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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 24 août 1972 - Vol. 12 N° 77

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 250 - Code des professions et autres projets de loi connexes


Journal des débats

 

Commission spéciale des corporations professionnelles

Projet de loi no 250 — Code des professions et autres

projets de loi connexes

Séance du mardi 22 août 1972

(Dix heures treize minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale des corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

La troisième séance de la commission spéciale des corporations professionnelles débute maintenant.

Je vais faire lecture de la liste pour savoir si tous les groupes sont ici. Le Collège des pharmaciens, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'Association professionnelle des pharmaciens salariés, la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux, la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal et l'Ecole de pharmacie de l'université Laval. Les Aides pharmaciens ne sont pas ici. J'en ajoute une autre, l'Association professionnelle des pharmaciens de l'Université du Québec; ils sont ici?

Les règles de procédure sont très faciles. On donne vingt minutes pour faire l'exposé du mémoire et, après, il y a quarante minutes de questions qui viennent de la commission aux groupes qui sont ici.

Je constate que le Collège des pharmaciens a quatre mémoires. Nous voudrions étudier les quatre en même temps et vous interroger sur les quatre. Si ça prend un peu plus de temps, nous vous l'accorderons. Faites votre exposé sur les quatre mémoires et la commission va vous interroger sur les quatre. Même si ça prend plus de temps que d'en faire un pour chaque mémoire, nous allons vous donner ce temps.

M. GAGNON (Jacques): M. le Président, étant donné que nous avons étudié le bill 255, la Loi de pharmacie, la Loi médicale, la Loi de l'art dentaire ensemble, serait-il possible de faire un exposé sur ces bills-là et de faire un exposé séparé sur le bill 250 parce que nous nous sommes divisé le travail?

M. LE PRESIDENT: Faites le séparément, mais l'un après l'autre.

M. GAGNON (Jacques): D'accord.

M. LE PRESIDENT: Nous vous interrogerons après que tous vos exposés seront terminés.

M. GAGNON (Jacques): D'accord.

Collège des pharmaciens du Québec

M. GAGNON (Jacques): M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, MM. les députés...

M. LE PRESIDENT: M. Gagnon, voulez- vous, pour le bénéfice du journal des Débats, vous identifier avant de commencer à parler? Ceci vaut pour tous les opinants.

M. GAGNON (Jacques): Je suis Jacques Gagnon, président du Collège des pharmaciens de la province de Québec. Je suis accompagné des membres du Conseil des gouverneurs, des pharmaciens-cadres du collège, dont M. Pierre Robert, le coordonnateur des activités professionnelles, ainsi que notre conseiller juridique, Me Louise Mailloux.

Au cours des dernières années, et à maintes reprises, le Collège des pharmaciens du Québec a publiquement pris position sur divers sujets dont la santé publique, l'organisation professionnelle et le rôle des corporations. Il l'a fait, entre autres, lors de son mémoire sur l'assurance-maladie, présenté au ministre de la Santé du Québec en janvier 1966; lors de son deuxième mémoire sur l'assurance-maladie, présenté à la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social en mai 1967, lors des recommandations de son comité de planification, faisant suite à l'étude des quatre premiers rapports déposés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec en octobre 1970, ainsi que lors de ses considérations et recommandations sur le bill 69 présenté à la commission parlementaire des affaires sociales en janvier 1971.

Le Collège des pharmaciens désire d'abord remercier le président et les membres de la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles de lui donner une nouvelle occasion d'exposer ses vues sur les projets de loi dont il a pris connaissance. L'exécutif du collège a fait une tournée provinciale afin d'exposer la philosophie du conseil des gouverneurs à ses membres. C'est fort de leur appui que le collège a déposé et commentera aujourd'hui ces mémoires qui représentent la philosophie des pharmaciens du Québec. Notre mémoire sur le bill 250, soit le code des professions, a été préparé par MM. Roger Des Groseilliers et Jean-Yves Julien, gouverneurs du collège. Je cède donc la parole à M. Des Groseilliers, sur le bill 250.

M. DES GROSEILLIERS: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, le Collège des pharmaciens du Québec a participé à l'élaboration du mémoire sur le bill 250 déposé par le Conseil interprofessionnel du Québec. Il tient cependant à apporter à l'étude de ce projet de loi les commentaires et recommandations supplémentaires qui suivent.

Commentaires. Le Collège des pharmaciens du Québec tient à déclarer tout d'abord qu'il reconnaît la nécessité de ce projet de loi-cadre, qui a pour but d'assurer la participation gouvernementale au contrôle de l'exercice des professions. Si nous nous référons à la déclaration ministérielle de l'honorable Roy Fournier, datant du 9 juillet 1971, l'action du gouvernement visait un double but. A) instaurer un système nouveau et homogène dont la fonction

première sera d'assurer la protection des intérêts du public et l'autodiscipline active des membres dans l'exécution de cette fonction tout en préservant l'identité propre, les caractéristiques particulières et les prérogatives de chaque profession. B) établir une structure normalisée pour chacune des professions et leur attribuer certains droits, pouvoirs et obligations en certaines matières, notamment la déontologie, la formation professionnelle, l'autorisation d'exercer, de même que la reconnaissance des spécialités dans le cadre des normes qui seront substantiellement de même nature pour chacune des professions.

L'honorable Roy Fournier précisait: "L'initiative gouvernementale ne vise en aucune sorte à la mainmise de l'Etat sur les corporations professionnelles ou sur les activités de leurs membres.

M. LE PRESIDENT: Je constate que vous lisez mot à mot votre mémoire. Les quatre mémoires que vous avez déposés sont entre les mains des membres de cette commission depuis longtemps et j'espère qu'une grande majorité a déjà lu ces mémoires. Vous pourriez peut-être ne dire que les points importants de votre mémoire, mais nous allons vous questionner sur l'ensemble de votre mémoire car le ministre et les autres membres de la commission l'ont lu et ont préparé des questions le concernant.

M. DES GROSEILLIERS: M. le Président, la lecture du mémoire va durer exactement douze minutes. Le mémoire est déjà un résumé du CPQ et vous me demandez d'en faire un autre résumé. Puis-je continuer? Douze minutes au maximum et vous m'allouez vingt minutes.

M. LE PRESIDENT: D'accord. Mais vous avez trois autres mémoires aussi.

M. DES GROSEILLIERS: Cette déclaration de principe devait se traduire dans une loi-cadre qui, primo, définirait les corporations et les professionnels; secundo, déterminerait de façon générale les fonctions, devoirs et pouvoirs des corporations; tertio, établierait une structure générale permettant aux corporations professionnelles d'assumer le rôle de protection du public; quarto, permettrait une surveillance générale de l'Etat.

Or, après avoir étudié le projet de loi 250 dans les quelque deux mois alloués pour le faire, le Collège des pharmaciens du Québec doit déclarer que le projet de code des professions ne répond pas aux principes énoncés et risquerait, si l'on adoptait sa rédaction actuelle, de manquer les objectifs que le gouvernement lui-même s'est fixés.

Plusieurs articles du bill 250 pèchent par l'esprit et la lettre contre les intentions manifestées par le gouvernement. Ainsi les articles 84 à 88, 168 et 169 enlèvent toute véritable autonomie aux corporations en conférant au lieutenant-gouverneur en conseil des pouvoirs trop étendus. Les articles 1 a) et 27 ne donnent pas une définition suffisante des corporations professionnelles. Les articles du chapitre IV, spécialement l'article 27, ne décrivent pas adéquatement les fonctions des corporations professionnelles.

De façon générale, le Collège des pharmaciens du Québec estime que le bill 250, dans sa rédaction actuelle, impose des devoirs accrus aux corporations, devoirs qu'elles acceptent de remplir, tout en restreignant cependant leurs pouvoirs et, par conséquent, leur efficacité.

Le projet de loi a notamment le tort de chercher à établir une structure détaillée trop rigide, ce qui se traduirait par un recul pour les corporations déjà bien structurées, et de viser à une uniformisation impossible et, d'ailleurs, non désirable.

Ce dernier reproche peut être formulé, entre autres, à l'endroit des articles 102, 105, 110, 114, 117 et 247 du bill.

Le bill a aussi et surtout l'inconvénient de permettre des nominations gouvernementales à un trop grand nombre de postes. C'est ainsi que le gouvernement se réserve le droit de nommer et de rétribuer ses représentants à six paliers administratifs: les membres de l'Office des professions, quatre administrateurs délégués sur vingt, dans le cas du Collège des pharmaciens, et un membre du bureau sur cinq, le secrétaire du comité d'inspection professionnelle, le président et le secrétaire du comité de discipline, les syndics, les syndics adjoints et les syndics correspondants des comités de discipline. Par une telle omniprésence, l'Etat n'exercerait plus une simple surveillance générale mais instituerait sa véritable hégémonie sur les corporations, par le truchement d'une sorte de pouvoir parallèle.

On aboutirait ainsi à une situation ambiguë, se trouvant à mi-chemin entre l'étatisation pure et simple et une régie partielle des corporations professionnelles. Une telle situation pourrait susciter, au sein des professions et de la société, de grands désordres dont le public et le bien commun feraient les frais.

En conséquence — et c'est ce qui constitue la deuxième partie de ce mémoire — le Collège des pharmaciens du Québec soumet les recommandations suivantes pour la refonte du projet de loi no 250. En tenant compte, toujours, du mémoire présenté par le Conseil interprofessionnel du Québec, nous soumettons les recommandations suivantes. Elles concernent le chapitre II (l'Office des professions du Québec) le chapitre III (le Conseil interprofessionnel) le chapitre IV (les corporations) et notamment la section VI (inspection professionnelle) et la section VII (discipline) de ce chapitre IV. 1) L'Office des professions du Québec. Le collège considère que le rôle de l'office devrait être renforcé, en lui confiant certains pouvoirs

que le projet actuel réserve au lieutenant-gouverneur en conseil, notamment ceux mentionnés à l'article 63 et aux alinéas a), b) et c) de l'article 169.

Les membres de l'office pourraient être au nombre de cinq ou sept et la majorité de ces membres devraient être des professionnels nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil d'après une liste suggérée par les corporations professionnelles ou encore par l'intermédiaire du CUQ.

L'office devrait avoir le pouvoir de nommer les administrateurs prévus à l'article 76. 2) Le CIQ ou Conseil interprofessionnel du Québec.

Que soit reconnu le Conseil interprofessionnel.

Que toutes les corporations professionnelles y participent obligatoirement.

Que le conseil soit formé des corporations professionnelles et non du président de chacune d'elles.

Que la cotisation de chacune des corporations professionnelles soit déterminée suivant le mode actuellement en vigueur au CIQ, et que chacune des corporations professionnelles puisse déléguer les représentants de son choix. 3)Les corporations professionnelles.

Que les cinq conditions énumérées à l'article 21 soient respectées pour la constitution des corporations professionnelles présentes et futures.

Que, conformément à l'article 27, chaque corporation professionnelle soit dotée de pouvoirs suffisants pour contrôler l'exercice de la profession dans quelque domaine que ce soit, y compris les services publics et parapublics: pratique privée, établissement, industrie et gouvernement, afin que son contrôle soit efficace et général.

Que les principales fonctions des corporations professionnelles soient clairement identifiées et comprennent entre autres: la protection du public; la vérification du haut degré de connaissances scientifiques de leurs membres lorsqu'ils accèdent à l'exercice et tout au long de leur exercice; le contrôle de la qualité de l'exercice de la profession; du maintien des principes de moralité et de probité professionnelle et de l'observance par tous les membres de leur devoir professionnel; la surveillance et le maintien de l'honneur et la dignité de la profession; la répression de l'exercice de la profession par tout professionnel dans tous les milieux et l'exécution de la présente loi et de ses règlements.

Que dans le but de rendre ces pouvoirs réellement efficaces et généralisés, tout professionnel occupant un poste public ou autre, en raison de sa qualité de professionnel, soit inscrit et soumis à toutes les obligations des membres de sa corporation.

Le collège recommande encore que l'article 47 soit modifié, de manière à ce qu'il soit d'application plus facile et plus équitable.

L'article 49, qui constitue une obligation à la délation, devrait être supprimé.

Que l'interdiction prévue à l'article 51 s'applique seulement lors de l'admission en cure fermée.

Que l'article 57 soit modifié de manière à permettre l'inscription des professionnels retraités ou autres qui désirent participer aux activités de leur corporation professionnelle comme administrateurs ou autrement.

Que les articles 62 et 245 soient modifiés de manière à supprimer la possibilité de l'élection du président au suffrage universel.

Que les pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil qui sont prévus à l'article 63 deviennent des pouvoirs de l'office et que l'office puisse les exercer après consultation auprès de la corporation intéressée.

Le collège recommande aussi que l'adoption des règlements d'élection relève des pouvoirs du bureau et que ce dernier soit autorisé à prévoir un mode de contestation d'élection.

Que toute consultation des membres, sauf lors de l'assemblée générale, s'effectue par courrier recommandé.

Que le bureau ne soit pas tenu de faire approuver les règlements adoptés en vertu de l'article 83, spécialement 83 k) et le dernier paragraphe qui s'y rattache, forçant le collège à faire approuver sa cotisation annuelle par l'assemblée générale.

Aux articles 84, 85 et 86, contrairement à ce qui est prévu à l'article 88, nous recommandons que le comité administratif soit composé exclusivement de membres élus. Nous recommandons aussi que la section VI traitant de l'inspection professionnelle soit modifiée dans le sens des recommandations suivantes:

Que les membres, y compris le secrétaire, soient nommés par le bureau parmi les membres de la profession; que le nombre de membres soit déterminé en tenant compte des besoins de chacune des corporations;

Que les pouvoirs du comité soient déterminés par règlements du bureau, règlements approuvés par l'office;

Que le comité d'inspection professionnelle n'ait pas le pouvoir de loger de plaintes mais l'obligation de signaler au syndic ou au bureau, le cas échéant, les cas qui à son avis méritent une action disciplinaire.

Enfin, nous recommandons que la section VII traitant de la discipline soit modifiée dans le sens des recommandations suivantes:

Le comité de discipline devrait être formé de cinq membres de la corporation désignés par le bureau;

Les cinq membres ainsi nommés devraient élire un président choisi parmi eux;

Un avocat ad hoc devrait agir comme procureur du comité de discipline et devrait être rémunéré par chacune des corporations professionnelles.

Le secrétaire du comité de discipline devrait être nommé et rémunéré par le bureau.

Les syndics devraient être nommés et rémunérés par le bureau qui déterminerait leurs fonctions par règlement.

Des sanctions supplémentaires devraient être prévues dans les lois particulières, en plus de celles prévues à l'article 144, afin de tenir compte du caractère spécial des corporations, le cas échéant.

On devrait prévoir, en matière de signification, les cas où le secrétaire est dans l'impossibilité de signifier toute plainte ou toute décision.

Le comité devrait être autorisé à procéder par défaut ou exparte.

Les dépositions pourraient être prises en sténographie si les parties préfèrent ce mode à l'enregistrement.

Enfin, l'article 130 ne devrait pas être modifié.

L'article 136 devrait tenir compte du parjure.

L'article 143 devrait être modifié de façon à tenir compte de certaines lois pénales s'appliquant uniquement à certaines professions particulières, comme dans notre cas à nous, du Collège des pharmaciens, la Loi des stupéfiants, la Loi des aliments et drogues.

Il devrait y avoir une corrélation entre le comité de discipline et le bureau.

L'appel devrait être entendu par le tribunal prévu à l'article 149 et les juges devraient être désignés par le juge en chef et non par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Les articles 155 et 156 devraient être modifiés de façon qu'une preuve additionnelle ne soit permise qu'en des circonstances exceptionnelles et il faudrait qu'il s'agisse d'une preuve nouvelle indispensable.

Enfin, l'appel devrait être entendu par préséance et l'audition devrait avoir lieu dans les plus courts délais.

Le tribunal d'appel pourrait procéder par défaut ou exparte.

Autres recommandations générales:

Que le pouvoir de réglementation du lieutenant-gouverneur en conseil soit diminué et celui de l'office augmenté;

Que le serment ou affirmation de discrétion soit renforcé;

Que seules soient exclues de l'annexe 2 les corporations suivantes: Corporation professionnelle des avocats du Québec, des notaires du Québec et des arpenteurs du Québec.

Conclusion: Considérant son expérience de cent ans comme corporation professionnelle;

Considérant les amendements qu'il a déjà fait apporter à la Loi de pharmacie, les efforts consentis et les études faites pour l'établissement d'un répertoire des règlements, la jurisprudence établie à grands frais, son organisation disciplinaire bien rodée, sa structure de commissions et de comités qui n'a rien perdu de son efficacité en 1972;

Considérant toutes ces structures qu'il a élaborées avec soin pour assurer le contrôle de l'exercice de la profession, promouvoir la com- pétence et le haut niveau professionnel de ses membres et assumer ainsi pleinement son rôle de protection de la santé publique, le Collège des pharmaciens du Québec prie instamment le législateur de modifier en profondeur les dispositions du bill 250 afin d'éviter qu'on ne noie dans la centralisation et l'uniformisation d'utiles réalisations qui sont le fruit d'une longue expérience et de coûteux efforts;

Le Collège des pharmaciens du Québec est d'avis que le projet de code des professions, dans sa rédaction actuelle, loin d'apporter la réponse attendue et nécessaire, marquera, pour la majorité des corporations déjà bien structurées, un tel retour en arrière qu'il ne laissera éventuellement à ces corporations d'autre choix que de remettre complètement à l'Etat le contrôle et la surveillance de l'exercice des professions. Les corporations seront, en effet, dans une situation telle qu'elles ne pourront s'acquitter des fonctions pour lesquelles elles sont et seront toujours les mieux qualifiées.

M. GAGNON (Jacques): M. le Président, quant aux trois autres bills, j'ai un résumé des mémoires.

L'exposé du collège sera aussi bref que possible et sera divisé en deux parties. La première traitant des principes de base et des recommandations générales concernant le pharmacien et la pharmacie. La deuxième traitant du projet de loi lui-même sur la pharmacie, soit le bill 255.

Principes de base: Les principes de base concernant le pharmacien et la pharmacie peuvent se résumer en mentionnant que: 1 ) Le médicament ne peut être considéré comme une marchandise commerciale. 2)Le médicament est un poison en substance. 3)Le médicament ne peut être préparé et délivré sans contrôle. 4)Le contrôle doit être exercé par un spécialiste. 5)Le pharmacien est le seul spécialiste du médicament. 6)La loi acutelle, 1964 et le projet de loi sur la pharmacie, le bill 255, ne permettent pas aux pharmaciens d'exercer pleinement ce contrôle.

Recommandations générales: Se basant donc sur les grands principes qu'il vient d'émettre, le collège recommande: l)Que la délivrance des médicaments et poisons soit sous la juridiction exclusive du pharmacien. 2)Que les mots médicaments et drogues soient définis de façon uniforme dans les différentes lois. 3) Que la présence du pharmacien soit assurée au niveau de la préparation, du contrôle et de la délivrance du médicament dans tous les établissements du secteur public et privé où il se fait une délivrance de médicaments; 4) Que les médicaments brevetés fassent l'objet d'une évaluation scientifique quant à

leur valeur thérapeutique, que l'étiquetage soit soumis à des normes identiques à celles de la Loi des aliments et drogues et, enfin, que la délivrance en soit réservée uniquement aux pharmaciens; 5) Que toute publicité sur les médicaments auprès du grand public soit abolie; 6) Que les professionnels de la santé autres que les pharmaciens ne soient autorisés à ne délivrer que les médicaments d'urgence et d'une façon extemporanée; 7) Que le gouvernement provincial profite des services du pharmacien pour assurer la diffusion de toute information sur les drogues.

Projet de loi sur la pharmacie. Relativement au bill 255 lui-même, il est évident que nous ne traiterons pas de toutes les modifications que le collège désire apporter, mais que nous nous attarderons plus spécifiquement aux articles les plus importants.

