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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 31 août 1972 - Vol. 12 N° 81

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Politique forestière


Journal des débats

 

Commission permanente des Richesses naturelles

et des Terres et Forêts

Politique forestière (3)

Séance du jeudi 31 août 1972

(Dix heures dix minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Avant de commencer la séance, je voudrais mentionner que M. Arsenault est remplacé par M. Faucher, M. Coiteux est remplacé par M. Dionne, de Compton, M. Drummond par M. Bacon. Pour les fins du journal des Débats, le ministre peut être remplacé par un député, je crois.

M. TREMBLAY ( Chicoutimi) : M. Drummond, le ministre, par M. Bacon?

M. PILOTE: Il est présent quand même.

M. DEMERS: C'est très nouveau, cette affaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): S'il arrive un changement du cabinet ce matin, on ne le sait pas.

M. LE PRESIDENT: Non, non!

M. DEMERS: Les désirs du député de Trois-Rivières sont...

M. LE PRESIDENT: C'est parce que nous avons droit à un représentant supplémentaire. Le ministre reste quand même.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va appeler le premier ministre, M. le Président. Je veux savoir s'il est encore ministre.

M. LE PRESIDENT: Vu que M. Arsenault est arrivé, on ne le remplacera pas par M. Faucher. M. Loubier est remplacé par M. Vincent. M. Massé, d'Arthabaska, est remplacé par M. Lamontagne, de Roberval. M. Simard de Témiscouata, est remplacé par M. Tremblay, de Chicoutimi. M. Tétrault est remplacé par M. Béland.

Alors, la parole est à la Société Domtar limitée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bennett est remplacé par qui?

Société Domtar Limitée

M. LE PRESIDENT: Par M. Louis Joubert, représentant de la Société Domtar Limitée.

M. JOUBERT: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, il nous fait plaisir de présenter notre mémoire en marge du livre blanc...

M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous vous placer au centre afin que les membres de la commission puissent vous voir?

M. JOUBERT: Il nous fait plaisir, M. le Président, au nom de la Société forestière Domtar de présenter notre mémoire. Tout d'abord, je voudrais présenter les gens qui sont ici avec moi. A ma gauche, M. A. S. Flemming, vice-président aux pâtes commerciales, bois et forêts; à mon extrême droite, M. Georges Lavoie, directeur de l'exploitation forestière à Lebel-sur-Quévillon; M. Garon, directeur de l'exploitation forestière à Jacques-Cartier, et M. Stevens, directeur de l'exploitation pour l'ensemble des deux provinces. Malheureusement, M. Gagné, le directeur de l'exploitation forestière de Dolbeau, n'a pu venir, étant présentement en négociation avec l'UCC.

Notre société produit des pâtes et papiers. Par ses filiales, la société forestière Domtar Limitée, pâtes Domtar Limitée, papier journal Domtar Limitée, papier fin Domtar Limitée et emballage Domtar Limitée manufacture au Québec plus de 902,000 tonnes de pâtes et papiers d'une valeur de $190 millions. Elle fait partie du groupe de la Société Domtar Limitée, entreprise essentiellement canadienne ayant son siège social à Montréal, au Québec, où se trouve un personnel d'environ 800 employés permanents. Nous avons donc l'obligation de présenter ce mémoire en marge de l'exposé sur la politique forestière préparé par le ministère des Terres et Forêts.

Au Québec, notre société possède et dirige six fabriques établies à Dolbeau, Lebel-sur-Quévillon, Donnacona, Trois-Rivières, East Angus et Windsor, intimement reliées aux ressources forestières de la province. Elle procure directement de l'emploi à plus de 4,300 personnes et constitue souvent la principale source d'emploi dans ces municipalités. L'ampleur de nos intérêts, à titre d'usagers de cette ressource naturelle et de pouvoyeurs de revenus, fait que le désir de consultation des membres de votre commission est pour nous d'une importance capitale.

Ce document a sans doute été rédigé à la suite de sérieuses réflexions. Nous croyons que les politiques qui y sont mises de l'avant sont objectives et démontrent une préoccupation sérieuse à réviser en profondeur la législation et les règlements qui régissent l'administration forestière pour les adapter aux temps présents.

Il ne fait aucun doute que l'économie de la province repose en grande partie sur l'exploitation rationnelle de ses ressources forestières. Il est donc de première importance de protéger les investissements considérables qu'une industrie comme la nôtre y a engagés. D'autre part, nous

sommes convaincus que la forêt peut aussi servir à d'autres fins telles que la récréation, la chasse et la pêche. Il est souhaitable et désirable qu'il en soit ainsi.

Nos remarques porteront sur quelques points particuliers sur lesquels nous possédons plusieurs années d'expérience et qui nous touchent de plus près.

Besoins et objectifs: Notre société cherche, pour les raisons énoncées dans un mémoire préparé par le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec, à se procurer au meilleur prix, en quantité suffisante et en qualité acceptable, la matière première pour la meilleure rentabilité économique de ses fabriques en tenant compte de ses obligations envers ses employés et la province. Pour atteindre cet objectif, nous devons jouir d'une certaine autonomie dans le choix de nos sources d'approvisionnement et dans nos rapports commerciaux avec nos fournisseurs. Le ministère veut prendre la responsabilité d'établir des plans d'approvisionnement pour toutes les usines, non seulement en bois rond provenant de forêts publiques et privées, mais aussi en bois de récupération et rebuts des scieries ou autres usines de transformation. Les besoins des fabriques de pâtes et papiers aussi bien que la production des scieries varient continuellement selon les demandes des consommateurs. Il est donc utopique de penser faire des plans pour une période de cinq ans, croyant qu'ils seront immuables, car l'expérience nous prouve que nous devons apporter des changements majeurs chaque fois que les circonstances nous le commandent.

Planification de l'approvisionnement: La matière ligneuse nécessaire pour l'exploitation des fabriques de notre société provient de concessions forestières, de forêts domaniales, de terrains privés et de scieries.

Concessions forestières: Notre société exploite des forets sous bail dans plusieurs régions de la province. Les bois qui y sont coupés sont grevés de charges très lourdes. En effet, nous sommes responsables de l'aménagement de ces forêts et de leur protection, de la construction et de l'entretien de la voirie forestière, du mesurage des bois en plus de payer la rente foncière et les droits de coupe. Nous croyons, tout comme le ministère, que le présent système peut être avantageusement amélioré. Notre société encourage le ministère dans son projet de répartir plus équitablement ce fardeau financier en exigeant que tous les usagers de la forêt défraient leur part de ces dépenses.

Notre société possède une expérience considérable dans ce domaine et s'offre à participer à tous les travaux que le ministère jugera bon d'entreprendre pour en arriver à cette répartition équitable.

Forêt domaniale : Notre société coupe depuis quelques années dans la forêt domaniale de Matagami. Elle y détient un permis pour couper une quantité précise de bois sur un territoire bien délimité et pendant un nombre d'années fixé par entente. Ces conditions et d'autres aussi sont énumérées dans un contrat entre le ministère des Terres et Forêts et notre société.

Forts de cette expérience, nous nous croyons bien placés pour faire quelques suggestions. Il est de toute urgence que tous les services des forêts domaniales soient intégrés sous une administration unique répondant au ministère des Terres et Forêts.

Cet organisme doit être bien structuré et posséder les pouvoirs de décision indispensables à l'aménagement rationnel de ces territoires. Il doit avoir à son service un personnel compétent pour s'acquitter efficacement de ses responsabilités et accomplir les tâches nécessaires telles que: inventaire des boisés, protection, voirie forestière et mesurage. Ceci relève présentement de l'administration du ministère des Terres et Forêts et nous sommes d'avis que la mise en place d'un nouvel organisme ne ferait qu'alourdir l'appareil administratif actuel. Il y aurait d'énormes avantages à régionaliser l'administration par la mise à l'essai de façon progressive d'un projet pilote.

Une des grandes préoccupations du ministère est de répartir les assiettes de coupe suivant l'importance et les besoins des utilisateurs pour assurer la continuité d'un approvisionnement rentable. Il faudrait aussi réserver des territoires où les industriels manquant temporairement de matière première pourraient éventuellement s'approvisionner.

Notre société est favorable au système des forêts domaniales mais considère que son développement nécessite une étude approfondie à laquelle elle est grandement intéressée à participer.

Nous recommandons que le ministère agisse avec beaucoup de circonspection avant d'effectuer tout changement majeur à la gestion du domaine forestier préconisée dans "l'Exposé sur la politique forestière".

A notre avis, il est de prime importance que le ministère donne graduellement confiance par une gestion de premier ordre des forêts publiques et évite par voie de conséquence de faire perdre créance aux investisseurs dans l'administration des forêts du Québec.

De plus, le ministère a l'obligation d'inviter l'industrie forestière à participer activement à l'étude des différentes méthodes de dédommagement envers les concessionnaires et doit tenir compte des investissements considérables faits pour l'aménagement rationnel des terrains publics sous leur juridiction.

Terrains privés. L'approvisionnement de quatre des six usines de Domtar au Québec provient en majeure partie de terrains privés. En 1971, il se chiffrait par 800,000 cordes, soit 65 p.c. de l'alimentation totale de ces usines. Les producteurs de bois à pâte sont régis par la Loi des marchés agricoles pour la vente en commun de leur bois.

Au cours des dernières années, nous avons exposé, à plusieurs reprises, aux offices de

producteurs et à la Régie des marchés agricoles les difficultés concurrentielles du marché des pâtes et papiers et demandé à ces derniers d'ajuster leur prix de vente selon les fluctuations du marché, compte tenu de la loi de l'offre et de la demande.

La régie, en dépit des arguments d'ordre économique soumis dans de nombreux mémoires, a rendu des décisions qui ont eu pour effet d'augmenter le prix d'achat du bois à pâte malgré nos difficultés à trouver preneur pour nos produits ouvrés à des prix rentables. Nous suggérons fortement aux membres de cette commission l'étude de ces documents ainsi que des délibérations qui ont eu lieu lors des audiences pour bien se rendre compte des implications du marché.

Nous sommes très opposés à ce genre d'intervention gouvernementale qui ne fait qu'aggraver une situation qui, au contraire, devrait être corrigée le plus tôt possible. Enfin, le prix de vente du produit ouvré est assujetti aux conditions du commerce international. Il doit donc être concurrentiel et ne peut être influencé par des agences gouvernementales qui fixent le prix de la matière première.

L'accroissement constant des prix du bois à pâte des producteurs accélère les recherches pour trouver des solutions de rechange. L'utilisation de plus en plus poussée de résidus tels que copeaux, sciures et planures ainsi que les rebuts de papier en est la preuve. Nous participons ainsi à l'amélioration du milieu.

Nous désirons porter à l'attention de la commission que les décisions arbitrales rendues par la Régie des marchés agricoles au cours des dernières années ont eu comme conséquences: a) de hâter la décision de fermer quatre machines à papier journal à notre usine de Trois-Rivières et de réduire les besoins en bois à pâte de 225,000 à 50,000 cordes annuellement. b) De réduire considérablement les possibilités de mise en marché de 25,000 tonnes de pâte au bisulfite écrue de notre usine de Donnacona, affectant de ce fait l'achat de 50,000 cordes de bois à pâte des offices de producteurs. c) De hâter également la décision de fermer l'usine de bisulfite de Cornwall alimentée par 31,000 cordes bois à pâte écorcée achetées au Québec.

Scieries. L'approvisionnement des scieries provient des terrains privés et des terrains publics, tout comme c'est le cas pour les sociétés de pâtes et papiers du Québec. Leur premier objectif est de manufacturer autant de bois de sciage que possible, compte tenu de leur source d'approvisionnement et du marché dans l'Est du Canada, les Etats-Unis, et le Royaume-Uni.

Leur deuxième objectif est de récupérer le meilleur prix de vente pour leurs sous-produits tels que: copeaux, sciures et planures de bois dont le volume varie également selon les fluctuations du marché du bois de sciage.

Les sociétés de pâtes et papiers ne peuvent pas s'alimenter exclusivement de sous- produits des usines de bois de sciage ou dépendre d'un volume constant d'approvisionnement. La politique du ministère doit tenir compte des fluctuations du marché du bois de sciage et s'assurer que les sociétés forestières conservent leur main-d'oeuvre spécialisée en forêt, à défaut de quoi les dangers de chômage saisonnier ou de mise à pied permanente seront grandement accentués. L'industrie des pâtes et papiers est plus que favorable à l'achat de sous-produits d'usines de sciage, mais elle doit demeurer libre et autonome quant aux quantités et aux prix d'achat de fibres de toutes sortes.

Nous constatons que le ministère s'achemine vers une utilisation plus poussée des massifs forestiers en permettant l'établissement de scieries par des sociétés de pâtes et papiers. Cette politique rejoint la tendance de plus en plus marquée vers une intégration logique de l'utilisation de la fibre telle que la chose se pratique ailleurs au Canada, aux Etats-Unis et en Scandinavie. Nous croyons qu'il s'agit là d'une excellente initiative qui entraîne une stabilisation accrue de l'approvisionnement sans nuire pour autant aux industries existantes.

En conclusion, nous réalisons que le ministère désire modifier sa politique forestière par une utilisation plus rationnelle de la fibre sous toutes ses formes.

Nous désirons être consultés pour pouvoir participer à la mise en application de réformes susceptibles de solutionner à court terme l'état d'urgence dans lequel se trouve l'industrie des pâtes et papiers et de la forêt du Québec, et d'apporter à long terme des solutions valables pour une exploitation plus rationnelle de nos forêts.

Notre société doit demeurer concurrentielle pour la mise en marché de ses produits ouvrés si nous désirons conserver nos clients et continuer à fournir au Québec notre apport économique.

Si les agences ou régies gouvernementales augmentent arbitrairement les prix de la matière première, sans exercer une influence sur les structures de prix et la mise en marché des produits ouvrés, et si notre société fait face à des réductions de prix de vente, à des refus d'augmentation ou une hausse du dollar canadien, il ne reste guère d'autres alternatives que des fermetures temporaires ou définitives, comme nous en vivons depuis quelque temps au Québec.

M. le Président, merci.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: M. le Président, avant de céder la parole au député de Trois-Rivières qui aurait des questions à poser aux représentants de la Société Domtar, je remercie ces derniers qui sont venus ici pour présenter le mémoire. J'aimerais toutefois poser une question à M. Joubert.

Jeudi dernier, nous avons longuement discuté le problème de la politique forestière avec le Conseil des producteurs et l'Association des industries forestières. Est-ce vrai que vous êtes membre de ces deux groupes?

M. JOUBERT: Oui, Monsieur.

M. DRUMMOND: Etant donné, semble-t-il, qu'ils parlent en faveur de l'industrie, pourquoi avez-vous jugé opportun de venir ici vous-même pour exposer votre propre point de vue?

M. JOUBERT: Pour la simple raison, tel que nous le mentionnons dans notre mémoire, que la société que je représente ici, aujourd'hui, fait affaires avec six usines et avec le ministère, autant qu'avec les producteurs de bois, de toutes les manières possibles. Comme nous le mentionnons dans le mémoire, nous faisons des affaires sur les terrains privés, avec les agriculteurs et avec le ministère, par voie de concessions forestières et par voie d'expérience sur une forêt dite domaniale. Compte tenu de cette expérience, qui est peut-être plus variée chez nous que chez d'autres membres de l'Association des industries forestières du Québec, nous étions convaincus qu'il était péremptoire pour nous de venir exposer notre point de vue sur ces méthodes d'exploitation.

M. DRUMMOND: C'est donc dire que votre point de vue n'est pas nécessairement le même que celui présenté par l'Association des industries forestières?

M. JOUBERT: Quant aux principes, je pense bien que nous nous rejoignons les uns les autres.

Mais, je pense qu'il y a des modalités et surtout, peut-être, différents points qui peuvent varier selon les intentions de l'association, comme les intentions de la Société forestière Domtar. Il peut sûrement y avoir des différences d'attitudes.

M. DRUMMOND : Merci.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Trois-Rivières.

M. BACON: M. Joubert, dans le chapitre des besoins et objectifs de votre mémoire, à la page 3, vous écartez une plus grande intervention de l'Etat dans les mécanismes de distribution du bois. Quelles seraient les limites minimales de l'autonomie dont vous avez besoin dans le choix de vos sources d'approvisionnement?

M. JOUBERT: D'une manière générale, on peut dire qu'on peut réellement utiliser l'autonomie que nous avons à l'heure actuelle, au point de vue de l'exploitation, parce qu'il faudrait dissocier l'autonomie vis-à-vis de l'exploitation et l'autonomie vis-à-vis de l'achat, par exemple, devant les marchés agricoles. Jusqu'à un certain point, l'autonomie que nous avons vis-à-vis des marchés agricoles est contrecarrée, parce que nous devons négocier par force de loi avec les plans conjoints et arrêter les quantités, de même que les prix pour la matière première dont nous avons besoin. Mais si vous vous référez à l'exploitation forestière, nous avons présentement une autonomie auprès du ministère des Terres et Forêts pour la préparation des terrains de coupe et la préparation, également, la planification de la voirie, etc., dont nous avons besoin pour une période de x années. Présentement, nous sommes autonomes.

M. BACON: Est-ce que les besoins en bois des fabriques de pâtes et papiers varient au point qu'il serait difficile d'arriver à la confection d'un plan d'approvisionnement un peu flexible?

M. JOUBERT: La réponse à cela est que l'exploitation forestière doit suivre la mise en marché du produit ouvré. Or, au fur et à mesure que vous avez des fluctuations dans la vente, soit des pâtes commerciales, soit du papier journal, soit du papier fin, vous êtes obligé de suivre, en alimentation forestière, la fluctuation du marché. Je parle du volume de vente. A ce moment-là, c'est sûr qu'on ne peut pas faire de plans fixes. C'est ce à quoi nous faisons allusion. On ne peut pas faire de plans fixes au point de vue de l'exploitation.

M. BACON: A la page 4, au chapitre des concessions forestières, est-ce que vous avez une idée de la façon dont les charges assumées présentement par l'industrie forestière devraient être réparties entre les divers usagers de la forêt publique?

M. JOUBERT: A l'heure actuelle, comme l'a expliqué M. Lachance, dans son mémoire au nom du Conseil des pâtes et papiers, l'autre jour, je crois qu'il a assez discuté là-dessus, je ne voudrais pas répéter. Nous partageons ses vues sur la façon dont il s'est exprimé sur ce point. Cependant, je pense qu'il y aurait lieu de rationaliser la méthode d'imposition pour les exploitations forestières au Québec. C'est comme n'importe quelle chose. Je ne veux pas dire que c'est un fouillis, mais cela pourrait être grandement amélioré, parce que c'est lourd au point de vue administratif. Disons qu'on pourrait certainement procéder avec plus de logique. Mais cela est venu avec les années. Chacun de son côté, tant au ministère des Terres et Forêts qu'aux autres ministères, est venu percevoir des revenus à même l'exploitation des richesses du Québec. C'est à peu près normal que ce soit acheminé vers ce point-là. Je pense qu'il est temps — et c'est cela qu'on mentionne — sans préconiser des solutions précises — de s'asseoir et d'essayer de rationaliser cela pour rendre cela beaucoup plus simple et plus souple.

M. BACON: A la page 5, au chapitre des forêt domaniales, en raison de votre expérience avec le système des forêts domaniales, seriez-vous en mesure de nous exposer les avantages que vous voyez à ce mode de gestion, par rapport à ceux qu'offrent les concessions forestières?

M. JOUBERT: L'exploitation de la forêt domaniale à Matagami est une première expérience que nous vivons. C'est une expérience qui nous satisfait. C'est surtout strictement légal à l'heure actuelle parce que cela est différent de la concession forestière. Evidemment, vous exploitez la concession forestière, tant par année, avec un bail, pour les besoins de votre industrie; tandis que sur la forêt domaniale, c'est le gouvernement qui vous garantit des droits de coupe à tant par année et d'autres industries peuvent également venir y couper du bois. C'est la structure de la forêt domaniale de Matagami que nous vivons à l'heure actuelle et que nous trouvons très bonne quoiqu'elle nécessite des améliorations. C'est pourquoi nous suggérons au ministre de pouvoir participer avec lui aux améliorations, tant administratives que sur le plan des allocations ou de la planification, basées sur l'expérience que nous venons de vivre ou que nous vivons à l'heure actuelle.

M. BACON: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous recommandez que tous les services des forêts domaniales soient intégrés sous une administration unique, répondant au ministère des Terres et Forêts? Pourriez-vous nous dire, principalement, pourquoi vous vous opposez à ce qu'un organisme paragouvernemental assume la responsabilité de gestion?

M. JOUBERT: Nous partons du principe suivant: avant de courir, il faut marcher. Nous venons de vivre une expérience en passant de la concession forestière à l'essai de la forêt domaniale. Evidemment, la forêt domaniale étant un essai très louable de la part du ministère, nous voudrions exploiter davantage ce système, le rationaliser davantage et en venir à donner plus d'autorité au mécanisme administratif, c'est-à-dire, le pouvoir décisionnel; parce qu'à l'heure actuelle, c'est assez divisé. Je ne veux pas faire l'historique ni parler de l'organigramme du ministère vis-à-vis de la forêt domaniale. Cela n'est pas ma responsabilité. Cela pourrait être beaucoup plus souple et beaucoup plus efficace au point de vue administratif.

M. BACON: Quels sont les éléments du système des forêts domaniales qui nécessiteraient, d'après votre société, une étude approfondie?

M. JOUBERT: Dans notre mémoire, nous parlons des boisés privés et des boisés publics. Dans les boisés publics, il y a le système de concession par voie de bail; il y a également le système de forêt domaniale dont vous venez de parler. Je pense que si l'industrie forestière pouvait former, par exemple, un genre de comité consultatif, je dis bien consultatif, avec le ministère, afin de rationaliser les problèmes que le ministère semble vouloir examiner, il y aurait avantage pour les parties; quand je parle des parties, je parle de la partie gouvernementale, de la partie syndicale et de la partie patronale. Il y a trois groupes en question et je pense que nous ne pouvons pas faire quoi que ce soit d'une manière unilatérale.

M. BACON: Quels devraient être les principes généraux que le gouvernement pourrait obtenir pour dédommager les concessionnaires forestiers pour les investissements d'indice sur leur territoire?

M. JOUBERT: A ce sujet, M. Bacon, nous n'avons pas voulu émettre de principe pour la simple raison que nous voudrions nous asseoir et étudier les différents systèmes que le gouvernement envisage d'étudier. A ce stade-ci, il serait trop tôt pour répondre à cette question.

M. BACON: Votre mémoire mentionne, aux pages 7 et 8, au titre des terrains privés, que la Régie des marchés agricoles a rendu des décisions qui ont eu pour effet d'augmenter le prix d'achat du bois à pâte malgré vos difficultés à trouver preneur pour vos produits ouvrés à des prix rentables. Voulez-vous sous-entendre par là que vos usines de fabrication sont à ce point efficaces que c'est le coût du bois tiré des forêts privées qui conditionne votre capacité concurrentielle?

M. JOUBERT: Non, c'est l'ensemble. Evidemment, nous faisions là allusion à la Régie des marchés agricoles; on pourrait également faire allusion au marché des copeaux de la part des moulins à scie. En fait, nous pourrions préciser davantage. La raison pour laquelle on a mentionné les marchés agricoles, c'est que ça représente un plus grand volume de bois à l'heure actuelle et nous voulions faire au ministre une certaine mise en garde parce que, de plus en plus, les substituts ou les sous-produits des scieries remplacent avantageusement, au point de vue du prix, par tonne ou par cunit, le bois de ferme. Il serait dommageable que le bois de ferme soit de moins en moins acheté par l'industrie des pâtes et papiers, à cause d'un cheminement critique qui ferait que les prix iraient en escalade quand le marché ne nous permet pas de payer ces prix-là. C'est l'allusion que nous avons faite dans notre mémoire.

M. BACON: Pouvez-vous expliquer à la commission en quoi la décision arbitraire rendue par la Régie des marchés agricoles serait responsable des événements que vous mentionnez à la page 9, au paragraphe 336 de votre mémoire?

M. JOUBERT: Je m'attendais à cette question, M. Bacon.

M. BACON: C'est une révélation pour moi.

M. JOUBERT: Ce qui arrive, c'est qu'à Trois-Rivières...

M. BACON: Ce serait la première fois que j'entends parler de cette raison.

M. JOUBERT: Oui? Bon. Il faudrait bien faire attention au mot qui est mentionné au paragraphe a) où on a dit que ç'a "hâté" la décision.

M. BACON: Hâté.

M. JOUBERT: Cela n'a pas été le motif exclusif. A Trois-Rivières, ce qui est arrivé, c'est que nous avons des machines qui ont été installées en 1927, et ce sont des machines de 150 pouces de largeur. A ce moment-là, ces machines ne pouvaient plus donner de rendement économique. Autrement dit, les machines nouvelles, compétitrices, beaucoup plus larges, donnent un meilleur rendement, au point de vue de la production, comme teneur ou en heures, selon la manière dont vous voulez le calculer. Mais la largeur des machines n'était qu'une partie du problème.

La deuxième partie du problème était que, à ce moment-là, les usines de papier journal au Québec, entre autres, avaient un rendement d'environ 82 p.c. sur leur production. C'était loin d'être 100 p.c, c'était exactement 18 p.c. en bas d'une production complète. Alors, au fait qu'il n'y avait pas le marché pour activer cette usine à 100 p.c. et qu'on avait des machines trop étroites, s'est ajouté le fait que les prix du papier journal allaient toujours en baissant, et, pour illustrer juste un exemple, je pense qu'il s'explique par lui-même, c'est qu'en 1970, le prix du papier journal était de $165 la tonne et qu'en 1972, il est baissé à $152 la tonne.

Vous avez, à l'heure actuelle, une différence de $13 la tonne. On avait également dépensé énormément à Trois-Rivières, environ $1.5 millions, pour la pollution des égouts, suivant les normes posées par la Régie des eaux du Québec. On avait également dépensé pour essayer d'améliorer la rentabilité de l'usine sans changer les machines.

Alors, tous ces facteurs-là, l'affaissement du marché, le fait qu'on ne soit pas capable de produire à 100 p.c. d'efficacité, le fait que l'économie ne permettait pas du tout de réinvestir à ce moment-là pour changer les machines, également le fait qu'on avait des dépenses faites pour la purification des égouts, le fait qu'on avait également des coûts d'augmentation de la matière première qui alimentait le moulin de Trois-Rivières, matière première qui vient en grande partie des plans conjoints.

Il y avait de plus la matière première qui sert également à la fabrication du papier journal, que ce soit du mazout, que ce soit de l'huile crue, que ce soient des additifs qu'on met dans la fabrication du papier journal, l'ensemble faisait que l'usine de Trois-Rivières, parmi les trois usines de papier à journal qu'on avait au Québec, soit Donnacona, Dolbeau et Trois-Rivières, était celle qui était la moins rentable. C'est la rison pour laquelle nous avons arrêté la production des quatre machines de papier à journal, mais conservé cependant les deux machines qui fabriquent ce qu'on appelle des papiers spéciaux. Est-ce que cela répond à votre question?

M. BACON: Pas d'une façon satisfaisante. Mais je pense que le ministre...

M. DEMERS: On n'a pas beaucoup entendu parler de la régie là.

M. BACON: D'abord, ma question préalable était: Comment expliquez-vous que les décisions de la régie en soient arrivées à ce que vous mentionnez au paragraphe 3.36? Je ne suis pas tellement satisfait à ce point de vue-là. On pourra reprendre, dans la réponse que vous me ferez tantôt, la question de la Régie des marchés agricoles. Mais je pense que le ministre va trouver la réponse à sa question de tantôt à savoir pourquoi vous présentez un mémoire. C'est que, la semaine dernière dans le mémoire des producteurs des pâtes et papiers, on s'est évertué à nous dire qu'on avait modernisé les usines de papiers et qu'en général au Québec elles étaient assez modernes, on a même dit très modernes à un moment donné. Or, vous nous arrivez avec ce que... D'ailleurs, je vous comprend bien. Quand vous parlez d'une machine de 1927, je me demande si ce n'est pas plus grave que les décisions prétendument arbitraires de la Régie des marchés agricoles qui peuvent hâter la fermeture de quatre machines.

M. JOUBERT: Je pense qu'il faut ici que j'apporte une explication. Quand on vous dit que la machine date de 1927, vous ne la trouverez pas en 1972 dans l'état où elle était installée en 1927.

M. BACON: C'est souhaitable. J'espère. M. JOUBERT: Elle a augmenté...

M. BACON: Vous savez, je ne voulais même pas que vous précisiez cette chose-là.

M. LESSARD: Elle n'est pas retenue par de la broche toujours?

M. JOUBERT: Non.

M. BACON: Une chose nous frappe quand même, c'est la relation entre la Régie des marchés agricoles au paragraphe 3.36...

M. JOUBERT: La relation est très simple, c'est que le coût de la matière première augmentait tout le temps, d'année en année. On a plaidé cela devant la régie à plusieurs reprises et la régie décidait d'une augmentation de $1, de $0.75, suivant le jugement qui était rendu. Alors, cette augmentation de la matière première, plus les investissements que nous avons faits pour la clarification des eaux, plus la descente du marché — l'usine ne pouvait pas marcher à 100 p.c. de capacité, elle était rendue à 80 p.c, 82 p.c. Je précise: dans l'ensemble de la province, le papier journal ne fonctionnait qu'à 82 p.c. de son potentiel, mais à Trois-Rivières, on fonctionnait à moins que cela à ce moment-là. Il y avait déjà une machine de fermée depuis un an avant qu'on ferme les trois autres machines; ce n'était pas une nouvelle nouvelle mais une nouvelle ancienne. Les gens savaient ce qui allait arriver à Trois-Rivières. Nous n'avons rien caché à nos employés.

Mais, à ce moment-là, la régie augmentant, par une décision arbitrale, le prix du bois à Trois-Rivières, cela a hâté notre décision de fermer. C'est aussi simple que cela.

M. DEMERS: M. le Président, je pense qu'il faudrait corriger, parce qu'au journal des Débats le député de Trois-Rivières a dit que la régie avait rendu une décision arbitraire et moi aussi j'ai entendu cela, c'est arbitrale.

M. BACON: C'est arbitrale.

M. DEMERS: Ce n'est pas beaucoup la même chose. Parce que là on met en cause l'objectivité de la Régie des marchés agricoles, qui est un organisme paragouvernemental.

M. BACON: Mon collègue a raison, c'est ce que j'aurais dû dire, arbitrale au lieu d'arbitraire.

M. DEMERS: Cela ne veut pas dire que ce n'est pas pareil.

M. BACON: M. Joubert, votre entreprise reconnaît qu'elle est favorable à l'achat de sous-produits d'usines de sciage et dénonce toute intervention gouvernementale susceptible de restreindre son autonomie. Ne croyez-vous pas que l'action gouvernementale s'impose du fait que l'industrie des pâtes et papiers risque d'abuser de sa position d'acheteur au détriment de l'économie du bois?

M. JOUBERT: Il faudrait d'abord faire la preuve qu'on a abusé. La seule chose qu'on veut dire par là, c'est qu'à l'heure actuelle, je pourrais dire, non pas la fixation mais la réglementation des prix qu'on connaît par l'office et la Régie des marchés agricoles n'a pas aidé, tel que je viens de vous l'expliquer, avec des augmentations de coûts au moment où le marché s'affaissait. Je crois que le meilleur mécanisme est tout autre. Probablement que ceux qui vont à l'extérieur peuvent le constater. Nous avons appris que le ministre s'en allait en Suède prochainement. Je pense qu'il va lui être également souligné que la libre concurrence, c'est-à-dire la loi de l'offre et de la demande, est le meilleur mécanisme pour l'ajustement des prix.

La fixation des prix par des organismes gouvernementaux qui n'ont pas — c'est ce que l'on mentionne dans notre mémoire — de pouvoir vis-à-vis de la concurrence du marché international, risque beaucoup plus d'affecter l'industrie des pâtes et papiers que la loi de l'offre et de la demande du libre achat. C'est cela que l'on veut dire.

M. BACON: Vous savez, je n'avais pas dit que vous abusiez, j'avais dit que vous risquiez d'abuser.

M. JOUBERT: Oui, mais c'est un peu comme arbitraire et arbitral tantôt; j'avais peut-être mal compris.

M. BACON: La société forestière Domtar se montre favorable à l'établissement de scieries par des compagnies de pâtes et papiers. Dans cette optique, est-ce que votre entreprise aurait songé à s'associer avec des industriels existants du sciage?

M. JOUBERT: Non, ce qu'on veut dire par-là c'est une expérience que nous avons comme bien d'autres, essayé d'étudier. Il s'agit de l'expérience qui a lieu dans les Etats du sud aux Etats-Unis, de celle de la côte ouest du Canada à l'heure actuelle et d'une autre qui se vit également en Suède. En Suède, ces complexes sont appelés des usines de bois parce qu'on y exploite par toutes sortes de moyens la fibre, que ce soit par une scierie que ce soit par une usine de pâte, que ce soit par une usine ce qu'on appelle des particules de bois pour de la planche murale. L'ensemble de ces complexes, en Suède, porte le nom d'usine de bois. Et aux Etats-Unis, tout le monde sait que le nom c'est "Multiple usage of fiber". Il s'agit de complexes intégrés.

Ce que l'on veut souligner par là, c'est que la politique du ministère qui tend à rationaliser l'utilisation de la fibre ou de la forêt pour qu'il y ait le moins de perte possible, à notre avis, est une ligne d'action qui est réellement souhaitable parce que cela correspond aux besoins économiques actuels et futurs de l'industrie forestière. C'est vers là que l'on s'en va, qu'on le veuille ou non. C'est la tendance.

M. BACON: A votre avis, M. Joubert, comment pourrions-nous concrétiser la participation de l'industrie à la mise en application de la réforme forestière que réclame votre mémoire, de quelle façon, sous quelle forme?

M. JOUBERT: D'abord, il faudrait mettre sur pied ce qui n'existe pas, à savoir un comité consultatif. Il y en a un au niveau du ministère du Travail qui fonctionne très bien et qu'on appelle le CCDM, c'est-à-dire le comité consultatif de la main-d'oeuvre, au ministère du Travail, où siègent la partie syndicale, le gouvernement et la partie patronale. Pour avoir siégé à temps partiel à ce comité, je suis convaincu que ce comité a réalisé beaucoup de boulot en aidant le gouvernement à planifier conjointement avec les syndicats et le patronat des mesures législatives dans le domaine du travail. Je crois que la même formule ou une formule quasi similaire préconisée par le ministre des Terres et Forêts serait avantageuse pour toutes les parties considérées.

M. BACON: M. le Président, je remercie M. Joubert et les autorités de la Domtar pour la présentation de leur mémoire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais d'abord remercier M. Joubert pour la présentation de son mémoire qui recoupe ceux que nous avons entendus la semaine dernière des producteurs de pâtes et papiers et des industries forestières.

Ce mémoire apporte un éclairage sur les problèmes qui nous ont été soumis l'autre jour et nous donne une idée de ce qui se passe dans une exploitation déterminée, celle de la société Domtar.

