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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 24 février 1977 - Vol. 19 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude de la situation énergétique du Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures et dix minutes)

Etude de la situation énergétique du Québec

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux de la commission parlementaire sur l'énergie, avec comme membres: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau (Jean-Talon) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse) remplacé par M. Fontaine (Nicolet), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron (Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Les organismes qui vont se faire entendre aujourd'hui sont: l'Ecole polytechnique de Montréal, la Fusion Energy Foundation, l'Association des industries forestières, Joseph Debanné; Trans-Canada Pipe Lines.

J'appelle maintenant l'Ecole Polytechnique de Montréal.

Bonjour, monsieur. Vous avez environ 45 minutes pour votre exposé et la période des questions.

Ecole Polytechnique de Montréal

M. Amyot (Laurent): Merci. M. le Président, MM. les membres de la commission, au début de 1976, l'Office de planification et de développement du Québec confiait au Groupe interuniversitaire de prospective québécoise une étude sur le système du Québec et son évolution probable jusqu'en l'an 1995. Il revient dans ce cadre au Groupe de prospective technologique de l'Ecole polytechnique d'effectuer l'analyse du sous-système technologique. On ne s'étonnera pas que l'énergie...

Le Président (M. Laplante): Excusez, monsieur, est-ce que vous voudriez vous identifier, s'il vous plaît?

M. Amyot: Ah oui! Laurent Amyot, je suis directeur de l'Institut de génie nucléaire et professeur titulaire à l'Ecole Polytechnique de Montréal.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur.

M. Amyot: Je ne suis pas ici spécifiquement à titre de directeur de l'Institut de génie nucléaire, mais à titre de représentant de l'Ecole Polytechnique. Il revint dans ce cadre au Groupe de prospective technologique de l'Ecole Polytechnique d'effectuer l'analyse du sous-système tech- nologique; on ne s'étonnera pas si l'énergie fut singularisée comme l'un des secteurs témoins qui devait être soumis à un examen plus fouillé.

Avec la constitution d'une commission parlementaire sur la politique énergétique et à la suite de l'appel lancé par le ministre délégué à l'énergie, il a semblé que les résultats de ces travaux récents pouvaient dans quelque mesure enrichir les débats en cours. M. Gilles Lebel, directeur général adjoint de l'OPDQ, a gracieusement accordé son approbation. C'est donc, avec des modifications relativement mineures, le texte du rapport sur l'énergie préparé par l'OPDQ qui est reproduit à l'intention de votre commission.

Le mandat défini par l'OPDQ distingue trois phases successives de réalisation, la première s'adresse à l'analyse du présent, identifie les éléments de l'avenir et le regroupe en des esquisses préliminaires des décennies qui viennent. La seconde et la troisième doivent tracer respectivement une série de scénarios exploratoires et normatifs. Seule l'étape initiale a été franchie et c'est d'elle uniquement qu'il s'agira ici.

La présentation orale s'adressera d'abord à la perception du présent, puis mettra en relief les tendances lourdes, les déséquilibres et tensions, les faits porteurs d'avenir qui déterminent dans une large mesure l'évolution de l'énergie au Québec. Elle tentera enfin de mettre en regard deux options que, partout dans le monde, les politiques en voie d'élaboration cherchent à concilier: La recherche du moindre coût et celle de l'autarcie maximale.

Au Québec, la répartition de la consommation entre les sources d'énergie et les usagers s'est montrée remarquablement stable durant les quinze dernières années. Mis à part le phénomène socio-économique de tertiarisation et l'effacement du charbon, observés dans presque tous les pays occidentaux, exception faite aussi de l'insertion timide du gaz naturel, aucun changement majeur ne ressort à l'examen. La structure bipolaire, où s'imposent le pétrole avec 70% et la houille blanche avec présentement 22%, se maintient durant toute cette période. De fait, avec 28% de la population et à peu près le quart de la dépense énergétique canadienne, le Québec consomme aujourd'hui le tiers du pétrole et de l'électricité, mais seulement 9% du charbon et 5% du gaz naturel utilisés dans l'ensemble du pays. Puisque l'hydroélectricité reste l'unique forme importante d'énergie produite en territoire québécois, la province est tributaire de sources extérieures pour plus de 75% de son approvisionnement. L'industrie de l'énergie échappe elle-même, davantage encore que les ressources, au contrôle québécois, bien qu'il convienne d'excepter et de souligner la contribution importante de l'Hydro-Québec et la présence active de la SOQUIP.

Par rapport à la valeur totale des biens et services produits dans la province, la part de la consommation énergétique s'élève à 5% ou 6%. Il

semble, aujourd'hui, que ce soit plutôt près de 7% ou 8%. Elle entraîne une saignée de capitaux qui affecte déjà lourdement la balance des paiements. C'est néanmoins par les immobilisations qu'elles consacrent annuellement au renouvellement et à la croissance de l'équipement que les industries de l'énergie influent de la façon la plus immédiate sur l'économie: Le quart des investissements effectués par les secteurs public et privé s'adresse présentement aux installations énergétiques.

A la faveur d'un pétrole bon marché et confiant en l'abondance de sa houille blanche, le Québec est devenu, compte tenu de sa population, l'un des plus forts consommateurs d'énergie au monde. Or, l'incertitude et la cherté sont désormais les notes principales qui caractérisent les marchés du pétrole sur les plans international et canadien. Ce fait nouveau, plus que toute autre considération, entraîne pour le Québec, si fortement soumis aux tribulations de l'or noir, la nécessité pressante de reconsidérer ses options énergétiques.

La demande d'énergie a, depuis la dernière grande guerre, connu un essor extraordinairement rapide au Québec. Bien que ralenti, il semble que cet accroissement se poursuivra dans l'avenir. L'extrapolation tendancielle de la consommation passée indique déjà un fléchissement attribuable à la stagnation de la population et à l'expansion du secteur tertiaire. La flambée des prix devrait normalement diminuer encore le taux de croissance et les mesures de conservation provoqueront vraisemblablement un freinage ultérieur.

Mais, dans cette province que, en exagérant sans doute, on a pu situer à la fois au bas de l'échelle des pays industrialisés et à l'avant-garde des régions sous-développées de la planète, la croissance nulle ne paraît guère souhaitable à brève échéance; il semble plausible d'admettre que la consommation présente d'énergie y sera multipliée par un facteur compris entre 1.75 et 3.0 au cours des vingt prochaines années.

Le chiffre de 1.75 est associé à une croissance annuelle de 3,5%. C'était la valeur la plus basse qui a été obtenue au niveau fédéral l'an dernier, et c'est cette valeur que recommande la SODE dans sa dernière publication qui vient de paraître. Le chiffre 3.0 correspond à la tendance historique.

L'inertie du système, les longs délais (d'un quart de siècle en ordre de grandeur) qu'exige la mise en route d'alternatives valables maintiendront la domination du pétrole dont la part du marché ne saurait guère avant l'an 2000 être ramenée beaucoup en deça de la moitié. Ce pétrole aléatoire continuera vraisemblablement à provenir de l'étranger, les ressources canadiennes se révélant insuffisantes ou trop onéreuses; toutefois, le plateau continental au large du Labrador offre des perspectives intéressantes qui, pour une fois, placeraient le Québec en tête de réseau.

Sollicité de réduire la pression sur les hydrocarbures, l'électricité — unique espoir d'une autarcie accrue — pourra, avant la fin du siècle, porter au tiers sa quote-part des approvisionnements énergétiques; elle devra, pour ce faire, ne plus s'en remettre au seul apport hydraulique, appelé à plafonner en valeur relative vers 1990, puis à redescendre à son niveau présent d'environ un cinquième dans la seconde moitié de la décennie suivante.

En somme, les deux pôles traditionnels de l'offre se dresseront toujours au-dessus du marché mais, pour compenser leur érosion graduelle, ils devront s'accompagner au tournant du siècle d'autres formes d'énergie dont l'importance ne sera plus négligeable.

C'est à l'Etat qu'il incombe, en pratique, de résoudre le dilemme posé par l'utilisation optimale des ressources et d'établir à tout moment un compromis acceptable entre la conservation et le développement. Ni l'amélioration du rendement technologique, ni le jeu spontané du marché ne paraissent aptes, en effet, à assurer, au rythme et dans la mesure souhaitables, l'intégration des coûts sociaux, la protection du milieu physique et humain, l'assainissement des comptes nationaux minés par des importations massives d'énergie. Sans que les structures actuelles de l'entreprise économique en soient bouleversées, l'évolution de la conjoncture énergétique exigera une présence plus active des instances gouvernementales et l'adoption systématique de mesures incitatrices, coercitives et normatives.

La détermination de la demande, en particulier, sera vraisemblablement soumise à un effort de rationalisation tant au niveau québécois que fédéral. Quant à l'offre, des tensions et déséquilibres s'y manifestent aussi bien dans le secteur des combustibles que dans celui de l'électricité. Pour se soustraire à la domination du pétrole, le Québec se doit d'augmenter les apports, aujourd'hui minimes, du gaz naturel et peut-être, mais l'espoir est moins fondé, du charbon, quoique le Québec possède des ressources non négligeables de tourbe qu'on n'a jamais exploitées à des fins énergétiques, mais qu'il serait peut-être bon de considérer.

L'éloignement des ressources et leur prix souvent peu attrayant au regard du pétrole ont empêché jusqu'à présent ces deux combustibles fossiles de jouer au Québec un rôle comparable à celui qu'ils exercent ailleurs au Canada et dans le reste du monde. Or, le renchérissement du pétrole et les nouvelles perspectives de l'approvisionnement gazier militent en faveur d'un changement que réclame, d'ailleurs, la sidérurgie québécoise.

L'électricité, appelée — d'aucuns disent abusivement — à remplacer les combustibles dans nombre d'usages qui leur sont aujourd'hui réservés en propre, est elle-même, on vient de le voir, confrontée à un problème majeur, la saturation, puis la relève de l'hydraulique. C'est durant la période de référence, voire dès maintenant, que doit s'effectuer la transition graduelle vers les solutions de l'avenir parmi lesquelles la fission nucléaire, de par la maturité de sa technologie, tient forcément le premier rang.

On classera logiquement sous deux rubriques les faits porteurs d'avenir qui, durant les deux décennies qui viennent, conjugueront leurs effets

aux tendances lourdes. Relative à l'offre, la première s'adresse aux filières de substitution appelées à remplacer petit à petit le pétrole et l'hydroélectricité. La seconde, associée de plus près à la demande, mais également à l'offre, visera la technologie de la conservation.

Les ressources promises par la vallée du Mackenzie, dans une certaine mesure le produit du sous-sol québécois, mais surtout les débits nouveaux en provenance de l'Arctique pourraient plus que doubler la part du gaz naturel dans l'approvisionnement énergétique du Québec à l'horizon 2000. La gazéification du charbon de l'Ouest ou des Maritimes apportera possiblement un nouveau recours. Naturel ou artificiel, ce combustible doit de toute façon se frayer une voie vers le marché de l'acier québécois, privé de réducteur.

Dans le même temps que le gaz naturel augmentera sa pénétration, la fission nucléaire réalisera sa première percée d'envergure au Québec, car, en dépit des controverses engendrées le plus souvent par une information déficiente que suscite cette filière, malgré l'adoption souhaitable de programmes majeurs de conservation, la conscience accrue des avantages propres à cette forme d'énergie et l'absence d'alternatives valables au niveau de la production imposeront son intervention. Elle pourra assouvir le tiers des besoins en électricité au début du siècle qui vient. Les ressources indigènes d'uranium lui accorderont, ce n'est pas improbable, un avantage comparatif auquel il convient d'ajouter la longue expérience de la grande industrie mécanique du Québec, étroitement associée au progrès du système CANDU. La fourniture d'eau lourde, comme peut-être celle de l'uranium enrichi, donnera lieu à une industrie satellite d'assez grand volume.

Quant aux filières dites nouvelles, certaines produiront leurs premiers fruits durant la période de référence qui restera néanmoins, dans l'ensemble, une longue gestation. La fusion thermonucléaire justifiera des efforts québécois sur quelques problèmes spécialisés dans le cadre d'une collaboration internationale. La valeur d'échange de ces contributions pourra, dans deux ou trois décennies, s'avérer un atout précieux. L'énergie marémotrice ne s'installera pas au XXe siècle, bien que la baie d'Ungava offre des promesses. L'éner-ie solaire s'introduira peu à peu sur le marché du chauffage résidentiel, mais il est improbable qu'elle se diffuse largement avant le début du XXIe siècle. L'énergie éolienne à vocation restreinte pourra toutefois s'emparer du pourtour du golfe Saint-Laurent et peut-être du Nouveau-Québec. La pile à combustible présentera, le moment venu, une alternative à l'allongement illimité des lignes de transport de l'électricité, mais apportera auparavant un complément à la tubomachine en centrale: son succès déterminera, en partie du moins, l'avenir des combustibles articifiels, de l'hydrogène surtout, en qui d'aucuns voient un successeur des hydrocarbures classiques. Enfin, la pyrolyse des déchets soulagera les problèmes de l'environnement physique, en outre de contribuer un apport mineur, mais non négligeable, à la satisfaction des besoins énergétiques.

L'amélioration du rendement technologique au niveau de la production et de l'utilisation constitue une condition minimale que doit respecter tout schéma rationnel de conservation. La réduction du taux d'autoconsommation au sein de l'industrie énergétique elle-même s'effectuera surtout dans le cas du Québec grâce aux progrès réalisés dans le transport et le stockage de l'électricité. A la charnière entre la production et la mise en oeuvre, les schémas d'énergie totale (dans les usines et les grands immeubles) permettront une intégration optimale de la chaleur et de l'électricité en même temps que leur application donnera lieu à de nouvelles entreprises.

Dans les foyers, l'isolation thermique mérite qu'on lui consacre une attention majeure, puisque 15% de l'énergie consommée au pays s'adresse au chauffage domiciliaire. La remarque vaut, a fortiori, pour le secteur tertiaire où l'absence de normes relatives à l'isolation thermique donne libre cours à tous les caprices architecturaux. L'introduction de la pompe à chaleur dans les immeubles commerciaux promet des économies appréciables.

Le secteur du transport échappe en grande partie à l'initiative québécoise, mais des gains très substantiels peuvent être acquis sur l'efficacité de l'automobile conventionnelle. La mise au point de la voiture électrique, même confinée au milieu urbain, pourrait, vers la fin de la période de référence, produire un impact sur la consommation d'essence sans grever indûment l'industrie de l'électricité.

Cependant, durant les deux prochaines décennies, le transport en commun dans les villes continuera de s'appuyer sur le métro et l'autobus diesel ou électrique, sans qu'on puisse escompter des progrès marquants sur le plan de l'économie de l'énergie. Sur les moyens et longs parcours entre les villes, le souci d'épargner le pétrole impose respectivement la renaissance du rail et la diffusion des aérobus. Au-delà du siècle qui s'achève, un aménagement plus rationnel des espaces urbains et le progrès des télécommunications constitueront des mécanismes de conservation plus élégants et radicaux.

Quant à l'industrie manufacturière, elle devra réviser ses procédés, définis très souvent en retenant pour critères exclusifs les frais initiaux de l'installation, les exigences en matières premières et en main-d'oeuvre. La récupération de la chaleur résiduelle et le recyclage des matériaux y tiendront désormais une place importante.

Dans l'ensemble, et au terme d'une période de transition qui pourra s'étendre sur un quart de siècle, il semble tout à fait possible de réaliser une épargne globale d'à peu près 25% sur la dépense énergétique affectée à des besoins donnés, sans que le système des valeurs des Québécois ait à subir de transformations radicales. L'OCDE dont les prédictions étaient de 10% à 15% dans le document qui avait été publié en 1975, a maintenant révisé ses projections à la hausse et prétend qu'il sera possible de réaliser une économie de 20% pour 1985, à cause des augmentations que les

combustibles ont subies dans l'intervalle et qui vont rentabiliser les nouvelles économies.

Si des impératifs comme la protection du milieu et l'aménagement du territoire doivent, en bonne gestion, constituer de fortes contraintes, il est de fait que les politiques de l'énergie en voie d'élaboration un peu partout à travers le monde hésitent entre deux objectifs principaux: la recherche du moindre coût et celle de l'autarcie maximale. Les deux options ne s'excluent pas mutuellement et, d'ailleurs, la seconde n'est qu'imparfaitement réalisable, mais la marge de manoeuvre dont jouit le Québec donne place à une évolution propre de quelque ampleur entre ces pôles extrêmes.

En toute hypothèse, qu'il s'agisse de réduire la dépense ou la dépendance énergétique, l'adoption d'un programme de conservation représente un commun dénominateur des alternatives à considérer.

Un scénario de moindre coût insistera préférentiellement sur l'économie de l'électricité qui dévore les capitaux en frais de premier investissement, mais devra, ce faisant, tenir compte des retombées potentielles des placements énergétiques sur l'économie générale. Il éprouvera moins de réticence à confier l'avenir au pétrole et, dans le dosage des filières de substitution, préférera dans la mesure du possible l'expansion du gaz naturel à la progression des centrales nucléaires Axé sur le court terme, il sera tenté de repousser à plus tard les choix difficiles, au risque de compromettre la possibilité de choix futurs.

Un scénario d'autarcie maximale s'appuiera forcément sur l'acquis québécois. Il placera l'accent de la conservation sur les hydrocarbures, le pétrole surtout, qui drainent vers l'extérieur les épargnes nationales. Il cherchera, certes, à valoriser les ressources indigènes de gaz naturel et voudra monnayer l'expertise québécoise en matière d'hydroélectricité contre un approvisionnement pétrolier mieux garanti. Mais il verra surtout à assurer en temps utile la relève de la houille blanche et, élargissant la part de l'électricité, se ménagera un accès éventuel aux combustibles artificiels. L'impulsion qu'en recevra l'industrie québécoise lui paraîtra une contrepartie valable des immobilisations consacrées à l'énergie. Tendu vers un avenir plus lointain, il devra composer dans l'immédiat avec d'autres exigences sociéta-les et imposera une définition claire des aspirations collectives.

Maintien d'une confiance aveugle envers le pétrole ou développement résolu de filières nouvelles et, en l'un ou l'autre cas, détermination des parts accordées respectivement au gaz naturel et à la fission nucléaire, telles sont, en définitive, les question essentielles. Car, pour impérieuses qu'elles soient, les mesures de conservation ne sauraient dispenser le Québec de recourir à chacune de ces trois sources d'énergie, sans porter atteinte à sa structure socio-économique.

Autant et plus que les ressources matérielles, les ressources humaines exerceront leur poids dans les décisions prochaines. Exception faite de l'hydroélectricité, le Québec manque d'experts techniques qu'il est urgent de former aussi bien dans le domaine général de l'énergie que dans celui de filières spécifiques comme celles du pétrole, du gaz naturel et de la fission nucléaire. Or, il arrive que l'acquisition des connaissances soit bien plus lente que l'obtention des capitaux, mais tout aussi nécessaire.

L'ampleur des tâches à accomplir et la longueur des délais exigés par le développement des ressources matérielles et humaines imposent que les transitions à ménager s'amorcent sans retard.

M. le Président, j'aimerais répéter, encore une fois, que je suis ici en tant que représentant de l'Ecole polytechnique et que, dans la préparatior de ce document-ci, j'ai essayé d'avoir le maximum d'impartialité. Cependant, je suis directeur d'un institut de génie nucléaire et ma perception est qu'à cette commission plusieurs questions ont porté sur le domaine nucléaire.

Alors, je serais particulièrement prêt à répondre à des questions, si la commission le souhaite, dans les trois domaines suivants: Sur les effets possibles d'un moratoire dans le secteur nucléaire, sur la question de sûreté associée aux implantations nucléaires, sur les besoins en main-d'oeuvre associés au secteur nucléaire. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas disposé à répondre à des questions qui sont d'autres domaines.

Le Président (M. Laplante): Vous avez le droit de choisir un petit peu.

M. Amyot: Pardon?

Le Président (M. Laplante): Vous avez le droit de choisir un peu, dans le domaine de ce qui vous touche le plus. M. le ministre.

M. Joron: M. Amyot, même si vous portez aujourd'hui votre chapeau de l'Ecole polytechnique, et non pas celui de l'Institut de génie nucléaire, il faut dire quand même qu'à la lecture du mémoire, cela paraissait un peu que vous aviez un deuxième chapeau quelque part.

M. Amyot: Je dois dire que, dans le groupe de prospective technologique de l'Ecole polytechnique, j'étais le seul ingénieur nucléaire, que les hu autres n'étaient pas du secteur, que mon document a reçu une assez large diffusion avant de quitter l'Ecole polytechnique et que ce n'est pas à ma demande qu'il est présenté ici; c'est à la demande du président de l'école, de sorte que...

M. Joron: D'accord, j'avais compris cela.

M. Amyot: ... cela indique qu'on accorde un certain crédit...

M. Joron: J'en conclus que vous avez beaucoup d'influence sur vos collègues. Evidemment, votre mémoire se situe, et vous le dites vous-même, je pense, à la dernière page, dans un scénario qui ne porte pas atteinte à la structure

socio-économique du Québec telle qu'on la connaît aujourd'hui. A un autre moment aussi, dans le mémoire, vous dites: "Sans changement dans nos valeurs ou la définition de nos besoins fondamentaux." Alors, vous posez donc le problème dans des termes de référence qui sont ceux du passé ou d'aujourd'hui, selon les schèmes de développement auxquels on est habitué. On peut discuter à la fois dans ce cadre et, bien que ce soit un exercice plus difficile, dans un exercice de prospective de ce que pourrait être une structure socio-industrielle économique différente. Pour l'instant, je voudrais vous poser une première question. Vous semblez, dans un sens, il se dégage de votre mémoire que vous nous invitez finalement, en nous disant qu'on ne peut échapper à toutes les sources alternatives qu'il faut chercher: augmentation du gaz naturel, fission nucléaire, et qu'il faut toutes les rechercher...

Ce qui m'impressionne, ce qui ressort de votre mémoire, c'est que cela a l'air encore plus pressant, plus urgent peut-être que ce que d'autres mémoires avant vous avaient pu laisser transparaître. Par contre, je m'étonne qu'il y ait ce caractère d'urgence parce que, d'autre part, vous estimez que l'augmentation de la demande globale de l'énergie au Québec sera quelque part entre 1,75% et 3%, mettons 2% ou 2,25% en moyenne, ou quelque chose comme cela. L'Hydro-Québec, par contre, en estimant une demande deux fois plus rapide que ce que vous nous dites, pour l'ensemble de l'énergie, pas seulement l'électricité, arrivait à nous dire que les ressources, actuellement, économiquement exploitables, hydrauliques ou conventionnelles, nous menaient en 1993 à peu près comme date limite à laquelle on aura fini, épuisé toute l'hydraulique.

Donc, dans à peu près 17 ans d'ici, en employant un taux de croissance la moitié moins rapide, il semblerait se dégager de votre taux de croissance que l'hydraulique pourrait nous porter non pas à 17 ans d'ici, mais à 34 ans d'ici. Là, on serait rendu quelque part autour de 2010. Pourquoi cette urgence, si vous prévoyez un taux de croissance beaucoup plus faible même que celui qu'annonçait l'Hydro-Québec? Peut-être qu'en 2010... Pourquoi cette urgence sur la fission nucléaire alors que bien des gens nous ont dit que, surtout au-dela.de l'an 2000 ou 2010, on est déjà dix ans dans l'an 2000, la fusion nucléaire serait peut-être disponible à ce moment-là?

M. Amyot: J'ai comparé les valeurs de mes taux de croissance moyens avec ceux de l'Hydro-Québec et ça m'a donné, dans mon cas, 2,2% et, dans le cas de l'Hydro-Québec, 2,3%. Il se peut que les extrêmes soient un peu plus grands.

M. Joron: Cela dépend, parce que l'Hydro employait trois scénarios possibles, un faible, un moyen et un fort. Là, vous parlez du faible, bien entendu.

M. Amyot: Oui, je crois que la différence essentielle, c'est que, dans le cas de l'Hydro, on a supposé comme probable que la part de l'électricité dans la panoplie énergétique serait de l'ordre de 45%, alors que, dans mon cas, je dis un tiers, à peu près. C'est de là que vient la différence, mais pas pour le taux moyen de croissance. Si je parais plus préoccupé que d'autres sur la date à laquelle on va prendre les décisions, c'est probablement ma fonction d'éducateur qui entre en jeu. Parce que, pour qu'on puisse lancer des initiatives dans un secteur comme celui de la fission nucléaire, par exemple, il faut d'abord préparer des gens, il faut préparer une industrie et il faut avoir une infrastructure. Or, il se trouve que ces échéances sont longues, elles sont même très longues. C'est ce qui m'amènerait à parler, si vous le souhaitez, de la question du moratoire dont j'ai parlé tout à l'heure.

Pourquoi l'Hydro-Québec est-elle arrivée à un pourcentage de 45%, par exemple, dans la panoplie énergétique de l'an 2000, et pourquoi, en fait, maintiendrait-elle cette panoplie pour un bon bout de temps? La valeur relative de la contribution de l'électricité, elle la détermine en se basant sur la compétitivité, sur le plan économique, entre l'électricité et d'autres formes d'énergie, le pétrole et le gaz naturel. Là-dessus, je ne suis pas sorcier et je ne peux pas prévoir très bien l'évolution des prix d'ici l'an 2000. Je suppose que son argument peut être justifié. Mais je crois que ça reflète aussi autant une volonté accrue d'augmenter le pourcentage d'autarcie au Québec, car, étant donné qu'on n'a pas de combustible fossile, c'est la seule voie possible. Cela, c'est pour la valeur relative.

Quant au taux de croissance, le Club de Rome, dans son premier rapport, a lancé un cri d'alarme qui s'appliquait à tout le monde sur toute la terre, et on nous a dit que nos ressources étaient limitées et qu'on devait faire halte à la croissance. Je crois que ce fut un appel très salutaire. Dans son deuxième rapport, le Club de Rome a cependant corrigé un peu cette première impression en introduisant le concept d'une croissance différenciée. Une étude régionale qui a été faite pour l'Amérique du Sud par le groupe de Ba-riloche est aussi arrivée à la conclusion que la croissance pouvait être justifiée dans certains secteurs et était même permise par l'état des ressources sans trop de problèmes.

Je crois que le cas du Québec n'est pas celui des pays les plus fortement industrialisés, avec la structure économique la plus forte de la planète, bien au contraire. Nos meilleurs économistes nous disent que l'économie du Québec est en déclin depuis plusieurs générations maintenant. Est-ce que le Québec doit, dans une redéfinition de sa structure, se départir ou affaiblir la contribution de ses industries lourdes, par exemple, en se convertissant avec des industries plus douces de type technologiquement modeste, selon le terme consacré dorénavant? Je ne le sais pas. Cela ne m'apparaît pas être la situation la mieux adaptée, disons, à la situation du Québec.

Ensuite, est-ce que la conservation nous permettra vraiment de réduire les taux de croissance autant qu'on pourrait le souhaiter idéalement? La

conservation coûte de l'argent. Sur le plan de l'argent, je pense qu'on a déjà démontré que cela coûte moins cher d'économiser de l'énergie que de produire de l'énergie, mais cela coûte aussi du temps. Les sommes d'argent et le temps que l'industrie mettra à convertir ses équipements pour les rendre plus erficaces, elle pourra aussi les mettre pour augmenter la productivité. Alors, il y aura un choix à faire. Autrement dit, l'effort qu'on va consacrer au développement de la conservation, il n'est pas sûr qu'on pourra en même temps le consacrer au développement économique et je ne suis pas sûr que, lorsqu'on fera ie bilan, cela pèsera nécessairement dans le sens de la conservation maximale. Il y a un gaspillage qui est évident pour tout le monde, mais doit-on pousser à la conservation maximale en faisant abstraction dorénavant du concept de développement économique? Personnellement, j'en doute.

