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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 28 septembre 1977 - Vol. 19 N° 195

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des problèmes de rentabilité de l'industrie des pâtes et papiers du Québec


Journal des débats

 

Étude des problèmes sur

la rentabilité de l'industrie

des pâtes et papiers du Québec

(Quinze heures cinq minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Desbiens (Dubuc); M. Pagé (Portneuf) remplace M. Garneau (Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse; M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplace M. Grégoire (Frontenac); M. Léger (Lafontaine) remplace M. Joron (Mille-Îles); M. Vaillancourt (Orford) remplace M. Larivière (Pontiac); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier); M. Mailloux (Charlevoix) remplace M. O'Gallagher (Robert Baldwin) et M. Gendron (Abitibi-Ouest) remplace M. Perron (Duplessis).

Par suite d'une entente entre les deux organismes convoqués pour aujourd'hui le mercredi, 28 septembre 1977, les Produits forestiers E.B. Eddy Ltée qui étaient convoqués en deuxième position seront entendus en premier et, par la suite, nous entendrons la Fédération des producteurs de bois du Québec. Je demanderais à M. Scarth de bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent et de soumettre son mémoire.

Produits forestiers E.B. Eddy Ltée

M. Boswell (Ted): Merci, M. le Président. Je remercie la Fédération des producteurs de bois. La compagnie E.B. Eddy voit comme un privilège le fait de pouvoir exprimer son point de vue devant cette commission. Avant de faire un résumé de notre mémoire, je vais présenter les membres de la compagnie Eddy qui sont ici aujourd'hui. À ma droite, M. Ed Fox, vice-président aux ventes des papiers fins en Amérique du Nord; à ma gauche, M. Claude Turmel, chef forestier; M. O. Brien, chef de planification et moi-même, Ted Boswell, vice-président aux produits forestiers et aux produits du bois.

Nous décrivons dans ce mémoire le fonctionnement de la compagnie et les difficultés que connaît le sous-secteur des produits du papier de l'industrie des pâtes et papiers. Nous discutons également les perspectives d'avenir et des difficultés qu'on prévoit dans cette partie de l'industrie et dans notre compagnie. Nous répondons, chaque fois que c'est possible, aux questions qu'a soulevées le communiqué ministériel. En raison toutefois de la nature de l'exploitation de notre compagnie, certains des points soulevés ne s'appliquent pas à nous.

Nous parlons, par contre, de certains sujets dont le communiqué ne parle pas, mais qui constituent pour nous une préoccupation majeure.

Notre résumé: La compagnie Produits forestiers E.B. Eddy Ltée joue depuis plus de 125 ans un rôle prédominant dans l'industrie des produits forestiers du Québec. Elle a fourni pendant cette période et continue de fournir de nos jours une contribution appréciable au développement économique de la région de l'Outaouais. Nous avons bon espoir qu'il continuera à être de même dans l'avenir.

D'une petite fabrique d'allumettes en 1851, la compagnie s'est étendue au cours des années aux domaines des pâtes de bois, du papier journal, des papiers hygiéniques — les premiers au Canada — des papiers fins et industriels, des papiers d'emballage et, enfin, au domaine du bois de construction et d'oeuvre de haute qualité.

Au Québec, nos usines de Hull produisent des papiers hygiéniques et des papiers fins tandis que nos scieries de Davidson au Pontiac, du bois d'oeuvre et de construction.

À part deux petites machines de papiers fins, nos usines sont assez modernes; nous avons pour les papiers hygiéniques trois machines à papier modernes à haut rendement, construites l'une en 1958, l'autre en 1965 et une autre qui vient seulement d'être terminée il y a trois semaines, et une nouvelle usine de façonnage, en 1965. Nous avons pour les papiers fins et spéciaux la machine à papier la plus importante et la plus récente pour ce genre de papier au Canada.

Au cours des années, nous avons vendu la fabrique d'allumettes et nous avons discontinué la production des pâtes de bois et du papier journal; avec l'arrivée de nouvelles usines avec nouveaux procédés de transformation des pâtes, tel le procédé kraft pour bois dur et bois mou, notre prodé-dé bisulfite n'était plus rentable, n'était plus acceptable pour la production de papiers fins et, de plus, ne pouvait pas se conformer aux exigences gouvernementales de réduction de pollution. L'approvisionnement des pâtes se fait maintenant en grande partie dans les nouvelles usines de pâte de l'Ouest du Québec et l'usine Espanola en Ontario qui est notre propriété.

Les scieries à Davidson constituent des exploitations modernes, marchant bien. Elles ont été construites en 1966 et en 1977.

Il y a donc à la compagnie Eddy deux parties très distinctes, la récolte du bois, incluant la fabrication de bois d'oeuvre, et la production de papiers fins et hygiéniques.

Nous sommes conscients de la nécessité d'améliorer la productivité des forêts et sommes disposés à prendre une part active à l'élaboration d'un programme efficace de gestion forestière dans la province. Nous sommes d'avis que notre industrie doit travailler avec le gouvernement pour aboutir au succès en ce domaine, compte tenu de

ses besoins à long terme d'approvisionnement de bois à bon marché.

Le bois de sciage, le bois à pâte et les autres produits de bois en grume venant de terres privées, existantes et éventuelles, constituent pour la province des ressources d'une valeur extrême. Le gouvernement et l'industrie doivent faire tout leur possible pour encourager les propriétaires de forêts privées à relever la qualité et à étendre l'utilisation du bois qui se trouve sur ces terres. Nous pensons que le meilleur moyen de réaliser cette amélioration consiste à commercialiser la production de ceux-ci dans un environnement de libre concurrence.

Le succès de nos opérations de sciage sera totalement tributaire, dans l'avenir, de la qualité et du coût des livraisons de bois. C'est pourquoi nos besoins à long terme, pour conserver une situation concurrentielle, sont les suivants: Le coût de la main-d'oeuvre. Une modération immédiate et permanente en matière de demandes de salaires, pour mettre nos coûts unitaires de main-d'oeuvre en harmonie avec ceux de nos principaux concurrents aux États-Unis et dans l'Ouest du Canada.

Productivité de la main-d'oeuvre et du capital. Le relèvement de la productivité nécessitera dans l'avenir d'effectuer des investissements importants en matériel forestier et d'accorder une importance bien plus grande à la recherche et au développement.

L'industrie québécoise a connu un certain succès tant dans la fabrication d'équipement que dans son fonctionnement. Les coûts et les risques qui s'associeront dans l'avenir à cette évolution seront encore plus grands. Tous les paliers de gouvernement doivent reconnaître ce fait dont ils doivent tenir compte avant d'augmenter les impôts ou les autres charges que supportent les industries forestières.

Frais de transport. Les grandes distances qui séparent nos exploitations de bois des scieries, alliées au fait que l'on ne dispose pas d'un réseau routier convenable, nous obligent de façon absolue à continuer à faire parvenir notre bois à Davidson par la rivière Coulonge.

Coût de l'énergie. Le transport par rivière réduit appréciablement les besoins d'énergie pour transporter le bois. L'utilisation pour le chauffage des rejets des scieries de Davidson, résultant d'importantes dépenses d'immobilisation, a permis de supprimer complètement le recours à l'huile et à d'autres combustibles fossiles, donc de réduire nos coûts d'énergie. Nous insistons pour que toute réglementation sur l'environnement qui réduirait le caractère viable de ces exploitations fasse l'objet d'un examen attentif, compte tenu des économies substantielles d'énergie qu'elles assurent.

Nous vivons actuellement dans une période d'incertitude du point de vue de nos concessions sur des terres de la couronne. Ceci a pour effet d'augmenter l'incertitude qui s'associe aux projets d'investissement de capitaux sur ces terres, et d'entraver toute tentative sérieuse d'élaboration de programmes de gestion forestière. Nos exploitations de sciage requièrent absolument les grumes de qualité que fournissent ces zones concédées. Nous aimerions être tenus au courant du processus de révocation et d'y prendre une part active, afin de garantir non seulement la poursuite de nos exploitations, mais également la viabilité à long terme de l'industrie forestière dans l'Ouest du Québec.

La main-d'oeuvre associée à la production des papiers constitue un élément important du coût total.

L'augmentation rapide du prix de la main-d'oeuvre, relativement aux États-Unis, dans les usines de papiers fins et spéciaux, constitue une grave préoccupation pour nos exploitations de Hull.

Les taux au Canada sont actuellement à peu près 25% plus élevés alors qu'il y a dix ans les taux aux États-unis étaient légèrement supérieurs à ceux du Canada. Notre pays est devenu, dans la fabrication du papier, un pays où les coûts sont élevés et les bénéfices faibles, par rapport à nos principaux concurrents aux États-Unis. Nous croyons que nous devons mettre un frein aux augmentations injustifiées du taux de la main-d'oeuvre. Il est nécessaire que s'établisse, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, un climat plus rationnel de relations industrielles.

L'industrie de papiers fins et hygiéniques de l'Est du Canada est désavantagée du point de vue des frais de transport par rapport aux principaux marchés des États-Unis et d'outre-mer. La qualité du service et le coût ont nécessité l'abandon du trafic ferroviaire pour le camion et nous recommandons au gouvernement de ne favoriser aucune mesure qui aurait pour effet d'affaiblir la situation de l'industrie du camionnage sur le marché de la concurrence.

L'énergie constitue l'un des avantages dont bénéficie actuellement, du point de vue du coût, l'industrie du papier au Québec. Nous insistons pour que les gouvernements et l'industrie prennent ensemble mieux conscience des questions d'énergie. Ce point doit faire l'objet d'un examen attentif dans l'élaboration de tous les procédés nouveaux, dans les règlements sur l'environnement et dans le transport du bois et des produits finis.

Des progrès sensibles ont été accomplis, ces dernières années, en matière de déversement des effluents et nous continuerons à investir en ce domaine. Cette question doit toutefois conserver une certaine commune mesure avec la "profitabilité" de l'industrie et de la compagnie. Il est évident que certains des problèmes de productivité de notre industrie découlent de la modicité des capitaux dont on dispose en raison du faible volume des gains et du taux élevé d'inflation. On doit parvenir à un équilibre raisonnable entre le délai au bout duquel on doit se plier aux exigences de l'environnement et le rythme auquel on doit investir des capitaux pour améliorer la productivité et raffermir notre situation du point de vue de la concurrence.

Les usines canadiennes de pâtes et papiers ont été grevées de taxes coopératives, d'un taux plus élevé que celui qu'ont à assumer leurs concurrents aux États-Unis. Les taxes de vente et les taxes scolaires et municipales, en augmentation rapide, constituent des éléments importants du coût qui contribue à rendre notre situation non concurrentielle sur les marchés d'exportation. Nous prétendons en outre que les programmes de réforme sociale sont allés trop vite compte tenu du taux actuel de croissance de la productivité de notre pays et nous sommes d'avis que l'on doit marquer un arrêt dans l'institution de ces programmes, jusqu'à ce que l'économie de la province soit revenue à une meilleure situation pour se permettre des initiatives nouvelles.

Dans la plupart des pays, les papiers fins sont à l'abri d'une forte protection douanière à cause des économies d'échelle dont jouissent certains pays comme les États-Unis. Notre industrie s'est organisée pour fournir au marché québécois et canadien, les 200 à 300 produits demandés. Sur le plan international, nous ne sommes pas concurrentiels et pour le devenir, il faudrait bouleverser toute l'industrie ou du moins obtenir plusieurs années de sursis.

Alors qu'en 1969 les usines canadiennes fournissaient 95% des besoins, ce pourcentage est tombé à 75% maintenant, sans compter les imprimés, suite aux négociations du Kennedy Round qui ont abouti à une réduction de tarifs douaniers de 22,5% à 12,5%.

Nos recommandations. Les recommandations ci-après, et les raisons qui les amènent, sont élaborées dans le mémoire.

Nous recommandons que s'établisse, entre l'industrie et le gouvernement, un climat de coopération et de participation dans l'élaboration d'un programme efficace de gestion forestière.

Que le gouvernement et l'industrie fassent ensemble tout leur possible, pour encourager les propriétaires des forêts privées, améliorer la qualité et étendre l'utilisation du bois qui se trouve sur leurs terres.

Que tous les paliers de gouvernement reconnaissent les coûts et les risques associés à l'évolution et au développement de l'équipement et qu'ils en tiennent compte avant d'augmenter les impôts et les autres charges que supportent les industries forestières.

Que notre compagnie soit tenue au courant et impliquée dans le processus d'une révocation des concessions afin de garantir non seulement la poursuite de nos exploitations, mais également la viabilité à long terme de l'industrie forestière dans l'Ouest du Québec.

Que, pour assurer la continuité et la rentabilité de nos scieries à Davidson, le volume et la qualité actuels des approvisionnements en pin de sciage ainsi que la drave sur la rivière Coulonge soient continués.

Nous vous recommandons que tous les efforts soient faits pour nous débarrasser de notre médiocre rendement actuel et pour mettre un frein aux augmentations injustifiées des taux de la main- d'oeuvre. Nous souhaitons que s'établisse un peu partout un climat plus rationnel de relations industrielles.

Qu'il y ait une meilleure consultation avec des représentants de l'industrie avant la révision du Code du travail, consultation qui devrait aboutir à une meilleure compréhension des difficultés et des frais qui s'allient à ces modifications.

Que les gouvernements ne favorisent aucune mesure qui aurait pour effet d'affaiblir la situation de l'industrie du camionnage sur le marché de la concurrence.

Que toute réglementation sur l'environnement qui réduirait le caractère viable du transport par rivière et le chauffage des scieries avec les résidus de bois fasse l'objet d'un examen attentif, compte tenu des économies substantielles d'énergie qu'elles assurent.

Que la question de la consommation d'énergie fasse l'objet d'un examen attentif dans l'élaboration de procédés nouveaux et de règlements sur l'environnement et dans le transport du bois et des produits finis.

Que s'établisse un équilibre raisonnable entre le délai au bout duquel on doit se plier aux exigences de l'environnement et le rythme auquel on doit investir des capitaux pour améliorer la productivité et raffermir notre situation du point de vue de la concurrence.

Que l'on crée une franchise spéciale d'investissement, en vertu de laquelle des compagnies qui investissent des capitaux pour lutter contre la pollution améliorent des terres à bois et modernisent des usines anciennes, bénéficieraient, sur les impôts qu'elles ont à payer, d'une franchise supplémentaire de 25% du capital ainsi dépensé.

Que l'on marque un arrêt dans l'institution de programmes de réforme sociale jusqu'à ce que l'économie de la province soit revenue à une meilleure situation pour prendre de nouvelles initiatives.

Que les fonds servant de stimulant et qui sont présentement alloués à l'installation d'unités nouvelles de production servent plutôt à la modernisation d'usines anciennes et à encourager davantage la recherche et le développement.

Qu'il y ait une meilleure coordination entre tous les ministères, les services ou organismes gouvernementaux avec lesquels l'industrie forestière est en relation.

Ce qu'il y a probablement pour nous de plus important c'est que le gouvernement du Québec soutienne l'industrie dans sa demande au gouvernement fédéral afin que celui-ci ne consente aucune réduction des tarifs douaniers du Canada sur les papiers fins et hygiéniques dans le "round" de négociations de Tokyo tant que les inconvénients majeurs du point de vue du coût par rapport aux producteurs des États-Unis n'auront pas été supprimés. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):. Merci beaucoup, M. Boswell, et non pas M. Scarth. J'aimerais informer les membres de cette

commission que MM. Grenier et Russell remplacent respectivement MM. Brochu (Richmond) et Goulet (Bellechasse) comme membres de la présente commission. M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense que c'est M. Brassard qui doit... De toute façon, je peux prendre la relève.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je voudrais tout d'abord remercier la compagnie E.B. Eddy d'avoir déposé un mémoire devant cette commission. J'aurais évidemment plusieurs questions à poser aux dirigeants de la compagnie, en particulier relativement au problème de l'environnement et des projets autorisés en vue de réduire la pollution, ce qui nous amène à poser la question suivante: Eh dehors de la fermeture de votre usine de pâtes aux sulfites, quelle a été la nature des projets qui ont nécessité des investissements appréciables de votre part, tel que mentionné à la page 31 de votre mémoire?

M. Boswell: La plupart des dépenses qu'on a dû faire pour mettre un frein à la pollution ont pour but de retrouver les solides dans les effluents. C'est l'idée principale. C'est une usine de pâtes de presque 300 tonnes et les dépenses ont été énormes.

M. Brassard: Les projets se sont réduits à cela de la part de votre entreprise, c'est-à-dire qu'elle a refait les systèmes à eau blanche dans ses usines de papier?

C'est tout. Il n'y a pas d'autre projet visant à combattre la pollution de la part de vos usines. Cela se limite à cela. Vos investissements dans le domaine de la protection de l'environnement se limitent à cela.

M. Boswell: Vous parlez des investissements futurs?

M. Brassard: Au niveau de vos projets, est-ce que vous avez des projets précis visant à combattre la pollution?

M. Boswell: Les procédures qu'on a suivies dans la nouvelle installation pour le papier hygiénique, c'est le "recycling" de l'eau pour être certain que les solides, les couleurs et tout cela ne se déchargent pas dans la rivière. Pour la pâte, maintenant, nos problèmes ne sont pas aussi graves que ceux des compagnies avec les usines de pâtes, par exemple, parce que les usines de pâtes, à notre point de vue, donnent plus de problèmes que les machines à papier.

