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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mardi 29 février 1972 - Vol. 12 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 250 - Code des professions et autres projets de loi connexes


Journal des débats

 

Commission spéciale sur les corporations professionnelles

Projet de loi no 250 - Code des professions et autres projets de loi connexes

Séance du mardi 29 février 1972

(Dix heures trente-cinq minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Procédure

M. LE PRESIDENT: Je veux souhaiter la bienvenue à tout le monde ici, aujourd'hui, à l'occasion de l'ouverture de la séance de cette commission parlementaire spéciale sur les corporations professionnelles. J'aimerais aviser tous ceux qui sont ici ainsi que ceux qui y viendront que cette commission sera régie par les nouvelles règles de pratique qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale le 19 novembre dernier.

Toute la latitude donnée par ces règlements à la commission sera que, aux moments opportuns, nous pourrons prolonger les délais et peut-être apporter d'autres changements. Comme président, je suis lié par ces règlements et je peux seulement rendre les décisions que j'ai le droit de rendre.

Pour aujourd'hui, il y a un petit changement pour débuter. Le Conseil interprofessionnel du Québec m'a avisé que le résumé de son mémoire comportait de petits changements techniques qui apparaissaient dans plusieurs pages. Au lieu de faire les changements oraux avant la présentation du résumé, il a fait réimprimer le résumé et c'est la réimpression qui a été distribuée à tous les membres de la commission. Le reste des 200 copies est aux mains du secrétaire de la commission.

Voici la procédure pour aujourd'hui: les chefs ou représentants de chaque parti politique donneront un bref commentaire sur l'ensemble du bill et, après, nous entendrons le résumé du Conseil interprofessionnel du Québec et les questions des membres au conseil.

Pour l'information des membres, nous essaierons cette fois-ci, au commencement, de suivre les règlements à propos des questions. Durant les quarante minutes ou la prolongation de quarante minutes, les membres de la commission ont le droit de poser n'importe quelle question sur le résumé ou sur le mémoire présenté par le groupe. Mais le but de ce règlement est d'éviter de grands discours ou des chicanes entre les membres, ou des discussions politiques entre les membres de la commission. Nous garderons toutes ces discussions après avoir entendu tous les mémoires. Nous aurons des séances de délibération de la commission, ici, en public, où tous les membres de la commission pourront discuter les mémoires et tout ce qu'ils ont à discuter. Je ne veux pas que les membres se questionnent ou fassent de grandes discussions entre eux durant la période des questions. La période des questions est comme à la cour, c'est pour interroger les témoins, savoir pourquoi ils disent cela, etc.

Les délibérations nous appartiennent, après. Je donne la parole à l'honorable Solliciteur général.

Considérations générales

M. FOURNIER: M. le Président, la Législature du Québec a, depuis longtemps, reconnu le droit à certaines personnes de se grouper en corporations, sous un nom professionnel particulier, et, en même temps, a accordé à leurs membres l'autorisation d'agir de façon exclusive dans certains domaines couvrant les services se rapportant aux personnes et aux biens. Depuis lors, le droit professionnel, au Québec, s'est développé au bon gré de ces corporations elles-mêmes qui ont agi conformément à leur charte mais sans chaîne particulière de liens communs.

Il est surprenant que, malgré une orientation indéfinie par les lois, après tant de législation dans ce champ d'activité, l'on puisse quand même retrouver aujourd'hui certaines règles communes.

A cause de la marche ascendante des individus et des groupes vers le statut professionnel, l'avenir même rapproché permettrait-il d'y retrouver encore ces règles, si une période d'arrêt et d'analyse n'avait permis une prise de conscience du problème dans son ensemble?

Il est vrai que, depuis quelques années, des efforts de rencontre et de dialogue ont été rétablis par les corporations elles-mêmes, tout aussi bien qu'un renouveau s'est fait sentir au sein des corporations vers l'intérêt général de la société et des individus.

L'objectif premier d'un gouvernement étant l'intérêt public, comment le Québec dans ce domaine du droit professionnel où l'intérêt public est nécessairement en cause, a-t-il assumé jusqu'à présent entre responsabilité dans sa législation?

Il semble évident qu'une fois certaines bases administratives disparates établies et une fois certaines restrictions imposées à l'étendue des pouvoirs demandés, l'Etat, par sa législation, s'en est reporté presque exclusivement aux corporations elles-mêmes pour assumer tous les devoirs se rapportant à la protection du public par ses membres.

Vouloir aujourd'hui agencer de façon plus cohérente ce secteur important de nos activités que couvre le domaine des services professionnels se rapportant aux personnes et aux biens;

Vouloir en même temps exiger que les corporations professionnelles soient munies de certains instruments qui garantiront la protection de l'intérêt public;

Vouloir établir de la façon la plus absolue possible cette même confiance entre le client et les professionnels membres de ces corporations;

Tous ces objectifs nous semblent certainement faire partie de la responsabilité qui incombe au gouvernement.

Astreindre les corps professionnels à garantir la compétence des professionnels qu'elles groupent de même que la qualité des actes professionnels que ses membres devront poser nous apparaît comme un désir légitime.

D'ailleurs, ce n'est là qu'affirmer que nos corporations professionnelles doivent rendre compte à la société.

Inutile de souligner la préoccupation particulière que nous devons avoir à l'esprit dans cette législation et l'étude qui s'ensuit de faire en sorte que l'on conserve au professionnel l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa profession de même que d'assurer la confiance du client qui ne résultera que par la compétence des individus, la qualité des actes, de même que la sécurité du secret professionnel.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Fournier. Je donne maintenant la parole au ministre, Claude Castonguay.

M. CASTONGUAY: M. le Président, en premier lieu, je voudrais situer cette phase que nous entreprenons aujourd'hui dans le processus de la réforme du droit professionnel ou des corporations professionnelles. Simplement à titre de rappel, je crois qu'il est nécessaire de mentionner que plusieurs lois des corporations professionnelles qui feront l'objet de nos travaux ont été adoptées initialement, il y a un très long nombre d'années, qu'elles ont été modifiées au cours des années, alors que d'autres lois ont été adoptées plus récemment, ceci sans qu'à aucun moment des principes directeurs très clairs ne soient établis ou encore qu'un effort de cohérence soit tenté. Ici, il y a lieu de souligner qu'une partie de cette situation provient possiblement du fait que les projets de loi à cet égard, dans le passé, étaient des projets de loi privés.

Cette évolution a conduit, vers la fin du gouvernement Lesage, vers une certaine impasse. Vers la fin de ce gouvernement, on avait formé un groupe d'étude composé, entre autres, de Me Yves Pratte, du Dr Laurent Lizotte, qui était alors sous-ministre adjoint au ministère de la Santé, pour faire des recommandations relativement à un problème particulièrement complexe qui avait été soulevé au sujet de la Loi des infirmières, en particulier. Devant l'impossibilité de donner suite aux demandes qui étaient formulées d'une façon cohérente, le gouvernement d'alors avait, à toutes fins pratiques, suspendu l'étude de nouveaux projets de loi dans ce secteur. Pour des raisons diverses, ce comité n'a pu effectuer son travail.

On se rappelle les mandats, par exemple, qui ont été confiés à Me Yves Pratte par la suite.

Peu de temps après le changement de gouvernement en 1966, le gouvernement d'alors a formé la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social et, dans son mandat, une demande très précise était formulée d'étudier l'ensemble de cette question. Et, au cours de la période de 1966 à 1970, un grand nombre de demandes touchant la formation de corporations professionnelles ou des modifications à des lois de corporations professionnelles ont été suspendues, compte tenu de ce mandat, d'une part, et aussi probablement à cause des difficultés que présentait l'étude des demandes formulées en l'absence d'un cadre plus cohérent.

La commission d'enquête, face à ce mandat et compte tenu de l'importance de la question et sa complexité, a demandé à Me Claude-Armand Sheppard d'étudier la question. Celui-ci s'est acquitté de ce mandat et a effectué une étude extrêmement fouillée et détaillée qui constitue l'annexe 12 du rapport de la commission. Je reviendrai quelque peu sur cette question dans quelques moments.

De son côté, la commission a reçu de nombreux mémoires de groupements intéressés, a effectué plusieurs rencontres afin de s'assurer qu'elle possédait tous les éléments pertinents à l'étude de la question. Et ici, si vous me le permettez, j'aimerais indiquer comment la commission a envisagé cette partie de son mandat, de telle sorte qu'on puisse voir — pour quiconque voudrait retourner aux recommandations de la commission — comment est située cette question. Et je cite à partir du volume VII de la partie 5 du rapport, intitulée "Les professions et la société", à la page 9: "L'étude sur l'organisation et la réglementation des professions de la santé et du bien-être au Québec, publiée en annexe à son rapport, révèle l'ampleur des recherches que la commission a entreprises et l'analyse minutieuse à laquelle elle a voulu soumettre les professions dans les domaines de la santé et des services sociaux au Québec. L'absence de toute investigation sérieuse de ce domaine important du droit public l'a forcée à procéder à un examen aussi fouillé. "En effet, il n'existe aucun exposé complet auquel elle aurait pu se référer. De plus, contrairement aux professions comme le droit, l'architecture ou le génie civil, dont l'exercice subit très peu de modifications, le domaine des sciences de l'homme et de la santé a été bouleversé par l'apparition de nouvelles techniques et de nouvelles spécialités qui ont créé de graves problèmes d'organisation.

Il était important de saisir et de cerner cette évolution, afin d'en déceler les effets et les dangers.

Le but primordial de la commission sous cet aspect de son mandat ne consistait pas à faire la critique d'un système, mais à dépasser l'analyse et l'évaluation, pour aboutir à des recommandations concrètes. Il lui a semblé essentiel d'ap-

puyer ses suggestions sur une connaissance approfondie des structures actuelles. En outre, comme les structures professionnelles sont de la santé et des services sociaux s'inscrivent dans un tout, il était pratiquement impossible d'étudier certaines professions sans en impliquer plusieurs autres. Aussi a-t-elle dû étendre son étude aux professions qui ne relevaient pas directement de son mandat.

Enfin, pour lui permettre d'évaluer objectivement les institutions professionnelles du Québec, elle a examiné les institutions comparables ou équivalentes, dans des juridictions aussi variées que l'Ontario, l'Etat de New York, la Californie, la France, la Belgique, l'Allemagne et la Suède. De ce long exposé de l'ensemble de ces autres études, de ces rencontres et visites, la commission a pu tirer des enseignements et des conclusions qu'elle soumet maintenant à l'attention du gouvernement".

Alors voilà la façon dont la commission s'était acquittée de cette phase de son travail. Maintenant, il serait trop long de tenter de résumer dans tous ses aspects cette partie du rapport de la commission et je crois qu'il est important de rappeler brièvement comment la commission a posé, dans ses grandes lignes, l'état de la question. Et si vous permettez, dans les quelques prochaines minutes, j'aimerais faire ce bref rappel de ses conclusions.

Dans un premier temps, la commission examine la question du droit professionnel et conclut ainsi. Et je cite toujours du même volume, à la page 20: "II est donc exclu qu'un seul organisme professionnel assume, pour la même profession, la double fonction sociale de corps intermédiaire et de services publics. Un organisme de services publics est alors un organe décentralisé de l'Etat et n'est plus un corps intermédiaire. Le principe de la spécialisation fonctionnelle exclut également l'immixtion d'un organisme professionnel dans le champ d'activité d'un autre. Et par voie de conséquence, la hiérarchisation des professions entre elles.

En effet, le besoin d'autonomie dans l'administration d'une profession à l'égard de l'administration générale de l'Etat qui prend sa source dans la possession d'une science ou d'un art ou d'une technique est aussi impérieux à l'égard des organes administratifs des autres professions incompétentes dans une discipline qui n'est plus la leur. Dans un deuxième temps, la commission procède à un examen critique de l'état du droit et de l'organisation professionnelle au Québec.

Les faits saillants de cette analyse m'appa-raissent être les suivants: En premier lieu, la commission décrit ce qu'elle a appelé l'éclatement de la notion de profession. Je cite la page 25, toujours du même volume: "Ce particularisme de corporatisme québécois est un des points qui ont le plus frappé la commission au cours de sont étude sur les professions."

Lorsqu'on parle de ce particularisme, on fait état du droit des professions qui a été forte- ment axé sur les idées de la société libérale. Par "libérale", je n'entends pas tout à fait ce qu'on entend... Des sept juridictions étrangères qui ont fait l'objet de son examen, il n'est pas sans intérêt de constater qu'aucune n'a adopté le régime québécois généralisé de réglementation professionnelle par l'entremise de corporations autonomes. De plus, parmi celles qui connaissent un certain régime de corporation professionnelle, aucune ne leur délègue autant de pouvoirs que le Québec ou n'accepte qu'elles soient administrées exclusivement par leurs membres, comme c'est presque toujours le cas au Québec.

Egalement à la page 27, dans un ordre d'idées un peu différent, la commission dit: "Ces différences de statut —ici, elle parle des organismes eux-mêmes, surtout en ce qui concerne les organismes plus jeunes — ne semblent relever d'aucune conception systématique de leur nature commune, de leur signification relative pour la société et de la place qu'elles doivent y occuper, non plus que de la manière de les institutionalise et des régimes juridiques auxquels elles devraient être soumises. Il faut conclure que le droit des professions a été davantage l'expression, la force des groupes professionnels que la transcription des besoins sociaux et professionnels dans le droit."

Enfin, après avoir exposé le phénomène de la course au statut professionnel, auquel a fait allusion M. Fournier, et tout ce qui l'accompagne, la commission conclut ainsi. Je cite la page 29, maintenant: "La notion traditionnelle de profession ne pouvant plus servir de fondement pour la constitution des organismes professionnels, il était fatal que le développement de l'organisation des professions se fit de façon plutôt désordonnée." La commission décrit ensuite ce qu'elle appelle le développement désordonné de l'organisation professionnelle. Elle souligne en particulier la multiplicité et la diversité des organismes.

Nous avons, par exemple, recensé 43 corporations, associations, collèges, sociétés, ordres et instituts assumant des fonctions, des responsabilités de la nature de celles qu'assument les corporations professionnelles. Voici comment la commission les décrit.

Ici, je cite la page 30 du rapport: "Bref, à travers la multiplicité, la diversité des organismes professionnels, on cherche en vain la reconnaissance effective d'un principe de partage fonctionnel, capable de les classer selon leur statut, privé ou public, permettant de commander un régime juridique approprié et uniforme et pouvant, enfin, donner lieu à une procédure définie et particulière de reconnaissance officielle".

C'est à partir du résultat de ces travaux, de ces conclusions que je viens de rappeler brièvement, que la commission a recommandé une réforme du droit et de l'organisation professionnelle au Québec.

Depuis la publication de ce rapport, en

juillet 1970, de nombreux groupements et individus l'ont analysé et l'ont discuté. Dans l'ensemble, je crois qu'il est juste d'affirmer qu'il a été reçu d'une façon favorable et qu'il a contribué à préciser la pensée sur l'organisation professionnelle au Québec.

Quant au gouvernement, il a étudié ce rapport et a voulu donner suite aux recommandations de la commission dans leurs aspects essentiels, convaincu de la nécessité de la réforme proposée et également afin de pouvoir traiter les multiples demandes d'organismes se rapportant justement à l'organisation professionnelle. Ici, je rappelle justement les décisions qu'avaient prises les gouvernements antérieurs au sujet d'un certain nombre de demandes de même nature.

Maintenant, depuis la publication de ce rapport, il est probablement nécessaire de signaler qu'à la fin de 1970, le gouvernement a donné suite à une des recommandations de la commission en éliminant, d'un certain nombre des lois des corporations professionnelles, l'exigence de la citoyenneté que l'on retrouvait pour l'admission à la pratique ou pour l'émission d'un permis d'exercice.

Quant au travail lui-même de préparation des projets de loi qui ont été soumis à l'Assemblée nationale en novembre et en décembre 1971, je dois aussi mentionner que ce travail a demandé une somme d'efforts considérable, qu'il a fait également l'objet de consultations auprès des groupements intéressés et aussi que le gouvernement a demandé certaines expertises dans ce travail de préparation de législation. Si je mentionne ceci, c'est pour faire l'exposé complet des travaux ou, encore, pour bien faire ressortir que ces projets de loi sont en quelque sorte l'aboutissement d'un processus d'études, d'analyses, de consultations, qui s'est échelonné sur une période de plus de cinq ans.

Compte tenu de l'ampleur de la réforme qui est proposée, il m'apparait important d'exposer ou de rappeler brièvement la philosophie générale qui a présidé à la préparation de cet ensemble de projets de loi; deuxièmement, de donner un bref aperçu de la législation proposée et ici je vais être aussi bref que possible. Les projets de loi ont pu être étudiés à volonté depuis qu'ils ont été déposés en novembre et décembre; enfin, de préciser certaines règles qu'entend suivre le gouvernement au cours du processus d'adoption de ces projets de loi ou à tout le moins des travaux de la commission parlementaire.

Quant â la philosophie générale, en premier lieu, la raison d'être ou l'objectif fondamental des corporations professionnelles doit être rappelé ou précisé, et quant au gouvernement, la raison d'être de ces corporations professionnelles ne peut être que la protection du public ou des intérêts du public et ceci par le contrôle de l'exercice de la profession par ses membres.

Le second principe ou aspect de cette philosophie, c'est celui qui consiste en la nécessité d'exclure des corporations professionnelles ou des fonctions qu'elles assument, celle de la défense des intérêts socio-économiques des membres des corporations.

En troisième lieu, étant donné que le système des corporations professionnelles subit l'épreuve du temps, un des aspects de la philosophie est le maintien de ce qui est valable dans les institutions actuelles.

Quatrièmement, il apparaît nécessaire de maintenir un degré d'autonomie nécessaire ou utile au sain développement et à l'évolution des professions, et ceci dans la mesure où cet objectif est conciliable avec le rôle fondamental de la protection du public.

Je voudrais simplement mentionner ici que le gouvernement aurait pu opter, et ceci aussi bien que la commission, autrement que la commission le recommandait pour la création des régies gouvernementales ou de State Boards ou de bureaux d'examinateurs, comme c'est le fait ou la situation qui existe dans certaines autres juridictions. Si je rappelle ceci, c'est afin qu'à certains moments on garde à la mémoire le fait que les pouvoirs qui sont confiés aux corporations professionnelles sont des pouvoirs délégués par l'Etat, que ce ne sont pas des pouvoirs qui existent autrement.

Cinquièmement, l'ouverture des corporations professionnelles au plan de leur fonctionnement et leur plus grande intégration dans la société par divers mécanismes de participation et d'information de la population, du public, apparaissent comme un élément essentiel de cette philosophie. Quant à la législation proposée, il est peut-être utile de rappeler que le code des professions s'applique à toutes les corporations professionnelles visées et on en retrouve la liste à l'annexe 1. Brièvement, ce code a principalement pour objet: 1) De déterminer la composition et le mode d'élection ou de nomination des membres du bureau qui est chargé de l'administration générale de chaque corporation (ici je note un nouvel aspect, soit la nomination de membres du bureau par le gouvernement); 2) De déterminer les conditions de délivrance des permis d'exercice et aussi des permis de spécialités; 3) D'établir une procédure et les règles disciplinaires que devront suivre les corporations professionnelles (ici, je signale les dispositions relatives à la nomination du président, du secrétaire, des syndics, etc); 4)De déterminer un mécanisme identique de vérification de la qualité des actes professionnels posés par les membres; 5) De constituer un office des professions chargé de maintenir les contacts entre les corporations professionnelles et le gouvernement; 6) D'instituer un conseil interprofessionnel ayant pour rôle de faire des recommandations au gouvernement et à l'office. Ici, je crois qu'il est peut-être bon de mentionner que le

code des professions contient aussi des dispositions nouvelles relativement à l'émission des permis touchant la radiologie, la radiothérapie et ceci en ce qui a trait aux individus couverts par le code et non pas pour ceux qui ne sont pas touchés par le code.

Cet ensemble législatif comprend un projet de loi particulier qui contient les dispositions spéciales ou particulières qui sont applicables à chaque corporation d'usage exclusif. Exemple: définition du champ de pratique qu'il est alors nécessaire de définir, compte tenu du fait qu'il s'agit d'une profession d'usage exclusif; certaines conditions particulières à l'activité des membres de la corporation. Je crois qu'il est nécessaire également de rappeler que le code des professions contient une disposition à l'effet que les projets de loi touchant la constitution de nouvelles corporations professionnelles ou encore des modifications aux corporations professionnelles existantes devront faire l'objet des bills gouvernementaux pour la raison que j'ai mentionnée plus tôt.

En ce qui a trait aux autres corporations professionnelles, il est proposé que ce soit fait par l'émission de lettres patentes.

En même temps, dans cet ensemble de projets de loi, nous proposons la création de cinq nouvelles corporations professionnelles, soit celles des chiropraticiens, des podiatres, des denturologistes, des physiothérapeutes et des auxiliaires en prothèses auditives. Enfin, quant aux règles que le gouvernement suivra au cours de l'étude de ces projets de loi, elles sont relativement simples.

En premier lieu, l'objectif unique de cet ensemble législatif, qui est la protection du public, constitue et devra constituer, à notre avis, le critère à partir duquel le gouvernement entend analyser les représentations qui seront formulées devant cette commission. Ici, à titre d'exemple, en ce qui a trait à la reconnaissance de nouveaux groupements professionnels, les critères énoncés aux articles 21 et 22 du code des professions ont été définis à cette fin, et si je souligne ceci c'est que, justement, ils ont été définis afin qu'il y ait un cadre à partir duquel les représentations qui peuvent être formulées à cet effet pourront être évaluées et, aussi, par opposition, par exemple, à un critère purement scientifique pour juger de l'activité d'une profession.

De la même façon, les diverses règles ou dispositions visant à l'élimination des conflits d'intérêts ou encore des situations susceptibles d'influencer l'activité des professionnels au détriment de la protection du public seront évaluées, étudiées avec ce critère à l'esprit.

En deuxième lieu, l'objectif de l'ouverture des corporations professionnelles et de leur plus grande intégration dans la société nous apparaît comme essentiel, bien que les modalités proposées puissent être modifiées afin d'améliorer cet ensemble législatif.

Enfin, troisièmement, il nous apparaît néces- saire de maintenir dans cet ensemble législatif toute la cohérence possible.

Si je fais ce rappel, tout comme l'a fait M. Fournier, c'est que nous voulons insister sur la différence entre cohérence et uniformisation. Lorsque des conditions ou des situations particulières l'exigent, des dispositions différentes dans les projets de loi peuvent se retrouver.

Toutefois, nous croyons que la nécessité de cohérence dans cet ensemble oblige que des privilèges périmés, ou encore des dispositions qui ne sont pas justifiées, selon le critère de la protection du public, doivent être éliminés.

Alors, c'est dans cet esprit, M. le Président, que nous voulons aborder, quant à nous, l'étude de cet ensemble législatif. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci M. Castonguay. Le député de Montmagny, M. Cloutier.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais faire, à ce stade-ci de nos travaux, un très bref commentaire. J'ai écouté avec grand intérêt les déclarations des deux ministres, celle du Solliciteur général d'abord et celle du ministre des Affaires sociales.

Je ne reviendrai pas sur l'exposé qu'a fait le ministre des Affaires sociales sur les travaux de la commission Castonguay sauf pour rappeler que nous avions cru, dans le temps — je crois que la suite des événements nous a donné raison — qu'il était important de confier, entre autres mandats, à la commission Castonguay d'examiner toute la question des professions. Parce qu'à certaines étapes de l'administration gouvernementale, notamment en 1966 — le ministre a rappelé tantôt les événements et les circonstances qui nous ont fait prendre la dimension des problèmes qui se posaient dans tout ce secteur — nous avions jugé qu'il était important qu'une étude approfondie de tout ce secteur soit entreprise, ce dont s'est acquittée la commission Castonguay. Tout ce travail a conduit au dépôt d'un rapport en 1970.

A l'appui de ce rapport, on retrouve les travaux très poussés et très élaborés qu'a conduits Me Claude-Armand Sheppard. Nous avons en main, maintenant, une étude comprenant une dizaine de volumes.

Il y a d'autres étapes aussi, je pense, qu'il faudrait rappeler. En plus de ces travaux qui ont été faits par la commission Castonguay, il y a aussi d'autres études et d'autres commissions... j'ai ici le texte d'un arrêté en conseil que nous avions adopté en 1968 concernant la formation d'un comité d'étude pour étudier les professions auxiliaires de la santé. Encore là, dans ce secteur, il y avait des problèmes de coordination entre toutes ces différentes professions qui naissaient au fur et à mesure des besoins, sans beaucoup de liens et sans grande coordination entre elles.

A l'occasion de l'étude de certaines lois importantes dans le domaine de la sécurité sociale, notamment les projets de loi no 26, no

69 et, particulièrement l'année dernière, en 1971, le projet de loi no 65, plusieurs organismes, qui sont venus devant la commission, ont traité de ces problèmes qui se posaient dans le domaine des professions.

Maintenant cette commission se réunit pour la première fois, ce matin, pour prendre en considération le très important projet de loi no 250, le code des professions et aussi toutes les lois spécifiques qui viennent s'y greffer.

Je voudrais dire d'abord, non pas pour relancer le ministre des Affaires sociales — qui a lu tantôt certains passages du rapport de la commission Castonguay-Nepveu — qu'il est important, au début de ces travaux, de rappeler aussi la philosophie de base qui a inspiré les travaux de la commission.

Le ministre a lu, dans l'avant-propos, les premiers paragraphes. Mais je pense que, pour le bénéfice des membres de cette commission et du public qui est ici, je devrais citer au texte d'autres propos du rapport de la commission Castonguay-Nepveu.

Alors, je cite, à la page 9 du rapport de la commission, sur les professions de la santé: "Dans les recommandations qui suivent, la commission a été animée avant tout par le souci d'assurer, aussi efficacement que possible, la protection du public sans toutefois abolir ce qui est valable dans les institutions actuelles et de proposer un cadre souple qui permette l'adaptation que requiert la transformation constante de la société.

Elle a voulu conserver la grande partie du système dont le fonctionnement et l'efficacité ont subi l'épreuve du temps dans d'autres juridictions. Dans les réformes qu'elle propose, elle a également cherché à concilier l'intérêt du public avec les avantages incontestables d'une certaine autonomie des professions à l'égard du pouvoir politique.

L'étatisation plus ou moins complète des professions ne lui a pas paru une solution aux problèmes actuels. Elle croit que l'Etat, en tant que mécanisme de gouvernement et de contrôle utilisé par la société, doit exercer un certain rôle directeur, ce qui n'implique pas, toutefois, une intervention directe et continuelle.

Il existe d'autres formules plus souples qui lui ont semblé une solution plus acceptable. Elle a surtout voulu que ses recommandations soient pratiques et réalisables. Avec un peu d'imagination, n'importe lequel théoricien peut élaborer des structures en apparence séduisantes mais, pour être applicables, encore faut-il qu'elles correspondent aux moyens matériels et politiques d'une société, à sa mentalité et à ses aspirations. A son avis, une politique saine et acceptable d'organisation et de réglementation des professions doit avant tout garantir la protection des intérêts du public. Rien n'empêche toutefois, ce principe étant respecté, qu'un certain degré d'autonomie soit accordé aux membres des diverses professions.

A une époque aussi sensibilisée que la nôtre aux besoins de participation des individus à l'administration de leurs institutions et aux dangers de l'aliénation, l'autosuggestion tempérée des professions offre une solution efficace au problème de l'intégration de leurs membres dans la société. Toutes les recommandations qui suivent s'inspirent de cette philosophie pratique.

Voilà, très explicitement donné et livré, ce qui a inspiré la commission Castonguay-Nepveu au cours de ses travaux. Entre, d'une part, ce texte, les intentions qu'a livrées le ministre des Affaires sociales, il y a un instant, qui nous a lui aussi dit quels ont été les principes de base des travaux qui ont inspiré ce projet de loi et, d'autre part, cette législation, il y a à certains endroits, évidemment, des différences assez sensibles. Je pense qu'on ne doit pas se scandaliser. Entre le projet de loi no 65 et les travaux de la commission Castonguay, il y avait aussi des différences sensibles. Mais, au cours des travaux de la commission, les organismes sont venus nous livrer leurs impressions, le résultat de leurs travaux, de leurs recherches et leurs commentaires. Après plusieurs séances, plusieurs heures de discussion avec les organismes qui sont venus faire des échanges devant la commission et les membres qui la composaient, nous avons pu accepter, à l'Assemblée nationale, un projet de loi de beaucoup amélioré par rapport à la première version. J'imagine qu'il en sera de même du projet de loi no 250 et des autres projets de loi. Je ne crois pas, par ce que nous avons entendu dire et par ce que nous avons lu dans les journaux jusqu'à maintenant — certaines corporations professionnelles ont fait état des mémoires qu'elles présenteraient devant la commission — que nous ayons réussi à faire un consensus acceptable sur la législation qui nous est proposée.

Je ne voudrais pas porter, à ce stade-ci, un jugement de valeur sur le code des professions en particulier avant d'avoir entendu les organismes qui viendront devant nous parce qu'ils ont fait des travaux très poussés sur la législation qui est proposée. Si j'en juge par la qualité des mémoires qui ont été portés à notre attention, jusqu'à ce jour, particulièrement les premiers mémoires que les membres de la commission ont reçus, c'est-à-dire ceux que nous étudierons aujourd'hui et demain, je crois que nous pourrons tous profiter largement des travaux de cette commission parlementaire, travaux qui conduiront à l'adoption d'une législation finale.

Quant à l'arrangement législatif, quant à la disposition des chapitres ou des articles de loi qui sont contenus dans la législation, je crois qu'on peut dire dès maintenant, sans porter un jugement de valeur, qu'il y a possibilité pour nos législateurs de faire un bien meilleur arrangement et une bien meilleure disposition du texte législatif que ce qu'ils nous ont proposé.

Et ça, c'est évident, on n'a qu'à relire les deux ou trois premiers mémoires qui nous sont proposés et on l'a abondamment illustré, et de différentes façons.

Je pense que de ce côté-là il y aura lieu — évidemment, nous étions peut-être limités par le temps, il a fallu procéder assez rapidement — de tenir compte de certaines propositions qui sont faites et qui sont parfaitement logiques, de façon à présenter un projet de loi qui soit le plus cohérent possible, et qui soit le plus compréhensible possible, non seulement pour les législateurs qui ont à le discuter, mais aussi pour les corporations professionnelles qui auront à vivre avec lui, et le public en général qui aura à porter un jugement.

Quant aux corporations professionnelles, je l'ai dit il y a un instant, je pense qu'elles ont d'ores et déjà compris l'importance de ces discussions que nous allons tenir, l'importance de cette législation que nous allons adopter et qui les touche directement. Si nous jugeons par la qualité des mémoires qui nous sont présentés, je pense que cet aspect-là a été bien saisi. Mais aussi les corporations professionnelles savent bien qu'elles sont maintenant dans l'éclairage — elles le seront surtout pour un certain temps au cours des travaux de cette commission — du public, et selon leur attitude, selon la présentation de leurs mémoires, leurs travaux, la collaboration qu'elles apporteront à la commission, selon aussi la façon positive dont elles s'acquitteront de cette responsabilité elles aussi, je pense qu'on portera un jugement sur le travail des corporations professionnelles.

De toute façon, nous sommes au tout début de ces séances de la commission. M. le président a énoncé tantôt les différentes règles de pratique. Je ne crois pas, pour ma part, que les nouvelles règles de pratique empêcheront qui que ce soit de s'exprimer abondamment devant cette commission parlementaire. Il est évident que nous ne pourrons pas entendre la lecture complète de chacun des mémoires, parce que, si nous en jugeons par les deux premiers mémoires que nous ont soumis, le Conseil interprofessionnel et le Collège des médecins, il sera préférable d'en entendre un bon résumé.

Mais je pense que surtout au début de nos travaux, les questions seront beaucoup plus abondantes, que au fur et à mesure que nous avancerons dans les auditions de la commission parlementaire, nous n'aurons pas à répéter certaines questions. Mais ce que je voudrais souligner, M. le Président, c'est qu'il m'est apparu dans vos commentaires que, même si vous utilisez les nouvelles règles de pratique de l'Assemblée nationale et des commissions parlementaires, vous voudrez laisser aux organismes qui sont ici et aux membres de la commission parlementaire tout le loisir de s'exprimer sur cette loi importante.

Nous réservons de plus amples commentaires et d'abondantes questions aux organismes et à leurs porte-parole qui viendront devant la commission.

M. LE PRESIDENT: Pour le Ralliement créditiste, c'est le député de Dorchester, M. Guay.

M. GUAY: M. le Président, nous entamons ce matin une étape assez importante de la législation. Cependant, ce qui doit retenir davantage notre attention, c'est sans doute de rendre le plus grand service possible à toute la collectivité, tout en laissant quand même aux corporations professionnelles assez de liberté d'action. Et il ne faut pas oublier tout ce qui a été fait dans le passé.

Deuxième point très important, il s'agit d'abord de la protection du public, de la protection de l'ensemble des citoyens. Qu'on permette à des groupes assez importants, qui peuvent rendre de grands services à la population, de venir s'ajouter aux corporations porfes-sionnelles déjà existantes, vous m'en voyez réjoui. Le code des professions est en quelque sorte une nouvelle définition ou certaines précisions dans chacune des professions dans le domaine de la santé, je puis dire que je suis convaincu à l'avance que le travail de la commission sera objectif. C'est probablement ce qui nous permettra de parfaire autant que possible cette loi du code des professions.

Comme position à prendre, c'est assez facile, comme c'est assez difficile. Nous avons assisté presque à tous les travaux des commissions parlementaires, d'abord à des propos qui ont été tenus par les intéressés, et je pense qu'une fois de plus nous serons en mesure, à la lumière des propos qui seront tenus par différents spécialistes connaissant leurs problèmes, vivant dans ce domaine-là, de nous éclairer davantage. Il nous sera beaucoup plus facile de prendre position et de demander, s'il y a lieu, des changements à certains projets de loi.

Nous comptons sur les mémoires qui sont présentés et sur les propos qui seront tenus pour éclairer les membres de la commission et, selon leur désir, nous pourrons leur accorder...

Dans l'ensemble, toutes les professions, je crois bien, désirent quelques amendements aux différents projets de loi qui les affectent. Nous serons en mesure, je pense bien, seulement à la fin des travaux de cette commission de faire en sorte que ces projets de loi soient les plus parfaits possible. Nous pourrons, en même temps, profiter de la recherche effectuée par chacune des corporations pour parfaire ce projet de loi le plus possible. J'espère aussi que certaines disparités seront corrigées, et je pense à ce moment-là à certaines régions défavorisées.

A la lumière des propos qui seront tenus à la commission, nous serons en mesure de préciser au fur et à mesure notre position. Merci.

M. LE PRESIDENT: Pour le Parti québécois, le chef parlementaire, le député de Bourget, le docteur Laurin.

M. LAURIN: M. le Président, le caractère forcément aride des considérations que nous ont faites ce matin le Solliciteur général et le ministre des Affaires sociales ne doit pas nous cacher l'extrême importance de l'entreprise dont nous amorçons l'étude.

La preuve en est, d'ailleurs, dans les études préliminaires qui ont été faites, études pratiques, d'abord, à la suite des difficultés causées par la progression même des corporations, l'adjonction de nouvelles corporations, des études fouillées d'experts, tels Claude-Armand Sheppard et les membres de la commission, et études fouillées, également, faites déjà par les corporations qui doivent nous présenter des mémoires.

Si ces études sont déjà nombreuses, si l'accord ne semble pas encore fait, c'est que nous assistons à une véritable mutation de notre société, à une nouvelle étape de notre société. Or, le droit des corporations constitue un des chapitres les plus importants du droit public, celui qui régit les relations entre les citoyens et des représentants de la société qui doivent voir à leurs intérêts essentiels.

Il importe donc d'y accorder une extrême attention, d'autant plus, comme l'ont souligné les deux ministres, que l'état actuel de notre droit ne correspond plus du tout au stade où en est rendue notre société, au stade d'organisation actuel de notre société, et ne correspond plus également aux exigences des citoyens. Le ministre nous l'a bien souligné d'ailleurs tout à l'heure lorsqu'il a dit que, lorsqu'il s'est agi d'adopter une loi des infirmières ou de nouvelles lois de corporations, le gouvernement s'est vu dans l'impossibilité d'accéder à ces demandes, puisque ces demandes ne tenaient pas compte du rôle accru et beaucoup plus important de l'Etat dans l'organisation de la vie collective. Probablement aussi que l'Etat ne pouvait pas faire droit à ces recommandations, parce que déjà les protestations, les réclamations des citoyens à l'endroit des corporations lui avaient fait comprendre qu'en tant que représentant des citoyens il devait réviser tout le problème avant de se lancer dans ce qui, autrement, aurait été une nouvelle aventure.

Car l'organisation actuelle de nos corporations est encore trop marquée au coin de l'idéologie libérale, au sens "stuartmillien" du terme, et je dirais même trop marquée au coin de l'idéologie "élitiste" en ce sens que les corporations ont été fondées, par des privilégiés de notre société qui voulaient, bien sûr, rendre service aux citoyens, chacun dans le cadre de leur profession, mais qui le faisaient sans trop y penser, probablement, qui le faisaient en pensant à leurs intérêts professionnels. Une des preuves, c'est que les corporations fixaient le tarif des actes professionnels, en même temps qu'elles régissaient les relations des professionnels avec le public.

Cette idéologie libérale et "élitiste" a conduit à ce qu'on a appelé un certain empirisme organisationnel, en ce sens que les corporations naissaient au fur et à mesure que les besoins d'une société en pleine évolution se manifestaient.

On voyait donc surgir une, deux, trois et plusieurs autres corporations, au fur et à mesure que ces besoins étaient identifiés et que les professionnels, les privilégiés en question, se rendaient compte qu'il fallait combler ces besoins.

Il reste cependant, comme nous l'avons vu, que cet empirisme constituait un facteur d'incohérence et rendait très difficile l'action légitime du public, ainsi que l'action légitime de l'Etat en ce qui concerne la défense ou la protection des intérêts supérieurs de la collectivité. Il fallait donc non seulement changer le cadre juridique des professions, mais, avant de le faire, repenser toute l'idéologie sous-jacente au régime des relations entre ces trois corps importants que sont les professionnels, d'une part, au centre, et, d'autre part, à une extrémité, les citoyens et, à l'autre, l'Etat dont les rôles, les fonctions, les exigences, les impératifs variaient justement énormément.

C'est ce que les divers gouvernements ont compris, confusément ou clairement, et c'est la raison de toutes les études que nous avons eues depuis quelques années. Nous sommes maintenant à pied d'oeuvre. Ces études préliminaires étant terminées, le gouvernement nous présente aujourd'hui un projet de législation. Pour notre part, nous avons applaudi aux travaux de la commission Castonguay-Nepveu sur les professions. Nous avons applaudi au rapport qui a été présenté. Nous avons réagi d'une façon favorable à un grand nombre de ses recommandations, de la même façon que nous sommes d'accord sur un très grand nombre des propositions incluses dans le code des professions et dans les diverses lois particulières.

Nous sommes d'avis que l'Etat doit jouer un rôle de plus en plus important dans l'édiction de normes et de règlements qui doivent régir l'ensemble des professions. Je dis bien l'ensemble des professions. Il ne nous semble pas qu'aucune profession actuellement ait des raisons suffisantes de se soustraire non pas à cette férule de l'Etat, mais à cette responsabilité de l'Etat qui doit examiner, justement, d'une façon générale, l'ensemble des rapports des citoyens, de l'Etat et des professions. Nous sommes également d'accord sur le fait que les corporations devraient avoir pour unique fonction la protection du bien public, la protection du public et non plus la défense des intérêts professionnels socio-économiques de ses membres.

C'est là une évolution qui est déjà commencée, dont certaines professions ont déjà concrétisé dans leurs structures les impératifs. Nous sommes d'avis que cette évolution devrait continuer et que le présent code des professions et les lois que nous étudierons faciliteront, favoriseront, accéléreront ce processus et nous nous en félicitons. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées, disait déjà le fabuliste. Il nous semble, en effet, que si les corporations ont pour unique fonction de protéger le public, le public et l'Etat seront certains que cet objectif sera beaucoup mieux atteint que si s'y

ajoute la défense des intérêts professionnels qui peut facilement, théoriquement du moins, mettre en conflit les membres de ces corporations qui, parfois, peuvent être appelés à choisir entre leurs intérêts professionnels et les intérêts de la collectivité qu'ils sont censés défendre au premier chef.

Nous sommes également d'accord que l'Office des professions joue un rôle extrêmement important à côté du gouvernement central et qu'il décharge le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil, de certaines des fonctions qui peuvent facilement devenir très onéreuses lorsque nous constatons la prolifération des professions et le dynamisme des corporations professionnelles. Si nous voulons nous débarasser de l'idéologie libérale et "élitiste", si nous voulons créer et incarner une nouvelle idéologie qui règle d'une façon plus adéquate, plus accordée aux réalités contemporaines les rapports du citoyen, de l'Etat et des corporations, il faut quand même prendre bien garde que le pendule ne se rende pas trop loin dans l'autre extrémité de l'idéologie libérale pure.

Il ne faut pas passer à l'idéologie technocratique où l'Etat exerce un contrôle par trop tâtillon, omniprésent sur les activités de mandataires de professionnels qui sont au fond ces mandataires et qui ont conscience de leurs responsabilités, de leurs devoirs à l'endroit de la collectivité.

Voilà les quelques remarques que je voulais faire au début de ces séances pour bien marquer l'esprit dans lequel nous écouterons les diverses professions. Nous reconnaissons, nous aussi, que les mémoires que nous avons eu l'occasion de lire sont très bien préparés, fouillés, documentés et, surtout, marqués au coin de la conscience professionnelle à l'endroit du rôle traditionnel des professions, bien sûr, mais aussi à l'endroit de la collectivité.

C'est déjà d'un très bon augure que de remarquer que nos professionnels sont dynamiques, socialement orientés, consentent au changement qui est en train de s'inscrire dans nos moeurs aussi bien que dans nos structures. Il faudra donc les écouter avec beaucoup d'attention lorsqu'ils viendront nous soumettre leurs propositions.

Un dernier point sur lequel nous sommes également d'accord, c'est que le public doit connaître de plus en plus ce qui se passe dans les corporations; il doit être informé de leurs activités et, surtout, il doit participer à leur gestion. Cette participation du public contribuera grandement, je crois, à combler le fossé qui s'est malheureusement creusé au cours des années précédentes entre la collectivité et les corporations. Peut-être verrons-nous se rapprocher des groupes qui n'auraient jamais dû s'éloigner étant donné que la raison d'être même des corporations est — comme le ministre l'a souligné — un service unique, essentiel que seuls les professionnels peuvent rendre.

Si nous pouvons éliminer le malaise qui a existé jusqu'ici, si nous pouvons assurer une bonne qualité de services, si nous pouvons assurer la compétence des professionnels au vu et au su du public qui participe aux délibérations des corporations, je pense que nous aurons fait beaucoup pour la paix sociale.

Donc, en conclusion, nous sommes d'accord sur les principes essentiels qui sous-tendent ce projet de loi; nous sommes d'accord pour un rôle plus précis et accru de l'Etat; nous sommes d'accord pour une participation plus grande du public. Il nous reste maintenant à préciser, dans les détails, les relations qui devront s'instituer entre ces corporations et les citoyens, d'une part, entre ces corporations et l'Etat, d'autre part. Nous n'avons pas d'idée préconçue, mais nous examinerons avec beaucoup de sérieux et de gravité tous les mémoires qui nous seront présentés car nous savons qu'au terme de cet examen, notre société québécoise en sera changée pour le mieux ou pour le pire.

M. LE PRESIDENT: Merci. Maintenant, nous passerons à la présentation du premier mémoire du Conseil interprofessionnel du Québec. Le mémoire devait être présenté par le Dr Auguste Roy, président de ce conseil. Le Dr Roy est retenu chez lui pour des raisons de maladie dans sa famille. Le mémoire sera présenté par le vice-président du conseil, M. Henri Labelle, ingénieur professionnel. M. Labelle.

Conseil interprofessionnel du Québec

M. LABELLE: M. le Président, messieurs les députés, je veux vous transmettre les excuses du Dr Roy qui n'a pas pu assister aujourd'hui à la réunion. Le Dr Roy est le président du Conseil interprofessionnel du Québec. Je veux aussi vous présenter la délégation du Conseil inter-professionnnel du Québec qui est composé de Mme Suzanne Blais-Grenier, déléguée de la Corporation des travailleurs socio-professionnels, elle est aussi secrétaire du Conseil interprofessionnel du Québec; de moi-même qui suis vice-président du Conseil interprofessionnel du Québec, Henri Labelle. Je veux faire une correction. Je suis membre de l'Association des architectes de la province de Québec. Nous sommes assistés de Me Claude-Armand Shep-pard qui n'est pas le délégué du Barreau mais bien le conseiller juridique du Conseil interprofessionnel du Québec,

D'abord, je veux m'excuser du contretemps causé par la distribution tardive d'un nouveau résumé de notre mémoire qui a été livré ce matin et qui a déjà commencé à être distribué. Il s'était malheureusement glissé quelques erreurs dans notre résumé, à cause des délais très courts qui nous ont été imposés par la commission parlementaire pour étudier sérieusement un bill si important.

Il n'y avait que quelques erreurs de référence, quelques ambiguïtés, quelques fautes de

transcription et nous avons préféré, pour éviter toute ambiguïté future, présenter un résumé révisé plutôt que d'apporter des corrections au résumé déjà déposé.

J'espère que tout le monde a en main la copie du résumé révisé, qui est celui-ci. Il est d'ailleurs marqué texte révisé.

Le Conseil interprofessionnel du Québec a été fondé en 1965. Son but est de représenter l'ensemble des corporations et de parler au nom des corporations professionnelles. La position du Conseil interprofessionnel, face au bill 250 et tel qu'exprimé dans notre mémoire, représente un consensus des 22 corporations membres.

Ce qui n'empêche pas — et c'est très important — les corporations, individuellement, d'être dissidentes sur des points donnés. Cependant, chaque opinion et chaque demande contenues dans notre mémoire représentent l'opinion majoritaire des corporations et très souvent représentent une opinion unanime.

Le travail de préparation du mémoire et du résumé a été fait très sérieusement. Toutes les corporations ont participé à des séances d'étude, les articles ont été étudiés un à un. Je veux souligner l'importance du travail que nous avons effectué et le fait que ce travail représente, comme je l'ai mentionné tantôt, un consensus des corporations. A un tel point que certaines corporations ne présenteront pas de mémoire additionnel.

Nous pensons que cette façon de procéder épargnera du travail et du temps à ceux qui sont chargés d'étudier le bill 250.

Je n'ai pas l'intention, comme M. Cloutier l'a demandé, de lire le mémoire, ni le résumé du mémoire, mais j'aimerais faire une exception et vous lire l'introduction du résumé qui comporte une page et demie.

Le Conseil interprofessionnel du Québec réunit 22 corporations professionnelles qui regroupent près de 50,000 membres. Le Conseil interprofessionnel salue l'effort du gouvernement d'uniformiser la législation professionnelle. Il rappelle que depuis longtemps la plupart des corporations professionnelles ont volontairement assumé de lourdes tâches réglementaires et disciplinaires dans l'intérêt public et il serait périlleux de balayer des institutions qui ont bien fonctionné dans le seul but de satisfaire les exigences d'un organigramme doctrinal.

Toute réforme du droit professionnel doit conserver les nombreux éléments valables des structures existantes tout en comblant les lacunes qui découlent d'ailleurs plus souvent des carences législatives que des défaillances des corporations professionnelles.

Le conseil interprofessionnel souligne que l'une des traditions les plus précieuses de l'organisation professionnelle au Québec a été l'indépendance des corporations à l'égard du pouvoir, autonomie qui est la seule garantie de la qualité et de l'objectivité des services rendus. C'est au nom de l'intérêt public que les corporations se sont ainsi faites les gardiennes jalouses du secret professionnel.

Les corporations professionnelles sont conscientes de leur devoir de rendre compte à la société. Mais l'appareil étatique prévu dans le code des professions risque d'entraîner la surveillance de la vie privée des citoyens plutôt que les activités des corporations.