La relève de l'hydraulique. Les recommandations de l'OCDE sont qu'on mette dans les pays qui font partie de l'OCDE l'accent sur le nucléaire le plus rapidement possible. Le nucléaire a été freiné récemment pour différentes raisons. Il y a eu des contestations dont certaines étaient parfaitement justifiées.

Il y a eu des difficultés de faire des investissements, de trouver des capitaux en temps utile. Il y a eu un certain freinage de la demande dû à des mesures de conservation. Il reste que, jusqu'à la fin du siècle encore, l'OCDE prône le développement de l'énergie nucléaire.

Personne ne parle des avantages intrinsèques de l'énergie nucléaire, mais il y en a. Il y a d'abord le fait que c'est une technologie qui est mûre présentement, qui fonctionne avec 5% ou 6% d'électricité à travers le monde, avec quasiment 20% de l'électricité produite en Ontario, la compétitivité est prouvée, il me semble.

Sur le plan de l'autarcie, on l'a mentionné à plusieurs reprises, il n'y a pas d'autres ressources qui pourraient prendre la relève de l'hydraulique à brève échéance au Québec.

Sur le plan de la propreté, sur le plan de la sûreté, j'aimerais bien mettre l'accent sur le fait qu'il s'agit d'un concept extrêmement relatif et qu'il y a beaucoup de gens qui prétendent, à l'heure actuelle, que l'énergie nucléaire a des avantages, sur le plan de la propreté, sur toutes les autres sources énergétiques en existence. Je ne parle pas des sources dont l'application est purement potentielle.

Enfin, si on retardait l'avènement de l'énergie nucléaire, qu'arriverait-t-il? D'abord, alors que maintenant on a environ 40% des industries nucléaires qui participent au programme canadien qui sont installées au Québec, contre 60% en Ontario, alors qu'à l'heure actuelle les deux tiers du contenu économique d'une centrale nucléaire sont québécois, il y aurait, certainement, une tendance à ce qu'on perde une partie de cette contribution.

Il est déjà extrêmement difficile de sensibiliser les PME québécoises à s'aventurer dans ce secteur.

En mai dernier, on avait à l'Ecole polytechnique un colloque réunissant 200 participants de quatre provinces où l'industrie était particulièrement conviée sur le défi que pose l'introduction de l'énergie nucléaire à l'industrie québécoise. Or la participation des PME québécoises était faible, pas autant que celles de l'Ontario, qui en plusieurs cas nous ont remercié d'avoir organisé un colloque semblable parce qu'il démontrait énormément de potentiel pour l'avenir.

Alors, si on retarde, cela demande une transition vers des tolérances beaucoup plus grandes sur des machines, vers des précisions auxquelles notre industrie n'est pas habituée. Si on retarde des décisions, notre industrie ne s'équipera pas en temps utile. Ce qui est vrai de l'industrie l'est encore beaucoup plus des gens. Cela demande du temps de préparer des gens. Cela demande d'acquérir des connaissances spécialisées dans n'importe quel domaine nouveau et dans le secteur nucléaire, en particulier.

On parle d'une dizaine d'années de préparation. Si on retardait l'avènement de l'énergie nucléaire jusqu'à l'an 2000, le manque à gagner de l'industrie Québécoise, au prix qui était valide en dollars canadiens de 1975, le manque à gagner de l'industrie québécoise, en retardant l'avènement de l'énergie nucléaire jusqu'à l'an 2000, se situerait dans l'ordre de $20 milliards minimum en tenant compte uniquement des prix qui étaient en vigueur à ce moment-là qui vont certainement monter, en tenant compte uniquement du secteur énergétique lui-même. Si on affecte cela à l'effet multiplicateur pour l'ensemble de l'économie, cela veut dire un manque à gagner de l'ordre de $50 milliards pour l'économie québécoise.

L'effet sur l'emploi, selon le programme qui était présenté par l'Hydro-Québec, ce serait de l'ordre de 40 000 emplois qu'on aurait en l'an 2000 dans le secteur nucléaire. C'est directement affecté à la production, ce ne sont pas les emplois qui sont suscités par la présence de cette énergie. Il reste seulement la justification proprement morale. Or, le concept de sécurité, le concept de sûreté, c'est un concept qu'il convient de relativiser. Il n'existe pas de technologie qui soit absolument sûre, il n'en existe pas non plus dont les dangers soient parfaitement connus. On connaît moins bien, aujourd'hui, les dangers qui sont associés à la présence de particules nocives dans l'air que les dangers qui sont associés à la présence de radiations émanant de centrales nucléaires. Je pense que je vais arrêter là.

M. Joron: Vous avez soulevé pas mal de questions. J'en avais bien d'autres qui me venaient à l'esprit et vous me faites penser à un plus grand nombre.

Je vous disais tout à l'heure que vous situiez l'urgence encore plus rapidement dans le temps que l'Hydro-Québec et que cela m'apparaissait curieux parce que vous fondiez cela sur un taux de croissance plus faible. J'avais oublié d'ajouter que cela m'apparaissait d'autant plus curieux que vous prévoyiez la possibilité d'une économie globale,

s'il y a des mesures de conservation ou d'économie, de rationalisation de l'utilisation de l'énergie pouvant aller jusqu'à 20% ou 25% en l'an 2000, alors que l'Hydro-Québec n'est pas contre dans une aussi large proportion de la soustraction que cette rationalisation-là peut amener à la demande totale. Ce qui veut dire que vous qui accordez, dans votre mémoire, une soustraction à cet effet-là assez importante, cela implique que vous êtes encore plus pressé même que vous en avez l'air.

M. Amyot: Non, je ne dis pas que ce n'est pas possible de se passer éventuellement de toute contribution de l'énergie nucléaire avant l'an 2000. Il est possible de concevoir un schéma où on va utiliser toute l'énergie hydraulique jusqu'à la dernière goutte et ensuite passer à l'énergie nucléaire, par exemple. Si on fait cela, on va avoir perdu toute possibilité de faire concurrence, non seulement de faire concurrence mais d'entrer de plain-pied, si on veut, dans le secteur nucléaire, parce que l'avance ontarienne va être insurmontable, il n'y a absolument aucun doute. Ensuite, on va avoir adopté un schéma qui ne nous permettra pas de transformation graduelle et le plus économique possible du personnel et de l'industrie qui sont impliqués actuellement dans le secteur hydraulique. On va promouvoir un certain essor du secteur hydraulique et tout d'un coup on va dire à tous ces gens-là, à toutes ces industries. Là on arrête et on passe à autre chose. Cela m'apparaîtrait beaucoup plus rationnel qu'il y ait une transition le plus graduelle possible pour permettre une conversion des personnes et des industries impliquées.

M. Joron: Je pense que c'est le noyau de votre argumentation.

M. Amyot: Oui, c'est vrai.

M. Joron: Donc, si c'est inévitable et s'il faut y venir, cette argumentation-là se comprend. Mais ce que je mets en doute c'est que ce soit inévitable et qu'il faille nécessairement y venir jamais. Vous avez mentionné vous-même qu'un des facteurs qui va conditionner le taux de croissance de la demande d'ici la fin du siècle c'est ce qui va arriver à la structure économique du Québec. On est tous d'accord — et cela on l'entend depuis des années — pour dire qu'elle est inadéquate, qu'elle vieillit et ainsi de suite. Il faut aller vers autre chose. Nous avons déjà une structure qui est énergivore, très énergivore parce qu'elle est fondée sur la transformation primaire de matières premières dans une étape qui coûte extrêmement cher en énergie; toute l'industrie primaire, métallurgique ou l'industrie des pâtes et papiers.

S'il faut aller vers autre chose, on va s'en aller, au contraire, non pas vers des industries plus énergivores encore, mais infiniment moins énergi-vores. Les modifications inévitables à la structure industrielle du Québec nous conduisent automatiquement vers un modèle économique qui consomme beaucoup moins d'énergie, ce qui nous reporte encore plus loin dans le temps. Je ne pense pas que vous puissiez faire valoir la nécessité de la reconversion industrielle du Québec comme étant un argument qui sous-tend une augmentation de la croissance énergétique, au contraire.

M. Amyot: La raison pour laquelle on a actuellement cette structure industrielle est basée en partie sur la disponibilité d'une énergie bon marché. Elle est basée aussi sur d'autres avantages comparatifs dont disposait le Québec traditionnellement, par exemple, sur la présence de forêts dans le cas des pâtes et papiers. Et ce facteur va demeurer à l'avenir.

Alors, je ne sais pas si c'est le seul facteur qu'on devrait considérer dans une transformation de notre économie d'un type de société industrielle à un type de société dit postindustriel.

M. Joron: Disons qu'on peut situer trois types de niveau de développement industriel. Nous sommes peut-être au stade, au Québec, du passage d'une société, à certains égards, sous-développée, de par certaines faiblesses structurelles de notre économie, à une structure industrielle mature. Je prends l'exemple d'un pays comme la Suède, qu'on emploie parce qu'il est commode pour toutes sortes de comparaisons. C'est une structure industrielle mieux équilibrée, plus avancée que la nôtre, davantage dans le domaine secondaire, et ainsi de suite. C'est une industrie qui consomme beaucoup moins d'énergie que la nôtre. Si on doit passer à un stade plus éloigné, vous avez évoqué — ça, je trouvais cela curieux — qu'on peut même passer à une structure industrielle qu'on pourrait appeler postindustrielle et vous avez dit: vers des industries de nature douce ou technologiquement peu avancées.

Mais il me semble qu'au contraire, l'étape ultérieure, si on pense à des industries de pointe, l'électronique ou des choses comme ça, ce n'est pas ce qu'on peut appeler technologiquement facile ou peu avancé. Au contraire, elles sont parmi les industries les plus technologiquement avancées de toutes et qui consomment encore moins d'énergie que des industries secondaires.

M. Amyot: Mais le terme n'est de moi, je mettais ça entre guillemets, c'est un terme qu'on emploie actuellement, qui est à la mode pour parler des technologies qui sont mieux adaptées aux énergies dites douces.

Pour revenir au cas de la Suède, je crois qu'une des raisons principales pour lesquelles la Suède, actuellement, a un taux de consommation d'énergie per capita qui est beaucoup inférieur au nôtre et un rendement énergétique global pour l'ensemble de l'économie qui est de beaucoup meilleur que le nôtre, c'est qu'elle a eu une énergie qui était depuis longtemps très chère, de sorte qu'elle a eu une motivation forte pour augmenter son rendement dans le secteur industriel et dans tous les secteurs.

Elle a, par exemple, le chauffage urbain de façon assez généralisée dans une grande partie; ce

n'est pas nécessairement dû au fait qu'elle a changé de structure.

M. Joron: C'est dû à plusieurs facteurs, c'est évident.

M. Amyot: Oui, mais je veux dire qu'une bonne partie de ce gain nous est accessible sans qu'on change la structure de notre économie.

M. Joron: Un mot aussi sur les réserves hydrauliques possibles m'amène à vous poser une autre question. L'Hydro-Québec mentionnait, on tient tous ces chiffres pour acquis, qu'après la baie James, il reste 15 000 mégawatts économiquement aménageables, plus 10 000 autres qui pourraient l'être, qui, compte tenu de la différence des prix entre les différentes formes d'énergie, ne paraissent pas aujourd'hui rentables, mais pourraient bien l'être dans 10 ou 15 ans, qui seraient économiquement aménageables à ce moment-là. Comment est-ce qu'on peut prévoir... et ça dépendrait essentiellement du coût des autres formes d'énergie. Le pétrole, Dieu sait où il sera rendu en 1990, et le coût d'installation d'une centrale nucléaire, Dieu aussi sait où il sera rendu en 1990.

A ce moment-là, peut-être que les autres 10 000 mégawatts qui ne paraissent pas rentables aujourd'hui le seront devenus.

Un autre point aussi, c'est que vous avez, dans une seule phrase, dit que l'énergie marémotrice, on envoie ça au XXIe siècle.

Il y a des choses qui fonctionnent, que les Allemands ont trouvées pendant la guerre. Pour des raisons de sécurité, des espèces de petites turbines qui fonctionnent, non pas dans ce sens-là, mais comme une palette à eau et que vous coulez dans le fond d'une rivière à faible débit, ce qui se trouvait à être caché des yeux des avions de reconnaissance et des bombardiers; cela était inat-teignable. Cela produit peu d'électricité par unité, cette affaire-là.

Par contre, il y a la possibilité d'en mettre toute une succession en cascades, aussi long que le fond du lit d'une rivière, tout le long du parcours d'une rivière. S'il y a un développement technologique d'importance à cet égard, on peut imaginer multiplier peut-être par deux le potentiel hydroélectrique que l'on pense être celui du Québec aujourd'hui. Si jamais cela arrivait avant l'an 2000... La fission nucléaire est reportée encore à 2050, on est rendu loin en maudit.

M. Amyot: Si vous voulez, je vais répondre à la deuxième question avant de répondre à la première. Dans le cas de l'énergie marémotrice, le seul projet qui existe dans le monde est celui qui existe à l'embouchure de la Rance, en France, et qui remonte à 1966, qui faisait l'utilisation effectivement des groupes-bulbes. On a parlé de cela comme étant une monstruosité sur le plan économique et une réussite merveilleuse sur le plan technique. Cela fonctionne très bien, c'est beau. C'est loin d'être à point, cette technologie.

M. Joron: Mais là, vous êtes dans l'eau salée.

M. Amyot: C'est cela.

M. Joron: La raison pour laquelle cela ne s'est pas avéré un succès, c'est à cause de la corrosion. Si on parle des unités dans de l'eau douce, on n'a plus ce problème.

M. Amyot: Exactement. On pourrait prendre ces mêmes turbines qui ont été mises au point dans le cadre du programme marémoteur et les placer sur des rivières. Effectivement, dans le cadre de cette étude, j'ai discuté de cette question avec les gens de l'IREQ qui expriment beaucoup de scepticisme quant à la possibilité de rentabiliser l'utilisation de ces turbines à faible tête d'eau sur les rivières québécoises.

Il semble que c'est quelque chose qui vaut la peine d'être étudié, peut-être, mais ce n'est pas quelque chose sur quoi on peut compter. Le fond de la question, à mon point de vue, c'est qu'il ne faut pas que le Québec s'enlève la possibilité de faire des choix. Il n'est peut-être pas exclu qu'un jour, on puisse ralentir, dans l'ensemble du monde, parce que je ne pense pas que c'est le Québec qui va nécessairement dicter la façon dont le continent nord-américain va se comporter. On est lié très fortement à l'économie des Etats-Unis.

Il est fortement concevable que, dans l'ensemble du monde, on trouve moyen de ralentir, de diminuer le taux d'utilisation de l'énergie nucléaire. Je ne dis pas que c'est nécessairement souhaitable. Je dis que c'est possible qu'on arrive à le faire. Ce qui est certain, c'est que ce sera exclu, pour autant que le Québec est concerné, si on ne se donne pas la possibilité de le faire. Repousser les choix, cela peut être les repousser pour toujours. C'est ce que je dis.

M. Joron: Je ne suis absolument pas d'accord avec vous là-dessus. Vous avez, entre autres, à cet égard, signalé que, si on ne faisait pas cela, il y aurait un manque à gagner de $20 milliards...

M. Amyot: Oui.

M. Joron: ... étant donné les retombées économiques du développement d'une industrie nucléaire au Québec...

M. Amyot: C'est cela.

M. Joron: ... qu'il y aurait un manque à gagner objectif de $20 milliards et, compte tenu des effets multiplicateurs, qui pourrait aller jusqu'à $50 milliards. Honnêtement, je trouve que c'est charrier un peu fort. Si on ne fait pas ce développement pour répondre à une demande énergétique, on va en faire un autre type de développement économique.

M. Amyot: Quel autre?

M. Joron: Quand vous nous dites que cela représente X milliards de moins qu'on met en circulation dans l'économie et que ce serait 40 000 emplois qui ne seraient pas créés, je ne suis pas du

tout d'accord. Les 40 000 emplois, ils vont être affectés ailleurs, à ce moment-là, à la production d'autres formes d'énergie. Ce n'est pas un manque à gagner, c'est un déplacement, c'est une substitution.

M. Amyot: C'est-à-dire que tout cela est basé sur la prémisse qu'on n'a pas d'autres possibilités de produire de l'électricité que de faire cela, que de recourir au nucléaire. Si, donc, on élimine toute la traction nucléaire, on a réduit notre production énergétique d'autant. C'est là-dessus que c'est basé. Je dis qu'on a réduit notre production énergétique d'autant. Evidemment, si on avait la possibilité de remplacer le nucléaire par autre chose, je vous donne parfaitement raison.

M. Joron: Mais c'est cette possibilité, en tout cas, pour l'an 2000, je pense qu'elle existe. C'est pour cela que je n'accepte pas cette partie de l'argumentation. C'est le point fondamental de votre mémoire aussi. Vous nous dites que si on ne commence pas tout de suite, que cela arrive en 1992 ou 1993, comme disait l'Hydro-Québec, en 2000 ou en 2024, peu importe, si on laisse filer le temps, on va être tellement en retard par rapport à l'Ontario, à titre d'exemple, que cela va être final. Je ne le vois pas comme cela. Ce ne m'apparaît pas un objectif de courir après tout le monde sur la planète seulement pour le plaisir de courir après eux autres. Eux autres, ils n'ont pas le choix, ils n'ont pas d'alternative, nous autres, on en a. Ce n'est pas un objectif en soi de courir après. On a déjà dit d'ailleurs qu'il y avait des avantages parfois à être en retard. Je ne le sais pas, si on a les moyens de s'en passer pendant quarante ans et que la technologie, dans quarante ans, est rendue à la fusion ou à quoi que ce soit d'autre, ou n'importe quelle autre forme d'énergie dite douce a pu être développée, je ne vois pas en quoi on serait pénalisé, à ce moment. C'est qu'on aurait profité du répit que peuvent nous donner des réserves que d'autres n'ont pas pour attendre que la technologie mondiale... Vous le signalez vous-même, ce n'est pas un peuple de 6 millions qui peut penser se substituer à la planète entière.

M. Amyot: Non.

M. Joron: J'ai bien l'impression que s'il y a de grands "break-through", fort probablement ailleurs, cela a plus de chances mathématiquement, en tout cas, de se passer ailleurs qu'au Québec. Elle nous serait disponible à ce moment-là. Je veux dire que les ingénieurs qu'on n'aura pas formés ou les techniciens, ou les spécialistes qu'on n'aura pas formés dans ce domaine, on va les occuper à autre chose. Ne vous inquiétez pas, on ne fermera pas l'Ecole polytechnique à cause de cela.

M. Amyot: Non, mais il me semble qu'on fonde l'avenir du Québec dans le secteur énergétique sur des technologies potentielles, alors que, dans ce cas, il agit d'une technologie existante. On se bouche, on se ferme la possibilité d'y recourir.

M. Joron: Excusez-moi, pourvu que vous fassiez la preuve de l'urgence et du manque d'alternative; c'est ce qui m'apparaît sujet à caution.

M. Amyot: Mais quelle autre alternative? Vous dites la conservation.

M. Joron: Vous avez établi un corollaire. D'abord, il y a une chose qui prendrait probablement beaucoup de temps à être défrichée. Cela dépend de notre consommation de l'an 2000 qui va dépendre, on l'a déjà dit, de notre structure industrielle. Vers quel type de structure industrielle s'en va-t-on? Peut-être qu'on aura une structure industrielle en l'an 2000 qui procurera aux Québécois un revenu per capita considérablement supérieur à celui d'aujourd'hui en consommant moins d'énergie par contre. C'est possible. Il n'y a pas une équivalence directe entre la croissance énergétique et la croissance économique. Je le refuse catégoriquement.

Votre argumentation est fondée presque sous la menace d'un retranchement économique s'il n'y a pas la croissance énergétique. Je pense que cela est loin d'être prouvé.

M. Amyot: On serait le premier pays dans le monde, en tout cas, à réussir à le faire. Je ne dis pas que ce n'est pas possible; je dis que je suis en sympathie avec les objectifs qui ont été formulés par le Club de Rome. Je crois qu'il faut qu'on s'oriente vers cette direction, mais je doute que cela puisse être le Québec qui exerce un leadership dans ce secteur sur le continent nord-américain, c'est tout. Je ne dis pas que c'est exclu, je dis qu'on vit dans un contexte tel que cela nous sera très difficile de convertir notre société à nous quand celle autour de nous se convertit probablement à un taux plus lent.

M. Joron: C'est exact. C'est une difficulté, j'en conviens. Je pense qu'il ne faudrait pas situer la difficulté cependant, et accompagner ce problème d'une menace ou, si vous voulez, d'une prophétie de diminution de niveau de vie. Ces éléments ne me paraissent pas du tout liés directement l'un à l'autre.

Là encore, de la façon qu'on mesure ces choses aujourd'hui, on les mesure à partir de critères qui sont bien conventionnels. A partir de l'utilisation d'aujourd'hui, si on soustrayait en disant: II faut que le produit national brut augmente, dans la mesure du bien-être de l'humanité, du bien-être matériel, je ne parle pas du bonheur national brut ou de quelque autre formule plus poétique, la mesure du bien-être matériel de l'humanité, on la pense directement liée au produit national brut, tel qu'on l'a défini aujourd'hui. Mais c'est loin d'être sûr, parce que, dans ce produit national brut, il y a des tas d'activités qui sont incluses dans ce chiffre qui sont des activités pour répondre et pour remédier aux gaffes d'autres activités. C'est le processus de "je m'active pour réparer la gaffe que mon activité précédente a créée".

Cela n'augmente pas le bien-être matériel. Cela paraît dans les chiffres, mais cela ne corres-

pond pas du tout à une augmentation réelle du bien-être des gens. C'est pourquoi je mets hautement en doute toutes ces corrélations entre produit national brut per capita et croissance d'énergie per capita égalent bien-être matériel.

M. Amyot: Non, je pense que la position conventionnelle là-dessus, c'est que les gens doutent qu'il y ait une relation de cause à effet entre les deux, mais il y a une corrélation qui est observable, cependant.

M. Joron: Oui, qui l'a été aujourd'hui dans la mesure où on a des critères pour mesurer cela qui sont adéquats. La plupart des économistes dans le monde les remettent fortement en question. C'est la même chose quand on compare le produit national brut des Etats-Unis avec celui du Zaïre. Je veux dire que cela fait apparaître des différences de 1% à 50% ou des choses comme cela. Tous les économistes sont d'accord pour dire que, dans des comparaisons semblables, le PNB per capita ne vaut à peu près absolument rien. Je lisais encore le rapport de l'année dernière de la Banque mondiale qui le signalait très justement. Il n'est pas sûr qu'on ait aujourd'hui non plus des mesures d'appréciation qui soient adéquates ou enfin. Je vais laisser la parole aux autres.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Une brève question au départ sur votre mémoire. A la page 3, vous indiquez que la consommation présente d'énergie sera multipliée par un facteur compris entre 1,75% et 3% au cours des 20 prochaines années. Pourriez-vous, seulement pour m'aider, peut-être que vous l'avez dit déjà, mais je n'ai pas pu vraiment savoir si c'était cela dont vous parliez, nous donner le taux annuel implicite que cette fourchette de...

M. Amyot: Dans le cas de 1,75%, c'était en considérant 3,5% de croissance annuelle et en appliquant le taux de 25% d'économie possible en l'an 2000. Le taux de 3,0% correspond à peu près à la tendance historique observée durant les quinze dernières années.

M. Forget: A la fin de votre mémoire, et je vais peut-être couvrir une partie du territoire que vous venez de couvrir avec le ministre, malgré tout, il y a certains aspects qui m'échappent un peu dans votre raisonnement. A la page 9, vous nous dites: II y a deux scénarios, un scénario de moindre coût et, d'autre part, le scénario d'autarcie maximale. Vous semblez assez explicitement rejeter le scénario de moindre coût. Comparons votre position à celle de l'Hydro-Québec. L'Hydro-Québec dit: II faut développer le nucléaire, parce qu'il y a une tendance historique de la demande et il faut se mettre en position d'y satisfaire de façon continue. Vous, vous dites: Là-dessus, on n'est pas trop sûr qu'il y a une urgence au point de vue des besoins, mais il faut développer le nucléaire pour un autre motif. Il faut un peu accepter à court terme de payer plus cher pour l'énergie pour s'acheter une espèce de police d'assurance, parce qu'on va peut-être en avoir besoin à une date qu'on ne connaît pas. Il faut avoir le capital humain, en quelque sorte, avoir constitué le capital humain pour le faire. Cela me paraît un peu comme le jeu que les enfants jouent: Est-ce que tu as peur de traverser en face d'un autobus ou quelque chose dans ce genre? C'est une question de degré. Cela dépend de la vitesse de l'autobus et à quelle distance il se trouve au moment où on traverse la rue. Il me semble que votre argument ne nous fait pas assez sentir la question de degré. Ce que j'aimerais vous dire, c'est: Supposons que le Québec veuille s'engager dans le nucléaire pour des raisons de besoins énergétiques prévisibles, mais en se disant toujours: il est possible qu'on n'en ait pas besoin en l'an 2000, cela peut être plus tard ou peut-être jamais. Mais, comme on ne le sait pas, on veut malgré tout ne pas être absent de cela. Pour ne pas être absent au moment où on en aura besoin, il faut constituer une espèce de masse critique minimum. C'est justement cela.

Par comparaison au programme de l'Hydro-Québec, qui est un programme de développement du nucléaire, est-ce qu'il n'y a pas un scénario de présence minimale qui pourrait nous assurer que la fenêtre du nucléaire reste ouverte, ou que la porte reste ouverte, sans que nécessairement on franchisse le seuil? Vous savez ce que je veux dire. Qu'on conserve cette potentialité, mais pas seulement comme sujet d'étude dans les universités, mais qu'on y mette la main à la pâte suffisamment pour générer une expertise? Ou est-ce que cela n'est pas possible? Il faut y aller ou ne pas y aller. Il n'y a pas moyen d'y aller à moitié.

M. Amyot: Vous avez posé plusieurs questions. D'abord, pour ce qui est des deux scénarios, ce n'était pas mon intention d'exclure l'un plutôt que l'autre. Je crois que ce n'est pas possible d'adopter résolument et entièrement un scénario d'autarcie maximale sans engager le Québec ou n'importe quel pays dans des investissements massifs qui compromettraient les autres programmes "sociétaux." Cela coûte très cher. Un programme d'autarcie maximale coûte nécessairement très cher. Il faut nécessairement mettre de l'eau dans son vin même si on veut faire ça, même si on visait ça comme objectif prioritaire. Donc, le scénario du moindre coût entre toujours en jeu. Je dis qu'il faut concilier ces deux objectifs.

Je crois que dans les projections de l'Hydro-Québec, il y a, implicite, le fait qu'on suppose que le taux de croissance de la demande énergétique va continuer d'être plus élevé que mes projections et qu'aussi il va y avoir une volonté grande de viser à i'autarcie énergétique, en ce qui touche le Québec, et que ces deux facteurs vont conduire à une contribution forte de l'énergie nucléaire. Je crois qu'une contribution minimale de l'énergie nucléaire suffirait, en ce qui me concerne — là, je ne parle pas comme auteur d'une étude sur les

prospectives énergétiques du Québec — pour nous laisser le choix ouvert, à un moment donné, pour permettre qu'on adopte la filière nucléaire si on s'aperçoit qu'on en a besoin à tel moment plutôt qu'à tel autre. Cela prend certainement une présence minimale, à ce moment, pour...

