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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le jeudi 4 juillet 1974 - Vol. 15 N° 122

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Rapport des activités de l'Hydro-Québec


Journal des débats

 

Commission permanente

des richesses naturelles

et des terres et forêts

Rapport des activités de l'Hydro-Québéc

Séance du jeudi 4 juillet 1974

(Onze heures seize minutes)

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs! Pour la séance d'aujourd'hui, voici les changements: M. Morin (Sauvé) remplace M. Bédard (Chicoutimi), M. Massicotte (Lotbinière) remplace M. Carpentier (Laviolette), M. Bacon (Trois-Rivières) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) et M. Saint-Pierre remplace M. Shanks.

Alors, M. le ministre des Richesses naturelles aurait un mot à dire pour commencer la séance.

Taux de croissance de la consommation d'électricité

M. MASSE: M. le Président, je veux simplement revenir à une question posée par le député de Saguenay hier, tentant de mettre en contradiction une de mes allocutions par rapport aux prévisions de l'Hydro-Québec. En relisant mon texte, la chose est très différente.

M. LESSARD: Vous pensez?

M. MASSE: Si vous permettez que je lise quelques paragraphes de ce document, je pense qu'on revient à peu près à la position ou aux prévisions de l'Hydro-Québec actuellement. Alors, je disais à la page 15 de mon texte du 26 mars 1974...

M. LESSARD: Vous pouvez déposer le texte.

M. MASSE: Je pourrai le déposer par la suite, oui.

M. LESSARD: Article 177.

M. MASSE: ... que "si certaines études préliminaires que nous avons entreprises et que nous devrons terminer durant le cours de l'été s'avèrent justes et si la réalité des données des années qui viennent correspond aux tendances historiques, nous pouvons percevoir, premièrement, que le taux de croissance de la consommation énergétique pour le Québec aurait tendance à diminuer progressivement jusqu'en l'an 2000. Ce taux, qui était annuellement d'environ 6 p.c. entre 1960 et 1970, tendra à fléchir vers 3 p.c. vers 1990.

Cela rejoint les données contenues dans l'allocution du président de la Commission hydroélectrique, M. Giroux, où on dit qu'en somme le taux de croissance aux Etats-Unis a été, jusqu'en 1972, de 3.4 p.c. et que cette tendance devrait se poursuivre. C'est pour l'ensemble des sources énergétiques. Aussi, plus loin, j'ajoutais que "la part relative des diverses formes d'énergie en l'an 2000 sera sensiblement la même qu'aujourd'hui si nos prévisions préliminaires s'avèrent exactes. Nous prévoyons, en effet, les consommations sectorielles suivantes pour le Québec, jusqu'en 1990..."

Les gens de l'Hydro-Québec mentionnaient que dans les quinze prochaines années, on atteindrait près de 30 p.c. — la partie électricité — alors que dans mon texte je mentionnais 27.1 p.c. Je voulais rectifier — je vous l'ai rectifié, M. le Président — certains propos d'hier, et j'aurai l'occasion, au cours de la journée, de déposer ce texte.

M. LESSARD: Je n'ai pas compris trop bien la dernière déclaration concernant la diminution de la demande d'énergie. Est-ce que le ministre parle de 6 p.c?

M. MASSE: Pour l'ensemble de la consommation, on pense que vers 1990 le taux de croissance atteindra environ 3 p.c.

M. LESSARD: 3 p.c. de taux de croissance.

M. MASSE: Taux de croissance qui, jusqu'en en 1972, a été à peu près de 3.4 p.c. aux Etats-Unis alors que chez nous il était de 6 p.c, et on dit que la tendance devrait plutôt rapprocher les deux...

M. LESSARD: En ce qui concerne l'électricité, on prévoit, je pense, qu'il va y avoir une augmentation dans ce secteur, et M. Giroux estime ce taux de croissance à 8 p.c. et non pas 3 p.c. Jusqu'ici, le président de l'Hydro-Québec...

M. MASSE: J'ai mentionné la totalité, la croissance, excusez, M. le Président, je veux quand même rectifier les faits, j'ai mentionné qu'il y avait un taux de croissance pour l'ensemble du secteur énergétique et non uniquement pour l'électricité. Je n'ai pas mentionné de pourcentage précis pour l'électricité. J'ai dit que la part de l'électricité augmenterait au cours des prochaines années, ce qui vient confirmer les allégations de l'Hydro-Québec.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le chef de l'Opposition officielle.

Croissance du coût des travaux de la baie James

M. MORIN: Me permettez-vous, M. le Président, avant de poser la première question, de faire quelques observations préliminaires. Tout d'abord, la lecture des documents qui nous ont été distribués hier m'a convaincu qu'on ne

saurait accorder trop d'importance à la comparution de l'Hydro. Les investissements actuels dans la production et la distribution de l'électricité représentent quelque 40 p.c. de tous les investissements manufacturiers au Québec et cette proportion tend à s'accroître plutôt qu'à décliner.

C'est donc l'un des postes les plus importants de l'affectation des ressources collectives que nous étudions en ce moment. Or, nous le savons tous, la collectivité a de nombreux besoins essentiels.

L'énergie constitue, certes, un besoin absolument essentiel au développement mais ce n'est pas le seul auquel la collectivité doit faire face. On comprendra donc que l'Opposition ne puisse être insensible, en particulier, à deux dimensions, deux faits qui ont été mentionnés au cours de la journée d'hier, soit le coût plus que doublé, ou à tout le moins doublé, de la baie James et l'augmentation des tarifs. Notre inquiétude se fixe d'abord sur la croissance fulgurante des coûts. De $5.8 milliards, dans le cas de la baie James, nous sommes passés à $12 milliards pour le complexe La Grande optimalisé, à moins que ce ne soit davantage.

Comme nous allons en faire la démonstration ce matin, les $12 milliards semblent constituer un minimum; étant donné que nous n'avons de chiffres certains, de chiffres sûrs que pour LG 2, alors que pour LG 1, LG 3 et LG 4, on en est encore au stade de l'exploration. S'il faut se fier aux augmentations de coût dont nous avons été témoins, ne serait-ce que pour LG 2, nous pouvons nous attendre que les $12 milliards soient un minimum. Certes, il y a eu une augmentation de 24 p.c. de la capacité installée, mais les coûts de base ont augmenté substantiellement en raison des révisions de plan et du début des entrées de soumission. Il n'y a pas que l'inflation; les dépassements de coût, nous commençons à peine à voir ce que cela va être.

Pour LG 1, pour LG 3, pour LG 4 nous n'avons pas encore de devis. C'est donc avec une certaine anxiété que nous attendons cette étape des travaux. Aussi, ne sommes-nous pas surpris de voir que certains journaux ont parlé de $18 milliards, voire de $20 milliards. On a même dit que le chiffre de $18 milliards pouvait venir du gérant du projet, la Société Bechtel. Nous serions fort intéressés à ce titre — je le dirait tout à l'heure — à voir déposer devant cette commission le contrat remettant la gérance à Bechtel.

Hausse des tarifs de l'électricité

M. MORIN: En second lieu nous sommes inquiets également de la hausse de tarif annoncée. Pour 1973, le tiers de l'augmentation des revenus, c'est-à-dire une somme de $31 millions, provient de la hausse des tarifs, comme le président de l'Hydro-Québec nous l'a appris hier dans son exposé, à la page 10.

Or, comme il est dit à la page 13 du même exposé, l'augmentation de l'autofinancement a été de $33 millions, c'est-à-dire, en gros, une somme équivalente, soit la différence entre $171,680,000 de 1972 et les $204 millions de 1973.

Ce n'est pas parce que les coûts montent, semble-t-il, que l'Hydro-Québec a augmenté ses tarifs l'an dernier. Si elle a été obligée d'augmenter ses tarifs, il semble bien que ce soit pour financer la baie James, puisque les deux montants que j'ai mentionnés correspondent.

J'ai l'impression, M. le Président — et nous avons l'intention de nous étendre sur cette question aujourd'hui, d'aller au fond de cette question — que sans la baie James, l'Hydro-Québec n'aurait pas besoin de la hausse de tarif de 10 p.c. qu'elle nous annonce, échelonnée sur plusieurs années.

Notre impression, à la lecture du rapport de M. Giroux — je crois qu'il aura fort à faire pour démontrer le contraire — c'est que toute cette augmentation de tarif est due à la baie James et non pas à la hausse des coûts de production de l'électricité.

En troisième lieu, pour ce qui est des coûts comparés, nous allons tenter également d'explorer les diverses hypothèses dont l'Hydro-Québec nous a fait part hier. La plupart des hypothèses nous paraissent très critiquables. Qu'il s'agisse du taux d'utilisation — là-dessus, nous pourrons nous référer aux taux qui ont été obtenus à Pickering, qui ont fait l'objet de rapports qui sont certainement connus de l'Hydro-Québec — qu'il s'agisse du réinvestissement, qu'il s'agisse du renouvellement, toutes ces hypothèses nous paraissent quelquefois critiquables, quelquefois plus que douteuses.

Si elles étaient modifiées un tant soit peu dans un sens ou dans l'autre, il nous parait qu'on pourrait démontrer que l'énergie nucléaire coûterait le même prix et peut-être même moins que le complexe La Grande et, en plus de ça, en outre, cette énergie, aurait l'avantage d'étaler, dans le temps, beaucoup plus qu'on peut le faire pour la baie James, les investissements et les emprunts.

De toute façon, il semble bien que les coûts de base du nucléaire ne peuvent monter. Au contraire, nous nous attendrions plutôt, sauf en raison de l'inflation naturellement...

UNE VOIX: Ah!

M. MORIN: Oui, bien sûr, mais ce n'est pas de ça que nous parlons. Il semble bien... Je vois que le premier ministre nous honore de sa présence, ce matin.

M. BOURASSA: Avec les faussetés...

M. MORIN: J'espère qu'il écoutera avant de dire quoi que ce soit et de nous apporter sa confiture ou sa marmelade habituelles.

M. BOURASSA: Une série de faussetés qu'on entend,...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. BOURASSA: ... en série. M. MORIN: Nous verrons bien. UNE VOIX: ... la déconfiture. M. BOURASSA: C'est épouvantable.

M. MORIN: On va bien voir. C'est vous qui êtes pris avec ce problème et vous allez avoir à vous en expliquer.

M. BOURASSA: Vous allez voir ce qu'il va vous arriver avec cette question.

M. MORIN: M. le Président, en ce qui concerne les coûts du nucléaire, nous estimons, jusqu'à preuve du contraire, que, l'inflation mise à part, les coûts ne peuvent que diminuer par rapport à Pickering, par rapport à Gentilly. Tandis que ceux de la baie James sont des coûts qui, dans une large mesure, demeurent hypothétiques puisque, pour LG 1, LG 3 et LG 4, nous n'avons pas encore devant nous de chiffres définitifs. Ce n'est donc pas de $12 milliards qu'il faut parler. Je suis bien convaincu que, l'année prochaine, on viendra encore devant cette commission pour nous dire : II y a eu ceci, il y a eu cela, il y a tels facteurs, c'est maintenant $15 milliards. L'année suivante, ce sera $18 milliards. Et l'année suivante, combien? Nous aimerions bien que l'Hydro-Québec et le gouvernement nous donnent des chiffres un peu plus sûrs que ceux-là.

M. BOURASSA: Vous connaissez le taux d'inflation...

M. MORIN: En résumé, l'Opposition ne peut que se montrer très inquiète devant la tournure des événements, devant ce que nous avons entendu hier. Maintenant, nous pouvons peut-être revenir aux questions que nous avions commencé à poser.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, à la suite de l'intervention du chef de l'Opposition officielle, je voudrais lui faire la suggestion. Aux questions et interrogations qu'il se pose, peut-être devons-nous commencer par la fin qu'il a suggérée, c'est-à-dire vider complètement... Hier — si je peux m'expliquer — nous avons établi clairement que la demande anticipée de l'ensemble du réseau jusqu'aux années 1985, c'était quelque chose de fondé. Ce sont des études sérieuses qui ont mené à ça. Je pense que nous avons donné libre choix à l'Opposition de mettre en doute l'évolution de la demande tant dans le secteur domestique que dans le secteur industriel.

Or, nous avons vu et très clairment qu'il y a un déficit de puissance de l'ordre d'environ 10,000 MW, qu'il faut combler d'une façon ou de l'autre, à moins que quelqu'un veuille bien se lever et dire qu'on va retourner à l'ère de la chandelle.

M. MORIN: D'une façon ou de l'autre.

M. SAINT-PIERRE: D'une façon ou de l'autre. Il me parait fondamental ce matin que la première question à vider, c'est quelle est réellement pour le Québec, compte tenu du bien commun de la collectivité, compte tenu de l'enjeu des investissements, des deux solutions celle qui représente les choix les plus plausibles?

Je pense que l'Hydro-Québec — et je l'en remercie — encore cette année, mais d'une façon peut-être plus détaillée que l'an dernier, nous a fourni un document qui illustre bien quelle est la nature de ces choix et qui, en particulier — on doit le déplorer — tente de mettre fin à des critiques souvent absolument injustifiées qui font preuve de si peu de rigueur intellectuelle. Je suggérerais de reprendre les relevés de presse qui rapportent, depuis trois ans, ce qu'on a entendu sur cette question et je pense que même le chef de l'Opposition a suffisamment de rigueur intellectuelle pour admettre avec moi que certaines personnes — on en avait une illustration flagrante, hier, dans le petit papier qui a été distribué — ont tenté d'induire la population en erreur en citant des chiffres qui ne se comparent absolument pas.

D'ailleurs, en relisant le document de l'Hydro-Québec, on se rend compte que ceux qui l'ont préparé ont tenté de nous signaler les erreurs les plus flagrantes qui peuvent être faites, qui vont du fait de comparer uniquement des coûts d'investissement et de ne pas tenir compte des coûts d'exploration, de ne pas tenir compte de la réserve qui est différente dans un cas et dans l'autre. Il y a nombre d'aspects techniques, mais qui, pour prendre une bonne décision, me paraissent fondamentaux.

Je pense que peut-être il y a intérêt à ce que l'Opposition pose des questions. Nous en avons, nous aussi, à poser sur le document qui, justement, tente de justifier le choix qui a été fait en 1970 entre une filière nucléaire et la filière de la baie James.

D'ailleurs — et ce serait peut-être le premier sens de mon intervention — ce n'est pas la première fois que ce choix se pose. Sur ce point, il faut dire que le Parti québécois est très constant; il fait preuve de la même erreur et il la répète constamment. Je ne sais pas si c'est un entêtement ou quoi. Peut-être qu'on pense que c'est une mission prédestinée ou, au contraire, comme dans d'autres cas, on substitue à la fin en soi des moyens. C'est comme l'indépendance, c'est comme le fédéralisme. Ce n'est pas une fin en soi.

M. MORIN: C'est pour cela qu'après vous être opposés au nucléaire mordicus, vous commencez à en faire ! Cela doit être pour cela.

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président, la première chose que je voulais...

M. MORIN: Ce sont des fausses affirmations.

M. SAINT-PIERRE: ... faire, c'est un rappel historique, parce qu'il faut se rendre compte que ce n'est pas seulement en 1974 qu'on soulève cela, ce n'est pas seulement en 1970 et en 1971 qu'on a soulevé cela. La même question a effectivement été soulevée lorsqu'en 1966/67 on a eu le choix entre l'énergie de Churchill Falls et l'énergie de centrales nucléaires. A l'occasion, des hommes très bien connus du Parti québécois agissaient comme conseillers du gouvernement et malheureusement, sur ce plan, on voit jusqu'à quel point c'étaient des mauvais conseillers. S'il y a quelque chose dont on doit rendre hommage à l'Hydro-Québec et en particulier aux cinq hommes qui sont devant nous comme commissaires, c'est l'épargne considérable dont ont bénéficié les Québécois avec le contrat de Churchill Falls, mais rappelons-nous... On pourrait le nommer s'il fallait le nommer.

M. MORIN: Ce n'est pas de cela qu'on parle.

M. SAINT-PIERRE: Non, mais je vous rappelle l'erreur parce que, fondamentalement, si on avait suivi l'entêtement de Jacques Parizeau à l'époque, on aurait dit non à Churchill Falls et on aurait dit non aux 5,000MW qu'on obtient, je pense que c'est assez bien connu, avec un coût approximatif de 3 mils pour les 66 ans du contrat. On peut voir le calcul, ce sont des millions et des millions de dollars qui ont été sauvés à l'épargne québécoise et aujourd'hui c'est aussi incroyable...

M. MORIN: Ce que vous faites dire à Parizeau est faux en ce qui concerne Churchill Falls.

M. BOURASSA: C'est un secret de polichinelle.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'on peut demander au président de l'Hydro-Québec si, à un certain moment, à l'époque des années soixante, dans le gouvernement de M. Johnson, on n'a pas remis en cause la décision de Churchill Falls ou on n'a pas eu un doute de dernière heure et tenté de le soulever.

M. LESSARD: M. le Président. M. BOURASSA: Bien oui, mais...

M. SAINT-PIERRE: C'est un point important historiquement, je pense qu'il faut le soulever.

UNE VOIX: Vous êtes mal pris.

M. LESSARD: Question de règlement. On n'est pas mal pris du tout. Si on veut convoquer M. Parizeau ici, on est bien prêt à faire en sorte qu'il soit convoqué et accepté qu'il soit convoqué. Le ministre de l'Industrie et du Commerce fait dire certaines choses à M. Parizeau alors qu'il n'est pas ici. Je pense qu'il était normal qu'en 1966 on envisage différentes hypothèses. Ces hypothèses ont été envisagées et on a opté pour une solution, on s'est engagé dans une solution. Ceci était normal. Nous ne sommes plus en 1966. Nous sommes aujourd'hui en 1974 et depuis 1966, il y a eu quand même certaines modifications qui se sont présentées, qui se sont faites depuis cette période.

Si le ministre de l'Industrie et du Commerce est prêt à accepter que M. Parizeau soit convoqué à cette table, il n'y a aucun problème. Mais, je ne pense pas qu'il soit normal de faire dire des choses à un conseiller du gouvernement qui n'est pas ici pour se défendre.

Quant à moi, je ne suis pas au courant de ce qu'a dit M. Parizeau à cette période, je ne peux pas vous répondre, mais il était normal qu'on envisage à ce moment-là les deux possibilités comme il est normal qu'on envisage aujourd'hui...

M. BOURASSA: Mais, M. le Président, c'est connu que dans le Parti québécois on favorise le nucléaire.

M. LESSARD: Non, on envisage des possibilités.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition lui-même ne cesse, depuis qu'il a été élu, de favoriser le nucléaire et le thermique au détriment de l'hydraulique.

M. LESSARD: Aucunement.

M. SAINT-PIERRE: En réponse à la question de règlement, je veux tenter de prouver que fondamentalement il n'y a pas eu de modification. Ce que je veux tenter de dire, c'est que ce choix que la collectivité et les élus du peuple doivent faire, et que la commission doit recommander au gouvernement pour qu'il prenne ses responsabilités, assisté par les gens de l'Hydro-Québec, ce choix s'est posé en trois occasions et que l'expérience, le recul du temps d'à peine sept ou huit ans que nous avons, prouve que fondamentalement d'après moi que c'est le meilleur marché, que le Québec ait jamais conclu sur le plan économique que celui des chutes Churchill.

Qu'on pense que nous allons avoir, dans 50 ans d'ici, 3,000 kWh, et qu'on compare n'importe quelle étude sérieuse que nous avons dans le moment. Deuxièmement...

M. LESSARD: Cela coûtait $1 milliard.

M. SAINT-PIERRE: Je vais vous en donner d'autres milliards. Je vais vous dire que l'année passée, vous vous rappelez...

M. MORIN: Vous comprenez surtout...

M. SAINT-PIERRE: Une seconde. Je vais vous dire que, l'an dernier ou il y a deux ans, lorsqu'on a posé le même problème — et vous vous rappelez, on prendra le journal des Débats...

M. LESSARD: Oui.

M. SAINT-PIERRE: ...je vous ai mentionné que compte tenu de l'énergie...

UNE VOIX: On l'a...

M. SAINT-PIERRE: Le journal des Débats?

UNE VOIX: Les ébats.

M.BOURASSA: M. le Président, on était dans une mer de chiffres.

M. LESSARD: On a la mémoire longue, vous allez le voir tout à l'heure.

M. SAINT-PIERRE: Si vous l'avez tellement, vous vous rappelez que, l'an dernier, alors que le projet avait une puissance de 8,000 MW et produisait une certaine quantité d'énergie — je n'ai pas les chiffres devant moi —j'avais dit que ça me paraissait fondamental qu'avec les études de l'Hydro-Québec de l'an dernier, sur une période de 50 ans, chaque année, les Québécois épargnaient environ $150 millions. Cette année, je vous invite à regarder...

M. LESSARD: N'allez pas aux conclusions tout de suite.

M. SAINT-PIERRE: Un instant, un instant.

M. LESSARD: On va les discuter, il y a différentes hypothèses là-dedans. N'allez pas aux conclusions tout de suite.

M. SAINT-PIERRE: Oui, et les hypothèses, je vais vous montrer que, dans bien des cas...

M. BOURASSA: II va terminer, vous parlerez après.

M. SAINT-PIERRE: ... on peut jouer avec les hypothèses...

M. LESSARD: On verra.

M. SAINT-PIERRE: ...bien sûr, mais moi je pense que, dans ce cahier, ce sont des experts qui défendent les hypothèses. Vous pourrez soulever des questions, moi j'en ai à soulever. Lorsqu'on dit d'une centrale hydraulique, que sa vie utile est de 50 ans, je suis capable d'indiquer des centrales hydrauliques qui fonctionnent très bien dans le moment, qui n'ont jamais été conçues avec autant de précaution qu'on le fait aujourd'hui au niveau des sols, au niveau de la planification, au niveau de l'appareil manufacturier et qui continuent de fonctionner plus longtemps que 50 ans. Je pense qu'on peut dire à ces gens-là qu'il est possible que ces centrales...

M. LESSARD: Les centrales nucléaires.

M. SAINT-PIERRE: ... de Manic 1, de Manic 2, qu'après 50 ans ces centrales vont fonctionner parfaitement bien,...

M. LESSARD: Et les centrales nucléaires?

M. SAINT-PIERRE: ...ce n'est pas la même chose que Manic. Arrêtez-moi deux secondes...

M. MORIN: ... à trente ans. M. LESSARD: A trente ans?

M. SAINT-PIERRE: ...si, M. le Président, on reprend le dernier tableau, cela me parait fondamental pour les choix qu'on a faits, à moins qu'on veuille faire la tuyauterie, à moins qu'on pense uniquement à court terme...

M. LESSARD: Voici...

M. SAINT-PIERRE: ... et d'induire les gens en erreur. Fondamentalement, qu'est-ce qu'on retrouve dans les données qui sont mises à jour, qui sont bien défendues dans un document...

M. LESSARD: M. le Président...

M. BOURASSA: Laissez-le terminer, s'il vous plaît.

M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.

M. BACON: II n'y a pas de règlement là-dedans.

UNE VOIX: Cela fait donc mal.

M. LESSARD: Je soulève une question de règlement sur l'ordre du jour que nous avons accepté hier.

M. BOURASSA: Oh! oui, ça fait mal la vérité.

M. LESSARD: M. le Président, c'est justement ce vers quoi s'en va le ministre; il voulait nous faire accepter un autre ordre du jour ce matin. M. le Président, avant de discuter des

différentes hypothèses que le ministre veut discuter actuellement, soit entre le nucléaire et l'énergie hydroélectrique, je pense qu'il faut d'abord discuter du coût de la baie James. Et le chiffre de $11,900,000,000, qui était autrefois un chiffre de $5,800,000,000, il faut d'abord l'établir. Il faut d'abord savoir si ce chiffre de $11,900,000,000 correspond à la réalité, si ce chiffre peut être modifié, si ce chiffre peut s'élever, tel que le laissent entendre certains journaux. Et certains journaux ont reçu des documents assez sérieux puisque, avant que la commission parlementaire des richesses naturelles soit non pas convoquée mais siège, ces journaux avaient affirmé le chiffre de $11,900,000,000. Il y a d'autres documents aussi qui parlent d'un chiffre de $18 milliards.

Si ce chiffre de $11,900,000,000, ne correspond même plus à la réalité, s'il peut atteindre $18 milliards, s'il peut atteindre $20 milliards, eh! bien, vos hypothèses, tel que d'ailleurs on l'avait estimé en 1972, vos hypothèses que vous avez élaborées ne correspondent plus à la réalité.

C'est pourquoi, M. le Président, il nous paraît logique de discuter d'abord du coût de la baie James, de savoir si cette estimation de coût qui nous est présentée par l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James correspond bien à la réalité. Si elle correspond bien à la réalité, c'est-à-dire si c'est vraiment $11.9 milliards, là on discutera des différentes hypothèses entre le nucléaire et l'énergie hydroélectrique.

Je pense qu'on doit suivre l'ordre du jour qui a été accepté.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Sur la question de règlement, l'honorable premier ministre.

M. BOURASSA: M. le Président, le chef de l'Opposition a fait certaines affirmations tantôt, sur les valeurs respectives du nucléaire et de l'hydraulique. Etant donné que ces affirmations sont complètement fausses et même ridicules, avec tout le respect que je vous dois, je ne vois pas pourquoi...

M. MORIN: Je vais avoir le loisir de le démontrer.

M. BOURASSA: ... à ces affirmations ridicules du chef de l'Opposition le ministre de l'Industrie et du Commerce ne pourrait pas donner la réplique pour montrer jusqu'à quel point l'hydraulique épargne des sommes considérables aux contribuables québécois par rapport au nucléaire. Cela a été prouvé à plusieurs reprises.

M. MORIN: Ah oui, ç'a doublé, M. le Président, une grosse épargne.

M. BOURASSA: Je ne vois pas pourquoi, M. le Président; on va donner des chiffres sur les centrales nucléaires qui vont confondre le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Le premier ministre n'était pas là, M. le Président, hier, quand nous nous sommes mis d'accord sur la marche des travaux, et la marche logique des travaux c'est d'abord...

M. MASSE: C'est vous qui avez parlé de Pickering tout à l'heure.

M. SAINT-PIERRE: Encore ce matin, ce sont vos propres paroles et j'aimerais avoir le texte du journal des Débats, c'étaient vos ébats, vous avez dit encore ce matin. On a devant nous deux choix. Avant de parler de la baie James, puis demander comment ça va avec Bechtel, puis comment ça va dans la gérance, puis comment ça va dans ci puis dans ça on va examiner à fond ces deux choix. Si vous êtes capable de me convaincre ce matin que la meilleure filière c'est la filière du nucléaire, on va simplement demander quel est l'article qui permet de résilier tous les contrats à la baie James, puis on va aller au nucléaire.

M. MORIN: Nous voulons examiner les chiffres.

M. SAINT-PIERRE: Je vous prouverais ce matin, et c'est ça qu'on m'empêche de faire, parce qu'on sait que la vérité va faire mal tantôt,...

M. BOURASSA: Oui c'est vrai.

M. SAINT-PIERRE: Un instant, si on est capable de me laisser faire pour montrer quelles seront les épargnes qui seront réalisées par la collectivité québécoise par la baie James, peut-être que là vous n'accepteriez jamais plus de revoir les prévisions.

M. MORIN: Très bien, on commence par la baie James.

M. SAINT-PIERRE: On a un document, M. le Président, sur les choix, nous sommes à une période de choix. On a un document sur les choix, il faut comparer les solutions. On a un document que j'ai devant moi qui a été déposé hier; vous avez eu toute la nuit pour le lire, comme moi-même. Je l'ai lu, puis je vais vous en parler, comparaison des coûts de l'énergie entre le complexe hydroélectrique de la baie James et un projet nucléaire canadien équivalent.

Je vous réfère, M. le Président au tableau II...

M. MORIN: On va examiner ça en détail.

M. BOURASSA: Non vous ne l'avez pas examiné, d'après ce que vous avez dit ce matin.

M. SAINT-PIERRE: ... et je vais vous livrer, un instant. M. le Président, j'ai la parole...

M. LESSARD: M. le Président, une question de règlement.

M. SAINT-PIERRE: J'ai la parole.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Une autre question de règlement.

M. LESSARD: M. le Président, ce que je veux dire, c'est que le ministre de l'Industrie et du Commerce tente de nous prouver quelque chose ou de nous donner ses conclusions. Nous disons nous, avant d'en arriver aux conclusions, qu'il faut envisager le projet d'abord de la baie James et les coûts que ça implique. Il faut d'abord parler de coûts et après on parlera d'hypothèses. Si on ne peut pas parler de coûts, M. le Président, comment parler des différentes hypothèses, comment parler du coût du nucléaire et du coût de l'hydraulique? Parlons d'abord du coût de la baie James.

M. BOURASSA: C'est le chef de l'Opposition...

M. LESSARD: ... Le chef de l'Opposition a d'abord parlé des $11.9 milliards.

M. BOURASSA: II a relié ça à la hausse des tarifs, sans dire ce que serait la hausse des tarifs avec le nucléaire.

M. LESSARD: Non, oui, mais c'est justement, si vous avez raison, vous aurez raison. Il ne s'agit pas de prouver qui a raison.

Il s'agit de savoir exactement si cette décision qui a été prise a été bonne ou a été mauvaise. Avant de le savoir, il faut d'abord se baser sur les coûts réels. Je me rappelle, on a le journal des Débats, M. le Président, on a la mémoire longue au Parti québécois aussi. On va vous rappeler certaines affirmations,...

M. BOURASSA: Nous autres aussi on va vous rappeler certaines affirmations, vous allez voir ce dont vous allez avoir l'air à la lumière de...

M. LESSARD: ... du premier ministre et certaines affirmations...

M. MORIN: $4 milliards, au départ, et c'est rendu à $12 milliards. Est-ce que le premier ministre prend les Québécois pour des imbéciles?

M. BOURASSA: Est-ce que vous voulez qu'on vous parle des centrales nucléaires? Est-ce que vous ne le faites pas vous-mêmes quand vous ne faites pas mention de l'augmentation du coût des centrales nucléaires?

M. MORIN: Les $12 milliards, c'est trois fois ce que vous aviez prévu au départ, selon les chiffres de 1971.

M. ROY: M. le Président...

M. LESSARD: Partons de la base.

M. BEDARD (Montmorency): M. le Président, question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre! Une question de règlement de la part du député de Montmorency.

M. BEDARD (Montmorency): Question de règlement, M. le Président. Je pense que ça fait déjà deux jours que ce sont toujours les mêmes qui ont la parole. Ma question de règlement a trait au droit de parole du ministre de l'Industrie et du Commerce. Il a commencé de nous faire un exposé. On a entendu toutes sortes de platitudes, hier, et on n'a pas dit un mot; on les a laissés parler.

M. MORIN: Ce n'est pas gentil pour l'Hydro-Québec, ça.

M. BEDARD (Montmorency): Un instant, j'ai la parole.

M. MORIN: Je n'admets pas que vous disiez que les gens de l'Hydro-Québec ont dit des platitudes.

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. BEDARD (Montmorency): M. le Président, est-ce qu'il serait possible que vous donniez la parole au ministre de l'Industrie et du Commerce afin qu'il finisse son intervention? Si ça prend deux ou trois heures, on va l'écouter parce qu'il est intéressant. Après cela, vous leur donnerez la parole et on va leur laisser la parole.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Beauce-Sud a demandé la parole. Est-ce sur la question de règlement? L'honorable député de Beauce-Sud.

M. LESSARD: M. le Président, il faut savoir...

M. BEDARD (Montmorency): Quel règlement?

M. ROY: Sur la question de règlement, je tenais tout simplement à dire qu'on respecte donc le règlement et c'est vous, M. le Président, qui êtes chargé de l'application du règlement. Lorsque quelqu'un a la parole, il s'adresse au président. Lorsqu'une personne invoque le règlement, qu'on lui laisse donc la possibilité d'invoquer le règlement. On a prétendu, pendant un certain temps, qu'on n'avait pas le droit d'invoquer le règlement en commission parlementaire, mais le député de Terrebonne nous a donné des nouvelles directions, ce grand spécia-

liste en procédure parlementaire. Qu'on ne parle donc pas trois en même temps. Il est bien difficile de comprendre ce qui se dit.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord. Sur la question de règlement, depuis hier, il y a eu beaucoup d'interventions. Il y a eu aussi un ordre du jour d'établi et on a laissé, tout de même, toute la latitude voulue à tous les membres de la commission de s'exprimer sur le sujet qu'il voulait, même si un ordre du jour avait été établi. Si la commission décide de revenir à l'ordre du jour et de s'en tenir strictement à l'ordre du jour, on sera obligé de faire respecter ce qui a été décidé par la commission.

Etant donné toutes les interventions qui ont eu lieu hier et depuis ce matin, je pense que le ministre de l'Industrie et du Commerce est tout à fait dans l'ordre et je lui donne le droit de parole.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en m'a-dressant à vous, je veux donc continuer où j'en étais. Encore une fois, je ne lance pas des chiffres en l'air; je puise à même un rapport qui me paraît extrêmement complet et qui a été fait par les spécialistes de l'Hydro-Québec. Je voudrais, à partir de cela, tirer la conclusion principale, non pas à court terme, non pas en tenant compte uniquement des dépenses d'immobilisation, mais en tenant compte de l'économie complète du projet, c'est-à-dire qu'en coû-tera-t-il à la collectivité québécoise pour satisfaire un besoin d'énergie qui a été exprimé hier? Personne ne veut retourner à l'époque de la chandelle. Je reprends donc, au tableau 2, l'énergie produite dans le cas de la centrale de la baie James, page 9 du tableau de l'Hydro-Québec. Je demanderais un effort de réflexion aux partis de l'Opposition en ce qui touche les chiffres, mais je pense que c'est important. On est six millions qui paient des taxes et on doit, au moins, savoir ce que c'est exactement.

On retrouve donc que l'énergie produite en termes de KWh multipliés par 10 exposant 9, soit en milliards de kWh, est 680.1. Un peu plus bas, au troisième tableau, on a le coût de l'énergie livrée et, fondamentalement, c'est le critère de base. Il ne s'agit pas de savoir combien les routes coûtent ou combien une cheminée d'une centrale nucléaire coûte; il s'agit de savoir à long terme actualisé, quel est le coût de l'énergie qui est donnée dans le réseau. Comme on l'a dit hier, le besoin qu'on tente de satisfaire, ce n'est pas le besoin d'investissements, c'est le besoin d'énergie.

Or, on retrouve que le coût de l'énergie livrée, d'après le rapport de l'Hydro-Québec, puisé avec toute la documentation... On pourra revenir sur les hypothèses, mais elles me paraissent raisonnables, rigoureusement intellectuelles et respecter les critères de base. Pas pour 1972, mais pour la vie entière des deux projets comparés, soit le nucléaire canadien et l'hydro- électique, la différence est exactement de 3.4 mils, c'est-à-dire la différence entre 24.39 mils par kWh et 20.99

M. MORIN: A condition...

M. SAINT-PIERRE: Un instant, M. le Président.

M. MORIN: ... que ce soit bien $12 milliards.

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. MORIN: Oui, mais, M. le Président, c'est évident, ça.

M. BEDARD (Montmorency): A l'ordre, à l'ordre!

M. MORIN: II faudrait d'abord établir les coûts de la baie James.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

Notez vos objections et vous répondrez après.

M. SAINT-PIERRE: Ce sont bien des chiffres et même étant ingénieur de formation, je voudrais confirmer que mes chiffres sont bien exacts.

Si nous avons une différence de 3.4 mils au kWh dans le coût de l'énergie livrée et que nous livrons les quantités d'énergie produites par la baie James qui sont requises pour le Québec. A moins qu'on ne veuille piétiner sur le plan économique, à moins qu'on ne veuille pas répondre à nos besoins d'énergie qui sont 690 milliards de kWh, on arrive annuellement — annuellement et j'insiste — avec une différence d'environ $234 millions qui sont épargnés pendant 50 ans chaque année aux Québécois. M. Boyd, vous qui êtes plus expert que moi dans ça, est-ce que grosso modo mes chiffres sont bien corrects? Je ne me suis pas trompé de zéro, ce n'est pas $23 millions, c'est $234 millions annuellement.

C'est donc dire que depuis 1970...

M. MORIN: Si les hypothèses sont exactes.

M. SAINT-PIERRE: Depuis 1970...

M. BACON: Tu es tannant toi, ce matin.

M. SAINT-PIERRE: ... si on avait donné cours aux vues de Jacques Parizeau, c'est $1 milliard déjà que les contribuables québécois auraient eu à payer en plus. Vous savez la valse des milliards qu'on a eue en octobre dernier, c'est un milliard de plus. Vous savez compter: $234 millions multipliés par 4, calculez ça, ça va vous donner tout près de $1 milliard.

M. LESSARD: Puis, vous êtes ingénieur!

M. SAINT-PIERRE: Un peu plus de $1 milliard.

M. le Président, pour la vie du projet de la baie James, en assumant l'hypothèse qu'après 50 ans les centrales nucléaires ne seront pas capables de produire d'énergie — et ça aussi on pourrait en discuter — pourquoi on ne prendrait pas 60 ans pour les centrales hydrauliques? Cest alors $11.7 milliards que les contribuables québécois auront épargnés par la décision qui a été prise sur la baie James par rapport à...

M. MORIN: Si vos hypothèses sont exactes.

M. BOURASSA: Ce sont les chiffres officiels.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, puisés...

M. BEDARD (Montmorency): A l'ordre! A l'ordre!

M. MORIN: Ce sont des hypothèses officielles.

M. BOURASSA: ... fait la même chose.

M. LESSARD: ... officielles de 1972.

M. BOURASSA: Les centrales nucléaires...

M. MORIN: Vous en avez de bonnes dans les chiffres officiels.

M. BOURASSA: Mais ça fait donc mal.

M. MORIN: Oui, c'est à vous que ça fait mal.

M. BOURASSA: Cela fait mal.

M. MORIN: Vous n'êtes même pas capable... Le double de ce que vous aviez annoncé.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. SAINT-PIERRE: En conclusion...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. le ministre, si vous me permettez...

M. SAINT-PIERRE: Une très brève conclusion, M. le Président, de la même façon — on pourrait le calculer très rapidement, M. Boyd pourrait peut-être nous le dire — qu'on peut exprimer en millions, en centaines de millions de dollars. L'épargne qui a bénéficié aux Québécois par la bonne décision prise en 1966, 1967 et 1968 de signer le contrat de Churchill Falls par rapport à d'autres qui voulaient nous engager dans la filière nucléaire, de la même façon la décision de prendre la baie James par rapport au nucléaire canadien avec toutes les hypothèses — et on pourra les discuter à fond — représente une épargne d'environ $250 millions aux Québécois chaque année pour toute la vie du projet. Cest une épargne d'environ $12 à $13 milliards.

M. le Président, c'est la valse des millions, mais on doit au moins demander à des gens qui sont préoccupés par le bien de l'ensemble de la collectivité... On est 6 millions ici et $230 millions, moi, ça me préoccupe, lorsqu'on épargne ça à la collectivité à chaque année.

M. MORIN: Etablissez d'abord vos hypothèses, ensuite on discutera.

M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais ajouter juste une phrase en réponse au chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le premier ministre.

M. BOURASSA: C'est que plus il y a d'inflation... C'est vrai qu'à cause de l'inflation, les taux d'intérêt des coûts de construction, les coûts des matériaux ont augmenté. Cela a augmenté pour tout. Il n'y a pas un chantier au monde où il n'y a pas eu une explosion des coûts de construction. Le problème, c'est de comparer le nucléaire et l'hydraulique, d'une façon relative quant à la hausse des coûts. Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que plus il y a d'inflation — et nous traversons actuellement une période d'inflation— plus l'écart est favorable à l'hydraulique, parce que dans le cas de l'hydraulique, les coûts d'exploitation, qui ne sont pas sujets à l'inflation ou à peu près pas sujets à l'inflation, sont considérablement moindres que dans le cas du nucléaire...

M. MORIN: Oui, et les coûts d'investissement?

M. BOURASSA: Je parle pour 50 ans. Vous exploitez pendant 50 ans, vous investissez durant trois ans.

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: Et c'est là où l'avantage, dans le contexte de l'inflation, paraît remarquable et exceptionnel pour l'hydraulique par rapport au nucléaire.

M. MORIN: Oui, tout ça c'est si la baie James coûte réellement $12 milliards.

M. BOURASSA: Mais M. le Président...

M. MORIN: Et ça, il faut l'établir d'abord.

M. BOURASSA: Mais oui, mais comment le chef de l'Opposition peut-il prévoir dans son omniscience le taux d'inflation qui va exister...

M. MORIN: Je n'ai pas d'omniscience, je veux savoir.

M. BOURASSA: ... en 1980?

M. MORIN: Je n'ai pas d'omniscience...

M. BOURASSA: Est-ce qu'on peut savoir...

M. MORIN: ... je suis aussi ignorant que le premier ministre en la matière, et ce n'est pas peu dire.

M. BOURASSA: Ce sont des mots, ça. M. GARNEAU: Parlez pour vous-même. M. BOURASSA: Ce sont des mots faciles.

M. MORIN: Et nous allons poser les questions pour savoir si c'est réellement $12 milliards, si ce n'est pas $18 milliards. Parce que si c'est $18 milliards, vos affirmations sont parfaitement gratuites.

M. BOURASSA: M. le Président, le chef de l'Opposition peut répondre par des jeux de mots à défaut d'arguments sérieux, mais ce que je dis au chef de l'Opposition...

M. MORIN: Je n'ai pas fait de jeux de mots.

M. BOURASSA: ... c'est que personne ne peut prédire le taux d'inflation en 1980 ou en 1978, pas plus qu'en 1971 on savait que les Arabes, avec la question pétrolière, contribueraient â la situation d'inflation qu'on connaît actuellement. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition le savait, mais personne, y compris M. Kissinger, ne pouvait prévoir la politique arabe qui est l'une des causes du taux d'inflation de 10 p.c. Donc, comme personne, y compris le chef de l'Opposition, ne peut prévoir avec certitude quel sera le taux d'inflation en 1978, 1979 ou 1980, il est impossible de dire avec certitude.

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: ... il est impossible de dire avec certitude.

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: Mais ce qui est important...

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: ... c'est de comparer...

M. MORIN: Ce qui est important, c'est de savoir combien coûte la baie James.

UNE VOIX: Laissez-le donc parler.

M. BOURASSA: Ce qui est important, M. le Président,...

M. MORIN: Parce que si vos calculs sont faux...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre! a l'ordre !

M. MORIN: ... sur la baie James, vos hypothèses ne tiennent plus.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre! M. BOURASSA: M. le Président,...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, si vous me permettez,...

M. BOURASSA: ... juste pour terminer là-dessus, ce qui est important dans le débat, les chiffres absolus, il faut essayer de les connaître avec le maximum de certitude. Mais il faut tenir compte aussi et peut-être davantage du coût relatif — c'est là qu'est le problème — du nucléaire et de l'hydraulique pour les Québécois.

M. MORIN: Parfait.

M. BOURASSA: Or, le ministre de l'Industrie et du Commerce vient de démontrer qu'il y a une épargne de $234 millions par année...

M. MORIN: Si vos hypothèses...

M. BOURASSA: ... pour les contribuables québécois...

M. MORIN: ... sont exactes.

M. BOURASSA: ... en optant pour l'hydraulique...

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: ... plutôt que pour le nucléaire.

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: Et j'ai donné des faits comme les coûts d'exploitation qui sont beaucoup plus sujets à l'inflation dans le cas du nucléaire que dans le cas de l'hydraulique.

M. MORIN: Bon.

M. BOURASSA: On pourra en donner d'autres durant le débat.

M. MORIN: Est-ce que le premier ministre va convenir...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Avant l'intervention d'un autre membre de la commission, je voudrais tout simplement demander la

collaboration de tous les membres de la commission, de tous les députés présents et demander à chacun de parler à tour de rôle. Il y aura de l'ordre et on donnera le droit de parole à tous ceux qui voudront se faire entendre.

M. MORIN: Parfait. Puis-je avoir la parole?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): La parole est au chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Est-ce que je peux poser, au premier ministre, une simple petite question?

M. BOURASSA: Avec plaisir.

M. MORIN: Est-ce qu'il ne conviendra pas que la première étape à franchir, c'est d'établir le coût de la baie James? Si l'on n'a pas des données un peu plus sûres que celles que nous possédons en ce moment, si on ne peut pas établir avec un minimum de vraisemblance que le coût va être limité à $12 milliards, toutes les hypothèses sur lesquelles le premier ministre se fonde s'écroulent. Mais si elles s'écroulent?

M. BOURASSA: Bien non, ce n'est pas...

M. MORIN: Si on ne peut pas établir le coût de la baie James, qu'avons-nous comme base de discussion?

M. BOURASSA: M. le Président,...

M. GARNEAU: Je pourrais poser les mêmes questions sur le nucléaire aussi.

M. BOURASSA: ...l'aspect...

M. MORIN: Bien oui, mais nous voulons le faire.

M. GARNEAU: Parce que, dans les deux cas, ce sont des hypothèses.

M. MORIN: Nous voulons passer...

M. BOURASSA: II y a des chiffres qui ont été donnés et qui révèlent...

M. LESSARD: Les facteurs ne sont pas les mêmes dans le nucléaire et dans l'hydraulique.

M. BOURASSA: ... que le coût du nucléaire est supérieur à l'hydraulique.

M. LESSARD: Cela est une affirmation. M. BOURASSA: M. le Président,...

M. MORIN: Une affirmation gratuite pour autant que nous sommes concernés.

M. BOURASSA: ... d'accord, on va le démontrer.

M. MORIN: D'accord.

M. BOURASSA: On va le démontrer.

M. MORIN: Parfait.

M. BOURASSSA: Quant aux chiffres absolus, on va faire le maximum pour pouvoir les déterminer, dans le nucléaire comme dans l'hydraulique. Il y a des centrales nucléaires en Ontario, on en a ici au Québec.

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: II y a des usines d'eau lourde qui devaient coûter tant il y a un an et qui coûtent beaucoup plus aujourd'hui. C'est la même chose partout. Il y a une explosion dans les coûts de construction dans tous les chantiers du monde. Mais ce qu'il est important pour les Québécois de savoir, c'est: Est-ce qu'ils vont payer moins avec l'hydraulique qu'avec le nucléaire? Et c'est clair, d'après les chiffres qui ont été soumis, qu'on va payer beaucoup moins...

M. MORIN: Ce sont des hypothèses.

M. BOURASSA: ... avec l'hydraulique qu'avec le nucléaire.

M. MORIN: Nous voulons vérifier les hypothèses. M. le Président, je...

M. BOURASSA: Alors, M. le Président, la parole est aux commissaires.

M. MORIN: ... propose que nous passions maintenant à l'interrogatoire...

M. ROY: M. le Président,... M. MORIN: ... de nos témoins.

M. ROY: ... un instant.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, l'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: Je vous ai donné mon consentement pour qu'on permette des commentaires du chef de l'Opposition et des autres. J'aimerais, à mon tour, apporter quelques commentaires, si on me le permet.

Suite aux documents qui nous ont été soumis hier et suite aux déclarations qui ont été faites, je pense qu'il y a deux grandes questions qui attirent notre attention en premier lieu. Il y a d'abord le fait que le coût du projet est maintenant estimé sommairement à $12 milliards alors qu'originalement on nous avait parlé de $5.8 milliards. Donc, c'est une augmentation de 100 p.c.

Deuxièmement...

M. BOURASSA: Une augmentation de la puissance aussi.

M. ROY: Une augmentation de la puissance, mais je reviendrai sur les chiffres tout à l'heure.

M. BOURASSA: Ce n'est pas le même...

M. ROY: Je n'ai pas dérangé le premier ministre...

M. BOURASSA: Non, non, mais il y a des erreurs là.

M. ROY: II y a des erreurs dans les chiffres qu'on nous a fournis?

M. BOURASSA: II y a des erreurs dans les affirmations du député, comme d'habitude.

M. ROY: Bon, un instant. Je n'ai pas dérangé le premier ministre quand il a parlé. Deuxièmement, on nous a parlé d'un taux d'augmentation d'électricité de 10 p.c. qu'il avait été question de 4 p.c. Cela veut dire que jusqu'à présent la population du Québec a été trompée. Je pense que tout le monde l'admettra. La population du Québec a...

M. BOURASSA: ... aux commissaires.

M. ROY: ... été trompée. La déclaration ne venait pas du premier ministre mais il en avait la responsabilité parce que ce sont des chiffres...

M. BOURASSA: C'est moi qui suis responsable.

M. ROY: ... en commission parlementaire.

M. BOURASSA: ... de la situation au Moyen-Orient? C'est moi qui suis responsable des Arabes?

M. ROY: M. le Président, je ne parle pas du Moyen-Orient, je parle de la baie James.

M. BOURASSA: Moi aussi.

M. ROY: Le premier ministre s'est égaré.

M. BOURASSA: Est-ce que le député est capable de comprendre...

M. ROY: M. le Président, j'ai demandé la parole. Est-ce que je l'ai?

M. MORIN: Le premier ministre a changé de latitude et de longitude.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président ce qu'on ne semble pas vouloir discuter, du moins le premier ministre a passablement toujours refusé de le discuter,...

M. BOURASSA: II ne comprend rien comme d'habitude. C'est donc malheureux. Cela ne fait rien, on écoute...

M. ROY: Est-ce qu'on pourrait demander au premier ministre d'avoir au moins du respect pour le poste...

M. BOURASSA: D'accord. M. ROY: ... qu'il occupe?

M. BOURASSA: J'écoute. J'écoute le député de Beauce-Sud. Cela me prend beaucoup de courage, mais j'écoute.

M. ROY: Hier, vous avez manqué de courage puisque vous n'étiez pas ici.

M. BOURASSA: Je vous écoute.

M. ROY: Alors, M. le Président,...

M. BOURASSA: II y a trois commissions.

M. ROY: ... c'est la question du financement de la baie James, de la baie James et du projet. Si on parle de 10 p.c. d'intérêt, j'aimerais bien qu'on remarque ici qu'il en coûterait $1,200,000,000 d'intérêt par année, pour une population de 6 millions. Qu'on prenne un crayon et un papier et qu'on calcule combien cela va faire par personne, par année.

On nous a dit, dans le rapport, que le coût de base, en dollars 1972, est de $3.5 milliards; l'inflation extraordinaire de 1972-1974, sept dixièmes de millions, cela fait $4.2 milliards; les modifications techniques d'environnement et la révision d'estimations totalisent $4.9 milliards, plus l'augmentation de la puissance du complexe, suite à l'optimisation, ce qui fait $6 milliards.

Mais de $6 milliards, on nous donne également le chiffre de $11.9 milliards, qui est la différence qui comprend les coûts de l'intérêt pendant la construction et pendant l'aménagement du complexe et qui tient compte également d'un taux d'inflation de 7 p.c, taux qui peut varier. Cela veut dire que de $6 milliards à $11.9 milliards, il y a une différence de $5.9 milliards qui est consacrée uniquement au taux de l'inflation et au taux de l'intérêt. J'aimerais qu'on y apporte une attention particulière.

Maintenant, si on capitalise les taux d'intérêt, si on capitalise le taux d'inflation, je me demande pourquoi, à l'heure actuelle, on vient dire qu'il faut augmenter immédiatement le taux d'électricité de 10 p.c. par année. Est-ce qu'on veut camoufler, dans le budget des affaires courantes de l'Hydro-Québec, certaines dépenses inhérentes à la baie James et qu'on ne capitaliserait pas? Je pense que c'est une

question qui devra être examinée et une question qui devra être vidée parce que si on capitalise l'inflation et si on capitalise les taux d'intérêt, pourquoi l'augmentation de 10 p.c. annuellement? Je pense que c'est un point important.

Maintenant, M. le Président, j'ai appris ce matin, en lisant les journaux, bien que je n'aie pas eu tellement de temps, que l'Hydro-Québec vient d'annoncer un emprunt de $150 millions aux Etats-Unis.

M. BOURASSA: On va en parler de cela.

M. ROY: On pourra en reparler tout à l'heure. Le premier ministre est donc bien nerveux.

M. BOURASSA: Non, je ne suis pas nerveux.

M. ROY: Le premier ministre est donc bien nerveux.

M. BOURASSA: On va en parler. Je ne suis pas nerveux, je dis qu'on va en parler.

M. ROY: Je dis qu'actuellement, on est en train de se préparer pour financer la baie James sur une période de trente ans parce qu'il semble que c'est la politique établie, tant au ministère des Finances qu'à l'Hydro-Québec, d'emprunter à long terme. Est-ce qu'on a pensé plus long que son nez? Est-ce qu'on a pensé plus long que son nez à savoir...

M. BOURASSA: Cela peut être long!

M. ROY: ... que pendant trente ans... Je sais que le premier ministre peut penser longtemps...

M. le Président, est-ce qu'on a songé que les $12 milliards qui seront injectés dans l'économie québécoise, suite aux emprunts qui pourront être contractés pour financer ces immobilisations, seront retournés au cours des dix premières années, et qu'au cours des vingt prochaines années, il nous faudra retourner $24 milliards additionnels aux Etats-Unis?

Je pose la question au premier ministre et au ministre des Finances d'une façon très sérieuse ce matin. Est-ce que le Québec a les moyens, actuellement, de payer 10 p.c. d'intérêt sur des investissements aussi massifs, compte tenu de nos limites, compte tenu de six millions que nous sommes, et compte tenu de l'accroissement de notre dépendance étrangère? Je suis en train de me demander si le gouvernement actuel n'est pas en train de doubler le Parti québécois et faire en sorte que nous procédions à notre annexion aux Etats-Unis avant que l'indépendance se fasse. On est en train de se le demander. Je me le demande sérieusement et je dis que la question doit être pensée.

J'aimerais bien qu'on me dise comment nous pourrons retourner aux Américains $24 mil- liards de plus que ce qu'on va emprunter pour financer le projet de la baie James. M. le Président, c'est une question qui est importante, extrêmement importante. Je comprends pourquoi le premier ministre est allé dire en Europe que l'économie serait de moins en moins entre nos mains.

M. BOURASSA: Je n'ai pas dit cela. C'est faux.

M. ROY: ...

M. BOURASSA: Question de privilège!

M. ROY: C'est dans tous les journaux, M. le Président. Le premier ministre n'a jamais soulevé une question de privilège en Chambre pour dire qu'il avait été mal cité: qu'à l'avenir, notre économie serait de moins en moins entre nos mains.

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que je peux répondre?

M. ROY: M. le Président, il y a la question, évidemment, du choix que le gouvernement doit faire de façon à trouver le moyen, le système qui coûtera le moins cher. Je pense que nous en sommes conscients. C'est une responsabilité qui nous incombe. Nous ne nous dégagerons pas de cette responsabilité.

Mais il y a le deuxième point, le point qui est encore plus important, à savoir si on doit choisir le nucléaire ou l'hydraulique. Il y a le choix du financement et de l'accroissement de notre dépendance vis-à-vis des Etats-Unis dans le financement de ce projet.

Le gouvernement actuel a la responsabilité d'examiner d'autres moyens pour financer ce projet parce que je pense qu'on est peut-être en train de se construire un château en Espagne. Bientôt on se réveillera avec une mainmise américaine à un tel point que ce sera toute l'industrie qui y passera, l'industrie secondaire, primaire, tertiaire, etc.

M. BOURASSA: Je peux répondre...

M. ROY: J'aimerais que le premier ministre, qui a pris note de toutes ces choses, nous explique et nous donne des garanties à l'effet que l'économie du Québec permettra que $200 en moyenne par année par citoyen québécois puissent être payés en intérêt aux Américains pour l'aménagement de nos richesses, de nos ressources, en utilisant notre main-d'oeuvre, nos matériaux, sur notre territoire, sur nos rivières. J'aimerais que le premier ministre nous en parle.

M. BOURASSA: Juste sur la question au sujet de laquelle j'ai été mal cité, je sais que le député de Beauce-Sud blaguait un peu, il sait fort bien...

M. ROY: Non, je ne blaguais pas, je l'ai vu dans les journaux.

M. BOURASSA: ... que je ne peux pas faire des questions de privilège à chaque fois que je suis mal cité. Il ne resterait plus de période de questions au député de Beauce-Sud pour poser ses questions.

M. LESSARD: ... emplois.

M. BOURASSA: On en a eu 128,000 l'an dernier. Mais on ne reprendra pas ça. Le problème, je vais le poser en termes très simples au député de Beauce-Sud. Propose-t-il que l'on s'éclaire à la chandelle dans les années quatre-vingt, c'est ce qu'il propose?

