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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 16 février 1977 - Vol. 19 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude de la situation énergétique du Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures)

Etude de la situation énergétique du Québec

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et messieurs!

Reprise des travaux de la commission parlementaire sur l'énergie.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau sera remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron (Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin). M. Bérubé (Matane) est remplacé par M. Michaud (Laprairie) et M. Larivière est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal).

Les organismes qui se feront entendre aujourd'hui: M. Benoît Taillon, M. Marcel Couture, M. Jean Gauthier, M. Ghislain Théberge; deuxième groupe, Alcan Aluminium; troisième groupe, CSN; quatrième groupe BP Canada; cinquième groupe, Shell Canada; sixième, ASHRAE suivi de Canadian Fuel Marketers Ltd; Société future de Montréal. J'appelle le groupe de M. Benoît Taillon. Vous avez 45 minutes, messieurs, pour votre exposé, la période de question incluse. Si vous voulez identifier les membres qui sont avec vous.

Taillon, Couture, Gauthier et Théberge

M. Taillon (Benoît): M. le Président, je suis Benoît Taillon. Je suis le porte-parole de trois autres concitoyens qui sont ici avec moi aujourd'hui. A ma gauche, M. Marcel Couture, à ma droite, au fond, M. Jean Gauthier et, à côté, M. Ghislain Théberge.

Ces personnes se sont réunies expressément pour participer à cette élaboration de politique québécoise sur l'énergie. Notre mémoire est essentiellement celui-ci. Il s'intitule Energie et environnement.

Historiquement, la consommation et les besoins en énergie des pays ont augmenté parallèlement aux progrès économiques. Malheureusement, il existe une relation entre la consommation de l'énergie et la dégradation du milieu naturel.

La révolution industrielle s'est réalisée grâce à l'énergie tirée des combustibles accumulés dans le sous-sol durant des millions d'années, causant des rejets thermiques et des matières polluantes dans l'eau et l'atmosphère. Par ailleurs, les moyens de transport ont été complètement transformés avec l'avènement du moteur à essence entraînant ainsi des changements radicaux dans l'utilisation du territoire (conurbation, villégiature, autoroutes, aéroports, etc.). Tels sont les exemples d'utilisation du territoire à changements radicaux.

A notre avis, la politique énergétique du Québec doit garantir un approvisionnement minimum en énergie et en même temps protéger le milieu naturel, deux conditions essentielles, croyons-nous, pour assurer une qualité de vie acceptable à la population québécoise actuelle et future.

L'obligation de répondre aux besoins énergétiques et biologiques de l'homme nous oblige à considérer quatre types de moyens: une économie de la consommation d'énergie; une mise en oeuvre de technologies douces; un programme pour minimiser les répercussions sur l'environnement des projets énergétiques à technologies dures; une participation de la population dans le domaine énergétique.

Il n'est pas dans notre intention ici d'élaborer une liste de moyens pour réduire la consommation d'énergie. Nous voulons plutôt vous proposer un outil pour les planificateurs dans le domaine énergétique, qui permet de choisir les moyens les plus avantageux pour économiser l'énergie.

Pour faciliter ce choix, on aurait avantage à utiliser l'analyse énergétique. Par cette méthode, on cherche à évaluer le coût énergétique attaché à toute transformation faisant intervenir de l'énergie, des matières premières, du travail et l'utilisation du territoire. On remonte ainsi toute la séquence des processus de fabrication ou de réalisation de projet. A chacune de ces séquences, on fait la comptabilité de la quantité utilisée et perdue. Cette comptabilité énergétique s'inspire de l'analyse économique, en particulier des matrices intrant-extrant par projet.

Cette méthode a l'avantage de comptabiliser l'énergie utilisée, tant au niveau des matières premières, du travail que de l'utilisation du territoire.

A)Au niveau des matières premières, l'analyse énergétique nous montre comment notre technologie, dite industrielle et efficace, se comporte lorsque nous tenons compte d'une comptabilité énergétique.

Production alimentaire. Dans les pays pauvres à caractère agricole, il faut une calorie pour produire cinq à cinquante calories alimentaires alors que dans les pays industriels, il faut cinq à dix calories pour produire une calorie de nourriture.

B)Au niveau du travail, l'analyse énergétique peut également servir à l'étude des conséquences de la substitution du travail humain par l'énergie. Le problème de la création d'emplois s'y rattache. Par exemple, la construction d'autoroutes exige 55,4 billions de kilocalories et fait travailler 256 000 personnes pour un programme de $5 milliards.

Par ailleurs, un programme d'investissement semblable, dans le réseau de voies ferrées, consommerait 20,1 billions de kilocalories et ferait travailler 264 000 personnes.

C)Au niveau de l'utilisation du territoire, cette analyse dégage une relation très étroite entre la

consommation d'énergie et l'usage que l'on fait du territoire, ceci, particulièrement dans le milieu urbain.

Il est, selon nous, impératif d'être conscients qu'une politique de l'énergie ne peut être valable sans faire le rapport zonage/énergie. Ainsi, on doit analyser, sur une base matricielle, les principales sources d'énergie utilisée par une ville selon les secteurs d'utilisation. Cette matrice pourrait être élaborée de façon à retrouver en ordonnées le gaz naturel, le pétrole, l'électricité et les autres sour* ces d'énergie et en abscisse, les utilisations comme les résidences, les commerces, les industries, le transport public, le transport privé.

A partir de cette matrice, la consommation d'énergie est développée selon plusieurs scénarios qui, eux, sont basés sur l'utilisation du territoire. On utilise alors les variables spatiales, telles que la grandeur du terrain par résidence, la densité d'emploi par kilomètre carré, la distance en kilomètres du travail à la résidence, selon des scénarios de zonage urbain, soit en forme de corridors, en forme de cercles concentrés, en rectangles regroupés, etc.

Ces scénarios nous montrent la façon la plus rationnelle de faire l'aménagement urbain plus humain, tout en utilisant un minimum d'énergie possible, évalué suivant la méthode de la comptabilité énergétique. Dans cette approche pour une analyse énergétique, on rejette le concept conventionnel, c'est-à-dire linéaire, de production de l'énergie qui fait en sorte qu'il y a une perte d'environ 66% d'énergie transformée.

On retient plutôt le concept circulaire de production de l'énergie lequel est basé sur le principe de l'écosystème énergétique et diminue ainsi les pertes énergétiques.

En résumé, la comptabilité énergétique qui devrait être réalisée par l'organisme responsable de la politique énergétique au Québec permettrait de déterminer les moyens les plus efficaces et rationnels de l'utilisation de l'économie de l'énergie, ceci à la condition expresse que cet organisme puisse avoir une influence déterminante sur la production de biens, le développement de moyens de transport, la rationalisation de l'utilisation du territoire et l'utilisation des richesses naturelles.

Deuxième point: Une mise en oeuvre des technologies douces. Nul n'ignore les impacts environnementaux des technologies dites dures, comme le nucléaire, l'hydroélectrique et le thermique.

On aurait donc avantage à développer et à rentabiliser les sources d'énergie douce, telles que l'énergie solaire,, l'énergie éolienne, d'autant plus qu'elles sont renouvelables. Bien que très peu développé par le Québec, c'est le type d'énergie qu'il faudra apprendre à exploiter, car c'est celui qui implique le moins de désavantages sociaux et environnementaux.

Il y a deux moyens pour atteindre ce but: a) II faut nécessairement développer dès aujourd'hui une technologie typiquement québécoise. Les importations de technologie, en plus d'être très onéreuses, sont souvent inappropriées aux conditions climatiques du Québec. b) Se mettre au travail et réorienter la recherche vers une technologie plus appropriée aux besoins énergétiques et environnementaux du Québec. Dans cette optique, il faut former nos propres équipes de chercheurs.

Actuellement, plus de 85% des sommes sont consacrés à la recherche dans le domaine nucléaire, alors que l'on accorde un peu plus de 1% pour l'énergie de sources renouvelables. Il y aurait lieu de modifier cette proportion pour développer et rentabiliser les technologies douces.

Troisièmement, un programme pour minimiser les répercussions sur l'environnement des projets énergétiques à technologies dures. Le développement et l'installation d'équipement pour exploiter l'énergie solaire et éolienne ne présentent pas de risques graves pour l'environnement. Toutefois, les grands ouvrages hydroélectriques, les centrales thermiques et nucléaires et les lignes de transport de l'énergie ont des répercussions très importantes sur l'environnement, incluant les aspects écologiques, sociaux et esthétiques. Nous ne ferons pas, ici, une liste de ces effets puisque plusieurs spécialistes l'ont déjà faite.

Cependant, il y a lieu, dans le cadre d'une politique énergétique, de prévoir les mécanismes pour évaluer toutes les conséquences des projets de développement énergétique. A cette fin, les promoteurs dans le secteur énergétique devraient être tenus de soumettre aux responsables de l'application des politiques environnementales et énergétiques une étude donnant à la dimension écologique et sociale une place égale à celle accordée aux considérations économiques et techniques. De plus, ils devraient inclure, dans leur programme d'investissement, les fonds nécessaires à la réalisation des objectifs de protection de l'environnement.

Quatrièmement, une participation de la population dans le domaine énergétique. Jusqu'à présent, l'énergie fut entre les mains des promoteurs qui ont joué le jeu de l'offre et de la demande dans un contexte où les ressources étaient inépuisables. Face à une crise, le système de libre entreprise oblige les gouvernements à réagir en termes de subventions, bien que la philosophie de ce système souhaite un minimum d'interventions du gouvernement.

Dans une nouvelle politique de l'énergie, nous aimerions que le jeu de la libre entreprise soit complété par des interventions à deux niveaux. Un premier niveau, par le gouvernement, incitant les entreprises à se préoccuper non seulement de l'offre et de la demande, mais aussi des impacts sur l'environnement, sur le gaspillage de l'énergie et sur le développement circulaire de l'énergie. Un deuxième niveau où les citoyens pourront réagir non seulement face à l'offre d'énergie produite, mais à la planification et à l'utilisation de cette énergie.

Ainsi, la politique énergétique québécoise devra fournir au citoyen, d'une part, des informations telles que: le profil des ressources, le profil écologique, le profil socio-économique, l'analyse des différentes planifications, et, d'autre part, le citoyen devrait avoir la possibilité d'intervenir avant

la phase d'implantation de projets importants qui ont une incidence sur les ressources énergétiques.

Un premier effort dans la mise en oeuvre de cette pratique démocratique doit être au niveau de nos élus. Ceux-ci doivent être à même d'avoir accès aux informations quant aux réels besoins en énergie.

Si de nouvelles installations sont nécessaires, les députés doivent être en mesure de véritablement participer à l'établissement des alternatives de localisation de ces installations, avec la participation des promoteurs et des citoyens. Ce mécanisme de participation publique est nécessaire à la prise de conscience par les citoyens de la très grande difficulté pour les élus de concilier des impératifs divergents. En plus, il ajouterait une autre variable dans les plans et les calculs des promoteurs qui, souvent, n'ont eu, dans le passé, qu'un critère de rendement optimum qui négligeait la dimension énergétique, environnementale et sociale de leur projet.

En conclusion, le développement économique et la consommation d'énergie ont été intimement liés jusqu'à maintenant. Le moment est venu de dissocier produit national brut et qualité de vie et de considérer davantage les milieux naturels. La politique énergétique du Québec devrait être basée sur trois considérations essentielles pour garantir une qualité de vie souhaitable pour les Québécois:

A- Beaucoup d'activités humaines créent un impact écologique irréparable malgré les mécanismes de récupération des écosystèmes et les interventions protectionnistes de l'homme.

B- L'inhibition des problèmes environnementaux se fera d'une façon de plus en plus onéreuse.

C- Economiquement, il ne peut y avoir de profit maximum si l'environnement n'est pas protégé. A long terme, il ne faudra pas se retrouver dans un cercle vicieux où les profits réalisés doivent être complètement réinvestis pour dépolluer notre milieu afin de vivre.

Il faut repenser tout notre système et notre développement actuel et futur en fonction de la comptabilité énergétique. Cela revient à dire qu'il faut avoir une philosophie plus sociale relativement à l'économie de l'énergie, la planification et à l'aménagement du territoire ainsi qu'à l'utilisation de l'énergie. Cela ne peut se faire sans une participation active de tous les citoyens aux processus décisionnels.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Joron: Messieurs, je pense qu'il est opportun de souligner que votre mémoire n'a peut-être pas tenté de couvrir tous les sujets dans le détail et a évité de répéter des informations que d'autres mémoires contenaient pour se centrer sur une question plus précise.

Je pourrais vous dire ceci juste en guise de bref commentaire, en commençant par votre conclusion peut-être, où vous dites que le moment est venu de dissocier produit national brut et qua- lité de la vie et considérer davantage le milieu naturel. Je suis passablement en accord sur cette conclusion. Sans répéter ce qu'on disait à ce sujet, hier, je pense qu'une des tâches d'information que nous avons devant nous, c'est, avant de déposer une politique énergétique, de faire comprendre aux citoyens qu'il n'y a pas une relation directe entre la consommation maximale d'énergie et le niveau de bien-être, ce qu'on appelle plus généralement le niveau de vie. On a montré par plusieurs exemples, hier, qu'une réduction de la croissance dans la consommation d'énergie pouvait avoir un effet d'entraînement au Québec, une accélération considérable du développement économique dans d'autres secteurs, un effet créateur d'emplois. C'est un point fondamental dont il va falloir parler et reparler pas mal dans les mois qui viennent.

J'ai quelques questions à vous poser, si vous le permettez, que soulève votre rapport. Une très générale, au début. Vous dites qu'à votre avis la politique énergétique du Québec doit garantir un approvisionnement minimum en énergie et en même temps protéger le milieu naturel. Premièrement, je voudrais vous demander — je peux vous dire que j'ai deux ou trois questions que j'ai l'intention de vous poser vous pourrez y répondre par la suite — ce que vous entendez par un approvisionnement minimum. Pourriez-vous élaborer un peu sur ce minimum?

Ensuite, quant aux suggestions que vous nous faites, plusieurs entre autres concernent des moyens d'analyse comme l'analyse énergétique, par exemple, l'établissement d'un rapport zonage-énergie. Ce sont des suggestions qui me paraissent fort valables et nous avons, évidemment, l'intention de nous servir de ces instruments d'analyse.

Les pages ne sont pas numérotées, mais à la page qui commence par C, intitulée: Au niveau de l'utilisation du territoire, il y a un autre endroit, au quatrième paragraphe, où vous dites: Ces scénarios nous montrent la façon la plus rationnelle de faire l'aménagement urbain plus humain tout en utilisant le minimum d'énergie possible évalué suivant la méthode de la comptabilité énergétique. Dans cette approche pour une analyse énergétique, on rejette le concept conventionnel, c'est-à-dire linéaire, de produire de l'énergie qui fait en sorte qu'il y a une perte d'environ 66% d'énergie transformée.

Pourriez-vous vous expliquer là-dessus? Je n'ai pas compris d'où venait cette perte de 66%. Commençons donc par cela. J'aurais plusieurs autres questions, mais je pense qu'il y a bien d'autres personnes que moi qui voudront en poser aussi. Cela va sûrement s'enchaîner.

M. Gauthier (Jean): Je vais commencer par la dernière question et puis on tentera aussi de compléter sur l'énergie linéaire, le concept, c'est-à-dire, et puis le concept de l'énergie circulaire. On est habitué à penser en termes, nous autres, d'un "output" donné, d'un profit. Qu'on prenne les ressources naturelles, les ressources humaines, en fin de compte, elles sont prises glo-

balement pour un "output". On n;a jamais considéré l'ensemble de ces ressources, on a toujours considéré le "output" final.

Je donne un exemple. On prend l'énergie électrique produite par le pétrole. On prend l'exemple des Iles-de-la-Madeleine, disons. Ici, l'Hydro-Québec a considéré l'énergie électrique qui doit sortir, de sorte que les génératrices... Si on prend un pourcentage de 100% de pétrole, toute la chaleur qui se dégage de ces génératrices n'est pas récupérée. On pourrait s'en servir pour l'eau chaude ou quoi que ce soit. Le transport. Dans le transport, il y a toute une énergie, aussi, qui n'est pas récupérée de sorte que, mathématiquement, si on part de 100%, on arrive au bout avec 30% d'utilisation de l'énergie.

M. Joron: Dans le cas de l'électricité.

M. Gauthier: Oui et, en fin de compte, cela, c'est un cas précis pour l'électricité mais on peut prendre à peu près n'importe quel exemple. On prend l'exemple de l'aréna, ici, à Sainte-Foy. Il y a une machine qui refroidit l'eau pour en faire de la glace, qui dégage de la chaleur et on envoie cela dehors. Par contre, on a une autre machine qui réchauffe. Le concept est simplement circulaire. C'est récupérer l'ensemble pour avoir, globalement, X% d'énergie. Je pense que cela reflète toute notre mentalité industrielle.

Ce qui est arrivé, c'est qu'en spécialisant les domaines dans la grosse industrie... C'est ce qui arrive à l'Hydro-Québec aussi. Lorsqu'on est très gros, on a tel travail à faire, on a une spécialité; le reste, en fait, n'a plus d'importance. Alors, si on se reporte dans un contexte plus petit où on voit l'ensemble de ce qu'on fabrique, fatalement on va récupérer cela. Je prends l'ancien forgeron qui avait son bout de métal, qui était chez lui; avec le feu, il chauffait sa boîte et les bouts de métal qui tombaient, il les récupérait. Mais à cause de notre nouveau concept de l'industrie, on a spécialisé et, en spécialisant, on a oublié des choses.

Là, nous on dit que, dans le concept d'une analyse énergétique, il faut revenir ou encore il faut aller vers un ensemble et puis cela pourra se poser tant sur le plan biologique que sur le plan d'à peu près n'importe quoi. Alors, cela serait l'aspect circulaire et linéaire.

M. Joron: Et vous estimez que, dans un système linéaire, il se perd jusqu'à 65%, 66% de l'énergie produite?

M. Gauthier: En fin de compte, moi personnellement, ce sont des lectures que j'ai faites et des gens que j'ai rencontrés qui ont dit cela. Sur l'énergie électrique, c'est vrai, c'est vérifiable.

M. Joron: Là, c'est à cause de la forme particulière de transport de l'électricité.

M. Gauthier: C'est cela, oui.

M. Joron: Mais cela ne doit sûrement pas être un pourcentage aussi élevé dans les autres fermes d'énergie. Dans l'électricité, je sais, mais...

M. Gauthier: Maintenant, s'ajoute à cela un aspect qui s'attache ces questions au zonage, c'est-à-dire que l'énergie est en fonction des gens qui l'utilisent, du transport qu'on y fait et puis aussi de l'utilisation du territoire. Je donne l'exemple ici du centre-ville de Québec. On bâtit le complexe G, donc on démolit des résidences. Là, il faut que les gens aillent ailleurs. On bâtit une autoroute; là, les gens il faut qu'ils partent de dix, quinze, vingt milles et consomment plus d'énergie pour venir travailler au centre-ville. C'est un concept justement qui est linéaire, c'est-à-dire qu'on a un objectif, c'est le complexe G et qu'on a oublié tout l'autre ensemble. On se dit que, dans l'utilisation du territoire, il y a une économie extraordinaire d'énergie qu'on pourrait faire.

D'ailleurs, dans le district de Washington, on a fait plusieurs études là-dessus et on démontre qu'en développant Washington par concentration et non pas par éparpillement on va économiser au-delà de 25% de l'énergie au point de vue résidence et au-delà de 50% de l'énergie au point de vue transport. C'est un lien très direct. Il y a aussi nos terres arables. Lorsqu'il y a des terres qui sont fertiles, on met une industrie là et on essaie de rendre fertiles d'autres terres à des coûts extraordinaires. Cela, c'est une question d'utilisation du territoire.

Alors on se dit, nous: Dans une politique énergétique du Québec, on doit se préoccuper de cela et le gouvernement doit insister pour que l'intégration du territoire soit faite non pas seulement en tenant compte de l'économie, mais en tenant compte d'autres facteurs dont l'environnement et l'énergie.

M. Joron: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter une petite chose sur le même sujet pour qu'on ne s'éparpille pas trop. On faisait ressortir cela, justement, hier, en ce sens qu'une politique globale de l'énergie allait avoir des répercussions sur le type de développement économique, sur l'aménagement du territoire et bien d'autres aspects aussi qui touchent la vie de tous les jours des Québécois. Vous y faites allusion, dans un paragraphe où vous dites: "En résumé, la comptabilité énergétique qui devrait être réalisée par l'organisme responsable de la politique énergétique au Québec — j'imagine que vous présumez d'un éventuel ministère de l'Energie, par exemple — permettrait de déterminer les moyens les plus efficaces et rationnels d'utilisation de l'économie de l'énergie, à la condition expresse que cet organisme — ce ministère ou cet éventuel ministère — puisse avoir une influence déterminante sur la production de biens, le développement des moyens de transport, la rationalisation de l'utilisation en territoire et l'utilisation des richesses naturelles." Vous en faites un regroupement de bien des préoccupations des activités de l'Etat.

Je suis bien conscient qu'une politique énergétique touche à tous ces aspects. Le livre blanc

qu'on publiera va certainement affecter tous ces secteurs et on va faire cela en collaboration avec les ministres concernés. J'aimerais que vous précisiez un peu ce que vous voyez en disant que cet organisme devrait avoir une influence déterminante sur tous ces autres secteurs. Vous faites du ministre de l'Energie une espèce de superministre qui chapeaute tous les autres.

M. Gauthier: C'est parce que nous, on considère qu'une politique énergétique n'est pas une politique qui doit se préoccuper avant tout soit du pétrole ou de l'électricité. C'est un aspect. Nous, on considère qu'une politique énergétique c'est une politique sociale, c'est-à-dire que cela va toucher le mode de vie des gens. Cela va toucher le niveau de vie des gens, la qualité de vie des Québécois.

A partir de là, si on considère que c'est social, on se dit que l'organisme qui va s'occuper de cet aspect qui va toucher le social doit avoir sûrement une politique qui va toucher les domaines sociaux et les domaines de l'emploi. Je verrais très mal, par exemple, que cet organisme soit opérationnel, qu'il s'occupe lui-même de la mise en marche de l'exploitation, mais je verrais fort bien qu'il développe des politiques d'ensemble et qu'on laisse au ministère choisi de mettre cela en oeuvre. Ceci, parce qu'on se rattache toujours à notre dernier point qui est bien important, c'est la participation des citoyens.

Une politique énergétique, nous trouvons que ce ne serait pas valable si c'est fait pour un ensemble global, point. On dit qu'il doit avoir de la place pour la régionalisation. Le concept d'énergie, à Québec, ce n'est pas la même chose à Montréal, ce n'est pas la même chose en Abitibi et à Rimouski. On trouve qu'il serait essentiel que dans cette politique on laisse une place à la décentralisation. A cet égard, on aurait souhaité qu'une commission comme la vôtre soit itinérante et qu'elle aille un peu partout dans la région.

M. Joron: J'avais pris note de cette question de la participation pour une autre question sur laquelle on pourra peut-être revenir. Vous pourriez élaborer plus longuement sur la façon dont vous voyez ces mécanismes de participation; peut-être qu'un autre pourrait la poser à ma place, je ne voudrais pas priver les autres membres de la commission de leur droit de parole. Pourriez-vous répondre à la première question que je vous posais sur votre concept d'approvisionnement minimum en énergie?

M. Taillon: A ce point de vue, on n'a pas fixé comme tel une quantité minimale d'énergie qui devrait être disponible, à savoir 26 000, 30 000, 40 000 mégawatts. Il n'en est pas question pour l'instant.

Disons qu'à court terme notre position est de favoriser les économies d'énergie qui seraient très appréciables. A long terme, descendre vers une croissance zéro. Cette question d'approvisionnement minimum soulève cette question de la crois- sance. Plusieurs personnes se sont adressées à vous pour vous demander de la réduire ou encore de la conerver au niveau où elle est. Pour nous, il s'agit essentiellement d'assurer que des biens essentiels soient produits, qu'il y ait de l'énergie disponible pour la production de ces biens, qu'on puisse utiliser également une énergie suffisamment abondante pour pouvoir chauffer des maisons, tempérer les habitations. Il s'agit, en fin de compte, de rechercher dans ce sens des moyens qui découragent des pratiques de gaspillage.

M. Joron: Est-ce que vous permettez que je vous interrompe? En somme, dans un premier temps — cela rejoint un peu une déposition qui a été faite hier — vous suggéreriez de tout miser sur la rationalisation de l'utilisation que l'on fait à l'heure actuelle de l'énergie, c'est-à-dire apprendre à l'économiser et en tirer le meilleur parti possible.

Donc, dans une première période — évidemment, cela ne se fait pas en criant lapin — de tendre vers une croissance zéro parce qu'il y a beaucoup à récupérer, il y a une période de récupération d'énergie gaspillée, d'une part, avant de déterminer ensuite, un autre rythme de croissance ou de non-croissance. C'est à peu près ça que vous voulez dire?

M. Taillon: Comme je vous l'ai signalé, à court terme il y a des mesures très importantes qui peuvent être mises de l'avant afin de décourager, justement, le gaspillage de l'énergie et favoriser des économies très appréciables.

M. Gauthier: On pourrait aussi ajouter à cela que notre mémoire spécifie fort bien qu'on voudrait que la méthode de l'analyse énergétique soit employée pour vérifier exactement l'énergie que ça nous prend et l'énergie que l'on consomme. A partir de là, je pense que si on faisait un effort pour utiliser cela on pourrait savoir quel serait le minimum d'énergie essentiel pour le Québec.

Pour nous, c'est bien embêtant de lancer des chiffres. Nous n'en connaissons pas et on ne le sait pas non plus parce que ces méthodes ne sont pas utilisées.

M. Joron: Je pense que vous n'êtes pas les seuls à ne pas savoir, la plupart des mémoires lancent des chiffres et, finalement, à force de questionner, on n'arrive pas à savoir sur quoi c'est fondé et à quels besoins doit répondre cette croissance de la production énergétique.

M. Couture (Marcel): Si vous permettez, un point sur le rôle du ministère de l'énergie vis-à-vis des autres secteurs. Je veux simplement dire que le ministère de l'énergie pourrait jouer un rôle comme le ministère de l'Industrie et du Commerce qui exige, par exemple, une comptabilité administrative, c'est-à-dire une analyse bénéfices/coûts, quand il lance un projet de développement industriel, des choses comme ça. Le ministère de l'énergie ou le groupe responsable d'une politique

d'énergie pourrait demander une comptabilité énergétique et évaluer s'il n'y a pas moyen de réduire la consommation lorsqu'on présente des projets importants.

En fait, c'est un rôle qui pourrait poser des questions, plutôt.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais remercier le groupe qui, si je comprends bien, a accepté de reporter sa présentation d'une journée. J'aimerais attirer l'attention de la commission sur une observation qui paraît dans ce mémoire, qui me semble tellement pertinente, sur laquelle on a peut-être trop peu insisté jusqu'à maintenant et qui consiste à souligner que précisément lorsqu'il est question d'économie d'énergie il y a l'économie directe d'énergie, mais il y a aussi l'économie indirecte d'énergie, et qu'il ne faut pas se lancer sans l'avantage ou le bénéfice d'études assez considérables dans des politiques qui, superficiellement seulement, pourraient nous amener dans un état de conservation de l'énergie.

Un exemple est facile à imaginer, celui de l'utilisation de formes d'énergie dite douce puisque, par exemple, pour la construction d'éoliennes — puisqu'il a été question de cela, ici, dans plusieurs mémoires à cette commission — on va produire de l'énergie pour installer de tels appareils et les accumulateurs qui sont nécessaires. On va absorber l'énergie. On va utiliser de l'énergie pour produire, et ainsi de suite ad infinitum, en quelque sorte. Il n'est pas du tout assuré, à moins qu'on ait fait l'exercice que, effectivement, à la fin, on soit dans une position qui soit préférable à la situation actuelle. Du moins, on ne peut pas le présumer a priori.

Mais ce raisonnement que vous tenez, je pense qu'il est très valable, sur lequel il était nécessaire d'attirer l'attention de la commission et du ministre, est-ce qu'il n'entre pas un peu en contradiction avec une autre partie de votre mémoire? Je m'explique. Vous plaidez, dans ce mémoire, pour une approche peut-être très technique du problème d'économie de l'énergie, en ce sens qu'en attirant l'attention justement sur l'utilisation de l'énergie, les bilans énergétiques ou, comme vous le dites, la comptabilité énergétique et en insistant sur l'objectif d'économie et de conservation de l'énergie, vous semblez laisser entrevoir qu'il y a, dans toute situation, une solution technique d'utilisation minimum d'énergie et que c'est cette solution qui devrait prévaloir, qui devrait être préférée. J'imagine que c'est là le sens d'un certain nombre des exemples que vous donnez: construction de routes versus chemins de fer, etc.

Par ailleurs, vous terminez votre mémoire en faisant appel au désir de voir la population, par ses élus, mais aussi j'imagine plus directement, s'intéresser et participer aux décisions relativement à l'utilisation de l'énergie. Or, cela tend à laisser croire que vous sentez qu'il n'y a pas seu- lement une solution technique et que cette participation du public pourrait nous amener, justement, à ne rien changer du tout aussi, parce qu'il y a une dimension qui m'apparaît peut-être un peu ignorée dans votre mémoire. C'est, dans le fond, la dimension, on pourrait presque caricaturer et l'appeler la dimension de l'énergie humaine.

Une grande partie du progrès technique, de l'histoire du progrès technique, a consisté à économiser l'effort physique, l'effort musculaire qui est une forme d'énergie et qui, curieusement, n'apparaît dans aucun bilan, difficile à quantifier d'ailleurs, mais qui, dans l'esprit de presque tout le monde, est identifié au progrès lui-même, dans ce sens que l'évolution, depuis l'âge de pierre, a consisté à traiter de moins en moins les hommes comme des bêtes de somme et de plus en plus comme quelque chose d'assez spécifique par rapport au monde animal. C'est très fortement enraciné dans notre culture.

Est-ce que cet appel à la participation ne risque pas, justement, de nous laisser, dans le fond, sans conclusion, je veux dire vis-à-vis de votre mémoire? Vous dites: Ecoutez, il y a une solution technique qui est l'utilisation minimum de l'énergie et d'un autre côté, il faut consulter tout le monde. On sait très bien qu'on est, de façon invétérée, lié à la notion que l'accroissement dans l'utilisation, je dirais même dans l'utilisation efficace de l'énergie, c'est la définition même presque du progrès humain.

M. Gauthier: Pour nous, on ne voit pas tellement de dichotomie entre les deux. Prenons l'aspect technique que vous soulevez. Je vais faire une comparaison avec l'aspect économique. L'aspect économique, si on commence à étudier les bilans et tout ce qui entre là-dedans, pour l'ensemble d'une population, on peut dire que c'est bien technique et que les gens ne comprennent rien. Mais, dans l'ensemble, les gens se promènent avec $1 dans leur poche et ils savent quoi faire avec et ils se débrouillent avec cela. C'est absolument la même chose, c'est le même concept au point de vue de l'énergie. Il y a des méthodes qui sont techniques, mais, en fait, qui ont un principe fort simple. Il s'agit que l'organisme responsable ou le gouvernement comme tel prenne ses responsabilités face au citoyen et qu'il fasse voir au citoyen bien ordinaire qu'il y a une relation entre ce qu'il fait et l'énergie. Lorsque la personne touche l'interrupteur électrique pour faire de la lumière, là, inconsciemment, elle ne se pose aucune question. Je pense que c'est facile de montrer à la population qu'il y a une relation entre cela et le barrage électrique. Il ne s'agit pas de comprendre toutes les technicités, malgré que ce sont des concepts simples, mais il s'agit que le citoyen ordinaire fasse une relation entre l'utilisation qu'il fait et les alternatives que cela peut poser aux promoteurs et au gouvernement.

Je reviens à mon exemple de tantôt. Il y a un paquet de choses que les citoyens font et ils font instinctivement ou encore parce qu'on leur a enseigné à faire une relation. Or, ils ne connaissent pas la technique et cela n'a pas d'importance.

M. Forget: Et vous croyez que cet appel à la prise de conscience vis-à-vis de l'utilisation de l'énergie est un facteur déterminant. En somme, l'information ou l'éducation populaire vis-à-vis des problèmes d'énergie est un facteur déterminant pour ce qui est de l'utilisation future de l'énergie.

M. Gauthier: C'est très déterminant. Je prends un exemple personnel. Lorsque j'étais à la maison, c'est un puits qu'on avait, puis on se servait du robinet. Lorsque cela coulait pour rien, on disait: Le puits, parce qu'on va en manquer ou... Mais lorsque tu es en ville, à un moment donné, tu n'as plus les mêmes relations, lorsque tu ouvres le robinet, il y a quelqu'un qui s'en occupe puis tu paies. Mais étant donné qu'on n'a pas valorisé cela, ou bien qu'on n'a pas préparé la population pour qu'elle pense en termes de relations à ce qu'elle fait, mais en termes simplement d'un "output" en disant: On prend de l'eau parce qu'on veut arroser, puis c'est bon, c'est un concept plus global, plus social qu'a forcé la population de négliger. Je pense que si on revient à cela, la population va être attentive.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Anjou.

M. Johnson: Oui, j'aurais deux questions.

La première est une question de définition. La notion de technologie douce me semble être définie comme étant essentiellement celle qui n'est pas dure et celle qui est dure est celle qui a des effets perturbateurs sur l'environnement. Est-ce qu'en gros, c'est exact, c'est comme cela que vous le voyez?

M. Théberge: Je pense que ce n'est pas tout à fait cela. Je pense qu'on a dit dans la conclusion que toute intervention, toute activité humaine va créer des perturbations, qu'on le veuille ou non. Maintenant, ce qui arrive c'est qu'entre l'une et l'autre, il y en a une qui a des effets moins grands, moins importants par rapport à l'autre. D'autant plus qu'il y en a une où il y a des chances qu'on voie plus qu'on peut récupérer ce qui est perdu. On peut en profiter au maximum, tandis que dans l'autre, comme on le disait tantôt, on vise un objectif, un "output" puis on néglige tout ce qui est à côté, tout ce qu'on peut recycler. On a des pertes énormes. Il s'agit de minimiser les pertes, en fait.

M. Johnson: D'accord. Dans cette perspective, vous faites de l'énergie solaire une technique douce. Pourtant, hier, on a entendu les gens de l'Hydro-Québec qui se référaient à la nécessité d'espaces considérables pour les accumulateurs d'énergie, etc. Est-ce que vous...

M. Gauthier: Cela se rattache toujours à un principe ou un concept. A l'Hydro-Québec, les gars qui ont bâti les gros barrages, ils sont bons là-dedans, puis ils voient gros, ils voient tout centralisé. C'est une grosse équipe de personnes, puis cela bouge en gros. Dans ce concept pour eux, l'énergie solaire ne vaut rien, parce que cela prend des étendues immenses pour capter la chaleur, parce qu'ils veulent centraliser. Mais nous, on se dit: II y a un autre concept qui se rapproche des gens, qui est plus petit. Les maisons à énergie solaire sont des maisons uniques avec chacune son capteur particulier, et puis les éoliennes, c'est la même chose. Lorsqu'on regarde cette énergie, l'énergie douce, puis qu'on a une série de barrages institutionnels, je pense que c'est là le problème. On a un barrage assez extraordinaire.

Le gars de l'Hydro-Québec disait, hier — parce que j'ai assisté à la journée d'hier — que sur tel domaine d'éoliennes, au point de vue de l'électricité, le Code du bâtiment serait un empêchement. Ce sont toutes les barrières institutionnelles, le Code du bâtiment, le Code de l'électricité. On n'a pas de loi pour le droit au soleil, à l'heure actuelle. Lorsque cela va commencer à marcher, cette affaire-là, si un gars bâtit un édifice de quatre étages devant toi et te dis qu'il te coupe ton chauffage, le droit au soleil, il va falloir légiférer là-dessus.

Je pense que c'est toute une série de barrières institutionnelles qui font en sorte qu'on néglige, du revers de la main, ces choses qui sont vraiment fort intéressantes parce qu'on a un concept de grandeur, de gigantisme.

M. Johnson: Finalement, pour revenir à un sujet qui m'a préoccupé hier et qui continue de me préoccuper aujourd'hui, qui est celui de la dimension de là recherche dans le secteur de l'énergie, je voudrais votre avis. Vous dites, au paragraphe 2, à la mise en oeuvre des technologies douces, qu'il faut nécessairement développer, dès aujourd'hui, une technologie typiquement québécoise. Les importations de technologies, en plus d'être très onéreuses, sont souvent inappropriées.

Compte tenu des ressources relativement limitées, si on compare les sommes d'argent qu'on peut injecter à ce niveau-là à ce que les Américains, les Japonais et l'ensemble des Européens peuvent faire, pensez-vous qu'on doit s'attaquer à l'ensemble des méthodes? Est-ce qu'on doit se lancer dans la recherche dans l'ensemble des secteurs? Si on doit se spécialiser, quel est le domaine de prédilection dans lequel vous croyez qu'on doit se spécialiser?

M. Théberge: Premièrement, d'abord, on ne s'est jamais arrêté pour y penser. Justement, je pense, dans tous les congrès, on parle des scientifiques du Québec de langue française, de l'ACFAS, et le problème en question, de recherche et du développement de quelque chose de typiquement québécois, a été soulevé. La recherche est reliée souvent au côté financier.

On a soulevé, hier aussi, le problème qu'on n'avait pas d'argent. On a quelques organismes — IREQ, CENTREAU, INRS — qui fonctionnent d'une façon, disons, autonome en majeure partie, mais on a seulement ces organismes-là. On dit qu'ils n'ont pas les moyens financiers nécessaires. On ne leur donne pas tous les moyens pour s'exprimer. On voudrait qu'on mette l'accent là-dessus, sur ces organismes-là,

qu'on développe aussi des groupes de chercheurs.

On a, dans certaines pointes, dans le domaine médical, quelques bons chercheurs, des petits noyaux, mais on n'a pas formé de grosses écoles, à l'intérieur même de notre territoire, qui puissent se concurrencer. On a quelques personnes qui percent, ici et là, mais je pense qu'on devrait former de bonnes équipes. Cela, je pense que plusieurs chercheurs se sont penchés là-dessus, des chercheurs qui se sont appliqués au domaine pratique, par exemple.

On est toujours obligé d'importer de la technologie, on est toujours obligé d'aller ailleurs et, souvent, cette technologie n'est pas appropriée, surtout si on parle de la technologie douce. Or, on ne s'est jamais arrêté pour y penser, puis je ne pense pas que je sois vraiment en mesure, moi, de dire quelle et quelle technologie. Mais il faudrait qu'il y ait des groupes, des comités qui y pensent puis qu'on s'arrête puis qu'on se mette au travail là-dessus. On ne l'a jamais fait.

M. Gauthier: Moi, j'ajouterais à ceci, que dans le secteur comme tel, c'est bien difficile pour nous de le préciser, mais, par exemple, il y a l'aspect recherche qu'on devrait régionaliser ou décentraliser. A l'heure actuelle, la recherche est centralisée surtout à partie de l'Hydro-Québec, c'est le nucléaire qui vient d'Atomic Canada qu'eux prennent de tout l'aspect militaire international.

Donc, on se rattache à cela et puis en fait on se préoccupe peu des besoins des Québécois. Moi je me dis que sur l'aspect recherche, sans savoir dans quel domaine on doit aller, on devrait décentraliser puis laisser les gens des Iles-de-la-Madeleine ou de l'Abitibi ou d'un autre secteur, voir un petit peu ce qu'ils peuvent faire. On sera peut-être surpris des résultats des recherches.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski, il reste cinq minutes.

M. Marcoux: Lorsque vous avez parlé d'économie d'énergie en vous basant sur l'exemple des Iles-de-la-Madeleine, je trouve que vous êtes tombés sur un bon exemple. On consomme du pétrole pour fabriquer l'électricité qu'on amène aux maisons, alors que moi je sais que l'Hydro-Québec a un rapport, depuis au moins cinq ans, suivant lequel il a proposé de subventionner à 50% la consommation de l'huile à chauffage dans les domiciles juste avec l'économie d'intérêt sur les emprunts qu'ils doivent faire pour investir dans des moteurs diesel, pour fabriquer cette énergie. Juste en se servant de l'intérêt sur les emprunts, ils pourraient subventionner toute la consommation d'huile à chauffage aux Iles-de-la-Madeleine à 50% puis ils feraient encore des économies.

La tradition, comme vous le dites, la vieille pensée continue et on implante l'investissement pour plusieurs millions en moteurs diesel dans les prochaines années. Ce n'est que quelques millions; quand on pense à des milliards, cela a l'air ridicule, mais pour les Iles-de-la-Madeleine on complique tout le projet à cause de cela, à cause d'une vieille mentalité. Alors, je trouve que vous avez un bon exemple, le linéaire, les conséquences en termes de coût par rapport à l'épargne possible.

C'est une remarque. Maintenant, ma question-commentaire dans le prolongement de la question du député de Saint-Laurent, concernant la participation. Je trouve que l'aspect nouveau de votre mémoire par rapport aux autres mémoires que nous avons eus depuis deux semaines, c'est l'insistance que vous mettez sur la question de la participation.

Le député de Saint-Laurent vous a présenté les difficultés et c'est vrai qu'elles existent. Lorsqu'on est habitué à fonctionner dans une société technocratique où la discussion se fait entre spécialistes, arriver à concevoir une société de participation ou, même sur des questions qui ont des implications hautement techniques, impliquer la participation populaire, c'est difficile à imaginer et à concevoir même si c'est souhaitable.