C'est pour cela que toutes les recommandations du conseil interprofessionnel sont inspirées par le désir de minimiser toute ingérence bureaucratique tout en acceptant la surveillance la plus totale à condition qu'elle respecte le secret professionnel. C'est pour cela, par exemple, que l'une des recommandations principales est d'attribuer à l'Office des professions, dont l'indépendance serait renforcée, de nombreux pouvoirs que le gouvernement voulait se réserver.

Nous avons aussi chercher à humaniser les dispositions du code. En conséquence, les corporations sont d'accord sur les principes du bill 250, sur les buts visés et sur les objectifs. Le mémoire en fait état clairement.

Nous croyons cependant que les objectifs du gouvernement dans son souci d'améliorer la structure des corporations professionnelles seraient mieux atteints en changeant certaines des modalités prévues au bill 250. Ainsi, les corporations sont sympathiques au souci d'uniformisation de la législation relative aux professions. Elles sont favorables à la surveillance de l'Etat; elles acceptent la représentation du public à leur conseil d'administration; elles acceptent que leurs règlements soient soumis au lieutenant-gouverneur en conseil; elles acceptent des représentants du public ou de l'Etat dans certaines de leurs fonctions et elles acceptent l'uniformisation de la procédure disciplinaire.

Cependant, elles veulent conserver une certaine autonomie dans l'administration de leurs affaires. Cette autonomie est garante de l'indépendance des professionnels à l'égard du pouvoir au plus grand profit des citoyens. Elles sont favorables, en un mot, à l'autogestion tempérée qui est l'une des principales recommandations contenues dans le rapport qu'on a appelé Castonguay-Nepveu.

La principale innovation du bill 250 est sans doute la création de l'Office des professions. Là encore, le conseil interprofessionnel est parfaitement d'accord. En fait, le conseil interprofessionnel veut augmenter les responsabilités et le rôle qui est confié à l'office ou que le gouvernement veut confier à l'office. Nous voulons qu'il assume complètement le rôle de surveillance des professions; que l'Etat lui confie cette surveillance plutôt que de l'assumer lui-même.

Pour ce faire, nous demandons que l'Office des professions soient renforcé en nombre et que ses pouvoirs soient accrus. Nous demandons qu'il soit composé de cinq à sept membres plutôt que de trois tel que prévu dans le bill 250.

Nous demandons que son président soit nommé par l'Assemblée nationale, plutôt que par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Nous pensons que son rôle est semblable à

celui du Protecteur du citoyen. C'est pour cette raison que nous demandons une procédure de nomination semblable. Tout comme le Protecteur du citoyen, il est essentiel que le président de l'office ne soit pas partisan d'un parti politique.

Nous demandons que l'Office des professions fasse son rapport annuel à l'Assemblée nationale.

Nous demandons que l'office surveille et voie à ce que les corporations s'acquittent correctement de leurs devoirs et de leurs responsabilités.

Nous demandons que ce soit l'office qui nomme les représentants du public aux conseils d'administration des corporations.

De façon générale, nous demandons aussi que l'office ait une plus grande latitude que celle prévue au bill 250 actuellement.

Nous demandons que l'office puisse permettre que les corporations adoptent différentes modalités pour atteindre des mêmes fins.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a de grandes disparités entre les corporations. Pour ne citer que les deux extrêmes, il y a la Corporation des ingénieurs qui comporte au-delà de 14,000 membres et celle des urbanistes qui en comporte environ 120, c'est-à-dire que la plus petite est 1 p.c. de la plus grosse.

Nous pensons qu'il n'est peut-être pas pratique que toutes les corporations soient obligées d'employer des méthodes de travail qui seraient uniformes à tout point de vue.

Donc, nous croyons que l'office devrait avoir une certaine latitude pour accepter des procédures ou des méthodes de travail différentes, pourvu que chacune permette d'atteindre, de façon pratique, les objectifs visés.

Ceci est pour l'Office des professions. Je demanderais à Mme Grenier ou à Me Sheppard s'ils ont quelque chose à ajouter. Me Sheppard.

M. SHEPPARD: Disons que j'aimerais expliquer les raisons pour lesquelles le Conseil interprofessionnel suggère que les représentants du public soient nommés par l'Office des professions plutôt que par le gouvernement. C'est justement pour essayer d'éviter des nominations partisanes ou de gens qui ne sont pas des plus compétents, en l'occurence. La philosophie générale du Conseil interprofessionnel a été d'ouvrir les portes, le plus grand possible, à l'inspection du public, à la surveillance des organismes auxquels le public fait confiance.

Mais, comme, très souvent, la confidentialité des dossiers et la protection de la vie privée des citoyens peuvent être en jeu, nous croyons qu'il serait préférable, dans l'optique toujours de concilier la protection du public avec la surveillance des activités professionnelles, de déléguer à l'Office des professions, qui est une émanation de l'Etat, des fonctions qui autrement pourraient relever de certaines personnalités politiques. Comme il s'agit d'un code général et que, présumément, il va durer longtemps, c'est une mesure de prudence toujours inspirée par le souci de protéger le public.

M. LABELLE: Le secret professionnel. Les corporations veulent que le bill 250 contienne des dispositions beaucoup plus précises et beaucoup plus sévères concernant le secret professionnel et demandent que soient incorporées au bill des sanctions sévères pour la violation du secret professionnel.

Ainsi, celui qui violerait le secret professionnel serait sujet non seulement à la discipline de sa corporation mais aussi à des sanctions pénales. Nous demandons de plus que l'obligation du secret professionnel s'applique aussi aux personnes qui travaillent pour les professionnels et non pas simplement aux professionnels eux-mêmes.

M. SHEPPARD: Au sujet du secret professionnel, nous avons été frappés par le fait que ce qui est après tout peut-être un des éléments les plus importants de la protection du public soit presque passé sous silence dans le bill 250. Nous le soulignons à plusieurs titres parce que M. Labelle a fait état du secret et de sa protection au sein de l'office, au sein des différentes instances semi-officielles ou auxquelles des représentants d'Etat peuvent participer. Bien entendu, là, dans l'exercice de leurs fonctions, ces représentants de l'Etat peuvent être appelés à examiner des dossiers. Il ne faut pas oublier qu'en cours de route il y a l'intérêt du client, du malade ou de la personne à qui ce dossier appartient.

Le secret professionnel n'est pas le secret du professionnel. C'est le secret de la personne qui nous consulte. Nous avons constaté que le serment d'office, la protection qui est assurée au niveau, disons, bureaucratique, au niveau officiel, est très insuffisant.

Nous reviendrons sur un deuxième niveau, au sujet de la protection du secret professionnel, en général, lorsqu'il s'agit de professions pour lesquelles c'est un élément indispensable de l'exercice. Je ferais une distinction, par exemple, entre la nécessité du secret professionnel dans une profession médicale ou paramédicale et celle des décorateurs ensembliers, où c'est certainement moins vital. Nous croyons qu'on ne s'est pas assez soucié de protéger les citoyens contre des transgressions ou contre l'obligation de dévoiler le secret devant des tribunaux ou des régies gouvernementales. A ces deux niveaux, nous sommes frappés par une lacune qui préoccupe énormément les citoyens. On le voit constamment dans les discussions, dans les journaux. Il y a eu un incident récemment à Montréal. Cela revient constamment.

Nous insistons donc beaucoup sur cet aspect en soulignant en même temps que ce ne sont pas les professionnels qui bénéficient du secret mais bien le public. Cela ne touche le professionnel ni dans un sens, ni dans l'autre.

M. LABELLE: Sur la même question, à l'annexe III du bill 250, on peut lire le texte du serment d'office. On mentionne qu'une personne est relevée de ce serment si elle y est dûment autorisée. Nous croyons que cette disposition n'est pas suffisante. Nous voulons que ce soit un tribunal qui soit l'organisme qui puisse autoriser une personne ou, évidemment, le client lui-même impliqué.

Le bill 250 prévoit la formation ou la création du Conseil interprofessionnel du Québec. Nous voulons souligner ici que le Conseil interprofessionnel du Québec existe déjà depuis six ou sept ans et que la loi devrait peut-être prévoir tout au plus la reconnaissance de l'existence du Conseil interprofessionnel.

Le bill prévoit que le Conseil interprofessionnel est composé de délégués ou de présidents de corporations, alors qu'actuellement le Conseil interprofessionnel est composé des corporations elles-mêmes qui sont représentées par des délégués. Nous pensons que la formule actuelle est plus adéquate, c'est-à-dire que le conseil soit composé des corporations plutôt que de membres de corporations.

Nous ne voyons pas la nécessité non plus de mentionner — comme il est fait dans le bill 250 — que ce soient généralement les présidents des corporations qui soient au Conseil interprofessionnel. Que les corporations aient la liberté de déléguer les personnes qu'elles voudront.

Nous demandons que le Conseil interprofessionnel ait le droit d'intervenir dans des débats judiciaires ou quasi judiciaires.

Sur la question de la cotisation, nous demandons que la cotisation des corporations au Conseil interprofessionnel ne soit pas directement proportionnelle au nombre de membres des corporations. Nous avons imaginé, il y a quelques années, une formule que l'on décrit comme "formule de dégression logarithmique" qui semble très satisfaisante et qui nous semble beaucoup plus raisonnable. En fait, elle prévoit que plus une corporation comporte de membres, plus sa cotisation totale est grande, mais d'autre part plus sa cotisation per capita est petite. Pour donner un exemple, les ingénieurs, qui comportent 14,000 membres, versent une contribution d'environ $0.10 par personne au Conseil interprofessionnel, alors qu'au bas de l'échelle la Corporation des urbanistes, par exemple, verse peut-être $1 par membre.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire remarquer que les vingt minutes sont passées, mais je suis certain qu'avec le consentement de la commission nous pouvons prolonger.

DES VOIX: Adopté.

M. LABELLE: Merci bien, messieurs.

Nous demandons que le Conseil interprofessionnel soit tenu de faire son rapport à l'Assemblée nationale, plutôt qu'au lieutenant-gouverneur en conseil ou au ministre.

M. SHEPPARD: Une remarque que j'aimerais apporter — et qui, d'ailleurs, s'applique également à une fonction que nous voudrions recommander pour les corporations individuellement — c'est le droit d'intervenir dans des débats judiciaires. Il arrive de plus en plus fréquemment qu'à l'occasion d'une affaire civile ou pénale des questions d'intérêt général soient soulevées, des questions de secret professionnel ou autres, dont les parties ne se préoccupent pas parce que ça ne les touche pas, mais l'intérêt public peut être en jeu.

On peut avoir une situation, comme récemment à Montréal, où un mandat de perquisition a été accordé pour faire opérer un suspect afin de retirer une balle qui se serait logée dans son coeur. Si jamais cela avait été autorisé, un médecin aurait été forcé de commettre un acte contraire à la déontologie professionnelle. Et à l'heure actuelle il n'y a aucun mécanisme qui prévoit l'intervention d'un organisme quelconque pour contester ou pour faire valoir le point de vue du public.

Nous recommandons donc que, dans toute question d'ordre professionnel général, que ce soit ça ou autre chose, soit le CIQ, soit des corporations puissent intervenir. Cela ne les oblige pas à intervenir, mais ça leur permet de se joindre au débat, selon une procédure qu'on connaît bien aux Etats-Unis, où toutes sortes d'organismes peuvent intervenir comme amici curiae, amis du tribunal, pour faire valoir un point de vue.

Cela nous semble très important, parce qu'il y a une lacune qui a été illustrée à deux ou trois reprises dans les douze derniers mois et les exemples se multiplient.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, pas de question.

M. LABELLE: Le conseil interprofessionnel est d'accord sur les critères qui sont prévus dans le bill 250, pour la formation des corporations. Le bill cependant fait peu de différence entre les obligations confiées à une corporation qui n'a que l'exclusivité du titre et celles qui ont l'exclusivité du titre et de la pratique.

Dans le cas des corporations qui ont seulement l'exclusivité du titre, il est difficile de voir comment elles pourront s'acquitter complètement des obligations qui leur sont confiées par le bill 250.

MME BLAIS-GRENIER: Peut-être qu'on croit généralement, je pense que c'a été un peu l'opinion des membres du Conseil interprofessionnel, que, là où il y a lieu d'avoir une corporation de professionnels, on devrait avoir une corporation qui préserve le titre et la pratique. Autrement un corps pourrait être constitué par lettres patentes et ne pas être soumis aux dispositions contenues dans le code des professions. Certaines des obligations qui sont imposées dans le code des professions

nous apparaissent difficiles à réaliser, s'il n'y a pas une protection de la pratique et une obligation des membres de faire partie d'une corporation professionnelle.

Par exemple, tout l'aspect de déontologie, évidemment, peut être rejeté facilement par les membres qui sont régis par une corporation qui ne protège que le titre. Si la déontologie est trop lourde à porter, le membre a seulement à ne plus faire partie de sa corporation, à ne plus utiliser de titre, à continuer de rendre des services au public, à prendre un titre similaire et ça crée énormément d'ambiguïté au niveau de la population.

M. LABELLE: L'article 41 du bill 250 consacre le principe de la non-discrimination dans l'octroi des permis. On dit qu'ils ne peuvent être refusés pour des raisons de race, de couleur, de sexe, de religion ou d'origine sociale, nous aimerions ajouter aussi dans cette liste qu'ils ne peuvent être refusés non plus pour des questions d'ascendance nationale ou de convictions politiques ou idéologiques.

Le bill 250 exige la citoyenneté canadienne, pour un certain groupe de professions, dont les avocats, les notaires, les arpenteurs, ce sur quoi nous sommes d'accord. Cependant il exige aussi la citoyenneté canadienne pour d'autres professionnels qui sont les chiropraticiens, les podia-tres, les physiothérapeutes et nous demandons pourquoi ceux-là plutôt que d'autres.

En fait nous suggérons que cette exigence de citoyenneté canadienne ne soit conservée que pour les professions ministérielles, avocats, notaires et arpenteurs. Le bill 250, encore une fois, prévoit l'interdiction d'exercice pour des motifs de santé.

Nous demandons que cette interdiction s'applique seulement dans le cas d'un professionnel admis dans un centre hospitalier en cure fermée et qu'elle ne s'applique pas automatiquement à un professionnel qui serait admis dans une institution hospitalière en cure libre. C'est une précision que l'on demande.

Le bill 250 prévoit aussi que des professionnels ne peuvent refuser de rendre des services à des personnes pour des questions d'âge ou de sexe. Il est bien évident que, dans certains cas, par exemple chez les médecins, il y a des médecins qui sont spécialisés et qui ne rendent des services qu'à des enfants ou qu'à des femmes, par exemple. Cette liberté devrait leur être laissée.

M. SHEPPARD: Une recommandation que nous répétons à plusieurs endroits et dont, je pense, un ou deux orateurs ont fait état, c'est la nécessité de réorganiser les dispositions du projet afin de le rendre plus maniable. Il y a des dispositions qui se trouvent à l'endroit où elles se trouvent maintenant en vertu d'une certaine logique qui n'est peut-être pas celle de l'utilisateur. L'impression générale qui s'est dégagée du projet, pour tous ceux qui l'ont lu ou qui l'ont étudié, c'est qu'il est assez confus dans sa présentation, pas nécessairement dans son texte, et qu'il y aurait lieu de le clarifier. Les détails de notre suggestion apparaissent dans le mémoire et il serait peut être oiseux d'entrer là-dedans. Cela nous semble important parce qu'en outre des législateurs, des juristes et des professionnels qui vont utiliser le code, il y a le grand public.

Il ne faudrait pas le forcer à avoir recours aux avocats pour comprendre le code des professions.

M. LABELLE: A propos de l'administration des corporations professionnelles, il nous semble qu'il y a une ambiguïté dans le bill 250 sur le nombre de membres du conseil ou bureau d'administration des corporations. A certaines occasions, on implique qu'il y a huit membres pour une corporation de 500 membres ou moins, mais ailleurs, on fait allusion à une personne de plus. Il y a certainement ambiguïté entre certains articles du code et ce point serait à clarifier.

Le Conseil interprofessionnel, à propos des conseils d'administration, demande que ce soit l'office qui nomme des représentants du public aux conseils d'administration. Le mémoire du Conseil interprofessionnel ne fait aucune allusion au fait que ces représentants du public seraient ou ne seraient pas des professionnels. Le conseil, en d'autres mots, accepte que ce ne soient pas des professionnels qui soient délégués par l'Office des professions comme membres du conseil d'administration des corporations. Le bill 250 prévoit une procédure très stricte pour le découpage du territoire de la province de Québec en territoires, pour fins de représentation des membres au bureau d'administration.

Certaines des corporations ont déjà fait un tel découpage, le système qu'elles ont adopté est satisfaisant. Nous croyons que les corporations devraient avoir la liberté de suggérer ou de prendre l'initiative de suggérer un tel découpage ou de conserver un tel découpage, le tout sujet à l'approbation de l'Office des professions plutôt que d'exiger un découpage de territoire uniforme pour toutes les corporations.

Le bill 250 prévoit un nombre de huit ou neuf administrateurs pour les corporations de 500membres au moins, et le nombre d'administrateurs double quand le nombre des membres de la corporation dépasse 500, c'est-à-dire que si le nombre des membres passe de 499 à 501 membres, le nombre d'administrateurs double par le fait même. Si par hasard, le contraire se présentait, si le nombre de membres baissait de 501 à 499, encore une fois, il faudrait réduire de moitié le nombre d'administrateurs.

Nous demandons qu'une formule plus flexible soit trouvée, peut-être laissée à l'initiative de la corporation elle-même sujette à l'approbation de l'Office des professions.

Quant à la procédure de votation pour l'élection des membres au conseil d'administra-

tion des professions et aussi pour l'élection du président de la corporation, nous demandons que cette procédure soit aussi laissée à l'initiative des corporations, toujours sujette à l'approbation de l'Office des professions.

Le bill 250 demande que chaque corporation crée un fonds d'indemnisation. Le but du fonds d'indemnisation n'est pas précisé dans le bill 250. Nous croyons qu'il devrait l'être. Nous croyons que ce fonds d'indemnisation ne devrait s'appliquer ou exister que pour indemniser des clients qui auraient confié des sommes d'argent à des professionnels. Ce ne sont pas tous les membres des corporations qui se voient confier des sommes d'argent par les clients.

Nous nous demandons s'il y a vraiment nécessité d'avoir un fonds d'indemnisation requis dans chaque corporation.

M. SHEPPARD: Au sujet du fonds d'indemnisation, nous en avons discuté très longuement et la question a été étudiée, je pense, très soigneusement par toutes les corporations.

L'idée, en général, est excellente et ça fait partie des obligations des corporations de protéger le public contre des abus commis par certains de leurs membres. Comme l'a dit M. Labelle, il est évident que des professions manipulent plus ou moins régulièrement des fonds ou des valeurs; les avocats, les notaires, les comptables, entre autres, ont déjà constitué de tels fonds.

Mais, pour de nombreuses autres professions, ce serait vraiment leur imposer des obligations financières inutiles, une bureaucratie interne supplémentaire et inutile, alors que le code impose déjà aux professionnels toutes sortes de nouvelles obligations assez onéreuses. Vous verrez plus tard que les professionnels revendiquent non seulement la nomination de certains fonctionnaires que le gouvernement aurait nommés, mais acceptent de payer ces fonctionnaires, alors que le législateur nous offrait bénévolement que ce soit le gouvernement qui le fasse.

Deuxièmement, il y a une certaine confusion involontaire, nous croyons, mais possible dans la fonction du fonds d'indemnisation. Nous croyons qu'on a voulu créer un fonds qui protégerait le public contre des défalcations, contre des vols et non pas constituer des polices d'assurance en général contre la négligence professionnelle. Il y a des compagnies d'assurance qui sont là pour ça. Nous voudrions que la loi précise clairement de quoi il en retourne, parce que nous ne voyons pas pourquoi on astreindrait les professionnels à assurer collectivement le public contre une erreur possible, même une négligence possible. Cela devrait être indiqué plus clairement.

Troisièmement, pour combler la lacune possible entre les professions qui manipulent normalement des fonds et qui auraient un fonds d'indemnisation et celles qui n'en auraient pas, l'Office des professions pourrait toujours intervenir pour imposer à une profession, dont la nature ou l'évolution de la pratique serait telle que ça deviendrait nécessaire, l'obligation de constituer un fonds. Mais obliger toutes les corporations, par exemple les urbanistes, à avoir un fonds d'indemnisation ou les infirmières ou les décorateurs ensembliers, pour revenir à notre souffre-douleur, ce serait peut-être un peu injuste.

C'est dans cet esprit que cette recommandation est faite.

M. LABELLE: Finalement, je vais ajouter que le projet de loi prévoit des pouvoirs de réglementation très précis et peut-être, par le fait même, très limitatifs pour toutes les corporations professionnelles. Nous aimerions qu'il soit prévu une disposition générale qui donnerait aux corporations le droit d'adopter les mesures nécessaires pour atteindre les fins de la corporation.

Le code prévoit aussi un comité administratif seulement pour les très grandes corporations et nous demandons que les petites corporations aussi aient la faculté ou la liberté de créer un bureau administratif si elles le désirent, toujours sujet à l'approbation de l'Office des professions.

A propos du comité d'inspection professionnelle, certaines corporations effectuent déjà ce travail, ont des structures et des méthodes de travail efficaces, bien rodées, qui existent depuis longtemps et qui ont été améliorées. Nous pensons qu'il n'est peut-être pas nécessaire que le code précise dans tous les détails quelle procédure sera suivie, et que cette procédure soit uniforme pour toutes les corporations. De façon générale, nous demandons que le comité d'inspection professionnelle soit composé de trois membres qui soient nommés par le bureau de la corporation et que l'Office des professions puisse déléguer une personne additionnelle comme observateur auprès du comité d'inspection professionnelle. Nous demandons que le comité puisse se subdiviser et que, à l'occasion, l'inspection puisse se faire par moins de trois personnes.

Nous demandons, de plus, que le comité d'inspection professionnelle ne soit pas l'organisme désigné ou un des organismes désignés pour porter une plainte s'il y a lieu. Nous demandons, en fait, qu'il n'ait pas le droit de porter plainte mais qu'il ait simplement le droit de souligner une infraction soit au syndic ou à la personne qui est désignée plus tard pour officiellement porter plainte dans le cas d'infraction, de façon que ce soit toujours le même groupe ou la même personne qui porte plainte.

Si vous permettez, ce ne sera pas très long, peut-être qu'une dizaine de minutes nous permettraient de finir.

M. LE PRESIDENT: Nous avons environ sept minutes avant de suspendre pour le déjeuner. Est-ce possible de finir avant?

M. LABELLE: Oui, je pense. Sur la question

de discipline, encore une fois, nous demandons plus de flexibilité. Nous revenons souvent à la charge sur ce point. Je pense que souvent les bureaux peuvent inventer des procédures efficaces et, une fois qu'elles démontrent ou qu'elles auront démontré à l'Office des professions que les procédures sont efficaces, l'Office des professions devrait avoir une certaine liberté de leur permettre de les employer.

Nous demandons, par exemple, la possibilité qu'il y ait plusieurs comités ou un comité divisé en sous-comités pour entendre et examiner les plaintes.

Nous demandons que le comité de discipline soit composé de trois membres désignés par le bureau et qui sont, évidemment, membres de la corporation, et qu'une quatrième personne soit adjointe à ce comité qui serait président du comité. Elle serait un juge ou un avocat. Sur cette question-là, malheureusement, il s'est encore glissé une erreur, même dans notre résumé. Je vous demanderais de bien vouloir la corriger. Cela se trouve à la page 17, au haut de la page tout à fait, la recommandation 5. Elle devrait se lire: Le président sera nommé par l'Office des professions et le secrétaire par le bureau de la corporation.

En résumé, les trois membres du comité qui sont membres de la corporation seraient nommés par le bureau et celui qui préside le comité, soit un juge ou un avocat, serait désigné par l'office.

M. SHEPPARD: Une innovation que nous recommandons au sujet de la discipline, c'est qu'en s'inspirant un peu de ce qui se passe dans d'autres juridictions, la fonction du juriste, qu'il soit avocat ou juge, qui préside soit de décider des questions de droit, de donner au jury des conseils de droit professionnel sur des questions de droit ou d'interprétation mais que la question de fait soit décidée par les pairs du professionnel, c'est-à-dire y a-t-il eu ou non négligence professionnelle ou y a-t-il eu entorse à la déontologie?

On distinguerait donc entre une fonction de président s'occupant de questions juridiques et une question de fait qui serait, en somme, décidée par un jury. Parce que, même si les juristes prétendent avoir la science infuse, il y a des questions professionnelles où ils peuvent très difficilement avoir la même compétence que les pairs, en somme, du professionnel inculpé.

M. LABELLE: Sur la question de discipline, encore une fois, le bill prévoit que ce sont seulement des syndics qui pourraient porter plainte. Nous demandons qu'il puisse s'agir de syndics ou d'officiers nommés, par exemple, par les bureaux des corporations plutôt que nécessairement des syndics.

Actuellement, il y a certaines corporations professionnelles qui prévoient que c'est, par exemple, le directeur administratif de la corporation qui porte plainte. Nous demandons que les officiers, le cas échéant, ou les syndics soient nommés par les bureaux et qu'ils soient payés par les corporations.

Les syndics ne seraient pas nécessairement membres des corporations.

Nous demandons aussi que la loi prévoie la possibilité qu'un syndic puisse agir pour plusieurs corporations à la fois. Les petites corporations, par exemple, pourraient se grouper et nommer un syndic qui agirait pour trois ou quatre corporations.

Nous demandons une prescription de dix ans afin d'éviter qu'un professionnel soit obligé de répondre pour un acte qu'il aurait effectué quinze ans plus tôt.

Sur le tribunal d'appel, qui est composé, d'après le texte de la loi, de trois juges, actuellement, nommés, je pense, par le lieutenant-gouverneur en conseil, nous demandons que ces juges du tribunal d'appel soient nommés par le juge en chef de la cour Provinciale et que ce tribunal d'appel, composé des trois juges, ait aussi une représentation de membres de la corporation.

Nous demandons d'adjoindre à ce comité deux assesseurs, puisque le tribunal d'appel peut se prononcer non seulement sur des questions de droit, mais aussi sur des questions de fond.

A l'article 169 du bill 250, on trouve la liste de tous les pouvoirs qui sont réservés au lieutenant-gouverneur en conseil. Nous croyons que le lieutenant-gouverneur en conseil devrait se réserver simplement les activités décrites aux paragraphes d), e), f) et g), et laisser à l'Office des professions la responsabilité des tâches décrites aux paragraphes a), b) et c).

Finalement, à la page 21 du texte révisé du résumé, il s'est glissé encore une erreur, nous nous en excusons. Quand il s'agissait de donner des permis de radiologie à certains membres des professions, il était convenu que le Conseil interprofessionnel demandait que les chimistes soient aussi inclus dans cette liste. Il y aurait les médecins, dentistes, médecins vétérinaires et chimistes. Il y aurait lieu de corriger le texte en conséquence.

Les dispositions pénales. Le bill 250 prévoit des amendes, pour violation de la loi, de $200 à $2,000. Nous croyons que dans certains cas ces amendes sont nettement insuffisantes.

Je vous lis l'article ou la recommandation 1 de la page 22, qui dit: "Le montant maximum de l'amende n'est pas assez élevé en cas de récidives répétées, surtout lorsque l'infraction est commise par une corporation". Je pense qu'on ne veut pas dire corporation professionnelle, ici, mais évidemment, pour une grosse compagnie qui violerait le code des professions, une amende de $2,000, c'est peut-être beaucoup trop bas.

Nous demandons que l'emprisonnement soit prévu aussi en cas de défaut de payer l'amende. Nous demandons que les tribunaux aient le pouvoir d'imposer des injonctions pénales pour

empêcher la récidive répétée et les poursuites pénales, finalement, devraient être prescrites par cinq ans.

Le Conseil interprofessionnel demande que le gouvernement profite de la loi pour permettre l'exercice des activités professionnelles par des compagnies, ce que nous avons demandé il y a déjà trois ou quatre ans au gouvernement, mais il n'y a eu aucune suite de donnée. Je pense que le Barreau avait déjà demandé ça aussi il y a quatre ou cinq ans. Nous profitons de l'occasion pour demander au gouvernement que cette possibilité soit inscrite au projet de loi, non seulement des corporations composées de membres d'une seule corporation, mais aussi des corporations multidisciplinaires.

M. SHEPPARD: Une remarque à ce sujet importe, parce que nous ne demandons pas le droit de pratiquer sous forme de corporation pour échapper à la responsabilité personnelle ou à la responsabilité déontologique; au contraire. Tout professionnel qui pratiquerait sous forme de corporation, d'après notre projet, demeurerait assujetti à la responsabilité personnelle à l'égard du public qu'il sert et à l'égard de sa corporation professionnelle.

Mais il y a de nombreuses raisons fiscales et d'administration interne qui militent en faveur de ce droit. Quand un associé se retire ou quand il y a un changement dans les structures internes, à l'heure actuelle, il faut, chaque fois, procéder à des modifications fiscales et administratives très coûteuses et absolument inutiles.

Deuxièmement, nous ne voyons pas pourquoi, toujours sous les mêmes réserves et en vue de la même protection du public, des professions connexes ne pourraient pas pratiquer ensemble. Par exemple, ce qui arrive fréquemment, les notaires, les avocats et les comptables travaillent souvent ensemble et ils devraient pouvoir former des cabinets multidisciplinaires. Les architectes, les urbanistes et les ingénieurs travaillent très souvent ensemble et la tendance est de plus en plus — je l'ai remarqué dans les gros projets de construction — d'exiger la formation d'une équipe. C'est-à-dire qu'on n'engage pas uniquement un architecte, uniquement un ingénieur. On prend une équipe entière. Ce serait réfléter ce dont tous les orateurs ont parlé, la réalité d'une société en évolution, de permettre quelque chose d'utile. Il n'y a pas une seule raison qui milite contre cette réforme. C'est donc le motif de ces recommandations qui forment le chapitre 12.

M. LABELLE: Finalement, nous soumettons que la loi devrait reconnaître le droit des professionnels de se syndiquer.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Labelle. La commission suspend ses travaux jusqu'à deux heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

Reprise de la séance à 14 h 35

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs

Nous en sommes à la période des questions en rapport avec le Conseil interprofessionnel du Québec. Je veux avertir l'assistance que la commission va ajourner à 4 h 30 parce que le Salon rouge est réservé par un autre groupe depuis longtemps. Nous allons donc siéger jusqu'à 4 h 30. J'espère que nous allons vider les questions en rapport avec ce groupement. La première question est sur l'aspect général. M. Fournier.

Discussion générale

M. FOURNIER: M. Labelle, relativement à votre organisme lui-même, le Conseil interprofessionnel, je comprends que vous voulez avoir certaines modifications de base, à savoir que, plutôt d'être composé des présidents ou des représentants de chacune des corporations, vous voudriez que ce soient les corporations elles-mêmes qui soient membres du Conseil interprofessionnel. Est-ce bien cela?

M. LABELLE: C'est bien ça, M. Fournier.

M. FOURNIER: Est-ce que...

M. LABELLE: C'est la formule actuelle.

M. FOURNIER: Est-ce que cette formule ne crée pas certains changements majeurs par rapport à ce qui est proposé dans le bill 250, à savoir que ce sont des individus qui se groupent et dont le but est de conseiller sur des questions générales? Je comprends que dans votre mémoire vous ne demandez pas d'ajouter aux devoirs ou aux pouvoirs du conseil lui-même, à l'exception de se présenter devant des organismes judiciaires ou quasi judiciaires. Je comprends qu'il n'y a aucune demande dans votre mémoire pour ajouter aux pouvoirs. Ce Conseil interprofessionnel demeurant un conseil consultatif ou une tribune quelconque commune à toutes les professions, est-ce que vous ne craignez pas que, si ce sont les corporations elles-mêmes qui sont membres, cela devienne une fédération des différents corps professionnels et une tribune générale de toutes les corporations plutôt que d'être une tribune de consultation de certains individus représentant les corporations?

M. LABELLE: De la façon que vous posez la question, il est exact que nous voulons que, lorsque le Conseil interprofessionnel parle, il soit la voix des corporations plutôt que la voix de certains représentants ou d'un représentant par corporation.

A toutes fins pratiques, ce seront quand même les mêmes personnes qui siégeront, qui se

réuniront et qui discuteront des questions pour arriver à des consensus pour des prises de position; elles ne le feront pas personnellement, mais elles devront exprimer l'opinion de leur corporation plutôt que leur opinion personnelle.

Mme Blais-Grenier voudrait ajouter quelque chose.

MME BLAIS-GRENIER : Je voudrais peut-être ajouter que, pour nous, le Conseil interprofessionnel groupe toutes les corporations, et chaque corporation évidemment élit son représentant, ce qui forme le bureau du Conseil interprofessionnel. Il nous semble que c'est normal que le Conseil interprofessionnel représente les corporations puisque ce sont les corporations évaluées selon leur nombre de membres qui subventionnent cet organisme.

M. FOURNIER: Justement relativement à ce que vous mentionnez et ce qui a été mentionné par M. Labelle, vous voudriez que l'organisme soit une fédération des différentes corporations professionnelles. Alors, lorsque cet organisme parlera, eh bien, il parlera au nom de toutes les corporations professionnelles. Ce matin, au début de vos remarques, vous nous avez dit que l'opinion des différentes corporations membres, des vingt-deux corporations membres de votre organisme n'était pas toujours favorable à l'une ou l'autre des dispositions de votre mémoire.

En conséquence, ne serait-il pas mieux de continuer suivant le bill 250 et dire que chacune des corporations délègue certains individus qui vont participer à un ensemble pour arriver à des opinions sur l'ensemble des corporations plutôt que de lier ces personnes à des décisions des corporations elles-mêmes et qui, souvent, ne sont pas unanimes et bien souvent ne le seront pas.

M. LABELLE: Ecoutez, les deux façons me semblent possibles et, comme je l'ai mentionné tantôt, ce seront quand même des individus qui se réuniront. Mais, on voulait que, lorsque l'individu parle, il sente bien qu'il doit exprimer l'opinion de sa corporation et non son opinion personnelle.

Maintenant, j'admets que c'est un peu moins souple et qu'il est plus difficile de faire un consensus. D'ailleurs, on en a vécu l'expérience. Je pense qu'une fois le consensus obtenu, la position ou la déclaration est d'autant plus forte ou plus sérieuse.

M. FOURNIER: En fait, M. Labelle, comment en êtes-vous arrivé à votre mémoire? Est-ce que les corporations ont été appelées à juger du mémoire ou sont-ce les individus qui étaient représentants des corporations?

M. LABELLE: Nous avons eu, au moins, trois séances d'étude, à deux semaines d'intervalle, peut-être, chacune. Chaque délégué des corporations pouvait retourner à sa corporation entre les séances d'étude et nous apporter le point de vue de sa corporation. Effectivement, il est arrivé des cas où la personne qui votait disait: Moi, je ne suis pas d'accord sur telle chose, mais ma corporation est d'accord et j'exprime le vote au nom de ma corporation.

M. FOURNIER: Relativement à l'office, vous demandez que cet office soit composé de cinq ou sept personnes, plutôt que de trois personnes, prétendant que, si les modifications que vous demandez dans votre mémoire ajoutent aux devoirs de l'office, la charge deviendra plus onéreuse et que cela prendra plus de monde. Est-ce que cela veut dire que vous voudriez subdiviser le groupe et que l'office ne travaillerait pas dans son ensemble continuellement? Je ne vois pas qu'au point de vue du nombre trois ou cinq personnes puissent abattre plus d'ouvrage à moins que vous ne subdivisiez le groupe en comités ou en groupements. C'est la seule raison qui ressort de votre mémoire; étant donné l'augmentation du travail, augmentons le nombre de membres de l'office. Est-ce qu'il y a d'autres arguments que je n'ai pas vus?

M. PAUL: Quelle est la justification de cette recommandation de cinq ou de sept membres, plutôt que trois?

M. LABELLE: D'abord, nous demandons que la majorité des membres soient nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil à même une liste de candidats qui serait soumise par chacune des corporations. D nous semble qu'on peut composer un meilleur office avec au moins cinq personnes qu'avec trois personnes. Ce que vous dites, M. Fournier, est évident; ce n'est pas le nombre de personnes qui va faire qu'un office comme ça sera capable d'abattre plus de travail. C'est sûr que trois personnes peuvent faire autant de travail que cinq ou sept, mais nous pensons qu'il y a possibilité d'avoir une meilleure représentation de tous les points de vue avec au moins cinq personnes, si possible sept, qu'avec seulement trois personnes.

M. FOURNIER: Sur une question générale, dans votre mémoire, à plusieurs articles, vous demandez que ce soit l'office qui fasse les nominations, soit le comité d'inspection, le syndic, etc. Si l'office est constitué de trois personnes dont le mandat est de dix ans, c'est donc un mandat semi-permanent. L'argument quant aux nominations par l'office, dites-vous, est ceci: C'est l'ingérence politique, et je n'y vois pas d'autres arguments.

D'un autre côté, si ces personnes-là sont censées représenter le public en général, est-ce que vous avez d'autres arguments à faire valoir relativement à leur nomination par le lieutenant-gouverneur en conseil étant donné que sa composition peut varier suivant les années, tandis que l'autre organisme a une semi-permanence?

Est-ce que vous saisissez? C'est qu'ayant le choix entre deux organismes, le lieutenant-gouverneur en conseil ou le gouvernement dont les membres ne sont pas nécessairement permanents, étant donné que ces nominations-là seront toutes faites dans le but de donner une représentation au public au sein des corporations, est-ce que vous avez d'autres arguments voulant que ce devrait être l'office qui fasse ces nominations, connaissant sa semi-permanence de dix ans?

Le seul argument, pour le moment, c'est l'ingérence politique. Si vous vous référez à votre mémoire, à la page 86, il est dit que: "Les représentants extérieurs devraient être nommés par l'office plutôt que par le gouvernement. Cela éviterait toute ingérence politique dans l'administration de corporations autonomes et contribuerait également à assurer la compétence et la qualité de ces personnes." Quant à la question de compétence et la qualité, je comprends que cela a été retranché parce que cela n'apparaît pas dans le résumé lui-même. H ne reste que l'ingérence politique dans l'administration de corporations autonomes.

M. LABELLE: L'office, tel que nous le voyons, est un organisme que nous n'espérons pas du tout politisé alors que le lieutenant-gouverneur en conseil, il me semble, est un organisme politique. Alors nous pensons que, si l'office nomme les délégués, cela pourrait être différent.

M. FOURNIER: Le fait que cet organisme serait semi-permanent, n'est-ce pas une façon de contrebalancer? Est-ce que le fait de la permanence ne peut pas, à un moment donné, éloigner de l'opinion publique?

M. LABELLE: Vous voulez dire l'office, qui est un organisme semi-permanent, parce qu'on recommande la durée des mandats de cinq ans plutôt que de dix ans? Non, cela ne nous a pas paru un danger.

M. PAUL: Quels seraient les avantages que vous voyez à avoir un terme d'office de cinq ans plutôt que de dix ans? Ne convenez-vous pas qu'au début il y aura un certain rodage des règles d'interprétation, de mise sur pied de tout cet organisme? Avez-vous pensé à toutes ces implications pour recommander un mandat de cinq ans plutôt que de dix ans?

M. SHEPPARD: Si je peux faire état des discussions qu'il y a eues — parce que, naturellement, nous essayons de présenter le point de vue de toutes les corporations — nous croyons que le mandat de dix ans avait été prévu afin d'assurer une indépendance éventuelle à l'office, c'est-à-dire que les gens seraient nommés pour assez longtemps afin de ne pas être assujettis à des pressions politiques. Mais quand nous avons conclu qu'il fallait augmenter de façon très considérable les pouvoirs de l'office, c'est-à-dire en faire un organisme bien plus dynamique et plus important que prévu dans le projet, nous avons été influencés par les facteurs suivants:

Premièrement, il est important que les membres de l'office demeurent assez près des réalités des professions et reflètent, en quelques sorte, l'évolution sociale. Il y a toujours un risque quand des gens sont nommés à des postes pour trop longtemps. Il y a un divorce.

Deuxièmement, nous avons proposé, comme vous l'avez constaté, que la majorité des membres de l'office soient choisis à même une liste de candidats proposés par chacune des corporations.

Donc le gouvernement, à supposer qu'il y ait 25 ou 30 corporations professionnelles, aurait une liste de 30 candidats, chaque corporation en proposant un, et devrait prendre les trois candidats sur cette liste. Cela donnerait vraiment un pouvoir trop étendu à certaines corporations parce qu'on aurait proposé M. Untel qui, automatiquement, serait là pour dix ans. C'est dans le but de permettre à l'office d'être changé s'il le fallait ou de mieux refléter l'évolution de la société qu'on a prévu ça. En somme, on renouvelle bien le mandat des hommes politiques, pourquoi pas celui des membres de l'office? Mais rien n'empêche naturellement que ces personnes-là soient proposées à nouveau.

Il est évident que, si les membres de l'office ont bien rempli leur mandat, tout le monde aura intérêt à ce qu'ils s'en acquittent à nouveau.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chauveau.

M. HARVEY (Chauveau): Le Conseil interprofessionnel représente une vingtaine d'organismes — 22, je pense — est-ce que vous reconnaissez également des organismes qui déjà ont obtenu une reconnaissance professionnelle du gouvernement, sans aucune exception? Par exemple la reconnaissance professionnelle des C.A. comparativement aux C.G.A. qui ont eux aussi une certaine accréditation du gouvernement provincial et à qui, semble-t-il, votre Conseil interprofessionnel fait la sourde oreille? Je pense qu'à ce moment-là vous parlez d'un groupe plutôt que d'un autre, ou que d'un ensemble.

M. LABELLE: Dans notre constitution nous avons des normes pour l'acceptation de nouveaux membres. Effectivement quand le Conseil interprofessionnel a été fondé, en 1965, il ne groupait qu'une quinzaine de corporations — si je me souviens bien — d'autres sont venues s'y ajouter par la suite.

Chaque fois que nous avons reçu des demandes d'admission au Conseil interprofessionnel, elles ont été étudiées pour savoir si elles

répondaient aux critères qui étaient inclus dans notre charte. Certaines ont été acceptées, certaines ont été refusées.

Je dois dire que récemment les comptables généraux licenciés ont fait une demande, mais le Conseil interprofessionnel n'a pas pris position de façon absolue sur cette question, justement parce que les corporations et la législation concernant les corporations professionnelles étaient remises en question.

On a préféré attendre les développements concernant l'adoption du bill 250, ou l'adoption éventuelle du bill 250 avant de changer quoi que ce soit dans le nombre de membres du Conseil interprofessionnel. Mais il est sûr que, lorsque le bill 250 sera adopté, si les comptables licenciés généraux sont mentionnés au bill, ils pourront en devenir membres. En fait, ils le seront obligatoirement d'après le texte de loi, parce qu'actuellement c'est facultatif. Ce sera éventuellement obligatoire.

M. HARVEY (Chauveau): Vous voulez dire qu'actuellement ils feront cavaliers seuls dans leur défense de structuration dans le bill 250, d'une part, et, d'autre part, que s'ils pouvaient réussir à se faire inscrire dans le bill, vous seriez prêt à les accepter?

M.LABELLE: C'est ça.

M. HARVEY (Chauveau): Ils ne sont pas reconnus de la corporation. Je ne parle pas là...

M. SHEPPARD: II y a un détail technique. C'est qu'une fois le code des professions adopté toute corporation qui a été constituée comme telle par le législateur est automatiquement membre du CIQ. A l'heure actuelle, le CIQ est un organisme facultatif qui ne représente que les corporations qui en font partie ou qui veulent en faire partie et qui répondent à ses critères. Dans le projet tel qu'il est prévu, toute corporation professionnelle en ferait partie. Obligatoirement, donc, le CIQ acquerrait une nature un peu différente. Mais il n'appartient pas au CIQ de prendre position sur qui devra en faire partie ou ne devra pas en faire partie, une fois que le gouvernement ou l'Assemblée nationale possède le pouvoir d'adopter des lois.

M. HARVEY (Chauveau): Vous admettrez avec moi que c'est discriminatoire.

M. LE PRESIDENT: Pas de commentaires, des questions. M. Pournier.

M. HARVEY (Chauveau): Merci, M. le Président.

M. FOURNIER: II me reste quelques autres questions, M. Labelle. Relativement au président de l'office, vous demandez qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale. Vous mentionnez, comme exemple, le Protecteur du citoyen. Je comprends que l'Assemblée nationa- le nomme un vérificateur ou un "auditeur" de même que le Protecteur du citoyen, à cause des fonctions particulières qui généralement ont trait à des rapports annuels qui sont présentés et qui généralement consistent à dire au gouvernement qu'il a mal agi dans certains domaines ou qu'il n'a pas fait la comptabilité qu'il devait faire.

Avez-vous des raisons particulières ou d'autres exemples de personnes qui seraient nommées par les parlements pour présider des offices de ce genre, en dehors de ces deux-là?

M. SHEFFARD: Peut-être pas au Québec mais, comme disait un juge anglais: Every president happened for the first time once.

M. FOURNIER: Sur une question particulière, je comprends que vous parliez de discrétion, de secret professionnel, etc. Quant au bureau des corporations, vous demandez que les administrateurs publics nommés soient sujets à un serment ou quelque chose comme cela. Pourriez-vous élaborer cet énoncé, étant donné que le bureau est généralement l'organisme administratif de la corporation, qu'il décide de lui-même de sa régie interne et de ce qui doit être divulgué, etc. Est-ce qu'il y a des raisons particulières qui militeraient en faveur de forcer à la discrétion totale les administrateurs des corporations ou du moins ceux qui sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil?

M. SHEPPARD: La raison essentielle et primordiale, c'est que le secret professionnel appartient au client, au malade. Il est évident qu'en cours de route le bureau d'une corporation peut être amené à étudier des dossiers qui mettent en cause le caractère confidentiel d'un dossier qu'un professionnel a eu en main.

Ce n'est pas la protection du secret par rapport au professionnel concerné qui doit nous intéresser mais le fait que la personne qui, peut-être tout à fait à son insu, fait l'objet d'une étude de son dossier puisse être assurée que ce dossier ne sera pas trahi par le biais d'un canal administratif quelconque. Prenons un cas théorique. Le bureau étudie le dossier d'un professionnel mêlé à un trafic de stupéfiants. En cours de route, on examine certains dossiers, un rapport interne est préparé et, soudainement, on découvre dans un journal ou dans un rapport quelconque le nom de deux ou trois personnes qui ont consulté ce professionnel, même de façon très innocente.

C'est dans ce sens-là que nous demandons que tout le personnel administratif des corporations soit obligé de respecter le secret du client, du malade.

M. FOURNIER: Dans votre mémoire, vous semblez donner une importance particulière à ce point en demandant que le serment de discrétion soit exigé des membres, des administrateurs publics nommés au bureau, de façon générale, pour tout ce qui se discute au bureau

de direction, alors qu'en grande partie, il s'agit d'administration et non pas de dossiers à caractère confidentiel, sauf dans certains cas exceptionnels.

M. SHEPPARD: Si c'est l'impression que donne le mémoire, ce n'est pas du tout ce que le conseil voulait protéger. Ce n'est pas le secret des délibérations ou le secret de ce qui se passe au sein du bureau, c'est le secret du dossier d'un malade ou d'un client. Il n'est pas du tout question d'empêcher les membres du bureau de dire ce qui s'est passé au sein du conseil ou du bureau.

M. FOURNIER: Relativement à une des recommandations qui a trait à la condition physique ou psychique des professionnels, vous demandez que les dispositions des articles 47 à 52 fassent partie du code de déontologie de chacune des corporations professionnelles. Ne croyez-vous pas qu'il faut que ce soit dans le code lui-même et que ces dispositions ayant trait à la santé aient un caractère général, s'appliquant à toutes les corporations professionnelles? Si vous laissez cela à la discrétion de chacune, dans son code de déontologie, vous n'aurez pas de dispositions semblables touchant toutes les personnes qui seraient affectées d'une quelconque déficience physique ou psychique.

