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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mardi 15 février 1977 - Vol. 19 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude de la situation énergétique du Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures cinq minutes)

Etude de la situation énergétique du Québec

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et messieurs!

Reprise des travaux de la commission parlementaire pour étudier la politique énergétique du Québec.

Les membres de la commission, aujourd'hui, seront: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard (Lac Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau (Jean-Talon), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron (Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin).

Les groupes que la commission entendra aujourd'hui seront: Hydro-Québec, Sauvons Montréal, Texaco Limitée, Canadian Coalition for Nuclear, Association québécoise des professionnels de la communication scientifique, Labrecque, Bissonnette & Lemieux, Taillon Benoit, Couture Marcel, Gauthier Jean, Théberge Ghislain.

J'appellerais les membres de l'Hydro-Québec à venir présenter leur mémoire.

Hydro-Québec

M. Boyd (Robert): M. le Président, il serait de mise que je vous présente ceux qui m'accompagnent pour répondre aux questions. M. Bourbeau et M. Bolullo, M. Boulet et M. Volders. Ces messieurs à la période des questions, si nécessaire, m'aideront à répondre aux questions. M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, la Commission hydroélectrique de Québec est heureuse d'être associée à tout effort de réflexion dont le but est de définir les grandes orientations d'une politique énergétique adaptée aux besoins du Québec.

La nature de ses activités oblige l'Hydro-Québec à prévoir son développement longtemps à l'avance. Pour ce faire, elle doit constamment se tenir à l'écoute de l'évolution du contexte socio-économique et énergétique du Québec. Je ne voudrais pas reprendre ici l'exposé de notre analyse, dont vous avez pu prendre connaissance, dans le document préparé à cette fin, mais plutôt en souligner quelques aspects qui nous paraissent fondamentaux.

Toute politique énergétique doit avoir un caractère de permanence, tout au moins dans les grandes orientations qu'elle propose. Il importe donc que les buts recherchés par la politique énergétique fournissent des critères de décision qui soient clairs et susceptibles d'inspirer l'action sur une longue période de temps.

Un certain consensus existe aujourd'hui autour des trois thèmes suivants: Tout d'abord, la disponibilité et la sécurité des sources d'approvisionnement en énergie. Les pays industrialisés tentent de se prémunir contre tout risque de tarissement de leur source d'approvisionnement en énergie, même si la pénurie ne devait être que temporaire. Il importe qu'une politique énergétique québécoise favorise une stratégie de développement axée dans la mesure du possible sur l'exploitation des ressources énergétiques locales. C'est particulièrement vrai, s'il s'agit de ressources renouvelables et de techniques de production dotées d'un haut degré de fiabilité pour le consommateur.

Un deuxième thème est la sécurité économique des approvisionnements. Il est important d'obtenir une certaine garantie de stabilité des prix de l'énergie à moyen et à long terme. Une politique énergétique fera utilement référence aux coûts marginaux, pour apprécier le prix véritable de l'énergie. Un souci de protection du consommateur empêchera le plus possible que des fluctuations sans justification économique n'interviennent dans le système de prix des produits énergétiques.

Un troisième thème couvre la contribution maximale au développement économique du Québec. En effet, la croissance énergétique est une composante majeure de tout développement économique. Le Québec a besoin d'une économie dynamique et l'énergie doit y jouer son rôle moteur. Les investissements, dans le secteur énergétique, et le choix des sources d'approvisionnement peuvent produire un impact appréciable sur l'économie par leur effet d'entraînement sur le niveau d'emploi et sur l'activité manufacturière. La portion des dépenses réinjectée dans le Québec constitue un facteur important dans le choix des équipements ou des sources d'énergie; par opposition, des importations massives d'énergie pèsent très lourd sur la balance des paiements avec souvent des effets d'entraînement économique mitigés.

En somme, le développement du secteur énergétique est lié à la qualité du niveau de vie des Québécois et est étroitement associé à une stratégie de développement économique et industriel du Québec.

C'est guidé par ces considérations que notre analyse a mis en lumière les deux orientations fondamentales que devrait poursuivre une politique énergétique adaptée aux besoins du Québec. Il s'agit, d'une part, d'un meilleur équilibre du bilan énergétique et, d'autre part, d'un effort concerté d'économie d'énergie.

Discutons quelque peu de ces deux concepts. Le premier, soit le meilleur équilibre du bilan énergétique, trouve sa raison d'être dans les difficultés futures d'approvisionnement en hydrocarbures. Le Québec, à l'instar de nombreuses autres régions du globe, fera face à un plafonnement de l'offre d'hydrocarbures vers la fin du siècle.

Notons l'importance de ne pas arrêter notre analyse en 1990. La situation des hydrocarbures est encore acceptable à cette date, mais se détériore très rapidement dans les années qui suivent. A cette insécurité d'approvisionnement s'ajoute une incertitude quant au coût futur d'une source d'énergie qui occupe aujourd'hui une part de plus de 75% dans le bilan énergétique du Québec. Il est donc souhaitable que la dépendance envers les hydrocarbures soit graduellement atténuée. Pour ce faire, l'augmentation de la part de l'électricité dans le bilan énergétique s'avère la solution appropriée. En effet, mieux que toute autre forme d'énergie, l'électricité peut assurer, à la fois la sécurité des approvisionnements, une certaine stabilité des prix à long terme et une contribution importante au développement économique du Québec.

Une analyse de l'évolution des différents secteurs de consommation nous montre que l'électricité peut occuper une part de quelque 40% du bilan énergétique vers la fin du siècle. Ceci apparaît d'autant plus souhaitable que son contrôle appartient à la collectivité québécoise et qu'elle reste une ressource, en grande partie, renouvelable. A titre d'illustration, l'électricité, au Québec, proviendrait à près de 97% d'installations hydrauliques en 1985, c'est-à-dire environ 30 000 mégawatts; 91% en 1990 serait hydraulique et 85% en 1995. En l'an 2000, dans une hypothèse de croissance économique élevée, ce pourcentage baisserait à un minimum de 66%.

A l'intérieur du rôle joué pour les hydrocarbures, le pétrole occupera une part moins importante, bien qu'encore très large dans ce même bilan. Le gaz prendra, quant à lui, une part aussi grande que possible en fonction de ses disponibilités et de son coût futur. Il devrait, avant tout, jouer un rôle important dans certaines applications industrielles où son efficacité est maximale.

Les énergies nouvelles, enfin, ne sont pas appelées à occuper une place significative dans le bilan énergétique de la fin du siècle car il faut une longue période de temps avant qu'une nouvelle technologie n'arrive à maturité et se prête à des applications commerciales. Les initiatives déjà en cours au Québec dans ce domaine, notamment celles entreprises depuis plusieurs années par l'Institut de recherche de l'Hydro-Québec, sont encouragées par le gouvernement.

Il faut également suivre de près les nombreuses expériences étrangères qui seraient prometteuses pour le Québec.

Les efforts concertés d'économie d'énergie constituent la seconde orientation de la politique énergétique. En effet, les mesures d'économie d'énergie favoriseront une utilisation plus judicieuse de l'énergie dans les différents secteurs de conservation. Elles assigneront à chaque source d'énergie une fonction plus conforme à sa meilleure efficacité relative. Non seulement les mesures d'économie d'énergie sont-elles de nature à réduire les quantités d'énergie requises dans l'avenir, mais encore allègeront-elles d'autant les besoins d'investissement requis par la croissance du secteur énergétique.

Il revient à l'Etat de prendre les initiatives en ce domaine et, le cas échéant, d'assurer une meilleure coordination des efforts déjà entrepris en ce sens par divers organismes pour en tirer le maximum d'efficacité. Dans ce domaine, l'Hydro-Québec a innové depuis plusieurs années prônant et mettant en application des normes plus strictes dans le domaine de l'isolation des locaux et des chauffe-eau.

Désormais, le rôle moteur de l'Etat est indéniable et sans son intervention il est douteux que l'attitude du public fasse écho à la nécessité de faire une utilisation plus judicieuse des ressources. Si nous revenons, maintenant, plus en détail, sur la part de l'Hydro-Québec dans le bilan que nous avons projeté, il importe de réfléchir aux implications posées par la situation énergétique actuelle.

Même en présence de plusieurs incertitudes, il n'en faut pas moins définir, dès maintenant, des orientations suffisamment précises pour inspirer une action à long terme. Ceci est d'autant plus important que le temps constitue un facteur majeur dans la réalisation d'un programme d'équipement. Il en est de même pour voir apparaître des modifications significatives dans les habitudes de consommation.

Il s'avère utile de considérer deux horizons dans notre discussion. Le premier couvre la période 1977 à 1985 et se prête à la prévision de certaines variations dans la conjoncture économique, de telle sorte qu'il devient possible d'identifier des champs d'application de la politique énergétique à court terme. Durant cette période, la demande d'électricité croît à un rythme prévisible de 7,75% par année. Le programme d'équipement qui est en cours de réalisation est principalement basé sur la mise en service de la baie James.

Le second horizon couvre la période de 1985 à 2000. Les incertitudes sont trop grandes pour faire ici des prévisions précises. C'est pourquoi nous utilisons des scénarios qui font ressortir les grandes orientations du bilan énergétique. Un scénario se différencie d'une prévision par la possibilité de changements majeurs dans l'évolution des différents paramètres étudiés. C'est le cas, par exemple, de la croissance économique du Québec à long terme. Nous étudions donc les différentes possibilités afin de définir la ligne de conduite la plus adaptable possible.

Pour le programme d'équipement de l'Hydro-Québec, les sites qui ont un intérêt sur le plan hydroélectrique se faisant plus rares et plus éloignés, l'option nucléaire se présentera comme la seule forme d'énergie de relais fiable d'ici la fin du siècle. La stratégie de développement de l'Hydro-Québec visera à utiliser toutes les ressources hydrauliques rentables tout en intégrant harmonieusement à ses équipements les centrales nucléaires requises. Il n'y aura pas sur le marché de source d'énergie alternative ou nucléaire d'ici la fin du siècle pour répondre à la demande d'électricité lorsque le potentiel hydraulique sera épuisé.

Les énergies nouvelles disponibles et le développement commercial des technologies douces ne pourrait répondre qu'à un maximum de 2% à

3% du bilan énergétique vers la fin du siècle. En fait, l'introduction de l'énergie nucléaire comme nous la proposons est une approche minimale. Son but est d'assurer un démarrage progressif d'une technologie nouvelle pour le Québec. Cela implique, en particulier, la mise en place d'une infrastructure industrielle et la formation d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Ceci demande du temps et une coordination des efforts.

Si nous regardons le programme minimum proposé, l'électricité nucléaire occupe une part de 3% des installations de l'Hydro-Québec en 1985, soit 1000 mégawatts, de 9% en 1990, soit 4000 mégawatts, et de 15% en 1995, soit 9000 mégawatts. Ces 9000 mégawatts exigeront deux sites additionnels. Ce n'est qu'en l'an 2000 qu'elle augmenterait à 33%. Ces chiffres se traduisent par un besoin d'une centrale de quatre groupes en 1990 et d'une autre en 1995. La réalisation de ce programme nécessite au maximum deux sites de plus que celui de Gentilly. Nous sommes loind'un grand nombre de centrales le long du fleuve.

Quant à la dernière tranche, de 1995 à l'an 2000, elle s'inscrit dans des décisions a prendre au milieu des années 1980. D'ici là, les tendances de croissance actuellement projetées se seront précisées. Le programme précisé par l'Hydro-Québec permet d'assurer une transition progressive dans la production de l'électricité. Ce programme est suffisant et nécessaire pour répondre aux besoins de l'introduction sécuritaire d'une technologie exigeante. Il répond aussi à la qualité primordiale d'un processus de planification à long terme, la flexibilité. Il lui faut, en effet, répondre adéquatement aux fluctuations possibles de l'activité économique. Globalement, les chiffres que j'ai cités correspondent, jusqu'à 1995, aux besoins en énergie nucléaire de deux scénarios de croissance, haute et moyenne, que nous avons étudiés dans notre rapport, l'hydraulique se prolongeant de quelques années de plus dans le deuxième cas.

Cette approche flexible semble la plus sage pour la collectivité québécoise. En effet, si les programmes basés sur une croissance économique faible s'avéraient insuffisants pour répondre aux besoins à long terme, il serait très coûteux de les modifier et de redémarrer brusquement un programme nucléaire. Les conséquences d'une pénurie sur l'économie du Québec pourraient s'avérer graves.

D'autre part, il serait plus facile, dans le cas où les besoins prévus seraient plus élevés que les besoins réels, de ralentir le rythme de développement du secteur électrique pour l'ajuster aux données d'une telle conjoncture.

En guise de conclusion, je voudrais souligner que notre analyse fait ressortir la nécessité de modifier le contexte énergétique québécois. Le volume d'énergie requis doit être diminué par des efforts concertés d'économie d'énergie éliminant les gaspillages et utilisant nos ressources de façon judicieuse. A l'intérieur de ce besoin d'énergie, le rôle de chaque source doit être réévalué. L'électricité peut, mieux que toute autre forme d'énergie, nous assurer à la fois la sécurité et les approvisionnements, une certaine stabilité des prix à long terme et une contribution importante au développement économique du Québec. Elle est, par ailleurs, la seule source contrôlée par la collectivité québécoise.

Pour que l'électricité puisse occuper une part importante dans le bilan de la fin du siècle, il est nécessaire d'allouer à son développement les investissements requis. Enfin, ceux-ci maximisent pour le Québec les retombées économiques liées au secteur énergétique.

Les programmes d'investissement nécessaires au développement du secteur électrique de 1985 à 2000 équivalent à quelque 15% à 20% des investissements totaux du Québec. Plus précisément au cours des dix prochaines années, la part des investissements de l'Hydro-Québec dans les investissements totaux réalisés au Québec se situera entre 18% et 23%. Puisque la très grande partie des investissements dans le secteur énergétique du Québec sera affectée au développement de l'électricité, ceci se compare à la part des investissements totaux canadiens réservés au secteur de l'énergie qui oscillera au cours de cette même période, pour le Canada, entre 32% et 28%.

Cette comparaison nous montre que le fardeau n'est certes pas disproportionné. Il reste que toute politique énergétique doit s'intégrer dans un ensemble cohérent de politiques gouvernementales répondant aux besoins qlobaux de la société.

Nous espérons que ces réflexions et que la poursuite du dialogue amorcé pourront y contribuer. C'est avec plaisir que nous répondrons maintenant aux questions que notre document a pu susciter parmi vous.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Joron: M. Boyd, je vous remercie. Je voudrais, tout d'abord, vous dire, en mon nom personnel et peut-être au nom d'autres membres de la commission également, que nous apprécions la grande qualité du mémoire qu'a soumis l'Hydro-Québec. Je pense qu'il est bon de mentionner que c'est peut-être, de ceux que nous avons entendus jusqu'à présent, celui qui nous présente la vision la plus globale de la situation énergétique dans son ensemble. Remarquez qu'on pourrait ajouter qu'on n'en attendait peut-être pas moins de la plus importante entreprise au Québec, mais, enfin, je pense que cela méritait d'être souligné.

Par contre, si votre mémoire contient des tas d'éléments qui sont essentiels à l'élaboration de notre politique énergétique, il n'en reste pas moins que vous nous apportez là, parmi toutes les questions soulevées, passablement d'embêtements aussi, des questions auxquelles il est compliqué de répondre. Moi, j'en avais relevé un nombre considérable, mais, comme le temps est limité et qu'on ne doit pas se livrer à un interrogatoire — je ne veux pas monopoliser, d'ailleurs, le temps de la commission inutilement — je vais essayer, dans une questions synthèse, si vous voulez, qui comporte, bien entendu, plusieurs sous-questions, de vous en poser une qui me paraît, peut-être, être la principale qui découle de votre mémoire.

Un des sujets qui préoccupent, je pense, le plus les Québécois à l'heure actuelle face à ce problème de nos sources futures d'énergie, c'est la question du nucléaire. Vous mentionnez que nous allons y arriver parce qu'il n'y a pas de source alternative, finalement. Cet énoncé comporte, par contre, des prémisses qu'on peut remettre en question. D'une part, j'aimerais que vous puissiez nous expliquer davantage les aspects sécuritaires d'un programme nucléaire, toutes les questions que le public, à bon droit d'ailleurs, se pose à l'heure actuelle quant à la sécurité de ces centrales, à la disposition des déchets, enfin, tous ces problèmes.

Il y a beau, peut-être, de ne pas avoir d'autre solution, si on risque l'hécatombe, il y en a une autre solution, c'est qu'on va se priver d'un peu d'énergie, puis on n'ira pas. C'est un premier point que j'aimerais vous entendre développer un peu, parce que le mémoire n'en parle pas beaucoup.

Deuxièmement, quand vous dites qu'il n'y a pas d'autre choix, cela dépend aussi, au-delà de ces questions de sécurité, bien sûr, de la part que l'on attribue à l'électricité dans le bilan global. Si on vise une part moindre, évidemment, les besoins de production de l'électricité sont moindres, alors il y a cette question de la part de l'électricité dans le bilan; mais cela dépend aussi, surtout, de l'évaluation que vous faites de ce que sera la demande globale d'énergie à la fin du siècle. Cela m'apparaît être le point clé de toutes nos discussions, d'ailleurs non pas seulement celles que suscite votre mémoire, mais, en somme, de toutes les discussions qu'on a depuis une semaine et qu'on continuera d'avoir cette semaine.

Quant à la question de cette demande globale que vous reliez assez directement à la croissance économique selon différents scénarios de croissance forte, moyenne ou faible, vous arrivez à dire: Cela prend tant d'électricité, tant d'énergie en telle année, donc il faut installer tant de mégawatts de plus, etc. Mais j'aimerais vous poser la question suivante: Est-ce que cette demande globale est reliée à la croissance économique, ou plutôt, au type de croissance économique? Parce qu'on voit dans votre mémoire, et c'est peut-être un des aspects les plus significatifs, que déjà dans le domaine de l'électricité, environ 80% de la consommation électrique vient du secteur industriel et du secteur commercial, l'industriel comptant pour 53% environ. C'est déjà plus que la moitié seulement dans le secteur industriel.

Or, on sait aussi que presque les deux tiers de ce secteur industriel sont bouffés par deux types d'industries: l'industrie des pâtes et papiers et l'industrie métallurgique primaire; donc, deux activités économiques très proches des ressources naturelles. On voit, de plus, ce qui m'apparaît très significatif, que même si ces deux secteurs à eux seuls bouffent près des deux tiers de l'électricité consommée dans le secteur industriel, ces deux secteurs ne représentent, d'autre part, que 16,7% de la valeur ajoutée dans l'ensemble de l'industrie québécoise et un pourcentage encore moindre de la main-d'oeuvre. Alors, toute la question amène à se demander si c'est ce type de développement industriel que l'on doit poursuivre à l'avenir, et si tel n'était pas le cas, vous pourriez avoir des variations considérables sur la demande de l'électricité.

En somme, vos projections — si je peux résumer ainsi — de demandes globales d'électricité à telle date tiennent pour acquis que la structure industrielle du Québec ne se modifie pas dans l'intervalle.

Si nous adoptions — vous pourrez nous en dire un mot — soit par voie de tarifications différentes, de prix différents et ainsi de suite, des objectifs, quant au type de développement économique, différents de ce qu'on a fait traditionnellement, cela pourrait avoir une conséquence considérable sur la demande globale d'énergie. En d'autres mots, on pourrait s'orienter vers des secteurs industriels qui consomment infiniment moins d'énergie, mais qui assurent une croissance économique qui, d'ailleurs, pourrait amener une structure industrielle québécoise plus solide et moins dépendante de ses ressources naturelles.

Sur cette question en particulier, j'aimerais vous demander comment se comparent les tarifs ordinaires industriels de l'Hydro-Québec par rapport à des tarifs semblables dans les principaux pays industrialisés du monde? Aussi, parce qu'il y a des tarifs qui dérogent à la loi, par arrêté en conseil, qui sont des tarifs préférentiels, comment ces tarifs préférentiels peuvent-ils se comparer par rapport à d'autres qui peuvent être accordés ou pas dans d'autres pays? En d'autres mots, ce que j'aimerais qu'on puisse cerner un peu plus, c'est à quel point on fait, en quelque sorte, cadeau de notre énergie électrique.

Finalement, le troisième volet, toujours se rattachant à la première question, c'est quand vous dites qu'il n'y a pas d'alternative. Cela peut dépendre aussi non seulement, comme je l'ai dit, des questions de sécurité, qui est le premier volet; deuxièmement, du choix que l'on fait du type de développement économique; troisièmement, cela peut dépendre aussi de l'effort que l'on consacre à la recherche de formes nouvelles. Vous dites que selon les connaissances que l'on a dans le moment, on ne peut pas s'attendre à ce que cela représente un pourcentage significatif du bilan avant la fin du siècle. Je vous dirai: Si on doublait, si on triplait ou si on quadruplait les efforts, est-ce que cela ne pourrait pas représenter plus, est-ce qu'il ne pourrait pas se dégager là une alternative?

M. Boyd: M. le ministre, je vous remercie des compliments sur le mémoire. Je vous remercie également de la question. Elle est complète et a plusieurs volets. Il y a des points sur lesquels je vais essayer de répondre moi-même et d'autres que je vais passer à mes copains.

Pour les tarifs préférentiels, on en a quelques-uns qui datent depuis longtemps dans l'industrie et qu'on essaie de faire disparaître au fur et à mesure que les contrats se terminent. Dans la même optique, vous demandiez si c'était le même type de développement industriel. Notre réponse, celle qu'on a déjà indiquée, en répondant ici même dans une commission parlementaire récemment, c'est qu'on ne pensait pas que c'était la

meilleure façon d'utiliser l'énergie électrique que de l'employer dans l'énergie primaire, qui consomme beaucoup trop d'énergie par rapport aux emplois qu'elle crée. D'ailleurs, dans notre mémoire, vous avez un tableau complet qui indique cela. Donc, si on l'a mis là, c'est que nous préférons aller du côté d'industries qui créeront des emplois plutôt que de créer des demandes. Dans le passé, il en a été autrement. Historiquement, c'était sans doute la chose à faire, au début, les pâtes et papiers, les alumineries, etc. Mais je pense qu'on est rendu au point où l'énergie électrique doit être conservée pour des sortes d'industrie qui nous apporteront plus d'emplois par rapport aux kilowatts installés.

M. Joron: M. Boyd, vous faites vos projections de la demande jusqu'à la fin du siècle. Je comprends que ce n'est pas le rôle de l'Hydro-Québec de décider des politiques de développement économique de tout l'Etat, mais ce que vous faites, en somme, c'est que vous prenez la structure économique actuelle et vous la projetez selon un taux de croissance historique dans le futur. Voici ce que je veux dire. Admettez-vous avec moi que, si le gouvernement, par la voie de sa politique énergétique, qui est un élément clé et vital de toute une politique de développement économique, se réorientait d'une façon radicalement nouvelle, à ce moment la demande pourrait être tout autre que celle que vous avez prévue?

M. Boyd: Oui, on a divisé notre rapport en deux secteurs, un qui va de 1977 à 1985 où l'on dit que c'est 7,75% et où l'on affirme que c'est certain puisque d'ici 1985, on ne peut pas agir assez rapidement pour transformer ça. De 1985 à l'an 2000, on dit qu'il y a différents scénarios possibles qui seront évidemment décidés bien plus par le gouvernement que par les consommateurs ou le public. Nous prévoyons que de 1985 à l'an 2000, que ce sera 7,5%, mais, dans nos études, on a une fourchette qui dit que la croissance peut être à 5% ou à 8%, selon des tendances, selon le contexte politique et économique.

Alors, il est possible que ce soit moins, mais, même à ça, ce que je veux dire, c'est que, si c'est moins de 7,5% à partir de 1985, si c'est 5%, supposons, qu'on obtient en moyenne durant cette période, il arrivera quand même, à un moment donné, si ce n'est pas en 1990 ou en 1995, il arrivera une période où nous n'aurons plus de rivières à harnacher.

Quant à moi, j'aimerais bien mieux rester dans cela, car j'ai fait cela toute ma vie, mais il arrive un moment donné où, étant donné qu'on doit prévoir le plus longtemps possible d'avance, il n'y en aura plus. Si c'est en 1995, ce sera en 1995, mais, à un moment donné, il faudra produire autre chose et nous pensons que ce sera l'énergie nucléaire. Si du jour au lendemain, il faut produire beaucoup de nucléaire, sans être passé par une période de transition que nous appelons une "période très minimale" dans le programme que nous vous avons donné — c'est très minimal jusqu'en 1995 — on n'aura absolument personne, ni au point de vue technique, ni au point de vue opérationnel, ni au point de vue manufacturier, qui sera prêt à faire l'effort qui sera demandé.

Ce que nous proposons, c'est d'y aller graduellement, en utilisant toutes les méthodes sécuritaires et en apprenant des autres... Ce qui nous avantage, au Québec, c'est qu'on n'a pas été obligé de se précipiter dans le nucléaire comme les Etats-Unis, comme l'Ontario même; on le fait tranquillement et on le fait avec sécurité. Alors, si on dit: II y aura moins de demande et vous atteindrez un sommet moins élevé en l'an 2000, donc, il ne vous faudra pas de nucléaire, bien, il en faudra peut-être moins en 1995, mais il en faudra peut-être quand même!

M. Joron: Si vous me permettez, je vais vous poser ma question d'une façon très synthétique. On mentionnait, tout à l'heure, que, dépendant du choix quant au type de développement industriel qu'on va poursuivre à l'avenir, cela pourrait apporter des modifications substantielles à la demande globale. C'est un point, mais ce n'est pas l'Hydro-Québec, évidemment, qui le décide. Par contre, j'aimerais, seulement sur ce point, que vous nous donniez une idée, question d'information aussi pour tous les membres de la commission, des tarifs industriels actuels de l'Hydro-Québec. Je vous demanderais: Comment se comparent-ils à des tarifs industriels d'autres sociétés comme la nôtre, d'une part? Voulez-vous répondre à celle-là d'abord et, après cela, je...

M. Boyd: Nos tarifs industriels se comparaient assez bien avec ceux de l'Ontario. Ils ont, eux aussi, certains tarifs spéciaux pour de grandes quantités, qu'ils sont en train de faire disparaître, s'ils ne les ont pas déjà fait disparaître. Aux Etats-Unis, il y a des tarifs, le TVA par exemple, qui sont des tarifs très spéciaux pour les grandes industries, mais c'est une chose qui, selon nous, à l'Hydro-Québec, doit disparaître. Evidemment, avant de les faire disparaître du jour au lendemain, il faut penser: Est-ce que cela va fermer des industries ou non? On pense que cela doit être fait de façon graduelle, pour autant que l'industrie peut l'absorber. Mais on pense aussi — c'est la question que j'avais posée, tout à l'heure, pour les scénarios — que l'industriel va occuper une part plus importante des 40% en l'an 2000 qu'actuellement. Actuellement, disons en 1974, le résidentiel utilise à 22% l'électricité; le commercial à 38%;l'indus-triel à 33%. Nos prévisions sont que le résidentiel sera à 60% à l'électricité dans la période 1985-2000, le commercial à 69%; l'industriel à 43%.

Quant aux énergies nouvelles...

M. Joron: Si vous me le permettez, juste avant d'arriver à cette question de l'inévitabilité du nucléaire — il n'y a pas que la demande globale qui conditionne ou qui déplace dans le temps cette inévitabilité, il y a deux autres choses qu'il faudrait peut-être considerer c'est qu'on parle souvent de la puissance nouvelle qu'il faut installer, mais on parle toujours de la puissance de base. Si on arrivait à mieux écrêter notre pointe de demande

d'électricité, il y a un surplus considérable inutilisé pendant une longue période de l'année, si on arrivait à étaler cela, le besoin d'installation de nouvelles puissances diminue considérablement. Ainsi, par exemple, si par une tarification on décourageait la consommation à certaines heures ou en certaines saisons, peut-être principalement chez les utilisateurs industriels justement, on pourrait arriver à se dispenser possiblement de bien des mégawatts qu'on n'aurait pas à installer. Alors le jeu de cet écrêtement de la pointe, via toutes sortes de manières d'incitation, d'une tarification refaite, ainsi de suite, peut avoir pour résultat de reporter encore plus loin dans le temps l'inévi-tabilité dont on parle. Alors, j'aimerais que vous nous disiez un mot sur ce qui mijote autour de ce sujet d'écrêter la pointe à l'heure actuelle, à l'Hydro-Québec, d'une part, et nous dire un mot aussi... parce que là, vous dites dans votre mémoire: II y a 15 000 mégawatts hydrauliques économiquement aménageables qui restent encore. Mais si c'est 20 000 au lieu de 15 000, encore là, cela fait une différence de bien des années de répit, de plus. Alors, est-ce que cette quantité de 15 000 mégawatts est finale? Pourriez-vous nous dire à peu près où elle se trouve?

M. Boyd: Les 15 000, d'après nos estimations des études actuelles, c'est un chiffre assez maximal au point de vue rentabilité actuelle. On estime qu'il y a encore 10 000 mégawatts qui sont dans nos rivières, mais tellement loin, tellement dispendieux que dans le moment, on pense que ce n'est pas rentable d'aller les chercher.

M. Joron: Ce qui m'amène une sous-question, parce que tout dépend de l'évolution des prix dans le temps aussi, l'évolution du prix de produire du nucléaire, ou la rivière qui paraît non rentable aujourd'hui, c'est à partir de prix comparatifs de 1976/77, mais avez-vous une idée de la croissance des facteurs de coûts entre... l'hydraulique, c'est relativement facile à projeter en avant, parce qu'on en connaît les éléments, mais la production nucléaire implique des éléments qui d'ailleurs, ne sont pas contrôlés à partir du Québec, de machinerie, d'eau lourde, de toutes sortes de trucs, d'uranium.

Alors, l'évolution des prix de tout cela est très incertaine, si bien que les 10 000 mégawatts, au-delà de 15 000 dont vous parlez, qui ne paraissent pas rentables aujourd'hui, peuvent peut-être fort bien s'avérer rentables dans quinze ans par rapport à un nucléaire dont le coût sera très élevé ou par rapport à des barils de pétrole qui pourraient coûter $30 ou $40 le baril.

M. Boyd: Je voudrais bien. Seulement hier, je demandais des renseignements à notre directeur général Génie concernant les 10 000 mégawatts qui seraient dans différentes petites rivières, éparpillées un peu partout, et il m'a dit que, pour qu'elles deviennent rentables, il faudrait que le prix d'aujourd'hui, comparatif, du nucléaire, soit quatre fois plus grand qu'il ne l'est.

M. Joron: Quatre fois?

M. Boyd: Oui. Ce sont les chiffres qu'on a dans le moment. Par contre, l'été dernier, lorsqu'on a parlé des coûts de l'hydraulique, on a démontré ici que, dans les deux dernières années, le coût du nucléaire avait augmenté un peu plus que celui de l'hydraulique. Je pense que — je ne voudrais pas l'assurer de façon définitive — le nucléaire avait augmenté de 15% par rapport à l'hydraulique. C'est un facteur.

Votre première sous-question concernait les pointes. Ce qui mijote là-dedans, c'est qu'on est justement en train de compléter une étude sur ce qu'on appelle la conservation de l'énergie ou l'économie de l'énergie. Lundi dernier, on a pris connaissance d'un rapport préliminaire qui va être terminé dans quelques semaines. Contrairement à ce que pensaient, la plupart d'entre nous depuis quelque temps, les pointes journalières sont beaucoup moins aiguës qu'avant. Il y a des divergences. C'est évident que l'été, c'est beaucoup plus bas que l'hiver, mais que, si on prend une journée, actuellement, on est au point où le facteur d'utilisation est d'environ 85%. On s'attend, je pense en 1984, 1985, que le facteur d'utilisation sera à 91,5%. Donc, quand c'est à 91%, c'est presque plat.

C'est un facteur assez étonnant et nouveau, c'est depuis quelques années seulement, qu'il devient très apparent par les études qu'on fait; il va nous amener à changer notre point de vue sur les pointes. Au lieu d'avoir des usines de pointe qui vont couper juste des petits bouts de pointes d'une demi-heure, d'une heure, d'une heure et demie ou de deux heures, ce seront probablement plus des usines de base qu'il faudra que des usines de pointe.

Ce que je dis, est un peu en avance. Vous m'avez demandé ce qui se brasse. Je vous dis ce qui se brasse. Je ne vous le dis pas comme une chose officielle encore, parce que l'étude n'est pas terminée, mais je voulais répondre à votre question. Voulez-vous que je demande au Dr Boulet, directeur de l'Institut de recherche de l'Hydro-Québec de parler de l'énergie nouvelle et de vous dire ce qu'on a fait à l'institut depuis qu'il existe, depuis 1965?

M. Joron: Et nous parler aussi peut-être de la première question de toute, la sécurité des systèmes actuels de production nucléaire.

M. Boyd: La sécurité nucléaire, j'aimerais mieux qu'on passe cette question, ensuite, à M. Volders, si vous n'avez pas d'objection.

M. Boulet (Lionel): M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, lorsqu'en 1967, l'Institut de recherche de l'Hydro-Québec s'est ouvert, l'Hydro-Québec, dans ses objectifs futurs, pensait déjà aux nouvelles formes d'énergie parce que — c'est dans notre programme de 1967, 1968 et 1969 — nous avions l'idée de faire une étude de l'utilisation de la thermofusion. C'est le procédé

inverse de la fission nucléaire, c'est-à-dire que c'est la fusion des deux isotopes de l'hydrogène. Depuis ce temps, déjà, à l'Hydro-Québec, nous avons dépensé à peu près $3 millions dans ce domaine de la fusion thermonucléaire qui serait évidemment la réponse à tous les maux et à tous les besoins d'énergie dans le monde. Le principe n'est pas encore prouvé, mais on croit que, d'ici 1981 ou 1982, il sera prouvé et aux Etats-Unis et en Russie où des chercheurs travaillent, d'ailleurs en collaboration très grande, avec les bouteilles magnétiques, ce qui est un des procédés pour utiliser la fusion thermonucléaire.

En plus de cela nous avons des études évidemment sur le transport, la distribution, l'appareillage électrique, mais nous avons aussi mis un accent assez prononcé sur les nouvelles sources d'énergie comme l'énergie solaire.

Dans le cas de l'énergie solaire, nous avons deux programmes. Un programme aux Iles-de-la-Madeleine, où nous installons actuellement une éolienne de 400 kilowatts qui fonctionnera à 250 kilowatts pour le moment, parce que nous allons la faire fonctionner à vitesse constante. C'est un programme qui se fait en collaboration avec le Conseil national de la recherche. C'est extrêmement intéressant, parce que c'est dans ces endroits éloignés qu'on peut peut-être prendre l'expérience, faire le développement de ces nouvelles sources d'énergie et, finalement, équiper des sources qui peuvent être fiables pour les gens. Parce qu'actuellement il n'existe dans ces domaines, ni au Canada, ni aux Etats-Unis, ni dans aucun autre pays d'Europe, ni dans les pays de l'Est ni au Japon, aucune source solaire rentable au point de vue de l'énergie éolienne.

Nous avons aussi un petit programme à l'IREQ, à Montréal, où nous avons une éolienne de 25 kilowatts. Nous nous attendons d'être capables de déterminer un circuit de commande et de contrôle qui nous permettra de retirer le maximum d'énergie qui existe dans le vent. Comme on le dit toujours, l'énergie qu'on peut retirer d'une éolienne varie avec le cube de la vitesse du vent. Il est donc extrêmement intéressant de pouvoir retirer toute cette énergie.

Ce programme devrait être en exploitation vers la fin de mars, début avril, et nous pourrons alors en donner les résultats.

Autre forme solaire à laquelle nous contribuons avec tous les services publics canadiens par l'intermédiaire de l'association électrique canadienne, celle du développement des maisons solaires du côté thermique, c'est-à-dire l'absorption directe par des plaques verticales, la plupart du temps, dans nos climats, de l'énergie solaire. Nous avons un programme en collaboration avec l'université McGill, à La Macaza, où nous avons une maison solaire. Nous évaluons actuellement les résultats des mesures, quelle est la quantité d'énergie que nous pouvons retirer.

Evidemment, ce programme, qui était fait originalement pour quatre maisons solaires par les architectes de McGill, est tombé maintenant à une maison solaire, à cause d'un manque de fonds.

Il faut penser que la quantité d'énergie solaire dont on peut disposer est à peu près de l'ordre, en moyenne, de 10 watts par pied carré ou, si vous voulez, de 100 watts par mètre carré dans nos régions, tandis que, dans les régions du sud, c'est à peu près le double, c'est-à-dire 20 watts par pied carré. C'est une énergie qui est extrêmement diffuse et, si on veut l'utiliser, il faut donc la concentrer. C'est une énergie qui demande aussi énormément de stockage parce que le soleil ne paraît pas tout le temps.

Il y a aussi la concentration des rayons solaires par des lentilles. Il y a plusieurs pays qui font des expériences. La plus grande difficulté qui existe, c'est évidemment la grosseur des miroirs ou la grosseur des lentilles. Pour vous donner un exemple, pour remplacer une centrale de 1000 mégawatts nucléaires, cela prendrait une superficie de terrain de l'ordre de 7 à 10 milles carrés au sud des Etats-Unis et peut-être le double dans nos régions.

Il y a aussi la transformation de l'énergie solaire directement par l'électricité. D'abord, les rendements actuellement sont de 5% à 6%; il faudrait nécessairement que les rendements augmentent au moins à 20%, 25%, avant que cela puisse devenir d'une utilisation pratique. Mais, encore là, les dimensions de ce terrain requises pour retirer cette énergie, à cause, si vous voulez, de la faible densité d'énergie par pied carré seraient immenses.

On fait un peu de travail sur les pompes de chaleur. On a une unité que nous sommes a monter. Evidemment, les pompes de chaleur qui ont été utilisées jusqu'à maintenant au Canada étaient des pompes développées par les Américains. Elles avaient le malheur que la chaleur qu'on retirait du sol contribuait à geler le sol à sept, huit ou dix pieds de profondeur de telle façon qu'au mois de juillet, vos voisins avaient des fleurs et vous, vous aviez encore un terrain gelé!

Maintenant, il y a certainement moyen de combiner les pompes de chaleur avec l'énergie solaire et de faire certaines expériences; c'est ce que nous faisons actuellement, en collaboration avec l'Ontario.

Au point de vue de la conservation, évidemment, il y a plusieurs techniques nouvelles de conservation d'énergie. Nous avons fait certaines analyses. Par exemple, il semble y avoir possibilité de récupérer à peu près 25% des eaux usées, de l'énergie des eaux usées dans une maison et de se servir de cela pour réchauffer l'eau du chauffe-eau à l'entrée.

Il y a un malheur, c'est que le Code des bâtiments défend totalement cela parce q'on ne peut pas faire passer par un échangeur de chaleur l'eau usée avec l'eau pure qu'on va boire, pour éviter tout danger. Il faudrait aussi changer le Code des bâtiments, mais, de toute façon, nous allons faire certaines expériences dans ce domaine.

Evidemment, dans la conservation, il y a deux choses importantes: II y a les techniques nouvelles, les méthodes de gestion de charge et, évidemment, il faut développer l'instrumentation ou

les nouvelles utilisations de l'énergie électrique à meilleur rendement.

Les piles à combustible étaient une transformation assez intéressante. On pensait, il y a quinze ou vingt ans, qu'on pourrait utiliser directement le pétrole dans un genre de pile, avec des électrodes, qui permettrait d'obtenir directement de l'énergie électrique avec un rendement très élevé. Les seules piles que nous ayons à l'heure actuelle et sur lesquelles les gens travaillent sont des piles à oxygène et hydrogène qui permettent d'obtenir un certain rendement, mais de ! ordre de 30% à 35%. Mais les piles à combustible, on y pense et nous avons des gens qui font un peu de travail de base dans ce domaine, pour voir si elles pourraient devenir un outil ou un élément très utile qu'on pourrait mettre dans un poste, par exemple, pour produire de l'hydrogène et de l'oxygène lorsqu'on a un excès d'énergie et, durant les heures de pointe, utiliser l'énergie produite par la pile à combustible.

Nous gardons aussi un oeil très ouvert sur la gazéification du charbon parce qu'on pense qu'il y a peut-être des choses à trouver dans ce domaine qui pourraient permettre d'utiliser les tourbières que nous avons en grand nombre dans le Québec. Finalement, il y a aussi l'énergie dont on parle toujours, la biomasse. On réunit dans ce domaine tout le traitement des déchets pour produire la pyrolyse des déchets, l'utilisation d'herbes spéciales parce que la photosynthèse est évidemment le processus par lequel on a pu obtenir du soleil le maximum d'énergie. Il y a beaucoup de laboratoires qui travaillent à l'heure actuelle à la photosynthèse artificielle, pour tâcher de bien comprendre ce procédé et, peut-être, de produire de l'énergie dans ce domaine.

Vous mentionniez tout à l'heure qu'il fallait mettre plus d'argent dans ces domaines-là. Notre budget actuellement est à peu près de 10% à 12%, le budget total au Canada dépasse ou est de l'ordre de $10 millions à $12 millions cette année et les budgets des Américains dépassent $290 millions pour 1977. Les Japonais ont un budget, dans leur projet qu'on appelle soleil ou "Sunshine", de $145 millions, les Européens, à peu près le même ordre de grandeur. Il existe une liaison internationale entre tous ces laboratoires, il y a actuellement un échange à peu près complet entre tous les services publics, parce qu'on vend des électrons, mais on n'en vend pas aux voisins. Il est possible de collaborer ensemble de façon à activer cette recherche dans le monde.

M. Joron: Une dernière, brève, sous-question. Quand vous dites que vous vous attendez, vers 1981, 1982, à ce que le principe de la fusion nucléaire soit établi une fois pour toutes, si tel était le cas, en ces années, combien de temps après que le principe soit établi espérez-vous voir une centrale?

M. Boulet: On espérerait qu'à ce moment-là cela prendrait à peu près quinze ans pour avoir le premier prototype d'une centrale qui pourrait devenir une centrale commerciale, mais qui serait à ce moment-là de 250 mégawatts. L'application industrielle proprement dite irait après l'an 2000.

M. Joron: Ce qui veut dire que c'est...

M. Boulet: C'est encore un de ces domaines...

M. Joron: Mais le point tournant, c'est d'attendre...

M. Boulet: C'est la preuve...

M. Joron: ...que le principe soit établi. Une fois que c'est fait, on peut le voir venir.

M. Boulet: On pensait, il y a trois ans, avoir trouvé, à Chigago, avec le laser, où ils avaient réussi à faire de la fusion avec des cibles de deuterium, mais malheureusement on s'est aperçu qu'il faudrait avoir des cibles de beaucoup meilleures. On pense que dans l'application militaire, ces cibles existent, mais ce sont des choses tellement secrètes qu'on...

M. Joron: ... Mais d'autre part, l'IREQ et l'Université Laval sont très avancés dans le domaine des lasers. Est-ce que, d'abord, le premier laser n'a pas été inventé ici, tout près, dans la région de Québec?

M. Boulet: Par un Canadien-français, dans la région de Québec, à Valcartier. Le Dr Beaulieu a inventé le premier laser, à CO2, à grande puissance.

