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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 14 septembre 1977 - Vol. 19 N° 192

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des rapports des activités de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James ainsi que du nouveau règlement tarifaire


Journal des débats

 

Étude des rapports des activités

de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie

de la Baie James

ainsi que du nouveau

règlement tarifaire

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs! La commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts est réunie pour continuer son mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Landry (Fabre) en remplacement de M. Bérubé (Matane); M. Bordeleau (Abitifi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Desbiens (Dubuc), M. Garneau (Jean-Talon), M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Joron (Mille-Îles), M. Forget (Saint-Laurent) en remplacement de M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Perron (Duplessis).

Lorsque nous avons terminé nos travaux hier, en fin de journée, le député de Berthier avait encore des questions à poser. Je pense qu'il n'est pas encore arrivé ce matin, alors... Le député de Berthier arrive. S'il a encore des questions, on pourrait immédiatement lui donner la parole. Ensuite nous aurons, dans l'ordre, le député de Saint-Laurent, le député de Mont-Royal et le député de Jean-Talon.

Hydro-Québec

Situation financière et tarification (suite)

M. Mercier: Je voyais, dans les quantités d'électricité achetée par l'Hydro-Québec, 34 milliards de kilowatts dont 32 milliards ont été achetés par Churchill Falls pour un montant de $106 millions ou $110 millions, je pense. Si on compare cela au montant des ventes à domicile dans les différentes sections, 20 milliards de kilowatts-heures ont été vendus aux particuliers. Je pense que cela représente quelque chose comme $300 millions ou $350 millions, c'est-à-dire que ces 30 milliards, évalués au coût vendu aux particuliers, représenteraient quelque chose comme $450 billions. En fin de compte, une bonne partie des revenus vient de cet avantage qu'a l'Hydro-Québec d'acheter de l'électricité à très bon marché de Churchill Falls.

Est-ce que le montant qui s'ajoute au prix que vous vendez, le montant des frais qui s'ajoute à la distribution et tout cela, est très considérable? J'essaie d'évaluer quel apport peut avoir cette électricité qu'on achète à très bon marché, pour laquelle on n'a pas à supporter de coûts d'intérêt, d'emprunts considérables, et d'évaluer cela par rapport à d'autres revenus qui proviennent des opérations courantes de l'Hydro-Québec, avec ses propres chiffres, ses propres bases.

M. Boyd: Évidemment, le contrat de Churchill Falls, lorsqu'on l'a annoncé dans le temps, lorsqu'on en a discuté devant la commission parlementaire, on avait indiqué que c'était un contrat avantageux pour l'Hydro-Québec.

Ces 30 milliards de kilowatts-heures qu'on reçoit, à un coût d'environ $100 millions, cette énergie fait partie intégrante du grand réseau. On a de l'énergie qui nous vient d'autres centrales très anciennes aussi, Beauharnois, Shawinigan, etc., qui sont à différents coûts comparables. Mais il y en a d'autres qui coûtent plus cher. On fait la somme de tous les coûts et, ensuite, on établit les prix moyens qui servent à établir les tarifs pour les abonnés.

Je réponds à votre question brièvement, mais assurément, le contrat que nous avons avec Churchill Falls est un tarif avantageux pour l'Hydro-Québec et ça nous permet globalement d'avoir des tarifs qui seront meilleurs pour les abonnés de l'Hydro-Québec.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais, comme je vous l'ai dit d'ailleurs tout à l'heure, avant le début de nos travaux, faire une mise au point ou faire une intervention qui, si elle se faisait à l'Assemblée nationale, aurait le caractère d'une question de privilège et qui s'adresse...

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent, je veux bien accepter votre mise au point, en tenant compte d'un fait. Je me réserve le droit de juger plus loin s'il s'agit bien de cela, mais je n'accepterai pas de question de privilège comme telle en commission parlementaire. Cependant, si vous avez une mise au point à faire, je suis tout à fait disposé à l'accepter en me réservant le droit de juger si oui ou non il s'agit bien d'une question de privilège. Mais ce n'est pas pour une question de privilège que je vous accorde le droit de parole.

M. Forget: En effet, M. le Président, c'est d'ailleurs pour cette raison que j'utilisais l'expression au conditionnel. Cette précision ou cette mise au point s'adresse non seulement aux membres de cette commission, mais également aux représentants des media d'information de même qu'aux porte-parole de l'Hydro-Québec.

J'ai eu l'occasion, hier soir et ce matin, de prendre connaissance des rapports de presse et des déclarations enregistrées qui ont été reprodui-

tes à la radio et à la télévision, ayant pour origine des déclarations, soit du côté ministériel, soit de l'Hydro-Québec.

Je me souviens bien — d'ailleurs, je réfère tous les membres du public ou de la commission à nos travaux d'hier — qu'il a été clairement établi que cette augmentation de taux qui a été abondamment discutée hier, n'a rien à voir avec une modification quelconque dans la demande d'énergie électrique, pour un avenir qui s'étend très certainement, d'après les chiffres mêmes fournis par l'Hydro-Québec, jusqu'en 1980 et même jusqu'en 1985, si on s'en réfère à des déclarations faites devant cette commission.

Donc, il est très clair qu'on ne s'attend pas, du côté de l'Hydro-Québec — et j'imagine que c'est la même chose du côté du gouvernement — que cette hausse de tarif ait un effet quelconque sur la consommation; autrement, on aurait dit quelque chose devant cette commission, qui serait erroné ou qui serait très ambigu, pour le moins, puisqu'on aurait, d'une part, affirmé qu'il n'y aurait aucun changement dans les prévisions qu'on fait et d'autre part, on affirmerait qu'on s'attend qu'il y ait des changements. Il faudrait décider, mais c'était très clair hier. Il n'y a aucun changement prévu dans la consommation. Les chiffres, les prévisions financières, les projections financières, sont faits sur une base du statu quo quant aux projections de croissance de la demande. On est toujours à 7 3/4% jusqu'en 1980 et probablement jusqu'en 1985.

Pourtant, même si on a été très clair là-dessus hier, il semble que dans une opération de relations publiques, liée à l'augmentation des taux, on a laissé croire très ouvertement, on a même affirmé très ouvertement qu'on espérait que tout ceci servirait à une meilleure conservation des ressources.

Je pense qu'il est compréhensible, à la fois pour l'Hydro-Québec et pour le gouvernement, qu'on veuille faire des relations publiques à l'occasion d'une hausse des tarifs de l'électricité, une hausse non entièrement justifiée et certainement pas complètement justifiée devant cette commission.

Mais de là à faire des relations publiques de façon aussi considérable et sans aucune nuance, je crois que cela demande des précisions, cela demande une mise au point. Je crois que de la part de l'Hydro-Québec, il devrait y avoir un peu plus de retenue là-dessus. Je comprendrais cette tentative si elle venait du ministre exclusivement; je la comprends moins venant de l'Hydro-Québec, étant donné les affirmations que ses représentants ont faites devant la commission hier. Et de la part des journalistes, je me serais attendu qu'ils suivent les débats un peu plus, plutôt que de se fier exclusivement aux cassettes qui émanent des principaux intéressés.

Donc, de ce côté, M. le Président, je crois qu'il faut très certainement corriger l'impression qui est donnée dans les journaux d'aujourd'hui, qui a été donnée dans les émissions télévisées ou radio-phoniques. Il s'agit d'une opération de financement et on a abondamment discuté de cela hier. Il s'agit d'aller chercher, sur une période de trois ans, quelque chose qui dépasse $1 milliard; $1 milliard qu'on n'est pas capable d'aller trouver autrement que sur les marchés financiers, et ce — et je profite de l'occasion pour le dire — en dépit de la situation financière déjà excellente de l'Hydro-Québec.

Je ne m'étendrai pas ici sur les raisons qui font qu'on juge qu'il est impossible d'aller trouver des fonds additionnels sous forme d'emprunts et qu'on doit aller les chercher chez les consommateurs alors que ceux-ci contribuent déjà à un taux de profitabilité de l'entreprise sans précédent en Amérique du Nord et d'ailleurs en croissance constante depuis cinq ans, mais cela est une autre question. Ce qui importe pour le moment, c'est de bien préciser que cette opération-ci n'a rien à voir avec de prétendus efforts de conservation.

M. Joron: M. le Président, puisqu'il n'y a pas de question de privilège, peut-on faire une question de mise au point?

Le Président (M. Clair): Question de règlement. Si vous voulez faire une mise au point vous avez le droit.

M. Joron: La mise au point que vient de faire le député de Saint-Laurent me mettant partiellement en cause, je me sens obligé d'en faire une moi aussi. Je m'étonne de ses propos. En fait, il dit qu'il comprend mal comment il se fait que les média n'ont pas reflété que cette hausse ne pouvait être expliquée par le souci de conservation. Je pense que les journalistes ont mieux compris que le député de Saint-Laurent; c'est aussi simple que cela. On ne peut pas dire ce que vous venez de dire, M. Forget, regardez...

Le Président (M. Clair): On s'adresse toujours au président.

M. Joron: M. le Président, le député de Saint-Laurent... Ce qui a été dit hier c'est que l'effet d'une hausse de prix sur un consommateur qui est déjà un consommateur d'électricité... Prenez moi, par exemple; je consomme de l'électricité; ma facture va augmenter l'année prochaine. C'est sûr qu'une augmentation de cet ordre-là va m'inciter à trouver des moyens pour abaisser ma consommation de façon que ma facture totale — puisque les prix ont augmenté — augmente moins vite que l'augmentation des taux. C'est sûr que cela va m'inciter à...

M. Forget: Ce n'est pas cela qui a été dit. Il a été dit que l'effet de substitution serait tel que cela dépasserait toute incitation à économiser l'électricité.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent.

M. Joron: La distinction qu'il faut introduire c'est entre l'effet sur la consommation et l'effet sur

la demande. Or, ce n'est pas la même chose. L'effet sur la consommation de quelqu'un qui consomme déjà de l'électricité va certainement l'amener à modérer ses appétits énergétiques.

Par contre, la demande était composée non seulement des anciens consommateurs, mais de tous les nouveaux qui sont à la porte et qui attendent de s'en venir a l'électricité. C'est cela. C'est l'effet de substitution qui fait que la demande ne change pas, mais il m'apparaît évident qu'une hausse des prix aura un effet bénéfique dans le sens de la conservation, c'est-à-dire qu'elle va rendre les consommateurs plus conscients du prix réel des choses et les amener à prendre des mesures pour diminuer leur consommation. Cela devrait avoir un effet à la baisse sur les ventes de la société d'État en termes de kilowatts.

D'autre part, ce que l'Hydro a bien expliqué hier, c'est que, compte tenu que l'électricité reste quand même meilleur marché que l'huile à chauffage, on ne peut pas empêcher les gens de substituer une forme d'énergie à une autre. Si on additionne ces deux facteurs, l'un devrait amener une baisse de la croissance et l'autre l'augmenter. Jusqu'en 1985, on pense qu'elle va demeurer à peu près autour de 8%, comme on l'a évoqué hier. Il me semble que ce n'est pas bien difficile à comprendre.

M. Forget: M. le Président, cette mise au point en entraîne une autre. Si le ministre insiste pour revenir sur cette affirmation qu'il a lui-même contredite à plusieurs reprises lorsqu'il nous a expliqué qu'on ne pouvait pas s'attendre à un effet en raison du prix très sensible d'après les études qu'il a dit avoir lues, mais qu'il a prix soin de ne pas nous communiquer. Après nous avoir expliqué qu'on ne pouvait pas s'attendre que l'effet sur les prix soit modifié, il reste que l'Hydro-Québec nous a dit que les chiffres qu'elle utilisait étaient basés sur les mêmes projections de consommation. Jusqu'en 1985, ces projections sont de 7 3/4%. Elle reflètent ces problèmes de pétrole, parce que tout cela ne date que de l'an dernier. C'est de l'histoire ancienne. On en a déjà entendu parler. Le seul élément nouveau dans le tableau, c'est la hausse des prix de 60% cumulativement sur trois ans.

M. Joron: ... d'un an.

M. Forget: On a affirmé explicitement devant cette commission — on pourrait mentionner des propos précis, qui ont été enregistrés — que cela n'aurait aucun effet sur la projection de 7 3/4% jusqu'en 1985. Cela doit être admis par tous, quels-que soient les sentiments qu'on veuille bien attribuer aux consommateurs. Je suis d'accord avec le ministre que les gens vont trouver que c'est plus cher, mais ce n'est pas une question de sentiment, ce n'est pas une question de savoir s'il vont trouver cela plus cher ou moins cher. C'est évident qu'ils vont trouver cela plus cher parce que cela va augmenter de 20% cette année, et probablement de 20% les deux autres années subséquentes. Les mêmes arguments vont valoir l'an prochain et l'année suivante.

M. Joron: On verra.

M. Forget: Les mêmes arguments. C'est prévisible. Il demeure que les projections qu'on fait sont inchangées par rapport à l'an dernier. Le seul élément qui vient de changer, c'est la hausse des prix. Donc, on ne prévoit pas d'influence sur la quantité consommée en kilowatts-heures à la suite de l'augmentation de 20% dans le prix de l'électricité. Cela est suffisant pour nier l'affirmation selon laquelle on parle de conservation dans le moment.

On ne parle pas du tout de conservation, on parle d'augmentation des prix pour augmenter les disponibilités financières de l'Hydro-Québec. C'est de cela seulement qu'il est question. On pourra en parler au mérite tout à l'heure. Il reste qu'il ne faut pas mélanger les gens en faisant appel à des notions qui n'ont rien à voir avec le débat.

Le Président (M. Clair): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. Boyd: Dois-je faire mes commentaires, moi aussi? Puisque, apparemment, on a été visé, est-ce que j'ai le droit de répondre?

Le Président (M. Clair): Écoutez, de mise au point en mise au point, je pense qu'on s'approche bientôt d'une question de privilège camouflée. Étant donné que les deux intervenants ont fait mention de choses qui vous concernent directement, je vais vous permettre de compléter la mise au point. C'est équitable d'agir ainsi. Mais je vous signale tout de suite que je ne permettrai pas d'autres interventions sur le sujet à moins que de nouvelles données ne fassent surface. M. Boyd.

M. Boyd: Les clients de l'Hydro-Québec se divisent en trois grands secteurs: le domestique, le général et l'industriel qui sont environ, grosso modo, un tiers, un tiers, au point de vue consommation. Dans les discussions, hier, on a dit qu'au point de vue domestique, il était possible que certaines gens réagissent peu à cette augmentation de tarifs, tandis que pour d'autres, cela sera une incitation à l'économie. Dans quel pourcentage? On ne le sait pas. On a fait, au cours de l'été, un certain sondage qui nous indiquait que, jusqu'à présent, les gens étaient peu sensibles à l'économie de l'énergie. Cependant, j'ai ajouté plus tard, dans la discussion, que là où les augmentations de tarifs auraient une plus grande importance, ainsi que les mesures d'économie qui seraient prises à la suite des augmentations de tarifs qui sont annoncées, c'était dans les secteurs commercial et industriel. J'ai donné des exemples, j'ai cité des cas où, à l'avenir, les entreprises qui sont de grosses consommatrices d'électricité dans l'industrie, qui vont avoir à subir des augmentations de 48% pour faire du rattrapage pour atteindre finalement

le tarif visé, que ces industries, disais-je, allaient certainement prendre des mesures pour économiser de l'électricité. J'ai même dit que, du côté industriel, nous allons faire des études typiques auprès des entreprises.

J'ai cité le cas déjà existant de l'usine Donohue à Saint-Félicien qui fait de la récupération. Du côté commercial, j'ai dit que nous allions entreprendre, avec les grands centres commerciaux, par exemple, des études d'économie de l'énergie. J'ai même cité le cas de notre centre de Montmorency où nous avions dépensé un montant assez important dans le but de récupérer l'énergie. Cette fois, ce n'est pas parce que l'énergie nous coûte de l'argent. Cela fait partie d'un ensemble qui vise à encourager et à inciter à l'économie de l'énergie.

M. Garneau: Mais il reste quand même, M. Boyd, que la demande va croître à 7¾% pour les prochaines années comme par le passé et c'est là-dessus que vos prévisions sont basées.

M. Boyd: D'accord. Nos prévisions sont basées sur 7¾%. C'est une autre chose qu'on a dite hier — moi-même ou d'autres qui ont témoigné pour nous — que si on n'avait pas d'incitation à l'économie par les différents moyens qu'on emploie, on avait peur que justement ces 7¾% soient dépassés. Les chiffres actuels de cette année nous indiquent que même du côté global, jusqu'à maintenant, ce sont 12%.

Alors, les mesures qu'on prend en annonçant que notre intention serait trois fois vingt... Ensuite, il y a des mesures d'incitation par les media qui vont commencer d'ici la fin du mois. On croit encore que ce sont des mesures qui vont avoir comme effet, dans les trois domaines, l'économie de l'électricité.

Quel est l'élément le plus important? Je ne le sais pas, mais je pense qu'il va certainement y en avoir dans les trois secteurs.

Le Président (M. Clair): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Hier, le ministre a fait un commentaire au sujet du coût du pétrole quand quelqu'un a demandé, question d'être concurrentiel, si le coût de pétrole devait augmenter. Le ministre a parlé, si je me souviens bien, d'un chiffre d'environ 40%.

Alors, le consommateur trouverait acceptable l'augmentation de l'Hydro-Québec d'approximativement 20%.

Je lis aussi à la page 4 du résumé du mémoire de l'Hydro-Québec sur la tarification proposée pour 1978, ils disent: "D'autre part, les hausses de tarifs proposées, compte tenu de l'évolution future du prix des autres sources d'énergie, n'empêcheront pas l'électricité de demeurer concurrentielle". J'ai des chiffres devant moi, basés sur une étude qui a été faite sur le coût du chauffage d'une maison moyenne à Montréal, utilisant 1000 gallons de pétrole. Le coût du 1er janvier au 31 décembre 1977 est basé sur les augmentations et les prix approuvés par le gouvernement, incluant l'augmentation du 30 août de $0.03,2 du gallon, le coût pour chauffer cette maison à l'huile est de $518. Pour la même période, le coût du chauffage d'une maison utilisant l'électricité, incluant la taxe provinciale, est de $645.11. Alors, déjà, pour cette période, nous avons une différence d'approximativement 20% entre le coût du pétrole et le coût de l'électricité.

Si nous projetons les coûts pour l'année prochaine, tenant compte des augmentations qui ont été imposées par le gouvernement fédéral, ces augmentations font en sorte de réduire les subventions, et les augmentations qui vont avoir lieu au mois de mars 1978 et au mois d'août 1978, le coût pour cette même maison, pour la chauffer à l'huile, sera de $548. Si nous prenons les projections de l'Hydro-Québec de 20% approximativement, cela peut aller de 17% à 21%, le coût pour chauffer la même maison va être de $778. Alors, nous voyons un écart. Même si on prend en considération le coût de l'unité de chauffage et si on réduit le coût pour cet article, nous avons une différence approximative de $200, ce qui représente une différence de 40% à 45%. Cela veut dire que pour chauffer une maison à l'électricité, après les projections de l'Hydro-Québec pour l'année prochaine, et même tenant compte de l'augmentation du pétrole, cela va coûter de 40% à 45% de plus pour chauffer à l'électricité que pour chauffer à l'huile.

Alors, je voudrais demander au ministre s'il peut nous expliquer cette différence.

M. Joron: Je veux bien tenter de le faire immédiatement. Je serais curieux de connaître votre source, parce que toutes les sources du ministère, comme celles de l'Hydro-Québec, indiquent le contraire, exactement le contraire de ce que vous venez de dire.

M. Ciaccia: Je vais vous donner la source.

M. Joron: Déjà, à l'heure actuelle, le chauffage électrique est légèrement meilleur marché que le chauffage à l'huile. Déjà au moment où on se parle.

M. Ciaccia: Je vais vous donner la source, vous pourrez vérifier.

M. Joron: Attention à une autre chose. Cela est vrai pour Montréal, mais l'électricité coûte le même prix dans tout le Québec, alors que l'huile à chauffage est bien meilleur marché à Montréal que dans les régions.

Si c'est déjà vrai à Montréal, vous imaginez à quel point la différence existe dans les autres régions, en faveur de l'électricité. Il faut comparer deux maisons équivalentes, aussi...

M. Ciaccia: Je compare deux maisons équivalentes.

M. Joron: ... isolées de la même façon.

M. Ciaccia: Je vais vous donner la source. C'est une étude faite par Joseph Élie Ltée qui a été... un instant. Si vous voulez la contredire, elle a été basée... Je vais vous dire comment elle a été faite. On a pris en considération le manque d'efficacité de l'huile, on a pris en considération le fait que seulement 75% du pétrole est efficace. Alors, on a pris 1000 gallons qui devraient donner un BTU de 160 millions. On en a pris 75%, soit l'équivalent de 125 millions de BTU. On a traduit les 125 millions de BTU en kilowatts. C'est vrai que cela s'applique à Montréal, mais la différence du pétrole n'est pas de 40% entre Montréal et les autres régions. Même si cela s'applique à Montréal, cela s'applique aussi pour une grande proportion de la population. On parle de 2 500 000 personnes.

Alors, comment pouvez-vous...

M. Joron: Je conteste les chiffres de Joseph Elie, c'est aussi simple que ça.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez d'autres chiffres à nous produire? Je vous en ai produit, des chiffres.

M. Joron: Certainement, ceux de l'Office national de l'énergie à Ottawa, ceux du ministère de l'Energie à Ottawa, ceux de la Direction générale de l'énergie à Québec...

M. Ciaccia: Non.

M. Joron: ... ceux de l'Hydro-Québec. Je pense que cette dernière en a à vous citer. Voyons!

M. Ciaccia: Les chiffres de l'Office national...

M. Joron: Soyons sérieux un peu, dans les sources.

M. Ciaccia: ... de l'énergie ne contredisent pas ceux-ci. Si vous en avez d'autres du Québec, produisez-les. Les chiffres de l'Office national de l'énergie ne contredisent pas les chiffres que je viens de vous donner. Cela amène une autre question qui semble avoir...

Le Président (M. Clair): M. le député de Mont-Royal, vous dites que vous amenez une autre question. Vous seriez sûrement intéressé à avoir les commentaires de M. Boyd qui a manifesté le désir de répondre à votre première question. M. Boyd.

M. Boyd: M. le Président, on a maintenant la source de l'étude. J'ai des chiffres ici, mais je pense que, pour nous éclairer, j'aimerais savoir si, dans les coûts d'électricité, on a exclu tous les autres services d'électricité qui sont rendus à la maison. Est-ce que l'éclairage, la cuisson, tout ça a été exclu?

M. Ciaccia: Oui, ils ont été exclus. On prend en considération seulement les BTU nécessaires pour chauffer la maison. On ne prend pas en considération l'éclairage de la maison ou les appareils électriques pour le lavage, etc. C'est strictement le chauffage.

M. Boyd: Cela est assez extraordinaire quand même. Nous, on a des chiffres et je vais les citer. Tout de suite après, on fera faire des copies qu'on pourra vous distribuer. On a une comparaison pour les années 1976, 1978 et 1980. En 1976, on a utilisé un prix unitaire d'électricité de 1.4 cent du kWh et de $0.47 le gallon d'huile; en 1978, on demande 1.9 cent du kWh et $0.60 le gallon d'huile. Je ne pense pas que $0.60 soit très cher. Je suis obligé de me chauffer à l'huile dans une vieille maison d'Outremont et on vient de m'aviser que c'était plus que ça.

Si on additionne l'ensemble de tous les frais de fonctionnement et les frais fixes, on en arrive à un total, dans le cas de 1976, pour une maison à l'électricité avec un système à air chaud, de $561. Pour un système électrique avec plinthes, c'est $577; pour un système à l'huile avec air chaud, c'est $668. En 1978, en assumant les tarifs que je viens de vous citer, 1.9 cent et $0.60 le gallon, on en arrive, pour l'électricité à air chaud, à $723; pour l'électricité avec plinthes, à $738 et pour l'huile à l'air chaud, à $817.

Pour 1980, si on présumait qu'on était autorisé au tarif pour les années 1979 et 1980... Comme on n'y est pas autorisé, les chiffres sont là, vous les aurez.

Ce sont les mêmes ratios qui existent et, à ce moment-là, on utilise $0.75 comme comparaison pour le prix de l'huile en 1980. Je ne pense pas que ce soit exagéré, non plus. C'est une maison unifamiliale dont il s'agit. L'aire de plancher est de 1100 pieds carrés, l'aire chauffée est de 2200 pieds carrés. Ce sont les chiffres que nous avons. Ils ont été compilés par nos gens des recherches économiques, à l'Hydro, qui sont habitués aux chiffres, et avec nos gens de la distribution et de la vente, notre service des relations avec les abonnés. Les deux ont publié ces chiffres ensemble.

M. le Président, on va faire faire des copies.

Le Président (M. Clair): Nous l'apprécierions sûrement. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne sais pas sur quelle base les études de M. Boyd ont été faites. J'ai expliqué un peu la base sur laquelle les études de la société Joseph Elie ont été faites, et ont été déposées en commission parlementaire. Elles n'avaient pas été contredites par le ministre quand elles ont été déposées à la dernière séance de la commission parlementaire sur l'énergie. Je n'ai pas entendu de contradiction.

M. Joron: De contradiction à quoi?

M. Ciaccia: De contradiction aux chiffres qui avaient été déposés à cette commission.

M. Joron: J'étais peut-être sorti pour aller faire pipi à ce moment-là.

M. Ciaccia: C'est bien facile de dire cela. Mais en attendant, on dit au public que cela va augmenter de 20% parce que vous êtes sorti pour aller faire pipi. Je pense que ce n'est pas une bonne raison.

M. Joron: Je pense que...

M. Landry: Le lien de cause à effet n'est pas très direct.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une réponse à donner, voyons! Soyons plus sérieux.

M. Forget: Le ministre pourrait peut-être se retenir.

M. Ciaccia: Écoutez! Cela prouve une chose, M. le Président, cela prouve au moins une chose. Il y a différents chiffres. La réponse revient à dire qu'il y a toujours trois côtés à une médaille: Le côté du gouvernement, le côté de l'Opposition et la vérité.

Mais je vais vous dire une chose. C'est tellement important et c'est tellement un pourcentage élevé que vous demandez — et nous allons faire analyser d'autres faits — le moins que cela prouve, c'est qu'on ne peut pas décider ici, autour d'une table, avec des chiffres. L'Hydro-Québec est équipée et c'est sa méthode d'agir, avec toutes sortes de chiffres qu'elle nous met sur la table, que nous ne pouvons, sur le coup, contredire.

Le gouvernement devrait être un peu plus responsable que cela. Si vous pensez autoriser une augmentation qui va se situer entre 17% et 27% sur la base des chiffres qui viennent de sortir, je pense que c'est une décision irresponsable. Le moins que le gouvernement devrait faire, serait de convoquer une commission parlementaire, pour écouter toutes les parties concernées. On pourrait analyser les chiffres que M. Boyd vient de donner. Et le gouvernement pourrait analyser les chiffres que je viens de lui soumettre, ce matin. Si l'un a raison plus que l'autre, très bien, la décision sera faite en toute connaissance de cause. Mais c'est trop facile de dire: C'est une compagnie d'huile qui a soumis ces chiffres-là, et les chiffres de l'Hydro-Québec doivent prévaloir.

Je pense que les conséquences financières et économiques sont trop grandes pour prendre cette décision de cette façon. Le moins que le gouvernement devrait faire serait de convoquer une commission parlementaire et demander à tous les intéressés de soumettre des chiffres, de soumettre leurs positions.

Nous le voyons, par exemple, dans un domaine comme celui de Bell Canada. Quand elle demande une augmentation, il y a des audiences publiques et on analyse, d'une façon scientifique, de petites augmentations pour ce service. On vient nous dire ici — et le gouvernement, dit-il, ne peut rien faire — qu'on va augmenter de 20% d'un seul coup sans plus d'études, sans demander plus d'analyses. On ne nous a pas donné les effets sur l'industrie.

Un chef syndical a dit dernièrement, M. le Président, que le coût de la séparation va se faire sur le dos des travailleurs. Je pense que nous avons ici un effet concret. Personne ne nous a prouvé que cet argent était nécessaire par l'Hydro-Québec. On ne nous l'a pas prouvé, pour l'opération. Ces gens nous démontrent une performance fantastique qui n'a aucune utilité en Amérique du Nord et, en même temps, ils nous disent qu'ils ont besoin d'emprunter ces sommes sans vraiment le prouver. Ils nous disent qu'ils ont besoin d'emprunter ces sommes pour la Baie James, sans prendre en considération, dans leur 1,25%, les revenus de la Baie James. Quand les revenus vont arriver, que va-t-il advenir à ce 1,25%?

Ce qu'on demande à la population, aujourd'hui, c'est pour des fins ultérieures du gouvernement parce qu'il a l'air d'avoir d'autres priorités que celle d'essayer de fournir de l'énergie au plus bas prix possible au consommateur. Il demande aujourd'hui au public de financer 25% du projet de la Baie James. Il ne tient pas compte des revenus de la Baie James, tandis qu'auparavant on a toujours dit que le projet de la Baie James allait se payer par lui-même par la vente d'électricité et qu'il pourrait se justifier par lui-même. Il y a des contradictions, M. le Président, du côté du gouvernement et il y a certainement un changement assez marqué dans la position de I'Hydro-Québec. Leurs chiffres étaient toujours pour augmenter de 10%; tout à coup, elle nous arrive avec 20%. Elle l'avait dit avant, elle avait fait son étude d'une augmentation de 10%. Alors, on devrait savoir les effets sur l'industrie. Les effets sur l'industrie des pâtes et papiers de 27%, même sur les textiles de 16%, qu'est-ce que cela représente? Si le gouvernement dit: On sait ce que cela fait, et cela n'aura pas d'effet, le public a le droit de savoir, nous avons le droit de le savoir et nous avons le droit de lui poser des questions.

M. Joron: M. le Président, j'aimerais poser une question au député de Mont-Royal, s'il le permet. Peut-être se fie-t-il davantage aux chiffres de Joseph Élie qu'à ceux de l'Hydro-Québec; mais enfin, là n'est pas la question. Je vais lui demander par contre comment il explique le fait — si c'était vrai — que la presque totalité des nouvelles installations se font à l'électricité. Il y a un joli paquet de consommateurs, de constructeurs et d'entrepreneurs qui sont stupi-des à ce moment.

M. Ciaccia: Non, premièrement cela se fait pour deux raisons. La première, c'est qu'on nous a dit qu'il y avait une crise d'huile, que peut-être on ne pourrait pas fournir, alors les gens se sont jetés vers l'électricité. La deuxième, c'est que les gens ne savaient pas — ils sont pris, c'est un monopole — qu'aujourd'hui on va avoir une augmentation de 20%.

Dans le domaine de l'huile, même aujourd'hui, avec la prétendue pénurie, on peut avoir des rabais. Je ne nommerai pas de compagnies, parce que c'est public ici et ce n'est pas l'endroit de le faire, mais je peux le faire. Le ministre est aussi au courant que moi qu'il y a même des compagnies qui donnent des rabais sur l'huile. On ne peut pas faire cela avec

l'électricité; c'est un monopole, on ne peut pas le changer. Cela ne s'applique pas seulement aux petits propriétaires, aux propriétaires des maisons individuelles, cela s'applique aux locataires dans ces édifices mêmes que vous venez de mentionner, des maisons d'appartements qui vont se voir avec une augmentation de 20%. Qui pensez-vous, va payer cette augmentation? C'est le locataire qui va la payer. Vous vous trouvez dans un temps d'incertitude économique, dans un temps où on a un taux d'inflation qui est très élevé. On a beaucoup de chômage et vous empirez la situation économique en imposant à la population à ce moment qui n'est pas le bon, une augmentation aussi élevée. Si les propriétaires se sont jetés vers l'électricité, c'était avant cette augmentation de 20% et peut-être n'étaient-ils pas en connaissance de cause; ils ne savaient pas exactement la différence. Je puis vous assurer que les propriétaires qui aujourd'hui connaissent cette augmentation et la manière si facile et si cavalière avec laquelle l'Hydro-Québec peut obtenir une augmentation, vont y penser deux fois avant de se mettre dans le monopole de l'électricité. Cela ira complètement en contradiction, à l'inverse de votre politique qui est d'encourager le Québec à utiliser ses ressources autant que possible et ne pas se fier sur l'huile.

Je puis vous dire qu'avec les chiffres que j'ai, les gens vont opter pour l'huile plutôt que pour l'électricité. J'aurais une autre suggestion à vous faire. Vous allez publier le livre blanc sur l'énergie. Ne trouvez-vous pas que l'augmentation d'aujourd'hui est un peu prématurée? Ne pensez-vous pas que vous devez établir votre politique dans le livre blanc? Parce qu'il n'y a pas seulement le pétrole, il y a le gaz naturel, et le gaz naturel va pouvoir se produire et arriver à Montréal à meilleur marché que les nouveaux tarifs.

M. Joron: Vous n'êtes pas un spécialiste du gaz; c'est tout l'inverse.

M. Ciaccia: En connaissance de cause du public...

M. Joron: Cela n'a pas de bon sens. Ce sont des énormités.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! M. le ministre, M. le député de Mont-Royal, un instant...

M. Joron: C'est une série d'énormités... M. Ciaccia: Montrez-le-nous.

Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, à l'ordre s'il vous plaît! Pour les fins du journal des Débats, je vous rappelle qu'on peut être enregistré et compris seulement si on parle un à la fois. La règle veut qu'on demande le droit de parole. Actuellement, c'est le député de Mont-Royal qui l'a, et je pense bien que le ministre délégué à l'Énergie aura tout le loisir de faire valoir son point de vue.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, en connaissance de cause, je pense que la responsabilité du ministre est de ne pas hâter cette augmentation. Il y aurait une responsabilité. Il parle d'un livre blanc sur une politique énergétique. Je pense qu'il est prématuré d'avoir ces auditions sur l'augmentation tarifaire que demande l'Hydro-Québec.

Premièrement, on devrait avoir le livre blanc et après cela, on pourrait vraiment juger et prendre les décisions qui seraient nécessaires.

Le Président (M. Clair): M. le député de Jean-Talon, à moins que le ministre... M. le député de Jean-Talon. Je m'excuse, M. le député de Jean-Talon. Je vois que M. Giroux manifeste le désir d'intervenir. J'imagine que c'est pour faire suite à l'intervention du député de Mont-Royal.

M. Giroux: C'est très court. Je n'ai aucune objection à l'intervention. J'espère que M. Ciaccia a parfaitement raison quant au prix de l'huile. Si cette compagnie veut s'engager à fournir cela à ce prix et avec garantie, je crois qu'elle aura beaucoup de clients. Alors, cela amènera une économie de l'énergie. Quand on dit que l'augmentation est une surprise, c'est faux, elle a été déclarée à la dernière commission parlementaire, pour l'année 1978, à 20%, 15 et 15. C'est à la dernière commission parlementaire qu'on en est venu à une moyenne de 17% par année pour trois ans. Ayant présidé l'Hydro-Québec dans le passé, je dois vous dire que cette chose avait été discutée avec le ministre du temps. Il avait plutôt opté, si vous relisez le journal des Débats, pour 17%. Donc les gens qui ont converti leur système étaient au courant qu'il y aurait une demande de l'Hydro de 20% pour 1978.

M. Ciaccia: ...

M. Giroux: C'est une opinion. Je ne veux pas retarder le débat. Relisez le journal des Débats.

M. Ciaccia: Quelle commission parlementaire? Celle de l'énergie du mois de février?

M. Giroux: Celle des richesses naturelles. M. Ciaccia: Après le 15. M. Giroux: Août 1976.

M. Ciaccia: En août 1976. M. le Président, je dois m'adresser à vous, quand M. Giroux dit que si cette compagnie est prête à offrir l'huile à ce prix, j'ai pris la liberté de faire d'autres démarches aussi auprès d'autres compagnies et le prix de l'huile est pas mal standard. Ce n'est pas une compagnie...

M. Giroux: ... prouver le point.

M. Ciaccia: Non, cela ne prouvera pas parce qu'il y a des gens qui sont pris avec un système. Vous ne pouvez pas convertir. Quand vous avez un édifice domiciliaire à l'électricité, vous ne pouvez

pas le convertir à l'huile. C'est faux de dire que cela va amener des économies. Cela n'en amènera pas. Cela va forcer ces personnes qui sont prises — c'est un monopole — avec une installation... Quand une maison est chauffée à l'électricité, je ne suis pas capable de la convertir à l'huile. Je suis pris à payer vos 20% de plus tandis que les autres sources d'énergie peuvent être moins chères.

M. Giroux: L'économie va venir de ceux qui ne convertiront pas. Actuellement...

M. Ciaccia: Sur le dos de ceux qui sont pris?

M. Giroux: Non, non... Sur le dos de ceux qui sont pris! Ceux qui ont converti l'ont fait par leurs propres moyens. Ils savaient ce qui s'en venait. Naturellement, je ne veux pas faire de politique. Je suis un homme qui s'est toujours tenu en dehors de la politique. Seulement il y a un point que je vais vous dire, c'est qu'actuellement ce que vous avancez, vous prouvez que les gens vont économiser l'énergie électrique.

M. Ciaccia: Pas du tout. Je ne suis pas pour garder ma maison à 32 degrés pendant l'hiver parce que l'énergie électrique coûte plus.

M. Giroux: Actuellement, la majeure partie des maisons sont chauffées à l'huile. Si les gens ne convertissent pas à l'électricité, on va avoir ainsi économie de l'énergie électrique. Je suis très favorable à votre argument.

M. Ciaccia: C'est un autre argument. Je vous félicite, M. Giroux. Vous êtes un bon "argumentateur". Vous pouvez faire sortir certaines choses, mais vous avez donné des chiffres à mon collègue, le député de Saint-Laurent, d'une croissance de 7,3; il n'y aura pas de croissance. Il n'y aura pas cette conversion. Quand vous parlez de ceux qui ont converti en toute connaissance de cause, je voudrais avoir les chiffres de ceux qui ont converti après le mois d'août. Je suis préoccupé par ceux qui avaient converti avant, premièrement, et qui sont pris avec cette augmentation. Je suis également préoccupé par les petits consommateurs à qui on impose aujourd'hui une augmentation de 20% pour l'électricité générale, pas parce que cela vous coûte plus cher de produire de l'électricité, mais parce que vous devez vous placer dans une position encore meilleure que celle de n'importe quel service public en Amérique du Nord pour être capable de faire des emprunts. Et même ces emprunts ne sont pas faits dans des termes aussi favorables qu'ils devraient être faits tenant compte de votre performance. On demande aux petits consommateurs de vous financer parce que c'est votre politique d'avoir une bonne administration et d'avoir vraiment de l'argent en banque.

Il y a un autre principe dans le domaine commercial, M. Giroux. C'est que toutes les compagnies essaient de "prêter" autant que possible. Dans le domaine de l'immeuble, si une compagnie est capable d'emprunter 100%, elle va le faire. Elle va emprunter le plus possible. Je soutiens que cela va encore aller contre les intérêts du consommateur quand vous voulez réduire le montant que vous voulez emprunter. Cela va le forcer à payer plus cher l'électricité. Je pense que ce serait une meilleure politique de "prêter" davantage et de rembourser ces montants que vous allez "prêter" avec les revenus de la Baie James. Je pense que vous allez un peu à l'encontre de certains principes que beaucoup de compagnies et beaucoup de gens dans le commerce suivent pour réduire leurs coûts. C'est toujours le principe de "prêter" le plus possible. Une des raisons, c'est l'inflation. Vous "prêtez" aujourd'hui avec des dollars de 1977 et vous allez les rembourser avec des dollars de 1995.

M. Giroux: Quand vous dites "prêter", vous voulez dire "emprunter".

M. Ciaccia: Excusez-moi, emprunter. Je traduis de l'anglais au français.

Le Président (M. Clair): M. le député de Mont-Royal, M. Boyd a manifesté le désir d'intervenir à la suite de votre propre intervention.

M. Boyd: J'aurais certaines réponses à des questions que M. Ciaccia a posées. Le rythme de conversion de l'huile à l'électricité, même depuis le mois d'août 1976, se fait au taux de 1000 par mois. Il y a 12 000 abonnés qui passent de l'huile à l'électricité, depuis 1976. En 1972, il y a eu 1500 conversions pendant l'année. En 1973, il y en a eu 2300. En 1974, elles ont été d'environ 7000. En 1975, il y en a eu près de 10 000; en 1976, près de 12 000, et cela se continue de la même façon cette année.

Dans le moment, combien de gens chauffent à l'électricité? Environ 12% à 13% des résidents du Québec. Il y a supposément 1 800 000 habitations ou logements, dont 12% sont chauffés à l'électricité. Je pense que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Je ne veux pas jeter de l'huile sur le feu de la discussion entre les parties puisqu'on chauffe à l'électricité. Je veux tout simplement vous donner les chiffres sur lesquels nos statistiques sont basées, et depuis longtemps.

Donc, il y a peut-être 250 000 résidents qui chauffent actuellement à l'électricité. Sauf que — je pense que je l'ai dit hier, sinon il faut le dire — actuellement, au-delà de 60% à 70% des nouveaux appartements sont chauffés à l'électricité. Même avec les tarifs annoncés au cours du mois d'août 1976, ils sont quand même construits. Non seulement nous démontrons que c'est plus économique, mais nous démontrons que c'est plus efficace et plus propre.

Le Président (M. Clair): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais faire une dernière intervention sur le fait que la plupart des apparte-

merits sont chauffés à l'électricité. Il faut comprendre pourquoi. Le propriétaire veut un système pour lequel il n'aura pas besoin de service d'entretien. Le coût n'est pas payé par le propriétaire, mais par le locataire. Je ne crois pas qu'on puisse prendre comme exemple que beaucoup de gens changent et qu'alors cela doit vouloir dire que cela coûte moins cher. Cela ne coûte pas moins cher, cela coûte plus cher. Je vous ai donné les chiffres démontrant que cela coûtait plus cher. Le propriétaire construit un édifice de 80 appartements, il met l'électricité et il fait payer cela par le locataire. Il va aller à la Régie des loyers pour dire que cette année le coût de l'électricité a augmenté de 20% et qu'il veut augmenter ses loyers. C'est encore le petit locataire, le petit travailleur qui va payer et subir les conséquences de ce que vous demandez aujourd'hui.

