L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts

Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mardi 13 septembre 1977 - Vol. 19 N° 191

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des rapports des activités de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James ainsi que du nouveau règlement tarifaire


Journal des débats

 

Étude des rapports des activités de l'Hydro-Québec et de la Société

d'énergie de la Baie James ainsi que du nouveau règlement tarifaire

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs!

La commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts est réunie afin d'étudier les rapports des activités de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James, ainsi que le nouveau règlement tarifaire.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Dubois (Huntingdon) en remplacement de M. Brochu (Richmond); M. Desbiens (Dubuc), M. Garneau (Jean-Talon), M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Joron (Mille-Îles), M. Forget (Saint-Laurent) en remplacement de M. La-rivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin), M. Perron (Duplessis).

M. Joron: II y a un changement, M. Garneau.

Le Président (M. Clair): M. Garneau a déjà été mentionné, il est membre permanent de la commission. Sans plus tarder, je donne immédiatement la parole au ministre. Auparavant, il y aurait lieu de nommer un rapporteur, mais avant de le nommer, je tiens à mentionner que demain la commission siégera plutôt à la salle 81-A, étant donné que le salon rouge est réservé pour des activités officielles dans le cadre de la visite des parlementaires britanniques. Une suggestion pour un rapporteur?

M. Grégoire: M. Baril, peut-être?

Le Président (M. Clair): M. Baril d'Arthabaska agira à titre de rapporteur. M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre

M. Guy Joron

M. Joron: Merci, M. le Président. Messieurs les membres de la commission, je pense qu'au moment de débuter nos travaux, il n'est peut-être pas inutile de rappeler pourquoi nous sommes ici et dans quel cadre. Je fais un bref rappel des faits: Vous vous souviendrez qu'à la fin de juillet ou au début d'août, si ma mémoire est exacte, au milieu de l'été, je recevais une lettre de l'Hydro-Québec m'indiquant qu'elle était à la veille de faire parvenir au gouvernement une nouvelle proposition tarifaire pour les années 1978, 1979, 1980. Le contenu, les points essentiels de cette lettre ont été rendus publics. Dans cette lettre, l'Hydro-Québec évoquait également ce qui avait été dit au mois d'août 1976, en commission parlementaire, à l'époque où, répondant à la question suivante: Quelle était la prévision des tarifs pour les années nous conduisant jusqu'à 1980, l'Hydro-Québec avait indiqué, à ce moment-là, qu'elle souhaitait, qu'elle pensait nécessaire qu'il y ait des augmentations de tarifs de l'ordre approximatif de 17% par année pendant trois ans.

À cette lettre de M. Boyd, de l'Hydro-Québec, j'ai répondu, et les points essentiels de cette lettre ont également été rendus publics. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'à ce moment-là j'ai demandé à l'Hydro-Québec, avant de soumettre sa proposition tarifaire définitive, de ne la faire que pour un an seulement plutôt que pour trois ans, tenant compte du fait qu'un peu plus tard cette année, et avant la fin de cette année, le gouvernement entend publier un livre blanc sur sa politique énergétique et, évidemment, la tarification étant un des instruments de la gestion, de la demande, enfin, une partie importante de la politique énergétique, nous n'allions pas, trois ans à l'avance, déterminer l'avenir avant que la politique du gouvernement soit complétée sur ce sujet.

J'ai donc demandé à l'Hydro de ne soumettre une demande que pour une année seulement. Deuxièmement, à ce moment-là, j'avais également demandé que l'on tente, dès cette année, entre autres choses, d'abolir pour les consommateurs domestiques l'application des tarifs dégressifs, c'est-à-dire le principe selon lequel les premiers kilowatts consommés coûtent très cher et plus la consommation augmente, le coût des kilowatts baisse. C'est un principe que plusieurs pays ont rejeté il y a quelque temps dans la mesure où, entre autres choses, ce principe encourage ou peut encourager, en tout cas, une surconsommation ou une consommation moins efficace. J'ai donc demandé que l'on tente d'introduire dès cette année l'abolition de la "dégressitvité" des tarifs de façon que, comme pour l'huile à chauffage, quand la maison d'un consommateur est chauffée au moyen de l'huile à chauffage, le premier gallon coûte exactement le même prix que le 400e ou le 1000e gallon, ainsi que le kilowatt coûte le même prix pour tout le monde.

Ceci aurait probablement — et c'était un des buts visés aussi si hausse il devait y avoir — un effet modérateur sur les plus faibles consommateurs parce que si on adopte un tarif unique de kilowatt — et c'est la majorité de nos consommateurs, ceux qui consomment par exemple moins de 1000 ou 800 kilowatts par mois évidemment qui verraient leur hausse modérée.

Deuxièmement, je vais également demander à l'Hydro-Québec de faire un effort — et d'ailleurs on l'avait précédemment demandé — nouveau en ce qui concerne les pratiques commerciales: question de facturation, question de la surcharge — je ne sais pas si c'est le terme exact qu'il faut employer — c'est-à-dire le fait qu'après 15 jours il

y a 10% supplémentaires qui s'ajoutent à la facture. Il faudra essayer de revoir cela.

Finalement, j'indiquais dans cette lettre que j'avais demandé la convocation de la commission parlementaire pour les 13, 14 et 15 septembre afin que les membres de la commission puissent discuter de cette proposition tarifaire en même temps que des autres sujets qui sont ceux de revue générale des activités de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James.

On est donc rendu à la troisième étape. Une proposition tarifaire est prête; elle a été remise aux membres de la commission il y a quelque temps et c'est, entre autres choses, ce que nous allons étudier. Il est peut-être bon de rappeler, parce que tout le monde n'est pas au courant de cela, quelles sont les exigences de la loi en ce qui concerne les tarifs de l'Hydro-Québec, quel est le mécanisme prévu par la loi pour l'approbation des tarifs de l'Hydro-Québec. Les exigences de notre loi, c'est simple, il n'y en a aucune. Il n'y a rien dans la loi qui soumet les propositions tarifaires à l'approbation soit de l'Assemblée nationale, soit d'une commission parlementaire. C'est par voie d'arrêté en conseil uniquement que ces choses sont décidées. La pratique a par contre voulu, dans le passé, depuis de nombreuses années que, même si la loi ne l'exige pas, annuellement l'Hydro-Québec comparaisse en commission parlementaire de façon que les représentants élus de la population puissent poser des questions et faire une revue générale des activités. C'est la coutume, si vous voulez, ou la pratique qui a voulu cela, ce n'est pas la loi qui l'exige. C'est dans ce cadre là qu'on se retrouve ici, ce matin.

Un élément important de notre discussion portera sur les tarifs. J'aimerais juste indiquer comme point de départ à la discussion — c'est essentiel de bien le saisir — quelle est, effectivement, dans ces questions de tarif, la marge de manoeuvre des gouvernements, compte tenu des mécanismes d'approbation des tarifs et — c'est très important — de la loi constituant l'Hydro-Québec.

À la lecture de cette loi, on s'aperçoit que les choses sont très contraignantes et que, dans une très large mesure, cela enlève véritablement au gouvernement la prérogative de déterminer les tarifs. Je m'explique.

Cette loi de l'Hydro dit essentiellement une chose: Le mandat qui lui est confié par la loi lui demande, en termes simples, de fournir de l'électricité à quiconque le demande, au meilleur prix possible, tout en tenant compte d'une saine gestion, d'une saine pratique financière.

Avec le temps, nous avons raffiné les critères qui définissent, qui servent de guide ou de balises pour déterminer ce que la loi entend par saine gestion, par saine pratique financière. Parmi ces critères, il y en a deux qui, constamment, au cours des années, sont retenus. L'un veut que l'Hydro couvre ses intérêts dans une proportion d'au moins 1,25. Cela revient presque à dire — pas tout à fait de la même façon, sous un aspect différent — que, lorsque l'Hydro devra investir des sommes pour mettre en production de nouvelles installations, une partie de ces investissements sera autofinancée, c'est-à-dire proviendra des réserves mêmes de l'Hydro-Québec, produites à même ses revenus. En d'autres mots, c'est presque dire, dans un sens, que les investissements de l'Hydro ne seront pas financés à 100% par des emprunts, que ces investissements ne peuvent pas "être sur la finance", comme on dit couramment, à 100% et qu'il est prudent de participer.

De la même façon, lorsqu'un individu achète une maison, le prêt hypothécaire qui lui est consenti ne représente généralement pas, très rarement du moins, 100% de la valeur de la maison. On peut emprunter 70%, 75%, mais il faut sortir le solde de sa poche. De la même façon, dans le passé, la pratique a voulu que, compte tenu de ce critère, les investissements de l'Hydro soient, en gros, à peu près à 25% autofinancés et, pour les trois quarts, par le recours aux emprunts.

C'est l'héritage du passé, tels que les critères se sont définis avec le temps. Je reviens sur cette première partie du mandat de l'Hydro, tel qu'il découle de la loi: Fournir de l'électricité à quiconque la demande. Cela veut dire se mettre dans l'obligation de satisfaire cette demande. Il faut donc forcément la prévoir. Et c'est dire à l'Hydro, par la loi: Ne manquez jamais d'électricité. S'il y a quelqu'un au Québec qui en veut, il faut que vous en ayez de disponible. Si, c'est fixé par la loi, savoir une obligation de satisfaire la demande, c'est également dire que les programmes d'investissements de l'Hydro, c'est-à-dire les installations nécessaires pour produire plus d'électricité, sont conditionnés par la croissance de cette demande, et non par une politique gouvernementale de l'énergie ou ainsi de suite.

Il est important de comprendre que tant que ce mandat, cette loi ne sera pas changée, nous sommes prisonniers des critères que le législateur a mis dans la loi. Prisonniers des obligations qui découlent de ce texte. C'est dire, en somme, qu'il y a une séquence de choses qui deviennent, à partir de ce moment-là, inévitables. Croissance de la demande, telle demande d'électricité amène fatalement investissements nouveaux, installations nouvelles. Installations nouvelles, si on introduit l'autre critère, si on applique pourcentage d'autofinancement relatif de 25% à ces nouveaux investissements, cela vous détermine quasiment automatiquement quels doivent être les revenus de l'Hydro-Québec.

Déterminer automatiquement quels doivent être les revenus de l'Hydro-Québec, c'est déterminer les tarifs automatiquement. On peut presque interpréter le mandat de cette loi pour dire que la détermination des tarifs s'y trouve finalement incluse. Il y a, là-dedans, une espèce de fatalité qui réduit considérablement la marge de manoeuvre tant du gouvernement que de cette commission-ci. C'est à la lumière de cela, tant que cette loi n'est pas changée, qu'il nous faut étudier la question soumise à notre attention aujourd'hui.

Pour échapper, dans l'avenir, à ce que j'appelle cette fatalité, il y a deux choses: il faudrait d'abord changer le mandat confié par la loi à l'Hydro-Québec. Et c'est sans doute l'une des recommandations importantes qui seront contenues

dans le livre blanc sur la politique énergétique. Il faut aussi, à partir de ce moment, que le gouvernement ou que les pouvoirs publics s'attardent à gérer la demande d'énergie. C'est-à-dire, si vous voulez, à déterminer — on ne peut jamais peut-être le déterminer très précisément — le plus possible quelle doit être la croissance de cette demande et prendre les moyens pour que croissance de la demande d'énergie et offre d'énergie se rencontrent et s'équivalent.

C'est également dans cette optique ou sous une philosophie semblable, si vous voulez, que nous préparons le livre blanc sur l'énergie. Le point central dans tout cela que je veux faire ressortir en terminant, c'est le suivant: c'est que ce que nous sommes appelés à étudier aujourd'hui découle fatalement et automatiquement de la croissance de la demande d'énergie ou d'électricité. Au rythme actuel, pour rencontrer cette croissance, les nouvelles installations qu'il nous faut mettre en service sont d'une ampleur telle — parce que la croissance est tellement rapide — que cela nous oblige, évidemment, à rechercher quels sont les moyens les plus économiques de produire de l'électricité nouvelle pour satisfaire à cette demande.

Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que ces nouvelles installations pour rencontrer cette croissance très élevée de la demande coûtent aujourd'hui très cher.

Il n'y a plus aucune commune mesure entre les coûts de produire de l'électricité aujourd'hui et ce qu'on pouvait connaître il y a à peine dix ans ou vingt ans. Il n'y a encore aucune commune mesure avec les coûts de l'électricité produite par de vieilles centrales très efficaces, comme celles de Beauharnois ou de Manic 5. Cela fait longtemps que c'est passé. Les installations nouvelles aujourd'hui coûtent très cher à installer. Les principales que nous sommes à installer sont celles sur le complexe La Grande.

J'ai évoqué hier, à l'occasion de la visite que plusieurs membres de l'Assemblée nationale ont faite au chantier de LG 2, que la décision d'exploiter cette rivière, de développer ce complexe, apparaissait d'autant plus opportune aujourd'hui qu'entre le moment où la décision fut prise et le moment où on se parle aujourd'hui, il est intervenu un événement majeur, il est intervenu une crise mondiale de l'énergie qui a fait que les coûts de l'énergie ont quadruplé partout dans le monde depuis. Non seulement cela, mais il est advenu depuis qu'on s'est rendu compte de l'épuisement graduel des ressources énergétiques. De toutes les façons alternatives de produire ces nouveaux kilowatts pour répondre à la croissance très rapide de notre demande intérieure, il est très clair que ce qu'on est en train de faire à la Baie James en ce moment, c'est ce qu'il y a de meilleur marché. Ce n'était peut-être pas aussi évident — cela ne l'était pas, il faut le dire — avant la crise de l'énergie en 1971, mais cela l'est certainement aujourd'hui.

Sauf que — ici les chiffres sont importants — le coût par kilowatt produit de ce que l'on est en train d'installer à la Baie James est de l'ordre de 27 mills. Si on compare cela au coût de l'électricité produite par des installations plus anciennes, bien que pas tellement anciennes comme le complexe Manic, par exemple, sans même remonter jusqu'à Beauharnois, à cette époque, les coûts dont on parlait, c'était des deux, des trois et des quatres mills. Installer une nouvelle puissance maintenant ou à l'avenir, celle qui est en train d'être installée qui, je le répète, est la plus économique de tout ce qu'on aurait pu trouver, on le sait aujourd'hui, c'est 27 mills. Ce n'est plus du tout du même ordre de grandeur.

Si, bien sûr, notre croissance n'augmentait pas si vite, évidemment, le pourcentage de notre consommation d'énergie que représentent ces nouvelles installations serait beaucoup plus faible. Mais quand on double notre consommation à peu près tous les dix ans et quelquefois en moins de dix ans, il faut bien dire que la partie de l'énergie qu'on consomme au moment où on se parle, qui coûte deux, trois ou quatre mills à produire, devient de plus en plus petite. En 1985, elle ne représentera plus que 20% ou 25% du total. La majeure partie de l'énergie produite à ce moment-là le sera à des coûts dix fois plus élevés que ceux d'auparavant.

Compte tenu de ce phénomène, on semble fatalement... Plus la croissance est rapide, plus le prix de l'électricité sera fixé relativement à son coût marginal, c'est-à-dire au coût de la nouvelle installation nécessaire à la produire. Vous voyez de quelle façon si on n'apaise pas cette croissance de la demande, on sera prisonnier de hausses de tarifs qui n'arrêteront pas. Plus la croissance va continuer rapidement, plus les hausses de tarif vont devenir régulières et annuelles, et plus elles vont devenir importantes également, parce que ce qui sera aménagé après les installations de la Baie James va probablement, ne serait-ce que parce que c'est plus loin dans le temps, coûter passablement plus cher que les 27 mills dont je vous parle.

Tout ça pour dire qu'il faut s'arrêter sérieusement à cette croissance qui amène une espèce de fatalité dans l'augmentation des prix pour le consommateur. Je pense que ce sera notre principale préoccupation. Notre action, notre politique de l'énergie, va porter d'abord sur une rationalisation de notre consommation, il faut trouver des moyens pour que cette croissance s'apaise de façon que la hausse des prix s'apaise également. Il faut absolument trouver des moyens pour pouvoir faire autant que l'on fait aujourd'hui avec moins d'énergie, avec moins d'électricité, c'est-à-dire qu'il va falloir devenir plus efficace dans notre utilisation de l'énergie, ce qui va faire appel à ce qu'on appelle couramment des mesures de conservation, mais dont le terme plus précis devrait être des mesures d'économie d'énergie.

Ces mesures seront la priorité du livre blanc de la politique énergétique que le gouvernement entend rendre public avant la fin de cette année. Il n'y a pas de doute que c'est par ce biais, dans l'immédiat, que l'on pourra atténuer, pour le consommateur, des hausses de prix. C'est notre intention. En raison de cette fatalité que j'ai expliquée, les mécanismes automatiques qui rendent

des augmentations de tarif inévitables, notre premier souci, avant de nous dégager de cette croissance trop rapide, sera d'aider le consommateur, lui fournir des moyens qui vont lui permettre, même si les tarifs augmentent, de consommer moins tout en retirant les mêmes avantages de façon que la facture, même si les tarifs ont augmenté, augmente moins vite.

Je suis convaincu que les différentes mesures que nous allons proposer, non seulement de notre côté, mais selon ce qu'on m'a dit, que l'Hydro-Québec elle-même, pour le bénéfice des consommateurs s'apprête à proposer, que ce soit par des programmes d'information, enfin, toutes sortes de mesures aidant le consommateur, la priorité va être donnée afin d'indiquer aux consommateurs quels sont les moyens — et il y en a — qui peuvent être pris rapidement dans l'immédiat pour faire en sorte que la consommation baisse de façon que la facture, elle, n'augmente pas trop vite.

Je vais m'arrêter ici. C'est, je le crois très profondément, dans ce contexte que nous avons à étudier, entre autres choses, aujourd'hui, cette nouvelle proposition tarifaire de l'Hydro-Québec. Ceci dit, je vais m'arrêter en faisant une suggestion. Nous avons communiqué entre nous, les membres de la commission parlementaire, les différents partis représentés autour de cette table, pour essayer ensemble de s'entendre sur un ordre du jour. À la suite d'une consultation avec l'Union Nationale et l'Opposition officielle, le Parti libéral, nous sommes arrivés à la proposition suivante. Après, on pourrait peut-être, si ce que je vais vous présenter ici est conforme à l'entente dont nous avons parlé entre nous, entendre le discours ou la présentation des différents partis représentés autour de cette table. Ensuite, le déroulement se diviserait en deux blocs, l'Hydro-Québec d'abord, commençant par un exposé du président et, ensuite, une discussion à la suite de cet exposé sur les points suivants: La situation financière de l'Hydro-Québec, la tarification, donc la nouvelle proposition tarifaire et les pratiques commerciales de l'Hydro-Québec. Finalement, les autres sujets pouvant intéresser les membres de la commission. Ensuite, on passerait à un autre bloc qui serait la Société d'énergie de la baie James. On commencerait par un exposé du président, puis les sujets seraient la situation financière et les autres sujets intéressant les membres de cette commission parlementaire.

Est-ce que ce cheminement de nos travaux vous agrée, MM. les membres de la commission?

M. Garneau: M. le Président, effectivement, nous avons été consultés là-dessus et la réponse que nous avons donnée, c'est que pour autant que le sujet c), dans le bloc 3, et le sujet b), dans le bloc 4, ne soient pas restrictifs quand on parle de "autres"...

M. Joron: Non, non, bien entendu.

M. Garneau:... nous n'aurions pas d'objection à suivre ce cheminement pour nos travaux.

M. Joron: Non, c'est ainsi que je l'avais compris également. Un dernier point d'ordre technique aussi. Comme les représentants de l'Hydro-Québec m'ont fait savoir qu'ils ont une rencontre prévue avec la presse à l'extérieur du parlement à 12 h 30, je voudrais vous demander si vous seriez d'accord pour que, aujourd'hui, on déroge à notre règlement et au lieu de les suspendre à 13 heures, nous suspendrions nos travaux à 12 h 30. Y a-t-il des objections?

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, nous sommes d'accord avec ce que vient de dire le ministre. Au début de la séance, j'aimerais savoir aussi si nous allons siéger le soir, si ce sont exactement les mêmes heures que l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Clair): Je pense, M. le député de Bellechasse, que sur ce point, il y aurait peut-être avantage à regarder de quelle façon nos travaux vont évoluer au cours de la journée, quitte à prendre une décision à ce sujet vers la fin de l'après-midi.

Peut-être qu'il serait opportun de fonctionner ainsi. On décidera d'un commun accord en tenant compte tant de la tradition que du règlement.

M. Goulet: Mais, les intentions du président étaient que nous siégions...

Le Président (M. Clair): Comme je vous le dis, pour l'instant le président n'a pas décidé. D'une part, il veut tenir compte de la tradition et du règlement et, d'autre part, il veut tenir compte de la volonté des membres de la commission. Je pense qu'on aurait avantage à retarder notre décision sur ce point à la fin de l'après-midi, si vous le permettez.

M. Joron: On verra plus facilement, au cours de l'après-midi, à quel rythme se déroulent nos travaux. Je n'ai pas d'objection. Il y a le règlement que le président est obligé de suivre, mais si on s'entend entre nous pour siéger aux heures qui nous conviennent, terminer plus tôt ou prolonger, c'est libre à nous.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse, quant à vous, la proposition du ministre est-elle acceptable?

M. Goulet: Oui, M. le Président, nous avons été consultés et nous avons accepté cette proposition.

Le Président (M. Clair): Étant donné que la proposition semble faire l'unanimité des membres et que, d'autre part, elle est conforme à l'esprit et à la lettre de notre règlement, je pense qu'on peut passer immédiatement au discours du représentant de l'Opposition officielle, le député de Jean-Talon.

Remarques de l'Opposition M. Raymond Garneau

M. Garneau: M. le Président, la préparation nécessaire en vue d'une participation la plus éclairée possible à une commission parlementaire du genre de celle qui s'ouvre aujourd'hui est assez considérable. Je pense qu'il faut se rendre compte que la revue des états financiers soumise par l'Hydro-Québec doit être lue et relue attentivement de même que les principales déclarations faites aux commissions parlementaires antérieures par les représentants de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James.

Quant à moi, j'ai voulu également, en plus de la lecture de ces documents, m'imposer un fardeau additionnel en relisant le journal des Débats des différentes commissions parlementaires qui se sont réunies pour étudier les activités de l'Hydro-Québec depuis 1971. Je ne sais pas si nos amis de l'autre côté vers la droite en ont fait autant, mais mon impression est que, s'ils avaient relu ce qu'ils ont dit dans le passé, cette discussion que nous entreprenons aujourd'hui relativement à l'augmentation des tarifs de l'électricité n'aurait pas eu lieu parce qu'ils auraient tout simplement rejeté, à sa face même, la demande de la Commission hydroélectrique. Advenant le cas que des circonstances tout à fait spéciales nécessitent une augmentation des tarifs d'électricité, on peut peut-être se surprendre que l'actuel gouvernement n'ait pas convoqué des groupes de pression. On se rappelle qu'aux commissions parlementaires antérieures, en particulier en 1973, l'actuel ministre de l'Energie, au moment où il siégeait dans l'Opposition avait même fait une motion en bonne et due forme pour faire venir à cette commission les syndicats, les représentants des consommateurs. On se rend bien compte, par l'avis donné au feuilleton de l'Assemblée nationale, que tel n'est pas le cas.

En relisant le journal des Débats, il est aussi amusant de constater, entre autres, que, pendant des années, les membres de l'actuel gouvernement, les membres du Parti québécois ont fait la bataille pour que le gouvernement du Québec oriente sa Commission hydroélectrique vers le secteur nucléaire plutôt que vers le secteur hydroélectrique. Je pourrais citer les propos de l'actuel ministre de l'Energie, de l'actuel ministre de l'Éducation, de l'actuel ministre des Transports alors qu'ils siégeaient dans l'Opposition et où ils demandaient au gouvernement de mettre l'accent sur la production d'électricité à partir du nucléaire afin, disaient-ils, de ne pas perdre contact avec la technologie nucléaire moderne. L'actuel ministre de l'Energie allait même jusqu'à dire que si l'Hydro-Québec n'annonçait rien dans le domaine nucléaire de plus important que la construction d'une usine de 600 mégawatts, tout cela risquait de placer le Québec dans une situation extrêmement désavantageuse, à un moment donné. Il suggérait à l'Hydro-Québec et au gouvernement d'établir, de toute urgence, des programmes nucléaires et de les faire connaître le plus tôt possi- ble. Je fais entre autres référence au débat de la commission parlementaire d'avril 1973.

M. le Président, dans les développements de la production de l'électricité à partir d'usines nucléaires, on sait jusqu'à quel point il est important d'avoir de l'eau lourde en quantité suffisante. Je pourrais demander au ministre de l'Energie comment vont les travaux de construction de l'usine d'eau lourde. Lui qui voulait orienter l'Hydro-Québec vers la production d'énergie électrique à partir du nucléaire, a-t-il fait des efforts particuliers auprès du gouvernement fédéral pour accélérer les travaux de construction de l'usine d'eau lourde?

Les informations que nous avons disent que les travaux sont au point mort et que, si ces renseignements sont vrais, l'actuel ministre ne pourra certainement pas atteindre l'objectif qu'il suggérait au gouvernement précédent au moment où il était dans l'Opposition.

M. le Président, inutile de vous dire que, du côté de l'Opposition, en ce qui regarde ce problème fort complexe de la production d'électricité à partir de l'hydraulique ou du nucléaire, nous aurions préféré entreprendre les travaux de cette commission ayant en main le livre blanc sur l'énergie que nous avait promis, le printemps dernier, le ministre délégué à l'énergie. Il nous dit maintenant que ce document serait disponible avant la fin de l'année 1977. J'espère qu'il n'y aura pas d'autres retards de ce côté.

Nous pourrions, évidemment, avec ce document sur la politique gouvernementale de l'énergie, savoir quelle est maintenant la position du gouvernement dans ce problème qui confronte les tenants du nucléaire et de l'hydroélectricité. Il aurait également été intéressant de connaître laquelle des deux tendances aura préséance.

Il y a un certain nombre d'autres points sur lesquels j'aurais aimé entendre le ministre dans son exposé d'ouverture. Il y a, entre autres, l'engagement de la firme Bechtel. On se rappelle tout le débat que les parlementaires, les membres du Parti québécois ont fait à ce sujet. J'aurais de la difficulté à croire qu'après avoir fait tous ces débats contre l'engagement d'une firme américaine, l'actuel gouvernement veuille passer l'éponge sans en souffler mot.

Concernant les travaux de la baie James, certains membres du gouvernement se sont prononcés depuis le 15 novembre. De ce côté, il y a eu, semble-t-il, une évolution dans la pensée. Au départ, il s'agissait, à toutes fins utiles, de bloquer les travaux de la baie James que l'on avait décriés. Ensuite certains membres du gouvernement actuel ont parlé de ralentir le rythme de construction de la baie James afin de pouvoir diminuer les emprunts. Finalement, les déclarations plus récentes nous portent à croire que l'objectif est maintenant plutôt orienté vers une diminution des coûts pour maintenir le rythme de construction suivant le plan établi.

J'aurais aimé, au début de cette commission, entendre le ministre délégué à l'énergie nous dire quelles sont les mesures concrètes qu'il a prises,

en collaboration avec l'Hydro-Québec, afin de faire connaître clairement la position du gouvernement et de l'Hydro quant au problème soulevé par le gouvernement actuel et relié à l'augmentation des coûts et au contrôle de ces coûts.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier, entre autres, une demande d'augmentation de 20% des tarifs de l'Hydro-Québec. En relisant les débats des commissions parlementaires antérieures, nous pourrions épuiser toute l'argumentation pour s'opposer à une telle augmentation des tarifs.

Il m'apparaît évident que la principale raison pour laquelle on demande une augmentation de tarif aussi élevée que 20% c'est qu'il devient de plus en plus difficile d'envisager dans le contexte politique québécois actuel un financement sain de notre développement hydroélectrique. En vue d'atteindre une indépendance politique ultérieure que je qualifie d'utopique, le Québec est en train de perdre, en fait, la véritable indépendance qu'il détenait. Avant même que l'objectif proposé par l'actuel gouvernement soit atteint, les contribuables québécois sont déjà appelés à commencer à payer la note de cette indépendance factice. L'écart entre les taux d'intérêts sur les marchés américains des titres de l'Hydro-Québec et de l'Hydro-Ontario pour des échéances comparables était de 50 points de base à la mi-août, et cela en tenant compte du fait qu'il n'y a pas eu d'émission publique sur les marchés américains depuis le 15 novembre dernier. Les échéances des emprunts qui ont été effectués ailleurs sur le marché international sont nécessairement plus courtes que les échéances habituellement obtenues sur les marchés américains. Ces deux facteurs contribuent à accroître en réalité et potentiellement le coût du financement du projet de la baie James et nécessite, par le fait même, des augmentations de tarifs, d'une part, pour couvrir ces augmentations, que je qualifie de non nécessaires, des coûts financiers et, deuxièmement, l'augmentation des tarifs est aussi élevée parce que le volume des emprunts possibles est plus difficilement atteignable, ce qui oblige le gouvernement à envisager une plus grande part d'autofinancement. D'ailleurs, dans les documents qui nous ont été remis par la commission parlementaire, le secrétariat des commissions parlementaires a fait allusion à la demande du ministre des Finances d'accroître la part de l'autofinancement.

M. le Président, vouloir s'opposer d'une façon péremptoire à tout réajustement des tarifs de l'Hydro-Québec serait, me semble-t-il, faire preuve d'une très grande irresponsabilité. D'abord, il y a l'augmentation des coûts relatifs à l'exploitation et à l'entretien.

Là-dessus le ministre, tout à l'heure, nous a fait un exposé sur les raisons qui amènent l'augmentation des tarifs. Il les a reliées presque directement à la loi constitutive de l'Hydro. Mais je suis surpris du fait qu'il n'ait pas du tout mentionné, parmi les raisons de l'augmentation des tarifs, l'augmentation du coût de la vie à laquelle l'Hydro-Québec, comme tous les autres consom- mateurs, toutes les autres sociétés doit faire face.

Dans le rapport annuel de 1976 de l'Hydro-Québec, on note qu'au seul chapitre des salaires il y a eu une augmentation de 20,8% de la masse salariale de l'Hydro, ce qui représentait une augmentation de près de $48 millions dans les frais d'exploitation et d'entretien. Par ailleurs, en lisant les documents présentés par l'Hydro-Québec, on constate que sa demande d'augmentation de tarif de 20% en 1978 aurait pour effet d'augmenter l'autofinancement et de diminuer les emprunts d'une somme de $64 millions. Entre l'augmentation de la masse salariale, et je ne prends que ce point qui correspond à $48 millions, et le produit de l'augmentation des tarifs qui égalerait $64 millions, il y aurait peut-être là une marge sur laquelle le gouvernement devrait réfléchir avant d'accorder ou de ratifier totalement, telle qu'elle est présentée, la demande d'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec.

En dehors des augmentations obligatoires des tarifs pour tenir compte de l'augmentation des coûts, il y a toute la question de l'autofinancement et du pourcentage de cet autofinancement dans le développement des ressources hydroélectriques pour faire face à une demande croissante d'électricité par les consommateurs québécois. En demandant une augmentation de 20%, l'Hydro-Québec entend répondre aux préoccupations du gouvernement et, en particulier, du ministre des Finances qui soulignait, dans son dernier discours sur le budget, qu'il fallait diminuer les emprunts, tant par les sociétés d'État que par le gouvernement lui-même. L'Hydro-Québec, en demandant une augmentation de 20% de ses tarifs annuels d'ici à 1980, répond donc à une demande du ministre des Finances qui préfère sans doute voir les tarifs d'électricité augmenter plutôt que d'avoir à porter l'odieux d'une autre augmentation de taxes qu'il serait lui-même obligé de décréter.