M. Brassard: À la page 36 de votre mémoire, au premier paragraphe, vous dites qu'il n'existe aucun plan immédiat de cession de vos terrains à la Commission de la capitale nationale, la CCN, et que votre compagnie a continué d'investir dans les installations qu'elle possède à Hull. Dans le deuxième paragraphe, vous ne pouvez concevoir d'investir des capitaux importants pour des installations contre la pollution qui pourraient devenir inutiles d'ici quelques années. Comment expliquer que, dans un cas, la précarité du site, le fait que le site soit précaire importe alors qu'elle n'importe pas dans l'autre cas?

M. Boswell: C'est parce que, dans le premier paragraphe, par exemple, on vient seulement de compléter, d'installer une nouvelle machine à papier hygiénique. C'était tout installé contre la pollution, mais, quand on parle des investissements futurs, on dit que, peut-être plus tard, il va falloir qu'on ferme ou qu'on abandonne une ou deux machines à papiers fins. Une des raisons, c'est parce qu'elles ne sont pas rapides, ce sont des machines très âgées. Pour continuer avec un investissement, on va investir plus d'argent dans ces machines; avec les demandes qu'on avait pour les choses contre la pollution, ce n'est pas rentable.

M. Brassard: Si je comprends bien, vous avez accepté d'investir quand même dans des équipements de production, mais non pas dans des équipements visant à réduire la pollution?

M. Boswell: Non, ce n'est pas cela. On est prêt à se conformer aux lois de l'environnement. On suit un programme, à l'heure actuelle, avec le ministre de l'environnement, pour améliorer nos usines, conformément à la loi.

M. Brassard: De l'autre côté de la rivière, vos installations possèdent certains équipements, je pense, visant à dépolluer. Est-ce que c'est le cas? À Ottawa?

M. Boswell: Oui, à notre "board machine", à Ottawa, on a installé un clarificateur, parce que c'est une vieille machine qui a besoin de quelque chose. Les machines à Hull sont les plus modernes, pour la plupart.

M. Brassard: Est-ce que c'était dans le but de répondre aux normes du gouvernement ontarien dans le domaine de l'environnement?

M. Boswell: Oui.

M. Brassard: C'était imposé, c'était obligatoire d'après les normes ontariennes.

M. Boswell: Oui.

M. Brassard: Si cela l'était du côté de Québec, qu'est-ce que vous feriez? Si c'était obligatoire du côté de Québec...

M. Boswell: On se conforme à tout ce qui est obligatoire en ce moment au Québec.

M. Brassard: À la page 7 de votre mémoire, vous mentionnez que des progrès sensibles ont été accomplis au cours des dernières années en matière de déversement des effluents et que vous continuerez à investir dans ce domaine. Il est à remarquer que, selon les Services de protection de l'environnement, depuis cinq ans, vos pertes de matière en suspension se situent à environ 10 tonnes par jour, à peu près 2% de la production. Il n'y a donc eu, à ce niveau, dans votre cas aucune amélioration pour réduire d'une façon sensible la pollution de l'eau. Quand prévoyez-vous faire des investissements et quelle sera la nature de ces investissements dans ce secteur bien précis de la pollution de l'eau?

M. Boswell: En ce moment, je pense qu'on ne prévoit pas grand-chose du côté du Québec pour des investissements pour réduire les solides. Je pense qu'on réduit les solides depuis sept ans. On se conforme maintenant aux règlements.

M. Brassard: Cela veut dire qu'avec 10 tonnes par jour de solides en suspension, vous respectez les normes de l'environnement du Québec, des Services de protection de l'environnement du Québec.

M. Boswell: À ma connaissance, oui.

M. Brassard: Est-ce que vous avez l'intention du côté ontarien de procéder à des investissements dans ce secteur?

M. Boswell: Non.

M. Brassard: Non plus. C'est vrai que vous avez un clarificateur du côté ontarien.

M. Boswell: C'est parce que c'est une vieille machine pour essayer de faire le recyclage de papier.

M. Brassard: À ce niveau, vous réclamez dans votre mémoire un délai. Vous affirmez qu'un délai vous serait nécessaire pour vous plier aux exigences de l'environnement. Cela veut dire quoi dans votre esprit quand vous parlez de délai?

M. Boswell: Des délais dans le sens que les règlements qu'on avait sont trop rigides pour qu'on puisse s'y conformer cette année ou l'année prochaine.

Si les règlements sont pour 0 de solides, ce sera presque impossible pour nous de continuer avec nos machines à papier ou de faire un investissement aussi grand que cela pour arriver à zéro. Peut-être qu'entre 10 tonnes et 0 il y aurait un arrangement. C'est de cela qu'on parle quand on demande un adoucissement des règlements.

M. Brassard: Quand vous parlez de délais, vous voulez dire combien d'années? Si vous demandez un délai, cela se chiffre en temps.

M. Boswell: Je ne peux le dire. C'était recommandé dans le mémoire, un équilibre raisonnable.

M. Brassard : Parce que, pour répondre aux normes des Services de protection de l'environnement, il vous suffirait d'installer un clarificateur, ce qui réduirait les matières en suspension d'une façon suffisante. Cela n'apparaît pas dans vos projets immédiats ou même ceux à moyen terme d'arriver à mettre en place un clarificateur. Ce n'est pas le cas.

M. Boswell: Vous dites qu'on a eu une demande pour installer un clarificateur en ce moment? Est-ce qu'on a eu une demande?

M. Turmel (Claude): Vous demandez si la compagnie a eu une demande par le ministère de l'environnement d'installer un clarificateur ou est-ce que vous dites que la seule chose qui serait nécessaire serait l'installation d'un clarificateur pour régler le problème?

M. Brassard: Compte tenu des normes actuelles sur les matières en suspension, l'installation d'un clarificateur vous permettrait de respecter les normes actuelles des Services de protection de l'environnement, puisque on atteindrait, au point de vue des matières en suspension, la norme de .8% ou .9% de la production. Actuellement, vous êtes à 2% de la production en ce qui concerne les rejets de matières en suspension.

M. Boswell: On avait certains problèmes avec les usines dispersées du côté québécois. Cela prend plus qu'un clarificateur avec les usines de papier qu'on avait. Il y avait plusieurs grandes usines, des machines pour papier hygiénique et pour le papier fin entre autres. On est appelé à faire une installation pour le recyclage où on peut faire passer l'eau encore une fois. Les 2% dont vous parlez ont baissé pas mal depuis qu'on a commencé à faire des améliorations.

M. Brassard: Mais, dans vos projets, il n'est pas question pour le moment, à court terme en tout cas, de l'installation d'un clarificateur?

M. Boswell: Non.

M. Turmel: Une chose que j'aimerais faire remarquer ici; vous avez identifié le côté ontarien et le côté québécois, mais, quand on parle de travail sur la pollution des eaux, il faut se rappeler que ce sont les mêmes eaux. On est sur la rivière Ottawa.

M. Brassard: Ce ne sont pas les mêmes normes.

M. Turmel: Ce ne sont pas les mêmes normes, si vous voulez, mais quand on fait des travaux ou des investissements en Ontario pour clarifier les

eaux de la rivière Ottawa, on se trouve à travailler sur la clarification ou la dépollution des eaux qui passent au Québec.

M. Brassard: J'en conviens, mais il faut quand même noter que les normes sont différentes et que respecter les normes ontariennes, cela n'entraîne pas chez vous une faillite. Alors, je peux en arriver à la conclusion que les Services de protection de l'environnement du Québec pourraient rendre plus sévères leurs propres normes et vous ne tomberiez pas en faillite non plus. On pourrait les rendre aussi sévères que celles de l'Ontario. Si les normes québécoises étaient aussi sévères que les normes ontariennes, vous les accepteriez sans opposition?

M. Boswell: Je ne suis pas certain du tout de cela. Si certaines normes sont différentes, si elles sont plus sévères dans tel et tel cas, je n'en suis pas certain. J'ai déjà pensé qu'elles étaient presque la même chose.

M. Brassard: Si c'est la même chose, comment se fait-il que vous ayez un clarificateur du côté ontarien et que vous n'en avez pas du côté québécois.

M. Boswell: Parce qu'on avait un problème avec notre machine de papier ontarien; elle est plus vieille et plus énorme que les machines du Québec.

M. Brassard: J'aimerais aborder un autre sujet, M. le Président, c'est le dernier. Dans votre mémoire, vous parlez également du bois comme source d'énergie ou de l'utilisation des résidus du bois comme source d'énergie. Il faut dire qu'au Québec et même au Canada on n'est pas très avancé. L'industrie des pâtes et papiers n'est pas très avancée à ce niveau, contrairement aux États-Unis, par exemple, où, en 1972 — cela s'est sans doute amélioré depuis, mais j'ai les chiffres de 1972 — 37% des besoins énergétiques de l'industrie américaine des pâtes et papiers étaient satisfaits par la combustion des résidus de bois de l'écorce et des liqueurs usées; 37% des besoins énergétiques. On est sûrement loin du compte.

Je n'ai pas de chiffres pour le Québec ni pour le Canada, mais il n'y a à peu près rien de fait dans ce domaine; on est donc sûrement loin du compte. Alors qu'on sait que l'industrie des pâtes et papiers est une industrie extrêmement énergi-vore, pourrait-on dire, qui consomme beaucoup d'énergie, il est reconnu que les économies qui sont assez considérables et que les investissements requis sont très rapidement amortis. Pourtant, dans votre mémoire, non pas dans le résumé, mais dans le mémoire même, vous réclamez des subventions de l'État, une aide financière de l'État, à ce niveau, au niveau du coût de l'énergie, à la fin de la page 30: "Elle se rend compte qu'elle pourrait faire encore mieux si elle bénéficiait d'une aide financière gouvernementale." Or, on sait pertinemment que les investissements faits dans ce domaine, en tout cas aux États-Unis, sont très rapidement amortis et que, finalement, c'est très rentable d'installer des équipements visant à utiliser les résidus comme source d'énergie.

Je trouve étonnant, première réflexion, je trouve surprenant qu'alors que c'est rentable d'agir ainsi, vous réclamiez, malgré tout, une aide financière gouvernementale; je trouve cela bizarre, surprenant, étrange. Je voudrais vous poser une question à ce sujet, parce que cela m'apparaît extrêmement important, et il faudra que les entreprises des pâtes et papiers, dans ce domaine, fassent preuve d'un peu plus de vigueur et d'un peu plus de dynamisme, parce que les entreprises, à ce niveau, sont extrêmement conservatrices, très prudentes, pas très avancées.

Supposons que les services de protection de l'environnement, par exemple, ou le ministère des Terres et Forêts imposent aux entreprises une réglementation visant à favoriser l'utilisation des résidus du bois en plus grande quantité comme source d'énergie — sous forme de règlement — comment réagiriez-vous?

M. Boswell: Je pense qu'on est complètement d'accord avec la philosophie qu'ont énoncée les scieries, et les deux scieries de A. Davidson ont complètement supprimé le coût de l'huile et de d'autres combustibles fossiles...

M. Brassard: Au niveau des scieries, d'accord, au niveau de l'industrie du sciage au Québec, on est pas mal plus avancé à ce niveau, mais au niveau de l'industrie des pâtes et papiers, presque aucun progrès n'a été fait dans ce domaine.

M. Boswell: On parle d'aide financière, peut-être parle-t-on d'aide financière dans la recherche et développement parce que, dans ce domaine, nous voulons pouvoir utiliser l'écorce et tout le bois sous une forme ou l'autre. Cela donne...

M. Brassard: Cela donne à supposer qu'il y a des problèmes techniques, technologiques?

M. Boswell: Mais cela amène d'autres problèmes pour l'environnement, la combustion par exemple. Dans un centre urbain comme Hull-Ottawa, ce problème de combustion complète, c'est un vrai problème mais je suis certain qu'on ne peut pas être d'accord à 100% avec la philosophie énoncée, il faut que l'on brûle ces choses pour produire de l'énergie.

M. Brassard: Est-ce que les techniques, les procédés existent, puisque 37% des besoins énergétiques de l'industrie américaine des pâtes et papiers sont satisfaits par ce moyen?

M. Boswell: Ils sont satisfais, mais tous les problèmes d'environnement n'ont pas disparu. Il y en a 37% qui...

M. Brassard: Je me demande si les solutions aux problèmes de l'environnement... Cela comporte peut-être plus de solutions à des problèmes

d'environnement que cela crée des problèmes d'environnement, j'en ai l'impression.

M. Boswell: D'accord.

M. Brassard: Mais comment réagiriez-vous? Est-ce que vous réagiriez d'une façon positive si on vous imposait une réglementation qui viserait à favoriser l'utilisation des résidus comme source d'énergie? _ M. Boswell: 100% contre, parce qu'avec le coût de l'énergie, aujourd'hui, il faut qu'on trouve un autre moyen de la dépenser.

M. Brassard: Merci.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Messieurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de contribuer à nos travaux par la présentation de votre mémoire. Dans votre mémoire, vous énoncez...

M. Turmel: Je m'excuse, pourriez-vous vous servir de votre micro? Parce qu'on a de la difficulté.

M. Pagé: Oui, je vais parler plus fort. Le président me recommande de brasser mes cordes vocales, ce doit être parce qu'on a travaillé tard hier. D'abord, je tiens à vous remercier de contribuer à nos travaux par la présentation de votre mémoire. Dans votre mémoire, vous dites ce que plusieurs ont repris depuis déjà un bon bout de temps, à savoir que la préoccupation première des industries du milieu, c'était le coût de production. Vous en faites état à plusieurs reprises dans le document que vous déposez aujourd'hui et, lorsqu'on parle de coûts de production, on revient souvent au coût de la main-d'oeuvre. Hier, au cours des délibérations, l'Association des industries forestières a affirmé que, dans le coût de production, 35% représentaient le coût de la main-d'oeuvre et c'était 50% si on incluait le coût dans la forêt, te coût de la main-d'oeuvre dans la forêt.

À la page 5 de votre résumé, vous dites ceci: Une modération immédiate et permanente en matière de demandes de salaires, pour mettre nos coûts unitaires de main-d'oeuvre en harmonie avec ceux de nos principaux concurrents aux États-Unis et dans l'Ouest du Canada. Hier, au cours des travaux de cette commission, la CSN, dans un document assez volumineux qui témoignait d'une recherche assez profonde, faisait état que le coût moyen des salaires payés ici au Québec était comparable à celui payé aux États-Unis. On n'a peut-être pas eu l'occasion d'échanger ou d'avoir des chiffres exacts sur ceux payés notamment en Colombie-Britannique. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples concrets, à l'appui de l'affirmation que vous faites, c'est-à-dire qu'en raison des taux de salaire, vous n'êtes pas concurrentiels avec vos principaux compétiteurs?

M. Boswell: Je pense qu'un tableau, aux pages 40 et 41, montre les chiffres dont on se sert pour faire une comparaison avec les compagnies américaines.

M. Pagé: Je comprends qu'il est difficile — d'ailleurs, je pense que tout le monde l'a accepté, hier — il est toujours difficile de comparer les taux de salaires comme tels, parce qu'il reste à savoir ce qui est inclus comme bénéfice ou comme coût social ou autres choses. D'ailleurs, vous en faites état. Mais, quand même, ce sur quoi je veux surtout insister, c'est sur ceci, et j'en ai fait état hier. C'est peut-être trop facile de dire que le problème des coûts de production est dû au coût de la main-d'oeuvre et, d'autre part, à la page 9 de votre résumé, vous nous dites: Nous recommandons que tous les efforts soient fais pour nous débarrasser de notre médiocre rendement actuel et pour mettre un frein aux augmentations injustifiées des taux de la main-d'oeuvre.

Je voudrais tout d'abord que vous me disiez en quoi les augmentations demandées depuis quelques années sont injustifiées, d'une part, et, d'autre part, j'aimerais avoir vos commentaires, surtout au niveau de la productivité. Je présume que vous fondez votre argumentation sur le fait qu'un revenu, avec une production, c'est payé trop cher.

Un des arguments, au niveau de la productivité du monde syndical, hier, a été que les entreprises, les industries québécoises n'ont peut-être pas suffisamment réinvesti au niveau des équipements, depuis une quinzaine d'années, au Québec.

J'aimerais savoir, d'une part, sur quoi vous vous fondez pour parler d'une augmentation injustifiée et, d'autre part, en ce qui concerne votre industrie, quel est l'effort que la compagnie a déployé, au chapitre des réinvestissements, en termes d'équipement, pour, somme toute, améliorer la production?

M. Boswell: Au point de vue de nos employés, leurs demandes sont justifiables, je suppose. La question est que dans le papier fin et dans les manufactures de papier hygiénique, c'est comme une manufacture secondaire. Vous voyez qu'on avait 1730 employés à Hull. Le pourcentage de la main-d'oeuvre dans notre produit est bien plus élevé pour une tonne de papier journal, par exemple. Nos chiffres démontrent que le pourcentage demandé dans notre produit final est d'environ 60%, incluant le bois, la pâte, le papier et le façonnage.

Si on n'est pas compétitif avec le les taux actuels, avec nos compétiteurs des États-Unis, un tel pourcentage, comme 60%, ne peut pas rendre notre produit au marché et être en compétition avec les moulins du nord des États-Unis. Comme vous le voyez à l'appendice 2, à la page 42, la proportion du marché que les moulins de papier fin ont perdu depuis 1967: importation, en 1967, 5,2%. Maintenant, c'est rendu à 23,8%.

Mais comme la compagnie a dit, nos machines de papier hygiénique et le moulin de façonnage sont les plus modernes au monde. Ce n'est pas

une question de modernisation, on vient juste de compléter la nouvelle usine de papier hygiénique, il y a trois ou quatre semaines, avec un produit unique. Même dans nos usines de papiers fins, on avait de vieilles machines avec lesquelles il était difficile de continuer. On avait aussi la plus grande et la plus importante machine au Canada qui a été installée en 1968. Ce n'est pas tout à fait une question de modernisation. C'est un peu les deux, la main-d'oeuvre et la modernisation.

