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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 13 octobre 1977 - Vol. 19 N° 203

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des problèmes de rentabilité de l'industrie des pâtes et papiers du Québec


Journal des débats

 

Etude des problèmes de rentabilité

de l'industrie des pâtes et papiers

du Québec

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission, pour la séance d'aujourd'hui, sont M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Grenier (Mégantic-Compton) en remplacement de M. Brochu (Richmond); M. Desbiens (Dubuc), M. Pagé (Portneuf) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Russell (Brome-Missisquoi) en remplacement de M. Goulet (Bellechasse); M. Grégoire (Frontenac), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) en remplacement de M. Joron (Mille-Iles); M. Vaillancourt (Orford) en remplacement de M. Larivière (Pontiac); M. Gosse-lin (Sherbrooke) en remplacement de M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Perron (Duplessis).

Messieurs de la compagnie Masonite, je m'excuse de ce retard, le quorum venant seulement d'être atteint; le quorum de la commission, pour votre information, comprend neuf membres avec la présidence.

M. Grenier: Est-ce qu'on peut avoir l'horaire de la journée, si ce n'est pas trop demander? Est-ce qu'on peut avoir au moins les dossiers de la journée, si on ne peut pas avoir ceux de la semaine?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous finirons d'entendre le mémoire de la compagnie Masonite Canada Limitée. Par la suite, nous entendrons le Comité ad hoc pour la survie de l'usine d'East Angus, Domtar Limitée, le Centre de recherches en pâtes et papiers de l'Université du Québec à Trois-Rivières, la compagnie de papier Q.N.S. Limitée et la compagnie de papier Rolland Limitée.

Le programme de la journée me semble passablement chargé; pour cette raison, je demanderais à nos interlocuteurs de bien vouloir commencer immédiatement, s'il vous plaît.

Masonite Canada Limitée (suite)

M. Laroche (Bruno): M. le Président, hier, nous avons fait la lecture d'une partie de notre mémoire qui pourrait peut-être se résumer ainsi: La compagnie Masonite Canada Limitée est un des plus grands manufacturiers de produits dans l'industrie de la construction au Canada; elle utilise en grande partie les produits secondaires des scieries en plus de faire le déroulage de plusieurs essences de bois, la plus importante, pour la rentabilité de l'usine, étant le bouleau. Nous fabriquons également le contre-plaqué de bois franc.

Les allocations de bois franc, pour la production du placage de bouleau, ne sont pas suffisantes et nous avons suggéré que seuls les usagers les plus efficaces puissent s'approvisionner en bois de déroulage sur les terres publiques et, deuxièmement, qu'on considère sérieusement l'adoption de méthodes d'exploitation forestière intégrées susceptibles de donner un meilleur rendement en produits de haute valeur; troisièmement, que les spécifications, pour la classification des billes de déroulage, soient révisées.

Dans le passé, Masonite utilisait surtout le bois rond d'épinette, de pin gris et de bouleau jaune pour approvisionner ses usines. Le bois à pâte était transformé en copeaux pour la fabrication de panneaux rigides et isolants et les billes de bouleau étaient transformées en placage et en contre-plaqué. Avec la technologie actuelle, tous les bois mous, sauf le cèdre, peuvent être utilisés dans la production des panneaux rigides, mais aucun bois franc; par contre, pour la production de panneaux isolants, les bois francs et les bois mous peuvent être utilisés soit sous forme de copeaux ou de sciure. Le bois mou est préféré à cause de sa faible densité et sa proportion est maintenue à 70% ou plus pour des raisons de qualité du produit.

A l'avenir, puisque la compagnie ne peut utiliser les copeaux de bois franc pour la fabrication des panneaux rigides, elle aura, à court terme, des difficultés à obtenir l'approvisionnement nécessaire en copeaux de bois mou provenant des scieries locales qui produisent à la fois des copeaux de bois dur et mou. Ceci est un problème de peu d'importance lorsqu'il est comparé à la prévision du manque d'approvisionnement en bouleau de déroulage.

Pour le moment, il ne semble pas y avoir beaucoup de possibilités de substitution acceptables pour ce genre d'approvisionnement. L'érable, qui en est une, ne peut servir que pour une qualité inférieure de placage et sa disponibilité est sérieusement limitée par la minéralisation et par les difficultés de mise en marché de ce bois. Ceci signifie que la valeur du placage de bouleau devrait augmenter et que les bois francs du Japon, de l'Amérique du Sud et de l'Afrique vont probablement prendre une part plus importante du marché.

Concernant les méthodes d'approvisionnement, Masonite ne fait pas d'exploitation forestière. La CIP s'occupe de la production du bois de rond et de l'achat de toute matière ligneuse nécessaire à l'approvisionnement des usines. La plupart des copeaux sont achetés en vertu d'un contrat à court terme (moins de deux ans) avec les industriels du sciage. Il n'existe pas de contrat pour les sciures provenant des scieries ou pour les billes achetées des propriétaires de forêts privées.

La grande partie des billes de déroulage est allouée à Masonite par le gouvernement pour des périodes de trois ans. Masonite ne prévoit aucun changement dans ses méthodes d'approvisionnement pour l'avenir.

Quant au contrôle de l'approvisionnement, Masonite ne possède ni ne loue aucun territoire forestier et n'a aucun contrat ferme d'approvisionnement avec le gouvernement. Toutefois, son approvisionnement en bois provenant des terres publiques est assuré en vertu d'un plan d'allocation de la matière ligneuse établi par le gouvernement, après discussion avec les concessionnaires pour des périodes de trois ans.

Concernant le coût du bois, celui-ci représente en moyenne 38% du coût du placage dans l'usine de placage et de contre-plaqué, 23% dans l'usine de panneaux rigides et 6,4% dans l'usine de panneaux isolants.

Le coût du bois de placage est élevé parce qu'il provient du bois rond et non des sous-produits ou des résidus et parce que la quantité d'approvisionnement disponible est limitée.

Les coûts de transport représentent environ 10% du coût du bois dans le cas des billots de déroulage, 25% dans le cas des copeaux de scieries et 85% dans le cas des sciures et autres rebuts de bois.

Examinons maintenant les divers aspects de la fabrication. Les installations de la compagnie sont situées à Gatineau, elles occupent une superficie totale de quelque 810 000 pieds carrés, incluant l'aire d'entreprosage des matières premières et des produits finis et les usines. Les usines de production elles-mêmes occupent quelque 520 000 pieds de plancher, et sont complètement desservies et protégées par un système élaboré de protection contre le feu.

Masonite jouit d'excellentes conditions de transport; ses usines sont toutes accessibles par camion ou par chemin de fer. L'approvisionnement en électricité, en gaz naturel et en vapeur est sûr et pourvoit à tous les besoins.

Les bâtiments eux-mêmes sont en excellente condition, grâce à un programme continu d'entretien. Les eaux usées dont toutes canalisées vers le système de clarification de la CIP.

Les cours à bois sont adéquates; elles sont munies d'un système central de mesurage et desservies par des pièces mobiles d'équipement lourd.

Une installation pour le déchargement des camions de copeaux a été mise en service récemment et le procédé de déchiquetage est en voie d'être modifiée à l'usine de panneaux rigides, afin de nous permettre d'utiliser une plus grande partie de rebuts de bois.

Toutes les billes de déroulage sont protégées durant les mois d'été, dans la cour de l'usine de placage et contre-plaqué, par un système d'arrosage.

Masonite n'a aucun plan immédiat d'expansion de ses usines. Cependant, ta compagnie se propose de continuer à investir quelque $300 000 à $400 000 par année pour maintenir les usines dans leur état actuel.

Dans le budget d'investissement, quelque $450 000 seront affectés à l'amélioration des cours à bois et de l'équipement au cours des trois prochaines années. Nous ne pouvons dire qu'une grande partie de l'équipement de base est très spécialisée. Lorsqu'une pièce d'équipement n'est pas disponible dans la province, elle est achetée dans une autre province ou dans le pays d'origine. Lorsqu'elle est disponible et que les autres aspects de l'achat sont comparables, on achète la pièce produite au Québec.

Les programmes de modernisation comme tels ne garantissent pas automatiquement le succès. On pourrait citer des exemples d'usines modernes qui ont connu des problèmes financiers considérables.

Toutefois, dans le mémoire, nous avons décrit en détail les plans que nous avons établis en vue de moderniser l'équipement des trois usines, au cours des cinq prochaines années. Quant au processus de transformation, nous traiterons successivement de l'utilisation des résidus, de l'énergie, du personnel et de la recherche. Au niveau de l'utilisation des résidus et des matériaux recyclables, Masonite fait présentement une étude concernant le potentiel d'utilisation des boues, dans la fabrication des panneaux rigides et des panneaux isolants.

Les solides en suspension qui proviennent de la fabrication de panneaux rigides passent actuellement par le clarificateur d'eaux usées. Pour le moment, nous n'entrevoyons pas la possibilité d'utiliser ce matériel à l'usine de panneaux rigides, mais il y aurait probablement moyen de le récupérer, du moins en partie, à l'usine de panneaux isolants principalement dans la fabrication de revêtements isolants. Cette question est à l'étude avec le projet d'utilisation des boues.

La compagnie utlise actuellement le papier journal recyclé dans la fabrication des panneaux de laine minérale. Lorsqu'un nouvel équipement de mélange sera installé, des quantités beaucoup plus grandes de ce matériel seront utilisées. Présentement, les possibilités d'utilisation des matériaux recyclables sont limitées dans la fabrication des panneaux rigides, compte tenu de la technologie actuelle et du système de préparation des stocks. Cependant, toutes les retailles, toutes les sciures et tous les rebuts de cette opération sont recyclés.

Au niveau de la conservation de l'énergie, nous avons des programmes qui nous ont permis de réduire la consommation de la vapeur dans nos usines, et nous continuerons à y investir des sommes nécessaires afin de continuer à nous améliorer dans ce domaine.

Concernant les recherches de nouvelles sources d'énergie, on croit que les résidus, l'écorce et les boues, présentent de grandes possibilités.

Même si Masonite n'est pas un producteur d'énergie, la vapeur étant achetée de l'usine de papier journal de CIP, la compagnie s'intéresse à cette question à titre de consommateur important de vapeur. Masonite travaille à un projet conjoint pour bâtir une chaudière additionnelle pouvant consommer le plus grand volume de ces sous-produits.

Au niveau du personnel, Masonite Canada Ltée dépense beaucoup de temps, d'efforts et d'argent. Une grande partie des gains de productivité au cours des années récentes est due direc-

tement à l'amélioration et à la compétence de tout son personnel au moyen des programmes de formation à tous les niveaux et à l'implication directe des travailleurs dans une approche collective à la solution des problèmes.

Le recrutement et la stabilisation de la main-d'oeuvre n'ont posé aucune difficulté majeure jusqu'ici pour les raisons mentionnées plus haut. Actuellement, la main-d'oeuvre, au Québec, est constituée de 881 personnes.

En général, les relations entre la direction et les ouvriers sont excellentes dans les trois usines de Gatineau. Les employés de l'usine de placage et contre-plaqué, quoique moins bien rémunérés, en moyenne, que ceux des usines de panneaux rigides et de panneaux isolants, reçoivent tout de même les plus hauts taux horaires dans cette industrie au Québec.

Un programme complet de modernisation pour la fabrication du placage a été appliqué au cours des neuf dernières années à l'usine de placage et de contre-plaqué, et celle-ci est devenue une des usines les plus modernes et les plus efficaces du genre en Amérique du Nord. La productivité y augmente constamment.

Bien que l'équipement de base à l'usine de panneaux rigides soit essentiellement le même que celui qui fut installé il y a quelques années, la productivité y a aussi augmenté de façon constante au cours des cinq ou six dernières années. En fait, elle est probablement l'une des usines de panneaux rigides les mieux entretenues au Canada. La simplification des lignes de produits, les investissements, en particulier dans la finition du produit, et une main-d'oeuvre très motivée ont contribué à l'augmentation constante des niveaux de productivité.

Dans l'usine de panneaux isolants, la productivité est aussi à la hausse. L'approche, dans cette usine, a consisté à développer d'abord une équipe de direction forte à résoudre les problèmes de base de production avant de procéder à la modernisation. La tendance à la hausse de la productivité a été surtout, jusqu'ici, le résultat d'améliorations des horaires et de la planification du travail, et de la grande motivation de la direction et des travailleurs.

Le coût de la main-d'oeuvre a un effet significatif sur la rentabilité. Exprimé en pourcentage du coût direct de fabrication, il est présentement de 25% à l'usine de panneaux rigides, 28% à l'usine de placage et contre-plaqué, et 39% à l'usine de panneaux isolants.

Au niveau de la recherche et du développement, Masonite jouit d'excellentes possibilités et les efforts, dans ce domaine, sont coordonnés par le directeur de la recherche et du développement de la compagnie. Il lance des projets de recherche et maintient des liens étroits avec la direction de la compagnie. En retour, il est soutenu par le personnel technique de chaque usine.

Les programmes de recherche de Masonite Canada Ltée se composent essentiellement de vérification de la qualité de la production, de recherche de nouveaux marchés et d'essai de nouveaux produits. L'investissement annuel dans ce domaine est de l'ordre de $400 000. Finalement, considérons la mise en marché des usines de panneaux rigides et de panneaux isolants de masonite produits pour le marché canadien seulement. D'une part, les possibilités de pénétration sur le marché américain ou le marché international avec les produits québécois à base de fibre sont limitées à cause des économies d'échelle et du coût élevé des matières premières, des salaires, du capital et des tarifs douaniers.

D'autre part, l'importation de ces produits cause encore plus d'inquiétudes parce qu'elle pourrait même compromettre l'existence des usines en place. Les produits pour plafonds sont importés en grande quantité et l'importation de panneaux rigides et de recouvrement extérieur, empiète sur le marché canadien à certains endroits. Pour maintenir un niveau de profit raisonnable, il faudra faire des efforts de mise en marché intensifiés, augmenter les ventes au Canada, développer de nouveaux produits et maintenir un programme continu de contrôle des coûts basé sur les dépenses en capital et l'utilisation efficace des ressources humaines et naturelles.

A cet égard, le coût de transport est un facteur limite. Une politique d'égalisation des tarifs de fret pour les expéditions vers l'Ouest, aux provinces des Prairies et en Colombie-Britannique serait un avantage. Actuellement, les coûts de fret vers l'Ouest sont environ 25% plus élevés qu'ils ne le sont vers l'Est. Une bonne partie du placage est exportée et un marché d'exportation pour le contre-plaqué est en voie de développement. Quoique Masonite ait des installations modernes, sa capacité de concurrence sur les marchés internationaux est basée principalement sur sa capacité de fournir des essences forestières non disponibles sur ces marchés.

Ses produits offrent de bonnes possibilités d'expansion des exportations pourvu que la disponibilité des billes de bouleau soit suffisante. En conclusion, la compagnie Masonite Canada Ltée est l'un des plus grands fabricants de matériaux de construction au Canada. Elle existe dans la province de Québec depuis 50 ans. Ses 880 employés ne souhaitent la fermeture d'aucune de ses usines, ce qui pourrait avoir un impact néfaste sur la ville de Gatineau et sur tous ceux qui dépendent indirectement de ses usines. Pour contrer une telle éventualité, Masonite tente de garder sa part du marché canadien et de vendre ses produits aux Etats-Unis. Elle a investi pour moderniser ses installations et projette d'investir encore plus à l'avenir. Ses opérations sont intégrées aux industries de pâtes et papiers et de sciage qui récoltent les billes de sciage et de déroulage, et desquelles elle achète les sous-produits. Deux de ses trois usines n'utilisent que des copeaux et des résidus.

Dans le but de permettre au gouvernement d'identifier les facteurs qui menacent sa rentabilité et sa position concurrentielle et qui peuvent faire l'objet de son attention particulière, la compagnie soumet quatre recommandations: 1) Compte tenu du fait que la rentabilité et la

survie de l'usine de placage et de contre-plaqué sont menacées par une pénurie de billes de bouleau, Masonite recommande: a) que le gouvernement, dans son allocation de matières premières, favorise d'abord les usines les plus efficaces et celles qui font un usage intégré de bois rond et de fibre de bois; b)que le gouvernement alloue prioritairement le bois en fonction de sa plus haute valeur finale; c)que le gouvernement favorise les méthodes intégrées d'exploitation forestière, susceptibles de donner un meilleur rendement en produits de haute valeur, et une meilleure utilisation de la ressource. 2) Compte tenu du fait que le coût de transport est élevé, Masonite recommande: que les limites de chargement soient portées de 57 000 livres à un niveau plus élevé. Ceci devrait au moins être considéré lors de la préparation de spécifications pour de nouvelles routes et au moment où des réparations importantes sont planifiées pour les routes existantes. Les principales artères devraient être considérées en priorité; 3) Compte tenu du fait que l'industrie des pâtes et papiers a toujours eu un avantage au Québec sur ses concurrents ailleurs au Canada et aux Etats-Unis au point de vue du coût de l'énergie électrique, Masonite recommande que le gouvernement s'assure que le coût de l'électricité demeure moins élevé au Québec qu'ailleurs. 4). Compte tenu du fait que le coût du transport des produits finis est un élément critique pour la pénétration du marché canadien, Masonite recommande que les tarifs applicables aux expéditions par chemin de fer soient les mêmes que ceux applicables aux chargements qui se dirigent vers l'ouest ou vers l'est.

Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie beaucoup.

Je cède la parole au député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: M. le Président, je voudrais remercier, évidemment, la compagnie Masonite d'avoir présenté son mémoire. Je considère que son mémoire est d'autant plus important que les usines de cette compagnie s'approvisionnent en grande partie de résidus d'aciérie ou de résidus de bois. Quand on pense qu'on gaspille dans la région d'Abitibi-Témiscamingue des montagnes de ces résidus, je trouve cette sorte d'industrie d'autant plus importante.

Vous mentionnez dans votre rapport que, dans le passé, vous vous êtes approvisionnés, en grande partie, à la CIP et également à l'usine de pâte de Gatineau. Vous avez modifié vos approvisionnements de sorte qu'aujourd'hui les résidus ou les copeaux proviennent en grande partie d'usines de sciage dont la moitié environ sont en Abitibi. Ceci a contribué, évidemment, à augmenter les distances de transport et tout cela. Est-ce que vous pouvez m'expliquer si cette nouvelle politique vous a permis de réduire considérablement vos coûts de production?

M. Laroche: A l'usine de panneaux rigides, cela nous a permis de réduire nos coûts apprécia-blement.

M. Bordeleau: Est-ce que vous pouvez m'in-diquer de quelles compagnies, de quelles scieries provient votre approvisionnement en copeaux de l'Abitibi, quelles sont vos sources d'approvisionnement?

M. Wolstenholme (W.S.): On a des contrats avec une compagnie dans le moment.

M. Bordeleau: Seulement une?

M. Wolstenholme: Un type de Val-d'Or.

M. Bordeleau: D'accord.

A cause de l'insuffisance d'approvisionnement disponible dans la région, si, à un moment donné, vous étiez obligés de vous approvisionner entièrement de copeaux ou de résidus en provenance de l'Abitibi, est-ce que vous considéreriez que vos coûts seraient quand même concurrentiels, assez bas, étant donné que vous êtes déjà équipés, je pense, pour recevoir ces copeaux? Est-ce que c'est une possibilité que vous avez déjà envisagée?

M. Laroche: Si les coûts de transport étaient un facteur important dans le coût du bois, il est évident que cela augmenterait d'une façon importante le coût total des exploitations. Cependant, je crois qu'on peut affirmer que, même dans ce cas, l'utilisation de copeaux de scieries serait encore moins onéreuse que l'utilisation du bois rond.

M. Bordeleau: Vous parlez également à la page 6, un peu plus loin, de la concurrence dans les sous-produits des scieries. Est-ce que vous parlez d'une concurrence locale ou d'une concurrence qui viendrait de l'extérieur?

M. Laroche: C'est simplement qu'on n'a pas dans notre technologie actuelle la facilité de prendre tous les sous-produits. Les scieries locales vont chercher des clients qui peuvent acheter l'ensemble des sous-produits avant de les diviser en parties. C'est à cause de celà qu'on ne peut pas suppléer en totalité aux scieries locales, parce qu'elles produisent du bois mou et du bois dur, alors qu'on n'a pas encore la possibilité d'utiliser le bois dur.

M. Bordeleau: Cela veut dire que cette concurrence vous viendrait...

M. Laroche: Non. Ce sont d'autres clients locaux ou d'autres compagnies de pâtes et papiers qui peuvent acheter les copeaux de bois dur et de bois mou d'un même producteur, alors que nous n'avons pas cette possibilité.

M. Bordeleau: Vous souhaitez, toujours dans votre régime, à la page 10, que des spécifications

pour les classifications soient révisées, au niveau du plan d'allocation des feuillus.

Si on ne tient pas compte des spécifications actuelles, selon vous, quel serait le diamètre minimal que vous pourriez utiliser pour votre usine de déroulage? Quels changements aimeriez-vous voir apporter?

M. Laroche: Encore là, cela va dépendre de la disponibilité et de la valeur du placage qu'on peut produire. Techniquement, avec nos équipements, nous pourrions nous rendre jusqu'à huit pouces. Pour en revenir aux spécifications, on croit à l'heure actuelle que pour les billes de déroulage, il n'y a que trois catégories: a, b et c. Nous croyons qu'il pourrait y avoir plus de catégories.

M. Bordeleau: D'accord. Maintenant, en termes de coût, vous mentionnez différents pourcentages de coût de production, particulièrement en ce qui regarde la matière première et la main-d'oeuvre. Au niveau de l'énergie, pouvez-vous me dire quel pourcentage le coût de l'énergie électrique représente dans votre coût de production?

M. Laroche: Malheureusement, M. le député, je n'ai pas cette information. On pourrait vous la faire parvenir si cela pouvait vous aider.

M. Bordeleau: D'accord. C'est tout pour moi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt (Orford): Premièrement, je tiens à remercier Masonite Canada pour son mémoire que j'ai trouvé très intéressant à lire et qui nous permet de connaître une autre catégorie d'usine que nous avons dans la province et au Canada. Depuis le début, nous avons entendu des mémoires traitant des pâtes et papiers, mais ce matin nous avons entendu un mémoire complètement différent, ce qui est très utile pour l'expansion de toute la construction dans la province de Québec. A la page 12, on dit que la compagnie Masonite a peur de manquer de bois dans les années à venir. Etant donné que vous avez des contrats d'approvisionnement qui sont de deux ans pour les copeaux et de trois ans pour les billes de déroulage, ne croyez-vous pas que c'est une incertitude pour votre compagnie au cas où vous manqueriez d'approvisionnement en bois, en copeaux ou en billes?

M. Laroche: Certainement, on s'inquiète. C'est d'ailleurs le message qu'on a essayé de passer dans ce mémoire.

M. Vaillancourt (Orford): De quelle manière croyez-vous pouvoir régler le problème pour donner à votre compagnie la certitude de ne pas manquer d'approvisionnement en bois dans les années à venir? Etant donné que vous dites qu'il y a des bois que vous n'utilisez pas, comme le bois dur, le cèdre, avez-vous des laboratoires qui font des recherches pour, éventuellement, utiliser ces bois?

M. Laroche: Ce n'est pas dans la technique de déroulage que le problème se situe, c'est au niveau des marchés. Les clients désirent un certain produit. A l'heure actuelle, ils ne veulent pas de placage d'érable ou de chose du genre.

M. Vaillancourt (Orford): C'est parce que le bois dur ferait des panneaux de placage trop lourds ou est-ce la durabilité qui est en cause? Est-ce que cela ferait des panneaux qui pourriraient plus vite, qui se détérioreraient plus vite?

M. Laroche: Le placage de bois dur est utilisé pour faire les faces du contre-plaqué. L'âme du contre-plaqué est toujours à la base de bois mou, que nous déroulons d'ailleurs.

M. Vaillancourt (Orford): Disons que vous n'avez pas répondu à ma première question. Est-ce que vous avez une solution pour vous permettre d'avoir moins d'inquiétude pour l'expansion ou ia continuité de votre compagnie? Est-ce que vous avez une formule de rechange?

M. Pinard: Si vous me le permettez, M. le député, la question du déroulage dans la province de Québec est axée principalement sur le bouleau jaune et le bouleau blanc. Ce n'est pas unique à Masonite. Même cette priorité pour cette essence de qualité est aussi populaire à l'industrie du sciage. Actuellement, nous avons déterminé à l'aide d'études très sérieuses et très poussées les disponibilités qui existaient dans les territoires forestiers dont nous avons la gestion et nous avons établi des quotas de disponibilité par année et sur une période d'un certain nombre d'années.

Les artisans des plans d'allocation, pour des raisons qu'ils pourront vous donner, ont misé davantage, ont établi des disponibilités supérieures quant à ce qui pouvait être extrait des forêts, ce qui a comme résultat de diminuer la période d'utilisation de cette essence très populaire et qui demeurera toujours populaire, je le répète, le bouleau et le merisier. Il est probable que, dans quelques années, le bouleau et le merisier deviendront une essence rare et peut-être exotique.

J'ose croire que, d'ici ce temps, la technologie nous permettra de développer d'autres moyens pour l'utilisation d'autres essences. Si le déroulage et même le sciage actuellement dans la province de Québec continuent d'être axés sur l'utilisation de ces deux essences, merisier et bouleau, nous allons sûrement faire face à une pénurie dans quelques années. Des usines comme Masonite feront face aussi à ce problème. Ce n'est pas de tout repos.

Il reste, M. le député, que nous cherchons actuellement — nous sommes en pourparlers avec les officiers du ministère à ce sujet — d'autres sources d'approvisionnement. Vous savez que Masonite s'est approvisionnée, jusqu'à maintenant principalement des territoires de la CIP. Ces mê-

mes territoires ont approvisionné aussi d'autres usines de déroulage, au cours des 10, 12 ou 15 dernières années. Actuellement, nous regardons, avec les officiers du ministère, la possibilité d'obtenir d'autres sources d'approvisionnement qui donneraient à Masonite les quantités dont elle a besoin pour fonctionner de façon rentable. Cela ne veut pas dire que Masonite déroule seulement du placage de bouleau et de merisier. Elle déroule aussi d'autres essences, mais c'est axé sur le déroulage de merisier et de bouleau.

M. Vaillancourt (Orford): C'est la majorité des bois que vous employez, le bouleau et le merisier?

M. Pinard: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce la raison pour laquelle vous dites à la page 16 de votre mémoire que Masonite n'a aucun plan immédiat d'expansion de ses usines? Cela veut dire quoi au juste? Est-ce que cela veut dire que, dans deux ou trois ans, vous croyez qu'il y aura possibilité d'expansion de vos usines? Est-ce que vous avez des études qui sont faites actuellement, soit pour l'agrandissement des usines actuelles ou pour l'implantation d'autres usines dans la province de Québec ou ailleurs?

M. Laroche: Comme on vous l'a dit, nos usines desservent les marchés canadiens. A l'heure actuelle, au niveau des panneaux rigides et des panneaux isolants, il y a amplement de capacité de fabrication au Canada pour satisfaire ces besoins. Quant à l'usine de placage et de contre-plaqué, c'est la disponibilité des billes qui empêche de fonctionner à un plus haut rendement parce qu'on n'utilise pas ces équipements à plus de 40% à l'heure actuelle.

M. Vaillancourt (Orford): Combien avez-vous d'usines au Canada?

M. Laroche: Quatre.

M. Vaillancourt (Orford): Vous en avez quatre et, si je comprends bien, ces quatre usines ne fonctionnent pas à 100%. Alors il y a de la place pour un marché additionnel?

M. Laroche: Nous croyons que nos usines, avec d'autres usines qui produisent les mêmes produits au Canada, ont suffisamment de capacité de production pour satisfaire aux besoins de ces marchés dans les années à venir.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce qu'il y a d'autres usines qui fabriquent les mêmes produits que Masonite Canada Ltée?

M. Laroche: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): Au Canada?

M. Laroche: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): II y en a d'autres? M. Laroche: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): Vous avez donc des compétiteurs?

M. Laroche: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, je serai très bref. Est-ce que vos usines de panneaux rigides et d'isolants fabriquent à pleine capacité actuellement?

M. Laroche: Vous parlez d'aujourd'hui? M. Russell: Oui, dans le moment. M. Laroche: Non.

M. Russell: Est-ce que c'est à cause du manque de matières premières ou du marché?

M. Laroche: C'est le marché.

M. Russell: C'est le marché. Donc, vous avez assez de matières premières pour répondre au marché actuel. Vous n'avez aucune inquiétude?

M. Laroche: Non.

M. Russell: Vous n'avez pas de projets d'agrandissement, parce vous n'êtes pas compétitifs pour aller sur le marché étranger?

M. Laroche: C'est exact.

M. Russell: Exactement. Je remarque que vous avez aussi dans vos approvisionnements les copeaux de bois mou, les copeaux de bois dur, les sciures de bois mou et de bois dur. Est-ce que ceci est utilisé dans vos usines d'isolants et de panneaux rigides?

M. Laroche: Nous utilisons les copeaux à l'usine de panneaux rigides et nous utilisons les sciures et les rebuts de bois de même que les découpures de placage à l'usine de panneaux isolants.

M. Russell: Pouvez-vous produire toute la quantité dont vous avez besoin?

M. Laroche: A l'heure actuelle, nous n'avons eu aucun problème d'approvisionnement.

M. Russell: M. le Président, je remarque dans une autre de vos recommandations que vous proposez, que vous souhaitez que les charges des camions soient augmentées. Elles sont actuelle-

ment de 57 000 livres. Quelles raisons motiverait votre recommandation?

M. Laroche: Les limites actuelles de chargement pour camion sont présentement de 57 000 livres. Ce qu'on note, c'est que les coûts de transport sont toujours plus élevés; s'il y a moyen d'aménager les routes ou de prévoir des aménagements ou des améliorations de routes pour permettre d'augmenter les charges, on croit que ce facteur pourrait avoir tendance à réduire les coûts de transport.

M. Russell: Si je comprends bien, le transport à 57 000 livres est fait par des camions à dix roues, comme on dit chez nous. Vous pouvez vous servir de "vans" ou de "trailers" et dépasser ces quantités. Je ne sais pas en quoi cela affecterait votre production parce que, à part de vos copeaux, votre sciure peut être transportée par des "trailers" qui peuvent aller jusqu'à 110 000 livres si les essieux ont la résistance voulue. Je ne vois pas en quoi cela pourrait améliorer votre situation, sauf peut-être celle des camions qui transportent les billes pour le contre-plaqué.

M. Wolstenholrne: Ce sont exactement des camions à dix roues qui transportent les billes pour le contre-plaqué. Ce ne sont pas des "semitrailers".

M. Russell: Sur quelle distance ces camions voyagent-ils?

M. Wolstenholrne: Cela peut varier entre 75 et 125 milles et cela peut aller plus loin.

M. Russell: Si je comprends bien, les quantités transportées sont d'environ 10 000 pieds de bois au maximum.

M. Wolstenholrne: Je pense que 57 000 livres, c'est le poids net. Ce n'est pas le poids...

M. Russell: 57 000 livres, c'est le poids total. M. Wolstenholrne: Non, non. M. Russell: Dix roues?

M. Wolstenholrne: 57 000 livres, je pense que c'est...

M. Russell: C'est la charge totale. La quantité totale que vous transportez en 1000 pieds, si je comprends bien, est d'environ 10 millions de pieds par année?

M. Wolstenholme: Non.

M. Russell: Dans votre rapport, vous évaluez votre production de bouleau jaune à 4,9 millions et l'autre à 4,5 millions, ce qui nous donne un peu plus de 9 millions. Transportez-vous la totalité de ces billes ou les faites-vous transporter? Les coupez-vous sur vos limites?

M. Wolstenholme: II y a une partie qui est transportée par des entrepreneurs. La plus grosse partie est transportée par des camions de la compagnie.

M. Russell: En moyenne, sur quelle distance ces charges sont-elles transportées sur les routes provinciales?

M. Wolstenholme: Environ 90 à 100 milles.

M. Russell: Donc, cela affecterait simplement vos usines de contre-plaqué.

M. Wolstenholme: Oui.

M. Russell: Cela n'affecterait pas les autres. D'accord! M. le Président, vous avez une autre question ici, une autre recommandation sur l'électricité. Je pense bien que vous vous référiez directement à ces coûts et que vous souhaitiez que les coûts d'électricité soient maintenus plus bas ou pas augmentés, du moins, pour permettre une meilleure rentabilité. Dans votre coût, quel pourcentage représente l'électricité?

M. Laroche: Un autre député a posé la question et, malheureusement, on n'avait pas la réponse à cette question.

M. Russell: Si on fait une recommandation, je regrette, mais je pense qu'il serait important que la commission ait cette réponse.

M. Laroche: On peut vous la faire parvenir.

M. Russell: C'est difficile, pour nous, de se prononcer, c'est qu'on n'a pas une réponse à moins que vous nous imposiez de faire des recherches. Merci.

M. Laroche: On vous la fera parvenir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Je n'aurais, messieurs, qu'une seule question à vous poser. A peu près tous connaissent, au Québec, vos produits et vos matériaux de construction puisque je pense que votre marque de fabrique est devenue presque un peu comme la marque Kleenex, une marque de commerce qui est identifiée au produit. Sachant à quel point vous êtes bien implanté dans le marché canadien et le marché américain, j'aimerais savoir dans quelle mesure — dans les lignes de produits que vous avez — les marchés européens vous sont ouverts. Quel pourcentage de vos ventes avez-vous fait sur le marché européen? Comment avez-vous essayé d'ouvrir ces marchés de manière peut-être à augmenter vos capacités de production?

M. Laroche: M. le ministre, nous n'exportons pas en Europe à l'heure actuelle, et la raison principale, c'est qu'il y a d'importants fabricants de

ces produits en Europe et en Scandinavie et également dans des pays d'Europe de l'Est. De fait, les pays d'Europe de l'Est importent souvent ces panneaux à des prix beaucoup plus bas que les nôtres même ici, au Canada.

M. Bérubé: On constate que plusieurs de nos scieries québécoises commencent à effectuer des exportations sur le marché européen pour le bois de sciage. Croyez-vous à la possibilité de constituer un genre de consortium de vente de matériaux de construction qui regrouperait certaines scieries, qui pourrait regrouper votre entreprise de manière à pouvoir pénétrer plus facilement le marché européen? Quels seraient les problèmes que vous verriez dans l'organisation d'un tel groupe de vente?

M. Laroche: Je m'excuse. Nous croyons que l'idée de consortium est une idée probablement valable pour les matériaux de scierie. Cependant, nos produits ont été développés en fonction des besoins canadiens, et, souvent, ces besoins sont très différents des besoins européens. Si l'on prend nos produits de revêtement extérieur, en Europe, ils construisent avec de la brique. Alors, le marché, comme tel, est extrêmement différent.

M. Bérubé: Mais vous n'êtes pas sans savoir qu'une société américaine comme Levitt Canada Limitée a eu un succès assez remarquable avec la construction de maisons de type américain en banlieue de Paris, par exemple, et que c'est peut-être là un marché pour lequel on n'a fait aucun effort de pénétration. Cet effort de pénétration ne pourrait-il pas vous permettre d'ouvrir de nouveaux marchés, vous permettre de fonctionner à pleine capacité? N'y a-t-il pas un manque de dynamisme, en d'autres termes, de notre part quand il s'agit d'ouvrir des marchés?

M. Laroche: Peut-être.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Juste une question bien brève. J'aimerais que vous me disiez quels sont d'abord vos principaux concurrents au Canada?

M. Laroche: Domtar, Abitibi, Canfor.

M. Grenier: Dans le placage, le contre-plaqué et dans le bois franc, ce sont quelles compagnies? Je pense que vous avez assez de concurrence...

M. Laroche: Ce serait surtout... Il y a plusieurs compagnies dans cette industrie.

M. Grenier: Oui, mais les principales.

M. Laroche: Warehouser, qui est certainement une des plus grandes, UOP et Commonwealth.

M. Grenier: Quand vous tombez dans les deux autres catégories, les panneaux rigides et les panneaux isolants, pourriez-vous me dire votre part du marché dans ce secteur?

M. Laroche: Dans les panneaux rigides nous desservons environ 50% du marché canadien. Dans les panneaux isolants c'est environ 20%.

M. Grenier: Ce qui fait un total de 70%. Est-ce que je dois comprendre cela?

M. Laroche: Ce sont deux usines différentes.

M. Grenier: Dans les panneaux rigides quels sont vos principaux concurrents?

M. Laroche: Canfor et Abitibi.

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Messieurs de la compagnie Masonite du Canada Limitée, je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission pour votre collaboration et votre participation à cette commission parlementaire.

J'inviterais maintenant le Comité ad hoc pour la survie de l'usine d'East Angus et ses représentants à se présenter à la table, s'il vous plaît.

Est-ce que le porte-parole du groupe pourrait se présenter et présenter également ceux qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Comité ad hoc pour la survie de l'usine d'East Angus

M. Turcotte (Claude): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je me nomme Claude Turcotte et je suis le président d'un comité ad hoc qui a été mis sur pied, au cours du mois de mai dernier, à East Angus, afin d'assurer autant que faire se peut la survie d'une usine de pâtes et papiers à East Angus.

Avant de procéder à la lecture de notre mémoire, dont vous avez, j'imagine, pris connaissance avant aujourd'hui, j'aimerais vous exposer un peu de quelle façon nous entendons nous exprimer pour que ce soit le plus enrichissant de part et d'autre et de façon qu'on puisse au moins passer le message qu'on a à faire passer. Dans un premier temps, je vous présenterai les membres de notre comité, ceux qui sont ici présents et d'autres que je ne pourrai pas présenter évidemment, mais que je nommerai parce qu'ils ont contribué d'une façon assez substantielle à la rédaction et au travail qui entoure ce mémoire.

Par la suite, je demanderai à une personne de notre comité de bien vouloir procéder à la lecture du mémoire, qui sera suivie, si c'est possible, de certaines réflexions dont j'aimerais vous faire part, parce que, depuis le dépôt de ce mémoire, il s'est écoulé un certain laps de temps où la situation chez nous a quand même évolué. C'est afin de vous permettre d'avoir le reflet exact de la réalité, telle qu'elle subsiste actuellement à East Angus.

La composition du comité ad hoc est la suivante: II y a M. Claude Turcotte, qui est, en ma personne, président du comité ad hoc. Egalement,

M. Marcel Bisson, qui est notre vice-président, qui est un représentant des travailleurs, un exsecrétaire du syndicat local pour les années 1972-1973, de même qu'un membre du comité de négociation syndical au cours de l'année 1973. Faisaient également partie de notre comité, M. Oscar Fournier, qui est un travailleur du papier, aujourd'hui à la retraite, secrétaire et relationniste du comité ad hoc, secrétaire du syndicat local de 1960 à 1970 et secrétaire à la Fédération nationale des pâtes et papiers de 1963 à 1970. M. Roger Couture faisait également partie de notre comité; il est actuellement le maire d'East Angus et le président de l'Association des cités et villes du district de Saint-François. M. Yvon Vincent, conseil municipal d'East Angus. M. Wells Coates, maire de Westbury, également préfet du conseil de comté et président du syndicat des producteurs de bois de l'Estrie. M. Luc Gosselin, président de la chambre de commerce. M. Guy Tétreault, actuel président du syndicat des employés de l'usine. Mlle Michèle Tanguay, présidente du syndicat des employés de bureau. M. Jean-Guy Beaulieu, représentant des cadres. M. Gaétan Côté, personne-ressource, qui est administrateur régional au ministère des Terres et Forêts, de même que M. Gaston Bachand, directeur général du Conseil régional de développement des Cantons de l'Est, qui est également une personne-ressource pour notre comité.

Excusez-moi d'avoir procédé de cette façon à la présentation des membres. Cela m'apparaissait important pour vous donner l'éventail et la composition de l'équipe que l'on est, de façon à vous situer par rapport aux questions que vous auriez envie de nous poser. Je demanderais à M. Bachand de bien vouloir procéder à la lecture du mémoire que vous avez actuellement en votre possession.

M. Bachand (Gaston): Si vous le permettez, nous allons procéder à une lecture au complet du mémoire. On évalue que cela prendra à peu près 20 à 25 minutes. Le document est ainsi fait qu'il comprend quatre parties. Dans la première, nous avons vu la composition du comité. Nous allons revoir le mandat. Il y a un mot d'introduction. Dans la première partie, on parle de la situation géographique, de la population et des caractéristiques de l'emploi, assez sommairement. En deuxième partie, nous traitons de l'état de la situation à l'usine Domtar d'East Angus sous l'angle particulier de l'approvisionnement, de l'état de l'usine en termes de machinerie, des normes pour l'environnement, du marché, des relations de travail.

En troisième partie, nous allons parler des principaux impacts de la fermeture de l'usine et de l'impact partiel des pâtes et papiers sur le secteur manufacturier. Nous allons voir, par exemple, les emballages Domtar, les emballages Bonar et la menuiserie d'East Angus. En quatrième partie, la vie de la population d'East Angus et, finalement, résumé et conclusion. Au total, 27 pages.

Le mandat, très sommairement, est d'assurer une survie à long terme d'une usine de pâtes et papiers à East Angus. En guise d'introduction, le sens du mémoire: Le comité ad hoc pour la survie de l'usine d'East Angus a choisi de présenter dans ce mémoire l'opinion d'une population face à la perte éventuelle de son gagne-pain.

Ce document ne se veut pas strictement une analyse technique de la situation actuelle même si une telle approche s'avère nécessaire pour introduire le sujet et aussi pour en saisir toute son importance. Le comité ad hoc préfère plutôt attirer l'attention des membres de cette commission parlementaire sur le côté humain de la situation en leur faisant connaître les sentiments de la population d'East Angus et de la région, ainsi que les éléments de solution qu'elle préconise.

Situation géographique et population. La municipalité d'East Angus est située à 13 milles à l'est de Sherbrooke, le long de la rivière Saint-François. En 1976, sa population était estimée à 5000 habitants, en plus de fournir des services et d'exercer une attraction sur quelque 15 000 habitants des régions avoisinantes.

Caractéristiques de l'emploi. Le secteur industriel d'East Angus se compose actuellement de 10 industries évoluant dans 7 secteurs manufacturiers. Domtar domine avec 77% des emplois masculins et 24% des emplois féminins. Parmi les 540 employés menacés de perdre leur emploi, 123, dont 22 cadres, ont plus de 55 ans. La moyenne d'âge est de 42 ans et la moyenne d'années de service est de 19 ans. Il est aussi à noter que 85% des employés sont propriétaires fonciers.

Etat de la situation à l'usine Domtar. Premièrement, l'approvisionnement. L'usine d'East Angus s'approvisionne en majeure partie des copeaux résineux provenant des scieries de la région des Cantons de l'Est ainsi que de la sous-région de la Beauce. Ces usines de sciage ont une capacité de production suffisante pour approvisionner l'usine d'East Angus en presque totalité. Dans un document produit par le Syndicat des producteurs de bois de l'Estrie, on affirme, et je cite, "que les usines de sciage de la région produisent annuellement 120 000 tonnes anhydres de copeaux d'essences résineuses équivalant à 111 000 cordes de bois." Cependant, fait remarquer le Syndicat des producteurs de bois, "le bois servant à la production de ces copeaux provient à 80% de limites américaines et il n'y a pas lieu de croire actuellement que ces sources d'approvisionnement des scieries seront modifiées au cours des prochaines années ".

Il y a également possibilité de diversifier l'approvisionnement de l'usine d'East Angus en utilisant le potentiel forestier des petites propriétés privées. Dans le même document, le Syndicat des producteurs de bois mentionne que le potentiel annuel de production de la région de l'Estrie pour le bois résineux, d'après le ministre des Terres et Forêts, est de 100 000 cordes, sans compter les volumes disponibles en provenance des territoires couverts par les cinq autres plans conjoints de la rive sud du fleuve Saint-Laurent et sans compter également la part des grandes propriétés privées de la compagnie Domtar.

En considérant la ressource de tout le territoire sud du Québec et tenant pour acquis que les importations actuelles de matières premières en

provenance des autres régions du Québec et des Etats américains limitrophes vont continuer à alimenter les usines de pâtes et papiers et de sciage de la région, il ne se pose pas de problème quant à l'approvisionnement de l'usine d'East Angus, même en tenant compte d'une augmentation substantielle de la capacité de production actuelle. Actuellement, l'usine utilise environ 10% de son approvisionnement en essences feuillues et il y a tout lieu de croire que cette proportion pourra augmenter dans l'avenir. On sait que les essences feuillues de qualité de pâte sont sous-utilisées et même en état de perdition dans les Cantons de l'Est.

L'état de l'usine. De l'avis de tous les groupes rencontrés (gérance, contremaîtres, exécutif du syndicat) l'usine d'East Angus peut facilement continuer ses opérations avec un minimum d'investissements et ce pour une période dite de court terme, soit de sept à dix ans. Le rapport des contremaîtres à ce sujet est particulièrement éloquent et il touche les principaux points allant de la chaudière de recouvrement aux normes de pollution. Notons, en passant, l'installation en 1970 d'un système complet de fabrication de pâte de bois dur d'une capacité de 170 tonnes par jour, qui est utilisé à temps partiel à 120 tonnes par jour pour l'usinage du papier ondulé. Cette lessiveuse à production continue permet l'utilisation des essences feuillues dans une région où celles-ci prédominent et demeurent sous-utilisées. Cela, à nouveau, pour dire qu'à court terme la machinerie peut très bien n'être exploitée et ne requérir que quelques centaines de milliers de dollars pour fonctionner de façon rentable.

Pour une période dite de long terme, au-delà de dix ans, il y a lieu de trouver une solution de remplacement à la chaudière de recouvrement et ses annexes dont les coûts estimés sont de l'ordre de $30 millions.

En somme, il est particulièrement frappant de noter, sur les groupes directement concernés, une communauté de vues, avec des variantes, bien sûr, si on entre dans les détails, mais une communauté de vues quant à l'état de santé de l'usine et quant aux solutions envisagées pour sa prolongation à court et à long terme.

Les normes pour l'environnement. Dans le rapport des contremaîtres, il est aussi fait mention des règlements provinciaux édictant les normes à respecter pour la protection de l'environnement. Voici, décrite, la situation actuelle pour les pertes de solides en suspension.— II y a là un bref tableau —. Au niveau de l'usine à papier, les pertes estimées sont de l'ordre de 2,5%, tandis que la norme provinciale est de 1,25%. Si on voulait corriger la situation, cela implique une dépense de l'ordre de $300 000. A l'usine à carton, les pertes sont de 3%, la norme provinciale est de 0,75%, et au niveau des dépenses requises, il n'y a pas de solution comme telle à court terme. Pour l'usine à pâte, les pertes sont de l'ordre de 4,5%, la norme provinciale est de 0,8% et les dépenses requises sont de l'ordre de $500 000.

Ce qui est énuméré ici représente l'état actuel ou à venir concernant les pertes de solides en suspension. Toutefois, afin de se conformer entièrement au règlement, non encore public, il faudrait faire les aménagements suivants: Reconstruire les émissaires au moulin à papier afin que les effluents soient évacués par un seul émissaire; ériger des bassins-tampons afin de prévenir des déversements soudains ou causés par des bris d'équipements; construire un ou deux bassins pour oxygéner l'eau de procédé et la liqueur noire afin de pouvoir rencontrer la norme DBO5 dont la mise en application est prévue pour le 31 décembre 1978. Les pertes actuelles de DBO5 sont environ le double de ce qu'elles devraient être pour se conformer au règlement.

Pour ce qui est de la pollution de l'air, un règlement provincial, qui a pour objectif de régir les émissions de gaz et de particules, est en voie de préparation et il faudra attendre sa publication pour évaluer les conséquences.

Le marché, maintenant. De l'avis de tous les experts rencontrés, il n'y a aucun problème quant au marché des produits de l'usine Domtar d'East Angus. D'ailleurs, toutes les expéditions de l'usine se font presque exclusivement au Canada, et sauf pour l'année 1975, 70% des expéditions restaient au Québec.

Pour les années à venir, une étude de l'Institut canadien de recherche des pâtes et papiers, publiée en juin 1975, démontre clairement que la tendance qui a prévalu jusqu'à maintenant se continuera dans les années à venir.

Ici, je vais citer brièvement un texte en anglais pour respecter la pensée de l'auteur. "In general, the panel expected the historically rising trends in the production of pulp and papers to continue at much the same rate in the future as in the past. The only major exception was sulphate pulp exports which could show a moderation in the rate of growth in the 1989s..."

