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Commission permanente
des richesses naturelles
et des terres et forêts
Entente concernant les Cris et les Inuit de la baie
James
Séance du vendredi 7 novembre 1975
(Onze heures quarante-sept minutes)
M. Séguin (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Troisième séance de la commission des richesses naturelles
et des terres et forêts, sur le projet d'entente sur les territoires de
la baie James concernant les Inuit et les Cris. Les membres de la commission
pour la séance d'aujourd'hui seront les suivants: M. Morin
(Sauvé); M. Bellemare (Johnson); M. Carpentier (Laviolette); M. Ciaccia
(Mont-Royal); M. Faucher (Nicolet-Yamaska); M. Bérard (Saint-Maurice);
M. Lessard (Saguenay); M. Massicotte (Lotbinière); M. Massé
(Arthabaska); M. Cournoyer (Robert Baldwin); M. Pelletier
(Kamouraska-Témiscouata); M. Houde (Abitibi-Est); M. Picotte
(Maskinongé); M. Samson (Rouyn-Noranda). Le rapporteur continue
d'être le même en ce qui concerne cette commission. Est-ce que le
député de Mont-Royal avait un commentaire?
M. Ciaccia: Non, pas pour le moment.
Le Président (M. Séguin): Alors, messieurs, notre
ordre du jour, pour autant que je le comprenne, pour aujourd'hui, c'est de
procéder à l'étude ou à l'examen du projet
d'entente. Le chef de l'Opposition, déjà hier soir, avait
commencé dans cette veine. Alors, je demanderai au député
de Sauvé de bien vouloir continuer.
Indiens du sud du Québec
M. Morin: M. le Président, avant que nous nous quittions
hier soir, et préalablement à l'étude du fond de
l'entente, j'avais soulevé une question et le député de
Mont-Royal m'a dit qu'il apporterait la réponse ce matin. C'était
la question des Indiens du Québec, ceux du sud du Québec qui
sont, pour la plupart d'ailleurs, francisés et dont les droits risquent
d'être éteints par l'article 2.6 du projet d'entente, lequel
prévoit que la législation fédérale mettant en
vigueur la convention abolira toutes les revendications, droits, titres et
intérêts autochtones de tous les Indiens dans le territoire
visé par le projet de convention. J'ai attiré l'attention du
député de Mont-Royal sur le cas des Mon-tagnais de Schefferville
qui se sont fait dire par le gouvernement fédéral, dans une
lettre dont j'ai donné lecture, que celui-ci approuvait leur
démarche qui consiste à vouloir s'associer aux
négociations entre le gouvernement du Québec et les Indiens.
J'ai également souligné le cas des Algonquins, des
Atikameks, qui risquent de se voir pri- vés de droit traditionnel de
pêche, de chasse, de trappe, pour lequel on ne prévoit qu'une
compensation en argent, laquelle sera laissée au bon vouloir du
gouvernement.
J'ai terminé, hier soir, en disant que je voyais là un
dangereux précédent, et que je m'attendais que nous puissions
entendre, devant cette commission, l'association qui représente les
Mon-tagnais de Schefferville, les Algonquins, les Atikameks et les autres
tribus du Québec, c'est-à-dire l'Association des Indiens du
Québec qui détient un mandat de la part des tribus, et qui, de
l'avis de l'Opposition, étant donné que leurs droits et
intérêts vont se trouver directement touchés par le projet
d'entente, ont le droit de se faire entendre. C'est le moins qu'on puisse
dire.
Voilà la question que j'avais soulevée, hier soir, au
moment où nous nous sommes quittés et à laquelle le
député de Mont-Royal avait promis de répondre ce
matin.
M. Ciaccia: Oui, M. le Président, et j'espère
qu'après vous avoir donné les explications et après vous
avoir fait part de toutes les démarches que nous avons entreprises, vous
constaterez vous-même que cette clause, dans l'entente, est essentielle,
nécessaire, et que nous avons fait tout ce que nous pouvions faire pour
essayer d'inclure, dans l'entente, dans le projet final, les autres Indiens qui
avaient ou qui pourraient avoir des intérêts ou des droits dans le
territoire.
La clause 2.6 prévoit, comme vous l'avez souligné,
l'extinction des droits de tous les Indiens dans le territoire. On ne parle pas
de l'extinction des droits de tous les Indiens du Québec. On parle
seulement des droits dans le territoire.
M. Morin: Pardon! Des Indiens du territoire.
M. Ciaccia: Exactement. Seulement du territoire où ils ont
des droits.
On ne parle pas d'éteindre les droits des Indiens qui peuvent
avoir des prétentions, qui peuvent avoir d'autres droits dans d'autres
parties du Québec. On ne touche pas à ceux-là. On parle
seulement du territoire de 1898 et de 1912.
M. Morin: Me permettez-vous une question pour qu'on se comprenne
bien?
M. Ciaccia: Oui.
M. Morin: Voulez-vous dire que, si les Indiens, habitant
l'extérieur du territoire, ont des droits traditionnels de chasse et de
pêche dans le territoire, ces droits ne sont pas éteints?
M. Ciaccia: Non. Ils sont éteints.
M. Morin: C'est mon interprétation de l'article 2.6.
M. Ciaccia: Vous avez mentionné l'Association des Indiens
du Québec, les autres Indiens du sud. Vous avez mentionné le
reste de la province. Je veux seulement clarifier, spécifiquement,
que
les droits que nous éteignons sont seulement les droits dans le
territoire.
M. Morin: Oui, c'est clair.
M. Ciaccia: C'est clair. Bon. Nous avons demandé... Au
début, nous avons négocié avec l'Association des Indiens
du Québec. Pour une raison ou pour une autre, les Cris de la baie James
ont jugé dans leur intérêt de continuer les
négociations eux-mêmes. C'est le Grand Council of the Crees. Mais
pendant qu'on discutait avec les associations, on leur a dit qu'on était
prêt à négocier avec les autres groupes.
L'Association des Indiens du Québec sait depuis le début
que nous sommes prêts à négocier, que nous avons toujours
été prêts à négocier. Je suis au courant des
lettres du gouvernement fédéral que vous avez
mentionnées.
On leur a demandé de se joindre aux autres parties, soit avec les
parties ou soit individuellement en groupes individuels, de négocier
avec le Québec. Seulement un groupe, tard dans les discussions, s'est
joint à nous pour commencer des négociations. Ce sont les
Naskapis et nous sommes en train de négocier avec les Naskapis et nous
espérons avoir aussi, avec eux, une entente de principe.
Voici la situation dans laquelle se trouve le Québec, dans
laquelle nous nous trouvons.
Je suis aussi préoccupé que vous des droits des
minorités. Je ne veux léser personne. Je ne veux pas causer des
préjudices, mais arrive laissez-moi expliquer un moment
où il faut prendre des décisions et où il faut prendre nos
responsabilités.
En plus des dissidents que vous avez entendus hier et ceux qui refusent
de venir nous voir pour négocier et qui donnent l'impression de faire un
peu de chantage à la dernière minute en disant: On veut
négocier... Cela fait deux ans qu'ils pouvaient négocier.
Où étaient-ils? Maintenant, ils arrivent à la
dernière minute.
M. le député, s'il vous plaît, laissez-moi terminer.
Je vous dis ce qui m'est arrivé.
M. Morin: Continuez.
M. Ciaccia: Mais en plus des dissidents, il y a 6,000,000 de
Québécois, M. le député, 6,000,000 qui ont eux
aussi des droits dans le territoire. Ce ne sont pas seulement les Indiens et
les Inuit qui ont des droits dans ce territoire. Ces 6,000,000 ont le droit
d'avoir des titres clairs à ce territoire. La loi de 1912, on a le droit
de la compléter et de donner un titre clair au Québec.
M. Morin: C'est sûr.
M. Ciaccia: La seule façon dont nous pouvons le faire,
c'est avec la clause 2.6. On n'est pas capable de dire qu'on va seulement
éteindre les droits de ceux qui sont ici et que, dans ce groupe, il va y
en avoir deux, trois qui vont pouvoir faire des réclamations, vont
pouvoir prendre des procédures, vont pouvoir faire du chantage ou quel-
que autre sorte de réclamations qu'ils peuvent. Mais, pour les
protéger, nous avons dit: Très bien, nous allons éteindre
les droits, mais la clause 12.15, que vous n'avez pas citée...
M. Morin: Je voulais en parler justement.
M. Ciaccia:... vous vouliez peut-être vous y
référer, on s'engage, pour vous montrer notre bonne foi, à
négocier avec les autres, mais il vient un moment donné où
il faut prendre nos décisions et il faut absolument obtenir et
compléter les titres à ce territoire, compléter et
dégager les responsabilités de la province. Vous dites qu'il y
avait des dissidents parmi les Inuit. Etes-vous certain qu'il n'y en avait pas
parmi les Cris, êtes-vous certain que, sur 6,500 Cris, il n'y en a pas un
qui soit contre l'entente? Est-ce que cela veut dire qu'on va attendre et
s'asseoir jusqu'à ce qu'on ait convaincu le dernier Cri ou le dernier
Inuk avant de pouvoir légitimement compléter nos obligations dans
le territoire?
M. Morin: Vous défigurez notre...
M. Ciaccia: Je ne défigure pas, je vous demande...
M. Morin: Voyons, est-ce qu'un... M. Ciaccia: Cela est le
but de l'article 2.6. M. Morin: ... une personne, ce n'est pas 300.
