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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le vendredi 5 juillet 1974 - Vol. 15 N° 127

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Rapport des activités de l'Hydro-Québec


Journal des débats

 

Commission parlementaire des richesses naturelles

et des terres et forêts

Rapport des activités de l'Hydro-Québec

Séance du vendredi 5 juillet 1974

(Onze heures cinquante et une minute)

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Pour la séance d'aujourd'hui, M. Morin remplace M. Bédard (Chicoutimi), M. Bérard (Saint-Maurice) remplace M. Carpentier, M. Massicotte remplace M. Drummond, M. Bacon remplace M. Larivière, M. Déziel remplace M. Maloin, M. Faucher remplace M. Perreault et M. Roy remplace M. Samson. C'est exact?

Afin d'établir un programme des travaux, si vous me le permettez, nous allons siéger ce matin jusqu'à treize heures. Nous allons prendre un repos de deux heures et revenir jusqu'à cinq heures, étant donné que les gens de l'Hydro-Québec doivent se déplacer pour s'en aller dans leur famille. Nous reprendrons les travaux à une date ultérieure, c'est-à-dire la semaine prochaine. Cela fait suite à une entente entre toutes les parties, soit le parti ministériel représenté par le leader du gouvernement, l'Opposition officielle et les gens de l'hydro-Québec.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais, cependant, préciser qu'en ce qui nous concerne nous aurions préféré continuer jusqu'à minuit, ce soir, pour en finir. Nous aurions été confiants de terminer avant minuit ce soir et d'éviter, de la sorte, à nos invités d'avoir à se déplacer en groupe de nouveau la semaine prochaine ou la semaine suivante.

Toutefois, si ces messieurs estiment que cela fait mieux leur affaire de terminer à cinq heures, je n'ai pas d'objection. Mais qu'ils soient conscients du fait qu'il leur faudra revenir, ce qui constitue pour eux un inconvénient majeur. Surtout, qu'on n'aille pas dire par la suite que l'Opposition a fait en sorte que ces messieurs doivent se déranger de nouveau. Nous savons très bien qu'ils ont du travail.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Je pense que cela a été assez clair; j'ai consulté M. Giroux, alors s'il veut s'expliquer.

M. GIROUX: Voici, le problème est que nous avons, comme vous le savez, une équipe ici et, le plus vite nous pourrions partir, le mieux ce sera pour nous. On avait l'impression que ça pourrait prendre plus de temps que ça. Donc, comme on a certaines assemblées qui sont fixées et qu'il faut maintenir, la semaine prochaine, j'aimerais personnellement mieux finir ce soir, à minuit. Ainsi on aurait une garantie qu'on peut faire nos assemblées la semaine prochaine. Si, à minuit, ce soir, on est pris dans un dilemme et qu'il faut revenir la semaine prochaine encore, c'est un peu embêtant. C'est ce que je ne savais pas. Il peut surgir des choses qui nous empêchent de finir, je comprends bien ça, mais si tout le monde est d'accord pour essayer de liquider la question aujourd'hui, je crois que c'est dans l'intérêt des dépenses que ça occasionne à l'Hydro-Québec de le faire aujourd'hui.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Richesses naturelles, le député de Beauce-Sud et le député de Saguenay par la suite.

M. LESSARD: ... le coût de la baie James?

M. GIROUX: Non, le coût des tarifs.

M. MASSE: M. le Président...

M. LESSARD: Des tarifs?

M. GIROUX: Qui seront...

M. LESSARD: 1 p.c?

M. GIROUX: Je réglerais pour ça.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. LESSARD: On ne réglera pas.

M. MASSE: Le président de l'Hydro-Québec a toujours son humour habituel. Mais je dois dire au chef de l'Opposition, au nom du parti gouvernemental, que ça éviterait des frais supplémentaires aux gens de l'Hydro-Québec si on avait la certitude qu'au plus tard minuit ce soir nous aurions vidé l'ensemble des questions avec l'Hydro-Québec. Personnellement, si les gens de l'Hydro-Québec peuvent s'astreindre à ce programme, je pense qu'on est d'accord.

M. MORIN: M. le Président, ça ne dépend pas seulement de l'Opposition de savoir si ça va se terminer à minuit ce soir, ça dépend aussi des questions du gouvernement. Elles peuvent être longues, on peut faire plusieurs détours par Saint-Glin-glin, je n'en sais rien. Mais je puis vous dire qu'avec les questions qui nous restent à poser nous pensons pouvoir finir avant minuit ce soir.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Suite à l'expérience passée des deux derniers jours, on peut tout de même évaluer la somme de travail qui reste.

M. MORIN: Oui, je pense honnêtement qu'avant minuit ce soir...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Bon, le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, avant de me prononcer sur cette question, je préférerais qu'on la réexamine vers la fin de l'après-midi, quand arrivera cinq heures. Pendant trois heures, on peut faire énormément de travail ou on peut ne pas tellement avancer non plus.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de...

M. ROY: Si vous permettez, je pense qu'on serait beaucoup plus en mesure de se prononcer vers cinq heures cet après-midi, évaluer la question. Il ne servirait à rien de siéger jusqu'à minuit ce soir et de convoquer encore pour la semaine prochaine les gens de l'Hydro-Québec. S'ils sont obligés de revenir la semaine prochaine, il y a quand même le fait qu'il faut tenir compte aussi que nous sommes prêts à apporter notre collaboration dans la mesure du possible. Mais nous ne sommes pas des ordinateurs électroniques. Nous sommes des êtres humains.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): II reste tout de même une chose, l'honorable député de Beauce-Sud, je voudrais faire la précision suivante parce qu'on m'a posé la question tout à l'heure. Si les gens de l'Hydro-Québec demeurent à Québec pour la soirée, il faut qu'ils donnent ce midi leurs réservations d'hôtel. C'est un problème qui est tout de même assez important parce que le groupe est nombreux. On m'a mentionné qu'à l'heure du déjeûner il faudrait faire les réservations. Si la séance s'ajourne à cinq heures, ils pourront retourner chez eux tout de suite. Je pense que c'est une question technique dont il faut tenir compte.

M. MORIN: M. le Président, est-ce qu'on pourrait présenter les choses comme ceci: Les membres de cette commission vont faire l'impossible pour que tout soit terminé ce soir avant minuit, tant du côté du gouvernement que du côté de l'Opposition, afin de libérer ces messieurs de l'Hydro-Québec, qui ont certes d'autres chats à fouetter, ne serait-ce que revoir certaines de leurs hypothèses de travail.

Je proposerais donc que nous continuions jusqu'à minuit; il y a de fortes chances que nous ayons terminé. Cela leur permettrait de faire leurs réservations d'hôtel pour ce soir et les dispenserait de revenir. Je pense que...

Mais, au fond, la décision est à vous, messieurs d'Hydro-Québec, pas à nous. Si on peut vous accommoder, on va le faire.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Giroux, vous vous êtes prononcé tout à l'heure là-dessus, vous êtes prêts.

M. GIROUX: On est prêts à siéger jusqu'à l'heure...

M. ROY: Moi, j'aurais un point à ajouter. Je ne ferai pas d'objection sur ce point, mais le point que j'aimerais ajouter, c'est que tout à l'heure on a eu des informations qu'à la commission parlementaire de la salle 81-A, il n'y a pratiquement personne d'autre que ceux qui siègent à la commission.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous voulez, je vais donner la précision suivante: c'est que le leader parlementaire en Chambre avait fait les changements voulus, c'est-à-dire pour que la commission des richesses naturelles siège à 81-A, et, en arrivant dans la salle, on a demandé aux représentants de l'Hydro-Québec s'ils étaient consentants à aller là-bas, mais à cause du grand nombre de documents qu'ils avaient à transporter, et parce que ç'aurait pris beaucoup trop de temps, ils ont préféré rester dans cette salle-ci.

M. ROY: D'accord, pourvu...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): C'est pourquoi le changement s'est effectué.

M. ROY: ... qu'on n'ait pas l'impression que c'est la commission qui oblige les gens à travailler dans ces conditions.

M. LESSARD: M. le Président, si nous décidons de siéger jusqu'à minuit, je pense qu'au cours de la période du lunch il serait probablement bon qu'on pense à déménager, parce que le matin, ça va, mais l'après-midi, le four se réchauffe et le soir, ça devient un bain sauna.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): II pleut, il n'y a pas de problème.

M. MASSE: Nous, on serait d'accord, à l'heure du dîner...

M. LESSARD: Ce n'est pas dehors que ça se réchauffe, c'est ici.

M. MASSE: ... pour faire les démarches afin qu'on puisse transporter les documents...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Est-ce que vous seriez consentents à changer de salle cet après-midi si l'autre est disponible? D'accord? On fera les démarches nécessaires à l'heure du lunch pour faire le changement de salle.

M. GIROUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Avant de commencer, si vous voulez, M. De Guise m'a avisé qu'il avait une lettre à remettre, un document qui avait été retracé et qu'il voulait distribuer, à la demande des membres de la commission, hier.

M. DE GUISE: M. le Président, j'aurais voulu verser un peu de lumière sur un autre problème de communication.

Je vais déposer le document. Peut-être ne le lirai-je pas en entier, mais le secrétaire de la commission, le 7 août 1972, écrivait à M. Arthur Séguin, qui était, en 1972, le président de la commission des richesses naturelles: "A sa séance du 25 mai, la commission permanente des richesses naturelles demandait à l'Hydro-Québec de détailler les études et renseignements suivants". Il y a une liste que vous connaissez bien. "A la demande de M. Yvon De Guise, commissaire, je vous envoie, sous ce pli, treize exemplaires — il y avait treize membres à la commission permanente des richesses naturelles — d'un mémoire qui apporte des réponses aux questions précitées, que je vous prierais de distribuer aux membres du comité parlementaire de la commission permanente des richesses naturelles".

M. LESSARD: Le gouvernement cache des choses. Le gouvernement cache des choses.

M. MASSICOTTE: Encore des affirmations gratuites.

M. MORIN: M. le Président, je me dois, au nom de l'Opposition, de m'opposer sérieusement à la façon dont cette commission a été traitée. Nous allons aller au fond de cette affaire. Je n'en dis pas plus pour l'instant, parce que nous n'avons pas tous les faits devant nous. Il reste à savoir pourquoi le président de la commission n'a pas fait parvenir les documents aux membres. Il reste à savoir si quelqu'un lui a donné ordre de les retenir ou pas. Mais je ne veux pas aller au fond de l'affaire ce matin; les principaux intéressés n'y sont pas. Si vous le voulez, nous mettrons cela de côté. Je remercie M. De Guise de nous avoir donné des précisions.

Cela dit, M. le Président, sommes-nous prêts à procéder?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui.

Usines nucléaires et hydrauliques

M. MORIN: Nous avons, hier soir, ouvert une parenthèse sur les inondations. Nous discutions, au moment où nous l'avons ouverte, de la comparaison entre les programmes nucléaires et les programmes hydrauliques. Avec votre permission, M. le Président, j'aurais quelques observations à faire à la suite des débats de la journée d'hier. Lorsqu'on compare l'énergie hydraulique et l'énergie nucléaire, il faut sans doute, émettre dès le départ des réserves d'ordre méthodologique. On ne saurait, dans les circonstances actuelles du Québec, en particulier, poser un choix rationnel entre deux extrêmes. J'entends par là un projet entièrement hydraulique, d'une part, et un projet entièrement nucléaire, d'autre part.

Poser la question en ces termes, c'est fausser tout le débat et c'est se condamner d'avance à l'une des deux solutions entières, pour ne pas dire extrêmes.

Toutefois je consentirais à me laisser enfermer dans ce dilemme — car ce choix nous est présenté comme un dilemme — pour les fins de la discussion. Examinons tour à tour le projet entièrement hydraulique — j'entends le projet entièrement hydraulique de la baie James — et le projet entièrement nucléaire de 10,000 MW. Les chiffres relatifs au projet de la baie James nous paraissent plus que jamais hypothétiques, je dirais même aléatoires, justifiant en cela toutes nos craintes. Le coût du projet a doublé, en deux ou trois ans, voire même triplé depuis les premiers montants mentionnés par le premier ministre, en 1971.

En outre, les chiffres actuels ne nous paraissent pas complets. Ils ne sont guère fiables quant à trois des quatre centrales, LG-1, LG-3 et LG-4, sans parler des détournements de cours d'eau, ni du transport de l'énergie. En second lieu, les bases mêmes du calcul du coût du programme nucléaire de 10,000 MW nous paraissent fragiles, pour ne pas dire douteuses.

Le fait d'avoir posé comme hypothèse un taux d'intérêt constant de 10 p.c. pour toute la période de construction nous parait pénaliser indûment, trop lourdement, le programme nucléaire. Et comme le disait le ministre de l'Industrie et du Commerce qui, malheureusement, n'est pas là ce matin, les investissements nucléaires seraient étalés plus également dans la période 1975-1990. Si nous prenions par hypothèse un taux d'intérêt, par exemple, de 10 p.c. pour la période 1975-1982, et de 5 p.c, — on pourrait imaginer d'autres pourcentages, oscillant entre 5 p.c. et 10 p.c. — pour la période 1982 â 1990, hypothèse vraisemblable, à notre avis, puisque le taux d'inflation, lui, va décroissant, il est évident que les coûts du nucléaire seraient plus bas.

Et j'inviterais là-dessus, l'Hydro-Québec à revoir certains de ses calculs. Là-dessus, d'ailleurs, je reviendrai en conclusion. Ce sont probablement des dizaines de millions de dollars par année qu'on a imputés injustement...

M. GARNEAU: Est-ce que je peux vous poser une question?

M. MORIN: ... au nucléaire.

M. GARNEAU: Est-ce que je peux poser une question?

M. MORIN: Bien, voulez-vous... Je pourrais terminer; je n'en ai pas pour bien longtemps...

M. GARNEAU: Non, non...

M. MORIN: ... et ensuite vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez.

M. GARNEAU: ... parce que ça fait partie de votre hypothèse. Et pourquoi le chef de l'Opposition...

M. MORIN: Non, j'ai plusieurs points à développer.

M. GARNEAU: Oui, mais pourquoi le chef de l'Opposition soumet-il, comme hypothèse...

M. LESSARD: Question de règlement.

M. GARNEAU: ... possible, 82, pour un taux d'intérêt de 5 p.c, comme il dit, et ne pourrait pas prévoir 78?

M. LESSARD: M. le Président, vous êtes président, appliquez donc l'article 10. Vous êtes responsable de faire appliquer les règlements. Le chef de l'Opposition n'a pas permis la question. Si le ministre veut répondre tout à l'heure ou corriger certains faits, il appliquera l'article...

M. GARNEAU: Non, c'est tout simplement que je veux préciser son hypothèse. C'est tout. Je veux savoir comment il la conçoit, pourquoi il la met comme ça.

M. MORIN: Voulez-vous, comme je vais développer ces aspects dans les points subséquents, le ministre pourra reprendre le débat à la fin, si vous le voulez bien.

En tout cas, une telle hypothèse de taux d'intérêt constant au cours de toute la période de construction nous paraît pénaliser sérieusement l'hypothèse nucléaire. Le taux d'intérêt est, évidemment, un facteur déterminant dans tout investissement.

De toute façon, les coûts de base du nucléaire, il nous semble, ne peuvent augmenter. Nous sortons de la phase purement expérimentale, avec la construction de Pickering et, à notre avis, ils ne peuvent que diminuer au cours des années qui viennent, tandis que les coûts de la baie James, on ne le dira jamais assez, on l'a vu hier encore, ne peuvent qu'augmenter.

Si, encore, on nous avait offert une fourchette d'hypothèses, l'une sur le coût minimum, l'autre sur le coût maximum, nous aurions pu discuter intelligemment. On nous offre une seule hypothèse qui, bien sûr, a été passée à l'ordinateur. Mais il faut peut-être rappeler ce principe, cet adage, plutôt, qu'on entend si souvent aux Etats-Unis lorsqu'il est question d'ordinateur: "garbage-in, garbage-out". De 11 mills de coût brut à 24.39 mills, les hypothèses sont si nombreuses dans vos calculs, que l'écart final de quatre dizième de sou ne nous paraît pas déterminant.

Cela aurait pu très bien, en modifiant légèrement les hypothèses, en étant moins conservateurs, comme je l'ai indiqué hier, sur un certain nombre de critères que vous avez appliqués à l'hypothèse nucléaire, on aurait tout aussi bien pu arriver à renverser les résultats de façon tout à fait vraisemblable.

En conclusion sur ce point, je dirais que, même à l'intérieur du dilemme dans lequel je me suis laissé enfermer pour les fins de la discussion, même à l'intérieur de votre raisonnement, nous trouvons des failles qui nous paraissent graves, mais, de toute façon, nous refusons de nous laisser enfermer dans un dilemme de cette nature, c'est-à-dire tout hydraulique ou tout nucléaire. Nous refusons de nous borner, comme le gouvernement l'a fait, à défendre une seule option. Nous sommes intéressés avant tout au programme mixte.

De la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, je ne crois pas que nous puissions blâmer l'Hydro-Québec. Tout repose sur une décision initiale erronée, essentiellement politique et non économique. Cette décision n'a pas été celle de l'Hydro-Québec. Ils ont eu fort à faire pour défendre l'entreprise publique contre les visées libérales à la baie James, et de cela nous leur sommes, d'ailleurs, reconnaissants.

L'Hydro-Québec a été coincée, il faut bien le reconnaître. C'est évidemment son devoir de tirer le meilleur parti possible d'une situation difficile, qui n'a d'ailleurs pas fini de lui donner et de nous donner du fil à retordre. Déjà, ils ont tout de même obtenu que les NBR soient écartées et qu'on se concentre sur La Grande. Ils ont obtenu que les compétences de l'entreprise publique soient sauvegardées. Ce sont des résultats qui ne sont pas négligeables, messieurs, et là-dessus vous aurez toujours notre appui.

L'Hydro-Québec a été coincée parce que le projet de la baie James n'avait de sens qu'en y installant 10,000 MW, pour le moins. Le ministre des Finances nous l'a dit encore hier dans une de ses interventions. Une fois engagé à la baie James, on ne pouvait pas y aller à moitié. Il fallait mettre le paquet. Le seul fait d'aller si loin chercher la ressource excluait toute souplesse dans le choix des programmes et, en particulier, excluait ab initio tout programme mixte nucléaire-hydraulique autre que la baie James.

Or, dès que la baie James entre dans une hypothèse, dans un programme, elle prend toute la place en raison des économies d'échelle. Nous persistons à croire, en ce qui concerne l'Opposition, que la décision initiale fut dictée par des motifs autres qu'économiques. Nous continuons de penser que des programmes mixtes hydrauliques-nucléaires autres que la baie James auraient moins hypothéqué le crédit du Québec, auraient permis une croissance des tarifs plus régulière, tout en répondant à la demande croissante.

Autrement dit, les programmes mixtes auraient profité aux Québécois tandis que la baie James se fera coûte que coûte maintenant, sur leur dos, quels qu'en soient les coûts.

M. Castonguay avait bien raison en 1973 au congrès MBA à Laval quand il a émis de sérieux

doutes sur l'opportunité de la construction de la baie James dans la conjoncture actuelle.

La conjoncture soutient notre argument. C'est dommage, c'est la réalité, la majeure partie des travaux se fera en période de taux élevés d'inflation et d'intérêt mais de cela nous ne blâmons pas l'Hydro-Québec, nous blâmons le gouvernement.

Le coût comparé pouvait fort bien s'avérer favorable au nucléaire dans l'hypothèse d'une comparaison de programmes qui ne soient pas strictement programmes hydrauliques vs programmes nucléaires.

Quand on se laisse enfermer dans un dilemme comme celui-là, programmes entièrement hydrauliques vs programmes entièrement nucléaires, c'est évidemment qu'on n'en sort pas. En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il n'est peut-être pas trop tard pour revenir à des vues, des programmes plus souples et il n'est peut-être pas trop tard pour examiner des programmes mixtes qui ne soient pas la baie James. Malheureusement, dans le programme d'équipement 1978-1985, de même que dans le document qui a été déposé hier et qui aurait dû nous parvenir au mois d'août 1972, intitulé: Réponses aux questions posées à l'Hydro-Québec à la séance du 25 mai 1972 de la commission permanente des richesses naturelles, malheureusement, dans aucun de ces deux documents on ne trouve un programme mixte qui ne fasse pas appel d'une manière ou d'une autre à la baie James ou au thermique.

J'aimerais, M. le Président, demander à l'Hydro-Québec de préparer, au cours des prochaines semaines, peut-être des prochains mois, si cela s'avérait nécessaire, un programme mixte hydraulique — nucléaire, en excluant la baie James, pour qu'une comparaison valable puisse être faite entre ce projet, d'une part, et des projets plus réalistes, plus souples et moins coûteux, d'autre part.

Merci, M. le Président.

M. GIROUX: M. le Président, il y a certains points dans les remarques de M. Morin que j'aimerais bien voir confirmés parce que, si on se plie à sa demande de faire certaines analyses, il est assuré positivement par sa déclaration que le nucléraire n'augmentera pas.

M. MORIN: Tout est relatif, naturellement. M. GIROUX: Je voudrais bien...

M. MORIN: Nous parlons des coûts de base, non pas de l'inflation.

M. GIROUX: Dans ce domaine, je dois attirer votre attention sur le fait que dans mes devoirs je suis obligé de consulter des gens qui ont en main la conduite d'utilités publiques. Ces gens sont tous d'avis contraire. Alors, naturellement, je voudrais bien me faire prouver cela. Je n'ai aucune objection, mais ces gens sont d'avis contraire, ils pensent que le coût du nucléaire va augmenter et très sensiblement vu la disparition de la source d'usines thermiques à l'huile qui deviennent trop coûteuses.

Il va y avoir une demande trop massive de nucléaire qui ainsi ne peut pas faire autrement que s'en aller vers une période de hausse et de hausse assez dramatique. C'est l'information qui m'a été donnée par des gens que j'ai consultés dans les milieux d'utilités publiques.

L'autre point est les prix de base de construction du nucléaire. On a commencé les études de Gentilly en se basant sur des prix qui étaient, n'est-ce pas, d'anciens prix, $221 millions au tout début, mettons $225 millions comme prix de base. Ces prix quand, on a fait le contrat, étaient rendus à $300 millions; ils sont à $385 millions et je peux parier un bon dîher à M. Morin que quand ce sera complété — il me fera plaisir de le lui payer — ça coûtera $500 millions. Donc, je ne suis pas favorable à la base de raisonnement — je m'excuse, ce n'est peut-être pas une base de raisonnement — que ce que ses conseillers lui donnent, disant que le nucléaire n'augmentera pas... Je crois au contraire...

M. MORIN: M. le Président, ce n'est pas que j'accepte le pari, parce que je n'ai pas du tout le tempérament d'un parieur, mais le dîner me ferait plaisir.

M. GIROUX: Peut-être que je pourrais, n'est-ce pas, inviter M. Morin à dfner et lui expliquer l'opinion des gens qui sont dans les utilités publiques.

M. MORIN: D'accord, est-ce qu'on prend le même pari sur le coût de la baie James?

M. GIROUX: Exactement.

M. MORIN: Oui? $11,9 milliards?

M. GIROUX: Là, on fera payer le diner par M. Boyd.

M. MORIN: D'accord.

M. GIROUX: Alors...

M. MASSE: II offre même d'en payer deux.

M. GIROUX: ... naturellement, je ne le prends pas comme une accusation, vous avez été très clair là-dessus. Mais vous dites que dans nos bases de raisonnement, il y a des failles graves. J'aimerais, naturellement, ne pas accepter simplement une déclaration qu'il y a des failles graves. J'aime bien, quand un gars me dit: Tu as fait une bêtise, qu'il me dise où et à quelle heure.

UNE VOIX: Avec qui?

M. LESSARD: M. Giroux, on ne va pas dans les chambres à coucher.

M. GIROUX: C'est contraire à la loi aujourd'hui, il y en a qui sont protégés. Non, je pense que là-dedans, M. Morin, il y a intérêt — encore une fois, je ne vous demande pas vos documents — si, dans des endroits, on a des failles graves, à ce qu'elles nous soient démontrées. Ce n'est pas nécessaire qu'elles soient démontrées ce matin et je suis parfaitement disposé à rencontrer tous vos gens qui peuvent nous démontrer où nous avons des failles graves.

M. MORIN: Bien...

M. GIROUX: Seulement, on ne veut pas perdre notre temps, n'est-ce pas? Quand les gens viennent nous voir et nous disent: Voici, si on prend telle hypothèse ou telle hypothèse... Naturellement, comme président de l'Hydro-Québec, je suis obligé de prendre les hypothèses des conseillers qu'on a à l'Hydro-Québec et en lui je tiens à vous le dire, j'ai pleinement confiance.

Malgré ça, on est ouvert, il peut y avoir des failles; si c'était possible qu'on sache où sont ces failles, je serais intéressé à rencontrer les gens qui en parlent. Cela n'a pas besoin d'être étalé à la commission; ce sont peut-être des choses techniques, des choses de détail. On sera absolument intéressé à rencontrer les gens qui nous parleront des failles.

M. MORIN: M. le Président, je me réjouis de cette ouverture d'esprit, et si c'est une invitation à ce que nous puissions vous rencontrer avec des techniciens, j'en serais personnellement très heureux.

M. GIROUX: D'ailleurs, on a toujours suivi cette politique dans le passé. On a toujours rencontré les partis d'Opposition. J'ai rencontré M. Roy très souvent, avec M. Samson, sur des problèmes qui étaient en-dehors de problèmes de la commission.

J'ai rencontré souvent votre prédécesseur, le Dr Laurin, sauf une fois, n'est-ce pas, dans une chose sérieuse; le Parti québécois a décidé de ne pas se renseigner. Il était dans la Jacques-Cartier, il a décidé de ne pas venir.

M. LESSARD: On était interrogé.

M. GIROUX: Mais, mon ami, M. Lessard, le lendemain...

M. MORIN: Voulez-vous qu'on relève le dossier?

M. GIROUX: Non, non, je n'y tiens plus. Les gens verront ce que ça coûte tantôt. Mais ce qui arrive, c'est que, dans ces choses, je crois c'est une politique qu'on a toujours maintenue, sauf qu'une fois, sans être trop chatouilleux, ayant fait des invitations et n'ayant pas eu de réponse, on a considéré que vous ne vouliez pas vous renseigner.

M. MORIN: M. le Président, s'il y a une invitation, je m'engage à l'accepter.

M. GIROUX: Mais si vous changez d'idée, là...

M. LESSARD: On ne voulait pas aller au Frontenac avant de discuter directement à la commission parlementaire.

M. GIROUX: Oui, mais pourquoi refusez-vous de vous renseigner? D'ailleurs, vous n'étiez pas là, M. Lessard, parce que si vous aviez été là, moi je suis convaincu que votre curiosité vous aurait...

M. LESSARD: On a eu le lendemain la maquette que vous aviez au Frontenac; le lendemain elle était là.

M. GIROUX: Je suis convaincu que votre curiosité vous y aurait amené...

M.MORIN: M. le Président de l'Hydro-Québec, est-ce que je pourrais vous suggérer que ceci me paraît un peu en contradiction avec votre façon de déposer les documents, au moment même où vous les invoquez? L'Opposition n'a pas eu le temps, là maintenant nous l'avons fait, mais aux dépens de nos heures de sommeil. La prochaine fois, vous pourriez nous donner ça deux ou trois jours d'avance.

M. GIROUX: Remarquez bien que vous prenez le principe de la commission qui évolue tous les ans. Je ne sais pas si vous avez suivi, cette évolution, mais moi, depuis que je suis membre de la commission, depuis que je viens ici, on vient avec toutes sortes de documents et on retourne avec les trois quarts des documents qui n'ont pas servi. On ne peut pas faire de dépôt de documents de tout. Avant la commission, on a déjà demandé au gouvernement de poser des questions auxquelles on répondrait en commission.

M. MORIN: Ah! Vous avez demandé au gouvernement de vous poser des questions et il ne vous les pose pas?

M. GIROUX: Non, non, je m'excuse, je me suis mal exprimé. On a demandé au gouvernement s'il avait des questions particulières qui étaient pour être posées, afin qu'on prépare certains documents, mais je n'ai pas d'objection à les déposer. Je ne me suis pas opposé à les déposer.

M. MORIN: Plutôt que de repartir avec cette masse énorme, tout un camion, camion aux deux tiers vide ou à moitié vide, laissez-les ici, nous pourrons certainement les lire.

M. GIROUX: Seulement il faudrait nous assurer de la confidentialité de ces documents.

M. MORIN: Oui, je pense qu'on pourrait.

M. GIROUX: Alors on se rencontrera, je le paierai deux fois, le dfner, s'il le faut.

M. MORIN: M. le Président, il y a des réponses extrêmement intéressantes ce matin à nos questions.

M. GIROUX: Un autre point, M. Morin, par exemple, si vous voulez terminer. J'aimerais être éclairé sur les bases de vos calculs qui viennent à l'encontre de tout ce qui se fait actuellement. Vous dites que dans l'étude du nucléaire, les taux, hausses de tarifs, seraient moindres. Alors on constate que toutes les utilités publiques qui, actuellement, ont dû aller en nucléaire, dans les trois, quatre dernières années, et qui doivent continuer à aller en nucléaires, doivent demander des augmentations de tarifs qui peuvent aller entre 15 p.c, et 30 p.c, 35 p.c. et 40 p.c. dans des cas et, dans d'autres cas, doubler. Alors je ne peux pas tellement bien...

M. MORIN: Ce dont vous nous parlez, ce sont les programmes mixtes?

M. GIROUX: Non, non, dans une partie de votre exposé, vous dites que si on allait en nucléaire, en prenant que le nucléaire ne peut pas augmenter, les hausses de tarifs seraient moindres. C'est l'inverse qui se produit actuellement, dans l'expérience pratique.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais vous poser une question, au point où nous en sommes? Est-ce que l'Hydro-Québec consentirait à faire un programme mixte hydraulique-nucléaire autre que la baie James?

M. GIROUX: Je crois que ça, c'est une spécialité qui est hautement technique, M. Morin. Moi, j'ai le problème de regarder le financement de n'importe quelle situation.

M. MORIN: Je comprends mais ça, ce serait peut-être la clef de toute l'affaire.

M. DE GUISE: La difficulté technique à laquelle nous nous butons dans une suggestion de ce genre c'est que, pour faire des programmes hydrauliques sur autre chose que la baie James, il faudrait que nous ayons, en d'autres sites, des renseignements assez fiables pour pouvoir poser des coûts réalistes. Il n'y a pas beaucoup de rivières où nos projets préliminaires sont suffisamment avancés pour avoir une estimation qui soit autre chose qu'une estimation...

M. MORIN: Et tous vos efforts sont sur la baie James.

M. DE GUISE: Eh oui. Je l'admets. M. MORIN: Bien oui, mais...

M. DE GUISE: Si on demande quelque chose dans un avenir prochain, c'est la difficulté à laquelle on se...

M. MORIN: C'est ce que je voulais dire quand je disais que vous étiez coincés. Il y a tout de même la Moisie, la Sainte-Marguerite, la basse Churchill.

M. DE GUISE: Oui, mais...

M. MORIN: II y a des sites, il y a des choix.

M. DE GUISE: ... je veux dire qu'il y a des restrictions budgétaires. On ne peut pas inventorier ou examiner toutes les rivières de la province ou sept ou huit rivières de la province au même moment. On essaie de voir dans quelle direction on évolue. On ne peut pas s'attaquer partout au même moment. Maintenant, si c'est une directive, ça peut se faire mais il faut y mettre l'argent.

M. GARNEAU: Combien ça fait d'années que vous étudiez la baie James?

M. DE GUISE: La baie James, ça fait depuis, je ne sais pas, 1964 ou avant ça.

M. MORIN: Vous avez aussi des études sur la Moisie, sur...

M. DE GUISE: Oui, mais vous réalisez que dans un projet hydroélectrique c'est assez différent d'un projet nucléaire: la grande partie de l'investissement est dans de l'équipement. Dans la centrale, ce qu'il y a d'inconnu, ce sont les fondations, peut-être. Dans un projet hydroélectrique, il faut aller faire... D'abord, il faut souvent faire de la cartographie qui n'existe pas, il faut avoir des lignes de contour pour avoir les dimensions des ouvrages, il faut faire des forages dans le sous-sol parce que, si le roc est à 25 pieds ou à 150 pieds, le coût double ou des choses semblables.

M. MORIN: Oui, mais c'est vrai pour la baie James aussi, ça.

M. DE GUISE: Oui, mais, c'est ça. Nous sommes à une étape, si vous voulez, où dans la baie James nous avons ces renseignements en grande partie. Si vous demandiez, pour le mois prochain, de faire un programme hydraulique ailleurs, ce que j'essaie de dire c'est que sur la Moisie et sur la Romaine nous n'avons pas assez de renseignements pour faire une estimation réaliste du coût d'aménagement hydroélectrique.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Boyd a demandé la parole.

M. BOYD: M. le Président, j'aimerais, moi aussi, relever certains points. M. Morin prétend que la baie James ne peut qu'augmenter. Je ne vois pas sur quoi c'est basé non plus. Par contre, il dit que le nucléaire ne peut que diminuer. Il y a eu une réponse partielle à cela. Concernant la baie James, les taux d'intérêt, qui sont à dix, peuvent diminuer et tout le monde l'espère. En fait, on n'est jamais arrivé à dix et les taux d'escalade, qu'on met à 7 p.c. pour la durée du projet, peuvent fort bien être en bas de ça. Juste ces deux facteurs-là peuvent avoir un effet considérable qui pourraient aller à $1 milliard et $2 milliards de réduction.

Donc, il ne faut pas affirmer que ça ne peut qu'augmenter. Quand vous dites que les estimations sont peu précises sur LG 1, LG 3, LG 4, je veux différer d'opinion avec vous.

Hier, je l'ai dit et je dois de nouveau le répéter; concernant la déclaration de M. Giroux qui dit que les gens qu'il a rencontrés dans le monde n'ont pas les mêmes opinions que vous sur le nucléaire, moi aussi et mes confrères de l'Hydro-Québec qui ont participé à différentes réunions un peu partout dans le monde, nous avons entendu partout les gens dans le domaine de l'électricité nous dire que nous sommes très très chanceux d'avoir de l'hydraulique. Même le président de l'Energie atomique du Canada, M. Gray, a fait une déclaration, en 1971 ou 1972, qui a été déposée ici, nous disant: Développez tout votre hydraulique aussitôt que vous le pourrez, c'est la meilleure chose qui puisse vous arriver.

Il y a deux semaines, comme ancien président de l'Association canadienne de l'électricité, j'ai rencontré les présidents ou les directeurs généraux des entreprises canadiennes d'un bout à l'autre du pays. Il y avait des visiteurs étrangers également. Tout le monde nous dit comme on est chanceux d'avoir de l'hydraulique. L'opinion de ces gens en vaut bien d'autres. Ce sont des gens qui sont dans le métier. Les gens des Etats-Unis nous disent la même chose. On nous dit la même chose en Allemagne, on nous dit la même chose en France. Je pense que c'est bon, ça. Vous parlez d'un programme mixte; on en a un devant les yeux, un programme mixte. L'Hydro-Ontario, dans la déposition qu'elle a faite à la Commission de l'énergie de l'Ontario, a un programme pour 1974 à 1979 où on prévoit une augmentation...

M. MORIN: Est-ce que nous l'avons, ce document? L'avons-nous, ce document?

M. BOYD: Bien, ce sont des notes tirées d'un document épais comme ça; ce sont des notes que nos gens ont prises. Je peux vous le donner.

M. MORIN: Oui.

M. BOYD: La demande augmentera au taux moyen de 7.2 p.c. La composition de la production additionnelle mise en service au cours de cette période sera de 67 p.c. de thermique conventionnel — c'est parce qu'ils ne peuvent pas en faire plus; ils n'auront pas assez d'eau lourde pour en faire plus — de 32 p.c. de nucléaire et de 1 p.c. d'hydraulique. C'est parce qu'ils n'en ont plus d'hydraulique.

Avec ce programme, savez-vous ce qu'ils demandent à la Commission de l'énergie de l'Ontario? Ils demandent pour cette période des augmentations variant de 10 p.c. à 16 p.c. de leurs tarif s. C'est donc que ça ne doit pas être si bon marché que ça, leur programme. Les taux d'intérêts qu'ils choisissent pour leur programme, c'est, pour 1974, 7 1/2 p.c, pour 1975, 8 p.c, pour 1976, 8 p.c, pour 1977, 8 p.c, pour 1978, 8 1/2 p.c, pour 1979, 8 1/2 p.c. S'ils sont le moindrement heureux, ils auront ça, mais moi, j'ai l'impression qu'ils vont être un peu malheureux. Donc, leurs prévisions vont être faibles.

Le programme mixte, vous l'avez, il est là. Vous nous demandez de le faire; ils l'ont fait. Quand ils seront pris à 67 p.c. de thermique conventionnel, les renseignements que j'ai d'eux, de leur président que j'ai rencontré il y a deux semaines, c'est que ça va être en grande majorité au charbon. Ils ont des commandes formidables placées aux Etats-Unis pour du charbon.

M. MORIN: II est de quand ce rapport, M. Boyd?

M. BOYD: Du mois de juin; c'est le 10 juin qu'ils ont commencé à être entendus devant leur commission de l'énergie.

M. MASSE: 1974, M. Boyd?

M. BOYD: Pardon?

M. MASSE: 1974?

M. BOYD: Juin 1974, oui, monsieur.

M. MORIN: Est-ce qu'on peut en avoir une copie? Oui. Vous allez le déposer, n'est-ce pas?

M. BOYD: D'accord.

M. GIROUX: Ce serait peut-être mieux de vous le faire parvenir. On peut même vous faire parvenir, si cela vous intéresse, ce qui est déposé officiellement, les bouquins qui sont déposés en Ontario.

M. MORIN: Oui, parce que j'aimerais comparer ça avec ce que nous dit...

M. GIROUX: M. Morin...

M. MORIN: ... M. Woodhead de l'Hydro-Ontario, qui nous fait un rapport extrêmement

optimiste sur Pickering, sur le rendement de Pickering et sur l'aspect économique de Pickering.

M. GIROUX: Oui, mais il est construit. M. MORIN: Oui.

M. BOYD: Non, non, il faut se méfier de ces rapports qui sont des conférences présentées à des associations!

M. MORIN: J'ai cité des chiffres de ce rapport, hier. Les mettez-vous en doute?

M. BOYD: Bien, de la même façon dont vous mettez les nôtres en doute. J'ai autant confiance aux nôtres, qui sont des rapports officiels d'une commission, qui sont présentés devant une commission...

M. MORIN: Oui, mais ça, ce ne sont pas des hypothèses. C'est du rendement réel.

M. BOYD: II reste quand même, M. le Président, si vous me permettez, qu'en 1966/67, lorsqu'on a mis en doute la rentabilité de Churchill Falls par rapport au nucléaire, c'était basé sur une conférence présentée par l'ingénieur en chef de l'Hydro-Ontario qui citait des chiffres du nucléaire. C'est moi qui ai été obligé de venir avec M. Giroux faire une démonstration au premier ministre du temps pour lui expliquer tout ce qui manquait dans ces chiffres déposés par l'ingénieur en chef de l'Hydro-Ontario, dans une conférence où il n'était pas obligé de tout dire. Il n'était pas à confesse, ce n'était pas une démonstration qu'il faisait devant son président.

Et les faits ont prouvé ce qu'on avait avancé à M. Johnson, qui était le premier ministre dans le temps, qui a cru à ce qu'on a démontré. La démonstration qui était dans cet article était que le nucléaire allait coûter quelque chose comme 4.5 mils ou 4.8 mils, et de ce qui a été construit, à partir de cette conférence, en réalité, a coûté 9 mils.

Je pense qu'il faut se méfier des chiffres comme ça. Concernant la rivière Moisie, M. Cahill, avant-hier, je crois, en a parlé. Il est venu nous parler des projets sur la Basse Côte-Nord. Il a dit qu'on les avait étudiés, que, temporairement, on les avait abandonnés parce que, économiquement, dans le moment, ils n'étaient pas rentables, que peut-être plus tard, quand les lignes entre Manic, Québec et Montréal seront déchargées, cela nous rendrait une ligne qui pourrait transporter l'énergie, donc rendrait peut-être la Moisie rentable. Deuxièmement, il y avait un sérieux problème d'écologie. Car on s'occupe, comme vous le savez, de plus en plus, de l'écologie.

Les saumons remontent assez haut dans la rivière. Donc, c'est un problème qu'il faudra résoudre plus tard. Mais, dans le moment, il a dit qu'on avait laissé la Moisie pour aller à la Romaine. Et la Petite Mécatina, c'est une autre rivière qui est intéressante, mais il y a un problème de tête de réservoir qui est dans le Labrador.

La Lower Churchill, M. Giroux a expliqué longuement que ça ne dépendait pas de nous. On nous offre 25 p.c. de 1,500 MG. C'est un problème qui va se développer mais, dans le moment, on ne peut pas faire de programmes utilisant ces données ou ces rivières. Cela nous donnerait quoi? Mais le programme mixte dont vous parlez, thermique et nucléaire, vous l'avez ici à l'Hydro-Ontario.

M. GIROUX: M. Morin, j'aimerais ajouter un point là-dessus. Non pas que j'en prenne ombrage, mais on dit toujours que, dans les hypothèses, parce que je ne suis pas tellement confiant dans les hypothèses, je suis un peu trop conservateur. M. Joron m'en faisait le reproche l'an dernier, n'est-ce pas, dans la demande d'augmentation des tarifs, en disant: Oui, mais vous êtes trop conservateur. Regardez ce qui arrive aujourd'hui!

Je ne fais pas un blâme à M. Joron. M. Joron n'a pas mon expérience de la longueur des marchés.

M. LESSARD: A quel sujet vous disait-il cela?

M. MORIN: Non, mais vous référez à quel point, M. Giroux?

M. GIROUX: Mais vous avez tantôt ajouté un point...

M. LESSARD: Sur quel point? A quel sujet vous a-t-il dit cela?

M. GIROUX: Au sujet des tarifs.

M. MORIN: Sûrement pas politiquement.

M. GIROUX: Politiquement, non. Il ne m'accusait pas. Non, non. D'ailleurs, même s'il m'avait accusé, M. Joron, cela aurait été pour badiner.

Seulement, il me disait que, dans nos demandes et dans nos prévisions, on était trop conservateur.

M. LESSARD: Parce qu'il voulait que vous demandiez plus?

M. GIROUX: Non, non. Il disait que j'étais trop conservateur, dans le sens que je voulais avoir plus de protection pour les choses d'Hydro-Québec. Si on ne l'avait pas eue, Dieu sait ce qui serait arrivé.

Vous avez des gens qui viennent de présenter un programme, selon les bases que vous voulez ou un peu plus, enfin, en calculant des taux d'intérêts sans prendre de protection. Moi, je les défie d'emprunter à ces taux.

M. MORIN: Vous parlez de quel programme?

M. GIROUX: Le programme de l'Ontario.

M. MORIN: Oui, mais, M. Giroux et M. Boyd, est-ce que vous ne conviendrez pas que... J'ai hâte de voir le programme en question, mais, au départ, j'ai des réserves. Ce ne sont pas les mêmes cours d'eau. Ce n'est pas du tout la même situation géographique que le Québec.

M. GARNEAU: Ils n'en ont plus de cours d'eau!

M. MORIN: J'ai hâte qu'on puisse établir les comparaisons.

M. GIROUX: Ils n'en ont plus de cours d'eau, M. Morin.

M. GARNEAU: Ce ne sont pas des cours d'eau; c'est du nucléaire.

M. MORIN: Alors, c'est strictement du nucléaire, le programme dont vous nous parlez?

M. BOYD: Je vais vous répondre.

M. MORIN: Nous, on parle de programme mixte.

M. GIROUX: Ils ne peuvent pas le faire avec autre chose.

M. GARNEAU: Mixer où?

M. MORIN: Moi, écoutez, si ce n'est pas mixte, la comparaison va être difficile à faire.

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition veut mixer où? Pour aller où?

M. MORIN: Au Québec, pas en Ontario.

M. GARNEAU: Avec quelle eau va-t-il couper son gin?

M. MORIN: Nous l'avons dit tout à l'heure: Moisie, Basse Churchill.

M. GARNEAU: Vous avez les réponses. Basse Churchill, c'est pas à nous autres.

M. MORIN: Oui, mais il y a moyen...

M. GARNEAU: Vous dites au Québec. Vous dites au Québec.

M. MORIN: ... d'en faire l'exploitation.

M. GARNEAU: Toute votre argumentation...

M. MORIN: II en est même question en ce moment.

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition vient de faire une argumentation purement politique, ce qu'il a reproché au gouvernement.

M. MORIN: Allons donc!

M. GARNEAU: J'aurais voulu intervenir avant, parce que son intervention de tout à l'heure sentait la politique partisane.

M. MORIN: Intervenez maintenant, mais essayez...

M. GARNEAU: Attendez un peu! M. MORIN: Intervenez... DES VOIX: A l'ordre!

M. BACON: M. le Président, je soulève un point d'ordre. Le chef de l'Opposition...

M. MORIN: ... mais faites-le sur des bases économiques.

M. BACON: A l'ordre!

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît. La parole est au ministre des Finances.

M. GARNEAU: M. le Président, je suis obligé de prendre les mêmes bases que le chef de l'Opposition a prises, c'est-à-dire des bases politiques. J'ai regretté, tout à l'heure, que le débat et les questions s'engagent avant que nous puissions intervenir de ce côté-ci de la table, mais savez-vous que je trouve que cela a du bon sens. Cela a bien du bon sens qu'on ait retardé à intervenir politiquement, parce que les réponses qui ont été données aux questions du chef de l'Opposition et les arguments qui ont été présentés par la suite non pas en réponse, mais plutôt dans un exposé plus général démontrent clairement et d'une façon non équivoque que le projet de la baie James est un projet non seulement que nous avons bien fait de commencer, mais qu'il nous fallait commencer. Le seul reproche, peut-être, qu'on peut faire au gouvernement, c'est de ne pas avoir commencé plus tôt.

Quand je dis que le chef de l'Opposition a fait une intervention purement politique, c'est qu'il a tracé des hypothèses en prenant des paramètres qui sont complètement en dehors de la situation qu'on connaît.

Lorsqu'il parle de taux d'intérêt à 5 p.c. en 1982, sur quoi se base-t-il pour dire que 5 p.c. en 1982, c'est logique? Je lui répondrai...

M. MORIN: ... 10 p.c.

DES VOIX: A l'ordre !

M. GARNEAU: M. le Président, les 10 p.c. sur lesquels les hypothèses actuelles sont maintenues c'est le taux d'intérêt qui se paie actuellement sur le marché à long terme; ce n'est donc pas de la fantaisie.

Je dirai en plus au chef de l'Opposition que même si son hypothèse de 5 p.c. en 1982 — parce qu'il veut prouver que son parti a fait une bonne chose en s'opposant à la baie James dès le départ. C'est ce qu'il essaie de prouver, par après, qu'à ce moment-là la décision était bonne. Si c'est vrai ce que le député de Sauvé nous raconte, s'il arrivait que c'était vrai ou que nos experts financiers nous conseillent en 1978 en disant qu'en 1982 ce que prétendait le député de Sauvé sera vrai, qu'est-ce qui nous empêcherait de faire des émissions d'intérêt de 5, 6, 7 ans qui nous permettraient de refinancer, à ce moment-là, au taux d'intérêt qui prévaudrait au moment où l'hypothèse du chef de l'Opposition se réaliserait?