Mais on n'est pas capable de rentrer nos produits de papier hygiénique aux États-Unis. Ce n'est pas compétitif à l'heure actuelle.

M. Pagé: À cause des conclusions du Kennedy Round?

M. Boswell: À cause de plusieurs choses: le coût du bois, le coût des pâtes, le coût de l'énergie et tout.

M. Pagé: D'accord. L'Association des industries forestières hier, a fait état que de 1970 à 1977, le bénéfice net moyen des entreprises, après impôt, était de 5,8%, voulant démontrer que la marge de profit était très mince depuis 7 ans. Est-ce que, d'une part, vous souscrivez a ce chiffre pour l'industrie? Et d'autre part, pour votre propre industrie, mais c'est environ entre 5% et 7%, pour le papier fin.

M. Pagé: Entre 5% et 7%.

M. Boswell: ... et 7%, dans l'industrie du papier fin.

M. Pagé: D'accord. Vous faites plusieurs recommandations. Concrètement, vous savez que cette commission a été convoquée pour voir ce qu'il y avait lieu de faire dans l'immédiat mais aussi à long terme. Le problème demeurera, vous en faites état, c'est toute cette question des coûts de production. Concrètement, selon vous, quelles seraient les mesures qui pourraient être adoptées par le gouvernement et qui pourraient faire en sorte que nos coûts de production puissent diminuer? Abstraction faite des recommandations formulées concernant les salaires. Le transport, par exemple?

M.Turmel: Je pense que la recommandation la plus pratique qui peut découler de cela au point de vue des coûts et des salaires, c'est que les relations gouvernement-industrie-syndicat soient des meilleures pour un bon climat pour que tout le monde sache quels sont les problèmes, de façon que les demandes soient raisonnables et que tout le monde puisse réussir à faire survivre l'industrie. Vous demandez ce que le gouvernement pourrait faire. Je pense qu'il pourrait avoir un rôle de leader, essayer d'organiser ces rencontres de façon que les communications soient bonnes et que les relations industrielles et patronales s'améliorent et soient parfaites. Du côté du transport, chez nous nous sommes surtout touchés par le camionnage. Le transport ferroviaire est très peu à notre portée. Alors, on recommande concrètement, au point de vue du camionnage, que rien ne soit fait pour le rendre moins concurrentiel. Cela a été aussi mentionné hier par l'Association des manufacturiers de bois de sciage, lorsqu'il est question des permis, des relations interprovinciales au sujet des permis, des facilités de transport. Nous louons un camion; le camionneur a déjà payé les taxes sur l'achat de son camion et, en plus, il faut payer une taxe sur la location, ce qui amène les prix à devenir un peu moins concurrentiels. Du côté du transport, le camionnage devrait être favorisé et rien ne devrait être fait pour le rendre moins concurrentiel.

M. Pagé: Toujours au niveau du transport, quel serait l'effet pour votre entreprise que, par une directive ou une mesure réglementaire ou législative du gouvernement, soit interdit le flottage du bois?

M. Boswell: Pour nos usines de Davidson ce serait un chantage que de dire qu'il n'y a pas moyen de draver sur la rivière sur une distance plus longue pour le moment. Dans les cinq prochaines années il faudra qu'on ferme parce que nous n'avons pas de routes. Les routes, pour nos exploitations forestières, passent par le parc La Vérendrye et Davidson, comme vous le savez, est une rivière Outaouais. C'est la seule route qui existe à l'heure actuelle.

M. Pagé: Si je comprends bien — et vous pourrez me corriger — autant pour d'autres entreprises, le fait d'interdire le flottage du bois pourrait entraîner un coût de transport tel que vous ne seriez pas capables de produire à un prix concurrentiel et, chez vous, vous n'êtes pas capables de transporter à cause de l'état routier?

M. Turmel: C'est cela. Notre réseau routier a été développé est-ouest pour favoriser l'accès du personnel à la machinerie et à nos opérations, suivant toujours un transport nord-sud par la voie des eaux. Si le transport par la voie des eaux était arrêté, disons demain ou la semaine prochaine, il n'y a aucun bois que nous pourrions transporter. À des prix exorbitants, il faudrait faire faire des détours énormes à ce bois pour l'apporter. Cela, c'est pour les scieries, pour les usines de papiers, parce que dans notre cas on ne parle pas de pâtes et papiers, on parle de papiers, le transport du bois aurait un effet sur les gens où on achète la pâte.

Ils seraient obliges, sinon de faire mieux, du moins de hausser leurs prix de pâte à des prix qu'on ne pourrait pas se permettre non plus.

M. Pagé: D'accord. Au chapitre de l'énergie, une question bien précise. Est-ce que vous avez évalué en quoi vos coûts de production seront affectés à la suite de l'annonce d'une augmentation des tarifs de l'électricité de 27%?

M. Boswell: Je n'ai pas la compétence voulue pour donner une réponse dans les termes actuels;

non, je ne sais pas. Le coût actuel, depuis la dernière augmentation de l'électricité...

M. Pagé: Oui, l'impact sur votre coût de production.

M. Marcoux: Hier, j'ai posé la question. Je crois que c'était à l'association qui vous représente tous, c'était plutôt à une compagnie qui indiquait que les coûts d'électricité étaient environ de 15% du coût de production. La prochaine augmentation dans le domaine des pâtes et papiers est prévue comme étant de 27%, donc de 4%. Est-ce que le chiffre de 15% comme coût de production, par rapport à l'électricité, en ce qui concerne votre compagnie, est-ce que c'est à peu près le coût actuel?

M. Boswell: Dans le cas d'une usine de papier...

M. Marcoux: Moulin à papier, oui.

M. Boswell: En comparaison avec une usine des pâtes, par exemple, l'augmentation est un peu moindre; pour une usine de pâtes, il y a plus d'énergie.

M. Marcoux: II y a plus d'énergie pour un moulin à pâte. Pour vous, ce sont des usines de papier; donc, le facteur énergie est beaucoup moins important.

M. Boswell: Oui.

M. Marcoux: Très peu important. Qu'est-ce que c'est? 5%? 4%?

M. Boswell: Non, plus que cela.

M. Turmel: Ce qu'il a répondu, c'est que la différence est un peu moindre, et non pas que ce n'est pas important.

M. Boswell: Si c'est 15% dans un moulin intégré, ce sera peut-être 13% avec nous autres.

M. Pagé: Dans votre mémoire, vous demandez au gouvernement de cesser de mettre de l'avant toute mesure sociale qui pourrait se refléter par des déboursés de la part de l'industrie. Cependant, les derniers mois ont permis de constater que le fait de fermer des entreprises dans certaines régions du Québec plaçait ces régions, ces villes — même, dans certains cas, cela déborde la ville où l'entreprise est fermée — dans une position telle que l'avenir de toute l'économie d'une région était mise en cause. On a eu à souligner hier la responsabilité sociale que, non seulement les entreprises ont, mais que le gouvernement a à l'égard de travailleurs qui sont affectés par des fermetures d'entrepries. La CSN, dans le document qu'elle nous déposait hier, faisait état de recommandations à ce sujet; particulièrement, elle demandait au gouvernement de procéder par mesures législatives, de manière qu'on puisse en arriver à l'établissement d'une caisse de stabilisation qui permettrait une indemnité aux travailleurs affectés par la fermeture d'une usine. Est-ce que les entreprises, dans votre cas, est-ce que votre entreprise serait disposée à envisager de telles formules pour atteindre les objectifs que j'ai précédemment énoncés?

M. Boswell: Notre entreprise est d'accord à 100% avec le principe de stabilisation. On dit dans nore mémoire qu'on a fait cela dans nos opérations forestières avec un grand succès. Avant cela, on travaillait six mois, huit mois, sept mois. Maintenant, on a stabilisé cela. On travaille dix ou onze mois, pour ne pas travailler aux mois de mars ou avril. Les bénéfices...

M. Pagé: Je m'excuse. Je ne suis pas certain si vous m'avez bien compris. Je parle de la recommandation qui a été formulée par la CSN dans son mémoire hier, c'est-à-dire que, dans les cas de fermeture d'usines, il y ait une caisse de stabilisation qui soit mise sur pied, pour former un genre de caisse qui aurait comme objectif — le président me souffle à l'oreille — un "jack-pot" où on aurait des sommes qui auraient uniquement pour but d'indemniser éventuellement les travailleurs affectés par la fermeture d'usines.

Nous aurons l'occasion, au cours des travaux de cette commission, d'entendre plusieurs compagnies. Je pense qu'il est explicable de leur demander leur point de vue là-dessus.

M. Boswell: Ces "jack-pots" dont on parle, c'est le même système, je présume, je n'étais pas ici pour le mémoire de la CSN, mais je présume qu'on parle du même système qu'il y a eu en Suède, ou à peu Drès, une stabilisation, s'il y a fermeture. Il faut dire qu'en Suède ce n'est pas exactement l'idéal, parce qu'il y a beaucoup de problèmes. On trouve que les coûts en sont énormes. Si je comprends la question, je pense que c'est impossible pour l'industrie de suivre un système comme cela, même le "jack-pot".

M. Pagé: Exception faite de la recommandation particulière formulée hier, est-ce que vous acceptez que quand une industrie a fonctionné pendant plusieurs années dans un milieu donné, le fait de fermer cette entreprise peut causer un préjudice tel à l'économie de la région que cela devienne une région fantôme? Est-ce que vous considérez que l'entreprise, au même titre que le gouvernement, a une responsabilité sociale à l'égard des travailleurs de ces régions?

M. Boswell: Même le gouvernement a toujours une responsabilité envers ses employés.

M. Pagé: L'entreprise? M. Boswell: Oui. M. Pagé: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, je voudrais à mon tour féliciter la compagnie Eddy pour le mémoire présenté à la demande du ministre des Richesses Naturelles et qui donne beaucoup d'information. Il y a plusieurs questions qui ont été posées et qui ont clarifié certains doutes; il y a eu plusieurs explications additionnelles de données. Toutefois, il demeure encore des choses que je ne retrouve pas dans le mémoire. Je voudrais poser quelques questions en ce qui concerne le territoire forestier que vous détenez dans le Québec et en Ontario. Vous avez des territoires de quelle grandeur au Québec et en Ontario?

M. Boswell: 3000 milles carrés.

M. Russell: 3000 milles carrés au Québec et vous exploitez des usines en Ontario. Y avez-vous des concessions aussi?

M. Boswell: Oui.

M. Russell: De quelle grandeur?

M. Boswell: 7000 milles carrés.

M. Russell: Quelle est votre production au Québec comparativement à celle de l'Ontario, en pourcentage de cunits?

M. Boswell: N'oubliez pas que nos concessions ontariennes fournissent notre moulin à pâte d'Espanola. On n'a pas d'usine de pâtes au Québec. La production de nos moulins ici et dans les deux provinces est la même.

M. Russell: Vous n'avez pas d'usine de pâtes. À Hull, c'est seulement une usine de papier où vous utilisez la pâte que vous fabriquez en Ontario?

M. Boswell: Non, c'est moitié moitié. On achète la moitié de notre pâte des usines de l'Ouest du Québec et la moitié vient de notre moulin à pâte de l'Ontario.

M. Russell: Les limites du Québec servent simplement à alimenter la scierie que vous possédez actuellement à Davidson. Vous coupez 60 millions de pieds de bois de sciage.

M. Boswell: 74 millions environ.

M. Russell: Les copeaux de ce moulin vont en Ontario?

M. Boswell: Non, ils vont aux moulins du Québec.

M. Russell: D'accord. Vous avez combien d'employés qui travaillent à Hull et à votre scierie au Québec?

M. Boswell: II y a 1730 employés dans nos usines de papier de Hull, 210 dans nos scieries à Davidson et 250 dans les concessions forestières.

M. Russell: Dans le Québec?

M. Boswell: Québec, c'est du Québec qu'on parle.

M. Russell: Et il n'y a aucun bois du Québec qui va en Ontario?

M. Boswell: Non. M. Russell: Aucun? M. Boswell: Aucun.

M. Russell: D'accord. Vous avez parlé de l'importance du transport, tel que cela a été mentionné hier, et je me demande si vos remarques sur le transport s'appliquent un peu de la même façon qu'a voulu l'énoncer hier l'association des manufacturiers du bois de sciage. Elle demandait un sursis pour répondre à des difficultés des transporteurs. On sait que transporter des copeaux ou des sciures ou même du bois à papier avec un camion, c'est assez difficile pour un homme, comme dirait le Québécois, de biffer cela. On sait que l'épinette et le sapin ont deux poids bien différents. C'est difficile pour un chauffeur qui va charger son camion de sapin, uniquement de sapin et dire: Je suis surchargé, à l'oeil. La même chose pour les copeaux; il recule, il va charger dans une benne de copeaux et, souvent, il se fait arrêter par le policier parce qu'il dépasse les limites, un peu inconscient, et il va se ramasser avec une facture de $300. C'est pour cette raison que l'association des manufacturiers, hier, demandait un sursis ou un peu plus de compréhension de la part du ministère des Transports en ce qui concerne l'application du poids, sur la route, pour les camionneurs. Est-ce que c'est pour le même sursis que vous vous référez aux transports, dans votre mémoire? Avez-vous d'autres raisons?

M. Boswell: Non, on est complètement d'accord avec le principe exprimé par l'association du bois de sciage, mais ce n'est pas de cela qu'on parle dans notre mémoire.

M. Turmel: Comme vous le savez, n'ayant pas de moulins à pâtes, on n'est pas tellement sur le marché de l'achat, les produits qui viennent par camion. Alors, les camionneurs dont il était question dans le mémoire de l'association ce sont surtout ces camionneurs-là; le camionneur indépendant, le fermier qui livre son bois. Chez nous, c'est le camionnage surtout pour la mise en marché des produits finis. Notre recommandation est surtout de ce côté. Mais quand on lit, on peut voir qu'elle s'applique aussi à ce problème. Alors, quand on dit que le gouvernement ne favorise aucune mesure qui aurait pour effet d'affaiblir la situation de l'industrie du camionnage sur le marché concurrentiel, cela touche à tous les points. C'est ce point concernant les permis que l'association des manufacturiers de bois de sciage a touché, et cela rejoint ce que l'association des industries forestières a mentionné au point de vue des poids, et cela

touche aussi à la mise en marché des produits finis, c'est-à-dire les papiers, une fois emballés, à livrer sur les marchés, pour les consommateurs.

M. Russell: Est-ce qu'on ne serait pas d'accord que dans le cas des papiers finis aussi bien que du bois de sciage qui est scié, il est facile pour la compagnie ou le camionneur d'établir d'avance assez précisément son poids qui lui permettrait de respecter les normes qui sont établies par le ministère des Transports?

M. Turmel: C'est d'accord, c'est pour cela que notre recommandation, comme on vous l'a dit, ne touche pas à ce point-là en particulier, parce que les poids ne sont pas un problème, dans notre camionnage. C'est plutôt un problème de licence, de permis et de taxation sur les locations de camions qu'on touchait dans notre mémoire. Mais comme M. Boswell l'a dit, on est en complet accord avec le point fait par les autres parce que cela crée énormément de problèmes aux camionneurs indépendants. On a eu même à subir, on a eu un arrêt, disons, de deux jours, cette année, sur la livraison de bois à pâtes, de trembles écorcés chez nous, parce que les agents du ministère des Transports ont arrêté des camionneurs qui n'avaient pas de filets pour couvrir leur empilement. Quand on parle de trembles écorcés, c'est un matériel peut-être un peu plus glissant, un peu plus dangereux à transporter. Ces filets, cela nous a pris à peu près quatre, cinq jours avant de trouver quelqu'un qui pouvait les produire. Puis, finalement, on est arrivé avec autre chose. Mais c'est un cas. Deux jours d'arrêt des camionneurs pour des filets, et cela faisait des années et des années que le bois se transportait sans filet. Le camionneur a été arrêté subito presto.

M. Russell: Si je comprends bien, c'était un bois coupé dans le Québec et transporté en Ontario.

M. Turmel: Non, c'était un bois qui venait, disons, de la région de la Gatineau, livré à notre moulin de Hull. Présentement, on a encore une certaine facilité de production de bois à pâte par pâte mécanique, mais on achetait un certain nombre de cordes de bois pour ce moulin. C'était du tremble écorcé simplement. Il était écorcé en forêt ou sur la terre du cultivateur et livré chez nous.

M. Russell: Est-ce que vous achetez en Ontario — je m'excuse de revenir là-dessus — du bois qui vient de forêts privées pour votre exploitation en Ontario?

M. Turmel: Pour l'exploitation en Ontario, oui, et pour l'exploitation au Québec.

M. Russell: De quelle façon diffèrent les règlements en Ontario et au Québec en ce qui concerne les artisans?

M. Turmel: À ma connaissance — je ne suis pas tellement versé du côté de l'Ontario — je pen- se que la situation n'est pas aussi compliquée, mais je ne pourrais pas m'aventurer plus loin.

M. Russell: Vous avez parlé du flottage qui pouvait être une entrave à l'exploitation de votre scierie seulement. Cela ne nuirait-il pas à l'exploitation de votre usine à papier à Hull?

M. Turmel: Quand j'ai répondu à cette question, j'ai dit que directement, vu qu'on ne recevait pas de bois, cela n'affecterait pas notre usine, mais, par contre — pour parler en bon canadien — par "rebound", on aurait un effet, parce que celui qui serait empêché de draver le bois pour produire la pâte qu'on achète, nous passerait certainement le prix de le transporter par camion et cela nous créerait un drôle de problème. La pâte deviendrait très chère.