Définitions. A l'article 1 du bill 255, page 1 à 4 du contreprojet de loi sur la pharmacie, section I. D'abord, le collège désire apporter des modifications et des additions â l'article 1 de la section I du bill 255, soit celui traitant des définitions. Les plus importantes modifications sont celles ayant trait aux définitions des mots pharmacien, médecin, médicament et ordonnance. Les plus importantes additions sont celles ayant trait aux définitions des mots membre, autorisation, et non l'autorisation spéciale du code des professions, licence, pharmacie ou officine, fournir un médicament et administrer un médicament.

Si nous revenons aux modifications apportées par le collège au paragraphe c) pharmaciens, paragraphe d) médecins, paragraphe e) permis et paragraphe f ) autorisation spéciale du bill 255, elles ont été faites dans le but de faire une distinction très nette entre un pharmacien et un médecin. Le collège définit un pharmacien comme étant tout membre de l'Ordre des pharmaciens, le membre étant défini comme étant tout professionnel détenant un permis au sens de la présente loi. Le collège y définit aussi le médecin comme étant tout membre de l'ordre des médecins du Québec détenant une autorisation au sens de la présente loi.

Ce faisant, le collège fait une distinction nette entre un pharmacien membre détenant un permis d'exercer sa profession, la pharmacie, et un médecin détenant l'autorisation lui permettant de fournir des médicaments ou de distribuer des médicaments, autorisation accordée conformément à la présente loi. Les dispositions de cette autorisation sont prévues aux articles 38 à 42 inclusivement de notre contre-projet et nous y reviendrons plus tard. A ce moment-ci, il faut mentionner qu'il s'est glissé une erreur dans la disposition des articles à la page 2 de notre contreprojet relativement à l'autorisation spéciale du code des professions. Le collège désire, en effet, conserver intégralement le texte du paragraphe f ) de l'article 1 du bill 255.

Quant aux modifications apportées à la définition du mot médicament, elles ont été faites dans le but de ne pas définir le médicament comme étant exclusivement un objet faisant partie d'une liste. Le collège suggère une définition beaucoup plus complète basée sur celle de la direction générale de la protection de la santé, antérieurement la direction générale des aliments et drogues, ce qui nous permet de rejoindre l'une de nos recommandations du début, soit celle d'uniformiser les définitions dans les différentes lois.

Enfin, relativement aux modifications apportées à la définition du mot ordonnance, le collège demande d'introduire la notion d'une demande plutôt que celle d'un ordre.

Le collège y précise aussi que cette demande doit être adressée à un pharmacien et dirigée vers une personne désignée par le patient.

Traitons maintenant des additions les plus importantes à ce niveau. Le collège recommande de prévoir une licence, soit un permis de tenir une officine, et de définir cet endroit comme étant affecté à la préparation, la composition, le contrôle des médicaments, des produits hygiéniques et sanitaires. Enfin, le collège désire faire une distinction entre les termes "fournir un médicament" et "administrer un médicament", "fournir un médicament" étant défini comme le distribuer et "administrer un médicament" étant défini comme le faire prendre à un malade d'une façon extemporanée et en cas d'urgence.

Les additions mentionnées précédemment se retrouvent aux pages 3 et 4 de notre contre-projet et plus précisément à l'article 1 des paragraphes m), licence, n), pharmacie ou officine, p), fournir un médicament et q), administrer un médicament.

A la section III du bill 255, soit celle traitant du bureau de l'ordre, et plus précisément à l'article 4, le collège demande que le bureau de l'ordre soit composé de vingt administrateurs élus, conformément à l'article 59 du code des professions, et non de 17 comme le stipule cet article.

A ce niveau, le collège revendique le pouvoir de réglementer sur la répartition des administrateurs du bureau de l'ordre, se basant sur les districts électoraux provinciaux plutôt que sur les districts judiciaires, tel que stipulé dans la loi actuelle de pharmacie, 1964, et dans le bill 255, afin d'être en mesure d'apporter une répartition géographique et une représentation conforme à la réalité pharmaceutique québécoise.

Toujours à la section III et plus précisément à l'article 9 du bill 255, le collège demande au législateur d'élargir son pouvoir de réglementation notamment en ce qui a trait: a) à la tenue d'une officine, b) à la création et répartition des officines, soit le zonage, c) aux circonstances où le médecin peut fournir des médicaments, d) à la publicité professionnelle et e) aux circonstances dans lesquelles un établissement peut four-

nir des médicaments à des personnes qui ne sont pas hospitalisées, ni traitées.

Ces additions se retrouvent aux articles 16, etc, du contreprojet sur la pharmacie et plus particulièrement aux pages 7, 8 et 9.

A) Tenue d'une officine. Relativement à la première addition signalée précédemment, soit celle relative à la tenue d'une officine, le collège demande le pouvoir de réglementer afin de décommercialiser la pharmacie et permettre au pharmacien de jouer uniquement son rôle de professionnel de la santé et de rendre de meilleurs services pharmaceutiques à la population.

B) Création et répartition des officines, le zonage. Quant à la création et à la répartition des officines, soit le zonage, le collège considère qu'il est important de prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre l'accessibilité aux services pharmaceutiques pour tous les Québécois.

Les trois pouvoirs de réglementation qui suivent et que le collège revendique étaient dans le bill 255 des pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil. On comprendra pourquoi le collège demande de les rattacher à son pouvoir de réglementation en expliquant ce qui suit.

C) Pour ce qui est des circonstances où le médecin peut fournir des médicaments, elles sont reliées à la définition du mot "autorisation" dont nous avons traité précédemment. Une autorisation peut être accordée au médecin en vue d'avoir dans son cabinet un dépôt de médicaments et d'en délivrer aux personnes auxquelles il donne ses soins dans les endroits où il n'y a pas de pharmaciens, cette autorisation se justifiant par la nécessité de pourvoir aux besoins de la population.

Il faut comprendre qu'une telle autorisation ne doit pas être donnée dans l'intérêt du médecin, mais bien dans celui de la population. C'est pourquoi nous nous permettons de suggérer au législateur des textes en vertu desquels cette autorisation serait considérée comme une exception de droit.

Renouvelable en principe, elle serait révocable dès qu'un pharmacien se serait installé dans les districts concernés.

Ces dispositions sont prévues dans le contre-projet, au dernier paragraphe de l'article 38, ainsi qu'aux articles 39 à 42 inclusivement, soit aux pages 14 et 15.

Publicité professionnelle. Traitons maintenant de l'addition apportée par le collège relativement à la publicité professionnelle. La publicité mentionnée au paragraphe a) de l'article 39 du bill 255 est un point touchant de près à l'intégrité et à l'éthique professionnelle. Nous sommes en faveur d'une publicité non tapageuse, tel que le recommande d'ailleurs le rapport de la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, les professions et la société, publicité par laquelle le pharmacien favoriserait l'accessibilité des services pharmaceutiques.

Nous ne pouvons toutefois accepter les stipulations de l'article 39 a) du bill 255 permettant au lieutenant-gouverneur en conseil de déterminer, par règlement, le genre de publicité qu'un pharmacien peut faire dans le but de favoriser la libre concurrence entre pharmaciens. Nous soumettons qu'il est inacceptable, pour des professionnels ayant un code d'éthique à respecter, d'être ainsi exposés à une publicité tapageuse incompatible avec la dignité professionnelle.

Si l'objectif du gouvernement est d'assurer l'accessibilité des biens et services de santé pour l'ensemble de la population, d'assurer la protection des citoyens en se portant garant d'une qualité minimale de ces biens et services, de faire en sorte que la distribution soit efficace au plan économique, à savoir que les coûts d'obtention de ces biens et services soient les moins élevés possible, si tel est l'objectif du gouvernement et s'il croit l'atteindre en établissant la libre concurrence entre pharmaciens, pourquoi le gouvernement n'applique-t-il pas ce même principe de concurrence au sein des autres professions de la santé et même de toutes les professions en général? Nous estimons que cette exigence de l'article 39 a) est discriminatoire et que le corps pharmaceutique ne peut l'accepter.

De plus, relativement aux répercussions que pourrait avoir une publicité concurrentielle sur les médicaments, il est important de mentionner que cette publicité, faite par les nombreux media d'information, incite fortement le patient à utiliser des substances contre la toux, contre l'insomnie, etc. Dans bien des cas, ces produits contiennent des agents qui peuvent diminuer ou augmenter la vigilance, la capacité de concentration et qui peuvent mener à des accidents graves et à une certaine dépendance. Le patient devient donc ainsi orienté vers le médicament, qui lui sert de béquille.

De plus, le public considère quelquefois comme superflues les recommandations écrites sur l'étiquette du médicament et en ignore les directives d'emploi.

Secrétaire de l'ordre. Afin de faire préciser les fonctions du secrétaire de l'ordre et rattacher ses fonctions à l'article 43 du bill 255, créant le secrétaire de l'ordre, le collège recommande, dans son contreprojet, une nouvelle section. Nous désirons insister particulièrement sur l'article 24 du contreprojet, qui donne au secrétaire de l'ordre le pouvoir d'être le gardien de toute officine et le dépositaire de tous les originaux d'ordonnance, les registres, les dossiers-patient, les médicaments s'y trouvant dans tous les cas où une officine, pour quelque raison que ce soit, n'a plus de pharmacien responsable.

L'exercice de la pharmacie. A la section V du bill 255, relative à l'exercice de la pharmacie, le Collège des pharmaciens demande au législateur de modifier l'article 15, en incluant les services pharmaceutiques que doit rendre le pharmacien, soit le contrôle de l'authenticité de

l'ordonnance, le contrôle de la régularité de l'ordonnance, la préparation ou le refus d'exécuter l'ordonnance et le renouvellement de l'ordonnance, l'information pharmacologique et pharmaceutique, la fourniture et la vente de médicaments, de poisons et de préparations médicinales, les analyses ainsi que tout autre service pharmaceutique offert au patient.

Le collège propose, à l'article 35 du contre-projet, un nouveau texte, afin de réitérer le principe de l'incompatibilité de l'exercice de la profession de pharmacien avec l'exercice d'une autre profession, sous la réserve des privilèges accordés dans certains cas par la présente loi.

Quant à l'article 17 du bill 255, nous croyons que la nouvelle loi sur la pharmacie ne protégerait pas adéquatement la santé des patients en permettant, comme le fait cet article, que l'achat, la préparation, la vente ou la fourniture des médicaments soient confiés à quelqu'un d'autre qu'un pharmacien. Nous suggérons de biffer entièrement le premier paragraphe de cet article, parce qu'il contredit l'article 22 du code des professions en laissant des personnes qui n'ont pas suivi d'études en pharmacie et qui n'ont donc pas la formation ni les qualifications requises pour assurer la protection de la santé publique poser des actes qui doivent être réservés à des pharmaciens.

Ce premier paragraphe contredit aussi l'article 27 du code des professions selon lequel la principale fonction d'une corporation est d'assurer la protection du public et le contrôle de la profession par ses membres. Or, l'ordre n'aurait aucun contrôle sur des non-pharmaciens.

Pour ce qui est du deuxième paragraphe de l'article 17, nous demandons qu'on en biffe la première partie, soit jusqu'au point-virgule. Elle permettrait en effet à tous les établissements visés par le bill 65 d'acheter, de préparer, vendre ou fournir des médicaments à des patients qui sont hospitalisés ou traités, sans que tous ces actes ainsi que tous les services pharmaceutiques y étant rattachés, qui constituent pourtant l'exercice de la pharmacie, soient exécutés par un pharmacien.

Cette disposition aurait pour effet de priver les gens hospitalisés ou traités des services d'un pharmacien, de contrevenir à un règlement de la Loi des hôpitaux qui préconise la présence d'un pharmacien, et d'empêcher le contrôle des erreurs et la surveillance de la distribution des médicaments dans un secteur ou précisément le patient est en droit de s'attendre à bénéficier d'une protection optimale.

Si l'on considère le fait que n'importe qui peut aller dans un établissement et devenir une personne traitée au sens de la loi, que les médicaments y seraient distribués par une personne n'ayant pas nécessairement des connaissances pharmaceutiques, qu'aucun contrôle ou surveillance adéquat n'y serait exercé, nous concluons qu'une telle situation pourrait avoir de nombreux effets déplorables, dont surconsommation de médicaments, automédication et risque d'interaction médicamenteuse ou d'association de médicaments préjudiciables à la santé des patients traités, erreur pouvant se glisser dans la rédaction de l'ordonnance, ainsi qu'augmentation des coûts.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que la première partie de ce deuxième paragraphe de l'article 17 soit biffée et remplacée par un nouveau texte qui dirait, en substance, que rien dans la présente loi n'interdit l'achat et la préparation de médicaments par les établissements, ni la fourniture par eux de médicaments aux patients qui y sont hospitalisés, pourvu que tels actes soient effectués par un pharmacien membre de l'ordre.

Quant à la seconde partie de ce deuxième paragraphe concernant les personnes autres que les patients qui y sont hospitalisés ou traités, nous exigeons toutefois que les deux conditions suivantes soient respectées, à savoir que l'ordre conserve le contrôle du pharmacien oeuvrant dans un tel établissement et que l'ordre conserve le contrôle de l'officine ouverte dans un tel établissement.

Le Collège des pharmaciens du Québec a déposé des recommandations en ce sens dans le mémoire qu'il a présenté le 7 novembre 1969 à la Commission fédérale d'enquête sur l'usage des drogues à des fins non médicinales, la commission Le Dain. Il demande aujourd'hui que la Loi sur la pharmacie accueille ces recommandations en confirmant que la délivrance des médicaments et des poisons soit sous la juridiction exclusive du pharmacien, que la présence du pharmacien soit assurée dans toutes les institutions hospitalières et autres établissements où il se fait une délivrance de mécidaments.

Quant à l'article 20 du bill 255 concernant l'exécution d'une ordonnance et la substitution, le collège recommande, à l'article 44 du contre-projet, page 15, un nouveau texte qui permette la substitution de médicaments en tenant compte du refus d'exécuter une ordonnance.

De plus, relativement à la responsabilité du pharmacien vis-à-vis de la substitution, le collège recommande qu'aucune action ou autre procédure ne soit intentée contre un pharmacien dans un cas de substitution selon le présent article.

De plus, le collège désire souligner au législateur le danger de laisser le prescripteur libre de s'opposer à la substitution. Nous savons que l'industrie pharmaceutique fait actuellement une campagne d'information, basée uniquement sur les dangers de permettre la substitution de médicaments. Certaines maisons pharmaceutiques sont même allées plus loin en faisant fabriquer des tampons qu'elles remettent aux médecins gratuitement, en leur suggérant de refuser systématiquement la substitution. Nous savons de plus qu'il existe d'autres compagnies pharmaceutiques qui fournissent aux médecins des carnets d'ordonnance sur lesquels sont inscrits le nom et l'adresse du médecin, ainsi que le nom du médicament.

Quant à l'article 25 du bill 255, traitant de la propriété de l'officine, le Collège des pharmaciens recommande que les pharmacies continuent à être la propriété exclusive d'un pharmacien ou d'une société de pharmaciens, comme le prescrit la Loi sur la pharmacie actuelle. Nous ne pouvons accepter les dispositions de l'article 25 b) du bill 255 permettant qu'une pharmacie soit la propriété d'une corporation comprenant des non-pharmaciens, à condition que la majorité des administrateurs soient des pharmaciens qui détiennent la majorité des actions.

Ce faisant, la profession pharmaceutique rabaisserait son prestige, son intégrité professionnelle et ferait bon marché de la protection du public. Nous ne pouvons concevoir qu'un gouvernement comme celui du Québec, qui se préoccupe de la santé publique, du respect et de la protection du consommateur, ainsi que de la qualité des services accessibles au public, préconise que de simples hommes d'affaires, ne détenant aucun diplôme pertinent, n'ayant aucune compétence scientifique particulière et dont l'unique préoccupation, quoique légitime, est et demeure le profit soient à l'avenir autorisés à détenir jusqu'à 49 p.c. des intérêts dans l'administration d'une pharmacie.

On peut concevoir en théorie que le ou les pharmaciens majoritaires dans une telle corporation sauraient préserver la tenue professionnelle de la pharmacie et maintenir la qualité des services qui sont dispensés au public. Dans la pratique, toutefois, nous sommes justifiés de. croire qu'une telle situation dégradera la profession, diminuera la qualité des services qu'elle rend et ouvrira la porte à de multiples dangers dont seul le patient fera les frais.

Au moment même où le gouvernement du Québec reserre avec raison les exigences scolaires et professionnelles des corporations professionnelles existant déjà et crée de nouvelles professions, il est inacceptable qu'on veuille commercialiser la nôtre. Nous croyons, d'ailleurs, qu'il est impossible d'affirmer que la société anonyme constituerait le meilleur type de structure des entreprises québécoises distribuant des produits pharmaceutiques. Si l'on se fie à l'exemple américain, cette forme d'entreprise pourrait bien devenir dominante et l'on sait qu'aux Etats-Unis les sociétés par action de grande taille, à succursales multiples, contrôlent près des deux tiers du marché américain de la vente au détail des médicaments.

Est-ce le but que nous voulons atteindre au Québec? Veut-on faire passer la distribution au détail des médicaments entre les mains de puissantes compagnies commerciales d'Ontario ou d'ailleurs, qui n'installeront leurs succursales que dans les zones urbaines où elles tireront le maximum de profits, sans se préoccuper d'améliorer la répartition géographique des pharmaciens et l'accessibilité de toute la population aux services pharmaceutiques?

La disposition que nous propose l'article 25 b) existe dans quelques autres provinces cana- diennes et dans plusieurs Etats américains où, sans doute, par voie de conséquence, les pharmacies offrent l'aspect le plus dégradé qui soit. Or, les pharmaciens du Québec ne veulent pas revenir à l'époque des pharmacies-bazars qui furent, à juste titre, si critiquées. A ce point de vue, nous croyons que l'adoption de l'article 25 b) aurait pour déplorable conséquence d'annihiler les efforts de revalorisation professionnelle consentis par les pharmaciens du Québec au cours de la dernière décennie, efforts qui furent concrétisés par le législateur lui-même en 1964 lors de la dernière modification de la Loi de pharmacie du Québec, efforts grâce auxquels on admet généralement aujourd'hui que, dans l'ensemble du Canada et même de l'Amérique du Nord, les pharmacies québécoises sont celles qui affichent la meilleure tenue professionnelle.

Enfin, de sérieux doutes se posent au plan constitutionnel, car l'article 25 b) aurait pour effet de permettre à des corporations à charte fédérale de s'installer dans ce champ d'activité. Or, ces compagnies fédérales échappent totalement au législateur provincial qui ne peut avoir et n'a aucun contrôle sur elles. De plus, le collège recommande que les articles 26, 27 et 28, 29 et 30 du bill 255 soient biffés en concordance avec l'article 25 b).

De plus, nous désirons souligner au législateur que, s'il maintenait l'article 25 b), on aboutirait à la situation absurde suivante. En concordance avec l'article 23 du bill 255, par le truchement d'une corporation, un fabricant de produits pharmaceutiques pourrait détenir jusqu'à 49 p.c. des actions, d'une pharmacie, alors que le pharmacien ne serait pas autorisé à avoir le moindre intérêt dans une compagnie de fabrication. De plus, un non-pharmacien propriétaire de 49 p.c. des actions d'une pharmacie pourrait détenir des intérêts dans une entreprise de fabrication, alors que son associé pharmacien ne pourrait en détenir. Au niveau de cette section sur l'exercice de la pharmacie, le Collège des pharmaciens recommande d'ajouter qu'une personne tenant officine doit la tenir dans un lieu complètement distinct de tout local où il se pratique un commerce étranger aux produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires: médicaments, drogues et poisons.

Le texte proposé par le collège à cet effet se retrouve à l'article 54 du contreprojet, à la page 19.

Exercice illégal de la pharmacie. Au niveau de la section VI du bill 255, soit celle traitant de l'exercice illégal de la pharmacie, le collège demande au législateur d'inclure dans la Loi sur la pharmacie les dispositions de l'article 36 de la Loi sur la pharmacie actuelle, 64, qui interdit à toute personne de distribuer ou de vendre des médicaments par l'intermédiaire d'appareils automatiques. Le collège désire ainsi prévenir l'automédication, la surconsommation des médicaments et le risque d'absorption accidentelle par les enfants.