M. Boyd: M. le Président, je regrette d'insister, mais le tableau que vous et tous les membres de l'assemblée avez en main tient compte de tous les frais d'exploitation et des frais fixes.

Donc, tous les frais d'entretien, tous les frais d'exploitation sont là dans tous les cas. Cela couvre tout.

Le Président (M. Clair): Le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Je voudrais aborder un autre sujet, quant à moi, et revenir aux questions financières. Avant de discuter de ce sujet, je voudrais souligner que c'est bien beau ce que l'Hydro-Québec nous dit, sauf que, comme votre objectif est de faire en sorte que la consommation d'électricité ou que la croissance de la demande soit moins considérable, je trouve que vous faites beaucoup d'efforts pour démontrer que l'électricité coûte moins cher que le pétrole et vous renversez en quelque sorte la publicité que vous vous apprêtez à faire pour diminuer le taux de croissance de la consommation. Mais ce n'est pas le sujet que je voudrais aborder. C'est surtout le sujet des programmes d'emprunt.

J'avais indiqué, au début des travaux de la commission, à la première série de questions que j'ai eu l'occasion de poser, que je reviendrais après un tour de table, permettant aux autres membres de la commission de vous poser des questions. J'y reviens, ce matin, avec peut-être un peu plus d'agressivité, parce qu'autant le député de Saint-Laurent était un peu surpris de la tournure des événements après la discussion d'hier sur la croissance de la demande, autant je suis un peu surpris de l'information transmise concernant les programmes d'emprunt.

Vous nous avez transmis, dans le document intitulé Résumé du mémoire de l'Hydro-Québec sur la tarification, que les investissements en 1977 atteindraient $2,172 milliards. Hier, je vous ai posé la question à savoir si cet investissement de $2,172 milliards allait être atteint. Vous m'avez répondu que cela serait très près du montant réel qui serait investi en 1977, qu'il y aurait peut-être une marge d'erreur, mais cela serait une marge d'erreur de prévision qui serait minime.

Pour financer cet investissement de $2,172 milliards, vous indiquez, à la page onze, que vous pourrez avoir une tranche d'autofinancement de $448,8 millions. Donc, les besoins d'emprunt pour 1977 se chiffraient par $1,724 milliard. C'est cela?

M. Boyd: $1,125 milliard.

M. Garneau: Bien, $2,172 milliards moins $448,8 millions, cela donne $1,724 milliard.

M. Boyd: Oui, c'est cela.

M. Garneau: Comment l'Hydro-Québec peut-elle dire que son programme d'emprunt de 1977 est complété avec $1 milliard quand les besoins d'emprunt pour 1977 étaient de $1,724 milliard?

M. Boyd: La différence vient de l'avance qu'on avait déjà prise en 1976. On a terminé l'année 1976 avec $1 milliard d'avance qui avait été prise pour prévoir l'année 1977. Comme on l'a indiqué hier, on veut prendre une avance pour l'année 1978. Alors, si on arrêtait aujourd'hui de vendre des obligations, nous terminerions l'année, au lieu d'avoir en réserve le $1 milliard que nous avions en 1976, peut-être avec $500 ou $600 millions en réserve pour l'année 1978; parce que le programme qui s'en vient, même s'il est réduit à $6,4 milliards pour les trois années, est très lourd, comme vous le savez. Depuis 1976, on cherche à prendre de l'avance pour les années 1978, 1979 et 1980 que l'on soupçonne difficiles.

Alors, on a été chanceux en 1976 d'avoir une avance de $1 milliard. Cette année, si on arrêtait maintenant, notre avance serait réduite de 500 en fonction de 1978. C'est ainsi qu'on vous explique...

Quand on a fait ces estimations, on avait prévu un emprunt de $1,125 milliard pour justement toucher le moins possible à notre avance de $1 milliard. Le ministre des Finances, dans son discours du budget, nous a demandé de nous restreindre à $1 milliard. C'est l'explication.

M. Garneau: Je comprends tout cela, M. Boyd, sauf que cette argumentation devient un jeu de mots et c'est ce que je n'aime pas, parce qu'on est en train de se raconter des histoires entre nous. Vous allez emprunter $1 milliard cette année. Vous allez emprunter plus. Selon ce que vous nous dites, vous allez chercher, d'ici la fin de l'année 1977, à emprunter le plus possible afin de prendre de l'avance, selon votre expression, mais c'est là un jeu de mots.

Si chaque année avait supporté son fardeau, l'an passé, en 1976, au lieu d'emprunter $1,7 milliard, on aurait emprunté $958 millions, d'après les chiffres que vous avez là. Cette année, si l'année avait porté son fardeau, vous auriez dû emprunter $1 724 000 000. Ce qui me bouleverse c'est quand je lis dans les journaux et que j'entends dire que votre programme d'emprunt est complété à $1 milliard, alors que ce n'est pas le cas. Vous allez

continuer à emprunter d'ici la fin de l'année. Je suis bien d'accord pour que le ministre essaie de faire de la propagande politique en ce qui regarde son gouvernement, mais cela me surprend quand vous nous dites cela parce que cela ne coïncide pas avec les chiffres qu'il y a là. Vous nous dites vous-même que vous allez emprunter d'ici la fin de l'année 1977. Je suis d'accord avec vous que vous devez le faire et vous devez le faire dans les meilleures conditions possible et aller chercher ces capitaux partout où cela est disponible dans des conditions acceptables. Ce que je n'aime pas, c'est d'entendre dire et lire dans les journaux en même temps: Le programme d'emprunt est complété. Donc, les gens se disent: L'Hydro-Québec n'empruntera plus d'ici la fin de 1977. Et en même temps, vous nous dites: II faudra emprunter encore pour garder l'avance. Je vous dis qu'il y a une contradiction là-dedans et je n'aime pas cela parce que je trouve qu'on ne dit pas exactement les faits. Cette année, cela prenait $1 724 000 000 pour être capable de garder l'avance qui avait été prise en 1976 et pour être capable de garder cette avance, il vous reste encore $724 millions à emprunter cette année, si votre chiffre d'investissement est bon. Autrement, je me dis moi-même, les gens qui lisent cela disent: Bon, l'Hydro-Québec a fini son programme d'emprunt; on va s'essoufler un peu, on n'ira pas emprunter et dans le fond, le mois prochain ou la semaine prochaine, vous allez peut-être annoncer un autre emprunt, ce qui est normal. Mais j'aimerais au moins que les situations soient plus claires face à l'opinion publique et face à cette commission. Cette année, le programme d'emprunt était de $1 724 000 000: vos besoins financiers pour couvrir vos investissements cette année. Compte tenu de l'avance de l'année passée, vous aviez besoin de cela, mais comme vous voulez maintenir l'avance de 1976, ce sur quoi je suis parfaitement d'accord, votre programme d'emprunt, quand le ministre des Finances va donner son budget l'an prochain, il va falloir qu'il dise que le programme d'emprunt en 1977 n'a pas été de $1 milliard mais de $1,6 milliard ou $1,7 milliard si vous voulez garder la même avance. Je ne chicane pas sur le fait que vous devez prendre de l'avance, au contraire. Là où je trouve cela surprenant, c'est que les journaux nous annoncent et on nous dit à la commission: Le programme d'emprunt est complété pour 1977 et ce n'est pas vrai.

M. Boyd: M. le Président, je voudrais rétablir les faits à partir de ce qu'on a dit. Quant au programme qui avait été prévu et tel que demandé par le ministre des Finances de ne pas dépasser le $1 milliard, on a dit que celui-là était complété. On a continué en disant ici même, hier, et hier midi devant les journalistes qu'on a rencontrés à l'heure du déjeuner, qu'une fois ce programme complété, dès la semaine prochaine ou dès les jours prochains, nous allions essayer d'emprunter par anticipation pour le programme 1978 qui est très lourd. C'est ce qu'on a dit ici et on l'a dit devant les journalistes ici. Ce n'était pas à eux qu'on s'adressait. On s'adressait à la commission, mais les journalistes sont ici ils l'ont entendu. Devant eux, en conférence de presse hier midi, on leur a dit et on le répète ce matin — et vous-même, je pense, vous venez de l'indiquer — que c'est une bonne façon de procéder que de prendre de l'avance. On ne cache pas le fait qu'on prend de l'avance. On le dit. On l'a dit hier en commission parlementaire et on l'a dit en conférence de presse devant bon nombre de journalistes qui sont ici.

M. Garneau: Vous dites que vous prenez de l'avance. Ce que je vous dis c'est que c'est un jeu de mots cela. Quand le ministre des Finances vous donne comme objectif en 1977 d'emprunter $1 milliard, je trouve que c'était un jeu de mots pour lui et je ne voudrais pas que vous embarquiez dans le même jeu de mots parce que dans le fond, en 1977, vous allez emprunter plus que $1 milliard. C'est normal aussi. Mais il faut quand même appeler des choux des choux et des raves des raves. En 1977, quand vous dites que vous prenez de l'avance pour 1978, ce n'est pas vrai parce qu'en 1977, avant de commencer à prendre de l'avance vous aviez besoin de $1 724 000 000 et c'est selon les chiffres que vous nous avez donnés là. Je comprends la situation dans laquelle vous êtes, mais quand je lis le discours sur le budget et qu'on annonce que le programme d'emprunt de l'Hydro-Québec sera restreint parce que les programmes d'emprunt des années antérieures avaient été trop élevés et qu'on devra se restreindre à $1 milliard, j'accepte cela, je me dis: Cela doit être la vérité ce que le ministre des Finances nous dit. Mais, pour se sortir de ce contexte-là d'un programme d'emprunt édicté par le ministre des Finances, qui n'est pas vrai, qui n'est pas réel en considération de la situation des investissements en 1977, on pourrait dire que vous commencez à prendre de l'avance une fois que vous aurez dépassé $1 724 000 000 d'emprunt en 1977. Autrement, ce que vous allez dire c'est que votre programme d'emprunt de 1977 n'était pas de $1 milliard — et il va falloir que le ministre des Finances le dise aussi — mais de $1 milliard plus les montants que vous allez emprunter d'ici la fin de 1977.

L'année prochaine, si vous nous faites le même tableau, M. Boyd, on va faire sauter l'année 1976, on va encore mettre quatre ans et on va dire: En 1977, il y a eu $2 172 000 000, il y avait $448 millions d'autofinancement, ça nécessitait un programme d'emprunt de $1 724 000 000 et on a emprunté tant, donc on est en déficit de tant pour l'année 1977.

Je comprends la situation, ne vous inquiétez pas, je la comprends parfaitement. C'est peut-être parce que je la comprends trop que je pose ces questions ce matin. Du côté de l'Opposition, hier, on a mené le débat de la façon la plus positive possible et je m'aperçois qu'aujourd'hui, tant sur la demande que sur les emprunts, l'information du public n'est pas conforme à la réalité. C'est ça que je voudrais qu'on sorte ce matin et qu'on fasse clairement établir. Je n'ai pas d'objection à ce que

vous empruntiez, vous le savez, on a travaillé ensemble déjà dans le passé. Je pense avoir collaboré là-dessus. Mais je suis pas mal offusqué de voir qu'aujourd'hui on nous dit qu'il y a un programme d'emprunt de $1 milliard alors que ça prenait $1 724 000 000, et qu'on nous dise: à partir de maintenant, on va prendre de l'avance.

Là, j'ai mon voyage. On va prendre de l'avance quand on aura dépassé $1 724 000 000. Je serai d'accord avec vous pour dire qu'en 1977, dans le cas de tout emprunt qui va dépasser $1 724 000 000, vous aurez pris de l'avance. Autrement, ce qui arrive, c'est que vous vivez avec les emprunts que les libéraux ont faits avec vous dans le temps et que nos adversaires d'en face ont décriés. Si, cette année, il n'y avait pas eu cette avance, l'Hydro-Québec aurait peut-être été obligée de restreindre ses travaux. On aurait rejoint les déclarations que le ministre responsable de l'énergie faisait au mois de novembre dernier en disant qu'on allait prolonger les travaux de la Baie James de quatre ans.

M. Joron: ...

M. Garneau: Ne vous inquiétez pas, je comprends la situation. Là-dessus, je pense que vous pouvez me faire confiance, je la comprends et je la comprends trop. Mais il y a toujours une limite de passer pour des imbéciles et je ne veux pas qu'on passe, de ce côté-ci de la table, pour des imbéciles.

M. Boyd: M. le Président, je ne veux pas m'embarquer dans un débat politique, parce que ce n'est pas dans mon domaine, mais je ne voudrais pas non plus que les gens restent avec l'impression qu'on a caché quelque chose. Dans mon texte de présentation, hier, on a clairement dit qu'en 1976, nous avions emprunté $1 765 000 000. Tout le monde, en regardant nos besoins de 1976, sait que c'était plus qu'il ne fallait en 1976. On a même indiqué, au cours des discussions hier, que nous avions terminé avec un surplus de $1 milliard qui était en prévision pour les années à venir. Aujourd'hui, on répète de nouveau devant le public, par les media, comme on l'a fait hier, que le gouvernement nous avait fixé un objectif de $1 milliard, on ne le cache pas. On avait pensé à $1 125 000 000, mais on nous a demandé d'aller à $1 milliard. On est allé jusqu'à $1 milliard, ce qui fait qu'on va avoir une avance moins grande. Cependant, le montant de $1 milliard qui nous avait été fixé comme objectif, on rapporte au public qu'on l'a atteint.

Maintenant, on n'a pas discuté à fond avec le ministre des Finances, il faut dire toute la vérité, on en a parlé avec lui et on espère avoir l'autorisation, son accord, de continuer, d'ici la fin de l'année, à retourner sur le marché pour augmenter notre avance en fonction de 1978.

Je voudrais me retirer du débat politique à ce sujet, je pense qu'on a donné tous les faits, on n'a rien caché dans nos déclarations. Sur le principe d'emprunter d'avance, M. Garneau, vous nous aviez permis, l'an passé, quand on a emprunté jusqu'à $1,7 milliard, de faire cette avance, et vous avouez maintenant aussi que vous êtes encore d'avis que c'est la meilleure façon de procéder en fonction des emprunts futurs. Mais je peux difficilement accepter qu'on nous blâme d'embarquer dans le débat politique ou de cacher quelque chose.

M. Garneau: Ce que je veux souligner, M. Boyd, c'est que quand vous dites que vous avez complété votre programme d'emprunt pour 1977, ce n'est pas totalement vrai. Vous avez complété la partie que le ministre des Finances avait mise dans son discours sur le budget. Mais pour compléter votre programme d'emprunt de 1977, ça prendrait $1 064 000 000. Ce n'est pas plus loin que ça pour moi. À partir de ça, quand vous aurez emprunté $1 724 000 000, suivant les chiffres qu'on a là, c'est vrai que vous pourrez dire, à partir de ce moment-là, que vous allez maintenir l'avance que vous aviez prise dans le passé.

Je ne veux pas vous embarquer dans le débat politique, mais je ne voudrais pas non plus que vous vous laissiez embarquer dans le débat politique. Laissez-nous ça, des deux côtés de la table, on va essayer de s'arranger avec ça.

M. Boyd: D'accord.

M. Garneau: Sur un autre point qui concerne le financement, il y a un point qui me tracasse et j'en ai déjà parlé dans le passé. Dans le rapport qui a été préparé par Kidder Peabody, qui donne les écarts entre le taux d'intérêt payé par différents emprunteurs, en particulier par le Québec, par l'Hydro-Québec — à la page 5, je crois — on indique que les écarts d'intérêt se sont élargis. À un moment donné, à partir du mois de... cela va jusqu'à mars 1977. Les chiffres qu'on a des analyses financières hebdomadaires, transmises par les courtiers, indiquent que l'écart entre le Québec et l'Ontario se situe autour de 55 points de base. Je crois que c'est l'écart qu'il y avait vers le milieu du mois d'août. J'ai, à mon bureau, les chiffres qui sont transmis quotidiennement. Je les ai oubliés ce matin mais je les avais hier. Cela donne à peu près 55 points de base. Je crois que c'est passablement près de la vérité.

Par contre, les journaux de ce matin nous rapportent les échos de votre emprunt sur le marché américain. On indique un écart dans les taux d'intérêt entre les emprunts de l'Hydro-Québec sur le marché privé et les emprunts de l'Hydro-Ontario sur le marché public. L'écart se situe à 88 points de base, 8 3/8% versus 9 1/4%, ce qui est une concession assez importante au marché, une concession qui, à mon sens, est très grande. Qu'il y ait une concession au marché pour un placement privé d'une somme importante, j'en conviens. Cela m'a l'air conforme à la politique générale des taux d'intérêt sur les marchés. Mais que cet écart, que cette concession au marché soit aussi grande, je voudrais savoir s'il y a des explications qui peuvent être données là-dessus et

j'aimerais que vous nous indiquiez de quelle façon vous voyez ces écarts se comporter. Est-ce qu'on peut espérer que d'ici quelque temps les écarts se rétabliront à ce qu'ils étaient avant le 15 novembre? Dans l'étude de Kidder Peabody, à la page 5, on indique, pour ceux qui ont le tableau, l'accroissement des écarts d'une façon assez substantielle. Je voudrais savoir, comme question subsidiaire, si vous voyez une évolution de la situation qui permettrait de rapprocher au moins ces écarts à l'écart qui avait été vérifié sur une longue période.

M. Boyd: J'aimerais demander à M. Giroux de répondre à cette question, puisqu'au moment où cet emprunt a été fait, c'est lui qui était président. Je pense qu'il veut répondre à cette question.

Le Président (M. Clair): M. Giroux.

M. Giroux: Je vous remercie, M. le Président.

M. Garneau: M. Giroux, comme question préliminaire, à quel moment a été "pricé" le placement privé?

M. Giroux: C'est justement ce à quoi je vais répondre. La première chose que vous devez considérer dans un placement privé, c'est que les négociations sont longues et, malheureusement, on ne peut pas répondre aux journalistes, selon l'avis juridique que nous avons, si le placement a eu lieu, s'il y a des taux ou quoi que ce soit, parce qu'à ce moment-là on pourrait être appelé devant la Commission des valeurs mobilières américaine, qui pourrait nous dire: Messieurs, on annule votre placement privé ou on annule votre transaction pour la raison bien simple que vous avez donné de l'information. Faites-en un placement public. Cela deviendrait excessivement dispendieux.

C'est un peu ce qui s'est passé, à peu près dans les mêmes délais que le placement de $1 milliard. Quand on a placé $1 milliard, si vous vous en rappelez, M. Garneau, on a eu des négociations qui ont duré un mois, on a endossé un prix et le marché s'est amélioré. À ce moment-là, on avait commencé avec l'intention de faire $500 millions. On l'a porté à $1 milliard, devant l'amélioration du marché.

C'était à notre avantage. Je crois encore qu'à ce moment-là, la décision que vous avez appuyée constituait une base financière extrêmement solide, parce que cela nous permettait de prendre une avance sans entrer dans les divergences d'opinion, du point de vue du budget.

Cette année, devant les besoins que nous avions d'aller en Europe, un peu partout, comme vous l'avez vu, nous avons un succès assez général des emprunts à l'étranger. C'est parce qu'on leur assurait qu'on pouvait emprunter aux États-Unis. Il y avait donc deux façons qui nous étaient offertes au 15 mai, c'était d'aller devant un placement public ou devant un placement privé. Nous fondant sur les besoins que nous avions et qui n'étaient pas aussi grands, nous étions très satisfaits de $200 millions. Il s'agissait de prouver au reste du monde que les principaux investisseurs américains nous faisaient confiance, donc on a débuté avec ce placement des négociations vers le 15 mai. À ce moment, si on prend comme base, nos obligations de 8.60%, qui est le plus gros montant, elles étaient à 93.50 ou 93.75, ce qui donnait un marché de 9.24 et les gens nous parlaient d'un emprunt à 9.50. J'ai des félicitations à faire à MM. Lafond et Lemieux qui ont travaillé très fort sur ce projet, surtout au point de vue de prix. Au 31 mai, on était encore dans le chaud des négociations et on ne voulait pas démordre de 9.25 et, à ce moment, nos 8.60 étaient à 94.25, ce qui donne un rendement approximatif de 9.17.

Au tout début de juin, naturellement la première offre a été faite et à ce moment notre taux était légèrement en bas de 9.17, on a maintenu 9.25 avec énormément de pression. Alors, quand le placement a été fait dernièrement, au 15 juillet, le mieux que nos obligations ont eu dernièrement c'est 8.95 en rapport à 8.43 pour le placement d'Ontario. Seulement, il faut se reporter à une chose, c'est qu'on fixe le prix en négociations au tout début et au moment de la première offre, cela fait tout de même trois semaines ou un mois de négociations qui ont été établies. Naturellement, l'information qui était dans les journaux de ce matin, c'est une question d'opinion, je respecte l'opinion de tout le monde, mais je ne la partage pas. Si les courtiers canadiens, par exemple, disent qu'on a payé beaucoup trop cher, ils auront toutes les occasions de prouver qu'ils peuvent faire mieux; ce qu'ils n'ont pas fait au dernier emprunt, parce qu'ils ont conservé l'écart avec l'Ontario.

Dans cette transaction, je crois qu'on a démontré une chose au reste du monde, c'est qu'on pouvait le faire, ce qui nous a permis d'aller chercher des fonds additionnels. Quant à la marge dans un placement privé, on fait des comparaisons entre les 20 ans et les 30 ans. Si on regarde tout de suite après notre emprunt de $1 milliard, si vous vous rappelez, l'Ontario a emprunté privément; cela a été des 20 ans. La Colombie-Britannique a emprunté privément, ce sont des 20 ans, parce que c'est un marché qui est totalement différent des autres. La concession qu'on doit faire contre le marché, en temps normal, n'a pas été affectée par l'incertitude politique que vous mentionniez tantôt ou toutes ces choses que l'on mentionne. On doit faire une concession qui varie entre $0.20 et $0.30 de rendement. La dernière fois, on l'a faite dans le $1 milliard, on l'a faite encore là et je crois que si, à ce moment-là, on a eu 9.25, c'est grâce à la ténacité de nos deux négociateurs, parce que moi-même, j'étais prêt à laisser les choses à 9.38. Alors s'il y a du mérite à 9.25, ce mérite leur revient, non pas à moi.

S'il y a d'autres explications que je puis vous fournir, cela me fera plaisir.

M. Garneau: En fait, ce que vous nous dites, c'est que l'écart dans le marché, au moment du "pricing ", était de 52 et vous avez ajouté une concession de 30, à peu près selon ce que vous nous dites?

M. Giroux: C'est-à-dire qu'on a accordé, au moment du "pricing", à peu près 17, mais si vous le prenez avec le taux qui a été publié dernièrement contre nos propres chiffres, on faisait une négociation d'à peu près 25 — entre 25 et 30 — selon les marchés.

M. Garneau: Mais, pensez-vous que cet écart, qui est quand même relativement important, dans les faits, il se situe quand même aujourd'hui sur des emprunts comparables dans deux marches différents, mais des sommes différentes avec des échéances quand même différentes puisque, je ne sais pas si l'information de la Gazette de ce matin ou du Devoir était juste, voulant que l'échéance moyenne pouvait être de treize ans versus... ils ne parlent pas sur l'emprunt de l'Ontario de 30 ans, s'il y a un fonds d'amortissement et comment il est raccourci.

M. Giroux: On s'est toujours parlé franchement là-dessus. Il ne faut pas comparer des choux avec des betteraves comme quelqu'un a dit tantôt. Un placement privé c'est une chose et un placement public c'est une autre chose. Vous demandez si on aurait fait mieux de faire un placement public dans le temps au lieu d'un placement privé. C'est là une question d'opinion. On a opté pour un placement privé parce que ce dernier a une portée au point de vue de la crédibilité beaucoup plus grande que le placement public. Cela s'explique assez facilement. Vous pouvez avoir un placement public aux États-Unis qui est fait quand aucune des grosses institutions n'achète des titres. Je pourrais vous donner des provinces qui ont emprunté dernièrement publiquement et où aucune des grandes institutions n'a donné une commande. Quand on se reporte avec ce genre du marché européen, le fait de faire un placement privé nous a apporté des prêts à des taux excessivement attrayants dans des marchés étrangers. Il s'agit, en terme d'administration de bon père de famille, d'essayer de trouver ce qui est le meilleur dans l'intérêt de la province de Québec et de le faire.

M. Garneau: M. Giroux, je ne voudrais pas vous donner l'impression que je suis contre le fait que vous ayez emprunté $200 millions.

M. Giroux: Je ne l'ai jamais eu parce qu'on a négocié ensemble.

M. Garneau: Je dirais même que dans les circonstances je ne blâmerai certainement pas l'Hydro-Québec d'avoir payé le prix qu'elle a payé. Il est plus important dans les circonstances actuelles de continuer le développement de la Baie James que de dire qu'on va payer un dixième ou un quart pour cent de moins. Entre deux maux on choisit le moindre. Certainement que le moindre dans ce cas est d'avoir fait ce que vous avez fait. Je ne voudrais pas que vous interprétiez mes propos comme étant un blâme. Ma question principale était de savoir si vous croyez que la situation des taux d'intérêts va se corriger dans un avenir assez rapproché. Est-ce que les $2,128 milliards qui sont nécessaires en 1978 devront aussi se faire avec un "spread" aussi grand ou si on peut espérer qu'il va revenir à la situation historique concernant les "spreads" entre l'Ontario et le Québec?

M. Giroux: Je pourrais peut-être demander à M. Lafond ou M. Lemieux quel est l'historique de ce qu'on appelle les "spreads". On a déjà eu des "spreads" aussi hauts que cela dans le passé.

M. Garneau: Cela je le sais, mais ce que je demande c'est quand est-ce que cela va revenir?

M. Giroux: Cela a pris cinq ou six ans à revenir. Cela demande beaucoup d'effort et cela a pris beaucoup d'augmentation de tarifs dans le temps. Je ne sais pas si c'est un message, mais tout étant relatif, tout étant basé sur cette chose là...

M. Garneau: Tout étant relatif, des augmentations de 10% deviennent des augmentations de 20%.

M. Giroux: Comme minimum.

M. Boyd: M. le Président, M. Lemieux voudrait ajouter des explications.

M. Lemieux: Devant les sommes importantes qu'on aura à emprunter dans les années à venir, les acheteurs américains de nos obligations sont conscients qu'il y a un maudit volume d'obligations. Cependant, ce que nous avons fait cet été, c'était de profiter de tous les marchés dans le monde. On est allé en Allemagne, en Suisse, à Londres, au Japon. Dans chacun de ces marchés nous avons effectué un emprunt qui était un record. Ce que nous avons effectué sur le marché des eurodollars, soit $125 millions, c'était le plus gros montant qui n'avait jamais été emprunté pour 15 ans. Au Japon, $80 millions pour 15 ans, c'était l'emprunt de la plus longue durée et aussi le montant le plus élevé qui avait été emprunté par une compagnie de l'extérieur.

M. Garneau: Quelle est l'échéance moyenne sur ces deux emprunts que vous venez de mentionner?

M. Lemieux: Pardon?

M. Garneau: Sur les deux emprunts de 15 ans que vous venez de mentionner, quelle est l'échéance moyenne?

M. Lemieux: Au Japon c'est 13 1/2 et en Allemagne, il y a un fonds de rachat et on risque d'avoir une vie de près de 15 ans. Cela va dépendre du comportement du marché, mais cela peut être entre 12 et 15 selon le développement du marché.

M. Garneau: Y a-t-il des possibilités de rachat que les détenteurs peuvent exercer?

M. Lemieux: Non, non. Si le prix est en haut du pair, on n'est pas obligé d'en racheter du tout.

L'importance de ces emprunts démontre aux États-Unis qu'ils ne sont pas le seul marché et qu'on n'est pas forcé de revenir quatre ou cinq fois par année sur ces marchés. Il ne faut pas abuser de nos marchés sans cela, ils vont nous voir venir et on va payer plus cher.

En prouvant qu'on peut aller chercher des montants importants sur les autres marchés, on prouve aux Américains que nous allons pouvoir financer la Baie James sans toujours être à la merci des acheteurs américains et des acheteurs canadiens.

M. Garneau: M. Lemieux, je suis bien d'accord avec vous qu'il faille diversifier les marchés le plus possible. Mais cela veut-il dire qu'aujourd'hui l'Hydro-Québec est prête à considérer les emprunts, compte tenu de la date où on en est rendu dans le développement de la Baie James, que l'Hydro est prête à envisager des emprunts relativement à plus court terme qu'on n'a essayé de le faire dans le passé? Est-ce que votre conclusion est que vous pouvez accepter, par exemple, des montants de cinq ans ou des montants de sept ans plus facilement que vous ne l'auriez suggéré dans le passé?

M. Lemieux: C'est une question de volume. Je crois que nous avons toujours considéré qu'éventuellement nous serons forcés de vendre seulement des obligations de 25 ou 30 ans. Cependant, nous restons quand même avec des emprunts raisonnables. D'ailleurs, le cinq ans dont vous parlez en francs suisses, auprès des banques suisses, c'est l'habitude de toujours renouveler ces emprunts de cinq ans et, vous voyez, le taux d'intérêt à 5 1/4% nous protège suffisamment contre les risques de change.

M. Garneau: Un renouvellement nécessite-t-il les mêmes frais de courtage?

M. Lemieux: Ce genre d'emprunt implique des frais minimes.

M. Garneau: Vous voulez dire...

M. Lemieux: Le placement privé ensuite.

M. Garneau: Même si les frais sont moins élevés que lorsqu'il s'agit d'un emprunt public sur le marché européen qui, comme vous le savez, sont élevés — et là-dessus vous n'avez pas grande autorité, personne n'en a d'ailleurs, je pense que la règle du jeu n'est pas établie par vous mais par le marché européen — est-ce que, sur un placement privé, lorsqu'il y a un renouvellement, prenons celui de la Suisse, de $131 millions, est-ce qu'au moment du renouvellement il y a des frais de courtage qui sont les mêmes que lors de l'émission ou sont-ils moindres?

M. Lemieux: Cela devient un nouvel emprunt.

M. Garneau: Cela devient un nouvel emprunt.

M. Lemieux: Cependant, comme je le disais, pour cette émission-là, les coûts étaient minimes. Ce n'est pas le 2½% qu'on paie sur un emprunt de 15 ans vendu au public.

M. Garneau: II reste qu'en 1982 vous êtes obligés d'entrevoir dans votre échéance de remboursement les $131,8 millions tant et aussi longtemps qu'il n'est pas renouvelé. En d'autres termes, cela veut dire qu'en 1982 il faut prévoir, toutes choses étant égales, un programme d'emprunt de $131,8 millions de plus, moins le fonds d'amortissement s'il y en a un.

M. Lemieux: J'aimerais souligner en passant que l'électricité de France emprunte à court terme aux États-Unis, "à court terme" étant des périodes de 30 jours à 90 jours, et pour des centaines de millions. Nous ne sommes pas rendus à ce point-là.

M. Garneau: Je l'espère. Mais il reste...

M. Lemieux: Loin de là.

M. Garneau: Mais il reste quand même que le problème que je vous posais est réel. En 1982, vous êtes obligés de prévoir, du côté de votre échéancier, un remboursement d'emprunt de $131,8 millions. Et du côté de votre programme d'emprunt de 1982, toutes choses étant égales, si les besoins d'investissements existent à ce moment-là, un emprunt additionnel de $131 millions, contrairement à un emprunt sur 30 ans. Évidemment, en 1982, vous n'êtes pas obligés de prévoir autre chose que le fonds d'amortissement, s'il y en a un.

M. Lemieux: D'accord, mais je peux dire que, dans la moyenne, la vie de notre dette à long terme est beaucoup plus longue que celle de n'importe quelle autre compagnie.

M. Garneau: M. le Président, serait-il possible de demander à l'Hydro de transmettre aux membres de cette commission — je sais qu'on peut l'avoir dans des prospectus de récente date, mais je n'en ai pas aujourd'hui — le calendrier des remboursements de l'Hydro-Québec. Aujourd'hui, c'est le 14 septembre, c'est peut-être un travail qui nécessitera quelques jours, je sais que vous les avez compilés, mais si on pouvait les avoir en date du 30 septembre, cela nous aiderait, non seulement pour la compréhension de cette année, mais aussi pour le suivi des programmes d'emprunt des années prochaines et des autres commissions parlementaires. C'est tout sur cette question, pour moi.

Le Président (M. Clair): Le député de Mont-Royal pour une brève question.

M. Ciaccia: J'aimerais demander, soit à l'Hydro-Québec, soit au ministre, si on a fait un

calcul de l'effet des taux sur le consommateur résultant de l'écart des intérêts augmentés qui doivent être payés entre les taux actuels de l'HydroQuébec et les taux de l'Ontario ou bien l'écart normal. Ce calcul a-t-il été fait? Comprenez-vous ma question?

M. Boyd: Je n'ai pas très bien compris. Je m'excuse. J'étais distrait...

M. Ciaccia: Vous avez un intérêt additionnel qu'on doit payer maintenant. L'écart entre les emprunts du Québec et les emprunts, par exemple, de l'Ontario, a augmenté. Sur un montant aussi élevé que $7 milliards ou le montant que vous devrez emprunter les prochaines années, si cet écart ne diminue pas, quel effet cette différence aura-t-elle sur les taux payables au consommateur? Par exemple, au lieu d'emprunter $7 milliards à 9 1/4%, si vous pouviez les emprunter à 8 1/2%, il me semble que cela aurait un effet sur le taux que le consommateur... Vous allez avoir moins d'intérêt à payer. Alors, vous pourriez passer cette épargne au consommateur. Cette étude a-t-elle été faite?

M. Boyd: Je ne pense pas qu'on ait fait ce calcul, mais il serait certainement possible de le faire. Si la commission veut qu'on le fasse, on pourra le présenter en même temps que les autres chiffres demandés par M. Garneau.

Il y a une chose que j'aimerais signaler en passant. Dans notre estimation de $16 milliards pour la Baie James, cela inclut tous les travaux sur le site de même que toutes les lignes et postes bâtis par l'Hydro-Québec — on en parlera plus tard en parlant de la Société d'énergie de la Baie James — on utilise depuis le début, et on continue de l'utiliser, un taux moyen de 10% d'intérêt. Donc, jusqu'à maintenant, on a toujours été en deçà de ce taux. Cela pourrait être intéressant de signaler quels ont été les taux moyens de nos emprunts ces dernières années. En 1975, cela a été 9,95%; en 1976, 9,49%; maintenant, en 1977, incluant le milliard de cette année, c'est 8,42%.

Évidemment, il faut noter, pour être bien réaliste, que dans les 8,42% de cette année on a quelques emprunts à plus court terme sur le marché, mais on vous donne quand même les chiffres à jour.

M. Garneau: Voulez-vous dire par là que cela pourrait être une politique avantageuse pour l'Hydro-Québec de raccourcir volontairement ses échéances pour baisser le taux d'intérêt ou si, en termes de saine gestion financière, vous auriez avantage...? Je pense que vous allez me pardonner cela parce que je ne pouvais pas passer à côté.

M. Boyd: On comprend très bien, M. Garneau, mais j'aimerais ajouter à ce que M. Lemieux a dit tout à l'heure. Depuis les débuts de notre programme de construction à la Baie James, l'Hydro-Québec voyait venir les années considérables qu'on traversera bientôt.

Il a toujours été question d'une pointe à traverser où il faudrait recourir à du plus court terme et, si vous vous rappelez bien, il me semble qu'on a déjà parlé qu'il faudrait même, à court terme, avoir recours à ce qu'on appelait du "bridging". On est dans cette période, mais je pense bien que l'Hydro-Québec favorisera toujours des emprunts à aussi long terme que possible, si le marché le permet.

M. Ciaccia: Excusez-moi, M. le Président. Seulement une autre courte question sur le même sujet. Vous parlez de l'écart. M. Giroux a dit que dans le passé il y avait eu des écarts, qu'on avait été obligé de vivre avec cela et d'augmenter les taux, mais je crois que dans le passé on ne parlait pas d'un montant de $16 milliards.

Alors, même s'il y avait 1% de différence de plus que normalement, ce 1% représenterait $160 millions par année, alors cela veut dire que si l'écart n'existait pas, si vous étiez au même niveau que l'Ontario, vous auriez $160 millions de dépenses de moins d'intérêts et, conséquemment, il me semble que cela devrait être passé au consommateur, que ce devrait être le consommateur qui en bénéficie. Comme maintenant, si c'est 1%, c'est $160 millions aussi. Si c'est 1/2 de 1% comme le dernier emprunt semble l'indiquer, si cela se maintenait, ce serait $80 millions par année. Alors, cela veut dire qu'il faut produire $80 millions de plus de revenus par année pour l'Hydro-Québec pour compenser ce manque de confiance que les investisseurs ont dans l'Hydro-Québec vis-à-vis d'une autre société de service public.

M. Lemieux: J'aimerais répondre. Je ne suis pas prêt à admettre que nous allons continuer à avoir cet écart. D'ailleurs, nous n'avons pas effectué un emprunt public depuis que le rapport de Kidder, Peabody a été distribué aux États-Unis. Je crois que ce rapport souligne à tous les acheteurs la situation financière de l'Hydro-Québec avec tout ce que cela implique et je crois que nous allons commencer à en bénéficier dans les mois et les années à venir. Je ne suis pas prêt à dire... Je souhaite pouvoir réduire cet écart et de le faire disparaître.

M. Ciaccia: Je le souhaite aussi pour tous les Québécois. Seulement, s'il n'est pas réduit — je vous le donne comme exemple — il va falloir trouver $80 millions de revenus de plus par année. Cela n'a pas été réduit pour l'emprunt privé et, jusqu'à ce que ce soit réduit, cela va vouloir dire des intérêts assez considérables en plus.

M. Boyd: M. le Président, seulement un mot sur le même sujet.

Le Président (M. Clair): M. Boyd.

M. Boyd: Cela fait déjà longtemps que l'Hydro-Ontario a un écart favorable par rapport à nous. Depuis quinze ou vingt ans, elle a des taux d'intérêt plus bas que les nôtres. Cela a varié dans le temps, mais cela n'empêche pas qu'aujourd'hui ses tarifs sont plus élevés que les nôtres.

M. Ciaccia: Oui, mais M. le Président, quand on parle des tarifs des autres, je crois que c'est fausser... Je ne veux pas pousser l'Hydro-Québec dans un débat politique non plus. C'est vrai que les tarifs sont moindres, mais c'est fausser le débat de s'en tenir seulement aux tarifs de l'électricité. Pour une industrie, il y a beaucoup d'autres facteurs. Il y a la question de la productivité, la question du salaire minimum, la question de la disponibilité. Alors, c'est beau de montrer, pour l'efficacité de l'Hydro-Québec, que vous pouvez produire de l'électricité à meilleur marché que l'Ontario, parce que cette dernière a du thermique et elle doit utiliser du pétrole, mais du point de vue économique au Québec, je ne pense pas qu'on puisse prendre cette différence sans prendre en considération tous les autres facteurs. On nous dit souvent que l'avantage que nous avons, c'est l'électricité à bon marché pour attirer les industries, et seulement certains types d'industries. S'il faut, en plus, commencer à perdre cet avantage, je me demande, économiquement, où on va s'en aller. Parce qu'on n'a pas les autres avantages. Alors, ces questions de coût de l'électricité sont relatives face à l'économie générale et face aux autres facteurs de l'économie de la province.

Le Président (M. Clair): Je vous avais donné la parole pour une brève intervention, vous en avez largement bénéficié.

M. Ciaccia: Je ne veux pas abuser.

Le Président (M. Clair): Maintenant la parole est au ministre délégué à l'énergie.

M. Joron: Ma question a trouvé sa réponse. Je vais passer.

Le Président (M. Clair): J'ai ensuite les députés de Saint-Laurent et de Rimouski. Étant donné que le député de Saint-Laurent a déjà eu le loisir de prendre la parole ce matin, peut-être qu'il accepterait que je donne immédiatement la parole, pour quelques minutes, au député de Rimouski.

M. Forget: C'est sur un autre point, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Sur un nouveau point. Alors, il y aurait peut-être avantage justement à donner la parole au député de Rimouski si c'est sur le sujet actuellement en discussion?

M. Marcoux: Non. J'ai demandé cela il y a environ trois quarts d'heure et c'était sur le sujet, à ce moment-là. Je pense que ce ne serait pas utile qu'on revienne à ces débats.

Le Président (M. Clair): Vous avez eu la réponse à votre question. Alors, le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vous remercie. La question que j'aimerais discuter avec le ministre et avec les re- présentants de l'Hydro-Québec, c'est le réaménagement de la structure tarifaire. Autrement dit, je laisse de côté entièrement le taux d'augmentation dont il a été question et les problèmes de financement.

Il y a un réaménagement de la structure tarifaire qui est proposé et qui vise à faire disparaître l'élément de dégressivité. Je crois qu'il y a un certain nombre de questions qui se posent dans ce contexte-là, mais comme le ministre lui-même a fait référence à la loi constitutive de l'Hydro-Québec sur ce plan, qui oblige l'Hydro-Québec à fournir l'électricité au plus bas coût possible, je crois qu'il y a un élément assez pertinent de ce côté, puisqu'il est ordinairement accepté dans les industries de ce genre, les industries publiques, à plus forte raison, que le principe qui doit être adopté, c'est de vendre le produit — il s'agit ici de l'électricité — à son coût marginal de production, tenant compte bien sûr, de tous les facteurs dont il faut tenir compte.

J'aimerais poser à l'Hydro-Québec la question suivante: Même en prenant les installations qui engendrent les coûts les plus élevés, probablement et paradoxalement peut-être, les installations les plus récentes à cause de l'inflation et de la hausse des coûts de construction, à combien peut-on évaluer actuellement le coût marginal d'un kilowatt-heure? Il y a un chiffre qui a été mentionné hier, de 27 mills, mais je crois que cela a été mentionné dans le cas d'une énergie à venir, celle de la Baie James. En 1977 et en 1978, quel est le coût marginal de l'électricité pour l'Hydro-Québec?

