.c, actuellement, par l'Hydro-Québec, quelle est la différence? Y a-t-il effectivement une différence quant à la capacité d'emprunt d'une filiale? Celle-ci et la société mère, peu importe le mécanisme utilisé, ont la garantie de la province.

M. DOZOIS: Je pense que sur le marché c'est une norme acceptée. M. Lemieux pourrait le confirmer, je pense. Si vous voulez faire une émission d'une compagnie, il faut que votre capitalisation soit proportionnée aux emprunts que vous voulez faire.

Je causais avec quelqu'un, lors de la suspension. Je lui citais cet exemple. Si quelqu'un qui veut s'acheter un immeuble de $25,000 veut avoir une hypothèque de $25,000, je pense bien que le prêteur va lui dire: Mets un peu de tes économies, peut-être $2,000 ou $3,000.

M. SAINT-PIERRE: Mais jusqu'à quel point cela peut-il intervenir lorsque, effectivement, on parle d'une chose comme la garantie d'une province?

M. DOZOIS: La garantie de la province, je pense bien, aide la Société d'énergie, si elle fait des emprunts, comme elle aide l'Hydro-Québec à faire des économies dans ses emprunts. Peut-être étes-vous au courant mais ces jours derniers, le 11 mai — c'est récent — dans une revue américaine intitulée Public Utilities — et je vous pris de croire que ce n'est pas nous qui avons fait paraître l'article — on traite précisément de toute cette question du financement.

On cite des statistiques, ici. Il y a les deux rapports, n'est-ce pas? Le revenu peut garantir une fois et quart, une fois et demie, jusqu'à cinq fois — le président l'a dit — l'intérêt qu'il y a à payer sur les emprunts. On dit entre autres que, parmi les autres facteurs, il y a le "quality of management" qui est important. Mais je passe rapidement là-dessus. On parle, sur une période de 45 ans, de compagnies d'électricité, en particulier, qui ont fait défaut. Parmi celles

qui gagnaient plus de trois fois l'intérêt qu'elles avaient à payer sur leurs emprunts, 2.1 p.c. ont fait faillite. Mais, pour celles qui gagnaient entre 1 et 1.4, 34 p.c. ont fait faillite. C'est cela qui prend les prêteurs prudents, quand ils constatent qu'une compagnie d'utilité publique ne gagne que 1.4 ou 1.5.

C'est pour cela que dans le cas de l'Hydro-Québec — et ce sera le cas de la Société d'énergie, j'en suis convaincu — on se contente de 1.25 p.c, parce qu'il y a la garantie de la province.

M. SAINT-PIERRE: Sur toutes les compagnies, aux Etats-Unis, il n'y en a aucune qui a la garantie d'un Etat américain. Est-ce qu'il y en a?

M. DOZOIS: Il y en a peut-être, je ne sais pas.

M. SAINT-PIERRE: M. Lemieux? M. LEMIEUX: TVA.

M. SAINT-PIERRE: Oui. C'est un cas unique.

M. LEMIEUX: De toute façon, nous ne parlons pas uniquement de la question de disponibilité de fonds mais de fonds disponibles au meilleur taux possible. Si l'Office des autoroutes — ce n'est peut-être pas gentil de signaler une entreprise gouvernementale — voulait demain sortir une émission d'obligations, même garantie par la province, je suis persuadé qu'il paierait au moins 1/4 de 1 p.c. de plus que pour une émission de l'Hydro-Québec ou de la province de Québec.

Avec les sommes en jeu, il faut absolument trouver les fonds aux meilleures conditions possible. Nous parlons souvent de Churchill Falls. Mais, comme je l'ai dit la semaine passée, à Churchill on avait une compagnie qui avait tous les plans et devis. Elle avait $80 millions en actions. Elle avait un contrat avec l'Hydro-Québec pour l'achat d'énergie et elle avait une garantie de parachèvement. Ceci était la chose la plus importante. Même avec tout cela, elle a pu aller chercher la somme modeste de $500 millions, somme modeste vis-à-vis d'un projet comme celui que nous envisageons.

Il n'est pas possible de songer à faire des emprunts pour $5 milliards, d'ici 1980, quand les centrales commenceront à produire des revenus.

Nous prévoyons des emprunts par l'entremise de l'Hydro-Québec pendant les cinq prochaines années. Les besoins de l'Hydro-Québec, y compris le projet de La Grande, et aussi les échéances de nos obligations et les achats de fonds d'amortissement, tous ces besoins ne dépasseront pas $400 millions par année d'ici 1976.

Pourquoi s'inquiéter des modalités de finan- cement durant cette période? Les possibilités pour la société d'emprunter à long terme en 1972 sont presque nulles, sauf pour des montants qui ne seront pas très importants.

M. SAINT-PIERRE: Les montants requis pour l'exécution du projet, M. Lemieux, si l'Hydro-Québec les demande en fonction du projet de La Grande à $5.8 milliards et si vous avez besoin, en 1977, de $500 millions? Vous m'avez donné tantôt le cas hypothétique des autoroutes. Si l'Hydro-Québec tente d'obtenir $500 millions sur le projet de la baie James avec, suivant l'article 28, la garantie de la province — donc ça fait partie du programme d'emprunt de la province — et si, d'autre part, la Société d'énergie tente, pour le même projet, aux mêmes fins, d'obtenir, avec également la garantie de la province, $5.8 milliards, est-ce votre point de vue que la société ne pourra pas obtenir l'argent?

M. LEMIEUX: Je crois que l'Hydro offre plus aux prêteurs en ayant un pouvoir de gagner des revenus considérables durant les années courantes, qui offrent une garantie additionnelle aux prêteurs.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que M. Nadeau voudrait commenter cette même question? Vous avez une grande expérience sur le plan financier.

M. NADEAU: Si, encore une fois, nous modelons le projet de la baie James sur celui de Churchill Falls et que nous avons, entre la Société d'énergie et l'Hydro-Québec, un contrat, le même procédé qui s'est appliqué à Churchill Falls va s'appliquer ici. Churchill Falls, pendant les 5 ou 6 années de sa construction, n'a pas eu de revenus pour rembourser sa dette. Toutefois, celle-ci était moindre, mais les temps ont changé et la production de la baie James est plus élevée que celle de Churchill Falls. Le même processus va prendre place. Et c'est nettement l'impression que nous avons gardée des rencontres et des discussions que nous avons eues.

M. JORON: M. le Président, si vous me permettez une question.

M. LE PRESIDENT: Un instant, je voudrais réserver, au nom de la commission, toute observation ou commentaire autour des autoroutes ou leur pouvoir d'emprunt, puisque le ministre n'est pas ici. Au cas où il y aurait une divergence d'opinions, je pense qu'à ce moment-ci on ne considérera pas ces comparaisons.

Le député de Gouin.

M. SAINT-GERMAIN: Si je comprends bien, si l'Hydro-Québec veut rester le maître d'oeuvre du projet, vous voulez tout de même que tout soit financé par la compagnie d'électricité.

M. LEMIEUX: Par l'Hydro-Québec, voulez-vous dire?

M. SAINT-GERMAIN: L'Hydro-Québec veut rester le maître d'oeuvre des projets électriques de la baie James.

M. LEMIEUX: Oui, mais ce n'est pas cette question que je commente dans le moment. Je commente le financement. Je dis que nous pouvons trouver facilement les sommes nécessaires pendant les 5 prochaines années, que l'Hydro-Québec peut emprunter les sommes nécessaires pour ses propres fins et pour les fins de la Société d'énergie, et que, actuellement, la société n'a pas les données, plans, devis, contrats nécessaires pour financer, en 1972, à long terme. La Société pourrait immédiatement, sans doute, emprunter des banques des sommes limitées qu'on aura à rembourser plus tard, mais rembourser probablement au moment où nous aurons des emprunts encore plus considérables à prévoir. Il n'est pas du tout recommandable d'avoir recours à des emprunts à court terme d'ici cinq ans. Il est essentiel qu'on emprunte le plus possible, chaque année, à long terme.

