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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mardi 28 mai 1974 - Vol. 15 N° 70

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Etude des crédits du ministère des Richesses naturelles


Journal des débats

 

Commission permanente

des richesses naturelles

et des terres et forêts

Etude des crédits du ministère des Richesses naturelles

Séance du mardi 28 mai 1974

(Dix heures quarante minutes)

Préliminaires

M. GRATTON (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La commission des richesses naturelles et des terres et forêts entreprend, ce matin, l'étude des crédits du ministère des Richesses naturelles.

Avant de céder la parole au ministre, j'aimerais aviser la commission de certains changements. M. Leduc remplace M. Drummond; M. Morin remplace M. Lessard. L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. MORIN:M. le Président, puis-je demander au ministre, avant de commencer, de nous présenter ses principaux fonctionnaires et ses principaux collaborateurs?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ils ne sont pas nombreux.

M. MASSE: A ma gauche, le sous-ministre des Richesses naturelles, M. Jean-Guy Fredette. Le directeur de l'administration par intérim, à ma droite, M. Clément Tremblay. M. Guy Poitras, directeur général du Nouveau-Québec. M. Réal Boucher, directeur général de l'énergie. M. Maloney est à la direction des mines. Le docteur Paul Grenier, directeur général des mines. M. André Boucher, qui est directeur général du service des eaux. Vous avez les administrateurs des services et du bureau du sous-ministre.

Evidemment, d'autres participeront à cette commission et je me réserve le plaisir de les présenter lorsqu'on aura à recourir à leurs services.

Exposé général du ministre

M. MASSE: M. le Président, MM. les membres de la commission, depuis quelques années, beaucoup d'efforts ont été déployés au ministère des Richesses naturelles afin d'assumer davantage le rôle économique du ministère. Les préoccupations majeures du ministère, comme vous le savez, étaient encore, jusqu'à tout récemment, essentiellement techniques et axées sur la connaissance tant dans le secteur des mines que dans celui de l'eau. Ce rôle, bien qu'essentiel, nous paraissait incomplet. En effet, nos activités principales se situent particulièrement au palier primaire de l'économie québécoise, soit au niveau des matières premières, plus spécialement l'eau, les minéraux et l'énergie, ingrédients essentiels des activités économiques d'un pays industrialisé.

Il nous a donc semblé normal de nous assurer que l'utilisation de ces matières premières profite au maximum, dans un contexte réaliste, à la population québécoise. Cela impliquait qu'il nous fallait donc rassembler, évaluer, analyser, quantifier les principales caractéristiques de chaque secteur. Cet objectif global implique un travail à long terme, mais, lorsqu'il sera atteint, il nous permettra de prendre des orientations claires et sûres dans l'avenir.

Je voudrais maintenant parler des activités que nous proposons pour le présent exercice budgétaire.

Dans le domaine de l'eau, il nous faut constater que l'évolution du dossier n'est pas aussi rapide que nous le souhaiterions, les difficultés principales découlant du grand nombre d'organismes depuis les groupes de pression, les municipalités, jusqu'au gouvernement fédéral intervenant dans les différents aspects de la gestion des ressources en eau du Québec et aussi le statut particulier de la propriété de cette ressource. Toutefois, malgré ces difficultés, mon ministère a continué à mettre en application les grands principes mis de l'avant par la Commission d'étude des problèmes juridiques de l'eau et acceptés par le conseil des ministres.

A cet effet, la direction générale des eaux s'est restructurée afin de pouvoir jouer pleinement son rôle de gestionnaire des ressources en eau tel que conçu par la commission Legendre. Avant de concrétiser les principales étapes d'une politique de l'eau comme l'a définie mon ministère à la lumière des principes de la Commission d'étude des problèmes juridiques de l'eau, nous devons de plus nous assurer que la juridiction des différents ministères concernés sera respectée et, en particulier, il nous paraît important de bien définir les responsabilités des services de protection de l'environnement et du ministère des Richesses naturelles en fonction d'un modèle de gestion des ressources: eau, mines, forêts, etc., et de protection de l'environnement qui soit à la fois rationnelle et opérationnelle.

Nous présenterons, au cours des prochains mois, au conseil des ministres, un document sur une nouvelle politique de l'eau au Québec et rendrons publics les derniers tomes de la commission Legendre. C'est donc dans ce cadre que se situe notre action qui, au cours de l'année, comprendra entre autres les activités suivantes: Nous donnons tout d'abord une importance prioritaire à l'étude de la régularisation des eaux dans la région de Montréal. En effet, nous prévoyons être capables, au cours des deux prochaines années, de déterminer, en collaboration avec le gouvernement fédéral, les coûts et les bénéfices des solutions susceptibles de réduire à un niveau acceptable les innondations

annuelles et d'optimaliser les différents usages de l'eau dans cette région. C'est aussi dans la région de Montréal, qui nous paraît prioritaire, à cause entre autres de son intensité de population, que nous continuerons pour la deuxième année l'élaboration de plans d'aménagement des rives en préparant, en collaboration avec les municipalités concernées, un tel plan pour une partie de la rivière des Prairies, alors que le lac Saint-Louis est déjà complété.

Ces plans visent à assurer une gestion adéquate du domaine hydrique en fonction du bénéfice du plus grand nombre. En collaboration avec l'OPDQ, M. le Président, et les municipalités concernées, mon ministère verra à la mise en place du plan d'aménagement du bassin de la rivière Lorette, plan qu'il a préparé au cours du dernier exercice afin de permettre l'intégration de ce cours d'eau au milieu urbain en pleine expansion, tout en assurant sa conservation.

Dans ce même domaine d'aménagement des eaux, nous continuerons à collaborer avec l'OPDQ, dans la mise en place du plan Yamaska. A cet effet on prévoit, entre autres, réaliser la première phase des projets d'un barrage-réservoir à Savage Mills, en amont de Granby, et d'un mur de protection contre les inondations à Saint-Hyacinthe.

En vue d'atténuer les inondations du Haut-Richelieu, mon ministère a continué sa collaboration avec la commission mixte internationale, à qui ce problème avait été déféré à cause de son caractère international. Nous attendons pour bientôt les recommandations de cet organisme, ceci afin de réaliser les ouvrages nécessaires à l'atténuation des crues. Il est à noter que nous avons déjà obtenu l'assurance d'une participation financière du gouvernement fédéral dans cette réalisation.

Dans le domaine de la lutte contre les inondations, je tiens à mentionner de plus l'effort particulier que mon ministère a fait au niveau des mesures préventives, afin de diminuer le plus possible les dommages que subissent chaque année les riverains de nos cours d'eau, surtout dans la région de Montréal. Dans ce même domaine, nous prévoyons également étudier avec tous les organismes intéressés — entre autres les municipalités — les différents moyens administratifs, c'est-à-dire zonage, assurance, réglementation, etc., que nous pourrions utiliser pour diminuer le coût des inondations, coût qui va en augmentant d'année en année.

Le ministère des Richesses naturelles a aussi l'important rôle de connaissance de notre ressource en eau. Dans ce domaine, en plus de l'échantillonnage de base qui se fait au niveau de tout le territoire, nous prévoyons commencer cette année un programme de connaissance intégrées des disponibilités et des utilisations des ressources en eau de huit bassins importants au Québec. Au cours du prochain exercice, cette analyse minutieuse portera, comme première phase, sur les bassins des rivières Saint-François et Yamaska.

C'est dans le cadre de cette initiative que nous prévoyons également effectuer une analyse limnologique poussée de dix lacs du bassin de la rivière Saint-François. Il est à remarquer que cette analyse de lacs diffère de celle menée sur un nombre plus important de lacs par les services de protection de l'environnement. En effet, notre ministère poursuit son étude dans le but d'aider les résidants des lacs à assurer, avec notre collaboration, une gestion adéquate de la réserve d'eau, tandis que les études menées par les services de protection de l'environnement s'attaquent uniquement à la préservation de la qualité en fonction des déchets rejetés dans les lacs.

Il s'agit donc d'études complémentaires. Passons à un autre service, le Nouveau-Québec.

Comme vous le savez, le ministère a la responsabilité de presque toute l'administration gouvernementale de cet immense territoire. En collaboration avec le ministère des Affaires sociales, le ministère des Richesses naturelles continue d'implanter des services de santé et d'aide sociale sur tout le territoire du Nouveau-Québec où il existe déjà deux centres principaux de santé, à Fort George et à Fort-Chimo. La Corporation de l'hôpital de l'Ungava, de Fort-Chimo, rayonne sur tous les petits postes de la baie d'Ungava; chacun de ces postes est doté d'une infirmière résidente qui relève de la compétence professionnelle du directeur médical de l'hôpital. Il en va de même pour l'hôpital de Fort George, à la baie James.

