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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le jeudi 20 mai 1976 - Vol. 17 N° 55

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Terres et Forêts


Journal des débats

 

Commission permanente

des richesses naturelles

et des terres et forêts

Etude des crédits du ministère des Terres et Forêts

Séance du jeudi 20 mai 1976

(Dix heures cinquante-trois minutes)

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La commission des richesses naturelles et des terres et forêts continue l'étude des crédits. Les membres de la commission ce matin sont les suivants: MM. Assad (Papineau), Bédard (Chicoutimi), Bellemare (Johnson), Bérard (Saint-Maurice), Carpentier (Laviolette), Ciaccia (Mont-Royal), Toupin (Champlain) remplace M. Cour-noyer (Robert-Baldwin), Faucher (Nicolet-Yamaska), Lessard (Saguenay), Malouin (Drummond), Pelletier (Kamouraska-Témiscouata), Perreaùlt (L'Assomption) Picotte (Maskinongé), Samson (Rouyn-Noranda)!

Nous en étions au programme 2, je crois.

M. Lessard: Programme 3.

M. Toupin: Le programme 2 avait été adopté je pense, si ma mémoire est fidèle.

Protection de la forêt

Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme 2, adopté. Programme 3. Elément 1 : prévention et lutte contre les incendies.

Prévention et lutte contre les incendies

M. Lessard: M. le Président, prévention et lutte contre les incendies, il s'agit d'un accord, je pense, entre les sociétés régionales et le ministère des Terres et Forêts. $5 540 100 sont prévus; le ministère des Terres et Forêts paye, je pense, 50%. Comment se repartissent les montants des différentes sociétés régionales?

M. Toupin: Je pense que les sociétés régionales sont traitées toutes sur le même pied mais étant donné que la question est plutôt technique, je demanderais au responsable, M. Boissinot, de donner plus de précisions sur la réponse.

Ce n'est pas exact 50%. C'est au prorata de la superficie que le ministère fait protéger par ces sociétés. Ce qui est 50%, c'est le coût d'extinction exclusivement qui est une bien petite partie du budget en fait. Alors, en pourcentage, ce qui est payé, je peux vous donner, si vous voulez, le montant de chacun. Pour 1976/77, pour l'année qui vient?

M. Lessard: Ce qui est prévu.

M. Toupin: $671 258 pour la Société de conservation de la Gaspésie, $489 252 pour le sud du Québec, $421 268 pour Québec-Mauricie, $756 998 pour la Côte-Nord plus $416 261 pour la Basse-Côte-Nord, cela c'est la partie qui est exclusivement protégée pour terres et forêts. Saguenay-Lac-Saint-Jean $848 569 plus $10 000 pour des territoires nordiques. Société de conservation de l'Outaouais $497 324, Société de conservation du Nord-Ouest $1 118 797 et pour les territoires nordiques $70 000.

Cela fait un total de $5 299 737.

M. Lessard: Quand on parle du prorata de la superficie de territoire qui est protégé par le ministère des Terres et Forêts, en comparaison du montant de $5 540 100, quel est le montant prévu pour les compagnies forestières?

M. Toupin: Je ne puis vous le donner, mais je puis vous donner le pourcentage que le ministère a payé du budget, si vous voulez, de ces sociétés l'an passé.

M. Lessard: D'accord. M. Toupin: Société de la Gaspésie, 71%. M. Lessard: Le ministère a payé 71%? M. Toupin: 71% du budget.

M. Lessard: Pour une superficie qui correspondait à quoi?

M. Toupin: A 71%. M. Lessard: D'accord.

M. Toupin: Société du Sud du Québec, 93,1%; Québec-Mauricie, 24,1%; Côte-Nord-Baie-Comeau, 54,6%; Saguenay-Lac-Saint-Jean, 58,1%; Société de l'Outaouais, 31,8%; Nord-Ouest, 75,7%.

Cela, c'est le pourcentage que le ministère a payé aux Sociétés de conservation pour la prévention, c'est-à-dire pour tout le travail qui se fait avant l'extinction. Ce sont les terres publiques non concédées.

M. Lessard: Alors, cela, c'est pour la prévention. Maintenant, pour les incendies comme tels?

M. Toupin: Pour l'année 1975, il y a eu 1963 incendies, 42 000 acres. Les frais d'extinction sont de $2 352 000 et on a payé sur cela 50%.

M. Lessard: S'agissait-i! d'incendies qui étaient sur les concessions forestières, sur des concessions qui appartenaient à des compagnies?

M. Toupin: Indifféremment, il n'y a pas de problème.

M. Lessard: Indifféremment, c'est-à-dire que ce sont les sociétés de conservation qui ont la responsabilité d'éteindre les incendies. Que ce soit sur les concessions ou que ce soit à l'extérieur des concessions, le ministère paie 50%?

M. Toupin: C'est cela.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Elément 1, adopté?

M. Lessard: Non, M. le Président. Je veux quand même faire une remarque. C'est véritablement le "no fault" , mais le fait qu'on ne tienne pas compte des territoires qui sont sous concession et des territoires qui sont sous le contrôle du gouvernement, du ministère des Terres et Forêts m'apparaît un peu curieux. Il me semble que les compagnies ont certaines responsabilités, et que la protection de leurs territoires, on y participe à un certain pourcentage. Il me semble que, lorsqu'il arrive des incendies, il devrait y avoir une participation plus forte. On va voir tout à l'heure ce qu'on retire de nos forêts; non seulement on les leur cède bien souvent à des prix qui sont assez bas, mais on a, en plus, la responsabilité d'éteindre les feux ou de payer pour certaines conséquences néfastes. Je trouve qu'on les traite bien; on les traite très bien.

M. Toupin: Alors, vous considérez que la participation des compagnies à l'extinction n'est pas assez forte.

M. Lessard: En ce qui concerne l'extinction comme telle. Lorsqu'il s'agit de territoires qui sont sous administration gouvernementale, j'aimerais bien savoir comment se répartissent les incenties. Je comprends que les compagnies se trouvent aussi à payer pour les territoires qui sont sous administration gouvernementale lorsqu'il y a feu. Je ne sais pas s'il y aurait moyen de savoir quelle est la superficie qui, l'an dernier, a souffert d'incendies, des territoires qui sont sous concession forestière, par rapport aux territoires qui ne sont pas sous concession forestière? J'imagine que les territoires exploités sont plus sujets à des feux.

M. Toupin: Non en nombre. M. Lessard: Non.

M. Toupin: Non en nombre. En importance, cela peut arriver, certaines années, en superficie brûlée. Mais en nombre, la plupart du temps, c'est en dehors des concessions, sur les terres publiques où la circulation est très grande.

M. Lessard: Alors, les compagnies se trouvent à financer les feux qui sont sous...

M. Toupin: Incidemment, on a eu des reproches de la part des compagnies à l'effet que c'étaient les pêcheurs qui mettaient le feu et, effectivement, c'est vrai; je peux vous en donner des statistiques. Elles devraient payer pour cela. Elles nous ont demandé, par l'entremise de leur participation à la société, d'essayer de touver un moyen de faire payer peut-être le ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche.

Pour le moment, on considère que c'est une mutuelle, et jusqu'à preuve du contraire, on pense que bon an, mal an, sur une longue période, elles n'y gagnent pas et on n'y perd pas non plus.

Autrefois, dans l'ancienne loi, c'est celui d'où originait le feu qui payait, mais c'est tellement difficile à établir assez souvent et, à ce moment, il n'y a plus d'effet de mutuelle.

M. Lessard: Vous avez entendu parler des causes d'incendies, Vous avez, à un moment donné, une analyse des causes d'incendies, quand vous dites que ce sont surtout les pêcheurs. C'est basé sur quoi?

M. Toupin: C'est basé, je peux vous le donner, sur le total de 1963 feux qu'on a eus: la foudre, 486...

M. Lessard: 1963, d'accord.

M. Toupin: II y en a eu 486 causés par la foudre; 61 causés par le chemin de fer — en passant, le chemin de fer paie tous ces feux à 100%— opérations forestières, 103 feux; opérations industrielles, 161 feux; incendiaires, 120; résidents — assimilés à des chalets de villégiature — 260; récréation, 756; divers, 16.

M. Lessard: Récréation, 700? M. Toupin: Récréation, 756.

M. Lessard: Comment pouvez-vous déterminer l'origine du feu?

M. Toupin: C'est bien facile, en envoyant un avion et en regardant d'où provient le feu.

M. Lessard: D'où il provient.

M. Toupin: Regarder le feu qui est un feu de campement, de camping, la plupart du temps.

M. Lessard: Par rapport à un feu où il y a de l'exploitation forestière ou...

M. Toupin: C'est cela. C'est rendu à un tel point que, dans un programme qu'on est à mettre au point dans la société de l'Outaouais, les fins de semaine, on fait la prévision des feux qui s'en viennent. On prend la température, la sécheresse, les combustibles mais aussi on additionne à cela la fréquentation, qui augmente énormément le risque de feux. Ce sont les personnes ignorantes, malveillantes, négligeantes qui causent la majeure partie de nos feux de forêt. L'an passé, incidemment, moi-même, j'ai menacé de restreindre la circulation, telle qu'elle était autrefois, si la situation avait duré, parce qu'on n'était pas plus capable d'en venir à bout; il y avait trop de feux dès le début du printemps.

M. Lessard: A part cela, cela n'a pas été une année trop trop difficile?

M. Toupin: C'était très difficile au printemps.

M. Lessard: Oui, au printemps, mais malgré la température, c'était...

M. Toupin: On considère que c'est une année très difficile, surtout que c'était dans toute la province. Cela a tout pris; une chance que le service aérien nous a bien épaulé, on a eu tous les avions pour faire le travail; sans cela, on aurait eu de gros problèmes.

M. Lessard: Oui. Il y a un problème certain avec l'augmentation de la récréation en forêt.

M. Toupin: On a un bel exemple de cela dans le tableau qu'on vous a donné tout à l'heure où on remarque que pour le nombre d'incendies, je retourne ici à 1965 et je constate qu'en 1975 le plus grand nombre d'incendies qu'on avait eus, c'est en 1971, 1331 et, en 1975, on en a eu 1963. La superficie est beaucoup moindre, 42 000 acres. Evidemment, c'est là qu'on voit qu'il y a eu beaucoup de ces petits feux.

M. Lessard: Sur 42 000 acres en 1975 par rapport...

M. Toupin: Par rapport au même que tout à l'heure, il y avait 650 000 acres. Alors, vous voyez la différence. Aujourd'hui, on est pris avec un paquet de petits feux à cause de la fréquence de la récréation.

M. Lessard: Alors, le nombre d'acres diminue... M. Toupin: Considérablement.

M. Lessard: ... mais le nombre de feux augmente.

M. Toupin: N'oubliez pas qu'on a changé, l'an passé, le système d'extinction avec le Centre de coordination qui est ici maintenant au service aérien administré par le ministère des Terres et Forêts. C'est lui qui s'occupe de répartir, si vous voulez, les avions-citernes dans toute la province et au fur et à mesure des prévisions atmosphériques. On déplace ces avions avant le temps, alors qu'autrefois, il y a quelques années, des avions étaient, si vous voulez, prêtés aux sociétés de conservation au début de l'année et les avions étaient stationnés deux par deux dans toute la province. A ce moment-là, on n'avait pas de communications ra-diophoniques assez faciles pour déplacer ces avions.

Or, l'an passé, on déplaçait les avions par escadrilles, au fur et à mesure, à 24 heures d'avis, aux endroits où on prévoyait des feux. On est rendu à un point que nos prévisions météorologiques, par le gouvernement fédéral, sont assez précises qu'on peut effectivement dire: Demain, dans tel secteur, il va y avoir des feux. Alors, on peut déplacer notre équipement.

M. Lessard: Comment recevez-vous les avertissements concernant ces feux?

M. Toupin: C'est à peu près à 40% par nos avions de détection, qui sont de petits avions. Il doit y avoir une quarantaine de petits avions qui sont loués par les sociétés qui font la détection. Le reste est rapporté par le public ou les gens sur les lieux, les bûcherons, les compagnies forestières, etc.

M. Lessard: On avait déjà discuté de la possibilité d'un programme... Il y a une chose qui est très importante. Quand le feu est pris au début, les dommages sont moins considérables. On avait discuté de la possibilité d'avoir un programme associant les propriétaires d'avions privés.

M. Toupin: C'est impensable maintenant avec la très grande efficacité, si vous voulez, des CL-215 par rapport à ces petits avions.

M. Lessard: Non, mais je veux dire pour détecter les feux...

M. Toupin: C'est que la précision de la détection...

M. Lessard:... par pour faire l'arrosage.

M. Toupin: Non, d'accord. La précision de la détection n'est pas bonne. C'est que les avions, suivant la visibilité, font un circuit visible à cinq milles ou visible à dix milles. Ils ont deux sortes de circuits suivant la température, suivant la visibilité. C'est rapporté exactement suivant nos "grids" qui nous localisent, parce que découvrir un feu, c'est assez facile, mais le localiser sur une carte pour envoyer d'autres personnes le retrouver, c'est un autre problème.

M. Lessard: Normalement, ils sont supposés être capables de se localiser.

M. Toupin: Non. Souvent, des feux causés par le tonnerre sont retrouvés deux jours, trois jours après. L'avion-citerne les localise deux jours ou trois jours après qu'ils ont été rapportés, parce que, parfois, l'intensité diminue assez, puis cela ne se voit pas.

Il y a certaines périodes de l'été où on a de la brume sèche, comme on l'appelle, et c'est difficile de détecter des petites fumées. Il y a des feux, effectivement, qui s'éteignent d'eux-mêmes avant qu'on soit capable de les retrouver.

Les statistiques données tantôt démontrent assez nettement une amélioration.

M. Lessard: Concernant la superficie?

M. Toupin: Oui, très clairement. Ce qui est important, ce n'est pas tellement le nombre...

M. Lessard: Oui, oui.

M. Toupin: ... mais la superficie.

M. Lessard: Concernant la superficie, il y a une diminution considérable des pertes.

M. Toupin: On parlait de 40 000 acres par rap-

port à 600 000 acres. C'est dû à l'action rapide des avions-citernes par le centre de coordination, enfin, qui contrôle cette force de frappe.

Si on prend, de 1965 à 1975, une période de dix ans, les petites années, il y a eu, en 1965, 43 000 acres; en 1966, 20 000; en 1969, je ne sais pas ce qui est arrivé, il y a eu 3000 acres seulement, mais, en 1973, 7000 acres.

M. Lessard: II devait avoir de la pluie, comme de ce temps-ci.

M. Toupin: Oui, beaucoup moins d'incendies en 1973, 1974. La moyenne s'établit pour les dix ans à 167 000 acres et à 909 feux. Pour cette année, on n'en a que pratiquement 2000 pour 42 000 acres, ce qui est très bon.

M. Lessard: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Houde. Limoilou): Elément 1, adopté. Elément 2?

Production et lutte contre les insectes nuisibles et les maladies des arbres

M. Lessard: Elément 2. On en avait discuté justement l'autre jour. M. le ministre, lors de son intervention, nous avait expliqué que la diminution de $13 millions à $10 millions s'expliquait par le fait qu'il y avait un surplus d'inventaire et que, cette année, on avait besoin d'acheter moins de matériel comme tel. Mais le problème qui se pose de plus en plus, c'est la question justement de la pollution. De toute façon, j'aimerais qu'on me dise à un moment donné, le résultat de ces arrosages. J'avais une indication, il y a quelque temps — je n'ai pas l'article de journal devant moi — qui démontrait que le résultat était très faible, concernant la tordeuse.

Est-ce exact? Est-ce qu'on pourrait faire le point, à un moment donné? A chaque année, le ministère nous dit... On nous avait expliqué l'an dernier, particulièrement — et je ne veux pas recommencer — toute la question de l'arrosage. Il reste que, contrairement à ce qu'on nous explique et contrairement à ce qu'on nous affirme, il y a de plus en plus de témoignages qui démontrent — c'est arrivé en Nouvelle-Ecosse ou au Nouveau-Brunswick— qu'on a dû arrêter les arrosages parce qu'on s'apercevait qu'il y avait des conséquences sur les enfants.

Là, on est poigné avec le méthyle de mercure, on est poigné avec les arrosages du ministère des Terres et Forêts, on est poigné avec les arrosages de l'Hydro-Québec, en dessous des lignes de transmission. Tout cela accumulé fait que, de plus en plus, la pollution s'accumule. Depuis deux ans on a un programme très spécifique. On a fait une analyse du résultat, qu'est-ce que ça donne? On continue aussi, probablement, d'analyser des possibilités d'autres produits. Le Dr...

M. Toupin: Dr Smirnoff.

M. Lessard: ... Smirnoff avec son produit, sa BA.

M. Toupin: Le bacille thuringiensis.

M. Lessard: Thuringiensis, c'est cela. Où en sommes-nous concernant l'analyse de ces arrosages et les résultats que cela donne?

M. Toupin: Je pense qu'il faut établir un principe au départ. On pourra peut-être donner tantôt un certain nombre de chiffres si, toutefois, on en dispose, mais tout au moins certaines précisions sur les effets de ces arrosages. Il faut partir du principe que l'arrosage est un pis-aller, ce n'est pas une solution véritable au problème qui nous touche directement, la tordeuse de bourgeons de l'épinette.

Il y a, évidemment, le problème de la pollution. Plusieurs provinces du pays et même des Etats américains se posent les mêmes questions que nous. On se demande actuellement si c'est réel que cela peut affecter la santé humaine. On n'a absolument aucune donnée scientifique précise concluante qui nous permette de croire que c'est vrai, ou le contraire, qui nous permette de croire que ce n'est pas vrai. Il y a de la recherche qui se fait actuellement de façon très intensive; d'ailleurs, cette année, on a un budget de recherche, je pense, plus élevé que par les années passées pour tenter de trouver de nouveaux moyens ou de nouveaux insecticides qui seraient théoriquement moins nocifs que ceux qu'on utilise actuellement.

Mais le problème que nous avons en dépit de cela c'est que, si on arrêtait d'arroser, on risquerait des pertes passablement substantielles. Je pense que, là-dessus, le responsable au ministère pourrait nous donner certaines précisions sur les milles carrés, les acres carrées atteints par la tordeuse de bourgeons de l'épinette, celle qu'on arrose actuellement, et les résultats grosso modo que cela a pu apporter jusqu'à maintenant.

Cela, c'est la superficie qui est endommagée plus ou moins intensément par la tordeuse de bourgeons de l'épinette; c'est à peu près 88 millions d'acres.

M. Lessard: Cinquante pour cent.

M. Toupin: Sur cela, on a sélectionné huit millions d'acres à être traitées, les huit meilleurs millions d'acres qui sont aussi un potentiel pour nos usines, en particulier de la Gaspésie, qui sont plus en péril que les autres régions. Alors vous comprendrez, quand un journaliste juge que les arrosages ne sont pas bons, il peut se tromper; il peut tomber en dehors de cela d'abord. Maintenant, cela prend des yeux d'experts pour dire qu'un arrosage est réussi ou qu'un arrosage n'est pas réussi, parce qu'il n'est pas question de détruire ces chenilles, puis de les faire disparaître ces chenilles; c'est vrai.

Tout ce qu'on est capable de garantir, c'est de

maintenir la forêt verte, c'est-à-dire vivante d'ici à ce que la nature vienne à bout de cette épidémie.

M. Lessard: De garantir de maintenir la forêt? Non, il faut couper de toute façon après. On maintient...

M. Toupin: Non, mais on maintient la forêt verte pour les années 1985 à 1995, au moins pendant cette période-là pour que cela ne tombe pas à rien. D'ici ce temps, il y a un autre programme qui est mis de l'avant pour récupérer cela. Incidemment, la CIP, dans l'Outaouais, il lui reste encore un an. Si les arbres sont encore en bonne condition, elle va réussir à récupérer pas mal tout ce qui doit être récupéré.

Mais ailleurs, comme en Gaspésie, il va falloir absolument protéger cela si on ne veut pas que ces deux usines ferment. Cela c'est mon opinion...

M. Lessard: Quand vous parlez de récupération, est-ce que cela veut dire que ces compagnies doivent augmenter leur coupe?

M. Toupin: Pas augmenter, disons diriger, différer, si vous voulez, leurs programmes quinquennaux. En particulier dans un coin ils ont été obligés de fermer un camp et dire: On reviendra dans cinq ans quand on aura récupéré pendant quatre ou cinq ans le bois qui est mort ou qui est mourant. Dans ce secteur-ci, la partie brune ici, la CIP nous a demandé d'arroser, puis on a refusé. Ils nous ont demandé d'arroser seulement pour l'exploitation, c'est-à-dire étirer la vie des arbres. On ne peut pas se permettre cela.

M. Lessard: Maintenant, est-ce qu'on a fait des comparaisons, pour analyser le résultat, entre le fénitrothion, puis le bacille thuringiensis?

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Parce qu'il y a des expériences qui se font. On sait qu'il y a une différence de prix du simple au double avec le bacille par rapport au fénitrothion.

M. Toupin: II n'y a personne au monde qui ait dépensé plus d'argent et plus d'efforts pour prouver que le bacillus thuringiensis n'est pas à point actuellement, tel que produit dans les laboratoires, pour une lutte à la tordeuse de bourgeons de l'épinette. On a des problèmes de conservation du produit. On a des problèmes de dispersion du produit.

On a des problèmes de "timing", si vous voulez. Le bacillus thuringiensis est un insecticide qui agit lorsque la larve est plus grosse; autrement dit, plus elle en mange, plus elle meurt alors que le fénitrothion peut en prendre une dose minime et c'est immédiat.

A ce moment-là, les dommages sont déjà faits. C'est-à-dire si on décide que demain c'est le temps d'arroser, la larve est assez grosse pour être arrosée avec le BT, s'il pleut demain et qu'il pleuve après-demain, c'est final. Pendant ces deux jours les larves sont assez grosses et elles auront fait assez de dommages que nos arbres vont mourir. C'est un des points bien critiques du BT.

Il y a eu un symposium de tenu à Montréal, avec tous les experts de l'Amérique du Nord, sur le sujet. Malheureusement, le rapport n'est pas encore publié, mais nous y avons assisté et la conclusion a été que malheureusement ce n'est pas encore prêt, qu'il fallait continuer les recherches. Le bacillus thuringiensis, c'est vrai qu'il tue la tordeuse de bourgeons de l'épinette, il n'y a pas d'erreur. Seulement, de là à le faire absorber par la chenille, c'est le problème.

On continue des expériences cette année, ce n'est pas abandonné complètement; c'est sur une échelle très réduite cette année. On a quatre blocs différents, justement près du laboratoire du docteur Smirnoff, dans le Lac-Saint-Jean, ce sera à peu près 400 acres, 4 blocs. On fera des traitements avec témoins, fénitrothion-fénitrothion; fénitrothion-BT et BT seul. Et un nouvel insecticide qui sera mis sur le marché, s'il se déclare efficace.

M. Lessard: L'arrosage se fait par les avions du ministère.

M. Toupin: Non.

M. Lessard: C'est donné à contrat?

M. Toupin: C'est cela.

M. Lessard: Est-il exact que... Alors, c'est donné à contrat, donc payé sur la superficie arrosée?

M. Toupin: Oui, c'est exact.

M. Lessard: De quelle façon établissez-vous un contrôle concernant les superficies arrosées? Est-ce que ce sont des rapports qui vous sont faits? Avez-vous...

M. Toupin: C'est très facile. Nous avons des appareils de guidage par inertie dans lesquels il y a un "computer", dans lequel on introduit une carte qui poinçonne automatiquement la course de l'avion. On est sûr qu'avec ce système on ne fait pas d'erreur. En plus de cela, nous avons un petit avion bimoteur rapide qui surveille deux avions ordinaires.

M. Lessard: Lorsqu'on arrive sur un grand lac, je ne parle pas d'un petit lac, est-ce qu'on ferme les...

M. Toupin: Automatiquement, les grands lacs ont été mis dans le programme, dans le "computer". Alors, le pilote s'en va, il a son curseur qu'il suit et quand il arrive à un grand lac, même s'il ne le voit pas, la lumière s'allume et il ferme le chose. Quand il a passé le lac, automatiquement la lumière s'éteint et il arrose même s'il ne voit pas le lac. En plus de cela, il a instruction d'arrêter sur

tous les autres lacs qu'il voit ou qu'il peut voir à la vitesse où il voyage. Alors, les gros lacs sont introduits dans le programme, c'est automatique la petite lumière s'allume et il faut qu'il pèse dessus. Nous, nous avons un contrôle sur le gallon-nage; il est chargé avec tant de gallons. Le bloc qu'il a à faire est introduit dans le programme et il est sensé faire telle distance, telle ligne, telle ligne.

M. Lessard: En tenant compte de la superficie des lacs...

M. Toupin: C'est cela, les superficies qui sont introduites dans le programme.

M. Lessard: Qui sont introduites dans le programme. Donc, si, à un moment donné, vous pouvez quand même en arriver à constater si le pilote ferme ses valves ou ne les ferme pas...

M. Toupin: Oui, justement.

M. Lessard: ... ou s'il arrose les lacs ou s'il n'arrose pas les lacs.

M. Toupin: Maintenant, la plupart des aéroports, cette année — il y a seulement celui de Bonaventure où il va y avoir trois avions, — auront à peu près deux avions chacun. On a un bimoteur rapide. En plus, on a un contrôleur qui surveille tous les autres aéroports. Alors, s'il fait beau à l'aéroport où on a deux contrôleurs et qu'il fait mauvais dans les autres, il se déplace et s'en va là. Il y a quasiment toujours un contrôleur visuel par avion. Ce qu'il observe, à ce moment — là où on a le moins de contrôle, c'est sur la hauteur — c'est qu'il ne vole pas trop haut. S'il vole trop haut, l'efficacité est diminuée. Pour l'altitude, on a un contrôle, disons, seulement dans un appareil, à titre expérimental, cette année qui va tout enregis-ter sur ruban.

M. Lessard: Si le ministère arrêtait tout arrosage, cela donnerait quoi, comme conséquences? Il n'y a pas encore de journalistes, mais j'ai toute une série d'articles des chroniqueurs de plein air, etc.

M. Toupin: Je peux vous dire que...

M. Lessard: Chaque année, nous discutons du sujet. Chaque année, en fait, les spécialistes du ministère répondent à des questions. Chaque année, on revient avec les mêmes interrogations, les mêmes questions: Y a-t-il des conséquences ou pas? L'an dernier, on avait pris pratiquement une heure pour expliquer de quelle façon cela se faisait. Je comprends qu'il y a un choix. Tout arrosage apporte certaines conséquences, c'est certain. Maintenant, si on arrêtait d'arroser complètement et qu'on laissait la nature suivre son cours, comme on dit, et les éléments naturels agir, cela donnerait quoi?

M. Toupin: La première conséquence, d'abord, si vous partez dans l'ouest, dans la partie qui est morte, je peux vous montrer des photographies qui vous permettront peut-être de juger d'une forêt après le passage d'une tordeuse.

M. Lessard: J'en ai vu plusieurs.

M. Toupin: Non. Vous allez voir une photo, d'ailleurs, qui n'est pas prise au Québec, mais nous allons prendre des photographies de ce genre, cet été. Ces photographies ont été prises aux Etats-Unis. Imaginez-vous un petit feu de forêt, un pêcheur qui met le feu sur le bord de ça, combien de temps cela peut prendre pour faire flamber cette forêt. Ce seront des feux de forêts incontrôlables lorsqu'ils vont prendre.

M. Lessard: Le bois devient sec.

M. Toupin: Alors, deuxième conséquence, l'approvisionnement, si vous voulez, tient peut-être compte des feux de forêt normaux; il ne tient certainement pas compte des épidémies du genre de celles qui en train de traverser la Gaspésie où le sommet a été atteint l'an dernier mais, cette année, ce sera au même niveau. Le même niveau est prévu pour cette année. Alors, les deux scieries qui sont là sont réellement en péril, il n'y a pas d'erreur.

J'ai vécu cela comme jeune ingénieur, quand j'étais...

M. Lessard: En péril?

M. Toupin: C'est-à-dire qu'elles vont manquer de bois.

M. Lessard: Cela prend quatre ans avant que le bois meure véritablement. Maintenant, à courte période, elles ne sont pas en péril dans le sens qu'elles on du bois à couper en quantité.

M. Toupin: II y en a, au moins, pour quatre ans, si cela ne meurt pas.

M. Lessard: II y en a encore pour quatre ans. Mais après quatre ans...

M. Toupin: Mais, si on réussit les arrosages, elles vont en avoir au moins pour quatre autres années après. En Gaspésie, il est possible qu'on manque notre coup parce qu'au point de vue climatique et au point de vue du vol avec des gros avions, c'est très difficile. S'il fait mauvais pendant quinze jours, c'est bien dommage, on va manquer notre coup.

M. Lessard: Ce n'est pas la première fois qu'on a une épidémie comme celle-là?

M. Toupin: Non mais c'est la première fois qu'on a autant de sapins que cela, par exemple.

M. Lessard: Est-ce que vous avez un programme à long terme, pour modifier les essences?

M. Toupin: Oui, c'est la direction de l'aménagement, un programme très intense, pour essayer

de trouver une solution à cela. Il y a plusieurs hypothèses d'avancées mais qui n'ont malheureusement pas été vérifiées.

M. Lessard: Mais quand vous parlez du sapin, cela s'attaque particulièrement au sapin mais moins à l'épinette?

M. Toupin: Moins à l'épinette, quoique des ingénieurs forestiers de compagnies nous affirment avoir vu, lors de la dernière épidémie, des peuplements jeunes d'épinette blanche ravagés par la tordeuse des bourgeons d'épinette.

Il y a beaucoup de versions sur la tordeuse des bourgeons d'épinette. Ce n'est pas aussi connu qu'on l'a prétendu. C'est un animal qui s'adapte énormément aux conditions. Prenez les mauvaises conditions de température qu'on a eues cette année, il n'y a personne qui peut dire que cela va affecter la tordeuse. Il y en a qui disent oui, d'autres qui disent non et ils ont tous raison.

M. Lessard: Maintenant, est-ce que vous avez un programme complémentaire pour le producteur privé, l'exploitant privé?

M. Toupin: Les grands terrains privés, accessibles par quadrimoteur, qui sont, si vous voulez, adjacents ou inclus dans des gros blocs de forêt, oui. On arrose près d'un million d'acres encore cette année. Mais les petits terrains privés, on n'a pas de programme. On fait une tentative expérimentale, cette année, avec un gros hélicoptère. Mais cela s'avère très coûteux.

M. Lessard: Par exemple, je connais quelqu'un qui a un terrain de camping et qui est en train de voir complètement ses arbres ruinés. Cela lui coûte terriblement cher pour...

M. Toupin: Le problème aussi que cela nous pose, c'est qu'étant donné qu'on est incertain sur les effets que ces insecticides peuvent avoir sur la santé humaine, on est très prudents au moment où on s'approche des endroits habités de façon dense. On préfère agir avec prudence, plutôt que de mettre en péril la santé des gens. Alors, les petits boisés privés nous créent ce problème, en plus de ne pas avoir les moyens et la technique, d'éviter que cela devienne trop nocif pour la santé humaine, quoiqu'on n'ait pas, à ce jour, les données techniques et scientifiques qui nous permettent de croire que cela peut être dangereux ou pas.

M. Lessard: Maintenant...

M. Toupin: II y a une prudence là-dedans qui doit être exercée, avec prudence...

M. Lessard: Justement, une très grande prudence, comme en Nouvelle-Ecosse, je pense, où on a arrêté tout arrosage.

M. Toupin: Oui, par ailleurs, je crois qu'on i'a repris. J'écoutais une déclaration de M.

Lougheed — c'est plutôt au Nouveau-Brunswick, je pense.

M. Lessard: Nouveau-Brunswick.

M. Toupin: Le Nouveau-Brunswick, on en a parlé hier.

M. Toupin: M. Lougheed a dit qu'il continuait le programme parce que, actuellement, il n'avait pas en main les données lui permettant de croire que c'était mauvais pour !a santé humaine. Mais il a bien assuré l'Assemblée législative à ce moment-là que si, toutefois, il se rendait compte que c'est problématique, il n'hésiterait pas à cesser le programme.

Je pense bien qu'au Québec, ici, on a un peu la même opinion. Si, toutefois, des preuves évidentes étaient faites qu'il y a des dangers pour ia santé humaine, je ne pense pas qu'on ait le choix.

M. Lessard: Quelle est la participation du fédéral cette année?

M. Toupin: II n'y a aucune participation fédérale cette année, dans le cadre du programme.

M. Lessard: II s'était engagé au début?

M. Toupin: Je ne sais pas jusqu'où s'était engagé le gouvernement fédéral dans la participation financière. Il y avait des engagements; est-ce que c'étaient des engagements à long terme? Est-ce que c'étaient des engagements officiels ou bien si ce n'étaient que des engagements occasionnels, à titre expérimental?

Il y avait eu un engagement de M. Davis, dans le temps, un engagement à long terme. Pour des raisons d'ordre financier, lorsque est venu le temps d'effectuer un règlement, il n'a pas été effectué au total. Par la suite, avec l'arrivée de Mme Sauvé, il y a eu différentes discussions, avec le résultat que le fédéral a discontinué de participer à ce programme.

M. Lessard: Quand vous parlez de différentes discussions, je comprends qu'il y a peut-être eu une question économique. Au début, il y avait eu un engagement, je pense, sur une période de dix ans. Parce que notre programme, c'est un programme de dix ans. Il y avait eu un engagement, je ne sais pas si c'est un engagement écrit. Mais je sais qu'au début, lorsque nous avons commencé à discuter de ce programme, il y avait une participation du fédéral et on avait reçu l'assurance que le fédéral participait pendant toute la période que durait le programme. Quelles étaient les justifications de Mme Sauvé?

M. Toupin: Mme Sauvé, d'après ce dont je me souviens — je ne peux pas vous dire cela de façon très assurée — si je me souviens bien, c'est qu'il y avait des organismes publics. — il était question de l'environnement — qui faisaient de grosses pressions auprès de Mme Sauvé, à cause de l'en-

vironnement, pour essayer de faire discontinuer le programme. C'est à ce moment-là que Mme Sauvé, apparemment, se serait rendue à ces pressions qui ont été faites, avec le résultat qu'on en est là aujourd'hui.

Je voudrais ajouter deux éléments aussi. En plus de ceiui-là, il y a les restrictions budgétaires du gouvernement fédéral. Le troisième élément, c'est celui d'une volonté du gouvernement fédéral d'instaurer à travers tout le Canada une politique forestière qui soit, d'après lui, plus cohérente.

On discute actuellement d'une façon assez éloignée, non de façon intensive, avec le gouvernement fédéral de son option, c'est-à-dire de cette possibilité d'établir une politique canadienne des forêts.

M. Lessard: Donc, la raison qui a été invoquée par Mme Sauvé — c'est pour cela que je voulais le faire préciser — c'est une question d'environnement. Donc, il y a deux écoles.

M. Toupin: Je ne crois pas que ce soit la principale raison. C'est une des raisons, entre autres. Mais je ne crois pas que ce soit la principale raison. Il est possible que le gouvernement fédéral, par exemple, à cause des dangers que peut causer l'arrosage pour la santé humaine ou autre, se dissocie et dise: Je préfère attendre les résultats de la recherche avant de m'impliquer financièrement dans un programme comme celui-là. Il est possible que ce soit cela. Mais, si tel est le cas, je trouve qu'il est non seulement prudent mais qu'il est devenu sceptique, jusqu'à un certain point, vis-à-vis des programmes comme celui-là. Mais il y a surtout, je pense, l'élément budgétaire et l'autre élément d'une politique canadienne des forêts.

J'irais plus loin. Je pense que, si on s'entendait avec le gouvernement fédéral sur une politique canadienne des forêts, on pourrait avoir une participation, en dépit des programmes de l'environnement.

M. Lessard: Mais il reste que cela pose de nombreuses questions. Les solutions ne sont pas faciles parce qu'on est aux prises avec le problème de voir la forêt disparaître ou de faire quelque chose. Mais le ministère de l'Environnement du gouvernement fédéral, lorsqu'on a annoncé la fin de la participation, avait donné comme raison qu'il n'était pas convaincu des résultats et, deuxièmement, qu'il doutait de certains effets sur le milieu. Pendant ce temps, on continue. On a parlé du Nouveau-Brunswick, où il y avait eu des enfants qui avaient eu certains problèmes de la vue, je pense, ou d'autres problèmes.

M. Toupin: Le syndrome de Reye. Le rapport sur cela a été publié et il n'y a rien de positif actuellement.

Quand j'ai vu la première déclaration, dans le journal, d'un scientifique qui disait qu'il y avait des dangers, j'ai demandé tout de suite aux gars de se réunir. On a analysé la situation, on a participé à une conférence qui s'est tenue à Fredericton.

Cela, c'est le rapport, je pense, de la conférence de Fredericton, qui n'arrive pas à des conclusions positives, ni d'un côté ni de l'autre.

M. Lessard: Le problème, M. le Président, c'est que, chaque fois qu'on discute de pollution, on est toujours dans le secret. Quand on discute du méthyle de mercure, on est dans le secret, il faut se chicaner pour obtenir des rapports, pour voir quels sont les résultats. En fait, le public s'interroge énormément pour savoir si le gouvernement ne cache pas tout sur ces choses. Dans le cas du méthyle de mercure, par exemple, c'est en 1969 que des études ont été faites par le gouvernement fédéral et retransmises au gouvernement provincial, mais on ne vient que d'avoir le dépôt des études. On les a eues parce qu'il y a eu une fuite, à un moment donné, puis on sait quel est le résultat.

Ce fut la même chose, l'autre jour, où je discutais aux crédits du ministère des Richesses naturelles de la pollution par l'amiante, le fibre d'amiante. Encore là, je demandais des rapports, etc. Tout était caché, jusqu'à ce qu'à force de pousser le ministre, j'obtienne des informations qui démontraient que, dans une mine en particulier, par exemple, ou une compagnie en particulier, on avait constaté que la norme acceptable était dépassée de 25 et 30 fois. C'est tout ceia qui crée un climat malsain, qui fait que les gens doutent de tout, doutent des affirmations du ministère, doutent, à un moment donné, des rapports ou des informations qui nous sont données, parce que tout est caché.

La même chose pour la pollution par l'Hydro-Guébec Tout le monde pollue, tout le monde accumule sa participation dans la pollution. On entendait dire l'autre jour: On est dans la semaine de l'environnement. Je ne sais pas si c'est fini...

M. Toupin: Ce n'est pas encore fini.

M. Lessard: ...Ce n'est pas fini encore. Notre ministre national de l'environnement, M. Victor Goldbloom, pleurait à chaudes larmes sur la pollution, mais quand on constate le travail qu'il fait, on s'interroge énormément, parce que cela fait pitié au ministère. En tout cas, on n'est pas aux crédits de ce ministère. Mais c'est tout cela qui crée un climat où tout le monde se pose des questions, où tout le monde s'interroge.

On est rendu qu'on n'est plus capable de manger de poisson ou il ne faut pas en manger plus que deux fois par semaine. Mais le problème est que les conséquences se font sentir après, dans la maladie de Minamata, par exemple: les conséquences se font sentir dix, quinze, vingt ans après. Est-ce qu'on n'aura pas des conséquences de cela?

M. Toupin: Je suis d'accord avec le député de Saguenay que nous sommes actuellement au chapitre de ces problèmes de l'environnement, notamment lorsqu'il s'agit par exemple du pro-

gramme d'arrosage relativement à la tordeuse de bourgeons d'épinette; quant à nous, au ministère aussi, et quant au niveau des hommes de sciences, on est vraiment en état de recherche. On ne peut, ni d'un côté ni de l'autre, faire des affirmations vraiment catégoriques et positives. On ne peut pas faire cela dans ces cas. Il est possible que, dans d'autres cas, dans des mines, par exemple, on ait identifié vraiment le problème, et partout, je pense, où le problème a été identifié, le gouvernement a fait un effort, avec les moyens dont il disposait, pour corriger la situation.

Mais, dans le cas qui nous concerne ici, on peut remettre à l'Opposition et aux journalistes, si toutefois certains d'entre eux sont intéressés à avoir ces documents, le travail de recherche qui a été fait jusqu'à maintenant; on peut leur dire également les programmes de recherche qu'on met de l'avant, pour tenter de contrer le problème de la tordeuse de bourgeons d'épinette. On peut leur remettre les documents. Comme nous, ils vont constater qu'il n'y a pas là-dedans beaucoup plus de précisions qu'une sorte d'esprit d'état de recherche. On ne peut pas aller beaucoup plus loin que cela jusqu'à maintenant.

On pourrait, bien sûr, à la limite, pousser la prudence jusqu'à dire: On ne prend pas de risque. On laisse la forêt se détériorer. On verra tantôt des unises fermer leurs portes. On verra par conséquent des villes fermer, et je n'ai pas besoin de vous dire que, dans le Bas-Saint-Laurent, il ne faudrait pas fermer la forêt trop longtemps pour fermer des villes et des villages.

Il faudra trouver d'autres moyens dans le temps pour régler les problèmes du chômage, régler les problèmes de main-d'oeuvre, les problèmes de travail. Mais, le proverbe dit: Dans le doute, on s'abstient. Mais, nous croyons que, dans le cas qui nous concerne, nous devons continuer tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas une preuve évidente et positive qu'un tei programme est nocif pour la santé humaine. Les chercheurs qui ont écrit ces documents, ce ne sont pas les derniers venus.

M. Lessard: C'est un peu comme le méthyle de mercure.

M. Toupin: Je pense que leur crédibilité est aussi valable...

M. Lessard: Jusqu'à temps qu'on n'aura pas... M. Toupin: ... qu'un article de journaliste.

M. Lessard: Justement, jusqu'à temps qu'on n'aura pas de victime.

M. Toupin: C'est le problème. Si on attendait tout le temps d'éviter la victime avant de pratiquer, pour la première fois, une intervention chirurgicale, on n'en aurait pas, d'intervention chirurgicale. Il est possible que bien des gens meurent de l'appendicite aiguë parce qu'on n'aurait jamais eu le courage de faire une première intervention. Il est possible qu'il y ait eu, dans le temps, des pa- tients qui ont été plus ou moins sacrifiés dans ce secteur-là. On n'a qu'à regarder tout le problème de l'opération à coeur ouvert, la transplantation. C'est sûr, on peut soutenir qu'il y a eu huit ou dix victimes de cela; c'est possible qu'on puisse le soutenir, mais c'est possible qu'ils soient morts aussi avant. C'est la science, c'est le processus normal de la science.

Je suis bien d'accord. Je disais aux gars et j'étais bien sincère: Si vous avez le moindre doute que cela porte atteinte à la santé humaine, dans l'ordre de la maladie mentionnée, le syndrome de Reye...