Je voudrais, M. le Président, poser quelques questions à M. Joubert et j'invite immédiatement les journalistes qui ont écrit la semaine dernière que je m'étais porté à la défense des capitalistes de l'écrire immédiatement parce qu'encore une fois ils vont avoir l'impression que je me porte à la défense des capitalistes. Mais, telle n'est pas mon intention. Au fait, c'est que je veux simplement me renseigner pour savoir si les socialistes ont plus raison que les capitalistes dans cette histoire de l'utilisation de la forêt, indépendamment de ce qu'a dit le ministre et ce qu'a corrigé le premier ministre par la suite. Alors, M. le Président, je voudrais savoir d'abord, de M. Joubert, quels sont les profits réalisés par la société Domtar au cours des deux ou trois dernières années et qui pourraient nous laisser croire que votre exploitation est dans la misère ou dans une situation relativement confortable.

M. JOUBERT: Je n'ai pas à la main les chiffres exacts, mais je peux dire que les profits ont été en décroissant constamment, parce que, lorsque nous nous rendons compte des dividendes qui ont été réduits d'année en année, la situation semble vouloir s'améliorer présentement. Mais il ne faudrait pas également perdre de vue que Domtar est avantagée du fait que c'est un organisme diversifié. Pendant une période, vous pouvez très bien péricliter réellement dans le domaine des pâtes et papiers; vous connaissez la situation dans d'autres régions du Québec pour d'autres usines, présentement en difficulté. Ce déficit ou cette perte d'exploitation dans les pâtes et papiers peut se compenser en partie par des profits réalisés par la division des matériaux de construction ou par la division des produits chimiques, étant donné que nous avons une compagnie qui est assez diversifiée. Si vous dirigez votre question uniquement pour les fins de la commission vis-à-vis de l'industrie des pâtes et papiers, je peux vous dire que les profits ont réellement baissé. Quant à vous donner un ordre de grandeur exact, si vous me permettez de consulter, je vais vous le donner, mais pour répondre à pied levé, je préférerais consulter les chiffres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Enfin, disons que nous suspendons cette question quitte par-devers vous à requérir les chiffres, parce que j'aimerais savoir en pourcentage, l'un portant l'autre, selon le type d'industrie que vous administrez, quels ont pu être les profits.

D'autre part, M. Joubert, j'aimerais savoir également quelles sont les redevances que vous payez au gouvernement et les impôts que perçoit le gouvernement de votre société.

M. JOUBERT: Si vous parlez des impôts sur les profits, nous sommes taxés de la même manière que les autres. Si vous parlez des redevances...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais comme je ne sais pas encore quels sont vos profits, je voudrais savoir quel est l'impôt.

M. JOUBERT: Ce que je peux répondre à cela, M. Tremblay, c'est que je peux vous faire parvenir cela en détail, mais à l'heure actuelle, il faudrait que j'aille le chercher ça, et plutôt que vous répondre brin par brin, j'aimerais mieux vous faire parvenir les états financiers de la compagnie. C'est la période de quatre ou trois ans qui vous intéresse?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, d'accord.

M. JOUBERT: A peu près trois ou quatre ans. Il me fera plaisir de vous faire parvenir — je vais prendre ça en note — les détails que vous me demandez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et aux membres de la commission, bien entendu, parce que je ne vous demande pas ça en mon nom uniquement.

Maintenant, M. Joubert, est-ce que vous pouvez nous parler, si tant est que cela existe, des projets d'expansion de la société Domtar,

dans le Québec en particulier? Est-ce qu'il y a des projets en vue ou si on va voir se continuer cette situation de fermeture partielle ou de réduction de la production de votre société au Québec?

M. JOUBERT: D'abord, il faudrait peut-être retourner au dernier projet, qui a été la construction de l'usine de Lebel-sur-Quévillon, où la compagnie a investi plus de $80 millions, ce qui a sûrement créé un impact économique valable pour la région du Nord-Ouest québécois.

Comme projet d'avenir, nous étudions présentement la possibilité de développer ce qu'on a appelé tantôt des complexes intégrés, c'est-à-dire bois de sciage avec usine de pâtes et papiers, de manière à pouvoir rendre plus flexible l'exploitation de ces complexes vis-à-vis de la complication du marché de vente, à l'heure actuelle, des pâtes et papiers. Cela est également à l'étude comme projet, entre autres pour Lebel-sur-Quévillon.

Comme autres projets, il y a également des projets d'amélioration dans des usines, comme par exemple à Dolbeau, où à l'heure actuelle, on étudie des projets d'amélioration. Il y a également un projet d'amélioration pour East-Angus, il y en a également un qui est sur la table pour Donnacona. Ces projets sont en fonction des possibilités d'approvisionnement des usines. C'est pour cela que ces projets sont à l'étude.

Pour répondre précisément à votre question, nous avons plusieurs projets, à l'heure actuelle, en marche.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, sans dévoiler des secrets, si cela est un secret, dans le cas de Dolbeau, quelle peut-être la nature de ce projet d'expansion que vous avez? Est-ce qu'il s'agit d'une transformation radicale?

M. JOUBERT: Non. Cela revient à dire ce que j'ai mentionné au début, la compagnie se doit d'augmenter sa production sur une base horaire et d'améliorer également son équipement pour demeurer concurrentielle. A Dolbeau, le premier projet que nous envisageons, c'est ce qu'on appelle l'augmentation du rendement des machines, ce qui est qualifié en anglais par "speed-up". C'est de l'augmentation de vitesse, ce qui va donner une augmentation de volume au point de vue de la production du papier journal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Joubert, en ce qui concerne la modernisation de vos usines, pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé au cours des dix dernières années, pour prendre une date un peu arbitraire, c'est le cas de le dire, outre les travaux que vous avez dû effectuer pour la lutte contre la pollution?

M. JOUBERT: Premièrement, une compa- gnie peut investir en modernisation par rapport aux profits qu'elle fait, parce qu'on n'investit pas des profits qu'on n'a pas; si on n'en fait pas... Deuxièmement, il faut également être capable, si on ne peut pas investir une partie des profits, d'emprunter. Soit dit en passant, nous avons des projets d'amélioration pour plusieurs usines, toutefois, c'est une question d'argent.

Au cours des trois ou quatre dernières années, le programme mis de l'avant par la Commission d'épuration des eaux — peut-être l'appelle-t-on la Régie des eaux — a coûté énormément cher. Par exemple, dans une seule usine, celle de Trois-Rivières, on a dépensé $1.6 million, et à l'heure actuelle, on a quatre machines arrêtées; c'est un investissement qui n'est pas utile. Mais il fallait le faire, nous n'avions pas le choix. La même chose pour Donnacona, etc.

Un plan d'ensemble est mis de l'avant par le gouvernement, il coûte de l'argent à l'industrie; ce n'est pas une dépense morte comme telle, mais ce n'est pas une capitalisation productive. Cela n'améliore pas la rentabilité du moulin. Par contre, ça améliore l'écologie et nous sommes d'accord avec le principe.

Alors, quand nous engouffrons certains montants d'argent d'une manière assez rapide au moment où l'économie est au ralenti dans le marché des pâtes et papiers, à ce moment-là, il reste peu pour moderniser. Mais à l'heure actuelle, nous avons des projets et aussitôt que la capacité financière de la compagnie va le permettre, il n'y a pas d'erreur, c'est une question de survie.

Ou on modernise et on survit, ou on ne modernise pas et on meurt.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quel peut être l'ordre de grandeur de ces projets dans la rénovation, la modernisation de vos industries?

M. JOUBERT: Evidemment, étant orienté surtout vers l'exploitation forestière, je ne suis pas au courant, dans les détails, des projets de modernisation de chacune de nos usines. Quant à l'ordre de grandeur, je ne pourrais pas l'indiquer brutalement, comme ça; je pourrais consulter et vous en faire part. Pour l'augmentation de la rapidité des machines à Dolbeau, il s'agit d'un montant de $6 millions à $7 millions, en partant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De $6 millions à $7 millions.

M. JOUBERT: Si cela intéresse cette région-là. Il y a également un montant qui est sur la planche pour East-Angus, soit également $7 millions. Ce montant servira à refaire au complet la bouilloire. L'usine doit être remplacée. Tout cela, parce que vous demandez des détails très techniques qui relèvent de l'exploitation des usines. Quant à moi, je suis intéressé à l'exploitation forestière. Alors, je ne suis pas universel dans l'information.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je comprends très bien, M. Joubert, que vous ne puissiez pas me donner ces réponses au pied levé. Mais si je pose ces questions qui sont d'ordre technique, c'est que la semaine dernière, quand nous avons entendu les producteurs de pâtes et papiers de l'Association des industries forestières, on s'est attaché à démontrer que vos industries n'avaient fait aucun effort pour la modernisation.

Je vous pose ces questions afin de savoir où vous en êtes et quelles sont les projections de l'avenir, quitte, de votre part, à faire tenir à la commission ces renseignements ultérieurement, afin que nous ayons un tableau complet de la situation.

Maintenant, M. Joubert, dans le domaine de l'emploi, est-ce qu'on peut dire, de la Société Domtar, que les projections vont dans le sens d'un accroissement des emplois que vous offrirez aux citoyens du Québec, compte tenu des projets d'expansion et de modernisation que vous avez?

M. JOUBERT: Notre première préoccupation vise à ne pas diminuer le nombre d'emplois qui existent à l'heure actuelle. Car vous savez pour produire une fibre à un prix qui soit rentable pour une fabrique de pâtes ou de papiers, il a fallu moderniser en forêt.

Chaque fois que vous modernisez votre équipement en forêt, il faut s'attendre à devoir éliminer une certaine partie de la main-d'oeuvre.

Evidemment, nous essayons de recycler nos gens et de les garder quand même. Ce n'est pas chose facile. La première préoccupation de la compagnie est de conserver une main-d'oeuvre qui a besoin d'être de plus en plus techniquement qualifiée; or, cette main-d'oeuvre deviendra éventuellement assez rare. Nous avons, à l'heure actuelle, des projets qui font en sorte que, avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et le ministère de l'Education, nous sommes en train d'essayer de rebâtir, de recycler notre main-d'oeuvre de manière à pouvoir la conserver au travail dans une exploitation forestière que nous pourrions qualifier de plus sophistiquée. C'est le cheminement du progrès normal.

Une autre épée de Damoclès nous pend sur la tête; c'est que, là où les usines achètent des copeaux, il ne faut pas perdre de vue les pressions faites présentement par des scieries, grâce au marché actuel du bois de sciage, qui est en pleine expansion, qui atteint presqu'un sommet, à l'heure actuelle, au point de vue de la fabrication de bois de sciage ; il y a donc des usines de bois de sciage qui, en augmentant leur production, augmentent du fait même le volume de copeaux qu'elles désirent vendre aux usines de pâtes et papiers. Alors, vous avez un équilibre à faire. Si vous prenez plus de copeaux, vous faites moins d'exploitation forestière. Si vous faites moins d'exploitation forestière sur les parterres de la province, il faut remercier des hommes qui sont à l'emploi de la compagnie depuis dix, quinze années ou plus. Vous avez là une question de saturation du marché de copeaux vis-à-vis de la possibilité de mettre à pied beaucoup d'hommes en forêt. Cela s'applique autant chez nous, à Domtar, que cela peut s'appliquer à d'autres sociétés forestières. Vous avez là un point qui, à mon sens, est assez crucial parce que le bois de sciage atteint présentement un sommet de production. Autrement dit, si vous avez du bois à vendre demain matin, vous n'avez pas à courir un acheteur, l'acheteur se présente. La demande est plus grande que l'offre dans le bois de sciage, à l'heure actuelle.

Au moment même où cela se produit dans le bois de sciage, vous avez la difficulté de trouver des marchés pour tenir vos usines de fabrication de pâtes et de papiers à plein rendement. Vous voyez le problème, assez complexe, d'ajustement de deux secteurs qui ont une certaine intégration commune.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Joubert, qu'en est-il de l'utilisation des concessions forestières que vous détenez? Quel est le pourcentage d'utilisation des bois qui vous sont alloués par mode de concessions forestières? C'est un sujet qui a été traité longuement l'autre jour et on a fait reproche aux producteurs de pâtes et papiers de ne pas utiliser au maximum possible les bois qui leur étaient alloués par mode de concessions forestières.

M. JOUBERT: D'abord, disons qu'il faudrait, quant aux producteurs et aux scieries, ce à quoi vous faites allusion, par rapport à l'industrie des pâtes et papiers, quand on parle de ce problème, d'abord dissocier l'utilisation des feuillus et l'utilisation des bois mous. Or, la politique de la Société forestière Domtar a toujours été de vendre les droits de coupe — je parle des bois francs, des feuillus — à ceux qui sont intéressés à venir les couper, en achetant le droit de coupe, ou, si nous n'avons pas de preneur pour couper ces bois, nous les coupons nous-mêmes et nous les vendons aux scieries environnantes. Une scierie peut venir et offrir X dollars, une autre X dollars de plus. Nous vendons ordinairement à plus de scieries, pour favoriser l'économie régionale qui nous entoure. De ce fait, du côté des feuillus, nous n'avons jamais eu de problème, à ma connaissance, vis-à-vis de la vente de billes ou de la vente des droits de coupe en feuillus.

Du côté du bois mou, nous avons vendu des droits de coupe et également des billes. Nous avons des demandes, puisque vous parlez de la région de Dolbeau, pour fournir certains moulins à scie autour de chez nous et nous concluons des ententes avec eux, suivant leurs potentiels, leur rendement, leur capacité de payer, leur volume, etc..

Nous avons également d'autres projets mais, pour répondre directement à votre question, le

potentiel d'utilisation d'une concession est en fonction du marché.

Si a un moment donné vous avez une usine comme celle de Donnacona ou celle de Dolbeau qui marche à 100 p.c, c'est sûr que vous allez peut-être couper le potentiel normal annuel que la limite peut donner à perpétuité, tandis que s'il y a une récession très forte dans le marché, vous allez alors couper moins, au point de vue de l'utilisation des pâtes et papiers. Mais au même moment vous pouvez avoir une plus forte demande du côté du bois de sciage, et vice versa, cinq ans plus tard parce que ce sont deux secteurs industriels qui sont très cycliques. Cela fonctionne par cycles. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela répond partiellement à ma question, mais je vais la compléter en vous posant une autre question qui va vous paraître naive mais, il vous appartiendra de l'éluder ou d'y répondre. Est-il exact que votre société exerce, sur les entreprises de scieries et sur les petits producteurs, des pressions qui fassent que ces gens-là se sentent dans un marché captif et n'ont pas de possibilités de négocier vraiment avec vous?

M. JOUBERT: Je crois que cela est inexact. Autrement dit, nous n'avons pas ce problème chez nous, que je sache. Les gens qui veulent s'alimenter, si on a les possibilités d'alimentation, on leur donne la facilité. S'ils veulent acheter du bois de sciage, ils peuvent acheter du bois de sciage en billes des moulins à scie... tout le bassin de la rivière Chaudière l'an dernier, étant donné les difficultés que l'on avait dans le marché du papier journal, la grande exploitation qui s'est faite chez nous dans cette région-là a été vendue en grande majorité à toutes les scieries des environs. Alors, à ce moment, je ne peux pas voir que les gens peuvent se plaindre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous pose la question, vous répondez; enfin, cela n'épuise pas celle que j'ai à vous poser d'autre part.

M. Joubert, quand vous parlez de la Régie des marchés agricoles — M. Bacon, vous a posé une question à ce sujet, vous avez parlé des décisions arbitrales, à la page 9 de votre mémoire, qui ont obligé la société Domtar à réduire la production, notamment, à Trois-Rivières, à Donnacona et à l'usine de Cornwall — j'aurais aimé que vous fussiez plus explicite, s'il est possible pour vous de l'être, parce que cette partie de votre mémoire ne m'apparaft pas très convaincante.

M. JOUBERT: Ce à quoi on fait allusion, à mon sens, est très simple. Je vais essayer de l'expliciter comme vous venez de me le suggérer. La régie agricole rend des décisions sans tenir compte du marché concurrentiel qui change assez rapidement. Ordinairement les décisions sont rendues pour une durée d'un an.

Lorsque l'on sait, pertinemment, que le prix de la pâte ou le prix du papier journal est en régression, diminue de mois à mois, d'année en année, depuis les trois dernières années, tel qu'on l'a vécu, et que la régie, pour des raisons qu'elle considère sages, de son côté, augmente le prix du bois de $1.75 ou de $0.75 la corde, elle n'aide pas du tout l'industrie forestière. Dans le même temps, le ministère, lui, de son côté, essaie de donner certaines allocations sur le travail des étudiants, etc., pour tâcher d'aider tout le monde.

Si on regarde, par exemple, ce qui se passe en Suède, dans ce pays lorsque le marché d'exportation baisse quant au volume et au prix, les plans conjoints des fermiers doivent baisser leurs prix. Ici, cela ne se produit pas, ça ne baisse pas. Les prix restent fixes ou ils augmentent. C'est sûr que je ne veux pas accuser la Régie des marchés agricoles avec qui nous avons expliqué, par voie de mémoire, la position de notre industrie. Mais, tout de même, il faut vivre avec les décisions de la régie qui sont sans appel. Alors, vous avez des augmentations de coût. Si cela peut répondre à votre question, ce qui se passe est aussi simple que cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Disons, que cela y répond partiellement. D'autres pourront vous demander des détails additionnels. En ce qui me concerne, je voudrais encore vous poser une autre question.

D'abord, une question très générale sur la politique du ministère en ce qui concerne le mécanisme d'allocation des bois du domaine public. Quelle est l'opinion de la Société Domtar en ce qui concerne les mécanismes qui sont proposés, allocation de type contractuel, à court terme, à long terme, contrat, permis d'usage? Parce que c'est au fond l'articulation de la politique présentée par le ministère des Terres et Forêts.

M. JOUBERT: Nous explicitons cela assez dans notre mémoire, en ce sens que nous disons: On vit une expérience, depuis quelques années, sur la base de forêts domaniales, qui a lieu d'être améliorée à la suite de cette expérience. Sans pour autant se lancer immédiatement dans des structures complètement nouvelles.

Egalement, avant de changer le système de bail de concession qui existe à l'heure actuelle, je pense que les premiers intéressés, ceux qui ont capitalisé, qui ont investi dans la voirie forestière, dans la planification des coupes sylvicoles ou autres, ont droit d'être consultés. Et je suis persuadé que l'industrie des pâtes et papiers du Québec serait des plus heureuses de pouvoir s'asseoir, comme j'ai dit tantôt à M. Bacon, avec la partie qui représente le gouvernement et la partie syndicale si c'est nécessaire, parce que c'est tout de même une chose à trois. Il ne faut pas négliger une des parties plus que l'autre. Je pense qu'il y aurait lieu d'étudier des

solutions de changements ou d'améliorations dites à court terme, ou des solutions à long terme. Il y a un besoin pressant de venir en aide financièrement ou autrement à l'industrie des pâtes et papiers qui se trouve dans un marasme reconnu actuellement. Egalement, il y a des solutions à long terme que l'on doit envisager.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Joubert, compte tenu des besoins en approvisionnement de l'industrie du bois de sciage, l'industrie du meuble, etc., compte tenu de toutes ces exigences, compte tenu d'autre part des vôtres, comme producteur des pâtes et papiers, vis-à-vis de la politique du gouvernement, si elle était appliquée à court terme, c'est-à-dire dans une période de cinq ans ou de dix ans, quels seraient, selon vous, les effets sur les industries de pâtes et papiers de la nature de celle dont vous êtes membre ou que vous administrez?

M. JOUBERT: Est-ce que je peux demander une précision à votre question? Vous parlez de politique du gouvernement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'abolition des concessions forestières dans une période, disons, de cinq ans ou de dix ans?

M. JOUBERT: Encore là, on ne pourrait pas prévoir, aujourd'hui même, les effets, parce que le gouvernement, pour des raisons d'ordre pratique, n'a fourni à l'industrie forestière qu'un aspect philosophique du problème, ce qui laisse prévoir des mécanismes qui ne sont pas encore arrêtés, ni connus de nous. Donc quant à l'effet que cela pourrait avoir, je ne pourrai pas vous répondre parce qu'il faudrait savoir de quelle manière cela va se faire et ce n'est qu'alors qu'on pourra prévoir.

Le livre blanc mentionne une période de dix ans. Compte tenu que ces changements seraient acceptables par les parties intéressées, je crois que c'est une période qui est acceptable, si changements il doit y avoir.

Mais je pense que nous devons réellement nous asseoir et rationaliser, comme M. Lachance l'a mentionné l'autre jour, afin de savoir s'il doit réellement y avoir changements draconiens dans ce domaine. Je pense qu'une consultation au préalable s'impose entre les parties intéressées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Joubert, en ce qui concerne la rédaction ou l'élaboration de ce livre blanc du ministère des Terres et Forêts, est-ce que votre société comme telle a été consultée?

M. JOUBERT: Comme telle, non. Nous ne pouvons pas dire que nous avons été consultés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous accepteriez — et vous semblez le dire dans votre mémoire — de réexaminer tout le problè- me de l'allocation des richesses forestières avec le ministère des Terres et Forêts, avec tous les organismes intéressés? Est-ce que vous êtes disponible, disposé à examiner ce problème dans son entier, compte tenu de toutes les implications que cela comporte et compte tenu de ce que vous venez de dire, à savoir que le livre blanc a une approche, disons, plutôt idéologique — appelons ça comme ça — plutôt qu'une approche pratique?

Est-ce que vous êtes disposé à ce genre de collaboration, c'est-à-dire à une sorte de concertation des agents de l'économie, soit le gouvernement, les travailleurs et les industries dont vous faites partie?

M. JOUBERT: Non seulement nous sommes disposés mais c'est même une exigence de notre part, si vous voulez la prendre dans ce sens-là. Je trouve que, vis-à-vis de la complexité, à l'heure actuelle, de l'industrie des pâtes et papiers du Québec par rapport à l'accroissement de la production américaine, par exemple — dans les usines du sud, tel que M. Lachance vous l'a expliqué l'autre jour — c'est péremptoire et nécessaire que le gouvernement s'assoie avec nous et les autres parties intéressées pour étudier ensemble les modifications à apporter avant de les apporter.

Je trouve que la logique est là. Car si vous adoptez une mesure et que vous analysez les effets après, il y a des chances de rencontrer des écueils.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. JOUBERT: Mais si vous analysez les effets avant, vous adoptez la mesure et les gens sont d'accord; à ce moment-là, j'ai l'impression que les répercussions sont moins grandes. Il faut spécialement analyser, dans le contexte des pâtes et papiers, toute mesure que le gouvernement envisage de prendre, si souhaitable et si pratique qu'elle soit. Mais encore faut-il le savoir et être d'accord. Ce n'est pas compliqué d'être d'accord pour autant que les personnes intéressées soient capables d'échanger objectivement, parce que nous sommes tous pris par le même problème, d'une manière ou de l'autre.

Je pense que ce que vous mentionnez, M. Tremblay, est absolument nécessaire. Non seulement nous ne nous opposerions pas, mais nous souhaitons ardemment d'être consultés au préalable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous pose une dernière question, M. Joubert. Il y a, dans votre mémoire, des esquisses de solutions tout au moins; vous évoquez qu'il pourrait y avoir des solutions au problème que pose l'allocation des ressources forestières. Il y a quelques jours, on a fait reproche aux producteurs de pâtes et papiers et aux industries forestières de manquer d'imagination.

Est-ce que ce manque d'imagination dont on vous a taxés, dont on a taxé les organismes dont vous faites partie, ne proviendrait pas du fait que précisément, le ministère, dans son livre blanc, ne vous a pas fourni des données pratiques, concrètes, qui vous eussent permis de présenter des solutions pratiques et concrètes vous-mêmes? C'est l'un des gros reproches que l'on vous a faits l'autre jour. Ce reproche a été assez amer de la part du ministre. J'aimerais bien que vous nous disiez si c'est le manque de renseignements de la part du ministère qui vous ont empêché de nous présenter des solutions plus concrètes.

Je note, moi aussi, que dans votre mémoire, en dépit de sa valeur, il y a une volonté de collaborer qui est exprimée. Mais en ce qui concerne les solutions, on ne voit pas encore très bien dans quel sens vous voudriez vous orienter.

M. JOUBERT: A propos de la première partie de votre question, je ne pense pas que l'industrie forestière manque d'imagination parce qu'elle a prouvé le contraire à venir jusqu'à maintenant. Quand vous parlez des usines de pâtes et papiers, l'industrie forestière est liée à des ententes avec le ministère des Terres et Forêts pour la meilleure répartition possible de l'usage de la fibre.

L'on constate à l'heure actuelle, quand les gens nous taxent de manquer d'imagination, comme je l'ai expliqué tantôt, un accroissement anormal — je pense que le mot anormal doit être souligné — du marché du bois de sciage. Les scieries poussent comme des champignons en forêt et ces scieries ont besoin d'alimentation. Avant de chambarder tout le système, on ne doit pas chambarder un système basé sur une période anormale, dite de pointe. On doit chambarder le système, s'il faut qu'il soit chambardé, sur une période assez longue de prévisions, avec des cycles, le minimum et le maximum.

Je pense que si le gouvernement voulait former — je reviens encore à mon idée première, parce que je l'ai mordicus en tête — un comité étudier les besoins, la rationalisation de l'alimentation, autant des scieries que des usines de pâtes et papiers, je ne vois pas, d'aucune manière, qu'on ait besoin de tout chambarder le système.

On pourrait fortement améliorer, le système de concessions ou de forêts domaniales qui existe déjà, surtout quand on considère le système de forêts domaniales, à mon sens, avec quelques améliorations d'ordre pratique pour rendre l'administration plus souple et donner plus d'autorité en ce sens. Les solutions ne sont pas si éloignées que cela, parce que les problèmes ne sont pas si graves que cela. Il faudra se rappeler ce que M. Lachance a exprimé l'autre jour — et je prends cela à témoin — quand il a transmis aux membres de la commission une carte géographique délimitant les bassins d'ali- mentation. Par une rétrospective assez rapide, il a été en mesure de dire que les problèmes n'étaient pas aussi cuisants que le ministère pensait qu'ils étaient. Mais remarquez que la Société forestière Domtar est prête, comme vous l'avez mentionné, à collaborer, mais surtout à être informée pour être en mesure d'appliquer normalement et logiquement toute décision que le ministère entend prendre en ce sens.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais est-ce qu'elle est prête à collaborer dans le sens qui semble se dégager de l'exposé du livre blanc et de certains mémoires, au point où l'on modifierait, sur le plan de la philosophie socio-économique, le mode d'exploitation qui est le vôtre actuellement, qui est un mode capitaliste, — il faut l'appeler par son nom — pour aller dans le sens d'un mode de socialisme mitigé ou d'un socialisme intégral tel que ce qu'il appert de certains mémoires qui nous ont été présentés? Est-ce que vous accepteriez quand même, tout en gardant vos réserves, que le gouvernement ou l'Etat fasse un pas dans le sens d'un changement de la politique socio-économique dans ce domaine précis des terres et forêts?

M. JOUBERT: Non seulement nous l'accepterions, mais nous le pratiquons à l'heure actuelle, M. Tremblay. Prenez la manière dont la forêt de Matagami est répartie entre les cultivateurs, si vous voulez appeler cela du socialisme mitigé, c'est du socialisme mitigé. Vous avez aussi en planification des expériences que nous avons vécues où, par exemple, sous l'autorité du gouvernement, la société Domtar a construit des chemins dans telle région donnée et où, après les avoir construits, on nous a demandé humblement de nous déplacer et d'aller ailleurs; d'autres sont venus couper et le chemin n'a servi à rien en ce qui nous concerne. Alors, vous avez raison de dire qu'il faut examiner le problème en profondeur conjointement avec le ministère avant d'apporter des solutions dites draconiennes ou des changements dits draconiens.

A l'heure actuelle, nous ne nous opposons pas à cela. La seule chose que nous demandons, c'est le point capital de notre mémoire, c'est de pouvoir nous asseoir et de dialoguer avec les gens avant que les mesures soient prises de manière à les digérer pour les mettre en application pour le mieux-être de l'ensemble de la province, tant pour nos employés que pour la province, parce que nous avons tout de même une responsabilité vis-à-vis de nos employés. Si, dans la redistribution ou dans tout autre changement que le gouvernement préconise, nous sommes obligés d'acheter plus de copeaux et de mettre du monde à pied dans la région du Lac-Saint-Jean ou dans d'autres régions, cela ne réglera pas les problèmes, cela va en créer d'autres. Au lieu de créer de l'emploi, on va créer du chômage. Alors, je dis qu'il y a

tellement de facteurs rattachés à cette transformation de politique préconisée, comme vous l'avez dit tantôt, d'une manière plutôt idéologique que pratique, et qu'il y a une nécessité absolue de nous asseoir ensemble pour essayer d'étudier et de trouver les améliorations nécessaires. Nous ne sommes pas contre le progrès.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie, M. Joubert.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, j'aurais également quelques questions à poser à M. Joubert. Il peut sembler, pour les parties qui viennent présenter des mémoires, que les partis d'opposition veulent faire leur procès. Tel n'est pas le cas, du moins pour ce qui nous concerne, nous du Ralliement créditiste, parce que nous essayons, en toute objectivité, de voir clair à travers la situation qui existe et les suggestions qui ont été soumises dans les deux livres blancs, pour ne pas dire le livre vert, du ministère des Terres et Forêts et, en même temps, essayer de voir clair aussi quant à ce qui est suggéré par les diverses parties.

En ce qui vous concerne, à la société Domtar, vous avez dit que vous ne manquiez pas d'imagination.

Je n'en doute pas du tout, mais il semble que vous soyez quelque peu cachottiers de temps à autre. Peut-être que c'est en vue d'une saine concurrence entre les diverses compagnies, je ne sais trop, de toute façon, j'avais noté aussi qu'il n'y a pas tellement de suggestions à l'intérieur de votre mémoire quand même bien préparé.

Il y a deux ans ou un an, est-ce que vous pouviez prévoir, M. Joubert, qu'il y aurait justement le dépôt des tomes I et Il du livre blanc du ministère des Terres et Forêts? Est-ce que vous avez eu vent de la chose?

M. JOUBERT: Pas que je sache. On a eu vent que le ministère était pour écrire un livre blanc, et lorsque le tome I a été écrit, les gens en ont reçu la facture. Lorsque le tome Il a été écrit, ç'a suivi la même procédure. Il peut y avoir eu des consultations du côté technique, mais ce n'était pas de mon domaine. Je ne pourrais pas dire d'une manière stricte si nous étions au courant.

Nous savions que le ministère était à essayer d'étudier une refonte de ces mécanismes, mais nous ne savions pas quoi.

M. BELAND: Si je comprends bien, on présageait quand même qu'il pouvait y avoir le dépôt d'un livre blanc. A ce moment-là, est-ce que ça n'a pas été une des raisons qui ont pu influencer une prédétermination pour en arriver à une situation de marasme?

M. JOUBERT: Il n'y a aucune relation entre la philosophie préconisée dans le livre blanc du ministère et le marasme économique par lequel passe l'industrie des pâtes et papiers. Il n'y a pas de relation à ce point de vue-là.

M. BELAND: Dans ce cas-là, cela m'amène à d'autres questions. Suite à d'autres questions qui ont été posées par d'autres parties, on voit dans le livre blanc, tome II, à la page 126: Les forêts publiques et les forêts privées doivent ensemble participer à la réalisation des objectifs de production de matière ligneuse et de maintien d'espaces boisés parce que toutes les deux contribuent à la formation du patrimoine forestier et à l'approvisionnement en bois des usines.

Est-ce que, vis-à-vis de ça, vous êtes d'accord pour qu'il y ait participation sensiblement égale au niveau des suggestions qui doivent être faites par les compagnies utilisatrices ou les usines de bois et les propriétaires privés?

M. JOUBERT: La réponse que je peux vous faire est à la page 7 de notre mémoire, où on mentionne qu'en 1971, la société a acheté 800,000 cordes de bois provenant des boisés de ferme, ce qui représente 65 p.c. de l'alimentation totale des usines. Si ce ne sont pas des chiffres à l'appui que c'est une saine politique de se procurer la fibre, autant auprès du boisé privé que dans le domaine des boisés publics, c'est la politique que nous pratiquons à l'heure actuelle.

Evidemment, vous avez aussi là la question de location. Il est bien sûr que des cultivateurs autour de Quévillon, il n'y en a pas beaucoup. Par contre, dans l'Estrie, il y en a passablement.

M. BELAND: Dans ce cas-là, il est bien dit que 35 p.c. du bois alimentant vos usines, vous allez le quérir dans les forêts domaniales et que 65 p.c. provient de boisés privés. Première question, pour ce qui est des forêts domaniales, vous avez répondu que pratiquement tout le bois autre que celui que vous pouviez utiliser selon les régions était vendu à d'autres utilisateurs.

Mais, en pourcentage, supposons en 1971, est-ce que tout le bois à être coupé ou qui devait être coupé a été coupé et a effectivement été vendu à d'autres utilisateurs? Je parle du bois que vous ne pouviez pas utiliser vous-même.

M. JOUBERT: On l'exploite à l'heure actuelle, seulement sur une seule forêt domaniale qui est la forêt domaniale de Matagami. A l'heure actuelle quant à la demande pour se procurer de la fibre, elle dépasse la propre capacité de la forêt de Matagami. Alors, si ce n'est pas de la pleine utilisation, je ne sais pas ce que c'est, c'est même de la surutilisation.

M. BELAND: Dans ce cas-là, allons un peu plus loin. A la page 9, en somme, vous laissez dessiner assez clairement que justement l'insis-

tance de la part de la Régie des marchés agricoles peut-être, à certaines occasions, pour que vous utilisiez une certaine quantité de bois provenant des boisés privés, était pour vous, comme compagnie, un facteur difficilement "digérable", pour employer cette expression.

Or, ici, cela m'amène à poser une question. Est-ce que la partie de bois qui provient des lots boisés vous revient plus cher la tonne que celui qui provient des forêts domaniales?

M. JOUBERT: Oui monsieur, en moyenne $3 de plus la tonne.

M. BELAND: Chiffre déclaré.

M. JOUBERT: Cela varie d'une région à l'autre. Vous pouvez avoir des régions où c'est à peu près similaire et des régions où c'est beaucoup plus que $3 la tonne. Je vous donne une moyenne pour la simple raison que, vous avez les usines d'East-Angus, de Windsor, de Donnacona, de Trois-Rivières, qui sont alimentées en grande partie, en majorité, par les boisés privés. Or, si vous faites la rationalisation de tout ce système de boisés, en coût moyen, je vous dis que cela coûte $3. de plus la tonne. Alors, cela peut arriver pour un certain temps, que cela soit égal. Cela dépend si le bois est très près ou très loin de l'usine. C'est une question de moyenne. Pour répondre précisément à votre question, c'est $3. de plus la tonne en moyenne.

M. BELAND: Vous avez laissé entendre que, justement, la régie semblait agir sans tenir compte des marchés concurrentiels, soit nationaux ou internationaux, pour prendre leurs décisions. Or, est-ce que vous accepteriez, devant cette commission parlementaire, puisque des chiffres devraient peut-être être placés à l'appui pour le renseignement du public, que tous les mémoires qui ont pu être présentés dans le passé par les offices et syndicats de producteurs de bois soient déposés de façon complète afin d'éclairer peut-être davantage la situation ou les membres de la commission?

M. JOUBERT: Non seulement j'accepterais, mais j'accepterais que les mémoires des deux parties soient déposés pour la simple raison que l'on a dans plusieurs mémoires, répété que le prix du bois qui venait des boisés privés devrait suivre, quant à son prix de vente, la fluctuation économique du marché du produit ouvré, et il ne semble pas que la régie ait accepté cette philosophie.

