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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 20 octobre 1977 - Vol. 19 N° 212

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des problèmes de rentabilité de l'industrie des pâtes et papiers du Québec


Journal des débats

 

Etude des problèmes de rentabilité de l'industrie des pâtes et papiers du Québec

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Séance de la commission des richesses naturelles et des terres et forêts chargée d'étudier les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au Québec.

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane) M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond) est remplacé par M. Grenier (Mégantic-Compton); M. Desbiens (Dubuc), M. Pagé (Portneuf) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse) est remplacé par M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Grégoire (Frontenac) est remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Jo-ron (Mille-Iles), M. Larivière (Pontiac), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin) et M. Perron (Duplessis) est remplacé par M. Gagnon (Champlain).

Je constate que les représentants de la compagnie Consolidated-Bathurst son présents. Ils sont devant nous à la suite de la motion de convocation adoptée par la commission parlementaire en date du 18 octobre dernier. Cette motion parlait également de la production de documents. Je remercie les représentants de la Consol d'avoir donné suite aux voeux et à l'ordre de la commission. En outre, je demanderais aux représentants de la Consol s'ils ont effectivement des documents à déposer?

Comparution Consolidated-Bathurst pour la division Wayagamack

M. Stangeland (Oscar): Oui, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, la compagnie Consol est ici ce matin faisant suite au télégramme reçu hier matin à nos bureaux et répétant la motion adoptée par la commission, mardi soir.

A ma droite, j'ai ici M. Guy Dufresne, vice-président en marketing du groupe des pâtes et papiers. A ma gauche, j'ai M. Dick Solomon, qui est le contrôleur et mon assistant financier pour le groupe des pâtes et papiers. Mon nom est Oscar Stangeland et je suis vice-président exécutif responsable du groupe des pâtes et papiers.

Nous avons composé hier, après avoir reçu le télégramme, un état financier pro forma basé sur les données que nous avons sur les résultats de l'usine du Cap-de-la-Madeleine, incluant les années 1968 jusqu'à 1976. J'ai quinze copies ici que je vous soumettrai en dépôt.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant donné que la commission va terminer ses travaux à 13 heures, et ce de façon définitive, étant donné également que la Consol a déjà passé devant la commission, je demanderais la collaboration de tous les membres de la commission afin que les questions soient non seulement pertinentes, mais qu'elles soient limitées parce que nous devons absolument entendre nos deux autres invités ce matin.

A qui dois-je céder la parole en premier?

M. Stangeland: M. le Président, j'aimerais expliquer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une explication, peut-être, oui.

M. Stangeland: ... que nous avons ici les résultats des années 1968 à 1976 inclusivement, ce qui représente neuf années de fonctionnement de cette usine. La dixième année, l'année 1967, n'est pas ici parce qge nous avons changé nos méthodes de comptabilité durant l'année 1967, après la fusion avec la compagnie Bathurst. C'est pour ces raisons que nous n'étions pas capables de vous donner les dix ans, tel que demandé. On vous donne les résultats pour les neuf ans qui sont disponibles.

Tous ces documents contiennent des données qui sont parmi les états financiers, les bilans de la compagnie Consolidated-Bathurst Limitée et de ses filiales. Il y en a de 40 à 50, de ces filiales. Ces données sont sorties sur une base de comptabilité qu'on croit exacte. Si la commission, par la suite, désire engager une firme de comptables qui pourraient venir à nos bureaux pour vérifier les données ou regarder les livres actuels, nous serions prêts à offrir cette collaboration.

Nous sommes un peu inquiets parce que nous sommes dans un domaine où nous considérons ces chiffres comme confidentiels; cela pourrait avoir des répercussions sur le côté concurrentiel.

Malgré le fait que cette usine soit fermée depuis le 15, c'est encore des résultats et des informations qu'en principe nous ne sommes pas prêts à divulger publiquement.

Dans les circonstances de tous les événements qui se sont passés et suite à votre ordonnance, nous les soumettons avec un esprit ouvert, et nous sommes prêts à répondre à des questions là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Stangeland, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir donné suite à la motion que cette commission a adoptée mardi soir dernier. Est-ce que vous pourriez, de façon sommaire — vous avez déposé un document qui était confidentiel, vous avez allégué

le fait que, pour une entreprise comme la vôtre, divulguer de tels chiffres était très délicat, parce que vous êtes quand même dans une situation de concurrence—compte tenu du fait que votre entreprise est fermée depuis samedi dernier, est-ce que vous pourriez nous donner plus d'explications sur chacun des articles, particulièrement au niveau des dépenses? Vous mentionnez des coûts variables, les ajustements en pâte, l'entretien. On constate que les dépenses d'entretien ont un taux de croissance assez comparable à chaque année, les frais fixes, les frais d'administration qui, aussi, ont subi un taux de croissance proportionnel.

Les bénéfices avant amortissement, ce serait peut-être opportun de connaître les amortissements que vous avez pris et, en termes fiscaux, qu'est-ce qui a été allégué comme amortissements par votre entreprise au Cap-de-la-Madeleine. Vous faites état des bénéfices avant impôt, est-ce qu'il y aurait lieu de connaître les bénéfices après impôt et, somme toute, compléter un peu les informations qui nous sont livrées et mettre un peu de chair là-dessus, et peut-être un sommaire des explications et des documents et des chiffres que vous déposez ce matin?

M. Stangeland: Oui.

M. Grenier: Un instant. M. Stangeland a fait non pas allusion mais a clairement dit que ces données rendues publiques pourraient nuire considérablement à leurs affaires. Maintenant, nous avons devant nous un texte, les députés autour de la table, c'est peut-être cela l'information qu'on a demandée pour les députés. Mais il y a également la presse qui est ici. Si on accepte de répondre, on pose des questions, c'est évident que la presse est au courant. Est-ce qu'on a divulgué ces documents à la presse également? Si oui, je n'ai pas d'objection, sinon je tiens compte de la demande que fait monsieur, ici. Il faudrait peut-être...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ecoutez, il est bien sûr qu'à partir du moment où la compagnie accepte de remettre ces chiffres, en principe, ces chiffres deviennent publics. Mais je sais qu'il y a des dispositions, dans le règlement, qui prévoient le huis clos dans certains cas. Je ne sais pas si les règles du huis clos pourraient s'appliquer dans ce cas, mais ce que je sais c'est que, s'il n'y a pas de huis clos, la commission est publique et en conséquence les questions et les réponses sont publiques.

M. Stangeland: Je crois qu'en disant que nous croyons qu'en principe ce genre d'informations ne doit pas être public nous acceptions que, dans les circonstances actuelles et dans l'ensemble de la situation, ces chiffres soient publics.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. En supposant même que la commission soit à huis clos, il n'en reste pas moins que tout ce qui est dit ici est retranscrit intégralement dans le journal des Débats. Tout citoyen du Québec peut se procurer le journal des Débats moyennant une somme annuelle de $8, de telle sorte que cela serait rendu public quand même.

Une Voix: Pour $0.10 la copie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, monsieur, vous pouvez répondre à la question.

M. Stangeland: M. Pagé, en général, j'aimerais dire que dans les neuf dernières années il y a eu des résultats contraires à cette usine du Cap-de-la-Madeleine. Nous avons eu une perte dans huit des neuf dernières années, avant impôt. Le montant variait de $275, en allant à $1,2 million de pertes en 1970; $2,2 millions en 1971; $1,9 million en 1972; $2,4 millions en 1973; $2,6 millions en 1974; $1,4 million en 1975 et $500 000 en 1976. Les ventes durant cette période ont augmenté de $11 millions, en allant jusqu'à $23 millions en 1976. Ce sont les revenus nets après avoir payé le coût du transport. C'est pour les ventes du papier journal de cette usine.

Dans les dépenses, les coûts variables sont les coûts qui changent avec chaque tonne de production de papier journal. Dans ces coûts on retrouve le coût du bois, de la main-d'oeuvre, de l'énergie, des produits chimiques qui sont ajoutés à la pâte ainsi que d'autres coûts qui varient avec chaque tonne de production.

L'ajustement du prix de la pâte est le deuxième article. Cet article est pour ajuster au prix du marché la pâte qui est transférée de l'usine de Wayagamack sur l'île à Trois-Rivières. Ceci est basé sur le nombre de tonnes qui ont été transférées de cette usine au Cap-de-la-Madeleine et qui représentent un coût additionnel pour les résultats de l'usine du Cap-de-la-Madeleine.

L'entretien — c'est évident — concerne la maintenance, la réparation de la machinerie. On voit le chiffre qui commence dans les environs de $800 000 pour l'année 1968 et qui augmente considérablement pour les trois dernières années. Ce chiffre donne un peu le point de vue que j'ai exprimé l'autre semaine ici devant la commission. Nous avons un problème très sérieux de coûts qui augmentent à un niveau d'à peu près 17% par année pour les quatre dernières années.

Les autres frais fixes sont les coûts fixes qui comprennent les taxes, l'assurance, tout ce genre de coûts qui sont payés par l'usine, même si cette dernière ne fonctionne pas. Ce sont des coûts établis. S'il y a d'autres questions pour avoir plus de détails, j'aimerais que M. Solomon explique un peu ces détails.

Les frais d'administration comprennent les frais d'administration, les frais de vente du produit, les frais d'intérêt et les frais du siège social de la compagnie. Ces coûts sont repassés parmi chaque division et chacune des opérations de la compagnie.

On voit qu'après avoir déduit ces dépenses, nous nous trouvons avec un bénéfice, avant l'amortissement de l'équipement et des bâtisses. Pour ce qui est des neuf années pour lesquelles

cet état financier vous donne les données, nous avons une perte pour sept de ces neuf années.

Nous voyons aussi, ensuite, I'amortissement qui est calculé selon les résultats financiers, chaque année, et qui varie de $400 000 jusqu'à $287 000 en 1976. Comme je l'ai expliqué auparavant, on voit le bénéfice avant impôts qui est de notre côté, le barème pour juger nos résultats. C'est sur cette base que les résultats de notre groupe sont comparés et jugés.

Finalement, nous avons noté, dans l'état financier, les dépenses en immobilisations pour chaque année. Ce sont les sommes que nous avons dépensées pour le nouvel équipement, pour le changement d'équipement. Sur une base de "cash-flow", soit l'argent qui entre et l'argent qui sort, on peut déduire l'amortissement qui ne représente pas d'argent en caisse et on voit que sur une "cash-flow basis", il y a aussi eu des pertes dans huit des neuf dernières années.

M. Solomon, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Solomon: Non. Si on a des questions, je serais prêt à y répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Au chapitre des dépenses en immobilisations, dans la note que vous joignez, de 1972 à 1976, les dépenses se chiffrent par $1 332 000. A quoi ces dépenses ont-elles servi? Si on regarde l'année 1976, par exemple, vous avez $593 000 en immobilisations; qu'est-ce qui a été fait dans l'usine?

M. Stangeland: II y a eu des améliorations dans le "ground wood-mill", les meules; je crois que les "screens" et les "deckers" sont assez modernes et en place. Je crois qu'une bonne partie de ces sommes a été dépensée dans ce secteur.

M. Pagé: Lors de votre comparution le 29 septembre dernier, vous avez soutenu que, depuis quatre ans, votre entreprise songeait ou envisageait tout au moins la perspective de fermer l'usine du Cap-de-la-Madeleine.

C'est donc dire que, même si vous songiez, à l'époque, à fermer, il était absolument obligatoire pour vous d'investir $1 332 000 au chapitre des immobilisations pour maintenir l'usine en fonctionnement.

M. Stangeland: C'est depuis l'année 1974, quand nous avons décidé de commencer notre grand programme d'expansion à Port-Alfred que nous avons eu l'impression que l'usine du Cap-de-la-Madeleine était pour fermer. Les dépenses dans les années 1974, 1975 et 1976, qui sont d'à peu près $1 million, sont attribuables au fait que pour produire le papier dans ce temps nous avons cru nécessaire de continuer avec un modeste programme d'immobilisation, dans les circonstances. Aussi, je crois que cela reflète le coût d'inflation considérable que nous avons eu pour l'équipement.

Je crois que si on prend les chiffres de $300 000 en 1975 et $252 000 en 1974, c'est beaucoup moins que les mêmes sommes dépensées en 1971 ou en 1969. Nous avons eu un taux d'inflation sur tous nos projets d'investissement de capitaux d'à peu près 18% à 20% par année commençant en 1973. Je crois que cela donne un peu l'explication et la raison pour laquelle le montant en dollars peut sembler assez élevé, mais, en réalité, il ne l'est pas trop, comme montant. Je serai obligé de vous répondre par lettre pour vous donner des précisions sur exactement quelle section du moulin nous avons dépensé cette somme.

M. Pagé: D'accord, on l'apprécierait. Merci pour cela. Vous avez fait état, tout à l'heure, dans les coûts variables, des pâtes chimiques. Etant donné la nécessité de l'usine de la Wayagamack de se pourvoir en matériel d'autres moulins — vous avez parlé des pâtes, tout à l'heure, que des pâtes partaient de l'île pour venir à l'usine du Cap — le prix payé pour la matière qui provenait d'autres de vos usines, ce prix est-il au taux du marché ou si un prix préférentiel était accordé parce que c'était, somme toute, vendu à une de vos usines?

M. Stangeland: Je crois que dans le domaine du prix de transfert dans la compagnie, il y a plusieurs produits qui se transfèrent d'une section à l'autre. Je peux vous dire que c'est dans ce domaine que peut-être on a plus d'arguments sur quel prix à payer que dans d'autres secteurs. La politique générale de la compagnie en rapport avec le coût de transfert de produits est que le coût est chargé à une section de la compagnie par celui qui fournit et le prix du marché. Cela s'applique pour le carton doublure et cela s'applique pour le carton ondulé et pour le "box board".

Dans le cas de la Wayagamack, il y a deux usines qui comprennent une division. A cause d'une longue histoire et d'une longue pratique, les résultats de cette gérance unique ont fait que, pour les deux usines, on a toujours chargé le coût actuel pour la pâte chimique qui a été transférée à l'usine de Cap-de-la-Madeleine. Pour que nous ayons des résultats financiers qui démontrent vraiment la situation et pour être conforme avec la politique générale dans le secteur de coût de transfert, nous avons fait un ajustement pour chacune de ces années.

M. Pagé: Si on regarde en général le tableau, après 1972, on constate qu'il y a trois exercices financiers qui sont déficitaires. On remarque cependant qu'en 1973, par rapport à 1972, les ventes nettes en termes de revenus ont augmenté sensiblement, passant de $12,9 millions à $15 252 000 et il y a un taux de progression assez accéléré aussi de 1974 par rapport à 1973, où on passe de $15 millions à $19,5 millions. A ce moment, compte tenu d'une augmentation aussi sensible au chapitre des ventes, l'entreprise n'a pas songé

à mettre de l'avant un programme quelconque pour tenter de redresser la situation? Somme toute, même si les revenus étaient progressifs, vous avez quand même eu à vivre des déficits au cours de ces années. Je présume que vous vous êtes certainement interrogés sur la situation et je présume de plus que vous avez probablement tenté d'élaborer un plan de redressement. J'aimerais savoir ce qui a été fait. Est-ce qu'il y a quelque chose qui a été fait dans ce sens ou si, dès que vous avez constaté que même si les ventes augmentaient et que vous aviez des déficits, vous avez tenu pour acquis qu'éventuellement l'entreprise devait fermer?

M. Stangeland: Le papier journal est un des produits où, même si les coûts ont augmenté assez subitement, le prix pour le papier journal, dans les années 1973, 1974 et 1975, a connu une augmentation à cause du fait qu'il y avait beaucoup de demandes et à cause du fait que le prix augmentait à peu près au même rythme que les coûts. On voit que les revenus de nos ventes ont augmenté d'à peu près $2,2 millions en 1973, sur l'année précédente, et encore de $4,5 millions en 1974, comparativement à 1973.

Mais, quand on regarde le coût de nos dépenses, on voit le même phénomène. En 1973 et 1974,on voit que nos coûts ont augmenté d'à peu près $3 millions et, entre 1972 et 1973, on voit la même augmentation. Les ventes ont augmenté d'à peu près $2,3 millions et nos coûts ont augmenté d'à peu près $2,8 millions. Cela veut dire que, malgré l'augmentation dans les revenus, c'était presque déjà dépensé dans le coût de fabrication de nos produits. Cela reflète la période inflationniste sur la base industrielle que je crains et que j'ai beaucoup commentée, il y a trois semaines. C'est la période anormale des trois années 1973, 1974, 1975, et aussi 1976.

M. Pagé: Si on se réfère aux deux dernières années, on constate qu'il y a quand même une amélioration assez sensible des résultats dans le sens que les pertes diminuent. En 1974, le chiffre des pertes s'évalue à environ $2,6 millions; en 1975, à $1 449 000; en 1976, à $528 000. Pourquoi fermer alors que, somme toute, cela semble vouloir s'améliorer, même si on parle toujours de pertes, à ce niveau-ci?