Dans notre perspective, dans le programme de notre gouvernement, créer une société de participation, je crois que c'est un objectif auquel on doit viser. Le député de Saint-Laurent posait le problème et je trouve que, dans votre réponse, vous avez comme reculé. Vous avez dit: La participation, on la voit, entre autres, dans l'utilisation que les gens font; qu'ils prennent conscience que, lorsqu'ils pressent un bouton, ils consomment de l'énergie et qu'ils pourraient peut-être en économiser ou des choses comme cela. Ce qu'il y avait vraiment de nouveau — parce que la participation à l'économie dans la consommation, tous les autres mémoires nous en ont parlé — dans votre mémoire, c'est que vous vouliez que la participation se fasse, je dirais, à l'"input" plutôt qu'à l'"output", au début autant qu'à la fin. Ce qu'il y avait de nouveau et d'important, c'est que vous proposiez que, face à tout choix important dans le domaine énergétique, on implique les députés, la population et que la décision se prenne en impliquant la participation.

La question que je vous posais, c'est sur le fait que vous laissiez entrevoir quelques mécanismes qui devraient être mis en place. J'aimerais que vous développiez cet aspect des mécanismes nécessaires à cette participation, compte tenu qu'il ne faut pas rejeter la technocratie et les spécialistes comme tels. Peut-être pourriez-vous illustrer cela à partir d'un cas que vous connaissez probablement, par exemple, la rivière Jacques-Cartier. Vous aviez un projet de l'Hydro, ici, qui était de faire de l'énergie de pointe; je ne veux pas vous rappeler tous les détails. Suite à des pressions populaires, on a abandonné le projet. On pourrait donner plusieurs autres exemples. Dans le domaine du nucléaire, cela commence à se poser à différents endroits. Quels sont les mécanismes, d'après vous, à mettre en place pour la participation face aux objectifs; quels sont les moyens à déterminer aussi et quel est le rôle des sociétés gouvernementales impliquées, soit dans le domaine du gaz, du pétrole ou de l'hydroélectricité?

Quel est le rôle du gouvernement lui-même? Comment ajuster tout cela?

M. Taillon: D'abord, II faut dire que le système gouvernemental qu'on connaît ici, en soi, c'est un système de représentation populaire. Je ne pense pas que vous soyez ici à titre personnel. Moi, je suis ici à titre personnel, toutefois. Notre système est supposé favoriser l'expression des opinions des gens de vos circonscriptions.

Cependant, il y a des obstacles. Vous les connaissez probablement mieux que moi. Vous avez cité l'exemple de la Jacques-Cartier, on y reviendra tout à l'heure. Cependant, on pense qu'à l'intérieur de notre pensée générale, de la participation populaire, notre système politique pourrait, en revalorisant le rôle du député, permettre que les articulations populaires soient mieux amenées ici, qu'on en tienne compte dans l'élaboration des politiques et des lois.

Le député, selon nous, doit avoir un rôle de leader et être capable d'établir une position claire correspondant aux voeux de la population. Je ne pense pas que personne ici, devant moi, réfute cette position. Cependant, au niveau régional — on reviendra tantôt au mot régional—il pourrait y avoir des mécanismes de participation et de consultation qui pourraient être mis sur pied. Ces mécanismes de participation pourraient avoir comme principe directeur, comme précepte de faire du député, ou des groupes régionaux de députés, des personnes qui soient à même de faire la synthèse...

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait possibilité, monsieur, vu qu'il ne reste à peu près pas de temps, d'être très bref dans votre réponse?

M. Taillon: De faire la synthèse, dis-je, des opinions émises par l'interaction des promoteurs, des citoyens et des spécialistes concernés afin de favoriser une décision qui reflète véritablement les opinions des citoyens plutôt que des impératifs ou des intérêts strictement d'ingénierie ou de planificateurs, des essais, si je pouvais dire, le prestige d'avoir réalisé...

Le Président (M. Laplante): Le député de Laprairie, dernière intervention.

M. Michaud: Vous pouvez compter sur moi, premièrement, pour revaloriser la fonction de député.

Question très courte. Vous placez l'hydroélectricité dans les technologies dites dures, mais puisque l'hydroélectricité est renouvelable est-ce qu'elle pourrait se situer un peu entre les deux?

M. Couture (Marcel): Quand on parle de technologie dure, c'est surtout au niveau de l'impact sur l'environnement. Quand on fait de gros barrages, cela a de plus gros impacts que l'éolienne ou du solaire. C'est dans ce sens, mais on ne l'exclut pas quand même parce que c'est une ressource qui existe au Québec et je pense qu'il va falloir continuer de l'exploiter. Mais ce qu'on voudrait, c'est que, dans une politique énergétique, on oblige ceux qui font du développement, par exemple, de gros ouvrages au moins à soumettre leur projet à des spécialistes, à la population qui se préoccupe de l'environnement. Ces gens peuvent apporter des changements, des modifications qui vont réduire les répercussions sur l'environnement. En fait, c'est dans ce sens qu'il faudrait travailler.

M. Michaud: Merci.

Le Président (M. Laplante): Les membres de cette commission vous remercient, messieurs. On s'excuse de ne pas aller encore plus loin, mais il en reste encore sept après vous. Merci.

Alcan Aluminium. Bonjour, messieurs. Vous avez quarante-cinq minutes pour exposé et période de questions. Maintenant, identifiez les gens qui vous accompagnent.

Société Alcan Limitée

M. Phillips (Roger): Merci, M. le Président. Je m'appelle Roger Phillips. Je suis ici comme président de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée, et aussi, comme vice-président, directeur général de Aluminium du Canada Limitée. A ma droite, M. François Senécal-Tremblay, vice-président de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée et directeur général de l'électrolyse pour Alcan Canada. A sa droite, M. Dale Madill, vice-président à l'énergie, aussi pour SECAL. A gauche, M. Richard Sharratt, vice-président aux finances, Aluminium du Canada Limitée.

Pour commencer j'aimerais lire certaines phrases de notre mémoire, mais après cela on va vous donner un sommaire beaucoup plus bref. Je pense qu'il est très important que l'on souligne certaines opinions de l'Alcan. Premièrement, nous suggérons que le gouvernement devrait tenir compte des facteurs suivants dans l'exploitation d'une politique d'ensemble en matière d'énergie: A. Une telle politique devrait permettre à tous les citoyens du Québec de pouvoir compter sur un approvisionnement d'énergie électrique susceptible de répondre à tous les besoins individuels, commerciaux et industriels.

B. Elle devrait permettre à tous les citoyens du Québec de se procurer à prix concurrentiels les ressources énergétiques importées pour combler leurs besoins, et assurer la sécurité d'approvisionnement en énergie aux industries qui participent activement au développement économique du Québec et qui se sont taillé une place enviable sur les marchés domestiques et internationaux.

C'est ainsi qu'au double titre d'industrie manufacturière et de producteur privé d'énergie hydroélectrique au Québec Alcan estime que, au moment d'élaborer une politique énergétique, l'Etat devrait énoncer clairement ses intentions à long terme en ce qui a trait aux installations hydroélectriques privées et à l'approvisionnement

des autres ressources énergétiques, cela veut dire: centrales thermiques et nucléaires, charbon, pétrole et les autres.

Dans notre mémoire, nous parlons d'un vaste programme de reconstruction qui serait, naturellement, financé par la capacité d'Alcan de générer des profits. C'est pour cette raison que la sécurité d'approvisionnement d'énergie et le coût de l'énergie sont très importants pour Alcan.

Nous retournons maintenant aux débuts de l'Alcan. 1901: Shawinigan. C'est là que l'Alcan vraiment est née. Dans cette année, la compagnie a construit une usine d'électrolyse et ont suivi, aussi à la même époque, une usine de transformation, une câblerie. On me dit que, encore aujourd'hui, la première production de cette câblerie-là est encore en marche dans une ligne de transmission entre Montréal et Joliette.

En 1926, Alcan est arrivée dans la région du Saguenay et nous avons commencé la construction d'une usine d'électrolyse à Arvida. Entre parenthèses, je devrais mentionner que, au début des années trente, nous avons transféré notre siège social de Toronto à Montréal.

Dans les années quarante, avec la deuxième guerre mondiale, on a vu une expansion très très grande de nos usines d'électrolyse dans le Saguenay. A la même époque, nous avons construit un vaste complexe chimique qui, aujourd'hui, est probablement un des plus vastes complexes chimiques inorganiques au Canada.

Les années soixante ont vu une expansion de l'Alcan au Québec, du côté de la transformation. Nous avons construit deux usines de transformation dans le Saguenay et une autre à Laval, près de Montréal.

Alors, aujourd'hui, qu'est-ce que c'est Alcan au Québec? Nous avons 12 000 employés; des salaires annuels d'à peu près $160 millions. Notre capacité de production de métal brut est presque de 700 000 tonnes. Nous avons la capacité de transformer 200 000 tonnes de cet aluminium dans les produits semi-finis au Québec. Nous avons une capacité de 1,5 million de tonnes courtes de produits chimiques. Nous ne sommes pas exactement concurrents avec nos clients. Alors, Alcan n'est pas exactement dans le domaine manufacturier de produits finis, mais il y a deux exceptions. Nous avons une compagnie qui fabrique des bateaux de plaisance à Princeville et comme partenaire, avec deux autres compagnies, nous avons développé des trains wagons-voyageurs qu'on appelle LRC léger, rapide, confortable et ces trains vont aider à économiser de l'énergie. 75% de notre métal brut sont exportés, 25% restent au Canada. La valeur ajoutée dans la province de Québec est de $325 millions par année.

Il faut peut-être dire quelques mots sur notre production transformée dans la province de Québec. En 1975, la valeur de notre production transformée, cela veut dire les produits semi-finis, était à peu près de $112 millions. La compagnie Alcan a importé d'autres usines ailleurs au Canada, d'autres produits d'une valeur de $37 millions au Québec, mais, en même temps, nous avons exporté de la province $65 millions. Cela veut dire, comme on dit en anglais, "there is a trading balance between Québec and the rest of Canada. "

II faut toujours penser à nos actionnaires. J'ai mentionné nos employés. On travaille aussi pour nos actionnaires. Alcan Aluminium Ltée, la compagnie mère, est la seule compagnie qui a des actions en commun sur le marché. 19,5% de ces actions, à la fin de l'année passée, étaient dans les mains des Québécois, 33% ailleurs au Canada. Cela veut dire qu'un peu plus de 50% des actions sont dans les mains des Canadiens.

L'industrie de l'aluminium est une industrie qui a une compétition très serrée. Les cinq dernières années, cela veut dire se terminant en 1975, le rendement sur l'avoir des actionnaires des quatre plus grandes compagnies en Amérique du Nord, incluant l'Alcan, était de 8,2% selon une revue américaine, Forbes magazine, comparé à 15,9% pour General Motors. Nos concurrents principaux sont en général mieux situés envers les matériaux pour approvisionner leurs usines et, en général, ils sont plus proches de leur marché. Alors, sur à peu près 500 000 tonnes courtes d'aluminium qu'on va exporter de Québec cette année, le total de notre coût de transport pour importer les matériaux nécessaires, les frais d'expédition et les frais de douane sont d'à peu près $65 millions. Je voudrais mentionner à ce moment-ci que nous ne sommes pas les seuls dans le monde à avoir nos propres centrales hydroélectriques. Une compagnie assez renommée dans notre industrie, Aluminum Company of America, produit déjà près de 50% de son électricité.

Nous sommes maintenant, la compagnie Alcan au Québec, à un carrefour. Nous avons un programme d'expansion, de modernisation et d'amélioration de nos usines au Québec, qui va naturellement dépendre de la disponibilité de fonds sur les marchés mondiaux, de la stabilité des relations du travail, et je devrais souligner, la sécurité de l'approvisionnement d'énergie.

Maintenant, j'aimerais demander à M. Sénécal-Tremblay de nous expliquer ce qu'est au juste ce programme d'expansion et comment ça touche à nos besoins d'énergie chez Alcan.

M. Sénécal-Tremblay (François): Messieurs, en quelques minutes, j'aimerais vous donner un peu plus de détails sur le programme de reconstruction et le programme d'amélioration que M. Phillips a mentionné.

D'abord le programme d'amélioration est déjà en cours depuis quelques années et a pour objectif principal d'améliorer considérablement les conditions de travail sur le plancher, les conditions dans lesquelles nos employés ont à travailler chaque jour et atténuer les effets sur l'environnement que la vieillesse de nos installations a tendance à avoir sur les communautés qui nous entourent. Le programme est principalement axé sur deux choses; d'abord, l'augmentation très considérable de la ventilation à l'intérieur des salles de cuves chez nous, ce qui, à toutes fins pratiques, règle considérablement le problème des conditions de travail sur le plancher.

En plus, il y a une deuxième phase ou un deuxième volet du programme qui est l'installation d'épurateurs de gaz additionnels sur les usines existantes, ce qui fait que les conditions de l'environnement de nos usines deviennent effectivement très acceptables.

En plus, le programme d'amélioration touche aussi au remplacement ou à l'amélioration, mais dans quelques cas c'est la reconstruction intégrale de certaines usines de soutien, comme les usines de fabrication de pâte anodique par exemple et d'autres usines connexes à nos activités dans tout le Québec. Sans oublier toute une série de projets qui concernant l'amélioration du complexe chimique auquel M. Phillips a fait référence il y a quelques instants.

Nous investissons depuis quelques années des sommes de l'ordre de $30 millions à $40 millions par année dans ces projets dans le cadre du programme d'amélioration des installations existantes. Nous envisageons en 1977, et nous l'avons budgétisé à ce poste, des dépenses en capitaux de l'ordre de $38 millions. Lorsque les travaux seront complétés, et nous croyons qu'au début de 1980 ou 1981, normalement, le programme d'amélioration devrait être complété, nous aurons dépensé au total près de $200 millions sur ces différents projets.

Toutefois, le programme d'amélioration est réellement une phase de transition, parce que ce que nous sommes appelés à faire, c'est la reconstruction intégrale d'à peu près toutes les installations que nous avons dans tout le Québec. Ce programme de reconstruction, qui est beaucoup plus ambitieux, qui s'étale nécessairement, vu la capitalisation énorme que cela va nécessiter, sur une période assez longue, de l'ordre de 20 à 25 ans, verrait le remplacement graduel d'à peu près toutes les usines québécoises par des usines ultra-modernes consistant en des cuves précuites de très grande dimension.

L'attrait principal de ces nouvelles installations est le fait que vous effectuez, de cette façon, une amélioration très considérable aux conditions de travail pour les employés. De fait, vous touchez à des conditions de travail qui sont certainement les meilleures dans l'industrie de l'aluminium dans tout l'univers, dans le moment.

Vous avez aussi des conditions d'environnement qui, effectivement, répondent à tous les standards, les standards les plus serrés qui existent où que ce soit, en Amérique du Nord, et vous récoltez aussi deux choses qui ne sont pas sans leur importance respective. Il y a une bien meilleure productivité de la main-d'oeuvre et, finalement, une meilleure utilisation de l'électricité dans notre procédé. On prévoit des économies en électricité, de l'ordre de 15%. Ces économies sur nos installations, nous permettent d'envisager une augmentation substantielle de la production totale d'aluminium au Québec par l'Alcan.

A la fin du programme de reconstruction, nous verrions une production québécoise qui aurait passé de 700 000 tonnes — à peu près 700 000 qu'elle est aujourd'hui — à tout près de 1 million de tonnes, et, en somme, située dans quatre grandes usines ultra-modernes, chacune ayant une capacité de l'ordre d'environ 200 000 tonnes, plus une capacité résiduelle sur le site existant d'Ar-vida, d'environ 150 000 à 175 000 tonnes.

La première étape de ce programme de reconstruction, c'est l'usine de Grande-Baie, dont certains d'entre vous ont probablement entendu parler. Nous avons fait l'acquisition, il y a deux ans, de terrains assez considérables, 2500 acres, dans la "vicinity" de la ville de la Baie, autrefois Port-Alfred et Bagotville, et nous avons déjà, depuis deux ans et demi, fait beaucoup de travaux préparatoires au lancement de ce projet. Nous avons déjà dépensé $12 millions pour amener le travail d'ingénierie conceptuel à terme. Ceci est terminé, et nous prévoyons, en 1977, des investissements ou une mise de fonds additionnelle minimale de l'ordre de $11 millions pour arrêter les dessins d'ingénierie détaillés à un point tel que l'on puisse lancer le projet.

L'usine de Grande-Baie aurait une capacité nominale de l'ordre de 190 000 tonnes, serait construite à un coût total d'environ $325 millions et emploierait, directement sur le site, tout près d'un millier d'employés.

Le programme de reconstruction, au total, réparti sur une période de vingt ans, demanderait une mise de fonds dépassant les 800 millions, en dollars d'aujourd'hui. Je vous laisse deviner ce que ce sera en dollars de 1985 ou de 1990.

Il est évident que ce genre d'immobilisation en capital devrait être financé — chez nous, un financement comme celui-là se chiffre à peu près par un rapport 50-50 — entre les emprunts et les avoirs des actionnaires. Il est donc capital pour l'entreprise d'être assurée de pouvoir compter sur les sources de revenus continuelles lui permettant d'accumuler les bénéfices qu'elle peut réinvestir dans un tel programme de construction et lui permettant aussi d'aller sur le marché de la finance et de justifier les emprunts à long terme.

Par ailleurs, on avait parlé de notre position, évidemment, comme un des plus grands — je crois que nous sommes le plus grand — producteurs privés d'électricité au Québec et, à la fois, le plus grand consommateur privé d'énergie au Québec.

Il est bon de rappeler qu'entre les six centrales installées sur la rivière Saguenay et la rivière Péribonka, au nord du lac Saint-Jean, notre puissance en kilowatt est de 2,7 millions de kilowatts-heures, approximativement, ou 2700 mégawatts.

Nous avons, au fil des années, établi, avec l'Hydro-Québec, des rapports, je pense, qui demeurent excellents et nous avons passé des ententes permettant à ces deux corporations de faire une utilisation, ou enfin l'utilisation que nous croyons la plus intelligente possible, de leurs ressources hydroélectriques respectives.

Par exemple, nous avons à Shawinigan et à Beauharnois les usines d'électrolyse que nous ne pouvons pas approvisionner à même nos ressources d'énergie électrique du Saguenay, à moins d'avoir soit notre propre ligne de transmission ou d'emprunter celle de l'Hydro-Québec.

Par contre, l'Hydro-Québec, dans le Saguenay, est présentement incapable de suffire aux besoins de la communauté qu'elle doit desservir. Alors, il y a donc une entente entre les deux, qui fait que l'Hydro-Québec, d'une part, nous approvisionne en électricité, à Shawinigan et à Beauharnois, tandis que nous lui versons une quantité d'énergie équivalente dans le Saguenay, qu'elle se charge de distribuer à ses propres consommateurs.

De la même façon, il y a une entente aussi qui fait que, durant les périodes de pointe de consommation, lorsque nous pouvons disposer de surplus d'électricité ou que nous pouvons mettre des génératrices en marche additionnellement à nos propres besoins, cette électricité est versée sur le réseau de l'Hydro-Québec qui l'achemine là où elle en a besoin, que ce soit au Saguenay ou que ce soit dans la région de Québec.

Si notre programme de reconstruction devait être mené à terme, nos besoins en énergie électrique, évidemment, en seraient accrus d'une façon assez considérable. Dans le moment, en énergie électrique, nous consommons environ 1600 mégawatts de courant électrique. A la fin du programme, nos besoins seraient de l'ordre de 1900 à 1940 mégawatts. Notre puissance installée présentement est de 2700 mégawatts. Toutefois, pour les besoins de l'industrie de l'aluminium, nous ne pouvons compter que sur ce que nous appelons la capacité assurée, c'est-à-dire la capacité que bon an mal an, indépendamment du niveau de précipitation durant l'hiver ou quoi que ce soit, le réseau peut fournir d'une façon garantie. La capacité assurée est beaucoup moins forte que la capacité installée et se chiffre à peu près à 1950 mégawatts, ce qui veut dire qu'au terme de notre programme de reconstruction nos besoins en énergie électrique et notre capacité assurée seraient à peu près en équilibre.

Dans notre mémoire, nous avons un tableau qui indique les besoins actuels et les besoins futurs en énergie de toute sorte pour l'ALCAN vis-à-vis de sa production, lorsque la capacité de production serait rendue à tout près de 1 million de tonnes. Je n'ai pas l'intention de repasser cela ici, mais je crois qu'il est bon de souligner que, pour chaque tonne d'aluminium produite au Québec, il y a l'équivalent d'une tonne d'hydrocarbures qui est employé sous une forme ou sous l'autre, soit sous forme de pétrole, soit sous forme de dérivé du pétrole, coke ou encore goudron. Alors, une tonne d'aluminium égale à peu près une tonne d'hydrocarbures. Comme vous le savez, la totalité de ces hydrocarbures est importée de l'extérieur du Québec. De là, l'importance pour nous d'avoir une position relativement claire et à long terme sur la politique énergétique provinciale vis-à-vis des hydrocarbures autant que sur le côté hydroélectrique.

Présentement, nos approvisionnements en sources énergétiques venant de l'extérieur du Québec sont de 35%. Une fois le programme de reconstruction terminé, ce rapport aurait augmenté et nous aurions importé, de l'extérieur du Québec, 42% de nos besoins énergétiques, et tout ça, effectivement, sous la forme d'hydrocarbures ou de dérivés d'hydrocarbures. Ceci, je pense, met un terme à ce que je voulais vous expliquer sur le programme d'amélioration et de reconstruction.

M. Phillips: Alors, en conclusion, Alcan suggère au gouvernement du Québec: a) De faire connaître, le plus tôt possible, ses intentions à long terme en ce qui a trait à la production privée d'énergie, compte tenu des ententes contractuelles en vigueur dans ce domaine, b) De tenir compte du fait qu'Alcan devrait importer plus d'un million de tonnes de produits combustibles, comme M. Sénécal-Tremblay a dit, jusqu'à 42% de nos besoins énergétiques futurs, et que, de ce fait, toute mesure législative ayant trait à la consommation et à la conservation d'énergie devrait être élaborée de façon à maintenir un climat favorable à l'importation de ces produits essentiels à la transformation de l'aluminium au Québec.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur! M. le ministre.

M. Joron: M. Phillips, messieurs, il y a plusieurs questions qui mériteraient d'être éclaircies. Je ne sais pas trop dans quel ordre les prendre, mais avant de faire une grande question globale ou synthèse, si vous voulez, il y a peut-être quelques petits éléments qu'il serait bon de mettre sur la table pour qu'on puisse savoir exactement de quoi on parle.

Est-ce que vous pourriez reprendre ce que vous dites sur vos besoins en importations d'hydrocarbures? Quels sont vos besoins actuels? C'est du pétrole dont vous parlez?

M. Sénécal-Tremblay: Effectivement, M. le ministre...

M. Joron: Qu'est-ce que vous consommez en hydrocarbures dans le moment? Moi, j'avais l'impression que vous ne consommiez, en termes d'énergie, à peu près que de l'électricité.

M. Sénécal-Tremblay: C'est souvent l'impression que les gens ont, mais le procédé de l'électro-lyse, sans vous embêter avec les détails, consiste en une cuve qui est revêtue d'un revêtement massif de carbone, de coke, qui consiste en un mélange de coke, de goudron, etc. Tout cela est cuit. Vous avez par-dessus un anode qui pèse tout près, je pense, de 35 000 à 40 000 livres dans chaque cuve et qui est elle-même construite à peu près à partir des mêmes matériaux, coke, goudron de différentes qualités.

Encore une fois, ceci est cuit. Durant le processus d'électrolyse, ce qui se produit est que l'oxyde d'aluminium, au passage du courant électrique, se dissocie, la molécule d'oxygène se combine avec le carbone de l'anode et tout cela s'en va dans l'atmosphère sous forme de CO2. C'est de là que vient le gros de notre consommation en hydrocarbures ou en dérivés d'hydrocarbures. Cela vient de la consommation fondamentale à l'intérieur du procédé dans la cuve même.

Additionnellement, nous employons aussi une quantité assez importante d'huile, cette fois-ci de pétrole, de mazout assez grossier dans la calcination du tri-hydrate d'alumine qui est une phase intermédiaire dans l'extraction de la bauxite. Alors, vous partez de la bauxite pour arriver à un produit qui peut être introduit dans la cuve électrolytique. Vous avez ce processus qui se termine par une calcination à haute température et je pense que la consommation est de l'ordre d'environ trois quarts de baril par tonne, ce qui n'est pas loin de trois quarts de tonne en lui-même.

Il y a aussi énormément de vapeur dans ce processus, vapeur qui peut être soit générée électriquement ou par de l'huile, alternativement, selon l'économique de la situation.

C'est là que vient cette grande consommation en hydrocarbures ou en dérivés du pétrole.

M. Joron: D'où viennent vos approvisionnements en hydrocarbures actuellement? Sous quelle forme sont-ils? C'est principalement du pétrole?

M. Sénécal-Tremblay: On a le pétrole d'une part et on reçoit aussi énormément de coke qui vient des Etats-Unis pour la grande majorité. Il y a quelques années, il y avait du coke qui venait d'Amérique latine, mais ces approvisionnements ont été coupés et on a remplacé cela par du coke américain.

M. Joron: Le pétrole, lui?

M. Sénécal-Tremblay: Le pétrole, je pense, vient...

M. Joron: Sous quelle forme? C'est du "bunker C"...

M. Sénécal-Tremblay: C'est du "bunker C". La presque totalité du pétrole que nous consommons est du "bunker C".

M. Joron: Quand vous mentionnez dans votre mémoire qu'étant donné cette composante hydrocarbures dans votre "input" énergétique, vous avez besoin de savoir les orientations du gouvernement à long terme en matière d'hydrocarbures, en particulier, pourriez-vous être plus précis? Qu'est-ce qu'il vous faut savoir à l'égard des hydrocarbures?

M. Sénécal-Tremblay: Je pense qu'il va falloir être rassuré sur le fait que les politiques d'importation de ces hydrocarbures, qui jouent un rôle assez important dans l'économie totale de la province, ne seront pas modifiées substantiellement, de sorte qu'on se retrouve à un moment ou l'autre avec une rentabilité totalement différente, étant donné que c'est une partie de nos coûts qui est assez substantielle.

M. Joron: Comme vous savez que le Québec ne produit pas d'hydrocarbures et est essentielle- ment dépendant des marchés extérieurs dans ses approvisionnements, je vois mal comment le gouvernement du Québec peut répondre à votre question parce que, en fait, je ne peux pas vous répondre quant à la sécurité des approvisionnements. Il faudrait s'adresser à l'Arabie Saoudite. Je ne peux pas vous répondre pour les prix non plus. Il faudrait aller voir le cheikh Yamani probablement. Quant à savoir si on va en importer, cela me semble évident tant qu'on en aura les moyens ou qu'il y aura du pétrole disponible.

C'est pour cela que je vois mal, en fait, quelle assurance ou quelle information le gouvernement du Québec peut vous apporter dans le domaine des hydrocarbures, outre... La seule chose que je peux voir, cela serait une interdiction d'importation d'hydrocarbures ou de choses semblables. Dans des temps de guerre ou des choses comme cela. Enfin.

M. Phillips: Je pense que c'est surtout le climat. On savait, premièrement, que le fait qu'on ait un assez grand besoin d'hydrocarbures n'était pas connu. Alors, on voulait le mentionner. Deuxièmement, je pense que c'est le climat international ou même le climat en Amérique du Nord; chaque gouvernement peut jouer un rôle pour assurer que nous ayons un climat dans lequel ces produits peuvent traverser les frontières sans grands problèmes. Dans les années 1973, 1974, avec la crise de l'énergie aux Etats-Unis, il y eut un temps où on voyait que peut-être les Américains allaient imposer certains quotas. Naturellement, le gouvernement du Québec ne peut pas leur demander de ne jamais le faire, mais il nous faut un climat qui fait que les pays qui nous fournissent ces produits voient que nous sommes de bons clients comme une autre place. C'est seulement une question de climat, je pense, M. le ministre.

M. Joron: Je comprends. D'ailleurs votre intérêt, comme celui de n'importe quel consommateur québécois d'hydrocarbures, et les intérêts du gouvernement se rejoignent à ce moment-là. C'est bien sûr que nous souhaitons tous des approvisionnements à très long terme en très grande quantité et le meilleur marché possible, c'est évident. N'étant pas producteur de pétrole, il faut bien se débrouiller, on est dans le marché.

M. Sénécal-Tremblay: Je pense qu'on voulait aussi faire le point parce que justement on était un peu conscient du fait que très peu de gens sont au courant de notre dépendance vis-à-vis des hydrocarbures.

M. Joron: Cela m'a surpris moi-même. Je l'ignorais. La production actuelle est de 700 000 tonnes par année au Québec. Dans un long programme de reconstruction de vos installations vous pensez la porter à près de un million. En même temps, votre consommation actuelle d'électricité... C'est-à-dire que cela représente une augmentation de pas loin de 40%.

M. Sénécal-Tremblay: C'est cela.

M. Joron: Votre consommation d'électricité passerait de 1600 mégawatts à 1950 mégawatts, pour une augmentation d'à peu près 15%. C'est donc que vous améliorez le rendement...

M. Sénécal-Tremblay: Le nouveau procédé utilise l'électricité d'une façon beaucoup plus efficace que celui avec lequel nous procédons dans le moment.

M. Joron: Et ceci vous permet de rester autosuffisant en matière électrique, à peu près tout juste.

M. Sénécal-Tremblay: A peu près tout juste.

M. Joron: Des 700 000 tonnes brutes que vous produisez à l'heure actuelle, 200 000 sont vendues au Québec, sont retraitées au Québec et aboutissent sous forme de produits que vous appelez semi-finis. Est-ce que vous pourriez être un peu plus explicite sur ce qu'on entend par un produit semi-fini? Quel genre de produit cela peut être et, d'autre part, pouvez-vous nous dire aussi ce que vous vendez en dehors de ces 200 000 tonnes? Je comprends que vous les traitez vous-mêmes dans vos propres usines pour en faire vous-mêmes des produits semi-finis. C'est exact?

M. Sénécal-Tremblay: A peu près.

M. Joron: En gros. Bon. Est-ce qu'on pourrait savoir combien d'autres tonnes, au-delà de ces 200 000, sont vendues à des clients québécois, à des clients qui transforment ou qui transformeraient au Québec à partir de lingots achetés de l'Alcan?

M. Phillips: Pour répondre à la première question, ce serait un produit profilé en aluminium qu'on vendrait à une compagnie qui fabrique des fenêtres. Le profilé est plus avancé qu'un lingot, on l'appelle un produit semi-fini. Un autre exemple serait la tôle d'aluminium qui est vendue à quelqu'un qui va fabriquer le revêtement, par exemple. Alors, ça c'est le semi-fini. Un autre serait la tige qu'on vend à une compagnie qui s'appelle Câble industriel, ici à Québec, pour faire le câble. La tige est un produit entre le lingot et le câble fini, si vous voulez.

Maintenant, si vous avez d'autres questions, je vais chercher dans mes papiers pour les chiffres que vous avez demandés.

M. Joron: C'est juste pour avoir une idée approximative des 7Ô0 000 tonnes de lingots qui peuvent sortir de vos usines sous forme, disons, primaire, ce ne sont peut-être pas les termes exacts. Il y en a 200 000 que vous traitez dans une phase secondaire au Québec. Est-ce que d'autres de vos clients en traitent au-delà de ces 200 000 aussi? Le total de ce qui peut être traité, soit par vous ou par d'autres au Québec, pourrait être quoi, de ces 700 000 tonnes?

M. Sénécal-Tremblay: Je pense que M. Phillips a des chiffres plus précis là-dessus, alors on va le laisser fouiller dans ses paperasses.

M. Phillips: Je regrette, mais je ne peux pas vous dire au juste. J'ai certains chiffres en dollars de la valeur de la production transformée au Québec, $112 millions. En plus de ça, on a importé un autre groupe de produits semi-finis, d'autres usines ailleurs au Canada, qui valaient $37 millions. Qn en a vendu 65 au Québec. Le reste, on l'a exporté en produits semi-finis à d'autres provinces ou à l'extérieur du pays.

M. Joron: Quand vous avez mentionné, un peu plus tôt, que la valeur ajoutée de votre production au Québec était de $325 millions, vous avez mentionné ce chiffre, ça couvrait quoi?

M. Phillips: La valeur ajoutée au total de tout notre commerce au Québec, ça veut dire...

M. Joron: Indistinctement du degré de transformation, à partir du bauxite qui arrive, la valeur ajoutée totale est de $325 millions.

Seriez-vous en mesure de nous donner une approximation de vos intentions à l'égard... Vous nous avez dit que vous vouliez accroître d'à peu près 40% la production primaire de vos usines québécoises. Pourriez-vous nous donner l'ordre de grandeur de l'accroissement dans le domaine des produits finis ou semi-finis, ce que vous entrevoyez au cours de la même période?

M. Phillips: C'est une question assez difficile, parce qu'il y a plus d'une sorte de produits semi-finis, si vous voulez. Je devrais souligner une autre chose. Ces produits semi-finis, cela n'ajoute pas tellement en valeur. La main-d'oeuvre pour changer un lingot ou le métal en fusion en un de ces produits semi-finis, ce n'est pas si large qu'on le penserait. Il y a beaucoup plus de main-d'oeuvre dans la production de l'aluminium lui-même. Mais si on peut parler de la première étape, ça veut dire l'usine de Granby, que M. Sénécal-Tremblay a mentionnée. Notre idée serait d'installer des usines de transformation de la même capacité, à peu près 200 000 tonnes de plus.

M. Joron: Ce qui aurait pour effet d'augmenter le pourcentage de production de produits semi-finis par rapport à votre production primaire totale.

M. Phillips: Certainement oui.

M. Joron: Pourrait-on avoir une idée des emplois, à l'heure actuelle? Vous parlez des 12 000 employés de l'Alcan au Québec. Comment se répartissent-ils, d'une part, entre ceux qu'on pourrait appeler les emplois du siège social, de nature bureaucratique, administrative ou financière et les emplois en usine et, d'autre part, en usine, est-ce qu'il y a moyen d'avoir une idée si vous n'avez pas

le chiffre exact, entre les emplois qu'on pourrait rattacher à la partie primaire des opérations et ceux qu'on pourrait rattacher à la partie secondaire des opérations de transformations en produits semi-finis?

M. Phillips: Oui, certainement. Pour commencer, nous avons à peu près 1000 employés au siège social de Montréal. Je peux même mentionner les chiffres de chaque usine, parce que c'est plus facile. Ils ne sont pas ajoutés ici. A Shawini-gan, pour le total de l'aluminerie, c'est à peu près 600 emplois.

M. Sénécal-Tremblay: A peu près 675.

M. Phillips: Et dans l'usine de câble à peu près 300. Cela dépend de l'année, mais à peu près 300, côté transformation à Shawinigan. A Montréal, dans notre usine de profilé et les usines de produits de bâtiments, nous avons à peu près 300 personnes. C'est dans les produits semi-finis aussi.

A Beauharnois, à peu près 250 emplois.

M. Sénécal-Tremblay: A peu près.

M. Phillips: Dans l'aluminerie, cela veut dire l'électrolyse. A Princeville, pour les bateaux de plaisance, à peu près 75 employés. A Arvida, dans les deux usines de transformation, c'est-à-dire le laminoir à chaud et le laminoir par partie, comme on l'appelle, nous avons à peu près 175 employés. Le reste de l'emploi dans le Saguenay est à peu près...

M. Sénécal-Tremblay: 5500 à peu près. A Arvida, vous avez à peu près 5500 employés. Là-dessus, vous pouvez compter, dans la partie primaire de l'opération qui est la transformation de la bauxite en alumine et, de là, de l'alumine en métal, presque 4500 bonshommes qui sont occupés à cela, mais qui ne sont pas tous... c'est l'ensemble de l'affaire. Additionnellement, il y en a à peu près 1200 qui s'occupent de l'infrastructure, c'est-à-dire de tout le service de ce système. Ces 1200, englobent les employés du port, à Port-Alfred, et les employés du Roberval-Saguenay, le chemin de fer dont on se sert pour transporter nos marchandises.

Additionnellement, vous avez tous les employés qui sont affectés à la génération des pouvoirs. C'est un nombre respectable, mais quand même beaucoup moins grand que ce dont on parle.

M. Joron: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée du coût? Une livre d'aluminium dans le moment cela se vend combien? $0.45? $0.50? Combien cela se vend-il?

M. Phillips: Le prix? M. Joron: Oui.

M. Phillips: La livre d'aluminium aux Etats-Unis, aujourd'hui, c'est $0.48 livrée au client.

M. Joron: Dans ces $0.48, quel est le... C'est un prix de vente, ce n'est pas un prix de revient à vous. Quel est le contenu énergétique dans une livre d'aluminium?

M. Phillips: C'est difficile de mesurer cela. Comme valeur?

M. Joron: Oui.

M. Phillips: Comme vous le savez, notre énergie, du côté électrique, c'est tout en place, c'est tout installé. C'est un coût d'immobilisation, pas un coût direct dans le sens de... Notre système de comptabilité ne traite pas dans l'autre sens.

M. Joron: Est-ce que vous avez une idée du coût énergétique de vos concurrents?

M. Phillips: Oui, nous en avons une idée. On dirait par exemple que la compagnie Alcoa, dans ses propres centrales hydroélectriques, devrait avoir à peu près les mêmes coûts que nous. D'autres concurrents ont des contrats qui sont publiés. Il me semble que dans le Nord-Est des Etats-Unis, selon les contrats qui sont publiés, le prix est de 3.3 cents/mill, ce qui veut dire .33 cents kWh.

M. Joron: A ce moment-là, j'ai vu quelque part — vous me corrigerez si ce n'est pas exact — que cela prend 16 000 kilowatts pour fabriquer une tonne d'aluminium.

M. Phillips: C'est approximatif.

M. Joron: Ce n'est pas fou ce que je viens de dire là? Cela a du bon sens?

M. Phillips: Oui.

M. Joron: Si on calcule à 3.3 mills, par exemple, cela veut dire quoi? 16 000 kilowatts à 3.3 mills? C'est $50? Est-ce que c'est cela?

M. Sénécal-Tremblay: A peu près quelque chose de l'ordre de $60.

M. Joron: Une tonne l'aluminium, cela vaut quoi?

M. Sénécal-Tremblay: Cela vaut passablement plus cher aujourd'hui que cela valait il y a quelques années.

M. Joron: Oui. C'est parce que j'essaie d'établir la relation entre...

M. Phillips: $960 la tonne.

M. Joron: $260?

M. Phillips: Non, $960 la tonne, livré au client.

M. Joron: $960!

M. Phillips: Le coût de transport inclus là-dedans.

M. Joron: Au coût de production... On voit, en tout cas, un ordre de grandeur de l'importance du coût énergétique dans la fabrication de l'aluminium. Une dernière question que je voulais soulever pour avoir un autre renseignement. Ce sont des questions un peu éparses, mais c'était pour essayer de constituer les principaux éléments avant d'arriver au coeur de la question. Vous avez mentionné, dans votre déposition d'ouverture, le rendement moyen sur l'avoir des actionnaires de l'année dernière, je pense. C'est ce que vous avez dit?

M. Phillips: Des cinq années se terminant à la fin de 1975.

M. Joron: La moyenne des cinq dernières années. C'était le chiffre moyen des quatre principaux producteurs.

M. Phillips: Oui, cela veut dire Alcan, Aluminum Company of America, Kaiser et Reynolds.

M. Joron: Dans le cas d'Alcan, c'était quoi? M. Phillips: Dans la même période, 6,9%.

M. Joron: 6,9%. Voici la dernière petite remarque que j'ai à faire, pour éviter de tourner autour du pot. Vous savez notre souci, évidemment, sachant ce que cela coûte aujourd'hui pour produire de l'énergie nouvelle, de l'économiser, d'en rationaliser l'utilisation et tout cela. Vous êtes dans une industrie qui consomme beaucoup d'énergie, énormément d'énergie. Cela représente, à l'heure actuelle, les 2700 mégawatts installés. L'Alcan représente quoi? Pas loin de 18% de la puissance installée au Québec?

M. Sénécal-Tremblay: Oui.

M. Joron: C'est un pourcentage énorme, évidemment, pour une seule industrie. Je comprends que c'est une industrie très importante et que vous êtes, sinon le plus important employeur industriel, peut-être le deuxième ou le troisième au Québec, enfin, parmi les plus importants, mais quand même. C'est le genre d'industrie, dans un sens, que peu de pays ont les moyens de se permettre aujourd'hui, en termes énergétique. On est soucieux, vis-à-vis de l'avenir, d'essayer d'augmenter considérablement la transformation en produits secondaires — vous vous attendiez à entendre cela, j'en suis bien convaincu — parce que le contenu énergétique dans les transformations subséquentes est infiniment moindre et beaucoup plus générateur d'emplois en proportion de chaque dollar investi. Je vous posais toutes ces questions pour essayer de situer dans quelle voie Alcan entend se développer au Québec et je voulais vous demander dans quelle mesure elle était consciente... Nous sommes conscients — vous en avez bien fait l'exposé — de plusieurs bénéfices que la présence de l'Alcan amène au Québec, mais j'espère que vous êtes conscients aussi des embêtements énergétiques que votre présence nous cause également.

Il faut arriver à trouver un compromis à cet égard.

M. Phillips: Nous sommes certainement conscients de ces faits.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. A la page 2 de votre mémoire, vous demandez à l'Etat d'énoncer clairement ses intentions à long terme en ce qui a trait aux installations hydroélectriques privées. Il y a une demande, par certains groupes, de nationaliser vos centrales hydroélectriques. Je ne crois pas que ce soit une nouvelle que je vous apprends. Ce sont des demandes qui sont faites publiquement.