Le fait est que quand cela devient extrêmement mauvais, les prix sont maintenus sans augmentation, on peut dire cela comme règle générale. Et, dès que ce n'est pas extrêmement mauvais, il y a des augmentations qui sont jugées, d'après la régie, nécessaires par rapport au coût d'opération du fermier, par rapport au coût d'opération de son équipement, etc.

Ce sont des choses que nous comprenons, mais si vous avez la capacité de payer $10. et que l'on vous force à payer $11 ou $12, cela réduit votre marge de concurrence sur le marché international ou sur le marché national. C'est là le point. L'allusion que l'on fait ici, c'est que le fait que le coût de la fibre venant des boisés privés augmente et qu'on ne prenne pas en considération les implications économiques du marché international et les fluctuations internationales, cela nous met dans une position désavantageuse vis-à-vis de nos concurrents.

Quand nous augmentons le prix de la corde des boisés privés ici, pour faire du papier et qu'en Suède notre concurrent l'abaisse, qu'est-ce que vous faites vis-à-vis de l'acheteur? Vous perdez vos commandes. C'est aussi simple que ça.

M. BELAND: Est-ce qu'au point de vue du volume de fibre, entre ce qui provient des boisés privés et ce qui provient de la forêt domaniale, il y a une différence sensible?

M. JOUBERT: Oui. Vous allez voir des boisés privés qui ont de bons rendements, selon les régions, les bassins d'alimentation des boisés privés. Vous allez voir des boisés privés qui ont des rendements très inférieurs à d'autres boisés, dans des forêts publiques comme dans la forêt domaniale ou dans des concessions, la densité n'y est pas la même. Vous donner des chiffres serait assez difficile, parce que cela varie d'une usine à l'autre. Nous avons un dossier des quantités expédiées par camion, par chemin de fer pour chaque livraison à l'usine. Nous avons un dossier séparé sur l'utilisation de cette fibre. Nous avons des chiffres à l'appui et nous les avons déjà soumis, d'ailleurs, dans nos mémoires à la régie.

M. BELAND: Je pense qu'il aurait été intéressant quand même, ce matin, sur cette question, que nous ayons pu les avoir.

M. JOUBERT: En moyenne, si vous voulez une réponse, c'est 20 p.c. La fibre provenant des boisés publics appelés concessions ou forêts domaniales a un rendement supérieur de 20 p.c. la tonne par rapport aux boisés privés, en moyenne.

Cela vous prend 20 p.c. plus de bois de boisés privés pour faire une tonne de papier que cela vous en prend sur la forêt publique.

M. BELAND: Comme dernière question, vous avez certainement pris connaissance du document préparé par le Dr Louis-Jean Lussier à titre de suggestion au ministère des Terres et Forêts, concernant la réorganisation de l'activité forestière. Or, comme cela touche non seulement les boisés privés, mais également l'ensemble des forêts du Québec, est-ce que vous avez des commentaires à faire sur cette suggestion?

M. JOUBERT: Premièrement, je dois vous répondre que je ne l'ai pas lu. Cola va donc être difficile de faire des commentaires. Il ne m'a pas été possible de le lire jusqu'à maintenant. Je me propose cependant de le faire. On commence par éteindre le feu chez soi avant de l'éteindre chez le voisin. Nous avons été passablement occupés par des problèmes dont M. Bacon m'a si aimablement parlé tantôt, et je pense que cela nous a pas mal tenus sur la sellette. Je n'ai pas pu trouver le temps de lire le rapport de M. Lussier.

M. BELAND: Dans les suggestions énumérées dans le livre blanc du ministère des Terres et Forêts, qu'est-ce que vous auriez à donner comme commentaire sur les pires choses que vous décelez à l'intérieur du tome Il? Quelles sont les pires choses qui ne seraient pas acceptables par votre compagnie à l'intérieur du tome Il?

M. JOUBERT: Ce que je peux répondre là-dessus et qui va vous satisfaire, je pense, est ceci: Ce qui est préconisé dans le tome Il est un nouveau système avec une administration nouvelle. Les changements préconisés sont assez draconiens. Notre compagnie, comme telle, ne s'oppose pas aux changements, aux modifications. Nous avons passé d'une concession forestière à une forêt domaniale et le rendement que nous avons, le dialogue que nous avons avec le ministère, à mon sens, sont parfaits, nous ne pouvons pas trouver mieux. Les gens à l'intérieur du ministère sont très compétents. C'est une chose que je dois dire, que je voulais souligner en passant. Cependant, l'expérience prouve que lorsque vous laissez plus d'initiative à l'entreprise privée et que le gouvernement demeure intéressé indirectement, et non directement, la rentabilité est sensiblement supérieur.

C'est l'expérience que l'on peut découvrir lorsque l'on va se promener en Suède. Nous nous imaginons que c'est très socialiste mais, dans le fond, c'est peut-être plus capitaliste qu'ici, au sens où nous l'entendons. Mais vous savez, de la manière que les nouvelles se transmettent, ce n'est pas toujours parfait comme transmission. Nous sommes donc très heureux d'apprendre qu'une délégation du ministère, y compris le ministre, s'en va en Suède, parce qu'ils vont apprendre beaucoup de choses, comme nous l'avons appris dernièrement. Pour répondre à votre question, toute mesure préconisée peut être bonne ou mauvaise, mais elle mérite d'être étudiée en consultation au préalable et il importe que ce ne soit pas seulement une partie qui prenne la décision et que les autres vivent les conséquences par la suite. C'est comme vous et moi, si nous nous consultons pour l'achat de telle chose et que nous sommes d'accord, il y a des chances que nous ne nous chicanions pas après. Mais, si nous ne nous consultons pas et que vous me dites:

Nous achetons cela en votre nom, il peut y avoir peut-être un petit débat par la suite, n'est-ce pas? Alors, ce que nous voulons, c'est de dire que nous nous entendons très bien avec le ministère, que nos relations sont très bonnes, mais nous préconisons une étude conjointe avant toute mise en place d'un nouveau système.

Peut-être que le système actuel amélioré serait supérieur à ce que nous pouvons préconiser, mais c'est ce que nous ne savons pas parce que nous ne l'avons pas analysé conjointement. C'est la question que nous posons. C'est ce que nous mettons en doute. J'espère avoir répondu à votre question.

M. BELAND: D'accord. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saguenay.

M. LESSARD: Lorsque vous parlez de consultation avec le ministère, est-ce que vous croyez que le travail que fait actuellement la commission parlementaire, c'est-à-dire qu'à la suite de la présentation, de la préparation d'un livre blanc par le ministère des Terres et Forêts, le ministre ait jugé que ce livre blanc devait être étudié en commission parlementaire, c'est de la consultation? N'avez-vous pas l'occasion, à ce moment, de présenter vos revendications et de proposer certaines modifications au livre blanc? Ou est-ce que voulez avoir une consultation plus précise, plus intégrée avec le ministère préparer vous-mêmes, peut-être en collaboration avec le ministère, un livre blanc? Vous avez l'occasion, à cette commission parlementaire, de soumettre vos suggestions. N'est-ce pas cela de la consultation? Vous voulez avoir une autre consultation, une consultation différente? Qu'entendez-vous par cela?

M. JOUBERT: Je vais prendre cela en trois points, si vous me le permettez. Le premier point, c'est que nous nous réjouissons que le ministre ait demandé la tenue de la commission parlementaire parce qu'en régime démocratique, c'est la meilleure manière de renseigner le public, d'une manière générale. C'est notre premier point.

Le deuxième point, c'est quand vous commencez à toucher à la planification, à l'accréditation, si vous voulez, de massifs forestiers, pour l'utilisation maximale sur une base annuelle de la fibre disponible, tant pour l'industrie du sciage que pour toute autre industrie qui touche la matière première dite le bois. A ce moment, vous tombez dans des considérations extrêmement techniques et également très financières. Vous avez la question de taxation, la question de répartition, la question de voirie, la question de protection contre le feu, la question de reboisement, la question écologique qu'il ne faut tout de même pas mettre de côté non plus.

S'il fallait que le but de la commission parlementaire ait été de déposer ici les vues précises et les conséquences précises des changements préconisés par le livre blanc, ce serait réellement pénible. Mais nous ne pouvions pas le faire, parce que le livre blanc ne donne que des intentions, qui sont probablement très louables. Il ne parle que des modes administratifs, mais les conséquences des changements des modes administratifs, il faut les étudier en profondeur avant de les appliquer. C'est seulement ce que nous voulons dire; or, cela demande une étude poussée.

M. LESSARD: N'était-ce pas l'objectif du ministère des Terres et Forêts de présenter non seulement une thèse idéologique ou philosophique, comme voulait le laisser entendre, tout à l'heure, le député de Chicoutimi et comme vous l'avez dit, mais d'étudier toutes ces conséquences? Est-ce que ce n'était pas la responsabilité du ministère?

M. JOUBERT: Cela est un plan. Mais il n'y a pas seulement un côté à une médaille. Il y a ce plan que le ministère a voulu préconiser dans son livre blanc et il y a l'aspect pratique aussi.

Ce n'est pas pour rien que, l'autre jour, M. Lachance vous a suggéré, appuyé par le député de Chicoutimi, qu'une visite soit organisée pour voir. On a choisi la région du Lac-Saint-Jean parce que c'est une des plus belles régions de la province. Cela permettrait à la commission de voir le genre d'approvisionnement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci. C'est la vérité!

M. DEMERS: C'est la loi des compensations.

M. JOUBERT: Alors, je pense qu'une visite d'ordre pratique s'impose, parce que parler de changements purement techniques, c'est assez difficile, sur papier. Il faut en étudier les conséquences d'ordre pratique. Selon ce qui est dit dans le tome Il, nous trouvons qu'il n'y a pas assez de précisions. C'était très difficile pour le ministère d'apporter des précisions, parce qu'on lance un programme, on lance quelque chose de nouveau et on attend pour savoir quelle sera la réaction de l'industrie ou des employés de cette industrie qui sont représentés par la partie syndicale, qui, elle aussi, doit être consultée.

M. LESSARD: M. Joubert, à la page 4 de votre mémoire, vous parlez de charges très lourdes sur les bois qui sont coupés dans les concessions forestières. Lorsque vous parlez de charges très lourdes, est-ce que c'est en comparaison avec d'autres régions du Canada, ou en comparaison avec d'autres pays?

M. JOUBERT: C'est en comparaison des coûts, pour arriver à être concurrentiels. Tout le monde sait que, d'année en année, on a alourdi les charges au point de vue des exploitants forestiers, tant chez nous que dans le secteur du bois de sciage. Cela vaut pour les deux secteurs ou tout autre secteur. Vous l'avez du point de vue fiscal, du point de vue de l'impôt, du point de vue de l'éducation, vous l'avez du point de vue du ministère du Travail, vous l'avez vis-à-vis de la Commission des accidents du travail. En fait, on pourrait faire une longue énumération, mais je pense que M. Lachance, l'autre jour, a su vous donner un ordre de grandeur de chiffres à l'appui de ce que nous préconisons.

Nous ne voulions pas répéter, dans notre mémoire, les chiffres qui ont été déposés ici par le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec.

M. LESSARD: Alors, vous parlez de l'ensemble des charges. Mais, lorsque nous parlons, par exemple, des redevances plus précisément attachées aux droits de coupe et à l'exploitation forestière, si on exclut les charges de l'impôt, est-ce qu'elles sont comparables à d'autres provinces du Canada ou à d'autres pays?

M. JOUBERT: Je n'ai pas de tableaux comparatifs devant moi, mais il y a une grande variation, parce que ce n'est pas fait sur la même base partout. Les choses qui ne sont pas calculées sur la même base sont difficilement comparables.

M. LESSARD: A la page 219 du tome I du livre blanc, le ministère des Terres et Forêts évalue ses redevances diverses, c'est-à-dire droits de coupe et rentes foncières; en 1968, on constate, par exemple, que, dans l'Est canadien, les redevances ont été de $4.50; dans le sud américain, de $10 et dans l'Ouest canadien, de $5. Est-ce que vous pouvez apporter des commentaires? Est-ce que vous pensez que ces chiffres-là sont réels?

M. JOUBERT: Je ne pourrais pas contredire les chiffres du ministère. J'assume, à prime abord, qu'ils sont véridiques, mais vous me parlez de coûts dans le sud des Etats-Unis et vous me parlez de coûts au Québec. Il ne faut pas oublier que pour une exploitation forestière au sud des Etats-Unis par exemple il n'est pas question de neige, il n'y a pas de problèmes de voirie. En général, c'est fait par l'Etat. Ces gens-là obtiennent des droits de coupe qui, sur papier, sont plus élevés mais, par contre, le reste de l'exploitation qu'ils n'ont pas à payer compense comme crédit. C'est pour cela que je vous disais tantôt qu'il est très difficile de faire une analyse comparée à brûle-pourpoint. Mais si on compare cela à ce qui existe chez nous, on sait par exemple qu'au Québec cela nous coûte beaucoup plus cher qu'en Ontario, parce que notre société exploite en Ontario et au Québec. Là, il y a une comparaison.

M. LESSARD: D'accord, mais pour analyser en profondeur le problème forestier, il faut quand même connaître les structures de coûts pour pouvoir corriger là ou cela fait défaut. Si on n'a pas une structure de coûts complète, si on regarde, par exemple, la structure de coûts du bois au Québec et qu'on la compare avec la structure de coûts du bois aux Etats-Unis, on va avoir certaines différences dans une partie qui vont être avantageuses, par exemple, pour le Québec et désavantageuses dans certains cas.

C'est dans ce sens-là qu'il est extrêmement important de connaître la structure de coût des producteurs du Québec pour pouvoir être capable de la corriger. Quand la CSN nous présente un mémoire, par exemple, elle nous dit qu'en réalité, quand on compare le bois produit au Québec et ailleurs, la seule place où nous sommes désavantagés, c'est dans l'exploitation du bois qui est la responsabilité de l'entreprise.

M. JOUBERT: Là-dessus, je peux vous répondre que l'argumentation que vous venez de donner, je la trouve excellente, parce qu'elle conduit à la thèse que nous soutenons. Si c'est si complexe que ça, il faut s'asseoir et l'étudier avec les parties intéressées. Mais il ne faut pas perdre de vue que les comparaisons entre le sud des Etats-Unis et ici peuvent être plus ou moins boiteuses parce qu'il faut tenir compte d'un grand nombre de facteurs.

Par exemple, quand vous prenez du papier journal de Dolbeau et que vous l'envoyez sur le marché de l'est des Etats-Unis, ça vous fait tant de milles à parcourir. Par contre, il y a des usines américaines qui sont tout près du marché de consommation. Et on sait qu'on veut exporter la grande partie de notre papier journal. Il n'y a pas seulement le facteur de l'exploitation forestière, il y a le coût de transport et beaucoup de facteurs. J'endosse complètement votre suggestion à savoir qu'il faut s'asseoir et étudier conjointement.

M. LESSARD: En parlant des concessions forestières, est-ce que vous pourriez me dire combien de milles carrés la Domtar possède sous forme de concessions forestières?

M. JOUBERT: Environ 14,000 milles carrés, en chiffres ronds.

M. LESSARD: Donc 14,000 milles carrés. Vous dites qu'en 1971, 65 p.c. de l'alimentation totale des usines de la Domtar provenaient des terrains privés. Alors, est-ce que vous avez eu des difficultés d'approvisionnement avec ces producteurs privés?

M. JOUBERT: Oui, ça dépend également de plusieurs facteurs. Prenez cette année, même si on voulait taper ces gens et leur dire: Livrez votre bois! Quand on connaît une saison de pluie comme on en connu cette année, autant sur nos exploitations forestières que sur les terrains de nos cultivateurs, on ne peut pas leur demander l'impossible. Là, vous avez les conditions atmosphériques qui prévalent. Vous avez également aussi...

M. LESSARD: Ces mêmes conditions peuvent aussi influencer l'approvisionnement dans les concessions forestières.

M. JOUBERT: Non. Chez nous, par la mécanisation, nous passons au travers de ces difficultés. Tandis que le cultivateur, lui, n'est pas capable de le faire. Il faut prendre ce fait en considération. De plus, il y a le problème de la main-d'oeuvre chez les cultivateurs qui, non seulement affecte la production du bois sur les terrains privés, mais également une foule de produits agricoles sur les fermes.

Une récente étude prouve que la main-d'oeuvre sur les fermes devient une question alarmante pour le cultivateur.

M. LESSARD: Alors, une partie aussi de votre bois provient de la forêt domaniale. Est-ce que vous avez eu des problèmes d'approvisionnement?

M. JOUBERT: Aucun.

M. LESSARD: Aucun problème d'approvisionnement. Donc, le fait qu'une agence gouvernementale supervise l'approvisionnement, est-ce que ça peut mettre en danger la vie de l'industrie forestière?

M. JOUBERT: Aucunement, pour autant que la planification soit faite d'une manière rationnelle. C'est tout; c'est d'ailleurs ce que nous préconisons.

M. LESSARD: Alors vous n'avez aucune opposition à ce qu'il y ait une régie gouvernementale qui va être responsable de l'approvisionnement des usines.

M. JOUBERT: Je vais dire comme à la télévision: "Un instant, cher monsieur". Ce n'est pas ça qu'on a dit...

M. LESSARD: C'est justement ce que je veux vous faire préciser.

M. JOUBERT: Je ne sais si c'est ce que vous voulez me faire dire, mais ce n'est pas ce que nous avons dit. Ce que nous disons, c'est qu'à l'heure actuelle, il y a deux modes d'exploitation que nous connaissons avec le ministère. La concession forestière, je vais vous donner un exemple spécifique: Dolbeau; et la forêt domaniale, un exemple spécifique: Matagami. Donc, nous avons vécu l'expérience des deux, plus le système d'approvisionnement à 65 p.c. pour quatre usines qui vient des terrains privés.

C'est cela qui nous met en très bonne position pour discuter des avantages de tel ou tel changement mais nous n'avons jamais approuvé automatiquement une régie gouverne-

mentale, loin de là. Ce que nous disons, c'est qu'avant de procéder à des changements majeurs dont on ne connaît pas les conséquences, on voudrait avoir la possibilité de s'asseoir avec le ministère et les autres parties concernées pour étudier en profondeur les conséquences que pourraient avoir ces changements-là; nous ne sommes pas opposés aux changements, s'ils sont valables, mais de là à dire que, parce que nous ne sommes pas opposés aux changements, nous favorisons une régie gouvernementale, vous allez un peu plus vite que moi dans l'argumentation.

M. LESSARD: Cela pourrait prendre combien de temps, cette consultation avec les entreprises?

M. JOUBERT : Si je me réfère à la discussion que nous avons eue par exemple au ministère du Travail sur la négociation sectorielle dans l'industrie en général, cela a duré au CCTM à peu près trois ou quatre mois, je dois vous dire que nous étions loin d'être tous d'accord, mais que nous le sommes devenus à la longue devant l'échange objectif qu'il y avait à ce moment-là. C'est là que je reviens à ce que j'ai dit tantôt, même si je prends un peu plus de temps, c'est que des changements majeurs comme ceux-là ne peuvent pas être décidés unilatéralement. Il faut que la partie qui a investi l'argent, qui est la partie patronale ou capitaliste, appelez-la comme vous voudrez, et que la partie aussi qui a investi la main-d'oeuvre, le capital ouvrier, qui est représentée par des syndicats, et la partie gouvernementale soient d'accord au moins sur les bases. Je ne parle pas de toutes les modalités, parce qu'il peut y avoir une disparité au point de vue administratif, il peut y avoir des différences, mais on ne peut pas arriver à préconiser une politique forestière, en chambardant en théorie et sans savoir dans la pratique où on s'en va exactement. Tout ce que nous demandons, c'est d'être informés, nous ne demandons pas plus.

M. LESSARD : Alors, vous seriez prêts à mettre à la disposition du ministère tous les vrais chiffres que vous possédez concernant l'exploitation forestière?

M. JOUBERT: Sans aucun doute.

M. LESSARD: Mais vous n'êtes pas complètement opposés, a priori, à l'abolition des concessions forestières. Ce que vous voulez, vous voulez connaître les conséquences économiques que cela peut comporter.

M. JOUBERT: Ce que nous disons, c'est que les scieries, si on parle de ceux qui exploitent la forêt dite publique, ont le droit de vivre. Ceux qui ont investi du capital dans l'industrie des pâtes et papiers, même si elle est dans un marasme à l'heure actuelle, ont le droit égale- ment de survivre. Pour eux, ce n'est plus une question de vivre, c'est une question de survivre. C'est encore plus péremptoire. A ce moment-là, si nous sommes capables de nous asseoir autour d'une table et d'étudier ces problèmes-là, nous serons capables sûrement, d'une manière tripartite, de préconiser des changements qui peuvent être identiques à ceux préconisés par le ministère, mais nous ne nous sommes pas encore assis, nous n'avons pas encore eu cette consultation valable et nécessaire pour en arriver là.

M. LESSARD: Quelles seraient les réactions de l'industrie Domtar si on acceptait une des suggestions qui semble revenir assez souvent depuis que nous entendons des mémoires concernant la modification des redevances et selon laquelle on ne devrait pas demander aux compagnies de payer sur le bois coupé mais de payer sur le potentiel de la concession forestière?

M. JOUBERT: Encore là, c'est aller vite. Une chose est certaine, c'est que les compagnies ne demandent pas la charité, pas plus que les scieries. Ce que nous demandons, c'est une rationalisation du système.

M. LESSARD: Le Conseil des pâtes et papiers demande $27 millions.

M. JOUBERT: D'accord, mais ce que nous demandons, c'est... Si vous regardez notre mémoire, nous parlons de solutions à court terme et à long terme. A court terme, ce que nous voulons impliquer par là, c'est un dégrèvement financier des charges. Parce que si nous voulons nous donner une possibilité de relance pour survivre, il faut nous dégrever temporairement, quitte à repayer plus tard mais, à l'heure actuelle, nous n'avons pas la capacité de payer et nous sommes dans un marasme économique au point de vue de la production et au point de vue de la consommation. C'est la solution à court terme.

Pour la solution à long terme, je vous rejoins. Là, il s'agit d'analyser les changements majeurs que l'on pourrait faire dans la répartition des terrains boisés au Québec et également étudier aussi s'il y a des modalités à apporter quant à la mise en marché du bois venant des producteurs de boisés privés. C'est aussi important que les autres.

M. LESSARD: Dans votre mémoire, vous analysez les conséquences d'une décision qui est prise unilatéralement par la Régie des marchés agricoles. Que pensez-vous de la suggestion qui voudrait que l'on remplace la Régie des marchés agricoles par une régie des approvisionnements où le gouvernement serait naturellement majoritairement présent, mais où l'entreprise et les syndicats et les petits producteurs privés seraient aussi présents?

M. JOUBERT: Personnellement, régie pour régie, changer une affaire pour une autre affaire semblable, ce n'est pas une grande amélioration. Ce que je préconise, c'est que, dans le contexte actuel, compte tenu du nombre d'usines qu'il y a au Québec, compte tenu des bassins d'alimentation, compte tenu des études qui ont été faites dans le passé, la simple loi de l'offre et de la demande va fixer le prix suivant la capacité d'absorption de vente du marché.

M. LESSARD: Ce n'est pas toujours vrai, ce libéralisme, de laisser faire et laisser passer. Cela n'a pas toujours été vrai dans le passé et cela ne l'est pas encore aujourd'hui, le monopole des...

M. JOUBERT: Pour autant que je suis concerné, je pourrais apporter un chapelet de plaintes concernant le passé et vous pourriez en faire autant, mais je regarde le passé et j'ai tendance à l'oublier parce que je préfère vivre le présent et bâtir en fonction de l'avenir.

M. LESSARD: Si on vous laisse selon l'offre et la demande pour les industries forestières, cela va aller assez mal.

M. JOUBERT: Ecoutez, je vais vous donner seulement un aperçu de ce qui se passe.

M. LESSARD: Vous n'acceptez pas ce principe bien souvent pour vous. Si, actuellement, on laisse l'industrie forestière selon ce principe de l'offre et de la demande, je pense bien que notre industrie forestière ne réussira pas à passer la crise qu'elle vit actuellement.

M. JOUBERT: Cela ne l'affectera pas d'autant. Je vais vous donner des exemples disons d'un ordre de grandeur assez simple. Aux Etats-Unis, 90 p.c. de l'alimentation des usines de bois de sciage et des usines de pâtes et papiers vient de terrains privés. L'Etat a affaire seulement à 10 p.c. En Suède, le pourcentage également est très élevé. Ces gens sont sur le même marché concurrentiel que nous. Maintenant, vous avez l'air de penser que nous, on s'oppose au changement, je continue à répéter depuis le début que l'on favorise des changements, mais, avant de faire ces changements, on veut s'asseoir pour les étudier de manière à s'assurer qu'ils sont rationnels et qu'ils correspondent aux besoins des parties intéressées. C'est tout ce que l'on préconise.

M. LESSARD: Je me réfère à la page 219 du tome I du livre blanc du ministère des Terres et Forêts, dans l'analyse que l'on fait des frais généraux de différentes entreprises; je comprends que c'est difficile d'analyser les frais généraux, entreprise par entreprise, mais on y trouve une comparaison entre le sud-américain, l'ouest canadien et l'est canadien. On dit, par exemple: Dans l'est canadien, les frais généraux sont de $13.50, dans le sud-américain de $5, et dans l'ouest canadien de $9. On ajoute, en bas, comme note, à droits de coupe: "Dans le sud américain les frais généraux sont très faibles puisque les usines s'approvisionnent presque en totalité aux petites forêts privées et que le degré de mécanisation est peu élevé." Alors, est-ce que cela ne voudrait pas dire que, du fait que vous exploitiez directement au Québec, que vous coupiez directement votre bois, cela n'augmente pas considérablement les frais généraux des entreprises forestières québécoises?

M. JOUBERT: Au risque de me répéter, tantôt j'ai dit que l'on approvisionnait quatre usines de volume à 65 p.c. de bois qui venait de terrains privés. Quand vous parlez de comparaison de coûts entre l'est du pays, l'ouest du pays et le sud des Etats-Unis, seulement une illustration. Notre approvisionnement en général, vient soit de bois que nous coupons nous-mêmes, de bois que nous achetons par les plans conjoints, ou de sous-produits des moulins à scie. Juste pour donner un exemple, dans l'ouest canadien, le prix maximum pour les copeaux venant des moulins à scie livrés aux usines de pâte, c'est $15. Nous, ici, à l'heure actuelle, on paie entre $22 et $29, cela aide beaucoup l'industrie. Il y a un point, c'est pour cela que je dis qu'il faut que les gens qui sont intéressés tant à l'exploitation de la matière première qui est de la forêt qu'à l'intégration de la vente de leurs produits comme la scierie vis-à-vis de l'utilisation des copeaux que fait l'usine de pâtes et papiers, il faut que ces gens s'assoient ensemble et règlent leur problème avec le ministère.

On ne peut pas arriver comme ça, avec des formules toutes faites. C'est pour ça que nous préconisons la réunion d'un comité de gens qualifiés et spécialisés.

Il y a une chose qui me réjouit, c'est qu'à l'intérieur du ministère, on a les hommes compétents pour s'asseoir avec nous. Il n'a pas à aller chercher de compétences à l'extérieur, il les a les gens.

M. LESSARD: Mais nous pensions que ç'avait été fait, l'étude de toutes les conséquences, étant donné que le ministère présentait un livre blanc. Nous pensions que ces chiffres-là avaient été vérifiés et que nous pouvions nous en servir pour au moins discuter et comparer avec les chiffres que vous nous soumettiez. C'est simplement une remarque que je fais.

Concernant la modernisation, tout à l'heure, à la suite d'une question du député de Chicoutimi, vous avez répondu que l'entreprise Domtar modernisait lorsqu'elle faisait des profits. Mais lorsque vous avez à calculer vos profits, est-ce que vous ne calculez pas un montant d'amortissement pour pouvoir remplacer vos machines?

M. JOUBERT: C'est ce que nous faisons. Mais avant de remplacer des machines, il faut s'assurer qu'on ait un approvisionnement normal. Si vous vous référez à l'usine de Trois-Ri-

vières, par exemple, c'est que l'usine de Trois-Rivières est dans une situation géographique, pour autant que Domtar est concernée, où l'alimentation est excessivement difficile, parce que tout le bassin du Saint-Maurice alimente déjà d'autres usines.

En plus de ça, il y a un paquet de facteurs qu'il serait trop long d'énumérer. Mais, on a affecté, je vais vous dire ça de mémoire...

M. LESSARD: Donc, il y a une mauvaise alimentation actuellement pour l'entreprise de Trois-Rivières.

M. JOUBERT: Il y a une difficulté d'alimentation, il y a une difficulté de fabrication...

M. LESSARD: Est-ce que...

M. JOUBERT: Une difficulté de rentabilité d'usine. J'ai essayé d'expliquer ça tantôt.

M. LESSARD: Oui, d'accord, mais depuis quand l'usine de Trois-Rivières est-elle installée à Trois-Rivières?

M. JOUBERT: Je ne pourrais pas dire la date exacte, mais ça doit être aux alentours de 1925.

M. BACON: A peu près.

M. JOUBERT: Dans le temps, c'était St. Lawrence Corporation.

M. BACON: St. Lawrence, c'est aux environs de ces années-là, 1925.

M. JOUBERT: A peu près.

M. LESSARD: Vers 1925. A ce moment-là, je comprends qu'il ne devait pas y avoir de problème d'approvisionnement.

M. JOUBERT: Non, parce que l'on s'alimentait par eau, par le fleuve, et on s'alimentait également par des boisés à l'arrière. Mais ce qui est arrivé, c'est que le cabotage sur le fleuve a disparu parce que, par le phénomène syndical des salaires et des grandes entreprises de transport, le coût par voie d'eau est devenu prohibitif.

On a continué à acheter, jusqu'en 1964, je dis ça de mémoire, du bois qui venait de la côte sud de la Gaspésie et peut-être d'autres parties de cette région-là, du bois qui venait par eau. Mais ce n'est plus rentable, le coût de transport est trop cher. Il faut dès lors orienter notre approvisionnement ailleurs.

M. LESSARD: Dans cette région-là, la région directe de Trois-Rivières, vous n'avez aucune concession forestière?

M. JOUBERT: Oui.

M. LESSARD: Où l'usine de Trois-Rivières s'alimente-t-elle?

M. JOUBERT: Nous avons une petite concession forestière à Saint-Alexis qui, au point de vue de l'alimentation de l'usine, ne peut pas être utilisée parce que c'est un boisé mixte, bois franc et bois mou, et le bois mou a été utilisé. Il faut donc attendre la régénération. C'est très cher.

M. LESSARD: Mais cette usine s'est toujours alimentée en grande partie de l'extérieur.

M. JOUBERT: De l'extérieur, oui.

M. LESSARD: Vous avez dit tout à l'heure que, dans les forêts domaniales, vous aviez un rendement supérieur en tonnes, par année, à celui des forêts privées.

M. JOUBERT: Oui.

M. LESSARD: Même, d'après ce que je trouve dans le mémoire du Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec, il y a aussi un rendement supérieur dans les concessions forestières, Pourriez-vous m'expliquer pourquoi?

M. JOUBERT: C'est une question qui se pose. Quand vous arrivez dans les régions comme celle du Lac-Saint-Jean ou de l'Abitibi, vous trouvez des épinettes, qu'on appelle communément l'épinette noire. L'épinette noire a une fibre beaucoup plus serrée et donne une meilleure densité à la tonne, par rapport à nos produits de fabrication en existence, à l'heure actuelle. M. Lachance a fait allusion à cela, l'autre jour, en disant qu'il y a des usines dans le sud des Etats-Unis qui peuvent prendre un genre différent de fibre, parce qu'elles n'ont pas le même procédé de fabrication; tandis que nous, il faut vivre avec notre procédé de fabrication. Alors, il faut livrer de la fibre en relation avec la nécessité technique de l'usine pour la fabrication. C'est assez complexe...

M. LESSARD: Est-ce que l'épinette noire se trouve particulièrement concentrée dans les concessions forestières et dans les forêts domaniales plutôt que dans les forêts privées? Est-ce une question de climat?

M. JOUBERT: Oui. Le climat a sûrement un effet.

M. LESSARD: Est-ce que l'épinette noire se trouve plus au nord?

M. JOUBERT: Plus au nord. Il y a plus de sapins dans la région des Cantons de l'Est qu'il y a d'épinettes dans la Gaspésie.

M. LESSARD: Maintenant, une autre question. Pourriez-vous me parler des efforts qu'a pu déployer la compagnie Domtar pour faire de la sylviculture, de la replantation?

M. JOUBERT: La sylviculture qui a été faite, l'a été dans des endroits comme le bassin de la Chaudière, également le bassin des Cantons de l'Est. Là, nous avons fait beaucoup de sylviculture. D'ailleurs, nous coupons encore très peu, parce qu'il y a un problème dans l'alimentation des usines des Cantons de l'Est; nous essayons de favoriser le plus possible, le producteur privé, parce que le revenu qu'il fait, en vendant son bois, même si c'est un revenu d'appoint pour sa ferme, est tout de même un revenu essentiel. Economiquement, si nous voulons que tout le monde en profite, nous essayons d'acheter la plus grande partie venant des terrains boisés, suivant la capacité de production des terrains boisés des cultivateurs.

M. LESSARD: En terminant, je voudrais vous poser une question. Je me demande si le président me le permettra. Pourriez-vous me dire quel est l'avantage pour une compagnie forestière d'avoir une rivière à saumon?

M. JOUBERT: Si vous voulez ma réponse, dans le contexte actuel, il n'y a aucun avantage.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de 1'Islet.

M. GIASSON: M. Joubert, à la page 7 de votre mémoire, vous affirmez qu'en 1971, vous avez acheté 800,000 cordes de bois, qui ont représenté 65 p.c. de l'alimentation au total des quatre usines du Québec, je présume...

M. JOUBERT: Ce n'est pas "au total". C'est l'alimentation de 4 usines sur 6, parce que nous en avons 7.

M. GIASSON: Quatre sur 6, mais vous en avez combien, au Québec?

M. JOUBERT: Nous en avons 6.

M. GIASSON: Six au Québec. Lebel-sur-Quévillon ne serait pas alimentée par le bois des petits propriétaires.

M. JOUBERT: Non. Ni Dolbeau. Il y en a deux qui ne sont pas alimentées. A Dolbeau, une très petite partie est alimentée par les cultivateurs de la région. Une très petite partie.

M. GIASSON: Est-ce que vous êtes en mesure de nous déclarer le coût précis, incluant tous les frais en chiffres absolus, du bois rendu à l'usine de Lebel-sur-Quévillon?

M. JOUBERT: Non. Je ne suis pas en mesure de vous le dire.

M. GIASSON: Vous n'avez aucun ordre de grandeur?

M. JOUBERT: Non. Un ordre de grandeur, oui. Mais, il y a tellement de facteurs à considérer à Quévillon; il y a l'immobilisation de capital, il y a la question, qu'à l'heure actuelle, nous utilisons la machinerie seulement à 60 p.c, parce que nous avons arrêté d'utiliser la machinerie pour acheter plus de copeaux des scieries.

Vous tombez dans la région où le phénomène d'intégration de l'usage de fibres est des plus complexes à l'heure actuelle, avec le ministère.