M. ROY: Ce n'est pas ce que j'ai dit. M. BOURASSA: M. le Président...

M. ROY: J'ai dit que l'on devrait examiner le problème de financement, ce n'est pas à la chandelle.

M. BOURASSA: C'est très simple, il y a un déficit pour l'économie québécoise, pour les Québécois, pour les services publics, pour l'industrie, il y a un déficit de puissance considérable pour les années quatre-vingt.

M. MORIN: Ce n'est pas là la question, c'est comment on va remplir le déficit?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre!

M. BOURASSA: Donc, que ce soit avec des centrales nucléaires ou avec des centrales hydrauliques, j'ai parlé tantôt du coût relatif des deux et des avantages. Mais, quelle que soit la formule, il faut emprunter des sommes considérables; autrement on va être obligés de s'éclairer à la chandelle. Le gouvernement serait condamné...

M. MORIN: Cela dépend, n'oubliez pas que les investissements sont moindres avec le nucléaire, il faut que vous en teniez compte.

M. BOURASSA: ... par la population, et à juste titre, s'il n'était pas prévoyant comme il le fait actuellement. L'Hydro-Québec en particulier, le gouvernement de l'Etat seraient condamnés par la population s'ils ne posaient pas les gestes qu'ils posent actuellement.

Imaginez si en 1981 ou en 1982 on était obligé de fermer — je suis obligé de parler dans des termes très simples comme ceux-là à la suite des questions du député de Beauce-Sud — des hôpitaux, des industries et des écoles parce qu'on n'a pas suffisamment d'électricité, si on était obligés d'en importer du Nouveau-Brunswick ou de l'Ontario ou du Moyen-Orient. Là on accroîtrait autrement plus notre dépen- dance vis-à-vis de l'étranger pour répondre spécifiquement à la question du député de Beauce-Sud, on accroîtrait autrement plus cette dépendance des Québécois dans des secteurs clefs. Là on emprunte, c'est vrai, mais qui a le contrôle? Le député de Beauce-Sud est suffisamment intelligent pour faire la distinction entre des obligations et des actions, entre le pouvoir obligatoire et le pouvoir des actionnaires. Le contrôle du projet — et j'entendais M. Caouette, ces jours-ci, reprendre les arguments du député de Beauce-Sud. Autant il le contredit sur la langue d'enseignement, autant il paraît d'accord avec lui sur ces questions. Je pense que c'est faire de la démagogie que de dire que le projet de la baie James ne sera pas entre les mains des Québécois alors que c'est clair que c'est l'Hydro-Québec, l'Etat et les Québécois qui vont contrôler le projet.

E faut quand même faire une distinction élémentaire entre les obligations et les actions. M. le Président, je pense qu'on pourrait en parler durant des heures, les membres de la commission vont donner toutes les réponses de détail. Mais c'est aussi simple que cela, si nous ne posons pas les gestes que nous faisons actuellement, nous serons condamnés, à juste titre, par la population parce que non seulement on va priver les citoyens de services essentiels, d'une denrée absolument irremplaçable, mais on accroîtrait beaucoup plus, infiniment plus la dépendance du Québec vis-à-vis de l'étranger.

M. ROY: Le premier ministre me permettrait-il une question? Il a parlé tout à l'heure de 128,000 emplois l'an dernier. A-t-il fait le calcul? Cela prend tous les emplois qu'il a créés l'an dernier avec un revenu de $10,000 par année, impôts payés, pour uniquement payer l'équivalent de l'intérêt de ce que vont coûter les investissements de la baie James.

M. BOURASSA: Le député ne...

M. ROY: Vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous ai demandé si le Québec avait les moyens de payer annuellement, en plus de ce qu'on paie actuellement, $1.2 milliard d'intérêt aux Américains...

M. BOURASSA: Est-ce que le Québec a les moyens...

M. ROY: ...pour construire le Québec chez nous en utilisant les Québécois?

M. BOURASSA: ...dans les années quatre-vingt de fermer des écoles, des hôpitaux, des industries...

M. ROY: Ce n'est pas ce que je demande.

M. BOURASSA: ...et de placer des dizaines de milliers de personnes en chômage? C'est

inconcevable qu'en 1974, à l'Assemblée nationale du Québec, on pose des problèmes d'une façon aussi erronée, aussi naïve, aussi candide. C'est inconcevable.

M. ROY: Vous allez voir dans quelques années que nous avons raison.

M. LESSARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: ... je voudrais qu'on revienne à nos moutons, qu'on revienne au sujet que nous avons à discuter. M. le Président, nous n'avons pas ce matin convoqué le premier ministre; nous avons convoqué la commission parlementaire des richesses naturelles...

M. BOURASSA: Vous aimez mieux quand je ne suis pas là, oui, je le sais.

M. LESSARD: ... afin d'entendre et l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James. Il me semble qu'il faut respecter, quand même, certaines choses; dès le début de la commission, hier, nous nous sommes entendus sur un ordre des travaux. Il est normal, justement pour pouvoir mieux discuter, qu'on s'entende sur un ordre des travaux. Le chef de l'Opposition a soumis un ordre des travaux qui a été accepté à la fois par le ministre des Richesses naturelles, à la fois par le ministre de l'Industrie et du Commerce et à la fois par le ministre des Finances. Si nous relisons le journal des Débats, l'ordre des travaux devait être comme suit: premièrement, estimation des besoins et des nouveaux projets autres que celui de la baie James. Alors, nous avons justement, hier, estimé ces besoins. Deuxièmement, nous devions discuter de la baie James, c'est-à-dire de l'ensemble de la baie James, des coûts de la baie James. Et, comme le disait le député de Beauce-Sud, aussi du financement de la baie James. Troisièmement, nous devions parler de la tarification, suite justement à l'ensemble de la discussion concernant la baie James. Quatrièmement, nous devions discuter de l'accord de Churchill Falls avec l'Hydro-Québec. Cinquièmement, nous devions discuter des inondations. Sixièmement, le régime de retraite et sept, autres questions.

M. le Président, cet ordre du jour, si vous relisez le journal des Débats d'hier, a été accepté. Ce que nous demandons...

M. BOURASSA: Vous ne l'avez pas respecté vous-même.

M. LESSARD: ... ce matin, c'est que nous revenions justement à la discussion concernant la baie James, concernant le rapport de M. Boyd qui touche la baie James. Ensuite, nous entreprendrons justement l'examen des différents moyens de faire face à cette demande, soit sous forme de financement ou par d'autres moyens. C'est ce que nous avons soumis hier, je pense. Ce que nous n'acceptons pas, M. le Président, c'est qu'on modifie cet ordre du jour. Lorsque le ministre de l'Industrie et du Commerce, tout à l'heure, nous parlait du rapport entre l'énergie nucléaire et l'énergie hydraulique, je pense que c'est mettre la charrue devant les boeufs. Nous allons d'abord parler de la baie James, nous allons d'abord parler du coût...

M. SAINT-PIERRE: Quand en parlerons-nous dans l'ordre du jour que vous venez de nous donner?

M. LESSARD: ... tel que cela a été entendu.

M. SAINT-PIERRE: Quand allons-nous en parler dans l'ordre du jour que vous venez de nous donner? Voulez-vous escamoter le choix...

M. LESSARD: Non, non.

M. SAINT-PIERRE: ... fondamental que vous...

M. LESSARD: Baie James, moyens d'y faire face et financement.

M. SAINT-PIERRE: Alors, baie James, c'est là qu'on est rendu et la première étape...

M. LESSARD: C'est ça.

M. SAINT-PIERRE: ... c'est la comparaison entre le nucléaire...

M. LESSARD: Non.

M. SAINT-PIERRE: Non?

M. LESSARD: La première étape...

M. SAINT-PIERRE: C'est quand...

M. LESSARD: ... c'est la baie James, l'ensemble, tel qu'indiqué dans le rapport. Hier, nous avons eu le rapport du président de l'Hydro-Québec. Si vous lisez le rapport du président de l'Hydro-Québec, eh bien, là il y a un ordre du jour, en fait, que nous avons suivi. Il y a un rapport aussi qui a été présenté par M. Boyd, concernant justement...

M. SAINT-PIERRE: Vous avez de la misère avec la langue anglaise.

M. LESSARD: Oui, oui, j'ai de la misère et, M. le Président, je ne m'en cache pas du tout, comme les anglophones ont souvent de la misère avec la langue française.

M. SAINT-PIERRE: M. Boyd est un bon Canadien français.

M. BOURASSA: Comme Robert Burns.

M. LESSARD: C'est ça. Si nous relisons, M. le Président, le rapport du président de la Société d'énergie de la baie James, nous constatons que, dans ce rapport, il y a les coûts de la baie James, vers la fin. Ensuite, nous avons eu le rapport de M. De Guise. Alors, nous allons d'abord discuter du rapport du président de la Société d'énergie de la baie James et, après ça, tel que nous avons fonctionné hier, nous parlerons du rapport de M. De Guise. Est-ce qu'on l'accepte, M. le Président, tel que cela a été décidé hier?

M. BOURASSA: D'accord, mais c'est le chef de l'Opposition qui a commencé. Quand je suis arrivé ici, je le voyais tout de suite aborder la question...

M. MORIN: Non, je faisais une déclaration préliminaire. Si vous étiez arrivé à temps, vous auriez compris.

M. BOURASSA: J'en ai entendu assez pour répliquer.

M. MORIN: Ce que nous devons faire maintenant...

M. BOURASSA: D'accord... M. MORIN: ... M. le Président... M. BOURASSA: ... les commissaires.

M. MORIN: ... c'est écouter les commissaires nous parler du coût de la baie James.

M. BOURASSA: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, MM. les commissaires, je sais que vous attendez avec impatience pour nous parler.

M. GIROUX: Je crois qu'il y a certains petits points qui pourraient aider la commission à faire l'analyse de ce qui va être donné. Je comprends que tout le monde, quand on parle de demain, on parle de façon hypothétique. N'étant point technicien, je m'appuie toujours sur le côté pratique des choses plutôt que sur des hypothèses. Premièrement, on a parlé d'un tarif de 10 p.c. en disant qu'on avait déclaré un tarif de 4 p.c.

Si on se réfère aux débats de ces années-là, j'ai dit qu'on aurait une augmentation minimale de 4 p.c, parce qu'à ce moment l'inflation était de 4 p.c. Actuellement, je crois que l'inflation dépasse beaucoup les 10 p.c. Je pense donc qu'on ne peut pas rattacher les déclarations qui ont été faites dans le temps... Il était absolument impossible de prévoir ces augmentations.

Vous aviez des rapports d'économistes dans le temps qui donnaient un maximum de 2 p.c. pour la hausse du prix du pétrole pour les dix prochaines années. Je ne leur en fais pas de reproche, c'est arrivé comme ça. Je pense donc qu'on ne peut pas rattacher ça...

Il y a un autre point aussi qui est assez important. C'est qu'on parle de nos centrales hydrauliques et qu'on dit 50 ans, et ça peut aller à 65 ans. Je suis parfaitement d'accord avec ça. Ce que je veux simplement expliquer, c'est que nos dépôts depuis toujours à l'Hydro-Québec... et la raison pour laquelle nous avons un crédit qui se maintient aux Etats-Unis et dans le monde entier, c'est qu'on a toujours maintenu les mêmes chiffres de dépréciation, les mêmes normes. Je prie cette commission de croire que jamais on n'a eu l'intention de camoufler quoi que ce soit où que ce soit, nos vérificateurs sont là pour prouver le contraire.

L'usage peut aller jusqu'à 70, 75 ans. C'est tellement positif que dans le cas de Churchill nous avons un contrat ferme avec des gens indépendants de nous, avec des gens qui les ont conseillés indépendamment de nous, qui ont signé un contrat de 65 ans ferme, après 1977 mais depuis 1900 on reçoit de l'énergie, donc la vie de l'hydraulique peut être de 80 ans. La raison pour laquelle on la limite à 50 ans, c'est que dans nos normes on prend toujours 50 ans comme vie de dépréciation. C'est une des raisons de base.

L'autre raison, ce sont les augmentations qui vont être expliquées par des experts, dont je ne suis pas, sur l'augmentation des coûts, sur les réalisations des coûts. Simplement, j'aimerais attirer votre attention sur le côté pratique. Des hypothèses, je peux amener des gens ici qui vont vous faire des hypothèses pendant des mois et ils ne pourront jamais prouver rien, parce qu'au moment où ça va être construit, ça n'arrivera pas conformément aux hypothèses, et c'est la vie qui dure depuis quinze ans.

Un point qui est assez remarquable, c'est qu'on dit: Allez en nucléaire. C'est possible de dire: Allez en nucléaire. Naturellement, il faut premièrement trouver l'eau lourde. Actuellement, l'Energie atomique du Canada ne peut pas nous garantir d'usine d'eau lourde, d'usine nucléaire, parce qu'on n'a pas d'eau lourde. On est censé avoir une usine dans la province de Québec qui pourrait prendre soin de certaines augmentations, mais une niasse qui doit remplacer 10,000 MW est certainement impossible en nucléaire. Elle l'a été avant et elle le reste.

Alors, on parle d'augmentation des coûts. Ce sont des chiffres que je peux citer, qui ont été faits naturellement sans contrat, mais ont été faits avec le président de l'Energie atomique du Canada. M. De Guise était avec moi au moment où on a discuté. Dans le même temps qu'on commençait les analyses de la baie James, il y a une usine nucléaire de 600 MW qui était ce qu'il y avait de plus facile à construire parce qu'on avait tous les plans. On parlait à ce moment-là de $221 millions et on pensait d'avoir 66 p.c. d'emprunt du gouvernement fédéral.

Lorsqu'on a terminé les transactions, les prévisions étaient de quelque $300 millions et on a fini par avoir le consentement du gouvernement fédéral de prêter $151 millions maximum. Actuellement, on est à ce montant en estimation et c'est hypothétique. S'il y en a qui veulent faire des petits paris, si c'est légal, je vais vous parier que ça va coûter plus de $450 millions et que ça va être plus près de $500 millions quand ça va être complété.

Quand on parle de ces choses-là, ce sont des choses réelles qui existent. Un autre point sur lequel je voudrais attirer l'attention de la commission, c'est les questions réelles et pratiques qui sont publiques. Toutes les compagnies d'utilité publique, américaines, canadiennes, depuis la rareté du pétrole, se sont lancées vers le nucléaire. Tous ces gens ont bénéficié d'un investissement inférieur pour les trois, quatre premières années.

Actuellement, ils entrent en concurrence avec nous dans l'hydraulique. Nous, on dit que pour maintenir notre crédit, il va nous falloir une augmentation de 10 p.c; eux parlent de 16 p.c, et dans d'autres endroits on parle de jusqu'à 35 p.c. d'augmentation parce qu'on est dans le nucléaire. Cela, c'est public à travers tous les Etats-Unis. Ce n'est pas hypothétique, ce sont des gens qui se sont servis du nucléaire parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen. S'ils avaient pu prendre de l'huile, ç'aurait été encore plus dispendieux.

Vous avez devant vous, dans les journaux, les publications de leurs demandes d'augmentation de tarif. Naturellement, on peut être hypothétique pendant des mois et des mois. J'ai beaucoup de respect pour les hypothèses, j'ai beaucoup de respect pour ce qu'on appelle communément des "feasibility reports" mais j'en n'ai jamais vu, dans 35 ans, rencontrer le montant. C'est une chose que j'aimerais bien établir. Nos 50 ans, quant à nos usines hydrauliques, c'est parce qu'on se sert de cela au point de vue du taux de dépréciation. Si on prenait le même taux pratique et si on allait conduire le nucléaire sur l'hypothèse d'une durée de vie, on pourrait durer jusqu'à 70 ans parce qu'on en a qui fonctionnent encore très bien et qui ont 50 et quelques années d'expérience.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable chef de l'Opposition a une question.

M. MORIN: M. le Président, j'admets tout à fait, qu'on nous parle de faits réels, qui existent, pour parler comme le président de l'Hydro-Québec; c'est de cela que nous voulons parler en tout premier lieu à l'égard des coûts de la baie James. Vous admettrez que si on peut établir ces coûts de façon un peu plus sûre, on pourra faire des comparaisons valables avec d'autres moyens de créer de l'énergie électrique.

Je voudrais m'attarder aux hypothèses sur lesquelles reposent vos coûts révisés de $12 milliards. Vous nous avez dit d'abord qu'il y aura une augmentation de puissance qui sera portée, donc, à 10,300 MW. Le taux d'intérêt a été fixé, par hypothèse, à 10 p.c, ce qui nous paraît, grosso modo, convenable, assez réaliste. Mais quand vous arrivez au taux d'inflation des coûts de la construction, nous avons quelques difficultés à vous suivre. Si je ne m'abuse, vous l'avez fixé à 7 p.c. Cela ne nous paraît guère réaliste, très franchement.

M. GIROUX: Cette année, ça ne l'est pas.

M. MORIN: D'après ce qu'on a pu voir dans certaines revues spécialisées, les revues économiques, le taux d'inflation des coûts de matériaux de construction a été de 10.5 p.c, comme on dit ici, ou 10,5 p.c. en réalité, dans le passé, au cours des derniers mois, tandis que le coût de la main-d'oeuvre a augmenté de 10.1 p.c. L'évolution ne semble pas se dessiner de la façon dont vous l'avez prévue pour ce qui est au moins des coûts de construction. Or, c'est un facteur tout de même déterminant. Ma première question serait double. Premièrement, est-ce que vous estimez que vos 7 p.c. sont réalistes pour les années qui viennent? Deuxièmement, que représente chaque augmentation de 1 p.c. dans l'augmentation des coûts de construction?

Si on prend un programme semblable à celui dans lequel vous vous engagez à l'heure actuelle avec le projet La Grande — prenons le projet 30 dans votre programme d'équipement de 1972, programme qui s'appelait LG 79-PI — on avait estimé que chaque augmentation de 1 p.c. dans le coût de construction représentait $500 millions. Il suffirait donc que vous ayez fait une erreur de 2 p.c, 3 p.c. et peut-être même 4 p.c. pour que le coût grimpe d'un seul coup de $1 milliard, $1 milliard et demi ou $2 milliards. Voilà la première question que je vous pose.

M. GARNEAU: Avant de demander à M. Giroux de répondre à la question, est-ce que vous pourriez me préciser si vos 7 p.c. sont cumulatifs ou si c'est 7 p.c du coût total à partir d'aujourd'hui?

M. BOYD: C'est 7 p.c par année, cumulatif. Pour vous expliquer, si on parle de notre étude sur l'inflation dans les aménagements hydroélectriques, l'étude mentionne le coût de la main-d'oeuvre, des matériaux et de l'équipement. On applique, suivant l'utilisation de ces trois facteurs dans le temps, des escalades qui sont prévues. C'est évident que, pour les années 1974-1975, les taux sont plus hauts que 7 p.c. Cela va en diminuant avec le temps. C'est l'hypothèse qu'on a employée. Par exemple, pour la main-d'oeuvre, vous avez 11.1 p.c. en 1974 et 9.5 p.c. en 1975. Pour les matériaux vous avez 25 p.c. en 1974 et 10 p.c. en 1975. Cela va en diminuant ensuite jusqu'à la fin. Ce sont toutes ces choses pondérées, si vous avez 25 p.c. ou 10 p.c. par année, l'économie va en être affectée, puis cela va affecter tout ce qui se

fait au Québec aussi bien qu'ailleurs. Si on a 10 p.c, ça va être 10 p.c. ailleurs et toute autre forme de construction va être affectée par les mêmes facteurs. Ces études sont faites par les meilleurs économistes qu'on peut trouver et tous nous indiquent que des escalades de 10 p.c. par année, ça ne peut pas continuer jusqu'à 1990; c'est leur opinion et ils y ont droit.

Je pense qu'en prenant 7 p.c. on est du côté sûr, si on prend 7 p.c. pour la moyenne de tous les facteurs. Vous avez du côté nucléaire des chiffres qui sont également décomposés, la main-d'oeuvre, matériaux et équipement. Vous avez à peu près les mêmes pourcentages d'escalade.

Le problème, on pourrait être conservateur ou garder le même taux d'escalade qu'on avait autrefois, 4 p.c. et 8.5 p.c, et quelqu'un pourrait prétendre qu'à la longue, sur la période du projet, ce serait réaliste. On vous a cité trois exemples. On prend celui que nous considérons le plus réaliste sur la foi des études des économistes qui ont fait ce travail. Si c'est différent, ce serait différent pour tout, ce serait différent pour le nucléaire, ce serait différent pour le thermique, ce serait différent pour la construction de n'importe quel édifice, ce serait différent pour la livre de beurre, la livre de steak, ce serait différent pour n'importe quoi, pour les salaires que tout le monde gagnera, ce sera différent pour le niveau de vie que chacun aura. Si c'est moins, si c'est plus, il n'y a personne ici qui peut prétendre que ces études ne sont pas bonnes, parce qu'il n'y a personne qui peut le prouver. C'est le temps qui va le prouver, c'est l'économie du Québec, l'économie nationale, l'économie mondiale qui vont nous le donner.

M. SAINT-PIERRE: M. Boyd, est-ce qu'on pourrait dire également qu'au niveau de la construction, que ce soit la construction d'un barrage et des installations hydroélectriques ou au niveau des centrales nucléaires, pour être capables d'atteindre les puissances demandées, les périodes de construction dans les deux cas seraient approximativement les mêmes? C'est-à-dire que les centrales nucléaires devraient être terminées pour 1984, 1985. Pour les uns comme pour les autres, l'inflation, l'intérêt durant la construction vont jouer sensiblement de la même façon en plus ou en moins. Sauf que pour la centrale hydroélectrique, 92 p.c. des coûts totaux, d'après votre dernier tableau, sont absorbés dans les premières années alors que, dans le cas des centrales nucléaires, c'est un montant assez appréciable, 78 p.c. qui est absorbé par les premières années, mais par après les autres 22 p.c. — par rapport à 8 p.c. pour l'hydraulique — pour le nucléaire, eux aussi pourraient être affectés par l'inflation. Il me semble que les hypothèses me paraissent des hypothèses réfléchies qui ont été données suite à des études. Je veux simplement mentionner au chef de l'Opposition que l'on prévoit dans votre analyse un taux d'inflation pour le combustible nucléaire à 3 p.c. par année, pour 50 ans. C'est pas mal dur de dire exactement quelle sera la situation dans 50 ans pour le combustible nucléaire, alors que vous avez également 4 p.c. pour les coûts d'augmentation de l'eau lourde. Je pense que si on prend l'eau lourde, si on se fie seulement au court terme l'exemple — parce que c'est ça un peu qui vous frappe, vous, c'est l'inflation qu'on a vécue depuis deux ans, pourquoi qu'on n'a pas le même taux plus longtemps. Si on prend l'inflation de l'eau lourde, je pense que les coûts d'eau lourde depuis deux ans ont augmenté beaucoup plus que les 4 p.c. qui sont prévus ici à long terme. Mais il me parait qu'à plus long terme ces chiffres donnent suite à des études sérieuses qui tentent de pondérer des influences particulières qu'on a pu avoir en 1973/74.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: A moins que M. Boyd ne veuille répondre au ministre.

M. BOYD: Je vais répondre à la question de M. Saint-Pierre, si vous me le permettez.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord. Allez-y, M. Boyd.

M. BOYD: Dans un programme nucléaire, comme M. Saint-Pierre le disait, l'investissement est moins fort que dans l'hydraulique. Seulement, on vous a démontré que les coûts d'exploitation, les coûts de réinvestissement nous frappent un peu plus tard. C'est un décalage. Et ce décalage nous arriverait au moment où il faudrait embarquer dans d'autres programmes de construction et où les programmes de construction seraient le double de ceux qu'on fait dans le moment.

En d'autres mots, ce serait déplacé dans le temps pour arriver à un problème pire en 1985 que celui que l'on a dans le moment. Alors, est-ce qu'on est mieux de vivre avec notre problème actuel face à un choix qui est le plus logique ou bien de remettre le problème à plus tard et de dire aux générations de 1985: On va vous coller un problème d'inflation continue sur l'eau lourde, sur l'exploitation des centrales nucléaires et vous vous arrangerez avec le problème?

M. MORIN: Oui. Je ne veux pas m'aventurer tout de suite dans le nucléaire, parce que là on pourrait discuter longuement sur vos hypothèses. Il se peut que la technologie nucléaire s'améliore, elle s'améliore tous les jours de fait, ce qui pourrait peut-être diminuer les coûts du combustible et les coûts de l'eau lourde éventuellement. Mais cela viendra à son heure, ça.

Je voudrais poser à nos invités, M. le

Président, la question suivante: Vous avez pris 7 p.c. comme hypothèse de travail en ce qui concerne l'inflation des coûts de construction. Nous, j'avoue que cela ne nous paraît pas très réaliste. On penserait plutôt à 9 p.c, peut-être même plus. Est-ce que vous pourriez nous dire, du moins, ce que représente une erreur ou une augmentation non prévue de 1 p.c. par rapport à l'ensemble du coût, par rapport aux $12 milliards? Si vous faites erreur devant nous ce matin, si l'année prochaine vous revenez devant nous en nous disant: Bien, 7 p.c, c'était trop conservateur; c'était plutôt 8 p.c, 8 1/2 p.c. et peut-être même 9 p.c, qu'est-ce que cela représente comme augmentation?

M. BOYD: Cela représente $650 millions. M. MORIN: $650 millions pour 1 p.c.

M. BOYD: Et cela s'applique à n'importe quel programme.

M. MORIN: Oui, j'ai bien compris ça.

M. BOYD: J'insiste parce que c'est un fait.

M. MORIN: Cest bon que nous le sachions. Bon. Maintenant, on pourrait peut-être étudier une autre variable. Il s'agit des plans.

Vous avez prévu, si je ne m'abuse, M. Boyd, 17 p.c. d'augmentation, à la page 22 de votre rapport.

M. BOYD: C'est ça.

M. MORIN: Mais seuls les plans et les soumissions de LG 2 peuvent être pris en considération à l'heure actuelle. Les études sur LG 1, LG 3, LG 4 ne sont pas terminées, comme je l'indiquais dans mon exposé préliminaire. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous avez calculé vos 17 p.c? Est-ce que vous avez déjà des données un peu certaines pour établir ces 17 p.c? Où en êtes-vous pour les plans dans LG 1, dans LG 3 et LG 4?

M. BOYD: On est certainement plus avancé que l'an dernier. Cela fait, en fait, depuis 1972 qu'on étudie plus en détail les plans et devis de chacun de ces barrages, à tel point qu'on a pu diminuer le taux prévu dans notre estimation totale.

Les plans et devis des autres centrales sont bien avancés. Ces estimations sont basées sur les meilleures connaissances techniques qu'on a au Québec. Je voudrais, d'abord, vous signaler que, dans les $11 milliards, j'aimerais faire une séparation. Vous avez demandé vous-même, et vous avez obtenu, hier, le rapport sur le coût des lignes qui est de $3,286 millions...

M. MORIN: Oui.

M. BOYD: ... pour les lignes et postes de $8,658 millions pour les centrales, digues et barrages.

M. MORIN: A propos des lignes, M. Boyd, est-ce que votre travail est fait sur le terrain?

M. BOYD: Le travail est fait en partie sur le terrain, mais vous devez admettre qu'au point de vue expérience de lignes, l'Hydro-Québec a ce qui est le plus avancé au monde. Je pense que c'est une chose dont on peut se vanter, l'Hydro-Québec et tous les Québécois ensemble. Et pour tenir compte des travaux sur un terrain qui ne sont pas terminés, dans ce montant dont je viens de vous parler, $3 milliards, on a mis 15 p.c. d'imprévu, pour tenir compte de certaines prévisions de fondations qui ne sont pas encore connues.

Donc je pense qu'avec la compétence qu'a l'Hydro-Québec et tout son personnel dans les lignes et postes et avec le facteur de sécurité de 15 p.c. pour les imprévus que je viens de vous dire, on est à l'abri. Je ne pense pas qu'aucun groupe au monde puisse arriver à mieux que cela.

D'ailleurs, je l'ai déjà dit ici dans le passé. Au point de vue lignes et postes, l'Hydro-Québec a toujours atteint ses objectifs au point de vue coûts. Quant à l'autre partie qui est pour les centrales, il y a une estimation de $8,658,000,000. Cette estimation est basée également sur les meilleures connaissances qu'ont nos ingénieurs du Québec. Il y en a plusieurs qui ont contribué à cela. Il y a des ingénieurs de l'Hydro-Québec; il y a des ingénieurs de la Société d'énergie; il y a des ingénieurs de Lalonde et Valois; il y a des ingénieurs de RSW (Rousseau, Sauvé, Warren); il y a des ingénieurs d'ABBDL (Asselin, Benoît, Boucher, Ducharme, Lapointe); des ingénieurs de SNC, des ingénieurs de Cartier et des ingénieurs de Bechtel, qui n'ont pas la gérance, en passant, et qui sont à notre service.

Tous ces gens ont contribué à l'estimation de $8 milliards. Cela fait deux ans qu'on pousse davantage les investigations, les explorations, et le projet, on le connaît. De plus, je dois vous dire que dans ces $8 milliards, il y a, pour les choses imprévues qui sont toujours présentes sur n'importe quel contrat, n'importe quel chantier, 8 p.c. d'imprévus. Vous pouvez vous imaginer que cela représente passablement d'argent.

C'est la fondation...

M. MORIN: M. le Président... Est-ce que vous avez terminé?

M. BOYD: Evidemment, dans les $11.9 milliards, si on les décompose, et dans les $3 milliards et les $8 milliards, la moitié de ces sommes est pour l'escalade et pour les intérêts durant la construction. C'est évident.

M. MORIN: L'escalade des coûts, oui.

M. BOYD: Le coût des travaux, c'est environ $4 milliards. C'est, en fait, $3.8 milliards pour les centrales, le coût direct des travaux.

M. MORIN: M. Boyd, dans le cas de LG 2, quelle a été l'augmentation des coûts de 1972 à 1974?

M. BOYD: Cela a été d'au moins 20 p.c. parce que l'escalade, on l'a donnée. C'est l'escalade qui a fait changer les coûts, ce ne sont pas les estimations, ce n'est pas le manque de plans et devis, ce sont les 20 p.c. d'escalade.

M. MORIN: Sans l'inflation ou avec l'inflation?

M. BOYD: 20 p.c. d'escalade.

M. MORIN: Oui, sans l'inflation ou uniquement l'inflation?

M. BOYD: L'escalade et l'inflation, c'est la même chose, dans mon dictionnaire.

M. MORIN: Oui, je comprends. C'est uniquement l'inflation, alors, ces 20 p.c.

M. BOYD: Oui.

M. MORIN: II n'y a pas eu d'augmentation en raison de changements dans les plans, par exemple?

M. BOYD: Oui. Il y a eu premièrement changement pour l'augmentation de puissance. On a commencé avec neuf ou dix turbines. On est rendu à seize turbines parce qu'on produit plus d'énergie. C'est un changement majeur qui affecte les dimensions. La centrale, maintenant, va avoir une caverne qui va mesurer, je ne sais pas, 1,200 pieds — je l'ai dit hier — 1,300 pieds de long. Tout cela a changé.

On a fait certains changements techniques, comme par exemple le déversoir. Pour des raisons d'écologie, les gens qui s'occupent de l'écologie et de l'environnement, chez nous, ainsi que les Indiens, nous ont dit: Si vous avez le déversoir dans telle vallée, cela va détériorer le site. Alors, on a changé le déversoir de place. Cela fait partie des 17 p.c. Il y a des choses semblables qu'on a changées, qu'on a modifiées. On a changé l'axe du barrage principal parce qu'on a voulu avoir des meilleures fondations, mais le roc est absolument solide, c'est quelque chose d'extraordinaire, et les différences sont surtout dues à l'inflation qui est de 20 p.c. et à une puissance additionnelle.

Il peut y avoir eu certains changements, mais on avait, à ce moment-là, 10 p.c. d'imprévus dans nos prévisions pour LG 2 et le reste, pour les changements techniques.

Si vous me le permettez, vous avez peut-être tous lu la Gazette de samedi dernier; c'est peut-être à partir de ça que certains d'entre vous parlent de $20 milliards. C'est assez effarant qu'on attache autant d'importance à un journaliste bien motivé peut-être, mais qui se fait passer pour un assistant cuisinier ou quelque chose de semblable et qui fait des déclarations qui ébranlent la province, basées sur des conversations de cuisine avec un type qui fait une farce et qui met en doute l'honnêteté et la responsabilité de nos ingénieurs, ainsi que de nos ingénieurs-conseils.

J'ai ici une lettre signée par le vice-président directeur général de SNC-Cartier, qui est tout à fait importante. Si le président le permet, j'aimerais la lire et en déposer copie.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous voulez la lire, on pourra en faire déposer des copies par la suite.

M. BOYD: Alors, SNC-Cartier, c'est un consortium; d'ailleurs, tout le monde sait que ce sont deux entreprises énormes au Québec qui font du travail d'ingénierie en Europe, en Afrique, en Amérique du Sud, au Canada, un peu partout dans le monde. C'est M. Gourdeau qui est le vice-président directeur général du consortium et qui est le responsable du consortium chez nous, pour LG 3. "A la suite d'un article paru dans la Gazette du 29 juin 1974, nous aimerions vous faire part de ce qui suit: Le consortium SNC-Cartier, consultants de Montréal, qui a été retenu pour les études techniques relatives au site LG 3 du projet d'aménagement de la baie James, déclare aujourd'hui que, depuis environ un an que les études du projet se poursuivent, un programme d'exploration a déjà été complété et qu'en aucun temps les résultats de ces études n'ont permis de mettre en doute la qualité et la stabilité des fondations sur lesquelles reposeront les barrages et digues. A la suite d'un reportage publié dans la Gazette de samedi, 29 juin, le groupe d'ingénieurs précise que les conditions du sol, tant au site du barrage qu'ailleurs où il y a des travaux connexes, sont excellentes et l'évolution des études ne laisse prévoir aucune difficulté. "De plus, le consortium SNC-Cartier, après une enquête auprès de la personne citée dans l'article, est d'avis que le journaliste aurait fondamentalement déformé des bribes de conversations relevées au hasard de rencontres fortuites avec des individus sur le chantier. Par ailleurs, le consortium SNC-Cartier précise également que la personne citée par le représentant de la Gazette n'a aucunement le mandat ou les données nécessaires pour se prononcer sur l'ensemble des travaux relatifs à la qualité du sol ou le coût des travaux. Dans sa déclaration, le consortium SNC-Cartier, un des plus importants du genre au Canada, précise enfin que ce groupe d'ingénieurs du Québec a été retenu par la Société d'énergie de la baie James pour les études techniques du projet LG 3 et qu'aucun consultant de San Francisco ou d'ailleurs n'a été retenu par le consortium pour poursuivre

d'autres études connexes." Signé Jean-Paul Gourdeau.

M. MORIN: M. Boyd, est-ce que...

M. BOYD: J'ai une autre lettre, si vous le permettez, qui est de Terratech, qui eux sont chargés de faire l'analyse des sols. Ils n'ont pas été mentionnés comme tels mais une des personnes mentionnées dans l'article n'était pas de SNC, mais bien de Terratech.

C'est une entreprise bien connue mondialement, qui fait des travaux à peu près partout dans le monde, dans l'analyse des sols. Suite à l'article paru dans l'édition du samedi 29 juin dernier du quotidien The Gazette, nous désirons apporter les précisions suivantes: Terratech Limitée détient un mandat de la Société d'énergie de la baie James pour participer aux travaux d'échantillonnage du sol et réaliser des essais de laboratoire sur le site du barrage LG 3 du complexe La Grande de la baie James, suivant un programme établi par les ingénieurs-conseils, que je vous ai nommés, et la Société d'énergie de la baie James.

Nous n'avons aucun mandat pour évaluer la durée et les coûts des travaux de ce projet particulier et, de plus, nos équipes sur place ne possèdent pas la formation ni les données nécessaires leur permettant de faire de telles évaluations. Nos services professionnels, dans ce cas précis, se limitent aux essais de la mécanique du sol et notre équipe sur place se compose d'inspecteurs qui n'ont d'autre fonction que d'assurer la réalisation des essais; les données recueillies sont alors remises aux ingénieurs retenus par la Société d'énergie.

M. MORIN: M. Boyd, pouvons-nous maintenant passer au barrage principal de La Grande?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous me permettez, le chef de l'Opposition officielle, le député d'Abitibi-Est avait une question complémentaire à poser.

M. MORIN: Complémentaire, parce que j'aimerais continuer mon entretien avec M. Boyd.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Est-ce sur les coûts?

M. HOUDE (Abitibi-Est): Sur les coûts, oui. Vous avez parlé tout à l'heure d'un taux d'inflation de 7 p.c. que vous estimiez conservateur et que...

M. MORIN: Sur les coûts, oui.

M. HOUDE (Abitibi-Est): ... vous prévoyez arriver à 9.2 p.c. ou 9.1 p.c. Sur quoi vous basez-vous?

M. MORIN: 8 p.c. ou 9 p.c, d'après un certain nombre de revues spécialisées. .

M. MALOUIN: Mais quelles sont vos...

M. MORIN: J'ai posé la question. Je voulais savoir si c'était le point...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Cela irait à l'Hydro-Québec, je veux dire, on demande une précision.

M. MALOUIN: Vous avez dit...

M. MORIN: M. le Président, si je peux continuer à interroger M. Boyd.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord, allez.

UNE VOIX: ... une réponse.

M. MALOUIN: Nous, c'est qui ça? Vous avez dit nous...

M. LESSARD: Nous avons tout simplement posé la question à M. Boyd et au président de l'Hydro-Québec concernant ces 7 p.c. D'accord?

M. MORIN: Messieurs de l'Hydro-Québec, en ce qui concerne le barrage principal de La Grande, est-ce que vous pourriez nous dire à combien vous aviez évalué le coût et à quoi vous vous attendiez pour ce qui est des soumissions? Le Globe and Mail vous fait dire, en tout cas fait dire...

UNE VOIX: La Gazette.

M. MORIN: Non, c'est le Globe and Mail, je crois, du 19 avril. Il vous fait dire que vous aviez pensé que le travail pourrait être fait pour une somme variant de $117 millions à $125 millions, somme qui aurait été mentionnée dans des interviews avec le Globe and Mail, en avril ou en mars dernier. Et il vous fait dire également que vous vous attendiez à une plus basse soumission de $154 millions. La soumission de Spino, qui était la plus basse, était de $224,296,900. Pourriez-vous donc nous dire, en premier lieu, à quoi vous vous attendiez et, ensuite, nous confirmer le chiffre que vous a donné la firme Spino?

M. BOYD: Naturellement, il me fait plaisir de répondre à cette question. Encore une fois, on est pris devant un problème de journalistes. J'ai beaucoup d'admiration pour les journalistes, qui font un travail très dur et qui souvent sont pris avec des informations fausses qui leur sont communiquées. Dans ce cas-ci, le journaliste parle de chiffres qui ont été mentionnés avant qu'on parle de 7 p.c. d'escalade et de 10 p.c. d'intérêt.

Ce sont des chiffres, qui n'ont plus aucune signification au mois d'avril 1974, qui n'ont aucune espèce de valeur. Cela c'est un des points. L'autre point, c'est une chose qui va arriver fréquemment, si vous vous fiez aux

racontars ou ce qui peut paraître dans certaines documentations, même officielles. Lorsqu'on va en appel d'offres, il y a un bon de cautionnement qu'il faut demander aux soumissionnaires et souvent on mentionne un chiffre qui est beaucoup plus bas que le montant de notre estimation définitive, parce que les fournisseurs ont pris l'habitude de multiplier par 10. Et, si on dit $15 millions de bon de cautionnement, ils multiplient par 10, puis ils disent: La soumission devrait être autour de $150 millions.

C'est un truc qui se joue des deux côtés, donc il faut faire attention à ça. Mais, pour répondre encore plus précisément à votre question, pendant que les appels d'offres sont sur le marché, nous avons chez nous un service qui prépare une soumission de la même façon que s'il était un entrepreneur, exactement. Il reçoit, dans le cas actuel, les documents qui sont épais, avec des rouleaux de plans comme ça. Ils se groupent pendant toute la période, ça leur prend autant de temps qu'aux soumissionnaires. Ils préparent leur propre estimation qu'il mettent sous clé et le service d'approvisionnement, de construction et d'ingénierie n'est pas au courant du montant. Le jour de l'ouverture des soumissions, on ouvre celle-là en même temps que les autres.

Et savez-vous ce que c'était notre estimation le jour de l'ouverture de la SEBJ?

M. MORIN: Non, je vous le demande.

M. BOYD: C'était $228 millions. Celui de Impregilio-Spinon était de $224 millions. Il y a deux autres entreprises qui ont soumissionné, $330 millions et $348 millions. Elles étaient hors course. Alors c'est le mieux que je peux répondre à votre question.

M. MORIN: Mais vos prévisions originales, avant que vous ayez fait faire ce travail par vos propres services? C'est un travail extrêmement utile, je ne le nie pas. Est-ce que vous aviez des prévisions préliminaires?

M. BOYD: Nos prévisions, qui dataient de 1972, était basées sur une escalade de 4 p.c. et des taux d'intérêt de 8 1/2 p.c. Alors...

M. MORIN: D'accord, mais quelle était cette prévision à ce moment-là?

M. BOYD: Peut-être le chiffre que vous avez mentionné, je ne l'ai pas ici devant moi. Si vous employez la comparaison qu'on a faite tout à l'heure, que, du fait de changer, l'escalade et le taux d'intérêt double, vous avez une réponse, ça pouvait être $150 millions.

M. MORIN: C'est parce que ça nous donnerait une idée de l'augmentation du coût des matériaux entre-temps.

M. BOYD: Ce ne sont pas les travaux qui ont augmenté de ça. Ce n'est pas le concept qui a changé, ce n'est pas le manque de connaissances des ingénieurs qui ont fait les plans et devis. Les ingénieurs qui ont fait les plans et devis du barrage, c'est Asselin, Bellemare, Boucher, ce sont eux qui font nos plans dans le moment à Manic 3, ce sont eux qui en font un peu partout; je pense qu'on peut se fier à eux. Ce sont eux qui ont fait les plans et l'estimation a varié dans le temps, parce qu'il y a eu une escalade de 20 p.c. dans la période.

M. MORIN: M. Boyd, j'aimerais maintenant vous poser une ou deux questions sur chacun des sites de La Grande.

Dans votre rapport, à la page 6, vous nous dites que du côté de LG 1 les travaux de déboisement, les investigations — j'imagine que vous voulez dire les recherches géologiques — et les relevés topographiques ont été suspendus pendant que s'accéléraient les négociations avec les autochtones. Pourriez-vous nous dire où les travaux, les recherches en étaient au moment de la suspension? Comment avez-vous pu évaluer, avant la suspension, le coût approximatif de LG1?

M. BOYD: Les travaux étaient passablement avancés et c'est seulement pour les mois d'avril et mai. C'est à la demande de M. Ciaccia, qui est le négociateur avec les Indiens, qui nous a dit que cela faciliterait les négociations avec les Indiens, que nous avons retardé. C'est mai et juin jusqu'au 1er juillet. On a dit: On va arrêter les travaux si ça facilite les négociations, mais...

M. MORIN: Je n'en suis pas à ça, je vous demandais où en étaient vos recherches à ce moment-là.

M. BOYD: Elles étaient suffisamment avancées, avec la connaissance qu'on a du site, pour faire des estimations valides. Quand on continue, c'est pour le détail du barrage, à savoir si on le fait à cet endroit, si on prolonge la digue un peu plus par là ou si on la prolonge un peu plus de l'autre côté.

M. MORIN: Pour LG 4, vous nous dites: On poursuit les travaux d'exploration. Etes-vous en mesure, sur la base de simples travaux d'exploration, d'après les résultats de ces travaux, de faire une évaluation vraiment sérieuse du coût éventuel?

M. BOYD: On connaît bien le site, dans ce cas-là. Je vous ai dit, tout à l'heure, qu'on avait 8 p.c. d'imprévus sur la moyenne du projet. Moins on a de connaissances précises sur un site, plus on met d'imprévus. Dans le cas LG 4, on met un montant plus élevé d'imprévus parce qu'il est un peu moins connu que LG 2.

M. MORIN: M. le Président, j'aimerais encore poser une ou deux questions avant que l'heure fatidique ne vienne. Sur le coût, tou-

jours, est-ce que la Bechtel, quelle que soit la nature du contrat qui vous lie à cette société, a évalué le coût des travaux de La Grande? Est-ce qu'elle a procédé elle-même à une évaluation?

M. BOYD: Elle y a procédé avec nous. Je vous ai parlé de tous les gens qui avaient participé. 1) Les gens de la Bechtel sont venus de San Francisco, leur siège social, pour travailler avec nous spécialement pour cette tâche.

M. MORIN: Est-ce qu'ils sont d'accord sur votre évaluation, globalement?

M. BOYD: Certainement. M. MORIN: A 11.9 p.c? M. BOYD: Certainement. M. MORIN: Est-ce qu'il est...

M. BOYD: Pardon. Les 11.9 p.c. ne les regardent pas. Ce qui les regarde, c'est le coût de base. Les taux d'intérêt, l'inflation, ce n'est pas l'affaire d'un consultant, même s'il est Bechtel ou même s'il est n'importe qui. C'est le propriétaire qui décide quel taux d'intérêt il pense qu'il va payer et c'est le propriétaire qui décide, avec des études économiques, quel va être le taux d'inflation. Donc, c'est vis-à-vis du coût de base. Mais, là aussi, je dois faire une précision, c'est que les lignes et postes — je vous l'ai dit tout à l'heure — représentent $3.25 milliards environ. C'était confié entièrement à l'Hydro-Québec qui, elle, a des experts et des conseils qu'elle consulte. Donc, Bechtel et les gens de la Société d'énergie n'ont pas eu à vérifier les chiffres de l'Hydro-Québec, Celle-ci s'en occupe elle-même. Donc, il nous reste, pour les coûts directs du projet, environ $3.9 milliards, comme coût de base. C'est là-dessus que Bechtel s'est prononcée comme notre conseiller et elle est entièrement d'accord sur ça.

M. MORIN: Est-ce qu'elle n'aurait pas un point de vue, cependant, non seulement sur les coûts de base, mais sur l'ensemble des coûts?

Est-ce que vous pourriez déposer le contrat qui vous lie à Bechtel? Est-ce que c'est possible?

M. BOYD: On a déjà discuté de cela à plusieurs reprises. C'est un contrat d'ingénierie comme bien d'autres. On en a plusieurs et il a toujours été décidé qu'il n'y aurait pas avantage pour le public qu'on dépose les contrats d'ingénierie. On n'en a jamais déposé un. Ce sont des contrats négociés et chacun est différent. C'est basé sur les mêmes normes qu'on emploie pour d'autres.

M. MORIN: Est-ce que, dans ce contrat, il y a des chiffres qui sont mentionnés quant au coût de base ou est-ce qu'il y a la moindre évaluation du coût des travaux?

M. BOYD: Dans ce contrat?

M. MORIN: Oui, dans ce contrat?

M. BOYD: Pas du tout.

M. MORIN: II n'y a aucune clause prévoyant que Bechtel doit se tenir à l'intérieur d'une certaine fourchette de coûts?

M. BOYD: Bechtel ne peut pas se tenir à l'intérieur de quoi que ce soit comme coûts, parce qu'elle n'a pas la gérance. C'est la Société d'énergie qui est responsable. Ils sont là pour partager avec nous...

M. MORIN: Ce sont des conseillers, simplement des conseillers.

M. BOYD: Ils sont des conseillers participants, ils participent à la gestion avec nos ingénieurs et nos comptables et tout. Dans le contrat, il n'est pas question du tout d'aucun chiffre parce que, à ce moment-là, on n'avait pas fini les estimations. On les a finies au mois d'avril ou au mois de mai.

M. MORIN: Pourriez-vous nous dire deux mots de LG 3?

M. ROY: Un instant, M. le Président. M. MORIN: Oui.

M. ROY: Je m'excuse auprès du chef de l'Opposition.

M. MORIN: Je vous en prie.

M. ROY: Puisqu'on a parlé de Bechtel, il y a une question que j'aimerais bien poser à ce moment-ci. Est-ce que Bechtel est rémunérée de façon fixe, c'est-à-dire un montant global pour toute l'exécution des travaux, ou si Bechtel est ruménérée selon un pourcentage des travaux en cours?

M. BOYD: Ni l'un, ni l'autre. Les gens de Bechtel sont rémunérés comme les ingénieurs-conseils. On a d'autres contrats avec des ingénieurs-conseils qui sont basés sur les heures travaillées avec un pourcentage pour tenir compte des frais d'administration, etc. — c'est normal — et avec un honoraire qui est le même que dans d'autres contrats d'ingénierie. Mais l'honoraire est un montant moins important relativement au total. C'est la même chose pour d'autres contrats. C'est basé, la partie principale du contrat, sur les heures travaillées. Et c'est nous qui décidons si nous ne voulons plus de leurs services ou non.

M. ROY: Si l'on se réfère à d'autres contrats qui sont effectués, on sait très bien que, lorsque le gouvernement engage des ingénieurs pour la construction d'un pont ou encore pour des travaux de drainage, les contrats avec les ingénieurs sont donnés selon les tarifs de la corporation et cela implique un pourcentage.

M. BOYD: Oui, mais selon le tarif...

M. ROY: D'ailleurs, vous l'avez dans la construction de toutes les écoles polyvalentes de la province de Québec, construction d'hôpitaux. On sait...

M. MALOUIN: La course aux territoires verts.

M. ROY: Là, je n'ai pas questionné mes collègues d'en face. J'ai questionné les gens de l'Hydro-Québec,...

M. MALOUIN: Excuse-moi.

M. ROY: ... pour votre propre bénéfice également, pour savoir...

M. SAINT-PIERRE: Pour cacher votre ignorance.

M. ROY: C'est justement. M. le Président, je regrette mais je ne ferai pas de commentaire aux propos qu'a tenus le ministre. J'aurais bien des choses à dire là-dessus. Je comprends qu'il est fier, qu'il a une certaine suffisance intellectuelle personnelle, cela on le connaît. Je ne ferai pas de débat là-dessus parce que cela pourrait être contesté.

M. SAINT-PIERRE: Au contraire, mon quotient intellectuel n'est pas assez haut pour vous suivre dans vos discussions.

M. ROY: M. le Président, je posais une question sérieuse aux gens de l'Hydro-Québec. Je voulais savoir si c'était de la rémunération à l'heure, si c'était de la rémunération selon un contrat à montant fixe ou encore s'il y avait, à l'intérieur de ce contrat — je repose la question — une partie de la rémunération qui tient compte de la masse globale des travaux qui sont faits. Vous nous avez dit que vous ne vouliez pas nous déposer le contrat mais il est normal qu'on pose des questions là-dessus.

M. BOYD: Premièrement, dans les tarifs de l'ordre des ingénieurs, il y en aurait différentes sortes dépendant de l'importance des montants. Pour des petits travaux, habituellement c'est fait tant par jour. Pour les travaux un peu plus importants, c'est basé sur les taux horaires des ingénieurs, plus un pourcentage de "mark up" pour l'administration, les profits, etc. Dans d'autres cas, il y a les taux horaires, plus un "mark up", plus des honoraires.

Dans notre cas, c'est la dernière formule. Il y a des taux horaires pour le personnel, plus un "mark up" pour tenir compte de l'administration, des profits, plus des honoraires. Les honoraires sont reliés au coût de base.

M. ROY: Reliés au coût de base. M. BOYD: Au coût de base.

M. ROY: En somme, cela veut dire que, plus les travaux augmentent, plus la masse globale, les contrats sont élevés, plus cette rémunération peut être élevée.

M. BOYD: Je pense que c'est une mauvaise façon de regarder la chose. Premièrement...

M. ROY: Ce n'est pas une mauvaise façon de regarder la chose parce qu'on regarde ailleurs et c'est ce qui se passe. Alors je veux savoir, dans le cas de 1'Hydro, si c'est différent.

M. BOYD: Je me suis peut-être mal exprimé mais ce que je veux dire, c'est que dans le cas actuel c'est une firme qui base sa renommée mondiale, assez importante, sur la réalisation des travaux en dedans des coûts estimés. Les estimations sont maintenant connues. Je vous ai donné le chiffre de $3.9 milliards, qui est l'estimation de base. On a cette estimation. Cette entreprise, sa responsabilité vis-à-vis de sa renommée mondiale est d'arriver à ce montant et non pas de le dépasser. C'est assez important.

A part cela, c'est quand je vous ai parlé de taux horaires et de "mark up" dans leur cas pour tout le personnel de leur entreprise qui est au chantier, c'est le taux horaire sans aucun "mark up". Donc, il n'y a pas intérêt à avoir plus de monde qu'il ne faut.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Sauvé.

M. MORIN: C'est simplement pour répondre à une question qui m'a été posée au milieu de mon entretien avec nos invités. On m'a demandé quelle était la source du pourcentage d'augmentation du coût des matériaux. Il y en a plusieurs, mais je voudrais en mentionner une qui est tout à fait officielle puisqu'il s'agit d'une publication du ministère de l'Industrie et du Commerce: La situation économique au Québec en 1973. Le tableau 17 porte sur la variation de l'indice des prix des matériaux de la construction au Canada, et pour 1973, l'augmentation pour la construction domiciliaire a été de 12.6 p.c. et pour le non domiciliaire elle a été de 10.5 p.c.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce qu'on peut demander à M. Boyd quel est le taux utilisé pour 1973, la même année qui a été citée dans vos estimations actuellement?

M. BOYD: Nous avons estimé 10 p.c, pour l'ensemble. Pour les matériaux, malheureusement cela commence en 1974.

Pour l'ensemble, main-d'oeuvre, matériaux et équipement on a utilisé un composé de 10 p.c.

M. SAINT-PIERRE: Mais, tantôt, pour les matériaux, vous n'avez pas mentionné un chiffre de 25 p.c. pour 1973?

M. BOYD: Pour 1974.

M. MORIN: Pour 1974.

M. SAINT-PIERRE: Pour 1974. Pour 1973?

M. MORIN: C'est 25 p.c. en 1974, ça commence bien en moyenne.

M. BOYD: Pour les matériaux en 1974, on a 25 p.c.

M. SAINT-PIERRE: C'est ça, leur estimation, ils ont mis 24 p.c. et vous trouvez que ce n'est pas assez?

M. MORIN: Je trouve que ce n'est pas réaliste. Cela veut dire que pour l'ensemble ce sera 7 p.c.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, fondamentalement, ça fait mal, mais il y a une épargne de $11.7 milliards pour les Québécois par le choix qui a été fait par l'Hydro-Québec. Ces gens ont droit à nos remerciements, ils ont sauvé...

M. MORIN: Si les hypothèses sont exactes...

M. SAINT-PIERRE: ... par le choix de Churchill Falls par rapport à la filière nucléaire... L'histoire se répète et on ne comprend pas l'entêtement des gens qui refusent et qui pourtant sont toujours dans les chiffres...

M. MORIN: M. le Président, c'est un point sur lequel, je pense, il faut répondre au ministre de l'Industrie et du Commerce. Je l'ai laissé aller tout à l'heure, mais il est...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous le permettez, on reprendra ça à trois heures.

DES VOIX: Suspension.

M. MORIN: Je demande trente secondes. Le ministre de l'Industrie et du Commerce essaie de faire retomber sur une personne des décisions au sujet de Churchill Falls. C'est la deuxième fois qu'il se réfère à ça. Il faudra qu'il se réfère à ce qu'a dit Jean-Jacques Bertrand là-dessus avant son décès lorsqu'il a affirmé que cette décision n'incombait pas à M. Parizeau le moins du monde. Il a déclaré...

M. SAINT-PIERRE: Un instant, vous allez me donner dix secondes pour dire que M. Jean-Jacques Bertrand, dans cette même salle, ici, avait dit que sur ce point il avait été très mal conseillé par ceux qui l'entouraient à l'époque.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

Reprise de la séance à 15 h 11

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des richesse naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Pour la présente séance, M. Garneau remplace M. Perreault. Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, mes questions feront suite aux questions du chef parlementaire de l'Opposition et seront posées à M. Boyd.

Ce matin —je vais finir par m'habituer, M. le Président — le chef parlementaire de l'Opposition vous a longuement interrogé sur le coût du projet La Grande estimé à $11,9 milliards. Vous conviendrez... Pour autant justement que nous acceptions que le taux d'inflation peut être de 7 p.c. et de 10 p.c. pour l'intérêt. Le chef de l'Opposition avait souligné le fait que ce taux d'inflation de 7 p.c. correspondait assez peu au taux d'inflation que nous avions subi au cours de l'année dernière.

