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Commission permanente
des richesses naturelles
et des terres et forêts
Etude des crédits du ministère des
Richesses naturelles
Séance du mardi 28 mai 1974
(Dix heures quarante minutes)
Préliminaires
M. GRATTON (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La commission des richesses naturelles et des terres et forêts
entreprend, ce matin, l'étude des crédits du ministère des
Richesses naturelles.
Avant de céder la parole au ministre, j'aimerais aviser la
commission de certains changements. M. Leduc remplace M. Drummond; M. Morin
remplace M. Lessard. L'honorable ministre des Richesses naturelles.
M. MORIN:M. le Président, puis-je demander au ministre, avant de
commencer, de nous présenter ses principaux fonctionnaires et ses
principaux collaborateurs?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ils ne sont pas nombreux.
M. MASSE: A ma gauche, le sous-ministre des Richesses naturelles, M.
Jean-Guy Fredette. Le directeur de l'administration par intérim,
à ma droite, M. Clément Tremblay. M. Guy Poitras, directeur
général du Nouveau-Québec. M. Réal Boucher,
directeur général de l'énergie. M. Maloney est à la
direction des mines. Le docteur Paul Grenier, directeur général
des mines. M. André Boucher, qui est directeur général du
service des eaux. Vous avez les administrateurs des services et du bureau du
sous-ministre.
Evidemment, d'autres participeront à cette commission et je me
réserve le plaisir de les présenter lorsqu'on aura à
recourir à leurs services.
Exposé général du
ministre
M. MASSE: M. le Président, MM. les membres de la commission,
depuis quelques années, beaucoup d'efforts ont été
déployés au ministère des Richesses naturelles afin
d'assumer davantage le rôle économique du ministère. Les
préoccupations majeures du ministère, comme vous le savez,
étaient encore, jusqu'à tout récemment, essentiellement
techniques et axées sur la connaissance tant dans le secteur des mines
que dans celui de l'eau. Ce rôle, bien qu'essentiel, nous paraissait
incomplet. En effet, nos activités principales se situent
particulièrement au palier primaire de l'économie
québécoise, soit au niveau des matières premières,
plus spécialement l'eau, les minéraux et l'énergie,
ingrédients essentiels des activités économiques d'un pays
industrialisé.
Il nous a donc semblé normal de nous assurer que l'utilisation de
ces matières premières profite au maximum, dans un contexte
réaliste, à la population québécoise. Cela
impliquait qu'il nous fallait donc rassembler, évaluer, analyser,
quantifier les principales caractéristiques de chaque secteur. Cet
objectif global implique un travail à long terme, mais, lorsqu'il sera
atteint, il nous permettra de prendre des orientations claires et sûres
dans l'avenir.
Je voudrais maintenant parler des activités que nous proposons
pour le présent exercice budgétaire.
Dans le domaine de l'eau, il nous faut constater que l'évolution
du dossier n'est pas aussi rapide que nous le souhaiterions, les
difficultés principales découlant du grand nombre d'organismes
depuis les groupes de pression, les municipalités, jusqu'au gouvernement
fédéral intervenant dans les différents aspects de la
gestion des ressources en eau du Québec et aussi le statut particulier
de la propriété de cette ressource. Toutefois, malgré ces
difficultés, mon ministère a continué à mettre en
application les grands principes mis de l'avant par la Commission
d'étude des problèmes juridiques de l'eau et acceptés par
le conseil des ministres.
A cet effet, la direction générale des eaux s'est
restructurée afin de pouvoir jouer pleinement son rôle de
gestionnaire des ressources en eau tel que conçu par la commission
Legendre. Avant de concrétiser les principales étapes d'une
politique de l'eau comme l'a définie mon ministère à la
lumière des principes de la Commission d'étude des
problèmes juridiques de l'eau, nous devons de plus nous assurer que la
juridiction des différents ministères concernés sera
respectée et, en particulier, il nous paraît important de bien
définir les responsabilités des services de protection de
l'environnement et du ministère des Richesses naturelles en fonction
d'un modèle de gestion des ressources: eau, mines, forêts, etc.,
et de protection de l'environnement qui soit à la fois rationnelle et
opérationnelle.
Nous présenterons, au cours des prochains mois, au conseil des
ministres, un document sur une nouvelle politique de l'eau au Québec et
rendrons publics les derniers tomes de la commission Legendre. C'est donc dans
ce cadre que se situe notre action qui, au cours de l'année, comprendra
entre autres les activités suivantes: Nous donnons tout d'abord une
importance prioritaire à l'étude de la régularisation des
eaux dans la région de Montréal. En effet, nous prévoyons
être capables, au cours des deux prochaines années, de
déterminer, en collaboration avec le gouvernement fédéral,
les coûts et les bénéfices des solutions susceptibles de
réduire à un niveau acceptable les innondations
annuelles et d'optimaliser les différents usages de l'eau dans
cette région. C'est aussi dans la région de Montréal, qui
nous paraît prioritaire, à cause entre autres de son
intensité de population, que nous continuerons pour la deuxième
année l'élaboration de plans d'aménagement des rives en
préparant, en collaboration avec les municipalités
concernées, un tel plan pour une partie de la rivière des
Prairies, alors que le lac Saint-Louis est déjà
complété.
Ces plans visent à assurer une gestion adéquate du domaine
hydrique en fonction du bénéfice du plus grand nombre. En
collaboration avec l'OPDQ, M. le Président, et les municipalités
concernées, mon ministère verra à la mise en place du plan
d'aménagement du bassin de la rivière Lorette, plan qu'il a
préparé au cours du dernier exercice afin de permettre
l'intégration de ce cours d'eau au milieu urbain en pleine expansion,
tout en assurant sa conservation.
Dans ce même domaine d'aménagement des eaux, nous
continuerons à collaborer avec l'OPDQ, dans la mise en place du plan
Yamaska. A cet effet on prévoit, entre autres, réaliser la
première phase des projets d'un barrage-réservoir à Savage
Mills, en amont de Granby, et d'un mur de protection contre les inondations
à Saint-Hyacinthe.
En vue d'atténuer les inondations du Haut-Richelieu, mon
ministère a continué sa collaboration avec la commission mixte
internationale, à qui ce problème avait été
déféré à cause de son caractère
international. Nous attendons pour bientôt les recommandations de cet
organisme, ceci afin de réaliser les ouvrages nécessaires
à l'atténuation des crues. Il est à noter que nous avons
déjà obtenu l'assurance d'une participation financière du
gouvernement fédéral dans cette réalisation.
Dans le domaine de la lutte contre les inondations, je tiens à
mentionner de plus l'effort particulier que mon ministère a fait au
niveau des mesures préventives, afin de diminuer le plus possible les
dommages que subissent chaque année les riverains de nos cours d'eau,
surtout dans la région de Montréal. Dans ce même domaine,
nous prévoyons également étudier avec tous les organismes
intéressés entre autres les municipalités
les différents moyens administratifs, c'est-à-dire zonage,
assurance, réglementation, etc., que nous pourrions utiliser pour
diminuer le coût des inondations, coût qui va en augmentant
d'année en année.
Le ministère des Richesses naturelles a aussi l'important
rôle de connaissance de notre ressource en eau. Dans ce domaine, en plus
de l'échantillonnage de base qui se fait au niveau de tout le
territoire, nous prévoyons commencer cette année un programme de
connaissance intégrées des disponibilités et des
utilisations des ressources en eau de huit bassins importants au Québec.
Au cours du prochain exercice, cette analyse minutieuse portera, comme
première phase, sur les bassins des rivières
Saint-François et Yamaska.
C'est dans le cadre de cette initiative que nous prévoyons
également effectuer une analyse limnologique poussée de dix lacs
du bassin de la rivière Saint-François. Il est à remarquer
que cette analyse de lacs diffère de celle menée sur un nombre
plus important de lacs par les services de protection de l'environnement. En
effet, notre ministère poursuit son étude dans le but d'aider les
résidants des lacs à assurer, avec notre collaboration, une
gestion adéquate de la réserve d'eau, tandis que les
études menées par les services de protection de l'environnement
s'attaquent uniquement à la préservation de la qualité en
fonction des déchets rejetés dans les lacs.
Il s'agit donc d'études complémentaires. Passons à
un autre service, le Nouveau-Québec.
Comme vous le savez, le ministère a la responsabilité de
presque toute l'administration gouvernementale de cet immense territoire. En
collaboration avec le ministère des Affaires sociales, le
ministère des Richesses naturelles continue d'implanter des services de
santé et d'aide sociale sur tout le territoire du Nouveau-Québec
où il existe déjà deux centres principaux de santé,
à Fort George et à Fort-Chimo. La Corporation de l'hôpital
de l'Ungava, de Fort-Chimo, rayonne sur tous les petits postes de la baie
d'Ungava; chacun de ces postes est doté d'une infirmière
résidente qui relève de la compétence professionnelle du
directeur médical de l'hôpital. Il en va de même pour
l'hôpital de Fort George, à la baie James.
Le ministère implante, dans chacun des villages, les
équipements nécessaires, tels que cliniques et résidences.