Vous parliez tantôt d'un climat. Vous vous êtes référé à la question d'un climat dans le pays qui pourrait promouvoir les investissements. Si on parle de nationalisation, quel serait l'effet sur l'entreprise privée, quant aux investissements à venir, d'un tel geste de nationalisation par un gouvernement?

M. Phillips: Je pense qu'il y a deux réponses. Premièrement, supposons qu'après avoir parlé avec le gouvernement, après avoir étudié les marchés de l'argent, on décide de commencer notre nouvelle aluminerie de Grande-Baie, et qu'en plein milieu du projet, quelqu'un arrive et dit: Là, on a décidé de nationaliser l'électricité de l'Alcan. L'investisseur américain qui détient un fort pourcentage de nos obligations va se demander ce qui se passe. Toujours, pour les investisseurs, quelque chose qui n'a pas été prévu, ils n'aiment pas cela. Sa réponse serait, à l'avenir, de ne plus investir d'argent à cet endroit. Alors, c'est une sorte de nationalisation.

Maintenant, l'autre sorte, ce sont les investisseurs qui n'ont pas acheté le nombre d'obligations qu'ils ont dans la compagnie, récemment. Quand on arrive à la nationalisation plus modérée scientifiquement, étape par étape, quelle serait l'attitude des investisseurs? Je ne sais pas.

Si vous voyez nos états financiers, regardez les chiffres qu'on vous a soumis. C'est clair que la raison pour laquelle nous sommes ici au Québec, c'est parce que le coût économique de notre énergie équilibre certains autres coûts, le transport, en particulier, qui a augmenté, depuis trois ou quatre ans, assez vite. Alors, il faut équilibrer tous nos coûts. Est-ce que les investisseurs veulent mettre de l'argent dans une compagnie où ces coûts sont plus élevés que les revenus? Je ne sais pas. Je ne pense pas. Alors, dans une affaire comme cela, il faudrait calculer le coût qui sera chargé à la compagnie pour déterminer exactement ce que l'investisseur ferait.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle je pose la question sur cet aspect particulier, c'est que je

suis un peu surpris que vous demandiez quelles sont les intentions du gouvernement. Je pensais que le premier ministre du Québec avait clairement énoncé ses intentions quant à la nationalisation, lors de son discours à New York, quand il a dit que ce n'était pas l'intention du gouvernement du Québec de nationaliser l'entreprise privée. La seule exception qu'il avait donnée, c'était l'industrie de l'amiante. Je voudrais demander au ministre si cette déclaration s'applique encore ou si l'Alcan est une exception à la déclaration du premier ministre.

M. Joron: Les installations hydroélectriques de l'Alcan ne sont pas une exception à la déclaration du premier ministre. J'ai moi-même déjà répondu en Chambre, au mois de décembre, à cette question en indiquant clairement que ce n'était pas du tout dans les priorités du gouvernement.

Si vous me permettez une sous-question en rapport à la vôtre, en fait, ce que vos prêteurs éventuels, les acheteurs éventuels d'obligations, de l'Alcan ou du capital équité d'Alcan, voudraient savoir finalement, dans toute cette affaire, ce qui les intéresse dans tout cela, c'est le prix que vous coûte l'électricité. La propriété du barrage, disons, n'a pour effet que de vous assurer un prix fixe à long terme. C'est dans cette mesure que cela intéresse les investisseurs.

Il serait exact, pourrait-on dire que si l'histoire s'était faite autrement et que vous n'étiez pas propriétaires de ces barrages, mais par contre que vous étiez liés à l'Hydro-Québec, par exemple, qui, elle, aurait pu être, si cela s'était passé autrement, propriétaire des barrages, mais que vous étiez liés avec l'Hydro-Québec dans un contrat de fourniture, à long terme et à un prix fixe, de l'électricité, à ce moment-là, l'effet est le même sur l'opinion que les investisseurs peuvent se faire. C'est le point. C'est le prix que vous coûte l'électricité que les investisseurs veulent savoir finalement. Mais à cet égard...

M. Phillips: Ou la rentabilité de la compagnie en général qui est reliée à ça, oui.

M. Joron: Je voulais simplement vous poser une question là-dessus. Cela amène des déductions, ce que vous venez de dire là, dans le sens que, évidemment, tout le monde sait que vos installations, datant de plusieurs années, ont été construites à un moment où ça coûtait relativement bon marché et que votre coût de revient d'électricité est probablement très bas. Je pense que ce ne serait pas une mauvaise devinette de dire que c'est peut-être le plus bas de quelque aluminerie que ce soit au monde. C'est un de vos avantages compétitifs. A d'autres égards, vous avez des désavantages face à vos concurrents. Vous disiez tout à l'heure que le rendement moyen sur l'avoir des actionnaires avait été de 6,9% au cours des cinq dernières années. On peut dire que, évidemment, si ça n'avait pas été du fait que vous avez de l'électricité qui vous coûte relativement peu cher, par rapport à vos concurrents, ce pourcentage aurait été encore beaucoup plus faible.

M. Phillips: Même peut-être négatif.

M. Joron: Dans un sens, votre situation historique, qui vous a fait un producteur d'électricité au Québec, est finalement la clef, presque, on pourrait dire, de la rentabilité de l'Alcan.

M. Phillips: C'est exact.

M. Ciaccia: Pour revenir à la question de la nationalisation, je prenais ça dans le sens le plus large. Je ne voulais pas dire spécifiquement seulement que la province se déclarerait propriétaire des barrages. Il y a différentes formes de nationalisation. On peut laisser la propriété à la compagnie et prendre d'autres moyens, l'augmentation de prix, etc., et les effets sont les mêmes. Ma question de nationalisation portait globalement sur les effets économiques, non seulement sur qui sera le propriétaire du barrage.

M. Joron: Si vous voulez que je réponde plus loin à votre question, je n'ai pas d'objection. En même temps, quand la question avait été posée, j'avais également mentionné non pas le loyer pour les terrains, mais les redevances, selon la loi des eaux — je ne sais pas le nom exact de la loi — que paie Alcan à l'heure actuelle et qui sont, je pense, de $2,8 millions par année, c'est exact?, moins les taxes scolaires que vous pouvez déduire de ça.

M. Phillips: Oui, c'est de l'ordre de $3 millions ou quelque chose comme ça.

M. Joron: Autour de $3 millions et ça, c'était par rapport à une loi qui avait établi le taux en 1946 et qui n'a pas été changée depuis. Je sais que l'ancien gouvernement étudiait ce dossier aussi. Je pense bien que les prix de 1946, surtout compte tenu de ce que coûte l'énergie aujourd'hui, personne ne s'attend que ça dure — et vos prêteurs non plus ne s'y attendent pas — comme ça encore pendant 30 ans. Je l'ai indiqué. On aura l'occasion de discuter ça ensemble. A ce moment-là, on sera en mesure de mesurer le quantum des "dollars and cents".

M. Ciaccia: Je voulais seulement faire ressortir les vues de chaque partie sur la question de nationalisation, parce que je crois que l'attitude du gouvernement à cet égard est très importante, parce que, de plus, nous voyons, par le mémoire d'Alcan, que plusieurs questions très importantes, je dirais même qu'elles vont à la base même de notre société, sont soulevées.

Dans votre mémoire, vous soulevez les questions de relation entre l'entreprise privée et le gouvernement et les relations avec les chefs syndicaux et l'entreprise syndicale. Ce qui apporte les commentaires qui ont été faits par plusieurs autres compagnies, plusieurs autres personnes qui ont présenté des mémoires, c'est que cette politique

énergétique est à la base de notre développement économique, à la base même, si on veut, de notre mode de vie.

Plusieurs mémoires nous ont été présentés, qui traitaient d'investissements dans l'avenir, et je ne sais pas si vraiment on a pu prendre connaissance de l'importance pour notre économie des décisions qui sont prises par les entreprises privées quant à l'avenir, non seulement de leurs décisions, mais de la nécessité de ces décisions. Par exemple, si, dans cinq ou dix ans, vous avez besoin de certains investissements ou que vous avez certains plans à faire — même, vous les préconisez dans votre programme aux pages 14 et 15 — devez-vous commencer dès maintenant à faire la planification pour ces investissements? J'ai l'impression que le public, certains secteurs du public ne saisissent pas l'importance d'avoir des politiques du gouvernement claires et précises afin que vous puissiez prendre vos décisions aujourd'hui qui auront un effet dans cinq ou dix ans. Ce sont des décisions importantes au point de vue de l'économie.

La question vous a été posée: Combien d'emplois à votre siège social? Vous avez dit: II y en a 1000. Je ne sais pas combien de gens réalisent l'importance économique d'avoir un siège social à Montréal plutôt qu'à Toronto ou dans une autre ville du Canada. Il y en a qui pensent que les compagnies doivent faire affaires au Québec et qu'elles vont continuer à faire affaires.

Je crois qu'il y a une différence entre faire affaires au Québec et y avoir son siège social qui fait affaires non seulement dans tout le Canada, mais internationalement.

Ici, on reçoit des mémoires de tous les groupes de notre société. Il y a des contestataires. Il y a ceux qui parlent contre l'entreprise privée et, parfois, on semble donner l'impression qu'on ne veut pas trop toucher, qu'on ne veut pas trop amener le point de vue de l'entreprise privée.

Hier, M. le ministre, on parlait de l'option indépendance. Je ne parlerai pas de l'option indépendance, mais, même s'il y en a, il peut y avoir l'option indépendance vers la droite et l'option indépendance vers la gauche.

Les groupes qui sont contestataires, qui sont plutôt contre l'entreprise privée, se font entendre. Pouvez-vous faire un commentaire sur les méthodes ou ce que pourrait faire l'entreprise privée, premièrement, pour nous faire comprendre l'importance de vos investissements, l'importance d'avoir des décisions précises et claires et l'importance de créer ce climat où il y aura plus de sympathie pour l'entreprise privée qu'il ne semble y en avoir maintenant? J'ai l'impression que, plus on va, moins il y a de sympathie pour l'entreprise privée, tandis que, si on regarde notre niveau de vie au Canada, en Amérique du Nord, cela a été créé par l'entreprise privée. Cela n'a pas été créé par l'Etat. Si on regarde d'autres pays où l'Etat a pris le contrôle, où l'Etat commence à prendre le contrôle, on voit qu'ils n'ont pas notre niveau de vie, qu'ils n'ont pas nos libertés personnelles, non plus. Alors, je crois que cela serait un devoir pour l'entreprise privée de se faire entendre.

Pouvez-vous faire un commentaire? Y a-t-il quelque chose que vous pouvez faire à ce sujet?

M. Phillips: C'est une question à laquelle on pourrait répondre par un discours de quelques heures, mais il me semble que, fondamentalement, la plupart des gens d'aujourd'hui n'ont aucune idée de ce qu'est le profit et où va le profit. Comme la plupart des profits des grandes industries sont réinvestis dans leurs propres immobilisations, cela n'est pas connu, mais il faut retourner à l'école. On n'enseigne pas l'économie aujourd'hui.

Le Président (M. Laplante): Excusez, monsieur. Vu que le temps avance, y aurait-il possibilité de s'en tenir à l'énergie pour la commission? J'ai encore cinq interventions et le temps est déjà écoulé et on a encore sept autres groupes qui n'ont pas été entendus.

M. Ciaccia: Si vous me le permettez, M. le Président, cela se rapporte aussi à l'énergie parce que si, dans le domaine énergétique, on ne comprend pas l'importance de l'investisseur privé, l'entreprise privée, cela va avoir des retombées qui pourraient être pas mal dangereuses pour nous si on s'en va avec l'idée que l'Etat va tout faire, que tout va nous tomber cuit dans la bouche et qu'on va mettre de côté l'entreprise privée. Alors, je crois bien que les commentaires de ce monsieur sont...

Le Président (M. Laplante): Pour satisfaire le député de Montréal, est-ce que vous seriez capable d'avoir une réponse très courte, s'il vous plaît.

M. Brochu: M. le Président, avant que monsieur ne donne sa réponse, j'aimerais, sur la directive que vous avez donnée, demander une autre directive en ce qui concerne la commission. Je pense que la question qui a été soulevée par le député de Mont-Royal mérite quand même une attention, vu l'importance du mémoire qui a été présenté. Je pense qu'on le situe maintenant dans l'enveloppe globale de la politique du Québec. Je pense que cela mérite quand même qu'on y réponde aussi et j'aimerais qu'on laisse le temps aux personnes de répondre.

M. Phillips: On pourrait prendre des heures sur ce sujet, mais je pense qu'il faut retourner à l'éducation. Si tout le monde travaille avec la même information, d'habitude on arrive avec la même conclusion, mais il n'existe pas, pour moi, nulle part en Amérique du Nord, aujourd'hui, même au niveau primaire, où on devrait commencer, des classes où on étudie ces sujets. On étudie les aspects sociaux, mais on n'étudie pas l'économique dans le sens de la marche d'une entreprise, où va l'argent, etc.

M. Ciaccia: Très bien, merci.

Le Président (M. Laplante): Le député du Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: L'hypothèse de la nationalisation étant écartée, comme l'a dit le ministre tout à l'heure, ma question est la suivante. Est-ce qu'une augmentation substantielle des redevances, des droits et redevances que l'Alcan devrait payer à l'Etat pour les sites de la Péribonka, parce que, si je comprends bien, les sites du Saguenay, les sites hydroélectriques, il n'y a pas de droit, il n'y a pas de redevances là-dessus, ils ont été achetés...

M. Joron: II y en a. Il y a deux...

M. Brassard: II y en a. En tout cas. Donc, advenant le cas où l'Etat impose une augmentation substantielle des redevances, qui entraînerait évidemment une hausse du coût de l'électricité pour l'Alcan, est-ce que vous réviseriez votre programme d'expansion et d'immobilisation? C'est ma première question. La deuxième question porte sur certains chiffres que la CSN donne dans son mémoire. Je ne veux pas susciter de polémique entre la CSN et l'Alcan. Elles n'ont pas besoin de moi pour cela. Elles sont habitués à "polémiquer". La CSN estime que le coût de production de l'électricité dans ces centrales, coût de production pour l'Alcan, se chiffre à $18,6 millions, ce qui donne un coût net du kilowatt de $0.12 et donne à l'Alcan ce que la CSN appelle une rente de situation de l'ordre de $74,5 millions par rapport à ses concurrents, par rapport à la Reynolds, par exemple, qui achète son électricité de l'Hydro-Québec à $.50 le kilowatt. Est-ce que ces chiffres vous les contestez ou s'ils sont exacts? $18,6 millions pour le coût de production total de l'électricité, $0.12 le kilowatt, rente de situation de $74 millions? Parce que vous avez sûrement analysé le mémoire de la CSN. Il est présenté cet après-midi. Il va suivre tout à l'heure, mais il est connu depuis avant les Fêtes, il a été connu avant les Fêtes pour l'essentiel. Une entreprise comme l'Alcan a sûrement analysé ces chiffres-là.

M. Sénécal-Tremblay: La façon dont vous posez la question, M. Brassard, nous engage très dangereusement sur la voie d'une polémique ouverte et publique avec la CSN, et je pense que ce n'est pas notre objectif cet après-midi.

M. Brassard: Mais est-ce que vous avez analysé ces chiffres? Est-ce que vous contestez ces chiffres?

M. Senécal-Tremblay: Je pense que M. Madill est en position de dire qu'il contesterait ces chiffres. En plus, je pense que, si vous enquêtez sur la situation de la compagnie Reynolds à Baie-Comeau, ce n'est pas exactement qu'ils sont acheteurs de toute leur énergie. Mais l'hydro-Québec ou la compagnie Reynolds sera en mesure de vous expliquer de quelle manière elles obtiennent leur énergie électrique. Mais il me semble qu'au moins les deux tiers ne sont pas achetés comme tels. Mais ce n'est pas à nous de vous expliquer ces choses. Il faut qu'on souligne le point qu'il y a certains avantages à être ici au Québec, mais il y a certains désavantages. Si on veut éliminer tous les avantages, et disons que le chiffre de $74 millions était exact, avec quoi va-t-on payer les coûts de transport? C'est une question de balance d'économie.

On ne pouvait pas prendre tous les avantages et laisser...

M. Brassard: Je reviens à ma première question. Si on augmente substantiellement les redevances que vous payez à l'Etat de façon à réduire cet écart, est-ce que cela aura des effets sur votre programme d'expansion économique?

M. Sénécal-Tremblay: Je pense, M. Brassard, que la seule façon de vous répondre là-dessus tient dans la notion que vous avez de substantiel.

M. Brassard: Justement, à ce moment-là, est-ce que ça signifie que l'Alcan a hâte, est empressée de connaître les nouvelles redevances que l'Etat va lui imposer, parce qu'il semble qu'il y en aura de nouvelles?

M. Phillips: Disons qu'on parle d'à peu près $3 millions; si c'était doublé à $6 millions, est-ce que doubler c'est substantiel ou non? Soustraire $3 millions par an de l'argent qu'il nous faut pour notre expansion, c'est presque rien en pourcentage. Mais soustraire $100 millions, on ferait banqueroute; alors c'est une question de balance. Mais en principe, chaque fois que nos coûts montent, c'est $1 qu'on ne va pas dépenser. On n'est pas magiciens, les dollars ne viennent pas du ciel. Les dollars qu'on va investir viennent des profits qu'on va faire.

Le Président (M. Laplante): Question substantielle sur le même sujet.

M. Giasson: Dans le sens de la question posée par le député du Lac-Saint-Jean, j'aimerais savoir si je vous ai bien compris tout à l'heure lorsque vous avez énoncé un coût, au kilowatt-heure, de $0.03.3; est-ce exact?

M. Phillips: 3 mills, mais ça ne fait rien, ça va.

M. Giasson: S'agissait-il d'un chiffre qui représente le coût de l'énergie électrique pour vous autres dans le secteur Saguenay-Lac-Saint-Jean ou s'il s'agissait d'un chiffre de compétiteur qui aurait un coût énergétique électrique assez bas?

M. Phillips: C'était le coût pour nos concurrents qui ont des usines aux Etats-Unis, dans le Nord-Ouest des Etats-Unis.

M. Giasson: Le coût pour vous autres est de combien?

M. Phillips: Je vais reposer la question, si vous avez une maison à vous, quel est le loyer que vous payez? C'est votre maison, alors vous avez investi de l'argent, peut-être y a-t-il des hypothèques dans l'affaire, mais vous ne payez pas un cent. Alors, dans ce sens, on n'a pas de coût du tout, sauf...

M. Giasson: Dans l'exemple que vous donnez, je suis capable d'en faire des coûts tout de même, si je veux les faire.

M. Phillips: Vous pouvez calculer le coût basé sur le taux d'intérêt, etc., etc. Alors, quel taux d'intérêt est-ce que vous voulez choisir? Il faut travailler à ça, il faut parler aussi de certaines méthodes de comptabilité. Est-ce qu'on va parler du coût de remplacement ou quelle sorte de comptabilité pour arriver à un coût? C'est difficile de répondre à votre question. Notre méthode interne chez Al-can pour mesurer, c'est qu'on prend tous nos coûts pour fabriquer l'aluminium en lingot, on prend tout l'investissement, incluant l'investissement dans les centrales hydroélectriques, on prend nos revenus, on calcule un profit et on dit: Bon, on a fait tel pourcentage sur tout l'argent investi dans l'entreprise. Une grande partie de cet argent investi l'est naturellement dans les centrales hydroélectriques. On arrive à un rendement au lieu d'un coût. C'est pour cela qu'on n'a pas, dans nos livres, une réponse facile.

M. Giasson: Mais, tout de même, si vous savez ce que coûte aux compétiteurs l'énergie... Au taux que vous avez donné, on a fait des calculs tout à l'heure; 16 mills multiplié par 3,3, cela donnait en moyenne un coût d'énergie de $50 la tonne.

Si vous savez ce que cela coûte à vos concurrents, vous devez certainement avoir déterminé ce que cela vous coûtait à vous autres, parce que, dans le jeu de la compétition, ce sont des éléments que vous ne pouvez pas ignorer. Vous êtes des hommes d'affaires, vous ne pouvez pas ignorer cela.

M. Phillips: Vous n'avez pas compris. On prend nos revenus, on soustrait les coûts actuels qu'on paie en argent et ce qu'il en reste. On fait un profit sur l'élément de l'énergie dans notre aluminium, mais ce n'est pas différencié. On regarde le profit total. Ceci est comparé avec notre investissement.

Il faut prendre en considération qu'on a donné un exemple des concurrents. A l'Aluminum Company of America, 50% de leur électricité sont générés par cette compagnie, dont la moitié de cela est générée de la même façon qu'à l'Alcan. Leurs coûts sont exactement comme les nôtres pour 25% de leur capacité.

Alors, vous ne pouvez pas prendre seulement un groupe de producteurs et dire: Ils ont tel coût. Partout dans le mondp, les coûts sont différents.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Anjou.

M. Johnson: J'aurais deux questions et même trois. La première, peut-être pour faire suite à l'échange que vous venez d'avoir. Est-ce qu'il serait possible à l'Alcan de fournir ce "breakdown" des coûts, en termes énergétiques, comme c'est le cas de ses compétiteurs? Est-ce qu'éventuellement c'est un calcul qui pourrait se faire?

M. Phillips: Je n'ai pas bien compris votre question.

M. Johnson: Ce à quoi vous amenait mon collègue tout à l'heure, c'est de vous dire que, dans le cas de Reynolds, par exemple, ou dans le cas de vos compétiteurs américains, on peut calculer le coût en termes d'énergie, à l'intérieur du coût total de la production d'un lingot ou d'une tonne d'aluminium. Vous pourriez arriver à ce même calcul, en prenant la même grille comptable que vos compétiteurs, la même grille d'analyse.

M. Phillips: On fait toutes sortes de calculs, selon la façon dont on voit nos concurrents, mais on ne sait pas s'ils regardent leurs affaires dans le même sens. Mais il y a toutes sortes d'analyses. Les Américains, surtout, font des analyses sur tous les aspects des coûts. Je n'aimerais pas publier mon opinion de nos coûts à nous. C'est quelque chose d'assez confidentiel, mais je suis très certain que vous pourriez demander à votre ministère de l'Industrie et du Commerce de vous fournir les rapports de Oppenheimer and Co de New York. Il y a un analyste qui s'appelle Stewart Spector, qui est connu dans l'industrie comme étant assez expert dans ses estimations des coûts de toutes les grandes compagnies. Comme cela, vous auriez quelque chose d'assez neutre, pas l'opinion de l'Alcan, mais l'opinion d'un analyste neutre.

M. Johnson: Ma deuxième question est la suivante. Ma troisième sera très brève. Vous établissez que le coût d'énergie est pour vous l'avantage majeur de votre situation dans la Saguenay et que, par contre, vous avez l'inconvénient du transport, ce qui n'est pas un inconvénient pour certains de vos compétiteurs américains. Finalement, vous dites que c'est une sorte d'enveloppe globale ou de "package deal", on fait le calcul des inconvénients et on dit: II y a des avantages à y être.

Cependant, vous semblez avoir établi bien clairement que vos compétiteurs, pour 25% seulement de leur approvisionnement en énergie, sont dans la situation dans laquelle vous êtes, à savoir qu'ils ont immobilisé, il y a X années, à un prix qui était ridicule, compte tenu des prix actuels et surtout compte tenu des prix de remplacement qui s'en viennent. Il demeure quand même que 75% de leurs ressources énergétiques ont sans doute été soumises à des augmentations considérables depuis quelque temps. Si c'est un fait, à ce moment-là, je me dis que vous n'êtes plus tout à fait dans la même situation en termes d'avantages et d'inconvénients. Je m'explique.

Si, en 1946, ce qui faisait que, pour vous, c'était avantageux d'être ici, avec vos propres barrages, c'est le coût de l'énergie, je me dis que le coût de l'énergie, qui est resté stable pour vous depuis 1946, a lui, augmenté pour une part de 75% des opérations énergétiques de vos compétiteurs. Je serais curieux de voir ce que cela rétablit

M. Phillips: Pour commencer, ce n'est pas si simple, j'ai dit qu'une compagnie, Aluminum

Company of America, a 25% de son énergie hydroélectrique, et les autres 25% dans les centrales non pas nucléaires mais de gaz naturel et de charbon.

En 1946, il n'y avait que deux compagnies qui fabriquaient l'aluminium en Amérique du Nord: Aluminum Company of America et Alcan. Depuis ce temps, il y a beaucoup plus de gens qui nous font concurrence. Prenez le cas, comme j'ai dit, du nord-ouest des Etats-Unis où les gens ont des contrats, à long terme, pour 3,2 mills, cela veut dire $0.0032. Ces installations emploient à peu près 40% du nombre de nos employés.

Elles ont décidé de bâtir, dans différentes circonstances, quand les sciences furent plus avancées. Comment pouvez-vous comparer quelqu'un dans ces positions et Alcan qui a fait quelque chose en 1946? C'est un sujet très complexe. Je ne veux pas donner des réponses très simplistes, parce que cela ne sert à rien. Mais, d'un autre côté...

M. Johnson: Je ne voudrais pas non plus que vous croyiez que ma question voulait sursimplifier le problème. Ma dernière question sera la suivante: Vous avez fait état que vous avez transporté votre siège social de Toronto à Montréal dans les années trente. Est-ce que vous avez l'intention de faire le contraire?

M. Phillips: Du tout.

M. Johnson: D'accord. Merci. Je tenais beaucoup à ce que vous nous donniez une réponse à ce sujet, parce que, dans le public, certaines personnes s'amusent à laisser planer des rumeurs, on parle du déménagement du siège social de l'AI-can. J'ai bien compris que vous avez dit non, ce ne sera pas dans vos projets.

M. Phillips: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Depuis quelques minutes, la commission s'engage peut-être sur une voie qui l'éloigne de son objectif. Il ne s'agit pas tellement de faire des débats sur les méthodes comptables. La compagnie Alcan semble préférer la méthode de calculer des taux de rendement sur le capital investi. Si je comprends bien le ministre et nos amis d'en face, ils sont peut-être en train de faire un exercice pour déterminer les profits de situations ou autres qui résultent de la propriété pour l'Alcan de sources productrices d'électricité, de façon peut-être à, sans tuer la poule aux oeufs d'or, calculer le montant maximal des redevances que le ministre des Richesses naturelles pourrait suggérer à son confrère des Finances. Mais notre problème, ici à la commission, n'est pas de savoir comment on peut augmenter plus facilement, avec le moins de dommages, les recettes fiscales du gouvernement, il s'agit de savoir, quand on regarde des diverses utilisations des sources énergétiques au Québec, parmi les- quelles figure, de façon importante, l'industrie de l'aluminium, si, en se tournant vers l'avenir cela continue ou cela va continuer d'être une utilisation profitable, dans le sens très large, pour l'ensemble de la société, sans s'interroger à ce moment-ci pour savoir comment se divisent ces profits pour la société, si cela va entièrement à la compagnie ou une partie à la collectivité vis-à-vis des impôts.

Autrement dit, est-ce que cette décision d'investir dans une industrie, haute consommatrice d'énergie, est une décision qui est dans l'intérêt public? Etant donné que vous faites de nouveaux investissements, c'est une question qu'on peut se poser à bon droit.

Ce qui me frappe, M. le Président — j'arrive à ma question — c'est que je constate que vous avez calculé un taux de rendement de 6,9% pour les cinq dernières années, pour ce qui est de l'Alcan. Evidemment, quand le ministre nous dit qu'il n'a pas l'intention de nationaliser, je le comprends un peu, parce qu'il se trouverait à emprunter de l'argent à 10% pour vous permettre de l'investir après à 6,9%. Je crois que ce serait un assez mauvais calcul, mais il reste que ce chiffre de 6,9% me semble bas pour justifier de continuer à investir dans un secteur industriel qui consomme tellement d'énergie, dans une période où l'énergie devient rare et où ses autres utilisations sont également extrêmement importantes.

Je regarde ici vos états financiers des dernières années. On aurait pu croire qu'à partir de 1973-74, avec la hausse des prix de l'énergie, il y aurait eu un bond assez spectaculaire dans les bénéfices enregistrés par votre compagnie. Je comprends que vous nous avez donné là une moyenne de 1970 à 1975, donc cela précède la crise de l'énergie. J'imagine que le taux de 6,9% n'est pas représentatif de ce qu'on a pu observer plus récemment, quoique encore là, les derniers chiffres qui nous sont donnés dans votre mémoire indiquent qu'il y a eu une hausse assez sensible en 1974 et, après cela, une chute en 1975... Enfin, il y a toutes sortes de facteurs. J'imagine — on peut bien vous faire confiance là-dessus — que les perspectives sur le marché de l'aluminium sont assez bonnes pour justifier des investissements, mais je crois que n'importe quel gouvernement est justifié de se demander si, étant donné d'autres utilisations qu'on va avoir pour l'énergie électrique, étant donné la faiblesse observée de ce taux de rendement, à moins que ce ne soit pas un bon indice du futur, il n'y a pas d'autres usages de l'électricité qui seraient plus intéressants, peut-être même absolument essentiels.

J'aimerais que vous fassiez des commentaires là-dessus. J'imagine que vous devez être plus confiant que cela au point de vue des prix de l'aluminium dans l'avenir et des possibilités de gain pour la société que vous représentez.

M. Phillips: Premièrement, naturellement, c'est votre devoir de prendre ces décisions pour la province. Le seul point qu'on soulevait, c'est qu'on aimerait savoir, au moins, l'opinion du gouvernement dans ce domaine. Naturellement, on ne

construirait pas une nouvelle usine si on pensait que le rendement serait de 6,9% à la fin du monde. Depuis 1974, on a trouvé que nos coûts sont montés plus vite que nos revenus. Les pays producteurs de bauxite ont décidé de former un petit cartel dans le genre de l'OPEP, alors le prix de la bauxite a augmenté beaucoup plus vite que le prix de l'aluminium, et aussi, la demande est tombée en 1975. Ce ne serait pas sûr, l'histoire qu'on proposerait un investissement. En plus, on le ferait étape par étape, cela veut dire qu'on ne va pas décider à un moment donné d'implanter tout ce programme, d'aller de 700 000 tonnes jusqu'à 1 million de tonnes. Il faut le prendre par tranches. La première tranche, ce serait une usine de 190 000 tonnes à peu près. Le jour où on déciderait de continuer, il faudrait qu'un investissement comme cela soit justifié pour à peu près 25 ans. Alors, on regarderait les 25 ans dans le futur. On essaierait de dire: Oui, est-ce qu'on va avoir une rentabilité suffisante pour le faire? C'est à ce moment seulement qu'on prend notre décision. Après que cela est construit, si cela fonctionne, on étudie la deuxième étape.

M. Forget: Oui, mais ma question va un peu plus loin que cela, dans le sens qu'il y a, bien sûr, des décisions qui relèvent de la compagnie. Je comprends que, dans une certaine mesure, cela fait partie de votre stratégie. Vous pouvez difficilement en faire état en détail, mais il reste qu'il y a trois ingrédients qui sont nécessaires pour produire de l'aluminium: il y a l'énergie qui se trouve au Québec; il y a les hydrocarbures qui ne s'y trouvent pas; et la bauxite qui ne s'y trouve pas non plus. Il y a donc, de votre part, un jugement, vous l'avez dit, sur la possibilité d'importer des hydrocarbures sans difficulté. Il y a un jugement qui est posé également sur la sécurité des approvisionnements de bauxite et sur la possibilité de continuer à obtenir des matières premières de pays sous-développés qui ont eu des attitudes beaucoup plus restrictives.

Ces investissements, une fois faits, seront évidemment là pour longtemps. Je pense que ce sont des facteurs qu'il est important de pouvoir juger avant de consacrer, pour encore 25 ans, l'utilisation de ressources énergétiques qui sont importantes — c'est près de 20% du potentiel actuellement développé — avant, encore une fois, de consacrer, pour encore 25 ans, des investissements qui vont enlever à d'autres usages une source si importante d'énergie électrique.

Est-ce que vous êtes raisonnablement certain de la possibilité de continuer, du point de vue de la bauxite, par exemple, l'approvisionnement pour 25 ans à venir?

M. Phillips: II y a certainement assez de bauxite dans le monde. C'est un des minerais les plus abondants. En plus, on travaille à certaines possibilités qui ne sont pas dans nos mains à l'heure actuelle mais, comme vous avez mentionné les trois ingrédients, il faut aussi mentionner notre technologie. La question de la bauxite, cela va toucher tous nos concurrents. Alors, en balance, on va être correct si ça va toucher les autres producteurs d'aluminium dans le même sens. On ne veut pas que nos prix soient tellement hauts qu'on ne puisse pas concurrencer l'acier ou un autre matériel, mais, en général, on voit qu'il y a assez de bauxite, et on peut concurrencer les autres. Dans le moment, pour les 25 ans qui s'en viennent, nous pensons que nous sommes dans une bonne position pour faire des profits qui seront assez acceptables afin qu'on puisse continuer notre industrie et la nourrir avec d'autre argent. M. Sénécal-Tremblay a mentionné que, même dans le Saguenay, ils dépensent à peu près $30 millions à $40 millions par année en immobilisations seulement pour améliorer les conditions dans les alu-mineries existantes. C'est quelque chose qu'il faut faire dans le futur aussi. Il faut qu'on voie qu'il y ait assez d'argent qui va entrer pour faire marcher notre industrie. Mais, en ce moment, on voit que, oui, Alcan est bien placée pour compléter une telle expansion. On n'a pas encore complété toutes nos études, et, naturellement, on se réserve le droit, jusqu'au dernier moment, de changer d'idée. A l'heure actuelle, on pense que, oui, le Québec, c'est une bonne place pour fabriquer de l'aluminium.

M. Forget: Est-ce qu'il serait juste de dire — c'est ma dernière question, M. le Président — que durant les deux ou trois dernières années, alors qu'il y a eu une hausse considérable des prix des hydrocarbures, du pétrole, l'espèce de rente économique qui aurait normalement dû se produire au bénéfice, par exemple, de l'Alcan, au Canada et au Québec, a été, dans une certaine mesure, éliminée par la hausse des prix d'approvisionnement en bauxite? Donc, les deux facteurs auraient joué, de manière qu'on se retrouve — du moins, c'est ce qu'on croirait à regarder certains de vos chiffres — dans une position nette qui n'est pas plus avantageuse maintenant qu'en 1972, disons.

M. Sénécal-Tremblay: Effectivement, durant la période à laquelle vous faites référence, 1972, on se souvient, par exemple, que le prix courant de l'aluminium était de l'ordre d'à peu près $0.22, $0.23, et aujourd'hui on dit: Le prix courant est à $0.48 sur le marché américain. Cela a doublé, donc, c'est extraordinaire. Les profits de toute l'industrie de l'aluminium devraient évoluer à peu près dans le même sens. Voici ce qu'on oublie, en regard de ce que j'ai dit un peu plus tôt, la forte consommation d'hydrocarbures que nous faisons pour la production de l'aluminium. Les produits de pétrole, vous savez ce qui leur est arrivé au point de vue du prix, cela a presque quadruplé. Mais, dans le cas de la bauxite, il y a eu un phénomène semblable aussi. Le coût de la bauxite a augmenté d'une façon extraordinaire dans une espèce de mini-cartel, genre OPEP. Cela semble, dans le moment, se stabiliser, et surtout, je pense, les producteurs de bauxite traditionnels commencent à repenser leur philosophie à long terme avec l'arrivée sur le marché de sources assez importantes de bauxite venant d'Amérique du Sud, du Brésil en

particulier. Il y a, évidemment, les réserves énormes de l'Australie, qui peuvent être toujours amenées, elles, sur le marché, avec un effet de modération assez considérable.

Mais il y a eu ces augmentations du prix de l'huile, des dérivés du pétrole, de la bauxite et de la même façon, la soude caustique qui, elle, joue avec ces facteurs. Et il y a eu une augmentation très considérable du coût de la main-d'oeuvre et tout cela, en définitive, a donné un marché qui est plus ou moins bon une année ou enfin, plus ou moins mou, et vous avez des résultats comme ceux qu'on a connus depuis quelque temps qui sont loin d'être à la hauteur de ce qu'on aurait pu s'attendre.

Le Président (M. Laplante): Les membres de cette commission vous remercient de la coopération que vous avez voulu leur apporter. Merci messieurs.

M. Sénécal-Tremblay: Merci monsieur.

Le Président (M. Laplante): J'appelle le groupe de la CSN. Bonjour messieurs.

M. L'Heureux (André): André L'Heureux.

Le Président (M. Laplante): Vous avez environ 45 minutes...

M. L'Heureux: Oui.

Le Président (M. Laplante): ... pour votre exposé et la période des questions. Voulez-vous identifier les gens qui sont avec vous?

Confédération des syndicats nationaux

M. L'Heureux: Merci, M. le Président. André L'Heureux, vice-président de la CSN. Kemal Wassef, directeur du service de recherche de la CSN, et Pierre Dupont, président de la Fédération des travailleurs des produits chimiques des mines et de la métallurgie à la CSN à qui je demanderais, si vous le permettez, de présenter aussi certains officiers de syndicats dans l'aluminerie et certains conseillers techniques qui sont ici.

M. Dupont (Pierre): Messieurs, je voudrais vous présenter les gens de la région du Saguenay: permanent à la fédération, Laurier Fortin, permanent également à la fédération, Gérard Gingras; Service d'information de la CSN, Michel Rioux; président du syndicat de Shawinigan, Laurent Boucher; Marcel Boudreault, des chemins de fer de l'Alcan au Saguenay; Reynald Tremblay, chemins de fer de l'Alcan au Saguenay; Gérard Thé-riault, de Shawinigan, ainsi que Jean Dufour, attaché à la CSN régionale à Shawinigan.

M. L'Heureux: J'ai l'impression que le débat qui va suivre poursuit ou est une suite logique à ce qu'on vient de discuter ici.

L'énergie électrique est un facteur essentiel du développement économique. Les Québécois ont compris le rôle important de l'électricité dans le développement de la province et, au cours de la dernière décade, ont procédé à développer, à rationaliser et à distribuer cette ressource naturelle qui se trouve en abondance chez nous. La nationalisation de l'électricité a été un mouvement déclenché pour donner au Québec les moyens d'assurer le développement et l'utilisation de cette ressource en fonction de nos intérêts en propre.

Actuellement, l'avenir économique du Québec repose en grande partie sur l'utilisation intelligente des ressources électriques de la province et leur développement futur. Ceci est d'autant plus vrai que le Québec est un importateur net de ressources énergétiques quand on examine le bilan total de la consommation québécoise d'énergie sous toutes ses formes: pétrole, gaz, charbon, électricité.

Cette situation n'est pas nouvelle. Toutefois, elle revêt une autre dimension à la lumière des récentes hausses de prix du pétrole, du gaz et du charbon.

De plus en plus, collectivement, les Québécois doivent consacrer une plus grande partie de leurs revenus pour faire face à leurs dépenses énergétiques. Et inversement, de plus en plus, le Québec doit songer à équilibrer notre consommation d'énergie sous toutes ses formes.

Aussi, la CSN propose particulièrement deux mesures immédiates: Premièrement, interdire à l'Hydro-Québec d'approvisionner en électricité, par contrat à long terme, le marché des Etats-Unis.

Deuxièmement, égaliser la participation financière des Québécois à l'effort nécessaire pour le développement de cette forme d'énergie en nationalisant les centrales hydrauliques de l'Alcan au Québec.

La place de l'énergie électrique dans les politiques du gouvernement du Québec est importante. En effet, c'est la seule ressource énergétique qui, au niveau de la production de la consommation, s'intègre totalement aux activités économiques du Québec. L'électricité est donc un outil important dans la politique énergétique globale du Québec.

De nombreuses propositions ont été mises de l'avant qui visent à une meilleure conservation de l'énergie. Les travaux de la commission toucheront sans doute cet aspect du problème. Il est clair que le gouvernement du Québec peut et doit orienter la consommation future des Québécois par l'élaboration d'un ensemble de mesures visant à diminuer la consommation d'énergie et à améliorer l'utilisation et la consommation.

Le prix de l'électricité vendue par l'Hydro-Québec est le plus bas en Amérique du Nord. Ce sont les Québécois, tous ensemble, qui ont contribué à réaliser cette opération. Ils y ont contribué techniquement par les travaux de génie complexes qu'il leur a fallu bâtir. Ils y ont contribué financièrement par l'achat d'obligations de l'Hydro-Québec et le prix qu'il faut payer pour développer cette forme d'énergie. Il est normal que l'électricité coûte moins cher au Québec. En effet, nous payons ensemble des prix plus élevés pour les autres formes d'énergie que nous importons. Le prix

de l'électricité vendue au Québec compense partiellement pour le prix du pétrole, du gaz, du charbon qui coûtent plus cher au Québec. Il y a ici trois paragraphes qui ne paraissent pas dans le texte qu'on vous a remis.

A cet égard, la CSN constate que les tarifs de l'énergie vendue par l'Hydro-Québec devront faire l'objet d'un remaniement important afin de concilier le prix de vente de l'électricité avec les nouvelles politiques du gouvernement. Aujourd'hui, les tarifs de vente de l'Hydro-Québec accordent une prime aux gros consommateurs d'énergie au Québec en leur fournissant de l'électricité à un meilleur prix. La CSN condamne cette attitude de l'Hy-dro. Il ne s'agit pas de renverser la situation, mais de définir un ensemble de nouveaux critères qui permettraient de rationaliser la distribution et le financement de l'énergie électrique plus adéquatement. De tels critères, en ce qui concerne les gros consommateurs industriels de l'énergie, seraient fondamentalement axés sur le type de productions et d'emplois que de telles industries contractent au Québec.