Toute son argumentation est complètement fallacieuse. Lorsqu'il nous parle, par exemple, plus loin des taux d'inflation que nous connaissons actuellement, il oublie que, quand la décision d'aller dans la baie James a été prise, le taux de l'indice d'inflation à Montréal était de 1.8 p.c; c'était le plus bas qu'on avait eu depuis je ne sais pas combien d'années —antérieurement c'avait été 2.1 p.c. — mais nous étions dans une période de ralentissement économique important.

Ce n'était pas le temps pour le Québec de prendre des options qui auraient favorisé la technique ontarienne ni de prendre des décisions qui auraient favorisé l'entreprise américaine. Dans le cas présent, nous n'étions pas prêts à fournir le pourcentage de valeurs québécoises dans le projet nucléaire comme nous étions prêts à le faire dans le projet hydroélectrique. Avec 1.8 p.c. d'inflation, est-ce qu'on va nous dire qu'on a pris la décision dans le mauvais moment? L'année 1972, 3.8 p.c, qui pouvait déterminer, à ce moment-là, ce qui arriverait? Nous étions dans une période de surplus alimentaires. J'ai eu, comme ministre des Finances, avec le ministre de l'Agriculture, à régler des surplus de poulets, d'oeufs, de porcs et, 18 mois après, nous étions rendus dans une pénurie. Qui pouvait nous dire que nous tomberions à un taux d'inflation en 1973, par rapport à 1972, de 6.7 p.c? Il n'y a pas un chat sur la terre qui aurait pu le dire. Qui pouvait prévoir que les Arabes finiraient par s'unir et augmenter le prix de leur pétrole? Il n'y a pas un chat qui pouvait le dire non plus. Ce qui veut dire qu'au moment où on a pris notre décision, en collaboration avec l'Hydro-Québec, d'aller dans le projet nucléaire, nous n'étions pas dans une période d'inflation. Nous venions d'en laisser une mais nous n'étions pas dans une période où les taux d'intérêt étaient particulièrement élevés. Nous étions, par contre, dans une période de temps où il nous fallait, au Québec, prendre des décisions de développement économique pour créer de l'emploi non seulement au niveau de la main-d'oeuvre ordinaire mais également au niveau de nos spécialités, des ingénieurs, des entrepreneurs, nos entreprises qui font appel à du personnel spécialisé, pour fabriquer ou continuer à fabriquer de l'équipement technique que nous pouvions utiliser dans l'hydroélectrique.

Il y avait également toute cette publicité qui se faisait un peu partout dans le monde contre les dangers de la pollution nucléaire. Des pages d'annonces payées dans les journaux américains demandaient à leur gouvernement de ne pas se lancer dans le nucléaire.

Nous prenons ici au Québec une décision conforme à notre économie, conforme à notre spécialisation technique parce que nous avions du personnel francophone prêt à occuper les fonctions. Nous prenons une décision de nous lancer dans un projet qui allait développer tout un secteur du Québec qui était complètement inexploité; nous allions secourir et appuyer le développement de toute la région de l'Abitibi et on va nous reprocher aujourd'hui, pour de la politique mesquine, M. le Président, d'avoir pris une bonne décision? Le chef de l'Opposition n'y était pas en 1971, il n'y était pas en 1972 non plus; il nous est arrivé en 1973, et je lui dirai que s'il continue dans cette voie, il lui arrivera le même sort qu'à son prédécesseur de l'Opposition officielle...

M. MORIN: Vous ne faites pas de petite politique là, hein?

M. GARNEAU: ... à son poste... M. MORIN: Vous êtes objectif, là.

M. GARNEAU: ... l'ancien médecin, Dr Lau-rin. Il va lui arriver la même affaire; il va lui arriver la même affaire qu'à M. Joron qui était ici à cette commission. Parce que les Québécois ne sont pas des fous, M. le Président.

M. BACON: II ne sera pas sauvé.

M. GARNEAU: Ils ne sont pas des fous.

M. MORIN: Vous ne faites pas de petite politique là, hein?

M. GARNEAU: Ils comprennent fort bien que la décision du gouvernement a été prise dans un temps où il nous fallait agir sur le plan économique; elle a été prise en tenant compte des richesses naturelles qui nous appartenaient et que nous pouvions développer, et aussi elle a été prise dans un temps où il nous fallait créer de l'emploi au Québec. Et j'ajouterai, M. le Président, pour bien montrer que toute l'argumentation du chef de l'Opposition...

M. MORIN: M. le Président...

M. GARNEAU: ... est complètement fausse... Et il le sait à part ça. C'est ça qui m'embête, c'est qu'il le sait. Hier soir, après avoir passé je ne sais combien d'heures à discuter le coût du nucléaire et de l'hydraulique, on apprend, des gens de l'Hydro-Québec — parce que je n'étais pas informé de cette particularité, je savais les coûts, on avait discuté à plusieurs reprises avec les gens de l'Hydro-Québec, ici même à cette commission et ailleurs, dans mes relations avec les gens de l'Hydro-Québec — que même, M. le Président, si on mixait un petit peu moins d'hydraulique et un petit peu plus de nucléaire, on n'est même pas certain d'avoir, de l'Energie atomique du Canada, l'assurance — parce que ça prend quatorze centrales de 750 kW...

M. LESSARD: Mégawatts.

M. GARNEAU: ... excusez, 750 MW pour remplacer la baie James — on n'est même pas sûr...

M. MORIN: On n'a jamais parlé de ça. On vous parle de programmes mixtes.

M. BACON: A l'ordre, M. le Président.

M. MORIN: Parlez-nous de programmes mixtes.

M. GARNEAU: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.

M. GARNEAU: Je ne comprends pas pourquoi le député de Saguenay ne soulève pas le point de règlement quand le député de Sauvé parle.

M. LESSARD: Bien, écoutez, ne me dites pas que vous avez besoin des députés de l'Opposition pour vous défendre?

M. GARNEAU: M. le Président, on parle d'un "mix"...

M. BACON: On n'est pas si faible que ça.

M. GARNEAU: C'est justement de ça que je parlais...

M. MORIN: ... faible.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! L'honorable ministre des Finances.

M. GARNEAU: C'est justement, M. le Président, sur le programme mixte qu'on est...

M. BACON: On n'est pas faible au point d'avoir besoin du député de Saguenay.

M. GARNEAU: ... et c'est de ça que je parlais, parce que c'est un programme mixte que nous avons présentement. Il y a Gentilly 1, Gentilly 2, l'usine d'eau lourde. Mais quand on nous dit d'aller mixer un peu plus, on n'est même pas certain — et ce sont là des propos des gens de l'Hydro-Québec hier et de la Société d'énergie — on n'est même pas certain d'avoir un Gentilly 3 qui pourrait nous être livré ou disponible, en termes d'équipement vers les années 1981 et on nous demande de mixer davantage? C'est être complètement irresponsable et ça fait la preuve, M. le Président, qu'après trois ans de débats, une fois de plus on est revenu sur le coût du nucléaire versus l'hydroélectrique. Et en plus de tous les arguments économiques, les arguments de coûts, on nous arrive avec l'argument que je dirais massue; hier soir je disais, ce n'est pas CANDU, c'est no CANDU, on ne peut pas être assuré d'avoir seulement deux centrales de 750 MW de plus. Comment voulez-vous qu'on mixe davantage, même si toutes les autres conditions étaient égales?

C'est pourquoi je dis que l'argumentation du chef de l'Opposition est politique et tend à démontrer que leurs gestes étaient bons à ce moment-là, la population a jugé, j'imagine, là-dessus comme sur d'autres choses, le 29 octobre dernier. Mais je trouve qu'à partir de maintenant ce n'est plus le temps de se poser cette question, parce que le programme de la baie James est engagé, le programme de la baie James se continuera, que le chef de l'Opposition aime ça ou qu'il n'aime pas ça. Je pense que le Parti libéral, qui forme le gouvernement, a eu l'appui de la population là-dessus. Quant à moi, je ne demanderai certainement pas à l'Hydro-Québec de dépenser des sommes additionnelles pour faire des mixages qui ne seront pas nécessaires dans le cadre de la réalisation de La Grande; peut-être pourra-t-elle en faire lorsque nous arriverons au projet NBR versus du nucléaire additionnel. Je ne sais pas, mais pour La Grande, quant à moi, la décision a été prise. Je soumets que c'a été une bonne décision, compte tenu des éléments que nous avions dans le temps. Je dis que la conjoncture et que les connaissances accumulées qui nous ont été démontrées depuis deux jours prouvent que notre décision était bonne. Je soumets que nous allons continuer dans ce sens, peu importe ce que voudrait nous dire, ce que voudrait nous faire croire le chef de l'Opposition.

J'étais heureux tout à l'heure — d'autant plus heureux que ce n'était pas moi qui l'avait demandé, ni personne de ce côté-ci de la salle — lorsque M. Boyd a souligné qu'en 1967/68 on avait tenté également dans une conférence de faire renverser une décision au sujet de Churchill. Je ne mentionne pas de nom, à savoir qui

a suggéré ça. Peu importe qui ce soit, que ce soit un type qui est membre du Parti québécois maintenant ou qu'il ne le soit pas, ça m'est égal. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est qu'on tente d'appuyer toute cette argumentation aujourd'hui à partir d'une autre conférence. J'espère que les mêmes effets produiront les mêmes résultats, qu'on ira dans l'hydroélectrique et qu'une fois l'hydroélectrique développé on pourra dire encore — et peut-être à ce moment-là on lui écrira, parce que quand la commission siégera il faudra faire transmettre ces documents par écrit à l'actuel chef de l'Opposition — que la décision qui avait été prise en 1971 avait été aussi bonne que celle qui avait été prise en 1966.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE: M. le Président, suite aux excellents commentaires du ministre des Finances, j'aimerais vous confirmer, comme je vous l'ai déjà fait, M. Giroux, que j'ai beaucoup plus confiance à vos spécialistes qu'à ceux du Parti québécois. Le gouvernement a mis sa confiance en l'Hydro-Québec, contrairement à ce que voudrait le Parti québécois. Le chef de l'Opposition peut nous accuser d'avoir fait une erreur. Mais, d'autre part, le gaspillage, s'il avait eu lieu, et ce qui n'aurait pas été dans l'intérêt de la population du Québec à notre avis cela aurait été de prendre la décision, comme vient de le dire le ministre des Finances, d'avoir un programme intensif de nucléaire.

Je ne peux pas poser des questions au chef de l'Opposition, du fait que son intervention était beaucoup plus politique que d'autre. Je voudrais relever sa phrase quand il dit que les coûts du nucléaire, et je le cite, ne peuvent augmenter, mais diminuer. Cela c'est se fouter de la population, c'est de faire de la démagogie pure, M. le Président. C'est...

M. MORIN: On sort du stade expérimental.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. MASSE: M. Boyd, nous dit que tous les experts à travers le monde disent à l'Hydro-Québec et à la Société d'énergie: Aménagez tout votre potentiel hydroélectrique.

On voudrait qu'on prenne des décisions à l'encontre de tous les experts et on voudrait également, suite à cette prise de position en 1971, nous faire payer des sommes supplémentaires à nous, la population du Québec, par un nouveau programme d'équipement nucléaire. Je ne peux pas accepter ça, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Dozois.

M. GIROUX: Avant que M. Dozois dise un mot, je voudrais simplement souligner, avec peut-être un peu d'humour, que je suis très enchanté de voir que les membres du Parti libéral sont devenus des Hydroquébécois. Sans allusion.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Dozois.

M. BACON: On va en reparler de ça.

M. DOZOIS: M. le Président, je n'ai pas participé tellement à ce débat qui, souvent, a porté sur des aspects tellement techniques, mais je me suis demandé si je ne pouvais pas apporter une contribution utile en vous faisant part d'une expérience que j'ai vécue alors que j'occupais les fonctions antérieures à celles que j'occupe présentement. Dans ces fonctions, j'ai eu à participer à la décision de faire ou d'autoriser le contrat avec Churchill Falls.

Je pense que je peux faire part de cette expérience sans violer les secrets ministériels dont je suis le possesseur et que j'ai vécus à cette époque. Lorsque nous avons eu à décider d'opter pour le contrat de Churchill Falls, l'équipe du temps, nous nous sommes posé une foule de questions, également, de façon à être bien sûrs que c'était la meilleure décision. En écoutant, depuis trois jours, le chef de l'Opposition et le député de Saguenay, je puis dire à cette commission que nous aussi, à l'époque, nous nous sommes posé à peu près toute la même kyrielle de questions. Non seulement nous nous posions ces questions, mais nous les posions à l'Hydro-Québec. Nous avons fait le tour d'horizon parce qu'à cette époque le projet de Churchill Falls présentait des difficultés d'un autre ordre pour le gouvernement du temps. C'étaient des difficultés que je pourrais appeler de juridiction provinciale, et nous voulions être bien sûrs, avant de poser un geste dans cette direction, que c'était un geste sage que nous posions.

Avec les gens de l'Hydro-Québec, nous avons fait le tour, n'est-ce pas, de tout le potentiel hydroélectrique qui était dans la province de Québec, de même que du potentiel nucléaire, parce qu'il en était question, en 1967, de construire des usines nucléaires dans la province de Québec.

Nous avons passé en revue les rapides Lachi-ne, entre autres, on n'en a pas parlé, mais il y avait un potentiel, d'après les connaissances que nous avions, nous. Mais ça n'a pas été long que les experts de l'Hydro-Québec nous ont démontré qu'il ne fallait pas songer aux rapides de Lachine.

Nous avons passé en revue la rivière Moisie, la rivière Romaine et toutes ces rivières. Nous avons, à cette époque, demandé des précisions sur le projet de la baie James. Et les études dont nous faisaient part les membres de la commission de l'Hydro-Québec ainsi que les techniciens, à cette époque, le projet de la baie James, étaient rendues à peu près au même stade que

celles des rivières de la Côte-Nord, Moisie, Romaine, etc. Finalement, nous avons pris la décision, parce que les gens de l'Hydro-Québec, avec tous les experts qu'ils ont dans leur organisation, nous ont convaincus, malgré les risques que je signalais tout à l'heure, que c'était vraiment la décision à prendre. Et nous l'avons prise.

Je pense, comme l'a signalé quelqu'un depuis trois jours, que c'est peut-être le contrat le plus avantageux qui ne s'est jamais signé pour la province de Québec. Par après, me voilà au sein de cette organisation qui est l'Hydro-Québec, et je vis depuis cinq ans déjà dans l'intimité de ce groupe. J'ai pu connaître davantage et j'ai eu affaire à discuter avec ces gens. Bien que je ne sois pas un technicien, je veux quand même, avant de prendre une décision, savoir la portée de la décision à laquelle je participe, et je dois vous dire que je ne peux faire autrement que d'avoir confiance en ces gens. Je suis toujours épaté de voir que nous avons, à l'Hydro-Québec, que nous sommes assez heureux de posséder dans notre personnel des gens qui possèdent une telle science, une telle honnêteté de pensée et qui sont capables, à l'occasion, de nous guider et de nous signaler qu'il ne faut pas faire tel pas parce que ça comporterait telle et telle conséquences.

Et de plus, depuis deux ans et demi, j'ai le privilège d'être un des membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la baie James. Je suis en contact avec eux et je suis au courant des décisions qui se prennent toutes les semaines dans cet organisme, et je ne puis faire autrement que de soutenir la position de 1 'Hydro- Québec.

Je suis dégagé, je pense aujourd'hui, des aspects politiques de ces problèmes, et avec les connaissances que j'ai acquises depuis et qui ne sont pas tellement grandes, je l'avoue, dans le domaine technique, mais en me basant sur tous les renseignements qui nous sont fournis par cette armée de techniciens, de cette armée de gens compétents, je n'ai pu faire autrement que d'appuyé et contribué à la prise de cette décision. Merci.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): II est une heure. Est-ce que la commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures?

La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

Reprise de la séance à 15 h 11

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Les membres de la commission sont les mêmes que ce matin.

M. Villeneuve, de l'Hydro-Québec m'a fait mention que le protocole d'entente entre les Richesses naturelles, l'Hydro-Québec et le comité interministériel d'urgence est disponible actuellement à Montréal. Il va le faire parvenir au secrétaire de la commission parlementaire et il sera distribué aux membres de la commission.

M. GIROUX: M. le Président, on est bien positif qu'on doit le faire parvenir au secrétaire de la commission parlementaire, pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté.

M.LESSARD: Cela va. Probablement que cela va être plus sûr. Etant donné que vous avez fait parvenir un certain nombre de documents au président et que nous ne les avons pas reçus dans le passé, ce serait peut-être mieux de les faire parvenir au secrétaire de la commission parlementaire.

M. GIROUX: On en prend note.

LE PRESIDENT (M. Houde): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: J'allais faire une intervention, au moment où nous nous sommes quittés, lors de la suspension d'une heure. Le ministre des Finances a fait, ce matin, ce qu'il me reprochait d'avoir fait, c'est-à-dire qu'il a porté le débat sur le plan strictement politique, j'entends le débat sur la comparaison entre programme nucléaire et programme hydraulique.

Sur ce plan, sur le plan strictement politique, j'avoue qu'il est beaucoup plus compétent que moi et je ne voudrais pas le suivre, en tout cas pas plus loin qu'il ne faut. Bien sûr, il est inévitable que lorsqu'on se penche sur un tel projet, qui est né dans les circonstances qu'on sait, il est inévitable qu'on soit appelé à toucher les aspects politiques. D'ailleurs, il serait bien étonnant qu'on fasse de la politique partout, sauf au Parlement.

Toutefois, j'aurais espéré que le ministre des Finances réponde un peu à mes argumentations d'ordre économique et technique. Je m'étonne, M. le Président — je regrette que le ministre ne soit pas là — de voir le ministre ne poser aucune question à l'Hydro-Québec, de le voir endosser inconditionnellement les hypothèses d'HydroQuébec.

Est-ce que ce n'est pas le rôle du ministre des Finances que de protéger les contribuables? L'augmentation des coûts, la valse des milliards ne l'inquiètent apparemment pas. A moins, évidemment, que l'investissement politique ne soit tel qu'il faille passer sous silence l'investissement économique.

Je dirai au ministre que, nous aussi, nous avons confiance dans l'Hydro-Québec mais c'est également notre tâche d'interroger ces messieurs en vue de la protection des intérêts de la collectivité. Si le gouvernement ne remplit pas ce rôle, s'il accepte, pour ainsi dire sans discussion, tout ce qui lui est soumis au sujet de la baie James notamment, il devient doublement important, essentiel que l'Opposition le fasse à sa place. Nous avons confiance dans l'Hydro-Québec; nous admirons certaines de ses réalisations. Nous savons que c'est une des sociétés les mieux gérées au Québec. Nous nous sommes battus, d'ailleurs, pour la défendre contre la rapacité de tout ce qui grouille et grenouille dans l'entourage du gouvernement. Nous continuerons, d'ailleurs, à le faire, mais que le gouvernement n'essaie pas de nous entraîner dans sa politique de chèque en blanc.

Nos chiffres et nos hypothèses de travail sont différents de ceux de l'Hydro-Québec. Cela ne nous enlève, en aucune façon, la confiance que nous pouvons avoir dans ces messieurs. Mais nous demandons à pouvoir faire bénéfice d'inventaire. Nous demandons à examiner de très près les hypothèses qu'ils nous soumettent.

Aussi, pour clore le débat sur la comparaison entre l'hydraulique et le nucléaire, à moins qu'on ne tienne à le rouvrir, à s'étendre sur la question, je serais très heureux si nous pouvions, comme on nous l'a offert ce matin, rencontrer les experts de l'Hydro-Québec.

M. Giroux, fort aimablement, nous a offert la chose. Rien ne serait plus utile, je pense, au débat en cours qu'une rencontre entre vos experts et nos recherchistes, nos experts à nous.

Dans l'intervalle, cependant, si l'Hydro-Québec voulait bien préparer un ou des programmes mixtes hydrauliques-nucléaires, à l'exclusion de la baie James, je pense que cela faciliterait considérablement le débat, parce que, de toute façon, nous sommes appelés à vous poser cette question dans l'avenir, comme nous l'avons fait jusqu'ici. Vous voulez que nous puissions évaluer correctement la baie James du point de vue des investissements, de la rentabilité, eh bien, donnez-nous des alternatives, des programmes qui, nous le croyons, seraient plus rentables pour les Québécois.

Je sais que cela peut prendre quelque temps, je suis sensible à l'argument que M. De Guise développait ce matin que ça ne se fait pas en quelques semaines. Nous sommes prêts, le cas échéant, à attendre quelques mois. Peut-être qu'on pourrait étudier tout cela à la fin de l'année. En tout cas, il serait bien utile, si vraiment une rencontre entre vos experts et nos recherchistes devait être utile, que nous ayons cette possibilité d'examiner également des programmes mixtes, à l'exclusion de la baie James. Cela contribuerait fortement, M. le Président, à dépolitiser un débat qui l'est sans doute trop. Je vous remercie.

M. GIROUX: M. Morin, si vous permettez, je ne crois pas que vous mettiez en doute mon invitation à dîner, n'est-ce pas?

M. MORIN: Non, non. M. GIROUX: Non, non.

M. MORIN: Je ne parle pas de l'invitation à dîner, ça c'est autre chose, c'est un pari que nous avons fait.

M. GIROUX: Je crois que...

M. MORIN: Je pensais à la rencontre d'experts.

M. GIROUX: ... des rencontres d'experts ou des rencontres, nous avons toujours offert cette chose, mais peut-être pas comme on le fait actuellement. Seulement, dans un point qu'il faudrait garder en vue, dans toutes ces rencontres, toutes les hypothèses qu'on devra analyser, qu'on devra prouver de bonne foi de part et d'autre devront répondre aux exigences de la demande du réseau. C'est la seule condition que, normalement, je me crois forcé d'imposer; c'est qu'on peut avoir toutes sortes d'hypothèses mais, si ça ne respecte pas la demande du réseau, je crois que, encore là, ce seraient des rencontres inutiles. Si on était d'accord...

M. MORIN: Oui.

M. GIROUX: ... qu'il faut respecter telle charge en telle année, il y a plusieurs façons de le faire, j'admets ce principe, nous sommes prêts à regarder ces choses; seulement, il faut que ces possibilités puissent satisfaire les demandes du réseau.

M. MORIN: Bien. M. le Président de l'Hydro-Québec, est-ce que vous admettriez tout de même que nous puissions réexaminer avec vous la demande année après année et à l'aide de tous les chiffres que vous pourriez aligner?

M. GIROUX: Oui.

M. MORIN: Vous n'êtes pas en train de nous demander d'accepter comme parole d'évangile la demande telle que vous l'évaluez?

M. GIROUX: D'ailleurs, je n'ai jamais demandé d'accepter quoi que ce soit comme parole d'évangile.

M. MORIN: Non.

M. GIROUX: La différence, quand je prends notre expérience sur la demande, provient d'une expérience statistique prouvée par des bilans et non pas des hypothèses. Alors, pour autant qu'on s'en tient aux demandes du réseau — naturellement il peut y avoir des erreurs dans

les demandes du réseau — on est objectif dans des possibilités financières comme les taux d'intérêt.

Tout est relatif. Si quelqu'un veut faire des calculs et se servir de 5 p.c, remarquez que je ne suis pas contre, parce que c'est beaucoup plus facile pour nous, si le taux est à 5 p.c, d'emprunter à 5 p.c. Ce que je mets en doute, ce sont les affirmations que ça ne peut pas compter dans le nucléaire, que ça ne peut pas changer puisque le taux d'intérêt ne peut pas baisser.

Je le souhaite, remarquez bien; je suis le premier à en bénéficier, mais j'exprime un doute.

M. MORIN: Oui, c'est-à-dire que ce sont des hypothèses de travail.

M. GIROUX: Oui, oui.

M. MORIN: Et si nous pouvions les examiner ensemble, je pense que ce serait profitable pour tout le monde.

M. GIROUX: Je n'ai pas d'objection, naturellement, et je comprends qu'il y a certains travaux de la Chambre qui vont presser d'ici...

M. MORIN: Oui, d'ici quelques semaines...

M. GIROUX: En tout cas vous devriez être libre autour de la fête du travail?

M. MORIN: Peut-être, cela pourrait aller jusqu'au 15 octobre.

M. GIROUX: Disons qu'on pourra regarder ces choses-là à la fête du travail, en comité privé, et avant s'il y a moyen de le faire.

M. MORIN: Bien, je remercie le président de l'Hydro-Québec. Peut-être conviendrait-il, M. le Président, que nous passions au financement des projets de la baie James, si vous le voulez bien?

M. GIROUX: Cela va.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je pense qu'il est extrêmement important de parler du financement de ce projet, parce que si le projet de Churchill a été un projet de $1 milliard quand on a commencé, je pense, en 1969, ce projet est maintenant rendu à $12 milliards. Je pense qu'il est extrêmement important, justement, de savoir de quelle façon l'Hydro-Québec entend financer ce projet. Avant de m'engager directement dans cette discussion, j'aimerais poser quelques questions préliminaires.

D'abord, dans le discours du budget de 1974/75, que prononçait le ministre des Finan- ces, il était annoncé que l'Hydro-Québec allait devoir emprunter, au cours de la présente année, $550 millions. J'aimerais savoir d'abord dans quelle proportion ce programme est réalisé actuellement.

M. GIROUX: Vous allez savoir ça. Voulez-vous qu'on réponde au fur et à mesure?

M. LESSARD: Oui, d'accord.

M. GIROUX: II faut comprendre que les réponses d'Hydro-Québec seront pour l'année de calendrier, n'est-ce pas? Nous n'avons pas la même année que la province. Est-ce clair, M. Lessard?

M. LESSARD: Oui, d'accord. Alors, votre calendrier est du...

M. GIROUX: Du 1er janvier au 31 décembre.

M. LESSARD: De janvier à janvier, contrairement à avril à avril. D'accord.

M. GIROUX: Alors, nous avons $270 millions de complétés et nous avons été en enregistrement hier ou mercredi à New York pour $150 millions.

M. LESSARD: Vous avez actuellement $270 millions de complétés et $150 millions...

M. GIROUX: D'enregistrés.

M. LESSARD: ... d'enregistrés. Maintenant, est-ce que vous pourriez nous dire, M. Giroux, la répartition de ces montants à la fois sur le marché canadien et sur le marché américain?

M. GIROUX: Oui.

M. LESSARD: Combien ont été vendus sur le marché canadien, et peut-être avez-vous les trois? Peut-être avez-vous les chiffres à l'intérieur du Québec, à l'extérieur du Québec, soit le reste du Canada, et aux Etats-Unis.

M. GIROUX: Malheureusement, en ce qui nous concerne financièrement, le Québec est dans le Canada. Nous n'avons pas de statistiques positives sur les provinces extérieures. Ce qu'on donne, c'est au Canada et aux Etats-Unis.

M. LEMIEUX: Lemieux, de l'Hydro-Québec. Jusqu'à maintenant, nous avons emprunté $125 millions aux Etats-Unis, $30 millions en Allemagne, et $115 millions au Canada, c'est-à-dire $30 millions en eurodollars et $115 millions au Canada, pour un total de $270 millions. On s'est enregistré hier à Washington à la Securies and Exchange Commission, et on s'attend à négocier un emprunt de $150 millions à New York vers le 17 juillet, ce qui ferait des emprunts totaux de $420 millions sur notre

programme de $550 millions. Cela, rendu vers le milieu de juillet, avec encore cinq mois et demi à faire dans l'année.

M. LESSARD: Est-ce que vous pouvez nous dire quel a été le taux moyen d'intérêt de ces émissions?

M. LEMIEUX: L'emprunt du mois de janvier à New York pour $125 millions était 8.38, c'est-à-dire le coût de l'émission.

C'était 8.38; en eurodollars 8.80; et au Canada, 10.01 p.c.

M. ROY: Est-ce que ces taux incluent également les frais de courtage?

M. LEMIEUX: Oui, c'est le coût. Par exemple, à New York, le rendement pour l'acheteur était 8.30. Parce que, là-bas, nous payons une commission de .78 p.c, c'est-à-dire sept huitièmes de 1 p.c, le coût total de l'émission était de 8.38 p.c. pour une période de 30 ans.

M. ROY: Puis, l'émission sur laquelle vous venez de vous enregistrer aux Etats-Unis, est-ce que vous avez des renseignements à nous fournir à ce sujet-là ou si ce n'est pas définitif quant à ce qui a trait au taux d'intérêt, d'une part, et, deuxièmement, en ce qui a trait à la durée de l'emprunt?

M. LEMIEUX: Etant donné que nous allons négocier cet emprunt dans deux semaines, il ne serait pas sage d'avertir les prêteurs du taux que nous attendons payer.

M. ROY: Actuellement, il y a seulement un dépôt, une demande faite. Autrement dit, les négociations ne sont pas complétées?

M. LEMIEUX: D'accord.

M. ROY: Maintenant, dans votre prospectus, est-ce que vous avez une date d'échéance définitive ou bien si elle est à discuter?

M. LEMIEUX: C'est une émission de 30 ans.

M. ROY: C'est une émission de 30 ans, définitive.

M. LESSARD: Maintenant, lors de la commission parlementaire en 1971, au cours de laquelle nous avons eu l'occasion d'étudier le premier projet de la baie James, soit le projet NBR équivalant à $4.1 milliards et non pas, comme je l'avais fait dire, à un moment donné, à M. Boyd, à $6.1 milliards, le président de 1'Hydro-Québec nous avait soumis un programme d'emprunt jusqu'en 1972. J'estime, étant donné que nous avons maintenant un projet qui est au moins trois fois supérieur à celui qui était prévu en 1971, que des prévisions ont dû être faites par l'Hydro-Québec pour estimer l'ordre des emprunts au cours des années à venir. Puisque M. Giroux nous avait donné ces chiffres en 1971, est-ce que vous avez des estimations pour 1974, 1975, 1976, 1977, etc., jusqu'en 1980, puisque ça devrait être la fin du projet de La Grande.

Est-ce que vous pourriez nous donner ces chiffres, année par année? Ces estimations, dis-je, parce que je pense qu'on ne peut pas en arriver à des chiffres qui sont complètement exacts.

M. LEMIEUX: Les prévisions que nous faisons, ce sont des prévisions de cinq ans pour nos emprunts. Pour vous indiquer l'ordre de grandeur, je pourrais dire que, pour 1975, ce serait environ...

M. GIROUX: Ce que je veux corriger ici, dans votre allégué ce ne sont pas des emprunts pour la baie James. Ce sont les emprunts totaux...

UNE VOIX: Oui.

M. GIROUX: ... de l'Hydro-Québec...

M. LESSARD: C'est ça.

M. GIROUX: ... pour toutes ses demandes.

M. LESSARD: C'est ça.

M. ROY: Totaux, en incluant les emprunts...

M. GIROUX: Avec tout.

M. ROY: ... qui seront consacrés à la baie James.

M. GIROUX: Pour la baie James. M. ROY: Les emprunts globaux. M. GIROUX: Globaux. M. ROY: D'accord. M. LESSARD: C'est ça.

M. LEMIEUX: Les besoins d'emprunt globaux d'ordre général pour l'Hydro-Québec, y compris le projet de la baie James, pour 1975, c'est $800 millions; pour 1976, c'est $950 millions; pour 1977, c'est $1,350,000,000 et, pour 1978, c'est $1,450,000,000.

M. LESSARD: $1,450,000,000.

M. ROY: Vous n'avez pas de chiffre à nous fournir pour ce qui a trait à 1979, 1980, 1981.

M. LEMIEUX: Non, c'est surtout le programme détaillé de l'Hydro-Québec qui n'a pas été fixé pour ces années.

M. ROY: Oui, je comprends bien. Un point, si on me permet. Il y a quand même une planification de faite concernant les investissements que l'Hydro-Québec devra faire pour ce qui a trait au développement de la baie James. Or, j'imagine que l'Hydro-Québec, avec ses spécialistes, a certainement étudié les moyens et le programme des emprunts pour financer ce projet. Lorsqu'une industrie ou une entreprise se lance dans des programmes d'envergure, le financement est toujours considéré parmi les choses propritaires.

Alors, c'est la raison pour laquelle j'estime qu'il serait plus que normal que nous puissions avoir l'ordre de grandeur et savoir quelles sont les prévisions que l'Hydro-Québec a faite comme telles lorsqu'il s'agit d'emprunter pour les années 1979, 1980, 1981 et 1982, jusqu'à ce que le programme de la baie James soit complété, compte tenu des autres investissements qui sont faits ailleurs également parce que, depuis deux jours, on parle des investissements que l'Hydro-Québec fait partout.

M. LESSARD: Je pense que c'est d'autant plus important que le maximum des emprunts devra être fait au cours des années 1979 et 1980, parce que vous êtes à la fin de vos travaux.

M. LEMIEUX: A ce sujet, j'aimerais commenter, par exemple, le financement du projet Churchill. Churchill était une centrale construite sur une période de sept ou huit ans. C'était le seul projet d'une compagnie. Cette compagnie avait des contrats avec Hydro-Québec pour l'achat de l'énergie. Hydro-Québec avait en plus fourni des garanties disant que si Churchill manquait d'argent pour compléter le projet, elle prêterait les fonds.

Même avec cela, le financement a été effectué seulement le jour même où on a signé le contrat d'achat. A ce moment-là, on pouvait prévoir des emprunts de $500 millions aux Etats-Unis, de $40 millions au Canada, de $100 millions de la part de l'Hydro-Québec, ainsi que des emprunts de banque temporaires qui étaient déjà engagés par des banques canadiennes et pour des fonds que la compagnie toucherait au fur et à mesure de ses besoins. Enfin, la compagnie prévoyait un certain revenu annuel à partir du moment où la centrale commencerait à fonctionner.

C'était bien beau de pouvoir dire à l'avance qu'un projet de $950 millions environ était financé. Les gens de Churchill n'avaient pas la possibilité de faire leurs emprunts sans toutes les garanties, c'est-à-dire le contrat d'énergie avec Hydro-Québec, toutes ces autres choses-là. Pour eux, ce n'était pas pensable. Ils n'en avaient pas la possibilité.

A mon point de vue, il n'est pas pensable pour nous de prévoir dès le début du projet d'où viendra exactement tout l'argent. Dans le cas de Churchill, on savait jusqu'au dernier cent d'où cela viendrait. Les prêteurs savaient aussi que si cela prenait d'autres fonds, HydroQuébec les fournirait. Dans le cas d'un projet de $10 milliards, il n'y a personne qui peut donner la garantie que si cela augmente de $1 milliard, ils vont fournir.

Etant donné que les emprunts de HydroQuébec sont effectués au fur et à mesure de ses besoins, étant donné que la province garantit les obligations de l'Hydro-Québec, étant donné que l'Hydro-Québec a un avoir propre et un certain taux d'autofinancement, devant tous ces faits, on peut commencer le programme avec assez de confiance qu'on pourra effectuer les emprunts pour compléter le projet.

Maintenant, les emprunts que nous avons effectués depuis plusieurs années sont des emprunts à long terme, c'est-à-dire des emprunts de 25 ans au Canada, de 30 ans aux Etats-Unis, et nous avons utilisé ces marchés depuis plusieurs années, uniquement. En plus d'emprunts à long terme, 25 ans et 30 ans, il y a aussi des emprunts de dix ans que nous pouvons effectuer.

Même dans le moment, il y a toujours beaucoup plus d'argent disponible avec une échéance de 10 ans ou avec des échéances moins longues.

Il y aurait aussi des emprunts bancaires qui nous permettraient de passer les pointes de nos programmes, c'est-à-dire des emprunts bancaires d'une durée de trois ou quatre ans et même jusqu'à dix ans.

Ce qui veut dire que le financement du projet de la baie James sera fait à même différentes sortes d'obligations, des obligations de différentes durées, à même différents marchés financiers, c'est-à-dire les marchés du Canada, des Etats-Unis, en eurodollars, en francs suisses, en deutschemarks, possiblement au Japon, bien que dans le moment certains de ces marchés ne sont pas favorables; il cesse toujours de pleuvoir, et nous croyons qu'éventuellement ils seront disponibles pour nous.

M. ROY: M. le Président, je comprends qu'il y a toute la question des variantes, des différentes formes d'obligations, des différentes échéances, des différents marchés. Ma question n'était pas là, je voulais savoir comment l'Hydro-Québec — puisqu'elle se lance dans un projet d'une aussi grande envergure et parle de $12 milliards — prévoyait-elle le financer et quelle était l'échéance de ses emprunts. J'estime que, si vous avez planifié au niveau de la construction, vous avez certainement dû planifier au niveau des emprunts pour le financement.

Que les obligations soient de dix, quinze ou vingt ans, ça a peu d'importance. Je veux savoir, en l'année 1979, 1980, 1981, 1982, ce que l'Hydro-Québec a prévu comme emprunts globaux, comme masse globale d'emprunts. Jusqu'à présent vous nous avez parlé d'un projet qui pouvait aller jusqu'à $12 milliards. Si on parle d'un taux d'inflation de 5 1/2 p.c. avec un

taux d'intérêt moyen de 9 1/2 p.c, nous arrivons à $10.9 milliards selon les chiffres qui nous ont été fournis. Jusqu'à présent, vous nous avez livré le programme prévu au niveau des emprunts pour 1975, 1976, 1977, 1978, de $4.55 milliards. Si on ajoute les $550 millions du programme de cette année, ça fait, en quelque sorte, $5.1 milliards alors qu'il y a autre chose à financer au niveau de l'Hydro-Québec, il n'y a pas que la baie James. Cela veut dire qu'il reste de $7 milliards à $8 milliards grosso modo pour financer uniquement le projet de développement de la baie James. Je veux connaître l'ordre de grandeur de la masse globale des emprunts qui sont prévus, peu importe le marché, la durée des obligations, pour chacune des années jusqu'à ce que le projet soit complété. Il y a d'autres questions qui sont importantes à discuter, qui vont venir à la suite de celle-là.

M. GIROUX: M. Roy, vous venez de donner vous-même la réponse; vous dites qu'il y a une masse de $7 milliards. Elle peut être étendue sur cinq ans, ce qui fait en moyenne $1.4 milliard par année. Il a été annoncé tantôt qu'en 1978 il y avait $1.480 milliard; en 1979, ça peut être $1.6 milliard. Les programmes sont faits pour cinq ans. Si d'ici cinq ans il s'avérait des changements dans les programmes, tel qu'il a été suggéré par les membres d'examiner cette chose, ils peuvent changer.

Mais il n'y a pas l'ombre d'un doute que le financement, si vous voulez le prendre d'une façon globale, ce qu'on ne fait jamais pour une période donnée parce que plus loin que cinq ans, c'est difficile. Mais globalement, il y aura $7 milliards à emprunter sur une période de cinq ans, qui variera de $1.4 milliard en moyenne par année ou $1.5 milliard.

M. ROY: Bon, mais l'Hydro-Québec a également d'autres besoins ailleurs.

M. GIROUX: Cela comprend les besoins de l'Hydro-Québec.

M. ROY: Si je prends les $5 milliards dont on vient de nous parler, plus les $7 milliards, j'arrive à $12 milliards, et ça comprend uniquement le projet de la baie James...

M. GIROUX: Le projet de la baie James ne finit pas en 1982. Il y a de l'autofinancement à faire; ordinairement, on va jusqu'à 20 p.c. en autofinancement. La question, si je la comprends bien, a été posée: Combien allez-vous emprunter sur une période donnée? On dit: Nos programmes comprennent une période logique de cinq ans. Maintenant, on sait qu'il y aura à emprunter à peu près $7 milliards après, dans la différence des choses, qui peut varier à peu près de $1.4 milliard par année. A cela, s'ajoutent l'autofinancement et les changements de programmes qui peuvent venir.

M. ROY: Cela veut dire que ça peut aller à $1,750,000,000 par année, d'emprunt? Pendant ces années, de 1979 jusqu'aux années 80...

M. GIROUX: J'espère que non, mais ça pourrait arriver. Mais si ça allait à $1,750,000,000 une année, on bénéficierait d'emprunts moindres l'année suivante. Mais vous dire que ça ne peut pas aller, ce ne serait pas une façon logique. C'est pourquoi on nous demande toujours de faire des programmes d'emprunts qui couvrent une période de cinq ans. Sur ces programmes, on est pas mal positifs du montant d'emprunt. Le montant peut être comblé, comme, dans ces années, les différences vont être comblées par l'autofinancement.

M. ROY: Mais là quelle est la proportion à peu près? Est-ce que vous avez des estimations de faites...

M. GIROUX: De l'autofinancement?

M. ROY: ... de l'autofinancement par rapport à l'investissement global?

M. GIROUX: L'autofinancement, si vous voulez, pour les trois années précédentes, elle a été, en 1971, de 28.1; en 1972, 23.2; en 1973, 11.2. On avait beaucoup de titres qui sont venus à échéance cette année-là, alors l'autofinancement, automatiquement, est moins fort. Les titres deviennent dus. En 1974, il était à 12.7; dans vos prévisions, en 1975, c'est 16.5, 23.7, 23.6, 28.1.

M. ROY: Cela, dans la proportion de l'autofinancement dont vous parlez, c'est là qu'on arrive avec la nouvelle à l'effet que l'Hydro-Québec se verrait dans l'obligation d'augmenter ses taux d'électricité de 10 p.c. par année. C'est un peu pour avoir plus de fonds pour continuer la politique d'autofinancement.

M. GIROUX: Cela c'est...

M. ROY: Parce qu'en somme, si vous avez plus de revenus, l'autofinancement est plus facile à faire que si vous avez moins de revenus, c'est automatique.

M. GIROUX: Ecoutez, ce que vous dites là c'est une vérité, sauf qu'il y a des vérités qui, souvent, sont justifiées par des besoins. Le besoin dans ce cas, si vous voulez, pour financer des masses comme ça, il faut conserver la même marge de crédit et la même marge de crédibilité devant nos prêteurs dans le monde entier.

M. LESSARD: Quel est le ratio?

M. GIROUX: Le ratio de couverture d'intérêt est de 1.25 à 1.35, et dans l'autofinancement ou dans notre capital, si vous voulez, il a toujours varié autour de 20 p.c. jusqu'à 25, 30;

il y a des années où c'est plus, d'autres où c'est moins. Dans le ratio de ces calculs qu'on vous a donnés, on aura, en 1974, 1.22 la couverture d'intérêt; en 1975, 1.25; en 1976, 1.25; on a essayé d'aller au minimum.

M. ROY: Est-ce qu'on pourrait — je fais une parenthèse en passant — avoir une copie? Est-ce que c'est possible d'avoir une copie du document que vous avez?

M. GIROUX: C'est-à-dire ça c'est un document de travail, mais on pourra vous faire des copies de tout ce qui a été dit aujourd'hui et établi sur des chiffres comme ça.

M. ROY: D'accord.

M. GIROUX: Est-ce que je peux m'informer à qui on doit les faires parvenir?

M. ROY: Puisqu'on est...

M. GIROUX: Ce serait prudent, n'est-ce pas?

M. ROY: Oui.

M. GIROUX: A vous?

M. ROY: Oui, oui, vous pouvez m'en faire parvenir et vous pouvez être assuré que je vais en prendre bien soin.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député...

M. ROY: Si on permet, sur le même sujet, je continue toujours. Puisqu'on parle de financement de près de $1 milliard pour l'année 1976, c'est-à-dire dans deux ans, et qui va dépasser $1.3 milliard vers l'année 1977, j'aimerais savoir si l'Hydro-Québec a eu des discussions à ce sujet avec le ministère des Finances de la province.

J'ai remarqué qu'il était à la commission; il n'y est pas. Est-ce que des études ont été faites avec le ministère des Finances pour savoir quelle est la proportion de ces emprunts qui peut être absorbée par le marché canadien et quelle sera la proportion de ces emprunts pour laquelle on devra avoir recours aux marchés étrangers, particulièrement aux Etats-Unis?

M. GIROUX: On devra normalement, avec l'expansion monétaire, comprendre à peu près les mêmes pourcentages dont on s'est servi habituellement. Maintenant, plus l'expansion monétaire est grande et plus l'inflation est grande, plus le marché américain s'ouvre en proportion par rapport au marché canadien.

M. ROY: Plus on crée de servitudes avec les Etats-Unis, plus on a de capitaux qui ressortent sous forme d'intérêts chaque année aussi; ça vient jouer, cela aussi.

M. GIROUX: C'est une servitude bienheureuse, parce que, n'est-ce pas, plus vous avez...

M. ROY: Je m'excuse, M. Giroux, bienheureuse pour les Américains.

M. GIROUX: Non, non, plus on peut se servir de leurs fonds pour développer nos choses en payant un intérêt... Ce n'est pas comme vendre du capital. Alors, comme principe financier, vous savez, le plus vous pouvez emprunter sans émettre de capital, le mieux vous êtes.

M. ROY: Oui, mais il y a un autre facteur qui joue, à ce moment-là. Si on emprunte $10 milliards des Etats-Unis, à 10 p.c. d'intérêt sur 30 ans, on va leur retourner $40 milliards.

M. GIROUX: Oui, je comprends que vous voulez venir à une question qui est un peu...

M. ROY: Je ne veux pas venir du tout. Non, je veux m'opposer à cela.

M. GIROUX: Je veux seulement, sur ce point-là...

M. ROY: Je veux vous le faire dire, parce que j'ai l'impression qu'on est en train de se payer une baie James au Québec, puisqu'on est en train d'en payer trois aux Américains.

M. GIROUX: Non. M. Roy, pour être pratique là-dedans, un jour vous réussissez à nous prêter de l'argent sans intérêt — je vous l'ai toujours dit — vous seriez des plus bienvenus.

Si on peut avoir un jour un gouvernement qui nous prêterait de l'argent moins cher que le marché, c'est beaucoup moins de troubles pour nous. Seulement, le point où il faut bien faire la différence, c'est que, lorsqu'on emprunte, le prêt n'est fait que sur une question de confiance. Le prêteur ne devient ni propriétaire ni actionnaire. Il y a une grosse différence.

M. ROY: En toute confiance. C'est le crédit.

M. GIROUX: C'est sur le crédit. Alors, il faut établir les questions de crédit sur des bases solides. La politique que nous avons toujours eue, c'est d'essayer d'avoir un crédit solide pour que les gens qui sont étrangers nous prêtent. Je ne voudrais pas qu'on pense que l'emprunt qu'on fait à l'extérieur rend l'étranger propriétaire.

M. ROY: Je m'excuse là, mais il y a quand même un autre facteur. Je ne veux pas faire un débat sur les grands principes d'économie politique, ce n'est pas cela, mais je pense qu'il y a une chose sur laquelle on doit s'interroger. Je comprends que c'est beaucoup plus la responsabilité du ministre des Finances de la province que ça peut être la responsabilité de l'Hydro-Québec. L'Hydro-Québec, quand même, a ses

responsabilités, le ministère des Finances en a d'autres.

Il y a, quand même, un fait, c'est que la balance des paiements doit s'équilibrer, à un moment donné. Lorsqu'on a à débourser des capitaux à l'étranger, on assiste à une diminution de la masse monétaire inévitablement, parce qu'il faut les sortir, les capitaux. Alors, il faut combler par quelque chose et, si on ne peut pas payer les intérêts avec du capital, il faut quand même combler par des transferts de titres de propriété, à un moment donné. Du moins, c'est ce qu'on enseigne en économie politique; la balance des paiements doit se payer et c'est là que je m'interroge, M. le Président, et c'est là que je suis inquiet.

Nous savons que nous avons besoin d'électricité au Québec, mais ce que je suis en train de me demander, c'est pendant combien de temps on pourra continuer à endetter les Québécois de cette façon. En effet, si on additionne les emprunts de l'Hydro-Québec au cours des dix prochaines années, avec les emprunts du gouvernement de la province, on va constater que la province va s'endetter, au niveau du gouvernement, ainsi qu'au niveau de l'Hydro-Québec, de plus de $2 milliards par année, ce qui représente au-delà de $300 par citoyen du berceau à la tombe.