M. Boyd: La question est assez vaste. Cela dépend de la tension dont on parle et à quel moment...

M. Forget: Prenons la consommation domestique courante.

M. Boyd: C'est l'endroit le plus difficile pour obtenir une réponse rapide. C'est plutôt au niveau de la production qu'on a le plus d'opportunité ou de facilité à obtenir des coûts marginaux.

M. Bisaillon (Jacques): II y a un débat actuellement, comme vous le savez, qui se déroule non seulement aux États-Unis, mais au Canada; nous y participons dans une certaine mesure, par le truchement de diverses associations. Les questions qu'on se pose principalement sont les suivantes: Est-ce qu'on doit différencier les tarifs selon les périodes de jour ou d'année, selon le temps? C'est une question qui se pose. La seconde: Est-ce que les tarifs doivent être fondés, dans une certaine mesure, plus ou moins, sur le coût marginal, comme vous dites?

La question est à l'étude de façon très sérieuse, entre autres, par l'Electric Power Research Institute. Nous avons des gens qui font partie de ce comité et nous avons tous ces rapports actuellement. Ils font une pile d'à peu près un pied et demi et on n'a pas fini de les lire. Si on se fie aux

commentaires apportés par des consultants, comme par exemple la compagnie Ebascoe, ils ont fini par dire que, pour le moment, le coût marginal ne peut pas s'appliquer à l'ensemble de la tarification. Autrement, on arriverait avec des montants beaucoup trop élevés par rapport à ceux dont on aurait besoin. Donc, il faut s'en tenir aux méthodes traditionnelles de se fonder sur une année type qui, de plus en plus, est l'année pour laquelle on demande l'augmentation. Dans notre cas, ce serait 1978 et c'est pour ça que les chiffres qu'on a fournis sont pour 1978. Cela nous projette tout de même, dans une certaine mesure, dans l'avenir, parce qu'on tient compte des constructions en cours, etc.

Donc, si quelqu'un veut fonder la tarification sur le coût marginal, il est obligé de faire des contorsions à la tarification, c'est-à-dire agir là où la croissance existe. Je peux dire qu'on le fait, dans une certaine mesure, dans le domestique.

Par exemple, la redevance de l'abonnement devrait recouvrer les frais fixes. Ces frais fixes s'élèvent à environ $80 par abonné. Le $3.60 de redevance est à peu près la moitié de cela. Les $40, on va les recouvrer sur le prix du kilowattheure; cela augmente le prix du kilowatt-heure d'à peu près .3 de cent. Cela peut imposer un certain frein à la consommation. Cela tient compte aussi du fait que les installations de l'avenir seront plus chères que celles d'aujourd'hui. Donc, on le reflète dans une certaine mesure. Mais on ne peut pas aller répéter ce coût marginal dans sa pleine mesure. Je ne sais pas si cela répond en partie à votre question.

M. Forget: Très partiellement. Je vais vous poser ma question différemment. Je me rends compte que vous voulez entrer dans tous les détails de la question de la détermination du prix marginal. On va laisser cela de côté pour ne pas que la commission s'égare dans des technicités.

Votre chiffre est un chiffre qui est plus facilement accessible, du moins je l'imagine. Vous avez une estimation du prix moyen au moins par type de facilité de production. Vous avez un prix moyen pour l'ensemble de vos installations et sûrement un prix moyen pour les installations les plus coûteuses. Je ne parle pas des Îles-de-la-Madeleine ou des endroits vraiment très spéciaux, mais de ceux qui concernent l'immense majorité des consommateurs.

M. Bisaillon (Jacques): Pour les coûts moyens, quand on détermine une tarification, on détermine d'abord les revenus requis totaux. Vous avez les chiffres là-dessus dans le résumé du mémoire tarifaire. Ensuite, nous procédons à une analyse des revenus requis par catégories d'usage en se fondant sur les éléments de coût.

Pour la production et le transport, si on prend la grande moyenne, sans tenir compte d'une foule de facteurs qui peuvent affecter ces coûts, c'est 1,36 cent. C'est au niveau de la production et du transport. C'est une grande moyenne. Cela varie par exemple dans les catégories d'usage qui comptent un emploi plus long d'électricité pendant l'année, par exemple, 8000 heures, comme la grande entreprise: les heures supplémentaires coûtent moins cher, parce que c'est pendant la nuit.

Pour la distribution, si on prend l'ensemble des abonnés, les coûts sont de $0.53. Cela vous donne un peu les ordres de grandeur. Ce sont les coûts moyens. Cela reflète évidemment les installations du passé comme les installations en cours, puisque la couverture d'intérêts et tout cela est compris là-dessus. C'est un revenu requis, pas nécessairement un coût.

M. Forget: Ce qu'on peut dire, quand on compare ces estimations de coûts au taux que vous voulez rendre applicable, qui est de 1,9 cent, vous avez une marge très substantielle qui existe entre le seul chiffre que vous avez avancé, l'estimation de coût de production de distribution et de transport, et le coût au consommateur d'électricité.

M. Bisaillon (Jacques): Au total, pour l'ensemble de tous nos abonnés, gros et petits, domestiques et autres, c'est 1,89 cent le kilowattheure. C'est l'ensemble.

M. Forget: Oui, mais dans le cas des utilisateurs domestiques, j'imagine que vous répartissez les charges fixes en fonction d'un critère plus ou moins arbitraire qui est le chiffre des ventes dans chacun des secteurs?

M. Bisaillon (Jacques): Non. Ce n'est pas réparti de façon arbitraire, parce qu'effectivement il y a des frais qui sont afférents au domestique uniquement, soit les frais de distribution, basse tension et même une grande partie des frais de moyenne tension. Et si on prend le domestique comme tel, c'est beaucoup plus élevé. Le coût total de livraison est de l'ordre de 2,8 cents.

Donc, même en prenant la prime fixe, la redevance d'abonnement, de $3.60, multipliée par douze et 1,9 cent, vous tombez un peu en bas de cela. Vous tombez sensiblement en bas de cela.

M. Boyd: Comme on le disait hier, les revenus au tarif domestique proposé pour 1978 vont être de 2,31 cents en moyenne, et le revenu requis pour donner ce service devrait être de 2,77 cents.

Je vous ai dit hier que l'abonné domiciliaire ne payait pas les frais dans ce sens. L'abonné domiciliaire, globalement, paye 2,31 cents. Il devrait payer 2,77 cents s'il payait exactement ce que cela coûte. Cela n'est pas basé sur des approximations, ce sont des études, des analyses de tout le réseau, tous les coûts à partir de la production, du transport, des postes de transformation à tensions différentes de la distribution, tous les coûts sont compris dans cette étude. Cette étude a été faite sur une longue période. Elle est renouvelée et mise à jour constamment. On emploie, comme consultant, l'une des firmes les plus reconnues pour la tarification, la firme Ebascoe, qu'on fait venir de temps à autre pour nous conseiller sur ces calculs.

M. Forget: Ce que vous nous dites effectivement — je voudrais être bien sûr que la commission comprend bien le sens de vos remarques — c'est que le tarif envisagé de 1,9 par kilowatt-heure, qui est le tarif uniforme pour les consommateurs, est inférieur presque de 0,8 à votre coût de production.

M. Boyd: Je m'excuse, M. le Président, on dit que, dans le coût à l'abonné, il y a les $3.60 par mois pour le raccordement plus 1,9 cent le kilowatt-heure. Si on fait la somme de tout cela, pour trouver un coût moyen...

M. Forget: Oui, mais ce n'est pas le sens de ma question. Vous changez de question.

M. Boyd: Je ne change pas de question...

M. Forget: Non, le sens de ma question, c'est de savoir, quand on consomme à 1,9 cent, en tenant compte de ce que le consommateur paye déjà pour ces coûts de raccordement dans ses $3.60 etc., en tenant compte de cela, ce qu'il verse à l'Hydro-Québec est-il égal, supérieur ou inférieur aux coûts que vous estimez devoir obtenir pour compenser pleinement les charges qu'entraîne la production de cette électricité? Production et livraison aussi. Il faut comparer les oranges avec les oranges, pas les oranges avec les pamplemousses.

M. Boyd: D'accord. Si on prend le coût de production, de transport, de distribution, tous les coûts pour rendre cette énergie à l'abonné domiciliaire, le 1,9 cent est légèrement inférieur à ce que cela devrait coûter.

M. Forget: Alors, comment justifier qu'on établisse un prix pour l'électricité qui soit inférieur au coût? Est-ce une interprétation que vous faites de votre mandat? Le coût le plus bas possible, cela me semble être une interprétation assez large.

M. Bisaillon (Jacques): II y a plusieurs autres critères dont on se sert en tarification pour établir le tarif. L'un des facteurs invoqué un peu par tout le monde, c'est que la demande a une caractéristique que les autres n'ont pas, elle est très stable. Même en temps de crise, dans les années 1930, la demande domestique a continué; il y a plus de stabilité qu'il ne peut y en avoir dans la demande commerciale et industrielle. Or, tout de suite, cela nous dit qu'il n'y a pas de prime d'assurance à mettre dans le tarif et qu'on peut donc accorder un tarif un peu plus bas.

L'autre aspect, c'est que le contribuable, qui est à la fois contribuable-consommateur, est un peu l'actionnaire de l'Hydro-Québec, à toutes fins pratiques. Alors, que ce soit reporté sur ce plan, c'est une façon de le faire. Si c'était seulement nous qui faisions cela, mais cela se fait de façon assez générale à travers le Canada. Je peux vous le dire, c'est pour cela qu'on compare nos tarifs avec les autres parce qu'autrement on arriverait soit plus haut, soit plus bas, enfin, beaucoup trop bas beaucoup trop haut par rapport à eux, si on ne tenait pas compte de ces facteurs.

M. Forget: Oui, peu importe, la question d'équité peut se discuter de bien des façons parce que les gens ne consomment pas nécessairement l'électricité en quantité égale. Je ne vois pas en quoi, sous prétexte que tout le monde est contribuable, ceux qui consomment moins subventionneraient ceux qui consomment davantage. De toute façon, ce ne serait pas très logique, étant donné les politiques de conservation que le ministre met de l'avant.

Mais, indépendamment de cela, — on pourrait en discuter indéfiniment, c'est une question d'opinion — vous dites: La demande domestique est plus stable. Cela me pousse encore plus à vous poser la question que je me proposais de vous poser de toute façon: Quand vous calculez les coûts de production de l'énergie domestique, vous dites: On fait une moyenne et on attribue tous les coûts de production, de transport, de distribution.

Vous avez aussi des coûts de capacité. Vous avez une capacité de production qui se traduit par des frais d'amortissement, des frais d'intérêt, etc. Tout le monde sait qu'il y a, par exemple, des consommateurs, simplement parmi la consommation domestique, qui ont le chauffage électrique. Le chauffage électrique fonctionne surtout l'hiver, si je comprends bien. Cela consomme un peu moins l'été. Malgré tout il y a une capacité qui est là. Si vous avez des taux uniques pour tous les consommateurs, qu'ils se chauffent ou non à l'électricité, et que vous répartissiez le coût de maintenir cette capacité excédentaire durant l'été sur tous les consommateurs, dans le fond, vous demandez à ceux qui n'ont pas le chauffage à l'électricité de subventionner ceux qui l'ont, selon vos calculs.

M. Bisaillon (Jacques): Pour le domestique, on tient compte de l'ensemble du domestique. On n'a pas de catégorie particulière...

M. Forget: Cela comprend le chauffage à l'électricité qui est très saisonnier.

M. Bisaillon (Jacques): Pour ceux qui se chauffent à l'électricité. C'est entendu qu'il y a une progression: II y a beaucoup plus de chauffage à l'électricité qu'il y en avait dans les années passées.

M. Forget: Indépendamment du nombre, il reste qu'il existe le chauffage à l'électricité qui demande une capacité qui n'est pas utilisée l'été, si vous répartissez ces coûts sur l'ensemble des consommateurs domestiques, vous haussez les coûts pour ceux — le coût que vous calculez — qui n'ont pas de chauffage à l'électricité.

M. Bisaillon (Jacques): La concession qui a pu être faite actuellement dans le domestique correspond à peu près à l'écart entre les 2,77 cents

dont on vous a parlé et le 2,31 cents. C'est ce qu'on ne va pas chercher dans la redevance d'abonnement qui est attribuée à tous les abonnés, ceux qui se chauffent comme les autres. Autrement dit, s'il y a un crédit, la concession est accordée non pas sur le prix du kilowatt-heure, mais beaucoup plus sur la redevance d'abonnement. Ce sont des frais fixes. Ce sont des frais qui n'ont rien à voir avec la consommation de l'électricité.

M. Forget: Ce que vous subventionnez, en ne demandant pas aux consommateurs domestiques, mais présumément aux consommateurs industriels, c'est donc la charge que représente la capacité excédentaire qui est nécessitée par le chauffage à l'électricité qui est saisonnier. Selon votre explication, vous ne changez ni aux uns ni aux autres, donc vous le chargez probablement aux consommateurs industriels. Il faut que quelqu'un le paie de toute façon. Cette capacité n'existe pas seulement dans l'imagination. Il y a quelqu'un qui paie cela et si vous ne répartissez pas les coûts sur les consommateurs domestiques, ce sont donc les consommateurs industriels qui en font les frais.

M. Boyd: M. le Président, il y a aussi l'énergie excédentaire que l'on vend l'été et qui sert à payer pour la puissance installée qui ne servirait que l'hiver. Du fait qu'on vend de cette énergie excédentaire à ceux qui en ont besoin, cela aide à maintenir le tarif global plus bas et aussi à payer pour des installations de puissance de l'hiver, dont vous parlez.

M. Forget: Est-ce à dire que l'Hydro-Québec est indifférente au point de demande que produit en hiver l'installation de chauffage électrique?

M. Boyd: On n'est certainement pas indifférent. Il y a un autre point. Il y a des variations ou des transformations dans la tarification qu'il faut faire aussi graduellement et lentement que possible. Au moment de la nationalisation ou de l'acquisition du réseau en 1963, il y avait 80 tarifs différents. Depuis ce temps, on a réduit considérablement le nombre. Finalement, pour le domiciliaire, on en arrive à un seul tarif. Jusqu'à ce jour, en fait, on avait pour le domiciliaire un tarif dégressif. Il était moins dégressif avec le dernier règlement tarifaire qu'il ne l'était antérieurement. En d'autres mots, à chaque révision des tarifs que l'on fait, on fait des corrections pour faire disparaître la dégressivité. Cette fois-ci, il n'y a plus de dé-gressivité dans la catégorie domestique parce que tout le monde est au même tarif.

Vous demandez s'il devrait y avoir une plus grande différence encore, je crois qu'on n'est pas encore rendu à ce point-là. Il y a eu, au cours des années, une simplification dans la tarification et on a fait disparaître une foule de ces facteurs dont vous parlez. On en arrive maintenant à un stade qui, à notre point de vue, est beaucoup plus équitable. Celui qui consomme beaucoup — d'après les tableaux qu'on regardait hier — va être frappé davantage par les augmentations de tarifs que le plus petit consommateur.

M. Forget: Pour revenir à la question de capacité excédentaire nécessitée par la consommation de pointe en hiver pour le chauffage électrique, faut-il comprendre de ce que vous nous avez dit que les ventes qui sont faites aux États-Unis par l'Hydro-Québec, de l'énergie produite à l'aide de cette capacité excédentaire, compense entièrement l'Hydro-Québec pour les coûts qui résultent de la nécessité de maintenir une capacité de pointe pour l'hiver?

M. Boyd: Je ne crois pas que cela compense. Il y a un autre facteur bien important qu'il ne faut pas oublier. C'est que la puissance nécessaire pour rencontrer les charges plus fortes des mois d'hiver provient de groupes générateurs qu'il faut réparer. L'été, on a constamment des groupes arrêtés et cela, suivant des programmes à assez longue échéance, où les groupes sont complètement défaits, examinés. Il faut même réparer des turbines parce qu'il y a cavitation, toutes les vannes, tout est à revoir. Il nous faut donc un pourcentage de groupes qu'on peut arrêter durant les périodes d'été. C'est donc chargé à l'ensemble des citoyens. Si on ne faisait pas ces arrêts l'été, on ne pourrait pas avoir ces groupes plus tard. C'est un des problèmes qu'on a signalés l'année dernière. Avec les nombreuses grèves et les problèmes que nous avions, nous n'avons pas pu faire l'entretien normal parce que nous n'avions pas les hommes pour réparer les groupes. En décembre, nous avons été obligés de demander au public de rationner l'électricité et il a très bien répondu à la demande que nous lui faisions. Mais à tous les étés, il y a un très lourd programme d'entretien et nos gens du service de la production y comptent beaucoup parce que c'est la seule façon de les faire continuer de tourner.

M. Forget: Je comprends que vous essayez de prendre tous les moyens pour diminuer les coûts excédentaires, pour maintenir la puissance excédentaire durant l'été. Sauf que la conclusion de tout cela, c'est la ligne du bas. Finalement, tenant compte de tous ces efforts, est-ce que cela constitue un fardeau supplémentaire, oui ou non? Voici ce que je comprends de vos remarques. Malgré que vous essayiez de minimiser ce coût-là — et je vous en rends hommage — il reste que c'est un coût excédentaire et la pertinence de cette question résulte simplement du fait qu'au fur et à mesure que vous simplifiez, comme vous dites, votre tarif, où vous le rendez soi-disant non incitatif, il est non incitatif pour certaines personnes, mais il demeure incitatif pour d'autres, c'est un taux uniforme de vente d'électricité alors que les consommateurs n'ont pas les mêmes profils de consommation et cela permet de subventionner certains consommateurs aux dépens des autres. C'est cela qu'il s'agirait de savoir. Ce genre de tarif, qui vient le subventionner? Il me semble que, malgré tout ce que vous avez dit, et d'ailleurs à

l'aide de tout ce que vous avez dit, on peut établir qu'il subventionne en particulier les consommateurs qui ont les profils de consommation les plus variables selon les saisons, largement à cause du chauffage électrique. À ce moment-là, c'est l'ensemble des consommateurs qui subventionnent ceux qui se chauffent à l'électricité. C'est peut-être valable, cela ne l'est peut-être pas. Mais au moins c'est important de le savoir. D'autre part, étant donné que la loi de l'Hydro-Québec lui impose de vendre son électricité le moins cher possible, implicitement, dans ce critère, il y a une règle de non-discrimination, de ne pas donner ce qu'on appelle en anglais les "cross subsidies" — je ne trouve pas le terme français — ne pas imposer à des consommateurs de payer non seulement pour leur propre consommation, mais aussi pour la consommation des autres, qui est différente ou qui se fait à différentes périodes, qui exige des installations différentes. Plus vos taux sont identiques, à mon avis, et ceci pourrait être assez facilement appuyé, plus vous vous éloignez du mandat que la loi vous donne, de vendre à chacun l'électricité au prix qu'elle coûte étant donné ce consommateur-là.

M. Boyd: M. le Président, la loi dit "dans la mesure du possible" et c'est la mesure du possible qu'on applique; ce sont les trois derniers mots de ce paragraphe-là. Un autre facteur, c'est que, justement, l'abonné domiciliaire paie moins que le coût et il y a aussi que s'il fallait appliquer rigoureusement le principe que l'abonné doit payer les coûts, il y a par exemple des gens des Îles-de-la-Madeleine qui sauteraient pas mal haut parce que nous leur vendons l'électricité au même tarif qu'aux gens de Québec ou de Montréal quand cela nous en coûte trois ou quatre fois plus.

Et sur la Côte-Nord, c'est encore plus grave parce que les groupes Diesel sont plus petits. Alors, il faut compenser ces effets.

M. Forget: II faut compenser. La question se pose de savoir si c'est l'Hydro-Québec qui doit jouer le rôle de la Providence dans ce cas ou si le gouvernement, qui veut réaliser des objectifs sociaux dans des endroits éloignés en subventionnant l'électricité, ne devrait pas le faire à l'aide de subventions spéciales, de manière à vous permettre de fonctionner strictement à titre de producteur d'utilité et non pas aussi à titre de providence locale. Les questions géographiques m'intéressent moins que de savoir si, effectivement, dans les tarifs qu'on nous propose, on va exiger des gens plus qu'il n'en coûte. Il y a une raison pour laquelle il y a des tarifs dégressifs et il y a une raison pour laquelle il y a des tarifs en trois parties. C'est une longue pratique dans un grand nombre de pays d'avoir des tarifs au moins en deux parties — vous retenez cela — mais il y a aussi des raisons bien connues pour avoir des tarifs en trois parties, même en quatre parties.

La simplification n'est pas un progrès, à mon point de vue. C'est simplement une plus grande facilité administrative, mais cela nous éloigne de principes d'équité dans l'établissement des tarifs. Il y a des charges qui sont différentes pour les frais d'abonnement. Vous avez mentionné les frais d'abonnement, les frais de facturation, les frais de service, les frais de maintenance du réseau. Il y a les frais de raccordement aussi au réseau de transport ou de distribution. Ce sont des frais fixes pour une installation donnée et il y a les frais qui découlent, une fois l'abonnement assumé et l'installation raccordée au réseau, de la consommation proprement dite. Les consommateurs, quels que soient les désirs de conservation, ont le droit, vis-à-vis d'une entreprise d'utilité publique, d'obtenir l'électricité le plus près possible du coût de production, tenant compte justement de l'élimination des facteurs de charge fixe, et c'est un système comme celui-là qui nous rapproche de l'équité. Ce n'est pas un système qui dirait: On va enlever les compteurs dans les maisons. On va diviser le nombre de kilowatts-heures concerné par le nombre de citoyens et on va envoyer à tout le monde une facture égale. Cela serait très très simple.

M. Boyd: Cela serait trop simple.

M. Forget: Et cela deviendrait même impossible, sans compteur, de faire autrement. Donc, on pourrait dire que cela satisferait votre loi à ce moment, si on enlevait les compteurs, si on envoyait à chacun la facture moyenne. Je pense que cela deviendrait évident que ce serait injuste. Ce que je vous dis dans le moment est qu'il n'est pas évident que la restructuration du tarif va nous rapprocher de l'équité. C'est plutôt le contraire, à mon point de vue. Il y a des questions importantes qui se posent, qui ne sont pas claires non plus dans votre présentation, à savoir si ceux qui chauffent à l'huile, par exemple, sont, par le biais des taux d'électricité qu'ils paient, amenés à subventionner leur voisin qui se chauffe à l'électricité. Il y a pas mal de gens qui se posent la question. Quand on réaménage les tarifs, quand on sait les problèmes de production d'énergie de pointe et les installations additionnelles qui sont nécessaires, ce sont des questions que tout le monde va se poser.

Jusqu'à quel point M. X, qui a le chauffage à l'huile, doit-il payer aussi une partie, sans qu'il ne s'en rende compte, de la facture d'électricité de son voisin qui, lui, a choisi de se chauffer à l'électricité? Il y a 35% de la capacité de production qui est inutilisée durant l'été simplement parce qu'elle doit servir à chauffer son voisin durant l'hiver et qu'on lui inclut cela dans sa facture comme étant les coûts moyens de production du kilowatt-heure.

Étant donné l'importance du chauffage électrique au Québec en particulier, je crois que c'est une question sur laquelle l'Hydro-Québec devrait se pencher au plus tôt. Il y a une question d'équité bien plus importante à mon avis que ce qu'on peut réussir en simplifiant le tarif comme on le fait.

M. Boyd: Je pense qu'on se penche là-dessus depuis qu'on a acquis toutes les compagnies en 1963 et on a fait des corrections constantes à cha-

que révision des tarifs. Au moment de la nationalisation, il y avait des tarifs domestiques différents basés sur la population des villes, des villages. Des gens qui demeuraient dans des villages de 1500 de population avaient un tarif plus élevé que ceux qui demeuraient dans un village de 5000. Il y avait des différences entre Montréal, entre les villes...

C'était basé sur la population. Plus la population était faible, dans le village ou dans la ville, plus cela coûtait cher d'électricité. Au cours des ans, on a fait disparaître toutes ces différences. Vous dites: On devrait tenir compte des frais réels. Les $3.60 qui sont demandés maintenant comme frais de raccordement, en réalité, devraient être presque le double de cela, si on voulait demander exactement ce que c'est. Si on voulait réellement aller au bout de notre raisonnement et demander cela, les cultivateurs, qui sont trois ou quatre par rang, je vous garantis que leur facture monterait rapidement.

La politique au cours des années — et elle a été discutée entre les gouvernements successifs et l'Hydro — a été de faire un seul tarif domiciliaire pour toute la province... C'est évident qu'à ce moment-là, certains, dans les grandes villes, contribuent un peu pour ceux qui restent au bout du petit rang ou pour un cultivateur qui est seul sur son rang. Est-ce que cela correspond à l'esprit de notre loi? On les a faits avec l'accord de tous les gouvernements précédents, ces changements, ces améliorations. On continue de se tenir à la page pour en faire d'autres. Mais il faut les faire graduellement, parce qu'autrement cela crée des perturbations.

M. Forget: Sans vouloir insister, M. Boyd, sur cette question, est-ce que, étant donné que ce sont là, dans le fond, des décisions politiques, essentiellement, soit de savoir jusqu'à quel point les gens des villes vont subventionner les consommateurs dans les campagnes, est-ce que l'Hydro-Québec aurait objection à considérer, dans la présentation de ses analyses financières, la partie subvention qui se trouve implicitement dans les taux, selon les catégories de consommateurs ou selon les régions, laissant au gouvernement le soin de lui donner des indications, à savoir si ces subventions doivent être accrues, diminuées ou rester inchangées?

Vous avez, à plusieurs reprises, et à juste titre, dit que vous ne vouliez pas vous insérer dans des débats politiques. Je comprends que dans le passé les gouvernements successifs vous ont demandé d'avoir ces politiques. Il n'est pas interdit de progresser et de rendre explicite ce qui a toujours été plus ou moins caché, c'est-à-dire le coût de certaines décisions politiques. Si elles restaient inchangées à travers le temps, ce ne serait pas trop grave, mais il est clair qu'elles sont appelées à se modifier continuellement. La population se déplace, il y a des décisions pour de nouveaux tarifs, etc., et ces coûts sont modifiés à travers le temps.

Donc, il y a des décisions politiques qui sont implicites dans la tarification de l'Hydro-Québec. On n'a pas d'objection à ce que l'Hydro-Québec serve à des objectifs socio-économiques, etc., c'est bien normal, mais ce serait encore plus normal qu'on sache, que tout le monde s'en rende compte et que la façon dont vous présentez les chiffres puisse nous permettre de mesurer les subventions qui vont aux Îles-de-la-Madeleine. Les électeurs de Montréal et d'autres seraient peut-être intéressés de savoir qu'ils subventionnent, en plus de tout le reste, les Îles-de-la-Madeleine pour $1,5 million, $3 millions ou $4 millions, la consommation d'électricité de ce coin-là. Ce serait quand même une information importante. Peut-être qu'ils seraient contents de cela, peut-être qu'ils voudraient que ce soit $8 millions au lieu de $4 millions. Ce sont des chiffres hypothétiques. Peut-être qu'ils trouveraient que $2 millions, c'est assez aussi. Je crois que c'est une chose qu'on aurait intérêt, démocratiquement, à connaître. Laissons au gouvernement la responsabilité de dire à l'Hydro-Québec: Abolissez tout cela ou multipliez-le par deux. C'est une responsabilité politique. Mais il me semble que ce serait utile de le savoir, parce qu'il y a des changements. Ce n'est pas la même chose que c'était en 1964.

M. Boyd: On a toujours fait ce que vous dites, M. le Président. En 1963, on voulait que les gens paient davantage les coûts et, à différentes reprises, on a proposé qu'il y ait des tarifs appropriés aux endroits éloignés pour qu'au moins ils paient un peu plus que les autres, étant donné qu'ils nous coûtent trois ou quatre fois plus cher.

Cela a été discuté à différentes reprises, en 1963, par la suite, et même actuellement, c'est un problème que l'on discute avec le ministère de l'énergie. Même à 1.9 cent, ces gens sont bien plus intéressés à se chauffer à l'électricité, même quand c'est mal isolé, que de payer le prix du combustible dans ces endroits éloignés. C'est certainement une décision politique; on le signale à différentes reprises, on en discute. Dans le passé, on a été très heureux dans nos convictions vis-à-vis de ça, on essayait de s'arranger pour que ces gens aient à payer un peu plus pour ne pas gaspiller comme d'autres le font dans certains cas.

Le Président (M. Clair): Le député... oui, il a quelque chose à ajouter avant de donner la parole au député de Jean-Talon.

M. Gauvreau: À la question de la dégressivité ou de la progressivité, M. le député, je voudrais vous rappeler que pour les Îles-de-la-Madeleine, nous avons ici en commission parlementaire, demandé, ce que nous appelons dans le métier un "tarif ballon", c'est-à-dire un tarif plus élevé au-dessus d'une certaine consommation, dans le but de freiner la demande. Je crois qu'il n'y a pas plus de trois ans — on pourrait le retrouver au journal des Débats. Cela a été une décision du gouvernement du temps de ne pas faire d'exception géographique. Aussi, depuis la nationalisation, c'est comme si vous nous demandiez un peu de faire

marche arrière. On a toujours demandé de traiter toutes les régions sur un pied d'égalité.

Concernant votre affirmation que le nouveau tarif proposé cette année ne reflète pas davantage les coûts qu'auparavant, il me semble qu'autrefois, il y a toujours eu, des tarifs dégressifs. Actuellement, il n'y en a plus. Il me semble que c'est un compromis entre le tarif progressif et le tarif dégressif. Le gros consommateur va payer pour sa grosse consommation le même prix que le petit consommateur; c'est vrai, d'accord. Mais il me semble que c'est une espèce de compromis entre deux tendances, passer de la dégressivité à la progressivité, cela nous paraîtrait assez difficile comme attitude, devant ce que le gouvernement nous a toujours demandé de faire.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: C'est seulement pour faire une mise au point, M. le Président. D'abord, je voudrais bien préciser que le sens de mes remarques n'est pas d'indiquer que je souhaiterais, ou que la formation politique à laquelle j'appartiens souhaiterait qu'on traite les régions différemment. Comme cette volonté de les traiter de la même façon représente une décision politique, il serait important de savoir justement quelles en sont les implications financières pour l'Hydro-Québec, de pouvoir mesurer, parce que si cela était fait de façon continue, chaque fois qu'il y a des changements de tarif... de quelle façon ces différences de coût entre les régions pour maintenir un tarif unique sont affectées.

Deuxièmement, le but de mes remarques était loin de suggérer qu'on devrait avoir des tarifs progressifs, mais de suggérer qu'on doit maintenir des tarifs dégressifs, c'est-à-dire le principe de la tarification au coût marginal, mais en tenant compte qu'il y a des charges fixes qui sont très différentes selon les types de consommation, même parmi les consommateurs domestiques et que le tarif au prix moyen qui est instauré en vertu de la requête ou de la demande de l'Hydro-Québec nous éloigne des principes de tarification qui sont les seuls, à mon avis, qu'on doit retenir, c'est-à-dire le droit des gens d'obtenir l'électricité au prix coûtant essentiellement, à la marge, tenant compte des caractéristiques de consommation.

Donc, loin d'être un compromis, à mon avis, on s'éloigne de plus en plus d'une tarification basée sur le principe suivant: c'est que chacun doit payer pour ce que ça coûte, sa production d'électricité, à moins qu'on décide que pour des raisons sociales il vit dans un endroit où il doit être subventionné ou que sa consommation est tellement importante pour l'intérêt public qu'il faut la subventionner. Autrement, chacun doit payer pour ce que ça coûte. La tarification qu'on nous suggère nous éloigne de ce principe, plus encore que la tarification qui existe dans le moment.

Ce n'est donc pas un progrès, ce n'est pas un compromis, à mon avis. C'est une concession qu'on fait soit à la volonté du ministre d'avoir l'air plutôt qu'en réalité de le faire, de servir des prin- cipes de conservation, pour le moment, ou encore des préoccupations de facilités administratives — je ne sais pas s'il y en a — du côté de l'Hydro-Québec. Ce n'est certainement pas un progrès.

M. Boyd: M. le Président, sur ce dernier point, on avait un tarif dégressif qui encourageait le plus gros consommateur domiciliaire en lui offrant un tarif moins élevé. On a fait disparaître la dégressivité et le gros consommateur paie plus. Vous avez le résultat net de cela à la page 7 du résumé du mémoire tarifaire. L'augmentation qu'on propose varie de 13% pour un consommateur de 300 kilowatts-heures par mois, à 21,7% pour celui qui consomme 5000 kilowatts-heures par mois.

Donc, cette façon de faire veut que celui qui consomme plus soit pénalisé davantage.

M. Forget: Mais c'est cela qui n'est pas correct. C'est justement cela le problème. Il ne s'agit pas pour l'Hydro-Québec ou le gouvernement de faire la morale aux gens et leur dire: Vous consommez trop et on va vous pénaliser. Il ne s'agit pas de pénaliser qui que ce soit. Il s'agit de donner aux gens l'électricité au prix que cela coûte, pas davantage, en tenant compte de leurs caractéristiques de consommation. Ce n'est pas parce qu'un individu consomme plus qu'un autre qu'il est coupable. Si on veut faire de la conservation à coups de morale, c'est bien sûr, on va arriver devant des situations comme cela, en haut de 5000 kilowatts, on peut dire: C'est illégal d'en consommer, on va payer l'amende. Ce n'est pas du tout cela, le principe de la tarification.

L'Hydro-Québec n'est pas là pour faire la morale aux gens et le gouvernement ne peut pas se servir de l'Hydro-Québec pour faire la morale aux gens, sur le plan de la consommation. Ils ont le droit de consommer l'électricité qu'ils veulent, la quantité qu'ils veulent, pourvu qu'ils paient ce que cela coûte. C'est justement pour cela qu'on devrait avoir une tarification qui reflète les profils de consommation différents. Mais pour ce qui est de la quantité, on laisse consommer les gens ce qu'ils veulent consommer, pourvu qu'ils paient ce que cela coûte. On n'a pas à faire la morale aux gens. J'ai l'impression qu'on se sert de la tarification dans le moment, pour faire la morale au monde. Sur cela, je ne suis pas d'accord du tout. En plus de cela, par des tarifs qui ne semblent pas suffisamment flexibles, articulés, on oblige certains consommateurs à payer pour leurs voisins. Cela non plus n'est pas acceptable. Il n'y a aucun principe d'équité là-dedans. On pénalise des gens et on en favorise d'autres, sans que ce soit basé sur quelque principe que ce soit, sauf le hasard des chiffres.

M. Marcoux: Vous perdez les pédales.

M. Forget: Pas du tout. Regardez tout ce qui s'est écrit sur la tarification de l'énergie électrique — je ne pense pas que vous soyez familier avec cela — et vous n'arriverez pas avec des principes de morale là-dedans.

M. Marcoux: Vous allez introduire le droit naturel dans la tarification. Je pense...

Le Président (M. Clair): M. le député de Rimouski, si vous désirez intervenir, vous savez comment procéder. M. le ministre délégué à l'énergie.

M. Joron: Je m'étonne un peu, surtout venant de la part d'un ancien ministre des Affaires sociales, des tout derniers propos qu'il vient de tenir au sujet de la "dégressivité". Avec ce qui existait avant, alors que les premiers kilowatts coûtaient beaucoup plus cher que les derniers, effectivement, il y avait une injustice sociale dans des tarifs comme cela, en ce sens que pour un bungalow, en banlieue, avec, quelquefois, une piscine chauffée à l'électricité, les derniers kilowatts, le coût moyen de tous les kilowatts consommés était largement en bas de celui qui habite dans un troisième, à Montréal ou n'importe où, qui ne consomme de l'électricité que pour l'éclairage et peut-être le lavage, l'eau chaude ou la cuisine, mais qui n'est pas chauffé et qui n'a pas de piscine.

Là, la tarification comportait une injustice sociale, il me semble. Lorsque le taux est le même pour tout le monde, cela reflète, dans un sens, ce que vous venez de dire. C'est pour cela qu'on a voulu abolir la "dégressivité", non seulement parce que c'était un encouragement...

M. Forget: C'est bien ce que je pensais. M. Joron: Mais parce que... M. Forget: Le ministre fait de la morale. M. Joron: Non, mais...

M. Forget: La tarification de l'électricité, ce n'est pas un substitut pour l'impôt sur le revenu. C'est dans ce sens-là que le ministre veut l'utiliser, dans le moment. Il fait de la morale avec la tarification, alors que quand les gens paient ce que cela coûte il n'y a pas d'autres questions à poser.

M. Joron: Pas du tout.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent, vous avez eu tout le loisir de faire votre intervention sans être interrompu.

M. Joron: Si on faisait le contraire...

M. Marcoux: Quand vous nous dites que c'est un droit, qu'est-ce que vous faites, sinon de la morale? C'est vous qui avez introduit les notions de morale dans cette discussion.

Le Président (M. Clair): À l'ordre!

M. Joron: Si on faisait le contraire...

M. Forget: Certainement que c'est un droit.

M. Marcoux:... qu'est-ce que vous faites sinon de la morale? C'est vous qui avez introduit les notions de morale dans cette discussion...

M. Forget: C'est un droit parce que c'est une entreprise d'utilité publique qui fonctionne à coût décroissant.

Le Président (M. Clair): À l'ordre!

M. Joron: II me semble que c'est tout le contraire, si on faisait de la morale, comme le prétend le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Votre exemple prouve que vous faites de la morale.

M. Joron: Oui, mais on corrige une situation immorale. Vous appelez cela faire de la morale, vous?

M. Forget: Oui, absolument. Le faire en ces termes-là c'est...

M. Joron: Nous on vend l'énergie le même prix à tout le monde, on se fiche que vous soyez d'une classe de revenus de $5000 à $10 000 ou de $30 000 à $40 000. Je ne vois pas pourquoi, parce qu'on est un plus gros consommateur, on paierait l'énergie meilleur marché qu'un plus petit dans la société. Ce fut un peu comme cela, et on l'a corrigé, mais maintenant on est rendu dans une situation neutre: même prix pour tout le monde. Cela en concerne plus, évidemment cela coûte plus cher.

Là où on peut introduire un élément qui tient compte du coût marginal ou du coût véritable, qui est un des soucis qui animaient le député de Saint-Laurent dans son exposé tout à l'heure, c'est au niveau du raccordement. C'est bien sûr que cela coûte moins cher de raccorder des abonnés quand ils sont tous empilés les uns sur les autres au centre-ville de Montréal que quand il faut faire de grands bouts de lignes un peu partout à la campagne. Là, peut-être qu'on pourrait imaginer que le coût de raccordement pourrait varier.

Si on veut introduire dans la nouvelle tarification, l'année prochaine ou dans les années subséquentes, un souci de refléter les coûts réels, c'est à ce moment-là qu'on va le faire. Mais cette année, en abolissant la dégressivité, je pense qu'on arrive à une situation qui n'est ni morale ni amorale — et je n'essaye pas de vous faire la morale — on est parfaitement neutre, de la même façon qu'un gallon d'huile à chauffage, le premier et le cinquantième coûtent le même prix et il coûte le même prix que vous restiez à Westmount, à Outremont ou à Saint-Henri.

M. Forget: Ne comparez pas les poires et les oranges, le prix de l'huile et le prix de l'électricité, vraiment!

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que le ministre...

Le Président (M. Clair): Un instant monsieur, j'ai, dans l'ordre, qui ont manifesté le désir d'inter-

venir, les députés de Rimouski, de Mont-Royal et de Bellechasse. Le député de Jean-Talon avait manifesté le désir d'intervenir, mais je pense que c'était sur un nouveau sujet. Je préférerais qu'on vide d'abord cette question avant de vous passer la parole. Ce sont des questions incidentes. M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: Lorsque le député de Saint-Laurent nous accuse de vouloir faire de la morale avec le système de tarification, je pense que, de toute façon, à partir du moment où ça revient à un gouvernement de prendre des décisions sur la tarification, c'est évident qu'il y a des choix politiques, il y a des choix sociaux qui sont faits et ces choix sociaux ou politiques, qu'on parle de morale sociale ou de morale politique, sont impliqués. Dès qu'on introduit la notion de droit, est-ce que tout le monde a le droit de recevoir toute l'électricité dont il pense avoir besoin pour ses services ou si on dit qu'il y a un droit minimum et qu'au-dessus de cela, pour des services supplémentaires, ce seraient des coûts différents du coût marginal, etc. Dès qu'on introduit toutes ces distinctions, on ne peut pas faire autrement que d'introduire une question de choix politique ou de choix social. Il y avait, dans le passé, un choix de fait selon lequel on payait un tarif de base qui était plus élevé, et pour les kilowatts supplémentaires consommés on payait de moins en moins cher. Aujourd'hui on remet en question ce principe qui était en même temps un facteur d'encouragement à la conservation.

C'est là que je ne comprends pas toute la dialectique, même si je vois qu'il en fait beaucoup, du député de Saint-Laurent qui s'évertuait à essayer de nous illustrer, au début de cette séance, vers dix heures, que la nouvelle politique de l'Hydro-Québec n'avait pas d'effet de conservation d'énergie, alors que tout ce qu'il est en train de nous dire c'est que la nouvelle tarification va, comme conséquence, en avoir. Il y a des contradictions que je ne peux pas suivre actuellement mais, pour moi, le fait d'introduire des principes moraux, qu'ils soient dans la tarification, ce n'est pas une faiblesse, tous les gouvernements l'ont fait dans le passé parce que ce sont les gouvernements qui ont finalement accepté les augmentations de tarifs et la façon dont ils étaient répartis en définitive, la proposition et la façon dont c'était réparti, je pense qu'il n'y a pas de scandale là. Il n'y a rien de nouveau, sauf que les principes sur lesquels on se base, cette fois-ci, sont différents de ceux qui existaient dans le passé et annoncent implicitement une nouvelle attitude face à l'énergie comme telle, à la consommation d'énergie et une nouvelle politique sur l'énergie

Le Président (M. Clair): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'ai seulement une petite question à poser au ministre. C'est purement pour une clarification afin que je comprenne. Lorsque vous dites que le prix de l'électricité va augmenter de la même façon pour tout le monde, c'est un principe acceptable. Personne ne doit payer pour un autre. Si on utilise plus, il faut payer plus. D'après les chiffres que l'Hydro-Québec nous a donnés à la page 7, je remarque que celui qui utilise 2000 kilowatts mensuellement est sujet à une augmentation de 20% et celui qui utilise 5000 kilowatts est sujet à une augmentation plus élevée. Est-ce que cela veut dire que quelqu'un qui a une petite maison, trois chambres à coucher, prend moins d'électricité que celui qui a une maison de cinq chambres à coucher? Est-ce que cela veut dire qu'il va y avoir une différence dans l'augmentation du pourcentage pour chacun de ces deux-là?