Au chapitre des relations de travail, maintenant. Le comité ad hoc d'East Angus a soumis un mémoire au ministre Bérubé le 10 juin 1977 dans lequel il présentait la situation telle que perçue alors. Permettez-nous de citer un passage du texte: "La convention de travail à East Angus est échue depuis le mois de mai 1976 et la longue période de négociations a connu un aboutissement avec l'arrêt des opérations, le 1er avril 1977. Depuis l'annonce de la fermeture de l'usine par la compagnie Domtar, le 6 mai 1977, syndicat et employeurs tentent d'en venir à une entente à la satisfaction des deux parties. Les employés ont repris le travail le 16 mai. "Il n'est pas du ressort du comité Ed hoc de commenter le processus de négociation de la convention de travail. Cependant, à la lumière des témoignages entendus lors des séances de consultation, le comité en vient à la conclusion que le climat de travail à l'usine est malsain et guère propice au maintien et à l'expansion des activités de l'usine. Les témoignages font ressortir le fait que ce climat existe depuis longtemps et il est attribué tantôt à la mauvaise gérance, tantôt à la

mauvaise volonté des travailleurs. Par ailleurs, personne ne met en doute la tradition de compétence des papetiers d'East Angus."

C'était la situation au début du mois de juin 1977, telle que perçue par les membres du comité ad hoc et basée sur une consultation dans les milieux intéressés.

Depuis ce temps, les événements se sont précipités, amenant de part et d'autre des changements d'attitude qui nous laissent croire en la possibilité réelle d'une poursuite des activités de l'usine, à court terme, et d'une recherche de solution à plus long terme. Voici ces nouveaux éléments après la rentrée du 16 mai 1977: Signature d'une convention de travail pour la période du mois de mai 1976 au 30 septembre 1977; présentation, à la haute direction de la compagnie, par les employés cadres de l'usine, d'une proposition de relance après le 30 septembre 1977, moyennant une réduction du personnel cadre et syndiqué et un gel des salaires. La haute direction accepte et soumet l'offre au syndicat via la gérance locale au mois de juin 1977.

Le syndicat des employés consent à ces sacrifices et signe une entente, vers juillet et août 1977. L'entente prévoit la mise sur pied d'un comité de communications où employeurs et employés feront régulièrement le point sur la situation par, notamment, l'étude des statistiques et des chiffres de la compagnie.

La compagnie procède au réaménagement de la main-d'oeuvre selon l'entente et il est permis de croire qu'il y aura stabilisation d'ici la fin du mois de décembre 1977.

Ces faits servent à illustrer l'évolution rapide de la situation à East Angus et les changements d'attitudes de part et d'autres qui ont permis la poursuite des opérations de l'usine au-delà du 30 septembre 1977. Une première étape cruciale vient donc d'être franchie, basée sur un type de relations de travail nouveau, mais précaire, et il faut souhaiter la bonne foi, l'ouverture d'esprit et une volonté irréductible des deux côtés à la fois pour maintenir le court terme et pour chercher une solution stable pour l'avenir. Le comité ad hoc offre sa collaboration pour le court et long terme.

Au niveau des principaux impacts de la fermeture de l'usine: D'après le document de la conférence administrative régionale de l'Estrie, les effets de la fermeture de l'usine se diviseraient en deux phases. La première se caractériserait par une diminution importante de mille emplois dans le secteur manufacturier et le secteur primaire. La seconde, résultant de la première, s'allongerait dans le temps et affecterait à divers degrés les secteurs du primaire, du secondaire et du tertiaire dans un rayon pouvant s'étendre sur une bonne part de la région de l'Estrie. Les pertes d'emplois de cette deuxième phase pourraient être l'équivalent de 50% de celles de la première, soit 500 emplois.

On a quelques petits tableaux où on indique qu'au niveau des effets directs à East Angus, toujours par une fermeture éventuelle, c'est la perte d'emplois à l'usine Domtar comme telle, 540 em- plois. La perte estimée dans l'industrie du sciage et du rabotage est de 10 emplois pour un total de 550 emplois concernés directement.

Les effets dans la région d'East Angus. La perte d'emplois dans le domaine de l'exploitation forestière, incluant le transport, est évaluée à 420 emplois. Les autres effets: augmentation du coût de la matière première, principalement à cause de l'augmentation dans le transport et l'entreposage chez les entreprises des sacs de papier de plastique. A East Angus comme tel, et Les Emballages Domtar, 126 emplois, Les Emballages Bonar Limitée, 100 emplois; à Windsor, Les Emballages Domtar Limitée, 174 emplois. Les pertes de salaires découlant de la disparition d'emplois à East Angus et dans les environs est de l'ordre de $10 millions, comprenant l'usine Domtar et l'exploitation forestière.

L'impact de cette disparition de revenus sur la demande en biens et services dans la région: les ventes au détail taxées dans les municipalités d'East Angus étaient en 1974/75 de l'ordre de $7,2 millions. Il y a 137 personnes qui travaillent dans le secteur du commerce au détail et 42 dans celui dé la construction. Certains de ces emplois seront touchés dans le temps par la fermeture de l'usine Domtar.

Il y a également, en termes d'impact, la nécessité pour un bon nombre de petits producteurs de copeaux et autres produits manufacturiers, de se trouver un nouveau marché plus éloigné que celui d'East Angus. Le coût du transport, devenu plus élevé, ils feront face à un dilemme, soit de vendre à un prix plus élevé ou de diminuer leur marge de profit.

Autre impact: la perte de l'autonomie financière de la municipalité. Toujours dans les impacts, les impacts partiels des pâtes et papiers sur le secteur manufacturier. Il y a trois industries manufacturières d'East Angus qui sont intégrées au secteur des pâtes et papiers. Les Emballages Domtar, la division des sacs, de 85 employés, on y fabrique les sacs d'épiceries entre autre. Son approvisionnement provient à 80% de l'usine d'East Angus. Les avantages qu'elle pourrait perdre, au niveau d'une ristourne sur l'"input ": l'entreposage du papier dans les wagons appartenant à Domtar, East Angus, l'utilisation de la locomotive.

Dans le cas de la fermeture, Les Emballages Domtar serait obligée de considérer le problème de l'entreposage. Une solution à court terme consiste à louer des entrepôts à Sherbrooke et transporter régulièrement à East Angus. Des coûts additionnels de $1000 par mois sont impliqués.

Au niveau de Les Emballages Thomas Bonar Limitée, il y a 125 employés. On y fabrique les sacs industriels, et la compagnie s'approvisionne à 75% de Domtar, East Angus. Il y a des avantages marginaux, si je peux dire, d'utilisation de la locomotive de l'usine. Thomas Bonar a des projets d'agrandissement à l'heure actuelle, notamment au département de l'entreposage. A court terme il n'y aurait pas trop de problèmes avec la fermeture de l'usine d'East Angus car l'usine Bonar peut s'approvisionner ailleurs. Cependant, les coûts de

transport, à la longue, pourraient représenter beaucoup, soit $100 000 par an, et compromettre un projet d'expansion des opérations.

Il y a une note qu'on considère importante. Les emballages Domtar et Bonar achètent dix jours de production par mois de t'usine des pâtes et papiers Domtar d'East Angus.

La menuiserie d'East Angus souffrirait également d'une éventuelle fermeture. Il y a 18 employés. On y fabrique les palettes de bois franc en d'autres mots les "skids". Son débouché est de 60% de son chiffre d'affaires avec Domtar East Angus. Bien sûr, les gens seraient obligés de chercher de nouveaux débouchés, mais il y aurait diminution du nombre d'emplois, soit dix, certainement, dans l'immédiat.

En somme, au niveau de l'impact, on se rend compte que, s'il y avait fermeture, il y aurait une atteinte directe aux trois niveaux de l'emploi, soit l'extraction, la transformation et les services, qui pourrait se traduire par une perte d'emplois de l'ordre de 1500 à 2000 emplois, selon les avis soit de la conférence administrative régionale ou, par exemple, du directeur régional du Centre de main-d'oeuvre du Canada qui, lui, estime à 2000 ces pertes au niveau régional.

Nous sommes rendus à la quatrième partie qui est l'avis de la population. Les membres du comité ad hoc pour la survie voudraient ici faire connaître aux membres de cette commission parlementaire la façon dont la population locale envisage et entend solutionner le problème.

Il y a, en fait, différentes façons de régler le problème, mais plusieurs solutions qui semblent, de prime abord, apporter un remède à la situation, ne règlent rien du tout.

Parmi ce genre de solutions, le comité voudrait en mentionner quelques-unes afin de faire bien saisir toute l'acuité de la situation actuelle: - Domtar a révisé sa décision de fermer l'usine et il y a continuation des opérations après le 30 septembre, mais sans garantie d'investissement ni d'amélioration à l'usine; - Une autre hypothèse. Un acheteur ou un groupe d'acheteurs pourraient acquérir la propriété de l'usine et n'y apporteraient aucun investissement pour rajeunir l'usine.

Ces solutions, pour le court terme, semblent régler le problème, mais il n'en n'est rien, car il est très clair pour la population d'East Angus qu'aucune solution à court terme qui ne déboucherait pas vers une solution à long terme ne serait aucunement acceptable et ne ferait que retarder l'échéancier d'une autre fermeture.

Les citoyens d'East Angus et de la région ne veulent pas vivre sous la menace d'une fermeture éventuelle, ce qui laisserait toujours la population dans l'insécurité. Il est bien évident, pour que cette menace cesse définitivement, que l'usine d'East Angus doive devenir rentable et compétitive avec toute autre usine du même genre.

Et pour que cette rentabilité soit assurée, il faut que l'on investisse dans l'usine actuelle. Le comité, dans la deuxième partie de son mémoire, a démontré, en s'appuyant sur le rapport des contremaîtres, que des investissements à court terme de quelques centaines de milliers de dollars pourraient assurer le fonctionnement de l'usine actuelle. Pour le long terme, les sommes sont plus considérables et on parle de $30 millions au bas mot. Pour ce qui est des normes exigées pour la protection de l'environnement, le comité croit sincèrement qu'il pourrait y avoir un moratoire de quelques années afin de laisser le temps d'effectuer les travaux nécessaires au remplacement de la fournaise et de ses annexes.

Le comité a essayé de démontrer dans son mémoire que l'usine, quoique vieille, pourrait être rajeunie et devenir rentable avec de bons investissements, mais il demeure que les membres du comité ne sont pas des experts. De plus, nous croyons, à titre d'hypothèse de travail sérieuse, que la population d'East Angus et de la région ne trouvera une sécurité tangible que dans la construction d'une nouvelle usine orientée plus spécifiquement vers l'utilisation des essences feuillues.

La matière première est là, abondante et il existe un bon réseau de producteurs. La ville possède déjà toutes les infrastructures d'une ville bien organisée. Il y a des emplacements vacants qui seraient très avantageux, tous les services y sont offerts. L'accès par route y est facile et sa situation près des marchés lui donne un avantage certain.

En somme, la population n'est pas prête à jeter aux orties ce qui est encore bon et ce qui peut être amélioré moyennant certains investissements. Elle a consenti plusieurs sacrifices pour garder ses emplois et elle veut maintenant assurer sa sécurité en scrutant sérieusement toutes les avenues possibles de solution.

Résumé et conclusion.

Nous avons vu l'impact socio-économique funeste d'une fermeture d'usine appréhendée dans une région (L'Estrie) déjà gravement atteinte.

Nous avons constaté l'état de l'usine et les besoins en investissements pour garantir les opérations durant un court terme. (7 à 10 ans environ).

L'approvisionnement en matière première est assuré comme stipulé au chapitre de l'approvisionnement.

Les relations de travail se sont améliorées et les deux parties sont convenues d'une entente garantissant le court terme.

Cette entente amène immédiatement une baisse des coûts de production et la direction de la compagnie a été à même de constater une hausse de productivité depuis le retour au travail du 16 mai 1977. Cependant, il faut noter le caractère très fragile d'une entente qui ne fournirait pas plus de garanties et de perspectives d'avenir aux travailleurs. Le comité de communication prévu dans l'entente doit s'avérer l'outil par excellence pour établir une saine communication entre l'employeur et les employés et ainsi éviter les escalades inutiles et l'aboutissement dans un cul-de-sac tel que déjà connu.

L'employeur conserve ses droits de même que l'employé. Cependant, on cesse de jouer à cache-cache et on fait état de la situation réelle de part et d'autre afin d'adopter la meilleure solution. Une

solution à plus long terme réside dans le rajeunissement des installations de l'usine d'East Angus et le comité n'écarte pas l'idée d'une usine neuve qui exploiterait davantage les essences feuillues. Enfin, le comité est d'avis que le gouvernement, via sa commission parlementaire, fera la lumière sur l'industrie des pâtes et papiers et saura trouver une solution adéquate en comptant sur la collaboration de toutes les parties. Merci, M. le Président.

M. Turcotte: Avec la permission de la commission, j'aimerais, au risque de me répéter, ajouter certains commentaires. Excusez-moi si le texte n'est pas là et que je doive parler à bâtons rompus. Cela m'apparaît quand même important. Si ce ne l'était pas, ne vous gênez pas pour me le dire. On passera à autre chose. Ceci dit, vous réalisez qu'il y a quand même beaucoup de choses qui ont été faites à East Angus en ce qui a trait à une solution à court terme. Je veux dire que les ouvriers se sont pris en main, les ouvriers syndiqués et les cadres aussi.

Avant de quémander au gouvernement actuel, j'ai l'impression que la population a bien compris qu'elle devait elle aussi s'impliquer là-dedans et essayer de voir ce qu'elle pouvait faire. Cela n'a pas été une mince tâche. Cela a été très laborieux. Cela s'est fait avec beaucoup de déchirements dans une petite population comme la nôtre où il a dû y avoir des prises de position à tous les niveaux. Finalement, est sortie une solution qui nous a évité de fermer le 30 septembre. Peut-être que certains membres de la commission du gouvernement actuel seraient portés à croire que, par cette espèce de non-fermeture au 30 septembre, tout est réglé et qu'on doive maintenant se croiser les bras.

Nous, du comité ad hoc, sommes ici ce matin pour vous mettre en garde. Car il est bien évident que si, d'une part, les ouvriers, après mûre réflexion, se sont rendus presque aux conditions de la compagnie Domtar pour continuer les activités, d'autre part, ils n'ont pas fait ces sacrifices d'une façon vaine, c'est-à-dire qu'ils les ont faits dans la perspective suivante: C'est que ces sacrifices se devaient d'être suivis le plus rapidement possible d'une solution à long terme adéquate. Quant à la solution à long terme adéquate, vous imaginez facilement que nous n'avons pas la compétence pour l'élaborer comme cela. Cependant, on a peut-être des éléments de solution très vagues, mais quand même indispensables.

Avant de m'avancer là-dedans, j'aimerais, à ce moment-ci, vous lire des réflexions que nous considérons quand même comme importantes, qui pourraient également vous servir à ce moment-ci et qui sont des réflexions que nous avons faites au cours des dernières semaines, suite à toutes ces discussions et ces problèmes qu'on a rencontrés afin d'éviter une fermeture au 30 septembre. D'une réunion tenue à Montréal, le 20 juillet 1977, entre les représentants des cadres supérieurs de Domtar et du Comité ad hoc pour la survie de l'usine à East Angus, il ressort: Que si les travailleurs acceptent de ne pas avoir de perte d'encaisse se traduisant par des gestes positifs et concrets de la part de ceux-ci, les dirigeants de la société sont prêts à coopérer et à s'assurer que l'équipe de gestion locale fera tout en son possible pour continuer l'exploitation de l'usine.

Cependant, l'avis légal de fermeture ayant été servi le 6 mai dernier, nous sommes informés que selon le comportement des travailleurs quant à la productivité ou l'impondérable des marchés, quant à la demande du produit, l'usine pourrait être fermée dans un délai de 30 jours.

Il est bien évident que la population ne peut vivre indéfiniment avec une telle menace suspendue comme une épée de Damoclès. Ainsi, il semblerait indiqué que certaines exigences salariales seraient mieux appropriées si elles étaient déterminées par les moyens de financement de l'usine plutôt que sur l'ensemble de la corporation ou sur la moyenne des salaires et des bénéfices marginaux de l'industrie canadienne. Toutefois, une telle procédure s'avérerait, à la longue, impraticable parce qu'elle entraînerait un décalage important des revenus des travailleurs de diverses régions québécoises ou canadiennes.

Rappelons que pour assurer la survie, à court terme, de l'usine Domtar à East Angus, les travailleurs ont accepté le gel de leur salaire pour une période d'une année. Ils seront, de plus, soumis à une importante réduction de personnel, ouvriers et cadres. Cela se traduit actuellement par une diminution de personnel qui se chiffre, je crois, dans les 124 personnes. Ils verront le retrait de clauses prérequises en rapport avec une garantie de travail applicable à l'exploitation continue de sept jours. Il est évident qu'un tel arrangement peut, même en faisant preuve de bonne volonté, être à la source de graves conflits, et il serait illusoire d'imaginer qu'il puisse être érigé en système.

Or, il nous paraît important de vous signaler que, d'une part, si on est conscient qu'on ne peut éviter la fermeture, d'autre part, on sait très bien qu'il s'agit de quelque chose de très précaire, et qu'à toutes fins pratiques, c'est de l'inédit en ce qui a trait au principe des syndicats, et que cela s'est fait laborieusement. C'est-à-dire que ce n'est pas sans difficulté que bien des ouvriers ont dû, tout d'un coup, pour assurer une certaine survie, renoncer à des efforts qu'ils avaient faits au cours des 30 dernières années de syndicalisme.

J'ajoute — il est peut-être intéressant que vous le sachiez — que nous croyons que les problèmes, à première vue, insolubles, pourraient être en partie résolus si patrons et ouvriers collaboraient loyalement à l'étude des bilans financiers de l'entreprise et à la recherche des moyens propres au redressement de situations désastreuses pour les travailleurs et la population. Un tel comité de communication fonctionne à East Angus, encore, cependant, à l'état embryonnaire. Ce comité devrait cependant être tripartite: employeur, employés et citoyens, vu que tous sont solidaires dans la prospérité comme dans la perte de leur gagne-pain Jorsqu'ils sont aux prises avec un conflit d'envergure qui peut se résumer à la fermeture de l'usine. Il sera toujours difficile, voire im-

possible, d'obtenir une collaboration durable des travailleurs tant que la méfiance sera à la source de leurs actions et qu'ils auront la certitude que leur travail sert à enrichir un groupe de possédants qui cède de moins en moins à leurs demandes sans jamais prouver qu'elles sont financièrement irréalistes et inacceptables.

Des cours d'éducation économique et administrative pourraient être mis à la disposition des travailleurs leur permettant de discuter d'égal à égal avec l'employeur et de connaître la situation réelle et la possibilité financière de l'usine où ils passent le tiers de leur vie. Ces cours de formation ouvrière seraient une initiative du gouvernement qui inciterait le plus grand nombre à y assister en permettant peut-être un allègement fiscal intéressant pour ceux qui y seraient inscrits. Or, ces remarques nous apparaissent importantes parce que nous avons eu, avant de solliciter l'aide du gouvernement, ce que nous ferons évidemment, avant la fin de notre rencontre, à essayer de régler quelque chose et on s'est buté, probablement, aux mêmes réalités que le gouvernement lorsqu'il s'agit d'envisager une réforme ou une relance économique dans le secteur des pâtes et papiers, c'est-à-dire, d'une part, à des prises de position catégoriques du monde ouvrier par ses centrales syndicales et du monde industriel qui, sous le couvert de la rentabilité et de bien d'autres raisons, ne veut pas d'intervention gouvernementale.

Nous avons donc eu à nous frotter à ce problème nous aussi. Heureusement, pour solutionner notre petit problème, qui était à court terme d'éviter la fermeture du 30 septembre, il fallait, à toutes fins pratiques, que nous nous assoyions autour d'une même table et que nous acceptions, une fois pour toutes, de jouer franc jeu. Cela a été fait en partie. Le comité de communications dont nous vous faisons part dans ces dernières réflexions oeuvre actuellement. Nous y voyons de grands espoirs. Pour nous, d'East Angus, c'est peut-être l'occasion unique de faire avec nos gens une espèce d'éducation économique, c'est-à-dire une espèce d'éducation à ces réalités économiques qui ne sont malheureusement pas la hache des Canadiens français, même s'ils travaillent depuis "x" années au service de compagnies ou d'entreprises privées. Ce sont des occasions, pour nos ouvriers, de connaître un peu cette réalité dans laquelle ils ont toujours vécu. C'est très enrichissant de part et d'autre. Cela permet évidemment à la compagnie Domtar de comprendre davantage les préoccupations très humaines que tous ces gens ont, bien au-delà de leur allégeance à des groupes syndiqués.

Cela dit, il est bien évident que nous attendons de toute urgence une intervention du gouvernement. Cette intervention du gouvernement on la verrait de la façon suivante, c'est-à-dire que, dans les plus courts délais, on élabore une politique de modernisation d'usines de pâtes et papiers modernisables. On sait que le gouvernement sait qu'il y a bien des usines au Québec dont le rajeunissement est nécessaire et dont la rentabilité est très précaire. Face à de telles réalités, on s'ima- gine mal que vous allez faire indéfiniment le jeu de l'autruche et que vous allez assister béatement à des fermetures d'usines, qui s'espaceront d'année en année, mais qui se feront quand même. On sait que le temps semble arrivé pour l'élaboration d'une politique de modernisation d'usines. Mais on voit mal de quelle façon le gouvernement pourrait faire cela sans la participation à la fois des syndicats, des ouvriers et surtout des entreprises. C'est peut-être très naïf de notre part, ce que je vais vous dire ici; par contre, c'est la réalité que nous connaissons. Quant à East Angus, le temps est peut-être fini où Domtar, qui est présente là, devra essayer d'elle-même, suite au verdict qui nous a été rendu, de perpétuer cette usine dans le temps, c'est-à-dire de la rendre rentable. J'imagine que, selon leurs critères de rentabilité, que nous n'avons pas à discuter et que nous acceptons, il n'est plus question d'investissements. Je crois que vous êtes au courant de cela. L'usine, à leurs yeux, ne faisant pas ses frais, on nous laisse nous débattre seuls. Compte tenu de cela, il est bien évident qu'on voit mal le gouvernement en arriver avec une politique de modernisation d'une usine semblable, sans avoir à affronter cette compagnie, sans avoir à lui faire comprendre un devoir social qu'elle a envers cette population, sans avoir à formuler entre eux, avec beaucoup d'imagination et de tact, une espèce d'aide financière qui n'irait pas les choquer, qu'on a de la difficulté à imaginer sans que vous vous assoyiez ensemble, ce qu'on soupçonne ne pas avoir encore été fait, malheureusement.

On voit également, dans cette politique, la nécessité que les syndicats, tels qu'on les connaît, cessent peut-être un peu d'avoir un syndicalisme de principe et aient un peu plus un syndicalisme d'affaires dans une situation aussi délicate. On voit également la participation des ouvriers qui devront s'impliquer dans ces endroits où la population est impliquée à partir du moment où toute l'activité économique d'une région gravite autour d'une même industrie. On voit très mal que les ouvriers assistent à cela sans participation. Le problème majeur à ce niveau est peut-être, par contre, ce climat de méfiance que tout le monde identifie un peu partout et qui dépend, évidemment, de l'espèce d'ignorance de ces réalités économiques. Vous savez comme moi — je n'ai pas de leçon à vous faire là-dessus — qu'on peut charrier bien des gens qui sont ignorants. Lorsqu'on a à prendre des décisions comme les gens en ont eu à prendre chez nous, si nous ne pouvons pas nous-même avoir une idée de la rentabilité d'une usine, on risque d'être à la merci de bien des idéologies et on passe à côté du problème.

Malheureusement, je ne sais pas ce qui a manqué dans le passé, mais ni les syndicats, ni les compagnies n'ont cru bon d'éveiller, de sensibiliser les employés — je ne dirais pas tous les employés, ce n'est peut-être pas nécessaire que ce soit tous les employés, mais au moins les cadres — à ces réalités économiques qui sont très importantes dans les périodes de crise qu'on connaît. Dans une réforme, j'imagine que le gou-

vernement fera place à cette espèce d'éducation qu'on se doit de faire pour sortir de l'obscurité. On a bien des pas à faire dans ce sens.

Vous avez entendu, depuis un certain temps, bien des industries comparaître devant vous. Vous connaissez bien des choses à leur sujet, vous savez qu'ils ont souvent invoqué comme argument, quant à la situation pénible qu'ils avaient à affronter, que les demandes salariales étaient bien souvent irréalistes et exorbitantes et que les ouvriers exagéraient bien souvent. Sachez qu'à East Angus il y a une étape qui a été franchie quant à cela; ce qui était souhaité hier dans certains mémoires d'industriels respectables à East Angus, cela a été fait. Cela a été fait récemment, on a accepté un gel des salaires qui équivaut même à une diminution de salaire. On a même accepté une diminution du personnel. Par contre, l'insécurité demeure absolue, autant qu'elle l'était avant. C'est-à-dire qu'on se retrouve, à toutes fins pratiques, sans vouloir diminuer les efforts qui se sont faits, s'il n'y a pas d'investissement majeur qui se fait, dans une situation identique à celle de la Wayagamack. Vous devez le savoir. Vous devez savoir qu'on le sait et on vous le dit ici, ce matin.

Cette situation qui se vit actuellement, il est bien évident qu'elle ne peut pas être tolérée indéfiniment parce que, économiquement, ce n'est pas sain. On assiste malheureusement à un exode de bien des personnes capables qui quittent notre région faute de travail; on ne peut pas se payer le luxe d'attendre indéfiniment. On demande au gouvernement — je réitère cette demande — d'intervenir avec une politique qui pourrait toucher East Angus de même que toutes ces autres usines que vous pouvez identifier comme étant des usines modernisables et qui envisagent, à plus ou moins court terme, des fermetures qui vont s'avérer inévitables.

Je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer de cette façon. Excusez-moi peut-être du manque de logique, mais j'espère qu'il y a des idées qui vont attirer votre attention, des idées qui dépassent le texte, bien souvent, ce qu'il nous paraissait important de vous soumettre, Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie beaucoup. Là-dessus, je cède la parole à M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Parmi les remarques que M. Turcotte vient de faire, j'ai cru comprendre que certaines étaient manuscrites. Vu leur importance et leur à-propos, ne pourrait-on pas en avoir des copies?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous parlez des remarques à la suite du mémoire?

M. Turcotte: Oui, les réflexions qu'on avait mis par écrit. Cela me ferait plaisir, on en a une dizaine d'exemplaires. S'il y a un service de photocopie ici, il n'y a aucune objection à ce que cela circule.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, il y a un service de photocopie.

M. Turcotte: Alors, il me fait plaisir de vous les faire parvenir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Là-dessus, la parole est au député de Sherbrooke.

M. Gosselin: Au début, je voudrais remercier et saluer la contribution considérable que ce comité de travail bénévole a pu réaliser dans les quelques dernières semaines face à la situation d'urgence qui prévalait à East Angus. J'aimerais signaler que ce qu'il amène ici aujourd'hui concerne effectivement toute la région de l'Estrie et l'importance considérable des pâtes et papiers chez nous, tant par l'usine d'East Angus que par l'usine de la Domtar à Windsor, qui a un effet secondaire important sur toutes les autres municipalités alentour.

A cet égard, je voudrais également saluer les gens qui sont ici et qui forment une délégation importante de la municipalité de Windsor; en quelque sorte, ils appuient la démarche du comité ad hoc d'East Angus parce qu'on sent que l'annonce de la fermeture de l'usine d'East Angus pourrait se reproduire également à Windsor, compte tenu qu'on traite avec la même compagnie. Là-dessus, j'aurais plusieurs questions à poser, sûrement les autres membres de la commission aussi, sur le travail que vous avez effectué.

J'aimerais d'abord savoir si vous avez obtenu tous les renseignements dont vous pouviez avoir besoin pour votre travail, mandatés par la population pour tenter d'assurer la survie de l'usine à East Angus; est-ce que vous avez pu obtenir toute la collaboration de la compagnie Domtar et tous les renseignements dont vous auriez pu avoir besoin pour votre travail?

M. Turcotte: Vous demandez, strictement, au niveau de Domtar. Disons que ce n'est un secret pour personne qu'à la compagnie Domtar, comme d'autres compagnies de pâtes et papiers — 'imagine qu'elles respectent toutes la même ligne de conduite, elles ont toutes la même ligne de conduite là-dessus — on n'a pas eu accès au circuit d'information priviligié auquel peut-être le gouvernement a eu accès. Cependant, il est bien évident que les cadres locaux, de même que la gérance locale se sont mis à notre disposition pour nous fournir, quant à la production locale, des choses qui, en d'autres temps, seraient considérées comme confidentielles, ce que nous avons fort apprécié.

Maintenant, on n'a pas été dans le secret des dieux quant au reste, je veux dire.

M. Gosselon: Autrement dit...

M. Turcotte: D'ailleurs, on n'a pas demandé ou fait appel à cette information de façon systématique non plus, mais je ne crois pas qu'on aurait eu accès à ce circuit d'information privilégié.

M. Gosselin: Voici le point que je voudrais faire ressortir. On ne retrouve pas cela dans votre analyse, peut-être parce que vous n'avez pas eu le temps; vous n'aviez pas, justement, ce type de renseignement. On ne trouve pas, dans votre analyse, un énoncé des investissements dans le temps que la compagnie Domtar a pu faire à East Angus pour moderniser ses équipements. Est-ce qu'elle a pu investir, pour correspondre aux normes anti-pollution, des bénéfices locaux qu'elle a pu tirer de ses exploitations? C'est parce que vous n'aviez pas ces données?

M. Turcotte: II y a un rapport des cadres, des contremaîtres qui nous avait été soumis au tout début de notre travail et qu'on a d'ailleurs déposé ici lors d'une rencontre avec le ministre des Terres et Forêts. Il ne fait pas partie intégrante du mémoire qu'on vous soumet aujourd'hui, mais il a été possible à la mesure des moyens du bord, évidemment — quand je parle des moyens du bord, ce sont des moyens, des efforts de cadres locaux — d'évaluer approximativement, grâce à lui, les sommes qui auraient été consacrées pour se soumettre aux normes antipollution et au rajeunissement de certaines parties de notre usine.

Cela a été recueilli. Maintenant, il est bien évident, encore une fois, qu'on est à la merci de tout cela. Cela provenait d'informations locales auxquelles on a confiance et auxquelles on conserve confiance. Est-ce la réalité? Je ne suis pas en mesure d'évaluer tout cela. On n'a pas cru bon, étant donné cette vulnérabilité à laquelle se prêtaient ces informations, d'en faire part dans ce dernier mémoire. Ici, des gens me soumettent un mémoire des contremaîtres, si cela peut vous intéresser. Je ne suis pas familier avec.

M. Gosselin: Est-ce qu'on pourrait demander qu'il soit également déposé?

M. Turcotte: Pardon? Oui, il est possible qu'il soit déposé et je pourrais peut-être demander à un des membres de notre comité de vous informer là-dessus parce que je reconnais que je ne suis pas le plus familier avec ce type d'information. Est-ce qu'il y aurait un membre des cadres, M. Beaulieu, peut-être? Il y a une lettre assez exhaustive qui fait partie de ce document des cadres. Ce serait fastidieux de lire cela, mais tout a été retracé par ces gens, ce qui a été remplacé, les pièces qui ont été rajeunies dans une terminologie très technique. Pas d'évaluation, évidemment, en chiffres et en argent.

M. Beaulieu, s'il vous plaît, peut-être que vous pouvez ajouter...

M. Beaulieu (Jean-Guy): M. le député ou M. le ministre, nous avons soumis un rapport au comité ad hoc avec tout ce qui a été investi, si vous voulez, ou installé ou renouvelé, mais les prix ne sont pas au bout. C'est cela que vous voulez dire. J'avais un document ici avec tout ce qui a été fait.

M. Gosselin: Ils ne sont pas au bout.

M. Beaulieu: Le prix n'y est pas.

M. Gosselin: Mais voici ce que je veux amener. On peut produire des listes d'équipements qui ont pu être renouvelés au cours des années. Mais est-ce qu'il vous semble que la compagnie Domtar au cours des cinq, dix dernières années, a agi, dans sa politique d'investissements, selon une stratégie de renouvellement continu et progressif de ses équipements?

La compagnie n'était pas sans savoir la durée de sa chaudière, la détérioration de ses équipements. Est-ce qu'elle a agi, à votre point de vue, selon un processus continu, à partir des analyses que vous avez faites, si sommaires soient-elles?

M. Turcotte: L'on sait que la compagnie avait identifié les problèmes d'équipement depuis longtemps. Elle a bien souvent eu l'intention de moderniser certaines pièces importantes, mais ne l'a pas fait. On peut vous dire cela. Elle ne l'a pas fait pour des raisons de rentabilité, rentabilité dont on a discuté ici hier, pas moi, mais d'autres en ont discuté avec vous.

On sait qu'ils le savent, qu'ils ont vu la détérioration des équipements, qu'ils ont fait tout leur possible pour assurer une rentabilité locale, justifiant leur présence, mais guère au-delà de cela. Ce n'est pas un investissement majeur, assurant à notre usine une survie à long terme. Absolument pas...

Par contre, de là à dire qu'il y a eu négligence — je ne suis pas en mesure de l'évaluer — je ne le croirais pas, mais il y a quand même eu identification de pièces d'équipements désuètes et déficientes depuis un certain temps, et on n'a pas fait grand chose d'important quant à cela. Cela a entraîné la situation grave que l'on connaît où une pièce, à savoir une chaudière de recouvrement, a été considérée par plusieurs comme condamnable. Cela a entraîné des baisses de production dramatiques qui ont conduit au problème de fermeture qu'on connaît.

M. Gosselin: Cela veut dire que vous n'êtes vraiment pas en mesure d'évaluer la part respective d'investissement, à même les bénéfices, que Domtar a pu réaliser localement, la part relative de réinvestissement de ces bénéfices, eu égard à ses autres plans ou aux autres projets de développement qu'elle pourrait avoir à l'extérieur.

M. Turcotte: Absolument pas.

M. Gosselin: Vous n'êtes pas en mesure d'évaluer le prorata du réinvestissement local.

M. Turcotte: Absolument pas.

M. Gosselin: Très bien. L'opinion générale de la population d'East Angus — c'est peut-être une question d'interprétation que je vous pose — à l'égard de la contribution sociale de la compagnie à la vie des citoyens, à la survie de la population locale... Vous avez signalé dans votre mémoire

que 77% des travailleurs masculins dépendaient directement de la compagnie. On sait également que la compagnie contribue dans un pourcentage assez imposant à la taxation municipale. Je crois que c'est 37%. Il semble que de ce côté, au cours des années, depuis 1970 — je ne sais pas si ces chiffres apparaissent dans votre document ou si je les tiens d'ailleurs — la compagnie ait joui progressivement de dégrèvements fiscaux de plus en plus avantageux. On payait à la municipalité d'East Angus aux alentours de $272 000 en taxes annuelles, d'après les données qui m'ont été fournies. Je voudrais que cela soit vérifié. Actuellement, cela baisserait progressivement. Est-ce exact?

M. Turcotte: Je demanderais à M. le maire de répondre à cette question.

M. Couture (Roger): M. le Président, messieurs les députés, disons qu'il est réel que l'évaluation de la compagnie Domtar d'East Angus, au point de vue foncier, se situe aux alentours de $5 millions présentement.

En 1972, le chapitre 50 de la loi 48 disait que la machinerie industrielle devrait être retirée du rôle d'évaluation. Alors cela a représenté chez nous un retrait de machinerie d'une valeur d'environ $6.9 millions, déductible annuellement pendant une période de 15 ans.

Rien que cette partie de la machinerie va enlever à la ville d'East Angus, pendant cette période, environ $1 million de taxes. En plus, en 1972, la ville d'East Angus a procédé à la réfection de son rôle d'évaluation scientifique. Nous avons été à même de voir que l'évaluation des immeubles de l'usine Domtar avait été réduite tandis que celle des citoyens avait été deux fois et demie à trois fois plus élevée.

La ville a été obligée de réduire le taux de taxation, vu l'augmentation de l'évaluation totale. En 1971, le taux de taxation à East Angus était de $2.30 les $100. A cause de la restriction du rôle, nous avons réduit le taux à $1.30 les $100. Domtar, à ce moment, en plus de voir son évaluation réduite, a bénéficié d'une réduction de $1 de son taux de taxation.

M. Gosselin: Autrement dit, la compagnie aurait normalement eu toutes les facilités et tous les encouragements possibles pour s'organiser d'une manière plus expansionniste, pour assurer le développement et les réinvestissements de son entreprise. Elle ne l'a pas nécessairement fait.

M. Couture: Je pense que la loi 48 avait comme but d'aider l'industrie. Nous n'avons rien contre cela. Nous sommes contre le fait que ce soit la ville seule qui participe à cela.

M. Gosselin: En principe, la fermeture avait été annoncée légalement le 6 mai pour le 30 septembre. Voilà qu'au mois de juin les cadres, ou la direction locale, proposent au siège social de Domtar un plan par lequel, moyennant un gel des salaires et une diminution du personnel... Donc moyennant une série de sacrifices demandés aux travailleurs, la direction locale demande à la maison mère la permission ou la possibilité de continuer les exploitations après le 30 septembre. Il y a alors des assemblées syndicales, des propositions dans ce sens sont faites aux travailleurs. Effectivement, l'ensemble des employés consent à tous ces sacrifices, qui s'avèrent relativement considérables. La contrepartie, du côté de la compagnie, c'est que les opérations continueront après le 30 septembre, mais sans garantie qu'il n'y aurait pas, dans un ou deux mois, fermeture. Est-ce exact?

M. Turcotte: C'est exact. La contrepartie qu'offrait Domtar, c'est qu'on continuerait si on se rendait à ces offres.

Actuellement, pour que ce soit clair pour tout le monde, on est en instance de fermeture à tous les jours, c'est-à-dire moyennant avis de 30 jours. On prétend — je parle de direction locale — qu'on peut faire, suivant la production qui a quand même été accrue en dépit de la diminution du personnel, qui est encore très bonne en dépit du climat d'angoisse et de difficulté qu'on connaisse, de trois à cinq ans, possiblement. Mais il est bien évident que dans l'éventualité d'un événement de force majeure on chavire royalement et qu'on soit obligé d'envisager une fermeture. Sur le plan économique, il n'y a rien de pire à affronter, soit le fait de savoir que l'on peut fermer du jour au lendemain. Humainement parlant, c'est un martyre que de vivre avec cette incertitude.

M. Gosselin: Malgré cette situation très pénible qui prévaut comme contexte de travail de la part des travailleurs qui restent dans le circuit, parce qu'il y en a une centaine qui ont dû accepter le sacrifice de leur emploi, quel est le niveau de productivité? Cela a été un des gros griefs dans le passé ou une des grandes argumentations de la compagnie à savoir la productivité de son entreprise. Avez-vous des indices quant à la productivité actuelle?

M. Couture: Je demanderais à un travailleur du groupe de répondre à la question car il est certainement plus au courant de ce fait. M. Bisson, ou M. Beaulieu, deux personnes qui se frottent à ces réalités quotidiennement.

M. Beaulieu: La productivité par tonne à East Angus se situe peut-être aux environs de 7,8 hommes par tonne, comparativement aux pays Scandinaves qui peut être de 3,5 à 4. Je parle toujours d'il y a à peu près trois ou quatre mois passés.

M. Gosselin: Ce qui serait excellent. Comparativement aux pays Scandinaves, comparativement aux Etats-Unis ou comparativement à d'autres places que vous avez ailleurs au Québec, comment établissez-vous ces comparaisons?

M. Beaulieu: La productivité était à la baisse.

M. Gosselin: Oui.

M. Beaulieu: Depuis peut-être deux ou trois mois, il y a une légère augmentation. Si vous demandez le pourcentage exact, je regrette, mais je ne peux pas vous le dire. Je ne le sais pas au juste.

M. Gosselin: Pour l'instant, ce sont à peu près les seules questions, sauf cette dernière. Vous signalez la responsabilité du gouvernement à agir dans ce dossier. Vous suggérez que la manière dont le gouvernement devrait agir serait de s'asseoir avec la compagnie, avec les travailleurs, avec les instances intermédiaires de la population d'East Angus pour chercher ensemble la solution. Pourriez-vous nous indiquer plus clairement quelle attitude le gouvernement devrait adopter face à la compagnie Domtar? Est-ce une attitude de subvention face aux investissements requis pour la modernisation, une attitude de contribution au capital-actions, une attitude de contrainte légale ou autre? Avez-vous fouillé ces avenues?

M. Turcotte: Evidemment, on a fouillé ces avenues par intérêt, mais vous pouvez être certain que le comité ad hoc comme tel n'y peut rien. Sauf, si nous étions le gouvernement, permettez-nous les suggestions suivantes.

On voit mal que vous mettiez de côté une compagnie comme celle-là. En d'autres mots que vous pensiez quant à East Angus de prendre l'affaire en main. Dans un premier temps on verrait cela très mal. Il y a des démarches préliminaires importantes à faire.

On ne croirait pas vain que vous puissiez rencontrer les hautes instances de cette compagnie avec la gérance locale pour justement étudier, parce qu'il y a nécessité de plusieurs millions de dollars pour assurer à East Angus une survie à long terme, une vocation nouvelle qu'ensemble vous pourriez déterminer. Je dis qu'il ne faut pas les mettre de côté. C'est bien simple.

C'est une compagnie qui nous apparaît, jusqu'à preuve du contraire, compétente en dépit de bien des problèmes qu'ils nous occasionnent, à savoir qu'on a à vivre avec les vices d'une société capitaliste comme celle-là, par les temps qui courent, cela ne leur enlève pas leur compétence sur ce plan. Dans cette démarche, dans un premier temps, vous auriez, je crois, intérêt à vous asseoir, tout le monde ensemble, pour autant qu'au départ, il y ait cette attitude positive de faire des concessions de part et d'autre. Je veux dire que le syndicat aussi est dans le coup, c'est une autre partie importante, la participation ouvrière.

Si cela ne marchait pas, j'imagine que le gouvernement devra se montrer courageux, quant à nous, pour agir parce qu'on sait que le gouvernement, quand même, a une position de force face à ces compagnies, dont il doit se servir à un moment donné, et le moment donné est à partir du moment où, j'imagine, vous constatez que c'est beau être rentable et c'est le devoir des compagnies et de l'entreprise privée d'être rentables et de faire de l'argent, mais vous, comme gouverne- ment, vous avez une vocation plus élevée que celle-là. C'est que la rentabilité n'a aucun sens dans une société si c'est pour moins de bonheur humain, et, à partir du moment où il y a moins de bonheur humain, vous devez vous interroger sur les façons de rendre une usine rentable et de classer ces problèmes, tel qu'on est en train de le faire actuellement. Vous devez intervenir en tant que gouvernement, selon moi, et, dans ces étapes à franchir, il est bien évident que vous ne vous devez pas de sauter irrespectueusement par-dessus les compagnies qui sont là, les mains là-dedans, et des gens qui trempent là-dedans. Vous auriez tout intérêt à faire des mini-sommets du style de ceux que vous connaissez, que vous expérimentez et qui s'avèrent utiles, j'imagine, d'une certaine façon.

C'est une espèce de nouveau contrat social qui est proposé à East Angus. Sans cela, à East Angus comme ailleurs, à tous ces endroits où c'est modernisable, où c'est vieillot et où, pour des hommes d'affaires qui envisagent une rentabilité d'abord et avant tout, c'est injustifiable, comme disent les compagnies, de mettre de l'argent là-dedans, en plus, il va falloir qu'à un moment donné, le gouvernement intervienne pour faire valoir cette espèce d'obligation morale envers une population. Aussi bien le faire assis autour d'une table et, si cela ne marche pas, aussi bien intervenir avec les pouvoirs que vous avez et vous n'ignorez pas que vous les avez, je le sais, et dont vous devrez vous servir, malheureusement. Cela demande du courage, on vous en souhaite énormément, on vous épaule là-dessus.

Je verrais mal une compagnie convoquée à discuter de ces problèmes avec les ouvriers ne pas le faire, ne pas essayer de relever ce défi. C'est énorme, c'est gigantesque comme défi. On a senti que la population d'East Angus était prête à sortir des sentiers battus pour s'en tirer pour le 30 septembre, tel qu'on l'a fait, et j'imagine qu'elle est capable d'aller plus loin. Il y a un précédent unique qui mérite une certaine réflexion et une certaine analyse et qui peut conduire à l'élaboration d'une politique de modernisation d'usines vieillottes et modernisables. Evidemment, il va falloir que des spécialistes se penchent sur l'utilité de moderniser, sur telle et telle analyse; ils auront des décisions malheureuses à prendre, mais il va falloir que cela se fasse par quelqu'un et je crois que c'est le temps de le faire plus que jamais. Les gouvernements passeront et cela continuera; on ne peut pas se fermer les yeux indéfiniment. Chez nous, en tout cas, c'est le temps plus que jamais que vous affrontiez la réalité, et ailleurs aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurai tout d'abord deux commentaires. Me Turcotte, je tiens tout d'abord à vous remercier et je tiens particulièrement à vous rendre hommage, vous et votre groupe. Qu'un groupe de citoyens comme celui-là, non directement concerné par un problème, mais

suffisamment sensibilisé et touché indirectement, joigne ses efforts en commun et mette l'épaule à la roue pour contribuer à la solution d'un problème aussi aigu dans votre région...

Le deuxième commentaire, c'est que vous avez, à un moment donné, dans votre exposé, fait état des objectifs que vous recherchiez et de ce que vous souhaitiez. Vous avez mentionné, vous avez dit: Nous sommes peut-être naïfs de souhaiter que... lorsque vous parliez de la mise en commun de tous les efforts, de tous les groupes et de toutes les parties en présence, mais je tiens à vous dire, Me Turcotte, que, si vous êtes naïf, quant à moi, je le suis aussi, parce que, depuis le début des travaux de cette commission, je pense qu'unanimement, nous avons souhaité que les travaux de cette commission deviennent vraiment une mise en commun des efforts et vraiment un forum d'échanges du toutes les parties; d'une part, les partis politiques en présence, parce qu'on constatera qu'il n'y a pas eu de flèches partisanes qui ont été lancées, ni d'une part ni de l'autre, et aussi des groupes qui ont comparu devant nous.

Nous considérons que la solution au problème épineux que vous vivez, plus particulièrement à East Angus, et qui est ressenti dans plusieurs autres régions du Québec, la solution ne pourra résulter que d'un forum positif de la part du milieu syndical, du milieu patronal, des associations, des groupes de citoyens comme vous et des partis politiques.

J'aurais quelques questions assez brèves, parce que le temps passe et je voudrais évidemment laisser à d'autres collègues la chance d'intervenir. Une question technique au départ. Lorsque vous parlez de l'alimentation en bois, vous faites état que sur 84% des bois servant à la production de copeaux, 80% proviendraient des limites américaines. Lorsque vous parlez de l'approvisionnement éventuel, vous faites de plus état qu'il ne semble pas y avoir de problèmes au niveau de l'alimentation sur une base régionale, que vous avez suffisamment d'essence dans la région, dans les régions des Cantons-de-l'Est, de l'Estrie, dans la sous-région de la Beauce, pour l'alimentation à long terme de l'entreprise. Advenant le cas où l'alimentation dans les limites américaines deviendrait impossible par quelque mesure gouvernementale que ce soit, que ce soit de l'état du Maine, du gouvernement américain ou autre, avez-vous la garantie certaine de l'approvisionnement avec les essences ici au Québec et plus particulièrement dans votre région? Cette garantie vous vient-elle du gouvernement, dans les communications que vous avez eues avec le ministère des Terres et Forêts? Cette question a-t-elle déjà été soulevée?

M. Turcotte: Cela a évidemment été soulevé. Cela a été un point sur lequel nous nous sommes longuement interrogés. A partir des informations-que nous a transmises le ministère des Terres et Forêts à ce sujet, dans notre région, à savoir la région des Cantons-de-l'Est comme telle, ce qui veut dire Nicolet, Mégantic, Québec-Sud, le sud de Montréal et Lotbinière. Il y a apparemment là une possibilité en matière résineuse qui pourrait suffire à alimenter une usine à production quotidienne de l'ordre de 400 tonnes. Si ce que vous me dites s'avérait juste à un certain moment il y a un facteur "x", les Etats-Unis décident que les copeaux et le bois se coupent ici, du jour au lendemain nous avons cette possibilité de retourner aux billots dans notre milieu. Pour suffire à l'alimentation d'une usine avec une capacité de 400 tonnes de production par jour; actuellement, chez nous, ce sont à peu près 200 ou 210 tonnes en matière résineuse, mais il faut aussi considérer qu'il y a Windsor Mill à côté qui utilise peut-être un petit pourcentage de matières résineuses parce qu'on y utilise surtout le feuillu. On est vulnérable, mais pas tant que cela. A notre connaissance, on ne l'est pas du tout si ceci arrivait. Par contre, il ne faudrait pas s'illusionner. Les Américains font couper du bois ici, on garde les copeaux, mais nous aussi nous en faisons couper là-bas, un moment donné dans le bout de la Gaspésie, et il y aurait peut-être lieu que le gouvernement intervienne si cela se produisait. Ce ne seraient peut-être pas des politiques de bon aloi, mais on pourrait jouer là-dessus. On sait que cela se fait aussi au Nouveau-Brunswick. Il ne faut pas craindre le pire à ce sujet et même si le pire arrivait, il y aurait moyen de trouver une solution de rechange valable. Le retour aux billots, comme cela s'est fait durant plusieurs années chez nous et nous sommes équipés pour le faire.

