L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission spéciale des corporations professionnelles

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale des corporations professionnelles

Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mardi 21 mars 1972 - Vol. 12 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 250 - Code des professions et autres projets de loi connexes


Journal des débats

 

Commission spéciale des corporations professionnelles

Projet de loi no 250 — Code des professions et autres

projets de loi connexes

Séance du mardi 21 mars 1972

(Dix heures neuf minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale des corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Nous allons commencer la séance de ce matin. Nous allons suivre l'ordre du jour. Je pense que tous les délégués en ont une copie.

Le premier organisme à être entendu sera l'Institut des conseillers en administration du Québec, représenté par Me Claude Tellier. Est-ce que M. Tellier est ici?

M. TELLIER: Oui,

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez venir vous asseoir en avant. Tous les représentants sont-ils présents? Ecole des Hautes Etudes commerciales?

UNE VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: Faculté des sciences de l'administration de l'université Laval?

UNE VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: L'Association des architectes de la province de Québec?

UNE VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: La Corporation des urbanistes du Québec? L'Association canadienne pour l'organisation industrielle? Les représentants ne sont pas arrivés. En principe, ils ont perdu leur droit de parole parce qu'ils ne sont pas ici ce matin, mais peut-être que, s'ils arrivent, on le leur laissera.

La procédure est très simple. Nous donnons 20 minutes pour exposer votre mémoire; par la suite, il y a 40 minutes de questions d'une table à l'autre table. Pas de commentaires, pas de discussion parce que nous sommes ici pour établir des faits. C'est une enquête, en quelque sorte. Je donne la parole à Me Claude Tellier.

Institut des conseillers en administration du Québec

M. TELLIER: M. le Président, MM. les membres de la commission. Je représente ce matin l'Institut des conseillers en administration. Je suis accompagné de M. Claude Lemieux, le président en fonction et de M. Richard Mineau qui est le président fondateur de l'institut.

Vous avez mentionné, M. le Président, que vous nous accordiez 20 minutes. Je pense que je puis vous exposer en moins de temps ce pourquoi nous sommes ici.

Disons d'abord que l'institut a été fondé en 1966 par des lettres patentes en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies dans le but de regrouper certains professionnels qui exerçaient cette activité que nous qualifions de professionnelle et qui consiste à conseiller en matière d'administration. A l'heure actuelle, l'institut regroupe environ 150 membres et exerce des activités assez diversifiées dans le domaine de l'organisation des entreprises, la planification, le traitement de l'information et la direction des "task forces".

Dans le résumé de notre mémoire nous indiquons, en définitive, que l'institut considère que ses membres exercent une activité professionnelle et, à cause du bill 250 qui vient conférer un statut de corporation professionnelle à un certain nombre d'autres activités, qui vient conférer également le titre ou le privilège d'avoir le droit de se représenter comme étant des professionnels et membres de telle ou telle corporation, où on voit également définir, pour certaines professions, de façon non exclusive quand même quel est le ressort de l'acte professionnel, nous soumettons que l'Institut des conseillers en administration devrait être ajouté à la liste. Autrement, ce serait pour lui un préjudice certain puisque d'autres personnes oeuvrent dans des activités semblables et, compté tenu des différences, celles-ci bénéficieront des dispositions du bill 250 alors que les membres de l'institut ne bénéficieront pas d'avantages similaires.

Nous vous donnons à la page 2 les objectifs de l'institut, qui sont d'abord de constituter un organisme professionnel pour regrouper les membres d'une même activité. Deuxièmement, pour mettre à la disposition des personnes des données quant à la formation et à la pratique de cette profession. Troisièmement, promouvoir des normes de compétence et de déontologie professionnelle. Quatrièmement, établir un code d'éthique, etc.

Quelles sont les qualifications requises maintenant pour devenir membre de l'institut? La première chose que nous voulons vous signaler, c'est qu'avant de devenir membres de l'institut, nos membres en général doivent d'abord être membres d'une autre corporation, que ce soit comptable agréé, ingénieur, avocat, etc. Pour ne vous en donner qu'un exemple, le président ici à ma droite est un ingénieur professionnel et le président fondateur est un avocat. La majorité de nos membres, sauf erreur, sont des comptables agréés qui se sont spécialisés dans la gestion d'entreprise.

Pour être admis à l'examen d'entrée, il faut avoir exercé la profession ou des actes professionnels pendant au moins trois ans. Vous êtes ensuite admis à passer un examen d'admission à la pratique. Notre expérience, je pourrais développer le sujet, si vous le souhaitez, établit que

nous sommes extrêmement sévères quant aux critères d'admission.

Il est clair qu'au début, il a fallu constituer un groupe de base et les critères qui ont été suivis, c'est qu'avaient le droit d'être admis ceux qui pouvaient établir qu'ils avaient une expérience de dix ou cinq ans dans le domaine et qu'au moins 50 p.c. de leurs activités professionnelles au cours des cinq dernières années avaient été vouées, consacrées à cette activité.

Pour vous donner une idée de l'importance relative de nos activités, d'après l'Association canadienne des conseillers en administration, dont l'institut est membre, en 1971 les honoraires chargés aux clients au Canada se sont élevés à $22 millions; quant à la partie estimée de ces honoraires, on estime que $6 millions ont été payés en honoraires au Québec seulement. Ces $22 millions sont répartis sur un nombre d'environ 2,800 clients. Quant à la définition du champ professionnel de la consultation en administration, nous voudrions insister sur quatre points importants. Premièrement, l'étude et la détermination des problèmes de gestion dans une entreprise donnée; deuxièmement, la formulation des recommandations et, troisièmement, l'assistance apportée aux clients dans la mise en oeuvre de la recommandation formulée; quatrièmement — et c'est très important — c'est l'aspect que c'est un contrat d'entreprise, un contrat de services où le professionnel est vraiment indépendant, responsable du choix des moyens et, surtout, n'a pas de lien de subordination avec son client. Evidemment, il est lié par son mandat, mais ce n'est pas un employé, c'est véritablement un professionnel qui est à son compte. Là, aux pages 8 et suivantes, nous vous donnons des définitions de ce que nous faisons quant à la gestion de production, de mise en marché: gestion du personnel, gestion financière, direction générale et direction de "task forces".

Si nous prenons ces caractéristiques que nous venons de vous exposer et que nous les comparons maintenant aux standards ou aux conditions que le bill 250 élabore dans l'article 21 comme étant les critères à rechercher pour déterminer s'il s'agit ou non d'une activité professionnelle, nous vous soumettons que nous y répondons à tous.

Premièrement, cela demande des connaissances hautement développées, extrêmement approfondies. Deuxièmement, le conseiller en administration a un degré d'autonomie indiscutable dans la réalisation de son mandat. Troisièmement, il y a un caractère absolument personnel dans les rapports qu'il a avec ses clients. Quatrièmement, — et je pense que c'est évident — il y a un préjudice très grave s'il y a mauvaise exécution, parce que ce sont, en général, de grandes entreprises qui font appel à nos services, et si un mauvais conseil est donné, la répercussion est extrêmement sérieuse. Cinquièmement, il y a un caractère confidentiel dans les rapports qui existent entre les clients et les professionnels que sont les conseillers en administration.

Tout ceci établit clairement qu'il y a là une activité professionnelle, une activité qui est jeune par rapport à d'autres professions et qui ont une tradition séculaire, mais la réalité est là. C'est une profession comme bien d'autres qui sont mentionnées dans l'annexe du bill, qui ont une histoire récente, mais elle existe dans les faits, dans la réalité. Pour cette raison, nous sommes venus ce matin vous demander d'ajouter le nom de l'institut à l'annexe 1 du bill; nous vous demandons également de nous inclure comme une corporation professionnelle à titre réservé et d'ajouter en conséquence les paragraphes utiles aux articles 34 et 35. Nous vous donnons dans le résumé le texte que nous vous proposons pour bien régir l'activité que poursuit l'Institut des conseillers en administration.

Ceci complète, M. le Président, les commentaires que je voulais vous proposer. Le mémoire préparé par l'institut est plus détaillé. Nous sommes à la disposition des membres de la commission pour répondre à toutes questions.

M. LE PRESIDENT: Me Tellier, le Solliciteur général a des questions à poser.

M. FOURNIER: M. Tellier, en vertu du bill 250, à l'article 35 i), il y a un organisme qui est reconnu comme possédant un titre réservé. D s'agit de celui des administrateurs agréés. Pour-riez-vous me dire en quoi diffère votre association, ce que vous faites, au point de vue de la demande qui est faite, et ce qu'eux font?

M. TELLIER: Je dois vous dire, M. le député, que je ne saurais pas vous répondre sans risquer d'improviser. Mais il est arrivé souvent que, dans certains domaines nouveaux, il y avait, à un moment donné, un chevauchement dans la juridiction professionnelle, et on fait probablement des choses qui peuvent ressembler à celles que nous faisons mais pas nécessairement d'une façon identique.

M. LE PRESIDENT: Me Tellier, si vous vouliez que vos clients répondent, ils ont aussi le droit de répondre.

M. TELLIER: Oui.

M. LEMIEUX: Je dois vous dire que je n'ai pas consulté la loi qui régit la Corporation des administrateurs agrées.

M. FOURNIER: C'est parce que l'article 35 i) donne les pouvoirs suivants: "Participer à l'établissement, à la direction et à la gestion d'organismes publics ou d'entreprises, en déterminer ou en refaire les structures ainsi que coordonner et contrôler leurs modes de production ou de distribution et leurs politiques économiques ou financières".

Voilà l'article 35 i). D'un autre côté, vous nous proposez d'ajouter à l'article 35 un autre paragraphe qui serait le paragraphe 1). Si on lit le paragraphe 1) que vous proposez, il semble que, même si sa rédaction n'est pas tout à fait la même, les buts de votre organisme seraient identiques.

M. LEMIEUX: Ici, à la lumière de la définition que vous me citez, je pense que le mot clé est "participer". A moins que "participer", dans l'esprit de l'article que vous citez veuille dire "à titre consultatif". Je pense que la distinction s'établit au niveau où les services fournis par les membres de notre institut sont strictement à titre consultatif-, nous ne faisons pas partie d'organismes à titre de salariés. C'est une distinction que nous estimons importante; je pense que, dans le cas des administrateurs agréées, plusieurs d'entre eux font partie d'organismes, y participent à titre de salariés de l'organisme et non pas à titre de conseillers extérieurs qui offrent leurs services à l'ensemble du marché!

M. FOURNIER: C'est parce que vous-mêmes, dans votre demande, vous mentionnez à la fin: "Assumer sur base temporaire ou transitoire l'organisation et la direction d'activités au secteur de l'administration".

M. LEMIEUX: D'accord.

M. FOURNIER: Ce n'est pas simplement conseiller.

M. LEMIEUX: Non, ici, c'est une activité spéciale que des conseillers en administration font et que d'autres font aussi et qui se traduit mieux par le vocable anglais "the task forces" ou de projets spéciaux ou d'activités connexes à l'entreprise mais qui, pour la durée de cette activité, sont dirigés ou coordonnés par des gens de l'extérieur simplement pour dégager les cadres de l'entreprise.

M. FOURNIER: Pour une précision, l'autre organisme est incorporé depuis 1954 et c'est le 29 juin 1967 qu'il a obtenu son titre réservé en vertu d'une loi spéciale. Je comprends que votre incorporation date du mois de septembre 1966, soit six mois ou neuf mois avant. Est-ce que, lors de la presentation du bill pour la corporation des administrateurs agréés, vos membres sont venus et ont participé à la discussion et ont demandé certains pouvoirs? Est-ce que, à ce moment-là, vous êtes venus devant la Législature?

M. LEMIEUX: Je ne crois pas que nous soyons venus, M. le Président.

M. FOURNIER: Est-ce qu'il y a de vos membres qui sont membres aussi de la Corporation des administrateurs agréés?

M,. LEMIEUX: Je crois que quelques membres de notre institut font partie de la Corporation des administrateurs agréés. Beaucoup de nos membres font partie de l'Institut des comptables agréés, beaucoup aussi font partie de la Corporation des ingénieurs et du Barreau.

M. FOURNIER: La formation universitaire est la base de formation dans d'autres professions, soit ingénieur, comptable ou avocat. C'est bien ça, la formation universitaire est une formation étrangère à l'administration mais par la suite il y a un stage dans l'administration. Est-ce bien ça?

M. LEMIEUX: Pas tout à fait si je peux vous corriger ainsi. Nous estimons que la formation universitaire fournit à l'individu une capacité d'analyse et une capacité de synthèse. La majeure partie de notre travail consiste à étudier des faits, étudier des situations, essayer de les résumer, proposer des solutions pratiques. Nous estimons que la formation universitaire donne les connaissances précises mais, en même temps, chez beaucoup d'individus, elle fournit une capacité de synthèse et une capacité d'analyse qui sont appropriées au travail que nous faisons.

M. FOURNIER: II n'y a pas de cours universitaire particulier qui conduit à votre affaire. Ce sont différents professionnels qui décident de faire...

M. LEMIEUX: De plus en plus, étant une profession relativement jeune, il n'y en a pas... On peut évidemment songer à la maîtrise en affaires, le MBA; ces gens-là sont éminemment bien formés pour devenir des conseillers en administration.

Il y a aussi d'autres professionnels qui, par la pratique, par l'intérêt des gens à l'administration, deviennent avec le temps des conseillers en administration.

M. FOURNIER: Une dernière question: Les avocats, ingénieurs ou CA qui font partie de votre groupe, est-ce qu'ils abandonnent totalement la pratique de vérification, le Barreau ou...

M. LEMIEUX: Ils exercent au sein de notre institut l'activité de conseillers en administration. Au début, quand il s'est agi de former l'institut, on a exigé des membres d'une autre profession, ingénieurs ou comptables agréés, qu'ils consacrent au moins la moitié de leur temps à la consultation en administration pendant les cinq années qui précédaient leur demande.

La règle de la moitié du temps — évidemment, dans l'ensemble des cas, on se fiait à la déclaration de la personne qui sollicitait son admission — en moyenne, pour cinq années, a été appliquée d'après mes souvenirs sans exception.

M. FOURNIER: Une fois admis dans votre organisme, est-ce qu'ils continuent à, au moins 50 p.c., pratiquer ce que vous proposez ou est-ce qu'ils continuent dans leur profession respective?

M. LEMIEUX: Je ne peux pas vous répondre de façon catégorique. Tout ce que je puis dire, c'est mon impression personnelle: Oui, une tendance s'établit pendant les cinq... L'idée des cinq années précédentes, c'est évidemment de voir l'intérêt de la personne, le champ d'action principal et, dans la plupart des cas, les moyennes annuelles dénotaient une tendance qui augmentait. Mais je ne peux pas vous l'affirmer.

M. MINEAU: Pour ce qui est des avocats, je peux dire que je n'en connais pas qui pratiquent à la fois le droit et la consultation en administration.

M. TELLIER : Je pense qu'on peut faire une distinction entre exercer une autre profession et simplement demeurer membre de la corporation au point de vue du titre.

M. LEMIEUX: Si je peux simplement ajouter à votre question précédente, je ne connais pas, moi, d'ingénieurs qui travaillent comme ingénieurs et conseillers.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, vous avez 150 membres dans votre profession; est-ce qu'on peut avoir un éventail? A quelles disciplines professionnelles appartiennent ces membres?

M. LEMIEUX: Je dirais que, dans l'ensemble, l'éventail s'établirait ainsi: un tiers de comptables agréés, à peu près un tiers d'ingénieurs et l'autre tiers se diviserait également en avocats, en diplômés en psychologie où vous avez des gens qui, à un certain moment... Il y a des MBA, évidemment, et il y a aussi, ou il y a déjà eu, des médecins, par exemple. Il y a différentes professions qui s'insèrent dans le dernier tiers, mais je dirais que la majeure partie de l'institut est composée de comptables agréés et d'ingénieurs.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez peut-être pris connaissance des mémoires qui ont été déposés devant la commission par des groupes la semaine dernière, les CA, les CGA, les RIA, les conseillers en administration, etc. A quel groupe seriez-vous davantage apparentés par votre travail et par vos responsabilités?

M. LEMIEUX: Je vous répondrai de façon indirecte. Nous nous apparenterions le plus au groupe qui s'intéresse à l'ensemble de l'entreprise à titre ou sur une base de contrats de service.

Nous nous apparenterons le moins possible aux gens qui exercent leur travail à titre de salariés au sein d'une entreprise ou au groupe dont la plupart des membres seraient salariés au sein d'une entreprise. La différence, — et l'essentiel — c'est le caractère d'indépendance dans l'exercice du travail. Ce dernier s'exerce sur une base de contrats de service et est intéressé à l'ensemble de l'entreprise, au moins au départ. Alors, je dirais que, sur cette base, les comptables agréés seraient probablement ceux auxquels nous nous apparentons le plus.

M. CLOUTIER (Montmagny): II a été démontré, jeudi dernier, qu'à l'intérieur des groupes qui sont venus ici, même si ce sont des groupes de comptables — il y avait des CA, des CGA, des RIA — il reste tout de même qu'une partie importante des effectifs de ces corporations font de la gestion. Il a été démontré que 55 p.c. des CA qui ne pratiquent pas exclusivement ou spécifiquement la comptabilité occupent des postes de gestion. D'autre part, il y a la Corporation des administrateurs agréés, vous avez aussi des CGA qui sont à peu près dans le même cas, vous avez aussi des RIA. Compte tenu de l'évolution rapide qui s'est faite dans le domaine des professions de la comptabilité et de la gestion ces dernières annés, est-ce que vous pensez que le bill 250 et ses lois connexes doivent tenir compte davantage de l'orientation qu'on veut donner à ces professions afin d'éviter autant que possible qu'il y ait un dédoublement et que le bill 250, en plus de s'occuper de la situation actuelle, trace aussi peut-être ou aide à tracer certaines orientations pour l'avenir?

M. LEMIEUX: C'est un des aspects des descriptions générales qui apparaissent au bill. Il semble y avoir un morcellement ou un chevauchement des secteurs de responsabilités.

M. TELLIER: Pour ajouter à cela, il faut dire qu'il est extrêmement difficile de tracer une ligne de démarcation parce qu'il y a différents facteurs qui se contre-influencent. Vous avez d'abord au sein des professions plus traditionnelles l'apparition de spécialités, ce qui fait que les professions traditionnelles éclatent et empiètent l'une sur l'autre. Ceci est un facteur. Vous avez l'apparition de nouvelles professions qui sont, en fait, la projection de ces spécialités-là. C'en est un exemple et on voit par la liste qu'il y a de nouvelles professions qui veulent se dessiner dans ce domaine-là. Je pense que c'est trop récent et qu'il est trop tôt pour essayer de grouper tout le monde dans la même niche. L'évolution se fera et les appartenances vont s'identifier beaucoup plus facilement.

Vous avez mentionné, par exemple, en parlant des comptables agréés la notion de gestion. Je pense que la notion de gestion est différente de ce que l'on fait. On ne fait pas de la gestion, la gestion implique si vous voulez un caractère

plutôt de permanence. Par exemple, une compagnie de Fiducie va gérer des successions pour dix ou quinze ans, ou va gérer des patrimoines. Eux, ce n'est pas tellement ce qu'ils font, c'est plutôt de la conception. Ils vont arriver simplement pour une période de six mois ou un an pour réorganiser, et une fois que la réorganisation est faite et que le système est implanté, ils se retirent et reviendront peut-être simplement à l'occasion pour voir si cela donne les résultats voulus. C'est autant de nuances qu'il est difficile, je pense, d'éviter sans causer de préjudice ou sans freiner l'évolution; il faut reconnaître ou retrouver dans le bill 250 une certaine souplesse et permettre à ces groupes-là d'abord d'achever de se définir et, après cela, je pense que les affinités vont faire que ceux qui se ressemblent vont se regrouper.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si on procédait par comparaison, est-ce qu'on pourrait davantage vous assimiler ou vous comparer à un groupe qui, dans le domaine de la santé, pratiquerait en équipe multidisciplinaire? Je pense à des médecins qui pratiqueraient dans une clinique...

M. TELLIER: Avec des psychologues.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... avec différentes disciplines, des psychologues, des psychiatres, des pharmaciens ou...

M. TELLIER: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... et qui débordent spécifiquement le cadre de chacune des professions mais qui, par leur action commune, rendent des services à un patient donné.

M. LEMIEUX: La comparaison est bonne, je pense; même, on peut ajouter que des conseillers en administration travaillent souvent dans le milieu hospitalier et ajoutent leurs efforts aux équipes que vous venez de définir. Je pense qu'on peut tracer un parallèle, comme vous le faites, entre la santé et l'apport des différents équipes, entre la gestion et l'apport des différentes équipes qui pourraient y participer. Encore une fois, il est assez difficile de définir exactement à quel groupe on pourrait être apparenté mais je pense qu'on peut être apparenté, ou du moins comparé à la plupart des groupes que vous m'avez définis tout à l'heure; dire auquel on s'apparente le plus est assez difficile sans analyser en détail le genre de fonction que les membres exercent.

M. TELLIER : Justement si on se rapporte à la notion d'équipe multidisciplinaire, ça va varier énormément selon la nature du mandat ou, dans certains cas, cela demandera des experts en programmation, dans d'autres cas, des économistes, dans d'autres cas, des experts en gestion de personnel, dans d'autres cas, des notions d'actuariat.

Je pense que le mot le plus intéressant ici dans le mémoire, c'est "task forces". Ce sont des mandats qui demandent extrêmement de souplesse et d'adaptation selon la nature du mandat qui est confié à ces gens-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): La comparaison est assez juste, celle qu'on vient de faire, cela voudrait-il dire que, si le législateur vous reconnaissait un titre réservé, cela entraînerait par voie de conséquence, aussi, qu'un titre réservé soit accordé à d'autres équipes multidisciplinaires, que ce soit dans le domaine de la santé, ou dans le domaine du génie, ou ailleurs?

M. TELLIER: Je ne le pense pas, parce que, dans le domaine de la santé, il arrive plus souvent qu'autrement, que le médecin jusqu'à présent est le coordonnateur des équipes multidisciplinaires tandis que, dans ce domaine de la consultation en administration, le consultant agit comme coordonnateurs de ces différentes disciplines.

Vous avez le même phénomène — ils sont ici ce matin, je ne veux pas leur enlever la vedette — chez les architectes dans le domaine de la construction; de plus en plus, l'architecte apparaît comme un coordonnateur de différentes spécialités. Si vous voulez, c'est un architecte en économique ou en administration.

M. LEMIEUX: Je voudrais simplement ajouter à ce que Me Tellier vient d'exprimer, que la plupart des conseillers en administration fonctionnent en cabinets-conseils, c'est-à-dire qu'ils sont regroupés en nombre. Alors, on trouve dans la plupart des cabinets les différentes spécialités qu'on peut imaginer dans l'administration et aussi selon l'orientation que le cabinet-conseil donne à son champ d'action. De la même manière, pour la gestion d'équipe, les conseillers en administration fonctionnent actuellement en équipe. Je pense que personne aujourd'hui ne peut prétendre avoir toutes les connaissances nécessaires à toutes les spécialités de l'administration, et soit qu'on agisse à titre très précis de spécialité ou bien qu'on agisse sur différents aspects de l'organisation par l'intermédiaire de plusieurs membres des cabinets-conseils, toute l'action est coordonnée, concertée par le conseiller en administration du cabinet.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que, déjà depuis 1966, vous avez eu l'occasion de vous donner un code d'éthique particulier?

M. LEMIEUX: Si je peux brièvement vous citer le mémoire, nous avons établi dans nos objectifs différents ordres de priorités. Le premier a été évidemment de constituer l'organisme et de mettre au point des examens. Le fait de mettre au point des examens nous a demandé un temps considérable; le temps de rejoindre les membres, le temps de traiter toutes les demandes d'admission, de préparer des examens

et de les corriger, tout cela a exigé un temps assez considérable des membres; évidemment, un code d'éthique constitue un des objectifs vers lequel nous tendons. C'est précisément dans ce sens-là que nous solliciterions un titre réservé, ce serait pour donner un peu plus d'importance au titre que les gens tentent de mériter. Actuellement, l'appartenance à l'institut est facultative, toute personne peut se présenter comme un conseiller en administration, la seule distinction que nous ajoutons, c'est qu'il faut être membre de l'institut pour dire qu'on est membre de l'institut. Cela ajoute simplement au groupe dont on fait partie. Il n'y a pas d'obligation à être membre de l'institut pour pouvoir être conseiller en administration; le projet de loi 250 s'inscrit donc dans le sens des objectifs que nous nous sommes tracés.

C'est le but de notre présence ici ce matin, mais nous exposons notre cas spécifique.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, est-ce que les représentants de l'Institut des conseillers en administration peuvent nous expliquer pour quelle raison ils ont senti le besoin en 1966 de se regrouper sans pour autant entrer quelques mois plus tard dans la Corporation professionnelle des administrateurs agréés?

M. MINEAU: La raison principale de la formation de l'Institut, c'est que jusqu'à ce moment-là il n'y avait aucune façon de regrouper les membres de l'institut de façon à travailler à la formation de chacun et à l'amélioration de chacun dans son domaine; alors, cela a été un objectif.

Le deuxième objectif, c'est qu'on voulait, dans la mesure de nos moyens, essayer d'apporter une certaine protection au public, protection qu'on visait à apporter en exigeant que seuls les membres de l'institut puissent se désigner comme membres de l'institut et en espérant qu'avec le temps le public se rendrait compte que l'appartenance à l'institut voulait dire quelque chose. Quoique n'étant peut-être pas la réponse définitive au problème, ça voulait dire quelque chose. Ce sont je crois, les deux principales raisons qui nous ont amenés â fonder l'institut.

Maintenant, pour ce qui est de la Corporation des administrateurs agréés, celle de 1967?

M. MASSE (Montcalm): Celle qui...

M. MINEAU: Moi qui, à ce moment-là, étais le président de l'institut, à tort ou à raison, j'ai toujours considéré la Corporation des administrateurs agréés comme étant composée de gens travaillant dans l'entreprise au service d'une entreprise, à titre d'administrateurs, c'est-à-dire dans un poste d'administration, dans un poste administratif. Quant à moi, parlant pour moi seul, parce que je ne peux pas interpréter la pensée de l'institut à ce moment-là, je n'ai eu connaissance de rien qui concernât la corporation. Quant à moi, j'ai donc tenu pour acquis qu'on parlait d'une tout autre chose, que, parmi les personnes qui allaient devenir membres de la corporation, on comptait surtout des gens qui seraient des salariés, des employés de divers entreprises ou organismes publics, alors que nous, notre affaire, c'était complètement à l'extérieur de l'entreprise, n'y entrant qu'à titre consultatif pour une période donnée, pour exécuter un mandat défini.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce qu'à votre connaissance, tous les membres de la Corporation professionnelle des administrateurs agréés sont des salariés à l'intérieur d'une entreprise?

M. MINEAU: A ma connaissance, non.

M. TELLIER: II a peut-être répondu trop vite, tantôt. J'ai ici dans mon dossier la loi en question. L'article 3 semble suggérer très fortement — je peux vous le lire, ça prendra deux secondes...

M. MASSE (Montcalm): Lisez-le donc.

M. TELLIER: C'est le paragraphe a): "De grouper les personnes détentrices de diplômes universitaires qui s'occupent d'administration dans des entreprises de tout genre".

Je reviens, si vous voulez, à ce que je développais tout à l'heure, la différence entre administrer, qui est un geste quotidien, tout en ayant une certaine forme d'originalité et de développement par rapport au rôle de concepteur, de coordinateur, d'une intervention très limitée dans le temps par rapport â une continuité.

M. MASSE (Montcalm): La différence sur laquelle vous insistez énormément, depuis le début, c'est que ceux qui sont des administrateurs agréés sont membres d'un organisme ou d'une compagnie, enfin, ils sont administrateurs dans un groupe, mais à temps plein, alors que vos gens sont des consultants auprès d'un ensemble de corporation à but lucratif ou non? C'est le point sur lequel vous insistez énormément?

Le but premier d'une corporation est indiqué à l'article 22, c'est la protection du public. C'est dans ce sens-là que les corporations existent. Elles n'existent pas pour la protection des membres, ce serait plutôt du domaine du syndicat, mais la protection du public en général. Ne croyez-vous pas que le public pourrait être protégé au même titre s'il n'y avait qu'une corporation, même élargie au sens de la loi, qui regrouperait la Corporation professionnelle des administrateurs agréés et votre insti-

tut, puisque les buts très généraux de vos professionnels sont similaires?

M. LEMIEUX: Je pense, à moins que j'aie de fausses impressions sur la protection du public, que l'administrateur ou le membre de la Corporation des administrateurs agréés qui oeuvre à l'intérieur d'une entreprise comme salarié de cette entreprise doit donner son allégeance première à son employeur. Sa responsabilité est envers son employeur.

En supposant qu'un administrateur membre de cette corporation, salarié d'une corporation, le soit dans une corporation dont les buts ne sont pas tellement de protéger le public, je vois mal comment il pourrait oeuvrer, à cette fin-là, à moins de se retirer de l'entreprise où il est effectivement salarié. Il doit partager les buts de l'entreprise dans laquelle il oeuvre. Chez nous, dans notre institut, c'est différent. Nous n'oeuvrons pas au sein d'une entreprise, nous oeuvrons à titre consultatif pour des entreprises.

M. MASSE (Montcalm): Mais vous allez... Oui?

M. TELLIER: Souvent, les conseillers en administration sont appelés, justement, pour mettre en doute, pour juger, non pas au point de vue d'une intégrité, des procédés de gestion qui sont mis en application et qui ont été souvent élaborés par ceux qui sont des salariés. Il peut y avoir un conflit dans l'objectivité des gens. Us seraient en quelque sorte, s'ils sont salariés, juges et parties. C'est pour faire une autocritique; mais nous ne pouvons pas dire que nous sommes contre votre suggestion comme telle. Je pense, étant donné que de part et d'autre ce sont des fonctions tellement récentes, qu'il vaudrait mieux, pour un temps, en tout cas, que je ne serais pas capable de préciser, laisser ces deux notions se développer, évoluer, et quand ce sera le temps, si ça doit se faire, elles pourront se réunir ou se retrouver. Mais, pour le moment, je pense qu'il faut leur donner un peu de laisse et leur permettre de se définir.

M. MASSE (Montcalm): Ne croyez-vous pas qu'il y a beaucoup de secteurs professionnels au Québec où il y a des gens qui sont à l'emploi exclusif d'un organisme — que ce soit le médecin pour l'hôpital, que ce soit l'avocat pour une compagnie ou que ce soit le comptable comme administrateur d'une compagnie — à temps plein, ce qui ne les empêche pas d'être membres d'une corporation professionnelle également où il y a d'autres titres, d'autres individus qui sont aussi des consultants, que ce soit le médecin lorsque je retiens ses services ou l'avocat? Partant de cette description de la réalité actuellement au Québec...

M. TELLIER: C'est vrai.

M. MASSE (Montcalm): ...pour quelle raison cela ne concorde-t-il pas avec votre secteur?

M. TELLIER: C'est vrai mais à cela je vais vous répondre que là encore, ce sont des phénomènes nouveaux et qu'à l'intérieur des corporations professionnelles, ça pose des problèmes. On va parler, par exemple, des ingénieurs, et c'est tellement vrai, qu'à l'intérieur de la corporation des ingénieurs, on a cru bon de former une espèce de sous-section pour regrouper les ingénieurs-conseils. Vous avez, au niveau du Barreau, des associations d'avocats dans la fonction publique. Vous avez, parmi les médecins, c'est un phénomène nouveau, des médecins salariés, ce qu'on appelle "des pleins temps géographiques", qui font aussi de l'enseignement universitaire. Tout ça, à l'heure actuelle, crée des remous et on voit bien les tendances, mais on ne peut pas dire que ces problèmes-là sont résolus pour autant.

Mais seulement, ça se produit dans des corporations qui ont une tradition, qui ont des cadres qui leur permettent peut-être plus facilement de faire face à ces problèmes nouveaux, tandis que là, je pense que ce serait prématuré, vu que nous n'avons pas cette force de la tradition, de mettre tous ces gens-là en même temps.

Je pense qu'avec le temps, on y arrivera peut-être, mais les lignes de force pour le faire ne se dégagent pas.

M. MASSE (Montcalm): Très bien. Maintenant, dans un autre ordre d'idées, pour être membre de votre corporation, il faut évidemment passer certains examens ou remplir certains critères.

Comment pouvez-vous expliquer qu'avant d'entrer dans la corporation, il faille pratiquer dans votre domaine pendant quelques années sans être membre de ladite corporation?

M. TELLIER: Vous avez ça chez les comptables agréés où ils font des stages, c'est-à-dire qu'ils travaillent pour des gens qui ont le droit de poser les actes. Ils font ces gestes-là à l'intérieur d'équipes ou sous la responsabilité...

M. MASSE (Montcalm): Sous la responsabilité de quelqu'un d'agréé. Est-ce que c'est la même chose chez vous?

M. TELLIER : Comme M. Lemieux vous l'expliquait, ce sont des entreprises tellement considérables qu'il n'y a pas de gens à leur compte, seuls. Ce sont des cabinets. Ce sont de grosses équipes et elles engagent du personnel. Graduellement, on délègue à leurs membres des responsabilités de plus en plus grandes et, au bout de trois ans, quand ce stage est attesté, ils sont admis à un examen d'entrée.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce qu'il y a des

connaissances universitaires qui sont exclusives à votre institut?

M. TELLIER: C'est plutôt un regroupement de connaissances. On exige à la fois des connaissances générales et des connaissances spécialisées, si bien que certaines disciplines ne peuvent être admises comme telles, parce que trop hautement spécialisées pour recourir à un champ suffisamment général à la base. M. Lemieux pourrait peut-être vous expliquer cela.

M. LEMIEUX: Dans les descriptions détaillées, dans le mémoire, des champs d'activité, nous avons certains secteurs de spécialisations. Nous ne pouvons pas identifier un cours précis universitaire qui donne à une personne, dès le moment où elle aura terminé son cours, la capacité d'être un conseiller en administration tout de suite. Nous estimons que l'expérience y joue pour beaucoup. C'est l'expérience de l'analyse, c'est l'expérience qui rend capable de proposer les solutions qui tiennent compte de l'ensemble de l'entreprise. Il ne faut pas voir un problème uniquement en spécialiste. Il faut être capable de le replacer dans le contexte global de l'entreprise. Nous pensons que, pour en faire partie, trois annés d'expérience au moins permettent d'acquérir les connaissances voulues.

M. TELLIER: A la page 5 du mémoire, je vous cite ceci: "Ne peuvent accéder à l'institut les personnes qui offrent un seul service, exclusif et hautement spécialisé dans un secteur restreint, tel que le conseil en fonds de pension, l'actuaire-conseil, le conseil en sélection des cadres, le conseil en fiscalité ou le conseil en assurance." S'il n'a une formation que dans ces domaines hautement spécialisés, cela ne sera pas suffisant.

IL va falloir qu'il ait une base générale avec, en plus, une spécialité.

M. MASSE (Montcalm): Je vais vous poser une dernière question. S'il n'y avait pas de Corporation des conseillers en administration, en quoi le public québécois serait-il affecté ou non protégé?

M. TELLIER: Là comme ailleurs, vous avez des amateurs; là comme dans tous les domaines nouveaux, vous avez des gens qui, du jour au lendemain, s'intitulent d'une certaine compétence. Il y a des gens locaux mais il y a aussi des gens qui nous viennent de l'extérieur, qui vont venir ici et sans aucune reconnaissance vont offrir des services, charger des honoraires extraordinaires et vont disparaître. On n'est ici pour faire le procès de personne mais il y a eu, comme ça, des "raids", si je peux dire. Je pense que les faits des dix dernières années ont démontré que c'est là une discipline nouvelle qui s'implante, qui est reconnue dans toutes les autres provinces du Canada, qui est reconnue aux Etats-Unis; en Europe, je l'ignore, mais ça doit exister également. Si on ne s'en occupe pas, il va arriver que le phénomène en effet va se continuer, parce que ça prend de l'ampleur, et tôt ou tard il faudra y arriver parce qu'il y aura des charlatans comme ailleurs.