Spécialités pharmaceutiques ou médicaments

brevetés. Quant à la section VIII du bill 255 traitant des spécialités pharmaceutiques ou médicaments brevetés, le collège demande au législateur de la faire disparaître entièrement. Le collège insiste, en effet, pour que tous les remèdes brevetés ou spécialités pharmaceutiques soient considérés comme des médicaments au sens de la Loi sur la pharmacie, cela dans l'intérêt de la santé publique.

Considérant son expérience passée, les amendements aux diverses lois de pharmacie établies depuis une centaine d'années, amendements souvent reliés à la jurisprudence établie par le collège ainsi que toutes les structures élaborées dans ce sens, le Collège des pharmaciens recommande au législateur de modifier le bill 255 de façon que le public soit protégé en obtenant une qualité optimale des biens et services pharmaceutiques tout en étant assuré de l'accessibilité de ces biens et services pharmaceutiques.

Le bill 252, Loi médicale. Relativement au bill 252, soit la Loi médicale, le Collège des pharmaciens recommande qu'au niveau des articles 33 et 35 il soit bien spécifié que le médecin n'est autorisé qu'à administrer des médicaments, soit faire prendre un médicament à un malade d'une façon extemporanée et en cas d'urgence, tel que nous l'avons mentionné dans notre présentation sur le bill 255. Le médecin membre de l'ordre des médecins du Québec détenant une autorisation de l'ordre des pharmaciens du Québec pourra fournir des médicaments, c'est-à-dire les distribuer. Quant à l'article 34, le collège demande d'ajouter que le médecin, puisqu'il ne peut avoir d'intérêt direct ou indirect dans une entreprise de fabrication ou de vente de prothèse, ne puisse avoir d'intérêt direct ou indirect dans une officine ou dans une entreprise de fabrication de médicaments.

Relativement au bill 254, soit la Loi des dentistes, le Collège des pharmaciens recommande que le dentiste ne soit autorisé qu'à administrer des médicaments, c'est-à-dire faire prendre des médicaments à un malade de façon extemporanée et en cas d'urgence. Quant à l'article 32, le collège demande d'ajouter que le dentiste, puisqu'il ne peut avoir d'intérêt direct ou indirect dans une entreprise de fabrication ou de vente de prothèse dentaire ne puisse avoir d'intérêt direct ou indirect dans une officine ou dans une entreprise de fabrication de médicaments.

Messieurs, nous sommes à votre entière disposition si vous avez des questions à nous poser.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Je pense que le ministre a quelques questions.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier le collège pour l'analyse qu'il a faite de ces projets de loi et les suggestions qu'il formule. Au lieu de poser des questions extrêmement spécifiques sur certaines des recommandations qu'il formule, j'aimerais demander au président qu'il nous dise, d'une façon résumée, jusqu'à quel point il partage la préoccupation qui est la nôtre, au ministère, face à l'augmentation extrêmement rapide de la consommation des médicaments et qu'il identifie, ce qui à son avis, est la cause de cette augmentation de la consommation des médicaments qui, pour nous au ministère, présente des dangers et qui ne peut continuer indéfiniment sans que certains gestes soient posés pour en contrôler la croissance.

C'est ma première question. J'aimerais revenir avec une autre question après celle-là, M. le Président.

M. GAGNON: M. le Président, M. le ministre, sur la surconsommation des médicaments nous avons, au Collège des pharmaciens, créé un comité avec la collaboration du Collège des médecins. Nous avons soumis au Collège des médecins — parce que nous croyons que c'est un problème que doit analyser le Collège des médecins et le Collège des pharmaciens — un document de travail et, à cause de la période des vacances, nous n'avons pas rencontré à nouveau le Collège des médecins. Je puis vous résumer le document de travail que nous avons soumis au Collège des médecins. 1) Les causes générales de la surconsommation des médicaments, les causes favorisant la surconsommation des médicaments et les facteurs connexes font l'objet d'explications qui varient de façon considérable. Elles varient selon les différents groupes d'usagers et au sein d'un même groupe; elles varient aussi selon les drogues. Nous avons remarqué qu'au niveau des assistés sociaux, soit ceux qui bénéficient de l'aide, il y a une surconsommation plus grande de médicaments. Il y a une raison également: la classification, la Loi sur les stupéfiants et la Loi sur les narcotiques.

J'ai des statistiques qui m'ont été remises par une compagnie d'assurance qui a fait un profil durant les derniers six mois. Sur un million d'ordonnances, il y a une fréquence de 18.5 p.c. de sédatifs et de barbituriques, comprenant les tranquillisants, entre autres. Au niveau des répétitions, on compte 68 p.c. de ces produits qui sont répétés.

On voit également que les produits de comptoir qui sont inclus dans la liste que cette compagnie-là paie aux gens qui sont hospitalisés représentent 11 p.c. et 53 p.c. de répétitions. Ce sont les deux grands points. Nous avons recommandé au Collège des médecins, pour pallier cela d'abord que tous les tranquillisants mineurs soient changés d'annexe à la Loi des aliments et drogues et que ça devienne un médicament qui soit contrôlé, qui exige une nouvelle ordonnance à chaque fois. Je pense qu'on règlerait là un des gros problèmes de la surconsommation.

Egalement, il y a la publicité professionnelle sur tous les médicaments qui fait foi de ça. Je pourrais laisser à M. Robert le soin de parler de

la publicité des médicaments qui, j'en suis certain, favorise l'automédication et la surconsommation de médicaments.

M. CASTONGUAY: Avant de passer, M. le Président, à la question de la publicité, sur le point que vous avez mentionné, la question de répétitions, s'agit-il là uniquement d'un problème de classification des médicaments que vous avez mentionnés, les tranquillisants etc., ou s'il s'agit aussi de pratiques, de la part des médecins, qui sont plus ou moins, disons, conformes aux dangers que représente une trop grande consommation de médicaments, c'est-à-dire non-indication assez précise quant au renouvellement des ordonnances, quant à des ordonnances faites par téléphone, etc.

M. GAGNON (Jacques): Quant au renouvellement de l'ordonnance, il est vrai que souvent nous avons à constater que le médecin — je ne veux pas le blâmer, je pense que c'est la situation en général — ne donne pas toutes les indications sur l'ordonnance. Nous avons vu des prescriptions sans nom, sans adresse, sans signature même de médecin parfois et, selon la loi fédérale, une ordonnance ne doit pas être répétée à moins que ce ne soit indiqué par le médecin. Le pharmacien est pris avec ce problème-là, le patient se présente à sa pharmacie, on ne peut pas répéter, on essaie de rejoindre le médecin, on appelle le médecin: Organise-toi avec tes problèmes. Cela cause un problème. Je pense que c'est un point important la façon dont l'ordonnance est rédigée et les médecins ne spécifient pas assez sur l'ordonnance de quelle façon on doit agir. Les répétitions, si elles étaient indiquées, une fois, deux fois ou trois fois, on pourrait les contrôler. Egalement, on a institué un instrument, le dossier-patient avec lequel le pharmacien est capable de contrôler la médication, mais malheureusement à un moment donné on parle aux médecins, on les appelle, on n'est pas capable de les rejoindre, le patient a besoin de ses médicaments. Je suis d'accord avec vous que parfois le pharmacien juge opportun de lui répéter son ordonnance.

M. ROBERT: Si vous me permettez, M. le Président, concernant la publicité des maisons pharmaceutiques orientée vers les professionnels de la santé, et aussi orientée vers le patient, en deux mots, on a des documents ici qui sont assez longs et que nous sommes prêts à déposer au ministre des Affaires sociales.

Cette publicité est surtout orientée vers les professionnels de la santé, le pharmacien et le médecin surtout, mal dirigée et a une tendance très nettement commerciale et devrait être axée davantage vers l'information scientifique.

Je vous donne un exemple, ici j'ai une publicité commerciale dirigée vers le pharmacien qui dit que c'est vendu d'avance à vos clients par une campagne intensive de 25 annonces par semaine à la télévision. C'est cette forme d'annonce commerciale à laquelle le Collège des pharmaciens s'oppose.

Cela c'est dirigé vers le pharmacien. Il y a d'autres formes d'annonces commerciales qui sont dirigées vers le médecin avec toutes sortes de gadgets publicitaires à tendance nettement commerciale. Tout à l'heure le président vous a parlé de la substitution et actuellement nous savons que l'industrie pharmaceutique fait une campagne très intensive pour empêcher la substitution du médicament et on fait faire des tampons, des autotampons que j'ai ici en main, et avec un crayon le médecin n'a qu'à estampiller, et c'est marqué à ce moment-là sur l'ordonnance : Ne pas substituer.

Il y a des compagnies qui vont encore plus loin que ça, qui font des carnets publicitaires, et leur réclame actuellement est orientée seulement pour empêcher la substitution.

Il y a d'autres compagnies qui font faire d'avance des carnets d'ordonnances où est indiqué le nom du médicament et où il est aussi indiqué: Ne pas substituer. C'est à cette forme de publicité commerciale, en deux mots, que le Collège des pharmaciens désire s'opposer.

M. CASTONGUAY: Merci. En plus de cette question de surconsommation, il y a aussi une question de prix des médicaments. On peut constater, par exemple, que dans certains pays, notamment en Europe, le prix des médicaments est considérablement plus bas qu'au Canada et il n'y a pas de question à poser pour savoir si ces médicaments sont de même qualité ou non. Ce sont les mêmes grands fabricants qui les fabriquent que ceux que nous retrouvons ici, dans un certain nombre de cas, au moins.

Il s'agit donc, à mon sens, dans toute la question de la distribution des médicaments, d'une part, d'assurer un contrôle par les pharmaciens pour prévenir la surconsommation de médicaments ou encore la distribution de substances dangereuses ou de poisons, pour protéger la population. D'autre part, il reste que, si nous tendons à aller davantage dans cette direction, il existe un certain danger, à mon avis, soit celui que les prix qui paraissent déjà élevés augmentent en contrepartie. En ce sens-là, il me semble que votre recommandation, en ce qui a trait à la publicité, comporte des éléments positifs, parce que cette publicité, de l'avis de tous ceux qui ont examiné la question, est une publicité qui, au niveau des fabricants, coûte cher et incite à la consommation. Elle incite aussi, par conséquent, les gens à consacrer une plus grande partie de leur budget aux médicaments. Vous recommandez toutefois que les médicaments brevetés cessent d'être distribués ou ne soient distribués à l'avenir que par des pharmaciens. Sur ce, il y a un certain nombre de substances dans les médicaments brevetés qui ne présentent aucun danger. En effet, si ces substances présentaient des dangers, on aurait des témoignages assez fréquents à l'effet que des personnes ont subi des malaises

pour avoir utilisé ces médicaments qui, présentement, sont assez facilement accessibles.

Il me semble qu'il y a là une recommandation qui vise à assurer un meilleur contrôle de la distribution des médicaments, j'en suis, mais qui porte sur une partie des médicaments qui ne présentent pas les mêmes d angers et qui, si elle était retenue, contribuerait encore davantage à faire augmenter le prix des médicaments.

J'aimerais, si possible, q ue vous commentiez ou que vous nous donniez les raisons pour lesquelles vous insistez sur ce point particulier. Parce que, pour nous, il semble qu'il y a deux dimensions à la question : surconsommation, d'une part, et protection de la population et, d'autre part, la question des prix qui ne peut être ignorée.

M. GAGNON: Si vous me le permettez, M. le Président. Sur les médicaments brevetés, M. Robert a fait une étude; je vais lui céder la parole.

M. ROBERT: M. Castonguay, les médicaments brevetés ou les remèdes brevetés, qu'on appelle aussi patentés, relèvent d'une loi fédérale qui s'appelle la Loi sur les spécialités pharmaceutiques ou les remèdes brevetés. Cependant, il arrive que la fabrication et la publicité relèvent du fédéral, tandis que la vente de ces remèdes brevetés relève du provincial, car il existe à peu près dans toutes les lois provinciales un article qui exempte la vente de la juridiction provinciale.

En ce qui concerne ces remèdes brevetés, la formule n'est pas indiquée sur l'étiquette ou elle est secrète. Donc, les patients qui prennent des remèdes brevetés ne connaissent pas les indications, ainsi que les médecins et les pharmaciens. Si vous me le permettez, nous avons fait une étude sur un certain nombre de ces produits brevetés. Cette étude est arrivée à deux conclusions. D'abord, un certain nombre de ces médicaments ont été jugés inefficaces. D'autre part, il y a quand même un autre nombre de médicaments qui ont été jugés efficaces et qui devraient, à notre avis, être remis aux pharmaciens à cause des dangers inhérents à leur composition et aussi à cause de la publicité.

Si vous me le permettez, je pourrais même citer des noms de médicaments que le Collège des pharmaciens, par une étude systématique détaillée et surtout analytique, juge inefficaces. A ce moment, la publicité qui est reliée à l'inefficacité de ces médicaments est tout à fait frauduleuse de la part des fabricants de ptroduits pharmaceutiques brevetés et le public se fait berner. Il y a un certain nombre de médicaments inefficaces.

M. CASTONGUAY: Pourriez-vous donner des exemples?

M. ROBERT: Oui. Est-ce qu'on a quand même une certaine protection de l'Assemblée nationale?

M. LE PRESIDENT: C'est une question intéressante. Nous, les députés, avons l'immunité ici. Mais je ne suis pas certain que vous ayez l'immunité.

M. PAUL: M. le Président, si la commission donne ordre au témoin de dévoiler ce qu'il a avancé, il n'a pas de choix, à mon humble point de vue.

M. VEZINA: Il faut d'abord l'assigner comme témoin avant de donner l'ordre.

M. PAUL: Non, il est un témoin volontaire.

M. VEZINA: J'aimerais entendre Me Mailloux sur ce point.

M. VEILLEUX: Donnez-nous la liste, nous allons la regarder nous autres. Nous sommes protégés.

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire une suggestion, qui, peut-être, rallierait l'opinion des membres de la commission ou du collège? Les auditions de la commission se poursuivant ce matin et cet après-midi, toujours sur la question de ces lois touchant la pharmacie, vous avez vos conseillers juridiques et, si vous jugez opportun de nous donner ces exemples, après avoir consulté vos conseillers, il y aurait avantage que les membres de la commission sachent plus précisément à quoi vous faites allusion.

Il est important de savoir, comme vous l'avez dit, qu'il y a des médicaments qui sont inefficaces. D'un autre côté, s'il s'agit de médicaments qui ne sont à peu près jamais consommés ou encore qui sont à peu près inconnus, cela prend une coloration différente que si ce sont des médicaments qui, de l'avis de tous ici, sont très répandus et au sujet desquels la population croit qu'en les utilisant, elle utilise un produit extrêmement efficace.

M. ROBERT: Il s'agit de médicaments très bien connus et fabriqués par des maisons reconnues. Je vous donne une exemple, on va courir un risque, les petites pilules pour le foie, brunes, que tout le monde connaît, ne contiennent aucun ingrédient actif qui est indiqué pour le foie, absoluement pas, et pourtant ces pilules sont commercialisées et vendues partout sous un numéro de brevet inscrit à Ottawa. Cela a pris au Food and Drug américain seize ans pour empêcher la compagnie commercialisant ces petites pilules brunes pour le foie d'utiliser le mot "pour le foie". Au Canada, le mot "pour le foie" est encore là. C'est un exemple particulier, j'en ai d'autres.

Dans le domaine de la publicité, il y a encore des choses frauduleuses, le public se fait berner pour les analgésiques, que ce soit l'aspirine ou les autres, qui sont annoncés à la télévision, vous avez devant vous le monsieur qui laisse tomber un comprimé dans un verre d'eau et le

comprimé, dit-on, se désintègre en deux secondes. Qu'est-ce que ça prouve? Cela prouve qu'un comprimé se désintègre en deux secondes dans un verre d'eau. Or, l'organisme, ce n'est pas un verre d'eau et la désintégration, ce n'est pas la dissolution. C'est une publicité frauduleuse qui augmente la surconsommation des médicaments.

A notre avis, l'article 40 devrait être biffé totalement. La vente de ces médicaments brevetés, si l'article 40 de la Loi de pharmacie est biffé, reviendrait à la pharmacie.

Je peux vous donner un autre exemple: le sirop Vicks, je pense que c'est un produit assez bien connu. Or, il existe deux sortes de sirop Vicks. Remarquez que l'on s'attaque à des compagnies multimilliardaires. Il y a deux sortes de sirop Vicks: le sirop Vicks ordinaire et le sirop Vicks qu'on appelle 44. Le sirop Vicks ordinaire est un produit breveté, donc il se vend partout, dans les épiceries, les supermarchés, chez Woolco ou chez Zeller's, chez Miracle Mart, partout.

Il y a 10,000 de ces établissements où cela peut se vendre. Dans le sirop Vicks ordinaire breveté, donc dont la formule est secrète, il existe un ingrédient que nous ne connaissions pas, évidemment, mais que nous avons connu par les analyses. La compagnie l'appelle quienium, en anglais. Dans le sirop Vicks 44, qui n'est pas breveté, il existe un autre ingrédient, qu'on dit contre la toux, et que la compagnie appelle silencium. Je pense que vous l'avez entendu à la télévision. Or, on connaît ce qu'il y a dans le médicament appelé silencium. C'est inscrit sur l'étiquette et c'est distribué à la pharmacie. C'est du dextrométhorphanne. De toute façon, c'est un antitussif. L'analyse nous a révélé que le quienium du remède breveté et le silencium du remède non breveté étaient le même produit, le même ingrédient actif, avec deux noms commerciaux différents.

M. CASTONGUAY: Merci. A la suite de ces explications et de ces exemples, pourriez-vous nous faire quelques commentaires en ce qui a trait à l'effet qui pourrait résulter du changement que vous préconisez au niveau des prix?

M. ROBERT: Je pense que — je parle toujours des remèdes brevetés — il y aurait une diminution de la surconsommation et peut-être une diminution des prix aussi. On veut régir la publicité. Le seul moyen de régir la publicité de ces médicaments, je crois que c'est de biffer l'article 40. Je vous parle uniquement des médicaments brevetés.

Concernant les autres médicaments, je pourrais peut-être passer la parole au président, en ce qui concerne les prix.

M. GAGNON: On dit, au niveau des brevetés: S'ils sont efficaces, il faut un certain contrôle. M. Robert vient de démontrer que dans le sirop Vicks, etc., il y a un produit qui semble dangereux. Par contre, lorsqu'il est breveté, il est vendu partout. On dit: S'il est efficace, s'il un principe actif dedans, qu'il revienne à la pharmacie. S'il n'y a rien dedans et que c'est anodin, qu'on l'enlève du marché. Il ne sert à rien de eurrer la population avec des produits qui sont censés agir au niveau du foie ou d'autre chose et qui ne contiennent aucun ingrédient pour soulager un malaise.

M. VEILLEUX Quelle est la différence de prix entre les deux?

M.GAGNON: La différence de prix — je m'excuse, je ne sais pas cela de mémoire — est assez importante.

M. ROBERT: ?ar coeur, je ne le sais pas, mais je sais qu'il y a une grosse différence de prix.

M. VEILLEJX: Je n'ai jamais employé ni l'un ni l'autre et j'aimerais bien savoir.

M. PAUL: A vous regarder, cela paraît.

M. CASTONGUAY: Il y a simplement un commentaire que je voudrais faire. Je vous remercie pour vos explications. C'étaient les deux questons que je voulais vous adresser. Je pense que vous l'avez noté vous-même, en ce qui a trait à la publicité de la part des fabricants il y a là un aspect qui nous échappe, en tant que gouvernement, et qui relève de la responsaiilité du gouvernement du Canada. Je voudrais simplement signaler à l'attention des membre que, lors d'une rencontre avec l'exécutif du Collège des pharmaciens, au mois de mai ou de juin, nous avions abordé cette question. Nous vions convenu, après une brève recherche, pour bien identifier l'interlocuteur, les lois en cause, que le Collège des pharmaciens, le ministère — et nous voulions aussi demander au Collège des médecins de s'associer — communiquer avec le gouvernement du Canada pour aborder ce problème qui nous paraît — je pense de avis de tous — extrêmement important et assz sérieux.