M. Joron: Le fait d'abolir la dégressivité, de dire à tout le monde qu'un kilowatt coûte 1,9 cent, cela aura pour effet... On part d'une situation où ce n'était pas le cas. Les premiers kilowatts consommés coûtaient plus, les derniers, moins. Évidemment, ceux qui avaient une moyenne de consommation annuelle plus basse se trouvent à bénéficier, cette année, de la disparition de la dégressivité. C'est pourquoi leur augmentation, l'année prochaine, va être moindre que ceux qui consommaient davantage. Leurs premiers kilowatts, au total, représentaient un plus petit pourcentage. C'est l'illustration de l'effet, cette fois-ci, de l'abolition de la dégressivité. À partir du moment où le kilowatt coûte la même chose pour tout le monde, s'il y a une augmentation subséquente dans les années à venir, ce sera uniforme, quelle que soit la catégorie dans laquelle vous vous placez. Tout le monde va être augmenté de la même façon.

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela qui fait l'économie. Si quelqu'un a besoin de plus de kilowatts par mois, s'il a plus de besoin — je ne dis pas s'il gaspille — ce n'est pas avec ces taux d'augmentation que vous allez nécessairement encourager l'économie.

M. Joron: Le plus gros consommateur, étant donné que la dégressivité disparaît cette année, le fait que son augmentation va être plus élevée que le petit consommateur va probablement l'amener à se soucier davantage de l'économie de l'énergie.

M. Ciaccia: Qu'est-ce qu'il va faire? Il ne chauffera pas le deuxième?

M. Joron: Avant, le petit subventionnait le gros. Maintenant personne ne subventionnera plus personne. À partir de ce moment, tout le monde va être sur le même pied.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, je crois comprendre que l'Hydro, en augmentant les tarifs, ne pénalise pas ceux qui consomment beaucoup. Elle corrige tout simplement une lacune. Les gens vont payer pour ce qu'ils vont réellement consommer.

Si nous, en tant que parlementaires ou députés, n'incitons pas les gens à conserver l'électricité, je me demande qui va le faire. Si on les laisse dépenser l'énergie... C'est à nous de prévoir pour eux. On sait que dans 10, 15 ou 20 ans, on va en manquer. C'est à nous, c'est notre devoir aujourd'hui de prévoir pour l'avenir. On est ici pour cela. On pourrait laisser les gens dépenser si on en avait suffisamment, mais on n'en a pas suffisamment. On en a peut-être aujourd'hui, mais on sait que dans 10 ou 15 ans on va manquer d'énergie. C'est un droit de consommer autant qu'on le désire. C'est un droit s'il y en a suffisamment, mais si on prévoit qu'il n'y en aura pas suffisamment, en tant que parlementaires ou députés, c'est notre droit d'inciter les gens à conserver cette énergie et d'amener des mesures incitatives.

Si on avait conservé le gibier, il y a 50 ou 100 ans, tout le monde en aurait un peu à manger, mais aujourd'hui il n'y a plus personne qui en a. Cela va être la même chose avec l'électricité.

Quand j'entends une proposition voulant amener une solution qui encourage la dépense de l'électricité, alors que le but de tout le monde ici devrait être d'encourager l'économie de l'électricité, parce que nous savons que nous allons en manquer, c'est là tout le problème. On en manque actuellement. D'accord, si on en avait suffisamment on pourrait en vendre et on pourrait encourager la prime à la consommation, comme c'était le cas il y a 10, 15 ou 20 ans. On en avait suffisamment. On disait aux gens: Chauffez à l'électricité, envoyez. On en a de l'électricité, on en a tant qu'on veut. Mais ce n'est plus cela aujourd'hui. Depuis cinq ans, depuis dix ans, cela a changé énormément. Il faudrait comprendre cela. Le problème, c'est qu'on en manque. L'augmentation des tarifs, à mon humble avis, cela va équilibrer la demande. Si le pétrole était beaucoup plus cher que l'électricité tout le monde viendrait à l'électricité et demain tout le monde en manquerait. Le but premier, c'est d'équilibrer au moins les prix, on l'a dit hier, que cela coûte à peu près le même prix pour l'électricité et le pétrole. À peu près la même chose. C'est entendu que si tout le monde chauffe à l'électricité demain matin, on va en manquer. Je ne vois pas pourquoi on encouragerait les gens à la dépenser en amenant des primes à la consommation. Je trouve que c'est incohérent. C'est mon humble avis.

Le Président (M. Clair): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, je ne veux pas plonger dans ce débat, parce que je m'aperçois que les prémisses sur lesquelles le débat est fondé ne sont pas comprises de la même façon partout. Quand on parle de coût marginal, cela voudrait dire qu'il y aurait éventuellement une augmentation et non pas une diminution.

Mais je voudrais changer de sujet et parler des modalités de facturation. Je voudrais demander aux gens de l'Hydro-Québec si l'Hydro est la seule à appliquer la politique de majoration de 13% lorsque la facture est payée après une certaine date, je crois que c'est dix jours ou quinze jours, quand on reçoit nos relevés de compte d'électricité. Est-ce une politique que l'Hydro est la seule à appliquer ou si d'autres sociétés publiques l'appliquent? Comment se compare la nouvelle politique? En fait, c'est la politique des chaînes de magasins, des cartes de crédit, de 1 1/2% après échéance, comment cela se compare-t-il par rapport aux politiques des autres sociétés de service public?

M. Boyd: M. le Président, pendant que M. Maurice Saint-Jacques s'approche pour donner plus de détails... Notre politique présentement, et depuis de nombreuses années, est d'ajouter une pénalité de 10% qui était applicable après quinze jours. Ce qu'on propose, c'est 1 1/2% par mois applicable après vingt jours, les premiers vingt jours après l'envoi. Votre question, nous avons...

M. Garneau: Comment cela se compare-t-il avec les autres...

M. Boyd: M. Saint-Jacques est maintenant arrivé. Il a les chiffres. Nous avons fait toutes ces comparaisons-là.

M. Saint-Jacques: Maurice Saint-Jacques. Actuellement au Canada, presque toutes les sociétés ont encore une politique de majoration après une période, un délai approprié. Il y en a toutefois une qui a déjà adopté la politique d'imposer les frais d'administration de 1 1/2% par mois, mais les autres sociétés ont encore une politique qui est assez traditionnelle dans le milieu, avec certains adoucissements toutefois. Il y en a plusieurs qui sont passées, au lieu de 10%, à 5% de majoration.

Aux États-Unis, en général, l'image est à peu près la même aussi. Il y a quelques utilités qui sont à 1 1/2% par mois, mais beaucoup de sociétés utilisent encore la majoration pour incitation à paiement rapide avec des délais de paiement différents et des pourcentages de majoration différents.

M. Garneau: Les expériences qui ont été menées ailleurs lorsqu'ils ont modifié leurs méthodes, soit de majoration en baissant le taux ou soit de changement de la majoration par rapport à un taux d'intérêt qui pourrait être interprété comme des frais d'administration additionnels, y a-t-il eu des variations dans les comptes à recevoir qui ont été senties ou s'il n'y a pas eu tellement de changements? Les gens ont-ils continué de payer suivant la tradition qu'ils avaient dans le passé?

M. Saint-Jacques: II est très difficile d'avoir des données sur cette situation parce qu'on s'aperçoit que, d'une entreprise à l'autre, l'expérience de perception est très très différente; les données que nous avons ne permettent pas de comparer les effets des changements dans ces politiques, plus particulièrement parce qu'il n'y a pas eu tellement de changements dans ces politiques. Les politiques actuelles des compagnies sont as-

sez traditionnelles et n'ont pas tellement varié dans le passé.

M. Garneau: Pour ce qui est de la facturation selon le nombre réel de jours de consommation, je dois vous avouer que je ne comprends pas au juste le changement que cela implique. Peut-être pourriez-vous nous l'expliquer — en tout cas, à moi, si les autres l'ont compris — car je n'ai pas saisi exactement ce que cela voulait dire.

M. Saint-Jacques: C'est peut-être une petite technicité qui ne fera pas énormément de changement sur la gestion des abonnements. Cela ajoutera quand même plus d'exactitude dans la présentation des factures. Actuellement, la redevance d'abonnements est fixée pour un mois de 30 jours. On considère que le mois a 30 jours, même s'il est de 26 ou de 27 ou de 28 ou de 31 ou de 32. Il y a une tolérance, si les écarts entre une lecture de compteur et l'autre se situe dans cette plage, on garde la prime fixe mensuelle à un taux absolument uniforme à $1.00. Avec l'avènement des ordinateurs, des moyens puissants de calcul, il est très facile maintenant, si la période de facturation est de 2S jours, d'imposer à l'abonné la redevance de l'abonnement, disons de 30 jours à 29/30 de sa valeur pour les 29 jours de consommation et on serait en mesure actuellement d'ajuster les primes fixes de 30 jours au nombre exact de jours qu'il y aura d'un point de facturation à un autre.

M. Garneau: Sur un autre sujet encore de détail, j'aimerais, si c'était possible, compléter cet aspect avant la suspension des travaux de 13 heures — en tout cas en ce qui me concerne. Quand vous annoncez le changement dans la fréquence des relevés de compteur, vous voulez dire par là que tous les consommateurs domestiques auront régulièrement les relevés actuels... Il n'y aura plus dans la région de Montréal, dans la région de Québec, de factures estimées de consommation.

M. Saint-Jacques: Actuellement, il y a beaucoup de mobilité dans les populations des villes et c'est peut-être la raison pour laquelle il était difficile d'obtenir un relevé physique des compteurs parce que les gens étaient souvent absents. Nous avons décidé de ramener la fréquence des lectures aux deux mois pour ajouter une meilleure qualité de facture dans les réseaux urbains, soit l'île de Montréal et le secteur de Québec. C'est dans ces villes-là d'ailleurs qu'il y a le plus de déménagements continuels et qu'il est plus difficile de tenir à jour notre dossier de clientèle. On espère qu'en faisant cela on va pouvoir réduire appréciablement le nombre de factures suite à des consommations estimées qui, dans bien des cas, ont causé passablement de mécontentement de la part de la clientèle. Il y a une mise au point qu'on doit faire: La facture envoyée à une consommation estimée peut paraître arbitraire, mais ce n'est pas du tout le cas. S'il y a un calcul qui est déficient sur un relevé estimé de consommation à une date donnée, la facturation est au- tomatiquement ajustée lorsqu'on fait un relevé de consommation, à une date ultérieure, précis, basé sur un relevé exact. L'abonné n'est jamais pénalisé pour une facture estimée antérieure qui aurait pu être moins exacte.

M. Garneau: Dans le domaine de la lecture des compteurs, je ne sais pas si ma question est complètement folichonne, est-ce qu'il existe des études ou si c'est appliqué à certains endroits, un relevé des compteurs qui serait complètement sur ordinateur? Aujourd'hui, on voit toutes les possibilité de traitement des données à distance, au niveau de la comptabilité, au niveau de l'informatique. Est-ce que c'est une possibilité qui peut être envisagée dans un avenir X que d'avoir des consommations d'électricité lues électroniquement à distance par un cerveau électronique?

M. Saint-Jacques: Les technologies évoluent rapidement là-dedans. Il y a énormément de recherches et de développements qui se font au Canada et aux États-Unis. Il y a plusieurs méthodes expérimentales qui ont été étudiées: des relevés à distance et retransmission des données, soit par ligne téléphonique ou par toutes sortes de moyens imaginables, et ces technologies, nous les suivons de très près. Jusqu'à ce jour, elles demeurent encore supérieures en coûts à la méthode traditionnelle du lecteur de compteurs qui passe de porte en porte. Cependant, aussitôt que la technologie sera accessible, évidemment, cela voudra probablement dire le remplacement de tous les compteurs en service actuels par des appareils qui puissent capter les valeurs et les envoyer, soit par des lignes téléphoniques ou autrement.

Ce seront des investissements coûteux. C'est un programme qui, lorsque la technologie sera choisie, sera assez coûteux et qui devra être implanté selon un nombre d'années. Mais, pour le moment, il n'y a pas de technologie qui soit économiquement applicable à cela.

M. Garneau: M. le Président, quant à moi, je serais prêt à considérer la fin des discussions sur cette partie qu'on pourrait appeler financière. Il resterait peut-être la question de l'énergie nouvelle. Là-dessus, je ne voudrais pas être trop long, étant donné qu'à la commission parlementaire qui a siégé sur l'énergie, on en a abondamment discuté, à moins que les gens de i'Hydro-Québec aient des choses différentes à nous dire, des compléments d'information à apporter au mémoire qui nous a été soumis, "Les formes d'énergie nouvelles". Quant à moi, j'aurais voulu adopter les points "autres" à l'ordre du jour, reliés surtout à l'avenir de I'Hydro-Québec. J'aurais des questions à poser au ministre concernant les discussions avec Terre-Neuve et le développement des rivières de la Basse-Côte-Nord. Je ne sais pas si le ministre est d'accord pour qu'on puisse, à 1 heure moins 4, commencer ce sujet, après l'ajournement de midi. Est-ce que vous seriez d'accord?

Le Président (M. Clair): Effectivement, à moins qu'il y ait d'autres intervenants, on peut

considérer que le débat est clos sur les points A et B, soit la situation financière, la tarification et pratique commerciale de l'Hydro-Québec. Je comprends qu'il n'y a pas d'autres intervenants, la discussion est close sur ces deux points. Nous reprendrons à 15 heures cet après-midi.

(Fin de la séance à 12 h 57)

Reprise de la séance à 15 h 11

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs!

La commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts est réunie pour continuer d'étudier les rapports des activités de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James, ainsi que le nouveau règlement tarifaire. Au moment où nous avons suspendu nos travaux, à treize heures, nous en étions au point "autres" dans le cadre de l'examen du rapport d'activités de l'Hydro-Québec. Je pense que le député de Jean-Talon désirait intervenir sur ce point. M. le député de Jean-Talon.

Projets divers

M. Garneau: M. le Président, à cet article de l'ordre du jour, je voudrais demander au ministre délégué à l'énergie de quelle façon il entend poursuivre le développement ou suggérer le développement de nos ressources hydroélectriques après le développement du complexe de La Grande. Quels sont les territoires et les rivières québécoises qui, d'après lui, feront l'objet des prochains développements et vers quelle année faut-il s'attendre que ces développements puissent commencer, d'une façon plus précise?

M. Joron: M. le Président, en réponse à cette question, je peux vous donner mes impressions, tel que je vois la situation dans le moment. C'est bien difficile de dire lequel vient avant lequel, quelle année et ainsi de suite. Quant aux programmes qui viendront après 1985, il y a toute une série d'alternatives possibles. Il n'y en a aucun qui a fait l'objet d'étude ou d'approbation par le gouvernement.

Par contre, il faut bien se rendre compte que, dans moins d'un an, il va falloir décider ce qui vient en 1986, 1987 et 1988; l'échéance de cette décision approche. À ce moment-là, la réponse définitive, peut-être pas en ce qui engagera les dix ou quinze ans qui vont suivre, mais dans ce qui va suivre le plus immédiatement le programme actuel de la Baie James, sera connue.

Tel que cela se présente aujourd'hui — et je suis sûr que les représentants de l'Hydro-Québec pourront compléter ces réponses — ce qui est possible, regardons-le par ordre, géographiquement. Parlons d'abord de l'Ouest du Québec, c'est-à-dire du territoire de la Baie James, à l'heure actuelle. À part la rivière La Grande, qu'est-ce qu'il y a de plus qui pourrait être développé?

Il y a, nous dit-on, quelques raffinements qui peuvent être apportés au complexe La Grande lui-même, surtout dans le bout de la Caniapiscau, à l'est et au nord du développement, qui pourraient optimiser un peu plus encore le complexe au total, pour une production supplémentaire de peut-être 2000 mégawatts de plus. C'est-à-dire que ce qu'on est en train d'installer sur La Grande est d'environ 10 200 mégawatts. On pourrait peut-être aller en chercher 2000 de plus en optimisant certains points. Évidemment cela semblerait ce qui

devrait venir dans le temps, tout de suite après le programme qu'on connaît dans le moment.

Qu'y a-t-il d'autre? Un peu plus au nord, à 150 à 200 milles au nord de La Grande, il y a la rivière Grande-Baleine où un potentiel d'environ 2500 mégawatts semblerait exister. Ensuite, pour rester dans la même région, il y a les trois rivières du sud NBR, Nottaway, Broadback, Rupert, où le potentiel est entre 5000 et 6000 mégawatts. Ce qui veut dire qu'au total il semblerait, à première vue, chiffres arrondis, qu'il reste, dans ce vaste territoire presque 10 000 autres mégawatts en sus des 10 000 qu'on est en train d'installer sur La Grande et qui pourraient éventuellement être développés à un coût — évidemment, cela dépend quand on le fera — mais qui apparaît aujourd'hui économiquement aménageable.

Ensuite, avant d'aller à l'extrême nord des rivières qui se jettent vers la baie d'Ungava, la George, la Caniapiscau, parce que même si le bassin de la Caniapiscau a été détourné, il reste qu'à l'embouchure, même après le détournement, la Caniapiscau conservera 75% de son débit à l'embouchure. Alors il y a un potentiel sur la rivière Caniapiscau, sur la rivière au Mélèze, sur la rivière George, à l'extrême nord, mais cela est plus loin et compte tenu des coûts de transport, c'est peut-être à cet égard ce qu'il y a de plus coûteux.

Plus près, maintenant, il y a la Côte-Nord, c'est-à-dire les rivières qui se jettent dans le golfe Saint-Laurent à l'est de Sept-Îles.

Je ne me souviens plus de tous les noms, il y a la Moisie, la Petite Mécatina, Natashquan, la Romaine, il y en a un certain nombre pour un total approximatif, grosso modo, de 5000 mégawatts. Dans ces rivières-là, il y en a qui posent des problèmes écologiques, des rivières à saumons, dans certains cas. D'autres posent des problèmes d'entente avec nos voisins parce que certaines ont une partie plus ou moins importante, selon la rivière, de leur bassin situé du côté du Labrador. En résumé, ce qui m'apparaît le plus immédiat, j'imagine qu'on va vouloir optimiser et compléter ce que l'on fait actuellement à la Baie James, il reste pas mal de choses à la Baie James. Il y a aussi la Côte-Nord, si on y va par ordre de distance géographique, et plus loin, évidemment, les rivières qui se jettent dans l'Ungava. À travers cela, il y a évidemment toutes sortes de projets d'importance secondaire. Je ne sais pas si j'en ai oublié, mais j'imagine que l'Hydro doit avoir en main plus de détails. Voulez-vous qu'ils complètent la réponse?

M. Boyd: En gros, c'est cela, M. le Président. C'est ce qu'a exprimé M. le ministre. Pour nous, il s'agit de compléter ce qu'il y a autour de La Grande et, d'ici la fin de 1978, nous serons en mesure de décider, entre NBR et Grande-Baleine, laquelle est préférable. Les études préliminaires ont été faites, ainsi que les études sur l'impact écologique. Nous serons en mesure d'opter pour l'une ou l'autre. Ensuite, la Romaine sera peut-être la première à nous intéresser sur la Côte-Nord. Mais, en gros, c'est ce que M. Joron a mentionné.

M. Garneau: Est-ce que les recherches ou les travaux préliminaires qui se font par l'Hydro-Québec ou la Société d'énergie de la Baie James — je ne sais pas laquelle des deux est engagée là-dedans — se font d'une façon plus précise du côté de la Baie James ou si elles se poursuivent simultanément du côté des rivières du Bas-Saint-Laurent?

M. Boyd: Où nous sommes le plus avancés dans le moment, pour ces projets-là? C'est la NBR où la Société d'énergie surtout fait les études, dans certains cas, avec l'aide de l'Hydro.

Où c'est bien avancé, c'est à la Grande-Baleine. L'Hydro-Québec y fait des études préliminaires. On a également fait des études un peu plus poussées sur la Romaine, mais, grosso modo, c'est...

M. Garneau: Du côté des rivières du golfe, ce que j'appellerais les rivières du golfe du Bas-Saint-Laurent, est-ce que l'Hydro serait en mesure de nous dire s'il y a de ces rivières — je ne sais pas si la Romaine en est une — dont la ligne de partage des eaux permettrait de les orienter vers la rivière Hamilton pour accroître le pouvoir des chutes de Churchill Falls ou cela est-il techniquement impossible pour aucune de ces rivières?

M. Boyd: M. Guy Monty a cette réponse.

M. Monty (Guy): Guy Monty. Parmi les rivières de la Basse-Côte-Nord, qui ont un certain pourcentage dans le bassin du Labrador, on retrouve la Romaine, dont 16% se trouve dans le Labrador, la rivière du Petit Mécatina, 57%, et la Natashquan, 40%. Ce sont les trois principales rivières de la Basse-Côte-Nord dont le bassin versant a un certain pourcentage dans le Labrador.

M. Garneau: Quand vous parlez du pourcentage dans le Labrador, est-ce que vous voulez parler de la nécessité d'accumuler de l'eau en territoire du Labrador pour qu'elle s'écoule vers le golfe et passe à travers les turbines?

M. Monty: Exactement.

M. Garneau: Est-ce que — je ne connais pas cela techniquement — la ligne de partage entre l'eau de ces rivières qui se déverse vers le golfe et l'eau de ces mêmes rivières qui pourrait, dans le sens inverse, s'orienter, être détournée vers Churchill Falls... C'est une chose dont j'ai entendu parler et je me demande si techniquement c'est possible d'accroître le potentiel hydroélectrique de Churchill Falls sur la rivière Hamilton?

M. Monty: Je ne pense pas que nous soyons en mesure de répondre pour le moment à cette question. Nous allons, éventuellement, procéder à d'autres études sur les rivières de la Basse-Côte-Nord. Toutes ces possibilités sont étudiées en même temps, mais actuellement nous ne pouvons pas vous répondre en ce sens.

M. Garneau: Vous n'êtes pas en mesure de dire... Il n'y a pas de négociations non plus qui sont poursuivies avec Terre-Neuve...

M. Monty: Pas pour le moment. M. Garneau: ... sous ces aspects?

M. Joron: Un peu plus tard, je pourrai répondre à cette partie de la question.

M. Garneau: M. Monty dit qu'il ne peut pas y répondre.

M. Monty: Sur le plan technique, je ne peux pas vous répondre. Sur le plan des négociations, on n'est pas impliqué actuellement. C'est le gouvernement qui est impliqué.

M. Garneau: Sur le plan technique, il n'y a pas eu de recherches?

M. Monty: C'est-à-dire qu'on n'est pas en mesure de vous répondre sur le plan technique pour le moment.

M. Garneau: II y a eu des recherches, mais elles ne sont pas complétées, c'est ce que je comprends.

M. Monty: Je ne suis pas en mesure de vous répondre.

M. Garneau: Je ne sais pas si le ministre veut compléter.

M. Joron: Effectivement, cela va peut-être devancer d'autres questions. C'est un sujet très intéressant. Tous les membres de la commission ne sont peut-être pas au courant.

Quand MM. Lévesque et Moores se sont rencontrés au cours de l'été, les deux premiers ministres ont convenu de mettre sur pied un comité de travail coprésidé par les deux ministres de l'énergie de chacune des deux provinces, regroupant de chaque côté un certain nombre de hauts fonctionnaires. Il va y avoir des deux côtés les deux sous-ministres concernés. De notre côté, il y aura un conseiller spécial au sous-ministre, le directeur de l'électricité à la Direction générale de l'énergie et peut-être une autre personne. Enfin ce ne sont pas des comités de 50. C'est relativement restreint.

La première réunion de démarrage des travaux de ce comité va avoir lieu à Saint-Jean de Terre-Neuve le 28 septembre en présence de M. Peckford, le ministre de l'Energie de Terre-Neuve et moi-même.

Le mandat n'est pas circonscrit de façon très précise à l'heure actuelle, mais en gros, c'est à peu près ceci. À cette première réunion, on va mettre au point un mandat définitif, un calendrier de travail et ainsi de suite. Ensuite, j'imagine que ce seront principalement les hauts fonctionnaires qui se rencontreront sur une base régulière.

L'idée est celle-ci. Faisant exclusion des ques- tions qui doivent se traiter au niveau des chefs des deux gouvernements, des questions d'ordre politique, constitutionnel, ou qui peuvent avoir trait à des questions de frontières, s'il doit y avoir des discussions dans ce genre, ou faisant aussi exclusion des litiges devant les tribunaux.

Les gens de l'énergie de Terre-Neuve et du Québec veulent s'asseoir et faire fi de toutes ces questions, faire comme si cela n'existait pas et regarder dans ce coin géographique, le Labrador et ses rivières dont une partie du bassin commence au Labrador et coulent à travers le Québec vers la Côte-Nord, faire une évaluation précise du potentiel qui s'y trouve, faire aussi une évaluation à savoir lesquelles sont au meilleur prix à aménager, dans quel ordre cela devrait se faire, comment optimiser entre d'autres mots tout le potentiel de cette région. À partir d'un point de vue d'hommes d'affaires qui ont à évaluer le potentiel d'une ressource, trouver le meilleur moyen d'amener cela en production.

Je pense — et de part et d'autre on est d'accord là-dessus — que ce serait presque un crime, si on peut employer cette expression, de laisser ces ressources inexploitées alors qu'elles pourraient produire des quantités considérables d'énergie. C'est dans ce cadre et dans cet esprit que vont s'amorcer, d'ici deux semaines, ces travaux avec les Terre-Neuviens.

M. Garneau: Si je comprends bien la composition du groupe de travail, l'Hydro-Québec ne sera pas impliquée dans le comité.

M. Joron: J'aurais dû apporter cette précision. Au départ, non, parce qu'on a considéré que c'était une responsabilité politique; alors, cela a commencé au niveau des deux premiers ministres. Ensuite, cela s'en va au niveau des ministères concernés et quelque part en cours de route, bien entendu, l'expertise et la participation des deux Hydro, tant du côté du Québec que du côté terre-neuvien, va sans doute devenir non seulement utile, mais nécessaire. Alors, quand le moment sera venu, elles viendront s'ajouter à cela.

M. Garneau: Est-ce que le ministre ne serait pas d'avis que, autant l'existence d'un tel dialogue entre Terre-Neuve et le Québec est, je dirais même nécessaire, autant il sera difficile pour ce comité de statuer sur les sujets dont le ministre a parlé tout à l'heure, si l'expertise technique, en termes de possibilité ou de "feasibility", n'est pas encore réalisée sur le plan technique, si je me reporte aux propos que soulignait M. Monty tout à l'heure? Est-ce que ce n'est pas un peu mettre la charrue avant les boeufs que de vouloir discuter à partir de quoi? À partir de pas grand-chose, si les analyses techniques ne sont pas faites.

M. Joron: II y en a plus qu'on peut en évoquer probablement aujourd'hui. C'est justement à la lumière de ces travaux que vont probablement apparaître les insuffisances d'information et c'est ce qui nous guidera pour savoir ce qu'il faut faire

faire de plus comme étude technique, ainsi de suite. Alors là, les Hydro concernées vont entrer en action.

M. Garneau: Si je comprends bien, c'est une opération un peu de relation publique au départ et, par la suite, les techniciens vont entrer en ligne de compte.

M. Joron: Si vous voulez, jusqu'à un certain point. Ce n'est pas entièrement faux. Ce n'est pas que cela, mais c'est vrai parce qu'on ne vous cachera pas que nous avons hérité de relations terreneuvo-québécoises détériorées le 15 novembre et qu'il a fallu pratiquement repartir à zéro.

M. Garneau: Est-ce que vous êtes sûr que ce sont des relations terreneuvo... Comment dites-vous cela?

M. Joron: Je ne sais pas. Ne me demandez pas de répéter. Ouébéco-Terreneuviennes.

M. Garneau: Les relations étaient peut-être plus personnelles que Québécoises et Terreneu-viennes, globalement parlant. Mais je ne sais pas jusqu'à quel point le contentieux entre Terre-Neuve et Québec, ou plutôt entre l'Hydro-Québec et Terre-Neuve est ce qu'on pourrait appeler sub judice. Est-ce que c'est totalement sub judice ou si on peut avoir des commentaires là-dessus, par exemple sur l'interprétation des contrats, etc? Est-ce que c'est devant les tribunaux, en appel?

M. Boyd: Oui. Il y en a une partie qui est certainement sub judice, ce sont les poursuites qu'il y a entre Terre-Neuve et Churchill Falls où l'Hydro-Québec se trouve impliquée. Cela concerne surtout les 800 mégawatts que l'Hydro de Terre-Neuve veut récupérer de Churchill Falls. C'est devant les cours de Terre-Neuve. Il y a eu un premier jugement de forme, peut-être que Me Jean Boulanger pourra l'expliquer mieux que moi, mais on est en appel pour ça. Nous avons inscrit au Québec pour protéger notre contrat. C'est également devant la cour de Québec. Donc, il y a un certain nombre de choses qui sont assez délicates au point de vue du contentieux.

M. Garneau: Sans entrer dans le fond de la question, je suis d'accord avec vous que c'est fort délicat, mais est-ce qu'on pourrait avoir au moins un état de la situation dans la forme, qu'est-ce qui est contesté actuellement? Je ne veux pas avoir d'opinion juridique.

M. Boyd: Évidemment, ce qui est demandé par Terre-Neuve, c'est de récupérer 800 mégawatts au-delà de ce qui était prévu au contrat. Dans le contrat entre l'Hydro-Québec et Terre-Neuve, il était écrit qu'en plus de remplacer l'énergie de Twin Falls, parce qu'on détournait de Churchill Falls l'eau qui alimentait Twin Falls, il y avait encore 250 mégawatts qui allaient rester pour Terre-Neuve. C'était une chose acquise dans le contrat. Ils avaient aussi droit de rappel sur 300 mégawatts pour utilisation locale, et tout le reste, d'après le contrat, était acheté par l'Hydro-Québec.

Alors le gouvernement de Terre-Neuve a demandé, par lettre, cela s'est fait au plus haut niveau, il y a eu des lettres entre les premiers ministres.

Après avoir eu des contacts avec les entreprises qui n'aboutissaient pas, ils veulent avoir ces 800 mégawatts au prix du contrat. Nous avons dit non. C'est cela le contentieux.

M. Garneau: En fait, vous en avez donné plus que j'en demandais. Je ne pensais même pas que vous pourriez aborder cela. Actuellement, sur le plan juridique, qu'est-ce qui se passe? C'est surtout cela que je veux savoir.

M. Boulanger (Jean): Quant à l'action, pendante devant les tribunaux de Terre-Neuve, il s'agit d'un litige entre le gouvernement de Terre-Neuve, d'une part, et Churchill Falls Labrador Corporation Limited et l'Hydro-Québec, d'autre part.

Nous en sommes au stade des procédures préliminaires devant les tribunaux de Terre-Neuve. Il y a eu des motions de plaidées devant la Cour supérieure, the Supreme Court, de Terre-Neuve. Sur une de ces motions, nous sommes en appel devant la Cour d'appel de Terre-Neuve. Cette affaire-là est sub judice.

M. Garneau: Est-ce que le différend juridique, sûr un tel contrat, doit être plaidé à Terre-Neuve plutôt qu'au Québec?

M. Boulanger: C'est un des points en litige, M. Garneau.

M. Garneau: Et c'est là-dessus que vous êtes en appel?

M. Boulanger: La nature de la motion préliminaire, par exemple, c'est justement la motion sur laquelle nous sommes en appel, c'est-à-dire que les conclusions de l'action ayant trait au contrat d'énergie doivent être exclues de l'action, tous les litiges, en vertu dudit contrat, doivent être résolus selon les lois du Québec et seuls les tribunaux du Québec ont la compétence pour les résoudre.

M. Garneau: Et c'est là-dessus que...

M. Boulanger: C'est là-dessus que nous sommes en appel, devant le tribunal de la Cour d'appel, à Terre-Neuve.

M. Garneau: Est-ce que vous considérez que c'est là un contentieux qui peut être long avant de trouver une issue quelconque?

M. Boulanger: C'est comme tout litige devant les tribunaux.

M. Garneau: Mais est-ce que cela s'évalue en termes de mois, de semaines, d'années?

M. Boulanger: C'est délicat pour moi de prononcer un jugement là-dessus. Cela dépend de la célérité des tribunaux.

M. Garneau: Est-ce que ceux de Terre-Neuve sont plus rapides que ceux du Québec?

M. Boulanger: Je ne voudrais pas prononcer de jugement là-dessus.

M. Garneau: Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, dans les discussions qui ont eu lieu — je ne sais pas si c'est possible d'en informer la commission — un des objectifs du comité auquel il a fait référence tout à l'heure a été d'essayer de trouver une solution au litige, en dehors des tribunaux, en tenant pour acquis que vous avez dit au départ qu'on faisait table rase de ce qui existait? Est-ce que c'est l'intention du gouvernement, au cours de ces discussions, de trouver une solution qui soit autrement que juridique ou judiciaire?

M. Joron: Évidemment, ce comité n'a pas à tenir lieu d'un tribunal parallèle. Bien entendu, on n'aborde pas les questions d'ordre juridique. Néanmoins, il est possible que les travaux du comité fassent ressortir des solutions ou des propositions qui aient une influence sur ce qui est en train de se passer devant les tribunaux, c'est-à-dire de faire ressortir, pour les deux parties, des solutions plus avantageuses qui pourraient — c'est de pure hypothèse — conduire les parties en cause à se désister de leurs actions devant les tribunaux. Cela pourrait arriver.

M. Garneau: Alors, il faut souhaiter que les tribunaux soient lents?

M. Joron: Oui, ou que le comité soit rapide.

M. Garneau: Oui, l'un des deux. Je ne sais pas lequel des deux peut servir le mieux les intérêts du Québec et ceux de Terre-Neuve. Si je peux faire une observation, il m'apparaîtrait souhaitable si, au niveau politique, une décision, une entente pouvait intervenir, à moyen et à long terme qui serait sans doute beaucoup plus avantageuse tant pour le Québec que pour Terre-Neuve. Parce qu'il y aura certainement un perdant, et comme on ne sait pas lequel des deux, il y aurait peut-être avantage à trouver un terrain d'entente. En ce qui nous concerne, nous souhaitons ardemment que cette entente puisse intervenir, probablement qu'une entente serait toujours plus avantageuse qu'une décision d'un tiers dans un cas comme celui-là.

M. Joron: Vous avez raison. Si vous permettez que j'ajoute un mot, d'autant plus que l'intérêt n'est pas seulement ce qui est installé, produit à Churchill Falls, mais c'est qu'il y a beaucoup plus à aller chercher. Alors si on peut trouver la solution dans ce qui a à mettre en exploitation à la satisfaction des deux parties et que cela satisfasse les deux, tant mieux. Il faut bien comprendre que le potentiel, si on considère ce coin comme une seule région hydraulique, est infiniment plus grand que tout ce que Terre-Neuve avec 500 000 habitants peut espérer consommer en plusieurs siècles. Il est clair que le gros marché pour l'énergie qui peut être produite dans ce vaste ensemble, c'est le Québec. Mais le souci de Terre-Neuve — et il faut la comprendre — c'est d'avoir évidemment tout ce qu'il lui faut. Et comme elle est très largement dépendante, et elle le sera davantage à l'avenir, de la production d'électricité thermique, à partir de pétrole qui coûte très cher, elle souhaite, comme nous, effectuer — ce dont on a parlé plusieurs fois — une substitution de forme d'énergie puisqu'il y a des ressources hydrauliques qui pourraient remplacer des barils de pétrole étranger.

M. Garneau: Dans le contexte de la réponse que vient de donner le ministre et me référant à celle que donnait M. Monty tout à l'heure, vos recherches sont-elles suffisamment avancées pour nous dire s'il est plus avantageux de développer les rivières du golfe d'une façon centralisée? Vous dites qu'il y a à peu près 25% à 30% du pouvoir qui se trouve en territoire Labrador terre-neuvien et l'autre partie en territoire québécois. Est-il plus avantageux de concevoir l'aménagement de ces rivières d'une façon concentrée dans le cours des rivières qui se dirigent vers le Québec et centraliser les turbines sur le même cours d'eau avec les réservoirs d'eau qui pourraient rejoindre le territoire du Labrador terre-neuvien, ou s'il est possible, pour permettre de les aménager, uniquement en tenant compte de sa partie de rivières? Est-il plus économique, d'après vous, de concentrer dans une seule unité ou peut-on le faire en deux unités?

M. Monty: C'est définitivement plus intéressant de faire un travail global pour toutes ces rivières de la Basse-Côte-Nord. Ce qui nous permettrait probablement de le faire, c'est que nous nous dirigeons probablement vers la Grande-Baleine, ou le projet NBR, alors nous aurons le temps de parachever, de valider nos études afin de pouvoir considérer dans une étude globale toutes les ressources de ces rivières de la Basse-Côte-Nord.

M. Garneau: Combien y a-t-il de personnes de l'Hydro-Québec, techniciens ou autres, qui consacrent leurs efforts aux études de ces rivières actuellement? Peut-on nommer cela en termes de personnes ou de budget, ou en termes de...

M. Monty: Si on tient compte de tous les gens qui sont sur le terrain et dans les bureaux, on peut compter certainement entre 100 et 150 personnes.

M. Garneau: Qui sont affectées aux recherches reliées au développement de ces rivières-là?

Sur ce point, je n'ai pas d'autres questions pour le moment. Je ne sais pas si d'autres autour de la table en ont.

Le Président (M. Clair): Je pense que le dé-

puté de Bellechasse a des questions. M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Juste une question. Compte tenu de l'augmentation depuis le 15%, l'appel de la puissance maximale dont a parlé M. Boyd, je voudrais savoir quelle est l'intention du gouvernement ou de l'Hydro concernant les centrales à réserve pompée. À un certain moment on avait parlé de Portneuf, de Charlevoix. On avait parlé d'un coût de $500 millions chacune. Est-ce que ce dossier a évolué ou si ce sont des sources prochaines d'énergie pour les heures de pointe?

M. Boyd: Des centrales à réserve pompée, oui. Il y en a qui sont plus ou moins intéressantes; à plus court terme, c'est Delaney comme on l'appelle, c'est dans le bout de Portneuf. C'est celle-là qui est la plus avancée. On veut installer là 2000 mégawatts de pointe. Il y a également Manic 5. M. Monty.

M. Monty: Pour amplifier un peu au sujet de la question du député de Bellechasse, c'est exact que le projet Delaney est le plus avancé actuellement. Nous avons terminé nos études d'avant-projet définitif et la commission devrait recevoir une recommandation avant la fin de l'année pour ce projet. Il y a un autre projet, le lac Proulx, qui est situé dans le bief d'amont de la centrale Pau-gan sur la rivière Gatineau et un autre, le lac Louise, sur la rivière Sainte-Anne à l'est de Québec. On espère qu'à la fin de l'année 1978 nous serons en mesure de faire un choix entre ces deux-là en plus d'un autre projet auquel nous travaillons, dans les Cantons de l'Est, le projet Fuller-ton. Ce sont tous des projets d'usine de pointe, de centrales de réserve pompée.

M. Goulet: Mais si vous permettez, M. le Président. Celui de Portneuf, lorsqu'on entend parler de $500 millions, est-ce que les chiffres sont raisonnables ou si, d'après vous, cela va dépasser cela ou y être inférieur? D'après vos études?

M. Monty: Je ne voudrais pas présenter certains chiffres actuellement, nous attendons les résultats du génie pour pouvoir nous prononcer. Tout dépendra de la quantité que nous allons utiliser.

M. Goulet: Je ne veux pas avoir de chiffre exact, mais l'ordre de grandeur des chiffres. Est-ce qu'on parle de $500 millions, de $1,5 milliard, tout près de $1 milliard? Je ne sais pas.

M. Monty: On peut dire $450 ou $500 le kilowatt, si on veut installer 2000 kilowatts, vous pouvez faire le jeu de la...

M. Garneau: Si M. le député de Bellechasse a terminé, par rapport aux réserves pompées, est-ce qu'il y a toujours un veto sur la Jacques-Cartier?

M. Boyd: Oui.

M. Monty: Nous ne sommes pas encore revenus à la charge. Nous sommes encore intéressés à la rivière Jacques-Cartier; évidemment on travaille à d'autres projets, mais on espère pouvoir éventuellement revenir vers la Jacques-Cartier parce qu'elle est de plus en plus intéressante.

M. Garneau: S'il n'y a pas d'autres questions des membres là-dessus, je voudrais aborder peut-être pendant quelques minutes la question du nucléaire et prendre des informations sur l'évolution des travaux de Gentilly 2, de l'usine d'eau lourde.

Le Président (M. Clair): Est-ce que le député de Bellechasse avait d'autres questions?

M. Goulet: J'en aurais sur le nucléaire.

Le Président (M. Clair): Sur le nucléaire. Alors, le député de Jean-Talon et ensuite, le député de Bellechasse.

M. Garneau: M. Boyd, pourriez-vous faire le point concernant les usines nucléaires Gentilly 1 et 2 et l'usine d'eau lourde, brosser un tableau? Dans mes remarques d'ouverture, je faisais état d'informations qu'on avait selon lesquelles la construction de l'usine de La Prade était plutôt au point mort qu'autrement. Est-ce le cas? Et si oui, comment cela peut-il affecter les opérations de vos deux usines de Gentilly 1 et 2?

M. Boyd: L'usine de Gentilly 2 est en voie d'être terminée et pourrait être en fonction à la fin de 1979. Gentilly 1 subit des modifications actuellement. Quant à l'usine d'eau lourde de La Prade, il y a des travaux qui se font; des décisions devront être prises cet automne sur leur accélération, ou non. Quand au nucléaire, pour les autres sites, l'Hydro-Québec a donné son point de vue, au mois de février, devant la Commission de l'énergie et là-dessus on attend que le livre blanc soit publié pour décider de la politique du gouvernement.