M. Pagé: En fait, le gouvernement a les leviers suffisants pour s'assurer de l'approvisionnement de l'usine si jamais l'éventualité de l'alimentation en bois à l'extérieur du Québec...

M. Turcotte: A notre connaissance, oui. M. Pagé: D'accord.

M. Turcotte: Si je me trompe, j'aimerais qu'on me corrige immédiatement.

M. Pagé: Relativement à la négociation du dernier contrat de travail, et Dieu sait si on a entendu parler à plusieurs reprises de cette question des salaires, du taux de productivité, la comparaison des salaires payés ici, au Québec, avec d'autres pays européens ou encore avec des états américains. Dans la négociation — question bien concrète pour l'information des membres de la commission — avez-vous eu l'occasion de comparer si ce qui était demandé spécifiquement à East Angus, était comparable à ce qui était acquis ou confirmé dans des conventions collectives dans d'autres usines de la même compagnie, je donne l'exemple de Donnacona, de Windsor?

M. Turcotte: Notre comité ad hoc n'a absolument pas fait ce genre de travail. Nous ne voulions pas nous immiscer dans le problème de négociation de convention collective où juridiquement nous n'avions rien à faire et où nous n'avions aucun droit.

J'imagine que vous comprenez très bien que nous nous occupions du problème de l'extérieur, que nous visions à sensibiliser la population à recueillir des informations, à faire participer le plus de gens possible. Mais on n'a jamais voulu — cela a été difficile et on a peut-être manqué à notre désir — intervenir à ce titre dans la négociation de la convention collective. La question que vous me posez n'a donc jamais été discutée comme telle au comité, même si on l'a soumise de temps en temps. Il serait bon qu'on fasse des vérifications salariales.

S'il y avait, parmi les membres de notre comité, quelqu'un d'informé là-dessus, je demanderais qu'il se prononce. Il y en a peut-être, mais je n'ai pas l'impression qu'on ait fait des comparaisons.

M. Pagé: D'accord. Je présume que le gros argument de la compagnie, en annonçant sa fermeture, était certainement la rentabilité. Si on tient compte du fait que les 70% de la production — vous le confirmez dans votre mémoire — seraient vendus et livrés au Canada, ce n'est certainement pas un problème de marché! C'est donc un problème de rentabilité, un peu comme les autres problèmes liés au coût de production par rapport au marché international. Vous dites, sur une question du député de Sherbrooke, que vous n'avez pas eu les chiffres en main pour vraiment avoir le tableau le plus fidèle possible de l'usine comme telle, c'est-à-dire les investissements depuis certaines années, les dépenses en amélioration d'équipement et en modernisation, la dépréciation fiscale invoquée par la compagnie auprès des différents paliers de gouvernement, etc. Mais, quand même, à la page 10 du mémoire, vous alléguez qu'à court terme, la machinerie peut très bien être exploitée et ne requérir que quelques centaines de milliers de dollars pour exploiter de façon rentable. J'aimerais revenir à cette fameuse question de rentabilité, parce que, quand on parle de rentabilité, il faut parler avec les chiffres devant soi, et vous avez fait état que vous n'aviez pas pu avoir les chiffres de la compagnie. Je présume que le ministère des Terres et Forêts a ces chifres, et j'aimerais savoir, dans un premier temps, si vous vous êtes enquis auprès de ce ministère pour les avoir. Dans un deuxième temps, je tiens à vous faire part que la commission est habilitée à les enquérir de la part de la compagnie. Quant à moi, je me propose, si ce n'est pas déjà fait, d'en faire part à la compagnie Domtar cet après-midi. Est-ce que vous vous êtes enquis auprès du ministère des Terres et Forêts pour avoir le tableau financier le plus exact possible de la compagnie à East Angus? Deuxièmement sur quoi vous fondez-vous pour alléguer, à la page 10 de votre mémoire que l'entreprise sera en mesure avec seulement quelques centaines de milliers de dollars d'investissement, d'exploiter de façon rentable pour une période approximative de dix ans?

M. Turcotte: Quant à votre première question, il n'y a pas eu de demande formelle à cet effet au- près du ministère des Terres et Forêts. Par contre, lors d'une rencontre ici, et au cours de certains échanges téléphoniques et verbaux que j'ai eus avec des membres du ministère, M. Gilbert et M. Verret, on a formulé le voeu, à plusieurs reprises, d'avoir ces données. On nous a dit: On va vous les communiquer en autant que faire se peut. On ne les a jamais eues.

Une Voix: Quand cela a-t-il été fait?

M. Turcotte: Notre comté a été constitué vers le 11 juin. Il est bien évident que cela aurait été un éclairage important, pour répondre à une question comme la vôtre, éclairage fondamental qu'on se doit d'avoir pour considérer ce problème dans sa totalité.

L'autre élément de votre question, c'est-à-dire votre deuxième question plutôt, quelle était-elle au juste? Voulez-vous la répéter?

M. Pagé: En l'absence de chiffres?

M. Turcotte: Comment se fait-il qu'on en a conclu...

M. Pagé: Oui.

M. Turcotte: Pour cela, évidemment, il a fallu faire confiance à quelqu'un. En l'absence de chiffres, on fait confiance à quelqu'un. On n'est pas à ce point méfiants des données de nos gérants locaux et des cadres qui ont quand même une certaine expérience et qui ne se laissent pas si facilement charrier qu'on pourrait le croire. C'est à partir de cela qu'on en est arrivé à la conclusion que, sans investissement majeur, c'est-à-dire en refrénant peut-être les revenus provenant annuellement de notre entreprise, on pourrait arriver à faire durer cela de trois à cinq ans, six à sept ans, on ne le sait pas. Apparemment, les expectatives les plus optimistes, les plus réalistes seraient de cinq ans. Ce sont les cadres qui nous ont permis d'élaborer cette thèse; ils ont justifié que tel et tel morceau n'était pas si tragique que cela. Il est bien évident qu'on est à la merci de forces majeures et de poussées inflationnaires qu'on connaît tous et que cela peut réduire nos données de trois à un an ou de cinq à trois ans.

Je ne vous ai peut-être pas dit cela tout à l'heure, mais il y a une affaire qui nous trotte dans l'esprit. C'est qu'il ne faudrait pas et cela pourrait devenir, s'il n'y a pas intervention gouvernementale ou s'il n'y a pas prise de position catégorique de la part de l'Etat, cela pourrait devenir une agonie très lente de notre affaire. Je veux dire, on peut assister à un pillage de tout ce qui reste de bon chez nous, en équipement, et au profit de qui? Il semblerait, et on ose l'espérer, que les revenus qu'on pourrait générer, suite au nouyel accord des systèmes de comité de communication, ces revenus pourraient être réinvestis chez nous.

C'est à vérifier. Jusqu'ici, il n'y a rien qui nous permet de conclure négativement ou positivement là-dessus. Mais, si Domtar a l'intention de décen-

traliser l'administration de son usine d'East Angus, de laisser carte blanche à la gérance locale, comme elle l'a déjà dit plus ou moins clairement, peut-être qu'on aurait un droit de regard sur les revenus qu'on va générer suite à tous ces sacrifices et peut-être qu'on va les investir dans notre usine pour moderniser. Mais, même avec ces revenus, il est bien évident que c'est insuffisant pour assurer à long terme une survie. Maintenant, qu'on a dit que l'usine n'est pas rentable, cela ne veut pas dire qu'il ne se fait pas des revenus annuellement.

Encore une fois, je me base sur quoi? Je fais confiance en du monde. Si j'ai pu comprendre quelque chose des contacts qu'on a eus avec ces gens, c'est que ce n'est pas rentable dans le sens suivant: c'est que cela ne justifie pas un investissement majeur de plusieurs millions pour régler les fameux problèmes d'équipement identifié. C'est-à-dire, le rendement du capital investi serait ridicule et dérisoire. Il est bien évident qu'ils ne mettront pas d'argent là-dedans. C'est de cette façon qu'on arrive à la conclusion d'accepter, d'une certaine façon, que c'est non rentable.

Ce qui ne veut pas dire que l'usine, actuellement, fonctionne à perte. Si elle fonctionnait à perte, elle fermerait demain matin. C'est aussi simple que cela. Domtar nous l'a dit clairement. Il faut faire nos frais.On est poigné avec cela et on a fait notre possible pour les faire nos frais. Il y a du monde qui ne travaille plus et les autres travaillent plus fort, etc., avec tous les sacrifices que cela veut dire, des déchirements et des bouleversements sociaux. Jusqu'à quand cela va durer? On ne le sait pas.

M. Pagé: Cette question de rentabilité... On l'a constaté d'ailleurs dans le dossier de la Wayagamack, dans le premier trimestre, il a quand même été démontré que la compagnie avait fait des profits et que ce n'était pas une perte d'argent comme telle.

Vous avez fait état de communications avec le ministère des Terres et Forêts, et je présume que depuis votre existence, depuis la formation du comité, vous avez dû être en relations quand même assez étroites avec le ministère des Terres et Forêts. D'accord que le ministère n'a pas donné suite au voeu que vous aviez formulé de divulguer les chiffres et le portrait financier de l'entreprise.

Là-dessus, je tiens à vous souligner que vous n'êtes pas le seul à ne pas avoir de réponse au voeu, parce qu'on en a formulé récemment en commission et apparemment, on n'en a pas eu encore. D'autant plus, le ministre n'a pas voulu se prononcer là-dessus. Mais, dans ces communications avec le ministère des Terres et Forêts, une dernière question, c'est qu'il y a quelques semaines, dans la Tribune de Sherbrooke, suite à la visite du premier ministre dans la région, il y avait une belle manchette à savoir que c'était réglé et j'espère, en tout cas, que ce n'était pas l'enthousiasme d'une tournée électorale, mais dans cet article, on a fait état d'un plan de rationalisation et de modernisation.

J'aimerais savoir si vous avez été consulté et si ce qui a été évoqué, à l'époque, soit le 26 ou le 27 septembre, était suffisamment sérieux pour, je parle, vous encourager. Cette consultation est-elle allée jusqu'à de la participation de la part de votre comité ou encore du comité de communication qui est formé de ce projet ou dans ce programme de rationalisation et de modernisation?

M. Turcotte: Nous autres, le programme de rationalisation et de modernisation, on en a entendu parler comme vous autres, pas plus que cela. Ce qu'on savait que le gouvernement faisait, c'est qu'il y avait une commission parlementaire. Ce que l'on sait qu'il a fait, c'est qu'il a dépêché chez nous des équipes de fonctionnaires et même une firme privée pour faire une évaluation. On sait qu'il a fait cela. Par contre, on n'a jamais, en aucun moment, participé à l'élaboration d'une politique de rationalisation ou de modernisation. Ni les cadres, ni nous, j' en suis à peu près convaincu. S'il y a une "game" qui se joue ailleurs, on aimerait bien le savoir comme vous autres parce que nous aussi, cela nous a agréablement surpris, cette déclaration. Cela nous a étonnés. Si on disait...

La précision que j'ai faite tout à l'heure, peut-être parce qu'ils ont su que cela ne fermait pas le 30 septembre contrairement à la Wayagamack qui, elle, est fermée, peut-être ont-ils dit: Ils ont réglé leur problème. On voulait s'assurer que vous le compreniez aujourd'hui.

M. Pagé: D'accord.

M. Turcotte: Peut-être aussi que le gouvernement a préparé, par des rencontres en coulisse avec Domtar ou ailleurs, un plan de rationalisation. Peut-être ne l'a-t-il pas contactée, mais il est sur le point de faire des contacts dans l'esprit qu'on vous décrivait tout à l'heure, je ne le sais pas.

Par contre, il ne faudrait pas conclure de cela que le ministère des Terres et Forêts a été à ce point absent; au comité, il y avait une personne-ressource, qui était un M. Côté, directeur à Sherbrooke, qui a été hebdomadairement avec nous pour nous rendre tous les services qu'on voulait. On n'a peut-être pas su l'utiliser mais, encore une fois, ça prenait tout notre petit change pour savoir ce qui se passait chez nous. On se disait: S'il y a quelque chose d'important qui se passe ailleurs, ils vont nous le dire, ils vont nous faire signe à un moment donné. On leur a fait confiance à cet égard. On a trouvé étonnante la déclaration du premier ministre et on aimerait en connaître plus long, c'est bien évident.

M. Pagé: D'accord. Me Turcotte, je vous remercie. Le temps passe et je vais laisser ma place, par délicatesse, à mon collègue de Mégantic-Compton qui, à plusieurs reprises, lui et moi avons soulevé votre problème ici, à l'Assemblée nationale. Je suis certain que tout comme vous et tout comme moi il espère que cette commission sera peut-être le tremplin à une solution à long terme au problème qui vous préoccupe actuellement.

Avant de céder la parole à mon collègue de Mégantic-Compton, je voudrais quand même aviser le ministre que j'aimerais bien que celui-ci puisse répondre, dans la déclaration ou le commentaire qu'il fera après l'intervention du député de Mégantic-Compton, aux deux questions suivantes. Si les chiffres, le tableau ou le portrait financier de la compagnie Domtar, à East Angus, n'ont pas été rendus publics ou tout au moins dévoilés au comité, est-ce à la suite d'une entente avec la compagnie? S'il n'y a pas eu d'entente avec la compagnie, entend-il déposer ces chiffres?

La deuxième question, à laquelle j'aimerais bien que celui-ci réponde, est la suivante: Est-ce que le ministère des Terres et Forêts entend s'associer les gens du milieu, et particulièrement le Comité ad hoc pour la survie de l'usine à East Angus, dans son programme de rationalisation et de modernisation? Il pourrait profiter de l'occasion pour faire état de ce fameux programme. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Le journal La Tribune, le 20 juillet dernier, publiait un éditorial signé par Jean Vigneault, un excellent éditorialiste fort connu dans la région des Cantons de l'Est, qui s'interrogeait sur la Commission industrielle de Sherbrooke qui ne prenait pas part ou qui ne prenait pas position quant à l'éventuelle fermeture de Domtar. Il disait de cette commission: "Mais elle pose un diagnostic incomplet et elle oublie le fait que d'autres intervenants politiseront le problème sans se faire de scrupule tandis que les personnes les plus concernées, les travailleurs, n'auront peut-être pas de porte-parole pour défendre leur cause."

Je suis heureux aujourd'hui, M. le Président, de constater avec vous que les politiciens, que ce soit le ministre ou le député du comté concerné, ont été au-dessus de la politique dans le problème d'East Angus. Les travailleurs ont trouvé, dans ce comité ad hoc qui est ici ce matin, les meilleurs défenseurs qu'il m'a été donné de rencontrer dans des formations semblables. Vous avez ici, ce matin, un comité qui, avec les moyens du bord, a fait une excellente analyse de tout le tableau de la région d'East Angus; un comité de bénévoles qui a été largement supporté par la ville d'East Angus, financièrement, pour lui permettre d'en arriver à ces conclusions que nous avons ce matin. Ce fut un comité où toute la population s'est impliquée. Ce que vous voyez autour de vous ce matin, au-delà des gens présents à la table, c'est toute la population d'East Angus.

A la table, il y a des gens qui représentent des groupes, que ce soit la ville ou des hommes d'affaires ou les travailleurs eux-mêmes, mais derrière ces gens il y a ce comité de citoyens, il y a tout le monde qui ne veut pas qu'East Angus devienne dans l'esprit le Val-Jalbert du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Je voudrais d'abord féliciter le comité ad hoc pour ce magnifique travail; il a mérité la confiance de toute la population de la région.

Cela s'est fait sentir dans nos media d'information tant francophones qu'anglophones. Je voudrais que ces media d'information soient remerciés pour avoir su sensibiliser la population d'East Angus à ces problèmes. Cela a été fait d'une façon vraiment dépolitisée. Nous avons eu pendant les débats, pendant le travail qu'a préparé ce comité, la visite du ministre du Travail, M. Johnson. Ce dernier s'est rendu à East Angus il y a une quinzaine de jours, et lui aussi a compris que ce n'est pas l'endroit pour politiser le débat. Il a eu une rencontre avec le comité ad hoc et les autorités.

Je veux également remercier le syndicat local qui a fait un véritable travail à deux niveaux. Un au comité de la CSN, lequel nous a été présenté ici, et également un à ce comité ad hoc. Après l'ajustement du début, on peut vous dire que cela a été une franche collaboration de part et d'autre.

Vous avez ce matin, comme vous l'a si bien signalé tout à l'heure le notaire Turcotte en se faisant le porte-parole de ce comité, un comité fort original et fort nouveau qui veut qu'on parte dans une ère nouvelle, qui veut qu'on fasse des choses qui ne se faisaient peut-être pas dans le passé, que l'éditorialiste de la Tribune n'avait peut-être pas pressenties, comptant que les politiciens demeurent toujours d'anciens politiciens qui ne veulent faire que de la politique et pensent que les travailleurs ne peuvent pas être sauvegardés.

Ce comité a des limites, des limites de suggestions. On vous les fait ici ce matin dans un rapport qui est tout à son honneur. Ce comité a des hommes et des femmes qui représentent cette population. Je voudrais, en tant que représentant de cette circonscription, qu'on comprenne que ce comité dépasse ce matin et transcende peut-être tous les comités qui sont venus ici et les représentants qui sont ici. C'est la vie d'une ville qui est au bout de cela.

Quand il s'agit de la vie d'une ville, c'est plus important que les autres comités qui viendront nous donner des informations dont on a besoin. Que le ministre ait dit les jours précédents combien cela était utile pour la commission, je suis bien d'accord que tous ces comités qui sont venus ont rendu de grands services à la commission, mais ce matin ce comité revêt une importance bien différente des autres. Il dit là-dedans tout ce qu'on a besoin de savoir avec les limites de recherches qu'il avait. Les autres nous viendront cet après-midi de la compagnie Domtar et à la fin de la journée du ministre.

Je dois vous informer immédiatement, M. le Président, que les questions que je poserai cet après-midi à la Domtar et celles que je poserai au ministre à la fin de ce débat devront donner à East Angus non pas une lueur d'espoir, mais des éclaircissements sur sa situation afin de permettre, avant d'ouvrir de nouvelles villes ailleurs et de fonder des usines ailleurs, de penser qu'on doit garder à East Angus celle qui fait la vie de ces gens depuis qu'ils existent là.

Je voudrais, M. le Président, poser une première question au notaire Turcotte. C'est une question importante que l'on retrouve dans un mémoire qui sera proposé cet après-midi auquel vous ne pourrez plus revenir puisque, bien sûr, votre rapport sera déposé. Dans un mémoire qui nous sera donné cet après-midi, nous lisons une phrase qui est un peu tragique. Vous avez certainement analysé l'ampleur de cette déclaration. On sera en mesure de l'analyser en profondeur cet après-midi, mais j'aimerais savoir immédiatement ce que vous pensez de ce texte qui nous est donné. Y aura-t-il des réactions possibles de la part du gouvernement et de la compagnie ou des changements possibles qui pourront être apportés?

Nous dirons cet après-midi: "Nous considérons tout investissement additionnel dans cette usine comme injustifiable. La prolongation des exploitations sur une base déficitaire ne fait que grever notre capacité d'ensemble à obtenir des capitaux additionnels requis pour tirer davantage d'autres occasions d'investissements plus productives."

M. le Président, je me demande si on pourra ajuster cela. Je voudrais bien que ce ne soit pas une phrase finale, un paragraphe final. J'aimerais bien savoir s'il reste des possibilités d'investissements, que ce soit, comme on l'a dit, des subventions, que ce soit des dégrèvements, que ce soit des prêts, ou je ne sais quoi qu'on trouvera pour East Angus.

Avez-vous prévu, vous du comité ad hoc, qu'il y aurait une possibilité de continuer l'exploitation de l'usine de East Angus? Si oui, c'est laquelle ou lesquelles?

M. Turcotte: J'imagine que vous devancez un peu. Vous faites appel au mémoire que déposera Domtar cet après-midi. Ce que vous venez de me dire là, c'est du déjà dit, du déjà vu de la part de Domtar; c'est leur verdict. Quant à East Angus, le verdict est donné depuis un certain temps: on disparait du tableau. C'est un effort de dernière heure d'un groupe qui s'est levé dans les broussailles et qui dit: Aïe, ne partez pas, on a quelque chose à faire, nous autres encore avec vous autres, restez là. Ils ont accepté, ils ont composé avec cela, mais il est bien évident que, dans leur façon de faire que vous connaissez, qui est le langage des compagnies, rentabilité, etc., East Angus, cela ne justifie plus rien.

Maintenant, nous autres, on veut justement prouver l'inverse. On fait allusion, je crois, au fait que nos produits sont périmés à East Angus, qu'on ne fait pas nos frais, bien des choses semblables. Je trouve cela un peu malheureux, parce que, si les produits qu'on fait sont périmés, je me demande pourquoi on les fait, puis à qui on les vend. Si on ne fait plus nos frais, je me demande pourquoi on a continué après le 30 septembre. Si ce verdict que vous venez de nous lire, qui fait partie du mémoire Domtar, est vrai, on se demande pourquoi on continue, quelle carte on joue, dans quelles mains on est et qu'est-ce qui se joue en coulisse. On se demande si on ne fait pas partie d'une grosse "game" qu'on ne comprend pas et qu'on n'a jamais comprise. Ce sont des choses qu'on aimerait savoir, nous autres aussi.

On sait, par contre, contrairement à eux, que le produit qu'on fait n'est peut-être pas si périmé que cela, parce qu'il semble que ce qu'on fait est vendu et qu'il y a des demandes. C'est cela.

Les comptes de la gérance locale nous révèlent qu'on fait un peu d'argent chaque mois et que peut-être, dans les années à venir, il y aura une hausse de demande du produit kraft due au coût exorbitant des produits pétroliers qui sont à la base des sacs de plastique qu'on voit de plus en plus. Peut-être qu'il y aurait un revirement de demande. Je ne sais pas, je pense que ce sont des arguments massues qui sont vrais d'une certaine façon, mais qui ne devraient pas être plus concluants qu'il ne le faut. J'ai bon espoir qu'il y a possibilité d'investir chez nous non seulement pour rendre service à la population d'East Angus, mais pour rendre service aussi aux gens. On pourrait donner une vocation particulière à East Angus au chapitre des pâtes et papiers et avoir des installations rentables qui feront profiter toute notre société.

On disait, tout à l'heure, qu'il y avait dix jours de consommation qui s'étaient vendus à East Angus même. Dix jours sur 26, ce n'est pas pire. On fait le papier, puis on le vend à deux industries voisines, l'autre bord de la rue. 70% de notre consommation sont vendus au Québec. Je comprends que cela va mal, mais de là à ne plus envisager d'investissements... Peut-être que dans un contexte où Domtar a plusieurs industries c'est facilement explicable et on le conçoit très bien.

Il y aurait lieu peut-être que vous ayez des éclaircissements là-dessus de Domtar comme telle. Je ne peux pas aller plus loin que cela; je ne connais pas leur mémoire.

M. Grenier: M. Turcotte, je vous remercie de cette précision. Ce sont, bien sûr, des questions que vous avez brassées depuis quelque temps dans votre comité. D'autres vous ont été posées tout à l'heure et d'autres viendront cet après-midi. J'imagine que votre comité assistera une partie de la journée à cet autre mémoire qui suivra et aux réponses que le ministre nous donnera à la fin de la journée.

Dans votre mémoire, à la page 13, vous avez dit qu'il y avait eu mauvaise gérance et mauvaise volonté des travailleurs. Plus largement que cela, c'est quoi, d'après vous, les causes de cette fermeture éventuelle? Parce que ce n'est quand même pas nouveau; je pense qu'en 1968 on a parlé de fermeture déjà. C'est quoi, actuellement, les trois ou quatre causes les plus valables? D'après vous, est-ce qu'il y a lieu d'y remédier?

M. Turcotte: Voici, je ne veux pas me répéter et je ne veux pas, non plus, vous répéter des litanies que vous avez entendues.

M. Grenier: Un instant. Comprenez bien que vous autres, vous êtes dedans depuis quelques mois et la population d'East Angus qui est ici est

renseignée sur tout cela, mais les membres de la commission, c'est peut-être la première fois qu'ils en entendent parler à part ce qui s'est passé en Chambre. C'est tout à fait normal qu'ils veuillent connaître ces choses, parce qu'ils auront quand même des questions à poser au ministre et à la compagnie, cet après-midi.

M. Turcotte: Justement, selon les impressions qu'on a recueillies des milieux consultés, permettez-moi d'identifier deux causes majeures. D'abord, il y a un problème de rentabilité. Je pense que vous en avez entendu parler depuis que siège votre commission. Il s'agit de rentabilité selon l'approche d'hommes d'affaires que toutes les compagnies de pâtes et papiers ont lorsqu'elles pensent à faire des sous. C'est, d'ailleurs, leur raison d'être, le facteur rentabilité qui ne justifie pas un investissement majeur actuellement pour rentabiliser l'usine chez nous.

Dans le contexte actuel des pâtes et papiers que vous connaissez depuis un certain temps, depuis que cela siège également, cela s'explique et cela se comprend, si on respecte et accepte le langage d'hommes d'affaires que ces compagnies utilisent. On est conscient que c'est primordial. Si c'était rentable chez nous, on ne serait probablement pas ici aujourd'hui.

Par contre, il y a une autre cause qu'il ne faut pas sous-estimer, ce sont les relations de travail. Quant à nous, on fait mention d'une mauvaise gérance; on fait également mention de climat malsain. C'est un fait que cela existe, et je pense qu'au Québec, cela existe à bien des endroits où il y a un syndicat d'implanté depuis plusieurs années, qu'il y a une mentalité syndicale qui a été durement forgée.

Chez nous, peut-être qu'on a le mérite d'avoir eu de bons syndicats et on est obligé de vivre avec les problèmes d'avoir vécu avec les bons syndicats. On est des gens endoctrinés à mort, et cela crée des problèmes aux cadres qui sont poignés avec cela. Eux ne sont évidemment pas syndiqués. En d'autres mots, avec le temps, quand cela fait 30 ans qu'une industrie est là et que cela fait plus longtemps que cela, même, qu'il y a un syndicat, il se crée, avec le temps, des affrontements qui ouvrent des plaies qui ne sont pas cicatrisées et qu'on traîne. Et dans une petite population comme chez nous, il est bien évident que cela joue et que cela a joué.

La mauvaise gérance est due peut-être au fait qu'en 1974, à un moment donné on a eu une hausse de production, comme dans toutes les usines de pâtes et papiers, et un personnel énorme, des cadres énormes, et, finalement, le réajustement s'est fait pour des raisons x d'une mauvaise façon. On a vu qu'il y avait cinq cadres, c'est-à-dire une proportion, en tout cas, inouïe, trop de cadres pour les employés, cinq cadres pour cinq hommes, dans certains services. Il est bien évident qu'on ne peut pas qualifier cela de bonne gérance. Peut-être que cette situation a persisté parce qu'on espérait qu'il y ait une bonne demande de papier, à un moment donné, et que ces gens al- laient servir davantage, comme dans la période de 1974 où la productivité était à son meilleur. Peut-être. Toujours est-il que ces gens étaient dans les jambes des autres. Finalement, cela a occasionné des coûts, et ce n'était pas plus efficace qu'il fallait parce que tout le monde pensait qu'un tel donnait les ordres à un autre tel, etc.

Avec la mentalité syndicale établie — et vous la connaissez mieux que moi, la mentalité syndicale, syndicalisme de principe, habituée à demander ceci et cela avec énergie — cela crée des affrontements et cela fait qu'il y a des relations patrons-ouvriers qui sont pénibles dans les situations comme celles-là et qui contribuent, d'une certaine façon, à des malaises, et qui peuvent peut-être provoquer plus rapidement des fermetures qu'on ne le croit dans des situations aussi critiques que la nôtre. C'est un fait que cela a joué, c'est bien évident, et que cela doit jouer ailleurs aussi.

On se dit qu'il est grandement temps que ces gens sortent, qu'ils s'assoient, qu'ils se parlent et qu'ils échangent, ce n'est pas si malin. Peut-être que le syndicat pourrait mettre de l'eau dans son vin. Le syndicalisme de principe pourrait peut-être, pendant un certain laps de temps, compte tenu de la situation précaire des pâtes et papiers chez nous, être remplacé par un syndicalisme d'affaires. Le syndicat pourrait peut-être éduquer un peu ses gens à ces réalités économiques et d'affaires. On aurait beaucoup à apprendre et peut-être verrait-on des gars comprendre les bilans et qui diraient: Je fais partie d'une compagnie qui s'appelle Domtar et j'ai envie d'acheter des actions. Je peux être participant et parler. Je serais curieux de savoir chez nous combien d'employés ont des actions dans la Domtar. C'est pour vous montrer jusqu'à quel point, nous qui dépendons de cette compagnie, nous avons passé à côté du problème, d'une certaine façon. C'est possible d'être participant dans la Domtar et de parler aux assemblées d'actionnaires. Mais il y a quelqu'un qui devra entreprendre cette éducation et dire aux gens qui travaillent qu'ils font partie d'une grosse affaire et qu'ils peuvent avoir leur mot à dire ailleurs que dans les temps de crise, au syndicat, et faire des marches et des ci et des ça.

Nous devons sortir de la noirceur. Il est grand temps.

M. Grenier: M. Turcotte, il y a une autre question qui est au-dessus de toute la commission, ce matin, et à laquelle il est difficile de répondre. Tout tourne autour. Il y a un article, toujours de notre journal quotidien des Cantons de l'Est, la Tribune, qui disait, en date du 22 juillet: "Le ministre a aussi précisé que Domtar avait accepté que des représentants du gouvernement aillent jeter un coup d'oeil sur ses livres et les conditions techniques. Cela se fera la semaine prochaine". C'était au mois de juillet.

C'est donc dire que le ministre aura sans doute en main des chiffres et qu'il sera capable de répondre à plusieurs questions, après que nous aurons interrogé la compagnie.

Vous disiez tout à l'heure à cette commission qu'il s'est joué une "game" à laquelle vous n'avez pas participé, et j'ai l'impression que vous n'avez même pas pu acheter de billets pour y assister. Je le déplore avec vous. Alors qu'on a travaillé pour la formation de ce comité ad hoc, on s'est rendu compte qu'on ne vous a pas donné tous les outils nécessaires pour fournir un rapport complet. J'aurais aimé pouvoir vous poser la question et je vous la poserai cet après-midi si le gouvernement ou le Parti libéral ne la pose pas. Je vais vous dire une chose. Quand j'arriverai, en troisième lieu, si la question n'a pas été posée, je devrai demander à la compagnie, tel qu'elle le dit dans un communiqué que j'ai ici, émis le 29 juillet, ce qu'elle a investi depuis un an, et je devrai lui demander ce qu'elle a investi depuis 20 ans. Et là nous serons en mesure de nous faire un jugement autour de la table ici.

J'ai été dans le domaine de l'enseignement et dans le domaine des affaires sociales. Il est évident que, lorsque le gouvernement paie quelque part, il doit être présent. Il y a des compagnies qui se financent avec des banques et qui acceptent que des gens de la direction de la banque soient membres du conseil d'administration. Il faudra donc savoir si le gouvernement pourra être présent dans une compagnie quand il donne à cette compagnie des droits qui équivalent à de bonnes sommes d'argent. A partir de là, comme vous avez le droit de savoir le salaire que j'avais lorsque j'étais directeur d'un centre d'accueil, de même nous devrons aussi savoir si la compagnie a fait de l'argent ou n'en a pas fait durant les dernières années, savoir quelle sorte d'investissements elle a fait. Il est évident qu'un compagnie ne fera pas affaires à East Angus ni ailleurs si elle ne fait que changer quatre trente sous pour une piastre. Une compagnie n'est pas une société de dames de Sainte-Anne, mais il faudra quand même, aujourd'hui, avoir la réponse à la vraie question, celle qui plane au-dessus des membres de la commission, savoir pourquoi on peut demander aujourd'hui la survie d'East Angus, pourquoi on a droit à cela, nous les membres de la commission et vous du comité ad hoc. Il faut le savoir cet après-midi. J'espère que nous n'aurons pas à procéder par une motion cette fois-là pour le savoir.

Ces documents qui sont demandés et qui sont publiés dans un journal d'ici, j'espère qu'on y aura accès cet après-midi et qu'on pourra faire la lu- mière que le syndicat attend, que le comité ad hoc attend, que la population attend et à laquelle la commission a droit. Non seulement une bribe d'information comme celle qu'on a ici en date du 29 juillet. C'est bien évident que, si le gouvernement n'aide pas ces compagnies, on n'a pas affaire là-dedans. Mais j'ai l'impression qu'on fera la preuve que le gouvernement aide, et c'est normal.

M. Turcotte: Permettez-moi de faire une mise au point. J'ai l'impression qu'on peut interpréter nos propos d'une façon que nous ne voulions pas. Le fameux problème d'information, on sait que le gouvernement a eu, du moins on le souhaite et on l'espère, à travailler à avoir accès à ce circuit d'information privilégié dont je parlais tout à l'heure. On n'a pas insisté à ce point. On l'a demandé quelques fois, en tout cas une fois. C'est un voeu pieux qu'on a formulé à un certain moment pour les avoir. Par contre, presque tout est par terre dans cela, et nous ne sommes pas sans le savoir. Déjà là, il y a une forme d'intervention de l'Etat et si nous n'avons pas insisté c'est que nous ne voulions pas, d'une certaine façon, compromettre tout cela parce que nous sentons qu'il devra y avoir une façon d'établir un contact qui est très délicate à formuler. Je ne sais pas s'ils ont reçu des informations. Chose certaine, c'est que jusqu'ici cela nous aurait probablement servi, mais il est grandement temps, si elles ont été reçues, qu'on en connaisse la teneur. Il est bien évident qu'il est grandement temps qu'on en connaisse la teneur. Mais, cette approche délicate et ce tâtonnement que le gouvernement peut être en train de faire pour intervenir d'une certaine façon dans ce secteur où l'entreprise privée a toujours eu carte blanche, cela peut expliquer ces lenteurs. S'ils les ont, il est bien évident que nous apprécierions énormément les connaître, et c'est un devoir pour tout le monde de les communiquer.

M. Grenier: Si je savais que c'est la fin des questions, je dirais qu'on a terminé mais, s'il y en a d'autres, je reprendrai cet après-midi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est pas la fin des questions puisque le ministre est le prochain sur la liste. Je donne rendez-vous à tout le monde à 15 heures. Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

Reprise de la séance à 15 h 15

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Puis-je me permettre de dire à tous les partis politiques et à tous les membres de cette commission que je suis extrêmement déçu? Pour la nième fois cette semaine, nous commençons à 15 h 20 et je dois avertir les membres de la commission que je n'entends pas accorder une minute supplémentaire à quelque syndicat ou intervenant ou compagnie que ce soit, puisque je pense qu'il y a des gens qui, à la fin de la semaine, vont être pénalisés parce que les membres de la commission n'auront pas fait preuve de diligence. Ici, je ne fais aucune personnalité, même si le député de Mégantic-Compton vient d'entrer. Tout le monde est en retard aujourd'hui, sauf le président qui est arrivé à 14 h 58. Je pense que les paroles de la présidence passent par des oreilles de sourds, depuis lundi en tout cas. J'ose espérer que, ce soir, cela va s'améliorer, puisque vous savez que le quorum se présume. Ce soir, à 20 heures précises, la commission commencera ses travaux, même s'il n'y a que deux ou trois députés; à moins que, sur le quorum, la question de règlement ne soit soulevée, la commission reprendra ses travaux.

Je pense qu'à ce stade-ci, il est bon de dire ces choses-là. Nous avons une salle qui est pleine, qui est attentive. Nous avons des intervenants qui veulent se faire entendre. Il y en a qui, ce soir, ne passeront probablement pas, en raison du fait, partiellement en tout cas que nous avons perdu beaucoup de temps au cours de la semaine.

Là-dessus, une dernière intervention. Le ministre des Terres et Forêts, avec un maximum de dix minutes.

M. Bérubé: M. le Président, je vous rassure immédiatement. Je ne prendrai pas les dix minutes. Je voudrais tout d'abord ajouter ma voix à celles de mes collègues du gouvernement et de l'Opposition pour vous féliciter de l'esprit avec lequel vous avez présenté un mémoire. Je ne vous cacherai pas que j'ai trouvé votre mémoire extraordinairement objectif; face à une situation qui est certainement pénible et qui est pleine d'implications pour la survie de votre ville, vous trouvez néanmoins le moyen de faire la part des choses, d'essayer d'évaluer les responsabilités de tous et de chacun sans chercher à noircir aucun des intervenants et je pense que c'est peut-être la base qui va finalement nous permettre de trouver une solution.

J'essaierai peut-être uniquement de répondre à une question et, après cela, je vous poserai peut-être une question difficile sur le climat qui prévaut présentement à East Angus. D'un côté, je ne vous cacherai pas qu'en ce qui a trait au problème de East Angus, la fermeture de l'industrie nous a certainement pris par surprise. Je pense qu'il est de notoriété que, dans le passé— ce n'est pas une critique vis-a-vis de l'ancien gouvernement; c'est une critique générale vis-à-vis de tous les gouvernements antérieurs — les gouverne- ments n'ont pas cru bon de s'occuper du développement de leur industrie forestière et, forcément, à ce moment-là, il n'y avait que très peu de ressources humaines à l'intérieur de nos fonctionnaires pour s'occuper des problèmes de l'industrie, du développement industriel. Le rôle du gouvernement n'était donc pas défini. Il nous a fallu, je pense, commencer par nous préoccuper de ce problème. C'est à ce moment-là qu'évidemment, le problème de East Angus, le problème de la Wayagamack nous est arrivé sur les bras et il nous a fallu agir assez vite.

Déjà, nous avons demandé, au début de juin, à nos fonctionnaires d'aller examiner la situation dans l'usine et vous avez fait état de cette visite. En juillet 1977, on me remettait un mémoire dans lequel on faisait part de possibilités de survie de votre entreprise. Dans la mesure où on reliait la survie de East Angus à un autre problème — on pourra en discuter sans doute cet après-midi lors de la présentation de la société Domtar, on reliait le problème de la survie de votre entreprise avec celle de Windsor qui semble-t-il, n'est guère ne meilleure position. Il fallait donc regarder du côté de la consolidation simultanée des deux entreprises, tout probablement.

A la suite de ces réflexions que me faisait notre groupe de hauts fonctionnaires, au ministère, nous avons donc rencontré les dirigeants de l'entreprise, M. Hamilton à ce moment-là, nous lui avons fait part de notre inquiétude et, en particulier, nous lui avons demandé quelles seraient les conditions qu'il envisageait d'imposer pour que l'entreprise puisse au moins continuer de fonctionner. Les seules conditions, à ce moment-là, que la société Domtar nous avait soulignées étaient que l'entreprise ne perde pas d'argent; dans la mesure où elle faisait ses frais, et vous l'avez souligné, ces gens étaient prêts à reconsidérer la situation. Ils nous ont dit également qu'ils seraient prêts à rendre public l'état financier de la société sur une base mensuelle et je crois comprendre que, d'ici quelques semaines, vous pourriez commencer à avoir ces états financiers, si je comprends bien.

Par conséquent, je pense qu'il y a certainement eu de la part de l'entreprise un véritable effort, au moins pour donner une survie à l'entreprise d'un côté, et probablement, permettre au gouvernement peut-être de se retourner et de commencer à préciser sa pensée quant au problème de l'industrie des pâtes et papiers. Vis-a-vis de cette ouverture d'esprit de l'entreprise, je dois dire que vous avez peut-être plus que tout autre donné l'exemple de l'ouverture d'esprit, puisqu'on n'a pas vu d'attaque contre la compagnie, on n'a pas vu d'attaque contre le gouvernement. Vous auriez certainement de bonnes raisons de le critiquer en différents points, mais vous avez, au contraire, cherché à faire ce que vous pouviez en tant que collectivité pour résoudre le problème de votre entreprise, au moins sur une base temporaire. Ce que vous pouviez faire, vous l'avez fait. Personne ne pourra jamais vous reprocher de ne pas avoir fait jusqu'au plus grand sacrifice, parce

que je crois que les travailleurs d'East Angus ont effectivement sacrifié beaucoup de leurs conditions de travail pour sauvegarder leur usine. Ceci, je pense, nous impose, du côté du gouvernement, une responsabilité, beaucoup plus grande, parce que face à une population qui prend ses responsabilités, un gouvernement peut difficilement éviter de les prendre lui aussi. En ce sens, vous êtes un exemple pour le gouvernement. Je tenais à le souligner.

Maintenant, la seule question que j'aimerais peut-être poser, que c'est une question que j'ai entendue à plusieurs reprises dans la bouche de certains dirigeants syndicaux, c'est une accusation à l'effet que la société pourrait utiliser la négociation en cours comme une méthode de chantage, si vous voulez, faire baisser les salaires des travailleurs, diminuer la qualité de leurs conditions de travail, dans un but simplement d'augmenter leur profit. J'aimerais savoir si, dans votre esprit, vous avez l'impression que vous avez subi un certain chantage de la part de l'entreprise ou si, au contraire, vous avez eu l'impression jusqu'à maintenant, dans vos rencontres avec les dirigeants de l'entreprise qu'il y avait un effort réel de la part de tous les intervenants de chercher une solution.

M. Turcotte: En ce qui concerne la politique de chantage qui aurait pu être exercée sur nous pour que les ouvriers acceptent ce gel de salaire ou se fassent à l'idée d'une diminution de personnel, dans nos relations qui ont été très distantes quand même avec les cadres supérieurs de la société Domtar, il n'y a absolument rien qui puisse nous faire conclure de telles choses. Je veux être très clair là-dessus. Le chantage... En ce qui nous concerne en tant que comité ad hoc, nos vues à nous, qui sont peut-être très faibles parce qu'on n'était pas dans le secret des dieux, vous le savez, ne permettent pas de conclure ceci, c'est-à-dire que c'est une forme de pression de façon que les ouvriers acceptent ce qu'ils n'auraient jamais accepté en d'autre temps. Je vous dis cela pour la raison suivante: Les gens de Domtar, depuis le 6 mai 1977, c'est-à-dire à l'époque où ils ont annoncé qu'ils fermaient chez nous, n'ont pas reculé d'un pouce là-dessus. S'ils poursuivent leurs activités, c'est à la condition qu'on fasse nos frais. Cependant, il y a peut-être une forme, je n'oserais pas dire de chantage, qui s'exerce à un autre niveau, qu'on a pu sentir, qu'on peut quand même difficilement analyser, mais cela fait partie justement de ce qu'on a senti bien souvent qu'il y avait une rencontre colossale ailleurs que chez nous qui n'était pas vraiment identifiée. Bien souvent, on se demandait jusqu'à quel point, dans notre démarche qui se faisait très honnêtement, je parle de toute la population d'East Angus, tous ceux qui ont travaillé soit au comité ou ailleurs, nous n'étions pas, les parties impliquées — les vraies parties impliquées, c'est le gouvernement et c'est la compagnie Domtar et le syndicat — charriés un petit peu face à un affrontement qu'on recule d'année en année, lequel affrontement, évidemment, vous ne pourrez pas éviter avant longtemps

On prépare quelque chose qu'on ne veut pas identifier. Peut-être à ce moment pourrait-on, au comité ad hoc, aller jusqu'à dire, pas qu'il y a eu un chantage qui s'est fait sur notre dos par les autorités de Domtar, absolument pas, mais qu'on n'a pas tout dit. Les autorités de Domtar ne nous ont pas tout dit quant à leur vision de l'industrie des pâtes et papiers au Québec.

Probablement qu'elles se réservent... Ces choses-là sont très confidentielles, me semble-t-il. Le genre de dialogue qu'on est en train d'établir avec notre population apparaît peut-être difficile. De lancer cela comme cela... Cela nous fait dire qu'il y a peut-être quelque chose de très grand qui se passe ailleurs. Domtar voudra peut-être préparer une rencontre avec le gouvernement pour être en meilleure position, on ne le sait pas. On ne le sait pas, on le sent seulement. C'est très obscur. Je ne le sais pas. C'est assez délicat de discuter de cela. C'est une espèce de réflexion qui vient avec bien des inconnues. Ce sont bien souvent des questions sans réponses qu'on a eues à force de tripoter le dossier. On s'est demandé, par honnêteté vis-à-vis des gens qu'on défendait, jusqu'à quel point justement on ne servait pas à des fins qu'on ignorait. On a eu peur, à un moment donné, de servir, malgré nous, à des fins qu'on ne connaissait pas. Ce n'est pas honnête, selon nous, de participer à cette "game", qui n'est pas claire à nos yeux. Il serait grandement temps que ça devienne très clair. Que les principales parties impliquées, les véritables, à savoir l'Etat, cette compagnie, ou bien d'autres, et les syndicats, disent ce qu'elles sont prêtes à faire. Cela en découle, cette espèce de prise de conscience qui ne s'est pas encore faite de façon tripartite. C'est un climat d'obscurité, qui parfois, peut nous laisser croire qu'on sert à des fins qu'on regretterait, malheureusement.

C'est à peu près le plus que je puis en dire. Quant à la première partie de ma réponse — je reviens là-dessus — concernant East Angus, je ne pense pas que ce soit une forme de chantage pour faire accepter une diminution de salaire. Je pense que c'est une fermeture tout simplement. Je reviens sur ce que j'ai déjà dit tout à l'heure: N'eût été de cette démarche finale qui s'est faite à partir des cadres, chez nous, qui a été acceptée par les ouvriers de chez nous, je pense que c'en serait fait, ce serait fermé. Je veux dire qu'il n'était pas question de diminuer ou de ne pas diminuer les salaires. A mes yeux, pour autant que nos informations ont été valables, c'est ce qu'on peut en conclure.

M. Bérubé: D'accord. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Me Turcotte et vos collègues, au nom des membres de la commission, nous vous remercions beaucoup pour la collaboration que vous avez apportée à la commission parlementaire. J'inviterais maintenant la compagnie Domtar Limitée et ses représentants à venir nous présenter leur mémoire.

La compagnie Domtar Limitée et ses représentants, s'il vous plaît!

Y a-t-il un représentant de la compagnie Domtar dans la salle?

Pour la troisième fois, les représentants de la compagnie Domtar Limitée...

Une Voix: Ils s'en viennent, ils étaient dans le corridor et ils n'avaient pas de place pour entrer, c'est seulement question de les notifier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

A l'ordre, s'il vous plaît! Sont-ils arrivés?

Une Voix: Ils sont allés les aviser.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils sont allés les aviser!

Les travaux de la commission sont suspendus pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 33)

Reprise de la séance à 15 h 35

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Puis-je demander au porte-parole de la compagnie de se présenter et de présenter ses collègues également?

Domtar Limitée

M. Hamilton (Alec): M. le Président, mon nom est Alec Hamilton. Je suis le président de Domtar Limitée, une entreprise à 99% propriété de Canadiens, possédant des exploitations dans toutes les provinces à l'exception de l'l!e-du-Prince-Edouard et Terre-Neuve, et employant 17 000 Canadiens. Mes collègues sont M. Raymond Pinard, à ma gauche, vice-président directeur général des pâtes Domtar Limitée. M. Andrew Fleming, vice-président de la société forestière Domtar Limitée, à l'extrême droite; M. John Gossip, directeur général des relations publiques, en arrière; M. Roger Martin, vice-président des relations industrielles et des ressources humaines, à ma droite.

Nous sommes heureux de profiter de l'occasion qui nous est offerte de nous présenter devant cette commission parlementaire. Nous soutenons l'initiative du gouvernement qui l'a créée. Nous vous assurons de notre collaboration. Le sujet à l'étude est d'une importance capitale pour l'économie de la province de Québec de même que pour l'ensemble du Canada et les recommandations de la commission auront d'importantes répercussions sur la croissance et le rendement de cette industrie dans les années à venir. Notre société a présenté un mémoire et nous nous sommes associés aux mémoires adressés à votre commission par l'Association québécoise de l'industrie forestière et par l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers. Mon intention n'est pas de vous lire notre mémoire, mais je me tiens prêt à en expliquer toute partie.