M. GAGNON: M. le ministre, à ce niveau, nous sommes à votre entière disposition pour touver une solution.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, e voudrais féliciter le Collège des pharmaciens le son analyse très élaborée du bill 250 et de la loi spécifique qui le concerne, le bill 255.

Sur le code des professions, je ne m'attarderai pas davantage. Il y a tellement de mémoires de présentés devant la commission que nous avons souvent l'occasion de soulever des aspects particuliers de la législation générale. Je vou-

drais poser mes questions surtout sur le bill 255.

Avant, je me réfère à la discussion que vous venez d'avoir avec le ministre des Affaires sociales, au sujet de la surconsommation et de la surutilisation des médicaments. On a parlé des médicaments brevetés.

Vous demandez d'avoir un contrôle sur la distribution des médicaments brevetés par des modifications à la loi. Mais si j'ai bien compris, il s'agirait aussi d'avoir, par suite de ce contrôle, des ordonnances qui pourraient être données pour l'acquisition de certains médicaments. Vous avez mentionné des noms. Je félicite le collège d'avoir eu le courage de souveler le problème, même sans attendre l'opinion des conseillers juridiques. Je pense que ce sont des choses qui doivent être dites, indépendamment...

M. ROBERT: Le Québec n'est pas une province comme les autres, il faut parler...

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous ne l'avez pas fait pour'diriger vos critiques contre une compagnie en particulier. Vous l'avez fait dans l'optique d'une amélioration des services dans le domaine des médicaments. Et vous êtes conscient des différents problèmes. Il n'y a peut-être pas une profession, qui va venir devant la commission parlementaire, qui est aux prises avec des problèmes difficiles comme ceux de la pharmacie. D'ailleurs, on le voit par le nombre d'organismes: il y en a 10 ou 12 qui viennent devant la commission parlementaire nous parler des problèmes relatifs à la pharmacie.

Pour revenir au point qui a été discuté tantôt, il ne faudrait pas qu'il y ait besoin d'ordonnance, parce que si on veut diminuer le coût... S'il y a une ordonnance, il va y avoir une visite chez le médecin, et on va retomber dans les mêmes dangers qu'on veut éviter, dans les mêmes abus.

M. ROBERT: Remarquez que l'analyse systématique de toutes les drogues n'a pas été faite, mais les produits qui ont été jugés efficaces ne demanderaient pas d'ordonnance. Actuellement c'est distribué partout, mais ça tomberait dans la catégorie des produits qu'on appelle "grand public", c'est-à-dire qui ne nécessitent pas d'ordonnance mais qui tombent sour le coup de la Loi des aliments et drogues et non de la Loi des remèdes brevetés.

M. CLOUTIER (Montmagny): Tantôt vous avez donné des statistiques et des pourcentages sur l'étude que vous avez faite sur l'abus qu'il y a du côté des tranquilisants, des sédatifs, et vous avez parlé de la répétition des ordonnances. Si j'ai bien compris, il y aurait beaucoup de contrôle sur la répétition, mais l'ordonnance ne serait pas rédigée de la même façon. Il y aurait indication de la répétition et l'ordonnance serait beaucoup plus complète. Il faudrait qu'el- le le soit la première fois, parce qu'autrement ça amène le patient à retourner chaque fois chez son médecin pour obtenir une nouvelle ordonnance .

M. GAGNON (Jacques): Si vous me permettez, M. Cloutier, lorsque j'ai parlé tout à l'heure des produits d'ordonnance dont le pourcentage de l'ordonnance représentait environ 11 p.c. et un pourcentage de renouvellement de 53.228 p.c, je rattachais ça à la publicité professionnelle et la publicité auprès du grand public. En vertu d'une assurance-médicaments que certaines compagnies d'assurances offrent à leurs clients, dans la liste il y a certains produits de comptoir qui sont payés par la compagnie d'assurances. Et c'est là que les gens vont chez le médecin et lui demandent tel produit, qu'ils ont connu par la publicité qui a été faite par les différents media d'information. C'est là que je trouve que c'est assez révélateur de voir l'influence de la publicité sur la consommation de médicaments. Mais ce n'étaient pas des produits qui normalement exigent une ordonnance.

S'ils sont prescrits par un médecin, ils sont remboursés par la compagnie d'assurances. Je faisais la relation avec la publicité professionnelle.

M. CLOUTIER (Montmagny): On peut probablement distinguer aussi entre la surconsommation et la surutilisation. L'augmentation de l'utilisation des médicaments peut provenir aussi d'une plus grande accessibilité. On a mentionné tantôt le problème des assistés sociaux. Si l'obtention des médicaments est plus accessible, évidemment qu'il va y avoir... C'est signe qu'il y avait peut-être une sousconsommation à un moment donné. Mais il y a plus de danger qu'il y ait surconsommation que sous-consommation.

M. GAGNON (Jacques): Mais si présentement il y a plus de 10,000 établissements dans toute la province qui distribuent des médicaments brevetés, si les médicaments brevetés, après une analyse, reviennent à la pharmacie, il y aura à peu près 1,200 endroits dans la province où on pourra avoir ces médicaments, s'ils sont jugés efficaces.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sur un autre problème, probablement que les deux professions qui doivent collaborer le plus étroitement, c'est la médecine et la pharmacie. On le constate non seulement à l'occasion de l'étude de cette loi, mais à chaque fois qu'il y a eu des lois à caractère social, on l'a vu, tous les problèmes qui vous confrontent et ceux de la médecine, on les retrouve devant la commission parlementaire assez étroitement liés.

Votre profession, je ne dirais pas qu'elle est subordonnée, d'ailleurs ce n'est pas l'idée du code des professions de subordonner une profession à une autre, et si c'était le cas, je pense

que, peut-être, le législateur ferait une erreur. Il ne s'agit pas de subordonner une profession à une autre, mais il s'agit de les faire travailler en étroite collaboration.

A présent, vous avez réclamé certains pouvoirs de zonage, de répartition des pharmacies pour, j'imagine, pouvoir donner un meilleur service au public. Il arrive, justement dans ces régions qui sont moins pourvues en pharmacies, que la distribution des médicaments soit assurée par d'autres professionnels, particulièrement les médecins.

Là, peut-être qu'on va entrer dans un sujet qui est sub judice. De toute façon, il y a une action qui a été intentée par certains médecins, mais c'est le problème plus vaste que je veux attaquer, sans me référer particulièrement à des événements récents. Je veux seulement parler d'une loi qui vient d'entrer en vigueur.

Il y a des gens dans des régions qui obtenaient des médicaments par les médecins. Maintenant, depuis l'entrée en vigueur de la loi 69 et à la suite de la négociation de la convention collective par le Syndicat des pharmaciens, il y a des clauses qui prévoient que la distribution des médicaments dans ces régions est réservée aux pharmaciens.

Il y a un certain malaise. Il ne faut pas se scandaliser qu'à l'entrée en vigueur d'une loi il y ait des malaises parce qu'avant que l'appareil soit rodé, ça arrive. D'autre part, dans ces régions où il y a des malaises, il y a une vaste clientèle — les assistés sociaux — qui comprend entre 500,000 et 700,000 personnes qui sont concentrées surtout dans des zones défavorisées, des zones grises où déjà, peut-être, il n'y avait pas suffisamment de services de pharmacie, et pour cause.

C'est là que le problème se produira. Comment voyez-vous cela, étant donné que la Loi sur la pharmacie, 64, dit que, dans des municipalités ou dans des agglomérations où il y a tant de population, les médecins sont autorisés à distribuer les médicaments et que, d'autre part, le syndicat, par la négociation de la convention collective avec le gouvernement, ne reconnaît qu'une liste de médecins? Il y a des régions actuellement qui sont mal desservies et c'est au commencement du régime.

C'est un régime qui s'applique à une partie de la clientèle. Quand le régime va s'élargir, le malaise va peut-être s'élargir avec l'augmentation de la clientèle. Qu'est-ce que vous proposez? Comment voyez-vous le problème à ce moment-ci étant donné qu'une loi permet telle chose et qu'une convention collective ne permet pas telle chose? Est-ce que vous avez une proposition concrète pour résoudre ce problème qui, actuellement, est devant l'opinion publique et qui joue au détriment des pharmaciens? Ce n'est pas le médecin, actuellement, qui a l'odieux du fonctionnement peut-être défectueux d'un nouveau régime. C'est le pharmacien qui a l'odieux de ça.

M. GAGNON (Jacques): Il est évident, comme vous le disiez, M. Cloutier, que les pharmaciens ne sont pas présents dans toutes les régions de la province, et pour cause. Pourquoi n'étaient-ils pas là? Il était permis, en vertu de la loi de 64, aux médecins de distribuer des médicaments dans toutes les localités de moins de 7,0 00 habitants. Or, un pharmacien ne pouvait pas aller s'installer là; il crevait. Certains ont essayé d'y aller. On a des exemples; des gens sont allés à certains endroits. Cela n'a pas pris un an ou deux et le gars était à terre.

Or, en vertu du bill proposé, le bill 255, nous demandons, nous de l'ordre des pharmaciens, que, dans des régions où il n'y a pas de pharmacien, le médecin soit autorisé pour un certain temps, jusqu'au moment où il arrive un pharmacien à distribuer les médicaments.

A présent, vous dites — je sais comme vous que c'est sub judice; je ne veux pas entrer dans le sujet, mais je vais parler en général — que dans certaines régions il y a des médecins qui, semblerait-il, n'ont pas été acceptés. Moi, je pense ceci: Est-ce que ces médecins n'ont pas été acceptés par la convention parce qu'ils n'étaient pas inscrits chez nous, au Collège des pharmaciens, en vertu du bill 69? Peut-être que, s'ils avaient été inscrits — c'étaient des régions à cinquante ou soixante milles d'une pharmacie — au niveau de la négociation, ces gens auraient été inscrits.

Je comprends qu'il y a un interrègne et, moi, de la part du Collège des pharmaciens, je serais prêt à former un comité, au collège, pour étudier toutes les demandes qu'on a présentement de médecins qui veulent se faire inscrire. En effet, il y en a qu'on a arrêtées en disant: On va attendre les événements avec le Syndicat des pharmaciens pour en discuter. Nous ne sommes pas pour dire au médecin : Inscris-toi chez nous, et on verra après, si, au niveau de la convention, tu n'es pas accepté. Je serais prêt à collaborer pour régler la situation temporairement, en attendant que les lois soient adoptées.

Si ça peut régler le problème, je suis prêt à offrir ma collaboration au ministère pour former un comité et à discuter avec l'AQPP toutes les demandes qui nous parviennent des médecins pour s'inscrire en vertu du bill 69. Après ça, nous dirons aux médecins: Voici, dans telle région, à vingt-cinq ou vingt milles, il y a un pharmacien qui est là.

Il donne des services pharmaceutiques à la population. Il ne faudrait pas créer non plus une autre situation. Si le Collège des pharmaciens inscrit, en vertu de sa loi 64, toutes les demandes des médecins, on crée une autre situation qui ne règle pas le problème non plus.

Je suis prêt à suggérer cela au législateur. Temporairement, on pourrait résoudre le problème de cette façon.

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, il y a une période de transition qui est importante.

M. CAGNON (Jacques): Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il faudrait, pendant cette période de transition, que les objectifs que poursuit la loi puissent être atteints. Les objectifs, c'est une plus grande accessibilité aux médicaments pour une certaine classe de population. Il arrive, que par un système de distribution des médicaments qui existe depuis longtemps, que c'est un groupe de professionnels dans une région, à cause de l'absence, et pour cause, d'une autre catégorie de professionnels, qui distribue un type de service dans le domaine de la santé.

Il arrive une période de transition difficile. C'est le syndicat qui a négocié la convention collective avec le ministère des Affaires sociales et c'est le Collège des pharmaciens qui réclame, dans la loi, une responsabilité qu'il désire assumer, celle de voir à une juste répartition des effectifs de la profession sur le territoire. Je pense que c'est louable. Je ne sais pas si le seul pouvoir d'étudier cette répartition devrait vous être dévolu mais, de toute façon, vous ne pouvez pas assumer seuls cette responsabilité parce qu'il y a certainement d'autres facteurs dont vous devez tenir compte. Un facteur, à première vue, serait la création de certains types d'établissements sur le territoire, comme les CLSC. Cela ne peut pas vous laisser indifférents, vous serez appelés à collaborer à ce type d'établissement.

La distribution des médicaments se fait aussi par les établissements ordinaires que sont les institutions hospitalières et il y a le zonage dont il faut tenir compte, la répartition des conseils de santé, pour les fins du bill 65, services de santé et services sociaux. Il y a une foule d'autres facteurs. De toute façon, vous devrez tenir compte de cela.

Je reviens à ma question principale. Le point important, d'après moi, c'est qu'il y ait un rapprochement plus étroit entre la médecine et la pharmacie. Maintes fois, devant la commission parlementaire, on a constaté les problèmes pratiques que l'exercice de chacune des professions pose. Quand vous avez parlé de la définition, vous avez fait un commentaire sur le bill 252, la Loi médicale; vous en avez fait un sur le bill 254, la Loi des dentistes, en demandant que la distribution des médicaments ne se fasse qu'en cas d'urgence et d'une façon temporaire. On voit l'étroite collaboration qui doit exister entre les deux professions et c'est pour cela que j'avais...

M. GAGNON (Jacques): Je pense que notre suggestion, au niveau de la Loi médicale et de la Loi des dentistes, est justement pour éviter ces problèmes. On a eu des problèmes d'interprétation juridique; on allait en cour, on poursuivait certains médecins qui vendaient des médicaments dans des endroits où ils ne devaient pas en vendre et les médicaments étaient vendus par n'importe qui. Quelquefois on gagnait, quelque- fois on perdait. A un moment donné, c'est le Collège des médecins qui s'est mis à nous poursuivre. Cela a donné quoi?

Nous sommes entièrement d'accord qu'il faut régler une fois pour toutes ces problèmes. La médecine appartient aux médecins, l'art dentaire appartient aux dentistes et la pharmacie appartient aux pharmaciens. C'est nous qui avons la formation nécessaire pour faire la distribution des médicaments, pour rendre des services pharmaceutiques, mais on comprend que, dans des cas très isolés, dans des cas précis, il faut axer notre action pour protéger la population. Il y a, évidemment, des cas bien éloignés où il n'y aura jamais un pharmacien et où il ne faudrait pas priver la population de médicaments. Nous sommes d'accord et c'est pour cela qu'on le prévoit dans le projet.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'après vous, M. le Président, où devrait commencer la responsabilité du pharmacien? Est-ce au moment de la rédaction de l'ordonnance?

M. GAGNON (Jacques): D'après moi, actuellement, la responsabilité du pharmacien commence lorsqu'il reçoit l'ordonnance du patient.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'elle devrait commencer avant cela? A partir du diagnostic?

M. GAGNON (Jacques): On étudie cela présentement et je pense que dans un avenir assez rapproché on pourra peut-être voir le médecin poser le diagnostic et le pharmacien donner la médication. Si on en vient à une médecine de pratique de groupe où il y aura des pharmaciens et des médecins ensemble, cela pourra peut-être arriver. Je sais que cela s'étudie présentement.

D'ailleurs, je pense que vous pourrez poser la question à l'Ecole de pharmacie. Je pense que c'est nouveau au programme des étudiants en pharmacie qui doivent aller à l'hôpital et suivre un cours de pharmacie clinique. Dans l'avenir, on pourra peut-être arriver à cela.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est important pour le problème de partage des juridictions. Le problème le plus difficile de la commission depuis le début est la définition du champ d'exercice pour les professions qui se touchent de près. Cela vous arrive et cela arrivera à d'autres. La semaine prochaine, on étudiera le mémoire des optométristes et des ophtalmologistes; on a étudié celui des dentistes il y a quelques semaines.

Cela se pose pour la profession juridique. C'est une des difficultés et je ne sais pas si le législateur doit accepter une situation statique, étant donné que les professions évoluent constamment. Je pense bien qu'on ne doit pas consacrer définitivement, même dans une loi, un champ d'exercice et une responsabilité pour

une profession. Il faudra que ce soit... M. le Président, vous trouvez que mes commentaires sont plus abondants que mes questions, alors je laisse la parole à un de mes collègues avant que vous ne me rappeliez à l'ordre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, comme ça se produit assez souvent, le député de Montmagny, dans sa question principale, a touché à celle que je voulais traiter. Je suis quand même rassuré par la réponse du président du collège. Je pense que, dans sa recommandation que je pourrais appeler principale, il ait employé les même mots que moi-même il y a quelques semaines.

On se rend compte — et c'est là qu'on voit que le député de Montmagny vit aussi dans un milieu rural — que la distribution des médicaments actuellement est à repenser. Il se fait du travail là-dedans. Le député de Montmagny a parlé de la période de transition qui n'est pas facile, ça ne se fait pas d'un coup sec. Bien sûr, je ne toucherai pas aux mécanismes qui pourraient permettre une meilleure distribution, je pense que vous êtes les spécialistes dans le domaine.

J'aimerais cependant vous poser une question qui a été soulevée, je peux l'ajouter, à mon bureau assez souvent, en ce qui concerne les ordonnances magistrales. A peu près quel pourcentage, si vous l'avez à l'esprit, peut-il y avoir de ces prescriptions magistrales?

M. GAGNON (Jacques): Les ordonnances magistrales, sur un million représentent .365

M. GUAY: Sur un million.

M. GAGNON (Jacques) : Sur un million d'ordonnances.

M. GUAY: Cela veut dire que c'est quand même assez minime. On n'a pas touché aux pharmacies vétérinaires, peut-être qu'on y touchera un peu plus tard. J'espère qu'on va y toucher, parce que c'est un autre problème.

Maintenant, une autre question. J'aimerais savoir qui peut mesurer l'efficacité ou la non-efficacité d'un médicament absorbé par un patient?

M. ROBERT: Cela dépend des médicaments. Il existe plusieurs lois comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Si vous parlez des remèdes brevetés, il existe une loi fédérale qui s'appelle Loi sur les spécialités pharmaceutiques. Donc, ça relève du ministère de la Santé et du Bien-Etre social. En ce qui concerne les autres médicaments, par exemple, les médicaments d'ordonnance, c'est la Loi sur les aliments et drogues ou la direction générale de la santé publique, pour la protection du public. Si vous parlez de l'efficacité des produits, vous faites peut-être mention des équivalences, il existe plusieurs sortes d'équivalences. Actuellement, je pense que ça va répondre à votre question, personne n'est capable de mesurer l'efficacité thérapeutique d'un médicament, à savoir si un médicament absorbé au même moment qu'un autre va donner exactement le même résultat qu'un autre. Ceci demande un appareillage extrêmement compliqué et surtout des patients, parce que ça ne se fait pas seulement avec des appareils.

M. GUAY: En grande partie, cela peut se faire en analysant le composant du médicament, tout de même.

M. ROBERT: Là, vous parlez de l'équivalence chimique?

M. GUAY: D'accord.

M. ROBERT: Cela se fait assez bien, oui.

M. GUAY: Dans votre esprit, y a-t-il suffisamment de pharmacies, je m'attends à la réponse, dans la province de Québec pour répondre actuellement à tous les besoins?

M. GAGNON (Jacques): Il y a suffisamment de pharmaciens mais les pharmacies, d'après nous, sont mal distribuées dans la province de Québec et c'est pour ça que nous demandons le zonage. Dans les grandes villes, on peut affirmer qu'il y a trop de pharmaciens. Il faudrait un zonage et accepter que seul le pharmacien distribue les médicaments. Plusieurs pharmaciens attendent ça pour aller s'installer dans d'autres endroits, pour pouvoir donner des services à la population et se libérer des grandes villes, parce que je vous dis qu'en pharmacie il y en a qui en arrachent dans les grandes villes. Nous pouvons l'affirmer.

M. GUAY: D'accord. Une autre question. Peut-on affirmer actuellement, le ministre y a touché, qu'il y a surconsommation ou qu'il n'y avait pas, dans le passé, sousconsommation? On a parlé de l'accessibilité rendue plus facile. Il n'y a peut-être pas surconsommation actuellement, autant qu'on semble le prétendre mais il y avait peut-être sousconsommation dans le passé. C'est assez difficile à déterminer. Comment peut-on également mesurer qu'il y a surconsommation actuellement?