Cependant, vous conviendrez, M. Boyd, que, par rapport au projet initial qui était prévu de $5,800,000,000, le prix d'aménagement, le coût d'aménagement de la baie James a doublé. C'est bien le cas, le coût d'aménagement de la baie James a doublé par rapport au projet initial?

M. BOYD: Pas tout à fait, parce qu'on a 24 p.c. plus d'énergie.

M. LESSARD: 22 p.c, c'est-à-dire qu'il y a... M. BOYD: 24 p.c.

M. LESSARD: D'accord. Je tiens compte du fait que l'augmentation de la puissance installée augmente le coût de 22 p.c. Disons qu'il y a une différence de 28 p.c. qui s'explique, semble-t-il, d'après les réponses que vous avez données au chef parlementaire, par différentes causes. Ce que nous vous demandons et ce que je vous demande c'est si, dans l'évaluation que vous avez faite, soit $9,9 milliards si vous estimez le taux d'inflation à 4 p.c, ou $11,9 milliards, si vous estimez le coût d'inflation à 7 p.c, si, dans ce coût, vous avez tenu compte d'un coussin assez important qui vous permette de dire que ce montant sera vraiment respecté et que nous ne pouvons pas envisager la possibilité, par exemple, d'en arriver à des coûts de $14 milliards, $15 milliards ou $16 milliards, ou peut-être $18 milliards comme un journaliste l'aurait laissé entendre dernièrement.

M. BOYD: D'abord, il faut distinguer, comme on le disait ce matin, les coûts de base, des coûts d'escalade, des coûts d'intérêt.

On vous dit que le coût de base qui a été vérifié par tout le monde, que j'ai mentionné ce matin, celui-là est le coût qu'on peut contrôler, qu'on peut diriger, et on a l'intention de le respecter.

Quant aux coûts d'escalade et d'intérêt, il n'y a personne, ici, dans la salle, il n'y a personne au Québec et au Canada... Je pense bien qu'il y a des tas de gens qui voudraient pouvoir contrôler l'inflation et l'intérêt dans le moment. Donc, je ne peux pas vous donner de garantie que cela va être plus, comme je ne peux pas vous donner de garantie que cela va être moins. Des taux d'intérêt à 10 p.c. pendant douze ans, si on regarde l'histoire du passé, à mon avis, cela n'a jamais existé. Cela a varié. Nous-mêmes, nous Hydro, avons atteint 9.9 p.c. En quelle année? En 1970/71. Depuis, cela a baissé à huit et' un tiers pour cent, huit et un quart pour cent. Cela a remonté à neuf et un quart pour cent, neuf et demi pour cent. On met 10 p.c, mais on n'a pas encore atteint 10 p.c. Probablement que si on l'atteint, cela va être pour une courte période. Il n'y a certainement personne qui puisse donner de garantie là-dessus ici.

M. LESSARD: Mais, M. Boyd, justement dans ce coût estimé de $11,900 milliards, vous vous êtes quand même conservé un coussin assez important qui vous permette... Parce que vous avez parlé, ce matin, de la possibilité d'une diminution du taux d'intérêt, et le taux d'intérêt, vous l'évaluez actuellement, selon vos hypothèses, lorsque vous parlez du coût de $11 milliards...

M. BOYD: C'est 10 p.c.

M. LESSARD: ... vous l'évaluez à 10 p.c. Maintenant, est-ce que vous vous êtes conservé un coussin assez important, lorsque vous estimez à $11,900 milliards, pour permettre de dire que cela ne peut pas aller au-delà de, ou être inférieur à, c'est-à-dire de vous conserver un maximum. Parce que vous conviendrez avec nous, M. le Président, que le coût final du projet a des conséquences énormes pour ce qui concerne le choix que nous allons prendre entre le nucléaire et l'hydroélectrique.

M. BOYD: Le choix que nous avons à faire entre le nucléaire et l'hydraulique est basé sur le coût de l'énergie qui va en sortir. C'est ce point que nous avons discuté hier et que nous discuterons peut-être encore tout à l'heure. Pour nous, c'est le point important: combien nous coûtera l'énergie, selon une méthode ou une autre. Là-dessus, si vous permettez, j'ai vérifié les chiffres qui étaient mentionnés ce matin et c'est bien un montant de $230 millions d'économie par année si on se base sur les chiffres qu'on nous a donnés par écrit.

Par contre, il y a un montant que je vous ai donné — en réponse à M. Morin ce matin — et que j'aimerais corriger. C'est un montant qu'on m'avait fait rapidement et, à l'heure du déjeuner, on a pu corriger. On m'avait demandé quel serait l'effet de l'augmentation de 1 p.c. de l'escalade. Je vous ai répondu: $650 millions. C'est une erreur. C'est $650 millions, si c'est

une hausse de 1 p.c. de l'escalade et 1 p.c. de l'intérêt. Si c'est seulement 1 p.c. de l'escalade, c'est $350 millions. Je voulais corriger cela.

Pour revenir à votre question principale, j'aimerais bien pouvoir vous assurer que c'est 10 p.c. et que nous ne dépasserons jamais 10 p.c, mais je répète qu'il n'y a personne, —même pas les plus grands financiers au monde — qui peut assurer cela dans le moment.

Si on se base sur l'expérience passée, sur la nôtre à Hydro-Québec, on n'a jamais dépassé 9.9 p.c. Cela a oscillé. Où en sommes-nous dans le moment? Est-ce que cela restera à 10 p.c. pendant douze ans? Mon opinion personnelle est non, mais je ne suis pas un spécialiste financier et certainement pas un spécialiste mondial en finances. Eux-mêmes ne peuvent pas le dire.

M. GARNEAU: Dans le même cadre que la question du député de Saguenay, est-ce qu'il serait correct de raisonner de la façon suivante? Dans votre choix, puisque vous vous y êtes référé — le député de Saguenay s'y est référé tout à l'heure — entre le nucléaire et l'hydraulique, en termes de coût de construction, c'est le coût de base qui serait le point de départ et l'escalade et les taux d'intérêt jouent des deux côtés, dans les mêmes proportions.

M. BOYD: L'escalade et le taux d'intérêt sont pour nous des choses incontrôlables. Cela peut-être 6 p.c, 7 p.c. pour l'un et 10 p.c. pour l'autre. Cela pourrait être plus, cela pourrait être moins.

M. GARNEAU: Mais ce que je veux dire, une fois que vous partez d'un coût de base —dans le cas présent, c'est $6 milliards qui est le coût de base que vous nous avez donné avec l'augmentation de puissance — si vous prenez les coûts de base d'un choix qui serait le nucléaire, les deux coûts de base devraient être escaladés suivant l'inflation et suivant les taux d'intérêts. Dans ce sens, les mêmes facteurs joueraient dans les mêmes proportions, si on parle des taux d'intérêt de l'inflation.

M. BOYD: D'accord!

M. GARNEAU: L'inflation ne serait pas moins dans le nucléaire que dans l'hydraulique, de telle sorte que le point de repère serait dans votre évaluation du coût de base qui produit ensuite de l'énergie. C'est ce coût de l'énergie électrique qui sort, qui vous sert de point de comparaison entre les deux.

M. LESSARD: Je pense que nous aurons l'occasion d'en discuter, mais il y a l'étalement des investissements en ce qui concerne le nucléaire et l'hydraulique, qui est complètement différent. On reviendra à cela plus tard.

M. GARNEAU: Non, mais c'est vous qui avez posé la question tout à l'heure.

M. LESSARD: Non, c'est-à-dire que...

M. GARNEAU: Vous avez même relié le choix ou l'importance de l'évaluation qu'on doit apporter au taux d'intérêt et à l'inflation, comme étant un des facteurs très importants pour savoir si on a bien fait de choisir l'hydroélectrique au lieu de choisir... Vous avez dit cela vous-même tout à l'heure. Alors, la question que je repose, c'est de savoir si le raisonnement que je faisais, était correct. C'est que si les coûts de base sont donnés dans un cas comme dans l'autre, dans l'hydraulique ou dans le nucléaire, l'échelle mobile des coûts due à l'inflation et au taux d'intérêt jouant dans les mêmes proportions dans les deux côtés, le résultat va être le même. Moi, c'est ce qu'on m'a dit, à moins que vous soyez plus clair qu'eux.

M. LESSARD: On en discutera si le taux d'inflation joue de la même façon pour un projet ou pour l'autre. Est-ce que, M. Boyd, étant donné que vous faites une moyenne du taux d'intérêt à 7 p.c, vous pourriez nous donner l'estimation du taux d'intérêt calculé annuellement.

M. BOYD: L'intérêt, c'est 10 p.c.

M. LESSARD: Alors, c'est 10 p.c, d'accord! Est-ce que vous pourriez nous donner l'estimation du taux d'intérêt d'année en année jusqu'en 1985?

M. BOYD: On a assumé que ce serait 10 p.c. à tous les ans.

M. LESSARD: En moyenne?

M. BOYD: Oui.

M. LESSARD: Maintenant, je reviens...

M. BOYD: La façon dont on l'applique... l'année donnée, on a $1 milliard d'investi. On charge contre ce milliard 10 p.c. d'intérêt, donc à la fin de l'année, c'est $1 milliard plus 10 p.c. de $1 milliard, cela fait $100 millions, si je ne me trompe pas. Donc, les travaux à ce moment, représentent $1.1 milliard.

M. SAINT-PIERRE: Une chance que Fabien n'est pas ici!

M. LESSARD: Vous ne pouvez pas assurer les membres de la commission parlementaire que ce montant de $11,9 milliards ne pourra pas être dépassé?

M. BOYD: Je vous ai répondu, je pense, tout à l'heure, le mieux possible. Il n'y a personne, que je connaisse, qui peut dire que les taux d'intérêt vont être limités à 10 p.c. pendant douze ans. Je vous ai dit que cela pouvait être moins et que cela pouvait être plus. Je vous ai dit que l'expérience à l'Hydro-Québec, c'est

qu'on avait frappé 9.9 p.c. pour une fois, pour un emprunt. Cela avait baissé ensuite. Ne me demandez pas de vous garantir quelque chose que les experts financiers ne peuvent pas faire.

M. LESSARD: Si on délaisse le taux d'intérêt qu'on ne peut estimer, on peut quand même prévoir un coussin. Quel coussin vous êtes-vous conservé pour pouvoir en arriver aussi justement que possible à $11,9 milliards?

M. BOYD: On revient à l'estimation de base. Je vous ai dit ce matin que, pour la partie hydroélectrique de l'estimation de base, on avait des imprévus de 8 p.c. Alors, 8 p.c. de près de $4 milliards. C'est cela que nous avons comme imprévus qui seraient causés par des modifications qu'on doit faire du point de vue technique. Tandis que... On me donne les chiffres exacts, c'est 8 p.c. de $3.7 milliards, ce qui donne $280 millions d'imprévus pour les modifications techniques qu'il faudrait faire au projet hydroélectrique. A une autre question, ce matin, j'ai dit que, pour les lignes et postes, étant donné qu'on n'avait pas terminé les travaux sur le chantier, c'est-à-dire l'étude des fondations pour chaque pylône n'est pas faite mais les tracés sont choisis, dans ce cas, on avait un facteur, un coussin du côté des lignes et postes de 15 p.c. d'imprévus. Alors, c'est 15 p.c. de... Je ne me rappelle plus le montant.

M. LESSARD: Pour les lignes de transmission.

M. BOYD: Oui, il y avait 15 p.c. Quant au taux d'intérêt... C'est 15 p.c. de $1,8 milliard.

M. LESSARD: Combien?

M. BOYD: 15 p.c. de $1,8 milliard pour les lignes et les postes.

M. LESSARD: Pour le taux d'intérêt. Pour les imprévus.

M. BOYD: Pour les imprévus. Quant aux taux d'intérêt, il n'y a absolument personne qui puisse donner des garanties qui ne seront pas plus que 10 p.c. mais il n'y a personne qui peut vous dire que ce ne sera pas 8 p.c, pour la moyenne.

M. LESSARD: D'après ce que vous nous avez dit ce matin, le taux d'intérêt aurait plutôt tendance à diminuer par rapport justement aux années dernières.

M. BOYD: C'est mon opinion personnelle. D'autres peuvent avoir des opinions contraires mais je vous dis là-dessus que si le taux d'intérêt pour Hydro-Québec monte, ça va s'appliquer pour tous les autres projets d'Hydro-Québec, parce que c'est Hydro-Québec qui emprunte pour la Société d'énergie. Si Hydro-Québec continue à bâtir Manic 3, Outardes 2, Gentilly 2, et d'autres choses, les lignes et les postes, etc., si elle dépense de l'argent qu'elle emprunte pour faire la distribution, tout ça va être à 10p.c. ou à 8 p.c. ou à 11 p.c. d'intérêt. Si elle bâtissait, au lieu de la Baie James, Gentilly 3, Gentilly 4, Gentilly 5, Gentilly 6 jusqu'à Gentilly 12, etc., ce serait aussi à 10 p.c, 11 p.c. ou 8 p.c. d'intérêt. Donc, le problème resterait là.

M. LESSARD: M. Boyd, parce que nous aurons l'occasion de parler tout à l'heure du financement, vous conviendrez qu'il est extrêmement important de pouvoir estimer au moins, selon les chiffres les plus près possible, un investissement comme celui-là pour pouvoir le financer. Il reste quand même que $12 milliards correspondent à $2,000 par personne au Québec, comme investissement. Nous sommes 6 millions au Québec, ça correspond à $2,000 par personne jusqu'en 1980. Il est important de pouvoir savoir si ce montant de $11.9 milliards ne sera pas dépassé.

M. BOYD: Je ne sais pas ce que je peux ajouter...

M. LESSARD: Mais vous ne pouvez pas...

M. BOYD: Je voudrais bien pouvoir ajouter quelque chose. Je vous dis qu'on a des coûts de base qui sont connus maintenant, ils ont été déposés et on va les contrôler. L'escalade et l'intérêt, ce n'est pas nous qui les contrôlons.

M. LESSARD: Concernant les prix de base...

M. BOYD: Si un organisme gouvernemental voulait nous prêter de l'argent à 8 p.c, ce serait une bien bonne chose. Maintenant, on ne peut rien y faire.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'on peut simplement parler encore de l'inflation et du taux d'intérêt? Ce qu'il est bon de se rappeler, c'est qu'en ce qui touche d'une part les taux d'intérêt, Hydro-Québec utilise comme taux moyen pour l'ensemble de son programme d'investissement, un taux d'intérêt qu'elle n'a jamais payé jusqu'ici, comme taux moyen.

Je pense que, supportée par autant de revues que vous pouvez en donner vous-mêmes, l'ascension constante des taux d'intérêt apparaît inconcevable. Nous sommes dans une période très forte, mais on voit que les mouvements cycliques ont déjà commencé à se mettre en oeuvre. On le sent dans le prix du bois, on le sent dans nombre d'indicateurs économiques. Il me semble donc que, par rapport à ce taux de 10 p.c, on ne peut sûrement pas accuser Hydro-Québec d'avoir fait preuve d'imprudence ou d'être trop optimiste.

Dans les 7 p.c. d'inflation, et c'est une question que j'aimerais poser à M. Boyd, on sait

que l'inflation, dans un projet de construction hydroélectrique, n'est pas la même chose que l'indice implicite des prix à la consommation qui touche le consommateur ou une partie importante peut-être — particulièrement dans ces années actuelles — dans le secteur de l'alimentation. Ils nous ont donné une preuve que l'indice qu'ils ont retenu est un indice basé spécifiquement sur une décomposition des coûts du projet, tant sur le plan de la main d'oeuvre que des matériaux, que des services.

J'aimerais demander à M. Boyd quelle a été l'expérience des 20 dernières années, depuis la période d'après-guerre, sur l'indice de l'inflation des coûts de matériaux. Est-ce qu'il y aurait des statistiques au niveau de vos recherches économiques qui nous permettraient de donner quel a été annuellement le taux d'augmentation des coûts de matériaux qui, bien sûr, dans un projet hydroélectrique seront un aspect important de ce projet?

Je ne sais pas si on peut le trouver. Mais, je vais risquer... enfin...

M. BOYD: J'ai ici — je ne sais pas si on peut en trouver d'autres en attendant — "Prix et indice des prix" statistiques fédérales, pour l'indice des prix de la construction non résidentielle, pour les matériaux. En 1966, l'indice était de 115.4 et en 1973, c'était 157.3.

C'est un indice. Tandis que la main d'oeuvre — on voit qu'il faut prendre des composantes, on ne peut pas prendre...— c'était 128 contre 249.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce...

M. BOYD: Dans le projet, comme on a dit précédemment, on décompose tant d'hommes/mois et on applique un taux d'escalade pour la main-d'oeuvre, ensuite les matériaux et l'équipement.

M. SAINT-PIERRE: On voit que, pour une période de treize ans — puisque, dans l'indice donné par M. Boyd, les chiffres 100 se retrouvent en 1961 — de 1960 à 1973, l'augmentation a été de 57 p.c. Treize ans, c'est à peu près la période prévue pour la construction du barrage de la baie James.

Je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui veut faire le calcul, mais, à un taux de 7 p.c. par année, cumulatif, sur une période de treize ans, cela va donner beaucoup plus que l'expérience des treize dernières années. Tout cela pour dire qu'au niveau des coûts de financement, il m'apparait que 10 p.c, qui est un taux moyen utilisé, dépassant tout ce qu'ils ont déjà eu, cela m'apparaît un taux assez libéral et que les 7 p.c. sur l'inflation peuvent paraître faibles, par rapport à ce qu'on a vécu récemment, mais lorsqu'on analyse qu'il y a une très forte proportion, dans cela, qui est reliée aux matériaux et non à l'alimentation et des choses semblables, la tendance, à long terme, est de beaucoup plus faible. Je ne sais pas si on l'aurait.

M. BOYD: Pardon, excusez-moi.

M. SAINT-PIERRE: La tendance à long terme, par année, vous...

M. BOYD: J'ai essayé et, apparemment, mon affaire n'est pas assez claire. Cela relève de... J'aimerais, avec votre permission, qu'on demande à M. Larochelle, qui est un économiste de longue expérience, de vous expliquer cela. Mais avant de lui céder la parole, j'aimerais essayer de répondre à une question au sujet du coussin ou des imprévus dont on parlait tout à l'heure. Je vous ai dit que pour la partie hydroélectrique, on avait 8 p.c. de $3.7 milliards, ce qui faisait $280 millions et que, pour la partie lignes et postes, on avait 15 p.c. qui représentaient $270 millions. Cela fait $550 millions.

Evidemment, là-dessus, dans les $11.9 milliards, on prend l'escalade et l'intérêt de 10 p.c. sur les imprévus. Donc, les $550 millions doublent. Cela nous fait donc $1,100,000,000 pour les imprévus escaladés et les intérêts.

M. LESSARD: Qui étaient calculés dans votre $1,100,000,000.

M. BOYD: C'est inclus, $1.1 milliard M. LESSARD: Soit autour de 10 p.c?

M. BOYD: C'est cela.

M. Larochelle, voudriez-vous essayer de faire mieux que j'ai fait?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Larochelle.

M. LAROCHELLE: J'ai devant moi un tableau qui, j'espère, peut répondre à la question qui a été posée. C'est une analyse des indices de 1961 à 1973. On a jugé que cette période était davantage propice à l'analyse pour nous donner des intuitions sur le futur, parce qu'on pense que les prix qu'ils ont eu avant 1961, ont peu de chance de se répéter.

Si on prend, par exemple, l'indice implicite des prix du produit national brut canadien qui reflète la croissance de tous les prix dans les biens et services au Canada, on aurait pour la période de 1961 à 1973 un taux de 3.8 p.c.

Si on décompose cette période en deux parties, vous auriez, de 1961 à 1970, 3.4 p.c. et dans les trois dernières années 5 p.c Le tout vous donne 3.8 p.c sur cette période.

Ici, j'ai une certain nombre d'industries. Je peux aller un peu plus rapidement.

M. SAINT-PIERRE: Mais ce sont les chiffres. Ce que vous donnez, c'est pour l'indice implicite des prix du produit national brut.

M. LAROCHELLE: Le premier que je vous donnais, c'est le tout, l'image globale. Si on va par secteur, Tantôt, vous parliez des matériaux. L'industrie du bois, par exemple, au cours de ces années a été de 6.1 p.c. Mais, depuis trois ans, cela a été de 18 1/2 p.c.

M. SAINT-PIERRE: J'en connais qui faisaient des allées de "bowling".

M. LAROCHELLE: L'industrie du fer et de l'acier, 2.2 p.c. de 1961 à 1973, mais au cours de 1970 à 1973, cela a été de 4.9 p.c. Les barres pour béton armé, 1.9 p.c. de 1961 à 1973. Par contre, cela a été de 6.6 p.c. au cours des trois dernières années, et ainsi de suite, le cuivre affiné, 5.3 p.c; le ciment, 3.2 p.c...

M. SAINT-PIERRE: Globalement, les matériaux de construction comme tels...

M. LAROCHELLE: Bon, à titre d'exemple, si je prends les matériaux de construction non domiciliaires...

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. LAROCHELLE: ... de 1961 à 1973, le taux a été de 3.8 p.c. annuellement, en moyenne, alors que, depuis trois ans, il a été de 6.8 p.c. Or, tout cela indique, au fond — tout le monde le sait, tout le monde l'a vécu — que les taux ont connu une certaine ascension au cours des récentes années. Mais, comme le disait M. Boyd, on pense quand même que cela va finir par ralentir du point de vue de l'évolution des prix comme telle. Les prix vont augmenter, c'est sûr, mais ils devraient augmenter un peu moins vite, après ce qu'on appelle, dans notre jargon, la "surchauffe".

M. SAINT-PIERRE: C'est un... Je pense que, de 1961 à 1973, c'est une période de treize ans. Vous avez compris cela?

M. LESSARD: Disons qu'on accepte, M. le Président, ces 7 p.c. avec réserve, mais disons que c'est possible, étant donné qu'il y a eu une augmentation considérable au cours des dernières années. Cependant, on doute que cela puisse diminuer autour de 7 p.c.

Mais, cependant, si on parle maintenant du taux d'intérêt comme tel, lors du premier projet qui avait été prévu, quel était le taux d'intérêt estimé?

M. BOYD: C'était 8 1/2 p.c.

M. LESSARD: C'était 8 1/2 p.c. Maintenant, outre le taux d'intérêt et l'inflation, est-ce qu'actuellement, vous pouvez nous affirmer, ici, en commission parlementaire, que les coûts estimés, tant du projet de La Grande, c'est-à-dire tant du projet de LG 2 sur lequel il y a eu de études complètes de faites que des autres projets, est-ce que vous pouvez nous dire que tout a été calculé, par exemple, les modifications aux types de barrages, ou à l'emplacement des déversoirs, est-ce que vous pouvez nous dire que, globalement, il n'y aura pas de modification importante en ce qui concerne les coûts estimés, outre le coût d'intérêt ou l'inflation?

M. BOYD: II ne devrait pas y avoir de modification qui ferait dépasser les imprévus qu'on a inclus dans le budget. Je vous ai dit que ces estimations étaient assez avancées et détaillées. Il y a plusieurs volumes. Cela a été fait et refait et revu par tous les meilleurs ingénieurs qu'on connaisse au Québec. On a même été chercher quelques experts à l'extérieur pour les vérifier, et c'est la meilleure somme, à notre connaissance, qu'on puisse donner.

La même chose s'applique à toute autre forme de construction, et on parlait tout à l'heure, ce matin plutôt, du nucléaire qui allait en s'améliorant. Il va en s'améliorant, mais, à chaque fois qu'il s'améliore, il coûte plus cher. Il y a un grand nombre de centrales nucléaires aux Etats-Unis qui sont fermées pour un an, deux ans ou trois ans parce qu'il faut les modifier, parce que les mesures de sécurité ne sont pas assez bonnes.

Au Québec et au Canada, on n'a pas encore eu tellement ce phénomène, quoiqu'on l'ait eu à Gentilly 1. Gentilly 1 a été fermée parce qu'on avait besoin d'eau lourde ailleurs, mais en même temps, il y avait des changements au système qui ont dû être faits. Ces changements coûtent de l'argent.

M. GARNEAU: Alors, M. Boyd, dans le domaine des coûts, si on accepte et qu'on reconnaît que votre évaluation de l'inflation et du financement à des taux d'intérêt à 7 p.c. et 10 p.c. est assez raisonnable, est-ce qu'il serait juste de dire que le facteur le plus important dans l'évolution des coûts du projet deviendrait les relations de travail sur les chantiers.

M. BOYD: C'est évident. Les chiffres qu'on vous donne sont basés sur des relations de travail normales, c'est-à-dire que l'on travaille normalement, qu'il n'y ait pas plus de grèves qu'il ne le faut.

M. GARNEAU: Et qu'il n'y ait pas d'autres événements du mois de mars.

M. BOYD: II est évident que l'événement du mois de mars coûte assez cher. Je pense que j'ai cité hier, avec certaines réticences, un montant. On a mentionné, je pense que c'est M. Saint-Pierre qui l'a fait, que les dommages pourraient être encore beaucoup plus graves, s'il se produisait encore des désordres semblables à une période plus avancée du projet.

Comme on ne peut pas donner de garantie non plus sur les taux d'intérêt, on ne peut pas en donner sur les relations de travail. Ce sont

des problèmes qui affectent la baie James et qui affectent le nucléaire en Ontario, qui affectent le nucléaire au Québec, qui affectent la construction un peu partout. Il y a eu des problèmes de toutes sortes de ce côté.

M. LESSARD: Concernant ces conditions de travail, vous avez quand même estimé un montant d'augmentation des salaires d'ici 1980.

M. BOYD: D'accord. Oui.

M. LESSARD: Mais cependant, il est possible d'envisager que le coût de $11,900,000,000 soit dépassé.

M. BOYD: Je ne peux pas vous dire cela.

M. LESSARD: Je voudrais le savoir. Je voudrais avoir une assurance. Vous êtes des spécialistes. Je me fie...

M. BOYD: Je ne suis pas un spécialiste.

M. LESSARD: Vous avez des spécialistes. Vous avez dit, ce matin, que vous ne croyiez pas... Parce qu'un certain journaliste a laissé entendre que cela pouvait aller jusqu'à $18 milliards... Nous avons entendu dire aussi que Canadian Bechtel pouvait envisager cette possibilité. C'est quand même assez important. Vous nous avez dit, ce matin, qu'on ne pouvait pas se fier aux journalistes, que vous aimiez mieux vous fier à vos spécialistes dans ce secteur, vous fier à Hydro-Québec qui avait de l'expérience dans ce secteur. On vous demande justement s'il est possible que ce chiffre qui a été lancé par un journaliste, soit $18 milliards, puisse être atteint, ou, pouvez-vous nous assurer, aujourd'hui, en commission parlementaire, que le chiffre de $11,900,000,000 ne pourra pas être dépassé?

M. BOYD: Si vous éliminez les variations possibles en plus ou moins sur l'escalade et le taux d'intérêt, je dirais oui.

M, LESSARD: Quand vous dites en plus ou en moins, est-ce que vous avez fait justement une analyse du plus ou du moins, c'est-à-dire que vous avez parlé des 4 p.c, soit $9.9 milliards, est-ce que justement vous avez fait une analyse en plus et cela peut aller jusqu'à combien en pourcentage?

M. BOYD: Je vous ai dit tout à l'heure que si on avait 1 p.c. de plus en escalade, cela représentait $350 millions. Si on avait 1 p.c. de plus en intérêt, cela représentait un autre $300 millions.

M. MORIN: Une petite question, si le député de Saguenay me le permet. Dans l'analyse de sensibilité qui fait partie de votre programme d'équipement 1978-1985, pour le programme 30, c'est-à-dire La Grande 79, point intercalé, le coût de base, à 4 p.c. donnait $7,307,000,000. Avec l'inflation à 5 p.c, c'est-à-dire 1 p.c. de plus, cela donnait $7,790,000,000. La différence était dont de $483 millions et non pas de $350 millions pour un programme qui ressemble fort à celui dont nous parlons, en ce moment, avec vous. Est-ce que vous êtes tout à fait sûr de vos $350 millions?

M. BOYD: Je n'ai pas le programme, mais vous l'avez. Pourriez-vous me dire de combien de MW il était question dans ce programme?

M. MORIN: Dans le LG79, je peux vous le dire rapidement. Cela ne sera pas long. Où est-ce que les programmes sont décrits?

M. BOYD: C'est quel programme, M. Morin?

M. MORIN: Le programme 30. C'était 13,968,000 kW.

M. BOYD: MW.

M. MORIN: 13,968 MW.

M. BOYD: Ah oui! Alors, on ne parle pas de la même sorte de projet. Nous, on parle de 10,000 MW, et vous êtes rendu à 14,000 MW. C'est un programme complet pour une période différente. Donc, le montant, c'est raisonnable qu'il soit plus élevé.

M. MORIN: Alors, c'est un projet qui est plus considérable.

M. MASSE: M. le Président...

M. MORIN: Donc, votre chiffre de $350 millions, vous en êtes relativement certain?

M. BOYD: Oui, je viens de demander à nouveau à nos spécialistes ici. On m'assure que c'est bien cela. D'ailleurs, j'ai pris la peine de vous dire qu'on avait vérifié à l'heure du déjeuner et on a corrigé l'erreur que je vous avais donnée ce matin.

M. MORIN: Bien.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE: On mentionne du côté du Parti québécois...

M. LESSARD: On ne mentionne rien, on interroge...

M. MASSE: ... on parle de vouloir faire dire aux représentants de la société d'énergie qu'il peut y avoir des excédents sur les prévisions, en termes de coûts. C'est bien évident. Comme il

peut y avoir aussi des relations de travail plus envenimées en 1976 qu'elles ne le sont maintenant. C'est vraiment une prévision qui est basée, à mon avis, sur des méthodes assez scientifiques. Aussi, comme on pourrait demander au président de la Société d'énergie de la baie James s'il prévoit également qu'il y ait une possibilité de diminution des coûts sur les estimations, parce que vous avez déjà envisagé un taux d'inflation de 4 p.c. et un taux d'intérêt de 8.5 p.c. qui vous donnaient un coût total de $9.9 milliards. Je pense qu'autant le député de Saguenay peut avoir raison, autant les prévisions inverses aussi peuvent arriver, soit une diminution des coûts.

M. LESSARD: Bon. Justement, M. le Président...

M. GIROUX: Je pense — c'est juste un mot, M. Lessard — qu'actuellement, il ne faut prendre que les prix de base qui sont faits en janvier 1974 et toutes les éventualités qui peuvent arriver dans n'importe quel genre de construction seront sujettes à toutes sortes de choses dont on ne peut pas savoir quels en seront les effets réellement. Pour les taux de base, au meilleur de la connaissance de tout le monde, on essaie de prendre des taux qui ne favorisent ni l'un ni l'autre, ni un système, ni un autre système. Seulement, en dehors de cela, je crois qu'on doit considérer que n'importe quelle déclaration est hypothétique.

M. LESSARD: Voici, suite à la question du ministre des Richesses naturelles et au témoignage de M. Giroux, je ne peux pas dire que je suis complètement d'accord sur le témoignage de M. Giroux parce que, dans le nucléaire, on peut étaler l'investissement.

M. GIROUX: Vous pouvez l'étaler?

M. LESSARD: Voici. Je vais maintenant poser une question à M. Boyd. Est-ce que vous pourriez nous dire maintenant, étant donné que vous évaluez le taux d'inflation à une moyenne, d'ici 1980, de 7 p.c, année par année de 1975, 1976, 1977, jusqu'à la fin du parachèvement des travaux, le taux d'inflation qui a été estimé par Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James? Année par année parce que c'est très important.

M. BOYD: On a les centrales hydrauliques.

M. LESSARD: Disons que, pour l'hydraulique, on pourra y revenir. Mais on vous demande le taux d'inflation que vous avez estimé, que ce soit pour les centrales hydrauliques ou les centrales nucléaires, c'est le taux d'inflation annuel que vous avez estimé.

M. BOYD: Comme on vous le disait ce matin, on a pondéré les trois composantes, la main-d'oeuvre, les matériaux et le matériel et avec leur importance, année par année. Pour les différents projets comme LG1 du début à 1976, on a 8 p.c. par année.

M. LESSARD: Combien? 8 p.c. par année, mais vous n'avez pas fait d'estimations? Vos 8 p.c. viennent de quelque part. Ce que je vous demande c'est s'il est possible d'obtenir cette estimation annuellement.

M. BOYD: Oui. Je vais vous la donner autrement si vous voulez. LG1 en 1974, c'est 8 p.c; en 1975, c'est 8 p.c; en 1976, c'est 8 p.c.

M. LESSARD: D'accord. Une minute, pas trop vite. C'est 8 p.c. pour les trois ans.

M. BOYD: En 1977, c'est 6 1/4 p.c; en 1978, 6 1/4 p.c; en 1979, 6 1/4 p.c.

M. LESSARD: Oui.

M. BOYD: 1980, 5 1/4 p.c; 1981, 5 1/4 p.c; 1982, 5 1/4 p.c; 1983, 5 1/4 p.c, 1984, 5 1/4 p.c.

M. LESSARD: En 1984, 5 1/4 p.c. Est-ce que...

M. BOYD: C'est typique. Je peux vous donner LG2, LG3, LG4 et les détournements et réservoirs, et cela varie assez faiblement. C'est sensiblement la même chose.

M. LESSARD: Sur le nucléaire, est-ce que vous avez fait des estimations?

M. BOYD: Oui, là...

M. LESSARD: On pourra y revenir plus tard.

M. Boyd, nous constatons, et je comprends que vous soyez très prudents, qu'à la fois Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James sont beaucoup moins sûres de leurs taux ou du coût total du projet qu'elles ne l'étaient en 1971 et 1972. Cela me surprend considérablement parce que, depuis ce temps, vous avez dû certainement faire des études qui vous permettent d'être beaucoup plus sûrs et d'avoir un coussin. Toutes ces différentes éventualités ont été analysées et il me semble que vous devriez, après près de trois ans de discussions de ce projet, pouvoir nous dire, de façon beaucoup plus sûre que cela ne l'était en 1971, le coût total de ce projet.

M. BOYD: M. Lessard, je pense que vous essayez de me faire dire des choses que je ne veux pas dire, que je n'ai pas dites ou que d'autres n'ont pas dites. Quand on a dit $5,8 milliards, c'était toujours conditionel à 4 p.c. d'escalade et 8.5 p.c. du taux d'intérêt. C'étaient toujours ces deux conditions et chaque fois

qu'on va vous donner des chiffres, cela va toujours être conditionnel à l'escalade et au taux d'intérêt. C'était vrai dans ce temps-là, c'est encore vrai. Nous étions dans cette condition en 1972; maintenant, les conditions ont changé et tout le monde le sait. On fait la meilleure estimation possible et je peux vous assurer que les études économiques faites sur les escalades sont volumineuses. Elles ont été faites par un groupe et à la Société d'énergie et à Hydro-Québec et les deux ont été mises ensemble pour les comparer et cela vaut n'importe quelle étude économique qui ait pu être faite sur ce sujet. On ne peut pas vous donner mieux que cela. Vous iriez ailleurs, en dehors du pays, et vous n'auriez pas de chiffres qui pourraient être plus garantis que ceux-là.

M. LESSARD: Donc à part l'inflation et le taux d'intérêt, en fait, les autres facteurs n'ont pas différé, si on laisse le facteur d'augmentation de la puissance énergétique, les autres facteurs n'auraient pas modifié, depuis, vos études depuis 1971 et 1972.

M BOYD: Je vous ai dit qu'il y avait eu des changements, comme des changements techniques et d'environnement, qui représentaient $700 millions.

M. LESSARD: M. Boyd, vous admettrez qu'étant donné l'ampleur de ce projet, nous avons certaines raisons d'être fortement inquiets, tant au point de vue du financement qu'au point de vue des engagements qui sont pris pour le Québec d'ici plusieurs années. D'autre part, vous admettrez aussi, en ce qui me concerne, que devant l'imprécision du fait que ce projet ne pourra pas dépasser $11.9 milliards, que vous ne pouvez pas nous assurer que ce projet ne pourra pas dépasser $11.9 milliards, ça peut être inquiétant. Vous me permettrez aussi de rappeler une discussion que j'ai eue avec vous les 19 et 20 mai 1971, concernant le premier projet qui a été présenté à ce moment-là à la fois par Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James, c'était le projet NBR qui a été rejeté depuis parce que le projet de La Grande semblait plus avantageux à longue période. Cependant, le projet de La Grande avait été choisi parce qu'il était plus avantageux. Peut-être que ce rappel de la discussion que nous avions eue au cours des séances de la commission permanente des Richesses naturelles au sujet du projet de la baie James, les 19 et 20 mai 1971 est assez long. Mais je pense que ce rappel m'apparaît très important, parce que ça nous amène, ce n'est peut-être pas le cas des députés libéraux, à nous poser des questions fort sérieuses. M. le Président, vous me permettrez de citer le journal des Débats des 19 et 20 mai 1971.

Question de M. Lessard. Je cite intégralement. "M. Lessard: M. le Président, j'avais deman- dé la parole avant le souper. Mais questions s'adresseront à M. Boyd. Vous avez bien dit cet après-midi que le coût maximum du projet pouvait être de $4.1 milliard et qu'à ce prix-là, ça reviendrait à environ 10 mills à 12 mills du kilowatt-heure".

Réponse de M. Boyd: "M. Boyd: C'est ce qu'on a calculé."

M. BOUTIN (Abitibi-Ouest): M. Boyd.

M. LESSARD: Ne me mêlez pas.

Question de M. Lessard: "M. Lessard: Vous avez dit aussi que ce montant ne pouvait pas être dépassé et qu'au contraire, ce montant pouvait être diminué jusqu'à 20 p.c.

M. le Président, comment M. Boyd peut-il être aussi absolu dans ses affirmations lorsque nous savons que lors de la réunion de la commission des richesses naturelles du 15 décembre 1969, nous avons pu, par exemple, obtenir les estimations de différents projets: "Rapide-des-Iles a été estimé à $24.5 millions et le coût réel a été de $40,765,000; Manic 5 a été estimé à $237 millions et le coût réel en a été de $374 millions; Outardes: estimation $150 millions, coût réel: $187 millions. Outardes 3, estimation, $83 millions, coût réel, $128 millions. Total de ces quatre projets: $494,500,000 en estimations; coût réel: $729,725,000. Ce qui veut dire que les coûts réels ont dépassé les estimations sur ces quatre projets de 47 p.c. Comment, aujourd'hui, pou-vez-vous être aussi catégorique dans l'affirmation que le coût complet du projet de la baie James sera de $4.1 milliards? "M. Boyd: M. le Président, à cette assemblée de la commission parlementaire, je pense que j'avais passé passablement de temps à expliquer les augmentations de ces coûts. Entre autres, les principales raisons, c'est que nous étions dans une période où le coût de l'intérêt était passé de 5 p.c. à 10 p.c. Le projet de Manic-Outardes a été annoncé en 1959/60. A ce moment-là, si je ne me trompe, le coût d'intérêt était d'environ 5 p.c. Lors de la dernière phase, Manic 3, on a été jusqu'à 10 p.c. d'intérêt. Vous pouvez vous imaginer l'influence de ce facteur. Dans le cas de la baie James, nous avons fait des calculs de 8 p.c., 9 p.c. et 10 p.c. d'intérêt. Nous employons 10 p.c. d'intérêt. Il y a une autre chose qui est très importante dans les... "M. Lessard: II y a une différence de 47 p.c. "M. Boyd: J'avais le compte rendu du débat où j'ai tout expliqué cela en détail; si on pouvait le retrouver, je vous le répéterais. En plus de l'intérêt, on était dans une période où les salaires ont augmenté d'une façon vertigineuse. De 1960 à 1969/70, les salaires ont monté en flèche. "Une troisième chose, c'est que les estimations qui avaient été faites au départ ne prévoyaient pas d'imprévus et d'escalades. C'était la méthode de faire les estimations

autrefois, quand les salaires étaient à peu près fixes, quand les coûts d'intérêt étaient à peu près stables, cela n'entrait pas dans les estimations. "Aujourd'hui, on vous l'a expliqué, on prévoit 4 p.c. d'inflation par année sur nos projets, on prévoit 12 p.c. d'imprévus dans le cas de la baie James. Ces choses-là, nous les prévoyons. Quand vous nous demandez pourquoi nous sommes si sûrs, c'est que dans les cas de problèmes géologiques que nous avons là-bas, nos gens ont pris, en plus des prévisions d'imprévus, des marges sécuritaires. Ils en ont mis plus qu'il n'en fallait. "Vous avez dans la construction ici, de 1959 à 1963, le salaire horaire moyen pour l'ensemble des chantiers, qui était de $2.32. En 1969, il était de $4.50. C'était imprévisible, je pense bien, à ce moment-là, des escalades semblables. Les gens de Manie-Outardes ont eu les mêmes salaires que les gens de la construction de Montréal. "Maintenant nous prévoyons ces choses-là beaucoup mieux que dans le temps, l'expérience de ces escalades à Manic-Outardes nous a permis de faire de meilleures estimations. "M. Lessard: Comment se fait-il que là vous dites que c'est assuré, que le montant maximum sera de tant, alors que ces différents projets se sont quand même échelonnés sur un certain nombre d'années et que là, vous n'avez pas pensé à prévoir ces différences-là, à corriger les différents montants, la différence, par exemple, entre les estimations et les coûts réels, alors que vous nous dites que pour une différence de 47 p.c. dans la construction des projets antérieurs, vous êtes assurés que cela ne dépassera pas $4.1 milliards. "Est-ce que vous en êtes vraiment sûrs que maintenant tout a été corrigé, que le taux d'intérêt sera le même, que l'augmentation des salaires est comprise dans l'étude de votre projet, etc. "Si par exemple, on arrivait avec une différence, même de 10 p.c. ou de 15 p.c, je pense que le coût au mil changerait assez considérablement. "M. Boyd: Je vous ai expliqué que, dans le taux d'escalade de 4 p.c, nous prévoyions des augmentations de salaire très importantes. "On prévoyait des escalades de matériel et d'équipement qui sont réalistes. On a donc prévu dans l'escalade un montant de 4 p.c. "M. Picard: J'aurais une question, M. Boyd. Pour résumer ce que vous venez de dire, si je comprends bien, dans l'estimation de $4.1 milliards, dans votre rapport, vous dites que cela peut être affecté à plus zéro ou possiblement moins zéro. Est-ce que cela voudrait dire que les $4.1 milliards représentent un coût maximum imaginable? "M. Boyd: C'est ce qu'on vous dit: Oui. "M. Picard: Alors, il n'y aurait pas possibilité que cela coûte plus cher que cela. Mais il y aurait possibilité que le coût puisse descendre jusqu'à $3.28 milliards? "M. Boyd: C'est l'opinion exprimée par ce bureau d'ingénieurs-conseils. "M. Joron: Est-ce que ce taux comprend l'escalade, aussi ce que les Anglais appellent "escaladation"? "M. Boyd: Oui, oui. Les escalades sont incluses à 4 p.c. Je prévois votre question, M. Joron. J'imagine que vous voulez dire: 4 p.c, est-ce suffisant? 4 p.c, est-ce un taux d'escalade composé où la main-d'oeuvre représente plus de 4 p.c? Permettez-moi de ne pas l'indiquer ici, parce qu'on a quand même des conventions collectives à négocier. "L'équipement est un facteur inférieur à 4 p.c. et les matériaux de construction sont également inférieurs à 4 p.c. C'est le résultat net. A la suite d'études poussées par notre département de recherche économique qui a fixé ce taux d'escalade de 4 p.c. sur l'ensemble, c'est ce qui a été utilisé, par la suite, par les ingénieurs-conseils et l'Hydro-Québec. Vous avez donc, à partir de $4,100,000,000 des possibilités d'amélioration, à partir d'un rapport très conservateur. "Maintenant, vous avez fait des calculs. Le ministre de l'Education disait 10, vous dites 12. Vous pouvez faire des calculs. Je reviens. Le ministre de l'Education disait $10, cela voulait dire $10 milliards — Je pense que c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce actuellement — . "Vous dites $12 milliards. M. Joron l'estimation à $12 milliards. Vous pouvez faire des calculs. Nous, nous disons que cela va être moins de $4.1 milliards. Que sera la réponse définitive? On le saura un peu plus tard".

Suite, M. le Président, à cette discussion, il y avait eu d'autres questions qui concernaient encore cette promesse, en fait, de l'assurance que ce projet de dépasserait pas $4 milliards. En effet, plus loin, M. Boyd affirmait ceci: "M. le Président, on s'est basé sur les chiffres de $4.1 milliards sur lesquels les deux groupes d'ingénieurs-conseils et les ingénieurs d'HydroQuébec se sont entendus en prenant certaines hypothèses qui avaient été fixées d'avance pour essayer d'en arriver à un chiffre commun. Les trois ont signé ce rapport, mais à ce rapport, chacun a attaché une lettre de commentaires. Les trois disaient des choses différentes. "Evidemment, les ingénieurs d'Hydro-Québec disaient: Ce coût d'investissement peut être amélioré par l'optimalisation, chose qu'Hy-dro va s'employer à faire cet été et l'année prochaine. Entre autres, l'hypothèse prévoyait dix centrales sur la rivière Rupert. On pense qu'il peut y avoir moins de centrales et que ceci entraînerait des coûts bien inférieurs. "Si on sait que les dix centrales représentent la moitié des coûts directs, si vous réduisez le nombre de centrales, vous avez réduit les coûts directs d'une façon appréciable et, de la même façon, les coûts indirects, l'inflation et tout le reste. C'est le point de vue des ingénieurs d'Hydro-Québec, que les $4, 1 milliards peu-

vent être améliorés. Les ingénieurs d'HydroQuébec disent également qu'un réservoir qui avait été prévu antérieurement peut être éliminé. Un autre réservoir pourra probablement être éliminé. Il y a là encore également des possibilités d'amélioration. C'est le contenu des qualifications que faisaient les ingénieurs d'HydroQuébec à cette estimation. "M. Joron: Est-ce que ces espoirs tiennent compte aussi des difficultés qui peuvent être encourues? C'est déjà entré dans les estimations. Je pense au problème de la glaise des rivières, c'est déjà inclus dans l'estimation des $4.1 milliards avec une réserve suffisante. "M. Boyd: Oui, les estimations prévoient des chiffres très conservateurs pour les coûts directs et, en plus de cela, un imprévu important de 12 p.c, ce qui est considérable. Si vous vous imaginez les millions impliqués. "Un autre bureau d'ingénieurs dit: "Ce rapport que nous avons signé pour les fins de discussions peut être amélioré considérablement". Il donne certaines raisons. Il dit que les coûts doivent être de plus de 0 p.c. et de moins de 20 p.c, ce qui fait encore une grosse différence. "Le troisième groupe et le deuxième bureau d'ingénieurs disent: Nous continuons de maintenir que le projet pourrait être modifié pour divertir une partie de la rivière Eastmain dans la rivière Rupert et, de ce fait même, augmenter considérablement la production en KWh sur la rivière Rupert, le projet Nottaway, Broadback et réduire les coûts. "Cela pourrait représenter une réduction de 25 p.c. à 30 p.c. Alors, quand vous parlez de $4.1 milliards, il faut toujours vous rappeler ces quatre choses très importantes qui sont les lettres de commentaires de nos ingénieurs-conseils. "Voici, M. le Président, au cours de mai 1971, concernant un projet qui a été par la suite rejeté, mais un autre projet a été choisi par suite du fait qu'il était beaucoup plus avantageux, un projet de $5.8 milliards. A ce moment, lors de la discussion en commission parlementaire, j'avais posé à peu près les mêmes questions, et on nous assurait que ce montant de $5.8 milliards ne devrait pas être dépassé".

Je comprends que vous avez augmenté de 24 p.c, je pense, la puissance installée depuis cette période. Mais si je vous lis bien, M. Boyd, vous nous aviez affirmé alors que tout avait été calculé, qu'en fait, toutes les estimations, problèmes d'imprévus, etc., tout cela avait été calculé. Je constate aujourd'hui, qu'à la suite des études que vous avez faites, vous ne pouvez pas, être aussi affirmatif que vous l'étiez en 1971, alors que pourtant, ces études ont été beaucoup plus poussées.

M. Boyd, devant cette déclaration et devant le fait que, ce matin, cet après-midi, vous ne pouvez pas nous affirmer que ce projet ne dépassera pas le coût de $11.9 milliards, vous admettrez avec nous que, comme Québécois, on commence à être inquets. Quand un montant de $4.1 milliards nous avait été donné pour l'aménagement du projet de la baie James, et que depuis ce temps, M. le Président, le coût du projet a triplé, on peut commencer à être inquiets. En ce qui concerne le coût au mil le coût du projet a doublé.

Je pose la question à tout le monde. Est-ce qu'on peut s'en aller comme cela à l'aventure? Parce que la baie James, tel que nous l'avons dit lors de la commission parlementaire, tant en 1971 et 1972, était une véritable aventure. Mais Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James ne semblaient pas croire, à ce moment, que c'était une véritable aventure. Vous sembliez être assuré que ces coûts ne seraient pas dépassés. Comment, aujourd'hui, pouvons-nous être assurés que le coût de $11.9 milliards ne sera pas dépassé, et que nous n'atteindrons pas, d'ici trois, quatre, cinq, six ans, le coût de $18 milliards ou peut-être de $20 milliards.

M. GARNEAU: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le ministre des Finances.

M. GARNEAU: ... avant de demander à M. Boyd de faire des commentaires — justement, je viens d'assister à une partie d'une pièce de théâtre — je vais essayer de retourner un peu la question pour que M. Boyd puisse la considérer également.

Nous avons établi, au cours de la séance d'hier, la demande d'électricité qu'il nous faut combler d'ici les années quatre-vingt-cinq. Donc, je pense qu'on peut tenir cette donnée pour acquise. Notre problème consiste à savoir comment est-ce qu'on complète ou comment on fait face à cette demande.

L'argumentation du député de Saguenay est à l'effet...

M. LESSARD: L'argumentation de M. Boyd.

M. GARNEAU: Oui, mais je ne parle pas des propos... je parle des propos que vous venez de tenir, des conclusions que vous avez tenues à partir d'un projet qui a été modifié, et vous les comparez maintenant avec ces données.

Je demande au député de Saguenay et également à M. Boyd, si on suit votre argumentation, cela voudrait dire que dans un domaine où Hydro-Québec a une longue expérience, dans le domaine de la fabrication de l'électricité à partir de pouvoirs hydroélectriques, à partir de l'eau, des chutes et des rivières, si on tient pour acquis que Hydro-Québec a une longue expérience là-dedans, les bureaux d'ingénieurs québécois qui ont travaillé à Manic, Outardes, etc., ont une longue expérience là-dedans, comment pouvez-vous nous dire maintenant, ou soutenir que, malgré cette connaissance, il y ait eu des variations dans les coûts dûs à l'escalade et aux taux d'intérêt — pas tellement d'après ce

que je peux voir dans les coûts de base — comment pouvez-vous dire ou soutenir que si on nous avait prononcé ou proposé un programme à base nucléaire, que les chiffres qu'on nous aurait donnés auraient été nettement supérieurs alors que l'expérience dans ce domaine n'est pas aussi grande.

C'est dans ce contexte que je vous voulais rappeler...

M. LESSARD: Je voudrais poser une question.

M. GARNEAU: ... pour amener l'argumentation du député de Saguenay parce que l'objectif est de combler la demande.

A partir de cela, on s'est dit: il y a deux possibilités, soit le nucléaire ou soit l'hydraulique. On a choisi l'hydraulique avec, évidemment dans un projet de cette ampleur, tous les aléas qui peuvent se présenter, y inclus les difficultés de relations de travail, y inclus l'inflation qui n'était pas prévue, je pense bien, dans les proportions qu'on connaît présentement, y inclus les variations dans les taux d'intérêt. Je me demande comment le député de Saguenay peut poser le diagnostic qu'il a posé sans faire un vote de blâme complet et net à l'endroit de l'administration d'Hydro-Québec et de la Société de la baie James parce que même s'il ne veut pas le faire, toute son argumentation est ramenée à ce point.

M. LESSARD: Ce n'est pas un vote de blâme que je fais contre Hydro-Québec. En ce qui concerne les coûts pour le nucléaire, on en parlera plus loin.

M. GARNEAU: ...

M. LESSARD: Une minute, M. le Président. Le vote de blâme c'est contre le gouvernement du Québec que je le fais, contre le premier ministre Bourassa, lorsque le 29 avril, sans aucune étude préliminaire, le premier ministre Bourassa a lancé son grand ballon, a lancé le projet de la baie James. Et je le dis parce que je le prévois. Il a, à ce moment, tordu le bras d'Hydro-Québec...

M. GARNEAU: Un point de règlement.

M. LESSARD: Une minute. Un point de règlement.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Le point de règlement a été fait avant par le ministre des Finances.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Question de règlement.

M. GARNEAU: Ce que le député de Saguenay soutient...

M. LESSARD: Article 96.

M. GARNEAU: ... c'est que l'administration d'Hydro-Québec est une marionnette que l'on peut faire varier...

M. MORIN: Ce n'est pas un point de règlement, M. le Président, je regrette infiniment.

M. GARNEAU: ... et je demande aux gens d'Hydro-Québec de répondre à cette accusation, qui à mon sens...

M. MORIN: Ce n'est pas un point de règlement.

M. GARNEAU: ... est la plus grave qui ait jamais été portée d'une façon aussi directe que cela. Je demande aux gens d'Hydro-Québec et aux gens de la Société de la baie James...

M. LESSARD: Une minute. Je vais continuer.

M. GARNEAU: ... de dire si ce que le député de Saguenay vient de dire est vrai.

M. LESSARD: On me répondra par la suite. Je vais continuer.

M. GARNEAU: Quand on pose des questions, vous répondez une affaire: Je vais répondre plus tard.

M. LESSARD: Non. Une minute. Vous m'avez posé une question. Je réponds. Je vous dis que ce n'est pas contre l'administration d'Hydro-Québec que j'ai des blâmes à faire. C'est contre ce gouvernement...

M. GARNEAU: Vous faites la discussion sur les coûts.

M. LESSARD: A l'ordre, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous voulez qu'on maintienne l'ordre, si c'est une motion de blâme contre le gouvernement, ce n'est pas la place parce que nous sommes ici pour entendre les représentants d'Hydro-Québec.

M. LESSARD: Ecoutez. Ne soyez pas ridicule, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): ... ridicule aussi.

M. LESSARD: On m'a posé une question.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si on veut nous rappeler à l'ordre, il va falloir discuter du projet...

M. MORIN: M. le Président, qui a mentionné l'histoire du blâme en premier? C'est le ministre des Finances et il est intervenu ensuite sur

un point de règlement qui n'en était pas un et je vous prends à témoin.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Malheureusement, c'est au président de juger si c'est un point d'ordre.

M. MORIN: Si on veut bien laisser le député de Saguenay s'exprimer, on aura de l'autre côté de la table tout le loisir de lui répondre.

M. LESSARD: J'ai dit que si je fais un vote de blâme, ce n'est pas contre l'administration d'Hydro-Québec. Il y a des gens qui ont défendu cette administration, en particulier, lorsqu'il y a eu la présentation du projet de loi 50 qui enlevait, justement, à Hydro-Québec, l'aménagement de toutes les ressources hydroélectriques dans la région de la baie James, qui se sont battus justement pour permettre qu'Hydro-Québec, au moins, continue d'avoir le contrôle sur ces travaux. Ce qu'Hydro-Québec a dû faire, suite à cette déclaration inopportune et inconséquente du premier ministre, le 29 avril 1971, c'est qu'elle a été obligée de ramasser les pots cassés et c'est ce que je pense.

Mais, parce qu'il y avait d'autres projets qui pouvaient être envisagés avant ce projet, mais en ce qui concerne les coûts ou les différentes possibilités entre l'aménagement hydroélectrique de la baie James ou le choix pour le nucléaire, on en discutera plus loin.

Mais si, par exemple, ce projet est maintenant rendu à $11 milliards, je fais d'abord le blâme à vous du gouvernement parce que vous n'avez pas permis à Hydro-Québec de faire toutes les études nécessaires, les études préliminaires nécessaires afin d'arriver devant la commission parlementaire des richesses naturelles avec un projet précis, un projet dont les estimations étaient assez exactes. C'est là qu'est le problème fondamental...

M. BACON: Elle était sur le territoire depuis 1960.

M. LESSARD: ... et c'est ce que nous discutons.

M. GARNEAU:M. le Président, le député de Saguenay a fait une affirmation et je pense qu'il faudrait quand même laisser l'occasion à HydroQuébec d'indiquer si dans le choix de l'hydraulique de préférence au nucléaire ou dans le choix du développeemnt de la baie James, ce que vient d'affirmer le député de Saguenay est exact et je laisse la parole aux gens d'Hydro-Québec.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Giroux.