M. Joron: Est-ce qu'on maintient cette recherche, cette avance?

M. Boulet: On maintient cette avance-là, mais, enfin, je ne pense pas qu'on puisse concurrencer les Américains, qui eux, émettent des lasers à $10 millions, $15 millions, $20 millions ou $30 millions, avec des puissances énormes. Comme principe, comme développement, je pense que nos gens continuent à faire un excellent travail. Il y a une liaison, d'abord, très étroite entre l'INRS-énergie, l'Université Laval, une excellente compagnie privée de Québec — je ne veux pas lui faire d'annonce — et I'IREQ à Montréal dans tous ces domaines.

Le Président (M. Laplante): Le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, avant de poser mes questions, je me demande si on ne devrait pas écouter les réponses aux questions qui ont été posées au début, parce que la première question n'a pas encore eu de réponse. C'est sur la question nucléaire.

Une Voix: C'est curieux.

M. Garneau: Nous avons eu ici deux groupes en particulier qui sont venus nous dire que si on allait établir des centrales nucléaires, on serait

tous morts, que, si ce n'est pas aujourd'hui, ce serait dans 500 000 ans, parce que, apparemment, la durée, la longueur de vie des effets radioactifs est incalculable. Avant d'aborder les quelques questions que j'avais et qui ont déjà été touchées par le ministre, car il a couvert pas mal grand de terrain, j'aimerais bien mieux avoir la réponse et, après, peut-être que cela va éviter d'autres questions.

M. Volders (Robert): M. le Président, évidemment, c'est une question qui est très large. Je pense que je ne peux pas prendre trop de temps de la commission. Je vais plutôt donner des points de repaire, des réflexions, et nous pourrions facilement revenir avec des sous-questions sur tout ce problème de la sécurité nucléaire.

Peut-être une remarque générale. Pour commencer, je m'inspirerais d'une remarque de M. le député de Mont-Royal. Vous avez dit: Si vraiment ce qu'on a dit ici est vrai, eh bien! c'est terrible, il ne faudra jamais en faire. Je pourrais dire de façon générale aussi que les documents qui ont été présentés — je n'entrerai pas dans le détail de les réfuter point par point — contenaient un maximum d'erreurs à ce niveau, sinon des erreurs de fait, des erreurs d'interprétation. Je pourrais vous donner quelques exemples, tout à l'heure, qui vous fixeront un peu le domaine. Je veux juste dire que le sujet est pour le moment très émotif dans le public. C'est évident. Il y a eu des émissions de télévision, des débats dans tous les pays qui ont du nucléaire. Je pense que je vais juste faire des réflexions factuelles et on pourra y revenir. Le problème de toute cette question, c'est quand même assez délicat au niveau technique. Cela prend des spécialistes pour pouvoir expliquer en mots simples ce qui se passe dans un réacteur nucléaire.

Je peux peut-être commencer par quelques remarques globales qui ne touchent pas nécessairement le nucléaire, mais ce sont des faits qui ont été apportés devant la commission. On a parlé d'agriculture et on a parlé de rejets thermiques. Juste un point pour préciser. Ce qu'on reprochait à l'agriculture nucléaire, c'était les lignes de transport qui la traversaient. Je dirais que pour un barrage, une maison solaire, il y a également des lignes de transport. C'est donc un problème commun.

Les rejets thermiques; depuis que l'homme a inventé la machine à vapeur, il se sert de cette façon de fabriquer de l'électricité. On a besoin de refroidir les centrales. Que ce soient des centrales thermiques au charbon, au pétrole ou des centrales nucléaires, c'est exactement le même rejet thermique. Ce n'est pas un problème spécifique au nucléaire.

Juste pour vous donner une indication, et cela est encore une remarque globale, toute cette question de sécurité doit être vue dans un contexte local et non général. Je pense que cela mêle beaucoup un auditoire quand on vous balance des faits qui peuvent se passer en Europe, au Japon, aux Etats-Unis et au Canada, avec des filières américaines, françaises, CANDU. Tout cela est chaque fois différent. C'est une autre intensité de problèmes.

C'est la même chose pour les rejets thermiques. Citons l'exemple de Gentilly, puisque c'est une centrale que nous avons au Québec. Comme ordre de grandeur, l'eau qui est nécessaire à refroidir Gentilly, c'est à peu près 1000 pi3 par seconde, et le fleuve Saint-Laurent, en moyenne, à cet endroit, c'est 145 000; donc, c'est 1 sur 145. On est loin de passer toute la rivière à l'intérieur du réacteur. Quand la tempéature s'élève de 10°, à la sortie du réacteur, en quelques centaines de pieds, l'eau redescend à sa température moyenne. Simplement la ville de Trois-Rivières, entre le lac Saint-Pierre et un peu plus en aval, élève la température de 2°. Donc, ce sont des phénomènes qui sont assez naturels.

Nous avons la chance, au Québec, d'avoir des rivières, le Saint-Laurent, nous avons un tas de lacs. Alors, ce problème des rejets thermiques ne se pose pas de la même façon que dans la vallée de la Loire, par exemple, où il y a trop peu d'eau. Il n'y aurait même pas les 1000 pi. 3par seconde.

Encore là, on a déclaré qu'il n'y avait pas de solution. Mais oui, on fera un détour de refroidissement. Il y a d'autres solutions à étudier. Mais tout cela est à étudier dans un contexte particulier.

Pour terminer là-dessus, je dirais que les rejets thermiques, on peut en faire une utilisation bien plus intelligente que de les rejeter, comme cela, dans l'environnement. Des pays comme la Suède, qu'on prend souvent en exemple — d'ailleurs dans tous les sens aussi: je ferai remarquer que depuis l'élection du nouveau gouvernement, on a quand même décidé de construire quatre ou cinq nouvelles centrales — de même que la Russie, ont réussi, en utilisant ces rejets thermiques, à monter le rendement des centrales à près de 80%. Que font-ils? Au lieu de rejeter cette eau chaude dans le fleuve, ils l'utilisent pour des serres ou du chauffage d'habitation. En Allemagne, par exemple, tout le réseau de chauffage se fait par ces fameux rejets thermiques. Comme je l'ai dit, cela vient de centrales nucléaires ou de centrales thermiques.

Vous voyez déjà là que cela déborde un peu le problème strictement nucléaire ou émotif, c'est que, pour faire du chauffage de maison avec des rejets thermiques, cela prend toute une planification du territoire assez intégrée. C'est donc un problème très large qu'il faut certainement se poser, parce qu'il y a un potentiel là-bas, qui est majeur.

Pour les rejets, j'arrête-là, on pourra y revenir tout à l'heure. Je ne vais que prendre deux ou trois points "flash" sur ce qui a été déclaré. Je peux vous donner quelques indications sur les accidents nucléaires. On en a parlé passablement. On a déclaré qu'il y avait des morts, etc. Je vous parlerai des fameux déchets. C'est le fait d'une question dont il faut se préoccuper. Je peux vous parler de radiations, de chantage, etc.

Prenons simplement les accidents, seulement pour vous donner une idée de la façon dont les

éléments vous sont fournis par certaines personnes. On a parlé, au niveau du Canada, d'accidents dans la chaîne CANDU. Les deux accidents mentionnés se sont passé dans les années cinquante. Il n'y en a plus eu depuis. A ces années, c'étaient des prototypes. Je vous rappelle seulement que toute technologie qui se développe paie son tribut à une certaine recherche. Des cosmonautes sont morts pour aller sur la lune. Les pilotes d'essai, c'est un travail régulier. J'insiste que ce sont des personnes qui étaient au niveau de cette préparation des réacteurs qui ont été touchées par des radiations. Il n'y a pas eu de morts à ce niveau.

Il y a eu des tués — cela a été présenté dans une émission de télévision récente — aux Etats-Unis, encore dans un réacteur prototype, à Los Alamos, je pense, ou ailleurs, cela n'a pas d'importance, mais, de toute façon, dans un endroit où on expérimentait, d'ailleurs également en ce temps, les essais de bombes atomiques.

Cette question des morts, j'affirme qu'aucune personne du public, depuis que l'industrie nucléaire sert pour des fins commerciales, n'a été touchée par des radiations au point d'avoir — ce qu'on avait déclaré — des pertes de vies humaines.

Peut-être que je peux embrayer là-dessus sur une question qui est plus fondamentale: Qu'est-ce qu'on fait pour se prémunir de ce problème général des radiations, des accidents? On a souligné, dans un mémoire, l'opportunité, peut-être très valable, d'avoir une commission d'experts qui réfléchiraient à ces questions. C'est tellement valable que déjà, en 1920, je pense, c'était mis sur pied, pour réfléchir aux implications de l'énergie atomique. Des normes, il y en a; il y a des agences à Vienne; il y a des agences ici, la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Nous avons les services de protection de l'environnement, au Québec. Ce sont des agences gouvernementales qui sont formées de scientifiques et qui ont pour mandat — c'est leur problème — de veiller à ce que les normes, que ce soit de qualité industrielle ou au niveau nucléaire c'est la même chose, soient valables, c'est-à-dire donnent des impacts acceptables pour un public.

On a déclaré que ces normes étaient prises en dépit du bon sens. D'accord, mais alors qui va les fixer, si un groupe scientifique neutre déjà en place, ayant cela pour mandat n'est pas capable de le faire? Est-ce que c'est Monsieur Tout-le-Monde dans la rue? Je suis docteur en physique nucléaire, je ne m'aventurerai pas à aller discuter le fait qu'une radiation à telle dose me donne ou non un effet médical, ce n'est pas mon problème. Le dialogue doit s'établir entre scientifiques, sinon cela devient un dialogue de sourds.

Excusez-moi si je me promène d'un sujet à l'autre, mais je pense qu'il y a une question fondamentale, c'est le rôle du scientifique. Je pense qu'on en a un peu parlé. C'est vraiment, au niveau de sécurité propre, un problème de responsabilité scientifique. Je ne pense pas que ce soit un problème qu'on peut discuter sur la place publique. Je pense beaucoup plus que ce qui doit être discuté sur la place publique — à ce niveau, l'initia- tive d'une commission parlementaire comme celle-ci est indispensable — c'est le besoin d'énergie, la façon dont on veut vivre, la façon dont on veut se servir des différentes ressources qu'on a à moyen et à long termes. Ce sont des problèmes où on peut avoir une expression que le gouvernement prend pour, finalement, faire une politique cohérente. Mais balancer des chiffres à la tête des gens, dans certains débats que vous avez sans doute vus, où il n'y a pas de dialogue, je pense que cela ne fait pas avancer beaucoup le problème.

Je vais seulement dire un mot des déchets. Encore là, les déchets sont présentés de toutes les façons possibles sans discuter la filière en question, sans discuter l'endroit où cela se passe. Je dis qu'il y a une solution aux déchets radioactifs, spécialement au Québec, parce qu'on utilise la filière CANDU. Le problème est différent dans la filière CANDU, vous savez. On utilise de l'uranium naturel, c'est-à-dire de l'uranium qu'on prend dans une mine et qu'on traite légèrement sous forme d'oxyde. C'est différent déjà d'une filière américaine où on enrichit l'uranium, ce qui pose déjà un problème beaucoup plus complexe. A ce niveau des déchets radioactifs, on ne vous a donné que deux solutions: les envoyer sur la lune, dans le cosmos, enfin, et peut-être la transmutation. Je dirais que ce sont peut-être les deux solutions les plus folkloriques, parce que personne n'y pense actuellement. Vous savez comme moi que la probabilité de recevoir une fusée sur la tête, quand elle a quitté le sol, est quand même suffisamment grande pour qu'il n'y ait pas un scientifique sérieux qui essaie de faire de ce moyen un moyen d'éliminer les déchets radioactifs, en plus du coût, je vous le laisse imaginer.

Donc, à ce niveau, les problèmes pourraient faire l'objet aussi de communications. Il y a des groupes de recherche qui se penchent là-dessus depuis des années. Les rapports sont publics. Je pense que le plus grand avenir est dans ce qu'on appelle la vitrification — enfin, ce n'est qu'un exemple, il y en a sans doute d'autres — des déchets. On les enferme dans une matrice, puis cela est mis dans des couches géologiques stables. On parlait de périodes très longues. De fait, les chiffres de 500 000 ans, etc., sont tellement affolants que cela n'entre même pas dans notre tête. On se demande un peu... On ne parvient pas à imaginer une période aussi longue. Dans l'échelle géologique, les couches dans lesquelles on se propose d'enfouir certains de ces déchets les plus radioactifs, ce sont des couches géologiques qui sont stables, peut-être cent ou mille fois plus que cette période de 500 000 ans. On parle alors en millions d'années. A ce niveau, le risque est minimisé. Minimisé, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'il est tout à fait acceptable comparé à d'autres risques industriels que nous prenons.

Là, je saute tout de suite sur une autre parenthèse. Il est important, quand on discute de sécurité nucléaire, de penser aux alternatives et de penser aux risques que donnent ces alternatives. On n'a pas besoin de vous rappeler tout ce qui se passe actuellement avec les pétroliers. Pas besoin

de vous rappeler ce qui s'était passé en Italie ou en Angleterre quand toute une région a été ravagée par un nuage chimique. Je ne veux pas faire de comparaison encore là en termes de valeur, mais je veux seulement ouvrir une voie de réflexion, impliquant que l'on réfléchisse en termes comparatifs.

Je pense aux déchets. Pourquoi, dit-on, le Canada n'a-t-il pas encore, au niveau de la Commission de contrôle, une attitude décidée à cet égard? C'est simplement que les déchets radioactifs pourraient, dans une filière CANDU légèrement modifiée, être retraités. Quand on sort l'uranium des réacteurs, il n'est pas complètement brûlé. C'est un peu comme les cendres de charbon. On pourrait éventuellement les repasser avec un brûleur qui aurait une meilleure capacité. Une transformation de la technique CANDU permettrait de récupérer les produits radioactifs actuels et de les repasser une nouvelle fois dans les réacteurs. Actuellement, ce n'est pas économique. Donc, on dit: On va les garder en stockage intermittent dans des piscines.

Dès le moment où ce serait prouvé économiquement, on les retraiterait. Alors, on entraînerait une chaîne classique. Dès le moment où on n'en aurait plus besoin, ils seraient disposés de façon sécuritaire à long terme. Je suis sûrement loin d'avoir épuisé ce sujet-là. Mais de nouveau, là, je dis: Une information objective, une discussion objective devrait se tenir entre scientifiques concernés à ce niveau-là.

J'ai peut-être passé quelques exemples un peu disparates. Je retiens deux points pour répondre à la question. La question de sécurité nucléaire comme telle, il faut la poser, je pense, beaucoup plus largement. Implanter des nucléaires quelque part... le programme minimum que nous présentons nécessite toute une série de réflexions, de planification cohérente. J'ai montré l'exemple de récupération des rejets thermiques, de la chaleur. Cela implique qu'il faut penser au problème social, formation de main-d'oeuvre, etc., mais on ne forme pas des gens n'importe comment. Implantation industrielle... C'est une réflexion sociale, économique et technique. Elle doit être menée en parallèle. Ce n'est pas une polémique sur un biais qui va faire tomber la balance de l'autre bord.

J'insiste sur le rôle des commissions de contrôle, services de protection de l'environnement. Je pense que leur rôle est d'assurer au public que, justement, les normes qui sont édictées sont sécuritaires. Ils ont les moyens de les faire respecter. Si un réacteur opère en dehors des normes, il est simplement fermé par un édit de la commission de contrôle. On ne peut pas y couper. Je ne sais pas si j'ai brossé... S'il y a des sous-questions, je peux y répondre maintenant.

M. Garneau: Ce n'est peut-être pas la question que je voulais poser au départ, mais comme on est sur le sujet, ce serait peut-être aussi bien, M. le Président, d'essayer de la vider et, après, on pourra parler d'autres choses.

Le Président (M. Laplante): Allez-y!

M. Garneau: Si on se réfère à votre mémoire, vous dites: En 1985, il y aurait 3% de l'énergie électrique produite à partir du nucléaire. Qu'est-ce que cela comporte? Gentilly 1 et Gentilly 2 ou cela comporte-t-il d'autres...?

M. Boyd: En 1985, c'est Gentilly 1 et Gentilly 2. M. Garneau: 1 et 2 seulement?

M. Boyd: Oui. On a fait un chiffre grosso modo de 1000 mégawatts.

M. Garneau: Si vous parlez en termes d'expérimentation et d'avoir à l'Hydro-Québec et au Québec, de façon générale, une certaine connaissance, un certain "know how" dans le domaine de l'énergie nucléaire, deux centrales, soit Gentilly 1 et Gentilly 2, constituent-elles l'équipement nécessaire pour acquérir ce "know how" et développer des compétences dans le domaine nucléaire ou cela prendra-t-ii d'autres centrales?

M. Boyd: C'est pourquoi on recommande qu'il y en ait d'autres d'une façon modérée parce que Gentilly 1 et Gentilly 2, malheureusement, nos ingénieurs y ont contribué, mais pas tellement malheureusement parce qu'ils n'étaient pas prêts à le faire. Nos ingénieurs québécois ne sont pas en mesure encore de dire: On va construire une centrale Gentilly 3 par nous-mêmes. C'est donc pour cela qu'on voudrait, pour les années 1985 à 1990, ajouter, sur un autre site qui n'est pas choisi, une autre centrale. Avant cela, disons à Gentilly 3, on voudrait ajouter une troisième unité qui permettrait d'impliquer nos ingénieurs, nos techniciens, tout notre personnel davantage dans la conception et la réalisation, parce qu'actuellement, notre compétence est limitée à la partie civile du travail, à la partie mise en route, et là, ce n'est pas entièrement... Et même dans la partie exploitation, on a encore recours, dans le cas de Gentilly 1, à des services extérieurs au Québec.

C'est donc extrêmement long de former du personnel. Si on est limité à Gentilly 1 et à Gentilly 2, ceux qui sont là, qui ne verront plus d'avenir dans le nucléaire et ceux qui sont à l'université... Dans le moment, à l'Université de Montréal, il y a tout un groupe qui s'entraîne. L'Hydro-Québec contribue, en fait, en offrant certaines bourses et on essaie de préparer des étudiants, des diplômés qui pourront venir prendre la relève.

Mais si, dès l'université, on se rend compte que le nucléaire au Québec, c'est fini, ceux qu'on a déjà qui ont un certain entraînement de cinq ans, dix ans vont s'en aller dans d'autres domaines ou s'en aller dans d'autres pays où il va s'en faire du nucléaire. Donc, pour répondre à votre question, il faut un minimum, et c'est le programme qu'on a proposé ici, de 1000 mégawatts en 1985, 4000 mégawatts en 1990, 9000 mégawatts en 1995. C'est ce qu'on considère comme un minimum pour garder l'intérêt, continuer à dévelop-

per notre personnel et surtout développer notre industrie. Actuellement, la majorité de l'équipement qui entre à Gentilly 2 vient d'ailleurs parce que les manufacturiers ne sont pas prêts à faire cet équipement spécialisé. S'ils se rendent compte qu'il n'y en aura plus au Québec d'industrie nucléaire, ils ne s'intalleront pas.

Dans l'hydraulique, vous savez, c'est connu depuis longtemps, la politique d'approvisionnement de l'Hydro-Québec — et maintenant la politique gouvernementale est en grande partie semblable — a permis d'implanter au Québec de nombreuses industries. On espérerait pouvoir faire la même chose dans le domaine nucléaire.

M. Garneau: Quel mérite, M. Boyd, y voyez-vous? On parle d'un domaine assez particulier. Je ne suis pas un spécialiste du tout, je ne connais absolument rien là-dedans, mais j'ai été passablement frappé par la conviction des gens qui sont venus témoigner devant nous, qui n'apparaissaient pas, à prime abord, des imbéciles. Quel mérite voyez-vous de faire... Dans le fond, on continue un peu ce que je mentionnais l'autre fois. Vous avez Gentilly 1 et Gentilly 2 en marche. Cela prend d'autres centrales pour avoir plus de personnel spécialisé et finalement vous embarquez dans un processus qui nous amène à 3%, à 5%, à 10%, dans une spirale. Si vous en avez 200 actuellement, vous allez me répondre — ou dans cinq ans aux personnes qui seront membres d'une autre commission parlementaire, peut-être que vous et moi nous ne serons plus là dans dix ans — que cela en prend 400 parce qu'il y en a dans les universités qui se préparent et s'il n'y a pas de débouchés ils vont aller ailleurs. Quel mérite voyez-vous dans un domaine aussi complexe où, pour le moins, ce qu'on peut dire, c'est qu'il n'y a pas unanimité de pensée de la part des scientifiques? Quel avantage voyez-vous au Québec, alors qu'on a tellement d'investissements encore à réaliser dans le domaine hydroélectrique, à accélérer ce processus, à moins qu'on ne nous prouve que ce n'est absolument pas dangereux? Ce qu'on nous a dit était tellement frappant et tellement épeurant que je dois vous dire que vous avez une bonne côte à remonter pour me convaincre. S'il y a une chance — comme on nous disait l'autre fois — sur, je ne sais pas, 100 000 et que les conséquences de cette chance sont tellement énormes, est-ce qu'on a le droit de la prendre? C'est un peu comme cela que je vois le problème et je dis: S'il est pour y avoir dans le domaine de la fusion dont vous parlez, des possibilités assez grandes d'une application du principe dans les années quatre-vingt et d'une application commerciale quinze ans après — cela nous mène en 1995, l'an 2000 — est-ce qu'il n'y aurait pas avantage, pour le Québec, dans ces conditions, à poursuivre la recherche avec tous les établissements internationaux qui la font?

Ne pourrait-on mettre l'accent, nous, d'abord, sur le développement de nos ressources hydroélectriques et ne plus faire de ces centrales pour être capable de se préparer à ce qui va prendre le relais des centrales thermonucléaires qu'on connaît présentement, dans 15 ans ou dans 20 ans, ce qui arriverait un peu à la jonction de la fin de notre exploitation hydroélectrique, et, entretemps, essayer de trouver des méthodes de combler les périodes de pointe, de telle sorte que notre charge de base, dans la période de pointe, puisse devenir un moyen terme entre la période d'été et la période d'hiver, et trouver des voies alternatives en attendant, suivant des processus qui, même s'ils sont coûteux, sont plus conformes avec des normes de sécurité qui seraient acceptées par tout le monde. Je ne vois pas de mérite, en soi, à se lancer, à dire: Développons le nucléaire parce qu'on a besoin de technologie et de spécialistes. Je ne suis pas prêt, personnellement, à accepter qu'on développe des spécialistes dans ce domaine si, dans dix ans, on va tuer la moitié du Québec avec cela.

M. Boyd: Je suis bien d'accord avec vous.

M. Garneau: J'exagère un peu, mais, quand même, l'autre jour, ils nous ont fouté une trouille terrible — en tout cas, à moi — cela n'avait pas de bon sens, ce qu'ils nous disaient, en termes de danger. Tout à l'heure, j'ai écouté l'exposé de monsieur sur ces dangers. Il nous a parlé assez longuement des rejets thermiques, mais il nous a parlé seulement environ deux minutes des rejets qui sont radioactifs et c'est cela qui nous inquiète le plus. En tout cas, je reviens sur le mérite...

M. Boyd: Evidemment, vous avez plusieurs questions...

M. Garneau: II y en a deux, essentiellement. Une sur le mérite, dans les conditions actuelles, compte tenu des capitaux dont on a besoin, de vouloir, mordicus, développer une technologie dangereuse, le moins qu'on puisse dire, à moins que vous nous disiez qu'elle ne l'est pas du tout.

M. Boyd: M. le Président, ce n'est certainement pas pour "développer" des étudiants ou des ingénieurs qu'on veut faire des centrales nucléaires. Ce serait mettre la poule avant l'oeuf, je ne sais pas trop, mais c'est simplement que, si on utilise tout ce qui est hydraulique au Québec, tout ce qui est rentable, et que le gouvernement nous permettrait d'exploiter quand on lui montrerait les chiffres, en 1993, il n'y en aura plus. 1993, ce n'est pas loin! Cela prend au moins dix ans, douze ans, entre le jour où l'on décide qu'on équipe telle rivière et le jour où elle est en exploitation. En 1993, douze ans, cela fait 1981. En 1981, on aura décidé de la dernière rivière au Québec. Après, on n'a plus rien. Les autres formes d'énergie dont vous parlez ne seront pas prêtes en 1993. La thermofusion... J'ai eu le plaisir de faire un certain nombre de voyages avec M. Boulet, quand on préparait le laboratoire de l'Institut de recherche. Je suis allé avec lui à Livermore qui fait partie maintenant de l'Université de Californie. C'était un des grands centres de recherche militaire sur la bombe atomique, dans le temps. Au moment où on y est allé, c'était terminé. Ces gens faisaient une expérience

en thermofusion qui est la chose qui, on l'espère, va avoir un débouché en 1981. Peut-être, le premier prototype en l'an 2000 et, peut-être, le premier appareil expérimental en l'an 2025. Le peu que j'ai vu là, n'étant pas un spécialiste, je vous dis que j'aurais plus peur de cela que de la centrale Gentilly 2!

C'est ce qui nous attend dans l'avenir. Les gens qui seront là à ce moment-là seront probablement bien plus préparés qu'on ne l'est dans le moment à toutes ces choses et je le leur souhaite. Mais c'est notre rôle de vous dire qu'en 1993, si on utilise tout l'hydraulique, il n'y en aura plus.

Les autres formes? Il faudrait se retourner et utiliser des carburants, du pétrole. On vous dit également qu'à partir de 1990 le pétrole, il n'y en aura pas. Le Canada sera grandement déficitaire. Quant au gaz, il y en aura une pointe qui va arriver et qui ne durera pas assez longtemps pour que ce soit valable de bâtir fermement quelque chose là-dessus.

Qu'est-ce qui va nous rester? Du charbon, on n'en a pas. Les Etats-Unis ont des problèmes; ils ont arrêté de produire de l'énergie à partir du charbon à cause de la pollution. Peut-être que M. Volders peut répondre.

M. Volders: Je peux parler une couple de minutes sur les rejets. La sécurité des centrales, on va la prendre comme cela. Je vais diviser cela en deux parties: quand ça marche bien et quand il y a un accident. Prenons l'accident, tout de suite, c'est le pire qui puisse arriver.

A ce niveau, il y a une certaine dose de radioactivité qui est à l'intérieur de la centrale, dans le coeur du réacteur. Il y a un tas de systèmes de sécurité, il y a un tas d'enveloppes protectrices. Prenons le cas où tout cela ne marche pas, en même temps; les barres de sécurité n'arrêtent pas le réacteur, les cinq enveloppes protectrices successives cassent en même temps. C'est la fameuse probabilité, qui était d'ailleurs fausse quand on vous l'a dite, mais c'est encore pire que cela. De toute façon, c'est tellement grand que cela ne veut quasiment rien dire. Une fois sur un milliard, on peut penser que même le dôme de béton qu'on voit se fissure; un certain nuage radioactif peut donc sortir. Ce sont des gaz. Entre parenthèses, dans le processus de fusion, vous auriez exactement ce que je décris ici: une possibilité d'un nuage de gaz de tritium.

Que dit la commission de contrôle à ce moment-là? Je me réfère à elle. C'est quand même elle qui est garante actuellement de la sécurité du public. Ce fameux nuage de gaz radioactif sort du dôme qui vient de claquer. On calcule le maximum de radioactivité qui est dans le réacteur. On a un inventaire de l'uranium qui est là, on a un inventaire de ce qui s'est passé; donc, on peut calculer cela.

Admettons qu'il y a un volume de 100 particules gazeuses radioactives, c'est le maximum du réacteur. La commission de contrôle exige un calcul qui prend les pires conditions météorologiques, c'est-à-dire que, justement ce jour-là, quand tout ce que j'ai dit avant s'est passé, le vent souffle très fort dans la direction du premier village. Dans ce village, il y a une certaine quantité de population. La commission de contrôle exige que l'on calcule la dilution du nuage. Si les premières maisons sont, disons, à deux ou trois milles de là, il faut que la dilution soit suffisante pour que ce qui tombe sur la tête des gens — et chacun va en recevoir une petite dose — soit de 5 rems par personne et par an.

Ce chiffre est une unité de mesure radioactive, mais je vais juste vous le situer par d'autres exemples. La commission de contrôle dit: Si cela se passe — et même le chiffre peut être vérifié, je vous donne juste la philosophie de l'histoire — qu'est-ce que cela donne? Ce qu'on dit, c'est que cette dose est médicalement acceptable. On vous a déjà dit à cette même table que ces normes étaient faites en dépit du bon sens. Je n'entre pas dans le débat, je ne suis pas médecin. Je vais juste vous donner des comparaisons.

Si vous vivez toute l'année assis sur la clôture de la centrale nucléaire — vous êtes donc proche de la radiation; il y en a un peu qui sort — vous allez prendre, toujours en unités dont j'ai parlé, une dose, 5 millirems, on retient ce chiffre.

Si vous buvez toute l'année l'eau qui sort de la centrale — elle est un peu radioactive — vous allez prendre une dose qui est à peu près équivalente à un verre de whisky chaque semaine, parce que, dans le whisky, comme dans tout, il y a de la radioactivité. La dose de 5, si je la compare avec un voyage à haute altitude, Montréal-Vancouver, vous avez pris la même chose. Si vous allez vous faire faire une radiographie dentaire, vous prenez une dose 50, comparée à 5. Si vous regardez un programme de télévision, pendant cinq minutes tous les jours, vous prenez une autre dose 50. Vous prenez une radiographie aux rayons X... d'ailleurs vous savez que les dames qui attendent des bébés ne le font pas. Pourquoi? Parce qu'elles prennent un rayonnement. Elles en prennent 200. Je pourrais vous donner des exemples comme cela! Cela veut dire que, continuellement, nous sommes soumis à une atmosphère où il y a de la radiation. Il y a le fameux rayonnement cosmique qui nous tombe sur la tête. Il donne, lui aussi, une contribution, c'est ce qu'on appelle le rayonnement naturel.

L'homme a vécu avec cela. C'est d'ailleurs, en partie, une cause des mutations qui arrivent, parce qu'on n'est plus les mêmes qu'il y a un certain temps. Je vous donne les comparaisons. Les normes exigées par la Commission de contrôle, comme doses maximales, dans le pire cas d'un accident, avec toutes les hypothèses défavorables que vous voulez, sont des doses acceptables médicalement. J'affirme aussi que ce qui vous a été déclaré au niveau effets somatiques etc., c'étaient des vérités qui étaient dites, sauf qu'elles sont extrapolées dans le cas de doses qui n'existent pas, parce que vous ne ramasserez jamais cela sur la tête, même si votre réacteur craque. Sûrement, s'il y a des réacteurs aux Etats-Unis, vous n'aurez pas sur la tête les radiations qui viennent de là. Tout ce que je vous dis là, on peut le vérifier.

C'est seulement pour vous donner un ordre de

grandeur. On prend sur ia tête, par an, quelque chose comme 200 millirems et vous prenez dans une centrale, au pire, 5 millirems. S'il y a accident, on tolère 500.

C'est donc un peu plus, mais si vous allez faire un séjour de ski en montagne, pendant quinze jours, vous allez aussi les avoir, à peu près, les 500.

On est dans un ordre de grandeur de phénomènes acceptables pour le public. J'ai bien fait la distinction encore. Les normes sont plus sévères pour les travailleurs de l'énergie nucléaire, à l'intérieur. C'est un autre risque, c'est le risque du travailleur de l'industrie nucléaire. Toute l'argumentation qui vous est faite, c'est sur ce fameux risque du nuage qui sort. Je peux continuer, mais...

M. Garneau: Sur l'autre aspect des rejets radioactifs...

M. Volders: Ce sont des rejets radioactifs, mon nuage.

M. Garneau: Non, mais dans l'opération normale, on nous parlait du plutonium, ou je ne sais pas trop quoi, c'est une méchante bibite.

M. Volders: Ah! oui, d'accord. Là-dessus, on a eu l'air de dire, si je ne prends pas trop de temps, M. le Président, que l'uranium se promenait un peu partout dans la centrale. Vous pouvez aller visiter Gentilly, je suppose qu'il n'y aurait pas d'objection si vous en trouvez, vous pouvez le garder en souvenir. De façon très stricte, la Commission de contrôle impose des règles, à savoir comment véhiculer tous ces produits. Il y a toute une réglementation qui, à ce niveau, je dis, est sécuritaire.

Je peux vous dire un mot du fameux plutonium, on en parle, on pourrait voler du plutonium pour faire du chantage. Si vous voulez démolir la ville de New York, prenez de l'arsenic, cela ira plus vite. D'autre part, on a des livres qui circulent. Vous pouvez fabriquer votre petite bombe, oui, si vous disposez d'un laboratoire chimique très évolué pour aller extraire le plutonium de son déchet radioactif. Si vous y parvenez et si vous êtes encore vivant.

Enfin, là, je prends un peu un biais qui fait peut-être moins sérieux, mais je veux seulement dire que la façon dont est présenté cela continuellement, c'est une façon qui n'est pas scientifiquement valable. En termes de crédibilité, on a fait référence au Club de Rome, j'en fais partie. Donc, je n'ai pas à vendre le nucléaire. Je pense qu'il y a une réflexion des besoins. Quels sont nos besoins? Comme on vous l'a déjà dit, on ne propose pas un programme nucléaire pour le plaisir d'en faire. On n'a aucun intérêt là-dedans, mais on accepte cette alternative.

M. Garneau: J'avais des questions à poser sur un tout autre sujet, je ne sais s'il y a d'autres membres de la commission qui veulent vider la question du nucléaire avant qu'on passe à une autre question. Je voudrais revenir sur les périodes de pointe dont vous avez dit quelques mots. Je ne sais pas s'il y en a d'autres... On est peut-être aussi bien de vider cela et puis...

M. Joron: J'aurais une autre question sur le nucléaire.

Le Président (M. Laplante): J'aurais encore cinq intervenants. Il est 3 h 40.

M. Joron: Sur le nucléaire?

Le Président (M. Laplante): Sur le nucléaire, je ne sais pas s'il y en a d'autres.

M. Garneau: J'aurais d'autres sujets à compléter.

Une Voix: Sur le nucléaire, une petite question.

Le Président (M. Laplante): Une petite question, allez-y.

Une Voix: On reviendra à vous.

M. Ciaccia: M. le Président, merci. Les remarques que j'ai faites sur le nucléaire, c'était une réaction humaine sur le mémoire qui nous a été présenté. Vous semblez apporter un autre aspect. Naturellement, nous avons la responsabilité d'examiner, de vraiment poser ces questions, mais, à ce que vous dites, d'après les données que vous nous apportez, que vous avez citées, que penser des faits qui ont été apportés dans le mémoire, par exemple, du Comité de la protection de l'environnement de Lotbinière? On y donne l'exemple d'un accident où des techniciens ont été tués, les corps ne pouvant, à cause des radiations, être préparés pour l'enterrement qu'après une attente de vingt jours, et devant être placés dans des cercueils de plomb afin de protéger les survivants, etc. Dans les autres exemples d'accidents, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire que vous pouvez contredire les faits qui nous sont apportés dans ce mémoire et que vous pouvez nous prouver scientifiquement qu'on n'a rien à craindre? Si c'est un fait, si vous pouvez prouver scientifiquement qu'on n'a rien à craindre, je crois bien que l'attitude du gouvernement devrait être différente. Si c'était une autre opinion, ceci peut donner lieu à une interpellation; mais peut-être que si vous donnez une autre opinion, vous minimisez les effets. Est-ce que vous pouvez clairement contredire ce qui a été présenté et nous dire que nous n'avons rien à craindre?

M. Volders: Je ne vais pas passer le mémoire page par page, évidemment, mais, oui, je pourrais contredire à peu près tous les chapitres qui ont été cités. Ce que je propose, c'est qu'on le fasse par écrit. L'Hydro-Québec est capable de répondre à certaines questions. La commission de contrôle est capable de répondre à certaines questions. L'industrie nucléaire est capable de répondre à certaines questions. Je pense qu'il y a des groupes de scientifiques qui sont mis dans une position

neutre, que ce soient les services de la protection de l'environnement, etc., qui pourront juger et donner un avis autre. Je dis oui, je peux répondre à ces craintes.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. O'Gallagher: On vide le nucléaire avant?

Le Président (M. Laplante): On vide le nucléaire, d'accord.

M. O'Gallagher: C'est encore une question sur les déchets nucléaires. Dans le moment, à Gentilly, où vont les déchets, les radioactifs? Pourriez-vous élaborer votre pensée là-dessus? Vous avez dit dans une matrice, je ne sais pas trop... sont enterrés dans des fosses géologiques stables. Voulez-vous expliciter cela, s'il vous plaît?

M. Volders: Oui, pas expliciter trop, parce que je fais de la planification. Je n'exploite pas la centrale de Gentilly. Je peux vous dire que les déchets, actuellement, sont mis dans une piscine. C'est une piscine réelle, qui est à l'intérieur du fameux dôme en béton, donc, à l'abri de l'extérieur. On y entrepose les déchets de l'opération régulière du réacteur. La capacité de cette piscine est prévue pour tenir 20 ans, quasiment la durée de vie du réacteur ou approximativement. Pour le moment, à Gentilly II, qui est un réacteur expérimental, donc qui ne fonctionne pas continuellement, je pense... Là, je m'avance peut-être, mais, en tout cas, la quantité de déchets qui en est sortie depuis les années soixante, soixante-deux, c'est peut-être en pieds cubes, gros comme la table. Donc, c'est au fond de la piscine, et il n'y a aucun problème à ce niveau-là actuellement. Ce que j'ai dit, c'est qu'on ne les enterre pas tout de suite par un procédé définitif, simplement parce qu'il est possible que, dans quelques années, la filière CANDU ayant évolué, on puisse les reprendre, les retraiter et les rentrer encore une fois dans le réacteur, si ça devient économique. Donc, à Gentilly, pour le moment, pour vous répondre, les déchets restent à l'intérieur du réacteur et ne se promènent pas ailleurs.

Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions sur le nucléaire? Toujours là-dessus? Le député d'Anjou.

M. Johnson: J'ai deux questions. La première touche l'approvisionnement en matières premières dans le cadre d'un programme nucléaire. Est-ce que, dans l'hypothèse où le Québec se lance dans un vaste programme nucléaire, il ne serait pas menacé éventuellement, également, de faire face à une pénurie du matériel premier? Quelles sont les projections à ce niveau-là?

M. Boyd: Vous savez que, surtout l'Hydro-Québec, avec SOQUEM et la Société de développement de la baie James, avec plusieurs groupes, nous faisons actuellement de la prospection pour de l'uranium au Québec, et on nous dit qu'il y a de bons indices. C'est tout ce que je sais dans le moment. Mais la possibilité d'obtenir de l'uranium au Canada même ou à l'étranger est assez grande. On espère fortement qu'il y en aura au Québec, parce qu'il semble que, tout à côté, au Labrador, on en a.

M. Johnson: Une seconde question dans cette perspective. Est-ce que vous croyez, compte tenu de l'avance considérable de l'Ontario dans le secteur nucléaire, que si le Québec se lançait dans le développement du nucléaire — vous avez évoqué tout à l'heure, en parlant des Etats-Unis, du Japon et de l'Europe, de budgets qui étaient de l'ordre de 10 et 20 fois plus grands dans le secteur de la recherche — dans le secteur du développement économique, un programme nucléaire au Québec est viable, compte tenu de l'avance qui existe en termes de génération d'une industrie nucléaire, compte tenu de l'avance du reste du Canada, ou enfin, du continent en gros?

M. Boyd: Si c'était décidé qu'on fait du nucléaire, beaucoup des appareils qui sont achetés ailleurs pourraient être faits ici. Les chiffres dont parlait M. Boulet tout à l'heure, c'étaient des sommes utilisées à des recherches, la plupart du temps, dans d'autres domaines. Je pense qu'il y aurait une possibilité d'augmenter le contenu québécois dans le nucléaire, si on y allait d'une façon assez importante au point de vue manufacturier.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Joron: Oui, je veux souligner que, jusqu'à maintenant, les gens qui nous ont proposé le nucléaire ne l'ont pas fait à cause des mérites en soi du nucléaire. Personne ne nous a dit que c'était souhaitable, que c'était meilleur marché, que c'était plus propre, ou quoi que ce soit. Votre raisonnement est assis sur la prémisse suivante: Non pas parce que c'est souhaitable, mais parce que c'est inévitable. Vous avez dit: En 93, on va avoir épuisé l'hydraulique. Vous avez dit: Mon rôle, ou le rôle de l'Hydro-Québec, c'est de satisfaire à la demande en telle année, et je sais qu'en 93, telle chose va arriver. C'est vrai que ça s'est passé comme ça dans le passé. Il n'y a jamais eu de préoccupation énergétique au niveau du gouvernement comme tel, et l'Hydro disait: Bon! En projetant la demande historique, ou la façon dont les choses se sont déroulées dans le passé, j'arrive à prévoir qu'en telle année, il me faut tant de mégawatts, et ainsi de suite.

C'est là-dessus que vous assoyez votre raisonnement. Mais je vais vous poser la question dans un autre contexte complètement différent qui est celui du contexte actuel et qui est la raison d'être de cette commission-ci qui est l'amorce d'une politique globale, d'un livre blanc sur l'énergie qui, pour la première fois, va dire: Nous, le gouvernement, notre rôle est de choisir combien d'énergie on a besoin en telle année, combien de mégawatts dans le cas de l'électricité, parce que j'ai choisi de donner telle part à l'électricité dans le bilan, parce que j'ai choisi tel type de

rationalisation aussi de l'utilisation de l'énergie, les mesures de conservation, etc, et surtout — et c'est là l'importance capitale de la démarche qu'on fait ici, même si cela n'a pas toujours été apparent — et surtout parce que j'ai choisi tel type de développement économique qui implique un aménagement du territoire différent de ce qu'on a fait dans le passé, de nouvelles façons d'imaginer ou de voir le développement économique du Québec.

C'est le vrai débat dans le fond. C'est curieux parce qu'il n'est pas vraiment amorcé depuis que la commission siège parce que la plupart des intervenants nous déposent leurs prévisions de l'avenir en fonction du passé.

Je comprends que ce n'est pas leur rôle de trancher pour le gouvernement, mais dans un sens, j'aurais souhaité que plus de gens nous invitent à réfléchir sur cela. On ne détermine pas seulement pour "le fun" combien d'énergie on veut en telle année. On le détermine parce qu'on dit: II faut répondre à tel besoin. Alors, ce sont des besoins dont il faut parler; c'est du type de développement économique. C'est tout cela.

Si je vous disais: En l'an 2000, M. Boyd, j'en ai assez de 40 000 mégawatts, me feriez-vous du nucléaire, si je vous disais cela?

M. Boyd: 40 000 mégawatts?

M. Joron: Oui. Attendriez-vous la fusion à ce moment?

M. Boyd: Si vous me disiez cela, je vous dirais que vous seriez très chanceux de l'obtenir, mais je ne crois pas que vous l'obtiendriez.

M. Joron: Comme je vous le dis, cela peut répondre de toute notre politique de développement économique, de notre aménagement du territoire, à quel point on est sérieux quand on parle de rationaliser la consommation actuelle d'énergie, tout cela. Il y a une marge de manoeuvre très large.

M. Boyd: Je comprends, mais 40 000 mégawatts, cela veut dire combien d'augmentation par année?

M. Joron: Cela veut dire à peu près... M. Boyd: En 1985, on va être à 30 000.

M. Joron: Oui. La part de l'électricité dans le bilan aura augmenté considérablement à ce moment.

M. Boyd: Oui, la part de l'électricité, et vous me dites: La part de l'électricité augmenterait à 40 000. C'est ce que vous me dites?