M. SHEPPARD: On en a discuté très abondamment aussi. Je regrette que le Dr Roy n'y soit pas. La raison de cette suggestion était que les maladies qui peuvent empêcher ou affecter l'exercice d'une profession varient de profession en profession. Prenons le cas d'un chirurgien qui est affecté d'un tremblement à la suite d'une maladie de Parkinson; il est évident qu'il ne devrait pas pouvoir exercer sa profession. Mais l'avocat, le notaire ou le comptable peut continuer à pratiquer sa profession. Il y a des troubles psychiques qui sont plus graves dans certaines professions que dans d'autres. Comme c'est un domaine, où il y a une telle relativité et une telle subjectivité et qu'on oblige un professionnel à dénoncer un collègue qui souffrirait de cette maladie, donc à porter un jugement de valeur au départ et puis à le dénoncer, on a cru que cela devrait relever de la déontologie particulière de chaque profession. N'oubliez pas que l'Office des professions peut toujours intervenir pour, en somme, imposer à une corporation, qui fait défaut d'adopter des règles de déontologie requises, de le faire. Ce n'est donc pas une lacune qu'on ne peut pas combler. Je pense que vous reconnaîtrez avec nous qu'il est très difficile d'établir une règle générale s'appliquant à chaque profession. Il y a même des professions où peu de troubles psychiques peut être un atout. Je ne nommerai pas lesquelles.

UNE VOIX: Pas les politiciens!

M. FOURNIER: Dans un utre domaine, relativement au tribunal d'appel des questions de discipline nous avons l'impression, en lisant le mémoire et certains commentaires qui ont été faits, que ce tribunal sera composé au fur et à mesure que les cas seront appelés. Est-ce que cela ressort du texte? Le tribunal d'appel, suivant la rédaction, veut certainement dire certains juges de la cour Provinciale qui sont désignés pour étudier les causes découlant de la discipline du code des professions. Ce sont des nominations qui vont avoir un caractère semi-permanent. Ce seront des juges de la cour Supérieure qui seront nommés pour entendre cette section des causes et ce ne seront pas des nominations au fur et à mesure. Comme vous le mentionnez vous voulez que ce soit le juge en chef qui les nomme. Est-ce que c'est l'impression que vous avez en lisant le texte du bill 250 relativement à ce tribunal d'appel?

M. SHEPPARD: Ce que le Conseil interprofessionnel a envisagé dans ses propres recommandations, c'est un peu ce qui se passe à la cour Supérieure à l'heure actuelle. Tous les juges de la cour Supérieure peuvent siéger en matière criminelle, mais, en fait, il y en a certains qui sont plus ou moins spécialisés; c'est le juge en chef qui désigne... On retrouve en général les mêmes juges en cour d'Assises. Donc, il y a une spécialisation de facto.

Deuxièmement, nous ne savons pas combien d'appels il y aura et jusqu'à quel point une permanence sera requise et s'il faudra immobiliser trois, cinq ou six juges uniquement pour entendre les appels professionnels. Ensuite, comme nous avons recommandé qu'il y ait des assesseurs, donc deux professionnels, qui aident ce tribunal d'appel.

Il peut y avoir un intérêt à ce que ça varie, mais c'est très flexible; le juge en chef pourrait très bien désigner trois juges qui ne feraient que ça.

M. FOURNIER: Si le but de la loi était de nommer deux ou trois substituts, dont un président, trois juges à un tribunal spécialisé et, lorsque les causes arrivent, c'est ce tribunal qui les entend, est-ce que ça réglerait le problème, la demande que vous faites que la nomination soit faite par le juge en chef plutôt que par le lieutenant-gouverneur en conseil?

M. SHEPPARD: L'inquiétude des professions n'était pas relative à la permanence ou la non-permanence du tribunal, mais à la nomination. Il y a des juges qui peuvent plaire au pouvoir plus que d'autres ou vice versa. Il faudrait éviter même le soupçon d'être agréé, disons, par le pouvoir. Je pense qu'il n'y a pas d'autre exemple, dans notre droit, de juges qui sont désignés par le gouvernement pour entendre des causes. Des juges sont nommés pour présider des commissions d'enquête mais je ne connais pas d'autre exemple de choix des juges par le pouvoir, dans notre système, ici au Canada. C'est un peu ça qui nous inquiétait. On

ne veut pas choisir les juges puisqu'on s'en défère strictement au juge en chef mais on croit que ça pourrait placer certains juges dans une position assez odieuse; pourquoi sont-ils choisis, eux, par le gouvernement et non pas leurs collègues qui partagent le bureau voisin?

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Le mémoire étant clair et bien à point, j'aurai simplement quelques questions à vous adresser; je les prends dans l'ordre où elles se présentent dans le mémoire complet et non pas dans l'un ou l'autre des résumés.

En premier lieu, vous parlez à la page 40 du rapport du Conseil interprofessionnel qui doit être présenté au ministre responsable de l'application du code et qui par la suite doit être soumis à l'Assemblée nationale. Au sujet de l'article 19, c'est l'objet de ma question, vous dites: "Le conseil étant un organisme représentatif uniquement des corporations professionnelles et dont l'indépendance est importante, il nous semble préférable qu'il ne soit pas tenu de faire rapport au ministre mais le fasse directement à l'Assemblée nationale". Si nous lisons l'article 19, on dit que le Conseil interprofessionnel fait, chaque année, au ministre un rapport de ses activités et, dans le deuxième alinéa, le rapport est déposé par le ministre devant l'Assemblée nationale. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit chargé de l'application de la loi, du code et, normalement, dans toutes ces questions de dépôt d'un rapport à l'Assemblée nationale, c'est le ministre responsable qui dépose. Alors, je ne vois pas — et c'est l'objet de ma question — quelles sont les dispositions touchant cette question qui, à votre avis, peuvent mettre l'indépendance du conseil en cause, par le fait que l'on demande qu'un rapport soit acheminé à l'Assemblée nationale, par le truchement du ministre chargé de l'application de cette loi.

M. SHEPPARD: Là encore, je pense que, si je me fais l'interprète des discussions que j'ai entendues, nous étions 22 corporations, c'était plutôt une question de principe. Il est évident que ce n'est pas le fait de déposer un document aux mains du ministre qui peut, en soi, affecter l'indépendance d'un organisme. Mais c'était le principe que le Conseil interprofessionnel, tout de même, est le représentant des corporations professionnelles; d'après les principes mêmes énoncés dans le projet, l'indépendance, le caractère confidentiel, l'autonomie d'une profession est un des critères qui justifient se reconnaissance en corporation. Nous avons cru que non seulement il faut l'indépendance en fait mais, pour procéder par analogie avec la justice, il faut l'apparence d'indépendance. Si nous sommes vraiment indépendants, nous pourrons peut-être priver le ministre de la tâche, pas trop ardue, de déposer ce que nous pouvons déposer nous-mêmes directement à l'Assemblée.

M. CASTONGUAY: Comment le feriez-vous? Viendriez-vous à l'Assemblée directement? Il y a, je comprends, la question de principe, mais il y a la question très pratique: II faut que quelqu'un le dépose devant l'Assemblée et, à ma connaissance, il n'y a que les ministres chargés de l'application des lois qui peuvent le faire. C'est purement et simplement l'objet de cet article.

M. SHEPPARD: Est-ce que le Protecteur du citoyen ne dépose pas son rapport directement à l'Assemblée nationale?

M. CASTONGUAY: C'est le président de la Chambre qui le dépose, dans le cas du protecteur.

M. SHEPPARD: Je dirais que c'est une question de modalité. Si cela pose un problème administratif, la position du CIQ ne dépendra pas de l'adresse où on déposera le rapport.

M. CASTONGUAY: C'est une question purement de principe, mais vous n'y voyez pas d'autres modalités, relativement à cette question, qui peuvent mettre en cause l'indépendance de l'office?

M. SHEPPARD: Non.

M. CASTONGUAY: Bon! Deuxième des questions: à la page 41 de votre mémoire, vous concluez qu'il y a deux formes de corporations à titre réservé. Après avoir dit qu'il y a des corporations d'usage exclusif, qui vont être formées en vertu de lois particulières et, dans l'avenir, on dit dans le code que les corporations d'usage exclusif ou de champ de pratique exclusif devront être formées par de telles lois. Il est prévu dans le code — et c'était l'intention — qu'un certain nombre de corporations soient formées, celles à titre réservé et que, pour les autres qui pourraient être formées dans l'avenir, au lieu de revenir par une loi, ce soit fait par l'émission de lettres patentes après décision du gouvernement.

Ma question est — parce qu'il me semble qu'il y a là une certaine ambiguïté ou peut-être un malentendu: Quelles sont les dispositions ou comment en arrivez-vous à la conclusion qu'il y a deux formes de corporations à titre réservé, étant donné que la procédure qui est décrite ici est simplement pour ouvrir une porte ou d'écrire la procédure pour la formation de nouvelles professions ou soit pour celles à titre réservé comme celles de champ de pratique exclusif?

M. SHEPPARD: Là encore, nous sommes un peu dans le domaine de la technique législative. Connaissant la nature humaine, le conseil a

estimé qu'il y aurait manifestement deux sortes de corporations, peut-être pas dans les faits mais par la nature de leur acte de baptême, si je puis dire. Il y en aurait qui auraient une loi, avec tout le prestige qui s'attache à une loi, ou qui seraient sous l'empire du code directement, donc il y aurait un baptême solonnel, et il y en aurait qui seraient un peu moins bien baptisées et qui n'auraient que des lettres patentes.

Comme l'un des buts de toute cette réforme a été d'essayer de supprimer toutes ces questions de prestige et ces pèlerinages et ces démarches pour rehausser socialement le statut de certaines professions, il nous a semblé préférable qu'on n'ait qu'un seul système. D'autant plus que ça ramène sur le tapis une autre question, c'est que nous avons signalé une lacune dans le code: on ne prévoit pas de moyen de protéger le public contre l'abus de titres qui ne sont pas l'apanage d'une corporation professionnelle. Il y a — j'en ai discuté tout à l'heure privément avec certaines personnes — des situations où l'intérêt du public exige qu'on empêche les gens de se servir d'un titre à moins d'avoir un permis. On a cité l'exemple des chauffeurs qui doivent avoir un permis pour exercer leur métier. Le législateur, dans la rédaction du code, ne prévoit que deux possibilités: vous avez tous les critères d'une corporation professionnelle et vous avez également tout l'appareil assez lourd et coûteux d'une corporation, ou rien du tout. Il n'y a pas de situation intermédiaire.

Peut-être que l'arrêté ministériel ou les lettres patentes seraient la situation intermédiaire pour protéger. Prenons un exemple concret qui me vient à l'esprit, vous pouvez avoir des bibliothécaires ou des interprètes ou des traducteurs qui, vraiment, n'exigent pas une corporation professionnelle pour exercer leur profession mais dont le titre peut-être devrait être protégé pour que le public sache que seules les personnes ayant une certaine compétence peuvent exercer ces professions.

C'est dans l'esprit d'éviter des querelles de statut entre corporations que nous avons recommandé cette uniformité. Mais c'est une question technique.

M. CASTONGUAY: Merci. Pour les membres de la commission, au moment où ils le jugeront approprié, je pourrai peut-être donner des indications additionnelles — si cela vous apparaît utile — sur cette question particulière parce qu'elle va se poser forcément au cours de nos travaux.

M. PAUL: C'est peut-être aussi bien que vous le fassiez tout de suite, au début de nos séances, pour que nous soyons renseignés et pour que les auditeurs qui sont intéressés par la présentation d'autres mémoires puissent être informés immédiatement. Je crois qu'il y aurait avantage à le faire maintenant.

M. LE PRESIDENT: Avec le consentement de la commission...

M. FOURNIER: D'accord.

M. CASTONGUAY: Le point, en fait, que je voudrais faire ressortir est le suivant: il y a certains groupes professionnels qui, présentement, ne peuvent exercer leur activité professionnelle au Québec que s'ils sont détenteurs d'un permis d'exercice. Ce permis d'exercice leur est délivré non pas par une corporation professionnelle mais par un ministère ou un organisme gouvernemental. Je pense, par exemple, aux agents d'assurance, aux courtiers en valeurs mobilières, etc. Cette procédure qui est utilisée ne doit pas être ignorée dans nos discussions parce que nous avons là une troisième catégorie. La raison pour laquelle nous n'avons pas touché, dans le code des professions et dans les lois particulières, cette troisième catégorie, c'est qu'elle devra faire l'objet d'études particulières pour voir jusqu'à quel point ce principe ou ce mécanisme peut être étendu à d'autres groupes. Ici, nous n'avons voulu garder que les corporations professionnelles à champ exclusif ou à titre réservé.

Mais, dans le cas des corporations à titre réservé, il y a des obligations qui doivent accompagner ce privilège d'avoir un titre réservé, même s'il n'y a pas nécessairement un champ de pratique exclusif. Il m'apparaft extrêmement important de le souligner. C'est que, pour la protection de la population, même si le champ n'est pas exclusif, pour une personne qui fait partie d'une corporation professionnelle à titre réservé, le fait de faire partie de cette corporation doit être une garantie de compétence pour la population ou le public qui peut utiliser ses services. C'est tout aussi important que dans le cas d'une corporation où le champ de pratique est réservé exclusivement.

Nous allons voir — c'est la dernière remarque, je ne voudrais pas prolonger sur ce plan — que dans certains cas une difficulté immense se présente, c'est celle de délimiter un champ de pratique. Est-ce qu'il est possible, dans certains cas, de réserver un champ de pratique à un groupe professionnel? Dans certains cas, nous allons, j'en suis à peu près convaincu, arriver à la conclusion que c'est non. Mais la protection du public peut exiger que certaines personnes puissent prendre un titre et que ce titre soit réservé uniquement aux membres de cette corporation. Si le public veut être bien protégé, il sait qu'en s'adressant à un des membres de cette corporation, il a là des garanties de protection.

Il y a donc un aspect, à cet ensemble que nous présentons, qui n'apparaît pas dans le code des professions, qui n'apparaît pas dans les lois particulières, mais qui ne doit pas être ignoré. C'est cet autre mécanisme qui existe. C'était ce point-là surtout que je voulais faire ressortir, et les obligations qui doivent être, à notre avis,

imposées aux corporations professionnelles à titre réservé.

M. LE PRESIDENT: Merci. Avez-vous d'autres questions?

M. CASTONGUAY: Bien, la question suivante porte justement sur ce point-là. A la page 45, le conseil recommande justement que la Corporation des conseillers d'orientation, la Corporation des psychologues et la Corporation des travailleurs sociaux conservent leurs lois particulières actuelles et que ces lois soient amendées, et surtout qu'elles soient classées parmi les professions d'exercice exclusif. Nous avons là, je crois, trois professions où, entre autres, à travers les autres questions qui peuvent se poser pour déterminer si ce devraient être des corporations à usage exclusif, nous avons là une difficulté extrêmement sérieuse, je crois, de délimiter le champ de pratique.

Ma question est la suivante: Avez-vous tenté, comme conseil, de définir des champs de pratique pour ces trois groupes qui feraient en sorte qu'un champ de pratique étant assigné à chacun des trois groupes, on n'empêche pas toute une autre foule d'activités très valables dans la société ou dans les services qui sont rendus à la population de s'exercer de façon compétente par d'autres personnes?

MME BLAIS-GRENIER: Je pense bien que, lorsque le Conseil interprofessionnel a accepté de soutenir la position des trois professions de sciences humaines, ce n'était certainement pas dans le but de constituer, au niveau de la pratique professionnelle, une chasse gardée. Ce n'est évidemment pas le cas. Ce n'était pas dans le but d'exclure de façon définitive et pour toujours toutes les professions qui pourraient naître, éventuellement, dans le champ des sciences humaines. C'était probablement parce que ces corporations ont présenté le problème de la prolifération de toutes sortes de professions dans ce champ, du manque de possibilité, au bill 250, de réaliser des regroupements de corporations, du manque de possibilité de passer éventuellement d'une corporation qui ne réserve que le titre à un statut de réserve de titre et de pratique et du fait que nous avons eu l'impression tous ensemble, en discutant, qu'en ne réservant que le titre, on ne protège rien du tout parce qu'il y a toutes sortes de titres similaires qui peuvent être utilisés ici et là. Si la déontologie, comme je le disais ce matin, pèse trop sur les membres, ils n'ont qu'à sortir de leur corporation.

Quand vous dites, je crois, que le public est protégé parce qu'il sait que cette personne est accréditée, eh bien, le public ne fait pas du tout la différence entre ce qui est accrédité et ce qui n'est pas accrédité. Je vous réfère, par exemple, à une cause célèbre dans le moment avec un ministre fédéral, où on a mentionné un titre professionnel à tort et à travers. En fait, cette personne n'a jamais fait partie de la corporation en question.

C'est devant tous ces problèmes, devant la prolifération des corporations et des disciplines de toutes sortes, en sciences humaines, que le Conseil interprofessionnel a été saisi du problème. C'est dans le but, peut-être, d'apporter une contribution à mettre un certain ordre dans ce champ de pratique et non pas à le fermer et à garder une exclusivité de pratique définitive pour ces trois corporations. Je pense que cela doit être interprété seulement comme cela.

M. CASTONGUAY: Je n'ai pas prêté d'intention au conseil. Lorsque vous dites, par exemple, que l'idée n'était pas de fermer à tout jamais la liste des corporations d'exercice exclusif, ce n'était pas du tout l'objet de ma question. Je pense que le code des professions prévoit la création dans l'avenir, très clairement, de nouvelles corporations d'exercice exclusif et si, à un moment donné, il est justifié de modifier le statut d'une corporation, le code prévoit cela.

Mais 1 n'en demeure pas moins qu'il y a une question très précise qui se pose: Peut-on définir un champ d'exercice exclusif pour chacune de ces trois professions? Parce que c'est ce qui est dit textuellement dans le mémoire. Ce serait le résultat atteint si la demande qui est formulée ici trouvait une réponse positive. Peut-on vraiment réserver à chacun de ces trois groupements un champ d'exercice exclusif qu'il est possible de définir et qui, à partir de ce moment, ne peut être exercé par aucun autre groupement professionnel? C'est la question. C'est ce qui est formulé ici.

MME BLAIS-GRENIER: II a été assez évident, je pense, au moment où cela a été entériné que les trois corporations en question, si elles n'étaient pas capables de définir de façon exclusive l'une par rapport à l'autre tous les actes qu'elles posaient, avaient des champs qu'elles occupaient de façon exclusive et avec les autres corporations ou groupes qui seraient susceptibles de devenir des corporations dans l'avenir. Il y a des champs exclusifs qu'on peut définir. Evidemment, je ne veux pas anticiper sur le mémoire de ces trois corporations.

Il y a, par ailleurs, des champs qui sont conjoints et qui pourraient être surveillés conjointement par les corporations indiqués ici, pour une meilleure protection du public.

M. CASTONGUAY : Nous y reviendrons donc, lors de l'étude des trois autres mémoires, mais le Conseil interprofessionnel lui-même n'a pas abordé cette question des définitions, si je comprends bien.

M. SHEPPARD: Le conseil a été saisi des intentions de ces trois corporations. Il a vu les définitions proposées et, si je me rappelle bien, il a unanimement décidé qu'il était d'accord.

Donc, au moins, je suppose que ces 19 corporations, autres que les trois concernées, ne s'opposeraient pas à cette définition. Mais je pense que tout ça a été fait sous réserve, naturellement, de la présentation de ces définitions qui semblaient satisfaire les membres du conseil.

M. CASTONGUAY : La question suivante porte sur la page 49 où il est dit qu'en ce qui a trait à certaines corporations, dont la création est envisagée par le code des professions, on peut se demander si tous les critères définis aux articles 21 et 22 sont respectés. Comme aucune des corporations que le consiel a à l'esprit n'est mentionnée, il me semble qu'il serait important d'avoir des précisions. Sans ça, c'est une observation qui donne une certaine coloration au code ou à l'ensemble législatif, sans qu'on sache à quoi ça s'adresse vraiment.

M. SHEPPARD: Vous remarquerez que la page 49 est la deuxième page d'une section qui s'intitule "Commentaires". Effectivement, il ne s'agit pas d'une recommandation; il s'agit d'une commentaire. Il serait peut-être difficile, certainement pour moi, et, je pense, pour les représentants du conseil d'indiquer avec précision qui les membres du conseil avaient en vue, mais on a eu, au cours des discussions, le sentiment qu'il y avait peut-être une, deux ou trois corporations projetées qui, dans une certaine optique, pouvaient ne pas tout à fait être conformes à ces critères. Comme il s'agit foncièrement d'une décision politique — pas dans le sens partisan du terme — puisque c'est le législateur qui décide qui est une corporation ou non, et qu'il pourrait demain décider que les astrologues répondent à tous les critères et que nous ne pourrions rien y faire, je pense qu'il serait plus sage de considérer que c'est simplement une observation.

D'ailleurs, nous avons bien divisé nos remarques en commentaires et recommandations.

M. CASTONGUAY: On ne doit pas donner le même poids aux commentaires qu'aux recommandations?

M. SHEPPARD: Non, ce sont des hors-d'oeuvre.

M. CASTONGUAY: A la page 85 de votre mémoire — je crois que nous sommes, à ce moment-là, au niveau du bureau des corporations — dans le premier commentaire, vous dites que, dans d'autres juridictions, les membres des corporations nommés par le gouvernement semblent moins nombreux. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples des juridictions que vous avez à l'esprit? Est-ce que vous avez fait la distinction entre la nomination, par exemple, d'un sous-ministre qui, lui, a un caractère représentatif différent de celui qui est visé ici?

Ce que j'ai à l'esprit, par exemple, c'est que dans certaines provinces canadiennes, si ma mémoire est fidèle, le sous-ministre de la Santé est membre du collège. Peut-être que je fais erreur, mais il me semble que c'est le cas. A ce moment-là, il s'agit d'un individu quelque peu différent par ses fonctions des personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil, tel que prévu par le code des professions. Lorsqu'on dit que, dans d'autres juridictions, le nombre de personnes nommées de l'extérieur est moins élevé, j'aimerais avoir, si possible quelques exemples.

Est-ce qu'on a fait cette distinction-là, si elle s'imposait, évidemment?

M. SHEPPARD: Bien, vous m'invitez à me citer moi-même en somme, parce que je ne faisais pas allusion aux exemples que vous avez mentionnés et qui ont trait à des régies plutôt qu'à des conseils d'administration de corporation. Il est vrai qu'en Ontario, par exemple, il y a des régies qui administrent certaines professions et où le dosage des représentants publics est assez différent. Mais, je pensais à l'exemple — qui a été étudié dans l'annexe au rapport de votre commission — de la Californie, et si mes souvenirs sont bons, je n'ai pas ça avec moi, il y en avait un, au maximum deux. Et dans l'esprit du Conseil interprofessionnel, les membres publics — qui ont leur origine aux Etats-Unis, c'est "public members", membres publics — sont là non pas pour faire le contrepoids par leur vote, parce qu'ils ne peuvent rien changer, ils sont très minoritaires, mais ils sont là pour observer et s'assurer que tout se passe dans l'ordre et puis pour calmer certains esprits peut-être. Qu'ils soient deux, qu'ils soient trois ou qu'ils soient quatre n'y change pas tellement, parce qu'il n'est pas évident que trois paires d'yeux voient mieux que deux.

Et là encore c'est un commentaire général mais vous verrez que, dans les recommandations, nous proposons une réduction qui n'est pas très très sensible. Il nous a semblé qu'au lieu d'avoir le nombre prévu, on pourrait peut-être avoir un tout petit peu moins, mais il ne s'agit pas de le réduire à néant, loin de là. On a aussi voulu conserver un équilibre entre le nombre de membres d'une corporation et le nombre de représentants, alors les chiffres que nous proposons c'est 1, 2 et 3, plutôt que 2, 3 et 4.

C'est une question peut-être d'optique, je ne pense pas que le sort des professions se jouera là-dessus.

M. CASTONGUAY: La dernière question que j'avais, M. le Président, c'est à la page 107, lorsqu'on dit que les corporations qui possèdent déjà des structures disciplinaires satisfaisantes devraient pouvoir les conserver à la discrétion de l'office.

Est-ce que, si j'interprète bien ce paragraphe, il faudrait en conclure que, dans sa législation, l'Assemblée nationale ne ferait pas de choix et laisserait totalement à la discrétion de l'office le soin de déterminer quelles sont les corporations qui ont des structures disciplinaires satisfaisan-

tes sans qu'aucun critère ne soit indiqué à l'office pour porter ce jugement ou encore si des critères sont prévus, quels seraient-ils?

C'est une question qui m'apparaît assez importante. Si c'est la voie que vous prenez, il me semble qu'à un moment donné l'office devra se prononcer à partir de certains critères ou, à tout le moins, la commission, ici, l'Assemblée, avant de se prononcer sur ce projet de loi, devrait être en mesure de porter un jugement sur ce que constitue des structures disciplinaires satisfaisantes. J'ai des opinions; dans certains cas je crois que la discipline est mieux exercée que dans d'autres. Il me semble qu'au lieu de porter un jugement sur chaque corporation, ou que ce soit l'office qui doive porter un tel jugement par la suite, il y a peut-être avantage à prévoir des structures plus uniformes, ce qui évite de porter de tels jugements. Si ces structures sont saines, le tout va bien fonctionner.

Je crois qu'il y a là une question assez importante et j'aimerais voir comment vous envisagez toute cette question-là.

M. SHEPPARD: Je crois que vos remarques sont très à propos parce qu'en relisant ce paragraphe, j'étais en train de me demander si je n'avais pas mal exprimé la pensée du conseil interprofessionnel. Comme on vous l'a souligné, nous avons dû préparer ce travail beaucoup trop rapidement pour le faire en profondeur. Et obtenir l'accord de 22 corporations qui ont participé à tous les stades de la discussion et ont voté chacune des recommandations, cela n'a pas toujours été facile.

Ce que le conseil préconise, c'est qu'il y a certaines corporations qui semblent posséder un appareil disciplinaire efficace, sévère. Chacun d'entre nous, comme vous, avons notre propre jugement, nous considérons que telle corporation est plus dure que telle autre, est plus juste que telle autre, mais il est évident qu'il y a certaines corporations qui ont un système disciplinaire qui semble, à bien des gens, efficace et qu'il n'y a pas lieu, uniquement par souci d'uniformité ou de cohésion, comme on l'a dit ce matin, de supprimer tout cela parce qu'il y a tout de même un appareil rodé qui fonctionne.

Je pense que c'était la portée véritable de la recommandation du conseil. Ce qu'on a voulu dire par "à la discrétion de l'office" n'était pas de confier à l'office ces décisions-là. Si je ne m'abuse, selon mes souvenirs, on a voulu suggérer qu'il y ait une consultation de l'office, mais manifestement, ce sera une décision du pouvoir politique de l'Assemblée. Si, dans la loi d'une corporation, l'Assemblée décide que les structures existantes doivent être conservées, c'est lui qui doit prendre la responsabilité.

Pour ma part — là, je n'ai pas de souvenirs trop précis — je ne pense pas qu'on ait voulu laisser à l'office la décision de légiférer, en somme, mais peut-être devons-nous dire qu'il s'agit d'un pouvoir de consultation parce que, effectivement, quelqu'un va devoir porter un jugement sur l'efficacité et la valeur de ce système. Peut-être que l'office pourrait apporter un jugement semi-objectif. C'est vraiment une recommandation assez vague mais c'est pour attirer l'attention de ceux qui sont responsables de la législation sur l'embûche de tout supprimer par souci d'uniformité alors que cela fonctionne.

M. LABELLE: J'aimerais ajouter effectivement que les trois ou quatre derniers mots de ce dernier paragraphe dépassent le consensus qui s'est fait aux réunions du Conseil interprofessionnel et c'est vraiment sur le paragraphe précédent qu'il s'est fait un consensus, à savoir que les corporations qui ont un appareil disciplinaire efficace et mentionné dans leurs lois, que la loi permette dans certains cas que les procédures .ou l'appareil puissent être conservés.

M. CASTONGUAY: En lisant vos remarques de la fin, je peux donc conclure qu'il est aussi difficile de préparer un mémoire que de préparer un projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. LABELLE: Surtout que nous n'avons eu que deux mois pour le rédiger.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais quelques questions à poser aux trois représentants du Conseil interprofessionnel. Je voudrais d'abord poser la première question à Me Shep-pard. La question couvre un terrain assez vaste. J'apprécierais que sa réponse soit à la fois un commentaire et une recommandation si c'est possible. H a préparé les travaux de la commission Castonguay-Nepveu. Il a préparé le mémoire du Conseil interprofessionnel. A la lumière de ce qu'il a étudié pour les fins de la commission Castonguay-Nepveu et de sa discussion avec le Conseil interprofessionnel et aussi à la lumière de ce que nous avons dit ce matin, le ministre des Affaires sociales a fait l'exposé des principes de philosophie du projet de loi. Cette philosophie est aussi exposée dans le chapitre d'introduction ou d'avant-propos du rapport de la commission Castonguay. Est-ce que le code des professions, le bill 250, s'il était adopté tel que proposé maintenant, viendrait en sérieuse contradiction par certains de ses articles importants avec cette philosophie de base exposée à deux reprises?

M. SHEPPARD: Vous posez une question à laquelle je ne pense vraiment pas que j'aie le droit de répondre. D'abord, une bonne illustration de ce que nous discutons aujourd'hui: quand j'ai préparé un travail pour la commission royale d'enquête, j'ai été consulté à titre d'avocat et on m'a demandé de préparer un travail de recherche. Je n'étais pas commissaire et il ne m'appartenait pas de faire des recommandations ou d'interpréter le mandat de la

commission, et conséquemment, je me suis acquitté d'une tâche technique, j'ai soumis un rapport. Ici, je n'apparais pas comme membre représentant d'une corporation mais comme conseiller juridique du Conseil interprofessionnel. Je pourrais être tout à fait d'accord ou tout à fait en désaccord avec ma cliente, si je puis dire. Je ne suis ici que pour l'aider professionnellement. Si vous posez une question comme citoyen, indépendamment de mon mandat, je dirais que je n'ai pas du tout de difficulté morale à représenter ma cliente.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, les commentaires que vous faites dans l'introduction du mémoire deviennent des recommandations. Je lis, à la page 7: "Toute cette tradition d'indépendance et d'autonomie est menacée par de nombreuses dispositions du code des professions qui sans véritablement protéger le public, ont pour effet de constituer une véritable bureaucratie inutile et menaçante pour la liberté des citoyens". Il y a cette autre affirmation à la page 8: "l'appareil étatique prévu dans le code des professions et qui pèsera sur les corporations professionnelles, pourrait bien aussi écraser les droits des citoyens."

De toute façon, Me Sheppard, ma question n'avait en aucune façon pour but de vouloir provoquer chez vous à ce moment-ci d'autres déclarations que celles qui sont contenues dans le mémoire de votre cliente. Ce que l'on doit retenir, c'est que c'est un esquisse de travail, et que le projet de loi 250 est un premier document de travail. A la lumière des mémoires qui nous seront donnés par les organismes qui viendront à la commission — même si les deux ministres ce matin ne l'ont pas dit en toutes lettres, j'imagine que la déclaration qui a été faite à l'occasion de l'étude du projet de loi 65 vaut encore à ce moment-ci — les ministres sont disposés à accepter toute amélioration du projet de loi, amélioration qui sera abondamment prouvée devant cette commission parlementaire.

M. CASTONGUAY: J'aurais une précision à apporter ce matin quant aux règles qui gouverneraient sur ce point-là quant à nous.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelles règles?

M. CASTONGUAY: Je ne voudrais pas qu'il y ait un malentendu, M. le Président. Au moment du dépôt du projet de loi 65, nous avions dit qu'il y avait un certain nombre d'objectifs. Nous avions énuméré ces objectifs. Nous avions dit que tout ce qui touchait la mécanique, étant donné qu'il s'agissait d'une loi d'organisation, pouvait être sujet à discussion; que pour nous les objectifs nous apparaissaient importants, et les moyens, par le truchement de structures, d'y arriver, pouvaient faire l'objet de discussions. Ce matin, au terme de mon exposé, si vous avez bien remarqué, je n'ai pas référé à ce que j'avais dit au terme de l'exposé sur le projet de loi 65, mais j'ai redéfini aussi clairement que possible les règles que nous entendions suivre comme gouvernement dans l'étude de ces projets de loi. Je pense qu'il est plus sage de référer à celles qui ont été définies ce matin et non pas à celles qui l'ont été en juin dernier.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Nous retenons, M. le Président, que le ministre est très ouvert sur les modalités et que la commission et les organismes qui sont devant nous poursuivent les mêmes objectifs, qui sont énoncés dans le rapport de la commission Castonguay et énoncés ce matin par le ministre des Affaires sociales.

Me Sheppard, le Conseil interprofessionnel existe depuis 1965. Au cours des travaux de discussion de ce projet de loi et préalablement, vous avez dû certainement prendre connaissance aussi des travaux qu'a accomplis le Conseil interprofessionnel. Je ne sais pas si ma question s'adresserait mieux à M. Labelle ou à Mme Blais-Grenier à ce moment-ci, mais est-ce que le projet de loi pourrait davantage donner de responsabilités au Conseil interprofessionnel, dans ce sens qu'on a discuté tantôt du champ d'application? On a demandé si le Conseil interprofessionnel, au cours de la préparation de ce mémoire, avait discuté du champ d'application des trois professions qui ont été mentionnées tantôt. On aurait pu aussi parler du champ d'application qui se pose pour certaines autres professions. Le problème sera exposé devant la commission parlementaire à un autre moment. Au moment où les optométristes viendront, je pense bien qu'il y aura là un problème. Au moment où les dentistes viendront, il y aura là un problème aussi: le champ d'application. Au moment ou les chiros viendront, il y aura aussi la question du champ d'application qui va se poser. Est-ce que, du côté de la discussion du champ d'application, le Conseil interprofessionnel pourra se voir attribuer, par la législation, d'autres responsabilités que celles, purement consultatives, qu'il est appelé à exercer par le projet de loi?

M. SHEPPARD: Je ne peux pas entrer dans le secret des délibérations, mais je peux dire que toutes les éventualités et toutes les possibilités ont été étudiées. Il fallait concilier le désir avec la réalisation que nous avons également des obligations comme professionnels. Vous avez pu noter par le mémoire et par les remarques faites ce matin que nous acceptons de plein gré différents contrôles et que nous voulons même que certains d'entre eux soient renforcés. Conséquemment, les recommandations faites semblent les plus justes. On ne peut pas avoir une administration bicéphale. Vous ne pouvez pas donner des pouvoirs très importants à l'office et donner des pouvoirs également importants à un organisme plus égocentrique qui serait le Con-

seil interprofessionnel. Je pense que le consensus, après avoir considéré toutes sortes de possibilités, était exprimé ici. Les exigences, donc, des professions sur les pouvoirs à attribuer au conseil sont relativement modestes, mais comme toute législation sociale qui touche de près des réalités qui évoluent, il est certain que, quand le système sera en place, on constatera ses faiblesses que l'on corrigera et ses forces que l'on maintiendra.

Mais l'attitude du CIQ, je pense, est extrêmement positive à l'égard du code des professions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je me suis posé une question. Vous affirmez dans votre mémoire, au début, qu'il y a plusieurs organismes qui font partie du Conseil interprofessionnel, mais il y en a d'autres qui ne font pas partie du Conseil interprofessionnel, après sept ans de sa vie active depuis sa naissance. Il y a, entre autres, les infirmières qui ne font pas partie du Conseil interprofessionnel.

Est-ce qu'il y avait des raisons particulières pour que certains groupes importants n'aient pas fait partie jusqu'à maintenant du conseil et qu'ils se voient maintenant, par le bill 250, inclus dans le Conseil interprofessionnel?

M. LABELLE: Je ne peux pas répondre spécifiquement sur la question des infirmières entre autres mais je ne me souviens pas qu'elles aient fait la demande au Conseil interprofessionnel d'être admises au sein de ce conseil. Comme on l'a mentionné tantôt, le Conseil interprofessionnel était un organisme d'adhésion facultative.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si vous ne désirez pas voir d'autres pouvoirs extraordinaires confiés au Conseil interprofessionnel pour ne pas qu'il y ait "bicéphalisme" entre le conseil d'une part et l'Office des professions d'autre part, si on comprend bien le message transmis dans votre mémoire, vous désirez fortement, par les recommandations à la page 28 et suivantes, que des pouvoirs additionnels soient transférés à l'office afin que celui-ci puisse véritablement assumer toutes ses responsabilités.

Vous avez mentionné, comme première recommandation, à la page 28, que le gouvernement adopte par règlement les normes qui établissent la connaissance d'usage de la langue française qui est requise de tous les non-citoyens qui désirent — c'est-à-dire, selon l'article 42, c'est le gouvernement qui détermine les normes — obtenir un permis d'exercice. Evidemment, vous dites: L'office étant beaucoup plus près des réalités pratiques de chaque profession, il est certainement plus apte à déterminer les normes minimales. Je ne voudrais pas entrer ici dans un vaste débat mais vous comprendrez que cette recommandation est certainement d'importance parce qu'elle touche, non seulement par le biais mais directement, je pense, différents problèmes.

Est-ce que vous avez mesuré toutes les implications d'une telle recommandation, que ce soit l'office qui le détermine dans le cadre de ce qu'on appelle une politique globale? Est-ce que vous maintenez cette recommandation?

M. LABELLE: Le Conseil interprofessionnel s'est déjà vu confier des études par entre autres — il me semble, si j'ai bonne mémoire — le gouvernement sur cette question de langue. Et le gouvernement, à ce moment-là, a cru que cette question pouvait être étudiée très adéquatement par le Conseil interprofessionnel et, effectivement, à l'époque, il y a eu quelques rencontres. Il me semble qu'à une de ces rencontres vous étiez présent, M. Cloutier.

Personnellement, je vois la possibilité que le Conseil interprofessionnel se voie confier certaines études éventuellement dans toutes sortes de domaines. Sur la question de la langue à laquelle vous faites allusion plus particulièrement, il y avait deux points de vue. Evidemment, il y avait le point de vue politique et le point de vue pratique de la connaissance suffisante de la langue ou la connaissance technique d'une langue pour exercer une profession. C'est sur ce point, particulièrement, que les recommandations s'appliquent.

Nous pensons que l'Office des professions, du côté technique, est bien placé pour se prononcer sur la question de langue.

M. SHEPPARD: Ce que, je pense, nous n'avons pas exprimé peut-être assez clairement, c'est que nous ne voulons pas que ce soit l'office qui décide qu'il faille posséder une connaissance adéquate de la langue française. C'est une décision politique, donc faite par la loi ou par arrêté en conseil. Mais la connaissance qui peut être exigée pour qu'un professionnel puisse exercer sa profession varie de profession en profession.

Parce que la nature des services varie, il est évident que ce qu'un architecte doit savoir pour pouvoir pratiquer en français n'est pas la même chose que ce qu'un avocat ou un médecin doit savoir et que l'application, et donc les normes précises, pour chacune des professions, relèvent de l'office.

Nous aurions pu demander que cela relève de chaque corporation. Mais cela aurait été peut-être déléguer trop loin. Les principes généraux, il est évident que ce n'est pas cela que l'office devrait établir, mais il devrait déterminer les normes des examens dans le cas de chaque profession ou catégorie de professions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis très satisfait des précisions additionnelles que vous apportez parce que, tel que rédigé, cela pouvait certainement prêter à confusion. De la façon que vous venez de préciser votre avancé, je comprends que la profession elle-même peut déterminer quelles sont, du point de vue minimum, les connaissances techniques de la langue pour pouvoir exercer adéquatement une profes-

sion et pouvoir communiquer avec le patient. Je pense bien que votre corporation professionnelle, ou le Conseil interprofessionnel ou l'Office des professionnels tel que demandé ici serait bien habilité à assumer cette responsabilité.

Mais en ce qui a trait à la détermination des normes ou au problème plus vaste posé à l'échelle politique, cela appartient sans doute et très certainement au gouvernement, et, si je comprends bien votre réponse, ce n'est pas cela que vous revendiquez.

D'autre part, comme autres pouvoirs à l'Office des professions, vous demandez aussi que le découpage territorial appartienne à chacune des corporations professionnelles. Je voudrais savoir quels arguments font que ce pouvoir doit véritablement appartenir à l'Office des professions pour qu'en quelque part cela colle à la réalité. J'aimerais donc avoir des explications additionnelles.

M. LABELLE: La raison principale, c'est que nous ne croyons pas qu'un découpage uniforme, s'appliquant à toutes les corporations, soit nécessairement la meilleure formule, parce qu'il n'y a peut-être pas une répartition proportionnelle de membres de diverses corporations à travers la province. Il y a peut-être un découpage qui s'applique bien au Barreau, par exemple, mais qui s'applique moins bien aux médecins, aux travailleurs sociaux ou aux architectes.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales a une mise au point à faire.

M. CASTONGUAY: Je voudrais simplement souligner que, dans les lois particulières, la Loi médicale, par exemple, la Loi du barreau en annexe, on retrouve, tels quels, les découpages actuels. Je voulais souligner cela parce que, dans un certain nombre de ces lois, si on regarde dans les lois particulières, on voit que ces découpages ont été maintenus. C'est pour dissiper un malentendu possible, pour ne pas prolonger inutilement la discussion que j'ai voulu faire cette petite précision.

M. CLOUTIER (Montmangny): Une dernière question, M. le Président, pour donner la chance à mes collègues de parler eux aussi.

Au chapitre de la radiologie, à la page 138, dans le mémoire intégral, il avait été ajouté timidement, à la fin de la ligne, le mot "chiropraticien". Il a été enlevé dans le résumé du mémoire. Est-ce qu'il y a une raison particulière pour qu'il soit tombé en cours de route?

M. SHEPPARD: Il n'a pas été ajouté timidement. Il est plutôt très voyant à la page 138. C'est peut-être parce qu'il était si voyant qu'il n'apparaît pas dans le résumé.

Je vous avoue que je ne sais pas pourquoi ce terme a disparu du résumé. Il y a deux résumés. Je ne sais pas s'il a disparu du résumé initial.

M. LABELLE: Il a disparu... M. SHEPPARD: A la page 42,...

M. LABELLE: ... du résumé revisé seulement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.

M. LABELLE: La raison, c'est que le Conseil interprofessionnel n'a pas voulu se prononcer sur cette question avant que la Loi des chiropra-ticiens ne soit adoptée.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une indication quand même!

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, le document présenté par le conseil soulève, dès son départ, le point fondamental de votre position, à savoir l'ingérence ou la non-ingérence de l'Etat dans le contrôle des corporations professionnelles.

Les termes que vous employez, dans les pages 6 et suivantes, sont très durs quant à l'objectivité de l'Etat, au bien commun, à la protection du bien commun, etc. Est-ce que votre opposition à la loi est systématique, puisque l'ensemble de la loi tourne autour de ce pivot ou si, au contraire, c'est une simple mise en garde?

M. LABELLE: Ce n'est pas une opposition systématique, mais nous croyons que la formule suggérée par le gouvernement lui-même, soit la création de l'Office des professions, offre d'excellentes garanties. En fait, nous enchérissons sur la position de base mise de l'avant par le gouvernement dans le bill 250, tout simplement.

M. MASSE (Montcalm): II est évident que les deux philosophies, la philosophie du projet de loi et la philosophie de votre mémoire, sont très différentes quant à celui qui est le gardien du bien commun dans une collectivité, particulièrement dans une collectivité démocratique comme la nôtre. Est-ce le gouvernement élu qui, manifestement, a des idées politiques — c'est la raison pour laquelle il est élu, quel que soit le gouvernement — par rapport à des membres qui ont reçu, par une formation universitaire, un domaine protégé au point de vue de l'exercice de leur profession, et selon les pouvoirs des corporations?

Je ne voudrais pas, quand même, ouvrir un trop large débat, mais c'est le point fondamental puisque l'ensemble des corporations et l'existence même du gouvernement sont en fonction du bien commun et que, la loi étant adoptée, le principe étant accepté, il l'est pour longtemps et on suivra ce principe dans d'au-

tres domaines de la législation du Québec. Est-ce que le conseil des professions met en doute, en principe même, la responsabilité d'un gouvernement — je ne parle pas d'un parti politique, mais d'un gouvernement élu démocratiquement — comme gardien du bien commun?

Il est évident que les membres des corporations ont tous, individuellement, des idées politiques. Si c'était le contraire, ce serait dangereux pour la démocratie même. On peut plaider, d'autre part, l'appareil bureaucratique de l'Etat, mais ce n'est pas tant le point qui est soulevé dans votre mémoire que le principe même de qui doit être, dans une collectivité, gardien du bien commun: des groupes sectoriels ou le gouvernement démocratiquement élu? C'est, à mon avis, le point fondamental de votre mémoire. Vous avez tranché contre le gouvernement. Vous avez employé des termes très durs que vous n'explicitez pas, en pratique, autrement que par des affirmations générales, repoussant, si je puis dire, tous les gouvernements qui ont été élus au Québec, jusqu'à maintenant, comme étant des gouvernements qui n'avaient comme but que de mater l'indépendance des groupes.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès du député de Montcalm. Vous n'étiez pas ici ce matin lorsque nous avons discuté de la procédure. Ceci est une période de questions. Si c'est le préambule de votre question, d'accord, mais la discussion se fera après.

M. MASSE (Montcalm): II me semble, quant à moi, que c'est le point fondamental. La question que je pose est la suivante — jusqu'à maintenant, j'y ai fait allusion à maintes reprises; nous avons été dans des modalités, mais c'est le point central: Votre objection est-elle fondamentale? Sinon, jusqu'à quel point y voyez-vous un danger autrement que dans les principes?

MME BLAIS-GRENIER : Je pense que cela tient peut-être à notre situation, à vous et à nous, ici, dans la salle, mais nous n'avons pas du tout la même perspective que vous. Nous n'avons pas l'impression d'avoir tranché contre l'Etat parce que, pour nous, il était très clair que le gouvernement donnait à l'office un mandat de surveillance. Nous disons: Nous sommes entièrement d'accord et nous voulons plus que cela.

Nous voulons, par exemple, la représentation du public à l'office.

Nous voulons d'autres choses aussi. Il y a une série de choses selon notre dire, que nous voulions. Quant au Conseil interprofessionnel, nous avons très bien dit que nous le voulions comme organisme consultatif. Mais nous voulons qu'il soit vraiment un organisme consultatif, en ce sens que les corporations membres puissent choisir leurs délégués au Conseil interprofessionnel.

M. MASSE (Montcalm): Le danger d'ingérence que vous voyez, c'est dans la nomination?

MME BLAIS-GRENIER: Je crois que c'est normal qu'un gouvernement délègue des fonctions et nous avons l'impression d'avoir plus de facilités à discuter avec un office qu'avec ce grand appareil qu'est le gouvernement. Parce que l'office va être spécialisé pour défendre, pour surveiller ou pour recommander la mise en pratique de choses qui concernent spécifiquement le domaine professionnel et c'est le rôle de l'office.

M. MASSE (Montcalm): Oui, mais je répète ma question. L'ingérence, vous la voyez par le fait que le gouvernement nomme de lui-même des personnes de son choix. Est-ce ça, pour vous, le danger d'ingérence? Par la personne physique nommée?

M. SHEPPARD: II y a plus que ça. Et là encore, nous nous faisons les interprètes des discussions générales qui ont eu lieu. Au départ, ce n'est pas la philosophie du bill qui inspire des inquiétudes, parce que nous l'avons dit, répété et écrit, nous la saluons plutôt que de nous y opposer. Il y a des modalités dans un projet initial.

Il est très fréquent, lorsqu'on prépare un projet, que ce soit un projet de loi, un projet de discours, un projet d'ouvrage, que ce n'est qu'en le voyant sur papier qu'on comprend la portée de chacune des mesures proposées. Et le but même de cette réunion et de ces études, c'est de permettre à tout le monde d'étudier objectivement.

Nous n'avons pas dit que telle et telle mesure va nécessairement entraîner telle et telle intervention ou ingérence, mais qu'il y a un danger et que c'est un domaine tellement délicat, où il y va tellement de la vie, de la liberté, de l'intimité des citoyens qui est en jeu qu'il ne faut pas inutilement les mettre en péril. Et ce n'est pas parce que nous craignons que ça va nécessairement se produire que nous faisons ces recommandations, mais parce qu'il faut éviter ces dangers.