Le ministère implante, dans chacun des villages, les équipements nécessaires, tels que cliniques et résidences. En collaboration avec le ministère des Affaires sociales, nous avons doté le Nouveau-Québec de bureaux locaux d'aide sociale qui assurent à la population autochtone des services comparables à ceux dont bénéficient les Québécois du sud. Dans le secteur du travail et de la main-d'oeuvre, à la suite d'une entente entre mon ministère et le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, nous avons mis sur pied deux bureaux régionaux de main-d'oeuvre: l'un à Poste-de-la-Baleine et le second à Fort-Chimo. Ces deux bureaux régionaux travaillent en étroite collaboration avec les agents locaux de la Direction générale du Nouveau-Québec dans chacun des villages, ainsi qu'avec les agents des bureaux d'aide sociale. Il s'agit là d'une initiative récente qui donne déjà de très bons résultats étant donné la coordination des secteurs travail, aide sociale, développement économique qui se fait au niveau du même organisme qu'est la Direction générale du Nouveau- Québec.

Etant donné l'arrivée imminente de la télévision d'Etat au Nouveau-Québec, nous avons tenu, en collaboration avec le ministère des Communications, à familiariser les populations autochtones avec ce mode de communication nouveau pour eux. Des équipements ont été installés déjà dans cinq postes du Nouveau-Québec pour permettre aux populations de faire leurs premières armes en télévision com-

munautaire avec l'aide technique des spécialistes du ministère des Communications et du ministère des Richesses naturelles. Afin de satisfaire au besoin d'information des populations autochtones du Nouveau-Québec, nous avons mis sur pied un bureau de traduction qui nous permet de communiquer avec les Esquimaux dans leur propre langue. Ce bureau, unique en son genre au gouvernement du Québec, rend à l'occasion des services à tous les ministères qui désirent communiquer avec les Esquimaux.

L'action de la Direction générale du Nouveau-Québec, dans le domaine de la coopération, s'exerce de plus en plus en étroite collaboration avec le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

Les principales initiatives dans ce secteur sont prises par l'intermédiaire d'un comité formé de la Direction générale du Nouveau-Québec et du ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, sur le plan de la coordination et de la surveillance de l'activité des dix coopératives locales et de leur fédération.

Nous avons procédé à l'analyse de la situation financière de la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec et des coopératives locales, et avons contribué à l'organisation de cours spéciaux et de stages d'apprentissage dans le but d'améliorer la formation des administrateurs autochtones des coopératives.

De plus, le ministère aide financièrement les coopératives locales du Nouveau-Québec par des prêts remboursables, en moyenne sur une période de dix ans, destinés à procurer à ces coopératives des disponibilités pour la construction de magasins, d'entrepôts, etc., ou encore pour mettre à leur disposition au départ le fonds de roulement nécessaire à leur fonctionnement.

Il est à remarquer qu'à ce jour les coopératives ont toujours tenu leur engagement financier quant au remboursement de ces prêts.

Nous considérons que la formule coopérative est la plus adéquate pour aider les autochtones à mettre en place une économie locale qu'ils devraient être en mesure d'assumer de plus en plus complètement, chaque année. C'est par le biais de ces coopératives que les autochtones pourront graduellement continuer d'assumer l'exploitation des ressources locales telles que la pêche commerciale, le tourisme, et mettre sur pied des petites entreprises locales.

Quant au secteur minier, comme vous le savez, nous attachons beaucoup d'importance à ce secteur dans le contexte de l'économie québécoise. Tel que je l'ai récemment déclaré, nous sommes conscients que pour tirer le maximum d'avantages de l'exploitation des ressources minérales, sans pour autant décourager l'initiative privée indispensable à l'expansion globale de la production minière, il faut que le Québec soit en mesure de guider la politique de mise en valeur du domaine minier à tous les stades: prospection, exploration, développement d'un secteur manufacturier primaire, puis secondaire et mise en marché.

Nous réalisons de plus en plus qu'une politique de transformation intensive des matières premières est intimement liée à la capacité de pénétration des produits québécois sur les marchés mondiaux. C'est donc à l'intérieur de ces cadres d'action que nous poursuivons les principales activités du ministère des Richesses naturelles dans le secteur des mines.

Tout d'abord, au niveau de l'exploration, nous stimulons la recherche au moyen de levés géoscientifiques qui provoquent des réactions à court terme. Ainsi, au cours des deux dernières années, nous avons mené dans le Nord-Ouest québécois des levés électromagnétiques aéroportées qui ont entraîné directement la découverte de deux gisements majeurs alors que l'un de ces relevés a provoqué le jalonnement de 6,000 claims en une semaine.

On notera que ces levés sont responsables indirectement pour la mise en évidence d'au moins un autre gisement de minéraux.

Nous poursuivons également nos travaux géologiques et géochimiques, à caractère moins spectaculaire mais tout aussi essentiel, dans le domaine de l'inventaire de nos richesses minérales québécoises.

De même, l'infrastructure minière, que nous continuons de mettre en place, facilite l'accès des régions éloignées aux prospecteurs et accentue les chances de découvertes. En guise d'illustration, soulignons la découverte d'un amas minéralisé dans le canton La Gauchetière où une compagnie avait choisi de concentrer ses travaux au voisinage d'une route de pénétration que notre ministère a réalisée au cours des dernières années.

A un autre palier, celui de la promotion et du développement minier, les activités sont nombreuses, particulièrement au sein du Service d'économie minérale et de développement minier qui prend de plus en plus d'ampleur et d'importance au ministère.

Bien que ce service n'ait été mis sur pied que depuis deux ans à peine, il abat un travail important, de façon très efficace, à mon avis. Tout d'abord, ce service travaille en priorité actuellement au projet de mise en valeur des gisements de fer du lac Albanel et du lac Chibougamau, le projet Ferchibal. Il fait, de plus, des études sectorielles élaborées, principalement au niveau de l'amiante, du fer et de l'or afin de déterminer notre situation compétitive et les possibilités d'augmenter la croissance ou la valeur ajoutée de ces secteurs.

Au niveau de la recherche et du développement, en plus du travail accompli par le Centre de recherches minérales, nous travaillons en étroite collaboration avec les promoteurs du projet de ferro-alliage dans la région du Lac-Saint-Jean. Nous étudions aussi, depuis quelques années, les possibilités de traiter de façon économique les rejets d'amiante pour en extrai-

re un concentré de fer-nickel métallisé pour l'industrie de l'acier.

Dans le secteur controversé de la transformation, nous examinons actuellement plusieurs projets qui visent au même but, soit accélérer et augmenter la transformation des matières premières sur le territoire québécois, tout particulièrement le projet de ferro-alliage du Lac-Saint-Jean, l'implantation d'usine de transformation et d'utilisation de l'amiante, de même que la mise en valeur des gisements de fer du lac Albanel et du lac Chibougamau.

Ce travail n'est pas facile car certains de ces projets posent des problèmes techniques sérieux. C'est pourquoi, en plus d'étudier les avantages et les désavantages de la création d'un office de commercialisation dans le secteur de l'amiante, nous regardons d'autres avenues éventuelles nous permettant d'augmenter la transformation au Québec, comme par exemple la mise sur pied d'un organisme québécois chargé de poursuivre la prospection de marchés à l'étranger et d'encourager l'établissement de nouvelles industries dans ce secteur.

Nous réévaluons de plus, comme vous le savez, notre fiscalité minière en fonction de nos objectifs visant à accroître la valeur ajoutée de ce secteur.

Afin donc de faciliter la tâche de nos services, nous discutons avec des économistes universitaires dans le but de poursuivre, particulièrement sur le plan quantitatif, l'analyse de la situation au niveau de la transformation dans le secteur de l'amiante.

En plus de ces principales activités, nous participons de façon intensive au comité interministériel sur la fiscalité des compagnies minières, qui jettera sans doute un nouvel éclairage sur l'apport fiscal en ce domaine de notre économie.

La somme de toutes ces activités nous amènera, espérons-le, à brève échéance, à finaliser les principaux éléments de la politique minière québécoise, politique qui sera adaptée aux conditions économiques actuelles et aux nouvelles exigences de la population.

Je veux souligner l'apport du personnel de la Direction générale des mines au travail du comité de coordination fédéral-provincial chargé d'élaborer une politique minière à l'échelle nationale. Comme vous le savez, les travaux de ce comité progressent de façon très satisfaisante, et la compétence de même que la participation constante des fonctionnaires de mon ministère sont certainement responsables en partie de cet état de choses.

L'énergie. En accord avec le cheminement que je viens de vous décrire, nous avons mis sur pied, comme vous le savez, en 1970, la Direction générale de l'énergie, qui fut la principale responsable de la conception et de la parution, dès novembre 1972, du document intitulé: Les objectifs d'une politique québécoise de l'énergie qui guide, depuis ce temps, nos actions dans ce secteur vital.

La concrétisation de nos objectifs amorcée depuis cette date se poursuit, même si, à la suite de la crise énergétique, nous avons dû, dans une certaine mesure, réévaluer notre stratégie et modifier l'ordre de nos priorités.