M. GIROUX: L'opinion de la commission a toujours été très claire que sur une période de temps donné — et je suis encore du même avis — sur une période de 50 ans l'hydraulique est bien supérieur au point de vue de coût anti-inflationnaire au nucléaire. Naturellement, sur les coûts donnés actuellement, il y a plusieurs questions qui sont posées. J'aimerais le premier avoir et connaître les réponses. Comme je vous le dis, à partir de demain, dans le système actuel où nous vivons, tout est hypothétique: les crises ouvrières, les taux d'inflation, les prix de ci et les prix de ça. Des thèses hypothétiques, je peux en faire, mais je m'abstiens d'en faire. Cependant, si on applique une base à une certaine chose, je crois qu'on doit l'appliquer exactement aux autres procédés de production. Sur ce thème, ce matin, quelqu'un me disait, en entrant tantôt, que si on a une hausse du taux, c'est dû au fait qu'on ne s'est pas servi du nucléaire plutôt que de l'hydraulique. Je crois que c'est le contraire. Si on s'était servi du nucléaire, sur une période de cinq ans, on aurait une augmentation beaucoup plus forte que si on continuait avec l'hydraulique.

Si on prenait cette chose et si on faisait l'application du taux au fait qu'on construit la baie James, pour les besoins de la demande que nous avons en 1985, ce sont des milliards. Ce n'est pas unique à la province de Québec. Les provinces voisines déclarent des montants d'investissements qui étaient autour de $12 milliards ou $13 milliards il y a un an ou deux et qui sont rendus à $26 milliards. Alors, ce n'est pas... Malheureusement, je comprends qu'à Hydro-Québec, on est pas mal "smart", mais pas assez pour contrôler l'inflation et pas assez pour contrôler le taux d'intérêt, qui est mondial.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Boyd a quelque chose à ajouter.

M. BOYD: M. le Président, pour commenter la longue citation qu'a lue M. Lessard, en général, et je pourrais dire à 90 p.c, je suis très heureux de ce que j'ai dit dans ce temps. Concernant les escalades et les coûts de Manic-Outardes, les explications que j'avais données dans ce temps, je ne les retire pas du tout, elles sont excellentes. Cela se faisait de même en 1960 et depuis ce temps, on a appris. Il y a une seule chose que je regrette dans la citation que vous avez lue, et là aussi on a appris. C'est que, quand je mentionnais et que vous me faisiez mentionner $4.1 milliards, chaque fois que je mentionnais $4.1 milliards, je n'étais pas assez prudent pour rattacher à notre hypothèse de base, qui était nos documents déposés, 4 p.c. d'escalade. C'est toujours conditionnel. Aujourd'hui, vous avez essayé de me faire la même chose, mais j'ai appris depuis ce temps. Quand je mentionne 11.9 p.c, c'est toujours conditionnel à 7 p.c. et à 10 p.c. Là, je ne me fais pas prendre de la même façon, parce que j'ai été pris cette fois-là.

M. LESSARD: Autrement dit...

M. BOYD: Les 4.1 p.c. étaient toujours basés sur les hypothèses de notre document. Malheureusement, chaque fois qu'on mentionnait, $4.1 milliards, je ne répétais pas l'hypothèse. J'aimerais continuer l'histoire que vous avez qui elle, était le 25 mai 1972, un an plus tard. C'est M. Boyd qui parle: "Avant qu'on laisse le domaine technique, il y a une rectification que je voulais faire depuis plusieurs séances. J'attendais toujours la présence du député de Saguenay pour la faire. C'est qu'à une de ces séances, il avait mentionné que l'année passée j'avais parlé de $6.6 milliards pour un projet NBR et il demandait comment il se faisait maintenant que nous pouvions être si sûrs de nos chiffres.

M. LESSARD: C'est la même question...

M. BOYD: J'ai eu l'occasion de le rencontrer par la suite et nous en avons discuté. M. Lessard a admis qu'il s'était trompé, qu'effectivement j'avais bien dit $4.1 milliards et que c'était pour 5,300 mégawatts. " — C'est pas mal important je vais revenir là-dessus. N'oublions pas les 5,300 mégawatts. — "Alors, j'ai lu le procès verbal des séances des 19 et 20 mai 1971. "J'aurais préféré qu'il soit ici, mais, étant donné que le temps passe, je pense qu'il faut rectifier cette chose. Je suis convaincu que M. Lessard est d'accord sur cette rectification". — Donc, je vous ai donné le bénéfice de notre discussion —. Si vous regardez dans ces débats, il y a quatre ou cinq endroits où j'ai mentionné $4.1 milliards pour une production à NBR qui était de 5,300 mégawatts, ce qui faisait un prix moyen de $773 du kW pour une mise en service en 1978".

Tous ces chiffres sont importants. Dans les études qu'a déposées Hydro-Québec — je parle de 1972 — encore au mois de janvier 1972 pour le projet NBR revu, réétudié et complété, nous arrivons pour le même NBR à $4 milliards pour 5,600 MW pour une mise en service en 1978, ce qui nous donne un coût moyen de $717 par kw. M. Lessard demandait à ce moment comment il se faisait que nous arrivions à des chiffres comme ceux que nous signalions pour La Grande. Si nous continuons notre comparaison, nous atteignons $5.8 milliards pour le complexe de La Grande qui nous donne 8,300 MW pour une mise en service en 1980, ce qui fait un prix moyen de $700 par kw.

Alors, je veux simplement rectifier cette chose et je peux vous dire que M. Lessard était d'accord au moins il a admis que je n'avais jamais mentionné $6 milliards, mais que j'avais mentionné plutôt $4.1 milliards. Je continue. On avait parlé de $4.1 milliards pour 5,300 MW, à peu près la moitié. Donc, si on met 10,000 MW pour La Grande, on arrive au moins à $8.2 milliards, des estimations en 1972 pour la mise en opération en 1980, en 1978 même. Or, on a eu des escalades depuis ce temps. Si on continue les calculs, on va retomber exactement sur les chiffres qui correspondent à $11.9 milliards.

Donc, on ne vous a pas dit de faussetés dans ce temps. C'est assez important.

M. LESSARD: Est-ce que l'assurance que vous aviez à ce moment vous l'avez encore aujourd'hui?

M. BOYD: Au sujet des coûts de base, je vous ai dit oui tout à l'heure. Au sujet de l'escalade et du taux d'intérêt, il n'y a personne ici... M. Giroux est un grand expert en finance, et jamais il n'osera vous promettre que cela va être plus ou moins, encore moins moi-même.

M. LESSARD: Au coût de $12 milliards, pourriez-vous nous dire combien va coûter la puissance installée par kw. Je ne parle pas en mils parce que vous l'avez évalué à 21 mils, je parle du prix, du coût.

M. BOYD: On doit avoir cela quelque part.

M. SAINT-PIERRE: J'espère que vous savez faire la division.

M. LESSARD: Non. Je n'ai pas de machine à calculer.

M. ROY: ... bon quotient intellectuel, il veut faire cela rapidement.

M. SAINT-PIERRE: Je vais vous dire cela. $11.9 milliards, on va lui donner cela calculé.

M. BOYD: Pendant qu'on cherche ce chiffre, M. le Président, est-ce que vous permettez que je fasse un autre commentaire? M. Lessard a également dit — je ne veux pas lui attribuer les mots — que c'était effrayant ou épouvantable d'envisager $11 milliards ou $12 milliards pour un projet pour les finances du Québec. C'est vrai que c'est considérable, mais tout est relatif. Je me rappelle en 1944, j'étais là au début d'Hydro-Québec et dans ces années on empruntait $25 millions tous les deux ou trois ans et c'était un événement. Le président d'Hydro-Québec faisait un spécial pour cela. Si vous regardez dans le rapport annuel, vous voyez que même en 1953 on avait fait un emprunt aux Etats-Unis de $35 millions pour 1953, en 1954, $20 millions et en 1955, $26,900,000. Donc, les choses changent. Aujourd'hui on va à New York pour $150 millions. On va trois ou quatre fois par année sur le marché pour ces sommes. Nous sommes partis comme des tout-nus en 1944. L'avoir propre d'Hydro-Québec était zéro. Tout en empruntant tranquillement $25 millions à tous les deux ou trois ans, après $25 millions par année et maintenant $150 millions assez souvent, on est quand même arrivé aujourd'hui, en 1974, à avoir à Hydro-Québec un avoir propre de $1,260,000,000. Les gars qui sont partis...

M. LESSARD: On est bien content de cela.

M. BOYD: C'est pour des gars qui sont partis. Oui, mais il ne faut quand même pas avoir peur. Je sais que ça va être très difficile. MM. Giroux et Lemieux vont faire le financement avec le ministre des Finances, et nous savons tous que ça va être difficile à financer mais on a discuté longuement hier du besoin d'énergie au Québec et il fallait assumer cette demande. On vous dit qu'à long terme — et c'est ce qui est important dans la vie d'une province — sur une période de 50 ans, le coût d'énergie le moins élevé pour une période de 50 ans, c'est l'hydraulique. On vous dit qu'on sauve $230 millions par année en moyenne sur une période de 50 ans. C'est donc ce qu'on vous recommande. Je ne pense pas que vous puissiez nous accuser de vous avoir trompés dans le passé, on ne vous a jamais trompés. On peut ne pas vous donner les détails précis au moment où vous le voulez, on se corrige quand on s'est trompé. La garantie que vous nous demandez, sur des choses qu'on ne contrôle pas, ce n'est pas possible de vous la donner.

M. LESSARD: Vous vous rappelez toute la discussion qu'il y a eue lorsque vous avez engagé —Hydro-Québec ou la Société d'énergie de la Baie James — la firme Canadian Bechtel pour contrôler les coûts des travaux. Je pense que Canadian Bechtel était justement engagée —d'après les informations, je peux me tromper, M. le Président, on y reviendra, si je me trompe, je poserai une autre question — pour être la firme-conseil numéro 1 pour contrôler les coûts. Est-ce que c'était bien le cas? C'est qu'il y a eu de nombreuses protestations à ce sujet et vous avez expliqué un peu pourquoi vous engagiez Canadian Bechtel, parce qu'elle avait justement eu l'occasion d'agir comme firme-conseil à Churchill Falls et pour BRINCO et que les coûts avaient été passablement respectés à Churchill Falls. Est-ce que Canadian Bechtel est encore ou a été engagée comme étant la firme-conseil numéro 1 coordonnant les autres firmes, s'il y a lieu?

M. BOYD: Non, ça n'a jamais été ça, M. le Président, je regrette. Canadian Bechtel, en fait, c'est Quebec Bechtel qui a...

M. LESSARD: A fait ses preuves.

M. BOYD: ... été engagée comme conseiller et non pas pour contrôler. Le contrôle se fait par une équipe de gérance dont je suis le président, dans laquelle il y a un représentant de la Société de développement, le directeur de l'ingénierie, qui est un ingénieur d'Hydro-Québec, un représentant de Lalonde, Valois et un représentant de Bechtel. C'est l'équipe de gérance. Nos directeurs viennent de différentes sources. Il n'y a ni Hydro-Québec, ni Lalonde-Valois, ni SD, ni SE, ni Bechtel qui ait la fonction de contrôler, l'autre la fonction de dépenser, l'autre la fonction de s'occuper des relations publiques. C'est une entreprise, la société d'énergie, où tout le monde travaille ensemble. Mais on a engagé Bechtel pour son expérience dans le contrôle des coûts. C'est de ça qu'on se sert pour améliorer le contrôle des coûts dans un projet semblable.

Comme je l'ai déjà dit, et M. Dozois me le rappelle, le comité de gérance se rapporte au comité d'administration de la Société d'énergie. Le rôle de Bechtel, je l'ai expliqué tout à l'heure. Vous avez cru entendre, ou des gens vous ont dit que Bechtel n'était peut-être pas d'accord sur l'estimation de base. C'est absolument faux, l'estimation de base, je vous l'ai expliqué, je vous le répète, a été faite avec les gens de Bechtel, sur place, avec les différents bureaux et les différents groupes de programmation et de contrôle des coûts, d'ingénierie et de construction que nous avons à la Société d'énergie. On a fait venir des gens de l'extérieur pour vérifier avec nous les estimations et le coût qu'on vous soumet comme coût de base est accepté par tout le monde. Ce n'est pas une chose que... je ne sais pas d'où peut venir votre information, mais ce n'est certainement pas exact.

En passant, j'aimerais ajouter ce que je n'ai pas dit ce matin, Bechtel ne fait pas d'ingénierie. Dans la Société d'énergie de la baie James, les contrats d'ingénierie sont donnés à des firmes québécoises. Nous en avons plusieurs que nous poumons nommer et qui sont déjà engagées.

Pour les chiffres de tout à l'heure, le coût par kW installé est de $1,155, avec 7 p.c. d'escalade et 10 p.c. d'intérêt, comparé à $773, dont je parlais en 1971/72, qui était avec 4 p.c. d'escalade et 8.5 p.c. d'intérêt, je crois.

M. LESSARD: Donc, si je vous comprends bien, Canadian Bechtel est une firme-conseil parmi d'autres.

M. BOYD: C'est cela.

Contrat de la Canadian Bechtel

M. LESSARD: Maintenant, M. le Président, nous avons demandé à plusieurs reprises, tant à l'Assemblée nationale qu'à cette commission parlementaire, au cours des séances précédentes, étant donné la discussion fort importante qu'il y avait eue à l'occasion de cet engagement, le dépôt du contrat entre la Canadian Bechtel et la Société d'énergie de la baie James. Je ne pense pas, M. le Président, que le dépôt de ce contrat mette en danger l'investissement de $11.9 milliards de la Société d'énergie de la baie James et d'Hydro-Québec à la baie James.

Est-ce qu'il serait possible, M. le Président, étant donné que nous l'avons demandé à maintes reprises, d'obtenir ce contrat?

M. BOYD: Comme je l'ai déjà dit, c'est que

nous négocions constamment des contrats avec des ingénieurs- conseils...

M. LESSARD: Je demande Canadian Bechtel.

M. BOYD: Pardon?

M. LESSARD: Je demande Canadian Bechtel.

M. BOYD: Je comprends, mais, quand on négocie avec plusieurs groupes, plusieurs sociétés, plusieurs bureaux des choses semblables, on ne met pas sur la table, pour que tout le monde en prenne connaissance, ce qu'ils peuvent attendre de nous dans la négociation. Nos négociations, nous les faisons pour le mieux de la Société d'énergie et, là-dessus, je vous prie de me croire — si vous ne me croyez pas, nous parlons pas mal dans le vide — je vous prie de me croire qu'on le fait pour le mieux d'Hydro-Québec.

M. LESSARD: Je voudrais vous croire...

M. BOYD: Et je n'aimerais pas qu'on mette sur la table — on ne l'a jamais fait, ni pour les firmes québécoises ni pour les autres — des contrats d'ingénierie parce qu'on ne voudrait pas que ces contrats servent pour d'autres qui s'en viennent. Il faut quand même avoir une certaine façon d'administrer qui nous permette d'obtenir les meilleures conditions possibles d'un contrat à l'autre.

M. ROY: M. le Président, on parle d'une façon d'administrer, mais il y a aussi une façon de rendre des comptes au public. Je pense que c'est peut-être un point qu'on semble vouloir négliger, et surtout du côté d'Hydro-Québec, si j'en juge par les réponses qui nous sont fournies lorsqu'on demande des détails supplémentaires.

Il n'est pas facile pour les parlementaires, pour ceux qui sont élus, d'avoir des détails sur l'administration d'Hydro-Québec. On veut bien faire confiance, mais c'est une confiance morale que nous sommes obligés d'avoir.

Je me demande pour quelle raison HydroQuébec refuserait de mettre ce contrat sur la table puisque Hydro-Québec est la propriété des Québécois, puisque ce sont les Québécois qui paient. Je pense que ceux qui sont élus par la population ont quand même le droit, et non seulement le droit, mais le devoir de demander des comptes au gouvernement et de demander également des comptes aux sociétés de la couronne.

Si Hydro-Québec était en concurrence dans la production de l'électricité avec d'autres organismes, mais Hydro-Québec a, en quelque sorte, l'exclusivité pour la production de l'électricité dans la province de Québec. Je ne vois pas comment on peut justifier le fait et comment on peut trouver des arguments pour se justifier devant la population pour refuser de rendre public un document de cette importance.

Comme le gouvernement l'a dit lui-même, étant donné que le développement de la baie James a été considéré comme le projet du siècle... Je comprends que cela a été un gros ballon politique et je ne veux pas revenir là-dessus, tout le monde l'admet et on le sait encore, même si cela prend énormément d'air pour le maintenir gonflé, on sait cela...

M. HOUDE (Abitibi-Est): ... s'est prononcé contre.

M. ROY: Mais, il y a quand même des points sur lesquels, justement, on a le droit de demander des comptes.

M. SAINT-PIERRE: ...

M. GARNEAU: 102 sur 108.

M. SAINT-PIERRE: Cela a dégonflé les créditistes...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Le chef créditiste s'est prononcé contre.

M. ROY: M. le Président, je regrette... M. MORIN: ...

M. ROY: Je regrette, mais je ne m'amuserai pas à faire de la politicaillerie là-dessus...

M. MALOUIN: ...

M. ROY: ... on le demande à Hydro, c'est normal qu'on le demande à part cela, c'est notre devoir de le demander.

Je pense que le contrat de Bechtel, le contrat qui est intervenu, étant donné qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'ingénierie, comme on vient de le dire, mais plutôt d'un contrat de gestion pour que les parlementaires et que les membres de la commission parlementaire connaissent au moins le contenu de ce contrat.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Vous ne comprendrez rien.

M. ROY: M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: A la demande du député...

M. ROY: ... je sais que le député d'Abitibi-Est ne comprendra rien. Je sais cela. On ne fera pas de commentaire là-dessus.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, sur la demande du député de Beauce-Sud...

M. ROY: Et du député de Saguenay, le député l'a demandé.

M. SAINT-PIERRE: ... des deux députés, tous les deux, mais particulièrement le dernier opinant, nous a servi une macédoine où on a assorti des sophistries et des vérités de La Palice. C'est vrai que c'est le projet du siècle. C'est vrai que c'est un projet important. C'est vrai que les élus du peuple peuvent demander des comptes, mais, également, il y a d'autres sophismes qu'il ne faut pas laisser tomber.

Je pense que, dans la régie interne, M. Boyd a donné une bonne raison. Je pense qu'il n'est pas d'intérêt public que, dans les moindres détails, à moins qu'on ait des raisons de penser que le bien commun n'a pas été respecté, qu'on ait raison de penser qu'il a pu y avoir des éléments de malhonnêteté... Il n'est pas dit que tous les contrats, que tous les engagements contractuels que font les sociétés paragouver-nementales devraient être portés devant non seulement les parlementaires, mais devant l'ensemble de l'opinion publique.

Je pense que, si on demandait à SIDBEC de mettre sur la table tous ses contrats d'approvisionnement d'acier, c'est aussi bien dire qu'on veut la faillite de l'entreprise. Une entreprise commerciale...

M. ROY: Si on avait le régime des concessions, peut-être qu'on aurait des surprises.

M. SAINT-PIERRE: Vous me permettrez de terminer?

M. ROY: Oui. Si on veut parler d'un autre sujet, on pourra en parler.

M. BACON: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: Je vous dis encore une fois que, dans les propos tenus par le député de Beauce, il y a des vérités de La Palice que, j'en suis certain, les ministériels...

M. MALOUIN: Beauce-Sud.

M. SAINT-PIERRE: ... — Beauce-Sud — partagent, à savoir que c'est un projet important, que les élus du peuple ont le droit d'avoir des réponses, etc., mais il y a également des sophismes qu'on ne partage pas. Un des sophismes, c'est que tous les documents des sociétés paragouvernementales doivent être étalés en public.

M. ROY: M. le Président, j'aimerais savoir, si c'est le gouvernement qui s'oppose à ce que ce contrat soit déposé ou si c'est Hydro-Québec. Je veux savoir à qui on a affaire là-dedans.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais intervenir là-dessus, s'il vous plaît.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le chef de l'Opposition.

M. SAINT-PIERRE: Qu'est-ce que vous voulez savoir?

M. ROY: Je veux savoir à qui on a affaire là-dedans.

M. MORIN: J'appuie la requête des deux députés, de Saguenay et de Beauce-Sud, pour ce qui est du dépôt du contrat de Bechtel. On nous dit: S'il fallait déposer tous les contrats, où en serait-on? Il ne s'agit pas de déposer tous les contrats, il s'agit de déposer celui-là qui nous intéresse particulièrement.

M. SAINT-PIERRE: Pour quelle raison?

M. MORIN: Nous avons un certain nombre de raisons. Nous aimerions scruter le contrat.

M. SAINT-PIERRE: Quelles sont vos raisons? Avez-vous l'impression qu'on a dilapidé les fonds publics? Avez-vous l'impression qu'il y a eu de la malhonnêteté? Avez-vous l'impression qu'il y a un contrôle étranger sur nos ressources?

M. MORIN: On nous a dit tout à l'heure que cette société-conseil avait une expertise particulière — je crois que c'est M. Boyd qui l'a dit — en matière de contrôle des coûts à la suite de l'expérience qu'elle a acquise dans d'autres pays et aussi aux chutes Churchill, je crois. Nous serions intéressés à voir le contrat d'abord et, éventuellement, même à pouvoir interroger les gens de Bechtel sur la façon dont le contrôle des coûts a été organisé. Nous ne demandons pas, encore une fois, tous les contrats et nous ne voyons pas ce que le gouvernement peut avoir à cacher. Pourquoi ne pas le déposer?

M. SAINT-PIERRE: Mais ce n'est pas d'intérêt...

M. MASSE: C'est contre l'intérêt de la société de déposer une telle chose. Vous n'avez pas compris cela?

M. MORIN: Absolument pas.

M. MASSE: C'est contre l'intérêt des Québécois, des futurs contrats avec la société d'énergie.

M. ROY: Non.

M. MORIN: Les Québécois ne savent pas ce qui se passe et je pense qu'il est...

M. MASSE: Et l'ensemble des conditions...

M. MORIN: ... dans leur intérêt de pouvoir prendre connaissance, par le truchement de cette commission et par le truchement de l'Opposition du contenu de ce contrat.

M. le Président, je fais motion pour que cette commission demande le dépôt du contrat de la Société Bechtel avec Hydro-Québec.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission est prête à se prononcer?

M. SAINT-PIERRE: Je n'ai rien contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): La motion est faite.

M. MORIN: Vous n'avez rien contre. Acceptez-vous la motion?

M. SAINT-PIERRE: Un instant! Je vais vous dire, je vais vous donner un parallèle, simplement un exemple, et je vais essayer d'être bien...

M. MORIN: Si ce sont les contrats d'approvisionnement de SIDBEC, cela n'a rien à voir.

M. SAINT-PIERRE: Non, je vais vous donner un exemple qui va frapper, qui fait plus image que cela. Je n'ai rien contre montrer mes fesses, mais ce n'est pas d'intérêt public de le faire.

M. ROY: On n'est pas intéressé non plus!

M. MORIN: Pour une fois, je me trouve sur un terrain d'entente avec le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. SAINT-PIERRE: Vous n'êtes pas capable de comprendre cela? Pour déposer le document, il faut que ce soit d'intérêt public de le faire.

M. MORIN: Ce qui nous intéresse, ce ne sont pas vos fesses, M. le ministre, c'est le visage de Bechtel, en l'occurrence.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Sur la motion...

M. GARNEAU: M. le Président, sur la motion faite par le chef de l'Opposition, j'aimerais, même si M. Boyd l'a indiqué tout à l'heure, parce que cela peut être une question sérieuse, j'en conviens, j'aimerais que M. Boyd clarifie un peu plus. Parce qu'en votant sur cette motion, je ne vous cache pas que ce n'est pas tellement l'argumentation des députés de l'Opposition qui m'influencera, ce sont beaucoup plus les propos que vous allez tenir.

En effet je suis prêt à admettre que, au point de départ, c'est le rôle de l'Opposition de faire ce genre de motion, de demander ce genre de documents. Je ne leur en tiens pas rigueur. Cela fait partie de la joute politique, et je pense bien qu'un des commissaires d'Hydro-Québec comprendra cela peut-être plus que tous les autres.

M. MORIN: II ne s'agit pas de politique. Il s'agit d'éclairer l'opinion publique.

M. GARNEAU: Je comprends que c'est une question extrêmement sérieuse, et personnellement, avant de voter pour ou contre cette motion, puisque j'ai droit de vote à cette commission, j'aimerais quand même que M. Boyd prenne quelques instants de plus pour nous éclairer davantage sur cette question. Vous comprendrez qu'elle est importante et elle créera, si elle est acceptée, un précédent qu'il nous faut, du moins, de ce côté-ci de la table, en incluant le député de Drummond, porter la responsabilité totale de ce geste, puisque, sans vouloir donner ou imputer des motifs à l'Opposition, on ne peut certainement pas se fier à leur argumentation pour prendre une décision. C'est pourquoi, personnellement — je ne sais pas ce que les autres membres de la commission en pensent — avant de voter, j'aimerais entendre, d'une façon explicite, le président de la Société d'énergie sur cette question.

M. BOYD: M. le Président, vous m'accordez la parole?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui.

M. BOYD: Je vais essayer d'expliquer. C'est un contrat par lequel la Société Bechtel nous fournit de l'aide à la gérance. Donc, ce n'est pas un contrat d'ingénierie. Cependant, c'est basé sur des principes semblables à un contrat d'ingénierie pour la rémunération. On a un autre contrat d'aide à la gérance qui est avec Lalonde-Valois, et il est possible et même très probable, qu'au cours des ans, Hydro-Québec aura à signer d'autres contrats d'aide à la gérance pour d'autres projets. Je dis que c'est une possibilité.

Etant de structure tarifaire de même forme générale que d'autres contrats qu'on a déjà avec des ingénieurs-conseils ou qu'on aura à négocier soit à Hydro-Québec, soit à la Société d'énergie, avec des ingénieurs-conseils pour de l'ingénierie ou pour de la gérance, je vous ai dit qu'il n'était pas d'intérêt public, selon ma façon de voir, de déposer pour que la concurrence puisse connaf-tre ce qu'il y a dans les termes.

Mais je peux vous dire que... Ce matin, je vous ai expliqué que pour le travail fait au bureau, ce sont les salaires de base des employés de Bechtel, plus une majoration, pour les salaires au chantier; c'est le salaire de base sans majoration pour l'administration, et, il y a, en plus de cela, un facteur d'honoraires pour le contrat. C'est la même forme de contrat pour ces choses avec d'autres bureaux d'ingénieurs-conseils, et je pense qu'on ne met pas sur la table des contrats quand on en a d'autres semblables à négocier.

Dans cela, on définit la responsabilité de Bechtel, cette responsabilité a pour but de

fournir de l'aide à la gérance. Je vous ai déjà dit qu'on estimait qu'elle nous fournirait environ une centaine d'employés. J'ai dit cela il y a deux ans. Actuellement, ils sont au nombre de 90 employés.

Je ne sais pas si vous avez d'autres détails que vous aimeriez savoir sur le contrat, mais on...

M. GARNEAU: Vous estimez...

M. BOYD: ... définit évidemment qu'on leur rembourse les dépenses justifiées comme dans tous les autres contrats.

M. MORIN: Ce n'est pas cela qui nous intéresse, M. Boyd.

M. BOYD: II n'y a absolument rien de spécial, à mon avis. On dit dans le contrat que ces gens doivent participer à la préparation du budget, et c'est ce qu'ils ont fait. Je vous dis que ce ne sont pas eux qui décident du budget, ce ne sont pas eux qui décident de quoi que ce soit. Ils apportent leur aide à la gérance pour la Société d'énergie.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le ministre des Finances.

M. GARNEAU: M. le Président, si je comprends bien avec l'expérience que vous avez et j'ajouterai, sans doute aussi, le sens des responsabilités, les responsabilités que vous acceptez de porter comme président de la Société d'énergie de la baie James, vous nous dites qu'il n'est réellement pas d'intérêt public et il n'est pas à l'avantage de la Société d'énergie de la baie James de rendre public le texte intégral et le contenu intégral du contrat et qu'en ce faisant, cela pourrait causer des préjudices à la Société d'énergie de la baie James dans ses négociations futures. Est-ce que c'est le sens de vos propos.

M. BOYD: Exactement.

M. GARNEAU: Je suis assez éclairé.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Tout simplement ceci. On a parlé de l'intérêt de la société tantôt, et on a parlé de l'intérêt public. M. le Président, on a dit qu'il n'était pas dans l'intérêt de la société de divulguer ce contrat. Cela peut s'expliquer. Mais l'intérêt public, lui? Les Québécois qui paient et à qui on a annoncé hier une hausse du coût de l'électricité de 10 p.c, n'ont pas le droit de savoir cela. Ce n'est pas dans l'intérêt public. Lorsqu'on veut discuter pour essayer de savoir et de connaftre les moyens, les techniques, les méthodes utilisées et les contrats qui interviennent au niveau de la gérance, au niveau de l'administration, ce n'est pas de l'intérêt public, selon le ministre, pour employer les mots qu'il a employés tout à l'heure. Les vérités de La Palice. Je pourrais lui en retourner des vérités de La Palice et l'intervention...

M. MORIN: Le ministre va vous montrer ses fesses si vous ne faites pas attention.

M. ROY: Ouais. Je trouve que le ministre des Finances...

M. SAINT-PIERRE: Pas de sophisme.

M. ROY: ... a fait un effort remarquable pour interpréter le plus minutieusement possible les propos ou encore les intentions ou les décisions qui auraient été prises au niveau d'Hydro-Québec. Ce que j'ai remarqué, suite à la réponse que vient de donner M. Boyd, c'est qu'on dit que le contrat est de la même forme que les autres. Or, il n'y a pas de préjudice là-dedans, si le contrat est de la même forme que les autres. C'est connu et admis de tout le monde. Alors, si on prend cela comme argument et qu'on le transpose ailleurs, je ne vois pas en quoi cela pourrait aller à rencontre de l'intérêt de la société. Je ne parle pas de l'intérêt du public. Je parle de l'intérêt de la société. Et on nous dit que dans le contrat, il n'y a rien de spécial non plus. Pourquoi refuser de donner ce contrat? J'aimerais bien savoir, présentement, suite à ce que j'ai entendu de la part du ministre des Finances, si c'est le gouvernement qui insiste pour que le contrat ne soit pas rendu public ou si c'est Hydro-Québec qui ne veut pas le rendre public. C'est une question que je pose et je pense que nous aurions quand même le droit d'avoir une réponse à ce sujet. Est-ce le gouvernement qui ne veut pas ou est-ce Hydro-Québec qui refuse?

M. GARNEAU: Je parle en mon nom personnel, en tant que membre du gouvernement quand même, ce n'est pas pour rien que j'ai posé la question au président de la Société d'énergie de la baie James. Si cela avait été une décision du conseil des ministres de ne pas déposer ou de ne pas rendre public le contrat de Bechtel ou celui de l'ABBDL qui y travaille — je ne sais pas qui — je n'aurais pas posé cette question au président de la Société d'énergie de la baie James parce qu'il m'aurait répondu: Ce n'est pas notre faute, c'est la faute du gouvernement qui ne veut pas qu'on le dépose. Il me semble que l'interrogation du député de Beauce-Sud est inopportune compte tenu de la question que j'ai posée en sachant bien que la réponse aurait pu être fort différente si cela avait été une décision du gouvernement.

Et je voudrais aussi ajouter que tout à l'heure, dans son exposé, le député de Beauce-Sud a parlé d'une annonce, hier, de l'augmentation des tarifs. Je voudrais quand même rectifier qu'il n'y a pas eu de décision hier d'augmenter les taux d'électricité de 10 p.c.

M. ROY: On sait que cela va venir.

M. GIROUX: M. le Président, je pense que cela fait plusieurs fois qu'on est mal cité sur la question de la hausse des tarifs. J'aimerais répéter que dans nos prévisions, on prévoit avoir besoin d'une hausse de tarif. Nous n'avons fait aucune demande au gouvernement. Nous avons l'intention d'en faire une et cette hausse de tarif, avec notre système, ne peut pas être appliquée avant 1975. Alors, on avait déclaré, dans le temps, qu'on aurait besoin d'une hausse de tarif, en moyenne de 4 p.c. par année avec l'inflation de 4 p.c; cela fait deux ans que nous n'avons pas eu de hausse. Donc, il y a au moins 8 p.c. qui ont déjà été déclaré et vous admettrez que les 2 p.c. additionnels que l'on va demander sont parfaitement couverts et que l'inflation qui est rendue au 31 décembre pourra peut-être de beaucoup dépasser les 10 p.c.

Donc, cela n'a rien à voir avec, le développement de la baie James, ou telle autre forme qu'on se servirait au point de vue de la hausse.

Sur l'autre point, cela a toujours été la politique d'Hydro-Québec d'essayer de négocier au plus serré possible, tous les contrats d'ingénierie et de différents contrats qu'on fait sous la forme négociée, enfin, tout ce qui ne se demande pas par soumission, on négocie et on négocie avec l'instruction de négocier durement.

A ce moment, on a toujours considéré que ce n'est pas dans l'intérêt d'Hydro-Québec de rendre nos documents publics. C'est tout ce qu'on a à déclarer là-dessus. Le reste, si le gouvernement décide de passer une loi et dire: Vous allez déclarer tous vos contrats, on ne négociera plus. Je ne sais pas où on prend les services, par exemple. Alors c'est cela qu'est...

M. MORIN: M. le Président, je fais motion pour que cette commission demande le dépôt du contrat intervenu entre Bechtel et HydroQuébec.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, les membres de la commission sont suffisamment éclairés pour pouvoir se prononcer. Ceux qui sont pour la motion de M. Morin. M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Massicot-te?

M. MASSICOTTE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Ciaccia?

M. CIACCIA: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Houde (Abitibi-Est)?

UNE VOIX: II est absent.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): II est absent. M. Bacon?

M. BACON: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Lessard?

M. LESSARD: Pour.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Massé?

M. MASSE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Malouin?

M. MALOUIN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Garneau?

M. GARNEAU: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Roy?

M. ROY: Pour.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Saint-Pierre?

M. SAINT-PIERRE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Deux pour, sept contre.

M. LESSARD: Trois pour.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Trois pour, je m'excuse.

M. ROY: On a raison, M. le Président, de s'interroger.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Avant d'aller plus loin, je voudrais vous rappeler un article tout de même de notre règlement, si vous me permettez, l'article 153. Je vais vous le lire, c'est tout simplement au cas où cela se représenterait. Lorsqu'une commission élue requiert une personne de se présenter devant elle pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de le faire, la commission fait rapport du refus au président et celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la commission soit satisfaite. Alors, disons que...

M. LESSARD: Ce n'est pas la demande de la commission, elle a été refusée...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A un moment donné, cela peut arriver que la commission...

M. MORIN: Ah bon!

LE PRESIDENT (M. Lafrance): ... agisse exactement dans le sens contraire.

M. MORIN: Oui, ce serait la sanction de... Oui, cela va.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Un autre article, l'article 76 qui dit: Le gouvernement n'est pas obligé de produire des documents, s'il le juge contraire à l'intérêt public. Cette décision ne peut soulever de débat. J'en ai passé un petit bout, par exemple.

M. MORIN: Bon. M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Ce sont deux points de règlements que je tenais à vous remémorer tout simplement.

M. MORIN: ... il semble que peut-être M. Boyd ait mal interprété le sens de notre motion. Ce qui nous intéressait, ce n'était pas tellement les honoraires, vous pouvez laisser cela dans vos tiroirs, autant que vous le voulez. Ce qui nous intéressait, c'était plutôt les fonctions, la clause du contrat définissant les fonctions de Bechtel. Les honoraires, le paiement forfaitaire, s'il y en a un, tout cela nous intéresse moins, quoique j'aurais aimé savoir si les honoraires variaient en fonction du coût final. Cela aurait été une question qui nous aurait intéressés. Je ne voudrais pas insister pour ce qui est des clauses monétaires du contrat. Ce sont les clauses définissant les fonctions de Bechtel qui nous intéressent.

M. ROY: M. le Président, sur le plan de Bechtel également, il y a un point sur lequel nous aurions aimé avoir des précisions, parce que nous sommes au courant un peu de quelle façon Bechtel négocie ses contrats. Il y a quand même un certain montant d'évaluation qui est à la base. Il y a, par la suite, des ajustements qui tiennent compte au moment de la diminution des estimations prévues. Je ne sais pas si c'est un contrat qui a été négocié de cette façon avec Hydro-Québec, mais il y a des contrats de la même société qui ont été négociés ailleurs. Supposons qu'on évalue un projet de $5 milliards, et qu'on réussit, par la suite de la gestion, de faire en sorte d'économiser un $500 millions ou $1 milliard, il y a des clauses qui encouragent ou qui intéressent, si vous voulez, la société de gestion. Maintenant, j'aurais aimé savoir sur quelle base, quel est le montant global qui a été retenu dans l'évaluation globale des travaux pour la négociation avec Bechtel? Est-ce qu'on peut avoir ce montant? Est-ce que cela a été une évaluation qui a été de $6 milliards, $8 milliards, $10 milliards, $12 milliards, nous aimerions bien avoir des précisions à ce sujet?

M. BOYD: Maintenant qu'on a déterminé l'estimation de base à $3.9 milliards ou $3.8 milliards — on vous l'a donnée — $3.8 je crois, c'est cette estimation qui sert de base pour les honoraires.

M. ROY: $3.8 milliards?

M. BOYD: Oui, c'est fixe cela. Donc, il n'est pas question que cela coûte plus cher, ou que cela coûte moins cher pour les honoraires. Si c'est cela qui était votre question, c'est très clair.

On emploie un homme qui gagne tant, on paie tant pour le travail fait et tant pour les frais d'administration comme on fait pour toute autre firme. Il y a des honoraires et on a des honoraires avec ABBDL, avec SNC et avec les autres. Il y a des honoraires pour eux qui sont basés sur l'estimation qui est maintenant déterminée. Cela ne peut pas monter, cela ne peut pas baisser. C'est fixe quant aux honoraires, dans le budget qu'on vient de déposer. Quant à la question de M. Morin, si c'est la définition des fonctions l'objet du contrat de Bechtel, on l'avait déjà donné et je n'ai pas d'objection — je ne l'ai pas avec moi ici aujourd'hui — à le faire parvenir.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Sauvé.

M. MORIN: Est-ce que vous pourrez le faire?

M. BOYD: Oui. Nous n'avons pas d'objection à cela, mais ce qu'on essayait d'expliquer, c'est que toutes les négociations se font sur les honoraires et ce n'est pas une chose qu'on fait publiquement.

M. LESSARD: M. le Président, étant donné que nous ne pouvons pas obtenir le contrat au complet, nous devons nous rallier à la dernière proposition du chef parlementaire de l'Opposition.

Je voudrais revenir, M. le Président, à la dernière question concernant les coûts sur un point que m'a donné tout à l'heure, à la suite d'une question que je lui avais posée, M. Boyd concernant le coût par kilowatt installé. Vous m'avez dit, je pense, qu'en 1972 le coût par kilowatt installé était, estimation prévue, de $773.

M. BOYD: Au taux d'escalade et d'intérêt qui s'appliquait à ce moment-là.

M. LESSARD: Le taux d'escalade de 4 p.c. et le taux d'intérêt?

M. BOYD: Je pense que c'était 8 1/2 p.c. Je ne voudrais pas affirmer... Il faudrait retourner aux déclarations qui ont été faites dans le temps.

M. LESSARD: C'est bien cela, c'est $773, coût par kilowatt installé en 1972.

M. BOYD: Pour la mise en service en 1978. Donc, deux ans plus tôt. Cela a une importance. On vous a dit que c'était $1,155.

M. LESSARD: Ce qui équivaut à une augmentation autour de 50 p.c. si non plus. Près de 50 p.c. $773, le taux estimé actuellement est de $1,155, ce qui veut dire $382 de supplément.

M. BOYD: Oui, mais c'était en escalade de 7p.c. et intérêt de 10 p.c.

M. LESSARD: D'accord. Alors, vous croyez... M. BOYD: C'est ce qu'on vous a expliqué.

M. LESSARD: La différence entre l'escalade estimé à 4 p.c. pour ce projet à 7 p.c, cela fait 3p.c.

M. BOYD: Et l'intérêt qui est de 10 p.c. maintenant.

M. LESSARD: Cela nous met entre 8 1/2 p.c. et 10 p.c. Cela fait 1 1/2 p.c. Entre 8 1/2 p.c. et 10 p.c, à ma connaissance, cela fait 11/2 p.c.

M. BOYD: C'est par année, M. Lessard. C'est 4p.c. d'escalade par année contre 7 p.c. d'escalade par année. Alors, vous avez plusieurs années.

M. LESSARD: En tenant compte exclusivement de ces augmentations, vous arrivez à augmentez le coût du kilowatt installé de 50 p.c. par rapport au coût prévu en 1972.

M. BOYD: Oui, c'est composé. C'est la différence de 3 p.c.

M. LESSARD: Le 4 p.c. était composé aussi. M. BOYD: Oui.

M. LESSARD: Le 3 p.c. du 4 p.c. à 7 p.c. d'accord, et à 3 p.c, et c'est composé.

M. BOYD: Oui, c'est composé.

M. LESSARD: Je suis bien d'accord sur cela. Et entre le 8 1/2 p.c. et le 10 1/2 p.c, cela fait 1 1/2 p.c, c'est encore composé. Mais en composant cela, en tenant compte de ces deux facteurs...

M. BOYD: Cela fait 50 p.c.

M. LESSARD: ... cela fait une augmentation de 50 p.c.

M. BOYD: Si vous faites le calcul, cela va vous donner environ cela.

M. GARNEAU: C'est deux ans de plus.

M. BOYD: Deux ans de plus dans le temps aussi.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais revenir brièvement sur un document qui nous a été remis par M. Boyd, je crois, hier soir, intitulé: "Complexe La Grande cédule SEBJ. Il s'agit de l'entrée en service des MW de la baie James.

Ma première question, M. Boyd, serait pour vous demander de bien vouloir m'expliquer comment sont calculés les surplus qui sont indiqués sur la dernière ligne. Je parle du tableau de puissance d'abord.

M. BOYD: Evidemment, le surplus qui est indiqué là, le premier, 156, c'est dans tout l'ensemble du portrait d'Hydro-Québec C'est pour répondre à la demande d'Hydro-Québec. Vous vous rappelez les chiffres que vous donnait M. Deguise, il vous indiquait...

M. MORIN: C'est par rapport à la demande anticipée...

M. BOYD: D'Hydro-Québec.

M. MORIN: ... globale à ce moment-là.

M. BOYD: Vous vous rappelez les tableaux où il vous indiquait qu'à compter de 1980 il y avait des déficit de 759,000 KW. On me dit qu'on est prêt à vous les déposer, on devrait les déposer.

M. DE GUISE: C'est ce que j'avais demandé, M. le Président, je crois qu'on avait demandé une copie de ce tableau hier et j'ai l'impression que nos gens sont prêts à la déposer. Non, l'autre, celle que j'avais utilisée comme déficit global du réseau.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Jusqu'ici...

M. MORIN: Oui, ça nous intéresserait également de l'avoir.

M. BOYD: On va vous la donner, mais en attendant, ce qu'on vous donnait dans ce tableau, c'est qu'en 1979/80, il y avait un déficit de 759,000 KW et en 1980, il y avait un déficit de 2,429,000 KW. On installe les chiffres qui sont ici et on passe d'un déficit à un surplus.

M. MORIN: Pour l'ensemble d'Hydro-Québec.

M. BOYD: Pour l'ensemble d'Hydro-Québec.

M. MORIN: J'imagine que tout cela était expliqué dans les pages qui précédaient ce tableau, d'après ce que je peux voir dans le coin supérieur droit, c'est la page 44 d'un document.

Est-ce que l'ensemble du document ne serait pas de nature à intéresser la commission?

M. BOYD: Je ne sais pas ce qu'il y a dedans, je ne me rappelle pas avoir vu le document complet.

M. MORIN: Cette page est la 44e d'un document, sans doute beaucoup plus substantiel et qui contient des explications à l'égard du tableau.

M. BOYD: Je n'ai pas ce document, je ne peux pas vous répondre, M. Morin, je regrette, mais j'ai seulement cette feuille. Pour vous répondre il me faudrait le document au complet. C'est une série d'études faites par le génie d'Hydro-Québec, de toutes les différentes sortes de programmes possibles. Je ne peux pas vous le décrire mieux que ça.

M. GIROUX: Je pense, M. Morin, que le numéro de page vient du fait qu'à la base de différentes pages explicatives qu'on a comme ça, pour des questions qui peuvent être posées, c'est la page 44.

M. MORIN: Oui, je sentais, à lire le tableau, que j'aurais été aidé dans ma compréhension du tableau, en lisant les 43 pages qui précèdent.

M. BOYD: Je pense qu'on peut donner une réponse. C'est un système de pagination de nos recherchistes et documentaires, qui permet de reconnaître et de trouver le document en question, ce n'est pas le 44e page d'un document, c'est un numéro 44 qui correspond aux tables des matières pour sortir le bon document.

M. GIROUX: Sur une question qui peut être posée. C'est comme ça que j'interprète ça. Sur une question qui peut être posée sur cette chose, M. De Guise est là pour fournir les explications totales.

M. MORIN: Oui, bien sûr.

M. GIROUX: II n'y a pas de document de support comme tel.

M. MORIN: Si j'avais eu un document d'appui, j'aurais compris plus facilement ce que signifiait exactement le surplus sur la dernière ligne. Parce que dans un tableau qui ne parlait que de la Grande, tout à coup arrivent ces surplus qui intéressent l'ensemble du réseau, qui résultent d'une étude globale.

M. GIROUX: Mais s'il y a des choses qui ne sont pas claires, là-dessus. M. De Guise peut donner les explications tout de suite.

M. MORIN: Je pense avoir compris, à la suite des explications de M. Boyd, à moins qu'on ne veuille ajouter quelque chose. Cela répond à mes questions. J'aimerais peut-être passer à la question de l'énergie nucléaire. Je me réfère...

M. MASSE: Sur une question d'information. M. MORIN: Oui, volontiers.

M. MASSE: Je remarque qu'à 85; 86; 90 et 91, vous avez toujours à LG 1, 7,300 MW, ce n'est pas MW, l'énergie ... en somme c'est le même montant qui se répète par la suite après 1984/85. Ce n'est pas une accumulation.

M. BOYD: La centrale est terminée et elle produit ce montant...

M. MASSE: C'est la production. M. BOYD: ... annuellement.

Projet d'usine nucléaire

M. MORIN: Avez-vous terminé, M. le ministre? Bon. Je me réfère au document intitulé "Comparaison entre les coûts de l'énergie du complexe hydroélectrique de la baie James et d'un projet nucléaire canadien équivalent". J'aimerais savoir de nos invités, M. le Président, à quel complexe nucléaire, ces chiffres qui nous sont donnés, notamment au tableau numéro un... D'où viennent ces chiffres?

Je vois qu'il y a une référence à l'Atomic Energy of Canada Limited. Il semble que ce soit un article qui date de septembre 1971 et la puissance totale à laquelle on se réfère est de 2,000 MW. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait de Pickering, mais je n'en suis pas sûr. Je voudrais en être... C'est bien cela, il s'agit des quatre...

M. DE GUISE: A la page 6, au premier paragraphe, je pense qu'on vous dit: L'estimation du coût d'investissement en dollars de 1968 pour le projet de Pickering était de l'ordre de $498 millions.

M. MORIN: Bon. Ma question suivante est celle-ci: Comment avez-vous fait la transposition de 500 MW à Pickering à des centrales de 750 MW dont vous nous parlez? Et avez-vous tenu compte du fait que le coût d'installation par kW diminue sensiblement au fur et à mesure que croît la taille d'une centrale? Etes-vous au fait, par exemple, qu'une centrale de 1,000 MW peut coûter jusqu'à 25 p.c. meilleur marché qu'une centrale de 500 MW? Comment avez-vous transposé de 500 MW à 750MW? C'est ma première question.

M. DE GUISE: M. le Président, le document déposé est composé de deux tableaux, le tableau I et le tableau II, et il n'y a que le

tableau 2 qui sert de base pour comparaison avec La Grande. Le tableau I, si vous voulez, est un document historique retraçant... Quand on parlait de Pickering, au début, à 4 mils ou 5 mils, ce n'était pas très réaliste, si on ajoutait tous les facteurs qui devraient être considérés.

Alors, ceci explique pourquoi le tableau I est tout simplement un relevé des différentes publications qui nous indiquent la variation de coût de Pickering dans le temps jusqu'au coût final qui a été rapporté à $746 millions.

Lorsque nous prenons un projet nucléaire pour le comparer au projet La Grande, nous avons choisi le projet Bruce de l'Hydro d'Ontario qui est en construction actuellement et qui représente quatre groupes de 750 MW. Les chiffres que nous utilisons, en très grande partie, ont été déposés forment un document public que l'Hydro d'Ontario a déposé devant l'Ontario Energy Board en décembre 1973. C'est notre source de documentation ou notre source de référence.

M. MORIN: Donc, vous vous êtes fondés sur Bruce, quatre fois 750 MW, qui n'entreront vraiment en service qu'en 1975, le premier des quatre n'entre en service qu'en 1975, le premier groupe, et cela s'échelonne ensuite, je crois, jusqu'en 1978.

M. DE GUISE: Je crois que Bruce II c'est un peu plus tard que cela parce que, dans la déposition de l'Hydro d'Ontario devant l'Ener-gy Board, ils ont donné des prix de 1982, qui est peut-être le centre de gravité de la mise en service des différents groupes.

M. MORIN: Ce n'est pas les chiffres que j'ai, M. le Président. D'après les chiffres que nous avons, cela va du 1er septembre 1975 à 1978. En fait, c'est peut-être un détail, je n'insiste pas là-dessus.

Est-ce que nous pourrions parler de Pickering? Dans votre tableau numéro I, le coût, tel que cité dans les journaux et revues, le coût de l'énergie était, en gros, près de cinq dixièmes de cent et, suite à vos calculs, à l'intégration dans le réseau, vous arrivez à un coût d'énergie livrée de près de 9.9 mils au kW. Si j'ai bien compris, ce chiffre est pour la fin de 1972.

M. DE GUISE: Ce sont des dollars actualisés à la fin de 1972.

M. MORIN: Actualisés en 1972. Est-ce que vous pourriez très rapidement nous donner l'actualisation en 1973 et l'actualisation en 1974 pour qu'on soit en mesure de comparer avec des chiffres que nous avons de notre côté?

M. DE GUISE: Cela pourrait se faire, mais je ne pourrais certainement pas le faire immédiatement, parce que vous voyez le travail, surtout lorsqu'on fait entrer en ligne de compte les coûts d'exploitation sur une période de cin- quante ans qui représentent des annuités en montants variables et qu'il faut actualiser X années en arrière. C'est pratiquement un travail d'ordinateur.

M. GIROUX: Ce ne serait pas plus facile si vous nous donniez les chiffres que vous avez en 1973/74 et on retracera les erreurs?

M. MORIN: J'aimerais d'abord vous entendre.

M. GIROUX: II faut être pratique. J'essaie de sauver du temps. Si vous me donnez des chiffres qui, en apparence, peuvent être contraires, s'il faut le faire faire sur ordinateur, nous verrons à le faire faire ce soir sur ordinateur. Mais il faudrait nous donner vos chiffres. A quoi cela sert de venir demain et de nous donner des chiffres? J'aime autant...

M. MORIN: Ah non! vous allez avoir nos chiffres. Il n'y a pas de problème.

M. GIROUX: Je voudrais bien qu'on s'accorde...

M. MORIN: J'aurais aimé que vous nous disiez à combien vous l'actualisiez en 1973, en gros?

M. GIROUX: II faut faire cette chose. M. MORIN: Oui.

M. GIROUX: Si vous avez des chiffres, on peut faire faire le calcul. Vous nous donnez l'information sur vos chiffres. On ne vous demande pas votre document, on ne vous demande que vos chiffres.

M. MORIN: Je suis prêt...

M. GIROUX: C'est sans malice.

M. MORIN: ... si vous faites motion, M. le Président.

M. GIROUX: Je ne sais pas si j'ai le droit de vote.

M. MORIN: Je me réfère à un document tout récent qui date de mai 1974 et qui est la description du programme nucléaire d'Hydro-Ontario, décrit par M. Woodhead qui vous est certainement connu, qui est le gérant des opérations nucléaires, de la gestion nucléaire à Hydro-Ontario. Le chiffre qui nous est donné à la page 10 de cette causerie qui date du 10 juin 1974 — le chiffre est actualisé en 1973 — donne pour Pickering, 6.27 mils, c'est le coût total de revient. Cela comprend...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que cela comprend la réserve?

M. MORIN: Non, cela ne comprend pas la réserve.

M. SAINT-PIERRE: Ah!

M. MORIN: Mais ce serait intéressant de pouvoir comparer ce chiffre avec votre propre évaluation de Pickering.

M. DE GUISE: Je pense que pour que ce soit un travail utile, il faudrait comparer toutes nos hypothèses, parce qu'il y a à peu près une page et demie d'hypothèses avant de faire le calcul. Par exemple, lorsqu'Hydro-Ontario a déposé les prédictions devant "l'Energy Board" comme je le disais tout à l'heure, en décembre 1973, elle avait des taux d'intérêt de 8 1/2 p.c. Pour les adapter à nos calculs, il a fallu modifier le taux d'intérêt. Elle n'incluait aucune réserve. Elle prenait strictement le coût de construction de quatre groupes sans mettre de réserve.

Dans les calculs que nous avons présentés, nous avons toujours inclus la réserve nécessaire pour garantir une production fiable. Il arrive toute une série d'éléments où il faudrait nous assurer que nous comparons les mêmes données de base.

M. SAINT-PIERRE: Simplement, M. le Président...

M. MORIN: Pourriez-vous...

M. SAINT-PIERRE: ... en dehors de la réserve, en dehors de la nécessité de réinvestissement pour comparer une centrale à l'autre, l'autre question qu'on peut demander est si le chiffre cité représente un coût moyen, la première année d'opération, ou si c'est le coût moyen pour l'ensemble de la vie de la centrale. Ce n'est pas pareil. On peut arriver avec un coût moyen bas, compte tenu que, dans le nucléaire, vous avez des frais d'exploitation qui vont avoir une inflation, mais qui vont augmenter avec les années.

Lorsqu'on parle, ici, d'un coût moyen de 9.91 p.c, c'est actualisé pour l'ensemble de la vie de la centrale.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. De Guise.

M. DE GUISE: J'ai, par exemple, si on doit citer Hydro-Ontario, le document qui nous a servi de base, si vous le voulez, pour comparer avec le coût de La Grande.

Le chiffre d'Hydro-Ontario pour quatre groupes de 750 en service en 1982, c'est 11.5 mils. Cela inclut de l'intérêt à 8 p.c. au lieu de 10 p.c. Il n'y a aucune réserve. Ce sont des prix d'énergie en 1982, donc qui ne tiennent pas compte de l'avis de la centrale ou des réinvestissements, et qui ne tiennent pas compte de l'escalade dans la période future. Mais HydroOntario, à son gouvernement, a exposé que le coût de base de quatre groupes de 750 mis en service en 1982 étaient 11.5 mils.

M.MORIN: Mais en...

M. DE GUISE: C'est un document public.

M. MORIN: Oui, mais en 1973, qu'est-ce que cela donne, 11.5 mils?

M. DE GUISE: On s'y connaît là-dessus. M. MORIN: Est-ce que vous l'avez?

M. DE GUISE: J'ai ici la déposition d'Hydro-Ontario devant le...

M. MORIN: Est-ce que ce serait possible d'avoir une copie?

M. DE GUISE: C'est un document public.

M. MORIN: Oui? C'est possible d'en avoir un exemplaire, une copie?

M. DE GUISE: Cela fait partie de six volumes.

M. MORIN: Oui. Mais de ce que vous avez là, de ce qui pourrait nous éclairer sur ce point en particulier.

M. DE GUISE: Je peux vous le donner. Cela appartient à Hydro-Ontario, en fait. C'est une photocopie d'un rapport d'Hydro-Ontario.

M. MORIN: Cela nous intéresserait de l'avoir.

Bien! Pour arriver aux coûts de revient de 24.4 mils kWh, j'aimerais que nous examinions les données de base sur lesquelles vous vous êtes fondés. Par exemple, les coûts de revient non intégrés dans un réseau pour une année de référence donnée, et sans qu'on fasse intervenir le taux d'inflation à l'exploitation.

Pourriez-vous nous dire quelles sont les données de base, en plus des 750 MW?