C'est un peu comme la protection du secret aux élections. Il est évident que la grande majorité des gens, même s'il y avait quatre policiers qui les regardaient voter, voteraient pour le parti de leur choix. Mais il y a toujours le danger qu'un, deux ou trois électeurs prennent peur. Et c'est cette apparence de danger que nous craignons.

Ensuite, nous vivons à une époque où de plus en plus de citoyens s'inquiètent d'un appareil — je ne veux pas utiliser le terme bureaucratique parce que c'est péjoratif — de l'Etat qui prend de plus en plus d'ampleur; ils se sentent démunis. A une époque où on parle d'autogestion et de démocratie de participation, nous croyons qu'on pourrait peut-être commencer par préserver la participation là où elle

existe déjà. Et un domaine par excellence d'autogestion et de participation, c'est l'organisation professionnelle. Des professionnels se sont administrés eux-mêmes, généralement bien; parfois on peut avoir des réserves, mais ils se sont administrés eux-mêmes.

Tout en acceptant donc le concept qu'on doit assujettir des professions à un contrôle de l'Etat, à un contrôle de la société, nous ne croyons pas que le moyen proposé soit nécessairement le meilleure. Et nous avons préconisé qu'un des autres moyens suggérés par le gouvernement lui-même serait plus approprié. Mais il n'y a pas de désaccord, nous croyons, sur les objectifs fondamentaux; donc, il n'y a pas de conflit de philosophie. Il y a peut-être un désaccord sur les modalités.

M. MASSE (Montcalm): D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, d'abord le député de Montmagny a posé une question que j'avais l'intention de poser au sujet des chiropra-ticiens, et le député de Montcalm a quasi complété ce que j'avais à demander. On épargne du temps.

Vous soulevez la peur de l'appareil étatique. Je dois vous avouer franchement que je partage votre peur. Une des principales recommandations que vous faites — et cette recommandation-là transpire à plusieurs endroits dans le mémoire — c'est le danger de ne pas protéger le secret professionnel.

Par contre, vous semblez, pour échapper au contrôle étatique ou aux ingérences bureaucratiques, vouloir confier plus de pouvoirs à l'Office des professions.

J'aimerais que vous résumiez les principaux pouvoirs que vous aimeriez voir donner à l'Office des professions.

M. SHEPPARD: On a un chapitre entier dans notre...

M. GUAY: Disons les deux, trois, quatre ou cinq principaux pouvoirs.

M. LABELLE: On peut d'abord se référer aux trois premiers paragraphes de l'article 169 du bill lui-même qui sont réservés dans le projet de loi au lieutenant-gouverneur en conseil; ces trois paragraphes-là ou ces trois tâches-là, ces trois groupes de tâches, nous demandons qu'ils soient confiés à l'Office des professions, je peux vous les lire.

M. GUAY: Ce n'est pas nécessaire. D'accord.

M. LABELLE: Ces trois-là, pour commencer, n'est-ce pas?

M. GUAY: Ce sont les principaux pouvoirs.

M. SHEPPARD: Je vous réfère aux pages 23 et suivantes de notre mémoire lui-même. Il élabore toute une série de règlements de suppléance. Il y a la mise en tutelle, il y a la coordination, la surveillance générale des professions, la consultation de l'office dans un tas de cas. Ensuite, à la page 27 et suivantes, nous avons une section qui s'intitule "Fonctions qui pourraient être confiées à l'office" et où nous passons en revue, disons, l'application des normes de connaissance de la langue française, la délivrance de permis pour plus d'une année, la réglementation de la représentation régionale, la nomination des membres publics au sein du bureau de chaque corporation, la désignation des présidents des comités de discipline, certains pouvoirs relativement aux syndics, aux officiers, des rapports relativement au fonds d'indemnisation, des rapports annuels, etc., et des pouvoirs de réglementation.

Tout ça énuméré de façon sommaire, mais on pourrait résumer tout ça en disant que la surveillance générale et l'intervention lorsque les corporations font défaut de remplir leurs fonctions relèveraient de l'office.

M. GUAY: Maintenant, vous dites ici que vous acceptez la surveillance la plus totale à une condition, qu'elle respecte le secret professionnel. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres conditions que vous auriez à ajouter? J'aimerais que ce soit précisé, pour que vous acceptiez la surveillance la plus totale.

M. SHEPPARD: Bien, il y a une différence entre surveillance et ingérence. Les corporations n'ont rien à cacher et elles acceptent donc le principe qu'on sache absolument tout ce qu'elles font.

(Je qu'elles ne veulent pas, c'est que, par le truchement de la surveillance, on se mêle de la vie privée des citoyens qui leur ont fait confiance. Si vous pouviez m'indiquer des domaines où les corporations craignent que l'on sache ce qu'elles font, je serais bien plus avancé que je ne le suis maintenant, parce que le vieux principe du secret des activités des corporations, je pense, a été abandonné il y a très longtemps.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais revenir à la page 85 du mémoire où vous dites que le nombre des représentants nommés par le gouvernement semble élevé. Etant donné qu'on a dit qu'un des malaises qu'avait éprouvés la société à l'endroit des corporations était précisément que le public n'était pas suffisamment représenté et qu'on peut supposer que le gouvernement nommera, dans ces corporations, des représentants du public, n'y a-t-il pas là une raison additionnelle pour que le nombre de représentants nommés par le gouvernement, sans être très élevé, soit d'au moins deux

personnes, lorsque la corporation compte moins de 500 membres, de trois, lorsqu'elle en compte de 500 à 1,500 et de quatre lorsqu'elle en compte plus de 1500?

M. SHEPPARD: L'optique des discussions a été la suivante: ces membres-là sont essentiellement des observateurs qui participent aux discussions et qui peuvent voter, mais leur rôle primordial est d'observer et de faire rapport à qui de droit, sous réserve de la protection des secrets professionnels. C'est une lucarne, en somme, que l'on ouvre.

M. LAURIN: II y a plus de lumière quand la lucarne est plus grande.

M. SHEPPARD: Oui, mais je dirais ceci...

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire une observation ici et poser une question? La question est extrêmement importante et je crois qu'il y a une affirmation qui, ici, n'est pas tout à fait exacte. Il n'y a aucune disposition dans le projet de loi qui oblige les membres nommés par le gouvernement dans les bureaux des corporations à faire rapport. Une fois nommés, ils sont membres du bureau et ils ne font rapport à personne.

UNE VOIX: Est-ce qu'ils ont droit de vote? M. CASTONGUAY: Ils ont le droit de vote. M. PAUL: Ils ont le droit de vote.

M. CASTONGUAY: II n'y a pas de disposition qui leur enlève le droit de vote. M. Sheppard faisait l'affirmation qu'ils doivent faire rapport et je pense qu'il y a soit un malentendu, soit une rectification à faire ou qu'il y aurait lieu de demander en vertu de quoi on peut affirmer que ces membres-là doivent ou peuvent faire rapport.

M. SHEPPARD: Je n'ai pas dit qu'à mon avis ils doivent faire rapport, mais il est évident qu'ils peuvent le faire. Si ce sont des gens qui sont assez représentatifs de la société, qui occupent des postes ailleurs, ils ne seront pas tentés de conserver soigneusement pour eux ce qu'ils apprennent. D'ailleurs, c'est un peu l'intention de la notion du membre public. On ne les oblige pas à faire rapport à un organisme donné, mais rien ne les empêche de le faire.

Je suis certain qu'ils considéreront de leur devoir, dans certains cas, de faire état de leurs constatations, que ce soit à une association ou dans un discours. Je suis d'accord avec vous que la lucarne donne plus de lumière si elle est plus grande, mais le but de la lucarne n'est pas de donner de la lumière, c'est d'observer, de voir.

Si on voulait pousser ce principe très loin, on pourrait dire: Au lieu d'avoir une lucarne, on devrait avoir une baie grande ouverte et nom- mer la majorité des membres à même le public. C'est en partant du principe que ce sont des observateurs que nous nous sommes dit: Deux ou trois observateurs ne valent pas plus que quatre.

M. LAURIN: Je ne sais pas si c'est juste. Si quatre observateurs sont soigneusement chosis, représentent des intérêts collectifs différents, des expériences existentielles différentes, est-ce qu'ils ne peuvent pas non seulement observer mais contribuer d'une façon valable aux discussions en apportant un point de vue social différent?

M. SHEPPARD: Cela est certain dans certains cas, ce n'est pas certain dans d'autres. Je me rappelle aussi qu'une de nos inquiétudes était l'influence que ça peut avoir sur un quorum. Vous pouvez avoir une journée où le temps est extrêmement mauvais, où vous avez à peine le quorum et comme par hasard les quatre membres de l'extérieur sont présents; je ne dis pas qu'ils constituent la majorité, parce que cela ne serait pas prévisible, mais ils peuvent jouer un rôle hors de toute proportion.

M. LAURIN: Est-ce que ceci ne témoigne pas d'une méfiance indue à leur endroit?

M. SHEPPARD: De la prudence, pas de la méfiance.

M. LAURIN: Mais, est-ce que nous ne pouvons pas penser aussi que les membres de ces bureaux verront à être toujours présents? Vous n'êtes pas à l'Assemblée nationale après tout!

M. SHEPPARD: Nous ne voulons pas y être non plus!

M. LAURIN: J'avais également une autre question sur la nomination de ces représentants, soit par le gouvernement, soit par l'office. J'ai bien compris la raison que vous faisiez valoir à l'encontre d'une nomination par le gouvernement mais, pour un instant, j'aimerais me faire l'avocat du diable et montrer qu'il y a peut-être aussi des inconvénients s'ils sont nommés par l'office.Une hypothèse: A supposer que ce soit l'office qui nomme ces membres à même une liste soumise par des corps socio-économiques, est-ce que ceux qui sont nommés par l'office ne se sentiront pas d'une certaine façon liés moralement, par reconnaissance ou autrement, à l'office et ne se sentiront pas un peu les hommes de l'office, qui par ailleurs, selon les autres règlements et ceux que vous voulez ajouter, exercerait des pouvoirs étendus sur ces corporations? Est-ce qu'il n'est pas opportun de séparer très nettement le droit de surveillance exercé par l'office et le droit de réglementation ou de coordination de réglementation que vous voulez assigner au lieutenant-gouverneur en conseil?

M. SHEPPARD: Je pense que vous nous donnez là peut-être le meilleur argument en faveur du point de vue du conseil, parce que d'abord ces membres-là ne sont pas nommés pour surveiller l'office mais pour surveiller les bureaux de chaque corporation. S'il y a un danger qu'ils éprouvent une gratitude trop enthousiaste pour l'office, ils seront encore plus tentés d'éprouver la même gratitude à l'égard du gouvernement.

M. LAURIN: Une fois qu'ils sont nommés par le gouvernement, c'est l'office qui assume le reste de l'opération, selon les termes de votre mémoire.

M. SHEPPARD: Non, il faut se comprendre. L'office et le bureau des corporations n'ont pas la même proposition.

Les membres publics sont nommés au bureau de chaque corporation, c'est l'office qui les nomme, mais ces membres publics n'ont rien à voir avec l'office. S'il y a un danger de gratitude ou d'allégeance exagérée, je préfère que ce soit par un organisme neutre comme l'office que cette même tendance se manifeste à l'égard du pouvoir politique. C'est pour ça que je tire de votre argumentation un argument de plus en faveur de notre point de vue, s'il est naturel d'éprouver une gratitude.

M. LAURIN: Remarquez que c'est l'argumentation du diable et non la mienne. De toute façon, je voulais simplement examiner toutes les possibilités du mode que vous recommandez.

J'avais également une autre question sur les pouvoirs que le projet de loi 250 entend confier au Conseil interprofessionnel. On a vu que c'était un organisme volontaire, qui avait très bien fonctionné et que toutes les corporations n'en faisaient pas partie. J'ai cru sentir dans votre témoignage que vous n'étiez pas trop enthousiaste à l'idée de voir augmenter vos pouvoirs. Est-ce que ce serait que vous ne désirez pas qu'ils soient augmentés, que vous préférez le rôle que vous avez exercé jusqu'ici, que vous voudriez qu'il s'accroisse avec les années, au fur et à mesure de l'évolution? Ou est-ce encore que vous craindriez de parler d'une façon trop exclusive au nom de toutes les corporations et que ceci pourrait nuire à l'autonomie des corporations professionnelles? Ou encore serait-ce que vous craindriez que ce soit un cadeau de Grec que l'on vous fait?

M. SHEPPARD: Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. Si je puis faire l'historique des discussions, il était évident qu'il devait y avoir un organisme public qui exercerait la surveillance. Cela pouvait être le gouvernement ou un autre organisme; on a opté pour l'office pour des raisons abondamment expliquées dans notre mémoire et expliquées verbalement aujourd'hui. Il était impossible de confier ces mêmes fonctions à un organisme qui ne représente que les corporations professionnelles; ce serait la négation même de la philosophie de base et du rapport de la commission d'enquête et du projet de loi. Deuxièmement, nous sommes tous, peut-être parce que nous sommes professionnels, des gens pratiques, et nous savons qu'une direction à deux têtes ne fonctionne pas, chacun va prendre ses responsabilités. Vous verrez que nous avons demandé pour le Conseil interprofessionnel un certain nombre de pouvoirs ou de droits de consultation, mais si on confie au conseil le soin d'administrer les professions, tout ce qu'on fait, c'est de reporter les corporations à leur propre émanation, une fonction dont on nous dit qu'elle devrait être exercée dans l'intérêt public. C'est une question de logique, mais je ne vous dirai pas que ma pensée à moi, initialement, n'avait pas été que peut-être on pourrait donner tous les pouvoirs au conseil et amenuiser au maximum l'office et les pouvoirs du gouvernement.

C'était une des possibilités considérées. Il faut être logique et adopter une attitude acceptable. On ne vit pas dans un vase clos. On ne veut pas réclamer des pouvoirs qui seraient annulés dans leur exercice; les structures sur papier sont très jolies, mais il faut qu'elles fonctionnent.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé a une question?

M. PAUL: M. le Président, heureusement qu'il me reste deux questions qui n'ont pas été posées, à mon humble point de vue. Je voudrais demander à Me Sheppard ses commentaires sur une disposition que l'on pourrait retrouver à l'article 12 du projet. Si c'était l'office qui recommandait au lieutenant-gouverneur en conseil de placer une corporation ou des corporations en tutelle, après enquête et audition, ne croyez-vous pas que ce serait un pouvoir beaucoup moins discrétionnaire de la part du lieutenant-gouverneur en conseil que celui qu'on retrouve à l'article 12 où on lit que "le lieutenant-gouverneur en conseil place sous le contrôle de l'office telle ou telle corporation? "

Dans votre mémoire, vous avez allégué certains faits, spécialement aux pages 23 et 24, qui peuvent démontrer un budget déficitaire d'une corporation. Et vous semblez vous élever contre ce pouvoir discrétionnaire que pourrait avoir le lieutenant-gouverneur de placer automatiquement une corporation en tutelle. Si le lieutenant-gouverneur n'exerçait cette discrétion ou ce pouvoir qu'à la suite d'une enquête menée par l'office, qui pourrait faire telle recommandation au lieutenant-gouverneur, ne croyez-vous pas que ce serait assouplir de beaucoup cette disposition que je trouve un peu exagérée dans la loi?

M. SHEPPARD: Notre objection principale à l'article 12 était son automatisme.

M. PAUL: C'est ça.

M. SHEPPARD: C'est-à-dire que ni le gouvernement ni l'office ont la moindre latitude. S'il y a un déficit — et Dieu sait qu'un déficit peut arriver pour mille et une raisons temporaires — obligatoirement la corporation est mise sous tutelle. Donc, de prime abord, nous avons décidé qu'il serait préférable de recommander une certaine latitude et parler d'insolvabilité, qu'il y ait une notion de permanence plutôt que de déficit.

Ensuite, il y a la question de savoir qui prendra cette décision de mise en tutelle. J'avoue qu'au cours de la discussion nous avons accepté le principe que cette décision initiale relevait du gouvernement. Il serait peut-être plus souple — je ne peux pas parler au nom du conseil, puisqu'il ne l'a pas voté — de confier également cette décision à l'office.

M. PAUL: Cette recommandation ou justification...

M. SHEPPARD: Oui.

M. PAUL: ... à l'office auprès du lieutenant-gouverneur.

M. SHEPPARD: Oui. Naturellement, c'est une modalité possible. Nous ne nous sommes pas arrêtés là-dessus parce que nous espérons que cette situation ne se produira pas souvent. Mais il y a toujours le danger, n'est-ce pas, d'une hostilité entre une corporation donnée et les autorités au pouvoir, à ce moment-là. Inversement, une corporation pourrait être tentée de présenter un point de vue important avec moins de vigueur et moins de courage parce qu'elle saurait qu'elle est vulnérable sur le plan politique. Je ne dis pas que cela arrivera, mais pourquoi faire face à un tel danger si on peut l'éviter? Nous avons un exemple d'une corporation qui, il y a quelques années, n'a pas hésité à condamner disciplinairement un ministre. Si elle avait eu, subséquemment, à rendre compte à ce ministre ou à lui demander des faveurs, elle aurait peut-être eu certaines difficultés. Je spécule, mais ce n'est peut-être pas une spéculation purement oiseuse. Il y a ce danger-là. Tout peut arriver.

M. PAUL: Maintenant, Me Sheppard, en me référant à votre résumé, à la page 4, au paragraphe 11, vous mentionnez qu'en outre "cette mise en tutelle ne devrait pas être automatique, mais facultative". Pourriez-vous nous dire dans quel sens vous employez le mot "facultatif"?

M. SHEPPARD: Facultatif, dans le sens que l'autorité qui décide de la mise en tutelle puisse décider d'autres mesures que la mise en tutelle. Il est possible, par exemple, qu'une corporation soit constituée et que tout cet appareil requis par le code s'avère assez coûteux. Si les cotisations ne sont pas très élevées, que la corporation a une difficulté, disons qu'elle a emménagé dans un édifice après avoir subi un incendie et que la compagnie d'assurance n'ait pas payé ou quelque chose comme cela, il faudrait qu'on permette à cette corporation de lever une cotisation spéciale, de faire un emprunt, de chercher une autre solution. Ce que nous voulons, en somme, c'est d'éviter la mise en tutelle automatique, parce que l'opinion unanime, je pense, des corporations est que le projet, s'il était adopté, même modifié selon la suggestion, coûterait assez cher d'application.

Il y aura des frais, des charges assez lourdes que nous ne refusons pas, loin de là, mais on est un peu devant l'inconnu. On ne sait pas combien cela va coûter. Ce ne sont pas les grosses corporations qui s'inquiètent, mais il y a tout de même des corporations plus jeunes et plus vulnérables.

M. PAUL: Vous me corrigerez si mon interprétation n'est pas exacte, mais au lieu que ce soit une mise en tutelle automatique, cela ne deviendrait qu'une mise en tutelle nécessaire ou justifiée.

M. SHEPPARD: Oui, certainement.

M. PAUL: Une dernière question. En me référant à la page 18 de votre mémoire, je lis que vous recommandez que le siège social de l'office soit fixé dans la Communauté urbaine de Montréal par opposition à la Communauté urbaine de Québec. Jusque là, cela va. Mais pourriez-vous nous donner des précisions quant aux arguments que vous apportez, soit "afin que l'office puisse s'acquitter de ses fonctions le plus efficacement possible"? C'est la raison, la justification de votre requête?

M. SHEPPARD: Oui.

M. PAUL: En quoi l'office serait-il plus efficace à Montréal qu'à Québec?

M. SHEPPARD: Peut-être parce que l'hospitalité de Québec est trop bonne. Mais la vrai raison n'est pas celle-là. C'est que surtout avec un office...

M. PAUL: Excusez-moi. C'est parce que nous sommes souvent pris, nous, législateurs, devant cette hésitation, quelquefois, à dire: Le siège social doit-il être à Montréal ou à Québec? Dans ce cas, le législateur a prévu comme projet un siège social à Québec. Alors, pourquoi recommanderiez-vous un siège social à Montréal?

M. SHEPPARD: Nous avons discuté longuement de cette question. Voici quel a été, encore, le consensus. Essentiellement, la liaison

qui devra s'établir et les travaux de contact, de surveillance et de communications constants seront entre les administrateurs, les officiers des sièges sociaux des corporations et l'office. La très grande majorité des corporations — je pense que trois seulement peuvent être exceptées de la règle — ont leur siège social à Montréal.

Quand vous avez un organisme gouvernemental qui administre des citoyens directement, il est évident que les citoyens sont éparpillés partout dans la province et que la ville de Québec est très bien située de ce point de vue, plus ou moins dans le centre. Lorsque vos contacts, comme organisme gouvernemental, sont surtout avec les sièges sociaux, — parce que les membres même sont administrés par la corporation; donc vous avez l'office qui administre les corporations et les corporations qui administrent les membres — ce serait créer des délais, des difficultés et des dépenses vraiment inutiles.

Il y aurait des déplacements continuels qui ne sont pas requis. Je pense que notre attitude aurait été très différente si l'office administrait vraiment les membres individuellement, parce qu'il y a là une question de distribution géographique très différente.

En somme, c'est un peu comme si vous aviez un office des banques et que toutes les banques avaient leur siège social à Montréal. Il serait peut-être assez logique que cette office soit à Montréal. Je prends un exemple qui n'est peut-être pas très bon, mais c'est purement dans ce sens-là, pour éviter des déplacements, des délais inutiles, des pertes de temps dans la transmission des dossiers.

M. PAUL : Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez dit au début de votre mémoire — ou dû moins dans la présentation de votre mémoire — que vous n'aviez pas d'objection à ce que des représentants de la population siègent au niveau des corporations. Ici, dans votre résumé, vous dites, à la page 3, que les membres de l'office devraient être choisis par le gouvernement, mais dans les limites d'une liste de candidats proposés par les corporations professionnelles. Si je comprends bien, le gouvernement aurait le choix parmi des personnes qui représenteraient premièrement les diverses professions, et ces personnes nommées par les corporations seraient responsables de la nomination des gens qui siégeraient aux conseils des corporations et qui seraient censés en principe représenter la population, j'imagine bien.

M. SHEPPARD: Ce n'est pas aussi simple que ça. A l'Office des professions, soit trois sur cinq ou quatre sur sept seraient choisis à même une liste de trente personnes, par exemple, chacune de ces personnes étant proposée par une corporation. Les deux ou les trois autres membres de l'office, dont le président, seraient nommés par le gouvernement parmi les personnes de son choix, non pas dans cette liste-là.

Donc, les corporations ne pourraient imposer au gouvernement qu'une liste de peut-être huit, neuf ou dix fois le nombre de candidats, ou le nombre de personnes qui seraient nommées. Cet office, nous proposons qu'il soit constitué comme cela, afin que les personnes proposées aient la confiance du monde professionnel. On ne dit pas: Nommez un tel, mais nommez la majorité de l'office à même une liste choisie, d'ailleurs un par corporation.

Donc tous les points de vue s'y retrouveront et ça se fait dans de nombreuses autres juridictions d'ailleurs à un titre ou à un autre.

Et ensuite ce serait l'office qui, selon des modalités à établir, nommerait les membres publics. Maintenant, il y aurait peut-être lieu, en revisant le projet de loi 250, de prévoir des critères pour la nomination des membres publics. Nous ne prétendons pas que les corporations devraient avoir voix au chapitre. Les membres publics, nous ne voulons pas savoir qui ils sont, nous ne voulons pas les nommer, ce serait l'office.

Maintenant, les critères que l'office utiliserait, c'est une autre question et nous croyons que ce n'est pas la responsabilité des corporations. Il est évident que l'office sera constitué de telle façon à avoir la confiance du monde professionnel, et c'est pour ça que nous avons proposé cette formule intermédiaire que l'on retrouve dans différents Etats des Etats-Unis. C'est d'ailleurs de là que je me suis inspiré et vous retrouverez ça dans l'annexe au rapport de la commission d'enquête.

M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, est-ce que vous croyez que la population comme telle va pouvoir considérer ces gens comme leurs représentants avec ce système de nomination que vous suggérez ici?

M. SHEPPARD: Bien, pourquoi est-ce que la population considérerait que ces gens seraient moins représentatifs que si le gouvernement les nommait?

M. SAINT-GERM AIN: Parce qu'au moins si c'est le gouvernement qui les nomme, le gouvernement, ou du moins le Parlement est directement responsable à la population. D'ailleurs, dans tous ces genres de nominations, ou tous ces genres d'activités, si les choses ne tournent pas rond, c'est toujours l'homme public qui, en dernier lieu, en a la responsabilité, qu'il soit responsable des nominations directement ou indirectement ou pas du tout.

Alors, dans ce contexte, si ces nominations sont faites par le gouvernement, je sais bien qu'on peut craindre que ce soient des nominations politiques, mais dans notre contexte où

les communications avec le peuple se font tellement facilement, par les différents media d'information, je crois qu'il devient de plus en plus dangereux pour les gouvernements de faire des nominations exclusivement politiques, et s'ils le font, ils en sont tout de même directement responsables au peuple, et c'est dans ce contexte que je croirais que le peuple considérerait ces nominations comme le représentant plus que si ces nominations étaient faites par l'office, de la façon que vous le suggérez.

M. LE PRESIDENT: La dernière question au député de Montmorency.

M. VEZINA: J'aurais quelques questions, M. le Président. Je voudrais référer au premier rapport, au premier résumé...

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous répondre? M. SHEPPARD: Oui.

M. LE PRESIDENT: Vous avez posé une question et c'est lui qui a répondu contrairement au règlement.

M. SHEPPARD: Est-ce que je peux donner une réponse à sa réponse?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. SHEPPARD: Je pense que si la loi avait indiqué des critères selon lesquels le gouvernement aurait nommé les membres publics, il y aurait moins d'inquiétude de la part du Conseil interprofessionnel. Je pense que, dans le bill 65, il y a des critères qui sont indiqués mais ce n'est pas vraiment le point fondamental.

M. CASTONGUAY: Je m'excuse mais je dois rectifier. A la fin, on a pris un processus électif pour ceux qui représentent les consommateurs. Au niveau du conseil régional, les membres sont nommés par les maires des municipalités, et au niveau des établissements, c'est par voie d'élection. Les autres personnes nommées le sont, généralement, à l'intérieur du système. Il reste, au niveau des centres hospitaliers, par les groupes socio-économiques.

On nous a fait part à plusieurs reprises, au niveau de la commission, que c'était un critère tellement large qu'il n'avait presque pas de signification. C'est pourquoi on a opté finalement pour des modes électifs dans toute la mesure du possible à cause de la très grande difficulté de définir des critères dans une loi qui permette, à partir de ces critères-là, de dire qu'une personne représente bien le public en l'absence d'un processus électif.

M. PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: Comme je vous le disais, je veux vous référer au premier résumé, puisque c'est le document qu'on nous a remis pour préparer notre journée. A la page 1 du chapitre intitulé "Introduction", vous dites — je lis les quatre dernières lignes — "qu'il serait périlleux de balayer des institutions qui ont bien fonctionné dans le seul but de satisfaire les exigences d'un organigramme doctrinal".

M. SHEPPARD: Pour commencer, cette remarque s'applique non seulement au bill 250 mais à tout l'ensemble de la réforme. Encore, parlant au nom du conseil, nous avons l'impression qu'on voulait réformer le système ou en créer un plus harmonieux, plus logique, plus uniforme, qui soit plus agréable sur papier. C'est dans ce sens-là; le mot "organigramme" n'a rien de péjoratif et le mot "doctrinal" n'a rien de péjoratif non plus. On parle constamment de doctrine juridique mais ce que cela veut dire en langage de profane c'est qu'on est parti, à notre avis, du souci d'avoir un système uniforme qui ait une logique cartésienne. Comme bien des choses dans la vie, parfois un manque de logique et une certaine flexibilité fonctionnent mieux.

M. VEZINA: C'était une impression.

M. SHEPPARD: C'est une opinion.

M. PAUL: Est-ce qu'il n'y aurait pas une référence à la façon dont la plupart des corporations professionnelles s'étaient acquittées de leurs responsabilités? Il faut lire tout le paragraphe. Les quatre dernières lignes sont une conséquence d'un principe qui est énoncé à l'effet que, depuis longtemps, la plupart des corporations professionnelles ont volontairement assumé de lourdes tâches réglementaires et disciplinaires dans l'intérêt public et que, du même coup, on ne devrait pas balayer toutes ces corporations-là.

M. VEZINA: Je n'ai pas émis d'opinion, j'ai posé une question.

M. PAUL: Moi aussi je la pose et je me la pose à moi-même.

M. LABELLE: Je pense que le conseil accepterait volontiers de changer le mot "doctrinal" pour le mot "théorique".

M. VEZINA: A la page 2, vous nous parlez d'une des traditions les plus précieuses de l'organisation professionnelle au Québec. Considérez-vous que toute atteinte à l'indépendance d'une corporation professionnelle peut mettre en jeu la qualité ou l'objectivité du service rendu par ses membres?

M. SHEPPARD: Je peux parler en mon nom personnel, peut-être que, comme avocat, je suis très partial, mais je suis persuadé que, dans bien des cas, ce n'est qu'au prix d'une indépendance totale du professionnel qu'on a certains services.

Si, par exemple, l'avocat, le notaire ou même le médecin, dans certains cas, ne peut pas se tenir debout ou n'ose pas se tenir debout dans certaines causes, ce sont les citoyens en général qui en souffrent. J'ai cité tantôt un exemple. Qu'on ait eu tort ou raison, quand le Barreau a osé citer devant lui un ministre et le condamner, je dois dire que j'ai été moi-même très fier d'être avocat.

M. VEZINA: Moi aussi.

M. LE PRESIDENT: Je pensais que c'était une question.

M. PAUL: Pour les fins du journal des Débats, je voudrais qu'il soit dit que ce nétait pas moi.

M. VEZINA: A la page 3, vous parlez d'un appareil étatique qui risquerait d'entraîner la surveillance de la vie privée des citoyens plutôt que celle des opérations des corporations." Voulez-vous m'expliciter ça d'une façon un peu plus cartésienne?

M. SHEPPARD: Je pense que M. Labelle y a répondu tout à l'heure. Cela se rattache surtout à la notion du secret professionnel. C'est que, de plus en plus, dans de plus en plus de domaines et pas seulement dans celui des corporations professionnelles, — pensons à tout le débat qui entoure le secret des journalistes — il y a un conflit entre le désir de l'Etat ou de l'autorité de savoir et le souci de certaines personnes de protéger leur intimité. On le voit de plus en plus, dans tous les domaines. Ce n'est pas parce que nous voyons une machine monstrueuse qui essaie de détruire la liberté, mais parce que ce sont des choses qui se passent, parfois involontairement. Une des choses les plus précieuses, je pense, dans l'organisation professionnelle, c'est que vous pouvez consulter votre médecin, votre avocat, vous pouvez aller voir votre comptable et être assuré qu'il préférera parfois même aller en prison plutôt que de révéler ce que vous lui avez appris.

Evidemment, il y a un point de vue différent aussi qui prétend que l'Etat devrait tout savoir. Il faut choisir et nous avons opté pour un système où l'on protège le droit du citoyen de ne pas se livrer à l'Etat. On a parlé, tout à l'heure, d'un malaise véritable qui existe entre les citoyens et les professions, mais il y a un malaise beaucoup plus grand qui existe entre le citoyen et l'appareil étatique dans tous les pays modernes. C'est ça que nous avons souligné sans dire et sans vouloir prétendre que l'intention des auteurs du projet, c'est de créer une machine à espionner les citoyens. Nous avons simplement dit que ça peut arriver, dans certaines circonstances.

M. VEZINA: M. le Président, j'ai d'autres questions, est-ce que je peux continuer?

M. LE PRESIDENT: Nous devions finir à quatre heures et demie et je croyais que vous n'aviez qu'une question.

M. VEZINA: C'est une question qui est subdivisée, c'est pour cela. Cela fait cinq questions.

M. LE PRESIDENT: C'est parce qu'on a besoin de la salle et on ne veut pas faire retourner...

M. VEZINA: Alors, cinq minutes. Concernant le secret professionnel, à la page 5, considérez-vous que...

M. PAUL: Excusez-moi, vous avez le vieux résumé.

M. VEZINA: Je suis toujours dans le vieux résumé. Considérez-vous, lorsque vous employez l'expression "tribunal", que les tribunaux, telle la Commission de police, seraient investis du pouvoir de relever un professionnel de son secret?

M. SHEPPARD: La question du secret professionnel n'est pas encore réglée à la satisfaction de qui que ce soit au Québec. Le secret professionnel est bien mieux protégé dans la tradition latine ou française que dans la tradition anglaise. Et nous souffrons ici, au Québec, d'une tradition anglaise qui ne reconnaît qu'un seul secret professionnel, celui des avocats. Un médecin peut être obligé à dévoiler ce qu'il sait devant un tribunal criminel.

Même sans l'avoir discuté à fond, je pense que tout le monde au conseil estime qu'on devrait renforcer le secret professionnel et qu'il n'y a que certains cas où un tribunal peut délier du secret. Par exemple, un professionnel ne pourrait pas invoquer le secret lorsque son client ne l'invoque pas ou lorsque c'est pour se protéger lui-même. Ou un professionnel qui poursuit sur un compte d'honoraires ne pourrait pas refuser de répondre à une question parce que c'est dévoiler le secret professionnel et ainsi de suite.

Les deux seules autorités que l'on devra reconnaître, à part la loi, c'est le tribunal ou le client lui-même. Et certainement pas une Commission de police et certainement pas un tribunal administratif.

M. VEZINA: Pas les tribunaux parajudiciai-res?

M. SHEPPARD: Non, et j'oserais même dire que les tribunaux judiciaires ne devraient pas avoir ce droit à la légère parce que la curiosité humaine est une chose curieuse, le fait qu'on ne veuille pas révéler quelque chose immédiatement donne une valeur bizarre et on veut savoir. Les juges disent toujours sous réserve, mais on préfère que cette réserve soit faite par la loi.

M. VEZINA: Une avant-dernière question, à la page 10, concernant votre droit d'intervention dans les débats judiciaires ou quasi judiciaires. Ne trouvez-vous pas qu'il faudrait imposer au conseil interprofessionnel le fardeau de prouver préalablement que, soit les droits du public ou le point de vue des professionnels peuvent être mis en jeu par ledit débat judiciaire ou quasi judiciaire? Ou préférez-vous que ce soit un droit absolu d'intervenir sans être obligé de motiver l'intervention?

M. SHEPPARD: Eh bien, tout d'abord, personne, dans un débat judiciaire, ne peut intervenir s'il n'est pas partie, à moins que le tribunal ne l'y autorise. Il faut démontrer un intérêt. Et le fardeau du conseil ou d'une corporation serait de démontrer au tribunal qu'il y a une question d'ordre professionnel en ligne de compte. Mais n'oubliez pas qu'une telle intervention ne coûte rien aux parties. Elle ne peut coûter de l'argent qu'au conseil, et si j'avais à choisir entre, disons, renoncer à une intervention et permettre à un organisme sérieux représentant certains intérêts de faire valoir un point de vue, je préférerais mille fois qu'il intervienne. Parce qu'après tout qui va payer? Ce seront les professionnels. S'ils interviennent intempestivement, ce qui n'est pas leur habitude, comme vous le savez, ce sont eux qui paieront les pots cassés. Ce ne sera pas le public ni les parties au litige.

M. VEZINA: Juste une dernière question très courte. Etant donné votre vaste expérience, vu que vous avez fait des travaux pour la commission Castonguay-Nepveu, etc., concevez-vous — je vous parle comme avocat ou comme confrère — qu'il existe au Québec une corporation qui pourrait être soustraite au code des professions?

M. SHEPPARD: Disons que, comme avocat du Conseil interprofessionnel, la question ne s'est pas posée. Je suis ici pour parler en son nom et ce n'est pas le moment, je pense, de me poser cette question.

M. VEZINA: Dans l'économie générale, tout de même, du bill 250.

M. SHEPPARD: Je pense que vraiment, si on me force à y répondre, j'y répondrai. Je suis ici à titre d'avocat du conseil et non pas à titre de membre de ma corporation. Mais les recommandations du conseil parlent par elles-mêmes et vous n'y verrez pas de recommandations qui aient des exclusions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Me Sheppard, est-ce que vous serez dans la salle quand la question sera posée au Barreau quand il viendra?

M. SHEPPARD: D'abord, je ne sais pas quand elle sera posée, ni par qui et je n'ai pas été invité.

M. PAUL: Le président vous fait une invitation!

M. LE PRESIDENT: Je pense que... M. VEZINA: Merci.

M. LE PRESIDENT: ... l'exposé est terminé maintenant. Je crois que le ministre veut remercier la délégation qui est ici aujourd'hui.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier les organismes membres du Conseil interprofessionnel et leurs porte-parole pour un mémoire extrêmement clair, précis et qui sera utile à la fois aux membres de la commission et au gouvernement. - Je voudrais simplement ajouter que tantôt, sans le vouloir, j'ai interrompu Me Sheppard au moment où nous avons parlé des critères que la loi 65 aurait comportés pour la nomination de membres publics, et ce n'était pas mon intention de le faire.

Je voudrais l'inviter ou inviter le Conseil interprofessionnel, s'il a des suggestions à nous faire quant à des critères qui pourraient être suivis ou utilisés, à nous transmettre ces suggestions. Je m'excuse de cette interruption très involontaire de la discussion. Je voulais simplement faire cette petite clarification et, encore une fois, merci pour le mémoire et pour toutes les explications que vous nous avez données.

M. FOURNIER: M. le Président, on m'informe qu'à la suite des avis publiés dans les journaux, il y a trois mémoires qui sont arrivés peut-être quelques jours en retard. Je demanderais qu'ils soient inscrits dans la liste finale. Il s'agit de la Fédération des médecins spécialistes, de la Province of Quebec Ostheopatic Association et de la Corporation des chimistes professionnels du Québec.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le consentement est accordé?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures trente.

M. LABELLE: M. le Président, juste une seconde. Au nom du Conseil interprofessionnel, moi aussi, de mon côté, je veux vous remercier. Je veux remercier tous les membres de la commission de leur invitation et de leur bonne attention. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci. (Fin de la séance à 16 h 56)

Mercredi 1er mars 1972

(Dix heures trente-cinq minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Aujourd'hui la commission spéciale sur les corporations professionnelles entendra le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec. Ils sont ici? Oui. Après ce sera la Chambre des notaires. Sont-ils présents? Merci.

Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec

M. GINGRAS: M. le Président, permettez-moi de me présenter, Dr Gustave Gingras, président du Collège des médecins de la province de Québec. Je suis accompagné des membres de l'exécutif, Dr Harvey Barkun, Dr Raymond Benoît. Egalement accompagné des cadres du collège: Dr Augustin Roy, registraire; Dr André Lapierre, registraire adjoint; Dr François Laramée; Dr Yves Leboeuf; de nos conseillers juridiques: Me Gaston Pouliot, qui est accompagné de Me Payette.

M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés, au cours des deux dernières années le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec, à de nombreuses occasions, a pris position publiquement sur le sujet de l'organisation professionnelle, du rôle des corporations professionnelles et de son propre rôle. Il l'a fait à l'occasion de la parution de recommandations de la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social. Il l'a fait également, devant cette commission, lors de la discussion sur le projet de loi 65.

L'exécutif du Collège des médecins a fait une tournée de la province pour exposer sa philosophie au plus grand nombre possible de ses collègues et de ses membres et a reçu d'eux, à cette occasion, un appui unanime. C'est fort de cet appui que le collège a fait parvenir à cette commission les mémoires basés sur sa philosophie, que vous avez sans doute reçus.

En premier lieu, le collège désire remercier les membres de la commission parlementaire de lui donner une nouvelle occasion d'exposer ses vues sur l'ensemble de la réforme qui est proposée au monde professionnel. C'est un résumé des vues du collège que nous voulons soumettre aujourd'hui, de manière que les membres de cette commission puissent poser toutes les questions qu'ils jugeront nécessaires.

Après le dépôt en Chambre du bill 250 et de chacun des autres projets de loi constituant les bills 251 à 273, le collège a dû arrêter son choix sur une de trois attitudes possibles à adopter, compte tenu, bien entendu, de l'expérience, de l'organisation actuelle et de la manière dont le collège exerce présentement et actuellement le mandat qui lui est confié.

La première attitude aurait été de demander de ne pas être soumis au code des professions, d'établir une liste exhaustive des raisons justifiant cette attitude et cette position et de faire, devant cette commission, la démonstration de leur valeur. Une deuxième attitude, peut-être plus astucieuse, peut-être plus habile, aurait été d'accorder un appui total ou quasi total ou presque total au code des professions, dans une déclaration publique, pour ensuite prendre toute la latitude possible et requise pour s'en soustraire ou s'en dissocier par le biais de la Loi médicale. Et enfin, le collège a définitivement écarté ces deux premières positions, ces deux premières possibilités et opté pour une troisième qui est la suivante.

Dès le début de son mémoire, le collège se déclare d'accord sur un code des professions différent du bill 250 et signale qu'il ne s'agit pas là d'un accord superficiel. Il accepte le principe d'une loi-cadre complétée de lois particulières pour l'organisation du monde professionnel et désire y apporter sa contribution en proposant, pour ces lois, des amendements qui suggèrent une philosophie de base différente et rendrait le bill 250 applicable à l'ensemble des professions.

Le collège croit fermement que ces changements sont nécessaires pour que le code des professions atteigne l'objectif visé par le législateur, celui d'en faire une véritable loi-cadre qui constituerait la première loi régissant les corporations professionnelles de cette province. Le collège réalise, par la somme de travail que cela lui a imposé, qu'en adoptant cette troisième attitude, il a choisi la solution bien entendu la plus complexe et la plus difficile. Il l'a fait en tenant compte de sa principale raison d'être, celle d'être le protecteur du public.

Le collège a donc procédé à l'étude du code des professions, de sa propre loi et de toutes les autres lois, tant celles qui touchent les professions du domaine de la santé que les autres. Il soumet des amendements qui lui paraissent fondamentaux et essentiels pour donner au bill 250 l'économie d'une réelle loi-cadre pour la rendre applicable, dans sa presque totalité, à l'ensemble des corporations.

A la suite de cette analyse de chacune des lois qui ont été déposées et des lois actuelles de chacune des corporations, le collège a jugé nécessaire, M. le Président, de rédiger sur sa réforme trois mémoires distincts qui conservent tous trois leur importance, étant donné que les lois qui seront adoptées à la suite du travail de la présente commission engageront pour plusieurs années sans doute la gestion des corporations en vue de la protection du public.

Etant donné qu'il n'y a pas eu de consultation préalable avec le collège sur ces lois, nous considérons que le bill, imposé par les règles de pratique concernant les commissions parlementaires, n'est pas suffisant pour permettre une consultation valable sur les bills 250 et 252, surtout que ceux-ci constituent la seule, unique et sérieuse consultation.

D y a, dans les 260 pages des mémoires du collège sur les bills 250 et 252, plusieurs points essentiels que nous devons expliquer pour faire ressortir la nécessité d'apporter les amendements que nous suggérons. Même si le troisième mémoire, sur les autres corporations de la santé, est relativement court, il n'en garde pas moins son importance parce qu'il engagera, entre autres, l'évolution de la profession d'infirmière, les relations qui doivent exister entre les professionnels dans l'exercice de certaines professions et parfois même aussi la sécurité du public.

Nous demandons donc, M. le Président, le privilège de présenter d'abord notre mémoire sur le bill 250, de procéder à la période de questions et, par la suite, de présenter notre mémoire sur le bill 252. Si le temps ne le permet pas, nous demandons le privilège de revenir devant cette commission pour présenter nos commentaires sur les autres lois.

M. le Président, nous apprécierions savoir, si la chose est possible avant de commencer la présentation de nos mémoires, si vous acceptez que nous procédions d'abord à l'étude du bill 250 qui nous semble essentiel.

M. LE PRESIDENT: Dr Gingras, j'ai consulté le parti ministériel et l'Opposition officielle, et je pense que le Ralliement créditiste...

M. GUAY: D'accord.

M. LE PRESIDENT: ... et le Parti québécois sont d'accord également sur votre façon de procéder pour la présentation de vos mémoires. Nous procéderons comme s'il y avait trois délégations distinctes: une sur le bill 250, une sur le bill 252 et, pour le troisième mémoire, nous entendrons vos commentaires sur les six ou sept bills qui y sont mentionnés.

Je suis certain que la commission va garder votre mémoire ici et, quand les autres corporations vont venir étudier leur propre bill, elles seront questionnées sur les recommendations et les commentaires contenus dans vos mémoires.

Si on met le troisième mémoire de côté, vous reviendrez chaque fois qu'un de ces bills sera présenté et cela deviendra de la contestation entre les corporations. Or, ce n'est pas le but de cette commission. A cette commission spéciale, les questions vont dans une direction seulement, pas comme hier, et nous allons vous demander iici vos commentaires. Nous ferons de même quand les autres corporations viendront se faire entendre. Nous allons entendre trois mémoires de trois délégations en vingt minutes et nous allons leur poser des questions par la suite.

M. LAVOIE (Wolfe): Est-ce que nous pourrions savoir pourquoi le Parti québécois n'est pas représenté ce matin pour un bill si important?

M. LE PRESIDENT: Cela ne fait pas partie de mes attributions.

M. LAVOIE (Wolfe): Parce qu'après que tout sera fini ils vont revenir avec de nouvelles questions et cela va allonger les débats.

M. PAUL: Pour enchaîner un peu sur ce qu'a dit mon collègue, le député de Wolfe, cela serait peut-être un peu gênant ou malhonnête d'imposer au Parti québécois, vu son absence dans le moment, une liberté d'expression ou de tenir pour acquis que ses représentants se rallieront au consensus unanime qui existe actuellement autour de cette table. Il y aurait peut-être lieu, lorsque la députation du Parti québécois aura pris place et s'intéressera au projet de loi, que nous posions la même question que vous nous avez posée.

M. LE PRESIDENT: En temps et lieu.

M. GINGRAS: De toute façon, si vous me le permettez, nous exposons maintenant notre point de vue sur le bill 250.

Code des professions

M. GINGRAS: Je voudrais, M. le Président, avec votre permission et la permission des membres de la commission, faire une mise au point, d'abord. Je désirerais, avant d'entreprendre l'étude du bill 250, faire une mise au point au sujet du mémoire du Conseil interprofessionnel qui a été soumis à la présente commission et qui a été étudié hier, je crois. Nous désirons aviser les membres de la commission que ni le Bureau provincial de médecine, ni le comité exécutif du Collège des médecins n'ont pris connaissance du contenu de ce mémoire avant qu'il ne parvienne à la commission. Il n'a donc pas reçu l'approbation officielle du Bureau provincial de médecine.

Après en avoir pris connaissance, le comité exécutif du collège est heureux d'un certain nombre de recommandations qui ont été faites dans ce mémoire, mais il désire aviser les membres de la commission que plusieurs autres commentaires et recommandations de ce mémoire ne concordent pas avec les commentaires et les recommandations qui sont à l'intérieur de ce mémoire que vous avez reçu.

Qu'il soit bien clair que la pensée officielle du collège est contenue dans son propre mémoire et que pour autant que celui-ci diffère de ce qui a été présenté par le Conseil interprofessionnel du Québec le collège doit s'en dissocier.

M. le Président, dans son mémoire sur le bill 250, le collège a fait des commentaires généraux et des commentaires particuliers sur les chapitres, sections et articles du bill et a proposé, en conclusion, un projet de loi 250 amendé selon ses recommandations.

Vous réaliserez, par la lecture comparative des deux textes, que la compréhension et l'interprétation, dans l'annexe du mémoire du collège, en son rendues, je crois, beaucoup plus faciles.

Pour entreprendre l'étude du bill 250, nous désirons, si vous me le permettez, discuter, dans un premier temps, de l'économie et de la philosophie du code des professions proposé par le législateur et du code des professions proposé par le collège et, dans un deuxième temps, vous faire voir les difficultés d'application du code proposé par le législateur et faire valoir les solutions ou amendements suggérés par le collège.

Etat donné, M. le Président et les membres de cette commission, que l'analyse, la critique des diverses lois qui ont été déposées, de même que la formulation des amendements suggérés par le collège, sont le plus souvent qu'autrement d'un ordre très technique, vous me permettrez de demander à nos médecins-cadres de procéder à la présentation des commentaires du collège.