Quand on regarde le programme d'emprunt de 1976 que le ministre des Finances estimait très élevé, à l'occasion de son discours sur le budget, on se rend compte qu'en 1976 l'Hydro-Québec avait emprunté $1,7 milliard, alors que ses besoins réels auraient pu se situer un peu en deçà du milliard de dollars, soit $960 millions, et ce d'après les documents qui nous ont été remis la semaine dernière. Il est malheureux que le ministre des Finances n'ait pas souligné qu'en ce faisant, en ayant un programme d'emprunts aussi élevé en 1976, l'ancien gouvernement lui avait largement facilité la tâche en 1977, compte tenu de cette avance très importante qui avait été prise de quelque $800 millions, un peu plus, applicables au programme d'investissements 1977, emprunt qui avait été effectué en 1976. En parlant des programmes d'emprunts de 1976, nous pourrions faire une analyse semblable en ce qui regarde les emprunts effectués pour le compte de SIDBEC-NORMINES et, jusqu'à un certain point, également pour Donohue, de Saint-Félicien.

Ceci étant dit, il reste que les besoins de financement pour le développement des ressources

hydroélectriques sera très important au cours des années à venir, compte tenu que nous atteindrons, en 1978, en 1979 et en 1980, ce que j'appellerais les périodes de pointe en ce qui concerne les investissements de la Société d'énergie de la Baie James. Les emprunts, tels que projetés, tourneront autour du $2 milliards, $2,4 milliards pour ces trois prochaines années. Il est évident qu'emprunter $2 milliards, $2,4 milliards par année et renouveler pour une période de trois ans en vue du développement de la baie James constitue un défi de taille que je suis bien en mesure d'apprécier.

Par contre, il est clairement établi que le Québec a besoin de développer son potentiel d'énergie hydroélectrique afin de faire face non seulement à la demande des consommateurs domestiques, mais aussi et surtout afin de fournir une base extrêmement importante à notre développement industriel et à la création d'emplois dont nous avons besoin.

Le Québec ne possède pas, sur son territoire, de pétrole, du moins nous n'en avons pas encore découvert, ni de gaz naturel en quantité commerciale suffisante. Il faut donc importer ces hydrocarbures, soit de l'étranger, soit encore des provinces de l'Ouest. N'ayant pas encore le livre blanc sur l'énergie, nous ne connaissons pas quelle sera l'attitude du gouvernement face à notre approvisionnement en hydrocarbures et face au secteur qu'il entend privilégier, pétrole ou gaz. Cependant une chose est certaine, le développement de l'électricité est nécessaire et le Québec doit compléter les travaux de la baie James et envisager dès maintenant le développement des autres rivières qui peuvent être aménagées soit dans la baie James, soit dans le golf Saint-Laurent.

Pour assurer le développement économique du Québec, il est donc impérieux que nos ressources hydroélectriques soient développées et que le Québec mette de l'avant une politique qui permette de créer chez nous un climat de stabilité politique qui assure à l'Hydro-Québec les capitaux dont elle a besoin. Ces capitaux, elle devra aller les chercher dans la plupart des marchés internationaux et, en particulier, dans les marchés américains où se trouvent les plus vastes réservoirs qui puissent être mis à la disposition du Québec comme des autres provinces canadiennes pour financer des projets de nature énergétique. Quand on analyse les documents qui ont été rendus publics, les études qui ont été faites, entre autres par Payne Webber, on se rend compte de l'importance que revêtent les points qui sont reliés à la stabilité politique, à la force économique du Québec et aussi au programme d'emprunts qui doit être réalisé.

Concernant le développement de nos ressources hydroélectriques, j'aurais aimé entendre le ministre de l'Energie nous parler, entre autres, de l'état du dossier entre le gouvernement du Québec et celui de Terre-Neuve, en rapport avec le contrat de vente de l'électricité de Churchill Falls à l'Hydro ou encore, d'une façon peut-être plus spécifique, du développement des rivières de la Basse-Côte-Nord comme la rivière Romaine, la rivière Natashquan, la rivière du Petit Mécatina, la rivière Saint-Augustin et la rivière Saint-Paul. En soulignant ce point, M. le Président, je me sens d'autant plus à l'aise que le ministre nous a dit tout à l'heure que l'intention avouée du gouvernement était de développer les ressources hydroélectriques.

Je suis très heureux de constater qu'il fait amende honorable en ce qui regarde le développement de la baie James. Nous, de l'Opposition officielle, après avoir été tellement critiqués sur ce point au moment où nous étions au pouvoir... Je veux au moins souligner cette franchise qu'a le ministre de reconnaître son erreur, mais j'aimerais aussi qu'il mesure bien le poids des propos qu'il tenait au moment où il était dans l'Opposition. On sait qu'en ce qui regarde le développement des rivières de la Basse-Côte-Nord, ces rivières, qui se déversent dans le Saint-Laurent en territoire québécois, ont leur source d'approvisionnement, leur tête d'eau au Labrador, soit en territoire terre-neuvien.

À ma connaissance — peut-être incomplète — du dossier, pour construire des barrages sur l'une ou l'autre de ces rivières, il faudrait faire des ententes avec Terre-Neuve, étant donné que la construction desdits barrages refoulerait l'eau en territoire terre-neuvien. Des discussions avaient déjà été engagées avec des représentants du gouvernement terre-neuvien à une époque qui n'est pas encore très lointaine. Des projets de contrats avaient même été préparés en collaboration avec des fonctionnaires et le procureur général de Terre-Neuve. Il y a eu des échanges de lettres. À la fin de l'année 1965, le dossier, je crois, était très avancé. J'aurais aimé entendre le ministre nous parler de l'état de ce dossier, maintenant que les rencontres avec Terre-Neuve ont repris, peut-être d'une façon plus intensive, suite...

M. Forget: À la fin de l'année 1975.

M. Garneau: C'était à la fin de l'année 1965 que les discussions et que le projet de contrat étaient fort avancés. Les discussions ont sans doute repris avec la poursuite ou le procès qui semble vouloir avoir lieu entre l'Hydro-Québec et Terre-Neuve relativement à la vente de l'électricité par Churchill Falls à l'Hydro-Québec. Comme vous pouvez le voir, M. le Président, les problèmes reliés au développement de l'électricité au Québec sont nombreux. C'est la même chose dans toutes les provinces canadiennes et dans la plupart des pays industrialisés. Le problème du développement des ressources énergétiques est étroitement lié à notre développement économique et, dirais-je, presque relié au type de société dans lequel nous voulons vivre. Je suis prêt, pour ma part, et je crois que l'Opposition officielle est prête à collaborer avec toute mesure prise par l'Hydro-Québec et par le gouvernement pour tenter de faire économiser de l'énergie, que ce soit de l'énergie produite par les barrages ou provenant des hydrocarbures.

Compte tenu que le gouvernement n'a pas encore accouché de son livre blanc sur l'énergie, il faudra envisager les travaux de cette commis-

sion comme une partie seulement de l'échiquier énergétique, même si, au demeurant, il s'agit d'une partie extrêmement importante du bilan énergétique québécois. M. le Président, ce sont les remarques que je voulais faire à l'ouverture des travaux de cette commission. Je voudrais vous remercier en même temps que remercier les représentants de l'Hydro-Québec d'être venus nous rencontrer. Je voudrais aussi remercier le gouvernement d'avoir accédé à notre demande, soit d'avoir convoqué cette commission parlementaire pour pouvoir analyser les activités de l'Hydro, en particulier cette demande d'augmentation de tarif.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président. Au nom de l'Union Nationale et avec votre permission, j'émettrai quelques commentaires à l'ouverture des travaux de cette commission. Nous sommes réunis aujourd'hui, M. le Président, pour entendre les représentants respectifs de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. On se souvient qu'au cours des dernières années les représentants de l'Opposition, maintenant au gouvernement, ont mené des luttes, je dirais même épiques, sur les coûts de construction du projet de la Baie James, sur la gérance de ce même projet et, plus récemment, sur les prévisions de la demande d'énergie électrique.

Si la situation avait évolué dans la même direction au cours de la dernière année, on aurait pu s'attendre à discuter des mêmes problèmes aujourd'hui. Cependant, à la lumière de ce que nous avons entendu lors des auditions de la commission parlementaire tenue en février dernier sur la situation énergétique du Québec, il semble que le débat en la matière s'oriente bien plus sur des questions de fond que sur des questions de forme. À ce sujet, il faut dire que les prises de position du nouveau ministre, depuis sa nomination, ont fortement influencé l'orientation du débat.

Son prédécesseur, l'ex-ministre, Jean Cour-noyer, avait déjà posé les bases de la nouvelle réflexion qui s'imposait quand il disait devant cette commission, en parlant du rôle et des obligations de l'Hydro-Québec: "Si jamais nous avions le courage, comme cette société, non pas rien que comme gouvernement, d'accepter qu'il y ait un changement dans ses obligations de l'utilité publique".

Cette obligation, on s'en souvient, est celle qui est faite à la société d'État de satisfaire à la demande d'électricité selon les exigences de l'ensemble des Québécois, tel que le mentionnait le ministre dans son discours au début de cette réunion. Il devient de plus en plus évident que l'importance du dossier énergétique, dans la vie de tous les citoyens, exigera, tant du gouvernement que de la société québécoise tout entière, beaucoup de courage ainsi que de sérieux coups de barre au niveau de nos politiques énergétiques dans les années à venir, que ce soit sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan financier ou même sur le plan social.

Sur le plan politique, on doit choisir dans quel genre de développement industriel on veut s'engager. On pourrait même, à la suite du ministre, se demander jusqu'à quel point nous devons accroître sans cesse la capacité industrielle de notre économie pour garder notre niveau de bien-être à l'échelon actuel. Les mois et les années qui viendront devraient nous fournir les éléments d'information nécessaires pour répondre à cette question. Sans aucun doute, le livre blanc sur l'énergie qui sera dévoilé bientôt par le ministre, abordera ce sujet, car il est impossible de dissocier l'énergie du développement économique dans une société comme la nôtre. On sait également que la population pourrait être appelée à participer activement au débat énergétique lors de la tenue d'un référendum sur la question du nucléaire plus particulièrement, comme l'a laissé entendre le ministre lui-même à la commission parlementaire, je crois que c'est en février dernier. Nous trouvons cette idée du ministre fort intéressante car elle aura l'avantage non seulement d'impliquer, de toucher directement chaque citoyen, mais aussi de forcer le gouvernement à faire son lit, une fois pour toutes, et de préciser la place qu'il veut donner au nucléaire dans l'élaboration et l'application de sa politique énergétique.

Sur le plan économique, s'il est nécessaire de s'engager dans de nouveaux projets d'envergure, comme celui de la Baie James, il faudra procéder à l'établissement d'estimations budgétaires réalistes et, autant que possible, beaucoup plus précises que celles qui ont été fournies en 1970 lors du lancement du projet de la Baie James. Je comprends qu'il y ait certaines erreurs de calcul après avoir visité les chantiers, hier. Je comprends pertinemment qu'on ait pu se tromper, suite à l'envergure des travaux et les difficultés dans lesquelles ils sont exécutés.

Comme il faut déjà prévoir de quelle façon on va satisfaire la demande après les années quatre-vingt-cinq, il est urgent que l'on annonce le programme d'équipement que l'on entend utiliser. En comparant avec l'échéancier du complexe La Grande, on réalise qu'il faut de sept à huit ans entre le début des travaux et le fonctionnement des premières turbines. Si donc il faut que les prochaines constructions de l'Hydro-Québec fonctionnent dès 1985, il presse que l'on annonce la nature, le lieu et les capacités de ces installations. D'autre part, il faut absolument que les coûts de réalisation soient connus de façon aussi précise que possible, car les Québécois doivent connaître les impacts éventuels de ces projets sur leurs impôts.

Sur le plan financier, il faudra prévoir des sources d'approvisionnement suffisantes pour satisfaire les exigences énormes de projets aussi importants. On sait à quel point le pouvoir d'emprunt des institutions québécoises est déjà hypothéqué et même si on peut prévoir d'importantes

augmentations tarifaires pour les prochaines années, il faut prévoir également d'importants recours aux divers marchés de capitaux.

Finalement, sur le plan social, le dossier énergétique pourrait entraîner d'importantes perturbations au cours des prochaines années. Au Québec, la dépendance énergétique est très grande et seulement 25% environ du bilan énergétique est de source autochtone. S'il faut porter cette proportion à 50%, l'ensemble de la population devra changer sensiblement ses habitudes de vie et surtout s'habituer à conserver l'énergie, ce qui est loin de la réalité actuelle, car malheureusement les Québécois sont reconnus pour être des gaspilleurs d'énergie. Dans cette optique, d'ailleurs, l'Hydro-Québec veut mettre en place un système d'information qui puisse instruire les Québécois sur les différentes méthodes permettant des économies substantielles d'électricité. En somme, il s'agit davantage de conserver l'électricité disponible que de faire des recherches pour trouver des sources d'énergie que l'on sait de plus en plus rares.

Dans cette discussion, il est un autre sujet qui entraîne d'importantes controverses et auquel il faudra bientôt apporter des réponses. Il s'agit de la part que l'on veut apporter à l'électricité dans le bilan énergétique québécois. J'en conviens, la décision n'est pas facile à prendre, mais il faudra bien que quelqu'un la prenne. Le ministre actuel a laissé entendre qu'il voulait accroître jusqu'à 50% la part de l'électricité; cependant, il n'a pas encore précisé quel mode de production il entend favoriser ou tout au moins, il n'a pas encore arrêté son opinion sur le développement nucléaire, quoiqu'il ait précisé antérieurement que l'électricité ou un projet comme la Baie James était la façon la moins dispendieuse de produire de l'énergie.

Ceci doit, sans aucun doute, causer des maux de tête aux dirigeants de l'Hydro-Québec pour qui l'option d'aller dans le nucléaire semblait inévitable l'an dernier, ce qui faisait dire à son président: "Une première constatation s'impose: l'aménagement du potentiel dont dispose encore le Québec ne réussira à répondre qu'à 30% de l'augmentation des besoins de l'énergie électrique prévue en l'an 2000".

Il faut donc sous-entendre qu'un autre mode de production devra être mis de l'avant et le plus à jour serait le nucléaire. Que nous réserve l'avenir? Je ne le sais pas. Il est peu probable que la réponse à cette question soit connue au cours de cette commission. Elle viendra plutôt lors de la présentation du livre blanc que le ministre doit nous présenter à l'automne. Nous allons donc nous limiter à traiter des sujets qui sont à l'ordre du jour, tout en essayant d'obtenir le plus de lumière possible sur cet important sujet.

J'aimerais dire quelques mots, M. le Président, sur l'Hydro-Québec. Quand nous entreprendrons nos discussions relativement aux activités de l'Hydro-Québec, certains sujets retiendront plus particulièrement notre attention. Ainsi, nous aimerions connaître les positions respectivement du ministre et de l'Hydro-Québec sur l'épineux problème de la demande prévisible d'énergie électri- que au cours des prochaines années. On se souviendra que l'an dernier, M. Robert Boyd, déclarait que l'augmentation annuelle devrait être de 7¾% en moyenne et il ajoutait: "Notre fonction n'est pas d'avoir les plus gros chiffres possibles, d'avoir des 7¾%; alors que les autres ont des 7% ou 6½%; notre problème est de répondre à la demande".

Quant à nous, bien que nous comprenions la position du nouveau président, elle nous semble un peu excessive et nous croyons que l'Hydro-Québec, qui connaît mieux que tout autre les disponibilités du Québec en matière énergétique, devrait se donner un rôle plus positif dans l'ensemble de ce dossier et essayer d'influer au maximum sur la limitation de l'accroissement de cette demande. Je me demande si la tendance observée au cours des deux dernières années n'est pas en train de donner raison à l'ancien chef de l'Opposition pour qui le pourcentage prévu d'augmentation annuelle était, selon ses propres termes, excessif.

En effet, l'augmentation moyenne au cours des années 1971 à 1975 n'a été que de 5,7% alors qu'en 1976, l'augmentation a été, en termes absolus, de 12,1%; elle n'a été que de 6,4% par rapport à 1974, dernière année significative au niveau de la demande car on se rappellera qu'en 1975, le volume global des ventes de l'Hydro-Québec avait baissé de 1% par rapport à 1974.

Cependant, l'aspect de la situation qui nous inquiète le plus au moment où on cherche à faire passer la part relative de l'électricité de 22% à 50% du bilan énergétique québécois, c'est la baisse sur deux années consécutives de la consommation industrielle, ce qui reste, au début de 1977, en bas du niveau de 1974. Le fait que la demande domestique continue d'augmenter alors que l'on veut faire des campagnes de sensibilisation à l'économie d'énergie nous semble un bien mauvais présage pour l'avenir. En effet, à quoi peut bien servir une augmentation substantielle de la disponibilité d'énergie électrique si toute cette augmentation de ressources ne sert pas à assurer au moins un minimum de croissance industrielle?

Je sais que le ministre a une opinion bien arrêtée sur le sujet et j'espère qu'il nous en fera part très bientôt.

Quant à l'Hydro-Québec, nous aimerions connaître sa position sur le sujet pour savoir si elle maintient toujours ce rythme de croissance à 7¾% par année jusqu'à 1990, je crois.

D'autres questions qu'il faut se poser, M. le Président, depuis le changement de gouvernement, concernant le programme d'équipement. Selon toute vraisemblance, rien ne pourra être changé sur le programme de 1976 à 1985. Mais par la suite, il y a certes lieu de se demander ce qui va survenir de la filière du nucléaire.

On se souviendra qu'il n'y a pas si longtemps, le Parti québécois blâmait l'Hydro-Québec de s'être lancée dans le projet de la Baie James. Maintenant, selon les propos qu'a tenus hier le ministre à la Baie James, il nous parle d'une possibilité de cinq Baie James. Qu'adviendra-t-il du nucléaire? Je me le demande.

M. Giroux, pas plus tard que l'année dernière, insistait sur la nécessité de ne pas prendre de retard dans le domaine de la technologie nucléaire. Par contre, selon I'Hydro, en l'an 2000, on devra recourir au nucléaire. S'il y a effectivement place au Québec pour cinq baies James, pourquoi ne pas l'avoir dit avant, pourquoi ne pas l'avoir affirmé avant ou s'en être aperçu avant? Il me semble que c'était évident.

Messieurs du gouvernement, transparence oblige. Êtes-vous pour ou contre le nucléaire? Voilà sans doute des questions qu'il est plus facile de poser, j'en conviens, que d'y répondre. N'oublions pas qu'il faut décider plusieurs années à l'avance, dans le domaine de l'énergie, d'où, l'importance de ne pas hésiter trop longtemps. C'est M. Giroux qui disait, l'an dernier: Nous planifions l'avenir.

Pour passer à un autre sujet, il est évident que les augmentations tarifaires proposées par l'Hydro sont pleinement justifiées, et je dis, pleinement justifiées. L'excellente administration de la société d'État lui assure une cote avantageuse sur les divers marchés des capitaux.

Cependant, l'augmentation croissante des dépenses d'investissement oblige l'Hydro-Québec à s'assurer d'un autofinancement raisonnable de l'ordre de $3 milliards qui seront dépensés annuellement, entre 1977 et 1985, et de $5 milliards, entre les années 1986 et 1990.

D'autre part, au moment où l'Hydro-Québec se lance dans une campagne d'économie de l'énergie, il est important que la population se rende compte à quel point l'énergie électrique dont elle dispose est bon marché. Le ministre, j'en suis heureux, l'a souligné dans son discours inaugural. L'objectif du ministre d'élever le prix de toutes les sources d'énergie disponibles au Québec au niveau des prix mondiaux est partagé par le parti que je représente et est nécessaire dans la sensibilisation de la population à la réalité énergétique.

Malheureusement, trop de gens s'obstinent à admettre que les perspectives d'avenir sont limitées en ressources énergétiques et se contentent de reconnaître qu'actuellement ils disposent de toute l'énergie voulue en négligeant de comprendre que 25 ou 30 ans, ce n'est pas très loin dans l'avenir de notre peuple.

Il est donc justifié, sur le plan de la conservation de l'énergie, d'accepter cette augmentation tarifaire. Par ailleurs, l'excellente cote de l'Hydro-Québec sur les marchés d'emprunt est supportée par l'équilibre de ces ratios financiers.

Il est important de comprendre que si l'Hydro ne s'assure pas d'une source de financement autonome suffisante, c'est l'ensemble de la structure des capitaux qui risque d'en souffrir. Et, à plus ou moins long terme, si le pouvoir d'emprunt de l'Hydro est grevé, ce sont les contribuables eux-mêmes qui devront indirectement en faire les frais.

Enfin, M. le Président, si la structure financière de l'Hydro s'affaiblissait, c'est l'ensemble du crédit québécois qui en serait atteint, car l'Hydro-Québec est une sorte de caution morale, je pense, pour tout le crédit québécois. Voilà pourquoi l'Union Nationale appuie cette politique d'augmentation tarifaire.

Bien sûr, il y a des solutions de rechange envisagées, de nouvelles sources d'énergie douce qui sont étudiées. Mais je pense qu'il y a peu de chances qu'on puisse les utiliser rentablement avant plusieurs années.

Dans un tout autre ordre d'idée, je voudrais maintenant, avec la population du Québec, me réjouir des gestes posés par l'Hydro-Québec en matière de pratique commerciale, gestes qui auront pour effet de faciliter la compréhension des modes de tarification et d'uniformiser le même système, de façon à faire disparaître ce que l'on pourrait appeler des primes à la consommation. Encore là, je suis heureux qu'on l'ait souligné auparavant.

Enfin, j'espère que cette commission parlementaire va nous permettre de faire le point sur l'état, la situation des relations entre le ministre et la société d'État.

Le ministre Cournoyer disait: L'Hydro-Québec, c'est un État dans l'État. On sait que M. Boyd a démenti cette affirmation et qu'il a lui-même ajouté: Les relations de l'Hydro avec l'actuel gouvernement sont très bonnes. Est-ce suffisant pour effacer tout doute dans notre esprit? Je me pose la question. Certainement pas, tant et aussi longtemps que l'ensemble de la politique énergétique du nouveau ministre ne sera pas connue.

M. le Président, quelques mots sur la Société d'énergie de la Baie James. Relativement au projet de la Baie James, il semble bien que la discussion sera brève cette année. De toute évidence le projet est pleinement démarré, on a pu le constater hier. Les travaux d'envergure se déroulent suivant les prévisions des échéanciers directeurs, de la direction des programmes et du contrôle des coûts. Sur le plan budgétaire, si nos renseignements sont exacts, les autorités seraient bien à l'aise, à l'intérieur des $16,2 milliards annoncés l'an dernier. Bien sûr, l'expérience de l'évolution des estimations budgétaires dans ce dossier devrait nous inciter à la prudence. Mais, compte tenu de l'ensemble de la situation dans le domaine de la construction, nous avons tendance à admettre que l'on puisse procéder, pour l'instant, sans augmentation des coûts.

Quant aux autres questions, M. le Président, que nous posons relativement au dossier de la Baie James, nous les aborderons lors des échanges avec les dirigeants de l'entreprise. Nous discuterons également plus spécialement du problème de l'environnement, des contrats. Concernant le mode de vie sur les chantiers, au complexe La Grande, nous nous ferons un devoir de faire connaître à la population, par le biais de cette commission, ce que nous avons vu hier et, possiblement, je ne dirais pas démentir, mais en tout cas faire voir que certains articles de journaux n'ont peut-être pas rapporté fidèlement ce qui se passait sur les chantiers de la Baie James. J'ai été surpris de constater, hier, le mode de vie que les gens avaient là. Après avoir discuté et pris un re-

pas avec une vingtaine d'entre eux, je pense que les gens semblent très satisfaits. Il y en a même un qui m'a dit: Je suis mieux ici que chez nous.

M. Garneau: Parce qu'il était loin de sa femme?

M. Goulet: Je ne lui ai pas posé la question. C'était peut-être un célibataire, mais nous étions assez... Non, c'est seulement pour donner l'image de ce que peuvent ressentir les gens là-bas, après y être allé. Je me faisais une fausse idée du mode de vie sur les chantiers de la Baie James. M. le Président, j'ai été agréablement surpris de ce que j'ai pu constater hier.

Je vous remercie, M. le Président, de votre bonne attention et je remercie également les dirigeants de l'Hydro et de la Société de la Baie James de s'être rendus ici pour répondre à nos questions. J'espère que les prochaines heures apporteront des réponses satisfaisantes aux questions que se posent les membres de cette assemblée et, je dirais même, de la population du Québec en général.

Le Président (M. Clair): Merci. Avant de passer au point suivant qui serait le discours de M. Boyd à titre de président de l'Hydro-Québec, même si cela n'apparaît pas formellement à l'ordre du jour qui nous a été distribué, nous conviendrons tous qu'il serait normal de donner une brève réplique au ministre délégué à l'Energie.

Réplique du ministre

M. Joron: M. le Président, ce n'est pas tellement pour donner une réplique que pour satisfaire le représentant de l'Opposition officielle, M. le député de Jean-Talon, qui, dans son exposé, me posait quelques questions. Je veux bien essayer d'y répondre très brièvement.

L'une d'entre elles concerne la date de parution du livre blanc. Nous n'avons pas changé d'idée à cet égard. J'ai toujours dit, dès le départ, que le livre blanc sur l'énergie serait publié cet automne, sans être plus précis quant à quel moment de l'automne. C'est difficile de dire cela à la semaine près. Cet objectif reste le même, tient toujours. On n'a pas changé d'idée là-dessus. On n'a pas reporté à plus tard la parution du livre blanc. On avait dit cet automne. L'automne, officiellement, se termine le 21 décembre. Alors, théoriquement...

Une voix: II n'est pas encore commencé.

M. Joron: Oui, en effet, il n'est pas encore commencé. Mais, ce sera au cours de l'automne, tel que prévu.

Je suis d'accord avec le député de Jean-Talon pour dire que, dans un sens, nos discussions d'aujourd'hui se seraient probablement déroulées sous un autre éclairage si le livre blanc avait été publié avant cette séance de la commission parlementaire. C'est sûr que cela aurait mis les choses sous une lumière différente. Par conséquent, on est obligé de ne considérer qu'une partie de ce qui est énergétique, comme il le disait. Cela est vrai. Voilà, pour la date de parution du livre blanc.

Sur un autre point que soulevait le député de Jean-Talon, faisant ressortir, selon lui, ce qui pouvait être des interprétations différentes de certains membres du gouvernement quant au rythme des travaux à la Baie James, je ne vois pas quelles sont ces mésinterprétations qu'on pourrait en retirer. J'ai tout d'abord dit publiquement, après avoir été nommé ministre délégué à l'Energie, que mon premier souci était d'aller vérifier si le programme de ces travaux, compte tenu du fait que le programme original des travaux nous amène à des investissements considérables donc à un effort financier coûteux, était bien celui que l'on devait suivre. Alors j'ai dit que ce sera ma première question. Or ma question a trouvé sa réponse. Le programme actuel m'apparaît le plus conforme dans l'optique de pouvoir répondre non seulement à nos besoins tels qu'on peut les voir se dessiner pour les années à venir, d'autant plus que contrôler la demande de la croissance, si on commence à poser des gestes, ces derniers prennent toujours un certain temps à se faire sentir. C'est plus tard dans le temps qu'on pourra en mesurer les conséquences. Il m'apparaît donc souhaitable que le programme des travaux demeure le même, comme prévu, ne serait-ce que pour une autre raison aussi. Indépendamment de ce que l'on peut prévoir comme croissance de la demande en électricité, c'est aussi le fait qu'autour de ces années quatre-vingt-cinq, bien des gens sont venus nous dire en commission parlementaire, au mois de février, que de plus en plus d'experts étaient très inquiets quant à la disponibilité des hydrocarbures à l'échelle même entière de la planète à cette époque. Je ne voudrais pas qu'on se retrouve dans une position où les Québécois risqueraient de ne plus avoir d'énergie pour chauffer leur maison. Donc, dans ce programme des travaux qui — c'est vrai — va fournir assez rapidement une quantité beaucoup plus grande d'énergie électrique, cette nouvelle quantité répond à deux exigences. Elle répond à une croissance de la demande d'une part, mais elle répond aussi à une substitution de forme d'énergie vers l'électricité. Cela m'apparaît souhaitable.

Voilà quant au rythme des travaux. Il y a quelques autres questions auxquelles j'aimerais répondre.

En ce qui concerne Terre-Neuve, par exemple. Effectivement, oui on l'a annoncé, après des relations entre le gouvernement de Québec et celui de Terre-Neuve qui s'étaient gâtées, il faut bien l'avouer, au cours de la toute dernière année avant le changement de gouvernement, on a dû reprendre à zéro ou presque nos relations avec Terre-Neuve. L'héritage que nous avions là n'était pas facile. Je ne sais pas au juste dans quelle mesure toute cette histoire du passé tenait à des questions de personnalités, des acteurs en cause, mais en tout cas, je peux vous dire ceci, c'est qu'on a repris à zéro et, effectivement, cela va très bien. Mes

relations avec le ministre de l'Energie de Terre-Neuve sont excellentes. Après l'avoir rencontré à quelques reprises au cours de conférences soit interprovinciales ou fédérales-provinciales des ministres de l'Energie, je peux même dire que nous sommes devenus de bons amis. Après la rencontre qui a eu lieu au cours de l'été entre le premier ministre de Terre-Neuve et M. Lévesque, les deux premiers ministres ont convenu qu'un comité Québec-Terre-Neuve, présidé conjointement par les deux ministres de l'Energie des provinces concernées, devait être mis sur pied, un comité étant composé de hauts fonctionnaires et non pas un comité de 50 personnes, un comité relativement restreint, afin d'étudier le plus rapidement possible l'ensemble de ce dossier, c'est-à-dire l'exploitation des ressources hydrauliques non seulement du côté terre-neuvien, mais du côté québécois, appartenant à une même région géographique, dans l'optique de faire l'inventaire de tout cela, de voir comment, de part et d'autre, on peut en retirer le meilleur profit, parce que c'est dans l'intérêt réciproque des deux.

C'était l'idée derrière la création de ce comité-là. Tout cela a été fait dans une optique purement énergétique, si vous voulez, pratique, ou pourrait-on dire vue du point de vue de l'homme d'affaires qui voit là une ressource inexploitée et qu'il serait avantageux pour tout le monde d'exploiter. C'est dans ce cadre-là que, dès ce mois-ci, en fait dans deux semaines, le 28 septembre pour être plus précis, je me rends à Terre-Neuve rencontrer mon homologue terre-neuvien. Nous tiendrons la première séance de ce comité et nous mettrons les études du comité en marche. Le 28 l'affaire va donc s'activer.

D'autres questions ont été soulevées, par exemple quant à Bechtel, au contrôle des coûts à la Baie James et tout cela. Je pense que celles-là trouveront probablement leurs réponses au moment où nous aborderons l'article 4 de l'ordre du jour, soit la Société d'énergie de la Baie James. Je vais donc attendre à ce moment-là pour en discuter davantage.

Finalement, le député de Jean-Talon soulevait la question du nucléaire et citait des propos que j'avais tenus en commission parlementaire avant la crise de l'énergie. Je le souligne encore parce que c'est une date capitale et importante. C'est vrai que j'ai changé d'idée depuis. C'est juste. Je n'ai pas honte de le dire. La plupart des gens intéressés au problème énergétique dans le monde ont considérablement changé d'idée, eux aussi, depuis la crise de l'énergie de l'automne 1973, début 1974. Les choses apparaissent sous un éclairage nettement différent aujourd'hui. En ce qui concerne le nucléaire par exemple, il faut bien dire que la croissance des coûts pour la production de l'énergie nucléaire n'a plus de commune mesure avec ce que c'était en 1971, 1972 ou 1973, avant la crise de l'énergie. À l'époque, l'uranium coûtait $6 ou $8 la livre. Quand on est rendu à $40 la livre, c'est une autre paire de manches. Pour la production d'eau lourde, comme par exemple cette usine de Laprade qui n'en est qu'au premier stade, même pas complétée à 20%, dont le coût était es- timé à $300 millions, $350 millions, l'estimation actuelle — heureusement que ce n'est pas nous qui payons — est rendue à $1 milliard et demi. On s'aperçoit que le coût de production de l'énergie nucléaire a changé d'une façon draconienne depuis quelques années. Il est arrivé toutes sortes d'autres soucis aussi depuis: souci de protection de l'environnement, souci d'écologie, souci de se diriger de plus en plus, en autant que faire se peut, vers des ressources, des formes de production d'énergie qui sont renouvelables, par rapport à des formes de production de l'énergie à partir de sources épuisables. C'est une considération qui n'existait pas il y a cinq ans, à l'époque où tout le monde prenait pour acquis que le pétrole était en quantité illimitée, pratiquement pour l'éternité. En plus, le pétrole était à ce moment-là à $2, même pas à $3 le baril.