M. GIASSON: Mais risqueriez-vous le chiffre de $35 la corde?

M. JOUBERT: C'est sûrement en bas de ça et de beaucoup. Je peux dire que notre bois produit...

M. GIASSON: Affirmez-vous que c'est en bas de $32 la corde?

M. JOUBERT: Non. Ecoutez, nous pouvons jouer à cache-cache longtemps mais ce que je peux vous dire, c'est que le bois que nous fabriquons nous-mêmes, que nous livrons à l'usine, une fois converti en copeaux, nous coûte meilleur marché que les copeaux au prix où nous les payons à l'heure actuelle.

M. GIASSON: Mais là, ce n'est pas tellement le prix des copeaux qui m'intéresse, c'est le prix du bois produit à l'usine de Lebel-sur-Quévillon. Vous déplorez de façon très marquée l'intervention gouvernementale, par l'opération de la Régie des marchés agricoles, dans la fixation des prix du bois venant des boisés privés.

Partant de là, les 800,000 cordes qui ont été utilisées dans quatre usines du Québec, si vous aviez pu les produire à l'intérieur de vos concessions forestières, dans un contexte normal, les approvisionnements auraient pu être situés plus ou moins loin de l'usine, est-ce que leur coût, dans votre esprit, aurait été nettement inférieur au coût que vous avez dû débourser au niveau des prix négociés par les Offices de producteurs, c'est-à-dire les prix établis par des sentences arbitrales à la Régie des marchés?

M. JOUBERT: Ma réponse de tantôt à l'effet que la moyenne était de $3 supérieure, c'est-à-dire qu'on peut produire à $3 de moins, est toujours vraie. A ce moment-là, il faut assumer que la forêt publique dont vous parlez, dans laquelle on aurait pu couper, existe. Or, elle n'existe pas dans certaines régions, mais c'est l'hypothèse que vous soumettez. Si nous n'avions pas eu à acheter 800,000 cordes...

M. GIASSON: De terrains privés.

M. JOUBERT: ... de terrains privés, vous avez répondu vous-même que ç'aurait coûté meilleur marché; ma réponse est oui. Mais cette possibilité-là n'existe pas.

M. GIASSON: Autrement dit, vous êtes prêt à affirmer qu'à Lebel-sur-Quévillon, le coût absolu de votre bois rendu à l'usine est de $3 inférieur à celui que vous payez dans vos usines au Québec alimentées par les forêts privées.

M. JOUBERT: Bien plus que ça. Le coût d'alimentation de Quévillon est le coût le plus bas qui existe dans les usines de tout l'est du Canada, mais il y a des raisons pour ça; nous sommes en pleine forêt et collés sur l'usine.

M. DEMERS: Vous le ramassez.

M. JOUBERT: C'est pour ça que les comparaisons sont très dangereuses, parce qu'il faut comparer des bananes avec des bananes, d'autres affaires avec d'autres affaires.

M. GIASSON: Mais si la Régie des marchés agricoles avait maintenu une stabilité de prix au cours des trois dernières années, qu'est-ce que ça aurait changé, à toutes fins pratiques, pour la compagnie Domtar, quant aux 800,000 cordes qu'elle a dû se procurer d'une entreprise privée?

M. JOUBERT: Bien des choses. Premièrement, vous avez des usines comme East-Angus, Windsor, Donnacona et Trois-Rivières, qu'il faut continuer d'améliorer et de moderniser. Ce que vous mettez en surplus d'achat et à cause du prix fixé par la régie, vous ne l'avez pas pour moderniser vos usines à ce moment-là.

On ne fait pas de reproche véhément à la régie. Ce qu'on dit, c'est que la régie ne tient pas compte des conditions économiques du marché, ce qui implique une règle bien simple. Quand le prix de la tonne de papier peut augmenter, et non pas qu'elle baisse de $13 comme ça s'est vu dans les deux dernières années, à ce moment-là, nous sommes en mesure de payer plus pour le bois.

C'est cela que nous avons expliqué dans nos mémoires, c'est aussi simple que cela. Mais quand on se fait marteler de façon à perdre $13 la tonne, n'allez pas non seulement maintenir le prix en le gelant, mais baissez-le, faites aussi votre part, et quand cela augmentera... Autrement, nous voudrions que cela fluctue également, cette histoire-là. Qu'est-ce que nous faisons dans une exploitation forestière pour rencontrer cela? Nous sommes obligés d'éliminer des gens par la mise à la retraite, ceux qui normalement s'éliminent, et les remplacer progressivement par une machine plus sophistiquée pour maintenir notre coût.

Alors, pendant que le coût de nos exploitations forestières se maintient normalement, compte tenu de l'augmentation du coût de la vie, comme tout le monde, vous avez une augmentation qui, à ce moment-là, devient plus considérable dans le bois à l'achat, car il faut comprendre que le cultivateur a besoin de revenus. Je serais aussi capable de défendre le point du cultivateur aujourd'hui que je suis capable de défendre le point de la compagnie, le problème n'est pas là, mais c'est un problème d'ordre économique. Quand cela va mal, tout le monde se serre la taille, non seulement celui qui est à l'autre bout de la ligne; or, c'est ce qu'on ne fait pas, c'est ce qu'on ne comprend pas à la régie. C'est pour cela que nous disons qu'une régie gouvernementale axée dans ce sens-là et qui n'est pas capable de saisir les implications de cela ne rend pas service à ses propres producteurs.

M. GIASSON : Vous dites que vous ne tenez pas rigueur à la régie mais, à la page 8, c'est textuel: "Nous sommes très opposés à ce genre d'intervention gouvernementale." C'est dit dans votre déclaration.

M. JOUBERT: Oui, nous sommes très opposés et nous le demeurons encore à cause des conséquences que nous avons vécues. Qu'est-ce qui arrive quand la régie pousse pour une augmentation de prix? On réduit d'un certain pourcentage le bois des cultivateurs et on achète à la place la sciure et la planure — appelez cela des copeaux, comme vous voudrez — qui viennent de moulins à scie et qui poussent aussi pour qu'on les favorise. Alors, nous ne sommes pas seuls. C'est une intégration drôlement poussée que le domaine forestier à l'heure actuelle. C'est pour cela que je dis que cela a besoin d'être étudié en profondeur au lieu d'arriver avec des solutions trop hâtives.

M. GIASSON: De toute façon, les 800,000 cordes que vous vous êtes procurées en 1971, est-ce qu'on peut présumer que c'était des quantités à peu près équivalentes à celles des années 1969 et 1970?

M. JOUBERT: Là je ne pourrais pas vous répondre comme cela, mais il faudrait que je vous dise qu'en 1971 il n'y a pas eu d'augmentation. A force de plaider devant la régie, la régie a dit: Le prix va rester le même, mais ce que nous plaidions, ce n'était pas que le prix reste le même, c'était que le prix descende.

M. GIASSON: Mais en supposant que, de 1969 à 1972, au niveau des prix décrétés de façon arbitrale par la Régie des marchés agricoles, il n'y ait pas eu de jeux dans ces prix, que vous auriez eu une stabilité de prix, est-ce que vous auriez continué de produire les mêmes volumes dans les mêmes usines, alimentées par les forêts privées?

M. JOUBERT: Tout ce que je peux vous dire, c'est que cela dépend du marché. Je ne

peux pas vous répondre à cela d'une manière directe et d'une manière absolue, parce que l'absolu n'existe pas, parce qu'à un moment donné, vous avez une usine comme celle de Windsor, qu'on a convertie au papier fin en y investissant $16 millions. Là on s'est fait, excusez l'expression, emmerder par la taxation de 10 p.c. de M. Nixon sur le papier fin pour l'exportation, et là nous avons été pris à Windsor à fonctionner sans faire de profit, nous avons fonctionné à perte. Vous avez East-Angus, que nous essayons de rationaliser pour l'améliorer, nous allons y investir $7 millions pour changer la bouilloire.

Si on investit $7 millions pour changer la bouilloire, je crois que cela doit tuer dans l'oeuf les rumeurs sans fondement qui ont circulé, à l'effet qu'on voulait fermer East-Angus. 11 n'en a jamais été question. C'est difficile de contrôler les rumeurs, une fois qu'elles sont répandues dans le public. Il faut une bonne digue pour contrecarrer le ressac! De toute manière, pour répondre à votre question...

M. GIASSON: D'après ce que vous me dites, il me paraît excessif d'affirmer que les décisions arbitrales rendues par la régie des marchés ont eu, au cours des dernières années, les conséquences que vous mentionnez.

M. JOUBERT: Oui, elles les ont eues. Cela a été un des facteurs qui ont hâté l'arrêt des quatre machines à Trois-Rivières. On s'alimentait à 200,000 cordes auprès des cultivateurs. On en prend 50,000 à l'heure actuelle. Qu'est-ce qu'ils ont fait avec les autres 200,000?

M. GIASSON: Donc, c'est vrai d'affirmer que s'il n'y avait pas eu de changement dans la structure des prix, vous auriez maintenu le même volume de production.

M. JOUBERT: Je dis que c'était l'un des facteurs. Si à Trois-Rivières, les gens avaient dit: Ecoutez, on comprend le marasme dans lequel se trouve Trois-Rivières, on va vous baisser le prix de $5, on n'ira pas en arbitrage. Cela aurait été considéré alors, compte tenu du potentiel de l'usine, du potentiel du marché. Mais il n'y a pas eu moyen de le faire. On était pris pour payer. C'est ce que je dis. Ce n'est pas une sortie intempestive contre la régie que je fais. Mais la régie ne tient pas compte des fluctuations économiques du type qui vend le produit. C'est aussi simple que cela. C'est comme si la régie...

M. GIASSON: Vous avez raison. Autrement dit, elle fait les oublis que l'industrie forestière a faits à l'endroit des petits producteurs durant 50 ans. C'est exactement cela.

Ecoutez j'en ai vécu des expériences forestières. En 1950, je travaillais en forêt chez Donnacona Paper, qui est votre propriété aujourd'hui. On était sur les machines. Le sous-entrepreneur pour qui je travaillais avait un contrat de $13.65 la corde. Au-dessus de lui, il y avait Como Construction qui est un entrepreneur direct vis-à-vis de Donnacona. L'hiver suivant, je travaillais chez Price Brothers, l'entrepreneur avait $16.25 la corde. A la fin de l'hiver, je me suis rendu sur la Lake St. John, qui n'existe plus aujourd'hui je pense. C'était au nord de Dolbeau. Au cours de l'été, je suis revenu chez moi, sur le boisé de ferme de mon père, je coupe du bois, et je n'ai pas été capable de le vendre plus de $9 la corde. Croyez-vous que c'était là une situation normale? Et pourtant, dans ce temps-là il n'y avait pas de régie. Le commerce était libre, c'était la loi de l'offre et de la demande. On avait la liberté.

L'année suivante, j'ai refait du bois, et on l'a vendu $14 la corde. L'année qui a suivi, de nouveau on en a fait, il est retombé à $11 la corde. Mais pendant que l'on me payait $9 la corde — cela coûtait $1.50 pour le transporter par camion de l'empilement au bateau — et que l'on donnait $3.25 au bateau pour le rendre à l'usine.

Dans le même hiver il y avait des contrats en forêt qui se donnaient à $19.50 la corde, $16.35 et le bois n'était pas encore rendu à l'usine.

Tous les frais des opérations, si on pense au dravage, à la voirie forestière, cela n'était pas inclus dans les $19. Je constate qu'aujourd'hui, depuis la présence des plans conjoints, depuis le rôle que joue la Régie des marchés agricoles, il y a eu, enfin, une amélioration pour les petits producteurs de bois au Québec. Que la régie ait fait une erreur, au moment où l'industrie des pâtes et papiers connaît des difficultés, en continuant à augmenter ses prix à chaque négociation, c'est peut-être possible. Mais, je n'accepte pas catégoriquement la disparition de la Régie des marchés agricoles par le rôle qu'elle joue, les sentences arbitrales qu'elle peut donner au niveau des négociations, d'achat du bois des petits producteurs, parce que c'est la première fois, au Québec, que nous avons un mécanisme qui permet aux petits producteurs de cesser l'exploitation qu'ils ont toujours connue dans le Québec.

M. JOUBERT: Ce que je peux répondre à cela, c'est que nous n'avons jamais préconisé la disparition de la régie. Tout ce que nous avons dit, c'est que dans certaines circonstances, au moment d'une récession économique, la régie n'a pas tenu compte, comme vous venez de me le dire, pour des raisons qu'elle connaît, du fait que le prix du bois aurait dû baisser. Je suis bien d'accord avec vous. Vous et moi, nous aurions dû venir au monde plus tard, alors nous aurions profité de la régie et nous aurions été, peut-être, moins exploités, comme vous venez de le mentionner.

M. GIASSON: Non. Avoir été exploité aujourd'hui, ce n'est pas cela qui m'inquiète.

Vous dites que vous ne regardez pas en arrière. Moi, je regarde de temps en temps en arrière parce que les leçons de la vie, je les prends dans le passé. Je me rappelle les situations que les petits producteurs ont vécues et je suis obligé de reconnaître que s'il y a une structure et un mécanisme qui assurent une sécurité de prix aux producteurs, à la masse des petits producteurs du Québec, c'est depuis l'existence des plans conjoints, depuis que nous leur avons donné des pouvoirs et depuis que la régie intervient lorsque nous ne pouvons pas rendre leurs négociations libres, à la fin de leur...

M. JOUBERT: Je suis pleinement d'accord avec cela. Ce n'est pas là notre...

M. GIASSON: Vous ne m'avez pas convaincu que si la régie n'avait pas rendu de sentences arbitrales, vraiment la situation des pâtes et papiers, au Québec, au Canada et dans le monde, serait tellement différente.

Je ne suis pas encore convaincu que les décisions arbitrales rendues par la Régie des marchés agricoles en matière de prix des petits producteurs, sont véritablement la cause première de tous les problèmes que connaît les pâtes et papiers, dans le contexte québécois.

M. JOUBERT: J'avais cru bien exprimer ma pensée tantôt, lorsque j'ai dit que la question de la fixation des prix, compte tenu des conditions économiques, était seulement un des facteurs. Je voulais souligner que quand il y a une récession, je pense que tous les chaînons de la chaîne doivent entrer en jeu et faire chacun leur rapport. A ce moment-là, nous avions difficilement compris pourquoi la régie avait rendu une sentence dans ce sens. Maintenant, soyez assuré que nous n'avons jamais préconisé l'abolition de la régie. Nous achetons 800,000 cordes des plans conjoints et nous nous entendons très bien avec les plans conjoints.

Ce que nous voulions souligner, c'est que si des gens qui ont des pouvoirs de fixation de prix ne tiennent pas compte des répercussions économiques sur le marché des pâtes ou des papiers, à ce moment-là, ils peuvent nous placer dans une mauvaise situation. C'est tout ce que nous voulions dire. Autrement dit, nous leur demandons d'en tenir compte.

M. GIASSON: Je suis bien d'accord avec vous. Ce qui est cocasse dans tout ça, c'est qu'au moment où l'industrie des pâtes et papiers connaissait ses meilleures années au Québec, les petits producteurs obtenaient les prix à peu près les plus faibles pour leurs produits. Aujourd'hui, la régie rend des sentences arbitrales quand on ne peut pas régler le problème des prix par le jeu de la négociation, et c'est à une période où l'industrie des pâtes et papiers connaît ces problèmes. C'est le côté cocasse de l'affaire.

Au moment où on payait le petit producteur à des prix que je qualifierai d'injustes, en regardant les profits réalisés par les grandes compagnies de pâtes et papiers chez nous, c'étaient les meilleurs années. Mais je ne veux pas dire par là que seules les compagnies de pâtes et papiers sont responsables des prix faibles payés. Je me rappelle en effet la présence des courtiers en bois qui, eux, donnaient des sous-contrats à un commerçant qui, souvent, donnait un autre sous-contrat à un sous-commerçant. Avec toute cette catégorie d'intermédiaires, chacun prenait sa part, ce qui faisait que, souvent, le prix consenti par la compagnie de pâtes et papiers au courtier était nettement différent de celui payé au petit producteur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Il est 12 h 35; je permets deux dernières questions pour terminer avec le représentant de Domtar, quitte à ce qu'on reprenne avec l'UCC après le dîner. Le député de Lotbinière et le député de Laviolette.

M. BELAND: Vous avez dit tantôt que vous souhaiteriez des dégrèvements. Il est bien clair que tout le monde pense à ça et dans le système idiot dans lequel nous sommes, c'est grèvement au lieu de dégrèvement. Pour en arriver à la question précise, vous avez laissé entendre en sous-main que vous n'étiez pas complètement opposés à une étatisation des compagnies forestières à un moment donné, suite à ce qui a été dit dans les tomes I et Il du livre blanc, à la reprise par le gouvernement de la possession des territoires forestiers; vous avez dit qu'à ce moment-là, vous n'étiez pas complètement opposés, compte tenu d'une étude sérieuse qui devrait être faite, puisque, dans certains cas, les compagnies ne se sont pas modernisées outre mesure, au point de vue des possibilités que vous envisagez en sous-main, peut-être faut-il sous-entendre qu'on devrait étatiser pour que vous puissiez récupérer peut-être quatre fois la valeur des moulins pour aller vous installer ailleurs.

Est-ce que c'est cela que vous laissez sous-entendre?

M. JOUBERT: Je n'ai jamais laissé sous-entendre quoi que ce soit de ce genre-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Réponse brève.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: Vous avez mentionné au cours de votre intervention, M. Joubert, que vous éprouviez certaines difficultés pour l'alimentation de votre usine à Trois-Rivières; quelle est la principale source d'approvisionnement de cette usine en particulier?

M. JOUBERT: Les plans conjoints.

M. CARPENTIER: Uniquement les plans conjoints?

M. JOUBERT: Pardon.

M. CARPENTIER: Uniquement les plans conjoints?

M. JOUBERT: Les plans conjoints, plus ce que l'on expédie de l'Abitibi pour nous aider à rejoindre la production totale nécessaire pour l'usine de Trois-Rivières.

M. CARPENTIER: Quelle quantité de cordes de bois utilisez-vous durant une année à Trois-Rivières?

M. JOUBERT: Quand le moulin était en production totale, je crois que c'était 225,000 tonnes.

M. DEMERS: C'est tombé à 50,000 tonnes.

M. CARPENTIER: Combien de cordes retirez-vous de votre concession forestière à Saint-Alexis-des-Monts?

M. JOUBERT: A peu près 20,000 cordes.

M. CARPENTIER: Est-ce que cette partie de territoire est exploitée à 100 p.c. de sa capacité?

M. JOUBERT: Oui, parce que, présentement, on fait du bois de sciage pour alimenter les usines de sciage de la région et on n'expédie absolument rien au moulin.

M. CARPENTIER: Quelle quantité de bois à pâte retirez-vous de ce territoire?

M. JOUBERT: Présentement, aucunement, c'est exclusivement axé vers la coupe de billes de bois de sciage pour les usines, les scieries de la région.

M. CARPENTIER: Lorsque vous avez exploité cette réserve à titre de bois à pâte, combien de cordes par année ou de pieds cubes en est-il résulté?

M. JOUBERT: On prenait 20,000 cordes par année et le reste allait en bois de sciage encore pour l'utilisation des moulins de la région; c'était du bois feuillu en grande partie, parce que c'est un peuplement mixte que le peuplement de Saint-Alexis.

M. CARPENTIER: Votre usine de Trois-Rivières, est-ce que vous pouvez la comparer avantageusement avec l'usine de la CIP au point de vue de la production?

M. JOUBERT: Je ne pourrais pas répondre. Je n'ai pas fait d'étude de comparaison.

M. CARPENTIER: Au point de vue de la modernisation, est-ce que vous avez fait des efforts dans le sens de moderniser votre usine de Trois-Rivières?

M. JOUBERT: On a dépensé passablement d'argent à Trois-Rivières tant pour la modernisation de l'usine que pour l'épuration des eaux-vannes.

M. CARPENTIER: Quel montant d'argent avez-vous investi pour la modernisation de l'usine de Trois-Rivières?

M. JOUBERT: Je ne pourrais pas dire le montant exact des cinq dernières années, mais pour les eaux-vannes, parce que je l'ai vu dernièrement, c'était de $1,500,000 à $1.6 million. Il me semble que c'est ça. Pour répondre, comme je vous dis, le plus près possible de la réalité, on a investi à peu près $2 millions en moyenne par année à Trois-Rivières pour la modernisation de l'équipement.

M. CARPENTIER: Quel nombre d'employés avez-vous actuellement à Trois-Rivières?

M. JOUBERT: Je crois que cela a baissé, à l'heure actuelle, à peu près entre 350 et 400.

Il faudrait que je vérifie. Cela a passé de 950 à 350, 400, si ma mémoire est bonne.

M. CARPENTIER: Quelle solution prévoyez-vous ou préconisez-vous pour le règlement du cas de l'usine de Trois-Rivières?

M. JOUBERT: D'abord, nous n'avons pas de problème, vu que nous avons un plan de conversion industrielle qui, présentement, prend soin du cas de tous nos employés. Nous n'avons arrêté aucun projet concernant l'avenir de Trois-Rivières tant et aussi longtemps que l'économie demeurera ce qu'elle est à l'heure actuelle, mais les employés ont pu profiter du recyclage. C'est un système que nous avons appliqué conjointement avec l'aide du ministère fédéral de la Main-d'Oeuvre, en plus de la formule que Domtar a, qui est un plan de conversion industrielle au lieu tout simplement d'un plan de licenciement comme les autres compagnies. C'est un plan qui nous est particulier.

M. CARPENTIER: Si vous aviez d'autres sources d'approvisionnement, localement ou près de Trois-Rivières, est-ce que ça pourrait vous aider de quelque façon?

M. JOUBERT: Cela mériterait une analyse, mais je ne pourrais pas répondre, parce que cela dépendrait du coût d'abord, cela dépendrait également de la rentabilité des machines en fonction du marché à l'heure actuelle et, si nous avions à réinvestir, cela dépendrait du rendement, du retour du capital qui serait investi là.

A l'heure actuelle, je ne peux pas donner de réponse là-dessus.

M. CARPENTIER: Je vous remercie, M. Joubert.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Joubert ainsi que les représentants de Domtar pour avoir bien voulu répondre à toutes les questions qui ont été posées par les membres de la commission et soyez assurés que nous allons prendre en considération votre mémoire.

La séance ajourne ses travaux à 2 h 30 pour entendre l'Union catholique des cultivateurs.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

Reprise de la séance à 14 h 40

M. PILOTE (président de la commission permanente des Richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

J'inviterais M. Albert Allain, représentant de l'Union catholique des cultivateurs, à présenter son mémoire.

M. Allain m'a mentionné qu'il voulait faire le résumé de ce mémoire et lire les recommandations dudit mémoire. La parole est à M. Allain.

L'Union catholique des cultivateurs

M. ALLAIN: Merci, M. le Président. Si on faisait la lecture du document, ce serait peut-être long et assez laborieux pour les membres de la commission. Le résumé, par contre, est très court. Je m'attends à ce que vous compensiez par les questions. Voici le résumé:

Premièrement, que le ministère des Terres et Forêts revise la période prévue de dix ans pour la reprise des concessions, puisque nous craignons qu'une période aussi longue constitue un facteur de paralysie pour la mise en place d'une politique forestière valable.

Deuxièmement, que l'organisme qui sera chargé de la gestion des forêts soit constitué de façon qu'il jouisse de pouvoirs absolus dans le cadre de son travail et qu'il soit totalement libre de toute influence extérieure en quête de privilèges.

Troisièmement, que l'encadrement qui servira à la gestion des forêts privées soit établi en fonction non seulement d'une productivité valable, mais aussi des besoins des propriétaires forestiers impliqués. Entre autres, cet encadrement ne devra pas aliéner le droit de propriété. Il devra permettre l'embauche prioritaire du propriétaire et n'astreindra ce dernier à aucune redevance, advenant qu'il doive quitter la structure après avoir respecté toutes les conditions.

Quatrièmement, afin de réaliser efficacement un programme de mise en valeur de la forêt privée, que l'Etat devra émettre les lettres patentes aux personnes disposant actuellement de lots sous billets de location, sans qu'elles soient contraintes de satisfaire aux exigences de défricher un certain nombre d'acres de terres, selon la loi actuelle.

Cinquièmement, que des plans de distribution des bois aux usines soient établis en tenant compte prioritairement et consécutivement de l'utilisation des copeaux, du bois de récupération de la forêt privée et enfin de la forêt publique qui devra avoir un rôle complémentaire. Il faudrait prendre cette recommandation-ci dans son sens restrictif. On me fait remarquer que quand on parle de bois de récupération, cela n'inclut pas forcément les bois comme ceux de la Manicouagan ou ceux de la baie James, comme cela aurait possiblement pu être le cas. La récupération, il faudrait quand même la prendre dans un sens plus restrictif que cela.

Sixièmement, compte tenu du peu de précision que donne le livre blanc sur le rôle d'une

régie des produits forestiers en ce qui concerne, entre autres, la fixation des prix, compte tenu du diagnostic sévère et hors de proportion que fait le tome I du livre blanc sur les mécanismes de mise en marché actuellement utilisés, compte tenu enfin du fait que le système actuel concernant la fixation des prix n'a rien d'arbitraire, nous croyons fermement que la Régie des marchés agricoles du Québec doit continuer à jouer son rôle actuel vis-à-vis de la forêt privée.

Septièmement, qu'un mécanisme d'arbitrage soit établi pour disposer dans un délai raisonnable des litiges découlant de l'émission de permis de coupe aux permissionnaires sur la forêt publique.

Huitièmement, que le mécanisme d'allocation des bois du domaine public ne permette aucun privilège spécial pour quelque utilisateur que ce soit. L'allocation garantie ne devra jamais dépasser dix ans; autrement, la politique de reprise des concessions ne voudrait rien dire.

Neuvièmement, que la fixation des redevances pour les utilisateurs de la forêt publique repose sur deux principes fondamentaux, savoir: 1) une partie devrait être fixée sur la vente du produit fini; 2) sur un taux minimum et un taux variable, à caractère décroissant, basé sur des facteurs dont l'éloignement, la topographie, la densité, le volume et la santé du peuplement.

Dixièmement, que le rôle de Rexfor se limite à revaloriser des terrains du domaine public seulement et que son action ne vienne pas perturber les plans des organismes ou sociétés qui exploitent la forêt publique avec efficacité et productivité.

Onzièmement, que la production forestière permette d'alimenter les usines de transformation existantes et celles qui pourraient être construites en fonction des marchés. Pour cela, il faut une planification de la production efficace, un système de protection, des ressources et une culture appropriée de la forêt.

Douzièmement, que l'Etat élabore, en collaboration avec les organismes représentant les propriétaires forestiers, une politique de mise en valeur de la forêt privée et celle des régions habitées, de façon à utiliser à leur maximum ces forêts les plus accessibles, les plus économiques à exploiter et, conséquemment, de répondre aux exigences d'une consommation de plus en plus élevée et de créer des emplois stables dans ces régions qui en ont grandement besoin.

Treizièmement, que l'Etat établisse un système de taxation de la forêt privée qui ne soit pas de nature à décourager le propriétaire forestier dans sa participation à un programme de mise en valeur de la forêt. Ainsi, l'impôt foncier constitue, selon nous, une pénalité, puisque la forêt est un outil de travail.

Quatorzièmement, que l'Etat consacre une assistance financière suffisamment généreuse pour permettre la réalisation d'un programme de mise en valeur de la forêt privée et de celle des régions habitées.

En plus, M. le Président, je voudrais faire état d'un document que nous avons déjà remis au gouvernement, en particulier, au ministre des Terres et Forêts, et que nous avons également porté à la connaissance des partis politiques qui composent l'Assemblée nationale; ce mémoire fait état de la réorganisation de l'activité forestière rurale ; il est la responsabilité de la Fédération des producteurs de bois et de l'UCC et a été préparé en collaboration avec le Dr Louis-Jean Lussier.

Pour certains d'entre vous, le contenu est déjà connu. Je rappellerai quand même ici, brièvement, de quoi il s'agit. Pour nous, il s'agit de faire en sorte que les régions habitées de la province, régions qui sont à vocation forestière, soient l'objet d'un aménagement intensif de la forêt et que, pour ce faire, on réalise des sociétés dont la superficie pourrait s'étendre sur 500 milles carrés et globalement, dans la province, couvrir 500 milles carrés.

Nous pensons que ce serait un moyen très efficace de donner du travail, au départ, à des populations qui ne demandent pas mieux que de travailler, dans des régions qui, pour la plupart, si elles sont sinon strictement à vocation forestière, sont moins essentiellement à vocation forestière. Ces populations, à l'heure actuelle, sont des populations déprimées, inquiètes où, bien sûr, le service social doit venir compenser l'absence d'économie valable.

Nous estimons qu'en vertu de ce projet-ci, s'il était réalisé sur une période d'années, cette région qui, actuellement, fournit 4 millions de cunits, pourrait passer sur une période d'une vingtaine d'années, à une production de 11 millions de cunits si nous tenons compte que cette production est localisée dans les meilleures régions et les régions les plus proches des usines, nous sommes portés à croire que ce serait non seulement favorable aux populations, aux régions, mais aussi à l'industrie.

Pour réaliser un tel programme, cela supposerait des mises de fonds assez considérables. Le document fait état de mise de fonds allant jusqu'à $400 millions, sur une période de 15 ans, période pendant laquelle les investissements seraient considérés comme négatifs, mais ils deviendraient positifs vers la 16e année et à raison de $20 à $25 millions pour les premières années.

Nous pensons que les effets sur l'emploi, d'après les calculs qui ont été faits, seraient aussi notables. Dès la première année, nous estimons qu'environ 4,000 emplois seraient créés et, au cours d'une période de dix ans, une trentaine de mille emplois.

Bien sûr, tout ceci est étroitement relié à un développement parallèle de l'économie et de l'industrie, c'est-à-dire de l'industrie plus particulièrement, parce que c'est bien sûr que des rendements accrus des forêts devraient trouver des débouchés pour que le tout se tienne.

Le type d'organisation préconisée en est un d'associations de producteurs privés qui mettraient, dans une certaine mesure, en commun

leurs propriétés sans se défaire fondamentalement de leur droit de propriété, mais ils auraient quand même à poser un geste, qui entraînerait une perte de jouissance partielle de leur propriété.

Ils pourraient aussi utiliser les forêts cantonales ou vacantes et également les forêts publiques mais à des conditions diverses, conditions différentes de celles de leur propre terrain à eux.

La société ne devrait pas entraver ou empêcher les producteurs qui le désireraient de se porter acquéreur de portions de terrains additionnelles de sorte qu'ils en viennent à constituer individuellement des unités rentables. Par unités rentables il faut entendre des superficies pouvant varier de 800, 1,000 à 1,200 acres au moment où l'on parle. Le tout naturellement devrait tenir compte de plans d'aménagement et de restauration de la forêt. L'exploitation devrait être aussi fonction de la possibilité de ces mêmes forêts et une place très grande devrait être accordée à la vulgarisation pour qu'en définitive la forêt soit traitée comme il se doit.

Nous estimons aussi qu'un système de prêts devrait être rendu disponible, en particulier un prêt à long terme. Nous avons déjà fait des suggestions à d'autres occasions sur ce sujet-là.

Le document fait également état de sources de fonds qui pourraient être disponibles, bien que nous ne disposions pas de tous les renseignements suffisants pour avancer une proposition qui soit défendable à tous les points de vue. A la page 35 il y a un tableau qui donne la composition d'un montant de $63 millions pour une année. Il y a une répartition selon les sources suivantes: assistance sociale, $17 millions; éducation des adultes, $12 millions; gouvernement fédéral, $20 millions et gouvernement provincial, $14 millions, pour un montant de $63 millions. Bien sûr, une des questions qui se pose est: Où trouver l'argent pour entreprendre une tâche aussi considérable?

Cela, c'est en résumé le contenu de ce document et nous apprécierions que la commission, M. le Président, veuille bien en tenir compte au chapitre de ses travaux. Je pense que cela résume nos commentaires sur les sujets qui se rattachent au livre blanc. Je suis accompagné ici de M. Gagnon, qui est président de la Fédération des producteurs de bois, de M. Boutin, qui est président du Comité des associations coopératives et attaché plus particulièrement à la Fédération des chantiers coopératifs de Taschereau, ainsi que de M. Belzile, qui est secrétaire à la fédération.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. La parole est au ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je voudrais tout simplement remercier M. Allain d'être venu ici présenter ses travaux, très sérieux, je dois dire. Si je suis désappointé par un aspect, c'est celui de la réaction de l'UCC vis-à-vis de la régie des produits forestiers. Nous en avions discuté ensemble déjà. Il semble qu'il y a peut-être une certaine méfiance envers le ministère, et je veux clarifier cela. Nous travaillons toujours en essayant de collaborer avec tous les intéressés, tous les utilisateurs de la forêt. Si c'est là la question, je peux jurer que, de ma part et de la part de mes collaborateurs, il n'y a aucun parti pris en aucune façon envers les propriétaires privés dans la province de Québec.

En disant cela, je voudrais passer la parole au député de Stanstead, pour des questions.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Stanstead.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, j'aurais quelques commentaires sur le contenu du mémoire. Dans votre mémoire, à l'article sur les lots actuellement sous billet de location, il est dit que le gouvernement ne devrait avoir aucune restriction à émettre des lettres patentes aux personnes ayant des lots sous billets de location. Il serait bon de préciser que le ministère des Terres et Forêts n'émet pas de lettres patentes mais que ceci est du ressort du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

A la page 22 du mémoire, on mentionne qu'un contrat d'approvisionnement pour une période de 20 à 40 ans contribue à perpétuer le système de concessions actuel. Mais, avec la nouvelle politique forestière, le concessionnaire n'aura plus la pleine jouissance des biens; il deviendra ni plus ni moins qu'un "permissionnaire" sur les forêts publiques.

A la page 23, les auteurs demandent que les contrats d'approvisionnement ne dépassent pas dix ans, peu importe la nature de l'industrie. Quand un industriel des pâtes et papiers investit, il se doit d'avoir de bonnes garanties, c'est-à-dire qu'une période de dix ans est trop courte dans ce secteur.

M. Allain, quel serait le mécanisme de participation des propriétaires forestiers à l'établissement des terres forestières, d'après vous?

M. ALLAIN: Actuellement, il existe des structures chez les producteurs. Ce sont les plans conjoints de producteurs de bois. Il y en a dans toutes les régions de la province, je pense. Ils ont formé une fédération, ils y délèguent leurs présidents de syndicats régionaux; ceux-ci se nomment un exécutif.

Vous avez déjà là un potentiel humain disponible pour effectuer tout travail que le ministère voudrait bien lui demander. S'il s'agit d'inventorier ce que devrait être la répartition des approvisionnements, nul doute que, du côté des producteurs, leurs structures leur permettent de déléguer n'importe quand les hommes qui sont capables de les représenter pour discuter avec vous.

Je ne vois pas, de ce côté-là, de restriction, en ce qui nous concerne, ou d'impossibilité de fonctionner. D'ailleurs, on s'attend que le mi-

nistère des Terres et Forêts nous demande de nous asseoir à la table pour discuter des volumes de bois qui devront être dirigés, à l'avenir, vers les entreprises de transformation. Nous sommes dans l'attente à ce point de vue-là.

M. VAILLANCOURT: Quels devraient être le rythme et les critères de la reprise des concessions forestières?

M. ALLAIN: Si nous faisons valoir que dix ans nous paraissent considérables, ce n'est pas nous qui allons avoir les difficultés. Mais comment le gouvernement de la province, par le truchement du ministère ou d'une société de gestion, va-t-il pouvoir concilier facilement une planification véritable des forêts de la province tout en laissant, dans le tableau, des concessionnaires en bonne et due forme qui, eux, continueront de jouir des privilèges du passé, continueront d'appliquer les méthodes du passé? Au même moment, déjà, le ministère ou le gouvernement devra, d'autre part, envisager une planification effective du territoire.