M. Joron: A 40 000 mégawatts, quelle que soit la part que cela représente à ce moment. En d'autres mots, si je vous disais: Le rôle du gouvernement est de dire à l'Hydro-Québec: Combien? Cela ne s'est pas fait dans le passé, mais c'est ce qui va se faire à l'avenir. On va dire: On veut tant de mé- gawatts en telle année. C'est cela une politique d'énergie. Si je vous disais cela, à l'intérieur des 15 000 mégawatts aménageables économiquement dont on a parlé tout à l'heure, insisteriez-vous quand même pour que le programme de développement soit un mélange d'hydraulique et de nucléaire?

M. Boyd: Evidemment, vous me posez une question hypothétique à laquelle j'ai beaucoup de difficultés à répondre parce que je ne crois pas que c'est possible qu'on atteigne 40 000 en l'an 2000. Mais si c'était la décision et la chose à faire, vous n'en auriez pas besoin. En l'an 2010, par exemple, ceux qui seraient là à notre place — parce que j'imagine qu'il n'y a personne de nous qui serait encore là pour décider — auraient un joli problème parce qu'il n'y aurait personne de prêt pour faire du nucléaire. Il faudrait faire venir, je ne sais pas, des Japonais ou je ne sais qui, ou il faudrait avoir présumé que la thermofusion est possible et qu'elle sera un produit commercial. On a vu que l'énergie solaire va nous donner presque rien.

M. Joron: Je reviens à la question que posait le député d'Anjou. Pour répondre à cette argumentation qui veut qu'il faut entraîner notre personnel et qu'il faut avoir un minimum de "know how", etc. et aussi rattaché aux retombées économiques que cela peut avoir au Québec, mais si on en fait seulement un peu, de toute façon, jusqu'en l'an 2000, va-t-on le garder, ce "know how", ou va-t-on avoir les retombées économiques? Combien de centrales cela prend-il pour avoir le "know how" et les retombées économiques?

M. Boyd: Je pense qu'avec le programme minimum qu'on propose on peut l'obtenir; on ne veut pas aller plus vite, mais on veut qu'il y ait une continuité. On veut que les gens qui s'engagent là-dedans veuillent y voir un avenir. S'il n'y a pas de continuité, s'il était décidé par le gouvernement qu'il n'y en a plus après Gentilly 2, c'est une discontinuité et tout le monde abandonne cette histoire. Nous ne serons pas malheureux plus que cela. Parce que pour nous c'est difficile aussi quand cela fait 40 ans et plus qu'on fait de l'hydraulique, ce n'est pas facile de dire: On va abandonner l'hydraulique et on vous suggère du nucléaire. Il y a des tas de gens qui vous content des bêtises et d'autres gens qui vous disent des vérités et il y a des savants entre cela qui se contredisent.

Nous venons vous dire: L'hydraulique, on a toujours eu cela près de notre coeur à l'Hydro-Québec et on est les meilleurs au monde et on vous conte des tas d'histoires. En même temps, on vous dit: En 1993, messieurs, il n'y en aura plus. On est obligé de vous dire celai C'est ce que l'on sait, c'est ce que nos recherches nous donnent. On dit: Après cela, messieurs du gouvernement, qu'est-ce que vous suggérez? Vous nous dites: On ne pose pas les questions. Je pense qu'on a posé un tas de questions. On a donné quelques réponses, mais je pense qu'on a posé plus de questions qu'on a donné de réponses.

M. Joron: Je ne vous reproche pas de ne pas y répondre.

M. Boyd: Je pense que c'était le but et ce n'est pas en deux heures, cet après-midi, qu'on va réussir à vous donner des réponses qu'on n'a pas nous-mêmes ou qu'ensemble on va trouver toutes les réponses. Mais nous vous disons qu'en 1993 il n'y aura plus d'hydraulique. Les autres patentes qui pourraient nous donner de l'énergie, il y a toutes les choses nouvelles et il y a la thermofusion. Ce qu'on n'a pas: on n'a pas de gaz et on n'a pas de pétrole, et le Canada va en manquer dans ces années-là, dans les mêmes années. Il va peut-être arriver du gaz des régions frontalières à des prix fantastiques qui va s'épuiser très rapidement. Je n'ai pas de boule de cristal, mais entre 1993 et 2000, il y a un problème. Il n'y aura plus d'hydraulique et même si nos maisons sont isolées, avec de la laine comme cela à la grandeur et qu'il n'y a pas de fenêtre, tout est bouché, qu'on a tous des petites autos, il va quand même y avoir plus de maisons. Même si les gens n'ont qu'un poêle, la consommation d'énergie va avoir augmenté et on ne pourra pas fournir avec les rivières qu'on possède. C'est notre devoir de vous dire cela! On a l'air de dire: Malheureusement on n'a pas autre chose à vous offrir que du nucléaire.

C'est ce qu'on a l'air de dire et c'est vrai que c'est cela qu'on vous dit. On est des hydrauliciens, mais on pense que le Québec et les Québécois devraient devenir aussi des gens nucléaires.

M. Joron: Je ne vous reproche pas de nous dire cela. Je soulignais que cela va être le rôle du gouvernement de dire aux gens aussi: Peut-être qu'on peut s'en passer si on choisit de consommer moins d'énergie pour des fins différentes de ce qu'on fait aujourd'hui, ce qui implique, finalement, de dire: C'est un modèle de société nouvelle. Ce n'est pas à vous que j'adressais le reproche, mais je déplorais tout simplement qu'on n'en ait peut-être pas assez parlé dans cette commission-ci, parce que c'est cela qui sous-tend toute la politique de l'énergie.

M. Boyd: Je suis bien d'accord avec vous, M. le ministre. Je vous ai dit qu'on allait sortir, dans quelques semaines, notre rapport sur la conservation de l'énergie. En fait, on.va changer le mot, on va appeler cela l'économie de l'énergie, parce que...

M. Joron: Selon les bons usages de la langue française on devrait parler d'économie.

M. Boyd: ...conservation n'est pas le bon mot. Là, on va recommander des méthodes auxquelles nous pensons. On va vous fournir ce qu'on pense comme méthodes pour économiser l'énergie. Mais, même à cela, il va y avoir une augmentation inévitable. La croissance zéro de l'énergie, je n'y crois pas.

Je crois que c'est vous-même qui nous avez parlé de la Suède. Comment font-ils en Suède pour vivre avec des croissances inférieures aux nôtres? Le contexte est différent.

M. Joron: Une consommation, per capita, d'énergie beaucoup moindre et pourtant un niveau de vie supérieur au nôtre.

M. Boyd: Ils paient beaucoup de taxes en tout cas, plus qu'au Québec. Premièrement, ils sont plus près du Gulf Stream. Il y a une partie du Québec et une partie de la Suède qui n'ont pas besoin de toute la chaleur dont on a besoin ici, de la chaleur artificielle. C'est un pays qui, en bonne partie, est plus chaud que le nôtre. Deuxièmement, le pays est beaucoup plus petit, les autos sont plus petites; les transports sont moins longs et ils font de plus petites voitures. A part cela, ce sont des gens plus disciplinés qu'on ne l'est. Troisièmement, chez nous, c'est l'industrie primaire qui utilise beaucoup d'énergie comme on en a parlé au début. Je vous ai dit que j'étais contre cela. En passant, je peux vous dire que l'uranium enrichi, on n'en a pas parlé non plus mais peut-être qu'on pourra en parler. Si c'est fait pour être exporté, je suis contre cela aussi. Si c'est fait parce qu'on en utilisera, je serai pour cela. Le fait, c'est que c'est un pays qui est différent du nôtre et je vous donne trois des raisons pour lesquelles il emploie moins d'énergie que nous.

M. Joron: Ce n'est pas chaud, au mois de janvier, à Stockholm.

M. Boyd: Les petites routes, peut-être qu'on peut rapprocher nos villes, je ne sais pas. On peut diminuer les autos et on peut mieux isoler nos maisons.

M. Joron: Remarquez là-dessus qu'on se conte bien des peurs sur la grandeur de notre territoire, parce qu'il ne faut pas oublier que 85% de la population du Québec vit dans un territoire qui n'est à peu près pas plus grand que la Belgique. C'est encore bien plus petit que la Suède. On vit bien plus concentré qu'on le pense.

M. Boyd: Malheureusement, M. le ministre, les 15 000 mégawatts qui nous restent...

M. Joron: C'est pour chauffer les autres, cela.

M. Boyd: ... après les 10 000 de la baie James, il y en a 15 000 autres qui sont presque tous dans ce coin-là et plus loin encore. Il faut aller les chercher.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Je pense que les choix qui devront être faits d'ici quelques années ne sont pas faciles. Le mémoire qui nous est présenté aujourd'hui démontre bien la difficulté de l'option que devra prendre le Québec.

Comme je le mentionnais aussi, au début de la

commission, je pense que les problèmes sont peut-être un petit plus gros que les solutions qu'on peut y apporter, parce qu'il y a quand même des voies sans issue là-dedans et des échéances bien précises sur lesquelles il va falloir prendre des décisions.

J'aurais une couple de brèves questions, M. le Président, mais j'aimerais peut-être les faire précéder d'une petite remarque. C'est que le M. Untel, tout à l'heure, a mentionné qu'il serait peut-être préférable, en matière nucléaire, de laisser la décision aux scientifiques. Disons que je relève un peu ce propos, parce que je pense que la décision est quand même d'abord politique et pour des raisons bien précises aussi. M. Untel disait qu'on aurait comme garantie la responsabilité scientifique, c'est-à-dire les hommes de sciences en la matière, mais on a eu aussi, à cette même commission, des gens qui sont venus, qui sont aussi des scientifiques et qui nous ont démontré qu'il y avait quand même différentes lignes de pensée en matière de responsabilité scientifique. Devant cela, je pense que doit s'allumer un petit peu le signal de prudence en ce qui concerne ces considérations. Je pense que c'est un scientifique ou que ce sont des scientifiques qui ont inventé, qui ont créé la bombe atomique et, à ce que je sache, je ne pense pas que ce soit du matériel pour les arts plastiques des maternelles. Je pense que c'est quand même une réalité qu'on doit considérer pour réévaluer peut-être cette notion de responsabilité scientifique. Il faut bien se placer dans l'optique... Disons qu'il y a des hommes de science qui vont peut-être conscientiser davantage les conséquences possibles à moyen et à long terme de certaines décisions en matière d'énergie et en ce qui concerne le nucléaire ou le laser ou d'autres sources d'énergie possible alors que d'autres seront peut-être plus pratico-pratiques immédiatement, dans le sens qu'on va chercher une rentabilité immédiate. J'en viens à une question. On dirait qu'à ce sujet aussi, M. Boyd, vous donnez non seulement l'impression, vous le dites directement, que la seule alternative possible devient le nucléaire comme un moindre mal jusqu'à un certain point, c'est-à-dire que la seule solution viable, à court terme, qui peut nous donner les sources d'énergie dont on a besoin, serait le nucléaire. Est-ce que vous admettez aussi, en même temps, que votre responsabilité comme telle, en tant qu'Hydro-Québec, c'est justement de trouver les options d'énergie, mais peut-être pas d'avoir cette première préoccupation de surveiller les autres effets secondaires qu'il pourrait y avoir aussi, en matière d'initiation nucléaire. C'est-à-dire que votre première préoccupation n'est pas de regarder les conséquences négatives qu'il pourrait y avoir, mais de chercher des solutions à court terme.

M. Boyd: Je vais répondre à vos deux questions. Notre responsabilité est de trouver l'énergie qu'il faut pour répondre à la demande, mais on ne doit pas considérer seulement le côté négatif, je pense qu'on doit considérer les deux aspects, le positif et le négatif.

Si on recommande le nucléaire et si on a l'air de le faire un peu à regret, c'est qu'on aimerait bien mieux pouvoir vous dire: On a du gaz quelque part ou on a de l'huile ailleurs. Malheureusement, ce n'est pas possible.

Alors, on dit: l'hydraulique, il n'y en aura plus! Cela fait douze ans qu'on fait des recherches à l'Institut de recherche et qu'on dépense des millions pour le faire. J'ai ici un rapport préparé par un spécialiste du General Electricity Board, United Kingdom, qui résume tout ce qui se fait dans le monde, en ce qui a trait aux choses nouvelles. On se tient au courant, on essaie de trouver ce qui pourrait être mieux.

Celui-ci dit la même chose, ce sont les "fossil fuels" ou bien le nucléaire. En Angleterre, ces gens sont chanceux, ils viennent d'en trouver. Ils vont peut-être sortir du pétrin avec cela. Nous, on n'en a pas.

Les conséquences négatives du nucléaire, on les considère et on les traite très sérieusement. Il y a quatre protections, l'une par-dessus l'autre, qui sont prises à Gentilly 1. S'il y en a une qui fait défaut, il y en a une deuxième, une troisième et une quatrième. Il n'y a presque pas moyen que cela fasse défaut.

On n'a pas fini de chercher. On ne vous dit pas: Précipitez-vous dans le nucléaire ou permettez-nous de nous précipiter dans le nucléaire. Si vous lisez les débats de l'assemblée précédente de la commission parlementaire des richesses naturelles, j'ai été un de ceux qui vous ont le plus recommandé d'aller à l'hydraulique, de continuer avec la baie James. Je ne veux pas rouvrir ce sujet. On a fait le tour du jardin et du territoire québécois et l'hydraulique, c'est numéro un. Si on avait autre chose, on vous le proposerait. Après toutes nos recherches, c'est le nucléaire.

Quant à la question de savoir si ce sont les savants qui doivent décider, je pense bien que ce n'est pas cela que M. Volders voulait dire. Du moins, moi, ce n'est pas comme cela que je l'entends. Je pense que M. le ministre a parlé d'un référendum à une séance précédente. Je ne crains pas un référendum. Il y en a eu ailleurs sur cette question, il y en a eu au mois de novembre pendant les élections présidentielles aux Etats-Unis. Dans quatre Etats, on a tenu un référendum sur le sujet, en même temps qu'on faisait les élections présidentielles aux Etats-Unis. Dans les quatre Etats où il y a eu référendum, ceux-ci ont voté en faveur des centrales nucléaires aux Etats-Unis.

C'est comme cela que cela s'est fait. Cela s'est fait après que les gens ont été bien renseignés. C'est cela peut-être qu'il voulait expliquer. Je recommanderais, avant qu'on passe à la phase d'un référendum, que le problème soit étudié à fond et sérieusement, qu'on fasse venir tous les experts qu'on voudra, qu'ils soient pour ou contre, que ces gens-là étudient et qu'ensuite, on informe. Nous avons essayé d'informer, à un moment donné, et on a fait peur. On a fait une erreur. On les a avertis...

M. Brochu: Je vous remercie de l'explication

dans ce domaine-là. J'aurais une deuxième question, si vous le permettez. Vous avez parié de Gentilly également. Je pense qu'on n'est pas les seuls à se pencher sur le problème, les Etats-Unis et d'autres pays dans le monde ont un peu la même préoccupation actuellement, dans le sens du référendum.

Je sais qu'aux Etats-Unis, en ce qui concerne les centrales nucléaires, les gens ont, de par la loi américaine, l'obligation d'établir des plans d'évacuation en cas de difficultés qui peuvent survenir à ce chapitre. En ce qui concerne Gentilly, au Québec, est-ce qu'il existe un plan d'évacuation en cas de catastrophe ou de problème majeur qui pourrait se produire? Est-ce que l'Hydro-Québec possède ces plans d'évacuation? Est-ce que cela a été mis au point?

M. Volders: Je vous répondrai que toute industrie pétrochimique ou autre et nucléaire, à Gentilly, doit soumettre un plan d'évacuation. C'est toujours le cas, c'est une sécurité essentielle. Je suppose que cela répond à votre question.

M. Brochu: A présent, est-ce que l'Hydro-Québec a déjà rendu publics ces plans d'évacuation, de sorte que la population des environs — on donne un certain secteur, à un moment donné, d'évacuation — puisse y avoir accès, en cas de problèmes?

M. Volders: Je dois vérifier, mais je pense que, légalement, les plans sont déposés à la municipalité, ce qui me paraît évident. A ce moment, la décision se fait comme cela.

La collaboration avec la population de Gentilly peut être prise en exemple. Ce serait intéressant de la visiter, quand vous le désirerez, pour voir la façon dont les rapports se sont établis, depuis des années, entre l'Hydro-Québec et les agriculteurs, etc.

M. Brochu: Je soulève la question parce qu'il semblerait que, justement, ce plan d'évacuation ne soit pas connu dans la région. A ce moment, je me posais la question suivante: Pourquoi un plan d'évacuation, si la population concernée, dans les environs de Gentilly, n'est pas au courant, y compris la population de Trois-Rivières?

M. Boyd: Cela devrait faire partie de l'information qu'on doit donner, si on ne l'a pas donnée. On va la donner.

M. Brochu: L'Hydro-Québec pourrait-elle déposer ce plan?

M. Boyd: Oui, c'est de l'information qu'on devrait donner et qu'on va s'engager à donner. C'est une petite partie de l'ensemble de l'information qu'il va falloir donner à la population par les media.

M. Brochu: Parce que, justement, cela fait partie du fond du débat. Il y a un plan parce qu'il y a danger; s'il y a danger, on saura de quelle nature et jusqu'où il y a danger. Cela a sûrement été étudié, si on a préparé le plan en conséquence. D'accord.

M. Volders: Excusez-moi, on me donne seulement une précision. C'est que la sécurité civile et tous les corps policiers ont ce plan à Gentilly. Il a déjà été diffusé à ce niveau. L'application de ce plan est coordonnée par la protection civile qui est organisée.

M. Brochu: Est-ce que c'est un plan unique ou s'il fait appel à un autre plan d'ensemble pour la région, de sorte que ce ne soit que certaines données du maître plan qui soient données aux agents de protection?

M. Volders: Vous voulez dire pour la région? Excusez-moi.

M. Brochu: Est-ce que les éléments d'information que vous avez donnés, soit aux corps policiers ou aux différentes agences de sécurité, sont seulement une partie du plan global d'évacuation ou si c'est vraiment le plan d'ensemble qui a été préparé par l'Hydro-Québec?

M. Volders: Cela doit être le plan global, mais je vous signale seulement que c'est spécifié par la commission de contrôle, la région qui est sous surveillance.

M. Brochu: Cela englobe, je pense, jusqu'à la ville de Trois-Rivières.

M. Volders: Cela devrait être à peu près quarante kilomètres, si je me souviens bien, aux alentours du site, mais...

M. Brochu: Oui.

M. Volders: ... j'ai eu l'information; elle est donnée aux protections civiles locales.

M. Boyd: M. le Président, si vous le permettez, on pourrait répondre par écrit à cette question, en l'adressant au secrétaire de la commission ou à vous-même.

M. Brochu: J'apprécierais énormément que le document soit présenté à la commission dans ce sens. Merci!

Le Président (M. Laplante): M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: Plusieurs des questions que je vais aborder ont déjà été touchées; c'est pourquoi je serai plus bref. Je voudrais peut-être faire un commentaire, quoique M. Boyd ait déjà nuancé ou interprété les propos de spécialistes au niveau nucléaire sur le rôle que la population pouvait jouer face à une décision concernant le nucléaire. Pour ma part, il est évident que, si on limite le dialogue entre les spécialistes, on voit ce que cela donne

jusqu'à maintenant. Là aussi, c'est limité. Je veux dire: On peut rêver d'une société technocratique où les spécialistes et les hommes de sciences décident de tout, mais je pense que ce n'est pas le genre de société qu'on veut bâtir à l'avenir. Si on prend l'exemple du passé, il y a eu des spécialistes, dans un tout autre domaine qui, à un moment donné, ont rêvé de polyvalentes. Tout le monde était contre, à ce moment. Les professeurs étaient contre; les parents étaient contre, les dirigeants de commissions scolaires étaient contre; on a imposé le projet quand même. Depuis ce temps, on se rend compte que tout le monde avait raison, sauf ceux qui pensaient avoir raison.

C'est un projet d'un tout autre ordre, mais je ne pense pas que, déprime abord, la population comme telle doive être laissée pour compte dans ce débat qui implique, quand même, une certaine conception qu'on peut se faire de la société et des risques qu'une société peut prendre.

Le deuxième point que je voulais aborder, c'est la question du référendum. Vous avez indiqué que l'Hydro-Québec n'était pas contre le référendum. Je voulais vous poser la question, parce que c'était lié à la perception, Si on veut limiter le débat entre les spécialistes, c'est évident qu'il n'est plus question de référendum, comme le ministre a émis l'hypothèse qu'il y en ait un s'il fallait qu'il y ait développement du nucléaire au Québec. Vous avez également répondu à cette question.

Alors, je me limiterai au troisième point qui est ceci, à la lecture de votre rapport, je me suis dit: II y a tous les arguments dans votre rapport pour le détruire lui-même, sur son fondement même, l'idée de la croissance. Vous dites: Nos prévisions en besoins pour 1985 et pour 1995 sont fondées sur l'intervalle entre la croissance moyenne et la croissance maximum. Vous dites: Nous planifions le développement de l'Hydro-Québec à partir de cette hypothèse. Si on prend l'autre hypothèse et qu'on planifie le développement des besoins énergétiques, spécialement électriques, entre la croissance faible et la croissance moyenne, le type d'économie qu'on fait à partir de ce plan, de cette décision, déjà, pourrait peut-être rendre inutile l'étape de la fission nucléaire. C'est peut-être nous faire sauver cette étape que d'autres rapports ont jugé précaire et, disons, très brève dans l'histoire du développement énergétique.

Egalement, si on ajoute à ceci l'hypothèse d'un changement de types d'industrialisation du Québec ou de choix d'entreprises industrielles du Québec, cela pourrait faire économiser pour l'avenir d'énormes quantités d'énergie. Quand je regarde vos chiffres, on dit: En 1990, le nucléaire pourrait compter pour 9% du but, environ 4000 mégawatts. Alors, 4000 mégawatts de plus ou de moins.

Si on choisit la deuxième hypothèse, combien économise-t-on en choississant la deuxième hypothèse d'une croissance entre lente et moyenne, plutôt que l'hypothèse de la croissance entre moyenne et forte? Cette économie peut peut-être nous faire économiser l'étape du nucléaire. En somme, je pousse plus loin ou dans une perspec- tive un peu différente la question que le ministre Joron soulevait tantôt. Si on choisit un autre type de croissance avec un autre contenu, est-ce que vous ne pensez pas qu'on peut économiser cette étape, quand on regarde les chiffres que contient votre mémoire?

M. Boyd: Evidemment, selon notre rapport, si vous prenez la croissance économique faible — mais je pense qu'il n'y a personne ici qui voudrait que le Québec ait une croissance économique faible — on pourrait reporter le problème du nucléaire à plus tard. Je ne pense pas que personne d'entre nous, les Québécois, veuille une croissance économique faible, du moins c'est notre interprétation.

M. Joron: Si vous permettez, M. Boyd, je m'excuse de vous interrompre, je pense que ce que le député de Rimouski voulait dire, c'est qu'il pourrait aussi y avoir une croissance économique forte, mais je requérant pas une croissance équivalente de consommation énergétique, si on change le type de croissance économique. C'est cela qu'est tout le noeud de la question.

M. Boyd: C'est possible, mais comme je le disais tout à l'heure, les demandes, les besoins, c'est une question d'interprétation, d'opinion. A notre avis, ce serait pousser le problème un peu plus loin, c'est tout. Le problème se poserait quand même avant l'an 2000.

M. Marcoux: Bon, justement. A ce sujet, sur le temps, on raisonne aujourd'hui comme si la recherche scientifique allait se passer comme dans les centaines d'années passées. Cela a pris tant de milliers d'années avant qu'on fasse quelques progrès scientifiques. Dans l'espace d'une cinquantaine d'années, on a fait des progrès scientifiques fantastiques. On raisonne encore comme si la courbe des progrès scientifiques allait avoir une croissance moyenne, alors qu'on ne peut pas imaginer, d'ici 25 ans, ce qui va être trouvé comme méthode de profiter des ressources énergétiques. C'est sur cela que je trouve que votre mémoire est faible. On raisonne comme si la croissance des progrès scientifiques allait être stable, alors que si on regarde depuis une cinquantaine d'années, cette croissance n'est pas stable, elle est plutôt exponentielle.

M. Boyd: M. le Président, là-dessus, M. Boulet vous a donné des renseignements. On pourrait vous en donner, si vous en voulez davantage, et si on n'a pas le temps, on vous inviterait à l'Institut de recherches, ceux qui sont intéressés. On est au courant de ce qui se passe partout dans le monde, dans les centres de recherches. EPRl, c'est l'association de toutes les utilités américaines qui se sont formées ensemble pour faire les recherches à moindre frais. C'est un centre de recherches pour toutes les utilités électriques américaines. Je pourrais vous nommer tous les autres pays. On travaille pour eux et ils travaillent pour nous. On travaille

avec eux. Donc, on sait ce qui va être possible dans quinze ans d'ici et on sait ce qui ne sera pas possible avant cinquante d'ici.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, député de Matane.

M. Bérubé: J'aurais, essentiellement peut-être, deux critiques à l'esprit en abordant votre rapport. C'est relié à l'option que vous nous proposez, l'option du nucléaire. Ces critiques sont de deux ordres: D'une part, c'est une critique dans laquelle je reprends essentiellement la position du député d'Anjou, qui est l'approvisionnement en matière première nucléaire et, d'autre part, la technologie nucléaire, qui pourrait être discutable, que vous prenez. Je m'explique. Je passerai à la question éventuellement.

D'une part, il m'apparaît, alors que vous avez fait une bonne étude, enfin, rapide, mais quand même suffisamment explicite, sur les approvisionnements en pétrole, en gaz naturel ou autres pour vous amener au nucléaire, que la partie qui traite comme telle de l'approvisionnement en matière nucléaire, en uranium, me semble assez faible. Il n'y a qu'un paragraphe. Vous nous parlez d'une politique du fédéral — Dieu la bénisse! — qui va nous permettre d'avoir de l'énergie pour 30 ans. Quand on construit une centrale cependant, étant donné une autre partie de votre rapport où vous mentionnez la nécessité d'éliminer les distorsions dans les prix de différentes sources d'énergie, cela pourrait nous conduire à la situation suivante: En France, on adopte résolument la filière nucléaire, avec un quadrillage systématique de l'ensemble du pays. On voit un peu la même chose en Allemagne. Même les constructions de centrales aux Etats-Unis ont tendance maintenant à reprendre. Cela veut donc dire qu'il faut s'attendre, d'ici à un certain nombre d'années, à une demande considérable en uranium. Moi, je préférerais qu'on puisse m'amener, au Québec déjà, des réserves prouvées d'uranium, ce qu'on n'a pas encore trouvé. Par conséquent, il m'apparaît que cette politique, que vous nous proposez, repose sur l'hypothèse qu'il existera un approvisionnement en uranium, ce que, malheureusement, on ne voit pas de façon claire dans votre rapport. Il me semble que baser une politique de développement de l'uranium, sans savoir si on a la source, c'est beaucoup plus dangereux, même que de la bâtir sur la base du gaz naturel, où on sait qu'il y en a quand même certaines réserves, ne serait-ce que dans le delta du Mackenzie, mais ne se sont pas encore prouvées économiques.

Donc, ma première remarque, c'est relié à cette hypothèse de stabilité des approvisionnements qui me semble discutable.

La deuxième hypothèse, c'est que vous invoquez comme nécessité d'entrer dans l'électronu-cléaire essentiellement la nécessité de se familiariser avec une nouvelle technologie, qui pourrait être une technologie d'avenir. Or, évidemment, on base notre système sur le système CANDU. Le système CANDU, il m'apparaît, à la suite de certaines lectures, qu'il s'agit effectivement, d'une part, d'une filière économique; d'autre part, elle ne se prête pas, cette filière, à la regénération du combustible, sauf, du moins, pour le thorium, que je ne connais pas. C'est contraire donc à la filière des sources génératrices du type Phénix français, par exemple. Cela voudrait donc dire qu'on va prendre une filière qui peut avoir des avantages immédiats intéressants pour un pays, qui n'a pas de ressources électriques et qui doit en chercher désespérément. Donc, on prend une filière qui est peut-être bien adaptée à la situation actuelle dans le domaine de l'électronucléaire, en vue de résoudre un problème de pénurie d'électricité dans 15 ou 20 ans, au moment où, justement, cette filière risque de ne pas être rentable, que ce soit les sources génératrices. Est-ce que ce n'est pas, à ce moment-là, faire la transition trop rapide? Est-ce que ce ne serait pas plus avantageux de mettre nos oeufs dans le panier de l'hydroélectricité et, en fait, d'attendre que la technologie nucléaire ait suffisamment évolué pour qu'éventuellement on puisse faire un choix plus rationnel?

Ce sont essentiellement deux questions liées, premièrement, à l'approvisionnement, et, deuxièmement, à la technologie que vous adoptez.

M. Boyd: Quant à la deuxième, concernant le système CANDU, vous êtes sans doute au courant que le CANDU est en train de mettre au point le CANDU avec uranium légèrement enrichi, qui va être presque une révolution au point de vue possibilité de production.

Quant aux approvisionnements, il n'y en a pas de quantité commerciale connue au Québec, à notre connaissance, à nous. Il y a cependant plusieurs sites potentiels, et les gens responsables en font la prospection. Mais dans le monde, il y a beaucoup d'uranium à l'état naturel et il y en a au Canada pour assez longtemps. Tandis que le pétrole, on sait qu'il n'y en pas pour longtemps. On sait que dans le monde, il y a de l'uranium à l'état naturel, et on espère bien qu'il y en aura au Québec assez pour satisfaire nos besoins. Mais c'est relativement facile de s'en procurer à l'extérieur du Canada même, tandis que le pétrole, on sait qu'on ne pourra pas s'en procurer au Canada, ni ailleurs avant la fin du siècle.

Le Président (M. Laplante): Le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, je comprends qu'en me redonnant la parole, on met un terme au nucléaire comme tel. C'est cela? Parce que je voudrais aborder un autre sujet...

Le Président (M. Laplante): Allez-y.

M. Garneau: ... qui nous reporte non pas à l'an 2000, mais un peu avant dans votre première partie, puisqu'il s'agit d'aller jusqu'en 1980.

Quand on regarde certains des documents que vous publiez, on constate que la demande... Je prends cela dans le dépliant que l'Hydro-

Québec émet lorsqu'elle va sur les marchés financiers. A la page 10 du dépliant d'octobre 1976, on donne ce que vous appelez le "primary peak requirements". En 1971, il était de 9492 mégawatts et, en 1975, de 14 054 mégawatts, ce qui donne, au cours de ces cinq années, une augmentation de 48% à peu près, aux environs de 48%, avec des sauts assez surprenants dans la croissance annuelle: 1972 par rapport à 1971, 7%; 1973 par rapport à 1972, 22%; 1974 par rapport à 1973, 1,8%; 1975 par rapport à 1974, 11%.

Si on prend une moyenne des cinq ans, cela donne 48%. Dans l'hypothèse d'une projection comme celle que vous faites, je m'aperçois que lorsque vous parlez de 30 000 en 1985, vous arrivez à peu près à 50%, c'est-à-dire que cela double à tous les dix ans à peu près... Vous arrivez à 31 500 ou 30 000 mégawatts en 1985, et ceci est basé sur la tradition, c'est-à-dire que vous faites l'hypothèse que la demande qui était laissée à elle seule a crû au cours des cinq dernières années — 1970 à 1975 — de 48%.

Si la politique énergétique québécoise s'oriente d'abord vers une consommation ou une économie d'énergie par toutes sortes de réglementations et que pour autant que cela soit possible on demeure dans les hypothèses de pouvoir modifier la structure industrielle... Je ne sais pas comment on peut l'atteindre, mais, de toute façon, on semble avoir assez d'optimisme du côté gouvernemental. Donnons-lui le bénéfice du doute et disons que la politique qu'on mettra de l'avant pourra restreindre d'un certain pourcentage la consommation de l'énergie et qu'au lieu de marcher à 48% ou à 50%, dans cinq ans, on réussisse à couper cela en deux, en partie à cause des transformations au niveau de la consommation de l'énergie dans le secteur industriel, qui serait modifiée ou orientée d'une façon différente et en partie à cause de la consommation qui serait moindre, soit à cause des mesures prises pour économiser l'énergie ou encore pour en sauver par des questions de réglementation dans le cas du bâtiment, et qu'on fasse une projection à ce moment, moindre — je l'estime à 25% — on arriverait, sur cette base, en l'an 2000, au chiffre que donnait le ministre tout à l'heure, à peu près 40 000 mégawatts, 42 900 mégawatts que j'ai obtenus rapidement en multipliant par 25.

Ne serait-ce pas plus logique et serait-il possible, dans le cadre d'une disponibilité de capitaux qui est quand même relativement rare...? Evidemment, on voit le programme d'emprunts de l'Hydro-Québec pour compléter la baie James et si on fait la projection pour mettre en marche des centrales qui seraient encore plus dispendieuses — parce que comme vous le disiez, les rivières se font difficiles d'accès — n'y aurait-il pas avantage à ce moment d'orienter la politique de l'Hydro-Québec vers la fabrication et la production de l'énergie électrique avec un taux de croissance qui serait plus raisonnable, quitte à ce que des mesures soient mises de l'avant par le gouvernement pour restreindre cette demande et, ainsi, répondre à cette demande des Québécois à partir d'une technologie bien connue qui a des retombées économiques considérables pour le Québec et qui s'inscrirait, véritablement, dans une politique de l'énergie?

Cela me répugne un peu de penser que l'effort de l'ensemble de l'appareil étatique va s'orienter vers une politique de l'énergie et qu'on fasse nos projections d'investissements comme si rien n'était changé. Evidemment, j'ai soulevé ce problème à d'autres commissions parlementaires, mais cela me frappe assez de voir qu'on bâtirait notre politique d'énergie à l'avenir comme elle a été faite au temps où il n'y avait pas de danger, où personne ne parlait de pénurie d'énergie.

M. Boyd: Premièrement, notre prévision, jusqu'en 1985, n'est pas basée seulement sur la projection du passé. On utilise la projection du passé, mais on emploie d'autres méthodes démographiques et économiques qu'on a exposées ici l'année passée, qui nous donnent les chiffres de notre prévision. Vous dites: Si le gouvernement nous dit: Au lieu de 7 3/4%, vous allez croître à 6%. S'il nous le disait, on ferait cela. D'un autre côté, on propose également que le rôle de l'électricité augmente dans la province par rapport au gaz et aux hydrocarbures et surtout au pétrole. On ne peut pas avoir l'un et l'autre. Si le gouvernement nous dit: Croissez à un taux de 5 1/2%, 6% par année, je vous dis: On le fait. A ce moment-là, on fait seulement de l'hydraulique et on aura moins d'investissements à faire. C'était votre autre point. A ce moment-là, le gouvernement va devoir essayer aussi de diminuer la consommation totale d'énergie, parce que dans le moment on représente seulement 22%. On propose qu'on aille à 40% puisque c'est québécois. Le gouvernement va avoir à prendre cette décision aussi, ce qui fait que l'Hydro-Québec va rester à 22% ou va descendre à 12% ou va aller à 40%; peu importent les chiffres, le gouvernement va avoir une décision à prendre là-dessus... Il peut nous dire d'aller à 5% ou 6% par année.

Vous vous inquiétez des investissements de l'Hydro-Québec. Dans les investissements de l'Hydro-Québec, on vous démontre depuis longtemps que 70%, 75% des sommes restent au Québec. Donc, cela crée des emplois dans l'industrie manufacturière. Vous pouvez aller à d'autre chose, vous pouvez réduire la masse totale d'énergie qu'il vous faut pour le Québec. Nous prévoyons que pour l'ensemble du Québec, toute forme d'énergie comprise — il en faut un paquet même s'il y a des mesures gouvernementales et des mesures de persuasion et toutes sortes de mesures auxquelles tout le monde voudrait participer pour économiser l'énergie, il va quand même y en avoir besoin de plus que ce qu'on va produire, parce qu'on va aller en diminuant à l'Hydro-Québec au lieu d'aller en augmentant.

On calcule qu'en 1985 l'argent qu'on va sortir du Québec pour acheter des hydrocarbures va représenter $4 milliards, dans le moment, avec les courbes actuelles d'énergie. $4 milliards vont donc sortir du Québec pour acheter des hydrocar-

bures. Et on s'inquiète parce que l'Hydro-Québec va avoir à emprunter $2 milliards! Les $2 milliards on va aller les chercher et qui va payer l'électricité, l'énergie? Dans tous les cas c'est le consommateur qui paie l'électricité. Ce n'est pas le gouvernement qui subventionne l'Hydro-Québec, jusqu'à maintenant. Cela n'a jamais été fait. Alors, les consommateurs vont payer l'électricité et, avec les tarifs qu'il faudra, l'Hydro-Québec sera en mesure de rembourser ses investissements. D'un autre côté, il va nous rester quelque chose comme industrie, des retombées. Vous y allez en hydrocarbures et il vous faut une même masse d'énergie. Si vous demandez à l'Hydro-Québec d'en produire moins, elle va en produire moins et vous allez être obligé d'aller en acheter plus. Vous allez sortir du Québec plus d'argent et il va être payé par les même gens qui vont avoir consommé parce qu'ils ont besoin d'énergie.

Evidemment, ce sont des questions assez lourdes de conséquences et nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses; on pose des jalons d'après notre expérience et on recommande des choses. Je sais qu'il y en a plusieurs qui ne les ont pas étudiées à leurs limites. Il y a aussi une limite à la réduction de la consommation de l'énergie au Québec.

M. Garneau: J'ai deux autres questions assez courtes, M. Boyd. Dans ce même document que je citais tout à l'heure, on donne le "primary peak requirement" qui était 14 000 mégawatts en 1975. Quelle était la période de la plus basse consommation durant l'année? Quelle différence y a-t-il entre le bas et le haut de la courbe de consommation? Tout à l'heure, vous avez fait écho à une étude qui devait être publiée incessamment pour donner la répartition de la charge qui est appliquée au réseau.

M. Boyd: On en a 14 000 en hiver, disons en décembre. Quel est le maximum d'été?

M. Garneau: C'est cela. Si on avait le chiffre pour 1975, on me permettrait de faire la comparaison.

M. Boyd: Pour l'été. La pointe d'été est d'environ 60% ou 65% de la pointe d'hiver.

M. Garneau: Cela veut dire environ 6000 à 6500 mégawatts. 8000?

M. Boyd: Oui. Il y a une différence assez importante.

M. Garneau: Quand on regarde cette période de pointe, la période de crue de la courbe de consommation, comment cela se répartit-il dans le temps? Vous nous donnez ces chiffres-là pour le mois de décembre. Le mois de décembre, c'est la période de fine pointe, j'imagine, en termes de consommation. Est-ce qu'on peut dire que la demande d'énergie pour les mois de novembre, décembre, janvier et février tire à une capacité sem- blable à celle de décembre ou si la longueur de cette période...

M. Boyd: Selon certaines courbes qu'on a, c'est environ décembre, janvier, février. Il n'y a pas tellement de différence. Le creux est d'habitude en juillet.

M. Garneau: Ce doit être à peu près la même chose pour les mois de juin, juillet et août, j'imagine?

M. Boyd: Le creux est en juillet et c'est à cause de toutes les vacances, etc. Les trois mois maximaux, c'est décembre, janvier et février. Actuellement, quand on a des surplus, on les vend, comme vous le savez. Il ne faut pas compter qu'on aura toujours énormément de surplus, parce que, plus on a d'unités, plus il faut faire de l'entretien. Malheureusement, l'été passé, on n'a pas pu faire d'entretien tel qu'on devait le faire et on l'a dit assez souvent. Il y a eu des machines d'arrêtées ou des unités génératrices, des transformateurs et des lignes hors de service durant tous les mois d'été, pour réparation et mise au point. Donc, on ne peut pas assurer qu'une machine ou que plusieurs machines vont fonctionner à longueur d'année, mais, jusqu'à aujourd'hui, on a été chanceux, parce qu'on a eu le réservoir de Manic 5 combiné avec le réservoir de Churchill Falls. En jouant avec les deux, on a pu vendre de l'énergie excédentaire à nos voisins, ce qui ne nous coûtait pas cher et nous permettait de faire de l'argent fort intéressant.

M. Garneau: Mais, entre cette période de haute demande et de plus basse demande, il y a donc une capacité de production qu'on peut vendre ailleurs, mais est-ce que l'emmagasinage de l'électricité, en termes de recherche, c'est une possibilité qu'on peut envisager dans un avenir plus ou moins rapproché ou si c'est une utopie?

M. Boulet: C'est une utopie si vous parlez d'emmagasiner de l'électricité comme telle. Si vous parlez d'emmagasiner de l'énergie sous forme d'hydrogène, par exemple, et de le réutiliser sous forme de piles à combustible comme on le mentionnait tout à l'heure, c'est une possibilité.

M. Garneau: Dans le cas de l'hydraulique, l'eau coule et, actuellement, le processus de produire de l'électricité avec de l'eau a été de bâtir des barrages et de faire tomber l'eau sur des turbines. Il n'y a pas d'autres façons? Avez-vous des recherches là-dedans?

Des expériences ont été faites pour avoir d'autres turbines qui, au lieu de fonctionner avec la chute, fonctionneraient avec le courant d'eau d'une rivière, tout simplement, et qu'on pourrait mettre à tous les 2000 ou 3000 pieds et les faire fonctionner. Vous en avez déjà parlé dans le temps et, finalement, les événements qui se sont passés m'ont empêché de suivre le dialogue. Est-ce que c'est une donnée, au point de vue scientifique, qui

a du sens? On me dit qu'il y en a qui sont installées quelque part en Suisse et ailleurs. Ce serait peut-être une...

M. Boyd: Ce n'est pas absolu, cette étude. Il y en a en France sur la Rance. Ce sont des groupes II qui sont installés à l'embouchure et qui fonctionnent avec la marée. C'est un type.

M. Garneau: Je ne parle pas de ceux de la marée.

M. Boyd: Mais le type dont vous parlez, qui vous avait été présenté et qu'on continue de poursuivre, ce sont de petites centrales. Au lieu de bâtir un barrage complet, on peut mettre des groupes combinés dans le lit de la rivière et en tirer de petites quantités d'énergie. Il y en a qui sont en exploitation en Allemagne depuis très longtemps, depuis le temps de la guerre. Cette compagnie suisse tente avec des intérêts anglais de développer un modèle qui pourrait être utilisé ici. On suit cela. Ils sont censé installer bientôt un modèle productif et on suit cela.

Cela représenterait des choses intéressantes sur une petite rivière, mais dans l'ensemble, c'est...

M. Garneau: C'est pour cela tout à l'heure que je parlais des périodes de pointe. Est-ce que ce n'est pas possible d'avoir, à partir de l'hydraulique, des possibilités de couvrir ces périodes de pointe, de telle sorte qu'on soit capable de... Imaginez-vous avant qu'on soit rendu à consommer 40 000 mégawatts aux mois de juin, juillet et août, si on était capable d'utiliser encore l'hydraulique pour couvrir ces périodes de pointe avec des unités comme cela, est-ce qu'on n'atteindrait pas un objectif qu'on recherche?