M. MASSE (Montcalm): J'ai une question additionnelle: Quelle différence faites-vous entre une profession et une spécialisation?

M. TELLIER: Une profession, si vous voulez, au sens de chambre corporative, c'est l'expression anglaise — je l'aime beaucoup — un "licencing body". C'est celui qui voit, dans l'intérêt de la protection du public, à reconnaf-tre les qualifications d'entrée et à reconnaître également les standards de qualité et les problèmes de discipline.

M. MASSE (Montcalm): Si on prend l'exemple d'une autre profession pour bien comprendre: les ergothérapeutes par rapport à la médecine générale, c'est une spécialisation, ils sont membres du Collège des médecins. Alors, si on fait le même cycle de protection...

M. TELLIER: La spécialisation est une projection de la profession. N'importe quel médecin peut poser un geste qui relève de la compétence d'un spécialiste. D'abord, qu'il ait la compétence et qu'il pose le geste correctement. Il y a toute une jurisprudence là-dessus. Le médecin n'a pas besoin d'être orthopédiste pour réduire une fracture mais, s'il le fait, il doit y apporter autant de compétence qu'un spécialiste.

La différence entre les deux, c'est que, pour s'annoncer comme spécialiste, il faut être reconnu comme tel.

M. MASSE (Montcalm): II faut avoir fait des études spécifiques.

M. TELLIER: C'est ça.

M. MASSE (Montcalm): C'est pour ça que je vous demandais tout à l'heure quelles sont les études spécifiques que vous avez faites par rapport à un comptable ou un ingénieur.

M. TELLIER: Les études spécifiques, voyez-vous, il n'y en a pas une de précise. Mais il faut un minimum d'études spécifiques pour satisfaire aux exigences. Prenez, par exemple — je ne sais pas si c'est à propos — pour devenir directeur général d'un hôpital, il n'y a pas de cours spéciaux qui se donnent quoiqu'il y ait peut-être de petits cours mais, enfin, il n'y a pas de prérequis universitaire. Mais ça prend quand même des notions en administration, en gestion de personnel; il faut quand même certaines notions de base au point de vue de la médecine administrative. Qu'est-ce qui fait que, à un moment donné, un bonhomme aura le poste? C'est qu'il aura justifié, soit par des cours un

peu partout ou par une expérience, qu'il a rassemblé le bagage voulu. C'est un peu ça.

M. LEMIEUX: J'aimerais ajouter à la question que vous posiez au début: Quelle serait la gravité des dommages qui résulteraient du fait que l'institut ne soit pas reconnu comme corporation? Je pense qu'il faut se rappeler qu'on travaille pour des entreprises qui sont petites ou qui sont très grosses. Dans les très grosses, je pourrais partager votre avis et dire qu'il n'y a pas tellement de danger parce qu'il y a habituellement, là-dedans, des cadres qui sont en mesure d'apprécier la qualité du travail qu'on fait. Mais souvent on travaille pour des petites entreprises et parfois pour des particuliers, des entreprises familiales où il n'y a pas de gens capables d'apprécier ce qu'on fait, d'apprécier comment on le fait et d'apprécier si c'est bien fait et, du moins, de savoir s'ils ont affaire à une personne compétente ou non. Dans ces cas-là, je dirais que les risques de dommages sont très grands. On peut imaginer qu'une petite entreprise qui se lance dans des initiatives commerciales mal pensées peut faire faillite un jour ou facilement; on peut imaginer qu'une petite compagnie qui se lance dans des programmes d'expansion et de capitalisation, sans qu'on ait vraiment pensé au roulement des fonds, à un moment donné, est acculée à la faillite.

Il y a un risque très variable selon la dimension, la taille de l'entreprise où l'on travaille. Dans le cas des petites — il y en a beaucoup dans la province — à ce niveau, il y a vraiment un besoin de protection. Dans les plus grosses ou au gouvernement, il est évident qu'il y a des gens capables d'apprécier ce que nous faisons.

M. TELLIER: J'ajouterai que dans ces domaines de la responsabilité professionnelle, il y a des secteurs où il est facile d'établir la responsabilité et, par la suite, d'évaluer le préjudice. Mais dans un domaine comme celui-là, il y a toute une zone où, en fait, il n'y a pas de correctif judiciaire, parce que le conseiller en administration pourra dire: Oui, j'ai élaboré tel ou tel programme, mais seulement s'il l'avait mieux suivi... Ou. C'est à cause de la tombée du marché, etc. En somme, il ne faut pas penser à la protection du public en termes de recours possible devant la justice, mais en termes de prévention, empêcher que cela se produise.

M. MASSE (Montcalm): De toute façon, s'il a fait faillite, il n'a plus rien pour vous poursuivre.

M. TELLIER: Non, mais les principaux actionnaires auraient un recours contre le conseiller, c'est ce que je veux dire.

M. MASSE (Montcalm): Une dernière question. Est-ce que vous avez un éventail linguistique ou ethnique des 150 membres de votre institut?

M. TELLIER: La plupart de ceux que je connais, ce sont des citoyens canadiens; ils sont bilingues, ils résident au Québec. Je ne sais pas si cela répond au sens de votre question.

M. MASSE (Montcalm): Je vais vous poser la question plus directement. Parmi les 150 membres, est-ce que la majorité est francophone ou anglophone?

M. TELLIER : Je ne sais pas, la plupart sont bilingues à ma connaissance.

M. MASSE (Montcalm): Ils sont bilingues. D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aimerais savoir combien de personnes, dans les quatre ou cinq dernières années, ont demandé leur adhésion à votre institut.

M. LEMIEUX: Je n'ai pas les chiffres exacts des demandes d'adhésion. Tout ce que je peux vous dire avec précision, ce sont les personnes qui ont été admises à l'examen. Je sais qu'il y a eu des gens à qui on a refusé la demande d'adhésion parce qu'ils ne répondaient pas aux exigences scolaires ou le nombre d'années d'expérience. Ou bien dans des cas où nous, nous pensions que l'expérience qu'ils avaient acquise n'était pas celle que nous exigions. Sur le plan des examens, effectivement nous refusons des admissions sur la base des examens. Au meilleur de ma connaissance, l'an dernier il y a trois ou quatre personnes sur cinq qui ont été refusées à l'examen. Cette année — je vous cite des chiffres approximatifs — il y a eu à peu près 19 personnes qui se sont présentées à l'examen. Ce n'est pas encore corrigé, mais en voyant les questions, il y en a qui se sont retirées.

Si ça peut vous donner une idée, il y a des gens qui sont refusés à la candidature et il y en a d'autres qui sont refusés à l'examen.

M. GUAY: Deuxième question. Etant donné que vous affichez une compétence comme conseillers en administration, est-ce que, dans la province, le nombre de vos membres est suffisant pour répondre aux besoins?

M. LEMIEUX: C'est une question vraiment difficile, je ne peux pas vous répondre. Je peux vous dire comment nous avons procédé pour nous constituer en corporation. Des cabinets existaient déjà et ils ont vu la nécessité d'un institut; après quelques années, nous avons établi la procédure d'examens. Nous avons alors écrit à toutes les firmes et à tous les individus qui s'affichaient comme conseillers en administration. Nous leur avons envoyé des renseignements au sujet de l'institut, nous les avons invités à se joindre à nous s'ils étaient capables. Nous avons fait, je pense, tous les efforts pour

rejoindre beaucoup de gens. Je ne pense pas que les 150 membres regroupent tous ceux qui font de la consultation en administration. Je pense quand même que ça regroupe la plupart des gens qui en font pour la majeure partie de leur temps professionnel. Je ne peux pas vous donner de chiffres.

M. GUAY: Ce que je veux dire par là, c'est, par exemple, si j'ai une entreprise et que demain matin je fais appel à votre institut pour demander un conseiller en administration, est-ce que ce sera possible quand même que j'en aie un avant des mois ou...

M. LEMIEUX: On va vous en fournir un, monsieur, le lendemain matin.

M. GUAY: Etant donné que le monde de la comptabilité ou même celui des conseillers en administration, c'est un monde qui doit se renouveler constamment, est-ce que vous avez, à l'intérieur de votre institut, des conseillers en orientation?

M. LEMIEUX: Nous n'avons pas de conseillers en orientation spécifiquement, nous avons des conseillers en sélection de cadres qui s'occupent d'engager des gens pour des compagnies, pour certains cabinets ou pour certaines personnes qui pratiquent seules. Ce sont des psychologues industriels qui sont habilités à apprécier les qualités des gens qu'ils recommandent.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: Vous nous dites que votre association répond aux besoins d'une clientèle. Est-ce qu'on trouve l'équivalence dans les autres provinces et dans le contexte nord-américain? C'était ma première question.

Deuxième question: Est-ce que vous avez un organisme d'accréditation pour l'organisation d'un tel groupe?

M. LEMIEUX: D faut faire deux distinctions. Pour votre première question, il existe en Ontario l'Institut des conseillers en administration de l'Ontario avec lequel évidemment nous sommes en échange d'une façon permanente, en particulier pour les normes d'admission, la préparation des examens et toutes ces choses qui favorisent le transfert vers l'Ontario ou vers le Québec, de sorte qu'un conseiller en administration soit du même niveau ici, et vice versa. Il y a l'association canadienne, mais c'est un regroupement des associations provinciales. Aux Etats-Unis, il y a des associations, je crois qu'il y en a deux ou trois, mais elles sont considérables.

Maintenant, ici, il faut faire une distinction. Il y a deux genres d'associations. Avant la formation de l'Institut des conseillers, il existait l'Association canadienne des conseillers en administration qui, elle, regroupait des cabinets-conseils qui ont fait la preuve, selon un certain nombre d'années d'exercice, qu'ils étaient viables, qu'ils répondaient à un besoin et qu'ils étaient compétents. C'est une organisation de firmes. Notre institut à nous, est un institut qui regroupe des personnes. Il y a une distinction très importante, c'est que vous aurez des personnes qui travaillent à l'intérieur des cabinets-conseils, membres de l'association qui regroupe les cabinets, qui sont en même temps membres de l'institut à titre individuel. Ce sont deux genres d'associations.

M. BOIVIN: Est-ce qu'on peut dire que la grande industrie et les gouvernements vont encore consulter de tels groupes à l'extérieur?

M. LEMIEUX: Le seul organisme qui a des chiffres précis là-dessus, c'est l'Association canadienne des conseillers qui regroupe les firmes, et, depuis les dix ou onze annés qu'elle existe, la tendance est à l'augmentation.

M. TELLIER: Je pourrais vous référer au fameux livre, un best-seller ces jours-ci, "Future Shock" de Alvin Tossler, il parle des "task forces" comme étant la façon de l'avenir auxquelles les gouvernements auront recours pour résoudre les problèmes de la société postindustrielle; il y a plusieurs pages là-dessus.

M. LEMIEUX: Nous, nous sommes convaincus qu'il y a une demande croissante de nos services. Il y a aussi une demande croissante d'une plus grande variété de services et cela se réalise dans les faits.

M. BOIVIN: Alors, on peut dire que l'institut se prépare à répondre à tous les besoins de la province, à toute la clientèle qui pourrait... Autrement on ira consulter à l'extérieur.

M. LEMIEUX: Si je peux faire une légère correction. La pratique de la consultation en administration est en expansion et nous espérons que l'institut pourra répondre à ce que vous dites.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Dans les autres provinces et aux Etats-Unis, est-ce que vous êtes reconnus comme corporation ou comme association?

M. LEMIEUX: Au Québec, je pense qu'on a les mêmes privilèges qu'en Ontario, c'est-à-dire comme institut. Aux Etats-Unis, je crois que l'organisme d'accréditation... Je ne sais pas s'il existe, mais il y a des pressions assez fortes pour qu'il en devienne un; il y a des efforts de fusion à l'intérieur des groupes de conseillers.

M. LAURIN: Je veux dire: Dans les autres

provinces, êtes-vous reconnus comme "licencing bodies" ou simplement comme une association professionnelle qui groupe des gens qui appartiennent à une discipline nouvelle?

M. LEMIEUX: C'est plutôt comme vous le décrivez, c'est une association qui regroupe des gens. Il n'y a pas de "licencing body" au Canada.

M. MINEAU: Le statut de l'institut de l'Ontario est exactement le même que le nôtre présentement.

M. TELLIER: II ne faut pas oublier une chose, c'est que ce que nous demandons — et c'est le fait de plusieurs professions — ce n'est pas une profession exclusive. Par conséquent, le "licencing body" devient quand même plus atténué à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: Une question du député de Montmorency.

M. VEZINA: Est-ce qu'il y a plusieurs individus ou personnes au Québec qui, actuellement, emploient le titre de conseiller en administration et ne font pas partie de votre institut?

M. LEMIEUX: Je peux simplement vous répondre par mon impression et c'est oui. Il y a des gens qui se présentent comme conseillers en administration qui ne sont pas membres de l'institut. Cela n'empêche pas qu'ils soient compétents. Il ne faut pas présumer qu'ils sont incompétents, mais ils ne sont pas membres de l'institut. J'imagine qu'il y en a quelques-uns, et ils le pratiquent à titre très restreint. Cela existe.

M. LE PRESIDENT: Merci, Me Tellier. M. VEZINA: Seulement une question. M. LE PRESIDENT: Une autre question? M. VEZINA: Additionnelle et subdivisée.

M. LE PRESIDENT: Subdivisée, la deuxième question.

M. VEZINA: Au début, vous avez dit que cela pouvait regrouper des avocats, des ingénieurs, des comptables, des psychologues, des médecins, etc. Vous n'avez pas l'impression que vous allez chapeauter un peu le code des professions avec...?

M. LEMIEUX: Non, nous ne le pensons pas. Si je peux donner ma vue limitée des choses, c'est que le médecin qui pratique à l'intérieur d'un cabinet-conseil va être en général — et j'ai un associé qui est médecin en Ontario — un médecin qui ne pratique pas la médecine. Alors, j'imagine que son appartenance à sa corporation est probablement, à ce moment-là, une nostalgie si vous voulez, attribuable du moins à l'intérêt qu'il y garde; mais il pratique comme administrateur, du moins comme conseiller en administration, auprès d'organismes de santé.

M. TELLIER: J'ai un associé qui est comptable agréé, il n'a pas le droit de se présenter comme tel, mais il est toujours membre et il exerce dans le domaine du droit corporatif. Cela lui est très utile et on voit de plus en plus des gens qui sont membres de deux ou même de trois corporations ou qui pourraient l'être. C'est la notion du multidisciplinarisme qui fait son chemin.

M. LE PRESIDENT: Une dernière question. Le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: M. Tellier, celui qui obtient un diplôme de l'université, comme en administration, est-ce qu'il peut devenir automatiquement membre de votre institut?

M. TELLIER: Pas nécessairement, à l'heure actuelle.

M. LEMIEUX: C'est-à-dire qu'il lui faut acquérir les années d'expérience nécessaires. Son diplôme d'une faculté d'administration le qualifie au plan scolaire, cela ne l'empêche pas de faire de la consultation en administration pendant trois ans, soit à titre personnel ou dans un cabinet. Après ces trois années, sur la base de ses états de services, il peut accéder à l'institut si, évidemment, il répond aux conditions d'admission. Je dirais qu'en général il va y répondre.

M. FORTIER: Mais est-ce que vous ne croyez pas que celui qui a obtenu un diplôme, avec toute la science qu'il a acquise, est plus qualifié que l'ingénieur, par exemple, qui va faire un peu d'administration, suivre des cours du soir et qui, après trois ans, va obtenir un diplôme de conseiller en administration?

M. LEMIEUX: II y a peut-être des exceptions qui vont démolir ce que je vais vous répondre...

UNE VOIX: Je dirais que non.

M. LEMIEUX: ... mais je pense qu'en sortant de l'université, la personne doit avoir une vue générale d'une organisation, doit être avant tout capable d'écouter une personne, doit être capable de percevoir les vrais éléments d'un problème.

Nous pensons qu'en plus des exigences scolaires c'est l'expérience qui fait cela. Ce que le type acquiert à l'université, c'est la capacité d'analyser, puis de synthétiser.

M. TELLIER: Cela a toujours existé. Je vais vous donner deux exemples où vous n'avez pas de curriculum scolaire pour donner ouverture à la pratique d'une profession. H y a quelques

années, vous aviez des urbanistes, mais il n'y avait nulle part aux universités d'endroit où vous pouviez suivre des cours d'urbaniste. Ce sont des choses qui se sont développées à partir, si vous voulez, d'ingénieurs, d'architectes, etc. Prenez par exemple les écologistes aujourd'hui. Cela ne fait pas longtemps qu'il y a des facultés d'écologie, mais c'est parti de disciplines diverses comme la chimie, la physique, la biologie, le génie également. Graduellement, un peu de chacune de ces disciplines-là se regroupent et forment une nouvelle profession et c'est ce qui est en train de se produire dans le domaine de la consultation d'administration. Cela, c'est nous et dans cinq ans vous aurez un autre groupe qui viendra vous dire: Nous sommes en voie de développement. Je pourrais vous citer le domaine de l'ophtalmologie, je dois revenir devant vous sur ça et je vais vous donner d'autres exemples à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: Merci, Me Tellier. Au nom de la Commission, je veux remercier la délégation, et les deux messieurs dont on n'a pas saisi les noms...

M.LEMIEUX: M. Claude Lemieux et Me Richard Mineau.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup.

M. TELLIER: On remercie la commission de son bon accueil.

M. LE PRESIDENT: L'Ecole des hautes études commerciales.

Ecole des hautes études commerciales

M. CHARBONNEAU: M. le Président, mon nom est Roger Charbonneau. Je suis directeur de l'Ecole des hautes études commerciales. J'ai avec moi M. Yves-Aubert Côté qui est le directeur de l'enseignement des sciences comptables de jour à l'école, M. Omer Croteau qui est un des professeurs du même service et M. Corbeil qui est le directeur de l'enseignement des sciences comptables aux adultes.

M. LE PRESIDENT: Merci.

M. CHARBONNEAU: Messieurs, le mémoire que nous avons présenté était déjà très court: dix pages. Je vais quand même tenter de le résumer davantage. Le mémoire est court parce qu'il porte uniquement sur des questions relatives à l'enseignement universitaire et postuniversitaire des sciences comptables, lequel enseignement débouche sur la carrière de comptable agréé. Le mémoire mentionne également les droits dont bénéficie l'école depuis longtemps, en matière d'examens.

Notre opposition est la suivante. Il s'agit avant tout pour nous de rendre service à la population étudiante qui se dirige vers la carrière de comptable, la profession de comptable. A ces fins, il y a deux points importants. Le premier, c'est la question des programmes universitaires avec tout ce que cela comporte, choix des professeurs, méthode, etc. Le deuxième, ce sont les relations avec la corporation professionnelle.

Quant au premier point, comme toutes les autres institutions universitaires, l'école est déjà régie par un système de loi qui se rapporte à l'enseignement supérieur. La position prise dans notre mémoire, c'est que nous ne voyons pas l'avantage de créer un système parallèle qui pourrait avoir des implications contradictoires par rapport à ce qui existe déjà dans les lois. Je ne citerai qu'un exemple. Comme toutes les institutions universitaires, nous dépendons pour la probation de nos programmes du comité conjoint de la direction générale de l'Enseignement supérieur et du Conseil des universités. Nous constatons qu'à l'article 169, particulièrement 169 e), nous tomberions également sous une autre allégeance au point de vue du programme.

Quant au deuxième point, les relations avec la profession, elles existent à l'école depuis 60 ans. Je peux dire qu'elles sont à la fois continues et intimes parce que, d'abord plusieurs de nos professeurs à temps plein ont une base double, une formation universitaire et également une formation dans la profession, et souvent de plusieurs années.

De plus, nos professeurs participent à toute une série de comités de la profession, soit au niveau canadien, soit au niveau québécois, nous siégeons dans les comités d'examens. De plus, nous avons à l'école un certain nombre de professeurs à temps partiel qui, eux, sont directement encore plongés dans la pratique.

Nous sommes donc en état de consultation permanente avec la profession et nous ne voyons évidemment aucune objection à ce que la profession soit consultée, particulièrement à l'occasion du lancement de nouveaux programmes, comme le prévoit le bill 250. Enfin, plus spécifiquement, après avoir rappelé que les droits de l'école, en matière d'enseignement, de programmes, de stages et de diplômes, remontent à 1914 et qu'ils ont été confirmés par la loi organique de l'école de 1957, notre mémoire note que les bills 250 et 264 transportent à la corporation une bonne partie de ce qui constituait jusqu'à maintenant notre juridiction actuelle. Je dis à la corporation, je devrais dire en fait, à l'Office des professions, à la corporation, et puisque c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide, au gouvernement. Plus spécifiquement, l'école perd le droit de constituer son propre jury d'examens, l'école n'a plus l'initiative en matière de programmes, et le stage devient la juridiction exclusive de la corporation.

En regard de ces trois points, nous sommes arrivés aux conclusions que vous trouvez à la page 10, que je vous rappelle très brièvement

encore. D'abord, nous suggérons que les facultés et écoles d'administration aient le contrôle explicite des programmes universitaires des deux cycles qui se rapportent à la carrière du comptable agréé; nous suggérons également que les programmes des cours d'appoint et de perfectionnement qui sont donnés après l'obtention des diplômes universitaires de premier cycle relèvent également des universités, facultés et écoles et qu'enfin soit maintenu le système actuel qui permet à l'école depuis longtemps de décerner un diplôme de deuxième cycle en sciences comptables, qui donne accès à la profession de comptable agréé.

Voilà, M. le Président, comment je résumerais notre mémoire.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le Solliciteur général a des questions?

M. POURNIER: Relativement à votre mémoire, vous représentez que, depuis de nombreuses années, vous avez le droit de faire exclusivement l'élaboration des programmes. Est-ce que vous ne croyez pas que nous sommes rendus à un point où une loi générale doit établir un système d'élaboration conjoint des programmes entre les différentes corporations professionnelles, de même que l'Office des professions et les universités ou l'Ecole des hautes études?

M. CHARBONNEAU: En fait, nous avons l'impression qu'il y a longtemps que nos programmes sont établis d'une façon conjointe. Si je comprends bien, vous suggérez que l'affaire soit faite d'une façon beaucoup plus juridique, je dirais, avec des cadres. Pour autant que les universités ne perdent pas certains privilèges qui leur appartiennent normalement, je pense aux programmes en particulier, je n'ai aucune objection à ce que ce soit situé dans un cadre.

Je vois maintenant aussi la possibilité de conflit puisque le cadre existe déjà d'une autre façon. Je ne pense pas que la loi résolve ce problème, il y aurait sûrement moyen de le faire, il y aurait moyen d'établir une seule méthode de juridiction. Je pense que pour autant qu'on préservera des privilèges qui me paraissent être une garantie vis-à-vis des étudiants, on ne peut pas avoir d'objection.

M. FOURNIER: C'est qu'en général, nous voulons mettre de l'ordre dans les professions et aussi, en même temps, de l'ordre ou un système qui évitera des conflits entre les universités et les corporations professionnelles. C'est la raison pour laquelle l'article 169 donne certains pouvoirs au lieutenant-gouverneur en conseil dans ce domaine, relativement à l'élaboration des programmes d'étude.

Mais ne croyez-vous pas que c'est mieux d'avoir une disposition exigeant ni plus ni moins la collaboration de la corporation professionnelle et des universités, les forçant à discu- ter ensemble d'un programme d'études, plutôt que de laisser aux personnes la liberté d'agir avec la conséquence qu'un diplôme est accordé par l'université et que la corporation professionnelle peut, par la suite, s'il n'y a pas de mécanisme d'entente, refuser l'admission de ces élèves?

Ne croyez vous pas que c'est un pas en avant que de trouver un mécanisme de collaboration relativement aux programmes d'étude?

M. CHARBONNEAU: Vous avez probablement raison en principe et d'une façon générale pour l'ensemble des corporations. Je suppose que je suis influencé par notre expérience personnelle qui a été bonne avec la corporation. Cela éclate moins pour nous. J'imagine que vous le faites d'une façon générale parce que vous avez de bonnes raisons de vouloir le faire. Dans l'article 169, je trouve quand même qu'il y a des obscurités. J'aurais aimé que l'initiative vienne des universités, même si vous forcez la consultation, comme elle vient dans le moment, quand nous faisons approuver nos programmes au comité conjoint dont je parlais tout à l'heure. Il paraît que c'est là que se développent habituellement les nouvelles idées pour les programmes. Cela serait assez naturel que l'initiative vienne de là.

M. FOURNIER: Croyez-vous que l'on devrait encore conserver une disposition telle qu'elle existe dans la Loi de l'enseignement spécialisé qui dit qu'automatiquement toute personne fait partie sans examen de l'Institut des comptables agréés du Québec? Est-ce que ce n'est pas, à ce moment-là, agir de façon trop unilatérale, de façon à forcer une corporation professionnelle à dire que, du moment qu'ils ont le diplôme, ils sont admis?

M. CHARBONNEAU: Si je comprends bien, vous faites allusion aux privilèges que l'école a de donner une licence en sciences comptables. Une licence en sciences comptables est autre chose que nos diplômes de baccalauréat, de licence ou de maîtrise. C'est une licence qui est obtenue à la suite d'un examen particulier, lequel examen est depuis deux ans le même qui se passe partout au Canada. Nous avons gardé ce privilège d'accepter ou de refuser l'examen et de demander des modifications. Cela devient ce privilège au fond. Ce que vous exprimez, c'est le privilège d'avoir un examen. C'est une mesure de sécurité dont nous ne nous sommes pas servis depuis une douzaine d'années, ce qui montre que nous ne voulons pas nous en servir à tout escient mais elle nous paraît quand même utile parce qu'il s'agit d'un examen global qui est donné. On peut penser à un moment donné qu'on peut avoir des idées différentes sur l'ensemble ou sur des parties de l'examen. Nous voulons nous réserver seulement le privilège de choisir et de bâtir nous-mêmes notre propre examen comme nous l'avons fait jusque vers 1958.

M. COTE: Si vous me permettez d'ajouter un mot, les relations entre l'école et la corporation professionnelle impliquée peuvent, à mon sens, se résumer en un mot, "concertation". Nous l'avons indiqué dans notre mémoire. Le directeur vient de la souligner. Les relations entre l'école et la corporation professionnelle ont toujours été harmonieuses. Inévitablement, cela a certainement contribué à marquer la perception que nous avons des relations entre un établissement d'enseignement supérieur et une corporation professionnelle.

En second lieu, en ce qui concerne le premier point que vous avez soulevé concernant les programmes, les mécanismes brièvement décrits par M. Charbonneau indiquent qu'il existe présentement une structure que le Conseil des universités est en train de roder assez rapidement et qui, dans une première phase, a porté et porte principalement présentement sur les nouveaux programmes. Déjà, nous pouvons entrevoir le moment où les programmes déjà actuellement en vigueur feront l'objet d'une évaluation et, par conséquent, pourront conduire le conseil des universités à faire des recommandations au ministère de l'Education à l'égard des enseignements dispensés dans les organismes d'enseignement supérieur.

Déjà donc, il y a une procédure où on ne prévoit pas — il faut l'avouer — actuellement un moyen organique et juridique qui oblige ces mécanismes à consulter la corporation professionnelle, mais rien ne s'oppose à ce que de tels mécanismes viennent se greffer sur la procédure actuelle.

Je dirais que la connaissance que les enseignants de l'école de comptables agréés ont des exigences de la profession résulte de ce phénomène de relations constantes qui amène les professeurs de l'école, aussi bien que des professeurs à temps partiel — certains d'entre eux en tout cas — que des professeurs à temps plein, à agir, à travailler à l'intérieur ' de comités de l'institut.

Nous avons, par exemple, présentement, un professeur à temps partiel qui, depuis déjà trois ans, siège au Bureau des examinateurs de l'Institut canadien des comptables agréés, non pas l'institut provincial, qui s'approvisionne à cet organisme pour la facture de l'examen qui reste malgré tout de juridiction provinciale, conformément aux dispositions de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Enfin, le dernier point, c'est la question de l'examen que vous avez soulevée. J'aimerais rappeler que le jury d'examens de la licence en sciences comptables est composé de sept personnes: du directeur de l'école, de trois professeurs et de trois membres désignés par la corporation professionnelle. En pratique, rappelons que les trois professeurs de l'école étaient des professeurs de sciences comptables, presque toujours, à ma connaissance, c'ont toujours été des professeurs de sciences comptables et, par surcroît, membres de l'Institut des comptables agréés.

Je pense que de tout cet ensemble se dégage, même si on n'a pas de prévision dans les textes de loi ou dans les mécanismes, une atmosphère, un climat et une perspective de concertation qui méritent, à mon sens, d'être soulignés, et qui ont prévenu, je crois, pour une bonne part, les problèmes que certaines autres professions ont pu avoir et qui ont causé certaines tragédies temporaires, du moins, à l'égard d'étudiants qui, ayant réussi l'examen d'université se voyaient fermer l'accès à l'examen de la corporation professionnelle.

M. FOURNIER: Relativement aux cours pratiques et aux stages, pourriez-vous me donner la raison pour laquelle vous voulez, tel que mentionné à la page 6: II nous apparaît que là où le stage est accompagné de cours, comme c'est ici le cas, le programme de ces cours devrait être sous la responsabilité de l'université. Il y a deux choses bien distinctes, je comprends que les hautes études peuvent accorder un diplôme en sciences comptables mais, à la suite de ce diplôme, si la corporation professionnelle décide qu'il y a besoin d'un stage, qui va donner l'expérience pratique aux futurs professionnels, pourquoi, à ce moment-là, la faculté ou l'université mettrait-elle un veto ou aurait-elle un contrôle sur ce stage ou ces programmes-là? C'est du domaine de la corporation professionnelle; c'est sorti de...

M. CHARBONNEAU: Je vais répondre à une première partie de votre question. Je vais laisser M. Côté répondre à la deuxième. Quant aux stages, nous ne prétendons pas y conserver nos droits; nous le laissons à la corporation professionnelle. C'était ambigu dans notre texte parce qu'on parle de deux choses dans un même paragraphe mais, vraiment, non.

Quant aux cours eux-mêmes, on pourrait peut-être demander au responsable des cours de nous donner son opinion.

M. COTE: Si vous me le permettez, au sujet de la question du stage, elle permet de mettre en lumière deux dimensions historiques: une â caractère rétrospectif et l'autre à caractère prospectif. Dans le passé, l'école a été amenée au cours de certaines périodes (je pense en particulier au cours de la décennie cinquante où les débouchés dans les cabinets d'experts-comptables étaient peu nombreux), la politique de la corporation professionnelle impliquée était d'exiger qu'un stage, pour être acceptable, devait être rempli et complété dans un cabinet d'experts-comptables.

Au cours de cette période, l'école a adopté une politique plus libérale, élargissant cette dimension, cette perception du stage qui l'a conduite à accepter, comme étant des équivalents, un stage à l'intérieur d'une entreprise privée ou d'organismes publics. A l'intérieur

d'entreprises privées, en particulier dans les services de vérification interne ou d'inspection, selon la désignation que l'on pouvait utiliser dans les entreprises impliquées, ou à l'intérieur également d'organismes gouvernementaux. A certaines époques, cela peut paraître discutable aux yeux de l'homme de 1972, l'école a même accepté, parce qu'il n'y avait pas de débouchés pour les diplômés dans ce secteur à ce moment-là, des stages à l'impôt sur le revenu, à l'impôt fédéral et également du côté de la taxe de vente provinciale, en nombre limité toutefois.

Il faut le reconnaître, ce sont des faits.

Donc, du point de vue historique, l'attitude de l'école a permis à un nombre sans doute limité de diplômés d'accéder à la profession comptable. Cela était d'autant moins périlleux que plusieurs comptables agréés — déjà la tendance commençait à se manifester — oeuvraient à l'intérieur d'une entreprise. L'un des députés, M. Cloutier, a mentionné tout à l'heure la fraction de 55 p.c. de comptables agréés qui actuellement n'exercent pas la profession. Il faut bien comprendre — et nous ne parlons que d'une association, celle des CA pour l'instant — qu'il s'agit là d'une évolution que l'on pouvait repérer il y a plusieurs années mais qui est un renversement de l'équilibre qui existait il y a une trentaine d'années, parce qu'il y a une trentaine d'années, c'était le contraire. C'était à peu près le quart ou le tiers des comptables agréés qui oeuvraient dans les entreprises alors qu'au-delà des deux tiers, des trois quarts étaient dans le secteur de la comptabilité, dans le secteur de l'expertise comptable.

Alors, dans cette perspective historique, l'attitude de l'école a donc permis à un nombre de ses diplômés d'accéder au titre de comptable agréé. Voilà pour l'aspect historique rétrospectif.

Quant à l'aspect prospectif, on sent bien qu'il y a une évolution derrière ce phénomène de la mutation en quelque sorte dans les fonctions que remplissent les comptables agréés. L'attitude de l'école, en tant qu'établissement d'enseignement supérieur, c'est de penser, à tort ou à raison, que, dans la société actuelle et peut-être dans celle qui s'annonce également, les maisons d'enseignement supérieur, les universités, seront appelées, si elles remplissent bien leur rôle, à être un élément moteur dans les transformations. C'est pourquoi, devant ce phénomène qui nous amène à constater qu'une majorité de comptables agréés n'exerce pas la profession, on se dit: Est-ce qu'on ne doit pas garder une porte ouverte susceptible de rendre possibles des stages ailleurs que dans des cabinets d'experts-comptables? Ce qui permet, dans une vision d'avenir, sans doute, peut-être de se poser la question: Est-ce qu'à l'intérieur de la corporation, on ne sera pas conduit à une spécialisation des fonctions, et ainsi, est-ce qu'on ne sera pas appelé à envisager que, par exemple, pour l'exercice de la profession à titre d'expert-comptable offrant ses services au public, il faille obtenir un certificat à l'intérieur même de la profession? Voilà autant d'éléments qui comportent un caractère d'incertitude comme dans toutes les périodes de mutation comme celle que nous traversons actuellement, et c'est pourquoi il nous paraissait intéressant de faire ressortir ce phénomène dans notre mémoire.

M. LE PRESIDENT : Un de vos anciens maintenant, le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, vous m'avez ouvert une porte pour être déclaré hors d'ordre. Je voudrais d'abord saluer d'une façon particulière mon alma mater et lui dire qu'elle vient d'ajouter un témoignage de poids devant cette commission, un témoignage dont le législateur tiendra compte dans toute la mesure du possible, tout en essayant de mettre au bon endroit la ligne de démarcation entre les responsabilités que, à venir jusqu'à présent, ont assumées non seulement l'Ecole des hautes études commerciales mais aussi les universités Laval et McGill. Ce sont les trois universités que, dans ce domaine, l'article 20 de l'enseignement spécialisé couvrait.

On vient de faire devant la commission des remarques qui sont, à mon sens, extrêmement pertinentes. Les travaux de la commission ont depuis jeudi dernier particulièrement mis en lumière la nécessité aussi de la prospection dont on vient de parler, non seulement ce que les corporations professionnelles et les universités ont vécu à venir jusqu'à présent, mais ce qui se dessine et ce qui se dégage pour l'avenir. L'Ecole des hautes études commerciales, par la voix de son directeur et de ses porte-parole, vient de noter le désir d'émancipation de la corporation professionnelle en ce qui concerne l'examen, le stage. Vous avez parlé de prospection, de regarder, d'examiner, de réfléchir sur l'orientation que pourraient prendre les corporations dans certains secteurs particuliers. Au début de votre mémoire, vous faites allusion particulièrement au projet de loi 250, et au projet de loi 264, le code des professions et la Loi des comptables agréés. Je ne veux pas vous faire de grief à ce moment-ci, mais cette remarque me porterait à interpréter que vous faites ressortir davantage la formation comptable que donne l'Ecole des hautes études commerciales.