M. Ciaccia: C'est cela le but de l'article 2.6.
Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Je reviens
à mon problème d'hier, je m'en excuse à eux,
vis-à-vis de la commission. Le problème existait hier au sujet du
potentiel de compréhension qu'il pourrait y avoir dans certains groupes
intéressés et qui sont ici encore présents dans la salle
et qui, donc, ont le droit, puisqu'ils sont en négociation, de
comprendre exactement tout ce qui se dit, même par la commission
parlementaire ou du côté du gouvernement sur cette affaire. Je
vois que notre bénévole d'hier soir n'y est pas. Je voudrais
demander: Could I ask the spokesmen for the Inuit Association if you have
someone there with you that can give you a broad outline? Is it O.K. as long as
your getting a broad outline of what is being said here on the parts that are
being discussed?
M. Morin: Mais, M. le Président...
Le Président (M. Séguin): Je vois M. O'Reilly qui,
de son côté, s'applique à donner ses instructions.
M. Morin: Oui. Mais, M. le Président, je voudrais attirer
votre attention sur le fait que ce que nous débattons en ce moment, cela
intéresse sûrement les Cris et aussi les Inuit. Ceux que nous
visons, ceux qui ont des droits qui vont être éteints par
l'article 2.6, ce sont les autres Indiens du Québec qui, eux aussi, sont
représentés dans
la salle, mais ils n'ont pas pu s'exprimer devant la commission.
Le Président (M. Séguin): Je ne puis pas...
M. Cournoyer: Ils ne sont pas parties de l'entente.
M. Ciaccia: Ce sont seulement les Inuit...
Le Président (M. Séguin): Un instant. A l'ordre,
s'il vous plaît! Le point que je veux soulever à ce moment-ci est
très simple, c'est que ceux qui font partie de l'entente et qui sont au
moins ici présents devant la commission puissent facilement comprendre
ce qui se passe, si cela ne se passe pas dans leur langue ou dans une langue
qu'ils peuvent comprendre. C'est tout simplement cela. Je comprends qu'il y a
des milliers d'autres qui ne sont pas ici et qui, naturellement, ne prennent
pas part au débat de ce matin, mais je parle pour ceux qui sont ici dans
la salle et je pense que le rôle du président d'une commission est
de ne pas prendre parti soit d'un côté de la table ou de l'autre,
mais certainement de voir à ce que personne qui ferait partie d'une loi
ou d'une entente soit lésée dans quelque droit que ce soit. C'est
pour cela que je m'acharne à voir et à insister pour que ceux qui
sont ici et qui font partie de l'entente puissent être bien au courant de
ce qui se dit. C'est aussi simple que cela. On vient de me faire signe que
cette information nécessaire est traduite présentement par un
interprète ou quelqu'un qui comprend. Alors, je voudrais que vous
continuiez, M. le député, il n'y aura pas d'autre interruption de
ma part de ce côté-là. Je suis satisfait pour la
séance d'aujourd'hui.
M. Ciaccia: L'autre point que je voulais soulever, M. le
Président, sur la question d'extinction des droits, c'est seulement la
législation fédérale qui peut éteindre les droits.
Les droits ne seront pas éteints avec la signature de l'entente. Non,
juridiquement, je crois que vous ne questionnerez pas...
M. Lessard: D'accord.
M. Ciaccia: L'entente deviendra exécutoire seulement quand
l'Assemblée nationale pourra voter une loi et que le Parlement du Canada
aura éteint les droits. Le Parlement du Canada aussi a à voter sa
loi.
M. Lessard: Tout cela est organisé d'avance, c'est entendu
qu'il va la voter.
M. Ciaccia: Est-ce que vous suggérez qu'on laisse faire du
chantage par un ou deux dissidents et que la province de Québec reste
ici?
M. Lessard: Ce n'est pas une question de chantage.
M. Morin: Toute l'Association des Indiens, ce serait une bande de
dissidents.
M. Ciaccia: L'Association des Indiens, même d'après
le jugement Malouf, n'a pas d'intérêt dans le territoire.
L'Association des Indiens a été invitée à
négocier. L'Association des Indiens a refusé de négocier
et, à la dernière minute, elle a essayé de faire du
chantage en allant devant la cour, leur requête a été
rejetée. Est-ce que vous représentez le Québec ici ou si
vous ne le représentez pas, M. le député.
M. Morin: M. le Président, nous représentons les
intérêts de tous les Québécois y compris les
Indiens.
Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous
plaît! Je pense que, dans le cas du député de Mont-Royal
ici encore, il s'agit de quelque chose que je voudrais qui soit
noté au journal des Débats lorsqu'il a fait
référence à une possibilité de chantage, ses
paroles ont dépassé sa pensée. Donc, il ne s'agirait
peut-être pas de ça et, si le député est d'accord
avec le président là-dessus, passons immédiatement et
continuons.
M. Lessard: II ne faudrait pas que vous interprétiez les
paroles du député, il appartient au député de faire
ces précisions et non pas au président de les faire.
Le Président (M. Séguin): Non, je
n'interprète pas, mais...
Je lui ai demandé...
M. Lessard: D'accord.
Le Président (M. Séguin): ... de bien
vérifier ce que je viens de dire.
M. Lessard: II faut savoir où est la place de chacun.
M. Ciaccia: M. le Président, ce furent des
négociations qui ont été longues et tendues et les nerfs
deviennent un peu...
M. Morin: Nous comprenons ça.
M. Ciaccia: Je n'avais l'intention de léser personne. Je
suis conscient des droits des minorités, je crois que le
député de Sauvé est conscient de ça aussi. J'essaie
d'expliquer un peu, je ne veux pas perdre contenance. J'essaie d'expliquer le
mieux possible la raison pour laquelle le Québec a besoin que les droits
de tous ceux qui sont intéressés, ceux qui pourraient avoir des
prétentions dans le territoire, soient éteints afin d'accomplir,
de mettre un terme aux obligations du Québec sur la loi de 1912.
Le Président (M. Séguin): Le député
de Sauvé.
M. Morin: M. le Président, je comprends très bien
l'attitude du député. Je sais que ça fait longtemps qu'il
négocie cet accord. Je sais qu'il y a mis beaucoup de lui-même,
beaucoup de son in-
telligence et de son coeur. Je suis obligé de lui dire que c'est
tout de même la tâche de l'Opposition de jeter la lumière
sur tous les aspects de l'entente, en particulier lorsque, de l'avis de
l'Opposition, les droits d'un certain nombre de Québécois
d'origine indienne, premiers occupants du territoire, sont en cause. Je ne dis
pas que ces droits doivent primer les droits des Québécois,
comprenons-nous bien. Je suis sensible au fait, comme le député
de Mont-Royal, que les Québécois ont des droits et aussi que le
Québec a des droits, non seulement juridiques, mais également
historiques, etc. Mais nous avons eu, pour ce qui est de l'attitude des tribus
indiennes qui habitent parmi nous, je parle de celles du sud, la version du
député de Mont-Royal et elle nous est probablement
expliquée de toute bonne foi. Seulement, je serais
intéressé à connaître l'autre version des faits,
celle des tribus indiennes du Québec.
L'association des Indiens du Québec, groupe, vous le savez, les
huit tribus indiennes, y compris les Naskapis, y compris les Montagnais de
Schef-ferville, les Naskapis avec lesquels vous dites que vous êtes en
négociations.
Or, à ce que nous sachions, l'Association des Indiens du
Québec a reçu un mandat de l'ensemble des Indiens pour entamer
des négociations pour la reconnaissance et l'identification de leurs
droits. Je porte à la connaissance du député, s'il ne l'a
déjà vu, le communiqué du 31 octobre 1975 de l'Association
des Indiens du Québec.
Tout ce que je demande au député, c'est de consentir que
nous entendions les représentants de cette association pour qu'ils
viennent, soit corroborer la version du député de Mont-Royal pour
le cas où ils nous auraient dit exactement ce qui s'est passé,
par exemple le refus de négocier dont vous avez fait état, ou
bien qu'ils viennent nous expliquer qu'ils négocient depuis un certain
temps ou qu'ils essaient de négocier. Qu'ils viennent nous expliquer
pourquoi il n'y a pas eu d'entente.
Vous nous dites d'autre part, M. le député, pour nous
rassurer que rien n'est définitif avec l'entente, avec ce projet
d'entente et que même lorsqu'il sera signé, il appartiendra encore
à l'Assemblée nationale et au Parlement, par des lois, de mettre
fin aux revendications, droits, titres et intérêts de l'ensemble
des Indiens du Québec.
Je vous dis: La première étape sur la pente glissante qui
mène à l'extinction des droits, c'est cette entente. Donc, il
sera trop tard, au moment où nous débattrons de la
législation en Chambre, pour soulever le problème.
Déjà vous vous serez engagé. A ce moment-là,
j'entends déjà le député de Mont-Royal en Chambre
nous dire: M. le Président, on ne peut pas donner raison à
l'Opposition et le moindrement modifier cet article de la loi qui
prévoit l'extinction des droits. Nous nous sommes engagés devant
les Cris et devant les Inuit.
A ce moment-là, on se trouvera devant une impasse et vous aurez
beau jeu de nous faire taire. C'est en ce moment qu'il faut aller au fond de ce
dossier. C'est maintenant qu'il faut s'assurer que tout le monde trouve sa
juste part, et les Québécois, et la collectivité
québécoise et ceux qui vivent parmi nous et qui sont les
Indiens.