L'avenir de l'électricité au Québec dépend essentiellement du prix de vente de cette énergie pour l'ensemble de la population utilisatrice: consommation domestique, commerciale, industrielle, et également du rôle que ce secteur sera appelé à jouer dans les activités économiques de la province pour diminuer le drainage continu de nos moyens financiers vers l'extérieur. Actuellement, le Québec consomme seulement 20% de ses besoins énergétiques sous forme d'électricité. Cette part est demeurée stable à travers les années. Une étude — il sernble, d'après ce que l'Hydro-Québec a présenté ici hier, que c'est amorcé — devrait être entreprise afin d'examiner les possibilités de substitution des autres formes d'énergie utilisées au Québec par l'électricité et les bénéfices annuels d'une telle conversion à long terme sur notre économie. En attendant, le gouvernement devra réglementer étroitement les ventes d'énergie de l'Hydro-Québec aux Etats-Unis, notamment en interdisant la vente d'électricité par contrat d'approvisionnement à long terme.

Il existe au Québec un courant d'idées à très courte vue. Selon les tenants de ces idées, la vente de l'électricité aux Etats-Unis contribuerait à réduire le déficit provoqué par les autres achats énergétiques contractés à l'extérieur. C'est la solution facile. En effet, ce courant d'idées ignore que la vente d'électricité aux Etats-Unis exportera des emplois du Québec vers l'étranger. En passant, il faut mentionner que l'expansion de l'Hydro-Québec au cours des quinze dernières années s'est manifestée dans la production d'énergie électrique. Il est temps que la vocation de ces entreprises d'Etat soit élargie dans des champs de la recherche appliquée sur les usages domestiques, commerciaux et industriels de l'électricité, et sa conservation.

Nationalisation des centrales hydrauliques de l'Alcan. Beaucoup d'efforts ont été consacrés à faire de l'électricité un instrument important dans l'avenir du Québec, mais on a laissé l'Alcan bénéficier de privilèges que l'on ne retrouve nulle part ailleurs, ni dans le secteur industriel, ni au niveau du contribuable. En effet, les centrales hydrauliques de cette compagnie sont demeurées sa propriété directe et ont échappé au mouvement de nationalisation. Aujourd'hui, l'Alcan jouit d'une situation réellement privilégiée en Amérique du Nord et évidemment au Québec. Elle profite d'une rente injuste tirée de la poche des Québécois et des autres entreprises industrielles, petites ou grosses, consommatrices d'énergie électrique. C'est une rente de situation que la CSN ne peut tolérer, d'autant plus qu'elle ne se justifie d'aucune façon. En effet, l'opération qui consiste à faire payer par les Québécois tous ensemble un prix plus élevé pour leur énergie électrique nous vient d'une autre époque, une époque où l'industrie de l'aluminium passait souvent par des périodes de surcapacité et où ne manquaient pas les prétextes pour que l'Alcan maintienne ses privilèges. On sait qu'à cette époque le prix de l'aluminium demeurait relativement stable et n'était soumis qu'à des pressions à la baisse. On sait aussi qu'à cette époque l'Alcan entreprenait une expansion importante à travers le monde, en Australie, en Amérique du Sud, en Europe et aux Etats-Unis. Aujourd'hui, le prix de la livre d'aluminium est de $0.48. Dans les mois qui viennent, on s'attend à une nouvelle hausse qui portera le prix de la livre d'aluminium à près de $0.55. En 1972, le prix de la livre d'aluminium était de $0.32.

L'utilisation accrue de l'aluminium au Canada et ailleurs dans le monde a modifié totalement la situation. Cette croissance de la consommation, ajoutée à l'épuisement, en 1974, des stocks accumulés en temps de surcapacité, place l'industrie de l'aluminium dans une conjoncture où il y a effectivement rareté du métal, sans parler du récent lock-out décrété par l'Alcan contre ses travailleurs du Saguenay et de ses manoeuvres pour le moins douteuses à Shawinigan.

L'importance de l'énergie électrique pour l'industrie de l'aluminium. La production d'une tonne d'aluminium au moyen des procédés habituels de l'électrolyse requiert 16 000 kilowatts-heures d'énergie électrique.

Aussi, le principal facteur de localisation de l'industrie de l'aluminium a été, de tout temps, la disponibilité de grande quantité d'énergie électrique propre au développement de l'industrie. Comme le Québec recèle d'immenses possibilités dans ce domaine, il n'est donc pas étonnant qu'il se soit spécialisé industriellement dans ce secteur d'activité économique, d'autant plus que le coût de production de l'énergie électrique se compare très avantageusement avec les coûts de production établis ailleurs en Amérique du Nord et en Europe.

Pour l'Alcan, l'histoire de son expansion dans la production d'aluminium s'accompagne d'une expansion parallèle dans le secteur de l'énergie électrique. Actuellement, selon les données établies par Statistique Canada, la puissance totale installée au Québec par l'Alcan est de 2 350 000 kilowatts.

La centrale l'Isle-Maligne est la plus vieille du groupe, avec une puissance installée de 337 000

kilowatts. Construite au début des années vingt, aujourd'hui elle est totalement amortie et ses coûts de production se limitent à son entretien à sa surveillance.

Chute-à-Caron possède une puissance installée de 180 000 kilowatts. Elle a été construite vers la fin des années vingt, au commencement des années trente. Dans quelques années, cette centrale sera elle aussi totalement amortie et ses coûts de production se limiteront à son entretien et à sa surveillance.

La centrale hydraulique de Shipshaw a été construite pendant la deuxième guerre mondiale. On peut déjà imaginer de quelle sorte d'assistance financière considérable elle a profité dans l'effort de guerre des gouvernements canadien et américain. Puissance installée, 717 000 kilowatts.

L'expansion de l'Alcan dans le secteur énergétique a repris au cours des années cinquante-soixante avec la construction des centrales de Chute du Diable et de Chute-à-la-Savane au début de la décade, avec une puissance installée de 187 250 kilowatts respectivement. Chute-des-Passes, avec une puissance installée de 742 500 kilowatts devait être construite au cours de la deuxième partie de la décade.

Une comparaison établie à partir des données de 1973 entre la puissance hydraulique installée de l'Alcan par rapport aux autres producteurs d'énergie électrique du Québec permet de qualifier nettement l'importance du réseau électrique de la compagnie en propre.

Selon ces données, l'Alcan possède un réseau hydraulique équivalant à 22,4% du réseau hydraulique du secteur public du Québec. M. le Président, je vous avoue que quand on a appris ce chiffre, ça nous a tous surpris.

On sait que le producteur d'énergie électrique du public du Québec est l'Hydro-Québec et que la puissance installée de cette commission a connu, au courant des années 1965/1973, une expansion importante. Malgré cette expansion, le réseau électrique Alcan représente près du quart de la puissance hydraulique installée du secteur public.

Parmi tous les producteurs du pouvoir hydraulique du secteur privé du Québec, la seule puissance hydraulique installée de l'Alcan représente 70,7% du total hydraulique. Les pouvoirs de l'Alcan, Manicouagan, Power Co, McLarren Québec Power Co, Price, Aujourd'hui filiale d'Abitibi Paper et d'Abitibi Paper Ltd. combinés ensemble représentent 93,8% de toutes les sources privées de pouvoir électrique hydraulique. Les autres sources de pouvoir électrique sont atomisées puisque 25 entreprises produisent les 6,2% qui restent.

A elle seule, l'industrie de l'aluminium accapare 80% de tout le pouvoir électrique privé de source hydraulique. En effet, en plus de la puissance installée de l'Alcan, il faut ajouter la centrale Manicouagan Power qui est une propriété partagée entre les compagnies Reynolds Metals et Quebec North Shore à Baie-Comeau. Toutefois, les ressources électriques de la Manicouagan Power Co. ne suffisent pas aux besoins de la Reynolds qui s'approvisionne également auprès de l'Hydro-Québec.

Il en coûtera $18,6 millions à l'Alcan pour produire l'année prochaine 13,7 milliards de kilowatts-heure, soit $0.136 cents le kilowattheure. C'est, et de loin, un prix d'énergie à bon marché inégalé en Amérique du Nord. Les coûts d'une centrale électrique se décomposent de la façon suivante: droits et redevances, coûts de la construction, coûts du financement, coûts d'entretien et de la surveillance.

Les centrales hydrauliques de l'Alcan sont situées sur deux rivières: le Saguenay et le Péri-bonka. Isle-Maligne, Chute-à-Caron et Shipshaw constituent le point de départ de la production électrique de l'Alcan dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ces trois centrales hydrauliques sont situées sur la rivière Saguenay dont les droits d'eau sont la propriété de la compagnie.

Kemal Wassef me souligne qu'au niveau des redevances, d'après les chiffres qui ont été soumis tantôt, il y a peut-être une différence de quelques millions avec ce qu'on a obtenu, parce que pour essayer d'analyser ce qui se passe dans une compagnie, on l'a vu un peu tantôt, c'est assez difficile, ça prend un travail de détective ou d'analyse d'interprétation.

M. Joron: Si vous vous étiez adressé au gouvernement, on vous les aurait fournis, parce qu'on sait ce qu'ils nous payent, ce sont des chiffres publics.

M. L'Heureux: Je suis d'accord.

L'histoire de la main-mise par l'Alcan sur le Saguenay ne manque pas de saveur. Il suffit de rappeler que des spéculateurs en firent l'achat du gouvernement du début du siècle pour un montant total n'excédant pas $40 000. En 1913, James Duke, un industriel américain rachètera ces concessions. Il lui en coûtera, dit-on, $1 million.

Duke avait conçu le projet d'aménager une centrale hydroélectrique et fonda, avec William Price, un industriel dans la région, la Duke-Price Company. En 1924, la construction de la centrale hydroélectrique d'Isle-Maligne est commencée. Duke projetait également de construire une aluminerie. Toutefois, l'Alcoa, maison mère de l'Alcan à cette époque, achètera l'ensemble des concessions possédées par celui-ci sur la rivière Saguenay, à l'exception de la centrale d'Isle-Maligne, au prix modique de $17 millions payés sous forme d'actions de l'Alcoa. De plus, après la mort de Duke et la faillite de Price, en 1926/27, l'Alcan prendra le contrôle de la Duke-Price Company qui changera de nom pour s'appeler la Saguenay Power Co.

De la Saguenay, l'Alcan tire près de la moitié de sa production totale d'électricité. Cette électricité n'est même pas soumise aux droits et redevances habituels qui frappent l'utilisation de l'eau pour produire de l'énergie électrique.

Le développement hydroélectrique de l'Alcan devait se poursuivre dans les années 1950-1960. A ce moment, elle allait obtenir du gouvernement une loi autorisant et facilitant l'aménagement hydroélectrique de la Péribonka.

Aujourd'hui, l'Alcan paie des droits d'eau et

des redevances de l'ordre de $1,2 million — peut-être trois — pour produire près de 6,77 milliards de kWh annuellement sur la Péribonka.

Ce montant représente à peine $0.0002 du kWh produit par les centrales hydrauliques harnachant cette rivière. Si on ajoutait la production des centrales harnachant la Saguenay, le prix des droits et redevances par unité de kWh produit par toutes les installations hydroélectriques de l'Alcan au Québec tomberait à $0.0001.

Les experts de l'Hydro-Québec s'accordent, en général, pour dire que l'investissement nécessaire pour la production d'un kilowatt est passé d'un niveau relativement stable de $200, avant 1950, à $250 à $300 entre les années 1950-1960. Aujourd'hui, il en coûterait $1200 pour la production d'un kilowatt.

Au point de départ, de telles estimations nous ont permis d'établir l'ordre de grandeur des investissements requis pour la construction et l'équipement du système hydroélectrique de l'Alcan au Québec. Une première étude avait été réalisée à partir des hypothèses formulées plus haut. Toutefois, depuis ce temps, la CSN a entrepris de nombreuses recherches pour établir plus précisément les investissements réalisés par l'Alcan à ce chapitre. Comme les coûts de construction d'une centrale hydraulique et son financement représentent près de 95% du coût total de fonctionnement du système, il est clair que la précision dans ce domaine est essentielle.

Les recherches entreprises à partir de coupures de journaux, de documents historiques et des textes officiels de la société ont permis d'établir de façon précise que l'Alcan a investi dans son propre groupe hydroélectrique le montant total de $345,4 millions.

Ainsi, un prospectus de la Saguenay Power Co., en 1935, nous a permis d'isoler le prix de la centrale d'Isle-Maligne, en réseau électrique étendu et ses droits d'eau. A cette époque, les actifs immobilisés par la Saguenay Power Co. se montaient à $57,4 millions. Selon les méthodes comptables reconnues par la Federal Power Commission des Etats-Unis, aujourd'hui, cette installation est totalement amortie et ses frais se résument au coût d'entretien et de surveillance.

A l'origine, Chute-à-Caron et Shipshaw devaient être réalisés en même temps. De nombreuses études de rentabilité furent entreprises par l'Alcan. Un ingénieur de l'Aluminum Co. of America avait calculé à l'époque qu'il en coûterait $65 par CV en moyenne pour aménager les forces hydrauliques de la région et que le coût de revient s'élèverait à $5 par CV par année. A la même époque, l'aménagement hydroélectrique en Ecosse, en Allemagne et aux Etats-Unis exigeait un investissement de l'ordre de $110 à $220 par CV et le coût de revient variait entre $10 et $16 par CV par année.

La centrale hydroélectrique de Chute-à-Caron fut construite au début des années trente au prix de $19,5 millions. Toutefois, la deuxième étape du projet devait être retardée jusqu'en 1940. La dépression économique au cours de ces années a été invoquée pour expliquer le retard. Ce retard devait permettre à l'Alcan de réaliser une affaire en or pendant la guerre. En effet, la centrale de Shipshaw fut construite en un temps record de deux ans, au prix de $62,5 millions et à coups de subventions justifiées par l'effort de guerre.

Sans verser dans la prose, il s'agit de retenir que même des prisonniers de guerre furent utilisés pour mener à terme les travaux. L'aide financière fut, elle, considérable. Le Royaume-Uni avança à l'Alcan $55,6 millions à un taux d'intérêt de 3%. Les Etats-Unis d'Amérique contractèrent un contrat d'approvisionnement d'aluminium important et financèrent les investissements requis pour l'expansion des usines d'Arvida et Shipshaw sous forme de prêt sans intérêt, l'avance remboursable sur livraison. Le gouvernement du Canada consentit une autre forme de subvention, soit l'amortissement accéléré, afin de réduire les profits réalisés à cette époque.

Malgré les aides directes et indirectes qui ont contribué à faire de la centrale hydroélectrique de Shipshaw la centrale la moins chère du groupe hydroélectrique Alcan, nous avons établi le coût en capital et intérêt de Shipshaw, conformément aux méthodes comptables empruntées par les autres centrales.

Les centrales de Chute-du-Diable et Chute-à-Savane furent construites à un prix unitaire de $28 millions. Selon les rapports financiers de l'Alcan à cette époque, ce montant tient compte de l'extension nécessaire au réseau électrique. Il en est de -même de Chute-des-Passes qui fut aménagée à la fin de 1957 au prix de $150 millions.

Coût du financement. Pour cette année, nous avons utilisé la moyenne du taux de rendement des obligations industrielles établies aux Etats-Unis selon le Moody's. L'utilisation du taux de rendement des obligations industrielles plutôt que celui des obligations des services publics a pour conséquence d'accroître de façon significative le coût du financement. Les moyennes qui apparaissent pour chaque centrale au tableau 6 sont les moyennes des trois années précédant le début de la production électrique des centrales. Au total, le coût estimé du financement de toutes les centrales hydrauliques de l'Alcan est de 3,82% par année. Ce coût, comme celui du coût de la construction, ne peut que régresser dans l'avenir, dans la mesure où la société amortit totalement le coût de capital.

Mentionnons, au passage, qu'une telle donnée est purement théorique, puisque l'Alcan possède de nombreux moyens pour entreprendre ses investissements à meilleur marché. Il est bien connu que l'Alcan a recours à des émissions d'actions privilégiées et communes dont les risques sont assumés par les acquéreurs. D'autre part, l'Alcan possède les ressources nécessaires pour financer en propre une partie de ces investissements.

En capital et intérêts, il en coûtera à l'Alcan $10,74 millions, l'année prochaine.

Coût de la main-d'oeuvre. Le coût annuel de la main-d'oeuvre, 380 travailleurs et cadres, requise à l'entretien et la surveillance des centrales de l'Alcan au Québec, selon la convention collec-

tive renouvelée par ce groupe, se monte à $6,7 millions.

La rente de situation de l'Alcan. En ajoutant au coût annuel en capital et en intérêts le coût annuel de la main-d'oeuvre, des droits et redevances, le coût de production annuel des centrales hydrauliques de l'Alcan s'établit à $18,6 millions.

Comme la production électrique de l'Alcan s'établit à 13,7 milliards de kilowatts-heures par année, qu'elle en vend à l'Hydro-Québec une partie excédant sa consommation en propre et évaluée à 1 milliard de kilowatts-heures pour le montant de $3 millions, le coût net d'un kilowatt-heure fabriqué par l'Alcan pour sa consommation en propre s'établit à $0.00123.

A ce prix, l'Alcan jouit d'une rente enviable vis-à-vis des autres gros consommateurs d'énergie au Québec, vis-à-vis de la concurrence étrangère dans l'industrie de l'aluminium. C'est une rente que seuls des Québécois mal informés, ou particulièrement intéressés, ont consentie à cette société qui a exporté continuellement ses profits québécois pour les investir à l'étranger.

En demeurant propriétaire de ses centrales électriques, l'Alcan retire du Québec un avantage renouvelable chaque année de l'ordre de $75 millions. En effet, si on compare le prix d'achat moyen d'un kilowatt-heure de toutes les industries québécoises grosses consommatrices d'énergie électrique au prix net d'un kilowatt-heure de l'Alcan pour sa consommation en propre, le résultat indique que la société économise directement $0.00588 le kilowatt-heure, ce qui représente pour une consommation de l'ordre de 12,7 milliards de kilowatts-heures le montant total de $75 millions.

Par rapport à toute l'industrie électrométallurgique qui jouit au Québec d'un prix nettement favorable pour sa consommation électrique, puisque celle-ci se situe en moyenne à $0.00543 le kilowatt-heure, l'Alcan conserve une rente de situation de l'ordre de $53,9 millions.

En considérant seulement le cas de la Reynolds Metals Aluminum Company de Baie-Comeau, qui a acheté en 1975 pour 892 millions de kilowatts-heures à l'Hydro-Québec au prix de $0.00509, l'Alcan garde un avantage comparé de l'ordre de $49 millions.

Je dois peut-être souligner que la compagnie Reynolds Aluminum paie ses travailleurs de Baie-Comeau environ $1 l'heure de plus que ceux de la région du Saguenay et de Shawinigan.

Il est à noter que la rente de situation de l'Alcan a été évaluée en comparant le coût actuel net de kilowatt-heure produit par la société au prix d'un kilowatt-heure vendu en 1975 par l'Hydro-Québec à l'industrie québécoise grosse consommatrice d'énergie. Comme le prix de l'énergie vendue par l'Hydro a été augmenté au 1er janvier 1976 et au 1er janvier 1977, la rente de situation de l'Alcan s'est encore accrue.

Par rapport aux Etats-Unis où le prix de l'énergie utilisée par les gros consommateurs industriels est, selon la région, de deux à sept fois le prix moyen de vente de l'électricité au Québec, on peut imaginer facilement la rente de situation que retire l'Alcan au niveau international de ses opérations.

Même par rapport au prix de vente de la Bon-neville Power Administration de Portland, qui alimente 35% de la production d'aluminium des Etats-Unis et qui se situe présentement à $0.00350 le kilowatt-heure, l'Alcan conserve un avantage marqué de l'ordre de près de $29 millions.

Les contrats à long terme qui lient les producteurs d'aluminium du nord-ouest des Etats-Unis avec la Bonneville Power viennent à échéance entre 1984 et 1988. On s'attend donc que le prix de vente de l'énergie électrique, même dans cette région, grimpe de façon très importante pour refléter le véritable prix du marché de l'électricité aux Etats-Unis.

Conclusion. Il est temps pour le Québec de se doter d'une politique énergétique qui tienne compte de notre développement économique futur. Une telle politique devra équilibrer notre consommation d'énergie, les moyens financiers qui nous sont nécessaires en fonction des réalités économiques contemporaines. La CSN propose la nationalisation des centrales hydrauliques de l'Alcan à leur valeur réelle. En effet, la CSN estime que l'accroissement des droits et redevances frappant l'Alcan ne règlerait qu'une partie du problème. En effet, le Québec a déjà cédé ses droits sur le Saguenay. La CSN renouvelle sa demande portant sur la rétroactivité de la nationalisation au 1er juin 1976, afin que le produit des ventes d'énergie réalisé par l'Alcan au cours de la période juin-décembre 1976, soit versé à un fonds d'indemnisation des travailleurs frappés par les lockout et grèves au prorata des jours perdus et jusqu'à concurrence des revenus tirés de leur emploi.

La CSN demande que le prix de l'énergie électrique vendue au Québec tienne compte des désavantages qui frappent les consommateurs québécois au chapitre des autres formes d'énergie et qu'une nouvelle tarification de l'électricité soit étudiée afin de concilier le taux de l'électricité vendue par l'Hydro à la nouvelle politique du gouvernement.

La CSN se prononce contre l'exportation, par contrat à long terme, de l'énergie électrique à l'extérieur du Québec.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Joron: M. L'Heureux, je voudrais vous donner, avant de vous poser quelques questions, mes impressions générales sur votre mémoire. Dans un sens, je trouve qu'il y a une bien petite partie qui porte véritablement sur le sujet qui occupe cette commission, qui est la politique énergétique du Québec. Vous parlez des ventes aux Etats-Unis dans un bref paragraphe, au début, et vous le mentionnez à nouveau à la.fin, c'est tout. L'essentiel du mémoire porte sur l'Alcan, bien sûr, via sa production d'électricité. L'argumentation que vous apportez pour la nationalisation des installations hydroélectriques de l'Alcan, n'est pas fondée sur la qualité de l'utilisation que l'on fait de

cette énergie, ce qu'on pourrait faire avec ailleurs. Elle est uniquement fondée sur une argumentation qui tourne autour des prix et des bénéfices. En somme, on a l'impression, en tout cas, c'est l'impression qui se dégage de votre mémoire, que ce contre quoi vous en avez dans un certain sens, c'est uniquement les profits que l'Alcan réalise. Cela me semble être à peu près cela, mais en tout cas, je reviendrai sur ce point. Je vais prendre le premier d'abord, sur la politique d'exportation.

Vous avez raison de dire qu'une politique d'exportation à long terme d'énergie n'est pas souhaitable pour le Québec; on est bien conscient de cela, on l'a déjà dit, on ne veut pas s'embarquer là-dedans, sauf que je ne sais pas exactement à quoi vous faites allusion. Si vous faites allusion au contrat qui existe à l'heure actuelle, qui va marcher pendant cinq ans environ, avec le Power Authority of the State of New York, pour la fourniture d'électricité de l'ordre de 800 mégawatts, ou quelque chose comme cela, il faut bien se rendre compte — je tiens à préciser ceci— que ce contrat couvre de la fourniture d'électricité dans les mois — je ne sais pas les dates exactes — de juin, juillet, août, septembre, en gros, dans la période où on a un surplus considérable d'électricité. On ne vend pas l'électricité à l'Etat de New York pendant le mois de décembre où on en a considérablement besoin. Cela fait partie d'un premier contrat. J'aimerais en voir d'autres qui prévoiraient des échanges d'électricité.

Je pense que ce n'est pas exact. Vous ne pouvez pas dire que des contrats de ce type, ce sont les seuls du genre que nous avons à l'heure actuelle, avec les Etats-Unis, qui constituent une exportation d'emploi vers l'extérieur, parce que si on ne la vendait pas dans ces mois, cette électricité — j'allais être grossier, j'allais dire: on n'aurait que faire sinon se la mettre à quelque part — de toute façon, à ce moment, la demande sur la capacité du réseau n'est même pas de 50%. Alors, ou bien, on laisse couler l'eau, on n'en tire pas un cent, ou bien, on la vend à New York qui en a besoin, parce que sa pointe est pendant l'été.

Je ne vois pas sous quel biais on peut attaquer ce principe. Ou bien de laisser couler l'eau dans la rivière, ou bien d'en retirer un bénéfice, parce que cela s'adonne qu'à ce moment, eux en ont besoin et nous, on en a trop. On n'en aurait que faire, de toute façon.

Si notre demande était très égalisée et si on en avait besoin à tout moment, ou si vous me disiez qu'il y aurait des utilisateurs industriels au Québec qui pourraient prendre, pendant l'été, toute cette charge-là, ce serait une tout autre paire de manches. Ce serait vrai que continuer de vendre à l'étranger constituerait une exportation d'emplois ou ainsi de suite. Mais les contrats qui lient l'Hydro-Québec, à l'heure actuelle, à l'étranger, en tout cas, moi, vous pourrez expliciter davantage sur le sujet, je ne vois pas comment ils constituent une exportation. Je suis bien d'accord avec vous qu'il faut s'abstenir d'en vendre aux mois de décembre, janvier, février, mars et ainsi de suite. Mais ce qu'on vise à faire avec l'Etat de New York, et j'espère qu'on va pouvoir y arriver, c'est de vendre à ces gens ce qu'on ne peut pas utiliser pendant l'été, alors qu'eux ont leur pointe; en échange, qu'eux nous en retournent pendant notre pointe à nous, qui est leur creux à eux, parce qu'eux, c'est plus des problèmes de climatisation que de chauffage. Donc, c'est l'été qu'ils ont leur pointe et, en décembre, il y aurait des surplus, décembre et janvier.

A l'heure où nous, on a de grands surplus, pour nous éviter d'avoir à construire des installations seulement pour répondre à cette pointe, qui dure finalement une courte période de l'année, il serait fort avantageux de ne pas avoir à faire des investissements colossaux pour produire de la puissance qui ne sert finalement que pour deux ou trois mois et pouvoir retrouver en hiver ce qu'on aurait vendu en été à l'Etat de New York. En tout cas, c'est comme ça que je vois le problème.

Maintenant, par rapport à l'Alcan, comme je vous le disais, j'ai l'impression que vous n'avez pas basé votre argumentation pour soutenir la nationalisation des barrages hydro-électriques à partir d'une politique de fond. Vous nous avez mis là-dedans des tas de chiffres dont, d'ailleurs, je m'excuse, plusieurs sont erronés. Je vais en souligner un, fondamental, et qui est au départ même de toute votre argumentation.

Le fondement du départ aussi et la description historique que vous faites de l'Alcan visent à placer le débat dans la situation suivante: Voici une compagnie qui faisait bien pitié il y a 30 ans, à une époque où il y avait des surcapacités d'aluminium dans le monde, ainsi de suite, et où la tendance des prix de l'aluminium était à la baisse; donc, on pouvait concevoir, à cette époque, qu'on soit plus large vis-à-vis... Mais, à une époque aujourd'hui où vous dites qu'il y a une rareté du métal et où les prix sont à la hausse, ces privilèges ne seraient plus explicables.

Je vous ferai remarquer que la situation globale de l'Alcan, contrairement à ce que laisse croire votre rapport, est loin de s'être améliorée depuis 20 ans, et ce n'est pas exact de dire qu'on est dans une situation de rareté de ce métal à l'heure actuelle. La rentabilité de l'Alcan, aujourd'hui, par rapport à ce qu'elle était il y a 20 ou 30 ans, s'est considérablement détériorée, et la meilleure preuve de ça, le meilleur reflet de ça, ce sont les marchés financiers eux-mêmes. On n'a pas besoin de s'embarquer dans des analyses extrêmement compliquées et de faire appel à une multitude de chiffres. Vous n'avez qu'à faire appel à ce qu'en pensent le public et les investisseurs, ceux qui achètent ou vendent des actions de l'Alcan, et voir les cotations en bourse sur le marché de l'Alcan.

Moi, je me souviens, il y a 20 ans, la première "job" d'été que j'ai eue, c'est exactement il y a 20 ans; j'écrivais les cotations sur un tableau chez un courtier. Je me souviens qu'en 1957, les actions de l'Alcan se vendaient $55 l'action. Elles se vendent $27 aujourd'hui. La moitié moins, depuis 20 ans. On ne peut pas dire que la situation de la compagnie s'est tellement améliorée. Son taux de rendement, sur l'avoir des actionnaires, a fléchi considérablement. Il était bien au-delà de 10% à

cette époque. Il est rendu à 6,9% depuis les cinq dernières années.

Je pense que le départ trace un portrait qui n'est pas conforme du tout avec l'historique des choses qui se sont passées. Bon! Maintenant, il y a un chiffre capital, parmi beaucoup trop de chiffres peut-être ou d'interprétations de chiffres dans votre rapport, quant à moi. C'est le suivant, qu'on lit à la page 12, où vous dites: Et si on ajoutait la production des centrales "harnachant" la Saguenay, le prix des droits et redevances, par unité de kilowatt-heure produit par toutes les installations hydroélectriques de l'Alcan, tomberait à un mill; c'est ça? A 0.0001, exactement un mill par kilowatt-heure. Or, les redevances que paie l'Alcan, et qui sont déjà, comme je n'ai pas hésité à les identifier, insignifiantes, par rapport aux prix d'aujourd'hui, si elles n'ont pas été changées depuis 1946, cela ne restera pas ainsi, c'est évident.

C'est ce que je vous disais tout à l'heure. Si vous nous l'aviez demandé, on aurait pu vous fournir ces chiffres et peut-être que le rapport aurait été tout autrement.

Elle paie deux choses. D'abord, elle paie des redevances sur les installations même où elle est propriétaire des sites. Il y a deux choses. Il y a un loyer et redevance payables sur les sites loués. Ce loyer et cette redevance, elle ne les paie pas, évidemment, là où elle est propriétaire du fonds. C'est une chose.

Ensuite, il y a une taxe sur l'énergie produite qui est autre chose, soit .015 le kilowatt-heure. L'année dernière ou peut-être était-ce en 1974 ou 1975 — enfin, peu importe puisque la consommation d'électricité n'a pas tellement varié dans le temps et les redevances non plus — les redevances et loyers que payait l'Alcan étaient de $1 866 272. C'est une chose. Ensuite, la taxe de .015 par kilowatt-heure produisait un montant brut de $2 628 853, pour un total brut de $4 495 125, soit exactement 26 mills par kilowatt-heure. C'est 26 fois votre chiffre. Comment peut-on arriver à des écarts semblables? Quand on parle d'une différence de 1 à 26, ouf! Cela met sérieusement en doute la crédibilité d'un paquet d'autres chiffres qu'on retrouve dans votre mémoire.

Je regrette, mais je suis obligé de vous le dire. Ce sont les chiffres exacts. C'est cela qu'elle a payé pour les dernières années. Ecoutez, je ne sais plus par quel bout prendre votre proposition sur l'Alcan. J'attendrai vos commentaires après, mais peut-être qu'il vous serait plus facile, dans un premier temps, de répondre à la question que je vous posais d'abord, la première, sur les exportations aux Etats-Unis.

M. L'Heureux: Je trouve étrange que le ministre estime, lorsqu'on parle avec insistance du fait... Moi, comme citoyen québécois, j'ai toujours cru, comme la majorité des Québécois, qu'en 1962 on avait nationalisé toutes les centrales hydrauliques au Québec. Je regrette, M. le Président. C'est une impression que j'avais et je pense que la majorité des Québécois ne le sait pas. Il n'est pas indifférent, à ce moment, d'apprendre que 25% de l'une de nos sources d'énergie les plus importantes, surtout avec tous les problèmes que pose justement la question que vous analysez ici...

Il n'est pas indifférent, ni inopportun de rappeler ce fait; étant donné l'importance de cette source d'énergie — c'est le sujet de l'étude de la commission — il est important que soit rapatrié, dans les plus brefs délais, l'ensemble des centrales électriques et que l'Hydro-Québec développe au maximum les ressources hydrauliques au Québec.

A moins qu'on ne discute de l'an 2000... J'aime bien les discussions sur l'an 2000, mais j'aime bien qu'on parle concrètement aussi de ce qui va se faire dans les années qui viennent par rapport à ce qu'on a pu vivre depuis des dizaines d'années.

Il n'est pas indifférent, quant à nos chiffres... Tantôt, quand même, quand l'autre groupe était là, le problème qu'on avait, c'était une pénurie de chiffres. Qu'on conteste— et c'est ce que j'espère bien — les chiffres qui sont ici, il est sûr qu'avec les moyens qu'on a... Mais, dans l'ensemble, je suis convaincu qu'on va pouvoir démontrer — je ne sais pas dans quelle mesure; nous, on prétend que c'est de l'ordre de $75 millions — que l'Alcan bénéficie, annuellement, d'un privilège de cet ordre. Son concurrent — on pourra faire les calculs aussi. Je ne sais pas si vos spécialistes ou vos assistants les ont analysés — Reynolds Aluminium, qui doit acheter son électricité à un prix supérieur de l'Hydro-Québec, est dans une position, d'un point de vue de stricte concurrence, défavorable par rapport à celle privilégiée de l'Alcan.

Au surplus, je vous rappelle, parce qu'on a dit cela tantôt, que cette usine qui a été fermée par la compagnie cet été dans le Saguenay paie, malgré tous ses privilèges, des salaires inférieurs aux travailleurs du Saguenay par rapport à ceux de Baie Comeau. On nous parle aussi des problèmes de transport, ceux-là qui peuvent être irritables, mais Baie Comeau et le Saguenay, je ne sais pas quel problème Reynolds a aussi de ce point de vue-là.

Quant à l'exportation à long terme...

M. Wassef (Kemal): Je voudrais soulever tout de suite la question des 26 mill. J'ai fait un petit calcul ici et cela ne modifie pas, en multipliant cela par 100, le résultat. Tout ce que cela fait, c'est que cela le multiplie par trois. C'est cela. C'est $4 millions. Ils produisent 13 700 000 000 de kilowatts par année. C'est à peu près la production annuelle et vous venez de me dire que les redevances qu'ils paient sont de $4 495 000. Cela donne...

M. Joron: Je m'excuse, il faut dire que les taxes payées aux commissions scolaires régionales sont déductibles de cela et qu'elles représentent environ $600 000. Le montant net qu'ils paient, il faut en soustraire les taxes; cela représente donc $3 800 000 à peu près.

M. Wassef: Alors, cela a pour objet tout simplement de multiplier par trois le chiffre que vous voyez à la sixième ligne. Simplement, au lieu d'être un dixième de mill, c'est trois dixièmes de mill.

M. Joron: Ce n'est pas trois dixièmes de mill. C'est...

M. Wassef: Vous avez 13 milliards de kilowatts produits et vous avez $4 495 000 ou $3 millions.

M. Joron: Ecoutez, peut-être qu'il serait utile de tirer cela au clair, pour ne pas discuter inutilement, pour qu'on sache bien de quoi on parle. Ce que je lisais en page 12 c'est que le prix des droits et redevances par unité de kilowatt-heure produit par toutes les installations hydroélectriques de l'Alcan tomberait à 0.0001. C'est cela?

M. Wassef: Oui, c'est cela.

M. Joron: Alors que ce qu'ils ont payé ici c'est 0.26.

M. Wassef: Oui, mais c'est 0.26 mill. Alors, cela veut dire simplement ce que je viens de vous dire. C'est 0.3. Je vous ai donné 3, parce que j'ai fait un calcul rapide.

M. Joron: Je m'excuse, je ne vous suis pas.

M. Wassef: C'est parce qu'on parle de mill et c'est exactement les mêmes données sauf que vous ajoutez simplement... Cela ne se lit plus .001, mais .003.

M. Joron: ... le zéro, d'accord. Il y a une différence de un à trois là-dedans. Je le vois là.

M. Wassef: Mais on parle de dixième de cent. M. Joron: Oui.

M. L'heureux: Mais, M. le Président, prenez le discours qu'a tenu le ministre sur les chiffres et la crédibilité de ce mémoire. J'estimerais important que le ministre, avec les spécialistes de l'Hydro-Québec et du ministère, et cela dans un bref délai — j'estime que c'est important qu'on soit appelé à s'expliquer avec ces gens-là — fasse venir aussi les chiffres qu'il a vainement tenté d'obtenir tantôt de l'Alcan, qu'il obtienne les chiffres de l'Alcan, et à partir de ceux de la CSN aussi, qu'on révise et qu'on publie, à brève échéance, le résultat de cette analyse.

M. Joron: J'espère bien que toute l'information... mais que tout le monde ait la même information. C'est cela qui est le point de départ. Souvent, on se fait charrier d'un bord et de l'autre parce que tout le monde ne joue pas avec les mêmes chiffres et les interprète d'une autre façon. C'est cela que je soulignais. Le danger dans un mémoire comme le vôtre, c'est que justement quand il y en a trop, plus personne ne s'y retrouve. S'il y en a un qui est erronné, il met la crédibilité de tous les autres en doute et on ne s'y retrouve jamais. Mais le point que je voulais faire valoir là-dedans au départ, en signalant d'une part ce... Quand vous voulez estimer ce que cela leur coûte par année, je vous l'ai dit, c'est $4 495 125, moins les taxes scolaires. Mais de quoi est-ce qu'on discute là? C'est cela que j'aimerais savoir. Vous nous disiez tout à l'heure qu'en 1962 on a décidé de nationaliser l'électricité et ainsi de suite. Vous souhaitez la nationalisation des barrages hydroélectriques. Je ne vous reproche pas de souhaiter cela. Je pourrais même peut-être personnellement penser la même chose, mais ce n'est pas cela qui est en cause.

Ce que je voudrais que vous m'expliquiez, c'est pourquoi vous voulez cela. Combien pensez-vous que ça va coûter? Quels bénéfices on en retirerait, autres que de faire une argumentation exclusivement basée sur les supposés énormes profits de l'Alcan, qui ne se justifient pas non plus quand on regarde leur rendement sur leurs avoirs. Vous vous êtes enfermés vous-même dans une argumentation qui est liée à l'immense rentabilité ou aux profits excessifs de l'Alcan. Moi, je vous dis: Si vous embarquez l'argumentation sur cette ligne, je pense que vous n'irez pas loin, parce que la compagnie n'est pas immensément rentable. Et ce n'est pas avec cette argumentation que vous allez convaincre les membres de la commission et le public du bien-fondé de votre objectif.

C'est pour ça que je me demandais si vous voudriez, ça n'apparaît pas dans le mémoire, ajouter d'autres raisons autre que celle des bénéfices financiers ou de l'absence de bénéfices financiers que ça peut représenter pour la compagnie. On n'est pas pour faire une discussion comptable. Il y a bien d'autres moyens. Tout ce qu'il s'agit de faire, c'est de récupérer un profit excessif, c'est bien moins compliqué que d'aller acheter les barrages. On a juste à adopter une loi fiscale qu'on va demander au ministre du Revenu, et il va vous régler ça en un temps, deux mesures, trois coups de crayon. Ce ne sera pas long.

Alors, c'est ça que je veux savoir, quels objectifs on poursuit et pourquoi?

M. L'Heureux: Je vais demander à Kemal Wassef d'y répondre, peut-être qu'il va réussir à être plus clair que je ne le suis, sauf que je regrette, je n'accepte pas du tout l'évaluation très larmoyante que vous avez faite de la situation financière de l'Alcan. Peut-être parce que vous êtes boursier, c'est ça que vous connaissez un peu, que vous êtes allé à cette conclusion à cause de ça. Mais je pense qu'on pourrait démontrer, comme on l'a déjà fait, que l'Alcan est une opération très rentable.

M. Joron: Ecoutez, c'est peut-être bon de mettre les points sur les i, justement pour le bénéfice de tout le monde. Je ne suis pas là pour larmoyer sur Alcan non plus.

M. L'Heureux: C'est ce que vous avez fait.

M. Joron: C'est ce que j'ai fait et je pense que vous ne larmoyez pas à la bonne place. Vous sortez un élément dans le total des opérations d'une entreprise, qui est évidemment très avantageux

pour la compagnie, c'est clair, tout le monde le sait. On ne contestera pas ça, qu'ils ont l'électricité le meilleur marché du monde. Il n'y a pas un producteur d'aluminium au monde qui a ces avantages, tout le monde le sait, c'est entendu. Mais vous tirez un aspect des opérations de la compagnie pour le mettre en exergue, pour montrer que c'est scandaleux, mais une compagnie ne se défait pas morceau par morceau. C'est-à-dire que c'est l'ensemble des résultats finals d'une année qu'il faut considérer. Mais ce que je vous dis, ce que j'ai l'impression que vous refusez de considérer, c'est l'ensemble du résultat net des opérations d'Alcan. Et encore là, en continuant ça, on est encore tous les deux enfermés dans une discussion comptable, à savoir si elle a un bon taux de rendement ou pas assez, moyen, petit, etc.

Je ne suis pas convaincu qu'on doive poursuive dans cette ligne, mais en tout cas, pour tirer ça au clair. Vous dites que vous estimez à $75 millions l'avantage; ils ne font même pas ça de profit net par année. C'est donc qu'ils en perdent énormément ailleurs, conséquemment. Le résultat global, final de l'entreprise n'est pas si brillant que ça. Je ne le dis pas pour larmoyer, c'est quelque chose qui est connu publiquement. Comme c'est une compagnie publique, ils publient leurs états financiers. J'imagine que vous les avez vus et que vous les avez regardés, à moins que vous vouliez les mettre en doute, leurs rapports financiers, leurs rapports annuels. Cela, vous avez bien le droit de le faire, si vous voulez, ce serait peut-être intéressant de vous entendre là-dessus. Mais je ne pense pas que ce soit une façon d'aborder le problème quand vous fondez une argumentation sur la rentabilité d'une entreprise et que, pour prouver votre point, vous sortez, de toutes les opérations de la compagnie, la seule qui est véritablement très payante ou qui lui procure un avantage. Je trouve ça curieux.