M. ROBERT: Je pense que ça peut se mesurer assez facilement. Surmédicament égale poison, cela veut dire qu'un médicament doit être pris seulement dans des circonstances bien définies, c'est-à-dire lorsque vous êtes malade, point. Vous prenez toujours trop de médicaments quand vous n'êtes pas malade et vous devez arrêter d'en prendre quand la maladie

finit. Ce que je veux dire, c'est que le fait de prendre un médicament ne doit pas être incité par des mécanismes publicitaires. Sûrement qu'on parle beaucoup de publicité à la télévision, à la radio et partout, mais même si ce ne sont pas les mêmes médicaments qui sont impliqués, c'est-à-dire les médicaments d'ordonnance, cela crée chez le public une sensibilisation. Aujourd'hui, tout le monde veut prendre des médicaments. Vous regardez la télévision le soir, vous êtes achalé cinquante fois pour prendre un médicament. Vous allez le lendemain chez le médecin. Si vous ne sortez pas du bureau du médecin avec une ordonnance de deux, trois ou quatre médicaments, bien souvent vous n'êtes pas content. C'est un cercle vicieux. Le patient s'en va chez le médecin et veut avoir un médicament, le médecin est obligé de lui en prescrire un. Le pharmacien remplit cette ordonnance. Je ne veux pas dire qu'il n'existe pas de cas spécifique de maladie où on doit avoir des médicaments. Bien sûr le médicament est indispensable. Cependant, je veux parler de cette sensibilisation du public à acheter toutes sortes de médicaments et à recevoir une médication.

M. GUAY: J'ai l'impression que ce n'est pas facile non plus d'établir une ligne de démarcation entre publicité et information. Parce que là aussi il peut arriver des zones grises. On ne peut pas enlever la publicité qui a été faite. On peut cesser celle qui se fait actuellement mais pas celle qui est faite, elle reste faite. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de contrebalancer cette mauvaise publicité, qu'on appelle, par de l'information? On se rend compte que l'information dans le domaine pharmaceutique actuellement existe très peu. Est-ce que le collège a prévu un système d'information, soit par les pharmacies ou autrement? Est-ce que ce sera établi sous la même forme que le système de publicité qui existe actuellement?

M. ROBERT: C'est une de nos recommandations générales du début. Avant de passer au bill 255, M. Gagnon a parlé de notre dernière recommandation qui était de faire profiter des services d'information à toute la population du Québec par l'intermédiaire de tous les pharmaciens du Québec et peut-être aussi par l'intermédiaire de tous les médecins du Québec. Ce serait une action commune.

M. GUAY: Est-ce que vous croyez que ce sera suffisant pour pallier cette fausse publicité?

M. ROBERT: Sincèrement, ce ne sera peut-être pas suffisant, mais on croit que cela peut être bon parce qu'au Collège des pharmaciens, nous le faisons dans un domaine bien défini, c'est-à-dire celui de la drogue, les hallucinogènes depuis quelques années. Nous avons donné des conférences, nous publions une brochure et nous croyons que cette mesure d'information est souhaitable.

M. GUAY: Cette information devra, dans un avenir très bref, être centrée surtout sur les dangers de la surconsommation de certains médicaments, ce sera laissé à votre discrétion. Je vous remercie et je pense que vos exposés nous ont permis de nous décorer l'esprit davantage.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Sur la question de substitution, je sais que certaines agences gouvernementales aux Etats-Unis commandent leurs médicaments sous le nom chimique du produit. Est-ce que, si les médecins prescrivaient sous le nom chimique, cela ne simplifierait pas la substitution du produit?

M. GAGNON (Jacques): Bien sûr. Si le médecin, au lieu de prescrire le nom commercial, prescrivait sous le nom générique du produit, cela simplifierait. On s'aperçoit que le médecin n'est pas habitué à prescrire sous le nom générique, d'une part, et d'autre part, qu'il ne connaît pas les classes de noms génériques. Il n'a pas été formé à ça.

M. PERREAULT: Cela revient à ce qu'on disait tout à l'heure. Il faudrait peut-être commencer un jour à partir du diagnostic du patient. J'ai lu un peu sur les recherches américaines et on conclut que le médecin n'est pas au courant des noms génériques des produits. Il se fie à la publicité qu'il reçoit. Je me demande, si on arrivait là, que le médecin soit obligé...

M. GAGNON: D'ailleurs, si on regarde le curriculum, à l'université de Montréal, au niveau de la faculté de médecine et de la faculté de pharmacie, en médecine je crois qu'il y a 147 heures sur la pharmacologie alors que le pharmacien en a environ 2,000. Je pense que toute la preuve est là.

M. PERREAULT: Deuxième question, vous avez mentionné tout à l'heure l'aspect de la commercialisation et de l'accessibilité au public. Dans les régions éloignées il manque des pharmacies, tout le monde le sait.

Plusieurs attribuent cela aux médecins qui distribuent des médicaments et aussi ne serait-ce pas que certains pharmaciens n'ont pas les fonds nécessaires? On sait que ça demande beaucoup de capital pour ouvrir une pharmacie. N'y aurait-il pas un manque de capital pour ouvrir ces pharmacies? Lorsque vous vous opposez, je suis enclin à être d'accord avec vous, à ce que des hommes d'affaires participent en minorité à une pharmacie, est-ce qu'à ce moment-là vous ne nuisez pas à l'implantation de nouvelles pharmacies dans des régions éloignées?

M. GAGNON (Jacques): C'est un manque de capital si vous considérez que c'est un commerce. Le pharmacien, tel qu'on veut qu'il prati-

que, pour cette pharmacie des produits hygiéniques et sanitaires, n'a pas besoin d'un capital énorme pour ouvrir une pharmacie. Cela prend un gros capital pour ouvrir un bazar, mais, pour ouvrir une pharmacie, ça ne prend pas un capital énorme. Dans les régions éloignées, pour attirer les pharmaciens afin de donner les services à la population, le gouvernement ne pourrait-il pas aider ces pharmaciens à s'établir? En donnant une prime d'isolement, je pense que cela s'est déjà fait pour d'autres professionnels, est-ce que ça ne pourrait pas aider? Une subvention.

M. PERREAULT: Dans ces régions éloignées, s'il y avait participation d'hommes d'affaires d'une façon minoritaire, je crois que ça aiderait à l'implantation de pharmacies.

M. GAGNON (Jacques): La preuve, si les compagnies étaient acceptées, est-ce que ces compagnies, avec 49 p.c. de non-pharmaciens, seraient intéressées à s'établir dans ces localités? Elles ne seraient pas intéressées, elles demeureraient dans les gros centres. Qu'est-ce que cela ferait? Nous sommes convaincus — nous avons des exemples frappants en Ontario — que, si cela était accepté, ce serait la fin de la pharmacie québécoise. D'ici cinq ans, il n'y aurait plus de pharmacies de coin qui rendent d'énormes services à la population. Ces gens sont axés simplement sur le profit. Il y en a qui ont fait des demandes au Collège des pharmaciens. Il y a Koffler, en Ontario, qui a fait une demande au Collège des pharmaciens et qui possède 177 pharmacies. United Cigar a fait une demande chez nos conseillers juridiques. Chemco, Woolco veulent avoir ça. Le nouveau Magasin de la baie veut avoir des pharmacies. Pourquoi? Ce sont des pharmacies a succursales qui vont prendre le contrôle et on pense qu'il n'y a rien de pire qu'une minorité qui agit pour avoir une influence sur une majorité.

M. PERREAULT: Je l'ai dit d'ailleurs tout à l'heure, je suis enclin à être d'accord avec vous, seulement il faudrait trouver des moyens.

M. GAGNON (Jacques): Qu'on règle le problème! Qu'on nous donne le droit de pratiquer notre profession n'importe où! Qu'on enlève le droit aux médecins, comme je le disais tantôt, et des pharmaciens vont aller dans ces districts, j'en suis persuadé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Pouvez-vous nous dire s'il y a beaucoup de pharmaciens qui remplissent les ordonnances vétérinaires?

M. GAGNON (Jacques): Très peu.

M. PAUL: Ne riez pas, c'est une question sérieuse. Je comprends que pour un enfant, ça le dépasse.

M. ROBERT: Il y en a très peu parce que, tout simplement, les médicaments vétérinaires, qui sont en fait les mêmes que ceux administrés aux humains, ne sont pas vendus aux pharmaciens. Les compagnies pharmaceutiques qui fabriquent les produits pour les humains ont des filiales vétérinaires et refusent de vendre aux pharmaciens.

M. PAUL: Est-ce que vous reconnaissez par là que c'est un commerce qui devrait appartenir exclusivement aux vétérinaires?

M. ROBERT: Aux vétérinaires ou aux pharmaciens?

M. PAUL: Pardon. Aux pharmaciens.

M. ROBERT: Nous croyons que seul le pharmacien, encore une fois, possède la compétence voulue, scientifique pour interpréter et analyser les ordonnances, qu'elles soient des ordonnances vétérinaires ou humaines. En fait, ce sont les mêmes médicaments.

M. PAUL: Est-ce qu'il est à votre connaissance personnelle qu'il y aurait eu surconsommation depuis l'entrée en vigueur de l'assurance-santé animale?

M. GAGNON (Jacques): A ma connaissance, non. Mais on sait, par exemple, que certains produits qui peuvent être employés pour usage vétérinaires, comme la pénicilline, sont pris parfois par les humains. Cela arrive et on a eu des plaintes à ce sujet dans quelques endroits. Je ne sais pas la consommation, je n'ai aucune idée.

M. PAUL: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous dire s'il n'y a pas un élément psychologique chez l'humain dans la consommation des médicaments?

M. GAGNON (Jacques): Certainement qu'il y a un élément psychologique.

M. PAUL: Est-ce que ça joue chez tous les individus?

M. GAGNON (Jacques): Je le crois. Dans certains cas d'intoxication le médecin va prescrire, si une personne est habituée à un sédatif, un placebo, un médicament qui ne contient absolument rien; la personne va aussi bien dormir. Il s'agit d'avoir sa petite pilule jaune. Je pense que l'effet psychologique est là et existe pour tout le monde.

M. PAUL: A ce moment, est-ce que vous leur vendez ces pilules?

M. GAGNON (Jacques): Oui. C'est-à-dire que nos services sont les mêmes, parce que, autrement, est-ce que la personne aurait la même confiance?

M. PAUL: Qu'est-ce que vous faites pour guérir cet aspect psychologique?

M. GAGNON (Jacques): On essaie de lui dire, d'abord, qu'elle peut diminuer la consommation qu'elle fait de ce médicament. Au lieu d'en prendre trois ou quatre par jour, on lui dit qu'elle peut essayer d'en prendre deux, puis d'en prendre un et que, graduellement, elle peut se débarrasser de cette médication. Je pense que c'est dans les devoirs du pharmacien de donner toutes les informations relatives au médicament, soit la façon de le prendre ou les dangers de telle médication.

M. ROBERT: Depuis 1968, nous avons une campagne d'éducation et d'information précisément sur toutes les drogues qui donnent de la dépendance psychologique, c'est-à-dire les tranquillisants mineurs, les sédatifs et ainsi de suite.

M. PAUL: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions?

M. LACROIX: Combien de membres le Collège des pharmaciens compte-t-il, au Québec?

M. GAGNON (Jacques): Au-dessus de 2,000.

M. LACROIX: Est-ce que cela comprend les pharmaciens salariés?

M. GAGNON (Jacques): Tous les pharmaciens de la province, qui sont membres de l'ordre.

M. LACROIX: Ce qui veut dire qu'il en manque beaucoup pour les campagnes.

M. GAGNON (Jacques): C'est-à-dire qu'il y a une mauvaise distribution. Je ne suis pas prêt à admettre qu'il manque des pharmaciens, mais il y a une mauvaise distribution dans la province. Ils sont centralisés. Je pense que c'est à Montréal que se trouve la plus grande proportion de pharmaciens. Il y en a une quantité qui aimeraient aller ailleurs, mais ils n'auraient pas la possibilités de gagner leur vie. Je pense que c'est là le problème. Si on était capable d'aller pratiquer n'importe où, j'ai l'impression qu'on a assez de pharmaciens, surtout avec les universités qui en forment chaque année. Je pense qu'on a les effectifs nécessaires.

M. VEILLEUX: Dans les milieux ruraux, les médecins qui pratiquent la médecine générale, habituellement, sont disponibles 24 heures par jour pour répondre aux besoins des malades.

Monsieur rit, mais, moi, je connais des médecins qui pratiquent la médecine générale et qui sont disponibles 24 heures par jour. Cela existe encore aujourd'hui. Avez-vous assez de pharmaciens pour, justement, répondre aux besoins de la population? Un type n'a pas nécessairement besoin de remèdes, le jour. Il peut en avoir besoin à minuit, à une heure ou deux heures du matin.

M. GAGNON (Jacques): M. le député, vous avez entièrement raison. Nous avons avisé nos membres de s'organiser pour avoir des services de garde afin que la population ne manque pas de médicaments. Comme vous le dites, on ne choisit pas l'heure où on est malade. Je peux vous dire qu'ici, à Québec, c'est organisé. Dans la région du Lac-Saint-Jean, c'est organisé, à Hull, c'est organisé. Ici, à Québec, il y a un pharmacien qui est de garde 24 heures par jour. Il y a un numéro central que les pharmaciens paient. Nous nous sommes groupés, nous nous sommes divisé la ville. Cela se fait également ailleurs. Je pourrais nommer des endroits. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'endroits où il n'y en a pas. Le pharmacien est disponible, monsieur. Il est conscient qu'il a un rôle à jouer et qu'il doit rendre service à la population. Il est conscient qu'on ne choisit pas sa maladie et que ce n'est pas limité à certaines heures.

C'est le devoir du collège, en fait, de voir à ce que les pharmaciens, dans toutes les localités de la province, aient un service de garde pour donner les médicaments à la population.

M. VEILLEUX: Dans un milieu urbain, il est peut-être plus facile d'avoir ce service de garde. Mais prenez un milieu rural, où il y a peut-être 35, 40 ou 50 milles à parcourir avant d'avoir une pharmacie. A ce moment, cela peut devenir assez onéreux pour le patient ou pour l'assurance-médicaments.

M. GAGNON (Jacques): Le médecin va à 35 ou 40 milles. Je pense qu'aujourd'hui le pharmacien s'est organisé. Dans plusieurs localités, il livre même les médicaments à 25 ou 30 milles à la ronde. En vertu des lois, le patient n'est pas obligé de se déplacer. Le médecin peut donner l'ordonnance par téléphone au pharmacien et le pharmacien prendra ses responsabilités par la suite.

M. VEILLEUX: Je vous pose la question parce que je veux être éclairé. On entend parler, depuis un certain temps, des difficultés que rencontrent des médecins, notamment dans des milieux ruraux. Je voudrais bien avoir des éclaircissements là-dessus.

Il y a un autre domaine sur lequel j'aimerais avoir des éclaircissements.

M. LE PRESIDENT: J'attire l'attention du député de Saint-Jean sur le fait qu'il doit demander à la commission la permission de poser des questions...

M. VEILLEUX: Je pose une question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: ... parce que c'est le député de Montmorency qui m'a demandé la parole avant vous.

M. VEZINA: Je la prendrai après.

M. VEILLEUX: Je vais laisser la parole au député de Montmorency et je poserai ma question après.

M. LE PRESIDENT: Non, non. Nous vous donnons la permission de continuer.

M. VEILLEUX: J'imagine qu'il y a eu des négociations entre les représentants des pharmaciens et le ministère des Affaires sociales relativement aux remèdes devant être acceptés dans la liste des 3,000, plus ou moins. Tout à l'heure, on parlait d'équivalences. Vous avez mentionné que le spécialiste de l'étude de ces médicaments devait être le pharmacien. Quelle est votre position relativement à la demande des médecins de discuter de l'équivalence des médicaments au même titre que les pharmaciens peuvent en discuter?

M. GAGNON (Jacques): Parce que nous croyons que le médecin n'a pas la formation pour discuter de ça. Nous croyons que c'est le pharmacien, de par sa formation — et, je vous l'ai dit tout à l'heure, par les études que nous avons — qui a les connaissances voulues pour discuter de la médication, de l'aspect du médicament.

M. VEZINA: M. le Président, je voudrais poser une question au président du Collège des pharmaciens. On remarque de plus en plus chez la population relativement jeune qu'un grand nombre de personnes ont en leur possession — j'appelle ça des drogues — des valium, des librium et autres "faux-fuyants" comme ça.

Ma première question: Est-ce que, pour acheter ces produits, ça prend une ordonnance d'un médecin?

Seconde question: Est-ce que, dans votre opinion, tous ceux qui en ont, soit dans leur sac à main ou autrement, ont effectivement obtenu préalablement l'ordonnance d'un médecin?

M. GAGNON (Jacques): A votre première question: Ces médicaments exigent une ordonnance.

A votre deuxième: Je ne suis pas convaincu que toutes ces personnes ont eu une ordonnance. Nous savons que le service des aliments et drogues fait des enquêtes à ce sujet. Il nous remet ces enquêtes et ces gens-là sont soumis à notre comité d'éthique pour la première offense. A la deuxième offense, ils sont soumis à notre bureau de discipline. Ils doivent se conformer, exiger l'ordonnance, mais je sais — je ne veux pas poser au pur — qu'il y a certains de nos membres qui donnent de ces produits sans ordonnance. Mais nous y voyons et ils sont soumis, à la première offense, à notre comité d'éthique et, à la deuxième, à notre comité de discipline.

M. ROBERT: Il ne faudrait pas donner l'impression, quand même, que tous ces médicaments proviennent de la pharmacie, parce qu'il y a des laboratoires de fabrication frauduleux qui imitent exactement le même produit.

M. VEZINA: Est-ce que le Collège des pharmaciens — si vous affirmez qu'il y a des laboratoires frauduleux — a pris quelque acte que ce soit contre ces laboratoires frauduleux qui mettent justement en circulation des produits importants pour autant que la santé des individus est concernée?

M. GAGNON (Jacques): Je pense que le gouvernement fédéral s'est chargé de ces compagnies.

M. VEZINA: Pour tous les produits auxquels je fais allusion: valium, librium et autres "faux-fuyants" devant la réalité de la vie, est-ce qu'actuellement le Collège des pharmaciens est en mesure de nous donner des statistiques sur le volume qui peut se consommer au Québec?

M. GAGNON (Jacques): Si vous parlez des tranquillissants, je vous le disais tout à l'heure, sur 1 million d'ordonnances, ça représente au point de vue de la consommation, 18. 5 p.c. et, au point de vue de la répétition d'ordonnances, 68 p.c.

M. VEZINA: C'est un volume très important.

M. GAGNON (Jacques): C'est le deuxième. Le premier, ce sont les anovulants, et, après ça, ce sont les tranquillisants.

M. VEZINA: Dans les sacs à main aussi?

M. GAGNON (Jacques): Je n'ai pas vérifié.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouville.

M. OSTIGUY: Vous avez mentionné tantôt que vous étiez persuadé qu'il y aurait possibilité d'implantation de pharmacies dans les milieux ruraux. Est-ce que vous avez des critères établis sur un nombre de population? Par exemple, est-ce que, dans une ville de 3,000 de population, une pharmacie peut être rentable? Il reste quand même que, dans les milieux éloignés, il y a plusieurs petites municipalités, mais il y a toujours une ville ou un village qui est plus populeux. Sur quelle base?

M. GAGNON (Jacques): Au niveau du zona-

ge, tel qu'on le demande, nous avons regardé ce qui s'est fait dans différents pays et on voit que la population pour une pharmacie peut être entre 8,000 et 10,000 habitants. C'est le zonage dans les grandes villes.

Dans certaines parties de la province, vous pouvez tirer un rayon de 25 milles à 30 milles alentour d'un pharmacien et vous allez trouver 7,000 à 8,000 habitants facilement. Il y a des cas bien concrets.