Je voudrais que vous expliquiez devant cette commission qu'il y a un autre aspect aussi, un autre élément de formation que vous donnez, c'est la formation vers les affaires, la carrière des affaires, et que, si vous ne l'avez pas mentionné ici, c'est qu'il n'y a pas de projet de loi spécifique au même titre que le projet de loi no 264 qui concerne la section des affaires, Or, dans les universités comme la faculté de commerce de Laval, l'Ecole des hautes études et les autres universités, vous avez deux éléments importants de formation, deux sections importantes, une pour la section comptable et une

aussi pour la section des affaires. Cette section, on le voit par les organismes qui sont venus devant la commission, les administrateurs agréés, ce matin, les conseillers en administration, prend aussi une nouvelle dimension. Quant à la spécialisation dont vous avez parlé pour les comptables, on en parlera tantôt aussi pour les administrateurs.

Je voudrais que vous me disiez que, si vous n'avez pas parlé au début de ce mémoire de la section des affaires, tout de même, à l'Ecole des hautes études commerciales, comme dans les autres facultés universitaires, la dimension de l'administration et de la formation des administrateurs, c'est important. Je voudrais que vous nous le disiez devant la commission.

M. CHARBONNEAU: Je ne peux pas être plus d'accord avec vous évidemment. En communauté d'ailleurs avec les autres institutions du même genre dans la province, il est exact que nous essayons de plus en plus d'étendre l'éventail de la formation que nous donnons. Nous avons deux niveaux d'enseignement, et un de ces jours trois, je pense au doctorat, un baccalauréat de trois ans où, à la fin, il y a en troisième année huit concentrations différentes dont trois se rattachent aux sciences comptables: comptabilité publique...

M. COTE: Comptabilité gouvernementale et institutionnelle qu'on doit, hélas! désigner comme telle à cause de l'expression "comptabilité publique" qui est déjà employée comme on l'a souligné dans un autre mémoire, qui est déjà utilisée dans un sens très précis, celui de l'expertise comptable, et enfin le cadre du contrôle, qui correspond à la comptabilité de gestion donc ce nouveau type de comptabilité que le milieu américain appelle le "management accounting".

M. CHARBONNEAU: L'objectif au baccalauréat est de former des gens qui ont un début de spécialisation comme porte d'entrée dans le monde des affaires et les deux premières années étant générales, la base est large. La base reste toujours celle que vous avez connue: sciences économiques, sciences mathémathiques, sciences humaines, en première année et pour la plus grande partie de la deuxième année. Ensuite, évidemment, une certaine spécialisation. Les gens s'orientent généralement vers des postes fonctionnels à l'intérieur surtout de la grande entreprise, au baccalauréat, Par contre, en maîtrise, il y a également une certaine forme de concentration, une première année très large également dont le programme est identique pour tout le monde, une concentration en deuxième année mais moins marquée qu'au baccalauréat parce que nous considérons que l'étudiant qui obtiendra son diplôme de maîtrise doit être plutôt un généraliste qu'un spécialiste. Il ne faut pas oublier que les gens qui nous arrivent en maîtrise pour la plus grande partie ont un premier cycle universitaire: droit, génie, sciences, etc., et qu'ils ont à part cela travaillé. La moyenne d'âge en première année est maintenant de 27 ans. Cela vous donne une idée de la maturité des individus. On ne pense pas à ajouter d'autres spécialisations par la suite mais plutôt à leur donner une carrière généraliste. C'est ce que nous visons à faire au point de vue des sciences administratives et nous préparons des gens pour la grande, la moyenne et, en maîtrise, la moyenne et la petite entreprises. Nous avons une option spéciale parce que nous pensons qu'il y a un besoin énorme dans la province de Québec de ce côté-là. Je dois dire que malheureusement, à notre déception, les entreprises ne répondent pas toujours aux besoins, pour des raisons qu'il serait trop long de donner ici et que nous avons encore comme clientèle beaucoup de grandes entreprises.

M. COTE: Selon des chiffres qui viennent d'être rendus publics ces jours derniers, nous avons au-delà de 400 étudiants au premier cycle où se situent la majorité de nos effectifs étudiants du jour et, sur ces quelque 400 étudiants, au-delà de 60 p.c. ont choisi l'une ou l'autre des concentrations autres que la comptabilité, ces concentrations que vous appeliez le secteur des affaires qui, depuis quelques années, a éclaté comme on vient de le souligner devant un grand nombre d'autres concentrations.

M. CHARBONNEAU: Cette année, nous avons, en fait, 325 finissants au baccalauréat, par rapport à 220 l'an dernier; et en maîtrise, 65 par rapport à 24. Vous savez que nous avons transformé nos programmes. Nous étions dans une année creuse l'an dernier, mais là...

M. CLOUTIER (Montmagny): De votre poste d'observation, vous formez des jeunes qui se destinent à ces carrières, c'est un poste d'observation idéal, si vous voulez. Vous avez commencé à élaborer tantôt, M. Côté, les différentes possibilités d'orientation des professions. A la lumière des témoignages qui ont été apportés devant la commission, croyez-vous qu'il serait préférable, dès maintenant, de songer à l'installation d'un mécanisme — soit dans le projet de loi 250 ou à l'extérieur du projet de loi — qui se pencherait sur ce problème de regroupement de différentes professions? Le problème a surtout été évident, ici, devant la commission, au moment où les CA sont venus, jeudi dernier, avec les CGA et les RIA. Il y a la Corporation des administrateurs agréés, il y a les APA, les conseillers en administration, enfin vous avez toutes les professions, mais étant donné que vous désirez continuer, au plan de l'université, d'assumer une grande responsabilité et je pense que c'est votre rôle — vous ne refusez pas de le jouer, vous le demandez, à la fin de votre mémoire, en conclusion, vous voulez assumer vos responsabilités — est-ce que vous voyez parfaitement que la loi pourrait prévoir un tel

mécanisme qui verrait à discuter de ces orientations, de ces professions, du regroupement possible, tenant compte de l'évolution qui se fait très rapidement? Je comprends qu'on ne peut pas tout prévoir, mais déjà on peut percevoir quelles vont être les tendances et les orientations. Est-ce que vous verriez l'institution d'un tel mécanisme et pourriez-vous réfléchir à la forme, aux modalités que pourrait revêtir un tel mécanisme?

M. CHARBONNEAU: Avant de vous donner la réponse à une question aussi vaste, j'aurais besoin de réfléchir, mais ce que je peux vous en dire va être bref et personnel.

Dans le cas de la carrière d'administrateur, je parle au sens large du mot, il y a une telle variété d'aspects, de facettes, même de sous-professions que je vois difficilement un regroupement. Cela me paraît tellement complexe, tellement varié, que je ne vois pas comment, par une loi, par exemple, on pourrait faciliter le regroupement. Jy parle du côté de l'administration. Je pense qu'on peut laisser ces choses aller comme elles vont de ce côté-là. Je pense que les universités ont cependant des responsabilités graves d'avoir des relations suivies avec le monde des affaires, le monde de l'administration publique et parapublique. Nous essayons de développer cela, le plus possible, les étudiants le font d'eux-mêmes, il manque encore quand même un certain nombre de points, de passerelles et cela n'est pas toujours, non plus, la faute des universités. Le monde des affaires, lui-même, s'est éveillé assez lentement, ici, à l'intérêt qui s'est présenté pour lui de la part des diplômés en administration, mais là, cela vient. Alors, je pense que cela va se multiplier de soi, je ne vois pas encore la nécessité d'un organisme.

M. BOIVIN: Quels sont les diplômes que vous décernez actuellement? C'est un baccalauréat et une licence.

M. CHARBONNEAU: Une maîtrise maintenant.

M. BOIVIN: Une maîtrise, maintenant...

M. CHARBONNEAU: Depuis l'avènement des CEGEP.

M. BOIVIN: Maintenant, il y a plusieurs corporations professionnelles qui s'organisent à partir de votre enseignement, il y a les conseillers en administration, il y a les CA. Vous ne représentez pas seulement les CA dans le monde de l'enseignement, vous préparez des élèves à la licence et à la maîtrise.

M. CHARBONNEAU: Oui.

M. BOIVIN: Maintenant, vous dites que vous consultez la corporation. Mais quelle corpora- tion? Parce qu'il y a plusieurs corporations professionnelles qui s'organisent à la suite de votre enseignement. C'est cela. En un mot, vous réglez votre problème mais vous ne réglez pas le nôtre. Dans le monde comptable on a à voir, à jeter un regard sur tout le monde comptable et on voudrait bien avoir l'aide de ceux qui forment ces étudiants-là. Alors, vous ne refusez pas mais vous dites... Vous avez parlé de relations avec les étudiants, vous avez parlé de relations avec la corporation professionnelle, mais je voudrais savoir quelle corporation. Vous êtes bien au courant qu'il y a des corporations professionnelles différentes qui s'organisent en bas de cela, mais quelle aide pouvez-vous apporter? Vous n'avez pas parlé de relations des universités entre elles et des écoles entre elles.

Il me semble que ça appartiendrait plus à ceux qui les forment de donner un coup de main, par exemple, à l'Etat que l'Etat lui-même pour mettre de l'ordre dans tout ce monde comptable compliqué.

M. CHARBONNEAU: D'abord, je distinguerais dans ma réponse. Ce matin je m'attendais à être particulièrement questionné sur les relations avec la Corporation des comptables agréés parce que cela avait été l'objet de notre mémoire. Première distinction, si vous parlez du monde des affaires en général, je ne conçois pas les relations de l'école avec des corporations mais vraiment avec le monde des affaires, ce qui est beaucoup plus vaste. Parce que dans le monde des affaires tout de même, les corporations qui existent, il n'y en a pas beaucoup. Vous en avez entendu deux qui représentent une fraction importante par leurs activités mais extrêmement limitées par rapport à nos besoins de relations, une fraction bien limitée du monde des affaires. Pour nous, le monde des affaires c'est, comme je le disais, l'entreprise publique ou semi-publique. Et je dois dire, dans les circonstances, par la force des choses également, que même si notre maîtrise est en administration des affaires, nous avons des contacts avec les gouvernements, clairement, avec toute l'administration publique et nous avons plusieurs de nos diplômés qui s'y trouvent.

De ce côté-là, dans mon esprit, corporation, ça devient secondaire par rapport à notre objectif global. Si on parle maintenant, deuxième point, des sciences comptables, évidemment notre interlocuteur a été particulièrement l'Institut des comptables agréés qui deviendrait une corporation. Au niveau de notre enseignement pour adultes, nous avons eu des relations avec d'autres groupes comptables, RIA, CGA. Le jour, pour le moment, encore une fois, nos relations étaient avec l'institut des CA.

M. VEZINA: Le soir.

M. CHARBONNEAU: De jour non. Le soir beaucoup.

M. COTE: J'aimerais préciser...

M. CHARBONNEAU: Nous avons des centaines d'étudiants inscrits aux programmes RIA et CGA le soir.

M. COTE: J'aimerais préciser que rien ne s'oppose à ce qu'un diplômé du jour se présente en vue d'obtenir le diplôme de CGA. Si, dans le passé, la grande majorité de nos étudiants ne se sont pas orientés, c'est peut-être à cause de cette sorte d'ambivalence que l'on trouve attachée à la corporation de l'Institut des comptables agréés, qui lui permet, non seulement d'oeuvrer à l'intérieur de l'entreprise, mais aussi, et surtout, d'offrir ses services à titre d'expert-comptable dans une situation d'indépendance. Je pense qu'on peut expliquer sans doute par ce phénomène d'ambivalence et la possibilité alors pour l'étudiant de jouer sûr sur deux plans, cette propension qu'ont eue nos candidats à s'orienter davantage du côté de l'examen de l'institut des CA. Parce que nous avons prévu, il y a déjà une quinzaine d'années, des aménagements qui permettaient à nos diplômés des cours du jour d'accéder aussi bien au CGA qu'au RIA. Quant aux cours du soir, c'est certainement là où l'école a manifesté une collaboration beaucoup plus nette, beaucoup plus articulée, parce qu'un grand nombre d'étudiants se sont orientés et s'orientent encore vers l'examen conduisant au diplôme de CGA et davantage, depuis quelques années, je crois — M. Corbeil me corrigera — pour ce qui concerne les RIA.

M. CROTEAU: Je pense qu'il faut préciser aussi que, si la nature des relations est différente avec l'institut des CA qu'elle ne l'est avec l'institut des RIA et des CGA, cela dépend non seulement de l'école mais cela dépend partiellement des exigences de ces instituts-là. Ce que je veux dire ici, c'est que l'institut des CA est, actuellement, le seul institut -professionnel en comptabilité qui exige un diplôme universitaire, comme une exigence essentielle pour entrer dans la profession. C'est ce qui explique que les relations, au niveau de l'enseignement le jour, soient beaucoup plus étroites avec l'institut des CA parce que c'est le seul qui exige un diplôme universitaire. Les autres associations n'exigeant pas de diplôme universitaire, les relations se font surtout par l'intermédiaire des cours du soir. Je pense que de ce côté, M. Corbeil pourra ajouter un commentaire mais les relations sont aussi fréquentes et aussi harmonieuses entre l'équipe des cours du soir et RIA, CGA que les relations ne le sont avec les professeurs du jour, l'équipe du jour, avec les CA. Ce qui n'empêche pas que même les cours du soir aient autant de relations que nous avec les CA aussi.

M. BOIVIN: Vous allez perdre des prérogatives, vous nous avez dit tout à l'heure que vous alliez perdre des prérogatives dans la program- mation de votre cours d'étude. Vous allez avoir des commandes des corporations professionnelles. Vous allez avoir une commande des CA, vous allez avoir une commande des CGA, des APA, des RIA, comment allez-vous vous organiser là-dedans? Allez-vous continuer le baccalauréat et la maîtrise sans vous préoccuper des commandes qui vont vous venir de chacune des corporations professionnelles?

Est-ce que c'est la crainte que vous avez de garder cette prérogative-là? De ne pas recevoir des commandes de toutes ces corporations professionnelles?

M. CHARBONNEAU: Je dirais que oui, il y a une crainte. Le passé me montre que nous nous sommes bien entendus mais disons que, quand même, dans le passé, nous avons eu beaucoup d'initiative. Ce que nous ne voulons pas perdre, c'est le droit à l'initiative. Cela a bien marché parce que nous étions en contact continuel et que nous nous entendions bien avec les corporations. Il faut toujours prévoir aussi le cas où ce ne serait pas ça.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je retiens une information importante à la page 9 de votre mémoire, au bas de la page. Je cite: "II n'est pas interdit de penser que le maintien du régime actuel peut se révéler un excellent moyen de faire obstacle à tout effort qui tendrait à centraliser au plan national les décisions relatives à l'élaboration des programmes et à la préparation des questionnaires d'examens." Nous avons questionné l'institut des CA lorsqu'ils sont venus devant nous et ils nous ont affirmé que la représentation du Québec au niveau de l'institut, la préparation des questionnaires d'examens était une garantie que l'examen répondait aux besoins et aux aspirations du Québec. Avec ce que vous représentez ici, avec l'observation que vous faites, est-ce que vous la faites en ce sens qu'il peut y avoir un danger de ce côté-là, à long terme ou au moment où vous ne prévoyez pas qu'il peut avoir un déséquilibre?

M. CHARBONNEAU: Je pense que je laisserai la parole ensuite aux autres qui ont participé aux jurys d'examens encore davantage que moi, je pourrais dire qu'il n'y a pas de signe, c'est en train de changer et qu'il y a un danger qui approche de nous. Il n'y a pas de signe dans ce sens-là. Dans le passé, nos relations ont été bonnes, notre jury était composé de praticiens et de professeurs de l'école, nous examinions l'examen ensemble, nous avons fait des représentations à l'institut national à un certain moment, et nous avons obtenu satisfaction également.

Cela a bien marché, il n'y a pas de signes dans le ciel qui me dit que ça ne marchera pas,

mais, peut-être que je suis prudent par nature, je sais que, s'il y avait un problème, j'ai le moyen de le régler. Si je perds ce droit, je n'ai plus ce moyen de le régler.

M. CROTEAU: Même s'il n'y a pas de signes actuellement, il reste quand même qu'il y a une publication de l'institut canadien qui s'appelle "Horizon 2000" et qui a été faite à la suite d'une étude pour évaluer les besoins futurs en comptabilité". C'est donc une publication de l'institut canadien et il est mentionné dans ça qu'il serait souhaitable à long terme que la responsabilité des examens relève de l'institut canadien.

Vous avez eu la semaine dernière la position de l'institut du Québec, mais il y a quand même à côté de ça cette déclaration qu'on retrouve dans une publication de l'institut canadien et il y a aussi, je pense, à noter certains efforts, peut-être pas au niveau de l'examen, mais quand même certains efforts de centralisation qu'on a connus depuis quelques années de la part de l'institut canadien.

Une autre chose que j'aimerais mentionner, c'est qu'il faut toujours faire la distinction entre baccalauréat et maîtrise. Le privilège qui est accordé par l'article 20 de la Loi de l'enseignement spécialisé se situe au niveau d'une licence, donc d'un diplôme de deuxième cycle, et je pense que ça aussi, c'est important.

Tout à l'heure, on se demandait comment passer par les instituts. Actuellement au baccalauréat, de la façon que ça fonctionne, les programmes d'enseignement sont préparés uniquement par l'université et à côté de ça, l'institut a préparé son programme.

Ce qu'on fait, c'est qu'après avoir complété les cours universitaires et après avoir complété le baccalauréat, on ajoute des cours d'appoint qui sont préparés par l'école, mais qui cherchent à compléter et à satisfaire l'institut ou la corporation professionnelle dans ce qu'ils définissent comme le bagage des connaissances. Ce qui nous permet de transporter aux cours d'été des sujets qui ne nous apparaissent peut-être pas tellement universitaires, de sorte que le cours dans lequel il y a ce que M. Charbonneau indiquait tout à l'heure, la base la plus générale... Et en comptabilité, on cherche à limiter les programmes d'enseignement aux sujets que l'on juge universitaires, les autres étant laissés dans les cours d'appoint qui sont de nature plus professionnelle, mais qui ne font pas partie d'un programme de cours conduisant à un diplôme.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelles sont les raisons historiques pour lesquelles en 1958, l'Ecole des hautes études a abandonné la préparation de son propre examen de CA et a confié ce soin à l'institut?

M. CHARBONNEAU : Depuis plusieurs années, nous observions la tendance des examens et la difficulté. Nous nous sommes rendu compte que l'examen national nous convenait. Cela faisait disparaître un problème sérieux. Les gens disaient toujours: "Celui-là, il a passé ses examens à l'Ecole des hautes études. Ce n'est pas un véritable CA. C'est plus facile là, par rapport à l'examen national." Nous étions convaincus du contraire. La preuve nous a été apportée par la suite, parce que vous savez que nous nous classons remarquablement bien en rapport à l'ensemble du Canada dans nos examens.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Caron a donné des statistiques à la commission la semaine dernière, à savoir combien de fois les étudiants du Québec, et en particulier ceux des hautes études, se sont classés premiers à l'examen du CA. Je crois que les résultats étaient assez intéressants.

M. CHARBONNEAU: Et les moyennes aussi. L'école a eu, je crois, six ou sept fois le premier, dans les onze ou douze dernières années ou quelque chose du genre. De toute façon, la preuve a été faite et nous avons trouvé que c'était bon pour rasséréner les gens et surtout, nous n'avions pas d'objection parce que nous trouvions que les examens étaient rendus au même niveau. Nous nous demandions même si nous n'avions pas péché par sévérité dans le passé, jusqu'à un certain point. Vous savez ce que c'est, nous sommes sévères pour nos enfants parfois plus que pour les enfants des autres.

M. COTE: Je sais que M. Cloutier est familier avec les questions de l'école. Je pense peut-être davantage aux autres membres de la commission qui n'ont pas eu l'occasion de se familiariser avec cela. Je pense qu'il est bon de souligner que nous faisons un emprunt de l'examen de l'institut en quelque sorte, c'est-à-dire qu'à chaque année le jury dont on a invoqué tout à l'heure la composition, composé de sept membres, examine d'un oeil critique l'examen uniforme préparé par l'institut canadien et transmis aux provinces. Si l'école jugeait d'aventure, à un moment donné, que l'examen d'une année ne convenait pas et si les compromis auxquels l'école serait appelée à adhérer lui paraissaient trop marqués, l'école pourrait dire: Très bien, cette année nous abandonnons l'examen uniforme et nous bâtissons nous-mêmes notre propre examen. Nous n'avons jamais abandonné le droit. Nous n'en avons même pas suspendu l'exercice, puisque le jury est constitué à chaque année. Nous demandons tout simplement chaque année: Est-ce qu'au lieu de bâtir un examen particulier, il n'est pas possible d'utiliser l'examen uniforme? C'est l'esprit dans lequel fonctionnent les structures actuelles.

M. CHARBONNEAU: Si vous le permettez, seulement un petit mot. Je ne voudrais pas

avoir l'air de faire un plaidoyer pro domo, parce que je dois dire que Laval et nous, nous nous classons bien au rang des étudiants, au nombre d'étudiants qui passent; ce n'est pas propre à l'Ecole des hautes études. La faculté a également un excellent record de ce côté-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est ce que d'autres membres de la commission auraient pu dire ou d'autres députés, à un autre moment, parce qu'il y a aussi des diplômés de la faculté de commerce.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Relativement à votre désir de vouloir conserver la licence et en faisant un parallèle avec l'Ecole polytechnique qui décerne un baccalauréat et non la licence d'ingénieur qui est réservée à la corporation, j'aurais une double question à vous poser. Est-ce que, par le bill 264 qui confie à la corporation des comptables agréés la responsabilité envers le public, en voulant maintenir ce désir d'accorder la licence, vous ne diminuez pas la responsabilité de l'institut envers le public? Une deuxième question en annexe. Est-ce que la corporation à cause de la multiplicité des différentes facultés — il n'y a pas seulement des HEC, mais il y a d'autres universités qui ont des facultés de sciences comptables — n'est pas mieux placée devant les différentes universités qu'une seule école pour statuer sur la compétence des membres?

M. COTE: Oui, pour la première question que vous soulevez: Quel est le meilleur moyen de servir l'intérêt public? Je pense que c'est en tentant de repérer où se trouvent des champs de compétence. En matière d'enseignement, puisque nous ne parlons pas ici — et l'école n'a aucune prétention — de ce qui touche la surveillance de l'exercice de la profession, notre mémoire ne porte que sur les conditions d'accès à la profession.

Or, en matière de connaissances à déterminer, nous avons déjà — j'y reviens — des mécanismes qui sont prévus par le truchement du Conseil des universités. Ce qui me semble être important, ce serait de déterminer un mode d'insertion de la corporation.

M. PERREAULT: Oui, mais est-ce que le bill 264 ne confie pas à la corporation elle-même et non aux hautes études commerciales la responsabilité de la profession envers le public?

M. COTE: Oui, le bill 264 englobe les deux aspects, je suis d'accord avec vous. Ce que nous contestons, c'est le premier aspect, l'accès à la profession.

M. PERREAULT: Cela existe, la corporation des ingénieurs est libre de reconnaître le diplô- me de polytechnique ou des autres universités; c'est elle qui juge si les diplômes peuvent être admis ou non. A ce moment-là, les universités doivent changer leur programme pour répondre aux demandes de la Corporation des ingénieurs du Québec.

Une autre question que je veux vous poser est celle-ci: Vous avez parlé de concertation, au point de vue du programme d'études, ne croyez-vous pas que par le passé — et vous avez mentionné tout à l'heure que vous préparez un programme HEC uniquement et que pour un autre programme préparé par les CA, vous avez des cours d'appoint — justement ce "feed-back" de la profession a fait grandement défaut pratiquement au sein de toutes les corporations professionnelles, aux universités?

M. COTE: Je n'ai pas très bien compris.

M. PERREAULT: Dans le passé, ne croyez-vous pas qu'on n'a pas assez tenu compte du "feed-back" des corporations professionnelles vers les universités pour les programmes d'études?

M. COTE: Vous m'invitez à porter un jugement global sur les relations entre les corporations professionnelles et l'université. Je ne peux pas engager l'école; tout ce que je peux vous dire, c'est une opinion personnelle. Et mon sentiment personnel est que, dans certains secteurs, cela a bien fonctionné et, dans d'autres, cela a éclaté. Il y a eu des éclatements et ça n'a pas fonctionné parfaitement. A partir de telles expériences qui se font malheureusement sur le dos des étudiants, des candidats, que l'Etat veuille aménager des mécanismes qui vont permettre d'éviter de telles choses, c'est une réaction tout à fait normale. Hélas, en ce qui nous concerne, notre expérience est tout autre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, depuis quelques jours nous avons vécu la confusion dans le domaine de la comptabilité. Je pense que les responsables des hautes études commerciales — je ne dis pas qu'ils ont eu des responsabilités là-dedans — sont mieux placés que nous pour comprendre ce qui s'est passé dans ce vaste secteur pour arriver à autant de confusion au niveau des corporations, au niveau des secteurs de professions ou des choses semblables.

Deuxièmement, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'assister à un regroupement de ce secteur, comme on l'a vécu ou comme on le vit actuellement dans le domaine de la médecine ou dans d'autres secteurs professionnels? Quelles seraient les modalités de ce regroupement et est-ce que la population ne serait pas mieux favorisée ou mieux protégée par une seule corporation de ce secteur?

Je voudrais vous poser la question directement pour avoir une réponse, également, directe. Je ne vous demande pas d'engager l'Ecole des hautes études commerciales mais l'expérience que vous avez eue de ce monde, de son histoire, vous permet de répondre à cette question. Quelles seraient les étapes également qui pourraient être suivies par les organismes pour arriver à quelque chose de plus clair, avec moins de confusion et, à la limite, à une meilleure protection de la population devant toute cette question du commmerce?

M. CHARBONNEAU: Vous l'avez bien dit, monsieur, il ne peut pas s'agir d'une opinion de l'école. Alors j'inviterais mes collègues également, s'ils le veulent bien, à donner leur opinion personnelle. Quant à moi, je peux répondre à votre première question: la confusion est sûrement née du fait que, jusqu'en 1946, la profession n'était pas fermée. Par conséquent, on avait une grande variété de préparations, de talents, des organisations parallèles, dont plusieurs avaient de la valeur mais, enfin, il y avait plusieurs organisations.

En 1946, on a fait un premier effort, on a fermé la profession. On a cependant voulu protéger également certains privilèges acquis à ce moment-là et on a permis à d'autres groupes de se perpétuer, mais avec des fins assez limitées. Aujourd'hui, c'est encore la même chose. Je me demande si la confusion est vraiment telle Parce que, si vous regardez ce que fait chacun des groupements, des organismes, c'est tout de même assez précis. On les limite ou on ne les limite pas. Les CA ne sont pas limités, les autres sont limités à certains types d'activité et surtout dans les relations avec leur public, la façon dont ils peuvent annoncer leur activité, etc. La confusion n'est peut-être pas aussi grande qu'elle apparaît. Elle m'apparaît surtout comme une variété plutôt qu'une confusion. C'est la réponse à votre première question. Je ne sais pas si vous voudriez ajouter à cette...

M. COTE: Cette confusion venait peut-être également du fait que, dans les autres provinces, on ne retrouve pas la notion de corporation fermée en matière de comptabilité publique. C'est pourquoi, dans certaines autres provinces, les CGA peuvent poser des actes qui rejoignent des gestes qui sont au Québec de la juridiction exclusive de l'Institut des comptables agréés. C'est peut-être là un élément qui peut influer sur les comportements. Il reste malgré tout, que pour la personne qui est plus près de ces choses, quand on regarde les textes de loi, il s'agit de l'expertise comptable qui est en cause et l'expertise comptable n'inclut pas la tenue des livres; c'est à partir d'un comportement pratique lié à cette question de la tenue des livres qui n'est pas exclusivement de juridiction de l'Institut des comptables agréés que peuvent, dans le concret, surgir des problèmes. A l'égard d'un regroupement, je pense qu'il y a une question préalable à se poser: Quel est le type de formation que ces trois organisations exigent? Mon collègue, M. Croteau, a fait allusion tout à l'heure à un point qui me paraît extrêmement sérieux et capital, ce sont les diplômes exigés à l'entrée. L'institut des CA exige un diplôme universitaire depuis le 1er janvier 1970 alors que, présentement, force nous est de constater que ni les CGA, ni les RIA n'exigent un tel diplôme puisqu'ils acceptent un diplôme d'études collégiales.

Deuxièmement, il faut se demander de quoi sont faits le menu d'un étudiant qui s'oriente vers le diplôme de comptable agréé, celui de l'étudiant qui s'oriente vers le diplôme de CGA et celui de l'étudiant qui s'oriente vers le diplôme des RIA. On peut constater des nuances, des différences d'accent. Les CGA ont tendance à mettre l'accent sur l'aspect de la gestion, sauf erreur. Les RIA sont nés d'un souci de développer une tranche particulière de la comptabilité, l'établissement des prix de revient. Les CA, de leur côté, ont cherché, du moins selon la perception que j'en ai, à développer un type de cours qui permettait de rejoindre cette situation d'ambivalence évoquée antérieurement et propre à habiliter le détenteur d'un tel diplôme à oeuvrer aussi bien dans le champ de l'expertise comptable que dans le domaine de la gestion des entreprises. Si vous permettez ici, je grefferais une réflexion à la réflexion de M. Croteau, tout à l'heure, sur le type de formation que nous cherchions à donner à nos étudiants. Il a bien insisté sur le fait que nous avons des cours d'appoint au-delà du premier cycle. Pourquoi? C'est précisément parce que nous désirons qu'à l'intérieur du premier cycle universitaire, pour ceux qui s'orientent vers le domaine de la comptabilité, il y ait de la place, il y ait de l'espace pour des cours qui ne portent pas exclusivement sur les disciplines comptables.

Comme le rappelait le directeur, nous croyons qu'en plus des disciplines fondamentales, des cours de base en économie, en mathématiques, en sciences humaines, en sciences comptables, on doit avoir des cours dits de fonction qui viennent s'y greffer et donner une formation en gestion qui n'est pas limitative, qui n'est pas orientée uniquement vers un seul domaine à l'exclusion de tous les autres. On a mentionné un peu plus tôt ce matin la nécessité d'avoir des relations interdisciplinaires, il nous apparaît important que le futur spécialiste de la comptabilité soit capable de comprendre le langage des autres. Il n'y parviendra, à notre avis, que dans la mesure où il sera mis en contact, où il subira les influences des disciplines appelées à cohabiter au sein de l'acte de gestion.

M. CHARBONNEAU: Je voudrais résumer ma pensée là-dessus, ce serait ceci, M. Masse. Le jour où vous aurez le même esprit qui présidera

à la formation des gens qui s'en vont vers différentes associations, vous n'aurez plus besoin d'avoir des associations différentes.C'est le point de départ. Aussi longtemps qu'on verra la nécessité pour certaines personnes d'avoir une formation différente, ce sera normal qu'on ait des associations différentes. Cela ne servirait à rien d'essayer d'avoir un seul chapeau à ce moment-là.

M. MASSE (Montcalm): Je vais reposer ma question, la deuxième partie disons, autrement. Nous, les législateurs, croyez-vous que notre intérêt soit d'amener une seule corporation? On peut prendre l'exemple du collège des médecins, quitte, à l'intérieur, à ce qu'il y ait des spécialisations comme il y a des psychiatres, des chirurgiens, enfin différentes spécialités dans le domaine de la médecine. Ils sont tous membres de la même corporation. Est-ce que c'est le but que le législateur devrait rechercher dans le vaste domaine de la comptabilité? Quelles seraient, si vous acceptez ce but ultime, les étapes à franchir et quels seraient les thèmes qui devront être définis dans notre législation pour atteindre, s'il y a lieu, ce but ultime d'une seule corporation pour le domaine de la comptabilité?

M. CHARBONNEAU: II me semble que ce n'est pas un but que je rechercherais, étant donné la variété des talents et des formations. Deuxièmement, si vous coiffez tout le monde d'un même titre général avec des sous-titres, je pense que vous pourrez peut-être amener plus de confusion encore qu'il y en a ajourd'hui parce que vous revenez finalement aux sous-titres. Il faudrait y revenir forcément.

M. MASSE (Montcalm): Dans la situation actuelle, quitte à être mieux définie, et peut-être les répartitions mieux indiquées dans la législation, c'est encore ce qu'il y a de mieux pour l'avenir quant à nous du Québec, actuellement. Ce serait votre recommandation.

M. CHARBONNEAU: Mon opinion personnelle, oui.

M. MASSE (Montcalm): Votre opinion, oui, évidemment. Vous n'engagez pas les hautes études. Votre opinion personnelle, connaissant le secteur, connaissant les besoins de la population, vous considérez que dans le domaine tel qu'il est actuellement, diverses corporations peut-être mieux définies, c'est pour l'avenir une meilleure solution qu'une seule corporation, quitte à avoir des étapes.

M. CHARBONNEAU: Je pense qu'à un moment donné par exemple, une corporation comme les CGA pourrait très bien devenir plus exigente comme on le disait tout à l'heure, exiger un diplôme universitaire, et finalement ressembler tellement aux CA que vous n'aurez pas besoin des deux. A ce moment-là, ce sera tout naturel que, le fruit étant mûr, tombe.

M. MASSE (Montcalm): Donc, il peut y avoir une seule corporation, si elles ont les mêmes exigences universitaires.

M. CHARBONNEAU: C'est ça, oui.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que le public serait mieux protégé si on avait les mêmes exigences? Donc une seule corporation?

M. CHARBONNEAU: Je n'ai pas saisi, vous permettez?

M. MASSE (Montcalm): Vous plaidez que le jour où les CGA et les CA auront les mêmes exigences universitaires, il n'y aurait peut-être pas lieu d'avoir deux corporations.

M. CHARBONNEAU: Cela n'y aurait plus lieu sûrement, si les exigences sont les mêmes, que la formation est la même, que les gens ont les mêmes talents, je suis d'accord avec vous.

M. MASSE (Montcalm): Alors, si les exigences pour entrer dans la corporation des CGA étaient améliorées, le public serait-il mieux protégé?

M. CHARBONNEAU: Si les exigences étaient améliorées, évidemment, cela implique toute la formation, si elles devenaient équivalentes à celles de CA, il n'y aurait sûrement plus de confusion.

M. MASSE (Montcalm): Donc à la limite, une seule corporation protégerait mieux les intérêts de la population.

M. CHARBONNEAU: Je ne dirais pas protégerait mieux; je ne vois pas très bien le lien entre les deux. Vous éviteriez la confusion, point.

M. COTE: II y aurait peut-être à faire la distinction suivante. Dans la mesure où un comptable autre que CA pose des actes qui s'apparentent à l'expertise comptable, à ce moment-là je suis enclin à dire: Oui, le public sera mieux protégé si on a une seule corporation. Mais dans la mesure où il s'agit de comptables qui oeuvrent au sein d'une entreprise et qui sont des salariés, à ce moment-là je rejoins assez bien ce que M. Charbonneau vient d'indiquer.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency

M. VEZINA: Vous nous avez expliqué tantôt qu'à part la section de la comptabilité, vous formiez des administrateurs, sous le terme générique d'affaires, le monde des affaires. Je

vais vous demander une opinion; je ne sais pas si c'est comme directeur ou personnellement, je me fous un peu du titre, c'est votre expérience qui compte. Est-ce que vous croyez qu'il serait normal de reconnaître l'Institut des conseillers en administration, s'ils peuvent prendre ce titre des gens qui d'aucune façon n'auraient suivi des cours ou les cours que vous donnez pour former des administrateurs? Ne croyez-vous pas que, du point de vue du public, il peut y avoir une confusion très précise? Si une confusion peut être précise.

M. CHARBONNEAU: Vous me posez une question très embarrassante, parce que je ne peux pas dire que j'y ai réfléchi particulièrement. Ma réponse serait sûrement, forcément évasive. Franchement, je ne peux pas vous répondre.

M. VEZINA: Du point de vue du public, quand on dit un conseiller en administration, on présume un administrateur qui a des connaissances pour venir me conseiller dans mon administration.

M. CHARBONNEAU: C'est ça, oui.

M. VEZINA: C'est aussi simple que cela. Mais vous nous expliquez que votre école, comme les facultés des autres universités qui donnent des cours, forme des administrateurs. C'est de là, il me semble, que le public doit s'attendre à puiser les éléments ou les forces humaines requises pour l'aider dans son administration et se faire conseiller. Alors, vous ne pensez pas que cela pourrait diriger le public vers de l'ambiguité si le législateur permettait que le titre de conseiller en administration puisse être possédé et la fonction exercée par des gens qui n'ont pas cette formation universitaire que vous dispensez?