M. Russell: Si je comprends bien vous achetez du bois des cultivateurs ou des terrains privés, qui est déversé dans la rivière, en haut. Ce bois est assez éloigné, alors évitez du transport en camion.

M. Turmel: Non, dans le passé nous avons fait cela, mais présentement, il n'y a aucun bois qui arrive des cultivateurs chez nous par rivière. La rivière dont on parle est la rivière Coulonge qui est complètement en forêt, en dehors des chemins d'accès; par la Gatineau, où le bois pourrait être Ji-vré, on ne reçoit aucun bois, donc le bois est livré en camion à notre cour.

M. Russell: Donc, cela n'affectera pas le bois qui provient d'entreprises privées ou de cultivateurs; cela affectera simplement le bois qui a été coupé en forêt, sur vos limites.

M. Turmel: D'accord, pour notre scierie.

M. Russell: Vous avez parlé, tout à l'heure, si je ne me trompe, des routes construites d'est en ouest; du nord au sud, c'est la rivière qui sert de moyen de transport. Quelles sont les distances de route que vous auriez à construire pour arrêter le transport par eau?

M. Boswell: Une route d'au moins 120 milles. On fait flotter le bois sur une distance de 120 milles. Il faudrait qu'on construise un chemin pour la même distance.

M. Russell: Dans ces limites, faites-vous l'exploitation de bois dur?

M. Boswell: Oui.

M. Russell: De quelle façon le transportez-vous, pas par la rivière?

M. Boswell: Non, le bois dur sort par les chemins d'accès de Maniwaki.

M. Russell: Est-ce que votre bois à papier ou votre bois mou ne pourrait pas sortir par les mêmes routes?

M. Boswell: Non, parce que c'est dans la direction opposé à notre usine. C'est l'est et notre u-sine est située à l'ouest.

M. Russell: Votre bois dur est vendu à d'autres scieries à Mont-Laurier je suppose?

M. Boswell: Mont-Laurier et Maniwaki.

M. Turmel: C'est surtout selon un système de permissionnaires que les bois sont coupés chez nous. À même nos opérations, la compagnie produit un petit montant par coupe intégrée, mais la coupe se fait surtout par des permissionnaires suivant le programme d'allocation du ministère des Terres et Forêts.

M. Russell: Si le flottage du bois vous était interdit, pourriez-vous facilement vous approvisionner des lots privés pour un bon nombre d'années à des prix aussi modestes que le coût de votre propre coupe?

M. Turmel: Chez nous — on en fait état dans notre mémoire — comme il s'agit de scieries, je pense qu'il serait peut-être bon ici de qualifier nos scieries. On a une scierie à pin, qui est une scierie de bois de haute qualité. On vient de construire — elle a été mise en service ce printemps — une scierie d'autres résineux qu'on appelle une scierie d'épinette où on utilise l'épinette et le pin gris de faible dimension pour la fabrication de planches, de deux sur quatre, etc. En provenance des terrains privés de la région du Pontiac et de la Basse-Gatineau qui pourrait nous alimenter, la qualité de la bille de bois, pour la scierie de pin, ne pourrait pas correspondre aux normes requises.

Il nous faut absolument avoir les qualités qu'il y a dans les forêts publiques à l'heure actuelle. Pour l'autre moulin, on pourrait, jusqu'à un certain point, obtenir un volume qui nous permettrait peut-être de survivre, mais je crois que ce serait, à ce moment-là, aux dépens des moulins de bois à pâte qui prennent ces produits en bois à pâte. On a besoin de 90 000 cunits d'épinette et de pin gris pour faire marcher une usine de sciage d'épinette et de 30 000 cunits (l'équivalent en p.m.p. de 18 millions) de pin blanc de haute qualité, pour faire marcher notre usine, notre scierie de pin blanc.

M. Russell: Et tous ces copeaux vont à d'autres usines de pâtes à papier, non pas à la vôtre?

M. Turmel: Non, on n'a pas d'usines; mais, n'ayant pas d'usines à pâte, on se sert des copeaux; on vend les copeaux aux usines locales qui produisent de la pâte et on rachète la pâte.

M. Russell: Vous coupez du bois à papier, qu'on appelle de la pitoune, pour votre utilisation personnelle. Non?

M. Turmel: Non, la base de nos opérations est simplement pour le sciage, en arbres en longueur, tronçonnés à la rivière en seize pieds. Les résidus, si on peut les appeler résidus, ou les dimensions moindres que seize, douze et quatorze, sont livrés aux moulins à pâte, mais ce sont des coupes en arbres en longueur et on produit le maximum de seize pieds possible, allant jusqu'à un diamètre, au fin bout, de cinq pouces pour utilisation au sciage. Alors, à ce moment-là, on reste avec des longueurs peut-être de trois pieds, de quatre pieds, et de huit pieds qu'on vend aux moulins à pâte.

M. Russell: Cela, c'est flotté.

M. Turmel: C'est flotté avec le restant.

M. Russell: Et à quelles usines c'est rendu, c'est livré?

M. Turmel: À l'heure actuelle, on a des contrats avec le moulin de Portage-du-Fort de la Con-solidated-Bathurst et, sans aller plus loin, je peux dire que, jusqu'à cet été, on avait des contrats avec la Compagnie Internationale de papier à Gatineau. Je ne pourrais pas dire s'il y a eu des contrats de renouvelés de ce côté-là.

M. Russell: Donc, si je comprends bien, il serait facile pour vous, comme pour d'autres scieries, de faire vos coupes de billes en longueur, de les transporter à la scierie, de les débiter là et de faire le coupage de copeaux au complet.

M. Boswell: On ne peut pas draver les arbres en longueur.

M. Russell: Vous dravez; aux scieries, vous dravez votre...

M. Turmel: Tout est dravé.

M. Russell: Tout est dravé?

M. Turmel: Tout est dravé. Il y a seulement les bois francs qui sortent de nos concessions qui ne sont pas dravés parce qu'ils ne peuvent pas être dravés. S'ils pouvaient être dravés, ils seraient dravés.

M. Russell: Merci, M. le président.

Le président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Bérubé: Je vous remercie, messieurs, de cet intéressant mémoire que vous nous soumettez. Je pense qu'il nous permet de constater les problèmes que vous affrontez aux prises aec l'expansion de la Capitale nationale et face à des décisions d'investissement. Je dois vous avouer que j'en retire une certaine inquiétude. D'une part, vous signalez que vous avez une petite exploitation de pâte mécanique, de trente tonnes par jour, que vous exploitez en vertu d'un bail qui vient à échéance, je pense, en 1978. Malheureusement, je n'ai pas... Donc, on peut voir un problème de renouvellement de bail. Vous mentionnez également deux usines, deux petites machines de fabrication de papier, des papiers fins, qui sont vieilles, qui sont exploitées, je crois, à 70% de capacité et, par conséquent, sont menacées de fermeture.

Également, vous soulignez que vous avez des problèmes de perspectives d'avenir dans le cas de votre usine, étant donné que vous ne savez pas si, oui ou non, vous serez expropriés. En d'autres termes, j'aimerais peut-être approfondir un peu cette question. Quand allez-vous fermer vos deux machines à papier?

M. Boswell: On n'a pas l'intention, comme on l'a dit dans notre mémoire, M. le ministre, en ce moment, de fermer les deux machines.

On a essayé de créer des produits spéciaux pour ces deux machines, pour utiliser les diverses qualités de papiers fins et hygiéniques, c'est impossible maintenant, parce que ces deux machines ne tournent pas assez vite. Mais, à l'heure actuelle, on trouve différents marchés partout, pour les diverses sortes de ces papiers pour ces deux machines, pour les garder en action. Mais, en ce moment, on n'a pas de date fixe pour la fermeture de ces deux machines. Aussi longtemps qu'on va trouver des usages spéciaux pour ces deux machines, on va continuer à les faire marcher.

M. Bérubé: Si je comprends bien, vous produisez à perte, sur ces deux machines, présentement?

M. Fox (Ed.): Je n'ai pas compris, M. le ministre.

M. Bérubé: Vous produisez à perte, sur ces deux machines, présentement?

M. Fox: Oui, cinq jours par semaine, sur trois équipes.

M. Bérubé: À perte?

M. Fox: Le papier.

M. Bérubé: Faites-vous des profits?

M. Boswell: Un profit, non, mais une contribution à nos coûts fixés. Ce n'est pas un profit, c'est une contribution.

M. Bérubé: Quant au renouvellement du bail avec la Commission de la capitale nationale, qui affecterait évidemment l'exploitation de votre unité de production de pâtes, présentement, est-ce que vous êtes en négociation avec elle? Est-ce que vous envisagez de renouveler ce bail?

M. Boswell: La question de notre moulin de pâte mécanique a été réglé en 1972. On l'a fermé et on a conclu une entente avec la CCN. C'est la même entente, mais, depuis 1972, on a fait travailler notre usine de pâte mécanique et loué le moulin pour $1 par année.

M. Bérubé: Et, en 1978, vous fermez?

M. Boswell: Oui.

M. Bérubé: C'est définitif. Donc, cela repré- sente combien d'emplois qui sont perdus dans la région?

M. Boswell: Je pense que c'est douze employés qui sont affectés. C'est un vieux moulin de pâte mécanique, il faut y mettre les billes une par une.

M. Bérubé: Dans une lettre que M. Greber, de votre entreprise, adressait à M. Gallan, de la National Capital Commission, vous soulignez que vous aviez entrepris des études en vue de relocaliser votre usine. Votre lettre date du 5 octobre 1973: vous soulignez, dans votre lettre, qu'il vous faudrait entre 12 et 15 mois pour choisir le site, dans la mesure où il ne vous restait plus qu'un choix à faire entre deux ou possiblement trois sites, dans la région de Hull. Ceci était en 1973.

Présentement, est-ce que vous avez l'intention de reconstruire, suivant ce que vous aviez souligné à cette époque?

M. Boswell: Non. On n'a pas l'intention, comme on l'a mentionné dans notre mémoire, de relocaliser nos machines à papier. En ce moment, il n'y a pas de discussion non plus sur le sujet.

M. Bérubé: Quelles sont les intentions de la Commission de la capitale nationale quant à l'occupation du terrain que vous avez? Elle a un droit de premier refus, si je comprends bien. Elle peut vous exproprier en tout temps. Est-ce qu'elle vous a approchés? Quelles sont ses intentions?

M. Boswell: Je crois qu'elle a le premier droit de refus jusqu'en 1982, je pense. Mais depuis deux ans, deux ans et demi; il n'y a pas eu de discussion avec la CCN.

M. Bérubé: En d'autres termes, on ne sait pas. pour l'instant, dans quelle mesure vous ne serez pas amenés... On sait que vous allez fermer votre usine de production de pâtes, mais, quant à vos deux autres machines, ce n'est pas encore clair, et quant aux intentions du gouvernement fédéral relativement au terrain que vous occupez, ce n'est pas encore connu. Tout est en suspens?

M. Boswell: J'espère que non, M. le ministre. On vient juste de dépenser $12 millions pour un papier hygiénique flambant neuf.

M. Bérubé: Dans votre mémoire, vous soulignez que, de 1964 à 1976, vous avez dépensé $60 millions en investissements et $33 millions en entretien. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises hier. On s'est demandé si l'industrie, au Québec, investissait suffisamment. Auriez-vous, pour la même période, une idée des montants de dépréciation accumulés, au cours de la période en question, également des profits accumulés au cours de cette période pour votre compagnie? Cela nous permettrait d'évaluer dans quelle mesure vos investissements se comparent avec la valeur de dépréciation des installations et des profits accumulés.

M. Boswell: On a fait plus d'investissements que de profits dans la période dont vous parlez.

M. Bérubé: Combien de dépréciation?

M. Boswell: C'était à peu près $60 millions.

M. Bérubé: Vous avez donc réinvesti autant que ce que vous récupériez en dépréciation au moment où vous faites votre bilan comptable annuellement. On pourrait donc dire en gros, si je ne me trompe, que vous n'avez réinvesti aucun profit?

M. Boswell: Oui.

M. Bérubé: Bien. Vous ne me trompez pas.

J'aimerais également savoir ceci, en ce qui a trait à l'expédition de fibres aux usines en Ontario. Vous expédiez présentement les copeaux dans vos usines de l'Ontario pour fabrication de pâtes, de même qu'aux usines situées au Québec. La question que je me posais, c'est que vous réimportez de l'Ontario de la pâte. En ordre de grandeur, est-ce que l'expédition de bois correspond à peu près, compte tenu du rendement du procédé, à ce que vous rachetez en pâtes de votre usine ontarienne?

M. Boswell: Nous sommes un grand consommateur de pâtes, la compagnie, incluant l'usine de pâtes ontarienne et nos usines de Hull et d'Ottawa. Ainsi on achète 50% de nos besoins au Québec et les autres 50% viennent de notre usine en Ontario.

M. Bérubé: L'expédition de copeaux que vous faites en direction de l'Ontario correspond-elle en gros au rachat en pâtes que vous faites, c'est-à-dire au point de vue de la quantité de matières ligneuses?

M. Turmel: On ne livre pas de copeaux du Québec à l'Ontario.

M. Bérubé: Vous n'expédiez aucun copeau?

M. Turmel: Tous les copeaux du Québec sont livrés au Québec, aux usines près de chez nous.

M. Bérubé: J'avais mal compris. Vous avez souligné un point qui a été soulevé par l'association des industries forestières hier et qui m'appa-raît extrêmement important, d'autant plus que vous citez un chiffre — je l'ai sous les yeux — c'est le problème du coût de transport. En particulier vous soulignez que, pour un wagon de 70 tonnes, il en coûte à peu près $4.63 le mille lorsqu'il est livré à New York, contre $2.43 lorsqu'il est livré en provenance de l'Alabama, sur le même marché de New York. Comme le transport de Hull jusqu'à New York est largement en territoire canadien, peut-être moitié en territoire canadien et moitié en territoire américain, cela suppose donc que les tarifs de transport ferroviaire au Canada sont largement plus élevés qu'aux États-Unis. Est-ce que vous auriez des chiffres sur les tarifs que vous êtes obligés de payer pour l'expédition par voie ferrée au Canada en comparaison avec les tarifs que vous payez aux États-Unis?

M. Boswell: Les chiffres dont vous parlez sont des chiffres de l'association de papier journal et nous n'avons pas les chiffres ici.

M. Bérubé: Auriez-vous des chiffres à votre usine que vous pourriez mettre à notre disposition qui nous permettraient effectivement de comparer l'ordre de grandeur des tarifs qu'exigent les compagnies ferroviaires canadiennes, par comparaison avec ce que demandent les compagnies ferroviaires américaines?

M. Boswell: Non, on n'a pas les comparaisons de chiffres, mais on peut essayer de les trouver et vous écrire une lettre, par exemple.

M. Bérubé: Cela me paraît important, puisque vous soulignez que c'est le transport qui vous empêche d'expédier aux États-Unis. D'un autre côté, si vous ne pouvez pas citer de chiffres, c'est difficile de justifier cette affirmation. Il me paraît également, et ceci est relié sans doute au coût de transport, que le fait de passer du transport ferroviaire au transport routier, est extrêmement dangereux dans une période où on se dirige vers une pénurie de carburant, où le coût de transport par route va sans doute augmenter dans les années à venir. Quel est le problème qui se pose au Québec finalement en ce qui a trait au transport ferroviaire? On a soulevé la question brièvement, hier, mais personne n'a vraiment, jusqu'à maintenant, tenté d'expliciter un peu ce problème du transport ferroviaire au Québec.

M. Boswell: Je pense que ce n'est pas nécessairement un problème québécois, c'est un problème canadien qu'on a avec le transport ferroviaire.

M. Bérubé: Oui, je m'en doute, oui.

M. Boswell: Dans notre cas, on est situé pas mal proche. C'est bien plus efficace pour nous de recourir au camion plutôt qu'au chemin de fer. C'est aussi simple que cela. Quant aux usines qui sont loin, c'est une autre question; mais pour les usines de pâtes et papiers, c'est une autre raison pour laquelle on utilise les camions pour le transport.

M. Bérubé: Vous avez signalé à la page 6 de votre mémoire que vous avez un besoin de billes de qualité en provenance des terres de la couronne, mais également, un peu plus loin dans votre mémoire, vous avez souligné que le programme de la révocation des concessions du gouvernement allait compromettre les projets d'investissement. J'aimerais savoir si les projets d'investissement que vous aviez, c'était dans le domaine du sciage ou dans le domaine de l'exploitation fo-

restière pour l'aménagement de vos concessions. Est-ce que vous comptiez investir dans l'implantation de voiries forestières ou plutôt investir dans des usines de sciage?

M. Turmel: Ce qu'on dit, M. le ministre, ce n'est pas qu'on va arrêter les investissements. On dit que la période qu'on vit, à l'heure actuelle, dans la période d'incertitude, c'est cela qui nous crée des problèmes. On se pose un paquet de questions. On a très peu de réponses. Quand on vient pour faire de la planification, quand on vient pour développer un réseau routier, quand on parle de millions de dollars à investir dans un réseau routier et qu'on ne sait pas qui va gérer, comment cela va se gérer, c'est cette incertitude qui est plus dangereuse et qui nous effraie, plus que la gestion par le ministère des Terres et Forêts. Ce n'est pas la question... On dit qu'on est prêt — ailleurs dans le mémoire — à coopérer à la meilleure gestion des forêts publiques et qu'on veut participer. On demande même de forcer la participation dans les plans de gestion qui se présentent à l'heure actuelle, à partir du premier moment où une unité de gestion est touchée. On veut être partie des discussions dès le départ. Quand on saura exactement où on va, quand on saura exactement ce qui se passe, alors, les décisions d'investissement pourront être prises dans un sens ou dans l'autre; mais on saura où aller. Présentement, c'est cette incertitude qui nous crée des problèmes. C'est ainsi que c'est présenté dans le texte aussi et non pas parce que le ministère des Terres et Forêts veut faire la gestion, qu'on arrêtera d'investir. Ce n'est pas cela du tout. C'est dans l'autre sens.