M. Lessard: Syndrome de Reye.

M. Toupin: ... il n'en est pas question, on va cesser immédiatement le programme. Les $10 millions, on pourra les utiliser ailleurs, il n'y aura pas de problème pour cela. Mais, si les doutes ne sont pas suffisamment évidents, est-ce qu'on va risquer de perdre huit ou dix millions d'acres de forêt dans l'avenir, surtout les forêts les plus pioches des usines, parce qu'on a un doute incertain dans l'esprit? C'est le problème que ça nous pose; cela vous le pose aussi à vous et je suis convaincu que cela le pose aussi à la population au même niveau, exactement au même niveau. Peut-être que les parents sont inquiets quand les enfants vont dans une forêt qui a été arrosée, c'est possible que les parents soient inquiets. C'est quand même le dilemme dans lequel on se trouve. Quelle que soit la solution qu'on prenne, on prend des risques.

M. Lessard: C'est un programme à court terme, mais est-ce que dans un programme à long terme... Bien souvent, on dit que la seule solution à ces épidémies c'est un programme à long terme, à savoir une meilleure exploitation de la forêt et, probablement, une certaine modification des essences, mais comme on dit, on ne semble pas convaincu qu'elle s'attaque exclusivement au sapin baumier. Est-ce que, dans un programme à long terme, on prévoit des solutions du côté du ministère?

M. Toupin: De la recherce. On a un budget de recherche, cette année, qui est plus élevé par les années passées, si ma mémoire est bonne. La recherche a précisément pour objet de regarder d'autres moyens à utiliser, à prendre dans le temps pour contrer cette épidémie. Il est possible que si l'on s'oriente vers d'autres essences que ce soit une autre épidémie qui porte atteinte à l'essence et il est possible qu'on puisse se retrouver, un jour ou l'autre, avec la seule alternative de trouver un insecticide qui va parvenir à les détruire. C'est possible qu'on soit pris toujours avec le même problème quelles que soient les essences. C'est là le point d'interrogation dans la tête des chercheurs, actuellement.

M. Lessard: On n'a pas grand choix. M. Toupin: Pas beaucoup.

M. Lessard: C'est-à-dire que si, d'un côté, on prend le choix des environnistes, c'est-à-dire...

M. Toupin: Oui, la protection de l'environnement.

M. Lessard: ... des purs environnistes; on aurait tout mais...

M. Toupin: C'est l'économie qui en souffrirait.

M. Lessard: ... on aurait les autres conséquences.

M. Toupin: C'est la conséquence de la croissance de l'économie. Il a été un temps qu'il y avait tellement de forêts que c'était moins grave, mais aujourd'hui, avec l'industrialisation, la forêt est absolument nécessaire et si on n'agit pas, on va perdre d'énormes quantités de bois et tout cela au détriment de l'économie québécoise.

M. Lessard: Quelle est la participation des compagnies à ce programme?

M. Toupin: Le tiers.

M. Lessard: Le tiers du coût?

M. Toupin: Le tiers du coût.

M. Lessard: C'est-à-dire le tiers brut.

M. Toupin: Le coût total des arrosages.

M. Lessard: Oui, le coût total des arrosages.

M. Toupin: Elles paient le tiers.

M. Lessard: Est-ce aussi fonction de leur territoire?

NI. Toupin: C'est-à-dire qu'il y a de légères modifications par rapport...

M. Lessard: Des modifications.

M. Toupin: ... aux années passées. Tous les concessionnaires payent une partie au prorata de la quantité de bois qu'ils coupent. Ceux qui sont arrosés payent beaucoup plus, mais toutes les compagnies ensemble payent le tiers du coût total, mais, entre elles, elles se partagent ce tiers différemment. Elles payent toutes un petit peu au prorata. Je pense qu'elles payent 20% du coût, du tiers des compagnies ou du tiers, si vous voulez, de cela. Elles payent 20% au prorata de la quantité de bois qu'elles coupent annuellement, entre elles.

M. Lessard: Elles se partagent cela.

M. Toupin: Mais la participation, dans le cadre du programme général, pour nous, c'est le tiers. Evidemment, si on fait des arrosages sur le territoire d'une compagnie par rapport à une autre, la participation de celle où il y a arrosage est plus forte.

M. Lessard: Comment se répartissent les arrosages par rapport au territoire public et par rapport au territoire privé? Quand je parle privé, je parle de concessions forestières.

M. Toupin: Je ne sais pas si je l'ai.

M. Lessard: Quelle est la répartition, par exemple, sur la forêt domaniale, le pourcentage du coût de l'arrosage qui se fait sur la forêt domaniale par rapport à la forêt sous concession?

M. Toupin: Voyez-vous, cela peut vous donner une idée ici. La contribution de l'industrie forestière, en 1975, s'est élevée à $2 488 000.

M. Lessard: Vous dites deux millions...

M. Toupin: Non, mais cela ne donne pas... Je m'excuse.

M. Lessard: Oui, cela me donne la participation des compagnies.

M. Toupin: Oui, mais cela ne vous donne pas la superficie qu'on a arrosée Voilà, je l'ai. Il y a des grands terrains privés qui payent, vous savez cela? Les compagnies forestières qui ont des grands terrains privés, 2000 acres et plus, payent. Elles ont payé $64 000 pour cela.

Les concessions forestières comprises dans le programme de lutte ont payé $1 453 000. Le montant à être partagé par l'ensemble des concessionnaires, c'est $969 000.

M. Lessard: Dans le programme d'arrosage cette année — vous avez une carte du territoire qui est prévu pour être arrosé cette année — quelle est la superficie des concessions qui doivent être arrosées par rapport à la superficie de la forêt domaniale?

M. Toupin: Les superficies traitées selon la tenure des terres. Alors, concessions forestières, 4 457 000. Grands terrains privés, 119 187. Petits terrains privés, 875 271. Réserves indiennes, 71 070 Réserves cantonales, 31 969. Forêts domaniales, 1 288 212. Terrains vacants du domaine public, 393 491.

M. Lessard: Alors, vous me dites forêts domaniales, un million.

M. Toupin: 1 288 212.

M. Lessard: A peu près 25%.

M. Toupin: Vous additionnez aussi les terrains du domaine public, les réserves cantonales...

M. Lessard: 1 400 000.

M. Toupin: ... et les petits terrains privés pour lesquels le gouvernement paye 100%.

M. Lessard: Très bien.

M. Toupin: Enfin, c'est 4 455 000 sur 7 234 000. C'est 60/40 à peu près.

M. Lessard: Et sur cela, les compagnies fournissent $2 millions sur un programme de $10 millions.

M. Toupin: $2 488 000.

M. Lessard: A peu près 23% ou 24%, mettons 25% pour être généreux.

M. Toupin: Ou budget total.

M. Lessard: Oui, 25% du budget total, mais c'est 60% de leur territoire qui est arrosé.

M. Toupin: Elles paient le tiers seulement du coût de ce qu'on arrose chez eux.

M. Lessard: Elles ne paient que le tiers des arrosages qui se font sur leur territoire.

M. Toupin: La participation des compagnies est du tiers, et le territoire couvert par elles est à peu près 60% du territoire total. Alors, si on fait l'équation il est évident que, pour être réaliste, dans le sens de la question posée, normalement il devrait y avoir participation de 60%-40%.

M. Lessard: Le ministre en arrive à la conclusion que...

M. Toupin: C'est à la suite des questions que vous posez. Mais, il faut considérer les concessions forestières dans le cadre des révocations, dans le cadre d'une richesse naturelle qui appartient au Québec, qui n'appartient pas d'abord aux compagnies forestières. Il est bien sûr que le ministère se sent une responsabilité plus grande dans le domaine de l'arrosage.

M. Lessard: J'en arrive, en fait, graduellement à ces questions. Si on fait, un effort considérable sur les territoires de concessions forestières — ce sont quand même des territoires publics, parce qu'ils sont concédés pour une période de temps déterminé — on ne fait pas pour autant d'efforts vis-à-vis les propriétaires privés, les propriétaires de boisés de plusieurs régions, telles que la Beauce. Je comprends que, quand on me parle de la protection du public, on me parle des dangers, mais on arrose quand même, sur le littoral, passablement au sud et près des régions habitées.

Alors, vous avez, par exemple, des régions comme la Beauce, comme le Bas-du-Fleuve, la Gaspésie, où il y a — je ne parle pas de la Gaspésie — des concessions forestières, je parle des territoires privés où il semble que les gens n'ont pas d'aide du ministère de ce côté. Alors, on fait un effort considérable... Je suis bien d'accord, M. le Président, pour dire qu'il faut arroser pour prévenir la fermeture de compagnies, etc. Mais il faut aussi arroser pour aider la petite entreprise, le petit exploiteur privé, s'il le faut. On pourrait au moins l'aider dans un programme, selon les mêmes conditions que pour les compagnies; c'est un strict minimum. Alors, on devrait aider au moins, si les résultats sont positifs, le producteur privé dans ce sens. Je ne sais pas combien cela peut coûter, mais un producteur privé qui a 1000 acres, par exemple, pour arroser son territoire, cela peut lui coûter combien? Il y a des producteurs privés qui font de l'exploitation forestière, qui sont aux prises avec un problème vraiment sérieux et qui n'ont pas l'argent nécessaire.

Je parlais, tout à l'heure, d'un terrain de camping qui, l'an dernier, était obligé d'investir $15 000 ou $20 000 par année. Ce n'est pas tous les producteurs privés qui sont capables de faire cela.

M. Toupin: Je pense qu'on a donné tantôt un certain nombre de raisons pour lesquelles nous sommes un peu réticents vis-à-vis des petits terrains privés. Ils sont, pour la plupart d'entre eux, à proximité d'habitations, de villages, et c'est encore plus vrai quand il s'agit d'un terrain de camping. Le terrain de camping est en dessous de l'arbre, alors c'est donc dire...

M. Lessard: Lui, son programme, c'est le bacille.

M. Toupin: Mais le problème que cela nous cause aussi, c'est que nous sommes sur terres privées et non pas sur des terres publiques. Nous ne sommes pas non plus sur des terres semi-publiques et...

M. Lessard: Mais vous avez des demandes?

M. Toupin: Oui, c'est bien sûr. Si nous répondions à toutes les demandes que nous recevons, il n'y a pas que sur cela qu'il faudrait répondre oui; il faudrait répondre oui sur bien des choses. Je n'ai pas besoin de vous dire que si nous répondons à une demande positivement, les désirs sont insatiables; on peut y aller au maximum dans ces choses-là, ce n'est pas un problème.

M. Lessard: D'accord, mais je fais la comparaison entre l'aide qu'on donne aux compagnies et l'aide qu'on donne au producteur privé parce que le producteur privé...

M. Toupin: Je ne pense pas que...

M. Lessard: Si vous me le permettez, M. le Président. Le producteur privé qui fait de l'exploitation forestière n'a pas le choix. C'est sa façon de vivre, c'est le revenu de sa famille, il doit en faire de l'arrosage.

M. Toupin: D'accord, mais vous comparez les

compagnies, quand vous dites qu'on aide les compagnies; on n'aide pas les compagnies, on fait participer les compagnies à un programme d'arrosage pour protéger une richesse naturelle. C'est autre chose.

M. Lessard: La même chose ne pourrait-elle ne pas se faire vis-à-vis des producteurs privés?

M. Toupin: Sur les grands terrains privés, je pense qu'on vous a dit tantôt...

M. Lessard: Ils appartiennent à des compagnies?

M. Toupin: Pas nécessairement, ils peuvent appartenir aussi à des individus; c'est 2000 acres et plus.

Oui, on englobe les petits terrains dans cela, pour autant que cela touche une grande forêt; il y en a beaucoup en Gaspésie effectivement. Il y a la Gaspésie et le Témiscouata qui sont arrosés.

On touche aussi les boisés privés qui appartiennent aux compagnies ou à des individus ei ils paient pour cela; la compagnie paie plus cher, je pense, pour son terrain privé que si c'est une terre semi-publique. J'appelle cela semi-public parce que le fonds de terre nous appartient et ce n'est que la coupe du bois qui, théoriquement leur appartient. Encore là, il faut faire des distinctions. C'est le problème qui nous est posé au niveau des petits boisés privés, mais ils sont près de la population. Il y a des expériences qui se tentent, comme on T'avait dit tantôt. On va en tenter avec des hélicoptères, on peut tenter aussi l'expérience avec des arrosages à la mitaine, si on peut s'exprimer ainsi; je le fais pour mes pommiers. J'ai quelques pommiers dans ma cour et j'arrose mes pommiers à l'aide d'une bonbonne. Je vais les arroser la semaine prochaine. Les propriétaires privés peuvent faire la même chose, mais les arbres sont beaucoup plus longs. Alors, cela devient beaucoup plus compliqué, beaucoup plus complexé c'est onéreux. Je ne crois pas qu'au ministère on ait, jusqu'à ce jour, trouvé une méthode qui soit valable pour les petits propriétaires privés, tout en s'assurant d'un minimum de protection. Je ne pense pas qu'on ait trouvé la méthode qui nous permettrait une participation économique. C'est-à-dire que le gouvernement n'est, sans doute, pas prêt à dire: On va mettre $1 million pour aider la petite forêt privée selon telle méthode. C'est la méthode qu'on n'a pas. C'est ce qui nous fait hésiter à adopter un programme comme celui-là. D'autant plus que les populations sont beaucoup plus vulnérables parce qu'elles sont plus nombreuses dans des cas pareils. Ce sont tous ces éléments qui nous font hésiter à faire cela.

D'ailleurs, reportons-nous dans d'autres secteurs de production. Prenez, par exemple, le ministère de l'Agriculture; il ne subventionne absolument rien concernant les arrosages au niveau des maraîchers, au niveau des pommiers et des autres cultures qui nécessitent des arrosages de quelque nature que ce soit.

M. Lessard: Le ministère de l'Agriculture ne le fait pas pour des entreprises: il ne le fait pas pour le producteur, il ne le fait pas pour les grandes entreprises. La relation que je fais, c'est que puisqu'on le fait pour les concessions forestières pour protéger leurs essences, en même temps, je pense qu'on pourrait, sous forme d'un programme, sans faire l'arrosage directement, prévoir que, si un producteur a besoin de fénitrothion, par exemple, et besoin de s'organiser pour arroser, on le subventionne.

M. Toupin: Cela pourrait être possible. Je ne crois pas qu'on ait trouvé au ministère une méthode qui soit valable ou rentable et pour le producteur privé...

M. Lessard: Je comprends, je le fais aussi sur mes arbres; j'en ai peut-être une dizaine d'arbres, il n'y a pas de problème, je prends ma pompe et j'arrose.

M. Toupin: Oui, mais il y a plusieurs types d'arrosage. Quand il s'agit d'un terrain de camping, c'est simplement pour la protection de l'environnement naturel, c'est-à-dire qu'on veut garder ses arbres pour que ce soit plus beau sur le terrain de camping. Quand il s'agit d'un propriétaire de boisé privé qui a 100 acres, le type ne vit pas avec cela, c'est évident.

M. Lessard: Non.

M. Toupin: Alors, cela devient un complément souvent très minime.

Quand il s'agit d'une forêt...

M. Lessard: Si les producteurs voulaient s'associer pour élaborer...

M. Toupin: ... quelques milliers d'acres. A ce moment, il est certain qu'il touche à...

M. Lessard: Mais si les petits producteurs de 100 ou de 200 acres s'associaient pour élaborer un programme pour protéger leurs forêts.

M. Toupin: II n'y aurait pas d'inconvénient à cela. Au contraire, je serais d'accord pour que les producteurs privés ensemble, par l'intermédiaire de leur syndicat ou de leur plan conjoint, préparent des programmes concrets. Je suis prêt à les regarder demain matin, à la condition, évidemment, que cela cadre avec les préoccupations dont on vous a parlé tantôt. On vous a dit tantôt qu'une de nos restrictions était le fait que ces boisés privés sont trop proches des habitations. C'est une restriction fondamentale.

Maintenant, on peut trouver des méthodes d'arrosage qui sont peut-être plus sécuritaires que par avion ou par hélicoptère. Mais, si c'est nocif, qu'on arrose avec un avion, un hélicoptère ou un jet, c'est nocif. Si ce n'est pas nocif, ce n'est pas nocif. Ce qui est bien important, c'est la question de responsabilité. Les gens demandent qu'on arrose, mais ils ne sont pas prêts à nous dégager de la responsabilité. C'est là le problème. C'est un autre aspect de la question.

Dans la région de culture des arbres de Noël, évidemment, le ministère fournit des pompes motorisées pour aider ces producteurs bien spécialisés qui viennent de démarrer dans cette industrie, à arroser leurs arbres. Mais, je ne crois pas que ce soit, je ne crois pas qu'on puisse accepter un programme comme celui-là. Je pense que c'est la méthode qu'il faudrait trouver pour s'assurer d'un minimum de protection. On y a pensé, mais on n'est pas capable, on n'a pas assez de personnel pour superviser ce programme.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Elément 2,adopté?

M. Lessard: M. le Président, la conclusion à laquelle on arrive tout le temps, chaque fois qu'on fait l'étude de ce programme, c'est que malgré tout ce qu'on peut dire, malgré tous les points d'interrogation qu'on peut poser, malgré les différentes thèses qu'on envisage d'un côté comme de l'autre, que ce soit la thèse de l'environnement ou la thèse de la protection de la forêt, on n'a pas le choix, on arrive toujours au même résultat. On n'a pas le choix: ou bien on fait cela, ou bien c'est une des grandes industries du Québec qui est mise en danger.

M. Toupin: Je pense que le dilemme est réel, quelle que soit la position qu'on prenne, on prend des risques. Nous considérons que le risque que nous prenons est un risque calculé qui est moins dommageable pour l'ensemble de la société que celui de ne pas arroser du tout.

M. Lessard: Elément 2, adopté.

Education en conservation

Le Président (M. Houde, Limoilou): Elément 3,éducation en conservation.

M. Lessard: Comment se répartissent les $638 900? Vous avez des subventions que vous accordez à ce titre, quels sont les programmes qui sont prévus?

M. Toupin: Evidemment, il y a toute une série ici que l'on pourrait énumérer. Je peux donner les détails; les $638 900, vous avez la partie traitements, 21 employés du service du Centre d'interprétation de la nature de Duchesnay, comprenant les professionnels techniques et les employés de bureau. Après cela, vous avez les autres rémunérations, il s'agit d'ouvriers. Le service des transports et communications, en fin de compte, ce sont tous les frais inhérents au contrôle et à la surveillance des activités. Frais de déplacement des employés ayant séjourné sur le terrain au cours de l'été, cela inclut les frais de déplacement, de logement, de nourriture pour les employés occasionnels et les étudiants.

M. Lessard: Services, c'est quoi?

M. Toupin: Services professionnels adminis- tratifs et autres, $169 800, on peut vous donner les détails.

M. Lessard: Oui, parce que cela fait quoi dans l'éducation en conservation?

M. Toupin: Un instant.

M. Lessard: J'ai toujours pensé que l'éducation en conservation du milieu forestier était plutôt donnée sous forme de subventions et d'aide à certains clubs 4-H et autres sociétés qui faisaient de l'éducation.

M. Toupin: C'est cela aussi.

Voyez-vous, on a ici, pour 1975/76, des subventions accordées, des contrats à l'Association forestière québécoise Incorporée; après cela, il y a eu l'Université Laval, le Morgan Herboratum and Woodland Development Association. En grande partie, c'est la réalisation de classes de nature, l'amélioration de centres, l'initiation des jeunes au milieu forestier et des choses du genre.

M. Lessard: Est-ce que le Centre écologique de Montmorency est compris là-dedans?

M. Toupin: Oui. Le futur Centre écologique des Palissades aussi...

M. Lessard: Après cela, celui de Saint-Siméon?

M. Toupin: II est là également. M. Lessard: Combien est-ce...

M. Toupin: II y avait Duchesnay, Parc lac Perry, les Palissades; après cela...

M. Lessard: Pour les Palissades, il y a combien de prévu?

M. Toupin: II y avait $45 300 l'an dernier. Cette année, le montant n'est pas mentionné ici. Il est prévu, au programme des travaux de 1977, des crédits pour exploitation du centre, l'accueil du public et des groupes, le début de l'aménagement du pavillon d'interprétation.

Il y a des crédits, dans un autre domaine, à l'OPDQ pour la construction d'un gros pavillon.

M. Lessard: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme 3, adopté.

Programme 4, Utilisation de la forêt. Elément 1.

Utilisation de la forêt

M. Lessard: Un instant, M. le Président. D'abord, dans l'utilisation de la forêt, est-ce qu'on a fait une analyse ou est-ce qu on pourrait m'indiquer la somme des redevances exigées par les dé-

tenteurs forestiers? Quels sont les critères et les normes sur lesquels on se base pour exiger ces redevances?

Vous savez, on arrive à une compagnie et elle nous dit: Nous autres, on paie $5 la corde. On arrive à une autre compagnie et c'est $2.50 la corde. On arrive à une autre compagnie, comme Rayonier Québec, et c'est $1.25. C'était $0.50 au début et, maintenant, c'est rendu, je pense, à $1.25. Sur quoi est-ce basé? Plus que cela, on arrive avec une série d'arrêtés en conseil qui, par la suite, corrigent ou viennent diminuer ces redevances.

Par exemple, dans le cas de Kruger, à Bromptonville, il y a eu une diminution assez considérable des recevances pas l'arrêté en conseil 1019-75, du 12 mars 1975; il y a, même une compensation pour les frais de prévention d'incendies forestiers; $0.35 pour compenser en partie des frais de prévention d'incendies forestiers, $0.15 pour les frais de lutte contre les épidémies d'insectes forestiers et les maladies cryptogamiques — c'est quoi, cela? — une prime de $0.10 sur les mêmes bois pour les frais d'extinction des incendies que le gouvernement assumera.

En plus de déterminer des redevances, par la suite, par arrêté en conseil, on vient corriger ces redevances. J'aimerais savoir quelle politique a été établie pour déterminer les redevances.

M. Toupin: Je pense qu'on devrait dire au départ, sur une question comme celle-là... Les montants totaux récupérés, on pourrait peut-être les donner.

(Ce ne sont pas les paiements différés; il parle de la variation des droits de coupe entre les détenteurs de permis.)

Je sais, mais au total on récupère combien?

En droits de coupe?

Oui, en droits de coupe.

Aux alentours de $26 millions. Non, c'est-à-dire que la récupération qui a été faite cette année, les encaissements..

Cela varie d'une année à l'autre, mais, en moyenne, c'est une quinzaine de millions par année.

Une quinzaine de millions, oui. On va le voir ici.

Partons du chiffre suivant, c'est entre $15 millions et $16 millions, en moyenne, selon les années, selon les quantités de bois, évidemment, qui sont coupées une année par rapport à l'autre. En moyenne, on peut dire que cela rapporte au ministère, en termes de royautés, si on peut encore utiliser ce vieux terme, entre $15 millions et $16 millions.

Maintenant, quels sont les critères qui président à tout cela? Je ne crois pas que le ministère des Terres et Forêts ait établi, au départ, une valeur à donner à un droit de coupe. On a établi, à un moment donné, un droit de coupe. Il est rendu maintenant, si on prend le droit de coupe de façon générale à $5 environ, sur des concessions forestières.

M. Lessard: $5 pour toutes les concessions?

M. Toupin: $5 le cunit pour l'ensemble des concessions forestières. C'est ce qu'on pourrait appeler le droit de coupe général que, normalement, chaque entreprise devrait accepter de payer. Maintenant, si nous entrons dans des contrats d'allocation après une révocation forestière, ou un contrat d'allocation qui touche une forêt domaniale, nous avons, en plus de ce droit de coupe, d'autres exigences; par exemple, celle de taxer la compagnie pour les chemins qu'on fait, la protection de la forêt. C'est exactement ce que vous disiez tantôt dans l'arrêté en conseil.

M. Lessard: Je m'excuse, je l'ai mal dit. M. Toupin: D'accord.

M. Lessard: J'avais dit que c'était de la soustraction alors que c'est de l'addition.

M. Toupin: De l'addition, c'est ça. Ce sont des contrats d'approvisionnement sur des terrains qui appartiennent au public, c'est-à-dire c'est de la forêt publique en totalité, des forêts domaniales ou des concessions forestières qui ont été rétrocédées et qui sont maintenant dans la forêt domaniale. C'est ce qui me fait dire...

M. Lessard: Dans les concessions, c'est $5?

M. Toupin: Cinq dollars et quelque chose, ce sont les concessions forestières. On ajoute à cela, pour les terres publiques, des montants pour l'entretien des chemins, la forêt, la tordeuse de bourgeons d'épinette, etc. Alors ces montants varient de $1 à $3.35 pour ces éléments.

D'accord, parfait. Je me reprends. Sur les terres publiques...

M. Lessard: ...de consulter.

M. Toupin: Sur les terres publiques qui appartiennent au gouvernement, le droit de coupe varie entre $1 et $3.35.

M. Lessard: D'accord, ça va.

M. Toupin: D'accord, ça va. Puis je pense qu'on ajoute à cela, après, les montants dus pour les chemins et autres. Il arrive parfois, dans certains cas, en particulier sur les terres publiques, que le droit de coupe soit diminué, à cause de la qualité du terrain, à cause de l'éloignement du bois, à cause d'un tas d'éléments qui sont reliés directement à la ressource et qui 'coûtent plus cher d'exploitation.

C'est de cette façon qu'on agit actuellement.

M. Lessard: Quand vous parlez du droit de coupe comme tel qui est exigé, est-ce que c'est sur l'ensemble, sur tout le volume alloué ou c'est sur le bois coupé?

M. Toupin: Sur les concessions forestières, c'est sur le bois coupé. Dans les programmes...

M. Lessard: Dans les concessions existantes, actuellement, c'est sur le bois coupé.

M. Toupin: C'est sur le bois coupé. M. Lessard: Alors cela c'est $5.

M. Toupin: Cinq dollars et quelque chose. $5 le cunit juste. Oui, ce sont toujours les deux essences de base.

M. Lessard: Mais en tenant compte des possibilités de réduction en fonction du territoire, c'est $5?

M. Toupin: Sur les concessions forestières on ne touche pas à cela.

M. Lessard: C'est $5 pour tout le monde.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: D'accord.

M. Toupin: C'est surtout sur les forêts publiques qu'on fait...

M. Lessard: D'accord.

M. Toupin: ...varier le montant, la somme de $5. Cela peut être inférieur. Cela ne peut pas être supérieur, mais cela peut être inférieur à $5 sur les terres publiques. On ajoute d'autres éléments que le ministère doit assumer, alors que sur les concessions forestières, il ne les assume pas. Alors on les fait payer par les utilisateurs de la forêt.

Dans les contrats d'approvisionnement, qu'on signe à long terme, on applique, à venir jusqu'à maintenant, la politique suivante qui peut changer également, avec le temps; elle est à titre expérimental. C'est que si on assure, par exemple, une entreprise de 400 000 cunits par année, on l'oblige à payer, sur ses 400 000 cunits, le montant dû au gouvernement, même si les bois ne sont pas coupés. Mais s'il arrive parfois que nous sommes tenus, nous, à cause d'un programme d'approvisionnement qui a changé, d'obliger la compagnie à couper moins, il s'agit pour nous de savoir jusqu'où on doit être équitable, par rapport aux autres compagnies qui coupent sur les concessions forestières. C'est pour cela que je vous dis que ces contrats d'allocation à long terme peuvent varier avec le temps.

M. Lessard: Donc, sur tous les territoires qui sont actuellement sous concession, il n'y a pas de différence spéciale à savoir, par exemple, une redevance pour compenser les frais de prévention d'incendie, les redevances pour les frais de lutte contre les épidémies d'insectes, etc. A ce moment-là, il n'y en a pas.

M. Toupin: On l'a dit tantôt, ils participent au programme.

M. Lessard: C'est cela, ils participent au programme par l'intermédiaire des sociétés de conservation, par l'intermédiaire...

M. Toupin: ... du programme d'arrosage, etc. M. Lessard: Tandis que quand vous allouez... M. Toupin: Sur les terres publiques... M. Lessard: ... sur les terres publiques... M. Toupin: ... non concédées... M. Lessard: ... à ce moment-là... M. Toupin: ... on fait des charges.

M. Lessard: Mais ces entreprises ne participent pas comme telles...

M. Toupin: Non.

M. Lessard: ... aux programmes qu'on a énumérés tout à l'heure: protection contre les incendies, protection contre la tordeuse des bourgeons, etc. Ils paient, par exemple, un montant déterminé, soit $2.50, sur le bois alloué parce que, normalement, le bois alloué est le bois qui devrait être normalement coupé. Vous accordez les montants, les droits de coupe...

M. Toupin: Les quantités.

M. Lessard: ... qui sont demandés. En plus, vous ajoutez un montant comme cela, ici; je parle de l'arrêté en conseil 1019-75 concernant Kruger à Bromptonville. Vous ajoutez ceci: Un montant de $0.50 par unité sur tous les bois qui lui auront été garantis, dont $0.35 pour compenser, en partie, les frais de prévention d'incendies forestiers et $0.15 pour les frais de lutte contre les épidémies d'insectes forestiers et les maladies cryptogamiques; une prime de $0.10 sur les mêmes bois pour les frais d'extinction des incendies que le gouvernement assumera, sauf s'il s'agit d'incendies attri-buables à la grossière négligence de Kruger. Ce montant et cette prime seront sujets à révision tous les cinq ans selon les normes alors en vigueur, à l'exception du montant de $0.15 qui pourra être révisé annuellement.

M. Toupin: C'est exact. Vous décrivez l'arrêté en conseil...

M. Lessard: Est-ce que...

M. Toupin: ... c'est-à-dire qu'on a décrit dans l'arrêté en conseil la politique que vous expliquez.

M. Lessard: Est-ce que ces montants, que j'ai décrits, sont des montants fixes pour toutes les entreprises?

M. Toupin: Tous ceux qui ont des contrats d'approvisionnement.

M. Lessard: D'approvisionnement.

M. Toupin: Qui ne sont pas sur des concessions forestières.

M. Lessard: Maintenant, c'est la nouvelle politique du ministère: Toutes les compagnies seront, à un moment donné, sur le même pied.

M. Toupin: Sur un pied d'égalité en ce qui concerne des services en particulier.

M. Lessard: Lorsque vous reprenez une concession forestière, vous appliquez cette nouvelle politique.

M. Toupin: C'est exact, mais le taux peut varier. Le taux de droit de coupe peut varier. Je parle des droits de coupe, je ne parle pas de la participation pour les feux, les chemins, les insectes. Je dis: Les droits de coupe peuvent varier...

M. Lessard: Oui, d'accord.

M. Toupin: ... selon l'approvisionnement, selon la qualité du terrain, l'éloignement de l'usine, de la ressource, etc., pour éviter qu'il y ait une concurrence déloyale.

M. Lessard: En passant, les maladies cryptogamiques, M. le ministre — c'est une question politique que je vous pose — n'est-ce pas une nouvelle "gimmick" du gouvernement?

M. Toupin: Non, les maladies cryptogamiques sont...

M. Lessard: Cela s'applique-t-il sur les angiospermes ou sur les gymnospermes?

M. Toupin: ... reliées au génie forestier. On a des ingénieurs forestiers avec nous aussi; alors, on va leur demander ce que c'est.

M. Lessard: Est-ce que cela s'applique aux gymnospermes ou aux angiospermes?

M. Toupin: Oh, je ne le sais pas. Ce sont des maladies qui affectent les arbres en forêt.

J'aurais dû suivre le conseil de ma femme quand elle a pris des cours récemment sur cette question-là. Elle a dit: Je te les donnerai, rendu chez nous, le soir, et cela ne m'est jamais arrivé de les avoir pris. Alors...

M. Lessard: La nouvelle politique du ministère, concernant ies droits particulièrement pour les chemins, la prévention des incendies forestiers, etc., s'applique-t-elle à Rayonier Québec, ITT?

M. Toupin: Ils s'appliquent, mais d'une façon particulière à Rayonier Québec.

M. Lessard: Je ne parle pas des droits de coupe.

M. Toupin: Non, non. Le reste s'applique. M. Lessard: Je parle des $0.50.

M. Toupin: Je n'ai pas le contrat devant moi, je pense que c'est pour les chemins forestiers, pour la protection de la forêt, etc. Les droits de coupe sont liés au prix de vente du produit. Alors, ils sont rendus à...

M. Lessard: Ils sont indexés au prix de vente.

M. Toupin: C'est seulement le droit de coupe, cela. Ce soni des redevances fixes. Mais les autres redevances, ils les perdent. C'est en vertu de l'arrêté en conseil. Il n'existait peut-être pas à ce moment-là. Non, au moment où le contrat a été passé il y a certaines de ces clauses qui n'existaient pas; entre autres, il y avait les $0.15 le cunit qui, probablement, n'existaient pas.

M. Lessard: D'accord. Au sujet des frais de prévention d'incendies, est-ce qu'ils participent à raison de $0.35 ou à raison de l'autre programme dont on a parlé tout à l'heure, soit le programme de participation de la société de conservation de la forêt?

M. Toupin: Il faudrait revoir le contrat. Je n'ai pas le contrat en main, mais il n'y a pas d'inconvénient. Je vais regarder le contrat.

M. Lessard: Moi, je ne sais pas si c'est le contrat dont on parle, à savoir le protocole d'entente. Dans le protocole d'entente, je n'ai rien, j'ai le droit de coupe à $0.50, indexable selon le prix. Je n'ai rien d'autre, à ma connaissance, en tout cas.

M. Toupin: Oui, mais il est possible que dans le cas de Rayonier, étant donné que la politique que l'on vient de discuter n'était pas encore établie de façon finale, il est possible qu'on ait fixé un droit de coupe relié, indexé au prix du papier, qui avec le temps va rejoindre le droit de coupe payé sur les concessions forestières et qui touche à peu près à tout ce qui concerne la protection, les chemins forestiers, etc. C'est cela qui était l'idée de fond je pense.

Ils payent les chemins. Alors il faudrait revoir le contrat ou l'arrêté en conseil.

M. Lessard: Je l'ai le contrat. Mesures de prévention, de protection et de lutte contre les incendies, c'est l'annexe 7 de l'accord entre REXFOR et Rayonier Québec. En bon français québécois, c'est-à-dire en anglais!

M. Toupin: Ce sont les fonds forestiers cela, je suppose, avec REXFOR.

M. Lessard: Maintenant, il y a une traduction. Mesures de prévention, de protection et de lutte contre les incendies. Les frais de prévention et de protection contre les incendies de forêt sur toute l'étendue de la forêt domaniale à l'exclusion des

frais de lutte contre lesdits incendies seront supportés par le Québec qui consent à poursuivre et à intensifier ses efforts de prévention et de protection, à compter de la date de la signature de cet accord. Moyennant une prime de $0.08.5 la corde de Rayonier paiera en même temps que les droits de coupe de bois abattu, le Québec supportera les frais d'extinction des incendies à compter de la date de la signature de cet accord, sauf dans les cas d'incendies imputables à une faute lourde de la part de Rayonier.

M. Toupin: Vous avez une disposition particulière dans le cas de Rayonier.

M. Lessard: $0.08.

M. Toupin: Oui, sur la Côte-Nord, une forêt difficile d'accès, une forêt très loin, et le ministère, à ce moment-là, a consenti des avantages particuliers.

M. Lessard: Je comprends consenti, mais difficile d'accès, vous consentez des avantages très particuliers à un moment donné concernant des droits de coupe, mais concernant la surveillance, concernant la protection, une lutte contre les incendies, je ne vois pas pourquoi ils paieraient d'une façon différente, à un moment donné, que les autres entreprises.

M. Toupin: Cela fait partie de l'entente au moment où la compagnie a décidé de s'implanter au Québec.

M. Lessard: Cela fait partie du cadeau qu'on leur a accordé.

M. Toupin: Si on peut appeler cela comme cela.

M. Lessard: Puis cette entente, à un moment donné, cela ne se révise pas, c'est...

M. Toupin: II y a toujours une clause restrictive dans le contrat qui permet à l'une ou l'autre des parties de rouvrir le contrat. C'est comme des contrats d'approvisionnement chez des terres publiques, on signe des contrats de cinq, ou de dix, ou de quinze ou de vingt ans, mais on met toujours des clauses restrictives au cas où le ministère serait appelé à réviser sa politique.

Mais, dans un cas d'implantation d'industrie, au moment où l'on prend un "deal", une entente avec une industrie, autant que possible, évidemment, on tente de respecter les ententes premières qu'on a eues avec elle. A moins que le contexte général change.

M. Lessard: Les routes maintenant. Alors les routes c'est la même chose, c'est le Québec qui construit.

M. Toupin: Oui, mais Pierre-Paul me disait tantôt qu'il est possible qu'il y ait des prévisions de remboursement à un moment donné.

M. Lessard: Sans intérêt.

M. Toupin: Oui, puis en plus évidemment le sous-ministre me dit à l'oreille avec raison qu'il y a trois phases de prévues dans le cas de Rayonier et les trois phases font parties du programme et si l'une ou l'autre des trois phases ne sont pas réalisées, cela remet en cause le contrat.

M. Lessard: Est-ce que les $19 millions prévus à un moment donné pour REXFOR pour la location de machinerie et autres ont été entièrement dépensés jusqu'ici?

M. Toupin: Je ne pourrais le dire, mais je sais qu'il y a certaines sommes de dépensées, mais je ne pourrais pas dire où c'est rendu. C'est dépensé en totalité?

M. Lessard: C'est justement.

M. Toupin: On me dit que c'est dépensé en totalité.

M. Lessard: Alors c'est ça, c'est complété. Alors, maintenant, si vous me dites qu'il y a trois phases de prévues, les $19 millions n'ont pas été répartis sur les trois phases...

M. Toupin: Les $19 millions il...

M. Lessard: S'il y a une des trois phases qui ne se fait pas à un moment donné, que c'est de plus en plus possible que les deux autres phases soient douteuses actuellement, les $19 millions restent quand même prêtés à Rayonier, même si elle ne fait qu'une phase.

M. Toupin: Je pense qu'on peut réviser le contrat, à ce moment-là, et qu'on pourrait établir d'autres conditions, si le gouvernement juge à propos de les établir.

M. Lessard: Alors, les $19 millions, c'était pour l'achat de machinerie pour louer à Rayonier?

M. Toupin: C'est une phrase de démarrage qui était reliée à l'exploitation forestière.

M. Lessard: Et qu'on louait à Rayonier?

M. Toupin: L'entente exacte avec REXFOR, je sais que REXFOR...

M. Lessard: On le louait comme ceci; après 25 ans, le montant de $19 millions est remboursable. Le prix de la location, après 25 ans, Rayonier remet les $19 millions.

M. Toupin: C'est cela. C'est un prêt à long terme sur l'achat de machinerie. L'équipement se dépréciant avec le temps, il est évident qu'il ne vaudrait plus $19 millions après 25 ans, mais la compagnie devra rembourser au gouvernement ces $19 millions.

M. Lessard: L équipement ne vaudra plus $19 millions, je comprends! Maintenant, l'intérêt des $19 millions est...

M. Toupin: II s'agit de savoir ce qui est le plus payant, l'intérêt ou la dépréciation.

M. Lessard: Non, la dépréciation, à un moment donné..

M. Toupin: Qu'est-ce que REXFOR retirerait, après 20 ans, si elle vendait sa machinerie?

M. Lessard: Oui, mais ce n'est pas là le problème. C'est qu'elle aurait retiré des revenus pendant 20 ans.

M. Toupin: C'est cela qu'il s'agit de savoir, lequel des deux est le plus important.

M. Lessard: A part de cela, la dépréciation est déductible d'impôt.

M. Toupin: Aussi.

M. Lessard: Ne venez pas nous dire que Rayonier a fait un mauvais coup?

M. Toupin: Je n'ai jamais soutenu que Rayonier avait fait un mauvais coup et je n'ai jamais soutenu que le gouvernement avait fait un coup de cochon, non plus.

M. Lessard: Concernant toujours l'utilisation de la forêt, quel est l'échéancier des révocations des concessions pour cette année et les années à venir? Avez-vous un échéancier, au moins, pour 1976/77?

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Que prévoyez-vous?

M. Toupin: Je ne pense pas qu'on puisse vous donner le nom des compagnies, par exemple. Je ne voudrais pas me placer dans une position impossible pour négocier avec elles.

Si vous avez lu le discours inaugural, vous y avez trouvé qu'il y avait, pour l'année 1976/77, 10 000 milles carrés prévus pour rétrocession. Alors, ces 10 000 milles carrés entrent pas mal dans le cadre de l'échancier que nous nous étions fixé pour 1982, si ma mémoire est fidèle.

M. Lessard: Dix mille milles carrés?

M. Toupin: C'est cela. C'est dans le discours inaugural. C'est le programme de l'année en cours. Les programmes des autres années sont basés sur un nombre de milles carrés qui nous feront atteindre, en 1982, je pense, si ma mémoire est bonne, l'objectif final de révocation de toutes les concessions forestières. Mais je ne me leurre pas sur cette question. Il est possible que ce soit prolongé de quelques années, non pas parce que le gouvernement va manquer d'argent. C'est une opération excessivement importante. Adopter la loi, je pense, était déjà très significatif de la volonté gouvernementale, mais ce qui est encore plus significatif, c'est de réaliser maintenant la programmation. Celle-ci commande non seulement de sortir $8 millions, $10 millions, $20 millions ou $30 millions, mais aussi que le ministère soit prêt à assumer la gestion de la forêt.

Je ne me leurre pas. Dans des régions, actuellement, au Québec, même si on voulait révoquer les concessions, le ministère n'est pas prêt à en prendre la gestion. Dans la région de la Mauricie, si, demain matin, on rétrocédait 2000, 3000 ou 4000 milles carrés de concessions forestières, je ne suis pas certain que l'équipe implantée là, actuellement, serait en mesure d'assumer immédiatement la gestion totale de la forêt. Alors, il faut tenir compte de tous ces éléments-là dans le cadre de la révocation.

M. Lessard: Le ministre me disait tantôt qu'il ne pouvait pas indiquer de noms, parce qu'il ne voulait pas nuire a ces négociations. Mais il y a des négociations qui sont actuellement engagées avec certaines compagnies.

M. Toupin: Je pense qu'on a ouvert des négociations actuellement avec NBIP. filiale de CIP qui a sa concession forestière...

M. Lessard: En Gaspésie.

M. Toupin: ... en Gaspésie et qui touche la rivière Nouvelle. Il y a aussi UOP.

M. Lessard: UOP, c'est au Témiscamingue?

M. Toupin: Oui. Les négociations sont-elles en cours à l'UOP?

M. Lessard: Oui.

M. Toupin: Vous avez avisé? Alors, ces deux compagnies ont été avisées pour le moment et je pense qu'on peut dire que c'est public, grosso modo; quant aux autres, nous sommes encore dans les phases préliminaires et je ne voudrais pas les nommer.