M. le Président, j'espérais que la chose puisse se faire
sans débat, sans motion et peut-être que le député
de Mont-Royal veut encore changer d'idée sur la question. Je veux bien
l'entendre une dernière fois, mais autrement, je ferai motion.
M. Ciaccia: Je vais essayer de vous expliquer une dernière
fois. Je n'ai pas changé d'idée. Je voudrais seulement
préciser certains faits. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait rien de final
avec le projet d'entente. J'ai seulement dit que l'extinction des droits ne
peut se faire que par la législation fédérale. Ce n'est
pas le Québec qui peut éteindre les droits.
Vous avec raison, nous allons insister, si l'entente est signée,
pour que les droits soient éteints.
C'est le moins qu'on puisse faire pour le Québec. Mais je ne peux
pas m'engager. Cette entente n'est pas signée. Au sujet des Cris et des
Inuit, je ne peux pas m'engager à une renégociation de l'entente
ou à une négociation, publiquement, soit avec l'Association des
Indiens, qui prétend représenter certaines personnes, soit avec
quelqu'un d'autre. Je ne veux pas m'engager sur ce terrain, c'est trop
dangereux à cette étape-ci.
Je peux vous assurer qu'on négocie avec les Naskapis et je peux
vous assurer que ce n'est pas l'Association des Indiens qui les
représente. Mais nous sommes en train de faire une entente de principe
avec eux. Nous avons même commencé des négociations avec
d'autres groupes d'Indiens dans le Québec qui ne sont pas
représentés par l'Association des Indiens.
Je ne veux donc pas que cette commission soit le moyen de pression d'un
groupe pour faire ce qu'il pourrait faire autrement. Mais il n'y a rien qui les
empêche... On le répète publiquement, je suis prêt,
le gouvernement est prêt à négocier avec tous ces groupes.
On l'a dit, cela fait un an, mais ce n'est pas de cela qu'on discute ici. Le
but de cette commission parlementaire, c'est d'examiner l'entente à
intervenir.
M. Morin: C'est cela.
M. Ciaccia: Je voudrais qu'on aille au fond. Vous nous donnez
l'impression corrigez-moi, je ne veux pas avoir une mauvaise impression
qu'on a peur d'aller au fond de cette entente, ici, parce que cela fait
trois jours qu'on écoute un dissident... Je voudrais, le plus vite
possible.. Vous connaissez nos échéanciers, vous savez les
problèmes que nous avons. Hâtons-nous de discuter le fond de
l'entente.
M. Morin: Je vous avais...
M. Ciaccia: Je n'aurai aucune difficulté à discuter
sur ce qui est contenu dans l'entente, sur les principes, sur le contenu et sur
les clauses de l'entente. Mais on tourne autour, on essaie de mêler les
cartes. On met la province...
M. Morin: Voulez-vous dire que l'article 2.6 n'est pas dans
l'entente?
M. Ciaccia: Excusez-moi. On met la province dans une position
impossible.
M. Morin: C'est vous qui vous êtes mis dans une position
impossible.
M. Ciaccia: Vous mettez la province dans une position impossible.
J'essaie de vous expliquer cela aussi calmement et aussi rationnellement que je
peux le faire.
M. Morin: Expliquez-nous cela. Vous nous avez donné...
M. Lessard: En quoi? A l'effet qu'on demande que l'Association
des Indiens du Québec puisse se faire entendre ici à cette
commission parlementaire. En quoi?
M. Ciaccia: Ils ne sont pas partie de l'entente.
M. Lessard: Les Indiens de Shefferville ne sont-ils pas
touchés par l'entente?
M. Ciaccia: Proposez-vous au Québec d'entendre
individuellement chaque Indien?
M. Lessard: Non, en fait...
M. Ciaccia: C'est ce que j'amène.
M. Lessard: Ils sont représentés à
l'intérieur d'organismes. Qu'on entende les organismes. M. le
Président, je pense bien que toute cette discussion pourrait être
épargnée et on aurait probablement le temps, d'ici 1 heure,
d'entendre cette association. Par la suite, eh bien!, je pense que tout le
monde serait satisfait et on pourrait discuter le fond de l'entente comme
telle, mais l'article 2.6 est très important.
Motion pour entendre les Indiens du
Québec
M. Ciaccia: II est très important pour le Québec,
oui. Je suis d'accord avec vous. J'ai dit tout ce que j'avais à dire sur
ce point. Si le député de Sauvé veut faire une motion, il
est libre de le faire.
M. Morin: Oui, pour que cela soit clair, je sens bien que je ne
ferai pas changer le député d'avis. Je proteste cependant contre
l'insinuation qu'il faisait que nous ne discutons pas de l'entente. Nous sommes
justement à l'article 2.6 de l'entente, c'est-à-dire au tout
début. Nous voulons en mesurer la portée. Nous voulons savoir si
elle ne lèse pas les droits de certains Indiens qui sont
également des Québécois. Alors, pour que cela soit clair,
je propose que nous entendions immédiatement l'Association des Indiens
du Québec au sujet de l'article 2.6 de l'entente. Je n'ai pas dit au
sujet de l'ensemble de l'entente, mais seulement sur ce point,
c'est-à-dire l'extinction des droits des tribus indiennes à
l'intérieur du territoire.
Vote sur la motion
Le Président (M. Séguin): Vous avez entendu la
motion. Est-ce qu'il y a des membres de la commission qui veulent s'exprimer
sur la motion du député de Sauvé? Donc, que ceux qui sont
en faveur de la motion ou qui sont contre cette motion veuillent bien se
prononcer.
M. Morin (Sauvé)?
M. Morin: En faveur.
Le Président (M. Séguin): M. Bellemare (Johnson)?
M. Carpentier (Laviolette)? M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Contre.
Le Président (M. Séguin): M. Faucher
(Nicolet-Yamaska)?
M. Faucher: Contre.
Le Président (M. Séguin): M. Bérard
(Saint-Maurice)?
M. Bérard: Contre.
Le Président (M. Séguin): M. Lessard
(Saguenay)?
M. Lessard: Pour.
Le Président (M. Séguin): M. Massicotte
(Lotbinière)?
M. Massicotte: Contre.
Le Président (M. Séguin): M. Massé
(Arthabaska)? M. Cournoyer (Robert Baldwin)?
M. Cournoyer: Contre.
Le Président (M. Séguin): M. Pelletier
(Kamouraska-Témiscouata)? M. Houde (Abitibi-Est)?
M. Houde (Abitibi-Est): Contre.
Le Président (M. Séguin): M. Picotte
(Maskinongé)?
M. Picotte: Contre.
Le Président (M. Séguin): M. Samson
(Rouyn-Noranda)? Sept contre, deux en faveur. La motion est rejetée.
Autre sujet.
M. Morin: M. le Président...
Le Président (M. Séguin): Autre sujet,
messieurs.
Questions relatives à l'entente
M. Morin: M. le Président, nous aimerions sou-
lever quelques questions relatives à l'entente. La
première a trait au livre premier, chapitre 5, élément
1.2, terres de la catégorie I-A.
Le Québec, dans la législation qui va donner effet, qui va
mettre en vigueur la convention, transfert, sous réserve des conditions
de la convention, l'administration, la régie et le contrôle des
terres de la catégorie I-A au Canada, et le Canada accepte ledit
transfert. C'est à la fin de l'élément 1. 2, du chapitre
5.
Le Québec, bien sûr, se réserve la
nue-propriétée des terres, comme c'est le cas, à l'heure
actuelle, en vertu du droit constitutionnel; et, sous réserve des
dispositions de la convention, conserve également la
propriété des droits minéraux et tréfonciers sur
ces terres.
Je m'interroge sur la politique de cession, au gouvernement
fédéral, de l'administration, de la régie et du
contrôle de ces terres. Le nombre de milles carrés qui, autrefois,
faisaient partie des réserves, qui, maintenant, vont entrer dans la
catégorie I, est beaucoup plus considérable qu'autrefois. Nous
sommes devant, en ce qui concerne cette catégorie, une cession, au
gouvernement fédéral, de droits d'administration, de régie
et de contrôle, dont l'effet pourrait être de faire de ces
territoires québécois, des sortes d'enclaves
fédérales, des sortes de colonies fédérales, sous
l'empire de la Loi sur les Indiens.
Or, M. le Président, ceci n'est même pas conforme à
la politique fédérale, telle qu'elle a été
énoncée dans le livre blanc du gouvernement du Canada sur les
Affaires indiennes, publié en 1969. Dans ce livre blanc,
intitulé: Politique indienne, on peut lire, à la page 7, ce qui
suit. On énonce, n'est-ce pas, une nouvelle politique, à
l'égard des Indiens: Le gouvernement il s'agit du gouvernement
fédéral entend proposer, aux gouvernements provinciaux,
qu'ils assument, envers les Indiens, les mêmes responsabilités
qu'envers les autres citoyens situés sur leur territoire. Ce transfert
de pouvoirs vous voyez qu'on ne mâche pas les mots
s'accompagnera de virements de fonds fédéraux déjà
affectés aux programmes destinés aux Indiens. Au besoin, les
contributions financières pourront être augmentées au
bénéfice des provinces.