M. Stangeland: On a dit que ces neuf années sont représentatives, qu'elles donnent un portrait des résultats de l'usine. Vers la fin de 1976, il y a eu quelques bénéfices du fait qu'on était... Quant aux conditions financières, ce n'était pas une bonne année pour la compagnie. Nous avons essayé de couper nos coûts d'entretien, partout où on le pouvait, et malgré cette performance, nous avons eu une perte moins importante que celles de 1974 et 1975, mais qui est encore assez significative.

Il y a aussi le fait qu'en 1976 l'industrie sortait d'une grève générale dans l'Est du Canada, qui a commencé au mois d'octobre et qui a continué jusqu'au mois de mars ou avril dans certaines usi- nes de l'Est du Canada. L'usine du Cap-de-la-Madeleine et les autres usines de papier journal de la Consol ont terminé leur grève plus tôt que les autres compagnies ou les autres usines, en général. Nous étions la deuxième à revenir au travail après la grève générale; cela veut dire que dès que l'usine a commencé à produire le papier journal — je crois que c'est le 5 février 1976 — nous avons eu des commandes substantielles et nous avons fonctionné à pleine production toute l'année. C'est pour ces raisons aussi que la perte pour l'année 1976 a été moins importante que les deux années précédentes. Mais les résultats n'ont pas été satisfaisants, ne sont pas acceptables et cela n'a pas changé notre idée qu'une fermeture était la seule option éventuelle.

M. Pagé: Une dernière question, M. Stangeland. Au chapitre des frais d'entretien, on constate qu'entre 1968 et 1972 les chiffres sont stables, c'est-à-dire qu'ils variaient entre $700 000 et $800 000. Comment expliquer que les coûts, au chapitre de l'entretien, aient doublé de 1973 à 1975? D'accord, il y a eu l'inflation, mais c'est quand même le double, c'est plus que 100% d'augmentation dans le sens qu'en 1973, au chapitre de l'entretien, les chiffres sont de $1 034 000 et, en 1976, de $2 133 000.

M. Stangeland: II y a deux explications. Il y a celle de l'inflation dans les coûts, que vous avez mentionnée, et il y a aussi le fait que les années 1970, 1971 et 1972, pour l'industrie des pâtes et papiers, étaient quasiment une répétition peut-être plus sévère de ce qu'on connaît à l'heure actuelle. Les résultats de la compagnie ont été très mauvais.

La valeur de nos actions en Bourse est descendue de $25, $29 jusqu'à $6 l'action. Nous avons eu dans toute la compagnie une perte substantielle. Dans ces conditions, nous pouvions, pour une période de deux ans, réduire nos dépenses et couper extrêmement nos coûts. L'entretien est un secteur où on peut réduire nos coûts pour une période assez courte. Mais, après avoir fait cela pendant deux ou trois ans, nous sommes obligés, quand les années s'améliorent et que les résultats s'améliorent, de dépenser un peu plus que la normale pour remettre la machinerie en état de produire. Je crois que ce sont ces deux raisons, l'inflation des coûts au cours des quatre dernières années et aussi le fait que nous avons pincé un peu trop dans les années 1970, 1971 et 1972; nous avons été obligés de dépenser un peu plus que la normale pour l'entretien dans les trois ou quatre dernières années.

M. Pagé: M. Stangeland, je vous remercie. Nous allons, évidemment, regarder avec beaucoup d'attention les documents que vous déposez ce matin parce qu'ils nous intéressent. Je pense qu'on vous l'a démontré dans les différentes positions adoptées par la commission. Je retiens le fait que votre compagnie est disponible pour fournir des explications supplémentaires si jamais la commission ou encore des membres de la

commission étaient désireux, suite à l'étude des documents que vous déposez, de vous demander des renseignements additionnels.

M. Stangeland: Oui, M. Pagé. M. Pagé: Merci beaucoup. M. Stangeland: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, très rapidement, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Merci, monsieur, de nous avoir fourni ces chiffres. Vous vous rendez compte avec nous que c'est ainsi qu'on peut faire une discussion intelligente autour de la table, quand on a des données qui nous sont fournies. Je pense qu'au nom de la commission, je puis dire que c'est un document qui était important pour nous.

Je remarque que, dans le domaine de l'immobilisation, si on fait le total des années, l'immobilisation se maintient, c'est environ $4 millions. Incluant l'immobilisation et ce que vous avez fait comme installations, est-ce que vous trouvez que ce montant de $4 millions répartis sur neuf ans est un chiffre juste par rapport à l'investissement premier que vous avez fait au Cap-de-la-Madeleine?

M. Stangeland: Je crois que le chiffre démontre que pendant ces années, nous n'avions pas beaucoup confiance à long terme dans l'usine du Cap-de-la-Madeleine. On était dans une "holding attitude". On dépensait, mais il n'y avait pas une grande attention de faite... Comme je l'ai expliqué il y a trois semaines, nous avions vingt machines à papier journal; il fallait choisir l'usine où le bon sens disait que c'était mieux d'investir notre argent.

Nous avons commencé en 1965 à Grand-Mère, nous avons déménagé à Shawinigan en 1971 et, là, en 1974, nous sommes rendus dans le Saguenay. C'est dans cette optique que le montant n'est pas trop substantiel, $4 millions dans neuf ans.

M. Grenier: II est sûr que vous pouviez être, comme vous l'avez dit, dans une période d'incertitude, mais je pense que c'est un peu de l'oeuf à la poule aussi. Si vous étiez dans une période d'incertitude, vous n'investissiez pas, mais, si vous aviez investi... On voit les chiffres de 1975 et 1976; pour un investissement qui est le double en 1976, soit $593 000 par rapport à $300 000 en 1975, vous avez diminué votre perte de presque les trois quarts dans une seule année. Je ne sais pas si ces données sont exactes, mais il me semble que, si on avait eu un investissement régulier... En tout cas cette donnée pour 1975 et 1976 m'indique que, pour un investissement qui est le double, vous avez réduit votre perte considérablement. Il y a sûrement d'autres éléments.

M. Stangeland: Je pense que M. Dufresne a une réponse là-dessus.

M. Dufresne: Oui. Je ne crois pas qu'il y ait relation directe de la réduction des profits par l'investissement qui s'est fait là. Je pense que M. Stangeland a mentionné, que, quand on remplace des tamis ou qu'on arrange des meules pour qu'elles continuent de fonctionner un certain temps, ce n'est pas un investissement pour générer des profits, c'est un investissement pour garder l'usine en marche.

Il y a certaines données de base qui ont été communiquées à la commission lors de notre premier passage et qu'il serait peut-être bon de revoir. Par exemple, au Cap-de-la-Madeleine, cette usine comprend trois machines dont la capacité est de 100 000 tonnes par rapport à une usine compétitive de nos jours qui se situe à 300 000 tonnes. On produit seulement de la pâte mécanique là, alors que, dans les usines compétitives, c'est ordinairement de la pâte mécanique et de la pâte chimique. Troisièmement, un facteur très important dans le choix de modernisation que nous avons fait, c'est que ces machines sont des machines de 150 pouces, alors que les machines modernes sont de 225, 300 et 360 pouces. Les machines, à l'usine du Cap-de-la-Madeleine, fonctionnaient à une vitesse d'environ 1300 pieds par minute, alors qu'une machine moderne fonctionne jusqu'à 3500 pieds par minute. Techniquement, ces machines sont étroites et désuètes. Elles se situaient parmi les plus vieilles machines au Canada, un peu comme celles que nous avions à Grand-Mère en 1966, que nous avons fermées et remplacées. C'est un processus continuel.

M. Grenier: Cette usine était rentable jusqu'à 1967 ou 1968; on n'a pas les années d'avant. Mais je ne vous cache pas que cela m'apparaît nettement insuffisant. Ce qui s'est fait là, ce sont des pièces de remplacement de l'ordre de $4 millions répartis sur neuf ans et on n'a pas fait d'investissements. On sait que l'inflation a commencé vers les années 1972. Avant cela, on n'a pas de témoignages selon lesquels les chiffres aient été plus éloquents dans ce secteur-là. Et si c'était bon jusqu'en 1967 ou 1968, est-ce que, pendant ce temps, si on avait les chiffres antérieurs, on découvrirait qu'il n'y a pas eu assez d'investissements, que cela a encore été du remplacement de pièces?

M. Stangeland: Je crois que nous avons fourni un état de toutes les dépenses que nous avons faites en immobilisation, comparées avec un amortissement que nous avons eu comme compagnie. Je crois que nous avons dépensé plus de deux fois l'amortissement que nous avons. D'où viennent les investissements? Ils viennent des profits ou d'argent prêté. Nous sommes dans une situation où nous avons prêté pas mal d'argent, mais cela prend des profits avant d'investir. C'est un peu la situation de l'industrie en général.

M. Grenier: Je comprends qu'en 1971 et 1972, il est difficile d'être exigeant à cause de l'inflation. Mais j'aimerais que vous me donniez les profits réalisés avant 1968, globalement, depuis les opérations du Cap-de-la-Madeleine. Ce serait peut-être un chiffre intéressant à connaître.

M. Solomon: Je ne peux pas vous les dire exactement, mais ce n'est pas un chiffre important. N'eût été une grosse demande de papier journal tout de suite après la guerre, l'usine du Cap n'aurait peut-être pas été rouverte après sa première fermeture.

M. Stangeland: Nous allons vous donner les informations sur les profits avant 1968, tels qu'ils sont dans nos livres. Nous allons vous donner une lettre supplémentaire là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très rapidement, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Où devrait se faire l'investissement majeur dans une usine? D'après vous, où aurait-on dû faire l'investissement pour la rendre plus rentable?

M. Stangeland: Au Cap-de-la-Madeleine, il n'y avait pas une section où on pouvait dire: On va faire cela et cela va améliorer les choses. C'était une usine qui n'avait pas d'allure comme conditions d'amélioration. Nous étions pris avec une usine avec trois anciennes machines, pas de pâte chimique du tout, la seule action de l'usine qui avait du bon sens c'était la bouilloire. A notre point de vue, il aurait été obligatoire de refaire à neuf partout, de rebâtir le moulin, de le rebâtir à neuf, avec une usine de pâte, avec une grosse machine d'une largeur de 300 pouces et avec un investissement d'au moins $50 millions.

M. Grenier: Depuis combien d'années exploitez-vous au Cap-de-la-Madeleine?

M. Stangeland: Depuis 1916. Cela fait 61 ans.

M. Grenier: Pouvez-vous me dire pourquoi les coûts variables n'ont pas changé en 1974, 1975 et 1976? Pourquoi se sont-ils tenus à peu près dans les mêmes données, à savoir les dépenses des coûts variables en 1974, 1975 et 1976?

M. Stangeland: Les coûts variables varient avec la production de cette usine.

M. Solomon: Oui, c'est une coïncidence. Les taux inflationnistes étaient moins forts pendant cette période. Nous avons produit approximativement la même production pour chacune de ces années. Naturellement les coûts suivent la production.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Dernière question, M. le député.

M. Grenier: D'accord, j'ai terminé. Vous nous assurez que vous allez nous fournir globalement les chiffres des bénéfices avant impôt pour les années antérieures à 1967?

M. Stangeland: Si c'est possible de les sortir.

M. Solomon: On va faire notre possible pour les sortir.

M. Stangeland: On va certainement faire notre possible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je vous remercie d'avoir bien voulu accepter cette demande de la commission qui permet de déposer des chiffres qui, à mon point de vue, éclairent certainement la situation et contribuent à éliminer une bonne partie des quiproquos qui auraient pu se produire quant à l'interprétation de votre décision.

Je dois dire à cette commission qu'à première vue, puisque je n'ai évidemment pas les chiffres sous les yeux, les chiffres que vous venez de nous présenter confirment exactement ceux que nous avons fait vérifier par une firme de vérificateurs qui est, évidemment, allée beaucoup plus en détail. Ceci nous a donc permis, comme gouvernement, d'avoir effectivement accès à cette information, je dois même dire à une information plus complète concernant l'ensemble de l'entreprise. Par conséquent, je dois dire à l'intention des membres de cette commission qu'effectivement les chiffres qui sont ici, dans la mesure où nous avons pu les vérifier, nous apparaissent exacts.

J'ai une question que j'estimerais extrêmement importante, que j'aimerais poser à la société Consol et que malheureusement nous n'avons pu poser à la FTQ puisque cette dernière a choisi de faire essentiellement un débat un peu politique sur la fermeture et de ne pas présenter son point de vue sur la modernisation. Je regrette infiniment de n'avoir pu connaître la position de la FTQ sur ce sujet.

La question que j'aimerais poser est celle-ci. Les syndicats avec qui vous négociez ont-ils, dans le passé, cherché à négocier un programme de modernisation? En d'autres termes, lorsqu'un syndicat fait des demandes, il demande des augmentations de salaires, des conditions de travail supérieures. Ont-ils également tenté de négocier un certain investissement dans la modernisation qui aurait pu garantir leur emploi, c'est-à-dire peut-être échanger certains avantages contre d'autres qui auraient pu assurer leur emploi? Le syndicat n'a-t-il jamais pris cette attitude face à votre compagnie?

M. Stangeland: Non, M. le ministre. Le syndicat, dans ses demandes de renouvellement de conventions — et je parle des quinze dernières années dont j'ai eu une connaissance personnelle — faisait des demandes qui affectaient les sa-

laires, les bénéfices marginaux et aussi les conditions de travail. Dans ce domaine il y avait des demandes d'amélioration des conditions de travail qui, une fois consenties et convenues entre les parties, ont eu l'effet d'occasionner des dépenses substantielles pour améliorer les conditions de chaleur, d'humidité, afin de changer tout cela.

Il y a eu dans nos négociations avec les syndicats de temps à autre une pression ou des demandes pour un salaire garanti et un emploi garanti. Cela a porté sur les demandes, mais pas de changer l'investissement dans une usine. Certainement on a eu des demandes de salaire garanti et d'emploi garanti.

M. Bérubé: Est-ce que votre compagnie, par exemple, aurait accepté — dans le cas d'une négociation collective — de négocier, comme élément d'un contrat, des montants qui auraient été affectés au réinvestissement, de manière à garantir la pérennité de vos usines?

M. Stangeland: Je crois que notre position, jusqu'à maintenant, c'est que, dans le domaine de l'investissement des fonds, la compagnie est prête à en discuter, mais elle croit que c'est une décision qu'elle devra prendre dans l'optique des circonstances. De notre côté, nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons négocier les investissements de capitaux dans nos entreprises.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Stangeland, je vous remercie beaucoup ainsi que vos compagnons d'avoir accepté de vous présenter ce matin et d'avoir déposé ce document. C'est un signe de très grande collaboration. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais joindre ma voix à la vôtre pour remercier les représentants de la Consolidated Bathurst de s'être rendus ici ce matin, d'une part, et, d'autre part, je puis vous assurer, M. Stangeland, que nous entrerons en communication avec vous par le biais de nos re-cherchistes pour avoir beaucoup plus de détails à la suite des questions qu'on se pose concernant le document que vous nous déposez ce matin. En terminant, un dernier commentaire auquel vous pourrez me répondre par oui ou non, M. Stangeland. Est-ce vrai qu'il y a eu $119 000 de profit au cours du premier trimestre de l'année 1977, tel qu'évoqué préalablement lors des travaux de cette commission?

M. Stangeland: Je crois qu'on peut donner des chiffres qui démontrent des profits pour l'année 1977, pour les cinq premiers mois, mais on peut aussi établir un état financier qui démontre que les mêmes conditions qui s'appliquaient aux neuf années étudiées par l'état que j'ai présenté ce matin s'appliquent aussi pour l'année 1977.

Pour l'entretien de l'usine, depuis l'annonce de la fermeture, au mois de mars, nous avons dé- pensé $1,1 million de moins que le budget. Nous n'avons eu aucune dépense pour le "dredging" qui est fait annuellement dans cette usine et nous n'avons aucune dépense pour la manutention du bois, ce qui veut dire que sî on avait préparé les chiffres et les documents pour l'année 1977 sur une base d'exploitation normale, cela aurait été le même genre de perte que nous avons démontré en 1976.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une dernière question, très brève.

M. Grégoire: Très brièvement, accepteriez-vous de vendre l'usine de la Wayagamack à une compagnie qui voudrait y fabriquer du papier journal?

M. Stangeland: Ce ne serait pas notre choix. Je suppose que tout a un prix, mais comme la compagnie Steinberg ne vend pas un terrain situé à côté d'un de ses magasins à un de ses concurrents, et comme la compagnie d'essence Esso ne vend pas l'autre coin à une compagnie comme Shell, nous ne sommes pas intéressés à ce qu'une autre compagnie fabrique du papier journal dans nos usines.