Le problème ne se pose donc plus du tout dans le même contexte, d'autant plus qu'il se pose fondamentalement dans une optique de croissance. Si nous sommes très gloutons, ou très exagérés quant à nos prévisions de la demande future, que ce soit de l'énergie nucléaire ou de n'importe quoi d'autre, il va falloir activer toutes les formes de production d'énergie, sans exception. Parmi celles-là, certaines vont être extrêmement coûteuses. On pourrait même dire qu'on va parfois en venir à ne produire de l'énergie que pour augmenter encore la production de l'énergie plus tard. On va entrer dans un cercle vicieux. C'est ce sur quoi on commence à s'interroger. La vitesse de cette croissance, que doit-elle être? On se le demande pour la première fois. Le représentant de l'Union Nationale, le député de Bellechasse, soulignait à juste titre, que les débats énergétiques deviennent maintenant de plus en plus une affaire de fond plutôt qu'une affaire de forme. C'est très juste, parce que les questions qui sont posées, qui en découlent, sont des questions fondamentales. Quand on se demande de combien d'énergie on aura besoin dans l'avenir, on est en train de se demander quels types de besoins on voudra satisfaire.

Quand on commence à parler des besoins qu'on voudra satisfaire, eh bien on commence à parler de notre type de consommation, donc de notre façon de vivre, de nos projets de développement, de quelle façon on veut se développer. C'est véritablement, comme le soulignait, à juste titre, le député de Bellechasse, comme cela, sous cette lumière que se posent aujourd'hui les problèmes énergétiques. Alors, ce n'est pas aujourd'hui qu'on va faire ce débat, ce n'est même pas, dans un sens, à l'ordre du jour. Je n'ai pas d'objection à en parler comme cela mais, effectivement, c'est au moment de la publication du livre blanc que ces questions trouveront leur réponse. Et la question nucléaire, par exemple, ou d'autres formes de production d'énergie, est intimement liée à la quantité d'énergie qu'on voudra produire dans l'avenir.

Une fois qu'on aura parlé de cela, de la nature des besoins, de l'ampleur des besoins dans l'avenir, on aura ou on n'aura pas le choix. Et c'est à ce moment que cette discussion reprendra, discus-

sion que j'ai hâte de reprendre parce que je pense que c'est un des débats les plus fondamentaux qui se seront tenus dans notre société.

Enfin, un dernier mot, M. le Président, sur ce qu'évoquait le député de Jean-Talon au sujet de la hausse des tarifs, cette fois. Disons qu'une des raisons pour lesquelles le gouvernement se résignait à une hausse des tarifs, c'était qu'il souhaitait augmenter considérablement le pourcentage d'autofinancement parce que la partie à emprunter devenait de plus en plus difficile.

Il a évoqué le fait que l'Hydro-Québec aurait, selon lui, des difficultés à emprunter à l'heure actuelle, et compte tenu de cela, il fallait augmenter la part d'autofinancement. Ce n'est pas le cas du tout. D'abord je rappelle une chose, on discute d'un an seulement. On ne discute pas des tarifs jusqu'en 1980. On ne discute que de cette année. Et l'arrêté en conseil qui approuvera des nouveaux tarifs, qui concrétisera des nouveaux tarifs n'engagera pas des hausses de tarifs décidées aujourd'hui pour 1979 et pour 1980. Cela se limite au 1er janvier 1978, d'une part.

Quant à la question de l'accès de l'Hydro-Québec au marché financier, ce n'est pas moi qui vais donner la réponse. Je pense que tout à l'heure on va entendre l'Hydro et j'ai l'impression que la réponse va satisfaire le député de Jean-Talon et va répondre très clairement et définitivement à la question qu'il soulevait.

Donc la hausse considérée, à l'heure actuelle, n'est pas pour diminuer ou pour augmenter plus que dans le passé soit notre couverture d'intérêt ou notre taux d'autofinancement. Je rappelle que la proposition tarifaire que nous adresse l'Hydro-Québec, de l'ordre de 20%, ne fait que ramener le taux de couverture des intérêts là où il était l'année passée. C'est tout. C'est tout ce que cela fait. Et si cela n'était pas fait, eh bien là on tombait en bas de la moyenne des années passées, on tombait, je pense, si ma mémoire est fidèle, à 1,17. Le seul effet des tarifs c'est de ramener cela à 1,25. Ce n'est pas une augmentation de ce qui s'est passé dans le passé. C'est revenir à la norme que l'ancien gouvernement avait appliquée. C'est tout. Il n'y a pas là-dedans un accroissement du taux d'autofinancement, si vous voulez. Sauf que si on répétait cela et si on s'engageait dès aujourd'hui pour quatre, cinq années à venir, là cela aboutirait peut-être à un taux plus élevé. Je rappelle, parce que le temps n'est pas venu de décider cela, que l'on ne discute que d'une année.

Finalement, je veux remercier les membres des Oppositions d'avoir offert leur collaboration, entre autres le député de Jean-Talon le soulevait, dans cet effort nécessaire d'économie d'énergie, dans ce but de contrôler la croissance de la demande. Je suis parfaitement d'accord avec l'exposé que faisait le député de Bellechasse en soulignant comment les questions fondamentales étaient véritablement celles qui nous occupaient aujourd'hui. Des questions comme: Quel est le pourcentage d'électricité qu'il doit y avoir dans notre bilan? Quel doit être le taux de croissance?

Toute cette question de la demande prévisible. Ce sont effectivement les vraies questions, M. le Président. Si on ne peut pas, au cours des jours qui viennent, les discuter toutes parce que notre ordre du jour est limitatif, en ce sens qu'il ne couvre pas toute la situation énergétique, je suis parfaitement disponible pour continuer cette discussion à un autre moment avec les membres de la commission parlementaire.

Le Président (M. Clair): Merci. J'inviterais maintenant M. Boyd à prendre la parole à titre de président de l'Hydro-Québec. Auparavant, M. Boyd, je pense que les membres de la commission seraient sûrement intéressés à connaître le nom des principaux collaborateurs qui vous accompagnent et qui pourront éventuellement répondre à des questions.

Hydro-Québec M. Robert-A. Boyd

M. Boyd (Robert-A.): Vous voulez d'abord connaître le nom de ces personnes?

Le Président (M. Clair): Si vous voulez le faire immédiatement.

M. Boyd: II y a d'abord les commissaires, M. Dozois, que vous connaissez tous, M. Gauvreau et M. Monty. Il y a évidemment le président sortant, M. Roland Giroux, que vous connaissez bien également. Parmi ceux qui seront appelés à nous aider dans les réponses, il y en a quelques-uns ici. Je nommerai les principaux. J'espère ne pas en oublier, mais on pourra les présenter, à l'occasion. Du côté des pratiques commerciales, il y a M. Maurice Saint-Jacques, directeur, Distribution et ventes; M. Jacques Bisaillon, directeur, Tarification, M. Jean-Paul Cristel, directeur du Service de la clientèle. Ce sont nos experts en matière de pratiques commerciales.

Du côté des programmes d'équipement, en plus des commissaires,il y a M. Raymond Fournier, directeur, Planification-Génie. Il y a également M. Joseph Bourbeau, directeur de la planification générale. J'espère ne pas en avoir oublié. Il y aura d'autres spécialistes qui viendront. Excusez-moi, un oubli impardonnable. Du côté des finances, en plus de M. Giroux, qui est conseiller, il y a M. Edmond Lemieux, directeur général de la finance et M. Georges Lafond, trésorier de l'Hydro-Québec. Évidemment, il y a le directeur du contentieux, au cas où on aurait des problèmes de contentieux, M. Jean Boulanger, et le directeur des relations publiques, M. Marcel Couture. Il y aura également, au cours des jours qui vont suivre, des délégués de la société d'énergie de la Baie James. Il y en a déjà ici aujourd'hui. Il y a M. Jean Bernier, qui est directeur des ressources humaines. Ceux qui sont venus à la Baie James hier ont entendu son plaidoyer assez éloquent sur la sécurité industrielle à la Baie James.

Au cours de la semaine et des heures qui vont suivre, on voudrait de nouveau faire une démonstration sur ce qu'on fait à la Baie James pour la sécurité industrielle. Il y a M. Pierre Bolduc, directeur adjoint de la programmation et du contrôle des coûts. Lui aussi sera mis à contribution lorsqu'on parlera des coûts et des échéanciers dans le projet du complexe La Grande. Est-ce que j'en ai oublié? Quand on fait des énumérations, on oublie le plus important. J'ai également oublié M. Lionel Boulet, directeur de l'Institut de recherche de l'Hydro-Québec, qui pourra nous aider si on a à discuter des énergies nouvelles, de l'énergie douce et de nos recherches dans les différents domaines de l'énergie. Il y a évidemment mon adjoint, Mme Rita Dionne-Marsolais, qui est là pour tous les domaines. Tout ce que les autres ne trouvent pas, c'est elle qui le trouve.

Évidemment, ceux qui préparent toute la documentation, souvent les inconnus ou les gens oubliés, on peut en nommer quelques-uns, MM. André Bolduc, Jean-Louis Bolduc; au point de vue recherches économiques, si l'on traite de l'inflation, M. André Larochelle.

J'espère avoir fait le tour le plus complet. Il y a aussi Fernand Keroack, directeur de nos relations publiques, à la Société d'énergie de la Baie James que certains d'entre vous avez rencontré, hier. Je m'excuse de cette présentation un peu pêle-mêle, mais à l'occasion, lorsqu'ils viendront témoigner, on vous les présentera de nouveau.

M. le Président, messieurs, il me fait plaisir, ainsi qu'à mes collègues, de venir à nouveau devant la commission permanente des richesses naturelles afin de rendre compte de l'activité de notre société d'État. Les séances de cette commission ont toujours été pour nous une occasion d'échanges fructueux avec les parlementaires. Ces échanges sont d'autant plus importants à une époque où les changements se font rapides et nombreux.

Le secrétaire des commissions parlementaires vous a remis une documentation de l'Hydro-Québec qui vise à faciliter les discussions des prochains jours. Ce dossier contient le rapport annuel et le rapport d'activité de l'Hydro-Québec, ainsi que le rapport d'activité de la Société d'énergie de la Baie James qui est accompagné d'un état des programmes et des coûts du complexe La Grande. À ces documents, s'ajoute un résumé du mémoire sur la tarification proposée au gouvernement pour l'année 1978, des textes sur la modification de certaines de nos pratiques commerciales, sur les économies d'électricité, sur les nouveaux modes de production d'électricité, ainsi qu'un résumé de l'analyse des finances de l'Hydro-Québec faite par une maison de courtage américaine, Kidder, Peabody.

En 1976, l'activité de l'Hydro-Québec a été influencée par une modeste reprise de l'économie québécoise, un léger ralentissement de l'inflation et des conditions favorables des marchés financiers. D'autre part, elle a été marquée par un conflit syndical dont les séquelles se font encore sentir.

Malgré la faiblesse de la reprise de l'activité économique de 1976, les ventes d'énergie faites à la clientèle québécoise ont augmenté de 12,1% par rapport aux ventes de 1975. Calculé en fonction de l'année 1974, le taux annuel moyen d'accroissement de ces ventes n'est que de 6,4% en raison des résultats obtenus en 1975. En comptant les livraisons hors Québec et les ventes d'énergie excédentaire, le volume global des ventes d'électricité a été de 9,2% supérieur à celui de 1975. Pour sa part, l'appel maximal de notre clientèle québécoise a connu sa plus forte augmentation depuis dix ans, soit 15,6% par rapport à l'année précédente.

Le ralentissement de l'inflation affectant l'économie québécoise a favorisé la poursuite de nos programmes de construction selon les coûts prévus. Les travaux de Manic 3 se sont terminés après plus de six ans d'efforts. 1976 a été aussi l'année de pointe des travaux au chantier d'Outardes 2, en plus de marquer le parachèvement des grands ouvrages de génie civil à la centrale Gentilly 2.

Les études sur les caractéristiques techniques des lignes du réseau de transport de la Baie James se sont poursuivies en 1976, mais peu de nouvelles lignes ont été ajoutées au réseau de l'Hydro-Québec. Par contre, la construction des premières lignes de la Baie James débutera bientôt alors que les travaux du réseau à 735 000 volts ceinturant Montréal et ceux de la ligne d'interconnection avec l'État de New York progressent. Les autorisations requises pour cette liaison internationale ont été obtenues en 1976 et les échanges d'énergie avec la PASNY devraient débuter au printemps 1978.

La situation financière avantageuse de l'Hydro-Québec en 1976 lui a permis de profiter des conditions favorables du marché mondial des capitaux. Elle a emprunté à des taux plus bas qu'en 1975, un total de $1,765 milliard, dont la majeure partie provient d'un seul emprunt privé de $1 milliard aux États-Unis.

À cet égard, je m'en voudrais de ne pas souligner l'important héritage que représente une situation financière aussi enviable que celle que M. Roland Giroux a donnée à l'Hydro-Québec. D'ailleurs, je suis heureux de vous informer que le programme d'emprunt de 1977 est pratiquement réalisé à ce moment-ci, près de quatre mois avant la fin de l'année. En fait, il est terminé. Au moment où ces lignes ont été écrites, on ne pouvait pas dire qu'il était terminé, mais maintenant, c'est fait. Et le milliard de dollars dont on parlait est maintenant atteint.

Bien que l'année 1976 s'avère satisfaisante à maints égards, il est difficile d'oublier la grève des employés syndiqués de l'Hydro-Québec. Cette grève de plusieurs mois a eu pour conséquence de retarder des projets urgents, de rendre notre réseau de distribution particulièrement vulnérable et de détériorer notre service à la clientèle. Les inconvénients du conflit se sont étendus bien au-delà des périodes d'arrêt de travail. Il subsiste encore aujourd'hui de nombreux retards car le tra-

vail accumulé durant cette période est long à rattraper.

Les difficultés rencontrées en 1976 se sont traduites par des reproches souvent fondés, adressés à l'Hydro-Québec et à son personnel. Les délais de raccordement, la difficulté de rejoindre notre personnel, le peu de régularité des relevés de compteurs, l'envoi successif de factures suite à des consommations estimées ont été autant de causes de frustration chez de nombreux abonnés.

Il fallait remédier à cette situation dans les plus brefs délais. Dès le règlement du conflit, nous avons pris des mesures de correction. La révision complète des programmes de travail a établi de nouvelles priorités en fonction de la situation qui prévalait dans l'ensemble des directions de l'Hydro-Québec. L'engagement de personnel temporaire et l'addition de lignes téléphoniques, lorsque cela était possible, ont aidé au rattrapage des retards accumulés.

Dans la région de Montréal, l'utilisation d'écrans cathodiques reliés à un ordinateur a fourni au personnel les instruments appropriés pour répondre plus rapidement aux demandes des abonnés; ce système est implanté actuellement dans d'autres régions et sera étendu graduellement à l'ensemble de nos bureaux d'affaires à travers le Québec.

Enfin, le rétablissement du système de lecture des compteurs à tous les deux mois dans l'île de Montréal et dans le Québec métropolitain réduit le nombre de factures basées sur une consommation estimée.

De plus, à la suite d'analyses internes et de suggestions émanant des abonnés et du ministre délégué à l'énergie, l'Hydro-Québec a revu ses pratiques d'affaires et en a modifié plusieurs.

À titre d'exemple, l'Hydro-Québec a décidé de mettre fin à l'une de ses plus anciennes pratiques d'affaires, soit l'application d'une majoration de 10% du montant de la facture après la date d'échéance. À compter du mois d'avril prochain, cette majoration sera remplacée par des frais d'administration de 1 1/2% par mois après échéance. Comme la très grande majorité de nos abonnés règlent leurs factures dans les délais prévus, nous sommes confiants que cette bonne habitude se poursuivra dans l'avenir.

Une autre modification importante a trait à la politique de dépôt en garantie de paiement. Le principal critère de cette politique de dépôt sera désormais l'historique de paiement de l'abonné. Cette mesure devrait faciliter d'autant les relations avec les abonnés en éliminant les risques d'application arbitraire que l'ancienne pratique pouv.ait entraîner.

Un des documents que nous avons déposés indique les autres changements de nos pratiques d'affaires.

M. le Président, je voudrais maintenant aborder le sujet de la demande d'augmentation de tarifs que nous avons soumise récemment au gouvernement.

Je ne pense pas vous apprendre que l'Hydro-Québec souhaite augmenter ses tarifs de 20% à compter du 1er janvier prochain. Les media d'information en parlent depuis quelque temps déjà. La requête de l'Hydro-Québec s'appuie sur deux objectifs principaux: augmenter son autofinancement et encourager l'utilisation rationnelle de l'électricité.

L'Hydro-Québec aurait souhaité, pour les fins de sa planification financière, des augmentations de tarifs pour une période de trois ans. Mais le ministre délégué à l'Energie nous a indiqué qu'il n'était pas opportun présentement de s'engager dans ce domaine pour plus d'une année. C'est pourquoi nous avons limité notre demande à 1978. Toutefois, cette demande s'inscrit dans des considérations à plus long terme. Elle tient compte de l'ampleur des investissements nécessaires à la réalisation du programme d'équipement, de l'augmentation des coûts d'exploitation et de financement, et de la volonté de réduire nos appels aux marchés financiers.

La hausse proposée ajouterait, en 1978, $245 millions aux revenus de l'entreprise, ce qui permettra de financer les activités en cours et d'accroître graduellement le financement en provenance de nos propres fonds.

Enfin, notre demande rejoint les recommandations que nous avons faites en février devant la commission parlementaire sur la politique énergétique québécoise, soit un meilleur équilibre du bilan énergétique et un effort concerté d'économie d'énergie. C'est dans cette perspective d'ailleurs que nous entreprenons, à la fin du mois, une campagne pour sensibiliser nos abonnés aux économies d'électricité; notre programme se fera de concert avec le Bureau d'économie d'énergie du Québec.

Il faut reconnaître que des majorations de tarifs de l'ordre de 20% sont importantes. Mais il ne faut pas oublier que, par le passé, le prix de l'électricité n'a pas augmenté aussi fortement au Québec qu'ailleurs. Il faut souligner aussi que les dépenses d'électricité des ménages québécois ne représentaient en 1976 que 1,34% du revenu personnel disponible, même si la consommation annuelle moyenne des abonnés domestiques a augmenté de 70% entre 1967 et 1976. En dépit d'une majoration de tarifs de 20%, les Québécois paieront encore leur électricité moins cher qu'à l'extérieur du Québec.

Par ailleurs, il importe que le prix de l'électricité se rapproche de celui des autres formes d'énergie afin d'éviter que la demande d'électricité augmente à un point tel que des investissements encore plus considérables soient requis pour y répondre.

L'augmentation des tarifs proposée s'accompagne de modifications tarifaires précises. La nouvelle tarification réduit l'incitation à la consommation et permet aux consommateurs de mieux percevoir le coût véritable de l'énergie électrique. C'est ainsi que le tarif domestique ne comportera plus qu'une redevance d'abonnement et qu'un seul prix par kilowatt-heure, faisant disparaître l'apparence incitative et promotionnelle de la structure actuelle.

En définitive, la nouvelle tarification de l'Hydro-Québec concilie plusieurs objectifs. Elle

vise à accroître les revenus de l'Hydro-Québec de façon à poursuivre le développement de notre potentiel hydroélectrique et fournir ainsi aux Québécois toute l'électricité dont ils auront besoin. Les sources d'énergie hydroélectrique donnent au Québec un atout marqué dans le domaine énergétique et nous confèrent une position avantageuse. Cependant, l'équipement graduel des sources d'énergie traditionnelles nous oblige à rechercher dès maintenant de nouveaux moyens de production et des moyens d'utiliser plus rationnellement notre énergie.

C'est en ce sens que l'Hydro-Québec a présenté son mémoire sur la politique énergétique en février dernier.

C'est en ce sens également que je tiens à vous assurer à nouveau de la disponibilité et du désir de tous et chacun, à l'Hydro-Québec, de continuer à collaborer à l'élaboration de la politique énergétique du Québec ainsi qu'aux politiques économiques qui sont étroitement associées.

En terminant, M. le Président, j'aimerais indiquer aux membres de cette commission que nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. J'aimerais également souligner la présence de mon prédécesseur à la présidence, M. Roland Giroux, dont les trois années à titre de commissaire et les huit années à titre de président en ont fait une figure familière de cette assemblée. Je profite de cette occasion pour le remercier de son appui et de sa collaboration continuelle qui l'ont amené à nous accompagner aujourd'hui. Nous sommes, M. le Président, à votre disposition.

Le Président (M. Clair): Nous sommes actuellement au point trois de notre ordre du jour qui s'intitule "Hydro-Québec, discours du président". On voit qu'il y a trois sujets de discussion possibles, soit la situation financière, la tarification et les pratiques commerciales. Il y a un troisième point ouvert. Nous pouvons entamer immédiatement la discussion. M. le ministre.

Situation financière et tarification

M. Joron: J'aurais une première question dans cet "ABC" apparaissant à notre ordre du jour, situation financière d'abord, tarification ensuite. Il est peut-être un peu difficile de les séparer aussi nettement que cela parce que les tarifs produisent tant de revenus, ce qui a tel résultat sur la situation financière de l'entreprise. J'ai une question qui chevauche un peu les points a) et b). D'une part, quel est l'effet de la hausse que vous demandez, soit les 20%, sur le taux d'autofinancement et sur la couverture des intérêts? Est-ce que cette hausse de 20% des tarifs produit un taux d'autofinancement ou un taux de couverture des intérêts supérieur à ce qui a été la moyenne du passé? En d'autres mots, est-ce qu'on s'en va vers un plus fort taux d'autofinancement — non pas cette année, mais ce qui était l'habitude des dernières années — est-ce qu'on s'en va vers un taux de couverture des intérêts plus grand? C'est ma première question parce qu'elle conditionne la situation financière de l'Hydro.

D'autre part, sur le tarif lui-même, qui varie selon les catégories de consommateurs — c'est peut-être plus dans le détail de la tarification elle-même — j'aimerais savoir quel sera l'effet de l'abolition de la dégressivité — le fait que vous ayez mentionné qu'on n'a plus qu'un seul tarif au niveau domestique — sur le consommateur moyen de l'Hydro-Québec? D'abord, c'est quoi, le portrait du consommateur moyen au Québec? Combien consomme-t-il par mois et quel sera l'effet de la hausse proposée sur lui, compte tenu de l'aboii-tion de la dégressivité? Qu'est-ce que cela produit, effectivement, comme hausse, pour le consommateur le plus typique?

M. Boyd: Alors pour répondre à votre première question, M. le ministre, vous avez, dans le résumé du mémoire qui est devant vous, aux pages 11 et 12, deux tableaux. Le tableau numéro onze indique les prévisions financières avec des hausses de tarifs de 20% en 1978 et de 20% par la suite.

Si vous regardez au bas de la page, vous verrez les ratios que nous obtiendrions en procédant de cette façon. En 1976, nous avions un ratio de 1,23; en 1977, nous estimons qu'il sera de 1,77. Avec les 20% en 1978, nous anticipons qu'il sera de 1,33. Si on appliquait les mêmes pourcentages pour les deux années avenir, ce serait 1,38 et 1,55.

À la page 12 du résumé du mémoire tarifaire, et si nous avions appliqué la règle coutumière de 1,25, si vous regardez au même endroit, il y aurait une différence, si vous revenez à la page 11 du même mémoire, la dernière ligne de la dernière colonne, pour les trois années, de $6 milliards, 463 millions, comparativement à $7 milliards, 6 millions à la page 12, si nous maintenions 1,25%. La différence est de $542 millions d'autofinancement additionnel qui serait possible dans ces trois années. Pour l'année 1978, si vous faites la différence entre $2 milliards 192 millions, à la page 12, et $2 milliards 128 millions, vous avez une différence de $64 millions.

M. Joron: C'est $64 millions pour l'année 1978. Je voudrais effectivement qu'on limite la discussion à 1978 puisque la hausse que l'on considère ne porte que sur un an. Je vous demandais tout à l'heure de situer cela. Vous me dites donc que le taux de couverture remonte à 1,33 avec les tarifs que vous proposez. Je vous demanderais comment cela se compare avec les années antérieures. Je vois un tableau ici qui montre ceci: En 1974, le taux de couverture était de 1,39%; en 1975, de 1,29%; en 1976, 1,23% et en 1977, de 1,17%. Cela s'en allait tranquillement, cela baissait considérablement assez rapidement. On aurait peut-être pu dire que les tarifs n'ont pas assez augmenté dans les années précédentes, ce qui nous oblige à faire du rattrapage aujourd'hui parce que là on voit une détérioration graduelle depuis quatre ans sur le taux de couverture des intérêts qui part de 1,39% en 1974 et qui aboutit cette année à 1,17%. Avec la hausse que vous demandez, on revient à un peu moins de ce qu'on était en 1974, on revient à 1,33%.

M. Boyd: D'accord. M. Joron: C'est cela?

M. Boyd: Les chiffres que vous mentionnez sont exacts pour le passé. En 1977, nous avions 1,17% et c'est évidemment une détérioration par rapport aux années précédentes. Nous avions d'ailleurs indiqué, en août 1977, qu'il faudrait au moins trois fois 17%. Depuis ce temps, nous avons étudié différentes possibilités de révision tarifaire, d'augmentation globale à partir de 17% mais nous avons aussi considéré 20%, 21%, 23%. Nous nous sommes rendu compte que, dans certaines catégories, les hausses étaient trop considérables et nous avons opté pour les 20% comme étant une hausse qui pouvait être acceptée et qui aurait l'avantage de répondre aux différents objectifs que j'ai mentionnés dans mon texte.

M. Joron: Cela constitue en somme une forme de rattrapage pour ramener le taux de couverture d'intérêt là où il était il y a quatre ans.

M. Boyd: C'est cela. Je dois aussi avouer que c'est dans le but d'aller au-delà de la situation d'il y a quatre ans; quant aux années à venir, vous ne voulez pas en discuter.

M. Joron: C'est votre proposition pour les années 1979-1980. On reprendra probablement cela l'année prochaine.

M. Boyd: D'accord.

M. Joron: Sur la deuxième question, sur l'effet du nouveau tarif proposé pour l'abonné domestique, compte tenu qu'il n'y a plus de "dégressi-vité", que c'est 1,9 cent le kilowatt, du premier jusqu'au dernier, quel est le portrait du consommateur domestique moyen au Québec, combien consomme-t-il et pour lui, compte tenu de cette quantité qu'il consomme, qu'est-ce que cela produit comme hausse de sa facture?

M. Boyd: D'accord. Je vais vous citer les chiffres pour le dossier. Je pense que vous avez cette réponse à la page 7 du résumé du mémoire tarifaire, mais j'aimerais les citer.

L'abonné moyen domestique consomme environ 1000 kWh par mois. Sa facturation en 1977, pour 1000 kWh par mois est de $19.05. Au tarif proposé pour 1978, cela donne $22.60 soit une augmentation de $3.55 ou de 18,6%. Vous voyez ce qu'on voulait dire par "dégressivité". Les plus petits consommateurs, soit ceux de 500 kWh, leur augmentation est de $1.80 par mois et une augmentation de 15,9%. Ceux de 300 kWh, ce sera $1.10 et 13,4%. 100 kWh, c'est en fait...

M. Joron: Y en a-t-il beaucoup?

M. Boyd: Non, il n'y en a pas beaucoup. C'est $0.70 par mois, donc 14,6%. Évidemment là, c'est surtout le fait de la redevance de raccordement qui est de $3.60 qui, en fait, on doit vous l'avouer, est en bas de ce que cela coûte réellement, car le fait d'avoir un abonné raccordé à notre réseau de distribution coûte plus cher. Mais cette augmentation est un moyen terme, si vous voulez et cela devrait être davantage. Donc, on a l'effet de la dé-gessivité. Si l'on regarde ce qui concerne les plus gros consommateurs, on trouve dans la même page (5000 kWh par mois) les comptes de ces gens vont passer de $80.05 à $98.60 soit une augmentation de $17.55 ou de 21,7%

M. Joron: Vous avez situé la moyenne de consommation, au Québec, autour de 1000 kWh. Pour cette catégorie, c'est une augmentation de $3.55 par mois. Alors, si je multiplie par douze, cela fait $42.60 d'augmentation. Par rapport au revenu disponible des ménages, en d'autres mots est-ce que cette augmentation va plus vite que l'augmentation prévisible du revenu disponible des ménages? Vous avez mentionné un peu plus tôt que l'électricité dans le budget d'un ménage au Québec c'était 1,34% du revenu disponible. Comment cela a-t-il évolué dans la passé et à quel pourcentage nous mènent les nouveaux tarifs?

M. Boyd: Oui, on a ces chiffres. Évidemment, on n'a pas ce que représente le revenu moyen de 1977, ni 1978 encore, mais on peut indiquer la tendance de ce facteur. Il a varié, au cours des années. En 1967, c'était 1,17% du revenu disponible. En 1970, c'était 1,34%. En 1971, c'était 1,34%. En 1972, 1,27%. En 1973, 1,29%. En 1974, 1,25%. En 1975, 1,27% et en 1976, 1,34%. J'ai bien l'impression qu'avec des gens qui consomment 1000 kWh par mois, si vous avez augmenté, vous avez dit $34...

M. Joron: $40.

M. Boyd: $40 par année, cela ne changerait pas beaucoup le 1,34%.

Il y a une comparaison que j'aime beaucoup, parce que j'ai cessé de fumer il y a quelques années, l'électricité va continuer à coûter beaucoup moins cher que la cigarette. Un seul fumeur dans une famille dépense beaucoup plus que ce que lui coûte son électricité.

M. Joron: Vous me gênez. Je vais cacher mon paquet. La dernière chose que je voulais vous demander... Je viens de l'oublier. Je m'excuse. Si cela revient, je vous la poserai tout à l'heure. Je pense que les autres membres de la commission auront des questions.

Le Président (M. Clair): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. Boyd, vous venez de nous dire, dans votre exposé, que la requête de l'Hydro-Québec d'augmentation des tarifs s'appuie sur deux objectifs principaux: augmenter son autofinancement et encourager l'utilisation plus rationnelle de l'électricité. Pour parler de l'autofinancement, quand vous faites une projection pour 1978 avec une augmentation de 20% des tarifs,

vous obtenez 1,33 de couverture des intérêts. À la page 12, vous faites la comparaison avec une couverture d'intérêt de 1,25 et vous indiquez que le manque des revenus additionnels requis est de 209. Le taux d'augmentation qui serait requis pour obtenir 209,5 millions, à la page 12, est-ce qu'il est juste d'en faire le pourcentage avec les revenus des ventes assujetties au règlement tarifaire de 1977, c'est-à-dire $1,226,900,000, et dire qu'il s'agirait d'une augmentation des tarifs de 17%? Est-ce que le rapport est juste ou s'il y a des composantes qui font varier ce taux-là?

M. Boyd: Pour revenir au ratio de 1,25, je pense que cela prendrait 16,7, 16,8 ou 16,9. Ce n'est pas tout à fait 17. Pour le 1,25 en 1978, qui coincide avec les chiffres que vous mentionnez, cela aurait requis 16,8 ou 16,9. Donc, ce qu'on avait exprimé pour 1978, l'année passée, soit 17% pour maintenir le ratio 1,25, était une bonne prévision, en somme. On ne pense qu'en fonction des $6 milliards qu'on a à investir dans les trois prochaines années, alors qu'il faut augmenter notre autofinancement davantage. C'est vrai que cela a été mentionné dans le discours du budget, mais je pense qu'indépendamment de cette demande l'Hydro-Québec aurait dû se diriger dans cette optique parce que ce sont des montants qui deviennent considérables à emprunter, comme vous le savez.