Alors, à $300 par année, pendant combien d'années pouvons-nous tenir le coup? Moi, c'est une question que je pose ici, beaucoup plus au gouvernement actuel qu'à l'Hydro-Québec. Pendant combien d'années pourrons-nous tenir le coup, sans que nous soyons obligés, pour payer ces dettes, de transférer ce qui nous reste d'entreprises de la province de Québec, qui ne sont déjà pas contrôlées par les Américains? Il y a peut-être le taux d'inflation, à l'heure actuelle, qui vient influencer en quelque sorte, mais est-ce qu'on peut logiquement, sur le simple plan comptable, sur le simple plan administratif, endetter une population à ce rythme pendant longtemps sans connaître des difficultés épouvantables?

M. GIROUX: Si je comprends bien, M. Roy, vous mettez en question la masse monétaire qui doit être empruntée et qui reflète... Le rôle de l'Hydro-Québec est de fournir de l'électricité. Vous ne mettez pas en jeu le fait qu'on puisse prendre un système ou l'autre. Il y a des systèmes qui, pour une dizaine d'années, empruntent moins et d'autres qui empruntent plus.

Dans notre cas, je peux simplement vous répondre que devant les pronostics de la demande, pour répondre à cette demande en énergie des citoyens canadiens, nous devons, d'une façon ou de l'autre, faire ces dépenses d'investissement. Il s'agit de juger si ces montants sont trop élevés. Est-ce que le gouvernement désire qu'il n'y ait plus aucune expansion, qu'on demande de limiter l'expansion, qu'on demande de limiter la distribution? Pour ce qui est de l'Hydro-Québec — on prend bien un point isolé — celle-ci doit répondre à la demande des Québécois. Pour répondre à cette demande, nous avons nos experts et nous devons faire des investissements qui doivent fournir pour une telle quantité d'électricité annuellement, ce qui, d'un côté ou de l'autre de la médaille, sur une période donnée signifie pour les Québécois des investissements de ce montant ou des coûts directs pour eux.

Le Québécois, il faut bien comprendre que ce qui l'intéresse, c'est le coût du produit fini. Ce n'est pas le montant qu'on dépense dans les cinq premières années ou dans les cinq dernières années. C'est le montant qu'on doit dépenser sur une période de 50 ans pour lui fournir l'électricité à un prix donné. C'est là-dessus que nous basons nos estimations. Si le gouvernement dit: A l'avenir, disons, ne permettez qu'une augmentation de 3 p.c, de 2 p.c. ou de 1 p.c. de la demande, c'est faisable, tout est faisable.

M. ROY: Sur ce point, il y a évidemment la question des emprunts, la question du financement des investissements. C'est une chose, je pense, qu'on ne conteste pas, que personne ne peut contester. C'est nécessaire. Lorsqu'il s'agit d'ajouter à cela une rente annuelle, ce que j'appelle une rente annuelle, c'est-à-dire le taux de l'intérêt qu'on va payer ailleurs à 10 p.c. par année, alors que l'investissement global nécessite des emprunts de $12 milliards, au niveau de la facturation, l'Hydro-Québec sera obligée d'ajouter le paiement des intérêts annuels sur ses emprunts, intérêts qui, s'ils sont d'une moyenne de 10 p.c, seront de l'ordre de $1,200 millions annuellement. Vous êtes d'accord là-dessus?

M. GIROUX: Quel que soit le système qu'on prenne, si on dépense...

M. ROY: Le système d'emprunt. Là, on pourrait parler du mode de financement.

M. GIROUX: Ah!

M. ROY: Je vais revenir sur la question du mode de financement en étudiant vos pouvoirs, et c'est là que j'aurais apprécié avoir le ministre des Finances ici aujourd'hui pour qu'on en discute. Il y a quand même d'autres possibilités qui sont étudiées ailleurs présentement. Si on ajoute $1,200 millions à la facture des consommateurs du Québec, ça veut dire qu'on double, qu'on triple la facture actuelle d'ici les dix prochaines années. D'ici les six ou sept prochaines années, on triple la facture actuelle, uniquement en ajoutant $1,200 millions d'intérêt annuellement.

Les revenus de l'Hydro-Québec, pour cette année, ont été de l'ordre de $638 millions provenant de la vente d'électricité, plus l'électricité excédentaire, ce qui donne, en tout, $654

millions. Si on ajoute à cela $1,200 millions au niveau des intérêts seulement, compte tenu de la masse globale des emprunts qui vont être négociés d'ici à peu près dix ans, ça veut dire qu'il faudra demander au moins $1,900 millions aux contribuables du Québec. A cela, je n'ai pas ajouté le taux de l'inflation due à l'augmentation des salaires, à l'augmentation de l'entretien, à l'augmentation du coût des services, etc. Cela veut dire que dans dix ans, ce qui coûte $100 d'électricité actuellement va dépasser les $400. Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus?

Selon moi, à la suite de ce que vous venez de me dire, après un calcul rapide, ce qui coûte $100 d'électricité aujourd'hui en coûtera $400 dans dix ans.

M. GIROUX: Ecoutez, ça coûterait $400... J'aimerais savoir quelle équation vous prenez pour vous rendre là.

M. ROY: Voici. Si on prend, par exemple, $638 millions, cette année, on va répartir les $638 millions à $100, si vous voulez. Vous ajoutez à cela $1,200 millions d'intérêt qui devront nécessairement être calculés et comptés quelque part et on arrive tout de même à $300 environ. Si vous ajoutez à cela le taux de l'inflation et le taux de l'augmentation des frais de service, compte tenu du taux de l'inflation, à ce moment-là, on dépasse les $300. C'est-à-dire que ça va varier entre $300 et $400 annuellement, ce qui coûte $100 aujourd'hui.

M. GIROUX: Cela veut dire qu'il faut que vous preniez en considération aussi le nombre de kW additionnels qui vont être vendus à tous les ans.

M. ROY: Oui, je comprends qu'il peut y avoir ça qui rentre en ligne de compte, mais j'aimerais qu'on me rassure et qu'on me donne des chiffres, c'est pour ça que je vous questionne.

M. GIROUX: Le point est qu'il faut tout prendre en considération. Prenons de l'énergie qui, graduellement, va connaître une augmentation. Vous avez, tantôt, dit: Bien voici, il va y avoir une augmentation. On dit: Nous, comme on fait des plans de cinq ans, on dit que, pour respecter ces choses, on prévoit qu'il faudra qu'on demande au gouvernement une augmentation annuelle de 10 p.c. environ.

M. LESSARD: Vous ne l'avez pas demandé?

M. GIROUX: Non, non, on ne l'a pas demandé.

M. LESSARD: Avez-vous l'assurance du gouvernement qu'il va vous accorder ces 10 p.c.

M. GIROUX: M. Lessard, je pourrais vous répondre que je ne lui ai pas même parlé.

M. LESSARD: Pas encore.

M. GIROUX: Pas encore, ça viendra.

M. ROY: Prenons votre calcul de 10 p.c. annuellement, j'ai fait un calcul ici; si on part avec $100 en 1974, on arrive tout de même à $259.34 en 1985.

M. GIROUX: Mais là vous prenez 1985, moi j'ai dit cinq ans. Si vous faites une extrapolla-tion de cette chose et vous le montrez en chiffres directs, oui. Seulement il faut prendre en considération le nombre de nouveaux kW, le nombre de personnes et toutes ces choses dont il faudra faire l'extrapollation aussi.

M. ROY: Mais là c'est uniquement sur l'augmentation de 10 p.c. annuellement.

M. GIROUX: Oui.

M. ROY: Je n'ai pas fait l'extrapolation sur d'autres domaines.

M. GIROUX: Non, non, mais sur la ...

M. ROY: Si on fait l'extrapolation sur un autre domaine, si on considère la masse globale des revenus dont l'Hydro-Québec devra disposer ainsi que la Société de la baie James, on arrive évidemment à une somme annuelle de plus de $2 milliards ou à peu près $2.3 milliards ou $2.4 milliards. Il est évident qu'à ce moment on arrive à $350 ou $375 par rapport aux $100 d'aujourd'hui.

M. GIROUX: Je comprends très bien, M. Roy, c'est à mon sens très clair. Quand on dit qu'il faut avoir comme base d'augmenter de 10 p.c. par année pour les cinq prochaines années, si vous l'extrapolez pour 15 ans, ça arrive à ce montant. Si vous l'extrapolez pour 50 ans, ça va arriver en extrapolation mais il faut extrapoler tout le reste aussi. Cela veut dire que là il faudrait arrêter totalement la consommation aux chiffres qu'on a actuellement pour arriver à une extrapolation pure sur la dépense. Alors les deux vont être proportionnés.

Maintenant, de penser que cela peut devenir meilleur marché, non, mais aller jusqu'à ce point, je ne crois pas que c'est un travail qui peut être fait. Je ne crois pas qu'on l'ait fait. Seulement, on dit ceci: Pour respecter le programme d'emprunt que nous avons, pour conserver les mêmes marges de crédit, pour avoir la même acceptation sur les marchés, nous disons à la commission que nos prévisions sont qu'il faudra augmenter les tarifs de 10 p.c. par année pour les cinq prochaines années. Cela est ma conviction.

Maintenant, si le gouvernement nous dit: Non, vous ne montez pas les tarifs, on va dire: On n'augmentera pas les tarifs. A ce moment-là, le type nous dit : Je ne vous prête pas parce que vous ne respectez pas ça. Le taux là, même en

extrapolation pure, sans me servir de vos chiffres, c'est qu'au lieu d'être $300 il deviendra $600 parce qu'on va payer 21 1/2 p.c. d'intérêt au lieu de 10 p.c. C'est ce que les gens en Angleterre paient dans le moment.

M. LESSARD: On n'est pas inquiet pour ça, on sait que vous êtes plus forts que le gouvernement.

M. GIROUX: Pardon?

M. LESSARD: On sait que vous êtes plus forts que le gouvernement actuellement avec $12 milliards; on a un budget de $6 milliards, vous êtes plus forts que le gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE: M. le Président ce n'est pas ce que le député de Saguenay disait hier, c'était l'inverse. On disait plutôt ce matin que c'était le gouvernement qui avait imposé à l'Hydro-Québec une décision, alors que cet après-midi vous dites le contraire. Vous dites ce qui fait votre affaire.

M. LESSARD: Qu'il avait imposé lors d'une grande assemblée politique.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. MASSE: Vous vous contredisez de temps en temps. Mais pour revenir à la question du député de Beauce-Sud...

M. LESSARD: C'est moi qui avais la parole au début, M. le Président.

M. MASSE: Non, mais juste pour enchaîner, excusez-moi...

M. LESSARD: Dormez-vous comme président ou si vous êtes réveillé?

M. MASSE: Est-ce que le député...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je vais vous rappeler à l'ordre, M. le député de Saguenay.

M. LESSARD: Rappelez-moi à l'ordre, M. le Président. J'ai passé la parole au député de Beauce-Sud vous m'avez donné la parole au début.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.

M. LESSARD: Je constate que...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Mais il y a d'autres membres ici actuellement qui m'ont demandé la parole aussi.

M. LESSARD: Vous dormez très souvent lorsque vous siégez comme président.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. MASSE: S'il vous plaît. M. LESSARD: ...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre !

M. MASSE: S'il vous plaît, le député de Saguenay. Est-ce que le député de Saguenay me permet d'enchaîner dans la même voie que le député de Beauce-Sud?

M. Boyd disait, je pense, hier, qu'il y a une vingtaine d'années il était énorme pour l'Hy-dro-Québec d'emprunter $25 millions tous les deux ans ou à peu près. Evidemment, les revenus, à ce moment-là, étaient en proportion des emprunts que l'Hydro-Québec effectuait. D'autre part, si, cette année, on emprunte $500 millions ou au-delà et que les revenus sont en proportion, il faudra évidemment, je pense, que le raisonnement du député de Beauce-Sud soit replacé dans son contexte. On ne peut pas dire que, dans quelques années, les $100 actuels seront augmentés à $400. Evidemment, il y a les taux d'inflation, mais il y a aussi les proportions des emprunts versus les revenus.

Est-ce que vous pourriez répondre à la question suivante? Si on se reporte à il y a 20 ans, par exemple, est-ce que les proportions des emprunts par rapport aux revenus étaient à peu près les mêmes qu'aujourd'hui?

M. ROY: Est-ce que le ministre veut retourner en arrière, à la chandelle? Non.

M. MASSE: Non, non, c'est pour faire une prévision par la suite.

M. ROY: II y a 20 ans, il y avait encore des chandelles.

M. MASSE: Peut-être chez vous.

M. ROY: Non.

M. BACON: Ce n'est sûrement pas...

M. ROY: La Beauce a eu un des premiers "pouvoirs" hydroélectriques de la province de Québec, pour votre information.

M. MASSE: Felicitation, grâce à l'Hydro-Québec.

M. ROY: Non. Ce n'était pas l'Hydro-Qué-bec; c'était avant que l'Hydro-Québec soit fondée. C'était l'entreprise privée.

M. MASSE: En quelle année? En quelle année, vous n'étiez pas au monde?

M. ROY: C'est au début du siècle, très au début du siècle.

M. MASSE: Ah oui! Cela va passer à l'histoire.

M. ROY: Oui, monsieur.

M. BACON: M. le Président, est-ce que...

M. ROY: D'ailleurs, on est passé à l'histoire déjà, depuis fort longtemps.

M. BACON: Pas de "joke", je ne suis jamais capable d'avoir la parole...

M. MASSE: Je pense à La Chaudière. M. BACON: ... soit en Chambre, soit ici.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Voici. Le ministre a posé une question. A ce moment-là, j'attends la réponse des membres de l'Hydro-Québec.

M. LESSARD: Enfin, il prend une décision.

M. BACON: Je suis encore bien plus malheureux que le député de Saguenay; je ne peux jamais parler.

M. LESSARD: Non, mais j'ai commencé à parler et on m'a enlevé la parole.

Ah non, ce n'était pas ça du tout qui était entendu. M. le Président n'en a pas eu connaissance.

M. GIROUX: Alors, je crois, M. le ministre, qu'on a une courbe qui ne va pas beaucoup avant les emprunts massifs qui ont commencé en 1953/54. Alors, M. Lafond va expliquer la chose.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.

M. LAFOND: Georges Lafond. Comme M. Lemieux le disait tantôt, jusqu'à présent, en 1974, les emprunts effectués et livrés sont de $270 millions et on en avait annoncé de $150 millions, pour un total de $420 millions.

Je résume brièvement: 1973, emprunts de $465 millions; 1972, $381 millions; 1971, $338 millions; 1970, $230 millions; 1969, $263 millions; 1968, $195 millions; 1967, $270 millions; 1966, $250 millions; 1965, $125 millions; 1964, $210 millions; 1963, $403 millions. Alors, c'est un retour en arrière de dix ans.

M. MASSE: Bon, d'accord. Quels étaient les revenus en 1963?

M. LAFOND: Malheureusement, je n'ai pas cette série à la portée de la main, immédiatement.

M. ROY: En 1963, il faut tenir compte que c'est l'année de la nationalisation.

M. MASSE: Oui, c'est exact.

M. ROY: II faut tenir compte de ça.

M. MASSE: II faudrait peut-être prendre une autre année.

M. ROY: Oui, ce serait préférable. Vous pourriez prendre 1964.

M. LESSARD : Les autres années, on constate qu'il y a quand même une certaine ressemblance, d'année en année, jusqu'en 1970.

Puisque ce sont les années 1978, 1979 et 1980 qui vont exiger la plus grande partie des emprunts pour le financement de la baie James et de l'Hydro-Québec, mais en particulier de la baie James parce que je présume que l'autofinancement des investissements actuels de l'Hydro-Québec est assez élevé, comme le président de l'Hydro-Québec a dit que cela pourrait être $1.6 milliard en 1981, je voudrais savoir si ça peut être possible.

M. GIROUX: Si vous faites de l'extrapolation pure, vous pouvez aller entre $1.4 milliard et $1.7 milliard. Une année, comme M. Lafond l'a dit tantôt, cela peut être $1.75 milliard et l'autre année, $1.5 milliard.

M. LESSARD: Oui, mais vous convenez qu'au cours des années 1977, 1978, 1979 et 1980...

M. GIROUX: On vous a donné jusqu'en 1978.

M. LESSARD: Oui.

M. GIROUX: Alors, vous pouvez faire la même extrapolation assez pure; à un moment donné, cela va baisser un peu, et l'autre année, cela va augmenter.

M. LESSARD: Si on ajoute, cette année, les emprunts de l'Hydro-Québec estimés à $550 millions, et les emprunts du gouvernement du Québec, qui sont estimés à $500 millions, cela fait $1 milliard.

Alors nous arrivons à l'année 1976, d'ici deux ans, où l'Hydro-Québec, à elle seule, va emprunter la somme qu'à la fois le gouvernement du Québec et à la fois l'Hydro-Québec empruntent actuellement.

Je comprends, vous avez répondu tout à l'heure au député de Beauce-Sud que son inquiétude, Hydro-Québec selon son mandat, c'était de produire de l'électricité. Il fallait qu'elle remplisse ce mandat en produisant de l'électricité. Vous conviendrez cependant qu'outre l'électricité, il y a quand même d'autres besoins à satisfaire.

Alors, lorsque nous allons arriver au cours

des années 1977, 1978, 1979, est-ce que vous ne pensez pas qu'en se préoccupant exclusivement de produire de l'électricité, on va taxer considérablement la part des disponibilités du marché des capitaux pour le Québec?

Parce qu'il y a une limite, à un moment donné, aux besoins, c'est-à-dire il y a une limite à ce qu'on peut avoir comme capitaux au Québec. Par contre, on a à produire de l'électricité mais on a aussi à faire des routes, on a aussi à investir dans différentes constructions, et le gouvernement doit emprunter. Il faut justement prévoir ce que le gouvernement du Québec, à ce moment-là, pourra emprunter, en tenant compte du fait que l'Hydro-Québec devra arriver, en 1977, avec des emprunts de $1,350,000,000.

Vous dites que vous autres, l'Hydro-Québec, vous avez à produire de l'électricité et à satisfaire les besoins de la population. Nous, de ce côté-ci de la table, comme représentants de la population, nous avons à nous inquiéter de fournir à la population du Québec de l'électricité, nais il y a d'autres besoins aussi qui sont là et pour lesquels on devra donner satisfaction aux Québécois.

Est-ce que vous avez, avec le ministre des Finances, étudié ce problème, et est-ce que vous ne pensez pas qu'avec un projet aussi considérable, avec des emprunts aussi considérables, qui vont surtout se faire sentir en 1976, est-ce que vous ne pensez pas qu'à ce moment-là il sera difficile pour le gouvernement du Québec de trouver les emprunts nécessaire pour satisfaire aux autres besoins de la population?

M. GIROUX: Juste une seconde. Voici, vous demandiez si nous avions eu consultation avec le ministre des Finances. Nous avons eu une consultation avec le ministre des Finances sur nos programmes annuels de possibilité d'emprunts. Vous me demandez aussi si c'est difficile d'emprunter ces montants. Je présume que cela va être très difficile.

M. LESSARD: En prévoyant les besoins du gouvernement du Québec aussi.

M. GIROUX: En prévoyant les besoins du Québec aussi. Mais je me dis, c'était la même orientation qu'on prenait en 1950 et c'était très difficile, à ce moment-là, d'emprunter $200 millions. Je crois que M. Dozois vous avait parlé, l'an dernier, du temps où il était ministre des Finances; je peux lui demander de répéter ce qu'il vous a dit dans le temps, les inquiétudes qu'il avait lui aussi.

M. LESSARD: Pour le projet de $1 milliard de Churchill Falls?

M. GIROUX: Non, pas à ce moment-là mais au moment où M. Dozois a eu l'expérience comme ministre des Finances. Je pense que cela vous éclairerait si je lui demandais de répéter ce qu'il vous a déjà donné sur ce sujet.

M. DOZOIS: M. le Président, l'an dernier, je crois, j'étais intervenu dans le débat pour dire que lorsque j'étais ministre des Finances, ça nous paraissait énorme le financement que nous faisions à cette époque: pour les deux organismes, et le gouvernement et l'Hydro-Québec, on avait réussi à emprunter un maximum de $550 millions. C'était un record pour l'époque et ça surprenait tout le monde que nous ayons pu réussir à emprunter une telle somme. L'an dernier j'étais surpris de voir avec quelle facilité et l'Hydro-Québec et le gouvernement avaient dépassé le $1 milliard d'emprunts. Ce sont des marchés changeants qui progressent, également, comme à cette époque.

Je me rappelle que, dans une négociation d'emprunt à New York, on avait tenté, avec M. Cazavan et M. Goyette, qui est actuellement sous-ministre des Finances, de dépasser cette marge d'emprunt de $50 millions que nous avions à New York, que les courtiers consentaient à offrir sur le marché financier new-yorkais. On avait tenté de les convaincre de porter ça à $60 millions et, pour eux, c'était impensable de dépasser ce plafond de $50 millions, ils ne croyaient pas que le marché pouvait l'absorber. Et tout à l'heure, on vous a dit qu'on avait enregistré un emprunt de $150 millions.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Trois-Rivières.

M. BACON: M. le Président, si le député de Saguenay me permet, comme adjoint parlementaire au ministre des Finances, j'ai eu l'occasion d'assister à des réunions où, naturellement, il était question de financement. Justement sur cette question de disponibilité du financement, je me pose quand même une question. Dans l'état actuel du chantier de construction de la baie James, je me demande si l'incertitude apportée par les conflits de travail, les difficultés de faire avancer le projet actuellement, ne pourront pas compromettre les disponibilités ou la confiance dont parlait M. Giroux tantôt que les financiers pourraient avoir dans l'Hydro-Québec et dans le projet de la baie James.

M. GIROUX: Naturellement, sur ce point du projet de la baie James, je vais demander à M. Boyd d'expliquer ses inquiétudes personnelles. La seule inquiétude, les seules questions que nous avons eues des financiers mondiaux sur nos projets sont les suivantes. Ces gens sont au courant des besoins que nous avons, ils ont le prospectus, ils sont au courant et ils savent que le projet est de tel montant. Ce qu'on a déposé en enregistrement mercredi, c'est ce qu'on a déclaré ici. Alors, ces gens-là sont allés en enregistrement quand même, c'est leur argent. Une personne qui est assez sérieuse pour nous mettre $150 millions sur la ligne, ordinairement a regardé le programme et la solvabilité. La seule question qui nous est posée et qui

m'inquiète actuellement c'est l'instabilité dans la construction. C'est le problème qui, à mon sens, est le problème principal actuellement, qui mine le crédit de la province de Québec.

Maintenant, vous regardez ça comme un homme qui regarde rien que la partie financière. Oui, c'est là où j'ai des ennuis. Mais je pourrais demander à M. Boyd d'expliquer son inquiétude personnelle lui qui a un chantier plus grand que ceux d'Hydro-Québec et à M. DeGuise qui a les autres chantiers d'HydroQuébec, qui a les mêmes problèmes et les mêmes inquiétudes.

LE PRESIDENT: (M. Houde, Limoilou): M. Boyd.

Relations syndicales

M. BOYD: Evidemment, comme l'a dit M. Giroux, pour nous, le problème le plus important dans le moment, c'est le problème des relations syndicales sur les chantiers de construction, l'état de conflit et de violence qui sévit actuellement dans la construction en général au Québec. Pour moi, cela a des conséquences très déplorables. L'intimidation exercée par certains chefs syndicaux sur les chantiers est terrible, et sur des chantiers éloignés comme celui de la baie James, c'est plus terrible encore. Les événements du 21 mars l'ont démontré amplement, et heureusement qu'on n'avait là que 900 employés. Si on en avait eu 3,000 à LG 2 et 3,000 LG 3, et 3,000 à LG 4 et 2,000 autres à Caniapiscau, parce qu'éventuellement à la pointe, il y aura 12,000 personnes et, de plus, il y aura certaines familles, des écoles, donc la situation d'un conflit syndical est très sérieuse dans un chantier éloigné, encore plus qu'à Montréal ou dans les centres urbains et on doit traiter le problème d'une façon un peu particulière.

Quand il y a un conflit dans la construction, dans nos villes, c'est déjà très grave, mais à cinq heures les gens s'en vont chez eux et rencontrent la famille, rencontrent d'autres personnes. Tandis que dans un chantier de construction éloigné, il y a le problème des tensions, le problème de l'intimidation, le problème de la violence et le problème de toutes les pressions qui s'exercent durant 24 heures par jour et sept jours par semaine. Les pressions, les tensions sont là tout le temps. Et, d'après notre expérience, la grande majorité des employés qui sont sur un chantier éloigné y sont allés pour travailler; 95 p.c. au moins sont là pour travailler honorablement et efficacement. Ils sont là pour faire de l'argent, pour faire un travail honnête. Ils sont là pour travailler pour le Québec. Malheureusement, ils cèdent devant la pression, devant la violence et vont en grève malgré eux. Ce n'est pas nouveau, ça. On a eu cette expérience à Manic, à Outardes, et on l'a eue encore le 21 mars à la baie James.

A la baie James, le décret de la construction s'applique; c'est déjà quelque chose. Pour les autres employés, ceux qui sont dans les bureaux, ceux qui sont dans le gîte et couvert et tous les autres services: service de la protection, service de sécurité, le code du travail s'applique et, actuellement, chacun des petits groupes demande une accréditation et l'obtient. Dans le moment...

M. LESSARD: Du ministère du Travail? M. BOYD: Pardon?

M. LESSARD: Et on l'obtient du ministère du Travail?

M. BOYD: Bien, c'est là où il faut obtenir les accréditations. Et je pense que suivant le code, actuellement, on peut en obtenir, le code du travail le prévoit. Je vous signale le problème que ça comporte cependant. Donc, sur chacun des chantiers, chaque petit groupe qui a une certaine homogénéité peut se réunir, demander une accréditation et l'obtenir. Ce que ça va produire — peut-être que la semaine prochaine on va avoir le premier effet — c'est que peut-être une centaine de syndicats vont être formés, qui vont négocier à différentes périodes, qui vont faire des arrêts quand ça va les tenter et qui vont avoir des conventions qui vont se terminer à différents moments.

Actuellement, le syndicat qui couvre les gens qui s'occupent du gîte et couvert va avoir droit à la grève le 9 juillet. Je ne sais pas ce qui va arriver. Je sais que le 7 et le 8 il y a la visite de certains chefs syndicaux à la baie James et le 9 on a droit à la grève. Si la grève a lieu le 9 ou le 10, peu importe quand, il se trouve que ce sont les gens du gfte et couvert. Donc, il n'y aura pas d'autre solution que d'évacuer en vitesse et on est préparé pour le faire, tout le monde qui est là, une autre fois. Ces gens représentent peut-être 150 personnes.

On dit que ces possibilités d'arrêt sont très graves et seront plus graves à mesure qu'on avance. Il y a trop de possibilités que la plus petite unité syndicale permise par le code du travail, dans le contexte actuel, le plus petit syndicat puisse, à un moment donné, par une grève, arrêter le projet entier et nous forcer à évacuer en vitesse les 12,000 hommes répartis entre les dix ou douze chantiers qu'il y aura là.

Lorsqu'on connaît la durée très courte de la saison et les jours peu nombreux dans une année où on peut placer les matériaux comme le till, où il faut qu'il soit à une bonne température, bonne humidité et tout, et souvent les arrêts de travail sont planifiés pour ces périodes. On réalise l'importance de la stabilité du travail dans ces endroits. Pour répondre à votre question, nous sommes inquiets et je pense que quelque chose doit être fait. C'est impensable. Là ce n'est pas parce que c'est la baie James, ça peut être une autre forme de

production; le premier chantier de l'Hydro-Québec qui a été affecté, lorsqu'il y a eu les arrêts dernièrement, c'a été la centrale de Gentilly 2.

Donc ce n'est pas particulier à la baie James. Moi je donne mon point de vue en réponse à votre question pour la baie James, ce qui est un cas peut-être plus grave. Donc il faut absolument à notre avis que des mesures soient prises pour qu'il y ait de l'ordre, du respect de tout le monde dans les chantiers. Les gens qui sont là, je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons eu la preuve à plusieurs reprises, ils sont là pour travailler. Ils devraient avoir le droit de travailler et les patrons devraient avoir le droit de les faire travailler, puis de les bien payer.

Seulement, il devrait y avoir le respect de tout le monde, en particulier à la baie James. Nous sommes inquiets, les financiers sont inquiets. Pour moi c'est le problème no 1, beaucoup plus que le problème du financement qu'on discute dans le moment.

M. LESSARD: Bien disons que...

M. BACON: M. le Président, on m'avait dit que M. De Guise pouvait...

M. DE GUISE: M. le Président, je ne sais pas si je peux ajouter tellement à ce qui a été dit déjà par M. Giroux et M. Boyd; il y a peut-être quelques points qui pourraient être soulignés davantage. Une des difficultés qui se présentent évidemment, c'est le respect de nos estimations de travaux et du calendrier de mise en service; ça devient extrêmement difficile d'y satisfaire. Sur le plan des arrêts de travail, évidemment les travaux cessent. Les entrepreneurs qui sont en poste avec de l'équipement font des réclamations, justifiées dans bien des cas, parce qu'ils sont là, ils perdent de l'argent. Les travaux n'avancent pas, les mises en service sont retardées, ce qui peut impliquer pour l'Hydro-Qué-bec des achats d'énergie que nous ne ferions pas autrement.

Dans le domaine de la construction autre, si vous voulez, ça peut être des locataires qui ne peuvent pas entrer dans les édifices, ce sont des choses semblables. Un point que j'aimerais faire ressortir, c'est que ce n'est pas l'Hydro-Québec en soi qui souffre, ce sont des coûts additionnels qui sont reportés sur toute la population. C'est ça qui est important et c'est ça, je crois, qu'il faut bien que tout le monde réalise. Cela nous crée des inconvénients en tant qu'Hydro-Québec ou en tant que propriétaire ici et là, mais en fin de compte les désastres financiers ou les répercussions financières c'est la population qui les paye.

J'aimerais confirmer la déclaration de M. Giroux disant qu'il a rencontré des gens du monde financier qui sont inquiets. Je pourrais vous donner une autre expérience. Dernièrement j'ai rencontré à l'extérieur du pays des promoteurs ou des gens qui étaient intéressés à implanter une industrie importante au Québec. J'étais parti bien muni de tout ce qu'il fallait pour discuter de l'évolution de nos tarifs d'électricité, parce que les tarifs d'électricité étaient un élément important dans leur projet. Il n'en a pas été question une minute. On m'a questionné sur la situation ouvrière au pays, les arrêts. On avait à l'esprit l'incident LG 2. On m'a demandé combien il y en avait eu d'autres dans le passé et j'ai subi un interrogatoire à fond sur cette question.

Alors je pense que ça confirme le problème qui doit préoccuper beaucoup de monde de ce temps-ci, ce sont les problèmes de la construction.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Saint-François.

M. DEZIEL: M. le Président, si vous me permettez, c'est ma première intervention, je retiens d'une façon tout à fait particulière ce que nos commissaires viennent de nous souligner. Je suis persuadé que ces coûts représentent des déboursés, non seulement au niveau de la baie James, M. le Président, mais également au niveau de toute la construction, de toute la situation qui prévaut présentement au Québec, ce qui peut représenter au-delà de $11 milliards de chantiers présentement en construction au Québec même.

C'est très important qu'on retienne ce qui vient d'être dit et que tous les membres de la commission, ici présents, l'Opposition comme l'imposition, lorsque viendra le temps de réagir d'une façon précise et sérieuse là-dessus, se serrent les coudes et qu'on considère également la situation économique beaucoup plus que le capital politique que ça pourrait créer. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, nous sommes heureux de connaître la position de l'Hydro-Québec à ce sujet. Soyez assuré que. nous en tiendrons compte lorsque des discussions à ce sujet pourront venir à l'Assemblée nationale. Cependant, il y a aussi une commission d'enquête qui a été formée, soit la commission Cliche, et nous espérons que l'Hydro-Québec fera valoir certaines revendications à ce sujet. D'autre part aussi, nous espérons que le ministre du Travail, dans le plus bref délai possible, puisqu'il a été nommé un peu pour régler ce problème de la construction, va faire les efforts nécessaires pour le régler, en particulier lorsqu'il créera des véritables centres de main-d'oeuvre du Québec.

De toute façon, c'est là, je pense, un problème fort important, mais un problème aussi qui ne peut nous faire oublier, malgré le fait que les difficultés des relations de travail puissent s'amenuiser par suite de certaines

solutions qui seront présentées par ce gouvernement, si ce gouvernement décide d'en présenter, que le problème du financement continuera quand même à être assez important.

Je reviens justement à ce sujet. D'abord, je constate que, lorsque nous avions interrogé M. Giroux, en 1971, concernant les prévisions d'emprunt, il nous avait donné des chiffres passablement inférieurs à ceux qui nous sont donnés actuellement. C'est fort compréhensible, puisque ce projet NBR, qui était de $4.1 milliards, est maintenant devenu un projet de $12 milliards. Cependant, on remarque, par exemple, que les montants des prévisions d'emprunt étaient de $316 millions pour 1974. Maintenant, on nous parle de $550 millions, donc une augmentation de 57 p.c. Pour 1975, les montants prévus étaient de $421 millions et on prévoit un emprunt de $800 millions, donc une augmentation de 100 p.c. Pour 1976, le montant prévu était de $590 millions en 1971, et, aujourd'hui, on nous annonce $950 millions, donc une augmentation de tout près de 95 p.c. Pour 1977, on nous avait annoncé, en 1971, des prévisions de $800 millions; là, c'est $1,350 millions, donc plus de 60 p.c.

On constate cette année, justement, que le pourcentage d'emprunts de l'Hydro-Québec, par rapport à la somme totale des emprunts du Québec, est autour de 50 p.c. Par contre, j'aimerais que le président de l'Hydro-Québec, s'il peut le faire, nous dise quel a été justement le pourcentage d'emprunts de l'Hydro-Québec de la période de 1965 à 1971, par rapport à l'assiette totale des emprunts du Québec.

M. GIROUX: Je crois que c'est une question qui pourrait recevoir une réponse du ministère des Finances. Moi, je n'ai pas les emprunts de la province.

M. LESSARD: C'est ça qui est regrettable, que le ministre des Finances ne soit pas ici aujourd'hui.

M. MASSE: M. le Président, je dois dire que le ministre des Finances, évidemment, était pris par des engagements contractés depuis un bon bout de temps. Il a dû s'absenter de Québec cet après-midi. Malheureusement, il ne peut pas être présent ici. Croyez bien qu'il le regrette, ce n'est pas par mauvaise volonté.

M. GIROUX: II a été ici deux jours; enfin, je ne peux pas contrôler ça. Maintenant, les statistiques de la province, malheureusement, je ne les ai pas.

M. LESSARD: Est-ce que 39 p.c. paraîtrait un montant assez réaliste de 1967 à 1971? D'après mes informations, ce serait autour de 39 p.c. Cela veut dire à ce moment-là, si on estime ce montant à 39 p.c. et il semble que ce soit un chiffre réaliste...

M. LAFOND: Je m'excuse, Georges Lafond. Cela fait quelques années que les programmes d'emprunt sont sensiblement les mêmes et pour des sommes plus élevées que les sommes qui paraissaient dans la série au début. Je serais plus enclin à dire entre 40 p.c. et 45 p.c, mais sous toute réserve.

M. LESSARD: Mais là, je parle de 1965 à 1971. Vous seriez enclin à parler plutôt de 45 p.c. Nous sommes maintenant rendus à 50 p.c. Est-ce que, si on fait des évaluations, on peut penser, étant donné l'ampleur des travaux de la baie James, que ce montant de 45 p.c, comme vous le dites, peut augmenter, d'ici 1978, 1980, à 60 p.c. de tous les emprunts? J'ai une évaluation, ici, et ça équivaudrait à environ 60 p.c. J'ai ici certaines prévisions et ça pourrait aller autour de 60 p.c, c'est-à-dire que 60 p.c. de tous les emprunts du gouvernement du Québec seraient faits par l'Hydro-Québec.

M. GIROUX: Je pense bien que ça peut être exact. Il y a peut-être une statistique qui peut vous aider à faire une comparaison, qui ni plus ni moins est un mode prévalant à travers le Canada; je crois que ces statistiques sont fédérales.

M. LESSARD: Oui, justement, ce sont des statistiques fédérales. On les utilise parfois.

M. GIROUX: Parfois. Dans l'ensemble, de 1964 à 1973, les investissements du Québec, par comparaison avec les immobilisations totales du gouvernement, se tenaient autour de 9 p.c, 8 p.c, 7 p.c. C'est tombé à 5 p.c, c'est revenu à 9.1 p.c et nos prévisions pour 1973 à 1980 sont autour de 11 p.c, en électricité, des investissements totaux au Canada. Pour les autres compagnies d'électricité au Canada, c'est aussi d'environ 11 p.c.

M. LESSARD: Le reste des compagnies d'électricité pour l'ensemble du Canada...

M. GIROUX: ... du Canada s'en vont vers 11 p.c.

M. LESSARD: Maintenant, 11 p.c, c'est en quelle année, ça?

M. GIROUX: Là, je ne l'ai pas par année, j'ai juste les prévisions.

M. LESSARD: D'accord, vous avez de 1964 à 1973, vous avez le pourcentage des emprunts, il faut bien se comprendre.

M. GIROUX: Non, non, des investissements totaux, parce que les emprunts, on ne les a pas. Les statistiques des emprunts peuvent être très trompeuses, parce que vous avez les emprunts publics qui deviennent, comme chez nous, un

document officiel, et vous avez les emprunts de nos voisins d'Ontario qui, eux, empruntent à New York par le biais de la province d'Ontario. Alors, on ne sait pas, les emprunts de la caisse fédérale, ce n'est pas public. Par les emprunts ce serait une statistique, mais tout de même, que ce soit en capital, en réserve, ou en autofinancement, ça ne change rien au point de vue de la dépense. La dépense pour l'électricité dans la province de Québec, pour les années passées, se tenait autour de 8 1/2 p.c, 9 p.c. comme moyenne — je ne l'ai pas — et les pronostics, avec nos programmes de 1973 à 1980, sont autour de 11 p.c. Les pronostics publiés par les compagnies d'électricité à travers le Canada sont aussi autour de 11 p.c. Donc, ce qu'on a compris dans le Québec se répartit dans la demande qui augmente pour tout le Canada.

M. LESSARD: Mais vous conviendrez, M. Giroux, que si on revient au pourcentage d'emprunt de l'Hydro-Québec par rapport au gouvernement, plus ce pourcentage va s'élever du côté de l'Hydro-Québec, plus il sera difficile au gouvernement du Québec de satisfaire ces besoins et de satisfaire la population concernant d'autres besoins.

M. GIROUX: Oui, si vous le prenez sur une base normale, sans faire de comparaisons avec le produit national brut, il y a un point où il nous faut regarder, et on est ici en commission, ce n'est pas un problème ordinaire et là-dessus je ne veux pas qu'on pense que je parle nucléaire ou versus les programmes.

Si on doit faire des programmes pour respecter une demande pour satisfaire les besoins du Québec, c'est ce que l'on croit investir. Les autres provinces ont exactement les mêmes pronostics dans le pourcentage de la dépense d'investissement fédéral.

Donc, on peut être un peu plus ou un peu moins, mais on n'est pas tellement, en "canayen", de l'autre côté de la "track", parce que c'est concentré vers le centre.

Le problème, c'est? Est-ce que ces sommes seront disponibles?

M. LESSARD: C'est ça.

M. GIROUX: Est-ce que ce sera facile? Je dois vous dire que, en apparence, cela a toujours été facile, mais cela ne l'a jamais été. Et ceux qui sont en place n'ont jamais considéré que c'est facile. Ici, je voudrais rendre un hommage particulier à MM. Lemieux et Lafond, qui ont fait, avec M. Goyette et les membres de son personnel, un travail magnifique, les autres dans le passé avant aussi. Ils ont réussi à développer des marchés dans la province de Québec et en dehors de la province de Québec. Je crois que nos gens ont réussi fort bien dans ce domaine.

Alors, le point: Cest qu'actuellement ils auront encore, si vous voulez le prendre en pourcentage pur — je n'oserais pas dire ça parce que Lemieux va me parler de son salaire, mais il va falloir qu'il travaille deux fois plus fort. Mais je suis convaincu qu'avec son habileté il n'aura pas besoin de travailler deux fois plus fort.

M. LESSARD: Maintenant, M. Giroux, vous avez sans doute été informé d'un mémoire qui a été présenté par le ministère fédéral de l'Energie, des Mines et des Ressources au cabinet Trudeau en 1972. Dans ce mémoire, on s'inquiétait un peu du financement. Sans aller à une conclusion, on s'inquiétait du financement de ce fameux projet de la baie James.

Vous me permettrez de vous en souligner une partie et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. On part du principe suivant: "En supposant que le contenu en importations du projet sera d'environ 5 p.c. et que la structure historique des emprunts de l'Hydro-Québec, en ce qui a trait à leur répartition entre marchés intérieurs et marchés étrangers sera maintenue, l'entrée nette de capitaux étrangers découlant du projet, pendant les années critiques 1978-79-80, atteindraient approxiamtivement $1.6 milliard". Je pense qu'on s'est entendu passablement sur ça. "Il est utile d'insérer ce chiffre dans la perspective financière générale, en le comparant à l'entrée nette de capitaux étrangers prévue pour l'ensemble de l'économie canadienne pendant cette période. Il semble que, de 1978 à 1980, ce $1.6 milliard représentera environ le quart du total des entrées nettes de capitaux étrangers au Canada. Cette proportion est anormalement élevée. Pendant la seconde moitié des années soixante, les emprunts à l'étranger de l'Hydro-Québec n'ont pas représenté plus de 7 p.c. du total des entrées nettes de capitaux étrangers au Canada. "Comme nous l'avons signalé précédemment — ajoute encore ce rapport — la concentration des dépenses et des emprunts pendant les trois années 1978-79-80 absorbera la plus grande partie des ressources financières à la disposition du Québec pendant cette période. Or, les contraintes usuelles des marchés financiers sont rendues encore plus aiguës par la structure des emprunts de la province, qui est obligée, par diverses circonstances, à écouler sur le marché québécois — et les circonstances, c'est qu'on vend de moins en moins au reste des autres provinces — la plus grande partie de ses obligations émises au Canada. En conséquence, toute demande excédentaire de capitaux, de la part du gouvernement du Québec, devra vraisemblablement être satisfaite par des importations de capital."

Donc il y a, je termine là, des points d'interrogation qui me paraissent importants. D'après ce mémoire qui a été présenté, comme je l'ai dit, par le ministre fédéral de l'Energie, des Mines et des Ressources, parce qu'ils se préoccupent un peu du projet de la baie James eux aussi, au gouvernement Trudeau, on parti-

rait d'une moyenne de 7 p.c. du total des entrées nettes de capitaux étrangers au Canada et, avec ce projet de la baie James, on monterait à 25 p.c. de l'entrée nette des capitaux étrangers au Canada.

M. GIROUX: Si vous voulez, je serais tenté de vous répondre une chose qui est plutôt personnelle. Je ne voudrais pas engager les membres de la commission. Je comprendrais que le ministre commence à considérer que le crédit de la province de Québec, aux Etats-Unis, est fort supérieur à celui du reste du Canada. Vu qu'il anticipe ça, il sait que nous allons le réussir. Je ne le blâme pas de penser cela non plus.

Seulement, je crois qu'il y a un point qui est important. Je déclarais que l'Hydro-Québec n'est toutefois pas la seule entreprise du secteur énergétique canadien à envisager des investissements importants. On estime que d'ici 1980 —et on limite toujours nos choses dans les cinq ans à venir, si vous voulez, quatre ou cinq ans — les investissements dans le secteur électrique seront de l'ordre de $60 milliards au Canada.

Donc, supposons que notre période, pour cette partie, on prend comme tantôt le $1.5 milliard par année, nous avons un douzième. Le reste, à moins que le gouvernement fédéral le donne d'une façon déguisée aux autres provinces, il va falloir qu'il l'emprunte.

Là-dessus, je ne veux pas mêler les choses, mais soyons pratiques. Ce sont les programmes qui ont été annoncés. Ce sont des programmes de l'énergie qui sont là. Alors peut-être que le ministre a été capable de déclarer cela à ce moment-là parce que 1'Hydro est peut-être la seule qui dépose ses prévisions à la commission parlementaire, ici. L'Ontario l'a fait cette année. Dans les prévisions que vous regarderez —je ne sais pas, je ne les ai pas devant moi — de l'Ontario-Hydro qui ont été déposées, c'est beaucoup plus apparent, au point de vue des proportions, que ce que c'était auparavant.

M. MASSE: J'aurais une question d'information. Quand vous mentionniez 11 p.c, tout à l'heure, de 1973 à 1980, concernant la partie électricité, c'était le total des emprunts.

M. GIROUX: Non, non. C'est le total des investissements faits au Canada.

M. MASSE: Des investissements, d'accord. Des investissements. Est-ce que vous avez le pourcentage de tout le secteur énergétique?

M. GIROUX: Energétique? M. MASSE: Oui.

M. GIROUX: Ah non! J'ai assez de misère à tenir l'électricité que le reste...

M, MASSE: D'accord.

M. LESSARD: M. Giroux, outre ces emprunts et le paiement d'intérêt, vous avez, d'ici 1980, un certain nombre d'obligations qui viennent à échéance.

M. GIROUX: C'est inclus, cela, dans nos prévisions.

M. LESSARD: C'est inclus dans vos prévisions, dans les montants d'emprunt prévus.

M. GIROUX: Vous avez vu les fonds d'amortissement, tout ça. C'est tout inclus. C'est pourquoi vous avez vu, dans l'autofinancement, des variantes qui ont été, dans le passé, de 20 p.c. tomber à 13 p.c. d'autofinancement. C'est une dette qui était retirée.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: Quelques questions d'ordre technique seulement, M. le Président. La première est la suivante. Quand Hydro-Québec emprunte en marks allemands, en francs suisses, en eurodollars, est-ce que vous négociez, est-ce que vous incluez une classe au sujet des variations dans les parités? Pour les années récentes, je vois que si la dette à long terme remboursable en différentes devises au montant de quelque $3,513,158,000 était convertie en dollars canadiens au taux de change en vigueur au 31 décembre 1973, cette dette serait moindre. Elle serait de $3,468,000,000 environ. J'imagine que cela tient au fait que presque toute votre dette extérieure, si je peux l'appeler de la sorte, est en dollars américains.

M. GIROUX: Américains.

M. MORIN: Donc, cela a pu vous favoriser. Mais si vous allez de plus en plus sur le marché étranger non américain et que vous empruntez des marks — j'ai remarqué que vous avez des emprunts allemands qui viennent à échéance en 1984, en 1986, en 1988 — est-ce que vous avez stipulé des clauses pour palier aux variations des parités?

M. GIROUX: Sur les marchés étrangers, les seules clauses qui peuvent s'inclure ne sont pas favorables à Hydro-Québec, M. Morin.

Au point de vue technique, si vous alliez, par exemple, sur le marché allemand pour inclure une clause, le banquier allemand vous dirait: Oui, très bien, vous allez nous payer soit en marks ou en dollars canadiens. A ce moment-là, il aurait toujours la meilleure monnaie. C'est à peu près les seuls genres de clauses qui peuvent s'inclure.

M. MORIN: C'est ce à quoi je pensais, mais est-ce que vous en stipulez des clauses comme celles-là?

M. GIROUX: Non, si c'est payable en marks, nous prenons le risque de rembourser en marks. Il n'y a pas d'autres moyens. Si nous empruntons en fonds américains, nous avons actuellement un bénéfice qui vient du fait que le dollar américain vaut moins cher que le dollar canadien. L'an prochain l'inverse peut se produire.