M. Lessard: Quebec North Shore, ce n'est pas préliminaire, vous êtes en négociations depuis plusieurs années.

M. Toupin: Cela fait combien de compagnies au Québec?

M. Lessard: 6811 milles carrés.

M. Toupin: Les compagnies au Québec?

M. Lessard: Non, mais le ministre les a déjà nommées dans une conférence de presse.

M. Toupin: II y en a une quinzaine de grandes;

il y en a deux dont on vient de vous parler avec lesquelles on a...

M. Lessard: Non, mais le ministre les avait nommées, dans la conférence de presse du 21 octobre.

M. Toupin: Oui, je nommais les compagnies qui avaient des concessions forestières.

M. Lessard: C'est-à-dire que vous aviez dévoilé vos intentions quant aux révocations. Il y avait Quebec North Shore, Côte-Nord, Donohue, Charlevoix, Domtar, rivière Jacques-Cartier.

M. Toupin: Pour l'année 1976?

M. Lessard: Consolidated-Bathurst, rivière Normandin, et Mars ha! ha! New Brunswick International Paper, UOP Manufacturing, Témiscamingue, papeterie Reed, pour 12 838 milles carrés pour les deux prochaines années.

M. Toupin: Oui, c'est cela. A ce moment, quand on annonce un programme sur une base de deux ou trois ans, il n'y a pas de problème. Si j'hésite à vous donner ceux de cette année en entier, c'est parce que...

M. Lessard: A...

M. Toupin: ...je préférerais entrer en communication avec elles avant.

M. Lessard: Je vois Domtar, rivière Jacques-Cartier. Hier, je traversais le parc des Laurentides et j'ai regardé d'un nouvel oeil l'exploitation qu'on faisait dans le parc des Laurentides et le long de la route du parc des Laurentides; on a des coupes à blanc. Ils font actuellement des coupes à blanc, c'est vraiment incroyable.

Ecoutez, c'est une beauté. On arrive dans le parc et on voit, mes amis... Il me semble que c'est inacceptable dans un parc, le long de la route. Plus que cela. Je ne connais pas le lac Jacques-Cartier, mais seulement le grand lac qui précède le lac Jacques-Cartier; non seulement on a fait une coupe à blanc, dans la montagne, mais on a coupé le long du lac; on a coupé à blanc.

M. Toupin: II y a combien de temps que les coupes sont faites?

M. Lessard: Je ne sais pas combien de temps cela fait, mais on coupe encore. Cela ne doit pas faire longtemps, parce que je traverse ce parc assez souvent; assez souvent, c'est relatif, mais cela ne doit pas faire tellement longtemps.

M. Toupin: Je suis d'accord avec vous là-dessus. C'est que, dans le passé, il y a eu — je ne dirai pas des abus, cela serait porter des accusations un peu gratuites...

M. Lessard: Ne ménagez pas, il y a des abus et Rayonier Québec, sur la Côte-Nord, a fait des abus et ne respecte pas les programmes du ministère. Je n'ai pas peur de l'affirmer. J'ai communiqué avec certains fonctionnaires, mais on est en train de couper le long de la route 138; là, on a arrêté, mais on reviendra à Rayonier, on y reviendra. Parlons de Domtar dans les Laurentides.

M. Toupin: Les coupes à blanc qui ont été faites, il y a quatre, cinq ou six ans, l'ont été sans tenir compte du tout de l'environnement. Présentement il y a des normes d'établies et qu'on fait respecter. Je fais le tour de la province. Il me reste, actuellement, deux régions à faire et je rencontre les compagnies dans chacune des régions. Je leur dis que la politique du ministère dans l'avenir sera que sur le bord des routes et des lacs, notamment, on laissera une lisière de bois raisonnable qui permette de protéger l'environnement.

Au fond, c'est l'environnement qu'on veut protéger. On peut mettre en doute le système de coupe à blanc et, je peux vous le dire, il y en a qui le mettent en doute. Il y en a d'autres, par ailleurs, qui disent: C'est la meilleure méthode, c'est une bonne méthode sylvicole que la coupe à blanc. D'autres disent que non.

M. Lessard: Cela dépend où.

M. Toupin: Oui, c'est exact.

M. Lessard: Ecoutez dans la basse Côte-Nord, votre coupe à blanc avec les machines qu'on utilise et avec le sol qui est là, je ne suis pas ingénieur forestier, mais j'ai l'impression qu'un moment donné il va y avoir des conséquences néfastes considérables. Je vais vous expliquer pourquoi. A mon avis, c'est que, comme on utilise de la machinerie très lourde, on mange le peu de sol qui peut rester particulièrement sur les montagnes et les hauteurs; on mange le peu de sol qui peut rester, de telle façon qu'il ne reste plus rien à pousser. Cela dépend des régions, cela dépend des territoires.

Mais dans un territoire comme le parc des Laurentides, il me semble qu'au moins, là où c'est visible — parce que normalement il y a des parcs qui devraient être entièrement protégés — on devrait faire des coupes sélectives, parce que c'est un parc. C'est censé être conservé comme parc à cause de sa beauté naturelle et à cause de ses richesses. Dans ces territoires: on ne devrait pas utiliser la coupe à blanc, au moins le long de la route.

M. Toupin: Vous ne m'avez pas laissé finir tantôt. Je vous ai dit qu'on pouvait mettre en doute la coupe à blanc et vous venez de le faire. C'est votre droit, je pense. Il y a des ingénieurs forestiers au ministère, il y en a dans des firmes privées, il y en a dans des compagnies, et les thèses là-dessus sont variables. Les uns disent: Les coupes à blanc, c'est une bonne méthode sylvicole: d'autres disent non, quels que soient les terrains, même.

M. Lessard: Non, pas quels que soient les terrains. On met des conditions.

M. Toupin: Certains autres disent: Dans certains terrains, on devrait faire tel type de coupe; dans certains autres, on devrait faire tel autre type de coupe. S'il s'agit, par exemple, d'exploiter une forêt qui donne accès au public en même temps, à ce moment-là, on peut parler d'une coupe sélective, on peut parler d'une coupe protégeant certaines essences. Tout dépend de l'utilisation qu'on peut faire et qu'on veut faire de la forêt.

En ce qui concerne les méthodes de coupe, actuellement, c est discutable. Mais je pense que dans certains secteurs d'activité, on s'est arrêté et on a pris une décision, au ministère. Si, par exemple, dans le temps, on veut réserver tel territoire pour l'accès au public, il ne faudra pas couper tout le bois et il faudra garder des essences, surtout celles qui sont intéressantes pour ceux qui vont en forêt. C'est un problème avec lequel on va être aux prises avant longtemps. Si je prends toute la région nord de Montréal et voire même une partie de ia région nord de Québec on va avoir des problèmes avec cela tantôt. C'est un problème sérieux de l'exploitation de la forêt qui va coûter très cher d'ailleurs, exploiter la forêt.

Des coupes sélectives, tu ne fais pas cela avec de grosses machines; tu fais cela avec des petites machines, quand ce n'est pas à bras d'homme. Cela coûte cher maintenant faire du bois avec des scies mécaniques. Ce n'est plus comme autrefois.

Mais on peut mettre en doute ce système, je ne vous le conteste pas. Vous avez le droit, comme moi, de le mettre en doute. Mais si vous touchez au problème de l'environnement, je pense que ni dans le vôtre, ni dans le mien, au niveau des esprits, je ne crois pas qu'on soit en contradiction. Je suis d'accord avec vous là-dessus et le ministère a déjà pris cette décision. Je suis d'accord qu'on doit protéger l'environnement. Quand on a un parc, surtout en bordure d'une route, même si on veut exploiter une partie de ce parc parce que la forêt a atteint un âge X, on devrait protéger l'oeil, l'environnement, la vue. C'est pour cela d'ailleurs, pas seulement pour cela mais aussi pour cela qu'on fait des parcs. Si on veut avoir une vue raisonnable sur le bord des routes, quand tu te promènes en forêt, il faut garder de la forêt, il ne faut pas voir que des pierres, il faut garder de la forêt.

La décision au ministère a été prise, maintenant, que, sur le bord des lacs et sur le bord des routes, notamment des lacs en tout cas, on protège une certaine partie de forêt pour protéger l'environnement sous toutes ses formes.

M. Lessard: Pour empêcher l'érosion aussi.

M. Toupin: Cela empêche l'érosion, cela peut favoriser évidemment la vie de la faune aquatique, cela peut favoriser un tas d'éléments sur le plan de l'environnement.

M. Lessard: Dans le cas du parc des Lauren- tides, vous me dites que cela a été coupé il y a plusieurs années?

M. Toupin: Je ne le sais pas, mais cela fait sans doute plus d'un an. Une couple d'années, deux ou trois ans. Par contre, il y a eu des coupes sylvicoles faites dans le parc. Il vaudrait la peine d'aller visiter cela, voir ce qui est arrivé là-dedans.

M. Lessard: Oui.

M. Toupin: J'ai vu des traitements faits par les compagnies forestières qui sont très bien, très beaux, pour protéger l'environnement et la forêt. J'en ai vu d'autres, par ailleurs, que j'aurais aimé autant ne pas voir.

M. Lessard: C'est ce que je ne comprends pas. Cela a été fait il y a deux ans, et on en discutait à chaque année, on discute un peu de cela aux crédits, je ne comprends pas qu'on ait laissé couper, le long de la route comme cela, en plein parc. Si, encore, cela avait été fait il y a dix ou quinze ans! C'est pour cela que je vous dis que cela ne fait pas longtemps parce qu'il n'y a aucune repousse, cela ne peut pas faire longtemps.

M. Toupin: Quand vous allez dans le parc...

M. Lessard: Si cela faisait dix ans, il y aurait de la repousse quelque part.

M. Toupin: ... de la Vérendrye, par exemple, on a conservé une lisière — le parc de la Vérendrye, celui qui va en Abitibi. Le vent a pris dedans et ils sont en train de tomber, c'est peut-être parce que la lisière n'est pas assez large, je ne sais pas. Je sais que le vent est en train de les charrier actuellement.

Quand je fais le tour des régions et que je rencontre les compagnies, elles me disent toutes la même chose. Elles ne sont pas tellement soucieuses de l'environnement ou, tout au moins, elles ont leurs vues sur l'environnement. Elles disent: Vous pensez protéger l'environnement en protégeant le bord des lacs et tout cela; nous n'y croyons pas à votre affaire. Si vous nous le demandez, on va le faire, mais vous nous imposez des charges économiques plus lourdes. Elles ont peut-être des raisons de le dire. Quant à nous, au ministère, la décision est prise, il y aura protection dorénavant des lacs. On peut vous montrer des photos où il y a des...

M. Lessard: Elles n'y croient pas, écoutez, moi j'ai appris, dans les leçons de géographie qu'on m'a données, que les arbres étaient quand même importants pour empêcher l'érosion.

J'ai quand même vécu certaines expériences, par exemple quand I'Hydro-Québec, avec ses tours de transmission, a.coupé complètement le tour des lacs. Il y a des lacs qui étaient d'excellents lacs de pêche et qui se remplissent de sable.

M. Toupin: Qui se remplissent de sable ou en-

core, parce qu'il n'y a pas de bois, il n'y a rien qui retienne l'eau.

M. Lessard: Justement. Il n'y a rien...

M, Toupin: En ne retenant pas l'eau, cela fait de l'érosion et, avec le temps, je pense que les lacs finissent par se dessécher. Est-ce que cela se peut?

De la tourbe.

Par chance, je suis bien entouré, parce qu'il y a bien des questions auxquelles je ne pourrais pas répondre, dans ces domaines.

M. Lessard: L'important, c'est la volonté du ministère. On dirait qu'elle a toujours manqué. Ce n'est pas seulement au ministère des Terres et Forêts, c'est aussi ailleurs, aux Richesses naturelles, etc. C'est la volonté.

Je vais vous parler d'un autre cas. Je sais que le ministère des Terres et Forêts avait établi des plans de gestion concernant la compagnie Rayonier-Québec, par exemple, dans le territoire de Baie-Trinité, dans le territoire de Pentecôte, etc. Dans ce cas-là, on m'a dit que la compagnie s'était arrêtée, après avoir fait tout le dommage qu'elle pouvait faire, mais la compagnie n'a pas respecté les conditions qui avaient été fixées par le ministère malgré des mémoires qui ont été envoyés par les fonctionnaires de la région, que j'ai moi-même rencontrés, parce que je leur ai dit: Qu'est-ce qui se passe? A-t-elle le droit de couper comme cela? A-t-elle le doit de nous faire, le long de la route 138, un paysage absolument dégradant? A-t-elle eu l'autorisation du ministère pour faire cela?

Le fonctionnaire m'a dit: Quant à moi, d'après ce que je sais, non. Elle est soumise à un certain nombre de normes, de critères, mais elle se fout de nous autres. C'est un peu comme la compagnie Asbestos Hill, qui était soumise par le ministère des Richesses naturelles à un certain nombre de conditions concernant la protection de la santé des travailleurs, s'est foutée du ministère. A un moment donné, il va falloir qu'elle apprenne à vivre et à se civiliser et qu'on lui fasse payer des amendes si elle ne respecte pas ces conditions.

Moi, je vous dis bien honnêtement, écoutez... En particulier, je suis même intervenu auprès du ministère des Transports. La compagnie en question avait fait, sur dix milles de distance, six sorties extrêmement larges. Imaginez-vous le danger que cela voulait dire au point de vue de la circulation aussi. Mais, à ma connaissance, on m'a dit qu'elle n'avait pas le droit de faire cela.

M. Toupin: II faudrait que je revoie le dossier dé Rayonier sur ces questions. Je ne sais pas: Est-ce vrai que Rayonier ne respecte pas du tout les engagements contractuels qu'elle a avec nous?

M. Lessard: A un moment donné, il semble qu'elle ait reçu un avertissement, mais après avoir fait tout le dommage. Il y a des lignes, le long de la route 138, il y a des endroits, tout près de Baie-

Trinité, à environ une dizaine de milles de Baie-Trinité, où on n'a même pas laissé une lisière de plus de 100 pieds, je pense.

M. Toupin: II faudrait voir, évidemment. Il faudrait que je communique avec la région, que les fonctionnaires régionaux me fassent un rapport là-dessus, parce que c'est administré actuellement par une unité de gestion indépendante. Il faudrait que je lui demande son point de vue là-dessus pour savoir si vraiment les ententes ne sont pas respectées. Si tel est le cas, on va les faire respecter, c'est évident.

M. Lessard: En parlant de Rayonier, quand est-ce que vous abolissez sa concession forestière?

M. Toupin: Rayonier n'a pas de concession forestière.

M. Lessard: Quand vous définissez, dans votre communiqué de presse, une concession forestière, vous dites: "Pendant les 50 dernières années, un nombre croissant de sources de matière ligneuse s'est développé sans plan d'ensemble. Un réseau d'approvisionnement, souvent mal localisé sur le plan des distances de transport, s'est instauré gonflant de façon artificielle les frais de transport du bois, un des éléments importants dans le coût de la matière première". Cela démontre, justement, là la nécessité de refaire la carte des concessions forestières, à cause justement des coûts de transport. "Or, en plus d'une distribution inadéquate de plusieurs concessions, le système a attribué aux concessionnaires dont l'affermage de territoire boisé a eu lieu avant 1963 un droit exclusif de couper tous les bois parvenus à maturité et d'en disposer à volonté moyennant l'observance des lois et règlements et le paiement des redevances établies. Cette situation a perpétué la mauvaise allocation et restreint la possibilité d'utiliser la forêt à d'autres fins pour d'autres utilisateurs."

A Rayonier Québec, cela ressemble pas mal à cela. Ce sont pas mal les conditions qui sont déterminées à Rayonier Québec, à savoir l'utilisation exclusive des résineux pour la compagnie, jusqu'à 2 millions de cordes. Plus que cela, M. le Président, si une autre compagnie voulait s'établir dans la région, elle devrait, au préalable, obtenir l'autorisation de Rayonier Québec.

M. Toupin: Je ne le pense pas.

M. Lessard: Bien oui.

M. Toupin: C'est pousser beaucoup trop loin.

M. Lessard: Relisez votre contrat, M. le Président, en parlant toujours du ministre.

M. Toupin: Oui, mais Rayonier Québec a un contrat avec le gouvernement pour un programme de trois phases. Si les trois phases de Rayonier

sont réalisées telles que prévues, la forêt disponible dans ce coin, pour les 20 ou 25 prochaines années, est réservée pour les trois phases, il me paraît logique, normal que la compagnie ait imposé un minimum d'exigences au chapitre de ses approvisionnements et que le gouvernement ait consenti à lui assurer des approvisionnements à long terme. Cela me paraît normal. Je ne vois pas là-dedans quoi que ce soit qui puisse porter préjudice à quiconque, sauf si on voulait faire de ce territoire autre chose que ce qu'on veut faire avec jusqu'à maintenant. Cela me paraît évident.

La différence qu'il y a entre le contrat de Rayonier et les concessions forestières — c'est très clair — c'est que la concession forestière a des droits sur toutes les essences. Par contre, dans un contrat d'approvisionnement, on a un contrôle sur les essences qu'on veut bien lui donner dans ce contrat d'approvisionnement. C'est cela, la différence. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Rayonier n'a pas le droit, comme les concessionnaires actuels, de revendre son bois à un autre, à moins de l'utiliser dans son entreprise. Elle n'a pas le droit de le revendre à un autre sans l'autorisation du ministère. Elle a des droits d'utilisation pour ses fins à elle. Mais, dans une concession forestière — c'est cela, la différence — toutes les essences sont sous la responsabilité de la compagnie.

M. Lessard: Les essences de la Basse-Côte-Nord, est-ce que le ministre a déjà vu cela?

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Quelles sont les essences de la Basse-Côte-Nord?

M. Toupin: C'est plutôt de l'épinette noire qu'on retrouve là, avec du pin gris. Je pense qu'il y a un peu de pin gris sur la Côte-Nord, un peu d'épinette blanche. On retrouve très peu de feuillus sur la Côte-Nord, dans les territoires où se trouve installée la compagnie Rayonier, très peu. C'est cela qui est la différence entre une concession et un contrat d'approvisionnement.

M. Lessard: On va y revenir, mais juste une question. Concernant les maladies, est-ce qu'il y a des mesures qui sont prises pour protéger le bouleau? Il s'en va chez le diable, c'est le cas de ie dire.

M. Toupin: Cela date de longtemps, le dépérissement du bouleau. Cela fait longtemps que je ne suis pas allé visiter ces peuplements, mais j'imagine que les jeunes peuplements sont en assez bonne condition. Ils sont en meilleure santé. Pour le vieux bouleau, il n'y a rien à faire. Cela fait des années, cela doit faire une dizaine d'années qu'on a eu le dépérissement. Evidemment, le bois est mort. Il y avait différentes théories à cet effet, pour savoir quelles en étaient les causes, mais...

M. Lessard: Je reviens à la clause exacte dont je parlais tout à l'heure. On peut dire n'importe quoi, mais il y a des choses qui sont écrites et les mots sont là. "Le Québec réservera et conservera à l'usage de Rayonier toul le bois sur pied de certaines zones de la forêt domaniale ci-après, zones réservées décrites sur la carte jointe à l'annexe 2 aux présentes, pourvu que, toutefois, conformément aux articles 8 et 9 des présentes, d'autres aient le droit d'y couper des quantités définies de bois. De temps à autre et de consentement mutuel, les zones réservées seront redéfinies afin d'y incorporer toute partie ae la forêt domaniale dont le bois est de qualité comparable."

Les seules exceptions pour le bois, ce sont de petites scieries locales. Dans tout autre établissement d'une compagnie qui pourrait être prévu, la compagnie devra donner son accord et vous savez ce que cela donnera. Est-ce cela? Tous les bois sur pied de certaines zones de la forêt domaniale?

M. Toupin: II faudrait retourner aux articles 2 et 3 dont vous avez parlé pour savoir quels sont ces types d'essences. Ce n'est pas un approvisionnement et ce n'est pas une concession forestière.

M. Lessard: Oui, mais quelles sont les zones réservées?

M. Toupin: Ce sont les zones...

M. Lessard: C'est 26 000 milles carrés sur 52 000 milles.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Les plus belles zones le long des rivières. Les plus belles zones. En fait, c'est cela, les zones réservées, c'est 26 000 milles carrés sur 52 000 milles carrés de forêts domaniales.

M. Toupin: Ce sont des zones de bois qu'on a réservées, ce ne sont pas des zones de terre.

M. Lessard: C est cela, ce sont des zones de bois. Si ce n'est pas cela, une concession forestière, je ne sais pas ce que c'est.

M. Toupin: La différence avec une concession forestière, c'est que le concessionnaire a l'autorité totale sur toutes les essences qui se trouvent sur son territoire et le droit d'en disposer comme il veut.

M. Lessard: Tout le bois sur pied de certaines zones...

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: ... de la forêt.

M. Toupin: Pour les fins de Rayonier, et pas pour les fins d'une autre entreprise que Rayonier.

M. Lessard: Je ne vois pas beaucoup de

compagnies qui se vendent, à un moment donné, à d'autres compagnies.

M. Toupin: Nous autres, on sait où elles sont. Quand un concessionnaire forestier, par exemple est obligé de s'approvisionner à même une concession, c'est-à-dire quand un utilisateur forestier de scieries ou autres est obligé de s'approvisionner dans une région donnée, sur une concession forestière, et que la compagnie va lui demander deux fois le prix du droit de coupe qu'on lui charge...

M. Lessard: D'accord, oui, oui.

M. Toupin: ... la compagnie a le droit, dans le cadre d'une concession forestière, de faire cela, mais, dans le cadre d'un contrat d'approvisionnement, elle n'a pas le droit de le faire.

M. Lessard: Ah oui! Vous parlez des autres essences, mais...

M. Toupin: Non, non. Mêmes ces essences-là.

M. Lessard: D'accord, oui, elles peuvent vendre leur bois.

M. Toupin: ... essences, on va lui enlever...

M. Lessard: Mais, dans le cas de Rayonier Québec, c'est bien dit que le Québec réserverait et conserverait à l'usage de Rayonier-Québec tout le bois sur pied de certaines zones de la forêt domaniale.

M. Toupin: Bien oui.

M. Lessard: Faites-vous des exceptions? Tout le bois sur pied de certaines zones de la forêt.

M. Toupin: De certaines zones, des zones nécessaires pour faire fonctionner l'usine.

M. Lessard: Certaines zones, ce sont les 26 000 milles carrés de territoire, les plus belles zones de territoire qu'on leur a données, c'est cela les zones.

M. Toupin: 26 000 milles carrés de forêt dont la compagnie a besoin pour faire fonctionner ses usines dans le cadre de ces trois phases.

M. Lessard: Ce n est pas cela une concession forestière, on leur a donné tout le bois sur pied de certaines zones de la forêt domaniale.

M. Toupin: On leur a donné un contrat d'approvisionnement pour assurer la survie de l'usine.

M. Lessard: Exclusif, c'est cela une forêt domaniale, un droit d'approvisionnement exclusif.

M. Toupin: Si vous êtes propriétaire d'une scierie, si vous désirez vous installer dans la forêt domaniale des Appalaches, vous avez besoin de 50millions de p.m.p. pour faire fonctionner votre usine. On ne vous donne pas de contrat d'approvisionnement. Après demain c'est votre conseiller spécial qui va s'installer une usine à côté de vous, qu'est-ce que vous allez me dire vous?

M. Lessard: Je ne sais pas.

M. Toupin: Où est-ce que je vais le prendre mon bois? Savez-vous ce que vous allez me poser comme condition, vous direz, vous allez me réserver ce territoire-là.

M. Lessard: On discute à un moment donné de ce que c'est qu'une concession forestière, qu'est-ce que c'est à un moment donné qu'un contrat d'approvisionnement.

M. Toupin: Cela c'est important l'approvisionnement.

M. Lessard: Je vous dis ce n'est pas un contrat d'approvisionnement, vous donnez exactement l'utilisation exclusive. Dans un contrat d'approvisionnement, vous leur garantissez une alimentation pour une période de X années, vous leur garantissez qu'ils auront le bois nécessaire pour alimenter leur usine. Cela c'est un contrat d'approvisionnement.

M. Toupin: Bien oui.

M. Lessard: Si, à un moment donné, ils n'en trouvent pas sur tel territoire, vous leur garantissez, puis c'est là qu'on parle de possibilité de régie des produits forestiers ou autres, mais vous leur garantissez que sur une période de dix ans, quinze ans, vingt ans,' s'ils ont besoin d'un million de cunits vous allez leur assurer un million de cunits. Mais, vous ne leur assurez pas nécessairement sur telle concession forestière, vous leur assurez qu'ils vont avoir un approvisionnement sur une période de dix ans ou de quinze ans. Tandis que pour la concession forestière vous leur donnez l'utilisation exclusive du territoire. C'est cela une concession forestière. C'est dans ce sens que Rayonier Québec est une concession forestière comme n'importe quelle autre concession forestière qui appartient à Québec North Shore.

La seule distinction dans ce sens, c'est peut-être le fait que si une personne veut avoir du bois, ou une autre compagnie veut avoir du bois, la compagnie peut vendre le bois, dans le cas de Quebec North Shore ou dans le cas des concessions forestières. Mais, dans le cas des 26 000 milles carrés, c'est que c'est certain qu'ils n'en vendront pas. Le bois ils ne le vendront pas, mais ils ont l'utilisation exclusive de ce bois. Il n'y a personne qui peut l'utiliser à part Rayonier Québec.

Si ce n'est pas ceia une concession, je me demande ce que c'est qu'une concession telle que vous-même vous la définissez dans votre conférence de presse, à savoir un droit exclusif de couper tous les bois parvenus à maturité et d'en dis-

poser à volonté moyennant l'observance des lois et règlements et le paiement des redevances établies.

Ils en disposent à volonté de leur épinette noire, il n'y a que cela de l'épinette noire. Ils en disposent à volonté, parce que c'est réservé et conservé à l'usage exclusif de Rayonier, tout le bois sur pied de certaines zones, la forêt domaniale.

Vous avez caché une concession forestière sous forme de forêt domaniale, et vous allez toujours la cacher. Au moment où on est en train de modifier la Loi des Terres et Forêts. Vous avez accordé à Rayonier Québec une concession forestière, quoi que vous en disiez, M. le ministre.

M. Toupin: Je ne m'obstinerai pas longtemps là-dessus, c'est bien sûr. C'est une question d'appréciation du mot concession forestière. C'est quoi une concession forestière?

M. Lessard: Si vous définissez. .

M. Toupin: Je peux bien définir quatre, cinq ou six types de concession forestière. Moi, je me situe dans le contexte traditionnel du mot concession forestière. Une concession forestière, dans la région de la Mauricie, dans mon esprit c'est très net et très clair. Le bouleau, le merisier et le tremble qui se trouvent sur les concessions de CIP ou de la Domtar ou des autres usines, leur appartiennent.

Si je veux aller sur le terrain de CIP il ma faut une permission. Il me faut un permis pour aller sur les terres de la société, il me faut un permis pour aller sur les terres, sur les concessions forestières. Le concessionnaire peut m'empêcher d'aller sur son territoire, parce que c'est lui qui a l'exclusivité de la gestion de la forêt et du territoire. C'est lui qui décide ce qu'on va faire avec cette forêt. Il décide, non pas dans le cadre d'un contrat comme celui-là, il décide dans le cadre d'un droit qu'on lui a donné de gérer la forêt, toute la forêt. Ce n'est pas compliqué, c'est cela qui se fait en Mauricie.

A Rayonier ce n'est pas ce qui se fait. On a dit à Rayonier: Tu t'installes une usine là, tu as besoin de bois pour la faire fonctionner ton usine, on va t'en donner du bois et on va aller plus loin que cela avec toi; fais-nous un plan de trois phases et on va t'assurer, dans un territoire donné...

M. Lessard: Exclusivement.

M. Toupin: Oui, bien sûr, exclusivement. Parce que, l'entreprise n'ira pas s'installer là si CIP veut aller s'installer à côté, demain matin. Cela ne marchera pas. Elle a besoin, elle, de 500 000 cunits par année, pendant 25 ans et il les lui faut ces 500 000 cunits. Cela fait travailler des milliers de travailleurs.

C'est ce que vient faire une compagnie comme celle-là. On peut critiquer...

M. Lessard: Cela en fait travailler plus en Europe.

M. Toupin: Parfait!

M. Lessard: 1100 emplois, 350 en usine et le reste en forêt.

M. Toupin: C'est vrai, mais toutes les retombées économiques à côté de cela il faut en parler aussi; les commerces qui tournent autour de cela, parce que Rayonier est là, parce qu'il y a 1100 gars de plus qui travaillent, parce qu'il y a des millions de dollars qui circulent dans une ville, il faut aussi parler de cela.

M. Lessard: L'endettement, à un moment donné...

M. Toupin: On peut aussi mettre l'endettement là-dedans, tout le monde est endetté au Québec.

M. Lessard: II faut calculer le coût de cet investissement.

M. Toupin: C'est vrai, il faudrait...

M. Lessard: ... les coûts, pour savoir quelle est la rentabilité.

M. Toupin: Peut-être qu'on n'aurait pas dû l'installer Rayonier, et on aurait dû laisser le bois de la Côte-Nord dans son état naturel. On n'aurait pas dû faire cela.

M. Lessard: Ce n'est pas...

M. Toupin: Voyez-vous le choix que l'on aurait?

M. Lessard: On aurait pu faire plus, par exemple.

M. Toupin: Alors, quand vous raisonnez comme cela, on peut raisonner jusqu'au ridicule avec cela. Ce que je vous dis, moi, c'est que...

M. Lessard: Je me demande, si on avait donné $50 millions aux gens de la Côte-Nord, si on n'aurait pas réussi à faire quelque chose de plus rentable que ce que vous avez fait avec Rayonier Québec. Si on avait mis $50 millions dans le développement touristique dans ce coin-là. Ce n'est pas seulement $50 millions que Rayonier Québec coûte, cela coûte pas mal plus cher que cela.

M. Toupin: ... millions.

M. Lessard: Cela coûte tous les coûts dans les services municipaux que l'on est obiigé de leur accorder.

M. Toupin: C'est bien sûr.

M. Lessard: Cela inclut le prix préférentiel de l'électricité, cela inclut les constructions de routes que l'on fait pour eux et non pas pour la popula-

tion. Cela va servir à la population, mais qu'on a, d'abord, construites pour eux. Rayonier coûte cher, mais le problème fondamental, cela coûte tout cela pour exporter notre produit; on a envoyé notre produit en Europe, on l'a envoyé transformer en Allemagne. C'est ce que coûte Rayonier. Cela coûte ce qu'on aurait pu perdre, si on avait eu un minimum de transformation. Il est bien beau de dire: Créer des emplois à n'importe quel prix, transformer le développement industriel du Québec, transformer l'industrie québécoise, c'est bien beau de dire cela. On peut en créer à n'importe quel prix des emplois. On peut donner nos territoires, nos mines. On peut tout faire pour créer des emplois, mais après, dans vingt ans, dans trente ans, dans quarante ans, il va nous rester quoi, après qu'on aura tout donné? C'est le problème.

M. Toupin: Dans le cas de Rayonier, le contrat d'approvisionnement leur assure la forêt pour développer une première phase, une deuxième phase et une troisième phase. Si la deuxième et la troisième ne sont pas réalisées, le contrat d'approvisionnement est révisé, ce qui est bien logique, en soi.

On ne lui donne pas une concession forestière. Mais la différence qui existe avec une concession forestière, c'est la suivante; je connais des types qui n'ont pas d'usine et qui ont une concession forestière, c'est toute la différence entre une concession forestière traditionnelle et un contrat d'approvisionnement. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous appeliez cela une concession. Appelez-la concession dans le cadre non pas des concessions traditionnelles, mais des concessions modernes.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors il est treize heures, la commission suspend ses travaux à cet après-midi, après la période des questions, vers seize heures environ.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

Reprise de la séance à 16 h 20

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Programme no 4, utilisation de la forêt.

Rivière Nouvelle

M. Lessard: M. le Président, le ministre m'indiquait ce matin, ou, en tout cas, dans une conférence de presse, il indiquait qu'il avait l'intention de racheter la concession de la New Brunswick International Paper. On sait que cette compagnie a fait particulièrement parler d'elle depuis un certain temps concernant la rivière Nouvelle. Le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a pris des procédures contre la compagnie. Le ministère a perdu ses procédures.

Est-ce que le ministre pourrait me dire si, actuellement, la compagnie continue de faire le flottage du bois? Est-ce que la compagnie continue d'utiliser ses tracteurs dans le lit de la rivière Nouvelle, détruisant ainsi des fosses à saumon ou tout ce que vous voudrez? Est-ce que, au moins, même si on a perdu le procès par suite du fait qu'on n'était probablement pas préparé pour se défendre, et ainsi de suite, il y a eu au moins des améliorations, à la suite des mesures ou à la suite des demandes du gouvernement ou du quémandage du gouvernement, parce qu'il semble qu'il faut quémander devant ces compagnies? Il ne faut même plus exiger. Y a-t-ii eu des modifications depuis l'an dernier?

M. Toupin: Si ma mémoire est bonne, on pourra me corriger là-dessus, on a demandé à la compagnie de regarder d'autres possibilités, et je pense qu'elle s'apprête présentement à faire un nouveau chemin...

M. Lessard: Oui.

NI. Toupin: ... pour pouvoir, dans l'avenir, utiliser, peut-être pas en entier, cette nouvelle voie pour le transport de son bois.

M. Lessard: Est-il exact que ce chemin couvrirait cinq milles du lit de la rivière, serait construit pratiquement dans le lit de la rivière?

M. Toupin: C'est un premier projet auquel on s'est opposé, et la compagnie a changé son tracé. Sans son intervention, le ministère a exigé de la compagnie qu'elle change son tracé pour s'éloigner de la rivière et, lors de la négociation, on a amené la compagnie à suivre le tracé que le ministère proposait.

M. Lessard: D'accord! Le ministère est intervenu. Il y a eu une amélioration, mais entre-temps, on sait que, l'an dernier, la compagnie a brisé considérablement le lit de la rivière Nouvelle, sans que le ministère des Terres et Forêts ou le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche ait

la possibilité de l'en empêcher. C'est comme si c'était sa propre propriété.

On intervient quand le mal est fait, et on va parler d'une autre rivière tout à l'heure. Moi, je trouve cela absolument... On dirait que... Moi, je n'ai jamais vu, actuellement...

Depuis quelque temps, on dirait qu'on n'a jamais vu le gouvernement gagner une cause contre les compagnies. Et ce n'est pas seulement à ce ministère.

L'autre jour, alors que la même journée, on annonçait qu'en Ontario, on fermait une mine d'amiante parce qu'il y avait trop de poussière' dans l'air, j'apprenais qu'une compagnie, Asbestos Hill, par exemple, ne se soumettait pas aux normes du ministère. C'est la même chose pour les compagnies forestières. On a parfois l'impression que ce sont les compagnies qui mènent le gouvernement alors que cela devrait être le contraire.

Je trouve cela absolument décourageant, pour ne pas dire plus. C'est dégueulasse. Il me semble qu'on va être obligé de civiliser ces compagnies si elles ne se civilisent pas elles-mêmes. De quelle façon? Même en prenant des procédures. Je ne sais pas de quelle façon le dossier a été préparé, mais quand on pense que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a entamé des procédures contre cette compagnie pour empêcher cette dernière d'utiliser ses tracteurs dans le lit de la rivière et qu'on a perdu le procès! Il s'agit d'une rivière à saumon et on vient nous dire que ce sont les braconniers qui font disparaître le saumon au Québec.

M. Toupin: Etes-vous d'accord que la justice au Québec telle que structurée actuellement peut-elle...

M. Lessard: Cela dépend de quelle façon le ministère a fait sa défense.

M. Toupin: Vous convenez, évidemment, que le juge a les pouvoirs de décider d'un cas comme celui-là et la décision du juge, dans la plupart des cas, est acceptée comme étant la décision la plus objective possible. Il est possible que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche ait mal préparé un dossier.

Le gouvernement a déjà perdu des causes comme il a déjà gagrré des causes. Nous ne sommes pas différents des autres vis-à-vis de la justice. On est sur le même pied d'égalité que les autres et on accepte les jugements des cours, à quelque niveau qu'elles se situent.

M. Lessard: On va en reparler.

M. Toupin: Et dans ce cas, évidemment, cela s'est produit ainsi.

M. Lessard: Cela s'est produit ainsi.

M. Toupin: Dans le cas de la rivière Nouvelle, il y a une situation historique là-dedans.

M. Lessard: Qu'on la change au plus vite. Depuis 1970 que le rapport Legendre a été déposé sur le régime des eaux.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Je comprends qu'il y a une situation avant 1884, en ce sens que des sociétés ont une certaine propriété sur le lit de la rivière, mais elles ne sont pas propriétaires de l'eau, toutefois. L'eau appartient aux citoyens, à la population.

M. Toupin: Oui, mais je ne crois pas que l'eau ait été brisée jusqu'à maintenant. Ce n'est pas l'eau qui est brisée dans ces choses. C'est lorsqu'on brise le lit de la rivière, on défait des fosses...

M. Lessard: L'Assemblée nationale peut toujours faire adopter des lois, intervenir et exproprier. C'est ce qu'il faut faire.

M. Toupin: Bon. Alors, dans le cas actuel, c'est vous-même qui avez référé aux données historiques de façon plus précise que moi.

Alors, le Ht de la rivière, dites-vous, appartenait à la compagnie; l'eau étant une propriété collective, je ne crois pas que personne, jusqu'à maintenant, ne conteste que l'eau soit une propriété collective, quoique ce ne soit pas encore établi nécessairement dans des lois de façon bien concrète, mais l'idée fait son chemin tranquillement sur cette ressource fondamentale qu'est l'eau. Mais lorsqu'on fait de la drave sur une rivière, lorsqu'on passe dedans avec un tracteur, on ne brise pas l'eau, on brise le lit de la rivière, on brise le fond de la rivière, on change son cours et, par conséquent, on brise l'environnement. C'est cela le problème.

M. Lessard: Mais il y a une loi du ministère des Richesses naturelles aussi, — je vais en parler tout à l'heure — qui exige que toute modification au lit de la rivière, toute modification aux méandres de la rivière, toute modification à des barrages dans la rivière, doit exiger une permission du ministère des Richesses naturelles. Cela n'a jamais été respecté. On va en parler pour la rivière Pentecôte, tantôt.

M. Toupin: Je ne sais pas si cela vaut pour les propriétés privées. Je sais que cela vaut pour les propriétés publiques, mais je n'affirme et n'infirme pas si cela vaut pour les propriétés privées. Dans le cas de la rivière Pentecôte, c'était une propriété privée.

M. Lessard: Pour toutes les rivières navigables.

M. Toupin: Alors, tant mieux. Si tel est le cas, je prends votre déclaration comme étant une interprétation radicale de la loi.

M. Lessard: Je ne suis pas capable de modifier cela.

M. Toupin: Alors, si la loi dit cela, tant mieux, je dirai que le ministère des Richesses naturelles n'a pas fait appliquer sa loi, si tel est le cas.

M. Lessard: On va en parler.

M. Toupin: Alors, dans le cas de la rivière Pentecôte, dans le cas de la rivière Nouvelle...

M. Lessard: Laissez la rivière Nouvelle.

M. Toupin: ...si ce n'est que le lit de la rivière qui appartenait à la compagnie, c'est une propriété privée et, par conséquent, sur les propriétés privées, les propriétaires ont le droit de faire, dans le cadre des lois actuelles, beaucoup de choses sur ces propriétés privées. Je ne pense pas que le député de Saguenay tolérerait que le gouvernement aille lui dire ce qu'il a à faire sur sa propriété privée, si toutefois il en a une, et je ne crois pas que le député de Saguenay accepterait qu'on aille lui dire que, s'il veut planter des arbres, c'est tel type d'arbre qu'il devra planter et, s'il veut en planter dans sa cour, c'est dans tel coin de la cour qu'il devra en planter.

M. Lessard: Qu'est-ce que vous faites des propriétés privées qui sont à l'intérieur d'un arrondissement culturel? Est-ce que j'ai le droit de modifier une propriété privée qui est à l'intérieur d'un arrondissement culturel qui est reconnu comme tel?

M. Giasson: Oui...

M. Toupin: Alors, à ce moment-là...

M. Lessard: C'est facile... Non, je n'ai pas le droit de faire des modifications...

M. Giasson:. Avec l'approbation de la commission des monuments historiques.

M. Lessard: Oui, avec l'approbation du ministère, c'est cela. Je suis d'accord.

M. Toupin: Mais est-ce que le député de Saguenay...

M. Lessard: Quand on brise une rivière, quand on décide que c'est une propriété collective, il faudrait qu'il y ait une demande, tel que c'est d'ailleurs exigé par la loi. Lorsqu'il s'agit de modifier le lit d'un cours d'eau, il y a une exigence vis-à-vis du ministère des Richesses naturelles.

M. Toupin: Je pense que pour les sites historiques, pour que le programme dont vous parlez s'applique, il faut d'abord que le site soit reconnu historiquement par la société créée à cette fin. Mais ceux qui n'ont pas été reconnus par la société, même si aux yeux du député de Saguenay ou d'un autre député, telle maison ou telle église a un caractère historique, tant et aussi longtemps qu'elle n'a pas été reconnue comme telle, vous pouvez en faire ce que vous voulez. C est votre droit, c'est votre propriété privée. Mais si on la déclare...

M. Lessard: Mais avant...

M. Toupin: ... il est arrivé que, dans des sites reconnus historiquement, les anciens propriétaires ou les propriétaires actuels, qui se trouvent actuellement dans ces mêmes sites historiques, dans le passé, ont modifié les sites historiques et le gouvernement maintenant devra leur redonner leur véritable caractère historique.

M. Lessard: Mais quand va-t-on se décider à faire quelque chose concernant nos sites naturels? Quand va-t-on se décider... Ecoutez, je vais vous parler tout à l'heure de la rivière Pentecôte. Depuis 1970 qu'on connaît le problème. Il y en a d'autres rivières qui sont brisées, massacrées, qui vont devenir foutues d'ici quelques années à cause de l'exploitation absolument abominable qui est faite sur ces rivières. Quand est-ce qu'on va faire... Est-ce qu'on va attendre que tout soit sacrifié? Est-ce qu'on va attendre qu'il ne reste plus rien? Est-ce qu'on va attendre que les compagnies aient tout détruit avant d'intervenir? C'est ça qui est le problème. Je comprends qu'il y a des droits avant 1884, mais il y a des droits collectifs des citoyens québécois aussi. Il y a des gens qui vont rester, pas seulement les citoyens actuels, il y a l'avenir à protéger. Quand va-t-on faire quelque chose? Depuis 1970 que le rapport Legendre est déposé. Depuis 1970 que je vous ai averti dans le cas d'une rivière en particulier, la rivière Pentecôte. Je vais vous en parler tantôt, on va rester à la rivière Nouvelle, on va revenir à la rivière Pentecôte.