M. Forget: Comment définissez-vous, quantitativement, une présence minimale? Est-ce que c'est faire construire une centrale par cinq ans, ce qui nous en fait, jusqu'à la fin du siècle, je ne sais pas, cinq plutôt que 50. Je ne sais pas si c'est 50, le chiffre de l'Hydro-Québec. Enfin, là, il y a un ordre de grandeur de un à dix. Est-ce que ce serait autrement que vous définiriez une présence minimale?

M. Amyot: Je veux dire, une présence minimale qui serait telle qu'elle permettrait d'assurer une présence de l'industrie québécoise dans ce secteur, de telle sorte qu'il y aurait possibilité de s'approvisionner au Québec des composants énergétiques, et aussi...

M. Forget: II faut qu'il y ait toujours des projets en construction, à ce moment-là.

M. Amyot: Oui, mais pas nécessairement dans la même quantité. Aussi, de garder intactes des équipes qui aient la chance de se perfectionner continuellement. Dans un climat d'incertitude où les gens ne savent pas si, dans cinq ans d'ici, il va encore y avoir du nucléaire ou si on va abandonner le nucléaire de façon définitive, les gens ne sont pas très motivés à rester dans le secteur. Le peu de spécialistes qu'on a ici, au Québec, actuellement, ne resteront pas. Cela va fermer la porte, disons, à cette option. Je ne dis pas que c'est une raison en soi, mais je dis que pour le Québec, ça peut être quelque chose de pas mal important, par exemple.

M. Forget: Une dernière question, M. le Président, un peu en m'adressant à vous avec l'autre chapeau, si je comprends bien. Vous avez fait une réponse, tout à l'heure, ou anticipé une question d'une façon qui me laisse un peu sur mon appétit lorsque vous avez parlé des risques du néclaire. Vous avez dit: II y a bien des choses qui se sont dites. Effectivement, vous avez raison. Il y en a beaucoup, particulièrement à cette commission-ci, sur les risques associés au développement du nucléaire. Vous avez fait une réponse qui est une réponse sans en être une, à ces arguments, en disant: II n'y a aucune filière énergétique, il n'y a aucune méthode de produire de l'énergie qui est sans risque que quelque chose aille mal. En termes de probabilité, je peux comprendre votre raisonnement à savoir qu'il n'y a aucune espèce d'installation industrielle où on peut dire: Tout va bien aller sans aucune espèce de problème ou de défaut, il y a un problème de probabilité qui s'attache à un événement, tel qu'un mauvais fonctionnement. A ça, vous avez répondu. C'est valable. Mais il y a aussi la nature de ce à quoi s'attache cette probabilité. Le risque d'avoir un accident dans une centrale thermique est peut-être plus condidérable que le risque d'avoir un accident dans une centrale nucléaire. Mais ce n'est pas le même risque. Du moins, c'est ce que les gens nous disent. Dans le fond, votre réponse, ce n'est pas une réponse à ce qenre d'inquiétude.

Si on a risque de 1 sur 1 million d'avoir un accident nucléaire qui soit catastrophique, on va l'évaluer comme plus grave que la chance de 1 sur 1000 d'avoir un accident dans une installation thermique qui, dans le fond, peut faire peut-être 1000 morts, en mettant les choses au pire, mais ce ne sont que 1000 morts. Ce n'est pas une génération qui est condamnée, ou Dieu sait quoi. Cela est assez percutant quand on nous fait part de cela, parce qu'on a beau réduire le risque, la probabilité du risque à un chiffre très bas, il faut presque multiplier par zéro une chose infinie comme dommage pour produire la certitude qu'on n'a rien à craindre. Dans le fond, c'est cela tout le problème du nucléaire. Le risque est très bas en termes de probabilité, mais le risque est très grand en termes de dommages possibles.

Alors, c'est assez difficile à évaluer.

M. Amyot: Je suis tout à fait d'accord. Je trouve que la question est très bien posée. Pourquoi les gens s'inquiètent-ils à propos de la sûreté des centrales nucléaires? En principe, il y a trois raisons principales. La première, qu'on retrouve encore, en dépit du fait qu'on entend dire à la radio, à la télévision et on le lit dans les livres et les journaux... La plupart des gens doivent avoir entendu quelqu'un s'exprimer de cette façon à un certain moment.

En dépit du fait qu'on dit qu'il est impossible qu'une centrale nucléaire explose comme une bombe nucléaire, on entend encore, continuellement, cette association maintes fois réaffirmée.

Il y a l'association donc, plus ou moins consciente, avec la bombe nucléaire. Dans une enquête que l'Association nucléaire canadienne a faite l'an dernier au Canada — cela avait été fait par l'Université York de Toronto en collaboration avec le Centre de sondage de l'Université de Montréal — on a fait cette enquête en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick, il s'est révélé qu'il y avait encore à peu près 20% de la population qui faisait cette association inconsciente, ou plus ou moins consciente, avec la bombe.

La deuxième raison est, je pense, la nature assez ésotérique des processus qui sont en jeu. Il est facile de voir, de s'imaginer en tout cas, comment on peut produire de l'énergie en voyant de l'eau tomber, en voyant du charbon brûler; mais un neutron qui frappe un noyau, même les spécialistes ne voient pas cela de la même façon. On peut l'écrire au tableau, on peut se faire de petits dessins, mais ce n'est pas aussi facile à visualiser.

Une troisième raison, je pense que c'est justement celle que vous venez de dire, est qu'il y a une perception des risques associés aux installations nucléaires comme étant quantitativement et qualitativement différents de ceux qui sont associés aux autres sources d'énergie et aux autres technologies en général.

Or, je crois que cela n'est pas fondé complètement, en tout cas. Quelles sont les solutions? Je vais d'abord parler de la façon dont j'envisage les solutions et, après cela, je vais vous dire pourquoi cela n'est pas fondé.

Les solutions, c'est d'informer le public; bien sûr, ce n'est pas très facile, mais c'est obligatoire. Je crois que c'est une responsabilité de tous les gens qui sont dans le secteur nucléaire et des gouvernements probablement aussi de voir à cette tâche.

D'abord, si on regarde les faits, il y a actuellement dans le monde 174 réacteurs qui fonctionnent avec un total de 80 000 mégawatts. C'est à peu près l'équivalent d'une fois et demie toute la puissance électrique de n'importe quelle origine qui fonctionne au Canada, à l'heure actuelle. On ne peut plus dire que c'est une technologie qui est dans sa première enfance. Cela fournit entre 16% et 20% de l'électricité en Ontario. Je dis 16% à 20% parce qu'il y a une centrale qui est en train de démarrer et je ne sais pas exactement combien de puissance elle développe à l'heure actuelle, mais ce n'est pas négligeable. Cela fonctionne.

Il y a eu l'équivalent de plusieurs centaines de réacteurs-an de fonctionnement. Or, pendant ces centaines de réacteurs-an de fonctionnement, on n'a pas encore pu accumuler de statistiques sur les accidents causant des pertes de vie parce qu'il n'y en a pas eu.

Alors, à ce moment, évidemment, on est obligé de se baser sur des données de type probabilités. On est obligé de faire des évaluations, de faire des calculs de probabilité pour voir quelles sont les possibilités pour qu'il y ait des accidents.

Quand on regarde d'autres technologies qui existent depuis longtemps comme l'énergie hydraulique, il y a des statistiques accumulées et ces statistiques, en fait, conduisent à des risques associés à l'usage de l'énergie hydraulique qui sont autrement plus grands que ceux qui sont associés à l'énergie nucléaire. Le risque est à peu près 1000 fois plus grand qu'il y ait une perte de vie associée à l'hydraulique quand on considère la rupture des grands barrages dans le monde entier. Il y a plusieurs barrages aux Etats-Unis mêmes dont la rupture pourrait entraîner la perte de 200 000 vies, en Californie en particulier. C'est vérifiable sur des bases statistiques. Il y a des données là-dessus. Il n'y en a pas dans le cas du nucléaire. Donc, il n'y a pas de statistique vécue, on peut seulement faire des estimations de type probabiliste.

Ensuite, il y a des affirmations erronées qui se perpétuent. Pour quel motif? Je crois qu'en général les contestataires sont des gens extrêmement bien motivés, honnêtes, mais pas toujours compétents. Pourquoi ces affirmations erronées se perpétuent-elles? Je ne le sais pas, mais ce qu'on remarque, c'est qu'en dépit de toutes les corrections qu'on fait, on voit ces affirmations répétées d'une fois à l'autre.

Ensuite, les décisions ne peuvent pas être purement technologiques et il faut nécessairement que les populations soient consultées, soit par des mécanismes institutionnels, comme ceux dont vous faites partie certainement, soit par d'autres mécanismes. Je ne crois pas que la décision puisse être purement technologique. Tout ce qu'un ingénieur peut faire, c'est de calculer des probabilités, de montrer quels peuvent être les risques, mais pas autre chose.

Si je pouvais seulement donner une réponse à la question de M. Forget, sur la différence quantitative des risques et non plus qualitative seulement. Combien de temps?

Le Président (M. Laplante): Un petit peu plus court dans vos réponses, parce qu'on manque de temps.

M. Amyot: D'accord, je m'excuse. Je n'ai pas regardé ma montre depuis un bon bout de temps.

On parle souvent, par exemple, de la question des déchets comme étant un problème crucial attaché au développement de l'énergie atomique. En un sens, c'est vrai, c'est-à-dire que c'est le problème le plus important auquel il reste à apporter une réponse complète et définitive. Pourquoi? C'est tout simplement qu'à l'heure actuelle il n'y a pas encore beaucoup de déchets qui ont été accumulés, mais il reste qu'on doit prévoir une solution définitive à cela. Sur quoi est-ce basé? C'est basé sur le fait qu'il y a des éléments radioactifs qui ont des demi-vies extrêmement longues. Dans le cas du plutonium, 25 000 ans et au bout de 500 000 ans il restera encore un peu de radioactivité. Or, il faut penser que les déchets non radioactifs, les déchets de type chimique classique, les poisons, comme le mercure, par exemple, ont des demi-vies, non pas de 25 000 ans, mais infinies. On pense toujours que c'est un temps extrêmement long pour stocker et garder des substances très dangereuses, mais il y a d'autres substances dont la durée de vie est infinie et pour lesquelles on ne se pose pas le même problème. Il y a aussi le fait que ces déchets sont en volumes extrêmement faibles. On a calculé que si on extrayait les déchets de toutes les centrales nucléaires projetées, en incluant le programme de l'Hydro-Québec, jusqu'en l'an 2000, si on extrayait les déchets de cela, pas seulement les éléments nucléaires, mais les déchets, cela suffirait à remplir une grande piscine olympique. Or, c'est un problème. Il faut le faire, mais ce n'est pas un problème insoluble.

Au Gabon, en Afrique, on a découvert un réacteur nucléaire naturel qui a développé des déchets parce que c'est un réacteur nucléaire naturel et qui a spontanément produit des déchets de fission radioactifs. Cela existe depuis des millénaires, depuis des centaines de milliers d'années. Or, on a observé, quand on a découvert ce réacteur naturel, que les déchets radioactifs n'avaient pas progressé au-delà de quelques centimètres ou quelques mètres à partir de l'endroit où ils étaient mis quand ils ont été produits.

Le stockage dans des configurations géologiques profondes comme celle qui est préconisée actuellement par les industries nucléaires, ce n'est pas quelque chose de si farfelu que ça, ce n'est pas quelque chose qui n'a pas de chance de fonctionner; la nature nous en offre au moins un

exemple. Il y a donc des solutions possibles au problème. Sur la base des probabilités, comme vous l'avez dit, on peut montrer que les probabilités sont généralement plus faibles que les phénomènes naturels ou autres qui sont associés et, quantitativement, ce n'est pas nécessairement si différent.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à la question du taux de croissance économique et du taux de croissance énergétique et voir s'il y a un lien entre les deux. Il y a eu certains groupes qui font des représentations qui semblent prendre position en disant qu'on peut avoir un taux de croissance économique sans avoir un taux de croissance énergétique. D'après les commentaires du ministre, j'ai cru comprendre que même le ministre semble se pencher dans cette direction. Il parle de changement de notre structure industrielle où on pourrait changer certaines choses et réduire le taux d'utilisation de l'énergie tout en augmentant le développement économique.

Maintenant, ça devient un problème très crucial. S'il y a un lien entre les deux et si le gouvernement croit vraiment qu'on peut augmenter notre économie sans augmenter l'utilisation de l'énergie, les politiques du gouvernement vont se diriger dans ce sens et ça peut être assez désastreux, même à court terme et certainement à long terme. Le gouvernement a le pouvoir de retarder certains projets, le projet de la baie James, retarder des politiques pour l'introduction du gaz naturel, une série de décisions que le gouvernement pourrait prendre.

Voici ce que je voudrais savoir de vous; je pense que vous l'avez dit, mais je voudrais avoir un éclaircissement. Dans le contexte où nous vivons — je suis heureux de voir que vous avez été assez réaliste pour souligner le fait que nous sommes en Amérique du Nord et que nous avons certaines habitudes et certaines contraintes du fait que nous faisons partie de la société nord-américaine — est-ce qu'il y a un lien entre la croissance économique et l'utilisation d'énergie? Autrement dit, est-ce possible d'augmenter l'économie de la province en réduisant, pas en réduisant parce qu'il y a des moyens de conservation d'énergie, mais en ayant un "zero growth rate" dans l'énergie et en s'attendant que le développement économique va continuer et va répondre aux besoins de notre société?

M. Amyot: Tout ce qu'on peut répondre à ça, c'est qu'historiquement on a observé qu'il y avait effectivement une corrélation assez étroite entre les deux quantités, entre le produit national brut et la dépense d'énergie per capita. Il a été impossible d'établir, et c'est même fortement contesté à l'heure actuelle par les économistes qu'il y a une relation de cause à effet dans un sens ou dans l'autre; on ne peut pas prouver ça. C'est-à-dire que, si vous augmentez la quantité d'énergie, vous n'allez pas automatiquement augmenter le produit national brut de la même quantité.

Historiquement, ça s'est vérifié avec une précision plus ou moins grande depuis assez longtemps. C'est l'état actuel des connaissances là-dessus. Il se fait beaucoup de recherches sur cette question, on n'est pas complètement sûr. On sait que des pays comme le Canada et comme les Etats-Unis surtout se situent tout à fait en haut et que certains pays africains et autres se situent tout à fait en bas de la courbe et qu'au milieu on va retrouver les pays qui sont industrialisés à un degré moindre que le Canada et les Etats-Unis. Il y a certainement une corrélation entre les deux.

M. Ciaccia: Mais est-ce qu'il y a des endroits où il y a eu une hausse économique et une baisse de la croissance énergétique?

M. Amyot: C'est possible dans des cas comme M. le ministre mentionnait, de la Suède où, pour des raisons d'ordre économique, on va faire énormément attention au rendement énergétique global du système. C'est vrai également pour l'Allemagne de l'Ouest. On observe qu'on a une dépense énergétique moindre pour un produit national brut plus grand par rapport à ce que nous aurions. C'est possible de le faire, mais c'est...

M. Ciaccia: Par rapport à ce que nous avons, mais cela n'a jamais été en diminuant, cela a toujours été en augmentant.

M. Amyot: C'est-à-dire que pour une moindre dépense énergétique, vous pouvez avoir un produit national brut plus grand que ce que nous avons dans notre système présent, en adoptant des mesures de conservation.

Autrement dit, si vous rendez tout votre système plus efficace, si, pour faire fonctionner vos systèmes de chauffage, vous dépensez moins de pétrole, moins de gaz naturel, moins d'électricité, juste parce que vous avez amélioré le rendement de vos choses — c'est ce que les Suédois et les Allemands ont fait — vous pouvez avoir alors un rapport plus grand.

M. Ciaccia: C'est une question d'efficacité d'éviter le gaspillage.

M. Amyot: C'est cela.

M. Ciaccia: Mais compte tenu d'éviter le gaspillage, on ne peut pas augmenter le développement économique et réduire les dépenses énergétiques à moins qu'on veuille tricoter des tapis ou faire du "basket-weaving". Quant au développement, dans la société industrielle, s'il y a un développement économique' nécessairement, cela prend de l'énergie. On peut éviter le gaspillage, mais cela en prend de l'énergie.

M. Amyot: Je peux simplement répondre qu'il n'y a aucune indication historique qui nous permettrait de dire le contraire.

M. Ciaccia: Oui.

M. Amyot: II n'y a aucune expérience historique qui nous permettrait de dire que cela nous serait possible d'augmenter notre produit national brut en diminuant notre dépense énergétique.

M. Ciaccia: C'est quelque chose dont une politique énergétique doit tenir compte pour répondre aux besoins du développement économique du Québec.

M. Amyot: Oui.

M. Ciaccia: Dans votre mémoire, celui que vous aviez soumis à l'OPDQ, vous avez fait référence à l'utilisation du gaz naturel. Vous avez dit, de fait: "L'offre limitée de gaz freine ou menace la croissance de certaines industries." Vous avez donné un exemple à ce moment-là. Je pense que cela fait quelques années que ce mémoire avait été écrit.

Est-ce que vous voyez un rôle pour le gaz naturel, par exemple, dans l'industrie pétrochimique? Si oui, quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre pour réduire ou pour augmenter le rôle de l'industrie ou le développement industriel quant à l'utilisation du gaz naturel? Quelles mesures immédiates le gouvernement pourrait-il prendre?

M. Amyot: Pour augmenter les contributions du gaz naturel au Québec, étant donné que le gaz naturel dépend, en très large mesure, de sources extérieures, les seules mesures qui sont accessibles dans l'immédiat, ce serait d'exercer des pressions sur les fournisseurs présents. Dans l'immédiat, il n'y a pas d'autres possibilités.

Une importation par grand méthanier est extrêmement coûteuse, de sorte que cela ne peut pas être un recours auquel on peut penser pour très bientôt. Il reste à penser aux ressources québécoises. Elles ne sont pas négligeables par rapport à celles du pétrole. Cela pourrait avoir un certain sens d'extraire ce qu'on a ici, au Québec, ça ne sera pas dans l'immédiat. Quant aux ressources canadiennes, soit celles de la vallée du Mackenzie ou des îles de l'Arctique, cela non plus ne sera pas dans l'immédiat. Seulement, il semble que les ressources classiques de l'Alberta sont un peu plus grandes que celles qu'on avait estimées au départ, de sorte que peut-être, si on exerçait des pressions sur les fournisseurs, il y aurait moyen d'obtenir des volumes plus grands que ceux que le Québec obtient présentement.

Le Président (M. Laplante): Monsieur, les membres de cette commission vous remercient de votre témoignage fort intéressant.

M. Amyot: Merci Beaucoup.

Fusion Energy Foundation

Le Président (M. Laplante): Madame, vous avez au plus 45 minutes pour l'exposé de votre mémoire et la période des questions. Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.

Mme Tobin (Susan): My name is Susan Tobin. I am a representative of the Fusion Energy Foundation, which is an organization including leading physicists and engineers in United States and Canada. We are calling for a crash program in development of controlled thermonuclear fusion.

We have just concluded a very important fusion energy conference in Montreal and we are also presenting now a proposed bill to the Canadian Parliament calling for this type of rapid fusion development.

Specifically, what we propose is that Canada, Quebec, and United States commit sufficient scientific and financial resources in order to have a working experimental thermonuclear fusion reactor by 1985 and, further to that, that within twenty years time we be operating on the basis of a fully fusion powered economy.

In order to do this, it obviously requires a major investment of our scientific and financial resources which I will detail in a budgetary form later. In the meantime, over this twenty year period, we propose not only an expansion of use of existing fossil fuel and hydro-electric sources, but as well a rapid expansion in the use of nuclear energy, fission energy, the CANDU reactor program in particular.

Now, in the light of the recent proposed budget, in the United States, made by James Carter which will very drastically cut available monies for fusion and fission research and development, it is all the more crucial that the Government of Quebec make a very open political statement in favour of continued nuclear development. In specific, the Carter proposal, will actually cut budgeting, for the coming year, on the order of 20%, which will cripple some of the most important laboratories in the United States. Similarly the overall energy commitment now being proposed by the American Government, will be to cut overall consumption of all forms of energy on the order of 30% across the board. This was a proposal made by John O'Leary who is the Federal Energy Administrator in Washington.

Now, in Europe, we see a very, very different situation. The European Governments as a whole have very specifically indicated their commitment to an expansion both of their fission technology and, as well a more long-term commitment to development of controlled thermonuclear fusion. The best example of this right now is the firm commitment of the West German Government to continue to consummate its sale of nuclear reactors to Brazil, in spite of what can only recall strong-arming tactics from the American Government to prevent that sale. Similarly, France is continuing with its proposed sales to Pakistan.

Now, what I want to lay out in this presentation to the Parliamentary Commission is what is the essence of a competent or scientific energy policy as opposed to what has been bandied about as a viable energy policy in many quarters.

Specifically, I make the statement that the

survival, and development of mankind depends most emphatically on a regular and continuous increase in the rate of energy consumption and that if we are not committed to such an increase, we will likely see ourselves faced with an economic and ecological crisis worse than the one that faced North America in the 1930's and very probably comparable to what hit the world in the Fourteenth Century, when we saw bubonic plague wip-ping out half of Europe in about two years time.

The history of the development of the biosphere is very simply the history of the more efficient capture and use of energy for productive activity. Perhaps the best example of that would be the development of photosynthesis from earlier forms of energy used by the biosphere itself. This represented a very exciting new technology, the development of plant life, whereby solar energy could be actually converted to sugars and used for biological growth. Man is no exception to the biosphere, man is the crowning achievement of the biosphere and it is his specific capability to wilfully evolve the biosphere in a positive direction.

I heard recently a good analogy that would perhaps be useful for explication here. There are those who are saying that there should be energy conservation, that energy consumption should be cut back. You can think of, perhaps, an airport officer, an airport controler, who in the interest of saving energy has dictated that no airplanes may go beyond the speed of 55 miles per hour until they are aloft. Under these circumstances we would have a mad dash down the airway and probably a crash at the end of the runway without any possibility for actual take-off.

In this circumstance the laws governing the requirements for economic take-off and growth can be determined just as scientifically as the aerodynamics of an airplane. I want to lay out what it would look like if we actually did what the conservationists propose and cut energy consumption or even keep it at an even keel.

The best example that we can have, in a very sensuous way, of what it looks like in an industrial economy is what happened to the United States two or three weeks ago during their natural gas shortage. Within the space of less than one week there were two million unemployed workers in major industrial states. Corporations were threatened with major financial crisis. There were numerous cases, up to 100 reported, of people who froze to death in their homes, schools, factories or whatever because of lack of energy for actually keeping bodily functions going.

But it is actually much more damning to look at the effects of energy conservation when you are thinking in global terms. For example, if the third world is now to undertake any type of actual economic development they must develop the technologies that they are justified, obviously, in attaining.

On a world scale you would need something on the order of a sixfold increase of present energy consumption. In other words, if you actually extrapolate what is needed as regards production of tractors, of fertilizers, of irrigation sys- tems and then, all the industrial infrastructure that goes before that including steel mills, machine tool factories and so on you will find that to cut energy consumption or to keep it at an even keel will simply be to write out a death warrant for the third world population, tell most of the human race that they simply have no right to eat.

And if you think it would stop at the third world, this is the point when it is useful to look at the 14th century example. If you deliberately lower living standards of a population in any one part of the world, creating conditions of famine and thereby creating conditions of epidemic disease, those conditions will tend to boomerang on even the most advanced sectors of the world society. II would not be impossible to find, even in countries like Canada, raging epidemics of the sort previously seen in human history.

The other aspect of this that is most serious is that to undertake any cutback in energy consumption for North America or any other industrial sector will necessarily mean a return to pick and shovel technology, technology last seen perhaps in the 1930's or more importantly in centuries past that. We would see a devolution, a deindustrializa-tion of our society and at the same time we would irreparably damage not only living standards for the population today but we would cripple our possibility for development for the future.

We will drive out of productive employment our scientific cadre who are absolutely crucial for human development and we will also rob children of the education they need in order to become productive citizens of the future.

There has been much discussion around the fact that we are faced with a crisis of limited energy, of limited resources and in only one sense is that notion true. Any one resource is limited, that is correct. Gas, natural gas, is limited. Uranium is limited. Wood, as a source of energy is limited. But what is not limited is man's creative ability to develop new technologies.

The human mind is infinite. The human mind is capable of creatively solving problems that directly affect the future of humanity, and by developing new technologies, man effectively defines new resources. For example, in the period when we had merely fossil fuels, coal, gas and so or. uranium was not seen as a resource. It was one more bit of rock among every other bit of rock in the ground. But after the Manhattan project that brought us the atom bomb, all of a sudden uranium became something that was a very important resource, both for energy and industries who began to mine it.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait possibilité de vous en tenir à votre mémoire?

Mme Tobin: Oui.

Le Président (M. Laplante): Votre mémoire a deux pages.

Mme Tobin: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Laplante): II faudrait... Mme Tobin: Well, the...

Le Président (M. Laplante): Parce que vous posez la question et vous y répondez en même temps.

Mme Tobin: Right, but what I prefer to do...

Le Président (M. Laplante): C'est complètement en dehors du texte, ce que vous nous donnez là.

Mme Tobin: Exactly, but we did not understand that we had to actually have the full prepared text that I would read here. In other words, that was a résumé.

Le Président (M. Laplante): Combien de temps pourriez-vous prendre pour ça?

Mme Tobin: Vous m'avez dit qu'on avait 45 minutes avec les questions.

Le Président (M. Laplante): Incluant les questions.

Mme Tobin: Et puis, les questions...

Le Président (M. Laplante): Parce que, si votre temps est écoulé, quand vous aurez fini, il n'y aura pas de questions.

Mme Tobin: All right, well, I'll plan accordingly. O.K.? But I have 45 minutes, is that correct?

M. Joron: Including the question period.

Mme Tobin: O.K. I will leave time for questions. I'll leave time for questions. O.K.

What I was saying is that man has the capability of define new resources. That is perhaps our most important capability. That is what we are faced with at this point.

Now, in specific, I want to call your attention to a concept developed by the Nobel prize-winning, soviet physicist Peter Kapitsa, who defined something called "energy density throughput". Specifically, what this refers to is the kilowatts or energy produced per square meter of resource, and what I call your attention to is a graph that was, I hope, passed out. It is a small sheet aside from the "mémoire". Did the people get that? It is a separate sheet of paper. Yes, that is the one. O.K.

On the lower left-hand side, there is a graph that compares the "energy density throughput" of solar energy versus fossil fuels, versus fission, versus fusion. What it describes is the fact that fossil fuels energy density is on the order of 50 000 times that of solar energy. What that means in graphic terms is that in order to run an economy based on solar energy, you have to expend massive amounts of materiel, manpower, resources of all sorts, including energy resources, to produce the same amount of energy that would be much more efficiently and cheaply produced by fossil fuels.

Fission adds another seven orders of magnitude to the fossil fuel proposal, and fusion adds something on the order of several million times that in its potentiality. The initial reactors would be less efficient than ones that could be made in a second and third generation.

Similarly, if you look at the top graph, you compare the energy input costs of solar energy versus other types of energy and you find that it is on the order of... Well, you can do the calculation yourself, but what I point out to in particular, is that if you build an energy plant, a fusion plant, it would take you on the order of four-tenths of a year to produce as much energy out of your system as you put into building it, including all the materiels for the construction. For a solar energy system, it would take you a minimum of eight and a maximum of fifty years to get as much energy out of this system as you put in it. Normally, within eight years' time, you are talking about sometimes changing your technology or revamping. Certainly, by 50 years' time, you would be describing a system with zero energy production.

Solar energy is an incompetent policy. It could not work. It could not make Québec work. If we want to have energy sufficient for industrial production, we must look to that type of system that will vastly accelerate the rate of available energy for production.