M. Bérubé: Croyez-vous que vous pourriez, par exemple, avoir des projets d'investissement et simplement rencontrer des officiers du ministère, de manière à discuter avec eux de vos projets, de telle sorte qu'on sache à peu près où vous vous en allez. La loi, présentement, est assez claire. J'ai l'impression qu'elle vous permet de savoir quelle va être l'implication de l'intervention gouvernementale, si jamais il y a révocation. Ce n'est pas tellement cela qui va vous empêcher de prendre une décision.

M. Turmel: Disons qu'à l'heure actuelle on peut communiquer avec les employés du ministère. En fait, on communique énormément avec les employés du ministère. Il demeure qu'il y a un paquet de points critiques dans cette nouvelle approche. Je pense que votre sous-ministre qui a assisté à la Corporation des ingénieurs forestiers, à la suite de ces représentations, je pense qu'il pourra vous en parler un petit peu. L'ensemble des questions qui lui ont été posées ont été justement sur cette histoire de collaboration à la réalisation des plans. C'est là qu'on a des problèmes.

C'est là qu'on sent une incertitude. Comme chef forestier de la compagnie, je transmets cette incertitude à mes patrons qui sont ceux qui ont à décider des investissements. Comme vous pouvez comprendre, c'est un peu flou.

M. Bérubé: II y a un aspect qui m'a paru intéressant dans votre mémoire. Vous avez souligné une petite opération de recyclage de papier à Hull. En particulier, vous parlez d'une possibilité d'expansion dans ce secteur. Est-ce qu'il existe en ce moment un programme important que vous auriez à l'esprit dans le domaine du recyclage du papier? Est-ce qu'il y a un marché important dans la région de Hull qui vous permettrait de vous approvisionner en papier pour alimenter vos usines?

M. Boswell: Avec le marché des pâtes que nous avons aujourd'hui, ce n'est pas une opération économique. Comme vous le savez, le prix des pâtes a tombé beaucoup le mois passé. Notre programme est assez avancé pour dire que le programme de recyclage conserve la pâte qui est faite, le produit qui est fait dans le système de recyclage et qui a servi dans nos machines de papiers hygiéniques. Quand le prix des pâtes sera plus élevé qu'aujourd'hui, ce sera une opération profitable, je l'espère.

M. Bérubé: J'aurais encore une petite question. Vous avez, j'ai l'impression, au niveau des papiers fins, puisque vous avez une unité qui a été implantée en 1968 je crois, au niveau du papier hygiénique, des machines qui datent de 1958, 1965, 1972. En dépit du fait que vous avez de l'équipement moderne, vous nous dites que vous ne pouvez pas concurrencer le marché américain, peut-être d'abord à cause du transport. D'un côté, vous avez mentionné le problème des salaires. La question que je poserais en est une de productivité. Quelle est la productivité en heures-homme sur vos machines actuellement?

M. Boswell: On ne peut pas parler d'une moyenne dans l'industrie du papier fin parce qu'elle est graduée, même si c'est sur la même machine. Cela dépend du "basis weight", etc. Dans notre machine à papier fin, la grande chaudière, la machine installée en 1968, une machine de 196 pouces de largeur, faisant 2200 pieds à la minute, cela donne combien de tonnes par jour?

M. Fox: Cela peut donner au moins 40 tonnes par jour.

M. Boswell: Pour une machine à papier fin, c'est un gros volume. La dernière machine à papier hygiénique date de 1977. Elle marche à 75 ou 80 tonnes par jour.

M. Bérubé: Je m'interrogeais à savoir si justement la faible productivité de vos installations n'est pas liée à ce que, dans le secteur du papier fin au Canada, on vise à approvisionner le marché local généralement en cherchant à se cacher un peu derrière une protection tarifaire qui protège nos marchés, mais, en même temps, nous oblige à diversifier notre production donc à n'avoir que de petits genres de produits d'un coût très élevé. Est-ce que ce ne pourrait pas être là la véritable raison pour laquelle notre industrie du papier fin

en particulier est non rentable? C'est qu'elle n'arrive pas, puisqu'elle vise un marché qui est beaucoup trop local, à se lancer dans des champs suffisamment vastes pour véritablement pouvoir diminuer ses coûts de production et que c'est moins l'âge de l'équipement qui, dans le cas présent, m'apparaît très moderne, que la nature du marché qui vous nuit présentement. Est-ce que ce n'est pas un problème auquel il faudrait s'attaquer?

M. Fox: M. le ministre, le chiffre de 40 tonnes, c'était une erreur. C'est 200 tonnes par jour sur la grande chaudière, la machine qu'on a construite en 1968. Trouver une réponse à votre question, c'est très difficile. On n'a pas un marché assez vaste au Canada pour un produit, pour avoir une production assez soutenue.

Ainsi, on est obligé d'aller aux États-Unis pour aider et arrêter de fabriquer deux ou trois qualités ou en laisser d'autres à ces qualités-là, on va dire "rationalization" peut-être. Premièrement, ce n'est pas légal. Deuxièmement, il n'y en a pas assez parce que le coût d'exploitation d'une usine... Pardon'

M. Bérubé: On va changer la loi.

M. Fox: Le gouvernement fédéral dit que cela changera peut-être, parce qu'il veut, lui aussi, encourager cela. Mais un autre point, c'est que les coûts pour les usines sont tels qu'il faut produire sept jours par semaine, il faut avoir le tonnage. Prenez une machine, le no 14 dont on parle, deux cents tonnes par jour pour mettre un produit sur la machine, cela prend au moins... C'est trop fort? Excusez-moi, cela prend au moins une "run" de 60 tonnes. L'autre problème auquel nous avons à faire face depuis la grève, ce sont les produits américains sur notre marché. Aujourd'hui, c'est 25% de notre marché. Cela a commencé il y a cinq, six ans avec le Kennedy Round; les tarifs ont changé et, quand vous parlez plutôt des marchés aux États-Unis, pas seulement le coût des travailleurs et du transport, on paie un tarif de 12.5% sur tout le papier qu'on envoie aux États-Unis. Donc, on ne peut pas vendre aux États-Unis avec profit aujourd'hui, c'est impossible. Il n'y a pas une usine de papier fin au Canada qui vend aux États-Unis avec profit, aujourd'hui. Je ne suis pas sûr si j'ai répondu à votre question, M. le ministre, mais c'est pas mal compliqué.

Voyez-vous, il y a des produits qu'on peut mettre sur une machine et on ne peut pas les mettre sur les autres, comme les deux petites machines dont on parlait plus tôt, peut-être qu'elles vont fermer. On n'a pas un programme pour les fermer, mais ce sont des produits dont l'usage meurt tranquillement, des changements dans le marché, des manières, le produit n'est pas employé comme il l'était autrefois. Un exemple, ce sont les couleurs. Des petites machines traditionnelles comme celles-là, c'est bon pour faire des couleurs, parce que des couleurs, on n'achète pas cela en grandes quantités, comme vous comprenez. L'idée qui serait très bonne pour une usine, c'est si on était ca- pable, par exemple, de faire toutes les formules d'affaires en douze livres. Si on pouvait utiliser notre grande machine cinq jours par semaine ou trois jours par semaine pour un produit, c'est ce que font les Américains. Dans des circonstances comme celles-là, on peut être égaux avec les Américains presque pour vendre sur le marché. Est-ce que j'ai répondu?

M. Bérubé: Oui, encore là, il y a des possibilités de solution. J'aurais une dernière question. La semaine dernière nous étions en tournée ministérielle au Québec et je me trouvais dans la région de Mont-Laurier où j'ai eu à rencontrer des représentants des scieurs de la région et, évidemment, ils se sont tous plaints, vous connaissez le problème, des droits de coupe excessifs qu'exigent les concessionnaires, les propriétaires de concessions forestières, lorsqu'ils vont couper sur les concessions. Or, fort heureusement, je n'ai entendu aucune plainte concernant la compagnie Eddy. J'aimerais savoir combien vous leur demandez, puisque vous avez dit que vous permettez à des commissionnaires d'aller sur vos installations. Quel est l'ordre de grandeur du droit de coupe que vous demandez?

M. Turmel: Pour le merisier ou le bouleau jaune, c'est un peu moins que trois fois les droits de coupe du gouvernement, c'est $17. Pour les autres bois francs, c'est $12. Pour les résineux de sciage, on ne les vend pas, simplement, on les garde.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de l'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Alors, comme les autres membres de la commission, je tiens à vous remercier pour votre participation à cette commission. J'aurais deux questions. Une première: À plusieurs endroits, dans le mémoire, vous mentionnez que vous réclamez de l'aide gouvernementale pour contrôler les salaires, la productivité des travailleurs, améliorer l'exportation, l'importation, favoriser le transport, aider à moderniser les usines, etc.

À plusieurs reprises, vous réclamez de l'aide gouvernementale; par contre, vous mentionnez que vous ne seriez pas tellement d'accord sur une ingérence dans la mise des marchés, pas plus au niveau du flottage du bois, pas plus au niveau des exigences assez serrées concernant l'environnement. J'aimerais avoir un peu plus d'explications sur ces exigences ou cette participation accrue de l'État dans plusieurs problèmes qui vous concernent, mais où on ne retrouve pas de suggestion de votre part concernant des domaines où vous croyez qu'il serait normal que des compagnies papetières, comme vous en êtes une, aient un rôle plus accru et s'impliquent davantage dans les secteurs qui vous concernent.

M. Boswell: Je pense que ce qu'on a fait depuis 1851, c'est qu'on a investi à pleine capacité et on a modernisé nos usines. Mais je pense qu'on

avait, en moyenne, des usines et des machines à papier très modernes. Tout ce qu'on peut faire, c'est continuer à moderniser nos usines.

M. Gendron: Si vous permettez, ce n'était pas tellement dans ce sens. Un exemple précis. Vous mentionnez, dans votre mémoire, que vous n'êtes pas d'accord avec certaines décisions qui ont été prises au niveau gouvernemental, sans consultation. Je vous donne un exemple. Le fait que le gouvernement du Québec décide que la journée de la Saint-Jean-Baptiste soit un jour férié et payé. Vous dites: On aurait aimé être consulté là-dessus, que vous nous en parliez au préalable. Je ne retrouve pas, même s'il y a une série de suggestions où vous nous dites: On devrait être associé davantage aux politiques gouvernementales et que le gouvernement s'implique à tel ou tel endroit, comme je l'ai dit tantôt; je ne retrouve pas de suggestion où vous pourriez nous indiquer...

Je vais vous donner un exemple précis. À un moment donné, vous avez l'intention de privilégier tel type d'investissement par rapport à tel autre, pour telle raison. À un moment donné, vous consultez le gouvernement du Québec ou le ministère des Terres et Forêts là-dessus, pour un point de vue ou une considération de sa part, par rapport à des engagements que vous entendez prendre. Est-ce que, dans votre esprit, ce serait normal, occasionnellement, de procéder comme cela?

M. Turmel: De toute façon, vous dites: Serait-il normal de présenter au gouvernement nos projets pour en discuter avec lui? Non seulement c'est normal, mais c'est obligatoire. On ne peut pas grouiller dans nos usines, au Québec, sans avoir un permis du ministère des Terres et Forêts. Quand on arrive avec des augmentations de production, cela veut dire des augmentations de la matière première qui doivent être approuvées par le ministère des Terres et Forêts. Quand on a construit nos scieries à Davidson, on est passé par le ministère des Terres et Forêts, on a proposé notre scierie, ce qu'on avait l'intention de faire; le ministère des Terres et Forêts s'est demandé et nous a demandé si on pouvait les alimenter; sur réponse affirmative, on nous a donné une permission de procéder, mais de procéder suivant seulement tel volume de capacité. Alors, toutes les actions sont faites en coopération avec le gouvernement. Lorsqu'on parle de faire quelque chose au point de vue de la pollution, il faut rencontrer Te ministère de l'environnement parce qu'il n'est pas question de toucher à cela sans avoir l'approbation du ministère de l'environnement qui veut savoir où cela va mener et ce qu'on fait.

Je pense que, du côté de la compagnie E.B. Eddy, lorsque vient la question d'investissement, c'est autant pour protéger notre propre investissement que pour assurer le gouvernement qui sait où on va. Il y a toujours eu consultation et discussion avec le ministère des Terres et Forêts ou le ministère concerné.

M. Gendron: Une dernière question, pour ma part. Vous mentionnez, à un moment donné, qu'il y aurait peut-être lieu de penser à l'abolition de la taxe provinciale sur la location et l'achat de camions privés. Est-ce que vous iriez jusqu'à préconiser une même disposition pour les particuliers?

M. Turmel: Oui, exactement. Quand on parle du camionnage dans notre mémoire, on ne parle pas des camions propriété de la compagnie plus que des autres. Peut-être qu'il reste une fausse impression quand on dit: Enlevez la taxe provinciale de vente. Ce n'est pas réellement ce qu'on voulait dire, si c'est l'impression que cela laisse. Ce sont toutes les taxes qui viennent s'y ajouter par la suite. Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, lorsqu'on loue un camion d'un particulier, qu'on loue d'une compagnie de transport, le bail de location devient comme un contrat de vente et devient susceptible de taxe de vente. Enfin, il est susceptible de taxe de vente. Alors, les taxes ayant déjà été payées, cette taxe supplémentaire est imposée au produit qui est livré, parce que le camionneur ne peut pas l'absorber, c'est évident. Alors, le camionneur nous laisse cela. Alors, on dit: Au point de vue du camionnage, ne leur présentez pas des taxes qui ont déjà été payées; essayez de les aider. On parle autant du camionneur artisan qui a un camion que de la compagnie de camions et des camions que la compagnie achète.

M. Gendron: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une dernière intervention, le député de Rimouski très brièvement, s'il vous plaît.

M. Marcoux: Alors, je vais m'en tenir à deux brèves questions. Vous pouvez être d'accord qu'un des soucis du gouvernement, c'est sûrement d'augmenter le contrôle québécois sur cette richesse de la forêt et sur ceux qui la transforment. Ce que j'aimerais savoir concerne la composition de votre conseil d'administration. Est-ce qu'il y a plusieurs francophones dans votre conseil d'administration? Au niveau du personnel de direction, quelle est la proportion de cadres, de personnel de direction francophone et anglophone et est-ce que vous avez des difficultés de recrutement du côté du personnel francophone?

M. Boswell: Au conseil d'administration, il n'y a pas de francophones en ce moment. Parmi les administrateurs, les gérants des différentes divisions québécoises, c'est à peu près rendu à 50% maintenant.

M. Marcoux: 50%. Est-ce que vous avez des problèmes de recutement de personnel au niveau du conseil d'administration? Est-ce que vous avez déjà essayé d'intégrer à votre conseil d'administration des francophones, puis est-ce qu'il y a eu des problèmes? Au niveau du personnel de direction, est-ce que vous avez des problèmes de recrutement et sur quoi? Est-ce à cause des problèmes de formation, de compétence, etc?

M. Boswell: Oui, on avait eu des problèmes de recrutement particulièrement dans nos scieries de Pontiac; le comté de Pontiac n'est pas exactement un comté de francophones. Nous avons eu un gros problème, dans nos scieries nouvelles, de recrutement de francophones dans ce territoire.

M. Marcoux: Est-ce que vous avez essayé de développer des moyens pour intéresser davantage les administrateurs francophones à s'intégrer à votre entreprise? Est-ce que vous avez essayé de...

M. Boswell: II y a un gros avantage, oui.

M. Marcoux: Est-ce que vous avez essayé de prendre des moyens pour essayer d'intéresser davantage les francophones à s'intégrer à l'administration de votre entreprise? Vous avez dit que vous aviez des problèmes de recrutement.

M. Boswell: On a donné tous les avantages possibles pour encourager le recrutement des francophones, salaires, bénéfices.

M. Marcoux: Je vous remercie. J'avais une deuxième question, mais compte tenu du temps et vu qu'il y a un autre organisme qui attend...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie de votre collaboration, M. le député de Rimouski, et particulièrement les représentants de la compagnie E.B. Eddy Limitée. J'invite maintenant la Fédération des producteurs de bois du Québec et en particulier son porte-parole, M. Hugues Belzile, a se présenter à la table, s'il vous plaît. Je vous remercie beaucoup.

M. Belzile, est-ce que vous pourriez présenter les personnes qui vous accompagnent.

Fédération des producteurs de bois du Québec

M. Carpentier (Jules): II me fait plaisir de vous présenter notre mémoire cet après-midi. On vous remercie beaucoup. Je vais vous présenter les membres qui nous accompagnent. Vous avez, à l'autre bout de la table, M. Jacques Veilleux, vice-président de la fédération, administrateur du syndicat de Québec-Sud; M. André-Côme Lemay, conseiller technique à la fédération de l'UPA; M. Hugues Belzile et M. Jules Carpentier, président de la fédération.

Avant de passer à la lecture du mémoire qui va être fait par le secrétaire, on demanderait la permission de déposer les principales recommandations qu'on a faites, que le secrétaire de la commission a en main. Avec votre permission, il va vous les distribuer tout de suite. On a oublié de vous les donner avant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Ce n'est pas un dépôt, au sens du règlement, mais une distribution aux membres.

M. Carpentier: Je vais laisser la parole au secrétaire, M. Hugues Belzile.

M. Belzile (Hugues): M. le Président, M. le ministre des Terres et Forêts, MM. les membres de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts.