M. DE GUISE: Oui, voici.

M. MORIN: Les données brutes.

M. DE GUISE: Nous sommes partis d'un coût d'investissements de $345 par kW en 1973.

M. MORIN: Je m'excuse. Combien?

M. DE GUISE: $345 par kW. Les coûts d'investissements de base ont été assujettis à des taux d'escalade suivants: En 1974, 16 p.c; en 1975, 9.3 p.c; dans la période de 1976 à 1980, 6.4p.c; dans la période de 1981 à 1985, 5.5p.c.

Deuxièmement, les charges d'eau lourde: A

rappeler que chaque groupe de 750 MW requiert 700 tonnes d'eau lourde. L'eau lourde a été prise à $80,000 la tonne, qui est le prix courant.

Il y a eu l'eau lourde, pour les frais d'opération ou d'entretien, parce qu'il se perd toujours un peu d'eau lourde, qui a été assujettie... Ah non! D'abord, les frais pour l'eau lourde initiale: On a estimé que le prix de l'eau lourde augmenterait de 7.25 p.c. par année entre 1974 et 1980; de 5.30 p.c. de 1981 à 1985 et de 4 p.c. dans la suite.

M. MORIN: Bien!

M. DE GUISE: Est-ce que je dois continuer? J'en ai une autre page, d'hypothèses.

M. MORIN: Non, nous avons noté... Si vous estimez qu'elles sont pertinentes...

M. DE GUISE: Si vous voulez essayer de refaire les calculs, il vous faut toutes ces hypothèses.

M. MORIN: Alors, il vaut mieux continuer dans ce cas.

M. DE GUISE: Les frais d'exploitation et d'entretien, à l'exclusion de l'eau lourde et du combustible...

M. MORIN: Oui.

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas Michaud qui va faire les calculs, toujours?

M. DE GUISE: ... ont été pris à .48 mils par kWh en dollars 1973. Les taux d'inflation sur les frais d'exploitation et d'entretien sont les suivants: En 1974, 14 1/2 p.c; en 1975, 9.5 p.c; de 1976 à 1980, 7.5 p.c. en moyenne; de 1981 â 1985, 7 p.c. en moyenne, et en 1986 et dans la suite, 7 p.c.

J'aimerais souligner en passant, que ce sont à peu près intégralement les hypothèses d'Hydro-Ontario.

Le remplacement de l'eau lourde, à cause des pertes durant l'exploitation a été évalué à .056 mils en dollars 1973. L'eau lourde a été escaladée au même taux que donnés précédemment.

Le combustible nucléaire, l'oxyde d'uranium est évalué à un mill du kW en dollars 1973, et les taux d'inflation sont de 4 p.c. de 1974 à 1980; 3 1/2 p.c. de 1981 à 1985 et de 3 p.c. par la suite. D'autres paramètres nécessaires au calcul: la durée de la vie est de 30 ans tel que cela a déjà été mentionné; le taux d'inflation pour le réinvestissement a été pris à 5.1 p.c; le taux d'indisponibilité des groupes de 700 MW électriques, suivant l'expérience d'Hydro-Ontario et suivant ses chiffres, a été donné à 10 p.c pour des groupes de 750 MW électriques. Avec ceci...

M. MORIN: 10 p.c?

M. DE GUISE: 10 p.c. Il y en a d'autres probablement, mais j'aimerais vous signaler aussi... Je sais que la réserve fait souvent l'objet de questions. Dans le même document d'Hydro-Ontario, on demande, dans la période qui suit les années quatre-vingt — autant que je me rappelle, de mémoire — une réserve de puissance par rapport à la charge à rencontrer de 30 p.c. et si on garde en mémoire que sur le réseau d'Hydro-Québec, il y a déjà à peu près un tiers qui est de l'hydraulique, cela nous justifie, dans un programme exclusivement nucléaire d'adopter les chiffres que nous avons pris, d'à peu près 37 p.c. ou 38 p.c. d'équipement de réserve. Et d'ailleurs, c'étaient des chiffres que nous avaient recommandés les spécialistes américains qui nous avaient éclairés dans les calculs que nous voulions faire.

M. MORIN: Puis-je revenir sur un petit point de détail?

M. DE GUISE: Oui.

M. MORIN: Pour ce qui est de l'inflation sur le coût de construction, est-ce que je vous ai bien compris? Pour 1974, en ce qui concerne LG 2, vous le mettez à 8 p.c. et pour le nucléaire, vous le mettez à 16 p.c?

M. DE GUISE: Nous avons 16 p.c. de taux pondéré pour lequel je puis vous donner des détails.

M. MORIN: Oui, j'aimerais bien que vous puissiez expliquer... Parce que par la suite, cela semble se normaliser. En 1975, vous le portez à 9 p.c; en 1976, à 6.4 p.c.

M. DE GUISE: Je peux peut-être vous aider en ce sens que, évidemment, l'acier, par exemple, a subi une augmentation de peut-être 50 p.c. dans une très courte période et les taux d'équipement électrique ou de machinerie aussi ont dépassé la moyenne.

Pour l'année 1974, nous avions la main-d'oeuvre à 11.1 p.c; les matériaux à 25 p.c. en se rappelant que ce sont des matériaux assez spéciaux, d'alliage particulier, de fabrication délicate, de contrôle, etc; l'équipement, surtout pour la construction, à 15.8 p.c. et suivant les pourcentages, cela faisait une moyenne pondérée de 16 p.c. Sujet à vérification avec M. Boyd, mais je crois que dans le calcul de La Grande, pour la première année, l'année 1974, ils ont un chiffre de 15.5 p.c. La moyenne de la période est de 7 p.c, mais eux aussi, je crois, en 1974, ont un chiffre passablement plus élevé.

M. CHARUK: Je suis Yan Charuk. M. Boyd a donné, ce matin, pour le projet La Grande les taux d'inflation utilisés pour la main-d'oeuvre, les matériaux et l'équipement pour les années

1974 et 1975 et de 1976 à 1980, je crois. Et ce sont pratiquement les mêmes dans le cas du nucléaire, mais la pondération entre la main-d'oeuvre, les matériaux et les équipements est différente et deuxièmement, il y a une variation dans les taux d'inflation des équipements.

M. MORIN: Merci. Je voudrais passer à la construction. Vous nous donnerez le document auquel vous faisiez allusion il y a un instant.

M. DE GUISE: Vous voulez la page d'Hydro-Ontario, les 11.5 mils d'Hydro-Ontario.

M. MORIN: Oui.

M. BOYD: Je vais le sortir.

M. MORIN: Merci. M. Boyd nous a dit hier, je crois que c'était M. Boyd, dans le document comparant le coût de l'énergie du complexe hydroélectrique de la baie James, avec le coût d'un projet nucléaire canadien équivalant, à la page 6, que le facteur d'utilisation prévu en moyenne pour toute la durée de la vie utile — il s'agit de Pickering — est de 80 p.c. Dans le cas...

M. BOYD: C'est M. De Guise qui vous expliquait ce document.

M. MORIN: C'est M. De Guise, oui, je m'excuse. Peu importe, celui d'entre vous qui se sentira compétent pour y répondre pourra le faire. Dans le cas de Pickering, est-ce que vous n'êtes pas au courant que les résultats, les performances comme on dit quelque fois, ont dépassé largement les 80 p.c? Elles ont dépassé, comme question de fait, toutes les espérances. Le taux d'utilisation net de la capacité installée a été de 83.4 p.c. Je tire ce chiffre toujours de la causerie de M. L. W. Woodhead. A la page 6, on nous indique donc que le taux d'utilisation net de la capacité installée a été de 83.4 p.c. en 1973. Il s'agit des quatre unités ensemble. Il a été de 95 p.c. pour les mois d'hiver 1973, avec l'unité III, nous indique-t-on, qui fonctionnait à 99.5 p.c. Est-ce qu'à la lumière de ces résultats, votre hypothèse de 80 p.c. n'est pas un peu pessimiste?

M. DE GUISE: Je vous donne mon opinion. Il serait peu sage et dangereux, je crois, de baser un programme d'équipement sur une expérience d'une année ou de quelques mois dans le cas de certains groupes. Vous avez probablement eu connaissance aussi, parce que, évidemment, étant au ECL, j'en entends parler de près, qu'il y a un groupe qui a dû être arrêté pour huit ou neuf semaines pour une réparation à la turbine. Cela peut fort bien se produire dans les autres groupes l'année prochaine. Peut-être que ma meilleure argumentation serait le fait que toujours dans le...

M. MORIN: Est-ce que cela ne va pas dans la réserve plutôt que...

M. DE GUISE: J'y arrivais justement. Cela prend de la réserve pour suppléer aux déficiences des groupes à mesure qu'elles se produisent. Malgré la bonne expérience de Pickering, Hydro-Ontario, en décembre 1973, lorsqu'elle présentait son programme d'équipement, ou lorsqu'elle le défendait devant le gouvernement d'Ontario, a continué de mettre — j'ai la page 2 d'un supplément 315 — "per cent of firm load, margin of over the firm load". Ils préparent 33 p.c. en 1973, 34 p.c. en 1974, 27 p.c. en 1975, 36 p.c. en 1976, 31.5 p.c. en 1977. On voit qu'on se donne un suréquipement de l'ordre de 30 p.c.

M. MORIN: C'est dans la réserve ou le facteur d'utilisation?

M. DE GUISE: Non, c'est la réserve pour parer aux arrêts imprévus des groupes.

M. MORIN: Oui. Quel est le facteur d'utilisation qu'ils indiquent?

M. DE GUISE: On n'indique pas le facteur d'utilisation ici. Il faut bien remarquer que, dans les facteurs d'utilisation, on écarte peut-être de la discussion présente, parce qu'un groupe peut fort bien ne pas fonctionner, parce qu'il n'a pas de charge. Alors, il faut être prudent à ce moment. Les facteurs d'utilisation sont affectés par le nombre de machines qu'il y a sur le réseau et la charge du réseau. Cela ne déforme pas les chiffres que vous avez dans le cas de Pickering, parce que vu que c'est une centrale nouvelle, Hydro-Ontario s'efforce de les faire fonctionner au maximum pour savoir ce qu'elle peut en tirer. Si la charge baisse, on baisse d'autres groupes généralement. Alors, je crois que la performance de Pickering est une bonne indication de ce que peuvent faire des groupes nucléaires. Encore une fois, c'est une expérience d'une année ou d'une année et demie dans le cas de certains groupes.

M. MORIN: Votre hypothèse de 80 p.c. est quand même du côté très prudent.

M. DE GUISE: Hydro-Ontario utilise encore les mêmes chiffres. Elle va peut-être les changer, si après cinq ans l'expérience de Pickering se maintient. Elle va peut-être les changer.

M. SAINT-PIERRE: Quels sont les chiffres utilisés pour les centrales américaines aux Etats-Unis?

M. DE GUISE: Ils sont bien en bas de cela. Les centrales américaines n'ont pas la performance.

M. MORIN: Ce n'est pas le Candu.

M. DE GUISE: Non. Ils n'ont pas la performance de...

M. MORIN: Ils n'ont pas la performance...

M. DE GUISE: Chaque fois qu'ils changent de combustible ils l'arrêtent.

M. MORIN: On peut difficilement comparer. Mais je vous avoue que cela me paraît faire une différence parce que si vous baissez votre facteur, vous pourriez le mettre à 75 p.c. tandis que vous y êtes, seulement, cela augmenterait tout de suite vos prix.

M. DE GUISE: Si j'ai bien compris, au mieux vous êtes à 83 p.c. On utilise 80 p.c.

M. MORIN: Pour l'hiver on est à plus que cela.

M. DE GUISE: Oui, mais on ne peut pas tabler sur un mois seulement, parce qu'on a des groupes thermiques qui fonctionnent à 100 p.c. durant un mois, mais ils sont arrêtés trois mois ensuite.

M. MORIN: Je pense que cela représente quand même...

M. DE GUISE: II y a un minimum d'entretien à faire sur ces groupes, alors il faut qu'ils les arrêtent lorsqu'ils font l'entretien. Il est inconcevable qu'ils les gardent...

M. MORIN: Comment l'évaluez-vous? J'ai le tableau sous les yeux, mais je n'aperçois pas... Comment l'évaluez-vous en mil ce facteur?

M. DE GUISE: Quel facteur?

M. MORIN: Le coût. Votre facteur d'utilisation à 80 p.c.

M. DE GUISE: Voici ce que cela veut dire. Lorsqu'on a établi le nombre de kWh dont le réseau a besoin, au lieu de diviser par une puissance disponible 100 p.c. du temps, cela se trouve à majorer de 20 p.c. C'est peut-être approximatif. Cela varie votre mil par kWh. Si vous avez une machine qui produit 8,760 heures par année et l'autre à 80 p.c. produit 7,008 heures par année, lorsque vous divisez cela majore votre prix en conséquence, dans le rapport 20 p.c.

M. MORIN: Dans votre tableau II, vous ne l'avez pas isolé ce facteur? Je ne le trouve pas en tout cas.

M. DE GUISE: Dans le tableau II, un instant. Lorsqu'on a...

M. MORIN: C'est bien indiqué 80 p.c, mais...

M. DE GUISE: Lorsqu'on a énergie produite — au haut de la page, sept ou huitième ligne — actualisée, oublions le facteur d'actualisation là-dedans, mais on suppose qu'un groupe de 750 ne produit des kWh qu'à 80 p.c. du temps seulement. C'est l'effet que cela a sur les calculs.

M. MORIN: Bon, j'ai compris. Très bien.

M. SAINT-PIERRE: Quels seraient les commentaires, M. De Guise, que vous auriez sur les 75.1 p.c. utilisés pour les projets La Grande, facteur d'utilisation?

M. DE GUISE: Dans les calculs comparatifs, il fallait que nous ayons de la réserve un minimum pour La Grande aussi qui est de l'ordre de 10 p.c, peut-être un peu moins, à mesure que les groupes sont installés, nous assumons, tant que ce n'est pas fini, que la réserve est prise à même les groupes installés. Ce qui, au point de vue de production des kWh, se trouve à faire baisser légèrement le facteur d'utilisation de La Grande, puisqu'on en considère une partie en réserve. Mais, lorsque l'installation est finie, pour comparer les deux programmes sur une même base, nous avons ajouté les turbines à gaz pour servir de réserve dans la proportion de 9 p.c. à 10 p.c. par rapport au programme La Grande. Alors, c'est pour cela qu'à un moment donné, à cause de l'inclusion de la réserve, partiellement le facteur d'utilisation est à 75 p.c, mais dès que le projet est fini, par d'autres artifices, il y a moyen de le monter à 80 p.c. Remarquez que cela baisserait le coût. En le mettant à 75 p.c. on défavorise La Grande par rapport au nucléaire.

Nous avons établi un crédit de kWh au nucléaire à cause de ça.

M. MORIN: Oui, mais le point où je veux en venir, c'est celui-ci. Le résultat de Pickering est quand même, pour l'hiver 1972/73, 96 p.c. Et pour l'hiver 1973/74, 95 p.c. Vous avouerez comme moi que l'été, on utilise moins, donc c'est le moment où on répare, où on sort les baguettes. C'est quand même éloquent, 96 p.c, 95 p.c, comme résultat des deux premières années et je vous demande, à la lumière de tout ça, est-ce que vos 80 p.c, qui ont certainement influé lourdement sur votre évaluation du système nucléaire, ne paraissent pas un peu conservateur et ne pourraient pas vous amener à réévaluer votre affaire?

M. DE GUISE: Je voudrais vous rappeler que les 80 p.c sont une moyenne annuelle. C'est un facteur d'utilisation annuelle, donc qui inclut un pourcentage du temps où l'équipement, même s'il est parfait, doit forcément être arrêté pour être nettoyé, inspecté, vérifié, et admettez que quinze jours ou trois semaines sur 52 semaines, c'est tout de même 6 p.c. ou à peu près, rien que pour de l'inspection. Maintenant, dans le document dont vous aurez copie, celui que je citais, qui donnait un coût de 11.5 p.c, vous voyez, au mieux, qu'Hydro-Ontario a fait des calculs avec trois facteurs d'utilisation pour

prouver son projet. On a pris 40 p.c, 60 p.c. et 80 p.c. mais on n'a pas osé dépasser 80 p.c. Parce que ce sont des moyennes de trente ans, évidemment. Vous l'avez en haut de la page, à droite, ACF.

M. MORIN: C'est de là que vous tirez vos 11.52 p.c.

M. DE GUISE: 11.52 p.c, au bas, oui, avec ce que je vous mentionnais tout à l'heure, l'intérêt est à 8 p.c, il n'y a pas de réserve, pas de réinvestissement et c'est un prix de 82 p.c, ce n'est pas un prix moyen pour les prochaines cinquante années.

M. MORIN: Tout de même, vos 80 p.c. sont très prudents.

M. DE GUISE: Je vous ai dit que, depuis le début, nous avons une certaine expérience, mais nous considérons qu'Hydro-Ontario a plus d'expérience que nous dans le nucléaire et le thermique.

M. MORIN: Si toutes vos hypothèses sont tout aussi prudentes et conservatrices, on peut peut-être jeter quelques doutes sur le résultat final.

M. CHARUK: Je me permets ici de souligner que nous opérons lesdites centrales nucléaires pour toute leur vie utile à ce facteur d'utilisation de 80 p.c. Considérant maintenant que, si vous isolez le réacteur, toutes les autres pièces d'une centrale nucléaire, c'est du thermique conventionnel, comparez ce thermique conventionnel, c'est-à-dire les centrales nucléaires du type Candu, à des centrales thermiques conventionnelles. Regardez, depuis 30 ans, s'il y en a une dans le monde qui a eu un facteur d'utilisation de 80 p.c, même si elle est en mesure de le faire. Lorsque vous installez de nouvelles centrales sur un réseau, il y a de bonnes chances que la centrale soit déclassée dans le classement des centrales et son facteur d'utilisation va baisser. 80 p.c. est un facteur d'utilisation très élevé sur trente ans.

M. MORIN: Est-ce que cela correspond? En Europe, c'est encore un autre système. On ne peut pas établir véritablement de comparaison.

M. CHARUK: Vous pouvez, mais il y a beaucoup de nuances à faire.

M. MORIN: Oui.

M. DE GUISE: Je pense que le point de M. Charuk est important. Oublions le nucléaire et prenons une centrale plus simple qui brûle de l'huile et du charbon. L'expérience prouve que, même en brûlant de l'huile ou du charbon, on n'atteint pas sur une longue période une moyenne de 80 p.c.

M. SAINT-PIERRE: Le député de Sauvé voudrait que vous soyez beaucoup plus audacieux dans le facteur d'utilisation mais beaucoup plus prudent dans les taux d'inflation et les taux d'intérêt.

M. MORIN: Ce que je veux savoir, c'est exactement quelle est la qualité des hypothèses qu'on nous soumet.

M. SAINT-PIERRE: Le juste milieu.

M. MORIN: Est-ce que vos hypothèses, quant au renouvellement, après 30 ans, ne sont pas également un peu hypothétiques? Disons trop hypothétiques?

M. DE GUISE: Trop hypothétiques? Disons qu'il y a un point sur lequel je pense il n'y a pas trop de difficulté à s'entendre, c'est qu'au bout de trente ans, les centrales même thermiques sont généralement dépréciées financièrement et elles deviennent tellement "obsolete" ou inefficaces, que leur vie utile est bien limitée à trente ans. Qu'est-ce que vous voulez? Je m'imagine peut-être la question, qu'est-ce qu'on alloue pour le coût de reconstruction après 30 ans?

M. MORIN: Si vous voulez, parce que si vous remplacez par la technologie de 1974, peut-être que vos calculs se trouvent faussés.

M. DE GUISE: Oui.

M. MORIN: Ce n'est pas la même chose que si vous remplacez par la technologie de l'année 2010.

M. DE GUISE: Mais vous... M. MORIN: Comment...

M. DE GUISE: Vous admettrez que dans les hypothèses, dans le travail que nous avons à faire, il nous faut tout de même essayer d'entrer quelque chose qu'on connaît. On ne peut pas risquer de prévoir quelque chose qui marchera sur le principe de la fission nucléaire quand on ne sait pas combien il coûtera. La chose que nous connaissons actuellement...

M. MORIN: La fission, on n'y est pas encore M. DE GUISE: La seule chose...

M. MORIN: Tenons-nous en à la fission, quand même.

M. DE GUISE: La seule chose que nous connaissons, c'est cela. Un réacteur canadien, un réacteur américain ou les réacteurs "high température gas reactor", qui sont l'équivalent, au point de vue des coûts même les surgénérateurs actuellement, les trois surgénérateurs en service ou sur le point de l'être coûtent plus

cher au kW que les centrales conventionnelles. Il peut y avoir des améliorations de la technique, mais actuellement, les deux surgénérateurs en service coûtent beaucoup plus cher au kW que les centrales nucléaires.

M. MORIN: Le facteur provision pour renouvellement, si ma mémoire est bonne, représente quelque chose comme 2.65 mils; c'est bien cela? C'est sous réinvestissement.

M. DE GUISE: Ce n'est pas renouvellement, c'est réinvestissement.

M. MORIN: Sous réinvestissement. M. DE GUISE: Réinvestissement, oui.

M. MORIN: Vous avouerez que cela représente une proportion importante de votre coût total. Je crois que cela doit faire dans les... c'est 10.9 p.c. C'est cela?

M. DE GUISE: Oui. Remarquez que nous avons fait un autre exercice, dont je vous fais grâce pour le moment, nous avons essayé d'établir ce qui se passerait si nous déprécions ou si nous mettons une vie utile de 30 ans au lieu de mettre une vie utile de 50 ans. A ce moment-là, nous étions obligés de créditer au projet La Grande la valeur résiduelle d'au moins 20 ans qui demeuraient. Et cela a donné des résultats qui favorisaient davantage le projet La Grande.

M. MORIN: Voulez-vous nous expliquer cela un peu?

M. DE GUISE: Nous avons fait tous les calculs ici en supposant une vie utile de cinquante ans, ce qui nous forçait, dans le cas du nucléaire, à faire un réinvestissement après trente ans. Cela nous posait certaines inquiétudes, sur les hypothèses à prendre.

M. MORIN: Vous voulez dire que cela vous causait des inquiétudes sur la méthode?

M. DE GUISE: La méthode et sur la valeur qui devait être prise, dans le réinvestissement après trente ans.

M. MORIN: Nous sommes sur un terrain commun.

M. DE GUISE: Sur un terrain commun. Pour obvier à cette difficulté, nous avons dit, nous allons chercher une méthode où on n'a pas de réinvestissement à faire. Nous allons examiner les deux programmes sur trente ans et, à ce moment, évidemment, vu que le projet hydroélectrique est encore bon pour vingt ans, nous allons lui créditer sa valeur résiduelle. En faisant cela, on avait un pourcentage d'écart qui est encore supérieur à ce que je vous donne avec la méthode de réinvestissement que nous avions adoptée.

Je pense que M. Charuk a peut-être un mot à ajouter sur la philosophie du réinvestissement.

M. MORIN: Oui.

M. CHARUK: Justement, dans un cas comme dans l'autre, le problème est le même. Dans le cas que nous avons ici, devant nous, le problème est destiné à quelle inflation annuelle nous allons réinvestir. Dans l'autre cas, si nous coupons après trente ans, il s'agit de déterminer une valeur résiduelle de l'équipement qui est en place. Donc, dans les deux cas, il faut considérer l'inflation.

Nous avons pris, comme hypothèse fondamentale l'inflation que l'on retrouve dans le produit national brut, depuis trente ans. Nous faisons une moyenne Cest à peu près 2.8 p.c. ou 3 p.c. si je ne me trompe. Nous avons ajouté à cela seulement 1.5 p.c. d'inflation, ce qui est très conservateur.

M. DE GUISE: Ce qui explique les 5.1 p.c. qui ont été utilisés dans les hypothèses que je vous ai données.

M. MORIN: Cela ne vous paraît pas exagéré d'allouer 11 p.c. du coût de revient sur la provision pour le renouvellement, dans ce cas?

M. DE GUISE: Pas tellement. Si vous calculez ce que vous devriez créditer au projet ne vous en servant que pour 60 p.c. du temps, vous êtes obligés de lui créditer 40 p.c. de sa valeur.

M. SAINT-PIERRE: II y a une différence entre trente ans et cinquante ans.

M. MORIN: Bien. En ce qui concerne maintenant la réserve, elle représente, d'après vos calculs, 14 p.c. du coût, c'est-à-dire 3.4 mils, je crois, c'est bien cela?

M. MALOUIN: 3.36. M. MORIN: 3.36.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'il ne serait pas mieux de la considérer sous forme de pourcentage parce qu'après tout le résultat est simplement un calcul? Ce qu'on peut se poser comme question c'est: Est-ce qu'il est normal d'avoir dans un projet hydroélectrique une réserve de 10 p.c. et est-ce qu'il est normal d'avoir sur un projet nucléaire une réserve de 36 p.c.

M. DE GUISE: Cela fait 13.8... M. SAINT-PIERRE: Des coûts.

M. DE GUISE: ... en coût. En coût, c'est environ 13.8. En pourcentage, vous l'avez. Il y a 3,713 MW de réserve sur une puissance installée

de 9,7 50, ce qui représente à peu près 38 p.c. Là encore, nous avons comme guide les chiffres d'Hydro-Ontario. Je vous ai référé tout à l'heure à un document où, dans la période de 1973 à 1983, on indique un pourcentage de réserve en équipement qui varie entre 33 p.c, 26 p.c, 31 p.c, disons qu'il est approximativement de 30 p.c. en moyenne.

Et si vous considérez qu'en prévoyant 30 p.c. de réserve sur l'ensemble du réseau dans un réseau qui a déjà un tiers en hydraulique, cela nous justifie de prendre 38 p.c. dans un réseau entièrement nucléaire. Je ne sais pas si vous m'avez suivi là-dessus.

M. MORIN: J'ai perdu votre dernière phrase.

M. DE GUISE: Voici. Dans les chiffres déposés par Hydro-Ontario — il fallait qu'ils justifient leurs prévisions financières, leurs besoins d'argent, etc. — ils prévoient une réserve qui varie entre 33 p.c. et 27 p.c. de la puissance installée.

Vous n'avez peut-être pas ce document. C'est une autre page.

M. MORIN: Non, je ne l'ai pas.

M. DE GUISE: C'est une autre page. C'est pour l'ensemble de tout le réseau d'Hydro-Ontario.

Dans les premières années —je prends 1973 — il y a 57 sur 166, à peu près un tiers d'hydraulique, où normalement la réserve devrait être très basse. Alors, je crois qu'on n'est pas tellement loin de la vérité en prenant 38 p.c. pour une hypothèse entièrement nucléaire.

M. MORIN: Oui. Je vais essayer de mieux vous comprendre sur ce sujet en vous posant une ou deux autres questions.

M. DE GUISE: Oui. Je tiens bien à souligner aussi que, par souci de coût, nous n'avons pas mis 37 p.c. de réserve nucléaire. Nous avons mis 37 p.c. de réserve dans un mélange de turbines à gaz et de centrales à réserve pompée qui sont un investissement beaucoup moindre.

M. MORIN: A la page 8, on nous dit que la réserve est basée sur un taux d'indisponibilité des centrales nucléaires de base dû aux pannes, de 6 p.c, ce qui nécessite des installations de réserve dont la puissance représente 25 p.c. de celle des centrales nucléaires pour un réseau de l'ordre de 10,000 MW dans les années 1970.

M. DE GUISE: Bon, j'aimerais vous signaler...

M. MORIN: Est-ce que ce n'est pas un peu fort?

M. DE GUISE: J'aimerais vous signaler que c'était pour des groupes de 500 MW, c'était dans l'hypothèse de 1972. Dans le tableau de La Grande, nous utilisons des groupes de 750 MW, et l'économie que nous faisons dans la taille des groupes, nous en reperdons une bonne partie dans la réserve additionnelle qu'il faut préparer, parce que même dans les chiffres d'Hydro-Ontario, ils augmentent la réserve à cause de l'augmentation de la taille des groupes. Parce que plus les groupes sont gros, plus ils ont des chances de tomber en panne — dans les premières années, du moins — et plus l'effet est grand dans le réseau, évidemment. Perdre 750 MW, c'est plus sensible que de perdre 500 MW.

M. MORIN: Est-ce que vous êtes au courant des résultats obtenus par Pickering récemment, en particulier pour 1973?

M. DE GUISE: Je les ai. A AECL, nous les suivons semaine par semaine et mois par mois. Je ne les ai pas devant moi, par exemple.

M. MORIN: The average lifetime DAFOR for the four units is 7.4 p.c. In 1973, the average improved to 4.4 p.c.

M. DE GUISE: L'année précédente, c'était 7 p.c et, cette année, c'est 4 p.c. Qu'est-ce que cela sera l'année suivante et qu'est-ce que cela sera sur une moyenne de 30 ans? Vous savez que les courbes dans les disponibilités des groupes, c'est comme une courbe en cuvette. Les premières années, l'indisponibilité est assez forte parce que c'est la période de rodage, il y a une période de stabilisation dans la vie moyenne et, dès que l'usine vieillit ou que le groupe vieillit un peu, l'indisponibilité remonte encore.

M. MORIN: Vous calculez que votre réserve à 25 p.c. est raisonnable.

M. DE GUISE: Nous avons pris plus que cela. Je tiens à souligner que, dans le calcul de comparaison avec La Grande, nous avons pris 37 p.c. de réserve par rapport à la puissance installée et c'est basé sur les chiffres après discussion avec les gens d'Hydro-Ontario.

M. MORIN: Là aussi, c'est très conservateur. C'est encore une autre hypothèse très conservatrice.

M. DE GUISE: Si on suit les publications américaines, vous allez trouver des réseaux où c'est encore beaucoup plus élevé. Evidemment, l'expérience américaine est moins bonne.

M. MORIN: On ne vous parle pas du système américain. On vous parle du système Candu.

M. DE GUISE: Mais, évidemment, c'est une question d'interprétation et de jugement, mais nous croyons imprudent de baser tout un programme sur une expérience d'un an dans la centrale de Pickering.

M. SAINT-PIERRE: Vous êtes comme l'indépendance...

M. MORIN: Cela vous amène quand même, finalement, à trouver des chiffres très élevés pour le nucléaire.

M. DE GUISE: Voulez-vous que...

M. MORIN: Parce que, si on accumule toutes les hypothèses conservatrices pour être du bon côté de la clôture, en toute sécurité, cela n'est pas étonnant que le coût final soit élevé.

M. DE GUISE: Est-ce que, pour un instant, je peux laisser les considérations économiques et regarder, sur le plan pratique, ce que voudrait dire un programme entièrement nucléaire?

M. LESSARD: Ce n'est pas ce qu'on a dit. M. DE GUISE: Très bien.

M. LESSARD: Tout ce qu'on a dit, c'est qu'on a essayé d'avoir un programme polyvalent. On n'a jamais dit de se...

M. SAINT-PIERRE: C'est comme l'indépendance, juste avant les élections...

M. MORIN: Ne mêlez pas les cartes.

M. LESSARD: Non. Ne mêlez pas les cartes.

M. SAINT-PIERRE: Elles sont mêlées dans votre jeu.

M. MORIN: Laissez-nous travailler !

M. SAINT-PIERRE: On va vous laisser vous empêtrer...

M. LESSARD: Par la suite, Hydro-Québec a décidé, à un certain moment, de se diriger un peu vers le nucléaire. Ce que nous avons toujours dit, c'est d'avoir un programme polyvalent et, lorsque vous avez forcé la main à Hydro-Québec, lors de votre annonce du 29 avril...

M. SAINT-PIERRE: Affirmation gratuite.

M. LESSARD: ... à ce moment, vous avez presque de façon obligatoire dirigé HydroQuébec exclusivement vers la baie James.

M. SAINT-PIERRE: Ce sont, M. le Président, des accusations très graves qu'on vient de lancer. D'une part, une affirmation gratuite que le gouvernement a forcé la main à HydroQuébec de prendre un programme hydraulique, deuxièmement, de mettre en doute l'honnêteté intellectuelle...

M. MORIN: Ce n'est pas comme cela que cela s'est présenté.

M. SAINT-PIERRE: C'est cela qu'on vient de faire. On met en doute l'honnêteté intellectuelle des gens et on dit qu'on tourne les chiffres pour faire plaisir au gouvernement.

M. MORIN: Ne nous opposez pas à HydroQuébec. D'ailleurs, nous étions en train d'examiner les choses sérieusement...

M. SAINT-PIERRE: Vous étiez en train... M. MORIN: M. le ministre, s'il vous plaît!

M. DE GUISE: II y aurait peut-être un dernier point à faire valoir sur le plan économique, c'est qu'en admettant que certains chiffres sont peut-être jugés trop élevés dans nos réserves et dans les taux de non-disponibilité, n'oublions pas que nous avons limité la vie des centrales hydrauliques à 50 ans. Si nous avions pris 65 ans ou 75 ans, et qu'il ait fallu faire un réinvestissement et un autre réinvestissement partiel...

M. MORIN: Oui, mais vous avez limité le nucléaire à 30 ans, on pourrait vous faire le même raisonnement aussi.

M. SAINT-PIERRE: Je pense que la preuve...

M. DE GUISE: Je pense qu'on peut prouver que dans tout le thermique, parce que vous savez l'objection additionnelle au nucléaire, les métaux ou la partie des réacteurs assujettie aux bombardements neutroniques, deviennent extrêmement fragiles avec le temps, comme de la glace. Alors, s'il est prouvé qu'une centrale thermique conventionnelle ne dure pas plus que 30 ans, je crois que dans le nucléaire, si on ajoute les risques additionnels que comporte la fission nucléaire, il serait assez présomptueux de dire que cela va être plus que 30 ans.

M. MORIN: Oui, mais tout n'est peut-être pas nécessairement à renouveler dans une centrale nucléaire après 30 ans.

M. DE GUISE: Mais qu'est-ce que vous pensez d'une centrale hydroélectrique ou un tunnel, un massif de roc qui sert de barrage. En fait, dans nos centrales hydroélectriques, il n'y a à peu près que les turbines, les alternateurs, l'équipement électrique à renouveler.

M. MORIN: J'ai une dernière...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, messieurs, je constate qu'il est 6 heures. On va prendre quelques minutes de repos et on reviendra à 20 h 15.

M. MORIN: D'accord. (Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 27

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Le député de Mont-Royal aurait une question à poser.

M. CIACCIA: M. le Président, cela fait quelques heures que nous nous arrêtons sur les chiffres et les différences monétaires et économiques entre les projets nucléaires et les projets hydrauliques. Mais il me semble qu'il doit y avoir d'autres considérations en plus de l'aspect économique seulement. Je crois d'ailleurs que la Société d'énergie, Hydro-Québec ont démontré avec des chiffres et une présentation très bien préparée, que personne n'a pu, jusqu'à maintenant, démontrer que ces chiffres n'étaient pas valables, mais en plus de l'aspect économique, il doit y avoir d'autres considérations pour favoriser le projet hydraulique plutôt que le projet nucléaire.

Je suis conscient qu'il faut commencer par les chiffres. On ne peut pas endetter les citoyens du Québec s'il y a une alternative. Seulement l'aspect économique n'est pas toujours le seul critère pour déterminer une façon de procéder.

J'aurais trois questions à poser à HydroQuébec ou la Société d'énergie si elles pouvaient nous donner des renseignements sur, premièrement, la question de juridiction, au point de vue de la juridiction provinciale, juridiction du Québec. Je crois qu'il n'y a pas de doute sur la juridiction de la province sur le projet hydraulique.

Je suis conscient du fait qu'il y a des procédures légales par les autochtones qui contestent certains aspects, l'environnement, peut-être la juridiction, le bill 50.

M. MORIN: J'espère que vous...

M. CIACCIA: Je crois que dans les documents qui ont été déposés, la Société d'énergie ne cache pas le fait qu'il y a des procédures légales, ils donnent l'historique, mais avec la bonne volonté de tout le monde, j'inclus la bonne volonté de la Société d'énergie, la bonne volonté d'Hydro-Québec et la bonne volonté du gouvernement du Québec, ce litige va être réglé. Je n'ai aucun doute sur cet aspect, mais quand je parle de juridiction, je me demande si, dans l'aspect nucléaire — il y a des autorités, par exemple, l'autorité fédérale, l'Atomic Energy Commission — il n'y aurait pas une certaine juridiction sur les projets nucléaires qui pourrait avoir un effet sur la direction de la province, sur la manière d'agir, dans ce domaine, de la province, sur les contrôles, non seulement aujourd'hui mais dans l'avenir, par l'autorité fédérale.

Par exemple, dans le domaine pétrolier, l'autorité fédérale, vis-à-vis de l'Alberta et pour le bénéfice de tous les Canadiens, a exercé un certain contrôle dans ce domaine. Je me demande si, dans la question de juridiction, elle ne pourrait pas l'exercer, soit sur le projet, soit dans les produits qui sont utilisés dans les projets nucléaires, s'il n'y aurait pas une question de juridiction fédérale, qui n'existe pas dans les projets hydrauliques, premièrement. Deuxièmement, on n'a pas parlé jusqu'à maintenant de la protection de l'environnement, des mesures de sécurité, je ne suis pas technicien mais dans les revues qu'on lit sur ces sujets, il semble y avoir des mesures de sécurité nécessaires pour la protection de l'environnement, pour la protection du peuple et de ceux qui habitent dans les environs de ces projets nucléaires.

Quand il s'agit de barrages, il n'y a pas de danger d'environnement une fois que le barrage est construit. Je tiens compte ici que des modifications ont été apportées par la Société d'énergie pour répondre aux demandes des autochtones dans le domaine de l'environnement et vous en avez référé aux modifications au domaine de l'environnement dans vos rapports. Je suis convaincu aussi que si d'autres modifications étaient nécessaires pour accommoder les autochtones, ces modifications pourront aussi être faites.

Mais une fois le comité d'environnement inclus dans la proposition du premier ministre mis sur pied, je voudrais avoir des informations sur les problèmes d'environnement que le projet nucléaire pourrait apporter, par rapport aux problèmes d'environnement d'un barrage et de projets hydrauliques.

Troisièmement, on parle de dépenser $12 milliards pour un projet. On essaie de faire des chiffres pour des projets nucléaires. Cela peut être plus, d'après les chiffres d'Hydro-Québec, c'est plus dispendieux. Mais même pour les dépenses initiales, peut-être que c'est moins, à la longue. Je crois que les documents démontrent clairement que c'est moins cher et plus avantageux pour le peuple québécois d'avoir des projets hydrauliques. Mais même pour les dépenses initiales, si on dépense $12 milliards, quel est le contenu québécois dans ce $12 milliards? Est-ce que c'est le même contenu québécois pour un projet nucléaire?

Je crois que nous allons être d'accord. Même si, initialement, cela coûtait un peu plus dans les dépenses de capitaux, si ces dépenses sont faites dans la province de Québec et qu'elles ont un contenu québécois, c'est plus avantageux pour tous les citoyens du Québec.

J'aimerais, si c'est possible, soit qu'Hydro-Québec, soit que la Société d'énergie nous donne quelques informations sur ces trois articles: question de juridiction, question de protection de l'environnement et question du contenu québécois dans les dépenses qui vont être faites pour ce projet.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Giroux.

M. GIROUX: M. le Président, je crois que, prenant les questions une à une, il y a une question qui est de portée légale. Je ne voudrais pas être accusé de donner une opinion légale. Je ne suis pas avocat. Seulement, je crois — et j'ai déjà eu les confirmations à ce sujet, on peut les faire confirmer par les membres de notre contentieux — que, pour construire une usine nucléaire n'importe où au pays, il faut obtenir une licence fédérale. Nous avons une licence fédérale.

Le produit est — si vous voulez, l'huile — absolument, dans l'uranium, sous le contrôle du gouvernement fédéral. Seulement, dans Québec actuellement, je sais que certaines parties du gouvernement font des efforts, dans la société de développement, un peu partout, pour essayer de trouver de l'uranium à la source. Dans la province de Québec, nous n'en avons pas. Actuellement, nous dépendons entièrement du gouvernement fédéral.

Même si on trouvait des réserves d'uranium, tant qu'il est dans la terre, c'est provincial et, dès qu'on l'extrait, c'est du domaine fédéral. Je ne sais pas si cela répond à peu près entièrement à la question de contrôle absolu au point de vue du gouvernement fédéral sur l'uranium comme tel.

Les questions sont très claires. On a déjà essayé de regarder la possibilité, par exemple, de se servir de la filière américaine au moment où elle nous semblait plus avantageuse. Il n'y a pas moyen de s'en servir, parce qu'on ne peut pas obtenir les licences nécessaires. Je dis qu'il n'y avait pas moyen, je ne dis pas que, dans deux ans ou trois ans, il n'y aura pas des moyens, mais actuellement c'est absolument fédéral.

Je pense bien que ce sont des lois qui ont été établies et reconnues depuis assez longtemps.

Vous me demandiez tantôt, au sujet de l'environnement et de la retombée économique. Ce sont deux points un peu plus séparés. Sur la retombée économique, avec les chiffres exacts, dans le développement hydraulique de la baie James, qui est le plus gros que nous avons, M. Boyd pourra donner des chiffres exacts tantôt. On les a déjà donnés ici, dans le passé.

M. LESSARD: On les a eus.

M. GIROUX: Sur le nucléaire, actuellement, nous n'avons pas tellement de manufacturiers qui peuvent le produire. Graduellement, on essaie d'intéresser des manufacturiers à faire du nucléaire.

Mais il y a une partie assez difficile. Sur l'autre partie, comment opèrent ces choses au point de vue des permis et n'importe quoi, je demanderais à M. de Guise, qui est membre de la Commission atomique, de nous donner les réponses sur les possibilités et sur les retombées.

M. MORIN: Avant l'environnement, M. le Président, est-ce qu'on pourrait étudier un peu l'aspect constitutionnel, puisque le député de Mont-Royal l'a soulevé?

M. CIACCIA: On va le laisser finir.

M. MORIN: C'est parce qu'il y a trois grosses questions que vous avez soulevées. Elles sont toutes les trois intéressantes, mais on pourrait peut-être les prendre seriatim.

Quand vous dites que l'uranium extrait tombe sous la compétence fédérale, je ne pense pas qu'on puisse vous contredire, étant donné que le pouvoir fédéral a occupé ce domaine. C'est un domaine qui n'est décrit nulle part dans la constitution, vous en conviendrez. C'est un domaine comme tant d'autres où le pouvoir fédéral s'est installé comme premier occupant.

M. GIROUX: Je constate les faits seulement.

M. MORIN: Oui, mais vous êtes d'accord que c'est bien comme cela que cela s'est passé.

M. GIROUX: C'est contestable.

M. MORIN: Bien! Je prétends, en ce qui me concerne, et je pense qu'il y en a beaucoup d'autres qui seront d'accord avec moi, que c'est une compétence fédérale tout à fait contestable. On peut très bien soutenir que la constitution ne donne aucune espèce de priorité au pouvoir fédéral sur ce domaine, pas plus que sur les autres richesses naturelles. On peut bâtir une argumentation très solide sur le plan constitutionnel pour dire que l'uranium extrait, tout comme les autres minéraux extraits du sol québécois éventuellement, seraient de compétence provinciale. Mais là n'est pas tellement la question.

La vraie question est celle-ci: Est-ce que le fait que ce soit, à l'heure actuelle, de compétence fédérale, parce que le pouvoir fédéral s'est arrogé cette compétence, empêche HydroQuébec, pour le cas où elle ferait une option nucléaire, de construire les centrales qu'elle entend constuire? C'est cela, la vraie question.

M. CIACCIA: Si je pouvais seulement préciser un peu ma question...

M. MORIN: Je le veux bien.

M. CIACCIA: Le but de ma question n'était pas de déterminer du point de vue constitutionnel si le pouvoir fédéral était contestable ou non.

Mais quand on discute — et c'est pour cela que j'ai posé les trois questions ensemble — les projets nucléaires, je suis d'accord avec vous que si le projet nucléaire n'avait pas de problème d'environnement, je présume qu'on va en parler...

M. MORIN: Ce n'est pas comme si... La Grande a quelques petits problèmes d'environnement aussi.

M. CIACCIA: S'il n'y avait aucun autre problème, supposons, dans le nucléaire, ce n'est pas la possibilité que le fédéral a occupé, ou que c'est contestable, qui va empêcher ou qui devrait empêcher une province, que cela soit le Québec ou une autre province, de développer le nucléaire. Ma seule question...

M. LESSARD: Vous en aviez trois...

M. CIACCIA: ... était d'essayer de relever les autres données qui doivent être prises en considération dans la détermination de choisir un projet ou un autre. Je crois que s'arrêter seulement à l'économique, c'est important, mais les autres questions doivent être aussi soulevées. S'il y a un problème dans les autres domaines, je crois que nous devons être au courant de ces questions. Je ne vous dis pas qu'il n'y aura pas de solutions. Je ne dis pas que le fédéral...

M. MORIN: D'accord.

M. CIACCIA: ... va nous empêcher...

M. MORIN: J'espère.

M. CIACCIA: ... de développer le nucléaire.

M. MORIN: Cela serait...

M. CIACCIA: Non. Ce n'est pas le but de la question. Le but est de voir s'il y a des questions et si dans toutes les possibilités, il y en a une, où il n'y a pas de problème du tout, où il y a moins de problèmes; je crois qu'avec cette position, plus la compétence d'Hydro-Québec, plus les gens qui nous ont expliqué, qui nous ont donné tous les documents qu'ils ont déposés, cela serait plus que raisonnable d'accepter la position qu'Hydro-Québec a prise vis-à-vis du développement hydraulique plutôt que le développement nucléaire.

M. MORIN: Je n'ai pas dit que les questions soulevées par le député de Mont-Royal ne sont pas intéressantes. Elles sont même passionnantes. Seulement, il ne faudrait pas...

M. CIACCIA: L'environnement...

M. MORIN: ... qu'il nous dise que tous les problèmes sont du côté du nucléaire parce qu'il y a quelques petits problèmes d'environnement posés par La Grande. Ce sont de petites affaires de rien du tout, mais il faut en tenir compte.

M. CIACCIA: Oui. Mais j'ai dit que je suis persuadé que la Société d'énergie de la baie James a démontré qu'elle était prête à faire des modifications pour la protection de l'environnement. Elle en a fait déjà. Elle a souligné que si d'autres problèmes d'environnement survenaient dans l'avenir, elle serait aussi prête à faire ces modifications. Elle a même accepté de former un comité d'environnement justement pour regarder ces questions et inviter même les autochtones à participer à ce comité d'environnement dans ces endroits.

Mais avant de parler des questions d'environnement, j'aimerais si on pouvait... On n'a pas encore répondu s'il y avait des problèmes d'environnement pour le nucléaire.

M. MORIN: Si vous voulez, on va vider d'abord la question constitutionnelle. Ensuite, on passera à l'environnement, et ensuite à votre troisième problème du contenu québécois. Ce sont trois problèmes très importants. Je pense qu'il faut aller au fond.

M. CIACCIA: Non, M. le Président, j'ai demandé, si vous me permettez, trois questions. J'aimerais avoir une réponse à ces trois questions. Maintenant, après que les réponses auront été données — parce que je voudrais avoir des réponses à ces questions — si vous voulez faire des commentaires, alors ce sera votre...

M. MORIN: J'ai posé une question à HydroQuébec tout à l'heure. Je pense que cela vous intéresse aussi. Est-ce que les difficultés constitutionnelles, auxquelles vous avez fait allusion, empêchent Hydro-Québec de procéder avec ses plans nucléaires, si elle en a?

M. CIACCIA: Non. Avant de vider cette question, j'aimerais avoir la réponse sur la protection de l'environnement et le contenu québécois, après cela. Ecoutez, on ne peut pas analyser ces questions séparément, dire qu'il n'y a pas de problème de juridiction ou il y en a, je pense qu'il faut prendre une approche globale.

M. MORIN: On va le faire.

M. CIACCIA: Alors, si on peut avoir la réponse à mes trois questions, si le président le permet et, après cela, vous pourrez faire vos commentaires.

M. GIROUX: M. le Président, je crois que quant à la première question, de mémoire, j'ai cité ce qu'était la loi du contrôle fédéral. Je pense que personne ne nie ce domaine. Deuxièmement, à Hydro-Québec, d'aucune façon, nous sommes empêchés d'opérer par le fait qu'il y a des lois fédérales. Cela nous dérange un peu de payer l'impôt, mais à part cela, il n'y a pas de problème.

M. MORIN: S'il y avait des difficultés, ce serait un bon argument pour l'indépendance du Québec, en tout cas, un excellent argument. S'il y en avait.

M. GIROUX: S'il y en avait, je n'en connais pas.

UNE VOIX: On détourne la question.

M. GIROUX: Ce problème est un problème...

M. CIACCIA: L'environnement aussi pourrait être résolu par l'indépendance.

M. LESSARD: Le premier est sauté, on revient à l'environnement et, après cela...

UNE VOIX: Laissez donc répondre HydroQuébec.

M. GARNEAU: A moins qu'on ne puisse pas...

M. BACON: Soyez gentil.

M. GIROUX: Vous avez deux problèmes de posés. Il y en a un sur La Grande, sur l'environnement et les retombées économiques. L'autre, si je comprends bien, est sur l'environnement et les retombées économiques en nucléaire. Alors, sur La Grande, les problèmes de l'environnement...

M. BOYD: M. le Président, concernant l'environnement, c'est une des premières choses dont on s'est soucié lorsqu'on a organisé notre société. Dès le début, nous avons formé un service de l'environnement...

M. CIACCIA: Excusez, je ne veux pas vous interrompre, M. Boyd, mais je suis au courant des problèmes de La Grande.

Ma question n'était pas sur les problèmes d'environnement causés par La Grande parce que vous avez apporté beaucoup de modifications. Je voulais savoir s'il y avait des problèmes d'environnement dans les projets nucléaires.

M. LESSARD: M. le Président, je suis bien d'accord sur la question qui est posée, mais je pense que pour pouvoir comparer, il est important de savoir s'il y a des problèmes au niveau de La Grande et après cela on pourra parler, comme comparaison...

M. CIACCIA: Excusez, ma question... Un instant. Si vous avez un problème... Si vous avez une question sur l'environnement, vous pouvez la poser. Moi, je n'ai pas de question pour le moment sur la question...

M. LESSARD: Parce que vous vous savez...

M. CIACCIA: Je suis au courant de ce que la société peut faire.

M. MORIN: Pauvres ignorants que nous sommes. Cela nous intéressait, l'exposé que M. Boyd...

M. CIACCIA: Vous pourrez le demander après. S'il vous plaît, je voudrais avoir la réponse sur les problèmes d'environnement du projet nucléaire, s'il y en a.

M. DE GUISE: M. le Président, j'essaierai de résumer assez brièvement. Lorsqu'on construit ou qu'on veut faire fonctionner une centrale nucléaire, nous sommes assujettis à des normes fixées par 1'Atomic Energy Control Board, le Bureau de contrôle de l'énergie atomique. Je tiens à mentionner immédiatement que c'est une organisation différente de l'Energie atomique du Canada. Cet organisme est surtout en place pour la protection du public en général, il émet des normes quant au degré de radioactivité permise dans l'émission par les cheminées, par l'air.

M. MORIN: Combien de rem par an, M. De Guise? Cinq?

M. DE GUISE: Cinq, je crois. Il y a aussi dans l'eau qui est rejetée à la rivière certaines normes à respecter.

M. MORIN: Deux, deux et demi.

M. DE GUISE: Oui. Le personnel qui est susceptible d'être en contact avec la radioactivité doit porter un indicateur qui enregistre automatiquement le degré d'exposition subi pour les personnes qui sont dans les salles de rayon-X ou autrement. Il y a des examens périodiques du sang et du système des personnes qui sont susceptibles de venir en contact avec la radioactivité. Il y a toute une série de normes qui ne sont pas tellement difficiles à respecter, mais qu'il faut tout de même respecter et je pense qu'il n'y a pas...

M. MORIN: Ce sont des normes internationales, n'est-ce pas?

M. DE GUISE: C'est cela. Il n'y a pas de problème avec l'exploitant parce que c'est dans l'intérêt de l'exploitant autant que dans l'intérêt du public. Par exemple, aussi, on va surveiller à quel endroit on veut implanter une centrale au point de vue sismique. Si on avait dans la province des zones sismiques extrêmement dangereuses, on pourrait nous les interdire, à cause du danger d'un tremblement de terre, de la destruction d'un réacteur. Comme vous en êtes bien conscients, au tout début, lorsqu'un projet est en vue, il nous faut obtenir l'approbation du bureau de contrôle à différents stages. Au début, par exemple, pour le site, après cela, au moment de la construction, il faut faire un rapport très détaillé sur la sécurité du réacteur, parce que, malgré qu'on soit toujours dans le système Candu, il y a toutes sortes d'améliorations ou de modifications apportées d'une usine à l'autre. Alors, le bureau de contrôle surveille ces choses de façon très serrée. A un moment donné aussi, il y a les problèmes des déchets radioactifs qui se posent. Ils ne se posent pas à une grande échelle actuellement parce que, comme nous en sommes au début des centrales, le radium ou les tubes qui ont été exposés à la radioactivité, dès

qu'ils ne servent plus, sont déposés dans une piscine et les piscines prévues doivent être construites pour emmagasiner quelque chose comme 20 ans de production. Alors, c'est seulement quand ces matériaux sortent de la piscine qu'il y aura le problème de savoir comment les rendre absolument inoffensifs. Je crois que si l'on pense à la juridiction fédérale, pour autant que les centrales nucléaires sont concernées, c'est une série de règlements destinés à protéger les employés et le public d'une manière générale.

Les normes ne sont pas tellement difficiles à respecter, il faut évidemment y faire attention.

M. MORIN: D'ailleurs, en dehors du cas des opérateurs de la centrale, ce sont des normes population.

M. DE GUISE: Population.

M. MORIN: Ce sont des normes, c'est cinq rems par an pour l'ensemble de la population, ce n'est donc pas très difficile à respecter.

M. DE GUISE: Oui.

M. MORIN: Est-ce que Gentilly a posé des problèmes de ce côté?

M. DE GUISE: Nous n'avons pas eu de problème. Remarquez que nous n'avons été en exploitation qu'un très court laps de temps à Gentilly, parce qu'à un moment donné il a fallu transporter de l'eau lourde. Mais j'aimerais vous mentionner, comme exemple, que la fabrication d'eau lourde tombe sous le contrôle du même bureau. Là, les exigences sont beaucoup plus sévères, du moins entraînent beaucoup plus de dépenses et de restrictions. On va spécifier, par exemple, quand une usine d'eau lourde est construite, qu'on ne peut pas avoir d'habitation dans un rayon d'un mille ou d'un mille et demi, que la population doit être peu dense dans un autre rayon, il faut des dispositifs d'alarme, etc., en cas de fuite d'eau lourde et, en fin de compte, il s'agit d'un produit qui n'est pas radioactif, le gaz sulfurique est un produit chimique, mais qui est assez dangereux pour la santé de la population.

M. CIACCIA: II y a des mesures de sécurité qui existent dans les projets nucléaires qui n'existent pas et qui ne se présentent pas dans les projets hydrauliques.

M. DE GUISE: C'est différent.

M. GARNEAU: M. le Président, concernant cette même question.

M. CIACCIA: C'est important à savoir.

M. GARNEAU: Les mesures de contrôle qu'on dit de surveillance qui ont un caractère international, j'imagine qu'elles sont sensiblement les mêmes qui s'appliquent aux Etats-Unis dans les projets d'usine nucléaire, même si la filière est différente?

M. DE GUISE: Oui. Je pense que le degré de radioactivité, ces choses-là...

M. GARNEAU: Et le danger de pollution est sensiblement le même ou les façons qu'on prend pour le contrôler sont sensiblement les mêmes?

M. DE GUISE: Oui, sauf que, dans les filières américaines, c'est de l'uranium enrichi qui a des propriétés...

M. MORIN: Mais le système Candu, de ce point de vue, offre de très gros avantages.

Il est beaucoup moins dangereux. Est-ce que vous êtes au courant de l'expérience de Pickering?

M. GARNEAU: Avant de continuer — le chef de l'Opposition pourra poursuivre tout à l'heure — ce qui m'a toujours frappé, c'est de voir les groupes de citoyens aux Etats-Unis qui s'organisaient: ils étaient à ce point engagés que des groupes de citoyens payaient, dans des grands quotidiens américains— j'en ai vu moi-même dans les journaux américains — des annonces pour inviter la population à manifester contre l'établissement de centrales nucléaires. Est-ce qu'en dehors de ce qu'on pourrait appeler des idéalistes de l'environnement, il y avait des motifs quelconques ou si c'était seulement une crainte qui s'est propagée comme ça?