There is one other example that I will give very briefly, which is the question of wood. Now there has been, in a number of places both in Canada and in the United States the discussion: Well, can we not return to something like a wood-based technology?

In other words, is it possible to go back in time, possible to say that we do not really need new technologies? We can take advantage of one that we have used several centuries back.

Now, for historical reference, I will just note this has happened in the 14th Century in England during the first iron ore production blast furnaces; they used wood as their fuel and these blast furnaces consumed only in the order of one acre of forest land a day, for very very small amount of actual iron ore output.

Now, today the same policy is being incredibly implemented in Brazil where large parts of the Amazon, the most important, perhaps energy concentration in the world, large parts of the Amazon are simply being stripped with not only a resulting collapse of the agriculture in that area, the environment in that area, but as well, it has actually shifted global climatic patterns. Over Brazil, there are now dought situations in areas that used to be lush jungle that also shifted all over the South Atlantic, this also shifted weather patterns over the United States creating the type of major energy crises we have seen in the last couple of weeks, major climatic crisis.

Now for anybody to propose denuding North American forests as a viable method of energy production is someone who simply says not only: We will not provide energy needs for industrial

production, but we will actually physically destroy our biosphere in the process of not doing anything at all.

Now, I was listening to the gentleman before discussing this question of nuclear fission. May I add several things. One is that as regards pollution and environmental and safety questions, fission is probably the most safe technology we have at this point, precisely because it has been a subject of the most sophisticated advanced engineering design policies for the last decade or more and that we are faced with the situation as regard to nuclear waste like plutonium, just as we are faced with a problem for our waste of any other industrial process.

There are large amounts of chlorine, large amounts of ammonia in lethal doses released into the atmosphere on a regular basis, not actually released into the atmosphere but hidden away, etc.

The technologies involved in actually getting rid of these wastes is by no means as advanced as what we have developed for nuclear waste. For men to say that because something is poisonous he cannot use is merely to retreat from science, to retreat from the type fo technological problems that can and must be solved.

The real problem with fission is not a question of nuclear waste. The problem with fission is that it is limited. The resources are limited. Uranium will run out and though plutonium is undoubtedly very very useful and very necessary, even so, we cannot probably generate plutonium rapidly enough to run the rate of industrial development needed.

The conclusion that I would make regarding the other energy forms is that we must understand the fact that a steady state economy, a zero growth energy economy is an impossibility, and that to try to do that would inevitably drive us backwards in time, drive us to lower and lower technologies and standards of living.

Now, what I would like to briefly do is describe what the potential for fusion, both in terms of a timetable, a budget and just now, in terms of its potential for developping our industrial base.

Fusion would provide virtually unlimited energy for industrial production. The source for the fusion process is deuterium, a heavy isotope of hydrogen that is found in heavy water in both salt and sea water on the order of one part for six to seven thousands. We are right now producing in Nova Scotia heavy water for the CANDU reactors system as a lodent which if used for actually fuelling fusion reactors would be approximative^ enough to fuel all of North America. So in that sense, the capability obviously exists.

The two major types of fusion reactors, the magnetic confinement and the inertial confinement reactors. In both of these technologies and in general theoretical research, the Soviets are now very much advanced vis-à-vis the North American effort and I would note on the side that this has very serious military implications as well.

The most important thing that we have to be doing at this point is not only solving specific engineering problems concerning containerisation of the plasma, etc., but as well there are many important and very exciting problems in theoretical physics, including plasma physics that should be dealt with at an accelerated rate. The fusion available in terms of the world ocean capacity will provide millions of times the present world consumption of energy for millions and millions of years. So there should be no confusion about the relative amount of energy available from this technology compared to hydroelectric technology, compared to uranium or anything of that sort. We are talking about literally an infinite resource from our present standpoint for definition of that.

Now, the other aspect of fusion, that is very very crucial, are the spin-off technologies that would effectively introduce a new industrial revolution for Canada and for the world. For example, because of the very high temperatures that fusion takes place at, it would be possible to use the fusion reactor as a center for mining. In another words, you could throw in virtually any rock and because of the very high temperatures ionize the material, break it down to the atomic level, and then extract whatever elements you want, for whatever chemical process afterwards. That would make large parts of our mountain sides which are now used for tourist attractions resources by definition.

Similarly, we have a fusion torch technology capability which would allow for the fusing of materials into various chemical compounds. Another aspect of the fusion technology, another immediate spin-off would rellect the virtually unlimited amount of energy available for industrial production. Many types of technology that we do not now engage in because of restrictions on availability of energy become a feasibility. For example, large scale desalination projects are very energy-intensive, but under a fusion based economy, it would be feasible even to irrigate an area like the Sahara desert in Africa. It would no longer be an outrageous or an impossible project. It would not only be very feasible but very usefull because the Sahara includes some of the most fertile land in the world.

As a final note about the spin-off technologies I will make a point for those environmentalists who are still quaking in their boots, that maybe a little bit of uranium or plutonium might leak out of a container somewhere in the world after use in fussion plant. Fusion has the capability of transmuting radioactive elements. In other words, transferring them into non-radioactive elements or elements that will decompose much more rapidly than plutonium. In other words you have a permanent disposal system for radioactive wastes, both for the radioactive wastes being produced in minuscule amounts by present fission reactors, as well as radioactive wastes in the form of the B-52 bombers that run around the sky with pay loads of hydrogen bombs. Now, as regards to...

Le Président (M. Laplante): Mademoiselle.

Mme Tobin: Yes.

Le Président (M. Laplante): On va aller à la

période des questions. A moins de vous résumer complètement, parce que, actuellement, vous êtes partie sur une conférence.

Mme Tobin: Je vais résumer très vite la fin avec le budget et l'horaire, d'accord?

Le Président (M. Laplante): Parce que, en somme, ce n'est pas...

Mme Tobin: D'accord, je vais le faire dans cinq minutes, puis attendez. D'accord.

As I said before, our timetable is to have an experimental reaction in 1985. This is not out of the blue, this is the Soviet's projected target date and they have shown every indication of the capability to arrive at that point by 1985. This was reiterated by Edward Teller who is the former head of ERDA, the Energy Research and Development Administration in the United States. They gave a joint press conference with Dr Velikov, head of the Soviet projectfor fusion in November 1976, where for the first time Teller announced that it was possible for the United States, in conjunction with other countries, to attain a workable experimental reactor by 1985, but that, that had very clear implications for budgetary and other policy making priorities. The only approach that could actually get us fusion by that period, would be one comparable to the Apollo project, comparable to the Manhattan project in an earlier period. In other words in a project for which the nations, or the continent's resources are placed at the disposal of an urgent scientific effort, the attitude to take is not: "It cannot be done. There are too many problems, there are too many technological road blocks", and so on. But rather pose the question as follows: "It must be done.

What, therefore, must we do in order to insure that it will be done, that we will have it within the time frame needed by Québec and needed by the world.

Now, we are proposing a $6 billion program a year in the United States with a regular yearly increments to be on the order of $20 billion at the point the 1985 experimental reactor is reached. In Canada, the first year budget we have proposed is on the order of $600 million.

What we are additionnaly proposing is the following: regardless of what the Canadian government does or does not do with this proposal, the province of Québec itself could commit something on the order of $100 million in the first year of a research and development project, concentrating in particular at the very useful scientific installations at Varennes, outside of Montréal, and also emphasizing very significantly the need to develop a rapidly increasing number of scientifically educated individuals who can be the phycicists, the engineers and so on of the future.

My final note is that the outlook of the Fusion Energy Foundation is that the notion of progress, the idea of progress that was a direct outgrowth of the outlook of the European Renaissance, in 16th century, is just as true today as it was in that period. As those people looked over the previous century of diseases and epidemics, they decided exactly what was the essential quality by which man could avoid seing that type of catastrophy again. Their conclusion was that it was man's mind, his creative ability. In our times, the implication of that outlook is that man must use his mind to develop ever new technologies ever new energy resources, going always to the frontiers of modern science and finally for the continuous development of mankind.

In that sense, it is urgent that the province of Québec commit major scientific and financial resources for a crash program in development of thermonuclear controlled fusion.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Joron: Well, your presentation does not leave much room open for questioning. I think I will refrain and just tell you that I will be meditating on the bubonic plague for the next few weeks and that I will transmit to the minister of Finances your recommendations while he is making up his new budget that we put emphasis on research and development in the fusion theory.

Might I just add, because you have thrown good many figures on the table, that if we accept the principle, some of the principles underlining your presentation and that we hope for a situation one day when the whole world would have the same energy consumption per capita as the United States have today for example, plus on top of that, the continuous growth rate that we have seen in the past, I am just playing around with figures and that would mean that by the year 2000, we would need anywhere from between 30 times to 40 times the amount of energy on the world scale that we have today.

From 30 to 40 times; now, I wonder that could come from. No doubt that if such a scenario was thought to be possible, that oil would have run out, total world reserve would have run out probably by the end of next year and natural gas the year after and that we would have, by the year 2000, not 174 nuclear reactors now in service throughout the world, but probably 174 000 reactors. How much money would that mean to finance such investments? Where would the money come from? Would there be any one cent left for anything else in the world?

That would mean, if we follow your logic, that every penny, plus those that nobody has, would have to go into such investments. It means not only tapping the Arab money, but probably tapping the Moon market or the Mars market. I do not think that your presentation leaves much room for questioning.

Mme Tobin.: Let me just comment on your comment.

M. Joron: Yes, please do.

Mme Tobin: There are two major points. It, is true, we will use up much more rapidly than is currently predicted, existing fossil fuels, uranium re-

sources, etc. you can expect instead of a slow incremental increase in use a much more rapid, verging on a exponential increase in use.

But that can only be sustained if you are planning on having an effective fusion-based economy by the late 1990's. Otherwise, you are obviously digging your own grave. What we are pointing out is that since an increase in energy consumption is necessary for development, we must commit our resources to bring fusion on line, in the later part of this century.

But the other aspect of it is this. Money generation or something like that is the reflection or should be a reflection of the industrial activity going on around the world. The effect of having a fusion based economy would be to allow a rapid and virtually exponential increase in industrial production. Our energy resources will probably be increasing on the order of 20% a year. There have been many different estimates on the same subject.

Under those circumstances, the market that we would have under appropriate financial arrangements, monetary arrangements, etc., would include not only our own consumers, our own industries in North America, but a very rapidly increasing market in the underdeveloped sector, which right now virtually has no capability for undertaking the development it actually needs.

Le Président (M. Laplante): Les membres de la commission vous remercient, madame, de l'apport que vous leur apportez.

Association des industries forestières. Bonjour monsieur. Vous avez environ 45 minutes. Si vous voulez bien vous identifier, s'il vous plaît.

Association des industries forestières du Québec

M. Lachance (Paul-E): M. le Président, M. le ministre, messieurs, mon nom est Paul-E. Lachance, Conseiller à l'Association des industries forestières du Québec.

L'industrie forestière du Québec est d'avis que les intentions du gouvernement du Québec en matière de politique de l'énergie devraient dépasser le cadre de la distribution et de l'usage des combustibles courants, comme les produits pétroliers, le gaz naturel, le charbon et l'électricité.

De plus, l'industrie forestière propose à l'Etat que ses intentions portent également sur l'utilisation comme sources d'énergie des matières telles les déchets industriels et ménagers, en particulier les résidus de bois, les sous-produits industriels et autres ressources thermogènes moins connues, parmi lesquelles on peut classer la tourbe.

Toute politique efficace doit également insister sur l'importance de préserver les réserves actuelles de combustibles et de ménager l'énergie sous toutes ses formes, ce qui aura pour effet ae ralentir le taux de croissance de sa consommation.

Il est compréhensible que les objectifs de chaque province ne soient pas nécessairement les mêmes et qu'une politique nationale d'ensemble ne puisse répondre entièrement aux diverses situations régionales dans ce domaine. C'est pourquoi, si l'on doit appliquer les divers programmes provinciaux visant à stimuler l'usage de toutes les sources d'énergie viables, ceux-ci doivent aussi être compatibles avec d'autres programmes canadiens afin d'éviter le gaspillage d'efforts et les malentendus.

Voici comment peuvent se résumer les opinions de l'industrie forestière du Québec en ce qui a trait à une politique de l'énerqie.

Sécurité d'approvisionnement. Dans toute recherche d'une politique de l'énergie au Québec, nous estimons que la sécurité d'approvisionnement occupe le permier rang. Les membres de l'Association des industries forestières du Québec ont établi, pour 1974, leur consommation d'énergie par catégorie, de la façon suivante, et les chiffres demeurent sensiblement les mêmes aujourd'hui: Energie électrique, 12 milliards de kilowatts-heures; charbon, 85 000 tonnes; produits pétroliers, 12 millions équivalant en barils de brut; gaz naturel, négligeable.

Notre industrie compte parmi les grands consommateurs d'énergie, mais nous nous efforçons activement, depuis 1973, d'utiliser celle-ci de façon plus efficace.

Energie électrique. Le Québec est heureusement doté de ressources hydroélectirques plus abondantes que la plupart des autres régions. Toutefois, la demande d'énergie électrique augmente actuellement, d'après l'Hydro-Québec, de 7,7% par année, ce qui laisse prévoir que, dans les années à venir, le potentiel hydroélectrique ne suffira plus aux besoins du Québec. Il sera donc nécessaire de recourir à d'autres sources énergétiques, comme la fusion et la fission nucléaires ou même les centrales thermiques.

Produits pétroliers. Les produits raffinés du pétrole brut constituent la plus importante source de combustible pour l'industrie forestière du Québec. Toutefois, les possibilités d'usage de combustibles de rechange sont fort restreintes. Cette ressource énergétique provient soit du brut étranger raffiné au Québec ou de produits raffinés importés tels quels. C'est dire que la sécurité des approvisionnements est quelque peu précaire, assujettie qu'elle est, en grande partie, aux importations du Moyen-Orient et des Caraïbes, et, à un degré moindre, aux livraisons de l'Ouest canadien par le pipe-line de Sarnia. Ce dernier peut répondre à 25% environ des besoins actuels de l'industrie pétrolière du Québec.

Charbon. Bien que le charbon ne soit que peu utilisé par l'industrie du Québec, il offre quelques promesses du fait que les réserves mondiales et celles du Canada sont considérables par rapport au pétrole. Le charbon pourrait donc, jusqu'à un certain point, réduire les besoins en produits pétroliers importés. Cependant, la conversion au charbon des facilités brûlant l'huile nécessiterait d'importantes dépenses en immobilisations. Et, du reste, cette conversion ne serait réalisable qu'en certains endroits favorables. Elle ne ferait, au mieux, qu'étaler les risques et non les supprimer puisqu'il s'agirait toujours d'échanger une forme

d'énergie venant de l'extérieur pour une autre que le Québec ne possède pas. Néanmoins, ce risque pourrait être moindre que celui posé par l'ampleur de notre dépendance actuelle vis-à-vis des produits pétroliers.

Tourbe. On devrait développer au Québec une industrie de la tourbe dont le potentiel thermique paraît significatif, ce qui pourrait libérer la province d'une partie de sa dépendance vis-à-vis des combustibles venant de l'extérieur, tout en créant de nouveaux emplois au Québec. L'industrie des pâtes et papiers étudie ce potentiel, mais les investissements imposés par une exploitation à grande échelle seraient considérables sans qu'on puisse encore, à l'heure actuelle, les justifier du seul point de vue économique.

A ce sujet, je peux ajouter ceci. D'après M. Antoine Simard, de la division des tourbières du ministère des Richesses naturelles, des études faites jusqu'ici montrent que le Québec disposerait d'environ 200 milles carrés de tourbières commerciales. Elles seraient concentrées surtout dans Ni-colet, Lotbinière, Lévis et Bellechasse. Les prévisions de réserves totales seraient de 150 000 acres, contenant quelque 135 millions de tonnes de tourbe. On trouve actuellement au Québec quelque 45 producteurs qui vendent environ 150 000 tonnes de tourbe par année, dont 80% sont vendues aux Etats-Unis. Elles servent surtout en horticulture pour amender les sols trop légers ou trop lourds.

Par contre, en Europe, la très grande partie de la tourbe est utilisée pour la production d'énergie. En URSS, 65% de la production est utilisée pour générer 30% de l'électricité. En Irlande, 99% de la production de tourbe est utilisée pour générer 50% de l'électricité.

Conservation de l'énergie. Il va de soi que les organismes publics se doivent d'encourager la conservation de l'énergie et l'autonomie d'approvisionnement, mais aussi doivent-ils tenir compte que les projets à capitaux intensifs sont difficiles à justifier présentement, en raison des ressources financières restreintes. Les possibilités offertes à l'industrie des pâtes et papiers, quant à la conservation de l'énergie, ont été exposées dans un mémoire au gouvernement fédéral dont copie est jointe.

Protection du consommateur. Les membres de l'Association des industries forestières du Québec reconnaissent la nécessité de protéger dans toute la mesure du possible le consommateur particulier ou familial, pour ce qui est de la consommation d'énergie. On peut cependant suggérer que les secteurs industriels et commerciaux, en tant que consommateurs d'énergie, devraient peut-être bénéficier d'une protection particulière. S'ils étaient obligés de réduire leur consommation au point d'affecter l'emploi, on pourrait ainsi compromettre les possibilités de consommation du particulier ou de la famille. Quelle que soit la politique adoptée en matière de protection du consommateur, elle ne sera réalisable que si le Québec parvient à atteindre une certaine sécurité d'approvisionnement. Nous suggérons que toute protection accordée au consommateur exige de ce dernier qu'il fasse preuve d'un sens réel de ses responsabilités en l'incitant à ménager la ressource que l'on entend protéger. Comme exemple, nous estimons que le chauffeur qui roule à 90 milles à l'heure, au lieu de 55 milles à l'heure — c'est plus économique — ne devrait pas avoir droit à toute l'essence qu'il veut. Nous recommandons au ministre délégué à l'Energie d'insister sur l'autodiscipline du consommateur.

La méthode adoptée devrait comporter l'intervention des pouvoirs publics dans le cadre de leur juridiction sur les règlements de la circulation, les limites de vitesse, les rapports puissance-poids des véhicules, ainsi que sur l'introduction, par l'intermédiaire des autorités municipales habilitées, d'améliorations au Code de la construction. Nous entendons par là que l'on devrait faire en sorte que les constructions domiciliaires ou autres tiennent compte d'une utilisation plus rationnelle de l'énergie. Dans certaines grandes villes de divers pays, on a recours au chauffage de secteurs entiers a l'aide de combustible à faible entropie provenant des déchets de services publics et d'industries diverses. Mentionnons, notamment, la récupération de la chaleur produite par l'incinération des ordures ménagères dont on se sert aussi parfois pour fondre la neige au lieu de l'enlever à l'aide de machines et de camions.

A ce sujet, je me permets de mentionner ("incinérateur de la Communauté urbaine de Québec, par exemple, qui a brûlé 240 000 tonnes de déchets en 1976. Il a produit 1,380 milliard de livres de vapeur, dont 80% ont évé vendues à la papeterie Reed.

La meilleure protection dont puisse bénéficier le consommateur, consiste a éviter autant que possible le gaspillage des ressources d'énergie non renouvelables, notamment les combustibles fossiles. Le meilleur moyen d'en arriver à cette fin réside dans un usage plus efficace des ressources fournies par les mines, les puits de pétrole et les cours d'eau. Tous les efforts dirigés en ce sens nous paraissent logiques, mais ils ne devraient pas aboutir à la division arbitraire des consommateurs en catégories et au rationnement empirique des sources d'énergie brute ou transformée entre ces catégories.

Développement économique. Toute prise de position concernant l'énergie doit s'inspirer de l'impérieuse nécessité du développement économique de la province. Le Québec, avec des ressources naturelles considérables, assure et devra continuer d'assurer ce développement.

L'attribution naturelle et les effets des temps qui changent rendront désuète une partie de nos moyens de production et nous devrons les remplacer. De plus, il est important de réaliser les progrès économiques que les citoyens du Québec sont en droit d'attendre. Ce scénario se traduit implicitement par une augmentation des besoins globaux d'énergie qu'il faudra combler. En optant pour de nouvelles sphères d'activités, il faudra avoir comme objectif premier l'utilisation la plus rationnelle des ressources d'énergie domestiques ou achetées. Cependant, il faut commencer par jauger l'ampleur du développement au Québec.

L'on doit constater que l'augmentation du PB n'a pas rattrappé celle de l'inflation. En ce qui concerne l'industrie forestière, nous voyons quelques gros obstacles à franchir avant de retirer le maximum d'avantages des ressources forestières.

Nous nous attarderons surtout aux perspectives de développement de l'industrie du bois d'oeuvre et de celle des pâtes et papiers. De façon générale, en ce qui a trait au secteur forestier, les perspectives immédiates d'investissement au Québec ne sont guère favorables pour plusieurs raisons dont nous citerons les principales: Premièrement, la productivité de notre industrie au Québec est de 59% inférieure à celle des Etats-Unis, et le prix de la main-d'oeuvre, dans l'industrie forestière, est d'environ 20% supérieur. Ceci explique en partie les coûts plus élevés du bois.

Deuxièmement, le fardeau fiscal global porté par l'industrie, aux divers échelons gouvernementaux, est plus lourd que dans la plupart des autres pays, y compris les Etats-Unis, le Brésil, la Suède, nos principaux concurrents.

Troisièmement, les frais de transport de nos produits finis sont, dans la plupart des cas, plus élevés au Québec, parce que nous sommes plus éloignés des marchés d'importance.

Quatrièmement, les coûts de la construction sont très élevés au Québec, surtout à cause de la main-d'oeuvre, mais aussi en raison de sa situation géographique et de son climat, beaucoup moins favorable que celui du sud des Etats-Unis, par exemple.

Tels sont les points faibles d'une industrie qui devrait être la pierre angulaire du développement du Québec, en raison de l'abondance des forêts.

En 1975, notre industrie représentait 8% du PB, qui était de $38 milliards. Pour la plus grande partie, ce revenu nous vient de l'extérieur du Québec et, comme tel, constitue un revenu réel.

Nous sommes inquiets des perspectives de développement de l'industrie forestière pour les raisons précédentes et malgré le fait que le coût de l'énergie au Québec soit inférieur à celui de la plupart des pays du monde. Pour continuer à contribuer favorablement au développement économique du Québec, nous devrons d'abord résoudre le problème de nos prix de revient, tel que reflété par les quatre points ci-haut mentionnés. Ce n'est qu'alors, et alors seulement, que nous pourrons dire de notre industrie qu'elle est en mesure d'utiliser les ressources domestiques d'énergie comme un levier pouvant servir au développement optimum du Québec. Ceci nous permettra également de maintenir notre position concurrentielle sur les marchés internationaux.

Dans une perspective plus prometteuse, il existe des chances réelles pour nous d'améliorer le rendement de nos ressources d'énergie à l'aide de la contre-pression des centrales thermiques. C'est-à-dire la pression utilisable après le passage de la vapeur à haute pression dans une turbine de générateur électrique et sa réduction à une pression de sortie plus basse. Cette technique, déjà bien au point, est en usage au Canada, mais plus encore aux Etats-Unis et en Europe.

Elle peut produire de l'électricité en absorbant la moitié moins d'énergie par kilowatt-heure que la puissance produite par une turbine à condensation. Le coût total, y compris l'amortissement à 10% des capitaux investis, peut, dans certains cas, être de 10 à 15 milles par kilowatt-heure, chiffres qui se comparent avantageusement avec les coûts avancés quant au coût possible de l'énergie de la baie James.

Dans le passé, l'industrie n'a guère été encouragée à s'orienter de ce côté, en raison de complications de liaison avec le service public d'électricité. Nous croyons savoir que le problème ne se pose plus et que l'Hydro-Québec est en faveur de l'énergie de contre-pression.

La réalisation de ces possibilités exigera des investissements considérables qui devront concurrencer les demandes non moins considérables pour la modernisation de l'industrie et la lutte contre la pollution.

Nous remercions le ministre et le président de cette assemblée d'avoir donné à l'Association des industries forestières l'occasion de s'exprimer sur le sujet de l'énergie. L'approvisionnement d'énergie intéresse tous les citoyens et est indispensable à l'existence même de notre industrie.

Nous félicitons le gouvernement d'avoir reconnu la nécessité de mettre au point une politique provinciale qui devrait permettre aux Québécois de prévoir et d'administrer avec plus de confiance leurs ressources énergétiques.

Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. Monsieur le ministre.

M. Joron: M. Lachance, vous avez présenté, quelquefois en dehors des préoccupations proprement énergétiques, des points de vue très intéressants sur la situation de l'industrie forestière comme telle.

Je serais tenté de vous poser des questions sur ce sujet, mais je vais quand même m'en abstenir parce que cela déborde un peu le cadre immédiat. Je peux vous assurer, par contre, que probablement chez bien des membres de cette commission autour de cette table, qui est la commission des richesses naturelles et des terres et forêts, vous avez suscité certainement un intérêt par rapport aux questions de l'industrie forestière. C'est peut-être dans un autre forum...

M. Lachance: C'est ce que j'allais dire. N'importe quand, M. le ministre, nous sommes à votre disposition pour discuter avec vous de ces problèmes économiques très importants pour nous.

M. Joron: Ceci dit, je vais me limiter à vous poser des questions plus directement reliées aux aspects énergétiques de votre présentation. J'ai trois petites questions, en fait, que je voudrais vous poser.

Vous avez évoqué le fait que la productivité de notre industrie forestière au Québec est beaucoup moindre que celle des Etats-Unis. Puis-je vous demander quelle est l'importance du facteur énergie dans l'industrie forestière, au point de vue coût?

M. Lachance: Oui.

M. Joron: Quelle importance cela occupe-t-il? Vous avez mentionné, je pense, que les coûts en énergie au Québec sont relativement plus bas que dans l'ensemble du monde, finalement.

M. Lachance: Je vais demander à mes conseillers de s'approcher. Ce sont des gens de la technique qui pourraient peut-être me guider pour que je ne fasse pas d'erreurs dans mon exposé. Je ne veux pas dépasser le temps. Je pense que tout va bien.

Le Président (M. Laplante): Ils peuvent s'asseoir avec vous. Vous n'avez qu'à les identifier.

M. Lachance: 5% à 6% du coût.

M. Joron: Et compte tenu du fait que c'est ici. C'est peut-être plus élevé dans le sud des Etats-Unis. Serait-il juste de présumer que c'est possiblement plus élevé dans le sud des Etats-Unis?

M. Lachance: Je crois que oui.

M. Joron: Donc, en somme, si vous n'aviez pas cet avantage d'une énergie légèrement meilleur marché, la différence de productivité serait encore plus grande. L'industrie québécoise est-elle efficace, en termes énergétiques? Ce que je veux dire par là, c'est: Est-ce que, pour une même production, par rapport à ce qui peut exister dans d'autres pays — je ne suis pas un spécialiste en la matière — consomme-t-on plus d'énergie ici pour faire des produits, soit de la pulpe, par exemple, que d'autres pays en consomment? En d'autres mots, nos méthodes de production sont-elles modernes au point de vue réduction du contenu énergétique?

M. Lachance: Oui, M. le ministre. M. Joron: Elles le sont.

M. Lachance: Notre dépense par tonne de production se compare très bien avec celle des autres endroits producteurs...

M. Joron: N'importe...

M. Lachance: Même avec la Suède, parce que j'écoutais, il y a un moment, les propos où il était question de la Suède, je suis certain que, dans les années à venir, la consommation de l'industrie papetière de Suède en énergie aura tendance à monter parce que, jusqu'à présent, ils ne s'y faisait que de la pâte, la grosse production du pays était surtout en pâte qu'on vendait dans des pays d'Europe. Les pays eux, transformaient la pâte en différents produits alors que, depuis un certain temps, la politique de la Suède est plutôt de transformer en Suède la pâte qu'on y produit. Alors, cela va demander une consommation d'énergie plus grande.