M. CHARBONNEAU: Je pourrais répondre, pour un point, que tout dépendra sûrement des exigences de la corporation en question. J'admettrai sûrement une série de cas de gens que je connais, comme vous en connaissez également, qui sont d'excellents administrateurs, mais qui ne sont pas venus à l'université. Je ne voudrais pas que, parce qu'il y a une université de l'expérience, on dise: Non, on ne marche pas. Je pense qu'il y a quand même beaucoup plus de latitude que cela. Mais cela devient vraiment une question d'exigences. Comment les gens sont choisis. Et c'est là que je ne peux pas vous répondre, parce que je ne connais pas suffisamment les exigences de la corporation en question. Sur le point précis, je dirais que la réponse ne peut pas être un non catégorique.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Charbon-neau, messieurs les délégués des hautes études; on procédera... Vous avez une autre question? Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous croyez qu'on peut devenir un excellent comptable, un excellent CA si vous voulez, sans nécessairement avoir cette base générale et universitaire que vous donnez dans votre mémoire, premières années d'études?

Peut-on y arriver simplement par des études du soir ou par des activités durant le jour, par le contact journalier avec les problèmes comptables? Est-ce qu'on peut en arriver à être un excellent comptable sans avoir nécessairement cet éventail de formation que vous avez énuméré tout à l'heure?

M. CHARBONNEAU: La carrière d'un comptable offre beaucoup de facettes. Il y a une facette professionnelle et je ne crois pas qu'au point de vue professionnel on soit un moins bon comptable parce qu'on n'a pas eu la formation universitaire, mais là, je parle strictement en professionnel. De plus en plus, on demande autre chose aux comptables. La loi des moyennes voudrait sûrement que, si vous n'avez pas eu une base aussi large, vous ayez plus de difficulté à fournir autre chose à vos clients. C'est un raisonnement peut-être un peu abstrait, mais ça devrait être comme ça. Cela n'empêche pas des individus qui sont comptables agréés et qui n'ont pas la formation universitaire d'être d'excellents comptables en général, mais cela est attribuable à d'autre chose. Cela devient beaucoup plus une question de personnalité. Parce qu'au fond, le point de départ, c'est que l'institut exige maintenant la formation universitaire parce qu'on pense que le comptable a un rôle différent et plus vaste à jouer. Il y a entre les deux une relation qui est très nette. Cela donne un peu la réponse à votre question.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que ce n'est pas une situation qui pourrait par exemple être tout à fait semblable ou parallèle à celle d'un administrateur? Cela prend toujours des gens qui ont une certaine formation de base. Est-ce que cette formation de base peut leur être apportée par des lectures, par des études, par leurs activités dans le monde? Mais vous admettez que, pour être un excellent administrateur, il ne faut pas nécessairement être un universitaire. D'ailleurs, il y a des gens qui réussissent comme administrateurs sans formation universitaire et qui réussissent très très bien, qui ont une réputation mondiale. Est-ce que ce n'est pas un peu la même chose avec les comptables nécessairement?

M. CHARBONNEAU: II y a une différence, je pense. On devient excellent administrateur en faisant sa preuve soi-même. C'est une question de concurrence assez dure. Ce que je craindrais, si les exigences vis-à-vis d'un comptable n'étaient pas assez grandes, c'est qu'on décernerait un diplôme qui est une carte d'entrée partout et en laquelle les gens ont confiance, sans avoir

demandé une base aussi large, et cela m'inquiéterait. Le fait d'avoir la carte élimine déjà une partie de la concurrence. Vous êtes dans une corporation fermée puis vous luttez contre une concurrence déterminée. Dans le monde des affaires, comme administrateur, ce n'est pas ça. Alors, à ce moment-là, vous vous prouvez vous-même...

M. LE PRESIDENT: Merci encore. Nous passons à un dernier organisme ce matin, la faculté des sciences de l'administration de l'université Laval.

M. CHARBONNEAU: M. le Président et messieurs les membres, nous vous remercions de nous avoir entendus.

Faculté des sciences de l'administration de l'université Laval

M. BOUCHARD (Jean-Marie): M. le Président, permettez que je me présente, Jean-Marie Bouchard, procureur de l'université Laval. La délégation de la Faculté des sciences de l'administration est composée de M. Réginald Dugré à ma droite, directeur du département des sciences comptables; de M. Pierre Vézina, directeur des programmes de la licence en sciences d'administration; de M. Fernand Sylvain, ex-directeur du département des sciences comptables; et des professeurs suivants Réjean Breault, Gilles Chevalier et Alain Rioux.

Messieurs les membres de la commission, vous avez entendu il y a quelques instants les représentants de l'Ecole des hautes études commerciales de Montréal. Il va sans dire que l'objectif poursuivi par la faculté des sciences d'administration de l'université Laval s'inscrit dans le même ordre de grandeur de problèmes, sauf quelques variantes et en mettant l'accent sur un apport différent.

Disons tout d'abord, pour synthétiser en quelques secondes le mémoire, que la faculté des sciences d'administration de l'université Laval se définit, en ce qui concerne le problème des comptables agréés, en vertu de la loi de 1946, qui accordait à cette faculté-là et à l'Ecole des hautes études commerciales de Montréal et également à l'université McGill, ce qu'on a appelé tout à l'heure des privilèges, mais ce que, avec votre permission, je qualifierais de responsabilités.

L'université avait une responsabilité énorme en matière de formation des comptables, responsabilité qui débouchait sur le processus suivant, en ce qui concernait l'obtention de licences. D'abord, l'étudiant qui avait suivi avec succès pendant trois années les cours prescrits par l'école avait obtenu une licence en sciences comptables de l'école, décernée par l'université. Il avait fait une année de cléricature, et ce point est important, avant ou après l'examen final de l'école, il se voyait automatiquement décerner le certificat de compétence ou le certificat des comptables.

L'examen final dont il était question était décidé par un jury composé de quatre représentants de l'école et de trois représentants de la corporation professionnelle concernée. C'était ce qui, fondamentalement, régissait la faculté en ce qui concerne l'obtention du diplôme. Par ailleurs, dans la loi générale des comptables, il y avait une disposition disant qu'il y avait un jury composé de sept représentants de la corporation professionnelle et de six représentants des écoles existantes. C'est ici que l'histoire nous apporte une expérience extraordinaire qu'il serait malheureux de passer outre. Les trois facultés concernées qui, comme je viens de le dire, possédaient ce pouvoir — ceci a été souligné d'ailleurs très bien par les représentants de la faculté de l'Ecole des hautes études commerciales — devaient donc, tous les ans, consulter les facultés concernées et s'entendre avec elles pour la détermination de ce qui devait être l'objet de l'examen. Remarque en passant sur la Loi des comptables agréés, sauf erreur, c'est probablement la seule corporation qui ait un examen national, de telle sorte qu'il devenait important, surtout pour une faculté comme celle de l'université Laval, qui est francophone, de bien s'assurer qu'au sein de l'examen national qui serait l'examen imposé aux diplômés de Laval, il y ait des questions, des matières sur lesquelles nos gens ne pourraient répondre parce que, forcément, le droit corporatif de la province du Manitoba n'intéresse pas forcément les diplômés de l'université Laval.

Or, cette bonne vieille arme qu'est l'épée de Damoclès s'est toujours avérée une arme efficace même au vingtième siècle. Il est assez intéressant de remarquer que, fortes du pouvoir dont l'université ne s'est jamais prévalue, la corporation professionnelle et l'université Laval se sont toujours entendues sur le contenu de ce que devait être l'examen final des comptables.

Ce qui est en cause actuellement, c'est que, par le biais du bill 264, le législateur fait disparaître 25 années d'expériences qui se sont avérées magnifiques dans un secteur bien particulier, celui des comptables agréés. Par ailleurs, il y a déjà des étudiants qui sont inscrits dans ces cours, inscrits avec la représentation bien expresse qu'à la fin de leur cours, l'examen de la faculté leur donnait un diplôme.

Les dispositions du chapitre 264 font fi de ces droits acquis, n'en parlent pas. Et c'est une des raisons pour lesquelles, dans notre mémoire, nous avons insisté pour qu'au moins, pour le cas où les représentations que je vais maintenent vous expliquer ne seraient pas acceptées par le législateur, l'on n'oublie pas les étudiants qui, actuellement, possèdent ce que nous croyons le droit acquis d'obtenir cet examen de la faculté qui a le privilège d'être automatiquement l'examen national des comptables.

Ce qui, à notre point de vue, est fondamentalement en cause — et nous le disons au tout début de notre mémoire — nous faisons porter notre effort uniquement sur l'aspect universitaire du bill 250 et du bill 264. Deuxièmement,

nous ne mettons pas en cause les principes du code des professions. Au contraire, c'est que joint à l'intérieur du système établi des professions, nous voulons vous représenter qu'il serait possible d'y intégrer un mécanisme qui maintiendrait l'heureux résultat de 25 années d'expérience en ce qui concerne les comptables agréés.

En effet, vous avez ce que je qualifie dans le code des professions d'article-charnière, d'article-pivot, d'article extrêmement dangereux par, précisément, son imprécision ou son aspect immensément vague: le pouvoir de réglementation du lieutenant-gouverneur en conseil dans des sujets qui sont énumérés d'une façon très vaste. Il y a, entre autres, dans l'article 169, le sous-paragraphe e) qui dit que c'est le gouvernement, par simple règlement, qui va déterminer le mode de coopération ou de collaboration des corporations professionnelles à l'élaboration des programmes. Nous croyons que, par le jeu de cet article, il y ait un danger qui comporte la mise en cause du rôle des universités dans le contexte québécois. Les universités sont là pour exister; les universités ont une vocation bien spécifique par le législateur et, si je me réfère, entre autres, â la charte de l'Université Laval qui a été octroyée l'an dernier, le législateur lui a confié, comme toutes les universités d'ailleurs, la fonction très lourde de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Or, vous l'admettez avec moi, dans ce domaine, il n'est pas possible et pas du tout possible de déterminer au couteau la ligne de démarcation entre ce que l'on peut appeler dans un texte de loi la formation universitaire et ce qui peut être qualifié de formation professionnelle.

Ce qui donc est en cause, c'est tout le processus d'intégration, de coordination du rôle de l'université dans l'élaboration d'un processus de formation des professionnels. Et si l'on n'y prend garde, par le jeu de l'article 169, l'on peut, théoriquement et à la limite, faire en sorte que nos universités deviennent d'immenses écoles techniques, ce qui n'est pas le rôle de l'université. Si, par exemple, par le jeu du sous-paragraphe e), le législateur allait jusqu'à prévoir à cette commission, que les représentants des membres des corporations professionnelles soient en nombre égal des universités, forcément, disons dans le secteur des comptables agréés, les programmes seront en fonction d'une exigence spécifique qui est une profession.

Or, dans le cas des hautes études commerciales, vous le souligniez et nous pourrions le refaire également, la faculté des sciences d'administration de l'université Laval ne se préoccupe pas uniquement de former des comptables. Et le but de la faculté n'est pas uniquement de mettre sur le marché du travail un produit donné qui est un CA, un CGA, ou un RIA, mais c'est d'apporter une formation universitaire sur laquelle viendra se greffer ce qui est nécessaire, au dire de la corporation, pour exercer dans un secteur.

Mais parce qu'il n'y a pas de processus de coordination entre les deux, le danger qui existe, c'est celui que l'on retrouve et que l'on a retrouvé encore cette année dans d'autres facultés de l'université que j'aime mieux ne pas énumérer, cette espèce de césure totale entre l'enseignement universitaire d'une part et les exigences des corporations professionnelles d'autre part, ce qui fait que votre produit universitaire affronte les examens d'une corporation professionnelle qui sont décidés uniquement par des membres d'une corporation professionnelle et échoue avec un pourcentage désastreux.

Nous croyons, en ce qui nous concerne, sans aller et sans méconnaître du tout le rôle des corporations professionnelles, que le rôle de l'université ne se limite pas uniquement à donner ce qu'on pourrait qualifier, en termes très simples, de formation universitaire. Nous croyons que l'université, sans aller jusqu'à former de façon professionnelle les gens qui se dirigeront vers une profession donnée, doit suivre son personnel jusqu'à précisément la porte de la corporation et permettre à cette dernière de jouer son rôle. Qu'est-ce qu'à dire? Simplement ceci. C'est que dans la Loi des comptables et dans le chapitre 250, il y a telle chose que ceci: "La corporation professionnelle peut, par règlement, déterminer les conditions d'examens, etc."

Par ailleurs, comme je l'ai dit, le législateur, par le biais de l'article 169, va déterminer la participation des corporations professionnelles au sein des universités en ce qui concerne les programmes. Nous suggérons ceci: au lieu que les règlements, qui peuvent être adoptés par la corporation professionnelle, aux termes de l'article 264, soient décidés uniquement par le bureau qui n'est composé que de représentants de la corporation professionnelle et du gouvernement, nous suggérons — et nous croyons que c'est un apport positif à l'intérieur du principe même reconnu par le chapitre 250 — qu'il y ait une commission spécialiste que j'appelle pour les fins du mémoire, commission des études, qui serait composée de représentants des universités et là encore en proportion, en ce qui concerne les universités, du contingentement des étudiants qui sont dans les secteurs donnés. Parce qu'il peut bien arriver que telle université dans tel secteur, disons les comptables publics, ait très peu d'étudiants par rapport à une autre université qui en aurait davantage. Donc, un peu, si vous voulez, la réplique au niveau des comptables de ce que pourrait être le Conseil des universités, mais dans un secteur bien spécialisé. Donc une commission des études composée de représentants des universités et de la corporation professionnelle concernée, c'est-à-dire des comptables.

Ils vont se prononcer sur une question technique, la question d'examens, la question

des conditions d'admission. Leur décision n'est pas finale, n'est pas exécutoire, parce que le principe de la corporation professionnelle est que, subséquemment, tout est soumis au lieutenant-gouverneur en conseil pour approbation. Nous acceptons ce principe-là. Mais nous voudrions au moins que, en ce qui concerne la corporation professionnelle, ceux qui feraient les représentations au gouvernement soient un comité de spécialistes, c'est-à-dire de représentants d'université et de la corporation professionnelle. Et c'est le sens de notre proposition que vous retrouvez à la page 5, c'est-à-dire de faire en sorte que tous les règlements qui doivent être ou qui peuvent être adoptés par le lieutenant-gouverneur en conformité de l'article 169 d) et e) soient d'abord soumis pour obtenir les vues des principaux concernés sur le bien-fondé des dispositions qui sont suggérées. Et deuxièmement, faire en sorte que, partout où dans la loi 264, le pouvoir de réglementation de la corporation concernée, au lieu d'être conféré au bureau comme tel, c'est-à-dire cette espèce de conseil d'administration mitigé qu'on a créé, le soit pour les fins de l'article 9 c), 14, 16 et 20 f) décidé par ce comité spécial d'experts qui serait, à notre point de vue, beaucoup plus en mesure de conseiller le gouvernement que le bureau de la corporation concernée.

Deuxièmement, nous suggérons que l'article 170 du code des professions soit élargi, c'est-à-dire, qu'au lieu de limiter la publication préalable des projets de réglementation uniquement au sous paragraphe f) qui concerne les tarifs, nous suggérons que les dispositions prévues dans l'article 169 tombent également sur 170, c'est-à-dire que le lieutenant gouverneur les publie dans la Gazette officielle, afin que tous les intéressés soient en mesure de faire des représentations en temps propice. Enfin, dernière proposition, nous suggérons ce que j'ai souligné au début que, pour le cas où les représentations que bien humblement nous soumettons ne seraient pas acceptées par le législateur, au moins l'on songe aux étudiants qui sont par milliers et qui sont inscrits dans les facultés pour qu'ils aient le pouvoir de conserver les privilèges acquis jusqu'à la fin de leur cours.

M. LE PRESIDENT: Merci. Le solliciteur général.

M. FOURNIER: Dans l'établissement de l'article 169, lorsqu'on mentionne que c'est un pouvoir qui semble très discrétionnaire de faire des règlements, on semble oublier le début de l'article qui mentionne bien que ces règlements-là ne seront faits qu'à la suite de consultations avec l'office et le bureau des corporations. Il est normal, il est raisonnable que le lieutenant-gouverneur ne décide pas de lui-même, seul, de la formule ou du règlement lui-même. Pour les fins de diplômes et de programmes, il sera avisé par l'office et par le bureau des corporations. Les universités peuvent enseigner ce qu'elles veulent et donner des diplômes dans n'importe quel domaine d'études qu'elles ont entrepris, mais ce qui intéresse le gouvernement actuellement par le bill 250, c'est la reconnaissance de certains diplômes. Etant donné que ce n'est pas tout, seulement la question universitaire, mais qu'il y a une corporation professionnelle concernée, nous avons pensé que, par l'article 169, il y avait une façon positive de régler le problème en disant: Les normes de collaboration entre les universités et les corps professionnels seront édictées par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Vous voulez totalement éliminer cette partie faisant mention du lieutenant-gouverneur en conseil dans l'élaboration des programmes. Où résidera à ce moment-là l'autorité qui viendra sanctionner, régler les mésententes qui pourront survenir?

M.BOUCHARD: Je me suis certainement mal exprimé, mais je n'ai pas laissé entendre que je voulais voir disparaître le rôle du lieutenant-gouverneur. Il est bien exact que le préambule de l'article 169 dit "après consultation de l'office et de la corporation intéressée". Or, sauf erreur, l'office ne contient pas de représentants universitaires. Deuxièmement, les corporations intéressées ne comportent pas non plus de représentants d'université. D'un autre côté, pour les éléments concernant l'article 169, vous avez des matières qui touchent directement les universités, entre autres, par exemple, déterminer les diplômes délivrés par les établissements d'enseignement. C'est directement universitaire, le seul but de notre opposition — et ça s'insère très bien à l'intérieur de l'article 169, revient à ceci. Au lieu de dire, par exemple, la corporation intéressée, qui, dans les circonstances, serait le bureau des comptables agréés, nous suggérons que cette consultation se fasse auprès du comité de spécialistes que nous suggérons à l'intérieur même du bureau. De la sorte, le mot "corporation intéressée" demeurerait à l'article 169, mais lorsque viendrait le temps pour le lieutenant-gouverneur d'obtenir l'avis de la corporation intéressée, le bureau des comptables agréés demanderait, solliciterait l'avis du comité d'étude qui serait composé d'universitaires et de membres des comptables. De la sorte, l'avis qui serait donné au lieutenant-gouverneur, au lieu d'être donné uniquement par le bureau, le serait pour les comptables, par le comité d'étude au sein de la corporation des comptables.

M. BOIVIN: Qui les nommerait, est-ce le bureau ou l'université?

M. BOUCHARD: Les représentants?

M. BOIVIN: Cette commission. Qui nommerait les individus qui feront partie de la commission? Est-ce que ce seraient les universités ou si ce serait le bureau?

M. BOUCHARD : Nous nous sommes contentés de laisser la porte ouverte en ce qui concernait la qualification, nous n'aurions pas objection à ce que la nomination soit faite, soit par le gouvernement, soit par la corporation, mais à la condition que ce soient des représentants d'université et une représentation pondérée dans le sens que j'ai indiqué tout à l'heure, c'est-à-dire selon l'importance du contingentement des étudiants à l'intérieur de chaque faculté concernée.

M. FOURNIER: Pour donner suite à la première question et à la réponse que vous avez donnée, vous voudriez une formule différente.

Mais je comprends difficilement cette nouvelle formule puisque, dans la première formule et celle qui apparaît dans la loi, on dit: "La corporation elle-même aura son mot à dire avec l'office dans la préparation d'un règlement qui permettra à ce moment-là la négociation entre l'institut d'enseignement et la corporation professionnelle".

Présentement, vous voudriez que la réglementation du lieutenant-gouverneur aille encore plus loin parce qu'elle établirait alors une seule partie qui analyserait la situation, tandis qu'autrement, suivant la loi, vous avez deux parties qui se recontrent et qui négocient, tandis que, dans la formule que vous proposez, vous dites d'asseoir immédiatement tout le monde ensemble pour régler le problème.

M. BOUCHARD: Si vous voulez, on pourrait peut-être l'exprimer de cette façon ou encore, une autre façon de l'exprimer serait de dire qu'en ce qui concerne par exemple l'élaboration ou la détermination du programme, tel que dit à l'article 169e), il n'y a absolument rien, sauf erreur, qui garantisse aux universités que cette représentation ne serait pas paritaire à un moment donné.

Le législateur pourrait très bien dire: Voici, dans les universités, dorénavant, il y a un comité de dix membres, six représentants de corporations professionnelles et quatre d'universités. A ce moment-là, nous devenons, que vous le vouliez ou pas, une espèce d'école technique et l'enseignement doit se faire en fonction des exigences et c'est le danger que nous avons. Ou encore, si vous rejetiez par exemple l'idée de la commission spécialiste que nous formons, nous trouverions comme étant un pis-aller d'indiquer au sous-paragraphe e) qu'au moins dans tout état de cause, la représentation des universités pour cette matière-là serait majoritaire. Il faudrait au moins accorder aux universités le statut d'universités, ne pas les mettre à la remorque des corporations professionnelles.

Evidemment, à ce moment-là, cela accorderait une certaine garantie, une certaine sécurité aux universités dans le secteur qui leur est propre, c'est-à-dire la formation des étudiants et l'enseignement.

M. BOIVIN: Vous parlez aussi de corporations professionnelles. Maintenant, il y a quelqu'un de l'université qui est venu nous dire qu'on organisait le cours du soir, que les universités prodiguaient aux CGA et aux CA le même enseignement. Quand vous parlez de la corporation professionnelle, j'ai toujours l'impression que vous parlez des CA.

M. BOUCHARD: C'est bien ça, pour une raison bien simple, à cause du pouvoir que nous avons.

M. BOIVIN: A cause du bill de 1946. M. BOUCHARD: C'est bien ça.

M. BOIVIN: Mais pourquoi? Est-ce qu'il y a des efforts qui ont été faits du côté de l'autre corporation professionnelle puisqu'on y donne le même enseignement?

Cela veut dire que les universités ont dû revaloriser les CGA puisqu'on donne aux étudiants le même enseignement et qu'on ne parle jamais de cette corporation.

M. DUGRE: La chose est quand même assez facile à expliquer. Vous aviez le bill des comptables agréés dans lequel la loi fixait un rôle aux universités. Tandis que, dans les corporations des RIA et des CGA, aucun rôle n'était fixé aux universités. Le rôle de ces deux corporations — et c'était très clair — était de dispenser les cours dont elles avaient besoin pour former leurs propres étudiants. Nous avons collaboré de façon très étroite avec elles quand on nous demandait de participer. Habituellement, depuis quelques années en tout cas, on nous le demande à titre personnel. C'est jamais une demande faite spécifiquement à l'université comme corps juridique, c'est une collaboration que nous avons.

Comme dans le bill ici, nous avions certains articles qui affectaient ce que nous possédions auparavant par rapport aux CA, c'est le pourquoi du mémoire. Cela ne voudrait pas dire que dans un autre contexte nous ne ferions pas autre chose.

M. BOIVIN: Vous acceptez aussi que le CGA ait le même enseignement que le CA.

M. DUGRE: II faut quand même être clair sur cette partie-là. J'ai dit que les matières spécifiquement comptables, on les retrouvait à peu près dans les trois associations à des degrés divers. Mais, quant à la formation préliminaire, je vous ai dit l'autre jour que cela pouvait être très différent d'un secteur à l'autre. Vous avez des CA qui ont été formés par les années passées à partir d'une onzième année scientifique et qui sont parvenus au diplôme de CA. Depuis 1970, cela a été changé. Mais ceux qui sont encore dans ce processus d'une onzième scientifique vont continuer. Ils vont terminer

leurs cours d'ici 1975. Depuis 1970, la formation d'un CA est assumée exclusivement par les universités et par un programme universitaire. C'est là la différence. Dans les autres cas, on peut retrouver parmi les CA et chez les RIA — et on en trouve — des gens qui ont fait leurs études universitaires, qui se sont présentés aux examens des RIA et des CGA et qui ont bien réussi.

M. BOIVIN: Vous voyez la différence dans le stage d'entraînement pratique qu'ils ont. Les CA vont faire leur stage de perfectionnement dans les bureaux des CA et les CGA vont faire leur stage à leur corporation professionnelle.

Les dialogues seraient la différence, s'ils ont la même entente.

M. DUGRE: II y a une différence comme celle-ci: celui qui a un diplôme universitaire et qui devient CA, il fait une année de stage à l'heure actuelle chez nous; pour certains autres diplômes, s'il faisait deux années de stage, il deviendrait CA. Tandis que les CA qui étaient formés dans les années passées par les cours du soir devaient travailler en même temps qu'ils étudiaient dans un bureau de comptables où ils recevaient en même temps que leur études du soir ou par correspondance une formation qui était spécifique aux CA.

Aux CGA et aux RIA, on demande — c'est à peu près équivalent pour ça — de travailler pendant quatre ou cinq ans, d'occuper des emplois qui se rapporteraient au domaine qu'ils ont étudié, soit la comptabilité. Mais cette expérience peut être moins diversifiée que celle qu'on peut avoir dans un bureau de comptables.

M. BOIVIN: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget...

M. SYLVAIN: Excusez-moi. M. le Président, je pense que, dans cette question, il faut tenir compte aussi des désirs des étudiants. Et si l'étudiant a le choix entre se présenter à un examen professionnel qui provient de l'Association des comptables licenciés ou l'Institut des comptables agréés ou encore les RIA, c'est son choix.

Actuellement, je pense que le programme l'amène plutôt à choisir l'examen de l'Institut des comptables agréés pour la bonne raison que nous avons des relations beaucoup plus étroites avec l'Institut des comptables agréés, étant donné le diplôme que nous décernons qui donne de plein droit accès à la profession, automatiquement même.

Au sujet des programmes maintenant...

M. BOIVIN: A cause du bill de 1946.

M. SYLVAIN: C'est ça. Au sujet des programmes maintenant, ce n'est pas nous qui établissons les programmes des corporations professionnelles, ce sont les corporations professionnelles qui les établissent. Mais il y a eu à ce sujet beaucoup plus de collaboration entre l'Institut des comptables agréés et les universités. Je ne parle pas seulement de l'Université Laval. Toutes les universités ont collaboré à l'établissement du programme de l'Institut des comptables agréés afin qu'il n'y ait pas trop de divergences entre le programme régulier et le programme de l'institut, de façon que l'étudiant ne soit pas préjudicié au moment où vient le temps de subir son examen.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: Est-ce que je comprends bien le but de votre mémoire, lorsque je dis que ce que vous désirez? Pour la consultation qui serait faite par le lieutenant-gouverneur en conseil, en vertu de l'article 169, pour les deux paragraphes qui nous intéressent, c'est que l'opinion donnée par les universitaires prime celle qui pourrait être donnée par la corporation pour garder à l'université précisément son statut d'université.

M. BOUCHARD: Nous n'allons pas si loin que cela. Au sujet de la création d'une commission des études dont nous suggérons la formation à l'intérieur même de la corporation des CA, celle-ci serait composée d'universitaires et de CA.

M. VEZINA: Au point de vue pratique, s'il y a plus de gens de la corporation à la commission, leur opinion primera, s'ils se tiennent et vice versa.

M. BOUCHARD: C'est cela. Auprès du lieutenant-gouverneur en conseil.

M. VEZINA: C'est cela.

M. BOUCHARD: Evidemment, cela ne lierait pas la corporation professionnelle comme telle.

M. VEZINA: D'accord.

M. BOIVIN: Est-ce que vous demandez une correction du bill 46?

M. VEZINA: II veut dire le bill de 1946.

M. BOIVIN: Oui.

M. VEZINA: La loi de 1946.

M. BOUCHARD: Le bill 246, comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, comportait une série de procédures qui, à la fin, aboutissait à un examen final pour un jury composé majoritairement d'universitaires, quatre universitaires et trois professionnels. Cet examen était accepté

automatiquement par l'institut des comptables et les étudiants qui obtenaient le résultat de cet examen, qui franchissaient cet examen, devenaient automatiquement comptables, de telle sorte que — parce que cela irait nettement à l'encontre du bill 250, je pense bien que nous aurions beaucoup de difficultés à convaincre — nous demandons qu'au moins la consultation soit faite auprès d'une commission de spécialistes composée d'universitaires et de représentants de la corporation concernée.

M. BOIVIN: Vous êtes déjà bien protégés par le bill de 1946.

M. BOUCHARD: Magnifique. C'est ce que j'ai indiqué au début du préambule. Ce bill a produit des effets magnifiques depuis 25 ans; nous allons le perdre au profit du bill 250.

M. FOURNIER: Est-ce que vous n'avez pas la consultation dans l'article 40, deuxième paragraphe, se référant à l'article 169, où on dit ceci: "Un règlement ne peut être adopté par le lieutenant-gouverneur en conseil en vertu du premier alinéa qu'après consultation de l'office, de la corporation délivrant le permis ou le certificat de spécialiste et des établissements d'enseignement du Québec qui délivrent un diplôme relatif à la discipline dont il s'agit."

Vous l'avez, là. Vous avez un mécanisme de consultation. Je croyais que vous vouliez avoir le pouvoir décisif mais quant à la consultation...

M. BOUCHARD: Oui, mais c'est pour un champ bien limité. Sous-paragraphe d), 169.

M. FOURNIER: Oui, mais d), c'est le diplôme.

M. BOUCHARD: Le diplôme. Oui, mais déterminer les diplômes délivrés par des établissements d'enseignement, d'accord. Maintenant, si nous nous référons au pouvoir de réglementation du bureau aux articles 84 et suivants, vous voyez que cette matière touche beaucoup de domaines. Pardon, c'est le code 250, 84 et suivants. Vous avez à l'article 87, un exemple que je vous donne à brûle-pourpoint, sous-paragraphes g) et h): assujettir les candidats au permis et à un stage d'entraînement professionnel. Déterminer les autres conditions et modalités de délivrance des permis des certificats de spécialistes. Pouvoir de réglementation très large dans 87. Vous avez la même chose dans 84 et 83. Quant à ces différents pouvoirs qui sont de la compétence du bureau, nous n'exigeons pas de les rapatrier au niveau universitaire. Pas du tout. Nous exigeons et nous demandons que ce soit décidé par un comité de spécialistes qui pourraient, à notre point de vue, beaucoup mieux conseiller le gouvernement que le bureau de la corporation comme tel.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Au point de vue des études, pour accepter les jeunes étudiants, vous vous basez exclusivement sur leurs études passées, sur leur formation passée, sur leur niveau intellectuel, etc. La corporation, entre autres, est obligée de considérer la valeur morale, le sens des responsabilités, etc., de ces jeunes professionnels. Puisque vos étudiants deviennent ipso facto membres de la corporation des CA, de quelle façon verriez-vous le joint où la corporation pourrait, en se limitant exclusivement à votre choix, jouer son rôle relativement à la protection du public et en faisant une estimation des valeurs morales des jeunes étudiants qui seront des professionnels plus tard?

M. SYLVAIN: Je pense que, dans ce domaine, il y a trois facteurs et que, si on se limite à l'objectif principal de notre mémoire, c'est d'avoir un droit de regard, une certaine indépendance concernant l'établissement des programmes.

En deuxième lieu il y a aussi une demande portant sur la participation à part entière dans la détermination des questions d'examens. En troisième lieu, et c'est là que la corporation professionnelle a un rôle à jouer, elle peut avoir un rôle à jouer dans les étapes préliminaires, les deux premières étapes, les premiers objectifs que j'ai mentionnés, mais un rôle plus limitatif parce que c'est notre responsabilité, tandis qu'arrive la troisième étape qui concerne le stage, l'année de "cléricature" ou deux ans de "cléricature" selon le cas, eh bien là, c'est la responsabilité de la corporation professionnelle. En tant que nous sommes concernés dans l'avenir, nous ne voulons pas nous préoccuper de ce privilège que nous avons actuellement. Actuellement nous exerçons une supervision sur le stage mais, dans l'avenir, nous ne le demandons pas et ceci paraît dans notre mémoire.

M. SAINT-GERMAIN: II ne faut pas oublier que la corporation élimine les indésirables à ce niveau-là.

M. SYLVAIN: Ce n'est pas tellement une question d'indésirables qu'une question de compétence. Si le candidat a réussi son cours régulier, il a obtenu son diplôme universitaire et si, en deuxième lieu, il a réussi l'examen de la profession, la corporation n'est pas libre de l'accepter ou de le refuser. Tout ce qu'il lui suffit de faire à ce candidat, c'est de faire son stage et le stage est réglementé par la corporation professionnelle, mais tout de même c'est plutôt une question de temps que de condition dans lequel le stage se fait.

M. SAINT-GERMAIN: Oui, mais pour être

comptable il faut tout de même être honnête indépendamment des connaissances comptables que nous avons.

M. DUGRE: Nous partons du principe que les gens sont honnêtes, nous ne pouvons pas déterminer à l'avance quels sont ceux qui seront honnêtes dans l'avenir et ceux qui ne le seront pas. Nous partons tout simplement du principe qu'ils sont honnêtes et que, par leurs actes, après nous les jugerons. M. le Président, est-ce que vous me permettez de souligner un point, je pense, qui est assez important? Dans la page 2 de notre mémoire, nous disons ceci: Les moyens dont dispose l'université pour former des étudiants, c'est la préparation des programmes, l'enseignement, la vérification des connaissances par des examens appropriés et l'attribution des diplômes couronnant les études poursuivies avec succès. Il y a certains points sur lesquels nous travaillons en commun avec l'Institut des comptables agréés, soit celui, en particulier, des examens. Il faut souligner ici que l'examen pour nous est extrêmement important parce que, par les examens, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, on peut orienter tout l'enseignement.

C'est très facile d'orienter nos examens de telle façon qu'à ce moment-là les réponses peuvent être différentes de ce qu'on a enseigné. Quand nous voulons être présents aux examens, c'est tout simplement dire que nos étudiants, d'accord avec la corporation, nous les avons préparés dans tel sens et qu'il faut aussi que nos examens répondent à ces exigences. Chez nous, comme nous étions présents — et la loi nous disait d'être présents — nous avons porté une extrême attention à ce point-là, ce qui n'a pas dévalorisé les examens, bien loin de là, mais ceci nous a placés dans une position telle que ce public qu'on appelle "les étudiants" a aussi été protégé dans le sens où nos engagements nous ont permis de le faire avec les corporations professionnelles. Quand nous demandons d'être présents aux examens, c'est uniquement ça que nous voulons. D'ailleurs, c'est notre métier, faire de l'enseignement et préparer des examens. Nous sommes prêts à assumer ce rôle et nous croyons bien jouer ce rôle, mais nous ne voudrions pas le faire seuls non plus. Nous voudrions le faire avec les associations elles-mêmes qui ont des perceptions de leurs besoins que nous n'avons peut-être pas toujours, même si nous faisons partie de ces corporations professionnelles, parce que nous sommes un peu éloignés par notre enseignement, notre recherche, etc.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup et merci à l'université Laval pour le mémoire. La commission sera suspendue jusqu'à 4 heures ou peut-être plus tard si la bataille des créditistes prend trop de temps.

(Suspension de la séance à 13 h 06)

Reprise de la séance à 16 h 15

M. BLANK (président de la commission spéciale des corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

La deuxième séance d'aujourd'hui... est-ce que l'Association canadienne pour l'organisation industrielle est ici? Je pense que vous avez le même genre de mémoire que les autres, vous avez quelque chose à faire avec l'administration, c'est ça? Je pense que c'est mieux de les entendre avant les architectes et les urbanistes. On continue avec le même genre de corporation.

Association canadienne pour l'organisation industrielle

M. TREMBLAY (Yvon): M. le Président, messieurs les députés, permettez-moi, pour débuter, de vous présenter les membres de l'équipe qui ont été délégués pour présenter devant votre commission le mémoire de l'Association canadienne pour l'organisation industrielle, division du Québec. M. Phil Charron, président et M. Alain Gervais, directeur, et moi-même, Yvon Tremblay, vice-président.