Tout d'abord, il nous paraît toujours aussi essentiel de nous assurer un approvisionnement diversifié et des plus sûrs possible, à partir des années 1977 et 1978 et, en conséquence, nos discussions continuent avec certains pays producteurs, même si celles-ci, commencées il y a déjà un an, ont été ralenties à la suite du conflit au Moyen-Orient.

Cet objectif de diversification de nos approvisionnements nous semble, en effet, primordial car les prévisions de production de pétrole canadien acceptées par la majorité des spécialistes démontrent que la production de pétrole au Canada, du moins jusqu'en 1990, ne pourra suffire à la demande de l'ensemble des consommateurs canadiens et cela même si nous cessions d'exporter du pétrole vers les Etats-Unis.

En effet, il est prévu que la production canadienne s'établira comme suit, de 1980 à 1990: En 1980, on devrait retirer environ 1,475,000 barils par jour en pétrole conventionnel, plus le pétrole synthétique, qu'on évalue à environ 220,000 barils par jour, soit une production de 1,700,000 barils par jour en 1980. En 1985, le pétrole conventionnel devrait présenter pour environ 1,080,000 barils par jour, alors que le pétrole synthétique augmentera à 500,000 barils par jour, pour un grand total, en 1985, de 1,580,000 barils par jour.

Or, pendant la même période, la demande canadienne sera supérieure à ce que le Canada pourra produire. En effet, on prévoit qu'en 1980 la consommation s'élèvera à environ 2 millions de barils, pour passer à 2,300,000 barils en 1985 et à 2,600,000 en 1990, soit un écart de près de 1 million de barils par jour à cette date entre la capacité de production du Canada et ses besoins.

Cependant, nous avons été le premier gouvernement, au Canada, à percevoir cette situation et à réagir. Nous avons, en effet, mis l'accent sur la nécessité de s'assurer d'autres sources d'approvisionnement. Nous avons, à ce sujet, pris ou appuyé trois mesures concrètes. La première fut de chercher à s'assurer d'un approvisionnement à long terme avec un pays producteur. La deuxième, qui découle de cette dernière, de construire un oléoduc de Sarnia à Montréal afin d'acheminer du pétrole importé vers le centre de l'Ontario et ainsi conserver nos réserves de pétrole conventionnel, ou inversement d'acheminer du pétrole canadien vers Montréal en fonction des avantages de l'un ou de l'autre marché. Enfin, comme vous le savez, nous augmenterons très bientôt le capital social de Soquip afin de lui permettre, entre autres, d'explorer systématiquement le territoire québécois de sorte que nous puissions, peut-être, dans l'avenir, nous approvisionner en pétrole et en gaz naturel sur notre propre territoire.

Cet ensemble de moyens nous permettra donc de continuer à satisfaire les besoins du Québec lorsque l'oléoduc Portland-Montréal ne pourra plus suffire à la demande.

Au palier de la distribution, la crise énergétique a mis en évidence certaines imperfections du système, que nous avons d'ailleurs déjà commencé à corriger par la loi 33 sur le commerce des produits pétroliers.

Il reste évidemment beaucoup à faire et nous étudions actuellement diverses possibilités qui pourraient nous aider à régulariser tout aussi bien les prix des produits que leur disponibilité au Québec. C'est dans ce cadre que nous travaillons en collaboration avec le Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal à un projet de loi capable d'atteindre cet objectif. De même, nous examinons avec attention l'orientation qu'a prise, en ce sens, la Nouvelle-Ecosse, qui utilise sa Régie des services publics pour s'assurer que les prix des produits pétroliers aux consommateurs soient justes et équitables.

A ce sujet, vous n'êtes pas sans savoir que, depuis septembre environ, les prix du pétrole brut importé ont presque triplé au Québec et que, n'eût été l'entente survenue entre les premiers ministres des provinces et le gouvernement fédéral, nous aurions à débourser des prix beaucoup plus élevés pour les produits pétroliers dont nous avons un besoin essentiel. Les prix du pétrole mondiaux se situent en effet, depuis le 1er février dernier, à environ $10.50 le baril. Or, à la suite d'une entente survenue avec le gouvernement fédéral et les provinces, les consommateurs québécois paient maintenant leurs produits pétroliers à des prix qui sont basés sur le nouveau prix canadien de $7.20, ce qui évidemment entraîne une économie considérable aux Québécois.

Toujours au niveau de la distribution et à la suite des allégations formulées par certaines associations de distributeurs, nous avons demandé au service de la distribution des produits pétroliers de la Direction générale de l'énergie d'instaurer une enquête à ce niveau afin de s'assurer que les pratiques normales de commerce soient respectées particulièrement en ce qui concerne les conditions de baux, les prix et l'implantation rapide de libres-services. Cette tâche s'avère évidemment difficile à cause du nombre de distributeurs impliqués, de leur éparpillement sur le territoire québécois et des nombreuses compagnies avec lesquelles ils font affaires.

Malgré cela, nous aurons, espérons-le, un portrait complet de la situation dans les mois qui viennent. Notre travail, dans le secteur énergétique, ne s'arrête évidemment pas là. C'est ainsi, par exemple, qu'au niveau de la politique nationale dans le secteur de l'énergie nous participons activement aux auditions de l'Office national de l'énergie sur les sujets qui nous impliquent. Ainsi, l'an dernier, à la suite de nos représentations, ce tribunal a accédé à notre demande qui visait à faire de la zone géographique de Sarnia-Montréal une seule zone de tarification. Je n'ai évidemment pas à vous énumérer les avantages de cette décision qui, en pratique, nous accorde des frais de transport identiques à une région située à plus de 500 milles à l'ouest de Montréal.

Tout dernièrement, nos avocats ont fait valoir devant le même tribunal la position du Québec en ce qui concerne les exportations de pétrole canadien vers les Etats-Unis, en plus évidemment de représenter nos intérêts lors d'une autre audition sur la construction de l'oléoduc Sarnia-Montréal. Très bientôt, nous formulerons la position du Québec sur la demande de Trans-Canada Pipe-Lines à l'Office national de l'énergie visant à faire majorer sa tarification. Enfin, nous préparons actuellement un dossier pour étayer, à l'automne, les vues du Québec sur les politiques d'exportation de gaz naturel vers les Etats-Unis.

Nous participons également activement au comité interministériel sur la fiscalité des compagnies pétrolières. Les progrès effectués par ce comité nous donneront la possibilité, très bientôt, espérons-le, de jeter un nouvel éclairage sur l'apport de ces compagnies à l'économie et aux intérêts québécois. De façon plus générale, nous étudions actuellement les avantages qu'aurait le Québec à participer à la recherche et à la mise en valeur des réserves gazières et pétrolières de l'Arctique canadien. Nous soumettrons bientôt un projet en ce sens au gouvernement qui jugera de sa valeur.

Enfin, nous sommes à élaborer, comme nous l'avons d'ailleurs fait auparavant dans le secteur pétrolier, une politique gazière en accord avec les exigences et besoins du Québec pour les décennies à venir. Le gaz naturel prend de plus en plus d'importance comme facteur d'industrialisation et il nous parait donc nécessaire de nous donner une politique gazière qui réponde aux exigences actuelles. Comme vous le savez, nos objectifs de politique énergétique visent, dans la mesure du possible, à équilibrer l'utilisation des diverses formes d'énergie disponibles au Québec. C'est pourquoi nous épaulons actuellement les efforts qui sont faits, entre autres par la compagnie Gaz Métropolitain pour augmenter de façon sérieuse les disponibilités en gaz au Québec. Le gaz est une forme propre de combustion et est, de plus, un facteur important d'industrialisation; il nous semble donc essentiel de faciliter sa disponibilité et son utilisation.

Dans le secteur de l'électricité, la politique du gouvernement actuel consiste à nous assurer, d'une part, que la demande québécoise pour cette forme d'énergie continuera d'être satisfaite dans l'avenir et, d'autre part, que les deniers publics servant à répondre à cette demande seront utilisés de façon optimale.

A cette fin nous avons mis sur pied, il y a déjà plus de deux ans, un comité chargé d'étudier le budget d'immobilisation de l'Hy-

dro-Québec. Ce comité, présidé par le sous-ministre des richesses naturelles et composé de spécialistes du ministère des Finances, du Conseil exécutif et de mon ministère, doit s'assurer que les politiques d'investissement de l'Hydro-Québec concordent avec les objectifs du gouvernement et qu'elles sont faites dans un esprit de saine administration. Il étudie sérieusement, entre autres les prévisions des demandes du Québec dans l'avenir.

Les fluctuations dans les disponibilités et les prix des formes alternatives d'énergie, de même que les changements dans le mode de vie de la population, rendent cette évaluation difficile et ses prédictions périlleuses. Nous commençons cependant à nous faire une opinion assez claire sur ce prérequis vital à toute planification à long terme des investissements de ce secteur.