M. Wassef: Je vais essayer de répondre à la question. Nous pensions, au fond, que vous aviez trouvé rapidement les avantages que l'on signale dans ce texte. Les Québécois sont pris avec un problème, celui de développer une forme d'énergie qui s'appelle l'électricité.

Nous avons, en ce moment, 14 millions de kilowatts installés qui sont le produit du secteur public du Québec. Nous avons 10 millions de kilowatts qui sont en train d'être développés quelque part dans le nord, qui ne coûtent pas les prix que cela a coûté dans le passé, et nous avons là des gens, une compagnie, une société, qui s'appelle l'Alcan, qui profite de $75 millions par année, tranquillement, pour ses propres fins, et les Québécois, ensemble, doivent mettre aujourd'hui le prix fort.

Si on veut garder au Québec un avantage comparé sur l'électricité, il faut qu'on fasse participer bien du monde à cette affaire.

M. Joron: Là, on est sur la bonne voie, ça va. Si vous embarquez dans ce type d'argumentation, on va se comprendre. Ce que vous dites, en somme, c'est qu'on va avoir besoin de plus de puissance électrique dans l'avenir. Il va donc falloir — puisque celle-là est privée, est accaparée uniquement pour la production de l'aluminium en circuit fermé par Alcan — quelque part ailleurs, installer X mégawatts de plus, alors qu'il y en a là, déjà installés, dont le coût de revient est très bon marché, par comparaison à ce que cela nous coûterait pour en installer l'équivalent, 2700 mégawatts ailleurs qui seraient à 10 ou 20 fois le prix. D'accord, cela est exact.

Donc, la discussion doit porter sur le type d'utilisation qu'on veut faire de notre énergie au Québec. La question fondamentale que vous posez, finalement, n'aurait pas dû être rattachée simplement aux barrages électriques. La question fondamentale que vous posez, c'est: Est-ce qu'il doit y avoir une industrie de l'aluminium au Québec? C'est la question que vous posez. C'est la question que j'aurais aimé que votre mémoire pose en clair, plutôt que par le biais de tous les censés avantages financiers, comme je le disais tout à l'heure.

Si c'est cela la question fondamentale que vous posez, je pense que c'est une excellente question, que vous avez raison de la poser. On n'a pas de préjugés quant à la réponse et j'aimerais cela vous entendre là-dessus.

M. Wassef: Je ne pense pas qu'on met en doute l'existence de l'industrie de l'aluminium quand on parle d'un prix de l'énergie qui demeure considérablement bas malgré tout. Tout ce que l'on fait, au moment où on se parle, on ne demande pas que le prix de l'énergie vendue à l'aluminium soit plus élevé que ce qui se passe en Amérique du Nord. On recommande même que le coût de l'énergie, pour compenser d'autres formes d'énergie que nous devons importer, demeure en bas de ce qui est payé en Amérique du Nord. On ne dit pas quel sera ce prix, je pense que vous êtes mieux équipé que nous autres pour sortir un prix. Tout ce que l'on fait, c'est simplement de dire: Là, il existe une rente de situation que les Québécois entendent aller chercher et l'utiliser pour les fins de développement futur de cette personne, pour baisser même le prix. C'est un cercle vicieux au fond.

Si on développe le prix de l'énergie tel qu'il est aujourd'hui, sans mettre à contribution certaines industries qui se trouvent très bien situées, on va payer plus cher pour cette énergie. En retour, les autres industries qui pourront être appelées à prendre leur place au Québec auront à affronter ce prix plus élevé pendant que d'autres industries, parce qu'elles sont plus vieilles, parce qu'elles ont profité de privilèges à un moment donné, elles, continueront de profiter de ce privilège, sans même être sûrs que nous garderons cette rente au Québec. Ce n'est pas sûr du tout.

Regardons l'histoire de l'Alcan au cours des quinze dernières années: deux usines, deux développements faits au Saguenay et qui concernent à peu près 175 travailleurs, de même que l'usine de Saint-Augustin qui implique à peu près $5 millions. Ce sont de petites choses. Mais disons que...

M. Joron: Ecoutez. Là-dessus, il n'y a pas seulement les usines nouvelles. Vous parlez des investissements de l'Alcan. Vous mentionniez tout à l'heure, et c'est une autre chose que je conteste fortement: Ils ont fait des profits au Québec pour aller les investir à l'étranger. J'ai l'impression que cette affirmation n'est absolument pas défendable parce que des investissements au Québec, ils en ont fait un joli paquet depuis qu'ils sont là, bien plus que ce qu'ils ont pu vendre d'aluminium au Québec. Les profits qu'ils font sur la vente d'aluminium dans tous les marchés mondiaux, une grande partie de cela est revenue, au contraire, au Québec et a été investie ici pour changer la machinerie et l'améliorer.

M. L'Heureux: M. le Président, je ne suis pas du tout d'accord avec le ministre, parce que, si on regarde même l'historique des investissements tels que produits par la compagnie de 1960 à 1971, il n'y a pas eu grand-chose dans les investissements.

On annonce un nouveau programme, un très gros programme maintenant, mais...

Le Président (M. Laplante): Une minute! Je vais être obligé de vous rappeler à l'ordre, à cause d'abord du temps qu'on a. Je ne voudrais pas que ce soit le procès de l'Alcan qui se fasse ici, c'est un procès énergétique qu'on a, d'un besoin énergétique, de conservation énergétique. Que cela se porte là-dessus. Ce sont surtout vos idées dont a besoin. Actuellement, je crois qu'on est complètement à l'encontre du règlement en essayant d'aller jusqu'à l'investissement de l'Alcan, ce qu'elle a fait avec les ouvriers. Je crois qu'il pourra y avoir d'autres occasions, où vous aurez à vous prononcer sur cela.

J'en profite aussi pour vous dire de vous adresser, surtout lorsque vous avez des remarques des fois assez dures vis-à-vis du ministre, au président, pour être conforme au règlement.

M. Joron: Je crois qu'il vaut mieux... M. le Président, si vous permettez, peut-être pour essayer d'en sortir, votre proposition, je comprends bien, en la situant à nouveau dans notre débat sur l'énergie — laissons tomber les profits et les investissements de l'Alcan et ces affaires pour le moment — vous dites de nationaliser les installations hydroélectriques, d'accord, l'Hydro-Québec devient propriétaire des barrages. Ensuite, l'Hydro vendra à nouveau l'électricité à l'Alcan à X prix qui serait visiblement beaucoup plus cher, sans qu'on puisse être en mesure de le déterminer, que le prix que vous estimez être le coût de revient de son électricité actuellement produite.

Vous dites, je ne le sais pas, j'ai perdu la page, que c'est équivalent à X mills par... Ce que je veux vous demander, c'est à quel prix vous pensez, par rapport au prix actuel de revient de l'électricité de l'Alcan qui est de... C'est de mémoire, parce que je ne me le rappelle plus, c'est aux environs de 1 mill que vous avez dit. Ne contestons pas le chiffre et prenons-le tel quel, environ 1 mill et une fraction... 1,3?

M. L'Heureux: 1,23

M. Joron: 1,23 et disons qu'on le revend 5 mills, quatre fois le prix, cela équivaut à combien de plus comme coût annuel pour l'Alcan, mettons 4 mills de plus sur le nombre de kilowatts qu'elle consomme? Y a-t-il quelqu'un qui est vite...

M. Wassef: Ce serait autour de $50 millions.

M. Joron: Cela fait une cinquantaine de millions de dollars, ce qui a pour effet, selon son dernier exercice financier, finalement, d'éliminer complètement ou à peu près le profit de la compagnie.

Dans cette optique — on revient à la question fondamentale — il est sûr que, financièrement, la compagnie ne serait pas en mesure de financer la reconstruction de toutes ces unités. Je pense que, à partir de là, à ces prix, il ne faut plus y penser, parce qu'elle a perdu le seul grand avantage concurrentiel par rapport aux autres producteurs d'aluminium dans le monde. Cinq mills, ce n'est même pas le tarif industriel normal, c'est un tarif bien en bas de cela. Déjà là, elle perd sa position concurrentielle et ses profits tombent à peu près à rien. Du moins, cela évolue évidemment selon le prix de l'aluminium, mais on n'est pas capable de le savoir à l'avance, ce qui veut dire que, d'aller emprunter ensuite, dans une compagnie qui n'a pas de rendement, sur l'avoir de ses actionnaires, d'aller essayer de chercher de nouveaux capitaux pour refaire les usines, il ne faut plus y penser.

Cela m'apparaît clair qu'il n'y aurait pas de programme de reconstruction, ce qui équivaut à dire — j'en reviens à la question que je posais — que les installations actuelles qui sont relativement vieilles — c'est parmi les plus vieilles, je pense, dans l'industrie de l'aluminium au monde — sont désuètes, d'une part, jusqu'à un certain point, sont relativement désuètes, sont hautement consommatrices d'énergie par rapport à des installations plus modernes, alors que, normalement, on assisterait à un "phasing out" des opérations et à la clôture éventuelle des opérations de la compagnie.

C'est cela que je pose comme problème. Je ne vous dis pas que cela est à être écarté du revers de la main, parce qu'on peut se dire: Ne devrait-on pas réserver notre électricité à d'autres fins industrielles que celles de refaire, si vous voulez, complètement une aluminerie? Parce que c'est de cela qu'il s'agit, le programme dont il parlait. C'est une question fondamentale. Je suis bien d'accord avec vous. Il ne faut pas se conter de peur. Le fait d'augmenter, dans les proportions qui apparaissent dans votre mémoire, le coût de l'électricité Alcan a pour effet de mettre un X dans le temps sur les opérations au Québec de la compagnie. Cela m'apparaît certain. Alors, comment voyez-vous cela? Je ne vous dis pas que cela ne peut pas être remplacé par d'autres types d'industries qui suppléeraient à l'emploi et qui, finalement, nous coûteraient énormément meilleur marché en énergie, et ainsi de suite. Ce sont des choses qu'on peut très librement débattre. On est ici pour entendre cela, justement.

M. L'heureux: M. le Président, si je poursuis dans la même veine, je suppose que je ne serai pas déclaré "hors d'ordre". Voici le premier principe, je pense, au niveau de la commission; on l'a réitéré tantôt et on l'a écrit dans le mémoire. Si l'électricité est importante pour les Québécois, et il a fallu une élection nationale générale pour le décider, il faudrait la compléter. Si on veut vraiment développer l'électricité selon les besoins collectifs, etc., et de façon rationalisée, il faut compléter le contrôle par les Québécois, par le truchement de l'Hydro, de tout le potentiel hydraulique au Québec. C'est le premier principe.

Je reviens aux autres aspects que vous venez de souligner. Cela soulève bien des questions. Une première question, une première réponse. Si l'outillage de l'Alcan, comme vous le dites, est si vieux que cela, c'est donc signe qu'il y a eu quelque part une mauvaise politique de réinvestissement des profits pour assurer que l'outillage soit constamment en état de fonctionner et n'exige pas au bout d'un nombre X d'années — comme c'est peut-être cela qui est en train d'arriver avec des fois un peu le bâton et la carotte au bout de ligne, tel qu'on a entendu — la nécessité d'investissements massifs. Qu'est-ce qui a été fait donc, puisque c'est vous qui avez engagé le débat dans ce sens, des profits pendant cette longue période qui fait que maintenant l'outillage est dépassé? S'il y avait eu une politique rationnelle de réinvestissements périodiques, l'Alcan ne serait pas dans la position dans laquelle elle se trouve présentement. Cette question ne se poserait pas.

Deuxièment, par rapport aux quelques cents sujets aux vérifications qui, j'espère, seront faites — je l'ai demandé formellement à la suite de cette commission — qu'est-ce qu'on fait par rapport aussi au problème que pose, par exemple, pour la Reynolds le fait qu'elle doit payer...

Le Président (M. Laplante): Monsieur, je suis obligé de vous arrêter là.

M. L'heureux: M. le Président, je m'excuse, la question m'a été posée par le ministre.

Le Président (M. Laplante): On va commencer par répondre aux questions sur l'énergie. J'ai demandé tout à l'heure...

M. L'heureux: M. le Président, mais...

Le Président (M. Laplante): Je passe au député de Saint-Laurent pour d'autres questions concernant l'énergie.

M. Forget: Merci, M. le Président. M. L'heureux, je vais essayer de m'éloigner de l'attitude ou du sujet qui vient d'être débattu et essayer de m'éloigner des querelles sur les points techniques qui peuvent se trouver ou ne pas se trouver dans votre mémoire, pour m'attacher aux deux affirmations que vous faites à la page 2 de votre mémoire qui, quand on les lit ensemble, paraissent extrêmement importantes, comme position officielle d'un mouvement syndical. Dans la première affir- mation, vous dites que l'Hydro-Québec devrait, de façon générale — et là, je ne veux pas m'attacher à la mise au point que fait le ministre, je pense qu'il faut l'interpréter de façon plus positive, comme une mise en garde — ou en regardant vers l'avenir, ne pas signer de contrats d'exportation à long terme. Vous expliquez, d'ailleurs, pourquoi. Vous dites: C'est une façon d'exporter des emplois. On pourrait poser bien des questions là-dessus mais, de la part d'un mouvement syndical, c'est une position assez logique qu'on peut comprendre. Lorsque vous arrivez au deuxième principe, cependant, à la deuxième affirmation, c'est là que je ne suis pas sûr de bien saisir votre pensée. Vous dites: On ne veut pas exporter l'électricité à l'étranger, parce que cela va créer des emplois à l'étranger. On s'attend que vous allez enchaîner avec le même raisonnement en disant qu'on veut garder l'électricité ici pour y créer des emplois.

Alors, comment peut-on créer des emplois? Comment peut-on, en d'autres mots, faire profiter les travailleurs d'un avantage comparatif que le Québec a, à cause de la grande abondance de l'énergie hydroélectrique? On s'attend que vous disiez: II faut qu'il y ait, vis-à-vis de la vente à long terme à des consommateurs industriels, des politiques qui vont favoriser justement l'implantation d'entreprises qui utilisent de grosses quantités d'énergie. On s'attend presque, autrement dit, que vos conclusions soient, dans le fond, exactement à l'opposé de celles auxquelles vous arrivez, c'est-à-dire que vous recommandiez au gouvernement de consentir des avantages à des employeurs potentiels ou actuels qui vont faire que ces secteurs d'emploi où la consommation d'énergie est importante vont se consolider et vont se développer.

Au lieu de ça— c'est là que c'est intéressant — vous semblez suggérer que le gouvernement s'approprie cette espèce de rente par des moyens fiscaux ou même par l'expropriation, la nationalisation des sources d'approvisionnement d'une compagnie en particulier. Mais je n'en suis pas sur l'Alcan comme telle. On aurait pu supposer qu'un mouvement syndical aurait dit: Ecoutez! Non, on veut que cette rente reste dans ces industries et que les travailleurs qui y gagnent leur vie soient les premiers à bénéficier de la rente, soit par les emplois que ça permet de créer, soit par un niveau de salaire qui reflète justement une situation concurrentielle avantageuse. Comme mouvement syndical, est-ce que, vraiment, vous indiquez que cette rente économique doit aller au gouvernement plutôt que de rester aux travailleurs? Cela me semble presque paradoxal et j'aimerais que vous précisiez votre pensée là-dessus.

M. L'Heureux: M. le Président, il n'est pas dit, justement, que, si on abandonne des privilèges à des entreprises — on ne mentionnera pas de nom — il n'est pas dit que, si on le fait, automatiquement, ce sont les travailleurs qui vont en bénéficier. Je pense plutôt qu'au niveau d'une politique énergétique hydroélectrique — on a aussi mentionné le principe au départ — ce qui est important — ce n'est pas dans le mémoire, mais j'ai lu

les trois paragraphes traitant de ça — c'est que, dans son programme de tarification, l'Hydro et le gouvernement tiennent compte justement du nombre d'emplois supérieur que pourrait créer tel type d'entreprise qui consomme beaucoup d'énergie. C'est exactement ça qu'on dit. Dans le cas de celles qui, pour des raisons historiques, détiennent des privilèges particuliers, au moment où on se parle, on dit qu'il est essentiel que cette situation soit corrigée, de manière que tous les employeurs, toutes les entreprises et, selon les critères de création d'emplois, quant au taux, soient modifiés, parce qu'à l'heure actuelle je pense que le gouvernement ou l'Hydro, en tout cas le gouvernement, du point de vue de l'emploi, ne peut pas du tout utiliser les privilèges qui ont pu être accordés dans le temps à certaines entreprises.

C'est cette situation, justement... Je ne sais pas en quoi vous voyez une contradiction, parce que c'est exactement le sens de notre position: rapatrier pleinement toutes les sources d'énergie électrique et introduire, peut-être, au niveau de la tarification, de nouveaux éléments qui tiennent compte de la création d'emplois. J'insiste là-dessus. Il est entendu que, lorsque vous accordez un privilège à une entreprise, il n'est pas dit, au contraire, qu'automatiquement ça va bénéficier soit au réinvestissement, soit à la création d'emplois, soit à de meilleurs salaires. On a fait la démonstration. D'ailleurs, je pense que c'est le contraire. Une aluminerie qui n'est pas dans une situation privilégiée comme l'autre, dont je n'ai pas mentionné le nom, paie actuellement des salaires supérieurs à ceux payés par celle-là.

M. Forget: Alors, je pense avoir bien compris. Vous dites effectivement: Cette rente, c'est le gouvernement qui doit se l'approprier pour l'utiliser, selon son jugement, là où ça peut bénéficier davantage et ce n'est pas au syndicat à faire cette récupération, parce que ce n'est pas effectivement possible, les conditions sont trop variables d'une industrie à l'autre, et seul le gouvernement peut vraiment en juger.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Anjou.

M. Johnson: Je vais essayer de ramener encore le débat sur la question fondamentale, M. L'Heureux. On sait, et ce sont vos chiffres... Je vais essayer de demeurer dans la logique interne de ce que vous citez, sans entrer, encore une fois, trop dans les chiffres.

Admettons qu'il y a 20% du courant hydroélectrique qui est entre les mains de l'Alcan, en ce moment, pour tout le Québec. Les chiffres varient selon les documents qu'on nous a soumis. C'est 21%, 22%, 24%. Vous avez évoqué 25% tout à l'heure. Disons 20%, pour prendre une hypothèse conservatrice.

On sait que l'Hydro-Québec vend pour à peu près $1 milliard par année. 20% de ce montant, cela fait $200 millions. Dans l'hypothèse où on dit: On ferait un transfert d'énergie, à savoir que les $200 millions actuellement à l'Alcan produisent fi- nalement 12 000 emplois, on peut se demander si ces $200 millions qui seraient utilisés en prenant les barrages de l'Alcan qui seraient nationalisés ne serviraient pas carrément mieux à être divertis entièrement d'une industrie qui a une très haute consommation énergétique pour sa production vers une industrie qui consomme moins d'énergie et produit plus d'emplois.

A mon avis, c'est le débat fondamental quand on parle d'une politique énergétique. La conclusion politique bien précise de cela — mon collègue du Lac-Saint-Jean pourrait en témoigner — est que si on arrivait à un raisonnement comme cela de façon théorique et qu'on refusait d'aller plus loin, on mettrait une immense fermeture-éclair sur le Lac-Saint-Jean et on fermerait cela parce qu'il y a 10 000 employés qui "dépendent" (entre guillemets) de cette industrie à haute consommation énergétique.

Mais le problème fondamental que cela pose, c'est bel et bien celui-là, et c'est celui-là en 1977. En 1985, et toujours en prenant une hypothèse très prudente, ces $200 millions d'énergie, ils nous coûteront probablement quelque part pas loin de $500 millions, parce qu'il faut construire d'autres barrages. Ceux-là ont été construits il y a beaucoup d'années à des coûts que vous avez démontrés comme étant presque ridicules finalement quand on regarde la situation. Alors, si on se projette en 1985, cela vaut $500 millions. On peut dire que, si on augmente par deux le nombre de personnes qui dépendent de l'industrie, on est rendu à 24 000 personnes ou 25 000 personnes. Est-ce que $500 millions, 20% de la capacité énergétique, cela vaut plus que 24 000 emplois? A priori, j'ai l'impression que oui, si on a affaire au secteur manufacturier. C'est le débat que vous posez.

Finalement, il n'y a pas de vertu en soi dans la nationalisation. La nationalisation d'une industrie, c'est un moyen qu'un Etat se donne dans un but précis, et si le but est d'augmenter la tarification et que cela plaçait l'Alcan, hypothétiquement, dans une position qui l'empêche d'être concurrentielle parce que son avantage fondamental, en étant au Lac-Saint-Jean, on sait que ce ne sont pas les salaires, parce qu'ils sont plus élevés là que dans le reste de l'Amérique du Nord; ce n'est pas non plus le fait qu'elle est près des moyens de transport, parce que c'est cela son inconvénient. Son avantage principal est donc le coût de l'énergie, et, si on normalisait la position de l'Alcan, on arriverait avec la conclusion qu'elle va probablement avoir le goût de fermer ses portes. C'est peut-être un coût social considérable à payer, mais je vous lance cela comme hypothèse de travail et de réflexion.

Je ne pense pas que l'on puisse vider ce débat ici aujourd'hui, mais je pense que c'est cela établir une politique énergétique à long terme et cela a ce genre de conséquences.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Vous avez deux principales recommandations à la page 2. La première concer-

nant l'exportation, vous n'y êtes pas revenu, mais je pense qu'on s'entend. Les explications qui ont été données, je pense bien que vous devez les partager.

La deuxième recommandation consiste dans la nationalisation. Je pense qu'il y a deux choses qu'on a confondues dans la discussion peut-être, depuis trois quarts d'heure, c'est l'aspect des redevances, ce que cela pourrait rapporter à l'Etat si on chargeait plus à l'Alcan pour ses ressources énergétiques qu'elle obtient actuellement à très bon marché. La question de la nationalisation comme telle. On peut exiger plus de redevances sans nationaliser et on peut faire les deux, et nationaliser et exiger plus. En nationalisant ce serait presque automatique, évidemment.

La question que je vous posais c'était par rapport à l'ensemble des mémoires que nous avons entendus depuis deux semaines, depuis cinq jours en fait, qui nous ont fixé toutes sortes de priorités, d'objectifs: consacrer de l'argent à la recherche, consacrer de l'argent pour de nouveaux développements, parce que la croissance de besoins, entre autres électriques, hydroélectriques augmentent de 7,75% par année. Cela nécessite des investissements. On nous a fait toute une série de suggestions. Vous aviez probablement des gens qui ont assisté à la présentation des mémoires. Si on additionne toutes ces recommandations, il va falloir que le gouvernement du Québec prenne un certain montant d'argent pour satisfaire ces priorités.

Je vais vous poser une question bête. Vous êtes à notre place, au gouvernement, pour six mois, un an, et c'est vous qui avez à déterminer la politique énergétique. Vous avez le choix entre différentes recommandations possibles, par exemple, la nationalisation qui pourrait impliquer un coût arbitraire. Vous parlez de $345 millions, qui est le coût des installations jusqu'à maintenant, mais $345 millions, si j'ai bien compris, c'est ce que cela a coûté quand cela a été construit. Ce n'est pas la valeur actuelle. La valeur actuelle c'est peut-être $5 milliards à $6 milliards de production. Je ne sais pas. Alors, il faudrait l'évaluer. Si on nationalise il faut donc payer... Le Québec a eu un certain précédent de ce côté-là. Si on nationalise, il va falloir payer la valeur marchande. Dans le passé on n'a pas nationalisé en disant: On vous nationalise.

Vous avez le choix entre investir et un autre type de problème auquel le gouvernement du Québec fait face, depuis 1965: les investissements manufacturiers ont baissé comme cela, les investissements sociaux faits par le gouvernement pour contrebalancer ont augmenté comme cela, il faut donner un coup de barre dans le sens inverse. Alors, vous avez des priorités économiques à établir, vous êtes le ministre des Finances et vous avez à travailler avec les autres ministères, par rapport aux autres objectifs qui ont été fixés à cette même commission par rapport à l'énergie, dans toutes sortes de secteurs et par rapport aux autres objectifs plus globaux qui ne concernent pas seulement le secteur de l'énergie, que doit poursuivre le gouvernement actuel pour essayer de relancer d'autres types d'investissements que les investissements exclusivement sociaux. Dans cette situation, est-ce que vous persistez vraiment à penser que la nationalisation des pouvoirs hydroélectriques de l'Alcan devraient être une priorité à court terme du gouvernement du Québec?

M. L'Heureux: M. le Président, je répète ce que j'ai dit au début. On a l'avantage d'avoir beaucoup de ressources hydrauliques au Québec. C'est un de nos grands avantages.

Parfois, on a parlé de l'amiante comme étant notre pétrole, mais je pense plutôt que c'est notre réservoir hydraulique, notre potentiel sur ce plan qui constitue une forme d'énergie renouvelable, inépuisable qui doit constituer l'un des fers de lance de la politique énergétique au Québec. Justement pour répondre à une autre question qui a été posée tantôt, à ce qu'on a discuté tantôt, si le gouvernement veut vraiment diversifier — c'est sûr qu'on ne veut pas fermer le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou les usines de l'Alcan — il serait sûrement en meilleure posture, même s'il allait jusqu'à décider de maintenir des taux préférentiels, pour avoir des réponses précises quant à la nature, à la sorte de programmes d'investissement que telle ou telle entreprise (je ne mentionnerai pas de nom) pourrait faire au Québec. Il pourrait se servir de ce levier, de cette ressource justement pour dire à l'Alcan ou à d'autres: D'accord, on te reconnaît un taux préférentiel, mais, en même temps, qu'est-ce que vous faites de votre planification, de votre diversification de produits d'ici cinq ans, d'ici dix ans?

Je crois qu'à ce moment-là il n'y aurait pas seulement un échange verbal entre le gouvernement et une société aussi puissante que l'Alcan ou d'autres. Le gouvernement serait vraiment en posture pour déterminer davantage, de façon beaucoup plus précise, à la fois, parce que c'est important, le contrôle et l'organisation de toutes nos ressources hydrauliques et, en même temps, d'en faire bénéficier l'ensemble de l'économie du Québec dans des termes très concrets et très réels que lui permettrait ce pouvoir.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Joron: En terminant, M. L'Heureux, je voulais simplement signaler ceci. Je pense que, tout à l'heure, le député de Saint-Laurent et le député d'Anjou, entre autres, posaient la question fondamentale, parce que votre proposition principale, finalement dans ses effets financiers les plus importants, c'est la récupération de cette rente, de ce privilège. Evidemment, la nationalisation ne la récupère pas complètement parce que ça dépend du prix auquel, ensuite, on revendrait l'électricité à l'Alcan. Mais, en fait, vous proposez d'une part, si je vous comprends bien, une récupération d'une partie, tout au moins, quelle que soit son importance, de cette rente.

Il y a plusieurs moyens pour le faire, parce qu'il y a des taux et redevances qui vont être modifiés, on l'a déjà dit. Par ce biais, il y a une récupé-

ration de cette rente ou d'une partie de cette rente qui peut être faite de toute façon.

En nationalisant, outre les questions de priorités budgétaires du gouvernement, ainsi de suite, vous n'avez pas réglé le problème à long terme. En effet, même si là c'est l'Hydro-Québec qui est propriétaire des barrages, elle doit répondre à une demande d'électricité de la part d'un manufacturier qui s'appelle l'Alcan, qui va la vouloir, évidemment, au meilleur coût possible pour rester le plus concurrentiel possible.

Mais l'Hydro, ou le gouvernement, si vous voulez, va se dire: Si je la vends trop cher, je fais fermer l'usine. Si je la vends bon marché, elle va peut-être durer et les projets de réinvestissement, de modernisation vont se faire, etc. Mais d'une façon comme de l'autre, je bloque X mille mégawatts à cette unique fonction. Et à terme, la question reste posée toute entière, à savoir si des industries de cette nature, consommatrices à un tel point d'énergie, sont, à plus long terme, rentables pour une économie dans le contexte d'une rareté énergétique.

Des décisions comme celles-là, qui sont fondamentales, qui vont changer considérablement la structure industrielle même du Québec, il va falloir qu'on les prenne dans les mois et les années à venir.

En terminant, je voulais juste vous dire ceci. Je réalise très bien que le cadre des discussions qu'on a eues cet après-midi, d'abord la limitation dans le temps, la position qu'on occupe de ce côté-ci de la table, m'a peut-être permis — et je m'en excuse — de déroger plus facilement aux règles strictes de fonctionnement de la commission parlementaire qu'il vous a été permis de le faire. En d'autres mots, j'ai eu l'impression d'avoir le loisir de vous poser toutes les questions embêtantes que je pouvais et que vous, vous n'avez peut-être pas eu le loisir de me retourner toutes les réponses embêtantes que vous auriez pu me retourner.

Je veux que vous sachiez que j'en suis conscient. J'espère que dans d'autres forums moins formels, peut-être, cette discussion fondamentale, non pas sur l'état des profits et pertes de l'Alcan pour l'année 1975, mais sur l'orientation globale du développement économique en rapport à des industries consommatrices d'énergie, on va avoir le loisir de l'avoir ensemble subséquemment.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, on vous remercie messieurs. Excusez notre rigueur. Les membres de cette commission vous remercient du témoignage que vous avez pu leur apporter.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à huit heures et on me dit que le petit café du sous-sol est ouvert. On recommencera avec BP.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

Reprise de la séance à 20 h 15

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs! La reprise de la séance. Le groupe BP, s'il vous plaît.

BP Canada limitée

M. Langelier (Jean): M. le Président, je voudrais vous présenter mes collègues qui m'accompagnent ce soir, M. David Deverell, vice-président en marketing du groupe BP et le Dr Joseph Dagher, économiste, directeur général de la planification. Je suis Jean Langelier, vice-président et avocat-conseil.

Le Président (M. Laplante): Je tiens à vous dire que vous avez 45 minutes, pas une minute de plus, ce soir.

M. Langelier: M. le Président, nous sommes conscients, après avoir assisté à plusieurs de vos séances et lu le compte rendu de vos délibérations, que votre commission s'est assidûment penchée sur tous les mémoires. C'est pouruqoi nous n'avons pas l'intention, ce soir, de lire notre mémoire. Nous nous limiterons à un survol de nos remarques et nous essaierons d'extraire de notre mémoire ce que que nous considérons comme notre perception de la politique énergétique du Québec jusqu'à l'an 2000.

La question relative à la garantie de l'approvisionnement nécessite la détermination de la demande probable en énergie au Québec et l'apport des diverses formes d'énergie à la demande totale et, en dernier lieu, d'où proviendront ces sources d'approvisionnement.

Voyons maintenant quels sont les taux de croissance prévus pour les différentes formes d'énergie. Je me reporte à la page 9 de notre mémoire. Nous avons établi le taux annuel de croissance pour les années 1975 à 1990, comme suit: L'électricité, 4,5%; le gaz naturel, 8,8%; le pétrole, 1,8%; le charbon, 2,9%. Leur contribution à l'approvisionnement total serait comme suit: Se basant d'abord sur 1975, pour l'électricité, 20% allant, en 1990, à 25,9%; le gaz naturel, 5,4%, et se chiffrerait à 12,5% en 1990; le pétrole, que nous avons arrêté en 1975 à 72,4%, sera de 60%; le charbon, à 1,6%, demeurera stable en 1990; donc, à 1,6%. Mais d'où proviendront ces approvisionnements?

Prenons, par exemple, l'année 1975 et cette période ultime de 1990. En provenance du Québec, nous considérons que l'approvisionnement serait de 17,5%, allant jusqu'à 25,9% en 1990. De provenance à l'extérieur du Québec, mais au Canada, 10% en 1975 et 15,2% en 1990. Cette fois, à l'extérieur du Canada, en 1975, 72,5% et, en 1990, 58,9%. Per capita, la dépendance du Québec sur des sources extérieures d'énergie est l'une des plus élevées au monde, plus élevée encore que celle du Japon, pays renommé pour son haut niveau de dépendance sur des sources extérieures d'énergie.

Bien que l'on prévoie une augmentation graduelle et appréciable de la proportion d'énergie produite dans notre province, la dépendance sur des sources extérieures au Québec demeurera toujours très forte. Après un déclin marqué de la dépendance sur des sources extérieures au Canada, en 1976, à cause de l'extension de l'oléoduc interprovincial, il y aura inévitablement une forte augmentation dans un avenir assez rapproché lorsque la disponibilité de brut de l'Ouest ne suffira plus à alimenter les raffineries de Montréal. Ceci sera suivi d'une réversion à plus long terme vers des sources canadiennes, à mesure que seront installés des réseaux de pipe-line pour le gaz naturel, à partir des régions frontalières.

Il n'y a lieu de considérer les risques d'interruption des approvisionnements qu'en ce qui a trait au pétrole. D'après nos prévisions, M. le Président, la plus grande partie des approvisionnements de produits pétroliers pour les consommateurs et les industries du Québec proviendra des raffineries du Québec. Quant à nos sources d'approvisionnement, jusqu'à récemment, à l'exception de petites quantités de pétrole brut de l'Ouest du Canada, obtenu au cours de l'embargo sur le pétrole en 1973, tout le pétrole brut traité dans les raffineries du Québec était importé d'ouvre-mer. A la suite de la mise en opération, au milieu de 1976, du prolongement du réseau interprovincial Samia-Montréal,. une partie importante du pétrole brut traité dans les raffineries de Montréal consistera de brut de l'Ouest canadien.

Présentement, le prolongement du pipe-line jusqu'à Montréal fonctionne presque à sa capacité permise, soit de 250 000 barils par jour, pourvoyant ainsi à près de la moitié de la demande en pétrole brut des raffineries. On ne prévoit pas que cette source d'approvisionnement des raffineries de Montréal continuera au-delà du début des années quatre-vingt.

Compte tenu de nos prévisions, nous sommes d'avis qu'après une période relativement courte durant laquelle une partie des besoins en pétrole brut des raffineries du Québec proviendra de la production de l'Ouest canadien, d'ici le milieu des années quatre-vingt, tous ces besoins devront, encore une fois, être satisfaits par des sources étrangères. Nous sommes aussi d'avis qu'avant la fin de la prochaine décennie les approvisionnements mondieux en pétrole brut pourront ne pas satisfaire la demande mondiale, ce qui constitue une source de préoccupations pour tous les pays importateurs.

Tôt ou tard et certainement avant la fin du siècle, de nouvelles formes d'énergie devront, en grande partie, remplacer le pétrole. Bien qu'il soit possible d'envisager la situation avec optimisme et de conjecturer que la transition peut être accomplie sans recours à des mesures spéciales, nous inclinons vers un point de vue plus circonspect. Il en coûtera beaucoup moins d'être dans l'erreur en ayant opté pour une hypothèse pessimiste face aux approvisionnements mondiaux que si on a envisagé la situation avec optimisme.

Parmi les raisons qui invitent à la prudence relativement aux approvisionnements mondiaux en pétrole, citons les facteurs suivants: D'abord, une reprise de l'accroissement de la demande de pétrole. Même au taux de 4% par année lequel serait près de la moitié du taux enregistré durant la période de 1969 à 1973 augmenterait annuellement la demande mondiale en pétrole de quelque 2 millions de barils par jour, ce qui nécessiterait chaque année une découverte équivalente à celle de Prudhoe Bay.

En deuxième lieu, on rapporte que l'excédent actuel de la capacité mondiale de production de pétrole brut est de l'ordre de 6 millions à 8 millions de barils par jour. Ceci suffirait à une croissance de 4% durant trois ou quatre années.

En troisième lieu, une très grande partie de l'excédent actuel et potentiel se trouve en Arabie Saoudite. Que celle-ci consente à permettre l'écoulement très accéléré de ses réserves reconnues immenses est une question de politique intérieure et on ne peut considérer ce fait comme acquis.

D'autres producteurs, y compris les pays qui ne sont pas membres de l'OPEP, ont adopté des politiques de limitation de la production et de restriction des exportations.

Un quatrième point est qu'à part l'URSS et la Chine, les principales sources majeures nouvelles d'approvisionnement indépendantes de l'OPEP, telles l'Alaska et la Mer du Nord, précèdent d'au moins cinq ans la crise de l'OPEP en 1973 et les activités d'exploration datent naturellement depuis longtemps.

En cinquième lieu, il faudrait que d'importantes découvertes soient faites maintenant si elles doivent contribuer d'une manière appréciable aux approvisionnements du début des années quatre-vingt.

Le Québec dépend largement de sources d'énergie externes. Dans un monde où l'énergie se fera, vraisemblablement de plus en plus rare, la politique devrait viser à développer des sources domestiques économiques et appuyer entièrement le développement d'autres sources canadiennes.

M. le Président, messieurs, les fonds dérivés des prix élevés payés par les consommateurs devraient être appliqués à la recherche de nouvelles sources d'énergie et au plus grand développement des ressources connues d'énergie.

Un montant disproportionnellement élevé de toute augmentation des prix du pétrole brut domestique est actuellement versé à la trésorerie publique. Ainsi, une hausse de $1 du prix du pétrole brut domestique, suivant les arrangements actuels concernant les redevances et les impôts, serait répartie comme suit. Nous vous avons donné un tableau à la page 22 de notre mémoire. Je résume. Supposons qu'aucune augmentation n'ait lieu des frais d'exploration et que nous ayons l'autorisation d'une augmentation de $1 le baril, le gouvernement des provinces productrices en retire $0.48, le gouvernement fédéral $0.27 et l'industrie $0.25. Si nous allons plus loin et prenons

cette comparaison, si une compagnie pétrolière décide d'augmenter son investissement de $0.50 le baril, de ce dollar, le gouvernement des provinces productrices retirera $0.44, le gouvernement fédéral, $0.03 et l'industrie, $0.03.

Penchons-nous, M. le Président, pour quelques moments sur les besoins du consommateur. Depuis les 20 années que BP fait partie de l'industrie pétrolière au Québec, nous avons vu beaucoup de changements s'opérer dans la façon dont notre industrie pourvoit aux besoins du consommateur, de l'industrie et des gouvernements. Ces changements ont été provoqués par la vigoureuse concurrence et il en résulte que les produits et services sont maintenant meilleurs, plus efficaces, plus sûrs et, dans la mesure du possible, moins chers. Nous croyons que le consommateur est mieux servi lorsque libre cours est donné à la concurrence et que la plupart du temps l'intervention du gouvernement dans ce domaine porte atteinte aux intérêts du consommateur. Nous avons illustré dans notre mémoire, aux pages 24, 25 et 26, le rôle que joue la concurrence dans l'amélioration des produits et des services et dans l'adaptation aux besoins changeants des consommateurs ainsi qu'aux modifications des conditions économiques.

En ce qui a trait à la sécurité, l'industrie est très consciente des dangers possibles concernant la manutention du pétrole et a mis au point des normes et des pratiques de sécurité très sévères.

Nous avons collaboré régulièrement avec les ministères du gouvernement pour établir des normes de sécurité et sommes toujours prêts à faire part de nos connaissances techniques et de notre expérience dans ce domaine. Ces consultations ont largement contribué à assurer que des mesures techniquement judicieuses et pratiques soient établies relativement à la manutention en toute sécurité.

La distribution et la mise en marché de produits pétroliers sont des éléments importants et très concrets de notre économie et nous ne pouvons espérer en discuter à fond dans un si court moment. Nous croyons toutefois qu'il serait opportun de mentionner quelques-unes des principales constatations et conclusions du rapport final de la Commission royale d'enquête de l'Ontario sur le prix des produits pétroliers du 19 juillet 1976, lesquelles, nous croyons, s'appliquent également aux activités de l'industrie au Québec.

Sur l'aspect de la concurrence, la commission conclut que l'industrie pétrolière est compétitive et, en ce qui a trait aux prix, les consommateurs sont très bien servis.

Sur la question de rentabilité des principales sociétés pétrolières en Ontario, la commission en vient à la conclusion que les revenus et les rendements du capital des sociétés engagées dans le raffinage et la mise en marché en Ontario ne sont pas élevés comparativement à ceux d'autres industries canadiennes et leurs bénéfices sont inférieurs à leur coût en capital.

La conclusion de la commission sur la question des marchés compétitifs ou à savoir s'il devrait y avoir des contrôles des prix par les gouver- nements est la suivante: les marchés glissants donnent un meilleur service aux consommateurs qu'il en résulterait d'une réglementation continue des prix par le gouvernement et les prix augmenteraient advenant une réglementation.

Sur la question de l'huile à fournaise et les produits industriels et commerciaux, la commission Isbister en est venue à la conclusion que les marchés de produits sélectionnés qui ont été étudiés sont compétitifs et qu'ils fonctionnent d'une façon raisonnablement efficace. Il n'y a aucun besoin d'intervention gouvernementale.

Sur la question des taxes, des redevances et le prix des produits, le commissaire conclut qu'un écart extraordinaire s'est produit entre les opinions publiques concentrées de façon défavorable sur l'industrie pétrolière seulement et, par contraste, les faits de la situation actuelle.

Il y a des intérêts publics encore plus importants qui sont impliqués dans les mesures fiscales des gouvernements fédéral et provincial, lesquels sont les plus gros prétendants au dollar dépensé par le consommateur pour les produits pétroliers.

Voilà, en quelques mots, M. le Président, les conclusions de cette commission d'enquête qui a siégé pendant plus de six mois et qui a reçu les représentations de l'industrie pétrolière et les représentations telles que vous en avez reçues depuis le début de vos séances.

Un mot, si vous le permettez, sur la protection de l'environnement. Le besoin urgent d'explorer pour trouver de nouvelles sources d'énergie et de garder au minimum le coût du développement et de la mise en marché de sources d'énergie nouvelles ou existantes, n'est pas toujours compatible avec la préoccupation écologique aussi importante du gouvernement, de l'entreprise et du public.