Si vous me permettez, notre très bref mémoire couvre quatre points. Le premier a pour but de nous identifier, le deuxième est le plus important et est l'essence même de notre position. Les deux derniers points ne sont que des alternatives éventuelles. L'administration est toujours et probablement pour longtemps un art. Au cours des dernières années, plusieurs techniques ont été développées, qui servent de support et d'outil à l'administrateur.

Mais l'utilisation de ces techniques, le dosage de chacune d'elles et l'importance à leur donner, c'est un art et la compétence dans ce domaine est développée à partir de qualités de base qui se développent par l'expérience. A peu près tout le monde est actif dans l'administration, à partir du chef de famille, de l'épicier du coin jusqu'au président des plus grandes entreprises.

L'administrateur professionnel n'est pas, d'une façon générale directement au service du public. Il fait partie d'organismes qui lui imposent des directions et des contrôles. A notre avis, l'action de l'Etat devrait se faire valoir au niveau de ces organismes, car ce sont ces derniers qui sont directement au service du public. L'administration est encore en grande partie un art. En effet, les Ford, Thompson, Miron étaient beaucoup plus des artisans que des administrateurs scolarisés. Cela ne les a pas empêchés d'atteindre un haut degré de compétence à titre d'administrateurs.

Récemment, le professeur Stirling Livingston du Harvard Business School écrivait, et je le cite dans la langue originale, si vous me permettez: "How effectively a manager will perform on the job cannot be predicted by the number of degrees he owns, the grades he receives in

school or the formal management education programs he attends. Academic achievement is not a valid yard-stick to use in measuring manager yoke potential. Indeed, if academic achievement is equated with success in business, the well-educated manager is a myth."

En résumé — et c'est ce que notre mémoire comprend de plus important — nous demandons que la profession d'administration soit retranchée du bill 250, parce que même comme corporation professionnelle à titre réservé, le bill ne créerait qu'un club sélect non valable en ce qu'il ne peut garantir ou prétendre grouper les compétences dans ce champ d'action.

Nous vous remercions de l'attention que vous porterez à notre demande et nous sommes à votre disposition si vous désirez de plus amples renseignements sur notre position.

M. LE PRESIDENT: M. le Solliciteur général.

M. FOURNIER: Relativement au quatrième point que vous soulignez dans votre mémoire, est-ce que la réponse à cette argumentation n'est pas dans l'article 36 du bill 250 où il est dit que "rien dans la présente section ne doit être interprété comme donnant aux membres d'une corporation à laquelle elle s'applique le droit exclusif d'exercer les activités qui sont décrites à l'article 35"?

Est-ce que cet article 36 ne répond pas à l'appréhension que vous avez? Tous les titres réservés à l'article 35 n'empêchent pas d'autres organismes d'exercer certaines professions sans toutefois pouvoir se servir du titre qui est réservé par l'article 35.

M. TREMBLAY (Yvon): Si vous me permettez, je vais répondre pour M. Charron.

Personnellement, je crois que oui mais cela n'a pas empêché nos membres, à la lecture du bill, de voir là le commencement d'une tendance. Et on voulait être absolument certain que ça n'irait pas plus loin que ça. C'est pour ça que nous avons réintégré l'idée.

M. FOURNIER: Une autre demande que vous faites, celle de retirer le titre réservé aux administrateurs agréés. Si je vous mentionnais que ces gens ont déjà un groupement qui existe depuis le 30 août 1954 et qu'en vertu d'une loi de la Législature, adoptée en 1967, ce titre réservé leur a été accordé. Devant cette situation, est-ce que vous voudriez qu'on retire les droits de ces personnes d'agir suivant des droits qu'elles ont acquis au cours des années?

M. TREMBLAY (Yvon): Non, excepté que nous ne voyons pas, dans le bill 250, la nécessité de garantir ce droit qui est déjà garanti ailleurs.

M. FOURNIER: Si nous laissons en vigueur la même loi, est-ce que ça ne donnera pas encore le même titre? Elles l'ont déjà dans une loi.

M. TREMBLAY (Yvon): Oui.

M. FOURNIER: C'est pourquoi, dans votre mémoire, je vois difficilement l'appréhension que vous avez. Maintenant, voulez-vous me donner des renseignements relativement à votre association? Combien de membres avez-vous?

M. TREMBLAY (Yvon): Dans la province de Québec, environ 750 membres.

M. FOURNIER: Et quelles sont les qualifications requises pour devenir membre?

M. TREMBLAY (Yvon): Nous avons différents échelons de membres: des membres associés et des membres seniors. Si on considère un membre, on a un barème selon les années d'expérience, l'éducation, les positions que l'individu a tenues dans le monde de la gestion et tout ça donne des points.

Si on arrive à un total de 300 points, il se qualifie comme membre.

M. FOURNIER: A ce moment-là, est-ce que ce n'est pas seulement une association? Est-ce que vous avez des diplômes universitaires?

M. TREMBLAY (Yvon): Oui, exactement. Notre premier point, ce n'est pas nécessairement que nous voudrions être reconnus par le bill 250. C'est l'idée qu'on s'oppose à ce que la profession d'administrateur soit étudiée dans ce bill, à ce qu'il y ait une corporation qui identifie certains administrateurs qui se sont qualifiés d'une certaine manière, qui les identifie puis peut-être les considère comme privilégiés, et que le gouvernement adopte une loi reconnaissant que vous êtes plus qualifiés que d'autres.

M. FOURNIER: En 1967, vous êtes-vous opposés à l'adoption d'une loi particulière à cet effet?

M. TREMBLAY (Yvon): Non. M. FOURNIER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'allais demander moi aussi que vous donniez certaines explications sur votre association parce que, dans votre mémoire, vous étiez un peu avares de commentaires sur le nombre d'adhérents à votre association, les critères de base, la qualification, les responsabilités, les écoles, enfin l'aire de compétence. Vous avez commencé à donner ces renseignements-là, mais je trouve que votre approche — je le dis, non

pas tellement pour vous en faire un grief — est un peu négative. Vous demandez au législateur qu'une autre corporation que vous croyez travailler dans le même champ d'activité que le vôtre, soit l'administration, soit exclue du code des professions. En deuxième ressort, si la Corporation des administrateurs agréés est acceptée dans le code, là, vous demandez à y être inclus. Je pense que vous devriez plutôt prendre une attitude positive à l'effet de ce que vous désirez — nous n'avons pas tellement discuté des normes de votre association, de la qualification — je préférerais que vous nous disiez que vous voulez davantage améliorer encore les normes, la qualification de vos membres, et que vous désirez être admis au sein des corporations professionnelles, et tenant compte des représentations qui nous ont été faites devant la commission, que vous voudriez peut-être éventuellement en arriver à une fusion de toutes ces corporations qui s'occupent d'administration au sens professionnel du mot.

N'est-ce pas plutôt cette attitude que vous voulez exposer devant la commission parlementaire?

M. TREMBLAY (Yvon): Non. Notre attitude est simplement celle qui a été dictée par l'expérience que nous avons dans le monde de la gestion et qui nous montre que le gestionnaire, l'administrateur n'est pas quelqu'un qu'on peut cataloguer facilement. On peut reconnaître qu'il est un diplômé de l'université, mais qu'il soit reconnu dans un club qui a été bâti ou créé par le gouvernement plutôt qu'un autre administrateur qui pour une raison ou une autre, ses qualifications ne sont pas mesurables. Cela ne l'empêche pas d'être un bon administrateur et on en connaît beaucoup de ces gens-là qui, si on établissait le résumé de leur éducation, des diplômes qu'ils ont obtenus, cela ne montrerait pas grand-chose, mais cela ne les empêche pas d'être des administrateurs de grande valeur. C'est tout simplement le point sur lequel on pourrait avoir pris une position plus positive avec vous et dire: On va entrer dedans. Ce n'était pas là notre but. Notre but n'est pas nécessairement d'essayer de participer parce que nous nous sentons visés; c'est un peu l'opinion du citoyen qui voit qu'il se passe quelque chose et qui dit: J'ai quelque chose à dire. Nous sommes venus vous le dire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, il y a quand même, j'imagine, une formation de base exigée pour être membre de l'Association canadienne pour l'organisation industrielle. Quelle est cette base, ce critère de base de formation exigée?

M. TREMBLAY (Yvon): Remarquez bien, je ne pensais pas que c'était le but de notre présence mais puisque vous le demandez, je vais essayer de vous répondre. Premièrement, nous avons, c'est là le débouché pour nos membres, des cours du soir que nous offrons dans les universités, aux hautes études commerciales, par exemple. Comme admission à ces cours, on demande qu'une personne soit âgée de 25 ans, qu'elle soit active dans le monde de la gestion depuis environ cinq ans. Si elle suit notre cours avec succès, automatiquement on additionne tous ces points-là avec l'âge, les cinq années d'expérience dans le monde de la gestion, plus ce qu'elle a appris aux hautes études commerciales dans le cours, cela lui donne les qualifications requises pour devenir membre. Ce cours-là est donné à travers le Canada.

Dans le province de Québec il est donné à trois endroits: à l'université Bishop, à l'université McGill, à l'Ecole des hautes études commerciales et il est donné dans 26 différentes universités ou centres dans tout le Canada.

M. GUAY: Maintenant, dans l'organisation, dans l'association, les membres qui ont la plus grande formation, parce que vous avez mentionnez tantôt qu'il y avait différents échelons, les membres qui ont le plus haut degré d'étude portent quel titre?

M. TREMBLAY (Yvon): Les membres seniors. Ce n'est pas nécessairement le degré d'étude, il faut inclure étude, expérience et tout cela. Nous avons, par exemple, comme membre, le président de ITT Canada, lui, il est membre senior. Je ne peux pas vous dire si c'est parce qu'il est bachelier ou licencié en quelque chose, mais son expérience, sa position font que c'est un membre senior.

M. BOIVIN: Quels sont les titres que vos membres acquièrent par l'étude universitaire? Est-ce bachelier en administration ou licencié en administration?

M. TREMBLAY (Yvon): Ce que nous donnons dans le moment, c'est un cours de gestion industrielle et le titre, c'est un certificat en gestion industrielle et trois lettres le caractérisent: CIM: Certified Industrial Manager.

M. BOIVIN: Pourquoi est-ce que cela ne marche pas avec la Corporation des administrateurs industriels? Est-ce que cela se ressemble? Cette corporation-là est passée devant nous et il me semble que vous pourriez vous greffer avec la Corporation des administrateurs industriels.

M. TREMBLAY (Yvon): Les administrateurs industriels...

M. BOIVIN: Où sont-ils vos membres en général? Est-ce qu'ils sont dans la fonction publique?

M. TREMBLAY (Yvon): Non, dans l'industrie.

M. BOIVIN: Est-ce qu'ils ont des bureaux ouverts au public?

M. TREMBLAY (Yvon): Non, la majorité de nos membres...

M. BOIVIN: Des salariés?

M. TREMBLAY (Yvon): ... travaillent pour des entreprises, ce sont des salariés.

M. LE PRESIDENT: Au nom de la Commission, je remercie la délégation et... vous arrivez juste à temps pour ne pas poser votre petite question.

M. VEZINA: A part cela, ça va bien?

M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous pourrions entendre l'Association des architectes de la province de Québec.

Association des architectes de la province de Québec

M. OUELLET(Jean): M. le Président, MM. les membres de la commission, je me présente: Jean Ouellet, président de l'Association des architectes. A ma droite, Jean-Luc Poulin, secrétaire; à ma gauche, Denis Bouchard, vice-président; Martin Cowen, trésorier et, à ma gauche encore, M. Deschênes, notre conseiller juridique. Merci.

Nous avons présenté deux mémoires, un sur le bill 250, l'autre sur le bill 259. Nous nous contenterons ici de faire les commentaires, de donner les explications sur le sens et le contenu général de ces deux mémoires. Avec votre permission, nous nous permettrons d'ajouter quelques commentaires qui concernent les disciplines connexes à l'architecture.

A la suite de ces explications générales, M. Bouchard pourra répondre aux questions qui concernent le bill 250 et M. Poulin aux questions qui concernent les associations professionnelles connexes à l'architecture.

M. LE PRESIDENT: Je veux avertir le porte-parole que l'on va entendre vos deux mémoires en même temps et que l'on va vous questionner sur les mémoires ensemble. Ce n'est pas vingt minutes pour chaque mémoire, c'est vingt minutes en tout.

M. OUELLET: Entendu, merci.

Au sujet du projet de loi 250, nous avons constaté que, visant l'intérêt public, le bill 250 a échafaudé un système de contrôle des professions qui, jusqu'à un certain point, nous paraît un peu lourd. D'une part, on a prévu la présence des représentants du public au bureau de la corporation, la nomination par l'Office des professions du président du comité de discipline, l'approbation par le lieutenant-gouverneur en conseil de tous nos règlements et la surveillance exercée par l'Office des professions. Nous sommes d'accord sur ces mesures et les trouvons suffisantes. Par contre, les nominations par le lieutenant- gouverneur en conseil du secrétaire du comité de discipline, du syndic ou des syndics adjoints, du secrétaire du comité d'inspection professionnelle, risquent d'introduire à plusieurs niveaux dans l'administration interne des éléments de friction ou certaines conditions d'inefficacité administrative. 11 nous paraîtrait plus approprié de confier à chaque corporation la responsabilité d'inspecter la compétence professionnelle de ses membres, quitte, si nécessaire, à introduire des mesures plus coercitives si la corporation elle-même ne s'acquittait pas de façon convenable de cette responsabilité.

Les modalités d'application peuvent évidemment varier selon la nature et la taille de chaque corporation. Il y a des corporations qui varient énormément de dimension; deuxièmement, l'Office des professions, quant à lui, pourrait surveiller l'application faite au niveau de chaque corporation de cette inspection-là.

Cette formule offrirait plus de flexibilité pour chaque corporation, lui permettant de faire face à ses obligations de la manière qui convient le mieux à sa situation. L'autre élément concerne le fonds d'indemnisation. Nous sommes d'accord qu'il y ait fonds d'indemnisation, mais nous ne serions pas d'accord que la loi inclue dans le fonds d'indemnisation ce qui couvrirait la responsabilité professionnelle pour erreur et omission de l'architecte.

Les architectes doivent, pour cette responsabilité-là, se protéger par des assurances qui varient de $100,000 jusqu'à plusieurs millions de dollars. Ce sont des sommes qu'une corporation ne pourrait assumer. Il serait préférable qu'il y ait une obligation pour les membres de la Corporation des architectes de se munir d'une assurance-responsabilité à la mesure des travaux que chacun a à entreprendre.

Quant au certificat des spécialistes, nous soumettons qu'il est important de permettre non seulement à ceux qui ont un diplôme, mais aussi à ceux qui ont une formation reconnue équivalente à un diplôme, de pouvoir obtenir un certificat de spécialiste. Les spécialités ne sont pas créées par un diplôme mais elles existent et se développent bien avant, et ce n'est que lorsque la spécialité est reconnue comme répondant à un besoin que des programmes d'études menant à un diplôme commencent à apparaître.

L'Office des professions. Nous désirons signifier notre accord en général sur les propositions contenues dans le mémoire du C.I.Q. Nous appuyons sa recommandation à l'effet que la composition de l'Office des professions soit élargie et qu'il lui soit délégué plus de pouvoirs afin qu'il soit vraiment l'interlocuteur du gouvernement auprès des corporations.

Le projet de loi 259, c'est-à-dire la Loi des architectes. Le projet de loi 259 n'apporte que

des modifications de concordance à notre loi actuelle, afin de la rendre conforme au projet de loi 250. Or, notre loi existe depuis 1890 et certains de ces articles n'ont subi aucune modification depuis cette date.

Nos recommandations en rapport avec le projet de loi 259 ont pour objet, premièrement, de débarrasser notre loi actuelle des articles qui n'ont plus leur raison d'être et qui sont généralement couverts par le bill 250, soit les articles 17, 18, 19 et 20; deuxièmement, de moderniser la rédaction de certains articles tel l'article 7 de la loi actuelle qui concerne l'admission; troisièmement, d'obtenir certains pouvoirs additionnels de réglementation du bureau, pouvoirs que le gouvernement lui-même veut accorder ou conserver à d'autres corporations professionnelles et qu'on retrouve dans plusieurs projets de loi déposés; quatrièmement, clarifier et préciser ce qui constitue la pratique illégale de l'architecture et, à l'instar de ce qui existe dans la Loi des ingénieurs depuis huit ans et en plus des sanctions prévues par le bill 250 pour l'exercice illégal, défendre à quiconque d'utiliser des plans et devis pour travaux d'architecture dont la valeur excède $100,000 à moins que ces plans ne soient signés par un architecte et imposer une amende n'excédant pas $10,000 à ceux qui commettent cette infraction.

Nous avons été amenés à faire cette recommandation à la suite des plaintes qui nous parviennent du public à cause de la multiplication de ceux qui pratiquent illégalement l'architecture, à cause de l'insuffisance de notre loi actuelle, à cause de la disparité entre les amendes trop faibles et le montant élevé des honoraires que l'on peut retirer de la pratique illégale. Les services qui peuvent être fournis en rapport avec la préparation des plans et devis d'un édifice couvrent souvent plusieurs mois et engagent plusieurs personnes. C'est relativement coûteux.

Enfin, surtout parce qu'il est fastidieux et extrêmement coûteux d'essayer vraiment d'enrayer la pratique illégale dans ce domaine et qu'il est beaucoup plus simple de prévenir cette pratique illégale, pour ces raisons et toutes celles énumérées à la page 17 et à la page 18 de nos mémoires. Je mentionne simplement quelques-unes de ces raisons: les investissements considérables consacrés au secteur de la construction des édifices pour lesquels l'architecte est responsable, la complexité des codes de construction, la préoccupation particulière de l'environnement bâti et de l'environnement total dans lequel l'homme vit, enfin, la nécessité de garantir la sécurité du public dans les édifices et le fait, comme on l'a mentionné aussi, que la Loi des ingénieurs prévoit une telle clause présentement.

Voilà l'essentiel des questions relatives au bill 259. En supplément, nous avons quelques commentaires qui concernent les domaines d'exercice des urbanistes, des ingénieurs et des professions connexes.

La Corporation des urbanistes et celle des ingénieurs nous ont permis de prendre connaissance de leur mémoire respectif et nous leur en sommes gré. Ces mémoires contiennent des propositions relatives aux actes professionnels dont chacune réclame l'exclusivité. Notre appréciation de ces propositions s'inspire surtout d'un objectif d'ouverture essentiel à une action pluridisciplinaire favorable à l'intérêt public. Dans le contexte de la vie moderne, il nous semble que les nouvelles structures doivent favoriser le décloisonnement des professions et l'accueil de nouvelles spécialités, fait déjà amorcé dans l'enseignement et la pratique. En ce sens, l'exclusivité de certains actes en vue de la protection du public devrait être considérée essentiellement sur la base de la compétence spécifiquement requise. C'est dans cette optique que nous formulons les commentaires suivants.

Demande d'exclusivité des urbanistes. Dans son mémoire, la CUQ propose une définition générale du rôle de l'urbaniste et identifie les actes professionnels dont elle réclame l'exclusivité. L'urbaniste y est décrit comme celui qui, entre autres fonctions, applique les principes, méthodes, techniques de l'urbanisme dans le but de promouvoir le développement fonctionnel, rentable, harmonieux et esthétique des espaces urbains et régionaux.

Le vaste domaine d'activité que recouvre cette définition se réfère à l'urbanisme, sans toutefois relever de la seule compétence de l'urbaniste.

Il en est de même des actes professionnels que l'on réclame comme étant du domaine exclusif de l'urbaniste. De façon normale, ces actes seront posés par des équipes pluridisciplinaires. L'économiste, le sociologue, l'architecte, l'ingénieur, l'architecte-paysagiste, l'animateur social et le juriste, entre autres professions, sont, en fait, parties à la conception des aménagements et réaménagements urbains, chacun dans la mesure de sa compétence. A ce titre, ils doivent être présents avec l'urbaniste dans les équipes chargées de la planification urbaine et régionale.

L'urbanisme comme discipline est de création relativement récente; son champ d'action n'est pas encore défini de façon précise. Une délimitation prématurée d'actes exclusifs en ce domaine aboutirait à un cloisonnement arbitraire et néfaste des professions concernées. En conclusion, l'Association des architectes ne s'opposerait pas, en principe, à ce que soit accordée à l'urbaniste une exclusivité propre ou partagée de certains actes lorsque ceux-ci auront été définis, de façon à éviter ce cloisonnement.

Par ailleurs, comme la clientèle de l'urbaniste est généralement constituée d'organismes qui sont mieux en mesure que le grand public d'apprécier la compétence d'un professionnel, la reconnaissance d'une telle exclusivité ne semble pas présenter d'urgence. En d'autres

termes, nous ne sommes pas convaincus que l'intérêt public, à l'heure actuelle, exige un monopole de l'exercice, surtout si cet exercice couvre un champ aussi vaste et difficile à définir.

Extension proposée du champ d'exercice de l'ingénieur. La Corporation des ingénieurs, dans son mémoire, aux pages 10 et suivantes, propose une définition très élargie de son domaine exclusif. La définition telle que formulée va bien au-delà des pouvoirs accordés par la loi présentement en vigueur. Les ingénieurs ne tentent pas seulement d'étendre le champ de leur pratique, mais aussi d'étendre la portée des actes qu'ils peuvent poser en exclusivité dans ce champ de pratique.

Portée des actes. En plus des droits présentement reconnus, la Corporation des ingénieurs demande, à l'article 3, qu'il lui soit accordé en exclusivité de faire la conception, les analyses des travaux décrits à l'article 2 et enfin, de planifier, contrôler, diriger les travaux. Les actes compris dans ces expressions, même appliqués à des champs spécifiques, ont une portée trop vaste et imprécise pour être considérés comme relevant de la seule compétence d'une discipline en particulier. Des droits accordés sur cette base, dans les secteurs de l'aménagement et de la construction, aboutiraient à des cloisonnements professionnels invraisemblables et à des situations inextricables. Je prends un exemple. La conception de la charpente dans un édifice appartient conjointement à l'architecte et à l'ingénieur. Cela ne peut pas être considéré comme un travail exclusif de l'ingénieur.

En somme, nous reconnaissons aux ingénieurs un droit exclusif en ce qui concerne les calculs, la préparation des documents d'exécution des ouvrages structuraux et électromécaniques, tel qu'il est prévu dans la présente loi.

Le champ de pratique. Le projet soumis tente d'élargir le champ de pratique de l'ingénieur. Encore là, les termes utilisés sont imprécis et permettront, à long terme et au gré des pressions, l'érosion du domaine d'exercice de plusieurs autres professions. A titre d'exemple, le terme "système de transports" recouvre un ensemble très vaste d'éléments qui requièrent, tant au niveau de la planification et de la conception qu'à celui de leur mise en forme, l'apport d'un nombre considérable de disciplines: urbanisme, économie, écologie, architecture, design industriel, architecture paysagiste, pour n'en nommer que quelques-unes. Une exclusivité totale en ce domaine aboutirait, entre autres, à l'impossibilité de faire de l'urbanisme.

Dans l'énumération des secteurs indiqués dans le mémoire "Systèmes de transport, travaux agriculturaux, génie municipal, protection du milieu écologique", nous ne voyons pas ce qui ne pourrait pas être couvert de façon globale selon la compétence de l'ingénieur dans la loi actuelle. En général, il nous semble que le mémoire tente de situer le champ d'exercice de l'ingénieur dans une perspective plus globale, ce sur quoi nous sommes d'accord. Cependant, la formulation employée étant le domaine de l'exercice exclusif de l'ingénieur, bien au-delà de ce qui se réfère uniquement à sa compétence, nous croyons que l'intérêt public serait mal servi par une telle extension de pouvoirs, qui risque de compromettre la liberté d'action des autres disciplines concernées dans l'aménagement et la construction.

En conclusion générale, l'Association des architectes recommande qu'une attitude très prudente soit adoptée, non seulement dans l'octroi du monopole de profession mais également dans toute définition de l'acte professionnel, surtout lorsque plusieurs disciplines se chevauchent ou travaillent ensemble. D'ailleurs, une exclusivité, même conjointe à plusieurs professions, ne devrait être reconnue que lorsque l'intérêt public l'exige de façon absolue. Dans les domaines qui nous intéressent, de nouveaux champs de spécialisation se développent. Il ne faudrait pas en restreindre l'essor. Les monopoles inutiles ne peuvent qu'empêcher la création de nouvelles spécialités et entraver la constitution d'équipes pluridisciplinaires. Nous croyons préférable d'éviter des cloisonnements prématurés. Nous espérons même qu'un jour les diverses disciplines de l'aménagement, ayant chacune suivi sa voie et son évolution naturelles, se regrouperont pour le plus grand bien de la société québécoise. En ce sens, nous envisageons par exemple la possibilité d'un regroupement de toutes les disciplines de l'aménagement, urbanisme, certains secteurs de génie, architecture, architecture paysagiste, design, etc. Merci.

M. LE PRESIDENT (Fortier): M. Fournier.

M. FOURNIER: Dans votre mémoire, je constate que vous acceptez les nominations qui sont faites ou qui seraient faites à l'office par le lieutenant-gouverneur en conseil. Cependant, vous les assujettissez à un veto du conseil interprofessionnel. Pour ce qui est des administrateurs publics au bureau, encore là, vous acceptez qu'ils soient nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, mais vous demandez un veto de la part du bureau de la corporation. Certains mémoires ont été à l'effet que, plutôt que d'avoir un veto du genre sur les nominations, la nomination des administrateurs publics aux bureaux se fasse par l'Office des professions. Quelle est votre opinion relativement à cela?

M. BOUCHARD: A ce propos-là, les mémoires ont été préparés en même temps et nous n'avons pas pu nous consulter suffisamment. La proposition du Conseil interprofessionnel du Québec répond beaucoup plus à nos besoins que ce que nous avons dans notre mémoire.

M. FOURNIER: Vous préféreriez que les

nominations soient faites par l'office plutôt qu'un veto?

M. BOUCHARD: Comme nous ne pouvions pas présenter une modalité de nomination qui donnerait une certaine assurance du côté des corporations, nous avons exprimé notre inquiétude par la demande d'un droit de veto. Mais je crois que la position du CIQ est supérieure.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre me le permet, M. le Président, il y a deux droits de veto. Il y en a un autre au bureau. Est-ce la même chose? Le même principe?

M. FOURNIER: II y en a un au bureau et il y en a un à l'office, qui est le conseil interprofessionnel. Revenant au premier, au droit de veto du conseil interprofessionnel, le bill 250 prévoit la composition d'un conseil interprofessionnel composé de présidents des 34 groupements professionnels. Ce n'est pas composé des 34 corporations mais des présidents des corporations. Sachant cela, est-ce que vous voulez que le veto soit entre les mains du conseil interprofessionnel? Est-ce la même chose? Est-ce que cela change votre optique, sachant qu'il s'agit d'individus et non pas de corporations qui sont membres du conseil interprofessionnel?

M. BOUCHARD: En fait, puisqu'on a adopté depuis la position du CIQ, nous nous rattachons à son opinion et nous faisons confiance à la formation de cet organisme nouveau.

M. FOURNIER: A un moment donné, vous mentionnez dans votre mémoire que les cotisations devraient être établies par l'exécutif plutôt que par assemblée générale pour un certain nombre d'années. Etant donné les coûts prohibitifs de l'application de la loi, pourriez-vous préciser en quoi vous voyez que cela va devenir prohibitif pour vos membres de subventionner les différents organismes?

M. BOUCHARD: Une des principales dimensions de ce problème vient du nombre de corporation. La Corporation des architectes est formée de moins de 1,000 membres. On demande une cotisation assez importante de $150. Presque tout notre budget va à l'organisation d'un secrétariat et d'un local de base. Si nous devons répondre aux besoins du bill 250, nous ne le savons pas précisément, parce que ce n'est pas précisé dans le bill 250, mais nous avons l'impression que nous aurons comme permanents à notre corporation peut-être quatre ou cinq membres de plus. Nous ne savons pas non plus si c'est à temps plein ou à temps partiel. Les modalités ne sont pas déterminées. De plus, toute l'administration qui va découler de là va amener certainement des frais supplémentaires. Le fonds d'indemnisation qui n'est pas précisé dans le bill 250 par rapport aux architectes, étant donné la responsabilité professionnelle, peut nous amener encore à des déboursés presque disproportionnés et j'ai une douzaine de points semblables. Toute notre organisation est conçue sur le bénévolat des membres qui veulent participer à l'organisation de la corporation; si on enlève tout l'intérêt qu'il y a à participer à un organisme qui offre des avantages, parce que nous nous occupons aussi de rendre des services à nos membres, si on enlève tout cela, je crois que la participation bénévole va diminuer. A ce moment-là, nous nous posons des questions. Pourrons-nous garder à l'intérieur des corporations ces frais ou devrons-nous nous désintéresser carrément du dévouement des corporations et laisser tout ça à l'Etat? Arrangez-vous, organisez cela, ça coûtera cher, nous, nous n'en pouvons plus.

M. FOURNIER: Dans la préparation du bill 250, c'est justement pourquoi le législateur a tenu compte des petites corporations qui considéreraient que le coût serait peut-être prohibitif; c'est aussi pourquoi il a prévu qu'à certains endroits le paiement de certaines personnes se ferait par le gouvernement, comme par exemple le membre du conseil d'inspection professionnelle, le président, le secrétaire du comité de discipline, etc. Il y a certaines personnes qui sont rémunérées par le gouvernement et c'était la raison de l'inscription faite dans le bill.

Etant donné qu'il y en a qui s'opposent au paiement et d'autres qui ne s'y opposent pas, si nous mettions une formule optionnelle pour les corporations, est-ce que vous trouveriez que ça répondrait un peu aux exigences d'une petite corporation comme la vôtre, au point de vue du nombre?

M. BOUCHARD: L'offre que le gouvernement fait est peut-être un bon principe. Je crois cependant que nous serions plus intéressés à pouvoir adapter l'organisation ou l'administration au niveau de nos capacités et à garder notre indépendance qu'à recevoir des subsides qui vont peut-être nous engager dans notre travail.

M. FOURNIER: Relativement aux documents, il est fait mention dans les dossiers que certains documents ne devraient pas être remis aux clients. Mais qui va prendre la décision à cet effet-là?

C'est à la page 11, votre recommandation 13, "permettre au client du professionnel de prendre connaissance des documents qui le concernent dans son dossier sans nécessairement lui fournir l'occasion d'avoir accès à tout ce que contient son dossier." Qui est-ce qui va décider? Est-ce que cela va être unilatéralement? Est-ce que ce sera simplement le professionnel qui va dire: Cela, c'est dans ton dossier mais cela ne te concerne pas ou quoi? Quel est le mécanisme que vous...

M. SHEPPARD : Si vous permettez, cette

question a été longuement discutée et pesée et je pense que l'association, tout comme d'autres corporations, estime que le client a droit certainement à une copie des pièces qui font partie du contrat d'engagement de services pour lesquels il paie. Mais un professionnel, souvent, dans un dossier peut mettre des commentaires personnels, peut mettre des copies de documents qu'il a tirées d'un autre dossier auquel il se réfère. Dans le cas des architectes cela peut être des esquisses, dans le cas d'un avocat cela peut être des précédents qui n'appartiennent pas vraiment aux clients, qui appartiennent même à d'autres clients et qui sont des aide-mémoire et des aides. Il me semble que, lorsque le client reprend possession de son dossier, ayant payé les honoraires qui sont dus, il a le droit de recevoir ce qu'il a payé. Ce qu'il n'y pas payé ou ce pour quoi on ne lui a pas réclamé paiement, il ne devrait pas avoir le droit de mettre la main dessus ou bien, un cas qui arrive fréquemment, c'est un professionnel qui annote son dossier en exprimant des opinions personnelles, des réactions presonnelles sur certaines exigences du client. Cela pourrait être très embarrassant. Comme dit monsieur, il pourrait faire des commentaires sur les goûts de madame en matière de résidence par exemple et c'est dans ce sens-là que cette recommandation a été faite et d'ailleurs elle est commune à bien des corporations.

M. FOURNIER: Maintenant, une dernière question. Dans le mémoire, vous mentionnez que vous aimeriez qu'une disposition établisse le droit d'exercer la profession en corporation ou en compagnie. Etant donné les multiples difficultés que cette étude du problème, qui a été faite, soulève, pourriez-vous préciser de quelle façon vous verriez ces incorporations-là? Parce qu'on me souligne que cela représente des implications dans les domaines suivants, quant au nom de la corporation, quant aux membres, au nombre d'actionnaires lorsque cela serait une compagnie, quant à la responsabilité professionnelle, quant au capital lui-même de la corporation, au point de vue fiscal, vous auriez des professionnels soumis à un régime fiscal différent, puisque les lois fiscales des compagnies s'appliqueraient. Est-ce que vous pourriez préciser un peu ce que vous avez dans l'idée? Parce que je crois que dans l'avenir on verra peut-être cette possibilité s'ouvrir. Est-ce que vous auriez des commentaires traditionnels à faire dans ce domaine-là?

M. POULIN: Si je peux me permettre de donner un aspect. L'architecte est le seul professionnel qui, en définitive, est soumis à une obligation de résultats par le code. Il a une responsabiltié légale qu'aucun autre professionnel n'a. Nous avons tous des responsabilités contractuelles ou des responsabilités délictuelles, mais en ce qui concerne les responsabilités légales, le code civil nous impose, conjointe- ment et solidairement avec l'entrepreneur, une responsabilité de cinq ans en cas de périssement partiel ou total d'un bâtiment. Ce qui se produit, c'est que l'architecte agit toujours d'après sa situation juridique actuelle, il agit comme individu. Il est responsable personnellement, pour la totalité de ses biens, du bâtiment dont il dirige la construction.

Il est responsable, donc, conjointement et solidairement, avec l'entrepreneur, mais pour l'entrepreneur, lui, on n'exige aucune compétence. Il n'est souvent qu'un courtier, il est incorporé la plupart du temps et son capital social peut être à peu près nul. Il n'a donc aucune valeur pour appuyer sa responsabilité qui est conjointe et solidaire à la nôtre.

Nous sommes donc dans une situation très difficile lorsque des problèmes se présentent. C'est l'aspect principal de responsabilité légale qui nous inquiète.

M. FOURNIER: Mais indépendamment de...

M. SHEPPARD: Puis-je compléter cette réponse? La question a été étudiée dans le passé par le conseil interprofessionnel et une recommandation identique a été étayée dans le mémoire que le CIQ a soumis à cette commission. Pour répondre en détail et concrètement à la question que vous posiez, M. le ministre, premièrement, il est évident que seuls des membres de la corporation professionnelle en règle pourraient faire partie, comme actionnaires, de la compagnie en question. Deuxièmement, il est également accepté par tout le monde que ces actionnaires demeureraient assujettis à la discipline professionnelle. Troisièmement, c'est justement afin de ne pas devoir changer le nom d'une société à tout bout de champ, chaque fois qu'un associé se retire ou vient s'ajouter, que la possibilité d'avoir un nom plus ou moins abstrait qui ne change pas peut être utile. Cela représente également des avantages: lorsqu'il s'agit de retirer un associé, d'en ajouter d'autres, on n'a pas besoin de procéder à des ventes d'actifs, à de nouveaux bilans, à des problèmes bancaires et comptables; on vend des actions. Il y a, sur le plan fiscal, un nombre d'avantages que l'ancien ministre fédéral des Finances nous a malheureusement enlevés, mais il en demeure quelques-uns et nous comptons sur les comptables que nous avons entendus ce matin pour nous aider à les trouver. Il y a, sur le plan administratif, une foule de facilités. Je pourrais donner un exemple très concret qui arrive souvent: quatre associés louent un étage dans un immeuble en leur nom personnel, si l'un d'entre eux se retire, ou si l'on veut en ajouter un ou deux, il faut chaque fois changer le bail, le renouveler. Ce sont des complications énormes que seuls les professionnels ont et qui ne protègent pas le public, dans la mesure où le professionnel demeure responsable des gestes qu'il pose. C'est une facilité administrative qu'on demande. Les arguments ont été donnés

en détail dans le mémoire du CIQ auquel, je crois, cette association souscrit, y compris le modèle de ce que ce serait. Je dois dire que même le Barreau pour une fois est d'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, une chose constante qui revient au cours des travaux de la commission, c'est la difficulté que soulignent les organismes et les corporations professionnelles de définir le champ d'exercice. On pensait que, pour les architectes, ce problème ne se posait pas, mais on voit qu'il se pose aussi. Ils y ont fait allusion tantôt, ils nous ont parlé des ingénieurs. Probablement que le député de l'Assomption qui est un ingénieur voudra poser une question pour obtenir des précisions. Il y a les écologistes, il y a les urbanistes qui vont venir tantôt. Vous avez demandé au législateur d'être prudent dans la définition des actes ou la définition du champ professionnel. La question a été posée souvent, on y revient: Qu'est-ce que ça représente concrètement, être prudent? Est-ce que ça veut dire qu'on ne peut pas déjà trouver des solutions ou comme M. Charbonneau de l'Ecole des hautes études commerciales disait ce matin, de laisser aller pour voir ce qui va se produire, laisser évoluer certaines professions et, après, le législateur déterminera plus facilement le cadre d'exercice de la profession? Quel serait le mécanisme, d'après vous, quelles seraient les étapes?