M. Boyd: Le problème, M. Garneau, est que ces unités qui seraient des unités directement dans la rivière... cela va fonctionner, il n'y a rien d'anormal à cela, mais il s'agit de les mettre à point. Il faudrait qu'on les ait dans les mois de novembre, décembre, janvier et février. Or, ce n'est pas à ce moment que cela va produire le plus, parce que, très souvent, on va avoir des problèmes de frasil, de glace et tout cela. C'est en été que cela va produire le mieux. Au printemps, lorsque les lacs vont partir et qu'on va avoir les grands courants d'eau, c'est à ce moment-là que ces centrales vont pouvoir produire le plus et c'est à ce moment-là qu'on en a le moins besoin, si on ne le bâtit pas pour revendre.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mont-Royal. Est-ce qu'il y aurait possibilité d'avoir des questions courtes et des réponses courtes? Il nous reste six organismes à entendre et je ne voudrais pas les décevoir en les renvoyant chez eux.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Boyd, je voudrais revenir au projet de la baie James. Tous les mémoires qui nous sont présentés, en y in- cluant le vôtre, démontrent la nécessité d'avoir des sources d'énergie et d'accélérer ce développement. Cela nous reporte à l'échéancier du projet de la baie James. Il y a même certains groupes qui sont venus à la commission pour nous dire que cet échéancier devrait être accéléré.

Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement quel est l'échéancier que vous avez établi pour les quatre centrales de la baie James, les dates et le total de mégawatts qui seront produits à la fin de cet échéancier?

M. Boyd: Selon l'échéancier qu'on a établi, la première production est LG-2 en 1980 et la dernière unité, LG-4 ou LG-1, ce ne serait pas avant 1985. De toute façon, les quatre centrales de 10 000 mégawatts devraient commencer à produire en 1980 pour être terminées à la fin de 1985. C'est l'échéancier que nous avons encore.

M. Ciaccia: Et le projet de NBR, est-ce qu'il est en planification? Est-ce que vous allez procéder? A quel stade est-il?

M. Boyd: Dans le cas de NBR, il y a eu beaucoup d'études de faites. On a commencé l'année dernière et on continue cette année des études, des recherches, des investigations et surtout des études écologiques.

L'année passée, on a commencé nos études écologiques et on continue en 1977 les études écologiques, nos discussions avec les Cris de Rupert et nos investigations des sites. On examine pour voir s'il n'y a pas possibilité, au lieu de faire NBR, de faire BRN, c'est-à-dire utiliser la Broad-back au lieu de la Rupert. Au point de vue études, c'est très actif et on a un montant, dans notre budget de 1977, comme on en avait un dans le budget de 1976, dans le but justement de répondre aux désirs exprimés ici généralement, d'employer ou de bâtir tout l'hydraulique qu'on peut.

NBR, c'est un des projets sur lesquelles on doit se décider bientôt. Si ce n'est pas cette année, ce sera l'année prochaine. Il faudrait prendre une décision et faire des recommandations au gouvernement. Pour continuer dans cette veine, il y a la Grande-Baleine, au nord de La Grande, qui est également au même niveau des études. Il faudrait également prendre des décisions chez nous et faire des recommandations au gouvernement.

M. Ciaccia: Pourrait-on demander, à ce stade-ci, au gouvernement si c'est son intention de respecter l'échéancier de la construction du projet de la baie James, tel qu'il a été établi par l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James?

M. Joron: Compte tenu du fait que signalait M. Boyd lui-même tout à l'heure que les modifications sur la demande prennent beaucoup de temps, les mesures que vous prendriez cette année ou l'année prochaine, dans le but de restreindre ou modifier la structure de votre demande, en 1985, c'est déjà très court pour agir sur 1985, à

l'heure actuelle. Après qu'on aura pu vérifier, plus en détail, dans les mois qui viennent, l'évaluation de cette demande pour 1985, j'ai l'impression que les modifications au calendrier, s'il y en a, seraient très mineures.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, est-ce que cela veut dire que le gouvernement n'accepte pas ou révise les prévisions de la demande que l'Hydro-Québec a faites dans ses études? L'Hydro-Québec a basé cet échéancier sur certaines études.

M. Joron: Non, ce que nous sommes à faire, c'est ceci: on essaie de mettre sur pied un programme d'économie d'énergie, d'une part. Il est beaucoup trop tôt encore pour savoir de combien cela peut faire diminuer la demande en telle année. On va le savoir éventuellement. C'est une partie du problème.

La deuxième partie, le deuxième aspect, c'est que, même si on s'aperçoit que l'on pourrait faire réduire cela considérablement, là on pourrait être porté à croire à en arriver, avec le calendrier actuel, à des surplus d'électricité en 1985. Mais si, dans la même période, il nous faut aussi et en même temps déplacer une partie de la consommation qui est actuellement en pétrole vers l'électricité, parce qu'on craint les approvisionnements en pétrole, entre les années quatre-vingt et quatre-vingt-cinq et qu'on n'est pas sûr du coût non plus, là on peut dire: Continuons. C'est de la substitution qu'on fait alors. Ce n'est pas seulement répondre à la demande telle qu'elle est structurée aujourd'hui, c'est de la substitution. C'est cela que je veux dire. On est en train d'étudier deux choses: d'une part, l'effet sur la demande que peuvent avoir ces programmes d'économie d'énergie, c'est ce qu'on appelle cette rationalisation de la demande et, d'autre part aussi, la sécurité des autres types d'approvisionnement.

M. Ciaccia: Excusez-moi.

M. Joron: Je veux dire, la réponse à un des deux éléments peut vous dire: ralentissez; la réponse à l'autre élément peut vous dire: accélérez. C'est pourquoi — c'est strictement une impression — j'ai l'impression que l'une et l'autre vont s'aligner et que le calendrier va rester à peu près le même.

M. Ciaccia: Mais vous n'êtes pas en mesure aujourd'hui de dire: L'échéancier sera respecté, d'après les prévisions de l'Hydro-Québec.

M. Joron: Je suis seulement en mesure de dire que je ne vois pas ce qui pourrait survenir qui le modifierait substantiellement.

M. Ciaccia: Mais dans les capacités que vous avez prévues, dans le projet de la baie James, est-ce que c'était dans vos prévisions d'avoir toute l'énergie pour les besoins du Québec ou est-ce que vous prévoyiez qu'un pourcentage de cette énergie serait exporté?

M. Boyd: Le programme de la baie James a été bâti pour les besoins du Québec d'après les prévisions que nous avons faites. Il y a eu toutes sortes de déclarations dans le passé à ce sujet. Je n'ai jamais réussi à démolir ces déclarations qui, à mon avis, n'étaient pas exactes. La baie James, telle qu'on l'a conçue, l'échéancier qu'on utilise, c'est pour correspondre aux besoins tels que nous les avons prévus. Ce n'est pas pour vendre. Il aurait pu y avoir, comme M. Garneau le disait tout à l'heure, peut-être dans les années 1980 ou 1985, des périodes où pendant l'été, d'avril à octobre, on aurait eu des surplus temporaires à vendre aux voisins. Le projet, à la base, était pour le Québec.

M. Ciaccia: Dans votre mémoire, vous ne parlez pas trop des centrales thermiques. Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour cela? Vous semblez aller plus aux centrales nucléaires qu'aux centrales thermiques. Est-ce que vous avez une raison?

M. Boyd: Les centrales thermiques utiliseraient comme combustible, soit le pétrole, soit le charbon, soit le gaz. Le gaz, c'est très rare qu'on l'utilise à cela, mais on n'a pas de charbon et on n'a pas de pétrole. Ce ne serait pas économique. Lorsqu'on a fait des comparaisons, précédemment, au point de vue du coût, l'hydraulique était le moins cher, le nucléaire en deuxième. Le pétrole, si on prend les coûts de construction et surtout d'exploitation, c'est beaucoup plus cher que l'hydraulique et le nucléaire. L'embêtement, c'est que, dans le cas du pétrole, on n'aura pas fini de payer la centrale et qu'on n'aura probablement plus de pétrole pour mettre dedans.

M. Ciaccia: Dans vos prévisions, vous dites que 40% des besoins énergétiques de la province seront donnés par...

M. Boyd: Electrique.

M. Ciaccia: ... l'électricité. Si ce chiffre, au lieu d'être 40%, était, par exemple, 30%, et que la politique énergétique de la province disait: Nous allons allouer un certain pourcentage à l'électricité, nous allons explorer la question du gaz naturel de l'Arctique — même ce sont des recommandations que la Chambre de commerce de la province de Québec a faites ici — on augmenterait de 5% à 30% sur un nombre d'années l'importation du gaz naturel, à ce moment, est-ce que cela voudrait dire que vous n'auriez pas besoin de centrales nucléaires? Vous pourriez prévoir de donner l'électricité seulement avec vos centrales hydrauliques, si vous donnez seulement 30% des besoins énergétiques de la province.

M. Boyd: Je ne crois pas. Cela voudrait dire que le besoin du nucléaire serait reporté plus loin. Au lieu d'en avoir besoin en 1985, en 1990 ou en 1995, on aurait besoin... je ne sais pas les chiffres. Ce que votre question veut dire, c'est qu'on reporterait à plus tard le problème.

M. Ciaccia: Ma question voudrait dire qu'on aurait moins besoin de centrales hydrauliques, mais...

M. Boyd: Oui, vous voulez dire qu'on aurait moins besoin...

M. Ciaccia: Pas question que ce soit plus tard.

M. Boyd: ... d'électricité.

M. Ciaccia: Moins d'électricité, oui.

M. Boyd: Au lieu d'augmenter à 40% le pourcentage de l'électricité en l'an 2000, on l'augmenterait à 30%.

M. Ciaccia: Pour plusieurs raisons; premièrement, la question nucléaire qui semble préoccuper beaucoup de gens. Deuxièmement, il y a aussi la question d'investissement, parce que, si on allait pour une autre source d'énergie, par exemple, le gaz naturel, on pourrait prévoir que ce seraient des investissements du secteur privé plutôt que du secteur du gouvernement. Cela pourrait libérer certains fonds pour faire d'autres choses. Le gouvernement pourrait employer ces capitaux dans d'autres domaines, plutôt que seulement dans le domaine énergétique.

M. Boyd: La solution qu'on a envisagée, M. Ciaccia, on en parle dans le rapport, mais, si vous regardez les courbes du gaz, à notre avis, le gaz du Mackenzie ou même celui de Polar Gas, avant qu'il soit rendu ici... Premièrement, ils n'ont pas les quantités nécessaires, semble-t-il, encore. Cela approche peut-être, mais il n'est pas rendu. Cela va coûter cher. Une fois qu'on l'a, les quantités vont disparaître assez rapidement et, après cela, il va y avoir un problème.

M. Ciaccia: Une dernière question sur le rôle de l'Hydro-Québec dans notre politique énergétique. J'ai l'impression que jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'interférence dans l'administration de l'Hydro-Québec, société d'Etat, par le pouvoir politique. Il y a eu une ligne de démarcation. Des décisions politiques pouvaient être prises par le gouvernement. Mais jusqu'à maintenant, vous avez été une société pas mal autonome. On discute de différents changements. Il y a certains mémoires qui sont présentés ici, à la commission, parlant du rôle de l'Hydro-Québec, de la question du rôle du gouvernement vis-à-vis de l'Hydro-Québec. Pensez-vous que, pour apporter votre contribution aux besoins énergétiques de la province, ce serait plus avantageux de maintenir cette autonomie de l'Hydro-Québec — je parle d'autonomie dans le cadre gouvernemental, ce n'est pas une autonomie absolue — ou est-ce que vous pouvez prévoir qu'une présence plus grande des pouvoirs politiques à l'intérieur de votre société amènerait des améliorations?

M. Boyd: C'est une question pas mal politique, j'en ai peur. J'ai rencontré le ministre délégué à l'Energie quelques fois — pas assez souvent encore — et on a discuté de toutes les choses dont on vient de discuter. Jusqu'à maintenant, les communications ont été très bonnes. Quant à tous les nombreux changements qu'on annonce à l'Hy-dro, depuis 1944, je suis à l'Hydro-Québec, or, à chaque changement de gouvernement, on a annoncé des changements, et entre les changements de gouvernement, on a annoncé des changements. On n'en a pas fait beaucoup encore. Est-ce qu'on va en faire? Je ne le sais pas. Je n'ai aucune idée.

Le Président (M. Laplante): Le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. Boyd a fait allusion à plusieurs reprises à des documents concernant les recherches qui se font un peu partout dans le monde sur les sources d'énergie de quelque genre que ce soit. Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de ce rapport pour savoir où en sont les recherches? Est-ce que vous pouvez le déposer ici pour que chacun de nous en ait une copie?

M. Boyd: Certainement. Je n'en ai pas ici, mais on le déposera au secrétaire de la commission qui vous en fera parvenir.

M. Grégoire: Ce rapport indique toutes les recherches qui peuvent se faire dans quelque domaine que ce soit concernant l'énergie solaire ou...

M. Boyd: Oui.

M. Boulet: II s'agit d'un groupe international qu'on appelle — évidemment, il n'y a pas de nom français — International Electric Research Exchange, formé des Américains, des Japonais et des Européens. Le groupe européen en est membre par l'intermédiaire de UNIPEDE et l'Association électrique canadienne. Il y a un échange quasi complet, et on a les documents dont on pourra vous fournir des copies.

M. Grégoire: Mercil

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Joron: M. Boyd, vous mentionnez, en page 11, de votre mémoire, que vous proposez les mesures suivantes: Une action sur le niveau et la structure des prix, de telle sorte que le consommateur appréhende le véritable coût de l'énergie. Plus loin: Dans le domaine de l'électricité, un outil pour ce faire serait de tendre progressivement vers des tarifs plus élevés. Il serait souhaitable que toute distorsion injustifiée dans la structure des prix des différentes sources d'énergie soit éliminée.

Est-ce qu'il faut comprendre par là que la recommandation dit ceci: Que les formes pour l'utilisation en BTU équivalentes, mettons, de l'électricité, du gaz naturel, du pétrole devraient tendre à

devenir uniformes, de façon que le consommateur ait un véritable choix entre des sources d'approvisionnement à prix égal?

M. Boyd: Autant que possible, oui. Le gaz, apparemment, d'après ce que les gens du gaz ont toujours dit, était inférieur à cette valeur par rapport au pétrole. Une des choses qu'on mentionne ici, dans le même texte, c'est que pour l'électricité, le gaz, on a 8% de taxe de vente que le consommateur doit payer. Dans un mémoire que vous avez ici, j'aimerais faire une correction. On disait que le gaz était le seul à subir cette taxe. Dans ce paragraphe-ci, on dit l'électricité également; l'huile ne subit pas cette taxe.

M. Joron: Un peu plus loin, dans le même esprit, c'est relié à la même question... A la page 66, en haut de la page, vous dites: "Tout indique que le coût du chauffage à l'électricité continuera d'être inférieur à celui du chauffage à l'huile d'ici 1985." Il l'est déjà, d'après ce que vous dites à un autre endroit dans votre rapport, et vous dites que c'est une situation qui ne devrait pas exister parce que cela distorsionne la structure des prix dans le domaine de l'énergie en général. Mais en disant cela, en disant que "tout indique que le coût du chauffage à l'électricité continuera d'être inférieur à celui du chauffage à l'huile d'ici 1985", cela présuppose que vous avez pensé au prix de l'huile en 1985 et également au prix de l'électricité.

Alors, cet énoncé est fondé sur quelle augmentation de prix?

M. Boyd: C'est parce qu'on pense que le prix de l'huile va augmenter plus vite qu'on va pouvoir augmenter l'électricité, probablement.

M. Joron: Vous dites, d'autre part, qu'en général, ces prix devraient finir par être équivalents. De combien faudrait-il donc augmenter les tarifs de l'électricité pour arriver à cette équivalence et à cette structure idéale de prix énergétiques?

M. Boyd: Je n'ai pas tous les chiffres avec moi. J'ai un tableau qui dit qu'en 1966, pour une maison, une grande résidence, par exemple, le chauffage à l'huile coûtait 74% tandis qu'en 1976, c'est l'inverse. Cela coûte 116%. C'est-à-dire que le chauffage électrique est plus économique. D'après les chiffres que nous avons ici, nous prévoyons qu'en 1985, cela serait 108%, c'est-à-dire que...

M. Joron: Cela veut dire que vous avez présumé le pétrole à quel prix et l'électricité à quel prix?

M. Giasson: ... ce n'est pas cher.

M. Boyd: Evidemment, cela vaut ce que cela vaut. On ne sait pas ce que l'OPEP va faire.

M. Joron: En gros, cela dépend des cheicks et des émirs plus que de nous.

M. Boyd: On a présumé que le prix international du pétrole augmenterait de 7% par année de 1976 à 1980 et de 6% par année par la suite, et que l'électricité augmenterait...

M. Joron: C'est déjà très conservateur, votre estimation sur le pétrole, j'ai l'impression.

M. Giasson: Cela sera plus cher que cela.

M. Boyd: Oui, mais vous voyez qu'il commence à y avoir des craintes ici. L'Arabie Saoudite a dit 5% au lieu de 10%. Les prix de l'électricité sont ceux que nous avions déposés à titre exploratoire en commission parlementaire l'été dernier.

M. Joron: C'était 50% d'augmentation sur trois ans, répartis en 1978, 1979 et en 1980. C'est cela?

M. Boyd: C'est cela. C'était, à titre d'exemple, trois fois 17%...

M. Joron: 17%, vous parlez de...

M. Boyd: ... et ensuite, 6% pour le reste de la période.

M. Joron: Peut-être qu'on ressasse des choses qui ont déjà été discutées. Je ne veux pas allonger inutilement le débat, mais, de mémoire, les trois années, qui sont beaucoup plus rapides que les cinq par la suite, étaient reliées à la question du financement des emprunts de l'Hydro-Québec. pour maintenir la couverture pendant la période d'emprunts massifs pour les travaux de la baie James, pour maintenir la couverture à 1,25%.

M. Boyd: C'est cela!

M. Joron: C'était cela en gros?

M. Boyd: C'est cela!

M. Joron: C'est de là que venaient les 50%.

M. Boyd: C'est pour augmenter l'autofinancement de l'Hydro-Québec, maintenir les ratios qui font que la cote de l'Hydro-Québec a été maintenue à 2-A et on espère toujours arriver avec un 3-A.

M. Joron: Et même avec des progressions semblables, vous arriveriez encore, en 1985, à de l'électricité à meilleur marché que le pétrole, compte tenu que vous avez déjà une évaluation conservatrice de l'augmentation du coût du pétrole.

M. Boyd: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse. Il désire seulement une petite information.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Le ministre vient de dire que nous sommes à mettre sur pied urr programme d'économie d'énergie. Dans le présent rapport, il est souligné que désormais le rôle moteur de l'Etat est indéniable et sans son intervention il est douteux que l'attitude du public fasse écho à la nécessité de faire une utilisation plus judicieuse des ressources. Par cet énoncé, vous préconisez, j'imagine, que le gouvernement devra légiférer quant à l'économie de l'énergie. Si c'est le cas, j'aimerais, pour le bien de la commission, savoir d'après vous quand le gouvernement devra intervenir et de quelle façon il devrait le faire.

M. Boyd: On en parle dans le rapport. Je pense qu'on a dit que l'endroit où l'économie la plus rapide pouvait être faite, c'était dans le transport, c'est-à-dire dans les véhicules. C'est là qu'est le plus gros gaspillage si on veut parler de gaspillage ou si on veut aller vers de l'économie, c'est dans le transport. Le deuxième et peut-être aussi important que le premier, c'est l'isolation des maisons. Les maisons au Québec ne sont pas du tout isolées pour le climat qu'on a et les infiltrations d'air par les fenêtres et les portes, c'est certainement un mal. Là dessus, si M. le Président me permet d'ajouter, cela fait longtemps que l'Hydro-Québec fait campagne pour une meilleure isolation. On accordait des plaques, des normes, des certificats de bonne conduite pour ceux qui mettaient plus d'isolation et même des fois on donnait des contributions de $200, par exemple, pour celui qui respectait nos normes d'isolation. Cela fait quatre ou cinq ans qu'on fait campagne dans tout le Canada, toutes les utilités électriques, chacun des gouvernements. D'abord on s'est adressé au fédéral pour que les normes du fédéral soient changées, mais cela n'est pas encore fait. Je dis qu'au point de vue de l'isolation c'est urgent que le gouvernement fasse quelque chose. Au point de vue du transport, les véhicules, je ne sais pas si cela peut se faire aussi rapidement, mais l'isolation, d'après moi, cela peut se faire rapidement.

M. Goulet: Vous ne semblez pas vous fier au public. Vous croyez que le gouvernement devra légiférer, devra intervenir par une loi afin d'économiser l'énergie.

M. Boyd: Vous voyez, cela fait peut-être dix ans que l'Hydro-Québec fait des pages de publicité: Vos murs devraient être faits ainsi pour que cela coûte moins cher de chauffage. Ce n'est pas le gars qui achète la maison. C'est le gars qui la bâtit, le promoteur. Des fois il ne met rien dans les murs, c'est épouvantable.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de cette commission vous remercient. Cela a été un après-midi intéressant. Merci.

M. Boyd: Merci.

Le Président (M. Laplante): J'appellerais le groupe Sauvons Montréal.

S'il vous plaît, ceux qui ont affaire dans la salle, restez, mais les autres veuillez évacuer au lieu de rester dans l'allée. A l'ordre, s'il vous plaît!

Contrairement à l'Hydro-Québec, vous n'avez que 30 minutes pour expliquer votre mémoire. Pour le lire, la période des questions incluse.

Sauvons Montréal

M. Chaussée (Pierre): D'accord. En premier, je devrais ajouter deux préambules qui n'apparaissent pas sur le document qu'on vous a fourni. Le premier, je vais plagier...

Le Président (M. Laplante): Veuillez identifier, s'il vous plaît, les gens qui sont avec vous.

M. Chaussée: D'accord. Cela fait partie du préambule. Je suis Pierre Chaussée. A ma droite, M. Richard Vincent et M. Michael Fish et, à ma gauche, Mme Claire Morissette et Lutz Scheler. Le deuxième préambule, dans ce cas, c'est que je plagie un autre groupe qui va passer cette semaine qui dit: "Nous avons accueilli avec satisfaction votre décision d'élaborer le plus rapidement possible une politique de l'énergie pour le Québec. Toutefois, nous déplorons la faible couverture qu'ont donnée les journaux à cette activité. De ce fait, notre groupe a appris très récemment, par hasard, la tenue des audiences publiques de la commission parlementaire. Il nous est donc impossible de porter tout l'appui que nous aurions souhaité lors de vos délibérations".— Fin du préambule — .

Le développement urbain et l'énergie. La ville est manifestement un lieu de consommation. Or, la plupart de cette consommation constitue un gaspillage d'énergie de ressources et d'hommes.

Il devient de plus en plus clair que l'obsoles-cence est planifiée et qu'elle fait partie intégrante du développement. La ville est en train de devenir un énorme dépotoir.

Grandes compagnies, promoteurs et entrepreneurs n'y cherchent que leur profit. Les gouvernements y rasent des quartiers entiers afin d'éliminer les zones esthétiquement déplaisantes aux yeux des banlieusards de la classe moyenne, et ils encouragent l'envahissement des centre-ville par un flot d'automobiles assoiffées d'essence. Par le biais de la publicité et de leurs politiques, les compagnies et les gouvernements encouragent délibérément le rêve de la vie en banlieue, ce qui signifie une consommation toujours accrue et la tendance à un plus grand individualisme.

Les transports. Dans ce domaine, les exemples de gaspillage abondent à Montréal. L'automobile est sans doute utile pour des déplacements à longue distance, mais en ville, elle s'avère une énorme consommatrice d'énergie, ce qui est d'autant plus désavantageux dans une province comme le Québec qui doit déjà importer du pétrole.

Un autobus remplace à lui seul 35 voitures, un tramway en remplace 50 et un train de banlieue 1000. Prenons, par exemple, un terrain de stationnement de 35 voitures, un autobus n'occuperait que le 1/10 de l'espace.

L'utilisation du sol. L'automobile est une insatiable consommatrice d'espace, et si nos politiques actuelles se poursuivent, elle finira par anéantir complètement nos centres urbains.

Des maisons sont abattues pour faire place à des routes et à des terrains de stationnement. Plus de 3000 unités d'habitation ont ainsi été supprimées dans le cas de l'autoroute Est-Ouest. Des espaces verts sont recouverts de béton et des arbres arrachés pour les besoins de la circulation. Montréal, la cité verdoyante et la cité aux bas loyers pour résidents pauvres, n'est plus. A sa place, voici la cité des vastes terrains de stationnement. Environ 50% de la surface du centre-ville est vouée d'une manière ou d'une autre à l'automobile. Entre 1962 et 1972, la superficie de terrain affectée exclusivement au stationnement a augmenté de 2 millions à 3,5 millions de pieds carrés.

Les nouvelles constructions. Les logements que l'on démolit pour faire place au routes, parkings et autres projets de rénovation, sont remplacés par des gratte-ciel à usage résidentiel et commercial, qui requièrent de grande quantité d'énergie et de matériaux pour leur construction, et qui, bien souvent, gaspillent l'énergie.

Les tours-appartements peuvent très rapidement devenir des taudis. Un grand nombre sont construites avec des matériaux de mauvaise qualité afin de durer juste les 25 ans nécessaire à l'hypothèque, puis il faudra les remplacer.

Le complexe résidentiel et commercial La Cité n'utilise pas de doubles fenêtres, ce qui va entraîner une consommation inutilement forte d'énergie pour le chauffage.

L'Hydro-Québec continue à subventionner les sociétés propriétaires de grands complexes immobiliers et encourage le gaspillage de l'énergie en appliquant des tarifs préférentiels aux gros consommateurs d'électricité.

La démolition de l'hôtel Laurentien avec ses 1000 chambres est manifestement scandaleuse. Elle constitue un gaspillage énorme d'énergie et de matériaux et supprime un édifice qui, quoi qu'en dise la compagnie Marathon, utilisait efficacement son énergie.

Cette consommation absolument inutile d'acier, de béton et d'aluminium, sans compter l'énergie nécessaire à la fabrication de ces produits, illustre bien la mentalité de gaspillage qui règne dans les milieux d'affaires et dans la société tout entière qui tolère que Marathon et le Canadien Pacifique se permettent de détruire pour le seul plaisir de détruire.

L'étalement urbain. Durant les 30 dernières années, les grosses compagnies ont pris en main le phénomène de la suburbanisation. De leur côté, le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de la Société centrale d'hypothèques et de logement, et le ministère provincial des Transports, par des in- vestissements routiers, encouragent la formation de banlieues de type unifamilial où la possession de deux ou même trois voitures par ménage ainsi que tout l'appareillage ménager de luxe est considéré comme une nécessité.

La très faible densité et l'étalement de ces quartiers rendent impossible la mise sur pied d'un réseau de transport public. Par ailleurs, les promoteurs continuent de bâtir des centres commerciaux voués à l'automobile et entourés de gigantesques terrains de stationnement.

Une étude effectuée en 1974 par le gouvernement américain jette la lumière sur l'ampleur du gaspillage qui découle de la suburbanisation. On y affirme que les zones résidentielles de forte densité, où l'on trouve des maisons en rangées et de petits immeubles d'appartements, coûtent moins cher à la collectivité et consomment moins d'énergie que les zones pavillonnaires traditionnelles.

L'étude prouve en particulier qu'une communauté de forte densité comptant 30 000 personnes sur 3000 acres représente un investissement initial de 44% moins cher qu'une communauté de faible densité. De plus, elle occasionne une pollution atmosphérique de 45% inférieure.

Le type de développement suburbain pratiqué par les sociétés qui entretiennent des liens avec des banques et autres entreprises intéressées à maintenir une forte consommation d'énergie per capita est inacceptable pour la société tout entière.

Le fait que la compagnie Gulf Oil Ltée, qui a forcément intérêt à accroître la consommation d'énergie, soit en train de créer une ville nouvelle à Laprairie est hautement contestable.

Captifs de leurs automobiles, les résidents des banlieues doivent emprunter les autoroutes ou les artères principales afin de se rendre au centre-ville. Ce réseau routier, qui est fourni par le gouvernement du Québec à un coût par passager/mille très élevé, rend irréalisable le service de transport public que la Communauté urbaine de Montréal préconise à un coût par passager/mille bien moins élevé.

En construisant au centre-ville de vastes garages intégrés aux nouveaux complexes et en utilisant les terrains vacants qu'ils possèdent pour y installer d'autres parcs de stationnement, les promoteurs publics et privés accentuent encore cette tendance. Ainsi, l'étalement par l'urbanisation en banlieue contribue à détériorer l'animation et la qualité de la vie dans nos centres urbains.

Sauvons Montréal se réjouit de plusieurs actions lancées par le nouveau gouvernement. L'arrêt de l'autoroute Est-Ouest et l'augmentation des taxes sur les véhicules privés, en particulier sur les grosses voitures, sont des initiatives encourageantes dans la lutte contre l'automobile.

Les nouveaux règlements de la Commission municipale du Québec en faveur d'une plus grande densité résidentielle dans les nouvelles banlieues sont un pas important. Toutefois, la décision du gouvernement du Parti québécois autorisant la destruction de l'hôtel Laurentien est regrettable.

II y a beaucoup à faire pour encourager, en milieu urbain, une société de conservation. Cette conservation ne peut se faire par petits morceaux. L'ensemble des ressources et des matériaux qui ont nécessité beaucoup d'énergie doit être conservé, ainsi que l'énergie elle-même.

Une véritable éthique de conservation doit peu à peu s'infiltrer dans la vie de tous les Québécois afin que ceux-ci la mettent en pratique quotidiennement et qu'ils rejettent un matérialisme ou-trancier.

Voici quelques mesures positives que le gouvernement du Québec pourrait prendre dans ce sens. 1-Lancer une campagne de publicité pour contrer la propagande des sociétés qui encouragent la privatisation et la surconsommation. 2- Donner à la ville de Montréal le pouvoir de faire cesser toute démolition de bâtiments dans l'agglomération. 3- Insister pour que tout nouvel édifice soit construit de manière à conserver le plus possible l'énergie. Le Code de la construction doit être revu afin d'assurer une meilleure qualité des immeubles. 4-Encourager le transport public aux dépens des véhicules privés. Augmenter les taxes sur les automobiles, l'essence et les terrains de stationnement pour éliminer les énormes subventions cachées dont bénéficient actuellement tous les automobilistes. Appliquer le plus vite possible le système de transport rapide du Bureau d'aménagement régional de l'express métropolitain, conçu pour absorber les migrations pendulaires particulièrement aux heures de pointe. 5-Intégrer la planification des transports au premier stade de toute planification. Il importe que des développements résidentiels de forte densité et desservis par le transport public soient créés dans les banlieues. 6-Eviter la démolition de l'hôtel Laurentien, en guise de symbole de l'intérêt porté par le gouvernement à la conservation des ressources. 7-Stopper la spéculation foncière et les investissements étrangers dans l'immobilier, car ils entraînent la destruction de vieux édifices. Un système de taxation, partiellement semblable à celui actuellement en vigueur en Ontario, pourrait être instauré. 8-Entreprendre un programme de rénovation des logements, incluant des équipements d'isolation, afin de diminuer la consommation d'énergie. Un tel programme devrait inclure des subventions aux locataires ayant les plus faibles moyens financiers, ceci pour éviter de faire peser trop lourdement sur eux le fardeau de la conservation.

Je cède la parole à Claire Morissette du Monde à bicyclette.

Mme Morissette (Claire): Le mémoire que je vous soumets, je le fais au nom du Monde à bicyclette qui est un organisme qui veut promouvoir la bicyclette comme moyen de transport dans les villes. Aussi, au nom de l'Estrie à bicyclette et de Saint-Hubert à bicyclette, qui oeuvrent dans le même but, je vais vous parler du véhicule le plus gaspilleur d'énergie, l'automobile; du véhicule le plus économe d'énergie, la bicyclette, et des autres choix qui peuvent aider à créer un autre mode de vie pour ce qui est du transport.

L'automobile, vous le savez sans doute, consomme en Amérique du Nord 42% de toute l'énergie, de sa fabrication à son élimination dans les cimetières d'autos. Elle consomme 50% du pétrole consommé dans le transport au Québec, pour nous donner une performance très piètre, 15%, c'est-à-dire que, sur vingt joules qui sont introduits dans le réservoir de l'automobile, il y a seulement trois joules qui servent au déplacement réel. C'est une des industries qui a le moins progressé.

On abuse de l'automobile, c'est-à-dire que 75% des déplacements sont sur des distances de moins de huit milles. En général, les automobiles transportent 1,4 personne et restent stationnées 22 heures sur 24, sans parler de tous les autres inconvénients qui sont la pollution, le bruit, la mortalité, les dettes.

Pourquoi ce gaspillage? C'est dû aux politiques provinciales, fédérales, municipales, qui encouragent l'automobile, qui encouragent l'achat d'automobiles, qui encouragent les multinationales de l'automobile et du pétrole, Exxon, par exemple, qui fait $44 milliards annuellement, ce qui est énorme par rapport au Québec, qui a un budget d'environ $10 milliards annuellement, et les autres. General Motors, Ford, Texaco, qui sont des géants beaucoup plus gros que les pays dans lesquels nous vivons; les gouvernements, en faisant des autoroutes, en faisant la Transcanadienne, en faisant l'autoroute Dufferin, en faisant l'autoroute Est-Ouest qui nous a coûté $500 millions, même si on ne l'utilise que rarement, nous qui n'avons pas de véhicules automobiles; $750 millions sur les $900 millions du ministère du Transport au Québec vont au service à l'automobile. Montréal fait sa part en donnant $83 millions annuellement pour l'entretien des routes.

Il faut contrôler ce véhicule qui est gaspilleur d'énergie et qui est destructeur. Des mesures comme les taxes sur l'achat des véhicules sont excellentes. Il faut aller plus loin. Il faut devenir sévère en ce qui concerne le coût des stationnements, le bruit, l'obtention des permis. Il faut créer des péages.

A Singapour, en installant un péage de $1.65 à l'entrée de la ville, on a coupé de moitié la circulation des automobiles. Il faut bannir l'automobile de certains secteurs des villes et donner la place aux piétons. Si on veut contrôler le fléau automobile, il faut aussi créer des choix, ce qui m'amène à vous parler de la bicyclette. Quand je parle de bicyclette, je veux dire ceci: la bicyclette c'est une invention géniale, qui dépense 20 fois moins d'énergie que l'automobile; 2 fois moins que la marche à pied, qui consomme 80 fois moins d'acier à sa construction, qui ne consomme pas de carburant, ni d'énergie non renouvelable, qui, au contraire, utilise une énergie métabolique qui est excellente pour la santé du cycliste. C'est une

invention qui transporte jusqu'à dix fois son propre poids, qui donne un service de porte à porte, qui protège l'environnement, qui est peu coûteuse collectivement, puisqu'il s'agit de simplement redistribuer de l'espace, et individuellement aussi.

Beaucoup de Québécois ont déjà des bicyclettes. C'est une ressource qui est déjà disponible. Les ventes de bicyclettes, l'année dernière, ont dépassé celles de l'automobile. Pourtant, dans les politiques, on considère toujours que les milliers de cyclistes qui sont actuellement au Québec sont une quantité négligeable, qu'ils sont des marginaux, ou des excentriques, ou des enfants. On considère toujours la bicyclette comme un jouet, mais la bicyclette, c'est beaucoup plus qu'un sport, c'est un transport.

Au même moment où, ici, au Québec, on entretient chaque année 32 000 milles de pistes pour les motoneiges, dans d'autres villes européennes, on a jusqu'à 25% de la circulation quotidienne et régulière qui se fait par la bicyclette. A Anchorage, Alaska, on transforme les pistes cyclables en piste de ski de fond.

Il suffirait simplement de créer des réseaux complets de pistes cyclables, sécuritaires, à l'abri des automobiles, de donner des stationnements à l'épreuve du vol, comme on en trouve facilement aux Etats-Unis, particulièrement en Californie, de doter les autres véhicules du transport en commun de certains supports qui servent à transporter les bicyclettes, qui sont très pratiques, de mettre des bicyclettes communautaires aux entrées des métros. On obtiendrait une diminution énorme de la circulation automobile en ville.

Je pense que nous, ici, qui nous questionnons sur l'économie d'énergie, qui nous soucions particulièrement de la question de la conservation d'énergie, nous qui sommes le point de mire actuellement de la population québécoise à propos de l'énergie, nous nous devons de donner l'exemple d'un autre style de vie. Aujourd'hui, je suis venue à cette Assemblée à bicyclette. De Montréal, j'ai pris l'autobus. J'aurais préféré prendre le train, mais le Rapido n'accepte pas de bagages (donnez-moi une raison). J'ai dû venir en autobus et à bicyclette, parce que je suis une acharnée d'un mieux-vivre.

Je me demande combien d'entre nous ici sont entrés seuls ce matin dans un énorme stationnement, dans un véhicule beaucoup trop gros pour leurs besoins réels. Je pense qu'il serait temps que le ministère de l'Energie donne l'exemple d'un apport personnel et volontaire que chaque Québécois peut faire. En particulier, tous les travailleurs du ministère de l'Energie devraient avoir toute facilité: stationnement, pistes cyclables dans la ville de Québec pour venir jusqu'à leur travail.

Je vais glisser quelques mots à propos de trois autres moyens de voyager en économisant l'énergie: le métro, l'autobus et le train. Le métro, l'autobus et le train consomment à peu près de deux à quatre fois moins d'énergie que l'automobile. Ce sont des véhicules qui sont hautement sécuritaires et qui, aussi, économisent l'espace. On laisse détériorer continuellement les services de transport en commun. Le rapport Marcil nous révèle qu'à Montréal, si les usagers du transport en commun recevaient la même subvention que les automobilistes, on aurait à payer seulement $0.16 pour notre billet de métro. On construit des autoroutes parallèles aux axes ferroviaires avec, évidemment, le résultat d'augmenter la circulation routière. A Rigaud, récemment, on a annoncé qu'on coupait le train des banlieusards qui viennent travailler et qui vont devoir prendre leur auto, risquer leur vie, endurer le stress, etc. On ignore les innovations comme le train de Bombardier, une fabrication québécoise, léger, rapide et confortable que les Américains, eux, s'empressent de mettre en valeur.

Si on pense réellement à économiser de l'énergie, il est urgent d'améliorer le transport en commun. Québec nous donne l'exemple de certaines voies réservées pour les autobus qui dissuadent des milliers d'automobilistes de se rendre à leur travail en auto. Les abribus aussi sont un exemple à prendre en note. On devrait avoir des tarifs réduits pour l'autobus, le métro, le train. On pourrait avoir des abonnements. A Seattle, à Bologne, le transport en commun est gratuit.

Il faut rationaliser aussi le système de transport en commun autour de Montréal et investir les sommes nécessaires pour qu'il n'y ait pas de longues interruptions pendant lesquelles les usagers vont céder à la pression d'acheter une automobile. Le tramway est remis en valeur dans nombre de villes américaines. On redécouvre qu'il est confortable, silencieux, non polluant et très durable. Les trains, il faut venir au secours des trains. C'est un SOS.

Je conclurai en disant que toutes ces solutions coûtent très peu, garantissent d'énormes économies d'énergie et ont des répercussions sur d'autres chapitres où les questions s'avèrent urgentes. Je ne comprendrais pas qu'il y ait un délai à appliquer les recommandations, du moins à la bicyclette. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.

Le Président (M. Laplante): Merci, mademoiselle, merci, messieurs. M. le ministre.

M. Joron: Madame, messieurs, d'abord, je dois commencer par me confesser. Je ne suis pas venu à bicyclette au parlement, ce matin. Par contre, j'en ai acheté une, bicyclette, l'année dernière, avant le déclenchement des élections aussi.

Si la perspective du ministre de l'Energie à bicyclette a fait sourire, ce n'est pas parce qu'on souriait qu'on ne prend pas très au sérieux les deux mémoires qui viennent d'être déposés.

Moi, je déplore le fait, entre autres, que la table des journalistes se soit à peu près vidée, parce qu'on a ici un exemple frappant qui se relie à la discussion qu'on avait tout à l'heure avec les gens de l'Hydro-Québec. Quand on disait: Cela pourrait peut-être ne pas prendre 70 000 mégawatts en telle année, mais plutôt 40 000 si on avait un type de développement économique différent, vous en apportez un exemple fondamental. Il y a cette liai-

son que les gens font toujours. Ils disent: Croissance économique, donc croissance du niveau de vie. Donc, il faut absolument faire ça et ça prend de l'énergie. Croissance économique? Il y en a de différentes façons. Il peut y avoir de la croissance pour de la croissance tout simplement, comme un chien qui court après sa queue. On n'augmente pas le niveau de vie nécessairement avec n'importe quelle forme de croissance économique.

Dans ces deux mémoires, vous avez touché un point fondamental. C'est justement le genre de réflexion qu'on voulait entendre devant cette commission-ci. Comment une chose, entre autres l'automobile, fait qu'on dépense énormément d'énergie. On n'en aura peut-être pas assez pour continuer la façon de vivre que l'automobile nous a imposée. On pourrait parler non seulement du gaspillage d'énergie que ça cause, mais également de ce que ça soustrait aux investissements qui pourraient aller à d'autres fins. En effet, quand on est embarqué dans ce système et que ça vous oblige à faire des parcs de stationnement, des autoroutes, ceci ou cela, ainsi de suite, c'est autant de fonds que la collectivité ne peut pas investir dans d'autres secteurs, par lesquels elle pourrait aussi améliorer son niveau de vie. Cela ne passe pas nécessairement par là.

Vous avez mentionné trois points — j'en ai retenu trois — par lesquels l'automobile est au centre de ce type de société fondée sur le gaspillage de l'énergie. Le transport. Tout a trait finalement à l'aménagement du territoire. Le fait que les villes ne soient pas densifiées et la prolifération des banlieues a des implications sur le transport, parce que, là, il faut circuler dans ces villes très étendues. Sans entrer dans l'histoire de l'hôtel Laurentien — de toute façon, ce n'est pas de ma compétence — c'est bon de souligner aussi qu'on gaspille quand on détruit des choses qui sont en place. Il n'y a qu'à voir la vitesse à laquelle on remplace nos équipements immobiliers. Ce mémoire l'a bien fait ressortir, il y a là-dedans une part d'énergie, parce que, pour faire du béton, je vous garantis que ça coûte cher d'énergie. Quand on démolit et qu'on recommence tout le temps, on gaspille de l'énergie en faisant ça. Cela souligne très bien les répercussions qu'une politique de l'énergie peut avoir. Nous, on peut bien dire dans notre livre blanc: On veut telle quantité en telle année, ce qui implique, je le disais tout à l'heure, un type de développement économique peut-être nouveau, un type de développement industriel nouveau, mais ce qui implique aussi — c'est vous qui nous donnez l'occasion de le souligner — un type d'aménagement du territoire complètement nouveau.

Le problème est donc bien posé, sauf qu'une fois dit il n'est pas résolu. Là, je vous retourne un de vos arguments contre une de vos propositions, dans un sens. Je vous dirai ceci: Ce qu'on investit en infrastructures de béton pour construire nos banlieues, nos bungalows, nos autoroutes, nos stationnements, nos parkings et ainsi de suite, si on le "scrape" tout d'un coup et qu'on recommence, là aussi on va gaspiller de l'énergie qui a déjà été mise dans ces choses-là. Donc, il y a une période d'amortissement qu'il faut entrevoir. Sur combien d'années est-ce qu'on va amortir ce qu'on a déjà fait et qui est irréversible? On l'a peut-être fait à tort. Il y a une période assez longue avant que la mutation se fasse et qu'on économise toute l'énergie que dans 25 ou 30 ans — je vais finir ma question comme ça — ou 35 ans, on pourra éventuellement économiser si nos villes étaient toutes refaites autrement. Il y a cette question.