M. le Président, j'aimerais attirer votre attention sur la
contradiction qu'il y a entre la politique fédérale, telle
qu'énoncée en 1969, et la solution retenue au chapitre 5, de
cette entente.
J'aimerais que nous revenions, peut-être, sur l'attitude
québécoise telle qu'elle a été recommandée
au gouvernement du Québec, par la commission sur
l'intégrité du territoire du Québec, la commission
Dorion.
On nous disait, dans les conclusions, dans les recommandations de cette
commission, ce qui suit: Que le gouvernement du Québec prenne sans
délai les dispositions pour honorer les obligations contractées
envers les Indiens par les lois d'extension des frontières du
Québec de 1912. Que l'accomplissement de cette obligation prenne la
forme d'une entente entre le gouvernement du Québec et les
représentants dûment mandatés des bandes indiennes du
Québec entérinée par le gouvernement du Canada. Que les
termes de cette entente s'appliquent à l'ensemble des territoires du
Québec, sans distinction régionale, selon les différentes
origines du titre indien.
Et un peu plus loin, les paragraphes suivants, qui sont fort importants
et tout à fait pertinents au débat qui est en cours: Que des
pourparlers soient entrepris auprès du gouvernement
fédéral, pour que celui-ci mette à exécution,
dès que possible, les propositions de son livre blanc, à l'effet
que la juridiction sur les Indiens et les Esquimaux du Québec soit
remise au gouvernement du Québec. Et enfin: Que les différents
éléments de solution aux problèmes des communautés
indiennes et esquimaude, mentionnés dans l'entente à intervenir,
soient consolidés dans les cadres d'une législation
québécoise sur les Amérindiens.
C'est surtout l'avant-dernier paragraphe qui est important, parce qu'on
voit que le gouvernement fédéral avait annoncé, en 1969,
dans son livre blanc, une nouvelle politique, tendant à remettre au
Québec la compétence en matière des Indiens tandis que la
commission Dorion, dont vous avez dû prendre connaissance... Vous l'avez
devant vous et j'espère...
M. Lessard: Allez-vous déposer le rapport?
M. Morin: Allez-vous le déposer devant la commission et le
rendre public?
M. Ciaccia: Ce n'est pas mon rôle.
M. Morin: Vous ne voulez pas le rendre public? J'aimerais
souligner que, dans ce rapport que vous avez devant vous et dont nous avons
également un exemplaire, la commission Dorion vous recommandait, comme
gouvernement québécois, de donner suite au voeu exprimé
par le gouvernement fédéral dans son livre blanc.
On constate que, du côté fédéral comme du
côté québécois, on est d'accord. Je suis
obligé de vous demander comment il se fait que l'entente ne tienne pas
compte de cet accord, ce qui est rare entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec, surtout sur des
questions comme celles-là. Il semblait qu'on eût fait
l'unanimité. Comment se fait-il... Effectivement, oui, comme le ministre
le souligne, nous faisions partie de cette unanimité puisque nous avions
réclamé la même chose.
Mais je dois constater que ce n'est pas la solution qui est retenue au
chapitre 5. Alors, j'attends du député de Mont-Royal des
explications.
M. Ciaccia: Très bien. Nous avons essayé de suivre
certaines des procédures, certaines des recommandations que vous venez
de souligner.
Il ne faut pas oublier que nous avons une constitution, l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, et les ententes que nous devons faire
doivent tenir compte de ce document.
On avait deux choix. Dans le premier, pour donner suite à la loi
de 1912, nous aurions donné entièrement les
propriétés, d'une certaine façon, où le
contrôle était complètement sous juridiction
fédérale et où il n'y aurait pas eu d'autres
clauses pour assurer certaines juridictions provinciales.
Pour faire ce transfert législatif, comme vous êtes
certainement au courant, la seule manière de le faire est par un
amendement à la constitution, un amendement à l'article 91 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Cela aurait été très bien si on avait pu obtenir un
amendement à la constitution, mais, à ce moment-ci et avec les
problèmes que nous avons, ce n'était pas la manière de
procéder, par un amendement à la constitution.
M. Morin: Pourquoi donc?
M. Ciaccia: Mais nous avons pris en considération les
propos que vous venez de soulever et vous allez voir dans le projet d'entente
une série de dispositions qui, effectivement, dans les lois actuelles,
donnent la juridiction au Québec pour les programmes, pour une
série de mesures qui, autrement, ne seraient pas donnés dans la
Loi sur les Indiens.
Vous avez dit que la Loi sur les Indiens va s'appliquer, mais il y a
l'entente du fédéral qui va avoir primauté quant à
ce projet-ci sur la Loi sur les Indiens. Alors, la Loi sur les Indiens est
modifiée.
Si on avait dégagé nos responsabilités sur la loi
de 1912, strictement, il y aurait des réserves traditionnelles, des
réserves classiques. Les services d'éducation, de santé,
de police seraient de juridiction fédérale.
Il n'y aurait pas une série de mesures dans l'entente ici qui
donneraient ces pouvoirs au Québec, mais vous savez sans doute que les
mesures existent, que tous ces programmes, c'est le Québec qui les
assumera. Non seulement cela, mais il y a du financement du
fédéral dans ces programmes, mais nous sommes quand même en
face de la constitution.
Vous soulevez un problème constitutionnel. Je ne peux pas
résoudre ce problème constitutionnel. Ce n'est pas moi qui peux
faire cela. Je suis pris avec la constitution et, face à cette
constitution, j'ai recommandé cela et nous l'avons mis dans le projet
d'entente. On a limité les terres où il y aurait ce
contrôle fédéral à 1,274 milles carrés et, si
vous faites le calcul, c'est le même montant qui avait été
donné lors des anciens traités. Cela est l'obligation que nous
avons par la loi de 1912, mais, pour le reste, nous avons dit: C'est le
provincial qui va prendre les programmes, c'est le provincial qui va prendre le
droit d'expropriation. Dans la loi de 1912 concernant les Indiens, le
provincial n'a pas ces droits. On n'aurait pas le droit de prendre ces terres
pour fins d'utilités publiques, pour fins de gazoducs ou de lignes de
transmission; ce seraient de vraies enclaves. Vous ne pouvez pas dire, si vous
examinez le projet d'entente, que ce sont des enclaves. Ce sont, selon le mot
classique, des réserves. Nous avons une certaine juridiction, nous avons
beaucoup plus de pouvoirs. Nous allons dans la direction finale, si jamais la
constitution est amendée, et plus que cela, nous avons un engagement
selon lequel, si certaines choses arrivent, pour protéger le
Québec, nous avons un engagement selon lequel le fédéral
changera la formule. Cela veut dire un amendement à la constitution.
Attendez. Pour la protection de certaines juridictions provinciales, pour
s'assurer qu'il n'y a pas plus qu'un certain minimum de droits ou de terres qui
ne pourraient jamais être transférés, nous avons une
provision dans le chapitre 2 je le cherche page 2-14, où
le Canada s'engage à prendre les mesures nécessaires, ce qui
équivaut à un amendement de la constitution, mais on ne peut pas
le faire maintenant. Ces juridictions...
M. Morin: Pouvez-vous me désigner la clause en question.
J'aimerais...
M. Ciaccia: D'accord. C'est la clause 2.10 qui commence à
la page 13 et qui continue à la page 14 du chapitre 2. Nous suivons le
processus tel que recommandé par la commission Dorion. Nous avons une
entente avec les Indiens, entérinée par le gouvernement du
Canada. Nous essayons de prendre, autant que c'est possible, d'après les
termes de la constitution, toutes les juridictions possibles pour le
Québec. Mais, nous ne pouvons pas, à ce stade-ci, aller plus loin
que cela, parce que nous sommes liés par la constitution. Même,
j'irais jusqu'à dire que, si les formules que nous avons prises ici
étaient adoptées dans d'autres domaines, par exemple, ce n'est
pas seulement en ce qui concerne la question des Indiens qu'on a des
problèmes constitutionnels, on en a soulevé dans le domaine des
communications, si on adoptait les formules que nous avons adoptées ici,
cela résoudrait, en grande partie en faveur du Québec, la
question de juridiction.
Nous sommes conscients des problèmes soulevés, nous sommes
conscients du livre blanc, mais je dois ajouter que le livre blanc n'a jamais
été accepté par les Indiens. Ils n'en ont jamais voulu et
ils n'ont pas accepté cette formule. Alors, il ne faut pas
référer totalement à la politique du livre blanc. Mais
nous sommes conscients des questions de juridiction et, autant que possible,
nous avons fait tout ce que nous pouvions pour ramener la juridiction à
la province dans toutes ces différentes matières.
M. Morin: M. le Président, je lisais la clause 2.10 et j'y
vois effectivement ce que j'y avais trouvé, c'est-à-dire des
dispositions pour le cas où interviendrait un jugement sans appel
portant sur les droits des Inuit ou des Indiens sur les terres de
catégorie II et III.
Ce qui m'intéresse, c'est la possibilité d'un changement
constitutionnel concernant les terres de la catégorie I-A.
M. Ciaccia: II n'y a pas cette possibilité pour le moment,
il n'y a pas d'entente. Il faut que les Indiens aient quelque chose à
dire aussi. Si on n'avait pas la constitution, on n'aurait pas le
problème. La constitution est là. L'entente que nous avons pu
faire est de limiter... Vous avez parlé avant qu'il faudrait une entente
légale. Si je commençais à dire: Les terres de la
catégorie I seront totalement sous juridiction provinciale, là,
ce ne serait pas une entente légale. Il faut légaliser les termes
de ce que nous entendons avec les Indiens.