Ces emprunts à long terme, en 72/73, peuvent être contractés par l'Hydro-Québec et, selon moi, ils ne pourront pas l'être avant que la société ait en main un contrat avec l'Hydro-Québec et, de préférence, une garantie de parachèvement. Cette garantie sera extrêmement difficile à fournir et pas du tout semblable au cas de Churchill Falls.

Maintenant, on pourrait aller en Europe, au nom de la société, emprunter $20 millions ici ou $30 millions parce qu'en Europe les emprunts ne dépassent pas d'habitude $30 millions et aussi parce qu'en Europe les gens sont moins sophistiqués, si vous voulez, qu'aux Etats-Unis. Mais, si on voulait aller aux compagnies importantes d'assurance aux Etats-Unis emprunter des sommes considérables, qui en vaudraient la peine, pour financer un tel projet, ces compagnies exigeraient sans doute la garantie de l'Hydro-Québec, c'est-à-dire le contrat avec l'Hydro-Québec, qui, en somme, représente une garantie par l'Hydro-Québec, en plus de la garantie de la province.

Je ne veux pas minimiser du tout l'importance de la garantie de la province, mais je dis, tout simplement, que, pour toucher des fonds aux meilleures conditions possible, les revenus de l'Hydro-Québec viennent s'ajouter à toutes les autres garanties et favorisent des emprunts aux taux les plus bas possible.

M. SAINT-GERMAIN: Mais, M. Dozois vient de mentionner que l'Hydro-Québec a fait une promesse...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. J'ai une demande de parole de la part de M. Nadeau; peut-être en réponse.

M. NADEAU: Cela ne sera pas long. M. Lemieux a, jusqu'à un certain point, raison. Maintenant, je vois trois moyens principaux de financer la Société d'énergie. Le premier, ça pourrait être, comme l'a dit M. Lemieux, des emprunts faits par le truchement de l'Hydro-Québec qui prête, ensuite, à la Société d'énergie. Le deuxième, c'est la Société d'énergie qui fait son propre programme d'emprunts ou de financement, en collaboration étroite avec l'Hydro-Québec. Enfin, troisièmement, un programme mixte où les emprunts seront effectués d'abord par l'Hydro-Québec et, à la mise en service des centrales, la société pourrait devenir elle-même emprunteuse.

Maintenant, quant à déterminer ce soir quelle est la meilleure façon, moi, j'aimerais consulter, justement, ceux à qui M. Lemieux faisait allusion tantôt, soit, ces gros prêteurs. Quelle est la formule qu'eux aimeraient mieux dans les circonstances? Est-ce qu'ils aimeraient mieux prêter directement aujourd'hui à la Société d'énergie, avec un contrat entre l'Hydro-Québec et la Société d'énergie? Est-ce qu'ils aimeraient mieux prêter à l'Hydro-Québec qui verserait ensuite des sommes à la Société d'énergie? Les trois formules sont possibles. Les trois formules offrent des avantages et des désavantages. Je pense qu'on ne peut pas décider ça ce soir. On ne pouvait pas déterminer cela avant de déterminer, au moins, où on s'en allait dans les travaux. Une fois cette décision prise, on peut discuter avec ces gens-là qui sont ouverts à la discussion et qui nous donnent la meilleure formule.

Personne n'a le monopole des idées dans ce domaine-là et je pense que ceux qui investissent des sommes peuvent nous guider et probablement mieux que nous ici, ce soir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Cela a répondu à ma question.

M. LE PRESIDENT: La réponse était dans la question.

M. JORON: Sur la question du financement, M. Nadeau a mentionné, il y a un moment, que des propositions lui avaient été faites, à la suite des rencontres qui avaient eu lieu avec des financiers.

M. NADEAU: Ce n'étaient que des discussions.

M. JORON: Vous avez eu des discussions. Alors, je veux vous demander, justement, si vous avez eu des propositions, quelle en était la nature, s'il y avait des engagements fermes et si, d'autre part — l'Hydro-Québec nous a présenté un programme d'emprunts, et d'investissements

pour tout le projet — vous étiez en mesure de présenter, à ce stade, le même bilan, si vous voulez, le même programme d'emprunt.

M. NADEAU: Enfin, vous me demandez si on a eu des propositions fermes. C'est impossible qu'on ait eu des propositions fermes; on ne savait même pas ce qu'on allait développer et combien coûterait ce qu'on allait développer. Donc, il était ridicule d'aller sur les marchés et de dire: Faites-nous des propositions fermes; on vous fait des demandes fermes.

Donc, on ne l'a pas fait, évidemment. Tout ce que nous avons fait, c'est de sentir le pouls. Je peux vous dire que les impressions sont extrêmement sympathiques. Maintenant, encore une fois, nous n'avons pas l'argent dans nos poches. J'ai soumis tantôt, pour répondre à votre question, trois façons différentes de financer le projet. Encore là, il faudrait, je crois, s'asseoir avec les gens qui ont les sommes à investir et dire: Quelle est la formule que vous préférez? Certains groupes ont pu indiquer une préférence pour la Société d'énergie, qui se tiendrait par elle-même, c'est-à-dire avec des contrats.

M. JORON: Quelles étaient les raisons principales de cette préférence de certains pour la Société d'énergie?

M. NADEAU: Cela diminuerait la fréquence des emprunts de l'Hydro-Québec. Si l'Hydro-Québec fait tous les emprunts elle-même... Et encore là, ce n'est pas une réponse définitive ou une solution au problème. Je pose cela comme étant un problème qui peut se poser. Si les apparitions de l'Hydro-Québec sur les marchés sont trop fréquentes, ça peut causer un tort à l'Hydro-Québec et vice versa.

J'ai dit aussi l'autre jour qu'il y avait certains avantages à créer trois entités, ce qui réduirait les fréquences de ces trois différentes entités. Encore là, ce sont des choses qui restent à déterminer et je ne pense pas qu'on puisse les arrêter ce soir d'une façon définitive.

M. JORON: Une dernière sous-question qui s'adresserait à l'Hydro-Québec sur la question du financement. On a évoqué à maintes reprises le cas de Churchill Falls. Evidemment, on a mentionné que le fait que l'Hydro-Québec était l'acheteur constituait en soi une garantie pour les prêteurs. Il y avait d'autres types de garanties, par exemple l'engagement à fournir les suppléments nécessaires — je ne sais pas les termes exacts — mais si on ne parvenait pas...

M. LEMIEUX: Garanties de parachèvement.

M. JORON: Garanties de parachèvement, voilà les termes que je cherchais. Est-ce que l'Hydro-Québec serait disposée à donner une garantie identique advenant un contrat, par exemple, avec la Société de développement de la baie James?

M. LEMIEUX: Ce n'est pas possible. Il n'est pas possible non plus de prévoir à un seul coût le financement complet comme on l'a fait pour Churchill Falls. J'aimerais préciser que je suis bien d'accord avec M. Nadeau pour dire qu'une formule mixte, à la longue, pourrait servir mais comme M. Nadeau le disait aussi, ce n'est pas du tout une décision que nous devons prendre aujourd'hui.

Prévoyant des emprunts, pas modestes mais raisonnables, d'ici cinq ans, je suggère qu'on est loin d'être obligé de prendre une décision sur cette question. Pour l'année 1972, je crois que la société est d'accord sur le fait que si elle a besoin de fonds, en plus des $50 millions que l'Hydro-Québec lui verse pour l'achat d'actions, ces fonds peuvent venir de l'Hydro-Québec. Pour l'an prochain, on verra en temps et lieu.