Cela nous paraît une très longue durée pour deux systèmes qui seront parallèles et nous nous demandons effectivement si une telle chose peut être efficace. Il existe, bien sûr, chez nous une volonté de voir disparaître les concessions comme telles. Je ne crois pas là que nous sommes victimes des relations que nous avons pu avoir avec des compagnies et que nous sommes de mauvais juges. Bien sûr, nos relations, dans le passé, nous ont peut-être entraînés à avoir la main dure ou la dent serrée à leur égard. Mais ça fait longtemps qu'on croit que le gouvernement du Québec devrait reprendre en main la gestion des forêts. Quand vous nous dites dix ans, ça fait certainement six ou sept ans que nous en parlons. Nous trouvons ça long.

M. VAILLANCOURT: Si je comprends bien, la période prévue de dix ans, pour la reprise des concessions forestières pourrait constituer un facteur de paralysie.

M. ALLAIN: Ecoutez. Vous serez certainement en présence de l'application de deux politiques sur le terrain. Est-ce que vous allez entrer progressivement dans chacune des concessions ou est-ce que vous allez procéder compagnie par compagnie? Peut-être que vous avez un plan, un programme arrêté. Si oui et si on le voyait, on serait peut-être convaincus que ça va prendre dix ans. Pour le moment, on ne l'est pas.

S'il y a une volonté bien arrêtée aux Terres et Forêts de procéder, nous sommes portés à croire qu'une fois une société de gestion ou une régie constituée il devrait être possible de reprendre en main toute la gestion des forêts plus rapidement que ça.

Vous, vous l'avez examiné sous un autre angle, vous avez la charge de l'administration et peut-être avez-vous des renseignements que nous n'avons pas sur le genre de défi que ça représente pour une administration gouvernementale.

M. VAILLANCOURT: Lorsque vous dites "vous", vous voulez dire le ministère des Terres et Forêts?

M. ALLAIN: Oui, je ne suis pas très entraf-né, je ne parle pas de la commission, bien sûr, je parle du gouvernement. C'est-à-dire que je parle de ceux qui sont responsables du livre blanc, en l'occurrence le ministre des Terres et Forêts.

M. VAILLANCOURT: Dans votre optique, M. Allain, un propriétaire qui loue son boisé, perd-il son droit de propriété?

M. ALLAIN: Non. Dans la proposition que nous formulons, nous prenons bien garde de faire en sorte que le droit de propriété soit perdu. C'a été une longue discussion chez nous. Certains étaient d'avis que le droit de propriété devrait disparaître mais c'est très minoritaire. Soyez persuadé d'une chose, porter atteinte au droit de propriété dans le milieu des producteurs de bois c'est toucher à de la dynamite au point de vue de l'état d'esprit, de la mentalité. L'argument le plus sérieux qui est apporté, je pense, c'est qu'il y a une tradition d'établie chez les producteurs: ils affectionnent un terrain qui leur appartient. Pour eux, c'est une source de motivation, c'est une source d'intérêt, mais ils se voient mal dotés d'une même motivation sur des terrains qui ne seraient qu'à loyer. Alors, ça pour eux, c'est catégorique, le droit de propriété comme tel ne doit pas disparaître. Cependant, dans le cas de la société, il est bien clair que pour en être membre, pour bénéficier des politiques de cette société, il faudra nécessairement être signataire et accepter des règles qui toucheront à la restauration de la forêt, à l'aménagement de la forêt, à un régime d'exploitation qui sera, disons, proportionnel à la capacité de produire de chaque entreprise. Ce sont des conditions sine qua non pour un producteur. C'est là qu'on dit que le droit de jouissance serait quand même modifié, c'est-à-dire qu'une fois membre d'une société un producteur ne ferait pas ce qu'il voudrait; il se serait engagé à respecter un plan d'ensemble et un programme bien précis, vis-à-vis de son exploitation.

M. VAILLANCOURT: Merci.

A la page 12 de votre mémoire, M. Allain, vous dites: "Il demeure néanmoins important que le propriétaire actuel conserve son droit de propriété, jouisse de l'embauche prioritaire et ne soit astreint à aucune redevance dans le cadre d'une structure d'aménagement à être mise en place, advenant qu'il doive quitter cet encadrement, après y avoir respecté toutes les conditions." La durée du bail est-elle une condition?

M. ALLAIN: D'abord, je voudrais dire que l'embauchage prioritaire concerne les travaux à exécuter sur des territoires actuellement vacants ou propriétés de l'Etat. Il y aurait, vis-à-vis de ces territoires, des travaux de la nature de la restauration, possiblement, et aussi de l'exploitation, mais ces travaux seraient effectués à partir d'un contrat avec le véritable détenteur du fonds de terre. Cela veut donc dire que, pour la société, la relation avec ces terrains serait différente de la relation avec les propriétés privées. Ce qui caractériserait, je pense, l'accès du producteur à ces terrains, ce serait le système d'embauche.

Alors, advenant que, pour une raison ou pour une autre, la société se verrait placée dans l'obligation d'accepter, pour effectuer ces travaux, des personnes qui ne seraient pas forcément membres de la société, ce problème peut se poser. Le ministre des Terres et Forêts nous l'a déjà signalé. A ce moment, on considère que les producteurs qui auraient fait une mise de fonds, qui auraient pris l'engagement d'inclure leur propriété dans la société devraient être prioritaires au moment de l'embauche.

Vous me posez une question relative au bail, je suis moins sûr de mon affaire là-dessus.

Une chose est certaine, l'esprit qui préside à ça n'est pas de protéger ceux qui pourraient être enclins à dilapider ou à profiter des mises de fonds que l'Etat pourrait faire dans de telles entreprises. A la lecture du document — et ça c'est bien clair aussi chez les producteurs — il s'agit, à la fois, de développer les ressources forestières, développer des entreprises forestières, favoriser le standard de vie des producteurs. Mais, en aucun cas, il ne faudrait prendre des risques qui aient pour conséquence de voir dilapidés les efforts faits par la société à un moment donné. D'où, bien sûr, la notion de bail, qui, naturellement, stipule un certain nombre de conditions.

Si la société était dissoute et si les conditions du bail avaient été respectées, on ne voit pas comment ou pourquoi le producteur devrait être appelé à faire quelque remboursement que ce soit. Mais les conditions du bail sont à respecter. A ce moment-là, je pense qu'il faudrait se référer à cette partie.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, êtes-vous d'avis...

M. ALLAIN: Je m'excuse, M. le Président, mais j'emploie la notion de bail et je ne suis pas sûr que ça fasse partie intégrante de notre proposition. C'est bien plus un contrat stipulant les conditions à respecter qu'un bail.

M. VAILLANCOURT: D'après ce que vous mentionnez, ce serait plutôt un contrat qu'un bail.

M. ALLAIN: Oui.

M. VAILLANCOURT: Maintenant, êtes-vous d'avis que des lettres patentes peuvent être émises à n'importe qui qui possède un lot sous billet de location?

M. ALLAIN: N'importe qui, pas forcément, mais il y a cette situation qui prévaut. Il y a des producteurs, appelons-les "cultivateurs de bonne foi", qui ont acquis, dans le passé, des lots de support. Une des conditions à respecter devrait être d'effectuer du défrichement sur ces lots pour des fins de mise en valeur agricole.

Or, dans la plupart des cas, les lots de support étaient à vocation forestière et, en plus, étaient très souvent éloignés de la première propriété. Ce qui arrive c'est qu'au moment où un certain nombre d'entre eux ou plusieurs d'entre eux veulent obtenir des lettres patentes pour les lots de support on leur dit qu'ils n'ont pas respecté les conditions du billet de location, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas défriché, année après année, une certaine superficie pour des fins agricoles.

Alors, ça peut être évoqué à diverses occasions, ça peut être évoqué pour leur retirer purement et simplement le lot, ça peut être aussi évoqué pour leur refuser des lettres patentes. Nous pensons que c'est tout simplement une situation vraiment passée de mode. S'ils avaient fait la mise en valeur à des fins agricoles, ils auraient péché contre la nature, parce que ces lots, la plupart du temps, ne sont pas de vocation agricole; ça aurait été une erreur que de les défricher. On leur en fait le reproche. Cela étant dit, étant donné qu'ils ont fait des travaux sur ces lots, étant donné aussi qu'ils se sont entraînés ou qu'ils ont appris à compter sur cette ressource pour équilibrer leurs revenus, étant donné aussi que nous poursuivons la réalisation d'entreprises suffisamment étendues pour être rentables, nous sommes très malheureux, et les producteurs aussi, d'être mis en présence d'une fin de non recevoir vis-à-vis du ministère de l'Agriculture ou des Terres et Forêts — ça importe peu, pour le moment — quand les producteurs demandent l'obtention de lettres patentes, qui est la seule garantie pour eux qu'ils pourront continuer de compter sur cette ressource, qu'ils pourront y faire des travaux sylvicoles et qu'ils pourront se comporter en véritables producteurs.

Nous pensons que le plus rapidement cette situation sera réglée le mieux ce sera. Cela fait longtemps que nous le réclamons mais jusqu'à maintenant c'est resté lettre morte.

Je ne fais pas de distinction entre les deux ministères, tout ce que je sais c'est que le problème n'est pas réglé.

M. VAILLANCOURT: D'accord. Je vous remercie de vos suggestions dans ce domaine.

Dans un autre domaine, en ce qui concerne la distribution et l'exploitation des bois, est-ce que l'UCC reconnaît une priorité d'achat des copeaux et des bois de récupération dans l'approvisionnement des usines?

M. ALLAIN: Oui, à reculons. Les copeaux, bien sûr, sont une production et nous avons parmi nos membres affiliés des gens qui sont dans l'industrie et qui font des copeaux. Je pense que, ce matin, on a longuement exposé que c'étaient des productions cycliques. Etant donné que c'est une production cyclique, mais étant donné aussi que c'est une production périssable, il faut bien s'attendre ou accepter que l'on en dispose, et, en acceptant d'en disposer, on accepte de la turbulence, de la perturbation, si vous voulez, dans les autres approvisionnements. Ceci dit pour les copeaux.

Pour ce qui est de la récupération, j'ai demandé tout à l'heure de prendre le terme dans un sens assez restrictif parce que si, par récupération, on entend le bois de la Manicouagan, éventuellement, le bois en bas ou au niveau de la baie James, et différentes opérations de Rexfor, là aussi on peut perturber le système d'approvisionnement. Alors, en récupération, disons les copeaux, aucun doute, et également des exploitations qui se font encore en forêt et où les billes sont coupées en forêt et où il y a ce qu'on appelle le houppier. On ne peut pas s'opposer non plus à ce que les houppiers soient récupérés.

Mais, ça étant dit, sur les autres modes de récupération, il ne faudrait pas que ceux-ci viennent perturber, d'une façon significative, les approvisionnements venant des forêts privées.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, quel devrait être, d'après vous, le rôle de la Régie des produits forestiers dans la planification de l'approvisionnement des usines?

M. ALLAIN: Vous avez dit dans la fonction d'approvisionnement des usines?

M. VAILLANCOURT: Dans la planification de l'approvisionnement des usines.

M. ALLAIN: Ce à quoi nous nous attendons, c'est qu'elle va disposer de la question des volumes et, comme je l'ai dit, dès en commençant, nous nous attendons à ce que nous soyons convoqués, tôt ou tard, devant une institution d'Etat, pour faire des représentations justifiant les coupes que l'on exécute annuellement. Nous nous attendons à ça, nous nous attendons donc à ce qu'une régie, sous l'égide du ministère des Terres et Forêts, nous appelle et nous écoute et que, bien sûr, elle en vienne, en certaines occasions, à trancher les différends qu'il pourrait y avoir.

Si vous posez le problème de la planification et de la distribution des sources d'approvisionnement, nous nous attendons à ce qu'une régie le fasse.

Maintenant, dans la perspective du livre blanc, les pouvoirs d'une régie vont beaucoup plus loin, et c'est là que commence la discussion. Mais votre question ne semble pas soulever ce problème.

Je vais quand même aller au devant. Nous n'avons pas d'objection et nous trouvons bien naturel qu'une régie, sous l'égide du ministère des Terres et Forêts, soit appelée à régler des différends entre diverses parties et ça possiblement au niveau d'autre chose que les approvisionnements, possiblement aussi les prix. Mais, pour le moment, ça ne nous regarde pas.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, d'après vous, si le gouvernement remplaçait le bill 41, en donnant plus de pouvoirs à la Régie des produits forestiers, est-ce que l'UCC accepterait la régie?

M. ALLAIN: Je vais vous donner notre position de la façon la plus simple possible. Le ministre, tout à l'heure, a parlé de méfiance. Je reconnais qu'il y a une dose de méfiance, elle s'explique assez bien. Nous avons eu un passé très laborieux dans nos relations avec les compagnies et, bien sûr aussi, avec la Régie des marchés agricoles. Nous sommes parvenus, de peine et de misère, à utiliser la Loi des marchés agricoles, et ça de façon raisonnablement satisfaisante. Les producteurs réalisent les améliorations de leur situation. Cependant, ils savent que, tout du long de cette histoire, ils ont été jugés sévèrement par à peu près tout le monde, y compris le tome I du livre blanc des Terres et Forêts.

A ce moment-là, ils ne font pas tellement de différence. Ils disent: Après tout, c'est admis que la Régie des marchés agricoles agisse pour régler les différends, mais c'est admis par très peu de gens. Nous avons, dans cette affaire, probablement plus d'adversaires que d'amis. Alors, ils ont ça pour expliquer une certaine dose de méfiance.

Il faut tenir compte aussi des difficultés qui ont prévalu dans les premières années surtout; on a marché à genoux, il a fallu se tramer à plat ventre pour pouvoir négocier avec les compagnies. Dans certains cas, ce fut un refus, au départ. Dans certaines régions, il a fallu deux ans avant de signer une convention. Entretemps, bien souvent, pour des périodes allant pratiquement jusqu'à un an, il n'y avait pas eu d'achats ou très peu d'achats de la part des compagnies. C'est une règle très savante; il s'agit d'affamer les gens pour les faire plier. Nous n'avons pas plié. Nous avons réussi à franchir ce premier cap et, ensuite, tout du long, nous avons été mis en doute par les compagnies. Nous le sommes encore aujourd'hui et nous ne croyons pas aux données qu'elles avancent. Nous ne croyons pas aux chiffres qu'elles mettent sur la table. Nous avons rarement vu quelqu'un prendre notre défense, rarement. Peut-être en commission, il y a des gens qui commencent à le faire. Dans le public, c'est très rare. Dans les gouvernements, c'est plutôt rare.

En tout cas, je vous le dis, nous nous cherchons des alliés et nous ne pouvons, maintenant, volontairement, dire: Nous sommes

prêts à sauter de l'autre bord, sans savoir ce qu'il y aura. Je ne sais pas quelle régie le ministère des Terres et Forêts va mettre en place. Nous ne savons pas de quels pouvoirs elle disposera. Nous ne savons pas quelle philosophie elle aura, non plus. Ecoutez, pour nous ce sont des ténèbres de ce côté-là. Alors, si vous mettez une régie en place, si au bout de deux ou trois ans, elle a mis de l'ordre dans les relations entre les parties qui vivent de l'exploitation des forêts, si elle a démontré que les petits peuvent avoir autant de place que les gros, les producteurs pourront toujours examiner la question, mais, dans le moment, il serait d'une importance totale de s'aventurer ou de répondre par un oui à la question que vous posez.

Y en aura-t-il, une régie? Nous ne le savons même pas.

M. VAILLANCOURT: C'est pour ça que nous vous posons des questions. Nous voulons avoir l'opinion un peu de tous ceux qui préparent des mémoires. Quels devraient être les facteurs qui entraîneraient dans les mécanismes automatiques de fixation des prix, d'après vous?

M. ALLAIN: Je m'excuse; je n'ai pas bien saisi.

M. VAILLANCOURT: Ma question est: Quels devraient être les facteurs qui entraîneraient dans les mécanismes automatiques de fixation de prix?

M. ALLAIN: Vous parlez de redevances pour les droits de coupe ou des prix du bois de papier?

M. VAILLANCOURT: Des prix du bois de papier.

M. ALLAIN: Les représentations que nous avons faites jusqu'à maintenant étaient fondées sur les coûts de production, d'une part, et je pense que cela a toujours été l'élément important. Bien sûr, nous avons fait valoir aussi les prix qui se payaient ailleurs, notamment en Scandinavie, pour démontrer que, contrairement à ce qu'on prétend, les producteurs de bois du Québec ne sont pas l'objet de privilèges. Nous avons continué de soutenir et nous soutenons que ce qu'il en coûte pour les compagnies est plus élevé que les approvisionnements qui viennent de chez nous et que ça aussi a plaidé en faveur de l'augmentation des prix du bois à pâte venant des producteurs. Pour nous, ce fut l'argument de base jusqu'à maintenant et nous pensons que c'est fondamental.

De toute façon, nous n'avons pas de scrupule. Nous soutenons que les approvisionnements que les compagnies vont chercher ailleurs leur coûtent plus cher et les données qu'elles ont rendues disponibles à ce jour nous portent à croire que c'est vrai. Les différents tableaux dont il est fait état dans les différents documents laissent place à l'interprétation. Je pense qu'en particulier, dans leur document, à la page 11, on met en relation des prix à la corde, mais, dans un cas, on dit bien que les frais généraux ne sont pas inclus.

Seulement autour de cette question des frais généraux, on pourrait parler longtemps sans savoir de quoi on parle, les compagnies ne voulant pas dévoiler ce qu'ils sont exactement et les gouvernements ne le sachant pas plus. Peut-être la Régie des marchés le sait-elle; moi, en tout cas, je ne le sais pas.

M. VAILLANCOURT: Selon vous, M. Allain, quelles seraient les améliorations à apporter à la Régie des produits forestiers pour qu'elle soit acceptable?

M. ALLAIN: Ecoutez, en politique, vous ne répondez pas à des hypothèses; j'ai envie de faire la même chose. Je ne le sais pas. C'est vous qui allez la mettre en place, ce n'est pas nous. Si vous n'en avez besoin d'une que pour nous, ne vous donnez pas de peine, il y en a une.

M. VAILLANCOURT: Nous aimons avoir votre opinion. Etant donné que vous êtes un organisme assez important dans la province de Québec et que vous êtes dans le métier, si on peut dire, vous avez certainement des opinions à émettre.

M. ALLAIN: Prenez le modèle de la Régie des marchés agricoles et préparez-vous à appliquer du bill 41 à longueur d'année, même si, dans le tome I, cette application est pratiquement condamnée. Préparez-vous à des situations très difficiles et très corsées avec ceux qui se partagent les ressources forestières. Ce ne sont pas des enfants de choeur qu'il y a là-dedans.

M. DRUMMOND: Vous trouvez que le système actuel est vraiment rentable ou logique, M. Allain, où, d'un côté, le prix est établi et, de l'autre, il faut adopter une loi pour les quantités?

M. ALLAIN: Ecoutez, pour nous, il y a certainement eu de l'amélioration et nous ne vous faisons pas de reproche. Nous considérons que notre bois est encore meilleur marché que celui des compagnies. Partant de là, il est assez difficile pour nous d'avoir des scrupules vis-à-vis des problèmes que ça pose. Nous savons que ça pose des problèmes, notamment quand il s'agit d'amener les compagnies à acheter du bois des producteurs.

La personne qui récolte la situation, c'est le ministre des Terres et Forêts. Il reste quand même que, généralement parlant, les conventions se signent en grande partie à la suite de

négociations et de séances de conciliation. Il y en a un certain nombre qui se signent en négociation; d'autres doivent subir l'étape de la conciliation. Un certain nombre, subissent l'effet des sentences arbitrales, mais c'est la minorité des conventions et la minorité des volumes de bois vendus aux compagnies de pâte.

Jusque-là, ça n'a pas créé de problème au gouvernement. Le problème surgit quand une compagnie refuse de prendre livraison de certaines quantités. Je suis bien prêt à admettre que ça pose un problème à celui qui doit administrer le bill 41. Ce que nous soutenons, c'est que, si vous mettez en place une Régie des marchés forestiers, ou une Régie des marchés tout court — appelez-la comme vous le voudrez — vous aurez ces situations à longueur d'année, parce que nombre de ces agents de la vie économique forestière ont des intérêts divergents.

M. DRUMMOND: Oui et non parce que nous commençons avec un système de contingentement par l'usine. Alors, cela élimine une partie du problème.

M. ALLAIN: Cette partie-là, nous sommes prêts à nous y soumettre. Nous sommes prêts à admettre que le ministère des Terres et Forêts ou la Régie forestière, annuellement, dispose de cette question. Nous nous défendrons comme nous nous défendons devant la Régie des marchés. Mais les sentences arbitrales, ce ne sont pas nos sentences; ce sont les sentences d'une régie. Nous sommes habitués à vivre avec une régie déjà. Une de plus ou une de moins, nous allons y faire face.

Mais, dans le cas qui nous concerne, pour les quantités, pour le contingentement des volumes, c'est bien, nous allons traiter avec votre ministère ou avec votre régie.

M. DRUMMOND: La grande question de la régie, c'est que, si on tient compte de tout le bois pour l'insérer dans le système, il faut tenu-compte des copeaux aussi.

Pour mettre cela dans la Régie des marchés agricoles, il me semble que ce n'est pas dans le même sens...

M. ALLAIN: M. le Président, les ministres communiquent entre eux, les présidents de régies doivent pouvoir communiquer entre eux. Si la régie forestière a statué sur les approvisionnements des entreprises, elle le portera probablement à la connaissance de la Régie des marchés agricoles et cette dernière aura un éclairage adéquat pour disposer des questions qui seront pendantes.

M. DRUMMOND: Je ne sais pas, je me demande si M. Barry, qui est derrière vous, serait d'accord avec ça. Mais, on a déjà questionné M. Barry.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, le fait que le tribunal doive rendre une décision finale et obligatoire, qu'est-ce qui forcerait les deux parties à appliquer la décision?

M. ALLAIN: Vous parlez de la régie forestière? Le tribunal?

M. VAILLANCOURT: Le tribunal.

M. ALLAIN: Généralement parlant, quand des gens d'affaires ont convenu ensemble du choix d'un arbitre, possiblement du choix d'un président du comité d'arbitrage, il y a quand même un peu d'éthique qui doit prévaloir et on s'attendrait que soit appliqué ce qui sortirait de là. En l'absence d'un accord entre eux, pour choisir le président, on dit que ce serait le Protecteur du citoyen qui pourrait en faire le choix. Encore là, ne serait-il pas normal qu'ils respectent la décision d'un tel tribunal? Nous pensons que oui et je vous avoue que nous n'avons pas pensé à une autorité autre que celles qui sont mentionnées là.

M. VAILLANCOURT: Vous n'avez pas pensé à une autre formule, non plus?

M. ALLAIN: Nous, ce que nous défendons là, c'est ce que nous défendons depuis plusieurs années. Cela vaut en attendant que vous ayez une régie. De toute façon s'il y avait une régie des forêts dans le cas des producteurs, c'est-à-dire d'exploitants forestiers qui dépendent des permis émis par le ministère et qui vendent leur production à des industriels, à des transformateurs. Déjà au niveau de la planification, au ministère des Terres et Forêts, ces bois subissent une direction assez forte,, ces exploitants qui obtiennent des permis, doivent — et c'est une condition du permis, si je ne m'abuse — diriger leur production vers telle ou telle usine. Ce n'est pas forcément une usine de leur choix. Partant, leur pouvoir de marchandage est inexistant. Dans l'intervalle, en attendant que vous ayez une régie, je pense que c'est la formule qui serait la plus pratique pour disposer de ces cas-là.

On a des chantiers coopératifs dans cette situation.

M. VAILLANCOURT: M. Allain, comment pouvons-nous déterminer dans une tonne de papier, la partie du bois taxable provenant des forêts de la couronne et la partie non taxable provenant des forêts privées?

M. ALLAIN: D'abord les sources d'approvisionnement sont connues. C'est une question de volume. Je pense qu'il est relativement facile de faire la distinction entre la quantité d'approvisionnement qui vient des forêts publiques et la quantité d'approvisionnement qui vient des forêts privées.

M. VAILLANCOURT: D'après ce qu'on

nous a dit ce matin, la qualité du bois n'est pas la même.

M. ALLAIN: On dit beaucoup de choses ici. Je comprends que tout le monde a droit de parole. Cependant, les personnes qui témoignent relativement au prix de la corde de bois venant des producteurs ou venant des terrains des concessions, ou qui témoignent relativement à la valeur des fibres de cordes de bois venant de l'une ou l'autre des sources — en particulier sur la question relative à la qualité des fibres — ne disent pas forcément la même chose. Dans le document qui provient des pâtes et papiers, les écarts dont il est fait mention sont de l'ordre de 10 p.c.

Ce matin, dans un autre témoignage émanant d'un membre de la même association, la personne établissait les écarts à 20 p.c. Pour des gens qui sont spécialisés et qui prétendent faire des analyses quasiment à tous les voyages de bois, ce sont des écarts assez considérables. Ensuite, on ne viendra pas nous faire croire qu'une épinette noire qui vient de chez un producteur de bois ou une épinette noire qui vient des terrains de la couronne, c'est différent. C'est la même chose pour un sapin. Même dans le cas du sapin, s'il vient de chez les producteurs, il a une chance d'être de meilleure qualité et d'une coupe plus jeune. Tandis que s'il vient des terrains publics, bien souvent, ce sont des bois à maturité.

Alors, bois pour bois et essence pour essence, cela ne tient pas debout. La différence pourrait venir si les compagnies allaient chercher plus d'épinettes noires sur les terrains publics que n'en comportent les approvisionnements venant des producteurs, ça, on peut l'admettre.

M. VAILLANCOURT: Mais vous n'avez pas répondu directement à la question que je vous ai posée, pour connaître la méthode de taxation...

M. ALLAIN: Pour les redevances? Bien, les différents facteurs...

M. VAILLANCOURT: Pour déterminer les taxes, c'est-à-dire la méthode de taxation des revenus provenant des forêts publiques et privées.

M. ALLAIN: Au mieux de notre connaissance, si on demande qu'une distinction soit faite, — sous réserve de corriger par la suite — le bois qui provient des boisés privés est une économie différente du bois qui provient des terrains publics. Le propriétaire privé assume déjà des taxes et va en assumer tant sur le bien foncier que sur les revenus qu'il va en retirer. C'est toujours comparable, mais ce n'est pas forcément équivalent à ce qui va se produire dans le cas du bois qui provient des forêts publiques. Je vous donne ça sous réserve et on va vérifier cette question. Pour le moment, c'est la seule chose que je peux dire sur le sujet.

M. VAILLANCOURT: Le bois récupéré par Rexfor devrait-il être sous la juridiction de la Régie des produits forestiers, d'après vous?

M. ALLAIN: Oui, c'est mieux. Parce que Rexfor, tout en étant une initiative qui a son mérite, si elle n'est pas disciplinée, risque de perturber énormément l'économie forestière. On rapporte que, dans certaines régions, les travaux que Rexfor effectue sont bien souvent des travaux de sauvetage pour le compte de la population. Ils se font dans des conditions particulières et, bien souvent, les bois coupés sont mis en vente par un système d'enchère. Ils se vendent effectivement à des prix en dessous de ce qui prévaut généralement dans la même région, si bien que Rexfor, dans le système d'approvisionnement des entreprises, devient un faux témoin. Si, d'une part, c'est une entreprise qui a son mérite, d'autre part, elle risque de commettre des accidents assez graves. A cause de ça, il est bien sûr que cette entreprise doit être disciplinée et, dans la perspective d'une régie forestière, est obligée à un comportement rationnel. Parce qu'autrement, cela va tout bouleverser l'échiquier.

Non seulement dans le cas des approvisionnements mais aussi dans le cas des sociétés sylvicoles, si Rexfor devenait un instrument du gouvernement pour mettre au monde des sociétés, je ne dirais pas concurrentes, mais parallèles aux sociétés sylvicoles, à cause des conditions particulières qui peuvent lui être faites par le ministère ou le trésor, elle risque d'être un faux témoin.

M. VINCENT: Le député de Stanstead me permettrait-il juste une question, très simple, qui s'insère dans son questionnaire? Depuis le début des questions posées par le député de Stanstead, on parle de société de gestion forestière et de régie de produits forestiers. J'ai remarqué, dans le mémoire, que l'UCC et votre association ne favorisent pas tellement, comme telle, une régie des produits forestiers. Très souvent, on mêle dans la discussion régie des produits forestiers et société de gestion forestière. Je voudrais que le président de l'UCC fasse le point quand il parle de régie de produits forestiers. Est-ce qu'il veut dire société de gestion forestière ou simplement régie des produits forestiers?

M. ALLAIN: D'abord, je ne voudrais pas poser au spécialiste sur ces questions. On ne peut pas se mettre à l'écart de la proposition du livre blanc qui met de l'avant une société de gestion, parce que nous-même, depuis des années, avons demandé que l'Etat du Québec reprenne en main la gestion des forêts. Par conséquent, nous nous devons d'être positifs vis-à-vis d'une telle proposition. Dans notre

opinion, une société de gestion serait une organisation essentiellement de planification, de programmation, de contrôle des grandes exploitations forestières. De là à devenir un entrepreneur, à être un exécutant, nous avons un certain nombre de réserves. Nous ne sommes pas persuadés qu'une société soit forcément efficace. Remarquez bien que, si une société de gestion faisait la preuve qu'elle est aussi ou plus efficace que l'entreprise privée pour faire des routes et de l'exploitation forestière, nous n'aurions aucune objection. Nous n'en sommes pas, cependant, convaincus, à l'heure actuelle. Cela dit pour la société de gestion.

Maintenant, quand nous parlons de régie, bien sûr, nous sommes influencés par ce que nous connaissons, la Régie des marchés agricoles. Dans notre opinion, on associe la régie à un organisme qui, forcément, doit être quasi judiciaire et va trancher d'autorité des différends. C'est le régime de vie dans lequel on est et on ne peut pas facilement s'en dissocier.

M. VINCENT: Si vous avez remarqué, M. Allain, je voulais tout simplement vous faire observer que, très souvent, dans ses questions, le député de Stanstead mentionnait la régie des produits forestiers et vous sembliez répondre comme s'il s'agissait de la société de gestion forestière. C'était pour éviter quelques imbroglios.

M. VAILLANCOURT: Pour éclaircir ça, M. Allain, aux pages 33 à 42, vous parlez de la mise en valeur des forêts privées. Que pensez-vous d'établir une taxe sur la valeur potentielle d'un lot, calculée sur une période dépendant de la révolution du peuplement projetée et répartie sur des années? Cette taxe serait basée sur un rendement moyen, ce qui laisserait, comme profit, le rendement supérieur au rendement moyen établi.

M. ALLAIN: Je ne sais pas d'où vient cet énoncé, du livre blanc?

M. VAILLANCOURT: C'est tout simplement une question.

M. DEMERS: C'est une question du député de Stanstead.

M. ALLAIN: C'est très articulé. Si vous voulez la répéter de nouveau, je vais écouter, mais je ne vous promets pas d'y répondre.

M. VAILLANCOURT: Que penseriez-vous d'établir une taxe sur la valeur potentielle d'un lot, calculée sur une période dépendant de la révolution du peuplement projetée et répartie sur les années? Cette taxe serait basée sur un rendement moyen, ce qui laisserait, comme profit, le rendement supérieur au rendement moyen établi.

M. ALLAIN: Dans la mesure où je la saisis bien, elle cherche, quand même, à être en relation avec la production effective ou la productivité des fonds de terre. De ce point de vue là, je n'ai pas de grief à présenter. Cependant, je n'en connais pas le montant. Tout dépend de ce qui serait écrit en signe de piastre au bout, de la conséquence de l'application de cette proposition. Ce que nous soutenons au point de vue de la taxation et, en particulier, de l'impôt foncier, c'est qu'il est bien malvenu dans le cas des boisés privés. C'est en quelque sorte un découragement à l'amélioration des fonds de terre. Déjà, on a fait des calculs pour l'agriculture. Pour la forêt, je pense que c'est pire. En ce qui nous concerne, 13.5 p.c. des revenus nets des agriculteurs vont à l'impôt foncier.

C'est aussi vrai pour la section forestière que pour la section agricole. On pense que c'est exagéré. Qu'on mette au point des normes qui correspondent bien à la capacité de production des fonds de terre, on ne s'élèvera pas contre ça, mais, bien sûr, on interrogera les montants. Selon les prix auxquels on pourra vendre la corde de bois aux compagnies à l'avenir, peut-être qu'on sera plus ou moins ouvert à payer des taxes.

M. VAILLANCOURT: Quelle seraient les mesures d'aide financière susceptibles d'encourager les propriétaires à investir davantage dans la mise en valeur des terrains boisés non utilisés pour l'agriculture?

M. ALLAIN: Je pense qu'il faut référer au document sur les sociétés sylvicoles. Il y a peut-être des bilans pro forma pour la société. Je ne suis pas aussi sûr qu'il y en ait pour l'exploitation individuelle. De toute façon, on a donné des chiffres globaux. Il y a différentes hypothèses ici. Vous pourriez probablement les retrouver dans les documents, mais ça peut varier énormément parce que tous les terrains ne sont pas dans le même état de dégradation ou de production. Par conséquent, ils ne représenteront pas les mêmes investissements pour l'Etat et pour les individus. Il y a une chose certaine, si on fait le choix de restaurer la forêt, ce sont là des choses qui se calculent. La période qu'on veut s'accorder pour, disons, relever ce secteur de l'économie peut aussi avoir une influence majeure sur les taux à l'acre. Si on se donne vingt ans pour pratiquer la restauration de la forêt ou si on se donne dix ans, cela va avoir une influence sur les mises de fonds qu'il faudra faire par acre de terre. C'est la seule réponse que je peux formuler, dans le moment. Bien sûr, il faut dire qu'il y a ici une série de références et de calculs qui illustrent ce que pourraient être les interventions.

M. VAILLANCOURT: Croyez-vous que les politiques qui sont mises de l'avant par les ministères de l'Agriculture du gouvernement

fédéral et provincial pour la récupération des fermes non cultivables seraient une solution à apporter à ce problème?

M. ALLAIN: Oui, certainement. Cela suppose la collaboration de plusieurs ministères. Au fond, je pense que Québec et Ottawa devront consentir à travailler ensemble sur ce sujet. A l'intérieur de chaque gouvernement, plusieurs ministères devront le faire. Pour Québec, les Affaires sociales sont concernées, les Terres et Forêts sont concernées, l'Agriculture est concernée. On semble nous indiquer qu'il y a déjà des travaux faits qui laissent voir que ces ministères sont prêts à travailler en commun. La question n'est pas aussi simple pour ce qui est des relations avec le gouvernement fédéral. Bien sûr, cela ne peut se réaliser que dans la mesure où deux paliers de gouvernements et plusieurs ministères consentent à mettre leurs ressources en commun et leurs diverses juridictions pour entreprendre une tâche comme celle-là. Autrement, c'est impensable.

M. VAILLANCOURT: A quelles obligations, d'après vous, un propriétaire forestier doit-il s'astreindre pour obtenir de l'aide financière de l'Etat?