Le point de vue de l'industrie sur les questions de l'environnement peut en tout temps, et de temps à autre, différer de celui du gouvernement. C'est à cause du fait, généralement, que les deux parties ont une perception différente des coûts et des bénéfices. Cependant, étant donné que les coûts devront finalement être défrayés par la société, il est essentiel que de telles décisions soient basées sur une analyse économique approfondie des coûts et des bénéfices des mesures envisagées.

L'industrie peut contribuer à ce cheminement de deux façons importantes, soit par ses capacités d'analyses techniques et économiques, elle peut ainsi aider à la détermination des coûts que comporte une mesure spécifique, et elle peut souvent suggérer une alternative ou des moyens moins coûteux d'atteindre les objectifs désirés.

Il est donc essentiel que ces objectifs soient atteints en utilisant le capital le plus efficacement possible. Nous sommes d'avis que la politique de protection de l'environnement du Québec devrait être basée sur des principes bien définis. Le rôle du gouvernement devrait être de contrôler la qualité de l'air et de l'eau, de définir les régions géographiques nécessitant une amélioration et de s'entendre avec l'industrie sur ce qui est techniquement possible et à quel prix.

Le gouvernement aurait alors à décider s'il est prêt à accepter ce coût au nom de l'entreprise québécoise et des Québécois. C'est à ce moment, et non avant, que les règlements sur l'environnement devraient être émis. Des normes qui ont été attentivement établies sur la base de ce principe ne devraient pas alors être sujettes à de fréquents changements. Une incertitude quant à la portée d'un règlement et des changements fréquents tendent à freiner le développement de nouvelles sources d'énergie et, effectivement, de l'industrie en général.

Les conclusions suivantes découlent de cette analyse et de certaines questions connexes:

Premièrement, la disponibilité de sources additionnelles d'énergie est essentielle au développement économique. Etant donné la possibilité que les approvisionnements mondiaux en énergie soient dans une position critique dans une décennie ou deux, la politique à long terme de l'énergie du Québec ne devrait pas être basée sur l'hypothèse que les approvisionnements en pétrole étranger seront disponibles en quantités requises. Le développement de sources d'énergie internes doit être poursuivi activement. Ceci doit être le fer de lance du développement des sources d'énergie du Québec, ce qui, incidemment, donnerait une relance importante à l'emploi au Québec. De plus, le maximum de coopération et d'appui devrait être apporté aux projets de développement de l'énergie ailleurs au Canada. Etant donné que le charbon jouera incontestablement un rôle croissant dans la réponse à la demande mondiale d'énergie, un effort devrait être fait dans le sens d'obtenir l'accès à des sources sûres de ce combustible.

Deuxièmement, étant donné l'ampleur de la tâche que doivent accomplir les industries de l'énergie, il est primordial que les gouvernements des provinces productrices, ainsi que le gouvernement fédéral ne continuent pas d'accaparer d'aussi larges parts du revenu dérivé des ventes actuelles d'énergie. De plus, les conditions relatives à la découverte et à l'exploitation de ressources énergétiques devraient être aptes à stimuler cette activité et non à la retarder. Pour les mêmes raisons, les provinces consommatrices devraient s'abstenir de prendre des mesures injustifiées qui réduiraient l'encaissement disponible aux industries de l'énergie et, de ce fait, la possibilité qu'elles auraient d'entreprendre des projets toujours plus coûteux.

Troisièmement, les sociétés d'Etat peuvent, dans certains cas, jouer un rôle utile dans l'exploration du pétrole et du gaz, mais, en général, nous ne croyons pas que de telles sociétés soient adaptées à ce genre d'activité.

Quatrièmement, étant donné l'existence d'un surplus de capacité de raffinage dans le monde et l'Est du Canada, nous ne voyons aucun rôle utile pour une société d'Etat dans le domaine du raffinage et de la mise en marché.

Cinquièmement, étant donné les perspectives substantiellement réduites de la demande de pétrole, comparativement à ce que l'on envisageait il y a quelques années, c'est-à-dire avant 1973, et particulièrement dans l'hypothèse où les approvi- sionnements mondiaux en pétrole brut pourraient être limités en moins d'une décennie ou deux, nous voyons difficilement qu'un port en eau profonde sur le Saint-Laurent puisse jouer un rôle important, comme installation pétrolière.

Sixièmement, la conservation de l'énergie devrait être une priorité absolue, afin de réduire la possibilité de pénurie.

Septièmement, les consommateurs et les industries du Québec ont été très bien servis par l'industrie pétrolière sous le système concurrentiel de libre entreprise. Il ne serait pas dans l'intérêt du consommateur ou du Québec d'interférer dans ce processus.

Huitièmement, le consommateur est bien protégé par les lois actuelles et en ce qui a trait à la qualité des produits, ce qu'il obtient de l'industrie, et quant aux aspects de sécurité relatifs au transport et à la manutention de ces produits. L'industrie est toujours prête à fournir l'opinion de ses experts sur tout changement qui peut être envisagé, et effectivement, il devrait être pratique courante de la part du gouvernement de discuter des changements proposés avec le groupe de représentants de l'industrie pour déterminer si ces changements sont pratiques et pour en évaluer le coût.

Neuvièmement, d'importantes améliorations ont été faites au cours des dernières années dans le domaine de la protection de l'environnement. La promulgation de nouveaux règlements dans ce domaine devrait être précédée de discussions entre le gouvernement et l'industrie pour déterminer ce qui est techniquement possible et à quel prix.

Dixièmement, qu'il nous soit permis de souligner qu'à cause de l'évolution rapide de la situation nationale et internationale de l'énergie, il est d'une importance primordiale qu'il y ait entre le gouvernement et l'industrie un dialogue continu et des échanges de vues sur l'énergie et sur les questions connexes.

M. le Président, messieurs, nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez donnée de comparaître devant votre commission et nous espérons que notre modeste participation pourra contribuer à éclairer le gouvernement quant au choix qu'il aura à prendre dans l'élaboration de la politique énergétique du Québec. M. le Président, messieurs, nous sommes prêts à répondre à vos questions, mes collègues et moi.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Joron: Je vous remercie de votre présentation. Votre rapport soulève plusieurs points intéressants. Certaines suggestions avancées recoupent d'autres qu'on a déjà entendues depuis une semaine et demie. D'autres, par contre, sont relativement surprenantes. J'aimerais vous demander de préciser ou d'expliquer davantage certains points que vous avez soulevés. Si je me permets d'essayer de résumer le point fondamental sur lequel s'asseoit votre perspective d'avenir pour la situation énergétique du Québec, partant du scénario pour 1990, que vous avez évoqué, où le pétrole compte toujours pour une proportion d'environ

60% des besoins énergétiques du Québec, et du fait qu'en même temps, vous nous dites qu'il y a là — à ce moment, on sera, bien entendu, retourné exclusivement au pétrole étranger — un risque d'approvisionnement certain, risque qui n'est pas nécessairement particulier au Québec, mais qui est un risque mondial, vous nous recommandez de développer au maximum de nouvelles formes d'énergie, sauf que... Vous nous dites aussi un peu plus loin, que vous souscrivez ou que vous trouvez plus prudent pour le gouvernement de supposer une hypothèse pessimiste, qu'il nous en coûterait moins cher de présumer une hypothèse pessimiste que de présumer une hypothèse optimiste à cet égard.

Par contre, vous prévoyez qu'en 1990, nous sommes toujours dépendant à 60% de pétrole étranger que vous estimez très risqué.

Je voudrais vous demander si vous ne pensez pas qu'on devrait, bien avant, tenter par la production domestique, que vous dites vouloir encourager, de trouver de nouvelles formes d'énergie. Je vous demanderais, à ce moment-là, auxquelles vous pensez plus précisément et aussi, quand vous évoquez les nouvelles formes d'énergie, si vous pensez exclusivement à l'hydroélectricité ou quoi. Pourriez-vous expliciter un peu sur ce point?

Mais vous ne pensez pas qu'il serait plus prudent de commencer longtemps avant si cette forme d'approvisionnement énergétique est risquée? Le fait d'être à 60% dépendant du pétrole étranger en 1990 ne m'apparaît pas très sécuritaire et pas nécessairement conséquent aux prémisses que vous avez posées. C'est une première question, si vous voulez.

Une autre porterait sur le rôle des sociétés d'Etat ou de l'intervention gouvernementale. Je trouve ça surprenant, jusqu'à un certain point, que vous nous recommandiez relativement de limiter les interventions gouvernementales dans le secteur et que vous n'attribuiez pas aux sociétés d'Etat un rôle très large. Enfin, tout au moins, vous ne souhaitez pas les voir intervenir dans le domaine du raffinage et de la distribution.

Or, je trouve cela amusant de la bouche de British Petroleum qui, en fait, n'est peut-être pas une société d'Etat à 100%, mais dont un peu plus de la moitié des actions appartiennent au gouvernement britannique. Vous êtes vous-mêmes une société d'Etat, mais vous nous dites, jusqu'à un certain point, que ce qui a pu être bon pour l'Angleterre ne serait pas nécessairement bon pour le Québec. Si une société d'Etat a pu remplir un certain rôle dans les problèmes énergétiques de la Grande-Bretagne dans le passé, vous dites que ce ne serait pas nécessairement bon pour le Québec.

Je vous avoue que je n'attendais pas ça de la bouche de BP. J'aurais pu m'y attendre de la bouche de n'importe qui d'autre, mais pas nécessairement de BP, surtout si on s'amuse à retracer l'histoire de BP, sans remonter jusqu'au début du siècle, l'Anglo-lranian Oil et tout ça. Il y a eu des interventions du gouvernement britannique qui étaient très intimement et très directement liées aux intérêts de ce qui est devenu, par la suite, Bri- tish Petroleum. Pourquoi ne serait-ce pas nécessairement bon pour le Québec? Sur ce point, puisque vous estimez les risques très élevés d'approvisionnement futur de pétrole étranger, je voudrais vous demander plus spécifiquement dans quelle mesure BP peut intervenir ou aider le Québec à garantir ces sources d'approvisionnement.

M. Langelier: M. le Président, M. le ministre, je vais répondre, si vous permettez, à la dernière partie de votre question en ce qui concerne la société d'Etat. Sur la première partie de votre question et celle de l'approvisionnement, je demanderais au Dr Dagher de vous donner plus de détails.

En effet, vous avez fait un peu l'historique de notre compagnie. British Petroleum, bien entendu, a un capital-actions où son principal actionnaire est le gouvernement anglais, 48,2%. Ceci est historique, et je crois qu'il serait long d'expliciter cette histoire, comment cette participation est venue en cause. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, lorsque le gouvernement anglais est devenu actionnaire majoritaire de la compagnie, il a été convenu qu'il n'interférerait jamais dans les activités commerciales de la compagnie et qu'il avait un droit de veto seulement sur les questions stratégiques. Lorsqu'on retourne à l'histoire, on sait que c'est en 1915 que Sir Winston Churchill, afin d'assurer le pétrole pour la flotte britannique, avait exigé ceci comme une des conditions de la participation du gouvernement anglais dans l'entreprise British Petroleum.

Maintenant, un autre point pour montrer cette indépendance de notre compagnie, ce qui m'a été confirmé encore récemment, il n'y a eu aucune intervention depuis 1915 jusqu'à nos jours par le gouvernement anglais. En effet, l'an dernier, lorsque le gouvernement anglais a voulu assurer la sécurité nationale en ce qui concerne la mer du Nord et qu'il a signé une entente par le truchement de la National Oil Corporation, notre compagnie était incluse parmi celles avec qui il a signé une entente.

Donc, si nous avions été une société d'Etat, il n'y a aucune raison de négocier avec une de ces parties. Voilà ce que je peux vous dire sur cette question. Nous ne considérons pas que nous sommes une société d'Etat et jamais, dans l'administration, le gouvernement anglais est-il intervenu dans nos pratiques.

M. Joron: D'accord. De toute façon, l'objet de la séance de ce soir n'est certainement pas de faire l'historique de British Petroleum, malgré que ce soit une histoire absolument passionnante. Parlons, si vous voulez, des implications québécoises des sociétés d'Etat, non pas de British Petroleum.

Pourquoi, en principe, le gouvernement ne le ferait-il pas, par l'intermédiaire de l'une de ses sociétés d'Etat, s'il juge que c'est un meilleur moyen d'assurer des sécurités d'approvisionnement? Et de quelle manière pouvez-vous nous dire que vous êtes — je sais bien que vous ne parlez pas pour vos concurrents — en meilleure posture pour garantir ces sources d'approvisionnement?

M. Dagher (Joseph): M. le Président, je vais essayer de répondre à plusieurs questions du ministre. Je suis bien content que le ministre ait posé le problème de l'approvisionnement en ce sens qu'il y a deux hypothèses à faire, une de surplus et une de pénurie.

Vous êtes là, messieurs, devant un dilemme que vous devez trancher. Nous pensons que la prudence indiquerait de prendre, vis-à-vis de ce dilemme, l'attitude du parieur de Pascal. Si cela marche, tant mieux; si cela ne marche pas, on court mieux le risque en étant pessimiste qu'en étant optimiste.

Je voudrais retourner à ce problème de l'approvisionnement, des disponibilités futures en 1985 ou 1990. L'OCDE vient de publier une étude approfondie que je n'ai pas encore lue, mais dont j'ai lu quelques comptes rendus dans les journaux. Elle dit que la demande de ces pays, les pays membres de l'OCDE, en 1985 pourrait se chiffrer par 35 millions de barils par jour, selon une hypothèse normale, avec des prix élevés, etc., mais aucune mesure spéciale. Dans ce cas, il y aurait pénurie, pas pénurie dans le sens qu'il y aurait un manque de fourniture, mais que cela serait très serré. La demande serait très proche de l'offre.

Par contre, cette même étude semble vouloir dire qu'il y a certaines mesures à prendre, des mesures qui ne semblent pas draconiennes, qui auraient un résultat que la demande de l'OCDE se chiffrerait par 24 millions de barils par jour, un décalage de 10 millions de barils de demande potentielle ou possible de l'OCDE.

Alors, si l'OCDE arrive à mettre en place ces mesures et qu'elles sont couronnées de succès on n'a vraiment pas de risques d'approvisionnement. Mais pouvons-nous prendre ce risque que tous les pays membres de l'OCDE, l'un après l'autre, mettront en place ces mesures, qu'elles auront le succès qu'on espère et que nous nous retrouverons en 1985 avec le surplus de 10 millions ou de 12 millions de barils par jour dans les fournitures mondiales de brut. Nous pensons que c'est un risque trop grand à prendre.

Vous me demandez ensuite, M. le ministre, comment il se fait que dans cette perspective nous voyons encore la demande énergétique du Québec en 1985 fournie à 60% par du pétrole.

On a essayé d'abord de maximiser les autres sources d'énergie qu'on peut prévoir, qu'on peut voir. En 1985, ce n'est plus de la prévision; c'est de la vision presque. On voit cela.

Il y a le gaz. Certains ont jeté le doute sur cette possibilité. Nous sommes plus optimistes. Nous l'avons prise à son maximum, en disant qu'entre 1980 et 1985 la part du gaz dans le marché québécois croîtrait de 5% à 12 1/2%, ce qui est un bond fantastique.

D'ailleurs, c'est la source énergétique qui croît au plus haut rythme. L'hydroélectricité, on s'en est tenu au programme de l'Hydro-Québec tel que présenté récemment à l'Office national de l'énergie à propos de sa demande d'exploration d'électricité à la PASNY.

Donc, c'est le maximum de gaz, c'est le maximum d'électricité. Le charbon. On ne prévoit pas de mesures spéciales prises par le gouvernement du Québec, par l'Hydro-Québec, entre autres, pour s'approvisionner plus de cette source de combustible. On l'a fait croître un peu, mais pas trop. On n'a pas supposé qu'il y aurait une décision politique majeure de s'approvisionner en charbon, de l'ouest ou même des Etats-Unis.

Le reste est nécessairement, inévitablement, du pétrole.

M. Joron: Vous permettez que je vous interrompe un instant. Vous dites, par exemple, qu'en ce qui concerne l'électricité, vous avez pris ce que l'Hydro-Québec avait déposé, qui, en gros, d'ici 1985, va à peu près doubler la production électrique de l'Hydro-Québec. Ce pourcentage, quand même, ne représente, dans vos chiffres, que 25,9% du bilan énergétique total, alors que l'Hydro-Québec, avec la même croissance de production, prétend que le pourcentage va être au-delà de 30%. C'est donc que vous devez différer sur le taux de croissance de la demande globale de l'énergie. Puis-je vous demander quel taux de croissance global de l'ensemble de l'énergie sous-tend les chiffres que vous nous avez présentés?

M. Dagher: M. le Président, d'ici à 1990, on prévoit un taux de croissance de 3% par an. Il est plus élevé au commencement, il diminue un peu, mais la moyenne sur cette durée est de 3%. Quant au rythme de croissance de l'électricité que nous avons dans ce tableau, qui est de 4,5%, il diffère plus en apparence qu'en, réalité des chiffres que l'Hydro-Québec mentionne. La raison est la suivante. Les fournitures d'électricité au Québec proviennent, grosso modo, de deux grandes sources: l'Hydro-Québec, qui génère la plupart de ses besoins et de ses ventes et de ce qu'elle achète à Churchill Falls. Cela constitue à peu près de 70% à 75% du marché. Cette composante a, en effet, crû à 7,7% par an, dans les six ou sept dernières années. Le reste est fourni par ce que j'appellerais les autres générateurs, ceux qui font leur propre électricité et l'emploient dans leurs propres usines. Cette composante a décru au rythme de 2,3% par an. Les deux composantes ensemble ont donné un taux de croissance à l'électricité consommée au Québec de 5,7% par an, ceci dans un contexte où l'énergie primaire entière croissait à 5,2%, donc plus vite que l'énergie primaire, mais pas tellement plus vite.

Nous prévoyons — on peut dire nous espérons — faire face à un taux de croissance de 3% par an d'énergie et, dans ce contexte, nous avons permis à l'électricité, nous avons supposé que l'électricité croîtrait au rythme de 4,5% par année. C'était une pénétration relativement plus poussée de l'électricité dans le bilan énergétique. Pourquoi est-ce que nous ne sommes pas allés complètement avec les chiffres qui seraient supposés par l'Hydro-Québec? C'est parce que nous voyons qu'à mesure que la pénétration de l'énergie électrique se fait dans notre marché de l'énergie, une proportion de plus en plus grande devrait être effectuée par la substitution à l'huile à chauffage,

donc une plus grande pointe, donc plus de problèmes.

Alors, on a résolu ce problème de la génération de l'Hydro-Québec, comparé à la génération qui est sous-tendue dans nos chiffres, en supposant que l'excédent, qui est à peu près de 10 000 mégawatts-heure, serait exploité. Parce qu'on trouve difficile qu'avec la tarification présente, le rythme ou le taux de pénétration de l'électricité soit encore plus poussé qu'à un rythme de 4,5% dans une situation où l'énergie entière croît à 3%.

M. Joron: Pourriez-vous développer un peu ce point-là, parce que je ne vois pas directement la relation entre la tarification actuelle et ce frein à une croissance plus poussée que vous évoquez?

M. Dagher: Si le taux de pénétration du marché, la demande énergétique, provient de la substitution pour l'huile à chauffage, ou même le gaz — le gaz n'entre pas beaucoup en jeu dans cette perspective à ce point-là — une plus grande proportion en électricité générée devrait être produite et vendue au Québec en hiver. Donc, la vague ou le cycle serait beaucoup plus élevé en hiver relativement à l'été. C'est cet excédent qu'on est supposé exporter. 15 000 kilowatts plutôt que les 5000 qui sont déjà assurés comme exploitation aux Etats-Unis.

M. Joron: C'est un point de vue intéressant, c'est la première fois que ce problème est soulevé devant la commission; effectivement, c'en est un, s'il y a un transfert de chauffage trop considérable, il y a des risques d'accentuation de la pointe qui vont poser un problème éventuel.

Une dernière question, si vous permettez. Passons outre les raisons pour lesquelles vous dites que la pénétration de l'électricité ne peut se faire à un rythme plus accéléré que ça...

M. Dagher: Selon les tarifications présentes.

M. Joron: J'allais vous demander justement quels changements prévoyez-vous ou verriez-vous dans la tarification qui pourraient accélérer la pénétration de l'électricité? Je devrais relier ça à une question préalable. Vous nous avez exposé une hypothèse pessimiste, nous disant qu'on reste quand même pris avec une dépendance de 60% de tout le bilan, face à des sources extérieures que vous estimez risquées. Vous nous dites, sans trop préciser, de développer les sources domestiques, de rechercher les nouvelles formes d'énergie, mais, alors, pourriez-vous préciser vers quoi il faut aller, vers quoi nous recommandez-vous d'aller s'il faut se soustraire à cette dépendance risquée?

M. Dagher: M. le Président, je pense que, sans être expert en la matière, il est possible qu'une tarification autre que celle que nous avons permettrait une pénétration plus grande de l'électricité. Ensuite, les autres sources...

M. Joron: Si vous me permettez, sur la tarification, pourriez-vous préciser davantage quel type de modification favoriserait une pénétration plus grande de l'électricité?

M. Dagher: Non, je crains que non, je ne pourrais pas donner de précisions plus spécifiques que celles-ci. J'ai lu des rapports qui semblaient dire qu'avec une tarification autre, il serait possible de décréter la demande un peu plus facilement durant l'année et même durant le jour.

M. Joron: Vous reliez la difficulté de pénétration plus grande de l'électricité à la possibilité de mieux exploiter la demande.

M. Dagher: C'est ça.

M. Joron: D'accord. On va essayer de se débrouiller avec ça. Je crois qu'il y aurait une autre petite partie de réponse à une question.

M. Dagher: Vous nous avez demandé, M. le ministre, quelle contribution la compagnie BP pourrait apporter à la difficulté de fournir du pétrole au Québec. Tout ce que je peux dire sur ce sujet, c'est que nous faisons partie d'un groupe qui a été extrêmement perspicace, qui a des ressources techniques appréciables, ce qui rend les pays de l'OPEP intéressés à commencer avec ce groupe. Aussi, c'est un groupe qui a eu une perception assez vaste et assez distance du développement énergétique futur et qui a été un assez Don succès. Je voudrais citer trois exemples, si vous me permettez, M. le Président.

En 1958, devant la commission Borden sur l'énergie au Canada, la Commission royale d'enquête Borden, qui s'est penchée surtout sur le problème des réserves canadiennes de l'Ouest qui ne semblaient pas trouver de marché, la position que BP a prise à ce moment-là était de ne pas trop s'exciter devant ces excédents apparents et que, si on regardait un peu plus loin, il y a 20 ans de ça, le taux de découverte récent, depuis Leduc jusqu'à ce point-là, ne justifiait pas un sens de sécurité illusoire; on n'avait pas un excédent énorme.

Un deuxième exemple, c'est que, tard dans les années soixante, quand le monde semblait nager dans le pétrole, nos analystes, nos collègues à Londres avaient prévu qu'il y aurait, tôt ou tard et plutôt tôt que tard, une tension dans la fourniture du brut au niveau mondial. C'est à partir de ces analyses qu'ils ont décidé d'explorer en Alaska et dans la mer du Nord, ce qui explique leur présence assez dominante dans ces régions.

Un troisième cas, nous avons maintenant à peu près 400 000 barils de production par jour chez BP, il y en a aussi beaucoup en Alaska.

En juin 1973, bien avant la crise d'octobre 1973, nous sentions une espèce de tension, une espèce de cahot dans les marchés. Nous avons affrété des pénombres un petit pétrolier qui était capable de naviguer sur le Saint-Laurent et nous nous sommes mis à transporter du brut canadien de l'Ontario à Montréal et cela, bien avant la crise.

C'est cette perspicacité, cette analyse profonde, distante et perspicace de la situation qui, je crois, est une ressource très réelle de notre compagnie.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, à la page 28 de votre mémoire, vous parlez des prix. Vous dites que l'industrie pétrolière est compétitive, en ce qui a trait au prix, les consommateurs sont bien servis. Vous savez sans doute qu'il existe une loi qui pourrait retarder la mise en application de certaines augmentations de prix. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est votre politique sur la hausse des prix actuels qui peut avoir lieu dans l'avenir? Allez-vous augmenter? Quand? Et si c'est possible, nous dire de combien. Quelle est votre politique sur ce sujet maintenant?

M. Deverell (David): M. le Président, le prix des produits pétroliers est réglementé par les lois du marché, la loi concernant les mesures antiinflationnistes et l'entente survenue entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces selon laquelle il doit y avoir un décalage de 60 jours entre l'augmentation de prix des produits et l'augmentation de prix du brut.

Le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère de l'Energie, des Mines et des Ressources, détermine aussi l'augmentation des prix des produits correspondant à une augmentation donnée du prix du brut.

Etant donné l'augmentation du prix du brut qui a eu lieu le 1er janvier 1977, la prochaine augmentation des prix due à cette augmentation surviendra au début de mars. Il est évident que nous essaierons d'augmenter nos prix à cette date et je crois que, pour les mêmes raisons, les autres compagnies en feront autant.

L'augmentation due à l'inflation est sujette à l'approbation de la commission anti-inflation. La plus efficace des compagnies, celle qui aura soumis la moindre augmentation de coût établira un plafond sur les prix du marché.

M. Ciaccia: Votre réponse, c'est que vous allez vous prévaloir des 60 jours et, à la fin des 60 jours, vous allez augmenter d'après les prix que toutes les autres compagnies vont effectuer.

M. Deverell: C'est correct.

M. Ciaccia: Pour revenir un instant sur la question de pénurie de pétrole, vous prévoyez qu'il va y avoir une pénurie dans dix ou vingt ans. Et en même temps, vous nous dites que 60% de nos besoins énergétiques seront dans le pétrole. Quand vous avez fait votre analyse des dernières années, est-ce que vous pourriez regarder dans votre boule de cristal pour voir dans dix ou vingt ans? Est-ce que vous pouvez dire quelque chose de plus concret dans le sens de garanties d'approvisionnement, ou est-ce qu'il y aura des circonstances spécifiquement pour le Québec où ces approvisionnements pourraient être plus faciles ou plus difficiles?

M. Dagher: Je crois que sur ce chapitre, nous sommes dans le même bateau que tous les pays à haute consommation de pétrole. On n'est pas plus sécurisés qu'eux, ni moins non plus. Nous avons la chance ou l'occasion de pouvoir essayer de développer les sables bitumineux dans l'Alberta ou les dépôts de pétrole lourd dans la région de Cold Lake qui, eux, pourraient contribuer à rendre 60% qui, dans un certain sens, est un résidu de la demande, pourraient être ouverts à un plus grand degré du développement de ces sources de pétrole de l'Ouest du Canada. Cela, il me semble, donnerait un degré sécuritaire beaucoup plus appréciable au Québec en ce qui concerne les fournitures de pétrole brut.

Sur la question des sables bitumineux, les fournitures possibles à entrevoir de cette source d'énergie, présentement, il y a à peu près 170 000 barils par jour de prévisibles, pour l'année 1979. Il est possible, je crois, d'accélérer ce rythme et de créer des ressources beaucoup plus appréciables, à partir de ces dépôts de sables bitumineux.

M. Ciaccia: Faites-vous partie du développement de Syncrude ou vous êtes-vous retirés de cela?

M. Dagher: Non, nous ne faisons pas partie du développement de Syncrude. Nous avons une licence pour les sables bitumineux de l'Athabaska. Nous concentrons, pour le moment, nos efforts sur la région de Cold Lake. Nous avons commencé une usine pilote pour essayer de voir si on ne peut pas extraire des quantités appréciables des dépôts qui sont énormes dans cette région.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski, dernière intervention.

M. Marcoux: C'est concernant le port en eau profonde sur le Saint-Laurent. Vous ne le recommandez pas au gouvernement ou, en tout cas, d'après vos prévisions, ce port serait inutile. Dans vos chiffres, au tableau 9, vous indiquez que la consommation du Québec, en 1990, sera d'environ 597 000 barils par jour, ce qui concorde avec d'autres chiffres qui nous ont été donnés. La plupart des mémoires que nous avons entendus nous disaient: Vers 1981 ou 1982, il va falloir inverser le sens du pipe-line Montréal-Sarnia. Comment prévoyez-vous pouvoir amener ces approvisionnements jusqu'à Sarnia? Le port de Portland, d'après vous, pourrait-il suffire? Quel est votre avis à ce sujet?

M. Dagher: M. le Président, la réponse à cette question, c'est qu'il y a d'autres moyens, que nous considérons plus efficaces au point de vue économique, de fournir la région de Sarnia et de Toronto, entre autres une expansion du pipe-line Portland-Montréal, une expansion modeste. Je crois que sa capacité peut être augmentée à... Je crois avoir lu 750 000 barils par jour.

Il y a aussi des moyens d'amener du pétrole étranger, du Moyen-Orient disons, vers les raffineries de Toronto, par les systèmes de pipe-lines qui existent déjà aux Etats-Unis, le système Capline, par exemple, si la capacité existe ou si on peut augmenter cette capacité.

Ce qui m'inquiéterait, personnellement, d'un superport, c'est la mise en oeuvre, dans les années quatre-vingt, d'un pipe-line. On aurait besoin d'une trentaine d'années pour couvrir ces frais. Cela nous mènerait à l'année 2010 à peu près. Peut-on miser sur des fournitures de pétrole étranger dans ces volumes? A ce moment-ci, c'est la question que je me pose.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de cette commission vous remercient. C'est tout pour ce soir.

J'appelle le groupe Shell Canada, s'il vous plaît! Messieurs, vous avez environ 45 minutes.

Une Voix: Merci!

Shell Canada

M. Beauregard (Gaston): M. le Président, MM. les membres de la commission, je voudrais tout d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. M. Gilles Bellefeuille, directeur des affaires publiques; M. Larry Kor-chinski, directeur général en approvisionnement, siège social; M. Dick Aberg, directeur général planification, siège social; M. Dan Pegg, directeur, services gouvernementaux, siège social; je suis Gaston Beauregard, directeur de la région commerciale de l'Est.

L'approvisionnement et le prix de l'énergie sont les facteurs clés de la croissance économique du Québec. Comme 76% de ses besoins énergétiques d'utilisation finale sont comblés par le pétrole et le gaz naturel, on attache à ces sources une importance particulière.

Le Canada doit faire face à la perspective d'une disponibilité décroissante de pétrole et de gaz naturel et, au niveau des marchés mondiaux, envisager l'interruption possible des approvisionnements ainsi que la hausse des coûts de l'énergie. Le Québec a un rôle primordial à jouer dans l'élaboration des politiques qui régiront l'évolution. Shell a été un important fournisseur d'énergie pétrolière au Québec depuis 1911 et, à ce titre, est vivement préoccupée par les règles de conduite que le gouvernement du Québec est en train d'étudier. Par conséquent, nous sommes très heureux de l'invitation qui nous a été faite par la commission de commenter le programme énergétique du Québec et soumettre les recommandations que notre expérience et nos connaissances nous inspirent.

Shell Canada Limitée est constituée en compagnie publique en vertu de la Loi canadienne sur les corporations. Quelque 21% du capital social est détenu par le public, et environ 79% par Shell Investment Limited, une société canadienne qui, à son tour, est une filiale à part entière de Shell Petroleum NV, une société hollandaise. L'actif de cette dernière appartient, dans une proportion de 60%, à la Royal Deutsch, une société hollandaise, et 40% à la Shell Transport and Trading Company Limited, une compagnie du Royaume-Uni. Les actions des deux sociétés mères sont entre les mains des ressortissants de plusieurs pays.

Shell Canada est une compagnie pétrolière intégrée. Ses activités comprennent l'exploitation, la production, le raffinage, le transport et la commercialisation du pétrole et des produits pétroliers. Ses exploitations s'étendent sur toutes les provinces et les deux territoires du Canada. Elle embauche environ 6700 employés. Notre siège social est situé à Toronto.

Notre organisation au Québec comporte trois entités opérationnelles distinctes: le raffinage, la commercialisation et les produits chimiques. Le nombre total d'employés au Québec est d'environ 1300.

La raffinerie de Montréal-Est, avec sa capacité nominale de raffinage de 120 000 barils par jour, représente 40% de la capacité totale de Shell Canada. Cette raffinerie produit, en plus de la gamme complète de produits pétroliers énergétiques, des produits chimiques, du bitume et des huiles lubrifiantes. Enfin, nous sommes la seule compagnie à raffiner des huiles lubrifiantes au Québec. Le secteur raffinage occupe quelque 750 employés à Montréal. Le bureau principal de la région commerciale de l'Est est situé à Montréal. Le territoire relevant du bureau régional est composé des quatre provinces de l'Atlantique et du Québec.

Les ventes de produits finis au Québec représentent environ 31% des ventes totales des produits finis au pays. Ce secteur, au Québec, emploie environ 550 personnes travaillant dans 19 établissements situés à Montréal, Québec, Sherbrooke, Arvida, Chicoutimi, Port-Alfred, Trois-Rivières, Mont-Laurier, Quévillon, Matagami, Baie-Comeau, Sept-lles, Thetford Mines et Chibougamau. Ces chiffres ne comprennent pas les établissements qui s'occupent de la distribution et de la vente de produits pétroliers à contrat et qui ne sont pas exploités par des employés Shell, soit 27 dépôts à commission, 141 agents et 1245 stations-service au Québec.

Le service de vente des produits chimiques est situé à Montréal. Les ventes de produits chimiques au Québec représentent 17% des ventes de produits chimiques au pays. Les investissements globaux de Shell au Québec sont de l'ordre de $445 millions.

A cause de la longueur de notre mémoire, nous nous bornerons aujourd'hui à faire état des grandes lignes seulement et de vous soumettre nos recommandations. Nous discuterons, tour à tour, de la demande d'énergie au Québec, de la sécurité d'approvisionnement, de la formation des prix de l'énergie, des intérêts des consommateurs et de la protection de l'environnement.

J'aimerais maintenant demander à M. Belle-feuille de poursuivre notre présentation.

M. Bellefeuille (Gilles): M. le Président, messieurs les membres de la commission, la première partie dont on veut vous parler ce soir, c'est la demande d'énergie au Québec. Dans notre planification, on a effectué deux études, mettant en parallèle des facteurs de croissance démographique, des taux d'emploi et de chômage et des niveaux de production par travailleur différents, et, ainsi, on a dégagé des prévisions économiques qui

étaient différentes. Elles ont indiqué un taux estimatif de croissance économique de 4% et de 3% par année, en termes de produit provincial brut réel, entre 1975 et 1990, selon qu'on considère les variables maximales ou minimales.

Tout en reconnaissant qu'il est difficile de prédire l'avenir avec exactitude, nous croyons que, pour les fins de la politique énergétique, le taux le plus élevé de croissance économique et la demande d'énergie correspondante devraient être retenus lors de l'évaluation des besoins énergétiques du Québec. Ceci, afin d'éviter des décisions qui pourraient conduire à des pénuries. L'argumentation de ce mémoire repose donc sur cet énoncé, celui des 4%.

Nous désirons souligner que, même si le taux de croissance économique le plus bas ne diffère que de 1%, il pourrait signifier une réduction du niveau d'utilisation finale de l'énergie d'environ 6% en 1990.

La demande d'énergie primaire: La demande d'énergie primaire englobe toutes les formes d'énergie disponibles et tient compte de l'apport d'énergie nécessaire pour satisfaire à la demande finale des secteurs de consommation. Elle rend compte de l'utilisation et des pertes entraînées par la conversion de l'énergie primaire en combustibles et produits vendables, y compris la production de l'électricité, de même que des besoins non énergétiques. La demande d'énergie primaire au Québec a augmenté à un taux annuel de 4,8% de 1960 à 1975, et nous croyons qu'elle augmentera de 2,8% par année durant la période de nos prévisions, c'est-à-dire jusqu'en 1990.

Les points suivants font partie intégrante de ces prévisions: Premièrement, le pétrole restera un des principaux combustibles, mais on s'attend qu'il perde environ 5% de sa part du marché. On suppose, naturellement, que le pétrole continuera d'être facilement accessible, grâce surtout aux importations.

Deuxièmement, la consommation de gaz naturel connaîtra une bonne croissance dans la région métropolitaine, mais nous n'avons pas considéré d'autres marchés pour les besoins de cette étude. Nous avons présumé qu'il y aurait suffisamment de gaz naturel pour répondre à cette demande de la région métropolitaine.

Troisièmement, le charbon n'aura probablement pas une grande importance au Québec.

Quatrièmement, l'hydroélectricité demeure un des principaux facteurs de l'énergie primaire, la demande supplémentaire étant satisfaite, à notre avis, par le projet de la baie James.

Cinquièmement, la demande d'énergie nucléaire progressera avec modération selon les prévisions faites par l'Hydro-Québec.

Passons maintenant à l'utilisation finale de l'énergie. Les consommateurs de combustibles et d'électricité se regroupent en quatre secteurs: résidentiel, commercial, industriel et transport. Les prévisions reflètent, dans chaque cas, un taux de croissance nettement plus bas que celui des quinze dernières années. On attribue cette réduction aux raisons suivantes: Premièrement, un ralentissement général de l'essor économique.

Deuxièmement, une forte croissance du secteur des services par rapport au secteur de production des biens.

Troisièmement, un changement dans le secteur résidentiel, les nouvelles constructions étant surtout des maisons de rapport qui nécessitent moins d'énergie que les maisons unifamiliales.

Quatrièmement, l'application de mesures de conservation dans tous les secteurs.

En regroupant ces quatre principaux secteurs, on en arrive a une réduction du taux annuel de croissance de l'utilisation finale de l'énergie au Québec de 2% pour la période de 1975 à 1990, comparativement à 4% à 5% pour les années précédentes. Pendant cette période de prévision, le pétrole accusera une perte dans les secteurs résidentiel, commercial et industriel, tandis que le secteur transport continuera d'en dépendre presque entièrement. C'est pourquoi nous disons que le pétrole occupera donc, à l'avenir, une place importante au Québec.

On s'attend que le gaz naturel se maintienne au même niveau dans le secteur résidentiel et progresse dans les secteurs commercial et industriel. Le charbon et l'électricité garderont leur part de la demande industrielle et la demande de l'électricité augmentera beaucoup, à notre avis, dans les secteurs résidentiel et commercial.

De cette demande d'énergie, nous passons maintenant à la demande de produits pétroliers.

Pendant les quinze dernières années, la demande de produits pétroliers a connu une croissance considérable, mais nos données futures reflètent une croissance plus modérée. Nous prévoyons, par exemple, une réduction de la demande d'essence, un accroissement de la demande de distillats et de combustibles lourds et un accroissement aussi de la demande des autres produits. Par autres produits, on veut dire le bitume, les lubrifiants, les graisses, les charges d'alimentation pour usines pétrochimiques.

Maintenant, ceci pourrait nous apporter un problème. On remarque que les raffineries sont conçues généralement pour produire des essences et des distillats dans une proportion établie. Ce rapport est connu en anglais sous le signe G/D qui, en français, a été traduit essence par rapport à distillats.

Nos prévisions indiquent un rapport d'environ, en 1975 et, 64 en 1990. La plupart des raffineries du Québec ne peuvent respecter cet écart du fait de leur conception, ce qui pourrait engendrer un problème sérieux lorsque viendra le temps de satisfaire à un nouvel équilibre de produits dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix.

Les raffineries pourraient être exploitées, d'une part, de façon à satisfaire la demande d'essence en important les distillats ou encore à respecter la demande de distillats et à exporter l'excédent d'essence. Chacun de ces choix comporte des frais qu'il faudra recouvrer sur le marché. A titre de solution de rechange, on pourrait faire face à des rapports variables de la demande par un afflux important de capitaux à chaque raffinerie pour permettre l'installation d'un nouveau matériel

de traitement qui est la seule solution au problème, à part les deux que je viens de mentionner.

Ceci naturellement imposera un lourd fardeau aux sociétés et influera nécessairement sur le prix du marché.

J'aimerais maintenant passer à la sécurité d'approvisionnement. Je voudrais vous parler, premièrement, du cas du pétrole brut.

De 1969 à 1975, le Canada a été un exportateur net de pétrole. Toutefois, les importations vers l'Est du Canada ont assuré environ la moitié de nos besoins totaux. Pendant l'embargo du pétrole en 1973/74, les efforts communs de l'industrie et du gouvernement ont permis à l'Est du Canada de résister à peu près entièrement à cette crise. Ces efforts se sont spécialement traduits par des mesures temporaires dans le domaine des transports et une production accrue de l'Ouest du Canada.

Cet embargo nous a fait constater la vulnérabilité de l'Est du Canada aux interruptions d'approvisionnement de pétrole découlant de gestes politiques et économiques de quelques pays.

Une des mesures prises pour contrecarrer cette dépendance a été le prolongement du pipeline Inter-Provincial jusqu'à Montréal. La demande de brut pour approvisionner les raffineries du Québec et les provinces atlantiques passera de 800 000 barils par jour qu'elle est aujourd'hui à un montant total de 1 100 000 barils par jour en 1990.

Depuis le milieu de 1976, le brut de l'Ouest du Canada est acheminé par ce pipe-line, comme je l'ai dit tout à l'heure, et remplace ainsi jusqu'à 250 000 barils par jour en importations étrangères.

Cependant, on s'attend à une baisse de production des réserves actuelles dans l'Ouest du pays, ce qui veut dire que de plus grandes quantités de brut importé seront nécessaires pour l'Est du Canada.

On exclut de nos prévisions les nouvelles découvertes dans les régions traditionnelles, nouvelles découvertes que nous avons incluses, mais qui ne sont pas encore réalisées. Nous accroissons ainsi, en les excluant, la dépendance sur le brut importé.

Cet état de choses met en relief la question de la sécurité d'approvisionnement et nous force à considérer l'adoption de mesures compensatrices en vue de réduire notre dépendance vis-à-vis des sources possiblement incertaines.