M. ROY (Beauce): M. le Président, question de règlement.

M. LE PRESIDENT: Un instant! Question de règlement.

M. ROY (Beauce): Nous étions à discuter tout à l'heure de la question de la gérance. Je ne veux pas être désagréable pour personne mais nous aurions encore des observations à faire relativement à la gérance et nous en sommes rendus au financement alors que nous ne savons même pas si le projet sera dirigé et administré par la Société d'énergie de la baie James ou par l'Hydro-Québec. Le problème peut se poser différemment. Je demande une directive, M. le Président. Si on aborde la question du financement, il faudrait tout de même terminer la question de la gérance.

M. LOUBIER: M. le Président, sur le point de règlement. Je m'apprêtais justement à soulever ce même genre de réflexion. Depuis quelques heures, j'ai l'impression qu'on se laisse ballotter sur une mer d'hypothèses, de perspectives, de possibilités. On assiste même — je le dis d'une façon très amicale — à de petites passes d'armes entre les différents groupes et même, à l'intérieur de chaque groupe, entre les individus. On le fait de bonne foi, j'en suis assuré, mais je pense que le député de Beauce a parfaitement raison de signaler que le noeud gordien que l'on doit trancher est de savoir tout simplement... Si on l'avait réglé cet après-midi, on serait peut-être rendu, à la grande joie du premier ministre, à 12,000 ou 15,000 emplois. Il en avait annoncé 125,000 mais là, on est resté à 3,000 depuis cet après-midi.

M. le Président, je pense que nous devrions, si possible, revenir à la question de la gérance afin que l'on sache au moins, à la fin de cette séance, si la gérance va être confiée à l'Hydro-Québec ou si elle va être confiée à l'Hydro-Québec par l'écran ou le biais de la Société d'énergie, ce qui revient au même. Quant à moi, c'est un paquet de chinoiseries.

M. le Président, je suggère très respectueusement à tous les membres de la commission et aux respectables compétences qui sont devant nous d'essayer de revenir à ce point capital de déterminer au moins ce soir qui aura la gérance. Cela fait deux ou trois semaines qu'on discute de cette fameuse gérance. Le président de la Société de développement est parfois très nuancé et dit que, sur le plan théorique, on peut avoir raison de prétendre que c'est l'Hydro-Québec en définitive qui aura la gérance puisque à la Société d'énergie l'Hydro-Québec est représentée majoritairement. D'autre part, en pratique, c'est différent.

Ce soir, une fois pour toutes — je pense que les journalistes et tout le monde seraient heureux d'avoir quelque chose de précis — il faudrait savoir si oui ou non ce sera l'Hydro-Québec qui aura la responsabilité de la gérance, quitte ensuite à y ajouter que l'Hydro-Québec peut, comme l'a signalé M. Gauvreau, donner des sous-contrats ou des secteurs de gérance à l'entreprise privée, etc. Mais le point important, capital et primordial, c'est de déterminer si ce sera l'Hydro-Québec qui aura la gérance. Est-ce que ce sera la Société d'énergie? Et, encore là, on dit que sur le plan théorique et, par prolongement, sur le plan pratique ce sera encore l'Hydro-Québec. Qu'on le dise donc une fois pour toutes ce soir. Je pense que le premier ministre pourrait intervenir et se servir du sceptre de son autorité pour trancher la question une fois pour toutes et faire en sorte qu'on sache quelque chose de précis. Il y a ensuite toutes les questions que j'ai posées, que le député de Gouin a posées, que le député de Beauce a posées concernant le financement. C'est bien évident, je n'ai pas été mêlé beaucoup aux finances dans mon court passage au pouvoir, mais M. Dozois l'était davantage et Dieu sait s'il avait une bonne paire de ciseaux. Sur la question de financement, l'Hydro-Québec doit avoir un prospectus à présenter lorsqu'elle fait des emprunts et on sait toujours que derrière l'Hydro-Québec ou la Société d'énergie il y aura toujours le gouvernement. Le ministre de l'Industrie et du Commerce sait fort bien aussi — on en a discuté un peu cet après-midi — en vertu de certains articles de la loi, article 27 ou je ne sais trop lequel, qu'en définitive c'est toujours le lieutenant-gouverneur en conseil qui peut intervenir.

Mais, pour la satisfaction du. grand public, qu'on détermine donc ce soir, si oui ou non, c'est l'Hydro-Québec qui a la gérance et on arrêtera de pérorer autour de tout cela.

M. JORON: Sur le point d'ordre, M. le Président, je suis d'accord avec le député de Bellechasse. Je veux rappeler que c'était justement dans ce sens qu'au début de la séance de ce soir je souhaitais moi-même qu'avant la fin de cette séance le gouvernement intervienne pour lever l'équivoque, car il y en a une équivoque. C'est que, d'une part théorique- ment, on prétend que le contrôle de l'Hydro-Québec de la Société d'énergie est suffisant. D'autre part, les témoignages des gens de l'Hydro-Québec nous disent qu'en pratique cela ne se traduit pas par un contrôle suffisant pour assurer la gérance. Nous avons prétendu — le député de Bellechasse vient de le redire et je le dis également — que finalement il appartient au gouvernement de trancher ce qu'il a appelé le noeud gordien. C'est ce que nous attendons, à ce moment-ci, du premier ministre.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres commentaires sur le point d'ordre?

M. LOUBIER: Oui, le premier ministre.

M. SAINT-GERMAIN: Le chef de l'Opposition appelle toutes ces choses des chinoiseries. J'avoue que pour un profane comme moi...

M. LOUBIER: Bien disons que c'est au sens figuré.

M. SAINT-GERMAIN: Oui. Mais pour un profane comme moi, c'est un peu de la chinoiserie aussi. Alors, j'aimerais poser quelques questions bien simples.

M. LOUBIER: Mais au moins, par votre profession vous pouvez voir plus clair que nous autres!

M. SAINT-GERMAIN: J'aimerais, si vous le voulez bien, par quelques questions bien simples essayer de situer ces questions de relations. Je prends, par exemple, M. Boyd et je lui demande: Est-ce que vous faites partie de la direction de la Société d'énergie?

M. BOYD: Non.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous en avez déjà fait partie?

M. BOYD: Non.

M. SAINT-GERMAIN: Alors, si c'est la Société d'énergie qui est le maître d'oeuvre, quel va être, premièrement, votre rôle? Deuxièmement, si c'est l'Hydro-Québec qui est le maître d'oeuvre, quel va être votre rôle?

M. LOUBIER: Vous pouvez revenir la semaine prochaine pour répondre, non?

M. LE PRESIDENT: Je vais vous demander, messieurs, s'il ne serait pas mieux peut-être de continuer dans la finance?

M. LOUBIER: Je pense que cela ferait l'affaire de M. Boyd.

M. BOYD: Non, je ne vois pas le pourquoi des questions personnelles, mais je peux quand

même répondre. Je ne suis pas au bureau de direction de la Société d'énergie, c'est connu, on a nommé ceux qui y étaient. Ce sont MM. Giroux, Dozois et DeGuise qui représentent l'Hydro-Québec. Je suis commissaire à l'Hydro-Québec. Je suis employé à plein temps. J'y suis depuis 28 ans. Je ne sais pas si je puis ajouter, ce sont des notes personnelles...

M. LE PRESIDENT: Non, un instant. Je ne permettrai pas la question pour la simple question qu'il s'agit ici d'entrer dans un problème de personnalité et d'individu.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Je ne crois pas que cette question...