Non seulement vous n'avez rien fait vis-à-vis de la rivière Pentecôte, mais vous avez payé la compagnie pour avoir tout détruit. C'est là qu'est le problème fondamental. Allez-vous racheter la rivière Nouvelle et à quel prix? A quel prix allez-vous racheter la concession forestière? Quel prix allez-vous la payer? J'ai hâte de voir quel prix vous allez payer la concession forestière. Vous avez une concession forestière à racheter dans le cas de la rivière Nouvelle, allez-vous faire ce que vous avez fait pour la rivière Pentecôte, pour la CIP?

M. Toupin: Avant que le député de Saguenay dramatise trop...

M. Lessard: On va dramatiser tantôt.

M. Toupin: ... on va discuter des problèmes objectivement.

M. Lessard: Je suis en bonne condition psychologique, à part de ça.

M. Toupin: Les commissions parlementaires sont souvent une occasion de se défouler pour un député et je suis d'accord avec ça. Je ne vois pas d'inconvénient à ça.

M. Lessard: C'est parce qu'en Chambre, on n'a pas pu s'en parler tellement longtemps et le ministre a refusé de revenir aux engagements financiers. Là, on est en commission.

M. Toupin: Je n'ai pas refusé d'assister aux engagements financiers.

M. Lessard: En tout cas, continuons jusqu'à la rivière Nouvelle.

M. Toupin: J'ai envoyé à la commission des engagements financiers toute la documentation dont vous aviez besoin pour vous éclairer sur le problème.

M. Lessard: C'est le ministre que ie voulais interroger.

M. Toupin: Vous en aviez un, c'est M. Oswald Parent, qui est responsable...

M. Lessard: Oh!

M. Toupin: C'est le ministre de la Fonction publique qui était, à ce moment-là, responsable de la commission des engagements financiers. Il l'est encore, d'ailleurs. Ne dramatisons pas les problèmes. Regardons-les objectivement.

En ce qui concerne la rivière Nouvelle, nous sommes à négocier avec NBIP sa concession forestière. Sa concession forestière regarde le ministère des Terres et Forêts. Je sais comme vous que le problème a été soulevé, si ma mémoire est bonne, en 1972 ou 1973, à l'Assemblée nationale, au moment où on a appris que la compagnie s'apprêtait à travailler dans la rivière Nouvelle avec ses tracteurs.

Le ministère des Terres et Forêts a réexaminé la situation et il a proposé à la compagnie un mode de transport qui sauvegarde le caractère naturel de la rivière, d'où le nouveau chemin qu'on a fait construire pour éviter que la rivière Nouve'le soit utilisée et qu'on continue, comme le député de Saguenay le dit si bien, à la massacrer.

En ce qui nous concerne, au ministère des Terres et Forêts, nous avons au moins fait ce geste-là. On va rétrocéder la concession de NBIP, qui appartient à International Paper et on va régler notre problème nous-mêmes. Nous avons fait l'effort que nous avions à faire pour ce qui est de l'utilisation de la rivière Nouvelle, en imposant une autre façon de faire le transport du bois.

Comment le ministère des Richesses naturelles, à son tour, va-t-il régler le problème de la rivière Nouvelle? Je préférerais que cette question soit discutée au moment où le ministère des Richesses naturelles étudiera ses crédits, si jamais ce n'est fait.

M. Lessard: D'accord.

M. Toupin: Je ne veux pas, à ce moment-là, mettre de côté le problème.

M. Lessard: Bon!

M. Toupin: Mais je ne veux pas prendre d'engagement pour mon collègue du ministère des Richesses naturelles. Je vous dis ce que le ministère des Terres et Forêts a fait jusqu'à maintenant. Quand je suis arrivé au ministère et qu'on s'est rendu compte qu'il y avait là des dommages causés à la rivière et qu'un chemin était en construction, on a posé des exigences non seulement minimales, mais des exigences qu'il fallait poser pour qu'une autre utilisation soit faite par la compagnie, dans le cadre de ses moyens de transport, en comparaison avec les chemins qu'elle avait auparavant, c'est-à-dire ceux qui passaient près de la rivière.

M. Lessard: Bon! On va laisser de côté la rivière Nouvelle, étant donné que, tant du côté du ministère des Richesses naturelles que du côté du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et du troisième ministère où j'en parle, soit le ministère des Terres et Forêts, on se renvoie la balle et qu'on attend une politique.

M. Toupin: Je ne pense pas... M. Lessard: On va parler...

M. Toupin: M. le Président, je ne laisserai pas passer des choses comme cela.

M. Lessard: Cela fait trois fois. Vous n'avez pas assisté aux deux autres commissions.

M. Toupin: Je ne renvoie pas la balle à mon collègue des Richesses naturelles Je dis que la question des eaux... Vous le savez fort bien. Ne faites pas dire à une personne des choses qui sont fausses. Le député de Saguenay sait fort bien que le problème de l'eau ne relève pas du ministère des Terres et Forêts. Je n'ai pas demandé à mon collègue des Richesses naturelles...

M. Lessard: II relève des Terres et Forêts, dans le sens qu'il relève peut-être de douze ou quatorze ministères.

M. Toupin: Oui, mais le problème de la rivière Nouvelle...

M. Lessard: II est censé, d'ailleurs y avoir un comité interministériel constitué des ministères des Terres et Forêts, des Richesses naturelles, du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche pour essayer justement de régler le problème de l'eau.

M. Toupin: C'est cela.

M. Lessard: Et de l'environnement.

M. Toupin: L'eau.

M. Lessard: Avec le ministre qu'on y a, on va attendre I'an 2C02.

M. Toupin: L'eau en particulier. Vous irez le lui dire, à lui. Moi, je ne...

M. Lessard: Je le lui ai dit, d'ailleurs, tantôt.

M. Toupin: Vous le lui répéterez évidemment. Ce n'est pas mon problème. Vous avez ces droits. On est encore en démocratie au Québec.

M. Lessard: On est encore...

M. Toupin: C'est vraiment formidable.

M. Lessard: Mais, ne pas mentir. On est encore en démocratie, cela dépend de quelle démocratie.

M. Toupin: On a l'occasion de se...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! L'honorable ministre.

M. Toupin: On a l'occasion encore de dire ce qu'on a à dire dans cette belle société québécoise. Je disais, M. le Président, que je ne renvoie pas la balle à mon collègue des Richesses naturelles. Je dis que c'est un problème qui relève de lui. Je ne demande pas à mon collègue de régler mes problèmes de concession forestière. Je règle mes problèmes de la concession forestière. Les problèmes qui en découlent, je suis capable de les défendre, dans la mesure où ce sont de vrais problèmes qui me sont posés.

Rivière Pentecôte

M. Lessard: De la rivière Nouvelle, M. le Président, on va passer à la rivière Pentecôte. Je pense que ce problème relève entièrement du ministère des Terres et Forêts, puisque...

M. Toupin: C'est vrai, par exemple.

M. Lessard: ... tant de Témiscamingue que de la rivière Pentecôte, les montants qui étaient prévus ont été payés par le ministère des Terres et Forêts, à la fois pour le lit de la rivière, comme pour tous les investissements qui ont été faits.

Si je reviens sur ce problème, c'est qu'il m'apparaît extrêmement important, parce que c'est l'une des premières concessions forestières qui est rachetée par le ministère des Terres et Forêts. Mais, il y a une autre raison, M. le Président. Au cours de différentes conférences de presse, à savoir la conférence de presse du ministre, la conférence de presse que j'ai moi-même donnée, ainsi que différents documents qui ont été publiés sur le sujet, nous n'avons jamais eu l'occasion d'en discuter véritablement avec le ministre comme tel et de poser les questions que je voulais poser; sinon à l'Assemblée nationale, alors qu'il nous était possible de contre-interroger le ministre.

Je voudrais d'abord — je m'excuse, cela peut être assez long — faire un peu l'historique du cas de la rivière Pentecôte. Je vais le faire de la façon la plus brève possible. Je ne parlerai pas des cinq lettres que j'ai écrites sur le sujet. Je vais essayer de parler des quelques lettres qui m'apparaissent importantes, depuis 1970, parce qu'il n'y a absolument aucune raison qui justifiait le ministère des Terres et Forêts de ne pas connaître le cas de la rivière Pentecôte.

En effet, tant le député de Saguenay que d'autres organismes de la région, à la suite du député de Saguenay, sont intervenus auprès du ministre des Terres et Forêts, non pas le ministre actuel, mais l'ex-ministre des Terres et Forêts, sur le cas de la rivière Pentecôte.

M. le Président, c'est en 1970, le 16 septembre 1970, que j'écrivais au ministre des Terres et Forêts, M. Kevin Drummond, alors que je lui exposais la situation de la rivière Pentecôte, c'est-à-dire la destruction complète du barrage de la rivière Pentecôte. Dès le 16 septembre 1970, j'indiquais au ministre que la compagnie avait détruit consciemment un barrage de la rivière Pentecôte, je dis bien consciemment, malgré encore tout ce qu'a pu dire le ministre actuel des Terres et Forêts comme l'ex-ministre des Terres et Forêts. Je dis bien consciemment, parce que le gérant de la compagnie à Rivière-Pentecôte, à ce moment, un dénommé M. Lavoie, a donné ordre à deux individus dont j'étais prêt à fournir les noms, ainsi que les affidavits, d'aller détruire un barrage de la rivière Pentecôte, parce que cela nuisait au flottage du bois. Dès 1970, j'en ai informé le ministre. Les conséquences, vous les connaissez, c'est que la rivière Pentecôte est devenue par la suite une rivière absolument embourbée d'arrachis, de sable, d'eau boueuse, etc., inutilisable. Même le port de Pentecôte n'est pius utilisable pour la simple petite chaloupe à moteur, parce que c'est rempli de sable. Une autre conséquence, c'est qu'à la suite de cela, la compagnie a décidé de "sacrer le camp" — j'emploie cette expression, parce que c'est véritablement le cas — a décidé de laisser la population, de laisser crever, comme d'autres compagnies forestières, la population, après avoir détruit complètement le site de Pentecôte et le site de la rivière Pentecôte. Donc, le 16 septembre 1970, j'informais le ministre de cette situation.

A un moment donné, plusieurs lettres ont été échangées entre le ministre des Terres et Forêts et moi-même, le ministre des Richesses naturelles et moi-même, ainsi que l'OPDQ à qui j'ai envoyé copie de cette correspondance. On me répond ceci, exactement ce que me dit un peu le ministre, concernant la rivière Nouvelle: La compagnie CIP a la propriété — c'est du côté du ministère des Richesses naturelles — du lit de la rivière et on ne peut absolument rien faire. Plus que cela, au début, on me répond...

La première lettre que j'ai reçue du ministre des Terres et Forêts du temps, M. Kevin Drummond, était à peu près celle-ci: C'est que la compagnie n'est pas responsable, que ce n'est pas par mauvaise volonté, en fait, qu'on a détruit ce barrage. C'est par erreur que des employés ont détruit ce barrage.

J'écris de nouveau au ministre Kevin Drummond, dans le temps, pour lui indiquer que c'est entièrement faux, qu'il a fait son enquête maison auprès de la compagnie, et c'est d'ailleurs ce qu'il

me disait, qu'il s'agit tout simplement d'aller voir, d'aller faire une enquête auprès de la population locale, et je lui indique en particulier un certain nombre de personnes auprès desquelles il peut faire enquête et qu'il allait connaître, à ce moment-là, la vérité sur cette question.

Devant ce fait, le ministre me dit qu'il va faire enquête à nouveau, mais l'autre lettre qui me revient est la suivante: On ne peut rien faire, le lit de la rivière appartient à la compagnie.

Le 15 février 1972, encore là, M. le Président, je reviens à la charge, soit deux ans.. On a eu toute une correspondance antérieure à ça que j'ai dit qu'on allait résumer et qui démontre que le gouvernement, en fait, était parfaitement au courant de la situation.

Le 15 février 1972, j'interviens de nouveau auprès du ministre Kevin Drummond, ministre des Terres et Forêts, hôtel du Gouvernement, Québec. Objet: Destruction d'un barrage par la Compagnie internationale de papier sur la rivière Pentecôte. Je ne vous lirai pas toute la lettre, M. le Président, mais je résume.

Je dis ceci: "C'est pourquoi je veux, de nouveau, attirer votre attention sur les dommages considérables qui furent causés volontairement par cette entreprise lorsqu'elle a demandé à deux de ses employés d'aller détourner un barrage, et cela, sans avoir obtenu au préalable la permission du ministère des Richesses naturelles. En effet, même si le lit de la rivière Pentecôte a été concédé par lettres patentes par le gouvernement du Québec à Pentecôte's Lumber Company, le 23 septembre 1903, il existe une loi qui oblige toute compagnie ou tout individu à demander la permission au ministère des Richesses naturelles avant d'entreprendre des travaux dans un cours d'eau situé sur le territoire québécois. "Or, je sais que cette permission n'a jamais été demandée par la Compagnie internationale de papier. Je suis intervenu à ce sujet, tant auprès de votre ministère qu'auprès du ministère des Richesses naturelles, et on m'a toujours répondu que, d'après les informations obtenues, la destruction du barrage aurait été faite involontairement. "Comme ces réponses ont toujours paru insatisfaisantes, j'ai continué de faire mon enquête, et je puis, aujourd'hui, affirmer que ces travaux ont été faits volontairement par l'entreprise concernée. Je peux en effet vous fournir le nom de deux exemployés de cette compagnie qui sont prêts à témoigner en ce sens. De plus, j'ai moi-même interrogé un contremaître de la compagnie, qui m'a confirmé que tout avait été prémédité. "Je ne peux donc comprendre le paragraphe suivant de votre lettre du 15 octobre 1970, suite à la mienne du 17 septembre 1970. Ce paragraphe se lit comme suit: "Selon les renseignements obtenus, à la suite d'un rapport qui m'a été soumis par notre chef de district, il est vrai qu'une vieille écluse latérale, construite en 1946, a cédé à !a suite d'une fausse manoeuvre d'un tracteur qui poussait le bois à pâte à la rivière. " "M. le ministre, je me demande où votre chef de district a pris ces informations. Il semble que ces informations proviennent exclusivement de la compagnie puisqu'on ne s'est aucunement préoccupé d'aller interroger certains employés de cette compagnie, à Rivière-Pentecôte, qui ont eux-mêmes produit "cette fausse manoeuvre d'un tracteur", et cela, à la demande expresse de leur employeur. Si votre chef de district n'a pas été capable de trouver ces personnes, je peux lui fournir les noms et je suis prêt à me rendre moi-même à Rivière-Pentecôte en compagnie de votre chef de district pour interroger ces personnes. "Quant à moi, je puis affirmer d'ores et déjà que la compagnie est entièrement responsable des travaux qui ont été effectués et, par conséquent, des conséquences néfastes qui ont découlé de la destruction du barrage. "Lorsque des négociations seront entreprises par votre ministère avec cette compagnie, celle-ci devrait être obligée de réparer les dégâts qui ont été causés par l'irresponsabilité de certains de ses administrateurs. "Actuellement, le gouvernement fédéral a entrepris le dragage de l'embouchure de la rivière et cela encore une fois avec l'argent des contribuables québécois et canadiens. "La Compagnie internationale de papier aurait dû tout simplement être amenée devant les tribunaux par le gouvernement du Québec et aurait dû être condamnée à payer tous les dommages qui résultent de l'action irréfléchie de l'un ou de l'autre de ses administrateurs."

J'arrête ici. J'ai eu, par la suite, plusieurs autres échanges de correspondance avec le ministère des Terres et Forêts et avec le ministère des Richesses naturelles.

Donc, je soumets que le ministre des Terres et Forêts était entièrement informé de la situation et de ce qu'avait fait la compagnie à Rivière-Pentecôte. Plus que cela, même si le ministre des Terres et Forêts a continué d'affirmer que la compagnie avait fait cette destruction par erreur, je soumets un article paru dans la revue Ressources, où M. Robert Héroux, qui est professeur, je pense, à l'Université Laval, décrivait un peu la situation du sol sur la Côte-Nord afin de formuler un certain nombre de normes d'exploitation forestière qui permettraient la repousse et la conservation de notre forêt.

Et M. Héroux donnait deux exemples pour démontrer que, sur la Côte-Nord, en particulier, il fallait avoir des normes très strictes pour l'exploitation forestière.

Voici comment M. Héroux explique l'érosion de la rivière Pentecôte. Il dit ceci: "En 1969, pour faciliter le flottage du bois sur la rivière Pentecôte, on a cru bon de recouper..." — on a cru bon de recouper, donc il arrive aux mêmes conclusions que moi — " ... artificiellement un méandre de la rivière. En agissant de la sorte, on supprimait une zone d'embâcle formée par un rétrécissement du cours d'eau au contact de la roche en place. "Cette mesure a eu comme conséquence d'entraîner une reprise d'érosion très vive dans la section en amont des travaux et une sédimentation intense dans la partie inférieure de la rivière. Il

n'est pas du tout exagéré de dire que le régime de la rivière a été complètement perturbé avec toutes les suites désastreuses que ces changements ont produites sur la stabilité des berges et sur le milieu aquatique."

Il parlait aussi de la rivière Moisie. Je veux le citer immédiatement parce que je vais revenir à la rivière Moisie, tout à l'heure. Dans la rivière Moisie, ce n'est pas complètement la nature. Il y a eu de l'exploitation forestière aussi. "Deux éboulements se sont produits le long de la rive gauche de la rivière Moisie à quelques milles de son embouchure, l'un en 1959 et l'autre en 1966. Lors des éboulements de 1966, quatre millions de verges cubes de sable et de gravier sont allés, en l'espace de six heures, encombrer le cours de la Moisie, perturbant complètement son régime en plus d'ensevelir les fosses à saumon qui se trouvaient en aval de l'éboulement. "De plus, si des mesures particulières de protection ne sont pas prises en restreignant, par exemple, les exploitations forestières dans le secteur compris entre la rivière aux Rats Musqués et les têtes de vallon creusées par les éboulements de 1959 et de 1966, il y a danger pour que la rivière aux Rats Musqués, qui se décharge présentement dans le fleuve, emprunte l'un des sillons laissés par les éboulements qui s'écoulent dans la rivière Moisie."

Je conviens que c'est la nature, mais actuellement, avec Rayonier Québec, cela ne sera pas la nature qui va se continuer.

M. Toupin: Ah bon! C'est vrai.

M. Lessard: C'est dans ce sens, justement. Jusqu'ici, dans le cas de la rivière Moisie, c'est la nature. Il n'y avait pas eu d'exploitation forestière, à ma connaissance. Mais je reviens, concernant... Pardon?

M. Toupin: II faudrait actionner saint Joseph.

M. Lessard: Oui, on va actionner. Concernant la rivière Pentecôte, M. le Président, le gouvernement a été informé de la situation. Je voudrais faire connaître la loi, lire les articles sur lesquels je me base quand j'affirme qu'il y a une loi du ministère des Richesses naturelles qui empêchait la compagnie de faire la destruction de ce barrage. Je voudrais citer les articles 32 et 33 du chapitre 84 des Statuts refondus de Québec, 1964, Loi du régime des eaux, qui disent ceci: "II est et il a toujours été loisible de construire, entretenir des chaussées, glissoires, jetées, estacades, écluses et autres ouvrages nécessaires pour faciliter le flottage ou la descente des bois, radeaux et embarcations quelconques dans ces rivières, lacs, étangs, criques et cours d'eau, d'y faire miner les roches, creuser ou enlever les bancs de sable, enlever les arbres, arbustes ou autres obstacles, sans toutefois causer de dommages à tels rivières, lacs, étangs, criques ou cours d'eau." "S'il est indispensable, pour la construction de ces améliorations, de prendre et d'occuper une propriété particulière, il doit être procédé à l'ex- propriation du terrain strictement nécessaire à cet effet. "Dans les rivières fréquentées par le saumon, il ne peut être fait aucune des opérations prévues par la présente section que si elles sont, au préalable, autorisées par le lieutenant-gouverneur en conseil qui détermine comment doivent être faits les travaux et les conditions auxquelles ils peuvent être faits."

C'était l'article 32.

Voici l'article 33: "Nul ouvrage ou amélioration mentionnée dans l'article 32 dont la construction, l'exécution ou le maintien nécessitent la prise de possession ou l'occupation de propriété publique ou privée, ou affectent d'une manière préjudiciable l'une ou l'autre de ces propriétés ou les droits publics ou privés,— c'est-à-dire aussi l'utilisation de la rivière et de l'eau par les individus — soit par le refoulement des eaux, soit autrement, ne peuvent être construits, exécutés ni maintenus à moins que des plans et devis s'y rapportant ne soient préalablement approuvés par le lieutenant-gouvernement en conseil."

Cela m'apparaît assez clair.

M. Toupin: C'est sur sa propriété privée ou si ce sont des individus...

M. Lessard: C'est-à-dire, sur tout. Dans les rivières fréquentées par le saumon. C'était une rivière fréquentée par le saumon, comme la rivière Nouvelle était une rivière fréquentée par le saumon.

M. Toupin: Etes-vous bien certain que la rivière Pentecôte est une rivière à saumon?

M. Lessard: C'est-à-dire qu'elle a été une rivière à saumon, c'était une rivière considérée comme une mauvaise rivière à saumon; c'était quand même considéré parmi les rivières...

M. Toupin: Est-ce que vous avez des preuves que le saumon montait dans la rivière Pentecôte?

M. Lessard: Je n'ai jamais pêché dans la rivière Pentecôte. Maintenant, il ne monte certainement plus.

M. Toupin: Est-ce que vous avez demandé à des biologistes?

M. Lessard: Là, il ne monte plus, c'est certain.

M. Toupin: Est-ce que vous avez demandé à des biologistes si du saumon montait dans la rivière Pentecôte?

M. Lessard: De toute façon, il est possible de faire ces travaux sans toutefois causer des dommages à tels rivières, lacs, étangs, criques ou cours d'eau. A l'article 33, on parle d'approbation des plans, si cela peut causer des dommages, non seulement à la propriété publique, mais aussi à la propriété privée, et de la nécessité d'avoir des plans et devis, c'est-à-dire de soumettre plans et

devis au ministère des Richesses naturelles. Je pense que c'est clair. Cela n'a pas été fait.

Mais c'est après qu'il y a le plus grave, parce qu'après, la compagnie a dû s'en aller. Elle n'avait pas le choix, contrairement à ce qu'a essayé de nous dire le ministre. Elle ne pouvait plus exploiter la forêt parce que non seulement elle ne pouvait plus expioiter, M. le Président, mais elle ne pouvait même plus sortir son bois. Il n'y avait plus un bateau qui pouvait accoster le quai, et encore actuellement. On peut mettre 50 cordes ou 60 cordes... Même les petits bateaux maintenant ne montent plus dans la rivière. I! n'y avait plus un bateau qui pouvait accoster un quai. Donc, la compagnie n'était plus capable de sortir son bois par bateau.

M. Toupin: C'est le problème de presque toutes les rivières sur la Côte-Nord. C'est un problème. On rencontre des bancs de sable un peu partout accumulés avec les années à la suite d'éboulis, etc. C'est le problème de plusieurs rivières. Celui-là est particulier, mais c'est le problème de plusieurs rivières. Je pense que M. Hércux, dans son article, en fait mention, si ma mémoire est bonne.

M. Lessard: Oui, M. Héroux en parle à un moment donné. Mais ce n'était pas le problème avant la destruction du barrage. On pouvait aller assez loin sur la rivière en petit bateau. On pouvait très facilement entrer, parce que j'y suis allé. Figurez-vous que c'était dans mon comté. On va parler tantôt des travaux que vous avez payés, les travaux de voirie, prétendument parce que la compagnie a fait des travaux de voirie. Mais, j'étais député dans le temps, à Pentecôte. Pour améliorer les chemins, je sais à quel ministère on s'est adressé. On va se parler des inventaires que vous avez faits, on va parler aussi de M. Jean Le-sage dans le dossier. On va voir de quelle façon ce dossier s'est négocié. C'est grave parce que c'est la première, il y avait des compagnies forestières qui surveillaient cet achat de concession.

Qu'est-ce qu'on a payé pour la rivière Pentecôte après tout ce que je viens de décrire, après avoir détruit la rivière, après avoir exploité la forêt de façon plus ou moins rationnelle? Et je l'affirme. Après avoir laissé la population comme ça, sans aucun avertissement, à un moment donné, la compagnie se retourne de bord et dit: Maintenant, c'est le temps, on va rétrocéder nos concessions forestières. Cela faisait quand même depuis 1970 que la compagnie était partie. L'exploitation qui se faisait par cette compagnie diminuait constamment d'année en année. L'amélioration des routes était laissée pour compte, c'est le cas de le dire, et les ponts aussi, c'est le cas de le dire.

Donc, les investissements, qui avaient d'ailleurs été amortis par la compagnie sur plusieurs années, dans la concession forestière de la compagnie étaient presque nuls. Qu'a-t-on donné à la compagnie? On ne lui a pas demandé de dommages. Que lui a-t-on versé? $941 000. Quand on pense qu'on a de la misère à avoir des montants dans nos régions, $941 000 versés pour la recupération des territoires de Rivière-Pentecôte; c'est ce qu'on a donné.

Comment est-ce que ça se répartit? On va essayer de l'analyser. Lit de la rivière, $345 753...

M. Toupin: Ce n'est pas ça. Je corrigerai les chiffres tantôt.

M. Lessard: Pas le lit de la rivière, je m'excuse, je corrige; le lit de la rivière, ce n'est pas exact. J'avais sauté deux pages.

M. Toupin: Je corrigerai tous ces chiffres tantôt.

M. Lessard: Oui, oui, vous corrigerez. $345 753 pour les améliorations foncières sur le territoire détenu en franc-alleu par la compagnie. Probablement que c'est... Voici, j'ai l'arrêté en conseil devant moi. Si vous voulez, on peut lire l'arrêté en conseil. On va y aller selon l'arrêté en conseil, parce que moi, j'ai fait une compilation. On va respecter l'arrêté en conseil. Lit de la rivière, mais ça, comme tel, vous allez diviser $17 000 et ensuite le reste, les bâtisses, les bâtiments, l'aqueduc, etc. Lit de la rivière, propriété franc-alleu, $104 653. D'ailleurs, l'arrêté en conseil n'a jamais été publié. Je peux vous le lire, ce n'est pas compliqué...

M. Toupin: Un arrêté en conseil, M. le Président, c'est public.

M. Lessard: Non, non, pour autant qu'il est publié dans la Gazette officielle, mais il y a des arrêtés en conseil qui ne sont pas publiés dans la Gazette officielle, M. le Président, et c'en est un qui n'a pas été publié dans la Gazette officielle.

M. Toupin: Cela dépend des lois, mais tout arrêté en conseil peut être requis par n'importe qui, n'importe quand.

M. Lessard: D'accord, mais pour autant qu'on le sache.

M. Toupin: Vous avez des recherchistes.

M. Lessard: Mais qui va me dire... Je ne savais pas qu'elle avait été rachetée. Je savais que ça se préparait et je la surveillais, la transaction.

M. Toupin: Si la loi dit, par exemple, que ça prend un arrêté en conseil pour le faire, s'il y a une rétrocession qui se fait, cherchez l'arrêté en conseil.

M. Lessard: Dans ce cas, l'arrêté en conseil, on l'a trouvé comme on a pu.

M. Toupin: C'est déjà bon.

M. Lessard: Voici: "Attendu que la compagnie détient en pleine propriété dans le bassin de la rivière Pentecôte un franc-alleu d'une superficie

d'environ 8,2 milles carrés dont la valeur, selon le ministère des Terres et Forêts, équivaut à une somme de $104 653." Donc, on ne conteste pas, ce sont des arrêtés en conseil tel quels. Bon. "Attendu qu'en outre, la compagnie possède, à l'embouchure de la rivière Pentecôte, à l'intérieur de son franc-alleu, certains biens immobiliers évalués par le ministère des Terres et Forêts, à une somme de $241 100."

M. le Président, j'ai vu les bâtisses de !a compagnie. J'ai vu de quelle façon elles avaient été entretenues. Je ne sais pas qui a fait l'évaluation, je ne le sais pas. Je ne comprends pas grand-chose dans l'évaluation, mais je sais, par exemple, qu'une baraque, c'est une baraque. Je suis capable de dire cela. D'autant plus que la compagnie n'était plus là et que ce n'était plus utilisable ces choses-là.

Remboursement de la rente foncière 1972/73, probablement des taxes, $10 100. Travaux de nature permanente: chemins et ponts. Je l'ai fait. Je suis allé voir les chemins. Je suis allé avec un individu de Rivière-Pentecôte et nous avions un "4 X 4" pour s'y rendre, parce qu'autrement, nous ne serions pas passés. Les ponts étaient détruits et ainsi de suite. $377 147.

Travaux d'inventaire. On va parler des travaux d'inventaire. Il y a un arrêté en conseil du 16 juillet qui parle des travaux d'inventaire en disant de quelle façon on fait les travaux d'inventaire. L'article 4 de l'arrêté en conseil 2875-75 dit ceci: Sauf pour les plans quinquennaux d'exploitation, les travaux d'inventaire et d'aménagement sont évalués suivant leur coût de revient déprécié, en ligne droite, sur les dix dernières années précédant la révocation.

Je ne sais pas si vous vous rappelez, lors de la première séance de la commission parlementaire, où j'ai interrogé un de vos fonctionnaires. Je lui ai demandé pour combien d'années était valide un inventaire forestier. Il m'a souligné, à ce moment-là, qu'un inventaire forestier, c'était bon pour dix ans et qu'après dix ans, cela ne valait rien. Cela ne valait pas la dernière lettre de mon parti.

C'est ce qu'explique l'article 4, que la dévaluation de l'inventaire, cela se fait en ligne directe, sur une période de dix ans.

M. Toupin: Est-ce que cela voudrait dire que la dernière lettre de votre parti n'a pas de prix?

M. Lessard: Non. Cela veut dire que l'inventaire, après dix ans, ne vaut rien. Combien ont été payés les inventaires de la compagnie qui ont été faits en 1953, je pense, si ma mémoire est bonne. Je l'ai, ce sont les inventaires qui ont été faits en 1958/59 et en 1963.

Quand nous avons racheté, c'était en 1975. Donc, depuis 1963, il s'est passé douze ans. Donc, l'inventaire ne vaut rien. Il y en a des inventaires de 1958 et d'autres de 1963. Donc, en vertu de l'arrêté en conseil que vous aviez vous-même présenté au Conseil des ministres, l'inventaire ne valait rien.

Combien a été payé l'inventaire à la CIP? $72 934. On pourrait se demander... On y reviendra tantôt. Intérêts à compter du 24 mai 1972. La compagnie avait sacré le camp et on lui paie de l'intérêt, en plus. Elle avait sacré le camp; elle n'était plus capable d'exploiter la forêt, elle s'en va, mais gentils comme vous l'êtes toujours vis-à-vis des compagnies forestières, on paie de l'intérêt, nous autres, les fous. Intérêts à compter du 24 mai 1972, $83 364.

M. Toupin: Vous êtes rendu créditiste, vous parlez de placer de l'argent sans intérêt?

M. Lessard: Ecoutez, il n'y a pas d'intérêts à payer là-dedans. La compagnie est partie. Elle ne faisait plus d'exploitation forestière, Elle est partie et vous savez pourquoi elle est partie.

M. Toupin: C'est parce que je fais un lien avec la théorie du crédit social.

M. Lessard: II n'y a pas de lien du tout. M. Toupin: II n'y en a pas? Ah!

M. Lessard: Votre théorie, c'est de payer au plus fort la poche, comme on l'a vu pour les Olympiques, comme on le voit ici et comme on va le voir ailleurs. Entretien des valeurs immobilières. Est-ce que c'est l'entretien des chemins? Je ne sais pas de quel entretien il s'agit. De 1972 jusqu'en 1975, $52 403. Entretien des valeurs immobilières.

J'espère qu'on va m'expliquer ce que cela veut dire entretien. Oui, entretient le chemin à l'intérieur de la municipalité de Rivière-Pentecôte. De 1972 à 1975, vous ne viendrez pas me dire que la compagnie a entretenu des chemins sur sa concession forestière. Si vous venez me le dire, on peut aller plus loin et, à un moment donné, on va faire comme à la cour et on va déménager la commission ailleurs parce que, écoutez, je le sais, je vivais là-dedans, je l'ai vu, ce dossier, je l'ai vécu. Les gens de Rivière-Pentecôte m'en ont parlé et on en a discuté.

M. le Président, j'aimerais revenir au cas de $72 934. Je voudrais savoir, avant d'y revenir... Le ministre m'a déjà confirmé à l'Assemblée nationale que M. Jean Lesage lui-même — encore M. Jean Lesage — qui était dans le portrait pour Rayonier Québec et qui est dans le portrait dans le cas de Rivière-Pentecôte...

M. Tremblay: C'est un grand homme.

M. Lessard: Oui, un grand homme qui commence à être membre de plusieurs conseils d'administration. Il commence à en profiter en maudit de ce temps-ci... que M. Jean Lesage était au dossier.

M. Tremblay: Un grand homme respectable et respecté.

M. Lessard: Ceci m'était confirmé d'ailleurs, par une lettre que j'ai ici, une lettre du 14 mai 1975...

M. Tremblay: Un bon Canadien français.

M. Lessard: ... lettre qui a été envoyée a M. Bertrand Lacroix, ingénieur forestier, conseiller en évaluation forestière au ministère des Terres et Forêts, 200 b, chemin Sainte-Foy, Québec. Sujet: Concession forestière: Rivière-Pentecôte. "Cher Bertrand — c'est M. Rivard, ingénieur forestier en chef de la Compagnie internationale de papier qui écrit à M. Bertrand — "En retournant à ton bureau, demain matin, tu auras probablement le rapport de Gaston Germain sur notre réclamation de $72 934, concernant l'inventaire forestier périodique sur la concession de la rivière Pentecôte. "Je t'inclus copie d'une lettre de Laurent Lé-tourneau à Marcel Pinard, datée du 12 mars 1975 qui explique en détail la façon d'arriver au coût unitaire par parcelle. "De plus, j'ai fait compiler à ton intention la répartition des coûts pour les années de sondage 1958, 1959 et 1963, et tu pourras constater, par les différents items, comment on peut expliquer la différence dans le coût moyen entre $97.45 en 1958 et 1959 et $62.94 en 1963. "J'espère-que ces deux documents additionnels auxquels j'attache copie du tableau du 12 mars que tu as déjà en main contribueront à mettre le point final sur cet item de $72 934 — c'est l'ingénieur de la compagnie qui écrit — indiqué comme tel au cinquième avant-projet de l'arrêté en conseil, à l'item 3 c, page 4. "Nous avons en effet reçu copie de ce cinquième avant-projet par l'entremise de M. Lesage hier et, d'ici la fin de semaine, M. Lesage devrait être informé des réactions de la direction de la CIP à ce nouvel avant-projet. "Bien à toi, "G.-F. Rivard, ingénieur forestier."

C'est l'ingénieur forestier qui a écrit à M. Lacroix et qui réclame la somme de $72 934, exactement le montant qui est indiqué à l'arrêté en conseil du 4 juin 1975 qui rachetait la concession forestière. C'est de la négociation, figurez-vous, alors que, justement, en vertu d'un autre arrêté en conseil, les inventaires, ne valaient absolument rien, ils dataient de dix ans. Ces inventaires auraient dû être payés zéro cent.

M. Toupin: M. le Président, je ne crois pas que le gouvernement ait payé pour les inventaires. Le gouvernement n'a pas donné un cent pour les inventaires.

M. Lessard: Voici: Travaux d'inventaire, $72 000. On parle d'arrêté en conseil.

M. Toupin: Ce que le gouvernement a payé, ce sont les places échantillons qui sont faites de façon permanente pour faire les inventaires.

M. Lessard: En 1952...

M. Toupin: C'est seulement cela que le gouvernement a payé. Il a payé des investissements que la compagnie avait faits pour préparer des places, des échantillons, des places échantillons sur sa concession, qui demeurent tout le temps et auxquels on se réfère tout le temps pour faire les inventaires. C'est cela qu'on a payé.

On n'a pas payé les inventaires. On a payé les places échantillons. Tu peux appeler cela des inventaires dans l'arrêté en conseil, mais c'est la place échantillon qu'on a payée. On ne paie pas des inventaires.

M. Lessard: Bon!

M. Toupin: On paie les méthodes qu'on prend pour les faire.

M. Lessard: Maintenant, première question, c'est la question que j'ai tenté de soulever à l'Assemblée nationale, à un moment donné. Quel a été le rôle...

M. Toupin: De M. Lesage.

M. Lessard: ... de M. Jean Lesage dans ce dossier?

M. Toupin: On va vous le dire.

M. Lessard: Sur quei prix... D'accord, quel a été le rôle de M. Jean Lesage? Il représentait qui, M. Lesage, dans ce dossier?

M. Toupin: M. Lesage, je ne sais pas pourquoi vous vous en prenez tellement à M. Lesage, qui a déjà été...

M. Lessard: Pour $1 million.

M. Toupin: ... considéré par votre...

M. Lessard: Ah oui! Il a été un bon premier ministre.

M. Toupin: ... chef, comme étant des plus grands premiers ministres de la province de Québec.

M. Lessard: D'accord, j'ai même fait campagne pour lui en 1960.

M. Toupin: C'est déjà pas mal.

M. Lessard: Oui, mais depuis ce temps, il a. changé, je ne ferai plus campagne pour lui.

M. Toupin: Etes-vous sûr que c'est lui qui a changé?

M. Lessard; Vous regarderez combien de conseils d'administration, à un moment donné, dans ce...

M. Toupin: Ecoutez, M. Lesage n'a-t-il plus le droit de travailler maintenant qu'il n'est plus premier ministre?

M. Lessard: Oui, mais le problème n'est pas

cela. I! a le droit de travailler, mais, en même temps, il est conseiller juridique du gouvernement. En même temps, il agit au nom du gouvernement, dans le dossier de Rayonier Québec. Il agit au nom du gouvernement dans le dossier dont je parle actuellement, celui de Rivière-Pentecôte. Chaque fois, vous me passerez l'expression, mais, chaque fois, on s'est fait organiser, d'accord?

M. Toupin: Est-ce que vous pouvez faire la preuve?

M. Lessard: Quelle était la fonction de M. Jean Lesage?

M. Toupin: Est-ce que vous pouvez faire la preuve que M. Jean Lesage s'est placé dans des conflits d'intérêts?

M. Lessard: Oui, il s'est placé dans des conflits d'intérêts.

M. Toupin: Vous pouvez faire cette preuve?

M. Lessard: Dans le cas de Rayonier Québec, il était en conflit d'intérêts, parce que celui qui négociait pour Rayonier Québec et M. Jean Lesage qui négociait pour le gouvernement, devant M. Poirier, l'avocat, étaient tous les deux membres du conseil d'administration de Canadian Reynolds.

M. Toupin: Oui, mais Reynolds n'a rien à voir avec Rayonier.

M. Lessard: II n'a rien à voir, écoutez. Il ne faut quand même pas charrier.

M. Toupin: Si vous pouvez faire la preuve que...

M. Lessard: Revenons à cette situation...

M. Toupin: C'est exactement... Ecoutez, je réponds à la question que vous m'avez posée, je ne fais rien d'autre que cela. Vous m'avez posé la question suivante...

M. Lessard: Quel a été le rôle de...

M. Toupin: Quel est le rôle de M. Lesage là-dedans?

M. Lessard: Oui.

M. Toupin: Vous semblez mettre en doute la capacité juridique de M. Lesage.

M. Lessard: Non, je ne mets pas en doute sa capacité juridique.

M. Toupin: Oui, parce que vous dites qu'il se mêle à des conflits d'intérêts.

M. Lessard: Non, ce n'est pas une question de capacité juridique.

M. Toupin: Je parle de capacité juridique en tant qu'homme, en tant que statut. Il a un statut public, il a un statut civil, comme vous en avez un vous aussi. C'est cela qu'est sa capacité juridique.

M. Lessard: ... utilisons les termes exacts. Si vous me parlez de capacité juridique de M. Lesage...

M. Toupin: ... sa capacité professionnelle. Vous ne mettez pas en doute sa capacité professionnelle.

M. Lessard: Je ne mets pas en doute, à un moment donné, ses possibilités juridiques.

M. Toupin: Vous mettez en doute son statut juridique, parce que vous dites qu'il s'est mis dans des conflits d'intérêts...

M. Lessard: Pas au point de vue juridique, au point de vue d'intérêt personnel, au point de vue personnel, c'est différent. Vous pouvez être très compétent comme avocat, à un moment donné.

M. Toupin: Oui, mais...

M. Lessard: Vous pouvez être très compétent comme avocat. Je ne mets pas en doute...

M. Toupin: M. le Président, je réponds à la question du député de Saguenay. Vous avez l'impression que M. Lesage s'est mêlé à un conflit d'intérêts dans cette question. Je vais vous dire ce que M. Lesage a fait. Il y a d'abord eu, au départ, des contacts entre le ministère et la compagnie. Les négociations au ministère, si ma mémoire est fidèle — on pourra me corriger ici — je pense qu'elles ont été menées par le sous-ministre, M. Duchesneau et, de la part de la compagnie, je ne suis pas certain, je pense que c'était M. Martin. Ils ont discuté, ces gens, pendant des semaines et des mois. Voici qu'il n'était pas possible pour ces deux-là de s'entendre sur les montants réels à verser à la compagnie. Alors, le gouvernement a demandé à M. Lesage de servir de conciliateur. Effectivement, M. Lesage a joué ce rôle. Il l'a joué en tant que conseiller juridique du gouvernement, tout comme il l'a joué en tant qu'homme disponi-Dle pour faire un travail comme celui-là. Il a fait ce travail et il a réussi à conclure une entente.

M. Lessard: A quel prix?

M. Toupin: Au prix que vous avez tantôt énuméré, piastre par piastre, $1000 par $1000, $50 000 par $50 000. On est arrivé à ces ententes. Le gouvernement a accepté la proposition que M. Lesage lui a faite. La compagnie a accepté la proposition que M. Lesage a faite. M. Lesage a joué un rôle de conciliateur dans cette question. Il n'a pas dépassé ce rôle. Pourquoi reprocher à M. Lesage d'avoir joué un rôle de conciliateur? Parce que M. Lesage a joué un rôle de conciliateur...

M. Lessard: Je reproche au ministère...

M. Toupin: ... Pourquoi mettre en cloute sa crédibilité personnelle?

M. Lessard: Je reproche au ministère...

M. Toupin: Pourquoi reprocher au ministère d'avoir fait appel aux services de M. Lesage pour servir de conciliateur? Pourquoi? Quelles sont les raisons?

M. Lessard: Les raisons, c'est que vous avez payé $941 000 à une compagnie qui aurait dû vous en remettre $24 millions pour réparer les dégâts qui ont été faits.