M. Grégoire: Accepteriez-vous, par contre, de vendre à quelqu'un qui voudrait y faire du papier journal? Oui ou non?

M. Stangeland: Tout dépendrait des conditions, mais je pense que la réponse, en général, serait non.

M. Grégoire: Si les conditions sont bonnes, ce serait oui?

M. Stangeland: C'est difficile de répondre à des questions hypothétiques, mais de mon point de vue, je ne suis pas prêt à faire une recommandation de vendre à un acheteur qui fabriquera du papier journal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Stangeland, merci beaucoup. J'invite maintenant la société des pâtes et papiers Kruger Limitée et ses représentants à venir présenter leur mémoire. Puis-je demander au porte-parole de la compagnie de bien vouloir se présenter et de nous présenter également ceux qui l'accompagnent?

Société des pâtes et papiers Kruger Ltée.

M. Geoffrion (Henri): M. le Président, mon nom est Henri Geoffrion, vice-président des bois et forêts. J'ai, à mon extrême droite, M. Frank Faludi, vice-président administratif; M. Andy Swan, vice-président, ingénierie et à la planification; M. Rolland Cyrenne, vice-président à la production des deux usines de papier journal. A mon extrême gauche, M. Jack Lang, directeur du personnel et des relations industrielles. M. Paul Fournier, vice-

président à la finance, et M. Bill Kruger, président et chef de l'administration.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, la Société des pâtes et papiers Kruger Ltée remercie M. le ministre Bérubé d'avoir bien voulu nous inviter à présenter un mémoire devant cette commission parlementaire. Nous allons vous lire un résumé du mémoire que nous vous avons soumis. Après quoi, nous sommes à votre disposition pour répondre, dans la mesure de nos connaissances, aux questions que vous voudrez bien nous poser.

La société Kruger diffère en plusieurs façons des sociétés multinationales géantes qui dominent l'industrie papetière car elle est une société privée. Elle est détenue et exploitée par les membres d'une famille du Québec intéressée au commerce du papier depuis trois générations. Son personnel de direction se compose d'un groupe restreint de personnes étroitement liées, qui contraste avec le nombreux personnel requis par les grosses entreprises et les gouvernements. Elle a connu beaucoup de succès dans les 75 années de son histoire au Québec. Depuis 1950, elle a remis en marche deux usines de papier journal: l'une à Bromptonville avait été fermée pendant deux ans et l'autre à Trois-Rivières qui avait presque abandonné les affaires. La Société a, de plus, mis sur pied une nouvelle usine de papier et une usine de boîtes de carton ondulé à Montréal. Toutes ces installations sont maintenant productives et rentables.

La société Kruger s'occupe principalement de la fabrication et de la vente de papier journal. Elle produit aussi du papier à base de pâte mécanique destiné aux publications, du carton doublure recyclé et des boîtes de carton ondulé. Pratiquement toute sa fabrication se fait au Québec. La famille Kruger oeuvre aussi dans les pâtes et papiers en Amérique du Sud et en Italie.

Le papier journal est fabriqué à deux usines dont la capacité totale est d'environ 1500 tonnes par jour, compte tenu des papiers destinés aux publications. De 10% à 15% de cette capacité n'a pas été utilisée en 1977 et on ne prévoit pas beaucoup d'amélioration à cet égard en 1978.

Entre 60% et 65% du papier journal de Kruger sont vendus aux Etats-Unis et presque tout le reste l'est outre-mer. Nous ne vendons pratiquement pas de papier journal au Canada.

La société s'inquiète vivement de l'érosion subie par ses marchés aux Etats-Unis et dans des pays d'outre-mer, érosion due aux facteurs du marché et aux tendances économiques.

Facteurs du marché. Principalement, les propriétaires de journaux ont adopté des politiques visant à économiser le papier journal, telles des pages réduites et des marges plus étroites. Le nombre de journaux imprimés dans le nord-est des Etats-Unis, principal marché de Kruger, a diminué à la suite de fusions et de fermetures. Le nombre de journaux indépendants a diminué du fait que plusieurs chaînes importantes les ont remplacés.

Les facteurs économiques. Les facteurs économiques responsables de l'érosion du marché du papier journal se retrouvent presque tous dans les coûts élevés de fabrication et de transport.

Le coût du bois est élevé pour plusieurs raisons, dont les suivantes: les forêts sont lointaines; le climat nordique ralentit la croissance et produit des arbres plus petits et moins nombreux à l'acre; l'équipement est coûteux; la construction de routes est onéreuse; la main-d'oeuvre est chère; il en coûte beaucoup pour la formation et pour répondre aux besoins sociaux des travailleurs forestiers car, pour plusieurs, ce n'est pas là un emploi très attrayant; le coût du transport du bois de la forêt aux usines est élevé.

Le coût du bois en provenance des fermiers et des propriétaires de petites terres à bois relativement près des usines est artificiellement maintenu à un niveau élevé car les Offices des marchés agricoles répondent plutôt aux pressions politiques qu'aux réalités économiques.

Les salaires des travailleurs à l'usine sont plus élevés que dans d'autres pays — de 15% à 20% plus élevés qu'aux Etats-Unis.

Les coûts en immobilisation sont élevés au Québec et proviennent des facteurs climatiques, du coût élevé de la main-d'oeuvre en construction ainsi que de la faible productivité de cette main-d'oeuvre.

Les frais en intérêt sont plus élevés au Canada qu'aux Etats-Unis.

Le fardeau fiscal des entreprises est plus élevé au Québec que dans la plupart des pays.

Du fait du coût élevé de la construction et de l'exploitation des usines au Québec, on n'y construit pas de nouvelles usines de papier journal. On en construit principalement dans les autres pays où les coûts sont moindres, comme dans le sud des Etats-Unis et dans les pays moins développés. Il semble probable que ces nouvelles installations ne feront pas qu'absorber la faible croissance que l'on prévoit dans la demande de papier journal, mais qu'elles déplaceront les marchés auxquels est offerte la production du Québec, causant ainsi certaines fermetures d'usines au Québec et des productions réduites à d'autres usines.

Par le passé, le papier journal ne pouvait être produit qu'à partir du bois provenant des forêts du Nord. Ce n'est plus le cas, et plusieurs matériaux peuvent maintenant être utilisés comme, par exemple, le pin du sud, l'eucalyptus, etc. La technologie et l'équipement touchant la fabrication du papier journal sont très mobiles et ne connaissent pas de frontières.

La réputation que la Société Kruger s'est gagnée par la haute qualité de son papier journal a été bâtie sur l'utilisation d'un mélange de bois tiré en quantités à peu près égales des forêts du nord du Québec — de l'épinette noire surtout — et de petites terres à bois plus rapprochées des usines — sapin baumier, épinette de moindre densité. Ce mélange est essentiel et ne doit pas être changé par l'utilisation d'une plus grande proportion de bois local. La Société Kruger est déjà l'un des principaux acheteurs de bois local.

Recommandations. Premièrement, le gouvernement du Québec doit accepter le fait que la fa-

brication du papier journal au Québec ne connaîtra vraisemblablement pas d'expansion, mais qu'elle diminuera.

Deuxièmement, le gouvernement ne devrait pas essayer de maintenir en opération des usines qui ne sont plus économiquement concurrentielles. En ce faisant, il ne rendrait que plus difficile le maintien de la viabilité des autres usines et pourrait bien causer la fermeture d'autres usines très probablement au Québec. Le gouvernement devrait plutôt régler les problèmes des gens mis à pied, lors de telles fermetures, et essayer de stimuler les industries des autres secteurs.

Le gouvernement ne devrait pas intervenir en apportant une aide massive dans des situations particulières ou en mettant sur pied de nouvelles entreprises. A quelques exceptions près, les interventions gouvernementales dans l'industrie pape-tière se sont soldées par des échecs.

Si le gouvernement croit qu'il doit aider notre industrie, il devrait le faire d'une façon qui aide tous les producteurs d'une façon aussi équitable que possible, comme par exemple, la réduction ou l'élimination du droit de coupe; une aide accrue dans la construction et l'entretien des voies d'accès en forêt; l'élimination de la charge de $1 par cunit actuellement imposée à cette fin; la réduction ou l'élimination des taxes d'affaires et de vente dans l'industrie; l'offre de subventions ou de prêts à long terme et à faible intérêt pour les dépenses visant à diminuer la pollution; le rôle actif que le gouvernement pourrait jouer, à long terme, dans les programmes de reboisement, de façon à rebâtir des forêts plus rapprochées des usines existantes.

Le gouvernement pourrait, de plus, utiliser son influence pour faire diminuer les coûts de transport tant du bois à l'usine que du papier vers les marchés, puisque ce sont là des éléments fondamentaux du coût des produits livrés à nos clients.

Avant de terminer et de passer à la période des questions, nous désirons souligner l'inquiétude qui existe chez nos clients acheteurs de papier journal au sujet d'approvisionnements à long terme. Afin de les rassurer, nous apprécierions que le ministre des Terres et Forêts fasse, dans le plus bref délai possible, une déclaration publique au sujet de la politique que le gouvernement entend suivre pour l'industrie des pâtes et papiers.

Nous vous remercions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous vous remercions, M. Geoffrion. Le ministre ayant dû s'absenter pour une dizaine de minutes, je cède la parole au député de Berthier.

M. Mercier: Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Evidemment, étant donné que vous passez vers la fin de la commission, beaucoup des questions que vous évoquez ont déjà été longuement débattues dans les mémoires précédents de sorte que je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, sauf sur certains éléments nouveaux que vous apportez, particulièrement quand vous dites, par exemple, que de 60% à 65% du papier sont vendus aux Etats-Unis et presque tout le reste outre-mer. Plusieurs compagnies ont évoqué cette difficulté d'entrer sur les marchés outre-mer étant donné la concurrence des pays Scandinaves. Comment expliquez-vous que vous réussissiez à avoir un certain succès sur ces marchés?

M. Geoffrion: Si vous me le permettez, je vais demander à M. Kruger de répondre à cette question, c'est notre expert vendeur.

M. Kruger: Avec la permission de la commission, me serait-il possible de répondre en anglais?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'allais vous l'offrir. Vous pouvez parler en anglais et un de vos collègues se chargera, je présume, de traduire pour le bénéfice de tout le monde.

M. Kruger: Merci. I understood the question to be: Why are we more successful in the overseas market than perhaps some of our colleagues or competitors? I do not know if that is a statement of fact; the overseas market is a very small one and, as we are perhaps smaller producers, our tonnages have a different quantity. The other thing was that we started really going after the overseas market historically in 1954 — I would say — and we had a long term relationship. But, percentagewise, I do not think that we have a greater tonnage than our competitors in overseas market at the most.

M. Geoffrion: Etant donné que nous sommes de plus petits producteurs que la majorité des autres compagnies, c'est plus facile pour nous de passer le tonnage extra qu'on a en Europe. On a commencé à avoir des relations en Europe en 1954 et nos relations ont toujours été très bonnes avec les gens de l'Europe. Etant donné que notre tonnage est beaucoup plus petit que les autres, c'est plus facile de le passer.

M. Mercier: Est-ce que vous réussissez quand même, sur ces marchés, à avoir des coûts concurrentiels ou si c'est simplement les excédents de leurs besoins qu'ils achètent chez vous? Je ne sais pas dans quelle mesure vous arrivez à concurrencer les coûts des usines Scandinaves. Pourriez-vous préciser cette question des coûts? Vous évoquez une petite quantité, mais est-ce pour des besoins occasionnels qu'ils ont qu'ils achètent chez vous ou si c'est vraiment attrayant pour eux d'acheter même cette petite quantité?

M. Kruger: No, no, we have very long term contracts. It is no secret, we have long term contracts in England, in Holland, in Germany and these contracts have been historically long term. We built a very good reputation during the shortage of 1950-1954 where we supplied these countries at the market prices. And the relationship carries on. Dumping paper has never been our policy, it is sold at the world prices and it

is a commodity that must be handled properly. A great disaster would happen in the world markets if people dump, which has happened at times. The newspapers exist on the supply of news-print and this can never be a one track deal.

I would just like to state one thing to the Member, to the deputy, that there are three sources for the publisher. He takes the home mills, those are the mills of the country; he then takes those that are closest to him, quality wise and with the least transportation, and then he takes it on the open market.

M. Geoffrion: Les journaux achètent le papier d'abord de leur propre pays, ensuite ils achètent le papier dans les pays qui sont le plus rapprochés et ensuite ils vont au loin, tout en conservant la même qualité. Notre marché a été surtout bâti lorsqu'il y a eu un manque de papier en Europe, pendant les années 1952-1954. Depuis ce temps, on a toujours conservé des contrats à long terme et des relations à long terme avec ces gens-là.

M. Mercier: Maintenant, il y a une autre question que je me suis posée tout au cours de l'audition des mémoires qu'on a entendus et que vous évoquez un peu de votre mémoire sous cette forme. Vous parlez de l'économie du papier journal et des pages réduites dans les journaux. Je vais évoquer tout simplement un certain nombre de relations et j'aimerais que vous précisiez. C'est que dans une période d'expansion économique comme celle qu'on a connue depuis quelques années, bien sûr, toutes les entreprises ont une attitude plus agressive à l'égard du marché, c'est-à-dire qu'elles investissent davantage dans la publicité sous toutes ses formes, particulièrement la publicité par circulaires, par toutes sortes de choses semblables. Dans le secteur du papier, je pense qu'on constate qu'il y a des produits qui sont essentiels et qu'il y en a d'autres qui sont accessoires.

Alors, dans une période de récession économique comme celle que nous connaissons depuis un certain temps en Amérique du Nord, il semble peut-être y avoir cet effet que vous pourrez me préciser, d'une protection des marchés déjà existants, consistant à modifier la stratégie des compagnies et peut-être insister davantage sur la protection de leurs marchés déjà existants tout en diminuant un peu les frais accessoires. L'industrie du papier journal, de quelle façon peut-elle être affectée par une période de récession économique et comment cela peut-il se manifester sur les entreprises? Autrement dit, est-ce que les productions de papier refiées précisément à la publicité des mass media ou le nombre de pages des journaux et d'annonces, cela aura pour effet une contraction, une diminution de la demande de papier et, à ce moment-là, aura un effet sur l'offre, sur la capacité de production des usines de papier journal? De quelle façon est-ce que vous feriez la relation entre ces différents secteurs? C'est-à-dire comment se comporte l'industrie du papier journal dans une période d'expansion et comment peut- elle être affectée pendant une période de récession?

M. Geoffrion: Je vais demander à M. Cyrenne de répondre à cela.

M. Cyrenne (Rolland): Si nous regardons les statistiques et aussi tout ce qui a été fourni devant cette commission, nous remarquons que le comportement de l'industrie des pâtes et papiers est en parallèle avec le comportement de l'économie en général.

Si l'économie se porte bien, l'industrie des pâtes et papiers se porte bien. Si l'économie en général a des difficultés, cela se reflète dans le comportement de l'industrie des pâtes et papiers. Pour ce qui est de votre question sur la consommation par les imprimeurs, cela a aussi été démontré devant cette commission que la croissance a été très restreinte et qu'il y a eu des efforts faits par les consommateurs de papier pour réduire leur consommation par toutes sortes d'actions, incluant la réduction des marges et des formats.

M. Geoffrion: M. Kruger voudrait ajouter quelque chose.

M. Kruger: In a time of economic depression, you find that advertising is one of the first things that goes down and this reduces the number of pages in the newspapers.

M. Geoffrion: Durant les périodes de dépression économique, la première chose qui diminue, c'est, justement, les annonces dans les journaux. Cela nous affecte donc aussi.

M. Mercier: A Bromptonville, vous produisez du papier journal avec des pâtes mécaniques produites par meule et par raffineur et aussi des pâtes chimiques kraft achetées, pour à peu près 10% à 12% de la composition du papier journal. A la page 17 de votre mémoire, vous mentionnez qu'il est impossible de produire économiquement du papier journal avec 95% de pâte mécanique raffinée et 5% de pâte kraft achetée, car cet achat de pâte kraft augmenterait vos coûts de production et réduirait votre marge de profit, voire même vos marchés. Il semble y avoir contradiction et une explication pourrait peut-être être formulée.

M. Geoffrion: M. Cyrenne va répondre. C'est notre spécialiste.

M. Cyrenne: Ces informations sont fournies dans le contexte où nous ferions des investissements très considérables pour installer une usine de pâtes thermomécaniques. Lorsque nous faisons des investissements, il faut qu'il y ait un retour sur l'investissement. Cela devient une dépense. Dans ce contexte, si nous dépensions de l'argent pour installer une usine de pâtes thermomécaniques et, en plus, avions à utiliser 5% de pâte kraft achetée, le retour sur l'investissement ne serait pas intéressant.

M. Mercier: Une dernière question, maintenant. Vous avez évoqué également, comme beaucoup d'autres compagnies, la question de l'exploitation forestière, c'est-à-dire que les forêts près des usines sont moins productives et que vous devez vous éloigner continuellement, avec le coût croissant de construction de routes et de chemins d'accès, également avec le coût croissant de l'énergie qui vous affecte directement. Autrement dit, comment verriez-vous une véritable politique de remise en valeur des forêts, de reboisement? Avez-vous l'impression que les compagnies pape-tières, dans ce domaine, ont fait face à leurs responsabilités?