A ce niveau, l'Hydro-Québec a mis en marche un programme nucléaire parallèle au programme d'hydro-électricité qui vient épauler l'énergie traditionnelle et prendra éventuellement la relève. Les premiers jalons de son programme sont déjà en place, comme vous le savez, Gentilly I, Gentilly II, de 600 mégawatts entrera en opération vers 1979. Par la suite on prévoit construire une troisième centrale nucléaire au même endroit. Ces centrales seraient possiblement alimentées en eau lourde par une usine qui serait située à proximité. Voilà donc en bref les principaux dossiers qui attireront notre attention au cours de l'année dans ce secteur.

Je suis conscient de ne pas avoir mentionné et élaboré sur plusieurs des activités importantes du ministère des Richesses naturelles, mais nous aurons certainement l'occasion, au cours de la discussion des crédits, de revenir sur les sujets qui intéresseraient davantage les membres de cette commission. Merci, M. le Président.

M. LEDUC: M. le Président, si on me permet, une seconde, je ne veux pas enlever le droit de parole au chef de l'Opposition ni au chef du Ralliement créditiste, je pourrais proposer que le député de Drummond soit rapporteur de cette commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je remercie le député de Taillon de sa proposition qui est adoptée. Je donne la parole au chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, avant de procéder à l'étude des divers programmes, permettez-moi d'exposer brièvement les vues d'ensemble de l'Opposition sur les politiques du ministère des Richesses naturelles. Si l'on se reporte au discours que prononçait le ministre, le 9 avril dernier en Chambre, et si l'on tient compte des observations qu'il vient de nous faire, un certain nombre d'observations générales s'imposent.

Je pense qu'il nous faudrait reprendre un certain nombre de thèmes qui ont déjà été exposés lors des crédits de l'année 1973/74, puisqu'à notre avis, depuis lors, le ministère, par son action ou par son manque d'action, compte tenu évidemment de la crise énergétique que nous avons traversée depuis l'automne, le ministère, avec des excuses dans certains cas et sans excuse dans d'autres, a très peu fait pour faire progresser le débat sur les richesses naturelles. Ce matin je ne retiendrai qu'un ou deux secteurs que je connais mieux que les autres, et où les politiques et interventions dont le ministre vient de nous faire part me paraissent tout à fait insuffisantes. Dans le secteur minier, le ministre, à plusieurs reprises, a établi un tableau extrêmement optimiste de la situation. Il y a hausse des prix de presque toutes les matières premières, rareté croissante sur le plan mondial de ces richesses, nécessité, à notre avis, que les Québécois retirent le maximum de rente économique de leurs richesses naturelles.

Le ministre, notamment dans son discours du 9 avril, nous a parlé des expériences entreprises par plusieurs gouvernements étrangers, comme les associations de pays producteurs, l'augmentation des redevances. Mais, quand on scrute la politique actuelle du ministère, on est obligé de constater qu'en ce qui concerne le Québec ces belles expériences sont encore à l'état de paroles, à l'état de projets lointains.

En ce qui concerne le dossier minier, j'ai eu l'impression, à entendre le ministre tout à l'heure, que son premier souci, l'article premier de sa politique se résumait dans l'objectif suivant: Surtout ne pas décourager l'initiative privée, auquel il ajoute, mais sotto voce, la transformation intensive des richesses naturelles au Québec même. Si l'on considère les chiffres les plus récents que nous possédons dans le domaine minier, il faut constater que la production a augmenté en moyenne de 15 p.c. en 1973 par rapport à 1972. Les prix connaissent également une spirale impressionnante dont, à l'heure actuelle, seules les sociétés tirent profits.

Prenons, par exemple, le cas de l'amiante, sur lequel j'aurai peut-être l'occasion de revenir tout à l'heure. Les prix ont augmenté de 8 p.c. en 1973 et, depuis le début de 1974, nous sommes témoins de deux hausses de 15 p.c. et de 10 p.c. respectivement, c'est-à-dire d'une hausse globale de 25 p.c. en quelques mois. Pour ce qui est de la production de l'argent, les prix ont presque doublé; nous sommes passés de $3 à $5 l'once. Dans le cuivre, le prix a doublé au cours de l'année 1973. Au début de mai de cette année, le prix était de $1.40 la livre et on parle de $2 la livre, à court terme. Pour le zinc, au cours du premier trimestre de 1974 le prix est passé de $0.20 à $0.30 la livre; c'est une augmentation, si je ne m'abuse, de 50 p.c.

Disons quelques mots des profits des entreprises minières au Québec, qui atteignent, comme on l'a constaté à plusieurs reprises dans la presse, des sommets sans précédents. En 1973, nous avons été témoins d'une hausse de 238 p.c. des profits, j'entends au Canada, pour

les entreprises qui ne font que l'extraction, et de 113 p.c. pour les entreprises intégrées, c'est-à-dire qui procèdent aussi bien à l'extraction qu'à la transformation. En 1974, un autre chiffre intéressant est le suivant: la société Noranda a vu ses profits passer à $36 millions pour le premier trimestre, comparativement à $21 millions pour le premier trimestre de 1973; une augmentation de l'ordre de 70 p.c. En 1974, pour une production minérale qui va atteindre $1 milliard, le ministre des Finances prévoit, dans son discours du budget, que le Québec recevra, sous formes de droits et de permis, à peine $18 millions. Evidemment, ce chiffre n'inclut pas l'impôt sur les profits des sociétés minières.

J'ai l'intention de demander au ministre, et d'entrer dans les détails: Cela est-il raisonnable quand on voit, par exemple, ce que les autres provinces canadiennes sont en train de faire dans ce domaine? J'entends dans le domaine précis des redevances et des droits.

Cela rejoint d'ailleurs un débat que j'ai eu avec le ministre du Revenu et repris avec le ministre des Finances, qui est celui des impôts sur les sociétés pétrolières, sur les profits des sociétés pétrolières qui, dans l'ensemble du Canada, atteignaient $400 millions l'année dernière. Ces sociétés qui sont autorisées à déduire de leurs revenus pour les fins de l'impôt, les dépenses d'exploration, qui n'ont pas effectué au Québec 2 p.c. de leur programme d'exploration — 2 p.c. du programme d'exploration qu'elles ont effectué au Canada — versent au Québec des impôts sur les profits qui ne dépassent pas $4 millions, se situant entre $3 et $4 millions, alors que ces profits atteignent vraisemblablement au Québec, d'après ce qu'on peut savoir, plus de $100 millions.

Plusieurs provinces nous ont déjà donné l'exemple, M. le ministre; elles ont décidé d'augmenter substantiellement leurs revenus miniers. Je pense en particulier au Manitoba — ce sont des dossiers que le ministre connaît sûrement très bien — qui, on l'annonçait il n'y a pas si longtemps, a doublé ses taxes minières. C'est le Globe and Mail du 23 mars 1974 qui nous faisait part d'un certain nombre de décisions dans ce sens.

L'Ontario impose un impôt progressif sur les profits des sociétés, ce qui aura pour effet de doubler les recettes. Le taux sera de 40 p.c. pour les entreprises ayant un profit supérieur à $40 millions.

La Colombie-Britannique instaure des redevances équivalant à 2 1/2 p.c. de la valeur de la production en 1974 et à 5 p.c. — on a annoncé 5 p.c. — pour 1975. La Colombie-Britannique décide d'instaurer une super redevance équivalant à 50 p.c. de toute augmentation de revenus provenant d'une croissance rapide des prix, c'est-à-dire d'une croissance de plus de 20 p.c.

Ce sont donc les autres provinces qui nous montrent qu'il est possible de retirer une rente économique plus considérable des richesses naturelles qui nous appartiennent — et on tend à oublier, la plupart du temps, avec cette mentalité que le Québec ne peut être développé que par d'autres et pour d'autres — ce sont les autres provinces, dis-je, qui nous donnent l'exemple de la possibilité de tirer une rente économique plus considérable et, de la sorte, de mettre les richesses naturelles un peu plus au service des Québécois.

Pendant ce temps, pendant que le Québec étudie, tergiverse et surtout hésite à décourager, comme le ministre l'a dit, l'initiative privée, alors qu'il s'agit tout simplement de faire en sorte que cette initiative privée soit quand même un peu plus au service des Québécois, pendant ce temps, le gouvernement fédéral, lui, s'apprête, avec le bill C-4, à occuper le domaine législatif en matière de transformation des productions minérales.

Jetons un coup d'oeil maintenant, si vous le voulez bien, sur l'amiante. Il y a longtemps que le ministère étudie ce dossier. C'est même désormais la population, les principaux intéressés qui semblent vouloir prendre le dossier en main et faire des propositions au ministère. Je pense que tout le monde sait que le CRD de l'Estrie a étudié cette question depuis déjà plusieurs années et a proposé récemment non pas des solutions radicales, comme la nationalisation, mais une solution tout à fait raisonnable, dans les circonstances, qui est celle d'une agence de mise en marché, laquelle pourrait pratiquer éventuellement un système de prix favorisant l'implantation au Québec d'industries de transformation de cette richesse naturelle.