M. ALLAIN: Ce sont les normes d'aménagement. Sa propriété sera l'objet d'application ou de réalisation d'un programme; ce programme comportant, bien sûr, le reboisement, les travaux de sylviculture, éventuellement des coupes précommerciales et des coupes commerciales, si l'exploitation le permet. Cela sera fait en vertu d'un programme arrêté. Cela ne peut pas être le laisser-aller. Il faut être prêt à accepter certaines contraintes; à défaut de quoi, on ne peut pas parler d'aménagement rationnel des ressources. Cela a été discuté chez les producteurs en assemblée; j'ai participé à ces discussions et ils sont parfaitement au courant de ces questions. D'ailleurs, un certain nombre d'entre eux, dans des régions, ont commencé des travaux dans ce sens-là. C'est le cas de Dignité 1, Dignité 2. Vous avez aussi un groupe dans la région de La Chaudière.

Il y en a aussi au Saguenay-Lac Saint-Jean, ça commence en Abitibi. Je pense que les producteurs sont prêts à considérer et à respecter un certain nombre de contraintes.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Nicolet.

M. VINCENT: Je voudrais d'abord remercier et féliciter l'UCC — maintenant l'UPA — la Fédération des producteurs de bois du Québec et le Comité des associations coopératives forestières du Québec pour avoir présenté ce mémoire et plus spécialement pour nous avoir présenté, dès le mois de janvier de cette année, un document proposant une réorganisation de l'activité forestière rurale. Nous avons même discuté de ce document avec les représentants de votre organisme. Ce document contient des chiffres, des énoncés des plus intéressants qui permettront au ministère des Terres et Forêts d'élaborer sa politique globale et ses politiques partielles dans le domaine des terres et forêts.

M. le Président, tout à l'heure, je suis intervenu par une question dans les interventions du député de Stanstead pour faire dire au président de l'UCC ce que j'aurais voulu lui faire dire dès le début de mon intervention.

Nous avons eu l'occasion, la semaine dernière, d'entendre le président d'une très grande centrale syndicale, presque aussi forte que l'UCC. Je fais une pause. J'ai cru déceler que la philosophie de votre organisation ou de votre groupe est très opposée à la philosophie de l'autre groupe. C'est pour cette raison, M. le Président, que je voudrais poser deux questions d'ordre général au président de l'UCC et lui demander d'élaborer les réponses parce que ça touche non seulement sa philosophie à lui, mais la philosophie des membres qui forment son association.

Les deux questions d'ordre général sont les suivantes: Quelle est, selon vous, l'efficacité des sociétés de gestion ou d'exploitation de l'Etat par rapport aux sociétés de gestion ou d'exploitation à caractère privé? Deuxième question, d'ordre général: Est-ce que votre organisation est favorable à une formule d'étatisation complète, globale qui s'occuperait de l'exploitation de la forêt ou si vous favorisez plutôt une formule de coexistence de l'entreprise d'Etat ou de l'entreprise privée?

M. ALLAIN: M. le Président, quant à la première question, je pense avoir situé rapidement tout à l'heure la position de nos organisations, à savoir que, idéologiquement, nous ne sommes pas contre les sociétés de gestion, succursales d'Etat. Mais sur le plan pratique, quand on discute des attributions qu'on entend leur confier, je pense qu'il y a lieu de faire un certain nombre de distinctions et d'accepter la loi de l'Etat. Exemple: une société de gestion dans le cas de la forêt. Il est bien sûr que, dans notre milieu, si on nous disait demain matin que la Société de gestion des forêts du Québec se propose non seulement de conduire les tâches de planification mais de réaliser des programmes d'aménagement et d'exploitation, d'exécuter les travaux, tous les travaux de voirie et de coupe, ce serait de nature à nous faire peur. On craindrait que cette société n'aille trop vite et subisse des revers.

Ceci ne signifie pas pour autant que nous sommes contre une société de gestion dépendante de l'Etat, bien au contraire. Il y a un certain nombre de tâches qu'il lui faudra certainement envisager. Nous l'avons nous-mêmes réclamée, nous ne pouvons donc pas nous désolidariser. La planification de la ressource forestière, tout ce qui est l'aménagement, également les programmes d'exploitation,

il s'agit là d'une responsabilité qui revient bien à une société. Mais pour le moment, nous préférerions que les exécutants, notamment au niveau de la voirie et des exploitations en forêt, demeurent ceux qui ont été là jusqu'à maintenant.

Ceci ne signifie pas, pour nous, que, si la société voulait faire des travaux de voirie à titre non seulement exceptionnel, mais aussi à titre d'essai, pour faire sa propre preuve et si elle voulait faire de l'exploitation forestière, des coupes par exemple, elle pourrait le faire aussi à titre d'essai. Je pense que, si toute chose était objective, on parviendrait à voir clair dans ça. Pour le moment, nous avons une mentalité qui est bien à nous. Si on nous demandait d'appuyer une proposition globale voulant que, demain, tout soit assumé par une société d'Etat, je pense que notre conseil serait de marquer des étapes, pour le moins. Dans le moment, il n'en est pas question pour nous. Ce serait tout simplement brûler en partant une société du genre, je pense.

Cela ne veut pas dire que c'est rejeté jusqu'à la fin des temps; nous n'avons pas d'attache idéologique là-dedans. Nous voulons être bien pratiques. Laquelle des formules est la meilleure? Une société d'Etat pourrait bien entreprendre de faire des chemins et de couper du bois. Ce qui va surgir tout de suite, c'est une question de coût. Pour d'autres, ce qui leur vient à l'idée, c'est que, si c'est effectué à partir d'une autorité centrale, cela peut être fait de façon quasi scientifique. Les coupes vont être faites à la perfection, l'exploitation des boisés selon leur véritable potentiel; tout cela peut être vrai. Mais, par la suite, il y a quand même une relation avec des usines et aussi avec le marché. Il y a moyen d'idéaliser la formule et aussi de la critiquer.

En tout cas, j'espère que vous saisissez où nous logeons là-dedans. Nous ne sommes pas catégoriquement contre, dans le temps. Pour le moment, nous disons qu'il ne faudrait pas aller trop vite là-dedans.

Pour l'autre question concernant la formule qui viserait à étatiser les compagnies de pâtes, disons que, là aussi, par mentalité, nous ne sommes pas des gens tellement favorables à l'étatisation. Dans le cas qui nous concerne, celui des compagnies de pâtes et papiers, on trouverait cela malheureux. Pourquoi les payer deux ou trois fois? On les a déjà payées, ces compagnies. Cela fait longtemps qu'on les finance. On les a financées en travaillant à bon marché en forêt; on les a financées en leur fournissant du bois à bon marché sur le bord des routes pendant des décennies. Elles ont bénéficié de privilèges dans la province. Cela devrait déjà être des entreprises populaires, au sens moral du terme.

Par-dessus ça, il faudrait les étatiser, les payer à gros prix! Qu'est-ce qu'elles vont faire avec le capital? Est-ce qu'elles vont le réinvestir ici? Est-ce qu'elles vont investir en Ontario, aux Etats-Unis, aux Bahamas, je ne sais pas où, au marché commun? Il y a bien de la place pour investir.

Ce genre d'initiative ne réussit pas à trouver d'écho favorable chez nous. Que l'Etat réglemente, parfait, mais, dans cette matière-là, nous ne sommes pas mûrs pour l'étatisation. C'est aussi simple que ça.

Maintenant, quand vous parlez de la présence de l'Etat dans les entreprises, nous ne sommes pas contre ça; conjointement avec l'entreprise privée. Nous aussi, nous sommes prêts. Nous sommes intéressés, dans la mesure de nos moyens, à être partenaires de l'Etat dans des entreprises.

M. VINCENT: Si je comprends bien, M. le président de l'UCC, vous favorisez pleinement et entièrement — d'ailleurs, cela a été le sens de vos représentations depuis quelques années — la création d'une société de gestion qui s'occuperait de planification, d'approvisionnement, de mise en valeur de nos forêts, mais il faudrait que cette société n'ait pas comme rôle d'exploiter, si ce n'est dans des cas particuliers que vous avez mentionnés, la forêt du Québec ou de faire la construction de routes.

M. ALLAIN: Si vous le permettez, M. le Président, j'apporterai une précision ici: Tant et aussi longtemps que la preuve d'une efficacité meilleure ne sera pas démontrée. Si la preuve était faite qu'une société d'Etat peut être plus efficace dans ce genre d'entreprise, je vous dis que ce sont des considérations pratiques qui nous guideraient dans les circonstances. Dans le moment, nous ne sommes pas convaincus et, à cause de ça, nous pensons que c'est mieux de laisser les choses telles qu'elles sont.

M. VINCENT: Dans vos recommandations, vous favorisez de façon certaine l'abolition des concessions forestières, mais vous craignez que cette période de dix ans ne soit trop longue.

Dans cette perspective que vous avez élaborée, il y a quelque temps, que l'Etat doit agir, avec sa société de gestion, ne pensez-vous pas que dix ans est une période quand même minimum pour franchir cette étape importante de planification, dans le domaine forestier du Québec? Pour ma part, je l'avoue franchement, je pense bien que cinq ans, surtout quand on connaît les lenteurs des rouages administratifs, n'est pas assez long. Vous semblez dire que dix ans c'est beaucoup trop long.

M. ALLAIN: Cela dépend de ce qu'on veut faire en matière de reprise des concessions. Bien sûr, si à chaque concession, compte tenu de la date d'entrée en vigueur des droits des compagnies, on entreprend de mettre au point ce que devrait être une compensation et qu'on a le souci de compenser jusqu'au moindre coin de route ou bout de route qui a pu être fait, et si on commence à discuter ce qui devrait être

compensé ou non, cela peut prendre vingt ans. Les compagnies vont avoir des arguments pour vingt ans.

D'un autre côté, on estime que ça ne devrait pas être aussi compliqué. Sans être des spécialistes de la forêt, nous pensons que l'Etat devrait normalement avoir tous ces renseignements. Il est l'Etat ou il ne l'est pas. Il connaît ses ressources ou il ne les connaît pas. Il a les renseignements ou il ne les a pas. Nous pensons qu'il devrait avoir tout ça déjà. Ou alors, il n'est pas-sûr que les règles qui guident l'économie des concessions aient été respectées. Nous avons peine à croire que ça devrait prendre autant de temps que ça. Nous pensons cela, pensez autre chose. Tout dépend véritablement du contenu, on peut se tromper, on peut avoir fait une erreur de jugement en appréciant effectivement la tâche qu'il y a à faire là; nous la voyons peut-être plus simple que d'autres, en ce sens qu'on ne voudrait pas tomber dans tous les labyrinthes des compensations et ce à quoi ils conduisent. Si on estime que les entreprises qui ont eu des concessions en ont largement bénéficié, il ne faudrait pas entreprendre — comme cela a probablement déjà été le cas dans certaines reprises de concessions — de longues et onéreuses discussions.

M. VINCENT: Mais si l'Etat faisait la preuve, à ces tables de consultation que vous proposez pour planifier la forêt, le domaine forestier du Québec, que dix ans était un minimum, vous ne seriez pas automatiquement opposé à cette période de dix ans?

M. ALLAIN: Non.

M. VINCENT: C'est seulement une observation que vous faites.

M. ALLAIN: Ce qui nous guide ici, ce sont des raisonnements très pratiques.

M. VINCENT: D'accord.

Maintenant, quand vous parlez d'une société de gestion forestière que vous acceptez, vous dites que cette société devrait jouir de pouvoirs absolus dans le cadre de son travail et qu'elle devrait être totalement libre de toute influence extérieure en quête de privilèges. Est-ce que vous incluez également que la société de gestion forestière soit libre complètement même des interventions du ministère ou du gouvernement?

M. ALLAIN: Le passé nous recommanderait de dire oui. En ce sens que nous connaissons l'histoire du ministère des Terres et Forêts, sous les différents gouvernements. Je pense qu'il n'y a pas de cachette pour personne là-dedans. Nous connaissons tout le travail de "lobbying" dont il a pu être l'objet. Nous savons aussi toutes les difficultés qui ont surgi pour nombre d'entrepreneurs à chaque fois qu'un gouverne- ment changeait. Alors il y a tout ce passé — je ne suis pas intéressé à le rappeler — qui nous indique que dans cette matière, si nous voulons faire un travail qui résiste, c'est de mettre en place une société de gestion qui aura pour fonction, d'une façon très neutre, d'administrer le patrimoine du Québec. Je pense que c'est une précaution élémentaire de la protéger vis-à-vis des ingérances politiques, par exemple, sachant bien ce dont nous avons été victimes dans le passé. D'accord, c'est du passé, mais je me demande qui a pu gagner quelque chose là-dedans, certainement pas le Québec, ni l'économie, ni les industries.

Alors, de ce point de vue, en particulier, nous souhaitons que cette société soit donc à l'abri de ces ingérences-là comme elle devrait être aussi suffisamment équipée pour ne pas être dépendante d'équipements extérieurs. J'entends par là, par exemple, avoir les équipements scientifiques, techniques, économiques pour faire ces travaux, et ne pas dépendre des bureaux de consultants, quelle que soit leur situation géographique ou toute autre situation. Cela, c'est un autre point.

Alors, une société de gestion si nous voulons qu'elle fasse un travail cohérent, qu'elle soit à la hauteur de la tâche, je pense qu'il faut lui faire des conditions sine qua non au départ, autrement on risque de répéter les problèmes que le ministère des Terres et Forêts a toujours eus. Ce n'est quand même pas drôle pour les entrepreneurs forestiers d'avoir des coupes généreuses sous un régime et d'avoir des coupes restrictives sous un autre régime. C'est peut-être disparu, d'ailleurs.

M. VINCENT: J'ai posé la question parce que très souvent nous avons, comme le président vient de le faire, une réponse à l'effet qu'il ne faut pas d'ingérence politique vis-à-vis de ces sociétés ou ces régies. Mais n'est-il pas vrai que dans le peuple on considère généralement la société ou la régie comme étant une créature du gouvernement et que trop souvent, malheureusement, on intervient auprès du ministre ou auprès du gouvernement pour faire prendre une décision par la régie? Je veux prendre simplement un exemple, combien de fois est-ce arrivé dans le passé, surtout dans le domaine forestier — on l'a vu récemment à Sherbrooke — qu'on a invité un ministre à venir prendre position publiquement sur un problème qui relevait de la Régie des marchés agricoles. Et à mon sens, — je ne veux pas lancer de pierres à l'UCC — c'est arrivé avec d'autres organismes. Par la suite quand on arrive devant la commission parlementaire, on dit : Il ne faut pas toucher à cela. Il ne faut pas d'ingérence politique. Cette ingérence politique, il ne faut quand même pas l'avoir, ni dans un sens, ni dans l'autre.

Si c'est la responsabilité d'une régie, qu'on éduque la population, quand on va dans les grandes réunions politiques ou publiques, et qu'on dise à la population: Cela relève d'une

régie. N'allons pas s'attaquer au ministre, que ce soit un ministre de l'ancien gouvernement ou du gouvernement actuel, parce qu'une régie n'a pas pris une décision favorable sur tel ou tel problème. C'est une observation que je fais pour ajouter à ce que le président de l'UCC a dit tout à l'heure. C'est vrai qu'il faut éviter toute ingérence politique, il faudrait également que dans la population il se fasse une certaine éducation, parce que la société ou la régie, que ce soit la Régie des marchés agricoles, est un corps quasi judiciaire, et qu'on ne demande pas au ministre d'intervenir chaque fois que cela ne fait pas notre affaire. Je pense que le président me comprend à ce moment-ci.

M. ALLAIN: Je pense bien que je n'essaierai pas de tergiverser dans cette affaire-là. Personne n'est parfait dans son comportement vis-à-vis des régies, les concernés d'une part et peut-être les hommes politiques d'autre part. Je pense que cela vaut pour tout le monde.

Dans le cas que vous mentionnez, le ministre de l'Agriculture est capable de se défendre tout seul, je vois quand même un certain intérêt pour un ministre, qui a sous sa responsabilité une régie et est responsable vis-à-vis de l'exécutif, le Cabinet des ministres, d'être au courant au moins. De ce point de vue-là, pour son information, il devrait avoir le droit d'être présent dans certains débats. Bien sûr, si nous-mêmes ou d'autres demandions au ministre de forcer la régie à telle ou telle décision, il est bien clair que ce serait un impair très grave. Il n'y a pas de doute là-dessus.

M. VINCENT: M. le Président, c'est simplement pour éviter que ce qui s'est produit dans des circonstances particulières en ce qui touche les forêts...

M. ALLAIN: Mais je ne suis pas sûr...

M. VINCENT: ... se répète. Les journaux nous avaient annoncé que, dès la sortie de la réunion, le ministre de l'Agriculture avait convoqué les membres de la régie des marchés à son bureau pour analyser la question. A ce moment-là, cela soulève, dans la population, des points d'interrogation et on se demande si un ministre ne prendrait pas parti pour un groupe au détriment de l'autre. Pour éviter qu'il y ait de ces ingérences politiques dans un sens ou dans l'autre, il faudrait qu'une éducation se fasse au niveau de toute la population, et qu'on lui dise qu'une régie gouvernementale quasi judiciaire est une régie gouvernementale quasi judiciaire.

Je trouve que vos observations, telles que contenues dans le mémoire, sont bonnes en autant qu'elles s'appliquent tant d'un côté que de l'autre.

A la recommandation no 4, vous parlez des lots, savoir que l'Etat devra émettre des lettres patentes aux personnes disposant actuellement de lots sous billet de location, sans qu'elles soient contraintes de satisfaire les exigences de défricher un certain nombre d'acres de terre, selon la loi actuelle.

Est-ce que vous ne trouvez pas que cette recommandation peut être dangereuse, sans condition? Je pense qu'il est bien connu de tous que, de façon générale — je ne parle pas de cas particuliers — un agriculteur bona fide, qui a un lot sous billet de location, n'est pas empêché de faire patenter ce lot. Mais de façon générale. J'ai regardé le mémoire et je ne vois aucune restriction, d'ailleurs, on le voit à la page 11 : "L'Etat doit amender la Loi des lots de colonisation, la Loi du crédit agricole, la Loi des marchés agricoles." A un autre endroit, vous dites: sans restriction, émettre des lettres patentes.

Est-ce que vous singifiez — et je pense que c'est un point important — qu'on devrait émettre une lettre patente à un propriétaire de lots sous billet de location qui demeurerait en ville, que ce soit à Montréal ou à Québec, comme on en voit plusieurs cas présentement? Est-ce qu'on ne devrait pas attacher dans ces amendements à la Loi du ministère de l'Agriculture des conditions pour que ce lot soit exploité dans le domaine forestier et non pas revendu par la suite?

D'ailleurs, on le voit davantage à la page 12.

M. ALLAIN: Oui, je pense que la rédaction aux pages 12 et 13 stipule bien que c'est d'abord dans le cadre de la mise en place des diverses formules suggérées dans le livre blanc. C'est dans ce cadre-là. En haut de la page 13, on dit: "Autrement le producteur impliqué ne pourra participer pleinement à la mise en oeuvre d'un plan de mise en valeur de sa forêt, collectivement ou individuellement, s'il n'est pas propriétaire."

Ceci implique que le jugement que l'on porte concerne une personne qui va agir à l'intérieur du cadre proposé par le ministère. Bien sûr, à cause de ça, faire de l'aménagement, de la reforestration, etc. C'est ce genre de personnes qui est concerné.

M. VINCENT: Pour le moment, du moins, vous n'acceptez pas l'idée de la création d'une régie autonome de produits forestiers. Je ne parle pas de la Société de gestion forestière. Vous préféreriez que ceci soit fait par la Régie des marchés agricoles. Mais, est-ce que vous accepteriez qu'il y ait, à l'intérieur de la Régie des marchés agricoles, une section forestière avec plus de personnel qu'à l'heure actuelle, ou si vous aimez mieux que ce soit la Régie des marchés agricoles qui s'occupe, comme elle le fait présentement, de toute la question des produits forestiers?

M. ALLAIN: En ce qui nous concerne, nous n'avons pas d'objection à ce que le gouvernement, le législateur décide de mettre en place

une régie forestière. Ce à quoi nous nous opposons dans le moment, et cela, tant et aussi longtemps que la preuve ne sera pas faite, c'est d'être déplacé de la juridiction de la Régie des marchés agricoles vers une autre, sans savoir ce qu'elle sera.

La dernière partie de votre question était: Est-ce qu'on devrait favoriser un meilleur équipement à la Régie des marchés agricoles concernant la forêt? Je pense qu'on a toujours soutenu que la régie devrait être bien équipée, non seulement en question agricole, mais en question forestière. La réponse est oui.

En tout cas, en ce qui nous concerne, je l'ai fait valoir tout à l'heure, les producteurs ne veulent rien entendre de cette proposition, de ce changement, à l'heure actuelle.

M. VINCENT: Une autre question quant à la recommandation no 8. Vous vous opposez à ce que l'Etat donne des garanties d'approvisionnement pour plus de dix ans. Nous avons entendu d'autres témoignages où on nous parlait d'une période de 40 ans, que 20 ans était un minimum; pour les pâtes et papiers, on parlait même d'une période de 20 ans, renouvelable pour 20 ans encore.

Pour les industries de bois de sciage où on avait recommandé cinq ans, on nous demande les mêmes privilèges que pour les pâtes et papiers. Vous nous dites que ces contrats ne devraient jamais dépasser dix ans. Dans votre esprit, est-ce que ce sont des contrats pour dix ans, renouvelables pour dix ans encore à différentes conditions ou si c'est une limite formelle de dix ans?

M. ALLAIN: Bien sûr qu'il est impensable qu'une entreprise économique puisse se développer et faire des capitalisations si elle n'a pas des garanties à long terme. Cela va de soi. De ce point de vue, cela ne peut pas être une garantie pour dix ans. Si une entreprise fait des pâtes et papiers, il est compris entre les parties, le gouvernement et elle, qu'elle aura des approvisionnements au Québec. Mais, quand on parle ici de vingt ans, voire de quarante ans, on pense tout simplement qu'on va, sous une autre forme, perpétuer le régime des concessions.

Si, d'une part, la Société de gestion veut planifier, programmer et conduire des exploitations rationnelles sur le territoire, à la satisfaction de toutes les entreprises, on estime que ce sera beaucoup plus souple avec un régime qui lui permettra de réviser ses contrats tous les dix ans. Faire des retenues sur des superficies pour des périodes aussi longues que 20 et 40 ans, c'est s'embrigader dans une formule rigide qui peut la conduire dans le même cul-de-sac qu'à l'heure actuelle. Si on garantit des territoires à une entreprise donnée pour 20 ou 40 ans et qu'en plus — je pense que le livre blanc en fait état — certains travaux spécifiques pourront être confiés aux concernés habituels, je dis que c'est de la miniconcession.

On règle le problème ou on ne le règle pas. Alors, ce que nous mettons en cause, c'est cette proposition. On dit simplement que, s'il y a effectivement une Société de gestion, elle devra être capable d'assurer pour dix ans à une entreprise quelles seront ses sources d'approvisionnement. Elle devra les indiquer, les énumérer et, possiblement, d'année en année, projeter toujours pour dix er: avant. Cependant, figer des concessions pour 20 ans et 40 ans, confier certaines exécutions ou certains travaux particuliers à des entreprises, nous disons, sous une autre forme, que c'est la concession qui revient ou qui continue.

M. VINCENT: J'avais également une question sur Rexfor. Le président de l'UCC a bien répondu tout à l'heure. J'ai une autre question qui touche plus particulièrement la recommandation no 13. Vous en parlez à la page 10 de votre mémoire. Vous dites: "Le ministère des Affaires municipales devra amender la loi — je pense que c'est le bill no 48 — de façon que les fermes forestières soient totalement exemptes de l'imposition foncière de la part des corporations municipales et scolaires." Le ministre des Affaires municipales nous a dit, à la toute fin de la session, qu'il y aurait des rencontres entre les représentants des agriculteurs, les officiers de son ministère et les officiers du ministère de l'Agriculture. Est-ce que ces rencontres ont eu lieu sur le bill no 48? Si oui, est-ce qu'au même moment on discute des amendements possibles touchant les forêts ou les boisés de ferme?

M. ALLAIN: Oui, des rencontres ont eu lieu, mais il n'y a pas, à l'heure actuelle, de renseignements disponibles à l'effet que les parties aient convenu d'un terrain d'entente ou de quelque chose du genre. Je pense qu'il s'agit plutôt d'un comité technique qui examine les différents aspects du problème. Chacun de son côté, je pense, doit faire rapport aux diverses autorités de qui il dépend.

Les discussions qui ont cours maintenant sont plutôt un examen du sujet pour voir si des solutions sont possibles. Dans l'état actuel des choses, rien ne nous permet de dire qu'il y a un règlement possible. Il n'y a certainement pas de règlement d'atteint. Il n'y a donc pas de réponse à la question qui est posée ici.

M. VINCENT: A la toute fin — parce que nous avons une série de réponses — comme je l'ai mentionné tout à l'heure dans le livre sur la réorganisation de l'activité forestière rurale, je le répète, très intéressant, même nous avons recommencé à le relire pour une troisième fois, mais à la toute fin, je voudrais demander au président de l'UCC de nous donner les vues de son organisation sur la création d'un crédit forestier. Je sais que vous y êtes favorables, mais je voudrais savoir de vous de quel organisme ce crédit forestier devrait relever, premièrement. Deuxièmement, quels critères devrait-il

contenir et à qui devrait-il s'appliquer, à quelle ferme forestière, à quel boisé. Quels devraient être les maximums, les taux d'intérêt et le mécanisme également?

Je pense que cette question du crédit forestier a de plus en plus d'importance dans les milieux ruraux.

M. ALLAIN: A cette question, je réponds que nous ne sommes pas intéressés à compliquer les structures. Déjà, il y a un débat qui dure depuis quelques années entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa, disons plutôt les ministères de l'un et de l'autre, relativement au crédit agricole. Nous souhaitons déjà à ce niveau une intégration des deux.

A notre opinion, si cette intégration était réalisée, à partir de la proposition que le gouvernement du Québec a faite, on estime que ce qui est disponible pour l'agriculture, pour l'agriculteur, devrait l'être également pour le producteur forestier. Cela étant dit, pour pouvoir en bénéficier, il est bien sûr qu'un producteur forestier devrait mettre en gage son exploitation. Ce qui entre en ligne de compte au départ, c'est la valeur commerciale de cette exploitation, parce que les crédits agricoles fonctionnent exactement comme des banquiers. S'il n'y a pas de garantie, ils ne prêtent pas.

Néanmoins, à cause de la période d'aménagement et de restauration qu'il faut envisager, il est possible de trouver des articulations qui combineraient et le crédit, les effets du crédit et ensuite les autres investissements possible, par exemple, dans le cas d'ARDA ou toute autre nouvelle dénomination, s'il y en a. Pour nous, c'est assez simple. Ce que les agriculteurs ont à leur disposition en tant que producteurs, les forestiers devraient également pouvoir l'obtenir; le tout assujetti bien sûr à peut-être certaines modalités ou particularités qui sont propres à la forêt et à des taux d'intérêt semblables, bien qu'ici il ait été fait état, dans le projet de la société sylvicole, de 5 p.c. sur les prêts à long terme. Je ne sais pas si cela répond à la question.

M. VINCENT: Je n'ai pas l'intention d'y toucher, mais je pense que ce serait important pour le bénéfice des membres de la commission. A certains endroits de votre mémoire, vous parlez d'un système de redevances, taxes, impôts, etc. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage ce système de redevances, taxes, impôts, etc, à payer par les compagnies?

M. ALLAIN: Je pense qu'on en a fait état dans les recommandations. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à l'énumération qui est faite. On parle d'abord d'une taxe qu'on pourrait comparer à la taxe de vente sur le produit et ensuite utiliser un certain nombre de critères ou de normes, si vous voulez. Une redevance égale au départ, si les boisements sont réunis à un ensemble des conditions positives, mais le taux pouvant décroître, compte tenu de l'éloignement, compte tenu de la topographie, compte tenu de la santé du boisé; la densité et le volume aussi sont des facteurs bien importants. Franchement, il s'agit d'une formule souple qui tienne compte effectivement de ce que l'Etat concède ou octroie à l'entreprise. Il y a certainement moyen, à partir de ces critères et d'autres critères, de mettre au point une formule qui soit équitable.

M. VINCENT: Je pense que c'est assez pertinent de demander cela au président de l'UCC. Je ne parle pas des cas particuliers, mais, de façon générale. Quelles sont les relations des producteurs de bois avec les compagnies de pâtes et papiers?

M. ALLAIN: Des audiences comme celles qui ont lieu ici ont tendance, je pense, à faire resurgir de vieilles difficultés.

Les compagnies ont jugé bon, pour expliquer leurs difficultés, de mettre en cause les prix qu'elles versent aux producteurs de bois. Je pense que la preuve a aussi été faite, par les questions qui ont été posées de part et d'autre, qu'il y avait d'autres facteurs beaucoup plus importants que celui des producteurs de bois. D'ailleurs, nous, nous continuons de croire que nous finançons les compagnies et que le bois qui provient des territoires privés leur coûte meilleur marché que le leur. Notre preuve vaut la leur.

M. LESSARD: Nous, nous n'avons pas de chiffres pour contester.

M. ALLAIN: Non, mais vous avez les pouvoirs d'enquête, par exemple, et nous ne les avons pas. En tout cas, sur cette question, ce serait regrettable, remarquez bien, que ces débats soient relancés comme ça périodiquement. D'autant plus...

M. VINCENT: Non, mais sans relancer...

M. ALLAIN: ... qu'actuellement, on me signale, et les gens des plans conjoints sont ici, qu'il y a des entreprises forestières qui offrent d'augmenter leurs achats, au moment où on parle, et cela, de façon volontaire, sans que personne les y oblige. Il y a des prix au-dessus de la convention. Au même moment, il y a des offres de cette nature faites à des responsables de plans conjoints et de producteurs de bois à pâte. On prétend ici qu'on serait la cause ou qu'on aurait hâté la fermeture de telles usines. Je n'aime pas aborder ces questions, parce qu'il faut que je me méfie de mon tempérament, je trouve que ce sont des interventions terriblement malheureuses de la part des compagnies que de relancer un débat dans lequel, je pense, elles n'ont pas d'intérêt au fond, parce qu'on ne les croit pas et finalement, je pense qu'il n'y a à peu près personne qui les croit.

M. VINCENT: Mais règle générale, présentement, avec les conventions qui existent...

M. ALLAIN: Je les qualifierais de raisonnablement bonnes. Il y a beaucoup de conventions qui se signent au niveau de la négociation, d'autres au niveau de la conciliation. Un certain nombre vont en arbitrage. L'an dernier, contrairement à ce qu'on prétend, les producteurs ont consenti à ne pas demander d'augmentation. Il y a eu énormément de conventions de signées, de gré à gré, sans augmentation. Mais ce n'est pas ce qu'on semble mettre en preuve ici de la part des compagnies. Est-ce qu'on peut être poursuivi, quand on dit que quelqu'un fait de la fausse représentation? En tout cas, quitte à être poursuivi, je dis qu'ils en font.

M. VINCENT: Cela peut se faire de différentes façons. Combien de bois fut livré par les producteurs que vous représentez, l'an dernier, à toutes ces compagnies?

M. ALLAIN: Habituellement, c'est un chiffre de 1,500,000 cordes. C'est 1,535,787 cordes en 1971 à un prix moyen, pour les résineux, de $28.75 et pour les feuillus, de $21.40. On dit en moyenne globale, $26.31.

M. GIASSON: Ce sont les prix approuvés à l'usine?

M. ALLAIN: A l'usine.

M. VINCENT: De façon générale, ne touchant pas les cas particuliers, les livraisons vont bien, il n'y a pas de difficulté avec les compagnies. Cela va bien sur la question de la paie, du paiement du bois? C'est ça justement que je veux faire dire aux producteurs. Je ne veux pas entrer dans des cas particuliers de tel moulin, de tel endroit, mais de façon générale, est-ce que...

M. ALLAIN: Si vous le permettez, M. Gagnon va répondre à la question.

M. VINCENT: D'accord.

M. GAGNON: Merci. Disons que, de façon générale, les compagnies avec lesquelles nous faisons affaires directement, quand il n'y a pas d'intermédiaire, de courtier ou d'acheteur, peu importe, les relations sont très bonnes, la paie va très bien, c'est même parfait. Ensuite, les relations au sujet des négociations vont très bien. Là où on a un peu de difficultés avec les compagnies, c'est là où il y a des intermédiaires, des gens qui, normalement, je le crois, augmentent le coût de la corde de bois rendue à l'usine et qui n'en donnent pas plus aux producteurs; par le fait même, les compagnies paient le bois plus cher.

Si vous avez un intermédiaire qui vous coûte $1 ou $1.50 ou $0.50, c'est autant d'augmentation du coût de la corde. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: A mon tour, je remercie le porte-parole de la Fédération des producteurs de bois du Québec pour le mémoire soumis de même que les commentaires concernant le rapport soumis par le docteur Lussier, sur la réorganisation de l'activité forestière rurale. Quant à la conclusion, plus précisément, je pense qu'il faudrait être illogique pour ne pas être d'accord sur les articles 2, 4, 6, 10, 12, 13, 14 à la toute fin du rapport que vous avez lu.

Pour préciser davantage certains facteurs, j'aurais quelques petites questions à poser au président. Concernant les Associations de sylviculteurs, telles que proposées dans le livre blanc, tome Il, est-ce que, selon vous, c'est vu comme un genre de fromage-appât ou si c'est quelque chose sur quoi on peut avoir au moins un peu d'optimisme, dans le genre d'élaboration d'association de sylviculteurs?

M. ALLAIN: Est-ce que vous me posez une question relative à l'ensemble des documents ou sur une question spécifique?

M. BELAND: Justement l'ensemble de l'énumération à l'intérieur du tome Il.

M. ALLAIN: Pour notre part, nous serions malvenus de faire des reproches au gouvernement ou au ministère des Terres et Forêts d'avoir mis en discussion une proposition globale de gestion et d'exploitation des forêts du Québec. De là à dire que nous sommes d'accord, je pense qu'on a l'occasion ici de dire ce sur quoi nous sommes d'accord. De là à dire aussi qu'il y a un contenu suffisant déposé pour savoir de quoi demain sera fait en matière de planification et d'aménagement, je ne pense pas. Il s'agit d'une élaboration d'un certain nombre de propositions. On pourrait les questionner longtemps, à savoir comment l'Etat entend procéder pour mettre en place une régie? Quel genre de compétence il entend mettre à la direction d'une telle entreprise. Tout au long, nous pourrions poser des questions comme celles-là. En fait, nous ne pouvons pas, et nous ne serions pas honnêtes si nous le faisions, reprocher au gouvernement d'avoir mis en discussion un ensemble de propositions. De là à dire qu'on a une vue claire et nette de tout ce que le gouvernement va faire, on ne connaît même pas le degré d'acceptation ou de refus à l'intérieur du gouvernement à l'endroit de ces propositions.

Pour la question particulière des associations régionales, je pense que c'est très près de la proposition que nous avons nous-même mise sur la table, ou assez près, du moins.

M. BELAND: Très bien. Nous passons à un autre point. Vous avez énuméré une certaine quantité de difficultés qu'ont connues les producteurs de bois dans le passé et, notamment,

j'étais de ceux-là. Vous en avez parlé de façon franche, nette et sans les empirer. Enfin, je suis là pour en témoigner. Mais si on fait un parallèle et que l'on regarde les suggestions qui ont été faites relativement au rôle de Rexfor dans une autre politique forestière à l'avenir, telle qu'énumérée toujours dans le livre blanc, au point de vue de la récupération ou de l'exploitation des coupes forestières, est-ce que vous iriez jusqu'à accepter une possibilité d'exploitation sur les lots boisés, après un remembrement, comme c'est stipulé, des territoires boisés privés?