M. Joron: Donc, il serait juste de dire qu'en comparaison avec les industries concurrentielles du même genre dans le monde, l'industrie québécoise à cet égard...

M. Lachance: Est en bonne position. M. Joron: ... économie d'énergie.

M. Lachance: Oui, malgré les recommandations que vous verrez dans l'annexe qu'on y a mise, il y a encore bien des moyens de réduire la consommation énergétique.

M. Joron: J'avais deux questions. Il y en a une peut-être qui découle de cela. Dans quelle mesure est-ce que vous pourriez utiliser pour vos propres besoins en énergie les résidus de l'exploitation forestière?

M. Lachance: Actuellement, nous en utilisons beaucoup. L'utilisation du bois fait qu'au Québec environ cinq millions de tonnes d'écorce sont produites chaque année. Cependant, au cours du transport il se perd de l'écorce, soit dans le transport par camion ou autrement. On dispose donc d'environ deux à trois millions de tonnes d'écorce aux usines de transformation au Québec.

M. Joron: Cela veut dire que vous récupérez à peu près la moitié...

M. Lachance: Exactement.

M. Joron: ... de toute l'écorce impliquée dans l'abattage des arbres dans tout le territoire et que vous brûlez cette moitié-là.

M. Lachance: Oui. Sur 60 usines que nous avons au Québec, nous en avons 25, et ce sont nos plus grosses, qui sont équipées pour brûler l'écorce et les déchets de bois.

M. Joron: Quel pourcentage peut représenter cette source d'énergie, par rapport à toute l'énergie que vous consommez? Est-ce que c'est significatif, est-ce que c'est important, ou si c'est très marginal?

M. Lachance: C'est assez faible, et on est limité par l'usage des déchets dans un brûleur dont la source d'énergie est l'huile, parce que l'écorce qu'on utilise n'est pas séchée à 100%. Elle contient à peu près 60%, 65% d'eau. Elle est pressée évidemment, mais on ne peut pas extraire toute l'eau qu'il y a là-dedans. Alors, en utilisant l'écorce, cela nous prend une certaine quantité d'huile pour d'abord l'assécher avant qu'elle puisse brûler. On est limité de ce côté-là. On est limité aussi, et on le sera davantage, par les standards d'émission de particules. C'est un problème qui nous préoccupe. Parce que, dans les installations actuelles que nous avons, où nous employons les déchets et l'huile, il y a tendance, évidemment, à y avoir des émissions de particules

plus grandes qu'autrement. Alors, si les standards sont trop serrés, il va falloir trouver un moyen différent.

M. Joron: Est-ce qu'il y a des espoirs d'arriver à un équipement, des brûleurs plus efficaces, ou des systèmes de combustion plus efficaces qui permettraient d'envisager de hausser considérablement le rendement thermique de cette opération?

NI. Lachance: Oui, il y a moyen. Si on y met le prix, il y a moyen d'augmenter encore l'usage de l'écorce et des sous-produits. Vous demandiez tantôt quel est le rapport d'une tonne d'écorce. Une tonne d'écorce équivaut à peu près, au point de vue calorifique, à un baril d'huile.

M. Joron: Un baril d'huile, cela prend bien des tonnes.

M. Lachance: Et évidemment, il y a des problèmes à l'écorce. C'est la question d'espace. Cela demande beaucoup d'espace, une tonne d'écorce, comparativement à l'huile.

M. Joron: II y a une autre question qui me passe par l'esprit. A part l'écorce, j'imagine que, quand on abat un arbre en forêt, on le débite et tout cela, il se perd une partie de l'écorce, il y a une bonne moitié qu'on récupère, comme vous venez de nous dire, mais les branches et enfin tout ce qui reste à terre, est-ce envisageable que ce soit rentable de le ramasser?

M. Lachance: Cela pourrait se faire, mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose à faire, dans le moment en tout cas, parce que, en laissant sur place les branches et les aiguilles et tout ce matériel ligneux qui, somme toute, est une perte peut-être de matériel, mais c'est ce qui fait...

M. Joron: C'est ce qui régénère la terre.

M. Lachance: Justement, c'est ce qui nous procure l'engrais naturel et qui renouvelle le sol. Alors, ce qu'on gagnerait d'un côté, on le perdrait de l'autre.

M. Joron: J'ai juste une dernière question embêtante, peut-être. Vous attachez une très grande importance et vous avez dit que ça devrait être le premier critère qui devrait nous guider, la sécurité des approvisionnements.

J'allais vous demander, pour essayer de mesurer l'importance que vous attachez à ce facteur, quelle augmentation de prix, quel prix vous seriez prêt à payer, ou vous estimeriez qu'on devrait payer pour avoir cette sécurité.

M. Lachance: Vous voulez dire au point de vue sécurité d'énergie?

M. Joron: Oui. Est-ce que ça vaudrait la peine, pour vous, de payer plus cher pour être sûr des approvisionnements?

M. Lachance: Je pense qu'on est lié à l'énergie. Si on n'a pas l'énergie qu'il nous faut, il n'y a aucun fonctionnement possible de notre industrie. Alors, quel que soit le coût, il faudra le considérer.

M. Joron: II faudra le payer.

M. Lachance: Mais ce qui importe le plus, c'est la question de commerce, pouvoir concurrencer les principaux pays ou le Sud des Etats-Unis, entre autres et les pays Scandinaves quand il s'agit de l'Europe.

M. Joron: Ce que je voulais dire par là, c'est qu'on peut, par exemple... Considérons le pétrole importé au Moyen-Orient comme une source moins sûre que des sources locales, mais peut-être, aujourd'hui, moins chère que des sources locales qu'on pourrait développer. Votre choix irait de quel côté, à ce moment-là? Payer un peu moins cher pour quelque chose qui, à long terme, n'est peut-être pas sûr, ou payer un peu plus cher pour quelque chose dont l'approvisionnement est mieux garanti? Estimez-vous que ça vaudrait la peine de payer une prime pour cette garantie?

M. Lachance: Je pense que ça vaut sûrement la peine d'y penser, parce que si le coût de... l'huile, actuellement, est meilleur marché que le charbon qui nous vient des Etats-Unis et meilleur marché qu'autre chose. Evidemment, il y a l'écorce qui vient automatiquement dans l'usine. Mais je pense qu'on ne peut pas négliger d'étudier toutes les sources possibles d'approvisionnement autres que le pétrole.

Mais la transformation — vous me demandiez le coût — d'une génératrice dans une usine coûterait de $15 millions à $20 millions dans le moment, pour pouvoir utiliser plus d'écorce.

M. Joron: Dans l'ensemble de l'industrie?

M. Lachance: Oui, $15 millions à $20 millions par usine.

M. Joron: Ah par usine. M. Lachance: Par usine.

M. Joron: Cela doit varier selon la taille de l'usine, j'imagine.

M. Lachance: Oui, mais les petites usines ne pourront pas utiliser l'écorce, seulement les grosses. C'est pour ça qu'il y en a seulement 25 sur 60. Ce sont les plus grosses qui ont vu à utiliser l'écorce en même temps que le pétrole.

M. Joron: D'accord, merci.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Vous avez signalé, malgré que l'industrie québécoise des pâ-

tes et papiers soit efficace sur un plan technique dans l'utilisation de l'industrie, qu'il y avait des moyens d'utiliser encore moins d'énergie. J'aimerais cependant vous poser la question, j'imagine aussi des moyens d'en utiliser davantage, et je m'explique. Il semble que pour l'industrie, dans son ensemble, si on regarde l'aspect forestier de cette industrie, votre matière première a actuellement un rendement très faible à l'acre.

On parle d'une ressource, le pétrole, qui est de plus en plus rare, mais les matières ligneuses, j'imagine, appartiennent aussi à la même grande catégorie des produits renouvelables, ceux-là, heureusement, mais dont, à un moment donné, la quantité est assez limitée, est finie et pour lesquelles les seules possibilités de croissance consistent dans une meilleure gestion des forêts. J'imagine qu'une meilleure gestion des forêts, une productivité plus grande à l'acre, en termes de pieds cubes de bois impliquerait une dépense d'énergie beaucoup plus considérable. Enfin, vous pourriez peut-être nous éclairer là-dessus. Peut-être pourriez-vous commencer en nous donnant une idée du rendement des forêts au Québec, par rapport au rendement en termes de bois ou de matières ligneuses que l'on trouve un peu partout dans le monde, et du progrès qui reste à réaliser.

M. Lachance: Pour ne s'en tenir qu'au Québec, l'utilisation, c'est-à-dire la coupe que l'on fait annuellement est bien en deça de la croissance de nos forêts. Il n'est pas question d'épuisement de nos forêts dans le moment, à moins qu'il nous arrive une catastrophe formidable comme...

Nous avons bien l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette qui nous a inquiétés et qui nous inquiète encore. Mais même malgré cela dans le moment, si on peut garder cette épidémie sous contrôle, nous sommes en dedans de ce qu'est la possibilité des forêts du Québec. On pourrait couper davantage, sans épuiser le capital ligneux, au point de vue... Evidemment, plus l'aménagement sera intensif avec les années, favorisant la croissance des peuplements, on en arrivera peut-être à un volume à l'acre plus grand, ce qui ferait que ce serait plus économique à couper, parce qu'on aura un volume plus grand à l'acre.

De ce côté-là, je pense que nous sommes certains qu'il n'y a pas de problème. Maintenant, au point de vue de l'utilisation d'énergie dans les années à venir, je pense qu'il y a toute cette liste de choses qu'on entend faire, présentement et dans les années à venir, pour essayer de conserver le plus possible l'énergie sous toutes ses formes.

Par contre, il y a une chose qui nous préoccupe passablement, c'est la question de dépollution de l'air et de l'eau. C'est évident qu'il va falloir y arriver. Pour y arriver, il faut changer parfois et penser changer des procédés de transformation du bois en pâte qui vont être plus coûteux en énergie que ceux que nous utilisons dans le moment.

J'ai en tête, par exemple, les 22 usines que nous avons au Québec, qui produisent du papier journal. Dans le moment, la plupart d'entre elles fonctionnent avec un produit au bisulfite. Il faudra éliminer, on pense éliminer ce procédé et le remplacer par un procédé thermomécanique qui, lui, demandera plus d'énergie que celui qu'on utilise dans le moment, mais par contre nous permettra des eaux-vannes, des eaux qui soient dépolluées.

M. Forget: Je reviens à ma question, je me permets d'insister. Votre réponse rejoint une préoccupation qu'a exprimée le ministre en certaines occasions à l'effet que, dans les choix énergétiques, il faut aussi inclure des choix quant au type de développement industriel. Je suis tout à fait d'accord avec cette notion. Bien sûr, lorsqu'on pense à des industries aussi importantes au Québec que l'industrie des pâtes et du papier, on pense tout de suite à sa consommation d'énergie.

Vous répondez à ma question à savoir si le rendement des forêts pourrait être considérable en disant: Avec le rendement actuel, sans rien changer, on en a suffisamment pour que cela se reproduise et qu'on n'ait pas de problème d'approvisionnement à long terme.

La question se pose à savoir: Est-ce que, si l'on veut un développement ou si on ne veut pas de développement futur de l'industrie des pâtes et papiers, cela va poser, à ce moment-là, le problème des rendements forestiers? La question de l'énergie va apparaître à deux titres. D'une part, il va falloir savoir jusqu'à quel point de l'énergie additionnelle peut être rendue disponible pour un développement de cette industrie. Mais de façon plus profonde encore — parce que c'est déjà connu, en quelque sorte, il s'agit de projeter ce qu'on connaît déjà — il s'agit de savoir quelle utilisation accrue de l'énergie serait nécessaire pour augmenter le rendement de nos forêts.

J'ai déjà vu des chiffres qui étaient presque incroyables où on faisait une comparaison, encore avec la Suède; ce n'est pas une fixation, mais c'est un pays forestier à peu près sur les mêmes latitudes que nous. On disait que les forêts suédoises rendaient sept fois le volume de bois par acre que nos forêts peuvent rendre. Cela me semble un potentiel considérable dans une ressource qui est propre au Québec et pour lequel se pose la question d'utilisation de l'énergie. Mais, s'il faut utiliser je ne sais pas combien d'énergie pour accroître le rendement de nos forêts, on revient au point de départ. C'est la raison de ma question.

M. Lachance: Mais il y a tout de même deux choses. D'un côté, il y a l'exploitation du bois, l'exploitation de la forêt et, de l'autre, la transformation. C'est entendu que nous ne sommes pas encore... Vous savez que la forêt, cela prend du temps, cela prend de 60 à 80 ans à peu près avant de pouvoir retourner au même endroit. Il n'y a pas de doute que dans le moment nos exploitations sont de plus en plus éloignées des usines. C'est un fait. Cela nécessite évidemment plus de transport, plus de consommation d'énergie, si je pense à l'essence, ces choses-là, au transport du matériel.

Pour encore un bon nombre d'années, la demande en carburant va être plus grande, parce qu'on exploite à des endroits plus éloignés, mais,

avec le temps, nous sommes en train de revenir vers les endroits qui ont été coupés au début du siècle, tous les endroits. A peu près en 1910 ou 1920, les gros de l'exploitation de notre industrie, c'était déjà bien établi. Le territoire qui a été coupé de 1910 à aujourd'hui, on est à la veille d'y retourner et, même à certains endroits, nous y allons déjà faire une deuxième coupe. Tout de même, dans l'ensemble, on peut dire que, pour encore plusieurs années, les coupes sont plus éloignées. Cela rejoint la partie exploitation.

Au point de vue de la transformation à l'usine, par exemple, c'est une autre chose. La seule consommation ou augmentation de consommation de carburant vient du bien-être de l'industrie et de son développement économique. Là, malgré toutes les économies qu'on prévoit faire... Par exemple, il est question qu'on essaie de réduire de 12% la consommation d'énergie sous toutes ses formes d'ici 1980, par rapport à ce qu'on dépensait en 1972. Je pense qu'il en est question à la fin de ce mémoire. C'est une économie qu'on entend réaliser par toutes sortes d'améliorations dans l'usine même.

Par contre, si la production augmente, si d'autres usines viennent s'installer au Québec ou que celles qu'on a en place augmentent leur production, il y aura nécessairement un besoin accru d'énergie. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Forget: Partiellement seulement, mais je n'insiste pas davantage étant donné le temps. Il me semble qu'on a là des problèmes qui sont intéressants, mais je ne veux pas les poursuivre. Encore une fois, il y en a d'autres qui attendent. Il y aura peut-être d'autres occasions.

Le Président (M. Laplante): Les membres de cette commission vous remercient, monsieur, de ce que vous avez voulu leur apporter. Mercil M. Joseph Debanné. M. Debanné, vous avez environ 45 minutes pour exposer votre rapport et pour la période des questions. Je remarque qu'il a environ une quarantaine de pages. Je ne sais pas s'il y aura possibilité pour vous de le synthétiser, parce qu'on me dit qu'il y a des questions assez intéressantes à être posées sur celui-là.

M.Joseph Debanné

M. Debanné (Joseph): Oui, certainement, M. le Président. N'ayez crainte, le rapport qu'on vous a distribué n'est pas celui que je vais vous présenter, mais, comme on m'a téléphoné il y a trois jours pour me suggérer de venir déposer à cette commission, j'ai improvisé en faisant reproduire un vieux rapport que j'avais présenté à une conférence organisée par le ministère des Affaires urbaines à Ottawa, qui répond un peu à certains problèmes auxquels la province de Québec a à faire face. Comme j'habite le Québec moi-même et que cela m'intéresse d'une façon très directe, je suis venu vous donner mon opinion, basée sur les travaux que j'ai déjà faits dans ce domaine, certains travaux d'ailleurs très récents qui ne sont pas du tout couverts dans ce document qui est vieux déjà de deux ans.

Etant donné que ce document 74-13 que vous avez date déjà de trois ans, je tâcherai de le mettre à jour, par le biais de ce mémoire, que j'ai écrit dans l'avion d'ailleurs, en tenant compte des études de planification énergétique que j'ai entreprises depuis ce temps-là. Je tâcherai aussi de tenir compte de l'évolution de la conjoncture énergétique mondiale, nord-américaine, canadienne et québécoise.

La situation mondiale. Bien que la demande mondiale en pétrole continue à s'accroître et qu'elle soit appelée à jouir d'un taux de croissance hélas! dépassant le taux de croissance des réserves découvertes et des réserves cumulatives trouvées, on perçoit une stabilité du prix mondial du pétrole en termes réels, c'est-à-dire en tenant compte des rattrapages périodiques du prix pour contrecarrer, tout au moins en partie, le taux d'inflation.

Le rôle modérateur de l'Arabie Saoudite continuera à jouer tant que les bons offices des Etats-Unis continueront à faire progresser la situation au Proche-Orient vers la normalisation. Il y a de bonnes raisons de croire que l'administration Carter a bien enregistré le message de Riad à ce sujet. Donc, je suis optimiste que les prix vont être stables et que, pour fins de planification à long terme — à moyen terme, certainement — on peut tabler sur des prix stables du pétrole, en termes réels. Il y aura du rattrapage, naturellement, pour contrecarrer l'inflation.

Un autre facteur qui pousse l'Arabie Saoudite à la modération des hausses de rattrapage est la situation économique précaire des pays de l'OCDE. Donc, s'il y a une relance économique, je m'attendrais à ce qu'ils soient un peu moins stricts avec leurs partenaires concernant les autres rajustements qui se feront. En général, ceci servira de volant économique. Je pense qu'ils permettront des augmentations de prix dans la mesure où ceci est compatible avec la situation économique des pays de l'OCDE.

Situation énergétique aux Etats-Unis: Naturellement, nous avons une nouvelle administration. L'administration Carter va certainement réviser les priorités énergétiques des Etats-Unis et va rationaliser tout le processus de planification dans ce domaine. La crise qu'il y a eu aux Etats-Unis dernièrement, des morts, des mises à pied sérieuses, même catastrophiques dans certaines régions, vont certainement appeler le gouvernement américain à repenser, tout au moins à mettre au rancart toute une série de recommandations d'études, toute une philosophie basée sur des études économiques qui, à mon avis, sont à la base, complètement aberrantes. Ces études ont été faites par des collègues à moi, d'ailleurs, et sont basées sur, en fait, le principe de la fonction de production Cobb-Douglas, classique en économique, c'est-à-dire que vous mettez de l'argent, ou vous mettez de la main-d'oeuvre, et vous obtenez de la production. Ils n'ont pas tenu compte de l'aspect probabiliste et aléatoire du processus de découvertes pétrolières.

A ce sujet, je mentionnerai, en passant, que les études que j'avais faites au Massachussets Institute of Technology, en 1974, pour le compte du gouvernement américain, avaient prédit cette situation. Ma recommandation était qu'ils devaient s'organiser pour faire venir le pétrole de l'extérieur en quantité suffisante pour éviter le genre de catastrophe qu'ils ont maintenant, qu'ils ont eue cette année. Nous reviendrons à ce sujet.

Le président Carter a déjà indiqué certaines de ses préférences. Comme vous le savez, il voudrait décélérer l'emphase de ce que j'appelle la nucléarisation. Il voudrait donner plus d'emphase au domaine de la conservation et du développement des ressources alternatives d'énergie. Je suis certainement d'accord avec lui avec tout simplement un avis tout de même assez important. Il ne faudrait pas pousser le développement des ressources alternatives à une cadence plus rapide que nécessaire. Qu'est-ce que j'entends par ceci? J'entends que nous avons déjà dans le monde, nous avons, tout le monde le sait, des réserves pour facilement 25 ans. Par conséquent, ce n'est pas nécessaire de pousser le changement technologique à une cadence ruineuse pour l'Amérique du Nord en particulier.

On peut beaucoup plus tabler sur ces importations et travailler sur le processus de changements nécessaires, graduellement. Le charbon, en particulier, sera appelé à prendre la relève, et je dis ceci parce que les Etats-Unis sont particulièrement bien nantis en charbon, le Canada aussi d'ailleurs. La technologie du transport hydraulique du charbon — je suis, entre parenthèses, en train de faire une étude pour le gouvernement américain à ce sujet — a fait des progrès remarquables. Nous en sommes au point, aujourd'hui, en 1975, 1977... Je dis 1975, parce que nos statistiques, en général, sont deux années en arrière. En 1977, nous en sommes au point où nous pouvons espérer transporter le charbon pulvérisé dans des pipe-lines sous forme hydraulique, c'est-à-dire mélangé à l'eau, à peu près au même coût que la calorie ou le BTU de gaz naturel. Donc, nous parlons d'un demi-cent par 1000 BTU par 100 milles de distance, ce qui est un peu plus cher, pour le moment, que le coût de transport du gaz naturel. Etant donné que les Etats-Unis ont des réserves de charbon pour plusieurs siècles et que le Canada en a certainement pour 100 ans, je pense que le charbon sera appelé à prendre la relève du secteur présentement servi par le pétrole, par exemple, dans tout ce qui s'appelle génération thermique de l'électricité. Ceci, à mon avis, est le cas du Québec, qui n'a même pas besoin d'attendre cette nouvelle technologie, parce que la plupart des régions consommatrices du Québec peuvent être desservies par voie maritime. Je pense que cette voie sera peut-être la moins onéreuse en termes de capitaux pour maintenir des approvisionnements suffisants dans ces secteurs. Reste naturellement le secteur des transports. Là, naturellement, comme vous le savez, on ne voit pas de remplacement pour le pétrole, tout au moins un remplacement économique pour bien des années à venir.

Donc, il faudra toujours, pour au moins une vingtaine d'années, 25 ans, importer du pétrole en assez grande quantité, et, dans le cas des Etats-Unis, le déclin de leur productivité et le déclin des découvertes est inexorable. Nous en parlerons un peu plus tard d'une façon beaucoup plus spécifique. Mais si les Etats-Unis doivent importer de plus en plus de pétrole, ils devront le faire. Ils n'ont pas le choix. L'Est des Etats-Unis pourrait très bien être, en partie, alimenté à partir d'un port en eau profonde, ou bien dans la région de la Nouvelle-Ecosse, Saint-Jean, ou bien d'un port en eau profonde dans le Bas-Saint-Laurent.

Ce port pourra subvenir non seulement aux besoins accrus de la demande à Montréal, mais aussi aux besoins de la région que j'appelle la région des Grands Lacs, nord-est, centrée autour d'Oswego, et aussi une partie de la Nouvelle-Angleterre qui est contiguë au Québec et aux Maritimes. Comme les Etats-Unis n'ont pas de site pour ports en eau profonde, la rive sud du Bas-Saint-Laurent ou la Nouvelle-Ecosse pourrait offrir un tel site, tant pour l'importation que pour le raffinage. Comme vous le savez, il n'y a pas une raffinerie en Nouvelle-Angleterre. Par cela, j'entends le Massachusetts ou le Maine.

En dernière analyse, ce sera le gouvernement provincial le plus anxieux d'avoir le port d'importation qui l'aura, en supposant une attitude neutre à cet égard de la part du gouvernement central, ainsi que du gouvernement américain.

La situation canadienne. Le coût marginal du nouveau baril de pétrole ou son équivalent en gaz naturel dans l'Alberta a déjà dépassé $20 le baril. Je parle maintenant du baril nouveau. Naturellement, on arrive à produire du pétrole à bien moins cher que cela dans l'Alberta, étant donné qu'il y avait des réserves qui avaient été découvertes à $1 et moins le baril, des découvertes développées. Mais le nouveau baril de pétrole trouvé en 1975 a coûté plus de $20 et le nouveau mille pieds cubes de gaz naturel, en moyenne, l'équivalent, a coûté plus de $3.50 les mille pieds cubes, de sorte que la politique actuelle qui consiste à limiter les importations pour des raisons dites économiques ne tient pas debout. A mon avis, elle est ruineuse et on ne pourrait pas continuer pendant très longtemps à dépenser, par exemple, ce qu'on a dépensé en 1975 dans l'Alberta. On a dépensé plus d'un milliard de dollars en exploration et en développement. Si on divise ce montant par les nouvelles réserves trouvées, selon les chiffres officiels de la Canadian Petroleum Association, nous arrivons au prix moyen de $16. Donc, pour l'année, en fin d'année, le prix marginal monte déjà à au-delà de $20 en 1975.

Je n'ai pas malheureusement de chiffres plus récents étant donné que ce sont les dernières statistiques à notre disposition.

Donc, si nous prenons l'Alberta comme région typique, les vieilles, les régions tout au moins dites mûres de production du Canada, c'est-à-dire la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et une partie du Manitoba, nous avons de loin déjà dépassé le stade de l'exploration économique et du développement de nouvelles réserves.

D'ailleurs, un calcul que je viens de faire établit que les réserves ultimes avec la technologie actuelle ne dépasseront pas 148 000 TBTU, alors que nous en sommes déjà à 146 000 trillions de BTU découverts et trouvés en Alberta. Donc, il n'en reste pas beaucoup.

Je dois donner d'ailleurs un papier qui est prêt à ce sujet au congrès de l'Institut canadien des mines qui marquera le 30e anniversaire de la découverte du champ de Leduc. Je mentionnerai en passant que j'ai suivi ces travaux, ayant été moi-même impliqué dans l'exploration en Alberta pendant des années, durant le temps de Leduc et après.

L'existence, donc, des possibilités dans d'autres régions dites régions frontières est naturellement beaucoup plus intéressante, tout au moins, elle est plus prometteuse. Reste à savoir si nous pouvons nous permettre l'optimisme que certains groupes affichent en ce moment concernant la prospective de découvertes dans ces régions.

A mon avis, on n'est pas encore en mesure d'être optimiste. L'optimisme n'est pas justifié. Il y a certainement des possibilités et je pense qu'un aspect dont on n'a pas suffisamment tenu compte, comme on n'a pas encore tenu compte de cet aspect dans l'Alberta, c'est l'aspect coût.

Monsieur Heatherington, le président de Pan-arctic, annonçait, hier, des chiffres assez optimistes. Il faisait une comparaison entre la situation en Alberta avant la construction du pipe-line TransCanada et la situation de l'Arctique en ce moment, donc avant la construction d'un pipe-line.

Il a remarqué que les réserves ont quintuplé depuis la construction du pipe-line trans-Canada qui a permis l'écoulement des réserves, donc, la rentrée de devises qui ont permis l'exploration et la découverte de gaz naturel dans cette région. Ils s'attendent donc à un quintuplage des réserves déjà trouvées, donc, dix à quinze trillions de pieds cubes dans la région des îles.

Je me permets de faire remarquer à M. Heatherington que les réserves cumulatives, donc, la lancée des réserves cumulatives qui a eu lieu dans l'Alberta après 1957, 1958, a coïncidé avec deux grandes percées technologiques, la fracturation hydraulique des gisements qui augmente leur productivité et surtout les progrès que la géophysique a faits grâce à l'ordinateur. Cette poussée des réserves, qui a maintenu une très belle cadence de découvertes dans les années soixante dans l'Alberta, a certainement été due à ces progrès de technologie, surtout la géophysique. Or, Panarctic, comme Imperial Oil, comme toutes les compagnies qui travaillent dans le nord, ont profité en plein de cette technologie. Nous avons déjà plus de 250 puits forés dans le nord et alors que je ne me permets pas de faire le genre d'analyse et de conclusion que je puis faire au sujet de l'Alberta, je ne me permets pas encore de la faire au sujet de l'Arctique, je puis tout de même dire qu'on ne peut pas se permettre d'être optimiste. On ne le sait pas, pas encore, mais on devrait pouvoir le savoir bientôt, j'espère, en employant les mêmes techniques que celles que nous avons développées pour anticiper des coûts futurs de dé- couvertes et de développement de gaz et de pétrole. Donc, je m'attends que le pipe-line qui a été bâti de Sarnia à Montrréal soit renversé; en d'autres termes, que l'écoulement aille de Montréal à Toronto dans quelques années, étant donné la situation du pétrole telle que nous la connaissons. Cet élément, je pense, devrait donner à votre gouvernement un avantage stratégique pour obtenir le port en eaux profondes, étant donné qu'il y a déjà une partie des installations déjà construites et qui devraient tout de même être en activité dans un sens ou dans l'autre pour rester viables.