Avant d'en arriver là, j'aimerais faire quelques remarques préliminaires à titre de rétrospective. Tout d'abord, j'exposerai mes pensées sur le résumé du ministre au sujet de la situation actuelle des pâtes et papiers dans la province de Québec. De façon générale, je pense qu'il cerne la plupart des facteurs prépondérants qui nuisent à cette industrie. Il est cependant très important de reconnaître que ce n'est qu'une généralisation. Il y a d'importantes divergences par rapport à la normale entre les différentes unités de production et les divers secteurs de l'industrie. Par exemple, les problèmes reliés à la fabrication du papier kraft ont certains points communs avec les problèmes reliés à la production de la pâte commerciale Kraft à base de résineux, mais il existe également quelques dissimilitudes. L'affirmation voulant que les procédés soient désuets est le seul point principal de désaccord que j'aurais avec ie résumé du ministre. L'industrie des pâtes et papiers est en pleine maturité. La plupart des procédés employés sont techniquement similaires a ceux utilisés dans le monde entier. L'équipement utilisé et l'échelle d'exploitation sont les deux variables qui peuvent influer sur l'économie du procédé. Le résumé du ministre omet deux points importants sur lesquels j'aimerais attirer votre attention. Premièrement, aucun critère n'est identifié en matière d'élaboration de politique concernant cette industrie. De tels critères qui engloberaient des facteurs comme l'emploi, la rationalisation, les normes de lutte contre la pollution, les gammes de produits, pour n'en nommer que quelques-uns, sont nécessaires afin d'identifier l'attitude du gouvernement. Deuxièmement, aucune mention n'est faite de l'environnement dans lequel fonctionne l'industrie.

Je me permets de suggérer que, pour mettre au point des plans et des programmes afin de rétablir l'industrie des pâtes et papiers comme un apport efficace à l'économie canadienne et québécoise, la commission doit examiner l'environnement dans lequel cette industrie a fonctionné et fonctionne actuellement.

Aussi, elle devrait baser ses recommandations sur ce que la commission identifierait comme l'environnement futur probable. A cet égard, j'aimerais traiter de plusieurs facteurs relatifs à l'environnement qui sont d'importance capitale. Chacun de ces facteurs possède de nombreux sous-éléments. Je me propose de ne traiter que globalement de ce sujet.

Je considère l'inflation comme étant le premier et le plus important facteur ayant eu des effets néfastes sur l'industrie des pâtes et papiers dans le passé. Il est plus que probable que l'inflation demeurera avec nous à l'avenir et je recommande fortement que la commission étudie ses répercussions sur l'industrie et élabore ses recommandations en conséquence.

A ce sujet, j'aimerais référer la commission au Report of the Ontario Committee on Inflation Accounting, plus particulièrement au chapitre relatif

aux effets de l'inflation sur l'érosion du capital, "La déformation de la notion du revenu imposable et la différence entre les bénéfices nets déclarés et les bénéfices redressés pour tenir compte du milieu inflationniste." Par exemple, les entreprises canadiennes de produits chimiques et de produits dérivés du bois ont déclaré pour la période de 1971 à 1975 un revenu net de $1,39 milliard sur lequel elles ont payé des impôts. Si ces revenus nets avaient été redressés pour tenir compte de l'inflation, les bénéfices nets auraient été ramenés à $250 millions.

Le redressement des bénéfices de l'entreprise pour tenir compte de l'inflation n'est pas encore une méthode comptable précise. Il existe des divergences d'opinion quant aux meilleures méthodes pour tenir compte avec précision du rendement des affaires dans un environnement inflationniste. Même en tenant compte de tels problèmes, il ne fait aucun doute que l'inflation a été l'un des principaux facteurs qui a empêché les entreprises de réaliser les fonds nécessaires à la modernisation, à l'amélioration de la technologie, à l'entretien des usines existantes et au financement de fonds de roulement soumis aux pressions de l'inflation.

Le deuxième facteur qui nous préoccupe est la compréhension du public vis-à-vis du monde des affaires. Il n'est généralement pas compris que les entreprises travaillent en fonction de règles très strictes établies par le gouvernement et les marchés financiers. Les gouvernements ont établi des règlements de comptabilisation fiscale et des taux d'imposition qui enlèvent jusqu'à 50% de tous les surplus de revenus par rapport aux dépenses dans une année donnée. Ils ne tiennent pas compte de facteurs tels que l'inflation, les besoins en fonds de roulement et les capitaux nécessaires aux investissements dans l'entreprise. Les marchés financiers exigent que le rendement à long terme soit proportionnel à l'investissement. A l'heure actuelle, par suite de ces résultats médiocres en matière de bénéfices, Domtar ne peut plus emprunter d'autres capitaux à long terme.

Une grande partie du blâme pour ce manque ce compréhension du public incombe certainement à l'industrie. Des mesures énergiques doivent être prises pour essayer de redresser la situation. Cependant, il est irréaliste de s'attendre que ces efforts soient récompensés à court terme.

Il est dans l'intérêt de tous les organismes reliés à l'industrie, comme le gouvernement et les syndicats, qu'on arrive à une parfaite compréhension de l'économie des affaires et que les doutes quant à la crédibilité des renseignements financiers soient éliminés chaque fois que cela sera possible.

Nous espérons que la partie de notre mémoire traitant des décisions d'affaires d'ordre financier sera soigneusement étudiée. L'une des principales retombées bénéfiques du travail de la commission parlementaire pourrait être d'aider à rétablir une meilleure compréhension du grand public de l'économie de l'industrie des pâtes et papiers et, par le fait même, de toutes les industries.

Le troisième important facteur qui influe sur l'environnement dans lequel évolue notre industrie est la tendance dans les relations du travail. Au niveau des usines, les relations ont généralement été bonnes, malgré les grèves ou désaccords entre l'industrie et les syndicats sur les principaux facteurs reliés aux règlements salariaux.

Le problème des relations du travail est très complexe. Une négociation collective ne peut être menée à bien que lorsqu'il y a égalité raisonnable à la table de négociation et lorsque les deux parties reconnaissent partiellement leurs forces et leurs faiblesses. Les accords conclus pour résoudre les problèmes de relations du travail impliquent presque inévitablement un coût, même si celui-ci est indirect.

La tendance actuelle, particulièrement dans la province de Québec, vient du renforcement du pouvoir des syndicats sans leur demander de comptes et les répercussions des négociations collectives dans le secteur public et le secteur privé ont des effets contraires sur l'environnement dans lequel oeuvre l'industrie des pâtes et papiers.

Les attentes du public et des particuliers sont le dernier facteur que j'aimerais mentionner comme ayant une influence prépondérante sur l'environnement. Cette attente a été très élevée dernièrement au Canada; la situation économique actuelle semble indiquer qu'il devrait y avoir une tendance à la baisse de l'attente du public, quant à ce que l'économie peut allouer aux particuliers.

Nous, Canadiens, avons un niveau de vie qui n'est dépassé que par deux, ou, au plus, trois autres pays. La tendance semble fermement vers des demandes croissantes au gouvernement, aux affaires et à nos institutions pour le compte de personnes ou de groupe de particuliers et ce, avec un manque d'appréciation de la nécessité du rendement individuel dans notre société.

Il ne fait aucun doute que l'industrie des pâte-set papiers est, dans une certaine mesure, responsable de l'existence de ces problèmes. Nous n'avons pas été assez diligents, ou n'avions pas l'expérience voulue pour les résoudre avec succès. Je me permets de suggérer qu'il existe d'autres groupes et institutions qui doivent assumer également une part de responsabilités pour que le public en arrive à une vue d'ensemble raisonnable de nos problèmes économiques et sociaux et des solutions anticipées.

L'économie est en péril dans les secteurs de la fabrication et des ressources. L'élaboration de politiques doit en tenir compte.

La commission parlementaire a pour but d'élaborer des politiques qui auront pour effet de permettre à l'industrie des pâtes et papiers de contribuer de façon plus substantielle à l'économie que cela n'a été le cas dans le passé.

J'aimerais proposer que le travail de la commission soit axé de façon à: premièrement, découvrir les moyens de réduire les répercussions sur une entreprise industrielle, plus particulièrement du point de vue de la réalisation de l'encaisse disponible pour les investissements en immobilisations et fonds de roulement; deuxième-

ment, établir les moyens de garantir la crédibilité des renseignements d'ordre économique et financier afin de rendre le public pleinement conscient de la contribution que l'entreprise privée peut faire à l'économie; troisièmement, prendre des mesures afin de garantir que les deux parties engagées dans les conventions collectives soient responsables à long terme de l'accord conclu; quatrièmement, éviter, dans le secteur politique, de susciter des attentes irréalistes de la part du public ou de tout le secteur du public; cinquièmement, évaluer de façon réaliste la position concurrentielle de l'industrie en Amérique du Nord et sur les marchés mondiaux, plus particulièrement dans le cadre des négociations tarifaires de Tokyo; sixièmement, établir le plus tôt possible des critères précis pour les politiques gouvernementales et le rendement de l'industrie afin de réduire l'incertitude actuelle concernant ces politiques.

Avant de terminer, j'aimerais tenter de définir nos vues en ce qui a trait à la responsabilité sociale. Ce dernier point a été soulevé par d'autres groupes qui se sont présentés devant cette commission. Elle est presque devenue un mot de ralliement. En tant qu'entreprise, l'on nous a exhorté à faire face à nos responsabilités sociales à East Angus. Personne n'a défini ce que l'on entendait par faire face à ses responsabilités sociales. Il en résulte que l'on s'attend que nous fassions tourner cette usine à n'importe quel prix et ce à perpétuité. Une telle suggestion ou une telle définition de la responsabilité sociale est irréaliste.

Puis-je me permettre de faire remarquer qu'une entreprise telle que Domtar est composée de personnes aussi bien que d'installations matérielles? Notre direction est pleinement consciente des problèmes auxquels doit faire face la société et travaille ferme pour prendre des décisions qui soient justes et responsables vis-à-vis de toutes les personnes intéressées. Je prétends que l'on doit assumer ses responsabilités sociales lorsque, premièrement, l'on recherche de façon constructive à participer à l'élaboration de politiques économiques et sociales dans la collectivité; deuxièmement, lorsque l'on se conforme à l'esprit et ta lettre de la loi; troisièmement, lorsque l'on considère dans les limites de ses connaissances et de ses compétences l'ensemble des implications des décisions sur ses employés, la collectivité et la société avant de les prendre; quatrièmement, lorsque l'on maximise la contribution à l'économie canadienne en utilisant effectivement les ressources tant humaines que matérielles dont on dispose; cinquièmement, lorsque l'on cherche à communiquer au public et à ses employés les réalités du rendement dans les secteurs d'exploitation, des finances et des relations avec la collectivité.

La responsabilité sociale dans notre société canadienne actuelle doit être assumée tant par les particuliers que par les entreprises. Aucun organisme ne peut se dissocier de sa responsabilité sociale et aucun organisme ne peut être tenu à lui seul responsable de l'évolution sociale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. Hamilton. M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense que le député de Portneuf m'avait adressé deux questions. J'avais malheureusement omis d'y répondre, je m'en excuse. Je vous remercie infiniment de votre très obligeante amabilité. Concernant le portrait financier, d'une part je dois dire que l'excellente collaboration que la société avait offerte au gouvernement en ce qui avait trait au portrait financier nous a été offerte dans un contexte légèrement différent de celui que nous connaissons maintenant, c'est-à-dire qu'à ce moment, c'était le ministre de l'Industrie et du Commerce qui était essentiellement responsable de tous les secteurs industriels au Québec, incluant les pâtes et papiers. A ce moment, ce sont donc des fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce qui ont pris contact avec la société. Je dois dire que je n'ai pas personnellement pris connaissance de ces chiffres, mais je suppose que M. Tremblay, s'il a obtenu des chiffres, les a obtenus sans doute sur la même base que ceux que j'ai l'habitude d'obtenir. Donc, je pense que la réponse que je devrais malheureusement vous offrir, c'est peut-être une fin de non recevoir. Je m'explique: Je pense que le syndicat comme le comité ad hoc ce matin se sont plaints de ce qu'il est extrêmement difficile de voir la lumière dans une situation comme celle d'une industrie que nous avons au Québec, des pâtes et papiers, dans la mesure où nous n'avons pas en main les chiffres, nous n'avons pas en main de données et que, par conséquent, on suppute continuellement les mauvaises ou les bonnes intentions de l'autre intervenant.

Il est donc extrêmement important pour un gouvernement qui voudrait avoir une vue assez claire de la situation dans cette industrie, d'avoir accès à des renseignements qui, normalement, ne lui sont pas accessibles. Evidemment, le ministre du Revenu les a, mais toujours sur une base strictement confidentielle à laquelle nous n'avons, évidemment, pas accès. Par conséquent, dans le but d'établir ce climat de confiance, il arrive parfois que l'industrie accepte que des comptables du gouvernement ou engagés par le gouvernement fassent un inventaire de l'état financier des entreprises uniquement afin de nous permettre de mieux connaître le problème. Je pense que ceci est fait dans un esprit de collaboration et une telle collaboration serait absolument impossible à obtenir dans l'avenir si, évidemment, comme ministre, je m'engageais à divulguer les chiffres que l'on me confie. Par conséquent, je pense que ce ne serait pas à l'avantage du Québec de faire en sorte que le gouvernement soit coupé de toutes sources de renseignements en prenant comme habitude de les divulguer dès qu'on les lui soumet. C'est la seule et unique raison pour laquelle, en fait, j'invoque une raison d'Etat pour ne pas publier des chiffres.

Quant à associer la population et le comité ad hoc à notre démarche, je pense que ce n'est pas

tombé dans l'oreille d'un sourd. Je pense que si, à ce jour, nous n'avons peut-être pas travaillé d'aussi près que nous aurions voulu avec le comité ad hoc, cela peut s'expliquer de la façon suivante: Nous-mêmes n'étions pas en mesure d'avoir une idée suffisamment claire pour avoir quoi que ce soit à proposer. Je pense que la situation évolue relativement rapidement, et qu'à la suite de la commission parlementaire, nous aurons déjà des idées passablement plus claires. Il faut donc prévoir que d'ici décembre ou janvier prochain, le gouvernement aura en main un certain nombre de documents qui nous permettront, à tout le moins, d'avoir une vue d'ensemble de l'industrie des pâtes et papiers sur laquelle nous pourrons commencer à bâtir. Je pense que c'est à ce moment qu'il faut envisager véritablement une collaboration avec la population, parce que nous serons un intervenant qui a quelque chose d'intéressant à dire. Je pense que lorsque le comité ad hoc demande à travailler avec le gouvernement, il demande à travailler avec des gens qui ont des éléments de solution en main; sinon des éléments de solution, du moins des données du problème en main, ce qui n'était pas le cas jusqu'à très récemment, je dois dire.

M. Hamilton — j'entends un "ouais" dubitatif venant de l'Opposition — dans votre mémoire, vous reprochez au gouvernement — et on peut peut-être le reprocher au gouvernement du Québec, puisqu'il a joué un certain rôle là-dedans — d'être intervenu dans la construction de nouvelles usines. Dans votre rapport, vous soulignez en particulier que le gouvernement américain a financé des études dans le sud des Etats-Unis. Je pense que d'autres industriels canadiens m'ont déjà parlé de Le Pas. Je pense que c'est la Consol qui nous a parlé de Labrador Liner Board. On nous a donné une série d'exemples où le gouvernement est intervenu dans la construction de nouvelles usines, déséquilibrant ainsi le marché.

La question que j'aimerais vous poser est peut-être un peu traîtresse. J'aimerais savoir comment votre société réagirait si, plutôt que d'investir des fonds publics dans la construction de nouvelles usines — on peut penser, par exemple, à Saint-Félicien, Donohue, où le gouvernement contrôle près de 60% de l'investissement — le gouvernement acceptait de s'associer aux usines existantes? Est-ce que je dois supposer que l'industrie québécoise que l'on connaît accepterait volontiers que le gouvernement prenne des participations, à titre d'exemple, Domtar, ou prenons une autre société, si ça vous fait davantage plaisir?

M. Hamilton: C'est une question d'envergure très vaste, M. le ministre. Vous me posez la question à savoir quelle serait ma réaction à une tentative du gouvernement de s'associer à la Domtar? Cela dépendrait des conditions dans lesquelles vous nous approchez. C'est la réponse. C'est toujours une question de critères, de modalités qu'on peut établir. Mais, en théorie et en pratique, on n'a pas du tout une réaction négative à une approche de n'importe quelle personne pour participer à une entreprise, à une partie d'une entreprise dans laquelle nous avons des responsabilités en ce moment. Ce n'est pas un problème.

Je vais peut-être ajouter quelque chose ici. Si vous ne me comprenez pas, si mon français n'est pas assez exact, ce n'est qu'une question de répéter, et j'essaierai de mieux m'exprimer.

M. Bérubé: Je trouve qu'il est excellent pour le moment.

M. Hamilton: D'accord.

M. Bérubé: A titre d'exemple, je pense qu'on peut peut-être citer les cas de Windsor et d'East Angus. Là, je pose une hypothèse absolument gratuite, mais pour placer le problème. Si on supposait qu'il faille, pour moderniser East Angus et Windsor, un investissement massif, est-ce que la société Domtar, considérant que, d'après votre mémoire, vous manquez de liquidité, vous avez des problèmes de financement, accepterait de s'associer au gouvernement dans un projet?

M. Hamilton: Ma réponse est simplement oui, mais, après ça, il faudrait discuter des résultats des études, à savoir si c'est un projet rentable, quelles sont les modalités, etc. Mais, en théorie, si vous nous approchez, pour me répéter et vous dites: Voulez-vous vous associer au gouvernement? Alors, nous allons examiner la question en profondeur et avec toute l'ouverture d'esprit possible.

M. Bérubé: Evidemment, je parle toujours sur une base d'affaires — je pense qu'on s'entend. On accepte les principes sur lesquels vous vous guidez...

M. Hamilton: La question est de savoir si vos idées en affaires et les siennes sont tout à fait parallèles, mais c'est une question qu'on peut régler.

M. Bérubé: Mais, si je comprends bien votre affirmation, si vous aviez le choix entre vous associer au gouvernement dans un nouveau complexe du type de Saint-Félicien ou dans un complexe qui remplacerait East Angus et Windsor, vous préféreriez vous associer dans un complexe qui n'augmente pas la capacité de production québécoise à l'heure actuelle, et vous estimez que c'est notablement plus rentable ou, au moins, beaucoup plus sécuritaire.

M. Hamilton: Je vais peut-être faire un commentaire. Pourquoi avons-nous une attitude négative à ce moment par rapport à une expansion dans le domaine de la pâte, du papier journal et du papier kraft? C'est parce que, à notre avis, à ce moment, les ouvertures sur le marché sont très restreintes. C'est pourquoi nous avons une perception peut-être pessimiste de l'avenir pour ces produits. Mais, après avoir identifié une gamme de produits qui seraient peut-être rentables, d'accord, c'est une bonne idée, on peut examiner la situation.

M. Bérubé: Ce matin, j'avais le plaisir de recevoir l'ambassadeur du Danemark et nous avons eu l'occasion de parler un petit peu d'industries de pâtes et papiers et, en particulier, des problèmes du marché.

Il semble que, présentement, la situation sur le marché européen soit une situation relativement bonne puisqu'on prévoit des expansions de l'ordre de 3% par année à plus long terme et qu'on prétend que la Suède et la Scandinavie en général ne sont peut-être pas en mesure de remplir toute cette nouvelle demande des années à venir, je pense sur les cinq, dix ou quinze prochaines années.

Envisagez-vous qu'éventuellement notre industrie pourrait concurrencer les marchés européens, compte tenu que les coûts de production en Scandinavie semblent certainement comparables aux nôtres?

M. Hamilton: Premièrement, avec votre permission je veux demander à mon collègue Ray. Pinard de faire des commentaires sur la situation européenne, particulièrement les relations du marché entre les Scandinaves et les Européens. Il revient d'Europe.

M. Pinard (Raymond): Les pays Scandinaves sont actuellement en difficulté financière très sérieuse. Il n'y a pas, je crois, d'exception; chaque société perd énormément d'argent actuellement. Le marché de la pâte en Europe est une pagaille indescriptible et qui amène une pagaille semblable dans les papiers fins, les papiers d'écriture. Je voyais justement hier une compagnie suédoise qui s'appelle Uddeholm, le gouvernement a dû lui faire un prêt de 600 millions de couronnes suédoises pour lui permettre de survivre cette année. Il y a surproduction dans les pays Scandinaves; on y a procédé massivement à des modernisations dans les dix dernières années. On a énormément investi. Celui qui va visiter les pays Scandinaves est émerveillé, mais, avec plusieurs confrères, on regardait cela en se disant: Cela a plutôt l'air d'édifices construits pour loger des bureaux de poste, des monuments. Les investissements n'ont pas toujours été judicieux, le fardeau financier y est très élevé. La politique gouvernementale en est venue à moderniser à gauche et à droite, avec le résultat qu'il y a beaucoup de surproduction, surtout dans la pâte et le papier journal. On n'anticipe pas que les pays Scandinaves opèrent à pleine capacité dans le papier journal d'ici cinq ans. Actuellement, les fabriques de papier journal en Scandinavie opèrent à perte, même à 75% de capacité, dans la pâte à 65%, et il y a de nouvelles usines en démarrage actuellement et dans la pâte et dans le papier journal. Il y a donc un problème très sérieux de ce côté.

Les perspectives de développement de marché qu'on lit très souvent sont celles publiées et assemblées par le groupe FEO de l'UNESCO. On vient de faire une révision de ces chiffres et on a baissé de beaucoup les pronostics qui avaient été établis suite à la très grande demande de 1974, mais, encore là, il est très difficile de déterminer quelle va être la croissance des pâtes et papiers dans les années à venir parce que, dans le passé, la demande était complètement "inélastique" au prix, on pouvait charger le prix de production et on n'avait jamais été frappé d'augmentation de prix supérieure à l'indice moyen du coût de la vie. Maintenant que nous avons eu ce choc d'inflation 1975-1976, il va s'établir, de toute nécessité, une nouvelle relation entre la consommation des produits des pâtes et papiers et la croissance du produit national brut. A ce point de l'économie, il est très difficile de prédire quelles vont être les demandes futures parce que les données historiques sont changées. On est dans une courbe discontinue.

M. Hamilton: Pour la deuxième partie de votre question, M. le ministre, est-ce qu'on pourrait expédier les papiers aux marchés européens? En ce moment, l'industrie canadienne expédie un gros tonnage de papier journal, un gros tonnage de pâtes kraft, écrue et blanchie, etc. La société Domtar expédie du papier fin, le papier spécialisé. La concurrence est difficile. Nos expéditions ne sont pas grosses. Nous essayons de trouver un coin dans le marché qui serait rentable pour nous. Nous avons une barrière tarifaire d'environ 12%. C'est vrai que le rapport entre les devises canadiennes et les devises allemandes et européennes est changé en notre faveur, mais nous ne pouvons pas faire une forte concurrence en Europe en ce moment. Ce n'est pas possible. Nous essayons, mais c'est très difficile, de trouver une gamme de produits qui soient rentables.

M. Bérubé: Pour reprendre une idée que vous venez d'émettre concernant la modernisation excessive des usines en Scandinavie, et en Suède en particulier, je reprends les chiffres de votre rapport où vous soulignez qu'à Dolbeau, je ne sais pas sur quelle période, vous avez réinvesti tout près de $42 millions en modernisation. J'essayais en gros de voir dans quelle mesure cela pouvait se comparer. Or, vous soulignez que sur ces $42 millions, il y a $21 millions qui représentent de la dépréciation et vous soulignez également que vous avez une augmentation de 19% de capacité. Or, si on accepte les chiffres de CIP et de l'Association de l'industrie forestière du Québec voulant qu'il en coûte $140 000 à $150 000 par tonne-jour, je constate que seulement l'augmentation de capacité de votre usine devrait vous avoir coûté autour de $25 millions. C'est donc dire que si je soustrais $25 millions causés par l'augmentation de capacité, il m'en reste tout juste, à peine assez, pour couvrir la dépréciation. En d'autres termes, comme il s'agit d'argent qui a été investi sans doute il y a un certain nombre d'années, et s'est dévalué considérablement, il m'apparaîtrait que les $42 millions cités en exemple comme un effort de modernisation de Dolbeau, ne seraient même pas suffisants pour maintenir un dollar constant investi dans vos usines.

Estimez-vous que ces $42 millions sont encore inférieurs à un seuil normal de modernisation dans l'industrie ou non? Est-ce que vous voyez un

peu le raisonnement que je fais? Je pars de $42 millions, je soustrais le montant qui doit servir à l'augmentation de capacité, que j'évalue grosso modo à $25 millions, il me reste $17 millions pour la dépréciation des installations existantes. Or, $17 millions, c'est sensiblement égal aux $21 millions que vous prétendez avoir investis, donc, je retrouve en gros la dépréciation. Mais ce qui m'inquiète là-dedans, c'est que la dépréciation est peut-être en dollars de 1955, 1960 ou 1972, au moment où ils ont été investis. En d'autres termes, le dollar ayant perdu beaucoup de sa valeur, ce montant n'est certainement pas suffisant pour au moins maintenir l'équipement dans l'état où il est.

M. Hamilton: A mon avis,, si je comprends précisément la question, vous avez raison. C'est le point que j'ai essayé de souligner dans mes remarques et qui est accentué dans notre présentation à la commission. Basés sur les dollars historiques, la dépréciation, l'amortissement de nos investissements ne sont pas suffisants pour combler les demandes sur le capital, parce que la chose qui est toujours oubliée par tout le monde, ce sont les demandes pour les fonds de roulement. Si vous avez étudié notre rapport annuel pour l'année 1974, on pourra remarquer que Domtar a augmenté ses bénéfices d'environ $50 millions — je rappelle ces chiffres — et qu'il y avait une augmentation dans les exigences pour les fonds de roulement d'environ $53 millions ou $54 millions.

Toute l'augmentation des bénéfices a été absorbée par les fonds de roulement. On a perdu quelque chose. C'est un très bon exemple de l'entreprise qui essaie de faire marcher ses exploitations pendant une période inflationniste. C'est une "zero sum gain", comme nous disons en anglais. On ne peut pas gagner. C'est pourquoi nous essayons d'attirer votre attention sur l'importance de modifier les règles fiscales pour que nous puissions retenir l'argent nécessaire pour le développement de notre industrie. Sans une telle modification, les tendances qui sont bien établies à ce moment vont continuer.

M. Bérubé: Quand vous parlez de...

M. Pinard: M. le ministre, je viens de trouver la référence que vous faites à notre mémoire; le montant de $41 millions, c'est entre Dolbeau et Donnacona. L'amortissement durant cette période a été de $21 millions. Alors, ça représente seulement 52% des dépenses en immobilisation. Autrement dit, 50% du financement des dépenses de Dolbeau et de Donnacona durant ces 17 années sont venues de l'extérieur, en dehors de la dépréciation. Je crois que les chiffres que vous avez mentionnés pour la construction d'une nouvelle usine aux nouvelles capacités sont supérieurs à $175 000 par tonne-jour; ils sont plutôt de l'ordre de $250 000 ou $275 000.

M. Bérubé: Pour des nouvelles, mais pas pour des agrandissements.

M. Pinard: Ah, des agrandissements, oui. Autour de $150 000 à $175 000.

M. Hamilton: C'est intéressant ici d'attirer votre attention sur les politiques de Domtar dans le domaine du papier journal dans le passé. Nous avons décidé, en 1962, que notre usine à Trois-Rivières n'était pas rentable et que nous avions besoin de capitaux à nos usines de Donnacona et Dolbeau. C'est pourquoi nous avons vendu cette usine pour récupérer les fonds de roulement et pour obtenir le prix d'achat pour investir à Donnacona et à Dolbeau. C'était une décision basée sur les tendances que nous avons vues durant l'année 1972. C'était l'impact de l'inflation et du manque de rentabilité des usines et de l'industrie du papier journal.

M. Bérubé: Dans un autre ordre d'idées, pour aborder le problème de la commercialisation, je pense que vous soulignez que, dans le domaine des papiers fins en particulier, la concurrence est extrêmement difficile et, comme il existe déjà des tarifs protectionnistes pour la production canadienne dans ce secteur, le fait que vous ayez de la difficulté à concurrencer les Américains sur notre propre marché ici indique donc que vous êtes difficilement concurrentiels.

La question que j'aimerais vous voir expliciter un peu porte sur les avantages qu'il pourrait y avoir à une certaine rationalisation de la mise en marché. On me dit, et je ne peux malheureusement pas le vérifier, qu'il existe tout près de 300 types différents de papier fin mis sur le marché — donc, il y a une gamme étendue de produits — que les lignes de production de nos industries sont toujours des lignes très courtes, étant donné le très grand nombre de produits que l'on cherche à fournir et que, par conséquent, la productivité dans ces usines est lamentable. Est-ce qu'il n'y aurait pas avantage à regarder du côté d'une vente en commun, d'une régie de mise en marché ou d'un consortium de vente ou d'une société spécialisée dans la vente qui permettrait, par exemple, à Domtar, de se spécialiser dans quelque ligne et, à ce moment-là, d'être véritablement concurrentiel, sinon d'aller vendre sur le marché américain, au moins de conserver le marché canadien?

Quelle est votre opinion là-dessus, sur cette difficulté que l'industrie semble rencontrer dans le domaine des papiers fins qui fait que, sans les tarifs — et ces tarifs sont remis en cause par les négociations présentement — vous ne puissiez carrément survivre?

M. Hamilton: Sous les lois fédérales qui existent, ce n'est pas possible de faire une telle rationalisation. Il y a cinq ou six ans, nous avons étudié ce problème de papier couché d'autre qualité. Il y avait trois producteurs du Canada, avec une capacité d'environ 65 000 à 70 000 tonnes par an, pour un marché d'environ 40 000 à 45 000 tonnes par an. L'idée est d'organiser la production, de sorte que les trois vendeurs de cette gamme de produit, le papier couché, auraient toute leur production

en provenance de seulement deux usines. C'était une très bonne idée, mais nous avons eu des rencontres avec les gendarmes d'Ottawa et après, ils ont refusé de donner leur accord à un tel argument.

C'est possible que, si le projet de loi reste maintenant — actuellement il a été retiré pour la troisième fois, je crois —...II y a un projet de loi qui, dans les trois premiers brouillons, a indiqué un adoucissement de la part du ministère fédéral de la Justice pour que nous puissions faire un tel arrangement.

Mais sous la loi qui existe en ce moment, ce n'est pas possible. Cela a été examiné en profondeur, je peux vous l'assurer.

M. Sérubé: Remarquez bien que dans le cas du projet de loi fédéral, peut-être; on pourrait peut-être envisager, au niveau du Québec, une rationalisation. Je me demande dans quelle mesure cela serait justement possible, en vertu de la Constitution. Nos collègues du Parti libéral ont sans doute leur idée là-dessus et nous aurons les nôtres.

J'aimerais reprendre une autre question reliée au problème de votre usine de Lebel-sur-Quévillon. Vous soulignez, dans votre mémoire, la difficulté de recruter de la main-d'oeuvre à Lebel-sur-Quévillon et vous observez, en particulier, que la rentabilité de ces investissements a nécessité passablement d'attention de votre part. Vous soulignez même un programme d'investissement. Je suppose donc que le problème n'est pas résolu.

Ceci souligne donc peut-être le problème des exploitations en forêt, à très grande distance des centres et la difficulté de recruter de la main-d'oeuvre. La question à laquelle j'aimerais vous voir répondre est la suivante: Dans la mesure où, dans la région d'East Angus et de Windsor, s'il existait une matière ligneuse disponible, n'y aurait pas justement beaucoup plus d'avantages a tenter de consolider une industrie des pâtes et papiers à proximité des centres qui, sans doute, n'ont pas les problèmes de main-d'oeuvre que l'on peut avoir à Lebel-sur-Quévillon? Et, de cette façon, vous augmenteriez la rentabilité des opérations. En d'autres termes, n'y a-t-il pas avantage à opérer dans la région des Cantons de l'Est?

M. Hamilton: II y a beaucoup d'avantages à faire opérer les usines dans les Cantons de l'Est, c'est vrai. Il y a d'autres facteurs que la disponibilité du bois résineux. Il faut avoir un marché. Il faut avoir une provenance du bois résineux assez grosse, assez grande, pour qu'on puisse prendre avantage de l'économie de l'échelle. M. Fleming peut en discuter en profondeur, mais je suis informé qu'en ce moment, il n'y a qu'une quantité de bois résineux dans les Cantons de l'Est, disponible pour les usines d'East Angus et de Windsor, pour une production de pâtes d'environ 90 000 tonnes à 100 000 tonnes par an.

Ce n'est pas une capacité d'usine assez grande maintenant, pour réduire les coûts de transformation. Il faut avoir une installation beau- coup plus grande que cela. Mais ce sont les faits. Votre ministère, je crois, est bien au courant de la disponibilité du bois. C'est mon information en ce moment.

L'autre question des lignes de produit, la question du marché, etc., avant de prendre la décision si on doit établir une nouvelle usine dans les Cantons de l'Est... C'est une question très complexe.

M. Bérubé: Vous soulignez qu'à votre usine de Lebel-sur-Quévillon, vous avez des problèmes d'approvisionnement. Vous faites un cas important des problèmes d'approvisionnement en copeaux venant des scieries puisque vous dites qu'on surexploite déjà la forêt. Dans votre rapport, vous soulignez également que vous-même avez construit une scierie à Lebel-sur-Quévillon pour approvisionner votre usine. Excusez-moi, j'ai volé la question de quelqu'un d'autre.

M. Hamilton: Une réponse... D'une pierre, deux coups.

M. Bérubé: Pourriez-vous m'expliquer si, du fait qu'il y a un surplus de copeaux dans la région et que vous prévoyez avoir des problèmes d'approvisionnement, il n'y aurait pas eu avantage à intégrer vos opérations en signant des contrats d'approvisionnement en copeaux à long terme plutôt que de construire votre propre scierie.

M. Hamilton: J'essaierai de répondre à votre question, M. le ministre. C'est encore une question très complexe. Il faut revenir à l'année 1964, quand on a pris la décision d'établir une usine de pâte à Quévillon. La société Domtar a considéré cette option et a décidé de procéder. Elle a aussi décidé d'établir quelque chose de nouveau à Quévillon. Son idée était d'établir une ville située au centre des limites dans laquelle pourraient demeurer les hommes travaillant à l'usine et les hommes travaillant dans la forêt, avec l'intention que tous les hommes travaillant dans la forêt aient la possibilité d'utiliser les facilités d'enseignement, tout à fait parallèlement aux enfants des hommes travaillant à l'usine. Je crois que c'était une expérience sociale aux intentions impeccables. Ce qui est arrivé, c'est que, après l'installation de l'usine, il y a eu l'installation de beaucoup d'autres scieries. Il y a eu des pressions de la part d'institutions non nommées afin que la société Domtar réduise son exploitation forestière de telle sorte qu'elle puisse acheter les copeaux des scieries. Cela a eu pour effet de réduire notre exploitation forestière et nous avons subi une perte considérable de capital que nous avions investi, non seulement dans nos opérations forestières, mais aussi dans les facilités de la ville pour les hommes qui travaillaient dans la forêt. On a subi des pressions au sujet du prix et le résultat a finalement été un pipe-line pour le transport des fibres à l'usine de Quévillon très complexe et sans avantage du tout pour Domtar, peut-être avantageux pour les scieries, mais pas avantageux pour Domtar. On ne pouvait rien faire

d'autre que d'accepter ces pressions. Nous avons subi d'autres pressions dans le but d'augmenter, en même temps qu'on nous demandait de prendre plus de copeaux des scieries, la production du bois de nos concessions forestières. C'est pourquoi nous avons installé une scierie de 2 X 4, seulement pour augmenter la production du bois de nos concessions forestières, avec l'idée que nous pourrions les protéger. C'est peut-être une décision mal prise, mais c'est pourquoi nous l'avons prise.

M. Bérubé: On a souligné, en particulier le comité ad hoc et certains représentants syndiqués, qu'un des problèmes qui se posent à l'industrie présentement dans ses relations avec les syndicats, en particulier, c'est la très grande difficulté pour les travailleurs de savoir vraiment la situation financière de l'entreprise avec laquelle ils négocient. Ces raisons sont sans doute personnelles aux entreprises, mais, généralement, elles tiennent du désir de garder cette information confidentielle dans le but de protéger une certaine compétitivité de l'entreprise. Les dirigeants des entreprises n'aiment pas voir des bilans financiers, des analyses trop détaillées de la rentabilité de ces entreprises circuler particulièrement, peut-être, entre les mains du syndicat. Néanmoins, il pourrait se produire que le fait d'avoir ce renseignement permettrait, dans l'esprit où vous l'avez souligné précédemment, de mesurer l'importance que l'on ait une certaine initiation à l'économique et que la population en général soit consciente des problèmes de la rentabilité économique des entreprises. Est-ce qu'il n'y aurait pas justement, compte tenu de cela, avantage à ce que vous ouvriez plus librement peut-être les livres aux dirigeants syndicaux de votre entreprise de telle sorte que travailleurs et patrons aient une meilleure idée de la situation financière de l'entreprise, de telle sorte aussi que les négociations se fassent en toute connaissance de cause dans un certain climat de confiance. Comment voyez-vous ce type d'interre-lation entre syndicat et industrie?

M. Hamilton: Je n'ai pas du tout d'argument. C'est très évident que les syndiqués et les autres intéressés veulent savoir en détail la situation financière d'entreprises comme Domtar. Nous avons déjà pris la décision de publier en détail le résultat de nos opérations dans chaque usine. Ces chiffres ne sont pas encore publics. Il y a une raison à cela. C'était très évident, quand nous avons pris cette décision et quand nous avons examiné comment on peut le faire d'une façon efficace, que la plupart de nos cadres n'avaient pas encore une appréciation des chiffres. Avant d'informer tout le monde, on doit avoir la politesse de renseigner nos cadres, de les informer de la situation et aussi de la définition des termes un peu complexes. C'est pourquoi on n'a pas encore publié ces chiffres, mais la première étape sera franchie avant la fin de ce mois, car dans le cas d'East Angus, nous nous sommes engagés à dévoiler la situation la performance de cette usine avec tous les hommes qui travaillent dans l'usine. Ce sera un échantillon, si vous voulez, des politiques de notre société pour l'avenir.

M. Bérubé: C'est passablement intéressant. Je dois vous avouer que cette remarque tranche passablement avec la réaction d'autres entreprises.

M. Pagé: C'est pas mal différent.

M. Hamilton: C'est une autre remarque...

M. Bérubé: Ecoutez, je pense que j'ai passablement épuisé l'ensemble des questions que je voulais poser. Je vais donner l'occasion à d'autres de vous interroger. Je vous remercie infiniment, monsieur.

M. Hamilton: Merci, M. le ministre.

Le Président (M!. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Hamilton, je vous remercie, ainsi que le groupe Domtar, du document que vous produisez cet après-midi devant nous.

M. Hamilton: C'est difficile de vous entendre. Est-ce qu'on peut parler à plus haute voix, s'il vous plaît?

M. Pagé: Je suis pénalisé, vous savez. Je suis petit et j'ai des gens qui sont corpulents à côté de moi. Je vais parler plus fort.

M. le Président, je vous remercie. M. Hamilton, je vous remercie de votre mémoire, du document que vous déposez cet après-midi. Le seul regret que j'ai, c'est qu'on n'ait pas pu y consacrer plus de temps, parce qu'il est très étoffé. J'ai remarqué plusieurs choses. A la page 4 de votre mémoire, vous faites état que les nouvelles usines ont été pourvues des techniques et des machines les plus avancées sur le plan de l'exploitation à l'échelle internationale, ce qui a eu pour résultat d'entraîner un accroissement de la productivité de la main-d'oeuvre, et ce, à des coûts inférieurs d'exploitation. Nos usines se sont modernisées et je pense que toutes les entreprises ont été unanimes à dire que la productivité, pendant ces années, a augmenté et de beaucoup.

M. Hamilton: Nos usines?

M. Pagé: Oui. A la page 4 de votre mémoire, vous faites état de l'accroissement de la productivité de la main-d'oeuvre à des coûts inférieurs d'exploitation. On parle en termes de productivité, homme-heure-produit. Par rapport à il y a vingt ans, c'est certain que la production est meilleure, mais, par contre, vous avez eu une augmentation très sensible au niveau des coûts de production, de sorte que le problème existe aujourd'hui. Tout le monde convient que le Canada est dans une position précaire sur le marché international au chapitre de la concurrence.

A plusieurs reprises, lorsqu'on invoque cette augmentation des coûts de production, on cite évidemment le coût du bois; on fait état de toute cette question du transport; on fait état du Kennedy Round. Vous faites état, dans votre mémoire, des impôts qui sont quand même assez appréciables, car ils sont de quelque $108 millions, si ma mémoire est fidèle — vous pourrez me corriger — pour les cinq dernières années. Evidemment, on fait état de la main-d'oeuvre. J'aimerais que vous me disiez si vous avez les chiffes sur l'augmentation du coût de la main-d'oeuvre en termes de pourcentage, au cours des cinq dernières années.

M. Hamilton: Pour nos usines en particulier?

M. Pagé: Oui. Deuxièmement, vous comparez le revenu payé dans les usines du Québec avec celui des usines américaines. J'aimerais que vous me fassiez part de vos sources d'information, parce que vous avez certainement dû constater qu'on a des arguments contraires provenant de l'industrie, qui allègue que le salaire moyen payé au Québec est plus élevé que celui payé dans certaines usines américaines. On a eu des allégations contradictoires, contraires, dans le cas de la CSN, qui est arrivée avec des chiffres et des statistiques alléguant que le taux de salaire payé au Québec est facilement comparable à celui payé dans d'autres Etats américains.

M. Hamilton: C'était seulement dans l'Etat du Vermont... c'était leur comparaison.

M. Pagé: Des différences très minimes avec d'autres Etats.

M. Hamilton: C'est une situation tout à fait différente si on fait des comparaisons. Comme vous le comprenez bien, j'en suis sûr, quand on fait usage de chiffres et de comparaisons, on peut généraliser. Dans une généralisation, il y a une gamme de chiffres. On peut dire qu'au Canada, en général, le niveau des salaires est celui-ci et que aux Etats-Unis, il est celui-là. Il y a une gamme de salaires au Canada, d'ici à ici et aux Etats-Unis, il y a une gamme de salaires entre ici et ici. On peut trouver au Canada des situations où les salaires sont plus élevés dans une usine en particulier que dans une autre mais, en général, les chiffres disponibles de la part de Statistique Canada et du service de la main-d'oeuvre des Etats-Unis indiquent qu'il y a un décalage entre le salaire moyen payé aux Etats-Unis, et le salaire moyen payé au Canada, celui-ci en faveur des Etats-Unis. On peut trouver aux Etats-Unis une usine qui paie plus qu'une autre usine au Canada, mais il faut examiner la gamme de produits particuliers à chaque usine. Si on veut parler du papier journal qui n'est pas fabriqué dans l'Etat du Vermont, je suis d'accord qu'en général, le niveau des salaires au Canada est beaucoup plus élevé que le niveau des salaires aux Etats-Unis.

M. Pagé: Oui.

M. Hamilton: On peut discuter si c'est 12%, 14% ou 15% ou 18%, mais c'est appréciable.

M. Pagé: Je comprends que c'est très discutable et vous allez aussi comprendre qu'il nous est très difficile de prendre position sur les affirmations qui sont faites, car, somme toute, on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres. Je comprends que si on veut comparer ce qu'il en coûte au Canada par rapport aux Etats-Unis, il faut comparer la même chose et ne pas regarder seulement le salaire brut qui est payé, mais également les avantages sociaux, etc.

J'espère qu'à la lumière des travaux de cette commission, où on a fait état à plusieurs reprises depuis le début, de toute cette question du taux de salaire, le gouvernement, par le biais du ministère des Terres et Forêts, en collaboration avec d'autres ministères, pourra affecter des fonctionnaires du ministère ou du gouvernement pour étudier vraiment cette question afin qu'on en arrive, une fois pour toutes — je pense que ce serait autant utile au gouvernement qu'aux parlementaires, qu'au milieu patronal et qu'au milieu syndical — je pense que c'est possible — à savoir exactement ce qui en est de la comparaison des salaires, sur une base comparable.

Il y a une autre question, celle du pourcentage d'augmentation des salaires payés dans vos usines depuis cinq ans.

M. Hamilton: Nous avons cette information et on peut la fournir à la commission. Elle n'est pas disponible à ce moment-ci, mais on peut s'organiser pour vous la donner.

M. Pagé: D'accord. Vous allez la fournir à la commission?

M. Hamilton: Toutes les questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre, j'estime que nous avons l'obligation d'obtenir l'information pour la donner à la commission.

M. Pagé: D'accord, merci.

On a évidemment fait état à plusieurs reprises pendant les travaux de cette commission de cette importante question des relations patronales-ouvrières. M. le ministre, tantôt, a touché un aspect qui m'intéresse particulièrement, sur lequel je me proposais d'intervenir.

Tout le monde souhaite de meilleures relations de travail, tout le monde est unanime à formuler le voeu que les parties patronales puissent davantage comprendre le problème des ouvriers. Les syndicats souhaitent, eux, que les entreprises soient davantage ouvertes à l'égard des syndicats en ce qui a trait à l'information de toute nature, et M. le ministre faisait référence tout à l'heure à la possibilité de divulgation de vos profits auprès de vos syndicats. Je sais que depuis les conflits ouvriers que l'industrie des pâtes et papiers a connus, il y a quelques années, un comité permanent a été créé, regroupant six producteurs importants de papier journal au Québec.

D'ailleurs, la Quebec North Shore qui aura à comparaître ce soir — j'espère qu'on aura le temps

de l'entendre — fait état de ce comité dans le mémoire qu'elle présentera ce soir. Ce comité a comme objectif d'étudier les moyens pour améliorer les relations du travail et les méthodes de négociation des conventions collectives.

J'aimerais savoir si le groupe Domtar participe à ce comité de travail.

M. Hamilton: Oui, nous y avons participé depuis le commencement de ces efforts pour améliorer les relations du travail.

M. Pagé: D'accord. Vous pourrez confirmer ou infirmer l'information que j'ai eue selon laquelle vous vous seriez particulièrement penchés, à l'intérieur de ce comité, sur la possibilité que les compagnies puissent vraiment s'associer les syndicats, par le biais de l'information qu'elles pourraient éventuellement leur donner, dans la prise de conscience du problème que vous connaissez actuellement.

J'aimerais être informé de ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Quelles sont les perspectives que vous analysez et que vous étudiez pour que le milieu syndical puisse être non seulement pleinement conscient du problème que vous connaissez, mais puisse s'y associer?

M. Hamilton: J'aimerais répondre à cette question, M. le député. Franchement, j'aimerais mieux répondre avec un représentant du syndicat impliqué ici présent, parce que c'est une fleur très fragile que nous essayons de faire pousser et je ne veux pas dire quelque chose qui ait un impact contraire sur ces relations. Je préférerais répondre à la commission, si vous voulez, avec un représentant du syndicat impliqué ici présent, pour que nous puissions vous informer précisément de la situation. Il faut comprendre que je suis tout à fait au courant de ces positions, de ces négociations, de ces démarches et je ne veux pas "rock the boat". C'est quelque chose auquel tout le monde est très sensibilisé.

J'essaierai de répondre à votre question, mais j'aimerais beaucoup que vous la retiriez et la reposiez quand j'aurai un représentant, de sorte que nous pourrons répondre ensemble.

M. Pagé: D'accord.

M. Hamilton: Vous pourrez apprécier pourquoi je fais cela.

M. Pagé: Je comprends que c'est assez précaire et je comprends aussi que la fleur est peut-être fragile et qu'on ne vient pas de la couper parce qu'elle est peut-être...

M. Hamilton: Cela pousse lentement, mais nous avançons.

M. Pagé: D'accord. Je comprends votre position là-dessus. Il ne faudrait quand même pas que des questions posées ici nuisent au travail positif de ce comité, mais je vous encourage à continuer et à explorer le plus loin possible les avenues et les moyens qui pourraient permettre une collaboration étroite et une association vraiment efficace entre le milieu patronal et le milieu syndical sur les objectifs à atteindre.

M. Hamilton: Vous me permettrez de disserter un peu sur un point de votre question. Vous avez toujours mentionné les mots profit et rentabilité; que nous informions le public de la rentabilité. C'est plus que cela et c'est ce que nous avons essayé d'accentuer dans notre soumission et dans nos remarques. Ce n'est pas seulement une question de rentabilité. La rentabilité est un terme de comptabilité, un terme très technique. La chose importante est très simple. C'est une question mathématique très simple. Ce que nous dépensons, il faut le recevoir, à long terme. C'est la même chose pour une famille, c'est la même chose pour une entreprise. Ce n'est pas une question de rentabilité pour une période de douze mois. Nous sommes mesurés par les agents de fiscalité, nous sommes mesurés par la bourse sur une période comme celle-là. Mais la performance d'une entreprise comme Domtar exige qu'on ait un revenu aussi élevé que nos dépenses sur une période de dix ans peut-être, mais au moins dix ans. C'est pourquoi je veux revenir à la question de rentabilité. C'est quelque chose qui est fixé dans l'esprit du public, la rentabilité de quelque chose. Ce n'est pas cela. C'est l'équilibre entre les dépenses et les revenus sur une période à long terme, c'est cela qui est important et c'est la difficulté de l'industrie des pâtes et papiers en ce moment. C'est le manque d'équilibre. Si vous examinez nos chiffres dans notre rapport annuel, vous pourrez remarquer qu'avant d'emprunter environ $100 millions, nous avions une perte en caisse, pour une période de trois mois, d'environ $90 millions. C'est le problème.