En collaboration avec le ministère des Affaires sociales, nous avons
doté le Nouveau-Québec de bureaux locaux d'aide sociale qui
assurent à la population autochtone des services comparables à
ceux dont bénéficient les Québécois du sud. Dans le
secteur du travail et de la main-d'oeuvre, à la suite d'une entente
entre mon ministère et le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, nous avons mis sur pied deux bureaux régionaux de
main-d'oeuvre: l'un à Poste-de-la-Baleine et le second à
Fort-Chimo. Ces deux bureaux régionaux travaillent en étroite
collaboration avec les agents locaux de la Direction générale du
Nouveau-Québec dans chacun des villages, ainsi qu'avec les agents des
bureaux d'aide sociale. Il s'agit là d'une initiative récente qui
donne déjà de très bons résultats étant
donné la coordination des secteurs travail, aide sociale,
développement économique qui se fait au niveau du même
organisme qu'est la Direction générale du Nouveau-
Québec.
Etant donné l'arrivée imminente de la
télévision d'Etat au Nouveau-Québec, nous avons tenu, en
collaboration avec le ministère des Communications, à
familiariser les populations autochtones avec ce mode de communication nouveau
pour eux. Des équipements ont été installés
déjà dans cinq postes du Nouveau-Québec pour permettre aux
populations de faire leurs premières armes en télévision
com-
munautaire avec l'aide technique des spécialistes du
ministère des Communications et du ministère des Richesses
naturelles. Afin de satisfaire au besoin d'information des populations
autochtones du Nouveau-Québec, nous avons mis sur pied un bureau de
traduction qui nous permet de communiquer avec les Esquimaux dans leur propre
langue. Ce bureau, unique en son genre au gouvernement du Québec, rend
à l'occasion des services à tous les ministères qui
désirent communiquer avec les Esquimaux.
L'action de la Direction générale du
Nouveau-Québec, dans le domaine de la coopération, s'exerce de
plus en plus en étroite collaboration avec le ministère des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives.
Les principales initiatives dans ce secteur sont prises par
l'intermédiaire d'un comité formé de la Direction
générale du Nouveau-Québec et du ministère des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives, sur le plan
de la coordination et de la surveillance de l'activité des dix
coopératives locales et de leur fédération.
Nous avons procédé à l'analyse de la situation
financière de la Fédération des coopératives du
Nouveau-Québec et des coopératives locales, et avons
contribué à l'organisation de cours spéciaux et de stages
d'apprentissage dans le but d'améliorer la formation des administrateurs
autochtones des coopératives.
De plus, le ministère aide financièrement les
coopératives locales du Nouveau-Québec par des prêts
remboursables, en moyenne sur une période de dix ans, destinés
à procurer à ces coopératives des disponibilités
pour la construction de magasins, d'entrepôts, etc., ou encore pour
mettre à leur disposition au départ le fonds de roulement
nécessaire à leur fonctionnement.
Il est à remarquer qu'à ce jour les coopératives
ont toujours tenu leur engagement financier quant au remboursement de ces
prêts.
Nous considérons que la formule coopérative est la plus
adéquate pour aider les autochtones à mettre en place une
économie locale qu'ils devraient être en mesure d'assumer de plus
en plus complètement, chaque année. C'est par le biais de ces
coopératives que les autochtones pourront graduellement continuer
d'assumer l'exploitation des ressources locales telles que la pêche
commerciale, le tourisme, et mettre sur pied des petites entreprises
locales.
Quant au secteur minier, comme vous le savez, nous attachons beaucoup
d'importance à ce secteur dans le contexte de l'économie
québécoise. Tel que je l'ai récemment
déclaré, nous sommes conscients que pour tirer le maximum
d'avantages de l'exploitation des ressources minérales, sans pour autant
décourager l'initiative privée indispensable à l'expansion
globale de la production minière, il faut que le Québec soit en
mesure de guider la politique de mise en valeur du domaine minier à tous
les stades: prospection, exploration, développement d'un secteur
manufacturier primaire, puis secondaire et mise en marché.
Nous réalisons de plus en plus qu'une politique de transformation
intensive des matières premières est intimement liée
à la capacité de pénétration des produits
québécois sur les marchés mondiaux. C'est donc à
l'intérieur de ces cadres d'action que nous poursuivons les principales
activités du ministère des Richesses naturelles dans le secteur
des mines.
Tout d'abord, au niveau de l'exploration, nous stimulons la recherche au
moyen de levés géoscientifiques qui provoquent des
réactions à court terme. Ainsi, au cours des deux
dernières années, nous avons mené dans le Nord-Ouest
québécois des levés électromagnétiques
aéroportées qui ont entraîné directement la
découverte de deux gisements majeurs alors que l'un de ces
relevés a provoqué le jalonnement de 6,000 claims en une
semaine.
On notera que ces levés sont responsables indirectement pour la
mise en évidence d'au moins un autre gisement de minéraux.
Nous poursuivons également nos travaux géologiques et
géochimiques, à caractère moins spectaculaire mais tout
aussi essentiel, dans le domaine de l'inventaire de nos richesses
minérales québécoises.
De même, l'infrastructure minière, que nous continuons de
mettre en place, facilite l'accès des régions
éloignées aux prospecteurs et accentue les chances de
découvertes. En guise d'illustration, soulignons la découverte
d'un amas minéralisé dans le canton La Gauchetière
où une compagnie avait choisi de concentrer ses travaux au voisinage
d'une route de pénétration que notre ministère a
réalisée au cours des dernières années.
A un autre palier, celui de la promotion et du développement
minier, les activités sont nombreuses, particulièrement au sein
du Service d'économie minérale et de développement minier
qui prend de plus en plus d'ampleur et d'importance au ministère.
Bien que ce service n'ait été mis sur pied que depuis deux
ans à peine, il abat un travail important, de façon très
efficace, à mon avis. Tout d'abord, ce service travaille en
priorité actuellement au projet de mise en valeur des gisements de fer
du lac Albanel et du lac Chibougamau, le projet Ferchibal. Il fait, de plus,
des études sectorielles élaborées, principalement au
niveau de l'amiante, du fer et de l'or afin de déterminer notre
situation compétitive et les possibilités d'augmenter la
croissance ou la valeur ajoutée de ces secteurs.
Au niveau de la recherche et du développement, en plus du travail
accompli par le Centre de recherches minérales, nous travaillons en
étroite collaboration avec les promoteurs du projet de ferro-alliage
dans la région du Lac-Saint-Jean. Nous étudions aussi, depuis
quelques années, les possibilités de traiter de façon
économique les rejets d'amiante pour en extrai-
re un concentré de fer-nickel métallisé pour
l'industrie de l'acier.
Dans le secteur controversé de la transformation, nous examinons
actuellement plusieurs projets qui visent au même but, soit
accélérer et augmenter la transformation des matières
premières sur le territoire québécois, tout
particulièrement le projet de ferro-alliage du Lac-Saint-Jean,
l'implantation d'usine de transformation et d'utilisation de l'amiante, de
même que la mise en valeur des gisements de fer du lac Albanel et du lac
Chibougamau.
Ce travail n'est pas facile car certains de ces projets posent des
problèmes techniques sérieux. C'est pourquoi, en plus
d'étudier les avantages et les désavantages de la création
d'un office de commercialisation dans le secteur de l'amiante, nous regardons
d'autres avenues éventuelles nous permettant d'augmenter la
transformation au Québec, comme par exemple la mise sur pied d'un
organisme québécois chargé de poursuivre la prospection de
marchés à l'étranger et d'encourager
l'établissement de nouvelles industries dans ce secteur.
Nous réévaluons de plus, comme vous le savez, notre
fiscalité minière en fonction de nos objectifs visant à
accroître la valeur ajoutée de ce secteur.
Afin donc de faciliter la tâche de nos services, nous discutons
avec des économistes universitaires dans le but de poursuivre,
particulièrement sur le plan quantitatif, l'analyse de la situation au
niveau de la transformation dans le secteur de l'amiante.
En plus de ces principales activités, nous participons de
façon intensive au comité interministériel sur la
fiscalité des compagnies minières, qui jettera sans doute un
nouvel éclairage sur l'apport fiscal en ce domaine de notre
économie.
La somme de toutes ces activités nous amènera,
espérons-le, à brève échéance, à
finaliser les principaux éléments de la politique minière
québécoise, politique qui sera adaptée aux conditions
économiques actuelles et aux nouvelles exigences de la population.
Je veux souligner l'apport du personnel de la Direction
générale des mines au travail du comité de coordination
fédéral-provincial chargé d'élaborer une politique
minière à l'échelle nationale. Comme vous le savez, les
travaux de ce comité progressent de façon très
satisfaisante, et la compétence de même que la participation
constante des fonctionnaires de mon ministère sont certainement
responsables en partie de cet état de choses.
L'énergie. En accord avec le cheminement que je viens de vous
décrire, nous avons mis sur pied, comme vous le savez, en 1970, la
Direction générale de l'énergie, qui fut la principale
responsable de la conception et de la parution, dès novembre 1972, du
document intitulé: Les objectifs d'une politique
québécoise de l'énergie qui guide, depuis ce temps, nos
actions dans ce secteur vital.
La concrétisation de nos objectifs amorcée depuis cette
date se poursuit, même si, à la suite de la crise
énergétique, nous avons dû, dans une certaine mesure,
réévaluer notre stratégie et modifier l'ordre de nos
priorités.