Selon les normes mondiales, les réserves classiques connues du Canada, qui s'élèvent à 8 milliards de barils, sont modestes, mais peuvent être sensiblement augmentées si l'on considère les possibilités offertes par les sables bitumineux, soit 300 milliards de barils.

On peut en exploiter, à notre avis, environ 10% à ciel ouvert par des méthodes reconnues efficaces. On devra, cependant, effectuer des essais pour déterminer s'il est pratique d'adopter des procédés de récupération pour les réserves qui ne peuvent pas être exploitées par extraction minière.

Ces essais devraient commencer sous peu. Les régions frontalières offrent, à part les sables pétrolifères, des possibilités de découvertes impor- tantes, mais un pipe-line de taille serait alors nécessaire pour transporter le produit vers les marchés consommateurs.

Nous croyons que les prochaines additions considérables aux stocks canadiens de pétrole brut se feront à partir des sables bitumineux et ce, vers le milieu des années quatre-vingt.

Shell Canada, à l'instar des autres sociétés, importe du pétrole brut pour sa raffinerie québécoise. Les prix du brut importé sont généralement établis par l'OPEP, mais nous acceptons la responsabilité de négociations visant à obtenir les meilleures conditions possible relativement au genre de brut et aux modalités de paiement.

Dans notre cas, nous achetons dans la mesure du possible le brut qui convient le mieux au programme de production de nos raffineries et nous avons présentement des contrats avec une société gouvernementale vénézuélienne pour le brut qui peut ravitailler la raffinerie de Montréal-Est selon nos critères. Nous avons de plus des relations à l'échelle internationale qui nous permettent d'avoir accès à d'autres bruts sur le marché mondial, mais leurs prix ne sont pas actuellement intéressants pour nous. Il nous importe d'avoir, non seulement de multiples sources d'approvisionnement, mais également la possibilité de choisir selon nos besoins spécifiques. Par exemple, comme l'a dit M. Beauregard tout à l'heure, notre raffinerie de Montréal-Est produit des huiles lubrifiantes. Or, on sait que les huiles lubrifiantes nécessitent un type de brut particulier et c'est pour cette raison précisément que nous nous approvisionnons de brut vénézuélien.

Certains gouvernements ont proposé que l'achat de brut se fasse au moyen d'ententes entre les Etats sans que l'industrie n'intervienne dans ces transactions au niveau international. Rien n'indique à nos yeux que l'adoption de cette proposition nous assurerait un approvisionnement étranger plus sûr. D'un autre côté, il est possible que ces ententes entre Etats conduisent à une moins grande diversité de sources d'approvisionnement et en compromettent la sécurité. Elle pourrait également entraîner une perte d'avantages économiques si le brut ne satisfait pas aux particularités de raffinage.

Passons maintenant au cas du gaz naturel. La perspective de la production intérieure de gaz naturel est beaucoup plus encourageante que pour celle du pétrole. Nos prévisions tiennent compte d'un rendement accru des réserves actuelles en plus de nouvelles découvertes dans les régions productrices actuelles. Nous avons de plus établi que d'importantes réserves de gaz existent dans l'Arctique, mais leur effet sur les prévisions dépend de gestes politiques et de réglementation gouvernementale dans le cas du delta du Mackenzie et en plus de l'établissement de réserves supplémentaires dans le cas des îles de l'Arctique. Par conséquent, ces réserves n'ont pas été incluses dans nos prévisions dans le mémoire qu'on vous a soumis. Les prévisions relatives à la demande incluent les exportations autorisées vers les Etats-Unis, soit les volumes stipulés dans les contrats

dont les dates d'expiration s'échelonnent de la fin des années quatre-vingt jusqu'en 1994. Par suite de l'échéance de certaines ententes à la fin des années quatre-vingt, la demande connaîtrait une nette baisse pendant une brève période. Dans cette optique, il est raisonnable de penser que la production de gaz naturel de l'Ouest canadien pourrait suffire à la demande nationale des réseaux de distribution existant et à la demande étrangère applicable aux exportations autorisées jusqu'au milieu des années quatre-vingt.

La formation des prix de l'énergie. Encore là, nous avons divisé notre étude entre le cas du pétrole brut et le cas du gaz naturel. Depuis l'automne 1973, l'économie canadienne a été à l'abri d'une partie des effets de l'augmentation des prix du pétrole brut dans le monde. Le prix actuel du brut canadien est d'environ $3.80 le baril de moins que le prix mondial du pétrole livré à Montréal. Au début de 1974, le gouvernement fédéral a mis en application une politique de parité des prix dans tout le pays par un système d'indemnisation. Ce système d'indemnisation a eu l'avantage de garder le prix du brut canadien au-dessous du prix moyen du pétrole de notre principal partenaire commercial, les Etats-Unis, et de ce fait a contribué à maintenir en position de concurrence les industries exportatrices canadiennes. Bien que nous sommes d'accord sur ce point de vue, nous désirons apporter des précisions. Premièrement, on doit considérer l'énergie en fonction de coût globaux lorsqu'on étudie l'aspect concurrentiel des industries exportatrices. En s'appuyant sur les données de 1974, les dernières dont on dispose, on s'aperçoit que les coûts accrus de l'énergie représentaient alors environ 7,1% de la valeur ajoutée et les salaires représentaient 38,3% de la valeur ajoutée. Il est donc évident que l'énergie, tout en étant essentielle, est loin d'être le facteur déterminant de la concurrence économique.

Deuxièmement, à la longue, le pourcentage de brut à faible prix, par rapport à la consommation globale des Etats-Unis diminuera, occasionnant ainsi une hausse du prix moyen aux Etats-Unis. Par conséquent, nous croyons qu'au début des années quatre-vingt, les prix américains seront comparables aux prix mondiaux.

Troisièmement, à notre avis, il est nécessaire qu'on confirme l'intention d'adopter les prix mondiaux pour nous assurer que soit mis sur pied les mécanismes de formation des prix qui, d'après nous, sont nécessaires et qui donneront le signal pour motiver le public le plus à conserver l'énergie.

Passons maintenant au cas du gaz naturel. Les prix du gaz naturel sont maintenant régis en fonction du prix du brut avec comme unité de référence le BTU. La ville repère est Toronto, mais les zones tarifaires font que le prix du gaz livré à Montréal est sensiblement le même qu'à Toronto. Nous appuyons le maintien de la parité des prix au consommateur pour une équivalence thermique. Cette mesure, nous vroyons, nous accordera un marché compétitif, mais en même temps permettra à d'autres facteurs, comme la sécurité d'approvisionnement, d'influer sur la croissance.

Le gaz naturel est un combustible qui concurrence les produits pétroliers dans les secteurs résidentiels, commerciaux et industriels. L'huile de chauffage no 2 est sensiblement plus coûteuse que le gaz naturel ou l'électricité, compte tenu des coûts du combustible et aussi des coûts de l'amortissement du capital.

Il ne semble pas que le gaz puisse entrer en concurrence avec l'électricité selon la tarification actuelle. Toutefois, si on établit un parallèle avec les prix du pétrole, on constate que les prix du gaz pourraient augmenter sans freiner la percée du gaz sur le marché.

Comme nous l'avons dit précédemment, nous n'avons pas étudié la portée économique de l'élargissement des réseaux de distribution de gaz au Québec. Si on ouvrait ces nouveaux marchés, le gouvernement pourrait devoir intervenir pour compenser les désavantages économiques inhérents à cette situation.

Je voudrais maintenant vous parler quelques instants de la section de notre mémoire qui s'intitule Intérêts des consommateurs. Afin de situer les besoins, les attentes et les droits des consommateurs dans le contexte des réalités financières des entreprises de raffinage et de commercialisation, nous désirons étudier les intérêts des consommateurs sous trois chefs principaux: premièrement, les fonctions de raffinage et de commercialisation; deuxièmement, les prix des produits pétroliers et, troisièmement, l'équité envers les consommateurs.

L'activité d'une société intégrée telle que Shell Canada se divise en opérations qu'on dit habituellement "upstream" et "downstream", en amont et en aval. Dans le cas du raffinage et de la commercialisation qu'on appelle opérations en aval, ces opérations représentent une entité commerciale distincte à laquelle les consommateurs doivent se fier pour obtenir, premièrement, un produit fini de haute qualité; deuxièmement, fourni par des moyens sûrs et efficaces et, troisièmement, un prix juste et raisonnable.

En retour de cet ensemble de produits et de services, les secteurs raffinage et commercialisation doivent retirer des produits suffisants pour leur assurer un rendement raisonnable de l'importante mise de fonds qu'ils ont dû investir dans cette entreprise. Les procédés de raffinage donnent des coproduits, c'est-à-dire qu'ils rendent concurrement divers produits finis à partir d'une seule matière première.

Le Président (M. Laplante): Je m'excuse de vous interrompre un peu. Tout ce passage, pouvez-vous le résumer assez vite? Il touche un peu la mise en marché au consommateur actuellement.

M. Bellefeuille: D'accord.

Le Président (M. Laplante): C'est une longue partie étant donné qu'il reste à peu près 18 minutes pour recevoir des questions.

M. Bellefeuille: Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais vous lire la partie qu'on a inti-

tulée: Equité envers le consommateur, et qui va prendre 30 secondes.

Les secteurs raffinage et commercialisation doivent soutenir la concurrence, d'abord par l'efficacité de leurs opérations et par les prix de leurs produits. Il s'agit maintenant de savoir si la concurrence a favorisé les intérêts des consommateurs en mettant à leur disposition une diversité de produits et de services à des prix justes et raisonnables. Selon nous, elle y est parvenue.

Etant donné qu'on manque de temps, nous allons simplement vous dire qu'on croit avoir fait la preuve de manière plus approfondie dans le mémoire qu'on y est parvenu en se basant sur des critères traditionnellement reconnus, notamment la présence évidente de la concurrence, la comparaison entre le niveau des prix et l'indice des prix d'autres produits et services soumis aux mêmes facteurs économiques; troisièmement, la position du rendement général de l'industrie par rapport à celle d'autres industries et d'autres sociétés du même milieu économique.

La dernière section de notre mémoire est intitulée: La protection de l'environnement. Je voudrais la résumer à cause du manque de temps en vous disant que les deux points principaux à mentionner ici sont le fait que Shell est en train d'apporter des modifications de l'ordre de $25 millions à sa raffinerie de Montréal-Est pour améliorer la qualité des affluents déversés dans le fleuve Saint-Laurent. Ce projet dont la mise en oeuvre a été suivie de près par les services de protection de l'environnement est terminé à 85%. De plus, Shell a investi l'année dernière $2,5 millions pour la protection du milieu dans ses installations de mise en marché au Québec.

Je voudrais maintenant céder la parole à M. Beauregard pour le sommaire et les recommandations.

M. Beauregard: La demande d'énergie au Québec a toujours connu un taux de croissance élevé et, ces dernières années, le pétrole a satisfait aux deux tiers de la demande finale. Cette dépendance importante vis-à-vis du pétrole se prolongera pendant des années. Le Québec dépend entièrement d'approvisionnements extérieurs, surtout du brut importé. Chaque fois le Québec devrait étudier la situation en fonction des facteurs suivants: premièrement, demande de l'énergie. Elle pourra être freinée par une prise de conscience de la part du consommateur, les répercussions qu'entraîne une forte consommation et par la motivation de tous les secteurs d'utilisation finale à accélérer leurs efforts de conservation. Aussi par la mise en oeuvre d'avantages fiscaux, par exemple un allégement d'impôts en compensation d'une isolation améliorée et d'initiatives comme la révision du Code du bâtiment pour favoriser et hâter l'adoption de mesures de conservation.

Deuxièmement, sécurité de l'approvisionnement. Dans l'optique d'une réduction de sa dépendance du brut étranger, le Québec pourrait encourager: l'exploitation des sables bitumineux, ce qui semble être le moyen le plus rapide d'assurer des sources supplémentaires importantes et garanties de pétrole brut; l'élaboration de programmes pratiques et immédiats de mise en valeur des réserves de gaz du delta du Mackenzie et, subséquemment, de celles des îles de l'Arctique qui pourraient lui offrir la perspective d'une plus grande disponibilité de gaz naturel; l'adoption de mesures fiscales et de réglementations qui favoriseraient les initiatives de l'industrie dans les régions frontières de la façon la plus pratique et rapide possible.

Troisièmement, la formation des prix de l'énergie. Le Québec devrait appuyer les politiques de formation des prix qui, tout en maintenant une économie concurrentielle, permettraient au prix du brut canadien d'atteindre le niveau international aussi vite que possible et encourageraient ainsi les efforts de conservation ainsi que d'exploitation de nouvelles ressources canadiennes de pétrole et de gaz naturel.

Afin de faciliter la mise en valeur de nouvelles ressources qui nécessitent de coûteux investissements, le Québec devrait appuyer une meilleure répartition des revenus au profit de l'industrie.

Dans le cas des produits pétroliers générateurs d'énergie, la prise de contact avec le consommateur s'accomplit au niveau des secteurs raffinage et commercialisation. C'est un domaine hautement compétitif qui offre au consommateur un grand choix de produits et de services à un prix qui, selon tous les critères habituels, est tout à fait équitable et raisonnable. A notre avis, les secteurs raffinage et commercialisation de l'ensemble de l'industrie ont bien servi les intérêts des consommateurs. Mais, comme dans le cas d'autres entreprises, ils ont dû, depuis quelques années, se soumettre à des réglementations et à des contrôles extérieurs. Nous croyons néanmoins qu'en principe, la nature hautement concurrentielle des secteurs raffinage et commercialisation stimule mieux la tendance à améliorer l'efficacité de rendement et assure un meilleur contrôle des prix que la plupart des réglementations gouvernementales. Par conséquent, toute nouvelle intervention des gouvernements, à l'heure actuelle, ne saurait apporter de plus grands avantages.

Shell préconise une stratégie de préservation du milieu bien conçue, qui respecterait l'équilibre entre le prix au consommateur et le degré de protection de l'environnement, stratégie qui doit s'intégrer aux politiques d'investissement et d'énergie.

M. le Président, je remercie les membres de la commission et je suis à leur disposition pour répondre aux questions que notre mémoire a suscitées.

Le Président (M. Laplante): Merci messieurs. M. le ministre.

M. Joron: Messieurs, avant de vous poser quelques questions, puisque vous êtes le dernier des sept raffineurs québécois à nous présenter votre mémoire, c'est peut-être l'occasion d'essayer

de faire le point sur les mémoires que nous ont présentés les principales sociétés pétrolières qui opèrent des raffineries au Québec.

Ce qui me frappe, en écoutant votre mémoire — de l'un à l'autre, il y a eu des petites divergences. Il y en a qui ne croyaient pas au gaz naturel, un autre croyait au charbon, enfin, chacun avait sa petite particularité — grosso modo, il y a une étonnante ressemblance dans les mémoires que nous ont fournis les sept compagnies de pétrole qui ont des opérations intégrées au Québec.

Vous nous avez tous prédit un avenir pétrolier, dans une proportion un peu moindre qu'aujourd'hui, mais pas beaucoup, pas beaucoup, moindre. Aujourd'hui, on est dépendant du pétrole à 70%. Certains nous ont dit que cela va baisser à 65%, comme vous le dites, que cela va baisser de 5% environ. L'intervenant précédent disait 60%. Cela a toujours varié à peu près dans ces chiffres-là.

Donc on va rester, pour beaucoup plus que la moitié, dépendants de sources pétrolières. Vous êtes à peu près tous d'accord pour dire que ces sources, à partir du début des années quatre-vingt, seront des sources étrangères, que ce soit du Moyen-Orient, du Venezuela ou autres.

Vous nous avez dit que, s'il y a des risques, il y a des risques théoriques de sécurité d'approvisionnement et que vous êtes tous en mesure d'y répondre, parce que vous représentez tous des sociétés très importantes qui ont chacune leurs relations spéciales avec les pays de l'OPEP, etc. Vous êtes tous en mesure de garantir les approvisionnements; vous êtes tous en mesure de protéger les intérêts des consommateurs — les sept on dit cela — de protéger l'environnement également.

Personne d'entre vous ne veut voir l'intervention de l'Etat au niveau des prix; personne d'entre vous ne veut voir SOQUIP dans le portrait, ni dans le raffinage, ni dans la distribution.

Finalement, vous invitez le gouvernement à ne pas agir, sur aucun plan, tout en nous disant que nous allons rester, au Québec, dépendants, dans l'avenir, pour plus de 60% de nos ressources énergétiques, du pétrole, mais que le pétrole, c'est votre affaire, que vous allez vous en occuper et que vous allez réussir à nous approvisionner, à bon compte et tous les problèmes vont être réglés.

Mes remarques ne s'adressent pas spécifiquement à votre mémoire, je ne voudrais pas que vous le preniez d'une façon personnelle, mais je ne peux pas m'empêcher, puisque vous êtes le dernier des sept raffineurs à me le dire. Il n'y a pas une étonnante naïveté dans tout cela finalement, que de nous inviter à dire: Messieurs, terminez donc cette commission. Nous, les pétroliers, on va s'occuper des affaires énergétiques du Québec. Ne pensez donc plus à cela. Vous nous dites tous... On dirait en anglais: "You pay lip-service" à des objectifs qui semblent faire l'unanimité au Québec. Vous nous dites tous, les uns après les autres: II faut conserver l'énergie. C'est comme être en faveur de la vertu et de la maternité. Il faut conserver l'énergie, vous êtes tous d'accord sur cela. Vous nous dites aussi qu'il faut développer nos sources locales. C'est pour flatter le Québécois, l'Hydro-Québec qui sommeille en chacun de nous. Vous nous dites: II faut développer l'électricité. Finalement, je me demande, en écoutant tout cela, sur quoi on peut asseoir notre avenir énergétique. Je ne le sais pas.

Ce sont des considérations d'ordre général. Si vous voulez faire des commentaires là-dessus... Comme je vous dis, ce n'est pas particulièrement à vous que cela s'adresse, c'est un commentaire général qui ne vous vise pas directement, mais je vous avoue que je n'ai pas trouvé beaucoup de substance sur laquelle fonder une politique énergétique québécoise, proprement québécoise ou qui répondrait à nos incertitudes d'approvisionnement, etc.

Je vais donc me limiter, sans vous empêcher de faire des commentaires sur les commentaires que je viens de faire — vous êtes parfaitement libre de le faire — à vous poser une seule question pour commencer. Vous semblez attacher passablement de confiance, de foi, dans le développement des sables bitumineux de l'Athabaska. Pourrais-je vous demander si vous prévoyez, et à quelle date environ, des approvisionnements de pétrole brut venant de cette source, pouvant éventuellement... puisqu'on dit qu'elle est énorme, mais on ne sait pas à quel prix on peut la sortir de là, par contre, c'est cela qui est le "hick", à quel prix voyez-vous l'exploitation éventuelle des sables bitumineux? Peut-être plus loin dans l'avenir, mais vous voyez ces sources pouvant remplacer à nouveau les sources du Moyen-Orient, plus loin dans le temps, à quel prix, tout en nous disant l'intérêt que votre société peut avoir dans le développement des sables bitumineux...

M. Beauregard: Selon nos études sur les sables bitumineux, le prix du baril de pétrole brut des sables bitumineux devient rentable actuellement, aujourd'hui.

C'est à peu près le prix mondial pour l'huile brute, qui est d'environ $13 à $14, livrée à Montréal, malgré que, pour l'huile brute, dans l'Ouest du Canada, le prix comprend des taxes, des impôts, des royautés. On sait que, même aujourd'hui, maintenant, les gouvernements fédéral et provinciaux sont en train de négocier quelque chose pour qu'on puisse s'entendre sur un prix entre des compagnies comme nous autres et les gouvernements. On croit qu'il faut avoir une réponse à ce problème. Si, par exemple, ils sont prêts à prendre un peu de taxes sur un prix de $13 ou $14, on peut continuer notre ouvrage, qui est déjà commencé. Beaucoup d'argent a déjà été dépensé pour les sables bitumineux par notre compagnie. On croit qu'on peut avoir une troisième usine en place pour 1985.

M. Joron: Pour une production de combien de barils?

M. Beauregard: A peu près 125 000 barils par jour.

M. Joron: Quel est votre intérêt actuel dans les sables bitumineux?

M. Beauregard: On a des baux là-bas, dans les sables bitumineux. On a déjà fait des travaux, des expériences sur ce terrain.

M. Joron: J'aurais une autre question à vous poser. A un moment donné, dans votre rapport, je ne cite pas de mémoire, mais vous souhaitez une équivalence de prix au consommateur entre les différentes formes d'énergie. Comment se fait-il que vous ne prévoyez pas une augmentation plus substantielle du gaz naturel que cela, si vous présumez que le prix devrait être concurrentiel à celui du pétrole ou de l'électricité? Toutes formes d'énergie étant égales, comment se fait-il que vous ne prévoyez pas une pénétration plus grande que celle du gaz naturel au Québec?

M. Beauregard: Maintenant, le prix du gaz naturel est à peu près à 85% du prix de l'huile à chauffage.

M. Joron: Ce n'est pas livré aux consommateurs. C'est à City Gate à Toronto.

M. Beauregard: Oui, mais c'est la même chose pour Montréal. Nous autres, on trouve, pour avoir une pénétration plus grande que ce qu'on peut percevoir dans notre mémoire, qu'il faut avoir une base assez large du secteur industriel, parce que, naturellement, si vous construisez un système de distribution, il faut amortir ces coûts durant toute l'année. Si on se concentrait seulement sur le résidentiel, la courbe, durant l'été, est naturellement bien basse. Maintenant, le prix concurrentiel entre le prix pour le gaz naturel et le bunker, le mazout, est à peu près égalisé maintenant, mais, quant au prix du gaz naturel, on trouve qu'on peut commander peut-être un petit peu plus, parce que le gaz lui-même, le combustible lui-même est un "premium". On croit qu'il y a une chance de pénétrer à ce niveau, mais pas assez pour commencer un nouveau système.

M. Joron: Est-ce que vous voulez dire par là que ça ne justifierait pas un prolongement des canalisations, des infrastructures de distribution?

M. Beauregard: Justement. C'est pour ça qu'on dit dans notre mémoire qu'on pense que ça prendrait une intervention du gouvernement pour le faire.

M. Joron: Quel type d'intervention?

M. Beauregard: Si l'affaire ne marche pas économiquement, malheureusement ça prend peut-être une taxe ou un support quelconque.

M. Joron: A part les prix, est-ce que c'est parce que vous avez des craintes quant à l'approvisionnement à long terme en quantité suffisante du gaz naturel? Vous n'avez pas de craintes de ce côté-là?

M. Beauregard: Non, on pense qu'il y en aura bien assez, de gaz naturel.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Avant de poser ma question, un peu à l'exemple du ministre, je vais peut-être revenir sur son affirmation de tout à l'heure. Il s'étonne de la naïveté des réponses qu'il obtient à ses questions de la part des compagnies pétrolières. Je me demande, M. le Président, si les questions ne sont pas plus naïves que les réponses, à moins, bien sûr, que le ministre n'ait voulu restaurer un peu de neutralité dans ses interventions et traiter les pétroliers comme il avait traité la CSN cet après-midi.

Effectivement, je ne vois pas de naïveté surprenante, pour reprendre les mots du ministre, dans ce que nous avons entendu, puisque, si j'ai bien compris — on peut me démentir dans le cas contraire — on nous dit et on affirme comme étant la conclusion à laquelle on arrive du côté, au moins, des compagnies pétrolières, quitte à contester leurs calculs, que quels que soient les efforts gouvernementaux ou autres qui soient faits pour conserver l'énergie ou restreindre la consommation de l'énergie et stimuler d'autres formes ou d'autres sources d'énergie que l'énergie d'origine pétrolière, le mieux qu'on puisse faire, c'est de réduire notre dépendance de 10% sur une période de dix ans ou de 5%, enfin, peu importe les chiffres exacts. On estime que de toute façon, la marge de manoeuvre est assez réduite et il faudra dépendre, dans dix ans comme aujourd'hui, pour plus de la moitié de nos besoins, de sources extérieures au Canada.

Si c'est ce que la réalité nous enseigne, il va falloir l'accepter, même si tout le monde dit la même chose. Je dirais peut-être à plus forte raison si tout le monde dit la même chose. Mais ce n'est pas là ce qui me frappe le plus dans les commentaires que j'ai entendus. C'est une argumentation qui me paraît nouvelle de la part d'une compagnie pétrolière, mais dont on a, si on y pense bien, déjà entendu des échos dans l'exposé qu'a fait une autre compagnie qui fait des affaires au Québec. En effet, on entend maintenant depuis assez longtemps les compagnies pétrolières nous dire qu'il est temps que, premièrement, le gouvernement fédéral permette au prix canadien de s'élever au niveau du prix international, et surtout, en même temps, qu'il accepte de prélever une part moins importante sous forme de taxe ou de redevances du produit de la vente des produits pétroliers, de manière à permettre le financement des investissements absolument énormes — ce n'est contesté par personne — qui sont nécessaires dans le domaine des sables, dans les régions frontalières.

Bon! C'est un argument qui, sans aucun doute, a ses mérites. Il y a des besoins d'investissements dans le domaine énergétique dont on est devenu conscient depuis la crise de l'énergie, je pense, à un degré insoupçonné avant. Mais il semble qu'il s'y ajoute un nouvel argument qui,

lui, assez curieusement, découle d'une future politique énergétique possible. Cela, ça m'inquiète un peu plus, parce qu'avant d'adopter une telle politique énergétique il faudrait savoir quels genres d'arguments on se prépare de la part de l'industrie. Je pense, en particulier, à ce que vous dites au sujet de cet équilibre du marché pour les produits dérivés du pétrole, alors que la demande pour différents produits se développe à des rythmes différents.

Vous avez parlé du ratio distillats-essence et vous avez affirmé que, lorsqu'on construit une raffinerie, c'est comme si on prenait un cliché, un instantané de la consommation, du profil de consommation, à un certain moment, et qu'on fige ce profil dans un profil de production et que, dix ans après, la raffinerie est toujours là, mais le profil de consommation peut être différent et sera différent dans la mesure où les politiques énergétiques vont influencer, par exemple, la consommation de l'essence vis-à-vis d'autres types de consommation.

A ce moment, il va falloir faire des investissements nouveaux pour changer l'instantané en question, faire des retouches à la photographie, mais ce sont des retouches particulièrement coûteuses apparemment et cela sera un argument nouveau pour, probablement, demander au gouvernement de hausser les prix ou de baisser ses redevances ou Dieu sait quoi.

Cet argument m'étonne de la part de compagnies multinationales qui fonctionnent non seulement ici, mais, par exemple, aux Etats-Unis et qui devraient — et c'est vraiment là qu'est le point d'interrogation — dans le mesure où il y a une liberté de commerce, non seulement pour le brut, mais pour les produits finis et là, il y a un point d'interrogation dans mon esprit: Est-ce que cela existe et, si cela existe, croyez-vous que cela va s'arrêter un jour? Il devrait y avoir possibilité, même pour une seule compagnie, Shell en particulier, mais pour tous les gros producteurs, d'équilibrer leur profil de production à l'aide des différentes unités de raffinage qu'elles ont sur le continent, de manière à s'ajuster de façon à peu près continue à l'évolution de la demande, sans imposer aux consommateurs un surcroît de coût à cause du fait qu'on essaierait de satisfaire la demande québécoise et son évolution seulement avec les raffineries qui existent au Québec, comme si le reste du monde n'existait pas.

Qu'est-ce qui vous empêche de faire cela? Je comprends qu'il y a des coûts de transport, mais c'est malgré tout minime par rapport à la reconstruction d'une raffinerie. Qu'est-ce qui empêche de faire cela?

Je vous rappelle qu'on est déjà devant un problème de ce genre puisqu'un autre exposé fait par un de vos concurrents ici, celui du Québec, nous dit qu'il est actuellement à 50% de la capacité pour cette raison et qu'évidemment, il y a eu des importateurs qui sont venus et qui ont dit: Ce genre de déséquilibre, permettez-nous à nous de faire l'ajustement en important les surplus des raffineries d'ailleurs.

Tout cela risque de provoquer un surplus de capacité encore plus considérable que celui qu'on a actuellement au Québec. Donc, il semble y avoir, de la part des compagnies telles que la vôtre et pour le consommateur et pour vous, comme compagnie, un très grand intérêt à une liberté de commerce considérable de ce côté. Qu'est-ce qui l'empêche?

M. Beauregard: On soulève cette possibilité maintenant parce qu'on pense qu'il peut arriver qu'on ait un accroissement de distillats assez fort avec une baisse d'essence dans les années quatre-vingt-cinq à peu près.

Maintenant, si cela arrivait aujourd'hui, il y a un marché. Si on voulait maximiser la production de distillats, on pourrait bien exporter les surplus d'essence en Europe ou même aux Etats-Unis et, si on décidait de maximiser la production d'essence, on aurait besoin de trouver des importations de distillats. C'est un peu plus difficile aujourd'hui.

On pense qu'en 1985, le prix de l'huile brute canadienne et le prix mondial vont être égaux. On parle seulement du coût de transport comme différence. Mais, s'il n'y a pas de marché, parce que d'autres pays, comme les Etats-Unis... Ils vont trouver la même affaire que nous, je crois.

Je suis sûr que même notre compagnie aux Etats-Unis pense comme nous. Elle va avoir un accroissement de distillats et un léger décroissement de gazoline. Si on n'est pas capable de faire ces échanges, cela va prendre un investissement dans notre raffinerie de Montréal-Est aux environs de $30 millions pour un système d'hydrodragage et si on pense à toute l'industrie au Canada, c'est un investissement de $1 milliard.

N'oubliez pas, on est un peu comme'l'Alcan, le rendement sur nos investissements l'an passé était environ de 7%. On n'est pas tellement intéressé à investir une somme de cette grandeur à ces taux-là.

M. Forget: Dites-vous 17% ou 7%? M. Beauregard: 7%, oui.

M. Forget: Votre réponse est dans le fond une autre façon de reposer la question.

M. Beauregard: Je n'ai pas de réponse. Je soulève le problème, seulement.

M. Forget: Si c'est cela, je vais l'accepter comme tel.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal. Une dernière intervention.

M. Ciaccia: M. le Président, je dois avouer moi aussi, des mémoires qui ont été soumis par les compagnies pétrolières que le ministre a eus, que je n'ai pas eu l'impression que les compagnies pétrolières nous disent: Laissez tout aller, on va s'arranger, on va continuer dans l'état que nous

sommes. Nous pouvons pourvoir aux besoins énergétiques des Québécois. Je suis un peu surpris, j'espère que le gouvernement va prendre connaissance des problèmes qu'ils ont soulevés. Ils ont soulevé plusieurs problèmes, des problèmes qui nécessitent des décisions du gouvernement. Il n'y a aucun doute qu'il y a certaines activités où les compagnies pétrolières disent: C'est nous qui pouvons faire ces activités mieux que le gouvernement, et peut-être que vous avez raison. Vous avez soulevé des problèmes, par exemple, quant au gaz naturel. Ce n'est pas nécessairement vous qui pouvez — c'est l'impression que j'ai eu prendre ces décisions. Il va falloir soulever des problèmes pour la province de Québec, dans quelle direction se diriger en ce qui concerne le gaz naturel. Alors, ce sont des décisions que la province de Québec va être obligée de prendre. Vous soulevez — quand je dis vous, je dis toutes les compagnies — les problèmes de la répartition, de l'équilibre de l'énergie entre l'hydro-électrique, le gaz naturel et le pétrole. Vous faites certaines prévisions qui varient de 60% à 70%, mais vous soulevez un problème qui est politique. Le gouvernement pourrait changer cet équilibre à long terme, parce qu'on parle à long terme. Alors, non seulement vous soulevez la question de l'équilibre entre différentes formes d'énergie, mais vous soulevez aussi un certain équilibre entre l'entreprise privée et le gouvernement. Nous ne sommes plus dans un système où l'entreprise privée est totalement libre. Alors, il y a un certain équilibre. Il y a ceux qui veulent plus de contrôle, il y a ceux qui en veulent moins. Le mémoire de BP, les explications qu'ils ont données sur la société d'Etat, j'ai interprété cela comme voulant démontrer ce que l'entreprise privée, sans l'intervention de l'Etat, pouvait faire, dans quelle mesure et dans quelles limites il pouvait entrer dans ce domaine. Je pense que, si on peut interpréter collectivement les mémoires des compagnies pétrolières, peut-être le public serait mieux servi dans les bras des "seven sisters" que de se mettre dans les mains de "big brother". Cela peut être une interprétation. Tout cela, tout ce problème...

Le Président (M. Laplante): Pourriez-vous poser votre question, monsieur, s'il vous plaît, parce que...

M. Ciaccia: Encore 30 secondes, parce que la raison pour laquelle je fais ce commentaire...

Le Président (M. Laplante): II y a des gens qui viennent de loin et qui attendent.

M. Ciaccia: Seulement 30 secondes, s'il vous plaît, M. le Président.

Tout cela veut dire que vous demandez au gouvernement de prendre certaines décisions politiques et des décisions sur une politique énergétique. Je n'irai pas dans tous les autres problèmes, parce que M. le Président me fait signe que je devrais être plus bref. Je veux seulement conclure que vous avez soulevé des problèmes et je crois qu'on doit y répondre par une politique énergétique.

M. Giasson: Mais la question du ministre demeure posée quand même.

M. Ciaccia: II n'a pas vu de problème...

M. Giasson: Au Québec notre avenir c'est d'être ou de ne pas être du côté pétrole et gaz à l'intérieur d'une politique globale du Québec au point de vue énergétique.

M. Ciaccia: Oui, mais cela va aussi...

Le Président (M. Laplante): Avez-vous une réponse à donner à cet exposé? C'est votre dernière réponse à une supposée question.

M. Bellefeuille: J'aimerais faire un commentaire sur le commentaire initial du ministre Joron. J'ai pris des notes au moment où vous faisiez votre commentaire, M. le ministre. Vous avez dit: à bon compte, approvisionnement assuré, etc. A bon compte, je ne suis pas sûr et il ne faudrait pas vous le garantir.

Approvisionnement sûr de l'étranger, ça non plus, on n'est pas sûr. Mais je pense qu'on est relativement sûr du fait qu'avec des mesures gouvernementales appropriées au niveau des gouvernements provinciaux de l'ouest et du fédéral, on peut développer les ressources des sables bitumineux et des ressources des régions frontalières, pour assurer une plus grande sécurité d'approvisionnement au Canada et, par le fait même, au Québec. On a tous dit, il est vrai, qu'il faudrait de plus en plus avoir recours au pétrole brut étranger dans les années 80, mais c'est vrai parce que les ressources qui existent n'ont pas été développées encore. Ce serait de moins en moins vrai si elles sont développées. Je pense que c'est sur ce point où, de concert avec d'autres gouvernements des autres parties du Canada, il pourrait y avoir des efforts qui seraient faits pour assurer une meilleure répartition des revenus pour que l'industrie pétrolière ait plus d'argent à investir dans ces énormes projets de sables bitumineux et de régions frontalières.

M. Joron: Si M. le Président me permet, juste une courte question. Finalement, je pense que c'est peut-être ça, vous l'avez fort bien souligné, qui est peut-être le dénominateur commun des mémoires présentés par toutes les compagnies pétrolières. Vous nous dites, en somme: Les approvisionnements étrangers, on ne peut pas les garantir, on pense qu'on peut essayer de se débrouiller dans l'intervalle, mais il serait plus sûr de développer les sables ou l'Arctique, ainsi de suite. Pour ce faire, intervenez, si vous le pouvez, auprès du gouvernement fédéral, dans la mesure où ça relève du gouvernement fédéral, pour qu'ils ne nous maltraitent pas trop, d'une part, et n'intervenez pas pour réglementer les prix au niveau des

consommateurs de façon qu'on puisse faire une marge de profit suffisante nous permettant, de façon interne, d'avoir assez d'autofinancement pour investir ces sommes dans l'exploration à l'extérieur des frontières du Québec.

Si ce processus pouvait nous garantir formellement, à long terme, des approvisionnements sûrs et à un prix enfin pas trop élevé — on ne peut pas spéculer sur les prix, je pense bien — on souscrirait peut-être plus volontiers à ce type d'argumentation. Mais il faut quand même se rendre compte que cette source de financement que vous nous invitez à vous laisser, à même les ventes aux consommateurs québécois, on pourrait théoriquement l'employer peut-être à d'autres sources. Je ne veux pas rouvrir le dossier nucléaire, mais s'il y avait suffisamment d'hydroélectricité ou enfin s'il se développait une nouvelle forme de production d'électricité, on pourrait faire le même raisonnement. On pourrait dire: Sortons tout ce qu'on peut de la poche des consommateurs québécois, mais au lieu de l'investir dans les sables, investissons-le dans des centrales nucléaires au Québec, comme ça, on va être encore plus sûr de la source d'approvisionnement parce qu'on va être assis dessus directement.

C'est pour ça que je disais que l'invitation que vous nous faites semble relativement un peu loin des préoccupations immédiates des Québécois.

M. Bellefeuille: Je pense que c'est loin des préoccupations immédiates parce que justement l'accès à ces sources de pétrole sont loin, relativement, dans le temps. J'aimerais revenir à ce que vous disiez de l'investissement au Québec, dans des sources d'énergie québécoise. Je pense qu'on serait d'accord pour dire que c'est une politique valable.

Mais il ne faut pas, par contre, oublier que, même si l'hydroélectricité ou l'électricité nucléaire pouvait déplacer le pétrole, le gaz naturel dans bien des secteurs, ce n'est pas possible dans le secteur du transport, en tout cas pas maintenant.

M. Joron: C'est évident.

M. Bellefeuille: Et on aura toujours besoin, il me semble, pour les X prochaines années, parce que M. le Président me fait signe, de pétrole. Et il nous semble que, dans le moment, l'endroit le plus sécuritaire pour l'obtenir, ce sont les réserves pétrolifères de l'Ouest et'des régions nordiques.

M. Joron: Je vous remercie de vos suggestions. On va tenir compte de vos avis.

M. Bellefeuille: Merci, mais...

M. Forget: M. le Président, on a fait beaucoup de progrès depuis quelques minutes.

Le Président (M. Laplante): Merci de votre coopération. J'appellerais maintenant le groupe ASHRAE.

Messieurs, c'est à regret que je suis obligé de vous donner une demi-heure. Si vous voulez bien synthétiser le plus possible votre partie de mémoire. On ne s'attendait pas à avoir celui-là. En plus, on prendra la nuit pour l'étudier s'il le faut. Si vous voulez bien être très brefs dans vos commentaires, l'explication et le résumé.

Société ASHRAE

M. Bédard (Jean-Pierre): M. le Président, permettez-moi d'abord de vous présenter les gens qui m'accompagnent. A ma droite, M. Claude Dumas, M. Jacques Archambault et, à ma gauche, M. Yves Rousseau. Mon nom est Jean-Pierre Bédard.

M. le Président, MM. les membres de la commission, notre société, l'ASHRAE, qui est une abréviation de l'American Society of Heating Refrigerating and Air Conditioning Engineers, comprend 32 000 membres répartis à travers 120 pays. Nos membres sont, pour la plupart, directement impliqués dans la conception des systèmes de ventilation, d'air climatisé, de réfrigération et dans l'utilisation et le contrôle de l'énergie dans les édifices résidentiels, commerciaux et industriels.

Au Canada, notre société compte plusieurs chapitres dont deux dans la province de Québec, soit un dans la ville de Québec et un dans la ville de Montréal.

Au cours des années, les populations du Canada et des Etats-Unis ont dû faire face à plusieurs situations alarmantes dans plusieurs domaines. C'est maintenant par une pénurie d'énergie que nous sommes inquiétés.

Lorsque nous considérons que plus du tiers de l'énergie utilisée au Canada et aux Etats-Unis l'est dans les édifices commerciaux et résidentiels et que 60% de l'énergie résidentielle-commerciale est utilisée pour le chauffage et le refroidissement de ces bâtisses, la société ASHRAE réalise qu'elle doit assumer ses responsabilités dans ce domaine.

Réalisant la situation, notre société a préparé un manuel de normes appelé le Standard 90-75 sur l'utilisation de l'énergie dans les nouvelles constructions et est à préparer le Standard 100 couvrant les édifices existants.

Si on considère la diminution de la disponibilité de l'énergie, nous devons, comme société et citoyens de notre pays et comme gouvernement, décider si nous devons considérer la présente situation comme une crise réelle ou comme un problème technique qui peut être solutionné.

D'un point de vue technique, notre société, en se servant des principes d'ingénierie, considère la situation comme un problème technique qui peut être solutionné, mais doit être traité de façon urgente.

Dans la prochaine décennie, le nombre de nos édifices commerciaux et résidentiels augmentera de 30% à 40%. Des codes et des standards sont nécessaires pour guider les constructeurs, les gouvernements et les corps publics à prendre des décisions dans le but de conserver le plus d'énergie possible dans la conception des plans de ces nouveaux édifices.

Si on commence immédiatement, sans tarder, à appliquer certaines techniques de conservation

d'énergie dans ces nouvelles bâtisses, nous prévoyons économiser environ 25% de l'énergie qui serait autrement gaspillée inutilement.

Notre société a donc commencé à travailler sur le standard 90-75 en février 1974, quand elle fut demandée par le National Conference of States and Building Codes and Standards des Etats-Unis pour préparer un guide de référence.

Le standard 90-75 est le résultat de ces efforts. Ce standard ASHRAE a été développé en coopération avec plus de 5000 architectes, ingénieurs, manufacturiers et experts en construction dans tout le Canada et les Etats-Unis. C'est donc un document valable, qui devrait être consulté dans la préparation d'un nouveau code de la construction pour le Québec.

Notre société croit qu'elle devrait être consultée dans l'élaboration de tout nouveau code dans le domaine de la construction et qu'elle devrait être représentée aux comités qui en sont responsables.