M. Garneau: Sur l'augmentation des tarifs qui produirait un taux de 1,25 de couverture des intérêts — je ne sais pas si vous-même ou M. Lemieux pourriez répondre à cette question — la réaction sur les marchés financiers d'une couverture de 1,25 au lieu de 1,33 que produirait une augmentation de 20%, comment est-ce que cela peut affecter le comportement des marchés financiers en ce qui regarde l'Hydro-Québec? Est-ce que ce serait un facteur qui pourrait être considéré très négatif ou suffisant pour être capable d'effectuer des emprunts tels qu'ils seront requis en 1978 de $2,128 milliards?

En d'autres mots, la différence entre une couverture de 1,33%, maintenue en 1979 et en 1980, et une couverture de 1,25%, comment est-ce que cela réagit sur les marchés financiers, d'après vous, en termes de facilités d'emprunt?

M. Lemieux (Edmond-A): D'ailleurs, les marchés financiers apprécient qu'on ne puisse pas fixer exactement le niveau des tarifs chaque année pour en arriver à 1,25% exactement. Ils s'attendent que nous baissions, comme nous l'avons fait effectivement en 1974. On est passé de 1,39 à 1,29 à 1,23, à 1,17. Ils ne s'inquiètent pas en autant qu'ils savent que nous aurons les augmentations nécessaires pour nous remonter... Alors, on baisse graduellement, ensuite, on remonte. Le fait de remonter, de pouvoir venir et tracer, certains qu'on aura des augmentations raisonnables. À long terme, le niveau de couverture sera à peu près de 1/4.

M. Garneau: Compte tenu du fait que les ventes d'électricité vont s'accroître substantiellement au moment où les premières génératrices de La Grande vont commencer à produire, est-ce qu'il serait juste de faire remarquer que, sur les marchés financiers, on pourrait accepter un taux de couverture qui serait légèrement plus bas, compte tenu du fait que l'on sait qu'à partir de la vente de l'électricité des premières génératrices de La Grande, la couverture des intérêts devrait se rajuster fortement à la hausse?

Est-ce que sur les marchés financiers, on accepterait facilement une couverture de 1,17%, 1,15%, sachant que vers les années 80, lorsque l'énergie électrique sera vendue à partir des génératrices de La Grande, ça va produire des revenus additionnels en même temps qu'une baisse des emprunts nécessaires, donc de l'accroissement des charges financières? Est-ce que, pour une période de pointe de construction, compte tenu du fait que les intérêts vont être capitalisés pour la Baie James, on serait en mesure de financer en acceptant une baisse de la couverture qui pourrait être légèrement en dessous de 1,25% au cours des années 1978, 1979, 1980, qui sont des périodes de pointe dans la construction?

M. Boyd: J'aimerais faire une correction, M. le Président. Au moment où on va commencer à produire à la Baie James, en 1980, nos ventes n'augmenteront pas de ce fait. L'énergie de la Baie James qui va arriver en 1980 ne proviendra que de deux unités. Cela va tout juste répondre aux besoins du Québec. Donc, il n'y a pas de demande ou de vente additionnelle qui va se produire à ce moment-là.

Entre-temps, pour 1978, nous sommes en assez bonne position; pour 1978, il faut compter absolument sur l'entrée en service de Gentilly II et d'une centrale de turbine à gaz. L'on fait certains achats de nos réseaux voisins pour passer la pointe de 1979. En 1980, on aura deux unités qui nous viendront de la Baie James. Elles ne créeront pas de ventes additionnelles, elles ne feront que répondre à la demande.

Donc, la situation financière ou la situation des ventes ne changera pas pour ça. J'aimerais ajouter à ce qu'a dit M. Lemieux tout à l'heure: 1,25% a toujours été reconnu comme un point de repère, un point minimum.

Dans les années précédentes, lorsqu'on était à 1,33 et qu'on revient à 1,33, cela fait l'affaire de tout le monde du côté financier, parce que plus on peut maintenir ce chiffre élevé, plus on devient une entreprise bien administrée et bien rentable.

M. Garneau: Je voulais mentionner, M. Boyd, que les investissements qui seront effectués à La Grande, pour produire les premiers kilowatts, représentent des sommes d'argent considérables qui, jusqu'en 1980, avaient des charges d'intérêts à assumer, sans que ces investissements produisent des revenus. À partir de 1980, ces investissements produisant des revenus, vont pouvoir contribuer eux-mêmes à couvrir une partie des charges d'intérêts. Dans ce sens-là, en tenant pour acquis qu'on ne fasse pas d'autres investissements, que les charges d'intérêts n'augmentent

pas et que le pouvoir hydroélectrique dont vous disposez soit vendu, c'est clair que cela améliorerait sensiblement les ratios. Pour preuve, la situation qui prévalait avant que vous commenciez à investir d'une façon importante à la Baie James, où les taux de couverture étaient quand même plus élevés, comme vous venez de le mentionner. Mon impression était que si on allait à 1,25, comme objectif repère à maintenir, on aura sans doute atteint les objectifs nécessaires pour le financement de l'Hydro-Québec et de son développement de la Baie James. Il n'est peut-être pas nécessaire, surtout dans les années de pointe, d'essayer d'avoir une couverture qui dépasserait largement ce 1,25.

M. Boyd: Vous savez comme moi que pendant la construction, les intérêts sont chargés à la construction et, au moment où les premières unités, en 1980, vont commencer à produire, c'est seulement au fur et à mesure que chacune des unités entre en opération que les frais d'intérêts sont transportés à l'exploitation.

Cela n'a pas d'effet sur la situation financière de l'Hydro-Québec. Mais les unités qui vont entrer en 1980 vont répondre à la demande et pas davantage. Le problème du taux de 1,25, c'est un chiffre qui était fixé, reconnu comme étant une cible à atteindre. Mais on a plus que cela à atteindre maintenant, il y a $6 milliards à emprunter dans trois ans. Moins on emprunte, mieux c'est.

Pour compléter ce projet, comme tout le monde semble être d'accord pour le faire, il faut trouver les sommes nécessaires. Tout le monde est aussi d'accord sur le fait qu'on doit s'autofinancer davantage.

M. Garneau: Sur les programmes d'emprunt, M. Boyd, on pourrait rediscuter de ce sujet à la reprise — je ne sais pas à quelle heure — mais je voulais avoir quelques explications avant. Dans le tableau, à la page 11, en 1976 les investissements ont été de $1,267 milliard, l'autofinancement de $306 millions — vous avez fait des programmes d'emprunt de $1,765 milliard — ce qui voulait dire qu'il y avait un surplus, comme je l'ai mentionné tout à l'heure dans mon exposé. Vous aviez pris de l'avance d'une façon importante pour l'année 1977.

Quand vous nous dites que le programme d'emprunt est complété, j'imagine que le placement privé sur le marché américain, dont on parle dans les journaux depuis un certain temps, aurait été réalisé.

M. Boyd: On peut maintenant dire que le placement privé de $200 millions, sur lequel on ne pouvait pas faire de commentaire, est maintenant complété.

M. Garneau: Ce programme d'emprunt, vous vous y référez comme étant $1,125 milliard, à la page...

M. Boyd: Non, le programme d'emprunt qui est complété est de $1 milliard.

M. Garneau: De $1 milliard? M. Boyd: Oui.

M. Garneau: Alors, quand vous donnez les chiffres pour l'année 1977, à la page 11, des emprunts annuels de $1,125 milliard, vous référez-vous à votre objectif pour l'année?

M. Boyd: Oui, c'est l'objectif qu'on avait à ce moment, d'après l'estimation qui a été faite. Ce qu'on voudrait faire, maintenant que notre programme de $1 milliard est complété, c'est revenir, avant la fin de l'année, sur les marchés pour prendre de l'avance sur le programme 1978.

M. Garneau: Quand vous dites que votre programme d'emprunt 1977 est réalisé à $1 milliard, c'est une façon de parler. C'est que l'Hydro-Québec, en collaboration avec le gouvernement avait décidé que le programme d'emprunt était de $1 milliard, mais vos investissements requéraient des sommes d'argent de $1,724 milliard parce que vous aviez des investissements prévus, si les chiffres dans la colonne 1977 sont justes, des investissements de $2,172 milliards, de l'autofinancement de $448,8 millions, ce qui donne $1,724 milliard qui auraient été nécessaires en 1977, pour couvrir les investissements de cette année. Quand vous dites que vous avez réalisé votre programme d'emprunt de $1 milliard, c'est parce que vous tenez compte de l'avance qui avait été prise en 1976, parce qu'autrement, s'il n'y avait pas eu l'avance de 1976, avec quoi auriez-vous financé l'ensemble des investissements de $2,172 milliards?

M. Boyd: Ici nous avions mentionné $1,25 milliard comme un objectif. C'est encore un budget estimé ou une estimation qui est marqué. Le milliard, c'est le chiffre qui avait été mentionné au budget du ministre des Finances comme l'objectif qu'il nous demandait d'atteindre. Comme vous dites, nous avions en réserve, à la fin de l'année 1976, autour de un milliard de dollars, ce qui nous a permis de compléter notre année. Ce que sera le bilan de 1977? Tout ce qu'on vous donne ici c'est une estimation.

M. Garneau: Est-ce que l'estimation de $2,172 milliards des investissements est assez précise? On est rendu au mois de septembre. Est-ce que les $2 172 800 000 seront effectivement investis en 1977 ou est-ce que ce sera moins que cela?

M. Boyd: Je pense qu'ils seront complètement investis en 1977 ou presque. À la Société d'énergie, on estime qu'on aura investi toutes les sommes d'argent prévues à l'Hydro-Québec. Mais il est encore trop tôt pour le dire parce que c'est surtout au cours des derniers mois de l'année que de nombreux paiements doivent être faits pour terminer l'année financière.

M. Garneau: Cette année, sur des investissements de $2,172 milliards nécessitant des emprunts de $1,724 milliard, vous allez avoir emprunté

un milliard, ce qui veut dire qu'il manquerait $724 millions pour couvrir le fardeau, si on peut dire, des investissements de 1977, si on ne tient pas compte des avances de 1976. Pensez-vous que l'année 1978 qui nécessitera des capitaux de $2,128 milliards avec l'augmentation de 20% cela pourra être facilement atteint s'il n'y a pas d'avance de prix au cours de 1977? Je parle d'avance d'une façon relative, compte tenu du fait qu'il manquerait déjà $724 millions cette année.

M. Boyd: C'est l'objectif de notre exercice financier. On a terminé l'année 1976 avec une avance d'un milliard. Actuellement j'ai dit que le programme 1977 était terminé, le milliard est atteint. C'est notre intention de retourner sur les marchés pour augmenter notre avance en 1978.

Même si nous arrêtions aujourd'hui, même si nous n'allions pas sur le marché, nous terminerions l'année 1977 avec une avance parce que nous n'avons pas absorbé toute l'avance que nous avions en 1976, pour 1977. Nous allons donc finir l'année 1977 avec une avance. Nous voudrions, à partir des jours qui viennent, d'ici la fin de l'année, retourner sur les marchés pour augmenter davantage cette avance, en prévision de l'année 1978. Nous sommes évidemment conscients que $2,128 milliards en 1978 seraient plus difficiles à atteindre si nous n'avions pas une avance confortable.

Le Président (M. Clair): Messieurs, il est présentement 12 h 30. Nous avions convenu de terminer à 12 h 30. Étant donné que nous terminons justement à cette heure-ci, je suggérerais qu'on reprenne à 2 h 30 cet après-midi plutôt qu'à 3 heures afin de regagner le temps perdu. Est-ce que cette proposition est adoptée à l'unanimité?

M. Joron: Pas d'objection.

Le Président (M. Clair): Cela va? Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 2 h 30 cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

Reprise de la séance à 14 h 54

Le Président (M. Clair): La commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts reprend donc ses travaux. Au moment où nous avons suspendu les travaux de la commission, le député de Jean-Talon était en train de questionner, et immédiatement après, sur la liste, venait le député de Bellechasse. M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, j'aurais certainement d'autres questions à poser concernant l'aspect financier; mais comme ce matin j'ai eu pratiquement une demi-heure, il faudrait peut-être laisser la chance à d'autres membres de la commission, en particulier aux gens de l'Union Nationale et à d'autres de mes collègues, avant de quitter la question relative à l'ordre du jour concernant les Finances. Je reviendrai avec d'autres questions, mais peut-être qu'il serait préférable de laisser à d'autres le soin de poser leurs premières questions.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse l'appréciera sûrement. M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Le président de l'Hydro-Québec parle souvent des conséquences du conflit de 1976. J'aimerais savoir s'il y a déjà des effets quantifiables aux termes des dépenses d'exploitation, des effets relatifs à l'exercice financier en 1977.

M. Boyd: Oui, nous avons des chiffres qui jusqu'à maintenant nous indiquent que nos craintes étaient assez justifiées au point de vue du coût additionnel d'exploitation. On peut vous donner une indication de ces chiffres, quoique l'année ne soit pas terminée et que, évidemment, nous n'ayons pas été en mesure de mettre toute la convention en application dès le début de l'année, par exemple, les vacances. Ce qu'on avait déclaré dans le temps, c'est que la masse salariale pour les trois syndicats impliqués: métiers, bureaux et techniciens, qui comptaient 10 738 syndiqués, attend encore des offres qu'on avait faites, et suivant les mesures anti-inflationnistes qui étaient en vigueur à ce moment-là, on comptait avoir une masse salariale de $141 millions.

On avait déclaré qu'avec les mesures préconisées par la convention, telle qu'on a dû la signer, la masse serait de $149 millions. Dans les faits, il semble — je n'ai pas les chiffres de 1977 — qu'en 1976 cela s'est appliqué rétroactivement car la masse salariale a été de $146 millions soit $5 millions de plus qu'on pensait que la Régie des mesures anti-inflationnistes pour permettrait d'aller. Pourquoi a-t-on $3 millions de moins que notre estimation? Au sujet de la reclassification des employés du groupe des techniciens, d'après une recommandation du ministre d'alors, elle n'a pas pu être réalisée en 1976, mais en 1977 seulement et ce, après une entente avec le syndicat.

II y a donc un montant d'environ $500 000 qui n'a pas été appliqué en 1976, mais qui s'appliquera en 1977 et tout le temps après cela. Il y a aussi l'accroissement des effectifs dû à la nécessité de deux employés pour effectuer un travail, là, où jusqu'alors on pensait qu'un seul employé suffisait . Cela a également représenté un montant de $300 000 qui n'a pu s'appliquer en 1976.

De toute façon, déjà on voit qu'en 1976 cela a dépassé de $5 millions le montant prévu:

M. Goulet: M. le Président, dans un autre ordre d'idées j'aimerais savoir quelles seront les conséquences du nouveau taux de tarification. On a parlé ce matin du secteur domestique, mais quelles seront les conséquences par exemple pour la grande entreprise commerciale ou industrielle? Quelle partie cela représente-t-il par rapport au domestique? Comment l'ensemble de l'augmentation est-elle répartie?

M. Boyd: Vous avez cela dans le mémoire sur la tarification à la page 5, au chapitre "domestique", l'augmentation va être, en moyenne, de 20,2%; le général sera de 20%, l'industrielle sera de 19% et l'éclairage public sera de 25%.

M. Goulet: M. le Président, je m'excuse, je voulais savoir si cela change quelque chose par rapport à l'ancienne tarification en termes de pourcentage. Les chiffres ici, je suis d'accord, on les a, mais la nouvelle tarification comparativement à l'ancienne. Si je prends le secteur domestique, général, ainsi de suite, est-ce que cela change quelque chose ou si c'est le même pourcentage qui a été conservé?

M. Boyd: Si je comprends bien votre question, la réponse serait que nous avons augmenté l'industriel et la grande industrie, proportionnellement plus que le domestique. Est-ce que c'est cela votre question?

M. Goulet: Mais la méthodologie au niveau industriel, cela n'a pas été changé?

M. Bisaillon (Jacques): Oui, il y a eu des changements tout de même assez importants, c'est que dorénavant, avec la nouvelle tarification, tout d'abord les 153 ou les 154 abonnés de 5000 kw et plus vont tous être éventuellement au même tarif. Il y a une simplification effectuée qui est tout de même considérable si on considère la complexité du tarif qui existait avant pour l'industriel. Le tarif a aussi été rendu moins dépressif pour la grande entreprise. Cela reflète un peu aussi notre souci de regarder les autres tarifications ailleurs où les coûts de l'énergie comme telle sont plus élevés étant donné que c'est produit avec le pétrole. On est obligé de s'ajuster un petit peu à cela. Mais c'est ce qui nous conduit à réduire la dégressivité de ce tarif.

Maintenant, il y a une chose qui est assez difficile à cerner, parce que les chiffres ne reflètent pas ceux dont on parle à la page 5 du résumé du mémoire tarifaire. Si l'industriel — effectivement, on dit industriel général — a augmenté de 20% et de 19%, c'est qu'il y a des contrats qui sont encore en vigueur actuellement dans la grande entreprise auxquels on ne peut pas toucher. À cause de cela, les pourcentages réels d'augmentation sont plus forts que ceux montrés là, plus forts que ceux du domestique. En fait...

M. Joron: Dans le même ordre d'idée...

M. Goulet: Justement j'allais demander de combien. Je pose cette sous-question parce que c'est important, je pense que vous devriez peut-être le réexpliquer.

M. Bisaillon (Jacques): C'est cela.

M. Goulet: Le tarif industriel, comme tel, s'appliquait à ceux qui ne sont pas liés par des contrats qui ne sont pas échus. Le tarif industriel comme tel augmente plus que les 19 qui sont montrés là.

M. Bisaillon (Jacques): Oui, c'est cela. Et même on a une clause de rattrapage qui est tout de même assez considérable. On avait une clause de rattrapage dans le contrat précédent, dans le règlement précédent qui était de l'ordre de 24%, c'est-à-dire par mois. C'est rendu 4% par mois ou 48%.

Effectivement, ce sont des gens qui devaient déjà payer ce tarif réaliste, mais, tout de même, il y a des limites à les augmenter chaque année. Par contre, il y en a d'autres qu'on ne peut pas toucher en 1978, ce qui fait que tout cela nous ramène à peu près à 20%.

Maintenant, si vous prenez certains secteurs de la consommation qui sont tout de même importants, l'industrie des pâtes et papiers, par exemple, ceux qu'on peut toucher, ce sera de l'ordre de 27,5%. Je pense que c'est considérable.

M. Joron: Si vous le permettez, pour éclairer cette question, si on fait abstraction de ceux qui sont encore sous contrats, si on ne considère que les autres, en moyenne, l'ensemble des autres, cela augmenterait de combien?

M. Bisaillon (Jacques): J'ai les chiffres ici, il faudrait que je prenne le temps de les trouver.

M. Boyd: En attendant qu'il vous donne les chiffres, je peux vous dire qu'il y a 25% de nos abonnés industriels qui ne pouvaient pas être révisés en 1978 parce que leurs contrats n'étaient échus que cette année-là. Donc, il faut respecter les contrats. Mais, dans leur cas, lorsque nous reverrons leurs contrats, en 1979, il faudra qu'ils subissent le rattrapage pour rencontrer les normes tarifaires.

M. Goulet: Si vous permettez, M. le Président, les contrats ne sont pas à long terme, ils ne vont pas au-delà de 1979. Ils sont d'un an ou deux?

M. Boyd: On a hérité de toutes sortes de choses, lorsqu'on a acquis les différentes compagnies. Il y a des contrats qui étaient à long terme, à très long terme. Nous-mêmes, au cours des années, entre 1963 et 1976, avons donné des contrats de cinq ans, mais, depuis les dernières années, les contrats sont pour une certaine période, avec des tarifs renouvelables chaque année. La tendance actuelle dans l'industrie, c'est de s'engager à fournir de l'énergie pendant cinq ans, dix ans, mais avec des tarifs renouvelables annuellement. Tant qu'on n'a pas réglé cela, il reste qu'on ne peut pas, en 1978, toucher aux tarifs d'environ 25% de nos industries. Ce qui semble être plus bas, c'est-à-dire 19%, quand on l'applique aux industries visées, cela donne... Vous avez les chiffres?

M. Bisaillon (Jacques): Je peux les donner dans certains secteurs clefs. J'ai une compilation limitée des abonnements ayant atteint le tarif réel le 31 décembre 1977. Alors, ceux qu'on peut toucher en 1978, ce sont les pâtes et papiers avec 27,5; l'électrométallurgie et les abrasifs avec 26,6; l'industrie de la chimie et de l'électrochimie avec 22,7%, l'industrie minière métallique, avec 26%, l'industrie minière non métallique avec 23,6%, et fer et acier, avec 19,8%, etc.

Vous voyez un peu, par rapport à la moyenne de 20% dont on parle ce que cela fait.

Est-ce que cela répond à la question?

M. Boyd: Dans le mémoire tarifaire que vous avez devant vous, le secteur industriel se trouve à la page 14.

M. Goulet: D'accord! M. le Président, si vous me permettez, en ce qui concerne l'agriculture, est-ce qu'il y a également une nouvelle méthodologie ou si ce sont les mêmes pourcentages qu'avant? Je pense que l'agriculture était reconnue comme domestique. Dans les nouvelles tarifications, y a-t-il du changement?

M. Bisaillon (Jacques): Non, il n'y a pas de changement sur la façon de traiter l'entreprise familiale agricole. C'est toujours considéré comme étant un domicile d'abord auquel on raccorde également certaines autres installations. Seulement, quand cela devient un commerce, une compagnie limitée, là c'est différent.

M. Goulet: En agriculture, supposons un gros producteur de porc, par exemple, qui a quand même une ferme, je ne parle pas d'une compagnie, comment le considérez-vous?

M. Bisaillon (Jacques): Si c'est une ferme familiale, c'est le tarif domestique qui s'applique.

M. Goulet: Peu importe l'importance du producteur.

M. Bisaillon (Jacques): Peu importe l'importance. La seule différence qui pourrait arriver c'est que s'il a une très grande ferme, qu'il installe une étable ou un autre bâtiment quelconque sur sa terre, très loin, et que cela prend un raccordement distinct; alors, c'est considéré comme usage général. On n'a pas de raison, à ce moment-là, de consentir le tarif domestique.

M. Goulet: Ah bon! Ce matin, M. le Président, on a invoqué un principe voulant que si on augmente les prix, cela peut faire en sorte que les gens dépensent moins. Est-ce qu'il y a une étude concrète là-dessus qui a été faite par l'Hydro qui démontre que l'augmentation tarifaire peut jouer sur la demande ou si les gens disent: Cela nous coûte $40 de plus par année, cela va avec le coût de la vie et on n'épargnera pas grand-chose l'an prochain. Est-ce que des études ont été faites là-dessus par l'Hydro?

M. Boyd: On a fait un sondage, cet été, assez sommaire et rapide. Je pense qu'on devra en faire d'autres. Ce sondage indiquait que les Québécois n'étaient pas encore tellement motivés par l'économie de l'énergie. Donc, et de notre part, et de la part du gouvernement, si on veut que cela devienne sérieux, il va falloir intensifier ces mesures de promotion, etc.

En fait, une des mesures, c'est de leur montrer que l'électricité coûte plus cher. Les gens ne sont pas encore motivés pour l'économie.

À l'Hydro-Québec, nous avons entrepris, nous-mêmes, une campagne pour donner l'exemple. On a souvent dit, dans le passé, à l'Hydro-Québec: Vous donnez un mauvais exemple, votre édifice est éclairé toute la nuit. Depuis un bon bout de temps, dès que les concierges ont terminé le ménage le soir, on ferme les lumières, au siège social de l'Hydro-Québec, et on les ouvre le matin. L'éclairage architectural de la façade est aussi fermé. Comme le dit M. Dozois pendant les fins de semaine, l'éclairage de l'édifice est fermé, dès que les concierges sont sortis de l'édifice, dans la nuit de vendredi au lundi matin. Dans tous les autres bâtiments de l'Hydro-Québec, on prend des mesures semblables. Il y a un édifice important qu'on va construire ici, à Québec, pour regrouper tous nos services de la région Montmorency, siège social et district, un édifice de plusieurs millions de dollars. On a décidé d'investir quelques centaines de milliers de dollars pour la récupération de la chaleur. On va donner l'exemple là également. On pense qu'en dedans de trois ans, au plus quatre ans, on aura payé notre système de récupération de chaleur par l'économie d'énergie qu'on aura faite.

C'est à la grandeur de notre entreprise qu'on applique nous-mêmes ce qu'on veut prêcher.

M. Goulet: M. le Président, une dernière question. L'Hydro-Québec présente ses demandes de hausse sur une base annuelle. On a vu ce matin qu'elle aurait préféré sur une base triennale, mais sur une base annuelle, est-ce que pour l'Hydro-Québec, c'est une politique à long terme? Si oui, qu'est-ce que cela peut représenter, en terme de planification pour l'Hydro-Québec, que la hausse

des tarifs soit seulement annuelle? Est-ce que cela peut influencer énormément dans la planification en général, pour l'Hydro-Québec?

M. Boyd: C'est plus facile si c'est connu à long terme vis-à-vis des financiers, ou les gens qui vont acheter nos obligations. D'un autre côté, par expérience, ces gens savent qu'on peut, avec notre gouvernement, obtenir les augmentations qu'il nous faut pour que l'Hydro-Québec garde une administration saine. Jusqu'à présent ils ont toujours connu cette expérience, ils sont satisfaits de cela. Peut-être M. Giroux voudrait-il ajouter un commentaire là-dessus?

M. Giroux: Naturellement, le facteur de comparaison, comme les gens l'ont expliqué, a toujours été sur une base annuelle, aux États-Unis. Comme M. Lafond l'a expliqué au lunch, ce midi, aux États-Unis ils sont presque toujours un an en arrière. Nous, on a déjà eu trois ans. C'était une mesure qui nous a énormément aidés. À preuve, les succès qu'on a eus dans les marchés en 1976 et 1977. Je crois que c'est dû à la bonne administration de l'Hydro-Québec, à l'ensemble des tarifs de l'Hydro-Québec qui ont toujours été bien compris de la part du gouvernement. Maintenant, je ne vois pas de handicap sérieux au fait que, pour une fois, il y ait un tarif d'un an seulement. À certaines personnes qui m'ont posé la question, j'ai demandé quel serait le prix de l'huile en 1979. Comme on peut s'attendre qu'il soit plus haut encore, on peut peut-être espérer. Mais jusqu'à présent, la limite d'un an, ne sera pas une question qui nous aura empêché d'emprunter.

M. Boyd: En fait, M. le Président, si vous permettez, j'ajouterai qu'en 1975 on avait parlé de trois fois dix et, en réalité, le gouvernement nous avait accordé dix pour 1975. Ensuite on est revenu, et il nous a accordé dix pour 1976 et 1977. Donc on espère que la même chose va se reproduire.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai un certain nombre de questions à poser aux porte-parole de l'Hydro, mais je voudrais, M. le Président, situer dans le contexte les remarques que le ministre a faites au début de son exposé de ce matin. Il a effectivement consacré une large partie de son exposé è nous parler de la loi constitutive de l'Hydro, de l'obligation légale qui est faite à l'Hydro de répondre à la demande.

Il s'est montré capable de discuter de façon fort experte des ratios et des différentes autres mesures utilisées dans l'évaluation de la situation financière de l'Hydro. On peut le féliciter d'être un bon élève puisqu'il semble avoir fait des progrès remarquables dans sa compréhension des problèmes de l'Hydro depuis quelques années.

On ne peut pas, de la même façon, le féliciter d'avoir été très courageux parce que le sens de ses remarques, ce matin — c'est cela qu'il est im- portant de souligner en commission parlementaire — c'était d'utiliser un argument de nécessité. Il a dit qu'il y avait la demande qui croissait, que la loi obligeait l'Hydro à répondre à la demande, que les coûts augmentaient, qu'il y avait la nécessité pour l'Hydro de fournir à la demande à des coûts raisonnables tout en respectant des règles financières déjà connues.

J'allais presque croire, à ce moment, qu'il recommanderait à la commission d'ajourner ses travaux sine die puisqu'on était suffisamment informé. Il n'y avait, semble-t-il, aucune décision à prendre. Un ordinateur aurait pu le faire à notre place, à la place du ministre ou de l'Hydro.

Même si, à la toute fin de son exposé, il a ouvert une immense porte, presque une porte de grange, en disant que cette demande qui, soi-disant, détermine tout pour le gouvernement et l'Hydro, c'est une chose qu'on va apprendre à contrôler. Finalement, ce qui nous contrôle est contrôlable. Donc, on a des décisions à prendre, mais en laissant de côté, pour le moment, la question de contrôler la demande parce que cela, c'est tout un autre volet du problème.

En tenant pour acquis que la demande est là, qu'il y a des projections qu'on accepte à défaut de vouloir les modifier dans l'immédiat, j'aimerais savoir, des représentants de l'Hydro, quelle est leur version ou quelles sont les explications qu'ils donnent vis-à-vis de cet argument de nécessité?

En effet, si on tient pour acquis qu'il y a une certaine croissance de la demande, dans quelle mesure les décisions qu'ils cherchent à faire autoriser par le gouvernement impliquent-elles nécessairement et inévitablement ces projections de la demande? Ce n'est pas du tout évident, à première vue, qu'à partir de ces projections il faille déboucher sur des majorations de 20%. Effectivement, ce matin, mon collègue de Jean-Talon a déjà fait ressortir qu'une augmentation de 17% serait suffisante pour satisfaire au ratio de couverture des intérêts, mais, même au-delà de cela, il y a un certain nombre de questions qui se posent.

La première de ces questions consiste à savoir jusqu'à quel point l'augmentation prévue des tarifs est basée sur l'hypothèse que les projections de la demande, cette demande qu'on veut satisfaire et pour laquelle on veut financer des investissements, est elle-même modifiée par l'augmentation des tarifs. À la fois le ministre et le président de l'Hydro, dans leur présentation, ont fait allusion à la possibilité qu'une augmentation des tarifs vienne modérer la demande d'électricité. Ma question est précisément la suivante: Est-ce que, dans les tableaux qui nous ont été soumis, où on fait des projections sur les revenus qui vont découler des nouveaux tarifs pour l'Hydro, on a supposé que les projections de demandes demeurent inchangées ou est-ce qu'on a, au contraire, supposé que cet accroissement de la demande serait modifié? De quelle façon serait-il modifié par l'augmentation des tarifs?

M. Boyd: Évidemment, lorsqu'on parle de la demande, il y a deux facteurs qu'il faut retenir. Il y a la croissance de la demande d'électricité qui se-

rait normale, et il y a aussi l'effet de substitution. C'est ce dernier point qu'on peut contrôler le plus difficilement. À mesure que le concurrent, c'est-à-dire le pétrole, augmente et devient de plus en plus rare, les gens adoptent l'électricité, par substitution, très rapidement. Actuellement, et depuis quelques années, on peut dire qu'à peu près 60% des nouvelles habitations construites l'ont été à l'électricité. C'est évidemment quelque chose qui est nouveau depuis quelques années et qui a une influence sur la demande. De plus, il reste quand même que l'électricité ne représente que 22% de l'énergie consommée au Québec, l'huile étant de 73% ou 75%, le reste étant le gaz, etc. À mesure que le prix de l'huile augmente et que les gens savent que l'huile va devenir de plus en plus rare, les gens convertissent des anciennes maisons. Mais la grande majorité d'entre eux sont encore au chauffage à l'huile.

Alors, il y a donc la croissance normale qui serait due à l'utilisation de l'électricité pour les fins autres que le chauffage et la substitution de l'électricité à l'huile ce qui a un effet sur la demande. Nous pensons que même avec les efforts qu'on va faire et avec les nouveaux tarifs, l'effet sera de modérer la croissance, mais pas nécessairement de la diminuer, pour les années immédiates. On pense que d'ici 1980, au moins, on va rester dans les 7 3/4% de croissance comme on l'avait déjà dit. Est-ce que d'ici 1985, on pourra diminuer? Ce n'est pas sûr, à cause justement de l'effet de substitution. Peut-être qu'on va réussir à convaincre les gens de fermer la lumière quand ils sortent d'une pièce ou de mieux isoler leur maison si elles sont a l'électricité, mais il y a toutes les autres qui ne sont pas encore à l'électricité et qui le deviendront. Tout cela, ce sont des facteurs qu'on ne connaît pas, donc qu'on ne peut pas contrôler.