Pour accélérer le processus des questions et réponses, nous avons prévu que le docteur Yves Leboeuf répondra à la majorité des questions que vous voudrez bien nous poser. Merci, M. le Président, merci, MM. les membres de la commission.

M. LEBOEUF: M. le Président, nous commencerons donc par quelques commentaires sur la philosophie du code des professions.

Le collège constate que l'omniprésence de l'Etat se manifeste tout au long du projet de loi 250, tel que déposé par le législateur. A titre d'exemple, le lieutenant-gouverneur en conseil nomme et paie les membres et les employés de l'office, nomme et paie les administrateurs au bureau de chaque corporation, nomme et paie un administrateur au comité administratif de chaque corporation, nomme et paie le secrétaire du comité d'inspection professionnelle de chaque corporation, nomme et paie le président et le secrétaire du comité de discipline de chaque corporation, nomme et paie les syndics, les syndics adjoints et les syndics correspondants de chacune des corporations.

De plus, le lieutenant-gouverneur en conseil approuverait toute la réglementation préparée par le bureau de chacune des 34 corporations, même celle concernant sa régie interne, l'administration de ses biens et même la nomination de ses employés. D'ailleurs, la liste de plus de vingt de ces contrôles dont jouirait le lieutenant-gouverneur en conseil apparaît aux pages 11 et suivantes de notre mémoire.

Le collège considère que cette ingérence du pouvoir exécutif dans l'ensemble de l'organisation professionnelle est abusive et inacceptable.

Même la notion fondamentale d'autodiscipline ou du jugement par ses pairs qui justifie en grande partie l'existence des corporations pour la protection du public disparaît purement et simplement et cède la place à un pouvoir parallèle de l'Etat et qui ne saurait créer que confusion et ambiguïté et nuire ainsi au public que l'on prétend protéger.

Si, dans ce bill 250, les pouvoirs et l'autorité du lieutenant-gouverneur en conseil sont larges et clairement déterminés, il faut réaliser que les pouvoirs et l'autorité de la corporation sont limités par un cadre rigide, entièrement contrôlé et présenté sous la forme d'une liste dressée de façon exhaustive.

Le collège tient à noter que, relativement à l'ingérence du lieutenant-gouverneur en conseil, le projet de loi 250 va plus loin et de beaucoup que les recommandations de la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, dans le volume 7 de son rapport. En effet, en plus de ce qui était prévu dans ce rapport de la commission, le projet de loi 250 ajoute, entre autres, les contraintes suivantes: Le lieutenant-gouverneur en conseil nomme un administrateur au comité administratif du bureau de chaque corporation; le projet de loi ne laisse même pas le conseil d'administration de chaque corporation décider de son mode de cotisation et prévoit par ailleurs une mise en tutelle possible; le projet de loi oblige chaque corporation à exercer la presque totalité de ses pouvoirs par voie de réglementation et oblige de soumettre chacun de ses règlements à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil après un préavis de trente jours dans la Gazette officielle. Ce préavis cependant n'est pas prévu pour les règlements que le lieutenant-gouverneur en conseil, quant à lui, adoptera en vertu de l'article 169 du même projet.

Contrairement au rapport de la commission Castonguay-Nepveu, le projet de loi 250 prévoit un contrôle de l'organe disciplinaire de chaque corporation. Le lieutenant-gouverneur en conseil, en effet, y nommera et paiera le président, le secrétaire, le ou les enquêteurs ou syndics et même désignera au comité d'appel le ou les juges qui devront entendre cet appel. Le projet de loi 250 va même jusqu'à prévoir que le lieutenant-gouverneur en conseil fixera lui-même la procédure du comité d'inspection professionnelle de chacune des corporations.

Tout ceci, est-il nécessaire de le répéter, est, pour le collège, abusif et inacceptable. Le projet de loi 250 crée un Office des professions mais pas plus qu'il ne le faisait pour les offices régionaux des Affaires sociales, dans le projet de loi 65, il ne lui accorde, aux yeux du collège, ni le caractère représentatif qui permette de le rendre acceptable au public et ne lui donne pas les pouvoirs nécessaires pour assumer la fonction fondamentale justifiant sa création, soit celle de surveiller avec efficacité chacune des corporations professionnelles et de s'assurer que ces dernières remplissent bien leur mandat.

Bien plus, à côté d'un Office des professions faible, le projet de loi 250 institutionalise, en parallèle une autre structure, le Conseil interprofessionnel, et dilue ainsi davantage la force de représentation de ces deux organismes.

A l'encontre de cette philosophie qui ressort de façon évidente de ce projet de loi, le collège recommande que l'Office des professions prenne une valeur et une ampleur réelles et qu'il devienne l'élément central de la réforme proposée dans les nombreux projets de loi déposés devant la présente commission.

Le collège insiste pour qu'à l'Office des professions, dont il souhaite la création, le public soit représenté et pour que cet organisme devienne pour la protection de la population l'équivalent du Protecteur du citoyen dans le champ d'action des corporations professionnelles. IL insiste également pour que le nombre des membres de l'office soit augmenté de trois à sept, que le public soit représenté parmi ces membres et surtout pour que le rôle de surveillance des corporations que l'office aura à assumer soit amplifié et clarifié par l'augmentation et des pouvoirs et des moyens de surveillance mis à sa disposition. Le collège considère que, selon la philosophie de base qu'il entend développer, c'est l'Office des professions et non le lieutenant-gouverneur en conseil qui doit nommer le ou les membres appelés à siéger au bureau de chaque corporation et au comité mis en place par chaque corporation pour étudier les plaintes du public.

L'office pourra ainsi recevoir de ses représentants dans chacune des corporations les rapports nécessaires pour assumer son mandat. Selon le collège, l'office doit être autorisé à recevoir aussi toute plainte du public à l'encon-tre de l'une ou l'autre des corporations et doit avoir les pouvoirs nécessaires pour vérifier le bien-fondé de ces plaintes et faire les recommandations appropriées tant aux corporations qu'à l'Assemblée nationale.

Enfin le collège considère que le rapport annuel de chacune des 34 corporations devrait être envoyé non pas à l'Assemblée nationale mais à l'Office des professions. Le rapport annuel de l'office devrait alors faire la synthèse de l'ensemble de la situation et des cas particuliers et être seul soumis à l'Assemblée nationale. Le collège tient à souligner que, s'il recommande d'amplifier le rôle de l'Office des professions et ses pouvoirs, il s'oppose à ce qu'il déborde le rôle strict de surveillance des corporations. D'aucune façon les pouvoirs de l'office ne doivent se substituer à ceux qui sont du ressort de l'Assemblée nationale, à ceux qui relèvent du lieutenant-gouverneur en conseil ou à ceux qui reviennent à chacune des corporations.

Le collège croit qu'avec un Office des professions ainsi restructuré et revalorisé le lieutenant-gouverneur en conseil pourra remplir dans l'application de cette réforme le rôle qui est le sien, nommément d'approuver les règlements édictés en vertu de chacune des lois et ainsi répondre de leur conformité avec l'esprit de la réforme, d'assurer une coordination de toute la réglementation du monde professionnel et de faire modifier, le cas échéant, par l'Assemblée nationale, les lois en vigueur qui ne répondraient plus aux besoins de la société.

Le lieutenant-gouverneur en conseil ne pourrait que bénéficier, dans ce travail, des avis éclairés d'un office des professions renforci.

En restant toujours sur le plan de la stricte philosophie qui doit sous-tendre aux yeux du collège cette réforme, le collège s'oppose à l'institutionnalisation du Conseil interprofessionnel tel que proposé dans le projet de loi 250 et demande que les articles référant à cet organisme dans ce projet soient abrogés.

Le Conseil interprofessionnel existe actuellement et continuera d'exister sans qu'il y ait lieu d'en faire une structure obligatoire encadrée dans ce texte de loi. Le projet de loi 250 obligerait chaque corporation à faire partie de ce conseil et à le financer, et statue sur les matières où ces avis et recommandations seront requis. Il lui impose l'obligation de faire un rapport annuel au ministre et, par lui, à l'Assemblée nationale.

Le collège estime que ce conseil doit demeurer un regroupement libre, qui décide librement de son organisation, de son financement, de la nécessité et de la fréquence de ses interventions.

Passons maintenant à l'application même du code des professions. Le code de professions tel que proposé sera d'application laborieuse et difficile, tant à cause de sa lourdeur et de sa complexité que de la rigidité des structures imposées. Ainsi, des articles sur le même sujet sont dispersés dans le code. Nous pensons ici, entre autres, à des articles qui relèvent tous de la déontologie et qui sont pourtant répartis dans au moins sept articles différents, allant des numéros 48 à 169.

Par ailleurs, de nombreux renvois d'un article à l'autre rendent la lecture et la compréhension du texte extrêmement difficiles. C'est le cas par exemple des quelque sept articles traitant de la question de l'émission des permis d'exercice. De plus, environ 60 articles, qui ne concernent que onze corporations à titre réservé sont pourtant intercalés dans le texte du projet de loi, nuisant ainsi de façon évidente à sa clarté. Le manque de définition de certains termes risque d'entraîner une incompréhension totale de certains autres articles, pourtant importants. Un exemple à cet effet concerne la question du fonds d'indemnisation sur laquelle les interprétations même farfelues sont possibles et peuvent donner au public une fausse impression de sécurité. Le code défend aussi à un professionnel de refuser ses services pour des raisons de sexe ou d'âge, alors qu'en médecine il existe des spécialités bien connues qui ne pourraient respecter de tels articles.

Tel qu'ils sont prévus dans le bill 250, certaines structures et certains mécanismes ne sauraient conduire, à certains moments, qu'à un dédoublement des fonctions à remplir, au détriment du résultat recherché et d'une manière qui, à l'occasion, risque d'être ridicule.

Ainsi, faute d'un mécanisme de coordination prévu dans ce projet de loi, il serait possible et plausible pour chacune des structures en cause, agissant de son propre chef, de retrouver au même endroit et en même temps, et ce n'importe où dans la province, un syndic qui enquêterait sur une plainte contre un médecin, un comité d'inspection professionnelle qui enquêterait dans le cabinet de consultation de ce

médecin, un comité spécial de bureau qui enquêterait dans l'hôpital où exerce ce médecin, un enquêteur du gouvernement et un enquêteur du collège qui poursuivraient chacun leur propre enquête pour vérifier s'il n'y aurait pas eu exercice illégal ou usurpation d'un titre réservé. Et tout cela au nom de la corporation, chacun ayant ses dossiers différents.

Le code propose en plus des structures d'une rigidité irréaliste, alors que les responsabilités que chaque corporation doit assumer ne sont pas clairement déterminées. Ceci est particulièrement évident dans le chapitre de l'inspection professionnelle de la discipline et dans les articles concernant les syndics. En effet, le code ne permet qu'un comité de discipline, alors que, en ce qui le concerne, le Collège des médecins s'acharne depuis quelque trois ans à faire comprendre à qui veut bien l'entendre que l'existence d'un seul comité de discipline dans ses structures actuelles a conduit à des délais importants dans le fonctionnement de son organe disciplinaire et à un goulot d'étranglement qui, s'il ne frôle pas le ridicule, va nettement à l'encontre de la protection du public.

Le code prévoit aussi un seul comité dit d'inspection professionnelle composé de trois personnes seulement pour contrôler par lui-même l'exercice professionnel de tous les membres d'une corporation et ce nonobstant le fait que certaines corporations ont 200 membres, alors que d'autres en ont 35,000, et nonobstant le fait que certaines professions n'ont pas de spécialité, alors que la médecine en présente 30 en plus de la pratique générale.

Cette rigidité dans les structures aux dépens des fonctions ne permet pas de respecter les caractéristiques particulières de chaque corporation et ce malgré la déclaration ministérielle du Solliciteur général lors de l'annonce de ce projet de loi. Le collège pourrait citer plus d'une quinzaine des caractéristiques particulières que le code ne respecte pas par sa rigidité et que des amendements appropriés pourraient corriger tout en respectant l'esprit d'une loi-cadre.

En plus d'être complexe et lourd et d'imposer des structures rigides, le code contient un certain nombre d'articles dont la formulation n'est pas acceptable et un certain nombre de sections qui comportent des vides importants. Ainsi le collège désire que le bureau de chaque corporation conserve le pouvoir d'ordonner un examen médical d'un de ses membres, comme le propose le projet de loi 250, mais n'accepte pas la formulation de l'article 47 qui risque de conduire à l'arbitraire et à l'injustice.

Le collège s'oppose, dans l'article 51, à ce que toute admission dans une institution pour malades mentaux entraîne automatiquement la radiation du professionnel concerné et que l'attestation de sa guérison soit une condition sine qua non de la réinscription de ce professionnel. Il considère ici qu'il doive s'agir d'admission en cure fermée seulement et que l'attestation dont il est question réfère non pas à une guérison, mais bien à un retour à la santé compatible avec l'exercice professionnel concerné.

Le collège demande l'addition d'un article qui protège le secret professionnel et insiste pour que tous les professionnels et leur personnel, de même que toute personne appelée à participer à l'administration et au fonctionnement, tant des corporations que de l'office, y soient tenus.

Dans le procédure de votation pour l'élection des divers administrateurs au bureau de chaque corporation, le collège note entre autres les omissions ou erreurs suivantes et propose les corrections dans son mémoire. Rien n'est prévu en cas de contestation d'élection. Rien n'est prévu pour une élection par acclamation. Rien n'est prévu en cas d'égalité de votes. Rien de précis n'est prévu pour déterminer qui a le droit de voter. Rien n'est prévu de façon précise pour déterminer quand les élus entrent en fonction. On ne prévoit pas la possibilité d'élection partielle en cas de vacance à un poste.

Dans le fonctionnement administratif de la corporation, certains points sont expliqués longuement dans notre mémoire. Le collège se demande pourquoi trois administrateurs sont requis pour convoquer une assemblée spéciale de tout bureau, alors que certains de ces bureaux compteront sept administrateurs en tout et d'autres trente et plus.

Il se demande également pourquoi prévoir un délai de trente jours dans le convocation de toute assemblée générale spéciale quand il peut être parfois nécessaire et utile d'agir beaucoup plus rapidement. Il ne voit pas pourquoi le code imposerait l'élection d'un nouveau comité administratif à chaque année. Il ne voit pas pourquoi le code oblige le comité administratif à une réunion aux six semaines. Il ne voit pas pourquoi son rapport annuel doit aller à l'Assemblée nationale.

Il considère, au contraire, que ce rapport doit être destiné au ministre responsable de la corporation concernée et à l'Office des professions qui, dans son rapport annuel, devra tenir compte de ceux des 34 corporations.

Il ne voit nullement, non plus, la raison de permettre au lieutenant-gouverneur en conseil de décréter la vérification des livres et comptes des corporations. Cette fonction de surveillance relève strictement de l'Office des professions qui, d'ailleurs, comme l'a suggéré M. Rémi Paul hier, pourrait, par un amendement à l'article 12, utiliser les renseignements recueillis pour recommander, s'il y a lieu, une mise en tutelle au lieutenant-gouverneur en conseil.

Il reste un dernier point à discuter et qui nous apparaît être le deuxième en importance, après la création de l'office: c'est celui du partage des pouvoirs et devoirs entre le lieutenant-gouverneur en conseil, l'office et les corporations. Les articles visés sont l'article 10, les articles 83 à 88 et les articles 168 et 169.

En premier lieu, les pouvoirs de l'office apparaissent faibles. En second lieu, par ailleurs, le lieutenant-gouverneur en conseil décide d'à peu près tout et, en troisième lieu, les corporations, qui ont à peu près toute la responsabilité en vertu du code, ont des pouvoirs non seulement limités, mais aussi strictement encadrés et des obligations qui ne conviennent pas toujours à toutes.

Les pouvoirs des corporations sont, d'abord, des pouvoirs encadrés. Le code établit en effet un partage, par voie de résolution à l'article 83 et par voie de règlements aux articles 84 et suivants, des pouvoirs que chaque corporation pourra utiliser et des devoirs qu'elle devra remplir. Pour une corporation, bénéficier d'un pouvoir ou remplir une obligation, par voie de résolution ou par voie de règlement, comporte une énorme différence qui s'explique par l'article 88.

Cet article oblige toute corporation à soumettre chacun des règlements qu'elle désire adopter à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, et ce après un préavis de trente jours dans la Gazette officielle. Si cette procédure est compréhensible et acceptée par le collège, pour permettre au lieutenant-gouverneur en conseil de s'assurer que ces règlements sont dans l'intérêt du public, elle ne l'est pas pour certains des pouvoirs prévus à l'article 87 qui n'ont nullement leur place dans cet article et qui devraient être transférés dans les pouvoirs que le bureau devrait déterminer par voie de résolution. Ceci concerne toute la question de la régie interne de la corporation, de l'administration de ses biens, de la rémunération de ses membres, de la nomination, de la retraite et des conditions d'engagement de ses employés.

Les pouvoirs des corporations sont aussi des pouvoirs limités. En effet, les articles 83 à 88 élaborent une liste exhaustive des pouvoirs et devoirs dévolus au bureau de toute corporation. Cette liste étant exhaustive, les corporations ne pourront la déborder, même devant une situation, urgente ou non, qu'il n'est pas possible de prévoir actuellement. Si l'on veut que les corporations soient en mesure d'assumer leurs obligations, même selon des modalités qu'il n'est pas possible de prévoir, dans le moment, il est impensable de fixer dans le texte même de la loi une liste exhaustive de leurs pouvoirs et devoirs sans y ajouter une clause résiduaire qui leur permettrait de faire face à différentes situations imprévues.

Enfin, M. le Président, les pouvoirs prévus à l'article 83 imposent à chaque bureau, particulièrement au niveau de la version anglaise, des obligations qui ne sauraient être respectées par toutes les corporations. En effet, cet article impose à chacune des corporations la publication de périodiques, brochures ou information relatives aux activités de leurs membres, de même que la formation des commissions. On voit mal la nécessité de créer une telle obligation, à des corporations dont le nombre de membres est très réduit.

L'article 83 oblige également toutes les corporations à suggérer un tarif d'honoraires au lieutenant-gouverneur en conseil. Encore ici, on voit mal la possibilité d'une telle obligation. Les corporations devraient obtenir la possibilité et non l'obligation de faire de telles suggestions. Une révision de cette répartition des pouvoirs et devoirs s'impose donc.

A cause de tous ces points que nous soulevons dans notre mémoire, nous devons dire quelques mots du code des professions proposé par le collège.

Le collège propose un code entièrement amendé, selon la philosophie explicitée plus haut, et rendu plus facilement applicable selon les modalités trop brièvement résumées dans ce qui précède. Ce code aurait les caractéristiques suivantes et constituerait, selon le collège, une véritable loi-cadre: 1) Le code serait divisé en deux parties. La première partie serait applicable à toutes les corporations et la deuxième concernant seulement les corporations à titre réservé qui n'ont aucune autre loi pour les régir. 2) L'Office des professions deviendrait un organisme composé en partie de représentants du public et doté des pouvoirs nécessaires à son rôle de surveillance des corporations et par lequel le public se sentirait ainsi et représenté et protégé. L'office ainsi restructuré devrait mériter de la part de la population un respect comparable à celui que s'est acquis le Protecteur du citoyen. 3) Le rôle du lieutenant-gouverneur en conseil, dans l'application de la réforme du monde professionnel, se situerait au niveau de la coordination et de l'approbation des règlements de chacune des corporations. De plus, grâce aux avis éclairés de l'office, il pourrait soumettre à l'Assemblée nationale ses demandes concernant les loi touchées par cette réforme et les amendements requis pour la protection du public. 4) Le Conseil interprofessionnel demeurerait une association libre comme il existe actuellement. Il pourrait faire valoir son point de vue à tout moment jugé opportun et garderait la latitude nécessaire pour décider et de son organisation et de son financement. 5) Chaque corporation, sous la surveillance de l'Office des professions tel que proposé et avec la présence de représentants de l'office au bureau comme au comité chargé d'étudier les plaintes reçues du public, pourrait, avec les pouvoirs prévus dans un code amendé et, le cas échéant, dans sa loi organique, assumer les responsabilités qui lui seraient clairement attribuées. Ce faisant, chaque corporation pourrait agir de façon efficace, sans constamment être confronté avec la présence d'un pouvoir parallèle à tous les niveaux de son organisation. 6) Les diverses fonctions et responsabilités des corporations seraient précises et communes à toutes. La structure, par contre, proposée par un tel code des professions pourrait être appliquée par chacune d'elles grâce à la souplesse qui lui serait donnée.

Le code ainsi amendé constituerait une véritable loi-cadre statuant sur tous les points suivants: la constitution des nouvelles corporations et les facteurs qui doivent alors être considérés; les fonctions générales de toute corporation; le principe de l'exercice exclusif et celui du titre réservé; des dispositions communes relatives au mécanisme d'émission des permis et d'inscription au tableau; à certains pouvoirs du bureau quant à l'écart de santé d'un de ses membres et quant aux limites de l'exercice de ses stagiaires; la composition du bureau; la prodédure d'élection; le fonctionnement administratif notamment quant aux réunions du bureau, quant au quorum, quant aux assemblées générales, quant aux assemblées spéciales, quant aux comités administratifs; les fonctions que le bureau doit exercer par voie de résolution et celle qu'il doit exercer par voie de règlement, de même que celles qu'il peut assumer tant par voie de résolution que par voie de règlement; la nécessité de soumettre à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil tout règlement selon le partage des pouvoirs et devoirs suggérés; la vérification des livres et registres de la corporation par l'Office des professions; l'obligation d'assumer le contrôle de l'exercice professionnel tant de façon systématique et préventive que sur réception de plaintes ou demandes à cet effet et l'obligation pour toute corporation d'avoir au moins un comité chargé d'assumer cette fonction; l'obligation aussi d'un organisme...

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, docteur. Je ne veux pas vous interrompre intentionnellement, mais votre période de vingt minutes est dépassée depuis presque dix minutes.

M. GINGRAS: Deux pages.

M. LE PRESIDENT: Deux pages. Vous avez trois mémoires, vous avez droit à trois périodes de vingt minutes et il y a un quatrième mémoire que nous voulons entendre aujourd'hui aussi. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'essayer de rester dans les limites du temps qui vous est imparti, dans la mesure du possible.

M. GINGRAS: D'accord, M. le Président, ... l'obligation d'un organisme disciplinaire rendu uniforme et décrit dans plus de 60 articles du code des professions; — ce chapitre fait l'objet dans notre mémoire d'ailleurs de nombreux commentaires et amendements qui ont pour objectif de pallier les divers problèmes aigus vécus dans le passé et de prévoir des pouvoirs additionnels — des dispositions générales nécessaires aussi pour que toute corporation puisse assurer, de façon efficace, la répression de l'exercice illégal et, enfin, un article sur les pouvoirs de réglementation du lieutenant-gouverneur en conseil.

En conclusion, tel serait le contenu du code des professions amendé dans le sens de nos commentaires. On voit facilement qu'il devient ainsi une véritable loi-cadre à laquelle toutes les corporations devraient être tenues de se soumettre.

Le collège a jugé utile et nécessaire d'annexer à son mémoire sur le projet de loi 250 un code des professions amendé selon ses recommandations, et ce pour chacun des 247 articles.

Le collège ne voulait pas se contenter, en effet, de soulever des questions et des problèmes. Depuis plus de trois mois, il a consacré une somme importante de travail à transposer ses recommandations et ses remarques sous forme d'un texte de loi amendé. Le collège sait fort bien que la compétence de certaines autres corporations dans ce domaine serait beaucoup plus profitable que son apport.

Ce n'est nullement, donc, pour paraître prétentieux qu'il l'a fait, mais uniquement pour prouver à quel point il souhaite une loi-cadre qu'il soit possible d'appliquer pour la meilleure protection du public. C'est en se référant à ce code amendé, général, homogène et applicable à toutes les corporations que le collège, dans ses commentaires sur la loi médicale, identifiera les particularités qui le concernent et s'en tiendra à cela. Il est bien évident, cependant, que la complémentarité de ces deux lois est telle qu'il devra en être tenu compte dans toute rédaction finale.

En effet, si certains des amendements recommandés par le collège pour le projet de loi 250 ne pouvaient être apportés au code des professions, le collège insiste dès maintenant pour qu'ils soient alors transposés dans sa loi organique et permettent que l'ensemble de ces deux textes lui rende possible l'acceptation de sa tâche. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci. Nous commençons la période des questions avec le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, d'abord, je voudrais remercier le collège de ses trois mémoires. Comme j'en ai pris connaissance de façon aussi attentive que possible et que nous avons eu l'occasion de discuter hier certaines des questions soulevées dans ce mémoire qui touche particulièrement au code des professions, je n'ai que deux questions.

La première question, en fait, est un peu à titre d'exemple parce qu'elle pourrait être formulée à l'endroit des commentaires faits pour d'autres éléments de l'organisation d'une corporation professionnelle. Je me réfère à ce que le Dr Leboeuf disait en ce qui a trait à ce qu'il a appelé le contrôle de l'organisme disciplinaire ou du comité de discipline par le lieutenant-gouverneur en conseil. Du fait que le président et le secrétaire du syndic peuvent être nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et payés par lui, il y voit une perte de leur indépendance. Comme c'est l'intention, dans ces projets de loi, de pouvoir nommer au besoin

des présidents qui pourraient assumer la même fonction pour une, deux ou trois corporations professionnelles, selon les cas, et se spécialiser, c'est également l'intention, en faisant payer directement par le gouvernement ces fonctionnaires — fonctionnaires non pas dans le sens strict de membres de la fonction publique — ou ces personnes, de leur faire jouer un rôle dans l'indépendance la plus absolue. Je vois mal comment, si ces gens sont payés par les corporations professionnelles et nommés par elles, ils seraient plus indépendants, d'autant plus qu'une fois nommés par le gouvernement ils n'auront à faire rapport, en aucun moment, d'après aucune des dispositions de la loi, au lieutenant-gouverneur en conseil.

Je pose cette question en ce qui a trait au comité de discipline. Je ne vois pas dans le projet de loi ce qui peut motiver le genre de jugement que l'on porte. J'aimerais entendre les commentaires du collège à ce sujet-là.

M. LEBOEUF: II est exact, M. le ministre, qu'un des points qui nous ont inquiété réfère aux diverses nominations du lieutenant-gouverneur en conseil dans l'organisme disciplinaire. Ceci n'est qu'une des raisons. Même si ce n'est que la première, elle mérite un certain nombre de commentaires.

Etant donné le fondement même de ce que doit être à nos yeux l'organe disciplinaire, c'est-à-dire le jugement par ses pairs, le fait que le président ait un droit de vote nous apparaît comme étant d'ailleurs imcompatible avec l'article 21 du code des professions.

En effet, si un président, étant avocat, peut être considéré comme ayant la compétence technique et scientifique suffisante dans le domaine qui le concerne, nous voyons mal qu'un avocat puisse porter jugement non pas sur ses pairs mais sur des professionnels de diverses disciplines. Aussi, quant au président de l'organe disciplinaire, y voyons-nous beaucoup plus une relation problématique sur le droit de vote que sur le mode de nomination.

Cependant, le secrétaire du comité de discipline, quant à nous, apparaît comme un officier de coordination que le collège considère nécessaire de faire relever directement du comité administratif et il considère nécessaire que sa nomination soit faite par ce comité administratif.

Je peux, comme exemple, citer qu'au niveau du collège ce secrétaire n'est même pas un médecin alors que le code des professions, de façon assez rigoureuse, prévoit la nomination d'un professionnel, membre de la corporation, comme secrétaire. Quant à nous, nous avons considéré, avec l'expérience du passé, que c'était mal utiliser le temps d'un médecin que de le faire agir uniquement comme secrétaire.

Il y a aussi d'autres raisons qui nous ont fait être extrêmement hésitants devant l'organe disciplinaire prévu dans cet ensemble de la réforme. Considérant cet ensemble d'articles, desquels j'extrairai certains exemples, et la déclaration initiale qui parlait de conserver l'autodiscipline active des corporations, il faut quand même résumer les divers niveaux d'action que le code prévoit.

Le code lui-même fixe un certain nombre d'articles de déontologie qui constituent des actes dérogatoires et il les fixe dans un texte de loi commun à toutes les professions. Nous avons, tantôt, fait ressortir un exemple de l'inapplicabilité d'un tel article quant à la discrimination pour des raisons de sexe ou d'âge.

Il y a là un réaménagement de pouvoirs réglementaires sur la déontologie que nous recommandons dans notre mémoire.

Il y a aussi cette question importante des syndics. Le problème des syndics, à nos yeux, crée une véritable confusion dans la compréhension du texte même du code des professions. Pour nous, le syndic a une notion qui se réfère à celle existant dans l'organisation du Barreau et de la Chambre des notaires. A la lecture attentive de ces deux lois, il apparaît évident que le syndic, d'une part, enquête, d'autre part, porte la plainte et, en troisième lieu, agit comme procureur devant le conseil de discipline. Il apparaît aussi évident que ces deux types de professionnels, avocats comme notaires, ont la compétence pour agir aux trois niveaux mais ceci n'est pas le cas quant aux professions autres que ces deux-là et particulièrement quant au Collège des médecins, comme à toutes les professions d'ordre paramédical. Il nous a semblé important de bien distinguer entre la fonction d'enquêteur, qui relève, sur le plan technique, de la compétence même de la discipline concernée, et le rôle de procureur de la poursuite devant le conseil de discipline, qui, évidemment, doit être dévolu comme fonction à un avocat.

La confusion créée par le terme "syndic" utilisé dans le code, quant à nous, ne permet pas de savoir exactement ce qui en est. De plus, le rôle d'enquêteur prévu par les articles 115 et 116 pour le syndic crée à nos yeux un dédoublement avec le rôle du comité d'inspection professionnelle.

Le fait pour des personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil de devenir ipso facto les enquêteurs du collège sur plainte reçue apparaîtrait, pour le collège, comme un reniement de sa fonction principale, qui est celle de contrôler ses membres. Si, d'une part, il nous apparaît que ces enquêteurs doivent être nommés par le bureau et faire rapport au comité d'inspection professionnelle, il nous apparaît aussi devoir garder la possibilité que ce comité puisse orienter, diriger et avoir le droit de citer quelqu'un en discipline et qu'à ce moment-là la plainte soit inscrite par un autre individu, pas nécessairement donc le même, et que la cause étant devant le conseil de discipline, un troisième homme qui lui, appelons le syndic si on le veut, soit le procureur de la poursuite, avocat, pour défendre cette cause.

Un dernier commentaire, quant à l'organe disciplinaire, la question de l'appel. Il y a, dans le projet du code, contrairement à ce qui existe dans plusieurs lois dont la nôtre, un seul niveau d'appel possible et un appel tant sur le fond que sur la forme. Nous nous inquiétons du fait que, partant de la notion de jugement par ses pairs, la décision dans le cas d'un appel sur le fond puisse être laissée à trois juges qui, tout en étant présumés omnicompétents, n'ont nettement pas la compétence technique dans chacune des 34 disciplines visées par les diverses corporations pour modifier non seulement des détails dans les jugements ou même dans le verdict mais aller jusqu'à devoir se prononcer sur des points d'ordre purement scientifique.

Je pense à la possibilité de limiter le droit d'exercice d'un professionnel que des juges voudraient modifier. Et nous croyons que leur compétence, à ce niveau, ne peut pas leur permettre de prendre une telle décision. C'est la raison d'ailleurs, dans notre mémoire, de la suggestion d'ajouter des assesseurs nommés à l'avance, sur une liste préétablie par chaque corporation.

M. CASTONGUAY: Aussi bien dans votre exposé que dans votre réponse, vous avez touché un certain nombre de points qui ont trait à la mécanique ou au rôle du président, du secrétaire, des syndics, leur statut soit comme membres de la corporation ou non, mais vous n'avez pas commenté l'aspect qui m'apparaït aussi important, à savoir si le président du comité de discipline est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, qu'il est payé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Comment perd-il son indépendance et comment peut-on considérer que c'est une ingérence du lieutenant-gouverneur en conseil par rapport à sa nomination par le bureau et le paiement par la corporation? Ceci, à mon sens, le lie autant et davantage à la corporation alors que, comme je le mentionnais, il n'y a aucune obligation pour lui de faire rapport, à aucun moment, de maintenir le moindre lien avec le lieutenant-gouverneur en conseil au plan de sa fonction.

M. LEBOEUF: M. le Président, je pense, en premier lieu, avoir noté tantôt que le point capital, même si l'autre n'est pas négligeable, est le droit de vote accordé à ce président.

M. CASTONGUAY: Je m'excuse mais c'est le point que vous avez fait ressortir dans votre mémoire et dans votre exposé. C'est pour cela que j'insiste, c'est sur cela que vous avez mis l'accent.

M. LEBOEUF: L'accent a été mis sur le processus de nomination, vu la philosophie générale qu'on a voulu développer dans l'ensemble de notre mémoire, où on a voulu faire une nette distinction entre la cogestion et la surveillance. Pour nous, les corporations existent en vertu de lois qui sont actuellement discutées; elles seront réglementées par des règlements approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil et, à l'intérieur de ce cadre établi, devraient avoir l'autonomie pour fonctionner.

Par ailleurs, les corporations acceptent une surveillance d'un Office des professions qui pourrait, à ce moment-là, aux yeux du public, tant par sa composition que par ses pouvoirs, représenter l'élément de surveillance qui évite la cogestion et qui évite un processus de nomination de régime autre que de l'office. Et si la nomination du président du comité de discipline avait à être faite, selon le désir du législateur, non par la corporation mais bien par un organisme de l'extérieur, nous souhaiterions que cette nomination soit faite par l'Office des professions pour, encore là, lui permettre d'avoir une vue plus générale possible du fonctionnement de chacune des structures, de chacune des corporations.

Je voudrais ajouter un commentaire, M. le ministre, sur le fait qu'il est exact que nulle part dans le projet de loi il n'est question que les gens nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil soient tenus ou même qu'on suggère qu'ils puissent être tenus de faire rapport. Cependant, la philosophie que nous avons développée, quant à nous, voudrait que justement les gens qui sont nommés à l'intérieur de la structure de chaque corporation par l'office fassent rapport pour que l'office ait l'information suffisante de toutes les corporations pour assumer son rôle de surveillance aux yeux du public et pour le mieux-être de tous.

M. CASTONGUAY: Merci. Ma deuxième et dernière question a trait à un aspect un peu plus particulier qui est soulevé à la page 31 de votre mémoire et qui a aussi une portée un peu plus générale parce qu'il touche à la perception qu'on peut avoir du comité d'inspection professionnelle, du contrôle de l'activité professionnelle. En vous référant à l'article 52 vous voyez l'obligation de suivre un stage de perfectionnement, si j'ai bien lu le sens de cet article, comme étant une mesure purement disciplinaire. Normalement, si ma compréhension est bonne, le comité de discipline va agir lorsqu'on trouvera par divers moyens, soit à la suite d'une plainte, soit d'autre façon, qu'il y a un manquement assez grave de la part d'un membre de la corporation, alors que l'autre comité peut jouer un rôle beaucoup plus positif et déceler certaines déficiences dans la pratique ou l'exercice de la profession par un membre sans qu'il soit nécessaire de lui imposer, par la voie d'une mesure disciplinaire, un stage de perfectionnement. Il nous a semblé qu'il pourrait être extrêmement valable, positif, utile pour la protection du public et aussi le maintien des connaissances à jour des membres d'une corporation professionnelle de faire en sorte que des stages de perfectionnement puissent être exigés pour le maintien, par exemple, d'un permis de

spécialité ou encore même le maintien d'un permis par la voie de ces stages de perfectionnement.

Alors, j'aimerais voir s'il y a vraiment malentendu ou si cette philosophie ne vous apparaît pas acceptable et si elle n'apparaît pas acceptable, pourquoi?

M. LEBOEUF: M. le ministre, l'article 52 prévoit deux façons pour un médecin d'être obligé de suivre un stage de perfectionnement. D'une part, le fait que le comité de discipline en décide ainsi, et vous l'avez souligné, mais aussi, d'autre part, des situations prévues par voie de règlement. Ici, je vise le paragraphe i) de l'article 87 qui donne le pouvoir à toute corporation d'établir des circonstances ou des conditions à l'intérieur desquelles des professionnels qui s'y trouvent devraient être obligés, mais de façon impersonnelle, à faire un tel stage de perfectionnement.

La philosophie que nous avons voulu défendre ici est la suivante: pour nous, le comité d'inspection professionnelle n'est pas et ne peut pas devenir, dans les professions qui n'ont pas la compétence pour ce faire, un organisme quasi judiciaire assurant au professionnel qui y comparaît une défense pleine et entière tel que le prévoit le comité de discipline. H nous a semblé fondamental d'assurer au professionnel le droit absolu à une défense pleine et entière avant de se voir imposer une telle sanction. Aussi, si l'on se réfère plus loin dans le code, verrons-nous un amendement apporté à l'article 106, lequel article prévoirait justement que le comité d'inspection professionnelle puisse recommander au bureau d'imposer un stage. Il nous semble que, vu la non-garantie des mécanismes de fonctionnement d'un comité d'inspection professionnelle comme étant quasi judiciaire, le bureau doive se tenir dans les limites de ses pouvoirs et du respect des droits de ses membres et recommander, sur la demande du comité d'inspection professionnelle, un tel stage.

Si le professionnel ne s'y soumet pas, à ce moment le bureau devra décider de l'orientation possible du cas devant le comité de discipline, de sorte que le médecin peut donc directement se voir imposer un stage tant par le comité de discipline que parce que faisant partie d'un groupe qui, par le jeu des règlements, en est arrivé au moment dans sa vie où il doive faire un tel stage, mais aussi se voir recommander un tel stage par le bureau, quitte à ce que s'il le refuse il puisse, par une défense pleine et entière, faire valoir ses droits devant la seule structure prévue dans le code des professions pour les corporations non compétentes en matière de droit.

Le médecin ou le professionnel serait ainsi assuré d'une défense ainsi pleine et entière.

M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on ne pourrait pas étendre tout ce raisonnement et l'appliquer aux aspirants, aux candidats à l'exercice de la médecine, lorsqu'ils passent un examen, qu'ils sont refusés ou encore lorsqu'ils passent un examen en vue d'obtenir un permis de spécialité?

M. LEBOEUF: Je m'excuse, M. le ministre, je ne comprends pas votre question.

M. CASTONGUAY: Vous liez cette question-là à une question de droit et de défense de la part du membre, si ses droits sont brimés bu affectés. Alors, étant donné qu'il s'agit d'une question de qualification qui doit être évaluée, est-ce qu'il n'y a pas un certain danger, en vertu de ce raisonnement, de ce parallèle que vous faites, de pouvoir élargir et dire: Pour les candidats au permis d'exercice, s'il y a un échec à l'examen, on peut reprendre le même raisonnement et l'étendre à ce niveau?

M. LEBOEUF: Je suis d'accord sur le fait qu'au niveau des étudiants ou des stagiaires un échec amène une reprise, mais je ne vois pas l'analogie.

M. CASTONGUAY: Ce n'est pas sur le fait d'une reprise, c'est sur le fait des droits de l'individu, parce que vous l'avez placé sur ce point-là, si je comprends bien.

M. LEBOEUF: Le droit de l'étudiant et le droit du professionnel qui s'est vu accorder une licence à vie me semblent différents. Le retrait du droit d'exercer pour un professionnel, parce que l'article implique une limite dans l'exercice, nous apparaît comme quelque chose d'extrêmement sérieux.

M. CASTONGUAY: Vous le liez à une licence à vie qui devient un droit à vie?

M. LEBOEUF: Dans les faits, c'est ce qui arrive. Cependant, M. le ministre, si vous me permettez, je ne voudrais pas entrer dans le contenu de notre autre mémoire, mais je peux me permettre, je pense, de dire que quant à nous, nous demandons que le pouvoir réglementaire nous soit accordé de limiter la durée de validité du permis et de faire de cette durée-là une des normes prévues par règlement et ainsi retoucher tous les professionnels en exercice.

M. CASTONGUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le Solliciteur général.

M. FOURNIER: Relativement à l'ensemble de votre mémoire, relativement aux structures proposées, vous mentionnez qu'il y a une omniprésence de l'Etat. Vous ne vous opposez pas à une surveillance quelconque, mais vous ne voulez pas une cogestion, soit par l'Etat ou par d'autres organismes. Pouvez-vous m'expliquer la teneur des nominations au bureau et au comité

d'inspection alors que vous demandez que ces gens-là dépendent de l'office lui-même?

M. LEBOEUF: II est exact, M. le ministre, que nous nous opposons aux divers processus de nominations par l'Etat et que par ailleurs nous acceptons, et sans détour, la surveillance de l'office, ce qui n'implique pas que nous rejetions la cogestion. Nous acceptons la cogestion, mais avec les gens mandatés par l'office et les gens représentant le public, tels que choisis par l'office. Je peux peut-être ouvrir une parenthèse et mentionner que notre texte ne nous apparaît pas à une lecture ultérieure assez clair sur un point capital, à l'effet que les membres qui seraient nommés par l'office, aux divers bureaux comme au comité d'examen des plaintes, devraient ne pas être des professionnels ou du moins, au minimum, des professionnels de la corporation concernée. Pour nous, il y a là l'ouverture au public à une cogestion et ces administrateurs au niveau du bureau auraient droit de vote. Le rejet de la cogestion, dans sa théorie, n'est pas absolu; c'est la cogestion avec l'Etat, l'Exécutif, le lieutenant-gouverneur en conseil que nous rejetons, mais nous acceptons la cogestion avec les représentants du public que l'office choisira.

M. FOURNIER: Relativement au comité d'inspection professionnelle, est-ce que vous ne le faites pas agir en second lieu et non pas en premier lieu? Il semble, suivant la rédaction de l'article 102 que vous faites dans votre projet de loi, que vous mentionnez que c'est une responsabilité du bureau. L'interprétant, on semble croire que le comité arrive simplement en second lieu, que le bureau pourrait prendre d'autres formules, je ne sais pas, éviter d'envoyer au comité d'inspection professionnelle les cas requis.

M. LEBOEUF: M. le ministre, je pense que les fonctions de contrôle relèvent du bureau et c'est le sens de l'article 102a) qu'à la page 49 de notre mémoire nous soumettons. Si ces fonctions ne relèvent pas du bureau, mais du comité, nous maintenons que c'est là construire une corporation dans la corporation, puisque c'est le rôle fondamental de la corporation. Le comité du bureau en question est, par le texte des articles qui suivent, celui qui est mandaté justement pour, au nom de la corporation, se charger de cette triple fonction, mais la fonction relève de l'ordre en général.

M. FOURNIER: Dans son ensemble, suivant ce que nous avons présenté comme bill 250, est-ce que l'on ne devrait pas constituer, en même temps, un bureau administratif de la corporation et d'autres organismes qui auraient presque totale indépendance, suivant une réglementation quelconque, pour faire l'inspection professionnelle?

Ou bien prétendez-vous que ce comité-là doit être une entité découlant nécessairement du bureau?

M. LEBOEUF: Assurément, faute de quoi, à notre sens, il n'y a aucune unité de direction possible dans l'administration de la corporation. Il n'y a aucune coordination possible. Le rôle fondamental de la corporation, c'est le contrôle de la compétence de ses membres. C'est indiqué aux articles 21 et 27 du code.

M. FOURNIER: Est-ce que vous étendez ce principe au comité de discipline aussi?

M. LEBOEUF: Non, le comité de discipline, dans la situation actuelle des lois, quant à nous et, je pense, quant à plusieurs, une fois nommé, est totalement autonome. Le comité d'inspection est totalement autonome aussi. Si vous le remarquez, il dirige les cas en discipline et il recommande des stages de formation professionnelle. Il est autonome dans son fonctionnement, mais il fait rapport au bureau. C'est une émanation du bureau. Faute de quoi, c'est une corporation parallèle à une autre, l'une administrant et l'autre contrôlant. Et ça nous parait impossible.

M. FOURNIER: Indépendamment du rapport qu'il fait au bureau, ne croyez-vous pas que cette structure proposée du comité d'inspection devrait être totalement indépendante, sauf une certaine réglementation qui lui est donnée relativement à la vérification périodique?

M. LEBOEUF: Là, je ferais une nuance, parce que dans les diverses fonctions décrites à l'article 102a) que nous suggérons, il y a deux types de fonctions. Il y en a une qui est de nature systématique et préventive. L'orientation des résultats du travail de contrôle à ce niveau est nettement reliée au mandat général de l'ordre. C'est ce qui permet d'établir des normes de contrôle, des normes d'exercice et des besoins en enseignement continu. Ceci est nettement différent de l'étude d'une plainte reçue à l'ordre. A ce moment-là, elle est étudiée, analysée et la décision est prise au comité d'inspection professionnel, le bureau se contentant d'être informé de ce qui s'y passe.

C'est pourquoi dans notre loi — encore là, je m'excuse de l'ouverture — nous allons suggérer le maintien d'une structure double, justement pour laisser plus d'autonomie à ce comité d'examen des plaintes — si vous voulez l'appeler ainsi — ou des cas particuliers, mais relié directement au mandat général du bureau et à sa supervision, celui de la révision systématique.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je veux d'abord souligner le travail du

Collège des médecins qui nous a remis trois mémoires très élaborés et très bien faits. Ils ont fait de la chirurgie, je pense bien, dans les projets de loi, surtout le projet de loi 250, et ils ont peut-être mis le doigt sur des foyers d'infection possibles, si la loi devait être adoptée telle que proposée.

D'ailleurs, le ministre des Affaires sociales le reconnaît. En aparté tantôt, il a dit: II est bon que les médecins fassent de la législation. Cela incitera peut-être le Barreau à poser un diagnostic, à un moment donné, devant la commission.

Vous faites d'excellentes suggestions. Même si nous ne sommes pas d'accord sur toutes les suggestions, il y en a certainement qui vaudront la peine d'être retenues. J'ai noté l'intérêt particulier des deux ministres tantôt sur certains points extrêmement importants. Je retiens une évidence — on l'a mentionnée hier — c'est que la disposition du code des professions y gagnerait à tenir compte de certaines suggestions que vous faites, d'un agencement peut-être différent et d'un regroupement de certains articles.

Cela, je pense que c'est évident et les législateurs ne tiennent pas mordicus à cette présentation initiale. D'ailleurs, vous l'avez mentionné, on le dira tantôt dans votre projet de loi 252, on a retenu votre présentation, les titres, l'ordre de présentation, mais on a changé légèrement le contenu, vous l'avez dit dans votre mémoire sur l'autre projet de loi, la Loi de médecine.

Il y a des points importants sur lesquels nécessairement on est d'accord au départ. J'y viens, M. le Président, c'est pour préfacer ma première question. Les points sur lesquels on est d'accord, c'est que l'étude de la commission permettra d'alléger un peu le code des professions et surtout les structures qui sont proposées, de manière à pouvoir rejoindre les objectifs. Mais si on est d'accord sur plusieurs points que vous avez proposés, il y a une chose qui me surprend un peu, c'est votre désir que le Conseil interprofessionnel ne soit pas institutionnalisé, mais qu'il soit plutôt volontaire.

On sait que, dans bien des lois, dans la plupart des législations il y a ce conseil consultatif, qu'on prenne les lois des ministères ou les différentes lois, il y a ce genre de conseil qui apporte une contribution, je crois, extrêmement importante, dans la vie et l'administration d'un organisme. Alors il y a une heureuse coincidence et ça me surprend d'autant plus que vous fassiez cette affirmation à l'effet que le président du Conseil interprofessionnel soit à la fois le registraire du Collège des médecins. Je me demande si vous ne pourriez pas peut-être expliquer cela davantage. Moi, je vois des avantages à ce que ce soit reconnu par la loi, que toutes les corporations professionnelles en fassent parties, qu'elles aient un mandat absolument consultatif. Elles auraient beaucoup plus de marge de manoeuvre que l'Office des professions à qui on désigne certaines responsabilités précises et à qui vous voulez qu'on délègue d'autres responsabilités. Je voudrais vous entendre parler un peu plus sur le Conseil interprofessionnel et sur votre réticence à le voir reconnu comme un organisme qui, s'il n'a pas de pouvoirs, du moins a liberté de manoeuvre pour faire des recommandations et assister les autres organismes créés par la loi.