M. Garneau: Concernant Gentilly 2, évidemment, je n'imagine pas qu'il soit question de la fermer si elle est presque sur le point d'être complétée.

M. Boyd: Gentilly 2 se termine. Vous n'avez peut-être pas compris, mais Gentilly 2 va fonctionner, on l'espère, vers la fin de 1979.

M. Garneau: S'il y a des retards dans la construction de l'usine d'eau lourde, est-ce que cela peut affecter la production de Gentilly 2 et de Gentilly 1? Vous avez des approvisionnements suffisants, actuellement?

M. Monty: Concernant Gentilly 2, actuellement, nous faisons des modifications de façon à alimenter en vapeur l'usine LaPrade. Si jamais l'usine LaPrade n'est pas construite, évidemment, la production sera uniquement en électricité à

Gentilly 2. Cela n'affecterait pas l'échéance de Gentilly 2.

M. Garneau: En termes d'opération, cela ne l'affecterait pas non plus?

M. Monty: Non.

M. Garneau: En termes de coût de Gentilly 2, est-ce que vous disposez ici des chiffres des coûts de Gentilly 2? Si on faisait la comparaison, par exemple, entre les coûts qui ont été prévus au départ et ce que cela va coûter effectivement, compte tenu de la date et où on en est rendu dans la réalisation des travaux, quel ordre de grandeur représente l'augmentation des coûts de Gentilly 2?

M. Monty: Les coûts de Gentilly 2 sont de l'ordre de $1000 du kW.

M. Garneau: C'est 600? M. Monty: 637 MW.

M. Garneau: Quel va être le coût final, en millions de dollars? Je ne veux pas me tromper, mais cela donne quoi?

M. Monty: Cela donne entre $600 millions et $700 millions.

M. Garneau: Quel était le coût original?

M. Monty: On avait prévu $300 millions au début.

M. Garneau: Cela a doublé dans l'espace de combien de temps?

M. Monty: Évidemment, c'était une estimation il y a quelques années.

M. Garneau: Cela a doublé en combien de temps?

M. Monty: Au moins trois, quatre ans.

M. Garneau: Du côté de LaPrade, vous dites qu'il y a des travaux qui se font, M. Boyd. Quel genre de travaux se font? Est-ce que ce sont des travaux d'entretien ou si ce sont des travaux de construction? Est-ce qu'on fait tout simplement maintenir ce qu'il y a de fait pour ne pas que ce soit abîmé ou s'il n'y a absolument rien qui se fait d'autre pour faire avancer la construction?

M. Monty: Les travaux continuent actuellement à LaPrade, mais il faut que certaines décisions soient prises concernant la réalisation de LaPrade. Ceci est relié probablement au programme nucléaire de l'Hydro-Québec. Une décision devra être prise par les gouvernements concernant le programme nucléaire.

M. Garneau: Vous voulez dire que, s'il n'y a pas d'autre usine nucléaire qui se construit au Québec, le projet LaPrade tombe automatiquement?

M. Monty: Je ne dirais pas qu'il tombe automatiquement, mais il a de bonnes chances de tomber.

M. Garneau: II y aurait combien d'argent d'investi dans LaPrade actuellement?

M. Monty: L'Hydro-Québec ou bien dans...? M. Garneau: Non...

M. Monty: Je ne pourrais pas vous dire. Je sais qu'actuellement nous avons dépensé, à Gentilly 2, pour alimenter LaPrade, de $6 millions à $7 millions. Nous avons $4 millions d'engagés.

M. Garneau: Ce qui signifierait des pertes nettes dans le cas...

M. Monty: On serait remboursé. On a une lettre d'entente qui protège l'Hydro-Québec concernant ces coûts.

M. Garneau: Même si la réalisation LaPrade ne s'effectuait pas à cause d'une décision...

M. Monty: Actuellement, nous sommes à négocier des contrats avec EACL concernant l'alimentation pour LaPrade. Nous avons des clauses qui protègent l'Hydro-Québec de telle sorte que, si le projet était mis de côté, on aurait raison de se faire rembourser.

M. Garneau: Compte tenu du fait que le ministre, à des commissions parlementaires antérieures, disait qu'il était urgent que l'Hydro-Québec mette de l'avant d'autres centrales nucléaires, il en a fait état...

M. Joron: II y a bien longtemps de cela.

M. Garneau: C'est si peu longtemps, quand je regarde les documents publiés par le parti auquel il adhère, qui ne datent pas de cent ans. Est-ce que le ministre de l'énergie pourrait nous dire si la décision du gouvernement est prise concernant l'usine de LaPrade? Si vous ne faites rien de plus, l'usine LaPrade tombe. Est-ce que la décision est prise d'une façon irréversible, et si oui, à quel moment sera-t-elle officiellement connue?

M. Joron: Notre décision ne concerne pas directement l'usine de LaPrade parce que...

M. Garneau: Non, mais elle a une influence.

M. Joron: Elle a une influence, c'est certain, mais dans quelle mesure? On pourra en dire un mot tout à l'heure. L'usine de LaPrade est évidemment une usine qui est construite par Atomic Energy Commission of Canada et qui va continuer de lui appartenir après. Évidemment, il y a plu-

sieurs questions, j'imagine, qu'ils se posent quant à cette usine: À quelles fins la production d'eau lourde de cette usine va-t-elle servir? Qui seront les clients?

Les clients possibles seraient bien sûr l'Hydro-Québec, s'il y avait un programme de construction d'un certain nombre de centrales au Québec. Cela peut être l'Hydro-Ontario ou d'autres centrales, ailleurs. Je ne sais pas s'il en poussera un jour dans les Maritimes, mais cela peut aussi être les centrales que la Commission d'énergie atomique du Canada est en train de construire dans différents pays du monde. En d'autres mots, la production de LaPrade pourra servir au Québec, s'en aller en Ontario ou n'importe où dans le monde.

Évidemment, la décision qu'on va prendre ne sera contenue que dans le livre blanc, plus tard cet automne. Il y aura là une indication claire et précise des programmes de développement que l'on entend poursuivre dans les années à venir.

S'il n'y avait pas de centrales nucléaires dans ces choix, du moins pour un certain temps ou pour une certaine période, cela aurait pour résultat d'enlever un client potentiel à l'usine de LaPrade. J'imagine que le gouvernement d'Ottawa va y repenser, à savoir s'il terminera ou pas cette usine.

Cette usine pose aussi d'autres problèmes apparemment. Elle ne dispose pas, à l'heure actuelle, de tous les permis des services de protection de l'environnement parce qu'elle ne répondrait pas aux normes de sécurité en ce qui a trait à la distance qu'il doit y avoir entre les régions habitées et l'usine elle-même. Elle leur cause passablement d'ennuis cette usine là, semble-t-il.

Aujourd'hui on me dit qu'il n'y aurait pas tout à fait 20%. L'usine qui devait, à l'origine, coûter $300 ou $350 millions est évaluée à près de $1,5 milliard par le gouvernement d'Ottawa, par la Commission de l'énergie atomique. De ce montant-là, il y aurait un peu moins de 20% engagés au moment où on se parle.

M. Garneau: ... du montant de $300 millions?

M. Joron: Je ne sais pas précisément le chiffre. Je ne sais pas si c'est sur la base de leur plus récente évaluation ou pas. On me dit que le taux de finition de l'usine au total, est encore en deçà de 20%. On s'est parlé au début de l'année à ce sujet. On estime ne pas avoir encore dépassé le point de non-retour, mais on y arrive à ce point. On nous l'a fait savoir. On est bien curieux de savoir ce qu'il va y avoir dans notre livre blanc. Cela va conditionner les décisions. C'est évident. On a indiqué dès le début de l'année qu'on ne pouvait pas prendre cette décision prématurément, à la hâte, qu'elle ne serait pas connue avant la fin de l'année, elle ne le serait qu'à l'automne. On a compris qu'on ne pouvait pas terminer notre politique de l'énergie en deux semaines pour donner la réponse qu'on recherchait. On a convenu d'attendre et de reporter à plus tard les décisions sans ralentir les travaux prévus pour l'été en cours. Il y a eu, m'a-t-on dit, à peu près 500 personnes sur le chantier cet été.

M. Garneau: Compte tenu des déclarations récentes que vous avez faites, M. le ministre, lors de votre entrevue avec M. le Président, il y aurait des centrales nucléaires au-delà de Gentilly 2 uniquement au moment où tout le potentiel hydroélectrique aura été développé. Est-ce que, à ce moment, vous n'indiquez pas, à toutes fins utiles, ce qui est contenu dans votre livre blanc et du même coup est-ce qu'on ne signe pas l'arrêt de mort de l'usine de LaPrade? Dans de telles circonstances, le ministre se dit-il satisfait de cette tournure des événements ou entend-il quand même, même si le livre blanc interdira, à toutes fins utiles, à l'Hydro de s'en aller vers le nucléaire, est-ce que le gouvernement et lui-même ont l'intention d'essayer de faire des pressions auprès du gouvernement fédéral pour qu'il réalise quand même cette usine de LaPrade pour alimenter les deux centrales que nous avons ou pour alimenter les autres centrales nucléaires qui suivent la filière CANDU?

M. Joron: II est vrai, comme vous dites, que j'ai déjà donné des indications de mes opinions personnelles. Je ne les ai jamais cachées.

M. Garneau: Vous ne les cachiez pas quand vous étiez pour non plus...

M. Joron: La plupart des pays du monde qui ont des choix alternatifs, des choix plus économiques que la filière nucléaire vont prendre n'importe quoi avant de prendre cela. Ce sont des solutions de dernier ressort. La plupart des pays sont rendus aux dernières alternatives.

M. Garneau: Mon Dieu que j'aime entendre M. Joron dire cela.

Une voix: Toujours par le président.

M. Garneau: Toujours par le président, oui.

M. Joron: La plupart des pays n'ont pas ce choix, parce qu'ils ne disposent pas des alternatives dont nous disposons ou du potentiel hydraulique non exploité dont une très large partie est encore meilleur marché que la filière nucléaire. Alors, le problème se pose pour nous d'une façon très différente, en fait, de la façon dont il se pose pour à peu près tous les pays du monde. En ce sens, on est très chanceux. Tout tourne autour du fait de savoir quels seront nos appétits énergétiques dans l'avenir et comment on peut établir — parce qu'ici on parle de 15 et 20 ans à l'avance — les prévisions quant à la consommation d'énergie dans ces années-là. Il y a bien des facteurs, mais je ne veux pas nous lancer dans de trop longues considérations. Alors, c'est conditionné par cela. Il y a là-dedans des choix qui sont des choix importants, le type de développement industriel, le type d'aménagement du territoire, toutes choses qui condi-

tionnent beaucoup le niveau de la consommation énergétique. Il y a aussi toutes sortes de phénomènes qui sont indépendants des politiques des gouvernements. Les habitudes des consommateurs peuvent changer. L'économie, dans le passé, a évolué pas toujours à partir de décisions gouvernementales. Même des fois, on se demande dans quelle mesure les décisions gouvernementales ont influencé l'évolution du développement économique. Je pense, en gros, qu'on approche peut-être d'une certaine saturation d'un type de bien de consommation et que la croissance économique va se déplacer vers d'autres secteurs. Si tel était le cas, la croissance énergétique ne suivrait plus la croissance du produit national brut, comme cela a été le cas depuis 20 ans, mais ce n'est pas une fatalité historique que ces deux choses doivent se suivre en parallèle. Cela a cessé de se suivre dans nombre de pays et cela ne s'est pas toujours suivi dans l'histoire de l'humanité. De toute manière, je vais arrêter de spéculer sur l'avenir.

Ceci posé, je reviens plus spécifiquement à La-Prade. La question qu'il faudrait se poser, si notre conclusion est que nous n'avons pas besoin de produire de l'énergie par voie nucléaire, parce que nous pouvons le faire d'une façon plus économique et en quantité suffisante par d'autre moyens, c'est notre conclusion, on aura là une autre question à se poser. Est-ce qu'on veut, sur notre territoire, sur le territoire du Québec, une usine de production d'eau lourde qui ne sert pas à nos besoins, mais qui sert finalement à l'exportation? Soit l'exportation vers d'autres provinces canadiennes ou de l'exportation vers l'étranger. C'est dans ce sens que le gouvernement du Québec devra se poser la question à ce moment-là.

M. Garneau: C'est bien beau ce que le ministre nous dit, M. le Président, mais est-ce qu'on peut espérer que l'énergie atomique du Canada va pouvoir garder, si c'est vrai qu'il y a 500 personnes qui y travaillent, ces 500 personnes à l'ouvrage et dépasser 20%, 30%, 40% du contrat de LaPrade comme étant exécuté et finalement aboutir à une situation où le Québec ne prendrait pas d'eau lourde, parce qu'il ne construit pas d'usine nucléaire, d'une part et, d'autre part, qu'il ne voudrait pas avoir d'usine d'eau lourde sur son territoire? J'imagine que les délais ne peuvent être indéfinis. À quel moment le ministre entend-il faire connaître la politique du gouvernement à cet égard?

M. Joron: J'ai l'impression que c'est une décision qui devrait venir avant l'hiver prochain. Avant le milieu de l'hiver prochain ou avant le début de 1978.

M. Garneau: Cela va être en même temps que le livre blanc.

M. Joron: Ce ne sera pas longtemps après, en tout cas, j'ai l'impression.

M. Garneau: Quelle est la proportion, M.

Monty, de la production éventuelle de LaPrade qui sera utilisée par vos deux centrales? Est-ce que c'est infime comme proportion, ou si...

M. Joron: Je peux peut-être répondre, parce qu'une centrale nucléaire, une fois remplie d'eau lourde, on n'a pas à continuer à la remplir indéfiniment. Cela se fait une fois, après cela les pertes sont relativement minimes et c'est très peu que l'on a à ajouter chaque année.

La centrale de Gentilly 2 qui est presque terminée, qui doit entrer en opération en 1979, son eau lourde ne lui sera pas fournie par La Prade, parce que La Prade ne serait pas terminée, même si on décidait de la terminer. Alors l'eau lourde pour Gentilly 2 va venir d'ailleurs.

M. Garneau: L'usine de La Prade peut faire fonctionner, je ne suis pas un technicien, je ne sais pas comment ça fonctionne...

M. Joron: Elle peut remplir une centrale équivalente, à peu près, qui servirait à... La production annuelle de l'usine de La Prade, telle qu'elle est conçue dans le moment, servirait à remplir à peu près une centrale annuellement. En d'autres mots...

M. Garneau: Une centrale de 600 mégawatts? M. Joron: Oui, de cet ordre-là. M. Garneau: Une par année. M. Joron: Une par année. M. Monty: C'est exact.

M. Garneau: Alors, il va falloir attendre encore quelques mois pour voir si, dans les prévisions d'investissement que nous donne chaque mois le ministre responsable du développement économique dans lesquelles il inclut les investissements de La Prade, c'étaient des vrais ou des faux.

M. Joron: Par contre, dans la mesure où le gouvernement fédéral — je ne sais pas comment il procède pour toutes ces questions — fait une allocation des ressources entre les différentes parties du Canada, s'il choisissait de ne pas poursuivre l'usine ou si pour des raisons d'environnement ou d'autres, nous nous y opposerions, les fonds qu'il aurait dépensés là pourraient sans doute être alloués à d'autres fins.

M. Garneau: Évidemment, on ne construira pas une autre usine La Prade ailleurs au Québec.

M. Joron: Non, mais ça pourrait être autre chose dans un autre domaine.

M. Garneau: Mais la façon dont le gouvernement entend s'y prendre s'il ne veut pas d'usine d'eau lourde sur son territoire, ce serait quoi? Augmenter les règlements antipollution pour les

rendre à un point tel où ça deviendrait impossible? Ou, dirait-il carrément au gouvernement fédéral: On ne veut plus de l'usine LaPrade ou d'usine d'eau lourde sur notre territoire?

M. Joron: Écoutez, de toute façon, je ne peux pas vous répondre, parce que ça dépasse ma compétence. Cela ne serait plus au ministre de l'Energie, parce que ce n'est plus une question énergétique, ce que vous soulevez là. Cela ne serait plus au ministre de l'Energie de trouver la réponse, peut-être au ministre responsable de l'environnement.

M. Garneau: Dans l'état actuel du dossier, est-ce que le gouvernement a déjà pris la décision de ne pas avoir d'usine d'eau lourde? Ce que vous me dites, est-ce tout simplement pour attendre le moment propice pour l'annoncer?

M. Joron: Non, le gouvernement n'a pas pris cette décision.

M. Garneau: Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Clair): Est-ce qu'on peut comprendre que... Oui, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Juste une petite question, M. le Président, pour faire suite aux questions du député de Jean-Talon. Comment procède-t-on pour s'approvisionner en uranium et où s'approvisionne-t-on au Québec?

M. Monty: On doit aller premièrement en appel d'offres pour les besoins, nos besoins en uranium. Actuellement, au Québec, nous ne trouvons pas de producteur d'uranium fini. Nous avons quand même établi, dans la province, tout près de Gentilly, une usine de finition d'uranium. Il y a le produit brut qui vient des mines, qui est concentré en certaines quantités et il est fini par la suite. On doit aller simplement en appel d'offres pour passer nos commandes et actuellement, nous avons passé nos commandes pour Gentilly 2. Nous sommes en train de les passer pour Gentilly 2 actuellement.

M. Goulet: Mais les besoins du Québec, par exemple, pour 1977, si on parle en livres d'uranium, cela peut être de combien?

M. Monty: Pour 1977, c'est-à-dire que...

M. Goulet: Disons un an?

M. Boyd: Pour charger Gentilly 2...

M. Monty: Un instant, je vais vérifier.

M. Goulet: À peu près.

M. Monty: 85 à 95 tonnes pour Gentilly 2.

M. Goulet: Parce que cet été, on avait vu, il me semble, dans un journal — je ne sais pas si c'est la Presse, en tout cas ça ne fait pas longtemps, je pense que c'est au mois de juillet — que l'Hydro-Québec avait acheté 100 000 livres ou un peu plus d'uranium de l'Eldorado. Est-ce que c'est possible? C'était seulement pour Gentilly 2, ça?

M. Monty: Exactement, c'est ça. C'est une partie de Gentilly 2.

Le Président (M. Clair): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Je voudrais savoir ceci: Lorsqu'on a parlé de Manic, on disait que l'électricité produite revenait à 4 mills, que l'électricité produite maintenant à la Baie James revient à environ 27 mills; l'énergie produite à Gentilly 2 et Gentilly 1 revient à combien pour la comparaison?

M. Boyd: Évidemment, à plusieurs reprises, on a fait des comparaisons entre la Baie James et le nucléaire et ce n'est pas entre une centrale et une autre qu'on fait des comparaisons, c'est plutôt entre des programmes.

Actuellement, la dernière comparaison qu'on a faite était en 1976. Il y avait une différence de 31% entre la Baie James et un programme équivalent en nucléaire, le programme nucléaire étant de 31% plus élevé que le programme de la Baie James, pour le produit fini.

M. Marcoux: Ce qui veut dire à peu près 36 mills?

M. Boyd: C'est cela, 36 mills.

Le Président (M. Clair): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, avant de terminer la discussion sur la tarification, le nucléaire et la position de l'Hydro-Québec, avant de passer à l'article de la SEBJ à l'ordre du jour, je voudrais seulement poser quelques questions, faire une certaine mise au point envers le gouvernement.

Premièrement, M. le Président, je pense que la question de l'augmentation des tarifs ne peut pas être décidée et ne devrait pas être décidée par la méthode de commissions parlementaires, de la façon dont nous procédons maintenant. C'est impossible pour le public d'être suffisamment informé. Je sais qu'on va me dire que, dans le passé, c'est comme cela que cela s'est fait.

J'essaie, M. le Président, de donner certaines recommandations. Peut-être que ce serait justifié si on allait plus profondément. Peut-être que l'Hydro-Québec pourrait nous donner d'autres informations. Jusqu'à maintenant, j'ai l'impression qu'elle ne l'a pas justifiée. Si on prend comme argument que, dans le passé, nous n'avons pas procédé de cette façon, c'est vrai que, dans le passé, c'était une commission parlementaire du même genre qu'aujourd'hui. Je pense que le public a pris certaines décisions, le 15 novembre; quand il s'agit du passé, on peut répondre comme cela.

Mais on peut dire aussi que les montants impliqués dans le passé, la complexité des développements n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. On pouvait se permettre de procéder comme nous le faisons aujourd'hui, quant au développement du passé. Mais quand on parle de développement de $16 milliards, quand on parle d'une augmentation de 20%, c'est vrai, M. le Président, que le ministre a dit que c'était seulement pour cette année. Mais ne nous faisons pas d'illusion. L'Hydro-Québec a dit qu'elle a besoin de 20% pour les prochains trois ans. C'est 60% d'augmentation. L'Hydro-Québec nous a dit qu'elle a soumis, à la dernière commission parlementaire, au mois d'août, des augmentations de 10% à 17%. Je vous soumets, M. le Président, que, d'après ce que j'entends aujourd'hui, il me semble que les prévisions de l'Hydro-Québec ont doublé. Si c'était de 10% à 17% au mois d'août, c'est de 17% à 35% aujourd'hui. Corrigez-moi si je me trompe.

Le Président (M. Clair): Monsieur...

M. Ciaccia: C'est beaucoup plus élevé aujourd'hui. La suggestion que je pourrais faire sur la question du nucléaire... Si vous voulez que je revienne au sujet que nous discutons...

Le Président (M. Clair): M. le député de Mont-Royal, j'aimerais juste vous souligner le fait que si c'est un commentaire sur la façon dont on pourrait étudier dorénavant les questions, les rapports des activités de l'Hydro-Québec, je veux bien vous entendre. Mais j'ai clairement établi et j'ai bien demandé à tout le monde, à treize heures, lorsqu'on a suspendu, de considérer le débat clos quant au rapport des activités et quant à la tarification et aux pratiques commerciales. Je pense que je ne permettrai pas, hormis un accord commun unanime sur le sujet...

M. Ciaccia: Si vous m'excusez, M. le Président, malheureusement, j'avais un autre engagement et je n'étais pas ici à treize heures. Cela peut expliquer un peu pourquoi je n'ai pas gardé mon droit de parole là-dessus, mais je vais essayer d'être très bref. Cela va être très bref.

La suggestion que je vais faire au gouvernement, c'est de tenir des audiences publiques. Les experts dont dispose l'Hydro-Québec, l'Opposition officielle n'en dispose pas. Ils se préparent toute l'année pour des commissions parlementaires. Nous ne sommes pas capables. Ce n'est pas l'Opposition officielle qui va en souffrir, M. le Président. C'est le public qui en souffre.

C'est une suggestion que je fais. Je la ferais même pour celle-ci. Avant que le gouvernement approuve cette augmentation, qu'elle demande des auditions publiques, qu'elle demande des représentations des groupes de consommateurs, qu'elle demande des auditions de l'industrie, qu'on regarde attentivement les rapports qui ont été soumis à la commission parlementaire, quant au coût du pétrole et aux coûts qui nous ont été fournis par Hydro-Québec.

Je ne veux pas impliquer l'Hydro-Québec dans des discussions politiques, mais, malheureusement, elle est prise dans une situation politique et elle doit faire de son mieux pour avoir une société bien gérée. Mais les décisions politiques doivent être prises de ce côté-là de la table. Je pense — brièvement, sans étendre les débats, M. le Président — que les décisions que nous sommes appelés à prendre aujourd'hui ne peuvent pas être prises en toute connaissance. Le public ne peut pas être suffisamment informé, à moins qu'il y ait des audiences publiques et que des experts approfondissent et fassent ressortir certaines des données que l'Hydro-Québec nous a soumises.

Le Président (M. Clair): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aurais une question à adresser à M. Boyd. J'ai posé une question à ce sujet à l'Assemblée nationale en avril dernier; je pense qu'on n'avait pas, à ce moment, les éléments possibles de la réponse. Il s'agit des scénarios d'installations possibles des centrales nucléaires le long du Saint-Laurent. Selon certaines informations que je possédais à l'époque, l'organisme responsable aurait changé les sites possibles, selon les différents scénarios, pour éventuellement centraliser l'installation de ces centrales dans le nord de la province de Québec. Seriez-vous en mesure, actuellement, de nous fournir quelques indications sur les sites éventuels des centrales nucléaires, lorsqu'il en sera question?

M. Boyd: C'est notre intention de compléter bientôt le rapport sur ces sites et de rendre publiques les décisions qui seront prises sur les sites dont vous parlez. Ce n'est pas encore prêt à être annoncé. Évidemment, tout dépendra si le livre blanc nous permettra de faire des centrales nucléaires. Il y a cela d'abord. S'il y en a, nous aurons des commentaires à faire sur les sites qui ont été étudiés, mais ce n'est pas encore tout à fait prêt.

M. Brochu: Mais y aurait-il eu des modifications éventuelles des sites, indépendamment de la question du livre blanc? Au point de départ, l'installation des centrales devait se faire le long du Saint-Laurent, du moins c'était la première hypothèse de travail.

M. Boyd: Non, les sites qui ont été inspectés, c'était tout simplement pour voir s'ils étaient convenables. Un grand nombre de sites ont été étudiés, mais aucune décision n'a été prise. Ce rapport sera rendu public le plus tôt possible, cette année sans doute.

M. Brochu: Les décisions ne sont pas prises au moment où on se parle?

M. Boyd: C'est cela. M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Clair): Je n'ai pas d'autres intervenants en lice sur le rapport des activités de l'Hydro-Québec.

M. Garneau: Je crois que le ministre veut répondre à une question.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Joron: Peut-être un dernier mot sur la suggestion du député de Mont-Royal. Je conviens avec lui... Moi aussi je suis insatisfait des mécanismes d'approbation de ces tarifs. Bien entendu, on l'a déjà évoqué, il y a des contraintes dans la loi. On est maintenant pris avec des contraintes de temps et de choses semblables. Quand on change de tarification, si on veut que les comptes partent le 1er janvier, selon les nouveaux tarifs, cela demande qu'on programme les ordinateurs des mois d'avance. L'Hydro-Québec nous avait même demandé de tenir cette commission plus tôt, au mois d'août, si cela avait été possible. Si la Chambre n'avait pas été occupée à ce moment, on aurait pu le faire, d'accord. Mais...

M. Ciaccia: On a décidé d'avance que ce serait 20%. On va procéder et on nous demande de les accommoder?

M. Joron: Non, j'ai indiqué, au début de la commission, les contraintes avec lesquelles nous fonctionnions cette année, contraintes qui ne me satisfont pas. Je pense que cela pourrait se dérouler d'une autre façon à l'avenir.

Une chose, par contre, que j'estime... Il y aura, dans le livre blanc, beaucoup de considérations sur ce sujet. Quant à savoir si la détermination des prix de l'énergie doit être une responsabilité, à mon avis, c'est une responsabilité gouvernementale, une responsabilité politique. Si on se trompe, on en subira l'odieux politique. Mais c'est quand même notre travail. Les prix sont évidemment l'un des instruments majeurs, les plus importants, d'une politique énergétique.

Je ne pense pas qu'aucun gouvernement puisse se soustraire à cette responsabilité et renoncer à cet instrument. Par contre, ce qui nous fait défaut au Québec, c'est un forum permettant à la population l'expression d'opinions, de commentaires. On va avoir un chapitre entier du livre blanc consacré à cette question-là. Il est peut-être trop tôt pour entrer dans les détails spécifiques, mais j'aimerais voir quelque chose — ne nous enfar-geons pas dans les termes, office de l'énergie, tribunal, conseil consultatif de l'énergie — un organisme, une mécanique du genre qui pourrait permettre, même sur une base régionale, l'expression continuelle d'opinions de la population sur toutes les questions comme celles-là, pas seulement l'électricité, le pétrole également, le gaz et toutes sortes d'autres sujets, en plus des prix. Les lignes de transport énergétique qui causent parfois certains problèmes, toutes questions reliées à l'énergie que l'on pourrait peut-être aussi — je ne veux pas en faire un truc exclusivement énergétique — envisager comme étant plus large, comme relié à l'aménagement du territoire. Enfin! Mécanisme permettant au gouvernement de consulter, de récolter des avis et à la population de participer à certains choix, dont certains choix dans le domaine énergétique. Je suis parfaitement sensibilisé à cette nécessité et c'est la raison pour laquelle on veut y consacrer un bon chapitre dans le livre blanc.

M. Garneau: Avant de terminer, M. le Président, la question à l'ordre du jour concernant l'Hydro-Québec. À quelques reprises, le ministre a parlé de modifier la Loi de l'Hydro. Est-ce dans ses intentions de présenter cette modification ou ce changement à la Loi de l'Hydro à la présente session ou si c'est un projet qu'il envisage pour plus tard?

M. Joron: Cela dépend un peu du moment précis de publication du livre blanc. Comme je l'ai dit hier, à ce stade-ci, je ne peux pas vous en préciser la semaine à dix ou quinze jours près. Cela peut être avant la fin de l'année, comme cela peut aussi être au tout début de l'année prochaine. Mais c'est ouvert.

M. Garneau: Dans ces modifications envisagées dans la structure juridique de l'Hydro, est-ce l'intention du gouvernement et du ministre de laisser à l'Hydro l'indépendance ou l'autonomie administrative que lui accorde la forme juridique actuelle ou si la loi envisagera des mécanismes de contrôle qui seront différents de ceux qu'on connaît dans la présente loi?

M. Joron: C'est difficile de répondre en termes généraux avant que le contenu même de la loi, des nouvelles structures, soit connu. Par contre, je peux dire ceci: II n'est certainement pas dans l'intention du gouvernement de faire de l'Hydro-Québec un ministère ou un département du gouvernement. Absolument pas. Si vous me demandez si l'Hydro va conserver son autonomie. Ma réponse, sans équivoque, c'est oui. Parce que ce que nous cherchons... On a deux soucis. D'abord avoir un type de structure administrative à l'intérieur de l'Hydro qui, pour elle-même, lui permet d'être le plus efficace possible et d'avoir un système de gestion interne le plus efficace, le plus moderne, le plus rapide et, enfin, le plus satisfaisant. C'est un souci interne à l'Hydro. Le souci du gouvernement aussi étant d'avoir une structure qui permet les relations les plus proches, les plus faciles, la coordination entre le service de l'énergie et l'Hydro-Québec, parce que, évidemment, l'Hydro est un des gros morceaux dans une politique énergétique, le principal instrument, d'ailleurs, de mise en place de cette politique-là, il est donc capital que l'on marche de pair. Donc qu'on échange beaucoup d'informations et que l'on ait une structure qui permette la collaboration la plus rapide, la plus facile et la plus harmonieuse. C'est ce qu'on recherche.

M. Garneau: En fait vous cherchez une structure où l'Hydro garderait son autonomie mais dans laquelle vous pourriez intervenir.

M. Joron: II est évident, si vous voulez, qu'on va intervenir dans le sens suivant. Je ne veux pas intervenir dans la gestion de l'Hydro-Québec ou dans la gestion au jour le jour de l'Hydro-Québec, mais il est clair que dès l'instant où un gouvernement se donne une politique de l'énergie... Il nomme même un ministre spécifiquement responsable de cela et cela n'a pas toujours existé dans le passé; on ne fera pas d'histoire, mais l'énergie n'a pas été un souci très grand, avant la crise de l'énergie. Cela ne préoccupait pas beaucoup. Alors, ce n'était peut-être pas important à cette époque, mais il est assurément essentiel aujourd'hui qu'un des plus gros acteurs dans le secteur énergétique, notamment l'Hydro-Québec, soit enligné avec la politique énergétique du gouvernement. C'est certain.

M. Garneau: Prenons un exemple plus concret qui a fait l'objet déjà de discussions dans le passé. Dans la formule que vous envisagez, à laquelle vous pensez, de la structure juridique de l'Hydro et de son autonomie et des possibilités d'intervention, prenons un cas bien concret: Par exemple, dans le développement de la Baie James, il y eut une question où l'Hydro a retenu les services de Bechtel. Est-ce que dans la formule juridique qu'il y aurait dans la nouvelle loi, il y aurait des dispositions qui pourraient permettre au gouvernement d'intervenir et de dire: Non, vous ne l'engagerez pas? Comment faites-vous le mariage entre l'autonomie et l'intervention gouvernementale dans un cas qui s'est déjà posé et qui a fait l'objet — vous vous rappelez des propos que votre parti tenait là-dessus — ... Comment faites-vous le partage entre l'autonomie, disons, et l'intervention possible, compte tenu du rôle du ministère de l'Energie?

M. Joron: Dans un contrat comme cela, l'Hydro, par exemple, décide de retenir les services de quelqu'un. Là on prend un exemple qui a été... D'ailleurs, on va en reparler dans un moment et on va s'apercevoir que cela a été bien soufflé, cette affaire ou cela s'est soufflé tout seul dans l'imagination de bien du monde.

M. Garneau: Je ne sais pas qui soufflait la balloune, mais ce n'était pas nous autres.

M. Joron: Ce n'était certainement pas M. Lé-vesque non plus, parce qu'il a contribué beaucoup à dégonfler aussi, sauf qu'il y a bien des gens qui ont gardé une idée erronée dès le départ de la nature de ce contrat, et vous avouerez aussi, M. le député de Jean-Talon, que le mandat de la firme en question a aussi évolué et changé avec le temps. Mais de cela, on va en reparler au moment de la Société d'énergie. Pour répondre à votre question, je vais vous donner un exemple. C'est le genre de chose dans lequel le gouvernement n'a pas à intervenir, parce que ce sont des décisions internes, c'est de la gestion interne.

Maintenant, si vous me demandez par contre si le gouvernement va intervenir, si l'Hydro-

Québec, à l'avenir, décide d'un programme d'investissements de $10 milliards et ainsi de suite, il est bien évident...

M. Garneau: On intervient actuellement.

M. Joron: On intervient actuellement et déjà bien que ce soit, à certains égards, inadéquat, il y a des provisions dans la loi, ne serait-ce que l'obligation de faire approuver...

M. Garneau: Les emprunts.

M. Joron: Les emprunts et les budgets qui permettent au gouvernement d'intervenir. Sauf qu'il y a moyen de raffiner cela. C'est le type d'intervention. Il est bien évident que le programme d'investissements et tout cela, ce sont des choses qui découlent de grands choix énergétiques, grands choix qui, eux, m'apparaissent être la responsabilité du gouvernement et non pas de l'Hydro-Québec. Si on parle de cela, je vois l'Hydro, à ce moment, comme un exécutant, mais la décision, elle, concernant ces grands choix énergétiques: combien on va développer de mégawatts, comment on va dépenser... Ce sont nettement des choix du gouvernement.

M. Garneau: En tout cas, on va attendre la loi de l'Hydro pour voir jusqu'à quel point le ministre pourra concilier son autonomie et son intervention. La dernière question là-dessus et je vous promets, M. le Président, que c'est la dernière. Actuellement, M. Boyd agit comme président de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie, également? Vous êtes président des deux sociétés? Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de maintenir l'immunité de direction à la présidence de ces deux sociétés ou de séparer les deux fonctions?

M. Joron: M. Lévesque a répliqué, au moment où il a annoncé en public la nomination de M. Boyd comme président de l'Hydro-Québec, qu'il continuerait d'agir temporairement comme président des deux sociétés, mais qu'à la lumière, justement des changements de structures, pour ce qui est de la partie supérieure de la direction des deux entreprises, cela n'étant pas décidé, il se pourrait fort bien que la même personne ne cumule pas les deux fonctions. Mais, cela va dépendre de la solution définitive qu'on adoptera quant à la réorganisation des structures.

M. Garneau: Là-dessus je voudrais tout simplement rappeler au ministre, encore une fois, la position que son parti a prise antérieurement sur ce débat. Est-ce que ce sera encore un autre veau d'or qu'on verra brûler ou si vous maintiendrez votre position qui s'est débattue en Chambre et également en commission parlementaire lors de l'étude de la loi qui a créé la Société de développement de la Baie James et la Société d'énergie? De toute façon, on attendra les événements et on fera des commentaires à ce moment. C'est tout, M. le Président, pour moi.

Le Président (M. Clair): Je comprends que le débat est clos concernant le point trois de notre ordre du jour concernant l'Hydro-Québec. Nous entamons donc immédiatement la partie concernant la Société d'énergie de la Baie James. À l'intérieur de ce point, la première subdivision s'intitulait "Discours du président". Je comprends qu'il n'y a pas de discours préalable ni du ministre, ni des partis d'Opposition.

M. Boyd.

M. Boyd: M. le Président, me donneriez-vous deux ou trois minutes pour changer de personnel.

Le Président (M. Clair): Alors nous suspendons pour trois minutes. (Suspension de la séance à 16 h 27)

Reprise de la séance à 16 h 35

Société d'énergie de la Baie James

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs! Tel que convenu, je donne immédiatement la parole à M. Boyd, à titre de président de la Société d'énergie de la Baie James. M. Boyd.

M. Boyd: M. le Président, messieurs, permettez-moi d'abord de présenter, comme nous l'avons fait hier, ceux qui font partie de notre équipe, qui sont ici présents pour nous aider à répondre à vos questions. Au conseil, M. Paul Do-zois et M. Charles Boulva. M'entourant, il y a M. Jean Bernier, directeur des ressources humaines; M. Gilles Bacon, adjoint exécutif au président. Nous avons également M. Armand Couture, responsable de l'environnement et des relations avec les Inuit, les Indiens et des tas d'autres choses. M. Pierre Bolduc, directeur adjoint, Programmation et contrôle des coûts; M. Antoine Rousseau, directeur de l'approvisionnement; M. Laurent Hamel, chef de chantier de LG 2. On a pensé que si on voulait avoir de l'information de première source, on devait faire venir le grand chef. M. Georges La-fond, trésorier à la Société d'énergie et à l'Hydro-Québec; M. Fernand Kéroack, responsable des relations publiques; M. François Aubin, responsable des relations publiques et des liaisons avec le chantier. Celui qui prépare toute la documentation, la programmation et le contrôle des coûts, M. Claude Boivin, de même que le responsable de la sécurité industrielle sur tout le complexe, M. Hart Cannon. J'espère, M. le Président, qu'on va trouver le temps de parler de sécurité au travail parce qu'on en a beaucoup parlé dans les media, surtout sur des "hustings" depuis quelque temps, alors j'aimerais qu'on puisse en parler tout à l'heure.

M. le Président, dans moins de 30 mois, la première turbine commencera à tourner à LG 2. La mise en service des autres génératrices s'échelonnera de façon régulière jusqu'en avril 1985. Le climat de travail qui règne actuellement dans nos différents chantiers permet le déroulement normal des travaux et nous rend confiants quant au respect de ce calendrier.

La prévision des coûts pour le complexe La Grande, présentée l'année dernière, se maintient. Nos hypothèses, quant aux taux d'inflation et d'intérêt, se sont jusqu'ici révélées valables. Nos efforts pour amener plus d'entrepreneurs et de fournisseurs à s'intéresser aux aménagements de La Grande Rivière ont donné des résultats. Le nombre accru de soumissions a stimulé la concurrence et pondéré les coûts de construction et d'approvisionnement.

Comme vous avez pu le constater, à la lecture de notre rapport d'activité de l'année 1976 publié il y a quelques mois, quatre des six grands chantiers prévus sont déjà en activité. Au cours de l'été, une nouvelle pointe d'effectif a été atteinte. Plus de 12 000 personnes travaillent au complexe La Grande actuellement. Ce niveau élevé d'activité se poursuivra au cours des trois prochaines années. Les 7000 visiteurs que nous avons accueillis dans nos chantiers cette année ont pu constater sur place l'avancement des travaux. Le tableau annexé nous permettra de faire un bref tour d'horizon des progrès réalisés au complexe. Au chantier de LG 2, 83% du budget est adjugé alors que les travaux sont avancés à 40%. Le chantier de LG 3, qui est demeuré en 1976, est à l'heure actuelle le deuxième en importance du complexe. L'Hydro-Québec en est le principal entrepreneur. Au début de l'été, le contrat pour la fabrication des dix turbines et alternateurs a été adjugé à un consortium québécois, portant à 52% le niveau des engagements à LG 3.

Au début de 1977, la construction des ouvrages de retenue a été entreprise au chantier de détournement de rivières Eastmain et Caniapiscau. Ce détournement et la création de réservoirs qui en découle assurent la régularisation saisonnière du débit dans La Grande et accroissent le potentiel hydroélectrique du complexe La Grande.

Les engagements au chantier d'OEL s'élèvent à 71% alors que ceux du chantier de Caniapiscau dépassent 40%. Ce dernier n'est accessible que par la voie des airs et par une route d'hiver de 220 milles.

Le chantier de LG 4 s'ouvre à la fin de l'année et celui de LG 1 débutera l'été prochain.

Pour ces travaux à venir, les études de conception et d'échéancier se poursuivent afin d'optimiser constamment nos aménagements.

À LG 4, ces études nous ont amenés à retenir le concept d'une centrale en surface sur la rive gauche au lieu d'une usine souterraine. Les études comparatives démontrent que ce choix assure une rentabilité accrue et des avantages au point de vue de l'échéancier.

Quant à la centrale de LG 1, la convention de la Baie James et du nord québécois prévoyait la relocalisation du mille 23 au mille 44. La réouverture des négociations avec des Cris de l'île de Fort George permet d'envisager le retour de cette centrale à son emplacement initial. L'aménagement au mille 23 augmenterait la puissance de LG 1 de

230 mégawatts, soit l'équivalent de la moitié de la centrale Outardes 2.

Dans le domaine de l'environnement, l'expérience que nous vivons actuellement au complexe La Grande est sans précédent, du moins dans le domaine hydroélectrique. Nous avons dû élaborer un nouveau mode de gestion intégrant plusieurs paramètres dont certains n'étaient pas considérés antérieurement.

Nous demeurons fermement convaincus que la réalisation du complexe La Grande s'effectue en harmonie avec la nature. L'adoption de mesures préventives et correctives appropriées assure l'équilibre du milieu.