M. MORIN: Maintenant, sur les emprunts américains, j'aimerais entrer un peu dans les détails de ces dernières années. Dans une année, vous allez chercher de l'argent aux Etats-Unis, vous payez de l'intérêt et vous remboursez du capital, naturellement, de temps à autre, et aussi vous rachetez des obligations, si je comprends bien...

M. GIROUX: Pour le fonds d'amortissement.

M. MORIN: ... pour le fonds d'amortissement. Alors, j'aimerais examiner un peu, peut-être, ce qui s'est passé en 1972, par exemple.

M. GIROUX: M. Morin, pour cette question-là, je vais laisser parler M. Lemieux qui prépare un certain travail. On a déjà donné, dans le passé, ce qu'avait été le montant net importé. Alors, je vais lui demander d'essayer de retracer ça; ça aidera à présenter le reste. Pour le futur, je ne sais pas si on a un calcul.

M. MORIN: Non, je n'ai pas l'intention d'aller dans l'avenir. Je me pose des questions, comme vous, pour l'avenir, mais je veux surtout établir la situation depuis quelques années.

M. GIROUX: Telle qu'elle est.

Dans les années passées, M. Lemieux, quel est le montant net qu'on importait des Etats-Unis, par exemple, si on empruntait $100 millions et qu'on avait $75 millions? Une année ce ne fut que $25 millions, mais ce n'est pas tous les ans comme ça.

M. MORIN: Non, bien sûr.

M. LEMIEUX: Vous avez parlé de l'année 1972.

M. MORIN: Oui.

M. LEMIEUX: Cette année-là, nous avons fait des emprunts qui ont produit $99 millions.

M. MORIN: Oui, cela, c'est à long ou à court terme?

M. LEMIEUX: A long terme. A court terme, nous avons remboursé pour $1.3 million. Cela faisait un encaissement total net de $98 millions.

M. MORIN: $98 millions d'encaisse totale. M. LEMIEUX: La même année, nous avons payé des intérêts en devises américaines de $99.7 millions.

M. MORIN: $99.7 millions, c'est-à-dire que vous avez payé en intérêts ce que vous étiez allés chercher sur le marché américain.

M. LEMIEUX: Nous avons, en plus, acheté des obligations de l'Hydro-Québec, payables en devises américaines, pour $26 millions et nous avons payé des intérêts à court terme pour $200,000.

M. MORIN: Cela fait des déboursés de quel ordre?

M. LEMIEUX: Cela veut dire que nous avons fait des versements d'argent américain nets de $28 millions, c'est-à-dire que nous avons versé aux Etats-Unis plus d'argent que nous n'en avons importé.

M. MORIN: Bon, cela, c'est pour l'année 1972. Est-ce qu'on pourrait remonter un petit peu plus dans le passé, à partir de 1970, par exemple?

M. LEMIEUX: En 1970, nous avons effectué des emprunts qui ont produit $137 millions. On a remboursé des emprunts à court terme de $44 millions. On a payé des intérêts de $7 3 millions. On a payé des intérêts à court terme de $3.5 millions. On a acheté des fonds d'amortissement de $23 millions et on avait des échéances de $36 millions. Nous avons versé aux Etats-Unis $42 millions de plus que nous n'en avons importé.

M. MORIN: $42 millions. En somme...

M. LEMIEUX: Surtout à cause du remboursement d'emprunts à court terme, qui avaient été effectués les années précédentes.

M. MORIN: Alors, vous avez déjà deux années, là, où vous êtes en déficit. Alors, prenons une année intermédiaire.

M. LEMIEUX: Au point de vue impact sur la force du dollar canadien, on dira probablement que c'est positif.

M. MORIN: Non, ce qui m'intéresse, c'est que je constate que, pour ces deux années-là, non seulement il n'est pas entré d'argent neuf avec ces emprunts, mais vous êtes en déficit. Mais peut-être que vous...

M. LEMIEUX: J'ai des chiffres à partir de 1967.

M. MORIN: Oui.

M. LEMIEUX: Le surplus, l'entrée de fonds américains, si vous voulez, en 1967, $68 millions; en 1968, c'était $55 millions; en 1969,

$11 millions; en 1970, un déficit de $43 millions; en 1971, $1 million; en 1972, un déficit encore de $28 millions; et en 1973, $55 millions.

M. MORIN: Bon. Alors...

M. LEMIEUX: En 1973, par exemple, nous avons importé $190 millions; on a payé des intérêts de $108 millions et des fonds d'amortissement de $26 millions. Ce qui a produit un surplus de $56 millions.

M. MORIN: Bon, alors pour...

M. LEMIEUX: Pour l'avenir, il y a des économistes qui disent: Vous avez importé $10 milliards, $12 milliards pour la baie James, vous allez rendre le dollar canadien beaucoup trop fort. Je dois dire, entre parenthèse, que je connais des économistes bien compétents ou bien gentils, ou même gentils et compétents. Pour l'avenir, nous allons continuer à verser des intérêts, des fonds d'amortissement et des échéances par rapport à la dette existante. Et pour toute nouvelle dette en devises américaines, on aura des versements en intérêts qui, à 10 p.c. par année, pour les nouveaux emprunts, vont faire qu'en cinq ans vous allez rembourser 50 p.c. de ce que vous aurez importé la première année.

M. MORIN: Oui mais, monsieur, si vous permettez, ces chiffres que vous nous donnez correspondent à peu de choses près à ce que nous pensions. Si je prends les sept années que vous nous avez données, de 1967 à 1973, je constate en gros que vous n'avez importé, en somme, sur les centaines de millions importés, en argent neuf, que $119 millions ou $120 millions. Est-ce exact?

M. LEMIEUX: Non, les chiffres sont faussés par le fait que nous avons des remboursements d'emprunts à court terme de $87 millions durant ces années, des fonds qu'on a touchés disons un an ou deux ans avant. Alors, il faudra vraiment faire de l'exclusion des mouvements des fonds à court terme en faisant le calcul.

M. MORIN: Et si vous excluez les mouvements des fonds à court terme, quoique je m'interroge là-dessus, ça fait partie de la dette tout de même?

M. LEMIEUX: Oui, mais ce sont des fonds qu'on a touchés un an ou deux ans avant le début de cette période.

M. MORIN: Oui. Ce qui m'inquiète, je ne vous le cache pas, c'est ceci: Je constate que pour sept ans, au point de vue argent neuf, sept ans d'emprunts aux Etats Unis, ça ne représente que $120 millions. Je me dis...

M. LEMIEUX: Oui.

M. MORIN: ... je me pose des questions sur votre capacité de financer, par exemple, la baie James avec un système semblable.

M. LEMIEUX: Je ne crois pas qu'on puisse dire que le paiement des intérêts a une influence sur la disponibilité de fonds. Durant cette période, les emprunts à long terme ont produit $971 millions; le fait qu'on a payé durant cette période $525 millions pour ces prêts et des prêts effectués dans les années précédentes, je ne crois pas qu'on puisse dire qu'on n'a pas importé de capitaux. Que ces intérêts soient payés aux Américains ou à des Canadiens, cela n'a pas d'importance au point de vue...

M. MORIN: Bien non.

M. LEMIEUX: ... de trouver des fonds pour financer l'Hydro-Québec.

M. MORIN: Oui, je comprends ça, seulement je ne peux pas m'empêcher de constater que tout ce financement aux Etats-Unis sert finalement quasiment toujours à rembourser ce que vous devez déjà ou à payer de l'intérêt. Et, au bout de la ligne, il vous reste $119 millions sur tout ce que vous avez emprunté.

M. LEMIEUX: Je pense que ce que nous empruntons va pour payer la construction. Le paiement des intérêts, en grosse partie, s'applique aux revenus de l'année. C'est pour payer des intérêts sur des sommes qui ont financé des centrales qui produisent les revenus de l'année.

M. MORIN: J'ai compris. Cela va.

M. GIROUX: Je crois, M. Morin, aussi, qu'il faut bien distinguer, quand on finance, entre la remise d'intérêt et la remise de capital. Il y a un exemple très frappant...

M. MORIN: Oui, j'ai fait faire la distinction. J'ai fait faire la distinction.

M. GIROUX: ... que M. Lafond me donne, qui est le problème réel qu'on emprunte n'importe où.

M. LAFOND: J'allais suggérer ceci, en assumant une dette existante de $1 milliard, au Canada, sur laquelle il y aurait un taux d'intérêt de 10 p.c. en moyenne, nous paierions durant l'année $100 millions d'intérêt. Si, durant la même année, nous faisons un emprunt de $100 millions, en poursuivant l'exemple que vous aviez tantôt, vous diriez: Bien il n'y a pas eu d'emprunt.

Evidemment sur le plan n'est-ce pas...

M. MORIN: Votre emprunt n'aura fait qu'essuyer l'intérêt.

M. LEMIEUX: C'est déjà quelque chose. M. LAFOND: Oui.

M. MORIN: Oui, je comprends, seulement quand tout le système, après sept ans, nous donne en argent neuf $119 millions, je m'interroge un peu, franchement.

M. GIROUX: Je ne voudrais pas entrer dans le danger de la politique. Mais prenons la dette canadienne. A Ottawa, ils ont en plus la facilité de bénéficier de l'inflation et de la machine à imprimer. Mais ils ont le même problème, absolument le même problème. Les travaux sont financés exactement de la même façon. Je ne connais pas d'autres moyens de financer des travaux qu'en faisant une partie d'autofinancement et en empruntant le reste.

M. MORIN: Oui, bon d'accord. Je prends le cas des Etats-Unis, peut-être que la situation est différente dans les autres pays où vous empruntez ou sur le marché local. C'est possible. Je prends le cas américain parce qu'il me frappe. Finalement vous empruntez pour rembourser, puis vous empruntez pour payer de l'intérêt et puis aussi pour racheter. D'accord, il y a un...

M. GIROUX: Je ne voudrais pas que vous répétiez ça aux Américains, mais seulement vous détruisez la théorie de tantôt, c'est-à-dire qu'on appartiendrait aux Américains. C'est que, plus ça va, plus nous mettrons des fonds ici...

M. MORIN : Je ne suis pas obligé de partager les idées qui étaient énoncées tout à l'heure.

M. GIROUX: ... plus ce serait favorable. Mais il y a le principe suivant. Je ne connais pas d'organismes gouvernementaux actuellement, depuis les 25, 30 dernières années, qui n'ont pas triplé, quadruplé, quintuplé et mon Dieu jusqu'où je pourrais aller, leurs dettes. Alors le système c'est un système de redistribution par la dette.

M. MORIN: Cela je le comprends et je l'admets volontiers. Je ne suis pas obligé de partager les idées du député de Beauce-Sud non plus.

M. GIROUX: Non, je ne voulais pas faire de politique, je ne vous fais pas de suggestion, mais seulement il reste une autre solution qui est plus simple que- celle-là, parce que ça nous éviterait d'emprunter. On peut dire: On va faire totalement de l'autofinancement. Alors ça ce sont les tarifs qui vont monter comme ça. Alors si on fait par exemple certains programmes selon la méthode du "pay as you go"...

M. MORIN: Vous avez sûrement compris ma question, mais je veux la reprendre. C'est simplement que je constate qu'après sept ans d'emprunt aux Etats-Unis vous passez votre temps, finalement, à rembourser de l'intérêt, à acheter, à rembourser du capital aussi et au bout, en argent neuf, ça fait à peu près $120 millions. Je me dis: II va falloir que vous preniez l'argent ailleurs également et il va falloir, comme vous le disiez, qu'il y ait de l'autofinancement. Mais l'autofinancement ça risque d'être le tarif qui en essuie une partie et l'on s'expliquerait pourquoi les tarifs vont monter.

M. GIROUX: Bien écoutez, je n'ai pas caché que les tarifs monteraient. C'est-à-dire, je n'ai pas caché qu'on aurait besoin d'augmentation de tarifs, parce qu'il ne faudrait pas anticiper les décisions du gouvernement.

Ce n'est pas tout à fait ce que M. Lessard pense. Ce n'est pas tout ce qu'on fait.

M. LESSARD: Vous n'avez pas eu bien des problèmes lorsque vous êtes venus en commission parlementaire, l'an dernier. Le lieutenant-gouverneur en conseil avait déjà accepté la hausse des tarifs. La commission parlementaire...

M. GIROUX: Parfois ils sont très gentils.

M. LESSARD: ... n'était que pour confirmer.

M. GIROUX: Devant les faits qui sont tellement flagrants, le conseil des ministres a dû nous dire: C'est ça, vous devez faire une augmentation. J'espère qu'ils auront le même raisonnement.

M. LESSARD: J'aimerais qu'à l'avenir ce ne soit pas seulement le conseil des ministres et que vous vous adressiez d'abord à la commission parlementaire.

M. GIROUX: C'est pour ça qu'on vous l'explique. Le raisonnement — vous nous ouvrez la porte et je vous en remercie — est simple. Je pars du principe qu'il faut que je fasse des travaux, qu'il faut que je fournisse de l'électricité. C'est le devoir de l'Hydro-Québec. J'ai dit tantôt bien honnêtement que, si le gouvernement nous dit: Messieurs, ne faites plus d'expansion, on suspend l'expansion et là, on commence à réduire la capacité de chacun annuellement. Au lieu de la hausse de 10 p.c. ou de 7.8 p.c, on baisse tout le monde à 8 p.c. de leur capacité de dépenser de l'énergie et le problème est réglé. A un moment donné, tout le monde va être à la chandelle. Pour rencontrer ce programme d'emprunt, pour conserver la même crédibilité, le même pouvoir d'emprunt et les mêmes possibilités, il nous faut absolument demander au gouvernement d'augmenter les tarifs d'un minimum de 10 p.c. durant les cinq prochaines années. Je ne vois pas comment on peut faire autrement. Il n'y a pas d'autre possibilité. Si on continuait sur la base de votre raisonnement, sans augmentation de tarifs, cela reviendrait à simplement remettre la dette aux Etats-Unis sans revenus. Cela, c'est un peu miraculeux.

M. MORIN: Mais enfin, tout cela fait qu'il n'est pas hérétique de dire que, s'il y a augmentation de tarifs, c'est en partie lié à la question des travaux considérables que vous avez entrepris.

M. LEMIEUX: Cela reflète aussi le fait que les centrales que nous construisons depuis quelques années, depuis cinq ans, depuis dix ans, coûtent passablement plus cher que les centrales qui ont été construites il y a trente ans. On commence à sentir l'impact sur les frais d'exploitation des taux d'intérêt beaucoup plus élevés des années récentes, comparé aux années cinquante à soixante.

M. MORIN: M. le Président, on peut peut-être passer à autre chose. Je ne sais pas si mes collègues ont encore des questions sur l'aspect du financement. Tout à l'heure, M. Boyd a fait allusion aux événements regrettables qui se sont produits à LG 2 et il nous a parlé de ce climat de pression sociale qui règne dans un endroit si éloigné où les hommes se trouvent ensemble, comme il l'a dit, 24 heures par jour et sept jours par semaine.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour assainir le climat sur les chantiers, pour créer des conditions de vie qui soient peut-être un peu plus humaines ou disons, pour ne pas charger la question d'émotivité, pour créer un climat qui soit plus favorable à des meilleurs rapports entre employeur et employés, entre les employés eux-mêmes aussi? Est-ce que vous avez envisagé des mesures pour que la vie soit de nature à exercer des pressions moindres sur les hommes qui travaillent là-bas?

M. BOYD: M. le Président, je crois que la question est double. Vous en avez une qui concerne la qualité de la vie et l'autre qui concerne le climat ou les pressions qui sont exercées par les syndicats. C'est ce que j'ai...

M. MORIN: Non, je pense à ce que vous avez appelé, fort exactement, la qualité de la vie à LG 2.

M. BOYD: Alors, l'autre aussi est intéressant; l'autre l'est encore plus, mais quant à la qualité de la vie, évidemment, dans les débuts d'un chantier, c'est toujours un peu plus difficile, et ceux qui vont dans les chantiers au début savent que c'est plus difficile. Les premiers admettent de vivre sous la tente et même aiment ça. Quand les bons camps arrivent, ils déménagent dans des camps encore plus éloignés pour demeurer sous la tente. Mais ce qu'on propose pour améliorer la qualité de la vie est en chantier déjà. On propose de construire une aréna où il y aura différents jeux, le billard, les quilles, pour l'hiver une patinoire, une bibliothèque, enfin tous les loisirs qu'on peut retrouver normalement en ville.

M. MORIN: On sait que le réseau de télévision atteint maintenant le Chantier LG2.

M. BOYD: Oui, on a fait des efforts considérables et je peux vous dire qu'on a eu l'excellente collaboration de Radio-Canada. Depuis deux semaines, le signa) parvient à LG2 par Telsat et chaque homme peut avoir sa propre télévision dans sa chambre. Evidemment, pour le moment on est limité au canal 2, mais c'est quand même rapproché passablement de la civilisation.

M. MORIN: Et pour le logement, M. Boyd?

M. BOYD:'Pour le logement, on a d'excellents camps qui sont installés et qu'on continue d'ériger pour le personnel.

M. MORIN: Est-ce que tous vos hommes ont leur chambrette ou un espace où ils sont vraiment chez eux?

M. BOYD: Ils sont deux hommes par chambre.

M. MORIN: Nous ne parlons pas des tentes, nous parlons des logements.

M. BOYD: On a deux hommes par chambre et on a des endroits où ils peuvent faire... On construit un gymnase, une aréna où ils peuvent pratiquer des sports en particulier ou en groupe. Il y a une bibliothèque qui se construit. Evidemment, il y a toujours une taverne. Il y a des salles qui se construisent pour le cinéma. On installe dans le moment deux piscines. Le peu de temps que ça dure, ça vaut quand même la peine. Il y a des clubs de pêche qui sont organisés, qui sont déjà en activité, et des clubs de balle molle. Ce sont des choses qui doivent s'organiser, qui n'étaient pas présentes au début, à la fin de l'année passée, mais qui le deviennent dans le moment.

M. MASSE: Est-ce que les logements sont tous situés à LG2?

M. BOYD: Non.

M. MASSE: Parce que le village principal, c'est LG2?

M. BOYD: Radisson.

M. MASSE: Pardon?

M. BOYD: Les campements de construction pour LG2 sont à LG2. A quelques milles de là, il y a une ville qui sera permanente, qui est en construction, qui s'appelle Radisson et qui pourra loger environ 500 familles. A LG3, il y aura un autre campement qui sera de nature permanente mais qui n'est pas en construction encore. Il y a LG4, il y a LG1 et, à Caniapiscau, il y aura des campements.

M. MASSE: Maintenant, à Radisson, il n'y a pas de logements pour les ouvriers de la construction?

M. BOYD: Ce n'est pas possible. M. MASSE: Actuellement, d'accord.

M. BOYD: Le roulement de ce personnel est considérable. Dans le moment, on prévoit que les hommes travaillent deux mois et sortent au bout de deux mois. Certains reviennent, d'autres ne reviennent pas. Il y a un roulement considérable de personnel dans tous les chantiers éloignés, comme vous le savez.

M. MORIN: Quelle proportion de vos hommes, s'il en est, sont accompagnés de leur famille?

M. BOYD: Dans le moment, il n'y a aucune famille.

M. MORIN: Est-ce que vous prévoyez que viendra un moment où les hommes pourront être accompagnés de leur famille là-haut?

M. BOYD: Oui, il y en aura peut-être à LG2, au village permanent. Il y aura des maisons, des maisons mobiles ou des maisons permanentes pour le personnel de cadre qui y sera logé.

M. MORIN: Je ne vous parle pas du personnel de cadre, je vous parle des hommes qui vont travailler là-bas.

M. BOYD: Non, il n'y en a pas. Il n'y en a pas de prévu pour les familles. Parce que le roulement est trop grand, comme je viens de vous le dire. Certains y viennent pour deux mois et s'en vont. Ils ne sont même pas intéressés eux-mêmes, en général, à avoir leur famille. Peut-être 50 p.c. ou 60 p.c. d'entre eux sont des célibataires.

M. MORIN: 50 p.c?

M. BOYD: 50 p.c. à 60 p.c. des employés de métier ou de service sont des célibataires.

M. MORIN: Dans ce métier-là, c'est difficile de faire autrement,

M. BOYD: Et on me dit qu'il y a un certain pourcentage des autres qui sont contents lorsqu'ils s'éloignent pour travailler!

M. BACON: II y en a au moins 50 p.c. de satisfaits.

M. MORIN: Savez-vous que je ne trouve pas ça drôle du tout.

M BOYD: Je n'ai pas dit combien. Je ne vous ai pas dit quel était ce pourcentage. Pour être sérieux, si vous voulez, il y en a au moins 55 p.c. à 60 p.c. qui sont des célibataires. Donc, il n'y a pas de problème de famille.

Pour les autres, le roulement étant très grand, certains y vont deux mois, en sortent et retourneront peut-être seulement après un an. Ils sont allés là, ils ont travaillé 60 ou 70 heures par semaine, pendant deux mois. Ils ont fait un certain montant d'argent. Ils retournent à leur patelin pour faire autre chose.

Donc, le roulement étant très grand, il n'y a pas de possibilité de prévoir... Il y a toujours possibilité mais à des coûts effarants. Cela a toujours été ainsi. Les choses s'améliorent cependant. Dans les camps de Bersimis, les employés étaient dans des dortoirs. A Manic 5, ils étaient dans des chambres de quatre; à Manic 3, dans des chambres de deux. Et à la baie James, ils sont dans des chambres de deux. Ce sont quand même des unités...

J'aimerais, en passant, vous inviter à venir voir ça.

M. MORIN: Merci, M. Boyd. Mais je ne suis pas sûr que j'irais dans vos chambres à deux.

M. BOYD: Non, non. Mais étant donné que vous seriez un invité spécial, on essaierait de vous trouver une chambre à un.

UNE VOIX: C'est clair, vous avez peur de l'avoir dans votre chambre!

M. MORIN: Non, ce n'est pas... M. Boyd...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: M. Boyd, vous parliez de la qualité de la vie. Vous parliez des tensions qui règnent 24 heures sur 24. On s'explique un peu la chose quand on vous entend parler de la situation des logements dans laquelle se trouvent les hommes.

Pour ceux qui passent six mois — il doit bien y en avoir qui passent six mois, un an, voire même qui sont permanents là-haut, ce n'est pas tout le monde qui est dans ce roulement dont vous parlez — est-ce que, pour ceux-là, vous ne pourriez pas offrir des logements, peut-être un peu plus convenables? Est-ce que vous avez pensé à l'offrir aux hommes, pour voir? Est-ce que vous avez pensé à le leur demander pour voir ce qu'ils vous diraient?

M. BOYD: Bien, il faudrait vous expliquer une chose. C'est que, dans le moment, nous demandons $2 par jour pour le gîte et couvert. C'est une chose qui est assez appréciable, gîte et couvert, c'est-à-dire chambre et pension, $2 par jour, ce qui nous coûte peut-être $12 à $15. Cela coûte $2 aux hommes et il se peut qu'avant longtemps on ne leur demande rien du tout. Donc, c'est assez appréciable comme avantages.

Mais s'il fallait construire des camps pour hommes, des chambres seules, évidemment, que cela coûterait encore beaucoup plus cher. Mais je peux vous assurer que ce n'est pas ça qui crée le problème. Ce ne sont pas des dortoirs à l'infini. Ce sont des unités de 20 hommes, c'est-à-dire dix chambres de deux, et ces hommes ont toutes les facilités qu'on peut s'imaginer: les salles de bains, les salles de lavage pour leurs propres choses pour ceux qui veulent le faire.

Mais je crois que vous vous êtes mépris sur le sens de ma "tension" ou de l'expression que je vous ai signalée. Ce ne sont pas des tensions de ce genre que je voulais mentionner, c'étaient des tensions dues aux pressions syndicales que je voulais mentionner.

M. MORIN: Si vous demandiez aux hommes ce qu'ils en pensent. Est-ce que vous seriez disposé à essayer, du moins, de voir si ce n'est pas un facteur de tensions? Je pense à ceux qui sont là de façon permanente. Je ne pense pas à tout le monde, mais à ceux qui sont là pour plus de trois mois.

M. BOYD: Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on leur demande de payer la différence?

M. MORIN: Vous voulez dire tout l'investissement ou seulement...

M. BOYD: Oui. l'investissement est assez considérable.

M. MORIN: Est-ce qu'ils paient, en ce moment, tout l'investissement?

M. BOYD: Ils paient $2.

M. MORIN: Donc, ils ne paient pas tout l'investissement, alors.

M. BOYD: Non. On parle de payer l'excédent.

M. GIROUX: Je pense que ce que M. Boyd veut dire, c'est qu'il faudrait regarder la situation. Actuellement, ni plus ni moins, on essaie de détourner le fait. Il y a eu certaines choses, des gens qui demeurent dans des camps. Mais les premiers problèmes qu'on a eus, c'est à Gentilly. Tous les chantiers qu'on a en dehors... Sur les chantiers de Montréal, ces gars-là ne restent pas dans des camps!

M. MORIN: Oui, mais, tout à l'heure, on nous a dit qu'il y avait une pression terrible dans ces camps.

M. GIROUX: Oui, mais le problème de la pression terrible, il est encore pire, actuellement, sur les chantiers de construction en général. Ce qui nous donne un mauvais crédit en dehors de la province, c'est la situation que nous demandons au gouvernement de regarder, soit les problèmes dans la construction, qui inquiètent les financiers et qui inquiètent les gens en général.

Parce que les gens qui sont allés visiter la baie James, le chantier de M. Boyd... Allez voir vous-même. Y êtes-vous allé? Des chantiers de construction, j'en ai vu plusieurs. Ce n'est pas tellement facile, je l'admets. Mais ce n'est pas là qu'est le problème. Le problème vient d'une dissension générale qui semble exister dans le monde de la construction.

Alors, je crois qu'il y a un problème que le gouvernement devrait regarder tout de suite. Quand on nous demande nous, des solutions ou des approches... Je vais vous donner un exemple différent. Si je consulte les gens à la baie James et que je leur demande: Aimez-vous mieux un appartement ou $100 de plus par semaine? Ils vont me dire: $100 de plus par semaine.

M. MORIN: Oui, mais cela n'allégera peut-être pas les tensions.

M. GIROUX: Mais cela ne changera rien! M. MORIN: Bon.

M. GIROUX: A Montréal, le problème est cela. Ailleurs, il est ça. Alors, je pense qu'actuellement il faut que le gouvernement se penche et sérieusement sur le problème de la construction. Je ne demande pas ça dans un but politique et tout ça; je crois que ça s'en vient comme une crise nationale, cette chose. Je crois que c'est là qu'est l'urgence, plutôt que tous les autres débats qu'on peut faire. C'est mon opinion personnelle.

M. MORIN: Oui, mais vous admettrez qu'il y a peut-être, sur les chantiers de La Grande, des facteurs de tensions qui n'existent pas ou qui sont différents de ceux qu'on retrouve sur des chantiers montréalais ou de la région montréalaise.

M. GIROUX: Exactement.

M. MORIN: C'est à ça que je pense en ce moment.

M. GIROUX: Seulement, si cela avait été si grave que cela, ces tensions auxquelles on pense ou le mauvais traitement, peut-être, des personnes, quand le grand déclenchement s'est fait, le seul endroit où les gens n'ont pas voulu sortir, c'est à LG 2. Ils sont restés à l'ouvrage. Alors, la tension personnelle de l'individu, ce n'est absolument pas cela que M. Boyd veut décrire. Ce que M. Boyd veut décrire, c'est la tension qui existe entre les entrepreneurs, entre les directions, au point de vue... On ne peut certainement pas dire qu'il n'y a pas de troubles dans la construction. Alors, on dit au gouvernement: Ce n'est pas un problème que nous, on peut

régler. On peut le régler au plan monétaire, mais je pense qu'il faut qu'on fasse, tout le monde, un effort pour regarder cette situation et arriver à des solutions où une loi pourra être vécue pour qu'on puisse vivre avec un problème. C'est de cette façon que je vois cela.

M. MORIN: Le problème auquel je songe est peut-être, tout en étant rattaché à cela, légèrement différent. C'est le problème humain des enfants qui restent derrière et de la femme qui reste derrière. Vous me dites qu'il y en a qui sont bien heureux de se sauver et de s'en aller dans les bois, se faire une piastre. Je n'en doute pas. Cela se peut que cela se produise.

M. GIROUX: Cela existe.

M. MORIN: Mais je pense que cela crée, quand même, des problèmes pour tous les intéressés. C'est pour cela que je posais la question. Dans quelle mesure est-ce que vous n'auriez pas intérêt au moins à demander... Vous le faites pour les cadres, j'imagine. Les cadres, eux, amènent leur famille; ils amènent leur femme et, quand il y a des enfants, bien, peut-être, je ne le sais pas...

M. GIROUX: Quand tout sera installé, ils amèneront leur famille.

Seulement je pense que ce problème est beaucoup plus grand que le problème de l'Hydro-Québec lui-même. Vous avez tout ce problème qui existe actuellement dans l'ensemble de la population. Remarquez bien que nous devons nous faire un devoir d'améliorer la vie au maximum possible.

M. MORIN: C'est ça dont on parle.

M. GIROUX: Alors, ce problème on essaie d'y voir, d'aller le plus vite possible dans ce sens. Quand vous avez quatre ou cinq individus — parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont quatre ou cinq individus qui ont causé des dommages là-bas, ce ne sont pas 900 employés. Alors, actuellement, vous pourriez me dire: Ils sont moins bien logés qu'avant les troubles. On essaie de réparer le plus vite possible, mais ça doit être fait et cela est dû à quatre ou cinq individus.

Je pense qu'à la base on se comprend bien. Il y a un problème général dans la construction et je crois que, pour le développement économique de la province, il est temps qu'on intervienne et qu'on fasse quelque chose. Vous pouvez être assurés de la coopération de l'Hydro-Québec.

M. MORIN: Je suis bien d'accord, mais je me demande si nous parlons tout à fait du même problème. Je suis sensible au problème que vous décrivez mais ce n'est pas tout à fait ça dont je vous parle. Je vous parlais de l'aspect vie familiale de ces hommes, quand ils en ont une, parce que j'admets que tous n'en aient pas une. M. Boyd, vous vouliez dire quelque chose, je crois?

M. BOYD: La vie familiale, sur tous les chantiers de construction, peu importe que ce soit au Québec, au Canada ou ailleurs, quand c'est un chantier de construction éloigné, l'homme part et s'en va travailler. Cela se faisait du temps de nos grands-pères, qui s'en allaient travailler dans le chantier et qui revenaient au printemps et leur famille vivait bien quand même, on s'y habituait. Aujourd'hui,...

M. MORIN: On n'a jamais consulté les gens à ce moment-là.

M. BOYD: J'ai consulté mon grand-père, qui le faisait et ma grand-mère aussi.

M. MORIN: Je pense que nous avons de la chance de vous avoir avec nous aujourd'hui.

M. BOYD: Cela ne les a pas empêchés d'avoir une douzaine d'enfants. Quand je parlais de tensions qui étaient néfastes, je voulais dire que dans un chantier de construction, à Montréal ou à Québec, les gens sont là de telle heure à telle heure et le soir ils peuvent se débarrasser de celui qui essaie de les faire voter pour une grève quand ils ne veulent pas en faire. Ce que je veux dire c'est que là-bas il s'agit qu'il y ait quelques "pushers" de quoi que ce soit qui décident de harceler l'homme 24 heures par jour. Ils vont l'empêcher de dormir, de faire quoi que ce soit, parce qu'ils le menacent constamment vers une décision, c'est ça qui est grave. C'est beau la qualité de la vie. Nous dépensons des millions dans le moment pour améliorer la qualité de la vie mais je pense que la liberté est encore bien plus importante, la liberté de l'homme qui est là-bas pour travailler et qu'on empêche de travailler, qu'on harcelle constamment : Si tu ne fais pas ça, je te casse la gueule, je te casse les jambes et demain matin tu n'entres pas à l'ouvrage. C'est comme ça que ça se passe et c'est même pire que ça.

M. MORIN: J'ai déjà entendu ça en période électorale.

M. BOYD: Je ne parle pas d'élections, ça ne m'intéresse pas autrement que comme citoyen. Mais c'est sérieux mon affaire et je vais insister, les cassages de gueule qui se passent aux élections, c'est à tous les quatre ans, tous les deux ans, aussi souvent qu'il y en a. Mais, là-bas, c'est à tous les jours que des menaces comme ça se font. C'est bien plus important que la qualité de la vie, quoique pour la qualité de la vie, dans le moment, nous dépensons des millions et des millions. Il y a tous les équipements que nous montons, nous avons engagé des spécialistes en loisirs pour organiser les loisirs. C'est vrai que, dans les premiers mois, les

hommes dorment sous la tente et ensuite on les déménage dans un camp. Ensuite il faut installer tous les équipements que je vous ai mentionnés avec les bâtisses, qui sont très dispendieuses, pour leur fournir les loisirs.

Maintenant, vous dites qu'on pourrait faire mieux; c'est vrai, on pourrait faire mieux, on pourrait leur bâtir des hôtels comme le Hilton et à ce moment-là on se ferait critiquer.

M. MORIN: Non, écoutez, n'allez pas jusqu'à l'absurde, là, il n'est pas question de ça.

M. BOYD: II ne faut pas non plus pousser dans ce sens-là. On fait tout ce qu'on peut pour donner à ces hommes une vie agréable et si on leur donnait des logements aux familles, il y a tous les problèmes d'école que ça entraîne. Est-ce qu'on va avoir les écoles primaires, secondaires, les CEGEP? Si vous installez les familles, il faut tout ça, et il faut des hôpitaux. J'ai été obligé de venir à Québec pour avoir le droit d'installer un hôpital de 20 lits à LG 2; ça a duré des semaines, le problème. Bon, c'est un hôpital pour les cas d'urgence en attendant qu'on transporte les gens à Montréal par avion. Si vous avez des familles, des milliers de familles, supposons que vous offrez ça, il faut penser à ce qui arrive. Vous offrez ça aux hommes, et comme ils font beaucoup d'argent, ils disent: D'accord, on va payer $100 par mois, on va payer $200 par mois et on veut un appartement. Après ça, il ne faut pas dire que c'est seulement l'appartement; il faut l'école primaire, l'école secondaire, l'hôpital, le "shopping center" et tout ce que vous voudrez qui va avec les familles. C'est très sérieux. Puis, à tous les deux mois, des familles vont disparaître. Les enfants, à votre école, vous faites quoi avec? La planification, ce n'est pas drôle.

M. MORIN: Cette petite ville de Radisson dont vous avez parlé à l'instant, lorsque les travaux seront terminés, combien d'habitants comportera-t-elle?

M. BOYD: Environ 500 familles qui serviront à faire l'entretien et à l'exploitation de tout le complexe.

M. MORIN: Bon.

M. BOYD: Ce sont des gens qui vont être là en permanence.

M. MORIN: C'est ça. Donc, de toute façon, il faudra un jour un certain nombre d'installations minimales: hôpital, centre commercial ou, à tout le moins...

M. BOYD: Pour 500 familles, M. Morin.

M. MORIN: Oui, c'est ça,

M. BOYD: Cest ça, on le prévoit, ça, il va y avoir ça. Il va y avoir un hôpital pour 500 familles, il va y avoir un magasin, il va y avoir tous les services commerciaux pour un centre de 500 familles. Mais là, on parle à LG 2 d'au-delà de 4,000 travailleurs. Alors, 4,000 travailleurs en période de pointe, ça va durer un an, un an et demi, 4,000 familles. On va bâtir ça et puis on va fermer ça? Cela va faire des villes fantômes.

M. MORIN: Non, 4,000 travailleurs, ça ne fait pas 4,000 familles.

M. BOYD: 2,000, si vous voulez.

M. MORIN: Vous nous avez dit quel pourcentage?

M. BOYD: J'ai dit 50 p.c, disons 2,000 familles. Mais le célibataire, pourquoi il n'aurait pas sa famille, lui aussi?

M. MORIN: Cela, c'est une autre affaire. Eh! oui, mais ce serait intéressant d'entendre la réponse que vous donneriez à ça.

M. BOYD : J'ai toutes sortes de réponses.

M. GIROUX: M. Boyd est conscient du taux de natalité qui baisse.

Canadian Bechtel

M. MORIN: Bien. Un autre facteur de tension, à ce qu'on nous a dit, ç'aurait été la présence d'administrateurs américains unilin-gues, et naturellement pas unilingues français, qui auraient contribué à la détérioration du climat dans les jours qui ont précédé les événements de mars 1974. Est-ce que c'est exact? Dans quelles mesures serait-ce exact?

M. BOYD: Ce n'est pas exact. J'imagine que vous parlez de M. Alexander qui a été mentionné dans les journaux de l'Abitibi, ensuite mentionné dans d'autres journaux?

M. MORIN: Qu'importe le nom, là.

M. BOYD: Oui, mais aussi bien le mentionner, son nom est connu de tout le monde. C'est un Américain qui était parfaitement bilingue, qui venait directement de France où il a travaillé à des projets de Bechtel. Il parlait aussi bien le français que nous tous ici et il était parfaitement bilingue. Ce que le journal d'Abi-tibi a écrit en manchette, je ne voudrais pas le répéter, c'est un peu disgracieux. J'ai des lettres certifiées disant que jamais le type n'a employé des expressions semblables. Malgré tout, ce type nous a quitté pour la bonne paix du chantier; il n'est plus à notre chantier, il n'est plus à nos bureaux.

C'est par esprit de paix qu'on l'a demandé. Cela ne sert à rien, son nom n'est pas bien vu, mais il n'a absolument jamais prononcé les paroles qui ont été dites et il est parfaitement bilingue.

M. GIROUX: Je crois que c'est là l'erreur. On a assuré que c'est un homme unilingue. Alors si on ment une fois dans mon livre, moi, tout le reste est zéro, le gars est parfaitement bilingue.

M. MORIN: Est-ce qu'il y a d'autres cas à votre connaissance, il n'y a pas d'autres cas d'unilingues?

M. GIROUX: Des cas d'unilingues? Oui, il peut y avoir d'autres cas.

M. BOYD: Oui, il peut y avoir des cas d'exception temporaires, mais ce n'est pas la pratique, ce n'est pas la coutume. Oui, on me dit ici que des unilingues il y en a plusieurs, la grande majorité est française et bilingue. Mais des unilingues anglais, c'est une très très rare exception, et ma politique est qu'il n'y en ait pas.

M. MORIN: Je voudrais maintenant passer à certains aspects de la gérance du projet si vous le permettez. Pourriez-vous me dire, d'abord, quel est le montant approximatif qui sera versé, d'ici la fin du projet, aux diverses sociétés ou firmes-conseils et particulièrement à Bechtel?

M. BOYD: Font partie de la gérance, l'administration, les ingénieurs-conseils et les gens du chantier. Je l'ai déjà dit précédemment, dans toute administration de ce genre, le montant total de l'administration représente entre 10 p.c. et 12 p.c. des coûts nets avant l'escalade et les intérêts. C'est le cas qui existe partout sur les chantiers, c'est le cas qui existe chez nous. Cela ça veut dire, tous les gens qu'on a à notre siège social, peu importe qu'ils viennent de l'Hydro-Québec, qu'ils viennent de Bechtel ou de Lalonde-Valois. Cela comprend tous les ingénieurs-conseils des différents bureaux qui sont à notre service. Cela comprend un très grand nombre de personnes. C'est tout ce qu'il faut pour l'administration et la gérance du projet.

M. MORIN: Bien, donc vous ne pouvez que me donner un pourcentage global, vous ne pouvez pas me donner le montant qui sera versé...

M. BOYD: C'est pour la même raison qu'on vous a donnée hier. Hier je croyais que vous aviez accepté qu'on vous donne quel était le mandat de Bechtel, sans vous donner les montants. Actuellement on est en négociation avec d'autres bureaux qui vont faire partie de l'équipe de gérance. Il semblait qu'on avait convenu hier qu'on ne parlait pas de tarifs et de montants.

M. MORIN: Bien. Oui, encore qu'on pourrait faire une distinction entre le contrat qui mentionne des clauses autres que celles qui nous intéressent et que j'ai mentionnées et le montant qui effectivement sera versé à chacune de ces sociétés. Enfin, j'accepte l'explication que vous avez donnée hier, vous ne vous sentez pas libre de nous donner ces montants, si je comprends bien. Je n'insiste pas là-dessus.

Dans le cas de Bechtel, je veux cependant vous poser une question précise. Est-ce qu'il s'agit d'un contrat à ce qu'on appelle "cost plus", c'est-à-dire un contrat dont le montant varie selon le coût final?

M. BOYD: Pas du tout. Le contrat est basé sur différents facteurs, premièrement sur les heures travaillées. Alors c'est nous qui décidons de la quantité de personnel qu'on veut avoir de Bechtel et actuellement nous en avons entre 90 et 100. Leurs salaires sont approuvés par nous et payés suivant les heures travaillées, plus un pourcentage, comme on fait partout, pour l'administration et autres frais et les profits de l'entreprise.

Dans le cas des gens de Bechtel qui sont au chantier, c'est tout simplement le salaire et les heures travaillées plus les primes d'éloignement, comme tous les autres qui sont au chantier, plus, si vous permettez, les dépenses remboursables qui sont justifiées par factures, plus un honoraire qui, lui, est fixé sur le montant de l'estimation de base qu'on vous a déposé. C'est maintenant fixé. Donc, que ça coûte plus cher, ça ne change pas l'honoraire fixe. Si on emploie 125 hommes au lieu de 100, évidemment, on va leur payer plus mais on aura utilisé leurs services.

M. MORIN: Là, j'ai déjà un tableau beaucoup plus clair. Une autre question. Sur le nombre d'employés qui vous sont fournis par Bechtel, pourriez-vous me dire, grosso modo, combien sont d'origine américaine?

M. BOYD: Attendez, je vais voir. On peut l'obtenir si vous voulez, je n'ai pas ce chiffre, mais un grand nombre sont d'origine canadienne. Canadian Bechtel, qui est au Canada depuis très longtemps, avait déjà, avant qu'on utilise leurs services, environ 400 employés à Montréal qui font des travaux de mine et de pipe-line à travers le monde à partir de Montréal. De ces 400, la majorité sont des techniciens et des ingénieurs. Donc, parmi leur personnel, il y a des Canadiens de langue française ou de langue anglaise mais qui sont bilingues, il y a quelques Français et il y a quelques Américains. Je vous donnerai le chiffre dès qu'on pourra l'obtenir.

M. MORIN: Bon, ça va. Cela va pour l'instant. Je voudrais me faire une idée plus précise

de la façon dont la gérance est organisée. Comme je n'ai pas vu les contrats, je me permets de vous poser les questions suivantes. Si j'ai bien compris, c'est une gérance partagée ou est-ce que vous avez la gérance avec l'aide d'un certain nombre de sociétés qui vous sont adjointes?

M. BOYD: La gérance est unique. M. MORIN: Bon.

M. BOYD: Si je peux vous le résumer très rapidement, il y a le conseil d'administration où il y a trois représentants de l'Hydro-Québec et deux représentants de la Société de développement. C'est le conseil. En dessous du conseil, le président de la compagnie, évidemment, fait partie du conseil et, en même temps, est président du comité de gérance. Le comité de gérance est composé du président, d'un représentant de la Société de développement, d'un représentant de Bechtel, d'un représentant de Lalonde et Valois et du directeur de l'ingénierie, qui est de l'Hydro-Québec.

Ce comité de gérance se réunit et discute des politiques, des grandes décisions et aide à préparer les recommandations au président qui, lui, dans les cas nécessaires, va au conseil d'administration. En dessous du président, il y a six directions: la direction de l'ingénierie, la direction construction, la direction approvisionnement, la direction administration, la direction programmation et contrôle des coûts et la direction relations de travail. En plus de ça, il y a un service de l'environnement qui relève directement du comité de gérance et du président.

On a voulu que le service de l'environnement soit indépendant des directions pour qu'il puisse objectivement faire rapport des critiques de ce que fait l'ingénierie, de ce que fait la construction. Et, en passant, c'est intéressant de vous noter que notre service de l'environnement a un budget d'environ $1 million et demi par année. Je ne crois pas qu'il y ait d'entreprise au Canada qui ait un budget aussi important pour l'environnement; un budget d'exploitation, pas un budget d'immobilisation. Alors, il y a six directions. Les directeurs viennent de différentes sources et, sous eux, il y a des chefs de service, des chefs de division comme dans n'importe quelle administration.

Les recommandations sont préparées au niveau des techniciens, des ingénieurs, elles sont transmises au directeur qui fait ses recommandations au président.

Le président a une certaine autorité jusqu'à un certain niveau; il approuve la recommandation si c'est nécessaire. Les recommandations, de par son autorité, il les présente au conseil d'administration, qui a au moins une réunion par semaine. L'autorité finale est entre les mains du conseil d'administration.

M. MORIN: Bien, vous avez terminé.

M. BOYD C'est mon résumé.

M. MORIN: Merci. Voulez-vous, nous allons passer maintenant à la politique d'achat de la Sociéteé d'énergie de la baie James. Sur quel principe est fondée la politique d'achat de biens et services, tant pour la SDBJ que pour la SEBJ?

M. BOYD: Je ne peux pas répondre pour la SDBJ, je n'y suis pas, mais pour la SEBJ c'est exactement la même politique que celle suivie par l'Hydro-Québec depuis de nombreuses années. C'est l'achat au Québec qui est favorisé et on donne les mêmes avantages qu'on donne à l'Hydro-Québec pour les achats au Québec. Je vous ai indiqué dans mon rapport d'hier que pour nos achats de biens et de services, actuellement, le pourcentage était monté jusqu'à 82 p.c, ce qui est même un peu plus haut que ce que rapporte l'Hydro-Québec pour ses approvisionnements. C'est peut-être coincidence, mais c'est la façon dont on procède. On procède toujours, ou la plupart du temps, par appels d'offres publics pour les sommes qui dépassent $25,000 et les autres par appels d'offres-invitations. J'ai les chiffres ici en 1974 à ce jour pour les achats; $14.5 millions d'achats ont été faits par appels d'offres publics et un peu moins de $4 millions par appels d'offres sur invitation. Les contrats, en 1974, $38.5 millions par appels d'offres publics et environ $3 millions par appels d'offres-invitations. Dans le transport, $6,300,000 par appels d'offres publics et $900,000 par appels d'offres-invitations. Donc ce sont les mêmes politiques que suit l'Hydro-Québec depuis toujours et les mêmes incitations à l'industrie québécoise.

M. MORIN: Pour ce qui est de la construction des routes. On a évoqué en Chambre à une ou deux reprises les problèmes qui ont été crée's par des contrats ayant été accordés à des constructeurs ontariens. Pourriez-vous nous décrire la situation?

M. BOYD: Comme je vous dis, moi je représente la Société d'énergie et les routes sont la responsabilité de la Société de Développement; ce n'est pas à moi de répondre.

M. MASSE: D'ailleurs, je pense, M. le Président...

M. GIROUX: Moi, je siège à la Société de développement, le président est en arrière. Je peux vous dire une chose, c'est que les politiques qui ont été suivies depuis que je suis à la Société de développement sont exactement les mêmes que celles de l'Hydro-Québec. Lorsque, dans des demandes de soumissions, des entrepreneurs de l'extérieur avaient des prix qui étaient favorables à la Société de développement, ils ont été favorisés. Ce qui a paru déjà dans le passé ou toutes ces choses, ce sont des gens qui avaient fait une soumission qui était

très bonne, mais qui malheureusement était absolument non valable parce qu'ils avaient fait le chèque à la mauvaise personne.