M. Morin: Cela dépend, évidemment, de votre
façon de définir les terres de la catégorie I. Si vous les
définissez au sens de la loi fédérale sur les
réserves, si vous les définissez comme étant des
réserves, évidemment là...
M. Ciaccia: Non, nous ne la définissons pas comme
étant... Selon l'entente que nous avons, nous avons réduit les
obligations sur l'entente de principe. Les Indiens, au début, voulaient
totalement des réserves. On a pu les persuader en disant: Cela ne
devrait pas être des réserves, mais on va prendre certaines
juridictions provinciales sur des programmes et sur des juridictions qui
affectent ces terres.
M. Morin: Si tel est le cas, M. le député, je me
demande pourquoi vous n'avez pas retenu la même solution pour les Inuit
parce que j'observe que, dans les terres de la catégorie I qui sont
réservées aux Inuit du Québec cela se trouve au
chapitre 7 on ne trouve pas une clause qui réserve
l'administration, la gestion, etc., au gouvernement fédéral. On
trouve l'article 7.11 et 7.12 intitulé "Compétence", qui nous
apprend que la propriété de ces terres sera, en vertu de la
juridiction provinciale j'imagine qu'on veut dire la compétence
provinciale entièrement remise à ces corporations Inuit
à condition que les terres puissent seulement être vendues ou
cédées au Québec et cette disposition constitue une
interdiction de les vendre ou de les céder à d'autre qu'au
Québec. Ce que je vous demande, c'est pourquoi avez-vous un
régime pour les Cris et un autre pour les Inuit?
M. Ciaccia: C'est parce qu'on parle de respecter les droits, les
coutumes et les manières traditionnelles. Hier on parlait de cela. Les
Inuit n'ont pas, dans leurs manières traditionnelles, des
réserves, ils n'ont pas les mêmes coutumes. Ils n'ont pas les
mêmes réclamations que les Indiens. Les Indiens, originellement,
voulaient que tout soit sur des réserves. On a réussi à
réduire et à prendre certaines juridictions. La Loi sur les
Indiens s'applique aux réserves et ne s'applique pas aux Inuit. Les
Inuit auraient pu dire aussi: Nous tombons sous la juridiction
fédérale, ces terres doivent être sous la juridiction
fédérale. Nous avons refusé, nous avons dit: Non.
M. Morin: Pour les fins de la loi, est-ce que les Inuit ne
tombent pas, en matière constitutionnelle, sous l'expression
"Indiens"?
M. Ciaccia: Ils tombent sous l'expression "Indiens", mais ne sont
pas assujettis à la Loi sur les Indiens. C'est spécifiquement
exclu. Alors, nous avons pu reprendre nos négociations, persuader et
insister pour que les terres Inuit de catégorie I soient sous
juridiction provinciale. On n'a pas pu, parce que la constitution est
là, parce que la Loi sur les Indiens est là, enlever totalement
la juridiction fédérale. Mais, si vous examinez le document,
c'est vrai qu'il y a une administration de contrôle du Canada, mais ce
n'est pas une administration globale, totale. Une fois que vous lisez cela et,
si vous passez à travers le document, vous allez voir... Prenons les
juridictions principales. La santé, la police, l'éducation sont
de juridiction provinciale même quant à la catégorie I-A.
Nous sommes allez même plus loin qu'il était possible quant
à la Loi sur les Indiens parce qu'on l'amende et nous avons fait le plus
que nous pouvions faire dans le contexte constitutionnel quant à la
juridiction provinciale sur les terres de la catégorie I-A. Quant aux
Inuit, ils sont entièrement sous la juridiction provinciale. Alors, je
crois que nous avons respecté l'esprit de la commission Dorion, tenant
compte du contexte constitutionnel.
M. Morin: Oui, mais est-ce que le pouvoir fédéral,
compétent en matière d'Indiens laquelle expression, pour
les fins constitutionnelles, inclut les Inuit ne peut pas modifier sa
législation sur les Indiens pour vous faciliter les choses et pour
renoncer à l'administration sur les réserves que vous
définissez à la catégorie I-A?
M. Ciaccia: Même s'il renonce... Il a, en fait,
renoncé à sa juridiction administrative, mais il ne peut pas
renoncer à sa juridiction législative, c'est l'article 91 qui
régit ça. Dans le contexte où le fédéral a
pu donner juridiction à la province, il l'a fait, mais où il ne
peut pas, parce qu'il est lié par l'article 91 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, il ne l'a pas fait. S'il l'avait fait,
par l'entremise de ça, cela aurait été invalide. Nous ne
voulons pas une entente qui n'est pas légale. Nous sommes allés
aussi loin que nous pouvions pour retirer les juridictions et donner la
juridiction à la province.
M. Morin: M. le Président, c'est un point d'ordre
constitutionnel sur lequel mon opinion diffère de celle du
député de Mont-Royal. Je suis d'accord avec lui que l'article 91,
paragraphe 24 du British North America Act dévolue au gouvernement
fédéral la compétence de légiférer sur les
Indiens et les terres réservées aux Indiens. Mais cela autorise
le gouvernement fédéral à transférer
l'administration s'il le veut bien. Or, ce n'est pas ça que vous avez
obtenu, n'est-ce pas, vous ne pouvez pas dire le contraire, je pense.
M. Ciaccia: Oui, je peux dire le contraire. M. Morin:
Expliquez-moi ça.
M. Ciaccia: Je vous explique. Je vais essayer de
répéter. Pour rendre le projet en conformité avec les lois
et la constitution, nous prenons une terre de catégorie I et nous
disons: c'est juridiction fédérale, nous n'avons pas le choix.
Pour dire que c'est juridiction fédérale, nous transférons
l'administration et le contrôle. On aurait pu le faire d'une autre
façon aussi, encore pire que celle-ci, je vais vous expliquer.
M. Morin: Vous auriez pu faire mieux aussi.
M. Ciaccia: Non, impossible. Je vais expliquer après
comment cela aurait pu être encore...
M. Morin: Cela aurait pu être pire, je n'en doute pas. Mais
dites-moi comment cela aurait pu être mieux.
M. Ciaccia: Je ne peux pas vous le dire, parce que cela ne
pourrait pas être mieux.
M. Cournoyer: Donc, c'est ce qu'il y a de mieux.
M. Ciaccia: C'est ce qu'il y a de mieux dans le contexte
constitutionnel. Nous prenons les...
M. Morin: Contexte constitutionnel ou politique?
M. Ciaccia: Constitutionnel. La politique, vous savez, je n'en
ferai pas.
M. Cournoyer: II est juridique.
M. Ciaccia: Je ne ferai pas de politique au sujet des Indiens et
des Inuit, je suis persuadé que vous n'en ferez pas vous non plus.
Je vais recommencer mon explication. Les terres de catégorie I-A,
on les a réduites, on n'a pas pris tous les 2,185 milles carrés
des Indiens, tout cela aurait pu être sous juridiction
fédérale. On a mis 1,274 milles carrés. On a dit: On
transfère l'administration et le contrôle au
fédéral. Après ça, on s'est fait redonner, parce
que c'est seulement de cette façon, constitutionnellement, qu'on peut
avoir une juridiction administrative: la police, l'administration de la
justice, l'éducation, tous les autres programmes, certains droits dans
les terres, que reste-t-il après ça? Examinez ça et vous
allez voir que c'est vraiment...
M. Morin: L'administration, la régie et le
contrôle.
M. Ciaccia: Non, ce sont des mots généraux, si vous
enlevez ça de l'administration et le contrôle, vous enlevez
l'éducation, la justice, certaines sections des terres et la
santé, voulez-vous me dire qu'est-ce qui reste?
M. Morin: II reste l'administration elle-même, je veux
dire...
M. Ciaccia: Les servitudes, les droits d'accès, le droit
d'expropriation, c'est tout au provincial. Vous pensez qu'on pourrait faire
mieux que ça?
M. Morin: Voulez-vous me dire que l'expression, l'administration,
la régie et le contrôle des terres relevant du Canada ne signifie
rien à toutes fins pratiques?
M. Ciaccia: Je n'ai pas dit ça. Cela signifie, pour le
rendre légal que c'est une clause générale. Vous ne devez
pas vous arrêter à cette clause, vous devez aller lire le restant
du document, parce que nous avons soustrait de l'administration, du
contrôle et de la régie, une série de juridictions qui,
à mon point de vue, ne laissent rien au fédéral
après ça, ou ce qui reste est très minime.
M. Morin: Pourquoi le minime?
M. Ciaccia: Ce qui est maintenant dans la juridiction
fédérale continue. Quand on parle de juridictions qu'on
considère importantes pour la province, l'éducation est une
juridiction très importante.
Aujourd'hui, quelle est la situation à Fort George et dans toutes
les autres communautés? Ce sont des écoles
fédérales qui existent. Quand l'entente va être
signée, pour toutes ces écoles, les services seront
transférés à la province. Cela représente je
ne m'arrête pas aux millions de dollars d'équipement, ce n'est pas
cela l'important le transfert de juridictions au ministère de
l'Education de la province de Québec.