M. OSTIGUY: Vous vous basez sur une population d'au moins 8,000 avant d'implanter une pharmacie?

M. GAGNON (Jacques): Nous avons étudié ça vaguement, parce qu'avant nous voulons avoir le pouvoir de le faire. Nous avons regardé ce qui s'était fait dans les autres pays. C'était à peu près sur cette base-là.

M. VEILLEUX: Est-ce que vous prévoyez un territoire de cette étendue?

M. KENNEDY:Est-ce que vous avez des statistiques quant au nombre d'ordonnances qu'il y a dans les pharmacies dans une année?

M. GAGNON (Jacques): Le collège n'en a pas.

M. KENNEDY: D'après votre expérience, combien d'ordonnances sont préparées selon la méthode de l'apothicaire, le bonhomme qui fait son mélange avec ses petits pots?

M. GAGNON (Jacques): Selon l'art, ce qu'on appelle les ordonnances magistrales — je l'ai dit tout à l'heure — représentent 0.365 p.c. sur un million d'ordonnances.

M. KENNEDY: Cela répond à ma question.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui ont des questions à poser?

M. PAUL: M. le Président, peut-être que vous pourriez demander aux représentants du Parti québécois de poser leurs questions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie, membre du Parti québécois, est arrivé pour la séance mais il est tombé malade et est actuellement à l'hôpital. Le secrétaire, M. Bernard, m'a avisé qu'il se sentait malade et qu'il est à l'hôpital.

M. GAGNON (Jacques): M. le Président, avant de terminer nous vous avions écrit au mois de février, mentionnant que nous avions un contre-projet de loi à déposer. Est-ce que, avec votre permission, il nous serait accordé de le déposer officiellement ce matin?

M. LE PRESIDENT: Déposez-le.

M. GAGNON (Jacques): Merci.

M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux remercier le président du Collège des pharmaciens et les autres représentants pour leur très bon exposé. Maintenant, L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

M. GAGNON (Jacques): Merci, M. le Président, merci messieurs.

M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous changer de place, s'il vous plait !

Nous cédons la parole à M. Yves Comtois, président.

Association québécoise des pharmaciens propriétaires

M. COMTOIS: M. le Président, merci. Nous représentons l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires qui groupe 98 p.c. des propriétaires de pharmacies qui sont des pharmaciens dans la province de Québec.

Nous vous avons confié le dossier de notre représentation devant vous à M. Gilles LaRocque, notre porte-parole à la table des négociations lors de la signature de la convention avec le ministère des Affaires sociales, pour expliquer notre philosophie de la pharmacie au Québec. M. Gilles LaRocque.

M. LAROCQUE: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Vous avez sans aucun doute reçu le mémoire de l'association ainsi que le résumé. Je ne vous ferai pas l'injure de croire que vous ne les avez pas lus ou compris.

La dimension actuelle de la pharmacie est en fonction de l'encadrement juridique, en fonction de l'attitude de l'industrie pharmaceutique qui joue à plein le jeu du "big business"; elle est en fonction également de l'incompréhension, voire même de l'indifférence des autres professionnels de la santé et aussi du "je-m'en-foutisme" des citoyens qui, face aux médicaments, se comportent comme des consommateurs qui exigent toujours et de plus en plus des médicaments et ce au plus bas coût possible.

Notre approche s'est voulue totalement différente. Nous n'avons pas voulu reprendre la conception traditionnelle, vieillotte, erronée de ce qui constitue la pratique de la pharmacie mais nous avons voulu faire — et je m'excuse de vous en parler, messieurs — un effort intellectuel, voire même tout remettre en question. Ici je vous demande de me suivre attentivement parce que je vais tâcher, sans rigueur intellectuelle, d'au moins vous apporter ce que nous convenons d'appeler une approche révolutionnaire à ce qui constitue la pratique de la pharmacie.

Je n'ai pas l'intention de relire le mémoire.

Je vais plutôt tâcher de vous souligner ce qui constitue pour nous les points importants et aussi d'établir un parallèle entre la profession de

pharmacien et toutes les autres professions citées dans le code des professions. En guise d'introduction, permettez-moi, messieurs, de vous lire un très court paragraphe cité par le professeur A. Quevauvillier, professeur d'hygiène et d'éducation sanitaire à la faculté de pharmacie de Paris: "Le 2 mars 1791, l'Assemblée nationale de l'époque décida que l'on pouvait parfaitement permettre à un non-pharmacien de préparer et de vendre des médicaments. Le désordre fut tel que moins de six semaines après, le 14 avril 1791, la même Assemblée nationale, qui venait de déclarer la liberté totale du commerce, s'empressa de déclarer que, par exception, la délivrance des médicaments devrait être réservée aux hommes de l'art. Jamais depuis, et c'est sans doute heureux pour la santé publique, aucun gouvernement ne s'est avisé de recommencer l'expérience."

Messieurs, je soutiens qu'avec le dépôt du bill 255, non seulement le Québec hésite à innover mais veut, à toutes fins pratiques, perpétuer dans les faits ce que nous appelons — ce que j'ai dit tantôt — une conception totalement erronée de ce qui constitue la pratique de la pharmacie. Je me bornerai ici à vous souligner quatre aspects et en même temps faire un parallèle avec ce qui se fait dans les autres professions. En premier lieu, nous soutenons que l'exercice d'une profession ne doit pas être lié à un objet ni défini en fonction d'un acte matériel.

Si vous relisez l'article 15, on y définit ce qui constitue la pratique de la pharmacie; la fourniture, sur ordonnance ou non, d'un médicament, et pas n'importe quel médicament, seulement ceux qui auront été cités dans une liste préalablement déposée. Or, nous ne voyons dans aucune autre profession une telle définition de ce qui constitue l'exercice d'une profession. Je vous donne des exemples très simples. En médecine, on ne dit pas "constitue l'exercice de la médecine" chaque fois qu'un médecin écrit une ordonnance, c'est un acte matériel. Non seulement il peut mais il pratique nécessairement la médecine sans fournir une ordonnance parce que c'est un effort intellectuel, cela réside dans sa compétence, dans sa formation scolaire, dans sa responsabilité et dans sa prise de décision.

Si vous transposez cela chez un autre professionnel de la santé, le dentiste, on ne dira pas "constitue l'exercice de l'art dentaire" chaque fois qu'on arrache une dent, bien au contraire. On ne dira pas non plus qu'un avocat pratique sa profession chaque fois qu'il remet ou paraphe une opinion juridique. Vous voyez qu'au départ on a une conception erronée de ce qui constitue l'exercice de la pharmacie. On dit: La pharmacie, c'est quand tu donnes un remède en ordonnance ou non; c'est cela, la pharmacie. On a oublié fondamentalement que la pharmacie est une profession dans le sens le plus noble du terme. Ici, je me permets de vous rappeler que le pharmacien est professionnel, pas parce qu'il se dit professionnel, pas parce qu'il a une blouse blanche et un beau sourire, s'exprime normalement assez bien ou qu'il a une formation universitaire.

C'est parce qu'en somme, lorsqu'il s'agit de la thérapeutique, et du médicament en particulier, le pharmacien est celui qui a la meilleure formation universitaire possible à l'heure actuelle et j'inclus même les médecins. Deuxièmement, c'est celui dont le centre de préoccupation constante, l'intérêt, le souci, c'est la pharmacie, le médicament, la thérapeutique. Il a aussi la responsabilité de délivrer le bon médicament, un médicament de qualité, d'exercer un contrôle sur la consommation du médicament. En plus, il est responsable des gestes qu'il pose et des opinions qu'il émet. Il peut très bien ne pas poser le geste de délivrer un médicament, comme il peut le poser; c'est lui qui a la responsabilité et pas d'autres. En plus, il y a transfert de connaissances, de chaleur humaine entre le pharmacien et un individu qui, lui, reçoit le médicament. Ce n'est pas autre chose que ça. Je vous prie de faire le parallèle avec toutes les autres professions et ce que je vous dis, vous le retrouvez dans toutes les autres professions. Alors, je soutiens ici, au nom de l'association que l'on ne doit pas relier l'exercice de la pharmacie en fonction d'un objet.

On vous a dit à plusieurs reprises: Le médicament est un poison et non une marchandise. Evidemment, vous avez raison de vous poser des questions comme celles que vous avez posées tantôt, à savoir qu'il y a des médicaments qui sont poison, que d'autres sont demi-poison, que d'autres ne sont à peu près pas poison et, finalement, qu'il y en a dont on se demande si vraiment ce sont des médicaments.

Nous soutenons que nous devons, une fois pour toutes, prendre une position claire. Si c'est un médicament, ça fait partie du domaine de la thérapeutique, ça doit être réservé, dans les faits et dans les lois, aux pharmaciens. Si ce ne sont pas des médicaments, il y a une façon assez subtile, économique, pratique de réduire les coûts — je la soumets au ministre des Affaires sociales — on n'a qu'à ne pas donner une forme pharmaceutique à des poisons que nous convenons d'appeler domestiqués. On les vendra dans des sacs en polythène, avec une posologie moyenne et ce sera accessible à tout le monde, dans tous les débits possibles et imaginables. On pourra choisir sa marque, comparer les coûts, comme n'importe quel consommateur le fait pour une boite de fèves. On pourra dire: Vous prendrez votre cuillère à thé de tranquillisant, une quart de cuillère à thé d'hormones, etc. Ce ne sont pas des médicaments, ce n'est pas dangereux, il faut susciter la libre concurrence, réduire les coûts, c'est un moyen.

Nous soutenons qu'un médicament, c'est une substance étrangère qui ne doit pas être laissée à la portée et à l'interprétation de tout le

monde. C'est un médicament ou ce n'est pas un médicament. A ce moment-là, qu'on nous le dise clairement et qu'on ne définisse pas la pratique de la pharmacie en fonction d'une énumération d'actes. Exemple: Si on fait le parallèle avec les autres professions, on pourra très bien dire: Une infirmière qualifiée peut très bien faire des points de suture; cependant, normalement, c'est le médecin qui fait les points de suture. Va-t-on dire, puisque l'infirmière peut, à l'occasion, faire des points de suture, que c'est un demi-acte médical et que ça peut être parfois médical, parfois non médical, qu'on peut laisser ça un peu à tout le monde, parce qu'en fin de compte ce n'est pas si dangereux que ça? Bien au contraire, on ne définit pas la pratique de la médecine en fonction d'une énumération d'actes qui a été édictée ou publiée par l'ordre.

On ne dira pas chez le dentiste: En fait, arracher une dent, il y a des techniciens qui peuvent faire ça. C'est peut-être dentaire, ce n'est peut-être pas dentaire. Nous soutenons, au contraire, qu'on ne doit pas définir une profession en fonction d'une énumération de cas. Je vous prie de regarder la législation de tous les autres codes de profession et vous ne trouverez cela nulle part. Sauf en pharmacie.

On a revendiqué et on revendique encore, le collège le fait aussi avec beaucoup de vigueur, le droit d'exercer la pharmacie pour les pharmaciens. Or, il y a trois critères qui reviennent, qui nous laissent perplexes et songeurs. On trouve cela seulement en pharmacie. Cela vous démontre qu'on a une conception erronnée de ce qui constitue la pratique de la pharmacie et on veut entériner ça davantage dans les faits. Je cite les trois critères: réduction des coûts, accessibilité aux services, libre concurrence ou libre commerce. En aucun endroit, dans les autres codes de profession, on ne retrouve ces mêmes normes et critères. Pourquoi? Est-ce qu'il n'est pas nécessaire de réduire les coûts aussi chez les autres professionnels? Est-ce qu'on ne devrait pas favoriser aussi l'accessibilité aux services? Est-ce que la libre concurrence ne doit pas exister également?

On se pose de très sérieux points d'interrogation. Je pense aujourd'hui qu'il est plus normal de vous citer ces choses que de vous faire une longue diatribe plus charpentée avec un beau style littéraire. Ce sont des faits. Puisque vous nous appelez à comparaître ici devant vous pour défendre notre profession, parce que nous croyons que nous sommes une profession, nous devons être régis par les mêmes normes et critères qui régissent les autres professions.

Lorsque nous arrivons au quatrième point, l'autonomie du pharmacien dans l'exercice de sa profession, qu'est-ce qui se produit? On encadre le pharmacien en ne lui donnant à peu près pas d'autonomie. Premièrement, l'ordonnance, c'est un ordre. Un ordre qu'on ne peut pas discuter. Vous l'exécutez ou vous ne l'exécutez pas. On ne fait pas appel aux connaissan- ces du pharmacien. On ne fait pas appel à son sens des responsabilités. On lui dit : Tu exécutes l'ordre. On arrive avec un autre article: la teneur intégrale. Tu fais exactement ce qui est marqué et pas autre chose. Or, pour vous montrer que c'est une conception vieillotte de la pharmacie, je me permets de vous souligner qu'autrefois, lorsqu'on parlait de la teneur intégrale, cela pouvait se comprendre. On avait des formules et dans ces formules, on mettait toutes sortes d'éléments. Il était clair que le pharmacien ne devait pas dire: Cet élément est moins certain, cela n'est pas important, il devait exécuter la teneur intégrale. Aujourd'hui, c'est différent. Nous avons affaire à des substances bien dosées, qui sont manufacturées par plusieurs. En fait, c'est le même principe partout. On ne fait pas appel au jugement du pharmacien comme on a fait appel au jugement du professionnel dans tous les autres codes de profession. Bien plus, on subordonne le pouvoir de décision du pharmacien à un autre professionnel qui, lui, parfois sur un simple coup de téléphone, peut tout simplement dire: Monsieur, changez donc, donnez-lui autre chose. Cela nous apparaît assez aberrant.

Cela nous amène aussi à vous parler d'autres facteurs que vous ignorez peut-être. Ici, je mets la commission en garde contre une chose.

Je ne désire pas ici décrier quiconque. Comme je l'ai dit souvent, je ne fais pas de procès d'intention à quiconque. Je vous apporte des faits que vous pourrez vérifier. J'ai ici une étude — je n'en ai malheureusement qu'un exemplaire — qu'il me ferait plaisir de remettre au ministre des Affaires sociales lui-même. Cela rapporte des faits assez troublants. Le titre de l'étude est "The Influence of the Drug Industry in Canada's Health System" publiée par l'Université de Toronto en février 1972, c'est assez récent.

Or, pour vous souligner de quelle façon se pratique la consommation des médicaments, de quelle manière subtile on s'y prend pour promouvoir la vente des médicaments, pour souligner de quelle façon on essaie par tous les moyens détournés de consacrer le système tel qu'il est, à perpétuer la non-équivalence, à perpétuer la création ou si vous voulez l'émission de l'ordonnance uniquement chez le médecin, alors que l'on prend tous les moyens pour combattre les gouvernants qui ont le courage d'établir des listes de médicaments, voici ce que l'on dit. Je résume parce qu'en fait on pourrait en parler pendant des heures. Je vais essayer, dans mon anglais, si vous me permettez, de me faire comprendre: "The salient features of the doctors position in the present system include the followings: 1) the exclusive right to make the decisions; 2) a high degree of uncertainty and time pressure in their work; 3) strong patients support for the use of drugs; 4) a massive promotional campaign directed at them by the pharmaceutical industry; 5) a work situation that leaves them

particularly vulnerable to outside pressures; 6) a lack of access to objective and authoritative information on drug efficacity and prices."

Maintenant, pour vous montrer encore d'autres petites choses, lorsque l'industrie combat systématiquement ce qu'eux appellent la substitution et ce que nous nous appelons le dédoublement, c'est une tout autre chose. Je me permets aussi de vous citer des chiffres, du même rapport: des 656 produits manufacturés, produits pharmaceutiques, aux Etats-Unis, 57 p.c. sont manufacturés par une seule compagnie. La United States Task Force on Prescription Drugs, 1969, j'ai la référence ici, a trouvé que 72 p.c. des 409 produits pharmaceutiques les plus souvent prescrits chez les personnes âgées étaient vendus sous des noms de commerce.

Un peu plus loin, on cite quels sont les deux grands moyens que l'industrie prend pour ce qu'elle appelle "How to Develop and Keep a Market". Premièrement, "the creation of brand identification and brand loyalty among doctors is a necessity". Deuxièmement, "the final mechanism which makes the system work is the antisubstitution regulations which require the pharmacist to dispense the exact brands specified on the prescription order". Ce sont deux moyens.

Il y a des faits encore plus troublants et je me dois de vous les dire, en toute honnêteté. Ce n'est pas une charge à fond de train. Ce sont des faits que vous pouvez vérifier. On parle ici de ce qu'il est convenu d'appeler "irrational prescribing". Voici ce que l'industrie fait. Elle engage des "market research firms which identify heavy prescribers and sell the list to the drug companies". On identifie les médecins qui sont les plus gros émetteurs d'ordonnances, les plus gros prescripteurs, comme on dit, et on vend cette liste aux compagnies. Quel est l'effet de cela? "There are 5,000 doctors in Canada who write at least 15 prescriptions a day". Ce sont des "heavy prescribers".

On dit aussi que "approximately one fourth of the active physicians in Canada accounts for over three quarters of all the prescriptions issued in the country". Cela commence à vous donner une indication à savoir d'où provient la surconsommation. On dit que "indiscriminate prescribing is particularly pronounced in certain classes, including vitamins, antibiotics and psychoactive drugs". J'ai la référence: Leannert, 1971.

Maintenant, messieurs, je pourrais en parler plus longtemps. Je ne voudrais pas vous ennuyer. Il existe tout de même un fait. C'est qu'on n'a jamais recherché exactement les causes profondes de l'anarchie qui existe au sein de l'industrie pharmaceutique, au sein de notre corps professionnel et aussi des autres membres de l'équipe de la santé. Nous disons et nous affirmons publiquement ceci: Les citoyens du Québec sont en droit d'obtenir non seulement une réduction des coûts des médicaments mais aussi une qualité de soins pharmaceutiques. Il ne vient à l'esprit de personne de contester, lorsque les médecins proclament que le Québécois a droit aux meilleurs services médicaux, que ce sont seulement les médecins qui peuvent donner ces services médicaux. Ils ont raison. Le médecin est le spécialiste du diagnostic, du mode de traitement et aussi de la surveillance.

C'est lui qui est le responsable du traitement du malade. Mais il ne faut pas oublier que le pharmacien est le spécialiste du médicament. C'est lui qui est responsable de la thérapeutique, c'est lui qui doit non pas intervenir dans le diagnostic du médecin, mais au moins être capable d'évaluer, de critiquer à l'occasion et même de conseiller le médecin en ce qui concerne la thérapeutique. Et nous affirmons que les meilleurs soins pharmaceutiques ne peuvent être donnés et fournis que par un pharmacien, pas par un médecin.

Ceci étant dit...

M. LE PRESIDENT: En avez-vous encore pour longtemps?

M. LA ROCQUE: Non.

M. LE PRESIDENT: Parce que nous voulons suspendre à midi et demi. Si cela ne doit vous prendre que deux ou trois minutes, nous allons vous les donner et nous vous interrogerons après.

M. LA ROCQUE: Cet après-midi. Disons que je ne voudrais pas retarder le dfner de quiconque ici. Est-ce que je pourrais brièvement terminer cet après-midi, parce que j'ai des pièces à conviction qu'il me faut absolument déposer?

M. LE PRESIDENT: D'accord. La commission suspend ses travaux jusqu'à trois heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

Reprise de la séance à 15 h 8

M. BLANK (président de la commission spéciale des corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

M. LA ROCQUE: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je suis conscient qu'il ne me reste que fort peu de temps et je ne voudrais pas abuser inutilement de la patience des membres de cette commission.

Je vais terminer ici sur une note optimiste et positive, et j'espère également que vous poserez des questions afin qu'on puisse éclairer davantage le débat.

On a mentionné ce matin que le problème de la surconsommation des médicaments était relié à la publicité. Or, ce qu'on n'a pas souvent décrit en public, c'est que la publicité se faisait non seulement par les media d'information que l'on connaît et surtout dirigée vers le consommateur, mais également d'une façon beaucoup plus subtile, savamment orchestrée, savamment entretenue chez les prescripteurs.