M. Geoffrion: Premièrement, au sujet du reboisement près des usines, il n'y a aucun doute qu'on préférerait recevoir du bois de 30 milles de l'usine que de 400 milles, comme on en reçoit à l'heure actuelle. D'un autre côté, il faut que nous conservions un certain mélange d'épinettes noires qui viennent du nord, aujourd'hui cela vient de très loin, avec ce qu'on peut recevoir près des usines, qui est du sapin à 70%, le reste étant de l'épinette blanche. Maintenant, au sujet du reboisement, si je ne me trompe pas, vous voulez parler du reboisement dans les forêts publiques. Or, aujourd'hui, notre exploitation forestière est faite dans des forêts publiques et nous n'avons aucune concession.

Nous sommes disposés, d'ailleurs nous le disons dans le mémoire, à participer à un programme de sylviculture avec le gouvernement en autant que ce soit un programme qui soit raisonnable. Je peux vous dire que cette année on nous a fait planter du pin gris. Or, notre usine n'emploie pas de pin gris. C'est pas mal onéreux pour nous de faire cela quoique c'était le ministère qui défrayait les dépenses à la suite du $0.15 par cunit qu'on paie depuis quatre ans. La réponse à cela c'est parce que c'était la seule graine qui était disponible. C'est une espèce qui pousse plus vite que l'épinette noire. Comme je vous le dis, on est prêt à collaborer. D'ailleurs on paie pour. On donne $0.15 du cunit qu'on coupe pour participer au programme de sylviculture. Tout de même, il faut que ce soit des programmes raisonnables. Dans notre cas, on n'a pas trouvé cela très raisonnable parce qu'on n'utilise pas le pin gris.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. MM. Geof-frion, Kruger, messieurs, je vous remercie pour la présentation du mémoire. Nous avons quelques questions, évidemment.

Votre entreprise — vous en faites état dans votre document — a remis en marche deux usines au Québec, soit une à Bromptonville et une à Trois-Rivières. Deux usines qui, somme toute, avaient été préalablement fermées par d'autres entreprises. Je sais, entre autres, que dans le cas de Trois-Rivières, c'est une usine qui a été exploitée précédemment par Domtar.

On a eu souvent à débattre, pendant les travaux de cette commission, la fameuse question de la possibilité, pour des entreprises, de procéder à de la modernisation, à des investissements pour s'assurer la survie de l'entreprise, une meilleure productivité ou encore une production à des meilleurs coûts.

Evidemment, à plusieurs reprises, on a eu à échanger ou à faire état de la participation des différents paliers de gouvernements, soit en termes de participation directe sous forme de subventions ou autres ou encore participation indirecte par allégements fiscaux, etc.

Les deux entreprises que vous avez remis en marche — ma question s'inscrit dans le cadre de ce sujet — d'une part, j'aimerais savoir si vous avez eu de l'assistance financière de la part des paliers de gouvernement dans les cas de Bromptonville et de Trois-Rivières.

D'autre part, j'aimerais connaître votre attitude dans le problème que connaît actuellement le Québec. Favorisez-vous une intervention directe de l'Etat? Vous avez formulé plusieurs recommandations. Je constate qu'au chapitre des subventions vous en faites état seulement et uniquement pour ce qui est des obligations de vous soumettre à de la modernisation pour la lutte contre la pollution. Alors ma question est essentiellement celle-ci: Croyez-vous, compte tenu de la situation actuelle, que le gouvernement devrait élaborer un plan de relance globale qui s'appliquerait à toutes les entreprises et qui se traduirait par une intervention directe de l'Etat? Le témoin le plus fidèle d'une situation comme celle-là, c'est peut-être votre entreprise, quand vous avez eu à reprendre les usines de Bromptonville et de Domtar pour en faire ce qu'elles sont aujourd'hui.

M. Stangeland: Je demanderais à M. Paul Fournier, notre vice-président aux finances, de répondre à votre question, M. le député.

M. Fournier: D'aller de nos acquisitions de Bromptonville et de Trois-Rivières à une intervention globale et générale du gouvernement dans l'industrie, c'est un grand pas.

Nous avons acquis Bromptonville sans aide gouvernementale, Trois-Rivières, du côté pratique, sans assistance gouvernementale. La seule assistance que nous avons eu en ce qui concerne Trois-Rivières, c'était du côté ouvrier, pour la formation de la main-d'oeuvre.

Nous avons eu remise, un droit de coupe différé, mais le montant de ce droit différé, cette année, est rendu, je pense, à $500 000. Ce n'est pas ce qui nous a facilité l'achat de ces usines.

Dans notre mémoire, nous ne sommes pas favorables à une intervention directe dans des situations particulières. Il faut dire cela dans le sens que chaque situation est complètement particulière, et c'est très difficile de généraliser. Il faut que je m'en tienne à ce que nous avons mis dans notre mémoire.

M. Pagé: En fait, si j'interprète bien la réponse que vous me donnez, c'est que vous n'êtes pas fa-

vorables à une intervention directe dans le sens de la prise en main de certaines entreprises, ou encore de subventions directes à des entreprises qui pourraient être placées dans une situation précaire. Ce que vous favorisez plutôt — et cela va dans le sens de vos recommandations — ce sont des mesures qui pourraient s'appliquer éventuellement à toute l'industrie, et non seulement à certaines entreprises spécifiquement.

On a échangé beaucoup sur la question de l'alimentation en bois des compagnies. On a eu à faire état de la révocation des concessions forestières, et, évidemment, on a eu à lire non seulement votre résumé mais on a pris connaissance de votre mémoire. Même si l'Opposition officielle a des moyens beaucoup plus réduits que le ministre avec tous ses collaborateurs qui sont très compétents... Pardon?

M. Grenier: Une chance qu'ils étaient là.

M. Pagé: Oui, dans certains cas, une chance qu'ils sont là, certainement. Nous avons quand même eu l'occasion d'obtenir des renseignements de la presque totalité des entreprises qui ont comparu devant nous. Vous aviez une concession forestière — on a eu l'occasion d'en faire état — et ce que certaines entreprises disaient, c'est qu'elles n'étaient pas favorables à la révocation des concessions parce qu'en même temps elles n'obtenaient pas de garantie d'approvisionnement à long terme sur des territoires déterminés. Somme toute, pour elles, il n'y avait pas moyen d'atteindre les mêmes objectifs, c'est-à-dire avoir un contrôle au niveau de la gestion de la forêt, de l'utilisation, du fonctionnement, de la planification, etc. On a révoqué certaines de vos concessions; à la lumière de l'expérience que vous avez, cela a donné quoi en termes de résultat? Seriez-vous favorables au programme global de révocation, avec la garantie, toutefois, d'approvisionnement à long terme pour vos entreprises?

M. Geoffrion: Avant de prendre possession de l'usine de Trois-Rivières, nous avions une concession forestière de 250 milles carrés, ce qui était suffisant pour l'usine de Bromptonville, étant donné qu'on achetait du bois des producteurs des environs. A l'occasion d'une demande d'approvisionnement plus élevé afin de pouvoir suffire à l'usine de Trois-Rivières, la concession a été rétrocédée sans compensation, et on nous a donné une garantie d'approvisionnement de 300 000 cunits par année. Avec la nouvelle loi sur l'utilisation des bois que le ministère des Terres et Forêts veut soumettre, nous croyons que cette garantie va disparaître parce que le ministère peut nous forcer à prendre des approvisionnements de bois là où il décidera. Cette décision va se faire d'abord par la demande qu'on fera, et, deuxièmement, par des pressions qu'il aura de la part des producteurs de bois.

A l'heure actuelle, on l'a expliqué dans le mémoire, dans le résumé, il faut absolument qu'on fasse un mélange d'environ 50% du bois qui vient des concessions parce que, comme on l'a expliqué, ce bois est fort en épinette noire.

Si le ministère a le contrôle des approvisionnements des usines, cela veut dire qu'ils ont le contrôle de la qualité. Or, la qualité, c'est nous qui devons la contrôler si on veut contrôler le produit fini qui sort de nos usines. Nous sommes complètement opposés à la loi du ministère des Terres et Forêts pour contrôler les approvisionnements.

M. Pagé: Somme toute, vous n'êtes pas défavorables à la révocation, pour autant que vous ayez une garantie d'approvisionnement à long terme, d'une part, et que, d'autre part, vous puissiez non seulement être consultés, mais participer étroitement au type d'exploitation à l'intérieur de cette garantie d'approvisionnement qui sera donnée.

M. Geoffrion: Pour la garantie d'approvisionnement à long terme le ministère peut nous dire: On va vous le garantir avec du bois qui vient des producteurs de bois. Probablement qu'ils peuvent le faire. Mais la garantie que nous désirons c'est pour les espèces. Comme on vous le répète, il faut absolument, pour pouvoir vendre notre papier, avoir le mélange qu'on fait.

M. Pagé: En termes de qualité... M. Geoffrion: Justement.

M. Pagé: D'accord. Sur ce sujet, les producteurs qui alimentent vos usines à partir des boisés privés, vous faites état dans votre mémoire du coût du bois des boisés privés non pas selon les réalités économiques, mais selon une réalité politique. Quand j'entends ce terme dans un mémoire, cela me chatouille les oreilles. J'aimerais bien savoir ce que vous voulez dire par là et ce qu'est la situation qui prévaut dans votre cas. Qu'est-ce que vous recommandez à la commission eu égard à ce problème, si problème il y a?

M. Geoffrion: Voici, on l'a mis intentionnellement parce qu'on savait que cela chatouillerait certaines personnes.

M. Pagé: C'est chatouillant aussi.

M. Geoffrion: Dernièrement, il y a eu un surplus de production de la part des boisés privés, dû à des grèves dans certaines usines, dû à des ralentissements dans la production. Ce qui est arrivé, c'est que le producteur de boisé privé a produit comme il faisait autrefois et il y a eu un surplus. Peut-être à cause d'un manque de communications entre les compagnies, le gouvernement et les producteurs. De toute façon, ce qui est arrivé, c'est qu'on a été forcé de prendre plus de bois des boisés privés qu'on devait en prendre. Non seulement le volume était augmenté, mais on a exigé aussi à chaque année — depuis 1975, ou 1976, cette année et je suis certain qu'en 1978 on va l'exiger encore — une augmentation sur le prix.

Cela ne suit pas du tout l'offre et la demande, premièrement.

Deuxièmement, c'est que nous recevons aussi des offres de régions voisines, entre autres, des Etats-Unis pour l'usine de Bromptonville — c'est assez proche — même jusqu'à Trois-Rivières. Je peux vous dire que livré à Trois-Rivières, pour une même distance, on nous offrait du bois, en 1976, à $6 la corde de moins. Or, ce même bois qui venait du Maine, qui nous était offert du Maine, était produit par nos bons Canadiens français de la Beauce. On se demande s'il n'y a pas une espèce de coût qui est certainement fictif dans cela.

M. Pagé: En fait, ce que vous soulevez, c'est le pouvoir conféré aux offices des producteurs de négocier des prix annuels avec les compagnies, situation qui ne reflète pas nécessairement l'offre par rapport à la demande.

M. Geoffrion: Absolument pas. Quand on parle de négocier avec les syndicats de producteurs, ce ne sont pas des négociations parce que dès l'instant où l'offre qu'on leur fait n'est pas agréable pour eux, la réponse qu'on reçoit est qu'ils vont aller voir le ministre. Alors, il ne se fait rien autour de la table.

M. Pagé: Ah! on va voir le ministre. Vous recommanderiez quoi? D'accord, c'est bien de cerner le problème.

Je comprends que vous ne recommandez pas cette pression politique et que tout le monde soit dans le bureau du ministre. Mais qu'est-ce que vous recommanderiez concrètement pour que l'assise de cette relation entre les producteurs, l'office, les compagnies et le gouvernement, somme toute, soit plus solide, que le débat soit plus objectif et qu'il reflète le problème que vous soulevez ce matin?

M. Geoffrion: II y a une Régie des marchés agricoles. Si on ne s'entend pas autour de la table, on peut aller devant la régie et s'entendre, plaider chacun sa cause. Maintenant, lorsqu'on veut nous imposer des volumes, la régie n'a pas de juridiction sur les volumes. Alors, c'est le ministère qui impose les volumes. On nous les impose en réduisant nos demandes de permis de coupe sur nos concessions ou sur les terrains qui nous ont été alloués pour la garantie d'approvisionnement.

M. Pagé: Une dernière question, M. Geoffrion. Dans votre mémoire, vous faites état d'une inquiétude — cela aussi, évidemment, me chatouille les oreilles — des acheteurs quant à l'approvisionnement à long terme que vous pourriez leur garantir. Vous formulez un voeu à la fin de votre mémoire, à savoir que vous désireriez, pour suppléer à cette inquiétude de vos acheteurs, que le ministre des Terres et Forêts, au nom du gouvernement du Québec, fasse, dans les plus brefs délais, une déclaration publique sur la politique que le gouvernement entend suivre dans l'industrie des pâtes et papiers.

Je constate que M. le ministre est absent et pour cause. Je suis convaincu que ses collègues seront en mesure de lui transmettre le voeu que vous avez formulé ce matin. Il a l'air bien occupé. On m'a dit qu'il était en train de faire une conférence de presse sur la Wayagamack; j'espère qu'il va régler le problème.

Quand vous parlez d'inquiétude de la part des acheteurs, est-ce que vous vous référez à vos approvisionnements ou encore si vous vous référez à une possible intervention de l'Etat, directement reliée au fonctionnement de vos entreprises?

M. Geoffrion: Voici, la garantie d'approvisionnement de bois sur les terrains publics, c'est une garantie à laquelle on tient beaucoup, parce que c'est un moyen pour nous de garantir le financement que l'on fait. Il n'y a personne qui va nous prêter de l'argent, à moins qu'on ne puisse leur garantir qu'on va recevoir du bois à l'usine pour produire.

Deuxièmement, nos acheteurs éventuels sont inquiets de signer un contrat à long terme avec nous, à la suite de tout ce qu'ils ont lu et entendu par les media d'information. Ils s'inquiètent de signer un contrat à long terme d'achat de papier journal parce qu'ils ont peur que, dans un an ou deux, ils ne fassent plus affaires avec nous. C'est cela, l'inquiétude et on demande au ministre de faire une déclaration au plus vite afin de rassurer tous ces gens.

M. Pagé: J'espère, M. Geoffrion, que le voeu que vous formulez ce matin, comme je l'ai déjà dit, ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd. J'ose croire que M. le ministre, fort conscient qu'il est de l'importance de cette question face au marché, face à la capacité de vente de nos entreprises qui désirent détenir des contrats de vente à long terme, dans un geste spontané, sera en mesure de prendre en considération la recommandation que vous formulez et d'y donner suite de façon positive.

Cela termine mes questions, monsieur. Je vous remercie beaucoup et c'était bien agréable d'échanger avec vous.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Bien rapidement, plusieurs questions ont déjà été discutées autour de la table à d'autres séances de la commission, on vous l'a signalé tout à l'heure. Egalement, plusieurs des recommandations qu'on retrouve dans votre résumé de mémoire nous ont été transmises par d'autres. On n'allongera pas la discussion sur ce point.

Vous parlez, à la page 17 de votre mémoire, d'investissements, des raisons du retard dans la modernisation, et vous dites qu'il semble que Kru-ger soit à la fine pointe des investissements. Vous ne prévoyez pas avoir à vous reprocher, dans dix ans, de ne pas avoir modernisé vos industries. Vous semblez nous dire que ce que vous faites,

c'est peut-être plus que la moyenne des industries. Ce n'est pas dit textuellement, mais peut-on en déduire que c'est au-dessus de la moyenne ou dans la moyenne des investissements que font les industries de votre secteur?

M. Fournier: Comme vous le voyez, messieurs, notre... Parlons du passé. Parfois, on peut déduire du passé ce qui va se dérouler dans l'avenir. Nous étions les premiers, à Bromptonville, à installer une machine — un "type reformer" — qui avait été développée par Dominion Engineering et par Pulp and Paper Research Institute of Canada. C'est peut-être l'un des avantages d'une compagnie familiale où les décisions peuvent être prises, où les risques peuvent être évalués rapidement. Nous avons fait suite à cela à Trois-Rivières en installant une machine complètement nouvelle; cela nous a coûté un peu plus cher qu'on le prévoyait, cela nous a causé aussi beaucoup d'ennuis, mais la chose est maintenant rentable.

Nous étions les premiers, à Bromptonville, à introduire une pâte semi-mécanique et semi-chimique qui a fait l'évolution et la rentabilité de ce moulin pendant plusieurs années. Nous avons maintenant discontinué ce procédé à cause de la pollution.