Nous avons prévu le projet de la Baie James et notre programme d'ici 1985, en fonction d'une demande croissante, disons, d'environ 7 3/4%. On pense que cela va se maintenir à cause de la croissance normale et de la substitution. Par la suite, il est possible que la croissance de la demande soit moins importante de 1985 à la fin du siècle. C'est une chose qu'on discute constamment avec le ministère responsable de l'énergie. Cela peut être un minimum ou un maximum mais on n'est pas arrivé encore à des conclusions, à des points définitifs à ce sujet. Mais en ce qui concerne l'avenir immédiat, comme on veut le faire, pour les fins de nos emprunts et de notre programme d'ici à 1980, on ne pense pas que la publicité, ni même les nouveaux tarifs vont avoir un effet formidable sur la demande, mais il faut commencer quelque part.

M. Forget: M. Boyd, pour être bien sûr que je comprends votre réponse, si on voulait la résumer en quelques mots, il me semble qu'il serait exact — vous pourrez me corriger si je me trompe là-dessus — que dans les projections qui ont été soumises aux membres de la commission parlementaire relativement à l'augmentation souhaitée par l'Hydro-Québec de 20% et répétitive sur trois ans, les hypothèses de vente d'énergie qui apparaissent implicitement, au moins, dans les revenus que vous anticipez pour les années à venir, ne tiennent absolument pas compte — enfin non, ce serait erroné de l'expliquer comme cela — tiennent pour acquis qu'il n'y aura aucun effet de cette augmentation de tarifs sur le taux d'accroissement de la demande.

M. Boyd: Ce n'est pas tout à fait exact, M. Forget, parce qu'il est vrai qu'on assume 7 3/4% pour les trois années qui viennent, mais si on ne faisait rien si on laissait faire, si on n'augmentait pas les tarifs, si on ne faisait pas de publicité, je pense que jusqu'à maintenant, cette année, nous sommes rendus à 12% d'augmentation par rapport à l'année passée, d'augmentation. Alors, si on laissait faire, où cela irait-il? Je ne le sais pas. Nous planifions pour 7 3/4% pour les années 1978, 1979, 1980 et on pense que c'est réaliste. Cette année, on est à plus que cela.

M. Forget: Je comprends que cette année, vous êtes à plus que cela, mais l'an dernier, si je comprends bien, dans des séances de la commission parlementaire ayant plus ou moins le même objet, est-ce que le chiffre de 7 3/4% d'augmentation annuel n'était pas le chiffre qui est ressorti des témoignages des représentants de l'Hydro-Québec et est-ce que, dans le fond, on ne se retrouve pas encore avec le même chiffre? C'est donc dire que si vous estimez qu'il y a un effet de la hausse des tarifs sur le taux de croissance, vous avez eu des raisons depuis ce temps-là de croire que vos estimations, publiées l'an dernier, sur le taux de croissance étaient, s'il y a quelque chose, inférieures à la réalité et devraient être révisées à la hausse, révision que vous ne faites pas, tenant compte d'une augmentation de 20% que vous cherchez à obtenir du gouvernement.

M. Boyd: Comme je vous le disais, on essaie de maintenir à 7 3/4% pour ne pas avoir à faire des investissements supérieurs à ceux qu'on a déjà et on pense que l'incitation qu'on va faire et que les tarifs augmentés qu'on va — espérons-le— obtenir, vont encourager les gens à conserver... C'est volontaire jusqu'à maintenant. En tout cas, nous ne pouvons pas faire autre chose qu'inciter les gens. On n'a pas les pouvoirs de les forcer. Mais on pense, et on espère, que ce ne sera pas plus que 7 3/4% d'ici les trois prochaines années. Voilà les derniers chiffres: le 30 juin, on avait prévu, pour 1977, que le domestique-agricole — là, je parle de kilowatts-heures, d'énergie — augmenterait de 10,6%. En réalité, cela a été de 17,1% par rapport à l'année passée. Pour la petite et moyenne puissance, on avait prévu 8,5%, ce fut 12,9%. Pour la grande puissance, on avait prévu 8%, ce fut 5,7%. Pour l'éclairage public, on avait prévu 6,5%, ce fut 6%. Et pour le total des ventes, on avait prévu 9% et ce sont les 12% dont je vous parlais tout à l'heure qui ont été atteints. C'était en juin. Qu'est-ce que cela va être d'ici la fin de l'année? Je ne sais pas, mais la tendance indique assez fortement une substitution déjà. On a donné

différentes raisons. Les programmes d'autofinancement et des mesures d'économie sont commencées. On veut que nos tarifs soient le plus près possible de ceux de l'huile tout en demeurant inférieurs et tout en restant en bas des autres électriciens au Canada et, en fait, en Amérique du Nord. On fait tout cela et on vous demande 20%.

M. Forget: Je ne voudrais pas sauter aux conclusions trop rapidement, mais il reste que ce que j'aimerais qui soit bien clair c'est: Est-ce que oui ou non — et avec vos réponses je dois avouer, sans vouloir vous pourchasser jusque dans tous les détails — l'Hydro-Québec prévoit que la demande sera affectée par les augmentations de tarifs envisagées? Dans votre présentation — et j'y reviens — vous dites: La recommandation qu'on fait nous permettrait d'obtenir plusieurs objectifs à la fois. Il y a la question d'autofinancement — on y reviendra tout à l'heure, si vous voulez bien — et un certain nombre d'autres considérations. Mais il y a, en particulier, la possibilité que des tarifs plus élevés favorisent la substitution ou empêchent qu'elle se fasse trop rapidement en faveur de l'électricité. Là, ce n'est pas très clair, on dit: Cela va aider une meilleure utilisation, une meilleure économie des ressources.

Ce que j'essaie de déterminer auprès de vous, c'est: Est-ce que l'Hydro-Québec a dû réviser à la hausse ses prévisions d'augmentation de la demande depuis l'an dernier? Vous parliez, l'an dernier, de 7 3/4%. Sinon, si vous ne les avez pas révisées à la hausse, en dépit de l'expérience de la dernière année, mais c'était une expérience d'un an, est-ce que cela vous permet de réviser ou cela vous autorise-t-il à réviser vos projections sur dix années? Cela je n'en sais rien. C'est une question technique que je vous laisse entièrement. Si vous n'avez pas révisé vos prévisions — vous nous parlez toujours de 7¾% — avec trois augmentations successives de 20% recommandées, parce que c'est là-dessus que vos calculs sont basés, donc une augmentation cumulative des tarifs de plus de 60% échelonnée sur trois ans, si cela n'a aucun effet sur la consommation, ce serait intéressant de savoir et ce serait peut-être intéressant de connaître les conclusions des études des mémoires que vous avez pu faire sur le sujet. C'est vital et je pense que c'est inhérent à la question qu'on pose aujourd'hui aux membres de la commission parlementaire, à savoir est-ce que cette augmentation-là va avoir au moins parmi ses effets, je comprends qu'il y en a d'autres, mais parmi ses effets, un impact sur la demande, sur la croissance de la demande?

Encore une fois, je n'ai pas le sentiment que cette question soit très claire dans le moment.

M. Boyd: M. le Président, ce n'est pas une chose qu'on peut prédire. La réaction du public est assez imprévisible. Mais, avec la publicité qu'on va ajouter, cette augmentation de tarif, d'ici la fin de l'année... On va faire une promotion d'incitation. L'hydro-Québec, à son siège social, a pu économiser 18% de l'énergie consommée en fermant ses lumières la nuit. Si on le dit et que les autres font pareil, cela va avoir un effet. Mais si les gens s'en foutent et qu'ils ne le font pas, qu'ils disent cela ne coûte pas cher et qu'ils continuent quand même, ce sont des choses qui sont assez difficiles à prévoir. Mais, dans nos commentaires, on vous dit: II y a différents secteurs qui justifient cette demande. On pense que, si certaines personnes ont à payer 20% de plus, elles vont faire plus attention.

Combien cela va-t-il représenter? Je ne le sais pas, c'est l'expérience qui va nous le dire.

M. Forget: Est-ce que l'Hydro fait des études sur l'élasticité observée dans le passé, de substitutions, en fonction des prix de l'électricité, pour d'autres sources d'énergie? Est-ce qu'à l'aide de ces études il ne serait pas possible de faire des hypothèses basées sur une étude un peu plus systématique? Je comprends que, d'après des impressions personnelles, on peut supposer que cela va avoir des effets, mais est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de plus détaillé comme analyse de cette question qui serait disponible?

M. Dozois: M. le Président, si vous permettez, je pense qu'au tableau de la page 12 au résumé du mémoire tarifaire il y a peut-être un élément de réponse aux questions du député de Saint-Laurent. À la première ligne, on voit des chiffres qui reproduisent les ventes assujetties aux règlements tarifaires, aux tarifs de 1977. Alors, quand on regarde le revenu anticipé sans augmentation de tarif, on remarque qu'en 1978, par rapport à 1977, il y a $108 millions d'augmentation de revenus, sans augmentation de tarifs, ce qui représente réellement une augmentation de 9,7%. Si on fait la même comparaison entre 1978 et 1979, il y a $105 millions, ce qui représente une augmentation de 8,6% et, 1980 par rapport à 1979, il y a $106 millions d'augmentation, ce qui représente 8%.

Or, on voit que l'augmentation de la consommation — parce que cela représente uniquement une augmentation de la consommation — a une tendance à diminuer. Maintenant vous allez peut-être me dire: Bien, vous avez estimé cela à 7,7% en 1975 et vous nous donnez des chiffres de 9.7%, 8,6% et 8%. 7,75%, c'était une moyenne sur une période de dix ans, je crois. Alors je pense que ces chiffres indiquent que nous anticipons une diminution de l'augmentation de la consommation.

M. Forget: Oui, les pourcentages de la consommation que vous déduisez de cela sont de combien pour chacune des années?

M. Dozois: En 1977, sur $1,118,000,000... En 1978, on prévoit, sans augmentation de tarif, $1,226,000,000, soit $108 millions d'augmentation, ce qui représente 9,7% d'augmentation.

M. Forget: C'est une accélération, non un...

M. Dozois: Oui, c'est une accélération. Mais je vais vous faire remarquer que, pour 1979 par rapport à 1978, vous avez $105 millions d'augmentation, $105 millions sur $1,226 milliard, cela repré-

sente seulement 8,6% d'augmentation. Et, de 1980 par rapport à 1979, $1,437 milliard, comparé à $1,331 milliard, cela fait $106 millions d'augmentation, qui ne fait que 8% d'augmentation.

Je pense que ces chiffres démontrent qu'il y a augmentation, mais c'est une augmentation moins forte d'année en année, que l'on anticipe sur la consommation.

M. Forget: Cela ne serait pas les mêmes pourcentages qu'on obtiendrait au tableau, à la page 11?

M. Dozois: Au tableau de la page 11, vous avez les revenus, tenant compte d'une augmentation de 20%.

M. Forget: Mais avec les mêmes croissances de la consommation?

M. Dozois: Avec le même chiffre d'augmentation, qui est l'augmentation naturelle, si vous voulez, soit par l'augmentation de la population, l'augmentation de l'activité économique, etc.

M. Boyd: Aux pages 11 et 12, on emploie les mêmes...

M. Forget: Ce que vous dites, M. Dozois, confirme ce que M. Boyd avait dit, indiquant que vos prédictions, jusqu'en 1980, et peut-être même jusqu'en 1985, quelles que soient les modifications de tarif, dans l'ordre de grandeur envisagé, n'affecteront pas la croissance physique de la consommation.

M. Dozois: Je pense que les montants que nous avons prévus indiquent qu'il y aura une diminution de l'augmentation de la consommation; non pas une accélération, mais le contraire.

M. Boyd: En plus de donner l'exemple dans nos bâtisses et en plus d'inciter les gens à l'économie, on veut, par des augmentations de tarif, dire aux gens: Economisez donc l'électricité. Laquelle de ces trois incitations va avoir le plus d'effet? Je ne le sais pas. Nous prétendons que même avec ces trois incitations, d'ici 1980, cela va être encore 7,75. Si on ne faisait pas ces trois incitations, cela pourrait peut-être atteindre 10.

Notre programme de construction d'investissement qui est celui de la Baie James, on ne peut pas l'accélérer tellement et répondre à des demandes plus fortes. On veut s'en tenir à ce qu'on avait prévu dans le temps, 7,75% et on pense qu'avec ces trois actions qui tendent vers la même direction, on réussira à maintenir le 7,75. C'est ce qu'on peut faire. Il y a une forte poussée, comme les chiffres de cette année l'indiquent, vers la substitution à l'électricité.

M. Garneau: Sur le même sujet que soulevait le député de...

Le Président (M. Clair): M. le député de Jean-Talon, si c'est quelque chose d'assez bref, cela va.

M. Garneau: Sur le même sujet, oui. Le Président (M. Clair): D'accord.

M. Garneau: L'Hydro-Québec, dans votre demande, vous suggérez, vous estimez qu'une augmentation de tarif — et c'est là l'une des raisons pour lesquelles vous la demandez, en plus d'accroître l'autofinancement — incite aussi à encourager l'utilisation rationnelle de l'électricité.

Ma question serait plutôt à l'adresse du ministre, dans ce cas-là. Lors de la commission parlementaire qui a étudié le problème de l'énergie, en février dernier, vous déclariez, à l'occasion de la présentation d'un mémoire qui soulignait les augmentations de tarif, que le gouvernement envisageait que le programme d'économie... pour employer les termes exacts, je vais citer le texte, c'est à la page 326 du journal des Débats: "Le programme d'économie qu'on envisage n'est pas fondé du tout sur des hausses de prix pour inciter les consommateurs à épargner, parce que privés de moyens pour pouvoir se procurer de l'énergie".

Est-ce que le gouvernement, le ministre responsable du secteur énergétique serait prêt à suggérer à l'Hydro-Québec de ne pas donner suite à la partie de la demande d'augmentation de tarif de 20% qui est demandée pour favoriser une diminution dans le taux de croissance de la demande, pour être en mesure d'atteindre le même objectif par les programmes auxquels il référait, puisqu'il mentionnait que ce n'était pas par l'augmentation des coûts qu'il voulait assurer une diminution de la croissance de la demande?

Si le ministre n'a pas changé d'idée et s'il était sérieux à ce moment-là, peut-être qu'au lieu d'avoir une augmentation de 20%, telle que demandée par l'Hydro, avec les programmes qu'il avait en tête, j'imagine, et qu'il entend exposer à un moment donné, les consommateurs québécois, au lieu d'assumer une augmentation de 20%, pourraient en assumer une qui serait uniquement reliée à l'augmentation du taux d'autofinancement, de sorte que la croissance de la demande serait contrôlée par d'autres programmes que des programmes reliés à l'augmentation des coûts. Il m'apparaît qu'il y a là une contradiction assez grande entre l'approche de l'Hydro et celle que nous exposait le ministre de l'Energie, en février dernier.

M. Joron: M. le Président, je veux bien répondre, mais je ne pense pas qu'il y ait une contradiction très grande. L'Hydro indique clairement que l'effet d'une hausse de tarifs peut, dans une mesure que tout le monde ici semble incapable de cerner ou de chiffrer, avoir un effet modérateur sur la consommation. De combien? On ne le sait pas. Je pense qu'il apparaissait clairement que la principale raison de la hausse des tarifs se fonde d'abord et avant tout, non pas parce qu'on a choisi d'augmenter des prix comme instruments pour modérer la croissance, mais tout simplement à partir, comme on le disait ce matin, de la nécessité presque législative dans laquelle on se trouve d'assurer X pourcentage d'autofinancement. Alors,

l'effet de l'augmentation demandée par l'Hydro ne fait que rétablir la couverture des taux d'intérêt à peu près à la moyenne de ce qu'elle a été au cours des cinq dernières années. Si on avait vraiment voulu hausser les tarifs, dans le but explicite de modérer la demande, cela aurait été, je pense, beaucoup plus que cela qu'il aurait fallu faire. Je pense effectivement, un peu comme on l'a dit tout à l'heure, que les consommateurs sont relativement encore insensibles au prix, dans des proportions semblables, parce qu'ils font le raisonnement suivant en ce qui concerne l'électricité: L'électricité augmente de 20%, donc je vais essayer de prendre des mesures pour diminuer ma demande, peut-être. Mais, comme on vient de le dire, comme l'essentiel de la croissance provient, en bonne partie aussi, de la substitution, celui qui chauffe à l'huile et qui sait, tel que cela a été décidé par le gouvernement fédéral, que le prix de l'huile à chauffage, le prix du pétrole brut à l'intérieur du Canada va augmenter de 40% dans les deux prochaines années, il voit venir cela. Il se dit: Même si l'électricité augmentait de 20%, c'est encore moins pire, je vais de l'autre bord. Si on avait vraiment voulu l'arrêter complètement, c'est de 30% ou même plus qu'il aurait fallu augmenter les tarifs.

M. Garneau: Mais, ma question n'était pas tellement dans le sens de la réponse que vient de donner le ministre. Je suis porté à croire qu'une augmentation des tarifs peut amener une certaine diminution de la consommation, un peu comme les gens de l'Hydro et le député de Saint-Laurent l'ont mentionné tout à l'heure, c'est difficile de mesurer, de quantifier. Mais, le sens de ma question, c'était que l'Hydro-Québec demande des augmentations de tarifs pour atteindre deux objectifs, d'une part l'autofinancement et d'autre part, une diminution dans la croissance de la demande, une utilisation rationnelle de l'électricité.

Ma question était de savoir si le ministre pourrait atteindre cet objectif de diminution de la croissance en rapport avec les propos qu'il tenait en février, parce que je pense que tout le monde avait pris assez au sérieux cette question et le ministre avait été assez affirmatif en disant qu'il y avait d'autres moyens que l'augmentation des coûts pour contrôler la demande. La question que je lui posée est: Pourquoi ne pas appliquer immédiatement ces autres moyens? Le programme d'économie qu'on envisage n'est pas du tout fondé sur des hausses de prix. Alors, comme la demande de l'hydro est faite pour diminuer la croissance de la demande, je me dis: S'il y a 5% ou 10% qui sont dus à la croissance de la demande qu'on veut voir diminuer, pourquoi ne pas accepter uniquement une augmentation de 10% et appliquer les autres 10% selon les propos que vous teniez en février?

M. Joron: Je comprends le sens de votre question et j'y répondrai; je pensais que je venais de le faire. Si on emploie le premier des deux critères que vous évoquez et que vous attribuez à l'Hydro, l'autofinancement, à ce seul titre-là, on est pris avec une augmentation de l'ordre de 20% de toute façon. On pourrait remonter autour de 1,15% ou 1,30% la couverture des taux d'intérêt, mais à ce seul titre, si en plus, cela a un effet modérateur, tant mieux. Mais la citation que vous évoquez, je suis d'accord là-dessus.

Si le seul instrument qu'on avait à notre disposition pour rationaliser notre consommation énergétique non seulement dans l'électricité, mais dans tous les domaines, c'était le prix. Je trouvais cela, jusqu'à un certain point, assez odieux parce qu'il y a aussi d'autres moyens. Je parlais des efforts pour amener des économies de l'énergie en plus des prix que l'on ne contrôle pas, jusqu'à un certain point. Il y a une grande partie des prix de l'énergie qui ne dépend pas de nous. Il y a tous les hydrocarbures qui viennent de l'extérieur et ainsi de suite et dont le prix est fixé par le gouvernement fédéral. En plus des prix, ce sur quoi il faut fonder nos programmes d'économie d'énergie, ce sont des mesures autres que le prix, par exemple l'isolation des bâtiments. C'est une forme d'énergie qui n'intéresse pas l'électricité, je parle des voitures et tout le secteur du transport. En commençant au tout début par un simple programme d'information et de sensibilisation il y a des tas de petits trucs pour économiser de l'énergie que le consommateur ne connaît pas. Il suffit de les lui faire connaître et nous aurons des résultats. C'est dans ce sens que je disais que les programmes d'économie de l'énergie, je les voyais d'abords fondés sur toutes ces mesures. Si l'effet des prix en plus de cela vient aider à ralentir la demande, tant mieux. Elle ralentira davantage.

M. Garneau: M. le Président, la seule remarque que je voulais faire c'est que, dans ce domaine, le ministre de l'énergie n'apparaît pas sur un terrain solide entre la demande de l'Hydro-Québec et les propos qu'il tenait en février. Il s'en rend compte lui-même et je ne veux pas aller plus loin que cela.

M. Joron: Non. Je ne vois pas la contradiction.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Pour revenir à la question de l'effet de la hausse des tarifs sur la demande, je terminerai par deux observations qui semblent se dégager de cela. La première, c'est qu'il m'apparaît étonnant que la commission parlementaire soit appelée à débattre cette question de la hausse des tarifs sans qu'on puisse faire état de quelque étude que ce soit, soit de la part du gouvernement ou de l'Hydro-Québec, nous permettant de juger par nous-mêmes les hypothèses qui ont été faites, dans les calculs qui nous sont présentés, pour expliquer les projections de revenus qui vont découler d'une augmentation cumulative des tarifs de plus de 60%.

Suivant l'affirmation que nous avons eue de la part de l'Hydro-Québec, il m'apparaît incroyable que cet effet puisse être mis de côté, que les projections de consommation sont non affectées par

une hausse de tarif de cet ordre de grandeur. Soit l'Hydro, soit le ministère devrait pouvoir documenter sa cause beaucoup plus abondamment et précisément que cela. Je ne peux pas croire tout simplement que l'on fasse une affirmation comme celle-là et qu'on s'en contente. Il est clair que l'on peut faire un tas d'hypothèse sur la hausse des coûts du pétrole, sur les habitudes de consommation mais, à mon avis, il n'est pas admissible qu'on vienne nous affirmer qu'on va faire une chose de cet ordre de grandeur, que cela n'aura aucun effet prévisible et que les calculs sont faits en ne tenant compte d'aucun effet sur la consommation.

Une deuxième observation qui est directement pertinente à ce qu'on va aborder maintenant, c'est la question de financement. Il est évident que si la consommation en volume, en kilowatt-heure est affectée par la tarification — et il est vraisemblable qu'elle le sera, sinon il faudrait justifier les hypothèses qu'on fait afin d'expliquer pourquoi on pense que ce ne sera pas le cas — si la commission est affectée par les tarifs, on va compliquer le problème de l'autofinancement. Il est clair que si la consommation, par exemple, diminuait à des chiffres inférieurs à ceux prévus, l'augmentation des tarifs serait insuffisante pour produire l'autofinancement envisagé.

D'autre part, si la consommation continuait à s'accroître à cause, par exemple, de la hausse des coûts du pétrole plus que prévue, à ce moment on va avoir un autre type de difficulté. On va avoir plus de revenus qu'on en voudrait. C'est moins grave pour l'Hydro, bien sûr, sauf qu'on va demander aux contribuables et aux consommateurs de solder une note plus élevée qu'elle devrait strictement l'être. Pour ces deux raisons, je crois que la hausse des tarifs, ne tenant compte seulement que de l'effet de la hausse des tarifs sur la consommation, n'est pas suffisamment justifiée ou expliquée, du moins pour me satisfaire personnellement.

Le Président (M. Clair): M. Boyd.

M. Boyd: Jusqu'à maintenant on a beaucoup parlé de l'abonné domiciliaire, du citoyen moyen, pour qui l'augmentation de 20%, comme on l'a dit ce matin, va représenter environ $43 par année. C'est évident que $43 par année, dans le contexte où l'on vit aujourd'hui, ce n'est pas nécessairement ce qui va arrêter quelqu'un de consommer, à moins qu'il ne soit sérieux dans son budget. Mais on va l'inciter, etc. Ce sur quoi je voudrais surtout revenir — c'est un oubli assez important dans notre discussion — c'est sur l'effet des tarifs sur le général, c'est-à-dire sur le commerce et tous ces bâtiments, qui entre dans les tarifs généraux, de même que l'industrie.

Dans l'industrie des pâtes et papiers et dans toutes les autres, nous l'avons mentionné tout à l'heure, il va y avoir des augmentations de 23%, de 25% et de 27%. Quant aux centres commerciaux, ils vont subir des augmentations de 20%, 23% et 25%. Ces gens-là vont prendre cela plus au sérieux parce que ce sont des gens qui sont plus conscients. Ce sont évidemment des montants beaucoup plus appréciables qui vont les affecter. Je pense que du côté commercial, industriel et général, avec des augmentations de 20%, surtout si on s'attend à en avoir deux autres en ligne, comme nous l'avons indiqué, ils vont certainement être plus alertes. Je sais qu'il y a des entreprises qui s'occupent exclusivement de faire le tour des industries pour indiquer comment réduire leur facture d'électricité. Nous-mêmes n'avons pas beaucoup détaillé ce matin les mesures incitatives que nous allons employer. Nous avons parlé d'incitation par la radio, les media, etc. C'est pour l'abonné domiciliaire. Là-dessus, je ne peux pas vous dire quel sera l'effet. Il y a des gens pour qui $5 par mois, valent la peine. Il y a des gens qu i ne s'occuperont pas de $10 par mois. Que sera le résultat? Je ne le sais pas. Mais du côté des centres commerciaux, des édifices commerciaux, des industries, cela représente des millions de dollars par année. 25% de plus c'est beaucoup sur $1 million par année. On a même dit qu'on avait du rattrapage à faire chez certaines industries. Au lieu de 24%, on demande de pouvoir les augmenter jusqu'à 48%. C'est évident que ces industries vont prendre les mesures pour économiser l'énergie.

De plus, ce dont on ne vous a pas parlé ce matin, parce qu'on n'est pas entré dans le détail, ce sont de nos mesures incitatives. Avec certains centres commerciaux importants, leurs ingénieurs et leur personnel, on veut entreprendre des études pour voir ce qui peut être fait au point de vue éclairage, réfrigération, récupération de la chaleur et réutilisation. Cela sera fait sur une base volontaire et, en grande partie, à nos frais. Mais comme participation, ce seront des cas types. On va également le faire avec l'industrie. Certaines industries qui vont vouloir coopérer avec nous, qui vont demander notre assistance, serviront de cas types. On va leur dire comment il y aurait possibilité de récupérer l'énergie. Il y a d'autres sphères où on va travailler. C'est de la coproduction. Par exemple, dans le domaine des pâtes et papiers, on peut utiliser en partie les déchets pour la propre production. Ce sont toutes des choses qui vont s'ajouter. Mais avant que tout cela ait des effets et jusqu'à quel point...

M. Forget a parlé tout à l'heure d'études sur l'élasticité des tarifs, quels en seront les effets? On étudie cela à notre service de recherches économiques. Un peu partout dans le monde on étudie. Nos voisins, en Ontario, l'étudient. Aux États-Unis, c'est beaucoup étudié aussi. Mais je peux vous dire que personne n'a de réponse bien catégorique ou ferme sur ce qu'est l'élasticité. Jusqu'à quel point les gens vont répondre et jusqu'où cela aura un effet.

Cela va avoir un effet surtout dans le domaine industriel et commercial et, en partie, dans le résidentiel. On pourrait vous faire part de nos études sur l'élasticité, mais ce n'est pas concluant. C'est l'expérience qui va nous donner les résultats.

M. Joron: M. le Président, sur ce même sujet et strictement sur ce dont M. Boyd parle à ce moment, la raison pour laquelle M. Boyd vous donne des chiffres, fait des considérations sur l'élasticité

qui semblent un peu imprécises, tient du fait suivant: Au ministère, également, on a compilé tes études qui se sont faites tant aux États-Unis qu'en Europe et on arrive à déceler, cela semble être le consensus, c'est une moyenne de bien du monde, un taux d'élasticité quelque part entre 0,10 et 0,20; ce qui voudrait dire qu'appliqué à une hausse de prix de 20%, par exemple, d'une forme d'énergie, cela affecterait la croissance de la demande dans une proportion variant entre 2% et 4%.

C'est-à-dire que la quantité totale de l'augmentation l'année prochaine, au lieu d'être 100, serait, dans la meilleure des hypothèses, de 96. On voit que cela joue relativement faiblement. Par contre, sur une période d'années, cela peut avoir des effets plus immédiats, mais on s'aperçoit qu'à plus long terme, cela s'atténue et les moyennes redeviennent très faibles. On l'a vu, dans le cas de l'essence, à un moment donné, au moment de la crise en 1974, les embargos, cela a eu un effet immédiat. La consommation a baissé dans les mois ou les six mois, même l'année qui a suivi. Mais, finalement, pour reprendre au bout de huit mois, dix mois, douze mois, dix-huit mois, ainsi de suite. Cela semble s'atténuer dans le temps.

C'est pour cette raison que j'ai un peu objection à la remarque que faisait tout à l'heure le député de Saint-Laurent quand il disait qu'il trouvait incroyable qu'on n'ait pas en main ces taux d'élasticité et qu'on n'en ait pas tenu compte davantage. On les a en main ces taux, mais vous voyez les résultats que cela donne. Vous dites que, somme toute, cela tend à prouver que l'augmentation de la consommation n'est presque pas liée à la hausse des tarifs. Elle est peu liée. C'est vrai. Mais ce qui affecte notre hausse de demande, dans le cas de l'électricité, c'est d'abord et avant tout la substitution, c'est surtout la substitution... Je me réfère aussi, à ce sujet, à la dernière chose que vous avez dite. Vous avez dit: Si ultimement on avait raison et que les effets étaient plus grands qu'anticipés sur la modération de la demande, on aboutirait sur une espèce d'illogisme dans le sens qu'on aurait augmenté les tarifs, oui, mais si la consommation devait baisser, ces tarifs s'appli-quant sur des ventes moindres, cela ne produirait pas des taux d'autofinancement dont on a besoin et on n'aurait pas plus d'argent. Il faudrait augmenter les tarifs encore plus. Ce n'est pas exactement ce qui se passe, parce que le consommateur sachant justement ce qui arrive et ce qui l'attend, c'est déjà réglé et décidé, dans le cas du pétrole, il va préférer quand même s'en aller du côté de l'électricité.

C'est peut-être cela le chiffre qu'il faudrait savoir, mais vous comprendrez qu'il est difficile à mesurer. Dans l'augmentation annuelle de nos ventes d'électricité, qu'est-ce qui est représenté par l'augmentation de la consommation d'anciens clients et de nouveaux clients venus du pétrole? Une très grande partie semble venir de nouveaux clients venus du pétrole. Il semble qu'on n'ait pas les chiffres exacts. Donc, pour reprendre le dernier point que vous aviez soulevé, même si cette hausse de tarif entraînait, chez les consommateurs actuels d'électricité, une modération de leur de- mande provoquant, même à des tarifs plus élevés, une baisse des ventes de l'Hydro-Québec, ces ventes augmenteraient quand même par le transfert de toute une série de nouveaux clients qui sont affectés par des hausses de pétrole plus élevées.

Ceci étant posé, M. Boyd, j'avais une question tout à l'heure dans le domaine des tarifs, sur l'écart entre les tarifs domestiques et industriels. On a vu cette année, comme par les années passées, si ma mémoire est exacte, que l'augmentation des tarifs pour l'abonné domestique est un peu moindre que pour l'abonné de grande puissance industrielle. Cela ne paraît pas, comme on l'a expliqué tout à l'heure, au tableau tel qu'on l'a qui montre 19 par rapport à 20, mais on a expliqué que les 19 incluent des clients qui ne seront pas affectés par la hausse des tarifs en vertu de contrats à long terme dont vous avez hérité du passé. Mais, si on excluait ceux dont on ne peut pas, à cause d'engagements contractuels, changer les tarifs cette année, pour ceux dont les tarifs vont changer, là l'augmentation sera peut-être, d'après les chiffres que vous nous avez donnés tout à l'heure, de l'ordre de 24% ou 25%. Donc, il semble que votre nouveau tarif est en train, progressivement, de refermer l'écart qui est encore considérable entre le tarif d'un abonné domestique et le tarif d'un abonné industriel de grande puissance. Je pense que c'était la tendance des dernières années, progressivement.