M. POULIN: Le champ exclusif des architectes est bien défini dans la loi actuelle. D s'agit, en fait, de la préparation des documents contractuels de travaux d'architecture. Dans le cas des ingénieurs, ils vont beaucoup plus loin en demandant l'exclusivité de la conception des ouvrages qui relèvent de leur compétence. Nous sommes d'accord sur la teneur actuelle, sur les termes de la Loi des ingénieurs telle qu'elle existe actuellement. Mais sur l'extension du champ d'exclusivité qui est demandée, tant pour la portée des actes que pour les types de travaux qui peuvent être faits par eux, là, nous arrivons à un désaccord.

Par exemple, un bureau d'ingénieurs peut se voir confier la conception d'un viaduc. Mais un viaduc, ce ne sont pas seulement des calculs structuraux. Il faut qu'il s'intègre dans un environnement et on a vu des cas où des architectes participaient à la conception d'un viaduc, il y a également l'architecte paysagiste qui peut être impliqué. Enfin, l'aspect de conception ne peut pas être le fait d'un individu ou d'une équipe unidisciplinaire.

Normalement, la conception elle-même des travaux, dans un monde, quand même, passablement complexe — nos travaux sont généralement assez complexes — est le fait d'équipes. Mais lorsqu'on arrive à l'exécution, à ce mo- ment-là, les responsabilités se partagent bien. Dans le cas d'un bâtiment, par exemple, toute l'équipe va participer à la conception de l'ensemble du bâtiment, au point de vue de sa planification, des éléments structuraux et des systèmes mécaniques.

Mais l'interdépendance des systèmes entre eux interdit en définitive que chacun soit conçu exclusivement par une profession ou par l'autre. On arriverait, à ce moment-là, à des situations absolument inextricables. Mais lorsqu'arrive le moment de l'exécution, on peut très bien définir les champs où l'exclusivité doit être réservée. L'architecture, pour les travaux d'architecture; l'ingénieur en structures, pour les calculs et la mise en plan de la charpente du bâtiment et la même chose pour la mécanique.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au moment de l'exécution, est-ce qu'on ne constate pas dans toutes les professions, surtout celles des architectes et des ingénieurs, qu'il n'y a pas une concertation plus grande maintenant, qui autrefois, je veux dire une coordination plus étroite qu'autrefois au moment de l'exécution? Et ça irait déboucher sur ces équipes dont vous parlez, ces équipes multidisciplinaires qui prendraient tout le projet à partir du tout début et qui le conduiraient jusqu'à la fin, et même, qui pourraient assumer aussi cette responsabilité ultime dont vous parliez tantôt, résiduelle, cette responsabilité de cinq ans.

M. OUELLET: En fait, depuis quelques années, l'Association des architectes a permis la formation d'équipes pluridisciplinaires, de sociétés pluridisciplinaires formées d'architectes, d'ingénieurs, d'urbanistes. Je fais partie moi-même d'une équipe de ce genre et c'est dans le mouvement de la vie moderne et des nécessités modernes que de constituer des équipes de ce genre. Cela simplifie énormément les opérations lorsque des équipes pluridisciplinaires peuvent entreprendre un travail où il y a déjà une concertation antérieure au projet dans l'organisation de l'équipe. Il n'est pas essentiel que toutes les sociétés professionnelles fonctionnent sur cette base. Mais il est sûrement désirable qu'il y ait de plus en plus de ces sociétés pluridisciplinaires.

Si on peut accepter dans la pratique que ça puisse fonctionner, à plus forte raison, pourrait-on accepter que les associations qui elles-mêmes regroupent les différents professionnels concernés puissent elles-mêmes se regrouper et s'autodiscipliner. Comme il a été question, ce matin, à l'intérieur du Collège des médecins: il y a des psychiatres qui connaissent peu de la chirurgie et des chirurgiens qui connaissent peu de la psychiatrie mais à l'intérieur d'un même groupe, je pense qu'il se constitue un certain respect mutuel de chacun de ces champs d'action et, à ce moment-là, il est possible de travailler ensemble beaucoup plus facilement que si tout est morcelé.

M. BOIVIN: Maintenant, est-ce que les honoraires de ces coordonnateurs de projets sont pris à même les honoraires des architectes? Les coordonnateurs de projets dont vous parlez, ça diminue les honoraires des architectes?

M. OUELLET: Ils pourraient, je pense bien, dans un système...

M. BOIVIN: D'après cette question-là, je veux surtout en venir à savoir quelle est la responsabilité. On ne veut pas donner la responsabilité à ces coordonnateurs de projets.

Comme vous l'avez dit tout à l'heure, ce sont l'entrepreneur général et les architectes qui restent les responsables. On a organisé ces coordonnateurs de projets mais on ne leur donne aucune responsabilité. En réalité, l'architecte est encore responsable avec l'entrepreneur.

M. OUELLET: Je ne pense pas que cela change la responsabilité civile.

M. POULIN: II faudrait peut-être définir ce qu'on entend par coordonnateur ici. Il peut y avoir, du côté du client, une agence gouvernementale par exemple, un coordonnateur de projets qui peut être chargé de coordonner le travail de chacun des professionnels. Il peut y avoir à l'intérieur d'un bureau, que ce soit un bureau d'architecte ou un bureau d'ingénieur, des coordonnateurs aussi qui travaillent à coordonner l'ensemble d'un projet. A ce moment-là, si vous revenez en arrière quand on parle d'honoraires, l'ancienne structure des honoraires des architectes lui accordait des honoraires pour les travaux qui lui appartenaient en propre, ce qui représentait à peu près, en général, 5 p.c. du coût d'un bâtiment. Il avait en plus des honoraires de coordination pour les travaux de génie. Les structures actuelles des honoraires ne prévoient plus d'honoraires affectés à la coordination proprement dite.

M. BOIVIN: II n'y a pas de firmes d'architectes ou d'ingénieurs qui se spécialisent dans la coordination des projets?

M. OUELLET: Chaque architecte à qui on confie un mandat est nécessairement coordonnateur des travaux qui lui sont confiés, hormis qu'il s'agisse de projets très complexes où plusieurs entreprises sont concernées; à ce moment-là, il peut y avoir un coordonnateur qui coordonne l'ensemble de plusieurs professionnels réunis dans une sorte de consortium. En général, l'architecte comme tel est le coordonnateur des travaux qui lui sont confiés.

M. BOIVIN: Merci.

M. CLOUTIER (Montmagny): Depuis un certain nombre d'années, est-ce qu'il y a des responsabilités qui étaient assumées par les architectes et qui sont maintenant assumées par d'autres spécialistes tels que certains consultants? Prenons comme exemple l'aménagement des hôpitaux, un consultant en planification ou en décoration. Est-ce que ce sont des parties des responsabilités ou d'aires de compétence qui ont été distraites en faveur d'autres nouvelles professions ou de ce qui sera éventuellement de nouvelles professions?

M. OUELLET: Ce sont des spécialités qui se sont développées au cours des années en raison d'abord de la complexité grandissante des programmes, des projets, et aussi des délais relativement courts dans lesquels on réalise les projets. Autrefois, si on se réfère au début de la formation de l'Association des architectes, l'architecte faisait tout. Aujourd'hui, on a recours ou on envisage même à l'intérieur de notre propre profession des champs de spécialités. Un architecte pourrait se spécialiser en aménagement intérieur, en acoustique, en éclairagisme, en administration de chantiers de construction. Toutes ces spécialités sont possibles mais, dans certains cas, elles se constituent; par exemple, le design industriel est un champ un peu nouveau ici au Québec, la décoration est un aspect, si l'on veut, de l'architecture d'intérieur. Ces choses-là sont toutes participantes du grand porcessus de l'architecture. L'architecte lui-même, en principe, agit comme coordonnateur de l'ensemble de ces tâches qui visent à la réalisation intégrale et complète d'une oeuvre. C'est dans ce sens-là que l'on voit la possibilité à la fois du développement des spécialités à l'intérieur de notre profession et d'un encadrement qui permettent éventuellement l'intégration de toutes ces disciplines suivant des modalités qui sont encore à étudier, l'intégration de toutes ces disciplines dans une sorte de fédération qui simplifierait énormément les tâches des législateurs.

M. CLOUTIER (Montmagny): Comment comparez-vous le champ de compétence ou l'exercice de la profession des architectes du Québec avec ceux de l'extérieur? A l'extérieur du Québec, il y a davantage de coordination avec les autres professions. On a parlé des ingénieurs tantôt, vous avez semblé dire qu'il y avait certaines différences ailleurs, est-ce que c'est exact?

M. OUELLET: A l'extérieur, en Ontario...

M. CLOUTIER (Montmagny): Soit d'autres provinces ou aux Etats-Unis.

M. OUELLET: ... comme aux Etats-Unis surtout, il y a — et même en Europe — un très grand nombre d'entreprises qui fonctionnent, comme des entités professionnelles: architectes, ingénieurs, urbanistes et plusieurs disciplines. Je ne dirais pas au niveau des associations mais au moins au niveau des équipes de travail, des sociétés de praticiens.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que, si le mouvement ici, au Québec, vers ce regroupement pluridisciplinaire se faisait plus vite, ça vous permettrait d'avoir accès à certains gros travaux qui peuvent vous échapper à un moment donné?

M. OUELLET: Il arrive justement que, dans les gros travaux, on est amené d'une façon directe ou indirecte à constituer des sortes de consortiums. Au moment où un architecte s'engage envers un client à réaliser conjointement avec des ingénieurs et des membres d'autres professions, c'est ni plus ni moins qu'une sorte de société ad hoc qui se constitue pour un projet particulier. Il y a des responsabilités qui sont partagées, si on veut; il y a évidemment un rôle de coordination peut-être plus fort du côté de l'architecte qui coordonne l'ensemble des conceptions rattachées au projet, mais il reste quand même que ça constitue une société professionnelle ad hoc.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Vous avez parlé tout à l'heure d'un bâtiment pour un minimum de $100,000, n'avez-vous pas considéré d'autres normes que le montant, en plus?

M. OUELLET: Le montant est basé sur une norme qui existe déjà dans la Loi des ingénieurs; il correspond aussi à une norme établie dans la Loi de sécurité du bâtiment. On n'a pas pensé qu'il y avait lieu d'aller plus bas que ça parce qu'il nous avait paru peut-être abusif d'imposer au petit propriétaire d'avoir recours aux services d'un architecte pour une construction privée, même si l'architecte s'intéresse à ces questions, parce que, en fait, il y a une certaine marge de latitude qu'il faut laisser quand même.

M. POULIN: J'aimerais peut-être ajouter un mot à cela, c'est que la question qui se pose est extrêmement intéressante et nous l'avons discutée dernièrement. Le seul autre moyen qu'il y aurait de définir le type de travaux auxquels des architectes devraient être appelés à travailler, ce serait en tenant compte de la sécurité publique. Peut-être qu'en partant de la Loi de la sécurité publique ou peut-être d'un nouveau code de la construction, s'il existe éventuellement, il y aurait lieu de prendre cette base. Même dans la Loi de la sécurité publique telle qu'elle existe actuellement, l'arrêté en conseil 315, par exemple, on définit comme édifice public tout ce qui dépasse trois étages ou huit logements, mais dans huit logements peuvent vivre une cinquantaine de personnes.

M. PERREAULT: Ce que j'avais à l'idée c'étaient certains foyers d'hébergement où la sécurité minimale n'existe pas et où on garde des gens âgés, ainsi de suite, et bien souvent, c'est en bas des $100,000. Il y a des places qui sont des nids à feu, ainsi de suite; il n'y a pas de minimum de sécurité.

M. BOUCHARD: II y a peut-être un autre point qu'on n'a pas amené. On demande au législateur la permission de mieux surveiller la pratique illégale pour les bâtiments en haut de $100,000. Mais tous les bâtiments publics, normalement, devraient être faits, à quelque niveau que ce soit, par des architectes accompagnés de toute l'équipe pluridisciplinaire.

M. PERREAULT: Je considère que c'est très important pour la sécurité du public. Une autre question...

M. LE PRESIDENT: Avant que vous ne posiez cette deuxième question, le député de Wolfe a une question sur le même sujet.

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, je voudrais demander aux architectes, dans la confection des plans, s'il y a pas mal de conflits avec les ingénieurs actuellement?

M. OUELLET: Non, je parle sur une base personnelle. Il faudrait consulter les membres...

M. LAVOIE (Wolfe): II y en a déjà eu.

M. OUELLET: ... mais en général, les choses se déroulent assez bien. H n'y a pas de problème.

M. PERREAULT: Les batailles se font surtout au niveau de la législation.

M. LAVOIE (Wolfe): Ah, bon!

M. DESCHENES: II faudrait peut-être ajouter qu'il existe un comité entre les deux professions qui siège plus ou moins régulièrement. Et lorsqu'il y a une infraction trop flagrante qui est commise par un ingénieur, l'Association des architectes se réfère à ce comité-là et en discute avec l'autre corporation. Pardon?

M. SAINT-GERMAIN: S'il est moins flagrant?

M. DESCHENES: S'il est très flagrant, l'Association des architectes peut poursuivre. Cela arrive, mais très rarement.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Vous avez dit tout à l'heure que l'état des relations, à l'heure actuelle, ne posait pas de difficulté. Dans les équipes multidisciplinaires, cela ne tend-il pas à accen-

tuer, au niveau de l'action, de meilleures relations?

M. OUELLET: C'est évident.

M. PERREAULT: J'ai connu un problème à propos de plans. Il y a quelques années, un architecte — je ne veux pas mentionner de nom — a fait des plans pour lesquels il a été payé. IL n'a pas voulu remettre les plans après avoir été payé, prétextant qu'étant donné que l'ouvrage ne se faisait pas, il devait garder les plans. Est-ce que c'est une pratique courante?

M. OUELLET: Oui. L'auteur des plans en est le propriétaire. C'est l'utilisation des plans pour les fins de la construction qui est le service de l'architecte. Le service porte dans l'utilisation de l'information que fournit l'architecte pour réaliser le projet.

M. PERREAULT: Cela diffère des ingénieurs.

M. SHEPPARD: II y a une autre raison qui a été soulevée dans plusieurs procès dont j'ai à m'occuper. C'est que l'architecte demeure responsable non seulement pendant cinq ans, mais, en réalité, pendant dix ans, parce qu'on peut poursuivre pendant les cinq années qui suivent les premières cinq années avant que l'édifice ne se soit effondré. C'est la défense de l'architecte en somme. Il a besoin des plans et des devis pour se défendre contre un risque éventuel, parce que si, avec ces plans-là, vous étiez allés voir l'entrepreneur et vous aviez construit quelque chose, si cela s'était effondré, vous auriez peut-être poursuivi l'architecte qui, même avec un avocat brillant, n'aurait pas pu se défendre, puisqu'il n'avait plus les plans.

M. PERREAULT: On ne pourra pas poursuivre l'architecte, parce qu'il n'a pas fait la surveillance.

M. SHEPPARD: On peut le poursuivre s'il a fait les plans. Il ne suffit pas qu'il ait surveillé. Un architecte peut faire des plans et ne pas surveiller ou bien peut faire et les plans et la surveillance.

M. BOUCHARD: Si, dans les plans, il y a des erreurs de calcul ou de coordination, il est responsable de ses plans, même s'il n'a pas la surveillance. S'il y a des erreurs dans les plans mêmes, il en est responsable.

M. PERREAULT: Ceci est un cas différent des ingénieurs, parce que les ingénieurs remettent les plans, peu importe si le projet se réalise ou non.

M. LE PRESIDENT: L'avocat des ingénieurs dit oui.

M. BOUCHARD: II a raison.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. Avez-vous une autre question?

M. PERREAULT: Seulement une seconde. C'est tout.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: La commission Castonguay-Nepveu a recommandé que les corporations professionnelles, ou le procureur général, aient le droit de demander une injonction pénale en cas d'infractions répétées au code des professions. Le législateur n'a pas retenu cette recommandation, mais je vois que vous revenez à la charge. Est-ce que vous pourriez donner un aperçu des raisons qui font que le législateur ne vous a pas convaincus, par son abstention?

M. BOUCHARD: Une des raisons qui nous intéressent dans ce cas, c'est que, dans le bâtiment, il y a des sommes très importantes d'impliquées. Alors si on laisse quelqu'un renouveler les manques à la loi, cela peut amener un préjudice très important au public. Ce n'est peut-être pas la même chose dans les autres corporations — je n'ai pas à juger — mais pour nous, il y en a qui érigent en principe la pratique illégale. Ils paient des amendes sur demande et ils continuent.

M. LAURIN: Alors que l'effet de l'injonction pénale est tout à fait différent, n'est-ce pas?

M. SHEPPARD: L'injonction a l'avantage de constituer une ordonnance dont la transgression subséquente entraîne non seulement une amende sévère mais la possibilité d'un emprisonnement. Vous n'êtes pas obligés de faire une nouvelle cause chaque fois. En somme, ça devient une punition pour outrage au tribunal. Il y a dans d'autres pays, en France notamment, une procédure que nous n'avons pas mais que moi, je trouve très sympathique, qui s'appelle l'astreinte et qui est une injonction assortie d'une amende par jour de transgression. Ici si vous construisez, par exemple, sans permis, vous avez une amende ou disons un emprisonnement possible. En France, on vous donne disons X jours pour démolir ce que vous avez fait en contravention de la loi et après, c'est évidemment, de tant par jour de transgression et c'est d'une efficacité étonnante parce que l'intimé ne peut pas calculer d'avance ce que ça va lui coûter. Ici on se dit: Cela va me coûter disons $5,000 ou $10,000 mais entre-temps ça me rapporte tant de revenu et c'est presque une invite à une transgression systématique de la loi. On achète une licence d'illégalité.

M. LAURIN: Si je comprends bien, cette mesure est dirigée davantage contre la faute que contre le dommage.

M. SHEPPARD: Bien, c'est pour empêcher le dommage éventuel parce que toutes ces lois qui imposent l'exclusivité de l'exercice ont pour but de protéger le public. Cela peut parfois être de protéger le public sur le plan de la sécurité mais ça peut être également sur le plan de l'esthétique, de l'urbanisme. On a eu un cas récemment, je pense, à Hull où un édifice de dix ou douze étages construit, peut-être même déjà occupé, a été déclaré illégal. Il va falloir démolir cet édifice de $14 millions parce qu'il y avait un bien public qui était en jeu.

M. LE PRESIDENT: On a un expert ici.

M. LAURIN: Mais les deux facteurs, faute et dommage, sont liés et en prévenant l'un vous trouvez que c'est un meilleur moyen d'empêcher l'autre.

M. SHEPPARD: Oui et c'est surtout un moyen de forcer les gens à respecter la loi. Comme le disait le témoin il y a un instant, dans la construction, il y a de telles sommes qui sont en jeu et de tels revenus qui sont retirés de certains placements que ça peut être payant de violer la loi et de combattre pendant des années, des amendes, faire tramer ça pendant des années parce que les revenus seront supérieurs à ce que ça va coûter. Tandis qu'une injonction est plus efficace.

M. LAURIN: Pendant que vous répondez à la question, est-ce que le même argument vaut pour d'autres professions?

M. SHEPPARD: Je dirais oui, mais naturellement les conséquences sociales ne sont pas les mêmes. Par exemple, pour la médecine, je verrais le même principe. Si un charlatan exploite systématiquement la crédulité du public, on devrait l'empêcher de force. Si, par contre, quelqu'un — on a eu les administrateurs ce matin — usurpait le titre d'administrateur, même s'il le faisait cinq fois, les conséquences sociales ne seraient pas tout à fait les mêmes. Mais on ne peut pas distinguer, il faudrait avoir ce recours et le juge de la cour Supérieure déciderait selon les circonstances si oui ou non c'est un cas assez grave. En somme, soumis à l'appréciation judiciaire. Pour l'instant il y a eu des cas à Montréal, des cas patents, je pense à la clinique Bourget, par exemple, où pendant dix ans on a exploité une clinique en violation des règlements de la ville de Montréal.

M. LAURIN: A défaut pour le législateur de prendre à son compte cette recommandation, voyez-vous d'autres méthodes peut-être moins efficaces auxquelles on pourrait songer en alternative pour aboutir au même résultat, la protection de l'intérêt public?

M. SHEPPARD: Moi, il y a un dada que j'ai toujours. Enfin, si vous m'invitez à en faire l'apologie, je dirais qu'on devrait avoir au Québec ce qu'on a aux Etats-Unis et qui s'appelle les "class actions" où n'importe quel citoyen peut intenter une poursuite au nom de la société à ses frais, pour faire interdire un abus. On n'est pas obligé de s'adresser à un organisme officiel et, comme vous savez, ça peut être très efficace. C'est à cause de cela que les manufacturiers d'automobiles ont été obligés, par exemple, de modifier les normes de construction.

Au Québec et au Canada en général on fait tout pour empêcher les gens d'avoir recours à la justice plutôt que de faire tout ce qu'on peut pour les aider à accéder à la justice. Il y a d'ailleurs une règle de déontologie du Barreau qui interdit d'encourager les litiges. Personnellement, je préconise que l'on encourage les litiges quand le but est de faire respecter la loi et de protéger la société. Et quand l'on songe à toutes les importantes réformes sociales réalisées aux Etats-Unis par les tribunaux, on se rend compte de tout ce que cela peut apporter. Au Canada, on adopte le point de vue inverse et je peux citer de nombreuses causes où les tribunaux ont dit: On n'est pas sûr, alors on n'autorise pas d'aller en cour. C'est vraiment une attitude très négative.

M. DESCHENES: A ce sujet, je voudrais ajouter, M. le député, qu'il existe aussi la possibilité de pénalités d'ordre civil, comme on le réclame dans l'article 12-2, que la personne qui pratique illégalement n'ait droit à aucun honoraire. Dans le cas des architectes, ce qu'on demande provient d'un jugement où la cour Suprême du Canada avait décidé que la Loi des architectes, étant d'ordre public, personne ne pouvait réclamer d'honoraires pour la préparation de plans lorsqu'il n'était pas autorisé à le faire.

A ce sujet-là, on réclame d'inclure dans la Loi des architectes un texte spécifique à cet effet mais je crois qu'un texte de cette nature-là pourrait tout aussi bien être compris dans le code des professions, un peu comme on l'a dans la Loi de la protection du consommateur où, en plus des pénalités d'amendes ou autrement, on a des pénalités civiles qui ont un effet assez probant, je crois.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, quelques questions, de petites questions pratiques. Il y a combien d'architectes dans la province de Québec?

M. OUELLET: A peu près 950, 970, presque 1,000.

M. GUAY: Maintenant, quel pourcentage fait partie de l'association?

M. OUELLET: C'est presque 1,000 qui sont membres de l'association.

M. GUAY: Qui sont membres, mais l'ensemble des architectes, est-ce que c'est beaucoup plus que cela?

M. OUELLET: II y a peut-être 10 p.c, je ne sais pas, qui sont de jeunes architectes diplômés ou des architectes retirés, je ne sais pas. Mais je pense que cela couvre pas mal l'ensemble.

M. BOUCHARD: Disons que le titre d'architecte est seulement pour les membres de la corporation. Alors, il n'y a que ceux qui sont membres qui portent le titre d'architecte. Les autres, ce sont des diplômés en architecture qui viennent d'un peu partout, ou de nos stagiaires qui attendent d'être reçus membres et qui sont diplômés, il y en a peut-être 150, 200.

M. GUAY: II y a une autre question que j'ai l'habitude de poser aux différents professionnels qui viennent ici. Y a-t-il suffisamment d'architectes présentement pour répondre aux besoins?

M. BOUCHARD: Je crois que toutes les corporations prétendent qu'elles devraient être deux ou trois fois plus nombreuses et avoir des postes de plus en plus importants. Je crois que nous sommes mal placés pour juger de la question.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le maire Drapeau a la même opinion que vous?

M. BOUCHARD: Je crois qu'il a l'opinion contraire. Il va en importer.

M. GUAY: On a parlé de pratique illégale, j'étais pour poser la question suivante: Dans le champ d'exercice, en fait l'acte d'architecte, cela s'étend de quoi à quoi? Eh bien, vous y avez pratiquement répondu tantôt. En ce qui concerne la pratique illégale, vous dites que vous recevez des plaintes. J'aimerais connaître en gros la nature de ces plaintes et est-ce que c'est fréquent?

M. DESCHENES: Au sujet des plaintes, on peut dire que l'association intente des poursuites, sept, huit, dix fois par année contre des individus qui pratiquent illégalement. Cependant, je dois dire que c'est assez difficile de découvrir ceux qui pratiquent illégalement, à cause du fait que plusieurs municipalités acceptent d'émettre des permis de construction sans que les plans soient signés par personne. Alors, en faire la preuve, c'est très difficile, ce n'est qu'occasionnellement, lorsqu'il y a des problèmes entre le client et le pseudo-architecte ou celui qui pratique illégalement, que cela vient à nos oreilles.

M. BOUCHARD: II y a peut-être une autre dimension qu'on pourrait donner à cela, à cette question-là. C'est qu'on considère, si l'on additionne le total de la construction qui est faite dans la province de Québec par année, on dit: Quel est le pourcentage qui est fait par les architectes? Là, les chiffres seraient peut-être surprenants. Je pense que nous n'avons pas la majorité de notre côté.

M. GUAY: Maintenant, abstraction faite de l'expérience de vos membres, est-ce qu'au départ tous les architectes ont la même formation, disons pour devenir, pour être licenciés ou, je ne sais pas, avoir un permis d'architecte?

M. OUELLET: Oui, on demande à tous nos candidats d'avoir la même formation de base, c'est-à-dire l'équivalent d'un baccalauréat en architecture d'une des écoles reconnues de la province de Québec — il y en a deux à Montréal et une à Québec — ou encore ce sont des diplômés qui viennent de l'étranger, mais d'écoles dont on reconnaît l'équivalence par rapport à nos écoles. En plus de cela, il y a un nombre limité d'étudiants qu'on appelle des étudiants de l'Association des architectes, qui font des stages beaucoup plus longs, pouvant varier de neuf à dix années.

M. BOUCHARD : Neuf ans.

M. OUELLET: En général, le stage est de neuf ou dix ans. Ils font de la pratique, travaillent dans des bureaux et apprennent dans les bureaux la profession; ils ont à subir des examens équivalant à ceux qui existent dans les écoles.

M. GUAY: Est-ce qu'il y a une collaboration assez étroite entre l'Association des architectes et les maisons d'enseignement de la profession?

M. BOUCHARD: On est bien content de l'attitude que prend le législateur de ce côté-là. C'est toujours assez difficile pour une corporation professionnelle de regarder de trop près ce qui se passe à l'intérieur d'une université. Les contacts humains sont très bons avec les professeurs, nous en avons parmi nous, ils sont tous membres de notre corporation, ils font souvent partie de notre conseil. Quant à aller voir les programmes, ce sont des pratiques assez peu courante pour la corporation.

M. GUAY: Vous avez quand même le droit de faire certaines recommandations, quand bon vous semble? Ce peuvent être des recommandations et non ce qu'on appelle un droit de veto.

M. OUELLET: Au niveau de l'admission, nous avons une certaine responsabilité de juger de la compétence de nos candidats, de nos membres. Il nous paraît par ailleurs que nous ne pourrions pas nous ingérer dans l'organisation

de l'enseignement universitaire. L'université doit être considérée, à juste titre, comme une entité qui a la pleine latitude de prendre des moyens pour développer le champ des connaissances et de la recherche, etc. Ceci nous amène, nous, à considérer qu'il y a une distinction à faire entre ce qu'on pourrait appeler une discipline ou un département universitaire d'une école professionnelle. Une école professionnelle peut être intégrée dans un système de départements universitaires qui enseignent l'architecture ou les sciences connexes mais, à ce moment-là, nous croyons que l'école professionnelle en tant que telle devrait avoir un programme acceptable à la corporation professionnelle qui est responsable de l'admission.

M. GUAY: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Vous avez mentionné que l'architecte d'aujourd'hui devait avoir une plus grande formation. Est-ce que vous envisagez éventuellement, pour donner la licence de pratique, de requérir le diplôme universitaire dans l'avenir ou de continuer à bâtir des "selfmade"?

M. OUELLET: Le cas de ce qu'on appelle "les étudiants de l'Association des architectes", c'est un cas extrêmement limité qu'on envisage pas de laisser disparaître. Il est possible qu'avec le temps, avec une meilleure organisation de l'enseignement collégial et universitaire, ça puisse disparaître de soi.

Mais il arrive que, dans la pratique, on a eu de très bons candidats qui ont été formés à l'intérieur des bureaux d'architectes et qui ont dû passer des examens équivalant à ceux que doivent passer les étudiants des universités. Il faut dire que les examinateurs de ces candidats sont, en général, des professeurs d'université.

M. PERRAULT: Oui, mais à ce moment-là, est-ce que la formation multidisciplinaire n'est pas plutôt réduite?

M. OUELLET: Disons qu'en principe ça constitue un type un peu particulier d'architectes, c'est-à-dire probablement beaucoup plus expérimentés au niveau des techniques du bâtiment. Peut-être y a-t-il un champ un peu moins large si on veut, au plan de la formation humaniste, mais il reste quand même que l'expérience nous a démontré que certains de ces candidats étaient très valables et pouvaient se comparer à un bon nombre des étudiants des écoles.

M. POULIN: C'est un fait très marginal, c'est un ou deux pour cent de la masse, des 1,000 membres.

M. LAVOIE (Wolfe): Le comité de discipline a à rayer plusieurs architectes durant une année. Quel est le pourcentage d'architectes qui doivent être rayés de l'association durant l'année?

M.BOUCHARD: Les causes de discipline peuvent varier de la censure verbale à la radiation. En général, on peut dire que les cas sont assez rares, heureusement. Cela peut se limiter à deux ou trois par année.

M. LAVOIE (Wolfe): A l'occasion, est-ce que ça parait dans un bulletin spécial, un bulletin quelconque, un bulletin des architectes?

M. BOUCHARD: Actuellement, le comité de discipline, comme partie de la sentence, peut décréter que ce sera publié dans le bulletin mensuel de l'Association des architectes.

M. LAVOIE (Wolfe): Voici une affaire dont j'entends parler assez souvent, je ne sais pas si c'est vrai ou non. On dit que la profession d'architecte est très fermée et qu'on limite le nombre autant que possible; on en accepte seulement si on prévoit un besoin quelconque. Est-ce que vous pourriez dire si c'est vrai ou non?

M. BOUCHARD: J'ai l'impression qu'il y a beaucoup plus de qu'en dira-t-on à ce propos-là que d'autres choses précises. Certainement la corporation n'est pas fermée. D'accord, il y a à passer des examens de pratique professionnelle, un domaine assez difficile à préciser. C'est beaucoup plus une science acquise à la suite d'une expérience. Maintenant, dire que c'est fermé, depuis dix ans au moins, nous ouvrons énormément et de plus en plus nos portes.

M. LAVOIE (Wolfe): Cela veut dire qu'elles ont déjà été très fermées.

M. BOUCHARD: II y a cinquante ans, je n'étais pas là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Quel est le pourcentage des architectes qui sont employés?

M. BOUCHARD: Je suis employé moi-même à la ville de Montréal. En 1968, j'ai fait un recensement à l'appui de l'association et nous étions à peu près le tiers. Le pourcentage va toujours en augmentant.

M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, vu qu'il n'y a pas plus de relations que ça entre l'université et la corporation, est-ce qu'il y a plusieurs finissants des cours d'architecture qui ne peuvent pas, à cause de vos examens, entrer

dans la Corporation des architectes ou s'ils entrent sans examen?

M. BOUCHARD: Je ne sais pas si j'ai compris la question mais...

M. SAINT-GERMAIN: Les finissants par exemple de l'école d'architecture de l'Université de Montréal.

M. BOUCHARD: Ils doivent prendre deux ans de stage dans les sciences de l'architecture ou les sciences connexes, c'est-à-dire dans des bureaux d'ingénieurs mêmes. On accepte toutes sortes d'expériences.

Après ces deux ans, nous examinons le genre d'expérience qu'ils ont acquise. Nous leur faisons passer un examen dit de pratique professionnelle. Ils ne contestent pas du tout le diplôme mais ils vérifient uniquement leur expérience comme architecte, l'expérience qu'ils ont acquise.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce qu'ils y en a plusieurs qui restent en plan?

M. BOUCHARD: Très peu.

M. OUELLET: Dire qu'il n'y a pas de relation entre l'association et les écoles d'architecture, c'est peut-être un peu fort. Il n'y a pas les relations qu'on voudrait avoir. Nous sommes au courant des programmes. Nous avons un comité conjoint de l'association et des écoles d'architecture. Nous nous tenons, dans la mesure du possible, au courant des programmes d'enseignement qui sont donnés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: Je voudrais simplement essayer de comprendre une chose, c'est la nature des relations entre le client, le public et les architectes. Est-il exact d'affirmer, dans l'hypothèse qu'une société voudrait bâtir un hôtel au pied du mont Sainte-Anne, que la première chose qu'il est normal de faire est d'abord de retenir les services d'un architecte? Avec celui-ci, le client doit exposer son programme, ses besoins, ce qu'il veut faire. Est-ce l'architecte qui voit à la conception de l'oeuvre pour satisfaire les besoins et le programme du client? Est-il exact d'affirmer que c'est seulement après ça que va intervenir dans la construction l'ingénieur en structure, ou l'ingénieur en ventilation ou en électricité? Ou la conception va-t-elle se faire immédiatement au départ et avec les ingénieurs et avec les architectes?

M. POULIN: II y a différents modèles qui peuvent se produire. Dans le cas de votre hôtel, un client privé, normalement, il va voir un architecte pour commencer. Il peut arriver avec un programme qui ne soit pas entièrement défini. L'architecte peut donc travailler à l'éla- boration du programme avec lui et souvent avec des équipes de consultants. Lorsque commencent les études préliminaires, les ingénieurs interviennent immédiatement, parce que tous les systèmes sont interreliés. L'architecte peut, comme on le sait, commencer à faire des études préliminiares tout à fait conceptuelles dès le départ, peut-être sans consulter un ingénieur, mais très très rapidement l'ingénieur entre en action lui aussi, parce qu'on ne peut pas aller bien loin sans étudier à la fois les systèmes structuraux et les systèmes mécaniques du bâtiment.

M. VEZINA: Est-ce pour cette raison d'interdépendance que vous avez fait des remarques dans votre exposé concernant la demande des ingénieurs pour avoir l'exclusivité de la conception des ouvrages qui leur sont confiés?

M.POULIN: C'est exact. C'est un des points. Il est à peu près impossible qu'un ingénieur conçoive seul la structure du bâtiment. C'est un travail d'équipe. Lorsqu'arrive le calcul, c'est son travail et nous ne le contestons pas.