Pour cette affirmation, nous avons apporté ici à votre intention des moyens qui sont utilisés tous les jours dans les bureaux des prescripteurs pour les inciter à prescrire et à prescrire toujours davantage. Nous sommes conscients que les médecins, d'abord débordés de travail, n'ayant pas non plus reçu la formation universitaire adéquate en ce qui concerne les médicaments, conscients également que les prescripteurs sont beaucoup plus intéressés à découvrir la maladie, à traiter les malades qu'à poser des questions ou à s'informer d'une façon in extenso sur la valeur des médicaments, leur composition, etc., sont placés d'une façon bien humaine dans une position presque d'infériorité. Ils reçoivent un déluge de publications médicales, d'information plus ou moins objective; ils reçoivent un déluge d'échantillons et de "gadgets".

A titre d'exemple, je me permet ici de vous montrer un globe lunaire que l'on envoie un peu partout, que l'on promène chez les médecins et on leur dit: Voici, messieurs, un globe lunaire; vous avez suivi Apollo 12, 13, 14, 15, 16; voici pour votre information, etc., etc., etc.; mais n'oubliez pas notre produit, le merveilleux produit X, de le prescrire, c'est bon pour telle chose. On néglige de parler de la composition, on néglige de parler des effets secondaires, on néglige de parler souvent de la posologie.

Si le président veut bien me permettre d'offrir ça ici aux membres de la commission pour qu'il puisse circuler, ça nous ferait plaisir.

Ici, j'ai une boîte que j'ai apportée afin que vous sachiez ce qui se passe; ici, d'autres gadgets extrêmement intéressants où on dit: Voici deux d'une série de six fourchettes à fondue que vous recevrez avec nos hommages. Bon appétit! Pas bonne thérapeutique, bon appétit ! Ici, on vous arrive avec d'autres gadgets. Ovral, un anovulant et on vous passe l'élixir de la vie. Voilà, messieurs. Evidemment, il y a toutes sortes d'autres choses. Je me demande si c'est vraiment utile ou pas. Vous avez des plumes, différents gadgets, des porte-clefs, quelque chose pour placer vos crayons. Ici, il y a quelque chose d'assez savoureux, messieurs, que je vous montre à l'instant. C'est une belle petite boîte et voici ce que l'on dit dessus: Vous méritez un moment de répit, une bonne pause-café car, grâce à votre collaboration, une nouvelle ordonnance de diazepan sur trois dans les pharmacies spécifie: "Vivol" je vous le dis carrément. Docteur, nous vous en remercions. A l'intérieur, vous avez du café Sanka. C'est ce qu'on appelle l'information scientifique objective rationnelle. J'en passe des bonnes et des meilleures.

Je suis très heureux de constater que chez les confrères "prescripteurs" il y a d'excellents artistes, j'en suis très heureux. Il existe le calendrier de 1972 du Salon d'art des médecins, un calendrier avec les meilleures peintures des différents médecins. Au moins, c'est quelque chose qui en vaut la peine. C'est un gadget. Je vous en prie, M. le député, la pause-café en intéresse un certain nombre.

Je ne voudrais pas parodier une phrase célèbre que l'on entend trop souvent à la télévision, mais savez-vous à quoi cela nous fait penser? Je le regrette mais on en est rendu à dire: Des ordonnances pour tout le monde, certainement! C'est ce qui arrive aujourd'hui.

Ici, je vous passe le restant des gadgets. Il y a quelque chose d'assez intéressant lorsqu'on parle de la composition des médicaments. Il y a quelque chose ici d'assez extraordinaire; vous avez deux produits, deux marques différentes. Normalement, l'une est annoncée pour une certaine partie où l'on s'assied et l'autre pour les régions supérieures de l'organisme. Pourtant, ce sont deux marques différentes et c'est exactement la même composition. Allez vous y retrouver dans tout cela! Si on vous prescrit du Nupercaihal, vous ne pouvez pas donner du Bradosol Crème parce que ce n'est pas la même chose.

Regardez la composition. Lorsqu'on parle de dédoublement, c'en est un. La même chose, la même compagnie.

M. LEDUC: Ai-je bien compris que vous dites que c'est la même compagnie pour le Nupercaïnal et Bradosol?

M. LE PRESIDENT: M. Leduc, pourriez-vous, s'il vous plaît vous adresser au président?

M. LEDUC: M. le Président, puis-je poser une question à M. La Rocque? Non. Je ne vous pose pas la question, M. La Rocque.

M. LE PRESIDENT: Si je permets une question, tous les membres voudront poser des questions.

M. LEDUC: Très bien, M. le Président.

M. LA ROCQUE: Ce n'est pas tout; avec votre permission, M. le Président, pouvons-nous déposer sur le tapis rouge des pièces à conviction? Nous nous engageons, nous pharmaciens — nous sommes propres, propres, propres, même si nous ne sommes pas 12,012 — à tout récupérer sur le parquet de la Chambre et à nettoyer les dégâts que nous aurions causés. Nous permettez-vous, messieurs, de déposer des pièces à conviction?

M. VEZINA: Certes, faites, apportez tout ça sur le parquet de la Chambre, videz ça.

M. LA ROCQUE: Messieurs, vous avez là l'échantillonnage moyen qui est déversé dans un bureau de médecin durant une période d'un mois. Vous voyez de quelle façon on s'y prend pour créer et entretenir la psychose du médicament. On arrive même avec des produits comme ceci, parfaitement non identifiés et qu'on a même déposés chez nous, à notre siège social à Montréal, en nous disant: C'est pour les gens pauvres, vous allez leur donner ça. C'est assez difficile d'en établir la provenance, la qualité.

On se pose de très sérieuses questions.

Messieurs, ceci pour vous dire qu'il est temps d'ouvrir les yeux, de croire véritablement que l'on entretient, à dessein et depuis fort longtemps, par des moyens purement commerciaux, la psychose du médicament, la volonté d'inciter les prescripteurs à prescrire sans connaissance de cause, à prescrire pour prescrire.

Je ne dis pas que tous les prescripteurs tombent dans le piège, mais malheureusement, à force d'inonder les bureaux de produits qui retombent souvent dans les mains de "peddlers" où c'est redistribué, revendu, reconditionné, il y a un danger pour la santé publique. Lorsqu'en plus de ça on tente, par tous les moyens, de vendre des produits avec des "gadgets" — vous en avez ici, des miniautos — c'est un autre moyen qu'on juge inacceptable. On s'aperçoit que, de plus en plus, on traite les médicaments comme si c'étaient des marchandises. Il faut que ça cesse.

Il y a aussi une autre chose pour terminer. Lorsqu'on vous parle de médication, nous sommes conscients qu'il est urgent qu'il y ait une personne responsable de la thérapeutique, qu'il y ait une personne qui soit, de par sa formation, habilitée à évaluer, critiquer, analyser et même conseiller les prescripteurs sur les médicaments.

A titre d'exemple, lorsqu'on dit que les médicaments ne sont pas dangereux, que même les produits brevetés sont moins toxiques, on se pose de sérieuses questions lorsqu'on voit dans des volumes qui ont été publiés l'an passé, comme "Hazards of Medication", toutes les interactions, les incompatibilités entre les médicaments prescrits, les médicaments du grand public qui sont associés avec des produits prescrits. Cela vous fait dresser les cheveux sur la tête tellement il y a de danger.

Nous disons qu'il faut de toute urgence, si vous ne donnez pas l'exclusivité de la vente des médicaments aux pharmaciens, créer une autre classe, appelez-la comme vous voudrez, les pharmaco-vigilants par exemple. Il faudra que quelqu'un, un jour, soit responsables vis-à-vis de l'Etat, des citoyens du Québec sur la question des médicaments. Il faudra que les gens soient renseignés, et cela prend quelqu'un de compétent.

M. Cloutier disait ce matin qu'il faut de toute urgence grouper les différents professionnels de la santé pour le mieux-être, et nous sommes d'accord. Mais à ce moment, il va falloir délimiter drôlement les attributions et les responsabilités de chacun. Le médecin et le pharmacien reçoivent la même formation universitaire. Or, vous ne pouvez pas dire à un pharmacien: Vous, pharmacien, vous allez vous tenir parfaitement au courant de la pharmacologie et en même temps parfaitement au courant de la médecine; et, inversement, vous ne pouvez pas demander au médecin de se tenir parfaitement au courant de tous les développements de la médecine et en même temps de tous les développements de la pharmacologie.

Alors, en finissant, nous réitérons à la commission que, si la médecine appartient aux médecins — et c'est normal, ce sont les gens compétents — il va falloir que les médecins de plus en plus admettent que le pharmacien est là non pas pour intervenir dans leurs actes, non pas pour leur dire quoi faire, mais au moins comme un allié sûr, un allié sur lequel ils peuvent compter en ce qui concerne la thérapeutique.

J'ai fini et je vous remercie de votre bonne attention. Si vous avez des questions, ça me fera plaisir d'y répondre.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Je donne la parole au ministre.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires pour cette présentation imagée, en audio-visuel. J'espère que dans les deux spécimens qu'on nous a remis, on n'a pas fait d'association d'idée; je vois que dans les deux cas ce sont des médicaments supposément efficaces contre l'érythème fessier, alors j'espère qu'il n'y a pas eu d'association d'idée entre les membres de l'Assemblée nationale et le choix de ces spécimens.

Mais pour revenir aux choses plus sérieuses, parce qu'il y a des problèmes évidemment très sérieux dans toute cette question, il y a une petite précision que je voudrais apporter en premier lieu, lorsque vous avez traité de la définition de l'exercice de la pharmacie. Il faut se rappeler que les lois qui sont présentement à l'étude sont des lois qui visent à limiter de façon très précises ce qu'est le champ de pratique d'une profession qui ne peut être exercée de façon générale par une autre profes-

sion. Ceci ne signifie pas pour autant que ça limite les membres de cette profession à l'objet spécifique qui est décrit dans la définition du projet de loi.

Dans le cas de la Loi du Collège des médecins et chirurgiens, on nous avait indiqué le fait qu'il n'était pas question de prévention.

C'est vrai qu'il n'est pas question de prévention, d'éducation sanitaire puisque je pense que tout le monde admettra — je crois que cela avait d'ailleurs été admis, à ce moment-là — que l'éducation sanitaire ou la prévention peut s'exercer par d'autres personnes que les médecins. Ce qui importe, c'est de limiter un champ de pratique où il faut absolument et de toute nécessité que seules des personnes compétentes posent les actes qui sont couverts par cette définition.

Lorsque nous retournons au projet de loi sur la pharmacie, la même distinction s'impose. Cela n'empêche pas les pharmaciens d'agir à titre de pharmacologues, par exemple au niveau de facultés ou encore dans des centres hospitaliers où leurs fonctions ne les amèneront pratiquement jamais à s'occuper de distribution concrète de médicaments, mais où ils joueront éminemment leur rôle de pharmaciens ou de spécialistes du médicament.

Je voulais apporter cette précision parce qu'on ne peut pas ignorer, dans la préparation de ces projets de loi, qu'il s'agit de projets de loi visant à limiter ou à déterminer ce que doit être un champ de pratique réservé. Même si cela ne donne pas toujours une rédaction satisfaisante lorsqu'on la compare avec ce que devrait être l'exercice plus large d'une profession, ce n'est pas l'endroit pour faire un traité, en quelque sorte, de ce que devrait être l'exercice d'une profession, étant donné la nature bien particulière de ces projets de loi.

C'était une précision que je voulais apporter, parce que je ne crois pas qu'il soit possible d'introduire des définitions descriptives très larges dans tous les projets de loi qui visent à réserver un champ de pratique à une profession.

Sur le deuxième point, j'aurais deux questions à vous adresser. La première est très pratique. Vous nous dites — il est évident que tout votre plaidoyer doit être écouté de façon très attentive — que le pharmacien doit retrouver un rôle qui fasse que la thérapeutique par les médicaments soit, dans toute la mesure du possible, ordonnée, contrôlée, administrée par le pharmacien. Nous retrouvons, dans un certain nombre d'hôpitaux, des pharmaciens qui peuvent s'associer à l'équipe qui pratique à l'intérieur d'un milieu hospitalier.

Mais la très grande majorité des pharmaciens ne pratiquent pas en milieu hospitalier. Par tradition, par habitude, et aussi pour des raisons de facilité, on retrouve un très grand nombre de pharmaciens dans des pharmacies d'officine.

Alors, comment voyez-vous concrètement, étant donné que les médecins pratiquent dans des milieux différents, voient leurs patients à l'hôpital, en consultation externe, à leurs bureaux ou à domicile, cette possibilité que le pharmacien s'associe de façon beaucoup plus étroite au médecin, à moins que l'on conçoive des modes de distribution des soins assez différents de ce qui existe présentement? Je pense que c'est une première question. Il n'en demeure pas moins que, malgré tous les bienfaits qui pourraient résulter de ces voeux que vous formulez, en pratique, il faut regarder ce que cela pourrait impliquer, comment cela pourrait être réalisé. C'est la première question.

Voici la seconde question. Vous nous avez dit — et je pense qu'à ce moment vous citiez un texte qui à été publié aux Etats-Unis — que, dans le domaine des médicaments, le médecin a le rôle exclusif de prendre des décisions. Je pense que vous avez dit "exclusive right to the doctor to make a decision". Qu'est-ce qui empêche présentement un pharmacien de refuser une prescription, si cette prescription est mal rédigée, si elle apparaît fausse, non appropriée?

Je pose la question, d'autant plus que, si ma mémoire est bonne, dans l'entente qui a été signée, il a été reconnu qu'il était normal de payer un honoraire professionnel au pharmacien pour une prescription non remplie. Il me semble qu'il y a là une reconnaissance très claire et concrète de la possibilité qu'a le pharmacien de refuser de remplir une ordonnance si, dans son jugement, cette ordonnance ne doit pas être remplie.

M. LA ROCQUE: Pour répondre à la première question, vous avez raison de souligner l'intérêt pratique, ce qui se passe à l'heure actuelle. Vous avez dans le passé émis l'opinion qu'il fallait de plus en plus intéresser les différents professionnels de la santé à se grouper, à travailler en association, par le truchement des centres régionaux de santé. Il est clair que cela nous apparaît comme la solution idéale qui doit être réalisée le plus rapidement possible.

Mais le fait demeure qu'à l'heure actuelle — sauf, comme vous avez mentionné, en dehors des milieux hospitaliers ou dans certaines cliniques spécialisées où les contacts ne sont pas fréquents entre, en particulier, les médecins et les pharmaciens — ça pose des problèmes d'ordre pratique.

On nous dit aussi: Le médecin, lui, reçoit le malade, pose le diagnostic, établit le traitement et prescrit. A ce moment-là, personne ne conteste ces droits aux médecins. Mais il agit seul, en fait, avec son malade. C'est lui qui découvre la maladie, mais qu'est-ce qui nous dit qu'une fois qu'il l'a découverte, cette maladie ou cette morbidité, il doit être le seul à partager le secret? Qu'est-ce qui nous dit qu'il ne doit pas fournir un supplément d'information au pharmacien même afin de permettre au pharmacien de jouer son rôle d'une façon beaucoup plus précise?

Et je m'explique: Si je me permets une analogie, prenons le cas d'un citoyen du Québec qui n'a jamais été malade, qui consulte un médecin pour la première fois, et je suppose que le médecin joue parfaitement bien son rôle à l'intérieur des cadres et des lois actuels. Il l'examine, l'ausculte, etc., pose un diagnostic, établit le traitement et prescrit. Là on peut dire que ce patient a reçu, compte tenu des circonstances, les meilleurs soins médicaux qui étaient disponibles. Tout le monde est de bonne foi.

Or, ce patient sort du bureau du médecin avec une ordonnance, et je suppose que l'ordonnance est correctement rédigée, selon les normes et standards actuels: nom, adresse, même l'âge, la dénomination commune ou commerciale, la quantité, la posologie, la signature lisible et la possibilité de renouveler, s'il y a lieu, la date, et il s'en va chez le pharmacien. Et je suppose encore — un cas idéal — que ce même patient n'a jamais consulté un pharmacien de sa vie. Le pharmacien compétent a des dossiers-patient, a tout ce qu'il faut, a suivi ses cours de recyclage, est bien au courant de ce qui se passe, mais qu'est-ce qu'il reçoit pour évaluer l'état du patient? Un papier qui est très laconique: donner tel produit à telle condition. Qu'est-ce qui lui dit à lui, le pharmacien, que ce patient ne souffre pas d'une condition morbide quelconque, est-ce qu'il fait du diabète, est-ce qu'il fait une insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, hépatique, glaucome, etc., etc.. Je ne sais pas.

A ce moment-là, est-ce que vous pouvez affirmer que, dans les conditions actuelles, le pharmacien est en mesure de donner des services pharmaceutiques adéquats? Nous disons non. Et en plus de ça, non seulement il y a fort peu de rencontres entre le médecin et le pharmacien — je ne dis pas qu'il y a une guerre ouverte, bien au contraire — de plus en plus, vous savez, sur le plan social tout au moins, on se rencontre, on cause.

Sur le plan professionnel, il y a une réticence qui est largement entretenue par l'industrie et il me paraît absolument anormal que l'information scientifique ne soit pas donnée. On devrait, au moins, s'entretenir avec le pharmacien pour dire: Qu'est-ce que tu penses de tel produit? Est-ce qu'il te parait aussi valable qu'on le dit? Non seulement on ne fait pas cela, mais on prend plus volontiers les conseils des délégués médicaux qui sont de bons garçons, mais sont des vendeurs.

Pour corriger en partie le système, d'une façon pratique, nous devrions revenir à la standardisation de l'ordonnance. La standardisation de l'ordonnance pour nous, c'est non seulement toutes les données dont j'ai parlé tantôt, mais, en plus de cela, on devrait tout au moins indiquer, que ce soit par code ou autrement, les principales catégories de maladies. En fait, on ne divulgue rien du secret professionnel. Que l'on indique sur l'ordonnance que le patient souffre de diabète sucrée, de glaucome, d'hypertension, d'insuffisance cardiaque, d'insuffisance hépatique, rénale ou respiratoire, le patient le sait; on ne divulgue absolument rien.

Lorsque le pharmacien reçoit l'ordonnance et la thérapeutique, il est plus en mesure de savoir et de contrôler si la médication, à la dose ou à la posologie prescrite, est conforme ou ne présente pas certains dangers face à la condition du malade, ce qu'on n'est pas capable de faire sur le plan pratique à l'heure actuelle. Nous affirmons que ce doit être fait et que ça presse.

M. CASTONGUAY: Est-ce que vous ne contribuez pas aussi à cela dans une certaine mesure par la pratique qui veut que, lorsqu'on fait exécuter une ordonnance chez le pharmacien, on n'indique bien souvent qu'un numéro de prescription et la posologie, sans dire un mot sur le contenu, ce qui crée pour la population, bien souvent, des difficultés du même ordre que celles que vous mentionnez? Si on s'adresse à une autre pharmacie pour un renouvellement qui pourrait être très valable, très légitime, il n'est pas possible de l'avoir.

Lorsqu'une personne, à un moment donné, est sujette à un malaise quelconque, si elle consulte un médecin et qu'elle montre au médecin ce qu'elle a comme médicament, le médecin, à moins d'être assez extraordinaire, n'est pas en mesure de savoir ce qui lui a été prescrit. En définitive, ne faites-vous pas un peu la même chose que ce que vous reprochez?

M. LA ROCQUE: Là-dessus, M. le ministre, vous avez parfaitement raison. Nous dénonçons également cette lacune. Actuellement, une des grandes difficultés que l'on avait — heureusement, la liste des médicaments est en train de corriger cette lacune — c'est que nous étions en face de produits complexes. A moins d'inscrire la dénomination commerciale — ce qui souvent n'était pas souhaitable, même les prescripteurs, souvent, le disaient: On ne veut pas que tu marques le nom — trouver le principe actif dominant était parfois très difficile. Maintenant, c'est devenu une chose beaucoup plus simple. Nous suggérons de plus en plus à nos membres — nous allons faire une campagne en ce sens — d'indiquer sur l'étiquette de l'ordonnance non seulement les informations traditionnelles, mais également deux autres facteurs, soit la dénomination commune ou, si vous voulez, le nom générique, ainsi que la concentration et la qualité fournie. Je pense que le consommateur ou le patient a le droit d'exiger cette information sur l'étiquette.