Tout d'abord, il nous paraît toujours aussi essentiel de nous
assurer un approvisionnement diversifié et des plus sûrs possible,
à partir des années 1977 et 1978 et, en conséquence, nos
discussions continuent avec certains pays producteurs, même si celles-ci,
commencées il y a déjà un an, ont été
ralenties à la suite du conflit au Moyen-Orient.
Cet objectif de diversification de nos approvisionnements nous semble,
en effet, primordial car les prévisions de production de pétrole
canadien acceptées par la majorité des spécialistes
démontrent que la production de pétrole au Canada, du moins
jusqu'en 1990, ne pourra suffire à la demande de l'ensemble des
consommateurs canadiens et cela même si nous cessions d'exporter du
pétrole vers les Etats-Unis.
En effet, il est prévu que la production canadienne
s'établira comme suit, de 1980 à 1990: En 1980, on devrait
retirer environ 1,475,000 barils par jour en pétrole conventionnel, plus
le pétrole synthétique, qu'on évalue à environ
220,000 barils par jour, soit une production de 1,700,000 barils par jour en
1980. En 1985, le pétrole conventionnel devrait présenter pour
environ 1,080,000 barils par jour, alors que le pétrole
synthétique augmentera à 500,000 barils par jour, pour un grand
total, en 1985, de 1,580,000 barils par jour.
Or, pendant la même période, la demande canadienne sera
supérieure à ce que le Canada pourra produire. En effet, on
prévoit qu'en 1980 la consommation s'élèvera à
environ 2 millions de barils, pour passer à 2,300,000 barils en 1985 et
à 2,600,000 en 1990, soit un écart de près de 1 million de
barils par jour à cette date entre la capacité de production du
Canada et ses besoins.
Cependant, nous avons été le premier gouvernement, au
Canada, à percevoir cette situation et à réagir. Nous
avons, en effet, mis l'accent sur la nécessité de s'assurer
d'autres sources d'approvisionnement. Nous avons, à ce sujet, pris ou
appuyé trois mesures concrètes. La première fut de
chercher à s'assurer d'un approvisionnement à long terme avec un
pays producteur. La deuxième, qui découle de cette
dernière, de construire un oléoduc de Sarnia à
Montréal afin d'acheminer du pétrole importé vers le
centre de l'Ontario et ainsi conserver nos réserves de pétrole
conventionnel, ou inversement d'acheminer du pétrole canadien vers
Montréal en fonction des avantages de l'un ou de l'autre marché.
Enfin, comme vous le savez, nous augmenterons très bientôt le
capital social de Soquip afin de lui permettre, entre autres, d'explorer
systématiquement le territoire québécois de sorte que nous
puissions, peut-être, dans l'avenir, nous approvisionner en
pétrole et en gaz naturel sur notre propre territoire.
Cet ensemble de moyens nous permettra donc de continuer à
satisfaire les besoins du Québec lorsque l'oléoduc
Portland-Montréal ne pourra plus suffire à la demande.
Au palier de la distribution, la crise énergétique a mis
en évidence certaines imperfections du système, que nous avons
d'ailleurs déjà commencé à corriger par la loi 33
sur le commerce des produits pétroliers.
Il reste évidemment beaucoup à faire et nous
étudions actuellement diverses possibilités qui pourraient nous
aider à régulariser tout aussi bien les prix des produits que
leur disponibilité au Québec. C'est dans ce cadre que nous
travaillons en collaboration avec le Centre de recherche en droit public de
l'Université de Montréal à un projet de loi capable
d'atteindre cet objectif. De même, nous examinons avec attention
l'orientation qu'a prise, en ce sens, la Nouvelle-Ecosse, qui utilise sa
Régie des services publics pour s'assurer que les prix des produits
pétroliers aux consommateurs soient justes et équitables.
A ce sujet, vous n'êtes pas sans savoir que, depuis septembre
environ, les prix du pétrole brut importé ont presque
triplé au Québec et que, n'eût été l'entente
survenue entre les premiers ministres des provinces et le gouvernement
fédéral, nous aurions à débourser des prix beaucoup
plus élevés pour les produits pétroliers dont nous avons
un besoin essentiel. Les prix du pétrole mondiaux se situent en effet,
depuis le 1er février dernier, à environ $10.50 le baril. Or,
à la suite d'une entente survenue avec le gouvernement
fédéral et les provinces, les consommateurs
québécois paient maintenant leurs produits pétroliers
à des prix qui sont basés sur le nouveau prix canadien de $7.20,
ce qui évidemment entraîne une économie considérable
aux Québécois.
Toujours au niveau de la distribution et à la suite des
allégations formulées par certaines associations de
distributeurs, nous avons demandé au service de la distribution des
produits pétroliers de la Direction générale de
l'énergie d'instaurer une enquête à ce niveau afin de
s'assurer que les pratiques normales de commerce soient respectées
particulièrement en ce qui concerne les conditions de baux, les prix et
l'implantation rapide de libres-services. Cette tâche s'avère
évidemment difficile à cause du nombre de distributeurs
impliqués, de leur éparpillement sur le territoire
québécois et des nombreuses compagnies avec lesquelles ils font
affaires.
Malgré cela, nous aurons, espérons-le, un portrait complet
de la situation dans les mois qui viennent. Notre travail, dans le secteur
énergétique, ne s'arrête évidemment pas là.
C'est ainsi, par exemple, qu'au niveau de la politique nationale dans le
secteur de l'énergie nous participons activement aux auditions de
l'Office national de l'énergie sur les sujets qui nous impliquent.
Ainsi, l'an dernier, à la suite de nos représentations, ce
tribunal a accédé à notre demande qui visait à
faire de la zone géographique de Sarnia-Montréal une seule zone
de tarification. Je n'ai évidemment pas à vous
énumérer les avantages de cette décision qui, en pratique,
nous accorde des frais de transport identiques à une région
située à plus de 500 milles à l'ouest de
Montréal.
Tout dernièrement, nos avocats ont fait valoir devant le
même tribunal la position du Québec en ce qui concerne les
exportations de pétrole canadien vers les Etats-Unis, en plus
évidemment de représenter nos intérêts lors d'une
autre audition sur la construction de l'oléoduc Sarnia-Montréal.
Très bientôt, nous formulerons la position du Québec sur la
demande de Trans-Canada Pipe-Lines à l'Office national de
l'énergie visant à faire majorer sa tarification. Enfin, nous
préparons actuellement un dossier pour étayer, à
l'automne, les vues du Québec sur les politiques d'exportation de gaz
naturel vers les Etats-Unis.
Nous participons également activement au comité
interministériel sur la fiscalité des compagnies
pétrolières. Les progrès effectués par ce
comité nous donneront la possibilité, très bientôt,
espérons-le, de jeter un nouvel éclairage sur l'apport de ces
compagnies à l'économie et aux intérêts
québécois. De façon plus générale, nous
étudions actuellement les avantages qu'aurait le Québec à
participer à la recherche et à la mise en valeur des
réserves gazières et pétrolières de l'Arctique
canadien. Nous soumettrons bientôt un projet en ce sens au gouvernement
qui jugera de sa valeur.
Enfin, nous sommes à élaborer, comme nous l'avons
d'ailleurs fait auparavant dans le secteur pétrolier, une politique
gazière en accord avec les exigences et besoins du Québec pour
les décennies à venir. Le gaz naturel prend de plus en plus
d'importance comme facteur d'industrialisation et il nous parait donc
nécessaire de nous donner une politique gazière qui
réponde aux exigences actuelles. Comme vous le savez, nos objectifs de
politique énergétique visent, dans la mesure du possible,
à équilibrer l'utilisation des diverses formes d'énergie
disponibles au Québec. C'est pourquoi nous épaulons actuellement
les efforts qui sont faits, entre autres par la compagnie Gaz
Métropolitain pour augmenter de façon sérieuse les
disponibilités en gaz au Québec. Le gaz est une forme propre de
combustion et est, de plus, un facteur important d'industrialisation; il nous
semble donc essentiel de faciliter sa disponibilité et son
utilisation.
Dans le secteur de l'électricité, la politique du
gouvernement actuel consiste à nous assurer, d'une part, que la demande
québécoise pour cette forme d'énergie continuera
d'être satisfaite dans l'avenir et, d'autre part, que les deniers publics
servant à répondre à cette demande seront utilisés
de façon optimale.
A cette fin nous avons mis sur pied, il y a déjà plus de
deux ans, un comité chargé d'étudier le budget
d'immobilisation de l'Hy-
dro-Québec. Ce comité, présidé par le
sous-ministre des richesses naturelles et composé de spécialistes
du ministère des Finances, du Conseil exécutif et de mon
ministère, doit s'assurer que les politiques d'investissement de
l'Hydro-Québec concordent avec les objectifs du gouvernement et qu'elles
sont faites dans un esprit de saine administration. Il étudie
sérieusement, entre autres les prévisions des demandes du
Québec dans l'avenir.
Les fluctuations dans les disponibilités et les prix des formes
alternatives d'énergie, de même que les changements dans le mode
de vie de la population, rendent cette évaluation difficile et ses
prédictions périlleuses. Nous commençons cependant
à nous faire une opinion assez claire sur ce prérequis vital
à toute planification à long terme des investissements de ce
secteur.