Alors, vous comprenez que ce n'est pas d'hier que je transige avec des entrepreneurs. Ce sont des choses qui se font assez souvent. Je n'accuse personne, mais seulement, c'est très clair, tout le monde avait été avisé, tout le monde avait reçu des télégrammes en conséquence demandant de faire les chèques à la Société de développement.

Alors, c'est facile. On envoie une "offre" et on fait le chèque à l'Hydro-Québec. On dit: Bien oui, c'est la même chose. Mais ce n'est pas la même chose. Parce que, après ça, si le type ne veut pas prendre le contrat, on ne peut pas encaisser le chèque. Je pense bien que ce sont des choses qui, au point de vue légal, ne font aucun doute. Et je crois que, dans le temps...

M. MORIN: II aurait mieux valu que ce soit l'Hydro-Québec, un point c'est tout.

M.GIROUX: Ah! je suis d'accord. Seulement, au point de vue des demandes de soumissions, c'est un peu différent.

M.MORIN: Bien. Alors, j'imagine que pour l'achat d'équipement, la préférence de 10 p.c. est appliquée. Est-ce que vous ne l'avez pas mentionné hier, M. Boyd, la mémoire me fait défaut? Je ne suis pas sûr que vous n'ayez pas un peu répondu à cette question, mais je vous la repose pour en avoir le coeur net.

La préférence de 10 p.c. est donc appliquée en faveur des fabricants québécois.

M. BOYD: J'aimerais préciser ma réponse. Je vous ai dit que c'était la même politique qu'à l'Hydro-Québec, et c'est exact. Ce que je veux préciser, c'est qu'à l'Hydro-Québec, on dit souvent qu'il y a une politique de 10 p.c. Ce n.'est pas tout à fait exact. Il y a une politique préférentielle envers le Québec. Cela peut être plus de 10 p.c. dans certains cas; cela peut être moins de 10 p.c. Cela dépend de ce qu'il faut et ça dépend des circonstances. Mais on donne...

C'est qu'on ne voudrait pas établir un chiffre de 10 p.c. qui serait automatique et sur lequel se fieraient constamment les sociétés québécoises pour aller chercher des bénéfices supplémentaires. Les soumissions sont toujours ouvertes sur la base de la soumission même. A l'Hydro-Québec, c'est la commission qui examine les soumissions; à la Société d'énergie, c'est le conseil. On accorde une préférence et cela peut aller à 10 p.c. Cela peut aller, dans certains cas, à plus de 10 p.c. en faveur d'une entreprise québécoise.

M. GIROUX: M. Morin, je crois qu'il y a quelque chose qui aiderait énormément et qui avait été publié, justement, par le service de M. Dozois. Je ne sais pas si c'est la même chose. C'est la politique d'achat. Je demanderais à M.

Dozois de faire la lecture de ce document et, s'il y a lieu, on peut l'envoyer à tout le monde, c'est public.

M. DOZOIS: Je voulais tout simplement résumer la procédure que nous suivons lorsque nous faisons des appels d'offres. Voici, dans ce dépliant, ce que nous disons: "Notre politique d'achat consiste à: premièrement, acheter les matériaux, fournitures, équipements et services au plus bas prix possible, compte tenu des devis, de la livraison et du service; "deuxièmement, acheter le plus possible de manufacturiers du Québec et adjuger le plus possible de contrats à des entreprises québécoises. A cette fin, l'on peut accorder la préférence à une entreprise fabriquant au Québec dans des limites raisonnables, même si sa soumission n'est pas la plus basse. Dans le cadre de l'application de cette politique d'achat et de ces obligations à l'endroit de ces abonnés industriels, commerciaux et domestiques, l'approvisionnement doit tenir compte des exigences techniques des requérants, des pratiques commerciales de l'industrie de la construction et de la fabrication, de la livraison, du service et du prix compétitif".

Ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que pour tous nos appels d'offres, le soumissionnaire doit indiquer le pourcentage du contenu québécois de produit qu'il offre de vous fournir.

Si, à l'ouverture des soumissions, le plus bas soumissionnaire nous indique que son produit vient entièrement ou dans une proportion de l'Ontario ou d'une autre province ou d'un autre pays et que le deuxième plus bas soumissionnaire, lui, offre un produit entièrement québécois ou d'un contenu québécois plus élevé, nous faisons la différence. Si cette marge entre le deuxième plus bas soumissionnaire et le plus bas soumissionnaire, pour le produit québécois, ne dépasse pas 10 p.c, nous lui donnons la commande. Si cela dépasse 10 p.c, dans des cas très particuliers, nous allons accorder la commande au Québécois, mais rarement.

Mais toujours, lorsque le produit est québécois, en concurrence avec un produit qui n'est pas québécois, si le coût de la différence est inférieur à 10 p.c, nous achetons le produit québécois.

M. GIROUX: Souvent, les gens font des plaintes. C'est assez facile. Les préférentiels sont accordés sur le contenu québécois.

M. MORIN: Bien sûr.

M. GIROUX: Si on prend un exemple à 100 p.c, il a 10 p.c. S'il a seulement 20 p.c. de plus que son concurrent, il n'y a plus que 2 p.c. de différence, en principe.

M. MORIN: Oui. Autrement dit, il ne s'agit pas d'acheter d'un Québécois des produits manufacturés à l'étranger.

M. GIROUX: Non, non, justement.

M. MORIN: On parle de contenu québécois. On veut dire la plus-value ajoutée ici, au Québec.

M. GIROUX: On a des gens qui font des examens du contenu québécois. Je suis bien prêt à admettre que, parfois, un gars peut inclure son profit dans le contenu québécois. Pour autant qu'il le dépense dans le Québec, c'est toujours justifiable.

M. MORIN: Bien.

M. DEZIEL: Cest pour ça qu'ils sont des Hydro-québécois !

M. DROUIN: Oui, c'est une raison. C'est une raison.

Droits des Indiens et des Inuit

M. MORIN." Si vous voulez, on pourrait peut-être passer très rapidement au litige avec les populations indiennes. Ce n'est peut-être pas à vous que je devrais poser la question, mais, puisque nous avons la chance d'avoir M. Ciaccia avec nous, c'est peut-être au ministre qu'il faudrait poser la question.

Les Indiens ne semblent pas tellement intéressés aux avantages purement monétaires. Ce n'est pas qu'ils s'en désintéressent, mais cela ne semble pas être leur première préoccupation. Nous nous demandons dans quelle mesure le Québec ne devrait pas s'orienter vers une nouvelle proposition à caractère peut-être plus politique et plus soucieuse des droits des Indiens et des Esquimaux à l'égard de leur territoire.

Est-ce que le Québec entend faire une nouvelle offre aux Indiens?

M. GIROUX: Est-ce que vous vous adressez à moi ou à M. Ciaccia?

M. MORIN: Je me demandais s'il ne valait pas mieux, justement, poser la...

M. GIROUX: Puisque c'est une question sub judice, je ne parlerai qu'en présence de mon avocat. Comme M. Ciaccia est avocat, j'aime autant qu'il réponde.

M. MORIN: Ce qui est sub judice, c'est l'étendue des droits des Indiens. Ne sont pas sub judice les offres que le gouvernement pourrait être appelé à leur faire.

Je vais demander au député de Mont-Royal, peut-être, de répondre à la question mais j'aimerais bien, peut-être, si vous avez des commentaires, les entendre.

M. GIROUX: M. Jean Boulanger, ici est, le chef du contentieux qui a assisté et défendu la cause de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie avec des avocats-conseils.

M. MORIN: Je ne suis pas inquiet. Je connais M. Boulanger depuis suffisamment longtemps.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: M. le Président, premièrement, je voudrais préciser que je ne veux pas entrer dans le litige, dans les questions juridiques parce que c'est exactement sub judice.

M. MORIN: D'accord.

M. CIACCIA: Mais je voudrais préciser un point que vous avez mentionné. Vous avez dit que les Indiens ne sont pas tellement intéressés à l'aspect purement économique et vous demandez si la province, le gouvernement du Québec est prêt à faire une autre offre. Je voudrais souligner que les propositions qui ont été faites ne sont pas purement économiques. Il y avait onze points dans la proposition du premier ministre, dont seulement un touchait l'aspect économique; les autres touchaient principalement le mode de vie, l'aspect culturel, la chasse et la pêche.

Alors, je crois qu'un peu trop de publicité a été faite sur l'aspect financier. Nos discussions ne se rattachent pas strictement, même du tout, principalement à l'aspect financier et cette proposition qui a été faite au mois de novembre dernier, qui a été rendue publique au mois de janvier, se poursuit. Le premier ministre a dit que c'était négociable, et je ne peux pas, dans l'intérêt des négociations de toutes les parties, les autochtones ainsi que la province, dire exactement le stade des négociations, où nous en sommes rendus, mais nous poursuivons nos discussions en utilisant principalement comme base la proposition du premier ministre, et nous discutons les diverses modalités...

M. MORIN: Je ne vous demande peut-être pas où en est chaque point de négociation parce que je me rends compte qu'il ne faut pas compromettre les négociations, mais pourriez-vous, du moins, énumérer les onze points, sans dire où vous en êtes?

M. CIACCIA: Oui je pourrais énumérer les onze points, je n'ai pas la proposition devant moi, peut-être que s'il y en avait une copie, je pourrais aussi donner quelques explications sur ces onze points, donner un peu d'éclaircissements.

M. MORIN: Pendant qu'on cherche, pour ne pas perdre de temps, parce que je voudrais bien, comme tout le monde, qu'on termine ces audiences ce soir, est-ce que je pourrais complé-

ter ma question avec une autre, et puis on verra ce que vous pourrez tirer des onze points.

J'imagine que le député de Mont-Royal connaît les recommandations de la commission d'étude sur l'intégrité du territoire québécois, qu'on appelle la commission Dorion.

Il y avait, à la commission Dorion, pas moins de 33 points portant sur le statut des Indiens et sur le statut de leur territoire. Je me permets de mentionner, pendant que vous trouvez vos papiers, quelques-uns de ces 33 points qui, je pense, figurent parmi les plus importants. La formulation d'une entente entre le gouvernement du Québec et les représentants des bandes indiennes du Québec, entérinée par le gouvernement canadien et qui s'appliquerait à l'ensemble du Québec. La juridiction sur les Indiens — j'imagine qu'on veut dire la compétence — et les Esquimaux, laquelle devrait être remise au gouvernement du Québec, ainsi que l'a proposé dans le passé un livre blanc fédéral. Un autre point est celui-ci: Qu'au lieu de dons et de rentes à être versées aux Indiens du Québec, soit formé un fonds de développement amérindien. Que le système actuel des réserves soit remplacé par la création de municipalités amériendiennes jouissant de certaines mesures de protection. Et j'imagine aussi d'autonomie, puisqu'on parle de municipalités. Enfin un dernier point — je prends ceux-là parmi un certain nombre d'autres: Que les Amérindiens se voient reconnaître un titre clair de propriété sur leurs terres, de même que des permis spéciaux de chasse et pêche.

Maintenant, pourriez-vous peut-être, à la lumière de la question que je viens de vous poser, nous dire quels sont les onze points, à moins que vous vouliez vous donner le temps de préparer votre réponse puisqu'il est presque six heures?

M. CIACCIA: Ce n'est pas pour préparer ma réponse, je l'aurais. Cela va prendre du temps mais je peux continuer.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je pense qu'il serait peut-être préférable, étant donné l'heure, de revenir pour huit heures ce soir, ou vingt heures, pour pouvoir débuter de façon certaine à vingt heures quinze.

M. MORIN: Vingt heures quinze.

M. CIACCIA: Ma réponse est assez longue sur les différents points.

M. MORIN: Au rythme où nous allons là, M. le Président, je pense qu'on peut avoir terminé ce soir.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, la commission suspend ses travaux à vingt heures. Disons immédiatement qu'à vingt heures quinze la commission va débuter.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

Reprise de la séance à 20 h 18

M. HOUDE Limoilou (président de la commission des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Le député de Mont-Royal.

M. CIACCIA: M. le Président, avant de donner les onze points de la proposition du premier ministre, je voudrais faire une remarque préliminaire : je voudrais demander de maintenir la discussion sur les onze points au niveau des principes, pour ne pas nuire aux négociations sérieuses qui sont présentement en cours.

Alors la proposition, qui a été rendue publique le 25 janvier 1974, comprenait onze points. Je vais lire la liste de ces onze points, et j'attirerai l'attention des membres de la commission sur quelques-uns de ces points.

M. MORIN: Pouvez-vous donner quelques mots d'explication, M. le député, aussi, pour chaque point, parce que la liste des points, tout le monde l'a lue dans les journaux.

M. CIACCIA: Oui, je vais donner une explication...

M. MORIN: Très bien.

M. CIACCIA: ... et je pourrais aussi déposer à la commission, le texte de la proposition du premier ministre. Je pourrai faire parvenir une copie de ça au président ou au secrétaire de la commission.

Alors 1 ) il y avait les modifications au projet; 2) il y avait des mesures de protection de l'environnement; 3) il y avait des transferts de terres aux Indiens et aux Inuit; 4) il y avait les garanties de chasse, de pêche et de trappe; 5) il y avait l'établissement de programmes socio-économiques; 6) il y avait la participation des autochtones au gouvernement de la région; 7) il y a des exemptions fiscales; 8) on établit des critères d'éligibilité; 9) on propose des compensations monétaires comprenant un paiement au comptant et des redevances; 10) on propose la création d'une société de développement autochtone; et finalement, 11) on propose que le tout soit englobé dans une entente tripartite entre les Indiens et les Inuit, les gouvernements du Québec et du Canada.

Quant aux modifications au projet, il y a une liste de modifications qui ont déjà été incorporées dans le projet qui a été présenté par la Société d'énergie, qui a été déposé à la commission. Les changements proposés le 25 janvier sont incorporés dans ce projet et la liste est contenue dans le document que je vais déposer devant la commission.

Quant à la protection de l'environnement, le gouvernement suggère la formation d'un comité de la protection de l'environnement pour y inclure des représentants autochtones. Au sujet des transferts de terres aux autochtones, mention avait été faite dans les remarques du chef

de l'Opposition au rapport de la commission Gendron...

M. MORIN: Non, pas la commission Gendron.

M. CIACCIA: Excusez-moi. La commission...

M. MORIN: ... Dorion sur l'intégrité du territoire.

M. CIACCIA: La commission Dorion... et une référence au livre blanc fédéral de 1969. Je voudrais souligner ici que les Inuit et surtout les Indiens n'ont jamais accepté les propos du livre blanc du gouvernement fédéral. Moi-même, j'avais fait des recommandations pour ne pas appliquer les recommandations du livre blanc. Aujourd'hui, on peut dire que les propositions du livre blanc, en 1969, sont pratiquement lettres mortes.

Dans les propositions que nous faisons aux Indiens et aux inuit, on ne suit pas les propositions du livre blanc parce qu'on veut faire des propositions qui sont acceptables aux autochtones. On ne veut pas leur imposer un régime ou des concepts qu'ils n'ont pas acceptés en 1969, auxquels ils sont opposés et qu'ils n'acceptent pas aujourd'hui. Les propositions qu'on fait quant aux transferts de terres aux autochtones tiennent compte de ce principe. Elles ne suivent pas les propositions, les recommandations, la politique fédérale dans le livre blanc, mais envisagent plutôt des concepts que les Indiens eux-mêmes ont demandé: la création de réserves, de transferts de terres sur la Loi sur les Indiens.

La garantie de chasse, de pêche et de trappage est un des points, probablement, les plus importants dans la proposition, et le but de cette garantie et de ces propositions est le maintien du mode traditionnel de vie des autochtones pour ceux qui veulent continuer ce mode de vie.

On a pensé très important de garantir et de donner des garanties du mode traditionnel parce que c'est ça que les Indiens et les Inuit demandent. On ne veut pas, dans les propositions, détruire leur concept, détruire ce qu'ils considèrent très important pour eux. Alors c'était le but de l'article no 4 dans la proposition de garantie de chasse, de pêche et de trappage.

Il y avait un autre article très important aussi, la participation des autochtones au gouvernement de la région. On nous a reproché — les autochtones nous ont reproché — qu'ils ne participent pas aux décisions prises par le gouvernement dans ces régions. Et le but de cette suggestion, de cette recommandation est d'impliquer, d'avoir la participation des autochtones dans les décisions qui vont être prises par les gouvernements régionaux de ces régions.

M. MORIN: M. le député, est-ce que vous me permettez une question là-dessus?

M. CIACCIA; Certainement.

M. MORIN: A l'heure actuelle, il n'y a pas de gouvernement régional, il y a la SDBJ qui fait en quelque sorte fonction de gouvernement régional. Alors comment est-ce qu'on peut concilier ce dont vous parlez avec la réalité présente?

M. CIACCIA: Bien, il y a des propositions, c'est un concept qui est en discussion. Dans le bill 50, il y a l'article 38 qui permet la création de conseils locaux, de gouvernement local. Les conseils communautaires Inuit, par exemple, pourraient être le gouvernement local dans la région, sous l'article 38 de la loi 50. Mais ce sont aussi des concepts qui sont en évolution, qui sont en discussion.

Il n'y a pas de réserves fédérales dans certains de ces endroits, et il va falloir trouver des structures qui vont prendre en considération les réserves fédérales et la juridiction provinciale et le gouvernement provincial de cette région.

Les propositions que nous avons faites forment la base des discussions que nous avons maintenant. C'est un règlement global, dans le sens que cela comprend tous les aspects vraiment de la vie des autochtones. Cela implique pour nous une liaison avec au moins quinze ministères. Cela implique une participation des sociétés d'énergie et de développement, et nous travaillons ensemble dans les discussions et les négociations, pour arriver à des concepts, à des suggestions et à des règlements qui seront acceptables au gouvernement et aux autochtones.

Maintenant, quel est le but de ces propositions? On avait mentionné auparavant que les Indiens avaient rejeté le concept, avaient rejeté les propositions et qu'ils n'étaient pas intéressés seulement dans un règlement d'ordre financier. Mais vous pouvez voir par le genre de propositions, par le contenu des propositions du premier ministre, que la question financière est seulement un point sur onze points. Je crois que certains journaux ou certaines personnes ont apporté plus d'attention aux $100 millions qui sont mentionnés dans la proposition, mais dans les discussions que nous avons, nous tenons compte que c'est seulement un des aspects. Les autres aspects sont beaucoup plus importants parce que nous prenons, comme position, que même avec des propositions d'ordre financier, on ne peut pas acheter ou vendre une culture. On peut protéger un mode de vie, et les compensations et redevances ne sont pas dans le but de régler seulement d'un point de vue économique.

Les réclamations des autochtones et le rôle que j'ai, c'est d'essayer de résoudre le problème qui se présente tout en tenant compte des

besoins de la province et en tenant compte du mode de vie des autochtones. La philosophie principale, la philosophie de base sur les propositions qui ont été faites, c'est la protection du mode de vie des autochtones, pour ceux qui veulent continuer ce mode de vie, et des propositions de programmes sociaux et économiques pour permettre à ceux qui veulent s'intégrer à notre vie économique de le faire, mais de le faire à leur rythme, de le faire quand ils seront prêts et de la manière qu'ils choisiront.

Je n'ai jamais caché le mandat que j'avais auprès des autochtones. Je n'ai pas le mandat d'essayer d'arrêter le projet de la baie James, mais plutôt de réconcilier les différents besoins des autochtones et les besoins de la province.

Seulement une autre remarque. On parle souvent du règlement de l'Alaska. Beaucoup d'autochtones parlent de ce règlement. On le cite comme un règlement plutôt exemplaire. Ce règlement de l'Alaska se limitait strictement à un règlement — de mon point de vue — pécuniaire et de terre. Il donnait des terrains aux autochtones, il leur donnait de l'argent et c'était tout. Nous sommes d'avis que le règlement que nous proposons va beaucoup plus loin que ça. En plus de donner des terrains, en plus de donner des compensations pécuniaires, il y a des propositions de protection du mode de vie et il y a des concepts, ici, dans cette proposition, qui n'ont jamais été énoncés par aucun gouvernement, et ce sont des concepts et ces propositions qui forment la base des discussions que nous avons maintenant avec les autochtones.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, l'Opposition n'est pas en désaccord avec les efforts qui ont été entrepris par le gouvernement et en particulier par son porte-parole pour cette question, le député de Mont-Royal.

Effectivement si on s'en reporte à ce que les Indiens eux-mêmes en disent, on peut se référer, pour ça, au texte d'une déclaration du président de l'Association des Indiens du Québec, Andrew Delisle, qui date de la fin du mois de février 1974. Il est bien clair que, pour eux, ce ne sont pas seulement des considérations d'ordre monétaire qui comptent. Je lis deux paragraphes qui m'ont particulièrement frappé: "Les millions représentent une grosse somme d'argent, mais ce n'est pas notre intérêt premier. Notre terre et nos droits ne sont pas à vendre". Et plus loin, un paragraphe que, pour certaines raisons, je considère comme étant sublime: "Le peuple québécois, qui revendique sa souveraineté et ses droits, devrait comprendre et surtout reconnaître que nous avons des droits fondamentaux, nous les aborigènes".

Voilà, nous sommes dans une situation, M. le Président, où les Indiens comprennent mieux que certains Québécois où se situe l'avenir. Toutefois, ce n'est pas ce sujet que j'entends développer ce soir. Je voudrais mentionner certains droits que réclament spécifiquement les Indiens et les comparer, peut-être, avec ce que vient de nous dire le député de Mont-Royal et puis, peut-être, interroger aussi nos invités sur leur propre attitude devant certaines de ces propositions.

Les Indiens réclament d'abord d'être établis sur leurs propres terres et ça correspond un peu, si j'ai bien compris, à l'une des propositions du gouvernement du Québec.

M. CIACCIA: Je ne voudrais pas vous interrompre; je voudrais seulement poser une question. Est-ce que le chef de l'Opposition sait que, depuis à peu près deux mois, les Indiens de la baie James se représentent eux-mêmes? Pour fins de négociations, ils ne sont pas représentés par l'Association des Indiens du Québec. Quand cette déclaration a été faite, c'était l'association qui...

M. MORIN: Qui présidait...

M. CIACCIA: ... présidait et négociait.

M. MORIN: D'accord, mais est-ce que le député de...

M. CIACCIA: Après cela, les chefs de la baie James ont adopté une résolution à l'effet qu'ils prendraient en main eux-mêmes leurs propres intérêts.

M MORIN: Et c'est sans doute bien fait. Mais il n'en reste pas moins qu'à ce moment-là l'association parlait pour les Indiens et que les objectifs qu'elle s'est fixés demeurent en gros ce que les Indiens souhaitent.

C'est-à-dire d'abord, d'être établis sur leurs propres terres, la mise en place d'une institution reconnue qui leur permettait — comme ils le disent eux-mêmes,— de contrôler leur évolution sociale, politique et économique; ils veulent reprendre en main l'administration des services, ils veulent garder un certain nombre de ressources, notamment pour ce qui est de la chasse, la pêche, la trappe; ils veulent établir des règlements, si j'ai bien compris ils veulent là une certaine autonomie législative; et enfin, sixièmement, ils désirent des établissements d'enseignement dans le nord.

Il y a certains points qui me semblent avoir rencontré une certaine réponse dans les onze points du gouvernement québécois. Il y a d'autres points, on pourra en reparler tout à l'heure, sur lesquels j'ai des doutes. Je voudrais peut-être revenir sur trois points en particulier: D'abord, le transfert des terres; deuxièmement, la participation au gouvernement de la région; troisièmement, la question de la Société de développement autochtone et des programmes sociaux et économiques.

Sur chacun de ces points, j'aimerais bien d'ailleurs avoir le point de vue de l'Hydro-

Québec plutôt que de la SDBJ, si c'était possible, puisque c'est l'Hydro-Québec qui comparait aujourd'hui.

Pour ce qui est du transfert des terres, la commission Dorion parlait d'un titre clair de propriété. Les Indiens devraient se voir reconnaître un titre clair de propriété. Et eux demandent d'être établis sur leurs propres terres. Cela me parait être assez voisin comme objectifs. Est-ce que c'est ça que le gouvernement québécois entend, dans les garanties qu'il offre aux Indiens?

M. CIACCIA: Si vous me permettez, M. le Président, je pourrais répondre à quelques-unes de ces questions.

M. MORIN: Oui, je vous les pose justement.

M. CIACCIA: Les buts que vous avez cités et que Andrew Delisle a cités au mois de février, je crois que, si vous les examinez, ils sont inclus généralement dans les propositions que nous avions faites. Même quand vous parlez de règlements, il y a un article dans notre proposition, dans la participation au gouvernement de la région, qui reconnaît un certain gouvernement local dans la bande indienne. Le chef et le conseil de bande pourraient avoir une certaine autorité et si on se...

M. MORIN: C'est autre chose ça.

M. CIACCIA: Non, ce sont des règlements. Ils peuvent faire des règlements...

M. MORIN: Oui, moi je vous parle des terres. La première question ce sont les terres.

M. CIACCIA: Non, mais je vais en venir aux terres.

M. MORIN: Ah! je...

M. CIACCIA: Je me réfère maintenant, parce que vous les avez mentionné, aux règlements qui voulaient dire un certain gouvernement local. Cela peut...

M. MORIN: On va venir à ça tout à l'heure.

M. CIACCIA: Je voudrais aussi réitérer ma remarque préliminaire qu'on s'en tienne aux concepts plutôt qu'aux détails, parce que les négociations sont très sérieuses. Elles sont en marche maintenant et je ne voudrais pas, dans les détails, affecter ces négociations. Quand on se réfère à la déclaration d'Andrew Delisle, si vous examinez les propositions que nous avions faites, elles sont compatibles; je crois même qu'on a couvert tous les points qu'Andrew Delisle a mentionnés, incluant la question des règlements.

Pour la question du transfert des terres, la commission Dorion avait dit oui: ils vont avoir leurs propres terres. Bien, dans notre proposition, nous acceptons ce concept que les Indiens vont avoir leurs propres terres. La proposition parle d'un nombre de 2,000 milles carrés, 1,380,000 acres de terre pour les autochtones. Je crois que c'est dans le même concept de terres propres aux autochtones que vous aviez mentionné dans le...

M. MORIN: Alors, donc transfert de terres, ce n'est pas loin comme concept d'établissement sur leurs propres terres, ni de ce que la commission Dorion appelait un titre clair de propriété.

M. CIACCIA: Non, les propositions que nous avons faites sont compatibles avec ces concepts de titres clairs.

M. MORIN: Bien, très bien. Est-ce que je pourrais demander maintenant, me tournant vers vous, messieurs, ce que l'Hydro-Québec a à dire là-dessus?

M. GIROUX: Je vais demander à M. Boulanger ce qu'il a à dire. C'est la partie légale, je crois que c'est notre défenseur dans cette affaire.

M. BOULANGER: Je voudrais réitérer, au départ, les remarques que M. Ciaccia a faites, tantôt, qu'il se poursuit présentement d'intenses négociations. Je pense que beaucoup de points qui sont en discussion, présentement, dépassent le cadre des mandats qui sont donnés à l'Hydro-Québec ou même à la Société d'énergie de la baie James et que ces points relèvent véritablement du gouvernement. Je pense que dans ce contexte, il serait très inapproprié de faire des commentaires. Je pense que tout le monde, ici autour de la table et partout, veut le règlement de ce problème. Je pense que la meilleure façon d'assurer le règlement de ce problème serait de faire confiance au représentant que le premier ministre a choisi pour qu'il trouve la solution ou les solutions dont il vous a parlé tantôt.

M. MORIN: J'admets ce que vous dites en ce qui concerne le régime des terres, par exemple, mais ne vous éloignez pas trop, M. Boulanger. Sur un ou deux points, peut-être que j'aimerais quand même à en savoir un peu plus long sur l'attitude de l'Hydro-Québec. D'accord pour les terres, ça relève effectivement clairement du gouvernement québécois et de son mandataire le député de Mont-Royal.

Prenons la seconde question, la participation au gouvernement de la région.

Ce peut être beaucoup de choses. Il est clair que pour le chef Delisle, ça signifie une institution reconnue administrant des services, établissant des règlements. En somme, une institution qui me parait avoir une certaine autonomie. Pour la commission Dorion, ce serait des

municipalités amérindiennes. Ce sont des concepts qui me paraissent voisins en autant qu'une municipalité a une certaine autonomie à l'intérieur d'un cadre législatif normatif. Bon.

Est-ce qu'il s'agit, en fait, de créer certains pouvoirs municipaux ou de reconnaître à des conseils indiens des pouvoirs voisins de ceux des conseils municipaux?

M. CIACCIA: Voici. Ce sont des concepts qui n'ont pas été complètement discutés et finalisés avec les autochtones. C'est possible que ce puisse être des concepts qui sont égaux à des pouvoirs de municipalité, mais une chose est certaine: eux ne demandent pas et nous n'accepterons pas le concept d'un gouvernement dans un autre gouvernement. Il n'y aura pas de pouvoir parallèle dans ce sens-là.

M. MORIN: Pas d'Etat dans l'Etat.

M. CIACCIA: Pas d'Etat dans l'Etat, non. Les Indiens, je ne crois pas qu'ils aient été interprétés dans ce sens, mais au cas où quelques-uns penseraient que c'est cequ'ilsdisent, ce ne sont pas les demandes que les autochtones font. Les structures exactes, on ne les a pas complétées encore. C'est assez complexe, le problème, parce qu'on essaie de faire quelque chose qui n'a jamais été fait dans aucune autre province. Jusqu'à maintenant, il y avait des conseils de bande sur des réserves. Quel était le lien entre leur gouvernement — parce qu'ils ont un gouvernement local, ils ont certains pouvoirs administratifs et même, j'irais plus loin, ils ont des pouvoirs législatifs dans leur juridiction sur la réserve d'après les prévisions de la Loi sur les Indiens — et un gouvernement, par exemple, régional comme la municipalité de la baie James ou bien, même si ce n'est pas la baie James, quel est le lien entre le gouvernement d'une réserve et une municipalité avoisinante?

Ce sont des concepts qu'il faut développer; on est à les développer avec les autochtones. C'est une chose qui est aussi très importante. Un des points qu'on doit éviter et qu'on a évité, c'est de développer des concepts nous-mêmes, sans la participation des autochtones. C'est très important. On ne peut pas développer des concepts sans qu'on leur en parle et sans qu'eux-mêmes participent à ce développement-là, et c'est ça qu'on fait.

M. MORIN: Je comprends très bien, par exemple, que si eux pensent en termes de conseil communautaire, qu'on n'arrive pas, nous, avec l'idée d'une municipalité. Qu'on tente, en tout cas, de voir ce qu'eux ont dans l'idée. Nous sommes d'accord avec la méthode, ça, il n'y a pas de doute.

M. CIACCIA: Oui.

M. MORIN: Maintenant, pourriez-vous nous donner quelques détails sur le conseil régional ou l'organisme régional? Est-ce que c'est un organisme qui serait entièrement entre les mains des Indiens? Est-ce qu'il aurait juridiction ou compétence sur l'ensemble du territoire?

M. CIACCIA: Ce que nous avons proposé et cela forme la base des discussions, c'est qu'il y ait un représentant de chaque conseil de bandes ainsi qu'un représentant de chaque conseil communautaire Inuit élus au conseil général de la municipalité de la baie James conformément à l'article 39 du bill 50. Alors ça voudra dire que la municipalité de la baie James a un gouvernement et les autochtones auront l'occasion de participer à ce gouvernement de la municipalité.

M. MORIN: Bon.

M. CIACCIA: Cela est notre proposition, mais remarquez bien ce n'est pas final. Je ne peux pas m'avancer plus dans d'autres concepts.

M. MORIN: Si vous pensez que vous risquez de compromettre quoi que ce soit, vous n'êtes pas obligé de répondre,

M. CIACCIA: Non.

M. MORIN: Mais je voudrais comprendre le sens du mot participation. Est-ce que ce conseil régional serait entièrement autochtone ou bien si c'est un organisme auquel participeraient à la fois les gens de la municipalité, les gens de la SDBJ, d'une part, et les autochtones, d'autre part? Si c'est une sorte de comité conjoint ou de conseil conjoint que vous avez à l'esprit, qui va avoir la majorité et comment est-ce que ça va fonctionner?

M. CIACCIA: La proposition prévoit un conseil conjoint et nous avons suggéré la participation sur une base de représentation proportionnelle. Alors ça voudrait dire que, si la population autochtone est de 6,000, par exemple, à la municipalité de la baie James, et la population non autochtone, de 20,000, il y aurait dans ces proportions des représentants au conseil municipal. Cela est la suggestion que nous avons faite.

M. MORIN: Je vais m'abstenir de commentaires, mais j'aimerais bien en faire!

Je ne tiens pas du tout à compliquer la tâche du député.

Est-ce que l'Hydro-Québec fait les mêmes réserves, décline tout commentaire ou bien...?

M. BOULANGER: Je pense que, dans l'intérêt même des négociations, il n'est pas opportun que nous fassions des commentaires. J'en ferai cependant un. Je dois dire qu'actuellement les sociétés, la Société de développement de la baie James, la Société d'énergie de la baie James et l'Hydro-Québec, participent très activement

et aident, à la pleine mesure de ce qu'elles sont capables, M. Ciaccia dans le mandat qu'il a pour obtenir le règlement de ce problème.

M. MORIN: Bien, bien. Une dernière question.

Elle a trait à la Société de développement autochtone que vous avez proposée parmi vos onze points et j'y ajoute l'établissement de programmes socio-économiques, qui est une question connexe visiblement.

La Commission Dorion, pour sa part, parlait d'un fonds de développement indien. Cela me paraît être des concepts assez voisins. Est-ce que vous pourriez, M. le député, nous donner un peu plus la pensée du gouvernement pour ce qui est de cette société de développement?

M. CIACCIA: Oui, nous avons suggéré une société de développement qui recevrait certains fonds, les compensations pécuniaires seraient payées à cette société de développement autochtone. Maintenant comprenons bien que, quand la commission Dorion a suggéré ces fonds pour les Indiens, elle a pris comme modèle le fonds de développement économique indien au Canada.

C'est un fonds de $50 millions pour tous les autochtones au Canada; ils peuvent emprunter à des conditions un peu plus avantageuses que dans les emprunts normaux. La Société de développement autochtone, c'est une suggestion pour faire gérer, par les Indiens, les fonds que le gouvernement propose de payer aux autochtones.

M. MORIN: Ah! Parce que ce n'est pas distinct de la compensation qui pourrait être versée aux autochtones.

M. CIACCIA: Pas tout à fait. Ce n'est pas nécessairement distinct. Cette compensation, nous avons suggéré qu'elle soit gérée par la société de développement autochtone. Maintenant, si les Indiens ont d'autres suggestions, nous sommes ouverts. Mais nous discutons de ça, comme base.

M. MORIN: Bon. Mais est-ce que cet organisme serait appelé à gérer aussi bien le paiement comptant de $40 millions que les redevances de $60 millions ou seulement les redevances?

M. CIACCIA: Non. Elle pourra gérer les deux.

M. MORIN: Les deux. M. CIACCIA: Les deux.

M. MORIN: Mais cet argent appartiendrait-il aux Indiens ou à la Société de développement autochtone?

M. CIACCIA: La Société de développement autochtone appartiendrait aux Indiens.

M. MORIN: Bon.

M. CIACCIA: Alors, l'argent serait géré par la société pour les Indiens, pour eux-mêmes.

M. MORIN: Ce serait, en somme, une sorte de compensation collective. Ce ne serait pas une compensation qui irait à chaque Indien directement.

M. CIACCIA: Non. Nous avons laissé, dans les propositions, une marge de décision aux autochtones, s'ils voulaient en distribuer une certaine portion individuellement. Mais nous espérons qu'une portion aussi sera retenue, soit par la société elle-même pour tous les Indiens de la baie James ou bien elle peut être divisée entre les différentes communautés afin qu'elles puissent avoir un fonds pour l'avenir, pour développer leur communauté.

M. MORIN: Bien. Est-ce que ces deux montants de $40 millions et de $60 millions — ou appelons-les X ou Y, puisqu'ils pourraient peut-être varier — l'un comptant, l'autre à partir de redevances, ont la même source? C'est-à-dire est-ce qu'ils émanent tous les deux du gouvernement du Québec ou si la SDBJ est appelée à payer des redevances?

M. CIACCIA: Ce n'est pas déterminé finalement, la source de ces différents fonds. Cela est encore à discuter.

M. MORIN: Bon. là, j'aimerais bien demander à l'Hydro-Québec ou à la SDBJ, si elle se cache quelque part là, derrière, quelle est son attitude.

M. GIROUX: Vis-à-vis de ce qu'on doit payer?

M. MORIN: Pas nécessairement ce que vous devez payer, mais est-ce que vous acceptez le principe de contribuer à cette Société de développement autochtone, par exemple par le truchement de redevances?

M. GIROUX: M. Boyd, je pense, a déjà discuté du problème.

M. BOYD: Cest un sujet qu'on a discuté avec M. Ciaccia, la Société de développement et nous. On admet, à la Société d'énergie, qu'il faudra fournir un certain pourcentage qui n'est pas déterminé, envers les montants qui sont mentionnés dans la proposition.

M. CIACCIA: Excusez-moi, si je peux interrompre, les propositions sont les propositions du gouvernement du Québec. Alors, c'est le gouvernement du Québec qui a fait ces propositions de $40 millions à $60 millions aux autochtones.

M. MORIN: Mais cela n'exclut pas une participation...

M. CIACCIA: Non, cela n'exclut pas du tout, non.

M. MORIN: Pour être plus précis, est-ce que cette participation viendrait de la SDBJ ou de la SEBJ?

M. BOYD: Cela pourrait venir des deux.

M. CIACCIA: Cela pourrait venir des deux.

M. MORIN: Est-ce que cela pourrait venir de l'Hydro-Québec aussi?

M. GIROUX: C'est plus difficile!

M. BOYD: D'ailleurs, la Société d'énergie étant une filiale on peut dire à part entière d'Hydro-Québec, du point de vue financier, je pense que celle-ci serait intéressée directement et indirectement.

M. MORIN: C'est pour ça que je pose la question.

M. GIROUX: Je veux dire que, si la SEBJ souscrit ce qu'elle croit justifiable de souscrire. C'est difficile de faire autrement. C'est la même chose.

M. MORIN: Bien, un peu plus de 99 p.c.

M. GIROUX: Mais seulement, je ne vois pas pourquoi on donnerait deux fois. Mais enfin...

M. MORIN: Bon. Pour le moment, en tout cas, j'en ai terminé de cette question, M. le Président. Peut-être que M. le ministre aimerait ajouter quelque chose.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A ce moment-ci, je vais passer la parole au ministre des Richesses naturelles.

Lignes de transmission

M. MASSE: Disons que c'est dans un autre ordre d'idées, concernant les lignes de transmission que vous aurez à construire sur une distance assez importante, 700 ou 800 milles, je ne sais pas. Est-ce que vous avez une politique qui tient compte des problèmes d'environnement que pourraient causer à certains endroits ces lignes de transport d'énergie?

M. GIROUX: En principe, on ne cause jamais de problème, M. Massé. En principe.

M. MASSE: En principe.

M. GIROUX: II peut y en avoir.

M. MASSE: Mais disons qu'il y a peut-être certains endroits, peut-être en Abitibi ou plus au sud, qui ont un caractère panoramique ou autres qualités qui mériteraient peut-être d'être préservés. Je ne sais pas, si au départ, le tracé est déterminé maintenant?

M. DE GUISE: Nous avons établi ce que nous appelons des corridors qui peuvent encore être modifiés. D'une manière générale, les corridors sont assez bien déterminés, mais ils ont une largeur de 20 milles. Alors, c'est à l'intérieur d'un corridor et il y a encore passablement d'espace de manoeuvre.

Maintenant, il serait peut-être intéressant de vous expliquer brièvement comment ces corridors ont été déterminés. D'abord, HydroQuébec a confié à une société de l'extérieur le choix d'un emplacement, tenant compte d'une dizaine de facteurs qui ont été suggérés. Pour en donner quelques uns, par exemple, la valeur des terres agricoles, la valeur des terres boisées, des sites historiques ou qu'il faut peut-être absolument éviter, etc..

M. MASSE: Panoramiques.

M. DE GUISE: Ou panoramiques, c'est la même chose. Il y a une dizaine de ces facteurs auxquels des valeurs financières ont été attribuées. Ce sont des valeurs que je dirais relatives l'une par rapport à l'autre. Un inventaire très complet de chacun des différents points impliqués a été fait sur tout le territoire. Le tout a été passé dans un ordinateur. La réponse nous donne un tracé qui correspond à la ligne, si vous voulez, de moindre résistance ou de moindre dommage économique. C'est de cette manière que les corridors ont été fixés, du moins dans une première étape.

Nous sommes à l'intérieur des corridors maintenant. Il nous reste à déterminer plus précisément où nous devons passer. C'est ce qui nous a permis, dans un document qui a été distribué, de vous indiquer à peu près sur une carte l'alignement général des principales lignes de transport.

M. MASSE: A quel moment seront arrêtés d'une façon définitive les tracés?

M. DE GUISE: Je dois dire que cela variera suivant les sections parce que, évidemment, il y a plusieurs milles de lignes à construire. Elles ne seront pas toutes commencées simultanément. Il y a des tronçons où on anticipe moins de problèmes de localisation, moins de problèmes d'environement, si on veut. Ceux-là pourront être commencés un peu plus tard.

Dans les endroits les plus populeux ou les mieux fréquentés ou les plus difficiles, il faudrait s'y prendre avant. Nous avons un cheminement critique d'établi et, évidemment, pour construire, dès que les premières centrales seront mises en exploitation, il nous faut deux lignes complètes de la baie James à Montréal, ce qui implique 1,320 milles de lignes à construire

d'ici 1980, dont une partie pour 1979 pour l'Abitibi.

M. MASSE: Est-ce que votre premier tronçon n'est pas justement de Montréal en Abiti-bi?

M. DE GUISE: C'est ça, il faut qu'il soit terminé avant 1979.

M. MASSE: Le tracé définitif de ce premier tronçon devra être arrêté à quel moment?

M. DE GUISE: II faudrait que je regarde le document. Je pense que j'ai un cheminement critique. L'année 1975.

M. MASSE: L'année prochaine.

M. DE GUISE: Oui, c'est bien ça l'année 1975.

M. MASSE: Etant donné que ce tronçon devra évidemment passer dans le nord de Montréal, dans le parc... Il n'y a pas un parc provincial, La Vérendrye?

M. DE GUISE: Que nous avons essayé d'éviter, oui, on évite tous les parcs actuellement.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Puisque le ministre soulève cette question, je voudrais m'y intéresser aussi quelques instants, M. le Président. A la page 9 du rapport que vous consacrez au réseau de transport d'énergie, vous entendez "choisir le corridor qui présentera le moindre impact visuel et social, tout en respectant des limites de coût et de sécurité du réseau électrique. Cet objectif sera atteint, bien entendu, dites-vous, par la contribution d'experts dans toutes les disciplines concernées, mais aussi par la communication avec certains publics dont la contribution pourra influer sur les valeurs de décisions". Qu'en termes élégants ces choses là sont dites! Mais de quels publics s'agit-il, messieurs? Pourriez-vous préciser?

M. DEGUISE: Je pourrais répondre à cette question, mais nous avons avec nous le directeur de l'environnement à l'Hydro-Québec, M. Galibois, et il est probablement mieux qualifié que moi pour répondre à cette question.

Je pourrais peut-être dire au début que si on fait référence à certains publics, c'est que, tout de même, il y a un élément temps qui nous est imposé pour la réalisation des ouvrages, et ça ne permet pas, à mon opinion du moins — M. Galibois pourra en dire davantage — la consultation ultime qui aurait pu être désirable. Il nous faut commencer à un certain temps.

M. MORIN: Oui. Remarquez que je peux deviner un peu la réponse à ma propre question. En regardant la carte, cependant, on ne peut pas savoir si la ligne de haute tension passe au-dessus de Saint-Jovite ou de Sainte-Adèle. Mais je sais très bien à quel public vous allez avoir affaire si ça passe au-dessus de Sainte-Adèle.

Comme première question, est-ce que les tracés qui apparaissent sur cette carte sont encore très approximatifs?

M. DE GUISE: Le tracé à l'intérieur, il y a un corridor de 20 milles; imaginez que les lignes plus ou moins épaisses que vous voyez sur le dessin représentent un corridor de 20 milles de largeur à l'intérieur duquel nous pouvons aller d'une extrémité à l'autre. A l'échelle de la carte...

M. MORIN: Cela ne va pas être joli, joli.

M. DE GUISE: Pour ceux qui n'aiment pas les lignes de transport, non, évidemment. Les ingénieurs trouvent ça joli.

M. MORIN: On peut toujours imaginer que ça ressemble à la Tour Eiffel, mais même là il y en a qui s'objecteraient..

M. GIROUX: Les opinions sont un peu partagées sur la beauté des tours.

M. MORIN: Oui. M. Giroux doit leur trouver beaucoup d'esthétique, j'imagine.

M. GIROUX: Je trouve ça cher.

M. MORIN: L'art a toujours été réservé à une élite, M. Giroux.

M. GIROUX: J'ai compris ça au prix que je payais.

M. MORIN: Bien, alors, monsieur, pourriez-vous nous dire de quel public il s'agit, d'abord? Et qu'entendez-vous par communication?

M. GALIBOIS: Les méthodes d'analyse qui ont été mises au point, qui permettent de découper le territoire en cellules d'un quart de kilomètre sur un quart de kilomètre, permettent l'évaluation de chaque cellule du territoire selon ses caractéristiques écologiques, économiques et techniques. Les méthodes qui sont en voie d'être établies permettent d'établir les corridors de moindre impact ou les tracés de moindre impact selon différentes analyses. Or, on peut à ce moment-là faire différents scénarios, différentes analyses mais on peut aussi obtenir de la part de spécialistes leurs vues sur les pondérations qui peuvent être apportées aux différents facteurs.

Quand on parle de communication avec certains publics, il y a différentes formes de communication. Dans le cas des lignes de

transport, le problème est assez complexe parce que c'est peut-être toute la population de la province qui tirera avantage de la présence de ces lignes alors qu'il y a un nombre beaucoup plus restreint, beaucoup plus limité de gens qui seront embarrassés, peut-être, par la présence des lignes. Si on parle de communication, on parle tout d'abord d'information, peut-être d'échange de vues, de sondage, de questionnaires qui doivent être faits de façon à pouvoir obtenir les vues ou les préoccupations des publics à l'égard des différents facteurs. Certains peuvent attacher une plus grande importance au respect de la qualité écologique des terrains alors que d'autres attachent plus d'importance aux valeurs esthétiques et, enfin, certains autres groupes considèrent que les questions d'utilisation du sol, de vocation agricole du territoire doivent être plus importantes.

M. MORIN: Vous avez terminé votre réponse à cette question? Alors, j'en ai quelques autres. Quelle va être la largeur exacte des corridors permettant le passage des tours?

M. GALIBOIS: 290 pieds. Peut-être que M. De Guise...

M. DE GUISE: Nous aurions probablement dû spécifier — je crois que c'est mentionné dans le texte — que l'estimation qu'on vous présente est pour ce qu'on appelle des pylônes haubanés. Au lieu d'avoir ce que l'Hydro-Québec a construit à ce jour en grande partie, le pylône est retenu par des fils, des haubans en fait, et tout dépend si l'on inclut dans la largeur du droit de passage les limites de ces fils, ce qui change les dimensions.

M. MORIN: Cela fait un sacré trou dans le paysage, hein?

M. DE GUISE: C'est probablement 250 pieds par ligne ou, lorsque deux lignes sont rapprochées, c'est 500 pieds.

M. MORIN: Bon. En arrivant, vous avez deux lignes qui franchissent la rivière du Nord et la rivière Rouge. Je suis incapable de dire exactement à quelle hauteur. Vous avez deux lignes, là. Est-ce que ce sont des lignes de pylônes jumelées ça, ou d'une seule série de pylônes?