M. Toupin: Bon.

M. Lessard: Ce sont les raisons, M. le Président. Cela ne vaut pas une maudite "cenne"!

M. Toupin: M. le Président, pourrais-je demander au député de Saguenay, d'abord, de prendre les choses de façon pondérée et de me donner le temps de répondre aux questions qu'il me pose.

M. Lessard: Pondérée, oui. Pendant le même temps...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant!

M. Lessard: ... vous disiez que vous n'aviez plus d'argent pour engager...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! A l'ordre!

M. Lessard: ... des inspecteurs...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. Lessard: ... pour surveiller la charogne, les abattoirs.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. Toupin: M. le Président, le député de Saguenay saute d'un terrain à un autre, et je suis convaincu que, s'il continue à sauter comme ça, il va glisser sur l'un ou sur l'autre. On serait aussi bien de rester sur le terrain sur lequel on est...

M. Lessard: ... ne reste pas sur le terrain.

M. Toupin: ... et une fois qu'on aura vidé ce problème, on pourra regarder l'autre problème si vous voulez. Je ne vois pas d'inconvénient à regarder l'autre problème, absolument pas. Si vous voulez discuter du problème de l'inspection des viandes au Québec, j'en discuterai une fois, et je n'ai pas peur d'en discuter, soyez sans crainte. Si vous pouvez trouver quelque chose, quelque part, qui a été écrit ou dit, sur mon rôle dans cette affaire, qui a été mis en doute, vous me l'exposerez.

Alors, on reste sur le terrain sur lequel on se trouvait. M. Lesage a servi de conciliateur. Il a été choisi par le gouvernement. Pourquoi reprocher à M. Lesage d'avoir fait ce travail, et pourquoi reprocher au gouvernement de l'avoir choisi? On reproche au gouvernement d'avoir choisi un homme compétent, d'avoir choisi un homme qui a rendu service à sa province...

M. Lessard: Faites-moi pleurer!

M. Toupin: ... d'avoir choisi un homme dont la compétence professionnelle n'est pas mise en doute du tout par personne, je ne crois pas, et dont la compétence juridique est véritablement reconnue non seulement au Québec, mais un peu partout au Canada, voire dans le monde, parce qu'il y a certaines entreprises qui ne sont ni canadiennes, ni québécoises qui font appel aux services de M. Lesage. Pourquoi mettre en doute la place de M. Lesage dans cette question? Pourquoi? Pour faire de l'argent? Pour profiter d'une situation? Pour exploiter les Québécois? Pourquoi? Pourquoi reprocher à M. Lesage un travail qu'il a fait consciencieusement et de façon compétente?

M. Lessard: M. le Président...

M. Toupin: M. le Président, la seule chose que je voudrais dire là-dessus, c'était la suivante: M. Lesage a fait un excellent travail dans cette affaire, et je peux vous dire une chose, c'est que, si jamais, dans l'avenir, j'ai des problèmes similaires, et s'il m'apparaît utile de faire de nouveau appel à ses services, je ferai appel à ses services, sans aucune arrière-pensée, et je vais continuer à le faire. Ce n'est pas sentimental, M. le Président; c'est réel. C'est parfaitement réel.

M. Lessard: Vous avez fait une excellente transaction.

M. Toupin: Oui, on a fait une bonne transaction.

M. Lessard: Une très bonne transaction.

M. Toupin: Je vais vous l'expliquer pourquoi on a fait une bonne transaction.

M. Lessard: Expliquez-moi ça, que vous avez fait une bonne transaction. Je vous écoute.

M. Toupin: Oui, je vais vous l'expliquer. Bien sûr. Ecoutez-nous. Vous allez le savoir.

M. Lessard: Je vous écoute silencieusement, à part de ça.

M. Toupin: On est capable de se défendre un petit peu, non pas pour le plaisir de se défendre...

M. Lessard: Ne me demandez pas...

M. Toupin: ... mais pour rétablir un certain nombre de faits.

Les concessions forestières...

M. Lessard: D'abord, une minute, là! Avant, M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Vous aviez mentionné que vous étiez pour l'écouter silencieusement.

M. Lessard: Oui, avant, M. le Président... M. Giasson: II ne sera pas capable.

M. Lessard: Non, avant, ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas...

M. Giasson: Ce sont de bonnes intentions, mais...

M. Lessard: ... de question de reproche à M. Lesage pour sa compétence professionnelle ou quelque chose. Ce n'est pas M. Lesage qui a signé le contrat. Il l'a négocié au nom du gouvernement...

M. Toupin: Qu'est-ce que vous lui reprochez?

M. Lessard: M. le Président, c'est le ministre qui est responsable de son administration.

M. Toupin: Alors, pourquoi parler de M. Lesage?

M. Lessard: Je dis que M. Lesage était dans le dossier...

M. Toupin: Bien oui.

M. Lessard: ... et, en étant dans le dossier, M. le Président, je dis, par exemple qu'il y a une chose...

M. Toupin: Laquelle?

M. Lessard: ... c'est que M. Lesage, étant à la fois conseiller juridique...

M. Toupin: Du gouvernement?

M. Lessard: M. Lesage a été, à ce que je sache, conseiller juridique concernant la réglementation de la Loi des terres et forêts, la loi 27.

M. Toupin: Puis après?

M. Lessard: Puis après? M. Lesage, M. le Président...

M. Toupin: Vous étiez d'accord avec cette loi?

M. Lessard: ... est conseiller juridique... Ecoutez! On a discuté la loi. On ne reviendra pas sur le principe de la loi. M. Lesage est conseiller juridique du gouvernement pour la loi 27.

M. Toupin: Bien oui.

M. Lessard: M. Lesage devient, en même temps, conciliateur entre une compagnie — CIP — et le gouvernement concernant l'application de la loi 27.

M. Toupin: Donc, conflit d'intérêts.

M. Lessard: M. Lesage est en même temps un bon...

M. Toupin: Un bon administrateur.

M. Lessard: ... ami du gouvernement actuel. Mais ce que je dis, M. le Président, c'est la responsabilité du ministre. Ce que je dis...

Une Voix: ... honorable...

M. Lessard: ... oui, ça commence à être honorable, surtout que ça commence à être payant pour M. Lesage.

M. Toupin: ... honorable et un bon ami du gouvernement.

M. Lessard: C'est que ce que je dis, M. le Président, je mets en doute...

M. Giasson: Les honoraires...

M. Lessard: ... et je me demande de quelle façon... Tout à l'heure, j'ai posé la question sur les honoraires de M. Jean Lesage.

M. Giasson: C'est ce qui vous inquiète, je pense, mais on arrive au bout du fil.

M. Lessard: II y a eu une somme de près de $1 million, soit $941 701 que je conteste comme valeur de cette propriété. Je la conteste et c'est là que j'attends la réponse du ministre.

M. Toupin: Alors, si vous contestez le fait que nous avons payé trop cher pour la concession, il est possible, à ce moment, que vous ayez raison. Il est possible aussi que vous ayez tort, mais j'aime autant prendre la position qu'a prise M. Lesage de trancher le problème de façon raisonnable pour que nous puissions en arriver à réaliser une politique sur laquelle vous étiez d'accord...

M. Lessard: Mais pas à n'importe quel prix!

M. Toupin: Bien non. M. le Président...

M. Lessard: Mais pas à n'importe quel prix!

Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant, s'il vous plaît! Le ministre vous répond. Voulez-vous le laisser répondre?

M. Toupin: En ce moment, je me retiens... M. Lessard: Je me retiens aussi.

M. Toupin: Je peux...

M. Lessard: ... mais ne venez pas me dire que j'étais d'accord.

M. Toupin: Je peux parler plus fort... M. Lessard: Oui. Allez.

M. Toupin: Je peux tourner un peu le bouton moi aussi.

M. Lessard: Pas à n'importe quel prix!

M. Toupin: Je peux donner une autre corde à mon arc.

M. Lessard: C'est comme les Jeux olympiques.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Nous ne discutons pas des Jeux olympiques. Nous discutons des crédits du ministère des Terres et Forêts.

M. Giasson: Du coq-à-l'àne! M. Toupin: Alors, vous dites... M. Giasson: De la baie James...

M. Toupin: ... qu'on a payé trop cher. Je dis que M. Lesage a tranché le problème...

Une Voix: II vient d'avoir une idée tout à coup.

M. Toupin: ... et la proposition que M. Lesage nous a faite nous est apparue acceptable. Vous pouvez mettre en doute le prix qu'on a payé pour les concessions forestières. Vous pouvez mettre en doute le rôle de M. Lesage là-dedans. C'est votre droit le plus strict.

M. Lessard: C'est incroyable!

M. Toupin: On ne conteste pas le droit que vous avez.

M. Lessard: L'argent des citoyens!

M. Toupin: On ne conteste pas — nous allons revenir là-dessus tantôt — ce droit. Vous avez le droit de critiquer et vous vous en servez, Dieu sait, très largement, mais qu'on mette en doute, par exemple, l'intégrité de personnes dans de telles transactions, je pense que c'est dépasser les bornes. Si vous n'êtes pas d'accord sur le prix qu'on a payé, on va en discuter et on va laisser de côté M. Lesage. Il est conseiller juridique du gouvernement. En tant que tel, le gouvernement a le droit de s'en servir pour bien des choses.

M. Lessard: Bien oui!

M. Toupin: II s'en est servi pour cela.

M. Lessard: S'il a évalué...

M. Toupin: Ce n'est pas parce qu'il s'en est servi pour cela que M. Lesage est pour autant un exploiteur, un ci et un ça. Ce n'est pas vrai. Cela relève beaucoup plus de la haine et de la hargne que cela peut...

M. Lessard: Ha! Ha!

M. Toupin: ... relever d'une conception logique du rôle d'un homme dans une société.

M. Lessard: On commence à le trouver pas mal dans plusieurs dossiers du gouvernement. Cela commence...

M. Toupin: Ce n'est pas mauvais...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A Tordre! Le ministre répond à la question posée.

M. Toupin: Alors, le prix que nous avons payé pour la concession forestière, si on la comparait...

M. Lessard: A nous autres, une concession qui nous appartient.

M. Toupin: Non. Laissez-moi aller.

M. Giasson: Des bonnes intentions qui ont duré deux minutes!

M. Toupin: Si on comparait les prix qu'on a payés avec ceux que le Parti québécois aurait été prêt à payer... Très bien?

M. Lessard: Allez-y. Je vous répondrai.

M. Toupin: ... à ce moment, ce n'est pas $2 millions qu'on aurait payé pour la concession forestière. C'est probablement entre $4,5 millions et $5 millions parce que c'est lui-même, M. René Lé-vesque, qui l'a dit dans un article du journal, dans le Journal de Québec du 6 octobre 1971. Et je peux vous en faire faire une photocopie. Je vais lire le texte: Je ne conteste pas M. Lévesque. Je me suis dit: Quand M. Lévesque a donné le chiffre que je vais vous citer tout à l'heure, probablement qu'il manquait d'informations. Il aurait été bon pour lui de consulter même M. Lesage; sans doute lui aurait-il donné de bons conseils là-dessus. "Le fait est que la forêt étant déjà propriété collective, ce rachat des seuls investissements..." — des seuls investissements — "... utilisables ne devrait coûter qu'environ $200 millions. "

M. Lessard: Très bien, Allez-y.

M. Toupin: C'est la position du Parti québécois. Il a parlé aussi d'étaler sur dix ans le paiement de ces versements aux compagnies forestières.

M. Lessard: Mais à ce prix, cela va vous coûter $1 milliard.

M. Toupin: Aux compagnies forestières. Laissez-moi aller.

M. Lessard: C'était basé sur...

M. Toupin: On va vous en donner... M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je suis d'accord avec vous...

M. Toupin: Je ne suis pas intervenu tantôt lorsqu'il a parlé. J'aurais pu intervenir à plusieurs reprises, mais je me suis dit que la meilleure façon de bien comprendre quelqu'un, c'est de l'écouter.

M. Lessard: C'est cela. On se répondra.

M. Toupin: Je vous ai écouté et j'ai compris ce que vous avez dit. C'est pour cela que j'essaie de vous répondre. C'est parce que j'ai compris. Si je n'avais pas compris, je pourrais répondre n'importe quoi, mais j'ai compris cette fois.

Alors, on a parlé de $200 millions. Nous présumons — et la première transaction que nous avons faite le démontre très nettement que cela ne nous coûtera pas plus que $60 millions, au maximum $65 millions ou $70 millions. Cela fait une grosse différence avec $200 millions.

Je suis prêt à concéder que M. Lévesque n'avait pas toutes les données à sa disposition. Je suis prêt à concéder cela, mais M. Parizeau, qui est un grand spécialiste de la recherche économique, aurait dû être en mesure de conseiller son chef et lui dire: Ecoute, René. T'en dis trop. Dis-en moins. Et en en disant moins, tu vas être plus dans le mille. Si t'en dis trop, un jour ou l'autre, tu seras appelé à expliquer pourquoi tu en as trop dit. Et il en a trop dit cette fois.

Il y aurait eu avantage à ce que des consultations se fassent et il y aurait même eu avantage à ce qu'une conciliation se fasse au cas où $200 millions avec $60 millions, cela n'aurait convenu ni à l'une ni à l'autre des parties. Cela ne nous coûtera pas cela. Cela va nous coûter à peine $70 millions. Pourquoi? Pour reprendre des concessions forestières qui sont présentement sous la gérance de grandes compagnies. On nous a fait le reproche pendant des années: Le gouvernement laisse faire aux grandes compagnies tout ce qu'elles veulent. Le gouvernement n'est pas capable de mettre au pas les grandes compagnies. Si on n'avait pas procédé à la révocation des concessions forestières, on parlerait probablement aujourd'hui, M. le Président, du fait que le gouvernement n'a rien fait. Tenant compte qu'on a voté la loi et qu'on a commencé à appliquer le programme, on nous dit: Vous êtes trop généreux envers les compagnies forestières. Je reste persuadé, M. le Président, que si on avait donné seulement $10 à CIP pour sa concession forestière, on aurait encore trouvé le moyen de dire que les $10 étaient de trop. Je reste convaincu de cela, M. le Président.

M. Lessard: Ce sont des amendes que vous auriez dû demander.

M. Giasson: C'est $24 millions qu'on demande.

M. Toupin: Je reste convaincu qu'on n'aurait donné que $10 aux compagnies forestières...

M. Lessard: C'est votre gouvernement fédéral qui a évalué cela.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: A l'ordre, monsieur!

M. Giasson: Je n'ai pas pris d'engagement.

M. Toupin: Si on avait demandé à la CIP de nous verser $100 000 pour la rivière Pentecôte, on nous aurait dit: Ce n'est pas $100 000 qu'elle aurait dû vous donner, c'est $1 million. Je comprends cela, c'est le rôle de l'Opposition. Je ne m'élèverai pas contre cela. Ce qui est important pour nous, c'est qu'on arrive à faire ces révocations à des prix qui soient abordables, à des coûts qui touchent la réalité, qui concernent la réalité.

On a acheté une rivière qu'on a payée $17 000. Si le gouvernement avait dit: On rachète seulement les investissements dans la concession, on ne touche pas au terrain privé. Est-ce qu'on ne se serait pas fait charrier? On nous aurait dit: Encore là, vous laissez la rivière Pentecôte entre les mains de CIP. Vous ne voulez pas reprendre la richesse naturelle de base qu'est l'eau. Vous ne voulez plus tenter de régulariser le développement de la faune aquatique au Québec, etc. On l'a achetée, on l'a payée $17 000 et il était attaché à cela 870 acres, je pense, plus le lit de la rivière. Ce n'est pas bien cher, M. le Président.

M. Lessard: Ce n'est plus $17 000 avec les acres dont parle le ministre.

M. Toupin: Non. Les $104 000 comprennent 5288 acres à côté de cela, c'était une propriété privée de CIP aussi. On a payé cela $104 000. La rivière n'était pas là-dessus. La rivière était sur les 870 acres qu'on a payés $17 000. Ce n'est pas cher pour une rivière, M. le Président. Ce n'est pas cher pour racheter un morceau de terrain comme celui-là. Maintenant, elle est la propriété du gouvernement.

M. Lessard: Vous en faites quoi maintenant?

M. Toupin: On va d'abord en prendre possession et on verra après ce qu'on pourra en faire. S'il est possible de l'exploiter pour des fins touristiques, M. le Président, on l'exploitera. S'il est possible de l'exploiter pour des fins de pêche, on l'exploitera. On ne sait pas s'il y a du saumon dans cette rivière. On présumait qu'il y en avait. On présume qu'il y a du saumon qui montait dans la rivière.

M. Lessard: II n'y a plus rien.

M. Toupin: Je ne suis pas en mesure de faire la preuve s'il y en avait qui montait avant, pas plus que le député de Saguenay. Je lui ai posé la question tantôt.

M. Giasson: On va l'aménager. On va l'ensemencer.

M. Toupin: II n'est pas capable de me répondre là-dessus. Advenant qu'il montait du saumon, c'est possible qu'il en monte encore.

M. Giasson: C'est une formule.

M. Toupin: Alors, la rivière est maintenant la propriété du gouvernement et le gouvernement va tenter de l'exploiter à son maximum; on va tenter dans l'avenir d'éviter les choses qui se sont produites dans le passé; mais on ne pourra pas, bien sûr, éviter ce qui pourra provenir de la nature. On va tenter d'éviter, tout au moins, l'intervention de l'homme sous quelque forme que ce soit, pour conserver tout au moins la partie qui n'est pas brisée à son état naturel. C'est l'objectif que le ministère s'est fixé. Mais ce qui était important pour lui, c'était de l'acheter pour en devenir le propriétaire, et c'était d'acheter le terrain privé qui était également à proximité pour en devenir propriétaire et avoir la pleine propriété de tout le territoire. C'est simplement cela que nous avons fait. Cela a coûté environ $2 millions, y compris les deux concessions. Celle de Pentecôte a coûté $953 000, $941 000. J'avais les chiffres tantôt ici.

Il faut faire attention, dans les chiffres qu'on a là, il y a de l'argent qui est un remboursement de rentes ou des frais de protection, tout cela.

Le coût réel des deux concessions, pour la rivière Pentecôte, pour la rivière Outaouais, révocation plus financement, quand vous parliez d'intérêt, ça représente $2 millions pour 4233 milles carrés.

Cela représente combien le mille carré? Cela représente, avec le financement, à peu près $475 le mille carré. Cela peut représenter quoi à l'acre, environ $20?

M. Giasson: Un mille carré, c'est mille acres.

M. Toupin: 640 acres, un mille carré. Environ $20.

Alors, cela ne signifie presque rien au bout de la ligne, quand on achète à l'acre.

Quand on considère tout, cela a coûté au-delà de $2 millions. Mais seulement l'achat des concessions a coûté à peu près $2 millions, y compris son financement. On paye 6% d'intérêt à la compagnie. Mais le gouvernement est-il capable d'emprunter actuellement à 6% sur le marché? Le gouvernement n'est pas capable d'emprunter à 6% sur le marché. Si le député de Saguenay veut me prêter de l'argent demain matin à 6%, je ne me gênerai pas, je vais l'emprunter tout de suite et je vais trouver où l'investir.

M. Lessard: Quel intérêt payez-vous? Quand vous parlez d'intérêt, c'est quoi?

M. Toupin: On paye de l'intérêt sur les sommes qui auraient dû être versées et qui ne l'ont pas été à temps. On paye seulement l'intérêt sur des sommes que nous devons. On ne paye pas d'intérêt comme ça. On en paye sur des montants que nous devons.

M. Lessard: Qui auraient dû être versés en 1972.

M. Toupin: Montants qui auraient dû être versés avant 1972; les dates exactes, je ne me rappelle pas. Mais ils n'ont pas été versés. On paye 6% d'intérêt là-dessus alors que le gouvernement emprunte à l'extérieur à 9,5% et à 10%. Je pense que seulement à ce niveau, c'est déjà l'indice que le gouvernement a négocié fortement pour éviter que les coûts soient trop élevés. Je sais, on négocie avec NBIP actuellement. Il y a tout le problème de la rivière Nouvelle qui va nous tomber dessus. J'attends ce problème. Il est là et on va le régler avec le temps. Ce qui est important pour nous, c'est de reprendre cette concession pour atteindre l'objectif qu'on s'est tous fixé, savoir gérer nos forêts, gérer les richesses naturelles de la province de Québec. C'est pour ça qu'on le fait, on ne le fait pas pour d'autres fins que ça. Quel que soit le prix qu'on va payer pour NBIP, vous allez encore trouver des moyens pour nous dire qu'on a payé trop cher. Quel que soit le prix qu'on va payer pour les concessions de Domtar qui, un jour ou l'autre, seront révoquées, vous allez encore nous dire qu'on les a payées trop cher. Pourtant, vous étiez d'accord au moment où on a discuté de la loi pour qu'une rémunération soit versée aux entreprises. C'est contestable.

Je ne sais pas comment le député de Saguenay aurait négocié avec la compagnie, mais ceux qui ont eu la responsabilité des négociations en sont arrivés à ces conclusions. Et quand je compare ce que ça coûte par rapport à ce que certains avaient prévu, je considère qu'on est pas mal dans le mille. On est pas mal dans le mille. C'est assez intéressant de voir que si on parvenait à concéder, à révoquer toutes les concessions forestières au prix de ces deux-là, de CIP, je considère qu'on ferait pas mal de gains par rapport aux prévisions qu'on avait faites. Pas mal de gains.

Si on parvenait à financer les concessions forestières, si toutefois le gouvernement ne peut pas les payer tout de suite, au taux d'intérêt de 6%, je vous assure qu'on va les financer à ce taux. Parce que le gouvernement n'emprunte pas à 9 1/4% et à 9 1/2%. On fait encore 6% là-dessus. On va le faire.

M. Lessard: Est-ce que le ministre est au courant que depuis juin 1975, c'est payé?

M. Toupin: On ne se gênera pas. Oui, oui, c'est payé.

M. Lessard: Vous êtes au courant toujours?

M. Toupin: Oui, mais l'intérêt qui a été versé l'a été sur l'argent qui n'a pas été versé. Le gou-

vernement n'a pas versé d'intérêt pour le plaisir d'en verser. On le devait. Ce n'est pas pour de telles choses qu'il en a payé de l'intérêt. Je suis convaincu que le député de Saguenay comprend ça. Je n'invente rien.

M. Lessard: Non, je ne comprends pas. M. Toupin: Vous ne comprenez pas.

M. Lessard: Je vais vous expliquer tantôt comment je ne comprends pas.

M. Toupin: Si vous ne comprenez pas, il va falloir non seulement faire des discours, mais il va falloir aller chercher des diapositives avec des tableaux, y mettre des chiffres quelque part. Ou faire appel à un professeuren pédagogie pour qu'il puisse expliciter.

M. Bérard: Dans ce temps-là, nous autres, on faisait...

M. Toupin: ... une pédagogie de base qui permette de comprendre les choses. On tourne bien, pour le plaisir de la chose, autour de ce problème. Je sais bien que le député de Saguenay comprend ça. Il a des droits de critiquer, je suis d'accord avec ça, je ne lui contesterai pas ces droits. Mais je soutiens qu'on a fait un bon marché en faisant ça. Si je parvenais à révoquer toutes les autres concessions, aux conditions qu'on a révoqué ces deux-là, je serais un ministre heureux au terme des révocations forestières.

On aura repris la gestion de toutes nos forêts pour un montant d'environ $65 millions ou $70 millions. Ce n'est pas très cher, quand on y pense comme il le faut. Il est certain qu'on pourrait ralentir le programme. Si on le fait, on va nous reprocher de ne pas réaliser nos politiques. On essaie, dans la mesure du possible, de mener à bonne fin les programmes que le gouvernement a mis de l'avant et avec lesquels, d'ailleurs, l'Opposition était entièrement d'accord. Ce n'est pas plus que cela, la révocation des deux concessions forestières dont on parle. Il va y en avoir d'autres qui vont se faire et on les discutera à l'occasion d'une commission parlementaire. Si on a de la difficulté à s'entendre, on va aller chercher un conciliateur. Si on trouve en M. Lesage le conciliateur idéal, on va aller le chercher et on ne se gênera pas. On ne se gênera pas parce qu'on considère qu'il a fait du bon travail là-dedans et on considère qu'il n'était pas en conflit d'intérêts non plus.

C'est comme cela que je vois le problème des concessions forestières au Québec. Et partout où il y aura des terrains privés qui appartiennent aux compagnies, si c'est possible de s'entendre sur les prix, on va aussi les acheter. Si on ne s'entend pas sur les prix, si on exige trop, on va leur laisser. Mais on attendra, par la suite, à savoir si on expropriera ou non. Mais on va tenter, tout au moins, au cours des négociations, de reprendre aussi les terrains privés qui appartiennent aux compagnies.

Le député de Saguenay disait que tout ce qui était sur les concessions était vraiment désuet et qu'il n'y avait plus rien à faire avec cela. Les évaluations démontrent le contraire. Il y a eu des investissements faits par les compagnies au niveau des chemins, au niveau des camps, au niveau des ponts et le gouvernement a procédé. Si le gouvernement avait eu à faire ces mêmes chemins, dans l'état dans lequel ils se trouvaient, cela lui aurait coûté probablement deux fois plus cher.

Il y a des améliorations à faire sur les chemins, je suis d'accord sur cela. Mais il ne faut pas oublier une chose, c'est que, dans l'avenir, si on remet $2 millions, $3 millions ou $4 millions, la compagnie va participer à cela. La compagnie va payer pour se servir de ces chemins. En payant pour s'en servir, elle va, par conséquent, payer les sommes d'argent investies pour les construire, ces chemins.

Vous dites que les concessions ont été coupées, qu'il n'y a plus rien dessus. Ce n'est pas vrai. C'est totalement faux. La preuve, c'est que Rayo-nier coupe actuellement sur ces parties-là, et on me dit que c'est le plus beau bois qu'elle peut trouver sur la Côte-Nord. C'est encore là où cela lui coûte le moins cher pour s'approvisionner, où elle a le plus de cunits à l'acre. Il en restait au moins une partie. On a dit très souvent que tout le bois était coupé. Ces choses font bonne figure dans des discours.

M. Lessard: Le ministre mélange l'Outaouais, le Témiscamingue et...

M. Toupin: Même l'autre.

M. Lessard: Quand vous aurez terminé, je vous répondrai.

M. Toupin: II y a du bois sur les deux. N'ayez pas peur. Il y en a sur les deux et TEMBEC est bien contente actuellement d'avoir cette forêt-là à sa disposition, si ma mémoire est bonne. On s'approvisionne là en bonne partie. Il y en a encore du bois là-dessus. Soyez sans crainte, le gouvernement n'a pas acheté des terres "pleumées", comme on dit en bon bûcheron. Il a acheté du bois. Ce ne sont pas des terres qu'il a achetées. Il a repris une concession sur laquelle il restait encore suffisamment de bois pour qu'on continue à agir de façon raisonnable.

M. le Président, je n'avais pas autre chose à dire sur cette question. Je continue à soutenir que le gouvernement a posé un geste rationnel.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: Je vais d'abord répondre au ministre en ce qui concerne les inventaires. Je lui répondrai ensuite en ce qui concerne M. Lévesque. Je veux d'abord lui répondre en ce qui concerne les inventaires, où il nous disait, je ne sais pas quelle sorte de patente, que c'était technique...

M. Toupin: Non. Ce sont des échantillons. M. Lessard: Des échantillons?

M. Toupin: Ce sont des endroits où on établit des méthodes d'échantillonnage. Ces endroits demeurent.

M. Lessard: Est-ce que ces endroits demeurent?

M. Toupin: Oui, tout le temps. M. Lessard: Tout le temps?

M. Toupin: On en fait faire à tous les dix ans, pour refaire l'inventaire.

M. Lessard: Alors, vous avez acheté cela?

M. Toupin: Oui, la compagnie a investi là-dedans.

M. Lessard: La compagnie a investi là-dedans?

M. Toupin: Oui, c'est elle qui les a faits, les centres d'échantillons.

M. Lessard: A ce moment-là, vous avez acheté cela de quelle façon?

M. Toupin: On les a évalués, combien ce la a coûté pour les mettre en place, et tout cela. C'est une évaluation qu'on a faite.

M. Lessard: D'après ce que je vois, cela a été évalué à partir des salaires, des transports, des provisions, des équipements, de la préparation, de la supervision, etc. Cela a été évalué de cette façon?

M. Toupin: Cela a été évalué avec les critères qu'on utilise à ce moment-là. Probablement que les coûts de main-d'oeuvre ont dû être évalués, les investissements techniques, s'il y en avait, les investissements physiques, s'il y en avait, etc.

M. Lessard: Je ne sais pas si on ne se comprend pas, mais il s'agit de sondages. Il s'agit bien de sondages?

M. Toupin: II s'agit d'échantillonnages. Les inventaires forestiers se font à partir d'échantillonnages.

M. Lessard: Oui, mais l'échantillonnage n'est plus bon après dix ans.

M. Toupin: Le député ne me laisse pas terminer.

M. Lessard: Je reviendrai sur les inventaires.

M. Toupin: Les inventaires se font à compter de l'échantillonnage. Mais pour faire les échantillonnages, cela prend des endroits précis. Ces endroits, on les délimite et on crée une structure favorable à l'échantillonnage. C'est cela qu'on a acheté. C'est ce qu'on appelle la place échantillon.

Oui, la place échantillon...

M. Lessard: M. le Président, on reviendra sur la question des inventaires, mais je voudrais répondre globalement aux affirmations du ministre.

M. Toupin: Je n'ai rien affirmé, M. le Président.

M. Lessard: D'abord...

M. Toupin: J'ai répondu à sa question.

M. Lessard: D'accord. Concernant l'évaluation de $200 millions qui avait été faite, par M. Pa-rizeau et M. René Lévesque, concernant les concessions forestières, je vais dire au ministre que ce que disait à ce moment, M. Parizeau et ce qu'affirmait M. Lévesque, c'est que le maximum que cela pouvait nous coûter était de $200 millions. Ils n'avaient pas les chiffres du ministère. Ils se basaient, si vous voulez, sur la première rétrocession de concession forestière qu'on avait faite, à ce moment, qui était à Hammermill et qui avait été payée, parce qu'il s'agissait d'une propriété privée... On disait: A partir de cela, le maximum que cela va nous coûter, c'est $200 millions, parce que, Hammermill, qui était propriété privée, qui avait des investissements sur le territoire, etc., cela avait été payé $1500 le mille carré.

En prenant $1500 le mille carré, en multipliant par le nombre de milles carrés que nous avions sous forme de concession forestière, ceci nous donnait $200 millions. Nous disions: Le maximum que ceci peut coûter et qu'une réforme concernant la rétrocession des concessions forestières peut coûter, c'est $200 millions. Les seuls chiffres qu'on avait à ce moment, en se basant sur la concession forestière, la rétrocession, si vous voulez, qui était existante à ce moment, à savoir $1500 le mille carré, nous donnaient, en fait, en multipliant par tant de milles carrés, sous forme de concession, $200 millions.

Ce n'était pas une évaluation, ce n'était pas affirmer que la rétrocession des concessions forestières allait coûter $200 millions, c'était tout simplement de dire: Si on se base, si on évalue, comme hypothèse, le prix moyen que nous avons payé pour Hammermill, la rétrocession des concessions forestières va coûter $200 millions.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Bon.

M. Toupin: Ce que je veux dire là-dessus, remarquez bien que je ne veux pas en faire une question politique...

M. Lessard: Non. Je continue, M. le Président.

M. Toupin: ... mais ce que je soutiens là-dessus, c'est que le Parti québécois sait fort bien, je l'espère en tout cas, la différence entre une propriété privée et une concession.

M. Lessard: C'est justement.

M. Toupin: S'il avait connu la différence entre une propriété privée et une concession, il n'aurait pas fait l'équation comme il l'a faite. Il l'aurait faite autrement.

M. Lessard: Ce que nous disions, c'est qu'il s'agissait de voir combien, au maximum, pourrait nous coûter...

M. Toupin: Oui.

M. Lessard:... si on prend comme hypothèse.

M. Toupin: C'est une autre chose qu'on peut affirmer.

M. Lessard: M. le Président.

M. Toupin: Une autre chose qu'on peut affirmer, M. le Président, c'est que le Parti québécois était prêt à mettre $200 millions.

M. Lessard: Non. Nous disions, à un moment donné, que si on se basait sur ce qu'a coûté actuellement la rétrocession des concessions forestières d'une compagnie privée à Hammermill et en calculant la somme de $1500 le mille carré, nous arrivions avec un montant maximal de $200 millions.

M. Toupin: Ce n'était pas une révocation, cela. M. Lessard: C'est-à-dire que c'était un achat. M. Toupin: C'était un achat. M. Lessard: C'était un achat. M. Toupin: Oui.

M. Lessard: C'est cela. C'est qu'à un moment donné, nous étions convaincus que c'était un maximum de $200 millions que cela pouvait coûter, si, en fait, c'étaient toutes les rétrocessions, comme à Hammermill.

Comme ce n'est pas toujours le cas, comme ce n'est pas toujours à Hammermill, c'est qu'il était bien possible que cela coûte moins cher, mais on évaluait un maximum. De toute façon...

M. Toupin: Je terminerais, je pense que le député de Saguenay a fini sur les $200 millions, sur...

M. Lessard: Ecoutez, je vous ai laissé aller tantôt.

M. Toupin: Oui, je terminerais seulement par ceci, pas pour donner une réponse, mais pour faire une observation. Si jamais le Parti québécois prenait le pouvoir, et s'il se basait toujours sur des données comme cela pour faire ses évaluations d'achat ou de...

M. Lessard: Ecoutez, la différence, c'est que, quand on sera au pouvoir, on va avoir des chiffres.

M. Toupin: Cela finirait pas coûter cher "en étoile"!

M. Lessard: Ecoutez. Je pense que le ministre doit savoir que c'est lui qui est ministre des Terres et Forêts actuellement...

M. Toupin: Je me paie votre tête un peu.

M. Lessard: D'accord. Le ministre doit savoir qu'il y a des renseignements qu'il possède et que je ne possède pas. Le ministre doit savoir plus que cela...

M. Toupin: Quand on est mal informé, on... M. Lessard: M. le Président... M. Toupin: C'est là qu'est le problème. M. Bérard: ...

M. Lessard: Je pense que vous ne parlez pas souvent. Continuez donc et restez comme cela.

M. Bérard: ... parle donc, tu est bouché, tu ne sais pas quoi dire. Avoue-le donc que tu es...

M. Toupin: Si la parole est d'argent, le silence est d'or.

M. Bérard: ... bouché bien dur.

M. Lessard: M. le Président, le ministre devrait savoir... Si cela vous dérange, vous pouvez aller lire ailleurs. Tu peux aller lire ailleurs, il n'y aura pas de problème.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! Revenons à la discussion des crédits.

Une Voix: Les propos que tu viens...

M. Lessard: Tu peux aller lire ailleurs. D'ailleurs, nous n'avons pas quorum. On va terminer, il nous reste un quart d'heure, pour autant qu'on ne nous dérange pas de l'autre côté. Il y a des renseignements que le ministre possède et que je ne possède pas. D'ailleurs, ces informations, concernant le rachat des concessions forestières de la CIP, l'ex-ministre des Terres et Forêts ne les avait même pas publiées dans la Gazette officielle. Il a fallu aller les chercher comme on a pu, les demander au feuilleton, etc. Concernant les $200 millions, le ministre peut bien affirmer, peut bien dire que cela a été affirmé, mais c'était toujours basé sur une rétrocession de concessions forestières, à savoir pour un rachat d'une concession forestière, les lois d'affermage, ce qu'il y avait, mais surtout une propriété privée qui avait été payée, par le ministère des Terres et Forêts, $1500 le mille. Si vous faites un calcul, le nombre de milles qui étaient sous forme de concession forestière, il est possible d'affirmer, si on se base sur cette transaction,

que le maximum, pas le montant, qu'une politique de rétrocession des concessions forestières peut coûter au Québec, c'est $200 millions.

M. le Président, je reviens, si vous me permettez...

M. Toupin: Vous conviendrez avec moi que $60 millions, c'est un maudit "bargain".

M. Lessard: On va en parler des $60 millions. Mais avant, on va parler de l'intérêt, à compter du 24 mai 1972, évalué à $83 364. Figurez-vous donc que la compagnie est partie, la compagnie n'exploite plus cette concession forestière. La compagnie ne l'exploite plus, parce qu'elle n'est plus capable d'exploiter sa concession forestière. La compagnie, dès 1972, entre en communication avec le ministère des Terres et Forêts pour négocier la rétrocession de sa concession forestière, parce que, de toute façon, il faut bien qu'elle la rétrocède. Elle ne l'exploite plus. Cela n'a plus pour elle aucune valeur marchande. La compagnie a décidé d'elle-même de s'en aller. Ce n'est pas le gouvernement qui l'a envoyée. Ce n'est pas le gouvernement qui a repris la concession.

La compagnie est partie d'elle-même, comme la Domtar l'a fait à Baie Trinité, pour obtenir Lebel-sur-Quévillon, parce que la compagnie ne pouvait plus exporter son bois en utilisant le quai, mais plus que ça, ça faisait plusieurs années que la compagnie diminuait ses coupes de bois à Rivière-Pentecôte. Cela faisait plusieurs années que la compagnie envisageait la fermeture de Rivière-Pentecôte, et c'est probablement pour ça qu'elle n'a pas été tellement prudente lorsqu'elle a coupé le méandre ou lorsqu'elle a coupé le barrage. On savait, depuis 1968, ou 1969, qu'à Rivière-Pentecôte, comme à Portneuf, la compagnie allait fermer. On avait appris aussi, en 1968 ou 1969, que la Domtar allait fermer à Baie-Trinité, comme à Clarke City, d'ailleurs; on savait tout ça. D'accord? La compagnie diminuait son exploitation.

La compagnie quitte Rivière-Pentecôte. Ces travaux de nature permanente, ces chemins, ces ponts, ces améliorations foncières, et tout ce que vous voudrez, pour la compagnie, il s'agit de vendre. Vendre à qui? Naturellement, on va vendre au gouvernement. C'est une concession forestière? On va vendre au gouvernement.

Or, commencent les négocations qui durent de 1972 jusqu'à 1975, c'est bien le cas. Comme si je décidais d'acheter une maison. On négocie pendant une période de trois ans, et après trois ans, on s'entend sur le prix de la maison. On dit: D'accord! On achète la maison, mais comme les négociations ont commencé depuis trois ans, je décide de payer des intérêts, depuis trois ans, à la compagnie. Je paie.

Les négociations ont commencé en 1972. En 1975, on s'est entendu, parce que c'est en 1975 qu'il y a eu un arrêté en conseil.

M. Toupin: M. le Président, je voudrais seulement, si le député de Saguenay me le permet, ap- porter une précision là-dessus. Les négociations n'ont pas commencé en 1972.

M. Lessard: Bon! C'est encore mieux.

M. Toupin: En 1972, le gouvernement a dit: On révoque ta concession. On reprend ta concession. Après, on va s'asseoir et on va regarder ce qu'on te doit maintenant sur les investissements que tu as faits dessus. C'est comme ça que ça s'est produit.

M. Lessard: D'accord! Le gouvernement dit, en 1972: On révoque ta concession.

M. Toupin: C'est exact.

M. Lessard: Bon! La compagnie n'a pas dû hésiter beaucoup. La compagnie n'a pas dû pousser les hauts cris, protester.

M. Toupin: Veux, veux pas, on l'a expropriée.

M. Lessard: Mais...

M. Toupin: On lui a enlevé ses droits de...

M. Lessard: ... elle était bien heureuse de vendre quelque chose. Lors de la révocation, elle n'avait aucune critique à faire, parce que la compagnie n'exploitait plus ce territoire.

M. Toupin: M. le Président, là-dessus encore, si le député de Saguenay me le permet, j'aimerais apporter une certaine précision. Il ne faut pas oublier une chose là-dedans. Dans un programme rationnel de coupe de bois, tant sur concession forestière que sur des terres publiques dites forêts domaniales, il arrive parfois — pas seulement parfois, d'une façon courante — qu'une compagnie décide d'abandonner un parterre de coupe pour aller en prendre un autre ailleurs. Elle a de multiples raisons de le faire. Cela peut être une question de croissance du bois. C'est bien possible que rendue dans un territoire donné, elle dise: II y a du bois, mais il est trop petit.

M. Lessard: La Domtar a donné son parterre. Je vais vous en nommer des compagnies qui ont abandonné leur parterre de coupe sur la Côte-Nord. Je vais vous en parler, des compagnies...

M. Toupin: Bien oui...

M. Lessard: A Clarke City, elle a abandonné son parterre de coupe; CIP a abandonné son parterre de coupe à Rivière-Pentecôte. La Domtar a abandonné son parterre de coupe. Elles ne sont jamais revenues. Elles ont vendu au gouvernement.

Elles ne sont jamais revenues parce qu'à un certain moment, elles avaient vidé une grande partie du territoire. Elles ont échangé des territoires.

M. Toupin: Qui avait la parole?

M. Lessard: C'est moi qui avais la parole.

M. Toupin: Non, c'est moi qui l'avais et il me l'a enlevée.

M. Lessard: Je regrette. C'est moi qui ai commencé à...

M. Toupin: Je ne regrette rien.

M. Lessard: Alors, on peut se parler des parterres de coupe. La compagnie s'en allait. Elle ne faisait plus d'exploitation. La compagnie avait même commencé à négocier pour vendre certaines maisons à ses anciens employés. Je sais tout cela. J'ai été dans le dossier depuis 1971. Je le sais très bien. La compagnie n'avait pas l'intention du tout de revenir à Rivière-Pentecôte, d'autant plus qu'elle ne pouvait plus utiliser le quai à Rivière-Pentecôte.

M. Toupin: Vous auriez dû conseiller M. Lé-vesque quand il a écrit son article. Je pense que cela aurait été plus objectif.

M. Lessard: M. le Président, on va reparler maintenant du coût.

M. Toupin: Allons.

M. Lessard: Concernant...

M. Toupin: Le député de Saguenay me redonne la parole. Justement, une minute pour finir ce que j'avais commencé. Il arrive très souvent — et le ministère lui-même oblige...

M. Lessard: Faites-vous donc des illusions pour excuser votre politique, à un certain moment...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: ... et votre mauvaise administration.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard: Vous vous faites des illusions. La compagnie s'en allait.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! A l'ordre!

M. Lessard: On va payer la compagnie parce qu'elle s'en va. On va la remercier parce qu'elle s'en va après avoir vidé son territoire.

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. Toupin: M. le Président...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des Terres et Forêts.

M. Toupin: Je pense que toute personne le moindrement avisée est capable de prendre une décision rationnelle lorsqu'il s'agit de faire fonctionner une entreprise ou lorsqu'il s'agit de faire fonctionner un gouvernement.