A ce niveau, l'Hydro-Québec a mis en marche un programme
nucléaire parallèle au programme
d'hydro-électricité qui vient épauler l'énergie
traditionnelle et prendra éventuellement la relève. Les premiers
jalons de son programme sont déjà en place, comme vous le savez,
Gentilly I, Gentilly II, de 600 mégawatts entrera en opération
vers 1979. Par la suite on prévoit construire une troisième
centrale nucléaire au même endroit. Ces centrales seraient
possiblement alimentées en eau lourde par une usine qui serait
située à proximité. Voilà donc en bref les
principaux dossiers qui attireront notre attention au cours de l'année
dans ce secteur.
Je suis conscient de ne pas avoir mentionné et
élaboré sur plusieurs des activités importantes du
ministère des Richesses naturelles, mais nous aurons certainement
l'occasion, au cours de la discussion des crédits, de revenir sur les
sujets qui intéresseraient davantage les membres de cette commission.
Merci, M. le Président.
M. LEDUC: M. le Président, si on me permet, une seconde, je ne
veux pas enlever le droit de parole au chef de l'Opposition ni au chef du
Ralliement créditiste, je pourrais proposer que le député
de Drummond soit rapporteur de cette commission.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je remercie le
député de Taillon de sa proposition qui est adoptée. Je
donne la parole au chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, avant de procéder à
l'étude des divers programmes, permettez-moi d'exposer brièvement
les vues d'ensemble de l'Opposition sur les politiques du ministère des
Richesses naturelles. Si l'on se reporte au discours que prononçait le
ministre, le 9 avril dernier en Chambre, et si l'on tient compte des
observations qu'il vient de nous faire, un certain nombre d'observations
générales s'imposent.
Je pense qu'il nous faudrait reprendre un certain nombre de
thèmes qui ont déjà été exposés lors
des crédits de l'année 1973/74, puisqu'à notre avis,
depuis lors, le ministère, par son action ou par son manque d'action,
compte tenu évidemment de la crise énergétique que nous
avons traversée depuis l'automne, le ministère, avec des excuses
dans certains cas et sans excuse dans d'autres, a très peu fait pour
faire progresser le débat sur les richesses naturelles. Ce matin je ne
retiendrai qu'un ou deux secteurs que je connais mieux que les autres, et
où les politiques et interventions dont le ministre vient de nous faire
part me paraissent tout à fait insuffisantes. Dans le secteur minier, le
ministre, à plusieurs reprises, a établi un tableau
extrêmement optimiste de la situation. Il y a hausse des prix de presque
toutes les matières premières, rareté croissante sur le
plan mondial de ces richesses, nécessité, à notre avis,
que les Québécois retirent le maximum de rente économique
de leurs richesses naturelles.
Le ministre, notamment dans son discours du 9 avril, nous a parlé
des expériences entreprises par plusieurs gouvernements
étrangers, comme les associations de pays producteurs, l'augmentation
des redevances. Mais, quand on scrute la politique actuelle du
ministère, on est obligé de constater qu'en ce qui concerne le
Québec ces belles expériences sont encore à l'état
de paroles, à l'état de projets lointains.
En ce qui concerne le dossier minier, j'ai eu l'impression, à
entendre le ministre tout à l'heure, que son premier souci, l'article
premier de sa politique se résumait dans l'objectif suivant: Surtout ne
pas décourager l'initiative privée, auquel il ajoute, mais sotto
voce, la transformation intensive des richesses naturelles au Québec
même. Si l'on considère les chiffres les plus récents que
nous possédons dans le domaine minier, il faut constater que la
production a augmenté en moyenne de 15 p.c. en 1973 par rapport à
1972. Les prix connaissent également une spirale impressionnante dont,
à l'heure actuelle, seules les sociétés tirent
profits.
Prenons, par exemple, le cas de l'amiante, sur lequel j'aurai
peut-être l'occasion de revenir tout à l'heure. Les prix ont
augmenté de 8 p.c. en 1973 et, depuis le début de 1974, nous
sommes témoins de deux hausses de 15 p.c. et de 10 p.c. respectivement,
c'est-à-dire d'une hausse globale de 25 p.c. en quelques mois. Pour ce
qui est de la production de l'argent, les prix ont presque doublé; nous
sommes passés de $3 à $5 l'once. Dans le cuivre, le prix a
doublé au cours de l'année 1973. Au début de mai de cette
année, le prix était de $1.40 la livre et on parle de $2 la
livre, à court terme. Pour le zinc, au cours du premier trimestre de
1974 le prix est passé de $0.20 à $0.30 la livre; c'est une
augmentation, si je ne m'abuse, de 50 p.c.
Disons quelques mots des profits des entreprises minières au
Québec, qui atteignent, comme on l'a constaté à plusieurs
reprises dans la presse, des sommets sans précédents. En 1973,
nous avons été témoins d'une hausse de 238 p.c. des
profits, j'entends au Canada, pour
les entreprises qui ne font que l'extraction, et de 113 p.c. pour les
entreprises intégrées, c'est-à-dire qui procèdent
aussi bien à l'extraction qu'à la transformation. En 1974, un
autre chiffre intéressant est le suivant: la société
Noranda a vu ses profits passer à $36 millions pour le premier
trimestre, comparativement à $21 millions pour le premier trimestre de
1973; une augmentation de l'ordre de 70 p.c. En 1974, pour une production
minérale qui va atteindre $1 milliard, le ministre des Finances
prévoit, dans son discours du budget, que le Québec recevra, sous
formes de droits et de permis, à peine $18 millions. Evidemment, ce
chiffre n'inclut pas l'impôt sur les profits des sociétés
minières.
J'ai l'intention de demander au ministre, et d'entrer dans les
détails: Cela est-il raisonnable quand on voit, par exemple, ce que les
autres provinces canadiennes sont en train de faire dans ce domaine? J'entends
dans le domaine précis des redevances et des droits.
Cela rejoint d'ailleurs un débat que j'ai eu avec le ministre du
Revenu et repris avec le ministre des Finances, qui est celui des impôts
sur les sociétés pétrolières, sur les profits des
sociétés pétrolières qui, dans l'ensemble du
Canada, atteignaient $400 millions l'année dernière. Ces
sociétés qui sont autorisées à déduire de
leurs revenus pour les fins de l'impôt, les dépenses
d'exploration, qui n'ont pas effectué au Québec 2 p.c. de leur
programme d'exploration 2 p.c. du programme d'exploration qu'elles ont
effectué au Canada versent au Québec des impôts sur
les profits qui ne dépassent pas $4 millions, se situant entre $3 et $4
millions, alors que ces profits atteignent vraisemblablement au Québec,
d'après ce qu'on peut savoir, plus de $100 millions.
Plusieurs provinces nous ont déjà donné l'exemple,
M. le ministre; elles ont décidé d'augmenter substantiellement
leurs revenus miniers. Je pense en particulier au Manitoba ce sont des
dossiers que le ministre connaît sûrement très bien
qui, on l'annonçait il n'y a pas si longtemps, a doublé ses taxes
minières. C'est le Globe and Mail du 23 mars 1974 qui nous faisait part
d'un certain nombre de décisions dans ce sens.
L'Ontario impose un impôt progressif sur les profits des
sociétés, ce qui aura pour effet de doubler les recettes. Le taux
sera de 40 p.c. pour les entreprises ayant un profit supérieur à
$40 millions.
La Colombie-Britannique instaure des redevances équivalant
à 2 1/2 p.c. de la valeur de la production en 1974 et à 5 p.c.
on a annoncé 5 p.c. pour 1975. La Colombie-Britannique
décide d'instaurer une super redevance équivalant à 50
p.c. de toute augmentation de revenus provenant d'une croissance rapide des
prix, c'est-à-dire d'une croissance de plus de 20 p.c.
Ce sont donc les autres provinces qui nous montrent qu'il est possible
de retirer une rente économique plus considérable des richesses
naturelles qui nous appartiennent et on tend à oublier, la
plupart du temps, avec cette mentalité que le Québec ne peut
être développé que par d'autres et pour d'autres ce
sont les autres provinces, dis-je, qui nous donnent l'exemple de la
possibilité de tirer une rente économique plus
considérable et, de la sorte, de mettre les richesses naturelles un peu
plus au service des Québécois.
Pendant ce temps, pendant que le Québec étudie, tergiverse
et surtout hésite à décourager, comme le ministre l'a dit,
l'initiative privée, alors qu'il s'agit tout simplement de faire en
sorte que cette initiative privée soit quand même un peu plus au
service des Québécois, pendant ce temps, le gouvernement
fédéral, lui, s'apprête, avec le bill C-4, à occuper
le domaine législatif en matière de transformation des
productions minérales.
Jetons un coup d'oeil maintenant, si vous le voulez bien, sur l'amiante.
Il y a longtemps que le ministère étudie ce dossier. C'est
même désormais la population, les principaux
intéressés qui semblent vouloir prendre le dossier en main et
faire des propositions au ministère. Je pense que tout le monde sait que
le CRD de l'Estrie a étudié cette question depuis
déjà plusieurs années et a proposé récemment
non pas des solutions radicales, comme la nationalisation, mais une solution
tout à fait raisonnable, dans les circonstances, qui est celle d'une
agence de mise en marché, laquelle pourrait pratiquer
éventuellement un système de prix favorisant l'implantation au
Québec d'industries de transformation de cette richesse naturelle.