M. ALLAIN: Non, la raison est simple. C'est que nous avons fait une proposition que nous considérons valable, qui a obtenu un assez bon accueil partout où nous l'avons discutée. Nous pensons que c'est autour de cette proposition qu'on peut bâtir un type d'organisation qui prendrait en charge la planification, l'aménagement et le développement des zones habitées. Rexfor n'est pas requise pour réaliser une telle tâche. Au contraire, Rexfor risquerait de venir mêler les cartes, à compter du moment où une société aurait pris forme.

M. BELAND: Je suis fier de vous l'entendre dire. Mais Rexfor a joué deux rôles bien particuliers jusqu'à maintenant. Ce ne fut pas seulement la récupération du bois qui pouvait se perdre. Il y a eu également l'association avec la possibilité d'un agencement nouveau pour replacer de la main-d'oeuvre sur le marché du travail.

A ce moment là, quel devrait être véritablement le rôle de Rexfor, à l'avenir, si nous continuons à penser à Rexfor?

M. ALLAIN: Je pense que la loi qui lui a donné naissance stipule bien ses fonctions. Si nous en restions à cela, nous n'aurions pas de grief contre le rôle de Rexfor. L'application qui a été faite au départ a été la récupération des bois dans la région de Manicouagan.

Ce type d'entreprise était certainement justifié. Mais, à compter du moment où Rexfor arrive dans des zones habitées où il y a déjà des structures, des systèmes d'exploitation en place, je vous répète que l'expérience a démontré que, selon son comportement, il y avait une perturbation de l'économie forestière dans le milieu, tout en intervenant avec des bonnes intentions, pour donner du travail aux gens.

M. BELAND: Vous avez certainement pris connaissance du mémoire qui a été présenté par la CSN, il y a quelques jours, et qui prônait la création de Soquef. Cette nouvelle société s'occuperait premièrement de récupération du bois sur les terrains de la couronne, même avant de permettre que le bois provenant de lots boisés soit accepté par les compagnies utilisatrices de ce bois. Qu'en pensez-vous?

M. ALLAIN: Je vais être bien franc avec vous. J'ai lu rapidement le mémoire de la CSN. Je ne suis pas en mesure de porter un jugement sur l'ensemble du mémoire, ni sur ce point particulier. Je ne le possède pas suffisamment. Je l'ai lu, remarquez bien, mais cela ne m'a pas sauté au yeux.

M. BELAND: Passons. Il y a eu quelques remarques tantôt au sujet desquelles je voulais vous poser une question. Il y a le coût des taxes diverses, compte tenu du bill 48, bill 20, etc. Ce coût est exigé à différents paliers et nous sommes obligés, comme propriétaires de lots boisés privés, de le considérer à la corde, si nous parlons en termes de cordes de bois. Cela peut varier. Ajoutons à cela le coût de la corde de bois. Le cultivateur ou le forestier qui veut agrandir son lot est obligé d'en acheter un autre, de payer $6, $8, $10 la corde; c'est le prix de revient en moyenne. Si nous additionnons les deux, le coût de l'achat du boisé plus les taxes obligatoires municipales et scolaires, quel prix — si ce n'était pas changé à l'avenir — devrait-on exiger sur les terrains de la couronne pour le bois à pâte qui est coupé par les compagnies forestières?

M. ALLAIN: Pour ce qui regarde les propriétés foncières agricoles et forestières, notre position est la suivante: Il s'agit d'un outil de travail et nous sommes d'accord pour taxer les résidences qui reçoivent les services des municipalités. A notre connaissance, les municipalités ne fournissent pas de service au fonds de terre comme tel, ni aux arbres qui poussent, ni aux cultures qui poussent.

Nous ne voyons pas en quoi on ferait des prélèvements sur le produit étant donné qu'il n'y a pas eu de service. Et la notion qu'on attache à une municipalité, c'est une notion de service.

Pour ce qui est de la taxe foncière pour l'éducation, nous pensons que c'est une relation bien pauvre que de se baser sur la valeur foncière des établissements pour déterminer quelle doit être la participation des citoyens à la taxe d'éducation. Nous pensons que ce régime est dépassé, et c'est l'attitude que nous soutenons. Nous acceptons de discuter d'autres formules mais nous partons de là et, pour le moment, nous restons là.

M. BELAND: C'est pour cela que j'ai dit que dès le départ j'étais d'accord, entre autres, sur cet article de vos conclusions. Supposons que le système ne soit pas changé. Lorsqu'on parle de sylviculture, cela présuppose qu'il devra y avoir agrandissement de fermes forestières ou création d'autres fermes forestières. A ce moment-là, si nous gardons le statu quo, à savoir ce que je viens d'énumérer, le propriétaire qui veut s'agrandir est obligé de payer un montant X pour une corde, sur un lot à bois voisin, compte tenu des taxes municipales, scolaires, etc. Si

cela n'était pas changé, comment devrait-il être exigé sur les terrains de la Couronne, en droits de coupe, si nous parlons de droits de coupe, pour que cela soit comparatif?

M. ALLAIN: Nous n'avons pas fait de calcul. Nous n'avons rien de disponible à ma connaissance sur ce sujet.

M. BELAND: Il est entendu que c'est une hypothèse mais, par contre, je pense que c'est bon.

M. LESSARD: Vous êtes seulement une hypothèque.

M. BELAND: Je pense que le député de Saguenay est peut-être une hypothèque à un certain moment. Il reste un fait. Aujourd'hui, et vous l'avez dit tantôt, nous devons agir avec les outils qui nous sont prêtés ou avec les lois qui nous sont données. Nous sommes forcés de penser en fonction de ce que nous vivons présentement. Puisque tout est remis en cause à propos des concessions forestières, il faut automatiquement repenser à ce point précis. Il faudrait apporter des chiffres comparatifs et dire: Cela coûte aux producteurs, sur lot boisé, un montant X pour une corde. A ce moment-là, messieurs du gouvernement, il faudrait que vous demandiez un montant X pour une corde sur les lots de la couronne. Il est entendu qu'il faut tenir compte de l'éloignement, de la densité, etc. C'est bien clair, mais il y a des moyennes. Je pense que cela serait bon d'apporter quelque chose là-dessus.

M. ALLAIN: Nous ne pouvons pas faire de recommandation chiffrée dans le moment. Il est bien sûr que les droits fixés et effectivement payés par l'une ou l'autre des parties influencent les coûts de production. Selon un traitement équitable ou non équitable qui est fait aux parties, quand on parle de coûts de production totaux, il est bien sûr que cela a des implications. Nous sommes d'accord sur cela.

M. BELAND: Etant donné que j'ai dit au départ que j'acceptais une certaine quantité d'éléments qui ont été élaborés par les représentants des offices, des syndicats de producteurs de bois et que j'ai vécu ces problèmes, disons que je remercie sincèrement le porte-parole pour les commentaires qu'il a faits. Je passe la parole à un autre.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saguenay.

M. LESSARD: Je n'ai qu'une question. Au préalable, je voudrais d'abord souligner avec d'autant plus de plaisir le mémoire de l'Union catholique des cultivateurs qu'il rejoint beaucoup de préoccupations que nous avions nous-mêmes soulevées lors de la présentation d'un mémoire au nom du Parti québécois, à la première séance de la commission parlementaire. Il y a notamment ce qui concerne l'abolition des concessions forestières sur une période de dix ans et la nouvelle façon d'allouer les territoires forestiers sur une période de 20 à 40 ans. Cela nous paraît à nous aussi être un peu la renaissance des concessions forestières. J'aurais simplement une question qui relève un peu du mémoire de la CSN, mais je voudrais que l'UCC nous dise ce qu'elle en pense. La CSN a proposé une société québécoise d'exploitation forestière, un peu comme nous avons une société québécoise d'exploitation minière ou une société québécoise d'initiative pétrolière. Est-ce que l'UCC verrait d'un bon oeil la création d'une société québécoise d'exploitation forestière ou l'intégration de tout ce que nous avons actuellement comme éléments dans l'industrie forestière appartennant à l'Etat, dont la Donohue dans Charlevoix? On a vu, par exemple, Sogefor qui est en train de disparaître. Est-ce que vous verriez, d'un bon oeil la création d'une société québécoise d'exploitation forestière qui serait intégrée et qui pourrait, cette fois, concurrencer — sans parler d'une nationalisation intense des autres entreprises — l'entreprise privée selon les mêmes principes que l'entreprise privée et qui pourrait peut-être nous faire obtenir des chiffres — ce n'est pas la seule raison — qui permettraient de contester ceux des compagnies privées?

M. ALLAIN: Nous sommes prêts à faire un bout dans ce sens. D'abord, la proposition comme telle me paraît beaucoup plus radicale que l'interprétation que vous lui donnez dans le moment.

M. LESSARD: Si vous me permettez, M. Allain, je parlais de la proposition de la CSN. Cependant, je n'allais pas aussi loin que le propose la CSN. Je ne parle pas d'une nationalisation intense et je ne parle pas du fait que Soquef pourrait, graduellement, s'emparer de toutes les industries privées et faire en sorte que tout appartienne à l'Etat. Je parle d'avoir au moins dans un domaine important pour nous, un peu comme nous l'avons, par exemple, pour Soquem et Soquef, une institution qui nous appartienne et qui nous permette de développer certaines expériences là-dedans.

M. ALLAIN: Si c'était amené à cette dimension, nous serions d'accord. Parce que cela peut constituer non seulement un précédent, mais un type de laboratoire dont l'Etat du Québec a sûrement grandement besoin. Et si c'était cela la proposition, je ne pense pas que nous aurions des difficultés à nous y rallier. Que l'Etat lui-même subisse l'épreuve de l'exploitation sur toute la longueur, sur tous les aspects de la production, bien que nous ne l'ayons pas envisagé ou que nous n'y ayons pas tellement réfléchi, je pense que notre réponse serait oui.

Parce que cela ne constitue pas un engagement à généraliser la formule. Mais il est bien sûr que nous faisons passablement pitié au Québec en matière de gestion des forêts, en matière d'économie forestière, en matière d'économie tout court, quand il faut vivre à la remorque des grandes entreprises et que, pour savoir la vérité sur leur situation, il faudrait pratiquement procéder par commission royale d'enquête. Cela paraît curieux. Si l'Etat avait un type d'initiative qui lui permette d'inventorier ce secteur, nous ne pourrions pas être contre cela pour la bonne raison que nous demandons qu'il soit partenaire d'initiatives populaires visant exactement les mêmes objectifs.

Mais de là à nous faire témoigner dans le sens d'un accord total à un type de nationalisation, vous n'aurez pas cela de nous.

M. LESSARD: Ce n'est pas cela que je veux. Cela va, M. le président, étant donné que nous avons tellement épluché le mémoire depuis le début.

M. LE PRESIDENT: Le député de Charlevoix.

M. MAILLOUX: On a beaucoup parlé depuis quelques jours de nationalisation. Je voudrais revenir sur le sujet des concessions. On parle de retirer des concessions à différentes compagnies. Il demeure que, quelque soit le terme qu'on emploiera, je pense que tout le monde est d'accord à l'effet que les compagnies devront recevoir du gouvernement, du ministère des Terres et Forêts l'approvisionnement dont elles ont besoin. Vous avez dit tantôt, quand vous avez un peu "chargé" les compagnies, quand il a été question de nationalisation, que si les intermédiaires disparaissaient, cela pourrait évidemment amenuiser une partie du problème.

Vivant dans un territoire d'où sont disparus les intermédiaires et où ont oeuvré les syndicats forestiers depuis plusieurs années, je voudrais savoir ce que vous pensez de cette expérience que M. Gagnon et d'autres ont suivie. On sait que ces syndicats, qui ont transigé avec la compagnie Donahue, ont été assez bien payés. Il n'y a pas eu besoin de longues négociations pour arriver à des prix abordables et tous les propriétaires de boisés de ferme ont reçu les meilleurs prix du Québec. Est-ce que, à la décharge des compagnies, vous êtes prêt à dire que de tels exemples dans des régions ont quand même permis que l'entreprise capitaliste puisse vivre avec des syndicats et avec des producteurs de bois, en tenant compte de tous les impératifs?

UNE VOIX: La question est posée à qui? M. MAILLOUX: A M. Gagnon.

M. GAGNON: M. le Président, j'ai mentionné tout à l'heure qu'avec les compagnies avec lesquelles on avait des contrats et qu'on approvisionnait directement on n'avait pas de problème, que les relations étaient très bonnes. Avec la compagnie Donahue que vous mentionnez, nous ne sommes jamais allés à l'arbitrage. Ce sont les producteurs de Charlevoix qui retirent les plus hauts prix de la province de Québec.

M. MAILLOUX: Ce qui veut dire que, quand il n'y a pas d'intermédiaire, quand il y a un accord entre la compagnie, les syndicats et les propriétaires de boisés de ferme, le problème est déjà réglé en très forte partie dans ces territoires-là.

M. GAGNON: Je pense qu'il y a moyen de vivre ensemble.

M. MAILLOUX: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Islet.

M. GIASSON: M. Allain, dans le résumé du mémoire, à l'article 13 qui constitue la dernière page, la page 45, vous déclarez, au dernier paragraphe: "Ainsi, l'impôt foncier constitue, selon nous, une pénalité puisque la forêt est un outil de travail." Partant de cette affirmation, est-ce qu'on peut croire que l'UCC ou l'UPA souhaiterait la disparition totale de l'impôt foncier sur les boisés de ferme ou sur les lots possédés par les propriétaires privés?

M. ALLAIN: La réponse est oui.

M. GIASSON: Mais vous ne croyez pas que ça puisse avoir des inconvénients à un certain point de vue? Dans ma région, j'ai remarqué, au cours des dernières années, une prolifération d'achats de terrains privés par des industriels forestiers, des courtiers en bois et des commerçants de bois. Si on acceptait une politique de disparition de l'impôt foncier pour les propriétés privées dans le domaine forestier, à ce moment-là, on peut concevoir que ça améliorerait le statut du petit cultivateur propriétaire de lots boisés. Par contre, on avantagerait justement, des personnes qui ont acquis, souvent de cultivateurs, des terrains qui sont devenus assez importants.

Du moins, dans ma région, c'est un état de fait qui s'est produit récemment. Je suis porté à croire que ça peut se produire dans d'autres régions du Québec aussi.

M. ALLAIN: Oui, ça peut être vrai, dans la situation actuelle, que des gens qui ont de l'argent se portent acquéreurs de fonds de terres pour des fins qui ne sont pas forcément des fins de subsistance ou d'exploitation sylvicole, soit. Mais nous commençons à vivre dans la perspective de la mise en place de sociétés sylvicoles. A compter de ce moment-là, on croit que, si les sociétés prennent en charge la gestion des affaires de leurs territoires, il est possible

d'inclure des disciplines même dans les achats de fonds de terres.

La méthode utilisée ailleurs et reconnue comme valable est celle de la préemption. Il n'est pas impossible pour nous, au contraire, de penser que le législateur acceptera qu'un ministère ou une société puisse disposer de ce pouvoir, à savoir que toute terre qui serait mise en vente le soit à la connaissance de la société ou d'une institution gouvernementale qui posséderait le droit de préempter.

Dans de telles circonstances, si la vente et l'achat envisagés n'entraient pas dans les programmes prévus, ne respectaient pas les programmes de restauration ou d'exploitation prévus, l'organisme qui aurait le droit de préempter le ferait. Bien sûr, vendeur et acheteur, en particulier le vendeur, auraient un droit d'appel. Mais nous estimons que, si un tel droit existait et était détenu par une institution d'Etat ou par une société, cela aurait pour effet de moraliser les transactions de fonds de terres et aussi de moraliser les prix tout court, et l'utilisation qui est faite de ces sols.

M. GIASSON: Partant toujours de ce que je connais dans ma région, je ne suis pas prêt à admettre que l'impôt foncier présentement en vigueur soit excessif. Autrement dit, le système d'évaluation des terrains boisés ne me parait pas élevé. Il faut reconnaître également qu'au niveau scolaire, l'abattement ou la remise que le gouvernement peut faire s'applique également aux terrains boisés comme aux terrains agricoles.

Vous avez laissé croire tout à l'heure que l'impôt foncier actuel, dans le domaine forestier, était assez lourd. Vous avez même cité un chiffre en pourcentage; je pense que c'est 13 p.c.

M. ALLAIN: Oui.

M. GIASSON : Est-ce que vous maintenez ce chiffre de 13 p.c. en ce qui concerne les terrains boisés?

M. ALLAIN: Les enquêtes qui ont été faites ont été faites sur des exploitations agricoles. Elles ont dû prendre des exploitations types. Maintenant, si on allait à une exploitation type forestière, est-ce qu'on arriverait aux mêmes résultats? Je suis porté à croire que oui. Mais de là à le garantir, il y a quand même une marge.

Une chose est certaine, quand on dit que l'impôt municipal ou l'impôt scolaire est très faible sur une propriété forestière, c'est probablement qu'elle a très peu de valeur et que si son détenteur décidait de lui en donner, au fur et à mesure que le producteur donnerait de la valeur à sa propriété, l'impôt frapperait de plus en plus dur. Cela a un effet de découragement alors que c'est le contraire qu'on devrait attendre.

On ne pense pas que l'impôt foncier, comme tel, soit une mesure appropriée, tant municipale que scolaire. Et pour le temps, il y a certainement moyen de trouver d'autres méthodes qui apporteraient quand même à l'Etat les fonds dont il a besoin pour assumer ses responsabilités, sans avoir recours à des méthodes qui sont désuètes. Nous restons là-dessus jusqu'à preuve du contraire; nous ne cédons pas sur le fond.

M. GIASSON: Mais vous reconnaissez tout de même que ces impôts fonciers ne servent pas au gouvernement comme tel, ce sont les administrations locales, municipales et scolaires qui se financent à même ces impôts.

M. ALLAIN: Oui, mais...

M. GIASSON: Dans votre esprit, je présume qu'il s'agirait de remplacer les sources de revenus de l'impôt foncier par d'autres formules; participation de l'Etat fédéral aux ressources...

M. ALLAIN: Ce serait plus juste.

M. GIASSON: ... dont ont besoin ces administrations locales.

M. ALLAIN: En matière de taxes, ce serait probablement plus juste d'aller chercher des revenus fiscaux sur l'unité de production.

M. GIASSON: Lorsque le producteur la met sur le marché.

M. ALLAIN: Oui.

M. GIASSON: Et non pas...

M. ALLAIN: Entre temps, on n'aura pas découragé le développement.

M. GIASSON: Et non pas la ressource lorsqu'elle est en gestation.

M. ALLAIN: En développement.

M. GIASSON: En développement. On avait également signalé, à une commission qui n'était pas celle des Terres et Forêts, lors de l'étude du bill 48 sur l'évaluation foncière, la possibilité d'établir un système d'impôts ou de taxation en fonction de la densité ou de la qualité des peuplements. Est-ce que l'UCC a pris position face à cette hypothèse?

M. ALLAIN: Oui, pour les redevances? Nous y souscrivons. Nous souscrivons à cette méthode pour ce qui est de la fixation des redevances sur l'unité de production, en cordes ou 1,000 pieds.

M. GIASSON: Vous avez également exprimé des doutes sérieux sur le rôle valable que

pourrait jouer une régie des produits forestiers mais en présumant, encore une fois, que la philosophie qui animerait une régie des produits forestiers serait celle qu'a présentement la Régie des marchés agricoles, c'est-à-dire de permettre aux producteurs agricoles, quel que soit le genre de produits concernés, d'aller chercher le meilleur prix possible, compte tenu de la situation. En présumant que cette philosophie, à l'intérieur d'une nouvelle Régie des marchés forestiers, serait celle qu'on retrouve au niveau de la Régie des marchés agricoles, est-ce que vous la verriez dans un contexte de réforme forestière?

M. ALLAIN : Oui mais le problème que ça nous pose, c'est qu'il faut faire mentir le tome I pour arriver à ce résultat. Le tome I, aux pages 99, 100 et 101, nous dit que la Régie des marchés agricoles s'est rendue coupable de décisions qui vont à l'encontre d'une saine économie. Alors, il y a certainement des choses à modifier, chez les auteurs, pour le moins, des tomes I et Il.

M. GIASSON: Merci.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai une question à poser à M. Allain. J'ai d'abord noté le ton pondéré et très lucide des représentations qu'il nous a faites et du mémoire qui est d'ailleurs caractérisé de la même façon.

M. Allain, vous avez parlé de cette exigence impérieuse de procéder à un réaménagement de l'allocation des ressources forestières. Nous avons entendu ici différents organismes, entre autres des représentants des sociétés de pâtes et papiers. L'un de ces témoins nous disait, entre autres, qu'à son avis le livre blanc du ministère des Terres et Forêts procédait selon une approche trop idéologique ou, si vous voulez, trop abstraite et que, de ce fait, il lui apparaissait nécessaire de réunir les intéressés, c'est-à-dire les sociétés qui exploitent la forêt sous toutes ses formes, les organismes comme le vôtre et tout autre organisme de même nature afin de discuter avec le gouvernement de ces modalités pratiques d'application.

On nous a dit, notamment ce matin et les jours qui ont précédé, que c'était trop abstrait, qu'il n'y avait pas assez d'orientation concrète. Quelle est votre opinion à ce sujet? Est-ce que le livre blanc, tel qu'il est présenté, offre des avenues qui vous indiquent de quelle façon pratique pourrait se faire ce réaménagement de l'allocation des ressources forestières?

M. ALLAIN: M. le Président, il reste plusieurs choses à préciser, sans aucun doute. Que l'Etat choisisse de consulter les différents intéressés, c'est quelque chose de bien fondé en soi, et c'est en quelque sorte se protéger lui-même, que de travailler de concert avec tous ceux qui vivent de la forêt.

Maintenant, de là à prendre pour du comptant le plaidoyer des compagnies en ce sens qu'elles plaident presque l'indigence et craignent que le gouvernement dispose de toute la question sans les consulter, c'est un genre de situation à laquelle je ne me fais pas prendre. Les compagnies ont certainement des moyens de rejoindre le gouvernement de façon permanente. Elle sont capables d'influencer le gouvernement, ou alors je ne comprends rien dans les situations.

De toute façon... Tout ceci pour dire que les compagnies essaient de projeter une image qui me paraît fausse. Elles ont leurs moyens bien à elles d'être consultées et de se faire entendre. De toute façon, cela reste valable et le gouvernement serait certainement bien avisé de travailler de concert avec ceux qui sont impliqués dans ces questions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Allain.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Islet.

M. GIASSON: Parmi les possibilités de formules d'exploitation, on a abordé différentes formules, mais je remarque que jusqu'à ce jour, parmi tous les organismes qui ont déposé des mémoires et qui ont assisté aux audiences pour les commenter, on n'a pas semblé retenir tellement le potentiel que représenterait l'utilisation de la formule coopérative en forêt. Et non seulement au niveau des petits propriétaires, mais au niveau de l'exploitation forestière.

On a examiné la possibilité de garder un genre de statu quo, c'est-à-dire que les grandes compagnies continuent de faire elles-mêmes leur exploitation forestières selon les approvisionnements qu'on leur confie. D'autres organismes nous ont dit qu'il s'agissait de bâtir une nouvelle société d'exploitation qui prendrait charge de toute la partie exploitation. Il me semble qu'il y a encore de la place pour utiliser la formule coopérative. Il m'apparaît qu'on ne s'en est pas tellement servi dans ce domaine.

M. ALLAIN: Là-dessus, nous sommes parfaitement d'accord. Maintenant, cela dépend où on la situe. Si c'est au plan de l'exploitation de la ressource et de la transformation, nous investissons tous les jours des énergies dans la formule coopérative, que ce soit à Argenson, à Tachereau ou à Ville-Marie; même récemment dans Mont-Laurier et, bien sûr, sous une forme qui est peut-être un peu bâtarde, à Cabano. Cela reste une formule coopérative.

La coopération en tant que telle ne serait peut-être pas d'accord pour reconnaître qu'à Cabano on cherche une formule coopérative, parce qu'elle est attachée à des règles bien définies. Personnellement, si on a laissé perce-

voir l'idée que l'on se désintéressait de la formule coopérative, il faudrait corriger.

De toute façon, M. Boutin est là et c'est lui qui, dans l'organisation, est porte-parole pour leur compte. Il est responsable de la Fédération des chantiers du Nord-Ouest québécois. Il a pas mal de...

M. BOUTIN: Je pense que M. le député a raison, on ne s'intéresse peut-être pas assez à la formule coopérative. Peut-être est-ce parce que la formule coopérative n'a pas fait de bruit. Elle a fait ses expériences depuis trente ans et elle a des réalisations valables. Elle continue à faire des expériences et je crois qu'elle a des réalisations à montrer.

Nous avons confiance en la formule coopérative, surtout parce que c'est l'ouvrier qui est participant, propriétaire et travailleur. Seulement ce fait règle déjà plusieurs problèmes. Il y a plusieurs problèmes dont les compagnies forestières se sont plaintes, savoir qu'elles payaient le bois trop cher et qu'elles ne pouvaient pas réaliser de profits avec le bois qu'elles achetaient.

Les coopératives qui sont dans l'industrie et qui font leur propre production se contentent du revenu qu'elles ont dans leur production pour calculer leurs revenus. Est-ce que ça répond à votre question?

M. GIASSON: Si vous me permettez M. Boutin. Relativement au type d'opérations forestières que vous avez démontré sur la base des coopératives, est-ce qu'il s'agissait tout simplement de coupe, d'exploitation et de transport, charroyage, ou si vous avez des scieries greffées à l'intérieur du système?

M. BOUTIN: Au début, nous nous sommes contentés d'être entrepreneurs pour des compagnies. Durant douze ou quinze ans, nous nous sommes contentés de ça. Je crois qu'on a fait des travaux qui ont été rentables, même pour les compagnies. Je ne connais pas la raison, mais au bout d'une quinzaine d'années de ce régime, elles nous ont coupé les contrats. Elles ne voulaient plus donner de contrats aux coopératives.

Alors là, nous nous sommes dirigés vers le ministère des Terres et Forêts pour avoir des coupes. Nous avons été obligés de combattre plusieurs années. Aujourd'hui, ça semble être réglé. Au début, nous n'avions pas confiance en la formule; aujourd'hui, on semble en avoir plus confiance parce qu'on nous consent des approvisionnements, on a aujourd'hui des scieries rentables et on est en train d'en construire d'autres.

M. GIASSON: Et à l'intérieur de la formule, tous les gens qui y travaillent ont la conviction de participer vraiment au développement de l'entreprise, même aux décisions administratives jusqu'à un certain point. Naturellement, vous avez un exécutif?

M. BOUTIN: C'est ça. Tout le monde est membre, même la petite secrétaire dans le bureau. On n'emploie pas d'autres personnes que des membres.

M. GIASSON: Membres de la coopérative.

M. BOUTIN: Dans la formule à laquelle je travaille, tout le monde est membre, tout le monde à droit de parole, tout le monde est éligible à l'administration et tout le monde participe au financement aussi.

M. GIASSON: En présumant que je suis une compagnie de pâtes et papiers, j'ai besoin de 60,000 cordes pour alimenter une usine. Croyez-vous, bien honnêtement, que si je décidais de confier entièrement l'exploitation, coupe et transport, à un organisme coopératif, comme le vôtre, dans ses structures actuelles, financièrement, ou en s'adjoignant le personnel requis, il serait capable d'alimenter mon usine, d'exécuter mon contrat de 60,000, et ce, à des coûts comparables à ceux des compagnies quand elles font elles-mêmes ce travail-là?

M. BOUTIN: Nous avons des coopératives qui le font actuellement, en particulier au Lac-Saint-Jean, dans la région de Chicoutimi.

Nous avons de grosses coopératives qui remplissent de gros contrats de cette envergure.

On a coupé, pour Canadian International, jusqu'à 800 millions de pieds cubes par année.

M. GIASSON: Vous croyez que ce serait possible...

M. BOUTIN : A Baie-Comeau, où nous avons fait des travaux, nous avons coupé 55,000 cordes. C'était une opération coopérative.

M. GIASSON: Vous avez dit tout à l'heure que les compagnies, à une certaine période, ont cessé de vous accorder des contrats. Est-ce que ce serait dû au fait que vous vous n'aviez pas répondu aux obligations quant à des contrats antérieurs? Date de livraison ou manque...

M. BOUTIN: Je ne crois pas, parce que nous avons toujours dépassé nos contrats et la date de livraison.

M. GIASSON: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, c'est peut-être un oubli qui a été fait tantôt de la part du président de la Fédération des producteurs de bois du Québec ou encore de la part de M. Allain. Mais, étant donné qu'il n'a pas été du tout question de Cabano, je pense que c'est le moment opportun de situer cette question dans le décor, à savoir si vous encourageriez toujours cette possibilité. Peut-être pourrait-on l'expli-

quer quelque peu. C'est le moment tout indiqué, à cette commission parlementaire des Terres et Forêts, compte tenu des deux tomes du livre blanc, de faire le point. Est-ce encore souhaitable, au moment où nous vous parlons... Enfin, je ne veux pas vous engager. Si vous voulez bien, évidemment, mais je pense que ce serait le moment opportun...

M. LE PRESIDENT: Je crois que la question est hors d'ordre pour le moment. Nous discutons ici du livre blanc, de ses incidences et de ses implications. Il faudrait s'en tenir au livre blanc.

M. BELAND: Mais cette question se situe dans les politiques forestières du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Cela fait partie des politiques forestières mais c'est un cas particulier. Je crois qu'on devrait plutôt porter ses questions sur le livre blanc, sur le mémoire qu'a présenté M. Allain.

M. BELAND: Je pense que ce serait bon de le laisser libre de répondre ou non à ce sujet-là, parce que ça se situe dans l'ensemble de la politique du Québec.

M. LE PRESIDENT: Une réponse brève.

M. ALLAIN: M. le Président, de toute façon, ce n'est pas l'UCC comme telle qui a le dossier de Cabano, c'est la Société populaire des pâtes qui le possède et qui est en autorité pour faire des déclarations. Tout ce que je peux dire, c'est que des fédérations de l'UCC sont intégrées au projet et que, bien sûr, elles en assument une partie de la responsabilité. Nous ne pouvons pas être indifférents.

Cela se situe, quant à nous, dans la perspective de l'intégration de la forêt à l'économie rurale et ce, allant de l'exploitation à la source jusqu'à la fabrication du produit fini. Cela correspond exactement à la perspective qu'on a du développement des forêts du Québec pour le compte de la population et ce, en collaboration avec l'Etat.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: En revenant brièvement sur la formule coopérative, vous avez parlé tout à l'heure des réussites de la formule coopérative. Est-ce que ces réussites se font toutes en payant les salaires que payent les grandes entreprises? Est-ce que vos salaires sont concurrentiels ou sont semblables à ceux qui sont payés par les grandes entreprises?

M. BOUTIN: Ils se comparent. Pour une industrie semblable, les salaires se comparent.

M. LESSARD: Les salaires se comparent, c'est-à-dire qu'ils sont semblables, qu'ils se comparent avantageusement ou ils sont égaux.

M. BOUTIN: C'est ça.

M. LESSARD: Et est-ce que dans l'ensemble, vous pourriez nous dire combien actuellement il y a de coopératives forestières?

M. BOUTIN: En tout cas, je peux vous dire qu'il se coupe environ entre 300,000 et 400,000 cunits par les coopératives qui font du bois de sciage et celles qui ont des contrats pour les compagnies.

M. LESSARD: Est-ce que, dans l'ensemble, sur une certaine période d'années, ceux qui ont investi, qui ont acheté des parts dans la coopérative ont reçu des dividendes? Est-ce qu'ils récupèrent graduellement l'argent investi?

M. BOUTIN: Il ne se paie pas de dividende à la coopérative. Sur le capital social, les membres reçoivent un intérêt et les surplus sont distribués en bonis suivant la participation, suivant le salaire gagné, non pas sur l'argent investi.

M. GAGNON: Mais vous ne réinvestissez pas à certains moments vos surplus? Est-ce qu'il arrive de réinvestir des surplus réalisés au cours des années?

M. BOUTIN: C'est cela. A peu près régulièrement

M. GAGNON: Vous les réinvestissez. M. BOUTIN: Oui.

M. GAGNON: Quand toutes vos opérations sont payées, le salaire des hommes, etc., la formule coopérative réalise ordinairement des profits dans son bilan lorsque tout a été payé, toutes les dépréciations ont été prises sur vos immobilisations.

M. BOUTIN: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Allain ainsi que ceux qui l'accompagnent d'avoir bien voulu répondre aux questions des membres de la commission. Soyez assurés que nous prendrons bonne note de votre rapport.

M. ALLAIN: Merci, M. le Président. M. Raymond Dion

M. LE PRESIDENT: J'inviterais à présent M. Raymond Dion, ingénieur forestier, à venir présenter son mémoire.

M. DION: M. le Président, MM. les membres de la commission, permettez-moi durant quelques minutes de sortir des rangs de la majorité

silencieuse pour vous donner mes impressions au sujet de l'Exposé sur la politique forestière qui a été présenté comme l'avant-propos d'une réforme en profondeur de la Loi des terres et forêts.

J'ose espérer que certaines des idées contenues dans ce mémoire serviront à faire avancer d'un cran la discussion. Toutefois, une chose est acquise, je n'endosse ni ne m'oppose radicalement à aucune cause. Mon point de vue est le résumé de nombreuses conversations avec des confrères et des amis et le résultat de cogitations personnelles. Mais ces opinions n'ont pas été altérées par le besoin de défendre un groupe ni même dictées par des contraintes inhérentes à un emploi. Seule la cause forestière, qui me tient à coeur, entre ici en ligne de compte.

Depuis plus de dix ans, au gré des circonstances, j'ai été un observateur muet ou loquace, mais toujours assidu, des tentatives d'évolution de la politique forestière québécoise. D'ailleurs, c'est à la suite d'une causerie prononcée par feu Henri Coiteux, ex-député de Duplessis, devant l'assemblée générale de l'Association forestière de la Côte-Nord que j'écrivais dans la revue Forêt Conservation de juillet-août 1963 et je cite: "Advenant la nécessité de changer notre politique d'aménagement forestier afin d'assurer une meilleure planification forestière par toute la province, nous croyons qu'il sera nécessaire pour le gouvernement de créer ce qu'on pourrait appeler une régie de l'aménagement ou une régie de la planification forestière complètement indépendante du gouvernement.

Elle aurait pleins pouvoirs afin d'appliquer les mesures nécessaires à l'élaboration d'une saine politique forestière."

Nous n'avions pas, dans ce temps-là, un vocabulaire aussi élaboré et aussi sophistiqué pour qualifier et décrire les sociétés paragouvernementales qui en étaient alors à leurs premiers balbutiements. Toutefois, l'idée soumise ressemblait étrangement, dans les faits et les intentions, à la recommandation du livre blanc qui parle d'une société de gestion forestière.

Cette similitude laisse bien voir que je suis d'accord, en principe, avec certains points énoncés dans l'exposé. D'une façon générale, la philosophie qui s'en dégage laisse entrevoir que le gouvernement désire, à l'avenir, jouer pleinement son rôle de législateur et de planificateur. Nonobstant ce fait, je suis perplexe quant à l'ordre des priorités qui est proposé en vue de parvenir à la réforme.