Que fait le ministère? Le ministère étudie cette question superficiellement, je tiens à le dire. J'ai eu entre les mains un document que le ministre voudra peut-être un jour rendre public lui-même, puisque tout le monde l'a maintenant, semble-t-il, dans lequel le ministre a fait étudier les aspects constitutionnels de la création d'une agence de mise en marché de l'amiante.

Je tiens à dire au ministre que j'ai l'intention, à moins que ce ne soit le député de Saguenay qui le fasse, de l'interroger longuement sur ce document, qui est un document superficiel, un document qui, sur le plan constitutionnel, est d'une faiblesse que je ne qualifierai pas, d'une faiblesse étonnante en tout cas. Tout ce que le ministre a trouvé jusqu'ici, c'est de faire faire cette étude superficielle de quelques pages sur l'un des principaux problèmes en ce qui concerne la transformation sur place de nos richesses naturelles.

Nous allons — j'en préviens le ministre — tenter d'aller au fond de ce dossier. Nous avons l'intention, notamment, d'étudier avec lui à fond l'aspect constitutionnel de l'agence de mise en marché. D'autres provinces agissent dans ce domaine. Faudra-t-il que le Québec soit encore le dernier à emboîter le pas et à s'accrocher dans les fleurs du tapis avec de faux

arguments d'ordre constitutionnel? On a l'impression, à lire les discours du ministre, récemment, les réponses qu'il nous a faites en Chambre à plusieurs de nos questions concernant l'agence de mise en marché, que le ministre entend se réfugier derrière ces arguments de constitutionnalité.

Si le ministre nous dit qu'il a des solutions plus pratiques à faire valoir, nous voulons bien en discuter au mérite. Mais s'il veut éviter de répondre et éviter de prendre position sur une question aussi cruciale, simplement en disant que c'est un problème d'ordre constitutionnel, eh bien, nous allons dire au ministre, de deux choses l'une: Ou bien cette agence n'est pas contraire à la constitution, auquel cas nous nous attendons à ce qu'il agisse rapidement et à ce qu'il prenne position; ou bien cette agence est effectivement contraire au droit constitutionnel canadien et, alors, il faudrait en conclure que la thèse que nous défendons à l'Opposition, depuis longtemps, à l'effet qu'on ne pourra résoudre les problèmes de la transformation des richesses naturelles au Québec par et pour les Québécois que dans l'indépendance, est juste.

Au fond, le ministre devrait se méfier d'un rapport comme celui-là où on tente d'établir qu'une agence de mise en marché serait inconstitutionnelle. Le ministre démontre de la sorte son manque de pouvoirs dans ce domaine. Le ministre démontre que le Québec n'est pas compétent pour agir. C'est une pente dangereuse et j'hésiterais fortement à la suivre si j'étais lui. C'est une pente dangereuse pour lui-même, en tout cas, parce que nous, nous avons toujours soutenu qu'avec ou sans obstacle d'ordre constitutionnel nous n'aurions une véritable politique minière au Québec que le jour où nous aurons en main les principaux leviers de commande de l'économie.

Puisque l'occasion m'en est donnée, est-ce que je pourrais rappeler peut-être quelques-uns des points majeurs de l'attitude du parti que je représente dans ce domaine? En ce qui concerne l'amiante, nous avons proposé déjà, depuis longtemps, une agence de commercialisation. Ou, alors, si les sociétés intéressées résistaient à l'implantation d'une telle agence, on pourrait étudier la possibilité d'étatiser au moins l'une des sociétés. Le ministre ne peut pas nier que ce serait fort utile pour arriver à connaître le prix véritable de la richesse extraite du sol québécois. On pourrait, à tout le moins, s'assurer du contrôle majoritaire de l'une des sociétés.

Pour ce qui est de la transformation, nous pensons qu'on ne doit pas accorder de nouveaux droits à moins de garanties qu'un pourcentage minimum sera transformé sur place, au Québec, et nous pensons particulièrement, dans ce domaine, au fer.

Pour ce qui est de l'extraction, nous avons dit à plusieurs reprises qu'il conviendrait de rapatrier les "claims" non utilisés, qu'il convien- drait d'accepter le principe d'une certaine indexation des droits au prix des métaux ou encore au prix des produits finis. Au cours du débat sur les crédits, à l'étude des divers programmes, nous avons l'intention de revenir là-dessus. Dans le cas de nouveaux gisements, il conviendrait d'établir le principe que l'Etat doit être partenaire au niveau de la société d'extraction. Pour l'instant, je me contenterai de ces remarques en ce qui concerne le domaine minier.

Je voudrais ajouter quelques remarques en ce qui concerne la politique énergétique du gouvernement. On a l'impression, à écouter les discours récents du' ministre, que le secteur public — ce qu'il appelait si pudiquement, dans son livre blanc de 1972, le "secteur témoin", c'est-à-dire, pour parler franc, le secteur public — est maintenant relégué plus ou moins aux oubliettes, en tout cas pour ce qui est du mandat b) de SOQUIP; j'entends le raffinage et la distribution.

Le seul geste qui a été posé par le gouvernement a été d'augmenter les crédits à $7 millions pour l'année 1974/75, mais exclusivement pour l'exploration minière. Pendant ce temps, pendant que le gouvernement ne débloque pas le mandat b) de SOQUIP, le gouvernement fédéral, lui, crée PETROCAN, avec un capital social autorisé de $500 millions, une possibilité d'emprunt garanti jusqu'à $1 milliard, et la charte de PETROCAN prévoit les mêmes objectifs que SOQUIP: exploration, raffinage, distribution.

M. le ministre, vous êtes, dans ce domaine, à la croisée des chemins, parce que pendant que vous hésitez à faire quelque chose, le pouvoir fédéral, lui, se place les pieds, le pouvoir fédéral légifère.

On dira que le pouvoir fédéral l'a fait à reculons, aiguillonné par le tiers parti qu'est le NPD. Peu importent les motifs que le gouvernement fédéral invoque, peu importent les forces qui l'ont amené à agir de la sorte, il faut constater qu'il y a maintenant une société fédérale d'Etat qui entre de plain-pied dans ce domaine. J'ai l'impression, M. le ministre, que vous êtes en train d'être dépassé sur toute la ligne par cette initiative fédérale.

Y a-t-il place, au Québec, pour deux sociétés d'Etat: l'une fédérale, qui contrôlerait peut-être un réseau de distribution, éventuellement, et une société québécoise, qui en contrôlerait un autre? La position que nous avons prise là-dessus, je pense que le ministre le sait, c'est qu'au Québec, il ne doit y avoir qu'une seule société d'Etat et qu'il faudrait, sur ce plan, suivre un certain nombre de précédents qui ont déjà été posés au Québec. Je pense à la Caisse de dépôt, je pense à quelques autres sociétés d'Etat où le Québec a décidé de mettre sur pied son propre secteur public et d'exercer toute l'activité à l'intérieur du territoire québécois.

Est-ce que votre gouvernement, M. le ministre, a l'intention d'exiger que seule SOQUIP puisse entreprendre des opérations d'explora-

tion, de raffinage, de distribution au Québec? Parce que si ce n'est pas votre intention et si vous laissez le pouvoir fédéral s'implanter, vous pouvez dire d'avance: adieu veau, vache, cochon, couvée! SOQUIP sera appelée à végéter et à s'étioler puis, éventuellement, à disparaître.

Evidemment, le gouvernement fédéral a sur vous un avantage considérable, possédant le pouvoir de négocier avec les pays étrangers, de contrôler l'entrée du pétrole, de le taxer à l'entrée sous forme de droits douaniers, de le contingenter à l'entrée sous forme de quotas.

Le pouvoir fédéral est en mesure même, éventuellement, d'étendre la ligne Borden à l'ensemble du Québec et à l'ensemble de l'Est du pays. C'est effectivement ce dont, d'ailleurs, nous sommes témoins, vous ne pouvez pas le nier, depuis quelques mois. On a dit qu'on a supprimé la ligne Borden. En réalité, ce qui pourrait bien se passer, c'est que la ligne Borden inclue le Québec tout simplement et que nous soyons intégrés, de gré ou de force, il semble bien que ce soit de notre plein gré, dans le marché pétrolier canadien.

Evidemment, on ne peut pas en vouloir au pouvoir fédéral d'avoir décidé d'amener l'oléoduc de Sarnia à Montréal. Je ne voudrais pas d'ailleurs que votre ministère, comme vous avez semblé le faire, revendique la paternité de ce projet, M. le ministre; ce n'est pas une décision québécoise, c'est une décision fédérale. Il faut que ce soit bien clair. Toutefois, je suis prêt à admettre qu'elle n'est pas entièrement au détriment des Québécois, à condition que vous réalisiez votre objectif d'obtenir la plus grande diversité d'approvisionnements possible. Mais, du train où vont les choses, ce que je craindrais, si j'étais vous, c'est qu'une fois que l'oléoduc sera là il y ait une tendance de la part du pouvoir fédéral à favoriser systématiquement cet oléoduc, à favoriser systématiquement la production pétrolière de l'Ouest. Et le pouvoir fédéral possède tout ce qu'il faut pour prendre de telles décisions. Comme, par exemple, de contingenter l'importation des produits pétroliers en provenance aussi bien du Moyen-Orient que du Nigeria, que du Venezuela, qui sont les pays qui nous fournit la plupart de nos approvisionnements surtout à l'heure actuelle.