Vous êtes sûrement conscients aussi que là vous vous attaquez de front à des schèmes culturels de la population et à sa façon de vivre, parce que vous dites: Faites de la publicité, par exemple, pour expliquer cela aux gens. Je veux bien, mais regardez toute la publicité qui se fait pour dire le contraire, justement, pour vous proposer ceci, cela, un skidoo, deux autos, trois ci, quatre ça, un bungalow...

Est-il pensable qu'un seul programme de publicité puisse amorcer cette espèce de — appelons les choses par leur nom — révolution culturelle que sous-tendent vos propositions? Je m'arrête là. Je pourrais continuer longtemps, mais...

M. Chaussée: Je voudrais répondre à votre objection de tout démolir le système d'autoroutes. On ne joue plus dans des carrés de sables depuis plusieurs années. On ne préconise pas de tout démolir. On est pleinement conscient de l'inertie du système dans lequel on vit et cela prendra des années avant d'arriver à une utilisation maximale des transports en commun.

La première des choses, le système actuel ne le permet pas. On demande qu'on en conçoive un et qu'on le mette en marche dans X temps, mais d'accélérer le processus de planification des systèmes de transport en commun. C'est aussi simple que cela.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Je n'ai pas de question comme telle. Vous vouliez parler...

M. Fish (Michael): J'ai un excellent exemple de ce qui se passe actuellement. C'est le train qui vient de Vaudreuil et de Dorion à Montréal. On voulait couper ce train de douze par jour à deux par jour, ce qui entraînerait 300 autres voitures au centre-ville dans les alentours du Dominion Square.

Maintenant, la compagnie de chemins de fer a dit qu'elle va le couper à seulement six par jour, de douze à six. Rome ne s'est pas bâtie en un jour, mais on peut commencer avec ce train et, si le gouvernement du Québec avait une forte opposition et même s'il voulait augmenter ce service dans les banlieues ouest de la ville, cela serait un commencement. Nous voyons très peu de commencements concrets. Notre mémoire n'aime pas beaucoup qu'il y ait du nouveau là-dedans. Cela prend un peu de courage pour le commencer et les nouvelles habitudes vont suivre.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Je n'ai pas de question comme telle. C'est plutôt pour faire un commentaire sur vos deux mémoires qui vont reprendre, en fait, beaucoup de choses que vient de mentionner le ministre Joron, parce que je trouve que vos deux mémoires, même s'ils sont écrits dans des mots très simples et dans des expressions facilement compréhensibles, posent vraiment le problème fondamental. Il s'agit, essentiellement, de changer notre mode de vie et, finalement, votre mémoire aurait dû être présenté aux quatre ministres d'Etat en plus du ministre de l'Energie et au ministre d'Etat au développement économique parce que vous avez mis en question le développement économique.

M. Joron: Mais le fait qu'il ait été présenté ici témoigne où se trouve la clé de toute cette affaire.

M. Marcoux: Vous voyez comment tous les ministres tirent la couverte sur leur côté. C'est très difficile de faire du développement interministériel parce que tous les ministres ont raison.

Ceci dit, qui est vrai, pose d'abord le problème du développement économique. Au lieu de fabriquer des autos, il faut fabriquer des autobus ou des trains. Il faut fabriquer, en somme, d'autres types de produits. Cela suppose une réorientation complète de notre économie.

Vous m'avez rappelé, à la lecture de votre mémoire, les quatre roues de la fortune l'Alfred Sauvé qui posait tout ce problème et qui montrait... En fait, il y avait deux choses qui étaient les piliers de l'économie américaine ou occidentale. Il y avait la défense nationale et l'automobile — les quatre roues de la fortune. C'est quand même un pilier et cela prend du temps avant de se changer. Vous avez quand même montré la nécessité de le changer.

Lorsque vous parlez de l'étalement urbain, vous mettez tout en question, l'aménagement, toute la conception de l'aménagement. Les Québécois, par exemple, pendant la phase où ils édu-quent leurs enfants en bas âge, accepteront-ils dans l'avenir de vivre, dans des blocs de six, sept ou huit familles au lieu de vivre dans des maisons unifamiliales comme notre culture américaine actuellement, nos valeurs... Notre formation fait qu'à l'étape de l'éducation des enfants on préfère s'en aller en banlieue dans une maison unifamiliale et revenir en ville après cette période, comme on y était avant. Cela pose en somme toute la question de l'aménagement. Cela pose la question de nos valeurs, notre culture. En somme, il s'agit ici de changer tous nos modes de vie, notre conception de la croissance, des priorités de nos investissements économiques et sociaux. Evidemment, je parlais des quatre ministres au développement, il y a le développement social également. Lorsque vous parlez des voisins ou de la conception de la vie qu'on a en banlieue, c'est une autre conception de la vie que celle qu'on a lorsqu'on décide de choisir de vivre dans une ville à densité beaucoup plus élevée.

Même si vos mémoires sont brefs — et je pense que c'est intéressant qu'ils le soient — j'ai beaucoup apprécié que vous posiez l'ensemble de ce problème parce que c'est bien évident que le gouvernement ne pourra pas éviter... On ne peut pas poser le problème de l'énergie comme étant séparé de tout le reste de la vie. En fait, cela met en question toute la conception qu'on peut avoir de notre mode de vie. Je reviens à cette expression que j'utilisais au début. Je vous remercie d'être venu nous rencontrer.

Le Président (M. Laplante): Le député de Berthier.

M. Mercier: Votre mémoire rejoint très bien mon ordre de préoccupation principal. Quand vous vous présentez sous le thème de Sauvons Montréal, c'est un peu tout le Québec, je pense, que vous impliquez. Depuis plusieurs années, je vis à la campagne et j'ai constaté ceci. Les villes ne sont plus vivables à cause du manque d'espaces verts, du manque de rénovation domiciliaire, à cause de l'automobile. Lorsque les gens vont s'établir à l'extérieur, en banlieue, et particulièrement dans le comté où je suis, on constate que cela commence par des résidences secondaires qui se transforment en résidences permanentes. Les gens voyagent 50, 60 milles par jour pour aller travailler et peu à peu exigent des services municipaux, identiques à ce qu'on a dans les grands centres, d'aqueduc et d'égout. Tout le reste suit, le chemin à élargir, et toute l'activité économique est liée à cela. Bref, peu à peu, on sabote l'environnement de la campagne et, en définitive, lorsque c'est fait à un endroit on s'en va plus loin et on recommence exactement le même processus. Sauf que ce à quoi je n'ai pas trouvé de réponse encore, c'est ceci: A partir du moment où on a constaté ce problème, comment peut-on effectuer un réaménagement sans entraîner, par secteur, un certain chômage alors qu'on en a un taux déjà élevé? Dès que vous touchez à l'aménagement urbain, c'est la construction domiciliaire, la construction de routes, la construction de réseaux d'aqueduc et d'égout et tout l'ensemble des services qui coûtent extrêmement cher à l'unité et qu'on ne peut pas toujours se permettre. Comment faire ce passage tout en gardant un niveau d'activités économiques qui soit acceptable pour l'ensemble de la collectivité? Sans cela, c'est à peu près impossible de songer à un réaménagement aussi fondamental.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais simplement revenir à un point que ce monsieur a soulevé quant au service ferroviaire de Vaudreuil-Montréal. C'est vrai que quand il y a l'intervention du gouvernement provincial, au moins des représentations qui sont faites, cela peut apporter des résultats. Je veux seulement vous donner les résultats que nous avons eus l'automne dernier quand on a fait des représentations au Canadien

National et au ministre des Transports fédéral au sujet du service ferroviaire Montréal-Deux-Montagnes. Le Canadien National devait diminuer le service et augmenter les taux. Alors, nous avons, avec le ministre des Transports de la province, fait des représentations et nous avons pu obtenir du Canadien National et du ministre des Transports fédéral qu'ils mettent en suspens, premièrement, l'augmentation des taux et qu'ils mettent en suspens aussi la diminution du service jusqu'à ce qu'ils fassent une étude pour voir exactement les besoins des résidents de ces endroits. Le service Montréal-Deux-Montagnes a pu être maintenu à un certain niveau grâce à l'intervention des députés concernés et avec la collaboration entre la province et le fédéral. Je crois que c'est une mesure très concrète que vous suggérez et que c'est quelque chose que les députés concernés et le gouvernement devraient poursuivre pour répondre aux besoins des résidents de ces endroits.

Le Président (M. Laplante): M. Morissette.

M. Morissette (Pierre): J'aimerais faire un petit commentaire sur une remarque que M. le ministre vient de faire, M. le ministre, vous venez de dire que l'automobile et tout ce que cela implique comme infrastructures expliquent certains investissements qui ont été faits. Si un changement venait tout à coup — cela ne viendra pas tout d'un coup, en tout cas, parce que cela prendrait, comme c'était mentionné, bien des changements dans les attitudes — les ressources dans cette infrastructure seraient gaspillées. Je pense que ces ressources, en termes réels, ont été investies dans le passé et que c'est fini. On partait avec le travail et le capital tel qu'il était. En utilisant l'automobile, comme c'était bien démontré par Claire Morissette avec les statistiques les plus récentes, on empire la situation sur le plan de l'énergie. Là, on parle de l'automobile privée, parce qu'on favorise quand même l'autobus qui est aussi une automobile. L'automobile privée est une grande source de gaspillage d'énergie. On est d'accord là-dessus. En utilisant cette infrastructure, on gaspille l'énergie. On empire la situation. Si on pouvait rêver, on pourrait écrire un roman et on pourrait dire: L'année 0 commence demain et on aura seulement le transport en commun en ville, plus des bicyclettes et des trains entre les villes. Je pense que cela implique une épargne d'énergie et pas une perte de ressources, parce que ces ressources étaient investies dans le passé.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Anjou.

M. Johnson: D'abord, évidemment aussi, je voudrais vous féliciter pour la clarté et le courage de vos mémoires qui pourraient peut-être s'inscrire à contre-courant de ce à quoi normalement on s'attend devant une commission comme celle-ci, quand on voit, entre autres l'Hydro-Québec qui arrive ici avec des moyens considérables pour étayer son point de vue. Je vous félicite de la qua- lité du travail que vous avez fait, compte tenu de moyens que je présume relativement limités pour le faire.

Cependant, je suis frappé par le fait que votre mémoire soulève deux ordres de problèmes. Le premier est celui qui a déjà été évoqué par mes collègues; finalement, vous présupposez une espèce de changement fondamental, une espèce de changement culturel et d'habitudes de vie sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je pense qu'on se comprend tous là-dessus.

Le deuxième, c'est que l'ensemble de vos recommandations vise essentiellement à des interventions étatiques. Je pense que déjà on a évoqué la difficulté que cela peut représenter dans certains cas, non seulement parce qu'on prend de front des habitudes culturelles, mais aussi parce qu'en termes économiques c'est très difficile pour l'Etat de trancher au couteau des situations comme celles-là. Je voudrais tout simplement souligner le fait que, dans cette première partie qui est celle du changement des habitudes d'une population, des groupes comme les vôtres, qui n'ont rien à voir avec l'Etat, qui sont issus de préoccupations authentiques de milieux, d'une réflexion qui révèle carrément un certain courage, ont un travail énorme à faire à ce niveau, beaucoup plus que le travail que l'Etat peut faire en termes d'éducation. L'Etat peut essayer de refléter, je pense, ce type de préoccupations à travers des décisions plus ou moins quotidiennes ou plus ou moins à long terme. Je pense que, d'abord et avant tout, les moteurs de ce changement, ce sont les agents dynamiques à l'intérieur de la population, à l'exclusion de l'Etat.

Je voudrais vous dire que vous avez mon respect et celui de l'ensemble des collègues qui appartiennent au parti que je représente, pour ce type d'activité autonome. C'est important que vous continuiez en ce sens-là et que vous ne vous découragiez pas, ne serait-ce qu'à cause d'une mesure que vous proposez et à laquelle le gouvernement dirait non.

J'ai aussi une question spécifique. A la recommandation no 8, vous parlez d'un programme de rénovation de logements, incluant des équipements d'isolation afin de diminuer la consommation d'énergie, le tout présupposant peut-être aussi une modification au niveau du Code de la construction. Vous dites qu'un tel programme devrait inclure des subventions aux locataires ayant les plus faibles moyens financiers, ceci pour éviter de faire peser trop lourdement sur eux le fardeau de la conservation.

Je ne sais pas si vous avez réfléchi en termes concrets à ce que cela peut signifier comme mesure ou si vous avez une idée d'un programme de ce type qui existe.

M. Fish: Permettez-moi de commenter ces questions. C'est dans ce sens qu'il faut faire les premiers changements. C'est exactement ce qui a été fait à la fin de la deuxième guerre mondiale, quand on a pris une décision consciente de faire une ville pour automobiles et pour banlieusards.

Ce qui est nécessaire actuellement, c'est une intervention. Cela pourrait favoriser n'importe qui, soit des gens de l'entreprise privée, des coopératives, mais changer les règles de jeu de construire des maisons. Et la place où commencer avec nos traditions, avec nos problèmes actuels au Québec, c'est la rénovation des anciennes maisons, particulièrement au centre-ville montréalais.

On parle d'éveiller la conscience des gens. On est à peu près à la fin de cette route. Il y a beaucoup de projets en place qui n'ont pas de programme gouvernemental. C'est maintenant temps pour le gouvernement d'agir.

Je pense que tout ce travail de base dans la population, si on vit au centre-ville montréalais, il y a des problèmes et tous les résidents en sont conscients et votent "accordingly". On a maintenant besoin d'actions concrètes des gouvernements et on commencera comme il y a 30 ans, avec les règles de jeu pour "l'hypothécaire" et pour les gens qui font un travail.

Le Président (M. Laplante): Le député de Matane.

M. Bérubé: Je pense que, comme responsables en politique, on fait face à des demandes comme les vôtres avec énormément d'intérêt et, en même temps, avec une certaine crainte. La plupart des demandes qui me viennent, dans mon comté, c'est pour l'amélioration du réseau routier, c'est-à-dire pour l'inverse de ce que vous demandez ici.

Je pense que nous sommes à peu près unanimes pour reconnaître que le bien-fondé de vos remarques est un problème profond, parce que cela suppose un changement. C'est à ce niveau que je fais mon commentaire. Il y a deux façons d'agir sur les événements. La première, c'est d'attendre que le prix du pétrole augmente de telle sorte qu'il devienne absolument irréaliste de continuer le type de société que nous avons et à ce moment-là, naturellement, les lois de l'économique devraient tendre à nous ramener une société plus rationnelle en fonction des besoins.

Or, ce n'est pas cela que vous nous proposez. Ce que vous nous proposez, c'est de devancer la situation économique de demain pour éviter le chaos plus tard, et, à l'avance, de modifier les règles du jeu. C'est à ce niveau que c'est difficile, parce qu'on va à rencontre d'une mentalité, d'une attitude générale vis-à-vis des besoins énergétiques. Je pense que c'est là où votre action est très importante, en créant un- mouvement dans la population qui nous permet, à ce moment, de justifier les actions qui vont modifier...

Un exemple typique — je vois M. Champagne — le centre-ville de Sainte-Foy, où on avait proposé un plan d'aménagement extrêmement intéressant où on parlait de promouvoir le développement et le transport en commun. Mais ce qui frappait, à prime abord, lorsqu'on regardait le plan, c'est que tout était axé sur des réseaux de terrains de stationnement et d'autoroutes. Je ne vois pas quelqu'un qui aurait pris le transport en commun, alors qu'il peut prendre son automobile si facilement.

La bicyclette, je suis d'accord mais, en plein hiver, en février, je me rends compte que la population n'est pas prête à prendre cela. On a un effort considérable à faire. Le transport en commun, je le vois, mais qui prend le train pour se rendre dans le centre de Montréal? C'est qu'il y a une sous-utilisation des services de transport en commun. La seule façon d'y remédier, c'est pratiquement d'arriver avec une réglementation tellement sévère, des prix artificiels de l'essence-automobile, enfin, des attitudes gouvernementales qui vont amener la population à changer son mode de vie, avant que l'économie l'oblige à faire cela. Ce sont nécessairement des mesures qui sont très impopulaires. Elles ne peuvent reposer que sur un appui comme celui que vous nous apportez.

Le Président (M. Laplante): C'est bien. Mademoiselle, messieurs, la commission vous remercie de ce que vous avez apporté, Le temps est même dépassé. On voudrait essayer d'en passer un autre, avant d'aller au lunch. Merci! Excusez-moi, mademoiselle, vous aviez une question en marche, je crois.

Mme Morissette: Pardon?

Le Président (M. Laplante): La question de M. Bérubé, vous pouvez y répondre, seulement pour le satisfaire, parce que je vais me faire faire des reproches.

Mme Morissette: Vous me permettez de répondre?

Le Président (M. Laplante): Oui, allez-y.

Mme Morissette: Ce que je voulais dire, c'est qu'élargir une rue ou prendre les impôts des citoyens pour déneiger quatre voies de large d'une autoroute, ce sont des interventions de l'Etat; ce ne sont pas des interventions de l'éducation, mais de persuasion à prendre l'automobile.

Je voulais aussi répondre à cet autre monsieur qui parlait du nombre de travailleurs qu'il y a dans le secteur automobile. C'est très vrai, les Québécois, en général, travaillent en moyenne dix heures par semaine pour leur automobile: l'achat, les assurances, les contraventions, l'essence, l'impôt, la partie des impôts qui va au déneigement, qui va à la circulation, la police qui fait la circulation, qui va aux hôpitaux parce qu'on a des blessés, qui va aux allocations parce qu'on a des invalides permanents. C'est notre argent, ce sont dix heures de travail par semaine de tous les Québécois. Si on transformait la situation de façon à se passer de l'automobile, on pourrait se passer de ces dix heures de travail supplémentaire, ce qui pourrait amener un début de solution.

Je pense que vous avez tous les éléments en main et toutes les compétences pour trouver les solutions.

Le Président (M. Laplante): Merci, mademoiselle. J'appellerais le Regroupement pour la surveillance du nucléaire. Excusez, c'est parce que c'est un petit groupe, celui-là; Texaco va apporter des questions plus longues, probablement. On la passera à 8 heures. Est-ce que le Regroupement pour la surveillance du nucléaire est ici?

Avant de commencer, est-ce que vous pourriez nous dire à peu près combien de temps va prendre votre exposé?

Mme Henaut: Je m'appelle Dorothy Henaut. Je suis le porte-parole de notre groupe qui est peut-être petit, mais les idées ne sont pas petites.

Le Président (M. Laplante): J'y vais par la grosseur du mémoire.

Mme Henaut: Je ne sais pas si vous avez vu la taille de notre mémoire. Il n'est pas plein de verbiage. Il touche beaucoup de points. Nous n'aimerions, en aucune façon, être coincés par le temps. Nous pensons que nous avons quelque chose à dire qui va vous intéresser beaucoup. Nous aimerions alors prendre la place qui nous a été allouée...

Le Président (M. Laplante): Dans un premier temps, mademoiselle, pouvez-vous faire votre exposé, et après cela, on suspendra la séance jusqu'à 8 heures?

Mme Henaut: Oui, je pense que cela prendra de vingt minutes à une demi-heure pour faire l'exposé.

Le Président (M. Laplante): Ah non! On suspend nos travaux jusqu'à 8 heures. On recommencera avec Texaco, à ce moment. On va suivre l'ordre du jour.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

Reprise de la séance à 20 h 6

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux. J'appelle Texaco Canada Limitée. Je vous demanderais un exposé court, clair, pour que, dans les trois quarts d'heure, 45 minutes, les membres aient la chance de vous poser des questions sur votre mémoire. Veuillez maintenant me présenter les gens qui sont avec vous, s'il vous plaît.

Texaco Canada Limitée

M. Cleyn (Otto): M. le Président, je m'appelle Otto Cleyn, vice-président pour l'Est du Canada de Texaco Canada Limitée et directeur régional pour le Québec. Je suis accompagné de M. Wilfrid Beaudry, à ma gauche, qui est adjoint du trésorier et, à sa gauche, de Me André Galipeau, conseiller juridique.

Au nom de Texaco Canada Limitée, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de nous présenter devant la commission parlementaire. Vous avez déjà reçu un exemplaire de notre mémoire relativement à une politique énergétique pour le Québec. Mais, avec votre permission, j'aimerais vous exposer les grandes lignes de notre mémoire.

Premièrement, au cours des 20 prochaines années au moins, les Québécois s'approvisionneront, en majeure partie, en pétrole comme source d'énergie, soit le brut et le gaz naturel. Bien que les autres sources énergétiques d'approvisionnement deviendront de plus en plus importantes, leur exploitation sera lente à cause des considérations techniques et financières, ainsi que, probablement, de questions d'environnement.

Deuxièmement, la subordination du Québec au pétrole brut étranger continuera d'augmenter parce que les gisements traditionnels de pétrole brut au Canada s'épuisent, l'acheminement du pétrole brut provenant de l'Ouest canadien vers Montréal devrait, d'après nous, cesser au début des années 1980 et, encore une fois, le Québec sera entièrement dépendant du pétrole brut étranger.

Troisièmement, on s'attend que la concurrence entre les pays importateurs de pétrole brut s'intensifie au cours des années à venir.

Quatrièmement, bien que le Canada ait d'énormes ressources énergétiques encore inexploitées, il y a encore des possibilités de trouver du pétrole brut et du gaz naturel. Il dispose de vastes gisements de charbon. Il possède la majeure partie des gisements de sable bitumineux du monde, et il a de grandes possibilités au domaine de l'énergie nucléaire.

L'exploitation de toutes ces sources sera, par contre, coûteuse. Par conséquent, les investissements dépendront grandement de l'établissement des prix et des politiques adoptées par les agences gouvernementales.

C'était là les points fondamentaux qui pourraient avoir des effets néfastes sur la productivité

et la santé de l'économie du Québec. Plus particulièrement, la subordination accrue aux approvisionnements de pétrole brut étranger rend la province dépendante des problèmes suivants, lesquels pourraient avoir des conséquences désastreuses au niveau social et économique.

Premièrement, la balance commerciale; deuxièmement, la menace de diminution des approvisionnements et, troisièmement, l'impossibilité de s'approvisionner en pétrole brut de la qualité que nous désirons.

En vue d'aider à la mise au point d'une politique, nous présentons les observations suivantes.

Premièrement, les prix. Si le système de la libre entreprise basée sur l'énergie doit continuer à prospérer, il faut que les règles fondamentales en économie de l'offre et de la demande puissent être appliquées. Le Québec devrait donc s'abstenir d'établir des contrôles sur le prix de l'énergie et laisser le marché agir librement sur l'établissement de prix concurrentiels pour toutes les formes d'énergie, selon leur valeur. Un marché libre produira les stimulants monétaires nécessaires pour maintenir les approvisionnements en énergie et encouragera la distribution de produits énergétiques pour la meilleure utilisation possible.

Deuxièmement, autres sources d'énergie. Le Québec doit d'abord se concentrer sur les sources d'énergie maintenant disponibles et qu'il est en mesure d'exploiter avant de passer à des sources moins sûres. Par exemple, les projets relatifs à l'énergie nucléaire devront être examinés de près. Il faudra prendre beaucoup de précautions en ce qui concerne les problèmes de sécurité et la façon de disposer des déchets nucléaires. En outre, de nouvelles techniques permettant une plus grande utilisation du charbon sont disponibles, par exemple, la gazéification. Il existe un énorme potentiel d'énergie dans les sables bitumineux de l'Ouest canadien. Bien que l'exploitation à grande échelle de telles ressources ne soit pas possible aujourd'hui à des prix pouvant concurrencer les approvisionnements d'énergie traditionnelle, les innovations technologiques et l'augmentation des prix de l'énergie, en termes à la fois absolus et relatifs, pourraient bien faire en sorte que ces ressources deviennent des sources clés d'énergie au Canada.

Le Québec devra songer sérieusement à financer de nouveaux programmes qui aideront à l'exploitation des ressources en charbon et en sables bitumineux, comme sources sûres d'approvisionnement, étant donné que l'entreprise privée seule ne peut pas financer avec célérité de telles sources énergétiques.

Troisièmement, la conservation de l'énergie. Il s'agit d'une occasion extrêmement importante pour le Québec d'améliorer sa position en matière d'énergie, et on devrait lui accorder la priorité. A l'aide de stimulants économiques qui conviennent, des mesures devraient être prises pour décourager le gaspillage de l'énergie dans la province. Les étapes essentielles à suivre pour stimuler la conservation de l'énergie, en grandes lignes, seraient d'informer le public sur les questions d'énergie à l'aide de publications, promouvoir le recyclage des matériaux en établissant des restrictions sur les matériaux et contenants non recyclables, offrir des stimulants en matière d'impôts à ceux qui utilisent l'énergie de façon raisonnable, stimuler la recherche pour l'utilisation plus efficace de l'énergie et promouvoir le transport en commun.

Quatrièmement, la planification dans les situations d'urgence. Le Québec a besoin d'un programme efficace pour le stockage du pétrole afin que son économie ne soit pas paralysée en cas d'urgence. En considérant les points suggérés pour une politique énergétique au Québec, il est évident que la mise en oeuvre de cette politique nécessitera un raisonnement objectif et la collaboration des gouvernements ainsi que de l'industrie du pétrole.

Nous venons de vous donner les grandes lignes de notre rapport mais, avant de nous mettre à votre disposition pour répondre aux questions à ce sujet, nous aimerions faire quelques commentaires qui, nous le croyons, se rapportent à l'ensemble de la situation. Nous sommes sûrs que le gouvernement québécois ne se fait pas d'illusion ni n'entretient de faux espoirs quant aux réponses faciles lorsqu'il se propose de mettre au point un cadre de travail afin d'élaborer une politique énergétique pour le Québec. Les conséquences fondamentales et les choix reliés à la création d'une telle politique ne sont pas simples et demandent que soient prises des décisions difficiles dont la portée est très vaste. A ce sujet, il y a quatre points qui nécessitent une attention particulière.

Premier point. Le coût élevé résultant des retards dans la prise des mesures. Le principal problème énergétique auquel fait face le Québec est la subordination grandissante aux importations de pétrole provenant d'un nombre relativement restreint de pays propriétaires de la majorité des gisements du monde et qui ont la possibilité de contrôler les prix mondiaux pour le pétrole et la production. Par conséquent, c'est nous exposer à d'importants problèmes économiques et sociaux qui résulteraient de l'interruption des approvisionnements. Le prix que nous paierons en réalité demeure le prix de notre subordination au brut étranger, sans compter les sorties de fonds canadiens qui en découlent. Toutefois, ceci ne veut pas dire que le Québec devrait chercher à ne plus importer de pétrole. Il serait même dans l'intérêt de la province d'encourager l'industrie pétrolière à continuer d'importer du brut de ses fournisseurs habituels lorsqu'elle pourra l'obtenir à un prix raisonnable. Par contre, le Québec devrait reconnaître que la subordination coûte cher et chercher à réduire cette dépendance tout en conservant une certaine souplesse pour pouvoir profiter des approvisionnements les moins coûteux.

A cette fin, il faudrait être en mesure de comprendre à fond et d'évaluer les diverses possibilités qui se présentent afin de s'assurer que les coûts, les risques et les avantages qui en découlent sont vraiment dans l'intérêt du Québec.

Deuxième point: Ne pas se faire d'illusion. Plusieurs prétendent que les nouvelles réalisation technologiques apportent des solutions n'entraî-

nant, en principe, aucun risque, en réponse à nos besoins énergétiques. Ces solutions peuvent être envisagées, mais seulement comme possibilité à long terme, car la technologie moderne ne pourra pas contribuer de façon importante, à court et à moyen terme, à assurer nos réserves d'énergie. Le fait qu'il faudra résoudre les principaux problèmes économiques de sécurité et d'environnement, ainsi que faire d'importantes découvertes technologiques avant que l'on ne soit en mesure d'utiliser, à l'échelle commerciale, les sources d énergie nucléaire et solaire.

Il y a aussi ceux qui croient que l'on peut satisfaire aux besoins énergétiques d'une population grandissante et en pleine expansion économique en éliminant le gaspillage de l'énergie. Ils font remarquer, avec raison d'ailleurs, que l'aboncance d'énergie à bon prix que nous avons connue par le passé a encouragé le gaspillage. Sans aucun doute, la conservation peut et doit contribuer à résoudre nos problèmes en matière d'énergie. Enfin, dans bien des cas, il coûtera moins cher, sera plus efficace et moins dangereux pour l'environnement de réduire le gaspillage que de produire une quantité équivalente d'énergie pour compenser les pertes.

Toutefois, les effets des mesures de conservation de l'énergie tarderont à se faire sentir étant donné que les usines d'aujourd'hui, l'équipement et les produits de consommation qui emploient beaucoup trop d'énergie, comme les automobiles et les appareils, ne seront remplacés qu'à mesure qu'ils deviendront inutilisables.

D'autre part, il est plus important de reconnaître que se fier uniquement aux mesures de conservation visant à la réduction des demandes d'énergie pourrait entraîner une baisse du niveau de vie pour tous et une diminution des réserves d'énergie, empêchant ainsi un certain nombre de gens de continuer à travailler de façon productive et intéressante. Nous avons donc besoin de la technologie, de conserver l'énergie et d'augmenter la production des ressources actuelles. C'est là un objectif difficile à atteindre, même dans les meilleures conditions.

Troisième point: le danger d'élargir le rôle du gouvernement en matière d'énergie. Satisfaire aux besoins énergétiques du Québec a été et devrait continuer d'être la principale responsabilité de l'entreprise privée. Bien que certains soient d'avis que le gouvernement doit être présent dans toutes les activités de l'industrie pétrolière, il est nécessaire d'établir des normes gouvernementales pour évaluer le rendement de l'industrie et les prix, ou que des subventions gouvernementales sont nécessaires pour maintenir les prix à un niveau peu élevé, rien ne porte à croire que de telles mesures sont dans l'intérêt du consommateur. L'expérience nous a prouvé que les contrôles gouvernementaux sur l'énergie vont à rencontre des intérêts des consommateurs.

Quatrième point, établir un équilibre entre les objectifs divergents. Pour établir une politique en matière d'énergie, le gouvernement doit se résoudre à établir l'équilibre entre des objectifs divergents comme les suivants: Prix peu élevés aux consommateurs par rapport à des approvisionnements d'énergie appropriés et assurés. En dépit des désirs des gouvernements et des consommateurs, l'augmentation des prix de l'énergie est inévitable. Les prix augmenteront principalement parce qu'ils ont été trop bas par le passé, parce que les ressources canadiennes actuelles qui coûtent moins cher s'épuisent et qu'on n'a pas tenu compte des frais pour la protection de l'environnement en établissant les prix et que les pays étrangers vendent plus cher leur énergie. Il n'y a tout simplement pas d'autres sources d'énergie bon marché. L'augmentation des prix continuera d'être un facteur important si nous voulons obtenir des approvisionnements appropriés et assurés.

Environnement par rapport à énergie. Etablir le meilleur équilibre possible entre les objectifs en matière d'énergie et ceux relatifs à l'environnement est également un problème épineux. Les objectifs concernant l'environnement sont importants si l'on veut s'assurer la santé et le bien-être de la population et protéger les ressources naturelles pour les générations à venir et améliorer la qualité de la vie. Par ailleurs, une économie saine, un meilleur niveau de vie dépendant essentiellement d'une quantité appropriée d'énergie.

Il sera donc difficile de faire face au dilemme créé du fait que certaines mesures devant être prises pour atteindre un certain objectif vont à rencontre des efforts entrepris pour en réaliser d'autres. Il faudra nécessairement faire des compromis. Nous sommes certains que la commission comprend les problèmes que présente la mise sur pied d'une politique en matière d'énergie, car les points à considérer sont souvent complexes et font l'objet de controverses.

Par conséquent, nous recommandons qu'avant d'arrêter une telle politique, toutes les possibilités soient étudiées de près car les décisions qui doivent être prises sont d'une importance capitale pour la vitalité de l'économie du Québec et le bien-être de ses citoyens.

Merci, M. le Président. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions.

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie monsieur. M. le ministre.

M. Joron: Merci. M. Cleyn, votre mémoire soulève plusieurs points intéressants. Il y en a sur lesquels j'aimerais m'étendre longuement, mais je pense que je vais plutôt résister à la tentation et vous poser quelques questions précises. Il y a deux points, entre autres.

Vous avez soulevé passablement de questions fort intéressantes et pertinentes, dans ce mémoire, entre autres sur le rôle du gouvernement et sur ce que doit être la nature des interventions de l'Etat. Je fais seulement un commentaire sans vous poser une question. D'ailleurs, vous n'êtes pas le seul concerné. On l'a entendu dans la bouche d'autres intervenants avant vous. Je veux seulement souligner que c'est amusant parfois, parce que l'industrie nous dit: Le gouvernement ne devrait pas intervenir quand il s'agit de contrôler les prix, enfin des choses comme cela, mais, d'autre

part, il devrait intervenir quand il s'agit d'assurer à l'industrie de meilleurs prix, enfin un taux de rentabilité permettant à l'industrie privée de générer de nouveaux investissements dans la recherche de nouvelles sources de pétrole.

Parfois, il semble y avoir une petite contradiction: Aidez-nous, s'il s'agit de nous procurer plus de ressources internes, pour qu'on puisse faire de l'exploration, mais, d'autre part, n'intervenez pas quand il s'agit de contrôler les prix. Parfois, cela me semble un peu contradictoire. C'est seulement une remarque générale. Si vous voulez commenter davantage, libre à vous.

Il y a une autre chose aussi que vous avez relevée, comme d'autres aussi. Vous mentionnez que, si on se fie exclusivement à la conservation ou à l'économie de l'énergie, on pourrait, à la rigueur et à la longue, entraîner peut-être une baisse du niveau de vie ou, enfin, une décélération de l'activité économique. Je conteste cela fortement. J'ai l'impression que souvent on nous dit: II faut plus d'énergie de façon à pouvoir réparer telle sorte d'activité que l'on fait. C'est un peu comme un chien qui court après sa queue. On dit: Telle sorte d'activité engendre des problèmes. Il nous faut résoudre ces problèmes. Pour résoudre ces problèmes, cela prend encore plus d'énergie. On est comme dans un cercle vicieux. A un moment donné, il y a des gaffes que l'on fait qui nous amènent à les réparer. Mais, si on accepte d'embarquer dans cette logique, on va toujours poursuivre des objectifs qui vont nécessiter de plus en plus des quantités d'énergie absolument affolantes.

Je ne suis pas sûr du tout qu'une décélération de la croissance du domaine énergétique entraîne une baisse du niveau de vie

Je crois, au contraire, que si la collectivité comme telle consacre moins de ressources au secteur de l'énergie, ce qu'elle se trouve à faire, c'est libérer à la fois du capital et des énergies humaines, du capital humain, financier, etc., qui peuvent être affectés à d'autres sources, à d'autres types d'activité qui amènent également une croissance économique et qui peuvent amener finalement un niveau de vie même supérieur, en qualité, en tout cas, sinon en quantité. C'étaient des observations de nature générale, parce que je retraçais cette philosophie dans votre rapport.

J'ai deux questions précises à vous poser. Ce sont les suivantes: Votre mémoire diffère considérablement de la plupart de ceux que nous avons entendus avant vous, en ce sens que vous prévoyez pour 1995 une part très faible du gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec, même que vos prévisions par rapport à aujourd'hui, où la part du gaz naturel est de 6%, vous prévoyez en 1995, 4% de gaz naturel, alors que presque unanimement, tout le monde avant vous, nous a dit qu'il va y avoir des quantités de gaz extraordinaires qui s'en viennent et qu'il faudrait monter à 15%, 20% ou 25%, d'autres ont même parlé de 30% comme devant être la part du gaz naturel dans notre bilan. Vous, vous nous parlez de 4%. Cela surprend. J'aimerais que vous précisiez davantage ce sujet.

Deuxièmement, vous accordez une part, non pas très importante, mais quand même relativement surprenante, au charbon. Vous accordez 7% en 1995 au charbon, alors que cela compte pour un peu moins de 2% dans le moment. Vous êtes les seuls à faire cette prévision. Alors, est-ce que vous pourriez nous dire sur quoi vous appuyez ces deux prévisions, à la fois sur le peu d'importance relative que vous accordez au gaz naturel et l'importance beaucoup plus grande que vous accordez au charbon?

M. Cleyn: M. le ministre, avant de répondre à ces deux questions, me permettez-vous de tout simplement toucher brièvement à vos premières observations concernant le dilemme que vous posez quand vous dites que c'est assez surprenant qu'on ne prône aucune intervention gouvernementale dans les prix, dans bien des choses et que tout d'un coup, on demande l'assistance du gouvernement? Tout ce qu'on veut dire par cela... Si vous me permettez, je voudrais me servir d'un exemple. Prenez les sables bitumineux dans l'Ouest canadien. Comme vous le savez, il y a plusieurs provinces qui ont jugé bon d'investir un certain montant d'argent avec les entreprises privées pour aider les entreprises privées à pouvoir prendre de l'avance dans les activités futures concernant les sables bitumineux.

C'est dans ce domaine que nous voudrions l'assistance du gouvernement. Pour le reste — on l'a prouvé dans le passé — on s'arrange au mieux possible, même dans le meilleur intérêt du public et de la population, en laissant le marché fluctuer selon les demandes et le produit qui est disponible.

M. Joron: Si vous me le permettez, ce commentaire me fait penser à une autre question. Pensez-vous qu'il serait sage pour le gouvernement du Québec de faire en sorte que le taux de rendement, ou, enfin, la marge de profit des compagnies pétrolières au Québec soit suffisamment large pour leur permettre de générer des revenus internes, une plus grande part d'autofinancement, de façon à leur permettre d'investir ces profits dans les sables bitumineux de l'Alberta, par exemple, ou, enfin, de l'Athabaska? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt... En fait, ce que vous vous trouvez à dire c'est: Permettez aux consommateurs québécois qui achètent les produits de pétrole de fournir, par une plus grande marge de profit à l'entreprise, des sources de financement pour lui permettre de faire de l'exploration en dehors des frontières du Québec. Est-ce que le gouvernement ne devrait pas plutôt chercher à retenir le maximum d'épargne possible au Québec pour financer ses investissements dans des sources domestiques d'énergie, que ce soit l'hydroélectrique ou le nucléaire, parce que là, c'est une question d'envoyer une partie de l'épargne faite ici pour de l'exploration de sources qui sont extérieures au Québec, alors qu'on pourrait imaginer que le maximum d'épargne qui pourrait être généré au Québec devrait plutôt servir à des investissements dans des sources locales de production d'énergie?

M. Cleyn: Evidemment...

M. Joron: Evidemment, vous, vous n'êtes pas dans la production de l'électricité. C'est pour ça que ça ne vous intéresse pas comme tel.

M. Cleyn: Premièrement et, deuxièmement, après avoir écouté l'Hydro, je comprends qu'il y a bien des problèmes dans ce domaine, tandis qu'au point de vue des sables bitumineux et du pétrole dans l'Ouest, je pense qu'on a un peu moins d'inquiétude pour le développement éventuel. Au point de vue sécuritaire, ça va être en Amérique du Nord. Il n'y a pas le danger des Arabes qui peuvent peut-être couper les livraisons aux bateaux d'une journée à l'autre. On pense que ce serait plus sécuritaire d'investir cet argent... D'accord, si on pouvait prendre le même montant d'argent et l'investir au Québec pour la découverte de gaz ou d'autres choses, il n'y aurait pas d'argument. Mais nous, dans nos estimations, nous ne prévoyons oas de possibilités dans-ce domaine.

En ce qui concerne le gaspillage... Est-ce que vous permettez que... En ce qui concerne le gaspillage, on est tout à fait d'accord avec vous que ce n'est pas l'absence de gaspillage qui va réduire le niveau de vie des gens de la province. Ce n'est pas ça qu'on voulait dire. On voulait tout simplement dire, dans nos remarques, que couper le gaspillage est seulement une des mesures pour augmenter l'autosuffisance de l'énergie, du pétrole ou de quelque source d'énergie que ce soit dans la province. Il y a la découverte, il y a la recherche, il y a l'investissement dans de nouvelles sources, ainsi que la réduction du gaspillage autant que possible. On ne voulait pas dire qu'en arrêtant de gaspiller, le niveau de vie va baisser, au contraire.

On prône et même on a des suggestions, y compris l'établissement de pistes de bicyclettes. Je pensais à cela cet après-midi.

Alors, on est complètement en faveur de ce domaine. La seule chose est qu'on dit: Arrêter le gaspillage comme tel n'est pas suffisant et, comme on disait tout à l'heure, il y a les moteurs, les automobiles qui ont été construites pour consommer énormément d'essence. Cela va prendre quelques années avant qu'elles sortent du système, du marché actuel. Je veux revenir, si vous me le permettez, aux deux questions que vous nous avez posées. En ce qui concerne nos estimations pour 1995, d'une baisse de 6% de BTU au total du gaz naturel à 4%, nos prévisions sont peut-être un peu moins optimistes que celles des autres compagnies que vous venez de citer qui étaient un peu différentes de nos estimations.

On est moins optimiste en ce qui concerne les possibilités de gaz naturel dans les territoires de frontière dans l'Ouest. On prétend que le gaz qui existe actuellement dans l'Ouest canadien — il n'y en a presque pas au Québec — les ressources qui existent actuellement sont insuffisantes pour augmenter le volume qui va venir au Québec d'une manière considérable.

D'ailleurs, on prétend que, de 89 millions de BTU en 1976, cela va monter à 108 millions de BTU en 1995 mais, en dépit de cette augmentation, cela sera une baisse de 6% à 4%.

C'est bien simple. Nous ne sommes pas aussi optimistes peut-être que les autres compagnies au point de vue des ressources et des possibilités, premièrement, de vraiment avoir du gaz sur une base industrielle suffisamment importante pour payer les développements dans les territoires de frontière dans le nord de l'Ouest canadien. Le produit qui existe dans le moment, c'est-à-dire le gaz, est insuffisant pour augmenter au rythme que certains autres le prétendent.

Evidemment...

M. Joron: Si vous permettez, sur ce point du gaz. Votre conclusion vous amènerait à dire qu'il est vain, qu'il n'est pas utile de contruire le gazoduc, soit du delta du Mackenzie ou de Polar Gas.

Cette non-confiance dans la quantité des réserves et dans le prix auquel on pourrait les acheminer ici vous amène-t-elle à croire qu'il ne vaut pas la peine de contruire le gazoduc?

M. Cleyn: Premièrement, nous ne sommes pas impliqués dans ces développements ou dans ces prévisions pour la simple raison que nous n'avons pas la même confiance qu'il y a vraiment des sources suffisamment rentables dans le nord. Cela peut changer du jour au lendemain, mais les chiffres que nous possédons aujourd'hui et des données parfaitement prouvées aujourd'hui créent un certain doute dans les possibilités immédiates. On prétend que le seul gaz sur lequel on peut compter est le gaz qui existe aujourd'hui dans les régions qu'on connaît et ce gaz ne va pas monter en millions de BTU. Il va baisser au point de vue du pourcentage fourni.

Par contre, tout en prévoyant une augmentation dans le prix de l'énergie comme telle, nous croyons qu'une fois que ce prix aura atteint un certain niveau on arrivera au point où cela sera intéressant de prendre le charbon qui se trouve dans l'Ouest canaadien et le convertir en gaz et en pétrole ou encore importer du charbon comme tel dans la province de Québec et s'en servir comme fuel dans les industries.