M. Lessard: ... décision rationnelle...

Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. Toupin: II est arrivé et il arrive que, sur les parterres de coupe, les compagnies et même ceux qui n'ont pas de concession et qui ont des permis annuels ou des contrats d'approvisionnement avec le ministère... Il arrive très souvent que le ministère leur dit: Ce n'est pas là que vous allez couper, vous allez couper là-bas.

M. Lessard: La CIP à Témiscamingue.

M. Toupin: Vous allez changer de place... Oui, la CIP de Témiscamingue. Il y a encore du bois qui se coupe sur la concession. La concession de la CIP... Il y a encore du bois qui se coupe là-dessus. Rayonier s'approvisionne là.

M. Lessard: Mais est-ce...

M. Toupin: Et Rayonier dit que c'est encore le bois qui lui coûte le moins cher... que d'aller le chercher où elle va le chercher. Alors, c'est vrai que la Compagnie internationale de papier a changé de place pour faire sa coupe de bois. Et si elle n'avait pas changé, on l'aurait obligée à changer de place.

M. Lessard: Comment paie-t-elle Rayonier?

M. Toupin: Ce n'est pas ce matin...

M. Lessard: On a discuté de cela ce matin.

M. Toupin: On a vu cela ce matin. Je ne suis pas intéressé à revenir sur...

M. Lessard: Moi non plus.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre d'Etat...

M. Toupin: C'est comme cela que ça se pose.

M. Lessard: Je n'avais pas fini de répondre au ministre, M. le Président.

M. Toupin: ... au niveau des parterres de coupe. Quand vous dites que CIP a arrêté parce qu'il n'y avait plus rien sur sa concession...

M. Lessard: Arrêtez de nous dire cela. M. Toupin: Non.

M. Lessard: C'est parce qu'elle ne voulait plus exploiter la concession forestière.

M. Toupin: C'est vous qui dites cela.

M. Lessard: Ecoutez.

M. Toupin: Vous avez peut-être raison au fond.

M. Lessard: Vous l'avez révoquée après que la compagnie ait sacré le camp.

M. Toupin: Je ne pense pas...

M. Lessard: Oui. La Compagnie était encore là l'orsqu'on a...

La compagnie n'y faisait plus d'opérations à ce moment.

M. Toupin: Est-ce vrai?

M. Giasson: A-t-on fait un inventaire? Je le demande au ministre.

M. Lessard: C'est cela. Je le sais encore plus que le ministre. Cela faisait deux ans qu'elle ne coupait plus.

M. Toupin: Quand vous avez raison, je vous donne raison.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre d'Etat aux Affaires sociales.

M. Giasson: Au moment de la révocation, de la reprise de cette concession, est-ce qu'on a donné les chiffres, les statistiques précises sur le volume de bois en cunits, en cordes? Est-ce que vous avez ces données?

M. Toupin: Ce sont les inventaires.

M. Lessard: Cela faisait plusieurs années qu'on ne coupait plus.

M. Toupin: Vous voyez, c'est intéressant. La compagnie avait coupé seulement 30% de la possibilité de sa concession.

M. Giasson: 30%...

M. Toupin: 30% de la capacité.

M. Giasson: Qui existait sur sa...

M. Toupin: Sur sa concession. Sa capacité annuelle.

M. Lessard: Ce que vous semblez oublier, c'est que la rivière n'était plus "dravable". La rivière était détruite. C'est là le problème.

M. Toupin: Vous lui en voulez donc bien à CIP?

M. Lessard: Je lui en veux certainement, à cause de cette rivière.

M. Toupin: On va vous la vendre.

M. Lessard: Non, vous ne me la vendrez pas $17 000 comme elle est organisée là.

M. Toupin: Ce n'est pas cher à $17 000. M. Giasson: Six millions de...

M. Toupin: Sa capacité annuelle est de six millions de pieds cubes. La moyenne de ce qui a été coupé, c'est 1 800 000 pieds cubes. C'est à peu près le sixième...

M. Giasson: Je désirais savoir si, effectivement, la compagnie avait quitté les lieux parce qu'il n'y avait plus de ressources sur la rivière.

M. Toupin: Ce qui a changé, ce sont ses envois de coupes' ce qui arrive très souvent, d'ailleurs, les compagnies font cela très souvent.

En Mauricie, il y a des territoires qui sont totalement mis de côté, les compagnies ont changé de place, elles sont allées couper ailleurs. Ce n'est pas parce qu'il ne reste pas de bois, il en reste encore, mais elles préfèrent aller ailleurs parce qu'à d'autres endroits le bois est mûr tandis que là, il l'est moins; on laisse croître le bois. Il y a bien des raisons qui amènent une compagnie à changer... D'ailleurs, quand les compagnies ne le font pas, le ministère, autant que possible, les incite à le faire pour assurer la pérennité de la croissance.

M. Lessard: M. le Président, l'âge des bâtisses: 1920, 1945, 1945, 1945, 1924, 1917, les bureaux: 1917. Concernant l'intérêt, d'accord, le ministre décide de révoquer la concession deux ans après que la compagnie a décidé de fermer ou de ne plus exploiter ce territoire. Et nous savons pour quelle raison. Si le ministre se cache la tête dans le sable, nous le savons, parce que, dès 1970, j'informais le ministre que la compagnie avait cessé ses opérations forestières, dans une lettre dont je lui parlais tout à l'heure.

M. Toupin: Quelles sont les raisons qui ont amené la compagnie à cesser ses opérations forestières?

M. Lessard: Vous avez même ici l'article d'un journal de Baie-Comeau: Situation dramatique à Pentecôte. Le détournement malencontreux de la rivière va entraîner sous peu la fin de toute exploitation forestière. Un autre village fantôme sur la Côte-Nord.

C'est un journaliste qui travaille maintenant pour le ministère des Communications, M. Gérard Lefrançois...

M. Toupin: Le village est-il devenu fantôme?

M. Lessard: ... et qui devait. Le ministre devrait savoir ce que c'est que l'expression "un village fantôme." Si le ministre des Terres et Forêts ne le sait pas, qu'il vienne faire un tour sur la Côte-Nord, je vais lui montrer de petits villages fantômes qui ont été laissés par des compagnies forestières. Un village où il ne reste plus rien, un

village où il n'y a plus d'économie, où les gens vivent de l'aide sociale et de l'assurance-chômage pratiquement tout le temps, parce que la compagnie a sacré le camp. C'est ça. Je peux vous en citer des villages fantômes, qui ont été constitués à même la forêt sur la Côte-Nord et où il ne reste plus rien.

M. Toupin: Celui dont vous parlez, est-ce qu'il...

M. Lessard: Pentecôte?

M. Toupin: ... est vraiment devenu un village fantôme?

M. Lessard: C'est un village où il n'y a à peu près rien.

M. Toupin: II n'y a plus de gens qui demeurent là.

M. Lessard: Non, ce n'est pas dans ce sens. C'est un village où les gens continuent à demeurer mais ne trouvent pas chez eux le gagne-pain et sont obligés d'aller travailler ailleurs, parce que la compagnie a laissé ses opérations et il n'y a rien.

Je disais, concernant les intérêts...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Etant donné qu'il est six heures, la commission...

M. Lessard: J'ai encore deux points sur lesquels j'aimerais répondre au ministre.

M. Toupin: Pas d'inconvénient, M. le Président, deux points pour demain, ça va bien, d'autant plus qu'il n'en a que deux...

M. Lessard: Pardon?

Le Président (M. Houde, Limoilou): On reprend à quelle heure?

M. Toupin: Deux points.

Ce soir, on est d'accord pour 8 heures, 8 h 30?

M. Lessard: 8 h 15.

M. Toupin: 8 h 15. Parfait.

Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses travaux jusqu'à 8 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 40

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, cela ne sera pas long. J'avais deux points sur lesquels je voulais répondre au ministre. Le coût de la rétrocession des concessions forestières.

Quand on évalue le coût, je ne crois pas qu'il faille se baser sur la première rétrocession des concessions forestières. Si M. Parizeau ou M. Lé-vesque a fait une erreur en calculant le coût de Hammermill, à savoir $1500 le mille carré, multiplié par le nombre de milles carrés, pour obtenir le coût global de la concession forestière, je pense que le ministre fait lui aussi une erreur en calculant le coût actuel de la rétrocession de la concession forestière de la CIP à Rivière-Pentecôte, comme à Témiscamingue, mais particulièrement à Rivière-Pentecôte, en multipliant ce coût ou le prix au mille carré par la superficie globale des concessions forestières.

Je dis au ministre à ce sujet: Vous avez payé tout près de $1 million pour une chose qui ne valait rien ou à peu près rien. C'est encore mon opinion. Je constate que ce n'est pas l'opinion du ministre. On peut discuter passablement longtemps sur ce sujet, mais il reste qu'ayant vu ce qui constituait la concession forestière de la CIP, ayant vu les maisons qui ont été achetées par le ministère des Terres et Forêts, ayant vu les ponts, les investissements immobiliers de la compagnie, je dis que cela a été payé énormément cher par rapport à la valeur marchande. Il n'y avait plus de valeur marchande, la compagnie était partie, elle n'exploitait plus et n'était pas intéressée à revenir, quoi que puisse en dire le ministre. Elle n'était pas du tout intéressée à revenir.

Mais, lorsque le ministre des Terres et Forêts négociera la rétrocession de la concession forestière de Québec North Shore... Il faut dire ceci: II s'agissait là de la première rétrocession des concessions forestières. Il s'agissait là du premier cas. Vous le savez, et nous l'avons vu, après Hammermill, une compagnie privée, qui avait la propriété, il s'agissait comme tel de la première ou d'une des premières concessions forestières qui se faisait par une grande compagnie.

Je dis, M. le Président, que toutes les autres compagnies forestières étaient derrière la CIP, que toutes les autres compagnies forestières attendaient le résultat de la négociation avec la CIP. Plus que cela, je dis que même les conseillers juridiques des autres compagnies forestières étaient associés avec la CIP, parce que c'était véritablement le cas type.

Lorsque le gouvernement viendra maintenant négocier avec la Québec North Shore Paper, parce que, moi, je me dis une chose, si j'étais actionnaire ou si j'étais administrateur de la Québec North Shore, lorsque j'aurais à négocier avec le gouvernement, par la suite, après le rachat de la

concession à Rivière-Pentecôte, je vous verrais venir, parce qu'il y a une différence entre la Québec North Shore et la CIP... C'est que la Québec North Shore fait de l'exploitation à Baie-Comeau, a son moulin de transformation à Baie-Comeau. Ses chemins sont entretenus dans la région de Baie-Comeau. Ses ponts sont en excellente condition dans la région de Baie-Comeau.

C'est seulement 6000 milles carrés, la Québec North Shore. Vous me dites que vous avez payé 4000 milles carrés, je pense, pour $2 millions, si on veut avoir le chiffre exact, $2 100 000 ou à peu près, $2 321 842.40. Cela veut dire 4000 milles carrés, d'après ce qu'on m'a dit cet après-midi.

M. Toupin: II faut enlever la partie des terrains privés. Il faut enlever le franc-alleu là-dedans, parce que ce n'est pas une révocation, c'est un achat direct. La vraie superficie, la révocation, c'est $2 008 232.

M. Lessard: D'accord, $2 008 000, $2 millions pour 4000 milles carrés.

M. Toupin: 4233 milles carrés.

M. Lessard: 4233 milles carrés, pour une concession qui avait été laissée de côté, une concession qui n'était plus exploitée...

M. Toupin: Deux.

M. Lessard:... deux concessions, si vous voulez. Il ne faut pas oublier non plus, par exemple, dans la région de Témiscamingue, que vous avez payé cette usine à papier $2 500 000. Il ne faut pas oublier cela. Combien la CIP a-t-elle reçu dans le cas de Témiscamingue? Il n'y a pas seulement la concession forestière. Il faut parler aussi de l'usine qui a été rachetée.

Parlons justement des deux concessions, restons aux deux concessions. $2 millions pour 4233 milles carrés pour deux concessions où les compagnies avaient décidé de ne plus exploiter, où les compagnies avaient décidé de s'en aller, où les compagnies avaient décidé qu'elles n'exploitaient plus. Quand vous allez racheter Québec North Shore, vous n'êtes pas... Ce sont un peu les mêmes conditions que si vous venez m'acheter une maison. Il y a trois ans que je n'habite plus la maison qui est en train de se détériorer; outre cela, la maison est dans une région où elle n'a plus de valeur marchande et les gens ne sont pas intéressés à l'acheter. Vous allez presque payer le prix que vous voulez même imposer pour la maison. Si, par exemple, vous venez me voir pour acheter une maison que j'habite encore, une maison qui est dans une région résidentielle ou dans une ville résidentielle et qui est dans un coin très recherché, la valeur marchande est complètement différente. C'est là qu'il faut tenir compte... Ce n'est pas strictement une question de comptabilité, cette affaire; c'est une question de valeur marchande, une question de possibilité d'exploitation.

Quand vous allez arriver pour négocier avec Québec North Shore, cela va être différent. Québec North Shore exploite son territoire, comme je le disais tout à l'heure. Ce que vous avez payé... Québec North Shore, c'est... J'ai hâte de voir la comparaison, c'est 6000 milles carrés.

Maintenant, il y a une différence dont il va falloir tenir compte, par exemple, parce que Québec North Shore va continuer d'utiliser son territoire. Mais la rétrocession va coûter... Parce que là, il y a une valeur marchande, dans le cas de Québec North Shore. La rétrocession va coûter un prix pas mal différent, de telle façon que, quand vous me parlez de $80 millions ou de $65 millions ou de $70 millions, je vous dis: Ne vous basez pas sur ce que M. Parizeau a fait, en disant: $1500 au mille carré, multiplié par le nombre de milles carrés. Ne vous basez pas sur $455 du mille carré, multiplié par le nombre de milles carrés qui est actuellement en concession forestière. Je regrette, vous avez payé $455 du mille carré pour une concession forestière qui ne valait pas grand-chose à ce moment, parce qu'elle n'avait aucune valeur marchande. D'autant plus que la base même de cette concession forestière, à savoir la rivière, avait été entièrement détruite. Ne faites pas votre petit calcul bien simplement comme cela.

Je vous dis ceci: Si vous basez votre calcul comme cela, si vous calculez que vous allez obtenir les concessions forestières qui sont actuellement en exploitation, au même prix que celles que vous avez eues avec la CIP qui n'était pas en exploitation, je vous dis que vos $70 millions vont être passablement dépassés. Mais comme cela va être fait en 1982, on sait que vous ne serez plus là, de toute façon. Donc, vous pouvez dire n'importe quoi.

M. Toupin: C'est à souhaiter que vous n'y soyez plus, vous non plus...

M. Lessard: L'autre point, M. le Président, sur lequel je voulais intervenir, concerne les intérêts. Je l'ai abordé un peu, cet après-midi. Ecoutez! Il a beau y avoir eu révocation, je ne pense pas qu'il fallait payer des intérêts dans ces circonstances. La compagnie n'exploitait plus son territoire. Vous avez, en fait, aidé un petit peu la compagnie en révoquant, à ce moment. Vous ne l'auriez pas fait et ça n'aurait pas changé grand-chose. Lorsque vous l'avez fait, vous avez tout simplement aidé et justifié la compagnie. Vous auriez pu, tout simplement, si cela a coûté comme intérêt, $83 364... S'il a fallu payer ces intérêts, c'est parce que vous êtes intervenus, dans le fond, pour aider la compagnie, pour justifier le départ de la compagnie. Vous n'aviez tout simplement qu'à laisser le territoire là. Vous n'aviez qu'à ne pas intervenir immédiatement, parce que la compagnie, elle s'en allait. C'était officiel. Elle avait quitté, depuis deux ans. Lorsque vous avez révoqué, la compagnie avait arrêté ses exploitations depuis deux ans. Elle n'exploitait plus le territoire.

C'est en 1975 qu'il y a eu un accord. A mon

sens — je peux me tromper, M. le Président — mais il n'y avait pas d'intérêt à payer là-dedans. Je dis que vous avez soigné... Ecoutez! On est habitué à cette façon de fonctionner du gouvernement. Vous avez donné un joli cadeau, un beau cadeau à la CIP, probablement quitte à recevoir, par la suite, un bon fonds à la caisse électorale. Mais ce fut un joli cadeau, que vous avez donné à la CIP, alors qu'elle aurait dû rembourser, elle, la compagnie, les dommages qu'elle avait faits depuis 1969.

Lorsque j'écrivais à l'ancien ministre des Terres et Forêts et que je lui disais que lors des prochaines négociations qui devaient avoir lieu avec la compagnie, il devait tenir compte de la destruction de la rivière Pentecôte, on aurait dû au moins tenir compte de ce fait dans les négociations. Non seulement on n'en a pas tenu compte, mais on a recheté le lit de la rivière à $17 000.

M. le Président, je continue de croire et je pense que je ne suis pas le seul à continuer de le croire... Il y a eu des reportages à la radio, à la télévision; il y a eu des écrits qui ont été faits par des spécialistes en la matière. Je citais ce matin, M. Robert Héroux qui démontre que la compagnie est entièrement responsable de ces dommages, qui démontre que la compagnie avait elle-même décidé de détruire ce barrage. Malgré tout cela, le gouvernement a décidé, comme il le fait toujours — ce n'est pas nouveau — d'accorder un montant de $900 000 à la CIP.

En terminant, je reviens à la première question que je posais. Le ministre m'a expliqué quel était le rôle de M. Jean Lesage. Quels ont été les honoraires de M. Lesage dans ce dossier?

M. Toupin: M. le Président, je n'ai pas en main les chiffres. Est-ce qu'on les a en main, ici, les chiffres des honoraires de M. Lesage? Je ne sais même pas si cela a été payé par le ministère des Terres et Forêts ou si cela l'a été par... Cela a été payé par le ministère des Terres et Forêts?

Cela a été payé par le ministère des Terres et Forêts, mais on n'a pas cela en main. Si on l'avait su, on l'aurait, mais là... Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on...

M. Lessard: C'est une question que j'avais posée au ministre et à laquelle il n'a jamais répondu.

M. Toupin: Quand?

M. Lessard: Je crois que je l'avais posée en Chambre. Vous avez pris avis de ma question à savoir quel était le rôle de M. Lesage et j'étais intervenu en demandant quels avaient été ses honoraires. Le ministre en avait pris avis, je pense.

M. Toupin: Si on ne termine pas les travaux ce soir et même si on les terminait ce soir, je ne vois pas d'inconvénient à rendre publics les honoraires versés à M. Lesage dans ce cas.

M. Lessard: Vis-à-vis de ce cas-là.

M. Toupin: Exclusivement le cas de la révocation de CIP, Pentecôte et Témiscamingue. Je ne m'oppose pas du tout.

M. le Président, je ne veux pas engager le débat plus longtemps là-dessus. J'ai dit ce que j'avais à dire là-dessus concernant autant le taux d'intérêt que les avantages qu'on a appris quant à nous dans cette première négociation. Il fallait vraiment démontrer aux autres compagnies que le gouvernement était capable de négocier et qu'il était capable de s'entendre sur des taux raisonnables.

M. Lessard: Vous l'avez démontré certainement avec le gouvernement.

M. Toupin: Les compagnies savent fort bien que, quelles qu'elles soient, elles seront traitées sur un pied d'égalité...

M. Lessard: C'est cela. C'est ce qui est dangereux.

M. Toupin: ... et qu'on ne leur fera pas de cadeaux ni d'un côté, ni de l'autre. C'est quand même la première fois, M. le Président, que je vois un député de l'Opposition prendre autant de temps pour tenter de justifier une décision, je dirais une projection de son chef, sur une question de dépense gouvernementale. La plupart du temps les députés de l'Opposition ne tentent pas de justifier la déclaration du chef. Ils tentent de critiquer les actions gouvernementales. Alors, quand on sent le besoin de justifier un geste posé par son chef, c'est qu'on essaie de défendre des choses qui ne se défendent pas. M. le Président, je continue à croire que les gestes qu'on a posés sont bons, sont probablement les meilleurs dans les circonstances. Si le député de Saguenay était d'accord, je serais prêt à adopter l'élément 1.

M. Lessard: Pas encore.

M. Toupin: Pas encore. Il n'y a pas moyen de le convaincre, M. le Président.

M. Lessard: Non. Je reviens aux inventaires dont on parlait avant la suspension des travaux ce soir. Le ministre me disait que c'étaient des territoires où...

M. Toupin: Des places d'échantillons permanents.

M. Lessard: Des places d'échantillons permanents. Bon. J'ai ici l'évaluation de l'inventaire comme tel, de la façon dont on l'a évalué et ce dossier se lit comme suit: Compagnie internationale de papier du Canada, division forestière de La Tuque, inventaire forestier périodique, sondage et coûts, concession de la rivière Pentecôte. Répartition des coûts, années de sondage 1958, 1959 et 1963. Salaires, on ne donne pas les montants. Transports, provisions et équipements, préparation et supervision, mécanographie et correction,

bénéfices marginaux, nombre de parcelles du coût moyen 97... En tout cas, coût moyen. C'est vraiment l'inventaire dont vous parlez actuellement, selon vos...

M. Toupin: On ne paie pas des inventaires. Les inventaires, on les constate. Ce qu'on paie, ce sont les moyens qu'on prend pour les faire.

M. Lessard: Les moyens que vous prenez pour les faire sont constants.

M. Toupin: C'est bien sûr.

M. Lessard: Ils sont constants.

M. Toupin: On a établi une méthode et c'est toujours la même méthode qu'on utilise. C'est un champ d'échantillonnage qui est réparti un peu partout et on utilise toujours les mêmes régions d'échantillonnage.

M. Lessard: Ecoutez, c'est l'inventaire qui coûte de l'argent. Le champ d'échantillonnage, vous pouvez le modifier, vous pouvez le changer, si vous prenez dans tel territoire, telle superficie et il y a tant d'arbres de telle grosseur dans la superficie, vous le modifiez, vous ne prenez pas toujours le même échantillonnage, le même territoire. Vous payez, en fait, $72 934 pour ça, pour avoir établi les coins où vous prenez votre échantillonnage.

M. Toupin: C'est-à-dire que quand vous voulez évaluer la potentialité forestière d'un groupe d'essences ou d'une essence en particulier...

M. Lessard: C'est ça, oui.

M. Toupin: ... vous ne prenez pas l'échantillon qu'à un seul endroit.

M. Lessard: C'est ça.

M. Toupin: Vous prenez des échantillons partout. Vous établissez vos techniques, vos méthodes d'échantillonnage...

M. Lessard: Après dix ans...

M. Toupin: ... partout... Laissez-moi aller.

M. Lessard: D'accord, allez-y.

M. Toupin: II est possible qu'à certains endroits, la méthode d'échantillonnage utilisée soit moins valable parce qu'on a coupé le bois; mais à l'autre endroit où on n'a pas coupé le bois, l'échantillon demeure aussi valable; l'autre endroit où le bois a grossi, a crû en grosseur et en longueur, on utilise encore le même système d'échantillonnage.

M. Lessard: L'échantillonnage demeure valable, même si le bois a grossi de deux pouces de diamètre, l'échantillonnage est valable.

M. Toupin: C'est pour ça qu'on fait des échantillons, c'est pour connaître la potentialité de la forêt, quand un arbre grandit de quatre pieds et qu'il grossit de six pouces.

M. Lessard: Je comprends.

M. Toupin: Ce n'est pas compliqué.

M. Lessard: Je comprends, mais un échantillonnage qui a été fait depuis dix ans, il vaut quoi?

M. Toupin: II vaut la peine qu'on le reprenne.

M. Lessard: C'est pour ça que vous allez payer un échantillonnage qui ne vaut plus rien.

M. Toupin: Si on veut...

M. Lessard: Je comprends très bien le ministre...

M. Toupin: Si on veut reprendre l'échantillonnage et si on veut savoir s'il y a croissance de forêt, il faut reprendre à la même place, autrement, cela n'a pas d'allure, ton affaire.

M. Giasson: Si tu veux découvrir la croissance...

M. Lessard: Mais à ce moment-là, votre premier échantillonnage que vous avez payé $72 934, c'est justement pourquoi c'est dévalué de façon directe en vertu de l'arrêté en conseil. Pourquoi payer un échantillonnage qui a été fait en 1958/59, il ne vaut plus rien. Il n'a aucune valeur, vous êtes obligé de le reprendre. C'est tellement vrai que l'arrêté en conseil du 16 juillet dont je parlais...

J'ai interrogé un fonctionnaire du ministère des Terres et Forêts, ici, à la commission, qui me disait qu'un échantillonnage, cela ne valait plus rien après dix ans. C'est tellement vrai que l'article 4 de l'arrêté en conseil 2875-75 dit que, sauf pour des plans quinquennaux d'exploitation, les travaux d'inventaire et d'aménagement sont évalués suivant leurs coûts de revient dépréciés en ligne droite sur les dix dernières années précédant la révocation.

M. Carpentier: C'est une affirmation absolument erronée.

M. Lessard: Une affirmation absolument erronée?

M. Carpentier: Oui.

M. Lessard: C'est l'arrêté en conseil no 2875...

M. Giasson: Vous dites que l'échantillonnage ne vaut plus rien et que cela a été déclaré. Ce n'est pas cela, vous jouez avec les mots. C'est un inventaire.

M. Lessard: Cela a été déclaré ici, en commission parlementaire.

M. Giasson: On vous a parlé d'échantillonnage dans le sens qu'on l'entend. On a parlé d'inventaire.

M. Lessard: L'Inventaire, après dix ans, il ne vaut à peu près rien. On est obligé de reprendre...

M. Carpentier: Absolument, il vaut quelque chose. C'est à ce moment-là que vous êtes capable d'évaluer le pourcentage de progression dans votre forêt. C'est précisément à partir de cette base que vous êtes capable d'obtenir des résultats valables. Au contraire, c'est là qu'il prend de la valeur. Voyons donc!

M. Lessard: Mais pour savoir la valeur de votre forêt, actuellement, la quantité de bois que vous avez à l'intérieur de votre forêt...

M. Carpentier: Si vous voulez avoir un inventaire perpétuel, vous êtes obligé de prendre des échantillons constamment.

M. Lessard: Justement, je suis entièrement d'accord sur cela. Mais ce que je vous dis, c'est que, pour le ministère des Terres et Forêts, lorsqu'on a racheté la concession de la Rivière-Pentecôte, l'inventaire n'avait pas de valeur pour le ministère.

M. Carpentier: Absolument, il a une valeur. Il faut savoir ce qu'on a dans nos forêts. Allons donc!

M. Lessard: Savoir ce qu'on avait dans nos forêts il y a dix ans.

M. Toupin: Le député de Saguenay confond — et je pense qu'il le fait...

M. Carpentier: Volontairement, il comprend très bien.

M. Toupin: ... plus ou moins intentionnellement — vraiment le résultat de l'inventaire avec les moyens qu'on prend pour le faire. C'est ce qu'il confond. Un inventaire, une fois qu'il est réalisé, tu le constates.

M. Lessard: Hum! Hum!

M. Toupin: Mais, avant de le constater, il faut que tu le réalises. Pour le réaliser, tu as besoin de moyens techniques, et la place d'échantillonnage est un moyen technique.

Si on a déterminé un endroit quelconque, dans une forêt donnée, et qu'on a pris un échantillon en 1948, l'échantillon vaut pour 1948. Avec les calculs qu'on fait, actuellement, on peut les prolonger jusqu'à 1958. Dix ans après, en avril 1958, on dit que cet échantillonnage n'est plus valable. On va en prendre un autre, mais on va le reprendre au même endroit.

M. Lessard: Hum! Hum!

M. Toupin: On va le reprendre à l'endroit qu'on a choisi et autour duquel on a créé des structures favorables, ce qu'on appelle les places d'échantillonnage. On a créé autout de cette place des structures favorables nous permettant de prendre des échantillons à tous les dix ans, pour maintenir à jour nos inventaires. C'est simplement ce que cela veut dire. C'est cela qu'on a payé. On n'a pas payé les chiffres qui sont sortis de l'échantillonnage de 1957...

M. Lessard: Vous avez payé exactement ce que M. Jean Lesage vous a dit de payer.

M. Toupin: On a payé exactement ce qu'on devait.

M. Lessard: Vous avez payé exactement ce que l'ingénieur forestier en chef de la compagnie vous demandait de payer, suite à la discussion qu'il avait eue avec M. Jean Lesage et suite à la lettre qu'il écrivait à M. Bertrand Lacroix, en lui disant: Cher Bertrand. Vous avez payé exactement ce montant...

M. Toupin: Et après?

M. Lessard: Et après? Quel était le prix? Quelle était l'évaluation? Il y a eu une négociation quelque part.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Quelle était l'évaluation du ministère avant que Jean Lesage intervienne dans le portrait? Quelle était l'évaluation du ministère avant que cette lettre soit envoyée, en date du 14 mai 1975? Il y a eu une contestation. Comment se fait-il que, tout à coup, le représentant de la compagnie évalue à $72 934 son inventaire et qu'on arrive, dans l'arrêté en conseil, exactement au même montant, soit $72 934?

M. Toupin: C'est parce que c'était le prix raisonnable à payer.

M. Lessard: C'est cela, c'était le prix raisonnable à payer, à savoir le prix de la compagnie.

M. Toupin: Ce que vous contestez, actuellement, c'est le prix qu'on paie pour les places d'échantillonnage.

M. Lessard: C'était le prix que la compagnie avait décidé et que vous avez bien payé.

M. Toupin: Cela, vous pouvez l'affirmer? M. Lessard: C'est cela.

M. Toupin: Vous êtes convaincu que c'est cela qui est arrivé?

M. Lessard: C'est cela qui est arrivé. J'ai une lettre, en date du 14 mai 1975, qui le prouve.

M. Toupin: Supposons, par exemple...

M. Lessard: "La réclamation de la compagnie a été entièrement respectée par le gouvernement."

M. Toupin: ...qu'on se serait entendu pour que les coûts payés, soient à peu près ceux fixés par la compagnie et sur lesquels les négociateurs s'étaient entendus auparavant. Supposons que c'est cela. Si tel est le cas, c'est le cas. On a évalué que cela coûtait cela. Quand M. Lesage a pris le dossier, il a concilié et il a cru bon que telle chose fût comme cela. C'est cela, le rôle d'un conciliateur. On peut bien reprocher à M. Lesage d'avoir joué le rôle de conciliateur, mais le fait qu'il l'a joué, il a joué son rôle, purement et simplement. Le gouvernement a cru que cette décision était valable, était bonne. Cela ne va pas plus loin que cela.

Vous avez contesté le prix de la rivière Pentecôte. Vous contestez la place d'échantillonnage. Vous avez contesté les chemins. Vous avez contesté les camps.

M. Lessard: Je conteste toute cette transaction.

M. Toupin: Ah bon! Arrêtez donc de prendre les points les uns après les autres et dites-moi que vous n'êtes pas d'accord avec la transaction.

M. Lessard: C'est toute la transaction que je conteste.

M. Toupin: Cela va être bien plus facile et on ne perdra pas de temps.

M. Lessard: Je conteste tout le montant de $941 000 que vous avez donné à cette compagnie. Je dis que c'est un cadeau.

M. Toupin: M. le Président...

M. Lessard: Un cadeau, parce que, de même que le ministre disait que j'étais d'accord sur la rétrocession des concessions forestières, je lui dis: Oui, j'étais d'accord sur la rétrocession. J'étais d'accord pour reprendre des concessions forestières, comme nous étions d'accord sur les Jeux olympiques, M. le Président. Nous étions d'accord sur les Jeux olympiques, M. le Président, quand M. Drapeau nous disait que cela allait coûter $300 millions et que cela allait s'autofinancer. Mais, dans ce temps-là, M. Drapeau ne nous a pas dit que cela allait nous coûter $1,5 milliard et qu'on allait avoir $1,2 milliard de déficit.

M. Toupin: J'espère que vous n'avez pas cru cela ainsi. Vous êtes encore plus naïf que je ne le pensais.

M. Lessard: A un moment donné, vous l'avez cru passablement, vous autres, parce que, depuis trois ans, on vous demande d'intervenir pour contrôler les coûts et vous ne l'avez même pas fait. Vous avez même formé un comité de contrôle des Jeux olympiques et vous n'avez même pas été capables de prendre vos responsabilités...

M. Toupin: Oui, mais la régie? La régie qui a été créée?

M. Lessard: La régie?

M. Toupin: Oui, on a créé la régie.

M. Lessard: Elle a été créée après que les pots ont été cassés. En tout cas!

M. Toupin: La régie a quand même été créée. M. Lessard: M. le Président, c'est certain...

M. Toupin: La régie va jouer son rôle. Les Jeux olympiques vont avoir lieu. C'est vrai qu'ils vont coûter cher. Il n'y a pas seulement cela qui a coûté cher. Tout a augmenté. Probablement que le chef du Parti québécois, M. Lévesque, même s'il prévoyait $200 millions pour les concessions forestières, ne savait pas que le pétrole...

M. Lessard: Concernant les inventaires, M. le Président, c'est vrai que je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, mais j'ai une lettre ici qui a été envoyée au ministère des Terres et Forêts; M. Bernard Lacroix, Service de l'évaluation forestière, Ministère des Terres et Forêts, 5e étage. Sujet: ClP-Pentecôte. "Monsieur, veuillez trouver annexées quelques notes sur l'utilisation du CFC par le ministère des Terres et Forêts. "A la lecture de ce document, vous comprendrez que le programme d'inventaire n'ayant pas couvert cette unité, nous ne devons pas acheter le CFC, car il ne peut nous servir. "Je demeure à votre disposition pour des précisions, si vous le désirez, "Bien à vous, le directeur du service de l'inventaire forestier, M. Gaston Germain. "

II n'y a pas que moi qui conteste les $78 000.

M. Toupin: Le CFC, c'est quoi?

M. Lessard: Je ne le sais pas; le ministre devrait le savoir, il est le ministre des Terres et Forêts.

M. Toupin: Si vous ne le savez pas, ne nous référez pas au CFC pour régler le problème des inventaires. D'accord, c'est en anglais. Ce sont des tests d'échantillons permanents, en anglais.

M. Lessard: Bon. Le ministre aurait dû le savoir bien plus que moi.

M. Toupin: Oui; moi, j'ai des informateurs. M. Lessard: Oui, je comprends.

M. Toupin: C'est important d'en avoir, surtout dans des circonstances comme celles-là.

M. Lessard: Vous êtes chanceux. M. le Président, de toute façon, c'est comme je le disais tout à l'heure, ce n'est pas une contestation morceau par morceau que je fais concernant cette transaction, c'est toute la transaction que je conteste. Je dis encore que c'est un cadeau monumental qu'on a fait à la CIP qui était l'une des compagnies forestières les plus importantes, qui avait la plus grande superficie des concessions. C'est à elle qu'on a commencé à s'attaquer. Elle a bien gagné. Elle a tiré les fleurs du pot.

Je souhaite une chose, qu'on ne renouvelle pas de telles transactions à l'avenir, parce que payer $941 000 pour une concession forestière qui a été délaissée par une compagnie, payer des montants qui m'apparaissent abusifs pour des investissements immobiliers qui n'ont presque plus de valeur marchande, j'entends bien "valeur marchande," II va falloir changer à un moment donné, modifier. Il ne s'agit pas de parler de valeur de remplacement, mais de valeur marchande pour la compagnie. Je trouve que ce sont là de jolis cadeaux. Je ne comprends absolument pas comment il se fait qu'il ait pu s'embarquer, après les avertissements que le ministre a pu avoir à ce sujet: même plus que cela, le ministre avait tellement de points d'interrogation qu'il a suspendu la transaction. A un moment donné, il a établi un veto sur la transaction, mais il a confirmé, par la suite que ce qui, avait été décidé... J'ai même ici une lettre sur une partie seulement de la transaction; elle est de Raymond Gagné, du journal Le Soleil, publiée samedi, le 28 juin 1975. Figurez-vous, $17 000 pour le lit de la Pentecôte; le titre, c'est "$17 000 pour le lit de la Pentecôte, c'est du vol." Je comprends que c'est du vol. Il n'y avait plus de lit dans la rivière Pentecôte.

M. Toupin: C'est une rivière qui aurait fait son lit.

M. Lessard: C'est-à-dire que le ministre a fait sont lit dedans et il l'a drôlement fait. Il a fait le lit de la compagnie et il a couché drôlement avec la compagnie dans cette affaire. Pendant ce temps, on essaie d'avoir quelques milliers de dollars pour des projets sérieux et on n'est pas capable de les avoir. Quand il s'agit d'une compagnie multinationale, il n'y a pas de problème, on donne des millions de dollars.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre.

M. Toupin: Je trouve curieux les propos du député de Saguenay qui m'apparaissent émaner beaucoup plus, comment je dirais, d'une sorte de...

M. Lessard: Cela m'écoeure, je vous le dis vraiment. Je m'excuse, cela m'écoeure.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant, c'est le ministre qui a la parole.

M. Toupin: M. le Président, je ne voulais pas employer le mot, mais il émane vraiment d'un gars écoeuré.

M. Lessard: C'est vrai. Ecoeuré du gouvernement.

M. Toupin: Quand un gars est rendu à ce point, c'est qu'il n'est plus capable de regarder les problèmes objectivement. C'est évident qu'il se réfère à toutes sortes de documents. Il prête foi à tous, sauf à ceux qui ont fait les négociations, il prête foi aux articles de journaux, il prête foi aux revues. Il prête foi aux déclarations de son chef, mais là, il sent le besoin de se justifier pour dire qu'il n'avait peut-être pas tout à fait raison. Il n'avait pas tout à fait tort, mais il n'avait pas tout à fait raison. Il s'est trompé dans ses prémisses, dans ses bases de comparaison. Quand on est rendu, à une commission parlementaire, à travailler de cette façon, je pense qu'on n'est plus capable de regarder les problèmes de façon objective.

Le député de Saguenay, je pense, est assez sérieux pour comprendre que la compagnie a quand même exploité sa concession dans une proportion de 40% ou à peu près, de son potentiel. Alors, il reste 60% à aller chercher. C'est excessivement...

M. Lessard: On va racheter cela, nous autres. C'est notre forêt et on va racheter cela, les 60% qu'elle n'a pas exploités. On va payer pour les 60%. Le ministre comprend-il que c'est à nous autres, cette forêt? Est-ce qu'il a compris cela depuis qu'il est ministre des Terres et Forêts. C'est à nous autres, cela.

M. Toupin: Est-ce que je pourrais finir, M. le Président?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Certainement.

M. Toupin: Bon. Quand le député de Saguenay dit: On achète des choses qui ne tiennent plus, qui ne valent plus la peine d'être achetées, qui sont désuètes, qu'il n'y a plus de place pour l'exploitation là-dedans, que la compagnie est partie parce qu'il n'y avait plus rien, parce qu'il n'y avait plus rien à tirer de cette concession, que la vache était tarie et qu'on était allé en tarir une autre ailleurs, etc., ce n'est pas vrai. Il reste encore du bois sur la concession forestière de CIP, qui est maintenant devenue domaine du gouvernement, qui est maintenant devenue la propriété de l'ensemble des Québécois. Cela n'a pas coûté si cher jusqu'à maintenant. Cela a coûté à peu près le prix qu'on avait prévu. Cela a établi un "pattern" pour les autres compagnies; elles savent bien, qu'à l'avenir, c'est de cette façon qu'on va agir, en dépit de tout ce qui s'écrira et de tout ce qu'il se dira par ailleurs. Le gouvernement ne comptera pas sur les déclarations faites à l'extérieur.

Il va analyser les choses froidement, objectivement et va payer, le prix que ça vaut d'après lui. Dans le cas qui nous concerne, au niveau de Rivière-Pentecôte et au niveau de Témiscamingue, je reste convaincu que le gouvernement a pris là une décision raisonnable en matière de versements. C'est loin d'être un cadeau, M. le Président.

On a payé moins, au fond, que cela aurait pu valoir si on avait retardé pour négocier cette convention relativement à la révocation de la concession forestière de CIP, tant de Pentecôte que de Témiscamingue.

Je reste convaincu, M. le Président, que le député de Saguenay est d'accord avec ça. Lui-même, tantôt, nous disait qu'il connait le secteur, que ça fait longtemps qu'il se promène dans ce secteur. Je reste convaincu qu'il a eu l'occasion, lui-même, de se familiariser avec les actifs qu'il y avait sur ce territoire. Je reste convaincu que si, lui-même, avait eu à négocier cette convention...

M. Lessard: Ne me prêtez pas d'intention...

M. Toupin: ... à cause des déclarations faites auparavant, je ne suis pas certain qu'il en soit arrivé à ça...

M. Lessard: ... je vais soulever une question de privilège. Ne me prêtez pas d'intention.

M. Toupin: ... en soit arrivé à ça.

M. Lessard: Parlez pour vous, mais ne parlez pas pour le député de Saguenay, d'accord?

M. Toupin: Mais je suis convaincu que s'il avait eu à négocier cette convention, M. le Président, il n'en serait pas arrivé au point où nous en sommes arrivés.

M. Lessard: Jamais!

M. Toupin: II n'en serait pas arrivé. Il se serait basé sur les déclarations de son chef et aurait été porté à donner presque le double pour ne pas manquer son coup, pour être certain de la racheter, pour être sûr qu'on va l'avoir, notre concession. Tu sais, nous, les Québécois, il ne faut pas manquer notre coup, quel que soit le coût, le prix, il faut racheter cette affaire.

M. Lessard: ... argument... M. Toupin: Donc...

M. Lessard: ... avoir des faiblesse d'argument pour...

M. Toupin: C'est rationnel, ce qui a été fait jusqu'à maintenant, et le député de Saguenay le sait. Toute l'argumentation qu'il a apportée jusqu'à maintenant, c'est purement et simplement, M. le Président, pour remplir les pages du journal des Débats.

Je suis prêt à adopter...

M. Lessard: Non. M. le Président, quand le ministre... Cela a toujours été l'argumentation du ministre, chaque fois qu'on a parlé de la rivière Pentecôte. L'argumentation du ministre a toujours été celle-ci: Cela a été exploité à 40%, il disait même, à 30%.

M. Toupin: Oui, 30% ou 40%, selon des dernières statistiques. C'est 30%.

M. Lessard: Cela a été exploité à 30%. Donc, M. le Président, il reste quelque chose.

M. Toupin: C'est bien sûr qu'il en reste.

M. Lessard: Mais, M. le Président, il y a une chose que vous allez comprendre, vous, et que tous les députés devraient comprendre...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Ne m'invitez pas à vous donner mon opinion, parce que je vais vous la donner.

M. Lessard: Oui? Non, j'aime autant que vous ne la donniez pas, M. le Président. Connaissant votre impartialité, j'aime autant, M. le Président, que vous ne la donniez pas.