Vous savez, c'est pas mal de juridictions, cela. Cela n'existe pas dans
le sud, cela n'existe pas à Caughnawaga, à Schefferville et
à ces endroits-là. C'est le fédéral qui a les
écoles. La santé, c'est le fédéral. Nous prenons
tous les équipements, toutes les affaires de santé dans le Nord;
elles seront toutes transférées à la province et c'est la
province qui continuera la juridiction.
Plus que cela, c'est le fédéral qui continue à
payer. Est-ce qu'on peut faire mieux pour le Québec que d'inclure des
clauses comme celles-là dans l'entente?
M. Morin: Le pouvoir fédéral conserve sa
faculté de dépenser comme bon lui semble sur ces territoires?
M. Ciaccia: Non. Il continue à payer les programmes que
nous allons gérer. C'est nous qui allons établir avec les Cris,
le budget des écoles, et le fédéral va en payer 75%, nous
allons en payer 25%.
M. Morin: Pouvez-vous nous assurer que votre collègue John
Buchanan partage votre interprétation de cet article 1.2 du chapitre
5?
M. Ciaccia: Ce n'est pas seulement l'article 1.2. Il y a une
série d'autres articles où il partage notre avis.
M. Morin: Je sais.
M. Ciaccia: Oui, je peux vous assurer que les négociations
et les discussions, ce que je vous dis maintenant, ce sont les mêmes
paroles, les mêmes idées que nous avons discutées avec le
fédéral durant la dernière année.
M. Morin: Bon. Maintenant, revenons un peu en arrière pour
éclaircir un point de droit constitutionnel sur lequel je ne veux pas
m'attarder mais qui est quand même important.
Est-ce vous reconnaissez à tout le moins qu'en vertu du British
North America Act, le pouvoir de l'Etat fédéral de
légiférer sur les Indiens et les terres réservées
aux Indiens comporte la faculté de remettre la régie le
contrôle et l'administration de ces terres à certaines provinces
ou à l'ensemble des provinces? Est-ce que vous êtes prêt
à reconnaître cela à tout le moins?
M. Ciaccia: Je suis prêt à reconnaître qu'il
peut transférer l'administration, pas la juridiction
législative...
M. Morin: Mais ce n'est pas cela que dit l'article. Il n'est pas
question de compétence législative dans l'article. On dit:
Régie, contrôle et administration.
M. Ciaccia: Mais c'est cela. Je viens juste de vous expliquer le
processus que nous avons fait; en effet, nous l'avons, la régie, le
contrôle, l'administration, dans les secteurs importants. N'oubliez pas
qu'il a fallu négocier avec les Cris également.
M. Morin: Bon. Alors, je vais accepter les explications du
ministre. Mais est-ce que vous ne croyez pas... Pardon, du futur ministre.
M. Cournoyer: C'est un léger lapsus.
M. Morin: Mais, de ce temps-là, la fatigue m'en fait faire
plusieurs. Je vous remercie de votre compréhension.
M. Cournoyer: Malheureusement, je ne peux pas vous donner
congé lundi.
M. Morin: C'est à voir. Ce n'est pas une question de
fatigue, c'est une question d'engagement préalable.
M. le Président, j'aimerais demander au député de
Mont-Royal s'il serait possible d'ajouter à l'entente une clause de
transfert de compétence législative, de régie,
d'administration et de contrôle des terres indiennes, pour le cas
où on se mettrait d'accord pour modifier l'article 91 du British North
America Act?
Est-ce que vous n'auriez pas intérêt à
prévoir dans l'entente une clause de transfert, qui, au moins,
réserverait la possibilité que cela se produise?
M. Ciaccia: Oui, parce que vous êtes d'accord que si on ne
peut pas inclure une clause de transfert absolu, aujourd'hui, ce serait
illégal.
M. Morin: J'accepte cet argument du ministre.
M. Ciaccia: Si on pouvait inclure une clause stipulant que, si
l'article 91 est modifié, ces terres seraient... Oui, je serais
prêt à recommander, sous réserve encore une fois... Je ne
veux pas négocier en public, mais je n'aurais aucune objection à
une telle clause.
M. Morin: Bon.
M. Ciaccia: La possibilité, mais, naturellement, je ne
veux pas...
M. Morin: II s'agit seulement de sauvegarder les droits du
Québec et de mentionner la possibilité qu'il pourrait y avoir une
modification constitutionnelle éventuellement à ce sujet.
M. Ciaccia: Oui.
M. Morin: Si le ministre est d'accord pour cela, je lui laisse
tout le loisir de la rédiger comme il l'entendra.
M. Ciaccia: II y a seulement un autre point sur la question de
transfert et sur la juridiction provinciale. Dans les réserves, soit les
réserves du Sud du Québec, les vraies réserves
fédérales comme Caughnawaga, et les réserves dans l'Ouest
du Canada, les droits miniers, les richesses naturelles appartiennent aux
Indiens. Nous avons pu négocier, où la juridiction sur les
richesses naturelles, même sur les terres de catégorie 1-A, est de
compétence provinciale. C'est un autre domaine où nous avons la
juridiction provinciale.
M. Morin: J'attendrai du député de Mont-Royal une
clause qu'il pourra rédiger à sa façon.
M. Ciaccia: Je ne veux pas me compromettre et dire que je vais
attendre de vous envoyer une clause, parce que vous savez
l'échéancier que j'ai, vous savez les problèmes du 12
novembre. Je suis prêt à faire de mon mieux pour convaincre
l'autre partie, les autres parties au document de pouvoir inclure une telle
clause dans le projet d'entente. Unilatéralement, je ne peux pas prendre
cet engagement, ce ne serait pas juste de ma part, mais vous pouvez être
assuré que je vais faire de mon mieux pour inclure une telle clause dans
l'éventualité où la clause 91 serait amendée.
M. Morin: A titre de renseignement, quand vous dites le 11
novembre, est-ce que vous voulez dire pour le 11 novembre, avant le 11 novembre
ou y compris le 11 novembre lui-même?
M. Ciaccia: Y compris le 11.
M. Morin: Y compris le 11 novembre.
M. Ciaccia: Dans mon échéancier, cela comprend le
11 novembre jusqu'à minuit.
M. Morin: C'est un point important, à notre point de
vue.
M. Ciaccia: Oui.
M. Morin: Bien. On pourrait peut-être passer à un
autre aspect, M. le Président, parce que je crois que nous avons
vidé celui-là à notre satisfaction. Peut-être un ou
deux points de détail. Comment allez-vous résoudre le
problème des installations de la SEBJ situées sur les terres de
la catégorie I? Par exemple, le cas de la route de LG 2 à Fort
George. Je prends cela comme exemple. Il peut y en avoir d'autres
installations. Est-ce que vous allez avoir des négociations pour obtenir
les droits de passage ou...
M. Ciaccia: Non, du tout. Les droits acquis des tiers qui sont
sur la catégorie I, que ce soit la
SEBJ ou un individu qui peut avoir une maison ou une autre installation,
sont entièrement protégés. Ces qens sont
protégés.
Quand il s'agit des routes, même celles qui passent par les
catégories I-A, ces terres sont considérées comme de la
catégorie III. Alors, cela veut dire que toutes ces routes seront des
routes provinciales, seront sous la juridiction de la province; elles sont
exclues des terres des Indiens. Non seulement les routes existantes, mais, dans
l'avenir, si la SEBJ ou le gouvernement du Québec ou un autre organisme
autorisé par la loi exproprie ou a besoin d'une route, on peut le faire.
Ces routes seront sous la juridiction provinciale et seront de la
catégorie III. Elles ne feront plus partie de la catégorie I.
M. Morin: Je vois. Est-ce qu'il va y avoir une certaine
consultation quand même avec les autochtones quant au passage...
M. Ciaccia: Oui, assurément. Nous avons prévu des
moyens de procédure, de consultation avec eux pour causer le moins de
problèmes possible.
M. Morin: M. le député, une autre question qui est
liée toujours à ces questions d'espace. Je voudrais me tourner
brièvement vers l'accès aux espaces maritimes. Je veux dire
l'accès du Québec à la baie James, à la baie
d'Hudson. Est-ce que le projet de convention affecte, d'une manière ou
d'une autre, la question des frontières entre le Québec et les
territoires du Nord-Ouest? J'imagine que le député a dû se
heurter à ce problème à l'occasion.
M. Ciaccia: Oui, nous avons eu de longues discussions avec le
fédéral. Nous avons discuté de la question des îles
du littoral. Il a été question de la juridiction du territoire du
Nord-Ouest et de la province de Québec, de la délimitation de
cette frontière. Quoique ce ne soit pas inclus dans l'entente de
principe et que ce ne soit pas inclus dans le projet final, nous avons deux
articles ici. Nous avons, à la page 5.8 du régime des terres: La
côte maritime ainsi que le lit et les rives des lacs et rivières,
etc. sont exclus des terres de la catégorie I. Alors, toute cette
côte n'est pas de catégorie I. Deuxièmement, nous avons
négocié avec le fédéral et nous avons obtenu de lui
une reconnaissance selon laquelle la limite territoriale cela est
important du Québec sera la ligne des basses eaux. Je crois que
c'est un point majeur que nous avons obtenu par l'entremise des discussions et
des négociations du projet d'entente. C'est une
récupération d'une juridiction des terres que nous avons pu
obtenir du fédéral...
M. Morin: ... les basses mers.
M. Ciaccia: Exactement. Le fédéral n'a jamais voulu
accepter cela. Par l'entremise de ces discussions, il l'a accepté.