M. SAINT-GERMAIN: Je veux bien m'expliquer, M. le Président. J'aurais pu prendre un autre nom, mais je veux bien situer quelle sera la responsabilité d'un commissaire de l'Hydro-Québec, si c'est la Société d'énergie qui est le maître d'oeuvre, et quelle serait la responsabilité du même commissaire de l'Hydro-Québec si c'était celle-ci le maître d'oeuvre. Ce n'est pas une question de personnalité. Je veux faire des comparaisons entre les deux responsabilités. J'ai nommé M. Boyd à titre de commissaire, je veux être bien clair là-dessus. C'est à titre de commissaire. Je veux savoir quelle sera la responsabilité d'un commissaire de l'Hydro-Québec si c'est la Société d'énergie qui est le maître d'oeuvre et quelle sera sa responsabilité vis-à-vis du projet si c'est l'Hydro-Québec qui le maître d'oeuvre. Ce n'est pas une question personnelle.

M. LE PRESIDENT: Il y a tellement de si dans cette question que ça devient quasiment et presque hypothétique. Advenant ceci ou advenant cela.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, il y a deux hypothèses possibles.

M. LE PRESIDENT: Non, je regrette. Nous ne devons pas nous aventurer...

M. SAINT-GERMAIN: Alors, je pose une question générale.

M. LE PRESIDENT: Allez-y.

M. SAINT-GERMAIN: Quelle sera la responsabilité d'un commissaire de l'Hydro-Quêbec vis-à-vis de ce projet si l'Hydro-Québec est le maître d'oeuvre et quelle sera la responsabilité de ce même commissaire si c'est la Société d'énergie qui est le maître d'oeuvre?

M. LE PRESIDENT: Il vous faudra trouver quelqu'un pour répondre.

M. SAINT-GERMAIN: Si M. Boyd veut me répondre, très bien. Si un autre commissaire veut me répondre, c'est très bien aussi.

M. BOYD: Je veux répondre à cela du mieux que je peux. Si c'est l'Hydro-Québec qui est le maître d'oeuvre, les cinq commissaires vont avoir une responsabilité immédiate de tous les jours, 24 heures par jour, sept jours par semaine, parce que c'est comme ça qu'on va faire à l'Hydro-Québec.

Si la responsabilité demeure à la Société d'énergie, certains commissaires vont participer à l'administration peut être une fois par semaine, plus ou moins, suivant les besoins du conseil d'administration. En plus la responsabilité des commissaires, si c'est à la Société d'énergie qui est maître d'oeuvre, est de voter comme actionnaires. Alors chacun des membres de la commission a une action en plus des 700,000 autres que l'Hydro-Québec détient.

La responsabilité de voter comme actionnaires, nous en avons parlé précédemment, nous avons dit que c'était un genre d'opération négative. Le bureau de direction de la Société d'énergie, par sa charte, doit présenter à l'assemblée des actionnaires — je simplifie, ceux qui veulent en avoir davantage pourront lire la charte — tout ce qui peut affecter le coût du projet. Le bureau de direction présente des projets à l'assemblée des actionnaires, c'est une formule qui est lente et qui est lourde. Elle doit présenter des décisions à prendre par les actionnaires, tel que prévu par la charte. Les actionnaires disent oui ou non.

M. LE PRESIDENT: Merci. Le ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE (Arthabaska): Deux questions d'information, toujours sur l'aspect de la gérance. D'abord, on sait que l'année dernière l'Hydro-Québec préconisait le complexe sud; maintenant, cette année, on préconise d'aménager en premier le complexe La Grande. Entretemps, il y a eu des études de faites et je sais que la Société d'énergie de la baie James n'a pas, évidemment, d'expérience. On ne peut pas dire qu'elle a plusieurs années d'activité dans ce domaine. D'autre part, j'aimerais demander â M. Nadeau si, effectivement, il a eu à agir au niveau de l'hydro-électricité, à la Société d'énergie ou à la Société de développement?

M. NADEAU: En réponse à la question de M. Massé, il semblait évident que le choix de l'Hydro-Québec était arrêté ou, du moins, elle recommandait fortement le complexe sud. Le rôle de la Société a été de recommander et de faire valoir l'importance de développer d'abord le complexe nord, qui s'avérait, à notre sens, beaucoup plus économique et beaucoup plus rentable. Nous avons même poussé les études sur le complexe nord de façon à optimaliser ce même complexe, pour en arriver à la conclusion que nous pouvions développer sur le complexe

nord un total de 12,550 mégawatts, au coût global de $7,100 millions.

Cela a été un peu le rôle que la Société de développement a joué dans ces choix.

M. MASSE (Arthabaska): Etait-ce la Société d'énergie ou la Société de développement?

M. NADEAU: La Société d'énergie avec la Société de développement.

M. MASSE (Arthabaska): D'accord.

M. NADEAU: Evidemment, la Société de développement a aussi pris d'autres facteurs en considération dans ses recommandations, tels que les forêts, les mines, l'écologie, les autochtones, etc.

M. MASSE (Arthabaska): Deuxième question, M. le Président.

M. BOYD: M. le Président, est-ce que le ministre permettrait que j'ajoute à la réponse?

M. MASSE (Arthabaska): Allez-y.

M. DEGUISE: Je n'ai pas la date à laquelle la Société de développement a été créée mais j'ai des extraits d'un rapport de mars 1971, d'un ingénieur-conseil sur la Grande. Je ne me souviens pas si la société a été créée avant ou après mais, en mars 1971, il y a tout de même un rapport qui a été fait par un bureau d'ingénieurs-conseils.

Si la société n'existait pas, il faut que ce soit à la demande de l'Hydro-Québec.

M. LOUBIER: C'est après le 29 avril 1971, après le Cotisée.

M. DEGUISE: Le 16 juillet.

M. LOUBIER: Il y a eu une grande fête, ce soir-là.

M. DEGUISE: Mars 1971. L'Hydro-Québec avait déjà commencé des études avant que la Société de développement soit là. Je ne vois pas tellement le but de la question.

M. NADEAU: Avant la date où la société est entrée en fonction, on semblait fortement recommander le NBR, alors que la Société de développement s'est penchée sur le complexe nord pour le faire valoir. Il est vrai que l'Hydro-Québec avait étudié, par les ingénieurs-conseils, le complexe nord.

M. MASSE (Arthabaska): D'accord. Une deuxième question. Vous avez, évidemment, énuméré plusieurs avantages à ce que la gérance soit confiée à la Société d'énergie. Vous avez mentionné que cela assurerait moins de permanence au niveau du personnel de l'Hydro-Qué- bec avec tout le problème de coordination des activités hydro-électriques et des autres activités de la Société de développement. On a mentionné un rôle de contrôle de la Société d'énergie. D'autre part, est-ce qu'il y aurait d'autres avantages qui viendraient s'ajouter si la Société d'énergie avait la responsabilité d'assumer ou de donner la gérance?

M. NADEAU: Je ne suis pas sûr, M. Massé, de saisir la question.

M. MASSE (Arthabaska): On a mentionné plusieurs avantages à ce que la gérance soit donnée à la Société d'énergie. On a mentionné que, s'il y avait gérance par l'entreprise privée, cela évitait à l'Hydro-Québec de nouveaux engagements de personnel. On a dit que, par la Société d'énergie, cela permettrait un meilleur contrôle, etc. Mais, dans tout ce qui a été mentionné, est-ce qu'il y a d'autres avantages que vous auriez à ajouter?

M. NADEAU: Je crois que la coordination serait plus facile quant au développement des autres richesses, d'abord. Vous avez mentionné le fait d'engager une gérance par l'entreprise privée au lieu de l'Hydro-Québec. C'est qu'on éviterait, évidemment, de créer des cadres additionnels à l'Hydro-Québec, cadres qui seraient appelés à disparaître éventuellement si c'était l'entreprise privée, mais qui deviendraient permanents si c'était l'Hydro-Québec, je crois. Alors, c'est déjà un avantage. On n'accroît pas l'ampleur de la boutique, mais on la maintient pour plus d'efficacité dans les opérations.