Mais il y a une chose dont on doit quand même prendre conscience. Quand on rachète une concession forestière, on ne rachète pas le bois qui reste. On ne rachète pas le bois qui n'a pas été exploité. C'est un peu comme si quelqu'un avait été locataire d'une propriété, et qu'après cinq ans, le propriétaire de la propriété décide de racheter la propriété du locataire. Cela a l'air compliqué, mais c'est cela que le ministre tente de nous expliquer. C'est-à-dire qu'on a loué, on a concédé une concession forestière à une compagnie, qui devait payer tant de la corde de bois comme droit de coupe, et par la suite, le ministre vient nous dire que si nous rachetons cette concession forestière, c'est non seulement pour des investissements immobiliers, mais il reste du bois dessus. Va-t-on racheter nos propres biens? Va-t-on racheter notre propre bois? Va-t-on payer pour quelque chose qui nous appartient, à nous autres, depuis très longtemps? On l'a payé souvent. Je pourrais vous donner l'exemple de Forestville, où le ministère des Terres et Forêts a concédé un territoire immense à l'Anglo Canadian Pulp, et le gouvernement, l'autre jour, rachetait — en fait, cela avait coûté $6000 à l'Anglo Canadian Pulp pour 6000 acres, je pense — à $50 000, un territoire de quelques milliers de pieds carrés. Au moins, là, il y a eu un contrat. Cela a été une location. Va-t-on payer le territoire, la forêt, les arbres, les essences qui nous appartiennent? Je trouve cela ridicule.

NI. Toupin: Comme ça, le député de Saguenay est d'accord qu'il reste encore suffisamment de bois sur la concession pour que...

M. Lessard: Ce n'est pas là qu'est le problème fondamental.

M. Toupin: Le député de Saguenay peut-il me laisser poser ma question, s'il veut bien que je la pose?

Si je comprends bien, le député de Saguenay est d'accord qu'il reste encore suffisamment de bois sur cette concession pour que cela vaille vraiment la peine de l'exploiter?

M. Lessard: Oui, cela vaut la peine de l'exploiter.

M. Toupin: Si le député de Saguenay est d'accord avec cela...

M. Lessard: Si Rayonier Québec est prête, à un moment donné, elle va l'exploiter.

M. Toupin: Si le député de Saguenay est d'accord avec cela, pourquoi s'évertue-t-il à dire que la CIP a quitté le territoire parce que la vache était tarie?

M. Lessard: Je pense que le ministre n'a pas compris. La CIP a quitté le territoire...

M. Toupin: J'aimerais comprendre.

M. Lessard: ... parce qu'elle n'était plus capable, en plus d'autres raisons, d'utiliser son port de mer. Comprenez-vous cela? C'est bien simple à comprendre pour un ministre.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: II y a un port de mer qui est là. Avez-vous visité Rivière-Pentecôte? L'avez-vous vu? Il y a là un port de mer. C'est un petit village d'environ 800 habitants. Il y a un port de mer et, à un moment donné, vous voyez toute la rivière qui passe sous la route 138. Le pont de la route 138 est venu près de disparaître suite à cela. Le ministère des Transports a été obligé d'effectuer des réparations. Je peux vous informer de cela, parce que c'est le député de Saguenay du temps qui est intervenu auprès du ministère des Transports à un moment donné, parce que l'érosion du pont était en train de se faire.

M. Toupin: Mettons de côté le problème.

M. Lessard: Non, je vous réponds. Les milliers de verges de sable qui descendent de la rivière suite à cela ont rempli le bord du quai, le canal qui permettait aux bateaux — à marée haute, pas à marée basse — d'entrer. L'embouchure — vous savez ce que c'est qu'une embouchure — s'est remplie d'arrachis, de vieux arbres qu'on a arrachés à un moment donné; cela s'est tout rempli de telle façon qu'il n'y a plus un bateau qui pouvait entrer. En fait, la compagnie CIP exportait son bois, c'est-à-dire qu'elle amenait probablement son bois à Trois-Rivières, par de petits bateaux. Elle ne pouvait plus le faire.

M. le Président, plus que cela, j'ai même un rapport du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a dû, à un moment donné, intervenir. La CIP est intervenue auprès du gouvernement fédéral pour demander — elle ne s'est pas gênée du tout — de faire du dragage. Le gouvernement fédéral a dépensé, à un moment donné, de $100 000 à $150 000 pour faire du dragage.

Voulez-vous que je vous donne un rapport du gouvernement fédéral de 1970? En juin 1970, un rapport officiel du ministère fédéral des Travaux publics qui, par entente signée en 1946 avec la Canadian International Paper, s'occupait du dragage d'entretien de la rivière Pentecôte déclarait ce qui suit, parce que, en 1946, le gouvernement fédéral et la CIP s'étaient entendus pour faire le dragage.

M. Toupin: M. le Président, est-ce que cela ne voudrait pas dire, au fond, que le sable de la rivière Pentecôte se rendait à l'embouchure bien avant que le méandre soit brisé.

M. Lessard: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): C'est malheureux qu'il ne se soit pas rendu à Québec, j'en aurais profité.

M. Lessard: D'accord, M. le Président. Si le ministre veut bien...

M. Toupin: Vous êtes en train de détruire votre argument.

M. Lessard: ... continuer, vous allez voir à quelle quantité...

M. Toupin: Vous êtes en train de détruire votre argument avec cela. Vous êtes bien mieux de laisser tomber cela.

M. Lessard: Sur une période de 23 ans...

M. Toupin: Vingt-trois ans, c'est bien avant que le...

M. Lessard: De 1945 à 1968, nous avons es-cavé 200 000 verges cubes en travaux d'entretien, ce qui représente une moyenne de 8700 verges cubes de sable et de matériaux siliceux transportés par la rivière chaque année. Nous constatons que cette quantité moyenne annuelle a augmenté de plus de dix fois, soit 87 000 de 1968 à 1970, sur une période de deux ans.

M. Toupin: Si je comprends bien, c'est encore avant que le barrage soit brisé.

M. Lessard: Non, vous ne comprenez pas, c'est justement après que le barrage ait été brisé.

M. Toupin: C'est après.

M. Lessard: Non.

M. Toupin: J'ai hâte de voir le reste.

M. Lessard: Non, c'est justement, M. le Président, le ministre n'a pas vu le bris du barrage. L'augmentation de dix fois, c'est après que le barrage ait été brisé.

M. Toupin: En quelle année le barrage a-t-il été brisé?

M. Lessard: De 1968 à 1970... le barrage a été brisé en 1969.

M. Toupin: En 1969.

M. Lessard: Mais on parle de 1968, cela veut dire que si on prenait seulement l'année 1969/70, nos chiffres seraient encore pas mal plus forts. D'accord? Plus loin, le même rapport mentionne que le sable se dépose — nous sommes en 1970 — à l'embouchure de la rivière avec une telle rapidité qu'aussitôt les travaux de dragage terminés, tout est à recommencer, ce qui a d'ailleurs amené le ministère concerné à rompre le contrat de dragage et à laisser l'embouchure se détériorer au point où le quai n'est plus accessible aux navires. Est-ce que cela se comprend?

M. Toupin: C'est très clair.

M. Lessard: Le quai n'est plus accessible. Quand le ministre me demandait tout à l'heure quelles étaient les raisons pour lesquelles la compagnie avait cessé son exploitation, c'est que le quai n'est plus accessible aux navires. Vous comprenez?

M. Toupin: C'est parce que les gens ont arrêté de draguer.

M. Lessard: Non, parce qu'ils ne pouvaient plus fournir. Le ministre comprend mal. Plus loin le même rapport mentionne que le sable se dépose à l'embouchure de la rivière avec une telle rapidité — comprenez-vous cela — qu'aussitôt les travaux de dragage terminés, tout est à recommencer, c'est-à-dire qu'ils draguent, mais ils ne fournissent pas. Donc, pourquoi continuer? C'est un panier sans fond.

M. Toupin: C'est cela. Ils ont arrêté de draguer. En arrêtant de draguer, ils ont arrêté de naviguer. Cela va de soi. Là-dessus, ce n'est pas un miracle pour personne.

M. Lessard: Vous comprenez ce que vous voulez bien comprendre.

M. Toupin: Quant à la question de dragage, cela fait longtemps qu'elle était à l'ordre du jour de la compagnie et du gouvernement fédéral. Cela faisait dix ou quinze ans qu'ils en faisaient du dragage, même la compagnie en faisait.

M. Lessard: Vous êtes bien brillant. Continuez comme cela. Vous allez démontrer que vous êtes terriblement brillant. Continuez comme cela. Vous êtes très brillant.

M. Toupin: Je vous l'ai dit que cet argument détruirait votre argument de base...

M. Lessard: Vous êtes très brillant.

M. Toupin: Le dragage se faisait depuis longtemps.

M. Lessard: Entre 8720 verges cubes de sable par année et 87 000 cubes de sable ce qui veut dire 42 000 verges, si vous voulez... Cela c'est entre 1968 et 1970 alors que le barrage est détruit en 1969. En fait, entre ce qui existait avant la destruction et ce qui existe, si le ministre ne comprend pas la différence, franchement, vous êtes très brillant. Continuez comme cela.

M. Toupin: On n'a pas acheté le quai non plus. On a seulement...

M. Lessard: J'espère que vous ne l'avez pas acheté. Il est inutilisable, une chance! Savez-vous ce qui vous a manqué, dans le fond? La compagnie a été pénalisée. Vous auriez dû acheter le quai.

M. Toupin: On a seulement payé les frais...

M. Lessard: Vous avez pénalisé la compagnie. Cela n'a pas de bon sens.

M. Toupin: Est-ce que le député est d'accord pour soutenir que sur la concession forestière...

M. Lessard: La compagnie CIP a perdu de l'argent. Vous auriez dû acheter le quai.

M. Toupin: C'est bien évident qu'on a perdu, de la façon dont vous le démontrez, mais est-ce que vous êtes d'accord que les chemins qu'il y avait sur là concession forestière, c'étaient des chemins qui étaient encore valables et que si ces chemins n'existaient pas il faudrait les construire?

M. Lessard: M. le Président, les chemins sont à refaire. Ce sont des chemins, on l'a vu d'ailleurs, ce sont de petits chemins où on a encore de la difficulté à se rencontrer. Je ne suis pas allé depuis que Rayonier exploite, mais je suis convaincu, après avoir visité des chemins forestiers, et après avoir visité ceux-là en 1971, 1972, que ces chemins étaient inutilisables sans réparation.

M. Toupin: Mais les mêmes chemins qui sont là actuellement, si on les refaisait, si on avait eu à les refaire...

M. Lessard: Mais ce n'est pas là qu'est le problème.

M. Toupin: S'il y avait eu à refaire ces chemins, quel prix les chemins auraient-ils coûté?

M. Lessard: Quand une maison est foutue et finie, une baraque, quand vous achetez une baraque et que vous dites: S'il fallait reconstruire une baraque comme celle-là, qu'est-ce que cela nous coûterait?

M. Toupin: Répondez aux questions que je vous pose. Combien les chemins auraient-ils coûtés si on avait eu à les refaire complètement, totalement, sans tenir compte de ce qui est actuellement...

M. Lessard: Si la compagnie CIP avait vendu cela à qui?

M. Toupin: Les chemins ne peuvent pas se vendre. Le gouvernement reprenait la concession forestière, on n'était pas intéressé à ce qu'un autre...

M. Lessard: Même si le gouvernement ne l'avait pas reprise, la compagnie aurait vendu cela à qui?

M. Toupin: La compagnie aurait continué, plus tard, à exploiter sa concession forestière.

M. Lessard: Ah oui?

M. Toupin: C'est bien sûr. Elle l'a démontré...

M. Lessard: Vous êtes convaincu de cela?

M. Toupin: Les concessions forestières ont toujours été comme cela. Les compagnies s'en servent et les gardent et les exploitent.

M. Lessard: Je regrette, mais ce n'est pas le cas.

M. Toupin: Qu'est-ce qui vous dit...

M. Lessard: Ce n'est pas le cas... Clarke City, à un moment donné...

M. Toupin: Qu'est-ce qui vous fait dire que ce n'est pas le cas?

M. Lessard: Je comprends que cela fait seulement huit ou neuf mois que le ministre est ministre des Terres et Forêts, mais M. le Président...

M. Toupin: Mais qu'est-ce qui vous fait dire qu'une compagnie forestière laisse de côté une concession, quand on ne la reprend pas?

M. Lessard: Ce qui me le fait dire, c'est l'expérience que j'ai chez moi, M. le Président.

M. Toupin: Oui, quelle expérience?

M. Lessard: Expérience que je pourrais vous... Clarke City, exploitée par une compagnie forestière, village fermé, la compagnie a sacré le camp. On va tout descendre, si vous voulez. Rivière-Pentecôte, fondée, exploitée, développée par une compagnie forestière, vidée, village fantôme, il n'y a plus aucune industrie là, la compagnie est partie et elle ne serait jamais revenue non plus. Baie-Trinité, Domtar et, avant, St. Lawrence, jusqu'en 1965, Domtar, de 1965 à 1969; la compagnie a sacré le camp, a échangé son territoire avec le gouvernement à Lebel-sur-Quévillon. La seule chose que la compagnie a conservée, qu'on vient de lui enlever après des batailles depuis 1971, c'est la rivière à saumon. La seule chose que la compagnie avait gardée, la seule chose rentable pour un village fantôme qui pouvait se développer.

Attendez un peu, on va encore continuer. La compagnie n'est jamais revenue à Baie-Trinité. D'accord? Mistassini, c'est-à-dire Franquelin à quelques milles de Baie-Comeau, village fondé par une compagnie forestière, la compagnie a sacré le camp; actuellement, c'est Québec North Shore qui a pris la partie de concession forestière de cette compagnie. On continue, M. le Président. Je descends à Rivière-Portneuf, Consolidated Bathurst; maintenant, elle a tout vidé le sud, elle est rendue de plus en plus dans le nord et, d'ici une couple d'années, elle laisse le village de Rivière-Portneuf. Elle va échanger, probablement rétrocéder ses concessions forestières au gouvernement. Probablement que vous allez racheter la concession forestière de la Consolidated Bathurst, parce qu'elle n'exploitera plus à Rivière-Portneuf.

La Consolidated Bathurst, à Escoumins, a aussi tout vidé le sud. L'ex-ministre a d'ailleurs eu des revendications de la part de la population; elle a vidé et tout exploité le sud. D'ici une couple d'années, il n'y aura plus de Consolidated Bathurst à Escoumins. Le ministre vient me dire que les compagnies seraient revenues pour exploiter les concessions forestières?

M. Toupin: Est-ce que le député de Saguenay aurait été plus d'accord pour que la compagnie CIP, par exemple, revende à des petits industriels ou encore à d'autres compagnies les droits...

M. Lessard: Vous ne pouvez pas revendre, c'est une concession forestière. Depuis quand avez-vous vu une concession forestière qui était revendue?

M. Toupin: Est-ce que le député de Saguenay aurait été d'accord pour que la compagnie revende...

M. Lessard: Ce n'est pas une propriété privée, ça!

M. Toupin: ... les bois sur lesquels elle avait un droit absolu d'exploitation, deux fois et trois fois le prix du droit de coupe que le gouvernement exigeait à ce moment? Est-ce que le député de Saguenay aurait été d'accord pour que la compagnie...

M. Lessard: M. le Président, le problème fondamental, c'est que c'est à nous autres, ces territoires. On reprend notre territoire inexploité, la compagnie n'exploite plus, on le reprend.

M. Toupin: Est-ce que le député de Saguenay est d'accord qu'il reste encore du bois sur cette concession? Est-ce qu'il serait d'accord pour que la compagnie CIP le revende deux ou trois fois le prix du droit de coupe?

M. Lessard: Ce n'est pas la question, M. le Président, quand on a concédé...

M. Toupin: C'est...

M. Lessard: ... je regrette, le ministre devrait relire les clauses de concession, c'est pour l'exploitation forestière. A un moment donné, la compagnie ne fait plus d'exploitation forestière, ça fait deux ans. Ce n'est pas la question de savoir s'il reste du bois ou s'il n'en reste pas. Ce n'est pas à nous à payer pour le bois qui nous reste et pour le bois qui nous appartient, le bois qui est à nous. La compagnie ne fait plus d'exploitation forestière.

M. Toupin: Est-ce que ce n'est pas un reproche que vous faites souvent au gouvernement dans le cadre des concessions forestières, que les compagnies profitent trop souvent, hélas, de concessions forestières pour revendre à d'autres petits industriels des essences qu'elles-mêmes n'utilisent pas ou n'utilisent plus?

M. Lessard: Oui, c'est un reproche; tant que la compagnie exploite encore sa concession forestière, elle peut revendre du bouleau, elle peut revendre des essences qui ne sont pas utilisées par la compagnie.

M. Toupin: Alors, si...

M. Lessard: Je suis d'accord, je l'ai dit dès le début, je ne m'en cache pas, j'étais d'accord. Qui a défendu le programme du ministère et le livre blanc ici, en commission parlementaire, pendant, je pense, une trentaine de séances, devant les compagnies? Je l'ai défendu peut-être plus que l'ex-ministre des Terres et Forêts, parce que j'étais obligé d'aller jusque-là. Je voulais aller plus loin; quand j'ai vu qu'il était tellement attaqué, il a fallu que je le défende. Je suis d'accord sur ça, mais pas à n'importe quel prix, pas payer pour des choses qui ne valent rien; c'est là qu'est la différence et c'est là qu'on ne se comprend pas, le ministre et moi.

M. Toupin: Si vous êtes d'accord sur tous ces points, qu'il reste encore du bois sur cette concession, que si le gouvernement ne reprend pas cette concession, il y a des dangers que la compagnie spécule sur le bois qui appartient, théoriquement, à la collectivité québécoise, et avec lequel la compagnie aurait fait beaucoup plus d'argent, tout compte fait, qu'elle aurait pu en faire avec une transaction gouvernementale. Le gouvernement est obligé de rétrocéder; c'est une expropriation de départ. Ce n'est pas une négociation.

M. Lessard: Voyons donc!

M. Toupin: Le gouvernement est obligé de rétrocéder au départ. Si la compagnie...

M. Lessard: Quant à charrier, allez-y!

M. Toupin: Non, ce n'est pas du charriage.

M. Lessard: Vous êtes bien dans le bois, vous êtes bien dans la forêt. Cela charrie en masse.

M. Toupin: C'est très réaliste. Si la compagnie avait gardé...

M. Lessard: Ce n'est pas vrai, ce n'est pas réaliste.

M. Toupin: Si la compagnie avait gardé sa concession forestière, elle aurait pu revendre son bois. Elle aurait pu le revendre à des petites scieries, elle aurait pu le revendre à d'autres compagnies, notamment à ITT et à toute personne désireuse d'exploiter la forêt dans ce secteur. C'est ce qui se fait sur plusieurs concessions, malheureusement.

M. Lessard: Des concessions qui sont actuellement sous exploitation, mais non pas en ce qui concerne les essences utilisées par la compagnie.

M. Toupin: II y a des concessions qui ne sont pas nécessairement sous exploitation et où les compagnies profitent de l'occasion pour revendre, à des utilisateurs qui sont plus près qu'elles, du bois utilisé, pour le revendre deux fois et quelquefois trois fois le prix que le gouvernement charge comme droit de coupe. C'est de la spéculation sur une richesse naturelle.

M. Lessard: Si c'est le cas, c'est de la spéculation sur une ressource qui appartient aux Québécois et il est temps que vous changiez quelque chose.

M. Toupin: C'est ce qu'on a fait, on a changé cela, on l'a repris.

M. Lessard: Oui.

M. Toupin: On n'a rien fait d'autre que cela.

M. Lessard: A quel prix? Vous avez payé une richesse qui nous appartenait, à nous autres...

M. Toupin: II faut le contester.

M. Lessard: ... qui était de notre propre volonté, qu'on pouvait révoquer, parce qu'elle n'était plus exploitée par la compagnie, non utilisée par la compagnie.

M. Toupin: Alors, pourquoi étiez-vous d'accord en commission parlementaire, pour que le gouvernement verse des indemnités aux compagnies dans le cadre des révocations?

M. Lessard: Mais pas n'importe quelle indemnité; mais êtes-vous malade?

M. Toupin: Surtout pas celle que vous avez prévue, mais une autre.

M. Lessard: Etes-vous malade? On avait prévu en particulier... Vous aviez un arrêté en conseil. Pourquoi, dans vos inventaires, n'avez-vous pas respecté votre arrêté en conseil du 16 juillet 1975?

M. Toupin: Si vous êtes d'accord sur tout cela, je me demande pourquoi on discute de cette question, M. le Président.

M. Lessard: Je vous dis que le ministre essaie de charrier et de faire du patinage de fantaisie, il patine mal de ce temps-ci.

M. Toupin: M. le Président, ce n'est pas une question de charriage ni de patinage. C'est pour amener le député de Saguenay à comprendre, bien comme il le faut...

M. Lessard: C'est cela. On était d'accord avec les Olympiques, mais pas avec un stade en or. Figurez-vous que les paillettes d'or, cela peut se faire ailleurs.

M. Toupin: C'est pour faire comprendre.

M. Lessard: Oui. On pouvait être d'accord avec un stade de 56 000 places. On pouvait être d'accord. Mais cela dépend quelle sorte de stade. Il y a des rois, en Chine ou en Inde, qui se font des palais en or. Figurez-vous donc que cela arrive qu'il y a des palais et des portes en or qui se font.

On était d'accord avec des olympiques. Mais cela aurait été bien plus beau, comme le disait un de vos députés en commission parlementaire, si le stade avait été en 18 carats. Cela aurait été pas mal plus beau.

M. Carpentier: ... commission parlementaire là-dedans.

M. Toupin: M. le Président, c'est pour faire comprendre au député de Saguenay...

M. Lessard: Je vous fais comprendre la différence entre être d'accord sur des dépenses luxueuses et être d'accord sur des programmes normaux.

M. Toupin: C'est pour faire comprendre au député...

M. Lessard: En 18 carats, le stade aurait été beau, sous les rayons du soleil.

M. Carpentier: A quel article cela se situe-t-il dans le débat?

M. Toupin: Le mot m'échappe...

M. Carpentier: A quel article cela se trouve-t-il, dans le débat, actuellement?

M. Lessard: Si le député avait compris, c'était juste pour répondre au ministre.

M. Toupin: C'est pour faire comprendre au député de Saguenay que ce qui est important dans les concessions forestières, pour nous, c'est de reprendre la gestion de nos forêts et éviter qu'il y ait spéculation sur une richesse naturelle qui nous appartient.

M. Lessard: A n'importe quel prix.

M. Toupin: Dans ce contexte-là, la commission parlementaire du temps a été d'accord pour que nous trouvions des moyens de révoquer des concessions forestières et parmi les moyens sur lesquels tous se sont entendus, se trouvait une indemnité.

M. le Président, on a le droit de critiquer l'indemnité payée. On a le droit de ne pas être d'accord sur l'indemnité payée, on a le droit de critiquer le gouvernement sur ces concessions, mais je continue à soutenir, sans me tromper — quand je compare avec ce qui s'est dit à l'extérieur, quand je compare avec ce qui s'est écrit à l'extérieur — que la décision du gouvernement, dans cette concession forestière, va lui permettre de reprendre la gestion de ses forêts sur une période donnée à des coûts abordables, et ainsi éviter que les compagnies spéculent sur les richesses naturelles qui appartiennent au gouvernement.

Je pense que le gouvernement aurait été blâmable, non seulement blâmable mais n'aurait pas été excusable si cette concession forestière avait été exploitée à 90% de son potentiel ou à 95% de son potentiel. Le gouvernement n'aurait pas été excusable d'acheter des chemins, qui, à l'avenir, n'auraient servi à rien d'autre que d'y faire pousser des branches. Le gouvernement justifie son geste, parce qu'il reste de l'exploitation forestière à y faire et qu'il se procure ce qu'il y a sur place, les moyens pour exploiter cette forêt et, notamment, les chemins.

Les prix payés pour ce qui a été acheté par le gouvernement sont minimes par rapport à ce que cela coûterait aujourd'hui pour faire la même chose. Je suis convaincu que le député de Saguenay est d'accord sur cela.

M. Lessard: Ne parlez pas au nom du député de Saguenay.

M. Toupin: II n'est pas d'accord sur cela, M. le Président.

M. Lessard: Parlez en votre nom.

M. Toupin: Si le député de Saguenay n'est pas d'accord sur cela, il n'était pas d'accord au moment où on a parlé de donner des indemnités aux compagnies en commission parlementaire.

M. Lessard: Oui, j'étais d'accord avec les indemnités, mais par n'importe quelle indemnité. D'ailleurs, c'est que l'article 27 de la loi 27 prévoyait justement la rétrocession des concessions forestières. L'une des choses que j'avais demandées, justement, lors de la discussion de ce projet de loi, c'était que les règlements de rachat — à plusieurs reprises, j'avais questionné l'ancien ministre à ce sujet — des concessions forestières soient soumis à une commission parlementaire, ce qui n'a pas été fait.

C'est pourquoi je continue à maintenir que le rachat de la concession forestière de la CIP comme celle de Témiscamingue a été un marché de dupe pour le gouvernement du Québec.

M. Toupin: M. le Président, je suis d'accord pour adopter cet élément de programme, si le député de Saguenay est d'accord.

M. Lessard: Avant de l'adopter, M. le Président, je vous indique que nous n'avons pas quorum.

M. Toupin: On va attendre qu'il y ait quorum, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): II en manque un.

M. Toupin: II en manque un.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saguenay.

Exportation du bois

M. Lessard: M. le Président, toujours la planification de l'utilisation de la forêt, si on laisse le cas de la rétrocession des concessions forestières. Il semble que le gouvernement américain a l'intention de fixer un embargo sur l'exportation du bois vers le Québec, ce qui peut mettre en mauvaise condition certaines scieries qui sont situées dans les comtés de Beauce, en descendant, Montmagny et autres. Par ailleurs, on a le cas des concessionnaires qui exportent du bois dans certaines provinces voisines, par exemple la CIP, qui, semble-t-il, exporterait 120 000 cunits vers le Nouveau-Brunswick; Québec North Shore, 100 000 cordes de bois, ou à peu près, vers Cornwall. Donc, c'est du bois usiné à l'extérieur du Québec, alors que ces compagnies possèdent des usines au Québec. Est-ce que le gouvernement a l'intention d'analyser une politique à ce sujet? Parce qu'on sait que, chez nous, Québec North Shore va être obligée de diminuer, en fait, l'emploi cette année, de 125 hommes. Il n'y a pas que Québec North Shore, d'autres entreprises diminuent leur coupe de bois et diminuent le nombre d'hommes à l'intérieur de leur usine.

M. Toupin: Dans les usines ou dans les chantiers?

M. Lessard: Dans les usines et les chantiers aussi. Il y a d'abord la question des petites scieries. Cela faisait longtemps que je voulais poser la question au ministre, mais le député de Beauce-Sud l'a posée au leader parlementaire du gouvernement. Je ne voulais pas la poser, parce que je savais que je n'allais pas avoir de réponse. Je savais que le leader parlementaire allait prendre avis. Il reste que c'est là une question fort importante. Est-ce qu'actuellement, il y a des négociations? Est-ce qu'on prévoit un programme pour faire face à la situation? Ensuite concernant l'exportation du bois, est-ce qu'on a l'intention de modifier cette politique?

M. Toupin: Relativement au problème des scieries en bordure des frontières américaines, j'en ai pris connaissance par les journaux. Je n'ai eu au ministère aucune représentation par aucune des scieries impliquées dans le problème. Aucune des scieries ne s'est plainte à mon bureau, tout au moins, qu'elle était obligée de cesser ses exploitations, que l'approvisionnement faisait défaut, etc. Je n'ai pas eu de plainte. J'ai demandé qu'on regarde le problème, mais la conclusion à laquelle on en vient présentement, c'est que les scieries continuent à fonctionner. Aucune d'entre elles n'est venue nous dire que l'approvisionnement faisait défaut, dans les scieries qui, traditionnellement, s'alimentent du côté américain. Le problème qui m'apparaît jusqu'à maintenant, est un problème soulevé dans le cadre d'une crainte éventuelle de fermeture des frontières américaines via les approvisionnements de certaines usines québécoises. Avec le temps, on va prendre les renseignements auprès de l'Etat américain pour savoir si vraiment c'est l'intention du gouvernement américain, ou de l'Etat du Maine, d'imposer des embargos sur les bois provenant de son territoire en direction du territoire québécois.

Le problème ne m'apparaît pas encore avoir atteint, disons donc, le seuil de gravité qu'on semble vouloir lui donner. C'est toujours problématique, je dois l'avouer honnêtement, pour les entreprises situées en bordure de la frontière américaine, que de s'approvisionner aux Etats-Unis. Il est possible que les Etats-Unis changent du jour au lendemain leur politique. Pour le moment, le problème ne semble pas plus aigu qu'il ne l'était dans le passé.

Il y a une certaine crainte, une certaine appréhension qui existe — elle est justifiée — parce qu'on dépend d'un autre pays pour s'alimenter en matières premières.

M. Lessard: Mais ce que je ne comprends pas, c'est que, pendant ce temps, on dépend de ces... Je comprends que c'est plutôt du bois de huit pieds...

M. Toupin: II y en a de douze, je pense. M. Giasson: De douze pieds. M. Toupin: Du bois de sciage.

M. Lessard: Du bois de sciage. Ce que je ne comprends pas, c'est que, pendant ce temps...

M. Lessard: A moins que le député de Montmagny-L'Islet... C'est des scieries, lui?

M. Lessard: Oui, c'est justement.

M. Toupin: ... le député a eu des plaintes...

M. Giasson: Concernant les remarques formulées par le député de Saguenay sur la situation des usines en bordure de la frontière, autant j'ai écouté avec attention les commentaires du député de Saguenay lorsqu'il a décrit la situation existant

dans son milieu, autant je pense être en mesure de posséder la dimension des problèmes...

M. Lessard: Bien d'accord!

M. Giasson: ... qu'il vient de soulever.

Le phénomène du danger de perdre des approvisionnements aux Etats-Unis, ce n'est pas la première fois que je le vis. La troisième année de campagne présidentielle américaine nous ramène toujours le même phénomène. Nous sentons qu'il y a des hommes politiques dans les Etats voisins du nôtre, voisins de la province, qui donnent à la situation une connotation politique et qui essaient de se faire un certain capital en tentant de faire croire que leur action va être à l'effet de garder les matières premières et les ressources ligneuses à l'intérieur de l'Etat pour y créer de l'emploi et le faire profiter de la situation, davantage dans l'Etat du Maine, puisque ça nous concerne chez nous.

Il y a une réalité qu'il faut reconnaître. A peu près tous les propriétaires d'usines dans Montmagny-L'Islet, Bellechasse, Beauce et les comtés qui longent la frontière ont construit leurs usines uniquement en fonction d'une alimentation venant du côté américain, comme on dit couramment chez nous. Ils n'ont pas basé leurs investissements sur une capacité d'approvisionnement des forêts du Québec. C'est tellement vrai que, dans Montmagny-L'Islet, la capacité d'usinage des scieries que nous y retrouvons est celle d'une transformation de 200 millions de pieds de bois par année. Si on regarde notre forêt québécoise dans le secteur, on nous dit, suite aux statistiques qui ont été publiées, que la forêt publique de la région, la forêt domaniale des Appalaches, qui est passablement située dans le secteur Montmagny-L'Islet, a une capacité de fourniture pour ces usines d'environ 30 millions de pieds par année. A côté de ça, on pense que notre forêt privée, qui a été surexploitée depuis un certain temps, pourrait, en présumant qu'on envoie toutes les billes de sciage du côté des usines, peut-être produire 20 millions de pieds de bois, ce qui fait 50 millions, secteurs privé et public. On ne peut pas alimenter des usines d'une capacité de 200 millions de pieds en tablant sur cette forêt, c'est impossible. Donc, les propriétaires ont tous bâti et immobilisé en fonction d'une alimentation venant de l'Etat du Maine.

Le plus grand danger qu'on vit chez nous pour ces usines, ce n'est pas le danger de la fermeture de la frontière. C'est l'obligation qui nous est faite, maintenant, par les propriétaires de terrains boisés, et ce sont souvent de grandes compagnies qui ont des intérêts dans les pâtes et papiers, c'est l'obligation qu'elles font à toutes les usines de sciage d'avoir des approvisionnements, à la condition sine qua non que les copeaux soient retournés aux Etats-Unis, même si c'est beaucoup moins avantageux pour les propriétaires d'usines, étant donné que les coûts de transport et que le prix payé sont inférieurs à ce qu'ils auraient sur le marché du Québec.

Le deuxième problème qu'ont commencé à vivre et que vont vivre ces usines, qui font leur propre exploitation, c'est celui d'être capables d'entrer de la main-d'oeuvre canadienne dans la forêt du Maine. Il y a des organisations syndicales qui ont décidé, depuis environ deux ans, de donner une priorité d'embauche aux travailleurs américains de l'Etat du Maine, et qui font toutes sortes d'embarras, le printemps, pour laisser entrer les travailleurs québécois dans l'Etat du Maine. Ils bloquent d'abord les visas ou les laissez-passer qui sont nécessaires pour y faire pénétrer les travailleurs québécois, et ils ont posé certaines conditions obligeant les employeurs à utiliser de prétendus bûcherons américains qui, effectivement, n'en sont pas. Ils les obligent à en prendre une certaine quantité, et lorsqu'on connaît la production de ces Américains que les entrepreneurs québécois sont obligés d'engager pour obtenir les laissez-passer, ce sont des gens qui donnent très peu de rendement.

S'il fallait que nos propriétaires utilisent uniquement les services du bûcheron américain qu'on leur fournit et qu'on les oblige à prendre, ils ne seraient pas capables de continuer à opérer, ils seraient obligés de mettre fin aux opérations. Je vois un problème beaucoup plus inquiétant dans la situation et les problèmes de main-d'oeuvre des propriétaires d'usines que le danger que le député de Beauce laisse planer depuis quelque temps à l'effet que la frontière va fermer. Je connais des entreprises qui ont des garanties d'approvisionnement pour quelques années encore.

M. Lessard: C'est quand même une nouvelle qui est sortie dans les journaux.

M. Giasson: Oui, elle est sortie, mais, chaque année qu'il y a une élection présidentielle aux Etats-Unis, le même phénomène se reproduit.

M. Lessard: D'accord, j'en conviens.

M. Giasson: Même avec une fermeture éventuelle de la frontière, si on voulait alimenter les usines de sciage, je me demande vraiment où on pourrait aller chercher ces approvisionnements sans avoir à faire face à des coûts de transport fantastiques.

M. Toupin: Alors, le problème est très psychologique au fond. Il y a une certaine crainte. Il est beaucoup plus fondé sur la question des travailleurs canadiens qui vont travailler aux Etats-Unis que sur les questions d'approvisionnement.

M. Giasson: ...qui donnent des rendements exceptionnels par rapport à ce que la main-d'oeuvre américaine peut produire.

M. Toupin: Quant à l'autre aspect du problème...

M. Lessard: Revenons à l'autre aspect du problème. Si c'est cela, on va attendre, mais il reste que c'est un problème constant, l'affaire de

l'alimentation du bois du côté américain, c'est une question de transport en même temps. Nous avons une quantité de cordes de bois à pâte qui ne sont pas vendues, dans différents comtés du Québec. En revenant à ce problème, est-ce exact que la CIP exporte vers le Nouveau-Brunswick à un moment donné du bois qu'elle coupe dans la région de Causapscal?

M. Toupin: Oui, c'est la concession de NBIP qu'on veut rétrocéder. Elle sert précisément à alimenter une usine au Nouveau-Brunswick, je pense que c'est l'usine de Dalhousie.

M. Giasson: C'est cela.

M. Toupin: Si toutefois on enlevait cette source d'approvisionnement à cette usine, je pense qu'elle devrait fermer ses portes. Elle est, bien sûr, au Nouveau-Brunswick, mais elle s'alimente probablement à 75% ou 80% aux concessions de la NBIP qui elles, sont situées au Québec.

On va, dans le cadre de la révocation, va aborder avec la compagnie ce problème d'alimentation de son usine au Nouveau-Brunswick. La compagnie IP a évidemment de ces territoires privés dans le Maine, je pense, territoire avec lequel elle alimente certaines entreprises québécoises. On va regarder avec la compagnie, dans le cadre des négociations, comment se poseront dans le temps les échanges possibles avec ses propres entreprises et avec la possibilité d'exploiter sa forêt dans le Maine.

M. Lessard: Comment se fait-il qu'on exporte du bois à l'état brut? Si on excepte REXFOR, n'existe-t-il pas une loi qui empêche l'exportation du bois à l'état brut, loi qui a été adoptée en 1910 et qui a été reprise, plus tard vers 1940?

M. Toupin: Seule REXFOR a les pouvoirs d'exporter à l'état brut.

M. Lessard: A l'état brut...

M. Toupin: ...à d'autres pays, mais le ministère peut donner l'autorisation à une entreprise ou à un exploitant d'exporter du bois dans une autre province du pays. C'est de longue date. Cela fait combien de temps que l'usine de Dalhousie est construite? Cela fait une cinquantaine d'années probablement? Cela fait 50 ans que cette usine s'approvisionne au Québec et les politiques ayant évolué dans le sens d'une restriction pour l'exportation, cela devenait difficile pour le Québec de couper les vivres à une compagnie qui procure de l'emploi à bon nombre de gens qui fait vivre quasiment une ville. Si on fermait CIP à Dalhousie, je pense qu'on viendrait quasiment de mettre la clé dans les portes de la ville. Je suis bien prêt...

M. Lessard: En même temps, on met la clé dans les portes de la ville de Dalhousie, mais on a un peu mis, à un moment donné, pour la région de Causapscal, la clé à une usine de transformation qui aurait pu s'établir dans cette région.

M. Toupin: C'est là un autre problème.

M. Lessard: C'est un problème qui est important. Je pense bien que les gens...

M. Toupin: Ils sont venus me rencontrer seulement la semaine dernière. Les communications se font vite. Je suppose que ce sont les gens de Causapscal qui vous ont tenu au courant du problème.

M. Lessard: Pour moi, cela fait plus longtemps que cela.

M. Toupin: Je sais que les gens de Causapscal ont l'intention de construire une usine dans leur municipalité. Ils sont venus me rencontrer, ils m'ont demandé s'il y avait des approvisionnements. Je leur ai dit de nous laisser révoquer la concession de NBIP et on verra après comment on utilisera la forêt qui se trouve dans cette concession, pour Causapscal en particulier.

Je ne pense pas qu'on puisse vraiment faire fi de l'approvisionnement d'une usine à Dalhousie; elle est dans une province voisine mais, jusqu'à un certain point elle, a avec nous d'autres échanges commerciaux qui nous sont favorables et qui aident à développer l'économie du Québec.

C'est vrai aussi que la même chose se produit, en Ontario.

Oui, il y a des échanges avec ces mêmes propriétaires. On n'a pas de données précises là-dessus, mais il s'agirait de savoir si on est déficitaire en termes d'échanges dans ce domaine, dans ce coin, dans le Bas-Saint-Laurent et dans l'Etat du Maine, est-ce qu'on est déficitaire en termes d'échanges si on prend des...

M. Giasson: Mais il ne s'agira pas des mêmes compagnies.

M. Toupin: Non, mais, en termes d'échanges, si on est déficitaire. Dans l'ensemble on est gagnant. On est gagnant dans l'ensemble.

M. Giasson: Parce que les propriétaires de...

M. Lessard: Vous voulez dire qu'on est gagnant de quelle façon?

M. Toupin: Si on fermait nos frontières... Ce sont des bois qui viennent de chez nous.

M. Lessard: II entre plus de bois qu'il n'en sort. Cela veut dire qu'on est déficitaire, pour nos employés. S'il entre plus de bois de l'extérieur qu'il n'en sort, cela veut dire qu'il s'en coupe moins au Québec. Québec North Shore est en train de diminuer de 300 emplois.

M. Toupin: Ecoutez.

M. Lessard: Cela veut dire aussi qu'à un moment donné nos producteurs... Combien avons-nous de milliers de cordes de bois qui ne sont pas vendues actuellement dans tous les comtés du Québec?

M. Toupin: II ne faut pas changer le problème de place. On est parti...

M. Lessard: Des scieries.

M. Toupin: ... du problème suivant. Vous m'avez posé la première question: Est-ce que c'est vrai qu'il y a possibilité d'embargo et la deuxième question: Est-ce que c'est vrai qu'on exporte du bois dans une autre province? Je vous dis oui. On en exporte.

M. Lessard: Mais il en rentre plus.

M. Toupin: Mais on en importe aussi. Alors, quand on prend les quantités importées par rapport aux quantités exportées, on est gagnant.

M. Lessard: D'accord.

M. Toupin: Alors, les bois qui proviennent de l'Etat du Maine ou du Nouveau-Brunswick, mais plutôt du Maine et qui alimentent les usines au Québec... Si ma mémoire est fidèle... Cela fait combien d'emplois? On m'avait dit l'autre jour que cela faisait 3000 ou 4000 emplois qui sont maintenus à cause d'une importation. Alors, c'est dans ce sens qu'on dit qu'on est gagnant de laisser aller ces choses-là.

M. Lessard: Est-ce qu'elles ne pourraient pas être alimentées par le Québec ces...

M. Toupin: Non, c'est cela le problème...

M. Giasson: Non, dans la région de chez nous c'est le problème.

M. Toupin: ... qu'on a soulevé tantôt. Il n'est pas possible d'alimenter les usines de Montmagny, par exemple, à compter de la forêt de la Côte-Nord parce que ce n'est pas possible, cela coûterait trop cher.

M. Giasson: C'est un gain à tous les paliers, emplois... Dans l'opération de nos usines, on gagne sur tous les plans. Il y a un tas d'emplois qui existent dans mon milieu qu'on n'aurait pas parce qu'on n'aurait pas de capacité d'alimenter ces usines. Vous avez également l'équipe des travailleurs en forêt qui est québécoise, qui entre là-bas, vous avez les équipes qui travaillent au transport de billes. Ils sont propriétaires de camions, pour la plupart des Québécois, qui vont chercher le bois, le transportent aux usines et le retournent aux Etats-Unis soit en copeaux ou même le sciage rentre là-bas.

M. Toupin: Le même phénomène se produit sur les frontières ontariennes.

M. Lessard: C'est cela, Québec North Shore. Où est-ce vers Cornwall?

M. Toupin: II y a des quantités de bois qui par- tent de la région de l'Outaouais je pense, si ma mémoire est bonne, et qui sont dirigées en Ontario. C'est cela? Il y en a qui nous reviennent par ailleurs. Encore de ce côté, je ne pense pas, tout compte fait, qu'on soit perdant dans l'ensemble des importations et exportations. On peut s'exprimer ainsi. La balance des "pitounes" nous est favorable.

M. Lessard: Mais pour Quebec North Shore, 100 000 cordes vers Cornwall, c'est...

M. Toupin: Oui, c'est du bois qui part des territoires de l'Outaouais et qui est dirigé vers l'Ontario pour alimenter certaines usines en Ontario.