Il y a une question que je veux vous poser. Je pense qu'elle mérite d'être éclaircie parce que c'est une question qu'on entend souvent soulever dans la population. C'est à première vue difficile à comprendre pour bien des gens. Vous pouvez avoir des objectifs d'industrialisation, peut-être un héritage de politiques du passé de privilégier les tarifs industriels pour accélérer l'industrialisation du Québec, mais les gens vous demandent quand même souvent, comment il se fait que vous vendez à la grande industrie beaucoup moins cher que vous ne me vendez à moi pour ma maison. Les écarts diminuent, d'accord, mais un écart considérable demeure. J'imagine que dans votre réponse vous allez évoquer le coût pour rendre l'électricité aux clients qui est plus grand, évidemment, chez un petit abonné que chez un grand. Cela se comprend assez facilement. Ce que je voudrais savoir, ce sont les nouveaux tarifs, pour l'année prochaine, aux abonnés domestiques, par exemple, et aux abonnés industriels de grande puissance, en excluant ceux dont les contrats ne sont pas finis. Les autres, le prix auquel vous leur vendez l'électricité, comment cela se compare-t-il au prix que cela vous coûte pour amener chez le client cette électricité?

M. Boyd: C'est une étude qu'on vient de terminer, M. le ministre. En fait, l'abonné domestique, bien qu'en apparence il semble payer, certains le disent, jusqu'à deux fois ce qu'une grande industrie paie, en tenant compte du fait que l'abonné à grande puissance, l'abonné industriel va prendre sa charge à haut voltage, etc. et qu'il y a beaucoup moins de perte et beaucoup moins de frais pour le rendre à destination... Il reste que no-

tre dernière étude démontre que l'abonné domestique paie moins que le coût du service fourni au kilowatt-heure.

L'abonné de petite et moyenne puissance paie un peu plus que les coûts pour lui rendre le service et l'abonné de grande puissance paie ses frais et un peu plus, ce qui est tout à fait contraire à ce que beaucoup de gens pensaient et affirmaient, soit que les abonnés domestiques payaient trop cher relativement à ce que la grande entreprise payait. En fait, c'est la grande entreprise et surtout la petite et moyenne entreprise qui subventionnent l'abonné domestique.

Le Président (M. Clair): M. le député de Rimouski, et ensuite le député de Saint-Laurent.

M. Forget: C'est parce qu'on m'interrompt et ensuite on m'enlève la parole.

Le Président (M. Clair): Vous aviez d'autres questions sur le même sujet?

M. Forget: J'en ai plusieurs autres sur le même sujet.

Le Président (M. Clair): Alors, je tiens compte du fait que vous aviez déjà commencé sur le sujet. À moins que le député de Rimouski ait une petite question à l'intérieur du sujet, je vais laisser la parole au député de Saint-Laurent, en tenant compte du fait que cela faisait déjà une vingtaine de minutes qu'il avait la parole.

M. Marcoux: Est-ce qu'on a abordé la tarification des grandes entreprises plus en détail? Parce que ma question concerne la tarification des grandes entreprises.

Le Président (M. Clair): C'est la première fois, alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président de l'Hydro a mentionné, tout à l'heure, l'effet, incidemment, mais je crois qu'il faut aussi bien le mentionner à ce moment-ci, l'effet sur certaines entreprises de la hausse des tarifs. Il a donné des illustrations de l'effet que cela pourrait avoir sur leur consommation, de manière à éclairer les travaux d'une autre commission parlementaire qui va siéger bientôt sur l'industrie des pâtes et papiers, relativement à ce secteur de l'industrie. À combien peut se chiffrer la hausse totale de facturation qu'on lui destine et quel impact croyez-vous que cela peut avoir sur sa consommation?

M. Boyd: Les pâtes et papiers? M. Forget: Les pâtes et papiers.

M. Boyd: La hausse moyenne va être, en 1976, vous l'avez à la page 14. L'industrie des pâtes et papiers, les revenus pour l'industrie globale, on n'a pas voulu évidemment... C'est assez délicat ici d'entrer dans le détails de chacune des entreprises. On les a groupées par type d'entreprises.

Donc, pour l'industrie des pâtes et papiers, les revenus, en 1976, sont estimés à $42 millions.

M. Forget: L'augmentation de 27,5%?

M. Boyd: Et l'augmentation sera de 27,5%.

M. Forget: Ce qui suppose pour cette industrie un accroissement de son fardeau financier pour les frais d'énergie de près de $14 millions.

M. Boyd: Oui c'est justement ce que je voulais dire, tout à l'heure. Ces gens-là — et ailleurs ils le savent — vont certainement être obligés à de nouveaux frais. Certaines nouvelles industries de pâtes et papiers, entre autres celle de Saint-Félicien, qui est installée pour fabriquer, je pense, jusqu'à 15 000 kilowatts de puissance d'énergie électrique ou de vapeur plutôt, d'énergie, de toute façon, à partir de rebuts du bois.

M. Forget: Sa propre énergie.

M. Boyd: C'est cela. Alors, c'est une chose qui devra se produire dans certaines industries où c'est possible. Cela se fait ailleurs, et celle de Saint-Félicien est peut-être l'endroit où cela se fait le plus. Mais c'est évident que ces industries ne pourront pas absorber indéfiniment des augmentations de tarifs de cette importance sans prendre des mesures de récupération et de conservation. Par contre, l'électricité, comme toutes les autres formes d'énergie, doit forcément faire ses frais. Vous avez les autres, l'industrie d'électrométallurgie et d'abrasifs 26,6%, l'industrie chimie, l'électrochimie 22,7%.

Ce sont des pourcentages importants mais ces industries, je pense, la plupart, peuvent prendre des mesures pour réduire leur consommation.

M. Joron: M. le député de Saint-Laurent, si vous permettez, j'aimerais apporter un complément à la réponse qu'a faite M. Boyd à votre question par rapport aux pâtes et papiers qui va intéresser, je pense, les membres de la commission. J'ai justement, il y a quelques jours à peine, vu des chiffres à cet effet. Dans l'industrie des pâtes et papiers, dans le coût de production, l'énergie compte pour 16%. C'est assez important. Alors là on voit qu'une hausse importante comme cela va les affecter, c'est évident, cela a une incidence directe.

M. Forget: Très bien.

M. Joron: Alors, heureusement, dans un sens, qu'il y a eu un fléchissement de la valeur du dollar canadien, puisque c'est une industrie strictement axée sur l'exportation, qui est venu compenser ces choses. Mais c'est peut-être un des endroits où on va véritablement voir l'effet d'encouragement à l'économie de l'énergie ou à la cogénération d'énergie.

M. Boyd évoquait cette industrie à Saint-Félicien qui se propose d'utiliser les rebuts, l'écorce, les copeaux, ces choses-là, pour pro-

duire sa propre énergie, sa propre électricité. Il est intéressant de souligner qu'en Suède, dans le total du bilan énergétique, il y a 8% de toute l'énergie consommée qui provient du bois, dans un pays qui en a relativement beaucoup. Au Québec, où on en a encore plus, c'est à peu près zéro pour cent. Ce n'est même pas un, en tout cas, c'est une fraction. On a peut-être une chance de voir les mesures qui vont inciter l'industrie... La raison pour laquelle c'est 8% en Suède, c'est parce qu'il y a une importante industrie des pâtes et papiers. Si le même développement devait se produire au Québec, je pense que cela serait considérablement à notre avantage. Les quelque X pour cent que cela représenterait seraient cela de notre bilan... On n'aurait pas à installer des barrages pour produire de l'électricité ni à importer des hydrocarbures de l'étranger à hauts prix.

M. Forget: M. le Président, avant de conclure que c'est à notre avantage, il faudrait peut-être d'abord nous demander notre opinion, ce qui sera probablement fait à la fin du mois.

Mais il reste que la vraie question qui se pose, c'est de savoir s'il nous est plus facile de faire les investissements additionnels pour se procurer ce supplément d'énergie qu'il ne le serait à l'Hydro-Québec de le faire. Ce qui est évident, c'est que si c'est l'industrie qui le fait, il est probable qu'elle va le faire à ses frais et à sa charge, alors qu'autrement c'est indirectement sur le crédit public.

Donc, c'est un choix. C'est un choix que le gouvernement peut poser. On doit aussi être conscient que c'est un choix où il est lui-même intéressé, dans le fond, à repousser sur d'autres certains coûts.

De toute façon, ce n'est qu'une remarque incidente. C'est pour souligner l'impact, sur certaines industries qui sont des difficultés, de ces hausses de tarif. Je vais revenir à mon argument principal, M. le Président. J'avais dit que c'était dans le contexte de l'argument de nécessité qu'avait développé le ministre ce matin. Le premier volet de cela, c'était le fait que la demande était donnée, acquise une fois pour toutes. Je crois qu'on a un tableau très clair là-dessus. L'Hydro-Québec nous dit: Nos prévisions sont que la demande est donnée. Qu'on majore les tarifs de 60% ou non, cela va demeurer la même chose. C'est un choix qu'on peut faire dans ses prévisions. C'est clair qu'il y a des incertitudes. Mais il reste que l'incertitude, pour le consommateur, elle n'existera pas. Il va payer 20% et il va être sûr de cela. À la fois, le gouvernement et l'Hydro-Québec doivent assumer cette incertitude. Ce qu'on nous dit, c'est que cela va demeurer inchangé, les prévisions ne seront pas affectées. C'est assez curieux de le dire avec autant d'assurance, alors qu'on dit, par ailleurs, que c'est sujet à toutes sortes d'influences. Il reste que c'est le chiffre sur lequel on se base, c'est le chiffre qui sert à faire les calculs et c'est le chiffre qui justifie les augmentations demandées. Je pense qu'on peut laisser ce sujet. Je crois que c'est assez clair. Chacun a fait son lit là-dessus. On nous dit qu'il y a des études qui sont disponibles. Malgré la transparence du ministre, M. le Président, je n'ai jamais réussi à lire des études à travers lui. Je suis content qu'il les ait lues lui-même, mais, moi, cela me fait une belle jambe de savoir qu'elles existent, si on ne les dépose pas en commission parlementaire.

Sur un autre sujet — et c'est le deuxième volet de la question de la nécessité — il y a plusieurs façons de majorer la rentabilité de l'Hydro-Québec. Présumément, il y a la question de la demande, on vient d'en traiter. Il y a le problème de la productivité sur le plan du fonctionnement et de son opération.

C'est un sujet qui est rarement abordé dans les études qu'on voit sur l'Hydro-Québec. Je me demande — c'est simplement une question que j'ai à poser — si l'Hydro-Québec pourrait rendre disponible aux membres de la commission une étude sur la productivité, à travers le temps, étant donné qu'on constate qu'il y a des hausses considérables dans les frais de fonctionnement, qui sont justifiés, bien sûr, par des hausses des coûts afférents aux conventions collectives. Il reste que l'utilisation de la main-d'oeuvre, l'utilisation des ressources humaines par l'Hydro-Québec, cela a fait l'étude d'une analyse dans le temps, pour voir s'il y a eu des gains de productivité, comme on pourrait s'y attendre dans n'importe quelle entreprise de production et de distribution. Si oui, il serait intéressant pour les membres de la commission d'en prendre connaissance. C'est une dimension qui n'est pas souvent explorée, pour augmenter la rentabilité et la "profitabilité" de l'enteprise et qui est une alternative peut-être préférable, du moins du point de vue du consommateur, à la hausse des tarifs.

M. Boyd: II y a plusieurs façons pour une entreprise comme la nôtre d'augmenter la productivité.

Il y a d'abord celle du point de vue technique, par l'échelle de grandeur, des voltages plus hauts, des lignes de transport de plus grande distance, des unités de production plus considérables. Sur ce point, on est d'accord à 100%, et depuis longtemps. Je pense que là-dessus, je peux me permettre de féliciter les gens de l'Hydro-Québec du point de vue de la productivité technique. On n'est à la remorque de personne et on a recherché, obtenu et on continue de chercher maintenant par nos ingénieurs, notre centre de recherche, etc., à augmenter la productivité en diminuant les pertes de toute façon.

L'autre volet, c'est le rendement du personnel. Là, je n'aime pas beaucoup à répondre à cette question, parce que je risque de me faire traiter d'antisyndical. Vous avez 10 000 ou 11 000 employés qui sont régis par trois conventions collectives qu'on a été obligé de négocier presque au bout du fusil l'année passée. Nous avons contesté énergiquement plusieurs de ces mesures. On ne s'est pas caché pour le dire. Elles nous ont été imposées et elles n'incitent pas à la productivité. On a déclaré par lettre et autrement que des mesures nous étaient imposées dans ces conventions col-

lectives qui allaient amener la diminution de la productivité. La motivation du personnel, la plus évidente et la plus frappante, la plus déprimante pour nos cadres, c'est celle de la promotion par ancienneté. Vous savez ce que cela veut dire, on l'a dénoncée l'année passée, cela n'a servi à rien, ils l'ont obtenue quand même et maintenant on en subit les conséquences. On a un certain nombre d'exemples où les gens appliquent cette clause sans avoir les capacités ou la compétence. Ils sollicitent des postes parce qu'ils ont 30 ou 40 ans de service et pendant 63 jours prévus par la convention, on doit leur donner la chance de prouver qu'ils sont ou ne sont pas compétents. Je n'appelle pas cela augmenter la productivité.

Il y a plusieurs autres mesures semblables où, par exemple, on est obligé d'avoir deux opérateurs où il en fallait seulement un en réalité; cela n'augmente pas la productivité non plus. Il y a une foule de choses qui sont dans la convention qu'on a été obligé d'accepter et qui n'ont pas tendance à augmenter la productivité. Si vous avez quelques facteurs qui sont dans les conventions et qui vous sont imposés, évidemment cela a un effet de rebondissement sur les autres. Cela détériore le moral. On a longuement dit, l'an passé, que cela aurait un effet de rebondissement sur nos cadres intermédiaires, même sur nos cadres supérieurs qui se sentent dépourvus devant certaines de ces mesures qui nous ont été imposées. On est pris avec cela; maintenant on essaie d'appliquer cette convention et on essaie de motiver de nouveau notre personnel à tous les niveaux. J'en ai parlé récemment dans des entrevues que je donnais; on essaie de rétablir le climat que doit avoir une entreprise comme la nôtre par différentes méthodes de contact avec nos cadres supérieurs, et tous les autres cadres, afin de les motiver de nouveau autant qu'ils l'étaient auparavant.

Pour répondre à votre question, je pense que notre productivité pourrait être meilleure et on fait de grands efforts dans le moment pour revenir au point où on en était.

M. Gauvreau: Je pense que je peux répondre à la question du député de Saint-Laurent.

M. Boyd a fait allusion aux problèmes syndicaux et aussi aux progrès techniques qui sont certainement des facteurs de productivité. Mais m'occupant des demandes d'effectif additionnel qui sont apportées à la commission chaque année depuis plusieurs années, je peux vous dire qu'on suit cela d'assez près.

Il y a, effectivement, des études très fouillées, des indices, des ratios que nous développons, que nous essayons de développer comme représentatifs de la productivité dans l'entreprise. Nous en avons publié il y a quelques années et je crois que c'est vous, M. Forget, qui aviez été, dans ce temps, avant même que vous ne soyez dans le gouvernement, à l'origine d'une étude de Profil économique de l'Hydro-Québec. Je ne sais pas si vous en avez eu connaissance. Nous avons fouillé cela davantage. Chaque année, nous faisons une étude interne basée sur les grands paramètres de déve- loppement de l'Hydro-Québec, milles de lignes, clients desservis, mégawatts installés, puissance installée, etc.

Lorsque nous autorisons des postes nouveaux, nous essayons de ne jamais dépasser l'indice permis. Nous avons connu des gains de productivité en effectif assez marqués peu après la nationalisation, surtout pour l'opération dans les régions à la suite d'une centralisation, d'une organisation plus poussée, peut-être aussi à cause de méthodes plus raffinées, utilisation d'ordinateurs, etc., meilleure connaissance des données.

Actuellement, la croissance de productivité globale, je dis bien globale parce que je ferai des distinctions tout à l'heure sur la productivité par les fonctions individuelles... Il y a toujours une croissance de productivité. Il y a toujours plus de kilowatts-heures produits par les hommes en place chaque année, mais le taux d'augmentation a une tendance à diminuer.

Les causes maintenant. Une des raisons pour lesquelles nous serions assez hésitants à publier ces études, c'est parce que d'abord une fois qu'on les a, il faut les épurer. Il faut commencer par enlever dans le montant global des kilowattheures manipulés, ceux qui sont vendus en bloc, ceux qui sont achetés de Churchill. Aussi, il faut entrer dans le programme d'équipement parce que beaucoup de gens qui travaillent au siège social ne travaillent pas seulement dans l'exploitation, mais travaillent pour l'avenir, dans 10, 15 ou 20 ans. Ils font des études. Un autre facteur qui a diminué la productivité depuis quelques années, c'est la complexité des exigences de la législation et de la société. Les problèmes d'expropriation des terrains, les problèmes d'évaluation foncière, les problèmes de délais de construction, tous les problèmes d'environnement nous ont obligés à nous structurer davantage d'une façon un peu plus complexe, à rallonger un peu les délais. Tout cela a eu tendance à multiplier l'effectif. La complexité aussi. Les réseaux sont plus complexes qu'autrefois. Il y a beaucoup plus de télécommandes, de télémesures, d'électronique, etc,. Si le nombre des opérateurs diminue, par contre les gens qui sont spécialisés en électronique entre autres à distance augmentent. Enfin, il y a le nucléaire qui s'en vient et exige beaucoup de monde aussi. Il y a aussi la formation. C'est une dimension que je voudrais utiliser et sur laquelle je veux insister. L'Hydro-Québec ne peut trouver à l'école tout son personnel complètement formé. Elle doit accorder beaucoup de temps à la formation. À la Baie James, actuellement, il y a environ 150 à 200 personnes qui sont plus ou moins utilisées et qui sont en formation, soit dans la région de Mani-couagan ou de Montréal.

Tous ces facteurs sont des facteurs qui font que nous devons, avant d'utiliser un indice global de productivité par effectif, par services rendus, épurer. Cela, c'est pour la productivité globale. Je ne dis pas qu'on n'en viendra pas à en publier des études. Ce serait intéressant. Cela fait quatre ou cinq ans que l'on travaille à cela d'une façon ardue et on se compare aussi à d'autres services

publics à travers le Canada et les États-Unis. Si c'était parfaitement épuré, si les activités étaient comparables, on pourrait vraiment les publier avec fierté. Je les connais suffisamment pour vous le dire.

On a aussi, depuis quatre ans, développé des indices internes de productivité par activité; 80% de nos postes sont classés et reliés à de l'équipement. Par exemple, tant d'hommes pour tant de disjoncteurs, tant d'hommes pour tant de factures à faire. Mais il y a un 20% qui ne peut pas être classé parce que c'est de nature administrative, de support, de recherchistes, etc,.

Alors, c'est la première année, au budget des postes, que nous avons vraiment eu un tel nombre d'indices comme cela et de ratios. Ce sont des ratios qui permettent aux unités administratives de se comparer à elles-mêmes dans le temps, de voir si elles s'améliorent ou si elles diminuent, ou se comparer les unes par rapport aux autres. Je pense que nous faisons un travail là-dedans. Je crois que ce qui a été fait depuis quatre, cinq, dix ans est fort valable, mais je suis obligé de vous dire que je pense que ce n'est pas encore assez au point pour être publié parce que cela demanderait trop d'explications, d'épuration et de justifications.

M. Forget: Je remercie M. Gauvreau, c'est une indication intéressante. Si je comprends bien, il nous dit que, dans la mesure où ces choses sont complètes, ce qu'il a pu observer c'est une augmentation de la productivité mais une augmentation qui est décroissante.

M. Gauvreau: Légèrement décroissante depuis quelques années, dû surtout au phénomène complexité de la société, des exigences du milieu social.

M. Forget: J'aurais une autre série de questions, toujours rattachées à la question et plus directement relatives aux ratios utilisés, mais je vois un des membres de la commission qui a levé la main. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on interrompre le fil...

Le Président (M. Clair): II y a déjà deux autres membres de la commission qui ont demandé la parole. D'abord le député de Rimouski, et ensuite le député de Huntingdon.

M. Marcoux: Ma question concerne la tarification dans le secteur industriel, dans le secteur de la grosse entreprise. Vous indiquez que c'est environ 30% ou 32% de l'ensemble de l'électricité qui est consommée par la grosse entreprise. En tout cas, entre 30% et 35%. C'est presque un tiers, un tiers. De toute façon, un tiers, un tiers, un tiers. Dans ce 30% ou 35%, quel est le pourcentage touché par des tarifs préférentiels? Ces tarifs préférentiels touchent quel secteur industriel, au pluriel ou au singulier? Et sur combien d'années encore, pour chacun des secteurs industriels, ces tarifs préférentiels vont-ils exister? Et en sachant la proportion par rapport au 30%, cela pourrait aussi nous indiquer en quoi cela affecte les revenus globaux de l'Hydro-Québec.

Autre question. Sauf erreur, l'Hydro-Québec a toujours été opposée à ces tarifs préférentiels. Est-ce que vous avez des études qui indiquent l'effet sur l'industrialisation d'un pays ou d'une société, l'effet d'entraînement dû au bas taux d'électricité? Est-ce qu'on peut mesurer cela? Est-ce que cela a été calculé? Y a-t-il des études de faites sur ces facteurs d'entraînement au niveau de l'industrialisation?

M. Boyd: Je commence avec votre dernière question. Pour les entreprises d'électrométallurgie, de chimie et de pétrochimie, où l'électricité joue fortement dans le coût du produit, cela peut certainement avoir un effet important. Dans bon nombre d'industries, l'électricité représente 1% ou 2% du produit fini. Une augmentation de 20% sur les 2%, de ces coûts d'électricité si l'administration analyse ses coûts de façon si serrée, le résultat est alors très marginal. C'est surtout chez les grands consommateurs d'électricité, surtout l'électrochimie, la métallurgie, un peu aussi dans les pâtes et papiers, mais beaucoup moins, que cela peut jouer un rôle dans l'implantation. Évidemment, les alumineries tombent là-dedans.

Pour la première partie de votre question, les gros abonnés qui ont un tarif préférentiel, mais cela va évidemment en diminuant. Mais, en 1975, on en avait encore 98. En 1976, on en avait 67 et en 1977 on en a 32.

La plupart sont des contrats qui datent depuis très longtemps. On a hérité de certaines compagnies privées qui ont été nationalisées, et dont les contrats ont été respectés.

M. Marcoux: Par rapport à la première partie de ma première question, par rapport au total de la consommation industrielle de la grosse entreprise, quelle proportion de la consommation sera affectée?

M. Boyd: On me dit qu'on cherche les chiffres dans le moment.

M. Marcoux: II en reste 32, quand n'en restera-t-il plus aucune d'après... On peut peut-être passer à une autre question.

M. Boyd: Pour répondre à votre question, pour l'instant dans les pâtes et papiers, il y a un chiffre de $4 millions qui est non récupérable, en fait. Il est dû à des ententes perpétuelles qui ont été signées autrefois avec des entreprises de pâtes et papiers dont on a hérité des entreprises privées. Ces entreprises avaient des droits hydrauliques, lorsqu'elles ont été acquises par les entreprises privées. Ces droits sont là et on doit respecter ce manque à gagner. L'ensemble du manque à gagner est de $29 millions qu'on essaie de rattraper à chaque occasion qu'on a. C'est pour cela qu'on demande de pouvoir augmenter jusqu'à un maximum de 48% lorsque les révisions de tarifs deviennent dues.

M. Marcoux: $29 millions sur combien de revenus du côté industriel, cette année?

M. Boyd: C'est cela que j'essaie d'obtenir. Si vous me donnez un peu de temps, on va peut-être le trouver. On va faire un calcul en kilowattheures qui va être plus juste. On va nous le donner dans cinq ou dix minutes, si vous le permettez. Mais, nouvelle encourageante, le rattrapage se fait comme on l'a indiqué par les chiffres qui allaient en diminuant et en suivant la pratique de rattrapage dont je vous ai parlé tout à l'heure. En 1991. il n'y en aura plus.

M. Marcoux: Chaque fois qu'il y en a eu d'accordé, c'est depuis quelle année? Est-ce que cela fait longtemps que vous n'en accordez plus? C'est-à-dire que le gouvernement n'en accorde plus, parce que c'est le gouvernement, chaque fois, qui décide?

M. Boyd: Nous n'en avons pas accordé depuis longtemps.

M. Marcoux: Depuis?

M. Boyd: Depuis très longtemps.

M. Marcoux: Depuis très longtemps.

M. Boyd: Ce n'est pas notre politique d'accorder le tarif préférentiel.

M. Marcoux: Quant à la perte actuelle, même avec $29 millions, sans connaître l'autre chiffre de l'ensemble des revenus, il reste que c'est marginal quand même. Maintenant, c'est marginal comme perte de revenu global pour l'Hydro-Québec.

M. Boyd: C'est marginal, mais c'est important quand même. À chaque renouvellement de contrat, l'année passée, on avait obtenu, dans les révisions précédentes, où on avait des augmentations de 10%, l'autorisation de faire du rattrapage au rythme de 24% par année, ce qu'on a fait, et maintenant on demande la possibilité de faire du rattrapage au rythme de 48%, donc c'est un montant qu'on tend à faire disparaître.

M. Marcoux: Sur la tarification également, au niveau industriel, lorsque vous dites que la tendance va viser à rétrécir les écarts entre la tarification résidentielle et la tarification industrielle, vous avez indiqué par ailleurs qu'actuellement c'est la grande entreprise, la grande puissance en partie qui finance le domestique, quand on dit que l'objectif c'est d'arriver à égaliser les taux pour le secteur industriel comme pour le secteur domestique, est-ce que c'est le coût marginal que vous voulez égaliser ou si c'est le montant brut — peut-être que je n'ai pas l'expression exacte pour m'exprimer — le coût au kilowatt identique pour tout le monde?

M. Boyd: Voici ce qu'on a dit. Notre étude démontre qu'actuellement le résidentiel nous rapporte moins qu'il nous coûte au kilowatt-heure. La grande entreprise nous rapporte un peu plus qu'elle nous coûte et la moyenne et petite entreprise nous rapportent plus qu'elles nous coûtent. Je n'ai pas dit quel était notre objectif. On a dit ce matin que le domestique allait être à $0.01,9 du kilowatt-heure, mais on ne veut pas nécessairement dire que l'industrie devrait être à $0.01,9 parce qu'à ce moment elle paierait beaucoup trop cher. On serait beaucoup plus haut que nos compétiteurs dans les autres provinces. Il y a des comparaisons dans les tableaux que vous avez ici. Ce serait important de comparer cela aux pages 15, 16, 17 et même 18 du résumé. Je pense qu'il vaudrait la peine qu'on s'arrête à ces chiffres. Vous avez, à la page 15, pour différentes consommations, au mois de mars 1977, les derniers chiffres qu'on avait avant la hausse de l'Hydro-Québec. L'Hydro-Québec pour 1000 kilowatts-heures, était à $19.05. Vous avez la liste des tarifs correspondants au Canada, dans les villes importantes. Cela va de $47.71 à l'Île-du-Prince-Édouard. Notre plus proche concurrent c'est Edmonton en Alberta où c'est $20.55.

Si vous allez aux États-Unis, vous avez New York qui est à $79.95 contre $19, vous avez Boston qui est à $40.37 comparé à $19. Cela, c'est dans le domiciliaire. Vous avez, à la page suivante, usage général, petite puissance; là aussi vous voyez les comparaisons où l'Hydro-Québec, pour une petite puissance de trois kilowatts, une consommation de 375 kilowatts-heures, en 1977 charge $13.05, cela va jusqu'à $30 à Halifax. Le plus proche de nous, c'est Régina $14.65; New York, c'est $37.74. Vous avez Portland, Oregon à $13 vous avez Chattanooga à $14.77 et vous pouvez ainsi regarder chacune des colonnes. Pour la moyenne puissance, vous avez des comparaisons qui sont semblables et puisqu'on parlait de grande puissance, c'est à la dernière page, 5000 kilowatts. Vous avez des comparaisons; à l'Hydro-Québec 65%, disons à 85%, le critère d'utilisation est à $6.19. Vous voyez les autres; le plus proche concurrent c'est Vancouver; Toronto c'est $11.10.

Vous avez les prix aux États-Unis, Portland, Oregon, c'est à $2.15.

Alors, c'est une répartition de ce qui se passe sur le continent. Vous avez tout le portrait là. Alors, je pense que c'est une question de philosophie, je ne sais pas ce que le gouvernement va décider et ce que sera la politique énergétique à ce sujet, mais pour le moment, le résultat est celui qu'on vous a donné. L'abonné domestique ne rapporte pas ce qu'il coûte.

Le Président (M. Clair): Le député de Huntingdon et le député de Saint-Laurent, ensuite.

M. Dubois: Merci, M. le Président. J'aimerais attaquer le sujet des exportations d'énergie; alors, je m'aperçois que si on regarde les tableaux des pages 11 et 12, il n'y a aucune augmentation des tarifs au niveau de l'exportation, n'est-ce pas?

M. Boyd: Excusez-moi.

M. Dubois: Oui, aux pages 11 et 12, si on les compare toutes les deux, il n'y a aucune augmentation des tarifs à l'exportation. Alors, est-ce que c'est véridique? Les prévisions 1977 et les prévisions 1978 sont les mêmes au tableau de la page 11 ainsi qu'au tableau de la page 12, alors...?

M. Boyd: Vous parlez des $28,2 millions?

M. Dubois: Vous avez des ventes à l'exportation souscrites, puis aussi de l'excédentaire...

M. Boyd: Oui.

M. Dubois: Alors, j'aimerais avoir une explication sur l'excédentaire sur ce que c'est exactement.

M. Boyd: Dans le cas des ventes ce sont des contrats, le contrat de PASNY entre autres qui est une vente à l'exportation, une vente souscrite, c'est un contrat de cinq ans, alors la partie excédentaire, c'est de l'énergie de surplus qu'on a pendant les mois d'été. D'ailleurs le contrat avec PASNY est basé sur de l'énergie qu'on a en trop entre les mois d'avril et octobre et rapporte environ $25 millions par année.

Les ventes excédentaires qu'on estime à $159 millions, voilà ce qu'on pense vendre à nos voisins.

Donc, il n'est pas question de les augmenter. Si on n'avait pas d'excédentaires, ces chiffres-là seraient de zéro. Selon que les années hydrauliques sont favorables, les chiffres pourraient être de 200, ils pourraient être de 100. C'est basé sur des surplus d'hydroélectricité et aussi, il faut que les entreprises voisines, que ce soit l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, l'État de New-York ou l'État du Vermont en aient besoin au moment où on l'a, et qu'on s'entende sur un prix. Ce chiffre est une estimation.

M. Dubois: D'accord. En fait, vous n'avez pas prévu d'augmentation de tarif pour l'exportation, étant donné que ce sont des ententes qui ne sont pas existantes encore?

M. Boyd: Ce sont des estimations. On va aller chercher le plus qu'on peut. Si on ne l'a pas... Donc, c'est purement une estimation basée sur ce que nos hydrauliciens, nos gens de l'exploitation du réseau pensent qui serait disponible, et sur des prix qu'on pense que ces entreprises voudront payer pour ce qu'on a de trop.

M. Dubois: Quand vous faites une proposition de tarif à l'exportation, sur quelle base travaillez-vous afin de fixer un prix? Attendez-vous l'offre de l'acheteur, à ce moment-là?

M. Boyd: C'est une négociation, évidemment, qui est basée sur une valeur de remplacement. On essaie d'obtenir à peu près la valeur de remplacement. Si on veut les intéresser à acheter, il faut qu'il y ait un certain intérêt pour eux à acheter, c'est une énergie qu'on a de trop. Par contre, on essaie d'obtenir le plus près de la valeur de remplacement de ce que cela remplace chez eux.