M. BOURASSA: M. le Président, si on me permet d'intervenir...

M. NADEAU: Il y a aussi d'autres avantages. Je crois qu'on l'a mentionné plus tôt à cette commission. C'est que l'Hydro-Québec, éventuellement, devra se diriger vers le nucléaire. C'est inévitable. L'hydro-électricité n'est pas une source intarissable. L'Hydro-Québec pourrait concentrer ses efforts sur l'entraînement de son personnel technique vers le nucléaire qui deviendra un fait auquel on devra faire face d'ici quelques années.

M. BOURASSA: Pour ce qui a trait à la position du gouvernement, je pense que j'ai eu l'occasion, au début de la semaine, de l'exprimer. On a signalé tantôt — on l'a fait de bonne foi — qu'il y avait beaucoup de discussions inutiles aujourd'hui. Je ne crois pas que ces discussions soient inutiles, si l'on considère que la commission parlementaire joue un rôle d'information.

D'ailleurs, ce n'est pas nous qui l'avons convoquée de nous-mêmes, même si nous étions entièrement d'accord pour la convoquer. C'est à la suite de représentations qui ont été faites, et de la part du chef de l'Opposition officielle et

des deux autres partis. Alors, je ne puis pas accepter qu'on accuse la commission d'avoir fait un travail inutile aujourd'hui.

La position du gouvernement, c'est l'application de la loi 50. Dans la loi 50, on a une filiale où l'Hydro-Québec a la majorité. On a fait état, aujourd'hui, que la filiale ne s'était pas réunie encore qu'elle n'avait pas encore pris de décision et qu'il n'y avait pas eu de réunion formelle où la filiale aurait donné le contrat de gérance à l'Hydro-Québec. Je pense que c'est à cette réunion de la filiale, que le contrat de gérance sera donné, si une majorité d'administrateurs est d'accord pour donner ce contrat.

Le gouvernement a dit que lui, il a, en juillet 1971, proposé un projet de loi et apporté des amendements qui impliquaient, à ce moment-là, qu'il ne voyait aucune espèce d'objection à accorder la gérance à l'Hydro-Québec. Mais à l'intérieur de ce cadre, c'est la filiale, où l'Hydro-Québec a la majorité qui, disons, fera la recommandation.

Il n'y a pas de doute que d'ici à ce que la filiale prenne sa décision, il y aura des communications de part et d'autre avec les intéressés. On a entendu plusieurs expressions d'opinions. Un commissaire a demandé un peu de délai. On a parlé du rôle des entreprises privées. Comme chef du gouvernement, comme individu et comme libéral également, puisque c'est nous qui avons étatisé les compagnies d'électricité, je pense qu'à compétence égale, nous avons un préjugé favorable pour l'Hydro-Québec. Dans le cas qui nous occupe ici, on doit également constater que les entreprises privées québécoises, d'après ce qu'a dit M. Boyd, auront toutes l'occasion de se faire valoir, étant donné la très grande importance des contrats.

Par ailleurs, c'est également la responsabilité du gouvernement, avec un projet d'une telle ampleur, de prendre toutes les mesures nécessaires ou de faire prendre toutes les mesures nécessaires pour le contrôle des coûts. On a eu des exemples depuis dix ans. On en a dans d'autres secteurs. Il est donc important que le gouvernement, lorsque plusieurs milliards sont en jeu, voie à ce que les coûts soient au minimum.

Il y a des formules qui ont été suggérées, pour le contrôle des coûts. Evidemment, je ne crois pas qu'on doive demander à l'Hydro-Québec ou à la Société de développement de la baie James ou au gouvernement de trancher aujourd'hui si on doit recourir à une consultation avec une firme américaine. J'ai dû descendre à la commission des affaires culturelles. Je ne sais pas si les députés se sont exprimés sur cette question. Encore là, nous croyons que la priorité doit être donnée aux entreprises québécoises, mais il est normal que nous examinions les arguments qui peuvent être avancés par l'Hydro-Québec ou par la Société de développement de la baie James. Si elles croient qu'il est absolument nécessaire de recourir à une autre firme, je pense qu'il est normal que nous examinions ces arguments, même si le principe de notre politique est d'accorder la priorité aux entreprises québécoises.

Je puis maintenant répondre à toutes les questions.

M. LOUBIER: M. le Président, je voudrais tout simplement dire au premier ministre que c'est littéralement un capitaine merveilleux d'une arche de Noé moderne. Lorsqu'on a dit, tout à l'heure, que l'on tournait en rond, c'est que — le président de la commission l'a souligné, le député de Gouin l'a souligné, le député de Beauce l'a souligné — depuis des heures, on nage dans toutes les hypothèses possibles et impossibles, mais on n'a pas déterminé — c'est ce que j'attendais du premier ministre, lorsqu'il a demandé la parole, et il semble y avoir non seulement divergence mais une certaine tour d'ivoire qui s'établit entre la Société de développement de la baie James, d'une part, et les commissaires de l'Hydro-Québec — on ne semble pas vouloir déterminer — il me semble que c'est tellement facile — qui aura la gérance.

M. BOURASSA: Si je peux me permettre, M. le Président...

M. LOUBIER: Si le premier ministre me permet de terminer. Je pense que le premier ministre veut jouer un petit peu la naiveté avec nous parce qu'il sait fort bien que, comme chef du gouvernement — on l'a signalé tout à l'heure — il y a des dispositions dans la loi. Il a son poste de responsabilité et d'autorité. Je pense que le premier ministre pourrait l'exercer facilement et nous aider à trancher cette question, au lieu de s'en remettre à une rencontre ultérieure. Ce sont tout de même les créatures du premier ministre! Je me souviens qu'à l'époque, le premier ministre nous avait — vous n'étiez pas là — fait un exposé magistral sur toutes les merveilles que devait produire la planification horizontale. Il appelait cela, à l'époque, des structures horizontales.

Or, M. le Président, on est complètement perdu dans tous les horizons. Avec les structures qui ont été mises au monde par le premier ministre, étant donné que ce sont ses bébés à lui, il doit les connaître un petit peu mieux que nous. Il pourrait éviter tout ce tâtonnement que l'on connaît depuis quelques semaines. Je ne dis pas dans un sens péjoratif que nous perdons inutilement de notre temps.

Je ne dis pas non plus que les commissaires et le président de la Société de développement et tous ceux qui ont pris la parole ont versé dans le verbalisme ou ont tenu des propos qui ne se tiennent pas. Pas du tout. Nous avons demandé à maintes reprises — les trois partis d'Opposition — la convocation de cette commission parlementaire, mais nous voulons tout de même que cette commission parlementaire puisse sortir quelque chose de concret. Evidemment, ça nous a donné des jalons, des préci-

sions, des perspectives, ça nous a permis de comprendre davantage l'ampleur, la complexité du problème de l'aménagement, mais on voudrait bien — surtout qu'on est au terme de ces rencontres — finir avec quelque chose de concret. Et si on pouvait au moins établir la responsabilité de la gérance, il me semble qu'on aurait fait un grand bout de chemin et qu'on pourrait discuter de façon beaucoup plus positive.

M. BOURASSA: Je ferai remarquer bien amicalement au chef de l'Opposition qu'une commission parlementaire n'est pas un organisme de décision. Et deuxièmement, je lui ferai remarquer qu'il n'y a personne au-dessus de la loi — y compris le premier ministre — et la loi 50 dit clairement que c'est la filiale qui doit prendre la décision. J'ai dit tantôt qu'il y aurait sûrement des discussions.