Nous en arrivons maintenant à la politique générale en matière énergétique telle qu'elle a été conçue par le gouvernement libéral et en particulier telle qu'elle a été formulée au temps de M. Daniel MacDonald, quand il était ministre de l'Energie. A mon avis, d'ailleurs, je l'ai dit par écrit, publié dans des livres que vous connaissez peut-être, comme The Energy Question, j'ai critiqué en plein l'idée de faire venir le pétrole jusqu'à Montréal comme étant la façon la plus onéreuse d'alimenter Montréal en pétrole. J'ai critiqué aussi, bien qu'en général, ceci n'est pas compris dans les Maritimes et au Québec, la politique des deux prix. D'ailleurs, le gouvernement s'aperçoit qu'elle est intenable et il est en train de s'en éloigner. En troisième lieu, je pense que la politique dite d'autosuf-fisance, tout au moins partielle, à tout prix, est suicidaire du point de vue économique. Nous ne pouvons pas le faire. J'aimerais au contraire laisser beaucoup plus de liberté aux compagnies de pétrole, sans leur donner le genre de dégrèvement de taxe qu'on continue à leur donner en Alberta pour les encourager à forer. D'ailleurs, c'est de l'argent gaspillé. De leur permettre de trouver du pétrole ou du gaz et de le vendre pourvu que ce prix, dans le marché, ne soit pas complètement en porte-à-faux, tel qu'il est en ce moment. Qu'est-ce que j'entends par cela? J'entends par cela que la politique des prix actuels, telle que pratiquée au Canada, par exemple, défavorise le Québec par rapport à l'Ontario.

Le Québec a, de tout temps d'ailleurs, profité d'une situation géographique, sa proximité de la mer, qui a permis, pendant l'ère du pétrole, des prix plus bas du pétrole, et donc des produits raffinés, tant au Québec que dans l'Ontario.

Cette politique a été renversée maintenant et, comme vous le savez, l'augmentation des tarifs du pipe-line Sarnia-Montréal qui vient d'être approuvée il y a trois semaines a encore accentué ce décalage et ce porte-à-faux.

A mon avis, on devrait abandonner complètement ce dirigisme, d'ailleurs qui s'est avéré, à mon avis, désastreux, tant à court terme qu'à long terme si on le continue. La politique actuelle du gouvernement est en train de favoriser des dépenses insensées, dans certaines régions, qui n'auraient pas lieu si on permettait à l'entreprise privée de faire sa part, mais de la faire sans stimulation artificielle, telle que dégrèvement de taxes qui encouragent un certain nombre de compagnies, en ce moment, de forer des puits secs en Alberta, par exemple.

Nous en arrivons maintenant à un autre as-

pect de l'autosuffisance, c'est-à-dire les autres formes d'énergie: la conservation. Et ceci s'applique autant au reste du Canada qu'au Québec. Ma recommandation la plus forte, c'est que l'activité et l'initiative la plus utile, la plus profitable, la plus économique est la conservation. Les moyens de conservation, sous forme, par exemple, de législation concernant l'isolation des maisons ou même, dans une certaine mesure, la récupération d'une certaine énergie solaire dans la mesure où on n'essaie pas d'être trop ambitieux, pourraient aider.

D'un autre côté, je pense, comme je l'ai mentionné plus tôt, que des études et l'implantation du charbon comme moyen de remplacer le gas-oil et le fuel-oil dans les centrales thermiques serait certainement un pas dans la bonne direction. Eventuellement, si le Québec se dote d'une infrastructure pour le transport du gaz naturel, ce même réseau de gaz naturel pourra servir aussi pour le gaz, à partir du charbon. Il n'y a pas de raison de ne pas produire du gaz de ville en partie et de produire de l'électricité avec cette combustion imparfaite du charbon et permettre donc à l'infrastructure en pipe-line, qui pourrait être ou bien acquise ou bien bâtie au Québec, d'être rentable, même s'il n'y avait plus suffisamment de gaz naturel à mettre dans ces pipe-lines.

Messieurs, si vous avez des questions, je suis à votre disposition. Je m'excuse de n'avoir pas eu le temps de préparer un dossier en règle. Je n'ai pas eu le temps de le faire étant donné qu'on m'a téléphoné il y a trois jours.

Le Président (M. Laplante): Merci M. De-banné. M. le ministre.

M. Joron: Merci M. Debanné. Pour reprendre le dernier point, vous êtes l'un des rares qui avez insisté devant cette commission sur le charbon. Il y a peu de gens qui nous ont parlé du charbon. Vous y attachez beaucoup d'importance. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la provenance, d'une part, du charbon; deuxièmement, nous dire quelques mots de ses prix, et troisièmement, des usages qui pourraient en être faits au Québec, et peut-être quatrièmement, de la part que le charbon, soit directement ou indirectement s'il est gazéifié, pourrait occuper dans notre bilan énergétique de l'avenir?

M. Debanné: Très bien, M. le ministre. Le charbon peut naturellement être employé comme il est employé aujourd'hui, comme vous le savez, dans des centrales de l'Ontario. Les centrales thermiques de la région de Toronto emploient principalement le charbon et ceci parce que c'est le combustible le plus économique.

Donc, avec les prix actuels, le charbon est plus économique que le gaz naturel ou que le pétrole dans des régions qui peuvent être desservies par voie maritime.

M. Joron: C'est pour cela que je vous posais la question. Venant par voie maritime au Québec, d'où viendrait le charbon?

M. Debanné: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, mais je vous dirais ceci: Durant la période de l'embargo aux Etats-Unis, j'étais à MIT à ce moment-là, le Consolidated Edison, à Boston, avait commencé des négociations pour le faire venir par bateau de Pologne, parce que cela coûtait moins cher que de le faire venir autrement.

M. Joron: II y a une autre possibilité qui a été évoquée. Au pied des Rocheuses, en Alberta, il y a des quantités considérables de charbon.

M. Debanné: Oui.

M. Joron: S'il faut les mettre dans des wagons de chemin de fer pour les amener jusqu'au Québec, le coût de transport est aberrant.

M. Debanné: Oui.

M. Joron: Mais on a évoqué la possibilité de gazéifier ce charbon, peut-être pas pour en faire un gaz aussi pur ou aussi intensif en énergie que le gaz naturel qu'on connaît aujourd'hui, mais un gaz de moindre valeur, mais qui peut se substituer à certains usages industriels. Ce gaz fait à partir du charbon pourrait être transporté par les réseaux existants, quitte à ce que la capacité de ces réseaux soit augmentée.

M. Debanné: M. le ministre, quand vous faites du gaz de ville, donc CO, vous avez fait une combustion imparfaite du charbon, il est donc en partie brûlé. Le gaz est déjà en partie brûlé. On peut y ajouter une molécule d'oxygène. Vous allez obtenir à peu près la moitié des calories à la combustion.

Si vous transportez ce gaz dans un pipe-line, disons celui de TransCanada, le transport va coûter deux fois plus cher. Je ne pense pas que ce serait une politique rentable. Par contre on pourrait le transporter sous forme hydraulique dans ces mêmes pipe-lines, peut-être adaptés — il faudra certainement les adapter, il faudra mettre des pompes à la place des compresseurs — à peu près au même coût qu'on transporte aujourd'hui la BTU ou la calorie de gaz naturel.

M. Joron: A ce moment-là, vous changez l'utilisation du gazoduc lui-même.

M. Debanné: Oui, certainement. Je pense que ce n'est pas la peine de le faire venir des Rocheuses. On peut certainement le faire venir de régions beaucoup plus proches. Si le charbon peut arriver à Toronto par bateau, il peut certainement arriver par la voie maritime jusqu'à Montréal.

M. Joron: Où se situent, géographiquement, aux Etats-Unis, les principales réserves américaines qu'on dit considérables?

M. Debanné: Les Américains ont de très grandes réserves dans l'Ouest et ils en ont aussi dans la Pennsylvanie...

M. Joron: La Virginie.

M. Debanné: ... l'Ohio et la Virginie. Je pense que stratégiquement ils ont des réserves qui sont certainement à distance économique, par voie maritime, du Québec, comme, d'ailleurs, de l'Ontario. Aux Etats-Unis, au Nouveau-Mexique, il y a un pipe-line qui fait déjà plus de 200 milles de long et qui a déjà transporté plus de 200 millions de tonnes de charbon par voie hydraulique, qui va directement à la centrale de génération thermique à Mojave Station dans l'Arizona et qui travaille depuis des années.

Nous parlons déjà de technologies qui sont avec nous et qui vont certainement être perfectionnées. Etant donné la différence de coût nécessaire en capitaux pour générer de l'électricité, par exemple, à mon avis, il n'y a aucune comparaison, surtout parce que la technologie nucléaire est loin de s'être stabilisée.

Alors que nous parlons CANDU, en ce moment, en France, depuis septembre ou octobre 1973, il y a la première centrale nucléaire à surgénérateur, "breeder reactor" qui est en marche. Il y en a une deuxième de bâtie et toutes les deux ont une moyenne de temps utile qui est supérieure aux centrales classiques. Ce sont des centrales qui rénégèrent leur combustible, qui sont peut-être loin d'être les centrales de l'avenir, mais qui sont tout de même bien plus avancées que celles qu'on considère en ce moment au Canada comme aux Etats-Unis.

A mon avis, je pense que ce serait une erreur de se lancer trop rapidement dans un domaine qui est en train d'avancer aussi vite que le domaine nucléaire. Par contre, la technologie de la combustion du charbon a été surtravaillée, je pense, et on sait très bien comment construire le plus économiquement possible une centrale thermique.

A part ce domaine, naturellement, il y a le côté des technologies nouvelles pour la transformation du charbon en gaz riche, par exemple, ou même en méthanol, en liquide. Je n'aime pas compter les chiffres dans ce domaine, parce que je pense qu'on n'a pas de véritable prototype suffisamment sérieux et qui a marché pendant suffisamment longtemps pour nous donner des chiffres, comme dans le cas des pipe-lines.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. Debanné, j'aimerais souligner en premier lieu, mais sans m'y arrêter, que vos affirmations relativement à l'importance possible du charbon dans le bilan énergétique réparent en effet une carence ou un trou dans l'ensemble des mémoires que nous avons reçus, quoiqu'il y ait un autre mémoire qui y faisait indirectement allusion. J'aimerais toutefois diriger mes remarques ou plutôt mes questions vers d'autres aspects non pas du mémoire que vous avez soumis, mais plus particulièrement de paroles que vous avez prononcées devant la commission. Vous avez en particulier fait une affirmation qui me paraît singulière- ment contestable, du moins dont les raisons ne sont pas apparentes.

Vous avez dit qu'il était possible d'envisager que l'approvisionnement en pétrole de l'Est du continent, de l'Est des Etats-Unis en particulier, pourrait très bien se faire via le Québec qui dispose ou qui pourrait disposer de ports en eau profonde. Sans aucun doute, physiquement parlant, c'est une possibilité, mais on peut se demander quel avantage il pourrait bien y avoir là, étant donné les risques écologiques dont on est particulièrement conscients cette année. Il y a à peu près onze pétroliers qui se sont effrités sur les côtes de l'Atlantique. Quel avantage pourrait-il y avoir à absorber ces risques, en quelque sorte, à encourir ces risques, alors qu'il ne s'agirait que d'un port de transbordement? On voit mal une raffinerie s'ériger dans le Bas-Saint-Laurent pour les besoins américains, puisque les produits finis sont infiniment plus coûteux à transporter que la matière première que constitue le pétrole brut. Quel avantage voyez-vous dans un tel développement? Personnellement, je n'en vois pas à première vue.

M. Debanné: Je commencerai par mentionner quelques mots concernant le côté économique. Puisqu'il n'y a pas de port en eau profonde aux Etats-Unis, il faut donc considérer, ou bien une station en mer, ce qui est possible, mais les Etats limitrophes n'en veulent pas, autant que je sache, aux Etats-Unis. Il reste donc le Canada. D'après les études que j'ai faites, il n'y a pas d'avantage à avoir le port à Saint-Jean, par rapport à Cap-Chat ou Matane.

La raison est que, c'est drôle tout de même, plus on passe vers le nord moins la distance est longue. Par conséquent, en milles marins, c'est à peu près la même distance pour aller, par exemple, du Moyen-Orient, du golfe Persique jusqu'à Saint-John, que d'aller jusqu'à Cap-Chap, Cap-Chat étant la limite, parce que l'idéal serait d'aller le plus en bas du fleuve que possible, mais à partir de Cap-Chat, cela devient rocailleux. Donc, le pipe-line monte en flèche.

Reste à savoir maintenant quel est l'avantage, puisque la distance est presque la même entre Saint-John et cette région. L'avantage, c'est que si vous mettez le pipe-line à Saint-John, il devra repasser des montagnes. Donc, il va coûter cher. Cela donne un certain avantage au bas du fleuve. Premier avantage.

Deuxième avantage, c'est le suivant, naturellement, en prenant le risque écologique, il faudra qu'il y ait un bénéfice au Québec ou bien à la région importatrice, donc, on s'attendrait à ce que le raffinage se fasse sur place afin qu'il y ait un coût ajouté, une plus-value qui profiterait à la région qui va l'importer.

Troisièmement, étant donné précisément ces risques écologiques, je m'attendrais à ce que ceci donne l'occasion pour développer une industrie de pétroliers bâtie selon les critères et standards adéquats et qui serait probablement tributaire et cliente des chantiers navals du Québec, par exemple. Si vous avez eu des accidents, il y en a eu, en général, cela a été des bateaux battant pa-

villon panaméen ou autres, qui n'étaient pas de qualité à réduire le risque.

Quatrièmement, et ceci est peut-être la raison la plus importante, pour importer du pétrole, il faut pouvoir le payer, et pour le payer, la façon la plus évidente, c'est de développer un marché d'export de technologie. Or, la région ou la province qui va l'importer sera en position privilégiée pour profiter de ce marché d'exportation de technologie aux pays exportateurs de pétrole qui sont en train de se développer à une cadence que vous connaissez. L'Arabie Saoudite, toute seule, déjà a un plan de développement de cinq ans qui se chiffre par plus de $60 milliards; rien qu'un pays, vous voyez. Donc, je pense que l'importation devrait donner à la région importatrice des entrées et certains avantages pour l'exportation qui compenseraient les risques écologiques ou autres.

M. Forget: Oui. C'est une question d'opinion. Votre réponse nous indique que l'avantage pour la région est nul. L'avantage pour les consommateurs éventuels du pétrole qui se trouve aux Etats-Unis serait un avantage de prix pour lequel ils seraient présumément disposés à négocier une contrepartie. Donc, c'est un peu hypothétique, mais enfin, je vois le sens de votre raisonnement. Dans un autre domaine, vous avez fait également une affirmation qui me paraît surprenante. Vous avez indiqué que le coût marginal du nouveau baril de pétrole dans les régions classiques de l'AIberta, les régions de production connues et déjà exploitées, était de l'ordre de $20 en 1975. On sait très bien que le prix, même en janvier 1977, n'a pas atteint ce niveau au Canada. Malgré tout, d'après ce qu'on peut lire dans les revues spécialisées, les journaux économiques, il n'y a jamais eu une telle activité de recherche et d'exploration en Alberta que cette année. Il semble que les producteurs ne font pas leur frais. Je comprends que vous avez indiqué qu'il y avait des dégrèvements fiscaux qui pouvaient motiver ces activités malgré tout, mais le tableau est quand même plus compliqué que cela.

On nous a dit, ici, hier même, l'Association des producteurs indépendants, que plus de la moitié de l'activité d'exploration est le fait de producteurs indépendants qui, presque par définition, ne sont pas ceux qui sont en mesure de bénéficier des dégrèvements fiscaux. Donc, il semble que les gens posent des gestes irrationnels, à première vue au moins, en faisant des investissements qui, par définition, ne peuvent pas être rentables.

M. Debanné: Vous avez complètement raison. Ce sont des gestes irrationnels. L'exploration de gaz comme de pétrole est à peu près équivalente, du point de vue économique, à l'industrie de la loterie. Il y a des gens qui font un million de temps en temps, mais, en moyenne, ce n'est pas rentable. Il y a certainement des compagnies qui trouvent du gaz dans l'Alberta et, si elles le trouvent, elles profitent d'une situation privilégiée. Mais, en général, ce n'est pas le cas. Maintenant, il y a une partie de ces dépenses qui ne va pas à trouver du gaz, mais plutôt à augmenter la capacité de pro- duction. Donc, elles forent des puits, elles prennent avantage, et c'est un fait, ceci. Toutes les compagnies, mêmes des petites, en profitent. Elles peuvent, par exemple, défalquer le coût du forage la première année, ce qui n'est pas du tout permis dans une autre industrie et, pourtant, ce n'est que du développement. Tout compte fait, moi, ce que j'ai fait, j'ai additionné tous les coûts de production et de développement de géophysique et de forage d'exploration dans l'Alberta et j'ai divisé par ce qu'on a trouvé. Maintenant, le calcul est peut-être un peu plus savant que ça. Je vous enverrai et, si vous voulez, ça pourra faire partie de ma déposition, une copie de cette étude, d'ailleurs, qui est à la frappe en ce moment, avec les chiffres officiels, et qui établira que nous en étions déjà, en moyenne, à $16 le baril ou l'équivalent en gaz, en 1975, et c'est certainement monté depuis. Le fait qu'en moyenne, le coût est plus haut que le prix ne devrait pas vous étonner. Aux Etats-Unis, depuis des années, avant même l'augmentation, le quadruplage du prix du pétrole, le coût moyen aux Etats-Unis dépassait de loin le prix, et pourtant, pour des raisons fiscales, entre autres forer avec des dollars de 50 cents, les gens le faisaient.

M. Forget: Oui, enfin, la situation est un peu différente. Il y avait les quotas, il y avait tout un système qui permettait le financement de cette activité. Mais, enfin, j'accepte votre réponse, d'autant plus que vos données sont des données annuelles dans une industrie qui, évidemment, est sujette à un certain risque. Le même calcul fait une autre année pourrait peut-être donner des chiffres différents.

M. Debanné: Vous avez bien fait de me rappeler ce point, monsieur. Le modèle de prévision que nous avons mis au point a prédit le coût total d'exploration et de développement depuis l'année 1961 jusqu'à 1975 avec une erreur de moins d'un quart de pourcent, n'importe quelle année. Donc, je suis très sûr de mes chiffres.

M. Forget: J'aimerais, en terminant, prendre exception à une affirmation que vous avez faite relativement à l'impact sur le Québec de la construction du pipe-line Sarnia-Montréal.

Vous avez affirmé qu'il s'agissait là d'un désavantage pour le Québec. Je me demande si vous avez tenu compte de deux facteurs, puisque, essentiellement, vous avez basé votre argumentation sur le fait réel qu'avant 1973, le système de la ligne Borden permettait effectivement au Québec d'avoir accès à du pétrole à meilleur compte que ce n'était le cas à l'ouest de la ligne Borden Mais la situation est complètement inversée depuis et je ne vois pas qu'on puisse anticiper un retour à une situation où le pétrole domestique est plus cher que le prix international.

Le plus qu'on va présumément voir, c'est une situation où le prix domestique est égal au prix international. C'est, d'ailleurs, l'objectif déclaré de la politique actuelle.

Donc, la possibilité de bénéficier de la même situation avantageuse pour le Québec, indépen-

damment de la présence de réserves dans l'Ouest pour alimenter le pipe-line en question— c'est une question qui se pose fort légitimement—il demeure que c'est un passé révolu sur lequel on ne peut pas revenir, du moins semble-t-il.

Mais, à tout événement, même en tenant compte de cela et en se situant dans le contexte qui a présidé à la construction du pipe-line Sarnia-Montréal, n'avez-vous pas oublié la dimension sécurité d'approvisionnement?

Il est clair que, sur une question de prix, il n'y avait pas d'avantage à construire ce pipe-line, mais, pour une question de sécurité d'approvisionnement, il pouvait y avoir, dans le contexte de l'époque où on voyait le problème de pénurie comme étant un problème à court terme — je pense que c'était peut-être une erreur — au moins cette raison. Enfin, il y a aussi la question du gaz naturel. Il y a une contrepartie à ce marché canadien du pétrole qui est l'accessibilité au gaz naturel. C'est peut-être de notre faute qu'on n'en ait pas profité davantage, mais il y a une contrepartie qui est tout aussi réelle que la dimension pétrole; il y a la dimension gaz naturel.

M. Debanné: Je vais tâcher de répondre à toutes ces questions. Elles sont certainement dans le coeur du sujet. Premièrement, du point de vue économique, même aujourd'hui, le Canada... Quand je dis que cela fait du tort au Québec, je ne pense pas avoir dit cela; en fait, cela fait du tort au Canada.

Cela fait du tort au Canada pour la raison suivante: pendant des années, nous profitions — quand je dis nous, c'est-à-dire le Canada — de l'avantage géographique, c'est-à-dire que l'Alberta pouvait alimenter Chicago et profiter de la marge que Chicago aurait dû payer si elle avait dû faire venir le pétrole d'un port de l'Atlantique ou bien du golfe du Mexique par pipe-line.

C'était la période où on disait: Buy cheap, sell expensive. Buy cheap, sell expensive pourrait continuer jusqu'à aujourd'hui, monsieur. On pourrait continuer à envoyer le pétrole de l'Alberta à Chicago et profiter de cette prime de transport qui pourrait être distribuée pour égaliser les revenus au Canada, tout ce que vous voulez. Mais le fait est que nous avons maintenant perdu cet avantage et, par-dessus le marché, nous payons une prime supplémentaire pour alimenter Montréal par la façon la plus onéreuse.

Nous passons au problème de la sécurité. Premièrement, je ne pense pas que le problème ait jamais existé dans le cas du Canada, étant donné que le Canada n'était pas impliqué dans la question de guerre au Proche-Orient.

Deuxièmement — je l'ai dit en 1973; je l'ai fait remarquer dans un papier, d'ailleurs, que je devrai vous envoyer, à une conférence à Sarnia — nous avons dans l'Ouest canadien des champs de pétrole dans le dévonien — c'est une formation qui a une très grande productivité — qui sont comparables en productivité avec les meilleurs champs du Proche-Orient, du Moyen-Orient. Vous avez des puits qui peuvent facilement produire plusieurs milliers de barils par jour.

D'ailleurs, le champ de Bonnie Glen ou de Wizard Lake produit en ce moment par quelques puits. Les compagnies en question ont fermé le reste. Ce n'est pas la peine. Dans ce papier, je disais que la façon dont nous produisons au compte-gouttes le pétrole de ces champs n'est pas intelligente du tout. C'est comme si on employait des moteurs de Ferrari dans des autobus de ville.

Ces champs devraient servir pour la sécurité au cas où il y a un pépin, comme celui que les Américains ont eu cette fois-ci pour le gaz ou pour le pétrole en cas d'embargo. Le pipe-line jusqu'à Montréal? Possiblement, même dans l'hypothèse d'un embargo, il devrait pouvoir alimenter Montréal. Très bien. Je recommande donc, d'ailleurs, je l'ai fait, qu'on ait des pompes réversibles afin de pouvoir envoyer le pétrole dans un sens ou dans l'autre, mais, si on le construit, autant continuer à profiter de cet avantage géographique en envoyant le pétrole à Toronto plutôt qu'à Montréal et profiter davantage du marché de Chicago.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal. Dernière intervention, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: Seulement pour revenir à la question de mon collègue sur le prix de $20 le baril pour l'huile en Alberta.

Je me demandais comment vous conciliez cela avec les chiffres que j'ai devant moi qui ont été produits par M. Horte, président du Canadian Arctic Gas Pipe-Line Limited. Ce dernier évalue le prix de l'huile importée, qui est à cette époque-ci à environ $14 le baril, plus cher que le coût de production des Athabaska Tar Sands; autrement dit, M. Horte déclare à la commission d'énergie canadienne que le prix de production est moins cher que le prix international, ou à peu près, dans les mêmes rangs et qui n'est pas $20 le baril. Nous avons eu le témoignage du représentant de Imperial Oil à cette commission qui a dit qu'il pouvait... et qu'il produisait — parce que ces gens font partie du consortium qui produit — au prix correspondant à la compétition des prix internationaux. Aussi, le représentant de Gulf disait que sur ses investissements, il retirait un retour de 7% qui n'était pas exagéré, qui n'était peut-être pas assez, mais qui certainement n'était pas un prix de production de $20. Alors, je me demandais comment vos chiffres se conciliaient avec ceux de ces gens qui nous ont produit des chiffres totalement différents.

M. Debanné: Très bien, monsieur. Premièrement, en parlant de coût de développement et d'exploration de pétrole ou de gaz en Alberta, je parle du pétrole et du gaz conventionnels, et non pas des sables bitumineux. Concernant les sables bitumineux, nous avons des usines pilotes en ce moment, et les chiffres qu'on nous donne semblent monter chaque année, du prix que cela va coûter. Donc, je ne me prononce pas sur les sables bitumineux, mais par contre je puis vous donner des preuves à l'appui concernant le pétrole et le gaz conventionnels.

Le problème, par exemple, des nouvelles

technologies pour augmenter la récupération et la production dans la région de Lloydminster, ou bien dans la région de Cold Lake et des sables de l'Athabaska, pour moi, jusqu'à un certain point, j'aimerais avoir ces affirmations de plus près. Mais il y a certainement quelque chose de sûr, c'est que si vous considérez les besoins en capitaux, c'est-à-dire environ plus de $2 milliards par capacité de production de 125 000 barils par jour, on s'aperçoit très vite que, comme solution, c'est infaisable.

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela que prétendent les producteurs...

Le Président (M. Laplante): M. Debanné, c'est regrettable. Les membres de cette commission vous remercient de votre témoignage.

M. Oebanné: Merci bien, monsieur, pour l'occasion de venir vous présenter mes vues.

Le Président (M. Laplante): On l'espère. J'appelle TransCanada PipeLines.

Messieurs, vous avez environ 45 minutes pour présenter votre mémoire et pour la période des questions. Si vous voulez identifier les messieurs qui sont avec vous, s'il vous plaît.

Trans-Canada PipeLines

M. Archambault (John): Oui, M. le Président. Je m'appelle John Archambault, je suis vice-président du contentieux de TransCanada PipeLines. A ma droite, se trouve George W. Woods, président; à sa droite, M. Gordon A. Leslie, vice-président à l'approvisionnement. A ma gauche, Michel Pop, analyste pour les études de marché et, à sa gauche, M. Brian S. Hill, assistant du vice-président directeur.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, TransCanada vous remercie de l'invitation qui lui a été adressée de participer aux travaux de la commission. Nous reconnaissons que l'orientation d'une politique énergétique affectant un territoire aussi grand et une population aussi nombreuse que celle du Québec provoquera nécessairement des répercussions dans tous les secteurs concernés. TransCanada représente le secteur du transport et de l'approvisionnement gazier pour les régions à l'Est de l'Alberta. Nous serons donc particulièrement intéressés aux orientations possibles de votre politique dans ce secteur.

M. le Président et M. le ministre, s'il s'avère que les données que nous vous faisions parvenir ont besoin d'une plus grande analyse qu'il nous sera possible de vous donner aujourd'hui, dans la mesure où nos connaissances ou notre technologie peuvent être mises à l'oeuvre, nous voulons vous assurer de la plus entière collaboration de notre personnel dans une étude ultérieure des données.