La liste des études et des travaux d'impacts écologiques est imposante. La synthèse des quatre premières années d'inventaire permet déjà d'affirmer que le territoire de la Baie James est la région nordique la mieux connue du Québec et probablement du Canada.

Ces études nous permettent d'intervenir dès la conception des ouvrages pour en minimiser l'impact sur l'environnement. Les digues de LG 4, les évacuateurs de crues de LG 4 et d'Eastmain et la fermeture des réservoirs de Caniapiscau et de d'Opinaca ont notamment fait l'objet de modifications en ce sens au cours de 1976.

Nous avons prévu, de plus, des travaux correcteurs reliés à la mise en eau des réservoirs, tels le déboisement et la récupération des débris. Nous suivrons à long terme les effets de ces réservoirs grâce à un réseau de surveillance écologique que nous mettons sur pied avec l'aide d'experts de réputation internationale.

Nous surveillons très étroitement l'impact de nos chantiers de construction sur l'environnement. Les campements, les bancs d'emprunt, les routes temporaires, les abords des routes permanentes, les aéroports, les digues et les barrages constituent autant d'emplacements qui nécessitent une forme de réaménagement.

Les déboisements sont sérieusement contrôlés. Les eaux usées des campements reçoivent un traitement secondaire. Un système régional de disposition des déchets fonctionne. Les parcs à carburant sont protégés et les huiles usées font l'objet de consignes sévères.

En collaboration avec les services de protection de l'environnement du Québec, nous nous assurons que toutes les lois et tous les règlements relatifs à l'environnement soient observés. Nous allons même souvent au-delà du strict respect des normes. La protection de l'environnement fait d'ailleurs l'objet de clauses dans nos contrats.

Lors de la signature de la convention de la Baie James et du nord québécois, nous avons mis sur pied avec le Grand Conseil des Cris une société mixte du nom de SOTRAC. Elle a pour mandat d'exécuter les travaux de correction et d'amélioration résultant de la construction et de l'exploitation du complexe La Grande.

D'ici 1986, nous aurons engagé plus de $30 millions dans les activités de cette société. Pour l'année en cours, SOTRAC a adopté une demi-douzaine de programmes pour aider les autochto- nes dans les domaines de la chasse, du piégeage et de la pêche.

SOTRAC se penche également sur l'aménagement de l'aval des rivières Eastmain et Opinaca pour en déterminer l'importance sur le mode de vie de la population d'Eastmain.

Ces activités, études et mesures correctives reliées à la protection de l'environnement, nous amèneront à investir plus de $500 millions dans le cadre de la réalisation du complexe La Grande.

L'an dernier, nous avions souligné que le climat de travail dans les chantiers était à son meilleur depuis longtemps. Le nouveau décret de la construction, le parachèvement et le rodage du campement de LG 2, ainsi que l'aménagement des nouveaux campements qui tiennent compte des expériences antérieures, contribuent à maintenir un bon moral et une attitude productive chez les travailleurs de la Baie James.

Le bilan de la sécurité industrielle peut, à ce titre, refléter le climat ambiant. En outre, la sécurité des travailleurs constitue pour nous, à la société d'énergie, une priorité qui justifie l'adoption de tout un ensemble de mesures efficaces. De 1973 à 1976, la fréquence des accidents par million d'heures de travail a diminué de 47 à 23,1. En 1976, la fréquence des accidents du travail au chantier olympique s'élevait à 67,4 à 60,4 dans l'industrie ontarienne de la construction et à 37,2 au chantier du projet Syncrude en Alberta.

Notre bilan de sécurité au travail se compare également à ceux des chantiers hydroélectriques de Churchill Falls et de Manicouagan-Outardes, où les fréquences d'accidents étaient respectivement de 28 et de 22,1.

Il nous apparaît, si on regarde le très grand nombre de candidatures reçues, qu'il n'y a pas de problèmes de recrutement et que ce que nous offrons au chantier soit satisfaisant pour attirer de nombreux travailleurs.

En 1976, les employeurs de la Baie James ont comblé 10 900 postes au sein de 170 métiers. Les résidants de la Baie James et ceux des comtés limitrophes ont la priorité d'embauchage sur ceux qui demeurent ailleurs au Québec.

Tous les visiteurs aux chantiers, dont plusieurs membres de l'Assemblée nationale, sont vivement impressionnés par l'envergure des infrastructures et des équipements que l'on ne retrouve pas dans des villes de même grandeur. Il est indéniable que les conditions de vie au complexe sont parmi les meilleures au monde, si on les compare à celles qui prévalent dans les autres projets de cette nature. Mais quoi que l'on fasse, le complexe La Grande demeurera toujours un chantier éloigné, avec ses problèmes spécifiques.

Nos politiques régissant l'organisation des campements sont inspirées de plusieurs facteurs. Les expériences antérieures, la nature saisonnière des travaux, la durée des contrats, la rotation des corps de métiers sur place et les distances entre les chantiers ont amené l'établissement des campements tels que nous les connaissons.

À la suite de la promulgation du décret de la construction, un comité paritaire et conjoint a été

formé pour étudier les règlements et les conditions de vie dans les chantiers éloignés.

Nous suivons de très près l'évolution des travaux de ce comité et nous offrirons toute notre collaboration, dans la mesure de notre expérience.

Toutefois, il ne faut pas oublier que les coûts d'aménagement et d'exploitation des campements et des villages accaparent plus de $2,5 milliards du budget global du complexe La Grande.

Dans le domaine des approvisionnements, notre politique est d'encourager, à l'intérieur de certaines normes, la fabrication au Québec.

En 1976, nous avons adjugé des contrats d'une valeur de $433 millions. Les 14 principaux contrats, totalisant à eux seuls $356 millions, ont été adjugés à des entreprises québécoises dont certaines en coparticipation avec des entreprises d'ailleurs.

Cependant, notons que la plupart des contrats adjugés par la société d'énergie représentent des sommes inférieures à $5 millions.

Ils sont à la portée de la moyenne et parfois de la petite entreprise que nous encourageons fortement à participer aux travaux de la Baie James.

Au 30 juin 1977, l'investissement et la somme des engagements pour la Baie James s'élevaient à $5 735 000 000, soit 35,5% des coûts totaux du complexe La Grande. Cette année, notre programme comporte un budget de $1 219 000 000 pour la poursuite normale des opérations. À cela s'ajoute une somme de $197 millions prévue par l'Hydro-Québec au chapitre des lignes de transport.

Comme nous l'avons souligné au début de la présentation, nos efforts pour promouvoir une participation accrue aux travaux de la Baie James ont porté fruit. Nous avons constaté un changement important dans le comportement des fournisseurs et des entreprises face aux appels d'offres de la Société d'énergie, soit une augmentation du nombre des soumissions et une baisse marquée dans les prix. Cette nouvelle conjoncture a facilité l'adjudication des contrats importants sur la base des prix unitaires, contrairement à la tendance en 1975, où il était plus avantageux d'utiliser d'autres formules.

Le climat de travail, les conditions techniques, les prix, les taux d'intérêt et d'inflation permettent de confirmer nos prévisions budgétaires ainsi que nos échéanciers.

L'estimation du coût final à $16,1 milliards pour le complexe La Grande, présentée l'année dernière, ici-même, constitue donc toujours une prévision valable.

À l'intérieur du mandat général qui lui a été confié, la Société d'énergie de la Baie James continue sa démarche pour optimiser les ressources hydrauliques du territoire.

Outre les ouvrages déjà définis pour le complexe La Grande, quelques centrales complémentaires sont actuellement à l'étude. Un potentiel évalué à près de 2000 mégawatts pourrait être aménagé sur la rivière Eastmain et sur la rivière Laforge, par laquelle se déverseront les eaux du réservoir Caniapiscau.

Au sud de La Grande Rivière, les rivières Nottaway, Broadback et Rupert offrent un potentiel qui pourrait s'élever à plus de 5000 mégawatts. Elles sont actuellement sillonnées par nos services d'exploration et d'environnement. Ceux-ci se penchent sur l'hydrologie des bassins, la nature particulière des sols et les impacts écologiques pour compléter les études entreprises à la fin des années cinquante. En 1978, nous pourrons établir les possibilités de réalisation du complexe NBR par rapport aux autres sources d'énergie disponibles. Restera à l'Hydro-Québec d'intégrer ces données à celles qu'elle possède déjà pour l'élaboration de ses programmes d'équipement.

Dans le cadre de la conjoncture énergétique, nous avons intérêt à optimiser l'utilisation de nos ressources naturelles puisqu'elles sont renouvelables. Le Québec a avantage également à s'assurer une autonomie énergétique et à profiter d'une expérience de longue date. C'est dans cette optique que nous regardons au-delà du complexe La Grande.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Joron: M. le Président, seulement quelques remarques préliminaires que m'inspire le discours que vient de faire M. Boyd, quitte à revenir un peu plus tard avec des questions.

Je veux simplement souligner que, globalement, je pense qu'on a à se réjouir de plusieurs points. Les choses semblent, dans l'ensemble, aller assez bien. L'échéancier, nous dites-vous, est respecté; on est donc assuré que les travaux se réalisent à un rythme qui optimise, au point de vue financier, et en conséquence de cela, les prévisions de coûts, fort heureusement, restent les mêmes. Alors, qu'on puisse à la fois conserver notre échéancier et nos prévisions de coûts, je pense que tout le monde va s'en réjouir.

Il faut aussi souligner qu'à la suite de préoccupations de la part de la Société d'énergie de la Baie James et aussi, il faut le dire, d'interventions articulées de mon collègue, le ministre responsable de l'environnement, je suis heureux de constater que des mesures supplémentaires ont été prises cette année et que le souci de protection de l'environnement soit plus grand encore cette année. Même s'il reste encore des améliorations à apporter, il est plus grand cette année qu'il ne l'a jamais été dans le passé. Cela ne semble pas aller trop mal de ce côté-là.

Il reste un point qui, je pense, va intéresser d'autres membres de la commission. C'est celui de l'aspect humain de ce chantier, des conditions de vie là-bas. J'ai fait deux voyages à la Baie James dont les aspects principaux ont plus été, si je puis dire, des questions de verges cubes, de mégawatts ou de dollars. Mon souci, maintenant, s'en va davantage du côté des conditions de vie. À cet égard — on va en parler tout à l'heure, je ne veux pas devancer nos discussions — je déplore le fait que le comité paritaire, qui devait être mis sur pied afin d'étudier toute cette question relative aux conditions de vie sur les chantiers éloignés, ne

soit pas encore en marche par suite, apparemment, d'un différend entre employeur et employés quant à la taille que devrait prendre ce comité, et ainsi de suite. Je ne peux que souhaiter que le différend se règle et j'encourage les parties à tenter de le régler, à mettre toute la meilleure volonté pour le régler. Les recommandations qui pourraient découler de ce comité ne font pas que m'in-téresser, mais intéressent aussi mon collègue, le ministre du Travail.

Je reviendrai tout à l'heure sur cette question, peut-être par des questions spécifiques. Je pense que vous aussi aurez des informations à donner. Je veux tout simplement dire que c'est mon intention de faire de cet aspect de la Baie James mon souci le plus immédiat pour les mois qui viennent. C'est également mon intention de me rendre à nouveau sur place, cet automne, probablement — ce n'est pas une annonce que je fais parce que tous ces détails ne sont pas réglés, mais c'est un souhait — en compagnie de mon collègue, le ministre du Travail. Peut-être que mon collègue, le ministre des Affaires sociales, sera également intéressé à venir pour se pencher, non pas sur les barrages, les centrales ou les turbines, mais sur les conditions de vie, sur les aspects humains de ce qui se passe là-bas. Pour l'instant, c'est tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, je n'ai pas de remarques préliminaires à faire. Je veux simplement souligner ou me raccrocher aux derniers propos du ministre. Nous avons lu récemment dans les journaux, et entendu hier encore à la télévision, que le président de la FTQ faisait des déclarations fracassantes concernant les conditions de travail à la Baie James. Dans les journaux on a lu des commentaires qui ressemblaient à ceux du Moyen Age. On disait que les ouvriers là-bas étaient traités comme des esclaves. Hier, à la télévision, le président de la FTQ soulignait que l'Hydro-Québec, ou la Société d'énergie de la Baie James, ne respectait aucune loi, qu'elle était maître après Dieu ou avant Dieu — je ne voudrais pas mal interpréter les propos de M. Laberge — Je voudrais savoir, des autorités de la Société d'énergie de la Baie James, quelle est la partie vraie et la partie fausse de ces déclarations assez fracassantes qui font la manchette des journaux et des médias d'information. Malheureusement les documents viennent de nous être livrés. Je sais qu'il y a un document sur la sécurité au travail, je n'ai pas eu le temps de le lire, on vient de nous le donner. Quels seraient les commentaires que vous pourriez maintenant faire à la commission sur ces propos, ces informations qu'on lit dans les journaux, qu'on voit à la télévision et qu'on entend à la radio?

M. Boyd: Je suis très heureux d'avoir l'occasion de faire la lumière sur ces deux sujets. M. Garneau parlait de la proportion de vrai et de faux.

Il y a beaucoup plus de faux que de vrai dans ce que vous avez pu entendre ou lire, ces derniers jours.

Avant que je demande à M. Bernier, qui est responsable de ce dossier, de vous en parler, je voudrais d'abord nous situer dans le contexte général. Nous sommes constamment en période de maraudage à la Baie James. Vous avez vu la visite des dirigeants de la CSN, qui y sont allés, il y a quelques semaines. Vous avez lu, peut-être, la revue ou le bulletin de communications qui s'appelle le Bâtisseur, je crois, qui débâtissait tout. La semaine suivante ou quelques jours après, c'est le groupe de la FTQ qui y est allé pour ne pas être en reste.

Il y a aussi le contexte général dont il faut se rappeler: l'année prochaine, c'est le grand maraudage avant le décret qui se prépare. Mais, chose plus sérieuse encore chez nous, il y a tellement de conventions collectives, que c'est presque un maraudage continuel. Tout le monde sait ce que veut dire maraudage. Il ne faut pas qu'une partie soit en reste vis-à-vis de l'autre. Cela entraîne, évidemment, une surenchère de déclarations, mais pour le moment je voudrais m'arrêter ici. Oh pardon! il y a une autre chose, M. le Président, que je voudrais clarifier. M. Joron, tout à l'heure, a mentionné son intérêt dans le Comité paritaire qui découle du décret de la construction qui a été formé et qui doit se mettre en marche — mon texte dit que nous portons intérêt à ce comité et que nous sommes disposés à collaborer dans toute la mesure du possible — s'il n'est pas déjà en marche, nous n'y sommes pour rien, parce que nous ne sommes pas partie de ce comité.

C'est l'Association des employeurs en construction, d'une part, avec ses représentants et, d'autre part, la FTQ construction. Donc, cela ferait notre affaire si ces gens commençaient le plus tôt possible à se mettre au travail et peut-être qu'en s'y mettant sérieusement, en voyant les implications de folichonneries qui sont lancées dans toutes les directions, si des gens sérieux s'assoient autour d'une table pour étudier et faire des recommandations, on verra pas mal plus clair.

M. le Président, j'aimerais inviter M. Bernier... Il y a deux sujets qu'on voudrait couvrir, celui de la sécurité industrielle et celui des conditions de vie. Je ne sais pas si on devrait commencer avec la sécurité industrielle, parce qu'à mon avis, c'est beaucoup plus important encore, quoique les conditions de vie soient importantes, mais la sécurité industrielle, c'est peut-être plus important. Mais, on couvrira les deux. M. Bernier.

M. Bernier (Jean): M. le Président, pour appuyer un peu avec quelques chiffres l'exposé général que vient de faire M. Boyd, qui constitue la toile de fond des relations du travail à la Baie James et aussi dans l'industrie de la construction en général, il faut se rappeler qu'à la Baie James, 73% de tous nos effectifs, et je me suis arrêté pour les fins de mon petit exposé, au 1er septembre, donc, 73% de nos effectifs, ce qui fait 9600 personnes, sont représentées par des syndicats. Là-dessus, la

FTQ, donc sur ces 9600, représente 65% des travailleurs; la CSN, 21%; les Métallurgistes unis d'Amérique, 10% et la CSD, 2,2%.

Donc, dans un premier temps, comme le disait M. Boyd, au mois de novembre, l'an prochain, il y aura une période électorale, une période d'allégeance. Il est entendu que, suite aux déclarations de M. Chartrand, on savait, en autorisant le Conseil provincial des métiers de la construction à se rendre à la Baie James, que nous en entendrions parler.

D'autre part, il y a non seulement ce problème dans la construction que nous regardons avec grande sérénité. Il y a aussi toute la question des conventions collectives qui existent chez nous. Historiquement, nous avions tenté de faire la démonstration de l'utilité d'une convention de chantier, de telle sorte que l'ensemble de nos travaux qui sont reliés les uns aux autres soit assujetti à une seule forme. Nous n'étions pas tellement difficiles sur la forme dans la mesure où tous les gens pouvaient être assujettis à un ensemble de conditions générales uniformes.

Nous n'avons pas réussi en ce sens et actuellement, quand on exclut les gens du décret de la construction, on retrouve chez nous 27 conventions collectives différentes dont dix nous visent très directement. Quand je dis "directement", je vais vous donner quelques exemples.

Je pense, par exemple, aux employés des cuisines. Ce sont des gens qui sont régis par une convention collective particulière. Je pense aux employés de la Société d'énergie de la Baie James, les salariés de l'énergie, aux gardiens, aux policiers, aux employés de la Société de développement, aux employés de bureau de l'Hydro-Québec à LG 3. En plus de cela, il y a seize autres conventions collectives qui sont applicables chez nous, par exemple, la convention collective des professeurs, la convention collective du personnel hospitalier, etc.

Comme le soulignait M. Boyd, vous pouvez voir dans cette toile que je dessine avec quelques petits chiffres de quelle façon cela devient important du côté de la partie syndicale d'assurer une représentation ou de l'argumentation relativement équilibrée.

Pour revenir à la question du député de Jean-Talon, si on essaie de ramasser les idées principales qui ont été soulevées tant par le communiqué du Conseil provincial des métiers de la construction, hier en conférence de presse, à Montréal, et par les entrevues qui ont été données, on a d'abord parlé de la question de l'emploi. Je ne voudrais pas prendre le reste de la soirée pour vous expliquer comment l'emploi fonctionne à la Baie James. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler. Nous avons même publié de la documentation sur ce sujet.

Il faut, encore une fois, situer la question de l'emploi à la Baie James derrière une autre question qui est bien importante. C'est la question des bureaux de placement syndicaux. Quelle que soit la façon dont peuvent être aménagés le recrutement et l'embauchage à la Baie James ou partout ailleurs au Québec, dans la mesure où ces politiques excluent ou dans la mesure où nous pouvons nous permettre de passer à côté des centres d'embauchage syndicaux, c'est clair que nos politiques ne sont pas bonnes. C'est clair que nos politiques sont des politiques abusives. Elles sont des politiques qui permettent d'engager des gens non qualifiés et tout ce que vous pouvez entendre, selon le syndicat évidemment.

Nous avons chez nous une politique qui combine deux éléments. Le premier élément, c'est une politique de liberté vis-à-vis de l'entrepreneur, c'est-à-dire que nous lui laissons la liberté d'amener à la Baie James les travailleurs qu'il connaît, qui ont déjà travaillé pour lui, qu'il a expérimentés et avec lesquels il est satisfait.

D'autre part, nous intervenons par nos contrats en établissant des priorités d'embauchage, des priorités régionales. Nous ne l'avons pas fait en imposant des punitions ou des pénalités, mais nous l'avons fait de façon persuasive, tout doucement et aujourd'hui, je suis satisfait de dire que nos priorités régionales sont très bien respectées. Par exemple, la région du Nord-Ouest du Québec représente 2,3% de la population du Québec. Or, à la Baie James les gens du Nord-Ouest sont représentés par 14% des effectifs. Je pourrais dire la même chose du Saguenay-Lac-Saint-Jean, la même chose du Bas-Saint-Laurent où actuellement, il y a un chômage considérable.

Par des politiques de recrutement interne, nous nous assurons, avant même que l'employé soit acheminé et nous le faisons en collaboration avec les entrepreneurs, de la qualification des employés, de leur appartenance à un syndicat et de leur détention de la carte de l'OCQ.

Ces gens doivent passer des examens médicaux. Nous le faisons de façon systématique et opérationnelle dans tous les cas. Ce qui est le vrai problème, c'est la question du bureau de placement syndical, et je peux dire que, dans l'ensemble, et à ma connaissance personnelle, et je commence à en connaître un peu, les bureaux de placement syndicaux ne sont pas utilisés à la Baie James.

Un deuxième point qui a été soulevé; il s'agit de la question des Portugais. Belle affaire, la question des Portugais! Il s'agit, en fait, de 42 personnes qui sont entrées chez nous munies de toute la documentation et des papiers que nous vérifions, carte d'assurance sociale, carte de l'office, permis de travail quand requis, qualifications quand requis. Ces gens-là sont venus chez nous. À un moment donné, on s'est aperçu que certains documents étaient inexacts, certains documents avaient été obtenus sous de fausses représentations et certains documents étaient faux. Alors, nous avons pris les mesures pour que, de façon normale, ces gens retournent d'où ils étaient venus.

Mais vous vous imaginez, seulement en 1977, à la fin d'août, il y a 90 000 personnes qui sont entrées à la Baie James. Il faut comprendre qu'il y a des gens qui viennent, des visiteurs qui entrent et qui sortent, il y a des travailleurs qui prennent

leur congé tous les deux mois, les effectifs s'accroissent en cours d'année. Alors, à travers toute la Baie James, il y a eu un mouvement de 90 000 personnes. Cela a été de 60 000 en 1976 et 53 000 en 1975. En 1975, il y a six Portugais qui sont entrés chez nous. En 1976, il y en a trente, et en 1977, il y en a six. Alors, vous vous imaginez ce petit nombre de personnes déjà munies des papiers qui valident leur présence, ces gens-là sont passés chez nous de façon tout à fait normale à travers la masse des gens et cela nous a pris quelque temps pour nous en apercevoir. C'est cela le problème des Portugais, et il n'y a pas matière à s'énerver trop trop avec celui-là.

On a dit: II y a des gens, à la bais James, qui n'ont pas leur carte de l'office. La carte de l'office c'est une carte que l'on obtient quand on va au bureau de l'Office de la construction et qu'on paie son option pour le syndicat ou pour l'union dont on veut la représentation. Encore là, je peux vous dire que, comme les cartes de qualification, comme le numéro d'assurance sociale, comme le certificat médical, la carte de l'office est obligatoire pour entrer à la Baie James. C'est obligatoire. La personne qui ne l'a pas n'entre pas. Il est arrivé que des gens se soient présentés chez nous sans leur carte de l'office. Alors, nous avons prévu, avec l'Office de la construction, le gérant à LG 2, une procédure particulière pour permettre que ces gens-là soient dirigés au bureau en question à LG 2 et obtiennent leur carte. Vous savez, vous êtes pris devant le problème suivant: L'individu arrive, il n'a pas sa carte. C'est arrivé dans quelques cas. On n'est pas pour le retourner à Montréal et dépenser $90 de billet d'avion inutilement. Alors, on les a fait choisir sur place.

On a parlé aussi d'un problème qui est très sérieux. On affirme que l'Office de la construction n'a pas accès aux chantiers, de telle sorte qu'il ne peut pas faire son travail et que, comme l'office est responsable de la sécurité, un tas de conclusions en découlent. Je peux vous dire ceci: II y a, à LG 2, dix représentants permanents de l'OCQ et ces dix permanents, c'est un nombre qui a été déterminé par l'office lui-même. Ces gens-là sont logés, tous ensemble, dans un même dortoir. Donc, nous avons voulu assurer leur indépendance vis-à-vis des entrepreneurs ou vis-à-vis des travailleurs. Nous avons, de plus, dans chaque chantier de LG 2, à la Caniapiscau, des chambres réservées de façon permanente, sept jours par semaine, pour les gens de l'office qui décideraient, à un moment donné, sous la direction de M. le gérant Chevalier à LG 2, de se rendre visiter, de façon impromptue, parce que la règle, dans ce genre d'opération, c'est sûr, c'est de ne pas donner d'avis, c'est d'arriver rapidement sur un chantier et de saisir une situation.

Donc, la Société d'énergie paie de sa poche, de son argent pour maintenir ces chambres-là et elles peuvent être occupées en tout temps, 24 heures par jour. Le gérant de l'office a en sa possession des laissez-passer qui sont préalablement signés par le chef de chantier qui est ici cet après-midi M. Hamel, et M. Chevalier a l'autorité et le pouvoir en tout temps de contresigner ces laissez-passer sans demander la permission à personne et de diriger un de ses inspecteurs ou plusieurs de ses inspecteurs dans le chantier qu'il choisit.

M. Chevalier — le gérant de l'office — a de plus des billets d'avion, des laissez-passer, pour monter à bord des Convair qui font la navette entre LG 2 et Caniapiscau. Il a l'autorité et les moyens d'envoyer ou de diriger quelqu'un sur le chantier de son choix. Quant à l'Office de la construction, je ne peux pas voir exactement ce que nous pourrions faire de plus pour que ces gens soient libres d'aller là où ils vont.

Il faut bien que vous compreniez une chose: l'Office de la construction, comme la Commission des accidents du travail, est notre allié à nous, la Société d'énergie de la Baie James. Vous connaissez les efforts qu'on fait en sécurité. L'office est chargé de l'application de la sécurité et nous avons tout intérêt à collaborer avec lui, tout comme avec la Commission des accidents du travail.

Il y a un autre sujet bien intéressant, dont on a parlé. On clame bien fort que la société d'énergie subventionne une association qui s'appelle l'Association des employeurs de la Baie James, que cela est fait avec les deniers publics, que c'est illégal et qu'on ne respecte pas les lois et les règlements. D'abord, il faut savoir qu'autant, je pense, on reconnaît l'association des salariés, autant on va reconnaître l'association des employeurs. Ce ne sont pas seulement les employeurs qui sont dans l'AEBJ, mais ce sont aussi les propriétaires. Je vais vous les nommer: II s'agit de la SEBJ, de l'Hydro-Québec, de la Société de développement et de la municipalité de la Baie James. Avec les entrepreneurs, on forme une association.

Pourquoi on a formé ça? C'est simple. On a voulu se coordonner quelque part, sur le plan des relations de travail et sur le plan de l'acheminement du personnel. Ce sont les objectifs de l'AEBJ. C'est d'ailleurs elle qui s'assure que les vérifications dont j'ai parlé tantôt se réalisent.

L'AEBJ a, dans les chantiers de la Baie James, vingt personnes. Ces personnes voient leurs salaires remboursés par des procédures comptables, par la SEBJ. Cela va nous coûter, en 1977, pour ces gens de l'AEBJ, la somme de $520 000 en salaires et avantages sociaux. Le logement de ces vingt personnes de l'AEBJ va se chiffrer par $192 000 que nous allons payer ou absorber, soit une somme totale de $712 000. Effectivement, nous subventionnons, en 1977, jusqu'à concurrence de $712 000.

Maintenant, on fait aussi des choses pour les syndicats, et de grandes choses. Je vais vous expliquer comment. Dans le décret de la construction, il y a eu des amendements récents, il y a un an et demi. Il est prévu que, sur un chantier, pour chacun des métiers chez un entrepreneur, les salariés de la construction ont le droit d'élire un représentant syndical qu'on appelle un délégué de chantier. Pour les sept premiers membres de

l'union chez un entrepreneur, ça peut être les opérateurs, les journaliers, les plombiers, les électriciens, donc pour les sept premiers membres, un délégué. Pour chaque tranche de 50 membres subséquents, un autre délégué, et ainsi de suite. Nous avons fait, à la société d'énergie, une étude, récemment, au mois de juin, et nous avons calculé, en tenant compte des effectifs et des divers métiers, qu'il pouvait se trouver à la Baie James 140 délégués de chantier. Des gens élus, pas des gens nommés. Il faut que ça vienne de la base. Ces 140 personnes ont le droit, d'après le décret, à trois heures par jour, sans perte de salaire ni d'avantages, pour vaquer aux affaires syndicales. Donc, 140 délégués, à trois heures par jour, à $10 l'heure — voyez-vous, un journalier gagne $7.67, un électricien gagne $10.78 sans compter les avantages sociaux, alors j'ai retenu $10 l'heure— multiplié par six jours par semaine et par 45 semaines de travail... Il ne faut pas oublier que le délégué bénéficie d'ancienneté, c'est-à-dire qu'il doit être mis à pied le dernier.

Quand je calcule mon équation, 140 délégués, par les heures, par l'argent, par les jours et par les semaines, que l'entrepreneur doit payer ou que les entrepreneurs doivent payer, on arrive à la somme de $1 134 000. Vous allez me dire que c'est l'entrepreneur qui paie cela. Vous avez bien raison. Mais cet argent est dans la soumission. Et c'est la société d'énergie qui paie le contrat. Je dis que c'est la société d'énergie qui paie ce $1 134 000.

Comprenons-nous. Je ne dis pas qu'il y a 140 délégués. En fait, l'histoire de les faire élire, cela ne marche pas bien gros dans la construction. Sur les 140 délégués dont je parle, en fait, à la fin du mois de juin, il y en avait seulement 14 qui avaient été élus. Ces gens ne sont pas tous en place. Depuis la visite de M. Laberge, on me dit que cela s'accélère beaucoup. Ces gens-là ne sont pas tous en place.

Mais ce que je veux dire, c'est que jusqu'à concurrence d'un chiffre de 140 délégués, cela coûte à la société $1 134 000. Si le syndicat ne veut pas s'en servir, c'est son problème.

Quant au logement, lorsque le délégué de chantier travaille aux affaires syndicales trois heures par jour, il se trouve, dans une semaine, occupé 30% de son temps à des affaires syndicales. Pourtant, le travailleur à la Baie James continue d'être logé et nourri gratuitement. Cela nous coûte $800 par mois pour un homme à la Baie James, actuellement.

Si je prends le 30% pour activités syndicales et que je le calcule en fonction du $800, cela me donne $240 par mois que je multiplie par 140 délégués, que je multiplie par 10,5 mois de travail et cela vient de me donner un autre montant de $350 000.

Je peux dire devant la commission ici, qu'il y a, pour un nombre de 140 délégués, une implication pécuniaire de subvention directe SEBJ, de $1,5 million, alors qu'à l'AEBJ — et j'en ai fait la démonstration — les vingt personnes qui y travaillent nous coûtent $712 000.

On a parlé aussi beaucoup du nombre limité de représentants syndicaux à la Baie James. Ici, il faut bien s'entendre quand on parle de représentants syndicaux. On oublie complètement les délégués de chantier. Dans l'esprit des dirigeants des diverses unions du conseil provincial, les délégués de chantier, cela ne compte pas. Là, on veut parler des agents d'affaires.

Je réponds que c'est vrai que nous avons établi une politique, non pas pour restreindre, mais pour normaliser l'accès de ces gens-là à la Baie James. Voici dans quel contexte cela s'est fait.

Lorsque nous avons commencé nos travaux, en 1973, nous avions une politique de très grande ouverture et nous avons vu, le 21 mars 1974, ce qu'avait entraîné notre grande politique d'ouverture. Il y a eu des procédures intentées à la suite de ces événements. Pour autant que je sache, il n'y a personne qui nous court après pour venir nous payer nos dommages.

En décembre 1974, nous avons repris un peu des relations normalisées avec les unions et nous avons établi une politique suivant laquelle, dans un cadre donné, à savoir trois représentants à la fois et, plus tard, cela a été cinq représentants à la fois, et aujourd'hui, cela peut être sept représentants à la fois, à la Baie James, nous avons convenu des modalités d'accès de ces gens-là.

Il faut comprendre que le Conseil provincial des métiers de la construction a 300 permanents, 300 agents d'affaires. La CSN, elle, a 50 permanents. Vous pouvez comprendre, avec un chantier comme nous avons, avec l'éloignement, la question de logement, la question de nourriture, les problèmes de circulation, qu'on ne peut pas laisser aller 300 personnes à leur gré, le lundi, le mardi, le mercredi et n'importe quand dans la semaine. Il faut organiser cela.

Je dis — j'en ai une connaissance personnelle — que nous n'avons jamais refusé l'accès à des représentants syndicaux.

Nous les avons astreints à des normes qui s'appliquent à tout le monde qui veut aller à la Baie James, à savoir donner un préavis de 48 heures. Nous avons limité leur temps de présence à la Baie James parce que nous avons pensé — et depuis 1975, cela n'a jamais été vraiment contesté — qu'une semaine de travail continu à la Baie James, c'était suffisant et que l'agent d'affaires pouvait sortir pour donner sa place à l'autre. Remarquez bien, il ne s'agit pas des délégués de chantiers, il s'agit d'un conseiller qui va conseiller des délégués de chantiers. Alors, c'est un peu l'image de ces gens. Si cela vous intéresse, je pourrais vous donner toutes sortes de statistiques sur le nombre de demandes qui nous ont été faites, le nombre de représentants qui y sont allés, la durée de leur séjour, etc. Mais, comme le temps nous presse, je vais passer au problème de la sécurité qui est en fait l'autre thème important.

Vous avez reçu, dans les cartables, un document à couverture bleue concernant la sécurité. Ceux qui nous ont accompagnés à la Baie James lundi ont pu prendre connaissance, de façon un peu plus précise, de cette question. Mais j'aimerais, avant de continuer, faire assurer la distribu-

tion d'un tableau récapitulatif et comparatif de l'ensemble des données que vous retrouvez dans ce manuel.

Je vous inviterais à prendre connaissance, avec moi, de ce document. Nous avons tenté dans ce document, puisqu'il s'agit évidemment de sécurité et il fallait quand même essayer de se trouver des repères... Nous avons d'abord, dans un premier temps, du côté gauche du tableau, inscrit divers chantiers que vous connaissez bien: le chantier de Manic-Outardes, le chantier Olympique; nous avons aussi pu obtenir des statistiques de la construction en Ontario; le chantier de Syncrude, le chantier de Churchill Falls, la construction au Québec et le complexe La Grande.

Vous voyez, dans la deuxième colonne, le nombre d'heures travaillées à partir desquelles nous avons bâti ce qui apparaît dans la troisième colonne, c'est-à-dire, le taux de fréquence. Le taux de fréquence, c'est le nombre d'accidents enregistrés dans une période donnée, accidents avec perte de temps, divisé par le nombre d'heures de la période, multiplié par un million; alors cela donne un taux de fréquence et cela nous permet de comparer les uns avec les autres, les sept chantiers ou les sept industries qui apparaissent sur le document. Quand on regarde à travers cela le complexe La Grande, on s'aperçoit que notre taux de fréquence au complexe La Grande est tout de même de 23.12. C'est le deuxième meilleur taux de fréquence enregistré sur ce tableau et je vous prie de noter que nous sommes convaincus de pouvoir baisser ce taux, qui est maintenant de 23, certainement à 17, 18 ou 19 puisqu'il est reconnu, dans ce domaine de la sécurité, et vérifié à chaque circonstance, que les taux de fréquence sont plus élevés lorsque les chantiers démarrent et qu'ils ont tendance à se stabiliser au bout de deux ans. Or, actuellement LG 2 est commencé depuis quatre ans, on a commencé Caniapiscau l'an passé, LG 3 l'an passé et nous sommes certains qu'une fois que nos systèmes vont être bien rodés, que notre organisation va être complétée, nous allons voir effectivement baisser le taux de fréquence en bas de 20. Si cela était, messieurs, et je suis certain que cela va arriver, nous aurions, des industries mentionnées, le plus bas taux.

Alors, quand on dit que la Baie James est 20 ans en arrière et 100 fois pire que la Manicouagan, vous savez, je n'en ai que faire.

Au niveau des taux de gravité aussi, nous avons fait la comparaison, là où nous pouvions obtenir les chiffres. Vous voyez sous "taux de gravité" la norme Z-16, c'est une norme nord-américaine, qui s'applique tant aux États-Unis qu'au Canada, et cette norme a pour objet d'établir, de façon théorique, des points pour un type de blessure.

Par exemple quelque'un se blesse le doigt, il a 300 points. Quelqu'un se blesse une jambe, on attribue 500 points.

M. Garneau: On les perd, on ne les gagne pas.

M. Bernier: Cela dépend du point de vue où vous vous placez. À la fin d'une période donnée, on additionne le nombre de points, on divise par le nombre d'heures de la période de référence et on multiplie par un million. De telle sorte qu'en faisant ce genre de calcul, on peut arriver encore là avec des facteurs qui se comparent d'une industrie à l'autre. J'attire cette fois-ci votre attention sur nos modalités de calcul. Au complexe La Grande, pour rétablir le taux de gravité, nous n'avons pas utilisé 50 millions d'heures. Cela aurait été trop facile de nous dire: Ah oui! Vous avez compté les gens de bureaux, les gardiens dans les guérites et les gens de diverses activités comme les loisirs qui, eux, n'ont pas d'exposition au danger. Ce que nous avons fait, c'est de prendre 13 millions d'heures, mais des heures faites chez les six entrepreneurs en construction les plus importants. Je parle de Janin, de Loram, Imprégilo, de Hydro-Québec Construction, LG 3. À partir de cela, nous arrivons à un taux de gravité de 2147.

Enfin, un tableau qui est peu intéressant à commenter, ou la partie du tableau qui est peu intéressante, ce sont les accidents mortels. Le chantier de Manic-Outardes en a connu 38. Mais vous voyez, quand on fait le ratio avec le nombre d'heures, on arrive à un taux qui est très bas. Sur le chantier olympique, c'est 9 accidents — parce qu'il faut souligner que ce n'est pas 17 ou 18, on n'était pas sûr à un certain moment si c'était 17 ou 18 — c'est 9 accidents qui sont survenus. À la Baie James, il y a eu 8 accidents de construction. Il y a eu 8 accidents de construction qui représentent un taux inférieur aux accidents que nous avons connus sur la route. Depuis le début du projet, nous avons connu onze accidents de route. Nous avons eu trois noyades qui sont survenues durant des activités de loisir. Nous avons eu quatre personnes qui sont décédées dans un incendie à Matagami en 1974, durant la fin de semaine, alors que les gens étaient en congé. Il y a eu sept accidents d'hélicoptère. Je pense que ces chiffres vous donnent une idée précise, une idée exacte de ce qu'est la situation ou l'état de la sécurité à la Baie James.

Je pourrais sans doute ajouter, pour ceux qui aiment un peu plus de détails, qu'en 1976, et nous en avons fait l'inventaire précis, nous avons eu 316 accidents — et là on va parler en termes précis— 316 accidents comportant des pertes de temps. Il y a 120 de ces accidents-là qui ont comporté des pertes de temps de moins de 5 jours, sans hospitalisation. Il y a eu une centaine d'accidents qui ont comporté des pertes de temps de 5 à 30 jours — 30 à 60 jours de perte de temps représentent 60 accidents — et 36 accidents ont entraîné une perte de temps de plus de 60 jours. Il n'y a pas eu, en 1976, d'accident mortel. Et de tous les accidents qui sont survenus, il n'y en a aucun qui a provoqué de la mutilation ou du démembrement permanent.

M. Boyd: M. le Président, cela a pris un peu plus de temps que nous ne l'aurions voulu, mais le sujet est assez important par rapport à tout ce qui a été dit, tout ce qui se répète. Vous allez nous excuser si on a pris autant de votre temps, mais le sujet est grave et tous ces chiffres sont basés sur

des statistiques très précises, et ce ne sont pas des affirmations gratuites comme on en fait si facilement dans d'autres milieux.

Le Président (M. Clair): J'imagine, M. Boyd, que cela a répondu d'avance à un certain nombre de questions.

M. Garneau: Je l'espère.

Le Président (M. Clair): II faudrait être optimiste, parce que j'ai déjà...

M. Garneau: J'hésite à en poser une deuxième.

Le Président (M. Clair): J'hésiterais à la permettre.

M. Garneau: Je n'ai pas d'autres questions. Je crois que, sur la question de la sécurité au travail, cela nous donne certainement l'autre côté de la médaille, un côté peut-être plus agréable à entendre. Moi-même, je ne suis pas allé à la visite de la Baie James lundi, mais d'autres collègues de cette commission qui y sont allés ont fait état de rencontres avec les travailleurs. On nous a indiqué — d'ailleurs, cela a été indiqué à la commission — que ces discussions, qui ont eu lieu entre les membres de l'Assemblée nationale et les travailleurs, au hasard, évidemment, reflétaient davantage le point de vue que vous exprimez que celui qu'on a entendu, en tout cas que moi j'ai entendu à la télévision, hier soir, et que j'ai lu dans les journaux. Sur ce sujet, M. le Président, je n'ai pas d'autres questions, mais peut-être que d'autres...

Le Président (M. Clair): M. le député de Richmond et M. le député de Mont-Royal. Je suis l'ordre qui a été fixé par celui qui m'a remplacé durant quelques minutes.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas de questions sur le même sujet.

Le Président (M. Clair): Pas sur le même sujet? M. le député de Robert Baldwin, sur le même sujet.

M. O'Gallagher: M. le Président, ma question pourrait être posée à M. Boyd. Quel sera l'effet de la législation anti-scabs sur un projet de cette envergure?

M. Boyd: Dans le moment, à l'Hydro-Québec et à la Société d'énergie, on a joint nos forces et on prépare un mémoire sur cette loi. On espère qu'il sera prêt à temps. Il est certain qu'il va être reçu. On a beaucoup de commentaires à faire. Ce n'est pas tellement le point de vue anti-scabs qui nous effraie. Ce sont toutes les choses qui semblent manquer, qui devraient être là, qui n'y sont pas. C'est un sujet tellement grave et qui a tellement de conséquences que ni moi ni M. Bernier ne voudrions entrer dans ce sujet, parce qu'on en aurait pour la nuit. Je pense qu'il est préférable que nous déposions un rapport sur ce sujet. C'est extrêmement grave.

Avant que cette loi ne soit promulguée, surtout en ce qui nous concerne, l'Hydro et la Société d'énergie — elles comptent certainement parmi les employeurs les plus importants au Québec — devraient être entendues. Il y a beaucoup de choses à dire.

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Dans le cas d'un projet semblable, je pense que les cuisiniers ou les chauffeurs d'autobus pourraient paralyser complètement un projet de $16 milliards. Il sera vraiment intéressant d'entendre la proposition du comité parlementaire sur la loi 45.