Mon problème personnel, étant l'homme des finances de la compagnie, est que pour chaque dollar dépensé, on a deux idées. Ce sera plus facile dans l'avenir, une fois que la politique du gouvernement sera mieux connue et lorsque les choses se stabiliseront un peu. Je ne dis pas que les choses ne sont pas stables, mais si les gens croient qu'elles ne sont pas stables, elles ne le sont pas. Si les marchés pour nos produits ou si les sources de financement ont des craintes, c'est plus difficile pour nous d'avancer. Notre compagnie, dans le passé, ne s'est pas fait attendre pour faire des investissements visant à rendre nos usines, nos fabriques rentables. Dans l'avenir, entourés d'un atmosphère raisonnable, nous continuerons exactement la même politique.

M. Grenier: D'accord, merci. Vous avez fait un investissement qui me semble important dans la région de Trois-Rivières. Votre approvisionnement, pour la région de Trois-Rivières, est-il plus éloigné que Consol, par exemple, du Cap-de-la-Madeleine?

M. Geoffrion: Franchement, je ne peux pas vous le dire. Je sais que pour le bois local, on a les mêmes fournisseurs; pour leur bois de forêt publique, c'est plus proche, mais eux flottent le bois.

M. Grenier: Ce serait moins dispendieux, d'après les mémoires qu'on a eus. Cela donne un gros coup de main à une compagnie, normalement.

M. Geoffrion: Dépendant de la distance. Plus vous allez flotter de loin, moins ça va vous coûter cher. Il faut tenir compte qu'il y a une perte pour le bois qui cale. Si vous êtes loin...

M. Grenier: Vous n'en avez pas, vous autres? M. Geoffrion: Non, pas du tout.

M. Grenier: On a interrogé d'autres personnes qui sont venues ici et qui nous ont dit que c'était rentable de flotter du bois et que ce serait une perte assez importante si le gouvernement, dans son programme d'environnement, enlevait cela.

M. Geoffrion: Sûrement.

M. Grenier: Ce que je vois, c'est qu'à Trois-Rivières vous fonctionnez et cela semble bien aller. On a juste à traverser la rivière et il y a une autre compagnie qui va mal, de l'autre côté. Cela va si mai qu'à moins d'une nouvelle bien fraîche du ministre... Je ne pense pas qu'il ait annoncé une réouverture, il nous l'aurait dit. A distance d'une rivière, alors que l'approvisionnement semble le même, après avoir investi, vous trouvez que cela va bien, et à un mille et demi de chez vous, ça va mal! J'aimerais bien qu'on trouve la différence qui permet de dire pourquoi à la Consol ça ne va pas, et à la Kruger ça va bien. Ou bien on va changer les administrateurs!

M. Geoffrion: C'est peut-être un peu comme dans la vie politique. Pourquoi les gens votent-ils pour le parti péquiste, pourquoi votent-ils pour les libéraux, pourquoi votent-ils pour l'Union Nationale?

M. Pagé: Ils ne se feront pas prendre la prochaine fois.

M. Grenier: Vous avez créé tellement d'espoir!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Du côté...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Pagé: II va revenir de ce côté-ci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! On n'a pas de temps à perdre, messieurs.

M. Grenier: En votre absence, M. Geoffrion s'est plaint que le gouvernement lui avait donné des pins bleus; en tout cas il avait des beaux pins, puis une belle couleur si cela ne faisait pas leur affaire. Ils manquaient de graines.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'étaient des pins gris.

M. Grenier: Ah des pins gris, j'avais cru que c'étaient des pins bleus; cela aurait été très bien, je pense.

M. Bérubé: J'ai l'impression que M. Grenier est daltonien; c'est d'ailleurs ce qu'on a toujours cru comprendre à ses interventions.

M. Grenier: Pardon?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grenier: Bien je ne l'ai pas entendu, je l'aurais compris sûrement, parce que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Grenier: Les propos du ministre, je les laisse passer à l'occasion. Il aime s'amuser.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est midi moins dix et nous avons un autre invité qui attend.

M. Grenier: Ce n'est pas le plus habile politicien du Parti québécois. M. le Président, selon la page 18, vous semblez aussi vous conformer aux normes de l'environnement.

M. Cyrenne: A notre usine de Bromptonville, nous n'avons pas de département de pâte chimique; alors nous ne répondons pas trop difficilement aux normes d'environnement. A notre usine de Trois-Rivières, pour nous conformer aux normes qui seront rendues publiques prochainement, nous croyons qu'il nous faudra faire certains investissements assez considérables.

M. Grenier: A la page 5 de votre résumé, je l'ai mentionné un peu tout à l'heure, vous faites des recommandations qui sont celles qu'on a perçues chez d'autres témoins qui sont venus ici. Vous recommandez au gouvernement différents procédés qui permettraient un fonctionnement plus élevé dans vos industries. Vous en avez une autre à la page 4, vous dites que, dans la question de la fermeture d'usines, le gouvernement devrait plutôt régler les problèmes des gens mis à pied, lors de telles fermetures, et essayer de stimuler les industries dans les autres secteurs. Je n'ai pas besoin de vous dire que la stimulation dans les industries, on en a besoin, vous l'avez senti. C'est vrai dans l'immeuble, c'est vrai dans tous les secteurs qu'on a touchés à ce jour et ce sera toujours vrai; le problème n'est pas récent non plus, il n'est pas vieux d'un an, il est vieux d'il y a longtemps.

Mais vous ne donnez pas d'éléments de suggestion, comment recycler le même monde dans le même secteur. Les employés, par exemple Domtar chez nous, à East Angus, les recycler dans d'autres secteurs c'est déjà un travail, mais pourquoi ne pas trouver plutôt des éléments de solution dans le même secteur? Vous ne faites pas de proposition dans ce sens.

M. Cyrenne: Je crois qu'il a été démontré assez clairement que la croissance de la consommation du papier journal est presque nulle. Alors la question qui se pose est: Pourquoi garder une vieille usine en marche pour continuer à faire de la production qui va être perdue ailleurs? Alors c'est...

M. Grenier: C'est votre problème de mise en marché, et on se rend compte que la mise en marché est pénible dans le secteur du papier, on nous l'a dit avant; M. Kruger en a fait état tout à l'heure, pour l'Europe. Mais je pense bien que là il y a des efforts à faire aussi et j'aurais aimé avoir des recommandations dans votre secteur. Je ne suis pas de cette option, moi, de vouloir transférer les employés d'un secteur à l'autre, les entrer dans un autre secteur qui va encore le faire déborder, et j'aurais aimé trouvé des éléments de solution. Vous êtes quand même une compagnie qui semble fonctionner avec aisance, qui semble aller bien. J'aurais aimé que vous nous fassiez des recommandations plus positives pour garder chez nous nos gens, arriver avec quelque chose, nous donner des éléments de solution, et on compte là-dessus avec des gens comme vous.

M. Cyrenne: Nous ne croyons pas que ce soit seulement une question de mise en marché, c'est une question de consommation mondiale du produit. Alors, même si nous sommes plus efficaces dans un secteur, d'autres vont souffrir, ce qui amène de la concurrence. Nous ne croyons pas qu'on puisse résoudre le problème en augmentant ou en maintenant dans l'industrie des pâtes et papiers un nombre d'employés qui n'est pas requis pour la consommation nécessaire.

M. Grenier: Vous mentionnez à la toute dernière question, à la page 5 également, que le gouvernement pourrait de plus utiliser son influence pour faire diminuer le coût de transport. On va avoir un dernier mémoire qui va nous être présenté par l'ANCAl dans quelques minutes, l'Association des camionneurs artisans...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tembec.

M. Grenier: Tembec. Alors ce rapport nous sera donné tout à l'heure; j'ai l'impression qu'ils ne seront peut-être pas du même avis que vous autres. Ils auront d'autres commentaires à nous donner. Ce n'est pas sûr que c'est là-dedans qu'on va trouver des éléments de solution au bon fonctionnement de vos usines. Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Messieurs, je vous remercie de votre mémoire, dans la mesure où il vient d'une société qui a relancé déjà deux entreprises dans le secteur des pâtes et papiers. J'y ai trouvé une certaine contradiction et vous pourrez sans doute y répondre. A la page 4, vous soulignez que le gouvernement ne devrait pas essayer de maintenir en fonctionnement des usines qui ne sont plus concurrentielles économiquement. Evidemment, dans le cas de l'usine de la Domtar que vous avez récupérée à Trois-Rivières, et même dans celle de Bromptonville que vous avez reprise après deux années d'arrêt, il pouvait apparaître, de prime abord, que ces usines étaient non concurrentielles

puisqu'elles étaient fermées. J'aimerais savoir comment vous conciliez la suggestion que vous nous faites là de ne pas nous impliquer dans des usines non concurrentielles avec le fait que vous le faites avec tant de succès.

M. Geoffrion: Voici...

M. Pagé: Enfin une bonne question. La meilleure des travaux de la commission. C'en est une bonne, enfin!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Geoffrion: Tout d'abord, Bromptonville et Trois-Rivières n'avaient pas les ventes pour maintenir l'usine en fonction. C'est la même chose aujourd'hui; vous avez des usines qui fonctionnent à la moitié de leur rendement. Finalement, avec le peu de revenus que ces usines retiraient, elles ont été obligées de fermer. Je vais vous passer M. Cy-renne. Il va...

M. Cyrenne: La réponse, M. le ministre, est que nous avons réussi à revitaliser deux vieilles usines parce que nous avions le marché, qui est la condition première du développement de toute industrie. Nous réalisons aujourd'hui que le marché est saturé, ce qui change la situation.

M. Bérubé: Vous estimez donc que ce qui était possible il y a quelques années l'est de moins en moins? Je pense que M. Kruger veut intervenir lui aussi.

M. Kruger: M. le ministre, I have something that I would just like to say. You must realize that the marketplace was completely different at the time where we bought, which is what they said. But at that time that we have bought Bromptonville, they were not making news-print in the United States and when we bought Trois-Rivières, we were under the impression that the same thing was happening and it was only after we bought Trois-Rivières that the sudden upsurge of mills being built in United States occurred. I am talking about news-print mills.

M. Bérubé: J'aimerais savoir si vous avez des projets de modernisation à l'esprit présentement et, si vous avez des projets de modernisation, quels seraient les obstacles que vous devez rencontrer ou éliminer avant de pouvoir annoncer un programme de modernisation. Quels sont les problèmes de modernisation de vos usines et comment voudriez-vous les voir régler?

M. Fournier: Après la petite conférence, excusez-nous. Comme je le disais tout à l'heure, en votre absence, je crois que mon problème en tant que directeur des finances chez Kruger, mon problème personnel est que pour chaque dollar que nous avons à dépenser il y a deux idées. Il y a plusieurs idées qui nous viennent de nos ingénieurs, de nos gérants d'exploitation. Malheureusement, dans l'industrie des pâtes et papiers, quand on parle d'investissements, c'est rarement en dessous d'une somme énorme: $5 millions ou $10 millions semblent disparaître assez facilement.

Je crois que la première chose requise comme conditions qui nous permettraient de démarrer avec ces projets, ce serait l'assurance qu'on pourrait donner à nos clients qu'il sera possible pour nous de livrer le journal ou le produit quelconque, ce qui veut dire un peu indirectement qu'est-ce que la province va décider de faire en ce qui concerne l'industrie des pâtes et papiers?

En ce qui concerne le financement, ce n'est pas un secret maintenant que c'est assez difficile, que les gens hésitent, que ce soit bien fondé ou non, les gens de New York ont plus de questions à poser qu'ils n'en avaient dans le passé.

La question de la garantie d'approvisionnement, comme point de départ, est très importante. Je me rappelle que, dans le passé, M. Kruger avait plus de difficulté à vendre du papier journal, quand nous avions seulement Bromptonville. Les clients lui demandaient: Qu'est-ce qui arrive si vous avez une grève? Notre source d'approvisionnement n'est pas sûre. Les choses sont maintenant plus faciles avec deux usines.

La source d'approvisionnement reste donc très importante. Les gens des finances ou nos clients veulent être assurés qu'on soit en position de remettre les sommes d'argent que nous avons empruntées ou de livrer du papier journal. C'est plutôt une question d'atmosphère et de réalité. On ne peut pas, malheureusement, séparer les deux. Est-ce que cela répond à votre question, M. le ministre?

M. Bérubé: Vous soulignez donc que c'est un problème d'approvisionnement en bois. Les éléments, je les ai peut-être perçus moins clairement. Ce serait tout simplement en gros un problème de financement d'emprunts sur les marchés?

M. Fournier: Reprenons. Apprivisionnement en bois. Je ne suis pas aussi familier que mon ami, M. Geoffrion, avec ce qui se passe ces jours-ci, mais nous avons une entente avec le gouvernement qui nous garantit un approvisionnement de 300 000 cunits par année, ce qui représente 60% de notre approvisionnement.

M. Geoffrion: Oui.

M. Fournier: Est-ce que cette entente va être changée du côté législatif ou est-ce que cette entente reste ferme? C'est la première question.

Je pars du commercial et du pratique pour aller peut-être en terrain politique. Deuxième question, quelle sera la politique de la province concernant l'intervention et à quel degré se fera-t-elle dans l'industrie? Est-ce que le client à New York, à Philadelphie ou à Trenton va transiger avec Kruger dans deux, trois ou cinq ans ou avec la province de Québec avec un groupe de vente qui fait partie du gouvernement? Le plus tôt il y aura des réponses à ces questions, le plus tôt on pourra retourner à nos affaires pour faire du papier et le vendre.

M. Bérubé: Merci. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Messieurs, je vous remercie beaucoup au nom de l'Opposition officielle. M. le Président, je tiens à m'excuser, à ce stade-ci de nos travaux, car je dois quitter pour me rendre à la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi no 53.

M. le Président, je suis informé que nous sommes sur le point de compléter nos travaux. Vous avez certainement reçu un avis de la part de différents groupes, entre autre de l'Association nationale des camionneurs artisans indépendants qui a déposé ce matin un mémoire et qui était désireuse de comparaître devant nous. Quant à moi, je tiens à vous faire part, M. le Président, que nous apprécierons que ceux-ci puissent intervenir et déposer leur mémoire. Je tiens à indiquer que, d'ici la fin de la séance, M. Larivière, de Pontiac-Témiscamingue, et notre bon ami, M. Vaillancourt, du comté d'Orford, agiront pour l'Opposition officielle.

En terminant, M. le Président, fort conscient que nous terminerons dans une heure des travaux qui se sont prolongés depuis déjà le 26 septembre, je me déclare bien satisfait du déroulement de nos travaux. Comme j'ai eu l'occasion d'en faire état préalablement, cela s'est fait dans un esprit de collaboration très étroite.

C'est devenu vraiment un forum d'échanges pour tenter de dégager des avenues possibles qui nous permettront de trouver des solutions à la situation qui prévaut actuellement dans les pâtes et papiers. Je suis certain que le ministre — et je termine là-dessus, M. le Président — sera fort heureux et aura certainement apprécié, je l'espère, à sa juste valeur la participation constructive et positive de l'Opposition officielle. Je tiens à lui faire part que l'Opposition officielle sera en mesure de lui formuler des recommandations bien spécifiques à la suite des travaux de cette commission et j'espère qu'elles seront retenues par son gouvernement.

M. le Président, je vous remercie beaucoup. Bonjour messieurs!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Geoffrion, nous vous remercions ainsi que vos collègues. A l'ordre, s'il vous plaît! Nous vous remercions de votre participation aux travaux de cette commission parlementaire. J'inviterais maintenant le dernier intervenant, Produits forestiers Tembec Inc. et ses représentants à déposer leur mémoire, s'il vous plaît.

D'autre part, j'aimerais aviser les membres de la commission que le mémoire des Produits forestiers Tembec Inc. sera le dernier mémoire entendu, et que, d'autre part, je vais faire distribuer à l'instant deux mémoires aux membres de la commission pour que vous en preniez connaissance tout simplement.

J'allais dire que j'allais faire distribuer copie du mémoire présenté par l'ANCAl, mais si l'ANCAl est présente et si Les Produits forestiers Tembec Inc. ne sont pas présents, je vais demander à l'ANCAl de se présenter.

M. Grenier: II vient de sortir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les Produits forestiers Tembec Inc. Est-ce que les représentants de l'ANCAl étaient ici tout à l'heure?

M. Grenier: Oui, le président et un conseiller étaient ici il y a une seconde.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vais faire distribuer le mémoire de la CSD, la Centrale des syndicats démocratiques, qui ne pourra venir présenter son mémoire. Je vais demander qu'on en distribue un exemplaire à chaque membre de la commission. D'autre part, j'allais dire qu'on allait distribuer également le mémoire de l'ANCAl. Puisque Les Produits forestiers Tembec sont absents, je demanderais aux représentants de l'ANCAl de venir présenter leur mémoire, et la période des questions suivra jusqu'à 13 heures.

Association nationale des camionneurs artisans Inc.

M. Dufour (Alphonse): Merci, M. le Président. Je vous assure que je suis pris au dépourvu parce que je m'attendais à passer cet après-midi ou demain.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La commission va certainement terminer ses travaux à 13 heures.