M. LEBOEUF: Avec plaisir, M. le député. Le Conseil interprofessionnel, il faut bien le réaliser, ç'a été souligné hier, il existe déjà. Il existe déjà et il a produit dans le passé, dans les sept années de vie qu'il a eues, un certain nombre de travaux qui, je pense, ont retenu l'attention des législateurs. Il nous semble inutile de l'institutionnaliser dans la loi. D'abord, nous voulons respecter la liberté d'association qui est sous-jacente à l'existence actuelle de ce conseil et laisser chacune des 34 corporations actuelles proposées libres d'adhérer ou non à ce conseil.

Par ailleurs, pour être bien sûr que chacune d'entre elles aient la latitude d'en faire partie, il nous semble, et je me dois de le dire, que les lettres patentes, la charte de cet organisme devrait prévoir comme seul critère d'admissibilité le fait d'être une corporation couverte ou régie par le code des professions, et ensuite d'en faire la demande. Mais la deuxième partie nous apparaît importante, pour le respect de la liberté d'association de chacun.

L'autre aspect est l'aspect financier. Nonobstant toute formule qu'on pourra proposer de financement d'un tel conseil, il ne nous semble pas utile, au contraire, d'imposer la participation de toutes les corporations, puisque, indirectement, on leur impose aussi le poids financier à prorata x ou y de son organisation. Et en plus, les intérêts de chacune des corporations dans la liste des 34 prévues dans l'annexe 1 du code nous laissent un peu perplexes sur les intérêts très diversifiés que chacun de ces groupements-là peut vouloir représenter. Et il nous semble que, de toute façon, le droit de libre association va créer la double situation suivante: d'une part nous aurons, si le code reste tel quel, un Conseil interprofessionnel institutionnalisé, dans la loi et, par ailleurs, des regroupements autour d'intérêts communs de corporations partageant, par intérêt, des opinions à faire valoir sur des points communs.

Les points communs sont extrêmenent ténus entre les extrêmes de la liste des 34 corporations. Je pense qu'hier le Conseil interprofessionnel en a fait un peu la démonstration.

Par ailleurs, le danger, quant à nous, de voir apparaître dans le texte même de la loi ce Conseil interprofessionnel, c'est d'en faire le consultant officiel et ce, à plusieurs niveaux. Le Conseil interprofessionnel est prévu comme devant être consulté sur quand même pas mal de points du projet de loi. Il ne nous apparaît pas possible que ce consultant-là puisse, en toute occasion, donner un avis qui représente l'unanimité des corporations intéressées et

ayant toutes un droit de vote égal. En plus, il nous semble que, renforcissant l'Office des professions comme nous le recommandons, ce rouage apparaît comme un rouage additionnel susceptible d'allonger les délais. Nous avons développé une certaine allergie à cette bureaucratisation inutile et nous insistons, pour toutes ces raisons, pour le maintien d'un Conseil interprofessionnel libre avec cette seule modification que le critère d'admission devrait être élargi pour y permettre l'entrée de toutes les corporations régies par le code.

M. CLOUTIER (Montmagny): Serait-il exagéré de souligner qu'en médecine une allergie peut se soigner?

M. LEBOEUF: Parfois.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je retiens un autre commentaire que vous avez fait. IL y a des intérêts communs à certaines professions, c'est évident, mais je vois bien, à l'intérieur du Conseil interprofessionnel, des présidents des corporations ou des représentants des corporations qui ont des intérêts plus communs se réunir à l'intérieur d'un sous-comité, comme on le voit dans d'autres organismes, pour discuter de ces points d'intérêt commun.

Les professions juridiques pourraient se réunir, les professions de la santé pourraient étudier particulièrement certains points. Disons que vos arguments sont susceptibles d'être considérés mais je pense bien qu'il y aurait certains avantages à ce que les corporations puissent avoir un autre endroit de consultation, de dialogue. On parle souvent de formation d'équipes multidisciplinaires dans différents secteurs. Je pense que plus on créera de ces occasions où il y aura la possibilité d'échanger et de former ces équipes multidisciplinaires, mieux ça vaudra. Je pense qu'il ne faudrait pas rater cette chance. De toute façon, on aura l'occasion, avec chacune des corporations, de poser la question.

M. LEBOEUF: Est-ce que je puis ajouter un mot, M. Cloutier? Nous ne voulons pas abolir le Conseil interprofessionnel, au contraire. Nous pensons même que sa force sera d'autant plus grande que l'adhésion de ses membres sera laissée libre. La discussion à laquelle nous avons assisté hier nous a convaincus de certaines subtilités importantes quant à savoir si le conseil représente les corporations ou représente les délégués. Je pense que la mise au point que nous avons dû faire ce matin, quant à nous, comme corporation, nous laisse songeurs sur le mandat ou la représentativité d'une réunion de délégués.

Nous préférons laisser, à l'intérieur d'un regroupement libre, le jeu démocratique se faire. Il s'est fait dans le passé et je pense qu'il n'y a pas de raison de penser qu'il ne se ferait pas.

M. CLOUTIER (Montmagny): L'autre point important que je voulais souligner au Collège des médecins...

M. LE PRESIDENT: J'espère que c'est une question...

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une question.

M. LE PRESIDENT: ...pas un commentaire, parce que si on commence à faire des commentaires, chacun des députés de la commission aura des commentaires et on ne finira jamais. Les nouveaux règlements insistent sur le fait que ce sont seulement des questions. Les commentaires doivent venir de l'autre côté de la barre.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je terminerai ces quelques mots par un point d'interrogation. Sur le point particulier de l'exercice pour cause de santé, l'exercice de la profession par le professionnel pour raison de santé, vous avez parlé de cure fermée.

Est-ce que dans le cas du médecin qui sera appelé à se prononcer sur la capacité de n'importe quel professionnel d'exercer, les dispositions du projet de loi vous paraissent suffisantes? Est-ce que vous pourrez davantage assumer de responsabilités dans ce secteur?

M. LEBOEUF: Je pense qu'il y a deux articles touchés par cet aspect. Il y a l'article 51, qui est le plus simple, où on parle de la radiation automatique pour l'admission dans une institution pour malade mentaux. Nous avons tantôt fait valoir notre point quant à l'importance de parler de cure fermée, le point le plus important, et l'autre dans cet article, soit celui de l'attestation d'une guérison. Il nous apparaît que la psychiatrie ayant évolué, il est même bon pour le traitement du professionnel comme de tout malade sous traitement psychiatrique de reprendre sinon la totalité, du moins une bonne partie de ses activités durant le traitement avant même que le psychiatre ne puisse de toute façon et honnêtement attester d'une guérison.

L'autre aspect de votre question est touché à l'article 47 quant aux pouvoirs du bureau d'ordonner une enquête sur l'état de santé de ses membres. Nous avons suggéré un amendement assez important à cet article pour certaines raisons. La première et la plus importante, c'est que l'article se réfère à une liste d'états physiques ou psychiques incompatibles avec l'exercice de la profession. Nous pensons qu'à l'exclusion des médecins et de ceux qui ont une compétence dans le domaine du diagnostic, il serait impossible pour les autres corporations de dresser une telle liste. Or, réfléchissant quant à nous, avec la compétence que nous avons, nous avouons humblement l'impossibilité de dresser à l'avance une telle liste. Nous pensons devoir

plutôt déclarer un principe déontologique obligatoire et régler les cas particuliers.

En deuxième lieu, nous insistons pour que le bureau ne puisse ainsi ordonner un examen médical qu'après une enquête et non pour des informations reçues par téléphone ou par lettre anonyme, encore là pour protéger le droit de l'individu. Nous insistons sur le fait que le professionnel, à qui un tel examen médical est demandé par son bureau, soit quand même libre de le refuser et libre aussi de refuser les recommandations des médecins qui auraient un rapport à faire au bureau mais, cependant, pourraient avoir à répondre de son refus de l'une ou de l'autre des deux solutions devant le comité de discipline qui, je le répète, est dans notre système à nous et dans celui de la majorité des corporations le seul endroit où la défense pleine et entière est assurée.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Vous avez reconnu le droit d'intervention de l'Etat dans le fonctionnement des corporations. Vous avez demandé également que le public participe davantage. Il reste que, dans vos réponses aux deux ministres tout à l'heure aussi bien que dans votre exposé, vous semblez témoigner d'une grande inquiétude quant à ce qui concerne ce que vous avez appelé un pouvoir parallèle. On sent que cette inquiétude court en filigrane dans une grande partie de vos interventions. Est-ce que vous pourriez préciser davantage votre inquiétude quant à l'existence de ce pouvoir parallèle et quant à l'intervention de ce pouvoir parallèle aux différents niveaux de votre action, que ce soit dans les procédures, que ce soit dans les fonctionnements de vos sous-comités et aussi que ce soit dans l'esprit dans lequel vous concevez une corporation

M. LEBOEUF : Ce pouvoir parallèle, on le retrouve à tous les niveaux de la structure prévue dans le code des professions et il nous semble que l'ensemble de ces divers éléments va conduire tantôt à une situation nettement chaotique qui va à l'encontre d'une administration saine.

Vous avez parlé de procédures. Je pense immédiatement au comité d'inspection professionnelle dont le secrétaire — et ce n'est pas un poste à dédaigner au point de vue administratif et pour fins de coordination de tous les travaux d'une corporation comme de tout groupement — serait nommé par l'extérieur. La même chose au niveau de l'organe disciplinaire, le secrétaire serait nommé par l'extérieur.

Il nous semble qu'à ce moment-là, le pouvoir parallèle étant là, le secrétaire peut développer un système administratif tout à fait autonome sur lequel le comité exécutif administratif ou le bureau, le cas échéant, n'aurait que très peu d'autorité. En plus, tout le pouvoir de réglementation nous inquiète. Certains règlements sont prévus à l'article 169 comme devant être fixés par le lieutenant-gouverneur en conseil après consultation et nous voyons une nette nuance avec les règlements que la corporation recommanderait au lieutenant-gouverneur en conseil, pour approbation. Nous voyons cette nuance essentielle et importante dans les domaines où justement chaque corporation a des particularités propres.

Je ne sais si j'oublie des choses sur le pouvoir parallèle, je pense avoir donné un certain nombre de points.

M. LAURIN: Dans les organismes prévus et leurs relations, nous nous trouvons en présence de trois organismes qui sont l'Etat ou ses mandataires. Il y a le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil, il y a l'office qui est aussi un mandataire de l'Etat et il y a également la corporation qui est un mandataire de l'Etat. Etant donné que l'Etat est représenté à trois niveaux, concevez-vous la répartition des rôles de l'Etat à travers ces trois organismes pour que l'on puisse aboutir à un fonctionnement rationnel, logique et harmonieux?

M. LEBOEUF: Pour nous, M. le Président, l'Etat, si on veut le rendre synonyme, en l'occurrence, du lieutenant-gouverneur en conseil, son rôle dans toute cette réforme, et à la lumière des lois acceptées par l'Assemblée nationale, est d'assurer une réglementation conforme à l'esprit de la réforme et une coordination de toute cette réglementation du monde professionnel. C'est là, il nous semble, son rôle et son unique rôle dans le tout.

Par ailleurs, c'est aussi le même Etat qui crée un office des professions. Les commentaires faits antérieurement veulent que, si une telle création est jugée bonne, il faut quand même lui permettre d'agir. Pour nous, l'Office des professions ne doit rien décider mais doit avoir toute la latitude nécessaire pour surveiller et faire au lieutenant-gouverneur en conseil des recommandations pertinentes qui pourraient, éventuellement, amener des amendements à certaines lois et, possiblement aussi, le retrait de certains privilèges à certaines corporations. La corporation, quant à elle, à l'intérieur de ces lois adoptées, de ces règlements approuvés, sous la surveillance active d'un Office des professions, et avec l'aide du public, doit pouvoir administrer. C'est le raisonnement de base que nous tentons de soutenir dans tout notre mémoire pour situer les trois éléments que vous avez soulevés, chacun à son niveau propre d'action, dans le respect les uns des autres, de l'autorité et des responsabilités de chacun.

Le mot de la fin, je pense, sur cela, quant à moi, se résume ainsi: quel que soit le niveau considéré, il faut que l'autorité décernée soit de pair avec la responsabilité et s'il y a à l'office une responsabilité de surveillance, il faut les

pouvoirs pour que l'office en réponde. De même, si les corporations ont une responsabilité de protection du public, il lui faut le pouvoir pour en répondre.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Si je comprends bien, docteur, le Collège des médecins désirerait obtenir l'autonomie complète quant à l'engagement et au paiement des employés chargés de l'application du code de déontologie. Jusqu'à quand le collège assumerait-il ces responsabilités et quand demanderait-il à l'Etat d'intervenir comme, par exemple, dans le cas du coût des enquêtes? Le collège serait-il prêt à assumer tous ces frais ou ne viendrait-il pas, quelquefois, à la rescousse de l'Etat pour l'aider à défrayer le coût de ces enquêtes?

M. LEBOEUF: M. le Président, tout d'abord, je me dois de dire que le collège a toujours assumé ces frais d'enquête et a effectivement dû doubler la cotisation de chacun de ses membres il y a à peine un an pour assumer les obligations qu'il a perçues comme beaucoup plus nettes dans son rôle.

M. PAUL: Excusez-moi, est-ce que le collège n'a pas déjà demandé à l'Etat de l'aider dans le coût de ses enquêtes?

M. LEBOEUF: Non, quand le collège a demandé à l'Etat une aide dans une enquête en particulier, c'est que l'objet de l'enquête débordait les responsabilités de la corporation et que les pouvoirs prévus par l'article 61 de la Loi médicale actuelle ne nous permettaient pas d'empiéter sur un domaine où nous n'avons aucune juridiction. Je me réfère particulièrement ici — je pense que c'est ce à quoi vous référez — à l'enquête décrétée à l'hôpital Saint-Louis de Windsor où le collège a, après une préenquête, senti que le problème posé débordait, et de beaucoup, le contrôle déontologique de ses membres et a demandé l'aide de l'Etat pour que l'enquête se fasse de façon complète et exhaustive pour la protection du public de la région. Je pense, d'ailleurs, que le ministre des Affaires sociales est particulièrement bien informé des relations de plus en plus étroites, sous le signe d'une collaboration de plus en plus positive, qui s'installent entre le ministère et le collège et de la recherche d'un partage des responsabilités non seulement à la satisfaction des deux parties, mais surtout pour la protection la plus parfaite du public.

M. PAUL: Je vous remercie.

M. CASTONGUAY: Depuis avril 1970.

M. LE PRESIDENT: On ne parle pas de politique ici.

M. CLOUTIER (Montmagny): On en avait parlé avant ça.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres députés qui ont des questions à poser? Nous pouvons maintenant commencer le résumé sur le bill 252; cela nous laisse exactement vingt minutes avant la suspension pour le lunch.

Loi médicale

M. GINGRAS: M. le Président, nous demanderons peut-être votre indulgence. Le bill 252, que nous allons maintenant discuter, est, en fin de compte, le bill le plus important en ce qui nous concerne.

M. LE PRESIDENT: Dr Gingras, si c'est nécessaire de prolonger les vingt minutes, nous aurons le consentement des membres de la commission. Je constate qu'il reste seulement vingt minutes maintenant.

M. GINGRAS: Oui, nous pouvons tout de même commencer, si vous voulez, M. le Président. Je demanderai au Dr Lapierre qui est notre spécialiste du bill 252, de bien vouloir vous présenter nos remarques.

M. LAPIERRE: M. le Président, messieurs les députés, le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec répète depuis trop longtemps que sa loi médicale est désuète pour ne pas être heureux qu'une nouvelle loi médicale soit enfin sur le point d'être promulguée.

Notre premier commentaire porte sur la nécessité de corriger une omission dans la définition de l'exercice de la médecine, proposée à l'article 26 du bill 252. En effet, il n'y est pas fait mention de prévention, élément indissociable de l'exercice même de la profession médicale. Méconnaître ce fait revient à nier l'exercice même de la profession médicale. Méconnaître ce fait revient à nier l'exercice même de la médecine ou à faire montre d'une connaissance erronée de ce qu'est l'exercice de cette profession.

Notre deuxième commentaire a trait à la nécessité de rendre les fonctions et pouvoirs généraux de l'ordre des médecins plus explicites, notamment quant au droit de l'ordre d'ester en justice et quant à la surveillance qu'il doit exercer sur l'acquisition et le maintien de la compétence de ses membres, sur leur conduite professionnelle, sur l'honneur et la dignité de la profession médicale.

La mention de ces fonctions et pouvoirs généraux au début de la Loi médicale sera l'indice clair et précis du désir du législateur de ne pas limiter le rôle de l'ordre des médecins à un plan strictement disciplinaire et répressif. Elle permettra, au surplus, d'obtenir l'adhésion positive de chaque médecin à sa corporation, adhésion basée sur une motivation réelle et sur

un désir de participation essentielle à son fonctionnement.

Notre troisième commentaire porte sur la composition du bureau de l'ordre. En plus des deux administrateurs qui, nous le suggérons, devraient être nommés par l'office, le collège demande la présence de quatre administrateurs nommés par les facultés de médecine du Québec. Cette particularité dans la composition du bureau de l'ordre est essentielle. Un très grand nombre de décisions, de règlements ou de résolutions doivent être constamment élaborés en collaboration avec les facultés de médecine et il est difficile de fonctionner sans leur présence à part entière.

Qu'on pense, entre autres, à toutes les formalités ou conditions qui sont reliées à l'immatriculation des étudiants, à l'obtention du permis ou du certificat de spécialiste, à l'inscription au tableau ou à l'un des registres.

Qu'on pense à la détermination des normes d'agrément des milieux de formation et à l'agrément de ces milieux au mode d'évaluation de la compétence de chacun des candidats avant l'émission d'un permis ou d'un certificat de spécialiste, à la limitation des activités professionnelles imposée aux stagiaires en formation, à l'approbation des programmes d'études médicales, à l'organisation d'un enseignement continu qui réponde réellement aux besoins perçus à travers la province et à l'émission de permis temporaires aux professeurs des diverses facultés de médecine. Tout ceci ne saurait se faire sans la présence au bureau de représentants des facultés de médecine.

Question d'études, notre quatrième commentaire a trait aux études médicales et porte sur la nécessité de clarifier d'une manière réaliste les responsabilités du collège à chacune des étapes allant des études médicales jusqu'à l'obtention du permis ou du certificat de spécialiste.

Un mot des programmes. Le collège demande que les divers programmes d'études médicales soient soumis à son approbation pour les raisons suivantes. En médecine, le terme "études" implique obligatoirement des stages en milieux hospitaliers ou autres. L'évolution de l'enseignement de la médecine au cours des 15 dernières années fait que les stages de formation professionnelle commencent de plus en plus tôt au cours des études médicales. De plus, tout stage, qu'il soit ou non exigé par l'ordre, implique un contact avec les malades et engage l'ordre des médecins aux yeux du public. Pour le public, en effet, tous les stagiaires, qu'ils soient étudiants de deuxième, troisième ou quatrième années, ou des résidents en formation, sont des docteurs ou des apprentis docteurs. Les stages effectués au cours des études médicales ne sont pas différents et ne peuvent donc pas se séparer de ceux qui peuvent être exigés par l'ordre à la fin des études. Au surplus, ces deux types de stages s'imbriquent les uns aux autres de façon fort variable selon la faculté de médecine concernée, selon les ressources hospitalières du milieu où ils sont effectués, voire même selon le programme qui est prévu pour chaque étudiant ou chaque groupe d'étudiants. Le législateur semble lui-même convenir de ce fait puisque le bill 252 oblige les étudiants en médecine à s'immatriculer à l'ordre des médecins avant d'effectuer tout stage de formation professionnelle.

De ces diverses remarques découle l'alternative suivante. Ou bien le contrôle s'exercera avant l'obtention du diplôme universitaire et dans ce cas l'ordre doit approuver les programmes d'études pour s'assurer qu'ils sont conformes à des normes minimales. En effet, pour s'assurer de l'acquisition de la compétence de ses futurs membres, l'ordre doit approuver le programme qui précède l'obtention du diplôme. Ce faisant, il reconnaîtrait alors ce diplôme conforme aux normes établies avant qu'il ne soit validé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Ou bien, deuxième conséquence possible, le contrôle de l'ordre des médecins ne s'exercera qu'après l'obtention du diplôme universitaire. Dans ce cas, le législateur devra l'indiquer à l'article 28 de la Loi médicale aussi clairement qu'il l'a fait dans la Loi du notariat et spécifier que les stages se font après l'obtention du diplôme.

Le collège se doit cependant de faire remarquer qu'en agissant ainsi le législateur accepterait d'effectuer un recul de quinze ans, nonobstant l'évolution de l'enseignement médical. Il risquerait également de prolonger l'accès au permis tout en brisant la continuité et la progression de la formation professionnelle de chaque candidat.

C'est donc avec insistance que le collège demande que le programme d'études des établissements d'enseignement de la médecine au Québec soit approuvé par le bureau avant que les diplômes auxquels un tel programme conduit ne soient reconnus valides par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Un mot de l'immatriculation, des conditions d'obtention des permis et du certificat.

Deux notions mentionnés dans le projet de loi 252 nous semblent manquer de réalisme. Il s'agit d'une part de l'immatriculation et d'autre part des conditions qui sont exigées pour l'obtention du permis ou du certificat de spécialiste.

Parlons d'abord d'immatriculation. S'il est vrai que les étudiants en médecine auront le droit et le devoir d'être immatriculés à l'ordre avant d'effectuer un stage de formation professionnelle, il est également vrai que les étrangers qui viendront au Québec auront le même droit et le même devoir avant d'effectuer des stages d'évaluation ou de formation professionnelle dans les hôpitaux.

Le bill 252 suggère que le candidat étranger qui viendra faire des stages au Québec devra obtenir le statut d'étudiant dans un établissement d'enseignement de la médecine du

Québec pour obtenir l'immatriculation nécessaire. Cette manière de procéder manque de réalisme et ne tient pas compte en particulier de la nécessité qu'il y aura pour l'ordre d'exiger, dans certains cas, des stages d'évaluation de la compétence, avant de décider s'il y a lieu ou non de soumettre un candidat étranger à un stage complémentaire de formation professionnelle et, le cas échéant, de décider de la nature de ce stage.

Au surplus, il est évident que des programmes d'exception qui ne concernent qu'un ou quelques individus à la fois et qui, de ce fait, ne sont pas inclus dans les programmes universitaires devront continuer d'exister. Ceux qui seront appelés à effectuer ces stages ne seront donc pas des étudiants en médecine d'un établissement du Québec et devront quand même être immatriculés à l'ordre professionnel.

Le deuxième point qui manque de réalisme réfère à l'article 28 du bill 252 relatif aux conditions de l'obtention d'un permis. Cet article laisse croire qu'un candidat étranger, pour avoir droit à un permis de l'ordre , doit être détenteur d'un diplôme jugé équivalent par l'ordre. Etablir que la reconnaissance de l'équivalence des diplômes est le seul moyen requis pour décider de la compétence du grand nombre des étrangers qui arrivent au Québec ne peut résister à l'analyse. S'il est parfois possible de déterminer cette équivalence, il est de nombreux cas où il est impossible de le faire. Il faut également réaliser certains faits. Près de 50 p.c. des médecins qui suivent le programme de formation conduisant vers l'une des 30 spécialités médicales sont d'origine étrangère. Durant la dernière année, plus de 50 p.c. des nouveaux médecins assermentés au Québec venaient de l'extérieur du Québec et d'à peu près partout dans le monde. L'âge des médecins peut varier de 25 à 65 ans. Leur expérience antérieure de l'exercice professionnel est non seulement très différente d'un candidat à l'autre, mais le diplôme qu'ils produisent à leur arrivée au Québec ne peut constituer un critère valable, pour permettre à l'ordre d'avoir l'assurance que la compétence du candidat s'est maintenue, au cours de son exercice, depuis l'obtention du diplôme. Le seul moyen valable pour l'ordre, en dehors des cas où l'équivalence est possible à établir, consiste à évaluer la compétence du candidat au moyen d'un stage d'évaluation professionnelle, permettant de déterminer dans un deuxième temps, le cas échéant, la formation supplémentaire qui serait nécessaire à chaque candidat.

C'est pourquoi les articles 28 et 32 relatifs aux conditions d'obtention du permis et du certificat de spécialiste et ne faisant mention que de l'équivalence des diplômes, pour tous les candidats étrangers, ne peuvent rester tels quels dans le projet de loi. Le collège recommande des articles distincts pour déterminer les conditions d'obtention d'un permis et d'un certificat de spécialiste, d'une part, pour les candidats du

Québec et, d'autre part, pour les candidats étrangers.

En plus de ce qui précède, si l'article 28 du projet de loi donne au collège le pouvoir d'exiger des stages de formation professionnelle avant de décerner un permis d'exercice, il faut réaliser que ce pouvoir n'a plus de valeur si le collège n'a pas le pouvoir de décider des milieux où ces stages de formation professionnelle devront être faits. Il s'agit ici en somme de la détermination des normes d'agrément des milieux de formation professionnelle et de l'agrément accordé à la suite de visites régulières à chacun des milieux répondant à ces normes.

Sans le pouvoir d'agréer les milieux de formation, l'ordre n'a aucune garantie que les stages professionnels qui y sont effectués assurent la compétence des candidats.

Enfin, il faut noter que l'article 28 ne donne à l'ordre aucun pouvoir de contrôler par quelque moyen que ce soit la compétence finale des candidats avant d'émettre un permis d'exercice. Ceci évidemment est inadmissible et le collège ne saurait accepter d'assumer la responsabilité de l'émission d'un permis dans ces conditions. Puisque le code des professions reconnaît sans ambiguïté la responsabilité de la corporation relative à la compétence de ses membres, l'ordre doit avoir les pouvoirs nécessaires pour garantir au public qu'une équation existe entre permis et compétence et une équation identique entre certificat de spécialiste et compétence particulière dans un domaine donné.

Afin de régler la question de l'immatriculation de tous ceux qui effectuent des stages, tant les étudiants en médecine du Québec que les autres, afin de déterminer clairement les conditions d'obtention du permis pour les étudiants en médecine du Québec et dans un article distinct de déterminer de façon analogue les conditions d'obtention d'un permis pour les candidats étrangers qui se présentent dans la province, le collège propose un certain nombre d'amendements dans son mémoire.

Il fait remarquer que par ses recommandations il ouvre très grandes ses portes à tout médecin formé à l'extérieur du Québec et qu'il en est conscient. Il entend par là faire voir qu'il n'a pas plus l'intention dans l'avenir que dans le passé d'exercer quelque forme de contrôle restrictif ou de monopole que ce soit sur les effectifs médicaux dans la province.

Un mot du certificat de spécialiste. L'article 32 du bill 252 est le seul qui traite du certificat de spécialiste délivré par l'ordre. En substance, cet article établit que tout titulaire d'un diplôme reconnu valide à cette fin par le lieutenant-gouverneur en conseil a droit à un certificat. Ceci revient à dire que l'ordre n'exerce aucun contrôle sur la formation de ses médecins spécialistes, qu'il n'a pas à déterminer les stages de formation professionnelle, alors qu'il est universellement reconnu que la formation d'un spécialiste se fait en grande partie à partir de la succession d'un certain nombre de stages. Et

finalement que l'ordre n'est pas autorisé à agréer les milieux de formation où les stages seront effectués, pas plus qu'il n'est autorisé à contrôler la compétence de chacun des candidats avant de leur émettre un certificat.

C'est avec vigueur que le collège s'oppose à cette façon de voir les choses et fait remarquer que dans ces conditions il considère qu'il n'a pas le droit, par l'émission d'un certificat fait sous son seing, d'attester publiquement de la compétence de diplômés dont le contrôle lui échappe. C'est pourquoi il recommande une reformulation de cet article pour qu'il soit compatible avec les faits et les responsabilités de chacun.

Comme pour les conditions d'obtention d'un permis, il recommande que deux articles distincts permettent de résoudre d'une part le problème d'un candidat au certificat de spécialiste formé dans la province et celui d'un candidat qui a reçu sa formation ailleurs.

A la fin de ce commentaire très important aux yeux du collège sur les études médicales et la formation professionnelle, il tient à souligner deux derniers points non moins importants. Le code des professions établit clairement que la corporation est responsable de la compétence de ses membres. A ce sujet, le code est plus clair que la Loi médicale actuelle. Devant le petit nombre de moyens que le bill 252 donne à l'ordre des médecins pour lui permettre de répondre de la compétence de ceux à qui il devra émettre un permis d'exercice ou un certificat de spécialiste, le collège demande des changements majeurs à tous les articles qui traitent de ce sujet. Faute de les obtenir, il devra considérer qu'il est devenu un rouage inutile dont on ne sait comment se défaire.

A ce sujet, le collège a déjà fait une déclaration qu'il désire répéter ici et maintenir et je cite: "Le Collège a déjà insisté sur le fait qu'il n'entend pas être un rouage qui nuise à un système valable de distribution de soins. Il a clairement fait savoir qu'il demande à l'Etat depuis longtemps et, par lui, à la population, de décider d'une des voies possibles. Ou l'Etat considère qu'une structure comme le collège nuit au système et le fait disparaître, ou il veut la maintenir avec sa véritable raison d'être, soit la responsabilité de la qualité de la médecine au Québec. Il doit alors lui donner clairement les pouvoirs nécessaires pour assumer pleinement cette lourde responsabilité."

Cette citation prend une valeur tout à fait particulière à la lumière du projet de loi 252 puisque, loin d'augmenter son autorité, on la fait disparaître, et loin de diminuer sa responsabilité, on la rend de plus en plus claire et précise.

Notre cinquième commentaire porte sur les pouvoirs que le bill 252 accorde au bureau de l'ordre, en outre de ceux qui sont prévus au code des professions. Pour des raisons d'ordre technique longuement expliquées dans notre mémoire, les articles 15 et 18 du bill 252 doivent être remaniés à la lumière du principe général suivant: s'il est acceptable et réaliste que les conditions d'obtention, de révocation ou de renouvellement d'un permis ou d'un certificat, que les conditions d'inscription au tableau ou au registre ou que les conditions d'immatriculation soient toutes adoptées par règlement et, par conséquent, soumises au lieutenant-gouverneur et publiées dans la Gazette Officielle avec un préavis de 30 jours.

Il est inacceptable et irréaliste de rendre l'administration courante de la corporation inefficace en exigeant que les simples formalités relatives à tous ces sujets soient également adoptées par voie de règlement.

Il est à remarquer que, dans son mémoire, le collège demande un certain nombre de pouvoirs réglementaires additionnels qui découlent des commentaires et recommandations concernant les études et la formation professionnelle et, d'une manière plus spécifique, concernant l'agrément des milieux de formation et d'évaluation finale de chaque candidat.

D'autres particularités, concernant les pouvoirs que réclame l'ordre des médecins, méritent d'être soulignées dans ce résumé. Le premier touche aux conditions d'immatriculation. Selon l'article 18, l'ordre ne peut déterminer que les formalités d'immatriculation. Le collège est d'avis qu'il doit aussi déterminer les conditions d'immatriculation même s'il est d'accord qu'elles soient adoptées par voie de règlement et conséquemment soumises au lieutenant-gouverneur en conseil. Il faut bien réaliser que les facultés de médecine n'ont aucun pouvoir de régler certains problèmes sérieux et graves pour le public. Ainsi en est-il du candidat qui, sur le plan académique, réussit très bien mais qui présente des problèmes graves d'ordre psychique ou de narcomanie, problèmes qui, pour un futur médecin, non seulement sont loin d'être souhaitables mais inacceptables.

Les facultés n'ont aucun pouvoir pour régler ce genre de problèmes. C'est donc avec leur appui que le collège réclame le pouvoir d'établir les conditions auxquelles auront à se soumettre tous les candidats à l'immatriculation, permettant ainsi d'éviter au public de graves préjudices.

M. LE PRESIDENT: En avez-vous encore pour longtemps?

M. LAPIERRE: Dix minutes.

M. LE PRESIDENT: Dix minutes. Je pense qu'on va continuer, si vous en avez seulement pour dix minutes.

M. LAURIN: Je regrette, M. le Président, j'avais pris un rendez-vous pour midi et demi.

M. LE PRESIDENT: D'accord, nous suspendons la séance jusqu'à deux heures et demie.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

Reprise de la séance à 14 h 35

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Avant de commencer la séance cet après-midi, je voudrais vous dire que le président de la commission a reçu de nombreux télégrammes où on se plaint de la procédure de la commission en protestant contre le fait qu'on entende les mémoires sur les autres bills en même temps que ceux qui portent sur le bill 250, comme le Collège des médecins le fait aujourd'hui. Nous avons décidé de procéder de cette façon parce que c'est le seul moyen d'éviter que les mêmes groupes reviennent ici faire leur représentation deux, trois ou quatre fois. Ce n'est pas tellement une commission du genre de l'assemblée contradictoire. Nous sommes ici pour avoir de l'information des groupes qui viennent se faire entendre. On peut toujours questionner des groupes sur deux ou plusieurs bills. On peut discuter de ces bills en même temps. Je veux simplement aviser publiquement tous les autres groupes qui vont venir ici et qui ont soumis des mémoires sur un ou deux bills que nous allons les entendre une seule fois sur tous les mémoires en même temps. Cela n'aidera en rien d'envoyer des télégrammes au président, au ministre ou aux autres membres de la commission. Nous ne changerons pas notre procédure.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que vous vous référez à un télégramme ou à plusieurs télégrammes?

M. LE PRESIDENT: A plusieurs télégrammes.

M. PAUL: Très bien, merci.

M. GINGRAS: Nous continuons l'étude du bill 252, page 15, paragraphe II.

M. LAPIERRE: Nous en étions ce matin aux pouvoirs du bureau, c'est-à-dire aux conditions d'immatriculation que le collège demande le pouvoir de déterminer, en plus des formalités d'immatriculation des étudiants. Comme autres pouvoirs, le collège réclame le droit de faire parvenir son avis sur la qualité des soins dans les établissements de la province et sur les normes à établir pour les améliorer, non seulement au ministre des Affaires sociales, mais également à l'établissement lui-même et à ses médecins. Le collège a déjà expliqué pourquoi un tel pouvoir lui était nécessaire lors de sa présentation devant la commission parlementaire sur le projet de loi 65. On lui a alors signalé qu'il ne fallait pas mêler les lois les unes aux autres. Aussi, revient-il à la charge, puisque le temps est venu, pour déclarer que si les explications fournies devant l'autre commission devaient être reprises devant celle-ci, il le ferait avec plaisir durant la période de questions.

Notre sixième commentaire veut attirer l'attention de la commission sur la question du contrôle de l'exercice professionnel.

Le collège accepte d'emblée les trois aspects du contrôle de l'exercice professionnel déterminés dans le code des professions, à savoir un contrôle systématique d'ordre préventif de l'exercice de chacun de ses membres, un contrôle particulier de la conduite ou de la compétence d'un de ses membres et l'examen des plaintes reçues au collège. Le collège a déjà en place une structure qui répond à ces trois aspects du contrôle. Il demande, avec insistance, que le projet de loi 252 maintienne cette structure en l'adaptant fidèlement aux exigences du code des professions.

De cette manière, un premier comité, dit d'évaluation professionnelle, serait chargé de l'étude des plaintes reçues par l'ordre et du contrôle particulier de la conduite ou de la compétence d'un de ses membres. Ce comité recevrait les rapports des officiers mandatés à cet effet par l'ordre.

De plus, comme l'un des membres actuels de ce comité est une personne non-médecin, nommée sur recommandation du ministre des Affaires sociales, le bill 252 devrait prévoir la nomination de ce membre non-médecin par l'Office des professions en conformité avec ce qui a été recommandé dans les devoirs de l'office.

Ce comité d'évaluation professionnelle doit également avoir le pouvoir de diriger un cas au comité de discipline et de recommander, dans des cas particuliers, des stages de formation professionnelle.

Un deuxième comité, nommé comité de l'exercice de la médecine, continuerait à assumer le mandat qu'il a depuis trois ans, soit celui de la révision systématique de l'exercice professionnel des médecins de la province. Ce comité dont le but est préventif, non orienté sur la discipline, continuerait d'être chargé de l'élaboration des normes d'exercice et de contrôle professionnel et de l'établissement des besoins en enseignement continu dans la province.

Ce comité, tout comme le premier, recevrait le rapport des officiers mandatés à cette fin par l'ordre. De plus, le collège insiste pour qu'un article particulier de sa loi permette au comité administratif, en cas d'urgence, de recevoir en lieu et place de ces deux comités, le rapport d'une enquête. Cette alternative devient nécessaire à l'occasion et plus particulièrement en face des demandes de plus en plus nombreuses qui lui sont adressées par le ministère des Affaires sociales.

Le collège, dans sa représentation sur le bill 65, avait insisté sur la nécessité d'assurer la protection du travail de contrôle de l'exercice professionnel accompli par les médecins dans les hôpitaux. Comme ceci n'a pas été inclus dans cette loi, nous croyons devoir revenir à la charge ici et demander que les documents constitués pour les fins de contrôle de l'exercice

ne soient accessibles qu'aux personnes mandatées pour effectuer ce contrôle ou le vérifier et que, de plus, les médecins participant à ce travail comme membres des divers comités prévus pour ce contrôle ne puissent être poursuivis en justice pour les actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions, ni être contraints de témoigner sur les faits portés à leur connaissance dans l'exercice de ce contrôle.

Notre septième commentaire porte sur les pouvoirs d'enquête que le collège considère nécessaire d'obtenir pour assumer ses responsabilités, notamment celle qui touche le contrôle de l'exercice professionnel. A la suite de l'enquête effectuée à l'hôpital Jean-Talon, une addition a été faite à la Loi médicale en 1962, accordant au collège un pouvoir d'enquête assez particulier qui lui a permis d'acquérir une expérience dans ce domaine. Ce pouvoir d'enquête a été utilisé à multiples reprises. Plus d'une fois, les interprétations diverses données au texte de l'article de loi ont réduit la portée du pouvoir d'enquête et, partant, l'efficacité du collège. C'est pourquoi le pouvoir d'enquête très précis demandé dans notre mémoire est formulé dans les termes où chacun des mots trouve sa justification et dans l'expérience passée tout autant que dans le contrôle qui est nécessaire pour assurer la protection du public.

En terminant ces commentaires d'ordre général, le collège tient à signaler quelques points particuliers sur lesquels il insiste dans son mémoire. Dans le but d'assurer la protection du public, le collège désire obtenir le pouvoir d'imposer à tous ses membres l'obligation d'être détenteurs d'une assurance de responsabilité professionnelle. D'accord sur le bien-fondé de l'existence des syndicats médicaux et sur le respect de leur rôle, le collège réclame que la Loi médicale spécifie que toute question relative à l'élaboration et à l'application d'un tarif d'honoraires professionnels ne relève d'aucune manière de sa juridiction.

Devant l'évolution rapide des connaissances médicales et la nécessité pour le public d'être assuré en tout temps de la compétence des médecins, le collège réclame le pouvoir de limiter par voie de règlement la durée de la validité du permis d'exercice de la médecine et du certificat de spécialiste qu'il délivre. Le collège est conscient que s'il a pris, au cours des dernières années, une position d'avant-garde relativement à la dissociation de l'intérêt de ses membres et de celui du public, il prend encore ici une position qu'aucune autre corporation, à sa connaissance, n'a prise. Cette disposition visant à limiter dans le temps la valeur d'un permis d'exercice n'est pas seulement souhaitable mais devient une chose essentielle à laquelle aucune corporation ne pourra échapper à l'avenir.

Enfin, le collège tient à ce qu'il soit clairement indiqué dans sa loi que le ministre des Affaires sociales est chargé de l'application de la Loi médicale.

En conclusion, M. le Président, le collège répète qu'il n'entend pas être un rouage inutile dans le domaine de la santé au Québec. Si les lois adoptées devaient conduire à cette conséquence, il insiste respectueusement pour que le législateur le fasse disparaître dès maintenant. Par ailleurs, si, comme le laissent entendre le code des professions et l'ensemble de la réforme proposée pour les corporations professionnelles, l'ordre des médecins doit assumer des responsabilités encore plus claires quant à la protection du public, il soumet tout aussi respectueusement qu'il ne saurait les accepter qu'en obtenant dans les bills 250 et 252 l'autorité nécessaire correspondante. Le collège rappelle enfin que les amendements qu'il propose au bill 252 s'ajoutent à ceux qui sont déjà proposés au code des professions. En acceptant d'être régi par un code des professions, le collège est conscient de la complémentarité de ces deux lois. Les amendements demandés dans l'une ne sauraient aller sans ceux présentés dans l'autre.

Aussi tient-il à insister sur le fait que, si pour des raisons qu'il ne lui appartient pas de discuter certains amendements ne pouvaient être inclus au code des professions, ils devraient l'être dans le projet de loi 252. A l'inverse, si le législateur jugeait que certaines demandes du collège formulées dans son mémoire sur le bill 252 auraient plutôt leur place au niveau du code des professions, le collège n'y verrait aucune objection. Le collège accepte donc consciemment et avec confiance la formule d'une loi — cadre comme le désire le législateur et ce pour le mieux-être de la société. Il croit qu'avec les amendements proposés à cette loi-cadre et au bill 252 il pourra assumer, pour la protection du public et avec l'appui de ses membres, une responsabilité qu'autrement il ne saurait que refuser.

M. LE PRESIDENT: Merci, docteur. Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, avec votre permission, j'aimerais faire quelques commentaires qui peuvent préciser ou donner des renseignements, de l'information additionnelle. Je vois le député de Montmagny, qui semble d'accord.

En premier lieu le collège dans son mémoire nous demande de lui accorder le pouvoir de désigner les hôpitaux ou les établissements d'enseignement. Lorsque la loi 65 sur les services de santé et les services sociaux a été adoptée — et c'est le point que je voudrais faire ressortir — il a été convenu qu'un article devait porter sur cette question-là étant donné qu'elle touche de façon directe à toute la planification et au financement des institutions dans le domaine de la santé et des services sociaux.

On retrouve, dans la loi 65, l'article 88 qui donne au ministre de l'Education et au ministre des Affaires sociales le pouvoir d'agréer les contrats d'affiliation passés entre des établissements dans le domaine de la santé et des

services sociaux et les institutions d'enseignement. C'est la façon qui a été adoptée lors de l'adoption de la loi 65 sur cette question de l'agrément des institutions ou établissements d'enseignement.

Le deuxième des points est un peu de même nature; comme la question est susceptible de se poser à nouveau, il pourrait être intéressant de l'adresser à certaines corporations professionnelles qui vont venir devant la commission; cette deuxième question a trait à la citoyenneté canadienne. Lorsque le bill 64 a été approuvé, c'était à la suite d'une consultation entreprise sous l'ancien gouvernement et auprès des corporations professionnelles qu'il a été poursuivi ou complété sous le gouvernement actuel. Selon cette procédure, au lieu d'imposer aux corporations professionnelles l'élimination des conditions touchant à la citoyenneté pour l'octroi d'un permis d'exercice, cela a été fait d'une façon, dans une certaine mesure, volontaire. Le bill 64 ne comprenait des dispositions que pour les corporations qui avaient accepté que cette condition soit éliminée.

On a réintroduit dans les présents projets de loi les dispositions du bill 64, — même si ça fait un peu lourd, si cela apporte une certaine confusion — pour que cette procédure soit maintenue, si, de l'avis des membres de la commission, nous devions, au terme de nos travaux, éliminer pour toutes les corporations cette exigence, sauf une ou deux où il peut y avoir des dimensions particulières à la question. Je pense de façon spécifique au Barreau où on va nous dire que les membres du Barreau assument certaines fonctions à caractère particulier. Je ne dis pas au préalable que cette argumentation est fausse, qui en fait, en quelque sorte, des officiers publics. Si c'était l'opinion, nous pourrions reprendre la rédaction des projets de loi pour éliminer toute cette confusion-là. C'est la raison pour laquelle je mentionne ceci, parce que ça va se poser pour des lois comme celle de la chiropractie où on peut, si on ne suit pas tout ce raisonnement-là, dessiner tout ce qui peut paraître un illogisme.

Je terminerai par une question, plutôt que de faire un commentaire. C'est la seule question que j'aurais à adresser, parce que j'ai pris connaissance du rapport et du mémoire et que j'ai écouté les commentaires qu'on a faits. Nous devons évidemment l'étudier très attentivement. Cette question a trait à la remarque qui est faite dans le mémoire, de même que dans les commentaires, au sujet de la prévention. On nous dit poliment que c'est faire preuve d'une connaissance absolument erronée de la médecine de ne pas référer à la prévention. Tout aussi poliment, je pense que je pourrais retourner la chose et dire: Cela fait preuve aussi d'une certaine méconnaissance de la structure de ces lois que de vouloir introduire la prévention dans la définition du champ d'exercice exclusif. Parce qu'il me semble que tout citoyen doit s'intéresser à la prévention et peut faire des exposés pour sensibiliser les autres à la nécessité de la prévention dans le domaine de la santé.

Si on en fait un acte exclusif à la profession médicale, je crois qu'on prive le ministère et le collège d'un apport considérable qui pourrait venir d'un grand nombre de personnes et d'organismes intéressés à la prévention. Ma question est la suivante: Est-ce que le collège a pensé à cet aspect? Je réalise qu'il nous a signalé que, pour les infirmières, nous avons inclus dans la définition le mot "prévention'.. Je crois que nous devrons réviser cette rédaction parce que, là, il y a évidemment un oubli ou une erreur qui s'est introduite. Mais, lorsqu'on parle d'un champ exclusif de pratique, je vois mal comment on pourrait confier exclusivement à la profession médicale toute la préoccupation touchant à la prévention.

M. GINGRAS: M. le Président, nous sommes d'accord que toutes les professions médicales devraient s'occuper de prévention. La médecine s'en occupe tout de même depuis des centaines et des centaines d'années et nous nous étonnons —avec justesse, je crois — que ceci n'ait pas été mentionné dans la loi.

Par ailleurs, en toute déférence et avec respect, je dois apporter un exemple qui nous a été soumis récemment. Lorsqu'il s'est agi d'établir une loi sur la donation de tissus entre vifs, on nous a consultés, nous avons donné notre avis, etc. Mais, dans ce cas particulier, nous n'avons jamais vu la loi, nous n'avons jamais vu le texte. Même si ça avait été un avant-texte, nous aurions été enchantés de le voir et nous aurions peut-être pu prévenir ces discussions qui maintenant deviennent claires.

M. CASTONGUAY: Très bien. Merci, M. le Président.

M. FOURNIER: Seulement une question.

M. GINGRAS: Il y a peut-être d'autres réponses qu'on pourrait donner au ministre, si vous nous le permettez, M. le Président.

M. LEBOEUF: Seulement un mot additionnel sur la prévention. Notre surprise a été, —comme le ministre des Affaires sociales l'a mentionné — d'une part, de ne pas retrouver cet élément dans la définition de l'exercice de la médecine mais surtout de la retrouver dans la définition d'une autre profession à exercice exclusif. Et nous serions d'accord de convenir du retrait du mot "prévention" de toutes les lois en supposant que toutes les professions dans le domaine de la santé, et d'ailleurs tous les individus, font oeuvre ou devraient faire oeuvre de prévention. L'embêtement nous vient du fait qu'une autre profession ayant dans sa définition de champ d'exercice exclusif la prévention, il nous semblerait, et nous l'avons aussi demandé dans notre troisième mémoire pour les dentistes, nécessaire de l'ajouter. Mais le retrait dans l'autre loi réglerait le problème.

M. CASTONGUAY: Le point que j'ai voulu faire ressortir, c'est qu'on avait affirmé de façon tellement catégorique, ce matin, que ceci provenait d'une connaissance très erronée de la médecine. Je ne voulais pas laisser passer cette affirmation pour ne pas discréditer le ministère et ramener cette question à sa juste proportion qui est une question de technique de rédaction des projets de loi.

M. LEBOEUF: Nous nous excusons, M. le ministre, du sens insinuant de cette périphrase.

M. LE PRESIDENT: Le Solliciteur général.

M. FOURNIER: Seulement une question, relativement au programme d'étude. Le projet de loi 250 prévoit une formule de collaboration entre les institutions d'enseignement et les corporations professionnelles à l'article 169 e) pour les programmes d'étude. Dans votre rédaction, vous demandez que le programme d'études soit décidé par la corporation elle-même. Est-ce que vous avez un mécanisme d'entente, ou un mécanisme de collaboration de prévu entre l'établissement d'enseignement et la corporation professionnelle, le Collège des médecins?