Que fait le ministère? Le ministère étudie cette
question superficiellement, je tiens à le dire. J'ai eu entre les mains
un document que le ministre voudra peut-être un jour rendre public
lui-même, puisque tout le monde l'a maintenant, semble-t-il, dans lequel
le ministre a fait étudier les aspects constitutionnels de la
création d'une agence de mise en marché de l'amiante.
Je tiens à dire au ministre que j'ai l'intention, à moins
que ce ne soit le député de Saguenay qui le fasse, de
l'interroger longuement sur ce document, qui est un document superficiel, un
document qui, sur le plan constitutionnel, est d'une faiblesse que je ne
qualifierai pas, d'une faiblesse étonnante en tout cas. Tout ce que le
ministre a trouvé jusqu'ici, c'est de faire faire cette étude
superficielle de quelques pages sur l'un des principaux problèmes en ce
qui concerne la transformation sur place de nos richesses naturelles.
Nous allons j'en préviens le ministre tenter
d'aller au fond de ce dossier. Nous avons l'intention, notamment,
d'étudier avec lui à fond l'aspect constitutionnel de l'agence de
mise en marché. D'autres provinces agissent dans ce domaine. Faudra-t-il
que le Québec soit encore le dernier à emboîter le pas et
à s'accrocher dans les fleurs du tapis avec de faux
arguments d'ordre constitutionnel? On a l'impression, à lire les
discours du ministre, récemment, les réponses qu'il nous a faites
en Chambre à plusieurs de nos questions concernant l'agence de mise en
marché, que le ministre entend se réfugier derrière ces
arguments de constitutionnalité.
Si le ministre nous dit qu'il a des solutions plus pratiques à
faire valoir, nous voulons bien en discuter au mérite. Mais s'il veut
éviter de répondre et éviter de prendre position sur une
question aussi cruciale, simplement en disant que c'est un problème
d'ordre constitutionnel, eh bien, nous allons dire au ministre, de deux choses
l'une: Ou bien cette agence n'est pas contraire à la constitution,
auquel cas nous nous attendons à ce qu'il agisse rapidement et à
ce qu'il prenne position; ou bien cette agence est effectivement contraire au
droit constitutionnel canadien et, alors, il faudrait en conclure que la
thèse que nous défendons à l'Opposition, depuis longtemps,
à l'effet qu'on ne pourra résoudre les problèmes de la
transformation des richesses naturelles au Québec par et pour les
Québécois que dans l'indépendance, est juste.
Au fond, le ministre devrait se méfier d'un rapport comme
celui-là où on tente d'établir qu'une agence de mise en
marché serait inconstitutionnelle. Le ministre démontre de la
sorte son manque de pouvoirs dans ce domaine. Le ministre démontre que
le Québec n'est pas compétent pour agir. C'est une pente
dangereuse et j'hésiterais fortement à la suivre si
j'étais lui. C'est une pente dangereuse pour lui-même, en tout
cas, parce que nous, nous avons toujours soutenu qu'avec ou sans obstacle
d'ordre constitutionnel nous n'aurions une véritable politique
minière au Québec que le jour où nous aurons en main les
principaux leviers de commande de l'économie.
Puisque l'occasion m'en est donnée, est-ce que je pourrais
rappeler peut-être quelques-uns des points majeurs de l'attitude du parti
que je représente dans ce domaine? En ce qui concerne l'amiante, nous
avons proposé déjà, depuis longtemps, une agence de
commercialisation. Ou, alors, si les sociétés
intéressées résistaient à l'implantation d'une
telle agence, on pourrait étudier la possibilité
d'étatiser au moins l'une des sociétés. Le ministre ne
peut pas nier que ce serait fort utile pour arriver à connaître le
prix véritable de la richesse extraite du sol québécois.
On pourrait, à tout le moins, s'assurer du contrôle majoritaire de
l'une des sociétés.
Pour ce qui est de la transformation, nous pensons qu'on ne doit pas
accorder de nouveaux droits à moins de garanties qu'un pourcentage
minimum sera transformé sur place, au Québec, et nous pensons
particulièrement, dans ce domaine, au fer.
Pour ce qui est de l'extraction, nous avons dit à plusieurs
reprises qu'il conviendrait de rapatrier les "claims" non utilisés,
qu'il convien- drait d'accepter le principe d'une certaine indexation des
droits au prix des métaux ou encore au prix des produits finis. Au cours
du débat sur les crédits, à l'étude des divers
programmes, nous avons l'intention de revenir là-dessus. Dans le cas de
nouveaux gisements, il conviendrait d'établir le principe que l'Etat
doit être partenaire au niveau de la société d'extraction.
Pour l'instant, je me contenterai de ces remarques en ce qui concerne le
domaine minier.
Je voudrais ajouter quelques remarques en ce qui concerne la politique
énergétique du gouvernement. On a l'impression, à
écouter les discours récents du' ministre, que le secteur public
ce qu'il appelait si pudiquement, dans son livre blanc de 1972, le
"secteur témoin", c'est-à-dire, pour parler franc, le secteur
public est maintenant relégué plus ou moins aux
oubliettes, en tout cas pour ce qui est du mandat b) de SOQUIP; j'entends le
raffinage et la distribution.
Le seul geste qui a été posé par le gouvernement a
été d'augmenter les crédits à $7 millions pour
l'année 1974/75, mais exclusivement pour l'exploration minière.
Pendant ce temps, pendant que le gouvernement ne débloque pas le mandat
b) de SOQUIP, le gouvernement fédéral, lui, crée PETROCAN,
avec un capital social autorisé de $500 millions, une possibilité
d'emprunt garanti jusqu'à $1 milliard, et la charte de PETROCAN
prévoit les mêmes objectifs que SOQUIP: exploration, raffinage,
distribution.
M. le ministre, vous êtes, dans ce domaine, à la
croisée des chemins, parce que pendant que vous hésitez à
faire quelque chose, le pouvoir fédéral, lui, se place les pieds,
le pouvoir fédéral légifère.
On dira que le pouvoir fédéral l'a fait à reculons,
aiguillonné par le tiers parti qu'est le NPD. Peu importent les motifs
que le gouvernement fédéral invoque, peu importent les forces qui
l'ont amené à agir de la sorte, il faut constater qu'il y a
maintenant une société fédérale d'Etat qui entre de
plain-pied dans ce domaine. J'ai l'impression, M. le ministre, que vous
êtes en train d'être dépassé sur toute la ligne par
cette initiative fédérale.
Y a-t-il place, au Québec, pour deux sociétés
d'Etat: l'une fédérale, qui contrôlerait peut-être un
réseau de distribution, éventuellement, et une
société québécoise, qui en contrôlerait un
autre? La position que nous avons prise là-dessus, je pense que le
ministre le sait, c'est qu'au Québec, il ne doit y avoir qu'une seule
société d'Etat et qu'il faudrait, sur ce plan, suivre un certain
nombre de précédents qui ont déjà été
posés au Québec. Je pense à la Caisse de
dépôt, je pense à quelques autres sociétés
d'Etat où le Québec a décidé de mettre sur pied son
propre secteur public et d'exercer toute l'activité à
l'intérieur du territoire québécois.
Est-ce que votre gouvernement, M. le ministre, a l'intention d'exiger
que seule SOQUIP puisse entreprendre des opérations d'explora-
tion, de raffinage, de distribution au Québec? Parce que si ce
n'est pas votre intention et si vous laissez le pouvoir fédéral
s'implanter, vous pouvez dire d'avance: adieu veau, vache, cochon,
couvée! SOQUIP sera appelée à végéter et
à s'étioler puis, éventuellement, à
disparaître.
Evidemment, le gouvernement fédéral a sur vous un avantage
considérable, possédant le pouvoir de négocier avec les
pays étrangers, de contrôler l'entrée du pétrole, de
le taxer à l'entrée sous forme de droits douaniers, de le
contingenter à l'entrée sous forme de quotas.
Le pouvoir fédéral est en mesure même,
éventuellement, d'étendre la ligne Borden à l'ensemble du
Québec et à l'ensemble de l'Est du pays. C'est effectivement ce
dont, d'ailleurs, nous sommes témoins, vous ne pouvez pas le nier,
depuis quelques mois. On a dit qu'on a supprimé la ligne Borden. En
réalité, ce qui pourrait bien se passer, c'est que la ligne
Borden inclue le Québec tout simplement et que nous soyons
intégrés, de gré ou de force, il semble bien que ce soit
de notre plein gré, dans le marché pétrolier canadien.
Evidemment, on ne peut pas en vouloir au pouvoir fédéral
d'avoir décidé d'amener l'oléoduc de Sarnia à
Montréal. Je ne voudrais pas d'ailleurs que votre ministère,
comme vous avez semblé le faire, revendique la paternité de ce
projet, M. le ministre; ce n'est pas une décision
québécoise, c'est une décision fédérale. Il
faut que ce soit bien clair. Toutefois, je suis prêt à admettre
qu'elle n'est pas entièrement au détriment des
Québécois, à condition que vous réalisiez votre
objectif d'obtenir la plus grande diversité d'approvisionnements
possible. Mais, du train où vont les choses, ce que je craindrais, si
j'étais vous, c'est qu'une fois que l'oléoduc sera là il y
ait une tendance de la part du pouvoir fédéral à favoriser
systématiquement cet oléoduc, à favoriser
systématiquement la production pétrolière de l'Ouest. Et
le pouvoir fédéral possède tout ce qu'il faut pour prendre
de telles décisions. Comme, par exemple, de contingenter l'importation
des produits pétroliers en provenance aussi bien du Moyen-Orient que du
Nigeria, que du Venezuela, qui sont les pays qui nous fournit la plupart de nos
approvisionnements surtout à l'heure actuelle.