M. Dufour: En tout cas, je vais faire les constatations moi-même. J'ai eu l'occasion de suivre la commission parlementaire presque au complet. Nous avons présenté un mémoire parce que j'avais cru que le transport en forêt était une nécessité. Couper la forêt, si on ne la transporte pas, ne rapporte pas beaucoup de revenus. Je me demande si je devrais lire les points soulevés dans le mémoire. Il y a des recommandations qui sont plutôt à la fin, mais comme il ne s'agit pas d'un gros contenu, je vais le lire.

Le présent document ne sera pas un mémoire comme tel mais plutôt la présentation de remarques que l'Association nationale des camionneurs artisans inc. a dégagées à la suite de la lecture des mémoires présentés par les différents intervenants. L'ANCAl désire s'excuser du retard à intervenir auprès de la commission. Ce retard est dû au fait que l'ANCAl n'a reçu aucune invitation à se présenter devant la présente commission.

L'ANCAl doit être présente à la commission parlementaire sur l'avenir des pâtes et papiers puisqu'elle regroupe 4000 propriétaires de véhicules qui font du transport en vrac, et parmi ces 4000, plus d'un tiers ont l'équipement spécial pour effectuer du transport en vrac en forêt.

L'ANCAl est convaincue que la majeure partie des problèmes de transport en forêt pourrait être facilement solutionnée si les compagnies forestiè-

res acceptaient de dialoguer avec les associations de transport en vrac.

Le mesurage. Les taux fixés sur les transports en forêt sont des taux à la corde apparente; or, les compagnies forestières continuent toujours d'utiliser la notion de cunit et d'enlever aux transporteurs les rebuts et la fausse "cull".

La pensanteur. Il existe un problème majeur dont les transporteurs sont les victimes, soit les limites de charge auxquelles actuellement la loi les assujettit.

Ceci s'explique surtout par le fait que les transporteurs n'ont pas le contrôle sur le chargement et que les lois ne sont pas adéquates au phénomène du transport en vrac.

Le coût des camions. Les transporteurs sont équipés de véhicules très dispendieux; les normes de sécurité et la nécessité d'augmenter la production sur le transport ont contribué à favoriser l'achat de ces équipements. En retour, les compagnies forestières n'ont pas amélioré les conditions qui entourent les exigences du transport.

Les négociations. Les compagnies forestières sont très réticentes à négocier avec les associations de transport en vrac.Elles préfèrent négocier avec des individus et c'est d'ailleurs ce que la CIP a déclaré publiquement par l'intermédiaire de ses représentants devant la présente commission.

Les véhicules propriété des compagnies forestières. Ces compagnies forestières sont propriétaires de véhicules qui sont utilisés exclusivement sur le beau transport. Cette situation favorise une meilleure production des véhicules appartenant aux industries forestières par rapport à la production des véhicules des transporteurs en vrac qui ont à faire du transport dans des conditions plus difficiles.

Recommandations. 1. Qu'un dialogue sérieux soit instauré entre les associations de transport en vrac et les compagnies forestières. 2. Que le système de mesurage soit basé exclusivement sur les cordes apparentes. 3.Que les lois concernant la pesanteur soient modifiées en fonction de nouveaux critères. 4. Que les compagnies forestières améliorent les conditions qui se rattachent au transport.

Conclusion. Nous remercions la commission parlementaire sur l'avenir des pâtes et papiers d'avoir permis à l'ANCAl de se présenter et d'expliquer le présent document. Une note à remarquer à la fin. L'ANCAl préconise énergiquement comme une cinquième clause la création d'un organisme indépendant des compagnies forestières et transporteurs qui serait chargé exclusivement du mesurage du bois qui est transporté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: M. Dufour, je crois...

M. Dufour: Si vous aimez avoir des copies, j'en ai ici. Cela s'est fait tellement vite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous autres aussi on l'a.

M. Desbiens: Nous vous remercions de vous être présentés. Il y a deux points particulièrement dans votre mémoire, c'est le système de mesurage et la question de la pesanteur des charges permises. Vous préconisez que le système de mesurage soit basé exclusivement sur les cordes apparentes. Dans le cas du camionneur, que se passe-t-il exactement à ce sujet?

M. Dufour: Dans le cas du mesurage, actuellement, le règlement 12 avait marqué une certaine amélioration à ce sujet, à savoir que la Commission des transports déterminait des taux au sujet des cordes apparentes. Mettons, par exemple, que vous avez un camion avec une plate-forme de seize pieds qui a huit pieds de hauteur sur la plate-forme, ce qui fait qu'ils donnaient, par exemple, quatre cordes et demie, quelque chose comme cela. Grosso modo, la corde apparente, c'est le contenu de son camion. Mais on n'a pas encore fait d'amélioration là-dessus parce qu'on se sert encore plutôt du cunit que de la corde apparente. En plus de cela, nous réclamons que le transport soit payé suivant le contenu de notre camion.

J'ai des chiffres à l'appui avec des preuves officielles venant directement des mesureurs du gouvernement. Trois mesureurs sont venus sur les lieux sur recommandation des ministres du temps, Forêts, Travail et Transports. Sur un camion, par exemple, un semi-trailer de 27 cordes de bois, il manque six cordes et demie sur son camion. Ce sont toutes des choses qui font que le taux n'est jamais assez élevé parce que, quand on n'a pas le contenu de son transport, il n'y a pas de taux pour être capable d'y arriver. Nous considérons qu'il faudrait qu'il y ait quelque chose qui soit fait pour améliorer la situation.

M. Desbiens: Est-ce que vous jugez que ces six cordes et demie, dans l'exemple que vous venez de mentionner, c'est une perte réelle pour tout le monde, c'est-à-dire que pour la compagnie, c'est du bois "cull"? Qu'est-ce que c'est?

M. Dufour: Ce n'est certainement pas une perte pour la compagnie, parce que la compagnie, si on en retient une bûche — on a déjà fait des expériences — allait jusqu'à nous enlever les quatre petites bûches de trois pouces qui sont considérées comme des "culls", parce que sur le contrat, habituellement, c'est quatre pouces en montant, pour allonger nos piquets en arrière, pour faire un chargement plus égal. On nous les fait retourner sur le tas en disant que cela ne nous appartient pas, qu'il faut les livrer. Si on maintient quatre bûches de trois pouces, quand on a gardé une corde et demie sur un mesurage, il y en a certainement qui retournent à la compagnie.

M. Desbiens: Ils s'en servent, ils les utilisent quand même.

M. Dufour: Justement. J'ai eu déjà la réflexion d'un surintendant d'une compagnie, tout en discutant avec lui pour essayer de trouver une solution,

me disant qu'on avait notre part à faire sur le bois qui cale, lors du flottage.

M. Desbiens: Vous ne voudriez en aucune façon être payés différemment que sur le cunit...

M. Dufour: Bien, le cunit, si on marche sur une corde apparente, d'abord quand on fait les prix, dans une négociation de transport, que la compagnie fait son prix, majoritairement, ce qu'on a trouvé, c'est qu'on nous payait pour une corde de quatre par huit, 128 pieds de bois, puis le cunit c'est l'équivalent d'une corde et quart. Tout de suite en partant on vient de perdre un cordon sur chacune des cordes qui est à bord du camion.

M. Desbiens: Dans la remarque qui est à la fin complètement de votre mémoire, vous préconisez énergiquement la création d'un organisme indépendant des compagnies forestières et transporteurs qui serait chargé exclusivement du mesurage du bois qui est transporté. Vous dites que vous ne réussissez d'aucune façon à vous entendre avec les compagnies à ce sujet.

M. Dufour: Comme je suis un des plus vieux dans l'association, j'ai entrepris à peu près toutes les démarches qu'il y avait à faire au niveau du ministère des Terres et Forêts, au niveau du ministère des Transports et je n'ai pas encore trouvé quelqu'un qui pouvait me donner une réponse à savoir de qui cela relevait. Le ministère des Terres et Forêts cela ne relève pas de lui. Les compagnies, elles, cela ne relève pas plus d'elles parce qu'elles disent que la loi a été faite par le gouvernement, ainsi que le système de mesurage, et nous, comme nous ne sommes pas des mesureurs, nous sommes des transporteurs... S'engager des hommes ce sera encore une guerre à lancer dans une compagnie. J'ai eu l'occasion, à quelques reprises, d'aller sur des chantiers, sans nommer aucune des compagnies... Je voudrais faire remarquer ici que l'idée de l'ANCAl n'est pas de venir faire de la critique, parce qu'on vit déjà trop dans de la critique; c'est d'essayer d'apporter de la collaboration au niveau de la commission pour que vous puissiez avoir plus de facilité à travailler dans l'ensemble de la besogne que vous avez à accomplir. On n'a pas à critiquer les compagnies, chacune tire de son côté.

Par exemple, on a approché différentes compagnies. Or, quand il n'y a pas de surveillance les cordes diminuent dans nos camions. Dès l'instant où j'ai eu l'appui — à quelques reprises — du ministère des Terres et Forêts, à la suite des pressions qu'on avait faites amicalement, dans les jours qui suivirent le mesurage s'améliora sur nos camions. On a toléré jusqu'à maintenant, mais cela ne peut pas se tolérer indéfiniment. On dit qu'il y a une atmosphère invivable au Québec. Il y a tellement de cas qu'on pourrait souligner démontrant avec raison que c'est invivable. On n'est pas pour engager une police pour surveiller une police, jamais je ne croirai.

M. Desbiens: Sur la recommandation no 3, à savoir que les législations concernant la pesanteur soient modifiées en fonction de nouveaux critères, est-ce que vous avez des suggestions précises?

M. Dufour: La suggestion que nous avons, et on a tenté de la mettre en vigueur — il y a un comité qui a été formé à ce sujet — c'est que nous préconisons un contenu dans un camion, parce qu'il n'y a pas une corde de bois qui est de la même pesanteur. Vous allez prendre une corde d'épinette noire qui a été prise sur le dessus d'une montagne, pour le voyage du matin, elle est pas mal plus légère qu'un voyage de sapin bleu qui est pris dans le fond d'une montagne ou aux entourages d'un fond de cèdre, quelque chose comme cela, ou d'épinette blanche. Par rapport aux conditions atmosphériques, le camionneur le matin, met un voyage de bois sec et son affaire a du bon sens, cela va bien. Pour le deuxième voyage dans la matinée, il charge dans le fond de la montagne, dans le bas de la montagne, avec du bois gelé jusqu'au coeur. Il faudrait qu'il mette la moitié de son chargement. Ce sont toujours des mesures à l'oeil.

Puis, à chaque chargement — j'ai des factures entre les mains, encore aujourd'hui — je vous assure qu'on a des infractions jusqu'à $600 pour un camionneur parce qu'il a dépassé la pesanteur. Si un voyage lui rapporte $70, qu'il rencontre un policier et que cela lui coûte $600 pour avoir fait ce voyage, il charrie plus que dans la gratuité! Cela ne peut pas s'équilibrer, à moins que les compagnies — c'est encore, à mon point de vue, une exigence trop forte — aient des balances aux endroits de chargement et non pas, comme on le voit trop souvent, dans le système de transport de là voirie, par exemple, au déchargement. Comment voulez-vous corriger l'erreur? Quand on décharge, on n'a plus besoin de se peser. Si on a réussi à éviter la police, on est correct.

M. Desbiens: Vous suggéreriez d'être jugés au volume?

M. Dufour: Jugés au volume. Disons qu'une corde de bois pèse 4800 livres. Alors, qu'on se base sur la pesanteur d'une corde de bois de 4800 livres, qu'on prenne un camion de dix roues, par exemple, ou un semi-trailer" et qu'on mette une charge de camion sur une plate-forme de 16 pieds. On est prêt, nous, à en faire l'expérience. Selon 4800 livres, cela donne 57 000 livres pour un camion. Si cela donne neuf cordes dans le camion, on n'a qu'à faire des marques de peinture à la hauteur du camion et celui qui a une plate-forme de 16 pieds, cela lui donne 7 pieds sur son camion.

N'importe quel officier de circulation qui le verrait passer avec des marques semblables n'a pas à s'en faire, le camion est chargé suivant les normes. S'il est chargé en sapin bleu, il va peut-être avoir quelques livres de plus que la pesanteur normale, mais, pour l'autre voyage, il sera peut-être chargé en bois sec. Il aura le même chargement, mais il sera plus léger. Ce serait plus facile à

contrôler. Entre-temps, on continuera de travailler et chacun fera sa part pour trouver d'autres moyens, mais je pense qu'il n'y aura pas d'autre moyen que celui-là .

On a parlé avec les compagnies à quelques reprises. On parlait de couper le bois un an à l'avance pour qu'il puisse sécher. C'est encore un moyen, mais je me demande ce qui va se produire si on le coupe un an à l'avance. Dans le cas du sapin bleu qui est dans le pied de la montagne, près d'un fond de cèdre, je vous assure que, même s'il séchait durant un an, il va être cordé dans l'eau, parce qu'ils n'iront pas le corder sur la montagne. Il ne séchera pas beaucoup durant cette année. Celui qui est sur la montagne, lui, sèche naturellement. Il y aurait encore une déviance extraordinaire. J'en ai parlé avec des représentants assez importants du ministère des Terres et Forêts et c'est à peu près la solution qui serait la plus recommandable.

Nous serions prêts à en faire l'expérience, à fournir les camions en question et à essayer cela pour chacune des plates-formes. D'abord, il n'y a pas 25 sortes de plates-formes. On va prendre un semi-trailer" avec une plate-forme de 30 pieds ou de 40 pieds; on va prendre une plate-forme, sur un camion de dix roues, de 16 pieds ou de 14 pieds et on va les conduire sur une balance. On en assumera les frais. On aura les hauteurs et, après, celui qui ne se conformera pas aux hauteurs, suivant les normes, en subira les conséquences. Personne ne sera pris comme on l'est aujourd'hui. Encore la semaine dernière, je suis allé porter pour $7000 de "tickets" à quelqu'un qui m'avait dit de les lui apporter et qu'il allait essayer d'étudier cela plus a fond. S'il faut les payer, soyez assurés que vous aurez besoin d'agrandir la prison d'Orsainville parce qu'on va tous y aller; on n'est pas capable de payer. On a plus de "tickets" qu'on a gagné d'argent.

M. Desbiens: Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Pontiac-Témiscamingue.

NI. Larivière: M. Dufour, je tiens à vous remercier pour la présentation du mémoire de l'ANCAI. Vous mentionnez, à la page 3, que les compagnies forestières sont très réticentes à négocier avec les associations de transport en vrac; elles préfèrent négocier avec les individus. D'après vous, quelles en sont les raisons et que proposez-vous pour qu'il y ait un meilleur dialogue?

M. Dufour: II n'y a pas tellement longtemps que notre association existe et il ne faut pas se cacher que, dans le Québec, la formule syndicale est entrée presque par la porte d'en arrière; elle n'est pas entrée par la porte d'en avant. Les deux grosses centrales qui existent depuis nombre d'années ont réussi à s'implanter dans les compagnies forestières et elles aimeraient garder le monopole, si on peut dire, des négociations. Il y a deux compagnies forestières, dont je ne cite pas les noms, avec lesquelles on a certaines approches plus faciles. On leur a offert des conditions de transport et elles ont été émerveillées de nos conditions de transport, de même que des prix offerts. On est même allé jusqu'à leur livrer le bois dans le "drum" pour faciliter leur travail. Cela a éliminé énormément de machines qui devaient empiler le bois, etc. Elles ont été éliminées. Pour nous, ce n'est pas pire de "dumper" notre voyage de bois tout près du "drum" quand la négociation fonctionne bien et qu'il y a 45 camions au service de cette compagnie. Ce ne sont pas des camions qui font le transport du gravier; ce sont des camions spécifiquement équipés pour la forêt.

Dans d'autres compagnies, ils sont pris avec la Fraternité des charpentiers et menuisiers d'Amérique, qu'on me dit, compagnie qui négocie pour les travailleurs en forêt, qui ne parle jamais un mot des camionneurs, qui ne connaît pas leurs problèmes. Mais on dit que les compagnies négocient quand même avec cette association.

On a eu des preuves à l'appui déjà, dans un arrêt de travail, et on leur a demandé de venir défendre nos intérêts. En plus de cela, cela nous oblige à payer deux cotisations comme étant un membre d'une association. Le premier dollar qu'on gagne, il faut le donner à la Fraternité des charpentiers et menuisiers d'Amérique comme étant un membre en forêt, mais quand vient le temps de discuter de notre cas! Moi je ne comprends pas qu'on puisse discuter de notre cas quand il n'y a pas d'intéressés qui sont autour de la table.

On n'est jamais autour des tables pour la négociation, alors on ne peut pas parler de transport, cela ne s'est jamais fait. Les deux compagnies que je vous ai nommées, on a réussi à les approcher, de loin, vous allez me dire, mais on s'aperçoit tout de suite qu'il y a possibilité d'amélioration. Nous on a la possibilité d'améliorer les taux de transport aussi, en autant qu'on puisse être autour de la table. Il n'y a pas que les taux qu'on peut considérer dans le transport, il y a des conditions de transport aussi.