M. Dubois: Pour fins de comparaison, est-ce qu'il est possible d'avoir une petite idée sur la question de limiter l'énergie vendue à l'étranger, à l'exportation, et l'unité d'énergie vendue, par exemple, aux industries des pâtes et papiers? Si je prends le kilowatt, quel prix est-il vendu aux industries de pâtes et papiers, par rapport au prix qu'un kilowatt serait vendu à l'étranger? C'est juste pour connaître la différence qu'il peut y avoir entre les deux.

M. Boyd: Évidemment, les industries de pâtes et papiers vont vouloir avoir de l'énergie à longueur d'année. D'avril à octobre, quand on en a de disponible, cela ne les intéresse pas tellement, parce qu'elles ne peuvent pas fonctionner selon notre bon vouloir et à certaines heures.

Il y a des industries qui sont prêtes à acheter de l'énergie excédentaire comme celle-là. On a de l'eau, on la laisse couler dans la rivière parce que nos réservoirs sont pleins ou on trouve quelqu'un qui veut l'acheter.

À ce moment-là, elles regardent ce qu'elles ont sur leur réseau. Si elles ont une centrale qui brûle de l'huile ou du charbon qui peut réduire leur production, acheter de l'électricité de nous et sauver quelques dollars, c'est une transaction. C'est sur cette base.

Par contre, tout ce que les industries de pâtes et papiers veulent avoir comme bouilloires sur la base d'énergie excédentaire, on leur vend. Si elles en veulent plus, on va leur en vendre davantage.

On a môme parlé, ce matin, d'énergie inter-ruptible. Actuellement, on a environ 400 mégawatts d'énergie interruptible. On a décidé d'augmenter cette quantité d'énergie interruptible, et on l'a offerte à nos industries québécoises jusqu'à 1000 mégawatts.

Cela veut dire que ces industries, à l'heure de pointe, l'hiver, seraient prêtes à réduire leur demande, sur un appel téléphonique.

On leur dit. À cinq heures demain, qui est une heure de pointe, vous allez réduire votre charge de moitié. Cela est de l'énergie interruptible. S'ils acceptent un contrat de cette nature, on peut leur donner un escompte pour certaines tranches d'énergie. Il s'agit pour eux d'organiser leur production de façon à réduire leur consommation pendant ces heures des mois de décembre, janvier et février, par exemple. Pour eux, cela peut être intéressant. Pour nous, cela peut être intéressant aussi parce que cela nous permet de réduire nos installations d'énergie de pointe pour satisfaire à la demande. C'est une autre forme d'énergie et c'est une façon d'économiser que l'on va pousser davantage, augmentant jusqu'à 1000 mégawatts, si on peut trouver des preneurs dans l'industrie.

M. Dubois: Votre énergie excédentaire est-elle offerte à l'industrie à un taux comparable à celui que vous avez à l'exportation?

M. Boyd: Habituellement, on peut obtenir beaucoup plus à l'étranger que chez nous, c'est certain. Dans le cas des bouilloires, on vend de l'énergie excédentaire aux pâtes et papiers, par exemple. Ces bouilloires sont souvent éventées avec des carburants très peu raffinés qu'on appelle le "bunker sea". On accepte de prendre de l'énergie excédentaire pour un certain nombre d'heures à environ 90% du coût de ce que coûterait normalement le "bunker sea". C'est assez favorable pour l'industrie. En même temps cela nous permet d'écouler des surplus temporaires. Cela peut représenter 5 mills du kilowatt-heure pour l'industrie qui l'emploie à ce moment.

M. Dubois: L'énergie exportée est vendue au mégawatt ou sous d'autres formes?

M. Boyd: Cela dépend des contrats. Il y a un coût pour les mégawatts, si on leur garantit des mégawatts, et il y a un coût pour les kilowatts-heures. Les kilowatts-heures sont suivant la quantité dont on peut disposer.

M. Dubois: Merci.

M. Marcoux: Comme député, une des questions qui nous est le plus souvent posée, c'est précisément sur la question des exportations. Si j'avais une suggestion à faire à l'Hydro-Québec, ce serait, au niveau de ses campagnes d'information, d'essayer d'expliquer à la population du Québec les exportations qu'elle fait, qu'elle ne construit pas ou qu'elle ne fait pas d'expansion actuellement en fonction des exportations, mais que les exportations qu'elle fait, en somme, c'est lorsqu'elle a des périodes mortes où elle vend moins. Comme député, c'est l'une des questions qui me sont le plus souvent posées et je pense qu'elle aurait intérêt à être expliquée par votre excellent service d'information ou de relations publiques.

M. Boyd: Je suis d'accord avec vous. En fait c'est une question qu'on a discutée hier à la Baie James. On a essayé à plusieurs reprises d'expliquer cette chose, mais, malheureusement, je ne sais pas pourquoi, cela ne se rend jamais de façon que le public le sache.

Le projet de la Baie James, par exemple, a été fait pour le Québec et non pour l'exportation. Il se trouve qu'à certains moments on peut avoir des quantités d'énergie à exporter, mais d'une façon temporaire et surtout en période d'été. C'est toujours très minime et d'une façon temporaire. Quand il y a de l'eau, c'est tout. On dit qu'en 1976 on a exporté 1.5% des kilowatts-heures qu'on a produits. Cela vous donne quand même l'ordre de grandeur. Avec les ventes à PASNY, cela augmentera légèrement en 1978, mais je ne pense pas que cela dépasse... PASNY va représenter 3%.

Notre maximum va atteindre à ce moment 4 1/2% de notre production. C'est un revenu intéressant, parce qu'on va chercher des millions de dollars avec de l'eau qui, autrement, serait perdue; mais nos centrales ne sont pas construites pour cela. En fait, on n'a pas les moyens de construire des centrales pour vendre de l'énergie à l'extérieur du Québec. On a assez de difficulté à financer les centrales pour nos propres besoins.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent et ensuite le ministre délégué à l'énergie.

M. Forget: Merci, M. le Président. M. Gau-vreau nous a dit tout à l'heure quelque chose d'assez intéressant au sujet des études que l'Hydro-Québec avait commencées depuis quelques années au sujet de la productivité. Je pourrais féliciter l'Hydro-Québec de s'en être préoccupée depuis quelques années; mais l'intérêt de ma question n'était pas purement académique. Il reste que dans les projections, parce qu'on en revient toujours aux projections de coût, de revenu et les besoins de financement pour les prochaines années, est-ce que ce qu'on a pu observer au niveau de la productivité ou peut-être des objectifs que l'Hydro-Québec aurait pu se fixer au niveau de la productivité est reflété dans les projections pour les prochaines années quant aux frais d'exploitation et d'entretien?

L'intérêt de cela, je me permets de l'expliquer, cela peut paraître abstrait, mais il reste que si la productivité, par exemple, augmentait de 2% par année, cela se refléterait au taux actuel de dépense dans les frais d'exploitation et d'entretien par une économie annuelle d'environ $8 millions à $10 millions. Comme on a déjà déterminé qu'avec 17% au lieu de 20% on pourrait satisfaire au ratio financier — on y reviendra d'ailleurs tout à l'heure — avec un accroissement de productivité, on pourrait peut-être découvrir qu'avec 15% d'augmentation des tarifs on obtient le même résultat compte tenu d'un objectif de productivité qui pourrait se réaliser durant les prochaines années. Alors est-ce que dans les projections que l'Hydro-Québec a faites de ses frais d'exploitation et d'entretien, etc., il y a une allocation pour la productivité, ou si on suppose que l'augmentation des coûts, de la main-d'oeuvre et des autres facteurs de production va se refléter à 100%, année par année, dans la facture qu'on présente au consommateur? Normalement, les entreprises calculent que leurs frais de main-d'oeuvre ne se refléteront pas à 100% dans leur coût de production, mais est-ce que l'Hydro est dans une situation différente ou semblable? Je crois que ce serait intéressant de le savoir, parce qu'il y a un défi que l'Hydro pourrait se fixer quant à son propre fonctionnement interne.

M. Boyd: M. Gauvreau vous a donné des indications tout à l'heure. Moi aussi, je vous en avais donné. Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire du point de vue technique, mécanique, mécanisation sur la distribution, la production, le transport, en améliorant les méthodes de travail, etc.

D'un autre côté, on subit à l'Hydro-Québec, comme ailleurs, les pressions dans le sens inverse que toute entreprise connaît. L'année passée, on a

peut-être connu plus que d'autres des pressions dans le sens opposé qui nous sont imposées et qui amènent des réductions de productivité. Je vous ai mentionné les conventions collectives qu'il faut respecter, qui ne sont pas, malheureusement, de nature à augmenter la productivité. Ce qu'on fait pour essayer de corriger cela, c'est de motiver nos gens malgré tout à augmenter la productivité et aussi on tend du côté mécanique et du côté distribution et de tous les côtés techniques à améliorer nos méthodes de travail que ce soit du côté bureau, informatique, etc., ou du côté technique ou production.

M. Forget: Vous n'êtes pas assez confiants des résultats pour pouvoir en faire des projections.

M. Boyd: Nous ne sommes pas toujours libres de faire ce qu'on veut quand on négocie une convention collective.

M. Gauvreau: Concernant ces indices dont je vous ai parlé, auxquels nous travaillons depuis plusieurs années, il faut toujours parler d'exploitation et de programmes d'équipement, deux choses très différentes. Nous avons travaillé en fonction du passé et du présent. Nous ne les avons pas projetés dans l'avenir parce que je pense qu'on a de la difficulté à y ajouter foi, à dire que la mesure que nous adoptons est vraiment valable, que c'est vraiment la façon d'évaluer. J'ai dit qu'il y avait une légère baisse dans le taux d'augmentation qui pourrait être rehaussée à un certain moment, avant d'arriver à zéro; je ne le sais pas. Ce serait souhaitable. Peut-être qu'avec l'arrivée d'une centrale aussi puissante que LG 2, on pourrait, à ce moment-là, reconnaître dans l'exploitation production-transport, une augmentation de productivité, mais j'en doute fort parce que tout ce qui est relié à la complexité du réseau compense cela. Je pense qu'on devrait quand même avoir toujours une petite augmentation de productivité, faible, 3, 2, ne jamais baisser au-dessous de cela. Il faudrait y tendre par tous les moyens. Mais le contexte social auquel j'ai fait allusion est très important. Aussi, la demande qu'on nous fait d'examiner une si grande variété de solutions, de connaître à fond toutes les rivières, toutes les options, tous les... À ce moment-là, il faut mettre beaucoup de monde en place pour étudier cela. La réponse à votre question, c'est que nous nous dotons des instruments qu'il faut pour mesurer notre productivité, pour la comparer aux autres services, mais vous promettre qu'on aura toujours une croissance de productivité, je parle en effectifs, en kilowattheures produits, parce que c'est ce que nous faisons à l'Hydro-Québec, nous produisons des kilowattheures, c'est difficile. On ne peut pas vous dire cela, c'est très difficile. On peut se comparer à d'autres, par exemple. On peut se comparer à l'Hydro-Ontario.

M. Forget: M. le Président, on commence à comprendre de mieux en mieux le raisonnement du ministre qui nous disait ce matin que la hausse des taux était le produit de la nécessité, parce qu'on vient de se rendre compte successivement qu'il n'y a pas de changement dans la demande, advienne que pourra, il n'y a pas de changement dans la productivité. Alors, on revient fatalement à cette question de ratio, de couverture des intérêts et cette espèce d'exigence d'autofinancement, tout le reste étant donné et immuable, par hypothèse, évidemment, en admettant que tout est très incertain, mais tout le reste est immuable. On n'a donc que cette voie-là, un degré de liberté, et c'est celui qu'on utilise qui est l'augmentation des tarifs pour l'autofinancement. Permettez-moi de dire, à ce moment-ci, que cela m'apparaît un peu difficile à croire, mais que malgré tout, je pense que tout le monde est obligé de faire ces hypothèses, ce sont celles-là qui sont faites. Je pense que le but de la commission est justement de faire sortir que ce sont des hypothèses qui sont faites par l'Hydro et présumément endossées par le ministre.

Mais quand on arrive à la question du ratio, on peut peut-être aller un peu plus loin. Le ministre, ce matin, a donné une indication de sa pensée là-dessus, en disant que le ratio de 1,25 est un ratio qui n'est pas dans la loi, mais que la tradition a constitué ou a consacré. C'est un ratio qui veut qu'on ait des hausses de tarif, ne serait-ce que, justement, pour continuer de le satisfaire dans les années futures. C'est une attitude un peu passive vis-à-vis d'un ratio qui a déjà été déterminé. On se dit qu'il faut s'ajuster à cela.

J'aimerais justement soulever le problème du ratio comme tel. J'admets que si on le traite comme une donnée qu'on ne peut pas discuter, on obtient un certain nombre de conséquences. Mais le ratio lui-même m'apparaît soulever un certain nombre de questions. D'abord, il semble, mais je fais peut-être erreur là-dessus, que ce ratio soit non pas tellement une exigence extérieure imposée soit par les milieux financiers ou par une pratique universelle suivie par les services publics, mais le produit d'une décision que l'Hydro a prise anciennement, dénoncer de cette façon-là sa politique financière. Dans certaines analyses financières, on fait allusion à d'autres façons d'évaluer la situation ou la sécurité des investissements que les bailleurs de fonds peuvent faire dans différents services publics et on mentionne d'autres façons de procéder qui, si on les utilisait au Québec feraient peut-être apparaître la situation comme moins grave qu'elle apparaît si on utilise le ratio de 1,25.

J'aimerais d'abord que l'Hydro puisse confirmer si, oui ou non, c'est une décision qu'elle a prise dans le passé, une façon d'exprimer sa politique financière et si, effectivement, comme on l'affirme dans certains endroits, dans certaines analyses, il serait concevable d'utiliser d'autres ratios, également défendables pour mesurer sa solvabilité, c'est un grand mot, mais disons mesurer l'état de sécurité financière de sa position.

M. Giroux: M. le Président, disons qu'ayant fait cette chose dans les onze dernières années, je

peux répondre très facilement ceci. Le 1,25 est un minimum. Naturellement, quand on a l'expérience des marchés à l'extérieur du Canada, certainement qu'on pourrait se servir d'autres critères. Vous avez, par exemple, l'autofinancement. Alors, nos compétiteurs américains, les électriciens américains, si vous voulez, pour eux, les banquiers ont des exigences de 40% de capital. À ce moment, nous, pour remplacer le capital, s'il fallait accroître l'autofinancement à 40%, on monterait notre ratio à 1,60 ou à quelque chose près.

Alors, je crois que 1,25 — et 1,3, 1,4 — est un strict minimum comparé aux services publics américains qui sont obligés d'avoir des ratios beaucoup plus hauts que cela. Vous me demanderez, là-dessus, quelle est la raison pour laquelle cela a été admis à un ratio plus bas? C'est qu'au tout début, il y avait la garantie de la province de Québec qui existe encore. Mais l'Hydro-Québec ayant, n'est-ce pas, soutenu des bilans qui étaient très agressifs, a maintenu sa crédibilité presque par elle-même actuellement. C'est là, l'unique raison. Si vous me disiez que le ratio avait débuté à 1,0, encore là on aurait été en bas de plusieurs des services américains.

Je pense qu'à ce point de vue, il est très difficile, dans des programmes tels qu'ils existent pour ceux de l'Hydro-Québec, d'avoir un ratio qui est en bas de cela. Si on tombait soit dans une petite crise économique, il faudrait en rappeler, rien que pour la couverture d'intérêts, à la garantie de la province. Il faudrait dire adieu aux emprunts massifs qu'on doit faire. C'est mon opinion personnelle. L'autofinancement vient comme la souscription de capital qui est la partie nécessaire.

M. Forget: On peut, évidemment, exprimer l'opinion que vous venez d'émettre, M. Giroux, mais il reste que, dans une période qui a connu deux phénomènes en même temps, c'est-à-dire un taux d'inflation très rapide qui affecte les coûts de construction et aussi une croissance très rapide de la demande, il y a un poste, dans les états financiers qui servent à établir le ratio, qui est l'intérêt sur les travaux en cours. À cause de la croissance de la demande, donc les investissements très lourds, et à cause du fait que ces investissements se font à des coûts de plus en plus élevés, alors l'intérêt sur les travaux en cours a pris des proportions très considérables au cours des dernières années. Je pense que même on pourrait faire le calcul que le pourcentage de l'intérêt sur les travaux en cours, sur l'ensemble de la dette à long terme, s'est accru assez considérablement.

Cela se voit à l'oeil nu. Je n'ai pas fait les calculs de pourcentage, mais je crois que c'est passé de quelque 25% à probablement quelque chose comme 50% au cours des toutes dernières années. Quand on demande, dans le fond, c'est presque une question d'équité entre générations, si on veut, entre générations de consommateurs, quand on demande aux consommateurs d'aujourd'hui d'assurer un profit net pour l'Hydro à même les revenus de la consommation qui se fait aujourd'hui, qui est suffisante, non seulement pour payer l'emprunt et l'amortissement sur l'équipement qui est utilisé pour produire l'énergie qu'on consomme aujourd'hui, mais pour payer les intérêts sur les travaux en cours qui ne produisent donc rien au point de vue énergétique et que, face au phénomène de l'inflation et d'une accélération des investissements, on demande aux consommateurs d'aujourd'hui d'assumer un fardeau de plus en plus considérable au bénéfice des consommateurs de demain.

Cela finit par être — comme ce ne sont pas les mêmes, surtout à long terme et comme on construit pour 30 ans, 50 ans et 75 ans d'avance — un problème, si l'on veut, d'équité entre générations. Mais cela devient aussi un problème peut-être de se donner à soi-même des règles qui sont peut-être plus vivables dans un environnement d'inflation et dans un environnement de croissance aussi rapide. On peut se poser la question. Est-ce que cette règle de 1,25, qui pouvait être éminemment appropriée pour évaluer la sécurité du risque financier des obligations émises par l'Hydro il y a 10 ans, il y a 15 ans ou il y a 20 ans, dans ce contexte, est encore appropriée? Quand on regarde le tableau du profit, je pense que c'est le terme à utiliser même s'il s'agit d'un établissement public, je pense que vous faites des profits...

M. Giroux: Un surplus de revenus temporaire.

M. Forget: C'est le revenu net, oui. Mais quand on regarde le taux de revenu net comme proportion du revenu provenant de toutes les ventes d'électricité, on se rend compte que depuis 1972 ce taux a subi une progression dans le fond très spectaculaire. C'est passé de 17% en 1972 à 17,9% en 1973 à 22,1% en 1974, à 24,9% en 1975 et une estimation pour 1976 de 28,6%. J'imagine que les taux envisagés — et cela ne prend pas beaucoup d'imagination — d'accroissement des tarifs vont produire un taux de revenus nets ou de profits considérablement plus élevés au cours des prochaines années. En soi, ce n'est pas mauvais, cela appartient à tout le monde, donc ce sont des profits dont tout le monde bénéficie. Mais je crois qu'il y a une certaine mesure à respecter et, quand on se compare aux autres utilités publiques productrices d'énergie électrique au Canada, qui sont aussi presque en totalité la propriété des gouvernements provinciaux, on se rend compte que l'Hydro-Québec est de loin celle qui a la "profitabilité" ou le taux de revenu net le plus élevé. Quand je dis de loin, je veux vraiment dire de loin. On pourrait les prendre toutes et on se rend compte que ce sont des pourcentages beaucoup plus bas. Je ne le ferai pas parce que c'est long, mais c'est une ligne qui est au sommet du graphique et tous les autres sont à la base. Cela est dû, en large mesure, à l'obligation que s'est créée l'Hydro-Québec en disant: II faut couvrir une fois et quart notre dette à long terme dans laquelle on inclut les intérêts sur les travaux en cours qui deviennent de plus en plus gros et qui vont servir à la prochaine génération de consommateurs. On demande au consommateur d'aujourd'hui de payer pour cela,

dans un certain sens, quoique cela va être capitalisé et amorti à ce moment-là. Mais en termes de règles de financement, et en termes de règles de capitalisation, on leur demande un peu de payer pour cela. Est-ce que c'est raisonnable cette politique aujourd'hui et est-ce qu'on n'aurait pas intérêt à réexaminer la possibilité de changer de règle pour adopter la règle utilisée aux États-Unis. Je réponds tout de suite à l'objection que vous avez faite tout à l'heure.

M. Giroux: Ce serait possible si on pouvait se financer à 100% dans la province de Québec.

M. Forget: Si on suivait les règles suivies par la Securities and Exchange Commission ou Moody's pour calculer ces ratios, on sait qu'ils seraient beaucoup plus élevés et qu'ils se compareraient encore très bien, non pas peut-être avec les entreprises privées qui produisent de l'énergie électrique auxquelles s'applique la règle des 40% de capital, mais les entreprises publiques comme le Tennessee Valley ou autre chose.

M. Giroux: II faudrait inclure dans Tennessee Valley toutes les subventions du gouvernement fédéral. Vous parlez à l'Hydro-Québec qui n'a jamais reçu de subvention. C'est comparer des choses qui, à mon sens, ne peuvent pas se comparer. Si on prend Tennessee Valley qui a eu tout le département de génie de l'armée sans payer un sou pendant X années, à part toutes les subventions et les prêts, des milliards, à 2%. Si on pouvait avoir ces choses-là ici, là c'est d'abord, votre raisonnement est parfaitement correct, mais s'il faut emprunter aux États-Unis et s'il faut emprunter dans les marchés internationaux, on est très chanceux de s'en tirer avec 1,25.

M. Forget: Je vais reprendre ma question sous une autre forme. Lorsqu'on regarde ces différentes analyses financières, on fait une constatation indiscutable, on trouve en toutes lettres d'ailleurs dans les analyses, en mots, pas seulement en chiffres, que selon n'importe quelle évaluation, la santé financière de l'Hydro-Québec est au-delà de tout doute. Elle est même, dans certains cas, de loin supérieure à des utilités publiques américaines. Malgré tout, on fait face à des problèmes de financement au point de vue de la différence de taux qu'il faut payer.

Dans quelle mesure la différence de taux qu'il faut payer ou les difficultés d'accessibilité au marché dans certaines circonstances peuvent être à cause du fait que l'Hydro-Québec est jugée, non pas seulement en fonction des autres, mais en fonction de ce qui se fait aux États-Unis, en fonction de critères qui pourraient être applicables à des entreprises américaines ou canadiennes du même genre, mais en fonction d'une politique qu'elle s'est faite elle-même. On la juge, autrement dit, quant à sa capacité d'observer un ratio qu'elle s'est déterminée elle-même. On se dit que si elle s'approche de ce ratio, il y a peut-être une certaine prudence à observer, même si ce standard est beaucoup plus exigeant qu'on pourrait appliquer à d'autres entreprises. Comment expliquer autrement le différentiel de ratio, alors que toutes les analyses financières montrent que votre situation est de loin plus avantageuse que celle des entreprises comparables?

M. Giroux: II y a une réponse qui est plutôt simple. Dans l'ensemble des masses monétaires que nous devons emprunter, avec le peu qu'on peut emprunter dans la province de Québec, la comparaison doit être que nous devons être la compagnie avec les meilleurs chiffres, ou le meilleur bilan, pour obtenir les taux d'emprunt que nous réussissons. Autrement, j'aurais de profonds doutes sur la capacité de pouvoir faire les emprunts nécessaires pour accomplir ce dont on a besoin; deuxièmement, les taux en souffriraient énormément, il n'y a pas l'ombre d'un doute.

Je ne sais pas si M. Lemieux ou M. Lafond ont quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Lemieux: Au point de vue ratio, nous nous sommes comparés à des compagnies privées où une couverture de trois fois et de quatre fois était normale et avec un ratio de 1,5% qui est le minimum dans certains États, pour que les obligations soient achetées par des compagnies d'assurances. Alors il faut regarder le 1,25 en le comparant avec le 1,5, un minimum strict et des taux normaux de trois fois et quatre fois et vous avez eu des compagnies aux États-Unis où la couverture est tombée de trois fois à deux fois et demie et, comme résultat, elles ont perdu leur cote chez Moody's et elles ont été baissées de 2-A à A ou bien de B à A.

À part cela, je comprends que nous nous basons sur la couverture, mais il y a aussi une autre contrainte qu'on n'a pas même mentionnée, c'est la somme des emprunts qu'il va falloir faire en 1978, afin de réussir notre programme d'expansion. On a des emprunts qui dépassent les $2 milliards et je n'aimerais pas augmenter ce chiffre davantage, en laissant passer une augmentation des tarifs qui laissera la population quand même avec des taux parmi les plus bas au monde.

M. Boyd: M. Forget, vous avez mentionné les facteurs d'inflation qui affectent la construction, elle coûte beaucoup plus cher, donc entraînant des coûts plus élevés, donc l'intérêt à la construction, le secteur de la construction monte rapidement, je suis d'accord avec vous. Vous avez mentionné qu'un autre facteur qui influençait cela, c'était la croissance plus rapide de la demande, là-dessus je ne suis pas d'accord avec vous. Notre croissance depuis très longtemps et on dit jusqu'en 1985, en moyenne est de 7 3/4%, donc ce facteur n'a pas joué dans nos revenus. Cela se maintient à long terme, depuis longtemps à 7,5%, 7 3/4%, donc, là j'élimine ce facteur.

J'admets votre premier facteur. Par contre, comme vient de le dire M. Lemieux, il reste que d'ici 1980, si on emploie le ratio de 1,25 que vous-mêmes tentez d'indiquer qu'il est trop élevé,

qu'il faudrait mettre en cloute, cela voudrait dire que pour résoudre notre problème, d'ici 1980, il faudrait emprunter $7 milliards.

Nous proposons des augmentations de trois fois 20% qui vont faire qu'on aura besoin d'emprunter $6,463 milliards. J'aimerais que quelqu'un me suggère plutôt une façon de réduire les emprunts à $6 milliards ou à $5,5 milliards, plutôt que de nous suggérer une façon d'augmenter les emprunts à $7,5 milliards. Même à $6,4 milliards qu'on propose, avec trois fois 20%, on va avoir de la difficulté. En 1978, on pense y arriver, parce qu'on a pris de l'avance. On a pris une avance de $1 milliard en 1976. On va finir, cette année, avec $500 millions ou $600 millions d'avance. On espère pouvoir retourner sur le marché pour un autre emprunt de $200 millions et finir l'année avec $800 millions, ce qui sera de moins pour l'année 1978. Je vous avoue franchement qu'on aimerait finir chacune de ces trois années avec, en réserve, entre $500 millions et $1 milliard en vue de l'année qui suit.

Quand les gens qui achètent nos obligations voient $6,4 milliards ou $7 milliards, ou $7,5 milliards ou $5 milliards, cela fait une jolie différence quand on vient pour négocier. Si vous avez une meilleure solution que celle-là pour réduire nos financements ou augmenter notre méthode d'autofinancement, je pense que tout le monde à l'Hydro-Québec serait fort heureux.

Mais le chiffre magique de 1,25 ne me traumatise pas plus que cela. C'est un chiffre qui, dans le temps, était libre. On l'a monté à 1,33 en 1974; il s'est détérioré à 1,17, on essaie de le remonter à l,33. Je pense qu'il y aurait intérêt à le monter à 1,50 et de le maintenir à 1,50 dans l'avenir, afin qu'on soit obligé d'aller sur le marché le moins possible.

M. Lemieux: Je vais commenter deux choses. Vous avez dit, et c'est vrai, que la population, aujourd'hui, contribue au coût de construction pour les nouvelles centrales. Cependant la population, aujourd'hui, est la bénéficiaire des centrales qui ont été construites, il y a 10, 20 et 30 ans. Bersimis, Beauharnois, Manicouagan, toutes ces centrales, d'un total d'environ 12 millions de kilowatts-heures, ont été construites dans le passé. Si on avait à les construire aujourd'hui, cela coûterait probablement trois fois plus. Si, dans le temps, on avait opté pour des centrales thermiques, avec le prix de l'huile aujourd'hui, nos tarifs seraient facilement le double de ce qu'ils sont aujourd'hui.

Deuxièmement, une augmentation de 20% l'an prochain, aura, nous le souhaitons, l'effet de réduire légèrement ou plus que légèrement le taux d'augmentation. Personnellement, je suis plus inquiet de l'augmentation qu'on voit ces jours-ci, qui risque de dépasser les 7,75 sur lesquels notre programme de construction est basé. Les 7,75 comprennent une augmentation annuelle de 10% dans le domiciliaire. Chez le domiciliaire, depuis cinq ans l'augmentation est de 12,9% composée annuellement. C'est pas mal plus que les 10% qui nous donnent 7,75.

Je comprends que l'industriel augmente à 4,3 depuis cinq ans. Mais nous sommes dans une période où il y a un ralentissement de l'économie. Si l'économie peut reprendre, je crois qu'on va atteindre et dépasser les 5% qui produisent encore les 7,75%.

Finalement, pour les cinq ans, le taux annuel est de 8,3% comparé avec le 7,75% qu'on prévoit pour l'avenir. Je crois que ce serait bien souhaitable qu'on fasse quelque chose pour encourager un ralentissement de l'augmentation de la demande.

M. Forget: M. le Président, je reviens toujours à l'inflation et à l'effet que cela peut avoir sur les états financiers de l'Hydro pour clarifier un point. Si je comprends bien, les actifs de production, les centrales sont comptabilisées, dans les actifs de l'Hydro-Québec, à leur valeur historique dépréciée. Étant donné qu'il y a eu une inflation considérable depuis quelques années, il y a eu, dans tous les milieux intéressés à l'analyse des états financiers, beaucoup de discussions sur l'effet de l'inflation, sur la compréhension des états financiers dans une industrie comme la production d'électricité. Étant donné la longueur de vie utile des actifs immobiliers en question, est-ce que cela a été une des préoccupations de l'Hydro-Québec depuis quelque temps? Y a-t-il une modification quelconque dans les pratiques comptables, relativement à cela, ou envisagez-vous de modifier la présentation comptable des états financiers? Encore là, l'impact direct c'est de sous-estimer la valeur de remplacement ou la valeur réelle, dans le fond, comme unité de production, de tout ce qui a été fait dans le passé au point de vue centrales, etc., parce que c'est un coût qu'on ne pourrait plus... enfin, ce serait même une farce aujourd'hui d'en parler.

M. Giroux: Voici, il faudrait prendre en considération un critère qui est particulier. C'est qu'aux États-Unis, nous ne sommes pas considérés comme un service public, nous sommes considérés comme une compagnie privée, on est "corporate" ordinaire. À ce moment, les méthodes comptables, vous avez le droit — on le voit dans certains prospectus — de mentionner la valeur de remplacement, mais vous ne pouvez pas la changer au livre.

M. Forget: Mais il reste que cette valeur est parfois utilisée.

M. Giroux: On pourrait donner une valeur, si on opérait par hypothèque, plus grande, oui. Seulement, aux États-Unis, je ne pourrais pas vous garantir que les méthodes comptables le permettraient.

M. Forget: Non, mais il reste que dans certaines analyses financières, ce résultat, c'est-à-dire la valeur de remplacement, va parfois être utilisé pour montrer la valeur des actionnaires relativement à la dette, donc satisfaire un certain nombre de ratios, y compris les 40%. Si on faisait cela avec

l'Hydro-Québec, il y a peut-être des chances que vous vous rendiez à 40%.

M. Giroux: Je dois vous dire que j'ai regardé plusieurs compagnies privées aux États-Unis qui l'ont en annexe, mais cela ne leur a pas permis de réduire leur apport en capital, en équité, si vous voulez, qui est l'équivalence de notre autofinancement. Alors, où on serait dégagé d'un côté, il faudrait augmenter l'autofinancement de l'autre côté. Vous auriez une variante peut-être une année, mais on reviendrait, dans l'ensemble... Le danger qu'il y a peut-être aux États-Unis, c'est qu'on considère que nos 1,25% sont trop bas.

M. Forget: Ce n'est pas l'impression qu'on dégage de la lecture de la plupart des analyses financières que j'ai vues sur l'Hydro-Québec.

M. Giroux: Le grand effet de cette étude, surtout des gens qui sont indépendants et qui nous ont analysés, c'est le fait qu'on a toujours maintenu ce rythme. Mais qu'arriverait-il si on échangeait, à un moment donné, d'un côté? On aurait peut-être un effet qui serait plus désastreux qu'on ne pourrait le prévoir.