La Fédération des producteurs de bois du Québec est heureuse de répondre à l'invitation que lui a faite le ministre des Terres et Forêts de participer à la présente commission parlementaire sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au Québec.

Nous sommes très intéressés à apporter notre contribution, si modeste soit-elle, à l'examen d'un dossier dont l'importance pour l'économie du Québec est fondamentale. Si nos informations sont exactes, l'industrie des pâtes et papiers au Québec produit pour près de $2,5 milliards chaque année et emploie quelque 27 000 personnes.

Ce dossier est également fort important pour le secteur de la forêt privée que nous représentons. Qu'il nous suffise de mentionner que l'industrie des pâtes et papiers du Québec est actuellement alimentée à 20% de ses besoins par la forêt privée. La valeur des ventes à l'usine atteint les $80 millions annuellement dont $20 millions sont affectés au transport de ce bois. Plus de 20 000 propriétaires de boisés vendent annuellement ce volume de bois.

La démarche que vous complétez par cette commission parlementaire revêt pour la collectivité une importance exceptionnelle, étant donné les implications économiques et sociales négatives de la mauvaise situation dans laquelle se trouve actuellement l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Le ralentissement des opérations de certaines usines, faute de marchés, la fermeture de certaines autres usines, récemment, et la menace de certaines autres fermetures à plus ou moins brève échéance illustrent de façon brutale les difficultés de cette industrie et justifient nettement une intervention vigoureuse de l'État.

Nous avons examiné la déclaration ministérielle du ministre des Terres et Forêts, M. Bérubé, faite le 28 juin 1977. Nous estimons qu'elle touche les points essentiels de ce dossier en abordant successivement les thèmes de la récolte des bois, de la transformation de ces bois, de la mise en marché des produits, de la recherche et du développement, de la main-d'oeuvre et des impacts sur la société. En développant ces thèmes efficacement, il sera possible, à notre avis, d'établir les causes des difficultés actuellement rencontrées par l'industrie des pâtes et papiers et surtout de définir les solutions à être élaborées et appliquées pour relancer cette industrie si importante pour la santé économique de la collectivité québécoise.

Nous n'avons pas la prétention de pouvoir traiter de façon exhaustive chacun des thèmes identifiés par le ministre. Toutefois, nous tâcherons de définir le plus clairement possible le rôle qu'un groupe comme le nôtre peut jouer dans ce vaste projet de modernisation des usines de pâtes et papiers au Québec sous quatre aspects principaux, à savoir:

Premièrement, l'approvisionnement des usines et l'utilisation de la matière ligneuse disponible.

Deuxièmement, la localisation de futures usines.

Troisièmement, une nouvelle structure pour assurer la gestion de nouvelles usines ou d'usines existantes à être reconverties.

Quatrièmement, la recherche de nouveaux marchés.

Utilisation de la matière ligneuse disponible et approvisionnement des usines.

Il ne fait aucun doute, quant à nous, que le Québec dispose des ressources forestières nécessaires pour se maintenir à un rang enviable comme producteur de pâtes et papiers dans le monde. Cependant, pour s'assurer une telle place dans l'avenir, il faudra non seulement que son industrie des pâtes et papiers redevienne concurrentielle, mais aussi qu'elle s'assure de le demeurer pour les prochaines années. Parmi les facteurs qui sont susceptibles de contribuer à une telle relance, il faut noter la disponibilité d'une matière première abondante, d'une bonne qualité facilement accessible et, aussi, l'urgence de diversifier la production afin d'utiliser toutes les essences disponibles et s'assurer de nouveaux marchés.

À cet égard, la forêt privée peut jouer un rôle fort important. Comme nous l'avons noté plus haut, cette forêt assure présentement 20% de l'approvisionnement des usines de pâtes et papiers alors qu'elle n'occupe que 10% de la superficie forestière totale du Québec. Le tableau I illustre ce que nous venons d'indiquer.

Cette proportion de l'approvisionnement pourra augmenter substantiellement dans la mesure où les programmes de mise en valeur entrepris il y a maintenant six ans seront appliqués à toute cette forêt. D'un taux de productivité de 0,18 corde/acre, les travaux de mise en valeur feraient passer ce taux à 0,60 corde/acre selon des études réalisées à ce sujet par le MTF. Sans compter que les traitements sylvicoles ainsi appliqués contribuent, selon les experts, à produire une matière ligneuse de meilleure qualité.

En attendant les résultats de ces programmes, la forêt privée dispose quand même d'un volume de bois qu'elle peut produire tout en respectant les possibilités de production. Ce volume de bois pourrait être beaucoup plus important que celui qui est vendu présentement puisque les bois d'essences feuillues ne sont utilisés qu'à environ 40% de la capacité de production de cette forêt et encore, une partie de ce volume est utilisée au déroulage, au sciage et pour fabriquer des panneaux particules. Il nous semble que, dans la présente recherche, il faut nécessairement tâcher de développer un réseau d'industries de pâtes et papiers capables d'utiliser les bois d'essences feuillues dans une proportion largement plus importante que maintenant. Selon le ministère des Terres et Forêts, la forêt privée du Québec peut produire un volume de bois égal à 52% d'essences feuillues et 48% d'essences résineuses.

Bois disponible et bois utilisé sur la forêt privée. Vous avez des chiffres au tableau II, où l'on donne l'essentiel de ce que je viens d'indiquer, à savoir que la possibilité annuelle de coupe des fo- rêts des résineux est actuellement exploitée alors qu'au niveau des feuillus c'est seulement 40%.

Or, il est pratiquement impossible d'imaginer une réorganisation de la transformation du bois au Québec sans compter sur l'approvisionnement en matière première en provenance de la forêt privée. Cette forêt est située au sud du Québec et occupe les terrains les plus productifs. Elle est localisée dans les régions habitées où une population d'ouvriers forestiers qualifiés y vit et est disponible pour effectuer l'exploitation de ces forêts. Une excellente infrastructure est en place; routes, lignes électriques, communautés bien organisées, services divers, etc. Finalement, malgré que la localisation des usines existantes pourrait être nettement meilleure, il faut préciser que, maintenant, la forêt privée est relativement mieux située par rapport à l'ensemble des usines de transformation que ne l'est la forêt publique. Cependant, dans l'éventualité de la construction de nouvelles usines, des facteurs de localisation de nature différente devront être pris en considération, ce que nous verrons plus loin.

Sans vouloir plaider la cause de l'industrie des pâtes et papiers, il nous semble que la perspective d'obtenir son approvisionnement dans un territoire plus rapproché de ses installations l'aiderait grandement à maintenir sa position concurrentielle puisque les frais encourus pour exploiter les forêts, dans des territoires très éloignés et à faible rendement, la difficulté de plus en plus grande de trouver des ouvriers forestiers disposés à s'isoler assez longuement de leur milieu de vie normal, même si l'emploi offert peut présenter des avantages pécuniaires appréciables, la construction de chemins forestiers et de camps, les distances de plus en plus considérables à parcourir seraient fortement réduits. Il lui faudra donc, pour y arriver, diversifier sa production pour utiliser toutes les essences de bois disponibles sur cette forêt.

Localisation des usines. Nous sommes conscients qu'il existe une foule de causes pour lesquelles l'industrie des pâtes et papiers est soumise depuis quelques années à des difficultés. Ces difficultés, selon toute indication, découlent fondamentalement de l'incapacité de cette industrie à demeurer concurrentielle sur les marchés mondiaux. Cette incapacité a de quoi inquiéter si l'on songe au fait qu'il existe par ailleurs une série de raisons pour lesquelles cette industrie devrait être en santé au Québec et ne pas avoir à subir la concurrence d'autres producteurs mondiaux. Parmi ces raisons, notons l'existence d'une matière première en quantité et en qualité et cela depuis plusieurs années, la disponibilité d'eau et d'énergie en quantité suffisante et une abondance de main-d'oeuvre ayant les connaissances techniques appropriées pour faire fonctionner et administrer ces industries.

Il semble donc qu'il existe des facteurs suffisamment négatifs pour que l'industrie des pâtes et papiers se retrouve dans l'état où elle se trouve présentement. Sans toucher tous ces facteurs négatifs dans toute leur ampleur, il en est qui sautent naturellement aux yeux des personnes modéré-

ment averties. Parmi eux, il faut noter la désuétude de l'équipement, qui provoque sûrement des pertes considérables dans le rendement soit en tonnes par heure de travail, soit en volume de bois pour fabriquer une tonne de pâte et papier. Ces mêmes équipements désuets font également qu'un certain volume d'énergie est insuffisamment utilisé ou se perd. On devine aisément les conséquences négatives de l'utilisation de tels équipements, compte tenu du coût de plus en plus élevé de cet élément entrant dans le coût de production d'une tonne de pâte et papier.

En tout cas, il s'agit là d'un sujet qui pourrait occuper les spécialistes de ces questions pendant quelque temps. Leurs considérations et conclusions pourraient jeter un éclairage intéressant dans la recherche entreprise par le ministère des Terres et Forêts de revitaliser l'industrie concernée.

Cependant, il est un facteur que nous considérons fort négatif et non négligeable. Il s'agit de la mauvaise localisation de l'industrie. Si cette industrie a été construite il y a quelques dizaines d'années où elle se trouve présentement, sans doute que cela répondait alors aux impératifs d'une meilleure productivité. Il faut noter, d'ailleurs, que la plupart de ces usines étaient construites en bordure de cours d'eau importants où le flottage du bois coupé dans les bassins de ces cours d'eau était le seul moyen de transport utilisable à l'époque. En plus, la localisation de ces usines tenait compte de l'existence d'une ligne de chemin de fer pour transporter le produit fini et différentes matières destinées à faire fonctionner les usines.

Il ne s'agit pas pour nous de reprocher à l'industrie de s'être localisée à ces endroits, même si, pour la forêt privée, cette localisation ait rarement été avantageuse à cause des distances considérables de transport que le bois de ces forêts devait et doit encore parcourir avant d'atteindre les usines de transformation, d'où des coûts très élevés. On rappelle qu'environ 25% de la valeur du bois rendu à l'usine est consacrée pour le transport de ce bois, diminuant ainsi le prix de revient au producteur du bois qu'il a vendu aux usines éloignées.

Toutefois, dans la perspective de la construction de nouvelles usines de pâtes et papiers au Québec, les critères de localisation seront forcément différents dans l'ensemble à ceux qui avaient été retenus il y a plusieurs années. Les exigences sur le respect de l'environnement visent, éventuellement, à empêcher le flottage du bois. Avec des équipements maintenant plus perfectionnés, le transport sur les moyennes et même les longues distances s'effectue de plus en plus par camion. Si bien que l'un des critères de localisation qui nous semble plus important aujourd'hui est l'accessibilité à une matière première disponible en volume suffisant pour l'approvisionnement de l'usine dans un rayon le plus restreint possible de l'usine. Ce critère doit, cependant, être conjugué avec celui de la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée pour faire fonctionner l'usine projetée et quelques autres facteurs essentiels tels que l'existence de l'énergie, de l'eau, etc.

Une nouvelle gestion: Nous l'avons noté au début de notre mémoire, notre objectif ne vise pas à faire le procès de qui que ce soit en participant à cette commission parlementaire. Cependant, nous nous devons de nous interroger sérieusement sur la valeur de la gestion de l'industrie des pâtes et papiers jusqu'à maintenant, compte tenu de l'état actuel de cette industrie.

Expliquer les problèmes identifiés uniquement en considérant le coût de la matière première, ou encore le faible rendement des ouvriers de l'usine dans la fabrication d'une tonne de pâtes et papiers constituerait, à notre avis, une analyse incomplète, voire simpliste d'une situation beaucoup plus complexe. Quelles que soient les raisons invoquées pour expliquer la situation des pâtes et papiers — et elles sont sans doute nombreuses et, dans certains cas, incontrôlables — nous ne pouvons qu'exiger de l'industrie et de ceux qui l'administrent toutes les raisons pour lesquelles elle n'est pas concurrentielle.

La vétusté et la désuétude de l'équipement dans plusieurs usines, au point où la seule option considérée valable, dans la seule perspective d'épargner le plus d'argent possible, est la fermeture pure et simple de ces usines; le faible taux de rendement dans la production d'une tonne de pâtes et papiers par tonne de matière première et par heure-homme, lequel taux est en grande partie relié à la qualité de l'équipement; le peu de diversification réalisée dans la production forestière, alors que les concurrents d'autres pays s'en sont préoccupés; ce sont là des réalités qui, à notre avis, constituent des indications sérieuses sur la qualité de la gestion de cette industrie.

Par ailleurs, il est pour le moins discutable que l'État ait toujours été, jusqu'à tout récemment, absent de la gestion de l'industrie des pâtes et papiers. En effet, étant le principal fournisseur de la matière première, puisque les forêts publiques fournissent 80% de l'alimentation des usines de pâtes et papiers, soit sous forme de billes provenant des concessions forestières exploitées par l'industrie, soit sous forme de copeaux provenant des usines de sciage alimentées elles aussi en grande partie par la forêt publique, il eût été normal qu'il participe à la gestion de cette industrie, directement ou par le truchement d'une société paragouvernementale.

De toute façon, pour l'avenir, nous souhaitons que cette présence de l'État s'accentue, sans qu'il soit nécessaire pour cela de remplacer l'industrie actuelle là où elle voudra jouer pleinement son rôle à l'intérieur de normes plus rigides afin d'éviter une situation comme celle que nous vivons présentement dans cette industrie, et cela, pour le bénéfice de la collectivité.

Il serait également approprié que les fournisseurs de matière première et les ouvriers des usines, par le biais de leurs organismes représentatifs, soient associés à la gestion de cette industrie. Ils seraient ainsi mieux en mesure d'assumer en pleine connaissance de cause leur rôle respectif,

quand il s'agit, par exemple, de qualité du bois dans la fabrication d'une tonne de pâtes et papiers et de productivité.

Le secteur coopératif occupe une place très importante dans l'économie du Québec et opère déjà dans plusieurs secteurs.

Pourquoi ne serait-il pas invité à pénétrer dans le secteur des pâtes et papiers en étant l'instigateur principal de projets d'usines de transformation?

Finalement, pourquoi ne pas impliquer la population du milieu où se construit une nouvelle usine? Cela pourrait se faire directement ou par l'entremise des organismes socio-économiques de ce milieu.

La recherche de nouveaux marchés. Au Québec, actuellement, 60% de toute la production des pâtes et papiers consiste en du papier journal et cette proportion atteint 75% quand il s'agit de la valeur en argent de cette production. Le reste de la production consiste essentiellement en du carton, papier d'emballage et pâtes commerciales. Cette industrie est donc largement dominée par le secteur du papier journal et cela depuis toujours. L'industrie en cause nous dira sans doute qu'elle n'a fait que répondre aux besoins des marchés et elle aura probablement raison. Cependant, il nous semble qu'une industrie de cette envergure et disposant de moyens considérables aurait dû travailler bien avant aujourd'hui à développer de nouveaux marchés et même à infléchir celui du papier journal dans le sens de pouvoir utiliser dans sa fabrication une certaine proportion de bois d'essences feuillues largement disponibles et accessibles au Québec.

La plupart des usines qui fabriquent du papier journal présentement au Québec sont des installations vieilles de plusieurs années fonctionnant dans plusieurs cas avec un équipement désuet. Non seulement cette industrie a négligé de diversifier sa production, mais elle a omis de maintenir dans un état acceptable ses équipements pour fabriquer le papier journal au point où elle est devenue non concurrentielle.

Comment une industrie d'une telle envergure, ayant dominé aussi librement l'économie forestière québécoise, tant au niveau de la production de la matière ligneuse qu'à celui de sa transformation depuis plusieurs dizaines d'années, peut-elle aussi facilement se défiler devant ses responsabilités en fermant unilatéralement des usines dont elle n'a pas su en moderniser l'équipement durant les années de vaches grasses?

Il nous apparaît donc que la recherche de nouveaux marchés et leur diversification nettement fait défaut au Québec jusqu'à maintenant. Toutefois, la responsabilité de cet état de fait ne peut en être imputée uniquement à l'industrie dont l'objectif essentiel est de faire de l'argent ou de faire fructifier un capital.

La démission ou l'absence de l'État et de groupes organisés intéressés par l'économie forestière dans l'exploitation et l'utilisation de la forêt doivent porter aussi une partie de cette responsabilité. Si l'État ne demeure qu'un observateur passif dans le secteur de la recherche de nouveaux marchés, il nous semble nettement que le concept d'une utilisation optimale des bois que la forêt québécoise est en mesure de produire ne pourra se traduire par des réalisations concrètes.

Nous avons l'impression qu'actuellement il se fait beaucoup de recherches, mais elles nous semblent être faites de façon trop diffuse et incohérente. L'industrie forestière fait des recherches. Les universités en font. Les gouvernements fédéral et provincial en font. Certains corps intermédiaires en font.

À notre avis, si nous parvenions à mettre en commun tous ces efforts et ces ressourcea et qu'elles soient orientées vers des priorités bien définies de façon à être à la fine pointe de la réalité de pâtes et papiers à l'échelle mondiale, il y aurait des chances que cette industrie redevienne un pilier économique puissant au Québec.

Il y a également, si vous permettez, les recommandations que je pourrais vous lire immédiatement. Une première recommandation d'ordre très général. On recommande au gouvernement du Québec de constituer comme priorité, pour assurer la relance économique du Québec, la modernisation de l'industrie des pâtes et papiers dont l'importance est primordiale maintenant et pour l'avenir.