Pour ma part, je veux proposer l'ordre suivant : — La création de la société de gestion forestière; — l'intensification maximale des efforts pour revaloriser les terrains forestiers privés; — la mise sur pied d'une politique de planification et d'aménagement forestier, respectée par les concessionnaires et tout autre gestionnaire et dont l'application serait rigoureusement surveillée par le ministère; — l'abolition graduelle et à long terme des concessions forestières si cela s'avère nécessaire. 1. Création de la société de gestion forestière.

Il est urgent que le gouvernement mette sur pied cette société, sans quoi les forêts domaniales déjà existantes risquent de ne pas remplir adéquatement le rôle pour lequel elles ont été créées.

En effet, en analysant les conclusions qui se dégagent de deux plans d'aménagement forestier préparés pour des forêts domaniales de la Gaspésie, il ressort clairement que ces unités de gestion sont également sous-exploitées au même titre que les concessions. Dans ces deux forêts domaniales, l'utilisation de toute la possibilité permettrait la création de 600 nouveaux emplois. En particulier, la sous-exploitation de la forêt domaniale gaspésienne découle surtout du fait que la compagnie Gaspesia, qui détient un contrat d'approvisionnement à long terme, n'utilise qu'une partie du volume de bois qui lui est réservé.

En conséquence, il semblerait plus logique que les redevances ou les droits de coupe, tant dans les forêts domaniales que dans les concessions, soient établis en fonction de la possibilité nette disponible à moins que l'excédent ne soit distribué à d'autres utilisateurs, les usines de sciage en particulier. Cette façon de procéder obligerait les requérants de garanties d'approvisionnement à mieux doser leurs demandes.

Par contre, chez les détenteurs de concessions, ces mesures auraient sans doute pour effet de favoriser les investissements en vue de la modernisation des usines puisque les sociétés ne trouveraient aucun intérêt à débourser inutilement de telles sommes.

La société de gestion forestière aura passablement de pain sur la planche pour remettre de l'ordre dans les 90,000 milles carrés de forêts domaniales qui lui seront confiées au départ. C'est pourquoi il faudrait, pour le moins, retarder l'échéance pour faire disparaître les concessions.

De plus, la mise en place d'une telle société nécessite une période de rodage qui retarde le fonctionnement normal des mécanismes. Ceci est d'autant plus vrai qu'on admet dans le tome

Il, à la page 34, que le gouvernement ne possède pas l'expérience suffisante et les moyens financiers pour procéder immédiatement à l'abolition.

Un autre obstacle de taille réside dans le fait que des conflits de juridiction accompagnent toujours l'arrivée d'un nouvel organisme qui dérange les gens en place. A titre d'exemple, qu'il me soit permis de mentionner certains accrochages qui sont déjà survenus entre des employés de direction générale à l'intérieur du ministère, ou une mise au point qui a dû aussi être faite au sujet de l'activité des représentants de Rexfor dans les programmes de restauration forestière.

M. le Président, si ces faits semblent anodins lorsqu'ils sont vus d'en haut, il n'en demeure

pas moins qu'ils entravent momentanément le processus de décision. C'est pourquoi il y aurait lieu de s'assurer que de tels accrochages seront évités.

Deuxièmement, la revalorisation des terrains forestiers privés. Cette priorité devrait retenir immédiatement l'attention du gouvernement qui devrait y consacrer le plus gros budget possible, au détriment même de certaines autres réalisations. Puisque c'est dans ce secteur que la réforme aura la plus grande portée socio-économique, c'est également dans ce secteur qu'on est susceptible de combler le plus rapidement et le plus sûrement possible le déficit en matière première prévu pour les années 1980. Toutes les mesures préconisées dans le tome Il à ce sujet devraient être mises à exécution le plus tôt possible. Plusieurs études ont déjà été effectuées dans diverses régions du Québec, et le seul fait d'en colliger les résultats permettrait d'obtenir des renseignements en vue d'arrêter un programme d'action dans l'immédiat. Par exemple, il serait possible de préparer dès maintenant des cartes synthèses donnant les aires à reboiser pour une bonne partie de la province, de même que les priorités à établir dans ce domaine bien précis.

Si le gouvernement désire amorcer du bon pied la réforme forestière, il devra d'abord s'intéresser à la revalorisation des terrains forestiers privés.

Après avoir complété un rapport de connaissance du milieu dans six bassins à vocation forestière de la rive sud, il ressort clairement que le volume ligneux en milieu rural est très faible et ne peut alimenter convenablement le grand nombre d'industries qui s'y trouvent. La possibilité annuelle nette, essences résineuses et feuillues, pour les six bassins se chiffre à 652,000 cunits ou 326 millions de P.m.P.

Vous voudrez bien apporter une correction sur le mémoire: on a qu'à multiplier par 100 le chiffre que vous y trouvez.

Troisièmement, politique de planification et d'aménagement forestier. Il s'agit ici indéniablement du rôle qui doit être réservé au gouvernement et au ministère des Terres et Forêts en particulier. L'Etat a le devoir de disposer de ses ressources pour le plus grand bien de la population. Il faut, cependant, faire une distinction bien nette entre la planification et la gérance des politiques qui en découlent. C'est sans doute la raison qui a amené la suggestion de créer la société de gestion forestière. Toutefois, en créant cet organisme, le gouvernement devra faire en sorte que la législation lui laisse un droit de regard sur les buts poursuivis par la nouvelle société. Si le ministère a à coeur de veiller scrupuleusement à l'application de ses politiques, il pourra en confier la gérance ou l'exécution à n'importe quel organisme public ou privé, sans qu'il y ait d'anicroches au plan et sans que les intérêts du Québec soient malmenés.

Quatrièmement, l'abolition graduelle et à long terme des concessions forestières. Il est sûr que, présentement, plusieurs concessions sont trop petites pour permettre un aménagement forestier rationnel. Cependant, comme il est dit dans l'exposé, ces cas ne représentent qu'un faible pourcentage des forêts concédées. Celles-ci devraient être regroupées immédiatement afin de créer des unités d'aménagement valables. Pour ce qui est des grandes concessions, il n'est pas certain qu'il soit nécessaire de les abolir à court terme parce que, d'une part, la possibilité ne peut être toute utilisée du jour au lendemain et que, d'autre part, lorsque cela s'avère nécessaire, le gouvernement peut convaincre le concessionnaire qu'il y va de l'intérêt public de partager la possibilité avec un tiers.

La solution des problèmes actuels d'alimentation repose beaucoup plus sur la redistribution des aires de coupe que sur la reprise des concessions. En effet, l'éparpillement des concessions d'une même société entraîne des coûts de transport et d'exploitation qui seraient abaissés aussi facilement par le regroupement que par l'abolition. Il serait désastreux de consacrer d'énormes sommes au rachat des concessions, alors que cet argent pourrait être consacré à d'autres tâches plus urgentes. D'ailleurs, dans cet ordre d'idée, le gouvernement devra être extrêmement prudent quant aux montants à verser, lors des transactions. Cependant, l'abolition des concessions est un point bien délicat qu'il faut traiter avec calme et sérénité sans faire l'occasion d'un assouvissement de rancune personnelle. Il est indéniable qu'au début des années soixante, les sociétés de pâtes et papiers étaient d'une arrogance et d'une désinvolture sans pareilles. Cette situation a sans doute eu pour effet de décourager la plupart de ceux qui s'étaient fait un point d'honneur de répartir, d'une façon équitable, les ressources forestières du Québec. Cette situation a indiscutablement fait naître chez certains un sentiment de frustration et un raidissement qui trouvent maintenant leur dénouement logique.

Par contre, la conjoncture économique actuelle aidant, les sentiments des pâtes et papiers ont bien changé. — Remarquez, M. le Président, que j'ai écrit ce texte-là avant d'avoir entendu certaines choses ici, aux audiences publiques —. Car, c'est bien connu qu'une position précaire influe drôlement sur l'ouverture d'esprit. Le gouvernement devrait donc profiter de la siatuation pour amorcer des négociations qui permettraient de repenser les attributs et prérogatives actuellement dévolus aux concessionnaires et d'envisager la possibilité de redistribuer les aires de coupe.

Eventuellement, il s'avérera peut-être utile ou nécessaire d'opter pour l'abolition totale des concessions forestières, afin de franchir les dernières étapes du processus de la réforme forestière. Cependant, à ce stade-ci, un tel geste serait pour le moins prématuré.

La récréation maintenant. Dans les deux tomes de l'exposé, il est souvent question de la

récréation en forêt, et plus particulièrement des superficies qui devront y être consacrées. Ces textes laissent présupposer que l'accessibilité sera possible sur de grandes étendues. Cependant, il serait préférable de limiter le touriste forestier à des heures restreintes, d'autant plus qu'on ne connaît pas encore précisément quelles sont les exigences du citadin qui désire fuir son milieu. Dans ce domaine, comme dans celui de l'aménagement faunique, il faudra de plus trouver un moyen de préserver l'équilibre de la nature sans avoir à soustraire de l'exploitation de grandes superficies productives qui grèvent d'autant la possibilité forestière d'une unité d'aménagement donnée.

Lors des calculs faits, au sujet de la forêt domaniale gaspésienne, il a fallu diminuer la possibilité de 300,000 pieds cubes, annuellement, dont 150,000 pieds cubes économiquement accessibles dès maintenant. Et ce, pour se plier aux conceptions actuelles de l'aménagement faunique, voulant qu'une réserve intégrale de 200 pieds de chaque côté des rivières principales et de leurs tributaires, soit respectée. Le but de cette contrainte: éviter la pollution due à l'exploitation, préserver le lit des rivières pour favoriser la reproduction du saumon et garder les arbres aux abords des cours d'eau, en vue de contrôler la crue et de stabiliser la nappe phréatique.

Cette difficulté aurait pu être contournée en pratiquant dans ces endroits des coupes judicieuses par jardinage permettant ainsi de récupérer un volume de bois appréciable. Le même principe pourrait s'appliquer partout où il est nécessaire de conserver le couvert forestier et un certain nombre d'arbres pour assurer l'équilibre du milieu. Cependant, pour être sûr que le touriste forestier et l'ouvrier forestier ne viendront pas perturber l'écologie, le ministère devra accentuer l'éducation populaire et songer à l'établissement d'un code de l'usager forestier.

La recherche. A la page 171 du tome Il, il est mentionné que le ministère des Terres et Forêts accordera la priorité à la recherche appliquée et à l'innovation technologique. Nous sommes parfaitement d'accord. Il semble même que la recherche devrait être poussée encore plus loin et tendre continuellement à déboucher sur le développement. D'une façon plus précise, le Québec pourrait faire figure d'innovateur en essayant de développer un outillage moins lourd qui servirait à l'exploitation forestière dans les terrains boisés privés et dans les endroits où il faut pratiquer la coupe par jardinage.

M. le Président, tout au cours de la rédaction de ce mémoire, j'ai essayé d'émettre des idées positives qui, je l'espère, apporteront quelques éléments nouveaux dans les discussions qui serviront à structurer la future loi des terres et forêts. J'ai eu beaucoup de plaisir à partager avec vous mon expérience, mes énergies et mes espoirs dans l'avenir du Québec. Je tiens à féliciter M. Kevin Drummond, qui est le premier ministre des Terres et Forêts à avoir le courage ou la possibilité de proposer une réforme d'une telle envergure.

M. LE PRESIDENT (Charpentier): L'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je vous remercie, M. Dion, d'être venu ici comme représentant, comme vous le dites, de la majorité silencieuse pour nous donner votre point de vue en ce qui concerne la politique forestière. Je pense, pour ma part, que c'est un mémoire très intelligent, à part peut-être la conclusion, mais en tout cas...

M. GAGNON: On ne voulait pas le dire.

M. DRUMMOND: Je vais demander au député de Charlevoix de poser certaines questions, du côté gouvernemental.

M. MAILLOUX: Au début de votre mémoire, il est fait mention de l'exemple de deux forêts domaniales situées en Gaspésie et vous expliquez que leur sous-exploitation découle de l'utilisation partielle du volume de bois réservé à une seule usine de transformation par un contrat d'approvisionnement. Selon vous, comment pourrait-on corriger une telle situation?

M. DION: M. le Président, pour répondre à la question du député de Charlevoix, je pense que déjà dans le mémoire c'est un peu esquissé. A un moment donné, on peut confier une garantie d'approvisionnement pour 20 ans à une usine, mais pour des raisons économiques ou pour des raisons de tout autre ordre, cette garantie n'est pas utilisée durant une période X d'années parce que la compagnie a peut-être demandé une garantie d'approvisionnement en vue d'agrandissements éventuels et, entretemps, elle ne l'utilise pas. Par contre, ce qu'on remarque habituellement, c'est que tout autour il y a d'autres petites usines qui pleurent et qui s'arrachent les cheveux pour essayer d'obtenir certaines quantités de bois.

Je pense qu'il serait extrêmement important qu'au ministère on surveille toujours de très près les quantités qui sont coupées et qu'on ne dise pas, par exemple: On a attribué 16 millions de pieds cubes en garantie d'approvisionnement à une usine et on a une possibilité de 24 millions, donc il nous en reste huit à distribuer et on distribue huit millions. En fait, s'il y en a six millions dans la garantie d'approvisionnement qui ne sont pas utilisés, cela fait six millions qui restent en place.

M. MAILLOUX: Ce qui reviendrait à dire que, forcément, les contrats devraient être donnés à la condition que la pleine utilisation soit faite, sinon le ministère pourrait en disposer pour d'autres utilisateurs.

M. DION: Je pense que oui, parce qu'autrement on a beaucoup de bois qui se perd absolument pour rien.

M. MAILLOUX: Quand vous parlez...

M. GIASSON: Dans le même ordre d'idées, justement lorsque vous avez fait allusion aux forêts de la Gaspésie, les forêts domaniales, vous avez affirmé qu'il y avait une possibilité de créer 600 nouveaux emplois. Cela m'a frappé un peu, je ne vous le cache pas.

Toujours en croyant qu'une utilisation rationnelle et maximale des deux forêts domaniales en cause, est-ce que les 600 emplois seraient des emplois permanents ou des emplois temporaires?

M. DION: Je peux vous dire de quelle façon ces calculs ont été faits. A un certain moment, nous en sommes arrivés à une possibilité utilisée et une possibilité réelle, la possibilité de la forêt et nous avons pris le nombre de pieds de bois et nous nous sommes dit: Dans une usine de sciage, si une usine sciait cette possibilité qui est inutilisée, combien emploierait-elle de gens tant en forêt qu'à l'usine? Au niveau de l'usine, cela peut devenir des emplois permanents. Au niveau de l'exploitation en forêt, cela sera peut-être de l'emploi pendant huit mois si les exploitations durent huit mois. Ce n'est pas nécessairement de l'emploi douze mois par année. Mais je pense que c'est quelque chose qui s'en rapproche.

M. GIASSON: Mais 600 emplois créés de façon, on peut dire permanente... Nous savons que les opérations forestières ne durent jamais douze mois par année pour ce qui est des coupes en forêt. Cela suppose nécessairement qu'il y a un potentiel énorme qui n'est pas utilisé là-bas.

M. DION: Oui. Entre autres, pour la forêt domaniale gaspésienne. Et comme je le disais dans mon mémoire, cela dépend surtout de cette garantie d'approvisionnement qui n'est pas utilisée, mais il y a 6,000,000 de pieds cubes, en fait.

M. GAGNON: Mais dans le même ordre d'idée, j'ai remarqué que vous parliez de la région gaspésienne, qui est ma région. Je partage un peu vos opinions, cela me console. J'aimerais savoir où vous avez puisé vos sources d'information. Le ministère des Terres et Forêts, qui est assez bien structuré, où il y a de la planification, je ne sais pas s'il partage votre opinion, mais tout de même, vous donnez un mémoire qui est assez bien structuré et j'aimerais savoir où vous êtes allé puiser vos sources d'information pour en arriver à dire qu'il y aura de l'emploi annuellement pour 600 travailleurs de plus dans la forêt en Gaspésie où actuellement il y a du chômage. Et l'année dernière, j'avais commencé un peu à vendre cette idée au ministre des Terres et Forêts qui m'écoutait assez bien. Et c'est là que j'aimerais connaître vos sources d'information.

M. DION: M. le Président, je serais obligé d'implorer la clémence de la commission...

M. GAGNON: De la cour.

M. DION: ... mais disons que ces renseignements ont été faits à partir de travaux qui nous ont été attribués par le ministère des Terres et Forêts. Ces calculs ont été faits à partir d'inventaires forestiers. Si nous en arrivons à ces conclusions, je pense qu'il ne faut quand même pas partir en peur non plus. Il y a quand même tout un décalage, en fait. Et cela n'a peut-être pas tellement paru dans tout ce qui s'est dit aux audiences. Mais si vous prenez la forêt domaniale gaspésienne, par exemple, qui a été créée, je pense, en 1965, avec tout le processus de photographies aériennes, la restitution de cartes forestières, l'inventaire et finalement, l'aménagement qui s'est fait en 1971 et 1972, somme toute, c'est seulement l'aménagement qui nous dit ce qu'on fait réellement avec une forêt. C'est là qu'on le sait. Et peut-être que si vous aviez posé, il y a un an ou deux, des questions à ce sujet, les renseignements n'auraient pas été disponibles.

M. LESSARD: ... ceux d'hier?

M. DION: Non. Il y a tout un processus là-dedans. D'abord, il y a les photographies aériennes, comme je vous le disais, il y a l'inventaire forestier, cela peut être fait par d'autres. Mais après cela, on prend ces résultats et on fait les calculs pour en arriver à établir une possibilité nette en tenant compte des traitements, des différents genres d'aménagement aussi, comme l'aménagement faunique ou la présence du chevreuil ou de l'orignal.

M. MAILLOUX: M. Dion, vous mentionnez dans votre mémoire que le volume ligneux est très faible dans le milieu rural. D'après vous, le reboisement serait-il suffisant pour redresser la situation dans les forêts privées?

M. DION: Il y a certainement lieu de faire du reboisement en milieu rural, parce qu'il y a plusieurs terres qui sont actuellement inutilisées, des terres qui sont en friche ou des terres qui ont servi comme terres agricoles antérieurement et qu'actuellement, elles sont délaissées. Je pense qu'à ce niveau, le reboisement serait la solution idéale pour essayer d'en arriver le plus rapidement possible à avoir des boisés rentables. Maintenant, je ne serais pas prêt à dire que c'est la solution qui s'appliquerait partout. Encore là, il s'agit d'aménagement, il s'agit de voir à quel endroit on peut avoir une régénération naturelle, à quel endroit il faut faire de l'éclaircie, de l'élagage, pour en arriver à avoir un boisé qui va croître le plus rapidement possible. Il y a toute une série de modalités qu'il faut appliquer.

M. MAILLOUX: Vous êtes d'accord que la terre qui a été arrachée à la forêt, qui n'avait

aucune vocation agricole, c'est nécessaire qu'elle soit retournée aux fins auxquelles elle était destinée?

M. DION: Oui.

M. MAILLOUX: M. Dion quand vous traitez de l'abolition graduelle et à long terme des concessions, on a entendu à la commission plusieurs opinions, selon vous, sur quoi devrait être basé le calcul du montant à verser aux concessionnaires, lors de la reprise de leur territoire?

M. DION: M. le Président, je ne peux pas vous donner de chiffres.

M. MAILLOUX: M. Allain ne pourrait pas?

M. DION: Oui, d'accord. Moi, je trouve que ce serait de l'argent jeté par les fenêtres. Je ne vois absolument pas ce qu'on ferait. Pourquoi aller repayer des terres qui nous appartiennent? Je propose dans mon mémoire des solutions différentes et, justement, j'évite cette question de l'abolition des concessions forestières parce que je n'y crois pas. J'ai mentionné, dans le mémoire, qu'à mon sens il y a une différence entre faire de l'aménagement puis gérer des opérations de quelque façon que ce soit. Je pense qu'il est d'abord important qu'on fasse de l'aménagement au Québec, et je ne crois pas encore qu'il soit impossible de faire de l'aménagement, que le gouvernement ne peut pas s'imposer, même si certains territoires sont concédés.

M. MAILLOUX: M. Dion, dans le même ordre d'idée, vous avez laissé entendre, dans votre mémoire, que l'abolition à long terme des concessions forestières devrait faire l'objet de négociations au cours desquelles le gouvernement tenterait de convaincre les intéressés. Ne croyez-vous pas que cette façon de procéder risque d'éterniser la situation actuelle, en plus d'empêcher toute planification sérieuse de l'utilisation des richesses forestières?

M. DION: Est-ce que vous pourriez reprendre votre question, s'il vous plait?

M. MAILLOUX: Vous avez laissé entendre que l'abolition à long terme des concessions forestières devrait faire l'objet de négociations au cours desquelles le gouvernement tenterait de convaincre les intéressés. Ne croyez-vous pas que cette façon de procéder risquerait d'éterniser la situation actuelle, en plus d'empêcher toute planification sérieuse de l'utilisation des ressources forestières?

M. DION : M. le Président, je pense que, dans la question, on a mélangé deux de mes idées. Moi, j'ai parlé de convaincre les concessionnaires qu'il y va de l'intérêt public qu'un tiers partage la possibilité qui est non utilisée sur une concession. Je n'ai pas parlé de convaincre à long terme...

M. MAILLOUX: Vous vous en tenez à votre première réponse que vous m'avez donnée, il y a un instant.

M. DION: Oui.

M. MAILLOUX: A l'article récréation, vous semblez souhaiter que l'accès à la forêt pour fins de récréation soit limité à des aires restreintes. Sur ce point, vous touchez une partie du problème que le gouvernement entend résoudre par un zonage sectoriel. Ne croyez-vous pas, M. Dion, qu'il faudrait également penser à mettre un minimum d'installation à la disposition de ceux qui fréquentent la forêt, tels les voyageurs ou les pêcheurs?

M. DION: Je suis parfaitement d'accord avec ça, M. le Président. Mais je suis contre la politique ou les énoncés qui laissent entendre que le touriste forestier a accès à la forêt puis à toute la forêt. Je pense qu'il faut, dans ce domaine, bien se limiter, bien déterminer à quel endroit on va permettre aux touristes d'aller, mais pas nécessairement dire: Les routes sont ouvertes, allez n'importe où.

M. MAILLOUX: Sur le même sujet, la récréation, vous parlez des coupes de jardinage que vous recommandez pour contourner les difficultés découlant de la conservation d'un couvert forestier servant à maintenir l'équilibre du milieu. Est-ce que cela affecterait de façon significative la possibilité des forêts et les coûts de récolte du bois?

M. DION: M. le Président, est-ce que je comprends bien? Le député de Charlevoix demande, si on pratiquait des coupes de jardinage, quelle influence cela aurait sur la possibilité forestière?

M. MAILLOUX: C'est cela, sur le coût des coupes.

M. GIASSON: Au niveau de l'exploitation.

M. DION: Les chiffres que j'ai pu apporter, M. le Président, montrent, entre autres dans la forêt domaniale gaspésienne, qu'il a fallu retrancher 300,000 pieds cubes de bois pour des questions d'aménagement faunique. A ce moment-là, ce sont des réserves, on n'y va pas, on n'y pénètre pas.

Par contre, il y a un autre point qu'il faut établir là-dedans, c'est que forcément, si on prend le bord des rivières, tout n'est pas nécessairement accessible. C'est-à-dire que vous pouvez avoir du bois dans une pente beaucoup trop accentuée et que l'équipement actuel ne permet pas de faire l'exploitation à ces endroits.

Mais en faisant la correction, on a trouvé que ces 150,000 pieds cubes de bois par année, que nous perdons dans cette seule concession forestière en laissant des réserves intouchées, par des coupes de jardinage, sans perturber l'écologie, en s'organisant aussi pour que les rivières ne soient pas dérangées pour autant aux endroits où les saumons fraient, ces 150,000 pieds cubes de bois, dis-je, pourraient être récupérés. Si on multiplie cela par 10 ans, cela fait autant de bois. Je pense que les coupes par jardinage pourraient nous permettre de sortir une plus grande quantité de bois. Généralement, le bois qui se trouve dans ces endroits est le plus beau, parce que les terrains sont plus fertiles, sont plus propices.

M. MAILLOUX: M. Dion, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, en félicitant M. Dion pour son mémoire très intéressant, je voudrais savoir de lui, pour l'information des membres de la commission — nous savons qu'il est ingénieur forestier — quelles sont ses fonctions, son travail, à quel bureau, et le reste. Il serait peut-être également intéressant de nous donner la liste des travaux auxquels il a participé dans certaines régions du Québec.

M. DION: M. le Président, je fais partie d'un bureau d'ingénieurs forestiers conseils qui est sur pied depuis deux ans. Vous aimeriez connaître la liste des travaux que nous avons faits pour le gouvernement?

M. VINCENT: Et pour les compagnies. Vous vous basez sur de l'expérience?

M. DION: Il y a eu ces deux forêts domaniales de la Gaspésie et les six bassins dont il est fait mention dans le mémoire.

Ces bassins de la rive sud couvrent à peu près tout le comté de Montmagny, tout le comté de Bellechasse, toute la Beauce, une partie de Dorchester, une partie de Lotbinière, une partie de Nicolet et une partie des Cantons de l'Est: Compton et les alentours du lac Aylmer. Maintenant, nous avons eu aussi des travaux d'aménagement pour des fins récréatives, en particulier. Nous venons de terminer un travail dans ce sens, un avant-projet.

M. VINCENT: Maintenant, M. Dion, quand vous parlez de la création de la société de gestion forestière, vous dites qu'il est urgent que le gouvernement mette sur pied une telle société. Dans votre esprit, quelle serait la formule que nous devrions envisager pour mettre sur pied cette société? Est-ce que ce devrait être une société quasi judiciaire complètement autonome? Deuxièmement, est-ce que cette société devrait avoir, à l'intérieur de ses cadres, un comité consultatif qui recevrait des recommandations des ingénieurs, des compagnies, des agriculteurs, des producteurs? En résumé, quelle est, d'après vous, la structure qu'on devrait donner à cette société?

M. DION: M. le Président, au départ je dois dire que je suis d'accord avec ce qui est mentionné dans le livre blanc au sujet de cette société de gestion, lorsqu'on y dit, par exemple, que c'est nécessaire de créer une société de gestion pour permettre un travail plus efficace, parce qu'au niveau gouvernemental il y a certains retards, il y a certains accrochages qui retardent le processus de décision. De ce côté, je suis parfaitement d'accord avec la création d'une société de gestion pour cette raison.

Maintenant, ce que je vois comme société de gestion, c'est quelque chose du genre de Rexfor, ou quelque chose du genre de l'Hydro-Québec. Je pense que la question au sujet de votre comité consultatif serait réellement un point à considérer, parce qu'il faut quand même essayer d'éviter qu'une société comme celle-là, qui aurait énormément de forêts à gérer, qui aurait énormément de permis de coupe à attribuer, devienne omnipotente et omniprésente. Il faudrait quand même que quelqu'un, à un moment donné, ait un certain droit de regard sur cette société.

M. VINCENT: Maintenant, M. Dion, est-ce que vous favoriseriez que cette société de gestion aille même jusqu'à faire de l'exploitation de la forêt?

M. DION: M. le Président, je vais vous dire que j'ai souvent trouvé que dans les interventions, ici, au cours des audiences, à mon goût, on avait trop tendance à confondre aménagement et exploitation.

Je voudrais, et c'est le but de mon intervention, qu'on s'attache d'abord à essayer de faire de l'aménagement. Pour moi, l'exploitation est quelque chose qui vient après. Je ne vois pas tellement l'importance qu'il peut y avoir — comme le recommandait la CSN — de faire toutes les exploitations au Québec. Je pense que ce serait tout simplement bonnet blanc, blanc bonnet.

Les entrepreneurs qui travaillent pour les compagnies iraient travailler pour cette société de gestion. Je pense qu'il est beaucoup plus important de songer d'abord à l'aménagement; après, on peut laisser la question de l'exploitation à l'entreprise privée.

M. VINCENT: M. Dion, j'ai simplement une couple d'autres questions à vous poser. Vous parlez d'intensification maximale des efforts pour revaloriser les terrains forestiers privés. Je pense que nous sommes tous d'accord sur cette question. Mais, comme ingénieur, vous mentionnez à un moment donné, dans votre mémoire, que vers les années 1985 nous aurons atteint la limite de nos possibilités en matière ligneuse.

Si nous commencions une politique de reboisement dans les différentes régions que vous mentionnez, à quel moment pourrions-nous avoir des boisés rentables? Combien de temps cela prend-il pour que les boisés deviennent rentables? Combien d'années?

M. DION: Cela dépend, M. le Président, Encore là, dans le domaine des boisés privés, on a différentes forêts. On en a qui ont peut-être 20 ou 30 ans actuellement. Dans une vingtaine d'années ou une trentaine d'années, ces forêts pourront être exploitées. Par contre, dans les endroits où on commence à zéro, c'est-à-dire si on a à faire du reboisement, à ce moment-là, il va falloir attendre une cinquantaine d'années quand même.

C'est là qu'il est important, je pense, de commencer immédiatement. Il ne faut pas se dire: Nous commencerons éventuellement, parce que, chaque année de retard, c'est du temps que nous perdons. Je n'aime pas pleurer sur le passé, mais si nous avions commencé il y a dix ou quinze ans, il y aurait un bout de chemin de fait dans ce sens-là. A mon sens, c'est extrêmement important qu'on appuie surtout sur les terrains privés, parce que c'est là qu'on trouve les terrains les plus productifs. C'est là qu'on trouve le bassin de la main-d'oeuvre. Les gens sont sur place. C'est là aussi que ces boisés privés, d'une façon générale, sont les plus près des usines.

Aussi, dans le domaine des forêts privées, mais toute l'infrastructure est déjà en place. A mon sens, il est beaucoup plus important d'abord de s'attaquer à la question des terrains privés, avant d'essayer d'aller chercher un petit morceau de concession dans le bout du 52e parallèle.

M. VINCENT: Dans vos études, est-ce que vous avez pu définir en valeur ce qu'il en coûterait, annuellement, pour avoir une vraie politique de reboisement qui suppléerait à ce manque de matière ligneuse en 1985?

M. DION: Non. Les travaux que nous avons faits se limitaient à constater l'état des boisés à l'heure actuelle. Nous n'avons pas eu à faire d'étude économique ou quoi que ce soit pour savoir quels sont les coûts qu'on devrait y mettre et comment cela prendrait de temps. Il y a une suggestion qui est contenue dans ce mémoire-ci. Il est question de cartes synthèses pour savoir quel terrain on devrait reboiser. C'est toute une série de travaux qui devraient être faits pour savoir, le plus tôt possible, par où on doit commencer dans ce domaine.

M. VINCENT: Je vous remercie, M. le Président, j'aurais bien d'autres questions, mais je voudrais quand même permettre à nos deux collègues de dire un mot avant l'ajournement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

M. BELAND: Mes premiers mots sont d'abord pour vous féliciter, M. Dion, parce que votre mémoire, premièrement, est empreint d'un très grand réalisme. J'ai écouté avec une grande attention, suite aux questions qui ont été posées, les commentaires que vous avez apportés, et je m'aperçois que vous êtes un de ceux qui semblent avoir les pieds parfaitement sur terre. Je ne peux faire autrement que de le signaler.

Je n'ai pas tellement de questions à vous poser. Comme je suis un exploitant sylviculteur, je pense que nous parlions sensiblement le même langage. J'ai cependant une question à poser concernant le feuillu. Compte tenu des expériences que vous avez, dans les régions où vous avez eu la possibilité de travailler, est-ce que, dans le feuillu, il serait rentable de cultiver certains feuillus dans un plan d'aménagement bien défini?

M. DION: D'abord, M. le Président, je devrais répondre qu'au niveau des bassins auxquels vous vous référez, au point de vue des possibilités et du volume ligneux, les résineux et les feuillus se valent à 50 p.c. à peu près. Il y a à peu près le même volume de résineux que de feuillus.

Dire si nous avons fait des études pour savoir s'il serait rentable de planter du feuillu ou d'aménager le feuillu, je dois répondre non. Surtout au niveau du feuillu, ici au Québec, je pense que nous en sommes pas mal aux premiers balbutiements des recherches. On découvre des essences qui peuvent croître plus rapidement que d'autres. Mais il est impossible de dire actuellement s'il serait réellement rentable de se lancer dans cette question de reboisement de feuillu, par exemple.

M. BELAND: C'était la seule question que j'osais vous demander parce que, comme vous l'avez dit au début, représentant de la majorité silencieuse, pour une fois au moins la majorité silencieuse s'est fait entendre. Je vous en remercie sincèrement.

M. LESSARD: M. Dion, juste une petite question. Comme ingénieur forestier, que pensez-vous des coupes à blanc qui sont pratiquées dans les grandes concessions forestières par la compagnie?

M. DION: M. le Président, la coupe à blanc est un mode d'aménagement comme tout autre mode d'aménagement. Nous sommes parfois obligés de recommander la coupe à blanc lorsque nous faisons un plan d'aménagement. Si nous avons à traiter un peuplement qui est à maturité et que nous savons que nous ne pourrons pas y retourner avant trente ans ou quarante ans et que tous les arbres vont être tombés, à ce moment-là, il n'y a pas d'autre choix, nous recommandons la coupe à blanc. C'est une façon d'aménager la forêt. Ce n'est peut-être pas joli à l'oeil. Il y a pas mal de gens,

je pense, qui rouspètent contre ce mode d'aménagement. Il ne faut pas oublier que c'est un mode d'aménagement comme n'importe quel autre. Et, à condition que la possibilité et la rotation et la révolution soient respectées à savoir: si on calcule que ça prend 70 ans pour se reconstituer et qu'on ne coupe que l/70e de la superficie possible, il n'y a absolument rien, à prime abord, qui nous empêche de faire une coupe à blanc.

M. LESSARD: Autrement dit, il y a des types de forêts qui exigent la coupe à blanc, en particulier des forêts qui sont rendues à maturité, mais, par contre, dans d'autres types de forêts où il y a une certaine partie de la forêt qui est à maturité et l'autre partie qui ne l'est pas, là il faut pratiquer un autre système de coupe, en particulier la coupe sélective, par exemple.

M. DION: C'est ça!

M. LESSARD: Tout à l'heure je voulais vous demander ce que vous pensez de la coupe à blanc intégralement comme on l'applique bien souvent dans certaines régions du Québec, sans tenir compte de la maturité...

M. DION: M. le Président, je reviens sur ce que je répondais. Ce n'est pas une question de maturité. Si on prend l/70e du territoire et qu'on le coupe à blanc et qu'on revient 70 ans après, c'est un mode d'aménagement. Il n'est peut-être pas toujours bon à appliquer, mais c'est un mode d'aménagement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela termine les questions?

M. VINCENT: Nous en aurions eu d'autres, mais le temps ne nous le permet pas.

M. LE PRESIDENT: Il est six heures. Je remercie les membres de la commission ainsi que tous ceux qui ont présenté des mémoires. La commission ajourne ses travaux au jeudi 7 septembre, au salon rouge, à dix heures.

M. BELAND: Un instant, s'il vous plaît, M. le Président. Est-ce que vous avez pensé également, avant de rendre votre décision, que c'est précisément la journée du souper du Mérite agricole au Québec?

M. VINCENT: C'est le mercredi soir.

UNE VOIX: Je pensais que c'était le mérite.

M. LE PRESIDENT: Je crois que tous les aspects ont été considérés.

M. BELAND: D'accord!

(Fin de la séance à 18 h 2)

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