M. DE GUISE: Si vous me permettez, à distance, la photographie que vous examinez, je me demande si ce n'est pas la photographie de la ligne expérimentale des Iles-de-la-Madeleine?

M. MORIN: Oui, c'est ça.

M. DE GUISE: Ah! ça, c'est complètement...

M. MORIN: Ce n'est pas ça?

M. DE GUISE: Ah! non, cela a été fait pour étudier les lignes à 1,100,000 volts avec huit conducteurs par phase ou six conducteurs par phase. Ce n'est absolument pas ça, c'était le prototype d'une ligne à 1,100,000 volts.

M. MORIN: Ah bon! Alors décrivez-nous votre pylône haubané, s'il vous plaît.

M. DE GUISE: Ce serait mieux de faire un dessin.

Si vous voulez, c'est une espèce de V dont la base est très serrée, avec une traverse maîtresse en haut et...

M. BACON: Conventionnel, comme il en existe en masse à l'heure actuelle.

M. DE GUISE: ... les lignes Churchill Falls par exemple, en bonne partie.

M. MORIN: Oui, je vois, d'accord.

M. BACON: Votre ligne de 735 kV est transportée là-dessus à l'heure actuelle.

M. DE GUISE: Pas la nôtre. La nôtre est sur des pylônes avec quatre pattes si vous voulez, ce qu'on appelle un pylône rigide. Il a quatre bases et une tour qui monte tandis que l'autre, la base est étroite à peu près comme ça. La base est très étroite, ça élargit vers le haut. Vous avez une traverse et...

M. GIASSON: On n'a pas ce type le long du boulevard Talbot?

M. DE GUISE: Je ne crois pas, l'Hydro-Québec n'en a...

M. BACON: Sur la ligne de l'Ile-Maligne.

M. MORIN: Si je comprends bien ce sont celles qui font le moins de bruit en tombant!

M. GIROUX: Je ne peux pas répondre, on n'a pas l'expérience de celles-là.

M. MORIN: Pour revenir à vos lignes qui traversent la rivière du Nord-Est, est-ce que ce sont des lignes à pylônes uniques ou à doubles pylônes?

M. DE GUISE: Je ne sais pas à quoi se réfère votre question exactement, mais chaque ligne porte trois circuits seulement. Il y a une ligne par pylône en opposition à certains circuits où nous avons six conducteurs. Nous avons deux lignes à pylônes à 315,000 volts par exemple. Mais à 735 kV, chaque pylône ne porte qu'un circuit de trois phrases.

M. MORIN: Oui, mais ces deux lignes en particulier, celles qui sont le plus à l'ouest sur le territoire, est-ce que ce sont des pylônes simples

ou des pylônes doubles? Autrement dit, est-ce que ce sont des territoires de...

M. DE GUISE: De 500 pieds. Il y aura deux lignes et deux pylônes côte à côte.

M. MORIN: Dans chacune de ces lignes-là?

M. DE GUISE: Dans chacun des traits épais sur le dessin.

M. MORIN: Oui je comprends c'est ça. Dans chacun des corridors.

M. DE GUISE: Un corridor de deux lignes, c'est ce que ça veut dire.

M. MORIN: Oh, là là! Cela va se voir.

Donc, une dernière question, puis on pourrait peut-être quitter ce sujet. Quand vous dites que pour chacun des corridors considérés il y aura publication d'un rapport d'impact sur l'environnement, etc., combien de temps, avant la décision finale, la publication aura-t-elle lieu?

M. GIROUX: C'est assez difficile, M. Morin, de s'engager à ce stade-ci. Autrefois on publiait les rapports après, mais disons qu'on va voir à ce que ce soit publié assez tôt; c'est complètement une nouvelle mode ces choses pour l'Hydro-Québec. Soyez assurés que nous avons développé le département de l'environnement pour voir à coopérer dans ce domaine qui n'était absolument pas couvert par l'Hydro-Québec.

M. MORIN: Oui, je comprends.

M. DE GUISE: On voudrait que les rapports soient prêts dès la phase de planification des projets.

M. MORIN: Je comprends. Ce que j'aimerais savoir, étant donné le genre de trou que ça va faire dans le décor, c'est combien de temps les gens vont avoir pour se retourner puis éventuellement pour faire des représentations.

M. DE GUISE: M. le Président, il y a une chose certaine d'avance, c'est qu'à chaque fois qu'on approche quelqu'un pour passer une ligne sur son territoire il nous suggère d'aller chez le voisin.

M. BACON: Comme un poteau, dans le résidentiel.

M. DE GUISE: Oui. Chaque fois qu'on veut poser un poteau devant une résidence, une entrée de garage...

M. BACON: II devrait être toujours plus beau chez le voisin.

M. DE GUISE: ... nous avons toujours la suggestion que ce serait beaucoup plus simple d'aller à côté.

M. MORIN: Je tiens ça pour acquis, ce sont les difficultés habituelles de l'expropriation, ce n'est pas seulement pour les lignes que ça joue.

M. GIROUX: M. Morin, il y a une loi d'expropriation mais on me dit qu'il y a une nouvelle loi qui s'en vient sur l'environnement. Cette loi-là va certainement couvrir des normes que nous devrons suivre.

M. MORIN: Oui, je le veux bien, mais pourriez-vous me dire quand même, quand vous nous dites qu'il y aura publication d'un rapport d'impact, vous pensez bien à un certain délai; de quel ordre est ce délai? Est-ce que c'est une journée, est-ce que c'est un peu comme les rapports que vous nous avez déposés là au début des séances?

M. GIROUX: Il y aura amélioration. Il y aura amélioration.

M. MORIN: Non, mais encore.

M. GIROUX: Je comprends, mais hier vous nous avez simplement demandé deux jours sur les rapports. Je crois sincèrement que toutes ces choses sont nouvelles.

Les lois qui doivent être faites sur l'environnement seront suivies par l'Hydro-Québec, vous pouvez en être assurés. Le problème, c'est assez difficile de le savoir, mais, à ce moment-là, je crois que tous les membres du Parlement auront amplement le temps de voir à ce que cette loi contienne les normes nécessaires. Si c'est trop long ou impossible à respecter, ce sera le rôle de l'Hydro-Québec de venir s'opposer.

M. MORIN: Je voudrais être bien sûr, M. le président de l'Hydro-Québec, que la loi sur l'environnement va s'occuper aussi bien des aspects esthétiques que des aspects purement écologiques. Je n'en suis pas si sûr.

M. GIROUX: Disons que l'Hydro-Québec a développé ce service de l'environnement. Je crois que M. Galibois peut exposer que nous travaillons conjointement, chaque fois que nous sommes invités à le faire, avec le service de l'environnement du Dr Goldbloom. Nous avons fait des suggestions jusqu'à maintenant. Quelle sera la loi? C'est difficile pour moi de me prononcer. On dit toujours que nous sommes le gouvernement, mais c'est faux. Vous le voyez, là.

M. MORIN: Oui, mais justement parce qu'il n'existe pas de normes, j'aurais cru, à vous lire, que vous aviez un certain délai de publication.

M. GIROUX: Si le gouvernement n'établit pas de normes ou si la loi ne couvre pas ces choses-là, l'Hydro-Québec verra à établir des normes raisonnables.

M. MORIN: Oui, je vois que cet entretien a assez duré.

M. GIROUX: Nous avons un chef de l'Opposition extrêmement compréhensif.

M. MORIN: Eh bien, à moins que le ministre n'ait quelque chose à ajouter, on pourrait passer à autre chose.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Trois-Rivières.

Régime de retraite

M. BACON: Est-ce que vous avez terminé? On peut attaquer un autre sujet? Bon.

M. le Président, je pense que je ne ferai pas de surprise à nos invités, aux commissaires de l'Hydro-Québec en attaquant le problème du régime de retraite. En fait, pour le bénéfice des membres de la commission, même si je suis intervenu dans les deux dernières comparutions de l'Hydro-Québec, j'aimerais quand même exposer, en résumé, la situation qui se présente vis-à-vis du régime de retraite, sur un problème qui a commencé au moment de la nationalisation.

Les compagnies qui ont été nationalisées possédaient des régimes de retraite qui — plus ça va, plus on en voit l'écart, d'ailleurs — étaient différents du régime de retraite que les employés de l'Hydro-Québec avaient à ce moment-là. Semble-t-il, depuis, il y a des améliorations qui ont été apportées, surtout dans le cas d'employés déjà retraités, mais il reste qu'au moment où cette commission siège l'employé, qui est dans une compagnie nationalisée, qui est quand même, depuis près de onze ans, un employé de l'Hydro-Québec, a, au moment de sa mise à la retraite, une différence, dans certains cas, assez importante, vis-à-vis d'un employé de l'Hydro-Québec pour le même nombre d'années de services.

Il y a quelques questions que j'aimerais poser avant, peut-être, d'entrer dans le vif de mon sujet. C'est certaines précisions que j'aimerais qu'on apporte. Au moment de la nationalisation des compagnies d'électricité, est-ce que je pourrais savoir si l'Hydro-Québec aurait versé ou aurait contribué d'une façon quelconque à bonifier le plan de pension des directeurs des compagnies nationalisées? Je parle surtout de Shawinigan, de Southern, de Quebec Power.

M. GIROUX: Je crois que je peux vous répondre tout de suite. Si cette chose-là a été faite, elle a été faite par les directeurs eux-mêmes avant la nationalisation. C'est la procé- dure un peu normale. Quand on est pour être nationalisé, on bonifie certaines choses.

M. BACON: Est-ce qu'on peut soupçonner que cela aurait été fait?

M. GIROUX: Je n'y étais pas et je ne crois pas qu'on puisse soupçonner de mauvaise foi. Je ne sais pas du tout.

Simplement, ce que je veux dire, c'est que si certaines compagnies, au moment d'être nationalisées, avaient donné à leurs employés des bénéfices différents des nôtres, à ce moment, je suis convaincu d'une chose: c'est que si les compagnies n'avaient pas été nationalisées, ces mêmes employés seraient dans une position très inférieure à la position qu'ils ont actuellement.

M. BACON: M. Giroux, vous m'avez mentionné ça l'an dernier. C'est quand même un peu aléatoire. On peut supposer, selon l'affirmation que...

M. GIROUX: Non, je prends simplement la façon dont ces gens ont traité leurs employés pendant 25 ans.

M. BACON: Juste une seconde, M. Giroux. On peut quand même supposer, dans l'évolution des compagnies — si elles restent telles quelles — qu'à un moment ou l'autre, il y ait une réorganisation complète ou en profondeur du régime de retraite, comme on peut aussi bien supposer, comme vous le dites, qu'il n'y en ait pas eu du tout. On peut supposer les deux. On parlait d'hypothèses hier, on peut faire ces deux hypothèses.

M. GIROUX: Absolument, ce sont deux hypothèses. Seulement, j'aime beaucoup être pratique et prendre surtout l'hypothèse des dossiers. Les dossiers ne sont pas favorables au point de vue de fonds de pension. L'argument des compagnies qui existaient à ce moment est que leurs salaires étaient supérieurs à ceux de l'Hydro-Québec.

Maintenant, vous savez, ce point est tel qu'il faut toujours penser à certaines choses que mes confrères expliqueront, soit ce qui a été fait pour améliorer la situation de gens qui, par exemple, recevaient $125 de pension par an et qu'on a montés à $1,200 par an, ce qui a coûté des millions à l'Hydro-Québec. Dans ce domaine, naturellement, nous avons simplement dit ce matin que nous ferions une demande de 10 p.c. d'augmentation des tarifs, et cela a provoqué un tollé. Il ne faut pas oublier que chaque sou que vous nous demandez de donner, il n'y a qu'un moyen d'aller le récupérer, c'est par les tarifs. Alors, gentiment, je dis ceci au gouvernement: Si, au moment où vous avez nationalisé, ce qui n'est pas la faute de l'Hydro-Québec — j'étais favorable à la nationalisation, j'étais un de ceux qui l'encourageaient, je ne nie pas ce geste — vous croyez par

hasard que vous avez commis une injustice envers ces gens, il serait assez simple pour le gouvernement de nous verser $18 millions par année...

M. MORIN: Combien?

M. GIROUX: $18 millions par année, plus ce qu'on leur donne, $20 millions par année. On déposerait ça au fonds de retraite et, à ce moment, on donnerait à tout le monde, ou on augmenterait les tarifs du même montant. Tout ça se reflète dans les tarifs. Mais je crois qu'avant qu'on demande au gouvernement d'augmenter ce montant ou que les membres du gouvernement décident de le demander au ministre des Finances pour commencer — je ne connais pas tellement le rouage — avant que ces choses se fassent, je crois que la commission devrait être renseignée sur ce qu'on a fait pour les personnes déjà retraitées. Je crois que c'est une chose où nous sommes allés, à mon humble avis, au maximum de souscription de la part de l'Hydro-Québec à même ses revenus, ... parce qu'à chaque fois qu'on fait ces choses, c'est toujours le public qui paie le dommage.

Le problème est très très avancé. Actuellement, nous avons des problèmes qui, à mon sens, sont beaucoup plus urgents au point de vue humanitaire pour les gens qui ont encore de basses pensions parmi ceux qui sont pensionnés, parce qu'on n'a pu les relever tous à des niveaux permettant de les sortir de la pauvreté. Je crois qu'il est plus urgent, dans un moment d'inflation extrême comme celui que nous vivons, d'aider ces gens par des montants forfaitaires. Ce qui, dans l'ensemble, est le voeu de la commission, si on peut le faire selon nos revenus.

Mais, avant ça, il nous faut aussi prendre soin de nos gens qui sont actifs et qui doivent payer des prix beaucoup plus élevés pour se nourir. Et eux, on en a besoin pour monter dans les poteaux. Alors, au point de vue du bon sens, nos gens, qui sont actifs, ont droit, pour les rendements qu'ils nous donnent actuellement, à un boni de vie chère. Remarquez bien, je ne suis pas celui qui acceptera qu'on change les conventions collectives. C'est un contrat, on doit le respecter. Par contre, je ne veux pas que nos employés soient lésés.

Alors, il faut absolument avoir des mécanismes, qui sont en négociation. On a énormément confiance en nos gens des syndicats, chez nous, qui négocient ces choses très serrées. Seulement, le problème va se régler au moment où le problème des bonis de vie chère... Parce qu'il faut venir en aide à nos gens qui doivent subir une inflation du coût de la vie. Malheureusement, je dois dire ces choses. Il paraît qu'il y a une campagne électorale, mais cela ne me regarde pas dans ce sens-là. Je constate les faits. Les gens se plaignent de ce que cela leur coûte actuellement.

Alors, je crois que c'est le devoir de la commission de se pencher sur le problème de nos employés actifs. Le deuxième problème sur lequel la commission doit se pencher, c'est sur le problème des pensionnés qui ne sont pas sortis du niveau de pauvreté. C'est un autre gros problème. Ces deux problèmes vont demander extrêmement d'argent, à même nos budgets. Ces montants devront être reflétés dans nos revenus.

M. MORIN: M. le Président, à l'Hydro-Québec, qu'est-ce que vous appelez le niveau de pauvreté?

M. GIROUX: On avait calculé, à ce moment-là, autour de $3,000.

M. MORIN: $3,000?

M. GIROUX: Oui.

M. MORIN: Les chiffres fédéraux...

M. GIROUX: L'inflation...

M. MORIN: ... indiquent plus que ça.

M. GIROUX: Je n'ai pas vérifié les derniers chiffres d'inflation. Cela semblerait plus facile de montrer, n'est-ce pas, ce qu'est le niveau de pauvreté que de penser du côté de l'inflation.

M. MORIN: Oui.

M. GIROUX: Maintenant, je ne suis pas en campagne électorale.

M. MORIN: Oui. Mais le régime a été bonifié — si le député de Trois-Rivières me permet de poser deux ou trois questions — en 1970, et est entré en vigueur le 1er janvier 1972. N'est-ce pas? Je crois que c'est M. Dozois qui l'a expliqué.

M. GIROUX: Maintenant, là, je laisserais la parole à M. Dozois et à M. Gauvreau qui sont nos deux membres commissaires...

M. MORIN: Bon.

M. GIROUX: ... qui ont regardé tout ce problème, qui nous ont fait les recommandations...

M. MORIN: Oui.

M. GIROUX: ... sur ce qu'on a fait jusqu'à présent.

M. MORIN: Ce sont surtout des questions que je veux poser pour bien comprendre la nature du problème. Supposons deux employés, qui ont fourni la même période de service, dans un cas à l'ancienne Hydro-Québec et, dans l'autre, aux sociétés nationalisées, qui

auraient été mis tous les deux à la retraite en 1974, qui auraient tous les deux 35 ans de service, dont le salaire moyen aurait été de $10,000 au moment de leur mise à la retraite. S'il vient de l'ancienne Hydro-Québec, ce retraité toucherait $7,200, tandis que s'il vient d'une société, d'une compagnie nationalisée, il toucherait $5,250. C'est un écart qui demeure important. Il y a quelques années, $10,000 c'était un salaire, somme toute, raisonnable...

M. GIROUX: Je crois que, du même coup, vous devriez lui demander aussi qu'il vous donne ce qu'il aurait reçu si on n'avait pas amélioré son sort.

M. MORIN: Bien, cela, je le sais parce que le rapport me dit que, avant la bonification du régime, il aurait touché, j'entends dans l'hypothèse où il venait d'une société nationalisée, $3,842.50

M. GIROUX: Alors, c'est déjà une bonification.

M. MORIN: D'accord.

M. GIROUX: Si on marche en pourcentage, ce qui est beaucoup plus haut que tous les niveaux de coûts de vie qu'on a actuellement.

M. MORIN: D'accord. Maintenant, je vois deux problèmes. Le premier, c'est qu'avec $5,250. votre retraité d'une société nationalisée, qui gagnait $10,000 au moment où il a été mis à la retraite, n'est pas loin d'être sous le seuil de la pauvreté, d'après la définition qu'en donne le gouvernement fédéral, en tout cas. Donc, vous allez être pris avec beaucoup de monde pauvre avant longtemps, j'ai l'impression.

Deuxièmement, cela soulève l'autre question qui est celle de l'indexation des pensions au coût de la vie. Mais ça, j'avoue que c'est peut-être une question distincte et qu'on peut peut-être, pour l'instant, la mettre de côté.

SI j'ai bien compris le député de Trois-Rivières, il suggère que le régime soit le même pour tout le monde et vous nous dites que cela prend $18 millions par an.

M. GIROUX: Je crois que les chiffres peuvent être fournis.

M. DOZOIS: Peut-être qu'il serait intéressant, M. le Président, qu'on distribue ici un document que nous avons fait préparer depuis notre arrivée à Québec. Ce document part de différents documents de travail que nous avons utilisés pour étudier toute cette question.

Ce n'est pas nécessairement un document complet, mais je pense qu'il contient sûrement des choses qui sauront vous intéresser. Au tout début, vous avez l'historique de nos fonds de pension, des fonds de retraite des différentes companies, de même que celui de l'Hydro, les avantages de chacun des fonds, la situation financière, le nombre d'employés participants et de retraités, les revenus à la retraite, le régime de retraite de l'Hydro-Québec, la situation du régime par rapprot à l'entreprise privée et sa fonction publique, les coûts d'exploitation et un tableau qui montre également tous les fonds de pension que nous avons, les bénéfices qui sont donnés pour chacun des fonds de pension des filiales et de l'Hydro-Québec et également une comparaison, parce qu'on établit dans ce document que nous avons un des meilleurs fonds de pension et un des plus généreux qui existent dans la province de Québec. Notre fonds de pension est dépassé uniquement par la ville de Québec et la ville de Montréal, et légèrement.

M. BACON: On n'a jamais mis ça en doute, M. Dozois.

M. DOZOIS: Oui.

M. BACON: C'est justement votre problème.

M. MASSICOTTE: M. le Président, combien est-ce qu'on aurait, actuellement, d'employés dits nationalisés qui seraient sur ce plan?

M.MORIN: 5,700.

M. DOZOIS: C'est à peu près moitié moitié.

M. MORIN: 5,700 nationalisés et 5,500 de l'ancienne Hydro.

M. MASSICOTTE: C'était en 1963, cela. M. MORIN: Oui, c'est vrai.

M. DOZOIS: Dans quel document? Dans le document qu'on vient de vous remettre, M. Morin?

UNE VOIX: Non, non.

M. MORIN: Non, cela ne vient pas de votre document.

M. MASSICOTTE: Alors, ce serait actuellement, M. le Président, moitié moitié, environ.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Trois-Rivières.

M. BACON: M. Dozois, est-ce qu'en 1965 l'Hydro n'aurait pas fait faire une étude actuarielle, justement, parce qu'elle était consciente du problme que posaient les fonds de pension? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu une étude faite en 1965?

M. DOZOIS: Oui.

M. BACON: Quelles ont été les recommandations de la société d'actuaires ou quelles ont été les hypothèses — on parle d'hypothèses — ou les suggestions faites?

M. DOZOIS: Tous les fonds de pension, sauf celui de la Compagnie de pouvoir du Bas-Saint-Laurent, sont déficitaires. Il y a un déficit actuariel initial qui a été déterminé au 31 décembre 1965 et Hydro-Québec — et je ne faisais pas partie d'Hydro-Québec à cette époque — a décidé, à compter du 1er janvier 1966, de mettre tout le monde sur le même pied, donnant à tous les gens qui nous venaient des filiales leur assurance qu'ils avaient gagnée comme fonds de pension dans la compagnie d'où ils venaient.

Cela, c'était acquis. On n'a rien retranché. On a respecté, en somme, les contrats qui étaient établis. Mais Hydro-Québec a dit: A compter du 1er janvier 1966, tous les employés, indépendamment de leurs états de services antérieurs, vous gagnez à l'avenir, à l'Hydro-Québec, tous le même fonds de pension, c'est-à-dire 2 1/4 p.c. par année, multiplié par le nombre d'années de services à compter du 1er janvier 1966. Ce fonds de pension d'Hydro-Québec, celui d'Hydro-Québec même, avait un déficit actuariel — je cite de mémoire — de $33 millions.

M. BACON: C'est ça.

M. DOZOIS: Les actuaires, à l'époque, étaient d'avis que la contribution de 5 p.c. pour les employés et de 9 p.c. pour l'Hydro-Québec était suffisante pour prendre soin du déficit actuariel initial, de même que des déficits actuariels courants qui pourraient se développer pour les services courants.

Or, en vertu de la Loi des régimes supplémentaires de rentes, nous sommes obligés de faire faire une évaluation actuarielle tous les trois ans. Une nouvelle étude actuarielle a été faite en 1968 et, là, il y a eu un nouveau déficit pour les services courants.

Une nouvelle étude actuarielle au 31 décembre 1971 a révélé encore un autre déficit actuariel. A ce moment, après 1968, l'Hydro-Québec, sur le conseil des actuaires, avait cru prudent de faire une réserve pour faire face au déficit actuariel initial qui nécessitait un montant annuel de $2,107,000. Elle a fait une réserve, elle ne l'a pas versée immédiatement parce qu'on attendait l'évaluation de 1971.

Or, après avoir fait cette évaluation, devant les résultats de l'étude actuarielle de 1971 qui révélait un autre déficit de l'ordre de $5 millions pour les services courants, l'Hydro-Québec a décidé, parce qu'en vertu de la loi nous garantissons les bénéfices du fonds de pension, de verser effectivement les montants qui étaient accumulés depuis trois ans de $2,107,000 et, jusqu'à 1995, de verser effectivement à chaque année les $2,107,000. Ainsi, l'an dernier, nous avons versé au total $8,426,000, et cela représentera, sur cette période, un déboursé total de $54 millions. C'est l'Hydro-Québec qui fait ce déboursé.

Vous êtes peut-être intéressé de savoir comment sont employés ces $25 millions, en somme. Cela fait un total de $17 millions, plus $8 millions qui au total ont été versés au fonds de retraite l'an dernier. Cela comprend les $8 millions spéciaux.

Il y a, pour services courants, $13,364,000; $8,426,000 sont appliqués au déficit initial. Amortissement du déficit courant, $430,000 au 31 décembre 1968; amortissement du déficit courant, $1,940,000 au 31 décembre 1971; intérêt sur déficit initial des régimes des filiales, $37,000; amortissement du déficit courant des filiales, $81,000 pour 1968; amortissement du déficit courant des filiales, $360,000; et un excédent est appliqué pour les futurs déficits courants de $841,000, pour un total de $25,479,000.

Je dois vous faire remarquer, en plus, que l'Hydro-Québec absorbe tous les frais d'administration. Vous allez peut-être me dire que c'est parfaitement naturel qu'il en soit ainsi, mais j'ai lu récemment des rapports annuels de fonds de pension qui sont administrés et ça représentait des sommes assez considérables parce qu'il y a perception des contributions sur chaque chèque de paie qui doivent être enregistrées, accumulées, etc. Les frais de placement. En se basant sur les frais assumés par d'autres fonds de pension qui eux paient leurs frais d'administration, soit en se basant sur le nombre de pensionnés, soit sur le nombre de personnes qui contribuent ou sur le montant de l'actif, nous ça représenterait une dépense annuelle de $750,000. Dans le document qu'on vous a distribué, vous avez cette note. Vous avez également le tableau des placements, de même que les revenus de placement qui sont, en l'occurence, très élevés si on les compare avec n'importe quel autre fonds de pension, et tout ça pour assurer les pensions prévues à nos règlements.

Mais, l'Hydro-Québec est consciente qu'il y a un problème, on ne se le cache pas. Il y en a un pour ceux qui ont obtenu des pensions il y a 4, 5, 7, 8 ou 10 ans, qui ont été corrigées en 1972. Nous avons bonifié toutes les pensions de moins de $6,000, nous avons bonifié les pensions de tous ceux qui ont pris leur pension qui nous venaient des filiales, depuis le 1er janvier 1966. Nous avons accordé des bonifications qui ont, dans certains cas, doublé les pensions de ces personnes. Mais, même à ça, on s'est dit: II y a un problème. Est-ce qu'on pourrait, effectivement, combler, soit par l'indexation ou soit en mettant tout le monde sur le même niveau?

Et en faisant différentes études — elles ne sont pas encore complètes parce que ça représente des sommes astronomiques — on constate qu'on est devant des déficits actuariels qui peuvent varier entre $125 millions et $180 millions, qui nécessiteraient de la part de

l'Hydro-Québec des déboursés annuels parce que ce sont des déficits actuariels qu'il faudrait assumer immédiatement et, en vertu de la loi, il faudrait les amortir. Cela représenterait des déboursés annuels qui pourraient varier, selon les formules qu'on pourrait adopter, entre $12 millions et $18 millions par année.

Alors, c'est un pensez-y bien; on continue à travailler, peut-être qu'il y aura d'autres solutions, peut-être partielles ou peut-être meilleur marché. Lea actuaires continuent à nous aviser là-dessus. Mais ce n'est pas simple, c'est très compliqué, c'est très onéreux. Et comme le président le disait tout à l'heure, l'argent nous vient d'une seule source; jusqu'à présent ce sont les sommes versées par nos abonnés et...

M. MASSICOTTE: M. le Président...

M. DOZOIS: ...notre opinion ça fait une augmentation de tarifs assez considérable.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE: M. le Président, évidemment depuis quelques annés l'Hydro-Québec a fait des efforts pour, entre autres, rajuster les pensions des personnes déjà pensionnés, pour élever le minimum, comme on a dit, des pensions en bas de $6,000. Mais les gens qui travaillent maintenant à l'Hydro-Québec, qui viennent des compagnies qui ont été nationalisées nous disent: En 1962, 1963, on a nationalisé les biens de nos compagnies, on a acheté tout cela, mais nous, en tant que possesseurs d'un fonds de pension, on nous a oubliés. Est-ce que c'est vraiment le problème de fond de toute cette question que lorsqu'on a négocié avec ces entreprises, c'est un point qu'on aurait négligé dans la négociation?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Giroux.

M. GIROUX: Je pense bien qu'il faut reconnaître une chose, qu'au moment de la nationalisation, 1'Hydro-Québec a accepté toutes les charges qui étaient attachées à ces compagnies. Nous avons payé les dettes obligataires, nous avons rempli toutes les conditions de fonds de pension et toutes les conditions d'engagement. Autrement, si on ne l'avait pas fait, si on avait lésé ces gens en annulant leur fonds de pension ou en le diminuant, là on pourrait dire qu'on a lésé ces gens-là. Mais ces gens, on les a laissés exactement comme ils étaient. Pour vous donner un éclaircissement sur ces choses, c'est peut-être un vieux nationalisé, qui a subi la première nationalisation en 1944, qui pourrait vous expliquer quelle était la mentalité des gens qui étaient à l'Hydro-Québec à ce moment-là contre les compagnies qui sont entrées. M. De Guise était là à ce moment-là et c'est très intéressant de penser qu'à un moment donné ça éclaire drôlement le point de vue.

M. MASSE: Mais est-ce que... je m'excuse.

M. GIROUX: M. De Guise pourrait vous donner ça.

M. MASSE: Lorsqu'on a nationalisé ces entreprises privées, si on avait prévu, à ce moment-là, le même régime, est-ce que ça aurait été possible de prévoir le même régime de pension pour les entreprises nationalisées que pour les employés de l'Hydro-Québec.

M. GIROUX: Absolument. Quand on le regarde comme il faut. Actuellement, disons qu'on va en chiffres ronds, pour ne pas exagérer les choses. Si automatiquement le comité dit: Nous sommes prêts à recommander à la Chambre de vous accorder 2.5 p.c. d'augmentation de tarif, à part les besoins que vous avez pour remplir ces engagements-là, on va le faire. Cela représente exactement ce dont on a besoin.

M. MASSE: Oui, M. Giroux, j'ai l'impression que justement, au moment de la nationalisation, c'est un point qui n'a pas été soulevé au gouvernement.

UNE VOIX: Si vous permettez...

M. GIROUX: II n'a pas été soulevé, mais tous les montants ont été acceptés.

M. BACON: En supplémentaire à ça, M. Giroux, il reste que quand même, profondément — moi j'ai été nationalisé, j'étais avec la Shawinigan Water & Power à ce moment-là.

Je sais comment ça s'est passé, puis quelle était l'atmosphère à ce moment-là. Je vous comprends, vous héritez d'un problème. En fait, je pense qu'il y a quand même eu des erreurs au départ. Il y a peut-être des aménagements qui auraient dû être faits et cela aurait pu être compris dans tous les millions de la nationalisation.

Il reste quand même, M. Giroux, que vous faites deux catégories d'employés. Cela fait onze ans que les gars sont sur le perron. Ils ne sont pas encore entrés dans la cabane.

M. GIROUX: Vous savez, c'est facile de prendre ça comme ça. ...

M. BACON: Voyez-vous ça!

M. GIROUX: ... une chose de côté. Seulement il y a un point. Là, vous faites une admission qui revient à ce que je vous disais tantôt. Si le gouvernement a fait des erreurs en nationalisant...

M. BACON: On ne vous accuse pas.

M. GIROUX: Non, non, l'Hydro-Québec...

M. BACON: Jamais on ne ferait ça. Vous ne vous sentez pas accusé de...

M. GIROUX: Absolument pas. Si le gouvernement n'a pas réglé ces cas et qu'il ne veut pas les régler... Si le gouvernement veut s'engager à donner les 2 1/2 p.c. ou 3 p.c. d'augmentation établis par des actuaires, et qui vont être payés par la masse québécoise, écoutez, ce n'est pas moi qui vais m'opposer à ce que des gens reçoivent plus de revenus. Absolument pas. Mais je dois vous dire qu'actuellement, je me vois absolument dans l'impossiblité de recommander aux membres de la commission — je ne suis pas le seul — qu'une chose soit faite comme ça, sans que le public le sache. C'est le contraire. Actuellement, je suis obligé de déclarer... Toute la journée, sur les demandes qu'on faisait, n'est-ce pas, on a posé la question: C'est en vertu de quoi?

Alors, on a essayé de l'expliquer au meilleur de notre connaissance: C'est pour couvrir notre crédit, alors ça, c'est un minimum de 10 p.c. Si cette commission est prête à recommander au ministre des Finances — je ne sais pas comment ça marche, au gouvernement — si vous recommandez qu'il y ait une augmentation de 3 p.c. des tarifs, ou de 2 1/2 p.c. selon ce qui sera établi par les actuaires, et que ce problème soit réglé, messieurs, je suis des plus enchanté. Et même, si c'est ça, disons que je vous remercie à l'avance.

J'ai peur que ce ne soit pas ça et j'ai peur, n'est-ce pas, que le public qui n'est pas responsable de cette chose, n'aime pas tellement à payer cette augmentation de tarifs, Je ne sais même pas trop si, pour une augmentation parfaitement justifiée, je vais avoir tant de félicitations que ça.

M. MASSE: Oui, mais justement, M. le Président, c'est que selon la méthode que vous suggérez actuellement, évidemment, le fardeau reviendrait au gouvernement. Le sens de ma question tout à l'heure — et j'aimerais recevoir une réponse précise — c'est que lorsqu'on a nationalisé, on a acheté évidemment les équipements, l'actif, le passif tout ça, mais on a peut-être oublié que les employés qui travaillaient pour ces entreprises privées venaient maintenant dans l'entreprise de l'Hydro-Québec et y venaient avec un statut qui était différent de celui des employés de l'Hydro-Québec, alors qu'on allait...

M. GIROUX: Ils ont été intégrés en 1966. Et depuis 1966 ce sont des employés de l'Hydro-Québec.

M. MASSE: Non, non...

M. GIROUX: Ils ont exactement le même privilège que les gens qu'on a engagés en 1966. Là-dessus, je pense qu'il serait intéressant qu'on écoute ceux qui étaient là; moi, je n'y étais pas. Je m'oppose, n'est-ce pas, à distribuer l'argent du public sans que le public sache. Je voudrais bien qu'on comprenne que je n'ai aucune objection à inclure dans la demande de tarifs standards, pour la durée de l'amortissement, un montant établi par des actuaires indépendants et qui va arriver entre 2 1/2 p.c. et 3 p.c, pour régler le fonds de pension.

Maintenant, si le reste des moyens est pris, on ne dît pas la vérité au public, ce qui est contraire à la mentalité d'Hydro-Québec. Je n'ai pas d'objection... Remarquez bien, il y a un choix d'un côté, et il y en a un autre de l'autre côté, mais je crois qu'il serait intéressant d'écouter M. De Guise, qui était là avant 1944, et M. Gauvreau, qui y était au moment de la nationalisation.

M. MASSICOTTE: M. le Président, j'aimerais poser une question auparavant. Lorsque vous dites, par exemple, que c'est au gouvernement à régler ça, je pense bien qu'avant 1965 il y avait quand même des compagnies où les employés payaient 4 p.c. de leur salaire pour le fonds de pension tandis que l'Hydro-Québec payait simplement 3 p.c, et là vous allez accuser un déficit actuariel d'environ $33 millions. Par contre, vous n'avez pas demandé au gouvernement, en 1965, d'augmenter de 3 p.c. à 5 p.c. la déduction sur le salaire des employés pour justement compenser ces choses-là.

M. GIROUX: Attendez l'explication qui existait dans le temps. Il faut connaître comment... Là, vous voyez un côté, le type qui fait la plainte.

M. MASSICOTTE: Non, mais on fait des demandes parce qu'on sait que c'est à vous autres de décider.

M. GIROUX: C'est à nous de décider; naturellement, je vous dis, avant de décider une chose, qu'il faut toujours qu'on demande la permission de payer. N'est-ce pas? Si cette commission ne s'engage pas à recommander au gouvernement une augmentation de tarif, comment voulez-vous que je paie? Ce sont des montants un peu gros pour payer à même ma poche.

M. MASSICOTTE: C'est vrai, M. le Président, mais les gens se demandent si, justement, des employés ça vaut plus que du matériel. On parle de milliards depuis deux ou trois jours et puis, pour des employés qui veulent être satisfaits, des employés qui veulent être considérés à part entière, on lésine sur quelques millions par année.

M. GIROUX: Je ne lésine pas, au contraire. Je ne lésine pas. Je dis au gouvernement: Tout ce que vous avez à faire, autorisez-nous à donner une augmentation de tarif de tant. Ecoutez, qui voulez-vous qui paie ces choses-là, si ce n'est pas la population du Québec, que ce soit le ministre des Finances ou la trésorerie de l'Hydro-Québec? Je comprends difficilement

que ce soit un gars de l'Ontario qui souscrive. Je crois que c'est un problème où on veut jouer sur des mots, la part entière, ceci et cela.

Je suis bien conscient, je peux m'asseoir des heures à écouter les arguments de nos employés. J'admets toutes ces choses-là. Je vous demande, avant, d'être au courant de la mentalité existante à ce moment-là pour comparer la différence entre les compagnies comme la Sha-winigan et l'Hydro-Québec.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. De Guise.

M. DE GUISE: Au début, je ne voudrais pas donner l'impression, moi aussi, que j'essaie d'empêcher un relèvement des pensions au-dessus d'un minimum, d'un seuil de pauvreté ou autrement. J'aimerais attirer votre attention sur peut-être un précédent dangereux de vouloir uniformiser rétroactivement des pensions. Tous les employés à un moment donné, surtout au début, en 1944 par exemple, qui s'attachaient à une société considéraient le salaire, le fonds de pension, qui était assez différent, et un certain nombre de bénéfices marginaux.

Si, pour des raisons valables, on tente d'aller uniformiser rétroactivement le fonds de pension, qu'est-ce qui empêcherait un employé d'une autre compagnie de dire, par exemple: Moi, je suis demeuré au service de telle compagnie? Mon salaire était bas mais mon fonds de pension était haut. J'étais satisfait. A côté, il y avait un salaire élevé et un fonds de pension bas. Si on remonte les fonds de pension au même niveau, qu'est-ce qui empêcherait ou justifierait un employé, qui avait un salaire inférieur, de dire: Remettez mon salaire sur le même plan que celui qui a fait ajuster sa pension?

Un exemple concret: Les employés du gouvernement provincial qui sont passés, comme moi et d'autres, du service du gouvernement au service des compagnies nationalisées en 1944. Il est évident que les salaires, au gouvernement, étaient bien inférieurs à ceux des compagnies. Evidemment, on nous disait: Attendez, votre salaire est bas mais vous avez un bon fonds de pension, vous allez rattraper les autres avec le temps. Mais si ceux qui avaient un bon salaire et un mauvais fonds de pension, on les met sur le même pied que les fonds de pension du gouvernement ou des compagnies qui avaient de faibles salaires, ceux qui avaient de faibles salaires vont dire: Remettez-nous sur le même pied que les autres, maintenant. Cela pourrait être une demande.

M. GIROUX: Alors, c'est ce que j'ai expliqué par un employé à part entière. Il a la part entière du salaire qu'il n'a pas eu; est-ce que je vais entrer là-dedans?

M. BACON: M. le Président, vous parliez de 1944 mais, en 1946, le gouvernement n'a-t-il pas adopté une loi pour permettre aux employés de Beauharnois Light Heat and Power —peut-être de Montreal Light Heat — de racheter et d'améliorer leur situation vis-à-vis de leur fonds de retraite? M. De Guise.

M. DE GUISE: II y a eu des améliorations mais...

M. BACON: Non, mais une loi qui aurait été adoptée par le Parlement? Oui?

M. DE GUISE: Oui, c'est exact mais ils ont payé pour.

M. GIROUX: II y a eu amélioration et ils ont payé pour.

M. DE GUISE: Ils ont payé pour. M. BACON: Bien! M. le Président...

M. GIROUX: II ne faut pas oublier que l'amélioration qu'ils ont eue entre ce que les compagnies leur donnaient et le 1.5 p.c, les employés qui étaient avec des compagnies nationalisées n'ont rien souscrit.

M. BACON: Pour qu'on se comprenne comme il faut, M. le Président, là, vous arrivez avec une tempête de chiffres. Je n'ai pas besoin de vous faire des à-croire, à un moment donné, je ne peux pas plus vous suivre. Attendez un peu.

M. GIROUX: II n'y a pas de tempête, il fait beau.

M. GIASSON: Tout le monde est d'accord, c'est de trouver des sources pour payer.

M. BACON: Quand même — c'est ça que j'ai demandé tantôt — dans vos hypothèses ou dans vos recommandations ou dans toutes ces choses —c'est ça que j'aimerais entendre, à un moment donné — y a-t-il des formules, y a-t-il quelque chose? Cela peut être une contribution, ça peut être une permission pour l'employé de racheter des années. Je ne pense pas que les employés bouderaient nécessairement ce système. Il peut y avoir d'autre chose, au lieu que, tout simplement, le gouvernement prenne de l'argent et le donne à l'Hydro-Québec.

M. GIROUX: Si les employés veulent racheter leurs années de services pour se retrouver exactement comme les autres, on va favoriser seulement deux ou trois employés dans toute l'organisation qui ont le moyen de payer tous les arrérages. Maintenant, je crois que M. Dozois...

M. DOZOIS: Je voulais ajouter ceci, M. le Président. Tout à l'heure, M. Massé, le ministre des Richesses naturelles, disait: Si, lors de la nationalisation, vous aviez été saisis de ce

problème et que vous aviez réalisé l'ampleur du problème, vous auriez mis peut-être tout le monde sur le même pied. Il ne faut pas s'imaginer que cela n'aurait rien coûté, cependant. L'évaluation actuarielle qui a été faite en 1965, au lieu de révéler un déficit de $33 millions, aurait probablement révélé un déficit, je ne sais pas, de $80, $90 ou $100 millions. Les $2,107,000 par année que nous avons assumés et qui se traduiront par un déboursé de $54 millions en 1995, ça sera peut-être un déboursé annuel de $6, $7, $8 millions. Je ne le sais pas, l'évaluation actuarielle n'a pas été faite. Si on avait intégré tous ces employés en les mettant sur le même pied rétroactivement, parce qu'un employé d'une coopérative qui travaillait depuis 25 ans pour une coopérative et qui n'avait jamais eu de fonds de pension...

M. BACON: Ils n'en avaient pas de fonds de pension dans une coopérative. C'est bien sûr qu'ils étaient en arrière en maudit.

M. DOZOIS: Oui, mais en mettant tout le monde sur le même pied, il aurait fallu leur donner les mêmes avantages. Le cas que je voulais citer en exemple, précisément, c'est que, lorsque des gens veulent instituer un fonds de pension dans une compagnie où cela n'existe pas, à ma connaissance, la procédure qu'on suit toujours, c'est que la compagnie paie rétroactivement les services passés, les services antérieurs, mais se limite à cinq ans. Quand une compagnie crée un fonds de pension pour des employés qui n'en avaient pas, vous avez dans cette même compagnie un nombre important d'employés qui ont 15 ans, 20 ans, 25 ans de services et qui recevront leur pension cinq ans ou dix ans plus tard. Ces gens auront gagné une très petite pension, parce que la compagnie n'aurait pas pu assumer tous les services antérieurs de cet employé, pas plus que l'employé, si la compagnie voulait le faire contribuer, aurait eu les moyens de verser des milliers de dollars en rétroactivité. Quand on touche à ces fonds de pension et qu'on veut reculer en arrière, c'est sûr qu'on fait face à des dépenses astronomiques.

C'était le cas qui se présentait, parce qu'il y a plus de la moitié des employés de l'Hydro-Québec qui nous viennent des filiales. Les études que nous avons faites, je l'ai dit tout à l'heure, ça dépendra des formules qu'on pourra adopter; peut-être qu'on trouvera des formules à meilleur marché. Mais assurément, pour mettre tous les gens sur le même pied et donner d'indexation qui est peut-être une chose très importante pour les gens qui reçoivent de petites pensions, ce sont des déboursés très considérables. La loi actuellement nous oblige à amortir les déficits actuariels et la contribution actuelle n'est pas suffisante.

Maintenant, une chose que j'aurais pu citer tout à l'heure, c'est que la bonification, les relèvements de pension que nous avons ac- cordés le 1er janvier 1972 représentent... Nous n'avons pas voulu inclure ça dans le fonds de pension, parce que cela aurait augmenté encore notre déficit actuariel. Nous avons préféré l'assumer. Comme c'est une dépense qui va se terminer, d'après nos actuaires, dans 25 ans, nous avons dit que nous l'imputerions à nos budgets annuels. Cette année, c'est une dépense de $1,800,000.

Quand on touche à ça, ce sont des millions qui sont impliqués.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Gauvreau.

M. GAUVREAU: J'abonde dans le sens de tous mes collègues et de tout ce qui est dit. Je suis très content qu'on insiste sur les coûts, parce qu'on oublie que les coûts sont extrêmement importants. Par ailleurs, il y a deux questions qui ont été posées auxquelles, peut-être, nous n'avons pas encore répondu, et je suis en mesure d'y répondre.

D'abord, M. le député de Trois-Rivières pose une question. Il dit: Quel est le rapport? Il fait allusion à un rapport de 1965, où des recommandations nous auraient été faites. Je veux préciser de quoi il s'agit.

Ces recommandations, sont reproduites dans un mémoire qui nous a été soumis cet hiver.

M. BACON: Ah ça, j'aurais pu vous dire ça, par exemple. Je n'ai pas voulu vous cacher ça.

M. GAUVREAU: Bon. Alors, il est tiré...

M. BACON: En tout cas, ils sont mes électeurs, je les rencontre...

M. GAUVREAU: Oui, oui.

M. BACON: Je rencontre différentes catégories de personnes.

M. GAUVREAU: Alors, il n'est pas tiré du rapport actuariel de 1965 mais il est tiré d'une étude qui a été faite concurremment, à peu près en même temps, par la firme Castonguay, Lemay & Associés, qui a été chargée d'étudier ce problème de la diversité des quatorze fonds de pension que nous avions devant nous dans les sociétés que nous avons intégrées.

Alors, la recommandation de M. Lemay, si vous trouvez ce paragraphe, ce n'était pas la recommandation de donner la même chose à tout le monde. C'étaient des hypothèses. On lui a demandé: Qu'est-ce que nous devons faire? Le rapport disait: Telles choses peuvent être faites, mettre tout le monde sur le même pied, ou faire telle chose, ou faire telle chose, ou faire telle chose. Et, à chaque solution, il y avait des coûts d'attachés.

Je reviens ici au document qui vous est remis. Je ferai des commentaires sur le climat actuel et peut-être sur ce qui est susceptible de

se produire et quelles sont nos préoccupations prioritaires.

Le document est un historique qui, je crois, va éclairer les membres de la commission qui s'intéressent à ça. A la page 5, vous avez un énoncé de la mise en vigueur du nouveau plan de pension de l'Hydro-Québec en 1966, un plan qui a été amélioré à ce moment-là avec augmentation des contributions et aussi augmentation des crédits annuels. A ce moment-là, ce plan, comme le dit le rapport, cette amélioration a profité beaucoup plus aux nationalisés qu'aux gens de l'Hydro-Québec.

Je l'ai déjà dit ici à la commission parlementaire, à ce moment-là, je crois que, en général, tout le monde a reconnu que l'Hydro-Québec avait respecté les engagements et les obligations que le gouvernement lui avait imposés, respecté les droits acquis. Des études très approfondies ont été faites sur la signification juridique de cette expression et sur sa portée économique.

Nous avons fait tous les efforts possibles pour que les employés des compagnies nationalisées conservent tous les crédits qu'ils avaient accumulés dans leurs fonds de pension passés. En modifiant les règlements de différents fonds de pension dont nous sommes devenus les administrateurs et en apportant des amendements, nous nous sommes assurés, comme des fonds de pension étaient, à un moment donné, bloqués, arrêtaient de fonctionner, que ces employés n'étaient pas pénalisés.