Le Président (M. Clair): M. le député de Rimouski, au sujet de la sécurité ou des relations de travail?

M. Marcoux: Oui. Évidemment, les attaques qui ont été faites, autant sur les rapports entre le syndicat et la Société d'énergie que sur la sécurité au travail, ont été assez cinglantes. Je comprends que vos réponses soient assez directes et foudroyantes. Sur l'aspect de la sécurité industrielle, les chiffres que vous indiquez donnent une excellente réponse préliminaire, quitte à avoir d'autres chiffres, d'autres points de vue. que cette commission ne nous permettra pas d'avoir d'ici la fin de ses travaux. Mais c'est surtout sur l'aspect des relations entre les dirigeants syndicaux et votre société que votre argumentation est beaucoup plus faible et beaucoup moins convaincante.

Vous tombez dans la qualité d'une société comme celle de l'Hydro. La qualité, ce sont les chiffres, mais les chiffres, à un moment donné, surtout dans les relations de travail, ne peuvent pas tout prouver. Ce n'est pas parce qu'il y a $1,5 million consacrés aux délégués de chantiers par opposition à $700 000 aux 20 représentants de l'association des entrepreneurs — j'en suis convaincu — qu'il y a des ressources suffisantes pour dire: Notre boulot est là, notre travail est fait. C'est satisfaisant.

Pour moi il y a véritablement une différence. Un délégué de chantier c'est un peu comme lorsque j'étais dans le milieu de l'enseignement, dans un cégep quelqu'un qui, dans un département, est un poteau qu'on se donnait, un des professeurs qui était dégagé de toute sa tâche et qui, en plus, surveillait l'application de la convention. Finalement, ce qui était essentiel, c'était le ou les permanents qu'on se donnait à l'intérieur même du syndicat des enseignants, le ou les permanents qu'on se donnait qui travaillaient en relation avec ce délégué de département.

Vous, vos délégués sont dégagés trois heures par jour, etc., pour voir à l'application des conventions. Première faiblesse, vous l'indiquez vous-même, il y en a 14 environ sur 140 possibles, ce qui indique déjà... Même du point de vue d'un employeur, je me poserais de sérieuses questions sur

la possibilité pour les travailleurs à ce moment, à travers leurs délégués de chantier, de voir à l'application ou à la défense de leurs droits.

En plus, les délégués de chantier, tels qu'ils sont conçus dans le décret, peuvent avoir la pleine efficacité s'ils ont des permanents auxquels ils peuvent se rattacher comme vos 20 employés de l'Association des entrepreneurs. Eux ont des correspondants, ils ont des contremaîtres, les dirigeants de chantier avec lesquels ils peuvent discuter et travailler pour voir à l'application de certaines normes ou règles.

Les délégués peuvent être efficaces et utiles s'il y a un certain nombre de permanents. Cela peut être aussi une vingtaine de permanents qui puissent travailler avec ces délégués de chantier pour les former et qu'il y ait un répondant. S'il y a un permanent qui est là ou d'autres agents d'affaires qui viennent une fois par mois ou par deux mois voir comment les conventions sont appliquées, la distance est beaucoup trop lointaine pour pouvoir assurer une défense véritable des travailleurs.

Une autre chose. Pourquoi votre défense chiffrée sur ce point est absolument inefficace pour prouver le point de vue que vous vouliez prouver, c'est-à-dire que les travailleurs ont tout ce qu'il faut en main pour défendre leurs droits et voir à l'application des conventions collectives.

L'autre point est davantage intuitif, mais en relation de travail à un moment donné il y a aussi des intuitions: la façon même dont vous défendez ce dossier. Vous disiez que vous étiez l'allié de l'OCQ. J'en suis et je suis bien d'accord que vous soyez l'allié de l'OCQ. Vous n'avez pas dit la même chose du côté syndical. Le ton même sur lequel vous réfutez, bien sûr l'attaque est virulente, mais il me laisse entendre que vous n'en êtes pas au dialogue à 100%. Si on pouvait chiffrer le degré de dialogue ou le thermomètre de dialogue, vous n'êtes pas à 100% du dialogue avec les représentants des syndicats.

Il est toujours un peu trompeur. Moi-même, j'ai pu constater que les ouvriers que j'ai rencontrés à la Baie James étaient satisfaits en général. Ils m'ont parlé de quelques problèmes. Je pourrais y revenir tantôt. Il est toujours un peu trompeur d'opposer la satisfaction des ouvriers à la satisfaction des syndicats. À un moment donné, il se trouve qu'il peut y avoir une occasion donnée...

M. Garneau: On sait cela.

M. Marcoux: ... où, sous une apparence, même sous une réalité de satisfaction d'individu ou de syndiqué, un par un, il y a des circonstances qui peuvent permettre que la marmite bouillonne. Je pense qu'à ce moment-là, quels que soient les moyens qu'on prenne, on ne peut pas empêcher une certaine explosion. Je pense que sur ce point-là — j'ai un document ici d'un représentant syndical qui donne d'autres points de vue — plusieurs aspects me semblent, en tout cas, correspondre à une certaine réalité. Je crois que, sur cet aspect des relations de travail à la Baie James, vo- tre dossier est beaucoup moins fort que sous beaucoup d'autres aspects.

Je voudrais avoir quand même vos commentaires sur la question du personnel à temps plein pour représenter les syndiqués. Qu'est-ce que vous pensez de cette question? J'aurai plusieurs autres points que je considère plus de détails par rapport à cette question qui est vraiment fondamentale au sujet des relations avec les ouvriers.

M. Boys: M. le Président, premièrement, concernant nos chiffres sur la sécurité, le député de Rimouski dit: Vous les acceptez, en quelque sorte d'une façon temporaire, ou il a une certaine hésitation à les accepter. Nous avons une lettre de la Commission des accidents du travail ici, qui nous certifie que les chiffres que nous employons sont les véritables chiffres. C'est la Commission des accidents du travail qui fournit ces chiffres. C'est elle qui a la responsabilité d'obtenir les chiffres de chacun des employeurs et de les coordonner. Nous, nous les obtenons d'elle. Ce ne sont pas nos chiffres. Je pense qu'au point de vue de la sécurité au travail, s'il y a quelqu'un à qui on doit se fier, c'est à la Commission des accidents du travail. C'est seulement une petite mise au point pour m'assurer qu'on se comprend bien.

Pour les délégués de chantier, vous avez peut-être trouvé que M. Bernier était un peu agressif dans le ton de sa réponse, mais vous savez, après avoir subi — je ne le qualifierai pas réellement — ce qu'on a reçu comme roches hier, ce matin et dans les dernières semaines, qu'on pense totalement injustifié ou en grande partie, en tout cas, injustifié, j'ai demandé à M. Bernier de se préparer à répondre à cette question-là, parce que je pense que c'est ici l'endroit où on doit vous mettre au courant de l'autre facette du problème. On n'a pas voulu être agressif en le faisant, et on n'a pas voulu par là non plus indiquer qu'on était agressif envers les ouvriers et les syndicats.

Il y a aussi une différence entre l'establishment syndical et les ouvriers. Une très grande différence. Nous le savons depuis longtemps. M. Laberge disait hier que le gouvernement devrait voir à ce qu'on respecte les lois et les normes, etc., en ce qui concerne les délégués de chantier. Il n'y en a pas un qui peut nous prouver qu'on ne les respecte pas. Les affirmations gratuites c'est très facile. Les délégués de chantier, c'est prévu dans le décret que les hommes s'en choisissent. On ne peut pas le faire pour eux. Ce sont eux qui doivent les choisir.

M. Marcoux: Vous admettrez que, pour procéder à ces élections, surtout si on considère le taux de mobilité de la main-d'oeuvre à la Baie James, il ne serait pas inutile d'avoir un certain nombre de permanents syndicaux qui verraient justement au remplacement de tous ceux qui partent. Quand vous dites qu'il y a 90 000 entrées et sorties à la Baie James cette année, le taux de mobilité des ouvriers comme tel, quelle est la durée de travail d'un ouvrier à la Baie James, la moyenne en 1976 ou à l'été 1977? Je veux dire que, lorsqu'il

y a une très grande mobilité — quel que soit le chiffre, on sait qu'il y a une très grande mobilité des ouvriers — avant de procéder à l'élection chaque fois, compte tenu de la mobilité, ça justifierait d'autant plus la présence de permanents syndicaux qui verraient à ce que ces délégués soient élus.

M. Boyd: II y en a, M. le Président, des délégués permanents et, quand on parle de 90 000 entrées et 77 000 sorties, jusqu'à maintenant, cela ne veut pas dire que c'est toujours du monde nouveau. Ce sont des gens qui, à tous les deux mois, ont le droit de sortir pour un congé et reviennent. Cela ne veut pas dire 90 000 personnes nouvelles. Le gars qui était délégué et qui sort pour huit jours, il peut revenir et être délégué de nouveau. Mais on a connaissance que les employés veulent avoir la paix sur le chantier. C'est pour ça que je vous dis qu'il y a une grande différence entre l'establishment et les syndiqués. Cela, il faut leur avoir parlé aux ouvriers et moi, je leur ai parlé pour le savoir.

Il y a des permanents. Chaque centrale syndicale a droit à un permanent en permanence; en plus de ça, ils ont droit à un accès de cinq à sept jours et en nombre voulu. On vous a donné tout à l'heure des statistiques, le nombre de demandes faites pour des permanents, le nombre de jours qu'ils sont restés, ce qu'ils ont fait comme visites, etc.: il y a eu des visites de permanents sur nos chantiers, comme il y en a probablement nulle part ailleurs.

Donc, ils ont eu toutes les facilités pour faire leur travail. Au sujet de nos relations avec les syndicats, il y a justement ici une lettre assez récente qu'on pourrait peut-être vous lire, signée par M. Bernier, le directeur des ressources humaines, adressée à chacun des présidents des syndicats qui oeuvrent à la Baie James. Est-ce qu'on peut se permettre de la lire, M. le Président?

Le Président (M. Clair): Sûrement. Ou encore, vous pourriez la résumer et en faire distribuer des photocopies.

M. Boyd: C'est une page, ce n'est pas très long. Elle est adressée à Paul-Émile Dalpé, président de la CSD. La même lettre est adressée à Michel Bourdon, Guy Dumoulin, directeur général du Conseil provincial des métiers de la construction, Ambroise Picard, président du Syndicat de la construction en provenance de Sept-Îles, Eugène Trudel, président des Métallurgistes unis d'Amérique, local 6833, Léo McBrearty, Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791 et Luc Lalonde, président de la Fraternité des policiers de la municipalité de la Baie James. "Messieurs, l'organisation des travaux d'aménagement hydroélectriques à la Baie James et la conduite des activités générales qui y sont reliées ont fait l'objet récemment de nombreuses déclarations dont nous avons pu prendre connaissance par l'entremise des media d'information.

L'ampleur des ressources humaines liées à la réalisation de ce projet, son importance sur la vie économique actuelle et future du Québec ainsi que les sommes impliquées nous invitent constamment à dévouer, à la réalisation du projet de la Baie James, nos meilleures énergies, à y accorder tout le sérieux et la pondération possible et à rechercher la collaboration la plus soutenue des autres agents de la vie économique et sociale du Québec.

Dans cette perspective, et reconnaissant les mandats et devoirs de tous les organismes intéressés, nous souhaiterions vous rencontrer le 22 septembre 1977, à nos bureaux, à Montréal, afin de revoir ensemble l'état de la situation sur les chantiers de la Baie James. Nous prévoyons que vous apprécieriez être accompagné d'un de vos proches collaborateurs et nous prenons les dispositions requises à cette fin.

Vous nous obligeriez en confirmant votre présence à cette assemblée, en communiquant avec nous".

C'est quand même une action positive. On tente de faire une approche auprès de toutes les centrales qui sont représentées là-bas pour voir comment on pourrait mieux fonctionner.

J'ai voulu que vous preniez connaissance de cette lettre, parce que vous semblez nous reprocher une attitude agressive ou négative. Elle est dans l'autre sens, je pense.

M. Marcoux: Dans votre réponse, vous essayez d'approfondir la distinction qu'il peut y avoir entre l'establishment syndical et les syndiqués. C'est sûr qu'il y a toujours, entre des représentants de groupes et les membres de ces groupes, des différences, des distinctions.

Je crois que vous faites l'erreur de baser votre politique de relations, à l'intérieur de la société avec les employés, sur l'idée que cette différence est assez grande et que, finalement, les représentants syndicaux ne parlent pas le langage de leurs syndiqués ou pour leurs syndiqués.

Vous n'avez pas répondu à ma question lorsque j'ai dit que vous auriez bien moins de problèmes s'il y avait des permanents là-bas, qui travaillaient avec les délégués de chantier. Vous ne seriez peut-être pas obligés d'envoyer cette lettre pour dire: Suite aux déclarations que vous avez faites, on veut vous convoquer pour repartir.

Quels sont les mécanismes permanents qui vous permettent d'être en contact avec les représentants, à part des délégués de chantier, qui vous permettent d'être en contact permanent avec les dirigeants qui représentent les travailleurs à la Baie James?

M. Bernier: II faut se rappeler qu'en 1974, à l'automne 1974, lorsque je suis arrivé à la société, dans ces fonctions, et cela faisait suite à des événements, j'ai eu d'assez longs entretiens avec M. Fernand Daoust, qui agissait comme tuteur ad hoc du Conseil provincial de la construction, nommé par la FTQ. J'ai aussi eu de très longues conversations avec Michel Bourdon, j'ai eu des conversations avec M. Dalpé. À ce moment, nous avons

convenu, dans l'état du dossier, alors tel qu'il existait, que chacune des centrales pourrait se nommer à la Baie James, et ces gens seraient en résidence à LG 2, un coordinateur de leurs activités. Effectivement, cette orientation s'est développée quant à la CSN et quant au conseil provincial.

Actuellement, il y a à LG 2, M. Pierre Riverin qui agit comme coordonnateur des métiers et M. Maurice Côté qui agit pour la CSN. Ces gens ont leur vis-à-vis en l'Association des employeurs, c'est-à-dire le gérant de l'association à LG 2 ou à LG 3, c'est son devoir, c'est sa tâche et le représentant syndical le connaît, or, ces gens échangent ensemble et ces gens tentent de solutionner 'les problèmes qui se produisent. Effectivement, ils en solutionnent beaucoup. Je ne sais pas si cela ne vous frappe pas un peu de voir que très généralement, les déclarations qui sont faites sont des déclarations d'ordre général. La SEBJ ne respecte pas les lois et les règlements, la SEBJ ne nous donne pas ceci, les conditions de vie devraient être de telle ou telle façon. Ce n'est pas tellement dans le quotidien des transactions ou des relations patronales-ouvrières que sont les problèmes, et ce ne sont pas des problèmes, ce sont des bénéfices et c'est principalement cela que les syndicats recherchent actuellement du côté des conditions de vie.

Alors, je dis que nos relations avec les syndicats sont ouvertes, elles sont bonnes; nous nous sommes abstenus, malgré des déclarations assez fortes de la partie CSN, de répondre quoi que ce soit, nous avons vu se développer cette situation un peu à notre insu, je vous l'avouerai, et c'est dans ce sens que nous avons écrit la lettre. Au moment où nous l'avons écrite, je ne me doutais certainement pas que du côté de la FTQ nous aurions pu avoir le genre de déclaration que nous avons entendue, du moins dans ce ton-là. Que voulez-vous, nous pensons que la partie syndicale peut donner un apport positif au complexe, à la réalisation du projet.

Nous tentons de rencontrer les syndicats aussi souvent que possible. Nous les avons déjà rencontrés et c'est sûr que ces relations entre nous vont se développer. C'est le sens de ma lettre. J'aurais de beaucoup préféré — je vous assure bien — faire mon argumentation avec M. Dumoulin et avec M. Bourdon. Maintenant, les circonstances étant ce qu'elles sont et les questions étant ce qu'elles sont, on apporte des réponses.

M. Marcoux: J'aurais cinq petites questions supplémentaires, mais vraiment très courtes. Je ne parle pas des cadres mais des statistiques pour ce qui concerne le personnel syndiqué, que ce soient des employés de cuisine ou sur la construction ou autres. Quel est le temps moyen qu'ils peuvent passer à la Baie James? C'est dans le but de connaître la mobilité.

M. Bernier: Je peux vous donner un ordre de grandeur et je vais vous expliquer pourquoi. Dans l'ensemble, les gens demeurent à la Baie James de façon continue dans un emploi pendant sept mois et ensuite ils sortent, mais on sait qu'ils reviennent. On n'a pas encore assez raffiné nos systèmes pour être capables de les contrôler dans le deuxième, le troisième ou le quatrième retour. Je voudrais apporter une précision ici. C'est que le projet a commencé en 1973, 1974, 1975, 1976. Il y avait beaucoup d'emplois disponibles dans la construction, surtout dans la région de Montréal. Compte tenu du décret, les gens qui pouvaient travailler à Montréal préféraient évidemment travailler à Montréal au même salaire. Au chantier olympique on travaillait douze heures par jour, sept jours par semaine. Tant et aussi longtemps que cette situation a duré on a senti de façon très précise que les gens venaient chez nous et, aussitôt qu'ils pouvaient avoir un travail ailleurs, ils y allaient. On peut dire que l'expérience de 1977 est d'une stabilité beaucoup plus grande. On verra, à la fin de l'exercice, comment se valide ce chiffre que je vous ai donné tantôt.

M. Marcoux: Lorsqu'il y a un congédiement, quelles sont les procédures employées? Quelles sont les procédures actuellement par rapport à la suggestion qui pourrait être faite?

M. Bernier: II faut faire une distinction. Si l'employé fait mal son travail et que le patron le congédie, à ce moment-là il va lui donner un document l'autorisant à sortir de la Baie James; l'employé va prendre l'avion et avoir son salaire. S'il n'est pas content, il va faire un grief et, si le grief ne se règle pas, cela va aller en arbitrage. Actuellement, en 1977, pour toute la Baie James, 13 100 personnes au 1er septembre, la CSN avait logé 14 griefs qui se sont rendus à l'arbitrage — je ne vous parle pas des petites choses qui se sont réglées bien vite — et la FTQ a à peu près une dizaine de griefs pour toutes sortes de raisons, je ne vous parle pas nécessairement de congédiements.

M. Marcoux: Pour toutes sortes de raisons? M. Bernier: Oui, pour toutes sortes de raisons.

M. Marcoux: Au niveau de l'alimentation, quand j'avais discuté avec les travailleurs, lundi passé, une des critiques qui ont été faites a été que tout le monde était soumis au même régime alimentaire, qu'ils travaillent de nuit ou qu'ils travaillent de jour. Cela ne devait pas être la première fois que cette question était soulevée depuis que les chantiers existent.

Le Président (M. Clair): M. le député de Rimouski, je pense que vous touchez là une question qui déborde un peu les cadres du débat actuel. Étant donné que les répondants ont déjà pris place, ce sera la seule question que je permettrai, sans cela, cela ne donne rien de prendre l'ordre des gens qui veulent prendre la parole si on peut toucher toutes sortes de sujets. Je permets cette question.

M. Marcoux: J'ai dit que ce seraient de brèves questions.

Le Président (M. Clair): C'est déjà une dernière question brève.

M. Boyd: M. le Président...

M. Marcoux: Oui, des fois cela va très bien au niveau financier, mais c'est le problème des relations de travail.

Le Président (M. Clair): En plus de cela, je me rends compte qu'il est actuellement 18 heures. J'ai eu connaissance de conversations privées des deux côtés de la table et je pense qu'il y aurait consentement unanime pour prolonger jusque vers 19 heures la séance de la commission dans le but de mettre fin, éventuellement, aux travaux de la commission aujourd'hui même. Est-il exact qu'il y a consentement unanime pour qu'on prolonge jusque vers 19 heures? À 19 heures, on se posera de nouvelles questions sur le sujet, s'il y a lieu. La question du député de Rimouski est posée.

M. Boyd: M. le Président, j'aimerais demander à notre chef de chantier de LG 2 de répondre brièvement, autant que possible, à cette question.

M. Hamel: M. le Président, le régime alimentaire, actuellement, sur le chantier de LG 2 est le même pour les équipes du quart de jour et de nuit. Cela se fait sur plusieurs chantiers. Disons que c'est une chose qui se fait de chantier en chantier, depuis la Manicouagan, en passant par les chantiers de Churchill Falls jusqu'à la Baie James. Ceux qui ont visité le chantier LG 2 ont pu voir l'affluence qu'il y avait dans les grandes cuisines. Il s'agit de nourrir, dans le cas de LG 2, au-delà de 4000 travailleurs en deux heures. À l'arrière, c'est-à-dire là où on prépare la nourriture, on suffit à peine à préparer la nourriture actuellement et à nourrir les travailleurs qui s'y présentent.

Ce sont les travailleurs de jour et de nuit qui se présentent pendant ces heures. On a considéré, depuis quelque temps, parce qu'on en a entendu parler, on a eu des demandes a ce sujet, la possibilité de varier le menu pour les équipes de nuit. Actuellement le travail est en cours pour le chantier LG 2. On pense être capable d'accommoder pour le déjeuner les équipes de nuit et, possiblement, pour le souper. Ces choses sont en train d'être évaluées. Si c'est possible, on le fera. On se prépare actuellement à mettre cela en marche.

Il y a le problème de l'aspect physique des cuisines, de répartir les équipes de jour et de nuit dans différentes lignes. Tout cela n'est pas facile parce qu'à un moment donné si ce n'est pas réalisable dans une bâtisse, il faudra peut-être construire une deuxième cuisine uniquement pour l'équipe de nuit. Il y a des coûts considérables. Pourquoi on ne l'a pas fait avant? Disons que c'est une tradition. De chantier en chantier, on transmet, on répète les choses qui ont été faites dans le passé et qui ont été une réussite. On n'a jamais eu de pressions de ce côté. En 1977, on met de la pression de ce côté. On regarde le problème. On n'est pas équipé actuellement à LG 2 pour faire cela. On regarde la situation et, si on peut régler le problème en partie ou en tout, on va le faire.

Le Président (M. Clair): Je sais que le député d'Abitibi-Est avait des questions sur la sécurité et les relations du travail. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de souligner d'abord aux membres de cette commission et aux représentants de la SEBJ que le complexe La Grande se fait dans le comté d'Abitibi-Est et que c'est effectivement le comté que je représente à l'Assemblée nationale. Les problèmes que ces chantiers suscitent me préoccupent donc particulièrement. Depuis le 15 novembre, en fait, j'ai passablement eu de représentations sur les conditions de vie, sur un paquet de problèmes possibles. Dans un grand chantier comme cela, je comprends qu'on ne peut pas tout régler d'une façon très rapide. M. le député de Rimouski m'a enlevé une partie de mes arguments concernant les délégués de chantier. Je ne veux pas revenir sur ces arguments sauf que j'ai aussi de la difficulté à comprendre ou à accepter la façon dont M. Bernier nous a livré ses chiffres tout à l'heure.

Par exemple, quand il compare $1,5 millions pour les travailleurs par rapport à $700 000 pour l'association des employeurs, il compare une possibilité de 140 délégués alors qu'il nous dit, après, qu'il y en a seulement 14.

Je voulais simplement poser la question. D'ailleurs, ce qui confirme cette question, c'est lorsque M. Boyd a mentionné qu'il croyait que les travailleurs venaient travailler sur les chantiers simplement pour avoir la paix. Alors, est-ce que ce ne serait pas justement une des causes, soit la peur de représailles possibles de la part des employeurs, le fait qu'il y ait seulement 14 délégués de chantier. Je ne veux pas présumer, mais simplement souligner, peut-être ce point-là. Je vous pose la question: Pourquoi n'y en a-t-il pas plus de 14? Je ne sais pas s'il y aurait un commentaire de la part de la SEBJ?

M. Boyd: Ce sont les employés eux-mêmes qui doivent décider de leurs délégués. On n'y peut rien. L'accès des permanents, on en a parlé tout à l'heure. Ils ont tous les accès qu'il y a moyen d'avoir. Je ne sais pas si M. Bernier veut ajouter quelque chose.

M. Bernier: Pas particulièrement. Le problème dans la question des délégués de chantier, traditionnellement et depuis très longtemps dans l'industrie de la construction, les délégués de chantier étaient des gens qui étaient nommés par le syndicat. La façon dont cela marchait, c'est que le syndicat nommait un délégué, disait à l'employeur que c'était le délégué, l'employeur embauchait le bonhomme et cela y était. On a changé la loi il y a un an et demi et on ne l'a pas changé pour rien. Ceux qui ont eu l'occasion de lire le rapport de la commission Cliche ont pu voir quels étaient les problèmes sous-jacents qu'on a tenté de régler

par cette loi. Cela en est un des problèmes. On a identifié, au niveau de la commission Cliche, un problème de ce côté-là et on a dit: Dorénavant les bonshommes vont être élus.

Là, je voudrais bien me faire comprendre. On parle peut-être des représailles ou quoi que ce soit. Il n'a jamais été porté à ma connaissance, ni à la connaissance de mes collaborateurs, ni à la connaissance des gens de l'Association des employeurs de la Baie James quelque cas que ce soit de représailles de quelque nature que ce soit relativement à des délégués de chantier. Dans le communiqué que M. Laberge a émis hier, on fait allusion à deux événements et je vais vous en parler. Je vais vous en parler de la façon la plus pondérée possible, parce que je ne voudrais pas passer pour lancer des roches à mon tour. Mais je pense que c'est important, parce qu'à chaque fois, c'est ce qui arrive, on prend une affirmation et on analyse les circonstances, on place le problème dans sa vraie dimension. Le problème no 1, il y a trois semaines, un délégué de chantier, un ex-délégué de chantier chez Crawley-McCrawken à EOL, est arrivé à la Baie James et a été retourné. C'est ce qu'on me dit.

La vérité est la suivante: II s'agit d'un bonhomme qui avait une dette à régler envers le procureur public et il est allé faire son temps. À un moment donné, il a fini son temps et il est revenu à la Baie James; il est revenu comme ça, un bon jour, sans avis, sans emploi parce qu'il avait abandonné son emploi. Qu'est-ce qui est arrivé quand il est arrivé à Eastmain? Il n'y avait pas d'embauche, il n'était pas annoncé, il n'était pas prévu et il n'avait pas sa place là. On lui a dit: Monsieur, retournez-vous-en, allez vous faire embaucher et quand vous serez engagé par l'employeur, vous reviendrez nous voir.

L'autre cas qui a été soulevé est aussi un peu spécial. Les événements se sont produits la fin de semaine dernière. Chez Crawley et McCrawken, à LG 2, nous avons à peu près 600 employés de cuisine et un porte-parole principal des employés de cuisine. Ce porte-parole principal des employés de cuisine, je vais être très prudent dans ce que je vais dire, a reçu la visite des policiers la semaine dernière. Il a été incarcéré pendant 24 heures, il a été libéré sous promesse de comparaître pour deux charges; la charge no 1, c'est un méfait d'incendie. On reproche à ce monsieur, c'est le tribunal qui va décider, d'avoir mis le feu dans une roulotte; il s'agit du bâtiment administratif de Crawley et McCrawken à LG 2. Le deuxième méfait qu'on lui reproche, c'est d'avoir catapulter en dehors d'un dortoir une laveuse et une sécheuse qui appartiennent à la SEBJ et de les avoir, à toutes fins pratiques, détruites.

Effectivement, sur la foi des rapports que nous avons reçus, nous avons demandé au monsieur de se retirer bien élégamment à Montréal et d'attendre que la cour statue sur son sort. Voyez-vous, ce sont les faits.

Une voix: J'aurai peut-être d'autres questions tout à l'heure sur d'autres sujets.

Le Président (M. Clair): Je reprends ma liste originale. Je tiens à mentionner, pour tous les membres de la commission, que j'ai dans l'ordre les députés de Jean-Talon, Richmond, Mont-Royal, Frontenac, Abitibi-Est, Rimouski et le ministre de l'Energie.

M. Garneau: J'au une seule question à demander à M. Boyd: Est-ce que la firme Bechtel agit encore comme conseiller dans le développement de la Baie James?

M. Boyd: Son mandat continue de la même façon que depuis le début. Ces gens sont consultants à la direction. On en a parlé plusieurs fois ici, ils ne gèrent aucune partie...

M. Garneau: La même situation qu'antérieurement.

M. Boyd: Premièrement, si vous me permettez de résumer, c'est le conseil d'administration qui dirige le projet. Au conseil d'administration, il y a le président et après le président, il y a des directeurs. Tous ces gens sont des employés de la Société d'énergie de la Baie James. Il n'y a personne qui représente telle entreprise ou telle entreprise. Il y a des directeurs qui nous sont fournis à même le personnel de l'Hydro-Québec; il y en a d'autres qui nous sont fournis à même le personnel de Bechtel et d'autres à même le personel de la firme Lavallin, donc qu'on engage nous-mêmes. La même chose s'applique à tous les niveaux de la gérance. Donc, il n'y a personne qui a une responsabilité particulière dans la gérance, sauf le conseil d'administration et le président qui sont les derniers à décider de l'administration. Pour avoir des nombres, il y a au siège social, 809 employés à la société d'énergie dont 90 nous viennent de Bechtel, 128 de l'Hydro-Québec, 457 de Lavallin, 129 de la société et 5 autres. Au chantier, il y en a 92 qui nous viennent de Bechtel, 19 de l'Hydro-Québec et, si on exclut l'Hydro-Québec à LG 3 comme entrepreneur — c'est exclu, ça — Lavallin, 907, SEBJ, 198 et autres, 5, pour 1221.

Si on revient aux employés de Bechtel, la majorité d'entre eux sont des Québécois ou des Canadiens. Il n'y a absolument rien de changé. Je ne sais pas si vous voulez que je donne plus de détails...

M. Garneau: C'est la seule information que je voulais avoir.

M. Boyd: Parce qu'on a discuté de ça ici...

M. Garneau: Je ne veux pas reprendre la discussion...

M. Boyd: ... à plusieurs reprises.

M. Garneau: ... parce que je ne voudrais pas être accusé de souffler dans la balloune à mon tour.

M. Boyd: Alors, il n'y a rien de changé, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que c'est tout, M. le député de Jean-Talon? M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aurais quelques questions sur l'ensemble de la structure de la haute direction de la SEBJ. On sait, d'une part, que M. Boyd devra être remplacé. On apprend le départ de M. MacDonald, le vice-président.

M. Garneau: Est-ce que le député de Richmond a des informations que le ministre n'a pas voulu donner tout à l'heure?

M. Brochu: On apprend le départ de M. Mac-Donald comme vice-président. Est-ce que M. MacDonald sera remplacé et par qui? De quelle façon cela sera-t-il fait? On apprend, par ailleurs, que M. Bacon sera nommé au poste d'adjoint exécutif du président. J'aimerais que M. Boyd, si c'est possible, nous dise quel est son rôle à ce moment-là. Est-ce qu'il jouera un peu le rôle de M. Boyd en son absence? Quelle sera exactement sa fonction? Et enfin, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle les principaux représentants de Bechtel, M. Behr, le vice-président, et M. Hayfield, le directeur de la programmation et du contrôle des coûts ne participent pas aux délibérations aujourd'hui? Je pense que ce sont quand même les trois grands administrateurs gestionnaires?

M. Boyd: Lesquels trois?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Joron: Si on me le permet, la première partie de la question ne s'adressait pas à M. Boyd, elle s'adressait au gouvernement. Vous demandiez si les vacances...

M. Brochu: Oui.

M. Joron: ... étant donné la démission de M. MacDonald et le départ de M. Giroux, si les deux vacances au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James vont être comblées. Ce n'est pas la société qui les remplace elle-même. La loi prévoit que c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui nomme les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James. Bien sûr, ils vont être remplacés bientôt. D'autre part, je pense que vous étiez absent à ce moment-là, on a dit aussi que nous étions à revoir les structures de la SEBJ en même temps qu'on revoit celles de l'Hydro-Québec, au gouvernement.

Dans les mois qui viennent, on va tenter, s'il y a lieu, d'apporter une amélioration à la structure de la haute direction de ces sociétés, ce qui pourrait se traduire, à ce moment-là, par d'autres nominations.

M. Brochu: Mais le ministre n'a pas d'annonces précises à nous faire pour le moment à ce sujet?

M. Joron: Non.

M. Brochu: Ah! bon.

Le Président (M. Bordeleau): La deuxième partie de la question, M. Boyd.

M. Boyd: M. le ministre a répondu concernant le remplacement de M. Giroux et de M. MacDonald. Plus tôt, il avait été question du président, mais je suis encore là. On a parlé de M. Bacon que je vous ai présenté tout à l'heure. Il est adjoint exécutif au président. Il a des missions particulières à remplir. Il est responsable de la vérification interne; il est responsable de l'informatique; il est responsable de la trésorerie; il est responsable du contrôleur et il est responsable de toutes autres choses que le président lui confie.

Vous avez demandé si, en l'absence du président, il remplace le président. Il ne remplace pas le président. Ce serait au conseil de la société de déléguer ce pouvoir et cela n'a pas été fait. Est-ce que cela sera fait? Je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus, je pense bien.

M. Bacon a des responsabilités spécifiques, en plus de faire bien d'autres choses pour aider le président qui, comme vous le savez, est assez occupé.

Vous demandez pourquoi M. Behr n'est pas là et vous parliez du vice-président, M. Behr.

Ni l'un ni l'autre n'est vice-président; M. Behr est adjoint au président du comité de gérance et le président du comité de gérance, c'est le président de la société. Alors, il est là à titre de conseiller et il a comme mission de coordonner les activités de la direction Construction et de la direction Programmation et contrôle des coûts. Il coordonne, il ne dirige pas. Il se rapporte au président comme l'un de ses adjoints à la gérance.

M. Hayfield est directeur de la direction Programmation et contrôle des coûts; son adjoint est M. Pierre Bolduc, qui est ici. Pourquoi M. Bolduc plutôt que M. Hayfield? C'est que depuis les tout débuts, depuis 1972, c'est M. Bolduc qu'on a préparé de longue main pour nous aider dans toutes les séances que nous avons à la commission parlementaire. Quand nous avons fait la visite de la Baie James avec M. Joron et tout son cabinet, celui qui est venu pour expliquer le contrôle des coûts, etc., c'est M. Bolduc et nous prévoyons pour M. Bolduc un avenir intéressant, soit à l'Hydro-Québec, soit à Société de la Baie James, dans la programmation de contrôle des coûts. Cela découle justement du but poursuivi de former des cadres qui pourront assurer la relève dans cette technique si importante pour les grands projets comme on en a. Je pense que cela répond à votre question. Ai-je oublié quelque chose?

M. Brochu: Non, cela va.

J'aimerais maintenant, si vous le permettez, M. le Président, revenir sur la présentation que M. Boyd a faite tout à l'heure, au début où vous disiez M. Boyd: "Nous avons constaté un changement important dans le comportement des fournisseurs ou des entreprises face aux appels d'offres de la

société d'énergie, soit une augmentation du nombre des soumissions et en même temps une baisse marquée dans les prix". Pourrait-on avoir quelques précisions, par exemple, sur les sommes épargnées grâce justement à l'augmentation du nombre de fournisseurs, par rapport à la baisse des coûts réels et par rapport aux estimations qui avaient été faites? On sait par exemple que cela se produit dans d'autres domaines, cela fut le cas au niveau du ministère des Transports, dans son ensemble, qui a connu... On parle dans leur domaine de 40% des contrats qui ont été accordés en bas des estimations. De votre côté y a-t-il eu une évaluation de faite de cet ensemble?

M. Boyd: Oui, en fait nous avons divisé les contrats en deux groupes: ceux de moins de $10 millions et ceux de plus de $10 millions. Le résultat est assez intéressant. Au total, en 1977, les soumissions sont de 15% en bas du budget. Un autre point intéressant, c'est que, quand nous demandons des soumissions publiques pour des contrats de cette importance à la direction Programmation et contrôle des coûts, nous avons une équipe de spécialistes qui prend les mêmes documents que les soumissionnaires viennent chercher et qui, isolément, indépendamment du budget, prépare une soumission comme si elle allait le faire pour un entrepreneur. Lors de l'ouverture des soumissions, c'est toujours intéressant parce que la soumission de ce groupe est ouverte en même temps que celles des entrepreneurs. Au total, en 1977, l'ensemble des plus basses soumissions était de 15% au-dessous du budget et la soumission la plus basse était de 17% en bas de nos soumissions internes.

C'est donc dans ce sens que tout à l'heure, on voulait vous dire que contrairement à l'année 1975, surtout, et à 1976 où on avait plus de soumissionnaires et où on avait des soumissions trop élevées, on a...

M. Brochu: D'accord. Actuellement, dans tout cela, quel genre de contrats favorise surtout votre société? Est-ce que ce sont des contrats à prix fixes? Est-ce que ce sont surtout des contrats forfaitaires, au "cost plus" ou des contrats de gérance, par exemple?

M. Boyd: Ce qu'on favorise, ce sont les contrats à prix unitaire. En somme, les contrats à prix fixe, à prix unitaire. L'entrepreneur soumissionne sur des quantités d'après les plans et devis et le prix est ferme, c'est un prix forfaitaire sous forme de prix unitaire. C'est la majorité des contrats que l'on donne et c'est la formule que l'on préfère.

Pendant la période difficile de 1975 où les soumissions étaient beaucoup trop élevées à notre avis, nous avons, dans quelques cas, été obligés de refuser des soumissions publiques qui étaient à prix trop haut et qui étaient sous forme de prix unitaire. Nous sommes retournés en soumissions avec ces quelques cas de formules en soumissions où l'entrepreneur a plusieurs balises qu'il doit rencontrer et où on s'engage à fournir l'équipement, à fournir le bâtiment, à payer la main-d'oeuvre suivant les décrets etc. Il nous fait une soumission pour la gérance, l'administration etc. Il doit rencontrer des balises, comme je vous l'ai dit dans ces genres de contrats et on l'incite à les rencontrer en lui donnant le partage des profits et pertes; c'est-à-dire que si nous avons estimé que cela prenait $20 millions d'équipement pour la période pour exécuter ce contrat, on fixe $20 millions comme étant la balise, la cible qu'il doit atteindre et s'il peut réussir à faire le travail avec $18 millions d'équipement on partage avec lui la différence-. Et si cela dépasse, si cela nous coûte $22 millions d'équipement on partage avec lui de la même façon sauf que dans son cas cela lui coûte $1 million. C'est une très bonne formule qui est beaucoup plus difficile à contrôler et à administrer mais on s'y applique, et cela a été une façon de briser cette tendance qui s'appliquait, qui nous confrontait, d'avoir des soumissions trop élevées. On a eu quelques cas comme cela. On est revenu, même pour de très gros contrats récemment, au-delà de $200 millions, à des soumissions publiques, à prix ferme unitaire et on a eu plusieurs soumissionnaires et la soumission a été accordée au plus bas soumissionnaire.

M. Brochu: Cela a permis un certain équilibre de l'ensemble, même si c'est techniquement plus compliqué à administrer?

M. Boyd: On considère que dans des contrats de l'ordre de $150 millions, en impliquant la formule gérance, on épargne de l'argent par rapport aux soumissions qui étaient entrées et qu'on trouvait trop élevées; on estime, et on vérifie cela, que dans certains cas on peut avoir épargné, sur $150 millions, de $15 millions à $20 millions.

M. Brochu: Merci.

M. Boyd: Cela a eu pour effet de replacer les choses. Dans la mesure du possible, on fractionne les contrats qui seraient trop gros pour les entrepreneurs québécois, on les sectionne, on les morcelle dans la mesure qu'il est techniquement possible pour en faire des contrats qui sont à la mesure de nos entrepreneurs québécois. À mesure que le projet avance, les entrepreneurs québécois sont en mesure de prendre des contrats de plus en plus gros. La preuve, c'est que vous avez un entrepreneur, Les Constructions du Saint-Laurent, qui sont de Québec, ici, et qui ont soumissionné il y a quelques mois sur un contrat de Caniapiscau à prix ferme unitaire qui dépassait $200 millions.

Ils étaient les plus bas soumissionnaires. On leur a accordé le contrat et cela va à merveille. Autrefois, en 1973, il y avait eu des contrats de $10 millions, $11 millions, $12 millions et c'était déjà très gros pour eux à ce moment-là. On a eu certaines difficultés à passer ces moments, mais la preuve qu'on encourage l'entreprise québécoise, c'est bien celle-là. C'est que, maintenant, ils peuvent soumissionner à prix ferme sur des contrats

d'au-delà de $200 millions, les obtenir et les exécuter.

M. Brochu: M. Boyd, maintenant que LG 1 est de retour, dans un autre ordre d'idées, au mille 23, est-ce que ce déplacement va permettre d'économiser le montant de $82 millions qui était prévu, qui était exigé par les ententes avec les autochtones dans le projet initial? Est-ce que ce déplacement du mille 44 au mille 23 va permettre d'économiser ce qui avait été prévu comme coût dans les ententes avec les autochtones?

M. Boyd: II y a deux parties. La première partie est sur la réponse et sur la deuxième, M. Couture, qui est notre spécialiste des affaires indiennes va m'aider; il est aussi spécialiste de l'environnement. Mais, premièrement, je dois dire que LG 1 n'est pas encore déplacé au mille 23. On m'a indiqué qu'on espérait que cela allait se faire bientôt. Ce qui est en cause, c'est que les Cris eux-mêmes m'ont demandé d'être déplacés de l'île des Gouverneurs, qui est en plein milieu de la rivière, sur la terre ferme, et de participer à ce déplacement en contribuant au coût. Participeraient à cela le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et la Société d'énergie. On pense que pour tout le monde c'est une bonne chose et surtout pour les Cris qu'ils s'en aillent sur la terre ferme.

Par contre, nous avons dit: Très bien et même on va être favorable à cela. Mais on a dit: Maintenant que vous n'êtes plus sur l'île, que penseriez-vous qu'on retourne à mille 23? Les discussions se sont poursuivies. Je vais maintenant laisser M. Couture continuer ce point.