M. Pagé: Pas de remarque là-dessus. Toujours sur la question des relations patronales-ouvrières, est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure, lorsque le ministre a fait état que d'ici la fin du mois, à East Angus, vous seriez en mesure de rendre publics tous les chiffres faisant foi du tableau financier de l'usine là-bas?

M. Hamilton: Nous avons l'intention d'informer nos employés. C'est la même chose que les rendre publics, je crois.

M. Pagé: Je présume. Mais cela amène une question. Si vous avez l'intention de les rendre publics ou de les fournir à vos employés, je présume que vous seriez disposé à relever le ministre de son obligation de confidentialité à votre égard?

M. Hamilton: La confidentialité de quels documents?

M. Pagé: Des informations ou des dossiers que le ministre a actuellement. Parce que tout à l'heure, le ministre, à une question que je lui avais

préalablement posée, lorsque le comité ad hoc est intervenu ce matin...

M. Hamilton: C'est très difficile pour moi...

M. Bérubé: Excusez-moi, M. Hamilton, dans le cas présent je pense que je ne tiens pas à être relevé de la confidentialité. Je pense que si l'entreprise veut déposer les chiffres, elle est libre et quant à moi, je tiens à garder la réputation de fiabilité que j'ai et je ne tiens pas à ce que sous les pressions politiques de quelque parti que ce soit, on puisse amener quelqu'un à vouloir me forcer à me relever.

M. Pagé: Ce ne sont pas des pressions politiques. Personne n'a fait de politique depuis le début et on commence à en faire. Si vous voulez qu'on en fasse, vous allez constater que cela peut se faire à deux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Pagé: A la page 18 de votre mémoire...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: C'est vrai, parce qu'on n'a pas fait, M. le Président, de politique jusqu'à maintenant. Cela va bien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Pagé: II ne faudrait pas commencer à se chicaner aujourd'hui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Pagé: Continuons. A la page 18, vous dites: "Si le gouvernement force des investissements injustifiables du point de vue économique dans des usines de pâtes et papiers, il en résultera un gaspillage de ressources financières, matérielles et humaines qui pourraient être utilisées ailleurs de façon plus efficace." D'ailleurs, vous faisiez état tantôt que la solution n'était pas nécessairement dans le fait de se lancer dans la modernisation etc. D'ailleurs, vous en faites état à la page 6, lorsque vous parlez de la surcapacité de production actuelle avec les équipements que nous avons. Qu'est-ce qui est interprété, par le groupe Domtar, comme étant possiblement des investissements injustifiables?

M. Hamilton: Quelle est la question?

M. Pagé: Page 18, vous parlez d'investissements injustifiables.

M. Hamilton: Oui. M. Pagé: Pardon?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Voulez-vous reposer la question, M. le député de Portneuf, s'il vous plaît?

M. Pagé: A la page 18 de votre mémoire, vous parlez d'investissements injustifiables.

M. Hamilton: Oui.

M. Pagé: Et je m'en réfère à votre propos de la page 6, lorsque vous dites que la surcapacité de production actuelle, dans l'industrie des pâtes et papiers, surtout les stocks élevés de pâte commerciale, etc., je présume que vos usines au Québec, actuellement, peuvent faire face à la demande. Tout à l'heure, dans l'échange que vous avez eu avec M. le ministre, vous en avez fait état et vous avez tenu compte de projets éventuels de modernisation au niveau des solutions. Vous parlez d'investissements injustifiables. Que voudraient dire "des investissements injustifiables" dans le contexte actuel?

M. Hamilton: Qui ne sont pas justifiés par l'état du marché, par la rentabilité, par la disponibilité du bois, par la disponibilité d'une technologie. Il y a beaucoup de modalités que l'on doit prendre en considération avant de prendre une décision d'investir. J'aime beaucoup vous référer à notre discussion sur une décision, le processus de la prise de décision d'une entreprise.

C'est cela qui est, je crois... Peut-être que cela pourrait répondre à votre question et indiquer le processus nécessaire, les facteurs qu'il faut identifier, les décisions qu'il faut prendre avant de faire un investissement. Notre point de vue est pour n'importe quelle raison, pour les raisons non valables. On est forcé d'investir nos ressources financières dans une telle situation, cela sera, si elles sont injustifiables par définition, un gaspillage des ressources financières. Je ne sais pas si j'ai bien compris le sens de votre question. Peut-être que ma réponse n'est pas appropriée.

M. Pagé: Dans le contexte du problème que tout le monde rencontre actuellement, les coûts de productions étant tels qu'on n'est pas concurrent sur le marché international, les groupes qui sont intervenus devant nous ont formulé plusieurs recommandations, que ce soit dans certains cas de l'intervention de l'Etat par la prise en charge de certaines entreprises, que ce soit des assouplissements fiscaux, que ce soit l'intervention de l'Etat au niveau du coût du bois ou de la gestion des forêts, etc., il y a toute une gamme de recommandations qui ont été formulées ici. A la lueur de l'expérience que vous avez, quelles seraient les actions immédiates? D'abord, est-ce que vous favorisez une intervention gouvernementale ou si vous croyez que l'industrie à elle seule peut passer à travers ce problème-là, abstraction faite des actions gouvernementales relatives aux relations du travail?

M. Hamilton: Nous avons maintenant beaucoup d'interventions gouvernementales. Ce n'est pas quelque chose de nouveau.

M. Pagé: D'accord, mais je parle d'intervention gouvernementale — je veux bien qu'on se comprenne — en termes d'investissements, en termes de prise en charge de capital-actions de certaines entreprises où cela ne va pas bien. Je parle d'interventions de cette nature-là. Parce que cela va de soi que le gouvernement intervient dans vos affaires comme dans les affaires de tout le monde.

M. Hamilton: Nous acceptons que le gouvernement doive intervenir dans l'économie de l'Etat et plus particulièrement dans une industrie, ou dans la globalité des industries. Nos idées, nos opinions, sont que si, le gouvernement veut intervenir, il doit intervenir d'une façon générale, pour que toutes les unités d'une industrie puissent regarder l'intervention du gouvernement et prendre leurs décisions.

Nous rejetons l'idée que le gouvernement doive intervenir spécifiquement dans telle ou telle usine. Si le gouvernement veut arrêter tous les investissements de la part des industries des pâtes et papiers, il n'a qu'à commencer à faire les démarches spécifiques dans une usine de papier journal, une usine de papier fin, une autre usine de papier kraft, parce que l'industrie ne veut pas faire concurrence au gouvernement. On ne serait pas capable.

M. Pagé: Qu'est-ce que vous favorisez comme mesure éventuelle?

M. Hamilton: C'est une question d'établir un environnement favorable pour l'industrie, qui...

M. Pagé: Et vous favorisez des mesures...

M. Hamilton: Favoriser... Et toutes les mesures sont disponibles pour tout le monde. Dans un tel environnement, si le gouvernement peut réussir à établir un tel environnement favorable à l'industrie, on aura des décisions positives de la part de l'industrie. Mais les décisions spécifiques doivent ralentir pour ne pas empêcher l'investissement de la part de l'industrie.

M. Pagé: D'accord. Deux brèves questions pour terminer. Vous faites état, dans votre mémoire, qu'au cours des cinq dernières années, $88 millions ont été retournés aux actionnaires. C'est le cas?

M. Hamilton: Probablement que oui.

M. Pagé: Cela implique quel rendement, en termes de pourcentage, sur les actions?

M. Hamilton: Les bénéfices non répartis, l'équité de l'actionnaire, je le rappelle, c'est d'environ $345 millions, je crois. Le rapport était environ 4,5% ou 4%. 3,8% peut-être. C'est le rendement sur l'équité des actionnaires que vous voulez établir.

M. Pagé: Et c'est?

M. Hamilton: 3%. Environ 3%. M. Pagé: Merci.

M. Hamilton: C'est avant l'impôt pour les actionnaires.

M. Pagé: En plus. Vous me permettrez une dernière question, M. Hamilton. Vous savez que je représente le comté de Portneuf où vous avez des...

M. Hamilton: Je m'excuse, monsieur. C'est 5,8%; un rendement annuel de 5,8% de la valeur de l'investissement des actionnaires, avant l'impôt.

M. Pagé: Je vous remercie. Une dernière question. Vous savez que je suis député de Portneuf. Vous avez des installations dans Portneuf. C'est apprécié non seulement par la collectivité, mais aussi par le député. On a eu des problèmes. Quand je dis qu'on a eu des problèmes, c'est... Vous en avez eu des problèmes, les travailleurs en ont eu, vous venez de vivre un conflit qui a été très douloureux pour tous ceux qui ont eu à subir cette grève très longue de sept ou huit mois.

Je m'étais promis de vous poser cette question: Quel est le portrait financier de l'usine Dom-tar à Donnacona?

M. Hamilton: En détail?

M. Pagé: Comment ça va à Donnacona?

M. Hamilton: Pardon?

M. Pagé: Comment ça va à Donnacona? Est-ce que cela va bien? Les perspectives d'avenir sont-elles encourageantes?

M. Hamilton: Maintenant? Aujourd'hui?

M. Pagé: Oui. Et les perspectives d'avenir. Je suis d'accord que pour certains, le ciel dans l'avenir était bleu, mais je voudrais savoir si c'est le cas pour vous autres, à Donnacona.

M. Pinard: Depuis le départ de l'usine de Donnacona, il y a eu des difficultés de mise en marche. Le bois avait vieilli considérablement durant ces huit mois, et nous en subissons encore les conséquences. Alors, dans les premiers mois d'activité, nous avons eu des pertes d'encaisse très considérables, peu importe la façon dont on les regarde. Nous arrivons actuellement à peu près au point de "break even", mais nous avons été touchés très fortement au point de vue du marché. Nous avions consacré énormément d'efforts à Donnacona pour développer de nouveaux produits et, durant cette période, nous avons perdu certainement 20% du marché. Heureusement, actuellement, les éditeurs américains augmentent leur consommation de papier journal pour augmenter leur inventaire saisonnier et cela nous a permis d'avoir, jusqu'à ce jour, seulement une fermeture de dix jours. Mais, sur les comman-

des qui devraient aller normalement à Donnacona, sur son dû à elle dans le marché, nous avons des commandes pour fonctionner seulement à 75% de la capacité. C'est la plus grosse difficulté à laquelle une compagnie doit faire face, surtout quand elle s'empare d'un nouveau marché, la développe et qu'elle est absente pendant huit mois. On a des concurrents qui ont pris avantage de la situation, parce que, durant cette période, beaucoup d'usines fonctionnaient au ralenti. Alors, nous avons une dure courbe à remonter. Ces facteurs, j'ai eu l'occasion d'en discuter personnellement avec le personnel local, incluant l'exécutif syndical, et j'ai été très heureux de la coopération de part et d'autre. L'atmosphère est réellement très bonne actuellement. L'effort des travailleurs est très bon, et les choses vont en s'améliorant, mais nous avons énormément de travail à faire au point de vue de l'amélioration de l'efficacité de l'usine, de la qualité du produit et d'un regain du marché. C'est une chose très diffile de regagner un marché dans un tel environnement. C'est toujours la chose qui est très difficile à mettre en relief et à compter lors d'un gros conflit comme cela. Ce sont des dommages à long terme. Nous travaillons à résoudre les problèmes. Mais il y a progrès très appréciable.

M. Pagé: Merci, messieurs!

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, à entendre les questions du ministre tout à l'heure et les réponses de la compagnie, j'ai l'impression qu'il y a une "game" qui s'est jouée quelque part et on n'avait pas de billets pour y assister.

Je pense qu'il y a un bout de chemin de fait, un bout de chemin vraiment intéressant et, loin de mettre l'intégrité du ministre en jeu, je pense qu'il a fait un bon boulot — cela me donne cette impression — dans ce dossier, et les réponses que vous avez fournies au ministre nous donnent de l'espoir. Mais je voudrais bien que cet espoir ne se traduise pas uniquement dans des termes... Je voudrais qu'on précise, s'il y avait lieu, dans un court délai... On l'a mentionné ce matin. Je ne sais pas si vous avez eu l'avantage d'entendre les gens de la région qui ont témoigné ici, ce matin, mais j'aimerais qu'on rassure ces gens. Vous vous êtes donné, pour la production des documents, d'ici à la fin du mois. On voit des commentaires qui sont donnés par votre gérant à East Angus, commentaires assez récents puisqu'ils datent du 27 septembre, qui donnent de l'espoir à East Angus.

Vous venez de répondre au ministre et de nous dire que vous n'aviez pas d'objection, en attendant une négociation plus profonde, d'une part gouvernementale dans votre usine, pour le cas qui nous intéresse à East Angus; à condition de négocier pas mal de choses. Cela reste quand même des termes assez larges qu'on ne précisera pas à la table aujourd'hui.

Ce n'est pas mon intention de blâmer qui que ce soit et les quelques questions que j'ai à poser tenteront de faire de la lumière parce qu'à partir de ce soir, sera laissé à ces représentants de chez vous, c'est-à-dire le comité ah hoc, le soin de continuer à avoir de l'information. Comme on l'a fait aujourd'hui, sans doute ce comité jouera un rôle des plus importants une fois la journée terminée, étant assuré maintenant qu'il aura une excellente collaboration — qui d'ailleurs n'a pas manqué — mais une collaboration plus vigilante de la part du gouvernement et même de la compagnie. Je voudrais vous inciter à avoir une collaboration étroite avec ces gens. La ville d'East Angus a fourni un rapport on ne peut plus mesuré et répondant exactement à la demande de la population.

Vous avez tenté d'aborder une définition de votre rôle social tout à l'heure. Bien sûr que ce n'est pas d'exploiter une compagnie avec perte à East Angus. Je pense que ce n'est pas cela que le comité demande et ce n'est pas cela que personne veut non plus. Je l'ai signalé cet avant-midi, votre compagnie n'est pas une communauté de dames de Sainte-Anne; vous êtes là pour faire de l'argent, et le jour où il ne se fera pas d'argent, vous n'aurez plus votre raison d'être à East Angus. Mais les chiffres que vous venez de nous fournir, la partie qui nous a été fournie le 29 juillet et les chiffres que vous venez de confirmer en réponse à des questions posées par le député de Portneuf et le ministre, témoignent que c'est encore viable. Je pense que le rôle social que vous avez à jouer à East Angus... On ne vous demandera pas de travailler à perte, la compagnie ne pourra pas faire cela, mais je pense que dans le contexte actuel, vous réalisez que vous êtes les seuls ou à peu près les seuls à tenir la ville d'East Angus en haleine. A partir de là, votre investissement à East Angus est plus important que peut-être dans toute autre ville, au moins dans notre province.

Si vous m'affirmez que cette industrie d'East Angus est encore rentable — je ne parle pas de donner des 6%, 7% ou 8%, mais si votre compagnie est encore rentable à East Angus, je pense que la définition de votre rôle social c'est que tant et aussi longtemps que votre compagnie à East Angus pourra produire sans être déficitaire, elle doit le faire; c'est ce que la population vous demande dans le moment; au moins à court terme. A long terme, les propos du ministre étaient tout à l'heure encourageants et vos réponses l'étaient tout autant.

Mais, j'aimerais vous demander; à court terme on a des déclarations de différentes sortes, on en a de M. Pelletier, votre gérant d'East Angus, qui sont fort encourageantes, et on voudrait savoir de vous ce que vous entendez faire en attendant ces éléments de solution puisque dans votre rapport vous nous dites que, si vous annoncez une fermeture, vous allez le faire avec six mois d'avis, alors qu'on a vu qu'il y a eu une fermeture d'annoncée. Avec les documents qui m'ont été fournis, j'ai pu constater que ce n'était pas avec six mois d'avis. Je pense que cette population qui a été un excellent serviteur depuis de nombreuses années...

C'est peut-être votre rôle social que de tenir l'exploitation tant et aussi longtemps qu'elle sera un peu rentable. Je sais que vous n'aurez pas le contrôle sur tous vos actionnaires, à savoir que le jour où cela ne rapportera que .5%, il n'y a pas beaucoup de gens qui voudront continuer à investir chez vous; mais je pense que c'est peut-être votre rôle de donner un mot d'ordre à savoir qu'à court terme vous avez une politique qui peut être rendue publique, peut-être même aujourd'hui. A long terme il y a une amorce de faite avec le ministre, qui pourra être rendue publique dans un mois ou deux. Je pense qu'on n'a plus le droit de tenir la population d'East Angus comme cela. C'est dur dans tous les secteurs. C'est pénible dans tous les secteurs et d'abord pour les travailleurs.

M. Hamilton, je voudrais vous demander ce qui nous attend à East Angus, à court terme?

M. Hamilton: Je ne suis pas un prophète. Les tendances en ce moment sont très bonnes. Nous sommes encouragés par les résultats, mais je veux établir fermement et clairement la position, de la société Domtar. Nous n'avons pas l'intention, nous n'avions pas le désir de fermer n'importe quelle usine. Ce n'est pas le désir de la part d'une société telle que Domtar, pas du tout. Le problème dans sa totalité a été démontré dans notre rapport annuel. Nous avons cette politique d'examiner chaque unité sur sa propre base. Il y a d'autres opérations de Domtar, eh Ontario, en Colombie-Britannique, etc., qui sont dans des situations très précaires.

Nous avons perdu tout espoir, pendant le mois d'avril, de faire marcher l'usine d'East Angus sans une perte d'encaisse. C'est pourquoi nous avons informé le public et le gouvernement que nous allions fermer l'usine parce que nous subissons une perte d'encaisse. Nous n'avons pas les ressources financières des autres sections de Domtar, des autres divisions de Domtar, pour subventionner ou pour soutenir une situation comme celle qui existe à East Angus. C'est pourquoi nous avons pris cette mesure.

Notre communication n'a peut-être pas été assez bonne, peut-être pourrait-on la refaire d'une façon plus positive, plus constructive, si on a l'occasion de la répéter. Je ne veux pas supposer que nous étions tout à fait parfaits, mais le fait est que nous ne pouvons pas subir une perte d'encaisse.

Nous avons informé le gouvernement de la situation. Il nous a demandé de continuer à faire fonctionner l'usine. Nous avons répondu que s'il désirait nous appuyer dans nos pertes, s'il voulait garantir ces pertes d'encaisse, d'accord, nous continuerions, mais le fait est que, après ces événements, il y a eu une meilleure appréciation, de la part du public et de nos employés qui travaillent à East Angus, des réalités de la vie du monde des affaires.

Nous avons maintenant une opération — je suis informé, cela marche très bien — les attitudes parmi les cadres, entre les cadres et les employés — j'en suis informé — sont assez bonnes. Les tendances sont très favorables.

Vous me posez la question: Quel est l'avenir à court terme? Je suis optimiste, mais nous n'avons pas les ressources pour subventionner East Angus. Si elle reste rentable, si les demandes pour les capitaux dans les fonds de roulement ne sont pas excessives, si les demandes pour les remplacements d'équipements, qui demandent du capital, ne sont pas excessives et si on peut continuer maintenant avec la marge qu'on a entre les revenus et les dépenses, on pourra continuer de faire fonctionner cette usine, mais cela dépendra des secteurs du marché, de l'économie, etc.

Ce n'est pas une bonne réponse. Je ne peux pas vous assurer que nous allons faire quelque chose. Notre position, c'est de réagir aux événements. Nous ferons notre possible pour continuer de faire fonctionner cette usine, mais c'est tout ce qu'on peut faire. On n'a pas les ressources financières pour la subventionner, pas du tout.

M. Grenier: La compagnie Price, qui était ici il y a quelques jours, nous a dit que ce n'était pas nécessairement un problème de vieillissement des industries ou de vétusté de la machinerie. Souven-tefois, ce n'est pas cela; c'est le marché, la rentabilité. Pourriez-vous me donner les trois raisons principales qui font qu'on a dû annoncer une fermeture à East Angus, les trois ou quatre raisons?

Il faut bien reconnaître que, dans la région, vous êtes assez bien servis en bois ou en copeaux, d'après tout ce qu'on a entendu d'un côté et de l'autre. Presque un tiers des ventes, si les chiffres sont vrais, se font sur la galerie de l'usine, ou à peu près, dix jours par mois. Du côté des employés, on tient le renseignement que les salaires ne dépassent pas la moyenne des employés de ce secteur. On apprend qu'ils sont gelés pour une certaine période. Alors, qu'est-ce qui pourrait permettre un bon fonctionnement, au moins, à court terme?

M. Hamilton: Peut-être peut-on répondre comme ceci: Les facteurs les plus importants sont, premièrement, le marché, la demande. Cela peut dépendre des actions de nos concurrents canadiens et de la concurrence américaine. C'est probablement le facteur majeur.

Deuxièmement, c'est la productivité de l'usine. C'est cela qui a été augmenté sensiblement à la suite des événements de l'été passé. Cette tendance est très bonne, mais c'est très important. Troisièmement — probablement est-ce associé actuellement à la productivité — c'est le niveau de qualité des produits fabriqués à East Angus. C'est très important, parce qu'elle a un effet majeur sur nos clients. Ce sont ces deux raisons.

Le troisième facteur, c'est le problème du capital. Cela peut dépendre du niveau des prix. Cela peut dépendre des demandes pour les remplacements d'équipements. S'il y a une très grande demande pour le capital, pour les fonds de roulement ou pour le remplacement d'une presse d'une machine à papier ou de n'importe quel équipement de l'usine, cela va nuire à l'avenir de cette usine. C'est la question des bénéfices qu'on peut

obtenir des opérations de cette usine. Si la marge est assez grande, on peut dépenser du capital.

Je regrette de ne pas être plus précis, mais c'est impossible de l'être plus. Il y a trop de facteurs dont je n'ai pas le contrôle, que la société Domtar ne peut pas contrôler. Est-ce que c'est adéquat pour vos...

M. Grenier: Oui, cela va. Maintenant, j'aimerais savoir, au sujet de la référence que je faisais ce matin, si vous maintenez toujours votre décision de ne pas investir, parce que ce livre — d'une excellente couleur, bleu — dit que ce n'est pas votre intention d'investir. Ce matin, j'ai posé la question au comité ad hoc, à savoir si ce n'était pas rentable d'investir à East Angus.

M. Hamilton: C'est une généralisation. Il y a six ans, Domtar a fait une grande étude concernant l'usine d'East Angus. Nous avons évalué les marchés, nous avons évalué les ressources en bois résineux. Nous avons évalué la technologie, tout l'équipement. Il y a eu une recommandation de la part de la gestion de notre division du papier kraft d'investir dans l'usine d'East Angus pour la moderniser et augmenter la production. Après avoir étudié en profondeur tous les facteurs, la décision, qui était ma décision, a été de ne pas investir cet argent à East Angus.

Est-ce que c'est une bonne décision pour les citoyens d'East Angus? Probablement non. Pour la société Domtar, c'est sans doute une très bonne décision. On peut regarder les chiffres d'affaires de Manitoba Forest Products, par exemple. Le problème, c'est que, pour les gammes de produits que nous avons considérés comme peut-être rentables, à East Angus, il n'y a pas un marché assez grand.

Et, plus particulièrement, nous attendions les négociations tarifaires de Tokyo. Elle n'étaient pas déjà commencées, mais on parlait de ces négociations comme un deuxième "Kennedy round". Ces négociations tarifaires auront un effet formidable sur l'avenir d'une telle usine, parce que ça va probablement diminuer la protection tarifaire ici, au Canada, de 50% à 60%. C'est la politique de tous les grands pays industrialisés. On peut en faire la remarque.

M. Grenier: Bon! Vous n'êtes pas surpris, j'imagine, qu'on vous questionne davantage sur East Angus que sur votre compagnie, puisque c'est le problème crucial...

M. Hamilton: Oui, monsieur, j'aime beaucoup répondre à ces questions. Si tout le monde accepte que ces questions s'appliquent à l'ensemble de l'industrie canadienne des pâtes et papiers. C'est un très bon échantillon du problème de l'industrie. C'est un microcosme du problème, et si les tendances continuent, les tendances qui sont bien établies, nous aurons sans doute beaucoup de répétitions de la situation d'East Angus. C'est pourquoi c'est très bon d'examiner tous les facteurs qui ont créé la situation à East Angus.

M. Grenier: Est-ce que je peux vous poser une question indiscrète, que vous allez sans doute nous rendre compte dans un mois? Est-ce qu'on peut dire qu'actuellement à East Angus, c'est encore rentable un peu? Ne le dites pas fort; on ne le dira pas.

M. Hamilton: Je vais me réfugier dans la technologie des comptables. Par définition, s'il n'y a pas une perte d'encaisse, c'est rentable, dans le sens de la comptabilisation.

M. Grenier: Merci.

M. Hamilton, j'ai discuté depuis quelques jours avec différentes personnes, et plusieurs qui avaient lu votre mémoire disaient que c'était un excellent mémoire et qu'il faisait des analyses, très froides, de la situation; on s'est rendu compte qu'à la page 14, vous parlez de la francisation des industries et vous parlez évidemment de la menace de séparation du Québec du Canada.

On lit ceci, à cette page, la possibilité d'embaucher... Je n'ai pas besoin de vous dire que cette loi vient d'être votée et vous l'analysez ici; pour la première partie, c'était......existant depuis un bout de temps... Mais je reprends le paragraphe pour la bonne compréhension des gens qui n'ont pas le mémoire en main: "La possibilité d'embaucher librement" — c'est à la page 40 — "et de muter des employés hautement qualifiés venant d'autres parties du monde ne peut être déniée à ce genre d'entreprises. Les pâtes et papiers sont dans ce cas. De par ses perspectives, Domtar est une entreprise d'envergure internationale, et bien que nous pensions avoir été à l'avant-garde des sociétés établies au Québec en matière de politique de francisation, nous prévoyons des difficultés accrues à court comme à long terme, relativement à l'embauche du personnel. "Une grande partie de l'opinion publique est d'avis que la loi 101 est inutilement sévère pour les minorités du Québec. Il est certain que cette réaction défavorable déteindra sur la pensée des investisseurs internationaux de même que sur les employés en puissance".

On n'a pas besoin de vous dire que cela a fait l'objet d'un article de loi qui a fait couler énormément d'encre, et beaucoup de choses ont été dites à cette même table il y a quelques semaines.

Vous continuez ici, et je cite, à la page 41 : "La menace de séparation du Québec du Canada a refroidi le climat des investissements, car il demeure trop d'inconnues dans des domaines tels que les politiques en matière de main-d'oeuvre, programmes sociaux, nationalisation d'entreprises, politiques fiscales. Le gouvernement provincial actuel porte ainsi une responsabilité particulièrement lourde relativement à l'établissement d'un climat d'investissement sain qui garantirait à la population du Québec le maximum d'occasions pour mener une vie prospère et productive dans l'avenir".

M. Hamilton, j'aimerais que vous précisiez un peu ces deux paragraphes qui font partie de votre mémoire.

M. Hamilton: C'est le mieux que je puisse faire, monsieur. C'est assez clair, je crois. S'il y a quelque chose qu'on ne peut pas comprendre, j'essaierai d'éclaircir...

Une Voix: C'est clair et on est d'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: J'imagine que vous répondez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: ... en vous tenant à votre texte; c'est une réponse que j'attendais remarquez bienj Est-ce que...

M. Hamilton: Est-ce que vous m'informez que je suis un "fault guy"?

M. Grenier: Non, j'aurais aimé qu'il y ait un peu de précision, quoique si vous avez assisté au débat, du moins par la voie des media d'information, vous avez eu plus de détails qui ont sorti autour de cette table à l'occasion du débat de la loi 101.

Une dernière question. Avez-vous envisagé de vendre l'usine d'East Angus?

M. Hamilton: S'il y a quelqu'un qui veut l'acheter, elle est disponible à un prix. Toutes nos unités sont disponibles à un prix. Avez-vous quelqu'un dans votre poche qui...

M. Grenier: Je pense que le ministre l'achèterait...

M. Bérubé: Une nouvelle!

Une Voix: Une déclaration à la presse.

M. Grenier: J'aimerais poser une toute dernière question au ministre. Suite à la déclaration, qu'on reprend aujourd'hui — étant donné que nos gens sont ici — faite à Sherbrooke, la semaine dernière, y aurait-il lieu de préciser celle du premier ministre et la vôtre relativement à Domtar d'East Angus? Vous avez mentionné, comme vous êtes toujours sage et toujours pondéré dans vos propos, en gros, que la question était à l'étude et qu'on verrait mieux après les débats de la commission des richesses naturelles. Par ailleurs, à l'affirmation voulant que l'usine d'East Angus ferme prochainement, René Lévesque a déclaré sur un ton catégorique: "Pas celle-là, nous avons réussi à la sauver".

J'aimerais savoir, M. le ministre, si vous pouvez nous informer comment on l'a sauvée.

M. Hamilton: M. Bérubé, voulez-vous que je réponde?

M. Bérubé: J'allais effectivement répondre qu'il fallait faire attention à une expression oratoire qui peut être mal interprétée. On peut parfois dire: Nous avons sauvé quelque chose et cela ne veut pas nécessairement dire que c'est nous. Dans le cas présent, je pense que c'est assez évident que les gens qui ont sauvé à ce jour l'usine d'East Angus, c'est la population, le syndicat et la compagnie présentement; ce n'est pas le "nous" au sens du gouvernement, c'est le "nous" au sens du Québec.

M. Hamilton: Je veux employer cette réponse, elle est très à point.

M. Bérubé: Quant à la deuxième affirmation que M. Lévesque a faite, selon laquelle il existait présentement un programme de modernisation qui avait été élaboré à l'intérieur du ministère; c'est un fait qu'il y a un programme de modernisation d'industries qui a été élaboré à l'intérieur du gouvernement, c'est également un fait que présentement nous soumettons nos opinions, pour étude, aux industries, aux syndicats, aux producteurs de bois et c'est ce que nous sommes en train de faire à la commission parlementaire. En temps et lieu, le gouvernement pourra répondre aux très nombreuses demandes que nous avons de la plupart des intervenants qui demandent que le gouvernement effectivement intervienne. A ce moment nous pourrons dire dans quelle mesure nous devons intervenir et nous interviendrons à la lumière des connaissances que nous aurons acquise au cours de ces séances et à la lumière des connaissances que nous acquerrons à la compilation d'un certain nombre de dossiers.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Lac-Saint-Jean. C'est une dernière intervention, le temps étant déjà expiré et puisque nous avons encore trois intervenants qui attendent de passer d'ici à 23 heures ce soir. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, avant de poser quelques questions sur le problème de l'environnement, j'aimerais revenir sur un élément nouveau que vous introduisez dans la liste des raisons invoquées par votre entreprise pour expliquer le retard à investir. Cet élément qui fait tellement plaisir à mes collègues d'en face et qu'on ne retrouve pas dans les autres mémoires venant des entreprises, parmi les raisons, pour expliquer les retards apportés à la modernisation, vous invoquez le référendum à venir, qui a, selon vous — à la page 100 — "plongé dans un climat d'incertitude, les décisions relatives aux investissements."

C'est là un élément intéressant, parce que c'est un couplet nouveau dans la chanson triste que nous chantent en choeur, depuis le début des travaux de cette commission, les entreprises des pâtes et papiers.

M. Grenier: C'est parce que c'est vrai.

M. Brassard: Peut-être parce que c'est un cliché qui est familier à nos collègues de l'Opposi-

tion. En tout cas, cela ne me satisfait pas. Vous avez affirmé tantôt que le message était clair, je ne le trouve pas clair du tout. J'aimerais que vous précisiez ce climat d'incertitude. J'aimerais que vous énumériez avec précision les effets dévastateurs du référendum sur les investissements. Est-ce aussi destructeur que la tordeuse de bourgeons de l'épinette? En effet, si on tient compte des derniers chiffres émanant de Statistique Canada sur les prévisions de dépenses en immobilisation par province, le Québec est en deuxième place, après I'Alberta, et la variation annuelle en pourcentage est la deuxième plus élevée et est plus élevée que la moyenne canadienne, qui se situe à 10,5%. Au Québec, c'est de 14,3%. J'aimerais que vous m'expliquiez et que vous me précisiez les effets dévastateurs du référendum sur les investissements dans le secteur des pâtes et papiers. Est-ce que cela va entraîner la mort des épinettes au Québec?

M. Grenier: La mort du gouvernement!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brassard: Oui, à l'ordre! Vous avez parlé tout à l'heure, c'est maintenant mon tour.

M. Hamilton: II n'y a probablement qu'un facteur majeur, pour répondre à votre question, c'est l'incertitude dans l'avenir. Si une société veut investir dans une usine de pâtes et papiers, c'est pour un long terme, pas pour une semaine, c'est pour quinze à vingt ans. Il y a une incertitude. Que va-t-il arriver ici au Canada, d'ici cinq ans, dix ans? Il y a une incertitude qui n'existait pas il y a cinq ans, qui n'existait pas il y a dix ans. Mais elle existe maintenant, parce que s'il y a une séparation, une séparation totale, quelles seraient les règles du jeu ici au Québec? Je ne sais pas si vous pouvez m'informer, mais si vous pouvez me dire quelles seront les règles du jeu, alors, je saurai quelque chose. Quel sera l'effet sur nos clients du reste du Canada, sur ceux des Etats-Unis, sur les prêteurs américains qui financent Domtar? Ce sont des facteurs majeurs qui influencent nos décisions. On ne peut pas identifier l'impact de cette incertitude, mais cette incertitude existe en ce moment. Vous pouvez l'accepter ou non, mais cela existe. Je n'aime pas être trop dogmatique ici, mais c'est la réponse directe à votre question.

M. Brassard: C'est-à-dire que c'est une question tout à fait imprécise. Vous me répondez par des questions. Je vous demande quels sont les effets réels et précis du référendum et vous me posez des questions. Vous me demandez quel est l'effet sur vos clients, quel est l'effet sur vos emprunts, quel est l'effet sur... Vous me posez des questions!

M. Hamilton: Parce que je ne sais pas les réponses à ces questions. C'est pourquoi il y a une incertitude. C'est l'incertitude qui cause le ralentissement des investissements.

M. Brassard: Ce n'est pas ce que Statistique Canada dit en tout cas.

M. Hamilton: Monsieur, ces décisions ont été prises il y a deux ans. Attendez encore un an pour regarder les chiffres.

M. Brassard: M. Hamilton, vous avez une usine dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, à Dolbeau, qui fonctionne bien, semble-t-il.

M. Hamilton: Oui.

M. Brassard: Vous savez très bien qu'Abitibi Price a des installations dans la région. Elle vient de commencer des investissements de l'ordre de $26 millions à Kénogami pour rajeunir et moderniser son usine.

M. Hamilton: D'accord. C'est sa décision.

M. Brassard: C'est sa décision. Peut-être a-t-elle un meilleur service d'information?

M. Hamilton: Peut-être, mais peut-être en a-t-elle un encore plus mauvais?

M. Brassard: Peut-être êtes-vous mal informés?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brassard: Parce que, quand vous précisez ou que vous posez la question: Quelles sont les règles du jeu dans l'industrie des pâtes et papiers, cela n'a rien à voir avec le référendum ou la décision des Québécois face à leur destin politique. Les règles du jeu, on est en train, en commission parlementaire, d'essayer de les examiner et le gouvernement du Québec va en élaborer sans doute de nouvelles avec la collaboration des partis. Que le Québec soit indépendant, souverain, ou qu'il demeure dans le cadre fédéral, cela n'empêche pas le gouvernement actuel, et c'est précisément son intention, d'élaborer de nouvelles règles du jeu dans ce domaine-là.

M. Hamilton: C'est possible, nous les attendons.

M. Brassard: Cela n'a rien à voir avec le référendum.

M. Hamilton: Oui, cela a beaucoup à voir avec le référendum. On fait les règles du jeu dans le contexte d'une séparation ou dans le contexte d'une présence dans la fédération canadienne. C'est tout à fait différent.

M. Brassard: Quels sont les effets de l'accession du Québec à l'indépendance ou à la souveraineté sur la qualité du papier?

M. Hamilton: Quelles seront les règles du jeu de la fiscalité? Est-ce que vous pouvez m'informer

là-dessus? Le seul point que je veux préciser, c'est l'incertitude. C'est parce que nous ne pouvons pas évaluer l'avenir.

M. Brassard: Est-ce que vous pouvez évaluer l'avenir quant à la demande du papier?

M. Hamilton: Oui.

M. Brassard: Tantôt, vous avez dit: L'usine d'East Angus, son avenir dépend de ce qui va arriver sur les marchés, dépend de sa rentabilité, dépend de la productivité. Donc, tout est incertain, d'après vous, dans l'économie.

M. Hamilton: Tout est incertain, mais il y a des choses qui sont plus incertaines que d'autres choses.

M. Brassard: C'est-à-dire que le référendum, c'est une certitude. Il va se tenir.

M. Hamilton: Non. Je ne sais pas. C'est une certitude, d'accord.

M. Brassard: C'est une certitude qu'il va se tenir, cela, vous pouvez le prendre.

M. Hamilton: Oui, il y aura un référendum, mais je ne suis pas au courant, en ce moment, des résultats.

M. Brassard: Non, c'est sûr.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Maintenant, vous êtes sur la même longueur d'onde.

M. Hamilton: Nous sommes d'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est sûr que personne ne connaît le résultat. Là-dessus, M. Hamilton et vos collègues, au nom des membres de la commission, je vous remercie énormément de votre collaboration et j'inviterais l'Université du Québec à Trois-Rivières et ses représentants à venir nous présenter leur mémoire, s'il vous plaît.

M. Hamilton: Avant de partir, M. le Président, je veux vous remercier de votre attention et je veux répéter l'assurance de notre collaboration dans vos délibérations. Nous sommes disponibles.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup.

A l'ordre, s'il vous plaît! La commission n'a aucunement suspendu ses travaux. S'il y a des journalistes qui ont des questions à poser, s'il vous plaît, faites-le à l'extérieur. S'il vous plaît. M. Boulet?

Université du Québec à Trois-Rivières

M. Valade (Jacques): Non, je vais faire les présentations.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre! Silence dans la salle.

M. Valade: M. Gilles Boulet est le recteur chez nous. En fait, les présentations seront assez simples. Mon nom est Jacques Valade et je viens présenter, au nom de l'Université du Québec à Trois-Rivières et de son centre de recherches, le mémoire sur l'avenir des pâtes et papiers au Québec. Je lirai des extraits du mémoire, ce qui veut dire que, normalement, pour 18 heures, on devrait avoir terminé la partie de la lecture. Vous pourrez décider de ce qui arrivera à 20 heures.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce sera la période des questions à 20 heures.

M. Valade: Parfait. M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, nous voudrions, dans un premier temps, remercier le ministre des Terres et Forêts de nous avoir permis de présenter un mémoire sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers.

Les mémoires précédents reflètent divers points de vue sur les six thèmes proposés, thèmes sur lesquels, entre autres, cette commission entend obtenir des informations. L'Université du Québec à Trois-Rivières, par l'entremise de son centre de recherche en pâtes et papiers, espère, par le mémoire qui vous est présenté, contribuer à cette commission parlementaire en ce qui touche l'aspect recherche et développement dans le secteur de la transformation des bois, en prenant garde toutefois...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Monsieur, est-ce que vous pourriez aller avertir les gens à l'extérieur, s'il vous plaît, de parler moins fort. Excusez-nous, monsieur. Allez-y.

M. Valade:... en prenant garde toutefois de ne pas dissocier de ce volet recherche et développement, l'aspect formation et perfectionnement des professionnels en exercice oeuvrant dans ce secteur, ceci compte tenu des compétences des professeurs et chercheurs oeuvrant actuellement à l'intérieur de notre centre de recherche en pâtes et papiers. La présentation de cet après-midi se fera donc comme suit: un bref historique concernant le centre de recherche en pâtes et papiers en fonction des activités actuellement en cours à l'intérieur du centre, la problématique qui s'en dégage, de même que les objectifs actuels du centre. Un coup d'oeil sur sa programmation et, finalement, les recommandations adressées à cette commission parlementaire.

C'est en 1972 que les professeurs de la défunte section génie chimique de l'Université du Québec à Trois-Rivières ont effectué un premier regroupement de leurs efforts de recherche dans le secteur des pâtes et papiers. A cette date, les réalisations scientifiques des professeurs impliqués s'effectuaient en bon nombre et en majeure partie dans le prolongement de leur thèse de doctorat, ce qui ne permettait pas d'aborder une problématique globale par rapport au secteur pâtes et

papiers. Toutefois, l'opportunité de l'intervention souhaitée obtenait graduellement les faveurs des organismes subventionneurs, de même que celles de l'université, permettant ainsi la consolidation de l'équipe de recherche impliquée et l'élargissement de la problématique de recherche.

L'Université était donc amenée à reconnaître institutionnellement les travaux poursuivis par ses professeurs dans le domaine des pâtes et papiers et à instituer un groupe de recherche. Il apparaît important de souligner ici qu'un des facteurs importants de la reconnaissance par l'institution d'une ou de plusieurs équipes de recherche à titre de centre, est l'adéquation des travaux de cette équipe aux axes de développement institutionnel.

A la suite d'une évolution graduelle et de la consolidation de ses effectifs et de ses programmes, le groupe de recherche fut donc accrédité comme centre par notre conseil d'administration le 1er septembre dernier. Par ses programmes de recherche et de formation, le centre se préoccupe principalement, sur le plan scientifique et technologique, de contribuer à une efficience accrue de l'industrie des pâtes et papiers du Québec.

En tant qu'elle oriente nos programmes, nos travaux et la formation professionnelle que nous assurons, cette efficience est abordée dans notre contexte selon trois dimensions différentes, également importantes et complémentaires, à notre avis, soit le dépistage et la solution des problèmes qui ralentissent le développement des industries de pâtes et papiers au Québec, les conditions technologiques et de formation professionnelle qui pourraient aider ces industries à retrouver une position compétitive sur le marché international et, en troisième lieu, la protection et le renouvellement, tant quantitatif que qualitatif, des ressources forestières du Québec qui sont utilisées en majeure partie par le secteur industriel des pâtes et papiers.

Pour assurer l'efficacité des interventions que visent à apporter au sein des industries des pâtes et papiers les recherches que réalise notre centre, il est primordial que les professionnels en exercice de ces industries bénéficient d'une préparation qui les amène, d'une part, à une meilleure compréhension des problèmes auxquels ils doivent faire face, par exemple la modernisation, la pollution, et, d'autre part, à un approfondissement de leurs connaissances sur le plan technologique.

Ce perfectionnement impliquera la mise en oeuvre d'une étroite collaboration entre l'industrie et les organismes de formation concernés.

Outre ces dimensions de modernisation des usines et des procédés et de la qualification professionnelle des travailleurs du secteur, il faudra également tenir compte de la protection du renouvellement et d'une utilisation plus complète et rationnelle de la même ressource, tout en se préoccupant de la conservation de l'énergie.

Partant de la problématique plus haut définie et dans la ligne des préoccupations qui y sont énoncées, nous présentons donc trois programmes de recherche destinés à la consolidation et la mise en valeur de nos industries de pâtes et pa- piers et produits connexes du Québec. Ces programmes visent, de façon plus spécifique, deux objectifs: premièrement, améliorer l'efficience des industries de pâtes et papiers et produits connexes au Québec, de façon à maintenir compétitif le secteur de l'industrie; deuxièmement, favoriser un développement des industries des pâtes et papiers et produits connexes au Québec, qui tienne compte de la nécessité de maintenir la qualité de l'environnement.

Le premier objectif s'adresse à la fois au rendement quantitatif et qualitatif de l'industrie des pâtes et papiers. Il comporte également une volonté d'assurer au sein de cette industrie un développement technologique adéquat.

L'amélioration de l'efficience des usines de pâtes et papiers et produits connexes soulève des problématiques particulières concernant, entre autres, la modernisation des usines et les stratégies d'investissements adoptées, l'augmentation du niveau de production, un meilleur contrôle de la qualité des produits fabriqués à des coûts moindres, une plus grande souplesse souhaitée dans la gamme des produits qui vont être fabriqués, le développement de nouveaux produits ou des utilisations nouvelles pour des produits existants.

Le deuxième objectif tient à la qualité de l'environnement et sous-tend une volonté de permettre à l'industrie des pâtes et papiers de répondre aux normes québécoises concernant l'environnement, de protéger le renouvellement de la ressource naturelle forestière qui est responsable, pour une large part, et compte tenu de la superficie qu'elle occupe au Québec, de l'équilibre naturel de l'environnement.

Dans le prolongement des visées générales identifiées plus haut au plan des objectifs, il apparaît important de souligner que les présents programmes de recherche s'articulent également autour de deux sous-objectifs menant à des actions particulières. Il s'agit, d'une part, de questions pédagogiques et, d'autre part, de questions de services à notre collectivité et à l'industrie.

Sur le plan pédagogique, compte tenu du problème déjà soulevé de la présence, dans l'industrie des pâtes et papiers, d'une main d'oeuvre qualifiée et adaptée aux nouveaux besoins, l'Université du Québec à Trois-Rivières dispense présentement le seul programme de maîtrise professionnelle en sciences appliquées, pâtes et papiers, à l'intention des professionnels québécois en exercice au sein de l'industrie des pâtes et papiers.

Les présents programmes de recherche se soucient largement d'appuyer dans leurs travaux, l'enseignement du français à ce niveau. Cet appui est réalisé de façon plus particulière sur le plan de l'encadrement des étudiants impliqués dans le programme de maîtrise en question. Les projets de mémoires des étudiants qui concernent la solution de problèmes à caractère industriel sont, de fait, exécutés dans le cadre des problématiques du centre de recherche. Ceci favorise un état de symbiose entre les études avancées et la recherche, les unes alimentant l'autre, et vice versa, ce qui ne

peut être que des plus avantageux au développement des deux types d'activités.

Sur le plan des services à la collectivité et à l'Industrie, dans les différentes réalisations, nos programmes s'axent sur une volonté de participation concrète à l'essor économique et technologique québécois, dans le domaine des pâtes et papiers et des produits connexes. La collaboration effective entre l'université et l'industrie est recherchée et stimulée, de même que la recherche au plan de l'économie de la ressource.

Sans revenir sur les exemples proposés précédemment, soulignons que notre apport essentiel à la collectivité et à l'industrie, proviendra de la qualité de la formation que nous aurons pu donner à nos professionnels en exercice et à nos jeunes chercheurs dans le domaine.

Afin de répondre à l'objectif général d'amélioration de l'efficience des industries de pâtes et papiers et produits connexes au Québec, les activités de recherche du centre ont été subdivisées en trois programmes.

Ces programmes sont à la fois distincts au niveau des activités qui y sont regroupées et complémentaires dans le sens où ils se veulent, à différents niveaux, une contribution à l'atteinte de l'objectif général qui leur est commun. Le premier de ces programmes de fabrication et d'utilisation des papiers vise à l'amélioration de l'efficience de l'industrie des pâtes et papiers et des produits connexes. Les deux programmes de traitement antipollution et de ressources forestières sont davantage orientés vers le maintien de la qualité de l'environnement. Etant donné que nous disposons de ressources fort limitées et qu'il est important de concentrer nos efforts, ces trois programmes n'ont pas atteint le même degré de développement. Actuellement, le programme des traitements antipollution est le plus avancé, suivi du programme de conservation des ressources forestières, et enfin de celui de la fabrication et de l'utilisation des papiers.

Cet ordre qui fut imposé, en grande partie, par la conjoncture n'est pas nécessairement lié aux priorités actuelles quant au progrès de l'industrie et de l'économie nationale. Comme il représente cependant la réalité c'est cet ordre que nous allons suivre pour décrire brièvement les travaux que nous réalisons dans notre programmation actuelle.

Le premier programme est celui du traitement antipollution. Ce programme est orienté vers le développement d'une technologie et vers la proposition de solutions économiques relatives à des problèmes concernant l'environnement dans l'industrie des pâtes et papiers et les industries connexes, comme le traitement par système de boues activitées de liqueurs résiduaires provenant de la cuisson au bisulfite, et l'étude des mécanismes de réaction. La récupération et l'utilisation des produits contenus dans ces liqueurs occupent une place spéciale dans la fabrication de nourriture animale, l'extraction de protéines et de vitamines et les techniques de greffage de nature physicochimique sur la lignine afin de développer de nouveaux produits.