Le pouvoir fédéral peut non seulement imposer des droits
douaniers mais il peut contingenter l'entrée de ces produits, avec le
résultat que, bon gré mal gré, si on n'y fait pas
attention, nous pourrions nous trouver inclus à l'intérieur d'un
marché entièrement unifié et qu'un jour, cela pourrait
bien se produire, le coût des produits pétroliers de l'Ouest soit
supérieur au prix international et que nous soyons obligés, de
gré ou de force, d'accepter de payer le prix canadien.
Je voudrais dire deux mots peut-être, avant de terminer ces
brèves remarques introductives, du conflit entre les grandes
sociétés de pétrole et les distributeurs. Il est
inadmissible, à notre avis, qu'aucun organisme québécois,
organisme qui pourrait être, par exemple, le tribunal de
l'énergie, ne soit habilité à arbitrer les conflits entre
les distributeurs et, je pense surtout aux indépendants, les grandes
sociétés qui contrôlent l'importation et le raffinage. Les
petits distributeurs représentent le seul élément de
concurrence dans cette industrie, qui, vous le savez, est sujette à un
cartel, l'un des cartels les plus étroits, les plus intégrants
qui existent. A défaut de les enrôler, comme on cherche à
le faire, en y mettant, quelquefois, plus de force qu'il ne serait
légitime, on tente de les faire disparaître et tous les moyens
sont bons, y compris la force physique, dans certains cas. Là-dessus,
nous aurons l'occasion d'interroger le ministre sur des cas qui nous ont
été signalés.
Vous savez que dans certains pays, notamment en France, il n'y a pas si
longtemps, on a fait des procès spectaculaires dans ce domaine, on en
est même arrivé à condamner certains producteurs, et on a
fini par établir un code de relations producteurs-distributeurs.
Il est grand temps qu'on se penche sur ces problèmes au
Québec. A l'heure actuelle, les grandes sociétés refusent
d'approvisionner tout nouvel établissement indépendant. Il y a
visiblement concertation entre elles. Ces pratiques, vous le savez, M. le
ministre, existent depuis des années.
En conclusion, aussi bien pour ce qui est des mines que pour la
politique énergétique, qui sont les domaines que j'ai voulu
à peine effleurer ce matin dans ces remarques introductives, je dirai
qu'il est grand temps que le ministre passe à l'action.
Cela fait quatre ans qu'il étudie des dossiers. Il nous a
même donné, en 1972, une amorce de politique
pétrolière authentiquement québécoise pour laquelle
il aurait eu notre appui s'il avait vraiment voulu établir, notamment
pour ce qui est du pétrole, une véritable société
d'Etat, un véritable "secteur témoin", pour parler pudiquement
comme le ministre.
Il ne faudrait pas que le ministère prétexte
éternellement des études en cours, comme celle, par exemple, sur
la fiscalité minière ou encore sur la fiscalité
pétrolière dont nous avons discuté lors des crédits
du ministère du Revenu et du ministère des Finances, pour priver
encore plus longtemps les Québécois des revenus auxquels ils ont
droit par rapport à leurs propres richesses naturelles.
Au fond, ce qui sépare le gouvernement actuel de l'Opposition, ce
n'est pas seulement un conflit au niveau des techniques qu'il faut mettre en
oeuvre; c'est appelons-le par son nom un conflit d'ordre
idéologique. A notre avis, le gouvernement actuel se résigne
beaucoup trop facilement à laisser le Québec être
développé par d'autres et pour d'autres essentiellement, alors
que les Québécois de plus en plus veulent développer leur
pays et notamment ses richesses naturelles par eux-mêmes et pour
eux-mêmes.
C'est un conflit tout à fait fondamental; j'ai
l'impression, M. le Président, qu'il ne sera réglé
que le jour où les Québécois auront décidé
de reprendre en main les leviers de leur développement et de la
planification économique, et ce jour-là, je crois que ce sera
celui de l'indépendance. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, parmi les remarques que faisait le
ministre ce matin dans son exposé d'introduction, il y a certains sujets
qui nous intéressent particulièrement. Nous avons
remarqué, notamment en ce qui concerne les problèmes
pétroliers, que le ministre n'avait pas, ce matin, à nous
annoncer de dispositions nouvelles. Nous avons remarqué qu'il semble, au
ministère, qu'on soit encore dans ce domaine à la remorque de
décisions qui sont prises à d'autres paliers.
En effet, M. le Président, je veux bien croire que le ministre a
des exposés très techniques à faire en ce qui concerne ces
sujets particuliers, autant celui de la transformation de nos produits dans le
domaine des richesses naturelles que le domaine minier, mais je voudrais faire
remarquer au ministre que ce qui intéresse, en fait, la population, ce
ne sont pas tellement les grands exposés techniques que les
résultats qu'on peut voir apportés dans ces différents
domaines.
A ce jour en tous cas, nous sommes en mesure de constater que finalement
toute cette grande crise de l'énergie que nous avons traversée
n'en était pas une plus qu'il ne fallait. Au début, comme il
fallait s'y attendre, bien sûr je ne lance pas directement la
pierre au ministre, c'est probablement un autre palier on a tenté
de semer la panique dans la population en exposant les dangers d'un manque de
produits pour l'hiver qui s'en venait. Or, on se retrouve au printemps et
personne n'a manqué de produits; au contraire, au niveau du gouvernement
fédéral, il semble qu'on en a à vendre passablement de ce
temps-ci, et à un prix qu'on a payé passablement cher aussi.
Cela nous amène à ne pas toujours croire ce qu'on nous dit
et à considérer plutôt les faits et les résultats.
Or, les faits et les résultats sont que présentement on est dans
une période où on paye très cher les produits
pétroliers. On aura beau, M. le Président, nous amener toutes
sortes de bonnes raisons qui peuvent évidemment, sur le plan technique,
se défendre, il se trouve que les raisons qu'on nous a données
l'automne dernier n'étaient pas valables, n'étaient pas vraies;
ce n'était qu'un consensus pour viser à augmenter les profits de
certains cartels internationaux.
Dans ce domaine-là, on se reportera, M. le Président,
à des articles de journaux. Ce n'est pas moi qui les ai écrits,
je ne suis pas journaliste encore, jusqu'à ce jour du moins, et si je
l'étais peut-être que dans certains cas les articles seraient
différents. En tout cas, de toute façon, ceci dit, si on se
reporte à un article paru dans la Presse du 23 avril 1974, nous verrons
que pendant qu'on faisait de la publicité tapageuse pour dire aux
Canadiens qu'on était en pleine crise, tout le monde augmentait ses
profits de façon extraordinaire. Dans cet article on y voit que, par
exemple, les profits de l'Imperial Oil ont doublé au cours du premier
trimestre, pour atteindre $92.7 millions ou $0.71 par action, comparativement
à $46 millions ou $0.36 par action durant la même période
de 1973.
Il y a d'autres compagnies aussi, M. le Président, qui s'en
sortent pas mal avec ça. Gulf Oil Corporation, des Etats-Unis, a
annoncé que ses bénéfices nets avaient progressé de
76 p.c. au cours des trois premiers mois de l'année, pour atteindre $290
millions ou $1.49 l'action, contre $165 millions au terme du premier trimestre
de 1973 ou $0.80 l'action. Il y en a d'autres aussi. La Standard Oil,
seizième producteur de pétrole aux Etats-Unis, a affiché
une hausse de 29 p.c. des profits enregistrés durant le premier
trimestre; Sun Oil, une augmentation de 85 p.c. de ses bénéfices
pour un trimestre, soit $91 millions, tandis que Petrofina dévoilait une
hausse de 300 p.c, soit $13 millions.
M. le Président, c'est, je pense, le genre de crise qu'on a
vécue. C'est surtout cette crise qui fait que finalement c'est le
consommateur qui toujours paye la note et qui fait les frais des ces crises
plus ou moins artificielles. Evidemment, ce sont ces mêmes grandes
compagnies multinationales on retrouve ça dans la Presse du 16
avril 1974 qui en 1971, au nombre de 640 n'ont pas payé
d'impôts à Ottawa. Vous me direz que c'est un autre gouvernement,
mais on est quand même dans un système fédéral, et
lorsque de telles compagnies ne payent pas d'impôt fédéral,
bien sûr, ça grève d'autant les revenus que le
Québec pourrait recevoir d'Ottawa.
Evidemment, il y a un autre problème qui se pose. C'est que
plusieurs de ces compagnies ne paient même pas d'impôt au
Québec. J'ai souvent entendu le ministre nous dire qu'il avait fait son
grand possible, que le premier ministre est même allé à
Ottawa, etc., etc. Il y a eu une conférence des premiers ministres,
justement. Les conférences des premiers ministres, c'est pour la
façade. En effet, des sources dignes de foi nous rapportent qu'en
coulisse on retrouvait surtout des gros bonnets de certaines compagnies
pétrolières internationales qui semblaient surveiller des
intérêts, et le capital en même temps, alors que se
déroulait en façade, à la télévision, la
conférence des premiers ministres.