M. DE GUISE: On doit dire que, depuis un certain nombre d'années, les Américains avaient extrêmement de difficulté à trouver un site pour une centrale thermique ordinaire, à cause de l'émission de gaz sulfureux ou du charbon. Evidemment, lorsqu'on entre avec une centrale nucléaire, il reste un mythe dans la population, il reste quelque chose, on ne peut pas s'empêcher de penser à la bombe atomique, il y a eu toutes sortes de...

M. GARNEAU: Elle vient d'éclater la bombe atomique.

M. ROY: C'est l'eau lourde qui coule.

M. DE GUISE: Malgré que les techniciens nous assurent que les précautions prises nous protègent absolument contre cela. Il y a eu des cas soulevés dernièrement par le groupe Nader, je pense, où on remettait en cause la possibilité de refroidir suffisamment le noyau d'un réacteur en cas d'un défaut majeur "emergency corps cooling". Et évidemment, si on remettait cette affaire-là en doute, il aurait pu arriver,

dans les circonstances, si leur hypothèse s'était réalisée, que le noyau fonde, que l'enceinte coule et qu'il y ait émission de radioactivité. Ce sont toutes ces choses-là...

M. GARNEAU: Le danger est le même dans les deux filières, Candu et filière américaine?

M. DE GUISE: II est un peu moindre parce que les températures et les pressions sont moins hautes dans le Candu, mais s'il y avait perte de refroidissement complète alors qu'un réacteur est en marche, il y aurait certainement des précautions à prendre. Mais ce sont toutes ces choses-là qui sont plus ou moins bien comprises et qui, d'une manière générale, ont un effet marqué sur la population. On a peur de ce qu'on ne comprend pas; c'est normal.

M. MORIN: C'est pour cela que le premier ministre, très souvent, fait allusion à ce danger.

M. GARNEAU: Evidemment, vous êtes plus affecté par les retombées radioactives.

M. MALOUIN: II est immunisé.

M. DE GUISE: Quant au second point qui a été soulevé, celui des contenus québécois, il faut bien admettre que le contenu québécois, dans une centrale nucléaire, est inférieur à ce qu'il est dans une centrale hydroélectrique. Si vous regardez la composition d'un projet hydroélectrique, c'est un déplacement de matériaux considérables, des structures de béton ou d'enrochement, beaucoup d'équipement mécanique, une main-d'oeuvre en majorité pas tellement spécialisée, et, lorsqu'on retombe dans le nucléaire, on a des groupes turboalternateurs qui ne sont pas faits complètement au Québec, alors qu'ils le sont presque complètement dans les groupes hydroélectriques, nous utilisons des aciers spéciaux qui ne sont pas toujours disponibles ici, la main-d'oeuvre doit être hautement spécialisée, les contrôles, les ordinateurs, viennent de l'extérieur de la province. Un fait aussi qui n'est pas négligeable depuis quelque temps, à cause du programme intense de l'Hydro de l'Ontario, cette dernière a pratiquement accaparé à elle seule la production manufacturière; donc des installations québécoises travaillent à pleine capacité dans le domaine des calandres pour des installations prévues en Ontario.

Alors si nous arrivions par dessus avec un programme intense au Québec, il y aurait peut-être un problème de capacité manufacturière, même dans les domaines conventionnels au Québec, parce qu'ils sont déjà engagés dans le programme ontarien.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Je pense que M. Boyd voudrait rajouter quelque chose.

M. BOYD: J'aimerais donner des pourcentages. Je vous ai dit dans ma présentation, hier, que pour la baie James, on était rendu à 82 p.c. de contenu québécois dans nos achats, nos services et l'étude économique que nous avons déjà complétée à Hydro-Québec indique que pour le nucléaire canadien, le contenu québécois est d'environ 61 p.c.

M. LESSARD: M. Boyd ou M. De Guise, est-ce que vous pourriez nous indiquer, lorsqu'il y a eu création d'Hydro-Québec, lorsque Hydro-Québec a construit — et je pense que M. Giroux pourra me répondre à ce sujet-là — le premier pouvoir hydroélectrique par elle-même, soit, je pense à Labrieville, parce que des contrats étaient donnés autrefois, est-ce que vous pourriez nous indiquer, à Labrieville ou ailleurs, quel était le contenu québécois du matériel qui était acheté ici?

M. GIROUX: Si vous vous adressez à moi, malheureusement, je n'étais pas à Hydro, à ce moment, même à Labrieville, je ne sais pas si j'étais au monde. Demandez à M. Boyd.

M. LESSARD: M. Giroux...

M. GIROUX: Je pense que M. Boyd a cela, monsieur.

M. LESSARD: M. le Président, je suis assuré que M. Giroux était au monde, parce que, moi, j'étais au monde, à ce moment et j'ai travaillé à Labrieville. Je voudrais savoir justement — je pense que la question est sérieuse — M. Boyd, quel était le contenu québécois, à ce moment, au début d'Hydro-Québec?

M. BOYD: Je crois que le contenu québécois était très élevé, même à ce moment, parce que les matériaux tels que...

M. BACON: Ah oui!

M. LESSARD: Les turbines étaient construites où?

M. BOYD: A Lachine par Dominion Engineering. Donc, le contenu québécois était très élevé. On a réussi à l'augmenter avec le temps, mais je dois vous dire qu'au début, même si M. Giroux tente d'indiquer que je suis plus vieux que lui, ce n'est pas exact, mais j'étais à Hydro avant qu'il y soit et M. De Guise était là aussi en même temps que moi, les contenus hydrauliques ont toujours été assez élevés au Québec, parce que cela fait très longtemps qu'on construit des centrales hydrauliques au Québec. Vous avez la centrale des Cèdres.

M. BACON: Les centrales du Saint-Maurice.

M. BOYD: ... qui ont été construites même avant cela. En 1914, vous avez eu toutes les centrales du Saint-Maurice, ensuite, vous avez

eu Beauharnois, en 1928. Donc, cela fait très longtemps. J'ai une note ici pour me rappeler qu'à Bersimis, c'est une partie des turbines génératrices qui ont été construites par Vickers et d'autres par Dominion Engineering. Donc, cela fait longtemps qu'on en fait.

M. LESSARD: Vous dites que le contenu québécois était très élevé. Cela ne m'indique pas grand chose, parce que vous venez de me dire que pour les produits nucléaires, le contenu québécois est à 61 p.c. par rapport au contenu québécois à 82 p.c. pour l'hydraulique. A ce que je sache, en tout cas, je ne suis pas tellement vieux et j'ai eu la connaissance de la construction de Labrieville, l'un des facteurs positifs d 'Hydro- Québec a été de permettre, par exemple, la construction de certaines entreprises au Québec, de certains produits qu'on achetait à l'extérieur. Je pense, par exemple, à Clermont pour les fils...

Vous ne m'avez pas donné tellement d'indications. J'ai l'impression que vous êtes très réservé sur cela, parce qu'on parle de 61 p.c. au point de vue du nucléaire et 82 p.c. pour l'hydraulique.

A courte période, parce qu'il faut toujours envisager l'avenir, à court terme, parce que le Parti québécois, en tout cas, nous de l'Opposition, n'avons jamais envisagé une possibilité unique. Nous envisageons différentes alternatives. Ce que je vous demande, M. Boyd, si justement Hydro-Québec s'engage partiellement vers le nucléaire, est-il possible de faire augmenter ce contenu québécois, qui serait actuellement de 61 p.c. à courte période, à 70 p.c. ou à 75 p.c. sur une période de dix ans, par exemple.

M. BOYD: En fait, on est entièrement d'accord avec vous. Quand on dit actuellement que c'est 82 p.c. contre 61 p.c, ce sont les faits qui seront les faits pour un certain temps. On n'est pas contre le nucléaire, on a bâti Gentilly 1, on bâti Gentilly 2 et on va probablement bâtir, pas nous, mais on va aider à la construction d'une usine d'eau lourde. Donc, on n'est pas contre le nucléaire. Il y aura Gentilly 3, probablement, un de ces jours. Donc, on n'est pas contre cela et vous pouvez être assurés qu'Hydro-Québec va, comme on a fait dans le passé, inciter les entreprises à s'installer au Québec pour faire du nucléaire ou les choses qui entrent dans le nucléaire. Avec le temps, les 61 p.c. deviendront 70 p.c. et 75 p.c. comme vous le dites, mais ce n'est pas cela dans le moment.

M. LESSARD: Dans le moment, ce n'est pas cela. Mais au moment aussi où on a commencé Hydro-Québec, on devait aller à l'extérieur. On devait même aller chercher des entrepreneurs à l'extérieur. Par exemple, combien de firmes-conseils — si on me répond non, je vais commencer à m'interroger — ont été créées du fait qu'Hydro-Québec a pris certaines décisions en particulier à la suite de la nationalisation de l'électricité?

On soulève aussi un problème de main-d'oeuvre spécialisée. Au début d'Hydro-Québec, je me rappelle très bien qu'en 1962, lorsqu'on a nationalisé l'électricité, il y avait beaucoup de personnes qui faisaient de la politique à ce moment, et qui affirmaient, lorsqu'on voulait nationaliser certaines compagnies: Les Québécois, nous n'avons pas d'hommes spécialisés, pas d'hommes compétents, pas de "know-how". M. le Président, qu'on relève ce qui se disait en 1962.

Est-ce que, dans ce domaine, à mesure qu'Hydro-Québec s'engagera vers le nucléaire, il est possible de former ces personnes spécialisées, ces techniciens? Est-ce que vous envisagez la possibilité de les former dans un programme alternatif?

M. GIROUX: C'est que nous faisons actuellement. Nous avons maintenu des techniciens à Gentilly 1 durant tout le temps où Gentilly 1 a été fermé. On essaie d'en développer d'autres. On a aidé l'Ecole polytechnique. M. De Guise pourrait donner les détails de l'aide absolument nouvelle apportée pour développer les techniciens à l'Ecole polytechnique de Montréal qui nous en a fait la demande. Cela prend énormément de temps. Vous me direz: On développe ces techniciens à l'avance. Oui, parce qu'il faut qu'ils soient développés peut-être cinq ans, dix ans à l'avance. On travaille sur ce sujet.

Je pense que ce qui peut vous éclairer le plus sur la question des achats...

M. LESSARD: II y a trois questions.

M. GIROUX: ...c'est qu'au point de vue des politiques d'achat d'Hydro, ce qui est arrivé, lors de l'augmentation survenue en dehors des centrales hydrauliques et des grands travaux qui étaient déjà faits au Québec, s'est appliquée à aller chercher tous les autres domaines qu'on pouvait faire fabriquer ici.

M. LESSARD: C'est ce que vous allez faire si vous vous engagez vers le nucléaire.

M. GIROUX: Si on peut s'engager dans le nucléaire, ce qu'on fait actuellement, c'est qu'on essaie d'avoir certains de ces fabricants pour voir quelles sont les possibilités. Mais, actuellement, il n'y en a pas beaucoup. Même l'Ontario, pour faire son programme, va devoir en faire faire une partie de son équipement en Angleterre, tel qu'elle l'a déclaré, et au Japon et aux Etats-Unis. Mais c'est une technique totalement différente. L'achat chez nous restera le principe de l'achat québécois, notre principe d'Hydro.

Si vous me demandez aujourd'hui les chiffres ce sont les chiffres tels qu'ils sont aujourd'hui.

M. LESSARD: C'est 62 p.c.

M. GIROUX: Cela inclut toutes les firmes, tous les génies, tout ce qui est fait, tout ce qui est payé à des Québécois.

M. LESSARD: Mais est-ce que vous admettez qu'il est quand même important, étant donné qu'on commence à épuiser nos ressources hydrauliques, de se diriger vers ce secteur non seulement parce qu'on commence à épuiser nos ressources hydrauliques, ou parce que le coût commence à augmenter peut-être assez fortement, qu'il est important aussi comme secteur de pointe, de développer le nucléaire.

M. GIROUX: On développe des techniciens. On développe justement une centrale de 600 MW pour ce principe.

M. LESSARD: Alors, M. le Président...

M. GIROUX: Vous me posez la question, au point de vue des retombées économiques dans le Québec, ce n'est pas là, mais cela peut le devenir.

M. LESSARD: C'est cela. C'est qu'à court terme peut-être que c'est moins important actuellement par rapport à l'hydraulique. Cependant, si on s'en va exclusivement vers l'hydraulique, on peut être dépassé par les autres il faudra alors emprunter ailleurs nos techniques. Il faudra acheter ailleurs notre matériel. Il est aussi important, je pense, comme l'a fait Hydro-Québec il y a quelques années, de développer ce secteur, d'essayer, dans ce secteur, de pouvoir, autant que possible, de fournir notre matériel.

M. GIROUX: Vous savez que j'ai peut-être des vues différentes d'autres personnes à ce sujet là. Pour développer des techniciens, j'en suis, il se fait un effort très grand dans ce domaine. On a plusieurs choses qui ont été données dernièrement, des cours qui vont être dirigés vers nos gens du génie, même qui vont être donnés — M. Monty, vous m'avez dit à Manic 3, on va développer des cours pour sensibiliser les gens vers le nucléaire et c'est ce qu'on fait depuis toujours.

M. LESSARD: C'est cela.

M. GIROUX: Seulement, au point de vue de développer l'industrie du nucléaire, c'est beaucoup plus difficile parce que notre fabricant ici, actuellement, ne peut être qu'un sous-agent de fabrication de l'Ontario. Et sans vouloir faire de politique, ce n'est pas tellement populaire. J'ai rarement vu des gars de l'Ontario nous encourager par-dessus la tête.

M. LESSARD: D'accord. Actuellement, dans les circonstances... Vous me répondez: Actuellement.

M. GIROUX: Actuellement, oui.

M. LESSARD: C'est comme lorsqu'on a commencé justement. Le fil qu'on utilisait pour les lignes de transmission, on allait le chercher à un certain moment à l'extérieur. Il y a eu une entreprise — Clermont — qui s'est installée, à Clermont, qui fournit actuellement du fil à Hydro-Québec. Ce que je vous dis, c'est ceci. Actuellement, il est vrai que cela serait le cas. Il reste quand même que ce sont 61 p.c, selon M. Buz... M. Boyd, par rapport à 82 p.c... Ça ne me crée pas de complexe.

Ce que je vous dis, actuellement, je vous réponds: Oui. A courte période, je vous réponds: Oui, mais selon la politique d'Hydro-Québec qui a quand même depuis quelques années réussi à créer — et je vous prends à témoin — un certain nombre d'industries québécoises, il est aussi possible, si on se dirige vers le nucléaire, d'être capable justement de devenir un peu plus autonome comme on l'est devenu dans l'hydraulique.

M. GIROUX: Eventuellement, oui. Je vous dis que la mise en marche est énormément plus difficile, plus onéreuse...

M. LESSARD: Comme cela a été le cas au début pour l'hydraulique.

M. GIROUX: Non. Plus parce que c'est plus technique. C'est une technique plus nouvelle. Il y a moins de participation directe... Il y a plus de spécialistes. Seulement, au point de vue de tenter de développer, d'aider des industries dans le Québec, conjointement avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, au point de vue d'Hydro-Québec, il n'y a rien que nous ne pouvons pas réussir dans un temps donné, mais je vous dis que c'est plus difficile. Il faudra être plus patient pour rendre l'industrie nucléaire à ce domaine. Vous dites: On s'en va vers le nucléaire. On s'en va lentement vers le nucléaire et pas rapidement, pour bien des raisons parce qu'il nous reste encore beaucoup de rivières à développer. Mais il faut être prêt dans quinze ans ou dans vingt ans.

M. LESSARD: C'est cela.

M. GIROUX: Et le seul moyen qu'on aurait d'aller plus rapidement dans le nucléaire, c'est que si d'ici quatre ou cinq ans, il se faisait une découverte ou il se faisait un déclenchement technique tel que le nucléaire deviendrait plus facilement rentable, à ce moment, on est assez organisé de façon à pouvoir s'en servir; mais tant que cette percée ne sera pas faite, je ne vois pas pourquoi on ne servirait d'une chose dont on ne connaît pas les données et l'expérience pour un domaine où nos gens ont la meilleure expérience au monde.

M. LESSARD: Je suis d'accord.

M. GIROUX: C'est la raison fondamentale pour laquelle, au point de vue travail, on fonctionne avec l'hydraulique.

M. LESSARD: Cela ne sera pas toujours... M. GIROUX: Non. Alors, il faut dépenser...

M. LESSARD: ... le cas. Actuellement, c'est l'hydraulique. Cependant, je pense qu'Hydro-Québec qui a la responsabilité de produire de l'énergie électrique, a la responsabilité aussi de ne pas se faire dépasser par d'autres. Au point de vue hydraulique, vous êtes devenus des experts. J'ai pu voir, dans ma région, un peu, ce qu'Hydro-Québec — c'est notre fierté — a pu faire. Il ne faudrait cependant pas s'asseoir sur nos lauriers. Le nucléaire peut devenir un facteur de développement économique très important. Et c'est justement sur cela. On arrive à un argument. On en a eu deux tantôt. On dit: Oui, mais quel est le contenu québécois? On dit: Le contenu québécois est à 82 p.c. actuellement pour l'hydraulique et à 61 p.c. pour le nucléaire. Est-ce qu'il ne devient pas nécessaire de faire en sorte, justement, que d'ici quelques années, on puisse augmenter ce contenu québécois en ce qui concerne le nucléaire?

M. GIROUX: On travaille à ce domaine. M. LESSARD: Vous travaillez à ce domaine.

M. GIROUX: On travaille, comme je vous le disais, surtout au développement des techniciens, c'est la base même. Plus on aura de techniciens qualifiés en nucléaire à HydroQuébec, plus l'industrie pourra venir les chercher chez nous, ce qu'elle fait habituellement, et s'aider à se développer. A ce point de vue, Hydro-Québec doit devenir une pépinière.

M. LESSARD: Si je résume maintenant, de difficulté constitutionnelle, il n'y en a à peu près pas. L'environnement, il n'y a pas de problème. Contenu québécois, cela peut devenir... M. le Président...

M. CIACCIA: ... faites attention, ce n'est pas là la réponse qu'on vous a donnée.

M. LESSARD: Contenu québécois, non. Ecoutez, il y a des mesures internationales, il y a d'autres problèmes aussi... On va parler des...

M. CIACCIA: Oui, mais on n'a pas besoin de prendre les mesures internationales pour des barrages.

M. LESSARD: Contenu québécois, oui, il y a...

M. CIACCIA: Pas dans le même danger qu'il vient de souligner.

M. LESSARD: Allez voir la rivière au Saumon, par exemple, à Bersimis. Allez voir à un moment donné ce qu'il s'est produit. On en a des problèmes...

M. CIACCIA: Oui, mais il y a des moyens avec...

M. LESSARD: Le contenu québécois, il est possible à un moment donné, et c'est normal, qu'on augmente le contenu québécois dans le nucléaire. En termes de baseball, je dis un, deux, trois, "strike out".

M. GARNEAU: Vous êtes retiré.

M. MORIN: M. le Président, j'ai été heureux d'entendre...

M. CIACCIA: We win the base any way, so what can you do?

M. MORIN: ... le président d'Hydro-Québec nous dire qu'il s'intéressait au nucléaire et qu'il tentait de former des techniciens. Mais j'ai cru entendre certains de mes collègues universitaires dire des choses moins obligeantes à l'égard du rythme de développement de l'industrie nucléaire au Québec. Ils forment des techniciens, mais il n'y a pas beaucoup de débouchés. Je vous soumets bien respectueusement que si vous ne créez pas plus de développement que cela dans le domaine nucléaire, si, comme nous l'apprennent vos chiffres préliminaires — le feuillet que vous nous avez remis hier soir — vous entendez attendre à 1990 pour installer d'un coup douze centrales de 750 MW, qui d'ailleurs probablement, à ce moment, seront remplacées par des centrales de 1,000, 1,200 ou 1,500 MW, ce dont on parle pour cette époque, je pense que le Québec sera complètement dépassé par ses voisins. A ce moment, il y aura certainement plusieurs dizaines de centrales en Ontario. Il y en aura 400 en Europe à la fin du siècle, pour l'an 2,000. Le Québec sera le parent pauvre. Il devra importer sa technologie, il devra importer — oui, c'est cela la conséquence, il devra importer à peu près tout. Il devra même importer peut-être des spécialistes, et, comme par hasard peut-être qu'ils ne parleront pas français.

M. GIROUX: M. Morin, je dois vous dire une chose.

M. MORIN: Oui.

M. GIROUX: Si vous avez des confrères professeurs qui ont des techniciens en nucléaire, qu'ils m'avisent donc. J'ai des demandes tous les jours.

M. MORIN: Je vais communiquer cela à mon collègue.

M. GIROUX: Communiquez cela à votre collègue.

M. MORIN: Deuxièmement, je vais vous dire une chose, c'est que son département ne peut

pas prendre d'expansion, parce qu'on dit: Où sont les débouchés?

M. GIROUX: Ecoutez, je ne veux pas entrer dans un défaut de planification universitaire. Ce n'est pas le cas à Hydro-Québec.

M. MORIN: Ou gouvernemental.

M. GIROUX: A Hydro-Québec, naturellement nous avons besoin de techniciens. Actuellement, nous avons des débouchés pour des techniciens. Nous avons des gens desquels on ne se plaint pas, qu'on a dû importer nous-mêmes de France et de Belgique. Ces gens sont grandement intéressés à retourner chez eux. On devait les avoir ici pour un an, deux ans. Actuellement, je crois que M. De Guise pourra donner les détails, c'est lui qui nous a demandé cette chose, pour essayer d'intéresser des gens ou de développer des gens, vous avez donné de l'aide à Polytechnique dernièrement. Vous en parlerez à M. De Guise. Naturellement, je comprends que les techniciens ordinairement sont développés à Polytechnique.

M. MORIN: Si j'ai bien compris, selon vos plans actuels, il n'y aura pas de centrale de façon sérieuse installée au Québec avant 1990. C'est bien cela, votre projection? Ce sont vos chiffres d'hier. Est-ce que vous pouvez...

M. GIROUX: C'est marqué de 1986 à 1990.

M. MORIN: De 1986 à 1990, c'est la puissance installée et 1990-1991, c'est l'énergie produite, c'est-à-dire qu'ils entrent...

M. GIROUX: Ils entrent en production. M. MORIN: Ils entrent en production. M. GIROUX: En production.

M. MORIN: En 1990. Vous ne commencez pas avant 1986?

M. GIROUX: C'est une étude économique, ce n'est pas un programme approuvé.

M. MORIN: Alors, c'est une jolie nuance. Alors, dites-nous donc quelles sont vos intentions?

M. GIROUX: Notre programme actuellement arrête en 1985, le programme qui est approuvé.

M. MORIN: Oui.

M. GIROUX: Maintenant, c'est ce que je disais tantôt. Il nous reste de 1974 à 1979 pour voir l'amélioration qui va être faite dans le coût du nucléaire.

A ce moment-là, c'est toujours une question, dans l'analyse que l'on fait, purement d'économique. Contrairement à ce que les gens croient, nous ne sommes pas contre l'installation d'une usine nucléaire. On a prouvé totalement le contraire.

M. LESSARD: Nous autres non plus.

M. GIROUX: Vous laissez croire que nous sommes contre. Nous ne sommes pas contre l'installation nucléaire. La seule chose qu'il y a, on le fait à titre d'expérience lente parce que l'on considère qu'elle est plus dispendieuse que l'autre, dans l'intérêt des Québécois. Mais la journée que je verrai, dans mon for intérieur, que l'intérêt des Québécois est dans un autre genre d'énergie, je serai le premier à le défendre.

M. MORIN: Pour l'instant, ce n'est pas avant 1986.

M. GIROUX: Non. Peut-être qu'il peut arriver des circonstances, comme M. Boyd disait tantôt, où on sera obligé de regarder vers une autre possibilité. Si on peut trouver les éléments, il y a les programmes financiers à prendre en considération, on pourra peut-être avancer un LG 3, comme on y a déjà pensé.

M. MORIN: Avez-vous une idée du nombre de centrales qui existeront à ce moment-là en Ontario en 1986?

M. BACON: Qu'est-ce que cela va faire...

M. GIROUX: Ils ne peuvent pas avoir autre chose, ils n'ont pas d'autres programmes.

M. MORIN: Vous connaissez la réponse, M. De Guise?

M. DE GUISE: Je pourrai le retrouver, mais c'est dans un programme qu'on a distribué tout à l'heure. J'aimerais peut-être souligner dans la discussion qu'il faut tout de même admettre qu'au Québec, entre maintenant, si on inclut Gentilly 1 qui est terminé, et 1979, il va se dépenser $1 milliard dans le nucléaire ou dans une affaire connexe, qui est l'eau lourde. Si on fait Gentilly 2, à près de $400 millions, et l'usine d'eau lourde, qui est autour de $400 millions, plus Gentilly 1, cela va faire un investissement d'à peu près $1 milliard au Québec dans le domaine que j'appellerai nucléaire ou paranu-cléaire. Je pense que nous sommes tous d'accord sur la nécessité de former du personnel et nous réalisons tous que, surtout pour le Québec, il y a un élément temps important. Actuellement, Hydro-Ontario a un problème de personnel et est dans une situation bien plus favorable que nous parce qu'il y avait là du thermique, il y avait là des techniciens, des ingénieurs entraînés au thermique convention-

nel. Lorsqu'on a décidé de se tourner vers le nucléaire, on a eu accès au marché américain et au marché anglais pour le personnel. Lorsque Hydro-Québec voudra se lancer dans le nucléaire à fond, son accès extérieur est assez limité à part d'aller en France vers une technique qui est différente. Alors, il faut penser, et c'est ce qui nous préoccupe, nous nous y essayons, de former du personnel pour en avoir qui soit prêt. Nous avons donné des subventions à Polytechnique, à l'Institut de génie nucléaire, pour l'aider à former des spécialistes, nous déléguons nos propres ingénieurs auprès d'AECL et auprès d'universités américaines pour les préparer davantage dans certains domaines, mais il faut admettre que même pour Gentilly 2 nous avons un problème de recrutement, c'est notre prochaine centrale et le recrutement n'est pas terminé. Alors, il faut y penser sérieusement et cela nous préoccupe.

M. GARNEAU: D'une façon générale, M. De Guise, est-ce qu'on peut dire que les responsables du développement électrique au Canada, aux Etats-Unis et dans les pays que vous connaissez, ont opté pour le nucléaire avant que ne soient épuisées leurs possibilités hydrauliques ou si le choix a été fait pour le nucléaire en dehors de cela?

M. DE GUISE: Je crois que si on passe en revue les principaux pays, la France par exemple, ils ont à peu près épuisé les ressources hydrauliques importantes avant de se tourner... D'abord, ils se sont tournés vers le thermique conventionnel et ensuite vers le nucléaire. L'Angleterre n'a pas de problème de ce côté, elle n'a jamais eu d'hydraulique important.

M. LESSARD: C'est comme les chevaux et l'automobile.

M. DE GUISE: Les Etats-Unis ont pas mal développé l'hydraulique qu'il y avait dans l'ouest américain, dans le sud, dans la section du TVA et ailleurs. Ils ont commencé eux aussi à faire comme l'Ontario, ils se sont tournés vers le thermique classique et ils sont passés au nucléaire. Je pense qu'on peut dire, d'une manière générale, que les gens essaient autant que possible d'épuiser ou d'utiliser les ressources hydrauliques à moins que ce soit dans des sites extrêmement éloignés.

M. MALOUIN: M. De Guise, comment se fait la recherche? Est-ce qu'Hydro-Québec fait des recherches intensives sur le nucléaire ou si ce sont des organismes canadiens ou 1'Atomic Energy Board?

M. DE GUISE: Notre institut de recherche travaille dans des domaines spécialisés. Ce n'est pas tellement... ça serait plutôt dans des applications théoriques à ce moment-ci de la fusion et surtout de la fusion.

Il faut bien dire qu'au Canada, actuellement, il n'y a que le personnel de l'Energie atomique du Canada capable de dessiner et de concevoir, de projeter un réacteur Candu. Hydro-Ontario a fait d'immenses progrès et je pense que dans la prochaine génération de centrales, ou dans cinq ou six ans, Hydro-Ontario sera presque "self-sufficient" et pourra les réaliser toute seule.

M. MALOUIN: Est-ce que vous prévoyez que d'ici cinq ans ou dix ans, on aura des rénovations très importantes ou des améliorations très importantes au système nucléaire, ou si ça va plus loin que ça?

M. DE GUISE: Remarquez que je ne suis pas dans les secrets de l'AECL, mais il y a certaines directions vers lesquelles l'AECL s'intéresse très particulièrement dans le but évident d'essayer de faire des économies dans le coût d'investissement des centrales nucléaires. Par exemple, un domaine qui est examiné actuellement, c'est la possibilité d'utiliser l'uranium légèrement enrichi pour réduire les noyaux, réduire les dimensions, réduire la quantité d'eau lourde et, par le fait même, abaisser le coût de construction des centrales Candu. C'est une orientation possible. C'est ce qu'on examine actuellement.

M. MALOUIN: Est-ce que dans la course mondiale, on est en concurrence avec les autres pays ou bien si on est en arrière?

M. DE GUISE: A ce sujet, il y a peut-être d'autres facteurs que la technique.

M. MALOUIN: Est-ce qu'on a des moyens afin de pouvoir concurrencer?

M. DE GUISE: J'ai participé à des discussions. Par exemple, la France, il n'y a pas tellement longtemps, a décidé qu'elle changeait son programme nucléaire. Elle avait adopté le même programme que les Anglais, les centrales refroidies au gaz avec le noyau de graphite, etc. Elle a examiné la filière canadienne et elle a paru extrêmement intéressée, pour un certain temps. Mais je pense que le point final, ce qui a fait s'orienter la décision vers la filière américaine, c'était la capacité de produire. La France qui a un réseau six ou sept fois plus gros que le nôtre, évidemment, a des besoins annuels d'énergie qui sont cinq, six ou sept fois plus que ies nôtres. Les Français ont dit : Qui est capable, même si on voulait placer des commandes au Canada, de nous fournir annuellement, cinq millions, six millions ou sept millions de kW? Leur décision de la filière américaine pourrait être basée sur des études techniques, sur des préférences techniques, mais même si les études techniques avaient favorisé le procédé canadien, il restait l'incapacité de produire. Dans l'industrie canadienne, les puissances ou le nombre de réacteurs dont les Français auraient besoin.

M. GAUVREAU: C'est pour répondre un peu à M. Lessard, qui n'est plus là, mais à M. Morin aussi. Car il y a deux ans, on a fait une intervention ici. Justement, M. Joron avait reproché à Hydro-Québec d'être absente de l'industrie nucléaire. Je me rappelle d'avoir un peu rassemblé tous les renseignements que je pouvais avoir sous la main pour montrer qu'eu égard au programme que nous avions à ce moment-là, qui était fort limité, Hydro-Québec faisait un effort considérable, il y avait vraiment un intérêt intense à l'égard du nucléaire dans Hydro-Québec.

Aujourd'hui, je crois qu'à l'intérieur de l'entreprise, on vous a donné quelques notes, M. Giroux a parlé d'aide à l'université, formation d'ingénieurs en construction, etc., la même préoccupation existe. Il y a une préoccupation généralisée dans toute l'entreprise, institut de recherche, exploitation, formation d'exploitants, formation de constructeurs, formation d'ingénieurs, encouragement aux bureaux québécois qui participent déjà grandement, d'ailleurs, au programme que nous avons actuellement. Evidemment, si le programme d'Hydro-Québec, dans la deuxième phase hydraulique ou de la baie James, dans la période qui n'est pas encore planifiée, devait avoir un contenu nucléaire beaucoup plus grand que celui de la période actuelle, nous sommes prêts à décrire, à formuler et à mettre sur pied une stratégie de l'industrie nucléaire au Québec. Nous avons toutes les connaissances qu'il faut pour ça. Nous savons qu'il va falloir commencer bientôt, assez prochainement pour ça. Voilà comment je voudrais un peu détruire l'impression que M. Lessard aurait laissée dans l'assemblée, savoir que l'Hydro-Québec s'en désintéresse.

Vous parlez de vos collègues, que M. Amyot n'a eu qu'à écrire une petite lettre à M. De Guise pour recevoir cinq fois plus que ce qu'il nous a demandé, et cela a pris une seconde pour le décider, tellement nous étions convaincus. Nous sommes encore prêts à collaborer, mais ce que je dis là, je ne voudrais pas que ce soit pris comme... Il me semble que la démarche normale, pour une entreprise comme la nôtre, c'est d'abord d'établir un programme et, ensuite, de décider et de s'équiper. Je crois que ce n'est pas parce qu'on dit: Dans 15 ans, il va falloir faire cela qu'aujourd'hui, on va changer l'orientation. Il faut que le programme soit d'abord décidé. D'ailleurs, on sait que ces programmes sont décidés avec un horizon suffisant pour se préparer.

Nous sommes d'accord sur cette position-là. Quant aux retombées, 61 et 82, je ne vois pas comment on pourrait, sous prétexte d'augmenter de 61 à 70, choisir un programme qui soit moins bon. On commence par choisir le programme sur lequel nous avons fait des études et qui nous semble être le plus rentable, le plus profitable pour le Québec. Le programme étant décidé, ensuite, on essaie d'obtenir le plus fort pourcentage de retombées pour le Québec.

Comme je vous le dis, l'effort qu'on a fait, en 1960, pour rapatrier les commandes d'Hydro qui étaient en Ontario, un peu partout, dans le génie... Dans les deux ou trois premières années, cela a pris un peu de temps, parce qu'il faut soutenir les producteurs, les protéger, parce qu'il y a des difficultés. Cela ne sera pas si facile que cela.

La troisième remarque n'est peut-être pas tout à fait de ma compétence, mais c'est un fait, c'est que l'expérience que nous avons en hydraulique et la capacité de production qui existe au Québec, en turbines, alternateurs, génie, etc., en l'encourageant fortement, on encourage aussi ces institutions à devenir des producteurs internationaux, à exporter du génie international et à produire plus d'alternateurs et de turbines au Québec. Il y a aussi cette dimension-là qu'il ne faut pas perdre de vue.

M. GIROUX: Je prends comme exemple, M. Morin, qu'on pourrait donner que, depuis trois ou quatre ans, on a aidé énormément à développer des compensateurs 5 rems, les gros compensateurs synchronies. Et aujourd'hui, Marine est peut-être le meilleur fabricant au monde et le seul qui fabrique des gros compensateurs 5 rems. Alors, dans les grands développements, ils vont certainement en bénéficier sur les marchés internationaux.

Mais il a fallu faire des sacrifices de développement. A ce point de vue-là, soyez assurés que les sacrifices de développement seront là dès que le besoin se fera sentir.

M. MORIN: Je pense, M. le Président, que nos préoccupations se rencontrent. Nous aimerions que ce qui s'est produit dans le domaine de l'électricité se produise également dans le domaine du nucléaire. Mais si on prend trop d'années de retard, nous aurons de rudes concurrents à affronter en 1986 et après.

M. GIROUX: Je peux assurer la commission que ce travail est débuté; il est plus accentué vers le développement de techniciens que l'industrie elle-même, actuellement.

M. MORIN: J'aurais une petite question à poser, puisque nous parlons de Gentilly, notamment de l'installation de Gentilly. Est-ce que je pourrais vous demander, messieurs, comment ces projets ont été négociés avec le gouvernement fédéral? Gentilly 1, 2 et 3? Et quelle a été votre part dans la décision de créer ces installations nouvelles? On a l'impression, pour ce qui est de Gentilly 2, peut-être davantage de Gentilly 3, que ce n'est pas vous qui décidez, mais que c'est le gouvernement fédéral. Pour-riez-vous rectifier?

M. GIROUX: Je vais vous assurer et vous donner ma parole d'honneur que, pour Gentilly 1, je suis entré à Hydro juste au moment de négocier le contrat. Ayant été

guidés par les gens d'Hydro, nous avons négocié un meilleur contrat, peut-être, que celui que le gouvernement fédéral aurait aimé faire, parce que c'était complété et que le contrat n'était pas fait.

Au point de vue de Gentilly 2, cela a été exclusivement à notre demande, à notre approche. On a demandé, au tout début, en 1971, de rencontrer M. Gray. Et avec M. De Guise, nous avons élaboré un programme pour savoir ce que cela coûtait. Et c'est à partir de ce moment-là que nous avons eu automatiquement les autorisations nécessaires.

M. MORIN: C'est vous qui avez pris l'initiative?

M. GIROUX: Absolument. C'est la commission, dans le programme qui nous venait de nos gens qui nous font des suggestions techniques. Ce n'est pas moi qui prends l'initiative des programmes.

Nous avons rencontré ces gens et nous avons essayé d'obtenir la meilleure transaction possible. Je dois dire que, même aujourd'hui... Et je ne blâme absolument pas l'énergie atomique des augmentations de coût et ces choses-là pour Gentilly 2.

On ne peut pas faire mieux, comme je vous le disais tantôt, avec le nucléaire qu'on le fait avec l'autre et c'est vice versa. Les coûts augmentent d'un côté comme ils augmentent de l'autre. A ce moment...

M. MORIN: L'étalement dans le temps n'est peut-être pas le même, l'étalement des investissements, mais c'est une autre question.

M. GIROUX: Oui, c'est une autre question mais seulement, vous le savez si on l'étale seulement que pour cinq ans, au point de vue économique ce n'est pas une étude.

Seulement, au point de vue du gouvernement fédéral, je dois dire que les ententes que nous avons sont satisfaisantes.

M. MORIN: A Gentilly 3, comment est-ce que cela s'est passé?

M. GIROUX: Gentilly 3, cela n'a pas débuté.

M. MORIN: Non, enfin c'est le projet, c'est un projet.

M. GIROUX: Gentilly 3, c'est simplement une réserve que nous avons dans nos cartes, si vous voulez, au cas où on aurait un accident, c'est-à-dire qu'on peut débuter. Il faudrait peut-être se décider plus vite qu'on le voudrait, parce que ce serait peut-être la seule unité que le gouvernement fédéral accordera pour les trois, quatre ou cinq prochaines années.

J'aimerais que M. De Guise se prononce quant à ce domaine, mais on a été avisé dernièrement, à cause de l'eau lourde, à cause de tous ces problèmes, que Energie atomique du Canada ne donnerait pas de garantie de livraison d'eau lourde. Il va nous donner la permission de construire une usine nucléaire mais non pas d'eau lourde.

M. MORIN: Est-ce que, dans le cas de Gentilly 3, c'est vous qui avez pris l'initiative d'en faire la demande ou si cela vous est venu d'Atomic Energy?

M. GIROUX: Non, c'est nous qui avons approché Atomic Energy à savoir quelles seraient les possibilités si on décidait d'en demander une.

M. MORIN: C'est ce que je voulais savoir.

M. GIROUX: Vous pouvez être assuré, n'étant pas tellement maquignon, mais un peu sur les côtés, que si c'était Atomic Energy qui était venue nous voir pour Gentilly 2, la transaction aurait été meilleure. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. MORIN: Oui. M. le Président, mes collègues ont peut-être des questions de l'autre côté?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le ministre des Finances.

M. GARNEAU: La réponse que M. Giroux vient de donner soulève un intérêt certain dans le cadre de l'optique de ceux qui voudraient voir développer, à la place de la baie James, un programme qui serait essentiellement nucléaire, parce qu'on ne peut pas développer à moitié la baie James, si on y va, il faut y aller autrement ce n'est pas économique... Ce que vous venez de dire, M. Giroux, c'est que vous n'êtes pas certain que la Commission hydroélectrique du Québec pourrait obtenir les possibilités de construire deux ou trois autres centrales?

M. GIROUX: Je ne suis pas expert dans le domaine. Je peux simplement vous rapporter la dernière conversation que j'ai eue avec M. Gray qui dit que s'il y a une usine qui est accordée ce sera la dernière. On a un certain temps limité. Je ne sais pas si M. De Guise, qui a un double chapeau, qui est membre d'Energie atomique, peut oter un chapeau et nous parler seulement de l'intérêt d'Hydro, mais je pense bien que...

M. GARNEAU: II a un chapeau dur qui est bon pour toutes les circonstances.

M. DE GUISE: C'est un fait que, étant au courant de la situation à l'intérieur d'Energie atomique du Canada, j'ai réalisé assez vite que si nous voulions un groupe nucléaire pour les années quatre-vingt ou pour l'année 80 avec le programme d'Hydro-Ontario et les programmes qui se dessinaient au Nouveau-Brunswick et

ailleurs en Europe, l'eau lourde va être extrêmement rare. J'ai averti M. Giroux, si on veut G 3 pour 1980 et si on ne commande pas l'eau lourde prochainement, il y a des possibilités qu'on n'ait pas d'eau lourde en 1980. Il y en aura en 1981, 1982, 1983, il faudra voir, mais l'année 1980 est une année-problème à ce point de vue.

M. GARNEAU: Ce que vous nous dites, si vous nous aviez dit cela au début de la réunion, peut-être qu'on aurait pu éviter tout le débat sur le nucléaire. Ce n'est pas "can do", c'est "no can do".

M. HOUDE (Abitibi-Est): Traduisez pour le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, j'ai l'impression que le ministre des Finances ne comprend pas vite.

M. GARNEAU: ...

M. LESSARD: J'ai l'impression que le ministre des Finances ne comprend pas vite.

M. GARNEAU: Non, c'est parce que j'ai vu que vous aviez compris tellement vite que vous aviez abandonné le sujet en ne voulant pas me laisser parler.

M. LESSARD: Non, le ministre des Finances parle de ceux qui voudraient avoir exclusivement un programme nucléaire. Est-ce qu'il y en a autour de cette table qui ont déjà parlé de cela?

M. GARNEAU: Je ne comprends plus rien. Depuis deux jours qu'on est ici.

A quelle place allez-vous le faire votre hydraulique si vous ne le faites pas à la baie James?

M. LESSARD: II y a d'autres places. On a déjà démontré... Il y a d'autres places.

M. HOUDE (Abitibi-Est): II y a Jacques-Cartier.

M. LESSARD: II y avait la Moisie qui était prévue. Il y a Outardes 2 qui a été arrêté depuis 1968. Les travaux viennent de recommencer.

M. GARNEAU: Mais est-ce que le député de Saguenay veut nous dire ceci? La question de la — on peut employer le terme — filière hydro par rapport à la filière atomique, ne pose plus ce problème. Il dit: Si cela avait été dans mon comté ou dans ma région, j'aurais été d'accord, mais comme c'est dans la baie James, je ne suis pas d'accord.

UNE VOIX: C'est cela, c'est cela. M. LESSARD: II est sérieux en plus.

M. GARNEAU: Je ne veux pas blaguer, mais il reste quand même...

M. MORIN: II ne veut pas blaguer, mais il blague quand même.

M. GARNEAU: ... que dans le développement hydraulique, de l'hydroélectricité, les coûts de construction, etc., j'imagine bien qu'il peut y avoir des différences de transport ou d'aménagement de rivières qui peuvent être plus ou moins avantageuses, mais essentiellement, j'imagine — sans être un expert, je ne le sais pas — aussi, et je voudrais le dire au député de Saguenay, qu'il y a peut-être d'autres problèmes dans ces rivières. Parce qu'il y a des parties de rivières qui ne sont pas nécessairement sous le contrôle québécois en ce qui regarde la tête de ces rivières.

M. ROY: II y a des saumons.

M. GARNEAU: Non, mais quand même, le député de Saguenay n'est peut-être pas au courant, mais il y a déjà eu des discussions assez longues entre Terre-Neuve et le Québec sur le contrôle de ces rivières, quend on se rapporte aux années 1964, 1965, 1966 et probablement par la suite. En 1966, j'ai perdu la filière électrique et nucléaire, mais quand même, à venir jusqu'à 1966, je sais fort bien les discussions qui ont eu lieu entre Québec et Terre-Neuve. Je ne sais pas si c'est réglé maintenant, mais il reste que dans un cas, c'est de l'hydraulique et, dans l'autre cas, c'est du nucléaire. Toute l'argumentation a été sur le fait que les calculs d'Hydro... vous étiez très sceptiques sur leurs chiffres...

M. LESSARD: Nous continuons d'être sceptiques.

M. GARNEAU: Si cela avait été des chiffres sur la Moisie, vous les auriez crus?

M. LESSARD: Non, pas nécessairement.

M. HOUDE (Abitibi-Est): II n'aurait sûrement pas osé se prononcer contre.

M. LESSARD: Nous continuons d'être sceptiques lorsqu'on s'engage exclusivement dans un secteur.

M. GARNEAU: Mais...

M. LESSARD: Ce qui nous importe dans cette discussion...

M. GARNEAU: ... tout en blaguant, est-ce vraiment la situation?

M. GIROUX: Si la situation...

M. GARNEAU: En termes d'un programme exclusivement nucléaire, cela serait cela? C'est-à-dire qu'il y aurait...

M. GIROUX: II y aurait un programme...

M. GARNEAU: ... tout un autre genre de "game" de cartes à jouer.

M. GIROUX: Tout un autre genre. Naturellement, il faudrait y aller complètement à nos frais. Vous savez, il n'y a rien d'impossible si vous voulez y mettre la dépense. Nous pourrions construire une grosse usine d'eau lourde nous-mêmes.

M. GARNEAU: Vous pourriez avoir des problèmes de relations de travail à la baie James.

M. GIROUX: II peut y avoir des problèmes de travail à la baie James. Il peut y en avoir... La première place qu'on les a eus, c'est à Gentilly. Alors, les problèmes ne sont pas uniques à la baie James, à Manie aussi, moins je crois qu'on en a déjà eu, par exemple, on en a déjà eu.

Le problème, actuellement, c'est que... Vous demandiez tantôt pourquoi on n'a pas empêché le débat. Nous ne sommes ici que pour répondre aux questions.

M. GARNEAU: C'est-à-dire qu'on a posé les bonnes questions au mauvais moment.

M. GIROUX: Peut-être un peu tard.

M. LESSARD: M. le ministre, vous répondez à côté de la question.

M. GARNEAU: J'ai posé la question. Je n'ai pas répondu.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, il nous semble avoir... Je ne sais pas s'il y a d'autres questions à poser sur les nucléaire. S'il y a d'autres questions sur le nucléaire, j'aime mieux laisser passer les questions parce que c'est un autre sujet qui est complémentaire à ce qui vient d'être discuté.

M. BACON: M. le Président, on parle de sources d'énergie. On parle du domaine hydraulique. M. Giroux a fait allusion, dans son allocution d'hier, à l'aménagement du bas Saint-Maurice. Est-ce que M. De Guise... Je pense que l'an dernier, il en avait été question en commission parlementaire. Le député de Saint-Maurice, pour la nième fois, avait posé la question. Est-ce qu'il y aurait moyen que vous nous livriez là où vous en êtes rendus dans vos études, et qu'est-ce qui doit se faire dans le domaine de l'aménagement du bas Saint-Maurice?

M. DE GUISE: Les études qui avaient été entreprises à Hydro et même... nous avons donné les contrats d'étude à des bureaux d'ingénieurs-conseils à l'extérieur, les rapports nous sont parvenus... Le dernier rapport nous est parvenu dans les derniers jours de juin. C'est assez récent.

Je commence par le bas Saint-Maurice. Sur le bas Saint-Maurice, il y a une possibilité d'aménager, d'installer une puissance additionnelle de 300 MW à Cascade, à Shawinigan et 200 MW à Grand'Mère, pour un total de 500 MW.

M. MORIN: Mais n'avons-nous pas eu ces chiffres hier? Nous tombons dans les problèmes de clochers. Je pense qu'on pourrait peut-être passer...

M. GARNEAU: II voulait donner suite aux questions du député de Saguenay.

M. BACON: M. le Président, on a parlé... M. MORIN: On l'a vu hier.

M. LESSARD: Le ministre des Finances n'était pas là, parce que j'ai constaté que le ministre des Finances n'est pas fort en finances et il n'est pas fort en géographie non plus. La rivière Moisie n'est pas...

M. BACON: Si vous faites une répétition, une redondance...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BACON: Je m'excuse auprès de mes collègues de la commission si, toutefois, c'est une répétition. Je m'excuse, M. De Guise, mais si vous avez des chiffres que vous n'avez pas encore donnés, j'aimerais bien les avoir.

M. DE GUISE: Ces chiffres ont été donnés par M. Giroux. La puissance du Bas Saint-Maurice, la puissance du Haut Saint-Maurice, des estimations comme nous les avons au niveau d'avant-projet et le facteur d'utilisation ou le nombre de kWh, l'énergie disponible à chaque site, cela a été donné hier. Je n'ai pas objection à les répéter. M. le Président, c'est comme vous le désirez.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Je pense bien que le journal des Débats est là, et le député de Trois-Rivières pourrait se...

M. GIROUX: M. Cahill a donné certaines réponses hier. Si vous voulez lui poser les questions à nouveau.

M. BACON: Je vais lire le journal des Débats, des "ébats".

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Avant d'aborder la question du

financement, j'aimerais savoir combien d'argent est actuellement engagé dans le projet de la baie James.

M. GIROUX: Je m'excuse, M. Roy. Je n'ai pas compris le début de votre question.

M. ROY: Quels sont les montants d'argent qui sont actuellement engagés dans le projet de la baie James?

M. GIROUX: A la Société d'énergie?

M. ROY: A la Société d'énergie, oui. Tout le développement.

M. GIROUX: Tout le développement.

M. ROY: C'est cela. Est-ce que vous auriez un document à nous remettre là-dessus? On a eu le bilan au 31 décembre 1972, mais je ne me souviens pas d'avoir eu le bilan au 31 décembre 1973. Peut-être qu'on nous l'a remis...

M. GIROUX: C'est dans notre bilan consolidé.

M. ROY: C'est dans le bilan d'HydroQuébec?

M. GIROUX: Je pense que M. Boyd peut donner des détails qui sont plus intéressants.

M. ROY: D'accord. De toute façon, il y a d'autres engagements qui ont été pris depuis le 1er janvier 1974.

M. GIROUX: Je pense que M. Boyd peut mettre plus à jour votre question que le bilan même.

M. ROY: D'accord.

M. BOYD: Au 31 mai 1974, le montant autorisé est de $408 millions pour la Société d'énergie, excluant les investissements dans les infrastructures faits par la Société de développement mais payés à 99 p.c. par la Société d'énergie.

M. ROY: II y a $408 millions de dépensés, d'engagés. Est-ce que cela inclut les engagements ou est-ce effectivement les montants déboursés?

M. BOYD: Ce sont des montants autorisés. M. ROY: Des montants autorisés.

M. BOYD: Les montants autorisés incluent les engagements.

M. ROY: Quels sont les montants que vous prévoyez d'ici la fin de l'année? Quelles sont les sommes que vous prévoyez ajouter à cette somme de $408 millions?

M. BOYD: Les engagements à la fin de l'année pour la Société d'énergie seront de $577 millions.

M. MASSE: Au 31 décembre? M. BOYD: Au 31 décembre 1974.

M. ROY: Ces montants seront financés par la Société d'énergie de la baie James, tous financés par la Société d'énergie.

M. BOYD: Hydro-Québec finance la Société d'énergie.

M. ROY: Elle avance des montants d'argent à la société.

M. BOYD: De deux façons. Hydro-Québec achète les actions de la Société d'énergie, tel qu'elle s'est engagée à le faire, pour une part; deuxièmement, elle a fait les avances à la Société d'énergie suivant les besoins de cette dernière.

M. LESSARD: Quel est le pourcentage des actions qui sont contrôlées actuellement, 51 p.c., par Hydro-Québec?

M. BOYD: Actuellement, toutes les actions émises, sauf deux qui sont des actions de qualification pour les directeurs.

M. LESSARD: Toutes les actions émises par la Société d'énergie de la baie James sont sous le contrôle d'Hydro-Québec.

M. BOYD: C'est cela.

M. LESSARD: Ce n'est pas comme le premier bill 50 qu'on nous avait présenté.

M. BOYD: Vous avez dit deux, sauf sept actions.

M. LESSARD: Les sept autres actions appartiennent à qui?

M. BOYD: Les directeurs en ont, les administrateurs, on a cinq administrateurs. Les membres de la commission qui ont des actions pour se qualifier comme actionnaires.

M. LESSARD: Combien y a-t-il d'actions émises? Combien?

M. BOYD: II y en a pour $100 millions ou il y a 1.5 million d'actions émises.

M. LESSARD: 1.5 million d'actions émises.

M. ROY: Le capital autorisé est de 10 millions d'actions.

M. BOYD: Le capital autorisé est de $1 milliard.

M. ROY: 10 millions d'actions à $100. M. BOYD: II y a 10 milliards en actions.

M. ROY: Je me réfère aux chiffres que vous nous avez fait parvenir.

M. BOYD: Oui, c'est cela.

M. LESSARD: Actuellement, sur 1,500,000 actions...

M. DOZOIS: 1.5 million.

M.LESSARD: 1.5 million, dont 998,000 sont contrôlées par Hydro-Québec.

M. BOYD: II y en a sept qui ne sont pas... M. LESSARD: 997,000. UNE VOIX: 998,000.

M. LESSARD: D'accord. J'avais oublié un mille quelque part.

M. ROY: Maintenant, sur ce que...

M. LESSARD: Cela ne correspond pas du tout à votre premier projet que vous aviez présenté à l'Assemblée nationale. Vous vous rappelez la bataille qu'on a faite, le "filibuster" pour vous empêcher de créer une autre Hydro parallèle afin de faire disparaître Hydro-Québec. Vous vous le rappelez?

M. GARNEAU: M. le Président, je ne comprends pas du tout l'attitude du député de Saguenay. Je ne la comprends pas du tout.

M. LESSARD: Nous autres, on comprend la bataille qu'on a dû faire à un moment donné pour vous empêcher de créer...

M. GARNEAU: Le projet de loi tel qu'il était déposé — et il a été adopté ce projet de loi — je ne veux pas reprendre le débat du bill 50, cela a été... c'était à peu près à la même date de l'année.

M. HOUDE (Abitibi-Est): M. le Président, est-ce qu'il est trop tard pour poser des questions sur les prévisions de demande ou si cela entre encore, parce qu'à un moment donné, on a parlé de la demande et on a commencé à discuter de...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): ... il y a eu tellement de latitude et on a discuté à peu près de tous les sujets, je vous permets la question.

M. HOUDE (Abitibi-Est): D'accord. J'aimerais...

M. ROY: Je pensais que c'était sur le même sujet, parce que j'aurais encore d'autres questions, M. le Président.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Non, j'arrive aussi à la baie James. Je voudrais demander à M. Boyd quelles sont les prévisions de demandes dans l'électricité pour la région d'Abitibi d'ici 1980, et comment Hydro-Québec compte y faire face. Non, on en est encore à la demande d'électricité. La baie James est incluse dans le comté d'Abitibi-Est.

M. BOYD: Quant aux chiffres, on va les chercher. En attendant, je peux répondre que l'accroissement de la demande en Abitibi est assez forte. Comme vous savez, le réseau de l'Abitibi n'est pas rattaché au reste de la province. Il va l'être lorsque les lignes viendront de la baie James. Il y aura un rattachement qui va se faire avec l'Abitibi, qui permettra de donner un meilleur service. En attendant, la demande augmentant assez rapidement, on vous a indiqué hier que nous nous proposons d'installer des turbines à gaz pour suffire aux besoins de pointe. 180 MW de turbines à gaz qui devront être installées pour rencontrer la demande...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Mais à quoi est due cette augmentation de la demande? Comment se fait-il que vous soyez obligés d'installer des turbines à gaz pour faire face à la demande?

M. BOYD: L'augmentation de la demande est plus rapide que prévu pour au moins deux bonnes raisons: Le projet de la baie James et, deuxièmement, l'augmentation de la valeur de l'or.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Mais en quoi le projet de la baie James a-t-il pu créer une telle exigence sur la demande d'électricité?

M. BOYD: II y a beaucoup de main-d'oeuvre qui est engagée à la baie James, qui vient de l'Abitibi et beaucoup d'achats sont faits localement. Cela crée une activité économique qui entraîne la prospérité dans la région.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Dans un de vos documents, vous parlez de l'achat d'un Hercules pour assurer le transport entre Montréal et LG 2. Pourriez-vous me dire combien a coûté ce Hercules? Pourquoi l'avez-vous acheté? Qu'est-ce qu'il transporte? Est-ce que c'est plus économique de transporter par Hercules ou par transport routier ou par transport ferroviaire? Jusqu'à Matagami par transport ferroviaire.