Le programme de conservation des ressources forestières est orienté vers l'économie de la ressource primaire d'abord par une utilisation plus rationnelle, soit l'utilisation accrue de certaines parties de l'arbre, l'utilisation d'espèces boisées à faible valeur commerciale jusqu'à maintenant et l'augmentation du rendement de certains procédés de cuisson, de même que par l'amélioration de la qualité des pâtes produites, comportant l'amélioration des moyens de contrôle de cette qualité.

Les activités du programme de fabrication et d'utilisation des papiers concernent plus directement les usines québécoises et leur stratégie d'investissements. Elles s'intéressent à la fabrication de papier fin en utilisant de nouvelles pâtes. L'objectif principal de ce programme se veut une contribution économique à l'amélioration de la qualité et à la production du papier. Il comprend deux travaux qui n'en sont présentement qu'à la phase de démarrage et de développement théorique, soit l'utilisation de pâtes mécaniques dans les papiers fins. Les buts industriels ainsi visés par le premier programme sont de remplacer complètement ou en partie, dans les papiers fins, certaines pâtes plus coûteuses et de trouver de nouveaux débouchés pour les nouvelles pâtes mécaniques.

L'inventaire et l'analyse des problèmes de modernisation qui se retrouvent dans la production des pâtes et papiers au Canada font partie d'un programme présentement arrêté, car il existe, semble-t-il, des études qui ont été faites au ministère des Terres et Forêts et qui pourront être dévoilées ultérieurement.

Pour résumer, il est à remarquer que, dans le programme de traitement antipollution, nous en sommes rendus à l'étape d'expérimentation où les recherches sont de nature plutôt interventionniste. Dans le second programme celui de la conservation des ressources forestières, nous sommes à terminer la mise en place des instrumentations requises. Par contre, dans le programme de fabrication et d'utilisation des papiers, l'état actuel des travaux se situe au niveau de la théorie, celle-ci conduisant cependant à des recherches de nature appliquée.

Nous appuyant sur les objectifs, les programmes et les services spécifiques de formation, de perfectionnement et de recherche technologique dans notre centre de recherche en pâtes et papiers, nous recommandons, premièrement, au plan de la croissance et du développement de l'industrie québécoise des pâtes et papiers, l'organisation par le ministère des Terres et Forêts d'un système d'échange permettant le passage d'hommes de science, de technologues et de professionnels entre le gouvernement, l'industrie et l'université, afin de permettre et d'accentuer le transfert technologique. L'industrie, précisons-le, porte une responsabilité importante dans la réalisation de ce système qui ne peut être maintenu sans une contribution significative de sa part.

Deuxième recommandation. Au plan de la formation disciplinaire, une concertation des ministères des Terres et Forêts et de l'Education afin de garantir la mise sur pied, le soutien et la conti-

nuité de programmes d'enseignement supérieur à tous les niveaux pour rendre accessible une formation technique avancée et adaptée aux besoins du Québec dans le domaine des pâtes et papiers.

Troisième recommandation. Au plan du perfectionnement, la mise sur pied d'un système de soutien, d'encadrement financier, etc., permettant aux travailleurs de ce secteur de se maintenir à jour et de participer au développement technologique. La réalisation de ce système exigerait l'implication des divers partenaires du secteur, compagnies, syndicats, gouvernement et universités.

Quatrième et dernière recommandation. Au plan de la recherche scientifique et technologique, la planification et la programmation suivant des priorités clairement établies de recherche dans les secteurs désignés par le ministère des Terres et Forêts. A notre avis, un de ces secteurs devrait être la transformation des bois, l'économie de la ressource et la conservation de l'énergie entre autres.

Comme conclusion, la commission parlementaire sur les perspectives d'avenir dans l'industrie des pâtes et papiers se préoccupe présentement d'obtenir des informations sur la situation de ce secteur majeur pour la croissance future du Québec. Dans le présent mémoire, nous avons tenté de vous faire part de nos préoccupations fondamentales et des contributions principales que notre centre de recherche entend apporter quant à l'efficience de notre industrie des pâtes et papiers. Située dans une région qui a été reconnue comme un centre mondial du papier, notre université s'est préoccupée dès sa fondation d'intervenir dans ce secteur tant sur le plan de l'enseignement que de la recherche. Depuis cinq ans en particulier, nos professeurs ont mis sur pied diverses actions visant le dépistage et la solution des problèmes de développement de l'industrie des pâtes et papiers, de même que les conditions et modalités de formation professionnelle de la main-d'oeuvre en exercice. C'est en réponse à ces objectifs que notre université a donc développé des études de deuxième cycle et favorisé le regroupement de ces chercheurs dans un centre de recherche en pâtes et papiers. C'est dans ce contexte, enfin, et à titre d'intervenants dans ce dossier de la croissance et de la mise en valeur de notre industrie des pâtes et papiers, que nous nous sommes permis de vous soumettre ce mémoire. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup, monsieur. Avant de suspendre les travaux, te député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurais une question à poser relativement à l'ordre de nos travaux et au calendrier de nos travaux. J'ai été informé ce matin, qu'il était possible que la commission ajourne ses travaux sine die, sans procéder à l'audition des huit ou dix mémoires qu'il resterait à étudier. Je voudrais bien qu'on me dise ce qui en est des autres groupements qui ont été invités à se présenter devant cette commission. Par contre, de façon contradictoire, cet après-midi, on m'a informé que des organismes avaient été convoqués pour jeudi après-midi prochain. J'aimerais savoir ce qu'on entend faire des mémoires qu'il restera à entendre après nos délibérations de demain. Quant à moi, je crois qu'il serait nécessaire de procéder à l'audition de tous ceux qui ont bien voulu acquiescer à l'invitation que le ministre leur a formulée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que la question s'adresse à la présidence.

M. Pagé: A la présidence et au ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je n'ai aucune information en ce sens. En ce qui me concerne, à moins de recevoir des informations contraires, je pense que c'est du leader du gouvernement que les instructions viennent, en vertu du règlement.

M. Pagé: On a vu cela hier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins d'avoir des instructions contraires, j'ajournerai les travaux au mardi 18 octobre.

M. Pagé: On peut quand même connaître les intentions du ministre, parce que, ce matin, on en avait fait état, lui et moi, et je me suis informé cet après-midi des groupes qui ont été convoqués pour jeudi de la semaine prochaine. J'aimerais donc savoir ce qui en est du calendrier de nos travaux.

M. Bérubé: Pour l'instant, le calendrier de nos travaux n'est en rien modifié. Nous avons effectivement eu une conversation avec des représentants du Parti libéral ce matin et de l'Union nationale cet après-midi concernant une hypothèse— je pense qu'il est important de spécifier que c'est une hypothèse — selon laquelle certains intervenants pourraient choisir de ne pas se présenter devant la commission. Dans la mesure où les travaux de l'Assemblée nationale vont reprendre très bientôt, comme vous le savez, et que l'ordre du jour est chargé, plusieurs commissions parlementaires devront siéger et il y a évidemment risque que les travaux de cette commission soient appelés à se prolonger sur une période de temps assez longue, puisqu'il faudra sans doute reporter certains travaux à cause des ajournements perpétuels de temps de session; cela risque de prolonger les travaux de cette commission sur une période peut-être plus longue que prévue. Si certains intervenants décidaient de ne pas présenter verbalement leur mémoire, nous essaierions de condenser l'ensemble des mémoires restants pour mardi, mercredi et jeudi. Enfin, nous essaierions de les condenser dans les quelques jours qui suivront mardi prochain.

M. Pagé: En quelque sorte, M. le ministre, vous me donnez l'assurance que ceux qui ont ma-

nifesté le désir de se faire entendre, même si plusieurs éléments ont été débattus lors des auditions de cette commission, ceux-ci vont se faire entendre.

M. Bérubé: Oui, nous entendrons tout intervenant qui insisterait pour se faire entendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Marquis): A l'ordre, messieurs!

La commission élue permanente des richesses naturelles et des terres et forêts reprend ses travaux concernant l'étude des perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Au moment de l'ajournement, nous en étions au mémoire présenté par le Centre de recherche en pâtes et papiers de l'Université du Québec à Trois-Rivières, et la parole va immédiatement au député de Champlain.

M. Gagnon: C'est M. le ministre.

Le Président (M. Marquis): M. le ministre désire parler en premier. Alors, M. le ministre.

M. Bérubé: J'ai pu remarquer, dans votre rapport, en particulier, une suggestion concernant l'échange d'hommes de science, de technologues et de professionnels, et je serais heureux de connaître un peu l'expérience que vous avez connue dans vos échanges avec l'industrie présentement. On sait, par exemple, que l'Université McGill a eu énormément de contacts avec Papery Can, la société montréalaise qui fait la recherche pour l'ensemble de l'industrie des pâtes et papiers. Quel genre d'échanges avez-vous, en ce moment, avec l'industrie papetière au Québec, à l'Université de Trois-Rivières même?

M. Valade: Avant de répondre à votre question, M. le ministre, je voudrais mentionner que j'ai déposé le résumé de notre présentation au secrétariat des commissions parlementaires, résumé qui sera distribué incessamment.

Maintenant, au point de vue des échanges, en fait, l'Université du Québec a été favorisée. J'ai pu, par exemple, bénéficier d'un congé et aller pendant deux ans dans l'industrie, c'est déjà un échange entre l'université et l'industrie. D'autre part, nos projets de recherche s'effectuant sur des problématiques industrielles; en fait, nous sommes dans l'obligation de discuter constamment avec les personnes des industries concernées. Ceci veut dire, en termes concrets, qu'on a, par exemple, une trentaine de mémoires qui se réalisent présentement en industrie; ce sont des professeurs qui dirigent ces mémoires, mais, en fait, on pourrait dire conjointement avec les directeurs de service des usines concernées.

D'autre part, lorsque, sur certains problèmes, on a besoin d'une expertise, c'est très facile de prendre le téléphone et d'avoir des renseignements; je peux mentionner que, quant aux usines avec lesquelles nous avons des contacts intéressants, l'industrie est ouverte à cela.

M. Bérubé: En particulier, pour élucider davantage ce point, quand vous dites 30 mémoires, s'agit-il de mémoires de fins d'études de vos élèves ingénieurs, ou s'agit-il de mémoires de licence ou de mémoires de doctorat?

M. Valade: Ce sont des mémoires de maîtrise, ce qui veut dire que toutes ces personnes possèdent déjà un diplôme d'ingénieur ou, au moins, un diplôme de premier cycle.

M. Bérubé: Quel est l'ordre de grandeur des contrats que vous obtenez présentement de l'industrie des pâtes et papiers sous forme de projets de recherche financés par l'industrie pour répondre à des demandes spécifiques?

M. Valade: En fait, l'ordre de grandeur est assez facile. Présentement, il est approximativement de 0%.

M. Bérubé: Comment financez-vous vos programmes de mémoires réalisés dans l'industrie, dans ce cas?

M. Valade: En fait, nos programmes de mémoires ne coûtent absolument rien, l'industrie y collabore. Nous effectuons, parallèlement à cela, d'autres recherches à l'intérieur de notre centre, et ces recherches sont subventionnées, en pourcentage, à 20% par le gouvernement provincial, à 60% par le gouvernement fédéral, et à 20% par l'Université du Québec, ce qui veut dire qu'au point de vue chiffres, en 1972, nous avions $100 000 de subventions; en 1976-1977, présentement, nous sommes rendus à $180 000. C'est la partie des in-tras, au point de vue des subventions de recherche, pour alimenter le personnel qu'on a au centre.

M. Bérubé: Mais quand vous parlez d'un centre, vous parlez de combien de professeurs, par exemple, d'impliqués dans ce centre, de combien d'ingénieurs de recherche, et, en gros, de combien d'étudiants?

M. Valade: Les professeurs impliqués directement dans le centre sont au nombre de cinq: il y a six professionnels —l orsque je dis professionnels, ce sont des chimistes ou des ingénieurs, avec maîtrise et doctorat — il y a quatre techniciens; il y a 38 étudiants au niveau de la maîtrise; à cela, on peut greffer actuellement des contributions partielles de quatre ingénieurs professeurs en génie industriel et de quatre économistes.

M. Bérubé: Si vous deviez définir les principaux champs de la recherche auxquels vous vous attaquez présentement, vous serait-il possible, en quelques phrases, de nous dire, en gros, les secteurs dans lesquels vous effectuez de l'expérimentation, les objectifs que vous poursuivez?

M. Valade: II y a trois programmes de recherche qui fonctionnent à des rythmes plus ou moins rapides. Le premier programme est un programme de traitement antipollution où nous nous intéressons principalement aux résidus provenant des liqueurs bisulfitiques, à la production de nourriture animale à partir de ces résidus, en fait, à certains modèles mathématiques pour des traitements de bois de scierie. Donc, c'est un premier programme.

Il y a un second programme qui s'appelle conservation des ressources forestières. Ce qui nous intéresse dans ce programme, c'est l'utilisation plus complète de l'arbre, la caractérisation des pâtes mécaniques, l'utilisation des aiguilles de pin pour la fabrication de protéines ou la fabrication de pâtes.

Finalement, un troisième programme s'appelle "fabrication du papier" et se divise en deux parties: les papiers fins pour lesquels on s'intéresse au remplacement de certaines pâtes coûteuses par des pâtes moins coûteuses comme la pâte mécanique et thermomécanique. Un programme est presque au repos, c'est une question de stratégie d'investissement dans les usines de pâtes et papiers. Ce programme a démarré à peu près en 1975, mais il est arrêté présentement sachant que vous avez des rapports assez intéressants et que nous ne pouvons nous permettre, avec les ressources actuelles, d'obtenir les mêmes informations.

M. Bérubé: Concernant un de vos programmes de recherche, celui sur l'utilisation des aiguilles de pin pour la fabrication de mouka ou de protéines alimentaires, j'aimerais savoir où en sont vos recherches et qu'est-ce que vous voyez comme potentiel de cette application?

M. Valade: En fait, nous en sommes au début. Nous avons déterminé partiellement qu'on retrouvait entre 6% et 16% de protéines. D'autre part, c'est une ressource qui n'a pas été utilisée, ou presque pas, au Canada, par contre, la technologie est développée en Russie. Elle l'est aux Etats-Unis et dans plusieurs pays. Il y a donc un potentiel énorme en ce qui concerne la nourriture pour animaux dans ce domaine. C'est un projet qui date d'un an, un an et demi.

M. Bérubé: En êtes-vous présentement à une étude de rentabilité pour voir les paramètres économiques du procédé ou étudiez-vous carrément la possibilité d'appliquer ce genre de technologie à nos essences résineuses du Québec?

M. Valade: En fait, ce que nous sommes en train de compléter, c'est la partie expérimentale: Est-ce qu'on peut extraire ce qui nous intéresse? De quelle façon on peut l'extraire? L'étape suivante, c'est une étude de praticabilité.

M. Bérubé: Quand vous parlez d'une concertation MTF-Education afin de garantir la mise sur pied, le soutien et la continuité des programmes d'enseignement de recherche, est-ce que vous pourriez expliquer un peu sur ce que vous attendriez du ministère? En d'autres termes, si je retournais au ministère, demain matin, et que je devais dire: Voici ce que nous devons faire de concert avec l'Université du Québec à Trois-Rivières, qu'est-ce que vous me recommanderiez?

M. Valade: Si on exprime cela en différents termes, nous jugeons opportun d'avoir un programme de baccalauréat formant des ingénieurs papetiers. Présentement on forme des ingénieurs forestiers, mais la partie transformation des bois, on l'a toujours oubliée. Les usines engagent des spécialistes, que ce soit en génie chimique, métallurgique ou autres. Mais on ne forme pas de spécialistes proprement dits. Cela pourrait être une des recommandations, l'instauration d'un programme en génie papetier. Il pourrait aussi y avoir l'instauration d'un troisième cycle, enfin, un programme de doctorat, dans le domaine de la transformation des bois, de même qu'un programme de bourses assez substantielles de type jeune administrateur, qui permettrait à des ingénieurs en usine de venir oeuvrer dans notre centre de recherche pendant un an, un an et demi et d'acquérir de nouvelles connaissances ou un certain perfectionnement.

M. Bérubé: En gros, donc, si je comprends bien, pour autant que le gouvernement est concerné, c'est au niveau des bourses.

Si je comprends vos recommandations, un programme de formation d'ingénieurs papetiers, c'est quelque chose que vous pouvez, dans le cadre même de votre université, mettre sur pied, de même que le troisième cycle; si je comprends bien, vous pouvez aussi le mettre sur pied, cela dépend essentiellement des orientations que vous voudrez bien choisir.

M. Valade: Partiellement. Il ne faut pas oublier que tout programme, maintenant, doit être approuvé par le Conseil des universités et soumis à des expertises des différents ministères ou des organismes appropriés, ce qui veut dire que ce type de programme demande un appui complet.

M. Bérubé: A votre avis, quel est le pourcentage de francophones occupant des postes de cadre ou de gérance dans l'industrie papetière au Québec et comment ces cadres ont-ils été formés? D'après vous, puisqu'il n'y a pas de formation de papetiers au Québec dans les universités, ils ont dû prendre leur formation quelque part.

M. Valade: Ils ont été formés comme je l'ai été, en partie par de la transmission orale, en partie en effectuant des travaux demandés par la compagnie. Avec cette méthode de formation les ingénieurs en place ont souvent tendance à se scléroser assez rapidement.

M. Bérubé: Existe-t-il des programmes semblables dans des pays européens où on pourrait acquérir une certaine expérience? Est-ce le cas, par exemple, de la Suède, de la Finlande ou de la Scandinavie?

M. Valade: Un modèle intéressant est l'Ecole française de la papeterie de Grenoble, la seule école en France formant des ingénieurs papetiers. C'est peut-être un des modèles à suivre. Les pays Scandinaves, l'Allemagne ou les Etats-Unis for- ment des spécialistes, mais dans une optique un peu éloignée de la formation nord-américaine.

M. Bérubé: Je vous remercie beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Valade, je tiens à vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission. Les gens de la recherche, malheureusement, on ne les voit pas toujours à l'avant-scène des questions qui sont débattues. C'est tellement important, la recherche, surtout dans un secteur comme celui des pâtes et papiers!

Dans les recommandations que vous formulez, je me permets de vous citer: "Le centre de recherche recommande l'organisation, par le ministère des Terres et Forêts, d'un système d'échanges permettant le passage d'hommes de science, de technologues et de professionnels entre le gouvernement, l'université et l'industrie". Je croyais que cela se faisait jusqu'à maintenant. On constate, à la lueur des échanges qu'on a eus avec les différentes entreprises, que la très grande majorité de celles-ci, les grosses compagnies, ont quand même des services de recherche assez développés, assez importants. Je présumais, quant à moi, que la collaboration avec votre centre de l'Université du Québec était très étroite.

J'aimerais que vous nous donniez plus d'explications que celles que vous avez données au ministre tout à l'heure. Le ministre est peut-être plus familier du fait qu'il est ingénieur. J'aimerais savoir exactement quel est le tableau de la recherche, quel est le portrait de la recherche actuellement? Est-ce que la collaboration est étroite? Est-ce qu'on fait référence à l'Université du Québec régulièrement? Est-ce que certaines entreprises ne se prévalent pas du tout ou se prévalent seulement occasionnellement de vos services? Le sens de votre recommandation va-t-il jusqu'à proposer au ministère des Terres et Forêts une concentration, en quelque sorte, des services de recherche sous l'égide de l'université que vous représentez?

M. Valade: Votre question a de multiples facettes.

M. Pagé: Oui.

M. Valade: Ce qu'on recommande au ministère des Terres et Forêts, c'est l'établissement d'un conseil supérieur de la recherche en science papetière et forestière, conseil qui aurait en main toutes les informations, du point de vue de la recherche, de ce qui se fait au niveau national. Cela permettrait d'établir des priorités qui pourraient ensuite, à l'aide de subventions, nous permettre d'atteindre les objectifs visés.

C'est sûr qu'il s'échange de l'information. Ce que nous visons par une telle recommandation, ce sont les échanges physiques.

Se parler au téléphone, assister à des congrès scientifiques, c'est intéressant, mais il serait préférable que les fonctionnaires aillent en industrie un an ou deux, que des types de l'industrie aillent dans des postes aux Terres et Forêts ou ailleurs. C'est ce qu'on vise par nos échanges. Nous, on peut le faire en tant qu'université, on peut aller dans les ministères ou en industrie, mais on aimerait que le triangle soit complété physiquement.

M. Pagé: D'accord.

Quand vous parlez de priorités, je présume, sans être un spécialiste évidemment, que les priorités doivent cependant être les mêmes pour toutes les entreprises, si on parle du papier journal, par exemple. J'imagine que les compagnies productrices ont les mêmes priorités qu'un centre de recherche comme le vôtre. J'imagine que s'il n'y a pas de meilleure coordination que ce dont vous faites état, il est possible que tous et chacun travaillent chacun de son côté sur des orientations ou des projets définis et que, somme toute, l'intervention gouvernementale pourrait favoriser et de beaucoup une meilleure concentration, une meilleure coordination des efforts qui sont faits.

Mais j'aimerais savoir du ministre ce qu'il en pense; tantôt, il a dit: Qu'est-ce que vous me recommanderiez si j'avais à agir demain matin dans ça? J'aimerais savoir ce qui est fait au ministère et la collaboration qui est offerte aux entreprises ou à un centre de recherche comme celui-là, jusqu'à maintenant, et jusqu'où le ministère peut coordonner les efforts qui sont faits de part et d'autre.

M. Bérubé: L'impression très nette que j'en ai, mais il faudrait peut-être que je consulte nos hauts fonctionnaires au ministère, c'est que l'effort même de recherche au ministère est surtout au niveau de l'écologie forestière. Le ministère a aussi subventionné par exemple, pendant des années, et le fait encore, le fonds de recherche de l'Université Laval et, à nouveau, il s'agit là de recherche forestière.

Dans le secteur industriel, celui dont on parle présentement, celui des pâtes et papiers, j'ai la très nette impression que ce secteur n'est présentement pas très vigoureux et ne reçoit pas beaucoup d'appui de la part du gouvernement.

M. Pagé: Monsieur, on ajoute notre voix à la vôtre pour espérer que ce secteur reçoive plus d'appui de la part du gouvernement.

M. Valade: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Bien brièvement, M. le Président, votre école est vieille de moins de cinq ans encore, sentez-vous — bien sûr qu'il y a bien des coins qui sont encore à organiser — que vous pouvez déjà rendre des services à des personnes ou à des groupes?

M. Valade: En fait, l'université date de 1969, nos recherches ont démarré en 1970. En 1972, en fait, il y a eu une démarcation. Si on ne pouvait pas rendre des services à l'industrie, je pense qu'on ne serait pas ici aujourd'hui.

M. Grenier: Je n'ai pas bien saisi.

M. Valade: On n'aurait pas présenté de mémoire si on ne se sentait pas la capacité de pouvoir effectuer des recherches qui seront intéressantes pour la province.

M. Pagé: D'accord.

M. Grenier: Est-ce que les industries font appel à votre école, à votre université dans ce secteur?

M. Valade: Très peu, ai-je répondu, mais encore faut-il qu'on soit connu.

Je pense qu'il était sage pour nous de nous préparer, de préparer nos arrières avant de montrer nos titres.

M. Grenier: C'est effrayant comment vous avez raison.

Vous avez parlé de personnel et le ministre a posé des questions qui étaient fort pertinentes là-dessus. Votre personnel, est-ce qu'il y a une formation de Canadiens qui sont là ou si ce sont des Européens qui sont à la tête du personnel qualifié que vous avez là?

M. Valade: Je suis à la tête du centre de recherche. Je me considère encore Québécois.

M. Grenier: Oui.

M. Valade: Parmi les professeurs chez nous, je puis dire que tous nos membres d'une part sont Canadiens et que plus de la moitié sont Québécois.

M. Grenier: Remarquez bien que je ne suis pas chatouilleux, c'est seulement pour savoir jusqu'à quel point on est préparé pour cela.

M. Valade: Non, mais je peux vous dire que c'est présentement moitié-moitié en ce qui concerne le personnel scientifique.

M. Grenier: Oui.

M. Valade: En ce qui concerne nos étudiants, près de 70% sont des québécois francophones.

M. Grenier: Oui. C'est donc dire qu'on avait des gens qualifiés déjà, des gens préparés pour prendre la direction d'une telle entreprise.

M. Valade: On en a quelques-uns.

M. Grenier: Oui, comme toute chose qui commence d'ailleurs.

M. Valade: Ceux qui sont qualifiés et qui nous intéressent sont dans l'industrie, présentement.

M. Grenier: Vous faites du recrutement. M. Valade: C'est cela.

M. Grenier: Les écoles de foresterie qui sont rattachées à des polyvalentes sont-elles indirectement rattachées à votre université?

M. Valade: Tout ce qui est sylviculture et foresterie est laissé à nos collègues forestiers.

M. Grenier: Vous n'avez aucune autorité sur la qualification de ces personnes?

M. Valade: On ne peut pas oeuvrer dans tous les domaines et nous avons décidé d'oeuvrer dans la transformation des bois.

M. Grenier: A la page 1 de votre mémoire, vous parlez de dépistage et des solutions à des problèmes — c'est un de vos objectifs — qui ralentissent le développement des industries de pâtes et papiers; vous tentez de trouver des éléments de solution. Avez-vous déjà fourni à des industries, à des gens du ministère, des recommandations?

M. Valade: Sans fournir des recommandations, la façon dont on aborde le problème c'est via nos mémoires ou nos recherches, avec nos professionnels, recherches qui s'effectuent en industrie. Lorsque le patron ou le directeur d'un département est d'accord pour qu'un de ses ingénieurs se penche sur un problème donné, c'est en fait du dépistage de problèmes qui devrait aider, si on y trouve une solution, à améliorer l'ensemble des industries des pâtes et papiers. C'est notre contribution directe.

M. Grenier: A l'université, est-ce que votre budget dans ce secteur est appelé à se développer? Vous avez quand même des prévisions...

M. Valade: On a des rêves.

M. Grenier: Oui, mais en dehors des rêves, vous avez également des prévisions selon lesquelles d'ici dix ans vous occuperez un champ d'action plus important. Est-ce prévisible?

M. Valade: Oui.

M. Grenier: Ce n'est quand même pas de l'impondérable...

M. Valade: Non, ce n'est pas de l'impondérable. En fait, nous avons une excellente collaboration de l'université. L'université a démontré qu'elle s'intéressait aux pâtes et papiers et elle est prête à nous appuyer pour l'augmentation du corps professoral, pour l'augmentation de professionnels scientifiques, ou techniciens. On peut prévoir que d'ici cinq ans on pourrait peut-être doubler le personnel chez nous. C'est facile de passer de 15 à 20 ou 25.

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord en profiter pour remercier l'université du Québec à Trois-Rivières pour le travail qu'elle fait dans le milieu et surtout je voudrais en profiter pour présenter deux autres membres de l'université qui sont ici en plus de M. Valade. Vous avez M. Jacques Parent qui a travaillé grandement sur le comité de citoyens pour la sauvegarde de la Wayagamack, et M. White, ils sont au coin.

Si l'université du Québec à Trois-Rivières a inauguré son département de papeterie, c'est certainement à cause de la vocation de La Mauricie, une vocation de pâtes et papiers. Tout au cours du problème qu'on a vécu avec la fermeture éventuelle de l'usine Wayagamack, on a senti un intérêt très fort de la part de l'université à essayer d'apporter des solutions et malheureusement, ces solutions vont faire en sorte que l'usine va fermer quand même, mais on va tout de même essayer de trouver le moyen de sauver les autres usines. Ce serait là ma première question. Compte tenu de la situation qu'on vit en Mauricie avec la fermeture de l'usine Wayagamack, l'université, en plus des recherches, aurait-elle certaines recommandations vis-à-vis des autres usines? Avez-vous eu l'occasion de voir certaines possibilités pour conseiller les autres usines en Mauricie, pour faire en sorte de sauver au moins l'usine de l'île. Y a-t-il des recherches qui ont été faites concernant l'usine de l'île de la Consol?

M. Valade: Des études qui ont été faites sur l'île directement, non. Mais nous avons de l'information — je l'ai mentionné — en ce qui concerne beaucoup d'usines québécoises. C'est un de nos projets d'essayer de prédire ou de rationaliser de quel genre d'investissement, dans quel genre de département cela pourrait se faire. Ceci est pour les usines québécoises en général. Cela fait partie de nos priorités.

M. Gagnon: Vous avez dit que vous travaillez sur les traitements antipollution. Est-ce uniquement les traitements de la pollution en usine, ou si vous allez aussi au niveau de la forêt? On entend beaucoup parler du flottage du bois. Avez-vous fait des études dans ce domaine?

M. Valade: Non. Au point de vue du flottage du bois, on n'y touche pas présentement. Au point de vue du traitement antipollution, nous nous préoccupons de l'aspect de l'environnement. Nous rattachons à l'aspect du traitement antipollution la fabrication, par exemple, de la nourriture animale. C'est encore un autre projet qui devrait éventuellement apporter des résultats assez intéressants.

M. Gagnon: Vous faites aussi, je crois, des études pour essayer de récupérer au maximum les résidus du bois, entre autres l'écorce, ou enfin vous avez un travail de fait sur les copeaux. Où en êtes-vous rendus là-dedans?

M. Valade: Sur les copeaux, ce qui nous intéresse présentement, ce sont, d'une part, la question de raffinage des copeaux dans des mélanges où on pourrait utiliser certaines essences, par exemple du tilleul, du merisier, du bouleau ou du tremble, et examiner le tout en fonction de différents procédés de cuisson et regarder si les rendements de cuisson sont intéressants, et d'autre part, regarder si la qualité de la pâte produite est aussi admissible pour la fabrication de papier journal ou de papiers spéciaux.

M. Gagnon: Justement, en ce qui concerne les essences dont on ne se sert à peu près pas actuellement et qui se gaspillent, en êtes-vous arrivés jusqu'à présent à certaines conclusions qui laissent croire qu'éventuellement, on pourrait se servir d'autres essences? En êtes-vous rendus à des conclusions?

M. Valade: Non, mais je pourrais dire que, sur cet aspect, on a une série d'essais. Présentement, les essais ne sont pas concluants.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Je n'aurais, en fait, qu'une question. J'aimerais revenir à la charge. Vous m'avez un peu surpris tantôt quand vous m'avez souligné que vous ne receviez absolument aucun montant, aucune subvention venant de l'industrie. Il m'apparaît qu'un centre de recherche à caractère appliqué comme celui que vous voulez réaliser ne peut survivre sans des subventions venant de l'industrie, non seulement parce que c'est un apport d'argent, mais parce que c'est un apport d'idée. D'une façon générale, lorsque l'industrie finance un projet de recherche, c'est que le sujet l'intéresse et, par conséquent, il y a véritablement un échange dynamique entre le chercheur et l'industriel. Pouvez-vous me dire quels moyens vous comptez prendre pour, finalement, convaincre l'industrie de fournir un certain montant? La plupart des entreprises qui nous ont visités ont souligné l'importance des fonds qu'ils consacraient à la recherche soit dans leurs laboratoires, soit dans les laboratoires de Montréal, de l'institut. Par conséquent, dans quelle mesure, justement, les compagnies n'accepteraient-elles pas de financer ensemble un certain nombre de projets? Les avez-vous déjà pressenties et, en général, quelle est la réaction de l'industrie?

M. Valade: La réponse est très simple. On n'a jamais fait de demande à l'industrie. On a attendu d'être prêt. Les compagnies peuvent s'attendre très bientôt à certaines demandes. On a certaines expertises qu'on peut offrir et certains services. Ce sont les prochaines étapes. C'est aussi simple que cela comme réponse.

M. Bérubé: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Valade, au nom des membres de la commission, je vous remercie infiniment pour votre collaboration et plus particulièrement pour la collaboration que vous avez apportée il y a quinze jours en permettant au syndicat de la Wayagamack de prendre votre place pour présenter son mémoire. Cela a été un beau geste. Nous vous en remercions au nom des membres de la commission.

M. Valade: Cela a été fait du fond du coeur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.

M. Pagé: Par ailleurs, M. le Président, il faut dire que les gens de l'Université du Québec à Trois-Rivières ont dû attendre tout près de 20 minutes ce soir, contrairement à ce que vous nous aviez personnellement recommandé cet après-midi, avant de commencer les travaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En raison de...

M. Pagé: D'un manque de quorum, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ah! bon. D'accord.

M. Pagé: Ce n'est pas moi qui le dis.

M. Brassard: II manquait, entre autres, le président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le remplacement du président avait été désigné avant 18 heures puisque je savais que je serais en retard. J'avais une bonne raison. Le repas était excellent.

M. Grenier: Je n'en doute pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'inviterais la compagnie de papier Quebec North Shore Ltée, et ses représentants à venir présenter leur mémoire.

M. Pagé: M. le Président, nos amis de Quebec North Shore vont s'installer. Vous n'êtes certainement pas sans savoir qu'à quelques reprises, j'ai eu l'occasion de soulever, à l'Assemblée nationale, la question qui affecte l'avenir de l'exploitation d'une entreprise, ici, sur le territoire de la ville de Québec, et c'est le cas de la compagnie Canadian Glassine; pour le bénéfice de mes amis d'en face, Canadian Glassine, c'est cela.

M. Bérubé: La loi 101 commence à porter fruit.

Motion pour convoquer

le syndicat des travailleurs

de Canadian Glassine

M. Pagé: J'ai vu cela avec Domtar et tout cela, cet après-midi. Sérieusement, M. le Président,

cette entreprise est frappée par une fermeture éventuelle, et compte tenu que les délais courent de plus en plus; compte tenu qu'il est devenu de plus en plus incertain que cette entreprise puisse continuer à fonctionner ici, dans la région de Québec; compte tenu, de plus, qu'environ 125 travailleurs de la ville de Québec seront directement affectés par cette fermeture; compte tenu aussi, évidemment, qu'on a eu l'occasion de soulever cette question et de sensibiliser le ministre des Terres et Forêts à cette question, lequel m'a référé, à l'époque — et on s'en rappellera, on aura d'ailleurs l'occasion d'en parler demain, je l'espère — au ministère de l'Industrie et du Commerce dans une recherche de solution à ce problème qui touchait ces travailleurs; compte tenu que la compagnie Canadian Glassine a déjà eu ou a encore — de toute façon, on pourra en discuter demain matin — des liens très étroits avec la compagnie Reed, ici, à Québec, je propose que cette commission soit d'avis qu'en raison de la situation précaire de la Canadian Glassine, et devant l'éventualité de sa fermeture imminente, les représentants du syndicat de cette entreprise soient entendus le vendredi, 14 octobre 1977, lors de la séance de 10 heures. J'espère, M. le Président, étant donné qu'on a créé un précédent auquel nous avons souscrit parce que nous l'avions d'ailleurs formulé et proposé à ce moment-là, lorsqu'il a été question d'entendre le syndicat des travailleurs de la Wayagamack, tout le monde, je pense, avait été unanime, au lendemain.

On se rappellera que le soir, la partie gouvernementale avait été un peu hésitante parce que, supposément, il n'y avait pas eu de mémoire, mais le lendemain, tout le monde avait été unanime à accepter le dépôt du mémoire présenté par le syndicat des travailleurs de la Wayagamack. J'espère qu'à la lumière de ce précédent qui a été créé, on sera en mesure d'entendre les travailleurs de la Canadian Glassine demain.

Motion jugée irrecevable

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, M. le député de Portneuf, effectivement, il y a eu un précédent, et je vais rendre la même décision que j'ai rendue à ce moment-là, avec les mêmes étapes. Premièrement, je vais déclarer la motion irrecevable, pour le moment...

M. Pagé: D'accord, M. le Président, cela part bien!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... puisque je n'ai reçu, jusqu'à maintenant, selon les renseignements du personnel de la commission, aucun mémoire. Donc, elle est prématurée pour le moment, mais — et j'y arrivais — le précédent qui a été créé est le suivant: la motion avait été déclarée également irrecevable parce que prématurée, mais si demain matin le mémoire de cet intervenant était parvenu à la commission et s'il y avait consentement unanime des membres de la commission, votre motion pourrait certainement être acceptée. C'est exactement la même décision que celle rendue il y a environ quinze jours. Alors, je déclare la motion prématurée, donc, irrecevable, mais si un mémoire est entre les mains du personnel de ia commission, elle pourra, à ce moment-là, être déclarée recevable, et la commission, comme elle est maîtresse de ses travaux, pourra décider d'entendre cet intervenant.

M. Pagé: M. le Président, vos commentaires me portent à dire que votre sagesse est remarquable et devrait servir d'exemple aux gens à votre droite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et que ma jurisprudence est constante et stable.

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cher collègue et confrère. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Pour préciser ce point, cela m'intéresse d'une façon particulière parce que je n'y serai pas. J'aurais voulu savoir... Si demain vous recevez cette motion pour inviter la compagnie, après, à se présenter dans la journée — je serai pour la motion, bien sûr, je serai en faveur de faire venir la compagnie mais j'aimerais bien qu'elle ne vienne pas demain puisque j'aimerais mieux la recevoir mardi prochain, s'il y a lieu. Mais quelle est la décision, exactement?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La décision, c'est qu'il n'y a pas de motion, cette dernière est irrecevable parce que prématurée.

M. Grenier: Et si demain, elle devait être jugée recevable parce que le mémoire serait déposé, est-ce que cela veut dire que, sur-le-champ, vous pourriez inviter la compagnie à se présenter?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout d'abord, je dois vous dire ici que cela va prendre un consentement unanime, premièrement, comme l'autre jour, parce qu'il y avait un délai pour la production des mémoires. Cela nous prend un consentement unanime pour l'acceptation du mémoire puisque c'est en dehors des délais. Une fois que la motion aura été déclarée recevable, parce qu'il y a un consentement unanime des membres de la commission, à ce moment, est-ce que cette motion sera adoptée en vue d'entendre ce groupe demain plutôt qu'une autre journée? C'est la commission qui, majoritairement, décidera, par un vote positif ou négatif.

Mais, si je me rappelle bien, dans le cas des travailleurs de la Wayagamack, motion déclarée irrecevable parce que prématurée, le matin, un mémoire a été présenté de consentement unanime. Par après, il y eu désistement de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui céda sa place au syndicat de la Wayagamack. Demain, même s'il n'y a pas de consentement de la troisième partie en

cause, il peut arriver que la motion soit adoptée ou rejetée. Mais, cela va me prendre un mémoire. Actuellement, je n'ai pas de mémoire.

Donc, pour moi, actuellement, il n'y a pas de motion.

M. Grenier: Je vous reconnais. Des motions prématurées, vous connaissez cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis très heureux d'être votre président. Je demanderais au porte-parole de la compagnie de se présenter et de présenter ses collègues, s'il vous plaît.

Quebec North Shore Ltée

M. Schmon (Robert): Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mon nom est Robert Schmon, président et chef de direction de la Compagnie de papier QNS Ltée. J'ai le plaisir de vous présenter, à ma gauche, M. Jack Simons, vice-président, domaine forestier, et, à sa gauche, M. Phil Sénéchal, vice-président à l'exploitation. A ma droite est M. Bernie Panet-Raymond, vice-président exécutif, et, à sa droite, M. Bernard Baril, directeur du groupe technique.

J'aimerais, M. le Président, exprimer d'abord notre appréciation de l'intérêt que cette commission parlementaire porte à l'étude des perspectives dans l'avenir de notre industrie au Québec. Nous voulons participer à cette étude d'une façon active et positive. Même si l'industrie des pâtes et papiers au Québec, comme, d'ailleurs, partout au Canada, fait face à de sérieux problèmes depuis quelques années, je suis convaincu que son avenir est prometteur et qu'elle continuera sa large contribution à l'économie du Québec. Ces problèmes, dont nous faisons état dans le mémoire que nous soumettons à votre commission, sont loin d'être insurmontables.

La solution deviendra plus facile et plus rapide si les trois grands secteurs impliqués, les gouvernements, les dirigeants d'entreprises et les syndicats, unissent leurs efforts pour renforcer l'industrie et non l'affaiblir. Avant de présenter le sommaire de notre mémoire, je crois bon de vous dire quelques mots de notre compagnie. La Compagnie de papier QNS Ltée est une filiale d'Ontario Paper Co. Ltd., laquelle est à son tour une filiale de Tribune Co. de Chicago. Notre compagnie fait affaires sur la Côte-Nord du Québec depuis 1915. En 1937, nous avons mis en marche une usine de papier journal à Baie-Comeau. C'était la première grande entreprise sur la Côte-Nord.

Au début des années 1950, nous avons construit une centrale hydro-électrique sur la rivière Manicouagan, dans le double but de pourvoir à nos propres besoins et d'attirer d'autres industries dans la région de Baie-Comeau Hauterive. C'est grâce à cette décision de notre compagnie et à la politique du gouvernement du temps qu'une fonderie d'aluminium s'est installée à Baie-Comeau en 1958, représentant un investissement d'environ $100 millions dans ce temps-là. En 1964, nous avons augmenté notre capacité de production en installant une troisième machine à papier journal. En 1970, nous avons complété un programme de modernisation et d'expansion de $60 millions qui comprenait l'installation d'une quatrième machine à papier journal. La production annuelle de QNS à Baie-Comeau est de 460 000 tonnes de papier journal. Nous avons 2800 employés dont le total des salaires dépasse $42 millions.

Enfin, la QNS est partenaire minoritaire de REXFOR dans une scierie de 100 millions de p.m.p. à Pointe-aux-Outardes, près de Baie-Comeau, dont la production doit commencer au début de 1978.

J'aimerais terminer ces quelques commentaires en soulignant le fait que le développement des exploitations de la QNS à Baie-Comeau, et de l'Ontario Paper à Thorold a été autofinancé en grande partie grâce à la politique de la Tribune Company qui consiste à réinvestir au Canada la majeure partie des bénéfices qu'elle réalise dans ce pays.

Maintenant, M. le Président, je vais demander à mon associé et ami, M. Bernie Panet-Raymond, de vous présenter le sommaire de notre mémoire et nos recommandations. Merci beaucoup.

M. Panet-Raymond (Bernie): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, le mémoire que nous soumettons à la commission parlementaire se compose des quatre éléments suivants: un résumé des activités actuelles ainsi qu'un historique de la compagnie de papier QNS Limitée dont M. Schmon vient de vous donner les grandes lignes, et une élaboration sur les cinq principaux domaines qui préoccupent notre compagnie en ce qui concerne l'avenir de son exploitation. Ces cinq domaines de préoccupation sont la position concurrentielle, l'environnement, l'approvisionnement en fibres, les relations ouvrières et le climat d'investissements. Nous vous présentons aussi un sommaire et nos recommandations, et en dernier lieu, nous avons répondu aux questions posées dans la déclaration ministérielle du 28 juin 1977 du ministre des Terres et Forêts.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais vous soumettre notre sommaire et nos recommandations, qui commencent à la page 28 de notre mémoire.

Bien que la compagnie de papier QNS ait investi depuis 15 ans à Baie-Comeau près de deux fois et demie ses bénéfices pour la modernisation et l'expansion de ses exploitations, le rendement sur le capital utilisé a été insuffisant. Il est intéressant de considérer que nous avons investi, au cours des 15 dernières années, soit de 1962 à 1977 un montant de $147 millions; la dépréciation pour cette même période s'élevait à $65 millions et les bénéfices étaient de $61 millions. Le rendement moyen, encore pour cette même période, était de 3,78%. Le rendement pour l'année 1976 se chiffrait à 2,43%.

Si on réévaluait nos actifs pour prendre en considération l'inflation qui a eu lieu en 1976, le bénéfice serait diminué à 1,31%.

Des facteurs autres que la désuétude créent les problèmes graves auxquels non seulement la QNS, mais toute l'industrie des pâtes et papiers doit faire face. Les plus importants de ces facteurs sont: les désavantages importants sur le plan des coûts d'exploitation, soit le bois, la main-d'oeuvre et le transport, par rapport à la concurrence du Sud des Etats-Unis; l'imprévisibilité des facteurs régissant les taux de change; la diminution sensible, de la part de l'industrie québécoise, du marché des pâtes et papiers. J'aimerais souligner encore une fois, qu'au Canada, nous sommes maintenant devenus ce qu'on appelle des fournisseurs marginaux et, comme tels, nous sommes soumis aux fluctuations de la demande sur le marché américain. Le marché américain emploie d'abord la production américaine et complète ses besoins avec la production canadienne. Cela cause des fluctuations et certainement de temps à autre des fermetures temporaires d'usines.

Ensuite, il y a les charges fiscales plus lourdes, les taxes municipales, scolaires et d'affaires payées à Baie-Comeau par QNS en 1976 sont parmi les plus hautes dans l'industrie et se chiffrent à $1,6 million. Enfin, il y a les conditions d'investissement qui sont défavorables.

Nous croyons que l'industrie des pâtes et papiers est capable de relever ces défis si on lui accorde le temps requis et un climat favorable aux affaires. Ses perspectives d'avenir reposent autant sur les politiques des gouvernements que sur sa propre capacité à diriger et à planifier les opérations et sa croissance future. La QNS soumet les recommandations qui suivent en vue de résoudre les problèmes pressants au chapitre du contrôle de l'environnement, de l'approvisionnement en fibres, des relations ouvrières et quant au climat d'investissement.

Au sujet de l'environnement, la QNS est en mesure de se conformer aux exigences des normes actuellement à l'étude sur les solides en suspension; toutefois, nous sommes profondément préoccupés par les programmes et les échéances que nous pourrions être obligés de respecter pour nous conformer aux normes sur la demande d'oxygène biologique. Les recherches soutenues effectuées par notre compagnie ont permis d'identifier plusieurs solutions de rechange viables qui répondraient aux normes prévues. Cependant, toutes ces solutions ne sont pas acceptables en ce qui concerne nos exploitations à Baie-Comeau.

Compte tenu que nous avons fait récemment l'expérience de l'implantation de nouveaux systèmes, nous devons nous assurer que la solution choisie est non seulement technologiquement viable, mais aussi qu'elle est compatible avec les conditions qui nous sont propres à Baie-Comeau. Dans ce contexte, l'état actuel de nos recherches indiquerait que la conversion à la pâte thermomécanique, par exemple, ne présente pas la solution à nos problèmes en vue des coûts élevés en capital, de la mise au rancart des installations actuelles de pâte au bisulfite et de pâte mécanique, des besoins énergétiques accrus et de l'efficacité douteuse de l'exploitation de nos machines à grande vitesse. Nous voulons donc poursuivre nos recherches afin de nous prononcer d'une façon définitive.

Ce dont nous avons le plus besoin, c'est du temps requis pour examiner attentivement toutes les solutions de rechange et en vérifier la technologie. Nous avons aussi besoin d'aide pour amortir l'impact des coûts en capital et l'élimination possible d'un matériel utile. Nous faisons donc les recommandations suivantes: 1) Que les représentants des différents ministères intéressés travaillent en collaboration étroite avec notre compagnie pour établir des programmes et des échéances qui cadrent avec les réalités propres de la QNS; 2) Qu'on accorde à la compagnie des allégements afin qu'elle puisse réduire les effets des coûts élevés en capital et ces allégements pourraient consister, entre autres, à différer le paiement des droits de coupe, à accorder des emprunts sans intérêt ou à faible taux d'intérêt, à maintenir l'amortissement rapide du capital ou d'autres mesures appropriées; 3) Qu'on adopte une disposition permettant d'amortir immédiatement tous les prêts occasionnés par le contrôle de la pollution. On devrait aussi considérer la possibilité de prolonger indéfiniment les dispositions d'amortissement des catégories 24 et 27. La catégorie 24 vise des installations antipollution concernant les eaux et la catégorie 27 vise les installations antipollution quant à l'air.

Ces deux catégories doivent expirer à la fin de 1977. Ou encore un amortissement de plus de 100% pour les coûts occasionnés par le contrôle de la pollution. Au sujet de l'approvisionnement en fibres, une garantie qualitative et quantitative à long terme de l'approvisionnement en fibres de bois est essentielle si on veut répondre aux besoins actuels ainsi qu'à ceux qui pourraient se manifester en cas de changement technologique ou d'accroissement de la capacité de production.

La QNS fait les recommandations suivantes:

Premièrement, qu'une formule de droit de coupe variable soit établie pour compenser l'incidence sur les coûts de la topographie, du climat, de l'éloignement et de la livraison du bois;

Deuxièmement, quand les concessions de la QNS seront rétrocédées, qu'un contrat de garantie d'approvisionnement en bois puisse prévoir, en plus d'accorder un droit de coupe sur pied pour une période initiale de 20 ans renouvelable, que les territoires sous réserve couvrent l'approvisionnement de l'usine pour une période minimale de 60 ans, et l'attribution de réserves dans le plan d'aménagement pour répondre à l'augmentation future des besoins en fibres.