Par la suite, nous avons considéré que le fonds de pension de l'Hydro-Québec, qui donnait un crédit à l'avenir, à partir de 1966, de 2.25 p.c. par année de service accumulée sur les cinq dernières années de travail à l'Hydro-Québec — ce qui est une espèce d'indexation, qui suit le courant de l'inflation — permettrait à ces employés d'accumuler assez rapidement des crédits considérables qui compenseraient pour la différence, la faiblesse des crédits qu'ils avaient.

Et les crédits, qui, aujourd'hui, sont considérés comme très faibles, je vous dirai qu'à ce moment-là ils n'étaient pas considérés comme faibles. Surtout, dans les deux compagnies, Shawinigan et Quebec Power, où la base, je ne dis pas le pourcentage, était le salaire de carrière ou la moyenne des crédits accumulés pendant une année. La très grande inflation et l'augmentation de salaire que nous avons connues au cours des douze dernières années, ont fait que ces crédits sont devenus assez faibles.

Certains de ces employés comparant les crédits qu'ils ont accumulés pendant leurs années antérieures à ceux que l'Hydro-Québec peut avoir accumulés; ce n'est pas tant le pourcentage que la base.

Maintenant, comme M. Giroux a dit, nous avons hérité de ces fonds de pension, de quelques-uns. D'autres étaient assurés, nous ne pouvions pas les modifier.

M. le ministre des Richesses naturelles dit: Est-ce qu'ils ont été mis de côté, est-ce qu'ils sont sur le perron? Ils n'ont pas été mis sur le perron, ils n'ont pas été mis de côté.

On a insisté pour leur donner exactement le même statut dans tous les autres domaines, évidemment. Cela allait de soi. Evidemment, ce n'était pas une faveur. Mais on a fait des efforts. D'ailleurs, il y avait à ce moment-là une très grande différence de salaires. Nous étions une entreprise très peu syndicalisée. Les salaires régionaux étaient différents. Graduellement, nous avons évolué vers un salaire provincial.

Nous avons accordé les mêmes avantages sociaux. En parlant des avantages sociaux, M. Dozois a dit tout à l'heure que notre fonds de pension était l'un des meilleurs de toutes les compagnies du Canada, sauf la ville de Québec et la ville de Montréal. Je dirais même que si on étudie les autres avantages sociaux accumulés à cela, le fonds de pension, chez nous, comporte aussi les bénéfices à la veuve, l'assurance-vie, le régime de sécurité-salaire...

M. BACON: ... le contraire de ça.

M. GAUVREAU: ... je dis qu'il n'y a pas une société peut-être dans tout le Canada qui offre un carnet d'avantages sociaux aussi généreux que l'Hydro-Québec actuellement.

M. BACON: Bien d'accord.

M. GAUVREAU: Ceci étant dit, vous allez me dire, oui, mais vous ne faites rien pour faire disparaître l'inégalité. Eh bien justement, le document vous le dit. Après la nationalisation, en 1966, on vous l'a déjà dit: Nous avons réglé ce problème d'une façon que nous croyons équitable et qui a paru à la plupart équitable.

Vers les années 1967-1968, on s'est aperçu que certaines retraites étaient faibles. Nous avons mis sur pied un comité de sécurité sociale qui a fait rapport à la commission en 1971 et, dès 1972, nous avons appliqué des réformes, que M. Dozois a décrites d'ailleurs l'an dernier. Trois réformes, en fait, une réforme à trois volets, si vous voulez: on a relevé le minimum, ensuite on a accordé une formule de garantie de 1.5 à tout le monde, et on a appliqué une autre formule de relèvement de pension basée sur les années de service depuis la date de mise à la pension.

Vous savez, quand on améliore des retraites, on va toujours en arrière. C'est comme ça que cela se fait, ici, au gouvernement du Québec, à plusieurs reprises. On dit: Ceux qui sont partis depuis 30 ans, on va améliorer de 25, ceux depuis 20 ans, d'un peu moins. Alors, c'est la réforme que nous avons faite en 1972.

Maintenant, le climat actuel. Le temps passe et se fait court mais j'aimerais vous dire ce que je pense du climat actuel. On dit que l'Hydro-Québec se trame les pieds en matière de fonds de pension, qu'elle laisse dormir les dossiers sur les tablettes...

M. BACON: Qui vous a dit ça?

M. GAUVREAU: Cela a été écrit. Je crois que les actions que nous avons prises, le temps que nous y avons mis prouvent que justement, au contraire, nous nous sommes préoccupés du sort de nos employés d'où qu'ils viennent: coopératives, compagnies privées, sociétés Sha-winigan, Southern, Northern. Nous nous sommes souciés de tout le monde et, encore aujourd'hui, nous recevons toutes sortes de revendications. Cela, je tiens à le dire. J'ai déjà été dans une région. Certains employés se groupent en associations, d'autres prennent des avocats, d'autres nous écrivent des lettres. Des retraités nous écrivent des lettres. Ils sont isolés, ils sont moins puissants. Je dirais que cela ne provoque pas chez nous une réaction négative. En fait c'est normal, surtout en temps d'inflation, que les retraités surtout, les gens dont le pouvoir d'achat est érodé si rapidement, fassent des propositions, fassent des représentations.

Ces représentations ne sont pas mises au panier. Elles sont toutes classés dans les dossiers, elles sont étudiées, elles sont confiées à nos actuaires et à notre groupe de sécurité sociale.

Vous aviez raison, monsieur, de dire que nous pouvons continuer d'améliorer de toutes sortes de manières. J'ai ici devant moi un tableau qui est tiré d'un rapport que nous avons à Hydro-Québec et qui indique une dizaine de formules pour améliorer les retraites. Si je signale cela, c'est parce que, parfois, il faut faire un mélange de deux formules: Un plancher pour les retraites trop basses et un plafond. Vous savez, les gens diffèrent beaucoup d'opinion quant à la façon de traiter ce problème. Il y en a qui disent : Si vous faites un relèvement, écoutez, c'est la même chose pour tout le monde. Un pourcentage égal du haut en bas. D'autres disent: Cela n'a aucun sens. Ce sont surtout les pauvres. D'autres disent: Ils ne faudrait pas limiter cela, parler de plafond.

Il y a toutes sortes de formules, ce qui fait que, depuis 1972 — cela ne fait pas tellement longtemps, 1972, on est en 1974 — s'il n'y a pas eu d'autres réformes, c'est parce qu'elles sont encore très récentes. Nous ne pensons pas que nous avons suffisamment de recul.

Vous savez, le régime des rentes, la Loi des régimes supplémentaires de rentes exige une réétude du fonds de pension tous les trois ans, au point de vue actuariel.

Je pense que ça prend au moins un recul de trois ans pour voir si les réformes que nous avons faites sont valables ou pas. Donc, j'estime que nous ne sommes pas en retard. Les réformes que nous avons faites en 1972 — je vous l'ai dit, M. Bacon — ont avantagé plus de nationalisés que de non nationalisés.

Maintenant, il n'y a rien qui nous empêche de regarder à nouveau ces formules et de les retravailler. Il y aura des coûts à ça. Je conclus en disant que, dans l'ordre des priorités, nous avons, actuellement, face au problème de l'inflation, des revendications d'ajustement salarial en dehors des conventions collectives qui vont coûter quelque chose. Nous avons les retraités qui, eux, n'ont pas d'augmentation de salaire chaque année; ils ont une retraite qui est fixe, il n'y a pas d'indexation.

Alors, je pense que le sort des nationalisés est beaucoup moins triste et moins tragique qu'on veut le décrire. Ils ont profité des améliorations en 1965, ils en ont profité en 1972. Si nous en faisons d'autres qui s'adressent à tous les retraités, je crois qu'ils en profiteront encore.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Lotbinière.

M. MASSICOTTE: M. le Président, je pense que cela, c'est beau. Réellement, vous avez la parole facile, c'est déjà quelque chose. Enfin, vous avez mentionné qu'il y avait de très grandes différences de salaires, c'est un fait. Cela veut dire que, pour certaines personnes qui étaient moins payées, la nationalisation, ce fut un bien, tandis que, pour d'autres, ce fut peut-être une période dormante. Parce qu'il y en a dont l'augmentation de salaire a été moins forte et ce fut à leurs dépens.

Cela peut être un peu la même chose aussi pour le régime de pension. Il y a certaines compagnies, soit dit en passant, qui étaient quand même assez bien, si elles avaient continué à être administrées comme telles, qu'est-ce qui dit qu'elles ne seraient pas au même diapason qu'Hydro-Québec actuellement? Ces compagnies ont été nationalisées. C'est un point. Je suis d'accord avec vous: quand on joue avec des chiffres, on sait qu'à la fin de l'année, il faut arriver avec un montant et il faut que ça balance. Mais il y a quand même une chose, c'est que, quand on achète une entreprise, on achète aussi bien les qualités que les défauts.

Alors, les qualités, vous avez eu des bons hommes à des endroits, vous avez eu des nouilles à d'autres. Je pense que, dans les programmes, c'est la même chose. Ce qui est encourageant actuellement, c'est qu'au moins vous êtes ouverts à réétudier ces cas pour essayer de considérer vos employés tous sur un même pied. Je pense que c'est très important parce qu'enfin, si vous avez un groupe d'à peu près 50 p.c. d'empoyés qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas satisfaits entièrement, vous ne pouvez pas obtenir le maximum de rendement, tel qu'attendu.

M. GAUVREAU: J'ai dit que nous sommes ouverts à réétudier le relèvement des pensions devant le problème de l'inflation et qu'il est possible que ces relèvements ou ces ajustements que nous ferons avantagent également et permettent à ceux qui ont des pensions plus faibles, les nationalisés, de faire du rattrapage. Mais je n'ai rien dit qui contredise ce que M. Giroux a dit, soit que nous n'avons pas l'inten-

tion, que nous n'avons pas, en tout cas, à la commission envisagé actuellement de faire une démarche spéciale pour les nationalisés, outre les choses que nous ferons pour tout le monde. Maintenant, M. Giroux a fait une proposition au gouvernement et je l'endosse à 100 p.c.

M. GIROUX: Je pense bien que ce qu'il faut penser, c'est ceci: Quand on verse des bonis de vie chère aux pensionnés actuels, ceux qui sont des compagnies nationalisées en bénéficient. Il y en a plus que les autres. Dans ces compagnies, il ne faut pas oublier qu'il y en a qui n'en auraient pas du tout, de fonds de pension.

UNE VOIX: C'est vrai, ça.

M. GIROUX: II y a un point, c'est qu'actuellement la demande spéciale que les employés de ces compagnies nationalisées font pour avoir la partie de parité avec les autres, on croit que c'est en dehors de nos budgets normaux. Je crois même que nous allons beaucoup au-delà de nos budgets d'avoir fait ce qu'on a fait, parce que c'est contre le fonctionnement normal.

Seulement, je crois que, actuellement, dès qu'on a réglé la question de nos bonis de vie chère à nos gens, il faut penser à donner un boni à nos gens qui sont actuellement des pensionnés. Et eux, je crois que réellement c'est un cas urgent, et c'est un cas où tout le monde est d'accord qu'il faut qu'on fasse quelque chose. Et même si, dans ce cas-là, on n'a pas les moyens de le faire, on va le faire. Alors l'autre partie, malheureusement, c'est une question qui représente l'équivalent de 2.5 de nos revenus. Mon Dieu, je n'ai pas d'objection à le regarder aussi mais, à ce moment-là, il faudra que le gouvernement comprenne et que les membres de cette commission, s'ils veulent ça, se fassent les défenseurs des augmentations de tarifs de l'Hydro-Québec. Pour cette partie-là; le reste on le défendra tout seuls.

M. MORIN: Pour cette partie-là.

M. MASSICOTTE: M. Giroux, par exemple, comme président, vous vous devez aussi de défendre vos employés.

M. BACON: M. le Président... M. GIROUX: Pardon?

M. MASSICOTTE: Je pense aussi que, comme président, vous vous devez de défendre vos employés.

M. GIROUX: Je défends nos employés parce que je crois bien que si on prenait chaque cas en particulier, un par un, leurs avantages sociaux, ce qu'ils ont reçu, et toutes ces choses, et si on regarde un peu en arrière ce que ces compagnies ont fait, il me semble que durant les 30, 35 ans qu'elles ont existé, elles auraient eu le temps de donner quelque chose. Vous aviez une compagnie, par exemple, — sans la mentionner — dans le coin de Rimouski qui n'a jamais souscrit. Alors, ces gens-là, j'ai de forts doutes qu'ils auraient eu les largesses que les gens demandent aujourd'hui.

M. BACON : Là, je ne veux pas m'embarquer là-dedans, mais si on regarde l'époque et ces choses-là, il reste que les fonds de pension n'étaient pas conversation courante il y a 35, 40 ans, quand même pas au même degré qu'aujourd'hui. Et à part de ça, pour vous dire une chose, M. Giroux, ces compagnies se bâtissaient et les employés, en fait, travaillaient aussi à les bâtir. Si vous avez des gars qui montent dans des poteaux aujourd'hui, c'est parce qu'il y en a qui en ont déjà planté aussi, il faut vous dire cela.

M. GIROUX: J'admets tout cela.

M. BACON: Bon, bien. Non, non mais...

M. GIROUX: L'Hydro-Québec...

M. BACON: ... vous savez, comme vous dites...

M. GIROUX: ... n'a rien inventé. M. BACON: Non, non...

M. GIROUX: Seulement, est-ce que vous pouvez prouver que ces gens sont mal traités?

M. BACON: Ah! non, non.

M. GIROUX: Moi je vous dis qu'ils sont 50 p.c...

M. BACON: Je ne vous dis pas ça.

M. GIROUX: ... mieux traités que s'ils étaient restés avec les compagnies. Et c'est ma conviction.

M. BACON: Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Je m'excuse si j'ai donné l'impression de laisser planer le doute que les employés nationalisés étaient mal traités. Je le reconnais avec vous. Comme vous l'avez mentionné, dans certains cas, je ne peux pas aller discuter cela avec l'Hydro-Ontario, c'est avec l'Hydro-Québec que j'en discute.

M. GIROUX: Ecoutez...

M. BACON: Excusez, M. le président, je ne vous accuse pas. On essaie de vider la question parce qu'on rencontre ces gens-là et on en discute avec eux et je veux être capable de bien leur répondre quand je vais les rencontrer. Je sais pertinemment, M. le Président, que les employés de l'Hydro-Québec ont des avantages

sociaux et un fonds de pension extraordinaires; c'est même le problème qu'on discute, à un moment donné, et qui cause un problème vis-à-vis des autres employés. Je n'accuse pas les gens de la commission, et je souligne leur disponibilité à mon endroit quand j'ai eu des questions à leur poser là-dessus, mais il faut que je pose des questions à quelqu'un, pas à l'Hydro-Ontario.

M. GIROUX: Ecoutez, je ne discute pas ce fait-là du tout. Peut-être que des fois j'augmente...

M. BACON: Quand vous parlez d'assurance-vie et ces choses-là, je suis au courant que les employés nationalisés en ont bénéficié largement et grandement.

M. GIROUX: Des fois peut-être que mon timbre de voix augmente, voyez-vous. Seulement il y a une chose que je veux bien qu'on comprenne, ce n'est pas le fait que la commission est contre ces choses-là; imaginez si ce serait simple pour nous, demain, de distribuer $5,000 à chaque employé et dire: Bon, vous allez prendre un coup. On sort de la commission parlementaire, tout est réglé et puis après ça, aux employés, voici, voici, voilà. Ecoutez, ce serait trop simple. Bon. L'autre point que l'ex-employé de la Shawinigan me dit:

Oui, c'est bien beau, mais imaginez si c'était vous, M. Giroux, vous gueuleriez deux fois plus fort. J'ai répondu: Tu as raison. Mais ça ne veut pas dire que j'aurais raison.

J'ai terminé, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Au cours de l'entretien qui vient d'avoir lieu, on a fait allusion à quelques reprises à la possibilité de boni ou d'améliorer le sort des pensionnés. Ce n'est pas clair dans mon esprit s'il s'agissait d'une véritable indexation des pensions au coût de la vie. Vous n'ignorez pas, messieurs, que le gouvernement a indexé les prestations du régime des rentes. Il a accordé une certaine indexation des prestations du régime de pension, dans le cas de ses propres anciens employés et comme, dans votre cas, il s'agit d'une entreprise publique, sans doute serait-on en droit de s'attendre à un comportement similaire de la part de l'Hydro-Québec.

M. GIROUX: Encore une fois, tout est reporté dans les tarifs. Je devrai solliciter, n'est-ce pas, votre recommandation si ça se produit dans ce sens-là. Il y a une chose que nous disons actuellement au sujet de l'indexation au coût de la vie que je ne discuterai pas avec votre commission ce soir, parce que je tiens à respecter les gens qui négocient ces choses chez nous où le système de négociation, Dieu merci, se fait est encore à une table très ouverte à l'Hydro-Québec. Alors, je tiens à le garder comme tel.

Le point c'est que dès que ce problème sera réglé, il faudra penser à nos pensionnés. Notre actuaire nous dit : Si vous pensez à ça et si vous indexez, vous prenez un montant qui doit être plus gros que ce que vous pouvez prendre à même vos budgets. Alors, on a pensé que peut-être cette année on pourrait donner un boni de vie chère et penser à faire une demande spéciale pour des choses qui sont à l'étude. Cette partie de l'étude, ce que je veux bien faire comprendre et que M. Gauvreau a bien expliqué, si elle concluait à l'indexation des pensions des pensionnés actuels, cela demanderait aussi une considération spéciale dans les tarifs.

Maintenant, écoutez, je ne dis pas que le gouvernement va nous le refuser. Mais ce n'est pas la même chose que ce que les gens demandent. Alors, pour cette année, je crois qu'on ne peut pas arriver à cette chose; mais je crois que nous allons plutôt faire l'impossible pour verser à nos pensionnés un montant forfaitaire.

M. MORIN: Bon, la différence entre un boni de vie chère, un paiement forfaitaire, comme vous dites, et l'indexation, c'est que l'indexation est un principe qui s'applique aussi bien cette année que dans l'avenir, tandis que le boni est un peu discrétionnaire. Je pense que le président de l'Hydro-Québec en conviendra avec moi. Alors tout ce que vous êtes prêts à faire, pour cette année, c'est donc un paiement forfaitaire.

M. GIROUX: Oui, seulement, je dois dire que c'est sur ce domaine particulier que nous poussons les études, à savoir ce que ça nous prendrait, annuellement, pour indexer la pension des employés, si, par exemple, on copiait le système du gouvernement provincial. Maintenant, vous savez, il y a tout de même...

M. MORIN: C'est à l'étude, alors?

M. GIROUX: C'est-à-dire qu'on le met à l'étude. Mais s'il y a une chose qu'il faut penser comme il faut, M. Morin, c'est que le gouvernement provincial a amélioré la pension de ses employés.

Je ne veux pas faire de comparaison mais peut-être que le niveau des employés du gouvernement provincial, leur salaire n'était pas celui de l'Hydro-Québec.

M. MORIN: Faudrait voir. Cela dépendrait des catégories.

M. GIROUX: Aux dernières négociations, ce qui a été publié — je ne l'ai pas vérifié — on prétendait que les employés de l'Hydro-Québec gagnaient 14 p.c. de plus.

M. MORIN: Vous voulez dire à compétence égale?

M. GIROUX: A compétence, non. M. MORIN: A classification égale?

M. GIROUX: A classification égale. Vous me permettez, avec pas mal d'humour, de prétendre que la compétence est différente.

M. MASSE: En plus ou en moins? M. GIROUX: En plus ou en moins?

M. MASSE: Non, je n'ai pas posé de question.

M. GIROUX: Retirez la question. Ah! Ah! Ah!

Je ne sais pas si ça peut éclairer la commission mais les commissaires, à l'Hydro-Québec, se penchent sur ce problème. Cela les inquiète. Disons que pour nous ce serait tellement simple d'arriver et de distribuer avec largesse l'argent du public. Mais, quand on revient en commission parlementaire, les gens n'aiment pas tellement qu'on ait des largesses qui ne sont pas justifiées. Il nous faut justifier ces largesses et puis je crois que l'indexation a une certaine justification. Maintenant, on s'attend à avoir des recommandations, on s'attend à avoir des choses qu'on transmettra mais, au moment actuel, il faudra dire au gouvernement: Si on indexe les pensions, voici ce que ça coûte. La seule place où je peux le prendre, M. Morin — vu que c'est votre question — je ne bénéficie pas, comme président de l'Hydro-Québec, des avantages de l'inflation. Je n'ai que les emmerdements.

La seule place où je peux le rejoindre, c'est dans les tarifs. Quand on le fera, on fera une analyse et on fera compter par l'actuaire ce que ça représente, cette partie-là, au point de vue des tarifs. Je pense bien que les gens ici vont être intéressés à savoir ce que ça représente. Ils jugeront si on doit l'accorder ou non, ou si on doit...

M. MORIN: Bon, nous attendrons cette étude avec beaucoup d'intérêt. Peut-être pouvons-nous passer à quelques autres questions, il nous reste à peine une heure et demie. Je pense qu'on peut arriver à tout liquider. J'aimerais bien, en tout cas, qu'on passe à travers trois ou quatre questions.

Rapports entre la SDBJ et Hydro-Québec

M. MORIN: La première est la suivante. Il s'agit de mieux départager, dans mon esprit, les compétences respectives de la SDBJ et de l'Hydro-Québec sur le territoire que vous développez en commun. Ensuite, de voir comment s'imbriquent les rôles respectifs de l'Hydro-Québec ou de la SDBJ, d'une part, et de l'OPDQ, d'autre part. Enfin, sous-question, comment s'établit la coordination entre tous ces organismes et entre les ministères québécois? Ce sont des questions d'ordre administratif. J'imagine qu'elles...

M. GIROUX: C'est une question qui a plusieurs fourchettes mais si j'en manque...

M. MORIN: Je commence par la première, si vous voulez.

M. GIROUX: ... vous me le direz.

M. MORIN: Commençons par SDBJ-Hydro-Québec. Comment vous départagez-vous les fonctions?

M. GIROUX: D'ailleurs, la seule fonction, selon le bill 50, que l'Hydro-Québec a dans la SDBJ, c'est que le président de l'Hydro-Québec ou un membre de l'Hydro-Québec — je pense que c'est le président; je n'en suis pas trop sûr — doit siéger au conseil de la SDBJ. Cela finit là. Cela est la responsabilité, c'est le lien entre les deux. C'est un membre de la commission qui doit siéger.

M. MORIN: Là, j'ai compris.

M. GIROUX: Alors, lorsque le bill 50 est venu, il a été décidé de créer la Société d'énergie. La Société d'énergie a obtenu une charte, comme je le disais tantôt, et a souscrit la majeure partie du capital payable par versements. Donc, la Société d'énergie de la baie James est la propriété de l'Hydro-Québec. La Société d'énergie de la baie James a demandé au gouvernement provincial de lui accorder sur les rivières, par l'entremise de notre ministère ou des autres ministères que notre ministère allait obtenir ailleurs, les droits ou l'usufruit nécessaires pour qu'on puisse aménager ces rivières. Les arrêtés en conseil sont entre nos mains. Légalement, nous avons avis que nous pouvons aménager les rivières selon la loi québécoise sans considérer les problèmes que M. Ciaccia essaie de régler, que je n'inclus pas là-dedans du tout. Cela est un côté.

Les partages qui ont été faits pour la Société de développement sont les suivants. Elle a charge de développer et de construire les routes nécessaires, les aéroports les villes; en somme, ce qui doit rester là pour le développement du territoire.

M. MORIN: Les mines, l'environnement.

M. GIROUX: Les mines, les forêts. L'Hydro-Québec et la Société d'énergie ne font que les développements hydrauliques et l'environnement qui regarde cette partie. La partie du développement et de l'environnement qui regarde les mines et tous ces problèmes est soumise à des ententes que la Société de développement a faites avec le gouvernement fédéral. Vous allez

le voir pour les routes. Il aurait fallu les construire. Donc, on a dit: Naturellement, les routes sont faites pour nous; donc, la Société d'énergie verse à la Société de développement, après entente — n'importe quel chiffre aurait pu être pris — 99 p.c. du coût des routes pour leur construction et 100 p.c. de l'entretien, tant et aussi longtemps qu'on fait du développement. Je crois que, si la Société de développement n'avait pas été créée, 1'Hydro-Québec aurait eu cette responsabilité de faire l'entretien de la route et de la payer. Donc, il y a 1 p.c. selon les moyens de la Société de développement. L'Hydro-Québec ne s'occupe pas du tout du développement des mines, de tous ces domaines, des aéroports. En plus, il y a un rôle qui est assez grand qui est joué par la municipalité de la baie James qui, elle, s'occupe de police et de voir à tous ces problèmes. Les autres problèmes de promotion interne sont très bien tranchés.

M. MORIN: Bon.

M. GIROUX: II n'y a pas de problème de juridictions. Ce qui est hydraulique est de la Société d'énergie. Maintenant, l'intérêt de la Société de développement, si vous voulez, à savoir ce qui se fait dans la Société d'énergie, elle fait des recommandations au gouvernement, elle suggère deux membres qui doivent appartenir au bureau de direction, et l'Hydro-Québec suggère trois membres. Et les membres du bureau de direction de la Société d'énergie sont nommés par arrêté en conseil.

M. MORIN: Très bien. Supposons maintenant, le partage étant bien fait dans nos esprits, la situation suivante: D'une part, l'Hydro-Québec exploite le réseau, est responsable de tout ce qui est hydraulique. D'autre part, la SDBJ, elle, entend développer le territoire. C'est dans son intérêt de le faire. Elle crée des mines. Elle crée peut-être même des usines de transformation. On a même échafaudé des projets, auxquels je ne m'attarderai pas. Elle a besoin de courant. Qui tranche? Est-ce que c'est vous qui décidez, enfin vous ou votre filiale, que le courant devrait plutôt aller vers le marché, je ne sais pas moi, montréalais ou vers le Saguenay, ou bien si la SDBJ peut dire: J'ai besoin du courant, vous êtes sur mon territoire et j'ai besoin de tant de kW?

M. GIROUX: Légalement... M. BACON: ...Saguenay Power.

M. GIROUX: ...c'est un point que nous n'avons jamais considéré tellement cela m'inquiète peu, parce que jamais l'Hydro-Québec n'a refusé de livrer du courant pour du développement industriel dans la province de Québec, où qu'il soit,...

M. MORIN: Où que ce soit.

M. GIROUX: ...sauf si on ne peut pas le faire. Maintenant, la distribution dans le territoire est censée, par la loi, appartenir à la Société d'énergie qui, elle, a donné un mandat à l'Hydro-Québec qui... Au point de vue des communications, c'est un peu la même chose. Si la Société de développement disait: Bien, mon Dieu, c'est nous qui avons les communications, on ne vous donne pas de téléphone. Bien, on s'en installerait un et on prendrait les Indiens pour régler le problème !

Alors, ce ne sont pas des problèmes graves. Vous savez, souvent à côté, on exagère le problème. Sur ce point-là, ici, n'est-ce pas, a été convoquée la Société d'énergie et non pas la Société de développement. Mais M. Boulva et M. McDonald sont membres de la Société d'énergie. On pourrait leur demander si leur témoignage concorde avec les déclarations que je viens de faire, si cela aiderait à...

M. MORIN: Non, je ne veux pas. La réponse me satisfait pour l'instant. Je ne veux pas. De toute façon, je suis satisfait de la réponse. On y reviendra par la suite si ça crée des problèmes. Pour l'instant, cela n'a pas l'air d'en créer.

M. GIROUX: Non, non, cela ne crée pas de problème.

M. MORIN: Bon.

M. GIROUX: On a assez de problèmes à mener l'affaire sans en créer.

M. MORIN: Oui. J'ai vu ça. J'ai pris ça pour acquis. Mais il y a peut-être d'autres problèmes qui sont en train de se créer. On a fait allusion, il n'y a pas si longtemps, à l'affrontement qui pourrait se produire entre la SDBJ — c'est vrai que ce n'est pas à vous de répondre, mais peut-être aurez-vous quelques commentaires — qui s'est vu confier l'aménagement global du territoire. Ce n'est pas une phrase qui comporte beaucoup d'exceptions. Et, d'autre part, l'OPDQ, qui a pour mission la planification et le développement de l'ensemble du Québec.

Je crois savoir que vous avez eu, d'ailleurs, des rencontres avec l'OPDQ et que chacun est resté sur ses positions.

M. GIROUX: C'est-à-dire que les développements avec l'OPDQ et les rencontres que j'ai eues, moi, je les ai eues par l'entremise de notre ministre, M. Massé, à qui on a donné des explications sur le territoire. Là, je ne peux pas répondre à savoir s'il y a eu des discussions avec la Société de développement directement sur des développements.

Mais un point, je pense bien, qui serait important, M. Morin, de regarder, c'est que, dans l'article 16 de la loi de la Société de développement, le deuxième paragraphe dit: L'électricité produite dans le territoire ne peut être vendue ou distribuée hors du territoire autrement qu'à l'Hydro-Québec.

Alors, la Société d'énergie, à ce stade-ci — peut-être qu'un jour l'opération pourra devenir économique et pourra être différente — n'a pas d'avantages à créer un système de distribution, actuellement, de concert avec le ministère des Richesses naturelles pour: desservir les parties des réseaux non reliés, qui sont tous des réseaux extrêmement dispendieux. Tout est resté sous le contrôle de là distribution de l'Hydro-Québec. Cela ne cause pas de problème.

M. MORIN: Oui. Je vais reposer ma question autrement parce que je pense que nous ne nous sommes pas compris.

M. GIROUX: Peut-être.

M. MORIN: Quel est le rôle de l'OPDQ sur le territoire de la baie James?

M. GIROUX: Cela, il faudrait demander à la Société de développement. L'OPDQ n'a jamais été mêlé au développement hydraulique, à ce que je sache.

M. MORIN: Non, pas au développement hydraulique, c'est bien clair. Il s'agit des autres aspects du développement. Est-ce que quelqu'un de la SDBJ pourrait nous donner une réponse là-dessus? Si vous le voulez, vous n'êtes pas obligés de répondre.

M. MASSE: Je pourrais peut-être dire que le groupe ministériel responsable de l'OPDQ, jusqu'à maintenant, jusqu'à il y a quelques mois, a eu des réunions d'une façon assez régulière avec les autorités supérieures de la Société de développement de la baie James. Au niveau des fonctionnaires, il y a des relations assez courantes. Et, évidemment, en termes de négociation, je pense, dans le cadre des études écologiques, la Société de développement de la baie James a eu à négocier avec le gouvernement fédéral mais tout en mettant au courant les autorités du gouvernement du Québec. Personnellement, en tout cas, à moins qu'on ait des indications contraires, je crois que les relations entre l'OPDQ et les différents spécialistes, les autorités de la Société de développement de la baie James fonctionnent très bien.

M. MORIN: M. le ministre, c'est peut-être à vous, en fait, que je devrais poser la question. Alors, du point de vue du gouvernement du Québec, la compétence de l'OPDQ s'étend au territoire de la baie James.

M. MASSE: Elle s'y étend, évidemment. La partie sud du territoire de la Société de développement de la baie James, quant aux ententes ARDA qui sont administrées par l'OPDQ, je pense que c'est même couvert dans le sud du territoire de la Société de développement de la baie James. La société elle-même, au départ, dès sa création, a su s'équiper d'un service de planification et d'aménagement que je considère très bien pourvu d'hommes et de compétences pour assumer l'ensemble des responsabilités d'aménagement sur son territoire, en tant que municipalité.

M. MORIN: M. le ministre, je ne sais pas si quelqu'un de la SDBJ voudrait intervenir sur la question, mais je crois savoir que, pour la Société de développement, le territoire défini par la loi 50 est sous sa juridiction et qu'elle n'a que faire de l'OPDQ dans ce territoire.

M. MASSE: C'est la même collaboration qui existe entre une municipalité, quelle qu'elle soit, et l'Office de planification et de développement du Québec. Je disais que le territoire de l'Abitibi, qui peut chevaucher la partie sud du territoire de la Société de développement de la baie James, peut faire partie de l'entente ARDA 3 qui est actuellement en cours d'exercice et qui est administrée par l'OPDQ.

M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait savoir l'attitude de la SDBJ sur cette question? Encore une fois, je ne veux forcer personne à répondre, mais je sais que les journaux ont fait écho à certaine mésentente sur la juridiction ou la compétence respective de la SDBJ et de l'OPDQ sur le territoire.

M. MASSE: M. le Président, M. Charles Boulva.

M. BOULVA: Je dois dire évidemment que la SDBJ n'a pas été convoquée à cette commission. Toutefois, en réponse à votre question, M. Morin, je dois dire qu'il n'y a aucune mésentente avec l'OPDQ. Nous avons eu avec cet organisme des réunions d'échange d'informations. Maintenant, le territoire de la baie James est sous la juridiction de la Société de développement de la baie James, mais, d'autre part, il est encore sous la juridiction de tous les ministères provinciaux.

Alors, je ne vois pas qu'il y ait de conflit de juridiction. La société de développement doit voir au développement du territoire de la baie James, doit favoriser le développement du territoire de la baie James, mais ça n'empêche pas l'OPDQ, qui doit s'occuper de la planification du développement de toute la province de Québec, de travailler en étroite collaboration avec la SDBJ. C'est ce que nous faisons. Comme vous l'a expliqué M. Massé, nous avons eu de nombreuses réunions avec les ministres responsables de l'OPDQ. J'ai moi-même assisté à ces réunions où nous tenions l'OPDQ au courant du programme de développement de la baie James.

M. MORIN: Bon, autrement dit, le territoire de la baie James n'échappe pas à la mission de planification et de développement de l'OPDQ.

M. BOULVA: C'est-à-dire qu'on essaie, au-

tant que possible, d'éviter des dédoublements. Dans le territoire de la baie James, nous considérons que les premiers responsables sont les autorités de la Société de développement de la baie James.

M. MORIN: Oui.

M. BOULVA: Et nous cherchons certainement à collaborer avec l'OPDQ pour coordonner le développement de ce territoire avec le développement général de la province dans le meilleur intérêt du Québec.

M. MORIN: Oui, je n'en doute pas et je crois que votre réponse est justifiée du point de vue où vous vous placez. Vous défendez les intérêts de la SDBJ. Mais...

M. BOULVA: Je crois que les intérêts de la SDBJ doivent correspondre aux intérêts du Québec.

M. MORIN: Oui, je le souhaite aussi. Nous le souhaitons tous. Mais...

M. BOULVA: Et nous souhaitons que l'OPDQ ait les mêmes vues.

M. MORIN: Vous me permettrez de souligner tout de même que ce n'est pas tout à fait clair comme régime.

Je pourrais pousser la question et vous dire qu'en cas de conflit entre une décision de développement de l'OPDQ et une autre décision de votre société, qui irait à l'encontre, votre réponse tendrait à dire que c'est la compétence de la SDBJ qui prévaudrait sur celle de l'OPDQ.

M. BOULVA: Cest ça.

M. MORIN: Bon. Je vois que chacun reste sur ses positions. Je ne voulais pas pousser plus loin, M. Boulva; je voulais simplement en avoir le coeur net.

M. BOULVA: Oui, oui, mais je tiens à vous faire remarquer, M. Morin, qu'en somme autant l'OPDQ que la SDBJ relèvent du premier ministre.

M. MORIN: Oui, mais, de notre point de vue, ce n'est pas une garantie, monsieur.

M. BOULVA: Ce qu'il faut faire dans la vie!

M. MORIN: Bien.

M. CIACCIA: II commence à être tard.

M. MORIN: Hélas! mais nous avons presque terminé, M. le Président.

M. MASSE: C'est vrai. M. MORIN: Maintenant...

M. BOULVA: Je tiens tout de même, avant de terminer, à signaler que, comme je vous le disais, toutes les opérations de la SDBJ doivent se faire en conformité des lois du Québec.

M. MORIN: Oui.

M. BOULVA: Autrement dit, le territoire de la baie James, qui est encore dans la province de Québec, est encore régi par les lois du Québec.

M. MORIN: Cest pour ça que je vous posais la question.

M. BOULVA: Encore, mais là, l'article 42 de la loi, au dernier paragraphe, nous dit: "A moins de dispositions inconciliables contenues dans la présente loi, celle-ci ne doit pas être interprétée comme restreignant l'application des lois concernant les mines, les ressources hydrauliques, les forêts, la chasse, la pêche, l'agriculture, la colonisation et le tourisme".

M. MORIN: Eh bien, il reste la planification.

M. BOULVA: La planification, on nous l'a, en principe, confiée.

M. MORIN: Oui, bien, c'est ce que je pensais.

M. BOULVA: C'est ça.

Communications à la baie James

M. MORIN: Je vous remercie infiniment. Bien. Pouvons-nous passer à la question des communications sur le territoire de la baie James? J'aimerais demander, d'abord, ce qu'il est advenu d'une filiale de la SDBJ — au fond, M. Boulva, je n'ai peut-être pas entièrement terminé — en matière de communications. C'est une filiale qui s'appelait, je crois, SOTEL...

M. BOULVA: C'est ça.

M. MORIN: ... qui était la propriété à 45 p.c. de la société Bell et, à 51 p.c, de votre société.

M. BOULVA: 49.

M. MORIN: A 49 p.c. de votre société.

M. BOULVA: 49/51. Non, 49 p.c. de Bell...

M. MORIN: Bell...

M. BOULVA: ... et 51 p.c. de la Société de développement.

M. MORIN: ... et 51 p.c. pour la SDBJ. La Régie des services publics ayant refusé, en 1973, de confier l'exploitation du territoire à cette société SOTEL, vous avez dû, je pense, prendre d'autres arrangements. Qu'est-il advenu, d'à-

bord, de SOTEL? Est-ce qu'à toutes fins pratiques cette société a disparu?

M. BOULVA: Non, la société SOTEL est bel et bien vivante; elle fonctionne. C'est la société SOTEL, en collaboration avec la compagnie Téléphone du Nord qui se charge de toutes les communications dans le territoire de la baie James.

M. MORIN: Ah! bon! Alors, la compagnie Téléphone du Nord qui, d'après ce que j'en sais, est une filiale à charte québécoise de la société Bell...

M. BOULVA: De la société Northern Ontario Telephone, qui est elle-même une filiale du Bell.

M. MORIN: Ah bon! c'est à plusieurs maillons.

M. BOULVA: C'est ça.

M. MORIN: Et cette société de Téléphone du nord, est-ce que la SDBJ y a des intérêts?

M. BOULVA: Aucun.

M. MORIN: Donc c'est entièrement dans la dépendance de la société Bell. Dans la mouvance de la société Bell.

M. BOULVA: Téléphone du nord, oui. M. MORIN: Et alors,...

M. BOULVA: En fait elle est administrée par le Bell et les directeurs de cette société sont des gens du Bell.

M. MORIN: Oui, et le directeur général aussi je pense.

M. BOULVA: Vous voulez dire de Téléphone du nord?

M. MORIN: De Téléphone du nord.

M. BOULVA: Oui, Téléphone du nord, mais au conseil d'administration il y a des représentants du Bell.

M. MORIN: Alors cette société Téléphone du nord est donc sujette à la Régie québécoise des services publics plutôt qu'à la Commission canadienne des transports?

M. BOULVA: Exactement.

M. MORIN: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle SOTEL n'a pu obtenir au départ, si j'ai bien compris, les communications parce que cette société SOTEL serait tombée, elle, sous la juridiction de la Commission canadienne des transports. Est-ce exact ou est-ce que j'erre?

M. BOULVA: Ce n'est pas tout à fait exact en fait, suivant la loi du bill 50. Il y a un article du bill 50...

M. MORIN: Le bill 50 ne prévoyait pas de filiale de la SDBJ dans le domaine des télécommunications, mais il n'y a rien qui vous empêche d'en établir une, n'est-ce pas?

M. BOULVA: C'est-à-dire que le bill 50, à l'article 6, stipule que, pour la réalisation de ses objectifs la société, c'est-à-dire la Société de développement, peut en outre de ses autres pouvoirs faire différentes choses, et c) "peut exploiter tout moyen de communication terrestre, aérien et maritime et de télécommunications".

M. MORIN: Bon.

M. BOULVA: C'est ce qu'a fait la Société de développement en créant SOTEL. Elle a décidé de se servir de l'article 6 c) de la loi et de créer une société de télécommunications pour desservir le territoire.

M. MORIN: Pourriez-vous nous dire maintenant comment coopèrent SOTEL et la compagnie Téléphone du nord?

M. BOULVA: Je vais vous expliquer également qu'en vertu de l'article 42 les opérations de la société et de ses filiales ne sont pas régies par les dispositions de la Loi du régime des eaux, de la Loi de la régie de l'électricité, de la Loi de la régie des eaux, de la Loi de la régie des transports, de la Loi des transports et de la Loi de la régie des services publics. Donc SOTEL, nous prétendons, n'est pas régie par la Régie des services publics, et c'est ce qui a créé le problème.

M. MORIN: Etait-elle régie par la Commission canadienne des transports?

M. BOULVA: Non, elle n'est pas régie, elle échappe à toute régie.

M. MORIN: Elle échappe à toute régie.

Je vois mieux le problème. Est-ce que SOTEL et la compagnie de Téléphone du nord ont une association pour les communications, pour les fins des communications?

M. BOULVA: Au moment de la création de SOTEL, nous avons préféré chercher à nous associer avec le Bell.

M. MORIN: Oui.

M. BOULVA: Si, à un moment donné, SOTEL doit se présenter sur les marchés financiers pour obtenir des fonds, nous avons pensé qu'en étant associée avec une compagnie comme la Bell, il lui serait plus facile d'avoir des emprunts à des taux intéressants; que ce serait

plus facile que nous présenter avec une société comme Téléphone du Nord, Télébec ou toute autre société filiale de Bell.

M. MORIN: Oui. Mais ce qui m'intéresse plus particulièrement, M. Boulva, c'est le genre d'entente qui existe entre SOTEL et Téléphone du Nord. Si ma mémoire est bonne, vers août 1973...

M. BOULVA: Je dois d'abord vous expliquer pour quelle raison nous avons dû faire cette entente avec Téléphone du Nord.

M. MORIN: Oui.

M. BOULVA: Nous avons alors créé une société SOTEL avec différents arrangements avec la société Bell. Entre autres, nous nous engagions à racheter les actifs de Bell qui est à Fort George et de Téléphone du Nord qui a des installations dans la région au nord de Matagami et qui avait commencé à desservir les camps et les entrepreneurs qui étaient occupés à la construction de la route.

Comme nous devions acheter des actifs de la société Téléphone du Nord, c'est pour cette raison que la société Téléphone du Nord s'est présentée devant la régie pour obtenir l'autorisation de vendre ses actifs.

M.MORIN: Oui.

M. BOULVA: Egalement, nous devions ratifier, avec Téléphone du Nord et avec Bell, des contrats de trafic.

M. MORIN: Oui.

M. BOULVA: Pour pouvoir sortir toutes nos communications du réseau du territoire de la baie James n'importe où en Amérique du Nord, en Europe, dans le monde, il faut forcément faire des contrats de trafic. Les contrats de trafic qui devaient se faire avec la compagnie Téléphone du Nord étaient sujets également à l'approbation de la Régie des services publics puisque Téléphone du Nord est assujettie à cette régie...

M. MORIN: C'est cela.

M. BOULVA: ... et les contrats avec la Bell étaient assujettis à la commission de contrôle, à Ottawa.

M. MORIN: Oui, c'est bien.

M. BOULVA: Alors, la société de développement et la société Bell, nous nous étions entendues, les contrats étaient prêts, pour autant qu'ils seraient ratifiés par les deux organismes de contrôle. C'est lorsque la société Téléphone du Nord s'est présentée devant la régie pour lui demander de se retirer du territoire, étant donné qu'il y avait une entente avec SOTEL, que la régie s'est opposée parce qu'elle n'avait pas de demande de SOTEL, puisque nous considérions que SOTEL ne devait pas, d'après la loi, faire de demande à la régie. C'est ce qui a créé l'imbroglio.

M. MORIN: J'ai compris. Quelle est l'entente actuelle entre SOTEL et Téléphone du Nord?

M. BOULVA: L'entente actuelle est que SOTEL agit comme un agent de Téléphone du Nord dans le territoire. Autrement dit, SOTEL met à la disposition de Téléphone du Nord ses installations.

M. MORIN: Ah bon! Et cela signifie que SOTEL, en tant qu'agent, échappe à la Régie des services publics tandis que Téléphone du Nord, en tant que mandataire...

M. BOULVA: Ceci, évidemment, a été fait pour donner le service au public puisque SOTEL avait déjà des installations.

Il était assez difficile, et je ne sais pas qui aurait le blâme si, à un moment donné, on avait arrêté les opérations de SOTEL. C'était le seul moyen puisque nous ne pouvions pas avoir de contrat de trafic, donc nous ne pouvions pas avoir de point d'interconnection, alors nous avons fait une entente avec la compagnie Téléphone du Nord où tout simplement nous mettons nos installations à la disposition de Téléphone du Nord et nous facturons dans tout le territoire les tarifs de Téléphone du Nord.

M. MORIN: Bien. Et SOTEL échappe toujours, en tant que telle...

M. BOULVA: Je vous dirai que nous avons fait cet arrangement avec Téléphone du Nord en attendant que Téléphone du Nord obtienne un jugement, car elle a porté le jugement de la Régie des services publics en appel.

M. MORIN: De façon à pouvoir se désister entièrement en faveur de SOTEL...

M. BOULVA: Entièrement en faveur de SOTEL.

M. MORIN: ...de ses actifs.

M. BOULVA: De ses actifs, et pouvoir nous donner un contrat de trafic.

M. MORIN: Bon. Et, le cas échéant, si la cour d'Appel donnait raison à Téléphone du Nord, SOTEL échapperait donc et à la Commission canadienne et à la Régie québécoise des services publics?

M. BOULVA: C'est ça.

M. MORIN: Bon. Peut-être pouvez-vous me

contredire, mais est-ce que ça ne permet pas à SOTEL certaines procédures comptables qui ne seraient pas approuvées par la Régie des services publics? Est-ce que ça ne permettrait pas, par exemple, à SOTEL...

M. BOULVA: Je ne vois pas.

M. MORIN: ...de tenir compte seulement du capital fourni par les actionnaires plutôt, pour le calcul des bénéfices, que de les calculer à partir des actifs à la disposition du public?

M. BOULVA: Non, en somme, actuellement toute la responsabilité de SOTEL est faite avec l'assistance de Bell Canada qui est notre partenaire et qui nous fournit un certain nombre d'employés qui nous aident, en somme, et nous fournit les connaissances techniques pour exploiter un réseau de télécommunications.

M. MORIN: Oui.

M. BOULVA: Et la procédure comptable est la procédure standard de Bell Canada.

M. MORIN: Comme disent les Italiens, c'est une "combinazzione"

M. BOULVA: C'est une petite "combinazzione".

M. MORIN: Oui. Eh! bien! je crois que...

M. BOULVA : Mais pour le meilleur intérêt des gens qui habitent le territoire.

M. MORIN: Pour le meilleur intérêt de la SDBJ également.

M. BOULVA: Mais de la SDBJ également...

M. MORIN: Ce n'est pas incompatible, me direz-vous.

M. BOULVA: Ce n'est pas incompatible du tout, au contraire.

M. MORIN: Merci, M. Boulva.

Place Desjardins

M. MORIN: Encore deux ou trois questions. Cette fois, il s'agit bien de l'Hydro-Québec.

Je voudrais parler de la Place Desjardins. Je pense que vous auriez été déçus si je ne vous en avais pas parlé.

M. GIROUX: Probablement.

M. MORIN: L'Hydro-Québec a-t-elle définitivement abandonné son projet d'installer une partie de son siège social dans les édifices de la Place Desjardins? Je crois savoir que pour le centre de traitement la question est réglée pour une surface de 135,000 pieds carrés.