M. VEZINA: Est-ce que je peux conclure de vos propos que le public ou le client, que ce soit le gouvernement ou un client privé, serait moins bien protégé si on accordait cette exclusivité demandée dans le mémoire des ingénieurs?

M. POULIN: II vaudrait mieux dire qu'il serait moins bien servi.

M. VEZINA: II serait moins bien servi, si vous voulez.

M. POULIN: Oui.

M. VEZINA: Dans un autre ordre d'idées, j'ai une dernière question. Actuellement, si un client qui a fait affaires avec un architecte avait à se plaindre des honoraires qui lui sont exigés, avez-vous des mécanismes d'arbitrage de comptes d'honoraires?

M. DESCHENES: Oui, actuellement il y a une disposition dans le code d'éthique des architectes qui est semblable à celle qui existe au Barreau, en vertu de laquelle l'architecte doit se soumettre à la décision d'un comité d'arbitrage, si le client le désire.

M. VEZINA: Si le client a manifesté à votre association le désir de faire arbitrer le compte d'honoraires, est-ce que l'architecte peut, entre le moment où il sait que le compte va être arbitré par votre association et le moment où la décision sera rendue, transporter le débat devant les tribunaux civils pour enlever la juridiction à l'association en disant: C'est déjà devant la cour Supérieure et on verra le jugement?

M. DESCHENES: En principe, le texte du règlement est à l'effet qu'il ne peut pas le faire

dès qu'il est averti qu'il y aura arbitrage. Il faut qu'il se soumette non seulement à l'arbitrage, mais à la décision.

M. VEZINA: Mais en pratique, est-ce qu'il arrive qu'il y ait des comptes d'honoraires d'architectes qui sont arbitrés comme ça par votre association?

M. DESCHENES: Assez fréquemment, je dirais que ça peut arriver sept ou huit fois par année.

M. VEZINA: Parce qu'en fait vos honoraires, si j'ai bien compris, sont basés sur les honoraires approuvés par arrêté en conseil. Ce sont des pourcentages suivant l'étape où on est rendu dans l'oeuvre. C'est un tarif, mais approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil, je pense.

M. DESCHENES: C'est ça. Mais les débats d'honoraires arriveront surtout dans le cas de travaux arrêtés à mi-chemin ou en cours de route où il s'agit d'évaluer quelle est la proportion du travail effectué.

M. LE PRESIDENT: Le député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): Une question pour terminer. Je voudrais savoir si, dans les devis que vous préparez, il y a des clauses qui ne protègent pas l'architecte. Il semble qu'il y ait beaucoup de clauses pour protéger l'architecte et très peu pour le devis lui-même. Est-ce qu'il y a des clauses qui ne protègent pas l'architecte? Vous disiez tantôt que vous vouliez être protégés pour...

M. BOUCHARD: II faut comprendre l'esprit d'un cahier des charges qui n'est pas là pour protéger l'architecte; il est là pour protéger le propriétaire, le client. En général, les fournisseurs de matériaux nous apportent des devis tout prêts, la partie qui les concerne, et il y a une série de clauses qui nous protègent. Nous les biffons intentionnellement pour amener les clauses qui protègent les clients; nous ne sommes pas payés par le fournisseur de matériaux, normalement. Nous sommes payés par le propriétaire et nous devons le défendre. Nous prenons seulement les clauses qui protègent le propriétaire.

UNE VOIX: Pourquoi donc?

M. BOUCHARD: C'est-à-dire que la nature humaine, je ne sais pas...

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Au sujet des honoraires qui sont fixés, ce sont des honoraires ni maximums, ni faux. L'architecte ne peut pas travailler à moins cher que le taux d'honoraires fixé.

M. BOUCHARD: Le tarif des honoraires actuel est un tarif suggéré.

M. VEZINA: Suggéré. Il est approuvé par arrêté en conseil. Un architecte ne pourrait pas travailler au double ou au triple de ce qui est prévu dans la loi.

M. BOUCHARD: C'est-à-dire que l'architecte le pourrait toujours, s'il y avait une entente à cet effet avec le client, mais il aurait de la difficulté à revendiquer quelque chose de supérieur au tarif établi. Mais rien n'empêcherait l'architecte de travailler à un tarif inférieur.

M. DESCHENES: La Loi des architectes prévoit que le tarif établi par le lieutenant-gouverneur en conseil fait preuve, à défaut d'entente au contraire, par écrit. S'il y a une entente écrite inférieure au tarif c'est celle-là qui s'applique. S'il n'y a pas d'entente par écrit, c'est le tarif approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. La commission vous remercie pour votre exposé. Nous suspendons la séance jusqu'à 8 h 15 pour permettre à la Corporation des urbanistes de présenter son mémoire ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

Remise de la séance à 20 h 30

M. FORTIER (président de la commission spéciale des corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Nous allons entendre le mémoire de la Corporation des urbanistes du Québec.

Corporation des urbanistes du Québec

M. ASSELIN: M. le Président, M. le Solliciteur général, MM. les membres de la commission, mon nom est Claude Asselin, président de la Corporation des urbanistes du Québec. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. A ma gauche, M. Marcel Junius, premier vice-président de la corporation; M. Claude Lavoie, secrétaire-trésorier; Me Jean-Marie Paquet, notre conseiller juridique; M. Jean Alaurent, professeur agrégé, Institut d'urbanisme, Université de Montréal et M. Alexandre Sokloski.

Aujourd'hui j'ai le plaisir et l'honneur de représenter auprès de vous l'ensemble des 118 urbanistes du Québec. Avant de céder la parole à Me Jean-Marie Paquet, je vous ferai part brièvement de quelques faits relatifs à notre profession. Tout d'abord, en quoi consiste le travail d'un urbaniste dans la pratique? Un urbaniste peut être, soit au service d'un corps public comme une municipalité, soit être à l'emploi d'une grande entreprise, ou encore agir comme urbaniste-conseil auprès d'un client.

Dans la pratique, un urbaniste est appelé â poser les actes suivants que j'énumère d'une manière non limitative: il prépare des plans directeurs ou schémas directeurs d'aménagement incluant la désignation des affectations des sols, la répartition des densités, l'emplacement de la grille routière et du réseau de transport en commun, l'emplacement des équipements sociaux.

Il prépare les études qui servent à l'élaboration de ces plans, c'est-à-dire étude sociologique, étude économique, étude de rentabilité, enfin diverses études prévisionnelles qui doivent servir aux fins de la planification. Il préprare aussi les programmes de réalisation des plans par phases ainsi que les échéanciers des dépenses selon ces phases. Il prépare encore des règlements de zonage, des règlements de construction et des règlements de contrôle des lotissements. Il prépare des plans et programmes de rénovations urbaines. Il fait la gestion d'aménagement incluant les révisions et les amendements aux plans et règlements de zonage ainsi que la programmation budgétaire. Il fait de la recherche urbaine, recherche de nouvelles normes d'aménagement. Finalement, à une autre échelle, l'urbaniste est aussi appelé à faire des études, des localisations et des projets spécifiques, comme, par exemple, de grands projets d'habitation, des complexes commerciaux et de grands centres d'achat, des complexes industriels, des aéroports, golfs, complexes scolaires, etc.

Nous sommes conscients que plusieurs de ces travaux de l'urbaniste ne se prêtent pas à une pratique exclusive. C'est habituellement le cas du domaine de la pollution, du domaine des études socio-économiques d'une façon générale.

Par ailleurs, nous croyons que certains travaux spécifiques pourraient et devraient être du domaine exclusif de l'urbaniste, puisqu'il est le seul professionnel à posséder la formation et les connaissances scolaires requises à ces fins. En quoi consiste cette formation de l'urbaniste? Pour devenir urbaniste, on doit d'abord détenir un premier diplôme universitaire, que ce soit en génie, en architecture, en géographie, en droit, en arpentage, hautes études commerciales ou tout autre diplôme universitaire du premier cycle. Ensuite, on doit suivre un cours au niveau de la maîtrise, cours dont la durée est de deux années et demie et au terme duquel une thèse doit être soutenue. On doit ensuite faire un stage d'au moins deux années dans un bureau d'urbaniste, dans le domaine propre de l'urbaniste et ce stage doit être constaté par brevet notarié.

En bref, on met d'une manière générale de neuf à dix années d'études et de stage pour devenir urbaniste, c'est-à-dire spécialiste de l'aménagement urbain.

Un mot sur les perspectives d'avenir. On vient de le voir, il est aujourd'hui laborieux et dispendieux de devenir urbaniste. Cependant, il faut souligner ici qu'il est dans les projets immédiats des autorités de mettre sur pied un programme de premier cycle en urbanisme. Ce programme permettra à un étudiant du CEGEP d'accéder à cette profession moyennant cinq annnées d'études universitaires, comme c'est le cas pour les autres professions. La Corporation des urbanistes a d'ailleurs contribué à l'élaboration du programme d'études qui, soit dit en passant, est très intensif et a insisté auprès des autorités pour que ce cours se donne dans les plus brefs délais.

Au sujet maintenant de l'avenir de l'urbanisme au Québec, le conseil des ministres a approuvé en octobre 1971 les principes généraux d'une loi-cadre d'urbanisme. Le ministre des Affaires municipales a déjà annoncé la venue prochaine de cette loi-cadre d'urbanisme. Nous croyons qu'il serait opportun, voire nécessaire, qu'une profession dûment responsable et compétente soit reconnue par le code des professions pour assurer la mise en oeuvre de cette loi. Me Paquet.

M. PAQUET: M. le Président, je n'ai évidemment pas l'intention de lire ni tout le mémoire, ni de larges passages du mémoire, mais bien de vous résumer pour le bénéfice des membres de la commission, parmi les divers points que nous avons soulevés, ceux que nous considérons les plus importants; nous vous les énumérons non pas dans l'ordre de l'importance que nous leur accordons, mais bien dans l'ordre de présentation du mémoire.

Premièrement, la Corporation des urbanistes du Québec tient à faire part à cette commission de son accord d'emblée sur les objectifs du projet, du code des professions qui sont une protection du public accrue et mieux structurée, un contrôle plus efficace et uniformisé des actes posés par les professionnels reconnus au sens de la loi et une réorganisation des corporations professionnelles selon des normes, dans toute la mesure du possible, uniformes. Cependant, nous remarquons que le projet de loi définit deux sortes de professions, ce qu'on a convenu d'appeler des professions à exercice exclusif et des professions à titre réservé. Peut-être, à notre avis, l'un des désavantages les plus marqués du projet de loi est que, tel qu'il est présenté, le contrôle complet et efficace de l'acte professionnel ne s'applique vraiment que dans les cas de professions à exercice exclusif. Dans le cas où le projet de loi, copiant en cela les lois antérieures, ne protège que le titre, le contrôle de la qualité de l'acte professionnel en vue de protéger le public n'est assuré que pour les membres de la corporation. Il est bien évident — point n'est besoin de faire une longue démonstration — que si, par exemple, la Corporation des urbanistes du Québec, en accord avec le code des professions, se dote d'un code de déontologie très strict et se dote d'un mécanisme efficace d'arbitrage des comptes, sur 200 urbanistes actuellement au Québec, il pourra s'en trouver beaucoup qui, trouvant l'appartenance à la corporation trop onéreuse, préféreront pratiquer en dehors des cadres de la corporation. Par là, croyons-nous, le projet de loi aura manqué en grande partie l'un de ses buts essentiels qui est d'assurer au public une protection sur tous les actes professionnels.

Ensuite nous désirons attirer votre attention sur une remarque, relativement à la composition de l'Office des professions. Vous verrez dans notre mémoire que nous suggérons un mandat de cinq ans. Le but de cette suggestion est d'éviter, autant que possible, le danger que les membres de l'Office des professions perdent contact avec les exigences immédiates et quotidiennes de la pratique d'une profession.

Le but de la suggestion que nous faisons dans notre mémoire à l'effet d'avoir un office composé de cinq membres plutôt que de trois membres est afin, croyons-nous, d'assurer au sein de l'office une meilleure représentation des diverses catégories de professions.

Nous croyons qu'on pourrait peut-être diviser les genres de professions en professions de la santé, professions à caractère juridique, professions à caractère essentiellement physique comme le génie, l'architecture, l'urbanisme, les professions qui relèvent essentiellement des sciences humaines et les professions à consonance économique: comptables, administrateurs, etc.

Et nous croyons qu'une composition de cinq membres pourrait permettre au gouvernement qui nommerait les membres de cet office, de s'assurer que constamment ces cinq grands secteurs de la vie professionnelle seraient continuellement représentés au sein de l'office.

Maintenant, une note en passant au sujet du siège social des diverses corporations. Il nous semble bien évident que la majorité des activités professionnelles et les sièges sociaux des diverses corporations étant dans la région de Montréal, il serait peut-être pratique que le siège de l'Office des professions puisse être situé dans la région de Montréal.

Sur le secret professionnel, nous endossons d'emblée les représentations qui ont été faites par le Conseil interprofessionnel du Québec en insistant sur le fait que le secret professionnel appartient, selon nous, non pas au professionnel, mais bien au client du professionnel, et que par conséquent, il faudrait que la loi offre des garanties très strictes sur la révélation du secret professionnel. Nous vous suggérons que le contenu du dossier d'un client puisse n'être révélé que sur l'ordre d'un tribunal, qu'il s'agisse d'un tribunal disciplinaire ou autre, ou avec la permission du client lui-même.

Maintenant, une note également au sujet de la tutelle automatique d'une corporation professionnelle qui est prévue à l'article 12. Nous croyons que le texte pourrait être davantage resserré, de façon à éviter ce qui semble être l'automatisme de la mise en tutelle pour un simple déficit budgétaire passager. Autant nous sommes d'accord sur le fait qu'une corporation étant en situation d'insolvabilité réelle et prolongée devrait être mise en tutelle, autant nous croyons que le texte de l'article 12 pourrait s'interpréter comme impliquant la tutelle automatique pour simplement un déficit passager qui peut facilement être recouvert l'année suivante par une cotisation supplémentaire et qui peut entre-temps être couvert par des emprunts temporaires.

Le point essentiel de notre mémoire réside dans la demande que nous voulons formuler de faire de l'urbanisme une profession à exercice exclusif et non pas une profession où seulement le titre serait protégé. Nous croyons que l'importance de l'urbanisme se retrouve au niveau de l'individu, au niveau de la collectivité en général et également au niveau de l'Etat. Au niveau de l'individu, les travaux de développement et de réaménagement urbains impliquent toutes les facettes de la vie quotidienne de l'individu. Il en découle, selon nous, la nécessité d'en contrôler la qualité et de régir l'organisation professionnelle de façon totale en couvrant tous les professionnels qui oeuvrent dans le domaine de l'urbanisme si on veut créer un environnement et un milieu de vie qui soient adaptés de façon courante aux besoins de l'homme.

Relativement à la collectivité, nous croyons que la collectivité qui s'exprime par un gouvernement municipal, provincial ou régional a le devoir et le pouvoir de planifier, d'organiser et de régir le développement du territoire sous sa

juridiction et que l'absence de politique et de programme d'urbanisme ainsi que des structures et des projets mal définis peuvent entraîner les collectivités dans des problèmes financiers, fiscaux et administratifs énormes.

Ce n'est pas mon intention de nommer des villes ou des coins de ville en particulier, mais on n'a qu'à regarder certaines villes de la région de Montréal que je connais bien pour voir ce que donnent comme résultat l'absence de planification et l'absence d'urbanisme.

Nous croyons que l'Etat a également un besoin vital que la planification du développement du territoire soit bien faite et par des gens compétents. Le président de la corporation rappelait tantôt le fait que l'honorable ministre des Affaires municipales a annoncé pour bientôt le dépôt d'une loi-cadre d'urbanisme. Il est bien évident que, si une loi-cadre d'urbanisme doit servir à quelque chose, il faudra que les gens qui seront chargés de sa mise en application quotidienne au niveau des municipalités et des communautés régionales soient des gens compétents et que la qualité des services qu'ils seront appelées à rendre aux municipalités et aux gouvernements régionaux soient tels qu'on évite l'écueil d'investissements mal planifiés qui causent assez fréquemment des problèmes non seulement d'ordre financier mais d'ordre humain.

Maintenant, nous croyons, de plus, que la Corporation des urbanistes du Québec répond parfaitement aux critères qui sont prévus à l'article 21 du code des professions pour la reconnaissance d'une profession. En effet, les connaissances requises pour l'exercice de la profession d'urbaniste sont bien particulières et spécialisées et il s'agit de connaissances de niveau universitaire de deuxième cycle à l'heure actuelle, c'est-à-dire un diplôme universitaire normal plus une maîtrise.

Deuxièmement, chaque urbaniste jouit d'une totale autonomie dans l'exercice de ses activités et la complexité du travail qu'il a à accomplir et des données qu'il a _à colliger pour formuler une opinion à son client rendent extrêmement difficile à un profane un jugement de valeur sur son travail. Le caractère personnel des relations entre l'urbaniste et son client se situe autant au niveau de l'individu qu'au niveau de la collectivité. Et c'est en raison de la confiance accordée aux urbanistes qu'ils peuvent prévoir, autant que faire se peut, l'avenir et planifier les investissements des collectivités.

Point n'est besoin d'insister non plus sur la gravité du préjudice que peut causer à l'ensemble d'une collectivité des investissements en service public qui seraient mal planifiés. Point n'est besoin d'insister non plus sur le caractère essentiellement confidentiel des renseignements qui sont fournis à l'urbaniste par les administrations publiques, pour la préparation de son travail.

Lors de la séance de la commission où vous avez entendu le mémoire du Conseil interpro- fessionnel du Québec, la question s'est posée, à savoir si les corporations qui demandaient d'être considérées comme des corporations à exercice exclusif avaient prévu une définition de ce que serait le champ d'activité exclusif de cette corporation. Nous vous référons à la page 27 de notre mémoire.

La page 27 de notre mémoire comporte deux définitions. D'abord, une définition d'ordre général de ce que fait un urbaniste, qui n'a pas du tout l'intention d'être une définition juridique pour inclure dans une loi. Deuxièmement, vous avez un paragraphe qui s'intitule "Du domaine exclusif de l'urbaniste" et qui dit : "Aux fins précitées, seul l'urbaniste peut, pour autrui et contre rémunération, exécuter les actes professionnels suivants..."

Vous noterez que les actes professionnels qui sont énumérés après ne sont pas des théories ou des mots, mais des choses bien concrètes: la préparation des plans d'utilisation et de vocation du sol, la préparation des plans directeurs ou schémas directeurs d'aménagement comprenant les affectations du sol et les densités approximatives, le tracé approximatif des principales voies de communication, la nature et l'emplacement approximatif des équipements urbains, la nature, l'emplacement et le tracé des services d'utilité publique, la préparation de plans de zonage, la préparation de plans de réaménagement urbain, la préparation de la conception des plans de lotissement ou de subdivision et non pas le calcul des terrains ou la préparation du plan lui-même et l'élaboration d'avant-projets de règlement concernant le zonage, l'affectation des sols, etc.

L'association des architectes, cet après-midi, vous a fait des représentations sur le caractère pluridisciplinaire de plusieurs des éléments d'exercice exclusif que nous vous soulignons ici. Ce n'est évidemment pas notre intention de nier que, dans tous ces éléments-là, il y a des composantes qui ne sont pas du domaine de l'urbanisme. Il est bien évident que l'urbaniste qui doit soumettre à une municipalité un avant-projet de règlement de zonage général et de règlement de construction aura besoin des lumières de l'ingénieur parce qu'il faut connaf-tre la mécanique des sols, entre autres, pour déterminer la route des principaux services publics; il aura sûrement besoin des données de l'architecte pour prévoir le traitement architectural minimum et les normes de construction; il aura sûrement besoin des données de l'avocat pour ce qui est de ce qu'il peut mettre dans un règlement de zonage au regard de la Loi des cités et villes.

Ce n'est pas du tout notre intention de nier cela. Mais il n'en reste pas moins que cela prend un individu, un professionnel qui est responsable de colliger toutes ces informations et, à partir de ces informations-là, de formuler, envers le corps public qui l'engage, une opinion globale. A l'intérieur d'une équipe pluridisciplinaire pour préparer un avant-projet de règle-

ment de zonage, ce n'est sûrement pas moi, l'avocat, qui vais me sentir la compétence de signer le plan directeur. Et je pense que cela ne devrait être ni l'architecte, ni l'ingénieur. Cela prend un coordonnateur, un maître d'oeuvre dans ce domaine-là et nous vous soumettons bien respectueusement que l'urbaniste est le maître d'oeuvre. Et d'ailleurs, vous noterez que notre projet de définition comporte la mention: "Rien dans cette définition ne devrait être interprété comme pouvant empêcher d'autres professionnels de poser des actes professionnels dans leur domaine d'activités propres".

Au sujet des incapacités physiques et psychiques de pratiquer qui sont prévues dans le code des professions, nous suggérons également, bien respectueusement, qu'il existe des données médicales, actuellement qui, nous semble-t-il, devraient permettre au législateur de définir, dans la loi même, quelles sont les conditions physiques et psychiques qui empêchent un professionnel de pratiquer, ou que, au pis aller, la réglementation pourrait le faire.

Nous nous opposons au fait de donner simplement un chèque en blanc au bureau d'une corporation, d'envoyer quelqu'un se faire examiner sans trop savoir pourquoi. Quelles sont essentiellement les conditions qui peuvent m'empêcher, moi, avocat, de pratiquer? Je pense que cela pourrait être défini dans un règlement et que c'est à partir de la constatation de l'existence de ces faits-là, uniquement, que je devrais être soumis à un examen médical; ou mieux il existe dans la procédure civile normale, procédure qui est bien connue quand on veut empêcher quelqu'un d'administrer ses biens, on tente de le faire interdire devant le tribunal en faisant la preuve de certains faits. Si on veut interdire à un professionnel de pratiquer nous croyons que cette procédure serait peut-être mieux que le syndic de la corporation ou le bureau de la corporation, par un droit qui serait couvert dans un règlement avant qu'on ne puisse empêcher le professionnel de gagner sa vie. Maintenant, nous vous soumettons également que nous aimerions voir dans le cas de petites corporations comme la nôtre la possibilité de l'élection du bureau à une assemblée annuelle si la corporation choisissait ce mode d'élections-là plutôt qu'automatiquement une élection par représentation régionale.

Nous vous suggérons également que, même dans une petite corporation comme la nôtre qui comporte des membres dans un très grand territoire, celui du Québec, il serait utile que les règlement ou la loi permette à la corporation d'avoir, si elle le désire, un comité exécutif qui pourrait veiller à l'administration quotidienne des choses de la corporation entre les assemblées du bureau. Enfin, au niveau de l'inspection professionnelle, nous croyons que les membres du comité d'inspection professionnelle devraient être désignés par le bureau et qu'ils devraient avoir un pouvoir de vérification des normes de pratique professionnelle des mem- bres et un pouvoir de faire rapport au bureau et au syndic; il devrait appartenir au syndic ou au bureau et non pas au comité d'inspection de porter une plainte disciplinaire.

Relativement au comité de discipline, la Corporation des urbanistes aimerait voir le comité de discipline présider non pas par un avocat, mais par des juges qui seraient nommés spécialement pour présider les comités de discipline de façon qu'il puisse se constituer une jurisprudence en matière de droit professionnel qui pourrait éclairer davantage à l'avenir les membres des professions. Nous avons également des réserves à exprimer sur l'article qui, en quelque sorte, oblige le comité de discipline à reconnaître le jugement d'un tribunal étranger comme pouvant apporter automatiquement une radiation d'un professionnel. S'il s'agit d'un tribunal canadien, peut-être même d'un tribunal américain, nous savons dans quoi nous nous embarquons, nous savons quelle est la procédure d'administration de la justice, nous savons qu'il y a certaines garanties constitutionnelles qui sont offertes aux individus. Nous n'avons pas la même certitude pour tous les pays de la terre et nous n'aimerions pas nous voir dans la situation où nous devrions radier un professionnel sur la base du jugement d'un tribunal plus ou moins objectif dans un pays totalitaire.

Finalement au niveau de la réglementation, nous vous soumettons qu'il serait peut-être utile que les règlements prévus à l'article 169 puissent établir non seulement des tarifs mais peut-être des échelles de traitements minimaux pour les professionnels qualifiés.

Essentiellement c'est le résumé du mémoire que nous voulions vous présenter; pour le surplus, tous les détails sont contenus dans le mémoire et je n'ai pas l'intention de vous en exposer davantage là-dessus.

Relativement au mémoire présenté, je crois qu'il est bon de noter que, le 1er février 1957, vous avez incorporé cet organisme en vertu de la Loi des compagnies et ce n'est que le 4 avril 1963 que, par loi spéciale, le nom d'urbaniste était réservé à votre corporation. A ce moment-là et depuis 1963, la seule chose en plus du titre d'urbaniste était une définition qui apparaissait dans la loi elle-même, la définition de l'urbaniste qui se lisait de la façon suivante: "Un urbaniste au sens de la présente loi est une personne qui fournit au public des services professionnels comportant l'application des principes et des méthodes de l'aménagement et l'utilisation du territoire urbain ou à urbaniser."

Dans le bill 250, nous tentons de préciser un peu les mêmes droits qui existaient. Dans votre mémoire, vous demandez cependant d'avoir un exercice exclusif; ceci apparaît à la page 27 de votre mémoire et, si nous lisons la définition que vous désirez avoir, est-ce que vous croyez qu'avec le nombre d'urbanistes, 118 et peut-être une possibilité de 200, vous êtes capables de faire face à tout ce qui est compris dans cette définition d'usage exclusif, étant donné

que cela comporte tout le domaine de la voirie, le domaine municipal, tout le domaine de l'équipement collectif? Est-ce que ces services peuvent être offerts à 1,700 municipalités, etc? Parce que cela a beaucoup d'étendue et, si c'est un domaine exclusif, cela voudrait dire que vous seulement allez faire ce travail.

M. PAQUET: M. le ministre, nous comprenons bien que votre question porte sur la deuxième partie de la page 27 et non pas sur la première qui est une définition générale, je lirais une définition plus ou moins philosophi-ue.

M. FOURNIER: La deuxième partie, absolument.

M. PAQUET: Alors, votre question porte sur la deuxième partie. Oui, croyons-nous, nous sommes en mesure avec 200 membres à l'heure actuelle de fournir les services qui peuvent être requis par les municipalités, en se rappelant qu'il y a deux composantes à cela. Nous avons actuellement 118 membres parce que l'appartenance à la corporation n'est que facultative. A l'heure actuelle il y a 200 personnes qui seraient admissibles à la corporation, comprenant ceux qui sont membres et ceux qui ne le sont pas. Deuxièmement, il faut se rappeler que, comme je vous l'exposais tantôt, l'urbaniste était formé par 10 ans d'université et, à partir de septembre prochain, l'Université de Montréal doit commencer à mettre en oeuvre un programme qui donnera accès à la profession d'urbaniste avec un cours universitaire de cinq ans. C'est donc dire que, d'ici cinq ou six ans au maximum, notre effectif devrait facilement doubler. J'aimerais que le président de la corporation, M. Asselin, vous donne d'autres précisions là-dessus.

M. ASSELIN: Disons que l'essentiel du domaine exclusif dont on parle à la page 27, concerne les plans directeurs d'aménagement. Au moment où l'on parle, par exemple, de tracés approximatifs des principales voies de circulation, il faut bien comprendre qu'on entend par là le tracé approximatif des voies de circulation à l'intérieur d'un plan directeur d'aménagement.

M. FOURNIER: Cela a beaucoup d'étendue. Si on regarde tout cela, on voit que vous avez les densités d'occupation, le tracé approximatif des voies de circulation, la nature et l'emplacement approximatif des équipements collectifs urbains, y compris les équipements socio-culturels, l'emplacement et le tracé des services d'utilité publique, les plans de zonage, les plans de lotissement, la réglementation concernant le zonage.

Avec le nombre de municipalités et tout ce qui est envisagé, je me demande comment vous êtes en mesure de fournir ce service-là et, en donnant ou en accordant le privilège exclusif, dans quelle situation se retrouveront les municipalités à ce moment-là?

M. PAQUET: M. le ministre, d'abord il s'agit bien de regarder, je vous le soumets bien respectueusement, quelle est l'alternative? L'alternative à faire donner les services par des urbanistes à l'intérieur d'une corporation fermée dont la compétence serait vérifiée; l'alternative à cela est de laisser les municipalités à la merci de charlatans qui vendent un sac de fumée aux municipalités. Et je peux vous dire que dans la pratique je l'ai vu plusieurs fois. Je vous soumets qu'entre deux maux il serait peut-être bon de choisir le moindre.

M. FOURNIER: Par ce qui est accordé dans le bill 250, seuls les urbanistes vont s'appeler urbanistes. Si la réputation de votre corps professionnel est telle, est-ce que vous croyez que les municipalités vont aller voir des manufacturiers de plans ou d'autres genres de personnes? Si la réputation de l'association ou de la corporation professionnelle est telle, la confiance du public dépend de votre nom comme corporation professionnelle. Est-ce que vous croyez que les municipalités vont aller voir, comme vous dites, des charlatans? C'est un peu le sens de toute la loi 250. Nous tentons de mettre une force et une garantie derrière les mots "corporation professionnelle" et ceux qui sont précisés et c'est ce qui vous revient.

M. PAQUET: C'est essentiellement le sens de notre intervention. On parle de charlatans, nous n'avons comme corporation, dont seul le titre est réservé, absolument aucun pouvoir de faire la police dans ce domaine. Il suffit de s'appeler aménagiste pour pouvoir vendre un sac de vent à une municipalité. Quand, cet après-midi, l'Association des architectes, dans son mémoire, vous disait: Parce qu'il s'agit de corps publics, ils sont mieux en mesure de déterminer la qualité des services professionnels qu'on leur offre, c'est vrai dans certains cas. Je pourrais vous énumérer des cas que j'ai vécus moi-même où carrément des conseils municipaux ne sont pas en mesure d'apprécier la qualité des services qu'on leur offre. Je pense que dans votre vaste expérience aussi vous avez dû voir cela?

M. FOURNIER: C'est une question de confiance du public. Si à un moment donné, en vous accordant un titre qui n'est pas exclusif parce que d'autres personnes pourront agir dans le même domaine il apparaît clairement que ce sont les aménagistes qui ont le haut du pavé, c'est à votre corporation elle-même de faire sa réputation et son nom, parce que vous avez déjà tout le départ. Que l'on fonde une société d'aménagistes composée exclusivement d'architectes, etc., pourquoi le gouvernement empêcherait-il une telle société, si réellement elle est en avant des urbanistes?

M. PAQUET: Tout simplement, parce qu'il s'agit de notre opinion que nous vous soumettons, parce que la formation d'un architecte qui est excellente et essentielle pour concevoir un bâtiment avec tout ce que ça implique, n'est pas nécessairement la meilleure ou la formation requise pour concevoir l'aménagement d'une ville dans son entier.

M. FOURNIER: Relativement à ce que vous venez de répondre, je m'en reporte à la page 15 de votre mémoire relativement au diplôme. A la page 15, vous voudriez que le système général que nous tentons d'appliquer relativement au diplôme ait une collaboration entre les instituts d'enseignement et les corporations professionnelles dans le but d'arriver à un diplôme qui est le diplôme reconnu pour la corporation professionnelle. Dans votre cas, vous voulez éliminer complètement l'institut d'enseignement, ne pas discuter avec lui du programme d'études ni rien et décider à bon aloi, si vous voulez, que les ingénieurs peuvent être, après un stage d'études, des urbanistes. Est-ce normal que le diplôme que vous allez reconnaître ne sera reconnu que de votre part et sans consultation avec les instituts d'enseignement?

M. ASSELIN: M. le ministre, la Corporation des urbanistes a actuellement, selon sa structure actuelle, un comité d'admission et d'examens.

Depuis sa formation en 1962-1963, il y a toujours eu à ce comité au moins deux professeurs d'instituts universitaires.

A ce moment-là, le critère de compétence ou de connaissances scolaires était analysé par des gens qui étaient en mesure de répondre au niveau universitaire. Alors, au conseil aussi, effectivement, il y a des gens qui sont à l'université, professeurs au niveau de la maîtrise en urbanisme.

M. FOURNIER: Une dernière question. Est-ce que les urbanistes, dans les autres provinces ou les pays environnants, sont reconnus avec droit exclusif d'agir dans le domaine de l'urbanisme? Quelle est la situation dans l'Ontario, les autres provinces ou aux Etats-Unis?

M. ASSELIN: Je crois que ça existe en Alberta où l'exercice est exclusif. Dans les autres provinces, je ne pourrais pas vous le dire.

M. LAVOIE (Claude): M. le ministre, j'aimerais répondre à une de vos questions, apporter une information supplémentaire. Vous avez demandé tantôt si on avait suffisamment de gens pour répondre à la demande dans ce sens-là. Nous croyons qu'actuellement, avec les gens qu'on pourra amener à la corporation, d'une part, nous aurons suffisamment de membres; d'autre part, si on regarde les projections d'inscriptions aux deux degrés d'enseignement universitaire de l'urbanisme qui apparaissent au projet d'un programme de baccalauréat en urbanisme présenté à l'université en mai 1971, et auquel la Corporation des urbanistes a participé, on prévoit qu'en 1977, pour l'Université de Montréal, aux premier, deuxième et troisième cycles, 416 inscriptions, et à l'université McGill, 60 inscriptions.

Voilà pour les cinq ou six années à venir. Evidemment, on peut attacher une certaine pondération à ces chiffres, mais ça donne quand même l'ampleur des possibilités ouvertes face au nombre de professionnels qui pourront participer à l'application d'une possible loi-cadre des urbanistes qui doit, espérons-le, venir bientôt.

M. FOURNIER: Merci.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, si vous le permettez, je voudrais poser une question au ministre sur l'échange qu'il vient d'avoir avec la Corporation des urbanistes.

M. LE PRESIDENT: Avec la permission de la commission, je pense que oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai cru comprendre le sens de la question qu'a posée le ministre, à savoir s'il y a opportunité de reconnaître la profession, de lui donner un caractère exclusif au lieu de la mettre dans les sections à titre réservé. Je voudrais savoir du ministre si c'est parce que c'est une jeune corporation. C'est une jeune profession relativement, c'est une profession qui est en évolution, probablement aussi qu'il y a d'autres facteurs; dans ce secteur de l'aménagement, de l'urbanisme, il doit y avoir à ce moment-ci peut-être un peu d'émulation, parce que c'est jeune. Il y a d'ailleurs une transformation. La meilleure preuve de ça, c'est que maintenant, vous étudiez, de concert avec l'université, la mise en place d'un nouveau programme de formation à partir de septembre 1972.

D'autre part, il s'en vient une loi-cadre de l'urbanisme. Le ministre a demandé tantôt si vous aviez des effectifs, si vous pensiez avoir des effectifs suffisants pour répondre à la demande. Ce sont un peu toutes ces raisons qui m'amènent à demander au ministre, et via le ministre à la corporation, si ça vous apparaît là des raisons suffisantes pour qu'à ce moment-ci le législateur ne ferme pas tout de suite cette profession en lui donnant cette exclusivité, mais vous soumette à ce régime d'émulation, de perfectionnement que lui causent ces pressions du dehors sur une profession qui est jeune, qui est en train de se bâtir, qui est en train de prendre sa place. Je vous pose la question dans ce sens-là. Est-ce que ça ne vous apparaît pas un motif valable à ce moment-ci de voir dans ces raisons-là peut-être la raison fondamentale du législateur?

M. LAVOIE (Claude): En fait, M. le député, ce que vous venez d'avancer est une des pierres d'achoppement. Il y a aussi et surtout la protection du public que nous considérons comme un des principes de base du bill 250. Si

vous relisez les pages 7, 8 et 9 de notre rapport, on indique bien que la protection du public dans le cas de l'urbanisme touche autant l'individu que la collectivité et l'Etat.