Moi je suis bien prêt d'avoir $20 la corde pour transporter du bois à six milles, mais si je n'en transporte pas de corde, j'aime mieux n'avoir que $2.50 et transporter des cordes. Cela prend des conditions, conditions de chargement, conditions de chemin aussi. On est pris avec la question des assurances, cela va pas mal plus profond que le monde le pense, notre affaire, nous autres. On nous impose des conditions de sécurité routière à l'extrême. On nous impose des assurances disant qu'on est des gens qui créons des problèmes au niveau assurance sur les questions routière. Mais quand on est 45 camions sur une route, par exemple, qui transportent en forêt l'hiver, puis que c'est tellement glacé par rapport à la chaleur de pneus du haut chargement puis au nombre de voyages que le chauffeur ne peut même pas débarquer de son camion, c'est un "suif", puis on nous oblige à transporter là-dessus.

Même, on demande du sable. On demande du sable, cela ne coûte pas cher du sable, le "loader" est dans le "pit", bien souvent. Il y a un vieux ca-

mion qui est là, qui attend dans le "pit". On demande un voyage de sable pour une mauvaise courbe et on ne nous en donne pas. On nous lâche de même. On est sorti plusieurs, nous, par morceaux, de nos cabines de camion, seulement par rapport à cela. Prenez l'été. C'est encore pareil, la sécurité routière, l'été, quand on charroie dans la poussière et qu'on ne se voit pas à 50 pieds. On n'a pas à se surprendre qu'il y ait des accidents graves et mortels. C'est mieux de prévenir l'accident, d'après moi, que d'attendre que les gens sortent du camion par morceaux.

M. Larivière: Oui, l'ANCAl, comme vous le mentionnez, préfère négocier avec des individus. Est-ce parce qu'il y a des meilleurs conditions ou...?

M. Dufour: Oui. C'est entendu, le gars qui est pris avec un camion qui coûte $45 000 puis que la finance est à ses trousses, il s'imagine qu'il va trouver une solution à son problème. S'il a un voyage à transporter, il va le faire, peu importe le prix, il n'est pas question de prix, mais il va peut-être pouvoir passer les termes. La compagnie de finance va l'entendre, elle, parce que le fait qu'il est déjà à l'ouvrage, elle va dire: II travaille, le camion, on a une chance d'avoir des termes, sans s'informer si, réellement, il travaille à un prix pour être capable d'en donner. On en a plusieurs de ces cas-là qui sont disparus de la carte par rapport à cela. Au niveau d'un mouvement, il faut essayer d'équilibrer afin que le transport se fasse avec partage uniforme et avec un système de rotation, comme on l'a déjà équilibré dans tout le Québec.

Je comprends que la rotation n'est pas trop avantageuse, quand il n'y a pas de travaux, mais elle est toujours plus avantageuse que quand ce ne sont que les mêmes qui travaillent.

M. Larivière: Cela veut dire que si le contrôle était donné à l'ANCAl, pour le bois, est-ce que, d'après vous, cela pourrait régler le problème, partiellement, du moins?

M. Dufour: Moi, personnellement, d'après mon expérience depuis 35 ans dans le camionnage, je suis convaincu qu'on résoudrait le problème à 75%.

M. Larivière: Merci, M. Dufour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président, je veux vous remercier, M. Dufour, d'avoir présenté ce court mémoire. Il ne témoigne pas, bien sûr, des heures que vous avez données pour la préparation de ce mémoire et à notre association. Tout le monde vous connaît assez, je pense, ici, autour de la table, tant du gouvernement que de l'Opposition, pour savoir que vous êtes un homme tenace. On sait que votre apparition, le printemps dernier, avec l'Association des camionneurs, ici, a témoigné de la nécessité pour vous de se faire reconnaî- tre par le gouvernement, de faire accepter certaines données que vous vous étiez fixées il y a quelque temps.

Je connais bien votre association, d'abord parce qu'elle a vu le jour chez nous, dans mon comté, avec son premier président. Et ce sont les 4000 membres que vous avez là, qui se sont dits unanimes, au printemps, qui témoignent encore des mêmes revendications mais, cette fois, au niveau du transport du bois.

Vous parlez, dans votre mémoire, de beau transport que les compagnies se réservent. Est-ce que je pourrais avoir une brève explication sur ce que vous entendez par beau transport?

M. Dufour: Beau transport, c'est que la compagnie commence au printemps à faire de la coupe et à placer son bois sur les grands chemins, sur les routes principales, les routes subventionnées, pourrait-on dire, au niveau de la voirie forestière. Durant la saison d'été, ce bois est transporté par les camions qui sont la propriété de la compagnie ou de l'entrepreneur. Ce qui fait qu'il y a une bonne majorité du bois qui est toujours avantageux. La raison qu'on donne, c'est qu'à l'apparition des neiges à l'automne il va falloir faciliter l'enlèvement de la neige. Cela fait que c'est intéressant de transporter du bois sur une belle route de gravier; et, encore un autre avantage, c'est qu'on transporte avec des numéros, ce qui fait qu'on ne transporte pas sans mesurage. C'est très intéressant.

M. Grenier: Les compagnies se gardent l'avantage de prendre le beau transport et elles vous passent ce qu'il reste.

M. Dufour: Elles gardent la préférence en ce sens qu'on nous demande en hiver, quand le bon Dieu a commencé à poser son asphalte. On nous demande d'urgence, on demande 250 camions, quand, bien souvent, 100 camions pourraient suffire. Mais on demande cela au hasard, par des individus. Sans contrôle. Le type qui part de la région de la Mauricie, pour descendre sur la Côte-Nord ou pour aller en Gaspésie, il n'est pas au courant qu'il y a déjà quinze camions qui sont partis de Charlevoix. Personne n'est au courant. On se retrouve là, j'ai même vu dans un chantier au printemps des camionneurs de la région des Bois-Francs, près de Sherbrooke, laisser leurs pneus de rechange et leurs coffres d'outils après avoir travaillé durant un mois et demi. Ils n'avaient pas été capables de se faire assez d'argent pour remonter parce que cela aurait pris à peu près 50 camions pour le chantier et qu'on en avait 125. Le gars a toujours essayé d'améliorer son sort.

M. Grenier: Merci. Vous avez fait allusion, tout à l'heure, aux amendes payées — je peux vous dire que je suis un de ces collectionneurs; il y a pas mal de camionneurs qui m'expédient leur demande et je transfère cela au ministre de la Justice — y a-t-il des arrangements qui ont été pris? Y a-t-il des gens qui ont dû payer leur amende en ce moment ou est-ce encore en attente et que le ministre maintient toujours le statu quo?

M. Dufour: L'information que j'ai présentement, et je l'ai récupérée quand nous avons manifesté devant le parlement, c'est que toutes les amendes que j'aurais en main, je devrais aller les porter à un responsable du ministère des Finances. Pour le moment, il y aurait encore entente avec le ministre à savoir qu'il étudiait une solution et ne lancerait pas encore l'affaire. Depuis ce temps, je dois avoir au moins une trentaine de milliers de dollars de déposés. Je n'en ai pas eu d'autres échos jusqu'à maintenant, mais j'en ramasse encore. Il va falloir qu'un bon matin cela...

M. Grenier: C'est envoyé au ministère de la Justice?

M. Dufour: Oui, justement.

M. Grenier: Ils vont vous donner une bénédiction. Ils en ont déjà donné dans d'autres secteurs, je suis pas mal convaincu qu'ils vont vous en donner une.

La nouvelle loi sur l'assurance automobile de Mme Payette est-elle en mesure de vous aider considérablement dans votre secteur?

M. Dufour: Dans le moment, nous prévoyons que cela va nous aider d'une certaine façon! C'est que nous allons payer à deux endroits pour nous assurer parce que nous payons déjà à la Commission des accidents du travail pour être protégés, et là il va falloir payer à l'assurance de la mutuelle. Un autre point que nous trouvons assez désavantageux, c'est qu'aujourd'hui nous avons, avec l'association, une compagnie qui s'est spécialisée dans l'assurance des camionneurs artisans et qui a le coeur assez large pour attendre, sans intérêt, la prime du membre suivant le travail qu'il est en train d'effectuer. Là, avec la nouvelle loi, nous allons être obligés d'aller chercher nos plaques d'immatriculation à $800, ou l'équivalent, l'un ou l'autre, à la caisse populaire et par la même occasion prendre notre assurance. La caisse populaire va peut-être nous l'avancer, mais certainement en payant des intérêts. Tandis que là nous...

M. Grenier: Vous n'y voyez pas beaucoup d'avantages?

M. Dufour: Pas pour le moment.

M. Grenier: C'est étrange parce qu'elle avait dit que cela avantagerait tout le monde. Cela me surprend!

M. Dufour: J'ai d'ailleurs présenté un mémoire et j'ai eu à le commenter pour Mme Payette, le ministre. Elle m'avait demandé de fournir un autre document qui pourrait donner plus de détails sur les informations que je donnais tout à l'heure au sujet des recommandations que nous avions faites dans le domaine de la forêt par exemple, comme je le soulignais tout à l'heure, et en même temps dans le domaine de la poussière, qu'on pouvait prévenir ces choses-là et que c'était très facile. Je n'en ai pas eu d'échos et cette fois-ci nous n'avons pas encore eu d'invitation.

M. Grenier: M. Dufour, je dois vous remercier. J'aurai une question à poser au ministre, mais comme cela ne concerne pas M. Dufour, mais plutôt uniquement les pâtes et papiers, puis-je réserver ma question pour quand M. Dufour aura terminé?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Pour ma part, M. Dufour, je tiens aussi à vous remercier de défendre la cause des nombreux camionneurs qui font partie de votre association. Pourriez-vous me dire, parmi les 4000 camionneurs qui sont propriétaires de véhicules, ceux qui font du transport en vrac, combien il y en a qui font du transport de bois de pulpe?

M. Dufour: On en a un gros tiers des 4000.

M. Vaillancourt (Orford): Un gros tiers des camions qui font du transport forestier.

M. Dufour: Justement. Dans le moment on vit dans l'insécurité. On en a énormément qui ont de l'équipement forestier et qui ont aussi de l'équipement gravier. Encore là c'est un point qui est bien important chez nous par rapport au capital investi. Il faut avoir, toujours avec l'insécurité, un équipement forestier parce qu'on a des demandes en forêt et qu'on n'a rien à faire dans le gravier. On se dit donc qu'on va aller gagner en forêt. On s'organise en équipement.

Chez nous on a toujours prétendu que si on trouvait une sécurité assez intéressante on pourrait... Il y a des gens qui se spécialisent dans le travail forestier. Pour commencer, aujourd'hui, avec les chargeuses, la mécanisation nous crée des problèmes aussi. On se spécialise en travail forestier, mais les chargeuses sont rendues aujourd'hui à $40 000, $45 000. Les compagnies nous demandent d'avoir une chargeuse qui a environ 26 ou 27 pieds de "boom", qui peut faire le bois de quatre pieds, de huit pieds ou le bois à la longueur.

Si on a une chargeuse qui est en deçà de ces normes, les compagnies nous disent que c'est trop petit. Nous, on va s'en acheter une. On va s'acheter une Drott. Je comprends qu'elles sont en mesure de s'en acheter. Je connais les compagnies. Je suis allé sur les lieux. Je les ai vues. J'ai fait le tour de la machinerie: j'ai vu huit, dix machines de $100 000 ou $150 000 qui ont été livrées sur les lieux et qui n'ont pas commencé de travailler en forêt encore. Cela fait un an qu'elles sont là. On peut s'organiser. C'est très facile de "dégrever" avec de la machinerie. Nous, on en a seulement une en main. Cela ne "dégrève" pas avec extravagance. Lorsque ces machines arrivent et qu'on n'a pas l'équipement voulu, les compagnies nous disent qu'elles ne peuvent pas prendre les camionneurs. Ils ne sont pas équipés. Quand on

sera assurés d'une sécurité de travail et de la quantité de cordes de bois qu'on pourra négocier, je me charge, avec le mouvement, de leur garantir le service qu'elles attendent; un service qu'elles n'ont peut-être jamais eu. On peut tous porter des blâmes là-dessus, mais on est en mesure de donner le service. On a la machinerie en main pour le faire.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que votre association négocie les prix pour le transport du bois avec les compagnies ou avec les commerçants...

M. Dufour: On ne peut pas négocier avec les compagnies.

M. Vaillancourt (Orford):... les offices de mise en marché? Avec qui négociez-vous les prix du transport pour vos membres?

M. Dufour: Dans le moment, on a tenté, avec la commission des transports de fournir des mémoires, avec des preuves à l'appui qu'un taux de transport aujourd'hui, avec le coût de la machinerie était., je ne peux pas vous donner cela de mémoire, on a cela sur document. Ce sont ces taux qui sont présentés. Comme nous nous sommes battus à la Commission des transports pour avoir des taux étudiés avec preuves à l'appui, on ne peut pas aller en bas de ces taux pour le moment. Justement, on avait déjà des taux qui avaient été obtenus après avoir été débattus, et des membres sont venus individuellement s'offrir à des prix moindres. On n'a pas été capable de baisser en bas des taux de la commission par respect pour cette dernière. On a perdu des quantités de transport assez importants.

D'ailleurs, il se fait du transport illégal. On en a un qui se fait actuellement — entre parenthèses, ce n'est pas dans la forêt allez-vous me dire, mais cela a été prouvé par les officiers de circulation — qui est hors des normes de la Commission des transports... Il se transporte 150 000 tonnes de minerai, qui partent de Charlevoix pour Bécan-cour, par une compagnie qui n'a pas le droit de le transporter. On passe par dessus. Nous on est devant les cours. Il faudrait faire la guerre. Or on n'est pas des guerriers, vous le savez car on vous l'a prouvé ici à Québec en avant du parlement. Cela aurait été facile pour un de nos camionneurs de se tromper, de "cramper" du mauvais bord, descendre des lampadaires et toutes sortes de choses avec les machines de 40 pieds qu'on avait. Comme on n'a pas cela dans le sang, on a agi comme des honnêtes hommes. C'est la même chose qu'on fait encore. On respecte les normes de la commission. On perd du transport. On voudrait que les gens se penchent là-dessus. Vous devez le savoir.

M. Vaillancourt (Orford): Tout à l'heure, vous parliez de la formule du calcul pour le chargement. Au lieu que ce soit à la pesanteur, que ce soit à la mesure...

M. Dufour: A la mesure apparente. M. Vaillancourt (Orford): ... apparente.

M. Dufour: Tel que la Commission des transports l'a décidé.

M. Vaillancourt (Orford): Avez-vous commencé un dialogue avec le ministère des Transports pour qu'une telle formule soit acceptée sur les...

M. Dufour: Cela a été commencé l'année dernière, ce dialogue, par l'ancien ministre des Transports qui avait nommé quelqu'un qui a fait le rapport Frigon. D'ailleurs, cela a commencé par un blocage sur la balance de Charny et, là, cela a été bloqué, arrêté. Mais, la semaine dernière, j'apprenais, par ses fonctionnaires que le ministre avait l'intention de remettre le rapport Frigon à l'étude, ce serait la continuation du rapport Frigon.

M. Vaillancourt (Orford): Vous êtes encore en négociation. Si je comprends bien, ce n'est pas encore accepté.

M. Dufour: Non, nous ne sommes pas en négociation, mais c'était l'intention du ministre — et cela s'est présenté au bureau — que le rapport Frigon devait se poursuivre.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que le comité Frigon étudie ce problème actuellement pour faire des recommandations au ministre des Transports ou s'il n'y a absolument rien qui se fait dans le moment?

M. Dufour: Non, dans le moment, ils ne l'étu-dient pas. Il n'y a rien dans le moment; il doit y avoir des rencontres prochainement.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que de telles formules existent dans d'autres pays ou dans d'autres provinces?

M. Dufour: Là, je ne pourrais pas vous dire si cela existe, par exemple.

M. Vaillancourt (Orford): Votre association n'a pas fait ces recherches.

M. Dufour: On a quelqu'un. Me Béliveau, notre conseiller juridique avait fait une tournée à cet effet. Si ma mémoire est bonne, je pense qu'il m'avait dit qu'il n'avait rencontré absolument rien qui était régi par un genre d'association comme le nôtre.

M. Vaillancourt (Orford): Mais sans que ce soit une association, vous n'êtes pas au courant si la formule visant à se baser sur la quantité pour calculer un chargement au lieu de se baser sur la pesanteur, existe ailleurs, dans d'autres provinces ou aux Etats-Unis.

M. Dufour: Je ne suis pas au courant du tout.

M. Vaillancourt (Orford): Vous savez, si le gouvernement met en application une telle politique de chargement, il y a des camions qui ont à traverser certaines frontières et il peut y avoir des dangers de chargements trop lourds.