M. BOYD: D'après les chiffres qu'on m'a donnés, c'est $4,800,000, mais on va vous préciser. Pourquoi on l'a acheté? C'est parce que c'est un transporteur lourd et, particulièrement au moment où on l'a acheté, il y avait la

route qui n'était pas complétée et beaucoup de transport à faire qui était très urgent. L'Hercules peut transporter jusqu'à 50,000 livres de cargo. On peut y entrer un tracteur D-8, c'est assez considérable. Mais où il est réellement utile, même essentiel, c'est pour tous les chantiers éloignés LG 4 et même LG 3, Caniapiscau et ces endroits où on a fait des travaux tout l'hiver, et particulièrement des travaux d'exploration cet été. Cet avion nous a permis d'entrer sur des pistes de glace, sur les lacs. Il suffit de faire une couche de glace de 48 pouces pour entrer avec un cargo de 50,000 livres. Cela nous a permis d'entrer partout les vivres, les carburants, les tentes, etc., pour faire les explorations et on a calculé qu'il n'y aurait pas eu assez de DC-3 sur skis au Québec pour faire le travail au cours de l'hiver qui était nécessaire pour cet été si on n'avait pas eu notre Hercules.

Evidemment, faire du transport à longueur d'année avec un cargo qui peut transporter 50,000 livres dans les endroits éloignés comme cela, c'est beaucoup plus économique que ce qu'on était obligé de faire au début, c'est-à-dire mettre deux ou trois barils de carburant dans un Beaver, faire un voyage et revenir. Vous mettez 50,000 livres de carburant et vous vous transportez à 300 milles à l'heure. Vous atterrissez sur une piste de glace ou un banc de gravier que vous avez nivelé. Donc, c'est très économique. Le coût d'achat était de $4,877,000.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Maintenant...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si le député d'Abitibi-Est me le permet, je crois que M. De Guise veut compléter la réponse.

M. DE GUISE: Pour les statistiques que vous m'aviez demandées sur l'accroissement de charge, il y a eu des prévisions de faites en mars 1973. Une par la région et une par le siège social, à la direction de la planification qui reçoit ces données principalement de facturation et de transactions commerciales. Il y a une légère divergence d'opinion sur les chiffres réels, mais disons que, pour les fins de la cause, ce ne serait pas tellement important. Il y a eu une autre rencontre en avril 1974, soit treize mois plus tard, où on a essayé de réviser la position. Là, je vous lis un paragraphe d'un rapport: L'accroissement de la charge de l'hiver 1973/74 par rapport à l'hiver 1972/73 a été d'environ 22 p.c. Si on regarde les six, les sept ou les huit, voici une région qui, d'une année à l'autre, a augmenté sa charge de 22 p.c. et, jusqu'à maintenant, l'accroissement mensuel se maintient autour de 25 p.c. par rapport au même mois de 1973. Les principales raisons de ces changements de tendances sont le prix de l'or qui a fait rouvrir toutes les vieilles mines d'or, toutes les mines qui n'opéraient plus, l'essor de l'industrie du bois, le coût élevé des métaux de base favorisant l'expansion minière, le chauffage électrique et aussi le développement régional causé par l'aménagement de la baie James. De plus, des clients importants que je ne nommerai pas pour le moment ont des plans définitifs d'expansion qui requièrent un total de 50,000 kw additionnels en 1976. Les prolongements de 1976 sont basés sur les prévisions de la région plutôt que sur les prévisions de la planification de base.

Alors, évidemment que c'est un cas, c'est un exemple typique où, dans les prévisions de charge, on se fait prendre avec une insuffisance de capacité de production. Le seul moyen de pouvoir satisfaire à la charge rapidement, en 1976 —parce que 1976 est une année cruciale — c'est d'installer trois turbines de 60,000 kw dans la région de l'Abitibi, trois turbines à gaz.

M. GARNEAU: C'est la région où le taux de croissance est le plus élevé...

M. DE GUISE: Avec la Gaspésie, c'est une des... Il y a eu aussi la Gaspésie dans les années récentes.

M. GARNEAU: Sauf que la Gaspésie étant reliée au réseau, vous pouvez répondre à la demande, tandis que...

M. DE GUISE: C'est un réseau isolé, alors, un changement de quelque importance affecte immédiatement nos ressources disponibles. Ce que nous prévoyons faire, en 1974, est d'acheter un peu d'énergie d'Hydro-Ontario; en 1975, nous installons le quatrième groupe à Première Chute, le dernier groupe hydraulique dans la centrale de Première Chute et nous prévoyons faire la dérivation du réservoir Cabonga dans l'Outaouais. C'est une transaction pour essayer de détourner l'eau du réservoir Cabonga dans l'Outaouais. En 1976, comme je l'ai mentionné, 180 MW de turbines à gaz, trois groupes qui seront posés dans la région de Cadillac probablement. En 1977/78, nous aurons une nouvelle attache avec Hydro-Ontario, nous pourrons acheter temporairement le déficit auquel nous avons à faire face et, en 1979, nous espérons avoir la première ligne de la baie James sur laquelle le réseau pourrait être alimenté à partir de Montréal, en sens inverse.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Est-ce que vous auriez la répartition par consommateur de l'accroissement de demandes, soit le secteur industriel, le secteur domestique?

M. DE GUISE: Dans les prévisions détaillées, je pourrais...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Est-ce que vous avez ça?

M. DE GUISE: Cela pourrait être retracé dans nos prévisions détaillées, surtout de la région.

M. HOUDE (Abitibi-Est): D'accord. Je ne

voudrais pas retarder les débats, mais il y a une expérience qui s'est poursuivie en Abitibi, je pense que l'entreprise J.J. Cossette de Champ-neuf a été la première à utiliser les séchoirs à bois à l'électricité. C'est la première expérience au Canada. Est-ce que cette expérience s'est poursuivie? Est-ce que vous prévoyez un accroissement de la demande, parce que le sciage représente tout de même près de 50 p.c. de la production au Québec, dans le Nord-Ouest québécois, est-ce que vous avez une forte demande prévue?

M. DE GUISE: II faudrait que je vérifie ce point avec nos données statistiques. M. Saint-Jacques, avez-vous quelque chose?

M. SAINT-JACQUES: On a quelques séchoirs à bois, à l'électricité, qui sont prévus sur les réseaux. C'est une application qui prend de la popularité. C'est tout ce que je peux dire.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Pouvez-vous me dire quel pourcentage total de demandes ça peut représenter? C'est peut-être insignifiant comme demande, mais...

M. SAINT-JACQUES: C'est négligeable. Ce sont certaines industries, ça ne pourra pas faire pression sur les prévisions.

M. HOUDE (Abitibi-Est): D'accord. Au sujet du Hercules, je voudrais revenir là-dessus, car il y a plusieurs fournisseurs du Nord-Ouest québécois qui semblent lésés actuellement en ce qui concerne les fournitures à offrir à la baie James. Il faut comprendre que le Nord-Ouest québécois qui a été, jusqu'à la décision du gouvernement Bourassa, une région assez déprimée au point de vue économique et, depuis ce temps — je pense que le taux d'accroissement des demandes d'électricité le prouve — c'est une région qui prospère énormément actuellement. Certains fournisseurs du Nord-Ouest québécois semblent inquiétés du fait que vous utilisez le Hercules pour transporter toutes les fournitures à la baie James et les fournisseurs du Nord-Ouest disent qu'ils n'ont pas la même chance de concurrencer que ceux de Montréal ou des environs parce qu'il faut embarquer les marchandises à bord du Hercules pour se faire passer ça par-dessus la tête. J'ai déjà fait des représentations à M. Boyd à ce sujet, je n'ai pas eu de nouvelles depuis. Est-ce que vous pourriez me dire si vous avez l'intention de changer de politique à ce sujet?

M. BOYD: Oui, en effet. Ce n'est pas à cause du Hercules parce que la majorité du transport par le Hercules a été fait de Matagami. Des vivres auraient pu être pris de Matagami, transportés à LG 2 par Hercules ou vers LG 3 ou LG 4 aussi bien que d'un autre endroit. Il y a eu un problème de transfert de contrat; jusqu'à l'automne dernier, c'était Hydro-Québec elle-même qui achetait les vivres en quantité assez considérable en Abitibi. On a donné un contrat à une entreprise pour les gîtes et couverts, Crawley McCracken, et ils ont continué un certain temps, suivant leur habitude, à acheter de leur producteur régulier. Lorsque le problème nous a été signalé par vous et par d'autres fournisseurs de la région, surtout depuis le mois d'avril, on a donné des instructions à Crawley McCracken et depuis ce temps — toujours sur une base concurrentielle, une comparaison de qualité — presque le tiers des vivres est acheté en Abitibi.

Concernant l'Hercules, si ça vous intéresse, je pense que ça vaut la peine de mentionner l'économie qui a été faite à ce moment-là. Vous parliez de tarifs ou de coûts, si on assume une distance de 150 milles. Lorsqu'au tout début, on transportait, par Beaver et Otter, cela nous coûtait entre $600 et $640 la tonne.

Avec des DC-3 sur skis, c'était $309 la tonne et les DC-3 sur roues, environ $248 la tonne. Avec le Hercules exploité par nous, cela coûte $50 la tonne. Sur des routes de pénétration, cela coûte environ $50 la tonne, sauf que cela prend pas mal plus de temps. Ce n'est pas notre idée de tout transporter par Hercules, mais c'est un outil assez extraordinaire.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Pour une période de temps donnée, est-ce que vous croyez que l'ouverture de la route à l'automne 1974 va changer un peu la situation ou si ce sera encore plus économique de transporter par Hercules que par transport routier?

M. BOYD: Dans les routes asphaltées entre Matagami et LG 2, et surtout avec les discussions que nous avons dans le moment avec la Commission de transport, si nous avons gain de cause, et je crois que nous l'aurons, il sera plus économique d'effectuer la majorité du transport entre Matagami et LG 2 par camion. Mais pour les autres endroits et pour de nombreuses années, ce sera, dans bien des cas, plus avantageux de faire le transport par Hercules.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Vous avez dit, M. Boyd au chef de l'Opposition que s'il voulait un document sur les hélicoptères, vous seriez prêt à le lui fournir. J'aimerais savoir le montant total des contrats accordés pour des hélicoptères par Hydro-Québec et la SEBJ pour la dernière année?

M. DOZOIS: Pour le président, Paul Dozois. La SEBJ, la SDBJ et Hydro-Québec, nous avons fait des demandes de soumissions conjointes pour toute l'année et nous avons divisé entre les trois sociétés les appareils disponibles aux meilleurs prix offerts. De mémoire, je ne sais pas si quelqu'un peut me fournir des documents, je crois que ce sont des contrats s'élevant à environ $3 millions pour les trois sociétés.

Cela a été partagé selon la formule mise de l'avant l'an dernier, à des compagnies québécoi-

ses. Ils prouvent que les avions étaient enregistrés au Québec et que ces avions étaient pilotés par des employés payés au Québec et qui, par conséquent, contribuaient à l'économie de la province.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Vous ne vous souciiez pas à l'époque, du capital-actions des compagnies? Il fallait qu'elles soient enregistrées au Québec.

M. DOZOIS: C'est-à-dire que nous demandions des soumissions aux compagnies du Québec seulement. Je crois que vous voulez faire allusion au fait qu'il y a deux compagnies, Lac-Saint-Jean Aviation et Sept-Iles Aviation, qui sont des filiales l'une d'une compagnie de la Colombie-Britannique et l'autre de l'Ontario.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Hum! Hum!

M. DOZOIS: Mais ces deux compagnies sont des compagnies québécoises. Pour se rendre aux représentations que nous avaient faites certains transporteurs, entre autres Hélicoptères TransQuébec et Héli-Voyageur, on nous avait signalé que ces gens, lorsqu'on leur donnait des contrats et qu'ils n'avaient pas assez d'avions ou d'hélicoptères enregistrés au Québec, faisaient venir des appareils soit de la Colombie-Britannique, soit de l'Ontario.

Or, à la suite des mémoires présentés par ces deux compagnies, nous avons institué cette procédure et j'ai fait part ici l'an dernier qu'avec toutes les soumissions, les soumissionnaires doivent remplir un questionnaire et nous dire quels appareils ils utiliseront pour le contrat pour lequel nous demandons des soumissions et quels pilotes feront le service, de façon à nous assurer que ce ne sont pas des pilotes résidant dans d'autres provinces, qui paient l'impôt sur le revenu dans d'autres provinces et qu'ils n'utilisent pas des appareils qui n'ont pas été achetés dans la province de Québec et sur lesquels ils n'ont pas payé par conséquent la taxe de vente provinciale.

Depuis ce temps-là, je crois qu'il n'y a pas eu de difficulté et, par le fait même, tous les contrats que nous avons donnés étaient pour des appareils respectant ces conditions.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Je suis d'accord, mais, d'après vous — c'est peut-être un jugement de valeur que je vous demande de poser — qu'est-ce qui apporte le plus de revenus pour la' province?

Est-ce une compagnie dont le capital-actions est en majorité québécois qui paie tous ses impôts au Québec ou une compagnie dont les pilotes paient l'impôt au Québec et dont la taxe sur les aéronefs est payée au Québec.

M. DOZOIS: M. le Président, cela est assez difficile. Je sais que le gouvernement, comme tous les gouvernements qui se sont succédé, a fait des efforts pour attirer le développement de nouvelles industries dans la province de Québec. Quand une compagnie d'une autre province vient s'installer dans la province de Québec, je pense que si cette compagnie respecte les conditions que nous imposons, je ne vois pas pourquoi on boycotterait cette compagnie qui est une compagnie québécoise.

Lac-Saint-Jean Aviation, même si ses actions sont contrôlées par Pegasus, je crois...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Dominion Pegasus, oui.

M. DOZOIS: ... c'est quand même une compagnie québécoise qui s'est installée au Québec, qui a des appareils enregistrés au Québec, qui fait tout le reconditionnement de ses appareils au Québec, c'est une compagnie entièrement québécoise pour nous. Que les actions soient détenus par des Canadiens d'autres provinces, il y a bien des compagnies qui sont installées, ici, dans la province de Québec et je pense qu'on a toujours fait des efforts pour essayer d'intéresser des gens à venir s'intéresser au Québec. Dans bien des cas, on dit: Venez vous installer au Québec, on va vous encourager.

M. HOUDE (Abitibi-Est): D'ailleurs, je tiens à souligner ici que —je sais que le chef de l'Opposition va peut-être penser que ce sont des remarques de Saint-Clinclin pour la transmissions des bobines, ou je ne sais trop quoi — les deux seules compagnies d'importance dans le domaine des hélicoptères au Québec sont deux compagnies du comté d'Abitibi-Est, TransQuébec Hélicoptères et Héli-Voyageur qui ont chacune à peu près trente appareils. Je crois que, n'eût été du projet de la baie James, ces compagnies plus que majoritairement québécoises n'auraient pas vu le jour.

Tout ce que je souhaite, c'est qu'Hydro poursuive sa politique d'encourager autant que possible les industries québécoises — et vous en avez deux authentiquement québécoise — et qu'elle continue de cette façon.

M. le Président...

M. DOZOIS: Si vous permettez, j'ai le renseignement complet. Pour 1974, Hydro-Québec, la Société d'énergie a donné pour $4,874,741 de contrats; Lac-Saint-Jean Aviation, $1,451,000; Sept-Iles Hélicoptères, $672,000; Héli-Voyageur, $934,000; les Ailes du Nord, $312,000; les Hélicoptères Trans-Québec, $1,503,000.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Continuez dans cette direction et je suis certain que tous les citoyens du Nord-Ouest québécois seront contents.

M. DOZOIS: C'est bien notre intention.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. De Gui-

M. DE GUISE: M. le Président, j'ai la réponse à une question que posait le député il y a un instant sur l'augmentation de l'énergie par secteur dans la région d'Abitibi. Dans le secteur domestique, par exemple, le mois de mai 1974 par rapport au mois de mai 1973, il y a une augmentation de 21 p,c. Pardon, c'est cumulatif, c'est pour les cinq mois qui se terminent au mois de mai.

Dans le domestique agricole, il y a une augmentation de 6.8 p.c. seulement; dans le général, 23.5 p.c; dans l'industriel, 20.6 p.c; dans le transport et l'éclairage public, 10.8 p.c; dans les ventes en bloc, 19.8 p.c; et dans l'éclairage, sentinelle, entre services, d'autres charges, etc., 13.5 p.c, ce qui fait que le total des ventes de l'énergie permanente représente un accroissement de 20.7 p.c. pour les cinq premiers mois de l'année et, si on inclut les ventes d'énergie excédentaire, c'est aussi le même pourcentage, il ne change pas.

Pour le bénéfice de l'assemblée, dans la région Matapédia, nous avions pour la même période 26 p.c, je crois, d'augmentation. Voici deux régions de la province où, d'une année à l'autre, nous avons des taux d'augmentation absolument imprévus ou imprévisibles de 20 p.c. ou 26 p.c.

M. HOUDE (Abitibi-Est): M. le Président, je crois que ce sera la fin de mes questions. Je tiens à dire que tous les secteurs du comté d'Abitibi-Est sont très heureux de l'action d'Hydro-Québec chez nous. Si on changeait les centrales nucléaires en des centrales hydroélectriques, je pense qu'il n'y a pas un électeur du comté d'Abitibi-Est qui appuierait le chef de l'Opposition.

M. BACON: II n'est pas de la région de Gentilly.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le chef de l'Opposition.

M. GIROUX: Ah! Là, ce n'est pas pareil.

M. HOUDE (Abitibi-Est): II peut s'en construire quand même.

M. MORIN: Est-ce que vous voulez dire que vous n'en voudrez pas, lorsqu'il s'en bâtira au Québec?

M. HOUDE (Abitibi-Est): II ne s'en bâtira jamais, parce que vous ne serez jamais là pour en bâtir.

M. MORIN: C'est intelligent cela, M. le Président, comme remarque!

M. HOUDE (Abitibi-Est): J'ai deviné votre avenir politique.

UNE VOIX: II n'ira pas loin.

M. MORIN: Bon! M. le Président, après ce détour par Saint-Glinglin...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Je le dirai aux électeurs d'Abitibi-Est.

M. MORIN: ...on va revenir sur les questions qui intéressent l'ensemble du Québec.

Je voudrais demander d'abord, comme première question, à nos invités s'ils se souviennent que le 25 mai 1972, lors de leur précédente comparution devant cette commission, l'Opposition avait demandé à Hydro de faire un certain nombre d'études, de procéder à un certain nombre d'études sur des nouveaux programmes nucléaires et mixtes. A la page 2398 des Débats, le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Saint-Pierre, avait dit ceci: "Pour ne pas retarder la commission, on peut, si c'est le désir du Parti québécois, demander aux gens d'Hydro-Québec de reprendre ces programmes-là", et ainsi de suite. Il a fait quelques commentaires là-dessus. Donc, le ministre Saint-Pierre, visiblement avec l'accord d'Hydro, vous avait demandé de procéder à l'étude d'un certain nombre de programmes. Nous avons lieu de croire que vous y avez procédé effectivement. Les résultats ne nous sont jamais parvenus. Nous les avons réclamés au gouvernement à plusieurs reprises depuis cette date.

Nous aimerions savoir quand ces études ont été remises au gouvernement, si elles ont été faites, et sur quoi portaient-elles?

M. GIROUX: M. Morin, je crois qu'il y en a une qu'on peut répondre. Naturellement, on a été arrêté sur la Jacques-Cartier.

M. MORIN: Est-ce qu'à part cela, il y en a d'autres?

M. GIROUX: II y en a d'autres. On va chercher, parce que c'est un peu en dehors du mémoire.

M. MORIN: II y avait des programmes mixtes; il y avait des programmes nucléaires, si ma mémoire est bonne.

M. GIROUX: Nous avons ici réponse aux questions posées à Hydro-Québec à la séance du 25 mai 1972 de la commission permanente des richesses naturelles. C'est daté du 8 juin 1972.

M. MORIN: Votre rapport date du 8 juin 1972. C'est bien ce que je pensais.

M. GIROUX: C'est l'efficacité normale d'Hydro, n'est-ce pas?

M. MORIN: Je voudrais maintenant savoir si l'efficacité du gouvernement a été égale à la vôtre? A quelle date...

M. GIROUX: Je présume que...

M. MORIN: C'est là que le bât blesse. A quelle date est-ce que cette étude a été communiquée au gouvernement, M. Giroux?

M. GIROUX: Naturellement, je n'ai pas de copie de lettre ici. Cela doit être durant le mois de juin. Ordinairement, quand c'est prêt, on le transmet. Je pourrai trouver la date exacte. C'est un document dont nous avons une copie ici.

M. MORIN: Et c'étaient bien les études qui ont été faites à la suite de notre requête?

M. GIROUX: Si vous voulez... Je ne le sais pas. Dans un rapport du 15 mai 1972, HydroQuébec présentait les résultats détaillés des études qui ont été conduites au choix d'un programme d'équipement pour la période de 1978 à 1985. Ce rapport a été distribué à la commission permanente des richesses naturelles le 18 mai 1972. Le 25 mai, à cette même commission, Hydro-Québec se faisait demander les études et renseignements supplémentaires suivants: Un programme d'équipement avec quatre groupes nucléaires de 600 MW en 1980, et le complexe de La Grande en 1981. Un programme d'équipement mixte nucléaire et thermique classique. Un programme nucléaire américain avec un groupe de 800. La liste complémentaire des programmes étudiés par Hydro-Québec, mais non incluse dans le rapport du 15 mai 1972.

Est-ce que c'est cela que...

M. MORIN: Je pense. Il y avait été question également, un peu plus tôt, de programmes d'unités de 800 MW et de 1000 MW.

M. GIROUX: Voici: Dans le rapport que j'ai ici, il y a un programme américain, avec des groupes de 800 MW. C'est le...

M. MORIN: Est-ce que nous pourrions avoir ce document?

M. GIROUX: Absolument!

M. MORIN: Je dois vous dire que le premier ministre n'a pas jugé bon de nous le communiquer.

M. GIROUX: Le nouveau résultat des études, si vous voulez, pour le dossier que nous avons, c'est le programme d'investissement 750. En 1980, on avait un coût d'énergie calculé à 1436 mils; nucléaire canadien, La Grande en 1981, à 1252 mils; thermique mixte avec nucléaire canadien à 1396 mils; mixte — un autre dans un autre genre — à 1393 mils, ce qui est à peu près pareil...

M. MORIN: Plus je vous écoute, plus je commence à comprendre pourquoi le premier ministre n'a pas voulu nous le communiquer. Est-ce qu'on pourrait l'avoir?

M. GIROUX: On va faire faire des copies. M. MORIN: Très bien.

M. GARNEAU: M. le Président, à qui l'avez-vous envoyé?

M. DE GUISE: ... demain matin, mais je n'ai pas de record à qui on l'a envoyé.

M. GIROUX: Je ne me rappelle pas de vous l'avoir envoyé.

M. GARNEAU: Vous l'avez peut-être envoyé à M. Jorori.

M. GIROUX: Cela se peut. Cela serait possible.

M. MALOUIN: C'est peut-être lui qui l'a caché.

M. GAUVREAU: II y a une lettre de transmission à Hydro-Québec et nous essaierons de l'avoir par téléphone.

M. MORIN: Bien. Pour demain, cela suffit. Je ne demande pas davantage.

M. GAUVREAU: Nous allons leur téléphoner.

M. MORIN: Si nous pouvions avoir ce document, il nous intéresse au plus haut point,

M. GIROUX: On attire mon attention, pour votre information, que ces coûts sont établis sur des coûts de 1971.

M. MORIN: De 1971. C'est-à-dire actualisés à 1971.

M. CHARUK: Les données de référence sont celles de 1971...

M. MORIN: Ah bon!

M. CHARUK: ... et les études ont été effectuées en 1972 et toutes les hypothèses qui ont trait au taux d'inflation, etc, sont celles que nous avions retenues lors des programmes d'équipement 1972. Donc, il ne faut pas comparer ce document avec la nouvelle comparaison que nous avons présentée hier.

M. MORIN: Non, mais nous sommes tout de même intéressées à l'avoir, ne serait-ce que pour savoir ce que le gouvernement nous dissimulait. Je tiens à dire publiquement que nous avons réclamé ce document à plusieurs reprises en Chambre et qu'on nous l'a toujours refusé en nous disant: Hydro-Québec comparaîtra le mois prochain, dans deux mois, dans trois mois, dans six mois, etc.

M. MALOUIN: ... vous l'avez.

M. MORIN: M. le Président, j'aurais une autre question. Il commence à être temps que nous achevions la discussion sur le nucléaire. Hydro-Québec aboutit, dans sa comparaison, entre le nucléaire et le projet La Grande optimisé, à un coût de 24.4. mils par kWh pour le projet nucléaire. J'imagine que ces études ont été faites par votre service de planification. '

M. GIROUX: Par le service de recherche...

M. MORIN: Par le service de recherche économique. Bon. Je voudrais vous demander si d'autres calculs ont été faits. Les économistes, d'habitude, puisque vous parlez du service de recherche économique, procèdent sur la base de plusieurs hypothèses, ce qu'ils appellent quelquefois une fourchette. Il y a une hypothèse minimale et une hypothèse optimale, maximale et j'aimerais savoir si vous pouvez nous faire connaître, en particulier, ces deux hypothèses extrêmes.

M. DE GUISE: Je vais laisser M. Charuk regarder ses documents, mais je suis sous l'impression qu'étant donné la complexité et la longueur des calculs, il y a eu des réunions entre les deux groupes au début pour essayer de fixer les meilleurs hypothèses possibles, pour ne pas avoir à reprendre toute une fourchette, toute une série de calculs, mais je laisse la parole à M. Charuk.

M. CHARUK: C'est bel et bien cela. Nous avons tenté d'utiliser les mêmes données de référence au point de vue des hypothèses autant dans le cas du projet hydroélectrique que dans le cas du projet nucléaire que nous comparions.

Maintenant, en ce qui a trait aux données qu'Hydro-Québec possédait, par exemple, comme les coûts d'intégration au réseau, il n'y avait aucun problème. Les données qu'Hydro-Québec n'avait pas, nous les avons obtenues d'Hydro-Ontario, d'abord, surtout par des documents publics déposés à l'Office provincial de l'énergie en Ontario.

M. MORIN: Mais n'aviez-vous pas diverses hypothèses de travail, par exemple, prenons le taux d'intérêt. Si je comprends bien, vous avez pris un 10 p.c. constant. Vous n'avez pas essayé de jouer pour voir si, par exemple, le taux de l'inflation baissant, peut-être que le taux d'intérêt baisserait aussi, passerait de 10 p.c. à 7 p.c, à 8 p.c. Vous n'avez pas joué avec diverses hypothèses comme cela?

M. CHARUK: Ce sont des exercices que nous faisons. Cependant, nous avons retenu ce que nous croyons être le taux le plus probable. On peut, si vous voulez, changer le taux d'intérêt à 8 p.c. Naturellement, on sait ce qui arrive au point de vue des résultats. En ce cas...

M. MORIN: Alors, cela vous semblait le plus probable, un taux d'intérêt de 10 p.c. pendant 30 ans?

M. CHARUK: Non, ce n'est pas cela la chose. Cela, c'est le taux d'intérêt durant la construction.

M. MORIN: Oui.

M. CHARUK: D'accord? Donc, c'est le montant que nous devrions emprunter maintenant.

M. MORIN: C'est quand même dix ans. M. CHARUK: Oui.

M. MORIN: Cela vous paraît une hypothèse...

M. CHARUK: C'est plausible dans le contexte actuel.

M. MORIN: Oui, mais pendant ce temps, le taux d'inflation va redescendre jusqu'à 7 p.c, 6.4 p.c. ou quelque chose comme 5.25 p.c. Le taux d'intérêt va rester à 10 p.c. tout le temps.

M. GIROUX: M. Morin, je crois qu'ici, il faut impliquer deux choses. La politique d'Hydro-Québec n'est pas d'emprunter à court terme. Je ne dis pas que nous n'empruntrons pas à court terme, parce qu'il y a des temps où il faut faire des emprunts temporaires. Ce qu'on peut appeler emprunt temporaire, c'est un an à cinq ans. Mais la politique avantageuse pour Hydro-Québec de connaître ces coûts, c'est d'emprunter pour la plus longue période possible. Si on peut, pour une période de 40 ans, nous le ferons.

M. MORIN: Vous n'empruntez pas tout l'argent d'un seul coup. Vous empruntez au fur et à mesure des besoins.

M. GIROUX: Au fur et à mesure des besoins. Seulement, la réponse à votre question, c'est qu'au point de vue d'Hydro-Québec, nous empruntons, en politique, à long terme. C'est une politique d'emprunt à long terme. Le marché est un peu divisé en deux, dans les possibilités. La province va souvent emprunter dans des termes plus courts, pour cinq, huit ou sept ans et nous, nous empruntons à long terme.

M. CHARUK: J'aimerais tout simplement ajouter que le taux d'intérêt tient compte de l'inflation qui est anticipée.

M. MORIN: Oui.

M. CHARUK: D'accord? De la part d'un bailleur de fonds.

M. MORIN: Oui, d'accord, mais généralement, quand on parle de tendances, si l'inflation baisse, le taux d'intérêt va avoir tendance à baisser aussi. Généralement, c'est comme cela que cela se passe.

M. CHARUK: Oui, mais il est très difficile de réconcilier ces deux choses. Vous n'avez pas de formules mathématiques qui vont vous donner la composante de l'inflation dans un taux d'intérêt.

M. MORIN: C'est pour cela que j'aurais aimé que vous nous présentiez une fourchette, et pas une seule hypothèse qui peut paraître très hypothétique.

M. CHARUK: Nous avons présenté ce que nous croyons être le plus probable. Nous avons déjà effectué des exercices avec fourchette.

M. MORIN: J'imagine.

M. CHARUK: Nous présentons ce que nous croyons le plus probable. Maintenant, pour avoir une explication, si vous le désirez, concernant cette réconciliation entre le taux d'intérêt que nous maintenons, aujourd'hui, à une valeur fixe, pour fins de comparaisons, et la baisse du taux d'inflation à long terme, je demanderais à M. Larochelle, économètre, de venir vous l'expliquer.

M. LAROCHELLE (André): Au sujet des taux d'intérêt et des taux d'inflation, il y a lieu d'indiquer ici, comme M. Charuk le mentionnait, que les taux d'intérêt sur le marché reflètent un ensemble de facteurs. Ils reflètent, bien sûr, le prix qu'il faut payer à celui qui prête, pour la privation de la jouissance de son argent.

Ils réflètent aussi, d'une certaine façon, le risque relativement faible dans le cas d'HydroQuébec, de voir son capital non remboursé. Maintenant, un dernier élément, qui a son importance, reflète également l'inflation qu'il anticipe dans le futur, inflation qui va rogner progressivement son pouvoir d'achat. Alors, l'expression "anticipe dans le futur" ici est très importante dans le sens que même si l'inflation à un moment donné peut être à 10 p.c. ou 15 p.c, si les investisseurs dans l'ensemble ont confiance que, d'ici deux, trois ou quatre ans, les taux ne seront plus de l'ordre de 10 p.c, 12 p.c. mais vont retomber à 9 p.c, 8 p.c, 7 p.c. et éventuellement dans cinq ans autour de 5 p.c. ou 4 p.c, à ce moment-là, ils se disent: Pour quelques années, c'est peut-être moins intéressant, 10 p.c. ou 9 p.c. d'intérêt. Par contre, s'ils empruntent pour 25 ans et que les taux à long terme sont 4 p.c. ou 5 p.c, cela devient extrêmement intéressant. Dans ce sens, il y a une relation qui n'est pas mathématiquement parfaite, il y a des éléments psychologiques dedans, mais ce sont des choses qui se tiennent.

Dans les techniques de choix d'investissement comme telles, ce qui compte essentiellement, c'est une certaine cohérence entre les éléments d'inflation qu'on ajoute au coût estimé en dollars de base, comme si on les faisait dans l'année courante et les taux d'intérêt ou ce qu'on appelle plus généralement le taux d'actualisation.

Sans être trop technique, dans la formule d'actualisation elle-même, vous avez un rapport de deux nombres ou une série de ces nombres. Autrement dit, vous avez un montant qui a de l'inflation et c'est divisé par un facteur d'actualisation qui lui-même tient compte d'une certaine inflation. Ce n'est pas le même taux, mais il y a des relations entre les deux. Ce qui veut dire que, du point de vue des choix, si vous estimez, à titre d'exemple, l'inflation trop fortement, pour ce qui est du coût du projet, si vous êtes cohérent, au moment où vous estimez le taux d'intérêt, vous allez faire la même chose dans vos taux, mais le rapport des deux, grosso modo, ne changera pas tellement.

C'est sûr que le projet va peut-être coûter moins cher comme tel, mais, en décidant entre deux projets, on aurait des chiffres qui relativement se tiendraient entre eux. Prenons un exemple simple: un gars veut s'acheter une automobile et il veut prendre celle qui coûte le moins cher. Si, à un moment donné, une coûte $3,000 et l'autre coûte $4,000, il va prendre celle à $3,000. Si, du jour au lendemain, les chiffres sont de $5,000 et $7,000, il va prendre celle de $5,000. Vous allez me dire: Cela lui coûte $2,000 de plus, je suis bien d'accord, mais le choix demeure le même. Ici, en gros, il y a une attention qui a été portée à une certaine cohérence des hypothèses comme cela. De telle sorte qu'étant donné qu'il y a une relation entre l'inflation et l'intérêt, même si nos hypothèses les plus probables ne se réalisent pas, il y a quand même de très bonnes chances que les rapports dans le jeu de l'actualisation où entrent ces hypothèses se réalisent très bien. Alors, dans ce sens, du point de vue des techniques économiques, des choix d'investissement, j'ai relativement confiance dans ces choses.

Je peux peut-être ajouter une petite mention. M. Charuk y faisait allusion tantôt. Si on prend toutes choses égales, d'ailleurs les économistes aiment dire cela parfois, si le taux d'intérêt baisse dans notre étude, mettons qu'il passe de 10 p.c. à 8 p.c, qu'est-ce qui va se passer? Il va se passer que l'économique entre les deux projets va favoriser l'investissement le plus lourd, c'est-à-dire l'hydraulique, contre l'investissement un peu plus léger, le nucléaire. On peut le voir un peu à cause des intérêts durant la construction. Il y a plus à financer un peu dans l'hydraulique; à ce moment-là, les intérêts vont porter moins sur cette portion et, inversement, du point de vue de l'exploitation, dans le nucléaire, les frais futurs vont être escomptés ou actualisés à un taux plus faible qui va donner des chiffres plus gros. Alors, en

somme, si vous baissez les taux d'inflation et de façon cohérente vous baissez les taux d'intérêt, vous confirmez davantage, si vous acceptez grosso modo l'ensemble des hypothèses, la prépondérance probable du nucléaire.

Si on faisait des combinaisons de choses, on pourrait trouver d'autres résultats. Est-ce que cela répond à votre question, M. Morin?

M. MORIN: II y a une cohérence. Si le taux d'inflation baisse, le prêteur, anticipant la baisse, va également... Il va y avoir un certain parallélisme, autrement dit, entre les deux courbes.

M. LAROCHELLE: C'est ça.

M. MORIN: C'est ça que je voulais simplement établir, alors, je me demandais pourquoi, dans vos hypothèses, votre taux d'inflation baisse mais le taux d'intérêt demeure constant.

M. LAROCHELLE: D'accord. Comme je le disais tantôt, ce qui est dans le taux d'intérêt, au point de vue du bailleur de fonds, c'est, il y a une séquence difficile à estimer, je vous le concède, le taux d'inflation futur. Ce n'est pas le taux d'inflation de cette année, celui de l'année prochaine ou celui dans deux ans. Si le gars achète des obligations qui seront échues dans 25 ans, il cherche à se faire une idée, comment l'inflation va monter dans à peu près 25 ans. A ce moment-là, dans le taux qu'il demande, on pourrait dire qu'il y a eu par exemple une inflation sur les prix à la consommation. Si on regarde ça, 11 p.c, et il y a des personnes qui achètent des obligations à 9 p.c. ou 10 p.c, à ce moment-là, ce ne serait pas payant du tout parce que non seulement il voit son pouvoir d'achat rogné complètement mais, en plus, il aurait un taux d'intérêt négatif. Mais justement, ceux qui prêtent ne se basent pas seulement, admettons que je prends seulement le point de vue de l'inflation, c'est plus compliqué que ça, il y a une question de marché, ainsi de suite, sur un an ou deux, ils regardent l'économie en général. Actuellement, on a des taux d'inflation qui se comparent un peu à ce qui s'est passé durant la guerre de Corée, il y a un certain parallèle là-dedans. Après la guerre de Corée, les taux d'inflation ont baissé, les prix ont monté, mais moins rapidement. C'est ce qui est prévu actuellement. Evidemment, on espère que tout le monde ne tombe pas en même temps là-dessus, mais quand même, ce qui est anticipé pour le futur, ce sont des taux d'inflation à long terme plus forts qu'avant. Quand on parle de 5 p.c, à plus long terme, c'est quand même pas mal plus fort que 3 1/2 p.c. ou 4 p.c. qu'on pouvait avoir il y a quatre ou cinq ans. On voit qu'il y a un changement dans les perspectives de la part de ceux qui regardent l'économie.

M. MORIN: C'est plus que 3 p.c, mais c'est moins que 10 p.c. Ce que vous nous dites, en somme, c'est qu'une fois qu'il y a eu une lancée, une fois qu'un taux d'intérêt est sur sa lancée, il persiste pendant un certain temps, pendant que la courbe de l'inflation diminue. Autrement dit, le parallélisme n'est pas strict, c'est ça que vous êtes en train de dire?

M. LAROCHELLE: C'est ça, exactement. On pourrait dire que le taux d'inflation, dans le taux d'intérêt, est un peu une moyenne mobile du futur, un genre de moyenne, tandis que l'inflation réelle, chaque année, c'est sûr, fluctue beaucoup. Dans ce sens, si on faisait un graphique, on aurait de très grandes oscillations des taux d'inflation mais des oscillations moins prononcées dans le taux d'intérêt, ceci, parce que les facteurs d'inflation qui se reflètent dans les taux d'intérêt sont des espèces de moyenne de ce qui est anticipé dans le futur. Bien sûr, les gens regardent vers le passé un peu pour se donner des idées sur le futur. Il n'y a personne qui a des boules de cristal, en tout cas.

M. LESSARD: Cela prend un certain temps avant que le taux d'intérêt s'ajuste au taux d'inflation. La courbe du taux d'intérêt continue un peu plus loin que la courbe de diminution du taux d'inflation.

M. LAROCHELLE: Exactement. Parce que le taux d'inflation lui-même, c'est ce qu'on vit au jour le jour, mais ce qui influence le taux d'intérêt, c'est ça plus ce qu'on pense qui va arriver dans le futur sur l'inflation, avec risque d'erreur, évidemment.

M. MORIN: Mais est-ce que vous ne croyez pas, puisque nous vous avons sous la main, qu'en postulant un taux d'intérêt constant de 10 p.c, pour la période de 1975 à 1990, par exemple, toute la période de construction, que vous pénalisez sérieusement le nucléaire? Je termine ma question, vous pourriez y répondre de façon globale.

M. LAROCHELLE: D'accord.

M. MORIN: Le ministre Saint-Pierre faisait observer tantôt que les investissements nucléaires sont étalés plus également pour la période 1975/90. Alors, si on prenait, par hypothèse, un taux d'intérêt de 10 p.c. pour commencer avec votre propre hypothèse, de 1975 à 1982, par exemple, pour ensuite prendre un taux hypothétique mais possible de 7 p.c. et 5 p.c. pour la période qui va de 1982 à 1990, c'est une hypothèse vraisemblable, possible, il nous paraît qu'étant donné l'étalement des investissements pour le nucléaire, les coûts du nucléaire tendraient à diminuer.

M. LAROCHELLE: Ce qui se passerait... Ce genre de calcul est fait pratiquement à tous les jours à Hydro-Québec sur différents projets et ce n'est pas toujours des gros projets comme

celui de la baie James. Cela peut se faire, par exemple, quand on a décidé d'acheter un camion ou de le louer. Comme j'essayais de l'expliquer au début, si vous faites cela, ce qui va se passer, c'est que, relativement, vous allez favoriser le nucléaire.

Dans les hypothèses qui sont prises, on essaie de prendre les plus probables et, quand on a un peu de préjugés à mettre — et on essaie qu'il n'y en ait pas — c'est plutôt de les mettre dans le sens d'être prudent dans la comparaison, c'est-à-dire, s'il y a quelque chose à mettre, de favoriser légèrement l'alternative, comme l'alternative nucléaire par exemple.

Dans ce cens-là, vous pouvez être assurés que les chiffres et les études ne sont pas faits pour prouver un point en particulier. Ils sont faits pour voir l'état des coûts. Il y a toutes sortes de considérations qui peuvent entrer à part les coûts.

M. MORIN: Mais...

M. LAROCHELLE: Disons que je répète que, si on faisait les calculs — et, en fait, il y a des calculs de sensibilité qui se font régulièrement sur ces choses-là; je n'en ai pas devant moi actuellement, mais on pourrait vous en donner si vous le désirez — si on utilisait la séquence de taux que vous proposez —parce qu'à ce moment-là, cette séquence, il faut quand même l'utiliser pour les dépenses d'exploitation qui viennent, les 50 années au complet — ce qui se passerait, c'est que, relativement, le nucléaire coûterait plus cher. Je dis bien relativement, c'est comme dans mon exemple d'autos tout à l'heure. Les deux chiffres baisseraient, mais le pourcentage de différence entre les deux augmenterait par le critère économique, le crible économique universellement reconnu qu'est l'actualisation.

Si vous voulez favoriser votre nucléaire, pour simplement fins d'étude de sensibilité, à ce moment-là, le conseil que je peux vous donner, c'est d'essayer de mettre un taux d'actualisation qui tienne compte des coûts de financement de 12 p.c, de 15 p.c.

Je me souviens que j'en avais fait une étude tout à fait préliminaire, il y a peut-être cinq ans, et, pour qu'il y ait égalité entre les projets, du point de vue du coût, il fallait que je retienne un taux d'actualisation ou de financement de l'ordre de 15 p.c. Dès que le taux diminuait, les coûts actualisés du nucléaire prenaient un écart en plus, par rapport à ceux de l'hydraulique, même si le coût global actualisé pouvait baisser dans chaque cas...

M. MORIN: Je vais...

M. LAROCHELLE: Mais les deux baissent, en partant du même niveau, si on part avec des hypothèses où les deux sont égaux, l'un baisse plus rapidement que l'autre, d'où le résultat.

M. MORIN: Bon. Mais est-ce que, dans l'hypothèse — je vous comprends bien — que vous venez de mentionner, l'étalement des investissements est le même pour les deux hypothèses, nucléaire ou hydraulique? Ou bien si vous tenez compte d'étalements différents des investissements?

M. LAROCHELLE: Evidemment, si c'est pour donner un même service à la population québécoise, il faut que vos centrales entrent en service pour répondre à un même accroissement de demandes. Maintenant, ceci étant dit, pour que cela entre en service, il faut étaler précédemment des dépenses de construction. Selon l'envergure des projets, vous pouvez avoir des étalements quelque peu différents entre l'hydraulique et le nucléaire. Mais de plus en plus, les étalements, à ma connaissance, entre l'hydraulique et le nucléaire se rapprochent.

Maintenant, quel que soit l'étalement précis...

M. MORIN: Est-ce qu'on construit des routes pour le nucléaire comme celles que vous êtes à construire vers le Nord? Les investissements ne se ressemblent pas du tout. L'étalement des investissements n'est pas du tout le même.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Vous vous en rendez compte, vous êtes sur la route...

M. LAROCHELLE: Disons que je suis d'accord avec vous. Le nucléaire peut s'étaler sur six, huit et peut-être même dix ans. Disons que, sur ces choses-là, peut-être que M. De Guise pourrait répondre...

M. MORIN: D'accord, mais je pense qu'on est allé assez loin pour que j'arrive à pouvoir regarder les diverses hypothèses par la suite avec un peu plus de compréhension. Mais, dans ce que vous venez de nous dire, si j'ai bien compris, vous teniez pour acquis que l'étalement des investissements, en gros, est le même?

M. LAROCHELLE: Non, ce sont des étalements typiques pour des projets de chaque nature, c'est-à-dire que pour l'hydraulique, c'est l'étalement déboursé dans le temps selon ce qui va se faire, tandis que pour le nucléaire, c'est un étalement propre à la construction du nucléaire. C'est sûr qu'il n'y a pas de route d'accès, il y a peut-être des routes d'accès très courtes à construire dans le bout de Gentilly. Elles sont peut-être construites actuellement, mais, à ce moment, à cause de cela, l'étalement va être un peu plus petit dans le nucléaire. Mais ce que j'ai dit tantôt sur l'effet du taux d'actualisation entre investissements lourds et investissements légers, exploitation légère et exploitation lourde s'applique.

Au fur et à mesure que vous baissez votre taux d'actualisation, toute chose égale, vous

favorisez le projet d'investissement le plus fort au début.

M. MORIN: En ce qui me concerne, j'ai terminé mes questions à M. Larochelle. Je vous remercie.

M. LAROCHELLE: Merci.

M. LESSARD: M. le Président, j'aimerais poser une dernière question à M. Giroux. En 1968, je crois, il y avait eu des études préliminaires concernant l'aménagement de la baie James, études préliminaires qui n'étaient pas concluantes. J'aimerais savoir, M. Giroux, en quelle année vous avez justement décidé de faire ce choix, c'est-à-dire l'aménagement de la baie James?

M. GIROUX: Les études en 1970, vous dites?

M. LESSARD: En 1968?

M. GIROUX: En 1968, elles n'étaient pas concluantes, si je me rappelle, de mémoire, par rapport à Churchill.

M. LESSARD: Par la suite... M. GIROUX: Micoua.

M. LESSARD: ...Micoua, Outardes 2 que vous avez laissé, à un moment donné, vers 1968. Vers quelle date ou en quelle année vous avez décidé de recommander au gouvernement du Québec l'aménagement de la baie James?

M. GIROUX: Je crois que c'est en 1971, le 30 avril. M. Boyd nous dit qu'il en avait été question en 1969, de nouveau en 1970, mais, officiellement, je crois qu'on a envoyé une recommandation en 1971.

M. LESSARD: Le 25 mai 1971.

M. GIROUX: Je crois que c'était le 29 ou le 30 avril.

M. LESSARD: A ma connaissance, la lettre officielle avait été envoyée le 25 mai 1971, c'est-à-dire près d'un mois après le 29 avril 1971.

M. GIROUX: Je vous demande pardon parce que j'ai une mémoire assez bonne, peut-être pas pour la date, mais pour mes faits et gestes. Je me rappelle toujours de ce que j'ai fait. Je suis venu la porter moi-même.

M. LESSARD: Le 29 avril?

M. GIROUX: Le 29 avril, la veille du 30 avril.

M. LESSARD: Justement avant l'assemblée publique...

M. GIROUX: Sur laquelle j'avais même déclaré que je n'avais pas été invité.

M. GARNEAU: Ce n'était pas sûr si vous viendriez.

M. LESSARD: Mais, à ce moment, vous ne saviez pas qu'il y avait une grande assemblée publique au Parti libéral?

M. GIROUX: Non, je crois que je le savais. Je savais qu'il y avait une assemblée. Je ne savais pas qu'elle serait aussi publique, aussi...

M. GARNEAU: Vous ne pensiez pas qu'il y aurait tant de monde que cela.

M. GIROUX: Ne me demandez pas qui m'avait posé la question, si j'avais été invité ou non, c'est quelqu'un ici et j'avais répondu que je n'avais pas été invité officiellement.

M. MORIN: M. le Président, je me rends compte qu'il est 10 h 45. Je sais qu'il y a un de nos invités qui doit peut-être s'absenter demain qui aurait été intéressé à répondre le plus tôt possible à certaines de nos questions. On pourrait peut-être mettre le nucléaire entre parenthèses pour ce soir et procéder à l'étude de la question des inondations. Je sais que ce monsieur doit nous quitter. J'aimerais bien qu'on puisse liquider cette question ce soir, avec votre permission.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Est-ce que les membres de la commission sont d'accord? D'accord.

M. GARNEAU: C'est nous qui sommes inondés par les questions.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Allons aux inondations. Adopté.

Inondations du printemps

M. LESSARD: Alors, je pense que c'est M. Villeneuve. M. Villeneuve, j'aimerais, avant de poser des questions, que vous fassiez le point concernant certaines critiques, relatives aux inondations, en particulier, l'ouverture du barrage Mercier.

M. VILLENEUVE (Jean): Alors, si je comprends bien, vous aimeriez entendre un résumé de façon générale des événements qui se sont produits en mai dernier.

Je pense qu'il faudrait...

M. LESSARD: Quand vous parlez de mai

dernier, est-ce que vous pourriez préciser quelle date?

M. VILLENEUVE: La période dont il sera question va couvrir du début avril jusqu'à aujourd'hui.

Je pense qu'avant de reprendre les événements, il vaut la peine de prendre deux ou trois minutes pour revoir le rôle des barrages réservoirs sur notre réseau. Pour bien comprendre ce rôle, il faut se rappeler que les rivières au Québec ont un régime relié à la climatologie du Québec. C'est-à-dire que les rivières, au printemps, passent par une crue très élevée au moment de la fonte des neiges, après quoi le régime diminue et varie au cours de l'été, selon les précipitations ou l'absence de précipitations. En hiver, ces débits diminuent à des valeurs très basses, puisque les précipitations sont sous forme de neige, et le cycle reprend le printemps suivant.

Quand nous installons un barrage pour créer un réservoir, nous cherchons à régulariser le débit de la rivière. A ce moment, nous éliminons les extrêmes de débits, c'est-à-dire que les pointes les plus élevées, les débits de crues printanières, sont diminuées et les débits très faibles qu'on aurait autrement en hiver, sont augmentés. De cette façon, on peut tirer de la rivière une production beaucoup plus uniforme au cours de l'année si on a, sur la rivière en question, des centrales de production d'électricité. Mais en régularisant le débit en question, du même coup, nous amenons des bénéfices secondaires aux riverains, par exemple, puisque nous éliminons les conditions extrêmes qui sont toujours susceptibles de nuire à la population. Les débits excessifs du printemps, donc, sont diminués et les débits très faibles qui peuvent provoquer, comme exemple, des difficultés dans l'alimentation d'eau potable de certaines municipalités, sont eux-mêmes augmentés.

Cependant, il faut bien comprendre que le barrage, à moins d'avoir une capacité infinie, ce qui est absurde et qui coûterait évidemment une somme infinie, a des limites et que dans des conditions extrêmes, il est possible que ces limites soient atteintes. Autrement dit, un barrage, qui est conçu pour accumuler la crue moyenne du printemps et même exceptionnelle qu'on retrouve peut-être généralement 49 fois sur 50 ans, si vous voulez, le barrage en question peut quand même être dépassé dans sa capacité par une crue qui dépasse les cas les plus rares qu'on puisse rencontrer. Alors, on va voir, dans quelques instants, que c'est exactement ce qui s'est passé cette année dans le cas de la Gatineau.

Alors, comme toutes les autres années, nous avons graduellement vidangé le réservoir Baska-tong au cours de l'hiver, pour arriver, au début d'avril, à une accumulation qui représentait environ 4 p.c. de la capacité du réservoir. Donc, il était presque vide.

La crue printanière a été un peu plus tardive que d'habitude cette année de sorte que, graduellement, dans les premiers jours d'avril, le barrage, comme chaque printemps, était fermé et la fonte des neiges a commencé à remplir le barrage.

Les apports, comme on les appelle, hydrauliques dans le réservoir, produits par cette fonte des neiges, ont augmenté graduellement du 10 avril au 30 avril pour passer, à ce moment, par un maximum. A partir du 30 avril, les apports ont diminué pratiquement de moitié jusqu'au 6 mai. Ils sont passés, en fait, d'une moyenne quotidienne, le 30 avril, de 53,000 pieds cubes-seconde à 28,000 pieds cubes-seconde le 6 mai, ce qui représentait une situation normale et entièrement sous contrôle. Donc, le plus gros de la fonte des neiges était passé rendu au 6 mai.

Le barrage lui-même, à ce moment, était rendu à environ 70 p.c. de sa capacité. Dès le 5 mai, nous avons ouvert quelque peu le barrage Mercier, étant entendu que les prévisions étaient à l'effet qu'il y aurait certaines pluies. Entre le 5 mai et le 15 mai, nous avons eu cependant des pluies absolument exceptionnelles.

M. LESSARD: Le 15 mai?

M. VILLENEUVE (Jean): Oui. En fait, pour tout le mois de mai, mais spécialement entre les premiers jours de mai et le 15 mai. Pour illustrer ces chiffres, je vais vous donner ce qui était la moyenne à long terme des précipitations de mai, soit 2.53 pouces d'eau. C'est la moyenne de 30 ans ou de 35 ans. Ceci est pour tout le mois de mai.

Le record établi précédemment pour l'ensemble du mois de moi est en 1947 avec 5.42 pouces de pluie pour tout le mois de mai. Or, cette année, nous avons eu 8.27 pouces de pluie, toujours sur le bassin de la rivière Gatineau qui alimente le réservoir de Baskatong. Là-dessus, environ cinq pouces ont tombés dans les jours critiques dont je vous ai parlé, soit entre le 3 mai et le 15 mai. Ce faisant, malgré que nous ayons ouvert le barrage aussitôt que nous avons eu les prévisions de ces pluies, le barrage s'est rempli de 70 p.c. qu'il était à 100 p.c. de sa capacité dans le temps compris entre le 6 mai et le 15 mai, soit dans neuf jours.

A ce moment, le barrage étant plein, il nous a fallu ouvrir les déversoirs du barrage, graduellement, jusqu'au point de relâcher un débit de 65,000 pieds cubes-seconde du 16 mai au 20 mai.

Il faut bien comprendre que le barrage est fait pour être rempli jusqu'à une certaine valeur, qui est très près de sa crête, et qu'on ne peut pas laisser l'eau monter au-delà du niveau pour lequel le barrage a été construit. De toute façon, même si on voulait laisser monter l'eau, vous gagneriez seulement les quelques jours ou

même parfois les quelques heures nécessaires à remplir l'espace entre la cote maximale permise et la crête du barrage, et l'eau passerait de toute façon par-dessus, tout en risquant d'endommager le barrage ou ses assises ou de causer de l'érosion sur les côtés du barrage.

A ce moment, dès qu'on atteint environ 20,000 pieds cubes-seconde à Mercier, on commence à créer des inondations à Maniwaki.

M. LESSARD: Une minute, 20,000 pieds cubes-seconde.

M. VILLENEUVE: En fait, pour être précis, c'est à 18,000 pieds cubes-seconde que nous commençons à créer une cote qui est considérée comme inondation à Maniwaki.

M. LESSARD: Inondation. Quand vous avez ouvert le barrage, vous l'avez ouvert à 65,000. Vous avez laissé passer...

M. VILLENEUVE: Nous l'avons ouvert graduellement. Nous avons ouvert — j'ai les chiffres ici — le 12 mai, à 5,000 pieds cubes-seconde; le 13 mai, à 10,000; le 14 mai, à 30,000, il y a des fois qu'il a fallu changer l'ouverture plusieurs fois dans la même journée; le 15 mai, à 45,000.

M. LESSARD: Le 15 mai, à 45,000.

M. VILLENEUVE: Cela peut varier de quelques centaines, mais je vous donne les chiffres arrondis.

M. LESSARD: D'accord !

M. VILLENEUVE: Le 16 mai, à 65,000. Il y a un point important, si vous me permettez, qu'il faut mentionner. C'est que pendant que nous retenons l'eau dans cette partie de la rivière Gatineau, la crue, la fonte des neiges se présente aussi en aval du barrage et crée elle-même des apports qui peuvent être très importants plus bas que le barrage. L'intérêt à garder le barrage fermé aussi longtemps que possible, c'est de laisser passer cette crue printanière pour la partie en aval de la rivière inférieure, en bas du barrage Mercier. De cette façon, on évite de superposer à la fois la crue provoquée par la fonte des neiges en bas du barrage à celle qui se produit en amont.

M. LESSARD: Maintenant, vous me parliez tout à l'heure de chiffres, c'est à 65,000 pieds cubes-seconde qu'il y a inondation.

M. VILLENEUVE: Non, à partir de 18,000 pieds cubes-secondes...

M. LESSARD: C'est cela que j'avais...

M. VILLENEUVE: ... la ville de Maniwaki commence à subir des effets.

M. LESSARD: C'est cela que j'avais...

M. VILLENEUVE: Evidemment, plus le débit augmente, plus le niveau d'eau monte à cet endroit et plus il y a de citoyens affectés par l'inondation. Maintenant, on me fait penser ici pour illustrer un peu aux gens, qu'on n'est pas toujours habitué à compter la pluie en pouce, je veux dire que tout le monde ne réalise pas ce que cela représente. Il faut tout de même comprendre que l'équivalent en neige, on est plus familier avec cela, de huit pouces de pluie est d'environ, comme vous le savez, 80 pouces de neige. C'est comme si on avait eu durant un mois l'équivalent de 80 pouces de neige, sauf qu'en mai c'est peut-être de la pluie.