Je voudrais traiter de deux sujets dans les minutes qui suivront et nous serons à votre disposition pour répondre à vos questions. D'abord, je voudrais traiter brièvement de la nature et du sens de notre mémoire. Ensuite, j'aimerais donner certaines explications relatives aux projections qui ont été déposées ces jours derniers.

La nature et le sens de notre mémoire. Hors l'aspect purement historique, nous avons désiré, dans notre mémoire, faire état des politiques existantes quant au gaz naturel et du rôle TransCanada PipeLines. Ensuite, nous avons cru bon faire état d'un sujet qui, a notre avis, mérite la priorité la plus importante en 1977, c'est-à-dire obtenir les assurances nécessaires pour l'approvisionnement des régions pionnières par l'entremise d'une décision favorable de l'Office national de l'énergie du projet Canadian Arctic Gas entérinée par le gouvernement fédéral.

Discutons d'abord de la politique existante au Canada en matière de gaz naturel et du rôle de TransCanada. Ce sujet est très complexe et ceci, à cause des changements importants qui sont survenus depuis quatre ans. Permettez-moi, dans cinq ou six minutes, de vous faire une analyse de la petite histoire, depuis les dix dernières années.

Durant les années soixante jusqu'au début des années soixante-dix, TransCanada achetait le gaz en Alberta des producteurs albertains. Après négociation, le prix était arrêté et un contrat habituellement d'une durée de vingt ans était signé. Ces contrats comprenaient tous, pour la plupart, des clauses escalatoires de l'ordre du quart de cent du MCF, par année. En plus, les contrats prévoyaient une renégociation tous les cinq ans.

Le gaz, vers le milieu des années soixante, se vendait de $0.13 à $0.14 du mille pieds cubes et en un peu moins d'une décennie, il est passé à $0.16 du mille pieds cubes. La production, en Alberta, à cette époque, était adéquate et les marchés se développèrent, sauf malheureusement le Québec, pour des circonstances particulières.

Au début des années soixante-dix, une chose importante est survenue pour notre compagnie, pour l'industrie, c'est que les tarifs de TransCanada, c'est-à-dire les prix auxquels nous pouvions vendre le gaz à nos clients distributeurs devaient être fixés par l'Office national de l'énergie et ces tarifs incluaient le coût du gaz.

Dès l'automne 1970, le prix des produits pétroliers a commencé à augmenter. D'une période très stable sur les années soixante, on commence les années soixante-dix avec une légère augmentation des produits pétroliers. De cette augmentation légère de 1970, il y en a eu une autre en 1971 et plusieurs en 1972. Le prix du gaz, par contre, ne bougeait pas ou ne bougeait à peu près pas. Ce qui est survenu, c'est qu'il y a eu une audience très importante à Calgary sur la valeur du gaz naturel albertain et nous avons retrouvé, en 1972, l'apparition de ce concept de "commodity value", c'est-à-dire parité des prix du gaz.

La commission albertaine avait déterminé que la valeur du gaz naturel à la tête du puits devait être de l'ordre de $0.26, alors que le prix moyen payé par notre compagnie se trouvait de $0.16.

L'Office national de l'énergie, en 1973, refusait d'accorder à TransCanada un tarif permettant l'indexation des taux pour refléter les augmentations de coût de gaz.

En juin 1973, il y eu un arbitrage dont on n'a à peu près pas parlé mais qui a été très important dans l'industrie. Nous n'avons pas attendu l'issue de cet arbitrage, mais, par contre, on a négocié un prix et le coût effectif moyen, le 1er novembre 1973, passa d'environ $0.16 à $0.22 les mille pieds cubes.

A ce moment, bien sûr, la province de l'AIberta n'était pas contente. Elle refusa d'octroyer à TransCanada les permis d'exportation de gaz naturel qui sont nécessaires et, d'autre part, nous avions certains clients qui n'étaient pas très heureux des augmentations ou enfin de projeter l'aspect d'augmentation quant à leurs propres marchés.

Psychologiquement enfin, vous pouvez probablement saisir, si nous avions arrêté un prix, en juin ou en août 1973, en deçà des $0.26, ni plus ni moins, exigés par les autorités albertaines, vous pouvez dis-je, imaginer le choc psychologique lorsqu'en octobre 1973, après la crise au Moyen-Orient, les prix du pétrole ont monté d'une façon astronomique.

A ce moment-là, vous avez eu — maintenant, je crois que tout le monde connaît la suite — le durcissement des positions entre le gouvernement fédéral et le gouvernement albertain, l'un voulant réduire le prix du pétrole canadien, l'autre voulant que le prix du pétrole augmente le plus possible vers les prix mondiaux.

Il y a eu, quant au gaz naturel, le passage d'une loi d'arbitrage en Alberta qui obligeait les arbitres à tenir compte de ce fameux concept de la parité des prix. Le résultat fut indécision des gouvernements, et de l'industrie, très grande incertitude. Les achats de TransCanada ont diminué, l'exploitation a diminué et ce fut une période assez noire dans l'industrie gazière.

Il y eut par la suite d'autres arbitrages, le premier avec la compagnie Gulf pour le 1er novembre 1974. Le prix passait à $0.60, mais notre prix moyen restait de $0.44, ce qui paraissait nettement insuffisant.

L'année suivante, un nouvel arbitrage, toujours avec la compagnie Gulf, et le prix cette fois est de $1.15. Déjà, à cette époque, le gouvernement fédéral avait mis en place la loi de l'administration du pétrole et l'Office national de l'énergie tenait des séances publiques, à cause de l'inquiétude qui avait été manifestée, puisque l'exploration avait de beaucoup diminué et on prévoyait une pénurie véritablement prochaine.

Nous arrivons vraiment en 1976 et nous avons, d'une part, quant aux prix, la Loi sur l'administration du pétrole, laquelle prévoit que les prix du gaz naturel seront fixés en tenant compte de critères qui sont la parité des autres sources d'énergie, et ces prix seront fixés après entente entre le gouvernement fédéral et le gouvernement des provinces productrices. A toutes fins pratiques, il s'agit de l'Alberta.

Donc, quant au prix, bien sûr, il n'y a plus d'incertitude, c'est-à-dire que les cadres ou le système existe, il est bien en place. Maintenant, quant à la valeur des prix, les dollars, bien sûr, il s'agit de la résultante de la négociation du gouverne- ment fédéral et du gouvernement albertain. D'autre part, à la suite de cette audition dont j'ai parlé plus tôt, de l'audition de l'Office national de l'énergie, qui regardait les disponibilités de gaz, la production et les demandes, il est apparu très clair qu'il était dans l'intérêt du Canada que TransCanada transporte tout le gaz nécessaire qui pourrait être approuvé, les besoins approuvés, et qu'il construise les installations nécessaires pour transporter ce gaz vers les marchés qui sont desservis par la compagnie. J'ai omis un facteur important. C'est que, dans cette période, que j'appelais la période noire, nos analystes avaient prévu véritablement une pénurie de gaz, à tel point qu'on peut aujourd'hui dire que, si l'hiver 1975 avait été aussi rigoureux que l'hiver qu'on vient de passer, enfin, qu'on passe toujours, j'ai l'impression qu'on aurait pu vraiment manquer de gaz dans nos marchés. Or, nous avions pris la position pas facile d'aviser nos clients que jusqu'à ce que la situation s'améliore, nous ne vendrions plus de gaz supplémentaire et nous ne transporterions plus de gaz pour eux, mais nous respecterions les ententes qui étaient intervenues entre nos compagnies.

Alors, je crois que c'est très important qu'on voie ce faisceau d'orientations. Vous savez maintenant que les cadres existent. D'une part, vous avez la loi sur l'administration du pétrole qui s'occupe du prix. D'autre part, vous avez la politique gouvernementale et la politique que TransCanada suit. C'est celle d'être prêt à vendre ou à transporter tout gaz naturel pour ses clients canadiens pourvu que ces demandes soient approuvées par l'Office national de l'énergie et, bien sur, que les installations qui doivent être construites soient approuvées par le même office. De toute façon, c'est la loi de l'office qui l'exige.

Quant au deuxième point de notre mémoire, il s'agit de la priorité de l'obtention des assurances d'approvisionnements gaziers des régions pionnières ou des régions du delta et, le cas échéant, l'autorisation pour la compagnie Canadian Arctic Gas de procéder à la construction de son pipeline. Laissez-moi vous dire qu'à très court terme, les approvisionnements sont largement suffisants pour répondre à la demande des marchés canadiens. Cela, il n'y a aucun doute pour les deux ou trois prochaines années. Il n'y a aucun problème. Il y a même un léger surplus, tel que vous faisait part, je crois, le représentant de l'IPAC hier.

Cependant, il est inévitable qu'à moyen ou à long terme, la productivité des puits de la région de l'Alberta soit insuffisante pour répondre à la demande canadienne. Nous croyons qu'en ce moment nous avons une véritable chance que la Canadian Arctic Gas ait conçu un gazoduc unique pour le transport du gaz américain et du gaz canadien. Les coûts sont meilleurs et, chose dont on entend moins parler, c'est un gazoduc qui offrira au public, à TransCanada et aux consommateurs canadiens, une flexibilité impossible avec tout autre système. Si les livraisons de gaz canadien du delta du Mackenzie s'avèrent trop fortes pour les marchés canadiens, parce que c'est quand même deux milliards de pieds cubes par jour qui vont ar-

river presque du jour au lendemain, à ce moment-là, nous savons que nous avons un marché américain qui pourra absorber ces volumes et les remettre plus tard, grâce aux réserves qui se trouvent en Alaska. Alors, nous vous suggérons, si, vraiment, le Québec désire avoir une part plus grande de gaz naturel dans son bilan énergétique, de vous intéresser à ce projet et d'encourager la décision la plus favorable et le plus rapidement possible.

Passons brièvement, si vous voulez, aux prévisions de consommation naturelle au Québec. TransCanada a préparé deux séries de données relatives à la consommation future de gaz naturel au Québec. L'une de ces deux prévisions est définie comme développement faible et l'autre, comme développement fort, et les deux sont montrées aux graphiques et tableaux nos 1 et 2. Ce sont les graphiques bleu et rose qui ont été produits auprès du secrétaire de la commission un peu tard, mais j'espère que vous les avez en main.

Alors, il y a trois éléments de base dont il a été tenu compte dans la préparation de ces prévisions. D'abord, un approvisionnement adéquat en gaz naturel pour répondre à la demande prévue. Ensuite, la situation concurrentielle du gaz naturel au Québec, et, enfin, l'économie d'énergie résultant de diverses mesures de conservation.

Les deux prévisions de la consommation de gaz naturel, développement faible et développement fort, sont présentées avec l'effet de la conservation dans le graphique et le tableau nos 1 et sans l'effet de la conservation dans le graphique et le tableau no 2. Les prévisions retenues par la compagnie sont celles incluant l'effet de la conservation, donc celles montrées au graphique et au tableau no 1.

Par contre, soulignons que les tableaux et graphiques no 2, c'est-à-dire sans conservation, sont quand même le point de départ de notre analyse. La conservation, étant un phénomène nouveau, a été ajoutée comme hypothèse de travail pour arriver aux prévisions qui sont situées au tableau et au graphique no 1.

Alors, si vous regardez le développement faible, l'hypothèse de base retenue dans le cas du développement faible est le maintien du désavantage concurrentiel pour le gaz semblable à celui qui a prévalu durant l'année 1976, et je dois dire les premiers mois de 1977.

Ce désavantage, globalement, se situe entre $0.10 et $0.15 par 1000 pieds cubes, sans considérer l'effet de la taxe de vente dans les secteurs résidentiel et commercial qui était de l'ordre de $0.06 à $0.08 les 1000 pieds cubes.

Les chiffres plus exacts sont les suivants: II y a en ce moment un désavantage dans le résidentiel de $0.2.78; dans le commercial de $0.9.93; l'industriel moyen $0.10.39; l'industriel grand débit $0.29.08. Par contre, il y a un très léger avantage dans l'interruptible de l'ordre du demi-cent, et cela fait un désavantage moyen pondéré de $0.12.07. Ceci du reste est à comparer au désavantage de $0.9.5 en mars 1976 et au désavantage de $0.05 en décembre 1975, c'est-à-dire que la tendance va vers le désavantage de plus en plus grand.

M. Joron: Si vous permettez, par rapport à quoi?

M. Archambault: C'est toujours par rapport à l'huile. Comme conséquence de ce désavantage concurrentiel, il a été considéré qu'il sera impossible pour le gaz naturel de pénétrer en dehors des franchises existantes.

De plus, même à l'intérieur des franchises actuelles, avec un tel désavantage concurrentiel, l'accroissement de la consommation de gaz, bien que positive, sera relativement faible durant la période prévue si l'on exclut la part de SIDBEC.

Dans le secteur résidentiel au Québec, la concurrence la plus forte pour le gaz vient de la part de l'électricité. Les systèmes de chauffage électrique sont présentement installés dans 60% à 65% des nouveaux logements au Québec. Durant l'année 1975, il y a eu également 10 000 logements existants qui ont été convertis au chauffage électrique et de son installation est meilleur marché que celui du gaz ou de l'huile, surtout dans les maisons d'appartements.

Un autre facteur qui affecte la concurrence des combustibles au Québec, c'est la taxe de vente de 8% sur les combustibles à chauffage qui s'applique à l'électricité cette fois et au gaz, mais non à l'huile pour fins de chauffage.

Dans ces conditions, l'acquisition de nouveaux marchés par le gaz naturel, bien que réalisable dans les franchises existantes, demeure très difficile. Ceci est démontré par la partie en bleu du graphique no 1, surtout si on élimine la part de SIDBEC, et dans le tableau no 1 par les données de la colonne du milieu, sous le titre de Développement faible.

Si on considère l'année 1976 comme année de base et si on exclut SIDBEC, l'augmentation absolue de 1976 à 1995 est de 69 milliards de pieds cubes avec un taux annuel moyen d'accroissement de 3,4%. Les prévisions pour SIDBEC portent l'augmentation à 124 milliards de pieds cubes avec un taux annuel moyen d'accroissement de l'ordre de 5%.

Deux mots sur les hypothèses qui ont été utilisées. Dans la nouvelle construction, on a prévu que le gaz naturel pénétrerait les marchés au taux de 12%, c'est-à-dire que 12% par année de nouveaux logements dans la franchise actuelle de Gaz métropolitain seront chauffés au gaz naturel. De plus, il a été tenu compte de la probabilité de la conversion de certaines installations qui deviennent vétustes. Au point de vue commercial, nous avons tenu compte d'un historique des deux dernières années et nous avons inclus une augmentation de l'ordre du milliard de pieds cubes par année dans les premières années de la prévision et passant à 1,5 milliard. Dans le secteur industriel, considérant que 60% de l'énergie consommée par le secteur industriel au Québec se trouve dans la franchise actuelle de Gaz métropolitain, ce que nous avons fait, c'est que, de ces 60%, nous avons estimé que le gaz naturel prendra 15% pour toute la période.

Passons maintenant au développement fort,

qui est représenté par l'aire rouge. L'hypothèse fondamentale de base utilisée dans le cas du développement fort est le maintien pendant toute la période d'un avantage concurrentiel en faveur du gaz de l'ordre de 10% à partir de 1981, quand de nouvelles sources d'approvisionnement seront disponibles ou au moins quand on aura sûrement l'assurance qu'elles seront disponibles et qu'il n'y aura plus d'excédent de capacité de raffinage dans le Canada. Si les assurances d'approvisionnement sont rendues plus tôt, évidemment, on peut reculer le moment où la croissance peut augmenter. Avec un tel avantage, il sera possible d'augmenter substantiellement la part de gaz naturel non seulement dans les franchises existantes, mais également en dehors de ces franchises dans les principales agglomérations urbaines entre Montréal et la ville de Québec. A cet effet, nous avons tenu compte de la construction d'un réseau de transmission à partir de Beloeil allant à Saint-Hyacinthe, Drummondville, un embranchement vers Sherbrooke, ensuite Bécancour, Trois-Rivières et Québec. Nous avons également tenu compte d'un approvisionnement à Saint-Jean, à Granby, Cowansville, Joliette, Saint-Jérôme et Lachute. Les prévisions de consommation de gaz à l'intérieur des franchises existantes sont identiques dans les deux hypothèses, développements fort et faible, jusqu'à 1980. À partir de 1981, dans le cas du développement fort, l'accroissement de la consommation prévue dans le secteur résidentiel et commercial du développement faible a été doublé, c'est-à-dire qu'il est passé de 12% à 24%.

Dans le secteur industriel, l'accroissement de la consommation est quatre fois plus grand dans le développement fort comparé à l'hypothèse du développement faible, c'est-à-dire qu'il passe de 15% à 80%.

La consommation de gaz prévue pour SIDBEC est la même dans les deux cas.

Si 1976 est considérée comme année de base, l'augmentation absolue de 1976 à 1995 est de 334 milliards de pieds cubes avec un taux annuel moyen d'accroissement de 8,9%, après avoir déduit l'effet de la conservation. Si on considère la consommation totale d'énergie au Québec, au niveau du consommateur ultime, moins le secteur du transport — et toutes les données, d'après ce que j'ai vu, vous ont toujours été données avec le secteur du transport, nous l'avons calculé sans le secteur du transport — donc la consommation en 1995, la part du gaz naturel dans le bilan énergétique sera d'environ 14% dans le cas du développement faible, et d'environ 23% dans le cas du développement fort. En 1976, la part du gaz était d'environ 9%.

Deux mots sur la conservation d'énergie. Il a été estimé que les normes d'isolation plus élevées, imposées depuis 1975 par le code national de la construction et qui seront encore plus élevées à l'avenir, réduiront la consommation de l'énergie par logement de 20%. Ce pourcentage a été considéré raisonnable aussi pour les nouvelles installations commerciales. Donc, 20% ont été appliqués aux deux secteurs de consommation après 1975. Il a été également considéré que l'améliora- tion de l'équipement augmentera l'efficacité des systèmes de chauffage. La réduction dans la consommation d'énergie pour tenir compte de ce facteur a été de 1% par année pour les deux secteurs, résidentiel et commercial. Comme résultat, dans la cinquième année, la consommation d'énergie par unité sera moindre de 5%, dans la septième année, 7%, etc.

Ce facteur d'efficacité de l'équipement a été appliqué à toute la nouvelle consommation après 1975, ainsi qu'au remplacement d'appareils à raison de 5% par année pour le secteur résidentiel et de 6,7% pour le secteur commercial, en prenant pour base l'année 1975. Le facteur de conservation employé dans le secteur industriel a été de 1% par année jusqu'à un maximum de 15% qui a été atteint en 1990. L'effet global de la conservation sur la prévision de la consommation de gaz naturel au Québec est montré au tableau no 3. Il est d'environ 1% par année. En termes absolus, en 1995, la réduction de la consommation sera de 44 milliards de pieds cubes, dans le cas du développement faible, et de 102 milliards de pieds cubes pour le développement fort.

M. le Président, M. le ministre, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Laplante): Merci Monsieur. M. le ministre.

M. Joron: II y a beaucoup de questions soulevées par votre mémoire, M. Archambault. Je ne sais pas trop par laquelle commencer. En rétablissant les chiffres que vous mentionnez, vous calculiez la part possible, à l'avenir, du gaz naturel selon les deux scénarios que vous avez retenus en excluant le secteur du transport. J'ai essayé de les retransposer, incluant le secteur du transport dans le bilan total avec lequel on a eu l'habitude de discuter jusqu'ici, ça voudrait dire quelque part entre 10% dans l'hypothèse faible et 16% dans l'hypothèse forte par rapport au 6% actuel.

La possibilité, par contre, pour le Québec, d'envisager de recourir davantage au gaz naturel à l'avenir, vous l'avez liée très directement avec le transport du gaz du delta du Mackenzie.

Vous avez mentionné, à un moment donné, qu'il faudrait que le gouvernement du Québec appuie ce projet s'il veut avoir du gaz et qu'il serait stupide de se lancer dans une expansion du réseau de distribution sans avoir cette garantie d'approvisionnement.

Quelle est la forme de cet appui que vous sollicitez de la part du gouvernement du Québec?

M. Archambault: La décision quant à l'autorisation de la construction de ce réseau sera une décision prise par le gouvernement fédéral, si c'est recommandé par l'Office national de l'énergie. Les auditions qui sont présentement en cours portent sur des projets concurrentiels. L'Office national de l'énergie fera sa recommandation au gouvernement et je suis persuadé qu'à ce niveau-là il y a sûrement des considérations politiques qui entrent en jeu, puisque la loi veut bien que ce soit

le gouverneur général en conseil qui autorise la construction.

M. Joron: J'aurais peut-être une question plus fondamentale liée au prix. Vous avez mentionné le désavantage concurrentiel actuel du gaz. Pourriez-vous élaborer un peu? Je veux vous demander ce que vous pensez du principe actuel qui veut qu'il y ait une relation déterminée, fixe, entre le prix du pétrole ou l'équivalent de BTU d'un baril de pétrole et de X pieds de gaz, qui est une relation de 85%, à l'heure actuelle, comme on dit "at city gate", zone de Toronto, qui est la même que celle de Montréal. Cela paraît curieux, mais il y a un escompte de 15%. Qu'est-ce qui fait que, rendu chez le consommateur, il existe un désavantage? Est-ce seulement la taxe de vente ou si c'est le coût de la distribution municipale à l'intérieur de...

M. Archambault: C'est sûrement une foule de facteurs. C'est une question qui, du reste, est posée assez souvent. Le 85% "city gate" versus brut livré dans la région de Toronto...

M. Joron: Oui.

M. Archambault: ... en fait, ce n'est qu'une approximation. On a trouvé cette formule comme étant une formule... En fait, tout le monde pensait qu'effectivement la parité est de 100%, alors qu'elle n'est clairement pas de 100%. A 85%, déjà, dans le cas de Gaz Métropolitain, on est en dessous de la parité. Dans le cas des distributeurs on-tariens, c'est à peu près juste à la parité et c'est 85%.

M. Joron: Pourquoi?

M. Archambault: II faudrait que...

M. Joron: Rendu chez le consommateur, ce dont vous parlez?

M. Archambault: Oui, rendu chez le consommateur.

M. Joron: Ah! bon.

M. Archambault: Pour que ce soit égal, il faudrait que la marge de la raffinerie et les coûts de distribution soient exactement les mêmes. Or, ce serait vraiment une coïncidence incroyable que ce soit les mêmes pour toutes les raffineries dans la région de Toronto et les raffineries dans la région de Montréal. Ce n'est qu'une approximation. On s'est servi de cette formule qui était plus commode. La formule plus complexe, qui était celle des arbitrages, c'était d'analyser vraiment chaque secteur au "burner tip" c'est-à-dire secteur domiciliaire, commercial, appartement et tout. Là on faisait un amalgame et on arrivait à un prix moyen.

Mais le problème avec cela, le résultat absurde, c'est que le gaz naturel se serait vendu plus cher en Saskatchewan qu'à Montréal, alors qu'il est transporté sur 2000 milles à Montréal, ce qui n'était pas tout à fait acceptable pour les gens de l'Ouest, j'en suis sûr.

M. Joron: II y a un autre facteur, je présume. La distribution du gaz naturel dans une franchise constituait un monopole, alors que la présence de plusieurs raffineries et un marché libre des prix de détail font qu'on ne sait jamais exactement ce que seront les prix de détail. Je vois que la comparaison est difficile.

Est-ce que vous avez une suggestion à cet égard? Vous avez basé votre raisonnement, au départ, en disant: II ne pénétrera pas, s'il n'est pas concurrentiel. Accroché au système actuel, il ne le sera jamais. Que faut-il qu'il arrive pour qu'il le devienne? Autrement, on va arrêter d'en parler.

M. Archambault: Je n'ai pas de solution précise, mais je peux vous donner les parties de l'équation qu'il faut changer, d'une part, parce que je dis que 85% est une mesure approximative. C'est quand même une mesure. Si c'était moins de 85%, bien sûr, il y aurait possibilité que, dans les marchés, le gaz naturel soit en fait un avantage concurrentiel adéquat pour étendre les réseaux et prendre une part du marché satisfaisante, ou si l'huile, en fait, coûte plus cher dans les marchés, les produits finis... Ce qui se produit à Montréal, c'est que vous avez l'huile no 6 dans la région de Montréal, en particulier, qui se vend beaucoup moins cher que le no 6 dans la région de Toronto et même que le "crude". Un gallon d'huile no 6 se vend sensiblement moins cher que le gallon d'huile non raffinée. C'est de l'huile résiduelle, si vous voulez, mais il y a déjà eu un traitement.

M. Joron: C'est en raison de l'équilibre de raffinage des différentes...

M. Archambault: C'est cela.

M. Joron: ... raffineries qui produisent des surplus de "bunker" et qui fait que...

M. Archambault: Voilà.

M. Joron: C'est difficilement contrôlable aussi.

M. Archambault: La première façon, changer le 85% ou agir dans le cadre de la Loi sur l'administration du pétrole, c'est-à-dire que, déjà, vous avez une loi, déjà, vous avez une autorité politique qui existe, les structures sont là. Augmenter ie prix de l'huile dans la région de Montréal, je ne crois pas que les structures soient là. Il n'y a pas de régie encore. Si vous créez une régie, à ce moment, bien sûr que vous pouvez obtenir l'effet désiré.

Troisième chose, c'est encore créer une structure — ce n'est pas une recommandation que je vous fais, je vous donne les moyens — et faire une espèce de péréquation entre les sources d'énergie. Remarquez qu'au point de vue résidentiel, ce n'est pas seulement l'huile maintenant, c'est l'électricité, véritablement — même si l'huile montait sensiblement, le grand problème au point de

vue résidentiel — qui est presque exactement au même prix que le gaz naturel ou l'huile.

M. Joron: En somme, ce que vous nous dites, si on peut résumer de façon peut-être un peu simple, c'est que la pénétration du gaz naturel dépend d'une hausse substantielle de prix du pétrole, d'une part, et d'une hausse substantielle aussi des tarifs d'électricité.

M. Archambault: Et d'une hausse moins substantielle du gaz.

M. Joron: C'est cela. Que le taux de 85% tombe à 80% ou à 75%, ce qui est un facteur que le gouvernement du Québec ne contrôle pas, bien entendu, cela est une décision. Tout cela rend assez aléatoire l'intérêt du Québec, à ce moment, de se lancer vers le gaz naturel; il ne pourrait résider que dans le fait que les approvisionnements ou la sécurité des approvisionnements ou l'abondance des approvisionnements serait beaucoup plus considérable que tout le reste; autrement, on n'en parlerait même pas. Je reviendrai dans un petit moment sur la question des approvisionnements. C'était ma deuxième question. Pour finir sur les prix, peut-on imaginer le scénario suivant: En 1980-1981, présumons que les intentions annoncées du gouvernement fédéral font que le prix du brut canadien ait atteint les prix mondiaux, qui, déjà, sont peut-être plus élevés à ce moment, mais que le système de quasi-indexation du prix du gaz à celui du pétrole, fait que la proportion reste la même, les deux montent, mais l'un étant accroché à l'autre, il y a toujours cette différence de 15%. Une fois que les prix intérieurs sont ceux des prix mondiaux, et étant donné le fait qu'il y a une surcapacité de raffinage au Québec, à l'heure actuelle, de l'ordre d'à peu près 25%, et qu'on présume aussi que les premiers effets peut-être — ou parmi les premiers effets — d'une campagne d'économie d'énergie pourraient porter sur le secteur du transport, sur l'automobile aussi, on pourrait imaginer que la consommation d'essence en 1981, serait inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui. A ce moment, vous allez avoir un plus haut surplus encore dans les raffineries et un plus grand déséquilibre encore, en somme, du fait qu'ils vont produire plus d'huile de chauffage et de "bunker". Dans la mesure où il n'y a pas de régie pour réglementer ces prix, vous risquez d'avoir une quasi-situation de dumping plus grave encore que celle qui existe aujourd'hui, rendant encore beaucoup plus difficile la concurrence du gaz naturel.