Ce que me demande le chef de l'Opposition, c'est de dire à la filiale qui va avoir une réunion cette semaine ou la semaine prochaine: Vous allez décider telle chose.

M. LOUBIER: Le premie» ministre comprend fort bien — s'il a suivi la discussion, et je sais qu'il est intéressé aux propos qui ont été tenus — qu'on se ramasse avec une Société d'énergie et l'on dit que cette Société d'énergie sera majoritaire, tant par ses membres que par la participation financière de l'Hydro-Québec, et que c'est cette société-là qui déterminera le mandat de la gérance.

Pourquoi passer par tout ce dédale-là et ne pas établir immédiatement que l'Hydro-Québec a l'autorité, aura la gérance, quitte par la suite, subséquemment, selon ses possibilités et — comme on l'a signalé tout à l'heure — selon ses ressources, à donner des sous-contrats ou encore morceler cette gérance et en donner une partie soit à l'entreprise privée ou d'autres façons. C'est ça que nous voudrions savoir surtout.

M. BOURASSA: Comme je viens de le dire au chef de l'Opposition, nous avons entendu différentes opinions de la part des commissaires de l'Hydro-Québec et des dirigeants de la Société de développement de la baie James, et des dirigeants de la filiale. On dit qu'on ne s'est pas encore réuni. Nous nous réunissons en commission parlementaire, pas en conseil des ministres. J'ai fait valoir la position du gouvernement qui a été rendue publique il y a plus d'un an. Il y a toutes sortes de points de vue qui sont exprimés et on dit: La filiale va se réunir, elle va prendre une décision. Il va y avoir des communications entre les deux groupes et entre le gouvernement. Et je ne vois pas comment, comme chef de gouvernement, j'imposerais immédiatement ce soir à la filiale d'adopter une telle décision après ce qu'on a entendu au cours de la journée.

M. LOUBIER: A moins que le premier ministre préfère bâtir une tour de Babel, comme on est en train de faire là.

M. JORON : Est-ce que le premier ministre me permettrait une question? Doit-on conclure, de votre déclaration de ce soir, qu'à toutes fins pratiques vous donnez le feu vert à l'Hydro-Québec de se prévaloir de sa majorité à la Société d'énergie, de façon à se donner ce contrat-là à elle-même dans le plus bref délai?

M. BOURASSA: J'ai dit en des termes relativement similaires que si l'Hydro-Québec — c'est un vote de confiance que nous lui avons donné en adoptant la loi 50 — décide de s'octroyer le contrat de gérance, le gouvernement n'y mettra certainement pas d'objection.

M. ROY (Beauce): Après les remarques que l'honorable premier ministre vient de faire, je pense que nous allons sortir de la commission ce soir pas plus avancés que nous ne l'étions il y a deux semaines, parce qu'on ne prend pas les moyens d'examiner le problème là où il se situe. Je me réfère tout simplement à l'organigramme que nous a fait au début de la séance de l'après-midi M. Nadeau, alors qu'il a indiqué sur le tableau qu'en haut il y avait le Québec, le gouvernement provincial, d'un côté il y avait la Société, de développement de la baie James, de l'autre côté il y avait l'Hydro-Québec, et les deux formaient ce qu'on appelle la Société d'énergie de la baie James.

Je pense que tout le problème à l'heure actuelle découle du fait que nous avons des hommes très compétents, des hommes d'affaires avertis qui veulent marcher sur une base d'affaires, mais qui sont dans une position inconfortable de part et d'autre. Premièrement, on semble vouloir donner les pouvoirs à la Société de développement de la baie James sans lui en donner les moyens, et d'un autre côté, on impose des responsabilités à l'Hydro-Québec parce qu'elle a les moyens sans lui donner les pouvoirs.

Il me semble que le problème est là et je pense que le gouvernement, en face de ce fait, devra examiner la situation. La responsabilité incombe au gouvernement lui-même parce que je trouve anormal, dans quelque entreprise que ce soit, qu'on accorde des pouvoirs sans donner des moyens ou encore qu'on accorde des responsabilités à quelqu'un sans lui donner des pouvoirs.

A l'heure actuelle, ...

M. BOURASSA: M. le Président, si je peux me permettre, pour éclairer le député qui essaie de m'éclairer à son tour, je ne comprends pas...

M. LOUBIER : Cela va finir par la Banque du Canada.

M. BOURASSA: C'est-à-dire que je comprends un peu l'impatience du chef de l'Opposition officielle qui est un homme d'affaires et qui est pressé d'agir, mais je ne comprends pas qu'on demande au gouvernement, aujourd'hui, alors qu'il n'y a eu aucune recommandation de faite à la filiale... Cela signifierait que théoriquement le gouvernement pourrait dire que c'est l'Hydro-Québec qui va avoir la gérance, et l'Hydro-Québec la semaine prochaine, théoriquement, pourrait décider pour toutes sortes de raisons qu'elle ne prendra pas la gérance et le gouvernement imposerait à l'Hydro-Québec de prendre la gérance, même si elle décidait de ne pas la prendre.

Ce que je dis, c'est que si l'Hydro-Québec veut avoir la gérance elle a tous les moyens de se la donner.

M. LOUBIER: Mais, M. le Président, si vous permettez...

M. LE PRESIDENT: Un instant là. Il faudrait éviter de tourner en rond. Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je disais donc qu'à l'heure actuelle, on accorde des responsabilités à l'Hydro-Québec du fait de son pouvoir de financement et on semble vouloir accorder à l'Hydro-Québec par ricochet, du fait qu'elle contrôle 51 p.c. des actions, le pouvoir de décider puisqu'elle doit intégrer, selon la loi, son bilan à son bilan consolidé. C'est ça qu'on a dit, je pense, ce soir.

A partir de ce fait, on peut se demander, dans quelle position inconfortable se trouve ceux qui ont à diriger la Société d'énergie de la baie James. Je pense que tout le problème est là, M. le Président, je le souligne à l'attention du premier ministre. D'un côté vous avez un organisme à qui on donne des pouvoirs, et la loi est là, mais qui n'a pas les moyens, et d'un autre côté, parce que l'Hydro-Québec a les moyens, on lui confie des responsabilités, mais sans avoir les pouvoirs de décision parce que les pouvoirs de décision se trouvent au niveau de la Société d'énergie de la baie James, du fait que le premier ministre a dit lui-même qu'il voulait contrôler les coûts et peut-être autre chose. M. le Président, je pense tout simplement qu'en face de ces faits le gouvernement n'a pas d'autre choix, il devra peut-être amender la loi. Je pense que, dans cette situation, le gouvernement lui-même est mal "enculotté", comme dirait le député de Chicoutimi.

M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre tout à l'heure me pointait très gentiment pour essayer de faire appel à mon sens pratique, mais je dirai au premier ministre qu'il mettait tout au conditionnel, alors que l'Hydro-Québec, M. Giroux, le président, et les autres ont établi d'une façon absolue qu'il était essentiel que la gérance soit confiée à l'Hydro-

Québec. Or, le premier ministre ne peut pas aujourd'hui nous dire: Bien, si l'Hydro-Québec jugeait à propos... C'est déjà jugé à propos et c'est déjà inscrit, M. le Président, inséré dans les mémoires, dans les représentations de l'Hydro-Québec.

M.BOURASSA: D'accord. Qu'on convoque une réunion de la filiale puis ça va être réglé.

M. LOUBIER: Or, partant de là, M. le Président, je pense que si le premier ministre se sent — je le comprends — un peu dans l'eau bouillante avec toutes ces structures horizontales, peut-être...