M. Dufour: Si on s'en tient à ce dont j'ai pris connaissance en rapport avec la loi des pesanteurs, on dit que le Québec permet déjà quelques 100 livres de plus que les pesanteurs exigées par les autres provinces.

M. Vaillancourt (Orford): Cela donne une certaine latitude.

M. Dufour: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): Merci, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie beaucoup, au nom des membres de la commission, de votre participation à cette commission parlementaire. Vous pouvez être considéré comme le dessert de la commission, puisque c'est le dernier intervenant à présenter son mémoire. Comme le ministre a droit à une déclaration de fin de commission, je cède la parole au ministre des Terres et Forêts.

M. Grenier: M. le Président, si vous me le permettez, puisque le ministre est le dernier intervenant, je voudrais lui poser une question qui regarde les pâtes et papiers. Je pourrais la garder pour la Chambre cet après-midi, mais j'aimerais avoir les renseignements tout de suite. On vient de m'informer que le bag-mill de Domtar, à East Angus, se propose de fermer; cette partie de l'usine emploie 125 employés. Une réunion est convoquée pour ce soir et on voudrait regrouper à Windsor l'usine de sacs à papier de Domtar d'East Angus. Avez-vous eu un avis de fermeture ou aimez-vous mieux prendre connaissance de la question et me répondre cet après-midi?

M. Bérubé: C'est la première information que j'ai. Il y a une négociation de vente pour la partie concernant la fabrication de sacs.

M. Grenier: Oui, elle s'est faite à Atlantic, Domtar a vendu à Atlantic, c'est fait mais maintenant, Atlantic se prépare à fermer et transporter son personnel, pas le personnel, peut-être, mais ses machineries à Windsor pour tâcher d'exploiter à Windsor en modernisant, j'imagine, un peu là-bas.

M. Bérubé: Ecoutez, cela se limite à des rumeurs parce qu'effectivement, nous n'avons eu aucune information à cet effet.

M. Grenier: Que cela a été fermé.

M. Bérubé: La seule information que nous avons, c'est la vente de la...

M. Grenier: C'est acquis. C'est fait. Mais vous n'avez pas d'avis de fermeture d'Atlantic pour sacs à papier Domtar.

M. Bérubé: Pas à ma connaissance. M. Grenier: Merci.

Conclusions

M. Bérubé: M. le Président, nous venons de vivre, je crois, une dizaine de jours très denses qui nous ont obligés à nous pencher sur un secteur vital de notre économie. C'est le secteur de l'industrie des pâtes et papiers. Je pense qu'il convient, à la fin de cette commission, de tenter de revoir rapidement peut-être les aspects clés de cette commission, de tirer un certain nombre de conclusions qui ne sont pas nécessairement vérifiées, mais qui sont au moins basées sur les mémoires qui nous ont été soumis.

Je crois qu'en cette fin de commission, il nous faut reconnaître un certain nombre de problèmes. D'une part, je crois que l'industrie des pâtes et papiers au Québec n'a pas saisi l'occasion, il y a quelques années, alors que le Québec contrôlait les prix, de faire de notre industrie une industrie plus moderne et agressive qui aurait pu s'assurer la large part du marché qu'elle occupait il y a 25 ans. Nous devons reconnaître que les exportations québécoises sont stables, en particulier sur les marchés européens et latino-américains puisque nous occupons, sur ces marchés, environ 1% de la demande, et cela depuis 1965 jusqu'à nos jours.

Donc, nous n'avons pas véritablement effectué de percée significative sur ces marchés. De la même façon, aux Etats-Unis où, de 1968 à 1976, la part du marché que nous occupons est toujours limitée à 30%, il faut souligner que, de 1950 à 1976, cette part est passée d'une cinquantaine de pour cent à 31%. Quant aux Américains, depuis 1968, la part du marché qu'ils ont développée est passée de 31% à 36%. On peut même souligner, à des chiffres qui nous ont été soumis, qu'en fait c'est bien l'industrie québécoise, canadienne et non québécoise qui a supporté, en fait, le gros de la récession de 1974-1975.

Face à cette situation de l'industrie québécoise, nous avons assisté à une montée de l'industrie Scandinave. Ces producteurs se sont graduellement retirés des marchés américains puisque s'ils fournissaient 3,1% de la demande en 1968, ils n'en fournissent, en 1976, que 0,6%. La même chose en Amérique latine. Par contre, on peut affirmer qu'ils ont littéralement pris le contrôle du marché européen, du Royaume-Uni, où leurs volumes d'exportation sont six fois plus élevés aujourd'hui qu'en 1955.

Les causes de ce recul relatif de l'industrie québécoise, je pense, nous ont été soulignées par la plupart des intervenants. Ainsi, on nous a rap-

pelé que les coûts du bois — ceci ne peut pas être nié — depuis 1973, ont augmenté de 15,7% par année, que le bois rond coûte aujourd'hui $65 le cunit sur la forêt publique québécoise contre, pour le pin du Sud des Etats-Unis, un prix de $37 le cunit. Donc, au niveau de l'approvisionnement en bois, le Québec semble défavorisé face à son concurrent important du Sud des Etats-Unis.

Quant aux prix des copeaux, il est de $55 la tonne — ceci nous a été souligné — au Québec contre environ $14 la tonne dans le Sud des Etats-Unis. Il semble donc probablement juste de dire que la matière ligneuse au Québec représente de $20 à $25 de plus par tonne.

Quant au problème de la main-d'oeuvre, il nous faut souligner aussi que, depuis 1973, ce coût est augmenté de 16% par année. En 1966, les salaires canadiens étaient d'environ 3% inférieurs aux salaires américains. Ils étaient nez à nez en 1969 et ils les ont dépassés de 29% en 1976. Donc, à productivité égale, sans doute, l'assertion par la plupart des industries qui ont témoigné ici est juste en ce sens que la main-d'oeuvre au Québec doit représenter peut-être de $15 à $20 la tonne de plus qu'aux Etats-Unis.

Cependant, le coût d'énergie qui est augmenté, depuis 1973, de 21,5% par année ne semble pas un problème majeur, pour autant que l'industrie est concernée, puisque les chiffres qu'on nous a présentés soulignent que l'énergie électrique demeure deux fois moins chère ici que dans la majorité des Etats américains, dont la Virginie, ce concurrent dont on s'est plu à rappeler les avantages comparatifs. Donc, dans le domaine de l'énergie, pour autant que les procédés actuels sont concernés, nous bénéficions toujours d'un avantage comparatif qui représente de $5 à $10 la tonne.

Egalement pour l'instant, mais doit-on s'en vanter? Les coûts pour la protection de l'environnement sont moins élevés au Québec que partout ailleurs au monde, du moins en Scandinavie et aux Etats-Unis, pour la simple raison que nos normes sont moins sévères; et, non seulement sont-elles moins sévères, mais elles ne sont pas respectées en plus.

Nous avons également à faire face à des coûts de transport. Pour la plupart des industries — et, peut-être de façon plus spécifique, la compagnie de M. Lemaire, à Canano, nous l'a rappelé en détail — les coûts de transport semblent substantiellement plus élevés au Canada qu'ils ne le sont aux Etats-Unis. Néanmoins, on souligne qu'un jugement rendu le 16 décembre 1975 par l'Interstate Commerce Commission n'a pu démontrer que les tarifs de transport exigés par les compagnies de chemin de fer américaines étaient supérieurs ou inférieurs pour les usines canadiennes par rapport aux usines américaines.

Donc, ce problème du transport n'est peut-être pas définitivement résolu, mais il nous paraît néanmoins que les plaintes qui nous sont adressées doivent être vérifiées et doivent certainement faire l'objet de rencontres et de discussions avec le gouvernement canadien et avec les compagnies de chemin de fer impliquées.

Une remarque de l'industrie qui est revenue continuellement est que l'industrie ne génère pas suffisamment de profits pour justifier des programmes d'investissement. L'industrie se plaint de ne pouvoir emprunter que ce qui est suffisant pour augmenter sa capacité de production; quant au simple entretien des usines existantes, elle arrive tout juste à réinvestir la dépréciation. Or, comme la dépréciation, évidemment, en dollar constant, représente chaque année une valeur qui décroît, cela veut donc dire qu'à part les augmentations de capacité, l'industrie québécoise, aux dires des industriels et d'après les chiffres qu'ils nous ont soumis, serait dans une situation telle que leurs usines continuent de vieillir.

L'industrie s'est plainte d'un rendement moyen sur les actifs de l'ordre de 5,8%, mais il faut néanmoins souligner que ce rendement sur les actifs n'est pas tellement différent du rendement moyen sur les actifs d'autres industries. Probablement que si le rendement avait été calculé sur l'avoir des actionnaires, on aurait trouvé des chiffres qui ne sont peut-être pas si différents d'un placement dans une banque ou d'un placement à long terme sur une obligation. Donc, cet aspect de la rentabilité de l'industrie mérite d'être fouillé à la lumière des chiffres qu'on nous a fournis; je pense que nous devrons nous y pencher et vérifier l'assertion de l'industrie.

Néanmoins, l'industrie semble bien souligner qu'elle n'arrive pas à emprunter — ce matin, l'entreprise de M. Kruger a réitéré cette assertion — pour moderniser et elle ne semblerait pas capable de générer suffisamment de profits pour moderniser.

Cependant, tous les éléments qui nous ont été présentés ne nous permettent pas d'adopter une attitude absolument pessimiste. Plusieurs aspects positifs ressortent de cette commission. Ainsi, il me paraît que le problème des relations du travail pourrait s'améliorer dans l'avenir. J'ai apprécié, en particulier, le fait que deux compagnies — Domtar et QNS — acceptent de donner accès à des données financières à leurs employés. Cette demande a été faite par un syndicat comme la CSN et je pense qu'elle est fondée.

Il me paraît extrêmement difficile — et cette commission l'a prouvé en demandant à la société Consol de bien vouloir déposer un bilan pro forma — pour qui que ce soit, syndicats comme parlementaires, comme gouvernement, de porter un jugement sur la situation d'une industrie et de négocier en connaissance de cause, si on n'a pas en main les éléments nous permettant de savoir si nous allons trop loin ou si nous n'allons pas assez loin dans une négociation. Donc, cela m'apparaît un geste positif de la part de certaines entreprises; il ne fait aucun doute que d'autres entreprises ne partagent pas cette attitude.

Egalement, je pense qu'Abitibi-Price nous parle d'un programme de communications permanentes pour améliorer le dialogue avec les employés. Effectivement, ce problème de la communication permanente nous paraît essentiel. Egalement, je pense que je me dois de revenir sur un avantage économique important qu'a soulevé la

société F.F. Soucy, soit celui de transformer nos usines de production de pâte, en adoptant de nouveaux procédés qui maintenant ont fait leurs preuves et qui sont mûrs.

M. Lemaire, au nom de la société Cabano, devait nous souligner que, si dans certains secteurs, comme le séchage, il y avait peut-être encore place pour de l'amélioration technologique, dans le domaine de la production de pâtes — on peut penser au thermomécanique ou à des procédés comme celui que la CIP est en train d'implanter à Gatineau — il y a place pour de nouveaux procédés qui utilisent jusqu'à 40% moins de matière ligneuse, donc qui ramèneraient nos coûts de matière ligneuse à un coût comparable à celui du sud des Etats-Unis, puisque nous aurions des usines consommant moins de bois. Si notre bois coûte plus cher, ceci compense.

Egalement, nous aurions des usines qui pollueraient moins, qui pourraient répondre aux objectifs des services de protection de l'environnement, qui auraient une productivité supérieure et qui, par conséquent, nous permettraient tout probablement de bénéficier d'avantages comparatifs importants. En effet, la société F.F. Soucy devait souligner que, dans ses nouveaux procédés, étant donné l'élimination de coûts de produits chimiques, en particulier l'électricité prenait une part importante et on pouvait uniquement, dans les conditions actuelles du marché — donc, compte tenu de l'avantage que nous donne le dollar canadien — produire du papier au Québec à $12 moins cher qu'un compétiteur américain, ce qui était contraire à l'assertion d'à peu près toutes les autres compagnies.

Donc, il existe présentement des possibilités de transformation de nos usines en adoptant des procédés modernes et je pense que là-dessus il y a une ouverture pour l'avenir.

Quant au problème des relations du travail, je pense que non seulement l'industrie, du moins certaines industries semblent manifester un début d'ouverture. Je pense que, du côté du syndicat, de ceux que nous avons entendus, du moins, il existe également une ouverture, une ouverture d'esprit. Je crois que la démarche du comité ad hoc d'East Angus fait ressortir un esprit nouveau qui veut que, désormais, l'industrie soit une part intégrante de l'activité d'une communauté, que l'industriel ne peut pas se départir d'une certaine responsabilité sociale, mais également que c'est toute la société qui a des responsabilités face au développement économique et que ce n'est pas simplement l'industriel.

Les travailleurs, dans le cas de la East Angus, ont accepté des sacrifices considérables, et ceci impose à l'industrie une certaine responsabilité face aux sacrifices qu'acceptent les travailleurs. La CSN a offert sa participation à un comité permanent qui sera un genre de comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Cela aussi m'apparaît fondamental. Je pense que le dialogue doit être poursuivi en impliquant le gouvernement et en impliquant toutes les parties. Il nous apparaît qu'il faudrait prolonger ce type de relations.

Il semble donc exister non pas une unanimité des intervenants, ce serait faux de vouloir prétendre à une telle unanimité, mais il semble exister une bonne volonté de rechercher des solutions en ce qui concerne cette industrie extrêmement vitale pour notre industrie. Les syndicats demandent à être informés, certaines industries proposent d'informer. Nous sommes peut-être au tout début d'une ère nouvelle dans ce domaine. L'industrie québécoise doit reprendre sa place de chef de file sur le marché mondial.

Nous devons certainement réfléchir au problème du coût de la main-d'oeuvre, non pas nécessairement en réduisant les salaires, mais peut-être en augmentant la productivité. Nous devons certainement réfléchir aussi à des échelles de salaire qui tiennent compte de la productivité de notre industrie, et que nos salaires doivent être compatibles avec notre compétitivité, sinon on ne peut éviter les fermetures. Il est donc absolument inutile de se voiler la face, de parler de modernisation, de s'opposer à des fermetures d'usines et, en même temps, de réclamer des conditions de travail ou des conditions de prix de bois ou autres qui dérentabilisent notre industrie. C'est donc par l'ensemble des intervenants qu'on peut arriver à rendre notre industrie compétitive et il faut, je pense, en toute lucidité, examiner les problèmes tels qu'ils nous sont posés.

Concernant le coût du bois, il me paraît assez évident qu'il faut rapprocher les usines de la forêt, de manière à diminuer le coût du transport et à diminuer le coût du bois livré à l'usine.

Il nous faut continuer à stimuler la recherche technologique de manière que notre industrie reste à la fine pointe. Il nous faut, dans le cas des papiers fins, je pense, commencer à examiner le problème de la rationalisation de la production et sans doute, pour l'instant, en tous les cas, rechercher une protection tarifaire, au moins un maintien des barrières tarifaires existantes, de manière à ne pas sacrifier les usines que nous avons.

Il nous faudra profiter le plus possible des avantages que nous offre le coût de l'énergie au Québec. Il nous faudra penser à utiliser également les papiers rebuts.

En gros, je pense que la solution de l'industrie des pâtes et papiers a paru, au cours de cette commission, comme devant relever de trois intervenants: de l'industrie, sans doute au premier chef, des travailleurs, mais également du gouvernement. Celui-ci devra sans doute intervenir, si on veut passer un cap difficile, mais qui doit être passé, si on veut que demain nous puissions bénéficier à nouveau d'une industrie dynamique qui soit à l'origine d'un développement économique prospère au Québec.

M. Grenier: Juste avant de terminer je voulais, au nom de l'Opposition officielle... Je pense que, si le ministre avait eu deux minutes de plus, il aurait remercié l'Opposition pour son travail autour de la table, et je sais qu'il aurait dit sûrement comment l'Opposition a été positive dans ses suggestions. Pour ma part, je peux vous dire que cette

commission dirigée par le ministre était non seulement utile, mais essentielle aux membres de cette commission. L'éclairage que nous avons, qui nous est venu des compagnies et des employés, de tous ceux que nous avons rencontrés, était nécessaire pour en arriver à faire des propositions au gouvernement.

Nous avons voulu, de ce côté-ci de la table, y aller de suggestions régulièrement et de permettre au gouvernement d'avoir un éclairage plus important sur les problèmes qu'ensemble nous envisageons. Je veux vous remercier, au nom de notre parti, pour ces exposés qui nous ont été faits et d'avoir permis de fournir à l'ensemble des Québécois des éléments de solution aux problêmes qu'ensemble nous envisageons. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et en ce qui me concerne, avant d'ajourner sine die les travaux, merci à tous les membres de la commission pour la collaboration que vous avez apportée à la présidence. Merci beaucoup.

Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 13 h 4)

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