C'est le charbon, importé comme charbon et comme base énergétique, ou encore la conversion du charbon dans l'Ouest canadien en gaz et en pétrole qui, nous le prétendons, dans les 20 prochaines années, va devenir rentable à cause de l'augmentation du prix de l'énergie globale. A ce moment-là, nous prévoyons que cela pourra monter de 2% en 1976, de l'énergie globale du Québec, à 7% en 1995.

M. Joron: Vous estimez que cette source d'énergie, le charbon, serait à un prix plus élevé qu'aujourd'hui, c'est bien évident, mais quand même plus économique que le gaz pouvant venir des îles de l'Arctique ou des côtes du Labrador?

M. Cleyn: Là encore, on a l'incertitude... M. Joron: Quant à l'approvisionnement.

M. Cleyn: ... quant à l'approvisionnement et c'est pour cela... On sait que c'est là et on est confiant qu'une fois qu'on est rendu à un certain prix, cela deviendra rentable.

M. Joron: Est-ce que je peux vous demander, pour que cela devienne rentable... Je sais bien que la prévision qui est là est pour 1995. Entre 1976 et 1995, on ne sait pas exactement à quel moment le charbon intervient.

M. Cleyn: D'accord.

M. Joron: Vous avez dit vous-même que cela dépend de l'évolution des prix des autres formes d'énergie, pétrole et autres. Mais à quel prix faudrait-il, selon les données que l'on connaît aujourd'hui, que le pétrole brut se vende par baril pour que ce charbon devienne concurrentiel?

M. Cleyn: Grosso modo, dépassant $20 du baril.

M. Joron: Au-delà de $20 du baril. Vous prévoyez que cela va venir autour de quelle date?

M. Cleyn: La seule estimation qu'on oserait citer, c'est qu'on s'attend que, vers 1980, on soit autour de $16 à $17 du baril. Alors, cela prendrait, à un rythme de 7% à 8%, quelques autres années.

Le Président (M. Laplante): Le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, la question sur le charbon que je voulais poser, je pense qu'on y a répondu. Il y a seulement un autre point que je voudrais toucher, c'est la question de la sécurité. Je crois que c'est la première fois, depuis qu'on reçoit des mémoires ici, qu'une entreprise aborde d'une façon aussi directe, comme recommandation, les situations d'urgence. Est-ce que, dans votre esprit, ce programme, cette planification des situations d'urgence irait jusqu'à recommander au gouvernement du Québec d'entreprendre un programme de stockage pour doubler les réserves? On nous a dit, dans d'autres mémoires, qu'il y avait un stockage d'une soixantaine de jours. Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que l'Etat intervienne pour accroître ce stockage et, si oui, quel serait le nombre de jours qui vous apparaîtrait requis pour ne pas nuire au développement économique dont vous parlez?

M. Cleyn: Pour répondre, M. le député, à votre première question, la réponse est oui, c'est cela qu'on prône. Pour la deuxième question, si vous permettez, je vais consulter mon assistant. On parle de doubler cette période. En d'autres mots, de la monter de 60 à 90 ou 120 jours, de deux mois à trois ou quatre mois.

M. Garneau: L'autre aspect, peut-être que ce sera le dernier point, M. le Président. Dans votre mémoire, vous êtes très pessimiste, dans un premier temps, sur les sources d'approvisionnement en pétrole au Canada et, dans votre bilan énergétique, quand même, vous maintenez une proportion assez grande de pétrole. Votre entreprise — 60%, quand même, dans le bilan énergétique, avec une croissance assez importante en termes de billions de BTU — s'approvisionne-t-elle sur le marché canadien et sur le marché international ou si c'est uniquement sur le marché international?

M. Cleyn: Vous voulez dire à Montréal? M. Garneau: Du Québec, oui.

M. Cleyn: Dans le moment, évidemment, nous faisons partie du groupe qui est approvisionné en partie par le pipe-line de Sarnia à Montréal à un rythme de 250 000 barils, dans notre cas. Alors, on a à peu près un tiers de notre approvisionnement actuel qui vient du Canada et le restant qui est importé du Venezuela, de l'Arabie Saoudite et de différents autres pays, mais ce sont surtout les trois sources principales qui nous approvisionnent à Montréal.

M. Garneau: Quand vous regardez vers l'avenir, avec quelle assurance votre entreprise considère-t-elle la sécurité de ses propres sources d'approvisionnement pour sa clientèle? Est-ce que vous voyez cet avenir avec une certaine hésitation? Vous êtes relativement conservateur dans vos prévisions et vous semblez, d'après votre mémoire, miser uniquement sur ce qu'il y a de prouvé. Comment envisagez-vous l'approvisionnement de votre propre entreprise, disons d'ici 1995? Avec difficulté? Est-ce que vous avez suffisamment confiance pour le dire à votre clientèle? J'imagine que ce serait difficile pour vous de dire le contraire ici aujourd'hui, mais quand même, quand on regarde la politique énergétique du Québec, vous demandez au gouvernement de ne pas trop intervenir, mais quelle assurance pouvez-vous avoir, quelle certitude? Ce sont peut-être des mots trop forts, mais vous devez certainement avoir, là aussi, une inquiétude, comme vous semblez en témoigner dans tout le reste de votre mémoire.

M. Cleyn: Si vous permettez, premièrement, on indique dans notre mémoire qu'en 1980, les 250 000 barils qu'on reçoit de l'Ouest arrêteront, parce que le pipe-line va changer de direction. A ce moment-là, notre approvisionnement global va venir d'outre-mer ou de l'Amérique du Sud. Mais on a prouvé, en 1973, qu'en dépit de l'embargo qui a eu lieu aux Etats-Unis, on n'a aucunement manqué de produits, à aucun moment. Alors, nous sommes confiants jusqu'à un certain point et nous n'avons aucune inquiétude, nous pouvons assurer la clientèle qu'elle sera toujours approvisionnée de pétrole, qu'on sera toujours en mesure d'en trouver.

Par contre, dans notre mémoire, on souligne également la nécessité pour le Québec d'essayer de diversifier ses sources énergétiques, pour la simple raison qu'on trouve que 60%, c'est un chif-

fre énorme, surtout quand ces 60% vont venir d'en dehors du pays.

On n'est pas trop inquiet mais, par contre, on trouve que ce serait dans l'intérêt de la province de diversifier et de s'assurer d'être fournie en énergie plus près de chez nous plutôt que d'être toujours à la merci des pays lointains.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: J'ai également noté que vous étiez les premiers à nous parler de mesures d'urgence. Vous avez commencé à expliquer votre pensée à ce sujet en disant qu'il faudrait que le gouvernement prévoie le double des stocks qu'il a actuellement, et possiblement aussi de réserver des puits qu'on aurait découverts. Est-ce qu'à votre avis, il y aurait d'autres moyens que le gouvernement devrait prendre par rapport à des situations d'urgence, à part ces deux moyens que vous avez mentionnés dans votre rapport?

M. Cleyn: C'est le seul qu'on prévoit.

M. Marcoux: C'est le seul que vous souhaitez que le gouvernement prenne. Une deuxième question, brève mais claire: est-ce que j'interprète bien votre rapport lorsque j'en déduis que le gouvernement du Québec devrait faire disparaître SOQUIP? Lorsque je lis, à la page 11, que "le gouvernement québécois devrait, en particulier, s'abstenir d'intervenir dans l'exploration, l'exploitation, le traitement, la distribution, la commercialisation de l'énergie, etc", est-ce que je comprends bien votre rapport en disant que ce que vous proposez au gouvernement du Québec, c'est de faire disparaître SOQUIP?

M. Cleyn: Non, ce n'est pas ça qu'on prône.

M. Marcoux: Quelle vocation prônez-vous pour SOQUIP?

M. Joron: Je ne sais pas si vous avez vu, mais il y a M. Cloutier, assis derrière vous, qui a tremblé un moment.

M. Cleyn: Au contraire.

M. Marcoux: Quelle vocation prônez-vous pour SOQUIP? Jusqu'à maintenant, plusieurs mémoires ont souligné que si on voyait une vocation pour la société gouvernementale SOQUIP, c'était dans l'exploration, peut-être accentuer cet aspect. Mais j'ai été étonné de voir dans votre mémoire que même pour l'exploration, vous proposez au gouvernement du Québec de s'en abstenir.

M. Cleyn: M. le député, évidemment, vous lisez bien; à la page 11, on dit de s'abstenir d'intervenir dans l'exploration. Le fait que SOQUIP existe comme telle, d'après moi, ne veut pas dire que ça intervient, parce qu'elle est déjà là. Nous, tout ce qu'on veut dire, c'est qu'on ne voudrait pas qu'il y ait d'autres développements dans ce domaine. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Marcoux: Je vais préciser. En somme, vous ne voulez pas sa mort, mais... Pour aller plus loin, est-ce que vous accepteriez que SOQUIP prenne de l'expansion, et dans quel secteur d'activité voyez-vous qu'elle devrait prendre de l'expansion si tel est le choix du gouvernement du Québec?

M. Cleyn: Ce serait dans l'exploration. M. Marcoux: Bon, ça va.

M. Marcoux: Cela va. Une dernière question-commentaire. A la lecture de votre mémoire — le ministre l'a déjà noté ainsi que le député de Jean-Talon — on retient quand même l'impression générale que vous souhaitez une limitation de l'intervention gouvernementale en général, que l'intervention gouvernementale soit au minimum.

Je pense que vous proposez une vue assez négative de l'intervention gouvernementale dans le processus économique ou social.

Une deuxième impression qu'on retient sur cette intervention gouvernementale, c'est que vous proposez que le gouvernement intervienne avec la carotte pour les compagnies ou pour les entreprises privées et avec le bâton pour les consommateurs. En somme, vous dites: II ne faut pas que vous interveniez, mais quand même intervenez. Il y a deux façons d'intervenir. Du côté de ceux qui exploitent et qui mettent en marché ce produit qui s'appelle le pétrole ou le gaz, intervenir avec la carotte, c'est-à-dire que le prix soit le prix international, avec le moins de contrôle possible, des dégrèvements fiscaux pour l'exploration. Pour le consommateur, c'est l'inverse; Intervenez pour limiter sa consommation — je comprends votre souci, votre objectif — par des mesures qui ressemblent au bâton.

Est-ce que j'interprète mal l'esprit du rapport?

M. Cleyn: Pour répondre à votre deuxième question, on serait d'accord avec ce que vous dites, de limiter le consommateur. On veut tout simplement lui faire voir la réalité existante aujourd'hui, que l'énergie devient de plus en plus rare.

En ce qui concerne le premier point, non, nous ne prônons pas l'intervention... Je n'ai pas tout à fait saisi votre première question.

M. Marcoux: Ce que vous proposez, pour les compagnies, c'est que l'intervention gouvernementale soit dans le sens de rendre le plus alléchant possible tout travail, toute exploration des compagnies ou tout développement de l'entreprise privée, telle qu'elle existe actuellement, par des dégrèvements fiscaux pour faciliter ce travail.

M. Cleyn: Je pense que cela a été prouvé par les faits qu'en laissant le marché fluctuer sur une base libre il va trouver son propre équilibre. Les prix vont monter, mais c'est dans l'intérêt éventuel de la province de monter les prix pour décourager la consommation. On trouve qu'on est...

M. Marcoux: Est-ce que vous pensez vraiment que les prix... Si on entre dans cette attitude, parmi les différents moyens que peut prendre le gouvernement pour diminuer la consommation, est-ce que vous pensez que les prix, c'est le premier ou le principal moyen? Quand on pense que plusieurs groupes qui sont venus nous rencontrer nous ont dit: Même si les prix du pétrole ont beaucoup augmenté depuis trois ans, cela n'a presque pas découragé les gens. Si on enlève Iabaisse économique qu'il y a eu, qui était là, de toute façon, en 1973 et 1974, la consommation a continué d'augmenter à peu près au même rythme.

Vous nous dites qu'un des moyens importants pour assurer ce contrôle, c'est par les prix. Plusieurs nous ont dit que le moyen des prix n'est pas un moyen efficace.

M. Cleyn: On ne serait pas d'accord. C'est certain que ce ne serait pas le seul moyen. Mais, à la longue, nous sommes persuadés que, lorsque l'essence va être rendue, sans vouloir prendre un chiffre, à un certain montant, un dollar ou quelque chose comme cela, cela va certainement affecter le monde. Cela va affecter les gens dans le choix de la voiture qu'ils vont acheter. Vous voyez, déjà aujourd'hui, il y a une tendance de plus en plus vers les petites voitures. Nous sommes persuadés que le prix aura une influence primordiale à la longue, quoique ce ne sera pas le seul facteur.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à vos prévisions pour le gaz naturel. Vous prévoyez qu'il y aura seulement 4%, que cela va aller en descendant; au lieu d'avoir 6%, cela va aller à 4%. Pourtant, vous devez être au courant des démarches qui se font maintenant, par exemple, par Canadian Arctic Gas Pipeline, qui veulent construire un gazoduc du delta pour approvisionner l'Est du Canada et peut-être les Etats-Unis.

Entre les ressources découvertes, les réserves découvertes et surestimées, par exemple, d'après les soumissions qui ont été faites à l'Office national de l'énergie pour le bassin Beaufort-Mackenzie, c'est de 39 trillions à 84 trillions de pieds cubes; aux îles de l'Arctique, c'est de 26 trillions à 69 trillions de pieds cubes. Il y en a sur les côtes de l'Atlantique.

En plus de cela, nous avons même la soumission que SOQUIP a faite. Elle a suggéré fortement qu'on se dirige vers le gaz naturel. Autrement, les chiffres que vous nous donnez vont être vrais, savoir qu'on va se fier à 60% sur le pétrole et, la plupart de ce pétrole, dans un avenir prochain, viendra des sources en dehors du Canada. Vous mentionnez vous-mêmes dans votre soumission la balance commerciale. Il a été établi ici — on avait posé des questions sur les soumissions à Imperial Oil et même à M. Boyd, ce matin, de l'Hydro-Québec — que cela coûterait $3,5 milliards à $4 milliards par année. Si tous ces montants doivent aller en dehors du pays, quand je dis du pays, en dehors du Canada, c'est une chose; quand une portion demeure dans le Canada, c'est une autre chose totalement différente. Nous avons les péréquations; nous avons les services dans le même pays, ce n'est pas la même chose de dépenser $4,5 milliards dans le Canada, plutôt que de se fier sur les importations, il faut fournir des services pour le pays.

Même la Chambre de commerce du Québec a suggéré et recommandé fortement de s'orienter vers le développement d'un gazoduc des îles de l'Arctique. Elle a même suggéré qu'on fasse des représentations pour que ce gazoduc soit construit du côté du Québec.

Avec toutes ces données, avec les soumissions qui ont été faites à l'Office nationale de l'énergie, avec les pourcentages que les autres compagnies qui nous ont fait des soumissions prévoient pour le gaz naturel, avec les recommandations de SOQUIP et les autres, je trouve votre prévision difficile à comprendre qu'il n'y aura que 4%. Avez-vous pris tous ces faits en considération?

M. Cleyn: Je reviens un peu, M. le député, à ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'il y a forcément une divergence d'opinion. Nous revenons à ce que j'ai dit tout à l'heure, ces sources supposément de produits ou de gaz dans l'Ouest qui sont la base de la demande du pipe-line, d'après nous, ne sont pas suffisamment prouvées pour vraiment justifier la demande du pipe-line, ou encore, pour se baser sur ce gaz pour compter qu'il vienne au Québec pour faire sa part dans le pourcentage.

C'est une attitude que nous avons qui est peut-être plus pessimiste ou plus réaliste, jusqu'à un certain point. Nous n'en sommes pas convaincus, jusqu'à ce qu'il soit vraiment prouvé à notre satisfaction entière qu'il existe en effet dans le nord ou dans les territoires nordiques. Nous hésitons à nous baser là-dessus.

Le Président (M. Laplante): Le député de Robert-Baldwin.

M. O'Gallagher: M. le Président, apparemment, la seule alternative au pouvoir nucléaire serait le charbon ou l'huile extraite des sables bitumineux de l'Athabaska, ou le gaz naturel. En ce qui concerne les sables bitumineux, quelles sont les quantités disponibles? A quel prix peut-on les exploiter aujourd'hui, le baril?

M. Cleyn: Je ne sais pas, M. le député, si vous avez eu une chance de voir le mémoire qu'on a ajouté à notre soumission. Dans nos pronostics, on prévoit que les sables bitumineux vont commencer à produire, si vous permettez, pas avant l'année 1990. C'est un montant que nous prévoyons ici de 500 000 barils à ce moment, dans l'Ouest canadien, mais on ne l'a pas dans les prévisions du Québec, que la quantité ne sera même pas suffisante pour fournir les demandes dans l'Ouest du Canada ainsi qu'en Ontario.

Alors, cela ne vient pas dans le contexte québécois parce que cela ne serait même pas assez

pour fournir à la demande dans l'Ouest canadien. Pour répondre à votre question au point de vue du prix, on le voit à peu près à $25 le baril.

M. O'Gallagher: Ils sont exploités dans le moment.

M. Cleyn: II y a une production de 40 000 ou de 50 000 barils par jour. C'est une perte continuelle avec des difficultés continuelles. Il y a une nouvelle installation qui est censée commencer sa production dans trois ou quatre années à peu près. La construction est en marche dans le moment, mais avant de voir un baril d'huile brute, cela va prendre du temps.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Joron: M. Cleyn, j'aurais deux autres questions à vous poser. Voici la première: Dans vos prévisions pour 1995, vous nous parlez de pétrole importé, peu du gaz naturel, du charbon importé d'Alberta, de l'électricité et du nucléaire. Spécialement par rapport au gaz — on vient d'en parler — par rapport aux sables bitumineux aussi, enfin d'autres sources de pétrole ou de gaz frontalières, vous ne semblez pas très confiant. Vous avez vous-même dit tout à l'heure que vous n'aviez pas d'intérêt là-dedans, que c'est parce que vous n'y croyiez pas que vous n'y étiez pas non plus. Si je comprends bien, l'exploration de Texaco au Canada n'est pas faite par Texaco Canada Limited, mais par Texaco Incorporated, la compagnie mère américaine. Est-ce que c'est exact, Texaco Explorations of Canada n'est pas une filiale directe de Texaco Canada, mais de Texaco US?

M. Cleyn: C'est bien vrai, M. le ministre, sauf que l'exploration de Texaco Canada se fait par nous-mêmes.

M. Joron: Ah bon!

M. Cleyn: Une bonne partie des profits qu'on réalise dans la production de l'huile brute retourne dans l'exploration.

M. Joron: II y a deux entités, il y a deux filiales de Texaco qui font de l'exploration au Canada?

M. Cleyn: L'une est une compagnie canadienne...

M. Joron: II y a vous directement et Texaco Explorations qui est une filiale de Texaco US.

M. Cleyn: A 100% contrôlée par...

M. Joron: Qu'est-ce qu'elle fait elle? Où explore-t-elle?

M. Cleyn: Elle explore dans l'Ouest canadien aussi.

M. Joron: Dans l'Arctique, peu. Dans les régions frontalières?

M. Cleyn: Pas dans le moment.

M. Joron: D'accord. C'était une question. Voici l'autre. Toujours dans votre bilan prévisible de 1995, vous nous montrez un bilan exprimé en BTU. En 1976, on voit que dans le bilan du Québec il y a 333 BTU, ce qui représente 22% de notre énergie; ce qui, exprimé différemment, correspond aux 14 000 mégawatts de puissance installés à l'heure actuelle. En 1995, vous prévoyez 601 BTU d'électricité, qui représentent encore 22%, dans un plus grand total, bien entendu. Vous ajoutez 184 nucléaires. Ce que je vous signale, c'est que je suis étonné de ce chiffre, parce qu'il ne correspond pas à ce qui est pourtant annoncé ailleurs. Les 333 ou 601 équivalent à un peu moins que le double, soit une augmentation d'à peu près 80%. Or, on sait déjà que si le programme de la baie James est terminé en 1985, et non pas en 1995, nous allons, par rapport à 1976, doubler la production d'électricité. L'Hydro le disait cet après-midi, de 14 000 mégawatts qu'on a aujourd'hui, selon le calendrier actuel, le programme de travail de l'Hy-dro, déjà, en 1985, on va avoir 28 000 mégawatts, soit exactement le double. Vous, vous en prévoyez moins que le double, et non pas en 1985, mais en 1995. C'est dire que, d'une part, vous ralentissez non seulement les travaux de la baie James dans cette estimation, mais c'est que vous excluez aussi tout autre développement hydroélectrique par la suite. Cela me semble découler de votre tableau.

M. Cleyn: La seule réponse que je pourrais vous donner, c'est qu'il y a une perte d'à peu près 50% dans la production de l'électricité. Nos chiffres, dans les deux cas, sont basés sur la production nette de BTU.

M. Joron: D'accord, je le comprends, mais les 333 d'aujourd'hui, compte tenu des pertes, comme vous dites, ainsi de suite, équivalent à une puissance installée, à l'heure actuelle, de 14 000 ou de 15 000 mégawatts.

M. Cleyn: D'accord.

M. Joron: Si on prévoit une puissance double installée, on aura le double de BTU. On sait qu'on va avoir le double de BTU électriques, hydroélectriques même en 85 et vous, vous nous en mettez un petit peu moins que le double en 95. J'avoue que je suis très étonné de...

M. Cleyn: Si vous permettez, je vais consulter notre expert.

M. Joron: Remarquez que je ne veux pas vous affliger des problèmes de l'Hydro-Québec. Je sais bien que ce n'est pas votre problème particulier, mais je serais curieux de savoir où vous aviez pris ces chiffres pour arriver à cette conclusion.

M. Cleyn: J'étais pour dire la plus... Toutes les données sur l'électricité, on les a prises, au meilleur de nos connaissances, de l'Hydro-Québec; ce

sont ses données. Est-ce que vous permettez que...

M. Joron: Cela voudrait dire qu'ils ne racontent pas la même histoire à Texaco qu'au gouvernement. C'est inquiétant!

M. Cleyn: Ce n'est pas en leur parlant. C'est strictement en leur demandant leurs données. Mais, M. le ministre, si vous permettez, plutôt que de vous donner une réponse pas trop claire, on pourrait peut-être vous donner une explication par écrit sur le fait que, comme vous dites, d'après l'Hydro, ils doublent, une fois que la baie James est en pleine capacité, tandis que nous on indique que ça va prendre 20 années. Si vous permettez...

M. Joron: D'accord! Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de cette commission vous remercient de l'apport que vous avez bien voulu leur fournir. Merci!

Regroupement pour la surveillance du nucléaire.

Mesdemoiselles, monsieur, vous avez 30 minutes pour votre exposé, période de questions incluse. Ne vous surprenez pas si, après 30 minutes, on est obligé de raccourcir. Merci!

Regroupement pour la surveillance nucléaire

Mme Henaut (Dorothy): M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, je m'appelle Dorothy Henaut. Je suis porte-parole de la coalition ce soir. A ma gauche, c'est Gorgon Edwards et, à ma droite, Dorothy Rosenberg.

Nous avons préparé le mémoire, car nous sommes des citoyens et des volontaires. Nous l'avons fait après nos heures de travail, durant les trois semaines qu'on a eues pour le préparer.

Je vais vous lire d'abord les recommandations. Est-ce que vous avez reçu les copies de notre mémoire, non pas du résumé, mais le mémoire même, le gros épais?

Le Président (M. Laplante): On vient seulement de le recevoir.

Mme Henaut: Bon! Je vais lire les recommandations et je vais passer à travers le mémoire en m'arrêtant de temps à autre.

Recommandations: 1) Que le Québec établisse une politique de conservation de l'énergie et de développement de sources d'énergie renouvelable. 2) Que le Québec mandate une commission en lui donnant pleins pouvoirs pour mener une enquête approfondie, tant auprès des citoyens que des industries.

Nous sommes ravis de cette commission parlementaire, mais nous pensons que la question exige une enquête énormément approfondie et très ouverte au public. 3) Que le Québec déclare un moratoire, à la fois sur la mise en place des centrales nucléaires et des complexes géants de captage de l'énergie hydraulique qui sont écologiquement et économiquement dévastateurs. 4)Que l'on procède à une analyse comptable sérieuse de l'énergie, ainsi qu'à des études économiques à long terme avant de lever le moratoire. 5)'Qu'on déclare un moratoire sur l'enrichissement de l'uranium au Québec, et que l'on procède à une enquête là aussi. 6) Que le Québec attribue immédiatement un budget à un programme de recherche débouchant sur des actions concrètes dans tous les domaines de l'énergie renouvelable. Que ce programme soit réparti géographiquement dans tout le Québec et orienté de manière à permettre l'apprentissage de la population. 7)Que Québec procède aux changements institutionnels nécessaires pour faciliter le financement des projets de conservation. 8)Qu'on élabore un programme d'information public et de consultation pour aider les gens à faire les changements que nous prônons et que vous regardez de près. 9)Qu'on mette sur pied un service de consultation destiné à aider l'industrie québécoise à développer une industrie de techniques de l'énergie renouvelable. Nous pensons qu'il y a là un secteur économique très intéressant. 10)Que l'industrie et les syndicats de la construction soient informés des techniques de conservation de l'énergie par rénovation thermique et des principes de conception des maisons solaires. 11)Que Québec mette sur pied une politique de transport cohérente conçue pour économiser au maximum l'énergie. 12)Que des citoyens qui se sentent concernés soient représentés au sein des organismes qui ont pouvoir de décision, tant au niveau des politiques et de leur mise en oeuvre que de la réglementation ou de l'administration des projets dans tous les domaines où l'énergie est un facteur important. 13)Et enfin, que l'on crée un organisme de surveillance de l'Hydro-Québec et des compagnies privées qui fournissent un service public en matière d'énergie. Cet organisme devrait représenter les intérêts des consommateurs.

Nous sommes ravis de voir cette commission s'intéresser tellement à cette question et nous inviter, en tant que citoyens, à dire quelque chose.

Nous pensons que ces politiques nous concernent en tant qu'individus, mais elles affectent également les structures mêmes de la société dans laquelle nous vivons.

L'énergie est littéralement ce qui fait qu'une société fonctionne. Elle est le squelette qui fait tenir debout le corps politique.

C'est seulement lorsqu'il a décidé quelle sorte de société il désire qu'un peuple peut concevoir, de façon rationnelle, une politique énergétique qui le conduira où il veut aller.

Nous sommes peut-être un petit groupe ici, mais nous ne sommes pas aussi petits que cela.

Nous avons une soixantaine de groupes membres de la coalition et quelques milliers d'individus qui sont membres de notre groupe dans tout le Canada.

Nous nous intéressons à nous informer nous-mêmes sur les questions énergétiques et, ensuite, à informer et les gouvernants et les gouvernés, nos concitoyens.

Au Québec même, nous estimons urgent de mener une enquête publique sur la planification énergétique et nous sommes très conscients que nous avons un choix à faire maintenant. Il faut choisir l'alternative. Il y a deux possibilités, soit adopter une politique de l'électricité tout usage, soit une politique de conservation de l'énergie et d'utilisation des sources d'énergie renouvelable.

Nous pensons qu'il faut choisir maintenant et nous pensons que cela ne sera pas possible, finalement, de faire les deux. Si nous mettons assez d'oeufs dans le panier de l'agrandissement et de l'énergie à tout prix, nous pensons qu'il n'y aura pas assez à manger pour tout le monde.

Les changements sociaux qui découlent... Je pense qu'il est évident que, quel que soit le chemin que nous prenions, les changements sociaux auront lieu. Que nous traînions derrière l'Hydro-Québec et que nous acceptions encore et toujours les augmentations de l'électricité ou que nous choisissions le chemin de prendre parfois l'autobus et les bicyclettes, nous pensons que dans les deux cas, il y a des changements.

Il y a une illusion à dire comme l'Hydro-Québec. C'est de suivre une voie qui est déjà tracée, de continuer avec encore plus que ce que nous avons déjà. Nous pensons que les changements sociaux à long terme vont être plus forts et plus néfastes, moins humains, si nous prenons le chemin de l'agrandissement.

Si nous voulons conserver le monde tel que nous le connaissons... Il faut que nous regardions de très près ces questions.

Je pense que, dans les deux cas, il va falloir faire un effort dans le chemin que nous prenons.

C'est un effort de créativité qu'il y a à faire, et un effort sérieux pour mettre sur pied des choses bien concrètes aussi, mais c'est un esprit de créativité. Nous avons remarqué par les réponses de l'Hydro-Québec ou d'autres groupes qui étaient ici avant qu'ils sont tellement pleins de ce qu'on a maintenant qu'ils ne sont plus capables de se débarrasser de cela et de voir quel pourrait être un monde que l'on construirait différemment.

Nous pensons que pour une qualité de vie, le chemin que nous prônons serait le meilleur.

Les critères de jugement pour une politique énergétique, c'est économie, efficacité, équitabilité et compatibilité avec l'environnement. Chaque fois qu'on regarde quelque chose, il faudrait prendre toutes ces choses en considération.

Il nous semblait qu'un des problèmes avec l'attitude du public envers l'énergie c'est qu'on n'y pense pas vraiment. On ne sait pas vraiment comment cela marche. On pense à l'énergie, on pense tout de suite électricité tandis qu'en fait 50% de tous nos besoins énergétiques sont pour la chaleur de l'espace, comme ici, 50% de tous nos besoins en énergie. 30% pour les transports. Et il y a les moteurs, beaucoup de moteurs, 7% de nos besoins en énergie servent à des moteurs qui, actuellement, marchent à l'électricité mais qui seraient peut-être beaucoup plus efficaces si c'étaient des moteurs hydrauliques ou d'autres systèmes qui sont beaucoup plus précisément créés pour le besoin précis. Il y a une expression que j'aime bien: Chauffer une maison à l'électricité c'est comme couper du beurre avec une scie articulée. Ce n'est vraiment pas efficace. C'est vraiment du gaspillage.

Quand l'électricité ne peut pas être remplacée, elle est d'habitude très efficace. Les télécommunications, par exemple, l'électronique, même les choses comme l'électrométallurgie ou l'électrochimie, c'est efficace, c'est bon l'électricité. Mais lorsqu'on s'en sert pour chauffer des maisons ou pour faire marcher des moteurs industriels qui seraient beaucoup plus efficaces d'une autre façon, on la gaspille. Il faut qu'on commence à penser en termes de l'utilisation avant de décider ce qu'on va utiliser. Je pense que quand l'électricité ne coûtait pas cher, quand le pétrole ne coûtait pas cher, on pouvait peut-être se permettre des inefficacités, mais je ne pense pas qu'on puisse les tolérer maintenant.

Et on n'acquiert pas forcément un plus grand bien-être économique parce que l'on consomme beaucoup d'énergie. La Suède consomme moitié moins d'énergie par habitant que nous, mais son produit national brut par habitant est pareil et son taux de chômage est meilleur. C'est un des mythes dangereux qui sont généralement crus par le public que si on regarde le taux d'augmentation d'énergie, on est en train de regarder le taux d'augmentation du bien-être. Je pense que c'est un mythe qu'il faut absolument détruire et rebâtir quelque chose de plus sensé, de plus vrai.

Je ne vous lirai pas le cercle vicieux que nous avons conçu pour l'illustration de la politique de forte croissance de l'Hydro-Québec au cours des dix dernières années, parce que nous voulons parler d'un avenir énergétique judicieux pour le Québec et nous prenons la transition vers la conservation de l'énergie et l'utilisation de sources d'énergie renouvelable. Cela signifie que si on devait satisfaire aux augmentations prévues à la demande grâce à un programme de conservation de l'énergie, plutôt que par une capacité de production accrue, il faudrait moins d'investissements en capital. En plus d'économiser de l'argent et de l'énergie, une utilisation plus efficace de l'énergie augmente la demande totale de main-d'oeuvre de l'économie, diminue la pollution, réduit les besoins totaux en capital des fonctions énergétiques futures et permet à la société d'aborder avec précaution les sources d'énergie dangereuses ou marginales. Cela vient d'une étude faite à l'Université de Californie.

Où l'énergie peut-elle être économisée de façon productive? Dans les transports; je suis sûre que vous connaissez les moyens. Dans le bâtiment en procédant à la rénovation thermique des constructions existantes, c'est-à-dire pas seulement les doter d'une meilleure isolation, mais réduire l'utili-

sation d'appareils grands consommateurs d'énergie comme les dispositifs de climatisation et en concevant les nouvelles constructions de manière qu'elles conservent l'énergie.

Dans l'industrie, en accroissant l'efficacité, en utilisant la chaleur perdue, en se servant de la vapeur engendrée par certains procédés industriels pour produire de l'électricité (actuellement, cette vapeur est complètement perdue) et en faisant s'alimenter les systèmes de chauffage servant à plusieurs habitations à la chaleur résiduelle des industries. Ce sont ces questions qu'il faudrait que les industries regardent pour voir si les moteurs qu'elles ont sont les plus efficaces pour le travail qu'elles ont. Il y a un grand travail d'éducation à faire auprès de l'industrie.

Dans l'agriculture, en réduisant l'utilisation de pesticides et de fertilisants et en les remplaçant par des produits organiques renouvelables, en rationalisant aussi l'utilisation de machinerie lourde sur les fermes. Ceci, incidemment, réduirait le fardeau des engagements financiers des fermiers et diminuerait peut-être le nombre de ceux qui quittent les fermes.

Dans l'industrie de l'énergie, le secteur dont la consommation en énergie s'accroît le plus rapidement, après celui qui connaît l'augmentation la plus prononcée, le secteur commercial, c'est celui des industries productrices d'énergie. Le rendement de l'énergie et du capital investi dans des projets comme la baie James est de plus en plus lent.

La comptabilité énergétique et les études de rentabilité énergétique sont quelque chose qu'il faudrait qu'on commence a savoir faire. Parce qu'économiser de l'énergie, c'est économiser de l'argent aussi. Il y a énormément d'études qui ont été faites à ce propos et vous verrez que nous avons une dizaine...

Le Président (M. Laplante): II vous reste environ douze minutes.

Mme Henaut: D'accord. En tout cas, il y a cent références dans notre mémoire et nous les avons toutes lues. Un exemple, en tout cas, de l'argent qu'on peut épargner; il vient du Conseil des sciences. Si toutes les maisons au Canada étaient rénovées (rénovations thermiques) ça coûterait $4 milliards sur une période de 15 ans. Si on met ce même capital d'ans la production, pour fournir l'énergie, ça coûterait $5 milliards, plus les coûts d'opération. Il ne s'agit pas de s'en passer; il s'agit de faire mieux avec moins.

Conserver l'énergie ne signifie pas qu'il faille geler dans l'obscurité. C'est un défi énorme de bâtir un autre système énergétique, mais nous pensons que c'est possible. Nous pensons qu'il faut le faire tout de suite et non pas gaspiller notre capital humain dans d'autres voies qui n'aboutissent nulle part. Nous faisons remarquer que l'un des avantages des sources d'énergie renouvelable, c'est qu'elle est décentralisée; donc, il n'y a pas de problèmes de transport de l'énergie. Un calcul vérifiable, qui est fait, c'est qu'un kilowatt décentra- lisé, fait la même quantité de travail, finalement, que 2,2 kilowatts dans le système centralisé.

Encore une fois, à quoi sert notre énergie et comment pouvons-nous combler ces besoins par l'énergie renouvelable? Primo, il y a les alcools de bois, ne serait-ce qu'avec les résidus de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Le Québec est énormément bien fourni en matières premières fournissant de l'énergie. Si on fait des études sérieuses, on va voir que l'alcool de bois pourrait être en quantité suffisante, avec les ressources forestières du Québec, pour satisfaire tous les besoins du secteur des transports. C'est possible même de l'utiliser en aéronautique.

Les biogaz obtenus par fermentation anaéro-bique ou par pyrolyse peuvent remplacer le gaz naturel. C'est une bonne façon d'utiliser les déchets...

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous êtes intéressée à ce que les membres vous posent des questions?

Mme Henaut: J'aimerais savoir... Oui, bien sûr. J'aimerais savoir sur quoi ils vont poser les questions.

Le Président (M. Laplante): Si vous êtes intéressée, ils ne pourront pas vous poser de questions, car il vous reste environ six minutes.

Mme Henaut: Si vous voulez. Je vais prendre encore quelques minutes pour aller aux questions nucléaires, parce que nous n'avons pas été très impressionnés par l'apport de l'Hydro-Québec et nous avons des réponses à des choses qu'ils ont dites, ce qui était très peu d'ailleurs.

Je vais faire juste la liste des principaux problèmes nucléaires: Nous n'avons pas besoin d'énergie nucléaire. La demande réelle en électricité, si on fournit simplement les besoins qui doivent être rendus par l'électricité, on en a assez avec notre Hydro pour les 50 prochaines années. Le nucléaire est un trou sans fonds de capitaux. Nous pensons que c'est une excellente façon d'investir de l'argent sans créer d'emploi. Les coûts grimpent en flèche et les subventions sont camouflées. L'appui massif du gouvernement prévient la banqueroute nucléaire. D'ailleurs, les Américains deviennent beaucoup plus prudents à ce propos, les compagnies d'énergie américaines privées sont beaucoup plus prudentes que nous. Elles ne peuvent pas compter sur le gouvernement pour les aider à sortir de la banqueroute. L'entreposage des déchets fortement radioactifs. Toutes les solutions tentées jusqu'à présent ont échoué.

Les systèmes de sécurité peuvent-ils prévenir les catastrophes? Nous savons qu'il y a un dialogue très secret à ce propos dans les milieux nucléaires au Canada et qu'il y a des questions énormément sérieuses qui se posent.

La prolifération des armements nucléaires, plus il y a de centrales nucléaires, plus il y a des matières premières pour des bombes nucléaires.

La surveillance face aux menaces de terro-

risme. Nous pensons qu'étant donné le nombre — nous le faisons observer même — de matières dangereuses dans une centrale nucléaire cela mène vers un Etat policier, parce qu'il va falloir absolument protéger toutes ces choses de quoi que ce soit.

La pollution radioactive s'étend. Il y a 450 mineurs de l'uranium en Ontario qui sont, ou morts ou en train de mourir du cancer. Il y a d'autres chiffres aussi.

L'épuisement accéléré des réserves d'uranium. En fait, l'uranium ne durera pas tellement plus longtemps que le gaz naturel.

Et nous n'aimons pas dépendre d'un clergé technologique. Nous avons remarqué notre prêtre de la technologie, l'Hydro-Québec, qui disait que vraiment, ce n'était pas une affaire pour les gens ordinaires, que personne sauf lui pouvait le comprendre et qui, en fait, faisait des réponses à vos questions qui étaient assez précises. Il me rappelait plus le catéchisme que des réponses scientifiques. Je pense qu'il était là sous la main, on en parle souvent de ces prêtres. Il était là.

Je suis navrée que vous allouiez bien moins de temps à des citoyens qu'à des compagnies, si nous devons nous soumettre, je pense que c'est tout ce qu'il faut faire. J'aimerais répondre aux questions.

Le Président (M. Laplante): Vous remarquerez que le mémoire que vous présentez et celui présenté par Sauvons Montréal ont beaucoup d'affinités. C'est peut-être pour cela que vous auriez pu résumer, pour que les membres de la commission puissent vous poser des questions. Votre mémoire est aussi intéressant que celui des compagnies, la preuve est que vous avez beaucoup de groupes de citoyens qui viennent en présenter. Il ne faut pas que vous partiez sur cette image. M. le ministre.

M. Joron: Madame, je vous remercie pour votre mémoire. J'allais dire comme M. le président. N'allez pas croire — de toute façon, ce n'est pas au ministre à déterminer l'ordre et l'horaire des travaux d'une commission parlementaire — que nous attachons moins d'importance à l'opinion des citoyens, comme vous le disiez, qu'à celle des compagnies. Vous comprendrez, par contre, que le gouvernement et les parlementaires étaient éminemment intéressés à poser beaucoup de questions à l'Hydro-Québec, puisque c'est nous autres qui payons pour cela et qu'on finance ses investissements qui s'élèvent à peu près à la moitié de tous les investissements publics qui se font par année. Cela peut vous expliquer un peu pourquoi on avait beaucoup de questions à poser à l'Hydro.

Ceci dit, je veux vous dire que vous soulevez plusieurs problèmes fort pertinents quand vous mettez en cause la croissance de l'énergie à tout prix, la croissance pour la croissance, quand vous dites que la croissance de l'énergie n'est pas nécessairement synonyme de plus grand bien-être ou de meilleur niveau de vie. Je suis parfaitement de cet avis également. On peut faire mieux avec moins d'énergie; on en a des exemples, en Suède, comme vous le mentionnez, etc. Cela va.

Je pense que vous avez aussi posé correctement le problème en disant que le choix qui précède la détermination d'une politique énergétique est un choix plus global que cela, finalement. C'est un choix de type de société. Tout cela est très juste, mais, comme on l'a dit aussi déjà, à la suite d'autres intervenants avant vous, tout cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Même si on peut faire plus avec moins, par des programmes d'économie d'énergie, de rationalisation de la consommation et tout cela, il reste aussi que, peu importe le délai dans lequel cela se produira, la population augmente et, finalement, il y a quand même un minimum de croissance et il y a des choses auxquelles on n'échappera pas, ne serait-ce, au Québec, que le besoin de se chauffer. Même si on pouvait se dispenser de tout le reste, il restera au moins cela qui déjà nécessitera une consommation d'énergie considérable.

Dans les multiples choses que vous avez soulevées, il y en a une qui m'a fort surpris, je l'avoue. Que vous proposiez un moratoire sur le nucléaire, vous n'êtes pas les premiers à le faire, je comprends pourquoi, mais, vraiment, vous m'avez surpris en proposant également un moratoire sur les grands projets hydroélectriques. Je voudrais vous poser quelques questions à cet égard. J'imagine, quand vous dites grands projets, que vous pensez à des choses comme le développement de la baie James, par exemple, ou d'autres choses semblables. Ma question comporte quelques volets. D'une part, doit-on comprendre de votre demande de moratoire que l'on arrête à ce moment-ci les travaux de la baie James? D'autre part, je vais vous poser une question plus large. Qu'on les arrête ou pas, si on doit s'abstenir par la suite de faire ce que vous appelez de grands projets hydrauliques, sans même parler du nucléaire, je vous demanderais, à la longue, comment on va finir par répondre aux besoins.

Si, comme Texaco nous le disait avant vous, on ne peut pas compter sur le gaz de l'Arctique, si le pétrole s'épuise en moins de deux générations de la surface de la terre, si on ne fait pas de nucléaire et si on ne peut plus faire d'hydroélectricité, ma foi, qu'est-ce qu'il reste? Je veux bien croire à l'utilisation rationnelle, mais de là à la disparition totale de toute forme d'énergie, il y a une marge.

Je n'ai pas très bien compris l'ampleur du moratoire que vous suggérez sur le développement hydroélectrique. Je vous demanderais, si vous voulez bien, d'apporter des précisions à cet égard.

Mme Henaut: Chaque fois que vous mettez des capitaux énormes dans une grande chose comme la baie James, l'argent ne va pas ailleurs. L'énergie renouvelable, cela ne veut pas dire retourner au temps de nos grands-mères. Il y a énormément de systèmes très sophistiqués. Ils me semblent bien plus intéressants que de grosses choses difficiles à contrôler. Il y a par exemple les "fluid ice-bed combusters ' qui sont...