Comme le soulignait M. Schmon il y a quelques instants, la QNS est partenaire minoritaire de REXFOR dans une série de 100 millions de p.m.p. à Pointe-aux-Outardes. A partir de 1979, la compagnie QNS recevra de la scierie jusqu'à 25% de ses besoins en fibres sous forme de copeaux.

Au sujet des relations ouvrières, en même temps qu'elle investit des sommes importantes

pour améliorer la productivité, la QNS est en train d'étudier en profondeur les moyens à prendre pour améliorer les relations entre la direction et les salariés. Ceci implique aussi la possibilité de nouveaux modes de négociation collective dans l'exploitation de l'usine. Les progrès ont été encourageants à cet égard et tout indique que les résultats bbénéficieront non seulement à la compagnie et à ses salariés mais encore à toute l'industrie. Il est à espérer que cette formule puisse être adoptée avec les travailleurs forestiers.

Le rôle du gouvernement dans les relations patronales-syndicales devrait être celui d'un catalyseur, premièrement, en encourageant des discussions et des consultations productives entre ces deux secteurs; deuxièmement, en développant une meilleure compréhension basée sur les faits économiques fondamentaux qui affectent l'avenir de l'industrie et, troisièmement, en encourageant l'établissement de centrales syndicales industrielles plutôt que de reconnaître une multitude d'unités de négociation appelées à représenter les employés d'une même opération industrielle; ceci améliorerait les relations entre les syndicats et les employeurs et faciliterait le processus des négociations collectives.

J'aimerais ajouter un mot sur la disponibilité de la main-d'oeuvre en forêt. Comme l'indique notre mémoire, nous éprouvons certaines difficultés que nous croyons pouvoir être sérieuses à l'avenir, pour recruter la main-d'oeuvre en forêt. Cette difficulté est causée principalement par l'éloigne-ment du lieu de travail et le fait qu'il y a de plus en plus d'employeurs qui font le recrutement de leur main-d'oeuvre dans le même bassin de main-d'oeuvre, environ 65% de nos gens employés en forêt viennent de la rive-sud.

Comme remède, nous anticipons évidemment d'augmenter la mécanisation au maximum. Toutefois, cette mécanisation est limitée à 25% de nos limites. Il y a aussi l'amélioration du milieu de travail qui nous préoccupe.

Enfin, nous accélérerons ou tenterons d'augmenter les cours d'entraînement pour nos employés.

Sur le sujet "climat d'investissement", on peut dire qu'aujourd'hui les fonds nécessaires à la modernisation et à l'expansion de l'industrie sont énormes. Nous ne pourrons attirer ces fonds que si le climat est favorable et qu'il y a une possibilité de rendement raisonnable à long terme. Les gouvernements jouent un rôle clé dans l'établissement et le maintien de ce climat non seulement en prenant des mesures qui s'appliquent particulièrement à l'industrie, mais aussi en créant dans la société une compréhension du rôle du système de la libre entreprise.

Les gouvernements, à tous les niveaux, peuvent apporter des contributions importantes en prenant des mesures touchant trois domaines essentiels. 1) En réaffirmant l'importance du secteur privé dans le développement global de l'économie; 2) En votant des lois et des règlements qui soient conformes aux besoins et à la capacité de production de la société; 3) En établissant un forum de consultations régulières entre le gouvernement, l'industrie, le monde ouvrier et le public, pour encourager la compréhension des questions ayant trait au développement économique et social.

M. le Président, nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie beaucoup, M. Panet-Raymond. M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je remercie d'abord la Quebec North Shore d'avoir répondu à notre invitation de se présenter à cette commission. Je crois que son analyse de la situation ainsi que ses recommandations constituent un apport précieux aux travaux de la commission.

A la page 16 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous parlez de l'utilisation du procédé thermomécanique; vous semblez ignorer l'importance de la réduction en fibres pour le même tonnage de papier journal. Si on se reporte aux difficultés d'approvisionnement en fibres que vous mentionnez par ailleurs, la pâte thermomécanique n'offrirait-elle pas des attraits qui compenseraient le coût de capital élevé et l'augmentation des besoins en énergie?

M. Panet-Raymond: Ce point de vue est pris en considération évidemment dans les études que nous faisons à ce sujet. Je vais demander à M. Baril, qui est notre directeur du groupe technique, de répondre plus en détail à cette question.

M. Baril: M. le Président, nous avons examiné cette question en détail depuis déjà quelques années. Nous reconnaissons la valeur et l'intérêt du procédé thermomécanique. Nous sommes d'accord pour dire que c'est un procédé qui va jouer un rôle important dans l'industrie des pâtes et papiers à l'avenir. Il faut examiner la situation de chaque usine en particulier. Une solution qui se prêterait à une usine n'est pas nécessairement la meilleure pour une autre usine. Il faut se rappeler que, nous avons fait à Baie-Comeau des investissements considérables pour agrandir, moderniser en 1964 et agrandir de nouveau nos installations en 1970. Si on appliquait le procédé thermomécanique pour éliminer la pâte au sulfite, il faudrait éliminer ou rejeter une grande partie de ces installations qui ne se sont pas dépréciées. Cela rend le rendement de ce procédé assez marginal au point de vue économique.

Dans notre cas, il faudrait avoir un mélange de pâte thermomécanique et de pâte "groundwood " ordinaire. Nous croyons que ce mélange ne serait pas suffisant pour éliminer la pâte de sulfite. Nous n'aurions pas une pâte assez forte pour faire fonctionner nos machines à papier à grande vitesse à un rendement convenable. Nous croyons qu'il faudrait probablement varier le procédé thermomécanique.

M. Desbiens: Sur lequel — vous le mentionnez d'ailleurs — vous faites des recherches actuellement.

M. Panet-Raymond: Oui. A l'heure actuelle, nous avons plusieurs solutions de rechange qui sont à l'étude; comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, nous avons besoin de temps pour confirmer nos résultats et être certains que nous adoptons la formule de rechange la plus rentable et qui donnera les meilleurs résultats possibles à tous les points de vue.

M. Desbiens: Je passe à un autre domaine. A la page 19, au deuxième paragraphe, vous mentionnez qu'une des façons de compenser les conditions d'exploitation particulièrement difficiles de territoires comme les vôtres serait d'établir une formule variable de droits de coupe. D'après vous, quel serait le taux maximal de droit de coupe, ou, autrement dit, quel taux aimeriez-vous voir appliquer dans des conditions idéales de récolte? Est-ce que ce serait quelque chose de semblable à la Colombie-Britannique?

M. Panet-Raymond: Nous avons eu l'occasion, M. Desbiens, de discuter de cette question avec le ministère des Terres et Forêts il y a déjà quelques années, en raison de la difficulté topographique de l'endroit où nous faisons nos exploitations forestières. Nous avons fait certaines suggestions pour que, au-delà d'un certain niveau, d'un certain parallèle, le droit de coupe soit diminué, et, plus précisément, qu'il soit réduit de 50%, et nous parlions du parallèle 50.

Il y a différents éléments à considérer, il y a la difficulté du terrain, l'éloignement, évidemment, et le coût de transport, qui, croyons-nous, devraient être inclus dans la considération d'une telle formule variable.

M. Desbiens: Donc, cette formule serait déjà entre les mains du ministère des Terres et Forêts, je dirais plutôt ces suggestions.

M. Panet-Raymond: Non, j'ai dit que nous avions fait une suggestion dans ce sens, et nous nous appliquons à développer une formule que nous serions en mesure de présenter au ministère des Terres et Forêts.

M. Desbiens: Un peu plus loin, à la page 25, au sujet de l'embauche, au deuxième paragraphe, je crois, vous prévoyez des difficultés croissantes d'embauche de main-d'oeuvre forestière. C'est un problème que vous mentionnez. Ne serait-ce pas un problème de rétention de la main-d'oeuvre ouvrière dans le Nord plutôt qu'un problème d'embauche?

M. Panet-Raymond: Non. Notre taux de "turn-over", pour employer l'expression anglaise, est assez bas. Toutefois, la difficulté que nous avons, comme je le mentionnais plus tôt, c'est l'éloignement du milieu de travail, la réticence de la part d'employés qui pourraient accepter du travail à s'éloigner de leur famille; j'ai dit que 65% de nos employés en forêt viennent de la Côte-Sud; avec le climat ce sont autant de facteurs qui rendent le recrutement de la main-d'oeuvre difficile, en plus du fait que, de plus en plus, le nombre de producteurs qui recherchent la main-d'oeuvre dans ce même bassin augmente et rend le recrutement d'autant plus difficile.

M. Desbiens: On constate, à la lecture de votre mémoire, que vous dépensez quand même annuellement des sommes importantes pour faciliter l'embauche et le recrutement, j'imagine, surtout des gens éloignés. Dans ce cas, y a-t-il des efforts de la part de votre compagnie pour intéresser les gens de la Côte-Nord même à se trouver du travail dans l'industrie forestière?

M. Panet-Raymond: Oui, nous avons tenté différentes approches pour faciliter l'accès au lieu de travail, par avion, par exemple; de grands efforts ont été faits. Malgré tout, nous avons encore beaucoup de difficulté à faire le recrutement nécessaire.

M. Desbiens: Evidemment, ce n'est pas la première fois que le problème d'embauche est mentionné ici. N'avez-vous pas d'autre solution pour essayer d'intéresser davantage les gens?

M. Panet-Raymond: Nous faisons tout ce que nous pouvons pour améliorer le lieu de travail, pour en faciliter l'accès, pour spécialiser et entraîner la main-d'oeuvre de façon qu'elle puisse s'attacher à son travail, surtout dans le domaine de la mécanisation. Nous espérons, grâce à ces efforts, que nous pourrons recruter le nombre d'employés dont nous avons besoin, mais c'est tout de même un domaine qui nous préoccupe.

M. Desbiens: Un peu plus loin, à la page 27, au sujet des relations ouvrières, pour atteindre une meilleure compréhension entre les principaux intervenants et permettre de prendre des décisions bénéfiques pour tous, vous suggérez l'établissement d'une saine base de discussion entre le gouvernement, le monde des affaires et le monde ouvrier. Mais il existe déjà au Québec ce qu'on appelle le Conseil consultatif du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Est-ce qu'il ne remplit pas ce rôle?

M. Panet-Raymond: Le Conseil consultatif de la main-d'oeuvre remplit ou est appelé à remplir un rôle très efficace et très important. Toutefois, ce Conseil consultatif couvre toute l'industrie, pas seulement les pâtes et papiers, mais toute la gamme des industries au Québec et je crois qu'il est assez difficile pour ce comité d'atteindre ce que nous recommandons ici. Ce que nous recommandons, c'est une consultation plus intense entre les trois secteurs, le gouvernement, le monde ouvrier et les dirigeants d'entreprises, concernant l'industrie des pâtes et papiers, de façon que les trois secteurs puissent d'abord s'en-

tendre sur les points de base, parce que s'il n'y a pas entente sur les points de base, il est bien difficile d'avoir une consultation quelconque.

Au fur et à mesure que ces points de base sont établis, discutés et acceptés, on ne pourra faire autrement qu'augmenter la crédibilité d'un secteur vis-à-vis des autres.

M. Desbiens: Si je comprends bien, vous le voyez au niveau de toute l'industrie ou au niveau de chaque société?

M. Panet-Raymond: D'abord au niveau de l'industrie des pâtes et papiers. Je dirais, par exemple, dans le secteur du papier journal, car c'est celui qui nous implique à ce moment-ci.

M. Desbiens: Peut-être une autre question. Aux pages 41 et 42, vous avez un tableau et vous dites au deuxième paragraphe que la modernisation ne constitue qu'une réponse partielle à la possibilité de demeurer compétitifs. Vous y faites une revue des éléments du tableau de la page 43 montrant que le coût net d'une tonne de papier journal provenant d'une papeterie du Québec est de $40 de plus que celui d'une tonne de papier produit dans une usine du Sud des Etats-Unis. Est-ce que vous avez des chiffres qui vous aideraient à déterminer quelle réduction de cet écart de $40 la tonne, par exemple, dans les études que vous faites, pourrait vous permettre une modernisation de vos usines?

M. Panet-Raymond: II y a certainement des choses qui peuvent être faites, d'abord, sur le coût du bois. L'emploi de copeaux, par exemple, ou un emploi plus considérable de copeaux pourrait être de nature à réduire la différence qui existe au chapitre du bois. Ceci nous vaudrait un plus haut rendement que celui de 65% que nous avons à l'heure qu'il est. Notre objectif, avec le procédé que nous avons, est d'atteindre 70%. Il y aurait donc une amélioration dans le coût, à ce même chapitre. Il y a le chapitre de la main-d'oeuvre, qui en est un autre où il y a un écart assez considérable. L'augmentation de la productivité dans les exploitations pourrait être une source de réduction de l'écart entre le Québec et le sud des Etats-Unis.

M. Desbiens: J'ai peut-être une dernière question, M. le Président. A la page 52, vous énoncez au troisième paragraphe que les usines du Québec et surtout celles de votre compagnie j'imagine, sont bien situées pour exporter vers l'Europe. Par contre, l'industrie canadienne maintient souvent que les producteurs Scandinaves bénéficient d'avantages marqués quant au coût de transport sur le marché européen. Dans le cas de votre compagnie, ces avantages, comme le coût du bois, de la main-d'oeuvre, et votre position sur la Côte-Nord, sur le fleuve, ne vous permettraient-ils pas d'exporter davantage?

M. Panet-Raymond: Nous exportons, à l'heure actuelle, environ 40 000 tonnes outre-mer. Ces 40 000 tonnes représentent environ 25% de ce que nous vendons sur le marché autre que pour nos propres journaux. 35% de notre production sont vendus sur le marché et, de ces 35%, 40 000 tonnes, soit environ 25%, sont expédiées outremer.

M. Desbiens: Est-ce que c'est déjà beaucoup plus que d'autres compagnies ou pourriez-vous faire davantage, vu la position que vous occupez?

M. Panet-Raymond: Nous sommes toujours actifs même dynamiques dans nos efforts de commercialisation et nous tentons de faire toutes les ventes possibles, évidemment, d'une façon rentable.

M. Desbiens: Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Schmon, M. Panet-Raymond, je vous remercie ainsi que vos collaborateurs. A la page 12 de votre mémoire, vous établissez le défi que, collectivement nous avons à relever, soit celui de produire à des coûts beaucoup plus bas. Evidemment, vous formulez différentes recommandations dont quelques-unes ont pu être reprises par d'autres groupes ou associations. A cette période-ci de nos travaux, après six ou sept journées d'audition, plusieurs éléments de solution ont été discutés. Certains groupes qui sont intervenus n'ont pas favorisé d'intervention gouvernementale directe; j'aimerais savoir si vous favorisez une intervention directe du gouvernement. Et, si vous êtes favorable à une intervention du gouvernement, est-ce que vous croyez que cette intervention devrait s'appliquer à l'industrie en général ou aux entreprises qui font face à un problème très aigu de rentabilité, selon les commentaires de M. Hamilton, cet après-midi? On a cru percevoir, à la lumière de certains mémoires, que le problème ne serait pas d'envergure générale. Certains mémoires semblaient privilégier une action à l'égard de certaines usines, celles qui sont peut-être les plus frappées actuellement. Alors, à la lumière de votre expérience, est-ce que vous favorisez l'action gouvernementale? Est-ce que cette action gouvernementale devrait s'étendre à toutes les entreprises plutôt qu'uniquement aux entreprises qui ont plus de difficultés? Si vous favorisez une action gouvernementale à l'égard de l'industrie en général, vous ne croyez pas que la recommandation relative au droit de coupe variable, dont vous faites état à la page 31, pourrait briser cette équité à l'égard de toutes les entreprises, dans le sens que cela impliquerait nécessairement une foule de normes, et qu'évidemment, ces normes favoriseraient des groupes ou des industries par rapport à d'autres?

Ne croyez-vous pas que le droit de coupe variable, qui est un exemple bien spécifique, bien particulier, viendrait peut-être briser le jeu de

l'équité de la part du gouvernement à l'égard de l'industrie en général dans une mesure concrète et aussi spécifique que celle-là?

M. Panet-Raymond: L'intervention directe du gouvernement — d'ailleurs, notre mémoire en fait état d'un bout à l'autre — nous la voyons dans la possibilité d'augmenter notre fonds de roulement, les différentes méthodes à employer de façon que le fonds de roulement soit augmenté, de façon à nous permettre de faire certaines modifications dans le procédé, etc. C'est une intervention directe que nous recommandons; elle peut se faire, en différant les droits de coupe, elle peut se faire sous forme de prêts sans intérêt ou à bas intérêt ou encore par une façon de déprécier plus rapidement les installations, surtout celles qui ont trait à la lutte à la pollution.

Quant à la question de savoir si cela devrait s'appliquer à l'industrie en général ou dans des cas particuliers, je crois qu'il y a un mélange des deux. Vous avez parlé d'équité et je crois qu'il doit y avoir une équité. Si une compagnie, par exemple, fait des investissements considérables ou si elle en a fait au cours des années, je crois que cette compagnie ne doit pas être pénalisée au point de vue concurrentiel par des subventions, des allégements ou une participation, directe ou indirecte, du gouvernement ailleurs où, peut-être, ces efforts n'auront pas été faits. Il y a une question d'équité. Tout de même, il y a certains cas où certaines compagnies, individuellement, mériteraient qu'on tienne compte de façon spéciale de leur situation.

Vous demandez si une formule de droit de coupe variable manquerait à l'équité. Je crois que les points que nous avons soulignés, pour justifier un droit de coupe variable sont basés sur l'équité. En d'autres termes, les facteurs que nous avançons pour justifier un droit de coupe variable sont des facteurs qui ne créent pas un manque d'équité entre les différentes compagnies. Prenons, par exemple, l'éloignement.

M. Pagé: D'accord, compte tenu du caractère propre de chacune des entreprises et de son alimentation.

M. Panet-Raymond: C'est cela.

M. Pagé: D'accord. Mais, concrètement et spécifiquement, vous avez fait état d'un des éléments les plus urgents, soit augmenter le niveau du fonds de roulement des entreprises. Est-ce à dire que l'action que vous privilégeriez, si vous étiez le gouvernement, serait au niveau de la fiscalité dans un premier temps? La question, on doit se la poser. Il est probable, en tout cas, il est possible que cette commission aboutisse à une position gouvernementale précise. J'espère que ce sera dans les plus brefs délais. Je suis certain que le gouvernement aura à choisir à l'intérieur de tout un train de mesures qui auront été formulées ou tout au moins discutées et envisagées ici, lors des travaux de cette commission.

La mesure la plus urgente, ou encore celle qui serait de nature à remédier à la situation dans des délais quand même assez brefs — je ne dis pas de régler tout le problème — quelle serait-elle? Quelle serait la plus facilement réalisable, dans de brefs délais, et qui aurait un effet sur toute l'entreprise? Serait-il mieux d'aller du côté fiscal d'une façon aussi directe que cela? Prenons, par exemple, le transport. Dans votre cas, vous favorisez une intervention au niveau de la fiscalité?

M. Panet-Raymond: Au niveau de la fiscalité qui affecte tout le monde de la même façon. Il n'y a pas de manque d'équité là-dedans. C'est la façon la plus effective et la plus rapide de créer l'augmentation de fonds de roulement dont l'industrie a besoin.

M. Pagé: Je vous remercie et j'espère que notre ministre pourra faire part au ministre des finances de ce point particulier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de...

M. Pagé: Excusez, je n'ai pas terminé. Je suis certain que M. Panet-Raymond était ici lorsqu'on a procédé à l'audition des gens de Domtar et j'ai eu l'occasion cet après-midi de faire état du comité des six compagnies qui a été formé suite aux événements préjudiciables à l'industrie en général, de 1975 et 1976. A une question que j'adressais à M. Hamilton, celui-ci me faisait part que l'effort tenté était encore trop faible pour pouvoir faire état actuellement des travaux et des avenues tracés par le comité en question, qui a pour but d'améliorer les relations de travail et les conditions de négociation de conventions collectives. Ceci a été dit à plusieurs reprises là-aussi, dans nos travaux, et je pense que tout le monde est d'accord pour constater la nécessité d'une association réelle en termes d'objectif du milieu syndical et du milieu patronal. J'aimerais bien que vous me le confirmiez, je présume de toute façon que vous ne voulez pas parler du rapport et du travail du comité comme tel, tout comme la Domtar — mais on m'a dit que votre compagnie était avant-gardiste au chapitre des relations du travail dans le sens de l'effort qu'elle déploie pour améliorer vraiment les conditions et les relations de travail chez vous. J'aimerais savoir ce qui est fait et si ce qu'on m'a dit est fondé.

M. Panet-Raymond: Je n'étais malheureusement pas présent au moment où M. Hamilton a fait son commentaire cet après-midi et je n'aimerais pas répondre dans le vague.

M. Pagé: D'accord. Je vais résumer très vite. D'abord, vous avez un comité qui est formé des six plus grosses compagnies au Québec depuis 1975, Quebec North Shore en est une, et ce comité permanent étudie les voies à prendre pour améliorer les conditions de travail. J'ai posé la question à Domtar. Domtar m'a dit que cela allait

bien mais qu'elle n'était pas suffisamment avancée pour en faire état dans le public, que c'était trop fragile. D'accord pour le comité permanent. Mais, en ce qui concerne votre compagnie plus particulièrement, y a-t-il des efforts autres que ceux déployés dans le cadre de ce comité permanent qui sont déployés par votre entreprise? Si je pose cette question, c'est parce qu'on m'a dit que la Quebec North Shore était très favorable à une relation intime et étroite entre le milieu syndical et le milieu patronal. On m'a dit que vous étiez avant-gardistes à ce chapitre.

M. Panet-Raymond: Cela a toujours été la politique de notre compagnie de faire des efforts hors de l'ordinaire concernant nos relations patronales-syndicales. Nous croyons évidemment sincèrement et entièrement dans les bienfaits de la consultation plutôt que la confrontation. C'est notre orientation et notre philosophie dans le domaine syndical. Nous tentons d'améliorer partout où il y a lieu d'améliorer les relations et d'éliminer les sujets de friction qui pourraient s'élever entre les différentes parties.

M. Pagé: Comment cette consultation se traduit-elle? Avez-vous des exemples particuliers?

M. Panet-Raymond: Je peux vous donner un exemple qui n'est pas seulement en vigueur dans notre compagnie, il y a les comités conjoints sur la sécurité, sur les bénéfices sociaux. Nous avons six comités conjoints très actifs sur différents sujets.

M. Pagé: Est-ce que les...

M. Panet-Raymond: Lorsqu'il y a un sujet qui se présente et qui, nécessite une étude conjointe, un comité est formé.

M. Pagé: D'accord. Merci pour cette réponse sur les relations du travail. Je vous souhaite de continuer au niveau du comité permanent. Je crois qu'on peut envisager une solution à ce chapitre.

Ma dernière question porte sur la révocation des concessions forestières. Hier, nous avons eu l'occasion de discuter avec la Compagnie internationale de papier, et j'avais utilisé le terme — je m'en souviens — "amer" à l'égard des révocations de concessions. On s'est tout au moins entendu sur le terme suivant, c'est-à-dire que la compagnie n'était pas favorable aux révocations.

Dans votre mémoire à la page 31, vous faites état de cette question de révocation des concessions forestières. Vous n'y semblez pas trop défavorables. Si la révocation des concessions forestières est rattachée à une garantie d'approvisionnement à long terme — la période minimale de 60 ans m'a un peu surpris, mais on ne parlera pas du chiffre tout de suite — est-ce qu'une garantie d approvisionnement, pour une entreprise comme la vôtre, peut vous permettre quand même d'atteindre les objectifs que vous pouvez atteindre actuellement que ce soit en termes d'opération de gestion de la forêt? Pouvez-vous atteindre les mêmes objectifs avec une garantie d'approvisionnement à long terme que ceux que vous pouvez atteindre actuellement avec les concessions forestières?

M. Panet-Raymond: La question de rétrocession nous apparaît comme déjà acquise. Plutôt que de nous y opposer, nous avons dit que nous nous conformerions à ces vues. Toutefois, notre objectif est d'obtenir, sous une nouvelle forme de tenure, les mêmes avantages que nous avons sous la forme actuelle et qui consistent en une bonne qualité de fibres et la quantité requise à des taux acceptables pour une période à long terme. Ce sont les quatre objectifs de base. Si la formule de rétrocession ou de révocation répond à ces objectifs, on est d'accord.

M. Pagé: Vous y souscrivez?

M. Panet-Raymond: Et nous ne sommes pas amers.

M. Pagé: C'est bien cela. C'est encourageant! Pourquoi la période de 60 ans?

M. Panet-Raymond: Je crois que je vais demander à mon collègue, Jack Simons, de l'exploitation forestière, de répondre parce que, sans cela, il va me prendre pour un mauvais forestier.

M. Simons: Si nos concessions sont rejetées, évidemment, nous allons accepter les propositions du gouvernement. Nous sommes prêts à les accepter pour une période de 20 ans renouvelable pour des périodes de dix ans. Nous estimons toutefois qu'il serait essentiel que nous sachions d'où vient notre bois dans le futur. C'est une question primordiale pour nos investisseurs, nos clients et aussi pour la sécurité de notre fibre. Ce n'est pas une question d'avoir un contrat de 60 ans, c'est une question de savoir d'où vient notre bois pendant une rotation.

M. Pagé: Je vous comprends. Vous pourriez avoir en quelque sorte une réserve actuelle et une réserve future avec un programme d'approvisionnement bien déterminé, quitte à ce que cela puisse être assujetti à une négociation tous les dix ans. Quant à moi, je serais favorable à cette formule. Cela pourrait permettre au gouvernement d'avoir un peu plus de pouvoir et une meilleure position de négociation, compte tenu des efforts que l'entreprise aurait pu déployer ou aurait dû déployer pendant cette période de dix ou quinze ans. Je comprends votre argument en ce qui concerne la réserve future. Messieurs, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président, M. Schmon, M. Panet-Raymond, je vous remercie, au nom de notre parti d'avoir accepté de présenter un

mémoire au nom de Québec North Shore. Celui-ci nous informe largement sur votre administration dans votre secteur.

Une Voix: ...

M. Grenier: Non. Dans leur coin, on a envoyé les premiers ministres et on n'en n'enverra plus. Ce n'est pas l'endroit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Pagé: Nous étions occupés à des choses sérieuses. On aimerait cela rigoler un peu nous aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'heure n'est pas à la rigolade. Allons aux choses sérieuses. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président.

A la page 4 de votre mémoire, vous parlez du climat, de même qu'à la page 26, dans vos résolutions, à la fin. Vous dites, au tout début: "Un climat social ouvrier et politique stable est essentiel pour que l'investisseur et le client sentent que leur confiance est bien placée."

A la page 26, vous revenez, au niveau des recommandations, dans le secteur de l'investissement, et vous dites: "En réaffirmant leurs positions sur le rôle — à ce moment-là, vous parlez des gouvernements — de l'entreprise privée dans l'avenir de l'industrie des pâtes et papiers", et vous continuez: "Certains commentaires rassurants ont été faits à ce sujet dernièrement—je ne sais pas lesquels, j'aimerais que vous me précisiez quels commentaires ont été faits et par qui dernièrement — mais l'inquiétude demeure chez les clients et les investisseurs."

J'aimerais d'abord vous voir préciser les commentaires rassurants — on en cherche, nous aussi — ensuite l'inquiétude chez le client et l'investisseur. Cela nous a été dit cet après-midi par une autre compagnie importante, et cela revient une deuxième fois. Alors, j'aimerais bien, pour en assurer les membres de cette commission, que vous en démontriez l'importance. On ne parle pas avec des pelleteurs de nuages, on parle avec des gens qui sont dans les affaires, et c'est important pour nous.

M. Panet-Raymond: M. le député, les commentaires ont tout d'abord été faits au sommet économique par le premier ministre, en réaffirmant le rôle de l'entreprise privée, et ces commentaires ont été réaffirmés à l'occasion d'une rencontre que nous avons eue avec le ministre des Terres et Forêts, M. Bérubé, et M. Landry.

M. Brassard: Ils n'ont pas lu ces commentaires.

M. Grenier: On avait lu celui de New-York, et il ne l'était pas trop.

M. Brassard: II était clair.

M. Grenier: II n'aurait peut-être pas dû être aussi clair que cela. Cela n'a pas aidé.

M. Brassard: II n'était pas question des pâtes et papiers dans le discours de New-York.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député du Lac-Saint-Jean et M. le député de Mégantic-Compton, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Pouvez-vous répondre à la deuxième partie de ma question?

M. Panet-Raymond: Au sujet de l'inquiétude? M. Grenier: Au sujet de l'inquiétude, oui.

M. Panet-Raymond: II y a plusieurs facteurs qui créent de l'inquiétude parmi les investisseurs et les clients, dont certains sont au Québec et d'autres à l'extérieur du Québec.

A l'extérieur du Québec, par exemple, les contrôles anti-inflation, les contrôles sur les investissements, sont des facteurs qui causent de l'inquiétude, qui ne sont pas propices à l'investissement au Canada. Ce sont ces facteurs auxquels nous faisions allusion, le climat... Maintenant, un autre facteur très important qui cause de l'inquiétude, c'est l'aspect des relations ouvrières.

Comme vous le savez, l'an dernier, le Canada obtenait le premier rang dans le monde occidental pour le nombre d'heures perdues en conflits patronaux-syndicats. Ce sont toutes des choses qui ne sont pas de nature à encourager l'investissement au Canada.

M. Grenier: Merci. Vous avez parlé des fluctuations, et vous avez dit que notre marché, du côté des Etats-Unis, était devenu marginal. Est-ce que la politique canadienne pourrait avoir certaines ressemblances avec la politique américaine afin de conserver chez nous notre marché?

M. Panet-Raymond: C'est l'achat chez nous, en fait, que nous rencontrons, non seulement au Canada mais aux Etats-Unis et dans les autres pays. On favorise d'abord nos concitoyens, ensuite, les autres, pour autant que les coûts et les prix sont abordables.

M. Grenier: A la page 30 de votre mémoire, vous parlez de dépollution de l'environnement et vous demandez une extension, en fait, de l'article 24, qui porte sur l'air, et de l'article 27, qui porte sur l'eau. Vous demandez une extension puisque le tout doit se terminer vers la fin de 1977. Cela a fait l'objet de plusieurs commentaires ici depuis le début.

Tout le monde, bien sûr, théoriquement, doit être en faveur de la vertu et contre le vice, et tout le monde voudrait bien voir dépolluer le plus vite possible, mais quelle extension pourrait vous paraître normale pour le secteur dans lequel se trouve votre compagnie?

M. Panet-Raymond: Aussi longtemps que les normes antipollution établies par les gouvernements n'auront pas été atteintes.

M. Grenier: Oui, mais pour en arriver à cela, vous demandez quand même une période qui va au-delà de 1977. On est tous d'accord que les normes établies par le gouvernement doivent être atteintes. On voudrait tous que ce soit le plus tôt possible, mais on ne voudrait pas, par là, non plus faire végéter les compagnies. Vous semblez demander une extension ici, le problème se pose ailleurs.

M. Panet-Raymond: Si on parle de normes à être mises en place dans dix ans, alors les sections 24 et 27 devraient être extensionnées pour cette même période.

M. Grenier: Bien. J'étais un de vos employés, vous ne devez pas vous en souvenir parce qu'il y a longtemps.

Le flottage du bois sur la rivière des Anglais, se fait-il encore dans ce secteur?

M. Panet-Raymond: Sur la rivière des Anglais? Non.

M. Grenier: Baie-Comeau? Vous n'avez plus cela. Est-ce que votre compagnie fait encore du flottage?

M. Panet-Raymond: Sur la rivière Manicoua-gan.

M. Grenier: Oui. Maintenant, à cause du système de dépollution, si on devait discontinuer le flottage, est-ce que ce serait un handicap important pour votre compagnie?

M. Panet-Raymond: J'ai des chiffres à ce sujet, que je pourrais peut-être vous donner. D'abord, si on éliminait le flottage et qu'on substituait le transport par camion, cela représenterait pour nous un coût additionnel de $5.40 par cunit. Cela représenterait en plus une dépense de 700 000 gallons d'huile diesel. Maintenant, c'est compris dans les $5.40, mais c'est une dépense d'énergie additionnelle. Evidemment, ces chiffres sont basés sur l'expérience que nous avons à d'autres usines. On ne peut pas vous dire que c'est un chiffre exact, mais basé sur notre expérience. En Ontario, cela reviendrait approximativement à ces chiffres.

Maintenant, pour aller un point plus loin, pour éviter la pollution de l'eau, en flottant, si nous faisions l'écorçage dans le bois, nous aurions un coût additionnel d'environ $8 par cunit. Aussi, il y aurait une perte d'énergie, parce que nous ne brûlerions pas l'écorce à l'usine. Nous écorçons le bois lorsqu'il arrive à l'usine par flottage. L'énergie que nous produisons en brûlant l'écorce représente 16% de la vapeur totale que nous produisons. En d'autres termes, 16% de la vapeur que nous produisons provient du brûlage des écorces.

M. Grenier: La rivière sur laquelle vous flottez dans votre coin est certainement, en tout cas, moins embarrassante par sa pollution que le Saint-Maurice? Avez-vous fait des recommandations qu ministère pour que les étapes là-dedans soient peut-être au ralenti?

M. Panet-Raymond: Spécifiquement, M. Grenier, il n'y en a pas eu de faites. Tout simplement, une de nos recommandations, dans notre mémoire, consiste en une plus étroite discussion entre notre compagnie, les ministères intéressés à voir quelles devraient être les normes ou les échéanciers à être appliqués dans notre cas en particulier, étant donné que nous ne sommes pas dans un endroit comme d'autres pourraient l'être, daus un centre industriel plus populeux que celui où nous sommes.

M. Grenier: A la page 31, vous parlez de la possibilité de nouveaux modes de négociations. La question vous a été posée antérieurement par le député de Portneuf et vous êtes venu près de répondre à 100%, mais vous vous êtes retenu, vous en avez conservé un peu. J'aimerais connaître la forme de négociations que vous avez, qui semble être pas mal plus efficace. Je pense que le gouvernement aurait peut-être avantage à entendre un peu plus de précisions sur votre paragraphe de la fin de la page 31 et du début de la page 32.

M. Panet-Raymond: Jusqu'à présent, M. Grenier, le mode général de négociations consiste au mode "crise". En d'autres termes, les deux secteurs montent en épingle, c'est une négociation de crise. Un des aspects qu'on a considérés et qu'on considère d'ailleurs depuis des années et pas nécessairement celui que nous adoptons mais qui pourrait en être un qui serait applicable, ce serait d'échelonner la négociation sur une plus longue période, de façon à ne pas arriver à la dernière minute et puis laisser les émotions prendre le dessus sur la raison et faire des règlements qui, dans bien des cas, ne sont pas les meilleurs, ni pour les employés, ni pour les employeurs.

En d'autres termes, qu'il y ait plus de raisons et moins d'émotions.

M. Grenier: On dirait que vous avez assisté aux réunions que tenait M. Biron en province, l'année passée.

M. Panet-Raymond: Je n'ose pas vous donner mon âge après cette remarque.

M. Grenier: M. Raymond, vous avez parlé, tout à l'heure, d'un sujet qui a été touché par d'autres personnes, la mécanisation pour vos employés en forêt. Je n'ai pas saisi, tout à l'heure, si c'était la compagnie qui se porterait acquéreur des machines pour les bûcherons ou si vous aideriez d'une certaine façon ces bûcherons à se procurer des machines fort onéreuses?

M. Panet-Raymond: Non, ce que j'ai indiqué, c'est qu'une façon de contrecarrer les difficultés

de recrutement serait d'augmenter la mécanisation de nos exploitations. Toutefois, nous sommes limités à 25%, à cause du terrain, etc. Sur la question d'entraînement, un entraînement plus intensif auquel peut-être des agences gouvernementales pourraient pendre part pour l'entraînement des spécialistes dans le domaine des activités forestières. C'est un sujet que nous nous proposons de discuter avec les agences gouvernementales.

M. Grenier: Vous avez, à la toute fin de votre mémoire, à la page 33, fait une recommandation pour le climat de l'investissement. Je pense que si vous aviez été avec nous cet après-midi, alors qu'on a reçu ici deux excellents mémoires d'un comité qu'on a appelé le comité ad hoc d'East Angus et la compagnie Domtar... On s'est rendu compte que dans cette salle, on a suivi presque intégralement votre recommandation de la page 33. C'est incroyable comme des gens qui s'assoient à une même table peuvent parfois s'entendre et être moins méfiants les uns à l'égard des autres. Je pense que la recommandation que vous donnez là vaut, non seulement pour votre compagnie, mais vaut pour le gouvernement et les formes de négociations nouvelles qu'on devrait adopter. C'est bien sûr qu'elle sera à retenir.

En "terminant, la formule coopérative qui a été expérimentée pour votre compagnie, il y a quelques années, les bûcheurs en forêt, est-ce qu'elle continue encore?

M. Panet-Raymond: On me dit que non.

M. Grenier: C'est parce qu'on a posé la question à d'autres compagnies qui ont semblé fort intéressées aux formules coopératives. J'aurais aimé entendre votre point de vue là-dessus puisqu'il est assez important. Il y a eu cette expérience pendant quelques années chez vous et cela semblait répondre aux désirs des bûcherons du temps.

M. Panet-Raymond: Je vais demander à M. Jack Simons de répondre à cette question, M. Grenier.

M. Simons: Les coopératives ont travaillé à Baie-Comeau dans les années quarante et cinquante. Dans les années cinquante, elles ont abandonné les affaires. Cela a l'air qu'il y a eu des problèmes internes.

M. Grenier: Elles fonctionnent encore. Etes-vous au courant qu'elles fonctionnent en Ontario, à Blind River, principalement?

M. Simons: Je ne sais pas, je ne suis pas au courant.

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Ma pre- mière question porte sur un avantage que vous avez et dont la certitude ne saurait être mise en doute. L'avantage est le suivant: Vous êtes une des rares entreprises de pâtes et papiers au Québec à posséder vos propres centrales hydroélectriques sur la rivière aux Outardes et sur la Mani-couagan; vous le soulignez d'ailleurs dans votre mémoire, à la page 6. Vous faites également état, dans la partie constituée de feuilles jaunes de votre mémoire, d'une étude faite par l'industrie des pâtes et papiers qui affirme que l'avantage de l'industrie des pâtes et papiers du Québec, quant au coût de l'énergie électrique, est de $4 la tonne de papier, en moyenne.

Dans votre cas, je suis convaincu que c'est plus de $4 la tonne puisque vous possédez vos propres centrales; vous êtes dans la même situation que la compagnie Price dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Quel est le coût de l'énergie électrique que vous utilisez à votre usine de Baie-Comeau, et comment cela se traduit-il? Par combien de dollars par tonne de papier journal?

M. Panet-Raymond: Je ne suis pas en mesure de vous donner le coût en dollars, mais je peux vous dire que cela représente 3,2% du coût total de la production d'une tonne de papier.

M. Brassard: C'est quoi, d'abord, pour les autres sociétés? Puisque la moyenne est de $4 pour l'ensemble de l'industrie au Québec, chez vous, cela se traduit par combien? Abitibi-Price a affirmé ici que cela se traduisait, chez elle, par $7.34 par tonne de papier, comme avantage.

M. Panet-Raymond: C'est dans la même proportion, il n'y a pas une grosse différence.

M. Brassard: C'est du même ordre?

M. Panet-Raymond: C'est du même ordre.

M. Brassard: Vous n'avez pas, actuellement, de chiffres précis là-dessus?

M. Panet-Raymond: Non, pas de chiffres précis. Mais on pourrait les fournir à la commission.

M. Brassard: Serait-il possible d'avoir ces précisions?

M. Panet-Raymond: Oui, on peut vous les fournir.

M. Brassard: Très bien. Deuxième question. Vous êtes aussi, au Québec, l'une des rares entreprises qui a investi suffisamment dans la lutte contre la pollution pour respecter les normes gouvernementales, en particulier quant à la quantité de matières en suspension, puisque vous possédez, si mes informations sont bonnes, deux clarifi-cateurs à Baie-Comeau, deux bassins de clarification. Je voudrais d'abord vous féliciter d'être à l'avant-garde dans ce domaine au Québec et je

voudrais vous demander, puisque je constate que vous n'avez pas encore déclaré faillite, si le fait de respecter ces normes, quant aux matières en suspension — parce que cela semble poser un problème quasiment insurmontable pour les autres entreprises qui ont comparu devant nous depuis le début des travaux de cette commission — et d'investir dans la lutte contre la pollution a affecté dangereusement votre rentabilité, votre situation financière.

M. Panet-Raymond: Deux commentaires, M. Brassard, à ce point de vue. D'abord, l'installation d'un des clarificateurs a été possible assez tôt en regard des ordres en conseil qui ont été adoptés...

M. Brassard: En 1970, je pense.

M. Panet-Raymond: ... oui, en 1970, qui permettaient de différer le paiement des droits de coupe, ce qui nous a permis de procéder à cette installation plus rapidement que nous n'aurions pu le faire autrement. Deuxièmement, cela a eu un effet définitif sur notre rentabilité.

M. Brassard: Un effet néfaste...

M. Panet-Raymond: Néfaste, parce que ce sont des installations dont on ne retire que peu ou aucun bénéfice. Alors, cela ne peut pas être favorable.

M. Brassard: Les exigences gouvernementales à ce chapitre n'étaient pas d'une sévérité telle qu'elles mettaient en danger votre survie même en tant que société productrice.

M. Panet-Raymond: Les ordres en conseil qui ont été adoptés nous permettaient de prendre avantage d'une augmentation de fonds de roulement pour fins d'installation, à ce moment.

M. Brassard: Donc, c'était assorti d'avantages.

M. Panet-Raymond: Certainement que cela a été un avantage; sans cela, on n'en aurait pas.

M. Brassard: Par conséquent, votre conclusion, c'est que, si l'on veut que les entreprises au Québec en arrivent à respecter les normes antipollution, il faudrait que ce soit assorti d'avantages de nature financière ou fiscale de la part du gouvernement. C'est cela?

M. Panet-Raymond: Je crois qu'il ressort de notre mémoire qu'il doit y avoir des allégements fiscaux visant les programmes antipollution, de façon à pouvoir les faire et, deuxièmement, à pouvoir les faire plus rapidement en créant un fonds de roulement plus considérable.

M. Brassard: Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Matapédia.

M. Marquis: Simplement une remarque, messieurs de la compagnie Quebec North Shore. A la page 60, quand vous parlez de main-d'oeuvre, vous dites que la majorité de cette main-d'oeuvre provient de la rive sud du Saint-Laurent. Or, je représente, avec M. le ministre, un des comtés de cette rive sud, et nos comtés représentent un certain réservoir de main-d'oeuvre pour votre compagnie; vous donnez les causes de cette réduction de main-d'oeuvre, de cette difficulté. Je les accepte, elles sont vraies. Je suis d'accord avec vous pour toutes les causes, sauf une, parce que vous dites: On manifeste aussi, de plus en plus, le désir de subsister grâce aux chèques de l'assistance sociale. Je voudrais, comme député de Matapédia, m'inscrire en faux contre cela. Celui qui m'a précédé au siège de Matapédia a déjà déclaré que ses électeurs étaient des paresseux. Il a reçu sa leçon le 15 novembre. C'est tout simplement cela que je veux vous dire. Pour 140 emplois, on reçoit 1400 demandes dans le comté de Matapédia; je ne suis pas prêts à avaler d'un coup, comme cela, votre affirmation que je viens de mentionner. C'est tout simplement la remarque que je voulais faire. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Panet-Raymond: M. Marquis, on s'excuse de vous avoir créé des embêtements. Tout simplement, le commentaire a été fait parce que cela nous a été donné. Maintenant, jusqu'à quel point c'est vrai et à quel niveau, je suis prêt à ravaler moi aussi sur ce point.

M. Marquis: Cela a pu être vrai, mais cela a tendance à se résorber.

M. Panet-Raymond: Je suis très heureux d'apprendre cette nouvelle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une dernière intervention, M. le ministre.

M. Bérubé: Nous avons tantôt abordé en votre compagnie le problème de la taxation et vous nous avez parlé du fardeau très élevé de taxation.

Etant donné que vous êtes associé à des chaînes de journaux américains, je suppose que vous êtes relativement bien au courant du régime de taxation américain. Au Québec, nous avons la taxation fédérale, provinciale, et municipale. Au niveau provincial, 25% de vos taxes vont à Québec et 75% au fédéral. Vous avez de plus la taxation municipale. A quel niveau trouvez-vous la taxation trop élevée? Est-ce que c'est la taxation municipale qui est substantiellement plus élevée aux Etats-Unis ou la partie impôts sur les profits? Quelle est la partie qui vous blesse le plus?

M. Panet-Raymond: Je crois que la principale serait au niveau municipal. La deuxième serait au niveau fédéral. Au fédéral, c'est 47% ou 48%. Aux Etats-Unis, c'est 37% ou 38% (taux effectifs).

M. Bérubé: Et les taxations municipales, est-ce que vous avez une idée de leur importance par rapport à celles des Etats-Unis? En quel pourcentage sont-elles supérieures?

M. Panet-Raymond: Nous n'avons pas fait d'études comparatives, M. le ministre, avec les Etats-Unis; nous en avons fait une au Canada. Comme je le mentionnais tout à l'heure, le niveau de la taxation municipale, pour QNS, est le plus élevé au sein de l'industrie. Quant à la comparaison avec les Etats-Unis, nous ne l'avons pas faite.

M. Bérubé: Vous avez également abordé la question des moyens fiscaux que le gouvernement pourrait utiliser pour compenser vos investissements dans la lutte contre la pollution. Dans un programme comme celui-ci, il y a parfois des investissements intéressants. Entre autres, nous avons eu la présentation de F.F. Soucy, au cours de laquelle nous avons pu constater que l'utilisation d'un procédé thermomécanique faisant appel à plus d'électricité, par exemple, avait de réels avantages. D'une part, il semble bien que les coûts de production du papier sont plus bas; d'autre part, du fait que l'accent porte surtout sur l'électricité et que les tarifs d'électricité au Québec sont substantiellement inférieurs à ceux du Sud des Etats-Unis, on en arrive finalement à la conclusion inverse de votre rapport, c'est-à-dire que la compagnie F.F. Soucy arrive à démontrer qu'il lui en coûte, en gros, $12 de moins cher pour produire du papier au Québec, compte tenu de la dévaluation de $7 du dollar canadien.

Donc, dans votre cas particulier, étant donné que vous produisez votre électricité, vous avez donc encore plus avantage à passer au thermomécanique. Or, il peut se produire que vous n'ayez pas les moyens financiers pour vous lancer dans ces programmes, n'ayant pas fait assez de profits, tel que vous l'indiquez dans votre mémoire.

A ce moment-là, je me pose la question, à savoir sous quelle forme le gouvernement devrait-il participer? Il apparaît parfois difficile à un gouvernement d'accepter de donner des subventions, de différer des droits de coupe ou de réduire l'impôt, compte tenu d'ailleurs que l'impôt du Québec ne représente que 25% des impôts, même pas 25%, que vous payez, probablement 15%, en fait. On pourrait les réduire presque à néant sans que cela ait un impact tellement considérable sur la profitabilité de vos entreprises.

Donc, les réductions d'impôt ne semblent pas non plus la solution. A ce moment-là, on peut penser à des formules de fonds de relance de type suédois ou du type de celle qui a été introduite par la loi 48. La question cependant qui nous préoccupe, c'est: Est-ce que le gouvernement, qui devrait investir dans des cas comme ceux-là, devrait continuer à investir quand les taux de rendement dépassent 10%, 11%, 12% et 13%, comme cela semble le cas dans un certain nombre d'investissements? En d'autres termes, sous quelle forme le gouvernement devrait-il intervenir quand il y a un manque de liquidité de la part de la compagnie, tout en reconnaissant que l'investissement est économiquement rentable et sain pour vous?

M. Panet-Raymond: Dans un cas de manque de liquidité, je crois que le prêt sans intérêt, ou à très bas intérêt, serait la façon la plus pratique et effective dans les cas où cela est requis.

M. Bérubé: Mais, si le taux de rendement interne sur un investissement dans le thermomécanique est de 15%, 16%, 17% ou 20% — posons l'hypothèse — et qu'on a eu les réponses d'une entreprise qui disait: Nous n'avons pas les moyens présentement, mais pour 1981, on envisage sérieusement d'implanter du thermomécanique. On pourrait certainement, comme gouvernement, suggérer que l'implantation se fasse avant, compte tenu des normes de protection de l'environnement, compte tenu d'un certain nombre d'avantages, mais l'entreprise va répondre, à ce moment: Nous n'avons pas la liquidité, en dépit du fait que l'investissement est intéressant. Alors, vous nous dites que, même à ce moment, quand l'investissement est intéressant, vous voulez que le gouvernenent y aille sous forme de prêt sans intérêt. Est-ce que c'est une banque de financement? Est-ce qu'on pourrait avoir une banque comme la banque fédérale de développement qui pourrait être disponible à l'industrie des pâtes et papiers et qui pourrait répondre à ce besoin, mais évidemment prêt avec intérêt?