M. le Président, tout ceci nous amène, nous du peuple en
tout cas, à revendiquer des changements, à revendiquer les
changements que nous avons le droit, je pense, de revendiquer. Seulement pour
vous donner un aperçu de la situation, M. le Président, encore
actuellement il y a, dans le domaine de la vente au
détail des produits pétroliers, une différence de
$0.10 à $0.12 le gallon d'essence entre une ville du Québec et
une ville de l'Ontario qui sont situées à quelque 50 milles l'une
de l'autre. C'est dans la région du Nord-Ouest québécois
et c'est le même territoire, M. le Président; il n'y a pas de
barrière internationale entre les deux. Au Québec et en Ontario,
à quelques milles de distance, vous avez de $0.10 à $0.12 de
différence, par gallon, et j'ai ici toute une série de stations
service qui ont été vérifiées.
On a les prix et c'est la différence générale.
Pendant tout ce temps-là, nous avons beau en parler, poser des questions
au gouvernement, on nous répond toujours la même chose: On est
accroché après le fédéral, on est accroché
après le Canada. Bon, on peut être accroché après le
fédéral, oui, mais on peut quand même être
nous-mêmes dans ce fédéralisme-là et il ne semble
pas qu'on le soit présentement.
A l'occasion, justement, de la réunion d'un comité
à Ottawa, M. Donald Macdonald faisait ressortir qu'il appartient aux
provinces de surveiller le prix des produits pétroliers. Ce n'est quand
même pas au fédéral, et c'est le fédéral qui
le dit. Le fédéral, lui, voit à exercer un contrôle
au niveau de la vente en gros. Le ministre Macdonald faisait remarquer,
mercredi au comité, que les prix de détail étaient de
juridiction provinciale et qu'il reviendrait donc aux provinces de surveiller
les prix à ce niveau, si elles le désiraient, option que la
Nouvelle-Ecosse a déjà mise en oeuvre. En date du 13 avril 1974,
selon une nouvelle parue dans le Soleil, la régie des services publics
de la Nouvelle-Ecosse a ordonné à la compagnie Imperial Oil de
ramener ses prix, pour le pétrole brut, à ce qui était en
vigueur le 12 décembre dernier. C'est une mesure qui a été
prise. Cela ne veut pas dire que le ministère doit prendre les
mêmes mesures, exactement; cela ne veut pas dire que le gouvernement du
Québec doit prendre les mêmes mesures, mais il y a des mesures
à prendre.
Justement, dans l'Action du 26 avril, on retrouve une autre nouvelle,
cette fois-là, en provenance de la Colombie-Britannique: "Un projet de
loi a été déposé mercredi à
l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique interdisant
toute augmentation du prix des produits pétroliers sans approbation
préalable de la Commission d'énergie de la Colombie-Britannique."
On l'a demandé à plusieurs reprises, dans ce domaine comme dans
certains autres domaines, par exemple, où la Régie des services
publics doit statuer, où les intéressés doivent justifier
leur demande d'augmentation et où, évidemment, le tout peut se
dérouler sur la place publique. Je pense que, comme dans certains autres
domaines, dans le domaine de l'énergie, il faudra un jour, si on veut
protéger le consommateur québécois, qu'on en arrive aussi
à utiliser la Régie des services publics pour que ces compagnies
multinationales, quelles qu'elles soient je ne veux faire de
publicité favorable ou défavorable à aucune compagnie
aient, elles aussi, à justifier les augmentations de prix au
détail. C'est inacceptable qu'on assiste à des augmentations de
profits telles que celles que je vous ai mentionnées tantôt, alors
que le consommateur, lui, est aux prises avec cela sans aucune espèce de
possibilité de se défendre. Il doit payer et se taire.
Si on a un gouvernement pour protéger la population, le
gouvernement doit prendre des mesures énergiques à ce moment-ci
pour protéger le consommateur. Bien entendu, je n'irai pas
jusqu'à prôner l'étatisation. D'ailleurs, ce n'est pas la
philosophie que je préconise et je n'ai pas l'intention d'aller
jusque-là. Mais, si on ne veut pas qu'un jour elle soit
justifiée, cette étatisation-là, il faut qu'on prenne des
mesures maintenant. Si on les laisse faire, les plus grands défenseurs
de l'entreprise privée seront probablement ceux-là qu'on
retrouvera au premier rang pour demander leur étatisation, si ça
continue comme ça, parce que c'est l'abus qui justifiera des prises de
position qui seront catégoriques et extrêmes, peut-être.
Je pense qu'il faut non seulement que ces gens-là prennent des
responsabilités et qu'ils soient plus raisonnables, mais il faut aussi
que le gouvernement soit celui qui impose des directives à ce moment-ci
pour protéger l'intérêt public. Je n'ai pas cru comprendre
encore que le ministre avait de telles intentions. Je lui pose la question; je
lui demande si un jour, au moins, il n'envisagera pas de prendre des
dispositions semblables à celles qui ont été prises par la
Colombie-Britannique ou par la Nouvelle-Ecosse.
Aussi, il y a toute cette question de la taxe sur la gazoline que le
ministre pourrait peut-être envisager aussi. Dans un temps où tout
est extrêmement cher, dans un temps où on risque le pire à
tous les jours à cause de l'inflation, je pense que le gouvernement ne
devrait pas en profiter pour augmenter, en même temps, ses revenus.
Evidemment, lorsque les compagnies en sont rendues à augmenter
les prix au détail, comme c'est le cas présentement, lorsque la
taxe de vente est au pourcentage, bien entendu le gouvernement augmente ses
revenus en même temps.
M. le Président, de toute façon, cela se retrouve dans
toute l'administration publique et c'est un élément que je veux
faire comprendre aussi au ministère. Il y a aussi ce problème qui
est posé par toutes ces questions entre les compagnies distributrices et
le détaillant. Evidemment, cela n'a pas commencé hier et cela n'a
pas commencé la semaine passée non plus, cela fait longtemps que
ça dure.
Nous croyons assister à un effort, de la part de ces compagnies
multinationales, à s'emparer de tous les réseaux,
c'est-à-dire de la production à la distribution au détail,
à la consommation. Bien entendu, lorsqu'on contrôle le tout au
grand complet, c'est plus facile de contrôler en
même temps les prix, parce qu'on enlève la concurrence. La
concurrence est valable pour protéger les prix à la consommation,
à la condition qu'elle se fasse en partant du prix de détail, en
partant du détaillant. Si, jusqu'au détaillant, il n'y a plus de
concurrence! Je pense qu'au niveau des compagnies multinationales, on ne trouve
pas de concurrence. On trouve, je pense, des arrangements agréables et
favorables.
Mais au niveau des détaillants, celui qui doit faire affaires
avec le public, celui qui doit faire affaires avec le consommateur, il y a
cette espèce de souci, du moins, de donner un meilleur service avec un
meilleur prix. Cela a amené les détaillants à faire
certaines revendications auprès des distributeurs, auprès des
fournisseurs pour avoir aussi des meilleurs prix. C'est peut-être
"achalant" pour les compagnies multinationales d'être obligées
finalement d'enlever ça du marché et de prendre le tout en main.
On voit naître de cette façon des stations-service qui sont
plutôt des comptoirs d'essence, où on a enlevé ce service
qui était donné généralement à
l'automobiliste par les concessionnaires indépendants ou encore les
concessionnaires qui sont rattachés directement aux compagnies, qui
donnaient quand même un certain service à l'automobiliste. De
moins en moins, nous avons sur les routes de ces services à
l'automobiliste. On vend de l'essence, on vend des produits pétroliers,
on lave l'automobile, mais quant au reste, on tend, si on comprend bien,
à faire disparaître les détaillants qui donnaient ce genre
de service. On ne respecte pas les baux. Il semble que certains
détaillants aient fait des ententes avec des compagnies pour un certain
prix de location, alors que des stations-service n'avaient peut-être pas
tellement de clientèle. Et quand le détaillant a réussi
à monter une bonne clientèle, quand le détaillant commence
à faire certains profits, à bien s'arranger, on augmente le prix
de location, on augmente les exigences etc., etc., ce qui fait
évidemment qu'on retrouve beaucoup moins de détaillaints
aujourd'hui, et les compagnies vendent leurs produits directement.
M. le Président, dans un autre domaine, dans le domaine minier,
j'apprécie l'effort que fait le ministère quant à
l'exploration. Je sais que, dans la région que je représente,
nous avons eu, il y a quelques années, certains problèmes
particuliers, le ministère des Richesses naturelles a fait des efforts
d'exploration que j'ai appréciés. Cependant, il demeure qu'on
peut encore améliorer. Il y a aussi, je pense, un domaine où le
ministère pourrait parfois rassurer les populations, c'est un domaine
qui, je pense, est particulier à la région de Rouyn-Noranda
où toute une ville est rattachée à une mine qui est la
mine Noranda. J'en ai déjà parlé au ministre, à
quelques reprises, il est au courant qu'à certains moments on annonce la
fermeture de la mine pour telle date, ou qu'on reporte la fermeture à
telle autre date. Finale- ment, il fallait lire entre les lignes pour
comprendre que l'avenir est plus rose que ce qu'on laissait entrevoir à
ce moment-là.