Quand on dit protection du public, on pense à public en tant qu'individu parce qu'il vit dans un milieu qui doit être, croyons-nous, bien planifié et aménagé selon ses besoins et aussi pour une collectivité. Quand on parle de public, cela touche aussi la notion de collectivité. C'est aussi pour ça que nous demandons le droit exclusif de pratique de l'urbanisme, pour que la collectivité, en tant que public, soit protégée et ait droit à des services professionnels de qualité parce que l'aménagement urbain implique l'individu dans toutes ses composantes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelles seraient les autres professions nouvelles ou anciennes qui travailleraient aussi dans ce secteur d'aménagement et avec lesquelles vous viendriez en contact le plus souvent? Quelle serait la différence entre un écologiste et un urbaniste? Le Solliciteur général l'a mentionné il y a un instant et vous avez dit vous-mêmes dans vos remarques préliminaires à la page 27, dans la deuxième partie de la définition, que ce sont des fonctions, des responsabilités qui doivent être assumées plutôt en équipe. Vous rencontrez d'autres professionnels d'autres disciplines dans ces secteurs d'aménagement. Quelles sont ces autres professions? Vous parliez des aménagistes, des écologistes tantôt. Est-ce que ceux-là aussi viendraient travailler partiellement dans le même secteur que vous occupez?

M. LAVOIE (Claude): Si vous le permettez, je vais tout de suite vous donner une réponse qui, j'espère, sera satisfaisante. Je groupais tantôt les professions en divers domaines: santé, professions juridiques, physiques, humaines et économiques. Si j'envisage comme acte d'urbanisme la préparation, je dis bien, d'un avant-projet de règlement de zonage, le contenu en substance d'un règlement de zonage pour demander à un conseil municipal de se prononcer sur ce qu'il veut comme fond avant qu'on rédige un règlement final, je vais sûrement avoir besoin de la collaboration d'architectes et d'ingénieurs. Je vais sûrement avoir besoin de leur collaboration, dans la mesure où le fait de zoner une partie du territoire résidentiel ou industriel peut avoir des effets sur la santé, je vais avoir besoin de consultation chez les professionnels de la santé. Je vais sûrement demander, par exemple, à des médecins avant de zoner résidentiels les abords de l'aéroport de Dorval, quels sont les effets que peuvent avoir à long terme le bruit et les fumées d'échappement des avions sur la santé des gens. Je vais sûrement consulter l'avocat parce qu'il y a des éléments juridiques là-dedans. Je vais sûrement consulter des représentants des professions économiques, que ce soient le comptable ou l'économiste, pour voir dans quelle mesure le développement du terri- toire, là où il est rendu, peut supporter une exploitation rentable du sol pour fins résidentielles, industrielles ou commerciales, quelles sont les capacités financières de la municipalité de supporter les services publics requis pour implanter tel genre de zonage à tel endroit. Je vais sûrement consulter également les professions dites humaines, que ce soient des géographes, des sociologues, des économistes et quelques autres, pour tâcher d'obtenir les éléments humains, les composantes humaines de tout cet ensemble qui doit finalement m'appeler comme urbaniste à porter un jugement sur ce que devrait être l'aménagement d'un secteur d'une ville.

Mon rôle n'est pas de faire des actes ni d'économiste, ni d'avocat, ni d'ingénieur, ni d'architecte, mais c'est de coordonner toutes ces données, de les amasser et, à l'aide de ça, de poser un jugement de valeur globale avec l'aide de toutes ces professions.

Il n'en reste pas moins à mon humble avis, que celui qui est le mieux en mesure de coordonner tout ça et de signer pour le présenter aux corps publics le projet d'aménagement, ce n'est ni l'avocat, ni l'ingénieur, ni l'architecte, ni l'économiste, ni le géographe, mais c'est l'urbaniste. C'est ça et seulement ça que nous demandons comme exclusivité.

Passons au deuxième volet de votre question. Je pense que je ne peux pas faire mieux que de vous dire que le choix du législateur, c'est de faire en sorte que seuls des gens qui ont une formation suffisante dans ce domaine puissent rendre des services à la collectivité ou, par ailleurs, de laisser n'importe qui s'intituler expert du jour au lendemain, sans formation, sans critère, sans contrôle et vendre ce que j'appelle un sac de fumée à des administrations municipales qui sont plus ou moins en mesure de poser un jugement sur la qualité des services qu'on leur offre. Je pense que c'est ça l'alternative fondamentale au niveau de la protection du public.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous auriez la moitié des effectifs qui actuellement ne sont pas membres de la corporation, vous en avez un peu plus d'une centaine sur deux cents.

M. PAQUET: Exact.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelles sont les raisons pour lesquelles les autres membres ne font pas partie de votre corporation actuellement?

M. PAQUET: Je vais demander au président de la corporation de vous répondre.

M. ASSELIN: Disons qu'il peut y avoir deux raisons. D'abord, une première raison, c'est qu'il y a un bon nombre de diplômés qui n'ont pas encore complété le stage de perfectionnement mais qui vont incessament l'avoir complé-

té. Cela compte pour peut-être une cinquantaine d'urbanistes additionnels. D'autre part, il y a des gens qui ont fait les stages de perfectionnement nécessaires, qui ont fait les cours mais qui, on doit l'avouer, ne sont peut-être pas intéressés à appartenir à la corporation étant donné que ça coûte $100 par année pour être membre et que la corporation, de la façon qu'elle est actuellement et de la façon qu'elle est prévue dans le bill 250, n'a aucun contrôle sur la qualité de l'acte professionnel comme tel. Alors, les gens se disent: Pourquoi paierais-je $100 pour être dans la corporation pour pratiquer alors que je peux ne pas être dans la corporation et pratiquer aussi?

M. CLOUTIER (Montmagny): Qu'est-ce que vous pensez qu'aura comme résultat cette transition radicale entre une formation telle que vous la recevez actuellement alors qu'après le premier cycle universitaire vous poursuivez des études encore très poussées? En tout, ça fait une dizaine d'années; alors vous avez une formation équivalente à celle de médecin spécialiste, disons, qui, lui, prend une formation de neuf ans. Vous avez à peu près l'équivalent et vous allez tomber maintenant, du jour au lendemain, à une période de formation de cinq ans. Est-ce que, véritablement, il n'y aura pas un décalage assez prononcé entre les urbanistes que vous êtes et ceux qui vont être formés?

M. ASSELIN: C'est qu'actuellement —je peux parler de mon cas, par exemple — je suis ingénieur, au départ. Dans mes cinq années de génie que j'ai dû faire avant d'accéder à la maîtrise en urbanisme, il y a énormément de choses que j'ai apprises qui ne me servent pas du tout en urbanisme, dans la pratique professionnelle. Il y a des choses que je retiens mais il y en a qui ne me servent pas du tout.

M. CLOUTIER (Montmagny): Pas directement, mais comme formation.

M. ASSELIN: Oui, d'accord, si vous voulez, mais des instruments pour la pratique professionnelle. Maintenant, en maîtrise, de la façon que c'est fait actuellement, le programme existe présentement, on retrouve des gens qui viennent de différentes disciplines. Alors, il y a une première année de la maîtrise qui s'appelle un recyclage pour chacune des disciplines. J'ai dû, par exemple, comme ingénieur, prendre des cours en sociologie; le géographe en a pris en génie, etc., au moment de la première année de la maîtrise. En deuxième année, c'est là qu'on touche le coeur même de l'urbanisme, c'est-à-dire qu'il y a des cours qui sont sépcifique-ment faits pour l'urbanisme; principes et théories de l'aménagement du territoire, la législation, par exemple, des choses de cette nature.

Le cours qui est proposé présentement va prendre les étudiants du CEGEP et, dès la première année, ils auront les notions suffisan- tes dans les différentes disciplines pour être capables, au terme du cours, après avoir suivi des cours spécifiques en urbanisme aussi, de la synthèse nécessaire pour arriver à faire ce qu'on appelle un plan d'urbanisme.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que M. Alaurent voulait ajouter quelque chose?

M. ALAURENT: Oui, avec la permission du président, j'aimerais ajouter peut-être quelques vues données par 25 ans d'expérience comme urbaniste à la fois dans les services publics, comme directeur d'étude-conseil et comme ancien directeur de l'Institut d'urbanisme, sur un certain nombre de points qui ne sont pas particuliers, bien entendu, à tel ou tel alinéa du projet de loi mais peut-être à un certain nombre de perceptions qu'a le public d'un art scientifique qui n'est pas si récent que l'on veut bien le dire, qui évolue et qui comporte une méthodologie, une technologie propres. L'urbanisme est entré dans le dictionnaire de la langue française en 1909 où d'ailleurs il a curieusement succédé à la définition qui était celle de religieuse Clarisse suivant le rite d'Urbain IV.

Il a donné lieu, dans les années vingt, en Europe, à ces associations professionnelles, puis, dans les années trente, à un déploiement considérable de l'enseignement, surtout en Angleterre. C'est seulement en 1936 que l'on voit la première école s'ouvrir à Harvard.

C'est seulement en 1948 que l'on voit l'enseignement de l'urbanisme apparaître au Canada avec McGill et, enfin, nous assistons à ce magnifique effort du début des années soixante, au Québec, avec la création de l'Institut d'urbanisme, de la corporation et le lancement des études de la loi-cadre.

Je dois ajouter, sans aucune modestie, que l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal a pris, dans les cinq ans qui ont suivi, le premier rang parmi les écoles canadiennes. Une enquête fédéral en fait foi. Nous avons donc maintenant des instruments de formation qui seront capables, avec l'adjonction d'un indispensable premier cycle, de nous donner la quantité d'hommes-dollars, comme on dit quelquefois, nécessaire. Cette quantité ne doit d'ailleurs pas être entièrement fondée sur le nombre des municipalités de la province parce que, bien entendu, on ne découplera pas un urbaniste sur le plus modeste et la plus déshéritée des paroisses. Disons qu'à peu près une centaine d'unités territoriales qui seront passibles, si l'on peut dire, de recevoir des plans d'aménagement ont des schémas d'aménagement dont d'ailleurs la description des travaux n'est que le détail. En fait, la description des travaux précis, les localisations des voies, des équipements, etc., c'est le contenu absolument classique d'un projet ou d'un schéma d'aménagement. Ajoutons d'ailleurs que ce travail propre, terminal, opérationnel de l'urbaniste représente le sommet de l'iceberg. La partie cachée

est extrêmement importante par le travail analytique qu'elle suppose quand il s'agit, bien entendu, d'entité territoriale d'une certaine complexité et d'une certaine étendue, et, d'autre part, par la nécessité de procéder d'une façon méthodiquement récurrente, c'est-à-dire d'obtenir, chemin faisant, dans le développement des concepts, l'approbation et les sélections successives des plans dont parlait Lilienthal.

Et c'est une des missions principales — elle n'est pas donnée ici, bien entendu, de l'urbaniste — que d'être ce catalyseur des pensées qui sont celles de la collectivité encore plus que celles des techniciens. On a parlé beaucoup d'interdisciplinarité et de travail d'équipe. Cela sous-tend quelquefois, dans la phraséologie d'un certain nombre d'amateurs, l'idée que tout le monde y mettra la main — et, effectivement, beaucoup y mettent la main — mais que, finalement, en faisant le faisceau de tous les spécialistes habituels et en confiant la coordination à un monsieur qui s'appellera urbaniste, si l'on veut bien, ou aménagiste ou écologiste ou environnementaliste, car vous verrez apparaître les environnementalistes, on obtiendra un produit fini satisfaisant. Ce n'est pas vrai. D'abord, les idées fondamentales qui dicteront la démarche de l'équipe ou de l'urbaniste qui est responsable et qui est tout de même l'interlocuteur de la collectivité publique, varieront très largement. Me Paquet vous a énuméré un certain nombre des collaborateurs habituels de l'équipe d'urbanistes, mais il est bien évident que, selon l'échelle et la nature du projet, ces collaborateurs varieront. Ils se classent, très généralement, en deux catégories dont une appartient aux disciplines que nous appelons les disciplines d'amont, c'est-à-dire la géographie et toutes les disciplines économiques et sociales participantes à l'analyse. Puis les techniques d'aval qui sont le génie responsable de l'ossature des villes et finalement l'architecte responsable de sa forme dans l'espace.

Je pense qu'en posant le problème d'une façon aussi systématique, je ne donne pas, bien entendu, une image très exacte de la diversité des tâches auxquelles on peut être appelé à participer. Il est clair que, dans certains cas, un urbaniste tout seul doté de sa maîtrise en urbanisme et d'un minimum d'expérience et de talent peut résoudre des problèmes simples.

Le fait que nous ayons affaire à des disciplines d'analyse d'amont et à des disciplines d'aval peut déjà, d'une façon assez claire, assez simple, permettre de discerner comment s'échelonneront les concours. Il peut arriver que le principal soliste, si l'on peut dire, de l'orchestre planificateur soit le géographe, s'il s'agit d'un territoire d'une certaine étendue. Ce peut être, tout à fait au début, le sociologue, s'il s'agit par exemple d'un problème de rénovation urbaine dans un tissu socialement sensible.

Dans le formulaire des normes d'enseignement de la direction de l'enseignement supérieur du Québec, formulaire qui a été distribué assez récemment aux différentes universités avec des classifications de telle ou telle discipline par grands groupes, on peut constater que l'urbanisme et l'aménagement des territoires sont classés parmi les sciences de l'administration. Ce qui constitue une réponse préalable et toute faite de la main même du ministère à l'assimilation de l'urbanisme à un art d'exécution qui s'apparente tantôt à l'arpentage, tantôt à l'architecture ou à ce que... Il faut bien le dire — le manque d'information des autorités publiques, surtout dans les petites municipalités, laisse dériver vers le premier spécialiste venu qui se trouve sur place et dont c'est quelquefois le seul mérite...

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, merci, M. le Président, j'ai eu une réponse.

M,LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: J'aurais une question à poser. Vous avez parlé tout à l'heure de la protection du public, vous avez dit qu'il vous fallait l'exclusivité de l'acte pour la protection du public. Est-ce qu'une loi-cadre d'urbanisme qui prévoirait que le maître d'oeuvre des plans d'aménagement doit être l'urbaniste avec titre réservé ne serait pas, à ce moment-là, la protection qu'on recherche envers les municipalités et envers les corps publics?

M. PAQUET: Malheureusement, M. le député, il m'est fort difficile de répondre à cela, parce que je ne connais pas le contenu de la future loi d'urbanisme, ni dans le détail ni même en gros et parce que je ne sais pas jusqu'à quel point toutes les activités d'urbanisme et tous les services que l'urbaniste serait appelé à rendre aux corps publics seront visés par la loi-cadre d'urbanisme. Une question entre autres... Pardon, je ne voudrais pas vous interrompre, monsieur.

M. PERREAULT: Je pose comme prémisses que ce serait dans la loi-cadre d'urbanisme.

M. PAQUET: Supposons que toutes les activités d'urbanisme soient à cent pour cent visées par la loi-cadre d'urbanisme, il restera, à ce moment-là, au gouvernement à faire un choix: si on doit régir la profession d'urbaniste à l'intérieur du code des professions et prévoir là les mécanismes de protection du public ou, au contraire, les transporter dans une loi-cadre d'urbanisme.

Personnellement, je pense que la loi-cadre d'urbanisme devrait prévoir les mécanismes de protection du public au niveau de l'administration publique, mais que les mécanismes de discipline et de qualité de services qui doivent être rendus par un professionnel... La place

pour régler la question, c'est le code des professions et non pas la loi-cadre d'urbanisme. Je vous soumets mon opinion.

M. PERREAULT: Voici ma deuxième question. En demandant l'exclusivité de l'acte, ne croyez-vous pas que vous vous en allez à un affrontement? Vous avez dit tout à l'heure que vous devez consulter le sociologue, l'ingénieur, l'économiste ainsi de suite. Vous devez les consulter mais ce ne sera pas écrit dans la loi.

M. PAQUET: M. le député, la définition que nous suggérons à la page 27 de notre mémoire n'est pas une définition juridique serrée, c'est uniquement une ébauche. Dans cette ébauche-là, nous avons pris soin d'indiquer que rien dans la définition ne devrait empêcher quelque autre profession que ce soit de poser les actes professionnels qui sont de son ressort. Il n'y a pas d'objection de notre part à ce qu'on dise dans ce qui serait une définition juridique qui serait élaborée par le légistes que seul l'urbaniste peut poser certains actes en collaboration lorsque requis, avec toutes les autres professions qui sont appelées à fournir des éléments. C'est essentiellement ce que nous demandons.

M. PERREAULT: Je me reporte à la page 28, à l'article no 5; actuellement, dans les municipalités, la plupart des plans de lotissement sont faits par les arpenteurs-géomètres.

M. PAQUET: Je pense qu'il faudrait bien que nous précisions notre pensée; cela a été volontairement condensé, le plus petit possible; mais ce que nous voulons, ce n'est pas de présenter, de faire le plan dans ses moindres détails, de dessiner les lots. Ce que nous voulons faire, c'est de donner la conception générale, la conception d'ensemble d'un lotissement, du lotissement d'une terre par exemple. Je peux vous dire que quand moi, comme avocat, je représente des investisseurs qui sont appelés à aménager ensemble une terre, deux terres ou trois terres, la première chose que je fais, c'est de demander à rencontrer l'urbaniste de la municipalité. Je lui propose une, deux ou trois esquisses globales de subdivision pour lui faire dire: quelle est la conception que vous voulez avoir? Qu'est-ce que vous voulez protéger? Comment voulez-vous que la circulation soit réalisée? Où voulez-vous avoir vos parcs ou vos espaces publics? C'est la conception globale qu'on veut et non pas le travail de détail. Le travail de détail appartient à l'arpenteur sans aucun contredit, pour moi.

M. PERREAULT: A ce moment-là, suivant votre idée, il faudrait peut-être appeler le lotissement un plan directeur?

M. PAQUET: Je crois que le terme serait effectivement mieux choisi que simplement le mot "conception". Mais, dans notre esprit, ce que vous exprimez là, c'est ce que nous voulons, c'est-à-dire la conception globale et non pas le travail de détail ou l'exécution du lotissement lui-même.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Etant donné que l'urbanisme est une science et un art de synthèse par excellence, j'imagine que le programme d'études comporte un enseignement dans toutes les disciplines que vous avez mentionnées: économie politique, sociologie, géographie, écologie, protection de l'environnement, philosophie, ainsi de suite. Pourriez-vous me le confirmer? Deuxièmement, quel est le moteur dans le perfectionnement des méthodes d'enseignement? Etant donné que c'est une science en gestation, comme l'a dit le député de Montmagny, on peut s'attendre que le programme va être revisé constamment au cours des années qui vont venir, jusqu'à ce qu'il... il ne sera jamais parfait, évidemment, mais il est appelé à de profondes transformations au cours des années qui viennent. Quel est donc le moteur? Est-ce que cela a été la corporation ou la faculté d'aménagement?

M. ALAURENT: La loi de la corporation indique déjà si l'on peut dire, la quantité d'études à faire, correspondant à peu près 120 ou 80 crédits, ce qui est la désignation des établissements qui sont habilités à donner un diplôme en urbanisme, un diplôme reconnu. Le programme qui a été établi à l'origine par le professeur Benoît Bégin — dont je regrette ici l'absence— a été un programme fortement centré sur un tronc de cours obligatoires qui, par la suite, s'est, dans une certaine mesure, défasciculé en augmentant considérablement le nombre des options. Ce programme est toujours soumis à l'examen par un comité conjoint plus ou moins intermittent d'ailleurs, académique et professionnel, et, comme le président Asselin vous l'a dit, le comité d'admission de la corporation est composé, au moins pour moitié, d'un professeur de l'Institut d'urbanisme.

Dans l'état actuel des choses, il se manifeste un certain débat entre la poursuite de ce type de cours très solidement centrés sur une série obligatoire et une multiplication des options qui sont extrêmement nombreuses et généreuses, peut-être trop. J'ajoute par parenthèse que l'Institut d'urbanisme attire un nombre notable d'étudiants étrangers, Européens et Africains, dans une proportion supérieure à 10 p.c. et qu'au niveau du doctorat cette proportion dépasse déjà la moitié.

Dans l'état actuel des choses, aucune modification profonde du programme de l'institut ne pourrait être effectuée valablement sans que la corporation en soit informée. Comme vous l'a dit également M. Lavoie, le programme de baccalauréat a été préparé par un comité mixte de professeurs et de membres de la corporation et la double qualité est relativement fréquente.

M. PAQUET: Si M. le Président me le permet, je vais vous donner une réponse encore plus détaillée avec l'aide du programme qui a été élaboré: travaux en studio, projets de groupe, séminaires, entretiens et conférences sur les articles suivants: planification générale, doctrine, principe, méthodologie, application à l'organisation de l'espace; philosophie, éthique, esthétique, histoire, prospective; sciences politiques, gouvernement, administration, finances, méthodes; sciences humaines, sociologie; sciences de l'espace, géographie, géologie, écologie; économie, économétrie, mathématiques, informatique; méthodes de synthèse et d'élaboration des projets, plans et programmes urbains et régionaux; techniques de réalisation, génie civil, architecture, design urbain et architecture paysagiste. Parmi les cours d'appoint ou les cours supplémentaires, je vous cite en lisant le programme: anthropologie urbaine, démographie, géographie urbaine, informatique, mathématiques, économie urbaine, sciences politiques, service social, sociologie, statistiques et théorie du design.

M. LAURIN: Vous avez parlé de l'établissement de plans directeurs de ville, mais aussi j'imagine, avec tout ce que vous venez de nous dire, que l'urbaniste est aussi bien préparé à l'élaboration de schémas d'aménagements régionaux pour des municipalités regroupées, comme la tendance se manifeste actuellement et à l'exemple de ce qui se passe dans plusieurs pays.

M. PAQUET: C'est tout à fait exact; d'ailleurs parmi les articles que nous vous suggérions comme ébauche de définition juridique de ce qui serait du domaine professionnel de l'urbanisme, vous retrouvez à peu près intégralement le texte de l'article qui force la Communauté urbaine de Montréal à faire un plan d'aménagement de son territoire.

M. LAURIN: Maintenant, à supposer que le titre soit exclusif à la nouvelle corporation, la conséquence inéluctable serait qu'aucune ville, communauté urbaine ou municipalité regroupée ne pourrait confier ses plans directeurs d'aménagement à d'autres professionnels que les urbanistes. Evidemment, ceci entraînerait pour ces municipalités regroupées ou ces communautés urbaines des frais beaucoup plus élevés que ceux qu'elles paient actuellement. Evidemment, quand on connaît les relations qui unissent maintenant les municipalités et surtout les municipalités regroupées au ministère et au gouvernement, ceci voudrait dire que c'est le gouvernement, à toutes fins pratiques, qui paierait les honoraires de ces urbanistes?

M. PAQUET: Je pense qu'il faudrait faire la distinction suivante. Si la commission du gouvernement accédait à notre demande de fermer la corporation, il serait bien évident que, dans notre cas, comme dans le cas de toutes les autres corporations qui, à un moment donné de leur histoire, ont été fermées, il y aurait lieu de protéger les droits acquis de ceux qui, à l'heure actuelle, pratiquent dans le domaine de l'urbanisme, mais en particulier de ceux qui sont à l'emploi d'une municipalité comme urbanistes de la même façon que le bill 48 a exempté de l'exigence du permis ceux qui étaient des évaluateurs permanents des municipalités. Quand on indique que cela coûtera beaucoup plus cher, je ne suis pas sûr d'être tout à fait d'accord avec vous, parce que ce n'est pas nécessairement parce que vous avez un urbaniste compétent qui offre ses services comme consultant extérieur à la municipalité que ça va coûter moins cher à la municipalité que d'engager un chimiste.

M. LAURIN: Oui.

M. PAQUET: Selon la petite expérience que j'ai eue, assez souvent le chimiste va exiger plus cher que le professionnel compétent pour donner un service moins bon.

M. LAURIN: II s'agirait plutôt de donner une définition véritable de ce que sont l'économie et la rentabilité, alors.

M. LAVOIE (Claude): Là-dessus, M. le député, j'aimerais peut-être ajouter que, évidemment dans l'immédiat, pour une communauté urbaine ou régionale, ça implique des frais. D'accord. Par contre, s'il n'y a pas cette planification — on ne peut pas le chiffrer actuellement — il est certain que ça entrafne des coûts exorbitants. Il y a l'exemple de l'expansion du milieu montréalais ou québécois, il y a quatre ans, le type de banlieue classique par exemple, pour voir les coûts énormes que doivent défrayer les contribuables, entre autres parce que le milieu n'a pas été planifié d'une façon logique et fonctionnelle. Alors, même si dans l'immédiat, la municipalité doit débourser X milliers de dollars pour faire faire un plan, évidemment, à long terme, ça va lui apporter des économies absolument phénoménales, qu'il n'est pas possible de quantifier comme ça, dans l'immédiat. Mais je pense que c'est un des points majeurs de notre plaidoirie en faveur d'un droit exclusif.

M. LAURIN: Une dernière question. Enfin, votre corporation, si on lui accordait l'exclusivité, serait en mesure de remplir toutes les obligations que d'autres corporations plus anciennes remplissent à l'endroit de la collectivité, en ce qui concerne la déontologie, la protection du public, l'inspection, l'amélioration des programmes, l'admission, la surveillance de la compétence et ainsi de suite.

M. ASSELIN: Oui — je peux répondre? — c'est exact. La corporation, d'ailleurs, aujourd'hui, a déjà les comités qu'il lui faut et les règles de déontologie. Tous les comités sont déjà prévus à cet effet.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez mentionné précédemment que, comme études antécédentes ou études de base de votre profession, vous aviez plusieurs représentants de la profession d'ingénieurs, d'architectes, d'avocats. Quel est le pourcentage des représentants de ces diverses corporations?

M. ASSELIN: Approximativement, il y aurait un tiers d'ingénieurs, un tiers d'architectes et l'autre tiers serait composé de différents éléments: géographes, sociologues, arpenteurs, économistes et légistes. Nous avons aussi des politicologues.

M. SAINT-GERMAIN: C'est un excellent début; la majeure partie des professions n'ont pas commencé sur une telle base. Mais ne croyez-vous pas tout de même que c'est la preuve que vous appartenez à une profession naissante qui cherche encore sa voie et peut-être même les données de sa science?

M. ASSELIN: J'ai expliqué un peu tantôt comment c'était conçu actuellement. Le cours de premier cycle qui est prévu est conçu un peu de la même façon. C'est que la première année sert, comment dire...

M. SAINT-GERMAIN: Oui, j'ai bien compris.

M. ASSELIN: ... de recyclage, et ensuite, il y a une précision, dont les cours en urbanisme proprement dits.

M. SAINT-GERMAIN: II reste tout de même que même si vous avez plusieurs années universitaires, ces études — comme vous l'avez si bien dit d'ailleurs — ne concourent pas toutes directement à vous aider dans votre art et dans votre science.

M. ASSELIN: Le premier cours.

M. SAINT-GERMAIN: Si on lit ici les différentes responsabilités que vous demandez d'avoir d'une façon exclusive, je vois que c'est extrêmement complexe — d'ailleurs on l'a longuement expliqué ce soir— et que c'est un travail énorme. Je me demande, vu que vous appartenez à une profession naissante, mais peut-être pas nécessairement à cause du nombre d'années qui existent entre aujourd'hui et le commencement de votre profession, mais à cause des transformations mêmes du milieu urbain actuel, accélérées par le développement économique et le développement technique, il y a bien des données que vous ne maîtrisez pas, je suppose bien, si vous voulez établir ce qu'est une ville idéale.

Est-ce que vous ne croyez pas qu'en vous donnant une responsabilité exclusive vous ne priverez pas la société de certains géographes, de certains sociologues ou de certains chercheurs ou scientifiques dans ces matières, vous ne priverez pas la société, dis-je, d'une liberté d'action que ces gens-là ont dans le moment et que vous leur enlèveriez en prenant exclusivement la responsabilité que vous demandez.

M. PAQUET: Au contraire, M. le député, nous pensons que l'exclusivité que nous demandons va nous amener nécessairement, d'abord, à consulter tous ces gens-là; deuxièmement, à leur fournir un cadre institutionnalisé où tous ces gens pourront apporter leur contribution à la réalisation globale d'un plan d'urbanisme ou d'un schéma d'aménagement et, finalement, nous croyons que cette collaboration de tous les professionnels que vous avez énumérés est, dans la plupart des cas, essentielle, mais que ce n'est aucun d'eux en particulier, ni l'économiste ni le sociologue, qui est en mesure de faire le travail de maître d'oeuvre, de collection de l'ensemble des données requises pour faire un plan. Ce n'est à mon avis, ni un économiste, ni un sociologue qui est en mesure de poser le jugement professionnel global sur ce que doit être le schéma d'aménagement d'un territoire donné ou d'une région donnée. Il est appelé à apporter sa collaboration, certainement, mais cela prend quelqu'un qui a une formation pluridisciplinaire pour porter le jugement global, ramasser ces données-là et les coordonner...

UNE VOIX: Une polyvalence.

M. PAQUET: ... et nous croyons que c'est l'urbaniste qui est formé pour faire ça.

M. SAINT-GERMAIN: Mais, ne croyez-vous pas que le fait de travailler dans un système de libre entreprise, si vous me permettez ce terme, ne permettrait pas à votre corporation d'atteindre le même but à la longue sans nécessairement mettre dans un carcan rigide tous les gens qui sont intéressés dans ces recherches ou dans ce champ d'activité parce que, enfin, même si vous n'avez pas les responsabilités que vous avez décrites d'une façon exclusive, vous pouvez tout de même avoir ces responsabilités dans le contexte actuel? Est-ce qu'il ne serait pas dans l'intérêt de tout le monde de laisser se faire le libre jeu de la compétition?

M. PAQUET: Le libre jeu de la compétition, nous y sommes parfaitement favorables, mais il n'en reste pas moins que dans le contexte que nous avons actuellement et qui est celui que répète le bill 250, nous n'avons absolument aucun moyen d'action pour garantir la qualité des services sur des gens qui vont choisir de ne pas appartenir à notre corporation parce que cela les embête, que parce que nous sommes trop tatillons, parce que nous insistons trop sur la déontologie ou pour une foule d'autres raisons.

M. SAINT-GERMAIN: D'un autre côté, je suppose bien que ceux qui sont responsables de l'aménagement du territoire, surtout s'il s'agit de villes relativement importantes, ne donneront pas cette responsabilité à n'importe qui. Si votre association ou votre corporation a un prestige, on cherchera habituellement à faire appel à vos services.

Mais, enfin, je parle en profane, je veux simplement m'éclairer un peu. Mais, même au point de vue professionnel, je comprends très bien que vous avez certaines données qui sont prouvées, mais est-ce que vous êtes rendus au point, au point de vue des arts et des sciences bu des sciences humaines, où vous pouvez bâtir même de toutes pièces une ville idéale? Et si vous l'avez construite, cette ville idéale ou si vous l'avez imaginée, est-ce que vous êtes certains que cette ville va être à l'échelle humaine? Est-ce que les gens qui y vivront ne trouveront pas cette ville monotone? Est-ce que cette ville aura une âme? Ce que je veux dire par là, c'est qu'on est dans un domaine où tout le monde, actuellement, à mon avis, même les scientifiques se cherchent.

UNE VOIX: Question s'il vous plaît.

M. SAINT-GERMAIN: Alors, si dans une jeune profession comme la vôtre, dans le Québec, vous donnez toutes ces responsabilités qui, à mon avis, sont extrêmement lourdes de conséquences et pas exclusivement au point de vue économique à un groupe qui est en pleine formation et en pleine transformation — vous l'admettez vous-mêmes, vous dites: On a un cours qui va commencer très bientôt — j'ai de la difficulté, en profane, à comprendre que ce pourrait être dans l'intérêt de tout le monde.

M. PAQUET: M. le député, je pense — je vous donne une opinion — que ce que vise à faire l'urbaniste, c'est non pas une ville idéale mais une ville qui va répondre à des besoins bien concrets, d'une population bien concrète qui vit dans un milieu délimité avec des données financières, sociales, économiques et religieuses. Alors, loin de vouloir faire une ville idéale, on veut faire une ville qui colle de très près à la réalité et c'est parce que c'est essentiel pour réaliser un milieu de vie qui soit vivable, de le faire pour qu'il colle à la réalité, que la formation pluridisciplinaire qu'a reçue l'urbaniste lui permet de tenir compte de toutes ces données. Je pense qu'on n'est peut-être pas nécessairement sur la même longueur d'ondes quand on parle de ville idéale.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, plusieurs questions ont été posées, ça va m'éviter de le faire. Il est bien évident que la profession d'urbaniste devient de plus en plus nécessaire. D'ailleurs, la planification que l'on vient de discuter est indispensable de nos jours. J'aimerais savoir si votre corporation s'est penchée ou s'est concentrée sur des études concernant la pollution. C'est un problème qui se pose. Est-ce qu'il y a des études de complétées en vue de solutions quand même assez concrètes dans un avenir assez bref?

M. PAQUET: La corporation s'est intéressée au problème de la pollution: des comités ont été formés, des études ont été faites. Maintenant, je pense qu'on reconnaît, nous-mêmes, que la pollution est un domaine qui ne peut pas être exclusivement celui des urbanistes. Ce n'est pas un domaine dont on demande d'ailleurs l'exclusivité.

M. GUAY: D'accord. Est-ce que vous seriez déjà en mesure de fournir, par exemple, un rapport au nouveau ministère de l'Environnement, si on peut l'appeler ainsi? Est-ce que c'est déjà assez complet pour ça? Dans mon esprit, un urbaniste c'est, en quelque sorte, un groupe de personnes ayant analysé des rapports de différents experts, â la suite de données bien détaillées.

C'est en quelque sorte, dans mon esprit, la personne qui pose un diagnostic sur la nature. Je pense que vous êtes en mesure de rendre un service immense à la population, de faire en sorte que des solutions se concrétisent. C'est la question que je pose. Le sens en est évidemment assez large et je pourrais demander aussi si, dans le domaine dont on parle actuellement, — je pense, par exemple, aux autres provinces ou aux Etats-Unis — c'est plus avancé qu'ici au Québec.

M. ASSELIN: Disons qu'aujourd'hui l'urbanisme est encore partie art et en partie science. Je pense que ce qui se fait aux Etats-Unis n'est pas supérieur à ce qui se fait ici et les connaissances dans le domaine ne sont pas supérieures aux Etats-Unis. Ce qui s'enseigne ici, au niveau de l'urbanisme, même les choses les plus modernes dans le domaine, comme la théorie des systèmes, l'approche systémale aux problèmes d'ensemble dans le cadre urbain, c'est une chose qui est couverte au niveau de l'Institut d'urbanisme à Montréal. Pour revenir à la question de la pollution, déjà, aujourd'hui, dans les règlements de zonage, on retrouve des critères de performance qui permettent d'exercer un certain contrôle sur la pollution, pollution sonore, par exemple, émission des gaz, question de vibration, chaleur, etc. Ces données proviennent de recherches qui ont été faites dans le domaine de l'urbanisme.

M. GUAY: Quand vous dites c'est un de vos désirs, je pense bien que c'est un des objectifs visés dans votre mémoire d'établir un cadre de vie plus harmonieux pour l'homme. Est-ce qu'il existe un groupe qu'on appelle les paysagistes?

Est-ce qu'il y a chez vous des relations très étroites avec ces gens?

M. ASSELIN : Les architectes-paysagistes sont des gens avec qui nous sommes appelés à travailler fréquemment au niveau de l'aménagement d'espaces extérieurs, mais leur niveau d'intervention est habituellement beaucoup restreint que celui de l'urbanisme.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption posera la dernière question.

M. PERREAULT: J'aimerais savoir la relation qui existe entre les membres de l'Association canadienne d'urbanisme et la corporation?

M. ASSELIN: L'Association canadienne d'urbanisme est un groupement de citoyens. Ce n'est pas un corps professionnel, et c'est au niveau national. On retrouve des sections québécoises, tandis que la corporation des urbanis-mes, c'est un...

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs, de votre exposé. Je suis maintenant assuré que la commission est très bien renseignée sur les problèmes des urbanistes. Nous ajournons nos travaux jusqu'à 10 h, jeudi.

M. ASSELIN: M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous remercie au nom de la Corporation des urbanistes du Québec.

(Fin de la séance à 21 h 55)

Document(s) associé(s) à la séance