Le pouvoir fédéral peut non seulement imposer des droits douaniers mais il peut contingenter l'entrée de ces produits, avec le résultat que, bon gré mal gré, si on n'y fait pas attention, nous pourrions nous trouver inclus à l'intérieur d'un marché entièrement unifié et qu'un jour, cela pourrait bien se produire, le coût des produits pétroliers de l'Ouest soit supérieur au prix international et que nous soyons obligés, de gré ou de force, d'accepter de payer le prix canadien.

Je voudrais dire deux mots peut-être, avant de terminer ces brèves remarques introductives, du conflit entre les grandes sociétés de pétrole et les distributeurs. Il est inadmissible, à notre avis, qu'aucun organisme québécois, organisme qui pourrait être, par exemple, le tribunal de l'énergie, ne soit habilité à arbitrer les conflits entre les distributeurs et, je pense surtout aux indépendants, les grandes sociétés qui contrôlent l'importation et le raffinage. Les petits distributeurs représentent le seul élément de concurrence dans cette industrie, qui, vous le savez, est sujette à un cartel, l'un des cartels les plus étroits, les plus intégrants qui existent. A défaut de les enrôler, comme on cherche à le faire, en y mettant, quelquefois, plus de force qu'il ne serait légitime, on tente de les faire disparaître et tous les moyens sont bons, y compris la force physique, dans certains cas. Là-dessus, nous aurons l'occasion d'interroger le ministre sur des cas qui nous ont été signalés.

Vous savez que dans certains pays, notamment en France, il n'y a pas si longtemps, on a fait des procès spectaculaires dans ce domaine, on en est même arrivé à condamner certains producteurs, et on a fini par établir un code de relations producteurs-distributeurs.

Il est grand temps qu'on se penche sur ces problèmes au Québec. A l'heure actuelle, les grandes sociétés refusent d'approvisionner tout nouvel établissement indépendant. Il y a visiblement concertation entre elles. Ces pratiques, vous le savez, M. le ministre, existent depuis des années.

En conclusion, aussi bien pour ce qui est des mines que pour la politique énergétique, qui sont les domaines que j'ai voulu à peine effleurer ce matin dans ces remarques introductives, je dirai qu'il est grand temps que le ministre passe à l'action.

Cela fait quatre ans qu'il étudie des dossiers. Il nous a même donné, en 1972, une amorce de politique pétrolière authentiquement québécoise pour laquelle il aurait eu notre appui s'il avait vraiment voulu établir, notamment pour ce qui est du pétrole, une véritable société d'Etat, un véritable "secteur témoin", pour parler pudiquement comme le ministre.

Il ne faudrait pas que le ministère prétexte éternellement des études en cours, comme celle, par exemple, sur la fiscalité minière ou encore sur la fiscalité pétrolière dont nous avons discuté lors des crédits du ministère du Revenu et du ministère des Finances, pour priver encore plus longtemps les Québécois des revenus auxquels ils ont droit par rapport à leurs propres richesses naturelles.

Au fond, ce qui sépare le gouvernement actuel de l'Opposition, ce n'est pas seulement un conflit au niveau des techniques qu'il faut mettre en oeuvre; c'est — appelons-le par son nom — un conflit d'ordre idéologique. A notre avis, le gouvernement actuel se résigne beaucoup trop facilement à laisser le Québec être développé par d'autres et pour d'autres essentiellement, alors que les Québécois de plus en plus veulent développer leur pays et notamment ses richesses naturelles par eux-mêmes et pour eux-mêmes.

C'est un conflit tout à fait fondamental; j'ai

l'impression, M. le Président, qu'il ne sera réglé que le jour où les Québécois auront décidé de reprendre en main les leviers de leur développement et de la planification économique, et ce jour-là, je crois que ce sera celui de l'indépendance. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, parmi les remarques que faisait le ministre ce matin dans son exposé d'introduction, il y a certains sujets qui nous intéressent particulièrement. Nous avons remarqué, notamment en ce qui concerne les problèmes pétroliers, que le ministre n'avait pas, ce matin, à nous annoncer de dispositions nouvelles. Nous avons remarqué qu'il semble, au ministère, qu'on soit encore dans ce domaine à la remorque de décisions qui sont prises à d'autres paliers.

En effet, M. le Président, je veux bien croire que le ministre a des exposés très techniques à faire en ce qui concerne ces sujets particuliers, autant celui de la transformation de nos produits dans le domaine des richesses naturelles que le domaine minier, mais je voudrais faire remarquer au ministre que ce qui intéresse, en fait, la population, ce ne sont pas tellement les grands exposés techniques que les résultats qu'on peut voir apportés dans ces différents domaines.

A ce jour en tous cas, nous sommes en mesure de constater que finalement toute cette grande crise de l'énergie que nous avons traversée n'en était pas une plus qu'il ne fallait. Au début, comme il fallait s'y attendre, bien sûr — je ne lance pas directement la pierre au ministre, c'est probablement un autre palier — on a tenté de semer la panique dans la population en exposant les dangers d'un manque de produits pour l'hiver qui s'en venait. Or, on se retrouve au printemps et personne n'a manqué de produits; au contraire, au niveau du gouvernement fédéral, il semble qu'on en a à vendre passablement de ce temps-ci, et à un prix qu'on a payé passablement cher aussi.

Cela nous amène à ne pas toujours croire ce qu'on nous dit et à considérer plutôt les faits et les résultats. Or, les faits et les résultats sont que présentement on est dans une période où on paye très cher les produits pétroliers. On aura beau, M. le Président, nous amener toutes sortes de bonnes raisons qui peuvent évidemment, sur le plan technique, se défendre, il se trouve que les raisons qu'on nous a données l'automne dernier n'étaient pas valables, n'étaient pas vraies; ce n'était qu'un consensus pour viser à augmenter les profits de certains cartels internationaux.

Dans ce domaine-là, on se reportera, M. le Président, à des articles de journaux. Ce n'est pas moi qui les ai écrits, je ne suis pas journaliste encore, jusqu'à ce jour du moins, et si je l'étais peut-être que dans certains cas les articles seraient différents. En tout cas, de toute façon, ceci dit, si on se reporte à un article paru dans la Presse du 23 avril 1974, nous verrons que pendant qu'on faisait de la publicité tapageuse pour dire aux Canadiens qu'on était en pleine crise, tout le monde augmentait ses profits de façon extraordinaire. Dans cet article on y voit que, par exemple, les profits de l'Imperial Oil ont doublé au cours du premier trimestre, pour atteindre $92.7 millions ou $0.71 par action, comparativement à $46 millions ou $0.36 par action durant la même période de 1973.

Il y a d'autres compagnies aussi, M. le Président, qui s'en sortent pas mal avec ça. Gulf Oil Corporation, des Etats-Unis, a annoncé que ses bénéfices nets avaient progressé de 76 p.c. au cours des trois premiers mois de l'année, pour atteindre $290 millions ou $1.49 l'action, contre $165 millions au terme du premier trimestre de 1973 ou $0.80 l'action. Il y en a d'autres aussi. La Standard Oil, seizième producteur de pétrole aux Etats-Unis, a affiché une hausse de 29 p.c. des profits enregistrés durant le premier trimestre; Sun Oil, une augmentation de 85 p.c. de ses bénéfices pour un trimestre, soit $91 millions, tandis que Petrofina dévoilait une hausse de 300 p.c, soit $13 millions.

M. le Président, c'est, je pense, le genre de crise qu'on a vécue. C'est surtout cette crise qui fait que finalement c'est le consommateur qui toujours paye la note et qui fait les frais des ces crises plus ou moins artificielles. Evidemment, ce sont ces mêmes grandes compagnies multinationales — on retrouve ça dans la Presse du 16 avril 1974 — qui en 1971, au nombre de 640 n'ont pas payé d'impôts à Ottawa. Vous me direz que c'est un autre gouvernement, mais on est quand même dans un système fédéral, et lorsque de telles compagnies ne payent pas d'impôt fédéral, bien sûr, ça grève d'autant les revenus que le Québec pourrait recevoir d'Ottawa.

Evidemment, il y a un autre problème qui se pose. C'est que plusieurs de ces compagnies ne paient même pas d'impôt au Québec. J'ai souvent entendu le ministre nous dire qu'il avait fait son grand possible, que le premier ministre est même allé à Ottawa, etc., etc. Il y a eu une conférence des premiers ministres, justement. Les conférences des premiers ministres, c'est pour la façade. En effet, des sources dignes de foi nous rapportent qu'en coulisse on retrouvait surtout des gros bonnets de certaines compagnies pétrolières internationales qui semblaient surveiller des intérêts, et le capital en même temps, alors que se déroulait en façade, à la télévision, la conférence des premiers ministres.