M. GIROUX: Je pense qu'on pourait résumer les faits, tels qu'ils sont. Je laisserai les détails à mes confrères. J'ai relevé certains dossiers. Mon prédécesseur, M. Lessard, ne semble pas avoir, peut-être, gardé toutes les copies de lettres, au moment où il m'a transféré la présidence. Il y avait tellement de retard dans ce dossier qu'il ne semblait pas avoir confiance que cela se construirait.

Maintenant, je ne sais pas... La première lettre date du 9 décembre 1968. Je crois comprendre que, dans des débats, on a parlé des allusions de M. Lessard. Alors, M. Lessard répondait à M. Rouleau et il lui disait: "J'accuse réception de votre lettre du 28 novembre concernant votre projet d'ériger un immeuble voisin de celui de l'Hydro-Québec, boulevard Dorchester. Donc, j'en conclus — cela peut être différent — qu'à ce moment-là ce n'était qu'un projet d'ériger". C'était en décembre 1968.

M. Lessard continuait: "La commission a reçu votre suggestion avec intérêt et elle est disposée à considérer un projet de location d'espace dans l'édifice projeté aussitôt qu'une proposition plus concrète lui sera soumise. Nous tenons à vous aviser ici que l'espace que nous occupons à la place Victoria, ce qui couvre une superficie de 144,115 pieds carrés, est à notre disposition en vertu d'un bail qui se termine le 30 novembre 1971 —c'était une question, à ce moment-là, qui était pas mal critique— renouvelable pour une période de deux ans. Une décision au sujet de ce renouvellement doit être prise avant le 30 novembre 1970. "D'autre part, la commission me prie de vous signaler que son intérêt dans ce projet est sujet à la participation directe du mouvement Desjardins ou des sociétés affiliées à cette entreprise. En d'autres termes, il serait inacceptable pour l'Hydro-Québec que le mouvement Desjardins serve de façade à un organisme d'investissement immobilier dont les propriétaires ne seraient pas connus". Je ne crois pas qu'il pensait à la partie gouvernementale. Il ne devait pas y avoir de pressions du gouvernement! Peut-être, mais, enfin, je ne peux pas présumer.

M. MASSE: On espère que non.

M. GIROUX: J'espère que non. M. Gau-vreau, au 25 juin, semblait un peu impatient d'avoir des nouvelles. En 1969, il écrivait à M. Rouleau et il disait: "M. Lessard exprimait dans sa lettre que la commission était disposée à considérer le projet de location d'espace dans l'édifice projeté aussitôt qu'une proposition plus concrète lui serait soumise. Par ailleurs, dans un autre paragraphe, nous portions à votre attention le fait qu'une décision à ce sujet devrait être prise dans le plus bref délai, vu l'échéance de notre bail à la place Victoria, le

30 novembre 1971, et la nécessité de prévoir l'espace de remplacement pour loger tous nos bureaux qui occupent cet édifice. "La date ultime prévue par nous pour une décision à ce sujet est maintenant passée et la commission s'inquiète de n'avoir reçu aucune réponse de vous sur ce sujet depuis le 2 décembre 1968". "Les mesures que doit prendre HydroQuébec ne nous permettent pas de différer indéfiniment une décision qui a déjà beaucoup tardé." Mais, tout de même, la patience n'était pas au bout parce qu'on a beaucoup de patience. Et il y avait les salutations.

M. Rouleau, le 2 décembre 1968, nous répondait: "Les institutions du mouvement coopératif Desjardins dont les sièges sociaux sont localisés dans la région métropolitaine de Montréal poursuivent toujours leurs recherches en vue de régler leurs besoins futurs d'espace tout en favorisant le développement d'un quadrilatère borné par les rues Sainte-Catherine, Saint-Urbain, Jeanne-Mance et le boulevard Dorchester. "Une décision finale devrait être prise d'ici la fin de l'année — c'est au 2 décembre 1968 — à savoir que nous nous limitons à la construction de notre propre immeuble ou que nous favorisons la réalisation d'un ensemble. Dans ce dernier cas, nous avons prévu la construction d'un immeuble situé boulevard Dorchester et rue Saint-Urbain, voisin du vôtre, lequel pourrait être terminé à la fin de 1971". Heureusement qu'on n'a pas loué celui-là. "Dans l'hypothèse où nous réaliserions cette construction, l'Hydro-Québec serait-elle intéressée à louer l'espace ou à acheter l'immeuble? Vous nous rendriez un grand service en nous faisant savoir votre point de vue puisque la décision que vous pourriez prendre sera de nature à faciliter la nôtre."

A cette époque, j'ai eu un déjeuner, selon mes notes, avec M. Rouleau et je lui ai expliqué que, dans l'ensemble de l'affaire, on préférait louer pour plusieurs considérations. Il n'y a pas eu d'autres discussions à ce moment-là. M. Rouleau m'avait expliqué qu'il avait un grand problème à discuter avec le gouvernement fédéral, qui est encore d'une lenteur plus grande.

M. Rouleau recevait une lettre de laquelle il m'a fait parvenir copie, le 23 juin 1969. C'est un accusé de réception de la lettre du 21 mai 1969. C'est M. Lang qui lui écrit, relativement au sujet mentionné, qui était le projet d'ensemble: "Comme je vous le disais dans ma lettre précédente, le Conseil du trésor a demandé au ministère de réexaminer le projet que celui-ci lui avait d'abord présenté. Nous avons fait cet examen et nous avons présenté au conseil une nouvelle requête pour étude."

C'est la seule réponse qu'il avait à ce moment-là. Donc, il ne pouvait pas tellement s'engager.

Le 4 juillet 1969, M. Rouleau écrivait à M. Gauvreau: "Si vous n'avez pas encore eu de nos nouvelles, c'est que nous attendons toujours une réponse définitive du gouvernement du Canada que nous espérons pour bientôt. "Pour votre gouverne, ci-inclus une photo de lettre que nous recevions récemment du ministère alors..."

Il nous disait aussi qu'il y avait des problèmes à régler. Il attendait une réponse affirmative du gouvernement du Québec et de la ville de Montréal, quant à leur participation au projet. "Vraiment, il serait regrettable que vous soyez obligé de prendre une décision immédiate quant â vos besoins futurs d'espace. Je suis convaincu que nous serons en mesure de vous donner une réponse précise d'ici quelques semaines. "De toute façon, vous pouvez être assuré que nous vous tiendrons au courant au fur et à mesure des développements qui pourront se produire."

Alors, il avait de grandes difficultés à faire démarrer le projet. C'était au 4 juillet 1969.

Nous n'avons pas de nouvelles, ou presque pas de nouvelles, jusqu'au début d'avril et de mai 1971. A ce moment-là, j'ai eu une conversation avec l'honorable premier ministre de la province de Québec, qui m'a demandé ce qu'on avait fait et tout cela. Alors on a dit qu'on avait exercé notre option, qu'on avait une option de bail et que cela nous coûtait plus cher, ça nous dérangeait beaucoup, mais on était prêt à attendre.

Alors, il m'a demandé: Regardez donc la situation, ce que vous pourriez faire. Je lui répondais. Jusqu'à ce moment-là, c'étaient des conversations téléphoniques que j'avais eues avec M. Rouleau, deux ou trois, je n'ai pas de notes pour les autres, ce sont les seules que j'ai pu trouver à la commission. Il en existe peut-être ailleurs mais s'il y en a, je ne les connais pas.

Je lui disais: "Comme nous en avons convenu, je vous transmets ci-joint la correspondance échangée en 1968 et 1969 entre la Comission de l'Hydro-Québec et le président de la Sauvegarde, M. Alfred Rouleau, au sujet des possibilités de l'Hydro-Québec d'occuper une partie de l'espace éventuel disponible à la Place Desjardins". Donc, c'est pourquoi ces documents sont entre mes mains, les premières, parce que j'ai transmis les copies. "Effectivement, la Commission est présentement intéressée à recevoir du Mouvement coopératif Desjardins une offre d'espace d'environ 150,000 à 200,000 pieds carrés dans un des édifices de Place Desjardins qui occupera le quadrilatère. "En plus du prix de location aussi approximatif que possible, cette offre devrait stipuler la date précise à laquelle l'Hydro-Québec pourrait occuper les locaux concernés. "Vous comprendrez facilement que nous ne nous serions pas engagés définitivement envers le Mouvement coopératif Desjardins sans avoir

en main les renseignements indispensables". A ce jour, nous avons reçu des photos. "Devrais-je ajouter qu'il était déjà urgent d'en arriver à une décision dès la fin de l'année 1968? La situation reste la même et conserve toujours son caractère d'urgence. J'espère que le ministre trouvera tous ces renseignements à sa satisfaction etc.".

M. MORIN: Quelle est la date de cette lettre, M. Giroux?

M. GIROUX: Le 4 mai 1971.

Le 2 décembre 1971, à Place Desjardins, nous avions entamé des négociations à ce moment-là au sujet du centre de "dispatching" et nous avions mis des ingénieurs sur le projet, des gens de chez nous, des experts... Place Desjardins, à ce moment-là, nous disait: "Depuis quelques mois, nous étudions, avec les autorités de l'Hydro-Québec, la possibilité de réserver un espace à Place Desjardins pour un futur centre de "dispatching" et de traitement des données. "Nous avons retenu de ces échanges de vues que l'une des considérations importantes dans la décision finale de l'Hydro-Québec à ce sujet serait la date à laquelle la construction de ce centre de "dispatching" et de traitement pourrait être complété par Place Desjardins. "Le cheminement critique du projet préparé pour notre société de gérance, de concert avec nos architectes et nos ingénieurs, nous permet d'affirmer que l'Hydro-Québec pourrait entrer en possession de son centre de "dispatching" et de traitement le 1er novembre 1974, s'il est construit sur l'emplacement de la Place Desjardins"

Je dois dire qu'à ce moment-là, ils avaient parfaitement raison de croire que ça pouvait se faire et ils ont encore raison de croire que ça peut se faire sans faire mention des problèmes que nous avons expliqués ce matin qui sont des problèmes dans la construction. "Place Desjardins s'engageait à livrer le centre pour occupation le 1er novembre... à condition qu'une étroite collaboration puisse s'établir alors dans les deux prochains mois... Si la Commission hydroélectrique désire donner suite à la présente offre, nous pourrions immédiatement engager des pourparlers afin qu'un bail de location à long terme puisse être rédigé dans un avenir rapproché. "Pour préparer les estimations et fournir les renseignements techniques nécessaires à une définition des clauses d'un tel bail, il serait sans doute expéditif, avec l'assentiment de l'Hydro-Québec, de recourir aux services des architectes et ingénieurs-conseils qui travaillent déjà sur le projet de la Place Desjardins — ce que M. De Guise faisait régulièrement. Nous sommes évidemment des plus intéressés à compter HydroQuébec parmi les principaux occupants de la Place Desjardins; la présence d'Hydro-Québec dans l'édifice du gouvernement qui sera érigé constitue déjà un important apport à ce projet. Nous espérons une décision favorable..."

Le 13 décembre, la commission passait une résolution. Re: Place Desjardins: "La commission prend connaissance de la lettre du 2 décembre 1971 — vous voyez l'effort de vitesse qu'on y met comparé aux autres, 2 décembre sur une lettre — selon le projet Place Desjardins adressée au secrétaire de l'Hydro-Québec concernant le centre de dispatching et de traitement des données de cette dernière". Copie de lettre est paraphée — bon. Après discussion, la commission délègue M. Yvon De Guise, commissaire, pour négocier avec la Place Desjardins la location d'espaces du centre de dispatching et de traitement des données, c'est une négociation pure que nous demandons partout ailleurs. On demande le coût approximatif de telles locations et l'acceptation, toutefois, est sous réserve de l'acceptation du coût par l'Hydro-Québec".

Il y a plusieurs documents qui ont été déposés qui sont extrêmement longs. Et on a autorisé notre service à faire des démarches auprès de la Place Desjardins, avec les ingénieurs, avec tout le monde, pour en arriver à cette chose-là et autoriser notre contentieux à adresser une lettre par l'entremise du secrétaire au directeur général de Place Desjardins. Selon la demande de la Place Desjardins — je n'ai pas en main les copies de ces choses-là parce que c'est au dossier chez nous — on dit: Ce document constituait à toutes fins pratiques une offre de location de la part de l'Hydro-Québec et faisait suite aux négociations et discussions qui durent depuis près de deux ans entre nos deux organismes. Notre conseil d'administration a étudié attentivement les termes de la proposition de l'Hydro-Québec et nous a demandé de vous communiquer les commentaires suivants.

Alors, nous avions des experts en propriété qui avaient évalué au maximum ce qu'on devrait payer. Les prix de base, le chiffre de $3.50 le pied carré offert par l'Hydro-Québec n'est pas acceptable parce que c'était $3.75 ou $3.79. Autre problème aussi. On nous disait: Compte tenu de l'assurance morale que Place Desjardins possède de louer — l'assurance morale, n'est-ce pas, n'était pas très forte parce que juridiquement ou moralement je ne sais pas ce que ça veut dire dans l'esprit de la Place Desjardins — ces loyers ont été calculés à partir d'une estimation des coûts de construction. Alors, il y a des problèmes. La Place Desjardins a entrepris — c'est la description de tous les efforts qui ont été faits mais je ne veux pas retarder. Maintenant, on demande qu'il y ait un certain remboursement, qui était justifié, des dépenses qui avaient été faites à Hydro-Québec mais Place Desjardins ne peut consentir un facteur de pondération particulier pour le centre... pour la réparation des frais d'exploitation. Voyez-vous?

Alors, dans le centre, on n'avait pas besoin

de partager les frais d'exploitation. Ce n'est pas normal, ils ne peuvent pas consentir à ça. La Place Desjardins ne peut garantir les créanciers hypothécaires et la ville de Montréal, en cas d'expropriation, paiera directement à l'HydroQuébec sa juste part de l'indemnité calculée. Ils ne pouvaient pas garantir ça.

Tout de même, on a autorisé à louer. A ce moment-là, on leur a dit que c'étaient, dans ces conditions-là, les seuls espaces que nous pouvions louer, j'ai reçu un appel téléphonique de M. Vermelinger. J'ai demandé à la commission si on maintenait notre position, parce qu'on avait fait des calculs qui vous seront donnés tantôt, sur ce problème. Alors, la commission m'a dit: Très bien, rencontrez M. Vermelinger. Alors, M. Vermelinger est venu au bureau, puis je lui ai dit que ça me faisait plaisir de le recevoir — cela a été fait bien amicalement — et que j'aimerais bien négocier son prix. Il a dit: Malheureusement, ce n'est pas négociable.

C'est un peu la position à prendre ou à laisser. Il a dit: Nous avons des offres à beaucoup meilleur marché. Là, il m'a donné la description des avantages. Je comprends que, si je loue une suite au Château Champlain au 35e étage, je suis mieux logé peut-être qu'à l'Hôtel Mont-Royal, mais, quand même, au Mont-Royal, je couche très bien, parce qu'il y a beaucoup de gens qui s'en servent. Alors, de ce point-là, nous avons décidé sincèrement que, si on ne peut pas négocier et si nos experts me disent que ça ne vaut pas ce prix-là... On me donne comme raison; Oui, mais le gouvernement le paie. Ce n'est pas mon problème, le gouvernement peut bien payer.

M. BACON: Ce n'est pas un critère.

M. GIROUX: Pardon? Ce n'est pas un critère, que le gouvernement paie. Je vous remercie, je n'avais pas pensé à ça.

M. BACON: Vous voyez qu'on vous suit, comme il faut.

M. GIROUX: Absolument, je vois ça. A ce moment-là, nous avons demandé, en procédure normale, vu qu'on ne pouvait pas négocier, de voir aux approvisionnements ce qu'ils pouvaient faire pour obtenir de l'espace ailleurs, de regarder tout l'ensemble de ce qui était disponible. Sur ce point, je vais laisser à M. Dozois l'analyse des disponibilités et du rapport sur l'espace qu'ils ont trouvé des taux comparatifs.

M. DOZOIS: M. le Président, comme vient de vous le dire M. GiroUx, effectivement l'Hydro-Québec a loué les 145,000 pieds carrés pour le "dispatching" et l'informatique. A la suite de cette location, il s'agissait de déterminer où nous logerions un groupe d'ingénieurs qui sont actuellement à la tour de la Bourse et qui occupent, comme M. le Président le disait tout à l'heure, 140,000 pieds environ.

Nos services nous ont recommandé de nous assurer de 220,000 pieds carrés d'espace pour immédiatement et d'un supplément de 55,000 pieds pour cinq ans plus tard.

M. MORIN: Pardon, M. Dozois, puis-je vous interrompre une seconde?

M. DOZOIS: Oui.

M. MORIN: 220,000 pieds carrés, c'est en plus des 140,000, ça inclut les 140,000?

M. DOZOIS: Non, non, c'est en surplus. Cela, c'est bâclé, les 145,000.

M. MORIN: 145,000 pieds carrés, c'est pour votre centre ...

M. DOZOIS: De "dispatching" et d'informatique.

M. MORIN: D'informatique. M. DOZOIS: Oui.

M. MORIN: Les ingénieurs qui sont à la tour de la Bourse en ce moment, est-ce que j'ai bien compris...

M. DOZOIS: Notre bail se termine au mois de décembre 1975.

M. MORIN: Et là, combien de pieds carrés est-ce que ça représente?

M. DOZOIS: Ils occupent actuellement, je crois, 140,000 ou 175,000.

M. MORIN: C'est ce que j'avais cru comprendre, 140,000.

M. DOZOIS: Peut-être 175,000.

M. MORIN: Alors, les 220,000, est-ce le total? Non, ça ne peut pas être ça.

M. DOZOIS: Non, non.

M. MORIN: Mais c'est encore en plus, on en a ailleurs.

M. DOZOIS: On nous a représenté que vu l'augmentation du personnel...

M. MORIN: Ah bon!

M. DOZOIS: ... il serait prudent d'en louer 220,000 pieds carrés et, cinq ans plus tard, s'assurer 55,000 pieds additionnels.

M. MORIN: Et les 220,000 seraient maintenant?

M. DOZOIS: Oui, oui.

M. MORIN: Bon, je comprends.

M. DOZOIS: Pour la fin du bail de la tour de la Bourse.

M. MORIN: En plus des 140,000?

M. DOZOIS: Oui, oui. C'est réglé, ça. On l'oublie. C'étaient des besoins additionnels pour loger nos...

M. GIROUX: On avait un engagement avec la Place Desjardins pour louer 150,000 à 200,000 pieds carrés.

M. MORIN: Bon.

M. GIROUX: Nous avons, actuellement, loué 145,000.

M. MORIN: Oui, c'est clair.

M. GIROUX: II y a d'autres négociations à part ça mais cette partie-là, l'engagement donné par écrit est respecté.

M. MORIN: Parfait.

M. DOZOIS: Nous sommes entrés en négociation, nous avons demandé à Place Desjardins à combien on pourrait louer de cet espace additionnel et on nous a dit que ce serait $9.09 le pied carré; c'est-à-dire $4.99 le pied carré, comme prix de base, et $4.10 le pied carré pour les services de nettoyage, chauffage, électricité, assurances, ascenseur, administration professionnelle, loyer du terrain et les taxes, lesquels $4.10 le pied carré sont ajustables d'année en année, selon les coûts effectifs qui seront déboursés pour ces services.

Or, nous avons pensé — et c'est ce que M. Giroux vous disait tout à l'heure — que c'était un prix très élevé. Nos services ont fait l'inventaire des possibilités qu'il pouvait y avoir dans d'autres immeubles de la ville de Montréal et à quel prix on pourrait louer. A la Place Ville-Marie, on pouvait louer entre $9 et $10 le pied carré mais l'espace était insuffisant. A ce moment-là, les 220,000 étaient rendus à 320,000 pieds carrés pour nos besoins futurs. A la Place Victoria, $8 le pied carré mais encore absolument insuffisant. A 2020 University, au coin du boulevard Maisonneuve, $8.25 le pied carré, insuffisant. A la Banque Canadienne Nationale, Place d'Armes, $8.50 le pied carré, espace insuffisant. A la Place Bonaventure, $6.60 le pied carré; espace à l'intérieur mais un espace brut et sans fenêtre, complètement insuffisant.

A la Place Desjardins, $9.09 le pied carré et il y avait la Place Dupuis à $6.90. Nous avions également, après avoir constaté cela, des offres d'un édifice Tecsult, au coin de Saint-Urbain et Sainte-Catherine, qui est en construction — les fondations sont commencées — pour $8.50 le pied carré mais espace insuffisant pour nos besoins totaux. Nous avons eu également une proposition pour un prix équivalent à la Place Dupuis mais dans une bâtisse à être construite en face de l'édifice de l'Hydro-Québec, boulevard Dorchester, du côté sud, sur un terrain appartenant à la ville de Montréal.

Or, la Place Dupuis nous offrait, pour un espace devant être prêt en 1974 — fin 1974 ou début de 1975 — 240,000 pieds carrés pour un bail de 30 ans, à $6.90, commençant en mars 1975, et 55,000 pieds carrés pour 25 ans, commençant en mars 1980, à $6.90 également. L'autre projet ou l'autre offre que nous avions pour cet immeuble devant être construit en face de notre immeuble sur le boulevard Dorchester était à des prix semblables, mais nos services n'étaient pas sûrs que malgré la promesse ou l'engagement que ces gens étaient prêts à faire, on pourrait l'occuper à temps pour la fin de notre bail, en décembre 1975, parce qu'il fallait qu'ils concluent une entente avec la ville de Montréal, puisque c'était la ville de Montréal qui était propriétaire du terrain.

Or, nous avons finalement accepté de louer cet espace à la Place Dupuis et en conséquence nous avons donné une lettre d'entente à cette organisation.

Nos services ont évalué les deux offres, c'est-à-dire de la Place Desjardins à $9.09 le pied carré et l'autre, car il faut remarquer, n'est-ce pas, que c'est pour loger environ 800 ingénieurs avec leurs tables à dessin et tout. Ce ne sont pas des bureaux d'affaires où le public va être appelé à se rendre ni le siège social d'une compagnie qui aurait besoin d'être dans un édifice prestigieux. Ce sont plutôt des bureaux d'exécution de plans ou de travaux d'ingénieurs.

Vu la grande différence, nous avons demandé à nos services d'actualiser, sur la période de 30 ans, le coût d'une location à la Place Desjardins et, pour les mêmes espaces, 320,000 pieds carrés pour 30 ans, à compter de septembre 1975, et 55,000 pieds carrés à $9.09, pour 25 ans, à compter de septembre 1980, et cela représente une valeur actualisée de $30,238,931 alors qu'à Place Dupuis, 240,000 pieds carrés à $6.90, pour 30 ans, et 55,000 pieds carrés, pour 25 ans, à compter de mars 1980, à $6.90, et, pour compléter, l'espace requis de 80,000 pieds à Place Desjardins — parce que nous sommes toujours en discussion pour 80,000 pieds à Place Desjardins— à $9.09, ça fait un total actualisé de $24,605,254, soit une différence de $5,633,677 pour la durée du bail.

Dans un autre document on nous signale que le résultat du calcul démontre que la valeur actualisée des loyers, exprimée en dollars de 1975, de la proposition de Place Dupuis est $5,633,677 plus basse que celle de Place Desjardins. Cette différence totale actualisée peut aussi s'exprimer par une différence annuelle équivalente, pendant 30 ans, de $597,620. Devant la différence de coût, l'Hydro-Québec a pris cette décision de louer à la Place Dupuis.

II y avait cet autre avantage, M. le Président, qu'il faut signaler, je crois, c'est que cet immeuble est immédiatement voisin de l'immeuble où sont logées la Société d'énergie et la Société de développement.

Or, nos ingénieurs, tous nos ingénieurs de notre service de génie, vont être appelés, dans les dix prochaines années ou les quinze prochaines années, à travailler en étroite collaboration avec les ingénieurs de la Société d'énergie puisque la Société d'énergie construit le complexe de La Grande pour nos besoins en électricité.

Maintenant, j'ai lu quelque part qu'il y avait des choses qui n'étaient pas aussi favorables à la place Dupuis. J'ai lu, entre autres, que la superficie louée n'était pas utilisable dans la même proportion et dans une proportion assez forte. On a mentionné un chiffre de 10 p.c. à 15 p.c.

M. MORIN: A cause des colonnes.

M. DOZOIS: A cause des colonnes. Je vois que vous avez lu le même article, M. Morin !

Or, nos services nous signalent ceci: Superficie louée par étage à la place Dupuis, 18,483 pieds carrés, superficie utilisable, en tenant compte des chambres électriques, des corridors, des toilettes et des colonnes — et, à la place Dupuis, les colonnes intérieures ont cette dimension, je vous les donne pour montrer que c'est une étude sérieuse, de trois pieds par trois pieds — dans une superficie utilisable de 17,014 pieds carrés, soit 92 p.c. de l'espace loué.

A la place Desjardins, par étage, il y a 19,767 pieds carrés, et en prenant en considération les chambres électriques, les corridors, les toilettes et les colonnes, dont la périphérie extérieure est de cinq pieds par deux pieds et demi de profondeur, il y a une superficie utilisable de 17,767 pieds, soit 90 p.c. Donc, la place Dupuis a un avantage d'utilisation de 2 p.c.

M. MORIN: Je vois que vous auriez vraiment été déçu si je ne vous avais pas posé la question !

M. DOZOIS: J'avais commencé à vous faire part de ce document avant que vous me disiez que vous aviez lu l'article.

M. MORIN: Oui.

M. DOZOIS: Puisque vous avez lu l'article, vous avez également lu qu'on estimait qu'il y aurait des dépenses de $200,000 par le fait que c'était plus loin.

M. MORIN: Pour ne rien vous cacher, j'allais vous poser la question.

M. DOZOIS: Bon. J'irai au devant de vos désirs, M. Morin! Voici, $200,000, si on compte, n'est-ce pas, que de la place Dupuis à l'Hydro-Québec, c'est une course, en taxi, si on fournit le coût des courses de taxi à nos employés qui veulent venir au siège social, c'est une course, au maximum, de $1.25 avec le pourboire. Mais, admettons que, allez-retour, ce serait $3, admettons que cela prendrait dix minutes pour faire le trajet, un trajet que je connais très bien, le maximum, je pense, qu'on peut estimer c'est à peu près $4 par voyage: les dix minutes du temps d'un ingénieur et la course en taxi ! Ce qui ferait, M. le Président, environ 50,000 voyages par année. Comme il y a 240 jours ouvrables par année, cela veut dire qu'il y aurait plus de 200 voyages par jour. Comme il y a à peu près 800 à 900 ingénieurs, je ne crois pas que 200 d'entre eux aient affaire au siège social tous les jours de l'année. Je pense que c'est un chiffre exagéré.

M. GIROUX: M. Morin, je devrais ajouter à cela que, si on était à la Place Desjardins avec notre personnel d'ingénieurs, ils auraient à faire ce voyage pour aller à la Place Dupuis rencontrer les gens, pour une partie, n'est-ce pas, au sujet de la Société d'énergie, parce que notre génie participe à la Société d'énergie.

Maintenant, au cas où cette question vous gênerait peut-être, parce qu'on me dit que, dans l'article, on parle de mon fils, ne vous inquiétez pas. Si vous avez des questions, je suis très très à l'aise.

M. MORIN: Non, non.

M. GIROUX: Je suis très fier de mon fils.

M. MORIN: Je n'avais pas de questions là-dessus.

M. GIROUX: Mon fils, apparemment, aurait fait une offre de financement à la Place Desjardins, qui a été refusée. C'est leur privilège. Je n'ai aucune objection à cela. Je voudrais simplement ajouter aussi que mon fils, par sa maison, avait fait une offre de $500 millions à la province de Québec, la seule offre ferme qui ait jamais été faite à la province de Québec, de $500 millions. La province de Québec l'a refusée aussi. Mais je fais encore affaires avec la province de Québec!

Alors, ce qu'il faut dire aussi, c'est, que, dans la mouvement Desjardins, où j'ai contribué à aider, je voudrais bien mettre un point très clair, n'est-ce pas, c'est que ce sont des gens que je respecte beaucoup. Seulement, qu'ils soient partenaires avec la province ou avec Dieu le Père, ils ne me dicteront pas. C'est un point. C'est pourquoi je veux dire aussi que, quand on fait des accusations ou des semblants d'accusations en disant que la province nous dicte dans ces choses-là, je dis que la province ne nous en a jamais parlé, sauf que le premier ministre nous a demandé ce qu'il y avait.

On me parle de M. Desrochers. M. Desrochers, je ne lui ai jamais parlé de ce cas, d'aucune façon,

sauf quand cela a été loin. Il y a eu un article dans le journal. Je lui ai dit: La chose est publiée. Je regrette, cela ne me regarde pas.

L'autre problème dans ces choses-là. Qu'est-ce que vous voulez, s'il y a $600,000 d'économie par an, honnêtement, je crois que, sans faire de démagogie là-dedans, c'est préférable de les verser à nos pensionnés, qui subissent l'inflation, qu'au mouvement Desjardins et au gouvernement !

M. MORIN: J'ai manqué la fin.

M. GIROUX: Je préfère, s'il y a une économie de $600 millions...

DES VOIX: $600,000.

M. GIROUX: $600,000.

M. MORIN: Ah oui, d'accord.

M. GIROUX: $600,000. On est tellement dans les millions, aujourd'hui! Donc, je préfère les donner à nos pensionnés que de les verser au gouvernement ou au mouvement Desjardins.

M. MORIN: Très bien. Je suis persuadé, M. Giroux, que si Dieu le Père était dans l'affaire, vous vous laisseriez impressionner! Mais, comme ce n'est pas le cas.

M. GIROUX: Peut-être moins!

M. MORIN: ... je ne pousserai pas plus loin la question. Je voulais que cette situation soit éclaircie. Maintenant, les chiffres sont alignés, la correspondance est là. C'est maintenant devant le public. Je pense que, finalement, c'est à l'opinion publique de juger de cette question.

M. GIROUX: Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné l'occasion de répondre sur ce point particulier.

M. MORIN: Bien. Puis-je vous donner l'occasion de répondre à encore un ou deux petits points?

M. GIROUX: Ah oui.

Entreprises Gelco Limitée

M. MORIN: Nous achevons. A la page 9 des états financiers, au 31 décembre 1973, on note un placement de $7,195,000 dans les entreprises Gelco Limitée. Il s'agit, je pense, d'un billet non garanti portant un taux d'intérêt à 4 p.c. et venant à échéance en 1991. Pourriez-vous nous dire quelle est la nature de ce placement et pour quelles raisons il a été fait?

M. GIROUX: C'est un héritage. Dans la nationalisation de la Gatineau, la Gatineau avait prêté ce montant à un trust qui s'appelait Gelco, à ce moment-là, qui avait des actionnaires à l'extérieur qui ont été, de mémoire, absorbés par le groupe de Power Corporation. C'est la propriété de qui actuellement? je ne le sais pas, je pense bien que des gens pourraient me donner des détails. Mais ce n'est pas un placement fait par le service de placement de î'Hydro-Québec.

M. MORIN: Ce fut tout simplement une sorte de cession.

M. GIROUX: Une cession par laquelle on pourrait peut-être obtenir un marché mais qui aurait un escompte...

M. MORIN: A 4 p.c, je pense bien à 4 p.c. Vous voyez, ça va très vite, on pourrait peut-être disposer d'une ou deux autres questions. Les camions utilisés par les entrepreneurs qui travaillent à la baie James portent-ils tous des plaques d'immatriculation du Québec?

M. GIROUX: Je n'ai pas fait la vérification.

M. MORIN: Non, j'imagine pas vous personnellement; peut-être que M. Boyd pourrait nous donner la réponse.

M. BOULVA: II faudrait avoir un rapport de la police provinciale.

M. MORIN: Ecoutez, je ne désire pas avoir une réponse dès ce soir. C'est une question qui a été évoquée en Chambre, je pense, une ou deux fois, et qui a donné lieu, de part et d'autre, à des exercices de haute voltige. Si on pouvait avoir les faits une bonne fois, ce serait utile.

M. GIROUX: M. Morin, est-ce que vous seriez satisfait quant aux camions qui travaillent sur les chantiers? On peut acheter une pièce quelconque, parfois à Toronto ou à Peterborough, qui eux peuvent la transporter jusque-là. Je crois qu'on peut facilement vous faire un rapport sur l'immatriculation des camions qui travaillent sur le chantier.

La route est tout de même une route où il peut y avoir un peu de circulation.

M. MORIN: Est-ce que vous pourriez le faire pour la route aussi puisque en fait c'est sur votre...

M. GIROUX: On peut essayer mais c'est plus difficile.

M. MORIN: Ou encore la SDBJ.

M. GIROUX: Ce serait à la SDBJ de le faire.

M. MORIN: Est-ce que M. Boulva pourrait faire faire un relevé et...

M. BOULVA: ... savoir si les camions des entrepreneu rs...

M. MORIN: Si les camions qui travaillent sur le territoire de la SDBJ sont immatriculés au Québec.

M. BOULVA: Qui travaillent, pas simplement les transporteurs.

Ceux qui travaillent pour les entrepreneurs.

M. BACON: Ceux qui travaillent sur les chantiers de construction.

M. MORIN: Ceux qui travaillent sur les chantiers.

M. BOULVA: Pour la construction de la route et...

M. MORIN: C'est cela. Pas les entrepreneurs qui travaillent à l'intérieur du territoire.

M. BOULVA: D'accord.

M. MORIN: Quand vous voudrez nous communiquer ces renseignements, messieurs, ce sera utile. Une dernière question, ça va d'ailleurs nous permettre de faire le joint avec un autre problème dont on discute beaucoup au Québec à l'heure actuelle et qui est le problème linguistique.

Nous avons appris, par un article de l'Echo Abitibien de Val-d'Or, qu'une directive signée par M. Hanley, conseiller en transport de la SDBJ, donnait instruction à l'effet que les communications par radio se feraient désormais en anglais pour toutes les compagnies de transport aérien desservant le territoire de la baie James: "In order to avoid confusion and possible misunderstanding because the large majority of pilots now flying into the James Bay area are English speaking only, the official language for air-ground communications within the complex will be English". Cette directive semble avoir évoqué un certain nombre de prises de position; en tout cas, il ne semble pas qu'elle favorise beaucoup l'embauche, l'emploi de pilotes québécois. Et certaines sociétés de transport aérien à la baie James comptent à leur service un certain nombre de pilotes québécois. Effectivement, les sept compagnies stationnées à Mataga-mi ont 26 pilotes dont 21 Québécois. Est-ce que, de la part de la SEBJ, cette directive vous parait raisonnable?

M. BOYD: M. le Président, premièrement, j'aimerais vous indiquer que M. Hanley n'est pas un anglophone; c'est un francophone comme Boyd et bien d'autres; c'est un M. Hanley de la Gaspésie qui est parfaitement bilingue, et ce n'est pas...

M. MORIN: Mais la directive était en anglais seulement. J'ai été obligé de lire la directive en anglais parce que...

M. BOYD: Oui mais plus tôt vous m'aviez demandé combien il y avait de parlants anglais.

M. MORIN: Oui.

M. BOYD: Le Frank Henley ne s'écrit pas de la même façon que l'ancien politicien. C'est un Gaspésien parfaitement bilingue et même de langue française. La raison pour laquelle cette directive avait été écrite de cette façon, c'est que c'est la coutume, c'est même la loi qui existait à peu près partout; internationalement, on fait l'aviation en anglais.

M. MORIN: Ah! monsieur...

M. BOYD: Alors, on a une réponse écrite, ici, qui explique cette chose: "Les pilotes qui manoeuvrent au-dessus du territoire ne captent qu'une seule et même fréquence; 60 p.c. de ces pilotes ne parlent qu'anglais. On ne peut obtenir, selon les normes fédérales, aucun permis d'utilisation de ces communications nécessaires à la navigation aérienne si l'on ne parle ni ne comprend l'anglais. De plus, les messages émis sur cette fréquence doivent être compris non seulement de ceux à qui ils s'adressent mais de tous les pilotes opérant dans la région. C'est pourquoi on procède en anglais. C'est pourquoi tous les pilotes sur le territoire sont aptes à utiliser ce système. Ce n'est aucunement la baie James qui est responsable de cet état de choses."

En fait, on se sert de l'anglais pour atterrir à Paris.

M. MORIN: Ah! une seconde. Là si vous amenez le débat sur ce plan-là, ça peut être long parce qu'il y a de nombreux Etats qui utilisent deux langues: la langue du sol, la langue de l'Etat et, si le pilote ne connaît pas la langue du sol, alors la réglementation prévoit qu'il passera à l'anglais. Mais vous n'ignorez pas, M. Boyd, qu'à l'aéroport de l'Ancienne- Lorette, par exemple, la francisation des communications aériennes est commencée et que c'est probablement ce qui attend la plupart, sinon la totalité, des aéroports du Québec un jour ou l'autre.

M. BOYD: Nous sommes les premiers à vouloir ce mouvement et, si c'est possible, on va certainement opérer en français puisque c'est une politique générale et une des premières qu'on a établies, que tout le travail à la SEBJ, à la SDBJ, se fait en français.

Seulement, nous étions pris avec un problème de sécurité. Nous ne voulions pas d'accident, et je vous ai indiqué qu'à ce moment-là, 60 p.c. des pilotes ne parlaient pas autre chose que l'anglais. On a jugé qu'en attendant qu'on

puisse faire autre chose, il était préférable, pour la sécurité du personnel volant et de ceux qui étaient transportés, d'utiliser la langue qui était majoritaire et, dans certains cas, l'unique langue.

M. GIROUX: Je pense qu'on peut dire aussi, M. Morin, qu'il y avait un problème de sécurité pour tous les avions, parce qu'il n'y a pas que les avions qui sont engagés par la SEBJ qui survolent le territoire, n'est-ce pas? Il y a beaucoup d'avions de l'Ontario qui partent pour aller jusqu'à Churchill. Ce qui arrive, c'est qu'il y avait, à ce moment-là, des craintes au point de vue de la langue. Les directives du ministère des Transports étaient que la langue anglaise devait être utilisée.

Depuis, le français est censé commencer à se développer ici, à l'aéroport. Maintenant, je ne sais pas ce qu'on va faire, par exemple, pour la protection des civils qui ne comprennent pas le français. Le problème, ce sont les avions civils. Les avions militaires qu'il y a dans cette région, pour la majeure partie, sont stationnés à Chicoutimi et, je pense qu'on y comprend le français, mais pour les avions civils... Au moment où cela a été émis, cela n'a pas été fait, n'est-ce pas, comme un geste de défi, quelque chose comme ça. Cela a été émis pour la sécurité des gens.

M. BOYD: En fait, M. Morin, si vous permettez que j'ajoute quelque chose, j'ai personnellement autorisé l'émission de cette directive, pour la sécurité du personnel. Je pense que je peux donner un autre témoignage. C'est que dès 1946, étant tout jeune ingénieur à l'Hydro-Québec, j'ai été un des premiers à faire de la traduction de l'anglais au français à l'HydroQuébec, parce qu'en 1944, c'étaient tous des Anglais qui étaient ingénieurs. Donc, je suis conscient du problème...

M. MORIN: Ne revenons pas sur un passé qui est peut-être un peu lourd. Là, je parle d'un problème présent.

M. BOYD: II n'est pas lourd pour moi en tout cas, parce que j'ai été un de ceux qui ont amené le français à l'Hydro-Québec, et ceci, je regrettais beaucoup de l'autoriser. C'était malgré nous, mais il y avait dans la balance la sécurité du personnel. Si c'est possible demain de changer, on va changer.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais vous faire une suggestion, en attendant que le problème soit réglé sur le plan des principes? Est-ce que vous ne pourriez pas autoriser vos contrôleurs aériens à parler en français à ceux qui se présentent en français? C'est quand même un peu bizarre, avouez, qu'un organisme carrément public comme le vôtre, au Québec, donne cet exemple. Je ne veux pas dire plus que ça, c'est un peu gênant.

M. GIROUX: Voici, probablement qu'il y aurait une solution: c'est qu'on permette que ce soit bilingue pour débuter. Il y a une expérience à faire là — les expériences ne doivent pas prendre 20 ans — au sujet des gens, n'est-ce pas, qui ne comprennent pas le français. Et je pense qu'on ne peut pas empêcher une personne qui communique avec un terrain d'atterrissage, s'il ne comprend pas l'anglais et que l'autre s'en vient, il ne sait pas, alors...

M. MORIN: Je vous fais une suggestion, puis je vous reposerai la question l'année prochaine quand vous nous ferez l'honneur de votre prochaine visite.

M. GIROUX: L'année prochaine.

M. MORIN: Est-ce qu'il n'est pas possible de nuancer la directive, pour l'instant, et de faire en sorte que les pilotes francophones puissent s'exprimer en français?

M. BOYD: C'est déjà commencé. On me donne un détail. Pour les opérations normales, pour le "dispatching" des hélicoptères, par exemple, entre le "dispatcher" et le pilote, on emploie le français, lorsque le pilote parle français. Où on parle encore l'anglais, c'est pour des instructions d'atterrissage des avions qui peuvent venir de différentes directions. Donc, on est en évolution. Soyez assurés qu'on espère pouvoir vous rapporter progrès l'an prochain.

M. MORIN: Bon! nous en reparlerons l'année prochaine.

Messieurs, je tiens à vous remercier.

M. BOYD: M. Morin, pendant que j'ai encore la parole, si je peux, M. le Président, je vous avais promis un chiffre, tout à l'heure, concernant le personnel de Bechtel qui est à notre siège social. Sur 89 employés de Bechtel au siège social, il y en a douze qui sont des Etats-Unis.

M. MORIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saint-François.

M. DEZIEL: M. le Président, une question, par curiosité, que j'aimerais adresser évidemment au responsable, au conseil d'administration, de la publicité. Pour quel motif ou sur quoi s'est-on basé pour faire de la promotion publicitaire avec un slogan comme celui-ci: Nous sommes Hydroquébécois?

M. GIROUX: M. Garneau vous l'a expliqué, ce midi.

M. DEZIEL: Je n'étais pas ici.

M. GIROUX: Ah, vous n'étiez pas ici. M.

Garneau a fait un exposé magistral à l'effet que l'Hydro-Québec était totalement hydroélectrique. J'ai remercié M. Garneau et je lui ai dit: Vous admettez que nous sommes Hydroquébécois. J'admire le Parti libéral d'admettre qu'ils sont devenu Hydroquébécois. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. BACON: M. le Président, je ne veux pas éterniser le débat, mais la campagne...

M. MORIN: Mais ça peut faire un débat.

M. BACON: De toute façon, il nous reste dix minutes, ça ne sera pas un grand débat. Au sujet de la campagne des Hydroquébécois, il y a une chose qui m'a quand même frappé dans cette campagne, c'est le moment où elle est arrivée.

M. GIROUX: Voici, je pense que je peux l'expliquer très facilement.

M. BACON: Non, non! Je n'en veux même pas d'explications; on peut s'en permettre quand même. Je pense que la question que le député de Saint-François a soulevée est importante et je pense que nous partegeons beaucoup des objectifs de l'Hydro-Québec. On en est fier, de l'Hydro-Québec, mais on peut se permettre quand même de rester un peu sur notre appétit vis-à-vis de la campagne qui est arrivée à une période où...

M. GIROUX: Je crois que je peux donner la totalité des explications. Je suis parfaitement à l'aise. On demande toujours au premier ministre à peu près vers quelle date il entend lancer l'élection, n'est-ce pas? Je demande ça, car je peux faire des emprunts à telle et telle date, pour ne pas avoir d'emprunt strictement dans la semaine de l'élection. A part de ça, je ne suis pas intéressé à la date où il l'a fait.

Actuellement, commence la campagne de publicité de 1975. Si l'honorable premier ministre déclare des élections à la même date que l'an dernier, vous allez avoir une campagne de publicité. Je ne peux pas faire autrement.

Ce qui m'a semblé un peu comique dans cette campagne, c'est que j'ai des amis dans les quatre partis qui existaient. Alors les quatre partis qui existaient étaient insatisfaits de la campagne. Les membres du Parti québécois m'ont dit: Tu favorises l'hydroélectrique, parce que Bourassa fait la baie James. J'ai dit: C'est de l'hydroélectrique à la baie James, alors ils n'aimaient pas ça.

Le parti libéral dit: Vous vous servez du mot "québécois". Ecoutez, si le Parti libéral a l'esprit assez étroit pour enlever le mot "québécois" du dictionnaire, j'aimerais qu'il m'avise. Parce que là, je crois que c'est de l'étroitesse d'esprit.

L'Union Nationale me dit: Ecoute, tu fais ci, tu fais ça, bon.

Le Crédit social se plaignait qu'on favorisait le Parti québécois. Messieurs, je peux vous assurer une chose, je ne suis pas politicien ni organisateur politique. Quelqu'un, tantôt, me demandait si je remplaçais M. Desrochers; je peux vous assurer que non, je n'ai absolument pas son talent d'organisateur politique. Mais, si jamais je faisais une campagne contre le Parti libéral, vous ne prendriez pas 102 sièges!

Ceci est dit avec l'humour habituel qu'on me connaît, sans arrière-pensée, avec la franchise que j'ai toujours essayé de donnera la commission.

M. MORIN: Vous auriez une très grosse caisse électorale.

M. GIROUX: Elle est pas mal.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je laisserais la parole à l'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je pense qu'il convient de remercier ces dames, parce qu'il y en a quelques-unes, et ces messieurs de l'Hydro-Québec, pour avoir répondu avec beaucoup de patience à nos questions. Je n'ai qu'un souhait à exprimer, que leur rapport nous parvienne peut-être deux ou trois jours avant le moment où la commission a l'honneur de les accueillir. Fût-ce sous le sceau de la confidence, nous serions prêts, pour pouvoir mieux nous préparer à ces entretiens, à respecter le caractère confidentiel des documents qui nous parviendraient dans les jours qui précèdent.

Je souhaite que les hypothèses du président et des commissaires au sujet de la baie James et de l'énergie nucléaire se réalisent dans l'intérêt des Québécois. Bien que j'aurais eu plaisir à gagner mes paris et à prendre deux ou trois bons dîners avec ces messieurs, je préférerais les perdre. Merci, messieurs, et à l'année prochaine peut-être.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE: Monsieur le Président, un simple mot pour remercier l'ensemble des cadres de l'Hydro-Québec et d'autres employés qui ont participé, pendant ces trois longues journées, à ces débats qui demandaient, à certaines périodes, de la patience. Remerciements à M. Giroux, président, et aux autres commissaires pour les efforts qu'ils ont mis à répondre, le plus adéquatement possible, à nos questions, au président de la SDBJ, au président de la SEBJ.

M. le Président, je tiens à vous remercier, ainsi que votre collègue, et chacun des députés libéraux de l'effort qu'ils ont mis, même dans cette fin de semaine assez tardive. Je voudrais vous laisser un mot, M. Giroux, en finissant: Je pense que vous avez convenu que vous n'étiez pas politicien, mais vous en avez les qualités! Merci.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, merci bien tout le monde...

M. GIROUX: M. le Président, au nom de tous mes confrères, au nom des différentes affiliations, SEJB et SDBJ, on tient à vous remercier. Le problème est difficile. Je peux assurer le chef de l'Opposition que, selon son assurance, il acceptera mes invitations à l'avenir. Le parti aura les explications dont ils ont besoin.

Si jamais les députés ont besoin d'explications, même s'il n'y a pas de document public, je ne crois pas que personne puisse dire, dans le gouvernement du Québec, qu'une lettre ou un téléphone n'a pas été retourné, malheureusement peut-être pas toujours dans la même journée parfois. Mais sur toute information qui nous est demandée, nous serons toujours en mesure de coopérer afin de vous donner l'information nécessaire.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Merci. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 55)

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