M. Lessard: Est-ce que le ministre a une compilation, actuellement, des quantités de cordes de bois qui ne sont pas vendues dans les différents comtés du Québec?

M. Toupin: On les avait. Je ne sais pas s'ils sont à jour, mais on les avait il y a une couple de mois. C'est surtout le feuillu qui nous fait défaut. Avec le résineux, on s'en sort pas trop mal. Parce que, dans le résineux, on a eu des ententes avec les compagnies et les syndicats, et les deux ont accepté de retarder l'échéancier des transports. Ce qui devait être livré, par exemple, en janvier, le sera en mars ou l'a été en mars; ce qui avait été prévu pour mars, le sera en juin, etc. Pour les résineux, je dis bien.

M. Lessard: Cela ne change rien. Cela retarde seulement le problème.

M. Toupin: Non. Les compagnies ont accepté de le prendre et les syndicats ont accepté de le livrer, sauf qu'ils ont changé la cédule de livraison, pour les résineux.

M. Lessard: Celui qui est actuellement sur les terres des exploitants privés ou des groupements forestiers, etc.

M. Toupin: II n'est pas payé.

M. Lessard: II n'est pas payé. Mais, pendant qu'il attend et qu'il est retardé, l'échéancier est retardé, surtout avec la tordeuse de bourgeons. On a coupé passablement pour sauver ce qui restait de leur bois, mais, pendant qu'on retarde l'échéancier, on a recommencé à couper.

M. Toupin: Ils ont recommencé à négocier aussi. Actuellement, les négociations ne sont pas terminées, mais sont en cours pour les quantités qui seront livrées au cours de cette année, des quantités nouvelles, qui ne tiendront pas compte du nouvel échéancier de livraison pour les quantités coupées l'an dernier. Les syndicats vont régler cette question; les offices de production vont la régler avec les compagnies au niveau des négociations.

Quant aux feuillus, on a des problèmes bien

particuliers. Le premier, c'est qu'on a de la difficulté à trouver des marchés. On a de la difficulté à trouver des preneurs pour le feuillu et, si ma mémoire est bonne, dans le cadre d'une programmation avec REXFOR on a financé une partie de ces bois, notamment avec les groupements forestiers. Des producteurs privés, notamment dans la région de la Mauricie, restent avec certaines quantités de feuillus non vendus.

On cherche évidemment avec les compagnies forestières à trouver les débouchés pour ces bois, mais ils sont très rares, d'autant plus que le marché du papier fin a fait défaut depuis un bout de temps et les compagnies en ont acheté moins qu'elles en achetaient auparavant. Le problème est encore plus profond, il nous amène même à nous poser des questions sur l'aménagement des forêts privées; parce que dans le secteur de Mauricie, par exemple, 60% de la forêt sont composés de feuillus. Aussitôt qu'on fait de l'aménagement forestier sur des terrains privés, si on veut faire par exemple des coupes sélectives ou de la récupération, on est obligé très souvent de le faire au chapitre du feuillu. Le syndicat s'en plaignait, l'autre jour, avec raison d'ailleurs. Il nous a fait valoir son point de vue, savoir que si le gouvernement n'arrive pas, dans le cadre de son programme d'aménagement, à trouver des méthodes pour permettre au groupement forestier de se financer, le groupement devra modérer ses activités d'aménagement de la forêt.

Il y a certaines quantités dans le feuillu qui peuvent se chiffrer par, ce qui est peut-être exagéré sans aucun doute, plus de 100 000 cordes.

A peu près, partout dans la province, dans le feuillu surtout.

M. Giasson: Dans tout le Québec.

M. Toupin: Oui, dans tout le Québec. En Mauricie, on en retrouve...

M. Lessard: Dans le feuillu...

M. Toupin: Dans le feuillu en particulier.

M. Lessard: Et dans le résineux?

M. Toupin: Dans le résineux, j'ai rencontré la fédération récemment; jusqu'à maintenant, les gens me disent qu'ils n'ont pas de problème, ça passe.

M. Lessard: Les grèves ont permis de régler...

M. Toupin: Les compagnies les ont achetés quand même. Les compagnies ont dit...

M. Lessard: C'est-à-dire qu'à la suite de la grève, les compagnies ont continué à s'alimenter. Elles s'alimentaient chez le producteur privé.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Cela a permis de régler le problème en partie.

M. Toupin: Elles ont continué, sauf qu'elles ont dû retarder l'échéance de livraison. A cause des inventaires.

M. Lessard: Cela veut dire qu'avec ces surplus, ces problèmes de planification des différentes coupes de bois, c'est un peu normal. On sait qu'il y a eu des coupes exagérées dans certains territoires privés qui s'expliquent par le fait que, comme on t'expliquait avec la tordeuse des bourgeons, les producteurs privés sont "poignés" avec cette tordeuse, ils voient leur bois qui est peut-être appelé à disparaître, donc, ils augmentent leur coupe parce qu'ils ont quatre ans, ils n'ont pas l'argent du ministère pour arroser, ainsi de suite. Donc, ils n'ont que quatre ans pour couper pour que leur bois soit encore vendable. Ils ont accéléré leur coupe. De même les compagnies, avec la tordeuse des bourgeons, accélèrent leur coupe ou modifient leur coupe, mais elles sont obligées de couper bien souvent, quoique ce n'est pas ce qu'on laisse à Quebec North Shore... Si les intéressés veulent sauver leur bois, ils vont être obligés de couper plus qu'ils ne le prévoyaient.

Est-ce qu'on n'arrivera pas avec un surplus du bois... ce qui nous amène à se poser la question: A quand la régie des produits forestiers pour avoir un certain contrôle de l'alimentation des différentes ressources, des différentes essences?

M. Giasson: Tout de même, l'existence de la régie, présentement, ne règlerait pas le problème très aigu qu'on a avec la situation de la tordeuse.

M. Toupin: Non, la régie n'a rien à voir avec la tordeuse des bourgeons.

M. Lessard: Elle permettrait... D'accord, la régie n'a rien à y voir. On va parler des exploitants privés. On dit qu'on a des programmes de sylviculture, qu'on a des programmes de coupe de bois dans le Bas-Saint-Laurent, dans la Gaspésie, etc., qu'on va couper, le regroupement forestier... on dit aux producteurs: D'accord, vous allez couper, les compagnies ont leur propre marché de coupe, elles ont leur propre territoire de coupe. Ce qui veut dire que chacun coupe de son bord et on ne tient pas compte du marché, de telle façon que quand le marché baisse, ou qu'il y a un surplus de coupe, surtout quand le marché est moins bon, quels sont ceux qui écopent? Quels sont ceux qui mangent le coup? Car les compagnies ont leur propre marché, c'est leur marché à elles.

Je pense que c'est normal, dans le système du libéralisme économique, c'est tout à fait normal qu'ils achètent d'abord leur propre bois avant d'acheter le bois des autres. Ils achètent leur propre bois, mais, s'il y a un surplus du marché, le producteur privé n'est pas capable de vendre.

Tout cela, parce qu'on ne détermine pas, à partir des besoins du marché, des besoins annuels — je comprends que cela ne s'évalue pas, mais on peut essayer de l'évaluer — on ne détermine pas, un peu comme on le fait dans le domaine du lait industriel ou dans le lait nature, même s'il arrive des problèmes, des genres de

quotas, pour les utilisateurs de la forêt, ce que la régie des produits forestiers pourrait faire. C'est dans ce sens-là que je parle de la régie des produits forestiers.

M. Toupin: Les producteurs privés ont actuellement l'équipement qu'il leur faut. Il pourraient se fixer des quotas de production s'ils le voulaient. Jusqu'à maintenant, les plans conjoints n'ont pas jugé bon de s'orienter vers les quotas de production et ils ont préféré...

M. Lessard: II y en a, des quotas de production.

M. Toupin: Ils ont des quantités régionales qu'ils discutent avec les compagnies. Certaines années, ils sont 2% en bas; d'autres années, ils sont 10% en haut. D'autant plus qu'il y a une clause dans les contrats qui dit que, pour force majeure, on peut diminuer les coupes, etc.

On ne peut pas dire qu'ils ont un système de quotas bien efficace, c'est simplement au chapitre des contrats, lorsqu'on les signe avec les compagnies.

Le problème que pose actuellement l'allocation pour les matières ligneuses ne se situe pas tellement au niveau des producteurs privés, mis à part le problème des marchés reliés aux feuillus. Il se situe beaucoup plus, présentement, au niveau des scieries qui ont des matières ligneuses disponibles et qui n'arrivent pas à vendre aux entreprises utilisatrices, parce qu'il y a des inventaires qui sont trop élevés, il y a peut-être aussi des questions de mésentente sur les prix et sur les quantités. Je pense qu'on aura besoin, d'ici peu de temps, d'un mécanisme qui va permettre de fixer des plans d'allocation pour les scieurs et pour les pâtes et papiers, dans le domaine de l'utilisation optimale des matières ligneuses.

On peut inclure, bien sûr, dans un plan d'allocation, les producteurs privés. Mais je ne suis pas certain que les producteurs privés soient prêts psychologiquement à se donner des quotas de production. Il va falloir, je pense, encore pendant quelques années, tolérer que ces derniers, une année, couperont 10% ou 20% de plus que l'année précédente, une autre année, couperont 10% ou 20% de moins que l'année précédente, tout cela attribuable à un tas de facteurs notamment reliés aux problèmes des marchés agricoles. Quand les prix sont bons au niveau du secteur agricole et que les récoltes sont bonnes, les gars font moins de bois. Il y a plusieurs éléments qui jouent au niveau de la production privée.

Mais le problème actuel, au chapitre des matières ligneuses, se pose beaucoup plus au niveau des scieurs qu'il ne se pose au niveau des producteurs privés, en excluant, bien sûr, le problème des feuillus. Cela s'oriente un peu de ce côté-là.

M. Giasson: M. le ministre, on vient de toucher le problème d'une régie des produits forestiers. Vous avez fait également allusion aux propriétaires de boisés privés qui ne sont pas cultivateurs.

M. Toupin: Oui.

M. Giasson: Mais quand il a été question de régie de produits forestiers, j'ai senti que les offices de producteurs de bois avaient une certaine réserve d'aller du côté de la création d'une régie des produits forestiers.

M. Toupin: C'est exact.

M. Giasson: Face à la situation qu'on vit, ces semaines-ci, avec l'existence d'une association de propriétaires de boisés privés qui semble se développer à un rythme assez rapide — je pense particulièrement à nos régions, où un bon nombre de petits producteurs adhèrent à la nouvelle association et on a l'impression que cette nouvelle association va se développer à un rythme assez rapide et qu'elle a comme objectif de mettre en doute le règlement d'exclusivité qui avait été accordé à certains offices ou syndicats de producteurs — n'avez-vous pas l'impression qu'il va falloir hâter la mise sur pied d'une régie des produits forestiers?

Si on veut discipliner tout ce monde dans des programmes d'exploitation qui répondent aux besoins réels du marché, on ne pourra presque pas agir si on ne la crée pas, cette régie des produits forestiers, et cela, assez rapidement.

M. Toupin: Je pense qu'au niveau des producteurs privés, la loi de mise en marché, prévoit, actuellement, à peu près tous les mécanismes requis pour que ces derniers puissent se donner des moyens pour contrôler la production, négocier le produit, les quantités et le prix.

Le seul problème que cela pose, c'est que la Régie des marchés agricoles du Québec n'a pas les pouvoirs de statuer sur les quantités. Elle a le pouvoir de statuer sur les prix. Mais, à l'intérieur d'un plan conjoint, les producteurs peuvent, s'ils le désirent, fixer des quotas de production à chacun des producteurs et, par conséquent, établir une sorte de quantité finale.

Jusqu'à maintenant, les producteurs n'ont pas jugé bon de s'orienter vers les contingents, les quotas de production en forêt.

Ils ont plutôt, comme je le disais tantôt, préféré tenter de s'entendre avec les compagnies sur des quantités X par région, quitte, après cela, à se les répartir entre elles. Dieu sait le problème que pose, dans la répartition, le problème de la mise en vente en commun! C'est là un aspect de la question. C'est qu'il s'agit de répartir les quantités négociées et de ne pas mettre en marché les quantités non négociées.

Il est arrivé très souvent que le ministère ait été obligé, dans le passé, d'appliquer la loi dite Ar-senault pour obliger les compagnies à acheter les quantités de bois qui ne se trouvaient pas nécessairement dans les contrats négociés, qui étaient en surplus des contrats négociés, mais qui étaient attribuables à un certain nombre d'éléments reliés aux besoins des producteurs de couper plus de bois une année par rapport à une autre, pour aller chercher un revenu.

Tout ce qu'une régie des produits forestiers ou un mécanisme quelconque pourrait faire, c'est, dans un plan général d'allocation, de déterminer pour la forêt privée des quantités qui tiendraient compte des capacités de production des forêts privées. Ces quantités pourraient être fixées ré-gionalement ou provincialement ou par syndicat; par la suite, le syndicat pourrait répartir cette quantité régionale par producteur, selon son système de quotas.

C'est pour cela que les producteurs ne veulent pas de la régie forestière dans le sens qu'on en a discuté jusqu'à maintenant, parce qu'ils se disent: Qu'est-ce qu'elle vient ajouter à ce qu'on a déjà, dans la Loi de mise en marché?

M. Giasson: II y a des dimensions à ajouter à cela.

M. Lessard: Oui, mais le problème, ce n'est pas cela.

M. Toupin: La seule chose qu'il faut ajouter, c'est un plan d'allocation.

M. Toupin: Vous ne répondez pas à la question du député, l'adjoint parlementaire au ministre des Affaires sociales.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Non pas adjoint parlementaire, ministre d'Etat.

M. Toupin: Le ministre d'Etat aux Affaires sociales, merci, M. le Président.

M. Giasson: Sans portefeuille. M. Lessard: Sans portefeuille... M. Giasson: C'est cela.

M. Lessard: ... mais vous avez quand même une partie du salaire.

M. Giasson: Oui.

M. Lessard: Ce n'est pas là le problème. Ce que vous répondez, c'est qu'actuellement, à l'intérieur des plans conjoints, il y a des producteurs qui ont accepté de s'intégrer et qui fonctionnent par l'intermédiaire de l'UPA pour vendre leur production et pour négocier avec les compagnies leur production.

Mais, à un moment donné, vous avez des contestataires qui commencent à se regrouper. Vous avez des gens qui veulent remettre en cause l'exclusivité de négociation de l'UPA avec les compagnies et avec la Régie des marchés agricoles. Même si vous dites que, par l'intermédiaire de la Régie des marchés agricoles et par l'intermédiaire de l'UPA, ils ont la possibilité de se déterminer des quotas. Les producteurs qui sont regroupés à l'intérieur de l'UPA disent oui, mais ces producteurs privés contestent l'UPA de plus en plus. De plus en plus, ils se regroupent. Ils ont eu une mauvaise expérience avec les regroupements forestiers et ainsi de suite. Ils ont décidé de faire de l'exploitation privée, d'utiliser leur territoire pour faire de l'exploitation privée et de ne pas vendre en passant par l'UPA, mais en négociant directement. Là, vos plans conjoints ne fonctionnent plus. Votre Union des producteurs agricoles ne fonctionne plus.

Vous en êtes rendus où vous allez avoir les producteurs privés, vous allez avoir — on ne les avait pas avant, c'est-à-dire qu'on en avait un petit groupe, surtout intégré à l'intérieur de l'UPA — les producteurs qui sont intégrés à l'intérieur de l'UPA, vous allez avoir les compagnies et vous allez avoir tous les regroupements forestiers du Bas-Saint-Laurent et de l'Est du Québec qui, eux, font de la sylviculture, et qui coupent aussi et vous avez un marché, un marché de X cordes par année. Leur bois, ils vont le vendre où?

Selon le livre blanc, en 1971, il y avait 11 millions de cunits de bois qui étaient coupés par année. Le rapport Lussier vient nous dire que, dans les vingt milles des régions habitées, on pourrait exploiter 11 millions de cunits. Sur 11 millions de cunits, je pense qu'il y avait à peu près 3 millions de cunits, je ne sais pas, je peux me tromper, qui étaient coupés par les compagnies privées, par les petits entrepreneurs et toute l'affaire, et que 8 millions étaient coupés par les compagnies. Est-ce que cela correspond passablement à la vérité?

Là, on s'en va vers le regroupement forestier, la société de développement forestier, à Sainte-Marguerite, dans tous les coins, à la Société d'exploitation, etc., et on dit: On fait de la sylviculture, on coupe du bois et on pousse ces gens — je suis convaincu que ce n'est pas une mauvaise chose — à faire de l'exploitation forestière.

Mais, pendant ce temps, on n'arrête pas les compagnies de couper. Les compagnies continuent de couper leur quota, de telle façon qu'on va arriver avec certains surplus. On commence d'ailleurs à avoir certains surplus quelque part. C'est un peu comme je dis, en 1939 ou 1940, on a dit: Les gens, retournez à la terre. On va vous envoyer, retournez à la terre. Là, vous allez vivre sur la terre et ainsi de suite. A un moment donné, vous les envoyez sur des terres de roche. On leur dit: Retournez à la forêt. Il faut faire de la sylviculture et ainsi de suite. Le bois, combien vont-ils le vendre? C'est dans ce sens que j'en parle, c'est dans ce sens qu'un jour ou l'autre, il va falloir arriver avec une régie des produits forestiers qui va dire: On a un marché de X cordes de bois, si on ne veut pas laisser pourrir notre forêt dans les cours. On a un marché de X cordes de bois. Dans ce marché, s'il y a 14 millions ou 15 millions de cunits, vous n'êtes pas pour couper 18 millions de cunits ou 20 millions de cunits; il va en rester 5 millions sur le terrain. Comment répartir, entre les différents responsables de coupes, ces 15 millions, comment répartir ce marché? Il va y en avoir pour les compagnies forestières, il devrait y en avoir pour les groupements forestiers, il devrait y en avoir pour les producteurs qui sont intégrés à l'intérieur de l'Union des producteurs agricoles, il devrait y en avoir pour les petits producteurs privés, de telle façon qu'on arrive avec un certain équilibre entre

le marché et la coupe. C'est dans ce sens que, tôt ou tard, il va falloir arriver avec une certaine discipline du marché, si vous voulez. La discipline du marché, cela va être le ministère qui va devoir en prendre la responsabilité. C'est dans ce sens qu'on parle de la nécessité, tôt ou tard, de créer une régie des produits forestiers.

M. Toupin: Oui, j'ai répondu à la question du ministre d'Etat aux Affaires sociales de la façon suivante: La loi de mise en marché dit que tout producteur privé est couvert automatiquement par un plan conjoint, s'il existe dans une région. Il existe, le plan conjoint, dans la région de Québec-Sud. Il existe partout dans la province de Québec, sauf dans la région nord de Montréal où on est en train présentement d'organiser aussi un plan conjoint. Je pense qu'à ce moment, toute la province sera couverte par des plans conjoints.

M. Lessard: Mais s'il ne veut pas, s'il met en doute le plan conjoint, il ne veut pas...

M. Toupin: Oui, j'aimerais continuer pour... M. Lessard: D'accord, allez-y.

M. Toupin: J'aimerais continuer pour bien faire comprendre ma position du départ. Les pouvoirs conférés à un plan conjoint par la Loi de mise en marché des produits agricoles prévoit que les producteurs peuvent négocier avec les compagnies le prix du bois et, s'il y a lieu, les quantités. S'il n'y a pas d'entente, ni sur les prix, ni sur les quantités, c'est la Régie des marchés agricoles du Québec qui tranche le problème. La régie, elle, peut statuer sur des prix, mais elle ne peut pas statuer sur des quantités. Par ailleurs, à l'intérieur d'un plan conjoint, il est prévu que les producteurs peuvent se donner des quotas de production individuelle, c'est-à-dire que le plan conjoint de Québec-Sud pourrait dire à ses 1500 membres qui sont forcément membres du plan, parce que le plan oblige tout le monde: Antoine, toi, tu vas couper 100 cordes; Luc, tu vas couper 75 cordes; Lucien, tu vas en couper 180, etc. Il pourrait faire cela.

M. Giasson: Pourquoi 180, Lucien?

M. Toupin: II est plus vorace que les autres. Les plans conjoints, jusqu'à maintenant, n'ont pas jugé bon d'appliquer cela dans le secteur de la forêt, parce qu'ils prévoyaient les problèmes qui ont été soulevés jusqu'à maintenant. Le problème qui se pose actuellement dans Québec-Sud, je ne pense pas que ce soit le problème du plan. Le problème qui se pose, c'est le problème du système, du règlement de mise en vente en commun, c'est-à-dire qu'il y a des producteurs qui n'acceptent pas que la mise en vente en commun se fasse de cette façon.

Ils sont d'accord pour respecter le plan, négocier avec la compagnie, négocier des quantités, mais ne pas passer par le système de vente en commun. C'est ce qui m'apparaît être l'option prise par le groupe de producteurs dissidents.

Même si on ajoutait une régie forestière à ça, on ne réglera pas nécessairement ce problème. Ce qui m'apparaît maintenant utile à faire au Québec — on peut appeler ça une régie, on peut appeler cela un mécanisme quelconque, peu m'importe — ce qui m'apparaît important de faire, au cours des prochaines années, voire au cours des prochains mois, c'est de se doter d'un projet de loi qui va nous permettre d'établir des programmes d'allocation aux entreprises, lesquels programmes prévoiront l'utilisation optimale des matières ligneuses, et dans les matières ligneuses, se trouveront les bois des producteurs privés, y compris les bois provenant des groupements forestiers. Une fois que le plan d'allocation sera fait, les producteurs agricoles peuvent mettre en marché leur bois en vertu des lois présentes, en vertu de la loi de la mise en marché, quitte à l'amender pour satisfaire aux besoins des producteurs qui ne sont pas tout à fait d'accord avec un système comme celui-là. Mais cela n'ajouterait rien si on tentait d'imposer aux producteurs privés ce qu'ils n'arrivent pas à accepter présentement, c'est-à-dire un système de contingentement. On va leur fixer probablement un contingent global. On va leur dire: La forêt privée devra fournir tant de millions de cordes de bois, tenant compte de la possibilité forestière des forêts privées. On va se retourner et on va dire aux syndicats: Répartissez ces quantités par producteur, et mettez en marché seulement les quantités qu'on vous a fixées.

M. Lessard: Oui. Appelez cela régie ou société de contrôle...

M. Toupin: C'est ça. C'est dans ce cadre que je répondais au député de Montmagny-L'Islet, mais il est évident qu'il y a dans Québec-Sud un problème qu'on est en train de discuter, et auquel on essaie de trouver une solution. Le problème n'est pas le rejet du plan. Le problème, c'est le rejet de la réglementation de la mise en vente en commun. Je pense que c'est ça le problème de fond.

M. Giasson: Mais vous savez les problèmes que cela crée aux propriétaires de boisés qui ne sont pas des agriculteurs?

M. Toupin: Oui, mais ils sont quand même dans le plan conjoint.

M. Giasson: Ils sont dans le plan conjoint, mais ils ne sont pas capables de produire ni de vendre de bois.

M. Toupin: C'est ça. C'est parce que le plan a négocié pour telle quantité, et les compagnies ont dit: On n'achète que les quantités négociées. Les quantités sont actuellement réparties par le syndicat via un système de passes. On me dit que le système de passes favorise les petits producteurs et met de côté les gros producteurs privés. Les pe-

tits producteurs disent: Avant qu'on ait notre système de vente en commun, ces gros producteurs étaient à la fois des acheteurs. Ce sont eux qui, dans ce temps, payaient leur bois, pillaient des lots, vendaient le bois et nous ignoraient. Il y a un règlement de comptes là-dedans qui se fait aussi, je pense.

M. Carpentier: Pas dans tous les cas.

M. Toupin: Pardon?

M. Carpentier: Pas dans tous les cas.

M. Toupin: Non, pas dans tous les cas. Je dis que, dans certains cas, il peut y avoir certains règlements de comptes.

M. Carpentier: Parce que le système de passes ne...

M. Toupin: ... fonctionne pas.

M. Carpentier: ... répond absolument pas aux exigences du milieu.

M. Toupin: On est d'accord avec ça.

M. Giasson: Pour l'instant, ne soyez plus le ministre des Terres et Forêts. Soyez un exploitant forestier qui possède 1500 ou 2000 acres de terrain. C'est votre vie, ça...

M. Toupin: Oui.

M. Giasson: ... vous vivez avec ça. Vous avez de la capitalisation, de l'investissement, de la machinerie. Vous créez quelques emplois saisonniers. Vous engagez du monde, et c'est votre façon de vivre. Partant d'une situation comme celle que vous décrivez dans Québec-Sud, vous n'êtes plus capable de bouger. Vous n'êtes plus capable de travailler vous n'avez pas de marché. Vous n'aurez pas de passe pour expédier votre bois.

M. Toupin: C'est exact. Le problème, c'est celui-là.

M. Giasson: La solution rapide qu'on peut trouver pour ces gens, à l'intérieur d'un système qui doit être capable de les intégrer.

M. Toupin: On pourrait changer le système. On pourrait dire, par exemple: On abolit le règlement de vente en commun. La Régie des marchés agricoles du Québec fixe des quantités pour chacun des producteurs, et chaque producteur mettra en marché la quantité qui lui revient à mettre en marché, et, ensemble, on essaie de négocier ces quantités pour avoir de bons prix au niveau des compagnies. Cela peut s'amender dans ce sens, mais quelle que soit la méthode qu'on prendra — prenez une régie forestière, prenez la régie des marchés, prenez un plan conjoint — si vous voulez en arriver à une planification de l'utilisation des matières ligneuses, vous devrez en arriver à fixer des quantités. Vous fixez les quantités ou par région ou par producteur, mais vous devez fixer des quantités. Il s'agit de savoir maintenant à qui on va les fixer. Est-ce qu'on va essayer de les fixer à chacun des producteurs pris individuellement, ou va-t-on les fixer pour une région, et laisser les producteurs se répartir les quantités entre eux?

C'est le problème que poserait l'éventuelle mise en place d'une régie forestière telle qu'elle a été conçue. Je crois que telle qu'elle a été conçue jusqu'à maintenant, cela aurait l'air beaucoup trop complexe pour le problème qu'on veut résoudre. Tout ce qu'on veut résoudre au fond, c'est simplement l'idée d'une allocation rationnelle des matières ligneuses.

M. Giasson: Je ne comprends pas quand vous dites que c'est trop complexe, ce projet de régie des produits forestiers.

M. Toupin: Si, par exemple, vous vous orientez vers une régie forestière qui veut que nous créions des plans conjoints au niveau des scieries, que nous créions un autre plan au niveau des producteurs privés, vous allez multiplier les plans conjoints qui existent déjà. Au fond, le problème ne se pose pas comme cela pour moi. Le problème se pose au niveau de la quantité de bois qui doit être mise en marché, tenant compte des possibilités des usines de les acheter.

M. Giasson: C'est justement là le rôle qu'une régie des produits forestiers pourrait bien jouer.

M. Toupin: C'est justement...

M. Giasson: Vous avez signalé tout à l'heure que la Régie des marchés agricoles peut statuer sur les prix minimaux à payer, mais elle ne peut pas statuer sur les quantités. Pour planifier de façon fondamentale la mise en marché du bois venant des propriétés privées, je sens qu'il va falloir obtenir assez rapidement au Québec un organisme qui va avoir ces pouvoirs de statuer sur des prix minimaux à payer selon les zones et les régions et de déterminer le programme d'alimentation des usines en faisant le partage entre les bois venant des anciennes concessions qui vont disparaître pour les remplacer par des garanties d'approvisionnement et les volumes qui vont venir de la forêt privée.

M. Toupin: Là-dessus, on est d'accord. Appelons cela une régie ou autrement. Ce à quoi je me référais était simplement ceci. C'est qu'il y a un projet...

M. Lessard: On ne veut pas une autre régie des marchés.

M. Toupin: ... de régie forestière qui a été préparé et qui est au ministère...

M. Giasson: On ne privera pas la Régie des

marchés agricoles, qui aura encore sa place pour trouver...

M. Lessard: Fixer les prix...

M. Giasson: ... des solutions au problème de la mise en marché des vrais produits agricoles. Si c'étaient uniquement des agriculteurs qui étaient des propriétaires de bois, si on n'avait pas tout ce nombre de propriétaires de foresterie qui ne sont pas des agriculteurs et qui ne le seront jamais...

M. Toupin: On est d'accord avec cela.

M. Giasson: ...je serais d'accord que je pourrais céder vis-à-vis de la Régie des marchés agricoles disant: C'est presque un produit de ferme, ce sont uniquement des agriculteurs qui en produisent. Mais on fait l'examen des volumes produits par les vrais agriculteurs par rapport au volume venant d'exploitants forestiers purs, qui nefont pas autre chose, je pense que cela milite le plus tôt possible pour une Régie des produits forestiers, avec un mandat plus large que la Régie des marchés agricoles, qui est tout de même assez limité dans ses capacités, dans ses pouvoirs.

M. Toupin: Quand on parle d'une régie forestière, on est porté à se référer au concept d'une régie comme celle des marchés agricoles, alors que ce n'est pas nécessairement cela qu'on devrait avoir.

M. Giasson: D'après moi, il faut que ce soit un petit peu différent.

M. Toupin: Oui, c'est cela.

M. Giasson: II faut que cela réponde aux besoins d'allocation des usines en matière de quantité.

M. Carpentier: Le problème que cela pose actuellement, c'est justement cela...

M. Toupin: On peut appeler cela une régie ou autrement, mais un mécanisme comme cela est nécessaire.

M. Carpentier: Cela ne répond absolument pas à la position des propriétaires de petits boisés actuellement, parce qu'ils ne sont pas agriculteurs et l'UPA ne les reconnaît pas. Ces gens vivent comme cela à peu près depuis 20 ans 25 ans ou même plus dans certains cas. Ce sont des gens qui ont pour des centaines de milliers de dollars d'investissements au point de vue de la mécanisation, des camions, des tracteurs, des chargeuses. Ces gens ont certaines quantités de bois coupé. Ils les vendaient avant cela aux entrepreneurs. Aujourd'hui, ils sont bloqués et l'UPA ne veut pas les reconnaître. Ils n'achètent pas leur bois, on ne leur donne pas de passes. Voyez-vous dans quelle situation se trouvent ces gens qui ont toujours vécu dans un commerce qu'ils ont bâti eux-mêmes?

M. Toupin: Je comprends très bien ce que le député de Laviolette nous dit. Le système actuel de mise en vente en commun pratiqué dans la région de Québec-Sud soulève des protestations. Il en soulève moins dans l'Abitibi, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la région de Sherbrooke, où cela a soulevé des problèmes à un moment donné, mais cela fonctionne maintenant. Dans le Bas-Saint-Laurent, cela ne soulève presque pas de problèmes, ce sont des systèmes similaires. A Montmagny-L'Islet, cela ne soulève presque pas de problèmes.

M. Giasson: Pourquoi, M. le ministre, cela n'en soulève pas?

M. Toupin: Cela est difficile à percevoir actuellement.

M. Giasson: On n'a pas voulu créer un office de producteurs pour éliminer de ce champ des gens qui avaient toujours vécu là-dedans et qui avaient gagné leur vie. On a décidé d'amener ce monde avec nous autres à l'office.

M. Carpentier: ... les profits.

M. Giasson: Et on dit: Les passes, c'est vous qui étiez les commerçants de bois, c'est vous qui devenez les acheteurs du bois des petits producteurs, vous allez passer de vos bois, à vous, et les passes d'expédition, c'est à vous qu'on les donne.

L'office les donne à ces gens-là. C'est-à-dire que vous avez gardé, à l'intérieur d'un système, des gens étaient dedans.

M. Lessard: Qui étaient dans le système.

M. Giasson: Tandis que, dans Québec-Sud, on a décidé...

M. Lessard: De les sortir.

M. Giasson: Vous avez appelé cela des règlements de compte, je ne sais pas si c'est cela, mais on a décidé de les éliminer.

M. Lessard: Vous avez la même chose...

M. Giasson: C'était de gros méchants, ces gars-là, qui avaient tellement profité du petit producteur qu'il fallait absolument... Rappelez-vous les débuts de l'expérience FEDCO.

M. Toupin: C'est bien évident. C'est la même chose.

M. Giasson: Quand on a refusé à des gens, qui avaient toujours oeuvré dans un secteur donné, qui détenaient des postes de classification dans FEDCO, on a dit: C'est fini. Vous avez fait trop d'argent. Allez-vous en.

M. Toupin: Maintenant, cela se tasse tranquillement, parce qu'il y a des ententes raisonnables qui se prennent entre les deux parties.

M. Giasson: Si on veut régler des problèmes, il faut amener tous les gens qui sont impliqués, à un palier ou l'autre, dans le même champ d'activités pour les embarquer à l'intérieur du système.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Laviolette.

M. Carpentier: II y avait peut-être certains endroits où cela ne posait pas de problème, dans la région de L'Islet, peut-être, mais vous avez le même problème qui commence à se poser depuis un an et demi, à peu près, dans le comté de Portneuf. C'est pratiquement dans la région de la Mauricie. Il y a la balance plus au sud de la région de la Mauricie qui ne fait pas encore partie de plans conjoints et Dieu merci. La balance du comté de Portneuf, par Québec, fait partie de cela et a exactement les mêmes problèmes que du côté sud du Saint-Laurent. C'est exactement la même situation. Les gens ne peuvent pas obtenir de l'UPA des laissez-passer pour vendre leurs produits. Ce sont des gens qui sont dans le commerce depuis des années. Ce ne sont pas des nouveaux venus. Ce ne sont pas des gens qui viennent d'arriver dans ce genre de commerce, du soir au matin, ce sont des gens qui sont là depuis des dizaines d'années.

M. Lessard: Qui ont été les premiers.

M. Carpentier: Qui ont été les instigateurs de ce système et qui ont toujours fourni du travail, en plus de vivre de cette industrie. Qui ont fourni du travail, dans des circonstances parfois très difficiles, à nos ouvriers forestiers. Il ne faut pas oublier cela. Aujourd'hui, on arrive avec un autre système et on jette tout cela par dessus bord, on met cela de côté et on dit: Vous, vous n'avez plus droit de participer à ce plan, contrairement à ce qui peut se passer dans la partie sud, du côté du comté de L'Islet. Je trouve que c'est une injustice. Je vous le dis et je vous le répète encore une fois. Je suis contre ce genre de monopole, cette exclusivité que nous avons léguée uniquement à une entreprise qui s'appelle la Régie des marchés agricoles qui est contrôlée par l'UPA. Je l'ai dit et je le répète, je suis encore contre, parce que cela crée des injustices flagrantes, à mon sens dans certains cas. Je suis persuadé, après les discussions que nous avons eues ce soir, qu'il y a des mécanismes que nous sommes capables d'instaurer à l'intérieur de ce système pour pouvoir répondre à des exigences et aux besoins de tous nos usagers, de toutes nos usines de pâtes et papiers. C'est très facile, à mon sens, d'établir des quantités pour que tout le monde soit satisfait du nouveau système, mais non pas laisser le système de monopole qui existe actuellement.

M. Toupin: Je pense que c'est un système qui est discutable, et la preuve c'est qu'il est contesté actuellement dans certaines régions. Par ailleurs, dans d'autres régions, il semble fonctionner. Alors, il y a divers problèmes sur lesquels nous es- sayons de "focusser nos spots", mais nous avons de la difficulté à les déterminer réellement. Il y a beaucoup de problèmes qui découlent de cela. Il est bien sûr que, si, par exemple, vous abandonnez le système de mise en vente en commun et que vous gardez le système de négociation avec les compagnies, il va bien falloir qu'il y ait une méthode quelconque pour déterminer des quantités. Il va falloir qu'il y en ait une. Cette méthode peut venir d'un ministère ou d'un autre. Cela peut être une régie forestière, mais la régie forestière n'aura pas d'autre alternative que de fixer des quantités. A qui fixera-t-elle ces quantités? Elle pourra les fixer aux producteurs.

M. Giasson: Cela ne peut pas être un autre ministère que le ministère des Terres et Forêts.

M. Toupin: Comme elle pourra le fixer aux régions, dans le cadre des plans conjoints, mais la Régie des marchés agricoles du Québec a les pouvoirs de le faire, sauf que les producteurs ne veulent pas s'en prévaloir. Ils ont choisi le système de base plutôt que de choisir un système de contingent. Ils ont préféré donner des laissez-passer pour des quantités achetées, déterminées très souvent arbitrairement par le gars qui a le paquet de laissez-passer dans ses poches. C'est cela, actuellement, qui fait l'objet de discussions très fortes. Je ne sais pas, il y aurait peut-être lieu d'amender seulement certaines programmations actuelles pour régler un problème comme celui-là, mais je ne suis pas, ce soir, en mesure de vous dire ce qu'on devrait faire vis-à-vis d'un problème comme celui-là, mais je suis en mesure de constater, comme vous autres, qu'il existe un problème auquel il faudra trouver une solution. On ne peut pas vivre comme cela. C'est-à-dire que ces producteurs ont des droits acquis auxquels il faut accorder une importance.

Par ailleurs, les petits producteurs soutiennent ceci: Si vous ouvrez les portes, si on retombe dans ce qu'on avait avant, c'est-àdire aucun système, nous serons huit ou dix pour aller négocier nos quantités avec les compagnies. Donc, les compagnies vont nous voir venir. On ne sera plus capable de négocier les prix qu'on négocie si on se tient tous ensemble.

Deuxièment, si on parvient à négocier deux ou trois groupes pour des prix, si un ou deux autres groupes décident de ne pas négocier, coupent les prix par en dessous, la compagnie va d'abord acheter le bois le moins cher avant d'acheter le bois plus cher, même s'il est négocié. C'est ce qui se faisait dans le passé. C'est ce que les producteurs ont essayé de corriger avec un système comme celui-là, mais voici que le système semble trop rigide parce qu'il ne correspond pas aux aspirations de tout le monde.

Il faut en même temps sauvegarder l'unité au chapitre des négociations et donner la part du marché à chacun, la part qui lui revient. C'est ça qu'il faut trouver.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Une dernière question de la part du député de Saguenay.

M. Lessard: On va adopter l'élément 1 ; je vais la poser parce que le ministre ne pourra pas me répondre ce soir. Il me disait tout à l'heure qu'on estimait à 300 000 cordes de bois de feuillus...

M. Toupin: Moins que ça.

M. Lessard: Ce n'est pas vous...

M. Toupin: A peu près 100 000.

M. Lessard: A peu près 100 000. Au 15 avril 1970, le ministre des Terres et Forêts n'émettra pas de nouveaux permis, en tout cas... selon les documents du ministère des Terres et Forêts, 200 000 cordes de bois et 400 000 tonnes de copeaux encombrent présentement le marché du bois à pâte. C'est le résineux. 200 000 cordes de bois et il vous reste à peu près 100 000 cordes de feuillus.

M. Toupin: Le résineux...

M. Lessard: Oui, c'est différent.

M. Toupin: Le problème est réglé.

M. Lessard: Pour les résineux, le problème est réglé.

M. Toupin: Oui, à cause des changements des échéances de livraison.

M. Lessard: C'est ça que je voulais savoir. Les producteurs ont accepté les échéances de livraison. Vous disiez vous-même que les compagnies de pâtes et papiers devraient normalement acheter ce bois. Maintenant, vous avez négocié avec les compagnies, elles sont prêtes à l'acheter, mais elles ont retardé l'échéancier. Donc, elles n'ont pas respecté les contrats, les engagements pris.

M. Toupin: Non, c'est de part et d'autre. Quand le problème s'est posé, la Fédération des producteurs de bois est venue nous rencontrer, elle nous a dit: Ecoutez, on est aux prises avec les surplus qui dépassent même les contrats, en termes de quantité. Nous nous sommes dit: Si les compagnies ne veulent pas les acheter, on va imposer la loi, le bill Arsenault, on va les obliger à les acheter au prix fixé par la loi.

M. Lessard: Au moins les quantités, pas les surplus, mais les quantités...

M. Toupin: ... les quantités fixées par contrat.

M. Lessard:... fixées par contrat. C'est ça que je veux savoir. C'est la question que je voulais poser avant qu'on s'engage dans une longue discussion. Combien de contrats n'ont pas été respectés par les compagnies papetières? — je vous pose la question, mais je ne veux pas la réponse ce soir, parce que je pense que ça demande une recherce — et pour quelle quantité?

Une autre question que je voudrais poser: Vous venez d'adopter l'arrêté en conseil 1180-76, fin mars, début d'avril, est-ce que vous pourriez déposer cet arrêté en conseil?

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: D'accord. Vous pourrez répondre demain, je voulais les poser. On pourrait même adopter, Planification de...

Le Président (M. Houde, Limoilou): Planification de l'utilisation. Elément 1 du programme 4, adopté.

La commission ajourne ses travaux...

M. Lessard: Pour autant qu'on réponde à ces deux questions.

M. Toupin: Je vais répondre demain aux deux questions.

M. Lessard: Combien de contrats n'ont pas été respectés par les compagnies et quelle quantité de bois?

M. Toupin: Les seuls résultats qu'on a là-dessus, c'est au moment où les syndicats ont discuté avec les compagnies pour s'entendre sur les dates de livraison. On n'a pas tenu compte tellement, à ce moment-là, des contrats respectés ou non respectés. Les producteurs avaient hâte de se débarrasser des surplus qui avaient été coupés et les compagnies ont dit: Plutôt que de se faire imposer le plafonnement, on va les acheter.

M. Lessard: Je ne parle pas des surplus. Je me limite...

M. Toupin: Aux contrats?

M. Lessard: Je me limite aux contrats...

M. Toupin: Ce sont des contrats privés entre les producteurs et les compagnies. Le ministère n'a rien à voir dans ces contrats. Ce sont des contrats privés entre la CIP et le plan conjoint X, quoique la Régie des marchés agricoles du Québec, par exemple, dispose de ces contrats. Cela dépend. Si la régie a eu à statuer sur le prix, elle dispose du contrat. Si elle n'a pas eu à statuer sur le prix, le contrat peut simplement se signer entre les deux parties et il a force de loi, à ce moment-là.

M. Lessard: Oui. Lorsque vous appliquez la Loi Arsenault, vous l'appliquez en connaissance de cause.

M. Toupin: Quand on l'applique, la loi Arsenault, on...

M. Lessard: L'Anglo Canadian Pulp, chez nous, à Forestville, a dû s'engager vis-à-vis des producteurs privés, pour acheter telle quantité de bois.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Vous devez le savoir?

M. Toupin: Oui. Grosso modo, on pourra probablement dire par compagnie, contrats respectés et contrats non respectés, il faudrait faire venir tout cela de la régie.

M. Lessard: On reviendra demain.

Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux à demain matin, onze heures.

(Fin de la séance à 22 h 46)

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