M. Morin: Je sais. Maintenant, c'est beaucoup plus clair. Ce que
j'aimerais vous demander, cela a trait aux Inuit qui vivent dans certaines
îles qui se trouvent au large de la côte du Québec et qui
ont été revendiquées, traditionnellement, par le
Québec.
Ce sont les îles Belcher. Ce qui m'étonne dans la
convention, c'est qu'on inclut dans l'entente un certain nombre d'Inuit qui se
trouvent à Port Burwell. Port Burwell, que je sache, n'est pas sur le
territoire québécois.
M. Ciaccia: Oui.
M. Morin: Mais par ailleurs, on exclut de l'entente, les
autochtones qui vivent dans les îles Belcher, lesquelles, d'après
le Québec, relèvent de son territoire, de sa compétence
territoriale.
M. Ciaccia: Les îles Belcher, légalement, sont dans
les Territoires du Nord-Ouest. Elles ne sont pas dans le territoire...
M. Morin: Du moins, c'est la position fédérale.
M. Ciaccia: C'est la position fédérale. On a fait
notre possible, M. le député, afin d'essayer d'obtenir une
reconnaissance pour que les îles Belcher soient dans la province de
Québec. On a fait maintes et maintes représentations. On n'a pas
pu obtenir cette concession, cette reconnaissance. Je ne veux pas... On va
enlever le mot... Cette reconnaissance du fédéral.
M. Morin: Cela aurait été beau de
récupérer la douzaine du boulanger.
M. Ciaccia: On a essayé.
M. Cournoyer: Comme on s'en va, il ne vous restera plus
grand-chose à négocier quand vous allez prendre le pouvoir.
M. Morin: On aimerait autant qu'il y ait le plus grand nombre de
problèmes réglés avant.
M. Cournoyer: Vous pourriez maintenant être
indépendants.
M. Morin: Cela vaut aussi, j'imagine, ce que vous venez de dire
pour les îles Cotter, McTavish, ce qu'on appelle les Nastapoka.
M. Ciaccia: Oui, c'est la même... On a essayé de
récupérer toutes les îles du littoral. On a fait cette
demande d'accorder cette reconnaissance. Mais malheureusement, on n'a pas
pu.
M. Cournoyer: II y en a quelques-unes qu'on a
oubliées.
M. Morin: Evidemment, comme nous l'apprenait le rapport Dorion,
les autorités fédérales considèrent que le
territoire québécois, comme celui des autres provinces, est et
doit être entouré d'une enveloppe fédérale, qui
comprend la mer territoriale, etc... Alors, je ne m'étonne pas que
le
député se soit cassé les dents, comme ses
prédécesseurs, sur cette question. Mais...
M. Ciaccia: On l'a éloignée un peu avec les lignes
de base.
M. Morin: Vous avez gagné quelques pieds. M. Ciaccia:
C'est plus que quelques pieds.
M. Cournoyer: C'est mieux que d'en avoir perdu quelques-uns.
M. Morin: Au point où on en est, je suis d'accord avec le
ministre.
Maintenant, si tant est que...
M. Ciaccia: C'est plus que quelques pieds, par exemple, parce que
les marées, dans ces endroits...
M. Morin: Dans certains coins, oui, les marées peuvent
être assez considérables.
M. Ciaccia:... à 50 milles. C'est assez
considérable.
M. Morin: Du point de vue des droits miniers, c'est
évidemment un gain. Je concède cela. Mais les îles sont
à portée... On les voit de la côte. C'est un peu ridicule.
D'ailleurs, je pense que le député est d'accord...
M. Ciaccia: Je suis d'accord avec vous.
Dans nos représentations, nous avons fait notre possible pour
essayer d'avoir cette reconnaissance, mais le plus que nous avons pu avoir, ce
sont les lignes...
M. Morin: Etant donné que, dans le cas de Port Burwell,
vous avez pu obtenir que les Inuit soient associés, soient non seulement
associés, mais soient partie intégrale à l'entente,
pourquoi n'avez-vous pu obtenir le même régime pour les
autochtones des îles Nastapoka, des îles Belcher, des îles du
Roi-George ou encore des îles Dormeuses?
M. Ciaccia: C'est parce que ces gens n'ont pas fait
jusqu'à maintenant de réclamation pour être inclus dans
l'entente. Les gens de Port Burwell qui utilisent peut-être plus le
territoire du Québec pour la chasse et la pêche ont demandé
d'être inclus dans le projet d'entente et nous l'avons fait, mais les
autres ne l'ont pas...
M. Morin: Ceux des îles Nastapoka chassent aussi...
M. Ciaccia: Oui, mais je ne peux les obliger... M. Morin:
... sur le territoire québécois.
M. Ciaccia: Je comprends, mais je ne peux obliger les gens de
faire partie d'un projet s'ils ne veulent pas, et je ne peux pas causer de
préjudice aux autres qui veulent faire partie du projet.
M. Morin: Pourriez-vous me dire si, dans le cas des îles
Nastapoka, il s'agit de Cris ou d'Inuit? Il y a un peu des deux, j'imagine.
Pourriez-vous nous donner une idée du nombre de personnes, d'autochtones
qui sont intéressés?
M. Ciaccia: Un instant.
M. Morin: Mais, pendant qu'on va chercher le renseignement, ces
gens ont des droits de chasse et de pêche sur le territoire
québécois. Est-ce que cela veut dire qu'ils ne participeront pas
à l'indemnité que les autres vont recevoir?
M. Ciaccia: Cela veut dire que tous ceux qui ne sont pas inclus
dans le projet d'entente, nous nous sommes engagés à
négocier avec eux et nous allons le faire de bonne foi.
M. Morin: Non, pas Port Burwell. Ce que nous voulons, ce sont les
îles Nastapoka, en particulier.
M. Ciaccia: Et s'ils font des demandes, nous allons
négocier, comme je l'ai dit, de bonne foi, avec eux, mais ils ne sont
pas inclus dans le projet d'entente que nous avons devant nous.
M. Morin: Est-ce que...
M. Ciaccia: C'est le même problème que pour ceux qui
sont exclus, qui n'ont pas négocié avec nous.
M. Morin: Comme les Naskapis.
M. Ciaccia: Oui, il y en a quelques-uns. Oui, il y a quelques
groupes, mais nous sommes de bonne foi, mais nous allons négocier.
Nous négocions maintenant avec les Naskapis et nous allons faire
un règlement juste et raisonnable pour tous ceux qui ont des
prétentions, des droits dans les territoires.
M. Morin: II doit y avoir un bon nombre d'autochtones sur ces
îles et elles sont au nombre d'au moins 70 à portée du
territoire québécois. On les voit du territoire
québécois, on les voit très bien à l'horizon. Ces
gens, on le sait, viennent chasser sur la terre ferme parce que les ressources
des îles sont trop parcimonieuses. J'estime qu'il y aurait
peut-être lieu de prévoir dans l'entente quelque chose au sujet de
ces gens. Vous n'en parlez pas, que je sache, vous n'en dites pas un mot dans
l'entente.
M. Ciaccia: On m'informe que c'est seulement sur les îles
Belcher que les gens habitent. Les autres îles auxquelles vous vous
référez, ce sont les gens du Québec qui vont sur ces
îles. Il n'y a pas d'habitants. Il y a des habitants seulement sur les
îles Belcher.
M. Morin: Temporairement. Ce sont les habitants temporaires.
M. Ciaccia: Ils y vont, mais ils habitent leur...
M. Morin: Est-ce que c'est vrai de toutes les îles du
littoral, comme l'île du Canard, l'île Manitou, Inuk, l'île
Mary et surtout la grande île qui se trouve...
M. Ciaccia: On m'informe que c'est seulement sur les îles
Belcher qu'il y a des habitants. Les autres, ce sont des gens du Québec
qui vont...
M. Morin: Je repose ma question. Etant donné que vous avez
réglé le problème de Port Burwell, est-ce qu'on peut
compter que vous allez régler celui des autochtones des îles
Belcher? Est-ce qu'il ne serait pas opportun de prévoir une clause
additionnelle dans l'entente qui aurait pour effet d'inviter
expressément ces Indiens à se joindre à l'entente?
M. Ciaccia: On peut dire, comme nous l'avons dit, pour
protéger leurs réclamations, qu'on va négocier avec eux.
Je ne voudrais pas lier les négociations à venir pour
spécifier maintenant ce que nous allons négocier. Evidemment,
comme nous le faisons avec les Naskapis, nous allons faire des
prévisions pour négocier avec ces gens d'une façon
équitable, d'une façon raisonnable.
M. Lessard: Ce que je ne comprends pas chez les... Est-ce que ces
autres...
M. Ciaccia: Cela va certainement être une entente qui va
servir de modèle pour les autres qui ont des droits dans le territoire
et avec lesquels on va négocier.
M. Lessard: Est-ce que ces...
M. Ciaccia: C'est difficile pour nous de dire: Ecoutez, on va
s'écarter totalement du...
M. Lessard: Est-ce qu'il s'agit d'autochtones qui font partie
d'associations, de l'Association des Cris ou de l'Association des Inuit?
M. Ciaccia: Lesquels? Ceux des îles Belcher?
M. Lessard: S'ils font partie de l'association, pourquoi ne
sont-ils pas impliqués dans la négociation?