M. Joron: What in the world is that?

Mme Henaut: C'est un appareil de la taille d'une cheminée jusqu'à la taille d'une centrale qui peut brûler... C'est une technique de brûler les carbones, c'est-à-dire qu'on peut brûler du charbon pulvérisé, on peut brûler les déchets forestiers, des déchets municipaux très efficacement de la taille qu'il convient pour la région, pour la place. Il y a des choses comme cela qui peuvent se développer et qui peuvent faire une transition entre le charbon et autre chose. Il y a justement les produits forestiers. En 1973, il s'est produit autant d'énergie avec du bois brûlé que par les centrales nucléaires au Canada. On n'investissait pas des milliards en recherche et développement pour le bois. Le bois est une source renouvelable. Il y a des techniques très sophistiquées pour le brûler. D'ailleurs, la Nouvelle-Ecosse et l'lle-du-Prince-Edouard regardent toutes les deux sérieusement la possibilité de faire de petites centrales au bois pour certains coins, au lieu de transmettre l'électricité sur de longues distances. On pourrait faire une petite centrale à côté de Matane, par exemple — il y a du bois dans le coin — une petite centrale seulement pour eux. Ils n'ont pas besoin... Il y a énormément de choses dans ce genre.

Lorsque les déchets municipaux sont traités d'une façon quelconque, il y a énormément de méthane. Pour l'instant, on s'en sert parfois pour chauffer le centre municipal, mais en fait c'est surtout brûlé. On pourrait s'en servir comme le propane. Tous les gens qui ont été à la campagne ont eu un réfrigérateur au propane ou une cuisinière au propane. Le méthane, qui est renouvelable, pourrait aussi servir dans toutes les grandes villes. Je sais que ce n'est pas encore au point. Je sais que cela coûte probablement maintenant autant que le nucléaire, pas plus, mais autant. Ce sont des choses qui sont susceptibles d'être raffinées et d'être à la portée de tout le monde et partout, en plus. Alors, nous croyons que ce n'est pas seulement artisanal de vouloir des alternatives.

M. Joron: Non, ce n'est peut-être pas artisanal au point de vue du chauffage domestique, malgré l'application qu'on peut faire à Matane; remarquez que 50% ou à peu près de la population du Québec vit dans la région métropolitaine de Montréal. On peut imaginer dans des localités plus petites et décentralisées des solutions qui sont plus difficiles d'application à Montréal. Même si on pouvait le faire dans la région métropolitaine de Montréal, il reste de tout cela qu'on ne parle que du chauffage résidentiel. Or, il y a tout le problème du transport, de l'industrie, du secteur commercial qui utilisent beaucoup plus d'énergie que le seul secteur du chauffage résidentiel. On peut peut-être arriver à régler le problème du chauffage résidentiel. Nos aïeux s'arrangeaient avec du bois et ils ne sont pas morts de froid, du moins. Ce n'est pas là qu'est la grande partie d'énergie qu'on consomme. Comment fait-on pour répondre à tous les autres besoins, à tous les autres secteurs?

Mme Henaut: D'abord, la conservation. Cela va étendre ce qu'on a actuellement sur une plus longue période de temps; autrement dit, il faut

ménager la transition. Dans les transports, par exemple, je pense que là encore, du côté agricole et forestier, que ce soit le gaz ou que ce soit les alcools de bois, c'est réellement possible, parce qu'on peut replanter les forêts et les aménager comme il le faut, sur une période de temps, en ménageant ce qu'on a actuellement. Le transport, c'est énorme, c'est 30% à peu près de ce qu'on dépense, mais la chaleur, ce n'est pas seulement la chaleur des maisons, c'est la chaleur industrielle aussi. Ce que je disais, je parlais du bois en tant que source électrique aussi. C'est possible, s'il y a un besoin quelque part, éloigné, d'utiliser le bois dans une centrale électrique. Ma première pensée, à Montréal, ce serait qu'avec l'industrie et les résidences qui sont plutôt proches le chauffage par voisinage a énormément de bon sens. On utilise la chaleur dissipée des industries du voisinage avec un réservoir d'eau pour garder... Le même réservoir peut être chauffé par du chauffage solaire lorsque le chauffage solaire sera un peu plus facile à étendre dans la ville. Mais c'est très possible, c'est très faisable.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. La semaine dernière, nous avons reçu des mémoires sur les effets du nucléaire. Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi. J'ai demandé carrément au représentant de l'Hydro-Québec si les données qui étaient écrites et avaient été présentées par le comité de l'environnement de Lotbinière... si le représentant de l'Hydro-Québec était en mesure de contredire ce qui était contenu dans le mémoire du Comité de protection de l'environnement de Lotbinière. Carrément, il a dit: Oui, on peut contredire ces faits, ils ne sont pas exacts.

Mme Henaut: II ne l'a pas fait, par exemple.

M. Ciaccia: Quelle est votre réaction sur la réponse que l'Hydro-Québec a donnée?

Mme Henaut: Ma réaction, c'est vraiment que c'était une profession de foi plutôt que des réponses... Moi, j'aimerais beaucoup voir un débat entre ces messieurs et Gordon Edwards. Gordon a fait un débat avec le Dr Edward Teller, à la télévision anglaise, sur l'utilité des centrales nucléaires, dans lequel le public, dans le studio de télévision... Au début, il y en avait 76 qui étaient d'accord avec Teller pour dire qu'il fallait des centrales nucléaires et il y en avait 20 qui étaient d'accord avec Gordon Edwards pour dire qu'il n'en fallait pas. A la fin du débat, il y en avait 60, dans le public, qui étaient d'accord avec Gordon Edwards. Il en restait 36 avec Edward Teller.

M. Ciaccia: Ce ne sont pas des choses qui peuvent être prouvées scientifiquement. On n'est pas dans le domaine de la philosophie où on peut avoir différentes opinions. Est-ce que c'est la même chose? Je me souviens, dans les négociations de la baie James, par exemple, qu'on avait

des organismes de l'environnement, et on pouvait questionner dix différents professionnels dans le domaine de l'environnement et on avait onze opinions différentes. Cela allait de tous les côtés, à tous les extrêmes, de ceux qui disaient qu'on pouvait faire n'importe quoi dans le domaine de la baie James sans affecter l'environnement à ceux qui disaient qu'on ne pouvait rien faire du tout. Est-ce qu'on se trouve dans le même domaine? Est-ce que c'est une question d'opinion? Est-ce que c'est le même genre de problème que l'environnement ou si c'est quelque chose qui semble être plus sérieux? Parce que, quand on nous donne les faits, des accidents, cela effraie un peu le public. Je sais que, si la décision m'appartenait, je serais pas mal préoccupé par les données qui sont contenues dans les différents mémoires. Est-ce que c'est une question d'opinion ou si ce sont des choses qui peuvent être vraiment certifiées?

Mme Henaut: Chaque fois que... Normalement, les gens qui sont pronucléaires ne mentent pas tellement, ils laissent de côté des tas de choses qu'ils ne veulent pas voir. Lorsqu'on leur fait remarquer ces choses — nous avons vraiment une documentation terrible là-dessus — ils disent toujours: Oui, oui, c'est vrai. A certains moments, ça devient une question d'interprétation. Lui disait, au sujet des radiations, que, si on va camper dans les montagnes pendant deux semaines, on en a autant que si on est dans une centrale nucléaire. Dans notre mémoire, James Watson, qui est le découvreur du DNA, en génétique, dit qu'il ne comprend pas comment cela se fait que les humains peuvent mettre autant de choses tellement dangereuses pour la banque génétique humaine que de construire des centrales nucléaires. Parce que lui, il a regardé ça de près, ce que ça fait à la banque génétique humaine. On a d'ailleurs des tas de choses. Il y a Alvin Wineberg, qui est à la tête d'un grand laboratoire aux Etats-Unis et qui dit: Nous avons fait un marché faustien avec la société.

C'est à la société de décider si elle veut être de l'autre côté d'un marché pareil. C'est une question... Ils ne nient jamais les faits. C'est l'importance qu'ils leur donnent.

M. Edwards (Gordon): Puis-je dire quelque chose? Je ne parle pas tellement français...

M. Ciaccia: Well, go ahead, if you want to address the commission in English, you go right ahead. You are allowed.

M. Edwards: Can I speak in English? Allright. I will say a little bit in French and, if I have trouble, I will speak in English.

Il y a des opinions et il y a des faits au sujet du nucléaire. Il y a beaucoup d'opinions... the people like yourselves who are asked to make decisions obtained from this gentleman, for example, who is here today from Hydro-Quebec, opinions, not facts, but opinions that problems can be solved or the ways problems can be handled.

I think it is extremely important that you, gentlemen, have access to the facts and the facts are that nuclear energy could be extremely dangerous because it contains radioactive materials which are equivalent to thousands of Hiroshima atomic bombs, and these materials are extremely dangerous if they were allowed to get out into the environment. That is a fact which nobody will deny whether if he is a responsible scientist, whether he is for nuclear or whether he is against nuclear, but if he is for nuclear, he will not volunteer this information to you because he thinks it will frighten you, or it will make you not wish perhaps to have nuclear energy.

So what we are talking about here is editorial silence where the people who are pro nuclear decide. They have a screen. They decide what you are going to hear and they do not want to tell you things which they do not want you to hear.

The fact of the matter is that here, in Canada right now, as you can see in our brief if you read it, there are heated disputes about the safety of the CANDU reactor going on between the Atomic Energy Control Board and Atomic Energy of Canada Limited.

It is questionable whether the safety devices in the CANDU reactor would function properly in the case of accident and Ontario Hydro has recently had to confess that things which they had proved two years ago, they can no longer prove regarding the safety desire specified.

I am talking here about the possibility of a major accident which would involve, well, the evacuation of a large city, for example.

So, what we have tried to do, in a very summary form, is to put down in boxes some opinions of very well-respected scientists, Nobel prize winners, etc, to let you know that they are people who are extremely technically competent, who have very negative opinions about nuclear energy.

We have also put down a summary of factual information together with references which you can check and which I urge you to look into because these are facts and you will find that people in the Atomic Energy of Canada Limited or people in the Atomic Energy Control Board will be unable to deny these facts.

M. Ciaccia: Ce qui me préoccupe de votre soumission est la question nucléaire. Je voudrais seulement faire une autre remarque. Vous auriez peut-être pu attirer l'attention de la commission et du public plus sur le problème nucléaire, si vous aviez concentré strictly on the nuclear problems.

I do not think that so far all the briefs that have been submitted to this Commission... I do not think anyone has proved the need for nuclear energy. And in wiew of the different opinions and the potential consequences, je serais entièrement d'accord de faire une commission d'enquête pour régler une fois pour toutes la question: Est-ce dangereux ou non? Je pense qu'on ne peut prendre ce genre de risque. C'est mieux de connaître les faits plutôt que de les apprendre quand c'est trop tard.

L'autre remarque que j'aurais apportée sur vo-

tre mémoire est lorsque vous dites que vous voulez un moratoire sur les centrales nucléaires, c'est compréhensible, en vue des différentes répercussions.

Quand vous allez plus loin et que vous dites que vous voulez un moratoire sur tous les projets qui sont écologiquement dévastateurs, on est plus dans le domaine de l'opinion à ce moment.

I think it will do more for yourself by concentrating on what are the dangers of nuclear energy.

Je ne sais pas si vous êtes au courant des mesures que nous avons prises pour l'ensemble de la baie James quant à l'environnement.

Je sais qu'il y en a plusieurs peut-être parmi vous qui étiez contre le projet. I think that Miss Rosenberg, during the debates on the James Bay, during the legal proceedings, you were part of a group who was making representations to protect the environment. Nous avons institué des comités d'environnement, nous avons une commission sur la qualité de l'environnement au nord du 55e, dont font partie les Inuit et les membres des gouvernements provincial et fédéral. Alors, il y a des mesures à prendre dans le domaine de l'environnement qui sont possibles. Cela serait peut-être plus productif si on se concentrait sur la question nucléaire. Je crois que ce serait bien difficile pour le gouvernement ou quelqu'un de refuser de former une commission d'enquête sur les données que vous présentez. Si la commission d'enquête trouve que l'Hydro-Québec avait raison, le public le saura, nous le saurons et nous aurons dégagé notre responsabilité. Mais je crois qu'il faut — M. le ministre, je le suggère — prendre sérieusement les recommandations quant à la commission d'enquête sur l'énergie nucléaire et peut-être songer à l'instituer pour "clairer l'air" une fois pour toutes et pour satisfaire le public.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse, s'il vous plaît.

M. Goulet: Dans le même sens que mon collègue qui vient de parler, lorsque vous parlez de complexe géant de captage d'énergie hydraulique, vous faites allusion à la baie James et vous dites que c'est écologiquement et économiquement dévastateur. Economiquement, on peut l'évaluer, mais écologiquement, vous êtes les premiers qui apportez cela ici à la commission. Egalement, vous dites que, suite aux propos de certains avant vous, nous devons faire une profession de foi. Egalement, avec ce que vous apportez, moi, je fais une profession de foi. Vous dites que le monsieur, cet après-midi, n'a pas répondu aux questions et vous apportez des arguments. Mais, pour moi, croire à l'un ou à l'autre, c'est la même chose.

Lorsque vous parlez de production d'énergie par des méthodes douces, soit solaire, éolienne, deux ou trois représentants, cette semaine, nous ont apporté des chiffres à l'effet que ce serait là seulement un faible pourcentage de production, un très faible pourcentage. Lorsque vous parlez de maisons chauffées, vous enlevez l'huile, vous enlevez l'électricité. Au bois, c'est possible, mais je pense que ce serait revenir pas mal loin en arrière.

Je ne suis pas un scientifique, mais je pense que, sans faire de rapport, je pourrais affirmer également à cette commission qu'il faut remplacer l'automobile par la voiture à cheval. Vous parlez de réduire la machinerie lourde sur les fermes. Si je consentais à faire les foins à la petite faux, comme on dit communément dans le métier, ou à traire les vaches à la main ou de remplir un silo à la mitaine, je pense que je pourrais affirmer, et personne ne pourrait nier cela, à la commission que nous pourrions réduire les dépenses d'énergie de 50%, mais je ne crois pas que la commission se soit réunie pour cela. C'est une vérité de La Palice. Je pense que tout le monde le savait. On aimerait avoir, je ne sais pas, des solutions pour remplacer l'électricité ou le pétrole. Lorsque je parle d'énergie solaire ou éolienne, c'est un faible pourcentage de production. J'aimerais que vous me disiez, d'après vous, quel pourcentage cela pourrait apporter, ou encore la récupération des déchets de la forêt ou ainsi de suite. Quel pourcentage cela pourrait-il apporter?

Le Président (M. Laplante): Une réponse courte, s'il vous plaît parce que c'est le dernier intervenant.

Mme Henault: Votre question est justement la raison pour laquelle nous n'avons pas fait porter notre mémoire seulement sur le nucléaire, parce que c'est vrai que c'est un monde tout nouveau et on pense aller en arrière. On pose la question. Il ne s'agit pas de ne pas avoir de machinerie à la ferme, mais d'en avoir d'une taille et d'une sophistication appropriée. Au lieu d'aller au plus grand, en venir précisément à ce qu'il faut. On pense que les vendeurs de machinerie agricole ont eu les fermiers. Mais on n'a pas fait cela de façon vraiment appropriée. Il y a des études, une en particulier, de Amory Lovins que je vous recommande fortement, qui a été publiée dans un des journaux du Conseil des sciences. Je vous recommanderais même d'inviter Lovins à venir vous expliquer un avenir, parce que lui a fait énormément d'études là-dessus; il travaille pour Friends of the Earth, qui prouve qu'un avenir extrêmement confortable, je veux dire, aussi, non pas primitif, est tout à fait possible avec l'énergie renouvelable.

Je ne peux pas vous lire tout le document de Lovins, mais je vous le recommande fortement. Nous avons espoir que les choses changent aux Etats-Unis, parce qu'il est un des conseillers de Carter en ce moment.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Parmi les nouvelles sources possibles d'énergie, vous avez mentionné celle pouvant provenir de l'extraction de l'alcool de bois. Il s'agit là d'une ressource renouvelable, telle que l'eau chez nous, donc c'est une ressource importante. Vous avez même dit qu'on devrait expérimenter l'alcool de bois à partir des résidus des pâtes et papiers. Quels seraient les résidus des pâtes et

papiers qui pourraient être utilisés pour l'extraction d'alcool de bois?

Mme Henaut: Je ne me souviens plus du nom en français, "bark"?

M. Giasson: II n'y a pas de bran de scie, il faudrait que ce soit l'écorce, c'est le seul résidu dans les pâtes et papiers.

Mme Henaut: C'est ça, l'écorce, ou les autres industries du bois; quand on passe dans des territoires où il y a beaucoup de bois, on brûle énormément, il y a des cônes partout, on brûle ces choses.

M. Giasson: Ce sont des sciures de bois qui sont brûlées avec des écorces maintenant, parce qu'on a créé de nouveaux sous-produits dans l'utilisation du bois qui va à l'industrie du sciage. Mais dans cet esprit, est-ce que vous pensez qu'on pourrait développer des techniques qui permettraient d'extraire cet alcool avant d'utiliser le bois à d'autres fins? Autrement dit, au lieu d'utiliser des copeaux de bois qui servent à la fabrication du papier ou de composantes dans certains matériaux, est-ce que vous savez si on pourrait, techniquement, extraire cet alcool avant de procéder à une autre utilisation des résidus?

Mme Henaut: Je ne sais pas, mais dans nos références, il y a une étude d'Environnement Canada, très sérieuse, sur les possibilités commerciales futures de l'alcool de bois dans notre situation. C'est tout ce que je peux vous dire, on a fait une étude là-dessus.

Je pense que pour répondre à tous les besoins du transport, il faudrait couper du bois exprès pour produire de l'alcool de bois, en plus d'utiliser les résidus, disons, dans un avenir de 50 ans.

M. Giasson: Exprès pour produire l'alcool.

Mme Henaut: Oui. En plus d'utiliser les résidus du bois qui sont déjà gaspillés en ce moment.

M. Giasson: II faudrait savoir du ministre des Terres et Forêts si les forêts du Québec ont cette capacité, en plus d'alimenter l'industrie des pâtes et papiers, d'alimenter l'industrie du sciage, si nos forêts auraient cette capacité de produire également pour fins d'alcool de bois. Parce qu'on parle du nouvel or noir au Québec.

M. Bérubé: Cela semble intéressant, c'est une hypothèse tout à fait possible. On peut développer plus de 6000 kilowatts par corde de bois. Comme la production au Québec est de l'ordre de 50 millions de cordes, on voit immédiatement que c'est une production potentielle d'énergie calorifique importante et réelle.

M. Giasson: Vous avez parlé de produire 6000 quoi?

M. Bérubé: 6000 kilowatts par corde, selon une étude du conseil national.

M. Giasson: Est-ce qu'il s'agit de bois utilisé pour alimenter des centrales, brûlé pour des centrales?

M. Bérubé: Oui.

Mme Henaut: II y a énormément d'études à faire, mais nous pensons que c'est très important de pousser les études, pousser les expériences, de le faire, non pas en parler seulement.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention du député de Rimouski.

M. Marcoux: Une première remarque préliminaire. Je pense que plusieurs membres de la commission auront trouvé que les opposants du nucléaire ont exposé leurs vues avec plus de cohérence devant cette commission-ci, depuis la semaine dernière, que ceux qui ont défendu le nucléaire. Je pense que plusieurs membres de la commission souhaiteraient que les défenseurs du nucléaire soient aussi cohérents. Parce que c'est évident que les quelques personnes qui ont défendu le nucléaire se sont attaquées souvent, ou ont répliqué aux autres en s'attaquant aux fioritures, à tout ce qui entoure le sujet plutôt qu'à l'essentiel ou aux véritables accusations, ou aux véritables faits très graves qui ont été signalés devant cette commission. J'espère que d'ici la fin de la commission, des défenseurs de l'autre point de vue viendront clarifier ces faits. Depuis le début de la commission, nous avons eu une attitude de franchise avec l'ensemble des personnes qui sont venues déposer des mémoires. Je dois vous faire une remarque en ce qui me concerne.

Sous un certain aspect, votre mémoire me déçoit beauoup lorsque je retrouve des affirmations comme celle-ci, à la page 17: "Au niveau actuel de l'approvisionnement, le Québec dispose largement d'assez d'hydroélectricité pour satisfaire à nos besoins véritables au cours des 50 prochaines années, et cela sans avoir à terminer la baie James ni à construire une seule centrale nucléaire, à la seule condition que nous fassions intelligemment coïncider les sources d'énergie et l'utilisation de celles-ci."

Egalement, lorsque vous dites, dans la recommandation 3 — ce qui a été relevé par plusieurs membres de la commission — que vous proposez de mettre un frein même au développement de l'énergie hydraulique pour protéger l'environnement, je me dis que vraiment, ce n'est plus réaliste du tout de croire que... S'il y a une chose sur laquelle tout le monde s'entend depuis deux semaines, c'est qu'il va y avoir une croissance de la consommation d'énergie dans les différents types d'énergie. On peut la diminuer, on peut la contrôler, mais en nous faisant croire que d'ici les 50 prochaines années, la production actuelle de l'Hydro-Québec, même en arrêtant le projet de la baie James, sera suffisante pour les besoins éner-

gétiques du Québec, je pense bien qu'on touche à la frontière de l'incroyable.

Sous cet aspect, je pense que des remarques semblables jettent une ombre assez sérieuse sur la qualité d'ensemble du mémoire.

Lorsque vous dites, à la page 31, que la demande réelle en électricité diminue, vraiment c'est une trouvaille. Nous voudrions que vous nous apportiez ces chiffres au plus tôt, parce que les affirmations de tous les groupes qui sont venus ici sont que la demande en électricité augmente. L'Hydro-Québec l'évalue même à 7,75% par année dans une croissance forte, ou entre moyenne et forte. Même si on la situait dans une croissance lente, ce serait au minimum de 3% à 4% et cela supposerait toute une réorientation de la consommation de l'énergie électrique.

Je pense que sous ces aspects, votre mémoire est décevant, quoique sur le nucléaire, il reprend beaucoup d'autres choses et paraît beaucoup plus cohérent.

Une dernière remarque que je voudrais faire ne s'adresse pas seulement à votre mémoire, mais à plusieurs autres mémoires. On prend un peu l'Hydro-Québec comme un bouc émissaire face au développement du nucléaire. Comme le ministre l'a rappelé cet après-midi, ce n'est pas à l'Hydro-Québec comme telle à décider du type de société dans laquelle nous allons vivre. L'Hydro-Québec a appliqué, jusqu'à maintenant, des orientations définies par le gouvernement. Peut-être que, dans le passé, il manquait une politique intégrée de l'énergie. On l'a fait deux ans par deux ans ou à court terme. Peut-être qu'il manquait une politique d'énergie à long terme, sur 15 ou 25 ans. Mais il reste que l'Hydro-Québec, sous cet aspect, ne doit être considérée par aucun Québécois comme étant responsable de tous nos maux par rapport à l'avènement du nucléaire.

Le Président (M. Laplante): Sur ces remarques, on vous remercie, madame et monsieur. Les membres de cette commission vous remercient de la coopération que vous avez bien voulu leur apporter. Bonsoir.

Mme Henaut: Nous voulons vous remercier. Vous ne pouvez pas savoir le plaisir que cela nous a fait, en tant que citoyens; d'être invités à présenter nos idées devant ce gouvernement. Cela a même été une joie.

Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle l'Association québécoise des professionnels de la communication scientifique.

Mme Henaut: Nous avons certains documents qui peuvent être intéressants à consulter. Par exemple, la question des besoins d'électricité, cela vient de l'étude de Lovins.

Le Président (M. Laplante): Vous n'avez qu'à les déposer. Monsieur va aller les chercher. Vous avez 30 minutes messieurs.

Association québécoise des professionnels de la communication scientifique

M. Gagnon (Jean-Marc): Merci. M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés, rassurez-vous, nous ne parlerons pas longtemps. Nous sommes plutôt spécialisés dans l'écrit. Le mémoire que nous avons fait parvenir au secrétariat des commissions parlementaires le 7 février dernier...

Le Président (M. Laplante): Pourriez-vous vous identifier?

M. Gagnon (Jean-Marc): Je m'excuse. Mon nom est Jean-Marc Gagnon. Je suis directeur du magazine Québec Science. L'autre intervenant sera M. André Delisle, chroniqueur à l'énergie à l'environnement du magazine. Je disais donc que le mémoire que nous avons fait parvenir au secrétariat des commissions parlementaires, le 7 février dernier, devait être entériné officiellement par la nouvelle Association québécoise des professionnels de la communication scientifique, lors de son assemblée de fondation qui a eu lieu vendredi dernier.

Malheureusement, faute de temps — je puis vous garantir que ce n'est pas faute d'intérêt — l'assemblée n'a pu être saisie de la question. Ce sont donc les promoteurs du projet, des représentants du magazine Québec Science, qui viennent aujourd'hui devant vous pour endosser ce mémoire et témoigner de la nécessité de mettre le public dans le coup, d'associer les citoyens à la mise en oeuvre d'une politique énergétique au Québec. C'est là, selon nous, une question trop importante pour être laissée entre les mains des seuls scientifiques.

A plusieurs reprises, et ce depuis plusieurs années, notre magazine a publié des articles de fond dans le but d'inciter les gens à prendre individuellement et collectivement des mesures pour économiser l'énergie et ce, à la lumière d'une information pertinente. Ce sont les réactions à ces articles qui nous incitent à venir devant vous aujourd'hui. Elles ont été des plus encourageantes et des plus intéressées.

Il ne faudrait pas chercher dans le document que M. Delisle va vous lire dans quelques instants un dossier très étalé. Il s'agit là d'un domaine réservé aux experts. Les données techniques y abondent déjà suffisamment.

Il faudrait plutôt y voir un effort pour répondre au problème fondamental, mis en lumière par les témoignages divergents des divers intervenants devant cette commission, soit l'absence d'un consensus, un consensus qui ne touche pas tant la question des choix énergétiques que celle des choix sociaux, préalables à la définition d'une telle politique.

A nos yeux, un tel concensus est indispensable pour rendre cette politique socialement acceptable et, par conséquent, applicable. Voilà pourquoi notre mémoire se veut modéré en ce qui concerne les mesures à prendre et, réaliste, quant à leur possibilité d'application.

M. Delisle (André): Les années d'abondance et de presque gratuité de l'énergie sont déjà chose du passé. L'illusion bien québécoise du caractère inépuisable des ressources énergétiques tarde toutefois à céder le pas devant la nécessité d'une utilisation plus rationnelle des ressources disponibles. Le fossé qui s'élargit entre la disponibilité des diverses sources d'approvisionnement énergétique et les exigences des multiples utilisateurs posent, de façon cruciale, la question des choix sociaux, économiques et politiques pour satisfaire les besoins énergétiques à venir. Le Québec n'est pas le seul pays à faire face à de tels choix; tous les pays occidentaux vivent présentement les mêmes hésitations.

Toutefois, plusieurs caractéristiques du secteur énergétique québécois rendent ces choix très difficiles et, forcément, différents des solutions adoptées dans d'autres pays occidentaux. Les grandes questions à retenir dans ce contexte particulier du Québec peuvent être résumées en six sujets principaux:

A. Une stratégie d'autonomie énergétique québécoise est-elle souhaitable?

B. Les économies d'énergie offrent-elles des avantages intéressants pour le Québec?

C. La filière nucléaire doit-elle être retenue dans le contexte québécois?

D. Les énergies alternatives peuvent-elles occuper une place importante dans la politique québécoise de l'énergie?

E. Dans quel secteur faut-il orienter les efforts de recherche?

F. Enfin, quel rôle le public peut-il jouer dans une telle politique?

Bien sûr, toutes ces questions pourraient être subdivisées. Elles pourraient aussi être formulées très différemment étant liées entre elles. Nous tenterons néanmoins de faire ressortir certains éléments soulevés par chacune de ces questions, de même que les liens qui existent entre eux, éléments qui devront faire l'objet de décisions claires dans l'expression de la politique québécoise de l'énergie.

A. Une stratégie d'autonomie. Le Québec ne dispose pas de ressources pétrolières. L'autosuffi-sance pétrolière est donc hors de question. Par contre, le pétrole occupe une place importante dans le bilan énergétique québécois. Le Québec doit ainsi viser à s'assurer des approvisionnements stables, à des coûts moindres, tout en tentant de réduire sa dépendance face au pétrole, au cas où le prix de ce dernier grimperait subitement et de façon spectaculaire.

Pour ce, le Québec doit prendre les moyens d'assurer une part plus importante du bilan énergétique au gaz naturel en améliorant les réseaux de distribution et en forçant l'introduction du gaz au niveau des processus industriels à cause, entre autres, de ses qualités écologiques.

Le développement de nouvelles utilisations est un autre moyen d'augmenter la part du gaz naturel. L'infrastructure mise en place pourrait, d'ailleurs, servir au cas où le gaz synthétique, gaz de charbon, offrirait des possibilités intéressantes à moyen terme. Quant au secteur hydroélectrique, à court terme, il ne peut suffire à assurer au Québec l'autonomie énergétique. Un recours trop rapide à ces ressources serait d'ailleurs une dépense inacceptable pour les Québécois tant que les produits pétroliers resteront disponibles à moindre coût.

Dans cette optique, il faut retarder le développement de nouvelles ressources hydroélectriques et libérer ainsi les sommes nécessaires aux efforts dans d'autres secteurs, le gaz, la conservation.

Les économies d'énergie. L'étude de l'évolution de la demande énergétique fait ressortir l'imminence de pénuries ou, du moins, de hausses exorbitantes des coûts. Dans cette optique, l'axe de la conservation des ressources énergétiques, par différentes mesures d'économie, devra occuper une place importante dans la politique énergétique québécoise. Les effets de mesures de conservation de l'énergie sont très avantageux du point de vue de l'application d'une politique énergétique. L'amélioration du rendement des processus énergétiques et la réduction de la demande permettent de retarder certains développements trop coûteux et parfois risqués pour l'environnement. Ces délais ouvrent la porte à des recherches supplémentaires et à des découvertes essentielles dans des secteurs énergétiques aujourd'hui peu développés, solaire et éolien, entre autres. Une politique de conservation diminue aussi la dépendance d'un Etat par rapport aux approvisionnements énergétiques provenant de l'extérieur.

Au chapitre de la conservation de l'énergie, l'Etat ne doit pas hésiter à explorer des possibilités apparemment très éloignées de la consommation de l'énergie, telles que la réorganisation des transports, les réaménagements des activités sociales, par exemple des horaires flexibles, et même toute la réorganisation du territoire, un meilleur aménagement des villes et autres moyens du genre.

La filière nucléaire. Dans les perspectives futures d'utilisation de l'énergie, la filière nucléaire, fission, semble devoir occuper une faible part du bilan énergétique québécois. Toutefois, les craintes par rapport au choix nucléaire trouvent des supporters tant dans les milieux scientifiques que dans les milieux politiques et dans toutes les couches de la société. Sans présumer des fondements de ces craintes, il semble que les dangers soient tellement importants et la marge d'incertitude tellement large, concernant les conséquences du recours massif à l'électricité nucléaire, qu'il faille chercher à éviter cette filière. Plusieurs arguments d'ordre économique, écologique, technique ou social pourraient être apportés en appui à une telle décision. Le fait qu'il existe des façons d'éviter le recours à une technologie très risquée et fort peu connue, suffit à suggérer le refus d'un tel choix, du moins à court terme.

Le recours ou le non-recours à des scénarios nucléaires reste, par ailleurs, une décision qui appartient à la société, dans son ensemble, une fois tous les citoyens bien informés des implications de ces choix.

Les vides laissés par cet arrêt de tout programme nucléaire pourraient être comblés à court terme grâce aux provisions produites par un pro-

gramme de conservation efficace. A moyen terme, les nouvelles disponibilités en gaz naturel et les ressources hydroélectriques serviraient à remplacer la part habituellement laissée à l'énergie nucléaire. A long terme, les délais causés par ces approvisionnements énergétiques de transition permettront d'ajouter aux sources conventionnelles d'approvisionnement énergétique les sources aujourd'hui considérées comme marginales, solaire et éolienne, ou encore au stade de recherches fondamentales, nucléaire de fusion, évidemment, après des études d'environnement adéquates.

Les énergies alternatives. Désigner par le terme "alternatives" les sources d'énergie non encore exploitées trompe sur les possibilités réelles de telles sources d'énergie. Certaines sources telles que le soleil risquent de prendre, à long terme, une part importante du bilan énergétique des pays occidentaux. Certaines autres sources, le vent, les marées, la chaleur terrestre, la biomasse ou l'énergie des déchets, semblent pour leur part devoir garder une position marginale par rapport aux autres sources pour une longue période encore.

Toutefois, un certain laps de temps est encore nécessaire pour développer et multiplier les applications des sources d'énergie non encore exploitées. Dès maintenant, des efforts importants doivent être déployés pour préciser les possibilités réelles de ces sources d'énergie et pour en faciliter l'implantation dans certains cas.

Les efforts de recherche. Ces possibilités de nouvelles sources d'énergie suggèrent déjà des orientations pour la recherche dans le secteur énergétique. Vu les ressources techniques et scientifiques dans le secteur de la recherche énergétique au Québec, il faudra réorienter ces efforts, présentement effectués dans la recherche nucléaire de fission, dans le secteur de la recherche sur l'énergie nucléaire de fusion. Déjà, plusieurs pays développent une expertise dans ce dernier secteur: le Québec doit déjà préparer ses scientifiques et ses techniciens a la venue de l'énergie nucléaire de fusion. Ceci ne suppose évidemment pas le retrait de la recherche en hydroélectricité, qui occupe déjà une partie importante des chercheurs québécois du secteur énergétique.

Des efforts devront aussi être consentis dans des recherches québécoises sur les énergies solaire et éolienne, susceptibles de trouver des applications importantes du fait de la situation "privilégiée" du Québec du point de vue des vents et de l'ensoleillement dans certaines régions. Ces sources d'énergie sont particulièrement adaptées dans le cas des régions éloignées fort coûteuses à approvisionner en énergie conventionnelle. De plus, tel que mentionné précédemment, des possibilités nouvelles d'utilisation du gaz au niveau des processus industriels devront être développées très rapidement.

Le rôle des citoyens. La plupart des points mentionnés précédemment supposent la collaboration des consommateurs, qu'ils soient domestiques ou industriels. L'efficacité de la plupart des choix proposés est fondée sur le succès du pro- gramme de conservation de l'énergie, programme basé, bien sûr, sur des mesures réglementaires, mais surtout sur une participation volontaire supportée par plusieurs formes d'incitation. Tous les programmes d'information du public et d'intégration des consommateurs aux mécanismes d'élaboration de la politique énergétique québécoise sont ainsi souhaitables dans ce contexte.

Réciproquement, pour être acceptés par le public, ces programmes d'information et d'incitation aux économies d'énergie doivent accompagner un véritable effort national pour rationaliser l'utilisation des ressources énergétiques. Les économies alors réalisées se répercuteront surtout sur la consommation de pétrole et d'électricité, secteurs où le Québec a intérêt à abaisser le taux d'augmentation pour éviter l'escalade des prix de l'énergie. Un échec du programme d'économie de l'énergie signifierait donc l'impossibilité pour le Québec de décider de lui-même de son avenir énergétique et, par là, de valoriser au mieux ses propres ressources.

En conclusion, il convient d'affirmer, malgré son apparente évidence, la nécessité de consacrer les ressources humaines, financières et techniques pour pouvoir mettre en place les mécanismes élaborés dans le cadre de la politique énergétique. La création de l'Agence québécoise de conservation de l'énergie est sans doute un premier pas en ce sens. Toutefois, il faudra aussi libérer les crédits nécessaires pour encourager la recherche et le développement des nouvelles sources d'énergie, pour assurer la mise en place des processus d'information et de participation du public et, enfin, pour former l'expertise nécessaire à la gestion et à la coordination de tous les programmes et de toutes les activités ayant une incidence sur les ressources énergétiques disponibles. Et ce, à très court terme.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Joron: Si je me permets de résumer un des points saillants de votre mémoire, c'est que vous proposez, somme toute, au-delà d'un programme de conservation d'économie d'énergie, de sauter l'étape de fission nucléaire pour attendre la fusion, et vous dites: On peut faire ce saut, ce pont en misant sur le gaz, entre autres, et sur une croissance, que vous qualifiez de modérée, du développement hydroélectrique conventionnel. J'ai deux questions, une par rapport au gaz et l'autre justement par rapport au développement hydroélectrique.

Vous avez mentionné — je ne suis pas sûr de vous avoir bien compris — que des investissements trop massifs dans l'hydroélectricité, dans le développement des sources hydroélectriques étaient coûteux.

Il est évident que c'est coûteux en termes d'investissements. Evidemment, cela enlève une certaine marge de manoeuvre. Cela soustrait autant à d'autres investissements sociaux qui pourraient être faits. Par contre, vous rajoutez dans la même phrase "... tant que le pétrole est meilleur marché."

A ce que je sache, au moment où on se parle, le pétrole n'est pas meilleur marché. Si on se réfère à ce que disait l'Hydro-Québec cet après-midi, tout en prévoyant une certaine augmentation du tarif de l'électricité, on prévoyait que le pétrole continuerait de devancer, devenant relativement de plus en plus cher par rapport à l'électricité. Il m'apparaît y avoir là une confusion peut-être qui s'introduit et je vous demanderais, si vous le voulez bien, de l'éclaircir.

Cela est par rapport à l'électricité. Maintenant, par rapport au gaz, vous nous invitez à miser sur le gaz d'une façon temporaire, attendant les développements ultérieurs de la fusion nucléaire ou de sources alternatives, dites douces, d'énergie, etc. Vous nous invitez, du même coup, à faire des investissements dans le prolongement du réseau de distribution du gaz. Le gaz a ceci de particulier — c'est une évidence; ce n'est pas comme le pétrole — qu'il ne se transporte pas en petite quantité facilement. Cela prend des canalisations installées. Donc, c'est une infrastructure qu'il faut mettre en place qui, elle aussi, est fort coûteuse. Si on est pour s'en servir seulement pendant quelques années, cela ne vaut pas la peine de le faire, parce que les investissements qu'on met dans l'augmentation de tout un réseau de distribution de gaz, il faut au moins qu'on soit assuré de pouvoir les amortir sur vingt-cinq ou trente ans.

C'est ma question: Comment peut-on décider d'augmenter un réseau et de consentir à ces investissements, sans être déjà sûr des approvisionnements en gaz, non seulement de la quantité, mais du prix également? Il semble, d'après les positions qu'on a entendues depuis une semaine et demie, qu'on n'arrive pas à avoir des réponses précises à l'une ou à l'autre de ces questions.

Alors, est-il prudent, est-ce faire de bonnes affaires que de décider d'aller investir dans le prolongement d'un réseau de gaz sans savoir pour combien de temps ce réseau va servir, d'une part, sans savoir les quantités de gaz qu'on va pouvoir acheter et qui, de toute façon, sont à l'extérieur des frontières du Québec et sans, non plus, savoir le coût de ce gaz?

M. Delisle: Concernant la première question par rapport à l'électricité et aux investissements nécessaires, je pense qu'il y a un principe dont il faut tenir compte quand on parle de dépenses dans le domaine énergétique. Finalement, les investissements pour l'électricité, ce sont les Québécois qui les font. C'est une partie du budget québécois qui passe au développement des ressources hydroélectriques, tandis que, pour l'achat du pétrole, actuellement, on n'a pas à investir dans des sources d'approvisionnement futur. C'est à ce niveau, je pense qu'il y a une différence quand on dit bloquer une partie du budget québécois pour l'investir dans quelque chose. Un transfert, on peut le faire de l'électricité à quelque chose d'autre et non pas du pétrole parce qu'on n'investit pas vraiment dans le pétrole.

M. Joron: Ce n'est pas exact. Evidemment, les investissements dans l'hydroélectricité sont très coûteux. Quand on parle de pétrole, c'est une dépense courante, immédiate et renouvelable. Chaque fois que tu achètes un baril, tu le paies, tandis qu'une fois que tu as investi dans un barrage hydroélectrique, tu as de l'électricité pendant 100 ans. D'accord, il faut que tu investisses plus tout de suite, mais tu vas en retirer beaucoup plus pendant beaucoup plus de temps.

Il y a quelque chose de faux à prétendre aussi que... Même s'il ne faut pas mésestimer la sortie de devises extraordinaire que cela représente, de paiements transférés hors du Québec — que cela soit vers l'Ouest canadien ou vers n'importe quel autre marché, cela fait peu de différence; finalement, c'est une sortie nette de capitaux du Québec — ces montants vont devenir extraordinaires, surtout si on pense à du pétrole, dans moins de dix ans, à $25 ou $30 le baril. Mais, dans ce prix du baril de pétrole — on en a discuté la semaine dernière — il y a une part qui est le profit de l'entreprise. Avec toutes les discussions que le député de Jean-Talon a eues, à savoir si c'était un revenu brut, un profit brut, un profit avant ceci ou un profit avant cela, il reste qu'il y a une partie de "cashflow" dans le prix de ce baril qu'on paie qui va à l'entreprise pour lui permettre un réinvestissement non pas au Québec dans le réseau de distribution de pétrole, mais à l'extérieur dans l'exploration pour de nouvelles sources.

En d'autres mots, quand on fait payer un baril de pétrole à des consommateurs québécois, il y a une partie de ce paiement qui va à des investissements à l'extérieur du Québec. Il ne faut pas l'oublier non plus; si bien qu'on finance le développement énergétique d'autres parties du monde quand on fait cela. C'est pourquoi je n'accepte pas l'argument aussi facilement que cela, savoir que le pétrole semble nous coûter meilleur marché parce qu'il n'implique pas des investissements. Il implique des investissements. Il y a une partie d'investissements dans le prix courant qu'on paie pour un baril de pétrole.

M. Delisle: Evidemment, mais je pense quand même qu'en termes de masse d'argent, on a moins de contrôle sur cette masse d'investissements qui est une petite proportion sur chacun des barils de pétrole achetés qu'on a sur la masse d'investissements qu'on place dans le développement des ressources hydroélectriques. C'est dans ce sens, je pense, qu'il y a une différence. Concernant l'investissement d'une certaine infrastructure pour le gaz, je pense aussi que là, il y a plusieurs possibilités dans le domaine du gaz et non pas seulement le gaz naturel. Il y a le développement du gaz synthétique et éventuellement d'autres gaz, que ce soit le gaz de déchets ou d'autres gaz pour lesquels l'infrastructure pourra servir aussi dans le sens de sources d'énergie future.

M. Joron: En nous proposant ces investissements dans une infrastructure, j'imagine que vous avez dû, avant de faire cet avancé, quand même essayé de voir ou de localiser ou de quantifier jusqu'à un certain point — je sais bien qu'on joue toujours dans les approximations — les sources

disponibles. Le gaz qui entre au Québec aujourd'hui, ce n'est pas grand-chose, mais si on est pour mettre des centaines de millions à une extension du réseau, il faudrait être sûr qu'on va en avoir en jolie quantité.

M. Delisle: On n'a pas tenté de quantifier du tout, d'ailleurs il n'y a aucun chiffre qui apparaît dans notre mémoire et ce, volontairement, parce que les chiffres ont plu à la commission — dans le sens de pleuvoir — chacun y a mis ses chiffres, ses prévisions, ses données. Sans avoir les mémoires qui ont été remis à la commission, selon les dossiers qu'on a pu faire ou voir, les hypothèses qu'on a pu voir avant, il semble y avoir des réserves en gaz suffisantes pour justifier une telle approche. Pour la quantifier, on n'entre pas dans la quantification, et volontairement.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richmond.