Nous croyons fermement que le nouveau code de construction, tout en imposant des minimums de qualité et de sécurité dans les nouvelles constructions, devrait se préoccuper de l'utilisation rationnelle de l'énergie dans l'étude des coûts d'exploitation de ces nouveaux édifices.

J'aimerais me référer ici à une annexe qui vous a été donnée aujourd'hui, vous indiquant certains buts de la société et certains détails concernant ce standard.

Pour résumer cette annexe, je dirais que les buts de la société sont en résumé l'épanouissement des sciences traitant du chauffage, de la réfrigération et de la climatisation pour le bénéfice du public.

Nos membres sont directement impliqués dans la conception, la réalisation et l'entretien de machinerie et de systèmes de chauffage, ventilation, air climatisé, réfrigération.

Nous vous soulignons qu'une tranche de 40% de la cotisation annuelle de nos membres est engagée dans des projets de recherche.

En plus de publier ce cahier de normes, l'ASHRAE a tenu l'an passé des séminaires qui ont réuni plus de 100 000 personnes qui ont payé leur inscription, dont 151 à Québec et environ 400 à Montréal.

Afin d'atteindre l'objectif de 25% d'économie dans les nouvelles bâtisses, la norme 90-75 prescrit: 1)Des critères de confort et de salubrité; 2)Des coefficients de performance pour la machinerie de chauffage et de refroidissement, suivant leur puissance et suivant un calendrier s'échelonnant jusqu'en 1980; 3) Des modes de construction et d'isolation des murs extérieurs des résidences et des édifices publics; 4)Des normes d'établissement des charges de chauffage et de refroidissement; 5)Des choix de machinerie et de leurs modes de contrôle en vue du confort général; 6)La disponibilité et la consommation de l'eau chaude domestique; 7)L'intensité de l'éclairage intérieur et extérieur; 8)L'obligation de soumettre un bilan énergétique avant d'obtenir l'approbation des plans des édifices de 20 000 pieds carrés et plus, consommant de l'énergie non renouvelable.

Nous profitons de l'occasion pour remettre aux membres de la commission un manuel du standard 90-75 et nous vous remercions sincèrement de nous avoir permis de faire cet exposé.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur! M. le ministre.

M. Joron: Monsieur, vos suggestions sont très précises. Elles portent sur un domaine sans doute crucial. Je retiens une des dernières choses que vous avez dites, d'exiger un bilan énergétique avant de donner l'approbation à des permis de construction, qui m'apparaît fort pertinente. Vos suggestions et les normes que vous décrivez, que vous proposez, seront, n'en doutez pas, transmises aux organismes gouvernementaux appropriés, lesquels feront sûrement appel à vous, comme à d'autres d'ailleurs, dans l'élaboration finale des normes que nous arons à édicter en ce domaine. Je peux vous assurer de cela.

Seulement une petite question. Vous parlez de la norme 90-75 devant s'appliquer aux nouvelles bâtisses. Puis-je vous demander si vous avez été appelé à travailler dans des anciennes bâtisses que l'on doit réaménager pour les rendre conformes à ces normes? Qu'est-ce que cela peut représenter comme investissement pour une ancienne bâtisse? Qu'est-ce que cela peut coûter pour la rendre économe en énergie, si vous voulez, et dans quel délai la récupération de cet investissement initial peut-elle se faire sous forme d'énergie non dépensée?

M. Bédard (Jean-Pierre): M. le Président, pour répondre à la question de M. le ministre, la société est à préparer un autre code qui couvre les bâtisses existantes, étant donné que les bâtisses existantes présentent des problèmes particuliers, souvent à cause de leur âge, ou à cause de systèmes qui sont déjà avancés au point de vue du bris et de ces choses. Maintenant, au point de vue de l'étude des bâtisses existantes, il existe quand même présentement énormément de programmes faits par ordinateur pour l'étude de ces bâtisses présentes. Nous croyons que la récupération de la dépense qui est impliquée pour rénover ces bâtisses peut être faite dans plusieurs cas dans un an.

M. Joron: Dans un an?

M. Bédard (Jean-Pierre): Oui. Dans certains cas, cela peut être récupéré dans un an. Dans beaucoup de ces bâtisses, il suffit de modifier simplement les systèmes de contrôle. Dans d'autres cas, il suffit de modifier l'équipement ou de l'opérer de façon différente. Dans certains cas, nous croyons aussi qu'il suffit de les opérer de la

façon dont elles doivent l'être pour économiser un montant d'énergie appréciable.

M. Joron: C'est très encourageant, ce que vous dites là, au point de vue de l'économie possible.

M. Archambault: Si vous comptez que la plupart des édifices gouvernementaux sont occupés à peu près à 35% du temps, en fait.

M. Joron: Voulez-vous dire que les fonctionnaires ne travaillent pas assez?

M. Archambault: Non, mais je veux dire que les fonctionnaires occupent la bâtisse à peu près 48 heures par semaine, alors qu'il y a 168 heures. En dehors de ces heures, vous n'êtes pas obligé de maintenir les mêmes conditions de confort. Il y a des endroits à Québec où on s'est penché sur le problème et où on a mis simplement des horloges-programmes qui permettent d'arrêter les systèmes, pour autant que c'est possible de le faire. Déjà, les économies réalisées sont tout de même assez impressionnantes, parce que, dans le fond, vous utilisez votre bâtisse à 35% du temps. L'Université Laval a un très gros programme. La Commission des accidents, je sais qu'elle en a un aussi. Si vous pensez simplement, en fait, au taux d'utilisation des bâtisses, vous allez voir qu'on peut se permettre là des économies assez appréciables sans toucher au fondement du système; simplement en les arrêtant, en essayant de pratiquer des techniques que nos grands-parents utilisaient. Quand ils n'en avaient pas besoin, ils ne chauffaient pas.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vais vous poser une question simpliste, parce que je dois dire que je suis impressionné et même intimidé par vos normes techniques. A un profane qui vous demanderait: Est-ce que, comme spécialiste, vous trouvez raisonnable, dans une période où on veut économiser l'énergie, qu'il y ait plusieurs normes différentes d'isolation des édifices résidentiels? On sait tous, enfin, même les plus profanes d'entre nous, qu'il y a des normes très exigeantes pour le chauffage à l'électricité, imposées par l'Hydro-Québec comme condition de fourniture de l'électricité pour le chauffage. Plutôt que d'aller — je pense surtout à la construction résidentielle — dans des complications pour faire approuver des plans et l'expertise, etc., est-ce qu'il ne serait pas plus simple de rendre obligatoires pour toutes les constructions résidentielles les normes les plus élevées qu'on connaisse à l'intérieur du bon sens et qui seraient, sans aucun doute, aussi attrayantes pour les chauffages de type conventionnel pour que le-chauffage électrique?

M. Bédard (Jean-Pierre): M. le Président, pour répondre à la question de M. le député, je pense que les normes qui sont contenues dans ce cahier de normes ici, préparé par l'ASHRAE couvrent des maximums de sécurité au point de vue opération, des coûts minimaux d'opération. Ils donnent quand même une certaine marge de sécurité, mais ils donnent des normes qui prévoient une utilisation minimale d'énergie pour un confort maximal. Je crois que si on considérait à peu près toutes les normes qui existent, vous avez raison, il existe toutes sortes de normes, chacun a donné ses normes, mais l'ASHRAE a fait son possible pour faire une synthèse de toutes ces normes à l'intérieur de ce manuel. Je crois que les normes qui sont contenues ici couvriraient à peu près toutes les autres normes qui pourraient exister.

M. Forget: Les normes supérieures, dans le sens qu'elles pourraient s'appliquer uniformément à toutes les constructions d'un même type.

M. Bédard (Jean-Pierre): Dans certains cas, elles doivent être supérieures. Par contre, la société ne dit jamais au gouvernement: Vous devez utiliser ces normes-ci, mais lui propose quand même un manuel de travail et lui dit: Voici ce que nous pensons qui doit être fait dans le domaine de la construction. C'est dans ce sens que nous vous présentons ce document-ci ce soir. On vous le présente comme un document de travail et non comme un document qui doit être appliqué à la lettre, parce que nous croyons quand même que toute norme doit s'appliquer selon les climats, selon les régions.

M. Forget: Enfin, notre climat ne changera pas. Ce à quoi je veux en venir, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, il y a plusieurs choix. Notre climat ne changera pas. Il est bien connu, même s'il y a des variations d'une année à l'autre. On va faire des normes pour notre climat. Le gouvernement peut prendre deux attitudes, soit dire: Les plans doivent être approuvés, et obliger chaque constructeur... Parfois un constructeur d'une maison individuelle a toutes les frustrations qu'implique l'approbation de plans à la pièce, ou alors, c'est une façon de faire des normes. C'est demander une expertise ad hoc dans chacun des cas, ou alors, avoir des normes pour le chauffage à l'électricité, le chauffage à l'huile, etc., ce qui semble un peu aussi la situation actuelle implicitement, ou alors, avoir une norme uniforme qui soit la plus exigeante, qui soit peut-être plus exigeante que strictement nécessaire pour certaines constructions, mais qui soit comprise de tout le monde et qui soit facile d'application et sans frais. Evidemment, ça fait moins d'honoraires pour les experts, mais c'est peut-être plus facile d'application. Est-ce que ça vous semble aberrant, une norme qui s'appliquerait de façon uniforme, et est-ce que celle que vous proposez est dans ce style?

M. Dumas: La norme proposée spécialement pour les isolants ne fait pas de ségrégation à savoir qu'il y a une meilleure isolation si vous chauffez à l'électricité ou si vous chauffez à l'huile. Ce n'est pas ça qui est le problème. L'important, c'est

d'avoir minimisé la consommation d'énergie. L'isolation est fonction du type d'édifice et aussi c'est fonction du nombre de degrés-jour. Le nombre de degrés-jour, c'est fixe pour une certaine partie de la géographie du pays. Je pense que ça ramène une assez forte unité là-dedans.

Une autre chose que j'aimerais mentionner, c'est que le gouvernement du Québec a une façon par laquelle vous pouvez quand même épargner énormément d'énergie. Dans un autre comité, je suis responsable pour ASHRAE Montréal de la révision de la Loi des opérateurs de machines fixes, ce qui touche au ministère du Travail. Bon! Cette loi est très vieille, et elle force les propriétaires d'édifices qui ont des compresseurs ou des bouilloires de plus de 25 chevaux-vapeur à mettre un opérateur qui va surveiller cette belle machine. En proposition, cette loi ne connaît pas les machines à absorption. Des machines à absorption, vous pouvez en poser des grosses, et c'est le gouvernement du Québec qui est le gros propriétaire de ces machines. Par contre, elles consomment 5.5 fois plus d'énergie "input" qu'un cycle comparable de réfrigération mécanique. Si vous vous dépêchez à modifier cette loi, qui est antique et qui force tout le monde à faire des détours en dessous de la loi et à prendre des solutions énergétiques qui sont affreuses, vous pouvez épargner énormément d'énergie. Seulement un exemple: J'ai fait un calcul pour des machines, disons, moyennes, quelque chose comme 500 tonnes, et ça consomme quelque chose comme $9000 ou $10 000 d'huile basé sur un prix de $0.30 dans une saison de refroidissement, qui est 18 semaines. Si on fait le même calcul pour une machine avec un cycle électrique, compresseur et tout ça, ça consomme quelque chose comme $2500 d'électricité, basé sur $0.02 du kilowatt-heure pour tenir compte de la pointe. C'est quand même effrayant quand ça se passe dans la province de Québec, depuis des années.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal, dernière intervention.

M. Ciaccia: Une petite question: Combien votre standard 90-75 va ajouter au coût de construction en pourcentage?

M. Bédard (Jean-Pierre): Pour répondre à votre question, dans certains cas, cela peut ne rien ajouter à la construction. Le standard va, par exemple, comparer l'enveloppe extérieure d'une bâtisse où on pourra remplacer la vitre par un peu plus de brique, remplacer le verre clair par un verre teinté, etc., certaines choses qui n'amèneront pas nécessairement des coûts d'augmentation de construction.

Evidemment, il n'y a pas de généralités de ce côté parce que chaque bâtisse doit être considérée de façon particulière, de façon individuelle. Il y a un exemple qui est assez flagrant lorsqu'on considère certaines écoles. Ici, on construit des écoles de très grande surface et à un ou deux étages alors qu'on pourrait construire des écoles à quatre étages à très petite surface. Pour les mê- mes expositions de toit, on aurait le même espace de plancher pour une économie d'énergie très appréciable. Alors, le code est plutôt dans ce sens, dans ce sens du genre de construction, qu'il soit plus économique dans son ensemble, non pas nécessairement plus cher de construction.

Le Président (M. Laplante): Un commentaire, monsieur?

M. Giasson: Oui. Une simple petite question. Nous sommes dans des bâtiments ici. j'imagine que tous ceux qui y ont vécu vont le reconnaître — qui sont généralement surchauffés, non seulement l'hiver, mais parfois l'été. Faisons une hypothèse: On décide le vendredi, par exemple, de réduire le degré de température. En présumant que la température moyenne est à 80 degrés, on la réduirait à 60 degrés et le dimanche, dans la soirée, ou lundi, à bonne heure, on reporterait la température à un degré égal à ce qu'il est habituellement. Y aurait-il une économie réelle dans le coût du chauffage s'il faut tenir compte qu'il y aurait un effort de chauffage plus marqué au moment où monte la température?

M. Bédard (Jean-Pierre): Je vais laisser M. Archambault répondre à cette question.

M. Archambault: Oui, sûrement. Cela dépend du type de bâtisse, mais si la bâtisse n'a pas trop de masse thermique ou si on la refroidit, évidemment, après cela, il va falloir venir la réchauffer mais, dans la plupart des cas, cela se révèle économique. J'aimerais vous mentionner que le standard est le petit volume qui est à l'intérieur de cela. Le reste de la brochure qu'on vous a remise, ce sont des explications de nature à intéresser les ingénieurs ou les techniciens. C'est un complément. C'est une explication du standard. Le standard, c'est simplement cela.

Il y a plusieurs Etats qui l'ont adopté dans leur législation simplement. Peut-être qu'ici cela peut être fait sous forme de publicité. Cela peut être fait peut-être sous forme de loi, peu importe.

M. Bédard (Jean-Pierre): Le gouvernement fédéral utilise le standard présentement dans la préparation de ses nouvelles normes de construction.

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, messieurs, pour ces conseils. Nous regrettons de ne pas avoir plus de temps à vous consacrer, mais soyez sûrs que la commission se penchera sur ces recommandations.

M. Bédard (Jean-Pierre): Merci.

Le Président (M. Laplante): Canadian Fuel Marketers Limited.

M. Gosselin (Gordon): M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Monsieur, si cela ne vous ennuyait pas trop, nous avons pris

connaissance du début de votre mémoire. Vous êtes une jeune société fondée en 1969 ayant pour but l'emmagasinage surtout de marchandises. Votre compagnie est indépendante, même si vous êtes une filiale de Shell...

M. Gosselin (Gordon): Royal Dutch Shell.

Le Président (M. Laplante): Auriez-vous objection à en venir aux conclusions de votre mémoire ou à vos recommandations, s'il vous plaît?

Canadian Fuel Marketers Limited

M. Gosselin (Gordon): Je suis Gordon Gosselin, vice-président exécutif en charge de la région de Montreal. Mon confrère est André Roy, vice-président exécutif en charge de la région de Québec.

Premièrement, vous avez affaire à une compagnie qui existe depuis 1878, formée ici à Québec par une famille canadienne et, en 1969, elle a été vendue à Royal Dutch Shell. Je voulais le souligner parce qu'il y en a parmi vous qui avez été dans le pétrole et vous savez qu'il y a un fait historique. Nous, simplement, nous agissons comme importateurs, comme distributeurs en gros. Nous avons un réseau de compagnies de détails au Canada, particulièrement au Québec et en Ontario, et nous avons un réseau d'entrepôts maritimes et de dépôts en vrac. Nous agissons, pour ainsi dire, un peu comme une zone de protection entre le consommateur et les raffineries. Il fut un temps où nous étions les plus gros importateurs de produits raffinés au Canada.

Depuis quelques années, à cause des règlements gouvernementaux, nous sommes maintenant limités à nos importations à cause de la différence qui existe entre la compensation du pétrole brut et la compensation pour le pétrole raffiné qui représente $1.50 le baril. Nous croyons que cela pourrait être désavantageux au Canada, particulièrement au Québec, dans le moment, parce que, si la situation se développe comme les gens de l'industrie du pétrole le veulent, c'est-à-dire comme ils attendent, d'ici quelques années, avec une pénurie d'approvisionnement de pétrole brut de l'Ouest, alors que nous dépendrions des sources étrangères, dans notre position, avec un réseau de dépôts maritimes et de dépôts en vrac qui représentent au Canada environ dix millions de barils et au Québec la moitié de ce volume, c'est un facteur très important. Nous croyons qu'à la longue c'est au bénéfice du Québec aussi bien que pour la société et pour le consommateur, que ce soit au domestique aussi bien que l'industriel. Nous croyons que le gouvernement fédéral a agi d'une façon raisonnable, logique pour maintenir ce différentiel en autant que l'industrie pétrolière au Canada prenne ses responsabilités et produise les produits raffinés en temps de besoin à un prix convenable.

Cela ne s'est pas produit cette année, parce qu'il y a certaines déficiences dans les huiles légères et lourdes et que les prix, par exemple, ont été majorés aux mois de décembre et janvier. Nous ne sommes pas d'accord avec le gouvernement fédéral et nous croyons que le gouvernement provincial devrait être conscient de ce facteur. Franchement, pour mettre les faits relativement simples, c'est notre position dans le moment. Nous croyons que nous, comme facteur important dans le marché, aussi bien que d'autres indépendants, devrions avoir une certaine reconnaissance ou protection, comme il arrive justement aux Etats-Unis et la preuve en a été faite récemment, où les indépendants, les distributeurs et importateurs indépendants, ont eu une certaine protection de la part du gouvernement américain pour les besoins de cet hiver justement.

Franchement, nous n'avons pas grand-chose à dire. Nous avons passé la journée ici. Nous savons que, en bon canadien, vous en avez plein le casque et nous aussi. Nos oreilles sont pas mal...

Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas que cela vous empêche, par exemple, du moins de faire les recommandations que vous avez, parce que chaque chose qui se dit, on y attache une attention toute particulière, même si on a l'air fatigué. Parce qu'il y a des faits que vous pouvez donner et qui n'ont pas été dits encore; c'est important pour nous.

M. Gosselin (Gordon): Je n'ai pas compris tout à fait...

Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas que ça vous gêne ou que ça crée un malaise chez vous de nous dire les recommandations que vous auriez à faire, c'est important pour nous.

M. Gosselin (Gordon): Franchement, une des recommandations assurément semblables à celles des raffineries, c'est que nous ne croyons pas à l'intervention gouvernementale, parce que l'industrie du pétrole existait bien avant que le gouvernement s'en mêle en 1973 et, depuis ce temps, ça n'a jamais été la même chose. Ce n'est pas tout à fait au bénéfice du consommateur ou du public. Je réalise que nous n'avons pas assez de temps pour discuter ou débattre cette question, mais, tout de même, c'est notre opinion. Nous croyons que la compensation devrait être égale pour l'importation sur le produit brut aussi bien que sur le produit raffiné.

Ce sont nos recommandations.

M. Roy (André): II serait sage de lire les recommandations qui forment la conclusion de la présentation écrite qui vous a été faite aujourd'hui. On recommande que le prix du pétrole brut canadien atteigne aussi vite que possible la parité avec les prix internationaux et que, dans l'intervalle, la compensation accordée aux produits raffinés importés soit égale à celle qui est accordée au pétrole brut importé. Egalement, que les taxes sur les exportations de produits raffinés soient égales aussi bien aux taxes sur les exportations de pétrole brut qu'aux subsides sur les importations de pétrole brut.

Que les contrôles du gouvernement sur l'in-

dustrie soient réduits au minimum ou entièrement levés le plus tôt possible après l'établissement de la parité avec le prix mondial du brut. Qu'une politique provinciale bien définie soit adoptée en ce qui concerne les périodes de gel des prix et qu'elle soit adaptée aux politiques recommandées à cet égard par les organismes fédéraux. Qu'aussi longtemps que les contrôles seront en vigueur, on permette à l'industrie, après due considération, des augmentations dans les prix qui ne soient pas seulement reliées au coût du pétrole brut, mais aussi aux autres éléments de coût découlant de l'escalade des taux de rémunération, des frais concernant les véhicules, de l'entretien, etc., tout particulièrement dans le domaine des débouchés de détail où le petit commerçant de produits pétroliers a de moins en moins de chances de survivre au sein de cette industrie.

C'est, en résumé, les recommandations que notre compagnie voulait faire à la commission.

Le Président (M. Laplante): Cela me fait plaisir que vous les ayez données, monsieur. M. le ministre.

M. Joron: On ne vous soumettra pas à la torture de nos questions trop longtemps. D'ailleurs...

M. Roy (André): ...

M. Joron:... les arguments que vous faites valoir comme distributeur indépendant ont été évoqués la semaine dernière à cette commission-ci et la présentation, enfin, les arguments ont été assez largement exposés, de quelle manière ces importations de produits finis peuvent, à l'occasion, jouer en faveur du consommateur; on est bien conscient de ça. D'autre part, d'après les recommandations que vous me faites, vous êtes conscient que les taxes différentes à l'importation ou à l'exportation de produits bruts ou raffinés ne dépendent pas du gouvernement de Québec et, de toute façon, ce sont des mesures temporaires qui vont disparaître éventuellement le jour où les prix internationaux et internes vont se rejoindre.

Pour mieux en évaluer l'effet dans un système qui n'avait pas auparavant ces contraintes et qui ne les aura probablement plus dans quelques années, je voudrais vous demander, dans le passé, avant les contrôles, quel pourcentage de vos achats... D'abord, il y a peut-être une question préalable, si vous êtes en mesure de nous indiquer le pourcentage du marché que vous occupez dans la vente au détail des produits d'huile de chauffage.

M. Gosselin (Gordon): Dans la province de Québec, notre groupe représente environ 20% du marché d'huile à chauffage. Nous ne parlons pas d'essence ou de pétrochimie, mais d'huile à chauffage.

M. Joron: Et, dans le passé, avant les contrôles, quel était, en moyenne — je comprends que cela varie d'une année à l'autre, à un moment donné, il y a des surplus qui apparaissent sur les marchés internationaux, vous profitez d'une occasion pour aller acheter à meilleur prix des huiles légères, des huiles lourdes, etc., et le fait d'amener ces produits sur les marchés locaux bénéficie aux consommateurs — mais quel a été, en moyenne, le pourcentage de vos achats faits auprès des raffineries locales et faits sur les marchés internationaux?

M. Gosselin (Gordon): Cela représentait environ 50% d'importation et de local. Mais nous avions toujours, comme politique générale, d'acheter des raffineries locales à prix égal.

M. Joron: A prix égal.

M. Gosselin (Gordon): Oui. Et quand nos amis Texaco arrivaient et disaient: Ecoutez, messieurs, on va être obligés de fermer la raffinerie, cela nous prend 200 000 ou 300 000 barils de no 2, on disait oui. Et, en conséquence, on ajustait nos volumes, nos achats, sur le marché international. Cela représentait environ 50%.

M. Joron: D'accord. Tout cela nous aide à mieux comprendre l'argumentation derrière vos recommandations. Mais il y a un point qui doit être apporté et c'est le suivant: Vous êtes reliés, pas directement, mais quand même assez étroitement, à Shell, de par le fait que Canadian Import appartient à Royal Dutch...

M. Gosselin (Gordon): Oui.

M. Joron: ...et que Shell Canada appartient aussi, via d'autres subsidiaires, mais finalement, à la même source. Mais même si nous n'étions pas en période de contrôle des prix et qu'on pourrait jouer librement, comme on le faisait auparavant, dans la mesure où vous appartenez finalement à la même compagnie mère, ultimement, dans la mesure où, par exemple, la raffinerie de Shell à Montréal a des surplus et que c'est l'intérêt de Shell, bien que les prix des produits raffinés qu'elle peut offrir à un moment donné ne soient peut-être pas les mêmes que vous pourriez acheter quelque part sur les marchés internationaux, l'intérêt de la compagnie mère pourrait être ultimement de vous forcer à encourager son autre filiale, qui est Shell Canada.

En d'autres mots, votre position d'indépendant doit quand même être mise entre guillemets du fait...

M. Gosselin (Gordon): Pas tout à fait, M. le ministre, parce qu'on pourrait dire ici — c'est dommage que les gens de Shell ne soient pas ici — que nous achetons de toutes les raffineries et que les gens avec qui nous avons le plus de difficulté sont les gens de Shell Canada. C'est cela. Heureusement, Royal Dutch Shell n'a jamais agi de cette façon parce que, au tout départ, elle a réalisé qu'elle avait ici un groupe complètement différent de n'importe quel autre groupe qu'elle avait dans le monde et que nous avions déjà notre connaissance du marketing et nos connections in-

ternationales, y compris Shell aux Caraïbes et Esso International Mobil, comme, à l'heure actuelle, nous achetons encore du Moyen-Orient et de la Russie.

Elle a réalisé que nous avions des contacts, des connections, des connaissances sur le marché international et elle nous a laissés tranquilles. Si elle avait joué avec le noyau de CFM, l'ancien groupe de Canadian Import, de Weaver, de Liquid Fuels, elle aurait perdu la plupart de ses joueurs.

Heureusement, je peux vous dire en toute honnêteté qu'elle n'a jamais essayé de nous forcer à acheter de Shell. Même sur le marché international, nous achetions d'Asiatic Petroleum qui est une subsidiaire de Shell International qui, elle, essayait de nous couper. Nous achetions de celle-ci, à un temps, 12 millions de barils de produits par année, ce qui faisait partie de nos importations. Dans les temps difficiles, elle essayait de nous couper. On disait: On n'accepte pas cela. On fait affaire avec vous sur une base légale, éloignée, les affaires sont les affaires, et Shell International ne se mêlait jamais de cette question.

Même dans l'industrie du pétrole, on pourrait dire qu'il y a une farce au début, quand l'achat du groupe de compagnies a été consommé, les gens disaient: Vos cousins jaunes de Shell, parce qu'ils savaient que nous étions passablement éloignés. Même dans le moment, on ne leur doit pas une fleur, mais ils nous ont coupés, par exemple, à Montréal. Parce qu'on a atteint notre volume local, ils nous ont coupés. Ce ne servirait rien d'aller à Londres ou à La Haye. Rien n'arriverait. Ils ont raison à part cela. C'est pour cela que votre question est raisonnable et naturelle, mais il n'y a rien de ce côté qu'on a eu à avoir à affronter jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Monsieur, il y a un parent pauvre dans nos discussions sur l'énergie, c'est le charbon. J'ai vu dans le bref historique de votre compagnie que vous avez commencé vos activités comme importateur de charbon. On n'aura probablement pas l'occasion de poser cette question à qui que ce soit d'autre. Vous semblez avoir complètement quitté le domaine du charbon ou, du moins, ne pas en faire état comme d'un secteur de croissance...

M. Gosselin (Gordon): Non, nous...

M. Forget: Est-ce que vous confirmez l'espèce de vision assez négative qui se dégage de tous les mémoires, à savoir que le charbon, ce n'est pas un combustible ou une source d'énergie qui est prometteuse? Pourtant, il y a des réserves très considérables dans le monde entier. On a un peu l'impression qu'on parle du bois de chauffage, quand on parle du charbon. Est-ce une image que vous partagez?

M. Gasselin (Gordon): Pas tout à fait, nous nous occupons encore du charbon, sur une base assez inférieure, si vous voulez, quoique M. Roy et moi-même sommes de vieux charbonniers — on a eu connaissance du charbon et on a toujours aimé le charbon — mais le charbon pourrait revenir, si vous voulez, mais seulement dans des applications spéciales, comme un mélange qu'on appelle slurry, pour des compagnies hydroélectriques ou pour des besoins métallurgiques spéciaux. Pour la grande partie des besoins de chauffage, je ne crois pas qu'on pourrait s'attendre à un retour, comparativement à ce qu'on a connu dans le passé.

M. Roy (André): Les applications spécifiques sont déjà revenues. Ici même dans la région de Québec, il y a une couple d'industries, assez importantes, qui ont complètement abandonné l'huile comme combustible, depuis un an, au bénéfice du charbon.

M. Forget: Dans l'hypothèse des grands choix pour la production d'énergie électrique, évidemment, il y a l'hydroélectricité, mais c'est épuisable, dans le sens au moins où les sites à aménager vont finir par ne plus exister. Il y a évidemment la filière nucléaire, mais il y a aussi la possibilité d'usines thermiques. Comment évaluez-vous la sécurité d'approvisionnement en charbon, d'une qualité suffisante et appropriée, pour alimenter des usines thermiques? Est-ce une chose qu'on pourrait envisager comme étant une source sûre pour un avenir presque indéfini?

M. Gosselin (Gordon): On croit que, d'après les renseignements, les sources d'approvisionnement de charbon sont assez encourageantes, comme dans l'Ouest canadien. Nos amis de BP ont déjà fait des investissements, si vous voulez, au Cap-Breton encore, mais cela prendrait, comme vous pouvez l'imaginer, certains investissements, un montant assez substantiel. Encore aux Etats-Unis, les sources de charbon sont très encourageantes.

Je dirais que le charbon pourrait représenter une source plus stable sur le continent nord-américain que d'autres sources d'énergie.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny.

M. Giasson: A la page 9 de votre mémoire, vous déclarez que l'indépendant fonctionne à perte au Québec. Est-ce en fonction de cette expérience que vous déclarez que le gouvernement du Québec ne devrait pas s'impliquer davantage dans le secteur du pétrole? Premier paragraphe, au haut de la page 9.

M. Roy (André): II faudrait tout de même qualifier qui est un indépendant actuellement. Il y a deux genres d'indépendants: il y a l'importateur indépendant et il y a le distributeur indépendant. Historiquement, notre groupe appartient aux deux catégories d'indépendants, comme importateur et comme distributeur.

M. Giasson: Mais cette opération...

M. Roy (André): L'importateur indépendant est actuellement en danger et fonctionne à perte, c'est un fait.

M. Giasson: Cette opération déficitaire, la connaissez-vous également en Ontario, parce que vous avez un gros volume en Ontario aussi?

M. Roy (André): Cela peut arriver partout où on agit comme importateur indépendant. On est actuellement injustement traité par la différence de $1.50 dans le subside entre le produit fini et le produit brut. C'est suffisant: $1.50 divisé par 35, cela fait quatre beaux cents et quelque chose du gallon. Cela fait beaucoup pour s'amuser.

M. Giasson: S'il n'y avait pas de changement dans les politiques fédérales, vous entendez continuer quand même, même si les opérations sont déficitaires?

M. Roy (André): On pourrait rejoindre les rangs. On n'est pas encore sorti du rang des importateurs et des indépendants.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Un groupe, hier, nous a dit qu'il voyait l'intervention gouvernementale au niveau des mesures d'urgence. Il disait qu'actuellement, il y avait des stockages pour deux mois, advenant une situation d'urgence. Il proposait au gouvernement de s'occuper de ce secteur pour hausser à 90 jours ou 120 jours, quatre mois, le stockage dans le domaine, si j'ai bien compris, de l'essence et du pétrole en général. Dans votre secteur d'huile à chauffage, le secteur de votre compagnie d'abord et peut-être en général, si vous le savez, le stockage au niveau de l'huile à chauffage est pour combien de jours ou combien de mois?

M. Gosselin: Franchement, selon la saison, mais au milieu de l'hiver, nous croyons entre 40 et 45 jours au plus. Cette année, cela n'a pas été le cas. Nous avons même dans le moment des situations assez pénibles où nous disons faire des transferts de produits de Québec à Montréal, faire des échanges à Chicoutimi. On pourrait dire que, cette année, si on a eu 30 jours, on se compterait chanceux.

M. Roy (André): II faudrait tout de même bien comprendre la question. Est-ce que vous parlez d'inventaire ou de capacité d'inventaire en réservoir? Ce sont deux choses différentes.

M. Marcoux: De capacité.

M. Roy (André): Ah! Si vous parlez de capacité, c'est une tout autre chose. M. Gosselin va parler pour Montréal et je parlerai pour l'Est du Québec, par la suite.

M. Gosselin: Nous avons une capacité d'entreposage pour plus de 60 jours. Si on entrevoyait qu'il y aurait une pénurie, cela deviendrait serré, assurément, mais, au coût du dollar, aujourd'hui, on ne peut pas se permettre d'entreposer pour $100 millions pour deux, trois ou quatre mois s'il n'y a pas nécessité de le faire.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richmond, dernière intervention.

M. Roy (André): J'aimerais continuer la réponse au député de Rimouski si la présidence est d'accord. Dans l'Est du Québec, on a 120 jours de capacité d'emmagasinage.

Le Président (M. Laplante): Merci. Le député de Richmond.

M. Brochu: Ma question fait suite un peu à ce que le député de Rimouski a soulevé. C'est un petit peu dans ce sens. Il y a des gens qui sont quand même venus à la commission parlementaire et qui ont souligné un peu notre fragilité ou notre culnérabilité en termes de réserve. Etant donné que vous autres, vous vous spécialisez, en particulier, dans le domaine de l'entreposage, est-ce que vous prévoyez, dans un avenir assez rapproché, peut-être d'augmenter votre stockage de matériel? Compte tenu des risques qu'il y a d'approvisionnement, à un moment donné, si, par exemple, en ce qui concerne le Moyen-Orient ou d'autres pays, des situations politiques changeaient brusquement, comme cela a déjà eu lieu et cela peut avoir lieu encore dans l'avenir, est-ce que, face à cela, est-ce que, autrement dit, vous considérez cette possibilité au point de vous prévaloir de réserves supplémentaires ou si vous demeurez plus du côté, peut-être, du monsieur qui le mentionnait tantôt en disant: Si on en stocke trop, il y a quand même une question de piastres et de cents? De quelle façon faites-vous votre évaluation face à cela?

M. Gosselin: Si on anticipait une crise qui pourrait devenir assez sérieuse, on n'hésiterait pas du tout à s'approvisionner presque au maximum de notre système d'entreposage.

M. Brochu: A ce moment, disons...

M. Gosselin: Même à Richmond, monsieur.

M. Brochu: Merci beaucoup. Je vais transmettre les renseignements aux gens de chez nous.

M. Gosselin: Vous avez vu nos réservoirs à Richmond.

M. Brochu: Est-ce que, compte tenu de la situation, quand même, sur le plan international il n'y aurait pas lieu de la mettre en application, cette norme de sécurité maximale? Il y a quand même un fait, c'est que, tôt ou tard, votre matériel va être écoulé. Je comprends que c'est peut-être un investissement tout de suite, mais est-ce que ça ne devrait pas être une préoccupation, compte tenu des changements rapides dans l'évolution des situations sur le plan international?

M. Gosselin (Gordon): C'est une préoccupation, M. le député, mais quand vous avez, disons, un entreposage ou un approvisionnement qui représente x millions de dollars, tout d'un coup, on se réveille un matin et Imperial ont décidé, ils se sont fâchés, et ils vont réduire le prix de $0.02 ou $0.03 du gallon. Nous, on n'a pas le choix, ni le reste du marché. On est obligé de suivre. Mais si on a une centaine de millions de gallons d'huile à fournaise, ça représente un magot à avaler.

M. Brochu: C'est votre marge de manoeuvre financière, en fait, qui vous oblige à agir de cette façon, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas vraiment une situation d'urgence qui sera immédiate, de sorte qu'à ce moment-là, vous aurez peut-être la collaboration aussi, dans une situation comme celle-là, des entreprises qui font affaires avec vous.

M. Roy (André): II faudrait se garder de laisser à la commission une fausse impression dans ce domaine. Jusqu'ici, on n'a pas eu à mesurer à la piastre les quantités d'inventaire qu'on tient. On est beaucoup plus limité à la capacité de faire nos inventaires que de les payer actuellement, même si c'est très dispendieux. On n'en est pas rendu au point de limiter nos inventaires parce que ça coûterait trop cher à investir.

M. Brochu: Non, je comprends, mais disons que...

M. Roy (André): Cela pourrait venir à ça. M. Brochu: D'accord!

M. Roy (André): II a été un temps où tenir de l'inventaire à $3 du baril, 1 million et demi de barils, c'était $3,5 millions. Mais le même million et demi de barils, à $10 du baril, maintenant, ça fait un prix plus cher comme inventaire. Les frais de services sont un jeu plus...

M. Brochu: Je pense que c'est important que vous fassiez cette nuance pour bien clarifier la situation.

M. Roy (André): C'est très important, oui. Le volume est là, la disponibilité de volume est là, la disposition de volume, on la veut tout le temps jusqu'ici. Il n'est pas...

Le Président (M. Laplante): Un commentaire, M. le ministre.

M. Joron: Comme on présume que vous êtes de bons hommes d'affaires et que, d'autre part, comme vous nous avez dit que vous aviez une capacité de stockage qui pouvait aller jusqu'à 120 jours, peut-on présumer qu'avant que le prix ait été augmenté le 1er janvier et qu'il commence à courir le délai de 60 jours, vos réservoirs étaient bien pleins à ce moment?

M. Roy (André): On vous invite à venir les voir. Vous allez constater de très grands vides, fort malheureusement.

Le Président (M. Laplante): Les membres de la commission vous remercient, messieurs.

M. Roy (André): Nous vous remercions.

Le Président (M. Laplante): Bonsoir! Maintenant, il reste un groupe, Société future de Montréal. Vous êtes brave, madame.

Société future de Montréal

Mme Roberge (Suzanne): Oui. La société montréalaise, en étude prospective, a voulu profiter de l'occasion pour parler surtout de la participation qu'on... Est-ce que vous m'entendez? Vous avez lu le document.Donc, je ne veux pas m'éterniser. Ce qu'on aimerait, c'est surtout favoriser la planification et aussi la recherche, l'analyse...

Le Président (M. Laplante): Excusez! Est-ce que vous voulez vous identifier?

Mme Roberge: Certainement. Suzanne Roberge.

L'information et la participation. Est-ce que vous voulez poser des questions?

M. Joron: Pouvez-vous, en deux mots peut-être, nous résumer les points principaux que vous voulez apporter devant la commission?

Mme Roberge: Et bien...

M. Joron: Le sens dans lequel vous intervenez, la raison pour laquelle vous intervenez devant cette commission.

Mme Roberge: La raison principale, c'est que si nous nous abstenons, nous pourrions passer pour des gens qui sont indifférents à la situation. Puisque nous ne le sommes pas, on aurait aimé préparer quelque chose de plus corse, mais, hélas, le temps nous a manqué, ou enfin, on blâme un peu le fait qu'on n'a pas su avant. Peut-être que les journalistes auraient pu mieux diffuser le fait qu'il y avait une commission parlementaire sur l'énergie, mais on l'a appris très tard. Donc, c'est important de participer parce que c'est ce qu'on favorise. Donc je vous laisse la parole.

M. Joron: Dans votre mémoire, vous soulevez des points comme, par exemple, incertitude, vulnérabilité, risque, coût réel, etc.

Je pense, par exemple, au point vulnérabilité. Vous insistez sur la nécessité de diversifier les sources d'énergie afin d'atténuer la vulnérabilité du Québec à cet égard. Vers quelles sources pensez-vous qu'on devrait se diriger?

Mme Roberge: J'aimerais vous répondre en

connaissance de cause. On n'aimerait pas avoir de nucléaire à cause des risques et, si on est obligé, évidemment, on devra y aller, mais en dernière instance. On est conscient du problème. Il reste que vous êtes là pour le résoudre et on met notre confiance en vous évidemment. On aimerait que la décision vienne de la population.

M. Joron: Pour arriver à ce but, quels mécanismes voyez-vous?

Mme Roberge: Je n'ai pas de réponse à cette question, mais, si vous voulez, je peux amener cette question à notre société et on pourra peut-être vous apporter des suggestions.

M. Joron: Vous suggérez, peut-être, que vous puissiez entrer en communication avec nous. Ceci s'adresse à tous les organismes, au vôtre comme à tous les autres. — On ne l'a peut-être pas assez dit: — Nous sommes là pour recevoir, bien sûr, la correspondance de tout le monde. Au fur et à mesure que vous sentez le besoin de nous faire une communication, il est évident que vous pouvez le faire et qu'on l'apprécierait.

Mme Roberge: Bon. D'accord.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Je n'ai pas sollicité les grâces de la présidence.

Le Président (M. Laplante): Je m'excuse. Le député de Mont-Royal. Y a-t-il d'autres interventions?

M. Joron: Peut-être auriez-vous une suggestion-synthèse à nous faire avant de clore cette comparution?

Mme Roberge: J'aimerais peut-être appuyer sur la tenue du référendum. Maintenant, j'aimerais vous mettre en garde aussi sur la manière de le faire. Puisque vous m'avez invité à correspondre, peut-être qu'on pourra aussi vous apporter des suggestions sur la façon de tenir le référendum.

M. Joron: On apprécierait.

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, madame, au nom de cette commission et, bon retour.

Mme Roberge: Merci.

Le Président (M. Laplante): Nous ajournons nos travaux à demain, 14 heures. Les organismes convoqués sont; je les donne dans l'ordre: Gaz métropolitain Inc., Société pour vaincre la pollution.

M. Baril: Les numéros.

Le Président (M. Laplante): Les numéros sont: Gaz métropolitain Inc., 35-M; Société pour vaincre la pollution, 54-M; Office de protection du consommateur, 48-M; Coalition pour le contrôle des prix de l'énergie, 26-M, A et B; SIDBEC, 74-M; STOP, 56-M et Calex, 20-M. Merci.

(Fin de la séance à 23 h 5)

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