M. LAPIERRE: M. le Président, je dois dire que les mémoires du collège ont été rédigés en collégialité et, pour accélérer le processus, on a centralisé toutes les données aux questions qui peuvent être posées cet après-midi dans les mains du Dr Leboeuf et ce dernier répondra aux questions.

M. LEBOEUF: M. le Président, tout ce sujet du programme des études a été, je pense, assez abondamment résumé dans la présentation verbale.

Quant aux motifs qui poussent le collège à demander un retrait, au fond, de l'article 168, paragraphe e), un retrait de la façon suivante, on vous a mis face à deux hypothèses. Ou le contrôle du Collège des médecins sur la compétence de ceux à qui il est appelé à émettre un permis se situe après l'obtention d'un diplôme... Ce matin, on a tenté de vous faire ressortir le désavantage assez fantastique qui résulterait d'une telle formule puisque l'évolution de l'enseignement de la médecine est telle que, ce faisant, on reculerait de quinze ans. Pour éviter de pénaliser les diplômés, les étudiants, et éviter un dédoublement de contrôle qui, par certains points, pourrait être analogue, nous avons cru bon de demander plutôt — ceci en accord, d'ailleurs, avec le comité des doyens des facultés de médecine de la province — de participer avec eux, d'une part d'accepter l'élaboration qu'ils nous font des programmes d'études à l'intérieur d'un certain nombre de normes établies conjointement et, d'autre part, d'approuver le programme d'études pour ainsi le soumettre au lieutenant-gouverneur en conseil qui, lui, validant le diplôme, donne réellement par ce diplôme une ouverture à un permis sans qu'il y ait lieu de faire des stages supplémentaires, additionnels qui risquent d'être inutiles et de prolonger indûment le cours de médecine.

C'était le but primordial de cette particularité et les diverses raisons pour lesquelles on pense que l'étude de la médecine se distingue de l'étude de certaines autres professions ont été résumées dans la présentation verbale. Si elles n'ont pas été suffisamment explicitées, je les reprendrais en plus grand détail avec plaisir.

M. FOURNIER: La raison de ma question est la suivante: En lisant votre texte, à l'article 29, paragraphe 22, on voit ceci: "Le programme d'études des établissements d'enseignement de la médecine au Québec doit être approuvé par le bureau de l'ordre." Je me demande quel est le mécanisme de collaboration pour l'élaboration de ce programme. Il semble catégorique dans l'article que la décision, la seule décision sera prise par le Collège des médecins alors que, dans l'article 169, justement pour parer à certaines difficultés, on prévoyait un mécanisme d'élaboration conjoint des institutions d'enseignement.

Je ne parle pas des stages additionnels mais du programme d'études dans l'institution d'enseignement.

M. LEBOEUF: Je vais répondre à la question après un commentaire. Tout le point est là. Pour nous, le programme d'études ne se sépare pas des stages; c'est le point fondamental. Si l'article 29 ne laisse pas entendre le rôle que les universités ou les facultés de médecine particulièrement ont à jouer, il faut se rappeler un certain nombre de points. Le premier, le plus important, est le fait qu'on a insisté ce matin pour que les quatre facultés de médecine soient représentées à part entière au sein du conseil d'administration de l'ordre des médecins, comme c'est le cas actuellement.

L'élaboration des programmes est faite conjointement, dans le moment, et demeurera conjointe après. Si ceci apparaissait comme une lumière nécessaire additionnelle à l'article 29, nous n'y verrions nulle objection. Nous souhaiterions même qu'il soit dit clairement que l'élaboration de ces programmes est faite conjointement. Quant à l'approbation finale du programme avant que le diplôme soit validé, le collège revendique cette approbation comme étant sa responsabilité puisque c'est lui qui aura la responsabilité de répondre de l'équation entre permis et compétence.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je n'ai pas de commentaire mais j'ai des questions. Aux articles 15 et 18 de la première proposition du projet de loi, remplacés par les paragraphes a) et

b) de 19, aux pages 7 et 8 de l'annexe, vous avez fait une modification qui m'apparaft peut-être importante. Vous dites "le bureau peut", tandis que, dans la version originale du gouvernement, c'est "le bureau donne son avis et fait de concert". Etant donné que c'est un secteur où déjà il y a peut-être des difficultés, est-ce que vous ne croyez pas que vous affaiblissez votre position?

M. LEBOEUF: C'est possible. L'idée sous-jacente à cette distinction entre "doit" et "peut" dans le cas présent était à l'effet qu'il s'agissait d'avis. Le raisonnement ne tient pas d'une dialectique cartésienne pure. Je pense que l'on pourrait facilement concevoir un peu dans le sens de l'article 83 du code actuel qu'en outre de ces pouvoirs-là le bureau "doive". Je pense même qu'il n'a jamais été dans notre intention — nous nous exprimons mal ici si nous le laissons entendre comme ça — de prétendre que le bureau refuserait au ministre des Affaires sociales un avis sur la qualité des soins, bien au contraire, et refuserait aux établissements d'enseignement un avis sur l'enseignement qui s'y donne, bien au contraire. Je pense que vous avez raison d'attirer notre attention sur le fait que les paragraphes a) et b) de l'article 19, tel que nous le proposons, auraient avantage à se retrouver plutôt à l'article précédent pour en faire non pas un pouvoir mais un devoir.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce cet article qui couvre votre travail en collaboration avec la direction générale de l'agrément du ministère des Affaires sociales?

M. LEBOEUF: Oui, je pense qu'il y a là, dans cet article, une autre addition que vous n'avez pas soulevée à savoir que le bureau veut donner non seulement son avis au ministre des Affaires sociales mais aussi — et on a ajouté cette périphrase — "ou à l'établissement en question ou à un groupe de ses membres".

Vous me donnez l'occasion d'ouvrir une courte parenthèse et d'expliquer le pourquoi de ceci. Lors de notre présentation devant la commission sur le projet de loi 65, nous avions revendiqué un certain nombre de pouvoirs nécessaires à notre contrôle externe de la qualité des soins médicaux fournis dans les établissements. Avec justesse, le ministre des Affaires sociales nous avait fait réaliser qu'il fallait éviter dans la mesure du possible de mêler les textes de lois; d'autre part, la version finale du bill 65 a, je pense, respecté assez intégralement nos désirs à cet effet en retirant les pouvoirs d'enquête dans ce domaine aux offices régionaux et en permettant une réglementation interne dans chaque établissement élaborée par le conseil des médecins et dentistes et approuvée par le conseil d'administration de l'établissement.

Or voici la situation. Quels sont les moyens d'action du collège pour contrôler effectivement la pratique de ses membres? Il y a deux niveaux d'envergure provinciale. Un premier est au niveau de la réglementation générale qui va découler du bill 65. Encore là, le bill 65, dans sa dernière version, dénote une nette amélioration puisque les règlements, avant d'entrer en vigueur, auront été publiés dans un délai de 90 jours et nous aurons l'occasion, nous l'espérons, de nous faire entendre sur les points qui pourraient ne pas être d'application facile.

Le deuxième endroit où les conséquences sont importantes, et maintenant, en vertu du nouveau bill 65, au niveau de chaque établissement, c'est que le conseil des médecins, comme actuellement, fera sa réglementation interne. Quand nous visitons un hôpital, particulièrement dans les établissements, ce sont ceux que nous avons entrepris de visiter, nous réalisons un certain nombre de déficiences. Il faut absolument que nous ayons une possibilité d'action autre que celle que prévoit notre organe disciplinaire qui restera toujours une solution marginale en termes de quantité de cas à régler. Notre possibilité d'action que nous utilisons actuellement et que le ministre des Affaires sociales nous voit utiliser et qu'il approuve, je pense, j'en suis convaincu même, est de faire parvenir à l'établissement, et particulièrement aux médecins de cet établissement, les recommandations nécessaires à l'amélioration de la qualité de la médecine qu'il pratique quotidiennement

Nous voulons, dans le texte de notre Loi médicale, faire ressortir l'importance de cet aspect, puisque, pour nous, cela rend le contrôle de la pratique médicale possible et, sans cela, il est impossible. Il y aurait lieu, à ce moment-là, d'avoir un nombre d'enquêteurs tel qu'on ne parlerait plus d'autodiscipline.

M. CLOUTIER (Montmagny): II est intéressant, Dr Leboeuf, de vous entendre mentionner que la dernière version du bill 65 était très supérieure aux premières versions. Il en sera certainement comme ça aussi du projet de loi 250 et des autres, parce qu'il ne faudrait pas qu'il y ait un autre code des professions pour couvrir les professions qui ne seraient pas dans le code original des professions.

Alors, il y aura certainement des améliorations importantes à ce projet de loi. Une autre question, docteur, concernant les articles 33 et 34 de la première version, celle qui est déposée par le gouvernement. Vous faites des suggestions à l'article 44 ou 45 et vous gardez la même formulation. Dans le résumé de votre mémoire, vous parlez des médicaments, de leur substitution. Evidemment, vous demandez aussi d'être représentés à certains endroits où se prendront certaines décisions importantes, telles que la substitution, les médicaments. Alors, est-ce que, en contrepartie, vous pensez que d'autres professions intéressées pourraient vous faire des observations à cet article quant à la

possibilité pour le médecin de distribuer des médicaments sans aucune restriction?

Evidemment, il s'agit là du champ de pratique des différentes professions. Il n'y a aucune restriction, à mon point de vue, à l'article 33, quant aux médicaments fournis par les médecins.

M. LEBOEUF: Je pense, pour ma part, y voir une restriction en comparant cet article 33 et le texte du projet de loi 255 sur la pharmacie. A mon sens, l'importance, dans l'article 33, des mots, à la fin du premier paragraphe, "à ses patients" fait toute la différence entre le droit d'exercer prévu au projet de loi 255 et, ici, le droit, pour un médecin, de fournir des médicaments à ses patients. C'est tellement le cas, à mon sens, que le médecin n'est autorisé à fournir des médicaments à d'autres que ses patients que s'il est enregistré, en règle avec l'ordre des pharmaciens, tel que le prévoit le bill 255. Il est prévu, si ma mémoire est bonne, que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra effectivement faire en sorte qu'un permis d'exercer la profession de pharmacien, au sens même du bill 255, soit accordé à un médecin pour des circonstances qui le porteront ou le forceront à le faire. Mais, il y a une distinction entre fournir à ses patients des médicaments et fournir des médicaments et les préparer au sens de la définition de l'exercice de la pharmacie.

Remarquez que c'est comme ça que nous avons compris les textes. Peut-être que nous les comprenons mal.

M. CLOUTIER (Montmagny): Periez-vous des distinctions entre la distribution des médicaments par un médecin ou l'exercice de la profession par un médecin, dans des circonstances spéciales, et dans des régions où il y a abondamment des services de pharmacie et le même exercice des régions où il n'y en n'a pas du tout?

M. LEBOEUF: Oui, nettement. Le collège a déjà pris position sur cela. Il nous paraît inconcevable que, dans une ville comme Québec ou Montréal, à titre d'exemple, des médecins vendent des médicaments à leurs patients. La difficulté qui nous a semblé avoir justifié le texte tel qu'il est là est à l'effet que certains types de médicaments sont administrés par le médecin qui les fournit. Je ne veux pas tomber dans la jurisprudence d'interprétation de ces mots-là, mais tous les injectables sont effectivement des médicaments que le médecin fournit à ses patients. Nous serions d'accord pour une tournure de phrase à l'effet que, dans les centres où les services pharmaceutiques existent et sont adéquats, le médecin soit limité à fournir à ses patients ceux des médicaments qu'il ne peut prescrire sur ordonnance à être remplie par un autre professionnel. Je pense que le collège a déjà exprimé un avis nettement conforme à cela. C'est difficile à exprimer dans le texte, il me semble, mais c'est notre point de vue et je pense que ça répond à votre question.

M. CLOUTIER (Montmagny): La précision que vous venez d'apporter est extrêmement importante du point de vue de la rédaction quant au champ d'application de ces deux professions. Cela va éliminer, je pense bien, une foule de difficultés. Je pense bien que les législateurs voudront tenir compte des précisions qui ont été apportées afin de préciser davantage le champ d'exercice des deux professions dans le domaine spécifique dont nous venons de discuter. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, je pense qu'aujourd'hui, comme hier, on tourne encore autour de la même chose: le partage des pouvoirs pour ne pas dire le partage des contrôles. Qui va contrôler qui et quoi? Vous faites des recommandations, dans votre mémoire, qui sont assez bien justifiables. Vous exigez un droit de regard sur l'émission d'abord des permis et ensuite sur la formation professionnelle. Est-ce que ce principe que vous exigez, en fait, vous le reconnaissez pour d'autres professions?

M. LEBOEUF: Si on le...?

M. GUAY: Si c'est un principe que vous reconnaissez comme étant essentiel pour le Collège des médecins. Est-ce que vous reconnaissez ce principe également pour toute autre profession?

M. LEBOEUF: Le fait de contrôler l'acquisition de la compétence pour l'émission des permis?

M. GUAY: C'est ça.

M. LEBOEUF : D'abord, la première constatation que nous avons faite, à la lecture attentive des quelque vingt autres lois qui ont ou été abrogées et remplacées ou amendées, est à l'effet que certaines corporations, dans les faits, conservent sur une étape de l'acquisition de la compétence un contrôle réel et nous croyons que toute corporation devrait, quand elle a la responsabilité de la compétence, avoir un contrôle sur une étape quelconque.

Je me réfère par analogie à la Loi du Barreau qui n'entend pas exercer de contrôle au niveau du contenu universitaire de l'enseignement mais qui a, par la dernière année de sa formation, un contrôle sur la formation du futur avocat. Je me réfère aussi à la Loi du notariat qui a, par analogie, les mêmes contrôles. Et je pense que c'est essentiel qu'une corporation ait un contrôle pour répondre au public de la compétence de ceux à qui elle émet un permis.

Si nous avons pensé devoir nous singulariser en demandant ce contrôle avant le diplôme, contrairement à ce qui existe pour le Barreau et pour le notariat, c'est que l'enseignement de la médecine était comme l'enseignement du droit il y a quinze ans et était constitué d'une suite de cours théoriques de tout près de quatre ans et une année de stage. Mais ce n'est plus cela; les stages sont commencés maintenant dès la première année et sont nettement imbriqués au programme d'études. Et nous disons: Si notre contrôle doit, par analogie avec celui exercé par le Barreau ou par le notariat, s'effectuer après que le diplôme validé par le lieutenant-gouverneur en conseil soit obtenu, nous prolongeons indûment la formation de ces professionnels dont nous manquons et nous brisons ou risquons fortement de briser la continuité du cours à l'encontre de l'évolution de l'enseignement de la médecine dans toute l'Amérique du Nord.

M. GUAY: Cela revient à dire que ça ne doit pas relever du lieutenant-gouverneur en conseil mais bien de la corporation concernée.

M. LEBOEUF: C'est-à-dire que l'approbation des programmes d'étude en médecine, incluant les stages exigibles par l'ordre, doit être le fait du bureau avant d'être soumis au lieutenant-gouverneur en conseil pour fins de validation.

M. GUAY: Comme deuxième question, je remarque à la page 22 que le collège insiste pour qu'il lui soit permis de donner son avis non seulement au ministre mais aussi à un établissement ou à un groupe de ses membres oeuvrant dans l'établissement sur tout ce qui regarde la qualité des soins. Vous avez répondu partiellement tantôt à une question du député de Montmagny, j'aimerais que vous expliquiez davantage ce paragraphe de la page 22 de votre mémoire.

M. LEBOEUF: Je ne voudrais pas prolonger, je pense avoir donné l'essentiel de la réponse à une question de M. Cloutier. Il y a peut-être, par l'occasion que vous me donnez, l'addition suivante que j'aimerais faire: le collège demande le pouvoir de réglementer la durée de validité d'exercice de la médecine. Si le collège demande cela, il faut donc qu'il prévoie un mécanisme qui fera qu'à tous les trois, quatre ou cinq ans, selon le règlement établi, le renouvellement du permis réponde à certains critères. Les recherches dans ce domaine sont en cours et une des hypothèses, et la plus retenue, est à l'effet que le permis sera renouvelé moyennant l'obtention d'un certain nombre de crédits d'enseignement continu, contrôlé et agréé à cet effet, comme d'ailleurs le code des professions nous donne le pouvoir de le faire.

Or, en médecine, une des modalités fondamentales d'enseignement continu, disponible à tous les médecins quotidiennement dans les hôpitaux, c'est justement la participation à ces comités d'appréciation des actes médicaux qui sont obligatoires de par la loi. Il nous semble que non seulement il y a là un apport positif à ajouter à la formation des médecins, mais qu'il y a aussi — ce n'est pas négligeable pour toutes sortes de raisons — une motivation positive à donner aux médecins pour une participation beaucoup plus réaliste et réelle au bon fonctionnement de ces comités.

M. GUAY: Mais tout cela existe déjà chez vous en quelque sorte; c'est clairement établi.

M. LEBOEUF: C'est-à-dire que nous faisons actuellement des recommandations, mais nous allons incessamment commencer l'agrément ou la reconnaissance de ces travaux faits en comité en termes de crédits qui n'auront aucune force tant et aussi longtemps que l'amendement que nous demandons à notre loi ne nous permettra pas de limiter la durée de la validité du permis.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: A la page 10 de votre mémoire, vous insistez sur la nécessité d'une collaboration entre l'ordre professionnel et les facultés de médecine dans la formation professionnelle des futurs médecins. Dans votre mémoire, au point numéro 3, vous tirez de cette constatation la conclusion qu'il est absolument nécessaire que quatre administrateurs nommés par les facultés de médecine du Québec fassent partie du bureau de la corporation. Est-ce la seule hypothèse possible? Est-ce qu'il y en a d'autres que vous avez envisagées, comme la participation de représentants des facultés de médecine à des comités d'études médicales? Parce qu'il est bien évident que, lorsqu'on est administrateur dans un bureau d'une corporation, c'est pour des fins administratives, c'est pour des fins générales, des fins d'élaboration de politiques. Comme vous avez revendiqué pour l'ordre des médecins la responsabilité finale des décisions en matière de protection du public, pour autant que les programmes sont concernés, est-ce que vous ne vous départissez pas d'une certaine façon de votre pouvoir en nommant quatre ou peut-être bientôt cinq ou six administrateurs selon que des facultés de médecine plus nombreuses seraient créées? Est-ce que vous avez songé à d'autres possibilités de collaboration qui aboutiraient peut-être au même résultat, sans que vous n'accordiez à ces représentants des facultés de médecine le pouvoir d'administrateurs?

M. LEBOEUF: II y a un problème très concret avec lequel nous étions confrontés, face à une possibilité d'opter pour une voie différente de celle que nous vivons actuellement. Au

fond, nous demandons le statu quo. Le problème est que les textes, tant du code des professions que ceux de notre loi, font en sorte que c'est le bureau qui devra statuer sur tout ce qui est important. Or, il y a tellement de choses qui sont importantes sur lesquelles le bureau devra statuer, pour lesquelles la compétence des facultés de médecine et de toutes les facultés est nécessaire pour assurer une coordination des décisions et du résultat qu'il nous semble à peu près impossible de penser à un autre mécanisme que de les reconnaître à part entière. J'ai ici, devant moi, une liste de quinze de ces pouvoirs par voie de règlements que le bureau devra assumer, tous ayant une connotation directe avec la formation médicale.

M. LAURIN: Les plus importants?

M. LEBOEUF: Toutes les conditions relatives à l'immatriculation, à l'émission du permis; tout le problème des stages à déterminer quant à leur contenu, quant à l'endroit. J'aimerais, à la fin, revenir sur l'agrément des milieux de formation. Tout le problème de déterminer les normes d'agrément de ces milieux de formation; tout le problème d'agréer effectivement ces milieux-là. Il faut bien réaliser que trois mois de chirurgie demandés par le collège n'auront pas la même valeur s'ils sont faits — je dis cela sans préjudice pour aucun hôpital mais, quand même je vais prendre des extrêmes — aux Iles-de-la-Madeleine ou à l'hôpital Notre-Dame.

M. LAURIN: Ne parlez pas des Iles-de-la-Madeleine ici. C'est trop dangereux.

M. LEBOEUF: Ah! je m'excuse.

M. LACROIX: Vous pouvez en parler, mais en parler intelligemment.

M. LEBOEUF : Le président me propose de prendre Terre-Neuve.

Le problème, c'est qu'il n'y a là aucun chirurgien, aucune ressource susceptible de former quelqu'un. Alors, l'agrément du milieu de formation est intimement relié à la qualité de la formation reçue. L'approbation des programmes d'études est un autre exemple d'importance. Les modalités d'évaluation des candidats. Le collège veut, conjointement avec les facultés et avec les étudiants, d'ailleurs, se pencher sur les modalités d'évaluation des candidats. Le problème a suffisamment fait la manchette des journaux dernièrement pour que vous nous sentiez conscients du fait.

L'étude en question est entamée avec les trois groupes. Cet ensemble de situations d'importance, tout le problème de l'agrément, de la détermination des membres et de la coordination des programmes d'enseignement continu, ce sont les facultés qui, dans une bonne part, vont fournir cet enseignement-là. Il nous semble à peu près impossible, vu la difficulté que le bureau aurait de déléguer à quelqu'un d'autre les pouvoirs que la loi lui empêcherait de déléguer, puisqu'il doit les exercer par voie de règlement. Je vous réfère à l'article 60 du code qui dit que le bureau ne peut pas déléguer, même au comité administratif, un pouvoir qu'il doit assumer par voie de règlement. A cause de tout ceci, nous avons envisagé certaines hypothèses et il nous apparaît impossible de trouver une autre solution.

M. LAURIN: Est-ce que la présence des représentants de la faculté de médecine aux divers sous-comités actuels vous apparaît insuffisante, non pratique, non fonctionnelle pour assurer les fins que vous recherchez?

M. LEBOEUF: Insuffisante sûrement, très pratique, mais avec les textes de loi qu'on nous propose, non fonctionnelle.

Par ailleurs, il y a un élément aussi à l'inverse. Nous pensons que les discussions qui ont lieu au bureau sur des problèmes non reliés directement à l'enseignement en apprennent et beaucoup aux doyens ou à leurs représentants, et, en contrepartie, influencent le type d'enseignement qui est donné. Nous croyons que la formule vécue jusqu'à maintenant a donné de bons résultats.

M. LAURIN: A la fin de votre résumé et de votre mémoire également, vous prononcez des paroles que je considère extrêmement sérieuses et graves, lorsque vous dites que si les lois adoptées devaient conduire à cette conséquence, c'est-à-dire que le collège deviendrait, selon vous, un rouage inutile, le collège insiste respectueusement pour demander au législateur de l'abolir dès maintenant. Vous répétez un peu plus loin que vous ne sauriez accepter que le projet de loi demeure tel quel dans certaines de ces dispositions que vous jugez essentielles. Même à la fin, à la toute fin de votre mémoire, vous dites: Une responsabilité que vous ne feriez que refuser dans les conditions où elle vous est octroyée, c'est-à-dire sans les pouvoirs que vous estimez suffisants. J'estime que vous avez dû bien peser les termes que vous employez. Si vous les avez bien pesés, jusqu'à quel point seriez-vous prêts à accepter des concessions? Où est le point où vous demanderiez d'abolir le collège? Où est le point des concessions que pourrait faire le législateur qui vous permettraient de les accepter?

M. LEBOEUF: Merci de la question. Effectivement, il y a plus d'un an, le collège — et le président l'a mentionné, je pense, ce matin — a entrepris une tournée de la province pour savoir des médecins, qui sont quand même les membres de la corporation, ce qu'ils pensaient de l'avenir de leur corporation. Nous les avons mis devant cette double hypothèse, entre autres. Il n'y a eu aucune hésitation, des Iles-de-la-Madeleine, cette fois, à l'Abitibi, pour dire que c'est

l'une ou l'autre. Quand nous disons: Nous préférons qu'on nous abolisse plutôt que de nous laisser une responsabilité, sans l'autorité correspondante, nous sommes bien conscients que le législateur peut en décider autrement. Notre expérience acquise, depuis les dernières années, démontre que, s'il en était ainsi, les membres de la corporation — puisque le collège, ce ne sont pas ceux qui sont ici, mais ce sont les 8,000 médecins de la province — dont la motivation actuellement n'est pas toujours aussi positive que nous le souhaiterions, vont se charger dans les faits de faire en sorte que la corporation ne donne rien. C'est à cause de cette prise de conscience du problème que nous disons: II nous faut une responsabilité claire, quelle qu'elle soit, mais pour celle-là, l'autorité aussi claire.

Nous avons subi, dans le passé, plus d'un blâme, notre cote d'amour dans la population, nous le savons, est peut-être meilleure, mais elle a sûrement été très basse, si elle ne l'est pas encore et nous pensons qu'en bonne partie cela est relié au fait que responsables de situations sur lesquelles nous n'avions aucune autorité, nous en portions quand même le blâme. C'est ce que, dans notre volume sur l'avenir du collège, nous avons décrit comme étant un simulacre de contrôle que nous rejetions, sinon dans les textes de loi, puisque nous n'en décidons pas, du moins dans les faits, parce que nous savons que c'est ce vers quoi nous nous en allons avec les médecins de la province, si l'autorité n'est pas en correspondance avec la responsabilité.

Le point majeur qui sous-tend toute cette discussion, qui nous éloigne du code des professions de façon particulière, porte justement sur ce mécanisme d'acquisition de la compétence. Quant aux mécanismes de contrôle de l'exercice professionnel, je pense que les relations entre le ministère des Affaires sociales et le collège depuis un an et demi ont permis d'élucider tant et tant de points que le consensus se fait de plus en plus facilement et qu'au fond la formule que nous demandons n'est qu'une des possibilités que nous offre le code.

Mais sur l'acquisition de la compétence, nous ne pouvons reculer d'un pouce.

M. LAURIN: Ce sont donc les responsabilités que vous réclamez en ce qui concerne la vérification du degré de compétence qui constitue pour le collège le point de non-retour en deça duquel il ne saurait reculer, Dr Gingras?

M. GINGRAS: D'accord.

M. LEBOEUF: M. le Président, je veux ajouter un mot, étant donné qu'au tout début M. le ministre des Affaires sociales a fait un certain nombre de commentaires et que de la prévention on a quitté le sujet. Je voudrais revenir sur le fait que l'article 88 du bill 65 ne résout aucunement à nos yeux le problème de l'agrément des milieux de formation. Cet article statue sur un contrat d'affiliation qui devra être approuvé par le ministère de l'Education et le ministère des Affaires sociales avec consultation des établissements d'enseignement.

Le problème n'est pas là, quant à nous. Et je reviens à la phrase que j'ai dite tantôt: Sans agrément des endroits — nous le regrettons beaucoup, mais nous ne pouvons pas former un médecin dans un cabinet privé; il faut le former dans un établissement — de formation, on aura beau exiger des stages avec des recettes merveilleuses, on n'est aucunement assuré de la valeur du contenu de la formation obtenue.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): Dans votre mémoire, aux pages 54 et suivantes, au chapitre VII, vous traitez de la question de l'exercice illégal de la médecine. Après avoir demandé d'inclure, dans la première partie des articles de la loi qui traitent de ce sujet pour ceux qui sont exclus de cette loi, d'autres personnes que les étudiants en médecine, vous définissez ces autres personnes.

Il y a deux autres points importants: celui de réserver le titre de "docteur"uniquement aux médecins, lorsqu'il est employé seul comme mot, et, deuxièmement, le domaine de la publicité pour l'exercice illégal de la médecine.

Je pense que la question de "docteur" sans le titre de médecine est un domaine suffisamment populaire pour que nous n'ayons pas de questions à vous poser là-dessus. Je pense que tout le monde le comprend fort bien. C'est une chose qui touche nettement notre milieu et qui ne s'applique peut-être pas dans d'autres pays.

Mais il y a tous les articles que vous voulez ajouter au sujet de "sont coupables d'exercice illégal de la médecine ceux qui, a), b), c)... par quelque moyen de publicité incitent...". Qu'est-ce que vous entendez exactement par là? Est-ce que vous touchez aux questions de remèdes ou d'utilisation de remèdes? C'est quoi exactement?

M. LEBOEUF: Je suis très heureux parce que, avec votre permission, M. le Président, je voudrais que ce texte soit compris comme étant imparfait. Je vais vous livrer le message que nous avons voulu livrer par cet article. H arrive que des guérisseurs sont poursuivis pour exercice illégal, sont condamnés pour exercice illégal, sont condamnés pour des annonces illégales et que ces annonces continuent quand même, par la voie des postes de radio, des postes de télévision et des journaux, à inciter frauduleusement le public à utiliser leurs services.

Devant ce fait, et nous avons des cas — entre autres, nous avons toute la correspondance au collège, dont j'ai extrait un certain nombre de lettres — et un cas en particulier où nous avons tenté de rappeler à des postes de télévision et à

des postes de radio le code d'éthique du bureau consultatif de la publicité au Canada, qui est très clair là-dessus par deux de ses articles qui demandent à ses membres de ne pas faire une telle publicité. Le code n'ayant qu'une force morale de persuasion, aucun résultat n'a été atteint. Et en repensant à la phraséologie utilisée ici, le message que nous voudrions livrer est le suivant: "Devraient être coupables d'exercice illégal de toute profession"— et on devrait mettre cet article dans le code des professions — "les propriétaires ou les responsables des media de diffusion qui accueillent une publicité relative à l'exercice illégal de cette profession". Il me semble que là nous protégerions le public qui est malheureusement frauduleusement incité à utiliser des services que les tribunaux ont déjà déclaré être un exercice illégal, donc présumément dangereux.

Nous ne voulons pas revendiquer ce privilège, quant à nous, pour nous seulement; s'il est là, c'est qu'il est un résidu de notre projet de loi médical mais, à l'analyse, il nous semble que le code des professions devrait plutôt contenir une disposition à cet effet-là.

M. MASSE (Montcalm): Je pense que votre désir est fort louable, mais c'est difficile de concevoir que les media d'information puissent juger eux-mêmes si la demande de publicité est conforme à la loi ou non. Vous en faites une espèce de tribunal judiciaire où ils décident, eux, que telle publicité est contraire à telle loi. Je ne pense pas que cela existe dans beaucoup de domaines un pouvoir semblable.

M. LEBOEUF : Je suis d'accord. Il n'est pas dans notre intention — et, encore là, la formulation pourrait être repensée — de demander aux media d'information, avant d'accepter ou d'accueillir une annonce, de décider de la légalité de ce qu'ils annoncent. Il nous semble qu'après avertissement, comme on l'a fait dans le cas, après copie du jugement rendu pour la même annonce le jugement d'un tribunal le...

M. MASSE (Montcalm): L'avis viendrait du collège?

M. LEBOEUF: Ou du procureur de la couronne puisque les poursuites peuvent être intentées en vertu du code tant par l'un que par l'autre.

M. MASSE (Montcalm): Parce qu'il est difficile dans la loi de dire qu'on est juge et partie dans l'application, si on applique ou si on n'applique pas la loi. C'est ce qui est difficile à concevoir.

M. LEBOEUF : Je n'aurais aucune objection, M. le Président, à ce que ce type d'exercice...

M. MASSE (Montcalm): Le point est intéressant et de tout temps il y a eu dans le Québec des groupes ou des individus qui ont pratiqué plus ou moins illégalement la médecine dans le sens que la loi reconnaît ce qu'est la médecine. Profiter de la loi du collège pour améliorer la situation, c'est tout à fait louable. Mais les moyens que vous nous proposez me semblent aller au-delà de ce que vous recherchez.

M. LEBOEUF: Mais, que ces propriétaires de media de diffusion ne soient susceptibles d'être coupables d'exercice illégal qu'après, sciemment, en toute connaissance de cause, aucune objection à cela.

M. MASSE (Montcalm): Cela pourrait être l'office qui porte plainte au ministère de la Justice.

M. LEBOEUF: Nous n'aurions pas d'objection, à ce niveau-là, que ce soit le procureur de la couronne qui intente toujours les poursuites, pour bien montrer qu'il ne s'agit pas d'un privilège, encore une fois, qu'une corporation veut recueillir pour elle.

M. MASSE (Montcalm): C'étaient là les questions, M. le Président.

M. LEBOEUF: On me signale que la loi française exige ce contrôle de toute façon.

M. LE PRESIDENT: Vous avez d'autres questions?

M. MASSE (Montcalm): Je n'ai pas d'autres questions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: On parle d'équivalence de diplômes avec ceux qui viennent d'universités étrangères. Quel est le comportement du Collège des médecins à l'endroit des diplômés des universités autres que celles de la province de Québec? Je voudrais savoir, aussi, vice versa, quelle est l'attitude que prennent les autres Collèges des médecins des autres provinces envers les diplômés de nos universités?

M. LEBOEUF: M. le Président, si vous me le permettez, pour une des premières fois de la journée, je demanderais au registraire, qui a un recul et qui a la chance de connaître le Canada d'un océan à l'autre, de répondre à la question de façon beaucoup plus complète que je ne saurais le faire et ainsi éviter à la commission deux réponses successives.

M. BENOIT: Je pense, M. le Président, que le Collège des médecins a une attitude absolument objective et positive à l'endroit des médecins de l'extérieur qui désirent exercer au Québec. En ce qui concerne ceux de l'extérieur du Canada, des Etats-Unis, nous leur demandons des stages pour les évaluer et des examens qui sont identiques pour tous. Nous avons

publié des statistiques assez récentes à l'effet que l'an dernier 40 p.c. des médecins licenciés en 1971 venaient de l'extérieur du Québec et des Etats-Unis. En ce qui concerne les médecins des autres provinces, la voie d'admission ici au Québec est un examen national, qui est celui du Conseil médical du Canada et que tous les médecins doivent avoir réussi pour venir exercer au Québec. Il en est de même pour les médecins du Québec qui veulent aller exercer à l'extérieur. Ce Conseil médical du Canada existe depuis 1912, puisque nous y faisons allusion. En même temps, je désire préciser que je suis actuellement, en 1972, le président du Conseil médical du Canada. Il est parfois embêtant d'avoir plusieurs chapeaux; cette fois-ci, j'ai ce chapeau-là. Hier, j'en avais un autre que je n'ai pu porter. Mais disons que ce conseil qui existe depuis 1912 a eu pour effet d'améliorer considérablement la qualité de la médecine au pays. Le but primordial du conseil, lorsqu'il a été créé — il a été créé sur l'insistance d'un médecin du Québec dans le temps — était de promouvoir un examen qui serait le meilleur possible et qui aiderait les candidats à traverser les frontières des provinces sans avoir à repasser des examens.

Je pense qu'il est important d'attirer l'attention sur le facteur de mobilité et aussi sur l'importance de ne pas multiplier indûment le nombre d'examens que nos candidats ont à passer.

Dans les autres provinces du Canada, à venir jusqu'à il y a deux ans, toutes les facultés de médecine faisaient passer à leurs candidats, à leurs étudiants un examen conjointement avec celui du Conseil médical du Canada qui leur donnait à la fois le droit de pratique dans la province, le droit de pratique dans tout le pays et également le diplôme universitaire. Depuis deux ans, cette solution est plus difficile d'application et elle n'est à peu près plus possible étant donné le changement du type d'examen qui, du type ordinaire de la question, est devenu un examen objectif, à choix de réponses, qui est corrigé de façon électronique et sur lequel les correcteurs, évidemment, ne peuvent se pencher.

Les universités utilisent moins cet examen. Si les corporations l'utilisent encore dans la plupart des provinces du Canada, c'est tout simplement pour s'acquitter de leur tâche et vérifier les connaissances des étudiants en médecine des universités avant de leur donner le droit d'exercice. C'est aussi pour s'assurer que ces candidats réunissent un minimum de connaissances nécessaires pour exercer, étant donné que les universités sont indépendantes et autonomes et qu'elles ont le droit d'organiser des programmes d'étude à leur convenance, qu'elles ont le droit d'avoir des périodes électives, qu'elles ont le droit de former un médecin un peu comme elles l'entendent.

Nous, les corporations, voulons que le médecin ainsi formé puisse répondre aux besoins de la population et puisse au moins avoir comme connaissances ce qu'il faut pour exercer la médecine générale sans danger. Il reste qu'il y a eu certains problèmes, ici au Québec, récemment qui ont été mis en lumière par les journaux. Ce n'est pas sans raison que le Collège des médecins avait demandé, à partir de l'année prochaine, que tous ses médecins puissent passer cet examen. Nous sommes à réviser la décision conjointement avec les étudiants en médecine et les universités de façon à ne pas multiplier indûment les examens — nous en sommes très conscients — mais de façon à assurer également à la population la qualité optimale du médecin qu'elle désire et qu'elle a le droit d'avoir.

Nous sommes conscients de l'utilité des évaluations subjectives du candidat; son travail auprès des malades est extrêmement important, non seulement les connaissances doivent-elles être évaluées, mais aussi les capacités de fonctionner face à une crise, face à un malade. Nous croyons que le collège a fait son devoir dans le passé. Les examens, les règlements que nous demandons ne sont pas extravagants, ils sont conformes en tous points à ce qui se passe dans les autres provinces du Canada. Nous ne multiplions pas les étapes, au contraire, nous sommes actuellement à peu près le collège qui facilite le plus l'admission de nos médecins dans la province.

M. BOIVIN: Est-ce que le Collège des médecins est consulté pour la programmation des études dans les autres provinces?

M. BENOIT: Vous voulez parler de l'examen. Je vais en dire un mot rapidement. Le Conseil médical du Canada est une corporation fédérale composée de représentants de chaque collège des médecins du Canada et de chaque université du Canada plus trois représentants nommés par le gouvernement fédéral. Ces personnes s'élisent un bureau d'examinateurs, un bureau d'étude et différents comités dont un comité qui s'occupe exclusivement du choix des questions d'examen.

Comme je l'ai mentionné, c'est un examen objectif. Les questions sont prises à partir d'un bloc de questions qui nous est fourni par le National Board of Medical Examinors des Etats-Unis, le seul organisme au monde qui a mis sur pied un système semblable d'examens. Nous lui demandons de nous fournir des questions, nous les choisissons nous-mêmes et, une fois choisies, nous déterminons le degré de passation des questions de façon que la correction soit raisonnable.

Les universitaires et les collèges de toutes les provinces participent au choix des questions, c'est une chose nationale.

C'est de nature à faire en sorte que les médecins du Québec soient aussi bons que ceux du Canada. Je pense que la population n'accepterait pas que nos médecins soient inférieurs à ceux des autres provinces.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.

M. LAURIN: J'ai une question additionnelle. N'y-a-til pas un autre aspect à considérer ici? Est-ce que ce n'est pas, quand même, une façon pour le Conseil médical du Canada d'exercer un contrôle parallèle au contrôle donné à la corporation provinciale, c'est-à-dire le Collège des médecins?

M. BENOIT: Le Conseil médical du Canada ne donne pas le droit de pratique. Il n'accepte à ses examens que les candidats qui lui sont référés par les collèges des médecins d'une façon volontaire. Donc, il ne force en aucune façon ni les candidats, ni les collèges à faire appel à ses services. Le but du Conseil médical du Canada est d'avoir un examen du plus haut calibre possible. Etant donné que le calibre est très élevé, les collèges, d'eux-mêmes, font appel à l'examen d'une corporation qui est totalement indépendante de tous groupements.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Dr Leboeuf, à la page 46 de votre mémoire, vous demandez l'addition d'une section nouvelle qui serait intitulée "Enquête et immunités". Vous vous appuyez, pour demander cela, sur l'expérience vécue depuis l'addition de l'article 61, concernant ces pouvoirs d'enquête, à la Loi médicale actuelle. Est-ce que ce sont des pouvoirs d'enquête dans les institutions hospitalières ou à l'endroit des médecins?

M. LEBOEUF: C'est un pouvoir d'enquête qui devrait s'exercer et s'exerce effectivement actuellement partout où un médecin pratique, quant à sa compétence, quant à sa conduite et, éventuellement, quant à son état de santé, avec l'amélioration que le code des professions propose. La raison d'être de cette affirmation ou de cette mention de notre expérience, c'est que nous sommes conscients de ne pas redemander exactement le même pouvoir d'enquête. Pourquoi avons-nous changé ceci dans la demande de projet de loi que nous vous soumettons? C'est que, depuis 1962, certains handicaps nous sont apparus de plus en plus encombrants dans le texte actuel de l'article 61. Je veux en signaler juste quelques-uns. Cet article-là, pour une part, est dans la section de discipline, de sorte qu'il est interprété comme devant être prédisciplinaire. L'objet de l'enquête n'est pas précisé de façon à être suffisamment clair et à inclure la compétence des médecins. L'état de santé, non plus, n'est pas mentionné comme objet d'enquête.

L'article 61 permet à l'exécutif du Bureau provincial de médecine d'autoriser un membre; un seul donc, les autres ne sont possiblement pas couverts par le terme, quoique des interprétations différentes sont données sur ceci. Il ne peut autoriser personne d'autre qu'un membre, alors que nous demandons la possibilité, au contraire, qu'un médecin puisse se faire assister dans une enquête par un non-membre de la profession et ceci, dans des cas très particuliers, nous serait fort utile, surtout quand il y a possibilité de fraude dans les réclamations fournies à la Régie de l'assurance-maladie, qui nous sont soumises, ou quant à la vérification de la nécessité des soins. Il y a un certain nombre de témoignages à recueillir et des gens beaucoup plus habilités que des médecins à oeuvrer dans de telles enquêtes nous aident actuellement à en faire.

Un des points majeurs, c'est que l'article 61 parle de l'obligation qu'a tout le monde, lors d'une enquête — tous ceux que l'article mentionne — de nous exhiber des documents. Or, le mot "exhiber" a été interprété par plusieurs des juristes de façon assez restrictive et "exhiber" n'inclut pas la remise d'une copie. Ceci a créé des embêtements qui nous ont fait voyager, à l'occasion, 400 milles dans la province pour aller chercher nous-mêmes les informations dans un dossier parce que nous ne pouvions obtenir copie du dossier en vertu de notre article.

On a donc pensé profiter de la nouvelle Loi médicale pour corriger, à la lumière notre expérience, ces handicaps qui ont nui à notre fonctionnement, et ceci pour la moins bonne protection du public.

M. FORTIER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous allons procéder au résumé du mémoire à propos des lois 254, 255, 256, 265, 269, 271, 272 et 273.

M. GINGRAS: M. le Président, je demande au Dr Lapierre de procéder à la lecture du résumé.

Corporations de la santé

M. LAPIERRE: M. le Président, à peu de chose près, toutes ces lois particulières se ressemblent en ce qu'elles définissent l'exercice de chacune des professions concernées; elles identifient certaines caractéristiques propres à chacune de ces professions en les soumettant toutes au code des professions au sujet duquel le collège vous a fait ses commentaires ce matin.

Comme la principale difficulté de chacune des lois particulières ci-dessus mentionnées réside dans la définition de l'exercice de chacune de ces professions, les commentaires du collège sur ces lois se rapportent principalement à la définition et aussi à l'imprécision de certains termes ou à l'omission de certains faits essentiels. Le collège a délibérément évité, dans son mémoire, tout commentaire sur les professions qui ne sont d'aucune façon reliées au domaine

de la santé et pour lesquelles des projets de loi ont été déposés.

Depuis cette date, cependant, il a eu l'occasion de lire un certain nombre de mémoires qui sont parvenus à la présente commission, de la part de certaines corporations et dans lesquels certaines d'entre elles demandent de ne pas être assujetties au code des professions.

Nous désirons attirer l'attention du législateur sur le fait que le code doit demeurer une loi-cadre applicable à toutes les corporations sans exception. Ceci dit, nous revenons aux corporations de la santé et nous les révisons une à une.

Loi des dentistes

M. LAPIERRE: Sur la Loi des dentistes, le seul commentaire que nous avions à faire portait sur l'aspect préventif et à la suite des explications fournies, nous retirons ces commentaires.

Loi sur la pharmacie

M. LAPIERRE: Quant à la loi sur la pharmacie, le bill 255, ce projet de loi pose le problème de la substitution des médicaments. Conscient des conséquences économiques occasionnées par le coût des médicaments, le collège ne peut cependant se dissocier d'un problème tout aussi important qu'est celui de la qualité de ces médicaments. La solution de ce double problème relié à la substitution et en regard du respect de la liberté de prescription du médecin réside dans l'élaboration de la liste de médicaments telle que prévue à l'article 7 de cette loi.

Cette liste sera, selon le bill, préparée par le Collège des pharmaciens, après consultation du Conseil consultatif de pharmacologie formé récemment par le bill 69, soit la Loi modifiant la loi de l'Assurance-maladie et la Loi de la Régie de l'assurance-maladie. Le collège est d'accord pour accepter qu'un pharmacien puisse substituer un médicament à un autre, à même cette liste de médicaments prévue dans la Loi sur la pharmacie, à deux conditions qui sont les suivantes: 1) Que cette liste soit établie conjointement par le Collège des pharmaciens et le Collège des médecins; 2) Que le médecin, dans des cas particuliers et pour des raisons précises, puisse indiquer sur son ordonnance son opposition toute substitution.

Si l'on veut respecter le principe de la liberté thérapeutique du médecin et si l'on veut assurer le malade d'une qualité égale de tout substitut possible, nous considérons que les médecins, qui ont la responsabilité de l'évaluation clinique des traitements prescrits, participent à part entière à la préparation de cette liste de substituts.

Par ailleurs, même la liste la plus parfaite ne doit pas empêcher un professionnel de signifier expressément, sur son ordonnance, son opposition à toute substitution, dans un cas particu- lier. Le professionnel qui abuserait d'une telle disposition devrait devoir en répondre devant sa corporation.

Loi sur l'optométrie

M. LAPIERRE: En ce qui concerne la Loi sur l'optométrie, dans son mémoire, le collège a proposé une définiton de l'exercice de l'optométrie différente de celle proposée par le bill. Comme cette définition proposée est reliée à un aspect très technique de l'exercice, tant de l'optométrie que de l'ophtalmologie, le collège a dû se fier, comme il le fait pour toutes les disciplines médicales, sur des experts en la matière. Ces experts, qui sont des ophtalmologistes, pourront répondre à toutes vos questions sur cette définition lorsque ces médecins se présenteront devant la commission pour faire entendre leurs commentaires.

Un deuxième commentaire sur cette loi réfère à l'orientation obligatoire des cas pathologiques vers le médecin. Il existe, entre l'exercice de l'ophtalmologie et l'exercice de l'optométrie, une zone grise sur laquelle ni les ophtalmologistes, ni les optométristes, ni le lieutenant-gouverneur en conseil, par la création de comités mixtes, n'ont pu s'entendre.

Il apparaît cependant essentiel que l'optométriste réfère à un médecin les cas de pathologie qu'il peut déceler dans sa pratique. Pour résoudre ce problème, le collège, quant à lui, fait confiance à la Corporation des optométristes et suggère que leur projet de loi prévoie pour cette corporation l'obligation d'inclure dans son code de déontologie une article établissant le principe général de l'orientation obligatoire des cas pathologiques au médecin.

La réglementation découlant de cet article devra prévoir dans toute la mesure du possible les cas pathologiques qui, pour la protection du public, devraient ainsi être référés au médecin. L'optométriste qui dérogerait à un tel article de son code aurait à en répondre devant le comité de discipline de sa corporation.

Loi des techniciens en radiologie

M. LAPIERRE: En ce qui concerne les techniciens en radiologie, la définition de l'exercice de cette profession ne décrit pas de façon suffisamment complète le champ d'activité de ces professionnels et, d'autre part, elle mêle certaines notions. Le collège propose en page 8 de son mémoire une définition plus complète et plus précise dans les termes suivants: "Constitue l'exercice de la profession de technicien en radiologie et en médecine nucléaire tout acte qui a pour objet l'exécution d'un travail technique comportant soit l'utilisation de rayons en vue de la production de radiographies ou en vue de l'application de traitements radiothérapi-ques, soit l'utilisation de radioéléments en vue de la production d'examens ou de l'application de traitements en médecine nucléaire".