M. BOURASSA: Pas du tout. Pas du tout.

M. LOUBIER: Je comprends que, s'il avait près de lui un conseiller tout à fait spécial on aurait peut-être d'autres explications sur toutes les structures et sur tout ce "mêlâillage" qu'on est en train de faire. De toute façon, le président me soulignait, tout à l'heure, qu'il commençait à se faire tard, qu'il serait bon que l'on prenne un sommeil bien mérité par tous, que la nuit porte conseil, etc. Mais, au moins, si on pouvait avoir la consolation, notre petite pitance, de savoir si, oui ou non, ce sera l'Hydro-Québec ou si on s'en rapporte à une réunion de la filiale qui, elle, décidera peut-être, selon la conjoncture ou tout ce que vous voudrez, que ce sera l'Hydro-Québec ou pas. Je pense que c'est le point crucial, en fait.

M. BOURASSA: M. le Président, le chef de l'Opposition s'obstine peut-être à ne pas comprendre. Il mentionne le fait que l'Hydro-Québec a décidé d'obtenir la gérance. A ce compte-là, l'Hydro-Québec n'a qu'à convoquer la filiale et on le verra.

M. LOUBIER: Cela fait deux ans que j'essaie de comprendre le premier ministre et je ne suis pas capable.

M. JORON: Si vous le permettez, j'aurais une question à poser à M. Nadeau dans cette optique. A titre de président de la Société d'énergie, il lui appartient de convoquer la prochaine réunion du conseil d'administration de la société. Quand prévoit-il qu'elle aura lieu, d'une part? D'autre part, advenant qu'à cette réunion la majorité, qui appartient à l'Hydro-Québec, décide de confier la gérance à l'Hydro-Québec, comment, à partir de là, entrevoit-il le rôle de la Société d'énergie et son rôle comme président de cette société?

M. NADEAU: Pour répondre à votre première question, il appartient au président du conseil d'administration de convoquer une assemblée ou, à défaut, aux administrateurs. Je crois qu'il serait opportun que nous en ayons une aussitôt que possible afin de discuter de ces sujets.

Quant à la deuxième partie de votre question, advenant le cas où un blanc-seing serait donné à l'Hydro-Québec, je ne vois pas quel pourrait être le rôle de la Société d'énergie et, conséquemment, de son président.

M. LOUBIER: Quand y aura-t-il convocation?

M. NADEAU: Je crois que nous devrions avoir une réunion la semaine prochaine.

M. LOUBIER: Une réunion de la Société de développement de la baie James?

M. NADEAU: De la Société d'énergie.

M. LOUBIER: Ce sera la semaine prochaine qu'une décision sera prise, fort probablement, quant à la gérance?

M. NADEAU: Je ne crois pas qu'une décision soit nécessairement prise la semaine prochaine, mais on pourra certainement en discuter.

M. LOUBIER: Qui fait l'ordre du jour de la réunion?

M. NADEAU: Le secrétaire.

M. LOUBIER: Sous les ordres du président?

M. NADEAU: Du président du conseil et d'autres membres du bureau.

M. LOUBIER: Le président du conseil a-t-il l'intention de mettre à l'ordre du jour la question de la gérance, la semaine prochaine?

M. NADEAU: Je ne suis pas le président du conseil.

UNE VOIX: C'est M. Giroux.

M. NADEAU: M. Giroux est président du conseil; les autres membres du bureau de direction peuvent aussi mettre des sujets à l'ordre du jour pour fins de discussion et de décision.

M. JORON: Me permettez-vous une question? Est-ce que quelqu'un remplace M. Giroux par intérim pendant son absence? Il est à l'hôpital, si j'ai bien compris.

M. NADEAU: M. Lemieux.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président... M. NADEAU: A l'Hydro-Québec.

M. JORON: A l'Hydro-Québec, mais comme président du conseil de la Société d'énergie? A ce moment-là, il y a un siège vacant.

M. NADEAU: Selon l'article 31, je crois que je représente le président du conseil.

M. JORON: En cas d'absence? M. NADEAU: En cas d'absence.

M. JORON: Quel est le quorum de vos assemblées?

M. NADEAU: Trois.

M. LOUBIER: Le quorum est de trois?

M. NADEAU: Sur cinq.

M. LE PRESIDENT: «Pavais déjà donné la parole au député d'Abitibi-Ouest.

M. LOUBIER: Les autres ont besoin de surveiller leur santé, ceux de l'Hydro-Québec.

M. AUDET: A la suite des déclarations du député de Bellechasse et de tous les membres de la commission, je crois que nous sommes unanimes à désirer que l'Hydro-Québec possède cette gérance. Je crois que tous les commissaires de l'Hydro-Québec, en général, ont manifesté le désir d'avoir cette gérance ici, ce soir. La seule personne qui pourrait s'opposer à cela semble être le président de la Société de développement de la baie James.

Est-ce que le président a des arguments solides et sérieux à l'effet que l'Hydro-Québec ne semblerait pas être un agent efficace?

M. NADEAU: Vous me posez la question? Je vais vous dire que je conçois opérer selon la loi 50 qui dit, à l'article 16, encore une fois — et je vais relire le texte — "... le développement des ressources hydro-électriques, la production et la distribution de l'électricité dans le territoire, ainsi que sa transmission seront effectués par une compagnie constituée en vertu de l'article 21 qui suit, dont au moins la majorité des actions, comportant un droit de vote..." ainsi de suite.

M. AUDET: Maintenant, vu que nous savons...

M. NADEAU: Alors, si je m'en tiens aux termes de la loi...

M. AUDET: L'Hydro-Québec détient majoritairement les actions de cette société.

M. NADEAU: D'accord.

M. AUDET: Je crois réellement que là encore...

M. LE PRESIDENT: Je rappelle à l'ordre le député d'Abitibi-Ouest. Au moins à deux occasions nous sommes entrés dans ce détail et on a donné ces renseignements. Je pense qu'en l'occurrence, à ce moment-ci, il faudrait que le député lise le journal des Débats où il trouvera tous les commentaires, toutes les références et toutes les réponses.

Je ne veux pas continuer à tourner en rond sur le même sujet.

M. AUDET: Vous auriez pu me laisser faire. Je voulais justement poser une question directe au président de la Société de développement.

M. LE PRESIDENT: Voyez-vous, le problème? C'est qu'on recommence encore le même tour d'horizon. Alors si vous avez d'autres questions différentes de celles que vous avez posées depuis quelques minutes, posez-les.

M. LOUBIER: Il faut éviter de poser, je pense, des questions pertinentes, de la façon dont ça marché...

M. AUDET: Posez-en donc! Peut-être que vous allez avoir de meilleures faveurs.

M. BOURASSA: M. le Président, je suis bien patient pour écouter toutes les questions des députés. Evidemment, je ne suis pas d'accord avec le chef de l'Opposition qui soutient que c'est une discussion inutile, puisque ça informe les intéressés.

M. LOUBIER: M. le Président, je soulève un point de règlement. Le premier ministre semble vouloir se faufiler dans les coulisses, "abrier" tout ça en accusant le chef de l'Opposition de trouver la commission inutile. Je dis, comme mes collègues, que l'on n'avance pas malgré la bonne volonté, malgré les propos tenus et répétés mille et une fois par les experts, justement parce que la question fondamentale n'a pas été vidée et il n'y a rien eu de tranché de façon définitive.

M. BOURASSA: Une commission parlementaire n'est pas un organisme de décision. Je crois que cela a été demandé, et je pense que c'est le chef du Parti québécois, lui-même, qui suggérait qu'on puisse discuter ou entendre les intéressés avant que la décision soit prise, si ma mémoire est bonne.