J'ai posé des questions en Chambre au ministre, à un
certain moment donné, pour lui demander de nous faire connaître
les possibilités de minerais dans cette région pour que, quand
même, on ne laisse pas la panique s'emparer de la population. Cela se
passait il y a un peu moins d'un an. Finalement, comme par enchantement, on a
trouvé tout ce qu'il fallait pour alimenter la mine Noranda. Il n'y a
plus de problème. Cela coincide généralement avec des
négociations...
M. MORIN: Conventions collectives.
M. SAMSON: ... conventions collectives. Cela arrive un peu avant les
conventions collectives. On lance ces nouvelles. Alors, je pense que, pour
éviter ce genre de spéculations et ce genre de panique, le
ministère pourrait mieux informer la population des possibilités
de minerais dont il est au courant. Je sais que le ministère
était au courant qu'il y avait, dans cette région du moins,
suffisamment de réserves. Si le ministre n'était pas au courant,
il y a sûrement quelqu'un qui l'était. Je pense que le ministre
l'est aussi bien que moi.
De toute façon, le tout est rentré dans l'ordre
maintenant. Encore là, évidemment, dans un système de
libre entreprise, il faut compter avec toutes les spéculations que cela
entrafne. Je sais que celui qui prend des responsabilités, qui investit
de l'argent veut faire des profits. C'est absolument normal et mon but n'est
pas d'empêcher personne de faire des profits, sauf qu'il y a le plan
social. Ceux qui font de l'extraction, qui exploitent les richesses naturelles
dans une région où une ville est bâtie alentour d'une seule
industrie ont aussi des responsabilités sociales. Parmi les
responsabilités sociales qu'ils ont, s'il en est une, c'est
sûrement de ne pas permettre qu'on sème la panique comme cela
s'est déjà fait. Je pense qu'il y a moyen d'éviter que
cela se reproduise, sans que cela n'entrave les possibilités de
l'investisseur d'avoir un retour important pour son investissement, de faire
des profits raisonnables. Je parle de profits raisonnables parce que, dans ce
domaine comme dans d'autres, quand on dépasse ce qu'il est convenu
d'appeler raisonnable, cela amène certaines gens à justifier des
positions extrémistes.
Si on ne veut pas être obligés d'en arriver à des
positions extrémistes, il faut que, dans le domaine de l'entreprise
privée, on s'en tienne à des conditions raisonnables. Les temps
ont changé, il revient aussi à l'entreprise privée de
jouer un rôle social dans des régions comme ça.
Je pense que, du côté du ministère, pour l'avenir,
si jamais de telles choses se reproduisent, le ministère a des
responsabilités à prendre dans ces domaines.
On pourrait évidemment parler de plusieurs
mines. De toute façon, le problème minier, comme vous le
savez, c'est un problème qui est le même dans toutes les
régions minières. Lorsqu'une mine manque de réserve, il y
a évidemment fermeture. On a connu des fermetures dans notre
région, comme il y en a eu dans d'autres régions parce qu'on
manquait de minerai.
Par sa politique d'exploration, en collaboration avec les exploitants de
certains secteurs, le ministère aurait avantage à garantir ou
à permettre que, dans une région donnée, un territoire ne
soit pas complètement fermé, comme cela a été le
cas de Cadillac il y a deux ou trois ans, parce qu'une mine avait
décidé de fermer ses portes pour une raison ou pour une autre,
pour des raisons qui étaient très discutables dans le temps. Je
sais que le ministre a suivi ce dossier de près. Mais il demeure qu'on a
risqué que toute une région soit fermée, que des
employés, que des familles qui ont investi de l'argent pour des
habitations ou autres, le perdent après avoir payé pendant 15 ou
20 ans, avoir fait des paiements pendant autant de temps. Ils se retrouvent un
bon jour sans emploi disponible dans cette région, avec encore des
obligations et aucune espèce de garantie pour couvrir ces obligations,
c'est-à-dire que la valeur des propriétés est
complètement tombée parce que la région doit fermer, si
vous le voulez. Evidemment, il faut éviter ça.
La preuve qu'il y a des possibilités de l'éviter, c'est
qu'à la mine Preissac, qui a été fermée pendant ce
temps, aujourd'hui, on a des travaux et il semble qu'il y a quelque chose
à faire avec cela. Alors, s'il y a quelque chose à faire
maintenant, il y avait peut-être quelque chose à faire dans le
temps. Entre le moment de la fermeture et le moment où on a
recommencé à faire des travaux, beaucoup de gens ont perdu de
l'argent, de l'argent qu'ils ont ramassé difficilement, à force
de travail.
Evidemment, le ministère, je pense, a un rôle à
jouer pour empêcher que des choses semblables ne se reproduisent, en
prévoyant des réserves, d'une part, sur un même territoire
ou, d'autre part, lorsqu'on veut fermer une mine et qu'on nous dit que c'est
parce qu'il ne reste pas de minerai, en s'assurant que c'est bien vrai.
Je rappellerai que j'avais fait parvenir, d'ailleurs, un dossier complet
au ministère, à la fermeture de cette mine. Quelqu'un un
géologue, je pense de la région, qui avait fait une
étude, avait préparé un dossier que j'avais donné
au ministre, à ce moment-là. Il soutenait, dès ce moment,
qu'il y avait quelque chose à faire là, que le tout
n'était pas épuisé. Il soutenait cela. J'ai l'impression
qu'on ne l'a pas cru.
De toute façon, cela n'a rien changé pour ce
moment-là. Il y a peut-être eu d'autres raisons aussi. Je n'en
voudrai pas au ministre de ne pas me divulguer tous les secrets des
transactions possibles, parce qu'il reste qu'il y a peut-être une
question d'investissement, il y a peut-être d'autres questions. Ce que je
veux, c'est illustrer au ministre qu'il y a peut-être des
possibilités que les régions minières soient mieux
protégées, qu'on soit moins victime de spéculations qu'on
ne l'a été dans le passé.
Il y a des possibilités et j'aimerais que le ministre nous fasse
part au moins de certaines bonnes intentions de ce côté, quoique
je sache je l'avoue, M. le Président que le
ministère a déjà posé des gestes, dans le domaine
de l'exploration, qui ont rendu énormément de services dans notre
région.
M. le Président, je ne ferai pas d'autres remarques pour le
moment. Je pense qu'on aura l'occasion, aux différents programmes de
crédits, de revenir sur certains sujets.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, ceci complète les remarques
préliminaires. Puis-je suggérer à la commission que nous
procédions maintenant à l'étude des crédits
programme par programme, alors que toute la latitude possible sera
donnée de poser des questions d'ordre général à
l'intérieur de ces programmes?
Programme 1, inventaires et recherches, élément 1,
inventaires et études géologiques.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais
suggérer, en l'absence du député de Saguenay, qui a
approfondi chacun de ces dossiers et qui aurait été ici,
d'ailleurs, ce matin, s'il n'avait été cloué au lit par
une mauvaise grippe, étant donné qu'il est déjà
passé midi, que nous suspendions la séance? Je sais qu'il y a eu
des contacts entre mon bureau et le ministre, plus tôt ce matin, et que
le ministre s'est montré disposé à faciliter les
choses.
M. MASSE: Est-ce qu'il doit être de retour cet
après-midi?
M. MORIN: Plutôt demain, je crois. Mais si nous suspendions la
séance, cela me donnerait, du moins, l'occasion de prendre connaissance
un peu plus en profondeur des dossiers, notamment des programmes 1, 2 et 3, qui
pourraient faire l'objet de l'étude cet après-midi.
Ce qui conviendrait le mieux, c'est que ce soit le député
de Saguenay qui prenne en main l'étude de ces crédits pour
l'Opposition officielle. Je me permettrais donc de suggérer que nous
suspendions pro forma et que si, par hasard, il se révèle que le
député de Saguenay ne peut pas être là et que,
d'autre part, je doive, pour ma part, être à l'étude des
crédits du ministère des Finances, parce que nous n'avons pas
terminé l'étude des crédits de ce ministère, alors
ce pourrait être, sur la recommandation du leader du gouvernement en
Chambre, ajourné à demain matin.
Je regrette les circonstances; elles sont tout à fait
fortuites.
Je n'ai appris la maladie du député de Saguenay qu'une
demi-heure avant la séance, ce matin.
M. MASSE: Personnellement, M. le Président, je n'ai pas
d'objection. Nous allons en discuter avec le leader ce midi.
M. MORIN: Je remercie le ministre.
M. LEDUC: Juste une remarque avant que nous ne terminions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Taillon.
M. LEDUC: Le ministère a préparé un dossier pour
les membres de l'Opposition. Dossier qui a été
déposé ce matin. Bien que je ne fasse pas partie de cette
Opposition mais que cependant j'aurai à siéger à la
commission, puis-je demander au ministre et à ses collaborateurs de
songer qu'à la commission il y a onze membres et que ce serait
peut-être avantageux que chacun de ces membres ait un exemplaire de ce
dossier?
M. MASSE: On me dit qu'il en manquait trois. Nous pourrons les
photocopier ce midi et dès qu'ils seront prêts, nous vous les
enverrons.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais féliciter le
ministre. Il est malheureusement exceptionnel qu'on nous fournisse une
documentation comme celle-là avant de commencer l'étude des
crédits des divers ministères.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission suspend ses travaux
jusqu'à nouvel ordre de l'Assemblée.
(Fin de la séance à 12 h 11)