Deuxièmement, on recommande d'utiliser pleinement la forêt privée disponible et exploitée selon sa capacité de production, d'une part en garantissant par un mécanisme légal approprié des plans d'allocation un marché pour cette forêt qui demeure généralement la mieux située. À titre d'exemple, si vous me permettez de sortir un peu du texte: Cette année une compagnie importante qui achète notre bois décide au mois de juillet de couper ses contrats de 40% unilatéralement; un avis, on coupe de 40% et vogue la galère. Elle a dû trouver un approvisionnement quelque part ailleurs et pour nous le concurrent, dans ce cas, demeure le ministère des Terres et Forêts puisque, d'une part, il a les concessions forestières et, d'autre part, il accorde des permis de coupe à des producteurs de bois de sciage qui eux font des copeaux en quantité importante.

Deuxièmement, en appliquant un contrôle sévère et régulier sur la production et la vente des copeaux des usines de sciage aux usines de pâtes et papiers afin qu'elles ne viennent pas perturber le marché pour le bois provenant de la forêt privée.

Troisièmement, en protégeant, par ordonnance, décret, législation, le producteur de bois privé sur l'interprétation unilatérale que font les acheteurs des normes portant sur la qualité du bois devant leur être livré.

Depuis quelques semaines certaines industries de pâtes et papiers refusent des charges de bois soi-disant parce qu'il est trop vieux. Un cas particulier: La semaine dernière il y a eu un voyage de refusé pour du bois coupé en mars 1977. On pense que cela sent le Moyen Age à plein nez.

Troisièmement, intensifier les programmes de mise en valeur de la forêt rurale de façon à disposer d'un volume de bois de plus en plus important

dans les territoires les plus accessibles et les plus productifs et à utiliser une main-d'oeuvre disponible et qualifiée pour réaliser les travaux.

Quatrièmement, dans la perspective de la construction de nouvelles usines, s'assurer que la localisation sera réalisée surtout en fonction du critère de la proximité de la matière première à cause des coûts de transport qui pour la forêt privée atteignent présentement environ 25% de la valeur du bois rendu à l'usine.

Cinquièmement, obliger l'industrie des pâtes et papiers à expliquer très clairement à l'État sa situation actuelle et ses perspectives à court et à long terme dans ce secteur puisqu'elle transforme une ressource naturelle qui appartient à la collectivité et qu'à ce titre elle doit être transparente dans son administration.

Sixièmement, dans la mesure où l'industrie actuelle continuera d'opérer dans ce secteur, l'État devra exiger qu'elle s'engage à maintenir son équipement dans un état où les rendements lui permettront d'être continuellement concurrentielle et d'éviter à l'avenir des situations telles que celles dont le Québec écope actuellement.

Septièmement, l'État devra être désormais présent dans les projets d'industrialisation où une ressource naturelle comme la forêt est impliquée afin de prévenir des crises comme celle qui est actuellement vécue et de s'assurer que cette ressource sera utilisée pour le bénéfice de la collectivité. À cet effet, une équipe capable d'assurer l'expertise appropriée devrait être constituée et disponible au ministère des Terres et Forêts.

Huitièmement, l'État devra créer les conditions selon lesquelles les groupes impliqués dans le fonctionnement d'une usine de pâtes et papiers (travailleurs d'usine et fournisseurs de matière première, par exemple) soient associés à la gestion de ladite usine. À cet égard, l'État, par ses moyens financiers et techniques, pourrait intervenir fortement dans le démarrage d'un projet quitte à se retirer graduellement au fur et à mesure que l'usine fonctionnera normalement.

Neuvièmement, réaliser une recherche approfondie, efficace et régulière sous la direction du MTF pour trouver des moyens d'utiliser tous les bois disponibles et de multiplier les marchés utilisant les produits du bois, afin de ne pas demeurer tributaire d'une production trop importante comme c'est le cas présentement au Québec avec le papier journal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, merci beaucoup, M. Belzile. Avant de céder la parole au député de Matapédia, j'aimerais informer M. Gontran, que son portefeuille a été retrouvé dans la salle. Ici, en arrière, un agent de sécurité l'a en sa possession. Je cède la parole au député de Matapédia.

M. Marquis: Merci, M. le Président. Les questions s'adressent, j'imagine, à M. Carpentier qui est le président de la fédération. Alors, M. Carpentier, je voudrais d'abord au nom du ministre des Terres et Forêts et de mes collègues du gouver- nement, vous remercier de votre présence aujourd'hui à cette commission parlementaire dans le but de nous faire connaître votre position sur les problèmes rencontrés par l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Votre présence se justifie par le fait que les boisés privés, en fait, fournissent 20% de la matière première nécessaire au bon fonctionnement des usines de pâtes et papiers au Québec.

Je vais me limiter à quelques questions seulement pour donner l'exemple, étant donné que l'Opposition va avoir beaucoup de questions à vous poser et, également, j'ai l'impression que mes collègues se sont déjà inscrits en bon nombre sur la liste des intervenants.

Alors, je vais aller, d'abord, au tout début, aux pages 3 et 4 de votre mémoire, pour vous interroger. Votre fédération mentionne qu'elle veut définir le plus clairement possible, le rôle qu'elle peut jouer dans le projet de modernisation des usines et, pour ce faire, vous effleurez les quatre principaux aspects qu'il y avait dans la déclaration ministérielle. Ces aspects, c'est l'approvisionnement des usines et l'utilisation de la matière ligneuse, la localisation des futures usines, une nouvelle structure pour assurer la gestion de nouvelles usines et celles à être reconverties, et, enfin, la recherche de nouveaux marchés. Cependant, quand on examine en profondeur votre mémoire, il est difficile, pourrait-on dire, de retrouver dans le texte, vraiment, des indications du rôle que vous entendez jouer comme organisme, comme fédération des producteurs de bois. Évidemment, vous parlez des problèmes, vous étalez les problèmes comme d'autres groupes l'ont fait. Vous parlez beaucoup de l'intervention de l'État.

Pourriez-vous, brièvement, en prenant chacun de ces quatre aspects, nous dire quel est le rôle particulier que votre organisme, comme producteur de bois, entend faire pour aider à la modernisation des usines, sur les différents points mentionnés?

M. Carpentier: Je ne répondrai pas à tout, je vais en laisser pour mes collègues, mais, pour répondre à la première question, à savoir ce qu'on fait pour la participation; on sait que la Fédération des producteurs de bois est formée de tous les syndicats et offices de la province. C'est l'interlocuteur des syndicats et offices de producteurs de bois. Quant à la participation qui se fait, je pense que vous en avez le plus bel exemple dans votre comté où, pour un projet d'usine, les syndicats de producteurs de bois ont mis un gros montant. Cela est pour la participation, avec la collaboration de la fédération, qui participe aussi. Je pense qu'à l'heure actuelle, le syndicat du Bas-Saint-Laurent a déjà un montant de $20 000 ou $25 000 pour faire une étude quant à l'implantation de nouvelles usines, et la population est prête à embarquer elle aussi ainsi que tous les organismes sociaux et économiques de la région. Je ne sais pas si cela répond à votre question pour cette partie.

M. Belzile: Le deuxième aspect, je l'aborderais peut-être globalement. Pour situer l'organisme qu'est la fédération, dans un projet comme cela, il est évident qu'on ne venait pas aujourd'hui vous annoncer que la fédération allait investir $100 millions, c'est très clair, c'est un organisme à caractère syndical, strictement syndical, qui défend un groupe de producteurs qui interviennent dans l'alimentation des usines.

Au départ, on s'est interrogé à savoir si on devait vraiment venir ici, mais, étant donné l'invitation du ministre, on s'est interrogé à savoir quel type de contribution on pourrait apporter. Quand on parle de la modernisation des usines, il faut penser que l'un des facteurs importants, c'est l'alimentation. Il faut que vous partiez de l'alimentation et, à ce niveau, on vous le dit dans le texte, on constitue 20% de l'approvisionnement et, avec les programmes de mise en valeur qui sont actuellement réalisés conjointement avec le ministère des Terres et Forêts, et si les experts sont corrects dans leurs calculs, cela veut dire que l'on triple la production dans quelques années dans ce qu'on appelle les régions habitées, où une infrastructure existe, il n'y a pas de route à construire. Je pense qu'hier justement un intervenant mentionnait une erreur qui a peut-être été faite par une industrie de construire une usine en plein milieu de la forêt; elle est obligée de construire une ville en même temps. C'est de moins en moins la formule de demain.

Notre intervention est vraiment, au niveau de l'approvisionnement d'abord, de travailler à garantir un approvisionnement régulier et de meilleure qualité. Cela est vraiment le type d'intervention. Plus que cela, comme le président, M. Carpentier, vient de le mentionner, comme organisme socio-économique de chacun des milieux, c'est vraiment là que va s'effectuer la participation concrète des producteurs, c'est vraiment par le truchement des syndicats régionaux qui comme d'autres organismes du milieu, doivent constituer des groupes d'abord de pression, mais également de réalisation, lancer des projets, parce qu'on n'est pas convaincu chez nous que l'avenir de l'industrie des pâtes et papiers se situe dans les très grands complexes. On a en tout cas l'impression qu'il y a un seuil quelque part qui fait qu'une industrie d'un certain calibre peut répondre à ce qu'on appelle la modernisation de l'industrie. C'est à ce niveau qu'on vient se présenter devant la commission parlementaire. Encore là, on n'est pas des candidats à des investissements considérables, ce n'est pas notre rôle, et quand on dit que l'État doit le faire, eh bien oui, c'est également notre rôle de signaler à l'État ce qu'on croit être les inquiétudes du groupe qu'on représente. C'est dans ce sens que notre participation doit être envisagée.

M. Marquis: Cela va. À la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez que la forêt privée dispose d'un volume de bois qu'elle peut produire tout en respectant la possibilité annuelle. Est-ce que cette possibilité ne serait pas dépassée pour le résineux, surtout les années où le marché est bon, ou est-ce qu'on n'a pas eu des problèmes au cours des dernières années?

M. Belzile: Le tableau de la page 7 répond en partie à votre question sur la possibilité annuelle et le volume coupé annuellement. Ce sont les chiffres dont nous disposons. Il est évident qu'au cours de certaines années — je prends l'exemple de 1974 — si je ne m'abuse, avant une année de très grande demande, la forêt privée a été exploitée.

Si on prenait les chiffres des inventaires fournis par le ministère des Terres et Forêts, il y a eu une surproduction par rapport à la capacité dans le domaine des résineux. Mais, si on regarde sur à peu près une dizaine d'années, on a l'impression qu'on entre dans la possibilité de production — peut-être que M. Lemay pourra compléter — et, quand on parle de possibilité de production, on parle bien de possibilité de coupe sylvicole. Je pense que le jargon, c'est le rendement soutenu. Tu fais une récolte et tu augmentes en même temps la capacité de production de ton voisin.

M. Lemay (André-Côme): Cela, c'est à partir de cet inventaire-là...

M. Belzile: En tout cas, on est à peu près dans les limites de la capacité de production. On en est conscient au niveau des résineux. On fait également des efforts pour demeurer à ce niveau parce qu'on est très intéressé à la pérennité de cette forêt. Là où on attache les grelots si sérieusement, c'est au niveau des feuillus. Je pense que c'est un problème majeur et c'est encore une des raisons pour lesquelles on s'est présenté devant vous, pour dramatiser davantage cette situation au niveau de la forêt privée.

M. Marquis: Concernant, justement, les feuillus; évidemment, vous mentionnez, je pense que vous faites appel à des techniques éventuelles dans les usines de pâtes et papiers qui utiliseraient davantage de feuillus. C'est à cela que vous pensez réellement? Je vais poser peut-être une question avant. Est-ce que vous avez l'impression qu'à l'heure actuelle, l'industrie des pâtes et papiers utilise suffisamment ou autant qu'elle le pourrait les feuillus dans sa production?

M. Belzile: Là, c'est vraiment une réponse de profane. C'est qu'on pense, parce qu'on n'a pas... Vous vous imaginez comment il peut être difficile de connaître toutes les conditions de fonctionnement d'une industrie quand l'État, avec ses moyens, ne parvient pas à connaître vraiment le portrait réel d'une industrie. Imaginez-vous, une petite organisation comme la nôtre! Mais, de toute façon, on pense sincèrement qu'il y a eu négligence dans la recherche. On ne dit pas qu'aujourd'hui les usines existantes pourraient, du jour au lendemain, introduire des feuillus dans la production de leur papier journal, parce que la concurrence est là et il y a une habitude de consommation qui est là.

Ce qu'on dit dans le texte, c'est qu'il nous semble que l'industrie ait négligé cet aspect. Il y avait une demande de papier journal assez importante, je pense bien, si on se reporte au passé. Il y a eu des usines de construites pour fabriquer ce papier journal. Ces usines disposaient d'un volume de bois disponible de très bonne qualité qui était des volumes de résineux. Pour nous, ces gens ne se sont pas préoccupés, justement, de faire des recherches pour utiliser toutes les essences. Ce qu'on dit, au fond, c'est qu'il y a des démonstrations du contraire et on estime, en tout cas, maintenant, que l'État du Québec a suffisamment de moyens pour étudier ces questions puisque l'industrie a négligé de le faire.

M. Marquis: Très bien.

M. Belzile: En tout cas, on pense, on aurait vraiment espéré que l'industrie fasse des recherches pour infléchir le marché, pour peut-être avoir un papier journal de nature un peu différente qui aurait respecté également les goûts du marché, mais, dans la situation actuelle, on comprend qu'elle subisse la concurrence d'industries qui, elles, ont modernisé et ont accaparé un marché avec une certaine qualité de papier.

M. Marquis: Une dernière question très courte. Le coût du bois provenant de la forêt privée par rapport à celui de la forêt publique, est-ce que cela peut être une raison pour laquelle vous avez eu des difficultés à vendre votre bois dernièrement?

M. Belzile: Cela ne peut pas être une raison, M. le député, parce que, jusqu'à maintenant, on avait des problèmes à faire admettre à l'industrie que notre bois coûtait moins cher, mais là, elle nous le dit sans qu'on le lui demande. Le vice-président d'une compagnie, au cours de l'été, a dit tout bonnement que le bois de la forêt privée coûte moins cher. Alors, on n'a même plus besoin de tordre le bras à ces gens pour le leur faire admettre. Ils le disent candidement.

Deuxièmement, c'est qu'on répète, on en profite, on a déjà demandé au ministère des Terres et Forêts de réaliser une étude comparative des coûts du bois provenant de la forêt publique et ceux provenant de la forêt privée. On est toujours intéressé à avoir le résultat de cette étude-là. On sait qu'il y a eu du travail de fait dans ce genre, mais on est convaincu que le bois de la forêt privée, globalement, est encore la matière première qui est la moins dispendieuse pour l'industrie.

M. Marquis: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Messieurs les représentants de la fédération, M. Belzile, M. Car-pentier; je le salue particulièrement parce que M. Carpentier est aussi maire d'une municipalité de mon comté. M. le Président, nous avons commencé l'audition de la fédération, de l'office, à 5 h 5.

On peut donc en conclure que nous aurons l'occasion de convoquer à nouveau nos distingués représentants de cet après-midi, peut-être une autre journée, pour pouvoir terminer le délai de deux heures qui est alloué à chacun des organismes qui intervient devant cette commission, dans le cadre des travaux de la commission des richesses naturelles et des terres et forêts.

L'Opposition officielle, M. le Président, a étudié avec beaucoup d'attention le mémoire qui nous a été présenté cet après-midi. Nous avons, nous aussi, travaillé en collégialité sur votre dossier particulier. C'est l'honorable député de Montmagny-L'Islet, M. Giasson, qui a eu l'occasion de l'analyser longuement et qui aura l'opportunité de soulever différentes questions.

M. le Président, je joins à mon intervention mon privilège de député, en tant que membre de cette commission. Les membres de cette commission viennent de recevoir un télégramme qui leur a été adressé cet après-midi. Je ne sais pas si d'autres membres de la commission l'ont reçu, mais je l'ai reçu. Il s'agit d'un télégramme envoyé par M. Fernand Daoust, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec, lequel invoque différents motifs que je pourrai vous citer si le besoin en est. Elle demande à cette commission le droit d'être entendue demain, en même temps que la compagnie Consolidated Bathurst, désireuse qu'elle est de discuter avec les membres de cette commission du problème spécifique et particulier de la fermeture de l'usine de la Consolidated Bathurst, division Wayagamack, du Cap-de-la-Madeleine.

Motion pour faire entendre

les représentants du syndicat

de la Wayagamack

Dans le télégramme, il est clairement énoncé que la Fédération des travailleurs du Québec pourra être éventuellement entendue le 13 octobre, soit seulement deux jours avant la fermeture de l'usine au Cap-de-la-Madeleine. Pour un tel motif, particulièrement à cause du fait que la Consol aura l'occasion de comparaître demain devant nous, ceux-ci nous ont fait parvenir un télégramme. Sur la foi de ces différentes interventions et compte tenu de l'importance du sujet qui avait déjà été soulevé en Chambre, M. le Président, je fais motion pour que cette commission des richesses naturelles et des terres et forêts, pour les motifs invoqués dans un télégramme envoyé à tous les membres de la commission par M. Fernand Daoust, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec, accepte d'entendre demain, jeudi, le 29 septembre 1977, les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec et du Syndicat des travailleurs du papier et des travailleurs de la Wayagamack, au cours des travaux de la commission prévue pour demain, jeudi, le 29 septembre 1977.