Le collège tient cependant à faire remarquer que des techniciens de laboratoire et des infirmières travaillant dans des laboratoires ou dans les départements de médecine nucléaire des hôpitaux procèdent à l'heure actuelle à des injections ou prélèvements en vue d'examens de laboratoire et utilisent à cette fin des isotopes sous la surveillance du médecin responsable de ce laboratoire ou département. D y aurait lieu de s'assurer que l'interprétation donnée à la définition de l'exercice du technicien en radiologie ne puisse avoir comme conséquence de mettre ces personnes dans une situation illégale.

Dans notre mémoire sur le bill 250, nous avons mentionné que l'exercice de la radiologie devait être réservée aux médecins, aux dentistes et aux médecins vétérinaires. Le collège s'oppose donc à ce qu'un technicien en radiologie puisse exercer sa profession sous la surveillance d'un quelconque détenteur d'un permis de radiologie ou de radiothérapie délivré conformément à l'article 173 actuel du code des professions.

Loi sur la chiropraxie

M. LAPIERRE: En ce qui concerne la chiropraxie, le collège a déjà, à plus d'une reprise, fait connaître sa position sur la chiropraxie et ne voit aucune raison de la modifier. Considérant de son devoir d'assurer le maintien et la défense d'une médecine de qualité en vue de la protection du public, il ne peut recommander au législateur de reconnaître ce que la médecine elle-même ne reconnaît pas. Aussi, le collège considère comme inutile et déplacé de faire quelque autre commentaire sur l'un quelconque des articles de ce projet de loi. Il tient toutefois à rappeler avec insistance au législateur le danger d'autoriser l'utilisation d'appareils de radiologie par des personnes n'ayant aucune connaissance dans ce domaine. Ce danger a d'ailleurs longuement été étudié et commenté dans le rapport de la commission d'enquête sur la chiropraxie présidée par le juge Lacroix.

Loi sur la podiatrie

M. LAPIERRE: En ce qui concerne la podiatrie, le collège favorise la reconnaissance d'un statut légal de cette profession. Il est cependant conscient de la difficulté de donner une définition précise de la podiatrie, étant donné qu'il existe actuellement trois groupements différents qui semblent avoir de la podiatrie un concept allant de la pédicurie à la chirurgie du pied et qui ont une formation aussi différente. L'exercice de la podiatrie par ces professionnels varie selon l'un ou l'autre de ces concepts et selon la formation qu'ils ont reçue.

Dans l'attente de pouvoir mieux identifier la formation et la compétence qui seront exigées des membres de cette corporation, le collège demande donc au législateur de définir la podiatrie en des termes qui se réfèrent par analogie à ceux qui sont utilisés dans la définition de l'exercice de la profession d'infirmière ou d'infirmier. L'application de cette définition devra ainsi se référer à l'usage et être reprise ultérieurement si nécessaire pour fins de précision. Cette définition apparaît en page 13 de notre mémoire. IL y aurait possiblement lieu d'y ajouter — et ceci n'apparaît absolument pas dans notre mémoire — comme pour la définition que nous proposons de l'exercice infirmier, que le podiatre peut appliquer un traitement même si l'affection est reliée à une maladie du système, pourvu que ce traitement soit fait sur l'ordonnance d'un médecin.

Par ailleurs, le collège s'oppose à ce qu'un permis de radiologie ou de radiothérapie soit accordé à ces professionnels.

Il ne reconnaît pas aux podiatres la compétence de procéder à des examens radiologiques. Il reconnaît que les podiatres pourraient être autorisés par leur loi à demander des consultations en radiologie à des médecins qualifiés dans cette discipline. Ceci suppose, cependant, que la formation minimale requise pour les membres de cette corporation soit telle que ceux-ci comprennent et acceptent les mêmes principes scientifiques auxquels se réfèrent la radiologie médicale, puisque c'est seulement dans cette hypothèse qu'une consultation saurait être possible entre les professionnels des deux groupes.

Le collège suggère, en troisième lieu, avant de constituer le premier bureau de cette corporation, qu'on exige de chacun de ceux qui se réclament du titre de podiatre un dossier complet établissant sous serment la formation et l'expérience acquise, ce qui permettrait de constituer plus facilement un bureau provisoire adéquat à partir du groupe de candidats qui répondraient à des exigences minimales. Enfin, comme dans le cas des optométristes, le collège recommande qu'un article de cette loi oblige la corporation à inclure dans son code de déontologie un article imposant aux podiatres l'orientation obligatoire vers un médecin de tout corps reconnu pathologique par eux et ne relevant pas de la podiatrie. Le podiatre qui dérogerait à cet article devrait en répondre devant un comité de discipline de sa corporation.

Loi des physiothérapeutes

M. LAPIERRE: En ce qui concerne les physiothérapeutes, le collège a fait sur cette loi certaines remarques, particulièrement sur la définition de l'exercice, à l'article 7, en soulignant que les termes "exercices physiques" doivent être reliés à la notion de leur utilisation thérapeutique; en soulignant aussi que la définition omet certains moyens thérapeutiques reconnus et qu'enfin l'ergothérapie doit être traitée à part la physiothérapie. Le collège propose donc une formulation de l'article 7 dans son mémoire. Le collège souligne aussi que la physiothérapie, qui ne constitue qu'une partie du traitement global, exige l'établisse-

ment d'un diagnostic et qu'en conséquence l'exercice de la physiothérapie ne doit se faire que sur ordonnance médicale.

Loi des infirmières et infirmiers

M. LAPIERRE: En ce qui concerne le bill 273 ou la Loi des infirmières et infirmiers, le collège signale la difficulté de définir ce qui constitue l'exercice de cette profession, compte tenu de l'absence de définition valable actuellement disponible à l'échelle mondiale, compte tenu de l'évolution constante à laquelle est soumise cette profession et compte tenu de la grande variété d'exercices selon le milieu et selon les ressources.

Le collège a tenté avec les infirmières d'abord et par lui-même d'établir une nouvelle définition de l'exercice de cette profession. Il s'est rendu compte que la meilleure définition était encore celle proposée dans le bill 273, à condition de lui apporter certains amendements. Le collège souligne, en premier lieu, la nécessité de prévoir par cette définition une solution à certains problèmes causés actuellement par le fait que, dans certaines circonstances, les infirmières sont appelées à poser des actes qui ne sont pas, hors de tout doute, des actes d'infirmiers. L'évolution actuelle de l'exercice de la médecine et de la profession d'infirmière exige que la délégation de certains actes soit possible si on établit dans quelles circonstances cela pourrait être fait. Le collège propose donc un amendement à cet effet dans la définition qui apparaît dans son mémoire.

En deuxième lieu, le collège souligne que la promotion de la santé ne peut pas être l'apanage exclusif d'une seule profession. Elle constitue un devoir pour toutes les professions de la santé et même particulièrement pour le ministre des Affaires sociales. Cette notion n'a donc pas à apparaître dans cette loi en particulier. H en serait de même de l'aspect de prévention. La définition suggérée par le collège apparaît, comme je l'ai dit, à la page 20 et pourrait se lire comme suit: "Constitue l'exercice de la profession d'infirmière ou d'infirmier, tout acte qui a pour objet d'assumer ou de dispenser des soins infirmiers que requiert la maladie, le traitement des malades et la réhabilitation de ceux-ci."

L'infirmière ou l'infirmier peut contribuer aux méthodes de diagnostic et aux moyens de traitement déterminés par un médecin qui agit dans les limites prévues aux règlements de sa corporation.

Ergothérapeutes, prothésistes et orthésistes

M. LAPIERRE: Un corollaire s'ajoute à notre mémoire et porte sur les ergothérapeutes, les prothésistes et les orthésistes.

Le collège, ayant recommané que les ergothérapeutes soient exclus du groupes des phy-siothérapeutes, souligne au législateur la nécessité de protéger ces professionnels contre l'exer- cice illégal d'une autre profession, en attendant de la reconnaître par une autre loi.

Le collège considère aussi que le public serait mieux protégé si une loi incorporait les prothésistes et orthésistes, les personnes ayant la formation nécessaire pour agir ainsi, et serait prêt à faire connaître ses commentaires sur une telle loi, le cas échéant.

En conclusion de ce mémoire, le collège, tout en étant d'accord pour éviter toute hiérarchisation des professions, doit souligner, après un examen attentif de tous les projets de loi reliés au domaine de la santé, qu'un dénominateur commun réunit la majorité d'entre elles et détermine leurs interrelations. En effet, les professionnels visés par plusieurs de ces projets de loi, doivent exercer leur profession sur ordonnance d'un autre professionnel. Le collège considère qu'il est nécessaire de maintenir ce dénominateur commun, pour assurer la coordination et la continuité des divers services professionnels offerts au public et permettre à ce dernier d'obtenir les meilleurs services possibles, tout en étant assuré du travail d'une équipe et non d'individus indépendants les uns des autres. Ce dénominateur commun se retrouve ou devrait se retrouver dans la loi de chacune des professions suivantes: Corporation des orthophonistes et audiologistes, Corporation des acousticiens en prothèses auditives, Corporation des podiatres, Corporation des denturologistes, Corporation des physiothérapeutes, Corporation des opticiens d'ordonnance, Corporation des infirmières, du moins pour certains actes qu'elles sont autorisées à poser, et Corporation des pharmaciens, du moins pour certains actes qu'ils sont aussi autorisés à poser.

Le collège considère que, dans le domaine de la santé, le citoyen doit être assuré que la personne à qui il s'adresse, en premier lieu, a la compétence requise pour poser un diagnostic. Par la suite, il doit également être assuré qu'il sera traité avec compétence ou orienté vers un autre membre de l'équipe de santé qui aura les qualifications requises pour appliquer un traitement plus spécifique.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions. La première a trait à la Loi sur la pharmacie. Je voudrais simplement mentionner, en ce qui a trait à la demande du collège relativement au Conseil consultatif de pharmacologie, que la présidente de ce conseil, qui assistait ce matin à la séance, Mme Leclerc-Chevalier, me faisait part du fait qu'il a dressé une liste de conseillers composée de 103 médecins qu'il a consultés dans leurs travaux et qu'il entend continuer de consulter. Je pense que c'est une information assez importante à ajouter, étant donné le caractère de cette demande.

Le collège fait des remarques, des commentaires, des propositions quant au problème de la

substitution. Ce qui est proposé est clair, je crois, et devra faire l'objet d'étude. Il y a un autre problème que j'ai soumis au collège. Il est fort probable qu'il en soit question, lors de représentations qui nous seront faites par d'autres organismes — je pense en particulier à des associations représentant les pharmaciens d'officines. Il s'agit du problème extrêmement grave de la "surconsommation" des médicaments ou des abus dans la consommation des médicaments dont nous sommes témoins présentement. Il semble qu'une partie de ce problème — je ne dis pas l'ensemble, parce que je suis bien conscient que la publicité joue un rôle, qu'il y a d'autres facteurs qui interviennent — provient aussi de certaines pratiques qu'ont les médecins relativement à leur façon de prescrire, ordonnances par téléphone abondantes, absence de dispositions dans les prescriptions relativement au renouvellement des ordonnances.

Compte tenu du fait que ces représentations vont nous être faites, j'en suis assuré, et que nous étudions présentement la Loi médicale en même temps que la Loi sur la pharmacie, que j'ai soumis il y a déjà quelques mois cette question au collège, je crois qu'il serait extrêmement intéressant ou important que les membres de la commission puissent connaître les vues du collège sur cette question, à savoir s'il y aurait lieu d'ajouter à la Loi médicale des dispositions plus précises et contraignantes relativement à cette question de la prescription.

M. GINGRAS: M. le Président, je remercie le ministre des Affaires sociales d'aborder ceci, quoique ce ne soit pas une question; je me permets d'apporter des commentaires. Nous avons déjà commencé, à la suite d'une réunion que nous avons eue avec le ministre des Affaires sociales et quelques-uns de ses collaborateurs, une campagne que nous allons faire auprès de nos collègues, via notre bulletin, via les moyens de communications que vous connaissez, pour empêcher et restreindre le plus tôt possible et le mieux possible la surutilisation des médicaments. Vous pouvez être assurés de notre collaboration dans ce champ d'action.

M. CASTONGUAY: Est-ce que, au moment où nous discutons en même temps de la Loi médicale, il y aurait lieu de songer à des dispositions plus précises touchant cette question, faisant obligation aux médecins de respecter certaines normes quant à la prescription de médicaments?

M. LEBOEUF: Etant donné que cet aspect-là n'était pas prévu dans le projet de loi, mais que nous sommes conscients de son importance, une des solutions techniques dans tous ces textes qui m'apparaftraient comme valables comme suggestion de la part du collège, serait que la Loi médicale impose au collège l'obligation d'établir dans son code de déontologie un certain nombre de références en termes de guide de solution à ce problème-là pour pouvoir agir, par son mécanisme disciplinaire, dans les cas où, nonobstant toute campagne, toute tentative positive de conviction, on puisse effectivement arriver à des résultats concrets.

Me Payette, à ma gauche, me signale que déjà dans notre code de déontologie certains articles qui pourraient être utilisés n'ont peut-être pas été conçus strictement dans cette optique-là. Il y a peut-être lieu de les réviser, mais je pense que sur le plan des lois pour le moment, c'est ce que le ministre des Affaires sociales recherche, c'est une possibilité d'en arriver à arrêter les abus par un texte auquel tout le monde pourrait se référer. Et je pense que le collège serait heureux d'avoir de ces références.

Cependant j'attire l'attention sur le fait qu'étant donné que certains des articles de notre code de déontologie touchent, j'oserais dire, par la bande à ce problème-là, je soumets très respectueusement la demande qu'on nous permette d'étudier cet aspect-là et de peut-être soumettre à la commission, par voie d'une lettre officielle, nos recommandations à cet effet-là.

M. CASTONGUAY: Très bien. Il y a un commentaire, une petite nuance que j'aimerais apporter en ce qui a trait à la question de l'établissement de normes pour la référence des cas pathologiques. Le Dr Lapierre mentionnait que les optométristes, les ophtalmologistes et le lieutenant-gouverneur en conseil n'avaient pu en arriver à une entente sur cette question. Je voudrais faire remarquer — et je pense que le député de Montmagny va être d'accord sur ce point — que le lieutenant-gouverneur en conseil n'a pas pu faire d'accord pour la bonne raison que les discussions ne se sont jamais engagées de façon valable. Mais je pense que le lieutenant-gouverneur en conseil en a assez pris depuis ce matin sans qu'il prenne ça en plus.

M. GINGRAS: M. le Président, si vous me permettiez, je pourrais peut-être dire que nous devrions changer notre texte en effet et y lire à la place: "Nonobstant les efforts considérables du gouvernement précédent et du gouvernement présent, nous n'avons pu malheureusement en arriver à une solution définitive."

M. CLOUTIER (Montmagny): Si vous ajoutiez cela, nous pourrions dire, nous aussi: "Nonobstant la collaboration du Collège des médecins qui a accepté de déléguer des membres à cette commission".

M. CASTONGUAY: Ma question suivante, M. le Président, a trait à la Loi des physiothéra-peuthes. Nous avons examiné attentivement la législation dans d'autres juridictions et, à moins d'erreur de notre part, nous n'avons pu à ce moment-ci identifier de juridiction où les ergo-thérapeuthes sont formés en corporation distincte. C'est une des raisons pour lesquelles

nous avons cru, sans vouloir insulter les ergothé-rapeuthes ou les physiothérapeuthes, pouvoir les inclure dans la même loi. Même si la formation n'est pas tout à fait la même, si les techniques ne sont pas tout à fait les mêmes — c'est d'ailleurs le cas dans la médecine de retrouver des spécialités où la formation n'est pas tout à fait la même, ni les techniques — nous croyons pouvoir éviter ainsi la multiplication de corporations professionnelles, particulièrement dans un secteur où il nous semble qu'à la fois les physiothérapeuthes et les ergo-thérapeuthes doivent travailler de façon très proche les uns des autres. Je sais que ceci a soulevé des réactions. Nous avons reçu plusieurs représentations et, comme vous reprenez vous-même la question dans le mémoire, je crois qu'il serait important que vous nous donniez vos vues sur cette question, particulièrement dans ce contexte où nous croyons ne pas devoir multiplier les corporations professionnelles, comme c'est le cas pour la profession médicale. Je crois qu'il y a de grands avantages à le faire. Je crois qu'il serait mauvais d'avoir autant de corporations qu'il y a de spécialités médicales. C'est dans cet esprit que je pose la question parce que nous devrons prendre une décision sur la question, compte tenu de toutes les représentations qui ont été faites.

M. GINGRAS: M. le Président, je me permets de répondre à cette question puisque c'est un peu dans mon champ d'action. Les ergothé-rapeuthes ne sont peut-être pas reconnus au Canada parce que c'est une profession relativement jeune et une profession relativement jeune dans la province de Québec en particulier. Il n'y a pas tellement d'années, n'est-ce pas, que nous avons ces professionnels. Le cours des ergothé-rapeuthes et des physiothérapeuthes a des dominateurs communs quant à l'anatomie, la physiologie et certaines sciences de base. Mais au bout de la première année, il y a une bifurcation absolue entre les deux spécialités. D'autre part, au moins 50 p.c. à 60 p.c. du travail des ergothérapeuthes dans la province de Québec, présentement, et dans le reste du Canada, s'exerce dans les hôpitaux psychiatriques, dans le traitement psychiatrique des patients ou comme adjuvant psychiatrique au traitement des patients. Ceci n'a rien à faire avec la physiothérapie dans les hôpitaux où on travaille dans le champ de la psychiatrie. Par ailleurs, il y a reconnaissance de cette profession dans le Royaume-Uni et dans plusieurs autres pays.

M. CASTONGUAY: Nous retrouvons, par exemple, à l'Institut de réhabilitation des accidents du travail, des ergothérapeuthes qui travaillent là. Je comprends que leur nombre n'est pas tellement grand. Il s'est peut-être développé davantage dans le secteur des hôpitaux psychiatriques, comme vous le mentionnez, mais est-ce que cette tendance ou leur présence à l'Institut de réhabilitation est susceptible de s'accentuer dans d'autres institutions? Remarquez que pour moi, sur le principe, si on trouve qu'il semble préférable à tout point de vue de les dissocier l'un de l'autre, je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas le faire au plan de leur corporation professionnelle. La raison pour laquelle je pose les questions, est de voir s'il y a avantage à le faire par rapport aux avantages que présenterait leur présence au sein d'une même corporation.

M. GINGRAS: M. le Président, dans tous les organismes qui ont les services d'ergothérapie et de physiothérapie — le ministre des Affaires sociales lui-même a visité en ma présence un hôpital où existent ces deux services — ces deux services sont complètement séparés, physiquement séparés. Qu'il y ait des symbioses lorsqu'il s'agit de traiter certains malades et que l'un collabore avec l'autre, d'accord. Mais il y a tout de même une différence énorme entre le travail qu'un ergothérapeuthe peut faire pour un patient ou une patiente et celui que le physiothérapeute peut faire pour un patient.

Cette différence est tellement grande que, dans certains cas, une prescription est faite en ergothérapie uniquement, dans d'autres cas, en physiothérapie uniquement et, dans d'autres cas, dans les deux à la fois.

Je crois que ces deux professions sont reconnues d'une façon universelle. Il existe un organisme international qui groupe les ergothé-rapeutes de tous les pays, comme il existe une fédération internationale qui groupe tous les physiothérapeutes. Aux Etats-Unis, c'est la même chose et, au Canada, il y a deux associations nationales bien distinctes, comme il existe deux associations provinciales, québécoises, bien distinctes l'une de l'autre, avec des buts qui visent, de toute façon, au plus grand bien du malade, mais par des moyens différents.

M. CASTONGUAY: Merci. Ma dernière question a trait à la Loi des infirmières et infirmiers. Vous avez mentionné, à juste titre, la difficulté de définir de façon claire ce qui constitue l'exercice de la profession d'infirmière, surtout, par une telle définition, de toucher à un contenu. Vous avez fait une proposition d'addition à la définition qui apparaît dans le projet de loi, qui mérite certainement d'être analysée très sérieusement. Elle vise, dans une certaine mesure, à donner un peu plus d'ouverture à la définition que nous avions proposée.

Compte tenu du fait que le médecin travaille de façon très étroite avec l'infirmière, croyez-vous qu'il y aurait danger ou que ce serait mauvais, pour une infirmière travaillant dans un établissement, que son champ de pratique ne soit pas défini, mais que ce soit son titre qui soit réservé comme c'est le cas pour d'autres professions, de telle sorte que la difficulté que vous soulevez soit contournée et que l'infirmière soit beaucoup plus libre, dans son travail,

d'évoluer, comme ce fut le cas au cours des vingt dernières années?

Je ne pose pas la question à Mlle Dumouchel; je vous la pose, docteur.

M. GINGRAS: Ce n'est pas moi qui réponds, M. le Président.

M. LEBOEUF: M. le ministre, c'est évidemment dans un certain nombre de lois que nous avons re'visées, une question qui nous est venue à l'esprit, nous référant aux critères de l'article 21 du code, d'une part, et au flou de la définition possible du champ d'exercice, d'autre part, de certaines corporations.

Il est extrêmement difficile, vous en avez convenu tantôt, de définir de façon parfaite, même proche de la perfection, le champ d'exercice de l'infirmière. Je pense que tout le monde convient de la raison; c'est l'évolution de ces professionnels, tant dans leur formation que dans les actes qu'ils posent, qui fait qu'au fond, au moment où on pense les cerner dans une définition, ils s'envolent. Sans jeu de mots, étant donné les infirmières en cause.

Evidemment, la dernière phrase que nous proposons d'ajouter à la définition donne ouverture à la question que vous posez, montrant qu'on veut décloisonner le système. Nous sommes d'accord sur cela, d'autant plus que, lorsqu'on lit, dans cette loi, les articles concernant les personnes soustraites à l'exercice illégal de la profession d'infirmière ou d'infirmier, on ne peut qu'être frappé par le fait qu'au fond tout le monde y est soustrait.

Je pense, sans vouloir enlever aux infirmières l'occasion de faire valoir leur point de vue, qu'elles ont été très conscientes de cela puisque, dans leur mémoire devant la commission, elles vont faire un certain nombre de commentaires sur cet aspect. Je les laisserai les faire, si vous me le permettez. Je ne voudrais pas me mettre à expliquer les autres mémoires.

Fondamentalement, votre question reste encore à poser. Les deux réponses, à notre sens, sont encore possibles, compte tenu des commentaires et explications que les infirmières, je pense, pourront fournir devant la commission.

M. CASTONGUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny) : M. le Président, à la page 1, à l'introduction de votre mémoire, vous dites, au dernier paragraphe: "Le collège a délibérément évité tout commentaire sur les professions qui ne sont d'aucune façon reliées au domaine de la santé et pour lesquelles des projets viennent d'être déposés. Cependant, il réalise que certains privilèges leur ont été accordés." Pourriez-vous nous donner des précisions additionnelles ou un exemple qui vous aurait surpris agréablement ou non?

M. LEBOEUF: Je vais tout simplement donner l'exemple, je suis sûr que vous allez déduire de l'élément, de la qualité et de la surprise. Je vais référer à un exemple qui touche tellement de lois, à tout l'aspect de l'examen pour le contrôle de la compétence. J'ai ici un certain nombre de lois pour lesquelles spécifiquement l'examen est prévu par la corporation avant l'émission d'un permis d'exercice. Et la podia-trie contient cette clause-là et la Loi sur la chiropraxie; les médecins vétérinaires l'avaient et la conservent de même, le notariat, le Barreau, les arpenteurs, les architectes, les agronomes et les denturologistes.

Je comprends que dans certains cas, il y a des raisons très particulières parce que certaines de ces corporations sont nouvelles. Il n'en est pas moins vrai que cela leur est acquis dans leurs lois et cela nous met dans une situation difficile. A une première lecture du bill 252, voyant les mots "conditions et formalités" que le bureau pouvait imposer, nous avions pensé que cela pouvait permettre de comprendre qu'une des conditions soient effectivement un contrôle par examen. A la lecture des autres lois, il nous est apparu impossible d'interpréter le mot "condition" dans ce sens-là, étant donné que dans des lois — je réfère entre autres à la Loi de l'agronomie qui a été complètement refaite — les conditions et formalités sont aussi mentionnées mais dans un paragraphe plus bas que le précédent évidemment et qui parle, lui, d'examen.

Je me dis que si le législateur, dans sa sagesse, spécifie dans une loi, en deux temps d'abord "examen" puis "conditions et formalités", dans notre loi, "conditions et formalités" ne doivent pas, aux yeux du législateur, impliquer l'examen.

Voilà un exemple de ce qu'on a appelé privilège, même si on aurait dû mettre le mot entre guillemets parce qu'on le considère dépassé, qui a été maintenu ou ajouté dans certaines lois.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y aurait suffisamment d'exemples pour faire une séance spéciale de la commission?

M. LEBOEUF: Non, M. Cloutier.

M. CLOUTIER (Montmagny): Nous avons parlé tantôt de la difficulté de définir le champ de pratique de chacune des professions et de donner une définition exacte de chacune des professions. C'est là véritablement pour le législateur la pierre d'achoppement. Chacune des professions qui va se présenter devant la commission va avoir l'occasion de donner son point de vue sur la définition contenue dans le projet de loi, ou sur les améliorations qu'elle voudrait y voir apporter. Est-ce que vous êtes d'opinion qu'une définition pour une profession en particulier pourrait éventuellement conduire à la disparition de cette profession?

M. LEBOEUF: Comme profession à exercice exclusif?

M. CLOUTIER (Montmagny): Je prends le cas de l'optométrie. On pourrait parler d'autres secteurs. Je ne parle pas de la chiropraxie parce qu'apparemment votre mémoire n'en discute pas cet après-midi. Dans le cas de l'optométrie, vous avez élaboré passablement la définition. Vous avez même dit dans vos commentaires, Dr Leboeuf, que cette définition vous a été suggérée par des experts que sont les ophtalmologistes. Vous n'avez qu'une opinion, celle des spécialistes dans ce domaine précis de la médecine. D'autre part, il est certain que les optométristes, devant la commission, feront valoir l'opportunité d'une autre définition ou d'une définition plus complète. Pour les raisons qu'on a mentionnées tantôt, étant donné que la discussion élaborée de cette difficulté n'a jamais pu se faire entre les deux groupes malgré les nombreuses tentatives qui ont été faites ces dernières années, est-ce que vous croyez qu'une définition pourrait éventuellement conduire à des difficultés telles pour une profession qu'elle pourrait disparaître?

M. LEBOEUF: Sur le conditionnel de votre question, sur le plan théorique, je pense que je ne peux pas ne pas répondre oui, sans me référer d'aucune façon à un texte de loi ou à une loi en particulier.

Mais je peux répondre au nom du collège — et le texte, s'il ne le dit pas explicitement, le dit implicitement — que le collège ne souhaite nullement, bien au contraire, la disparition de la Corporation des optométristes, puisque le problème de conflit entre les deux groupes dont on a fait mention tantôt, quant à nous — et c'est clairement dit dans le mémoire — est que nous voulons faire confiance à la Corporation des optométristes et leur permettre d'établir une solution dans leur propre code de déontologie et d'en répondre devant le bureau de discipline de leur corporation. Je pense que cette simple affirmation prouve que jamais le collège n'a eu l'intention de vouloir faire disparaître la corporation.

Est-ce que la définition telle qu'on la propose pourrait avoir comme conséquence de faire disparaître la corporation? C'est une autre façon de prendre la question. Je pense que je dois, malheureusement, pour la première fois de la journée, vous admettre que mon ignorance est suffisamment importante en la matière dans un domaine aussi technique et vous demander au meilleur de votre sagesse d'écouter les deux parties et de décider.

Nous avons, à dessein, mentionné tantôt dans notre résumé qu'il s'agit là d'un domaine, d'une technique, d'une technicité et d'une connaissance surspécialisés tels que seuls ceux qui s'y connaissent s'y comprennent. Or, ceux qui s'y connaissent n'ont pas l'air de s'y comprendre. C'est là le problème.

M. CLOUTIER (Montmagny): Nous questionnerons abondamment les professionnels concernés quand ils viendront devant la commission. M. le Président, nous aurions énormément de questions à poser sur les différentes lois mais je pense que nous en profiterons plutôt quand les professionnels concernés viendront devant la commission.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, j'aurais d'abord une petite question à poser tout de suite. A la page 20 du mémoire, à la fin du premier alinéa, le collège demande le retrait de l'expression "la promotion de la santé" dans la définition de l'exercice de la profession d'infirmier. Tout court, pourquoi?

M. LEBOEUF: Je pense que le ministre des Affaires sociales l'a mentionné tantôt ou on le mentionne dans une définition à champ d'activité exclusif; alors, il faut le mentionner dans les autres, ou on ne le mentionne pas, puisque la prévention est le propre de plus d'une profession.

M. GUAY: Ne serait-il pas plus logique de demander cette expression dans les autres secteurs d'activité?

M. LEBOEUF: Parlez-vous de prévention ou de promotion de la santé?

M. GUAY: De promotion de la santé.

M. LEBOEUF: Au niveau de la promotion de la santé, je vous avoue que nous avons été très surpris de retrouver ces mots dans la Loi des infirmières et infirmiers parce que, selon notre conception, dans la promotion de la santé, le premier responsable, pour nous, c'est le ministre des Affaires sociales; or, nous avons cru qu'il y avait là une confusion, parce que la promotion, quant à nous, se réfère à un concept qui relève des autorités les plus élevées.

M. GUAY: Une deuxième question, en ce qui a trait à la Loi des techniciens en radiologie. Vous demandez également que cette pratique soit réservée aux médecins dentistes ou médecins vétérinaires. Contrairement au groupe que nous avons eu l'occasion d'interroger avant, le Conseil interprofessionnel, l'avait mentionné et il en a même fait une recommandation en disant: A l'exception d'un médecin, d'un dentiste, d'un chiropraticien ou d'un vétérinaire. Pourquoi avez-vous cru bon de ne pas accorder aux chiros le droit à cet outil nécessaire pour eux?

M. LEBOEUF: M. le Président, je vais répondre à cette question.

M. LE PRESIDENT: Pour clarifier, je pense que, dans le dernier résumé, le conseil a retranché le mot "chiro". Il laisse tomber le mot "chiro" du dernier résumé.

M. GUAY: Alors, c'était une erreur qui s'était glissée dans le mémoire précédent?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. GUAY: Maintenant, maintenez-vous toujours qu'ils ne devraient pas y avoir droit?

M. LEBOEUF: Je vais répondre en deux temps à la question et ce sera très court, M. le Président. Je pense que certaines positions que le collège semble prendre actuellement sur certaines lois peuvent paraître dures mais nous sommes bien conscients d'être ici au nom du Collège des médecins pour aider la commission à comprendre les problèmes sur lesquels elle a à se prononcer, et nous ne pouvons le faire qu'au nom de la médecine et de ses principes. Donc, le tout dans le respect de la protection du public à l'intérieur de ces principes.

Deuxième commentaire, les explications quant à la radiologie, reliée à la chiropraxie sont, je pense, assez largement commentées et développées dans le mémoire, dans les pages qui traitent de la chiropraxie, on y expose les principaux points qui, aux yeux du Collège des médecins, se référant aux principes fondamentaux de la médecine, ne peuvent pas lui permettre de conseiller au législateur d'attribuer de tels permis.

Aux autres de faire valoir leur point de vue. Nous ne sommes ici que pour vous aviser au nom de la médecine et, au nom de la médecine, nous nous opposons avec véhémence.

M. GUAY: Au sujet de la Loi sur la chiropraxie, à la page 10, je peux relever ceci, que je pourrais prendre quand même comme une affirmation gratuite: "II tient toutefois à souligner avec insistance au législateur le danger d'autoriser l'utilisation d'appareillage radiologi-que par des personnes n'ayant aucune connaissance dans ce domaine". Est-ce que je peux interpréter cela au sens le plus large du mot? Est-ce vrai que ces gens-là n'ont aucune connaissance dans le domaine?

M. LEBOEUF: Peut-être qu'on aurait dû, M. le Président, changer de feuille et intituler cette page "Dangers de la radiologie". Cette phrase est quasi textuellement extraite du rapport Lacroix, qui signale, sous forme de principe très général — et le collège le soumet très respectueusement sous forme de principe très général — qu'il y a danger d'autoriser l'utilisation d'appareils radiologiques par des personnes qui n'ont pas une connaissance dans ce domaine. Et c'est tout le danger des radiations. C'est un principe. La raison pour laquelle la médecine, par ses radiologistes en particulier, ne peut collaborer à une radiologie d'une autre nature se référant à d'autres principes me semble évidente, pour ce que j'ai dit tantôt.

M. GUAY: Ceci m'amène à poser une autre question. Un médecin a combien d'heures d'étude avant l'obtention d'un permis d'utilisation d'appareils radiologiques?

M. LEBOEUF: Je m'excuse, le nombre d'heures?

M. GUAY: D'étude, par exemple, que doit faire un médecin avant l'obtention d'un permis d'utilisation d'appareils radiologiques.

M. LEBOEUF: Les médecins en pratique générale n'ont pas la formation pour utiliser des appareils radiologies. La formation d'un médecin radiologiste est de quatre années au minimum. Les règlements de la Loi des hôpitaux ont effectivement permis de cerner le contrôle de l'exercice de la radiologie en imposant l'obligation d'une surveillance de tout service de radiologie par un radiologiste et non par un médecin.

M. GUAY: Si je posais cette question c' est parce que j'ai lu à la page 9 "que cet exercice devrait être réservé aux médecins — au sens le plus large du mot — dentistes et médecins vétérinaires".

M. LEBOEUF: D'accord, Moi, je me réfère à ce moment-là au texte de l'article 171 du code qui dit " à l'intérieur de la loi et des règlement qui le régissent."

Nous devrons donc, et le plus vite possible, faire des normes de protection du public quant à l'utilisation de la radiologie par nos membres, normes d'ailleurs sur lesquelles le ministère des Affaires sociales s'est penché et avec lequel nous sommes prêts à collaborer pour trouver une solution.

M. GUAY: Est-ce qu'il y a déjà des normes d'établies?

M. LEBOEUF: Je viens de répondre implicitement puisque je dis qu'on va...

M. GUAY: Vous dites qu'il y a des études, que le ministère s'est penché...

M. LEBOEUF: Non, la loi acutelle des techniciens en radiologie médicale se réfère non pas à un médecin mais à la surveillance d'un radiologiste. Nous sommes parfaitement conscients de la nuance de l'article ici qui ne parle plus de radiologistes mais de médecins. Et j'en conclus que le Collège des médecins hérite d'une responsabilité supplémentaire, soit celle de s'assurer de façon très claire et nette que seuls ceux qui ont la compétence nécessaire pour faire de la radiologie sans danger pour le public en fassent. Mais la loi empêchait avant les techniciens en radiologie de le faire sous la surveillance d'un non-radiologiste.

M. PAUL: Est-ce qu'il n'y a pas certaines tolérances qui peuvent être admises par le Collège des médecins lorsque, par exemple, dans un milieu donné, il n'y a pas de radiologiste?

M. LEBOEUF: Certainement, M. Paul, et je pense que c'est tout le problème qui se pose au collège chaque fois qu'on tente d'établir des normes d'exercice. On part aisément d'un principe idéal, mais, dans l'application et après la connaissance concrète de toute la province que nous avons, nous devons faire des nuances et permettre, pour le mieux-être du public, sinon pour sa protection idéale, du moins sa protection maximale, des droits et privilèges particuliers. C'est un fait que les règlements de la Loi des hôpitaux prévoient, d'ailleurs.

M. PAUL: Est-ce que vous n'exigez pas une préparation particulière avant de permettre à un médecin d'être radiologiste?

M. LEBOEUF: Actuellement, non, mais on devra le faire puisque le mot "radiologiste" a été remplacé par le mot "médecin".

M. GUAY: J'aurais une question supplémentaire. Est-ce qu'il y a eu, au Collège des médecins, des plaintes formulées à l'effet que, des personnes incompétentes ayant utilisé ces appareils, on a relevé des indicents quelconques?

M. LEBOEUF: Bien, il y a eu une poursuite. Je ne sais pas si c'est celle à laquelle vous faites allusion, sûrement. Le médecin a été condamné et, nonobstant le fait que le juge, dans son jugement, blâmait la corporation de n'avoir pas agi, la corporation avait déjà, bien avant le jugement final, cité l'individu devant le conseil de discipline et pris ses responsabilités.

Il est effectivement retiré de la profession médicale, dans le moment.

M. GUAY: Est-ce que l'une de ces plaintes, puisqu'il semble y en avoir plusieurs, provenait, par exemple, de l'utilisation de ces appareils par un chiropraticien?

M. LEBOEUF: A ma connaissance, les plaintes contre les chiropraticiens n'entrent pas au collège, à moins que la registraire, qui a le monopole de la première enveloppe du courrier, n'ait des informations à cet effet-là.

M. ROY: Je pense immédiatement — cela me vient à l'esprit — à une poursuite récente contre un chiropraticien de Montréal, qui était connu dans la vie publique également. Il a été poursuivi pour fraude dans l'utilisation de rayons X qu'il ne prenait pas et qui étaient truqués. Il a été condamné et, évidemment, il a cessé depuis de pratiquer la chiropraxie. Le cas est assez bien connu; cela a fait la manchette des journaux durant plusieurs mois il y a une couple d'années.

M. GUAY: Ce que j'essaie de savoir, c'est si réellement ces gens-là sont incompétents dans le domaine ou si c'est prouvé qu'ils ne peuvent pas utiliser ces appareils. Evidemment, c'est la preuve que je cherche.

M. LEBOEUF: La formation nécessaire pour utiliser ces appareils?

M. GUAY: Je veux savoir, si les chiropraticiens sont vraiment incompétents pour utiliser ces appareils-là, s'ils n'ont pas la formation nécessaire.

M. LEBOEUF: M. le député, je pense que notre texte est clair. Il nous est impossible de juger d'une incompétence qui n'a rien de commun avec la compétence que nous possédons.

M. GUAY: Merci, c'est ce que je voulais savoir.

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que je peux poser une question?

Dans les nombreux mémoires et exposés que vous avez faits et que j'ai personnellement beaucoup appréciés, il paraît évident que vous vous êtes penché longuement et scrupuleusement sur le problème des professions à champ exclusif et à champ réservé. Au cours de votre étude, est-ce que vous en êtes arrivé à définir des critères qui permettent de classer une profession dans une profession à champ exclusif et dans une profession à champ réservé?

M. LEBOEUF: Malheureusement, non. Je dois dire que nous avons, à plus d'une reprise dans notre étude, senti le besoin de faire connaître, à un moment donné, et le moment est venu, nos éloges à l'endroit de celui qui a réussi à trouver tant de définitions qui, quand même, se tiennent bien. Il n'en reste pas moins que je pense que l'évolution va faire que de moins en moins des professions auront des champs d'exercice exclusifs.

Les critères que le code des professions nous fournit à l'article 21 ne réfèrent pas à des professions à exercice exclusif, mais aussi à des professions à titre réservé. D n'y a ni dans le code ni dans le fruit de notre travail de critère supplémentaire qui pourrait, de façon claire et nette, guider le législateur avec facilité dans la décision difficile de venger une corporation dans l'annexe 1 ou l'annexe 2.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Relativement à la définition que vous voulez donner à l'optométrie, je remarque que dans la définition, au bas de la

page 6, vous avez fait disparaître le terme "vision". Est-ce qu'il y a une raison particulière à cela?

M. LEBOEUF: M. le Président, je pense que, dans le résumé verbal que nous avons donné de nos commentaires sur cette loi, il était clairement dit que, comme Collège des médecins, nous nous devions de consulter les experts, membres de la corporation en ce domaine, et que ces experts pourraient répondre à toutes les questions que la commission voudrait poser dans un domaine dont la technique échappe à des permanents travaillant pour la corporation.

M. SAINT-GERMAIN: Quelle est la raison de l'inclusion de cette définition dans votre mémoire ou est-ce qu'elle doit être interprétée comme étant celle, non pas du Collège des médecins mais de l'Association des ophtalmologistes?

M. LEBOEUF: Le Collège des médecins est une corporation et ne peut avoir la compétence scientifique dans l'une ou l'autre des disciplines médicales. Face à une question de cette envergure ou de cet ordre, comme d'ailleurs face à la question de la physiatrie ou de la physiothérapie, il s'est adressé à ceux de ses membres qui ont une compétence dans le domaine et â ceux de ses membres qui, avec l'expérience qu'ils ont, sont capables de l'aviser, et il se doit de donner suite à une recommandation que les gens les plus compétents, et se référant à la médecine dont le Collège des médecins essaie de défendre le principe, nous recommandent.

M. SAINT-GERMAIN: II serait fondé d'affirmer que cette définition a eu comme source l'Association des ophtalmologistes?

M. LEBOEUF: C'est clair, c'est dans le texte.

M. SAINT-GERMAIN: A la page 7, vous soumettez au législateur l'idée qu'au point de vue de la déontologie le Collège des optométris-tes devrait inclure dans son code un article qui obligerait l'optométriste à déférer un cas pathologique au médecin, ou du moins un patient qui montrerait certains signes qui laisseraient croire qu'il peut souffrir de certaines maladies. Est-ce que vous croyez que par ce moyen vous résoudriez toute cette question de relations entre les ophtalmologistes et les optométristes?

M. LEBOEUF: Je pense que, pour le bien du public, il faut trouver une solution à cette orientation nécessaire des cas pathologiques, orientation dont la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être a fait état, et orientation sur laquelle se sont penchés, malheureusement sans succès, les deux groupes ensemble. Je pense que la solution de confiance que le Collège des médecins recommande est de de- mander au Collège des optométristes de statuer dans son code de déontologie en la matière et de juger les infractions à son code de déontologie selon les procédures prévues au code des professions. Cela ne réglera pas tous les problèmes entre l'optométrie et l'ophtalmologie. Le problème n'est pas là, il s'agit des cas pathologiques à diriger ailleurs pour la protection du public. Je pense que la confiance du Collège des médecins, même si elle était susceptible de nous être reprochée par certains de nos membres, est évidente dans la proposition que nous faisons.

M. SAINT-GERMAIN: Pour la protection du public, il est bien que les cas de pathologie soient envoyés aux médecins. En contrepartie, est-ce que le collège, pour la bonne relation entre les deux groupes, serait prêt à obliger le médecin auquel un de ses patients est envoyé, surtout s'il est envoyé spécifiquement à lui, à faire un certain rapport pour confirmer ou infirmer si un tel patient est un cas pathologique ou non?

M. LEBOEUF: Sûrement, M. le Président, je pense qu'il y a une disposition qui a été ajoutée dans l'article 7 du bill 65 bonifié, qui donne d'ailleurs le droit strict à tout patient d'obtenir qu'un établissement transfère les informations contenues à son dossier à un médecin ou dentiste qui le demande.

Par extension, je ne vois pas — au contraire — d'objection à ce que ce droit fasse partie en référence de l'article 84 et du droit du patient à son dossier, avec les nuances qu'il faudra y mettre. Je pense qu'une des premières obligations de tout professionnel est de collaborer pour le mieux-être de son patient entre professions oeuvrant dans des champs qui sont pour le moins connexes.

M. SAINT-GERMAIN: Je vous le demande parce que, bien souvent, en pratique ça ne se fait pas, mais vous ne serez pas prêt, au point de vue des règlements à avoir, en contre partie de cette obligation qu'a un optométriste, une obligation pour le médecin de faire rapport à cet optométriste du résultat de ses examens?

M. LEBOEUF: L'article 84 du code des professions, au paragraphe 4), parle de l'obligation pour toute corporation d'établir "des dispositions concernant le droit d'un client d'un professionnel à prendre connaissance du dossier qui le concerne et à obtenir des copies des documents contenus dans ce dossier". Nous avons quand même dans notre mémoire formulé une nuance de style et de fond sur cet article, mais je pense que la première disposition qui saute aux yeux pour respecter le droit du patient, c'est l'obligation que tout professionnel a. de communiquer à un autre professionnel qui le demande les informations qui sont pertinentes.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que chez vous, au collège, c'est une règle de déontologie?

M. LEBOEUF: Nous n'avons aucune règle de déontologie actuellement qui oblige un médecin à autre chose qu'à ses relations avec ses confrères ou la population. La disposition du paragraphe 4) m'apparaît comme étant une ouverture et une ouverture obligatoire — non pas pour le Collège des médecins strictement, mais pour toutes les corporations — à développer un mécanisme d'interrelation beaucoup plus propice à une meilleure protection du public.

M. PAUL: Docteur, comment expliquer que dans certaines régions, par exemple, il arrive que certains omnipraticiens conseillent à leur patient: Va donc voir un ophtalmologiste, ou un opticien, ou un optométriste? Est-ce que le médecin commet un acte, je ne dirais pas dérogatoire à la dignité professionnelle, mais est-ce que le Collège des médecins condamne une telle attitude?

M. LEBOEUF: Pas du tout. Il est dit dans le code de déontologie qu'un médecin doit tenir compte, dans l'exercice de sa profession, de ses capacités, de ses connaissances, de leurs limites, ainsi que des moyens à sa disposition. Il doit, le cas échéant, consulter ou orienter ailleurs son malade.

M. PAUL: Comment expliquer qu'un médecin va dire tout bonnement à un patient,— je ne dis pas que c'est quotidien, mais ça se produit assez régulièrement dans certaines régions: Va donc voir un optométriste pour ton examen de la vue?

M. LEBOEUF: Je pense qu'il arrive régulièrement qu'un médecin recommande à son patient d'aller voir un optométriste. Je pense que c'est dans le commun de la situation. Je pense aussi que dans des occasions particulières...

M. PAUL: L'inverse se produit fréquemment aussi.

M. LEBOEUF: Certainement, et je ne voudrais pas donner l'impression que les relations entre les deux groupes se sont maintenues à un niveau noir. Au contraire, je pense que les efforts du lieutenant-gouverneur en conseil et des deux ministres qui se sont succédé ont quand même réussi à faire rapprocher les deux corporations, nonobstant le fait que les textes écrits n'ont pas concrétisé le tout. Je pense que la réforme qui est devant la présente commission est une excellente occasion de donner un élément d'accélération à cette bonne relation entre les diverses corporations. Elle ne réglera pas du jour au lendemain tous les problèmes.

M. LE PRESIDENT: Je pense que cela termine l'exposé du Collège des médecins.

M. GINGRAS: M. le Président, avant que vous terminiez la séance, je voudrais, au nom du Collège des médecins et de toute la profession médicale, remercier les ministres qui étaient présents ici ce matin et les membres de la commission de nous avoir écoutés avec beaucoup d'intérêt, c'était évident, et de nous avoir posé des questions pertinentes qui, de notre côté, ont certainement augmenté le bagage des connaissances que nous devons avoir afin de vous rencontrer davantage, si la chose est nécessaire. J'espère que vous avez constaté que nous étions tout de même bien préparés à vous affronter ou à causer avec vous, et je ne peux que féliciter les membres de nos cadres, en particulier le Dr Leboeuf, pour le travail formidable qu'ils ont fait pour venir vous rencontrer.

M. le Président, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux remercier la délégation pour le mémoire qui a été bien présenté. Je constate que vous avez près de vous deux membres d'une autre corporation qui vous ont aidés à préparer ces mémoires. J'espère que les prochaines séances de cette commission se dérouleront avec la tranquillité et l'intelligence qui ont prévalu aujourd'hui.

En ce qui concerne l'autre mémoire que nous devions entendre aujourd'hui, celui de la Chambre des notaires, nous constatons que ces mémoires sont très élaborés et très importants et je pense qu'à cette heure tardive il serait impossible de leur accorder l'attention qu'ils méritent. Pour ces raisons, nous n'entendrons pas les représentants de la Chambre des notaires aujourd'hui; nous les convoquons à une autre séance dont nous ignorons la date exacte. Mais il est assuré qu'ils seront convoqués dans un avenir très rapproché et ils seront les premiers ce jour-là. La commission ajourne maintenant ses travaux jusqu'au 14 mars à 10 h 30.

M. FOURNIER: A moins d'avis contraire.

M. LE PRESIDENT: A moins d'avis contraire pour des raisons particulières.

(Fin de la séance à 16 h 52)

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