M. Brochu: Pour continuer un peu dans le sens que le ministre mentionne, actuellement vous suggérez dans votre mémoire de ralentir un peu le développement de l'Hydro-Québec et d'aller au profit du gaz naturel de façon assez évidente. Je pose la question suivante. D'abord j'établis que dans la question de gaz naturel, les approvisionnements sont quand même douteux, jusqu'à un certain point. Deuxièmement, il va falloir établir toute une infrastructure pour la question de la distribution, qui n'est pas en place actuellement. Je me demande s'il ne serait pas plus logique d'utiliser au maximum une infrastructure déjà existante en ce qui concerne la question de la production d'énergie par l'hydroélectricité alors que c'est déjà là. Pourquoi ne pas l'utiliser au maximum quitte, en même temps, à développer parallèlement en prévision des pénuries ou des maximums de production à atteindre dans ce domaine en même temps qu'on utiliserait...

M. Delisle: Je pense que quand on parle d'éventuelles sources d'approvisionnement énergétiques, on est obligé — je parle très globalement — de parler de plausibilité de réalisation. Une chose est certaine, il ne faut pas mettre tous les oeufs dans le même panier. Si on se fie exclusivement à l'hydroélectricité et au pétrole, on s'en va vers une impossibilité vers 1990. Je pense que cela ressort assez des mémoires qui ont été remis ici. Maintenant, vis-à-vis des solutions de rechange que l'on a, il y a, entre autres, le gaz, les énergies alternatives, solaire, éolienne et biomasse, et il y a, plus loin peut-être, la fusion. Alors, la façon la plus raisonnable, actuellement, dans une décision actuelle de diversifier, je pense que c'est d'aller du côté du gaz. C'est dans ce sens que ce choix est fait.

M. Brochu: Est-ce que je me trompe lorsque...

M. Delisle: Parce que c'est moins incertain que, par exemple, les possibilités de l'énergie so- laire et encore moins incertain que les possibilités de l'énergie de fusion. C'est un degré d'incertitude qui va en augmentant à mesure qu'on avance dans les solutions de rechange.

M. Brochu: D'accord, mais est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux quand même partir de ce qu'on a effectivement, de réseaux existants tout en développant l'autre à côté, la question du gaz naturel?

Si je comprends bien, dans le mémoire que vous présentez, — corrigez-moi si je fais erreur — vous allez chercher du côté de l'Hydro-Québec, si vous voulez, les sommes nécessaires à investir du côté du gaz naturel, en disant: Ralentissez un peu du côté de la production de l'énergie électrique pour aller immédiatement à fond de train dans la question du gaz naturel. En partant de là, si c'est bien ce que vous avez voulu dire, je me demande pourquoi, étant donné que tout est installé là, on ne l'utilise pas au maximum, peut-être, tout en allant au gaz naturel à côté.

M. Delisle: Dans une optique de rationalisation des ressources disponibles, ce n'est pas certain qu'il faille actuellement vider complètement les possibilités de l'hydroélectricité sans diversifier davantage pour être obligé ensuite de s'engager, à la fin, qui est très proche, dans une voie que l'on n'aura pas choisie. C'est dans ce sens qu'on dit — vraiment, vous avez bien compris le mémoire — de réserver une certaine partie de l'économie du Québec pour développer des sources différentes. Sans que ce soit exclusivement le gaz, le gaz est sûrement un axe important.

M. Brochu: Est-ce qu'il n'y a pas un certain risque — on se pose la question sur le plan théorique — si on réserve certaines sommes dues au développement de l'Hydro-Québec pour les mettre du côté du gaz naturel, si on établit toute cette infrastructure dont on a besoin pour faire la distribution, ainsi de suite, et qu'à la fin de l'année il s'avérerait non rentable de travailler de cette façon, ou non efficace, d'être obligé de revenir à la première structure, d'augmenter de nouveau les budgets de l'Hydro-Québec? On se retrouverait dans une espèce d'illogisme de situation où on effectuerait un demi-tour forcé.

M. Delisle: En pratique, ce que l'on sait, c'est que les réserves de gaz sont démontrées, les possibilités d'utiliser ont été mentionnées par plusieurs groupes, scientifiques ou organismes qui, actuellement, travaillent dans le domaine de l'énergie. C'est là-dessus qu'on se base pour dire ça.

M. Brochu: A présent, est-ce qu'on pourrait, à ce stade-ci, poser au sujet de l'utilisation du gaz naturel la question des habitudes de consommation des gens? Je ne parle pas du secteur de l'industrie, mais du secteur privé. Parce que l'utilisation même du gaz amènerait des changements majeurs d'installation. Est-ce qu'il est possible de

prévoir un laps de temps ou un programme de changement, et est-ce qu'à l'intérieur de ce programme de changement, on est capable d'évaluer les comportements des individus par rapport à ces changements assez radicaux si on axe cela aussi massivement sur le gaz naturel?

M. Delisle: Sur le premier point, je pense que par rapport au changement des habitudes de consommation des individus, c'est possible, c'est long, ça demande un programme très volontaire pour y arriver et c'est très justifié. Cela peut venir d'un organisme gouvernemental et pas d'ailleurs.

Maintenant, au niveau du gaz, je ne pense pas que la possibilité domestique soit la plus grande possibilité. C'est plutôt la possibilité des processus industriels, pour une bonne raison aussi, qui est en même temps une raison de saine gestion. C'est-à-dire qu'actuellement, la société commence à être obligée d'absorber des coûts très élevés, et en termes d'énergie et en termes d'argent, pour la lutte contre la pollution. On n'arrête pas de voir et d'entendre des industries qui se plaignent des investissements massifs qu'elles sont obligées de faire pour éviter certaines émissions atmosphériques, éviter la pollution. A ce moment-là, le gaz offre l'avantage d'éliminer ce genre de coûts. C'est donc doublement avantageux pour les processus industriels. C'est pour ça qu'on dirige le gaz surtout vers les processus industriels.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Sur la question à savoir si c'est plus rentable par rapport à l'économie du Québec d'investir soit dans le gaz, soit dans le pétrole ou dans l'hydroélectrique, l'Hydro-Québec nous fournissait des chiffres cet après-midi qui indiquent que 76% du coût de l'hydroélectricité est investi au Québec sous forme d'équipement, main-d'oeuvre, etc., alors que si on se lançait dans le nucléaire, ce serait environ 65% ou 66%. Donc, quand on parle des effets économiques de l'investissement dans l'énergie hydroélectrique, ils sont beaucoup plus grands au Québec parce qu'on investit dans la recherche. Dans la transformation au niveau du pétrole, au niveau du gaz, on investit lorsqu'on l'achète, sauf que ces investissements ne se font pas ou ne se font plus ici.

Voici la question que je voudrais vous poser. Je voudrais que vous m'éclairiez à savoir comment vous pouvez concilier — vous dites que l'autarcie n'est pas possible, mais qu'un des objectifs de la politique énergétique du Québec doit être de diminuer sa dépendance face à la consommation d'énergie — comment concilier dis-je cet objectif avec les recommandations générales que vous nous faites d'augmenter notre bilan de consommation de gaz, de ne pas diminuer notre consommation de pétrole, tant que les prix seront ce qu'ils sont actuellement, et de ralentir nos investissements hydroélectriques qui, eux, sont un investissement interne qui crée de l'emploi ici, etc.?

Comment concilier cela? L'autarcie c'est évident, c'est clair que c'est impossible, pas plus que le séparatisme est possible. Mais ce qui est possible, par exemple, c'est de diminuer notre dépendance ou d'accroître notre degré d'autonomie. Les principales recommandations que vous nous faites, j'ai l'impression, visent toutes à diminuer cette autonomie au lieu de l'augmenter.

M. Delisle: Je ne comprends pas vraiment votre question.

M. Marcoux: La question est: Comment pouvez-vous concilier votre objectif ou l'objectif que vous voulez que le gouvernement poursuive, qui est de réduire sa dépendance face au pétrole ou aux sources énergétiques étrangères, tout en recommandant qu'on diminue ou qu'on n'augmente pas trop la consommation hydroélectrique? Par contre, en se lançant du côté du gaz, à ce que je sache, il ne sera pas sur le terrain québécois, il va être en dehors et il risque d'être contrôlé par d'autres.

M. Delisle: On n'a pas fait d'objectif unique sur l'hypothèse de politique qui est là. Il n'y a pas d'objectif unique de diminuer notre dépendance. Il y a un objectif double qui est de valoriser nos ressources et diminuer la dépendance. Ce sont des choses qui ont des conséquences sur les choix qu'on fait par la suite. On peut prendre comme objectif unique de valoriser nos propres ressources. A ce moment-là, cela peut ne pas être de diminuer notre dépendance.

M. Marcoux: Mais, à ce moment-là, votre deuxième objectif, je suis d'accord que vous faites des recommandations qui nous permettraient possiblement d'en atteindre une bonne partie.

Pour le premier objectif, je pense que toutes vos interventions sont contradictoires avec l'objectif. Il vaudrait mieux dire carrément, à ce moment-là, que l'objectif de diminuer notre dépendance, vous ne le retenez pas du tout. Je ne vois aucune recommandation qui va dans ce sens-là.

M. Delisle: Je pense que cela a énormément d'importance sur la façon dont on va développer, mais pas nécessairement à court terme. Quand on parle de développement à court terme, on est pris avec une situation de fait d'une grosse consommation et d'une infrastructure qui est là et aussi de développements du secteur énergétique qui sont à un point donné. Quand on parle à moyen et à long terme, c'est autre chose. C'est là que cet objectif peut prendre plus d'importance. Je pense par exemple au genre de positions qui ont été prises par des intervenants précédents et qui disaient: A un moment donné, ce qu'il va falloir développer, ce n'est pas nécessairement des structures ou des moyens massifs de répondre à la demande énergétique. Il y aura peut-être lieu de décentraliser la consommation d'énergie, décentraliser la production d'énergie et c'est dans cette optique que la diminution de la dépendance par rapport à d'autres devient un objectif important.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Anjou, une dernière intervention.

M. Johnson: Je m'adresse à vous en tant que communicateurs scientifiques en présumant que vous avez dû faire le tour de certaines questions qui touchent entre autres la recherche dans le secteur de l'énergie.

Vous recommandez, à l'avant-dernière page de votre mémoire, qu'il faudra aussi libérer les crédits nécessaires pour encourager la recherche et le développement de nouvelles sources d'énergie. Vous n'êtes pas sans savoir que ce matin on a eu des chiffres qui ont été cités par le représentant de l'Hydro-Québec, à l'effet que des pays comme les Etats-Unis, des groupements comme le marché commun, les pays européens en général et le Japon dépensent des sommes qui sont de l'ordre de 10 et 20 fois supérieures à ce que l'Hydro dépense dans le secteur de la recherche.

A votre connaissance, dans la mesure où le Québec devrait se spécialiser dans un domaine de pointe dans le secteur énergétique comme il l'a fait dans le passé en ce qui concerne le transport d'énergie à haute tension grâce à son institut, dans quel secteur des sources alternatives d'énergie voyez-vous que la recherche devrait être prioritaire? Dans le solaire, dans l'éolien, le biomasse ou même la marémotrice?

M. Delisle: Est-ce que vous prenez comme hypothèse qu'il faut vraiment se spécialiser dans un secteur de pointe?

M. Johnson: C'est-à-dire que la première question est: Etant donné les ressources relativement limitées, en termes comparatifs, qui sont à la disposition de l'Hydro, entre autres, et de l'institut de recherche et éventuellement d'un ministère de l'énergie, croyez-vous qu'il faut penser à une spécialisation dans le secteur de la recherche, même si on tient compte du fait qu'il y a des relations organiques, sur le plan international, entre ces groupements? Deuxièmement, si oui, dans quel secteur voyez-vous un secteur de prédilection pour le Québec?

M. Delisle: Si j'avais à répondre à cette question sans y répondre, je dirais: Vu qu'on a déjà un secteur de recherche au niveau des énergies conventionnelles, il faudrait développer le secteur des énergies alternatives. Lequel parmi ces secteurs développer plus précisément? Je ne pense pas qu'on doive répondre à cette question; je pense qu'il faut vraiment les développer de façon concurrente, parce que ces sources d'énergie sont vraiment prévues dans une utilisation d'énergie intégrée et efficace, dans le sens que l'utilisation finale de l'énergie est toujours faite en fonction de la meilleure utilisation de la source d'énergie.

A ce moment, on ne peut pas dire de développer une chose plus qu'une autre; le contexte québécois est trop différent, justement, du contexte américain, pour pouvoir se permettre, par exemple, d'importer la technologie simplement éo- lienne ou la technologie même solaire directement dans le contexte québécois. On a un contexte climatique qui change vraiment toutes les données par rapport à cela. Il faut vraiment garder une expertise, non pas générale, mais spécialisée dans l'énergie alternative.

Le Président (M. Laplante): C'est bien, messieurs. Les membres de cette commission vous remercient de l'apport que vous avez bien voulu leur donner. Merci! Le groupe Labrecque, Bisson-nette et Lemieux, ingénieurs. Est-ce que vous êtes seul?

M. Lemieux (André): Oui, je suis seul.

Le Président (M. Laplante): Comme un grand garçon.

M. Lemieux: Oui, on va faire cela du mieux qu'on peut.

Le Président (M. Laplante): Vous avez le reste du temps, jusqu'à 23 heures.

Labrecque, Bissonnette, Lemieux et Associés

M. Lemieux: André Lemieux, de la firme Labrecque, Bissonnette et Lemieux, firme qui se spécialise dans la conservation ou l'économie d'énergie. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, nous désirons vous remercier de l'occasion que vous nous donnez d'exprimer nos vues sur la future politique de l'énergie du Québec.

Cependant, le temps qui nous a été donné pour préparer ce mémoire nous a empêchés d'apporter certaines modifications et additions avant sa publication. Aussi, je me permettrai d'ajouter quelques remarques et, pendant sa lecture, je vous prierai de les noter.

En tant qu'ingénieurs travaillant activement dans le vaste domaine de la conservation de l'énergie, nous voulons vous faire réaliser l'urgence de la situation et ainsi vous amener à prendre des mesures immédiates pour notre bien-être et celui des générations futures. Ces mesures qui devront éliminer tout gaspillage d'énergie auront comme autre avantage d'arrêter en même temps le dilapidage de plusieurs autres ressources naturelles.

Nous croyons que l'application de telles mesures est nécessaire pour tendre vers l'autosuffi-sance en matière d'énergie. Une brève analyse de notre consommation d'énergie primaire ainsi que de nos disponibilités domestiques d'approvisionnement est révélatrice.

A la page 3 de notre mémoire, nous produisons deux tableaux résumant assez bien la situation actuelle. Je n'ai pas l'intention de vous répéter tous ces chiffres parce que je sais qu'ils ont déjà été avancés par plusieurs organismes et correspondent à très peu de choses près.

De toute façon, dans le premier tableau, nous avons la consommation d'énergie primaire, par

régions, à savoir le pétrole, le gaz naturel, l'hydroélectrique et autres et, dans le tableau no 2, la disponibilité d'énergie primaire au Canada et au Québec.

Bien que le Canada jouisse actuellement d'une situation d'autosuffisance pour le pétrole, nous pouvons, d'ores et déjà, prévoir qu'il deviendra déficitaire pour les années quatre-vingt et quatre-vingt-cinq.

La figure I nous montre le potentiel d'approvisionnement en pétrole domestique tel que publié dans le rapport no 23 du Conseil canadien des sciences.

La situation du Canada est encore plus enviable avec le gaz nnaturel. Le gaz représente environ 26% de l'énergie primaire au Canada qui possède des réserves qui en feront un pays exportateur pour plusieurs années dans l'avenir.

Quant à la situation du Québec, elle est complètement différente car nous importons 100% de notre pétrole et près de 100% du gaz naturel, ce qui représente près de 80% de l'énergie primaire consommée au Québec.

L'hydroélectrique offre de quoi se réjouir, au Québec, mais là encore, le potentiel futur demeure limité. Les quelques sites qui restent à développer après la baie James sont très éloignés des centres urbains et leur coût de construction, incluant le transport, sera vraisemblablement très élevé.

En ce qui a trait à l'uranium, nous possédons, avec la filière CANDU, une des meilleures et des plus sécuritaires façons au monde de produire de l'électricité à partir de l'uranium. Je ne veux pas ici m'insérer comme expert dans le nucléaire. Cependant, son rendement est faible, d'où un coût de revient élevé de production. La quantité de chaleur ainsi rejetée dans le fleuve est inadmissible. Nous pourrions chauffer Trois-Rivières, par exemple, avec la quantité de chaleur rejetée par Gentilly 1 et 2, et peut-être Drummondville.

Les réserves canadiennes d'uranium sont considérables; on estime que la production de l'oxyde d'uranium en l'an 2000 sera deux fois plus grande que la demande domestique. Cependant, les seuls gisements d'uranium présentement exploités se situent en Ontario et au Manitoba.

Bien qu'on ait découvert la présence d'uranium à différents endroits au Québec, rien ne démontre jusqu'à maintenant qu'une exploitation serait rentable sur le plan commercial. Un vaste programme nucléaire aurait donc pour effet d'augmenter la dépendance énergétique du Québec.

Quant au charbon et au bois, ils ne représentent qu'une partie infime de notre bilan énergétique.

Une politique d'approvisionnement à développer. Bien que, présentement, près de 80% de notre énergie primaire provienne de combustible, nous désirons attirer votre attention sur les disponibilités mondiales de combustible à long terme.

Nous reproduisons, dans la figure II, les résultats d'une étude préparée par un comité de l'Organisation des Nations Unies. Plusieurs autres études sur le même sujet dans le monde ont confirmé que les disponibilités en pétrole et gaz naturel diminueront rapidement à partir de l'an 2000 si la demande continue de croître d'ici là.

Avant de pouvoir s'arrêter sur une stratégie en approvisionnement d'énergie, certaines connaissances sont prérequises. Quel est le potentiel pétrolier du territoire québécois? Quel est le potentiel en gaz naturel du territoire québécois? Quel est le potentiel en uranium du territoire québécois? Quel est le potentiel hydroélectrique à venir après la baie James? Quel est le potentiel de l'énergie solaire et éolienne? Quel est le potentiel des mesures de conservation ou d'économie d'énergie? Quel taux de croissance de la demande devons-nous rencontrer pour assurer une certaine croissance économique?

Pour répondre aux quatre premières questions, nous croyons que SOQUIP, SOQUEM et Hydro-Québec peuvent y répondre bien mieux que nous.

Cependant, nous croyons que les efforts développés par le gouvernement québécois, $7,5 millions en 1976, par l'intermédiaire de SOQUIP, dans la recherche et l'exploration du pétrole et gaz naturel, sont nettement insuffisants. A titre d'exemple, la compagnie Imperial Oil a investi au Canada, en 1975, la somme de $74 millions dans l'exploration et l'immobilisation, le Canadien Pacifique, $50 millions. Nous croyons que le mandat de SOQUIP devrait se limiter à l'exploration et l'exploitation des ressources énergétiques fossiles. Le raffinage et la distribution des produits pétroliers sont dispensés adéquatement par l'industrie privée. SOQUIP devra aussi jouer un rôle dans la distribution et la mise en marché du gaz naturel si l'industrie privée ne répond pas aux aspirations de la structure politique.

Des études devront être réalisées afin d'établir le potentiel de l'énergie solaire et éolienne, source d'énergie renouvelable et disponible en quantité limitée. Déjà, une analyse sommaire nous indique que l'énergie solaire a un coût de revient inférieur à celui de la baie James ou du nucléaire.

La terre reçoit en énergie solaire l'équivalent de 5000 fois les besoins estimés de l'humanité en l'an 2000.

Pendant les dernières décades, la demande d'énergie primaire au Canada a augmenté à un taux annuel moyen de 4,3%. Nos études en conservation d'énergie nous font croire qu'il est possible de diminuer ce taux de croissance et même d'atteindre à court terme un taux de croissance de la consommation et de la demande d'énergie primaire conventionnelle qui serait égal ou près de zéro.

La politique de l'énergie du gouvernement québécois devra s'affairer:

Premièrement, à réduire à long terme, notre trop grande dépendance du pétrole, en limitant son utilisation au secteur du transport;

Deuxièmement, multiplier les programmes d'exploration et d'exploitation, principalement du gaz naturel et du pétrole;

Troisièmement, encourager les programmes de développement hydroélectrique, source d'énergie renouvelable;

Quatrièmement, favoriser la construction de

centrales thermiques, utilisant le gaz naturel ou l'uranium comme énergie primaire et conçues selon le concept d'énergie totale pour fins de chauffage urbain;

Cinquièmement, adopter une politique, des règlements et des programmes en matière de conservation d'énergie;

Sixièmement, encourager l'utilisation de l'énergie solaire et éolienne.

Besoins énergétiques. Il est connu que la dose journalière d'énergie requise sous la forme de nourriture pour maintenir la vie humaine adéquatement est de 2500 à 3000 calories par jour. Mais, aujourd'hui, notre société industrielle a contribué à augmenter notre consommation par habitant au Québec à plus de un million de calories par jour. Le tableau suivant nous démontre des différences significatives dans l'utilisation de l'énergie parmi des pays ayant un niveau de développement semblable.

Encore une fois, je crois que ce sont des chiffres qui vous ont été soumis. Je vais passer.

Il semble donc possible de diminuer notre consommation d'énergie sans diminuer l'activité économique et le nombre d'emplois.

En fait, certaines mesures peuvent avoir un effet positif. Dans une étude effectuée aux Etats-Unis par Bruce Hannon, Center for Advanced Computation, University of Illinois, en février 1973, il a été démontré que, par l'utilisation de contenants consignés pour les breuvages plutôt que des contenants jetables, il en résulterait une économie des deux tiers de l'énergie consommée par cette industrie et la création de 186 000 nouveaux emplois.

Une analyse de la consommation d'énergie par secteur à court, moyen et long termes est nécessaire pour l'élaboration d'une politique de conservation d'énergie.

Les différents secteurs sont: résidentiel, commercial, industriel et le transport.

Le Conseil canadien des sciences dans son rapport no 23 estime que le bilan énergétique pour chacun de ces secteurs sera tel qu'illustré dans la figure 3 pour les 50 prochaines années. La croissance, de la part du secteur industriel, provient de l'hypothèse que la présente politique de croissance économique sera maintenue.

On voit que le secteur industriel prend de l'importance avec le temps.

Le secteur résidentiel compte pour 25% du bilan énergétique et on prévoit que la demande doublera d'ici 25 ans.

Le secteur commercial et institutionnel consomme 15% de l'énergie primaire et croît à un taux deux fois plus rapide que le résidentiel.

Quant au secteur du transport, il représente 25% du bilan de l'énergie primaire et a enregistré une croissance de 156% entre 1959 et 1968.

Enfin, le secteur industriel accapare 35% du bilan énergétique et a connu une croissance de 177% durant la même période, soit celle de 1959 à 1968.

Pour notre part, nous croyons que la croissance anticipée de la demande d'ici 1985 peut être absorbée en grande partie par des mesures d'éco- nomie d'énergie et qu'après cette date l'énergie solaire et éolienne pourra apporter une contribution appréciable dans le bilan énergétique.

Politiques de conservation d'énergie. Les politiques de conservation d'énergie doivent être de quatre catégories que l'on pourrait décrire comme suit. Premièrement, volontaires, par des programmes d'éducation et de publicité. Deuxièmement, prix et tarification, en jouant avec les mécanismes du marché. Troisièmement, réglementaires en ce qui concerne la demande maximum, la consommation, le temps d'utilisation, ainsi qu'en ce qui concerne l'établissement de nouvelles normes de construction. Quatrièmement, fiscales, par exemple, dans le résidentiel, en permettant l'amortissement des coûts d'installation des systèmes solaires sur le revenu des particuliers; dans les secteurs commercial et industriel, en créant une exemption fiscale pour les revenus nets additionnels engendrés par des mesures de conservation d'énergie pour une période de trois à cinq ans, période nécessaire pour amortir, de façon générale, ces mesures.

La politique de conservation d'énergie devrait être élaborée par un comité mixte composé de représentants du gouvernement, de l'industrie énergétique et de chacun des secteurs résidentiel, commercial, industriel et du transport. Ce comité aurait pour tâche d'énoncer des mesures d'économie d'énergie à court, moyen et long termes pour chacun de ces secteurs et de déterminer les programmes d'implantation de ces mesures.

A titre d'exemple, nous vous proposons, pour chaque secteur, des mesures d'économie d'énergie qui pourraient être implantées à court terme.

Transport. Le prix du gallon d'essence pour le transport privé devrait être majoré pour atteindre le prix international ou tout simplement arrêter de le subventionner. L'argent ainsi récupéré devrait être entièrement investi dans la recherche, l'exploration et l'exploitation de nouvelles sources d'énergie primaire au Québec par l'intermédiaire d'institutions telles que SOQUIP et SOQUEM.

Tous les véhicules automobiles appartenant aux différents niveaux de gouvernement, incluant ceux de la police provinciale, des corps de police municipaux et des organismes paragouvernementaux, devraient rencontrer une norme de consommation supérieure à 24 milles par gallon plutôt qu'à 20 milles pour 1980.

Par exemple, un bref calcul nous montre que pour 5000 automobiles — et on sait qu'il y en a plus — parcourant en moyenne 50 000 milles par année, à une consommation moyenne de 24 milles par gallon au lieu de 14 milles par gallon, cela représente une économie directe annuelle de 7 440 476 gallons de gazoline. En plus, on économiserait environ 1000 livres d'acier par automobile, ainsi que l'énergie nécessaire pour le produire. 3. Développer au maximum les moyens de transport en commun. 4.Réduire la vitesse à 55 milles à l'heure, autobus excepté. Ce ne sont pas des listes exhaustives. Ce sont simplement quelques exemples.

Finalement, bien d'autres mesures peuvent

s'appliquer à ce secteur et de nombreuses études ont démontré qu'une économie de 10% à 26% était réalisable à court terme. J'en cite une, entre autres.

Secteur résidentiel et commercial. Réviser les normes de construction afin de diminuer les pertes de chaleur en hiver et les gains de chaleur en été par une meilleure isolation, par l'utilisation de fenêtre doubles, coupe-froid sur les portes, etc.

Réviser les tarifs de l'Hydro-Québec et du Gaz Métropolitain afin d'encourager la conservation et non la consommation d'énergie.

Encourager la modernisation des systèmes mécaniques et électriques dans les immeubles existants et promouvoir des méthodes d'opération plus rationnelles.

Orienter la construction résidentielle vers des développements à moyenne et haute densité. Les immeubles à plusieurs logements nécessitent beaucoup moins de matières premières et d'énergie par unité d'habitation pour les construire et les exploiter.

Par exemple, une résidence nécessite environ 20 kilowatts pour la chauffer et un appartement nécessite entre quatre et cinq kilowatts.

Le prix du gallon d'huile à chauffage devrait être porté lui aussi au niveau international. Les sommes ainsi récupérées devraient être consacrées à l'implantation de mesures de conservation d'énergie.

Lors du colloque canadien sur l'énergie et les bâtiments au mois d'octobre dernier, à Toronto, il a été démontré que dans les bâtiments existants et même dans ceux assez récents, on utilise beaucoup plus d'énergie que nécessaire.

La plupart des nouveaux bâtiments peuvent être conçus pour une consommation d'énergie de moins de 20 kilowatts-heure par pied carré, par année.

A titre d'exemple, lorsque nous avons commencé à étudier le complexe G, que vous connaissez bien, à Québec, ce dernier consommait 68 kilowatts-heure par pied carré, par année. Lorsque nous aurons complété notre étude et que nos recommandations auront été implantées, la consommation annuelle ne devrait pas dépasser 27 kilowatts-heure par pied carré, par année.

Généralement, il est reconnu que le fonctionnement des installations mécaniques et électriques des immeubles commerciaux est plus important du point de vue de l'énergie que les caractéristiques thermiques de l'enveloppe du bâtiment.

A titre d'exemple, il n'y a aucune modification dans l'enveloppe du bâtiment au complexe G.

Secteur industriel. Développer des programmes économiques pour favoriser l'amélioration des procédés et accélérer le remplacement des équipements désuets à forte consommation et faible rendement.

Encourager le recyclage par des mesures fiscales, régulatoires et par des politiques d'achat, par exemple, pour le papier recyclé.

Par nos études et recherches, nous pourrions énumérer des dizaines de mesures de conservation d'énergie pour chacun des secteurs, mais nous ne croyons pas que ce soit l'endroit pour ce faire.

En conclusion, la situation actuelle sera intenable à long terme. Nous devons donc concevoir, et ce dans les délais les plus brefs, une politique réaliste et globale de l'énergie.

D'importantes divergences de vues verront le jour. Tout cela est bien normal. Il n'en reste pas moins que c'est en restant passifs que nous causerons un tort sérieux au pays.

Un industriel me disait, lors d'un colloque sur l'énergie et l'industrie: "Ce n'est pas combien coûtera l'énergie qui nous préoccupe, mais bien de savoir si nous aurons de l'énergie pour continuer de produire et de croître".

La récente vague de froid aux Etats-Unis a démontré combien cette observation était justifiée, lorsque plus de trois millions de travailleurs ont été mis à pied temporairement, faute d'énergie.

Nous nous réjouissons de ce que le présent gouvernement réalise l'importance de la conservation de l'énergie et nous osons croire que le dynamisme et le courage démontrés jusqu'ici par ce dernier soient le gage que nous verrons se réaliser les politiques et les programmes de conservation d'énergie qui s'imposent.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Joron: M. Lemieux, seulement une petite remarque sur une des dernières suggestions que vous avez faites en mentionnant l'exemple du complexe G, entre autres. Vous soulignez que très souvent, jusqu'à maintenant, quand on parle d'économiser l'énergie par rapport au chauffage, soit des maisons privées ou plus encore dans ce cas-ci d'édifices commerciaux et d'édifices publics, on a attaché beaucoup d'importance à l'isolation, aux fenêtres alors que, finalement, toute la mécanique et le système de chauffage, de circulation d'air ou d'eau, de regénérescence de l'air, finalement, sont peut-être un plus grand facteur de gaspillage que l'isolation comme telle.

C'est une préoccupation qu'un éventuel office ou bureau d'économie de l'énergie aura. A cet égard, c'était pour vous dire en passant que nous voyons la question évoquée dans votre mémoire, mais je veux que cet office ou ce bureau soit en contact régulier avec ce que j'appellerais les professionnels ou les techniciens en ces matières. Ainsi, nous serions toujours au fait des derniers développements de la nouvelle technologie, des nouvelles techniques, de façon à être en mesure de faire des suggestions, d'informer le public et d'élaborer des normes, critères, etc. Je pense que vous aurez, comme tous les autres qui ont un témoignage intéressant à apporter à l'occasion, la possibilité de le faire.

La question que je voulais vous poser porte sur un point que vous avez été le premier à mentionner. Vous avez bien souligné que n'ayant pas de relation directe on pouvait diminuer notre consommation d'énergie sans nécessairement arrêter la croissance économique; au contraire, à

certains égards, une diminution d'énergie peut aboutir à une accélération de la croissance économique, parce qu'elle se trouve à générer ou avoir comme conséquence de nouvelles activités pour pallier celles qu'on essaie de remplacer. Mais vous êtes allés plus loin que tout autre avant vous et vous semblez avoir une foi considérable — je vous en félicite, j'en ai une moi aussi — dans un programme d'économie et de conservation d'énergie, pensant même que ce programme pourrait nous amener à une rationalisation telle de notre utilisation d'énergie qu'on pourrait en venir à une croissance zéro dans le domaine énergétique, tout en tirant plus de moins que ce qu'on a dans le moment, donc permettant une croissance économique. Je vais vous demander si c'est possible, brièvement, parce que je vois que l'heure avance, d'élaborer un peu sur ce point-là. Pouvez-vous nous dire aussi dans quel délai— cela dépendra du sérieux avec lequel on entreprend une politique d'économie de l'énergie et à quel point le public voudra bien suivre dans la mesure où il aura été informé d'une part— un programme d'économie d'énergie pourrait être appliqué pour produire ce résultat d'arriver à faire baisser à zéro la croissance annuelle de l'énergie consommée au Québec?

M. Lemieux (André): Premièrement, vous avez parlé de l'importance. Il y a plusieurs mesures. Vous avez parlé entre autres de l'importance de l'isolation contre les systèmes mécaniques. Dans le secteur résidentiel, l'isolation est très importante, mais dans le secteur commercial et industriel la mécanique d'entraînement est beaucoup plus importante. Combien de temps est-ce que cela pourrait prendre pour apporter une croissance égale à zéro? Evidemment, cela dépend de l'accent que l'on met sur le programme d'économie d'énergie, mais nous croyons, par nos études, de façon générale, dans le secteur commercial, qu'il est assez facile d'aller chercher 20% à 25% de l'énergie présentement consommée, sans de trop grands efforts, c'est-à-dire par un programme d'éducation, de publicité qui pourrait se faire sur une période d'un an. A ce niveau-là, je crois bien qu'Hydro-Québec pourrait vous donner des chiffres, des résultats d'une petite campagne de publicité qu'ils ont faite l'automne dernier. Les résultats ont été appréciables. Si on continuait une telle campagne, pas simplement dire: Consommez le moins possible, mais aussi donner des méthodes, je crois que d'ici 1985 — parce que présentement on gaspille tellement, on pourrait probablement diminuer la croissance pratiquement à zéro, à court terme et à long terme, je ne crois pas qu'on puisse conserver cette croissance zéro — le solaire et l'éolien pourront prendre une bonne partie de cette nouvelle croissance.

M. Joron: Si vous me permettez de résumer, vous pensez que d'ici 1985, on pourrait passer du 5% annuellement en croissance et, progressivement, l'amener à zéro avec un sérieux programme d'économie d'énergie. Vous soulevez un point ca- pital là-dedans qui est d'un intérêt considérable pour tous les Québécois. Si on réussissait à faire ça, parce qu'on introduit de nouveaux moyens de transports, de nouvelles techniques de chauffage, circulation d'air, ainsi de suite, je pense que ce qu'il faut retenir de ça, dans ces nouvelles activités, c'est la promesse ou la possibilité d'un développement économique considérable qui n'existe pas au Québec. Parce que pour mettre en place ces nouveaux systèmes, pour avoir de meilleurs brûleurs, de meilleures pompes circulatrices, pour avoir de meilleures scies, pour isoler les maisons, ainsi de suite, on va faire travailler un joli paquet de monde au Québec, considérablement.

Je pense que ça vaut la peine d'être souligné à ce moment-ci, parce que dans l'esprit de bien des gens, comme vous l'avez souligné et d'autres avant vous, à première vue, il y a des gens qui voient une contradiction, qui disent: Mon Dieu, si on a une croissance zéro dans l'énergie, l'économie tombe. La prétention qui semble se dessiner de vos propos, comme d'autres avant vous, c'est que tout au contraire, une croissance zéro dans le domaine de l'énergie pourrait signifier une accélération même du développement économique au Québec, une plus grande création d'emplois.

M. Lemieux: A court terme, certainement.

M. Joron: C'est un horizon que vous tracez jusqu'en 1985. Je pense que c'est fondamental, le point dont on vient de discuter, et ce sera probablement un des facteurs qui devra orienter les choix du gouvernement en matière de politique d'énergie. D'autre part, vous dites que c'est valable pour un certain temps et je le comprends; vous dites: après 1985... plus loin que 1985, une fois que la rationalisation de l'utilisation de l'énergie est faite, après ça, quel pourrait être le rythme de croisière?

M. Lemieux: Après ça, je crois qu'une croissance de l'ordre de 2,5% à 3%, serait justifiable, pour autant qu'il y ait une croissance économique correspondante. Par contre, à partir de ce moment-là, contrairement à certains messieurs de l'Hydro-Québec qui ont exprimé de grands doutes sur le potentiel à court terme ou à moyen terme, si vous aimez mieux, en 1985, du solaire et de l'éolien, je crois qu'après avoir vu tout le travail qui se fait dans ce domaine aux Etats-Unis, d'ici 1985, on aura un apport appréciable et, d'ici la fin du siècle, on peut anticiper une participation de peut-être 10% du bilan énergétique qui proviendra du solaire et de l'éolien.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. Lemieux, dans votre mémoire, à la première page, vous dites que les scènes québécoises et canadiennes sont considérablement différentes en matière d'énergie et l'option indépendantiste du gouvernement nous oblige à prendre conscience de cette situation.

Vous avez absolument raison. Je crois que vous êtes réaliste au moins en soulignant ce point. Cela a des conséquences très importantes: premièrement, sur le contrôle des sources d'approvisionnement; deuxièmement, sur les retombées économiques. D'après les chiffres de l'Hydro, de l'Imperial Oil, si nous importons tous nos besoins pétroliers, cela va coûter $4 milliards par année et nous ne sommes pas un important exportateur de services et de produits manufacturiers. Comment allons-nous payer ces $4,5 milliards? Il faudrait quasiment payer $5 ou $6 le gallon pour l'essence. Il n'y a aucun doute qu'au point de vue des ressources et des effets économiques, il faut en prendre conscience. Je ne vous demande pas votre option. Je vous souligne que c'est important, spécialement dans ce domaine-ci. Ce n'est pas comme dans un domaine culturel où il peut y avoir d'autres effets. Mais, dans le domaine énergétique, on ne peut pas y échapper; il faut en discuter et en voir les conséquences.

Question de sécurité d'approvisionnement, il n'y aura sûrement pas de problème, si on fait partie du Canada, à obtenir les sources d'énergie. On peut se fier. Ce ne sont pas les mêmes problèmes au niveau international, questions politiques et autres.

A la fin de votre mémoire, vous donnez l'exemple de la récente vague de froid aux Etats-Unis, où il y a eu plus de 550 000 travailleurs qui ont été mis temporairement à pied. Les chiffres varient de 550 000 à 1,5 million.

Lorsque nous aurons surmonté des aspects émotifs des questions indépendantistes, nous allons être obligés de nous poser ces questions. Est-ce que nous allons prendre le risque, nous aussi, de nous placer dans cette situation?

Il est évident qu'on ne peut définir une politique énergétique, c'est rêver en couleur, à moins qu'on ne décide, d'une façon ou d'une autre, où nous allons nous diriger. Toutes les questions qu'on se pose ici, les questions d'approvisionnement, de méthodes de développement, d'économie de l'énergie, ce sont toutes des questions qui vont être subordonnées et on ne pourra pas trouver la réponse, à moins qu'on ne décide et qu'on trouve la réponse à la question primordiale que vous avez soulignée dans votre introduction.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous quelque chose à répondre?

M. Lemieux: Oui, tout d'abord, j'ai voulu souligner ce fait au présent gouvernement, parce que je crois qu'il faut être consistant avec ces options. C'est pour cela que je crois qu'on doit faire beaucoup plus dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation. C'est à ce niveau que j'ai souligné les montants qui étaient consacrés à SOQUIP que je trouvais insuffisants.

Pour ce qui est de la sécurité des approvisionnements à l'intérieur de la Confédération, en pétrole, c'est relatif; en gaz naturel, c'est à s'assurer. En pétrole, c'est relatif. En 1980 et 1985, on prévoit une pénurie, de toute façon. Le chiffre de 555 000 sans-emplois, c'est lorsque j'ai écrit le rapport. Trois jours plus tard, c'était 3 millions. Je crois que cela résume vos trois points.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: ...c'est relatif, c'est parce que vous ne croyez pas à un développement rapide des sables bitumineux?

M. Lemieux: Exactement. Entre autres. De toute façon, même avec le développement tel que prévu par le Conseil canadien des sciences, entre 1980 et 1985, il y aura un déficit au Canada, du point de vue pétrolier.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, dernière intervention.

M. Joron: Oui. M. Lemieux, vous avez senti le besoin de faire un préambule constitutionnel à votre mémoire. Je ne suis pas sûr que cela ait été si important que cela, parce que vous rendez précaire l'équilibre émotif du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Ce sont les chiffres. Je regarde les chiffres, ce n'est pas moi qui suis émotif.

M. Joron: Vous risquez de nous garder ici pour quelques minutes encore.

M. Ciaccia: C'est pour cela que mon intervention était brève.

M. Joron: Le mienne aussi va être brève et va se limiter à ceci. C'est à souligner qu'à cet égard je ne voudrais pas qu'on mélange ces questions dans les débats qui auront lieu devant cette commission parlementaire ici, parce que, contrairement au député de Mont-Royal, je pense qu'il n'y a pas là la relation de cause à effet que lui semble y voir. Il ne faudrait pas tout mêler, parce qu'il est bien clair que ce n'est pas un statut constitutionnel ou un papier qui s'appelle une constitution, ce n'est pas la confédération ou quelque autre type confédéral ou fédéral qui pourrait apparaître par la suite, qui va faire apparaître du gaz et du pétrole sur le territoire du Québec. Il n'y en a pas en dedans ou en dehors de la confédération, il n'y en a toujours pas. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? La confédération n'a rien à voir là-dedans.

M. Ciaccia: Mais il y en a dans notre pays, il y en a dans le Canada. Vous ne pouvez pas échapper à cela.

M. Joron: Là, vous allez plus loin et vous dites: Comme il n'y en a pas dans le moment, puis qu'il n'y en aurait pas plus si le Québec était indépendant — j'en conviens, il n'y en aura peut-être pas plus — comment va-t-on le payer, dites-vous? Cela va coûter X milliards par année. Je vais vous répondre bien simplement: Vous allez le payer de la même façon que vous le payez aujourd'hui, "cash". C'est simple.

M. Ciaccia: Ce n'est pas exact.

M. Joron: Quand vous achetez du pétrole...

M. Ciaccia: Ce n'est pas exact, parce qu'il y a des péréquations. Les politiques fédérales donnent des subventions. Excusez, si on veut faire le débat là-dessus, on peut sortir des chiffres, mais c'est un peu tard. Ce n'est pas tout à fait exact.

M. Joron: Le député de Mont-Royal sait très bien que ceci existe depuis deux ans. C'est une mesure temporaire qui prend fin en 1980 et, par la suite, c'est le contraire qui risque même de se produire au niveau du pétrole. Vous savez qu'on va redevenir importateurs de l'extérieur et que les réserves albertaines de pétrole seront épuisées quelque part au milieu des années quatre-vingt. En fait, je ne vaus pas commencer un long débat là-dessus, mais je pense que les problèmes auxquels nous avons à faire face, auxquels nous devons répondre comme gouvernement québécois sont, dans le domaine énergétique, à peu près exactement les mêmes, quel que soit le statut constitutionnel du Québec. Alors, je ne pense pas que c'est là un obstacle qui nous empêche de continuer notre réflexion et de trouver les réponses qui seraient dans le plus grand intérêt des Québécois. C'est le seul critère qui guide notre recherche. On n'essaie pas de faire... En tout cas, personnellement, je vous le dis tout de suite, je n'essaie pas de faire de la politique énergétique, un élément dans un débat constitutionnel. J'essaie ici que l'on puisse étudier la politique énergétique à son mérite en recherchant tout simplement comme but la plus grande sécurité possible au point de vue énergétique, pour les Québécois.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, je vous remercie, monsieur, de l'apport que vous avez pu donner à cette commission.

M. Lemieux: Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Maintenant, nous ajournons nos travaux à 1 h 45 demain, avec les organismes suivants: Taillon, Benoit; Couture, Marcel; Gauthier, Jean; Théberge, Ghislain; Alcan Aluminium, CSN, BP Canada, Shell Canada, ASHRAE, Canadian Fuel Marketers Ltd, Société future de Montréal. Il n'y a pas de changement.

(Fin de la séance à 23 h 13)

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