M. JORON: M. le Président, j'aurais une question à poser au premier ministre, si vous le permettez.

Je voudrais lui demander si le gouvernement a l'intention de nommer un remplaçant intérimaire à M. Giroux au conseil d'administration de la Société d'énergie.

Je comprends que c'est le gouvernement qui nomme les commissaires sur la recommandation de l'Hydro-Québec. Etant donné qu'il y a un siège vacant temporairement, est-ce que le gouvernement entrevoit nommer un remplaçant à ce siège pour le moment vacant, vu l'importance des décisions qui devront être prises aux prochaines réunions de ce conseil d'administration?

M. BOURASSA: Il paraît évident pour le gouvernement et pour tous, je pense, que si M. Giroux ne pouvait pas assister aux réunions importantes, son remplaçant devrait exprimer le point de vue de M. Giroux. J'en discuterai avec lui.

M. JORON: Et prendre sa place au conseil d'administration de la Société d'énergie.

M. BOURASSA: Il n'est pas question de prendre des décisions d'une telle importance en l'absence du président de l'Hydro-Québec, ou de profiter de son absence pour orienter la décision dans un sens différent. Je pense que cela va de soi.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Nadeau. Il a annoncé tout à l'heure qu'il y aurait une réunion la semaine prochaine. J'aimerais que M. Nadeau nous rassure parce que, franchement, je pense que le problème reste entier, que le problème reste posé au complet. Vous avez, d'un côté, la loi de la Société de développement de la baie James avec sa Société d'énergie et d'un autre côté, vous avez la réalité dans laquelle se trouve l'Hydro-Québec. A la réunion de la semaine prochaine, c'est peut-être une question hypothétique, soyez bien à l'aise pour me répondre, est-ce que vous croyez qu'il y a possibilité d'accorder les deux parties, dans les structures actuelles, telles qu'elles sont?

M. NADEAU: Oui, je crois qu'avec un peu de bonne volonté, on peut y arriver.

M. ROY (Beauce): Comme cela, on peut partir d'ici, ce soir, sur une note d'optimisme, selon vous.

M. NADEAU: Je le crois.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on pourrait demander la même chose à M. Boyd?

M. BOYD: Moi, je levais la main, non pas pour répondre à une question, mais parce qu'on a mentionné à quelques reprises, dernièrement, l'absence de M. Giroux. Je lui ai parlé, ce matin et il m'a demandé de communiquer un message à la commission. Il a appris par la radio qu'il y avait des rumeurs de sa démission, alors il m'a demandé d'insister pour que tout le monde le sache. Il est en très bonne santé, bien qu'il soit à l'hôpital. Il n'était pas question de rumeurs. Il a subi une intervention chirurgicale qui a très bien réussi et il doit en subir une autre d'ici

quelques jours. Il m'a dit d'ajouter qu'il ne lâchait pas.

M. ROY (Beauce): Pourrait-on répondre à ma question?

M. GAUVREAU: Je réponds en mon nom personnel. Je dois dire que j'ai l'intention de proposer une solution à mes collègues de la commission, mais je ne suis pas à l'autre conseil. C'est-à-dire...

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'il serait indiscret d'avoir une idée de la solution que vous avez l'intention de proposer?

M. GAUVREAU: Très indiscret.

M. ROY (Beauce): Ce serait très indiscret. Mais, tout de même, nous pouvons être optimistes, selon vous?

M. GAUVREAU: Je ne sais pas.

M.BOURASSA: M. le Président, je pense que les derniers propos viennent confirmer l'attitude du gouvernement, puisque l'Hydro-Québec n'a pas encore fait de recommandation à la filiale. Je ne demande pas au chef de l'Opposition officielle de me faire des excuses ou de retirer ses paroles, mais je pense qu'il paraît assez clair que le gouvernement doit respecter la loi.

M. le Président, je voudrais remercier les représentants de l'Hydro-Québec et de la Société de la baie James, de même que tous leurs collaborateurs, d'être venus dialoguer et informer les membres de la commission parlementaire sur ce sujet extrêmement important pour l'avenir économique des Québécois. Je proposerais l'ajournement sine die de la commission.

M. LOUBIER: Je résumerais la pensée du premier ministre en vous disant cent mille fois merci pour tous les détails que vous nous avez donnés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je me joins aux propos du premier ministre et à ceux du chef de l'Opposition officielle pour remercier, d'une façon toute particulière, tous les représentants de la Société de développement de la baie James et de l'Hydro-Québec, qui ont bien voulu, au cours de ces longues heures, avoir la patience de nous écouter et de répondre aux questions que nous leur avons posées.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: Je remercie tous ceux qui ont témoigné et les autres membres de la commission pour leur collaboration. Pour nous, ces travaux ont été loin d'être inutiles. Je crois que nous avons fait la lumière sur un certain nombre de questions. Mais d'autres, pour l'instant, restent encore dans le doute. Nous souhaitons qu'elles soient réglées le plus rapidement possible. Je mentionne aussi, en terminant, que pour notre part nous attendons, dans le plus bref délai possible, les programmes que l'Hydro-Québec, la semaine dernière, nous avait dit qu'elle ferait parvenir aux membres de la commission. Si j'ai bien compris, c'est quelque chose qui devrait venir dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Je vous en remercie à l'avance.

M. LE PRESIDENT: Mes commentaires seront tout simples. Je veux remercier les membres de la commission de leur coopération. Si vous avez pu m'endurer pendant trois ou quatre séances, j'espère que vous aurez encore l'avantage de m'endurer à l'avenir. Bonsoir et merci.

M. ROY (Beauce): M. le Président, avant d'ajourner, est-ce que nous pouvons savoir vers quelle date il y aura une prochaine séance pour ce qui a trait au financement?

M. LE PRESIDENT: Sine die.

M. ROY (Beauce): Est-ce que cela veut dire dans une semaine, quinze jours?

M. BOURASSA: La question du financement n'est pas une question urgente comme les autres.

M. ROY (Beauce): Une question importante.

M. BOURASSA: Bien, pensez à la Banque du Canada.

M. ROY (Beauce): Non, mais nous voulons que vous y pensiez. J'aimerais savoir si la commission parlementaire va être reconvoquée pour discuter de la question du financement.

M. BOURASSA: J'y penserai et je vous le dirai.

M. ROY (Beauce): Comme cela, il n'y a rien de définitif à l'effet que nous pourrons discuter du financement de ce projet.

M. BOURASSA: Rien de définitif.

M. ROY (Beauce): M. le premier ministre, je tiens tout simplement à dire ceci, en terminant.

M. BOURASSA: Vous poserez la question en Chambre.

M. ROY (Beauce): On nous a défendu de parler du financement lors des autres séances sous prétexte que nous pourrions en parler plus tard. Lorsque nous arrivons au moment de discuter de cet important sujet, le plus impor-

tant à mon sens, on refuse aux membres de la commission de l'aborder.

M. BOURASSA : Il n'y a pas de refus.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je proteste tout simplement.

M. BOURASSA: Il n'y a pas de refus d'en discuter. On dit qu'on verra s'il y a lieu d'en discuter...

M. ROY (Beauce): Quand? L'an prochain?

M. BOURASSA: ...d'une façon utile, il y en a qui trouvent que les commissions parlementaires sont une perte de temps.

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas une perte de temps. Nous n'avons pas dit que c'était une perte de temps. Je ne m'associe pas à ces propos. Mais, M. le Président, je tiens et nous demandons que, à la commission parlementaire, nous puissions discuter de la question du financement du projet de la baie James.

M. BOURASSA: Alors, vous ferez vos représentations en temps opportun et nous verrons ce que nous ferons.

M. ROY (Beauce): Je les ai faites ce soir. M. LE PRESIDENT: La séance est levée.

(Fin de la séance à 22 h 27 )

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