M. Garneau: Ce que vous soulignez, en fait, c'est que, d'une façon générale, la présentation du bilan — avec M. Giroux, on a déjà eu l'occasion d'en discuter, surtout au moment de la création de la Société de la Baie James — en ce qui regarde la capitalisation des intérêts et des couvertures qui sont nécessitées pour les emprunts...— mais peut-on tirer comme conclusion, en tout cas c'est celle que j'ai tirée au moment où j'occupais d'autres fonctions, et je ne sais pas si elle est encore juste, mais j'en arrive à la même observation après avoir écouté toutes les questions — que je trouve pertinentes — qu'a posées le député de Saint-Laurent.

Finalement, il y a a emprunter pour financer l'opération du développement de la Baie James comme d'autres ressources hydroélectriques que ce soit ailleurs, à la Baie James, à la rivière La Grande ou encore sur la basse Côte-Nord. Il faut lever des capitaux et que finalement on n'établit pas nous-mêmes les règles du jeu que les autres veulent voir dans leur analyse qui les amène à acheter ou ne pas acheter des titres. Dans l'étude de Payne Webber qui a été faite et remise par l'Hydro-Québec, on constate que les observations des gens par les analyses qui ont été faites indiquent clairement que l'Hydro-Québec est dans une excellente situation financière. Mais lorsqu'on lit, par exemple, la deuxième partie "At the same time, there are certain risks to be considered." Là, il en énumère trois et il explique: "In our opinion and due concern with these risks" et les risques c'était: "the political uncertainty following the November 76 election, current economic witness in the province of Québec, large external financing headed to found the massive construction program", celui-là est aussi important parmi les réticences. Il en arrive à la conclusion que dans les analyses de crédit il y a quand même une différence entre les taux d'intérêts. Est-ce que la conclusion de cela— je n'en fais pas une question politique — mais est-ce qu'elle n'est pas reliée au fait qu'il y a de gros montants à financer. Les gens qui prêtent des capitaux peuvent les prêter au Québec ou à l'Hydro-Québec, mais ils ont beaucoup de choix pour investir ces capitaux et finalement il faut garder une situation financière saine qui, non seulement nous satisfasse ainsi que l'Hydro-Québec, mais aussi les membres de l'Assemblée nationale et le public en général. Il faut aussi présenter une situation financière qui décroche l'adhésion des prêteurs éventuels. C'est là-dessus que vous soulignez qu'il faut garder cette crédibilité non par rapport à nous mêmes, mais en étant satisfaitfs des analyses que pourraient faire des observateurs, mais en regard de l'adhésion et du mouvement ou du geste que posera le prêteur éventuel.

M. Giroux: Naturellement. Il faut toujours se placer dans l'opposition ayant été des deux côtés de la médaille et ayant prêté de l'argent pendant un certain temps de ma vie et après cela, en avoir emprunté pendant assez longtemps.

M. Garneau: En avez-vous emprunté plus que vous en avez prêté?

M. Giroux: Presque. Je vais vous dire. J'ai été plus longtemps prêteur qu'emprunteur. Ce qui arrive, c'est que celui qui prête l'argent est toujours libre de son choix. Devant la crédibilité de l'Hydro-Québec, il y a tout de même des gestes qu'on doit admettre qui sont dûs entièrement à la crédibilité de l'Hydro-Québec. Les emprunts massifs qu'on a faits à $1,6 milliard et nous avons les derniers trois mois si vous regardez la liste, tous ces emprunts massifs qu'on a faits qui vont chercher $700 millions ont été faits sur un crédit malgré tout ce qui pouvait être comme objection, instabilité ou autre. Il n'a jamais été plus le temps pour le crédit de l'Hydro-Québec que soit maintenue sa crédibilité avec le 1,25. Cela n'a jamais existé. C'est une opinion qui est strictement personnelle, mais je la donne avec l'assurance qu'on peut faire le tour de tous les investisseurs américains et européens qui se sont prononcés massivement dans les trois derniers mois. Ceux qui ont acheté, même en placement privé en comparaison d'un placement public, il faut admettre que ce sont des spécialistes du métier. Quand on va en placement privé, il n'y a que les experts qui achètent. Le crédit de l'Hydro-Québec est établi d'une façon très sérieuse, non contestée. C'est grandement nécessaire que ce ratio soit maintenu au point de vue de crédibilité et d'emprunt. Les autres arguments sont tous bons. Si on pouvait vendre meilleur marché, il n'y a pas d'erreur que c'est très valable, mais comme il y a d'autres programmes à faire et qu'il faut emprunter, je crois que c'est une nécessité, M. le Président. C'est mon opinion personnelle.

M. Président (M. Clair): Le député de Bellechasse et ensuite le ministre délégué à l'énergie.

M. Goulet: Merci, M. le Président. J'ai juste une petite question. M. Boyd a dit antérieurement que vendre aux grosses compagnies était plus payant pour l'Hydro que de vendre aux domiciliaires. Est-ce exact?

M. Boyd: Cela revient à cela.

M. Goulet: Mais même si c'est à un taux inférieur, c'est plus payant pour l'Hydro. Vous avez parlé également d'augmentations prévues aux compagnies allant jusqu'à 48%, compagnies qui ont actuellement des prix avantageux. J'aimerais d'abord savoir si ces compagnies ont été avisées de ces augmentations prévues, demandées ou suggérées par vous?

M. Boyd: Elles sont au courant du règlement de l'année dernière où on avait le droit de les augmenter de 24% pour le rattrapage. Les 48% dont on parle, c'est dans le règlement qu'on propose actuellement, qui n'est pas approuvé. Évidemment, elles en ont peut-être entendu parler puisqu'on en parle. Mais on ne peut pas aller leur demander ou leur en parler puisque ce n'est pas encore approuvé.

M. Goulet: J'avais envie de demander au président de l'Hydro si, d'après lui, cette hausse peut entraîner des fermetures d'usines. Bien sûr, je ne le ferai pas. On pourrait m'accuser de vouloir faire un peu de politique, mais je lui demanderai plutôt quelle sera la réaction, quelle a été ou quelle est la réaction de ces compagnies? Avez-vous déjà eu vent de certaines réactions de compagnies concernant cette augmentation allant jusqu'à 48%?

M. Boyd: Je ne crois pas qu'on ait eu de réactions concernant l'augmentation de 48%. Il y en a évidemment qui ont eu des réactions lorsqu'on leur a parlé de 24% l'année dernière, et qu'on leur parle encore de 24% actuellement. Mais finalement, lorsqu'elles réalisent que, même à cela, ces compagnies ont des tarifs compétitifs et même inférieurs à ce qu'elles pourraient avoir ailleurs, elles finissent par les accepter. Cela prend un peu plus de temps de négociations, mais on n'a, à ma connaissance, aucune compagnie qui a décidé de nous quitter à cause de cela. Parce que nos tarifs sont bas. Évidemment, celles qui devront subir jusqu'à 48% de rattrapage, cela fait des années et des années qu'elles ont des tarifs trop bas et elles ont eu l'occasion d'en profiter et d'accumuler des réserves à même les tarifs qui étaient trop bas. Je pense qu'en toute équité, il faut finir par rétablir à la longue les tarifs selon les autres entreprises compétitrices.

M. Goulet: Une dernière question, M. le Président. Je voudrais savoir si les compagnies étaient obligées de subir cette augmentation, est-ce que cela pourrait, dans certains cas, faire en sorte que les compagnies ne soient plus compétitives avec d'autres compagnies de l'extérieur, selon ce qu'el- les produisent? Avez-vous des cas concrets ou si, comme vous avez dit tantôt, vous en avez entendu parler, mais pas plus?

M. Boyd: Je ne crois pas...

M. Goulet: Sans fermer leurs portes, faire en sorte que le marché international devienne très difficile pour elles, comparativement à d'autres compagnies d'autres pays qui produisent avec d'autres sources d'énergie?

M. Boyd: Certains, dans les négociations qu'ils auront avec nous, dans les démarches qu'ils vont faire avec le gouvernement pour essayer d'avoir des tarifs préférentiels, vont invoquer cet argument. Mais dans la majorité des cas, l'électricité n'étant pas le facteur primordial, je ne pense pas que cela soit la raison. Parce que pour vouloir fermer et s'en aller ailleurs, il faudrait qu'ils trouvent un endroit où les tarifs sont meilleur marché. Il n'y en a pas. Il y a bien d'autres facteurs qui font que leur industrie va aller bien ou mal. Vous les connaissez aussi bien que moi. Si l'électricité représente 1%, 2%, 3% du coût du produit, c'est vrai que cela va les déranger d'avoir une augmentation de 20%, 25% ou 30%, mais ce n'est pas cela qui va casser le dos du chameau.

M. Goulet: M. le Président, dans un autre ordre d'idées, juste avant que le ministre prenne la parole. À la page 14 de votre rapport, vous marquez: Municipalités, hausse prévue en 1978, 21,8%. Est-ce que ce sont là des réseaux municipaux non intégrés ou des réseaux municipaux à l'Hydro?

M. Boyd: Ce sont des réseaux municipaux qui existent, qui achètent en gros de l'Hydro-Québec et qui vendent de l'électricité au détail dans leurs municipalités.

M. Goulet: Mais les réseaux municipaux non intégrés, est-ce que l'augmentation tarifaire que l'Hydro fera subir, est-ce que cela va influencer directement pour les municipalités non intégrées, les réseaux municipaux, dis-je, non intégrés, est-ce que les municipalités sont obligées de suivre l'Hydro? La tarification au niveau de ces municipalités, est-ce que cela va de pair avec l'augmentation de l'Hydro ou... Ce n'est pas vous qui décidez pour elles?

M. Boyd: Ces municipalités appliquent les tarifs qu'elles veulent. On n'a rien à voir avec leur tarification à leurs abonnés. Nous leur appliquons le tarif au point de livraison, que ce soit 110 kV ou 25 kV ou 12 kV. On applique un tarif normalisé et elle s'occupent de faire la distribution. Dans la majorité des cas, les municipalités demandent des tarifs plus élevés que les tarifs de l'Hydro-Québec. Dans ces certains cas, ils s'alignent sur les tarifs de l'Hydro. En particulier, il y a certains citoyens de certaines municipalités qui font des pressions chez-nous, dans le moment, qui en font

au gouvernement. Cela a toujours existé, des pressions qui sont faites pour que l'Hydro-Québec achète ces réseaux parce qu'ils paient trop cher leur électricité.

La politique de l'Hydro-Québec qui avait été établie au moment de la nationalisation et qu'on suit encore, c'est que ces réseaux, d'après leur charte d'ailleurs, ces municipalités pour la plupart ont le droit d'avoir des réseaux municipaux. Cela n'a jamais été l'intention de l'Hydro-Québec, comme politique, en somme de les nationaliser. Habituellement, ce qui arrive, c'est qu'à un moment donné les groupes de citoyens deviennent ennuyés de payer plus cher que leurs voisins et font des pressions très fortes. Dans d'autres cas c'est que le réseau municipal n'est pas entretenu comme il le doit parce que la municipalité prend l'argent, les profits qu'elle fait avec le réseau municipal et s'en sert pour faire des trottoirs et à un moment donné, le réseau municipal est en état de décrépitude. Il faut investir ou essayer de le vendre à l'Hydro.

M. Goulet: Est-ce que à votre connaissance, il y a au Québec des municipalités qui ont des réseaux, des municipalités où les contribuables paient moins cher que ceux de l'Hydro? Est-ce que d'après vous il en existe ou si c'est le contraire, partout ils paient plus cher?

M. Boyd: Le taux est soit plus cher ou le même. Il y a peut-être au Lac-Saint-Jean où il y en avait qui payaient peut-être un peu moins cher parce que c'étaient des ententes que ces municipalités avaient avec l'Alcan et c'étaient des relations de bons citoyens.

Le Président (M. Clair): Le député de Frontenac et ensuite le député de Berthier.

M. Grégoire: M. le Président, je trouve que c'est une bonne augmentation d'un coup sec, surtout si on propose cela pour trois ans. Je voudrais demander au ministre si le ministre responsable de la protection du consommateur est d'accord sur cette augmentation de 20% d'un coup sec pour l'usage domestique. On sait que l'électricité, le chauffage, l'eau chaude, l'électricité courante, c'est à peu près 12 1/2% à 15% du loyer. Augmenter cela de 20% pendant trois ou quatre ans de suite, est-ce que le ministre pourrait nous dire...

M. Joron: Ce n'est pas 12% ou 15% du loyer, on l'établissait ce matin. Le député de Frontenac aurait eu la réponse à sa question s'il avait assisté aux discussions ce matin.

M. Grégoire: J'ai été ici toute la matinée de 10 heures à 13 heures.

M. Joron: Avez-vous manqué le bout du 1,34% du revenu familial?

M. Grégoire: Non, je ne l'ai pas manqué. Je l'avais lu et relu.

M. Joron: Pour répondre spécifiquement à votre question, le ministre responsable de la protection du consommateur n'est pas membre, évidemment, de la commission parlementaire des richesses naturelles. Je n'ai donc pas eu l'occasion d'avoir sa réaction à la proposition tarifaire de l'Hydro-Québec puisqu'elle ne m'a été envoyée que récemment, ainsi qu'aux membres de la commission parlementaire des richesses naturelles.

Par contre, dans ce souci de protection du consommateur, il y a plusieurs choses que j'ai déjà discutées avec elle et avec l'Hydro-Québec. On n'a pas eu beaucoup l'occasion d'en parler aujourd'hui. Mais en ce qui a trait aux pratiques commerciales... On en a évoqué quelques-unes ce matin pour une protection plus adéquate du consommateur, d'autres par rapport aux coupures d'électricité qui n'intéressent pas seulement le ministre responsable de la protection du consommateur, mais également le ministre des Affaires sociales. C'est un problème intimement lié parce que c'est généralement chez les assistés sociaux que ces questions se posent. Alors, on veut consacrer un chapitre entier dans le livre blanc sur l'énergie à cet aspect de la protection des consommateurs. À ce moment-ci, j'avoue que ce n'est peut-être pas le lieu et qu'il est un peu trop tôt pour déballer tout le paquet. Mais c'est vrai que, pour nous de l'Energie, cela constitue un de nos principaux soucis à l'heure actuelle. Pour résumer la réponse à votre question, cette proposition tarifaire n'a pas été discutée avec elle pour la bonne et simple raison qu'elle est en vacances. Elle n'est pas disponible.

M. Garneau: Est-ce que le ministre serait d'accord pour refaire la proposition qu'il avait faite, alors qu'il était dans l'Opposition, à savoir, convoquer le ministre?

M. Joron: Convoquer le ministre responsable de la protection du consommateur? Si vous pouvez la rejoindre...

M. Grégoire: II y aurait le ministre de l'Industrie et du Commerce également qui pourrait être... Celui des pâtes et papiers parce qu'il a été question de l'augmentation. Je pourrais émettre l'opinion que...

M. Joron: Avec ceux-là j'en ai discuté longuement. Le ministre des Terres et Forêts et des Richesses naturelles, M. Bérubé, d'ailleurs membre de cette commission parlementaire est absent parce qu'il est en voyage dans...

M. Grégoire: La réunion des ministres des Richesses naturelles.

M. Joron: ... différentes provinces à l'heure actuelle. Alors il ne pouvait pas y assister, mais je l'ai vu tout au long de la fin de semaine avec le ministre de l'Industrie et du Commerce à cette réunion qu'a tenue le comité de développement

économique. Il a été question de toutes ces questions dans l'élaboration — non seulement pour l'immédiat, mais pour les tarifs de l'année prochaine — de notre politique de l'énergie pour les années à venir.

Comment et quel rôle l'électricité et les prix de cette électricité... Deux choses d'abord. La disponibilité de cette électricité qui est déjà une des choses de plus en plus rares dans le monde, où le Québec était un des derniers pays encore, un des derniers coins de la terre à pouvoir garantir des approvisionnements, quel que soit le prix. Cela semble devenir à peu près impossible partout ailleurs.

D'autre part, on a déjà les prix les meilleurs et j'ai déjà indiqué que, même en tenant compte de cette augmentation l'année prochaine, nos tarifs tant domestiques qu'industriels restent les meilleurs, non seulement au Canada, mais en Amérique. Il y a une petite exception qu'on a vue parmi les tableaux que l'Hydro-Québec nous donnait; il y a une petite exception dans l'Orégon pour un secteur géographique bien donné, mais c'est à peu près tout ce qu'on peut trouver. Il n'y a pas d'endroit au monde où on peut trouver de l'électricité à meilleur marché.

C'était vrai aussi dans le passé, cela a provoqué au Québec certains types de développement industriel, précisément dans ce genre d'industrie qui consomme beaucoup d'énergie. Dans un sens — je ne veux pas me lancer dans de longues considérations sur l'orientation de notre développement industriel — cela a eu pour effet, un petit peu, de déséquilibrer notre structure industrielle, parce que les plus gros clients industriels de l'Hydro-Québec, par rapport au total qui consomme dans les ventes d'électricité de l'Hydro-Québec, si vous les mettiez en fonction de ceux qui fournissent des emplois, vous vous apercevriez qu'ils consomment des fois 30% d'électricité mais qu'ils ne procurent que 3% ou 4% des emplois, parce que ce sont des industries basées sur des opérations relativement primaires, la transformation des métaux. Je pense à l'aluminium et ces choses-là.

Alors, si notre but au Québec — c'est ce que je discutais conjointement avec les ministres que vous avez mentionnés — c'est dans la relance, dans le développement économique qu'on souhaite, opérer une espèce de transformation de notre développement industriel vers un type d'industrialisation plus solide dans la transformation de nos ressources secondaires, de nos ressources naturelles, allonger la chaîne de production, s'en aller vers des types d'industries plus sophistiquées, c'est à cela, c'est pour amener les entreprises dans ces secteurs qu'on devrait utiliser ce qui est notre as de pique ou notre principale carte d'atout, les tarifs industriels, l'électricité, non seulement disponibles en plus grande quantité, mais à meilleur marché au monde. C'est dans ce sens qu'on a nettement l'intention de l'utiliser; alors moi, je n'ai eu aucune chicane de ce côté-là avec le ministre de l'Industrie et du Commerce ou celui du Développement économique ou celui des Richesses naturelles.

Tous nos intérêts concordent, puisqu'on voit le développement économique du Québec de la même façon.

M. Garneau: Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

M. Joron: En termes, oui.

Le Président (M. Clair): D'autres questions?

M. Grégoire: M. Boyd, je vois que le ratio, dans votre tableau à la page 11, vous voulez le porter et assez rapidement prendre du rattrapage pour le remonter en moins de trois ou quatre ans, à 1,55%. Tantôt M. Giroux nous disait que 1,25% c'est un...

M. Giroux: Strict minimum.

M. Grégoire: Oui, c'est le strict minimum, mais vous avez réussi avec un ratio de 1,17, cette année de façon magistrale à aller chercher tous les emprunts dont vous aviez besoin et même vous allez prendre de l'avance pour l'an prochain comme vous en aviez pris l'an dernier, ce qui veut dire que c'est une année normale et vous n'avez rien perdu de votre cote à 1,17. Si vous le montez à 1,55, en définitive, le seul résultat, c'est que vous allez emprunter $400 millions de moins, mais vous allez les charger au consommateur.

M. Boyd: M. Grégoire...

M. Grégoire: Et vous allez l'imposer au consommateur d'aujourd'hui. J'ai un peu de misère à m'aligner jusqu'en 1980, comme je suis là. Je me dis que vous imposez au consommateur d'aujourd'hui ces emprunts.

M. Giroux: Si vous le permettez, comme on l'imposait au consommateur il y a quinze ans.

M. Grégoire: Oui.

M. Giroux: On lui imposait les taux d'aujourd'hui, mais dans ce temps-là, c'était moins haut, il se plaignait moins.

M. Grégoire: Oui, mais aujourd'hui...

M. Giroux: Seulement, il y a une chose. Tantôt, vous disiez: Vous avez emprunté avec 1,17. Une question de tous les prêteurs, à ce moment-là: Est-ce que vous croyez que vous allez avoir de la difficulté à rétablir votre ratio à 1,25? On a dit: Selon nous, on ne croit pas avoir de difficulté à le rétablir à 1,25. Mais si on ne le rétablit pas, ces emprunts ne se renouvelleront pas.

M. Grégoire: D'accord pour que vous le rétablissiez à 1,25, mais, dès la première année, vous le rétablissez à 1,33, la deuxième année à 1,38 et la troisième année à 1,55?

M. Joron: On ne discute que les tarifs de 1978. C'est ce que l'Hydro demande.

M. Grégoire: Oui, mais dès la première année vous le rétablissez à 1,33.

M. Giroux: 1,33, vous savez, c'est tout de même une estimation.

M. Grégoire: Vous prenez le rattrapage. C'est une opération de rattrapage accélérée. Et dépassement du...

M. Giroux: II faut rétablir la moyenne.

M. Boyd: M. Grégoire, M. le Président, il n'est pas question seulement du 1,33. On s'attache à 1,25, 1,17, 1,33, 1,5. C'est un facteur, c'est un ratio.

Le programme qu'on a à faire d'ici 1980 requiert une somme importante. On se demande maintenant où on va la prendre. Est-ce qu'on veut ce programme ou on ne le veut pas? Si on le veut, on doit le réaliser et prendre les moyens pour le réaliser. Si on pouvait emprunter davantage au Québec, ce serait moins difficile. Comme il faut emprunter un peu partout dans le monde, il y a une limite à ce qu'on peut emprunter. Si on dit: On s'en va à 1,5, ce n'est pas de s'en aller à 1,5 pour s'en aller à 1,5. C'est tout simplement qu'on veut avoir à emprunter moins. 1,25, si c'est le chiffre magique qui nous traumatise, il faudrait emprunter pendant les trois années $7 milliards.

À la page 11, on dit qu'il faudra emprunter $6,4 milliards. Si on avait un autre ratio, si nos tarifs étaient plus élevés, il faudrait emprunter $6 milliards. Quand on a à vendre des obligations, pour $6 milliards, pendant trois ans, c'est une chose et en vendre $7 milliards, c'est une autre chose. C'est là la question; on fait le programme ou on ne le fait pas. Si on le fait, il faut prendre les mesures, et, à cette fin, il faut s'autofinancer dans une certaine proportion. Si vous ne vous autofinancez pas du tout, vous n'aurez pas de programme, vous n'aurez pas d'emprunt, c'est aussi simple que cela.

M. Grégoire: En d'autres termes, une fois le ratio 1,25% atteint, pour justifier la cote qu'a l'Hydro-Québec, à l'heure actuelle, de l'augmenter plus ou moins au-dessus de 1.25% cela se traduit, soit que vous empruntiez plus ou que le consommateur paie plus dès cette anneée ou dès l'an prochain, dans deux ans ou dans trois ans.

M. Boyd: Oui, mais il s'agit de savoir...

M. Grégoire: Une fois le ratio 1,25% atteint.

M. Boyd: ... est-ce qu'on veut faire ce programme d'ici 1980 ou non? Si on veut le faire, cela coûte tant, et pour le faire, il faut avoir l'argent nécessaire. Comme on doit emprunter, on essaye d'emprunter le moins possible. Cette année on s'est limité à $1 milliard, à la demande du ministre des Finances dans son budget.

M. Grégoire: Oui, tout le monde fait la même chose tout d'un coup. Cela arrive d'un coup sec que tout le monde veut moins emprunter et puis...

Le président (M. Clair): Le député de Berthier qui suit le député de Frontenac veut-il poser une question?

M. Grégoire: Je voulais seulement vous poser une question technique, M. Boyd. Quand vous arrivez dans une conciergerie, si le propriétaire fournit l'électricité à tous ses clients, est-ce un usager ou si c'est divisé au point de vue de $3.60 de minimum, par le nombre de logements?

M. Boyd: M. Bisaillon va répondre rapidement à cela.

M. Bisaillon (Jacques): On donne actuellement — et on va continuer de le donner pendant un bout de temps — le choix au propriétaire. Je dois vous référer tout de suite à des études nombreuses qui ont été faites aux États-Unis — on en a aussi fait une, il y en a aussi une sérieuse en Ontario. Toutes démontrent que, quand le locataire a à payer sa propre électricité, il fait plus attention. Je pense que c'est normal, autrement cela ne coûte rien. Donc il en dépense plus, il a une tendance à en dépenser plus. D'ailleurs les chiffres ont prouvé cela, c'est entre 4% et 39%.

Les résultats des études sont aussi différents que cela. Là on peut dire que cela a un effet. Seulement il faut faire attention. Si de force, on rend le locataire responsable de sa facture d'électricité et que l'immeuble dans lequel il habite est mal isolé parce que le propriétaire l'a mal isolé, là on lui cause un préjudice. On est mieux d'attendre que la mode soit à une meilleure isolation des immeubles d'habitation avant de forcer le locataire à payer sa propre facture d'électricité. On laisse le choix actuellement.

M. Grégoire: Au propriétaire de la conciergerie ou au locataire?

M. Bisaillon (Jacques): C'est le propriétaire ou le constructeur à ce moment.

Le Président (M. Clair): II reste environ trois minutes avant six heures. Est-ce que c'est une question courte que vous avez à poser, M. le député de Berthier? On pourrait recommencer avec vous à la prochaine séance, si elle est plus longue que deux ou trois minutes.

M. Mercier: Je voulais simplement demander si les investissements considérables que vous faites présentement et qui sont comptabilisés au coût réel ne risquent pas, étant donné que les autres investissements sont comptabilisés au coût historique, de débalancer ou d'atténuer la bonne image financière qu'a l'Hydro-Québec. Autrement dit, est-ce que la proportion de ces investissements, dans la part du budget, va prendre beaucoup de place, dans la mesure où vous ne réévaluez pas les autres actifs à un coût qui se rapproche davantage du coût réel?

M. Boyd: C'est le fond... M. Lemieux...

M. Mercier: ... l'image dont vous avez besoin pour emprunter peut être affectée.

M. Lafond: On suit toujours la même règle à laquelle on est tenu, à savoir comptabiliser les coûts des immobilisations à leur valeur présente. Cela devient un an après un coût historique. C'est ce qui a toujours été suivi. La distorsion que cela crée dans le temps n'est pas ajustée. La question que M. Forget a posée sur le problème de l'évaluation, année par année, à la valeur courante des actifs immobilisés fait actuellement l'objet de débats et de "tâtonnages" de la part des professionnels, les comptables, tant au Canada qu'aux États-Unis. Actuellement, il y a beaucoup de sondages qui circulent. Dans les grandes lignes, j'aimerais commenter un peu le point que vous avez soulevé. On peut prévoir, dans le cas de l'Hydro-Québec, que l'impact sur le bilan, évidemment, serait d'augmenter la valeur des actifs immobilisés qui sont encore comptabilisés à leur coût historique, d'autre part d'augmenter forcément la valeur nette de l'Hydro-Québec.

Comme nous n'empruntons pas dans un système d'actes de fiducie où nos actifs sont cédés en garantie collatérale, il n'y aurait pas tellement de bénéfices, et on ne pourrait pas faire tellement de millage.

Du côté de l'état de revenus et dépenses, l'impact qu'on peut anticiper globalement, sans aller dans les détails, serait d'augmenter passablement les charges d'amortissement. Ce qui pourrait détériorer notre couverture d'intérêt, ce qui nous amènerait, à la longue, à charger davantage comme tarif d'électricité, à rapprocher nos tarifs du coût marginal. Ce pourquoi je dis qu'on est concerné par cela, c'est qu'on ne sait pas les décisions qui seront prises au sud de la frontière parce que les comptables des États-Unis vont se prononcer plus vite que les comptables agréés du Canada, et on verra à ce moment-là à quelle règle il faudra s'adapter. Mais les comptables professionnels devront cependant tenir compte des problèmes auxquels l'industrie des électriciens canadiens aura à faire face à la suite de cela.

Actuellement les États-Unis sont carrément plus avancés. Il y a quelques compagnies qui publient leurs états financiers en parallèle pour quelques années, à la demande de la Securities Exchange Commission, et cela crée beaucoup de problèmes d'interprétation. Le cas classique pour illustrer la difficulté, c'est la situation d'un hôtel qu'on connaît bien, le Waldorf à New York. Dans les livres de la Penn Central avant qu'elle fasse faillite, le Waldorf était comptabilisé à sa valeur historique — je pense que cela peut illustrer une réponse à votre question — au coût de $25 millions à $27 millions. Si les nouvelles normes comptables étaient suivies, et qu'on comptabilisait le Waldorf à sa valeur de remplacement, cela se situerait au niveau de $110 millions ou $120 millions. Par contre, la difficulté, c'est que le Waldorf a trouvé preneur sur le marché il y a quelques mois environ à un coût de $45 millions. Cet exemple a carrément troublé les gens qui ont dit: Où s'en va-t-on avec nos nouvelles règles de comptabiliser les actifs immobilisés à leur valeur de remplacement, à leur valeur marchande et dans le cas de l'Hydro-Québec, la valeur marchande... Qui veut acheter les actifs? Je pense qu'on peut les conserver pour nous. C'est une zone grise dans laquelle les comptables professionnels s'engagent et on va voir le résultat après le "tâtonnage" auquel je faisais allusion au début. Est-ce que cela répond aux deux questions?

M. Mercier: Oui. J'en avais une autre, mais on pourra recommencer à la prochaine séance.

Le Président (M. Clair): II passe déjà 18 heures. M. le ministre de l'Energie.

M. Joron: S'il y avait une autre question...

Le Président (M. Clair): J'allais demander l'avis des membres de la commission sur la poursuite de nos travaux quant à l'article qui va suivre à l'ordre du jour. Quand on aura épuisé celui-ci, c'est la Société d'énergie de la Baie James, il faudrait prévenir ces gens, ils ne sont pas loin, un peu à l'avance. J'allais demander aux membres de la commission, d'abord, s'ils avaient épuisé l'article 3 à l'ordre du jour et s'ils étaient prêts à passer à l'article 4. S'il y a moyen de le préciser un peu davantage pour pouvoir demander aux gens de la Société d'énergie d'être avec nous au moment où on sera prêt à les recevoir.

M. Garneau: En ce qui me concerne, j'aurais quelques questions concernant l'aspect financier. Entre autres, relativement au programme d'investissements et d'emprunts pour une période — si l'Hydro est en mesure de le déposer — plus longue que deux ans, avec deux ans de projection. Et à part cela, les autres articles reliés à "autres"... en fait ils s'adresseraient beaucoup plus à vous qu'aux gens de l'Hydro et seraient reliés également au développement des rivières du golfe Saint-Laurent et, à ce moment, je ne sais pas, mes collègues ont peut-être...

Le Président (M. Clair): Compte tenu de cela, parce qu'on s'en était parlé privément, est-ce qu'on pourrait faire la suggestion de ne pas siéger ce soir et de siéger demain matin? On pourrait terminer l'article 3 et demander aux gens de la Société d'énergie de la Baie James de se tenir prêts quelque part dans la matinée. Quand on aura fini l'article 3, on passera à l'article 4. Cela conviendrait-il à tout le monde?

Maintenant, simplement concernant les heures de séance de la commission, normalement, on devrait siéger ce soir de 20 heures à 23 heures, sauf s'il y a consentement unanime de la commission. Dans des discussions privées, j'ai également appris la possibilité que les travaux se terminent demain soir, soit plus tôt que prévu. Maintenant, simplement pour que tous les membres tiennent bien compte de cette possibilité, il ne faudrait pas non plus se pénaliser soi-même ou pénaliser les

gens qui peuvent avoir à venir ici en se privant de siéger ce soir et en devant siéger jeudi simplement pour remplacer la période de ce soir. Simplement à titre d'information, à titre de président, je dois informer tous les membres afin que le consentement unanime qui doit être donné pour que la commission ne siège pas ce soir, soit un consentement le plus éclairé possible.

Je comprends qu'il y a consentement unanime pour qu'on ne siège pas ce soir. Conformément à l'avis apparaissant au feuilleton, la commission des richesses naturelles et des terres et forêts se réunira à nouveau, demain matin, à la salle 81-A, cependant, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 7)

Document(s) associé(s) à la séance