M. Ciaccia: Ils ne font pas partie de l'association.
M. Morin: M. le Président, l'heure est avancée.
M. Cournoyer: Avant de proposer l'ajournement, j'aurais quelque
chose à dire.
M. Morin: Est-ce que vous pourriez me donner la parole une
seconde?
M. Cournoyer: Je ne sais pas.
Ajournement
M. Morin: M. le Président, je sais que le minis- tre a
exprimé l'intentîon de convoquer la commission pour lundi.
D'après ce que je peux voir dans le dossier, nous n'en avons plus que
pour deux ou trois heures à discuter les diverses clauses de l'entente,
parce que, naturellement, quand une clause ne soulève pas de
difficulté, nous n'avons pas l'intention de nous y étendre
longuement. Nos questions portent uniquement sur les points qui nous paraissent
obscurs ou litigieux. Nous pensons en avoir encore pour deux ou trois heures au
maximum. C'est pourquoi, pour résoudre l'imbroglio de tout à
l'heure à l'Assemblée, je proposerais au ministre que nous nous
réunissions mardi matin, aussitôt qu'il le voudra, même
très tôt s'il le veut, plutôt que lundi.
Je pense que le gouvernement doit tenir compte du fait qu'il nous a
convoqués à cette commission parlementaire très
brusquement, sans guère de préavis et qu'il nous a remis les
textes au dernier moment. Nous avons fait un travail d'analyse des textes qui
est presque terminée. Je pense que nous pouvons nous entendre pour
terminer l'étude proprement dite du document mardi. Dans les
circonstances, je ne pense pas que le gouvernement devrait insister pour que la
commission se réunisse lundi, parce qu'à ce moment-là vous
devriez siéger en notre absence, étant donné que nous
avons pris des engagements importants et que nous ne pouvons pas c'est
simple être présents, ni le député de
Saguenay, ni moi-même qui suivons ce dossier depuis le début.
Alors, si le gouvernement veut bien mettre un peu d'eau dans son vin, je puis
l'assurer que dans deux ou trois heures nous aurons nettoyé les
questions qui nous viennent à l'esprit.
M. Cournoyer: M. le Président, vous savez que j'ai
toujours été un type extrêmement sympathique,
c'est-à-dire que je ne suis pas, habituellement, ferme.
M. Morin: Cela serait mieux si cela venait de notre part que de
la vôtre.
M. Cournoyer: Mais quand cela vient de la vôtre, je saisis
toujours quelque chose en dessous et je ne le crois pas. Mais il y a un
problème additionnel à cela. L'entente de base qui a
été modifiée pour le 1er novembre dit: Cela se signe le 11
novembre. Hier, je n'ai pas été ici trop longtemps.
On m'a dit que M. O'Reilly, vous l'avez mentionné tantôt,
de même que le représentant ou le président du Grand
Conseil des Cris, avait fait une démarche pour expliquer qu'il ne
menaçait pas le gouvernement, c'était tout simplement pour eux un
impératif qu'ils avaient à affronter devant leur propre
population et qu'en fin de compte ils considéraient comme suffisants les
délais qui avaient été consentis.
Mardi, c'est donc le 11 novembre jusqu'à minuit, j'en conviens,
mais je n'aime pas courir des risques qui pourraient donner l'impression aux
Indiens ou aux Cris que le gouvernement ne remplirait pas volontairement ni
même involontairement
des engagements qu'il a pris vis-à-vis des Indiens, des Cris et
des Inuit. Si j'accepte de reporter la séance à mardi matin, je
veux que les Inuit et les Cris qui sont ici soient assurés que nous
maintenons toujours dans nos livres la possibilité de signer l'entente
le 11 novembre et que les seules raisons qui pourraient motiver le gouvernement
à ne pas signer l'entente le 11 novembre sont sans doute des raisons que
nous aurons à expliquer aux Cris et aux Inuit, par leurs
représentants, si nous en avons.
Pour le moment, nous n'en avons pas. Cela veut dire, en termes clairs,
que notre but est de signer cette entente le 11 novembre; nos moyens, nous en
discuterons si nous avons de la difficulté au gouvernement. A ce
moment-là, je dis à l'Opposition, vous m'avez dit: trois heures.
J'accepte donc que la réunion soit tenue mardi, mais qu'elle se termine,
je le dis, mardi aujourd'hui, parce qu'elle va se terminer trois heures
après son début.
M. Morin: Trois heures et quart...
M. Cournoyer: J'ai consenti à quelque chose, cela a
été dur pour moi, je me suis pilé sur le coeur. Pilez-vous
sur le coeur et dites; Oui, trois heures.
M. Morin: Ecoutez, ça pourrait être moins que trois
heures aussi.
M. Cournoyer: Elle se terminera au maximum trois heures
après son début.
M. Morin: Nous sommes disposés, parce que, d'après
ce que nous voyons dans le dossier actuellement, nous en avons pour à
peu près ou deux ou trois heures. Si le député de
Mont-Royal est au milieu d'une très grande envolée
répondant à l'une de mes questions, j'imagine que le ministre ne
l'interrompera pas.
M. Cournoyer: Je le couperai. M. Morin: M. le
Président...
M. Lessard: C'est du bâillon vis-à-vis du
gouvernement.
M. Cournoyer: Certainement.
M. Morin: M. le Président, dans les circonstances, je
pense que nous pouvons accepter; nous ne pensons vraiment pas en avoir pour
plus de deux ou trois heures. D'ailleurs le député de Mont-Royal
aura toute la journée de lundi pour négocier avec les Inuit. Ce
ne sera peut-être pas de trop.
M. Ciaccia: Je pensais finir avant cela. M. Morin: II
pourra se reposer dimanche. M. Ciaccia: Je vais me reposer lundi.
M. Cournoyer: Dans le cas des Indiens qui sont partis
tantôt, M. le Président, qui se sont choqués un peu de la
procédure que nous avons suivie, je ne crois pas qu'il soit en mon
pouvoir de leur présenter des excuses pour une décision que nous
avons prise sur une base démocratique.
M. Morin: D'ailleurs, vous n'en avez pas d'excuses.
M. Cournoyer: Je, je... Hum! Hum!
M. le Président, je voudrais tout simplement assurer les Indiens
qui sont partis, même s'ils ne sont pas ici, que ce n'est pas l'intention
du gouvernement de les brimer dans leurs droits de signer avec le gouvernement
des ententes qui correspondraient à leurs aspirations dans les limites
des obligations du gouvernement du Québec.
En conséquence je comprends qu'ils sont partis parce
qu'ils n'étaient pas impliqués dans cette négociation
particulière qui est là s'ils ont des négociations
à faire avec nous, je les invite à le faire. Nous serons d'aussi
bonne foi que nous l'avons été avec les Cris qui veulent signer
cette entente le plus rapidement possible.
Je peux assurer les autres Indiens que notre gouvernement sera d'autant
disposé à discuter avec eux de leurs problèmes qu'il aura
réglé ces problèmes que nous considérons comme
extrêmement urgents.
Le Président (M. Séguin): Messieurs, avez-vous
autre chose à ajouter?
Une Voix: Non.
Séance d'un maximum de trois heures
Le Président (M. Séguin): S'il n'y avait pas autre
chose à ajouter, je voudrais tout de même ajouter ceci. C'est tout
à fait irrégulier de le faire, mais je voudrais, de la part de la
commission, une résolution en bonne et due forme, adoptée
unanimement par la commission, laquelle dirait que cette commission
siégerait mardi à partir de 10 heures pour une période
maximum de trois heures.
Je voudrais cela sous forme d'une résolution de la commission et
cela inclurait les débats de procédure.
M. Morin: M. le Président, est-ce que je puis ajouter une
nuance à cela? J'ai dit deux ou trois heures pour l'Opposition.
M. Cournoyer: Non, non. M. le Président, c'est ce que vous
avez dit. Ce que j'ai dit...
M. Morin: Oui.
M. Cournoyer: ... c'est cela qu'est la proposition. La
proposition est que l'assemblée se termine au maximum trois heures
après son début.
M. Morin: M. le Président, évidemment, si le
gouvernement laisse toute la latitude à l'Opposi-
tion et si le gouvernement n'a pas l'intention, de son
côté, de faire de grandes déclarations, cela va aller,
mais, si le gouvernement occupe la première heure, par exemple...
M. Cournoyer: Non, on continue le procédé que nous
utilisons présentement.
M. Morin: Avec ces assurances, je suis prêt à
procéder, M. le Président.
Le Président (M. Séguin): Je voudrais que quelqu'un
me formule cette résolution, à peu près dans les termes
qu'on vient d'exposer. Est-ce que quelqu'un serait prêt à le
proposer?
M. Cournoyer: Je le propose, M. le Président, tout en
proposant, après cela, l'ajournement.
Le Président (M. Séguin): Un maximum de trois
heures, mardi, à partir du moment du début des travaux. C'est
cela? On fixera l'ajournement.
Une Voix: C'est cela.
Le Président (M. Séguin): C'est cela, c'est convenu
de la part de tous et chacun, ici, comme membres de la commission. Je constate
aussi qu'il y a quorum. Donc, il n'y a pas d'illégalité dans
cette motion.
Une Voix: D'accord.
Le Président (M. Séguin): Une proposition
d'ajournement?
M. Cournoyer: Oui.
Le Président (M. Séguin): Le ministre propose
l'ajournement. La commission ajourne ses travaux à mardi, 10 heures.
(Fin de la séance à 13 h 11)