M. Brochu: Ce serait justement dans cette hypothèse où ce serait définitivement retenu, le retour au mille 23. Est-ce que dans les coûts initiaux qui avaient été prévus, les $82 millions en question, pourraient être économisés? Est-ce qu'il y a eu des études faites à ce sujet?

M. Couture (Armand): Les $82 millions dont il est question, vous dites qu'ils ont été prévus dans l'entente de la Baie James? Il y a $75 millions que nous...

M. Brochu: Je pense que c'est dans l'entente du 11 novembre 1975.

M. Couture: Alors, c'était une "royauté" ou l'équivalent d'une "royauté" de $75 millions, M. le Président, qui s'appliquait à tout l'ensemble des développements hydroélectriques à venir à partir de l'Abitibi en allant jusqu'à la baie d'Ungava. Alors, $75 millions, c'était une compensation globale pour tout ce qui se passait dans le Grand Nord québécois. À propos de Fort George, qui n'est pas relié à ce montant, les Cris ont demandé de déplacer leur village sur la rive gauche de la rivière. Ils ont demandé une aide à la SEBJ. Cette aide sera de deux façons: les sommes qu'on devait dépenser à Fort George seront données aux Indiens et les terrains seront acquis pour cons- truire la centrale. Les montants sont en négociation et ne sont pas définitifs encore. Nous espérons les avoir d'ici quinze jours ou trois semaines. Il y a deux parties: les sommes qu'on devait dépenser à Fort George seront données aux Indiens pour leur permettre de déplacer leur village et, en plus, nous acquerrons les droits et les terrains nécessaires à la construction de la centrale LG 1.

M. Brochu: Les $82 millions comme tels... M. Couture: Les $75 millions ne changent pas.

M. Boyd: M. le Président, ni M. Couture ni moi ne comprenons d'où viennent les $82 millions.

M. Brochu: D'après les informations que j'avais, à l'intérieur de cette entente du 11 novembre 1975, il était prévu plusieurs mesures compensatoires dont certaines entraînaient directement ou indirectement des augmentations au coût de réalisation du complexe La Grande et l'effet total de l'entente sur les nouvelles prévisions de l'époque des coûts était évalué en tout à $288 millions.

M. Couture: Alors là, je pense que je comprends la nature des $82 millions que vous mentionnez.

Les $82 millions, c'était une question de produire de l'énergie pour remplacer les mégawatts qu'on perdait à LG 1. Cette énergie additionnelle, nous l'avons récupérée en partie en rehaussant la cote du réservoir LG 3 et en produisant plus de mégawatts à LG 3. Ceci était un coût. Ce coût-là reste. Nous ne le réduirons pas à LG 3. Nous sommes satisfaits de l'énergie additionnelle qui a été créée à LG 3, qui est très intéressante économiquement. Il n'est pas question de changer le design de LG 3. Il est bien entendu qu'en remplaçant la centrale LG 1 du mille 44 au mille 23, nous allons avoir un barrage plus élevé à construire, soit d'une trentaine de pieds. Il y aura un peu plus de béton. Il y aura des turbines additionnelles. Il y aura un coût associé à cela, mais c'est un coût marginal de production d'énergie. C'est un coût intéressant. Il ne suffit que d'augmenter la hauteur du barrage et d'ajouter quelques turbines. C'est un coût marginal qui nous permet d'obtenir 230 mégawatts de plus à LG 1. Les $82 millions sont réellement reliés au coût de production d'énergie additionnelle qu'on a placée dans le complexe La Grande à ce moment.

M. Brochu: Alors c'est la seule différence que tout cela apporte, le changement du mille 44 au mille 23. Ce sont les seules modifications techniques pour récupérer les...

M. Couture: Le changement que cela apporte, c'est que le barrage sera plus élevé. Il y aura quelques turbines de plus. Il y aura des coûts associés à cela ainsi qu'aux ententes qui seront faites avec les Indiens. Il va y avoir des coûts, mais nous sommes en train de les négocier face aux Indiens

et de les évaluer d'après LG 1. Ils seront absorbés à même les coûts du complexe La Grande dans son ensemble.

M. Brochu: Merci, M. Couture. J'aurais une question en ce qui concerne LG 3 comme tel. Est-ce qu'il a été calculé combien on peut économiser grâce à la participation directe de l'Hydro-Québec dans LG 3? Quels avantages vont motiver cette décision outre le fait d'occuper le secteur construction de l'Hydro comme tel?

M. Boyd: Cela n'a pas été basé sur une question d'économie. Ce serait extrêmement difficile de faire ce calcul parce qu'il faudrait faire faire le même ouvrage par un autre à côté pour qu'il soit possible. Il y a plusieurs raisons d'avoir fait cela. Une c'est que Manic 3 se terminait et on avait à Manic 3 une équipe de constructeurs qui étaient de vieux employés de l'Hydro, des contremaîtres généraux, des contremaîtres, des surintendants, des surintendants généraux qui devenaient disponibles et qu'il semblait avantageux d'employer quelque part au lieu de les mettre sur une tablette en attendant. Ceci est un des facteurs. On voulait profiter de leur expérience qui datait depuis les débuts de Manic-Outardes et même certains d'entre eux remontaient jusqu'à Bersimis, Beauharnois. On avait une équipe qu'on voulait employer. C'était un élément important. C'était une équipe de gérance.

L'autre élément, c'était en plus des contrats dont on a parlé tout à l'heure, en 1975. On a voulu, en donnant un contrat important à l'Hydro-Québec, donner une petite indication aux entrepreneurs qu'on trouvait que leurs prix étaient trop hauts et qu'ils devaient aiguiser leurs crayons un peu plus. Là-dessus, j'ai même eu une lettre de certaines associations d'entrepreneurs qui m'ont écrit pour protester un peu sur cela. Je leur ai dit exactement ce que je viens de vous dire. On pense que les soumissions que les entrepreneurs, vos membres, nous ont fait parvenir sont trop élevées. Il n'y a rien qui nous empêche de confier des travaux à l'Hydro-Québec. C'est la même famille. Comme association, on vous encourage à faire en sorte que vos membres soumissionnent, les plus nombreux possible, à nos demandes de soumissions et qu'ils aiguisent leurs crayons. Cela a donc eu aussi un effet favorable.

M. Brochu: D'accord. Merci. Maintenant si vous me permettez en terminant, M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre. Je me réfère pour cela à un document que j'ai en main. C'est un document de la Presse, Montréal, le 11 juin 1975. C'est un article qui avait été écrit sous la plume de Rhéal Bercier qui était passablement au fait de la question et qui est maintenant chef de cabinet du ministre d'État au développement économique et qui disait ceci:

Devant la hausse vertigineuse des coûts à la Baie James, l'Opposition officielle de l'Assemblée nationale réclame une enquête du gouvernement. L'inquiétude de M. Jacques-Yvan Morin grandit devant l'escalade constante des sommes que l'on consacre au projet du siècle. Et on termine l'article en disant ceci: À la sortie de la Chambre, M. Morin a déclaré que l'Opposition reviendrait à la charge sur cette importante et sérieuse question pour s'assurer au moins que l'investissement des Québécois à la Baie James qu'il évalue, étant donné l'absence du chiffre officiel, à $18 milliards, soit bien administré. Il nous faudrait une autre CECO pour tirer tout cela au clair, de dire M. Morin.

Alors, j'aimerais demander au ministre si le gouvernement a l'intention de mettre en application sa recommandation de l'époque et d'instituer une enquête sur les coûts de la Baie James. En d'autres termes, est-ce que le gouvernement actuel a l'intention de répondre favorablement aux demandes qu'il a lui-même faites, il y a quelque temps, pour cette commission d'enquête?

M. Joron: Moi, j'allais vous demander: Est-ce que l'Opposition va revenir à la charge? Cela a été, effectivement, un de nos premiers soucis, dès le changement de gouvernement, de s'assurer que les mécanismes en place de contrôle des coûts, tout cela, étaient adéquats. Ils ne l'ont pas toujours été. Je ne veux pas mettre des gens de la société d'énergie dans l'eau chaude, mais ils admettront eux-mêmes que le forgeron apprend en forgeant et que c'est avec le temps que ces outils se sont raffinés. Alors, les inquiétudes que, légitimement... Et le gouvernement de l'époque devait en avoir aussi. Les inquiétudes pouvaient être fondées, au départ. On se lançait dans des travaux d'une ampleur qui n'avait jamais été faite. On n'était pas sûr qu'on avait exactement tous les mécanismes qui nous permettaient de suivre cela à la trace. On était dans une période où éclatait l'inflation, période où c'était difficile, on l'a vu tout à l'heure, M. Boyd le disait, d'avoir des soumissions parce qu'il y avait des travaux d'une ampleur telle dans d'autres régions de la province, que des entrepreneurs avaient peur de s'en aller si loin, parce qu'ils n'avaient jamais fait ce genre de contrat. Tout cela fait que je comprends parfaitement pourquoi à l'époque on pouvait être très inquiet de ce qui se passait.

Maintenant je vous avoue que, personnellement, je le suis beaucoup moins.

M. Brochu: C'est depuis le 15 novembre, cela?

M. Joron: Vous avez devant vous un ministre serein et confiant. Effectivement, toutes ces choses, tous ces mécanismes, ces façons de faire, ces façons de contrôler se sont raffinés avec le temps. D'un autre côté, il faut bien réaliser une chose sur ce projet dans lequel on aura investi, au bout de la ligne, $16 milliards. Il n'y a pas plus, au moment où on se parle, de $3 milliards de dépensés. Alors, ces mécanismes, c'est au début qu'on les raffine. Il reste quand même plus de 80% de l'argent à dépenser. Je suis confiant que nous avons les mécanismes adéquats. Le fait que les estimations de coûts, les prévisions du coût total n'aient pas bougé cette année reflètent justement cela.

M. Garneau: Vous dites cela sérieusement, vous n'avez pas envie de rire en disant cela?

M. Joron: Non. Je ne peux pas vous dire, par contre, ce qui va arriver...

M. Garneau: Si vous n'avez pas envie de rire, d'accord.

M. Joron: ... au taux d'inflation en 1979 ou en 1983, ça, ce n'est pas le ministre de l'énergie du Québec qui règle le taux d'inflation sur la planète.

M. Brochu: C'est sûr que, dans l'espace d'un an, il n'y a pas énormément de changement, mais parfois sur une période un peu plus longue, il peut y en avoir. D'ailleurs, cela s'est avéré juste dans le cas de la Baie James, on le sait. Au moment où Jacques-Yvan Morin, aujourd'hui ministre de l'Éducation, faisait ces remarques, je pense qu'elles pouvaient être pertinentes. Du moins, le Parti québécois les jugeait pertinentes à ce moment-là, parce qu'il a insisté beaucoup.

Mais ce que le ministre vient de nous dire, est-ce que ce sont les seules raisons qui le motivent à avoir cette bouffée de confiance à ce moment-ci?

M. Forget: Ce qu'il a dit aussi, c'est qu'en gouvernant on apprend à gouverner.

M. Ciaccia: Le forgeron apprend en forgeant. Le gouvernement reprend...

M. Joron: J'admets qu'il y a du bien-fondé dans les réponses du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais revenir à la question de LG 1 et de l'entente de la Baie James. Est-ce qu'il y a quelque chose qui retarde ou pourrait retarder le début des travaux de LG 1 au site initial avant que l'entente ait fait déplacer ce site? Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut retarder la construction?

M. Couture: M. le Président, la seule chose qui est nécessaire, c'est la proclamation de l'entente de la Baie James, pour déplacer LG 1. Il faut d'abord proclamer l'entente de la Baie James. Évidemment, si l'entente n'était pas proclamée, on n'aurait plus besoin d'avoir une entente sur LG 1, on pourrait le placer où on veut. Dans un cas comme dans l'autre, je pense que ça peut se régler.

M. Ciaccia: Bien, il peut y avoir d'autres répercussions, je vais revenir à cela, c'est...

M. Forget: Une injonction.

M. Ciaccia: Oui, parce qu'avant qu'il y ait une entente, il y avait eu une injonction qui avait fait arrêter les travaux. Je suis bien certain que la province ne veut pas se placer dans cette situation. Mais avant de revenir à ça, est-ce que je pourrais demander au ministre s'il peut nous dire quand l'entente de la Baie James va être proclamée?

M. Joron: Cela, il faudrait le demander à votre parti-frère à Ottawa qui sont au gouvernement.

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre est au courant de certains événements ou raisons pourquoi elle ne serait pas proclamée?

M. Joron: Pourquoi ne le serait-elle pas? Non. Apparemment, je ne sais pas, peut-être que vous pouvez aider ma mémoire, il y a le ministre à Ottawa qui disait récemment qu'il y avait une date fixée comme cible, ce qui veut dire que ça devrait être fait avant novembre.

M. Ciaccia: Si je pouvais suggérer au ministre, faire appel à lui pour transmettre un message à son collègue, ministre d'État au développement culturel; ce qui se produit est ceci: premièrement, si on recule en 1974, avant que l'entente n'ait été négociée, il y a eu une injonction qui a arrêté les travaux et je crois que cela a causé certains problèmes ou dommages à la société et au gouvernement. Ces dommages n'étaient pas aussi étendus que les dommages causés en 1974 par les incidents avec les problèmes des syndicats. Mais quand même, il y a eu certains dommages.

L'entente de la Baie James a réglé le litige entre les autochtones, les Cris et les Inuit et le Québec. En plus de régler le litige au point de vue légal, cela a ramené aussi la paix sociale entre les autochtones, les sociétés et le gouvernement.

Ce qui se produit maintenant — je voudrais porter cela à l'attention du ministre, pour qu'il fasse cette intervention — risque de mettre en péril, quant aux Inuit... Et si cela se fait quant aux Inuit, on peut avoir un débat constitutionnel quant aux Cris aussi et cela va recommencer tout le litige. Cela serait malheureux qu'à cause d'un geste d'un de vos collègues, les Inuit aient une raison pour remettre en question cette entente. Pour cette entente, il y a eu des efforts surhumains — je ne suis pas gêné de le signaler, j'espère que je n'embarrasse pas les gens qui sont impliqués — il y a eu des efforts surhumains de la part de personnes comme M. Couture, M. Boulanger de l'Hydro-Québec, M. Gilles Bacon...

M. Joron: Et du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne parle pas de moi, je parle de ces gens-là.

M. Joron: II faut rendre à César ce qui est à César.

M. Ciaccia: Et ces efforts surhumains ont abouti à la signature de cette entente. Mais cette entente ne sera pas en vigueur et peut tomber si, pour le 11 novembre 1975, elle n'est pas proclamée par le gouvernement fédéral.

Les Inuit se sentent lésés dans leurs droits. Je ne dis pas que toutes les réclamations que les Inuit font maintenant sont bien fondées. Mais il y en a une au moins — et je vais vous référer à l'article 17-059 de l'entente — où clairement, il y a des difficultés entre cet article et certaines prévisions de la loi 101. Je ne veux pas entrer dans le débat, parce que du point de vue du gouvernement, je crois que cela n'a pas cette importance concernant les effets sur le gouvernement, mais cela a une importance pour les Inuit. C'est seulement cet article qu'ils considèrent assez important.

Quand on parle de l'effet possible, c'est vrai que les Cris sont satisfaits. Mais il y a des endroits encore où ce sont les territoires des Inuit. Je me réfère particulièrement au détournement des travaux sur la Caniapiscau, aux travaux de la Grande-Baleine.

Vous avez mentionné, suite à une réponse du député de Jean-Talon, qu'il y avait une possibilité d'aménager 10 000 mégawatts de plus dans l'ensemble. Je pense que cela va devenir difficile d'aménager tout cela dans une atmosphère tranquille, si l'entente n'est pas proclamée. Je veux et je souhaite que l'entente soit proclamée, mais je souhaite et je veux aussi que les droits des Inuit soient protégés. Je pense que vous devriez faire une intervention auprès de votre collègue, parce que, après tout, c'est vous qui êtes responsable des opérations de la société d'énergie et des conséquences possibles, si l'entente n'est pas proclamée et qu'elle devient caduque.

Si vous examinez certaines des demandes des Inuit, vous allez voir que le gouvernement n'a pas grand-chose à faire pour respecter l'entente. Je n'essaie pas de dire que le gouvernement doive accepter toutes les demandes des Inuit parce que clairement, il y en a quelques-unes qui, peut-être, n'étaient pas prévues dans l'entente. Ce sont des choses qui vont se régler entre les Inuit et le gouvernement.

Mais en ce qui concerne l'entente, il n'y a pas beaucoup à faire, de la part du gouvernement, pour la respecter. Je suggère fortement que vous interveniez avec votre collègue pour assurer que le gouvernement respecte l'entente afin que le gouvernement fédéral n'ait pas de raison de ne pas la proclamer. Vous allez comprendre que, s'il y a des pressions, le gouvernement fédéral va se trouver dans une situation assez embarrassante. Si, d'un côté, l'une des parties de l'entente dit: On n'a pas respecté les termes de l'entente, vous ne pouvez pas la proclamer. Et si le gouvernement et les sociétés exigent que ce soit proclamé, je pense bien que c'est dans l'intérêt de tout le monde, des sociétés, et je dirais même que ce serait dans l'intérêt des Cris et des Inuit que l'entente soit proclamée parce qu'il y a des bénéfices qui découlent de cette entente qui vont aller à tout le monde en plus de la question du litige des titres du Québec sur deux tiers du territoire du Québec.

Je pense que ceux qui ont rédigé certains articles dans la loi 101 n'ont vraiment pas tenu compte des conséquences possibles et de la réaction des peuples concernés.

M. Joron: Je peux juste répondre au député de Mont-Royal que l'état d'esprit conciliateur dont il fait preuve est partagé aussi par mon collègue des Richesses naturelles de qui relève la direction générale du Nouveau-Québec. Et c'est dans un état d'esprit semblable qu'ils ont d'ailleurs repris contact récemment et recommencé des négociations. De toute façon, votre message sera transmis, M. le député.

Le Président (M. Marcoux): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: J'aurais une petite question, je voudrais revenir aux conditions de vie sur les chantiers, soit la question du logement. C'est un problème qui est abordé fréquemment, en tout cas qui m'a été rapporté d'une façon régulière. Par exemple, la dimension des chambres. On dit qu'à LG 2 elles sont très petites, on s'en plaint. Par contre, dans la construction de LG 3, les dimensions ont été augmentées; après, il semble qu'à Eastmain les chambres redeviendraient plus petites. Je voudrais simplement savoir si c'est exact et s'il y a des raisons pratiques.

Une voix: C'est la faute du nouveau gouvernement.

M. Garneau: C'est la faute de l'ancien gouvernement aussi.

M. Bordeleau: Ah, ça doit être cela!

M. Bernier: Je vais répondre à cette question.

M. Boyd: M. le Président, M. Bernier va répondre à la question.

M. Bernier: Ce domaine des conditions de vie, et particulièrement le logement, il faut le situer, encore une fois, dans le développement du complexe. Nous sommes arrivés, nous, à LG 2, en 1973, donc nous avions fait une planification, l'organisation de nos campements, les achats. Comme l'expliquait M. Laurent Hamel tantôt, nous sommes partis de ce que nous connaissions, de ce qui existait et de ce qui était traditionnellement reconnu. D'autre part, nous nous sommes conformés à la loi qui existait sur ce sujet, la Loi des établissements industriels et commerciaux. Là on retrouve des dispositions. Alors, nous sommes partis de cela et nous avons bâti les chambres de LG 2, les chambres que, sans doute plusieurs d'entre vous ont vues. Nous avons aussi aménagé nos autres facilités de la même façon. Par ailleurs, en 1975, nous avons décidé, non pas pour LG 2, parce que les décisions étaient prises et les constructions étaient faites, mais nous avons décidé d'ouvrir un peu du côté des logements et nous avons fait redessiner d'autres types d'habitations, de dortoirs, qui nous donnent aujourd'hui les nouvelles chambres de 12 X 13. Nous avons aussi, évidemment, été un peu au-delà de ce qui était connu, de ce qui était prévu dans les règlements, à

savoir, par exemple, la question de la piscine, de l'aréna, de la télévision, qui nous vient par le satellite Anik, la question de la restauration aussi.

Une voix: Avez-vous aussi un salon?

M. Bernier: Oui, dans les nouvelles chambres, nous avons prévu un salon. Nous avons aussi prévu une salle assez grande qui s'appelle une chambre de séchage. Évidemment, à LG 2, nous avons les dortoirs bâtis en 1973/74, mais notre politique à la société d'énergie, sera de favoriser dorénavant nos achats. Cela a commencé avec LG 3, cela se fait à Caniapiscau et cela va se faire à LG 4. Nos achats prévoient des chambres doubles de 12 pieds par 13 pieds qui sont meublées de façon assez intéressante et qui comportent une division de 4 pieds qui lui donne un peu un caractère semi-privé. Il ne faudrait pas penser que nous avons pris cette décision pour prendre une seconde de plus en élucubrant sans nous référer à quoi que ce soit. Dans le cadre de la commission Cliche, un psychologue industriel de l'Université de Montréal a fait une étude et ce monsieur a écrit ceci dans son étude quant au logement: "La majorité des travailleurs préfère vivre au chantier avec un compagnon dans la chambre." La majorité. Alors, nous nous sommes enquis auprès de l'auteur du texte et il nous a dit: Oui, effectivement, des mesures m'indiquent qu'environ 75% des gens préfèrent ce type d'habitation à double occupation.

Restait les autres 25%. Alors pour tenter de concilier les deux, de là le concept de la chambre plus grande et de là le concept de cet élément de division à l'intérieur qui donne le caractère semi-privé et nous sommes convaincus — en fait, nous le savons parce que les travailleurs nous en font part — qu'ils sont très heureux de ce type d'habitation.

M. Bordeleau: D'accord, mais vous n'avez pas tout à fait répondu à la dernière partie en un sens, les chambres pour Eastmain.

M. Bernier: Voici, les chambres pour Eastmain, ce qui est arrivé c'est qu'en 1974 nous avions planifié la construction de la route nous conduisant jusqu'à la Caniapiscau. Vers 1975, nous avons pourvu à nos achats pour la logistique de construction et je crois que c'est à un moment donné, en 1975, 1976, nous avons décidé de ne pas bâtir la route LG 4-Caniapiscau de telle sorte que nous avions acheté ces bâtiments qui étaient entreposés au camp Comeau et lorsqu'il s'est agi d'ouvrir le chantier Eastmain, nous avons décidé d'utiliser ces bâtiments qui sont des bâtiments un peu particuliers, c'est-à-dire que ce sont des camps de huit hommes, c'est-à-dire qu'il n'y a que quatre chambres par camp. Effectivement, il est juste de dire que ces habitations, qui sont en installation actuellement, ne correspondent pas parfaitement à notre nouvelle politique de 1975.

Je voudrais attirer votre attention sur deux choses. Les bâtiments étaient achetés au moment de notre décision et deuxièmement, c'est que le chantier Eastmain, ce n'est pas par accident que nous avons pris cette décision, était un chantier très court, c'est-à-dire qu'il est commencé, la pointe va se continuer en 1978-1979, et dès 1980, à toutes fins utiles, cela va être pratiquement terminé. Il s'agit de terrassement. Les saisons sont relativement courtes dans la construction. Nous pensons là, pour essayer de doser, d'une part, un investissement fait et, d'autre part, le confort de nos gens, compte tenu du type de chantier, que Eastmain-Opinaca est un endroit adéquat pour utiliser ces chambres qui sont en fait des chambres de 10 x 10 ou équivalant à 10 x 10, compte tenu que certaines dimensions sont un petit peu plus grandes dans un sens que dans l'autre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Selon les informations que je possède, le service de relations publiques aurait un budget d'environ $1 million, soit moins de un dixième pourcent, je pense, du budget global et dans le cadre de ce qu'on pourrait appeler la "conscientisation " populaire de l'importance et de l'ampleur du projet de la Baie James. Est-ce que cela a été pensé ou est-ce qu'il n'y aurait pas eu lieu d'augmenter, un tant soit peu, ce budget d'information pour que la population ait accès, justement, à l'information pour connaître vraiment ce qu'est la Baie James, ce qu'est son importance.

Elle pourrait peut-être par ce fait réaliser les besoins...

M. Boyd: M. le Président, si on demandait l'avis du directeur des relations publiques, il voterait à deux mains en faveur de ce que vous venez de dire. Il faut aussi comprimer nos dépenses d'une façon proportionnée. On pense que les budgets qu'on a sont raisonnables, mais justement en revenant de la Baie James lundi soir, certains d'entre vous étaient à bord de l'avion dans lequel j'étais et plusieurs m'ont dit qu'il fallait faire connaître davantage ce projet à la population du Québec. Certains m'ont demandé — il y en avait des deux côtés de la table — ce qu'ils pouvaient faire pour nous aider. Alors je vous retourne la question, la balle. Faites tout ce que vous pouvez pour nous aider de façon que cela nous coûte le moins cher possible. On m'a dit, entre autres: Le film que vous nous avez montré qui en fait n'a pas coûté très cher... Il a été fait par les gens de la société et par les gens de l'Hydro-Québec... C'est un excellent film avec lequel on a gagné des prix. On en a des copies. On veut en faire plusieurs copies. J'ai offert, à bord de l'avion, aux membres de l'Assemblée nationale s'ils voulaient des copies pour montrer dans leur comté; ils en auraient tant qu'ils en voudraient. S'il faut faire des copies additionnelles, on en fera. Je suis bien content de voir qu'aujourd'hui tout le monde se rallie autour du projet parce qu'il y a à peu près deux ans, lors d'une séance orageuse de la commission parle-

mentaire, on avait justement dit que tout le monde devait nous aider à faire de ce projet une affaire québécoise. Maintenant, on est arrivé à cela. J'en suis très heureux. Si vous voulez nous aider à faire sa promotion, si vous voulez obtenir de la publicité, si vous voulez obtenir des films, on va certainement faire tout ce qu'on peut pour vous aider à nous aider.

M. Brochu: M. Boyd, de ce côté on est vraiment prêt. Ce que les députés vous ont dit lors du voyage, c'est exact et cela le demeure encore. D'ailleurs, on a pu réaliser nous-mêmes l'ampleur et l'importance des travaux et la bonne présentation des documents comme du film qui a été fait. Cependant, on voudrait que d'autres personnes puissent profiter de cela. On est prêt à vous aider, mais on aimerait peut-être que de votre côté il y ait aussi un effort.

Ce que provoquent, actuellement, dans la population, les demandes que vous faites, l'augmentation des coûts, le coût global de cela, je pense que c'est coupé d'une réalité qui est celle vraiment de la Baie James. Il y a la réaction, mais il n'y a peut être pas toute l'information avant qu'une réaction ait lieu. Je pense que la société pourrait s'aider un peu dans ce sens-là en donnant plus d'information. On est bien prêt à collaborer, vous pouvez compter sur nous. On aimerait être capable de s'épauler mutuellement.

M. Boyd: Je suis bien content, M. le Président, que cette remarque ait été faite. Dans les années passées, on a été empêché par toutes sortes de sub judice. On en a eu presque tout le temps, sauf depuis l'année passée, qui nous empêchaient de parler. Maintenant, on peut parler. J'ai fait des démarches auprès de Radio-Québec pour qu'on réalise des choses ensemble. Pour l'an prochain, je vous promet qu'on va faire un effort additionnel du côté des relations publiques.

M. Brochu: Est-ce qu'il y a des intentions bien arrêtées d'augmentation de budget?

M. Boyd: Oui. Pas nécessairement de l'argent seulement, ce sont des disponibilités de personnel plutôt. On a commencé, comme vous le savez, des tournées régionales. On a fait une tournée régionale au Lac Saint-Jean, on en a fait une en Abitibi, dans le Nord-Ouest. On veut en faire une dans le Bas Saint-Laurent. On en fait une dans les Cantons de l'Est. On va accentuer cela, pour répondre à vos désirs.

M. Brochu: Alors, en réponse à la première partie de la question, il y aura donc au moins une augmentation de personnel, comme première étape.

M. Boyd: Oui, j'ai déjà accordé...

Le Président (M. Marcoux): Alors, M. le ministre.

M. Joron: M. le Président, cela va être très bref, en fait. Un dernier mot de ma part, en tout cas, au sujet de ces questions de vie et qui prennent la forme d'une suggestion ou d'une invitation à la société d'énergie. Je pense que ce qui est important — on a parlé de toutes sortes de détails, de toutes sortes d'aspects de ce grand problème humain — c'est de maintenir là un climat sain. Souvent, le climat se détériore pour des niaiseries, pour des petites choses, à cause d'un manque d'information des fois, d'une incompréhension. Alors, si un effort de toute part pouvait être fait pour que l'information circule, pour que les choses se fassent ouvertement, se discutent ouvertement, je pense que ce sera un grand pas pour s'assurer qu'on va conserver un climat sain.

Il y a des petits gestes aussi, j'imagine, qui peuvent être posés. Tout à l'heure, on en était aux oeufs et au bacon disponibles ou pas à telle heure du jour. Mon Dieu, si ce n'est qu'une question, pour assainir le climat, de s'arranger même si ça implique un réaménagement des cuisines, si c'est juste une question de s'arranger pour qu'on puisse avoir des oeufs et du bacon si on en veut, je pense que l'enjeu en vaut drôlement la chandelle. Si c'est une série de petits gestes comme ceux-là qui peuvent améliorer le climat, je ne voudrais pas qu'on lésine sur ces choses.

C'est tout ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, au terme des travaux de cette commission, qui a duré près de 13 heures, je voudrais faire quelques remarques et quelques observations. D'abord, pour dire que nous considérons qu'une augmentation des tarifs d'électricité apparaît essentielle à ce moment-ci pour tenir compte de l'inflation et des répercussions de l'inflation sur les frais d'exploitation et d'entretien qui subissent des hausses. Nous croyons également, et c'est une constatation que je tire des réponses que nous avons eues des représentants de l'Hydro-Québec, qu'une augmentation est rendue nécessaire au-delà de l'inflation pour assurer un autofinancement plus grand, compte tenu des difficultés d'emprunter, dans le contexte politique actuel, les sommes qui dépasseront les $6 milliards au cours des trois prochaines années.

L'Opposition libérale croit cependant que l'augmentation moyenne des tarifs de 20% apparaît plus élevée qu'absolument nécessaire. Pour certains secteurs industriels, l'augmentation des tarifs, jointe au rattrapage qui leur sera imposé par rapport aux années antérieures, provoquera des augmentations de coût d'énergie électrique pouvant s'élever jusqu'à 48%, d'après les informations qu'on nous a transmises. Le secteur des pâtes et papiers, déjà en difficulté, subira une hausse de 27% de ses tarifs d'électricité. Cette nouvelle politique risque, me semble-t-il, de compliquer davantage notre croissance économique et, par ricochet, la création d'emplois, et pour le secteur des pâtes et

papiers, qui est déjà en difficulté, certainement, des difficultés additionnelles.

Les travaux de cette commission nous auront également permis de constater que le programme d'emprunt, qui aurait été nécessaire pour faire face au financement des investissements effectués en 1977, qu'on nous indique être de l'ordre de $2,172 milliards, n'est pas complété et que l'Hydro-Québec devra emprunter au moins $800 millions d'ici la fin de l'année civile afin d'être en mesure de maintenir la situation de caisse qui prévalait à la fin de l'année 1976.

Je pense que ce maintien de la liquidité de caisse en début d'année est important. J'espère que le ministre des Finances voudra revenir sur sa décision d'avril dernier pour permettre à l'Hydro de maintenir la liquidité, les caisses qu'elle avait à la fin de l'année 1976, parce que nous considérons que cette liquidité est peut-être la plus grande assurance, non seulement dans la planification des travaux de l'année en cours, mais également du côté du financement.

Si l'Hydro-Québec ne complète pas ou ne maintient pas, par des emprunts additionnels, en 1977, de quelque $800 millions, la situation de caisse de la fin de 1976, cela signifiera... Peut-être qu'à ce moment-ci je fais des observations de nature plus politique qu'autrement, mais je veux les faire quand même, parce qu'elles m'apparaissent être la vérité. Si la situation de caisse n'était pas maintenue à la fin de 1977, cela signifierait que les travaux de la Baie James, cette année, auraient été financés par les emprunts de 1976 que le ministre des Finances avait indiqué comme étant beaucoup trop élevés.

On se rappelle que le ministre des Finances a critiqué l'administration gouvernementale précédente d'avoir emprunté trop en 1976. Si les événements que je viens de souligner ne se réalisent pas, on se retrouvera dans la situation plutôt loufoque, où ce sont les emprunts effectués sous l'administration précédente qui auront financé les investissements effectués en 1977 par l'Hydro-Québec sous l'actuel gouvernement.

Quatrièmement, les travaux de cette commission auront permis également de constater l'écart entre les taux d'intérêt payés par le Québec et ceux de l'Ontario, cet écart qui s'est accru depuis le 15 novembre 1976. Il a atteint plus de 1%, à un certain moment donné et s'est établi autour de 55 points de base, au cours du mois d'août 1977.

Par ailleurs, on constate, avec toutes les informations que nous ont donné les représentants de l'Hydro-Québec et avec les réserves qu'il faut quand même y apporter, que le dernier emprunt de l'Hydro-Québec s'est effectué avec une différence de 88 points de base par rapport à l'emprunt effectué par l'Ontario sur le marché public américain, bien que l'échéance soit beaucoup plus longue.

M. le Président, j'avais donc raison de dire, au début des travaux de cette commission, que le Québec commence déjà à payer le coût d'une indépendance factice et qu'au contraire le gouvernement actuel, à cause de sa politique constitu- tionnelle, oriente le Québec vers une dépendance beaucoup plus grande et, cette fois, dépendance qui m'apparaît reliée aux exigences des marchés financiers.

Les travaux de cette commission auront également permis — je crois que c'est peut-être la chose la plus importante — de réhabiliter le projet de la Baie James. M. Boyd y a fait allusion tout à l'heure.

J'ai apporté avec moi un petit document — je pense que je vais en faire un document de musée — qui avait été publié par les éditions du Parti québécois, il y a quelques années et qui s'intitulait pompeusement: "L'affaire de la Baie James". J'hésitais à le déchirer, mais je pense que je vais le garder pour les archives, comme souvenir de ce qu'est la politique.

Les travaux de cette commission ont donc réhabilité ie projet de la Baie James et je m'en réjouis. Le gouvernement actuel, j'oserais dire, en paraphrasant un auteur, est prêt à adorer ce qu'hier encore il brûlait.

Les membres de l'actuel gouvernement — il me semble qu'ils viennent d'en faire la preuve, je ne sais pas si la franchise du ministre, et pour cette franchise, je ne sais si on doit le féliciter ou le blâmer, mais je voudrais souligner ceci — admettent aujourd'hui s'être trompés concernant la Baie James. Ce que je soumets à l'attention de l'opinion publique québécoise, c'est que cette erreur commise par le Parti québécois, j'espère qu'elle ne se répétera pas en ce qui regarde l'indépendance du Québec.

Cette commission nous aura également permis de constater — les propos qu'a tenus M. Boyd, et également le ministre responsable de l'énergie témoignent de ce que je vais dire — que l'engagement de la firme Bechtel n'était pas aussi blâmable qu'on semblait l'indiquer aux commissions parlementaires antérieures. J'en veux pour preuve le fait qu'un an après la prise du pouvoir — ou presque — la firme Bechtel est encore au service de la Société d'énergie de la Baie James et, me semble-t-il, d'après les propos du ministre, le gouvernement n'a pas l'intention d'apporter des changements là non plus, et ce n'est certainement pas moi qui vais le forcer à en faire, compte tenu du fait que la décision avait été prise par l'Hydro-Québec et les informations que j'avais dans le temps m'indiquaient que c'était une décision assez rationnelle.

M. le Président, je voudrais terminer ces remarques en remerciant le ministre des réponses franches qu'il a voulu nous donner. Je remercie également les membres de la commission. De ce côté-ci de la table, je m'aperçois que c'est aussi difficile que d'être de l'autre côté de la table. Je voudrais souligner que, si à l'occasion nous avons pensé qu'il fallait pousser un peu plus notre argumentation et à certains moments élever le ton de la voix, c'est que nous voulons rechercher, nous aussi — de ce côté-ci, en tout cas — une vérité la plus claire possible et poursuivre les débats dans ce que j'appelle et ce que j'estime être les meilleurs intérêts du Québec.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. En ce qui nous concerne, nous comprenons l'ampleur, l'importance et les exigences de ce projet de la Baie James. L'Hydro-Québec doit réaliser ses immobilisations. Nous concevons aussi la marge d'autofinancement.

On doit souligner — je pense qu'il faut avoir l'honnêteté de le dire — que si les jeunes ne paient pas de cette façon, par la tarification qui est établie, ils vont le payer, de toute façon, et ils vont les payer avec des emprunts plus les intérêts, ce qui aurait simplement pour effet de devoir faire face à une réalité avec encore plus d'acuité et peut-être avec plus de douleur que dans le cas présent.

Nous avons d'ailleurs, en ce qui concerne, l'Union Nationale, exposé nos vues à ce sujet. Nous attendons, comme plusieurs autres aussi, la présentation du fameux livre blanc sur toute la question énergétique pour faire valoir également notre point de vue et y apporter une participation active dans ce sens. C'est d'ailleurs dans cet esprit, M. le Président, que, dans tout ce dossier de la question énergétique au complet comme dans la question des hausses de tarifs actuellement en discussion, l'Union Nationale n'a pas voulu faire de politique avec cela parce que nous croyons sincèrement que ce n'est pas un dossier dans lequel on doit se laisser aller à jouer ce jeu-là. On doit honnêtement, en toute conscience des réalités, faire face au problème et se donner les moyens dont on a besoin pour y arriver.

Nous espérons donc aussi que nous continuerons d'avoir toute l'information nécessaire, tant au niveau des députés que de toute la population. En terminant, j'aimerais aussi remercier, M. le Président, tous les participants à cette commission parlementaire, les ministres comme tous ceux de l'Hydro-Québec qui se sont déplacés et de la Société d'énergie de la Baie James.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Joron: M. le Président, à la fin de nos travaux, une chose me frappe, c'est que l'unanimité se fait sur les programmes de développement des nouvelles installations hydroélectriques que nous sommes en train de faire. Tout le monde est d'accord que c'est un bon projet maintenant, qu'il faut le faire, qu'on en a besoin. C'est l'unanimité. Sauf que cela semble accrocher des fois quand il s'agit de savoir maintenant comment on va le payer. Il y a deux façons de le payer. Ou bien on l'emprunte ou on le met sur la finance, comme on dit en termes populaires, ou bien on en paie une partie de notre poche, au moyen des tarifs d'électricité, et on emprunte le reste. Je pense, en conclusion, qu'on se chicane alors qu'on ne devrait probablement pas se chicaner parce que tout ce qu'on fait, tout ce que fait cette augmentation des tarifs de cette année, c'est de rétablir l'équilibre entre la partie des fonds qui est générée de l'intérieur de l'entreprise et celle qui est empruntée.

Il s'agit de ramener cela, l'année prochaine, exactement au niveau historique où cela a toujours été. On revient à la couverture d'intérêt que tous les autres gouvernements ont cherché à protéger. On revient au taux d'autofinancement que tous les autres gouvernements trouvaient justifiable. C'est tout simplement un retour à la normale. Si on a quelqu'un ou quelque chose, plutôt, à blâmer pour cela, eh bien — ce à quoi il faudrait s'en prendre, c'est à l'ampleur des investissements. Mais l'ampleur de ces investissements, qui sont nécessaires pour satisfaire la demande, c'est à la croissance de cette demande qu'il faut les attribuer.

C'est à cela qu'il faut s'attaquer, si on ne veut pas être éternellement placé, chaque année, devant le même problème. C'est pour cela que j'ai dit que notre premier souci, dans la politique énergétique que nous allions élaborer, sera de s'attaquer à cette gestion de la demande de façon que la croissance trop rapide qu'on a connue dans le passé, qui nous amène ces investissements aujourd'hui, qu'il faut payer, que la croissance de cette demande soit mieux contrôlée. On pense y arriver de différentes façons, dans le cadre d'une politique générale de l'énergie, par des changements au mandat de l'Hydro-Québec, par des programmes d'économie d'énergie, par toutes sortes de choses comme cela.

De cette façon, je pense qu'on pourra arriver, à l'avenir, à ne pas être replacé devant la même situation à laquelle nous faisions face cette année. En terminant, j'aimerais aussi, M. le Président, à mon tour, remercier M. Boyd, les commissaires de l'Hydro-Québec, les représentants, tant de l'Hydro que de la Société d'énergie, le personnel de la direction générale de l'énergie qui était avec nous, pendant ces deux jours, en commençant par le sous-ministre, M. Michel Audet, et les membres de la commission, d'un côté ou de l'autre de la table, pour leur participation à nos travaux.

Le Président (M. Marcoux): Avant de terminer, je voudrais également remercier, au nom de celui qui a présidé les travaux de cette commission, de leur collaboration tous les membres de la commission et, ainsi que j'allais dire, les présidents de la Société de la Baie James et de l'Hydro-Québec, ainsi que tous ceux qui les accompagnaient.

M. Joron: M. le Président, je m'excuse, je ne veux pas vous interrompre au milieu de votre phrase, mais je m'aperçois que...

Le Président (M. Marcoux): Maintenant que c'est fait.

M. Joron: Je vois qu'il n'est plus dans la salle, mais j'aurais aimé au nom... Est-ce qu'il est là, M. Giroux? Il aurait bien mérité de la part des membres de la commission que l'on reconnaisse l'apport considérable qu'il a apporté pendant près de dix ans à l'Hydro-Québec. M. Giroux, au nom de tout le monde, je vous en remercie. Je sais qu'on

va pouvoir continuer de bénéficier de vos conseils au cours des prochaines années.

Le Président (M. Marcoux): Je pense que vous avez bien fait de m'interrompre. Je vais reprendre où j'en étais pour dire que la commission des richesses naturelles et des terres et forêts a complété son mandat, qui était d'entendre les représentants de l'Hydro-Québec et de la Société de la Baie James sur l'état des activités et des travaux de ces deux sociétés ainsi que sur la proposition d'augmentation des tarifs.

Le rapporteur de la commission, le député d'Arthabaska, fera rapport à l'Assemblée nationale de nos travaux. Je dois dire que la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 24)

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