M. Panet-Raymond: II y a probablement d'autres formules financières. Malheureusement, je ne suis pas un expert en finance, mais si, par exemple, un prêt était fait sans intérêt pour une période de... et ensuite l'intérêt... comme d'ailleurs cela a été fait dans les frais différés sur les droits de coupe; à un certain moment les intérêts entrent en jeu et peuvent avoir un certain rapport avec le rendement, ce serait une formule à étudier.

M. Bérubé: Est-ce que, par exemple, un prêt convertible en actions, si le taux de rendement excède un certain seuil, est une formule qui peut être envisagée avec l'industrie?

M. Panet-Raymond: Pour ceux qui ont des actions à offrir, oui.

M. Bérubé: Je reviendrai également sur une idée intéressante que vous émettez dans votre mémoire, celui du droit de coupe variable. C'est un concept intéressant et je pense qu'avec la révocation des concessions, on est presque immanquablement amené à l'envisager puisqu'il faut reconnaître qu'au moment où on fait l'allocation de la matière ligneuse, certains seront privilégiés par rapport à d'autres. Je pense que cela est impossible à éviter et que par conséquent, à la suite d'une décision gouvernementale, une entreprise pourra faire plus de profit et une autre moins, simplement parce qu'elle est plus près.

La question que j'aimerais vous poser c'est: En gros, combien vous coûtent vos concessions forestières au cunit? En d'autres termes, présentement, quand vous envoyez des scieurs sur vos concessions, d'après les chiffres qu'on me cite maintenant, les droits de coupe imposés par les compagnies varient entre $15 et $22, à peu près; si

l'on suppose que l'industrie charge effectivement ce que lui coûtent ses concessions, on arriverait à des droits de coupe qui seraient peut-être entre $15 et $20 du mille pieds, donc autour de $10 du cunit. Ce que je voudrais savoir c'est: Dans votre cas, quel serait le droit, la redevance qui correspondrait à peu près à ce que vous défrayez en administrant vos propres concessions?

M. Panet-Raymond: A l'heure qu'il est, M. le ministre, nos coûts au cunit sont de $8.50, plus le coût de construction et d'entretien des routes qui représente $1.70, pour un total de $10.20. De ce montant, il y a évidemment $5 pour les droits de coupe, $0.52 pour la rente foncière, protection contre les feux de forêt; chemins d'accès: $1, et le plan de gestion qui représente $0.25, pour un total de $8.50 plus $1.70 pour la construction des routes.

M. Bérubé: Je suppose qu'un montant de $10.20 serait, en gros, le droit de coupe moyen. Ce que j'aimerais voir avec vous c'est comment ce droit de coupe devrait varier avec la distance en s'éloignant de l'usine? Est-ce que vous auriez un droit de coupe de $20 lorsque vous êtes à proximité de l'usine et après cela, il varierait de $0.25 au mille? Comment envisagez-vous cette variation en fonction de la distance?

M. Panet-Raymond: Cela devient un peu technique, M. le ministre, je vais me rabattre sur mon collègue, M. Jack Simons.

M. Simons: M. le ministre, ce n'est pas tout à fait la distance entre le lieu de la coupe et notre usine, c'est... Excusez-moi. C'est, par exemple, le nombre de cunits par acre, le nombre de tiges par cunit. l'éloignement, la main-d'oeuvre, le climat et ces difficultés.

M. Bérubé: Le climat, cela pourrait peut-être être difficile à quantifier.

M. Simons: Mais c'est un facteur...

M. Bérubé: La densité de la forêt, l'éloignement seraient des facteurs... Il y a possibilité...

Voici une question que l'on s'est posée: Prenons deux entreprises, l'une, par exemple, l'usine de Lebel-sur-Quévillon, qui se rapproche de la ressource, et l'autre qui, au contraire, se tient à plus grande distance et qui amène son bois. Si on tient compte de la distance, il va falloir tenir compte également de l'expédition du papier, parce que le fait de se rapprocher de la ressource fait que vous êtes obligés d'expédier du papier. Comment en tient-on compte?

En d'autres termes, celui qui a la sagesse de s'approcher du bois, comment va-t-on le compenser par rapport à celui qui, au contraire, se tient loin, est à une grande distance?

M. Simons: Je crois que nous n'avons pas toujours le choix à savoir où nous allons couper notre fibre. Dans notre cas, notre usine est sur le fleuve Saint-Laurent. Nous sommes assez loin de nos marchés et nos opérations forestières se trouvent à une centaine de milles au nord de notre usine. C'est sûrement un facteur, mais ce n'est pas le seul.

M. Bérubé: Oui. Bon! Je vois.

Une autre considération concernant les relations du travail. La société Domtar semble accepter, au moins à titre d'essai, parce que j'ai l'impression que la décision n'est pas définitive, la possibilité d'ouvrir les livres à ses employés. En d'autres termes, pratiquer une certaine transparence de la comptabilité ceci, dans un but... Je savais que vous apprécieriez l'expression.

M. Pagé: Vous voudriez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: Pas du genre de la vôtre, toujours, parce qu'il n'y aurait pas grand-chose.

M. Bérubé: Je m'excuse, j'ai des problèmes de...

M. Grenier: ...vous excuser.

M. Bérubé: Donc, Domtar ouvrirait ses livres dans un but, justement, de permettre aux travailleurs d'être beaucoup plus conscients des données économiques à l'intérieur desquelles évolue l'entreprise.

J'aimerais savoir si, dans votre réflexion avec les syndicats — la réflexion qui est en cours à l'intérieur de votre compagnie — vous avez abordé ce concept et j'aimerais savoir ce que vous en pensez?

M. Panet-Raymond: C'est un concept, M. le ministre, que nous avons déjà mis en vigueur depuis une quinzaine d'années dans différents secteurs comme, par exemple, les fonds de pension, les bénéfices marginaux. Depuis l'année 1962, nous donnons une information complète à nos employés, aux syndicats et, dans nos études, c'est un aspect que nous considérons, à l'heure qu'il est. en groupes, d'établir les bases d'une certaine transparence — pour revenir à M. Grenier — de certains états de notre comptabilité.

M. Bérubé: Donc, en fait, vous n'êtes pas opposé non plus à cette approche qui consiste, dans la mesure du possible, à ouvrir au maximum la comptabilité, de telle sorte que la négociation se fasse sur la base véritablement de la rentabilité de l'entreprise.

M. Panet-Raymond: Pour autant que cela nous est permissif, on est complètement en faveur de cette approche.

M. Bérubé: Qu'est-ce que vous entendez par "pour autant que cela nous est permissif"?

M. Panet-Raymond: II y a certains aspects qui pourraient être gardés encore sous le sceau de la confidentialité. Je parle d'un groupe d'organisations, dont certaines pourraient avoir des renseignements qu'elles tiennent à garder confidentiels. Je ne pourrais pas dire qu'il y avait accord à rendre tout transparent. Mais c'est certainement la partie essentielle à laquelle les employés sont intéressés.

M. Bérubé: Une de vos remarques intéressantes porte sur les possibilités d'exportation sur le marché européen. Plusieurs sociétés ont souligné qu'effectivement le marché européen pourrait être intéressant, peut-être pas dans l'immédiat, puisqu'on sait que la conjoncture économique en Europe n'est peut-être guère plus favorable que la nôtre et que ce n'est peut-être pas le marché idéal pour l'instant, mais dans une perspective d'expansion des marchés. Est-ce que vous auriez une idée des coûts d'expédition par cargo sur un port européen? Combien coûte l'expédition à la tonne du papier vers l'Europe? Une livraison FOB port d'Anvers ou...

M. Panet-Raymond: M. le ministre, nous n'avons pas les chiffres dont vous parlez à la main, mais il nous fera plaisir de vous les faire parvenir.

M. Bérubé: Je vous en saurais gré. Je vous en remercierais infiniment. Le président fatigue visiblement et je pense que je vais donc lui céder la parole, mais j'en profite pour vous remercier de votre très intéressante présentation. Merci, messieurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. Panet-Raymond, merci à vos collègues pour votre collaboration à la commission parlementaire. J'inviterais maintenant notre dernier invité, il faut le dire, la compagnie de papier Rolland Limitée, à venir présenter son mémoire.

M. Panet-Raymond: Merci, messieurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Pendant que la compagnie Rolland va s'installer à la table, je voudrais, M. le Président, simplement vous informer que je vais me retirer pour d'autres obligations et je ne voudrais pas que vous pensiez, à ce moment-là, que c'est à cause de la participation de la compagnie Rolland. Si vous me permettez, pour justifier mon absence, je pourrai vous rapporter, mardi, un mémoire de la compagnie Eddy de Hull que je vais rencontrer ce soir et je peux vous rapporter cela si cela peut compenser pour la commission. Sérieusement, je m'excuse...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît.

M. Brassard: Vous n'avez pas à vous excuser pour cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bonsoir, messieurs. Je demanderais au porte-parole, s'il vous plaît, de bien vouloir se présenter et de présenter ses collègues.

Compagnie de papier Rolland Limitée

M. Rolland (Lucien): M. le Président, mon nom est Lucien Rolland. Je suis président directeur général de la compagnie de papier Rolland Limitée. Mes collègues sont M. Jean Chalet, président exécutif de la division des papiers fins, à mon extrême droite, M. Jean Elie, secrétaire de la compagnie et M. Alphonse Saint-Jacques, vice-président et trésorier de la compagnie.

Je voudrais vous faire grâce de la lecture du mémoire dans son entier, mais je voudrais par contre vous présenter deux volets de ce que nous avons inclus dans le mémoire, en résumé. Tout d'abord, nous voudrions vous présenter notre industrie, ses problèmes, les mesures adoptées par la compagnie Rolland et je demanderais à M. Jean Elie de s'acquitter de cette tâche. Après cela, je tirerai les grandes conclusions de notre présentation. En attendant, je lui demanderais de commencer la présentation. M. Jean Elie, secrétaire de la compagnie Rolland.

M. Elie (Jean): Merci, M. Rolland. Peut-être qu'avant de commencer on pourrait situer brièvement la compagnie de papier Rolland Limitée. Il s'agit d'une entreprise dont les origines remontent à 1882. Donc, c'est une compagnie qui a plus de 90 ans et c'est une compagnie qui trouve ses origines assez profondément enracinées au Québec. C'est une compagnie de taille intermédiaire au sens que son chiffre de ventes consolidées excède $100 millions, du moins si je me base sur l'exercice financier du 31 décembre 1976, se terminant à cette date. Les activités de la compagnie Rolland sont diverses. Elle s'occupe directement, ou par l'entremise de ses filiales, parce que nous avons des filiales, tout d'abord de la fabrication et de la vente de papier fin, de papier couché et d'autres papiers spécialisés que je qualifierai tout à l'heure.

Elle s'occupe également, dans un autre temps, de la distribution en gros de ces papiers, c'est une autre activité. Enfin, depuis deux ans, elle s'est lancée dans l'impression et la distribution de papiers de transmission par la chaleur, de papiers imitation de bois et de papiers industriels.

Brièvement, au chapitre des employés, nous avons des activités importantes en Ontario et au Québec. Au total, nous avons un peu plus de 1300 employés et dans nos activités au Québec, nous en avons environ de 1150 à 1200 et la masse salariale excède $17 millions au Québec.

Une remarque, M. le Président. Jusqu'à maintenant, à cette commission, vous avez été plus occupés par le secteur du papier journal, le secteur du bois et, évidemment, le secteur de la pâte. Comme vous l'avez constaté, ce sont des secteurs qui sont axés sur les marchés internationaux. Ce sont des activités qui sont essentiellement à vocation d'exportation.

Vous avez été, par le même biais, préoccupés de la capacité de ces compagnies ou de leurs filia-

les québécoises d'accroître leur part de marché à l'étranger et, dans des cas où il y avait des problèmes, de pouvoir faire concurrence à d'autres fournisseurs étrangers tels que les Suédois, les Japonais ou les Américains.

Le secteur auquel nous, la compagnie de papier Rolland et certains de nos concurrents, consacrons nos activités, le secteur des papiers fins, est extrêmement différent de ces secteurs. Il s'agit, au contraire des secteurs que je viens de décrire, d'une activité nationale, une activité à vocation domestique. Que ce soit aux Etats-Unis, que ce soit en Europe, que ce soit en Australie — je pourrais nommer d'autres coins du monde — la fabrication des papiers fins est essentiellement conçue comme une activité domestique, qui est vouée à la satisfaction d'une consommation intérieure.

C'est ainsi que les différents pays du monde abritent leur industrie des papiers fins derrière une barrière tarifaire dont le pourcentage varie évidemment. Cette réalité est tellement vraie, si vous me permettez l'expression, que, dans les pays en voie de développement, les jeunes nations aujourd'hui, dès qu'il y a une demande suffisante pour justifier un marché local, vous allez voir une usine s'installer et vous allez voir une barrière tarifaire qui, souvent, peut se chiffrer, s'élever à 25% dans certains cas.

Même dans le cadre d'un mouvement de libération des échanges dont nous allons traiter tout à l'heure, nous sommes — quand je dis nous, je parle en général — témoins de représentations, par exemple, de l'Association des manufacturiers ou des fabricants de papiers fins européens — la Communauté européenne est quand même assez considérable — qui vient de demander à la commission chargée de la négociation des accords dans le cadre du GATT ou de ce qu'on appelle le "Tokyo Round" de bien vouloir maintenir le statu quo des tarifs sur l'entrée des papiers fins dans la Communauté européenne, tarifs qui se chiffrent par 12%.

Donc, ce n'est pas essentiellement une question propre au Canada, c'est la vocation de cette industrie à travers le monde. Pourquoi ce caractère domestique? Brièvement, je vais vous l'exposer. D'abord, parce que la fabrication des papiers fins est une industrie du type secondaire. Deuxièmement, parce que cette activité ajoute une valeur de plus de 100% à la pâte de bois, qui constitue la matière première la plus importante. La troisième raison, cette activité offre un contenu élevé de main-d'oeuvre.

En général, par exemple, une tonne de pâte va exiger de trois à quatre heures-homme pour sa fabrication, une tonne de papier journal de six à sept heures-homme et, en général, en moyenne, une tonne de papier fin de quinze à dix-sept heures-homme. Je dis en moyenne, parce que si vous prenez, par exemple, une usine typique au Canada qui produit une gamme de produits, quelquefois on peut parler de 50 à 100 produits, on prend une moyenne. On peut parler de quinze à dix-sept heures-homme. Cette proportion, évi- demment, varie aux Etats-Unis où, comme nous le verrons tout à l'heure, les usines sont horriblement spécialisées.

La quatrième raison pour laquelle on a ce caractère domestique ou ce caractère national, c'est que, si cela exige un contenu de main-d'oeuvre élevé, elle fait appel à une main-d'oeuvre spécialisée, ce qui entraîne des taux de rémunération évidemment assez élevés et qui bénéficie à l'économie de ces régions.

Autre raison pour laquelle c'est une activité domestique, c'est que, dans le fond, les papiers fins — ou l'industrie des papiers fins — assurent l'approvisionnement des besoins nationaux des secteurs de l'édition, de l'éducation et des communications, c'est-à-dire les activités et les besoins culturels d'une société.

Enfin, autre raison qui, si vous voulez, nous distingue de l'industrie du papier journal, parce que je vous ai donné les raisons comme industrie secondaire, mais il y a une autre chose qui nous distingue du papier journal ou de la pâte dont vous avez parlé tout à l'heure, c'est la multiplicité des produits qu'englobe le secteur des papiers fins.

Pour résumer, le marché mondial est ainsi structuré qu'on nous permet la libre circulation, c'est-à-dire sans tarifs douaniers, de la pâte de bois, dont la transformation est laissée aux différents pays, aux différentes économies. Pour ce faire, on érige des barrières tarifaires. J'insiste beaucoup là-dessus, il s'agit d'une caractéristique qui n'est pas propre au Canada, qui n'est pas propre aux Etats-Unis, qui est une caractéristique de cette industrie à travers le monde, et ce sont les règles du jeu qui ont donné naissance à des industries, à des secteurs économiques, et ces règles du jeu valent encore aujourd'hui.

Si on n'a pas cette perspective, évidemment, l'analyse que nous allons faire ensemble, une analyse brève évidemment, et les conclusions que nous allons tenter de créer avec vous vont prendre une autre signification.

Ces réserves étant faites — je m'excuse si cela a pris quelques minutes — qu'est-ce que c'est que le papier fin? Techniquement, les papiers fins sont des papiers qui sont fabriqués avec moins de 50% de pâte mécanique et qui sont utilisés pour les communications écrites. C'est savant. En termes plus immédiats, les papiers fins, c'est cette gamme de papiers qui est utilisée dans l'impression de livres, par exemple, d'étiquettes sur les boîtes d'épicerie, dans la fabrication des enveloppes que vous utilisez, pour vos formulaires d'impôt, pour vos chèques, pour vos papiers à correspondance et je pourrais continuer, cela pourrait peut-être intéresser les gens, les billets de loterie, et le papier-monnaie. Les papiers fins, c'est cette gamme de choses avec lesquelles on vit tous les jours.

Ces papiers fins sont distribués tantôt par les fabricants eux-mêmes, tantôt par l'intermédiaire de grossistes, selon les besoins. Pour des gens qui se sont penchés sur des millions et des millions de tonnes de consommation, évidemment, le papier

fin est très différent, et le marché canadien consomme seulement 715 OOO tonnes par année, ce qui n'est pas beaucoup. Il s'agit d'un petit marché. Le chiffre que je vous donne en passant est le chiffre de l'année 1976.

Cette consommation est alimentée à 80% par les fabricants canadiens et à 20% par les fabricants américains, quoique ce pourcentage ait atteint, en 1975-1976 jusqu'à 35%. Le marché canadien des papiers fins est un marché, à cause de sa nature, qui est intimement lié à l'économie. Il ne faut donc pas s'attendre à un marché ou à une consommation qui évolue en flèche, par exemple, comme dans d'autres domaines, il s'agit d'un marché très stable qui va avec la santé économique un peu partout dans le monde.

Pourquoi ce secteur est-il important au Québec? Très simplement, messieurs, parce qu'on retrouve ici sur le sol québécois 40% de la capacité canadienne. Evidemment, une des grandes caractéristiques du marché canadien est sa proximité du marché américain, qui est sans doute l'un des plus importants et des plus spécialisés au monde, tel que je le disais tout à l'heure. Cette caractéristique m'amène à traiter des problèmes, selon le point de vue où vous voulez le prendre, des défis que notre industrie doit relever. On va trouver l'inventaire de ces problèmes aux pages 18 et suivantes de notre mémoire et je vais essayer de les esquisser brièvement.

Des difficultés de l'industrie canadienne des papiers fins, la première, ce sont les tarifs douaniers. La réduction des tarifs douaniers consentie par le gouvernement fédéral sur tous les papiers fins lors des négociations du Kennedy Round en 1967 et avec laquelle, je suis sûr, certains d'entre vous, sinon la plupart, sont familiers, a changé le contexte de notre industrie alors que, traditionnellement, cette dernière avait pu se développer à l'abri d'une barrière tarifaire qui était de 22,5%, et, je vous demanderais de retenir ce chiffre, elle s'est vue soudainement aux prises avec un tarif de 12,5%. On parle de 22,5% à 12,5%, soit une réduction de 44% devant s'appliquer progressivement sur cinq ans; du moins, c'était l'intention initiale.

Malheureusement, les fabricants canadiens n'étaient pas préparés aux conséquences d'un accord pour lequel on ne les avait consultés qu'à la toute dernière minute et qui changeait les règles du jeu de leur existence et encore moins à la décision que devait prendre en juin 1969 le ministre des Finances d'appliquer sur le champ les nouveaux tarifs, éliminant ainsi la période de transition de cinq ans dont j'ai fait état il y a quelques secondes. Donc, les fabricants canadiens se trouveraient en concurrence avec les papiers fins fabriqués aux Etats-Unis et qui étaient disponibles au Canada à des prix inférieurs à ceux que devaient exiger les usines canadiennes. C'est une caractéristique qui va revenir tout au long de notre présentation, cette différence.

C'est ainsi que ces importations de papiers américains, qui représentaient 5% de la consommation canadienne en 1967, lorsque les tarifs ont été modifiés, sont passées à 33% en 1973. On an- ticipe que cette proportion va être ramenée de 20% à 24% en 1977. Ce qui rend la concurrence américaine d'autant plus onéreuse, c'est que les fabricants américains peuvent compter sur une population nombreuse, sur une consommation per capita très élevée et des marchés concentrés, ce qui leur permet de rationaliser leur production et obtenir des économies de taille fort avantageuses, qui sont des concepts sur lesquels vous vous êtes penchés.

L'industrie canadienne, tout en desservant un territoire aussi vaste au point de vue géographique, dépend d'un marché beaucoup plus restreint. Alors qu'une usine canadienne doit en moyenne fabriquer plus de cent qualités de papiers fins, la spécialisation d'une usine américaine dans la production de quelques produits seulement est chose courante. En d'autres termes, au Canada, une usine doit fabriquer cent produits; aux Etats-Unis, vous allez voir une usine en fabriquer quatre ou cinq. La raison: au Canada, il y a 22 millions ou 23 millions d'habitants, aux Etats-Unis, il y en a dix fois plus.

A titre d'exemple de cette espèce de différence entre des économies de taille, en 1976, l'industrie américaine a expédié 12,4 fois plus de papiers fins que l'industrie canadienne. En 1974, on comptait aux Etats-Unis une compagnie, une seule compagnie, qui a produit plus de 1 million de tonnes de papiers fins. Souvenez-vous qu'au Canada, on en a consommé 715 000 tonnes. Donc, une usine à elle seule aux Etats-Unis fabrique 1 million de tonnes. On trouve également deux compagnies qui ont fabriqué chacune 700 000 tonnes, donc deux compagnies qui fabriquent autant que ce que l'on consomme au Canada. Finalement, un autre chiffre, si ça peut vous intéresser, il y a sept compagnies qui fabriquent chacune, à elles seules, aux Etats-Unis, 60% de ce que nous consommons. Vous voyez tout de suite la disparité ou l'écart qui existe.

Tout récemment, une compagnie bien connue aux Etats-Unis, qu'on appelle la compagnie Weyerhaeuser, a annoncé la mise en opération d'une nouvelle machine, seulement une machine, pouvant fabriquer plus de 175 000 tonnes de papier, c'est-à-dire 20% de la consommation canadienne. Alors, vous voyez encore une fois.

Donc, le premier problème auquel nous faisons face, la première réalité, ce sont les tarifs douaniers. La seconde, si vous voulez, c'est tout le chapitre des avantages concurrentiels qu'ont les fabricants américains vis-à-vis des fabricants canadiens. Le premier est celui de la main-d'oeuvre, vous en avez entendu parler dans d'autres secteurs, mais je dois le répéter pour le nôtre.

Une analyse comparative que vous retrouvez en annexe 7, avec le nom de toutes les compagnies et les taux utilisés, parce que j'ai remarqué que c'est une question que vous posiez souvent, révèle que le taux de rémunération totale payée aux employés horaires canadiens dans le secteur des papiers fins est de plus de 21% supérieur à celui qui est versé à leurs collègues américains. On parle de rémunération et non pas de salaire,

c'est-à-dire que cela inclut les bénéfices marginaux ou les bénéfices sociaux. Ce chiffre de 21% est vraiment un minimum, parce qu'on pourrait parler de 25%, mais je crois qu'il faut demeurer quand même conservateur.

Depuis 1969, la rémunération horaire moyenne dans les usines canadiennes a augmenté de 145% en regard d'une augmentation du coût de la vie qui était, comme vous le savez, de 58% pour la même période. La rémunération totale, au cours de cette période, des employés de nos deux usines du Québec, parce que, comme j'aurais peut-être dû le souligner au début, les activités de la compagnie en ce qui a trait à la fabrication du papier fin à laquelle est consacré notre mémoire sont les usines de Saint-Jérôme et Mont-Rolland, alors ces deux usines au Québec, la rémunération qu'on y verse exprimée en pourcentage de notre dollar de vente, pour la même période, a augmenté de près de 3%. Cette augmentation de nos coûts, en comparaison des coûts américains, représente une baisse correspondante de notre marge de profit avant impôt.

Quand je dis que les taux ont augmenté de 3% en pourcentage de notre dollar de vente. Cette augmentation, qui est substantielle, est causée par notre impossibilité d'inclure dans nos prix de vente la différence croissante entre la rémunération de nos employés et celle de leurs collègues américains, et peut-être pour anticiper une question que vous allez poser tout à l'heure, à savoir ce que ça veut dire, 3%, disons, pour ramener ça à une dimension que vous allez comprendre, que, si on devait payer, par exemple, à la compagnie Rolland, le même niveau de rémunération que celui qui est payé à nos collègues américains et si on compare à la marge traditionnelle que nous avons de 8% avant impôt, cette différence représente une diminution de l'ordre de 40% dans les bénéfices de notre société avant impôt. Comme nous sommes la seule compagnie qui ne fait, essentiellement, que du papier fin, je pense qu'on risque d'être représentatif de tout ce secteur.

Donc, on a parlé de la main-d'oeuvre. Il y a également un autre problème qui nous différencie des Etats-Unis, ou une autre caractéristique, c'est celle de l'intégration des usines.

Nombre d'usines américaines sont situées tout à côté d'une usine de pâte, ce qui élimine les coûts reliés au séchage et au transport de la pâte. On estime à 14% du prix de la pâte l'économie qui en résulte. Cela, c'est une autre différence que vous ne retrouvez pas ici au Québec, parce qu'il n'y a, en fait, qu'une usine et ce n'est pas une usine énorme, qui est intégrée, donc, qui fénéficie de cet avantage.

A la main-d'oeuvre et à l'intégration des usines, on doit évidemment aussi ajouter le coût des impôts et des taxes; les impôts, et plus particulièrement les taxes payées par l'industrie américaine des pâtes et papiers sont inférieurs à ceux qui frappent les fabricants canadiens. Je ne m'attarderai pas sur ce sujet parce que plusieurs autres collègues dans l'industrie se sont chargés de vous en faire part.

Il y a également le coût d'une usine, le coût de construction d'une nouvelle machine à papier fin qui, je le sais, est une possibilité qu'on regarde. Intégrer une usine de pâte se chiffre par environ $350 000 pour chaque tonne produite quotidiennement aux Etats-Unis, alors que, au Canada, on peut parler de $400 000. Evidemment, à cette différence s'ajoutent certains coûts d'exploitation moins élevés aux Etats-Unis, en raison des conditions climatiques.

Il y a également les frais du financement qui nous distinguent des Américains. Un taux d'intérêt ainsi que des mesures de financement beaucoup plus souples et une plus grande disponibilité de fonds favorisent les manufacturiers américains tout en diminuant le niveau des risques.

Il y a aussi les avantages fiscaux. Je vous référais à la page 22 de notre mémoire où nous avons fait état de certaines mesures que les Américains ont adoptées au début de la décennie actuelle, 1970, qu'on appelait la Domestic International Sales Corporation, et qui permettaient, si vous voulez, à un exportateur américain d'être doté d'un avantage de 6% par rapport à son concurrent canadien quant au prix de vente qu'il pouvait réclamer pour son produit. Je ne parlerai pas davantage là-dessus.

En d'autres termes, si on regarde les différentes questions de main-d'oeuvre, d'intégration, etc., le manufacturier canadien voit une portion importante du marché national envahie de plus en plus par des produits importés à des prix généralement inférieurs à ceux qu'il doit exiger. Cet avantage peut être encore plus accentué selon que les usines américaines produisent en deçà de leurs capacités, phénomène que l'on a retrouvé en 1975 et en 1976, alors que l'économie américaine connaissait une période de faible croissance et que, par surcroît, les usines canadiennes étaient paralysées par une grève dont, je suis sûr, vous avez entendu parler, qui a duré six mois et qui forçait les distributeurs canadiens à s'approvisionner aux Etats-Unis.

La conclusion de tout ça, messieurs, c'est que les prix canadiens pour les papiers fins ne sont pas fonction des besoins ou des coûts d'exploitation ou des normes de rentabilité des usines canadiennes ou des usines québécoises, mais sont fonction des prix américains, et ça, pour une industrie qui est vouée à une vocation domestique.

Je vais vous citer certaines statistiques reliées à l'inflation rapide des coûts pour prendre conscience de l'ampleur de ce que cela signifie. Depuis 1969, la division des papiers fins de la compagnie a subi des augmentations, au chapitre de la matière première et des frais variables et semi-variables, de 124% et de 207% respectivement. Pendant la même période, toutefois, la concurrence étrangère, c'est-à-dire les Américains, ne lui permettait d'augmenter ses prix de vente que de 75%, si bien que les bénéfices ont connu une chute de plus de 220%, entraînant ainsi une perte en 1976.

Il y a également un autre problème, c'est celui de l'infrastructure de l'industrie. Vous vous sou-

viendrez que l'industrie canadienne s'est développée pour satisfaire un marché national restreint qui nécessitait et qui nécessite encore la fabrication et la commercialisation d'une multiplicité de produits à petite consommation, 715 000 tonnes, comparativement aux Américains, 22 millions d'habitants, comparativement à une population qui est dix fois plus grande.

Ce n'est qu'en 1968 que cet environnement a brusquement changé, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, et que nous nous sommes vus en concurrence avec les Américains.

En 1976, il y avait 35 machines à papiers fins au Canada, dont quatorze au Québec. De celles-ci, trois peuvent être qualifiées de modernes, et rivaliser, en partie, en ce qui concerne le coût de fabrication, en tout cas, avec certaines machines américaines. Trois de ces machines modernes qu'on retrouve ici, au Québec, une à la compagnie E.B. Eddy et deux à la compagnie de papier Rolland, à Saint-Jérôme, qu'on appelle communément les machines sept et huit.

Les autres machines, qu'elles soient installées chez Rolland ou chez ses concurrents, sont petites, plus lentes et beaucoup moins larges. Evidemment, ces petites machines ne sont pas pour autant inutiles, puisqu'elles sont axées vers la fabrication de produits spécifiques et dont la consommation est plus faible, tel le papier monnaie ou le papier pour les chèques. Quant aux grosses machines, évidemment, elles sont axées sur la fabrication de papier à grande consommation. C'est le cas des trois machines dont je vous ai parlé.

Plusieurs critiques rattachent tous les maux de l'industrie des papiers fins à la vétusté de l'équipement. Pourquoi, de dire ceux-ci, ne pas remplacer ces vieilles installations par des machines modernes et axer la production sur les marchés d'exportation?

L'exportation massive ne saurait pas se faire facilement et rapidement, même si, sur le plan de la technologie, comme je viens de vous l'indiquer, certaines machines peuvent rivaliser avec plusieurs machines américaines au point de vue de la production, purement et simplement. Le coût d'exploitation des usines canadiennes, les tarifs, les transports, interdisent l'accès à la plupart des marchés d'outre-mer.

Pour ce qui est des Etats-Unis, le réseau de distribution des papiers fins étant extrêmement fermé, vous vous souviendrez que les papiers fins sont distribués, soit directement par les fabricants, ou par l'intermédiaire de grossistes et aux Etats-Unis, c'est extrêmement fermé, notamment à cause du contrôle de plusieurs distributeurs américains par les grands manufacturiers.

Il est extrêmement difficile de s'y implanter et encore moins d'écouler des centaines de milliers de tonnes qui proviendraient des usines canadiennes, dans l'hypothèse où on devrait axer tout sur l'exportation.

Un investissement important dans un système de distribution et des coûts de promotion élevés serait requis. En d'autres termes, il ne semble pas avantageux de vendre aux Etats-Unis, compte tenu du niveau élevé de nos coûts et des prix de vente pouvant être exigés dans ce marché. Et souvenez-vous: industrie domestique, non conçue pour l'exportation.

La solution à court et à moyen terme réside bien plus, non pas dans la création de ces énormes machines, mais dans l'amélioration de quelques machines existantes, dans la réorientation ou l'abandon de certaines autres machines — mais parlons surtout de la réorientation d'autres machines — et dans la rationalisation et la spécialisation de la production.

Nous avons donc traité, au chapitre des difficultés, de la question de notre incapacité à contrôler nos coûts, les coûts de main-d'oeuvre, de l'intégration. Il y a évidemment d'autres problèmes dont je vous fais grâce, ceux de la spécialisation et de la législation sur les coalitions, celui des normes antipollution, dont M. Rolland parlera dans ses conclusions.

Voilà brièvement l'inventaire des problèmes qui minent notre industrie. Certains critiques ont, en partie, expliqué l'état de l'industrie des pâtes et papiers. J'ai pu en entendre ici et donc celui des papiers fins, parce que nous y appartenons, par une certaine satisfaction de la part de ses membres et le non-renouvellement de son équipement.

Je crois, M. le Président et MM. les membres de la commission, que les mesures prises par notre société sont à l'encontre de ces critiques et prouvent qu'à moins d'un respect du caractère de ce secteur, l'industrie des papiers fins risque son avenir à court terme. Je vais vous expliquer les mesures que Rolland a adoptées dans ce contexte.

D'abord, au chapitre de la capacité, nous avons installé une nouvelle machine à papier pouvant produire plus de 40 000 tonnes par année, au début des années soixante-cinq, et en 1975, malgré tous les problèmes, nous avons mis sur pied un programme visant à augmenter cette capacité une fois de plus. Ce dernier projet, malheureusement, a dû être abandonné à cause de difficultés financières dont je vous ai fait part et la perte énorme que nous avons subie en 1976.

Au chapitre de l'efficacité, nous avons mis sur pied un programme visant à réduire nos coûts variables, programme important, qui nous a d'ailleurs amenés à être des pionniers dans le domaine du contrôle des machines par ordinateurs.

Sur un autre plan, grâce aux efforts de nos équipes techniques, les formules de fabrication ont été peu à peu modifiées, permettant une plus grande utilisation de la pâte de bois feuillu qui est moins dispendieuse. Depuis dix ans, par exemple, cette utilisation est passée de 30% à 60%. Sur le plan de l'efficacité de la productivité, évidemment, le programme se poursuit.

Quant aux nouveaux produits, si la compagnie se soucie d'accroître sa capacité de fabrication, elle ne demeure pas moins consciente de la désuétude progressive de certaines de ses machines dont je vous ai parlé. Un choix s'impose, éliminer ces équipements de fabrication qui sont rempla-

ces par des machines plus modernes, fabriquées aux Etats-Unis, et les utiliser à d'autres fins. L'objectif étant de fabriquer un produit dont la valeur ajoutée est beaucoup plus considérable, c'est la solution dont je vous parlais tout à l'heure. Dès 1974, notre société a décidé de spécialiser l'usine de Mont-Rolland — pour ceux d'entre vous qui la connaissent, c'est une petite usine — dans la fabrication de papier industriel plutôt que d'envisager la fermeture éventuelle de cette usine qui devenait inévitable. Nous avons, à travers tous ces projets, depuis 1960, donc en 15 ans, investi plus de $30 millions dans ces usines. N'oubliez pas que nous sommes une compagnie vendant $100 millions. Dans la dernière décennie, soit de 1967 à 1977, les dépenses en immobilisation consolidées de la compagnie se sont chiffrées par $22 millions en regard de bénéfices nets consolidés de $11,7 millions. En d'autres termes, nous avons investi deux fois nos bénéfices. Exprimés sous une autre forme, ces investissements représentant 189% des bénéfices nets de la compagnie pendant cette décennie.

Malgré cet effort et un programme de compression des frais fixes que nous avons dû entreprendre, dernièrement, la rentabilité des opérations de fabrication des papiers fins dans l'ensemble est insatisfaisante et nous a empêchés de terminer l'accélération de notre plus grosse machine dont je vous parlais tout à l'heure. Au chapitre de la diversification, nous ne nous sommes pas contentés simplement de rester dans la fabrication, nous nous sommes diversifiés. C'est ainsi que nous avons investi substantiellement dans un autre secteur, celui de la distribution des papiers fins, tant au Québec qu'en Ontario. Tout dernièrement, en 1976, de concert avec une société américaine, nous nous engagions dans une nouvelle aventure, celle de l'impression et de la distribution des papiers de transmission par la chaleur, des papiers imprégnés, des papiers inhibiteurs, c'est-à-dire tous les papiers qui sont utilisés dans l'industrie textile, l'industrie électrique, l'industrie du revêtement du bois et des panneaux muraux. Alors, vous voyez que, malgré toutes ces difficultés auxquelles nous avons fait face, une compagnie comme la nôtre, qui est très représentative du secteur des papiers fins, s'est quand même retournée, a investi deux fois ses bénéfices, a diversifié ses opérations, a augmenté sa capacité, elle peut être considérée comme possédant deux des machines les plus modernes de papier fin au pays et au Québec, évidemment, et elle s'est même lancée dans des domaines de pointe quant à la fabrication de papier industriel.

C'est un peu le tableau de nos problèmes et ce qu'une compagnie telle que la nôtre a fait. Malgré cela, je vous ai dit que nous avons encouru des problèmes sérieux quant à la rentabilité.

Quelles conclusions peut-on tirer de cela — parce qu'après tout, comme commission, c'est ce qui vous intéresse — quelles sont les recommandations qui peuvent en découler? Je pense que mon président, M. Rolland, va se charger de vous en faire part. Merci, messieurs.

M. Rolland: M. le Président, M. le ministre, si vous me le permettez, en résumé, nous croyons que l'industrie canadienne des papiers fins connaît depuis quelques années une crise qui menace son existence même. La situation découle de la structure de l'industrie qui s'est développée à l'instar des industries semblables à travers le monde sur une échelle nationale, en fonction des besoins d'un marché restreint de consommateurs dispersés à travers un vaste pays. Devrait-elle être axée sur le marché international? Ses moyens de fabrication seraient alors conçus d'une façon bien différente et feraient sans doute partie d'une industrie de papiers fins nord-américaine dominée par les Etats-Unis et située en majeure partie au sud de nos frontières. La réduction de la barrière tarifaire traditionnelle en 1968 a facilité les importations de papiers fins fabriqués dans les usines axées sur un marché dix fois plus important que le marché canadien. Depuis, les fabricants canadiens, désavantagés au niveau des taxes, des impôts, de la productivité, des coûts de la main-d'oeuvre, ont perdu une partie toujours grandissante du marché national et voient de plus le prix de leurs produits devenir fonction des prix américains plutôt que de leurs coûts. Il s'ensuit un niveau de rentabilité inacceptable et qui, s'il devait être maintenu, ne pourrait justifier de nouveaux investissements. Les résultats de la compagnie Rolland pour les années 1970 à 1973, et tout récemment, pour les années 1975 et 1976, en sont un reflet. En 1975, nous accusions un léger bénéfice d'exploitation de $54 000 et une perte de $2,5 millions l'an dernier. Le rendement sur le capital est seulement de 4,6% au cours des dix dernières années.

Comment, dès lors, corriger cette situation ou, du moins, éviter qu'elle ne s'aggrave à court terme?

Tout d'abord le pays doit s'interroger sur le bien-fondé d'une industrie canadienne de papiers fins. Son existence mérite-t-elle d'être sauvegardée ou préférerait-on s'en remettre à des fabricants étrangers pour alimenter nos besoins?

La compagnie de papier Rolland croit que l'existence d'une industrie canadienne de papiers fins est essentielle pour assurer un approvisionnement sûr et à long terme de tous les besoins en papiers au Canada et au Québec. Parce que cette industrie a pris une importance économique dans les régions où elle s'est implantée, sa disparition causerait un dommage économique sérieux, semblable à celui dont vous avez entendu parler ce matin ou plus tard, avant que nous passions.

Nous recommandons que des mesures soient prises et que des attitudes soient adoptées par l'industrie, les syndicats et le gouvernement pour assurer la rentabilité à long terme de cette industrie que j'appelle une industrie secondaire.

A cette fin, la Compagnie de papier Rolland Ltée recommande, premièrement, que le gouvernement provincial exige des autorités fédérales la négociation pour le maintien des tarifs douaniers au niveau actuel. Tant et aussi longtemps que les fabricants canadiens ne bénéficieront pas des

mêmes avantages, au chapitre des coûts d'exploitation, que les fabricants américains... La façon technique de le faire, c'est de placer les papiers fins sur la liste d'exceptions du Tokyo Round dans les négociations du GATT.

Nous recommandons également que le gouvernement provincial insiste auprès des autorités fédérales pour la négociation du libre accès des papiers fins canadiens au marché américain.

La réduction des tarifs consentis par le Canada en 1967, lors des négociations du Kennedy Round, reflétait une philosophie voulant que les fabricants canadiens orientent progressivement leur production vers le marché international, du moins, vers le marché nord-américain. Or, c'est le contraire qui est arrivé, ce sont les Américains qui ont envahi le marché canadien.

Eussent-ils disposé d'une infrastructure capable de rivaliser avec les usines américaines, cette stratégie, sans doute, aurait été méritoire.

Tant et aussi longtemps que les fabricants canadiens ne bénéficieront pas des mêmes avantages que les fabricants américains et, de ce fait, qu'ils ne pourront leur faire concurrence, nous devrons, au minimum, maintenir les tarifs au niveau actuel. Nous devrons, du même coup, négocier le libre accès des papiers fins canadiens au marché américain. D'ailleurs les exportations canadiennes ne causeront aucun préjudice aux fabricants américains, la capacité totale canadienne ne représentant qu'approximativement que 7% de la consommation américaine.

L'industrie du papier fin, aux Etats-Unis, est plus grosse et plus forte que l'industrie du papier journal au Canada.

De nombreuses discussions ont eu lieu entre les représentants de l'industrie, les autorités fédérales et les négociateurs canadiens aux assises du Tokyo Round — j'y suis allé personnellement — mais on ignore toujours la position qu'adoptera le Canada en cette matière.

Cet état de fait est d'autant plus sérieux que l'industrie, en proie à des difficultés financières, peut ainsi difficilement planifier à long terme.

Une réduction importante des tarifs aurait pour effet, à long terme, de rendre le Canada dépendant des Etats-Unis ou de tout autre pays pour l'obtention du papier nécessaire à l'impression de ses manuels scolaires, de ses livres, de ses revues. On se souviendra des problèmes d'approvisionnement qu'ont connus, en 1974, les imprimeurs et les distributeurs du Québec qui avaient choisi de s'approvisionner chez les Américains et qui se sont retrouvés soudainement face à une carence de produits importés.

Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial incite les autorités fédérales à favoriser les ententes permettant aux fabricants canadiens de rationaliser et de spécialiser leur production. Selon la loi qui est actuellement proposée par le gouvernement fédéral, si cette chose arrivait, on perdrait la production tarifaire automatiquement. Imaginez ce qui nous arriverait!

Quatrièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial adopte des mesures pour restreindre la psychologie inflationniste qui a cours et pour encourager les syndicats à revendiquer des conditions de travail compatibles avec les moyens de l'entreprise, sans quoi l'écart marqué de plus de 21% qui existe entre la rémunération totale d'un ouvrier canadien dans l'industrie du papier fin et celle d'un ouvrier américain risque d'être accentué. Si ce niveau des salaires est le résultat de conventions collectives négociées entre syndicats et employeurs, il n'en reflète pas moins une expectative qui est nourrie par des traitements accordés aux membres de la fonction publique et des organismes parapublics.

Les différents niveaux de gouvernement et de nombreux employeurs du secteur privé ont trop souvent, depuis plusieurs années, abdiqué leur rôle en accordant rapidement à leurs employés des hausses de salaires et des conditions de travail qui étaient incompatibles avec leurs moyens financiers.

Comment, dès lors, dans un tel environnement, inciter les employés à aligner leurs demandes sur la capacité de payer de l'entreprise et sur ses besoins financiers pour assurer le maintien du niveau des emplois. Le Canada et le Québec vivent tous deux au-delà de leurs moyens. Il est urgent que le gouvernement provincial adopte des mesures pour restreindre la psychologie inflationniste qui a cours et pour encourager les syndicats à revendiquer des conditions de travail compatibles avec les moyens de l'entreprise.

J'ai trois recommandations fiscales: Que le gouvernement provincial maintienne le régime d'amortissement accéléré, approuve dès l'année d'imposition 1977 une allocation de 3% de la valeur des inventaires d'une société au début d'un exercice financier comme le fédéral le fait, et accepte pour fins d'imposition l'amortissement indexé des immobilisations d'une entreprise. Les fabricants canadiens doivent bénéficier des mêmes avantages que leurs concurrents américains. Nous souscrivons donc au maintien du régime d'amortissement accéléré, des dégrèvements d'impôt spéciaux accordés aux entreprises dans leur coût de remplacement des inventaires et des autres actifs qui ont été frappés par l'inflation.

Huitièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial fixe des échéanciers ayant trait à l'assainissement des effluents industriels en tenant compte des moyens financiers des entreprises et des programmes imposés aux municipalités — qui ne sont pas toujours compatibles et synchronisés — pour les effluents domestiques et, de plus, qu'il accorde un dégrèvement d'impôt pour tout investissement qui sera fait dans ce secteur.

Neuvièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial mette sur pied un programme visant à encourager les fabricants de papier fin à spécialiser leur production, à diminuer leurs coûts de fabrication par la modernisation de certaines machines existantes et à réorienter leurs plus vieilles machines vers la fabrication de produits dont la valeur ajoutée sera encore plus grande. Nous avons déjà commencé cela à

Mont-Rolland, comme mon collègue vient de vous le dire, à un coût d'environ $5 millions. Cette aide gouvernementale doit se faire au moyen de dégrèvements d'impôt pour investissements disponibles pour tous, ou de subventions dont les critères sont fixés soigneusement et consacrent le rôle moteur du secteur privé dans la direction de ces projets. Le rôle principal du gouvernement devrait être de créer un climat politique et social favorable au développement économique. La création d'une super usine spécialisée pouvant rivaliser avec les géantes industries américaines pourrait déclencher, à court terme, une guerre de prix, sans assurer à long terme, aux consommateurs canadiens, l'approvisionnement de nombreuses qualités de papier.

Finalement, nous recommandons que le gouvernement provincial encourage l'achat de produits fabriqués au Canada, par le biais de tous les ministères et organismes relevant de sa juridiction, telles les commissions scolaires, les municipalités, les sociétés de la couronne, etc. Je dois vous dire qu'à l'occasion des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste nous avons reçu différentes lettres d'organismes qui se servaient de papier américain pour nous encourager à bien célébrer la Saint-Jean.

Nous appuyons les politiques visant à encourager l'achat des produits fabriqués au Canada. Au chapitre des papiers fins, toutefois, cette politique ne nous semble pas toujours suivie. Certaines commissions scolaires du Québec ne distribuent-elles pas à leurs élèves des textes imprimés sur du papier étranger?

Avant de terminer cette présentation, je désirerais commenter très brièvement les avantages permanents dont nous bénéficions et qui peuvent nous permettre de profiter des occasions qui s'offrent à nous. D'abord, l'existence du marché national axé sur Toronto et Montréal, deux centres d'accès faciles pour nos usines. Ensuite, les machines à papier raisonnablement modernes, surtout nos deux dernières machines, 7 et 8, installées en 1957 et 1965. Troisièmement, le personnel de cadre, les employés horaires dont les connaissances techniques sont inestimables. Finalement, le coût favorable de l'électricité. Dans l'immédiat, deux facteurs favorables nous permettent d'éliminer progressivement la série de déficits trimestriels la plus longue et la plus critique de l'histoire de notre compagnie. Je réfère en premier lieu à la baisse importante du dollar canadien qui représente une barrière temporaire qui nous protège contre les importations en provenance des Etats-Unis.

Il ne faut pas ignorer, cependant, que la chute du dollar canadien est une indication certaine, de la part du monde extérieur, que nous vivons au-dessus de nos moyens.

Le deuxième facteur favorable récent, découlant quand même un peu du premier ainsi que du raffermissement du marché américain, fut une augmentation de nos prix de vente, la première depuis novembre 1974, soit depuis plus de deux ans et demi. De concert avec le gouvernement sur les points que nous lui avons soumis, nous tenterons de résoudre chaque problème. La menace de diminution de tarifs, l'inflation, notre tendance comme individus, comme industries, comme gouvernement et comme nation à vivre au-dessus de nos moyens demeurent dans notre esprit, comme étant les plus importants.

Nous comptons que les actions du gouvernement du Québec, dans le secteur des papiers fins, tiendront compte des caractères particuliers et différents de notre industrie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Messieurs, je vous remercie beaucoup. Il est maintenant 23 h 10, ou presque. La commission se doit d'ajourner ses travaux. Auriez-vous objection à revenir demain matin, à 10 heures, pour la période des questions?

M. Rolland: Non, cela nous ferait plaisir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela vous ferait plaisir. Je vous donne rendez-vous demain matin à 10 heures. Les travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 7)

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