M. le Président, tout ceci nous amène, nous du peuple en tout cas, à revendiquer des changements, à revendiquer les changements que nous avons le droit, je pense, de revendiquer. Seulement pour vous donner un aperçu de la situation, M. le Président, encore actuellement il y a, dans le domaine de la vente au

détail des produits pétroliers, une différence de $0.10 à $0.12 le gallon d'essence entre une ville du Québec et une ville de l'Ontario qui sont situées à quelque 50 milles l'une de l'autre. C'est dans la région du Nord-Ouest québécois et c'est le même territoire, M. le Président; il n'y a pas de barrière internationale entre les deux. Au Québec et en Ontario, à quelques milles de distance, vous avez de $0.10 à $0.12 de différence, par gallon, et j'ai ici toute une série de stations service qui ont été vérifiées.

On a les prix et c'est la différence générale. Pendant tout ce temps-là, nous avons beau en parler, poser des questions au gouvernement, on nous répond toujours la même chose: On est accroché après le fédéral, on est accroché après le Canada. Bon, on peut être accroché après le fédéral, oui, mais on peut quand même être nous-mêmes dans ce fédéralisme-là et il ne semble pas qu'on le soit présentement.

A l'occasion, justement, de la réunion d'un comité à Ottawa, M. Donald Macdonald faisait ressortir qu'il appartient aux provinces de surveiller le prix des produits pétroliers. Ce n'est quand même pas au fédéral, et c'est le fédéral qui le dit. Le fédéral, lui, voit à exercer un contrôle au niveau de la vente en gros. Le ministre Macdonald faisait remarquer, mercredi au comité, que les prix de détail étaient de juridiction provinciale et qu'il reviendrait donc aux provinces de surveiller les prix à ce niveau, si elles le désiraient, option que la Nouvelle-Ecosse a déjà mise en oeuvre. En date du 13 avril 1974, selon une nouvelle parue dans le Soleil, la régie des services publics de la Nouvelle-Ecosse a ordonné à la compagnie Imperial Oil de ramener ses prix, pour le pétrole brut, à ce qui était en vigueur le 12 décembre dernier. C'est une mesure qui a été prise. Cela ne veut pas dire que le ministère doit prendre les mêmes mesures, exactement; cela ne veut pas dire que le gouvernement du Québec doit prendre les mêmes mesures, mais il y a des mesures à prendre.

Justement, dans l'Action du 26 avril, on retrouve une autre nouvelle, cette fois-là, en provenance de la Colombie-Britannique: "Un projet de loi a été déposé mercredi à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique interdisant toute augmentation du prix des produits pétroliers sans approbation préalable de la Commission d'énergie de la Colombie-Britannique." On l'a demandé à plusieurs reprises, dans ce domaine comme dans certains autres domaines, par exemple, où la Régie des services publics doit statuer, où les intéressés doivent justifier leur demande d'augmentation et où, évidemment, le tout peut se dérouler sur la place publique. Je pense que, comme dans certains autres domaines, dans le domaine de l'énergie, il faudra un jour, si on veut protéger le consommateur québécois, qu'on en arrive aussi à utiliser la Régie des services publics pour que ces compagnies multinationales, quelles qu'elles soient — je ne veux faire de publicité favorable ou défavorable à aucune compagnie — aient, elles aussi, à justifier les augmentations de prix au détail. C'est inacceptable qu'on assiste à des augmentations de profits telles que celles que je vous ai mentionnées tantôt, alors que le consommateur, lui, est aux prises avec cela sans aucune espèce de possibilité de se défendre. Il doit payer et se taire.

Si on a un gouvernement pour protéger la population, le gouvernement doit prendre des mesures énergiques à ce moment-ci pour protéger le consommateur. Bien entendu, je n'irai pas jusqu'à prôner l'étatisation. D'ailleurs, ce n'est pas la philosophie que je préconise et je n'ai pas l'intention d'aller jusque-là. Mais, si on ne veut pas qu'un jour elle soit justifiée, cette étatisation-là, il faut qu'on prenne des mesures maintenant. Si on les laisse faire, les plus grands défenseurs de l'entreprise privée seront probablement ceux-là qu'on retrouvera au premier rang pour demander leur étatisation, si ça continue comme ça, parce que c'est l'abus qui justifiera des prises de position qui seront catégoriques et extrêmes, peut-être.

Je pense qu'il faut non seulement que ces gens-là prennent des responsabilités et qu'ils soient plus raisonnables, mais il faut aussi que le gouvernement soit celui qui impose des directives à ce moment-ci pour protéger l'intérêt public. Je n'ai pas cru comprendre encore que le ministre avait de telles intentions. Je lui pose la question; je lui demande si un jour, au moins, il n'envisagera pas de prendre des dispositions semblables à celles qui ont été prises par la Colombie-Britannique ou par la Nouvelle-Ecosse.

Aussi, il y a toute cette question de la taxe sur la gazoline que le ministre pourrait peut-être envisager aussi. Dans un temps où tout est extrêmement cher, dans un temps où on risque le pire à tous les jours à cause de l'inflation, je pense que le gouvernement ne devrait pas en profiter pour augmenter, en même temps, ses revenus.

Evidemment, lorsque les compagnies en sont rendues à augmenter les prix au détail, comme c'est le cas présentement, lorsque la taxe de vente est au pourcentage, bien entendu le gouvernement augmente ses revenus en même temps.

M. le Président, de toute façon, cela se retrouve dans toute l'administration publique et c'est un élément que je veux faire comprendre aussi au ministère. Il y a aussi ce problème qui est posé par toutes ces questions entre les compagnies distributrices et le détaillant. Evidemment, cela n'a pas commencé hier et cela n'a pas commencé la semaine passée non plus, cela fait longtemps que ça dure.

Nous croyons assister à un effort, de la part de ces compagnies multinationales, à s'emparer de tous les réseaux, c'est-à-dire de la production à la distribution au détail, à la consommation. Bien entendu, lorsqu'on contrôle le tout au grand complet, c'est plus facile de contrôler en

même temps les prix, parce qu'on enlève la concurrence. La concurrence est valable pour protéger les prix à la consommation, à la condition qu'elle se fasse en partant du prix de détail, en partant du détaillant. Si, jusqu'au détaillant, il n'y a plus de concurrence! Je pense qu'au niveau des compagnies multinationales, on ne trouve pas de concurrence. On trouve, je pense, des arrangements agréables et favorables.

Mais au niveau des détaillants, celui qui doit faire affaires avec le public, celui qui doit faire affaires avec le consommateur, il y a cette espèce de souci, du moins, de donner un meilleur service avec un meilleur prix. Cela a amené les détaillants à faire certaines revendications auprès des distributeurs, auprès des fournisseurs pour avoir aussi des meilleurs prix. C'est peut-être "achalant" pour les compagnies multinationales d'être obligées finalement d'enlever ça du marché et de prendre le tout en main. On voit naître de cette façon des stations-service qui sont plutôt des comptoirs d'essence, où on a enlevé ce service qui était donné généralement à l'automobiliste par les concessionnaires indépendants ou encore les concessionnaires qui sont rattachés directement aux compagnies, qui donnaient quand même un certain service à l'automobiliste. De moins en moins, nous avons sur les routes de ces services à l'automobiliste. On vend de l'essence, on vend des produits pétroliers, on lave l'automobile, mais quant au reste, on tend, si on comprend bien, à faire disparaître les détaillants qui donnaient ce genre de service. On ne respecte pas les baux. Il semble que certains détaillants aient fait des ententes avec des compagnies pour un certain prix de location, alors que des stations-service n'avaient peut-être pas tellement de clientèle. Et quand le détaillant a réussi à monter une bonne clientèle, quand le détaillant commence à faire certains profits, à bien s'arranger, on augmente le prix de location, on augmente les exigences etc., etc., ce qui fait évidemment qu'on retrouve beaucoup moins de détaillaints aujourd'hui, et les compagnies vendent leurs produits directement.

M. le Président, dans un autre domaine, dans le domaine minier, j'apprécie l'effort que fait le ministère quant à l'exploration. Je sais que, dans la région que je représente, nous avons eu, il y a quelques années, certains problèmes particuliers, le ministère des Richesses naturelles a fait des efforts d'exploration que j'ai appréciés. Cependant, il demeure qu'on peut encore améliorer. Il y a aussi, je pense, un domaine où le ministère pourrait parfois rassurer les populations, c'est un domaine qui, je pense, est particulier à la région de Rouyn-Noranda où toute une ville est rattachée à une mine qui est la mine Noranda. J'en ai déjà parlé au ministre, à quelques reprises, il est au courant qu'à certains moments on annonce la fermeture de la mine pour telle date, ou qu'on reporte la fermeture à telle autre date. Finale- ment, il fallait lire entre les lignes pour comprendre que l'avenir est plus rose que ce qu'on laissait entrevoir à ce moment-là.