Je m'excuse auprès des honorables intervenants. Je présume, de toute façon, que la motion sera acceptée, je l'espère tout au moins. Je présume qu'elle sera acceptée dans un délai très bref, que ce sera très limité au chapitre des discussions et que nous pourrons revenir par la suite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avant de déclarer recevable ou irrecevable cette motion, j'aimerais quand même informer les membres de cette commission que le président a reçu, lui aussi, ce télégramme et que le secrétariat des commissions parlementaires a fait parvenir une réponse à ceux qui avaient envoyé ce télégramme, réponse qui se lit comme suit: C'est envoyé à Serge Lord, porte-parole du Syndicat canadien des travailleurs du papier. Re: Commission parlementaire sur les pâtes et papiers. Nous déplorons le fait que l'agenda que nous avons établi pour la présentation des mémoires ne vous convienne pas. Vous êtes malheureusement le seul organisme qui ne nous a pas encore fait parvenir son mémoire, alors que la date limite est passée depuis plusieurs semaines.

Il nous est ainsi physiquement impossible d'avancer la date de présentation de votre mémoire, Nous vous rappelons que, lors d'une conversation téléphonique entre le président du SCTP et le cabinet du ministre, M. Bérubé, vous aviez assuré ce dernier que votre mémoire nous serait adressé au plus tard le 23 septembre 1977. Nous l'attendons encore. "Signé: Jacques Pouliot, secrétaire des commissions parlementaires".

Compte tenu des faits qui sont portés à votre attention, en tout cas qui sont portés à l'attention de la présidence, à savoir que l'une des conditions pour être entendu est de présenter un mémoire, je déclare que cette motion est actuellement irrecevable et prématurée puisque nous n'avons pas encore de mémoire de cet intervenant.

M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez quand même...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement.

M. Pagé: ... de soumettre brièvement mes allégués sur la recevabilité que vous devriez donner...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: ... ou encore, M. le Président, de soulever une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf, je ne vous permettrai pas de plaider sur la recevabilité, puisque je viens de dire que l'une des conditions était de présenter un mémoire. Or, on m'informe qu'aucun mémoire n'a été présenté. Je pense qu'actuellement cette demande est caduque.

M. Pagé: M. le Président, sur une question de règlement, vous me permettrez de porter à votre attention le fait que le règlement de l'Assemblée nationale est très clair sur les activités ou les pouvoirs d'une commission parlementaire. Le principe qui guide la façon de régir les travaux d'une commission transpire tout au long de notre règlement. Autant l'Assemblée nationale peut être maîtresse de ses travaux, autant une commission parlementaire est elle aussi maîtresse de ses travaux.

J'ai eu l'occasion de vous faire part de ma motion, que vous n'avez pas reçue. Je vous fais mention de notre règlement qui prévoit que, selon moi, bien respectueusement, une commission comme celle-ci peut, de par sa décision, suite à une motion qui est présentée, déterminer s'il y a possibilité, pour les membres de ladite commission et pour la commission, de déroger à un programme qui a été fixée. Et ce, toujours pour le motif qu'une commission est maîtresse de ses travaux. Dans les circonstances, et c'est un autre élément que j'ajoute, je considère qu'avant que réponse soit donnée par le secrétariat des commissions, la commission elle-même aurait dû en être saisie. Car, à ce que je sache, M. le Président, autant l'Assemblée est souveraine, autant, de par le fait qu'elle est maîtresse de ses travaux, la commission parlementaire est elle aussi souveraine dans ses décisions. Avec tout le respect que je dois à ceux qui travaillent, qui collaborent aux travaux de cette commission, ce n'est pas au secrétariat des commissions de prendre une décision comme celle-là. Cette décision aurait dû être rendue une fois que tous les membres de la commission en auraient été informés. Je considère que c'est particulièrement préjudiciable aux intérêts des gens qui ont communiqué avec nous, d'une part. D'autre part, un mémoire a effectivement été présenté, mais, tel que j'en ai fait état tout à l'heure, c'est le 13 octobre que ces gens-là devraient normalement être entendus. Je ne veux pas revenir sur le fond du problème. On sait qu'il y a la date du 15 octobre qui plane au-dessus de la tête de ces gens; compte tenu de l'urgence, compte tenu de la situation, je pense qu'il est impérieux, quant à moi, qu'il est tout à fait logique et normal, et cela s'inscrit dans le cadre d'une saine démocratie, que les deux parties puissent être entendues.

Je ne voudrais pas que sous le couvert, sous l'écran d'un certain procédé administratif, le gouvernement se cache et dise: On ne les entend pas, parce que le mémoire n'a pas été présenté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, s'il vous plaît, j'aurais quand même un commentaire...

M. Pagé: M. le Président, je termine ma question de règlement là-dessus. Je termine non pas par une motion, mais strictement pour ces gens qui sont touchés par un problème et sa solution dont dépend l'avenir économique de toute une région. Si la commission, en plus de se faire hara-kiri ou presque en disant: On ne prend pas de dé-

cisions là-dessus, ce sont les collaborateurs de la commission, c'est-à-dire le secrétariat qui prend une décision, j'aimerais au moins que le ministre nous donne ses commentaires.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf, avant de céder la parole au ministre, vous avez soulevé un point qui, je pense, doit être relevé par la présidence. Effectivement, je suis l'un de ceux — et je pense que tout le monde est d'accord — qui pensent et qui croient que la commission est maîtresse dans ses travaux, qu'elle est souverainne et qu'elle peut décider — en supposant qu'un mémoire a été présenté — par une motion qui serait adoptée, de modifier un ordre du jour et d'entendre tel organisme plutôt que tel autre à une telle date déterminée. Par contre, il y a également l'article 118a de nos règlements qui stipule, en fait, les conditions pour la remise d'un mémoire au secrétariat des commissions.

Je suis complètement d'accord avec vous lorsque vous affirmez que la commission, si la motion avait été jugée recevable, aurait pu décider d'entendre prioritairement demain l'intervenant en question. Mais cette demande n'aurait été recevable que si un mémoire avait été présenté.

À partir du moment où le président de la commission est informé par qui de droit qu'aucun mémoire n'a été présenté, donc que l'article 118a n'a pas été respecté, à partir de ce moment, il n'y a aucun mémoire, l'article 118a s'applique et l'ordre du jour doit être respecté. Soyez assuré, en terminant, que si un mémoire avait été présenté, si un mémoire était actuellement en la possession du secrétariat des commissions, j'aurais jugé cette motion recevable et la commission aurait pu décider d'adopter cette motion et d'entendre prioritairement cet intervenant, mais il n'y a aucun mémoire.

M. Grenier: M. le Président, vous me permettrez...

M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Giasson: Une directive, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, j'aimerais vous demander une directive. Croyez-vous qu'il serait dans l'ordre que la présidence, dans le contexte du débat que nous avons, nous fasse au moins connaître la teneur de ce télégramme, pour savoir de quelle façon ces gens se sont exprimés dans leur demande. J'aimerais également connaître la teneur ou la formulation de la motion sur laquelle vous venez de rendre un jugement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait, M. le député de Montmagny-L'Islet, remar- quez bien que je pourrais lire ce télégramme. En fait, c'est une demande adressée à la commission pour être entendu le plus tôt possible, étant donné la fermeture de l'usine qui est prévue pour le 15 octobre...

M. Giasson: Est-ce qu'on pourrait savoir de quelle façon c'est formulé, tout au moins?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En gros, "la commission parlementaire sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers, que jeudi, le 13 octobre, soit seulement deux jours avant la fermeture de l'usine Wayagamack". Autrement dit, on se plaint d'être entendu seulement le 13 octobre, alors que la fermeture est prévue pour le 15 octobre, et donc on demande...

M. Pagé: Alors, il y a mémoire?

M. Giasson: II y a mémoire devant la commission, puisqu'on avait prévu de les recevoir à telle date.

M. Pagé: Bien oui?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait, il n'y a aucun mémoire de reçu de la part de l'intervenant en question devant la commission, sauf qu'il semblerait d'après leur télégramme qu'un mémoire serait présenté d'ici le 13 octobre. Nous n'avons pas le mémoire en notre possession.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il m'apparaît important d'éclairer...

M. Giasson: M. le Président, si vous permettez, dans ma demande de directive il y avait deux volets. La motion est formulée...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis disposé à lire cette motion même si elle a été jugée irrecevable. "Que cette commission des richesses naturelles et des terres et forêts, pour les motifs invoqués dans un télégramme envoyé à tous les membres de la commission par M. Fer-nand Daoust, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec, accepte d'entendre demain, le jeudi 29 septembre 1977, les représentants de la FTQ et le Syndicat canadien des travailleurs du papier et des travailleurs de la Wayagamack au cours des travaux de cette commission demain."

M. Grenier: M. le Président, une directive également. Je vais vous rappeler ici, mais non pour intervenir contre la décision que vous venez de rendre, qu'autour de cette table — vous n'étiez peut-être pas président à ce moment, à une autre commission qui était la loi 101 — j'étais intervenu dans un débat où on avait demandé à l'Union des conseils de comté du Québec de venir. Ils avaient un mémoire qui n'était pas déposé, mais qui aurait pu l'être en temps et lieu. Si ma mémoire est fidèle, je pense qu'à ce moment le président a demandé à la commission de se prononcer sur la re-

cevabilité de ce mémoire ou la possibilité de l'entendre. La commission s'est prononcée contre.

Je pense que la directive qui était demandée par...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, le président a demandé aux membres de la commission de l'informer sur la recevabilité, quitte à prendre une décision après, mais il appartient toujours au président, après avoir entendu les arguments sur la recevabilité ou l'irrecevabilité de prendre une décision.

Remarquez que le président a la discrétion de faire entendre les intervenants avant de prendre cette décision la jugeant recevable ou non. Mais il peut à sa face même décider que cette motion est recevable ou irrecevable, comme cela arrive dans la plupart des cas.

Il est bien évident que la présidence doit respecter l'article 118-A, qui n'a pas été fait par la présidence. La présidence doit appliquer cet article. Mais la commission est souveraine dans ses travaux. Je l'ai dit tout à l'heure et je le répète, elle peut de façon unanime faire en sorte que le règlement 118 ne s'applique pas. Mais le président doit appliquer ce règlement.

Si tous les membres de la commission, de façon unanime, me disent qu'ils sont prêts à faire échec à l'article 118, à ce moment la commission, étant souveraine de ses travaux, peut entendre n'importe qui, si tout le monde est d'accord. Il y a cependant une objection.

Le Président doit appliquer l'article 118a. Il n'y a pas de mémoire, et n'ayant pas de mémoire, il n'y a pas d'intervenant.

M. Giasson: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Giasson: Je comprends fort bien l'argumentation que vous venez d'énoncer. Vous faites allusion à l'article 118a. Dans le cas qui nous concerne, je crois que nous assistons à un phénomène en vertu duquel une compagnie papetière décide de fermer une usine avec toutes les conséquences que cela entraîne. Or, dans un tel cas, il m'apparaît qu'il y a une question d'urgence.

Toujours dans 118a, vous retrouvez le paragraphe 4 qui dit ceci: "Pour des raisons d'urgence, l'Assemblée peut dispenser le secrétaire de donner l'avis dans la Gazette officielle, elle peut modifier le délai pour la présentation des mémoires et celui pour la convocation des personnes qui veulent se faire entendre."

II reste, M. le Président, à véritablement déterminer si les raisons invoquées par l'intervenant qui veut comparaître plus tôt, sont une question d'urgence, découlant d'une décision de fermer une usine et provoquer des mises à pied d'au-delà de trois cents personnes; cette question peut-elle constituer, en elle-même, une condition d'urgence qui pourrait permettre à la commission d'appliquer l'exemption prévue au chapitre 4, article 118a de notre règlement?

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il m'apparaît important sur cette question de règlement, d'éclairer les membres de cette assemblée sur les tractations qui ont amené la situation à laquelle nous sommes confrontés en ce moment. D'une part, il faut souligner que nous sommes en négociation depuis très longtemps avec la FTQ et les travailleurs des pâtes et papiers quant à la présentation des mémoires. Je n'ai pas terminé, M. le député de Portneuf.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Je sais la question de règlement que vous voulez soulever M. le député de Portneuf. M. le ministre, sur la question de règlement, s'il vous plaît.

M. Bérubé: Présentement, le mémoire devait nous être soumis le 23 de ce mois, ceci à la suite d'une communication téléphonique lundi, le 19 septembre, et on nous l'avait garanti pour le 23. Présentement, la FTQ vient de nous confirmer par téléphone, il y a quelques minutes, qu'elle ne pourrait pas présenter son mémoire avant le 4 octobre. Par conséquent, il n'apparaît donc pas possible à la FTQ de véritablement défendre un mémoire devant cette commission immédiatement demain. Il est donc normal de reporter ledit mémoire à la date qui a été prévue.

M. Pagé: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf, s'il vous plaît! Avant, M. le député de Montmagny-L'Islet a soulevé un paragraphe fort intéressant, qui est le paragraphe 4 de l'article 118a. J'estime respectueusement que cet article ne s'applique pas dans les circonstances. C'est plutôt le cas où l'Assemblée nationale dirait... c'est ce qui arrive souvent, on voit les deux leaders parlementaires, ou les trois, s'entendre pour dispenser ou pour remédier à des défauts d'accomplissement de certaines formalités exigées par le règlement.

Or, ce qui arrive souvent, et je l'ai vu même si je ne suis là que depuis quelques mois, c'est que c'était à l'Assemblée nationale qu'on pouvait dispenser de publication dans la Gazette officielle. Alors, dans les circonstances, j'estime que l'article 118a 4 ne s'applique pas, mais je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que de façon unanime...

M. Pagé: M. le Président, vous savez, sur la question de règlement, qu'en vertu de nos règlements la commission parlementaire est la prolongation de l'Assemblée et qu'en vertu de 118a 4, comme cela a été le cas dans l'exemple cité par le député de Mégantic-Compton, à plusieurs reprises des commissions parlementaires ont décidé d'entendre des parties qui n'avaient pas déposé de mémoire.

M. le Président, une lecture de la jurisprudence sur cette question vous permettra de le constater. Si ma mémoire est fidèle, c'était en mai 1976 avec la commission parlementaire qui a siégé ici, au salon rouge. Le président avait même demandé, à la fin des travaux, si des gens dans la salle étaient intéressés à se faire entendre, ce qui démontre que, sans nécessairement avoir déposé le mémoire, un organisme peut comparaître, peut faire part de considérations, de commentaires ou de recommandations à une commission comme la nôtre. M. le Président, en vertu du règlement, je demande le consentement unanime de cette commission pour que la Fédération des travailleurs du Québec, particulièrement le groupe de la division de la Wayagamack, qui représente les travailleurs de la Wayagamack, puisse être entendue demain.

M. Grenier: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Bien brièvement, je pensais acquise la proposition qui vient d'être faite et que c'était à peu près assuré qu'on pourrait rencontrer ces représentants des travailleurs de la Wayagamack. Maintenant, je me rends compte que c'est possible qu'on puisse terminer l'étude de cette commission sans avoir entendu ces gens. Pour avoir vécu de plus près le problème d'East Angus, alors que le ministre a déclaré qu'on attendait la commission qui étudierait le problème des pâtes et papiers au Québec pour prendre une décision, tout de go, ce même ministre annonce que Wayagamack fermait. Il me semble qu'on a l'occasion, ici, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la question de règlement, M. le député de Mégantic-Compton, s'il vous plaît.

M. Grenier: Pour faire suite aux propositions qui sont faites ici, je voudrais bien que ces travailleurs puissent être entendus s'ils sont prêts, peu importe s'ils n'ont pas correspondu aux exigences de la commission, à savoir le dépôt du document en temps requis. Il me semble qu'il devrait y avoir, comme on vient de le demander, un consentement unanime pour qu'on puisse les entendre. De toute évidence, le 13 il n'y aura plus rien à faire; pour eux, le compte à rebours est commencé. Le 13, c'est vraiment trop tard pour entendre ce groupe. Il me semble qu'on devrait, de consentement unanime, accepter de recevoir ces gens dès demain.

M. Bérubé: M. le Président, par respect pour les invités de demain, qui vont nous présenter leur mémoire, qui souvent viennent de loin, qui doivent se déplacer, qui ont une heure précise à laquelle ils doivent présenter leur mémoire, il me semble que, par respect pour les gens qui ont de longue date préparé leur mémoire et qui savent qu'ils doivent comparaître demain devant la commission, je pense que, par respect pour eux, nous devrions nous en tenir à l'ordre du jour qui a été établi.

M. Pagé: On est prêt à siéger à deux heures demain, on est prêt à siéger à l'heure du souper, et j'ai demandé le consentement unanime.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Portneuf. S'il vous plaît, il est six heures. S'il vous plaît, j'ai déclaré cette motion irrecevable parce que prématurée, n'ayant pas reçu de mémoire. Une motion prématurée peut devenir non prématurée si elle est présentée dans une autre circonstance. M. le député de Portneuf le sait fort bien. Il pourra s'informer si les mémoires ou si le mémoire en question est entré, mais, dans les circonstances, je dois ajourner les travaux à...

M. Pagé: J'ai demandé le consentement unanime.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf, la séance est maintenant terminée, il est six heures...

M. Pagé: Sauvé par la cloche.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... et les travaux sont ajournés à demain, dix heures, au salon rouge. Je demanderais aux représentants de la Fédération des producteurs de bois du Québec de se présenter s'ils le veulent bien, demain matin, pour la continuation, si c'est possible.

M. Carpentier: Cela est possible, mais cela nous désappointe pas mal de voir ce qui se passe. Il y a des gens ici qui viennent d'un peu partout et ils vont être obligés de faire un voyage demain seulement pour cela. On va venir, mais cela nous dérange.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord!

M. Carpentier: On aurait aimé mieux que cette discussion vienne après notre audition.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Mais, que voulez-vous, les membres de la commission ont le droit de faire ce qu'ils ont fait, tous et chacun d'entre eux. Les travaux sont donc ajournés à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 3)

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