M. Archambault: II n'y a aucun doute. Dans la mesure où les producteurs de l'Alberta veulent vendre leurs produits gaziers, parce qu'ils veulent bien les vendre, ils vous l'ont dit, hier, qu'ils veulent les vendre, il faut constamment leur rappeler qu'une chose se vend à un certain prix. Alors, ce qu'on vous dit... Depuis deux ou trois ans, les gens nous disent: Vous ne construisez pas un réseau, pourquoi Gaz Métro n'augmente-t-il pas plus? C'est une question de prix. Si le prix est suffisamment bas, on ne dit pas de donner le gaz, le gaz va se vendre. Comment rendre le gaz bas? Comme je vous ai dit, on peut aller des deux côtés de l'équation. Il y a une autre chose que j'ai oublié de vous mentionner, c'est que, bien qu'aujourd'hui, on se serve de 85%, à Toronto encore, c'est bien commode, si vous avez suivi l'évolution du "Commodity Value", ce qu'on recherchait, c'est de créer un prix pour le gaz où, effectivement, il concurrence dans chaque marché de la compétition.

Or, si on est des puristes, techniquement parlant, le gaz devrait être moins cher à Montréal que n'importe où ailleurs à l'est de l'Alberta. Vous pouvez faire des représentations à cet effet. D'après moi, au point de vue philosophique de la "commodity value", c'est tout à fait approprié. La formule de 85% à Toronto n'est pas une formule sacro-sainte. Ce n'est pas la formule qui est dans la loi. En fait, la loi est très flexible. Il y a trois ou quatre critères. Mais si on regarde toutes les études d'indexation qui ont été faites et les rapports et les études très poussés qui ont été faits lors des arbitrages avec Gulf, cela a été vraiment, je vous assure, des travaux qui ont été faits de la part de Gulf et de la part de TransCanada et qui ont été très poussés. On allait tous vers le "Commodity value burner tip". A ce moment-là, inéluctablement, chaque distributeur aurait un prix du gaz naturel, une "commodity value" qui serait différente et, incidemment, comme je vous ai dit, ce serait à Montréal que ce serait le plus bas.

M. Joron: Bon! Enfin, en résumé, je ne veux pas poursuivre trop longtemps. La question des prix est loin d'être réglée, à ce qu'on voit. Le problème est plus que complexe.

Seulement un mot maintenant peut-être sur les approvisionnements. Si le Québec s'en va plus fortement vers le gaz, quelles sont les quantités dont on peut être assuré et pour combien de temps, par rapport à ce qui viendrait du Mackenzie, d'une part, et, d'autre part, quels problèmes cela pose-t-il, à vous, comme transporteurs, au point de vue de votre capacité? Si on prend, par exemple, votre scénario de développement fort, où on voit plus que quadrupler d'ici 1995 la consommation de gaz au Québec, même quintupler en chiffres absolus, êtes-vous en mesure, avec les installations actuelles, de fournir cette capacité? Qu'est-ce que ça implique comme altérations, investissements et délais?

M. Archambault: Non, il n'y a aucun doute que les installations actuelles ne suffiraient pas. Nous construisons des installations pour répondre à peu près exactement aux exigences de nos clients. On n'a pas de capacités excédentaires. On ne planifie pas de capacités excédentaires. Evidemment, si les soupapes sont à dix milles et qu'on a seulement besoin de cinq milles de tuyaux, on va faire les dix milles pour faire une autre soupape qui va probablement coûter très cher. Mais il n'y a vraiment pas de capacités excédentaires importantes annuelles dans le réseau de TransCanada.

Nous avons fait et soumis une étude, il y a à

peu près un an, un an et demi, auprès de l'office, et cette étude prévoyait le transport de tout le gaz disponible du delta. Maintenant, je ne peux pas vous dire exactement quelle était la quantité du marché pour le Québec. Il faudrait que je voie. Mais, à ce moment-là, nous estimions qu'en dollars 1981 ou 1982, nous devions construire environ pour $1 milliard d'installations par des voies de ceintures et la compression additionnelle sur notre système.

M. Joron: Essentiellement, ce n'est pas une question de dédoublage du tuyau existant.

M. Archambault: Oui. Il faudra le dédoubler. M. Joron: II faudra le dédoubler aussi? M. Archambault: Oui.

M. Joron: J'avais d'autres questions, mais je ne voudrais pas monopoliser...

M. Forget: Vous avez exprimé dans votre mémoire un point de vue assez prudent sur les possibilités d'expansion et vous vous basez, comme vous l'avez dit, sur la nature compétitive quant au prix du produit que vous transportez. Dans le marché du Québec, il y a des prévisions qui sont basées sur cette argumentation. J'aimerais avoir, cependant, vos indications ou les chiffres du gaz que vous avez, la croissance des livraisons de gaz que vous avez faites au marché de l'Ontario, disons depuis 1972.

Y a-t-il eu une croissance?

M. Archambault: Une croissance de livraison de gaz en Ontario depuis 1972? Pour vous donner les chiffres précis... Je ne les ai pas ici. En 1973, l'augmentation des livraisons de gaz en Ontario fut la même qu'au Québec. Nous avions un problème, à ce moment. Dans un permis albertain, précisément, on ne pouvait pas livrer à nos clients tout le gaz dont ils nous avaient dit qu'ils avaient besoin. Alors, il a fallu faire une "proration" qui n'a pas été énorme, mais quand même il fallu faire une "proration" et celle-ci s'est faite par rapport au pourcentage de la consommation annuelle de chaque client. Donc, tout le monde est monté en pourcentage de la même façon, en valeur absolue évidemment. L'Ontario, qui prend 500 BCF, a eu plus en valeur absolue que Québec ou Gaz Métro, qui en prenait 60. En pourcentage, c'est la même chose.

M. Forget: Mais cela ne prouve rien, parce que c'est un phénomène de rationnement.

M. Archambault: Depuis ce temps, l'augmentation en pourcentage a été plus sensible au Québec.

M. Forget: Elle a été plus sensible au Québec?

M. Archambault: Oui. En pourcentage? Ah oui. Surtout à cause de SIDBEC.

M. Forget: Mais SIDBEC mise à part, non.

M. Archambault: SIDBEC mise à part... Il faudrait que je regarde mes chiffres. L'augmentation depuis 1972 et 1973 au Québec est assez forte en pourcentage, mais la base est très faible. Mon collègue, M. Pop, faisait des études sur la concurrence et regardait le marché. Il a téléphoné à un collègue à Calgary pour connaître la concurrence domiciliaire électrique, et le type lui a dit: Je viens de perdre 50% de mon marché, mais il avait deux maisons. Il y en a une qui a passé au gaz. Il a perdu 50%.

M. Forget: Mais, vous savez, tout cela peut s'interpréter de bien des façons. Quand vous partez d'une base basse, ce n'est pas une raison d'être pessimiste. C'est plutôt une raison d'être optimiste parce que la seule façon de changer, c'est à la hausse et la même chose... Le fait de la pénétration considérable dans le marché de l'Ontario, les conditions de concurrence entre le pétrole, l'électricité et le gaz, ce ne sont quand même pas des mondes de différence. C'est une question de degré.

Je comprends qu'il y a une question de taxes ici qui n'existe peut-être pas de la même façon en Ontario, mais il reste que c'est 8%. Ce n'est pas 20%, ce n'est pas 30%. Ce que je veux dire c'est qu'il y a l'image d'une économie, dans le fond pas tellement différente, celle de l'Ontario, où il y a une pénétration considérable. Il y a un taux très bas de pénétration au Québec, donc un potentiel qui semble là. Il y a des conditions économiques pas tellement différentes au point de vue prix, au point de vue concurrence des autres sources d'énergie.

Tout cela nous amène à une conclusion, c'est qu'il y a un potentiel considérable au Québec et j'ai de la difficulté à concilier cela avec l'expression très réservée que je retrouve dans votre mémoire. Je vais vous dire très franchement que j'en arrive à ceci, c'est que nous avions, hier, en commission, l'Association des producteurs indépendants de produits du pétrole, Indépendant Petroleum Association, qui, eux, affirment avoir des réserves, dans les régions classiques de l'Alberta, suffisantes pour même doubler les livraisons au Québec. D'autres organismes qui sont impliqués dans le transport du gaz nous ont affirmé que c'était plausible, au moins que les facilités actuelles, ceux qui vous fournissent, à vous, de l'Alberta, du gaz, qu'il était plausible, mais que ce serait évidemment de vous poser la question à vous d'augmenter considérablement la capacité à un coût minime. (Tout cela était conciliable parce que les contrats qui pouvaient être obtenus des producteurs de l'Alberta étaient d'une durée de 15 ans, ce qui paraissait, même si c'est plus court que ce qui s'est fait dans le passé, suffisant pour amortir ce qui vous en coûterait à vous d'investissement additionnel pour doubler la capacité).

Alors, finalement, on boucle le cercle et on en vient à la question de Gaz Métropolitain qui a exprimé la même réserve que vous sur les possibilités d'expansion du marché au Québec. On en

vient presque à la conclusion qu'il manque peut-être un coup de pied au bon endroit pour trouver tout à coup la recette qui va faire se développer le marché du gaz au Québec.

M. Archambault: D'abord, pour ce qui est de la capacité et des coûts minimums de transport, laissez-moi vous répéter que si un distributeur nous demande de lui livrer tant de millions de pieds cubes additionnels par jour, soit de lui vendre ou de transporter ce gaz qui serait vendu par un autre en Alberta, nous sommes prêts à aller devant l'Office national de l'énergie et construire les installations nécessaires. Alors, cela est passé.

M. Forget: Avant quinze ans, il n'y a pas de problème. S'il y a un contrat de quinze ans, pour vous cela ne pose pas de problème.

M. Archambault: S'il y a un contrat de quinze ans, ce n'est pas insurmontable. C'est moins bon que 20 ans, mais ce n'est pas insurmontable.

Ceci dit, pourquoi Gaz Métro, l'an dernier, nous a-t-il demandé de construire des installations suffisantes pour transporter 16,7 BCF de plus. C'est parce que leur étude du marché, l'augmentation de SIDBEC et tout faisait en sorte que c'est ce dont ils pensent avoir besoin. Gaz Métropolitain, comme tout autre distributeur, veut améliorer son service, veut grandir, cherche à pénétrer les marchés. Parce que lui est pris à long terme, quand même.

Il va être pris assez longtemps avec nous. Il veut absolument s'assurer d'un marché pour son gaz. Toutes les études qu'on peut faire, ça revient toujours à une question de prix. Vous disiez qu'en Ontario c'est peut-être la même chose qu'au Québec, mais, alors, qu'au Québec le désavantage moyen pondéré est de l'ordre de $0.12, en Ontario, dans la région de Toronto, l'avantage moyen pondéré est de $0.06. C'est quand même une différence.

Le Président (M. Laplante): Le député de Mont-Royal, dernière intervention.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Au sujet du pipe-line du Mackenzie, vous savez sans doute qu'il y a eu des auditions par la commission Berger quant aux réclamations des autochtones et que le gouvernement fédéral attend les recommandations de cette commission. Qu'arriverait-il si les recommandations de la commission Berger étaient à l'effet qu'il devrait y avoir un moratoire, qu'il ne devrait pas y avoir de développement du pipe-line, premièrement, avant que les réclamations des autochtones soient réglées ou bien qu'ils fixent un délai de deux ans ou plus avant que vous puissiez commencer des travaux sur le pipe-line? Quelle serait votre position?

M. Archambault: On est un peu talonné par la situation américaine. Vous savez, ce n'est même pas un secret de polichinelle, les Etats-Unis sont en pénurie très grave de gaz naturel en ce moment, très très grave. Ils ont de 20% à 25% ou 30%

TCF (mille milliards de pieds cubes) au nord de l'Alaska. Vous êtes au courant que le juge de première instance "the presiding judge" du Federal Power Commission a recommandé l'adoption du projet Canadian Arctic Gas et, en second, celui d'EI Paso qui prévoit le transport du gaz par pipeline de la côte nord de l'Alaska vers la côte sud et, ensuite, liquéfaction et transport par bateau.

Il y a un appareil législatif qui est présentement en place qui donne au président jusqu'au 1er septembre, je crois, pour indiquer au Congrès son choix. Je crois que le Congrès a 60 jours pour décider; ensuite, je me perds un peu dans leur procédure. Mais, à tout événement, les Etats-Unis ont un échéancier vraiment assez bref. Somme toute, vers la fin de 1977, la décision doit être prise quant à eux. Cela ne fait aucun doute que, si du côté canadien on dit: On va retarder trois ans, quatre ans, cinq ans, ils vont prendre la décision d'aller à El Paso; ils vont faire un pipe-line, ils vont faire des bateaux et ils vont transporter leur gaz par voie maritime.

A ce moment-là, et c'est cela qui est très malheureux, il est possible que le gaz qui se trouve dans le delta du Mackenzie y reste pour très longtemps. Quant à la question de pipe-line unique pour le marché canadien, le coût devient astronomique et il n'y a pas cette flexibilité extraordinaire des marchés. A ce moment-là, je ne sais pas quel sera le scénario des approvisionnements futurs. Mais ce sera vraiment malheureux.

D'autre part, la question carrément canadienne, à savoir ce qu'il arrive si on dit: Vous devez traiter avec les Indiens et arriver à un compromis, à une entente. J'espère qu'on trouvera une autre solution que celle-là. Le pipe-line, de toute façon, il sera là pendant 20 ans, 25 ans, ou il produira pendant 30 ans. Je crois que ce serait malheureux, tant pour les gouvernements qui sont intéressés, tant pour les autochtones, d'avoir un échéancier un peu trop sévère pour régler leurs problèmes. S'ils ont des droits, ils en ont, ils sont là. Ils sont là, indépendamment du pipe-line. Il serait souhaitable de régler la compensation qui doit être faite avant la construction, mais je ne crois pas que ce soit indispensable. Il faudrait, par contre, trouver un modus Vivendi et assurer que les droits qu'on leur reconnaît seront compensés dans une mesure juste et équitable. Il faut, en fait, avoir bonne foi d'un côté et de l'autre.

M. Ciaccia: Même si vous dites que ce serait difficile — je comprends votre échéancier — de régler avant la décision qui doit être prise, il y a les tribunaux auxquels les Indiens peuvent avoir recours, comme ils ont fait dans d'autres endroits de notre pays.

M. Archambault: Vous en savez quelque chose.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle je vous demande ceci, c'est que vous nous avez fait certaines recommandations, peut-être qu'on peut, en réciprocité, vous en faire d'autres. Est-ce que votre compagnie elle-même est impliquée avec les

autochtones? Est-ce que vous faites quelque chose pour essayer de hâter, non pas de hâter, mais de contribuer à la solution des problèmes qu'ont les autochtones dans les endroits où vous voulez construire votre pipe-line? Ou est-ce que, comme la plupart des autres développeurs dans telle situation, vous vous fiez que le gouvernement va régler ces problèmes et que ce n'est pas un problème vraiment vôtre directement, mais que c'est un problème dont le gouvernement devrait se préoccuper?

M. Archambault: Non, nous croyons que c'est sûrement une responsabilité sociale de l'exploitant du gazoduc. Il y a des programmes qui ont été mis en route il y a déjà trois, quatre ou même cinq ans, dans le but de prendre des autochtones et de les faire travailler — à Alberta Gas Trunk Line, nous en avons enfin — les intégrer et les intéresser au système de transport. Il y a des programmes de ce côté-là.

M. Ciaccia: Je comprends. Ce sont des programmes économiques que même d'autres compagnies essaient d'avoir.

J'allais un peu plus loin que cela. Vous n'avez pas essayé de vous impliquer dans les réclamations mêmes des autochtones?

M. Archambault: Non. A TransCanada, même en tant que participant à Canadian Arctic Gas, nous ne l'avons pas fait. Si Arctic Gas l'a fait elle-même, je ne le sais pas. Apparemment, Arctic Gas ne l'a pas fait non plus. Il n'y a pas de négociation directe entre Arctic...

M. Ciaccia: S'il y avait un conseil qu'on pourrait vous donner, ce serait de peut-être ne pas laisser ces questions totalement au gouvernement.

M. Archambault: Je prends note de votre suggestion.

M. Ciaccia: Parce que cela peut être assez épineux, à rencontre d'expériences dans d'autres parties du pays.

M. Archambault: Oui.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, sur ce dernier conseil, les membres de cette commission vous remercient du travail que vous avez apporté. Merci!

M. Archambault: Merci, monsieur! Le Président (M. Laplante): M. le ministre. Conclusions

M. Joron: M. le Président, puisque là se terminent nos travaux, il est peut-être opportun, non pas de faire le point, ni de faire un grand discours, mais tout simplement de dire deux mots et quelques remerciements d'usage aussi et peut-être une appréciation très sommaire.

Brièvement, je voudrais dire trois choses, une première, sur la forme, on pourrait dire une deuxième sur le fond. Sur la forme, je pense qu'on peut tous se féliciter des séances de cette commission, qui ont duré trois semaines et qui ont permis d'entendre une quantité considérable d'intervenants. Je n'ai pas de statistiques historiques des séances des commissions parlementaires à l'Assemblée nationale du Québec, mais c'est certainement une des commissions qui a entendu le plus grand nombre de participants et de provenance nettement différente aussi. On pourrait appeler cela en quelque sorte un exercice de participation du public à une des questions les plus fondamentales de l'heure, cet exercice m'apparaît très valable et très prometteur.

Je voudrais souligner aussi le grand intérêt que, globalement, les mémoires qui nous ont été présentés comportaient. Il n'y a pas de doute que tout cela sera immensément utile dans la tâche qu'entreprend le gouvernement de définir une politique énergétique au cours de l'année qui vient.

C'était là une première étape, le démarrage, si vous voulez, de ce processus d'élaboration d'une politique énergétique qui a donc commencé par ce qu'on pourrait appeler un vaste exercice de consultation auprès du public en général.

Je pense qu'il faut souligner aussi que, alors qu'au début, la question apparaissait peut-être à certains — cela porte sur le fond maintenant—limitée au secteur énergétique, bien que tout le monde sache que le secteur énergétique est déjà en soi très important, on s'est aperçu, au cours de nos discussions des trois dernières semaines, que la question s'ouvrait graduellement et que, finalement, les problèmes que soulève la question énergétique ou sur lesquels cette question nous amène à nous interroger débordent assez largement ce qu'on pourrait appeler une stricte analyse énergétique de nos problèmes et débouchent fondamentalement sur des problèmes beaucoup plus vastes.

Ces problèmes, il faut le dire sans faire d'enflure verbale, vont jusqu'à remettre en question le type de société dans lequel on vit et fournissent l'occasion de commencer à s'interroger sur un modèle différent, pas radicalement différent, mais enfin, un nouveau modèle qui serait celui du contexte dans lequel on vivrait, probablement, au XXIe siècle. Je pense que le débat s'élargit. Ce sera là un grand débat qui ne se terminera certainement pas avec la publication, plus tard au cours de l'année, d'un livre blanc, bien que ce livre blanc contenant la politique énergétique du gouvernement aura sans doute des incidences très grandes sur ce débat, mais je pense que ce débat va continuer dans les prochaines années. On ne le réglera pas en une année. On ne règle pas un siècle en quelques mois, c'est certain. Il est bon de souligner que les séances de notre commission auront possiblement été le point de départ ou l'ouverture, si vous voulez, à un beaucoup plus vaste débat auquel on ne peut qu'inviter tous les citoyens à participer.

Mon dernier mot, c'est pour remercier les membres de la commission de leur participation à

nos travaux depuis trois semaines. Je pense que, de chaque côté de la table, la qualité des interventions a été remarquable. Il faut souligner aussi qu'on a pu... C'est vrai que c'était une grande question sérieuse et que, quand les grandes questions fondamentales se posent, on met de côté la partisanerie politique et ces choses. Je pense qu'on a vu un exemple de cela ici, d'une commission qui fonctionnait admirablement bien, en dehors de toute partisanerie politique. Et on peut croire, avant que la nouvelle session ne commence, dans une dizaine de jours, que c'est peut-être de bon augure sur le type de délibérations qui auront lieu dans ce nouveau Parlement.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je voudrais m'associer aux remarques du ministre, au moins en partie, pour remercier les nombreux groupes qui ont, de leurs mémoires et de leur contribution verbale, tenté d'éclairer, avec un succès qui reste à être déterminé, les membres de la commission. Quand on pense à la masse de travail que ceci représente, je crois qu'il y a sans aucun doute une dette de reconnaissance, au moins, qui a été contractée par les membres de l'Assemblée nationale envers tous ces groupes. C'est une occasion de plus de voir que les commissions parlementaires constituent de plus en plus, et ceci depuis quelques années maintenant, un des mécanismes de base de l'examen des problèmes, de l'évolution de la société. Lorsque le ministre a fait allusion au livre blanc qui s'en vient, j'ai cru qu'il allait enchaîner pour nous faire anticiper la possibilité que cette commission soit saisie de ce document avant qu'il soit peut-être absolument final, de manière que le sérieux et l'absence de partisanerie qu'il a pu déceler dans nos travaux puissent avoir l'occasion de se manifester à nouveau, de manière que, peut-être même, certains groupes au moins qui sont venus ici et qui pourraient contribuer, de façon plus spécifique, à ce moment, avec des questions précises et des options clairement délimitées' que tout cela puisse se faire avant que le Québec s'embarque dans une politique énergétique. Je le dis sans intention péjorative; au contraire. Le moment des choix va venir et c'est ce moment qui est important.

J'espère que les membres de l'Assemblée nationale et des groupes intéressés auront l'occasion de venir en discuter à nouveau. L'ennui d'une commission comme celle-ci, malgré ses avantages, c'est que tout le monde fonctionne un peu à vide. On apprend en travaillant, en quelque sorte, mais la phase la plus importante, c'est le moment où les choix sont posés. Pour ma part, j'ai également beaucoup apprécié l'atmosphère dans laquelle se sont déroulés nos travaux. J'attends, avec impatience, la suite. Maintenant, pour ce qui est de l'absence de partisanerie, je voudrais, à la fois, rassurer le ministre sur la pureté des intentions de l'Opposition officielle, mais, en même temps, éviter des illusions quant au climat qui va régner à l'Assemblée nationale dans d'autres discussions.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, j'aimerais aussi, au nom de mon groupement, souligner qu'on a apprécié de façon particulière cette commission parlementaire qui a été intéressante sous différents aspects. Je pense que les mémoires qui nous ont été présentés, ont apporté un éclairage passablement intéressant et assez complet sur l'ensemble de la situation. On est passé par les compagnies pétrolières, les tenants de l'énergie douce, du nucléaire. On a touché un petit peu tous les aspects. Comme le disait le ministre, on a élargi le débat jusqu'à un certain point. Je pense que c'est dans ce contexte-là que le gouvernement devra prendre les décisions pour l'avenir, parce qu'il se dégage aussi de cette commission parlementaire le fait que des décisions devront être prises à court terme, mais qui engagent quand même tout un avenir. Dans ce sens, on ne peut pas envisager la situation de façon sectorielle ou par brides. Je pense que ce but heureux que les débats s'étendent de cette façon et qu'on ait des gens de différentes écoles qui viennent nous soumettre leurs préoccupations, leurs suggestions. Cela a eu comme effet de nous sensibiliser au fond du problème, dans certains cas, et de nous sensibiliser peut-être à des voies nouvelles qu'il faudrait explorer. Dans ce sens, j'ai aimé l'ouverture des membres de la commission à ce sujet, du ministre aussi. Il n'a pas eu peur de dire: Oui, on est prêt à explorer, dans les domaines nouveaux, les suggestions qui semblent peut-être un petit peu hors contexte même, à un moment donné, mais il vaut la peine de regarder de ce côté ou, du moins, d'envisager le bien-fondé de certaines de ces propositions.

En ce qui nous concerne en matière de politique énergétique globale, disons que ce n'est pas un élément nouveau. On y croyait déjà, et on espère que, de ce côté, il y aura des actions concrètes de prises bientôt pour arriver à des décisions globales où on saura davantage où on s'en va. Il y a la question du livre blanc qui s'en vient bientôt. Je pense, à ce sujet, que le ministre a passablement de pain sur la planche.

Ce que je retiens de l'ensemble de la commission aussi — il faut le souligner à ce stade-ci — c'est la dépendance du Québec en matière énergétique. Disons qu'on a tracé, à travers nos discussions, une espèce de radiographie de notre situation énergétique. Lorsqu'on dégage, globalement les petits 22% de notre production totale en matière d'électricité et notre potentiel maximal, qui peut s'étendre à 30% ou 40% dans les années à venir si on développe au maximum toutes nos possibilités, par rapport à 70% de dépendance du pétrole de l'Ouest et du gaz naturel à être exploité et également des pays du Moyen-Orient qui peuvent jouer politiquement différentes cartes dans un avenir plus ou moins rapproché, je pense que l'ensemble de cette situation nous permet de tirer

comme conclusion que le Québec se trouve quand même — il faut se l'avouer — dans une position de dépendance et d'une certaine vulnérabilité. Si ce n'est pas immédiatement, du moins à moyen terme, ce n'est quand même pas très éloigné.

On peut dégager aussi, je pense, de l'ensemble de la commission, le fait que la crise de l'énergie ou la course à l'énergie, si on peut l'appeler ainsi, devient une réalité permanente avec laquelle il faudra s'habituer à vivre. Et je pense que dans ce sens, lorsque le ministre dit qu'il a l'intention d'élargir le débat et de le continuer, il fait appel à cette conscience qu'il a du fait que le problème devient permanent.

Je pense qu'on ne doit pas reculer devant ce fait et le voir tel quel. Peut-être que cela fait appel aussi à certaines suggestions qui ont été faites de maintenir une consultation permanente avec les groupes intéressés pour, peut-être, arriver à trouver les solutions les plus pratiques, les plus facilement applicables, même à court terme, étant donné qu'on a quand même des échéances à rencontrer de ce côté.

Je tiens à souligner, de façon particulière, que j'ai bien apprécié moi aussi la façon dont la commission parlementaire a travaillé, en souhaitant aussi que les autres commissions parlementaires, dans l'avenir, puissent fonctionner de la même façon.

Je me rappelle avoir participé, dans le passé, à des commissions parlementaires qui n'avaient pas la même qualité, à cause peut-être d'attitudes. Je pense qu'ici, du moins ce que nous avons vécu, je tiens à souligner de façon particulière que je l'ai apprécié énormément parce qu'on a travaillé au niveau du problème comme tel et sans préjugé, mais avec la volonté de voir ce qu'étaient les situations. Je pense que nous avions tous les désirs d'arriver aux meilleures solutions possibles.

Dans ce sens, je tiens à remercier tous mes collègues de la commission parlementaire et féliciter aussi tous ceux qui ont présenté des mémoires pour leur valeur et pour l'intérêt qu'ils ont porté aussi à cette question.

En ce qui nous concerne, nous de l'Union Nationale, nous avons l'intention de participer de très près aux décisions qui seront prises de ce côté et même apporter des suggestions qui nous semblent aussi les meilleures.

Je vous remercie.

Le President (M. Laplante): Merci messieurs. A titre de président, il me reste aussi à remercier personnellement les membres de cette commission. Comme première expérience que j'ai eu à vivre, je l'ai vécue très agréablement en travaillant avec chacun de vous.

Je souhaite avoir d'autres commissions parlementaires de ce genre. C'est revalorisant pour une première expérience. Je souhaite de tout coeur que cela continue dans cet esprit, quelles que soient les commissions parlementaires. Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 19 h 3)

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