M. MALOUIN: Je m'excuse, je vous pose la question. Quand vous parlez de 18,000 pieds cubes-seconde, vous créez l'inondation?

M. VILLENEUVE: Cela dépend quand même de l'importance du niveau de l'eau en aval du barrage.

M. LESSARD: C'est cela que vous venez d'expliquer.

M. VILLENEUVE: Non, cette partie de la rivière est une partie qui est relativement accidentée, de sorte que le niveau à Maniwaki est strictement relié au débit qui se présente à Maniwaki même. Remarquez qu'à Maniwaki, il y a la Gatineau et il y a un affluent relativement considérable qui est la rivière Désert qui vient se jeter dans la Gatineau à Maniwaki. C'est l'ensemble des deux qui constitue un débit qui peut provoquer des inondations à Maniwaki. Notre mesure se fait à Mercier et à la petite centrale de Corbeau et à Paugan. Il faut que nous tenions compte que Maniwaki reçoit de l'eau d'un affluent. Lorsque nous disons que 18,000 pieds cubes-seconde peut causer une inondation à Maniwaki, il faut bien comprendre que cela peut prendre environ 14,000 ou 15,000 pieds cubes-secondes à Mercier seulement pour avoir, en proportion des bassins, 18,000 pieds cubes-seconde à Maniwaki à cause des apports intermédiaires.

M. MALOUIN: D'accord!

Maintenant, il a été question, et les gens de la place en particulier ont souligné qu'HydroQuébec aurait pu ou aurait dû ouvrir son barrage plus tôt. Si nous avions ouvert plus tôt, de toute évidence, nous aurions immédiatement amener ou amener très tôt à Maniwaki des débits d'inondation. Nous aurions pu tenter d'amener le débit juste au bord de la cote d'inondation continuellement avant le début de mai.

Nous avons après coup, connaissant les données exactes, fait une simulation des débits et des niveaux que nous aurions eus en relâchant juste assez d'eau pour créer ces débits.

C'est assez extraordinaire, mais on se rend compte que nous aurions eu, dès le 16 mai, exactement le même niveau à Maniwaki que ce que nous avons obtenu en réalité. En fait, le niveau aurait été, à Maniwaki, un peu plus bas du 11 mai au 16 mai, mais il aurait été plus haut, du 15 avril au 11 mai et, à partir du 16 mai, il aurait été exactement le même jusqu'à aujourd'hui en juillet.

M. LESSARD: M. Villeneuve, c'est fonction de la période où vous auriez ouvert votre barrage. Si vous le laissez couler graduellement, si vous l'ouvrez à partir du moment où il est rendu à 70 p.c, peut-être que vous allez arriver... Je veux bien comprendre. Si vous l'ouvrez à partir de 70 p.c. et qu'après le 5 mai, il s'emplit complètement, peut-être que vous arrivez à cela. Mais si vous le laissez couler graduellement... Parce que c'est l'un des objectifs des barrages, c'est de créer un certain équilibre de la rivière. Lorsque vous avez fait votre calcul, est-ce que je pourrais savoir à quelle période vous l'avez fait, à quel taux du niveau du barrage vous avez commencé à le faire?

M. VILLENEUVE: Dans le calcul hypothétique nous avons fait?

M. LESSARD: Oui.

M. VILLENEUVE: Nous avons un graphique ici qui commence le 1er mai, mais on aurait pu effectivement commencer avant.

M. LESSARD: Le 1er mai, votre barrage était à quel niveau de sa capacité?

M. VILLENEUVE: Le 1er mai, le barrage était effectivement à 50 p.c. de sa capacité, exactement.

M. MALOUIN: Quelle est la capacité totale?

M.VILLENEUVE: Du barrage? C'est 95 milliards de pieds cubes d'eau. Pour répondre à la question du député, on peut facilement indiquer ce qui se serait passé si on vait laissé le barrage ouvert continuellement depuis le 5 avril, donc, dans la même situation que si le barrage n'avait pas été là. A ce moment-là, les débits que nous aurions eus à Maniwaki sont exactement égaux aux apports naturels que nous avons eus par la fonte des neiges et des pluies. A ce moment-là, on constate ceci. Maniwaki aurait été inondé à partir du 18 avril jusqu'au 2 juillet, selon une courbe quelque peu différente de celle qu'on a connue. D'abord, l'inondation aurait été beaucoup plus tôt parce que, dès le 18 avril, nous avons eu des apports de 18,000 pieds cubes-seconde dans la rivière Gatineau. Donc, on aurait eu, dès ce moment-là, des inondations. Ce qui plus est, le 1er mai, on aurait eu déjà des débits de 53,000 pieds cubes-seconde. Ils auraient ensuite baissé jusqu'au 5 mai, puisque j'ai mentionné plus tôt que les apports avaient baissé; là, ils auraient monté en flèche jusqu'à 82,000 pieds cubes-seconde, parce que ce sont les apports que nous avons connus le 15 mai. Ce qui veut dire qu'à ce moment-là, l'inondation aurait été beaucoup plus grave à Maniwaki puisqu'on n'a jamais dépassé 65,000 par l'ouverture du barrage. Là, je vous donne la courbe exacte des apports qui se sont présentés dans la rivière par la fonte des neiges et la pluie. Alors, on voit que le barrage, en plus de permettre une régularisation de la rivière, a retenu et retient encore, au moment où je vous parle, 95 milliards de pieds cubes. Si le barrage n'avait pas été là, vous auriez eu toute l'eau que vous avez eue plus les 95 milliards de pieds cubes.

M. LESSARD: C'est un des objectifs du barrage.

M.VILLENEUVE: Evidemment, il est là pour retenir la crue du printemps, mais dans la mesure où cette crue est une crue ordinaire, ou même exceptionnelle. Mais cette fois-ci, c'était une crue peut-être de l'ordre de celles qu'on peut estimer dans nos calculs d'une fois dans 100 ans. Comme détail, les huit pouces d'eau dont je vous ai parlé pour le mois de mai correspondent à 118 milliards de pieds cubes d'eau dans la rivière Gatineau.

Dono, le mois de mai à lui seul a amené beaucoup plus d'eau que ce que le réservoir peut contenir à partir d'un état de vidange complet. Une autre chose qu'il est peut-être bon de souligner, c'est que, même en juin, nous avons eu pour l'ensemble du mois de juin, toujours sur le réservoir Baskatong, presque cinq pouces de pluie, 4.95 pouces. Et la moyenne à long terme pour le mois de juin est de 3.22 pouces. On voit que la situation a continué d'être une situation extrême pour tout le mois de juin.

M. MALOUIN: Est-ce que vous avez une limite inférieure en ce qui touche la capacité de votre barrage? Allez-vous en bas de 50 p.c?

M. VILLENEUVE: J'ai mentionné qu'au début d'avril, il était, en fait, à 4 p.c. de remplissage, donc il était presque vide. Il n'y a pas de limite.

M. MALOUIN: A cause...

M. VILLENEUVE: Si on vide et vidange totalement le barrage, on se retrouve dans la situation extrême qu'on cherche à éviter où la rivière est presque à sec en fin d'hiver. A ce moment-là, il y a des municipalités le long de la rivière qui ont des bassins dont les niveaux baissent et qui risquent de mettre à découvert leurs prises d'eau. Nous nous pouvons quand même nous rapprocher d'une vidange complète.

Vous voyez qu'on est allé à environ 4 p.c. ou 5 p.c. cette année.

M. MASSE: II faut dire, M. Villeneuve, que c'est vraiment à cause d'une crue exceptionnelle due à une couverture de neige — je pense que vous pourrez confirmer ou me contredire — qui était beaucoup plus importante. On m'a parlé de 200 p.c. à 500 p.c. dans le bassin de la rivière Gatineau et avec, en plus, une pluie torrentielle qui a amené une fonte rapide.

M. VILLENEUVE: Je vais devoir faire une certaine correction. Il est évident que les conditions ont été exceptionnelles et les chiffres parlent d'eux-mêmes.

M. MASSE: Je parle au 15 avril à peu près.

M. VILLENEUVE: Oui. Au sujet de la neige, ce n'est pas tout à fait exact, M. le ministre. Nous avions un relevé de neige qui indiquait des quantités à peine supérieures à la normale.

M. MASSE: Au 15 avril?

M. VILLENEUVE: Au 15 mars. Selon notre expérience, c'est la période la plus significative pour faire des relevés de neige. Parce qu'après...

M. MASSE: Au 15 mars, d'accord.

M. VILLENEUVE: ...vous avez une fonte partielle. Nous avions, sur la Gatineau, en 1974, l'équivalent, en neige, de six pouces à huit pouces d'eau. Parce qu'on traduit toujours; la hauteur de la neige au sol, ça ne veut pas dire grand-chose parce qu'elle peut être plus ou moins dense, ou en glace. On prend un échantillon de la neige et on le convertit en eau et on a exactement l'équivalent qui était de six pouces à huit pouces d'eau, selon les points de relevé sur la Gatineau, au 15 mars, et la moyenne, à long terme, est effectivement de six pouces à huit pouces aussi. Donc, on avait une situation qui ne nous permettait pas de prévoir une crue exceptionnelle. C'est uniquement les pluies de mai, mais il y a aussi la façon dont la neige a fondu cette année. C'est-à-dire que le printemps, s'il est pluvieux, nuageux et humide, fait que la neige fond et, évidemment, s'écoule en eau sans s'évaporer d'aucune façon. Alors que si vous avez un printemps ensoleillé et venteux, une grande partie de l'eau s'évapore et une partie moindre ruisselle dans la rivière.

M. MASSE: C'est la raison pour laquelle les spécialistes chez nous, je suis d'accord avec vous qu'environ au 15 mars, la couverture de neige approchait la moyenne normale, peut-être légèrement supérieure. Mais à cause de ce printemps pluvieux, au mois d'avril, la couverture de neige était plus importante que la moyenne normale.

M. VILLENEUVE: Oui, parce qu'il était plus tard, la neige n'avait pas fondu. Maintenant, je n'ai pas les chiffres d'avril ici, malheureusement, mais il a pu neiger au début d'avril, vraisemblablement, puisque le temps était froid et cela a ajouté à la précipitation de pluie qu'on a eue en mai.

M. MALOUIN: On parle d'une fréquence assez inusitée, une pluie torrentielle que vous avez eue, mais combien ça fait de temps que le barrage Gouin existe et combien de fois...

M. VILLENEUVE: Là, on parle du barrage Mercier.

M. MALOUIN: Le barrage Mercier. Et combien de fois avez-vous retrouvé un phénomène semblable?

M. VILLENEUVE: J'ai mentionné tout à l'heure qu'on avait jamais vu ça. Nous avons des données depuis 1941 pour Mercier et le record précédent a été de 5.42 pouces en mai, alors que nous avons eu 8.27...

M. MALOUIN: 8.27.

M. VILLENEUVE: Vous voyez que c'est de beaucoup supérieur à tout ce qui s'était vu précédemment.

M. MALOUIN: Même en étant supérieur, est-ce que vous avez des inondations fréquentes à Maniwaki? Ou si c'est encore...

M. VILLENEUVE: Je sais qu'en 1947, entre autres, qui était l'année où on avait eu le record précédent, les gens avaient été inondés à Maniwaki.

M. MALOUIN: Mais les autres années, vous n'aviez pratiquement pas de problème avec les inondations?

M. VILLENEUVE: L'eau monte habituellement chaque année et les parties les plus basses de la ville sont peut-être plus fréquemment inondées. C'est comme dans tout endroit où il y a des gens bâtis tout près, ils ont plus de chance d'être inondés que d'autres.

M. MALOUIN: En somme, il n'y a rien à faire pour corriger.

M. VILLENEUVE: Non, écoutez...

M. MALOUIN: Suivre de près le contrôle du barrage.

M. VILLENEUVE: Si vous parlez de ce qu'on peut faire avec le barrage et le réservoir que nous avons dans le moment, il n'y a strictement rien d'autre que nous pouvons faire. C'est très malheureux à dire, nous l'avons dit aux gens de là-bas et cela les a peut-être rendus

malheureux; mais si nous avions l'an prochain des conditions semblables, ils seraient inondés de la même façon. C'est malheureux comme cela.

M. MALOUIN: Vous allez continuer à être encore assez actifs, suivre de près, comme vous l'avez fait...

M. VILLENEUVE: Ecoutez, on est vigilant autant qu'on le peut, mais le barrage ne peut pas retenir plus d'eau que ce 94 milliards de pieds cubes.

M. LESSARD: M. Villeneuve, vous affirmez qu'à 18,000 pieds cubes-seconde, vous êtes assuré qu'à Maniwaki, il y a inondation?

M.VILLENEUVE: Disons début d'inondation, à 18,000.

M. LESSARD: Début d'inondation. Au début d'avril, la capacité du réservoir Baskatong est de 4 p.c, d'accord? Du 10 au 30 avril, vous permettez l'accumulation de l'eau à l'intérieur du barrage. Le 1er mai, l'accumulation de l'eau dans le barrage équivaut à 50 p.c. de sa capacité. Si, à partir du 1er mai...

M. MALOUIN: Le 6 mai.

M.LESSARD: Non, 50 p.c. le 1er mai... l'ouverture du barrage a eu lieu le 5 mai, d'après les dates que j'ai. Je vous ai posé la question tout à l'heure, le 1er mai, votre barrage était à quelle capacité?

M. VILLENEUVE: Rempli à 50 p.c. M. LESSARD: C'est cela. M. MALOUIN: Le 6 mai.

M. VILLENEUVE: Le 1er mai. Le 6 mai est la date à laquelle nous avons commencé à ouvrir.

M.LESSARD: Je ne parle pas du 6 mai. O.K. là?

M. MALOUIN: O.K.

M. LESSARD: Alors, le 1er mai, votre barrage est rempli à 50 p.c. de sa capacité.

M. VILLENVEUVE: C'est juste.

M. LESSARD: A ce moment-là, est-ce que votre barrage était complètement fermé?

M. VILLENEUVE: Oui, il était fermé jusqu'au 5 mai inclusivement.

M. LESSARD: Donc, la rivière est à peu près complètement à sec.

M. VILLENEUVE: Non, parce que j'ai expliqué tout à l'heure qu'il y a des apports inférieurs au barrage.

M. LESSARD: D'accord.

M. VILLENEUVE: Et que le 5 mai, évidemment, la fonte des neiges était commencée.

M. LESSARD: Et la rivière était, à ce moment-là, à son plus bas niveau?

M. VILLENEUVE: Je pourrais vous trouver les débits que nous avions à ce moment-là à la centrale Paugan en aval, et vous verriez qu'il y avait quand même un volume d'eau appréciable dans la rivière, provoqué par la fonte des neiges, pour tout le bassin en bas du barrage Mercier.

M. LESSARD: Oui, c'est normal. Maintenant, vous affirmez que si vous aviez ouvert le barrage à partir du 1er mai et si vous aviez laissé écouler l'eau à 18,000 pieds cubes-seconde, il y aurait eu inondation pire que ce qui s'est passé?

M. VILLENEUVE: Si nous avions tenté de relâcher plus vite l'eau du barrage, de façon à nous tenir à la cote maximale, juste au début de l'inondation de Maniwaki, nous aurions pu relâcher des débits variant de 3,000 à 10,000 pieds cubes-seconde, au début de mai. Parce que, justement, les débits en aval du barrage, ajoutés à ce 3,000 à 10,000 auraient amené la cote d'inondation.

M. LESSARD: C'est cela.

M. VILLENEUVE: On n'aurait pas pu ouvrir beaucoup ou, si on avait ouvert davantage, on aurait provoqué des inondations très sérieuses à Maniwaki, alors que nous n'avions même pas d'indication que nous aurions ces précipitations excessives.

On nous aurait sûrement reproché d'inonder les gens alors que nous avions encore 50 p.c. de capacité dans le réservoir. Ils auraient été en droit de nous faire un reproche sérieux. C'est ce que nous faisons chaque année, nous n'allons jamais les inonder volontairement au cas où on aurait une situation de catastrophe imprévisible.

M. LESSARD: Ce qui veut dire que vous auriez pu, à ce moment, laisser écouler 8,000 pieds cubes-seconde sans inondation.

M. VILLENEUVE: Environ de 3,000 à 10,000 en augmentant graduellement du 1er au 8 mai, mais après, il aurait fallu même diminuer jusqu'à la fermeture complète le 12 mai, parce qu'ils étaient déjà inondés par les débits en aval, à cette date. Le volume d'eau qu'on aurait relâché entre le 1er et le 12 mai de cette façon est presque négligeable en termes de quantité dans le barrage, parce que de 0 à 10,000 p.c, ce n'est pas beaucoup.

Ensuite, dès le 15 mai ou le 16 mai, comme je l'ai dit plus tôt, les gens se seraient retrouvés exactement dans la même situation qu'ils ont connue,

M. LESSARD: Disons que vous êtes un spécialiste dans le domaine. Je ne conteste pas ces chiffres. Le barrage a été ouvert le 6 mai, vous laissez écouler 10,000 pieds cubes-seconde d'eau. A ce moment, suite aux explications que vous venez de me donner, étant donné justement qu'en aval il y a un certain débit, vous êtes assurés, dès le 13 mai, qu'il y a inondation à Maniwaki.

M. VILLENEUVE: Pour être précis, nous avons prévu le 13 mai qu'il y aurait inondation, parce que nous savions que le barrage approchait de son plein remplissage et que les prévisions atmosphériques nous annonçaient pour les 14 et 15 mai plus d'un pouce de pluie. A ce moment, il est devenu évident pour nous que la situation deviendrait hors de contrôle, parce qu'au moment même où ce barrage devenait rempli, à capacité, on nous annoncerait une pluie très importante.

M. LESSARD: M. Villeneuve, lorsque, justement, le 13 mai, vous avez eu l'assurance qu'il y avait inondation, pourriez-vous m'indiquer ce que vous avez fait à ce moment?

M. VILLENEUVE: Nous avons fait ce qui avait été convenu avec le comité interministériel d'urgence pour les inondations et glissements de terrain. Nous avons avisé, c'est-à-dire que notre chef de division responsable de la régulation des ressources a avisé son homologue ou son homme de contact au ministère des Richesses naturelles qu'il y aurait inondation, parce qu'il nous faudrait ouvrir le barrage Mercier.

M. LESSARD: C'est le 13 mai que vous auriez informé le comité interministériel d'urgence.

M. VILLENEUVE: Je ne sais pas si on a un calendrier à la main. Je sais que c'était le lundi après-midi. C'est cela, c'est bien le 13 mai vers la fin de l'après-midi.

M. MASSE: Est-ce que je pourrais savoir, M. Villeneuve, qui a fait l'appel téléphonique et à qui?

M. VILLENEUVE: C'est M. Robert Brise-bois qui a communiqué ou cherché à communiquer avec, si je ne m'abuse, un monsieur Bilodeau, mais il n'a pas pu le rejoindre, il a parlé à M. Triquet.

M. MASSE: Est-ce que cet ingénieur, M. Brisebois, était mandaté d'une façon officielle pour aviser qui de droit que vous ouvriez les vannes?

M. VILLENEUVE: C'est lui qui habituellement communique avec le ministère. Seulement, en appelant la personne qui a été mentionnée — je le répète encore, si ma mémoire est bonne, c'est M. Bilodeau — c'était le nom qui nous avait été donné dans les réunions du comité en question comme étant la personne à aviser dans les cas d'inondation.

M. MASSE: Evidemment, c'est assez important de savoir les dates exactes, parce que même si, le 13 mai, le débit qui était de 10,000 pieds cubes-seconde n'était pas encore un débit qui amenait l'inondation automatiquement, si on revient à votre chiffre de 18,000 pieds cubes-seconde qui commence à créer des inondations, probablement que ce stade a été atteint le 14 mai.

Mais je voudrais que vous vérifiiez si c'est bien le 13 mai que cela a été fait de votre part officiellement ou le 14.

M. LESSARD: Et non le 14.

M. VILLENEUVE: Cela a été fait le 13 mai. Je l'ai vérifié avant de partir du bureau. L'appel a été fait vers 4 heures, ou 16 heures, 16 h 30, le 13 mai. Maintenant, il y a eu une nouvelle communication aussi le 14 mai au matin.

M. MASSE: Vers 11 heures, de M. Laurent, du service des Relations publiques...

M. VILLENEUVE: Ah ça! C'est possible, je ne sais pas.

M. MASSE: ... cette fois à M. Jacques Bilodeau. M. Brisebois et évidemment M. Triquet, le rapport, non pas le rapport, c'est-à-dire ce que j'ai soumis déjà comme réponse à des questions du chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale, c'est que le texte même rédigé par les fonctionnaires disait bien qu'il est tout à fait exact que M. Claude Triquet a reçu, le lundi 13 mai, une communication de M. Robert Brisebois, ingénieur à Hydro-Québec au sujet de l'ouverture probable des vannes du barrage Mercier, et des inondations prévues dans la région de Maniwaki. A la suite de ce paragraphe, j'ajoutais que les deux fonctionnaires du ministère... Est-ce que vous permettez que je lise un paragraphe entre-temps?

M. LESSARD: Je voudrais que le ministre le lise. C'est très important.

M. MASSE: "Il est à noter que cette information a aussi été transmise, cette même journée à M. Maurice Miron, du service de l'hydrométrie. Ces deux ingénieurs sont en communication constante avec leurs confrères d'Hydro-Québec dans l'exercice journalier de leurs fonctions. Il s'agit donc, dans ce cas, d'information officieuse et de routine entre deux organismes appelés à travailler, en étroite collaboration".

Et le paragraphe aussi important: "Les deux fonctionnaires du ministère des Richesses naturelles ont cru de bonne foi que le représentant officiel d'Hydro-Québec avaitdéjà averti la Protection civile de l'éventualité des inondations à Maniwaki, suite à l'ouverture des vannes du barrage Mercier. C'est effectivement seulement le mardi, 14 mai, vers 11 heures de la matinée que M. Paul Laurent, du service des Relations publiques d'Hydro-Québec, personne habilitée à transmettre de l'information officielle pour cet organisme, a avisé Jacques Bilodeau, notre représentant adjoint au comité urgence inondation, des dangers que courait la population de Maniwaki, suite à l'ouverture des vannes du barrage Mercier" et on dit par la suite que cela a été communiqué à la Protection civile.

Est-ce qu'à votre avis, les faits que je viens de relater sont exacts?

M. VILLENEUVE: Ecoutez, c'est très difficile d'interpréter ce que les gens pouvaient avoir à l'idée en communiquant, comme je n'ai pas non plus de transcription de la communication.

M. LESSARD: Cela a des conséquences énormes.

M. VILLENEUVE: Oui. Je comprends, mais je n'étais pas sur la ligne quand ces gens se sont parlé. La communication était une communication de caractère technique

M. LESSARD: Les gens de Maniwaki en n'ont peut-être pas eu connaissance, mais ils s'en sont ressentis du débit, en moses.

M. VILLENEUVE: Je suis bien d'accord avec vous, entièrement d'accord. La communication était faite selon ce qu'il avait été entendu entre les parties, et, d'ailleurs, dans un document de travail qui est connu, je pense, du ministère, le rôle d'Hydro-Québec a été reconnu. Sur ce plan, on disait en particulier, je cite: "Fournir au ministère des Richesses naturelles tous les renseignements dont Hydro-Québec dispose sur les débits et niveaux des cours d'eau où elle possède des installations". Notre direction des relations publiques est responsable d'informer la population, d'informer les media d'information, mais les informations techniques de ce genre sont communiquées par le plus court chemin possible, c'est-à-dire du responsable d'Hydro-Québec à un responsable au ministère des Richesses naturelles. Et s'il y a eu malentendu ou interprétation différente de la situation, évidemment, il faudrait questionner les personnes en cause pour qu'elles nous disent ce qu'elles ont compris ou cru comprendre de ces appels.

Il était évident que notre homme appelait pour donner une information. Là, on dit : Probable... Je ne sais pas si le mot probable est apparu dans la conversation entre M. Brise-bois...

M. MASSE: Et vous et moi n'étions pas sur la ligne à ce moment.

M. VILLENEUVE (Jean): Non. C'est juste. Mais notre homme nous dit qu'il a avisé le ministère que nous devrions ouvrir, le lendemain, le barrage Mercier.

M. LESSARD: ... avisé le ministère?

M. VILLENEUVE (Jean): Le ministère, mais la personne que nous avions dans notre liste de noms et de numéros de téléphone, et je pense qu'il s'agissait de M. Bilodeau, mais là-dessus, il faudrait peut-être faire vérifier.

M. MASSE: C'est exact..

M. LESSARD: Je reviendrai sur cela parce qu'il semble y avoir eu confusion. Le 12 mai, vous laissez écouler 5,000 pieds cubes-seconde. Le 12 mai, étant donné les pluies justement qu'il y avait, vous ne pouviez, parce que le barrage est à 70 p.c. vers le 3 mai...

M. VILLENEUVE (Jean): II monte très rapidement. Au lieu d'un pourcentage, les chiffres que j'ai sont en milliards de pieds cubes, et comme c'est 95 milliards, c'est très peu du pourcentage.

M. LESSARD: Vous m'avez donné un pourcentage...

M. VILLENEUVE (Jean): Oui.

M. LESSARD: ... tout à l'heure. Le 1er mai: 50 p.c. J'ai un autre pourcentage dont malheureusement je n'ai pas eu le temps d'inscrire la date — 70 p.c.

M. VILLENEUVE (Jean): Le 5 mai, 64 sur 95, cela fait environ 67 P-c, disons.

M. MALOUIN: Vous avez donné tout à l'heure le 6 mai: 70 p.c.

M. VILLENEUVE (Jean): C'est à peu près cela. Très près de 70 p.c. le 6 mai. Le 10 mai, pour votre information, 76 milliards de pieds cubes, environ 80 p.c, 79.5 p.c. Le 12 mai...

M. LESSARD: Une minute. Le 10 mai, vous me parlez de combien?

M. VILLENEUVE (Jean): Le 10 mai? Presque 80 p.c.

M. LESSARD: Très bien.

M. VILLENEUVE (Jean): Le 12 mai, 84 sur 95, on est près de 90 p.c.

M. LESSARD: Près de 90 p.c.

M. VILLENEUVE (Jean): 89 p.c. le 12 mai.

M. LESSARD: Le 12 mai, vous avez 89 p.c. Il y a de la pluie et vous ouvrez votre barrage à 5,000 pieds cubes-seconde. Le 12 mai, M. Villeneuve, était-il possible de prévoir que vous seriez dans l'obligation d'ouvrir le barrage parce qu'on est rendu à 5,000 pieds cubes-secondes?

M. VILLENEUVE (Jean): Oui, mais, dans la même journée...

M. LESSARD: Une minute. On est rendu à 5,000 pieds cubes-seconde. Vous calculez qu'il y a à peu près en aval 8,000 pieds cubes-seconde. Vous l'ouvrez à ce moment et vous laissez écouler l'eau à 5,000 pieds cubes-seconde. Nous sommes rendus à 13,000 pieds cubes-seconde. Vous êtes donc à 5,000 pieds cubes-seconde du moment critique des inondations.

M. VILLENEUVE (Jean): Ce qui s'est passé, c'est effectivement que nous avons commencé à atteindre un débit d'inondation de 18,000 le 10 mai...

M. LESSARD: Le 10 mai?

M. VILLENEUVE (Jean): ... et c'est pour cette raison même que nous n'avons pas ouvert davantage. Dès le 10 mai, le débit en aval de Mercier était tel qu'ajouté aux 5,000 pieds cubes-seconde de Mercier, nous avions 18,000 à Maniwaki et même les 11 et 12 mai, jusqu'à ce qu'on ait les prévisions que nous avons eues le 12 mai et qui nous ont fait ouvrir, on espérait encore pouvoir contenir, laisser terminer cette crue-aval qui achevait à ce moment.

M. LESSARD: Donc, dès le 10 mai, on est vers la période critique, c'est-à-dire qu'on est au niveau de 18,000 pieds cubes-seconde.

M. VILLENEUVE (Jean): C'est juste. A ce moment, toute ouverture inonde davantage Maniwaki.

M. LESSARD: Le 10 mai, on est à 80 p.c. Le 12 mai, on est à 90 p.c. et cela continue.

M. VILLENEUVE (Jean): C'est cela.

M. LESSARD: Est-ce que pour prévoir quand même, parce que le 10 mai on est près du niveau des inondations, on est même au niveau, à 18,000 pieds cubes-seconde, est-ce qu'à ce moment — parce qu'on ne joue pas avec des jouets, on joue avec une population — vous pourriez m'expliquer pourquoi il n'y a pas eu, vers le 10 mai, une communication avec le ministère des Richesses naturelles pour discuter de ce problème, parce que c'était, comme vous dites, une période unique, semble-t-il, discuter avec le comité interministériel urgence inondation? Il n'y a eu aucune communication, cela ne vous inquiétait pas. Il n'y avait pas de problème, vous espériez tout le temps que ces eaux, qui s'accumulaient très vite... Vous avez parlé tout à l'heure, à un moment donné, que le barrage, vers la période du 1er mai, s'accumulait très vite: 1er mai, 50 p.c, 6 mai, 70 p.c, le 10 mai, 80 p.c. Donc, cela continuait de façon constante. Je suppose que vous êtes quand même assez prudents sur cela, parce qu'en aval il y a une population qui est là. Le 10 mai, vous n'avez pas pensé du tout — étant donné justement que le 10 mai, on était rendu au niveau des inondations — à communiquer avec le comité interministériel urgence inondation, qui est coordonné par la protection civile, de telle façon qu'au moins — parce que cela prend une certaine préparation avant de faire face à la situation d'urgence — on puisse prévoir des moyens, si cela se présente, pour faire face à cette situation.

M. VILLENEUVE: Ecoutez, le 10 mai, si on prend cette journée entre autres, c'est une des rares journées, en tout cas, où il n'a pas plu dans le mois de mai. C'est une journée où la situation semblait encore être sous contrôle. Notre guide principal, ce sont les apports qu'on peut mesurer dans le réservoir et que nous évaluons par la variation, dans 24 heures, du niveau d'eau. Si l'eau a monté de tant de dixièmes de pied ou de centièmes de pied dans 24 heures, cela nous permet de calculer les apports que nous avons eus.

M. LESSARD: Mais vous connaissiez, à un moment donné, qu'il y avait un certain nombre de pieds de neige, qu'il y avait de la glace en amont du barrage, vous aviez analysé cela.

M. VILLENEUVE: Je m'excuse. Cette partie qui est la fonte des neiges, je l'ai mentionnée plus tôt, a été en diminuant de façon très marquée, du 1er mai jusqu'au 6 mai et même au 8 mai. Les apports dûs à la fonte des neiges et au peu de pluie qu'on avait eue au début de mai, parce qu'on en avait eue quand même un peu, allaient en diminuant de façon très marquée. On peut le voir sur le graphique. Je pourrais essayer d'en avoir un plus propre, mais on le voit très bien. Vous l'avez sur un petit feuillet qu'on peut faire retourner et distribuer. On voit que ces apports allaient en diminuant de façon très marquée, ce qui nous plaçait dans une situation qui semblait normale par rapport à l'expérience des années dernières. Ce qui a vraiment renversé la situation, c'est le chiffre de la journée du 12 mai que nous avons connu une fois la journée terminée, où il est tombé 1.28 pouce de pluie. Ce chiffre, nous le connaissons dans la journée du 13. C'est la journée où nous avons alerté immédiatement les intéressés.

M. LESSARD: Donc, le 12 mai, il y a des pluies torrentielles.

M. VILLENEUVE: 1.28 pouce dans la journée du 12 mai.

M. LESSARD: Maintenant, c'est qu'à ce moment, vous aviez quand même constaté, en date du 10 mai, que le barrage était à 80 p.c de sa capacité. C'est le 10 mai.

M. VILLENEUVE: C'est cela.

M. LESSARD: A 80 p.c. de sa capacité. Le 10 mai, vous constatez aussi qu'on est à la période critique d'inondation, soit 18,000 pieds cubes-seconde. Le 12 mai, il y a une pluie torrentielle. D'ailleurs, vous ouvrez votre barrage et vous laissez passer 7,000 pieds cubes-seconde, le 12 mai.

M. VILLENEUVE: Si vous me permettez, il était ouvert depuis le 6 mai, à des débits qui ont varié.

M. LESSARD: Varié, mais...

M. VILLENEUVE: Assez faibles.

M. LESSARD: Oui.

M. VILLENEUVE: Qui ont varié de façon à ne pas inonder Maniwaki, c'est-à-dire à toujours laisser aller juste assez d'eau pour que le volume relâché de Mercier, ajouté à celui qui vient des apports intermédiaires, donnait 18,000 p.c.s.

M. LESSARD: La journée du 12 mai, M. Villeneuve, étant donné justement les circonstances qu'on avait vécues le 10 mai 80 p.c, les eaux du barrage s'accumulent très vite; le 12 mai, 70 p.c. et le 12 mai vous constatez des pluies torrentielles. Est-ce que vous avez, le 12 mai, envoyé un inspecteur, un vérificateur au barrage?

M. VILLENEUVE: II faudrait vérifier. Nous avons des personnes en poste qui peuvent nous rapporter et qui nous rapportent tous les jours les niveaux et il y a des relevés, il y a des postes de mesure des précipitations en plusieurs endroits du bassin. On n'a pas ces relevés instantanément.

M. LESSARD: Vous dites que c'est le lendemain...

M. VILLENEUVE: Ce n'est qu'à la fin d'une journée que nous savons combien il est tombé d'eau dans la journée.

M. LESSARD: Je suis bien d'accord. Mais vous dites que c'est le lendemain que vous pouvez avoir la quantité d'eau qui tombe dans une journée.

M. VILLENEUVE: Qui est tombée.

M. LESSARD: Qui est tombée. Cependant, visiblement, quand vous êtes sur le bord d'un barrage, on peut constater à différentes heures le niveau de l'eau qui augmente au barrage. Ce que je vous demande est très important, je pense. Etant donné les différentes circonstances qui ont précédé le 12 mai, étant donné que le 12 mai vous avez constaté qu'il y avait des pluies torrentielles, est-ce que le 12 mai vous avez envoyé une personne pour vérifier le niveau du barrage?

M. VILLENEUVE: Nous avons tous les jours le niveau du barrage, M. Lessard. Nous l'avons continuellement, nous pouvons l'avoir continuellement.

M. LESSARD: Donc, vous avez tous les jours le niveau du barrage. Le 12 mai vous n'avez pas prévu la possibilité, étant donné qu'il pouvait arriver que vous deviez être dans l'obligation d'ouvrir le barrage, le 12 mai, vous n'avez pas prévu d'intervenir... d'informer le comité interministériel d'urgence inondation, en particulier, la Protection civile?

M. VILLENEUVE: Ce qui avait été convenu, c'était que nous avisions le ministère, et non pas la Protection civile. Il faut bien comprendre une chose. Hydro-Québec n'a pas des barrages sur toutes les rivières de la province. Il y a un très grand nombre de rivières où nous n'avons absolument aucune installation, nous ne savons même pas ce qui se passe. Nous avisons le ministère dans les cas où nous avons des installations.

M. LESSARD: Je pose la question au ministre. On dit: Ce qui a été convenu c'est qu'on avisait le ministère.

M. MASSE: A ce moment-ci je ne peux pas... étant donné qu'il n'était pas prévu que l'on discute de cette question ce soir, le directeur général des eaux devait être ici, demain, pour cette question. Je ne peux pas vous dire, ce soir, s'il y a eu une convention entre les gens d'Hydro-Québec et le ministère. Je dois dire qu'il existait à ce moment-là le comité d'urgence inondation et que la Protection civile... Je serais porté... Il est possible qu'il y ait eu cette convention. Je n'en sais rien. On a constaté que le 14 mai, à la suite de l'appel qui pour nous était officiel de la part d'Hydro-Québec, nous avons communiqué avec les gens de la Protection civile qui n'étaient pas au courant à ce moment-là.

M. LESSARD: Le 13 mai vous... M. MASSE: Le 14 mai.

M. LESSARD: Oui, d'accord. Lorsque vous avez eu une communication d'Hydro-Québec en date du 13 mai, vous étiez assuré à ce moment-là que la Protection civile avait été informée?

M. MASSE: Oui. Les deux fonctionnaires en question ont cru, de bonne foi, que le représentant officiel d'Hydro-Québec avait déjà averti la Protection civile.

M. LESSARD: A partir de quoi, ces deux

fonctionnaires ont-ils cru que la Protection civile avait été informée?

M. MASSE: C'est la question à laquelle je ne peux malheureusement pas répondre.

M. LESSARD: M. le Président, je pense que cette question est fort importante. Vous comprendrez, M. Villeneuve, que si la population avait été avertie une ou deux journées auparavant, il y a quantité de dommages qui auraient pu être annulés ou diminués. D'accord? Nous croyons que cette date fatidique du 13 mai est très importante, d'autant plus que nous avons soulevé la question à l'Assemblée nationale au ministre des Richesses naturelles. Le ministre des Richesses naturelles nous a informés à ce moment-là que normalement — d'ailleurs cela confirme ce que les deux fonctionnaires ont dit au ministre des Richesses naturelles — lorsqu'il y a possibilité d'inondation comme ça, on doit d'abord informer la Protection civile, qui est le comité de coordination d'un autre comité qui s'appelle le comité interministériel, qui s'appelle Urgence-Inondation. Or, il semble que la Protection civile, qui a pour objectif de coordonner, dans des cas d'urgence, l'ensemble des services et faire face à la situation, n'ait été informée de cette situation que le 14 mai alors que, le 13 mai, vous ouvrez et laissez passer 10,000 pieds cubes-seconde. Vous m'avez dit tout à l'heure que, le 10 mai, nous étions à la période critique, soit 18,000 pieds cubes-seconde. Donc, le 13 mai, en ouvrant le barrage, il y a inondation.

M. MASSE: Selon les débits, il n'y aurait eu inondation que le 14 mai.

M. LESSARD: Le 10 mai, selon ce que M. Villeneuve nous dit, nous sommes à 18,000 pieds cubes-seconde...

M. MASSE: Non, non, excusez.

M. LESSARD: Ecoutez, il faut calculer en aval du barrage. D'accord?

M. MASSE: C'est ça.

M. LESSARD: Déjà, Hydro-Québec, le 10 mai, constate que nous sommes à 18,000 pieds cubes-seconde. 18,000 pieds cubes-seconde, cela correspond également au niveau d'inondation à Maniwaki.

M. MASSE: M. Villeneuve, est-ce que, concernant ce que vient de dire le député, le 10 mai, vous aviez un débit de 18,000 pieds cubes-seconde?

M. VILLENEUVE: Oui, il s'est produit ceci. Si on regarde seulement les débits créés par les apports en aval du barrage, on se rend compte qu'ils ont passé par un maximum le 12 mai et qu'après le débit a commencé à diminuer en aval, ce qui nous permettait d'ouvrir davantage à Mercier, sans ajouter un supplément qui risquait de le faire inonder.

M. LESSARD: Vous dites un maximum le 12 mai. Le 12 mai, c'était combien?

M. VILLENEUVE: C'était vraisemblablement 18,000, déjà, sans Mercier.

M. LESSARD: 18,000 sans Mercier et vous avez, le 12 mai, 5,000 pieds cubes-seconde qui s'écoulent du barrage?

M. VILLENEUVE: Le 12, le chiffre est d'environ 4,000 pieds cubes-seconde, justement parce qu'on l'avait réduit, du 10 au 12, de 6,000 à 4,000. Pendant toute cette période, nous cherchions à empêcher l'inondation à Maniwaki et nous relâchions toujours, de Mercier, juste assez d'eau pour que ce débit ajouté à ce qu'on pouvait mesurer près de Maniwaki, nous donne le débit maximum qu'on pouvait tolérer sans inondation. Cela nous a amenés à réduire, du 10 au 12, l'ouverture de Mercier, parce que les apports intermédiaires ont augmenté du 10 au 12. Après le 12, on a vu une certaine baisse en aval et alors, on a ouvert tout de suite à 5,000. Dès le 13, à 10,000...

M. LESSARD: Le 12, vous ouvrez à 5,000. Le débit de la rivière, à ce moment-là, avec l'apport qui vient en aval et le barrage, est de combien, le 12 mai?

M. VILLENEUVE: Je pense que, d'après les chiffres que j'ai là, il doit être un peu au-dessus de 18,000. Il était déjà à 21,000. Cela devrait donner 21,000.

M. LESSARD: 21,000 pieds cubes-seconde le 12 mai? Et vous n'avez pas prévu de communiquer avec le comité interministériel Urgence-Inondation, puisque vous me dites que 18,000 pieds cubes-seconde signifie l'inondation à Maniwaki?

M. VILLENEUVE: C'est le début de l'inondation. L'eau...

M. LESSARD: D'accord.

M. VILLENEUVE: On appelle cela l'inondation. Vous savez que, dans toutes les rivières, au printemps, vous avez le niveau qui monte et c'est considéré normal par tout le monde, y compris les premiers qui ont les pieds dans l'eau, les plus près de la rivière. Chaque printemps, ils ont un peu d'eau qui monte sur leur terrain.

Alors, cela est une situation qu'on retrouve chaque année. Et elle s'est passée effectivement cette journée-là.

M. LESSARD: D'accord. Et vous ouvrez votre barrage, vous diminuez, étant donné cette augmentation, votre barrage...

M. VILLENEUVE: C'est du 10 au 12.

M. LESSARD: Du 10 au 12.

M. VILLENEUVE: Diminué légèrement.

M. LESSARD: Le 12, vous ouvrez à 5,000 pieds cubes-seconde...

M. VILLENEUVE: 4,000...

M. LESSARD: ... et vous avez, à ce moment-là, le 12 mai, 21,000 pieds cubes-seconde de débit sur la rivière?

M. VILLENEUVE: C'est estimé par une courbe que j'ai ici qui représente ce qu'il y avait à Maniwaki et ce qu'on a relâché de Mercier.

M. LESSARD: Est-ce que, normalement, dans ces circonstances, quand vous êtes rendus au point critique — je comprends que se mouiller les pieds cela ne fait pas trop mal, mais se mouiller trop, cela commence à faire mal — étant donné qu'il y a un comité qui est créé pour cela, qui s'appelle le comité interministériel Urgence-Inondation coordonné par la Protection civile, étant donné que cela permettait aux gens de se mouiller les pieds un peu plus avec 21,000 pieds cubes-seconde, n'y aurait-il pas eu possibilité de faire des communications, le 12 mai, avec le ministère des Richesses naturelles? Il faudrait quand même avoir une communication constante.

M. VILLENEUVE: Nous avons des numéros que nous pouvons atteindre. Remarquez qu'il s'agissait d'un dimanche.

M. LESSARD: Eux aussi ont des chiffres sur les eaux.

M. VILLENEUVE: Si vous permettez, je vous ferais remarquer qu'il s'agissait d'un dimanche, le 12 mai. Nous avons quand même des noms de personnes responsables que nous pouvons rejoindre, mais ce n'est que...

M. LESSARD: Urgence-Inondation.

M. VILLENEUVE: ... cependant — et je l'ai dit tout à l'heure — que lorsque nous avons connu les précipitations excessives de cette journée — et cela a été le lundi dans la journée — que nous avons réalisé qu'il faudrait ouvrir à des débits beaucoup plus élevés que ce qui est tolérable.

M.LESSARD: M. Villeneuve, le 12 mai, vous avez eu des précipitations très importantes...

M. VILLENEUVE: Je m'excuse, M. Lessard, ces précipitations sont en plein bois. Il n'y a pas toute une population qui peut les constater.

M. LESSARD: Non, voici, M. le Président.

M. VILLENEUVE: Vous êtes dans un bassin boisé où il n'y a strictement aucune habitation.

M. LESSARD: J'ai des barrages chez moi, je sais comment c'est situé, où c'est situé et de quelle façon c'est fait. Cependant, il y a quand même une situation qui se crée depuis un certain nombre, de jours. Le 12 mai, vous savez qu'avec l'écoulement du barrage, nous sommes à ce moment à 21,000 pieds cubes-seconde comme débit dans la rivière. Malgré le fait qu'il soit en plein bois, le 12 mai, que vous m'affirmez que vous avez une vérification et que le barrage était à 90 p.c. Est-ce qu'il n'aurait pas été normal, puisqu'on commençait à être en période critique, d'avoir une personne qui se rendrait vérifier le barrage le 12 mai? Parce que, dès le 12 mai, non pas le 13, dès le 12 mai, vous êtes, d'après vos connaissances, d'après ce que vous nous affirmez, dans la région de Maniwaki, en période critique d'inondation. Le 12 mai, il y a une pluie torrentielle et ce n'est que le 13 mai que vous communiquez avec le ministère des Richesses naturelles. Selon nos informations, ce n'est pas avec le ministère des Richesses naturelles, selon, en tout cas — et le ministre me confirme cela — ce que le ministre nous a répondu en Chambre. Normalement, la communication, d'après entente, doit se faire avec le service civil. Le ministre vient de nous dire, comme il nous l'a dit en Chambre, qu'à ce moment, on parlait de la probabilité d'ouverture du barrage.

On semblait croire que le barrage n'était pas ouvert. C'était probable. Et ce n'est suite probablement à des appels et à des renseignements, parce que le ministère était, à ce moment, assuré que la Protection civile avait été informée, ce n'est que le 14 mai que le ministère informe la Protection civile de l'ouverture du barrage du 13 mai. M. le Président, je pense qu'il y a eu là, d'après mes renseignements... Je comprends que M. Villeneuve doit partir, et je pense que cela serait assez important qu'on puisse peut-être — je ne sais pas quelle sont ses obligations, ses engagements — rediscuter de cette chose, parce qu'il y a eu, M. le Président, une négligence quelque part.

M. VILLENEUVE: M. le Président, si vous me permettez, je ferai remarquez au député que la constatation dont il parle, celle de la pluie de cette journée, est une chose que personne ne peut voir, pour la bonne raison qu'il s'agit d'un bassin de 6,030 milles carrés, et c'est en ayant les chiffres des précipitations obtenues en différents endroits du bassin, des endroits qui ne sont relevés que périodiquement, qu'on pouvait

savoir exactement qu'il était tombé, le 12 mai, 1.28 pouce.

M. LESSARD: On n'attend pas que le feu soit pris avant de faire venir les pompiers, c'est-à-dire...

M. VILLENEUVE: Bien d'accord!

M. LESSARD: ... qu'on n'attend pas que la maison soit brûlée... Je m'excuse. Ce que je voulais dire, c'est qu'on n'attend pas que la maison soit brûlée avant de faire venir les pompiers. C'est un peu mieux.

Mais, M. le Président, ce que je dis...

M. VILLENEUVE: J'aimerais faire remarquer une autre chose. C'est que les 18,000... la cote qui est sur le bord de l'inondation, qu'on appelle la cote d'alerte de 18,000 pieds cubes-seconde est une cote que nous atteignons pratiquement chaque année à la crue du printemps, et même indépendamment de l'ouverture de Mercier par la fonte des neiges du bassin intermédiaire. Donc en soi, ce n'est pas une raison pour personne, ni pour les citadins ni pour les gens d'Hydro-Québec...

M. LESSARD: Je pense...

M. VILLENEUVE: ... d'être alarmés du fait qu'il passe 18,000 pieds cubes-seconde à Mani-waki.

M. LESSARD: Je pense qu'on devrait... Vous devriez, avec l'expérience que vous venez de vivre, modifier vos méthodes un peu. Au moins, quand vous êtes rendus à 21,000 pieds cubes-seconde comme débit dans la rivière, avertir les pompiers, qui sont en l'occurence, la Protection civile.

M. VILLENEUVE: Ecoutez, ce qui importe pour les gens, c'est de les avertir qu'une situation va devenir sérieuse. Les 18,000 pieds cubes par seconde, ils le constatent comme nous. Il voient la rivière au niveau où elle est. Ce n'est pas ce dont nous devons les avertir. C'est de l'ouverture subite et importante du barrage, du barrage Mercier et dès que nous avons pu...

M. LESSARD: Ce n'est plus le temps de les avertir.

M. VILLENEUVE (Jean): Nous avons appelé au ministère le 13 mai à 20 heures et l'eau n'a été rendue à Maniwaki qu'à minuit le lendemain soir. Donc, il s'agit d'au moins 30 heures d'avis quand même...

M. LESSARD: D'accord.

M. VILLENEUVE (Jean): ... qui est la période normale pour avertir les gens dans un tel cas.

M. LESSARD: Mais il y a avertir les gens et il y a aussi à prendre les mesures d'urgence nécessaires. Or, il y a justement un organisme. Comme je le dis, on n'attend pas l'urgence et on pouvait prévoir. En fait, vous avez quand même un certain nombre de spécialistes — je ne connais pas trop cela — qui prévoient la neige, la fonte des neiges, les glaces, etc. Cela existe au ministère des Richesses naturelles, cela existe ailleurs. Or, je ne vous demande pas nécessairement — le 12 mai — que vous envoyez à la radio des informations selon lesquelles il va y avoir inondation. Ce n'est pas ce que je vous dis. Mais je vous dis, par exemple, qu'il m'apparaft normal, étant donné justement que le point critique est à 18,000 pieds cubes-seconde pour les inondations, que lorsqu'on arrive à 21,000 pieds cubes-seconde, au moins on commence à communiquer avec l'organisme en question afin de faire en sorte que cet organisme puisse se préparer en conséquence, s'il y a lieu, pour faire face à la situation. Mais cela n'est pas ce qui arrive. On attend le 13 mai et le 12 mai, il y a des pluies assez torentielles...

M. VILLENEUVE (Jean): ... connues le 13 mai...

M. LESSARD: ... connues le 13...

M. VILLENEUVE (Jean): ... et c'est la journée où nous avons avisé, la journée où nous avons connu cette dernière précipitation.

M. LESSARD: Mais d'après ce que vous me dites, il est entendu avec votre comité, avec votre direction et avec le ministère des Richesses naturelles, que dans ces circonstances, vous informez le ministère des Richesses naturelles et non pas la Protection civile.

M. VILLENEUVE (Jean): C'est exact.

M. MASSE: M. le Président, je ne me souvenais pas de l'ensemble de ma déclaration du 30 mai 1974, mais M. Villeneuve, vous avez déclaré qu'il était convenu qu'Hydro-Québec avise le ministère et non le comité d'urgence inondation. Je dois vous lire une autre phrase de ma déclaration du 30 mai...

Je dois vous lire une autre phrase dans ma déclaration du 30 mai, qui se lit comme suit: Les procédures d'information du comité Urgence-Inondation — soit dit en passant, HydroQuébec est représentée à ce comité par M. Lamoureux — veulent que toutes les informations soient canalisées vers la protection civile et qu'elles soient transmises par les responsables de chacun des organismes concernés. Est-ce qu'il y a eu des défauts de communication? C'est possible. C'est pour reprendre, je pense, l'affirmation que vous mentionniez tout à l'heure.

M. VILLENEUVE: Je pense que l'honorable

ministre va être d'accord qu'à chaque expérience...

M. LESSARD: Une minute, je voudrais faire confirmer. Donc, d'après votre entente avec Hydro-Québec, d'après ce que vous me dites, M. le Président, par l'intermédiaire du ministre, c'est que, normalement, les communications se font d'Hydro-Québec vers la Protection civile?

M. MASSE: D'Hydro-Québec vers la Protection civile, c'est exact. Je parle des procédures d'information du comité Urgence-Inondation, comité où est représenté un membre d'Hydro-Québec.

M. LESSARD: C'est cela. Ecoutez, il y a le comité Urgence-Inondation qui est coordonné par la Protection civile. Ce que je vous demande, c'est que, d'après l'entente que vous avez au ministère entre Hydro-Québec et le ministère des Richesses naturelles, est-ce que c'est le ministère des Richesses naturelles qui doit être informé dans ces circonstances ou la protection civile ou le comité Urgence-Inondation?

M. MASSE: Les trois doivent être informés, mais les procédures telles qu'établies par les membres du comité Urgence-Information sont à l'effet que doit être informée d'abord la Protection civile.

M. LESSARD: Vous autres, vous étiez assurés, à ce moment...

M. MASSE: Est-ce que, dans le cas qui nous intéresse, cela a procédé d'une façon différente, étant donné qu'Hydro-Québec avait un membre au comité Urgence-Inondation? Ce sont des choses qui resteraient à vérifier, peut-être.

M. VILLENEUVE: Si vous me permettez, j'allais dire ceci, il y a un instant. L'honorable ministre, je pense, est bien au courant de la chose. Ce comité interministériel Urgence-Inondation et glissement de terrain n'a quand même pas des années d'existence. C'est à la suite d'expériences vécues, je crois, qu'il a été mis sur pied et les documents qui ont été préparés à la suite des diverses rencontres du comité en question, sont des documents de travail qui, je crois, n'avaient même pas encore été totalement officialisés et...

M. LESSARD: Cela change.

M. VILLENEUVE: Je pense que le comité continue de siéger et il est à mettre au point dans tous ces mécanismes...

M. LESSARD: Cette entente n'était pas officielle.

M. VILLENEUVE: Nous utilisons les ententes dès... On n'attendra pas, comme vous disiez vous-même, d'avoir fini de frotter la pompe à feu avant de s'en servir. On avait un outil entre les mains qui était les ententes faites à la suite de réunions de ces comités et nous nous en sommes servis dans les circonstances vécues, même si le document n'était pas...

M. LESSARD: Quelles étaient ces ententes?

M. VILLENEUVE: Selon ce qui est écrit qui était le rôle d'Hydro-Québec.

M. LESSARD: Est-ce qu'on pourra déposer cette entente?

M. VILLENEUVE: Je ne sais pas si on en a une copie ici, mais c'est un document qui représente une espèce de rôle défini pour les différentes parties et qui, je crois, demande encore d'être poli et ajusté avant d'être complètement rendu officiel.

M. LESSARD: Je demanderais que vous donniez le résumé de cette entente au point de vue communication, mais j'aimerais avoir copie de l'entente.

M. VILLENEUVE: Je pense qu'il doit y avoir moyen d'avoir le document en question, mais je ne l'ai malheureusement pas ici.

M. MASSE: Je pense que, pour être honnête, 11 faut dire que ce genre d'action interorganisme dans les cas d'urgence, comme vous le dites, M. Villeneuve, n'est peut-être pas dans toute sa tuyauterie des plus huilées du fait que c'est peut-être la troisième année que ce genre de comité existe. Je dois dire d'autre part, que cette année, cela a été l'expérience des autres années qui nous a servis et il reste une chose à souhaiter, c'est que ce soit un comité qui regroupe des organismes, comité urgence, mais qui soit institué d'une façon permanente, c'est un fait.

M. LESSARD: M. le Président, il est 12h 05, je regrette que M. Villeneuve soit dans l'obligation de partir, mais j'aimerais bien avoir cette entente et j'aimerais bien poser la dernière question à M. Villeneuve. J'en aurais d'autres, mais malheureusement il m'a informé qu'il doit partir. A mon sens, je pense qu'il y a eu une certaine négligence quelque part. Est-ce que depuis ces incidents, il y a eu des ententes formelles concernant les communications en cas d'urgence?

M. VILLENEUVE: Je pense que nous continuons d'aviser le ministère de toutes les situations particulières de nos barrages lorsqu'il y a des débits excessifs qui doivent être relâchés. Depuis ou durant la période d'inondation, nous nous sommes tenus en contact quotidien avec les gens de la Protection civile, aussi bien dans la région de Montréal pour les inondations

qu'on a eues à cet endroit, que dans la Gatineau. Quant à l'avenir, je ne vois pas de raison pour laquelle nous ne pouvons pas, si c'est la façon la plus sûre ou la plus complète de procéder, aviser aussi bien la Protection civile que le ministère.

M. MASSE: De toute façon, M. le Président, lors d'un téléphone au président, M. Giroux, le 21 mai, vous étiez par la suite nommé officiellement la voix officielle d'Hydro-Québec.

M. VILLENEUVE : Je pense que cette infor- mation se référait à la situation particulière que nous vivions à ce moment-là et nous avions établi des contacts permanents avec des représentants du conseil des ministres pour être sûrs qu'ils soient au courant de la situation.

M. MASSE: Cest exact.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission ajourne ses travaux à ce matin, après les travaux de la Chambre, c'est-à-dire vers 11 heures.

(Fin de la séance à 0 h 9)

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