J'ai posé des questions en Chambre au ministre, à un certain moment donné, pour lui demander de nous faire connaître les possibilités de minerais dans cette région pour que, quand même, on ne laisse pas la panique s'emparer de la population. Cela se passait il y a un peu moins d'un an. Finalement, comme par enchantement, on a trouvé tout ce qu'il fallait pour alimenter la mine Noranda. Il n'y a plus de problème. Cela coincide généralement avec des négociations...

M. MORIN: Conventions collectives.

M. SAMSON: ... conventions collectives. Cela arrive un peu avant les conventions collectives. On lance ces nouvelles. Alors, je pense que, pour éviter ce genre de spéculations et ce genre de panique, le ministère pourrait mieux informer la population des possibilités de minerais dont il est au courant. Je sais que le ministère était au courant qu'il y avait, dans cette région du moins, suffisamment de réserves. Si le ministre n'était pas au courant, il y a sûrement quelqu'un qui l'était. Je pense que le ministre l'est aussi bien que moi.

De toute façon, le tout est rentré dans l'ordre maintenant. Encore là, évidemment, dans un système de libre entreprise, il faut compter avec toutes les spéculations que cela entrafne. Je sais que celui qui prend des responsabilités, qui investit de l'argent veut faire des profits. C'est absolument normal et mon but n'est pas d'empêcher personne de faire des profits, sauf qu'il y a le plan social. Ceux qui font de l'extraction, qui exploitent les richesses naturelles dans une région où une ville est bâtie alentour d'une seule industrie ont aussi des responsabilités sociales. Parmi les responsabilités sociales qu'ils ont, s'il en est une, c'est sûrement de ne pas permettre qu'on sème la panique comme cela s'est déjà fait. Je pense qu'il y a moyen d'éviter que cela se reproduise, sans que cela n'entrave les possibilités de l'investisseur d'avoir un retour important pour son investissement, de faire des profits raisonnables. Je parle de profits raisonnables parce que, dans ce domaine comme dans d'autres, quand on dépasse ce qu'il est convenu d'appeler raisonnable, cela amène certaines gens à justifier des positions extrémistes.

Si on ne veut pas être obligés d'en arriver à des positions extrémistes, il faut que, dans le domaine de l'entreprise privée, on s'en tienne à des conditions raisonnables. Les temps ont changé, il revient aussi à l'entreprise privée de jouer un rôle social dans des régions comme ça.

Je pense que, du côté du ministère, pour l'avenir, si jamais de telles choses se reproduisent, le ministère a des responsabilités à prendre dans ces domaines.

On pourrait évidemment parler de plusieurs

mines. De toute façon, le problème minier, comme vous le savez, c'est un problème qui est le même dans toutes les régions minières. Lorsqu'une mine manque de réserve, il y a évidemment fermeture. On a connu des fermetures dans notre région, comme il y en a eu dans d'autres régions parce qu'on manquait de minerai.

Par sa politique d'exploration, en collaboration avec les exploitants de certains secteurs, le ministère aurait avantage à garantir ou à permettre que, dans une région donnée, un territoire ne soit pas complètement fermé, comme cela a été le cas de Cadillac il y a deux ou trois ans, parce qu'une mine avait décidé de fermer ses portes pour une raison ou pour une autre, pour des raisons qui étaient très discutables dans le temps. Je sais que le ministre a suivi ce dossier de près. Mais il demeure qu'on a risqué que toute une région soit fermée, que des employés, que des familles qui ont investi de l'argent pour des habitations ou autres, le perdent après avoir payé pendant 15 ou 20 ans, avoir fait des paiements pendant autant de temps. Ils se retrouvent un bon jour sans emploi disponible dans cette région, avec encore des obligations et aucune espèce de garantie pour couvrir ces obligations, c'est-à-dire que la valeur des propriétés est complètement tombée parce que la région doit fermer, si vous le voulez. Evidemment, il faut éviter ça.

La preuve qu'il y a des possibilités de l'éviter, c'est qu'à la mine Preissac, qui a été fermée pendant ce temps, aujourd'hui, on a des travaux et il semble qu'il y a quelque chose à faire avec cela. Alors, s'il y a quelque chose à faire maintenant, il y avait peut-être quelque chose à faire dans le temps. Entre le moment de la fermeture et le moment où on a recommencé à faire des travaux, beaucoup de gens ont perdu de l'argent, de l'argent qu'ils ont ramassé difficilement, à force de travail.

Evidemment, le ministère, je pense, a un rôle à jouer pour empêcher que des choses semblables ne se reproduisent, en prévoyant des réserves, d'une part, sur un même territoire ou, d'autre part, lorsqu'on veut fermer une mine et qu'on nous dit que c'est parce qu'il ne reste pas de minerai, en s'assurant que c'est bien vrai.

Je rappellerai que j'avais fait parvenir, d'ailleurs, un dossier complet au ministère, à la fermeture de cette mine. Quelqu'un — un géologue, je pense — de la région, qui avait fait une étude, avait préparé un dossier que j'avais donné au ministre, à ce moment-là. Il soutenait, dès ce moment, qu'il y avait quelque chose à faire là, que le tout n'était pas épuisé. Il soutenait cela. J'ai l'impression qu'on ne l'a pas cru.

De toute façon, cela n'a rien changé pour ce moment-là. Il y a peut-être eu d'autres raisons aussi. Je n'en voudrai pas au ministre de ne pas me divulguer tous les secrets des transactions possibles, parce qu'il reste qu'il y a peut-être une question d'investissement, il y a peut-être d'autres questions. Ce que je veux, c'est illustrer au ministre qu'il y a peut-être des possibilités que les régions minières soient mieux protégées, qu'on soit moins victime de spéculations qu'on ne l'a été dans le passé.

Il y a des possibilités et j'aimerais que le ministre nous fasse part au moins de certaines bonnes intentions de ce côté, quoique je sache — je l'avoue, M. le Président — que le ministère a déjà posé des gestes, dans le domaine de l'exploration, qui ont rendu énormément de services dans notre région.

M. le Président, je ne ferai pas d'autres remarques pour le moment. Je pense qu'on aura l'occasion, aux différents programmes de crédits, de revenir sur certains sujets.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, ceci complète les remarques préliminaires. Puis-je suggérer à la commission que nous procédions maintenant à l'étude des crédits programme par programme, alors que toute la latitude possible sera donnée de poser des questions d'ordre général à l'intérieur de ces programmes?

Programme 1, inventaires et recherches, élément 1, inventaires et études géologiques.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais suggérer, en l'absence du député de Saguenay, qui a approfondi chacun de ces dossiers et qui aurait été ici, d'ailleurs, ce matin, s'il n'avait été cloué au lit par une mauvaise grippe, étant donné qu'il est déjà passé midi, que nous suspendions la séance? Je sais qu'il y a eu des contacts entre mon bureau et le ministre, plus tôt ce matin, et que le ministre s'est montré disposé à faciliter les choses.

M. MASSE: Est-ce qu'il doit être de retour cet après-midi?

M. MORIN: Plutôt demain, je crois. Mais si nous suspendions la séance, cela me donnerait, du moins, l'occasion de prendre connaissance un peu plus en profondeur des dossiers, notamment des programmes 1, 2 et 3, qui pourraient faire l'objet de l'étude cet après-midi.

Ce qui conviendrait le mieux, c'est que ce soit le député de Saguenay qui prenne en main l'étude de ces crédits pour l'Opposition officielle. Je me permettrais donc de suggérer que nous suspendions pro forma et que si, par hasard, il se révèle que le député de Saguenay ne peut pas être là et que, d'autre part, je doive, pour ma part, être à l'étude des crédits du ministère des Finances, parce que nous n'avons pas terminé l'étude des crédits de ce ministère, alors ce pourrait être, sur la recommandation du leader du gouvernement en Chambre, ajourné à demain matin.

Je regrette les circonstances; elles sont tout à fait fortuites.

Je n'ai appris la maladie du député de Saguenay qu'une demi-heure avant la séance, ce matin.

M. MASSE: Personnellement, M. le Président, je n'ai pas d'objection. Nous allons en discuter avec le leader ce midi.

M. MORIN: Je remercie le ministre.

M. LEDUC: Juste une remarque avant que nous ne terminions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Taillon.

M. LEDUC: Le ministère a préparé un dossier pour les membres de l'Opposition. Dossier qui a été déposé ce matin. Bien que je ne fasse pas partie de cette Opposition mais que cependant j'aurai à siéger à la commission, puis-je demander au ministre et à ses collaborateurs de songer qu'à la commission il y a onze membres et que ce serait peut-être avantageux que chacun de ces membres ait un exemplaire de ce dossier?

M. MASSE: On me dit qu'il en manquait trois. Nous pourrons les photocopier ce midi et dès qu'ils seront prêts, nous vous les enverrons.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais féliciter le ministre. Il est malheureusement exceptionnel qu'on nous fournisse une documentation comme celle-là avant de commencer l'étude des crédits des divers ministères.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission suspend ses travaux jusqu'à nouvel ordre de l'Assemblée.

(Fin de la séance à 12 h 11)

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