Je crois également que c'est une sécurité lorsqu'un patient se présente, soit dans une autre pharmacie, à l'hôpital, en clinique, à un service d'urgence. Tout au moins l'on devrait connaître les principes actifs dominants et je pense qu'il faut que ça se fasse de toute urgence. Mais l'un n'empêche pas l'autre, les lacunes qui existent chez nous existent égale-

ment ailleurs. Il n'est pas question de priorités, de subordonner l'action de l'un à celle de l'autre ou encore de prendre le pas sur l'autre, il faut que tous les deux travaillent pour le mieux-être du patient. Pour cette raison, nous croyons, d'une part, qu'il est essentiel de standardiser l'ordonnance en donnant un supplément d'information permettant aux pharmaciens d'agir en pharmacologues. Par ailleurs, le médecin ou le "prescripteur", le patient ont également le droit d'exiger qu'il y ait un peu plus d'information sur l'étiquette. Est-ce que ça répond à la première question?

M. CASTONGUAY: Cela répond dans une large mesure à la question mais croyez-vous qu'il est possible, par voie législative, d'arriver à cet objectif? N'est-ce pas beaucoup plus une question de confiance mutuelle dans l'établissement de rapports entre deux groupes professionnels qu'un problème d'ordre législatif? Dans toute cette gamme de lois portant sur les corporations professionnelles, on est dans un monde qui évolue, où des rapports dynamiques doivent s'établir doivent prendre toutes sortes de formes. Il me paraît assez difficile d'édicter des rapports; aussitôt que nous essayons, dans nos lois, d'être un peu trop directifs, on nous accuse de nous ingérer dans la façon de pratiquer une profession, de traiter les gens. Il me parait extrêmement difficile d'édicter ou d'ordonner quels devraient être les rapports entre deux groupes professionnels par voie législative. Alors, vous répondez, en fait, à la question que je vous avais posée mais, par la nature même de votre réponse, il me paraît que c'est beaucoup plus un problème qui doit être réglé par d'autres mécanismes que par voie législative.

M. LA ROCQUE: En fait, vous avez parfaitement raison. Cependant, on se pose toujours des questions. Dans le passé, on a tenté, autant comme autant, d'établir tout au moins une certaine relation soutenue. On s'est heurté à des droits acquis, à des privilèges, aussi à une espèce de supériorité qui a été entretenue et qui a été fort bien comprise par l'industrie. Cela me permet, par le biais de cette réponse, peut-être, de tenter de répondre à votre deuxième question alors qu'on disait que le pouvoir de décision restait en somme entre les mains d'un seul homme, soit le "prescripteur". Elle a fort bien compris ça parce que, quelle que soit l'attitude que l'on adopte, bonne volonté, collaboration, etc., le fait demeure que l'initiateur des soins est le médecin. C'est lui qui détermine, qui ordonne la médication, on ne peut pas empêcher ça. On souhaiterait qu'il le fasse le plus souvent possible en collaboration avec le pharmacien, mais, dans les faits et en pratique, ça ne se fait pas. L'industrie prend bien soin de toujours laisser entendre au médecin qu'en somme c'est lui le principal, je ne dirai pas actionnaire, mais instigateur.

C'est tellement vrai qu'on a tenté aussi, par le biais du "prescripteur" d'augmenter la vente des médicaments en accordant au "prescripteur" qui choisit la marque des gadgets comme ceux qu'on vous a montrés tantôt, des faveurs spéciales, des escomptes également spéciaux, des prix de quantité, des conditionnements que l'on refusait systématiquement aux pharmaciens. Parce qu'on raisonnait aussi en "big business" en disant: Celui qui crée la demande, c'est le médecin. A l'hôpital, on crée aussi une demande. Donc, le marché principal, c'est le médecin, c'est l'hôpital. Vous avez vu ça dans le passé. On a même donné des quantités astronomiques de tranquillisants pour dire: Si on donne ce produit à l'hôpital et si les médecins l'utilisent, ça va se répercuter sur l'extérieur de l'hôpital. C'est ce qui s'est produit, en somme. Comme nous, pharmaciens, nous n'avions rien, aucun pouvoir de décision, rien à dire, sauf exécuter fidèlement, intégralement l'ordonnance, nous donnions ce qui était marqué sur l'ordonnance. Nous estimons que le pouvoir de décision est encore entre les mains d'un seul homme. Cependant, il y a moyen, tout en soignant les gens d'une façon rationnelle, scientifique, objective, par le truchement de listes... Ici, je me permets de faire une digression pour dire que, pour la première fois en Amérique du Nord, un gouvernement a eu le courage d'établir une liste de médicaments qui a été très bien faite, objective, avec laquelle on peut traiter n'importe quelle maladie, avec laquelle on peut faire des combinaisons de médicaments pour individualiser le traitement et la posologie et non pas se fier sur les produits composés de l'industrie où on avait standardisé les quantités. Nous estimons qu'on commence peut-être à redonner ainsi au pharmacien un certain rôle pourvu que l'on ne vienne pas, par le biais et le truchement d'une loi, faire justement le contraire en disant: Vous ne pouvez qu'exécuter l'ordonnance d'une façon intégrale, donner la marque qui est inscrite là. On s'en vient exactement à l'encontre de ce qu'on a toujours défendu. On ne traite pas les gens avec des couleurs, des marques de commerce; on traite les gens avec des principes actifs. Qu'on livre les principes actifs tels que prescrits, c'est important, mais qu'on ne fasse pas autre chose.

M. CASTONGUAY: Il y a seulement un petit commentaire. C'était simplement pour faire confirmer, lorsque j'ai posé la question où j'ai rappelé l'entente signée, la possibilité qu'a maintenant le pharmacien de poser un acte, d'être rémunéré dans le cadre du régime d'assistance-médicaments sans pour autant que cela exige la remise d'un médicament.

M. LA ROCQUE: Ceci, M. le ministre, je crois que c'est une primeur. Je ne voudrais pas prendre le temps de la commission pour parler de cette question in extenso, mais si vous me le permettez, par le truchement de l'entente, vous avez reconnu évidemment ce droit aux pharmaciens, pour la première fois, et je pense que c'est la première fois au monde où on est

rémunéré pour refuser. On avait bien fait comprendre que chaque fois que le pharmacien veut jouer son rôle professionnel, c'est-à-dire porter un jugement de valeur sur la médication, sur la fréquence de l'utilisation, le pharmacien était pénalisé.

En dehors de l'entente, dans les faits, tout de même actuels, il y a au moins 80 p.c. ou 85 p.c. de la population qui n'est pas couverte par le régime. Le fait demeure qu'en pratique le pharmacien, s'il refuse systématiquement les ordonnances, s'il refuse systématiquement les renouvellements, s'il tente de conditionner les gens à ne pas surconsommer, à ne pas abuser de la médication, il est pénalisé.

On va dire: Ecoute, je veux le produit Untel. Si tu ne me le donnes pas, je vais aller ailleurs. Ou encore, on va dire: Ecoute, ce ne sont pas tes affaires, ça m'est prescrit, donne-le-moi ou je vais transporter mes pénates ailleurs.

Alors, le pharmacien, au fond, que récolte-t-il? Rien. C'est le seul professionnel, dans tout le code des professions, qui, lorsqu'il pose des gestes éminemment professionnels, est pénalisé. Je dis que vous avez commencé par corriger une lacune par le biais de l'entente et on vous félicite, on vous remercie. Mais il va rester aussi à corriger la même lacune chez le reste de la population. Alors, le pouvoir de décision, nous ne l'avons pas. Nous avons sans aucun doute la possibilité de refuser, mais refuser toujours nous paraît un peu aberrant. Que faut-il faire? Il faut essayer d'améliorer le système. Il faut essayer de remettre à la bonne place la thérapeutique. La thérapeutique, ce n'est pas pour tout le monde à profusion, en donnant des ordonnances plus ou moins bien rédigées, faites à la hâte.

Si vous voulez des exemples, nous en avons plein les classeurs. Ce sont des originaux et nous en avons peut-être quelques milliers. Je ne dis pas ça pour déprécier le corps médical. Je dis que ça existe. Pourquoi? Parce qu'on a perdu la notion du médicament. Le médicament, ce n'est pas dangereux. La preuve, vous avez des gens qui arrivent en clinique et on leur dit: Prenez-vous des médicaments? Non, ils ne prennent pas de médicaments. On les interroge, on leur demande: Prenez-vous de l'Agarol? Oui, je prends de l'Agarol. Prenez-vous de l'aspirine? Certainement. Bien, ce sont des médicaments. Non, ce ne sont pas des médicaments, on peut en avoir partout.

Alors, la psychose du médicament n'existe à peu près pas, disons, en tant que médicament dangereux. On dit que ce n'est pas dangereux, puisque c'est vendu par tout le monde. La même chose dans le bureau des "prescripteurs". Les gars n'ont pas le temps. Ils ont autre chose à penser. Ce qui est encore plus important, c'est le diagnostic, les techniques médicales, les nouveaux modes de diagnostic, etc. C'est ce qui les intéresse. La médication les intéresse un peu. Je ne veux pas dire qu'ils ne sont pas intéressés, mais ne leur demandez pas la composition du médicament. Ne leur demandez pas les réactions secondaires les plus courantes, les interactions, ça ne les intéresse pas. Cela nous intéresse drôlement, nous. Alors, qu'on nous confie donc ce rôle une fois pour toutes, puis nous serons heureux et les gens vont être mieux soignés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, si vous me permettez un commentaire très bref. Il y a un sujet qui revient constamment devant la commission; j'y ai fait allusion ce matin et, là, durant l'échange entre M. La Rocque et le ministre, on sent de plus en plus la nécessité de cette collaboration entre les différentes professions, prenons les professions de la santé, par exemple. Cela a paru évident également dans les professions comptables et les professions d'administration, lorsqu'elles sont venues devant la commission. Certains secteurs de la santé en particulier l'ont souligné. Prenons les pharmaciens avec les médecins et les dentistes; on va prendre, après ça, les optométristes et les ophtalmologistes et ainsi de suite.

Je pense que, peut-être, notre législation — je le fais sous forme de suggestion à l'endroit du ministre et de ses fonctionnaires — ne va pas assez loin dans le sens de favoriser un certain regroupement et une certaine collaboration qui pourrait être davantage accentuée entre ces différents groupes. Le conseil interprofessionnel regroupe toutes les professions, d'accord. Le code des professions également établit un cadre pour toutes les professions. Mais, pour discuter certains problèmes complexes entre les différentes professions, disons de la santé, comme la définition du champ d'exercice d'une profession — aujourd'hui, on a parlé beaucoup du médecin et du pharmacien — peut-être que notre législation devrait, sous une forme ou sous une autre, introduire des mécanismes qui favoriseraient davantage, au fur et à mesure de l'application de cette législation, une fois qu'elle sera en vigueur, un développement harmonieux des relations entre ces différentes professions de façon que l'usager, le public en bénéficie et que les difficultés que l'on éprouve entre les différentes professions ne jouent pas au détriment de la population.

Là, on prend un point qui est assez délicat, celui de la responsabilité quant à l'ordonnance. Les pharmaciens nous disent que, pour poursuivre l'objectif de revaloriser leur statut professionnel afin que les pharmaciens remplissent véritablement leur rôle, ils devraient, au point de vue de l'exercice de leur jugement vis-à-vis de l'ordonnance, prendre d'autres responsabilités.

On a apporté l'exemple de la régie qui rémunère le pharmacien. Même s'il n'a pas fourni de médication, il est rémunéré s'il a exercé son jugement et s'il a même dit qu'à son avis il ne devait pas remplir cette ordonnance ou ne devait pas la remplir de la façon qu'il le

fait ou qu'il devrait exercer son jugement pour faire une substitution. Je pense que c'est une suggestion qui devrait être étudiée avant que nous n'adoptions la loi finale, soit d'introduire une certaine forme de mécanisme de consultation, pour faciliter la consultation, le dialogue et la collaboration entre les différentes professions qui sont appelées à travailler en étroite collaboration et en équipe, sur le terrain, que ce soit à l'intérieur des établissements ou que ce soit à l'intérieur des cliniques privées.

Cela m'amène à vous poser la question suivante, M. La Rocque. C'est vous qui avez négocié, au nom des pharmaciens propriétaires, l'entente avec le gouvernement, dans le cadre du bill 69. Avez-vous eu l'occasion, lors de cette négociation, de discuter de la philosophie que vous nous avez exposée depuis le début de votre intervention?

M. LA ROCQUE: Disons, M. Cloutier, que pendant un an nous avons vraiment discuté de cette question, dans les détails. Ce que nous vous montrons ici, nous l'avons également montré aux négociateurs. Je crois que, dans une certaine mesure, nous avons tout de même réussi à les sensibiliser. Je crois que le résultat de l'entente en est une preuve éloquente, en particulier lorsqu'on a parlé du refus de l'ordonnance. Cela a été accepté à la négociation et on est payé pour cela, pour ne pas pénaliser le pharmacien.

Nous avons vraiment mis le paquet d'une façon très objective, rationnelle, peut-être avec un peu moins d'émotion que je ne l'ai fait tantôt — et je m'en excuse — mais vraiment, les représentants du gouvernement ont été informés en détail de tout ce qui se fait à l'intérieur du présent système, que nous trouvons vraiment dépassé, vieillot, à tendance fortement commerciale. Ce matin et cet après-midi, nous ne pouvons vous donner qu'un faible échantillon parce que nous pourrions vous parler des réseaux de distribution, nous pourrions vous parler des politiques de vente, nous pourrions vous parler de l'information pseudo-scientifique, nous pourrions également vous parler peut-être du bernage d'esprit qui se fait, à l'heure actuelle. Mais là n'est pas notre idée. Ce que nous voulons faire, c'est vous sensibiliser au fait que la profession de pharmacien, si elle est ce qu'elle est, actuellement, c'est qu'elle a été malheureusement encadrée dans des cadres juridiques qui sont vieillots, qui ont besoin d'être un peu ébranlés.

S'il y a eu manifestement un manque de collaboration entre le médecin et le pharmacien, c'était à cause d'une incompréhension, d'une part, peut-être aussi d'un certain orgueil, d'autre part, et aussi à cause de l'attitude de l'industrie qui, à un moment donné, a réalisé que le gars, si vous voulez, qui créait le marché, c'était le médecin. C'est lui qui ordonnait, c'est lui qui choisissait la marque, c'est lui qui déterminait la durée du traitement. En fin de compte, le pharmacien n'était là que pour exécuter l'ordre. Il n'avait rien à dire. Alors on a faussé le problème, on a entretenu cela. On a un peu débordé le champ de la thérapeutique en faisant de la publicité, en incitant les gens à consommer. Aujourd'hui, on se trouve face â un problème sérieux, qui est soit de l'automédication excessive ou encore une surconsommation galopante. Qu'est-ce qu'on fait en face de cela? On a un objectif primordial et on retrouve cela partout, chez tous les gouvernements et les légistes : il faut réduire les coûts.

Nous avons dit au ministre et nous vous redisons ici aujourd'hui: A quoi sert de réduire les coûts des médicaments si on incite les gens, en ne mettant pas les remèdes appropriés, à surconsommer de 50 p.c. et 60 p.c. davantage? Où sera l'économie réelle? Où les gouvernements pourront-ils corriger la situation?

Lorsqu'on nous apporte l'incorporation avec des étrangers, qu'est-ce qu'on cherche? On cherche, ni plus ni moins, nous, au Québec, qui avons toujours été la seule province, si vous voulez, le seul Etat en Amérique du Nord qui ait toujours systématiquement refusé d'ouvrir ses portes à des non-pharmaciens, à cause de la Loi sur la pharmacie, on s'apprête à l'ouvrir et à dire: Laissons libre la concurrence. Nous allons tenter de diminuer les coûts. Or, qu'est-ce qui se fait aux Etats-Unis et dans les autres provinces, où vous avez des consortiums qui sont, à toutes fins pratiques propriétaires des pharmacies qui engagent des pharmaciens?

Je ne vous dirai pas que vous avez un moins bon service pharmaceutique. Je ne vous dis pas que les pharmaciens sont moins compétents. Je vous dis qu'ils n'ont rien à dire. Ils sont conditionnés eux et engagés pour vendre. Et qu'est-ce qu'on cherche à faire? Où est l'intérêt de ces corporations, de ces étrangers? C'est de susciter et de mousser la vente à tout prix. C'est ça qu'on veut faire par la publicité.

On vous a fait distribuer tantôt des modèles, on fait des "mass displays", on met des voitures, toutes sortes de gadgets et on dit aux gens: Bourrez-vous, ça coûte moins cher. Est-ce que vraiment ça coûte moins cher? Est-ce qu'on a évalué jusqu'à quel point l'Etat sera mal pris un jour avec ce système?

Aux Etats-Unis, le président Nixon a déclaré l'an passé, publiquement: "America is becoming a drug oriented society". Dans l'Etat de New York, ça leur coûte tellement cher le Medicare qu'ils ne savent plus où prendre l'argent parce qu'il y a une surconsommation. Tout le monde veut des médicaments et on entretient encore la psychose de la médication. Et au lieu de chercher le remède à sa source, c'est-à-dire là où l'émission des ordonnances se fait et où à toutes fins pratiques le goût d'utiliser le médicament débute, on tente de prendre des moyens détournés. On va dire: Peut-être que, si on faisait moins de publicité à la télévision, dans les journaux, ça serait moins pire. Le problème n'est pas là.

Actuellement il faudrait, je ne dirai pas faire table rase, mais il va falloir drôlement s'orienter et dire: La profession de pharmacie, qu'est-ce que c'est? Est-ce un commerce? Si c'est un commerce, nous n'avons pas d'affaire à nous présenter devant vous comme une profession.

Là il n'y aurait plus de contrôle. Nous allons vendre, prendre des moyens qui sont acceptés dans le commerce, des fins de série, nous allons inciter les gens à acheter, nous allons couper les prix tant que nous pouvons — comme ça se fait déjà — et puis on va avoir un problème sérieux sur les bras.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. La Rocque, vous avez entendu ce matin quand nous avons discuté avec le Collège des pharmaciens, nous avions demandé une suggestion au collège. Il a dit qu'il suggérait de se réunir avec l'association des propriétaires de pharmacies pour discuter des difficultés de la période de transition, au début du programme. Voyez-vous d'un bon oeil cette suggestion? Etes-vous prêt à apporter votre entière collaboration pour résoudre certaines difficultés?

M. LA ROCQUE: En premier lieu, avant de répondre à votre question, il faut tout de même se demander si un problème sérieux existe. Encore là, je me permets de vous souligner une chose. On met l'accent sur la médication d'urgence. Et, par le biais de la médication d'urgence, on tente de régler la médication d'entretien. Or, l'entente n'a pas changé les lois. Rien n'empêche le médecin de fournir la médication d'urgence. Mais ce que l'on a prévu dans l'entente, c'est qu'on ne voit pas de raison pour laquelle un médecin continuerait à fournir la médication d'entretien pour un, deux, trois mois comme ça se faisait auparavant dans des endroits où il y avait des pharmaciens ou à proximité de pharmacies.

En plus, il y a un autre problème aussi. C'est que nous sommes soumis à la Loi médicale et à la Loi sur la pharmacie. Je ne sache pas que personne, fût-il médecin ou pharmacien, soit au-dessus des lois. Or, que dit la Loi sur la pharmacie? Comme l'a dit le président du collège ce matin, dans tous les endroits de moins de 7,000 de population où il n'y a pas de pharmacie, un médecin peut s'inscrire au Collège des pharmaciens.

Or, dans le passé, à cette même commission parlementaire, pour le bill 69, publiquement, les médecins ont déclaré qu'ils ne voulaient pas que leurs membres s'inscrivent au collège. Mais la loi n'a pas été changée. Nous, face à cette situation, nous avons étudié sérieusement et attentivement la carte du Québec et nous nous sommes aperçus que plusieurs centaines de médecins vendaient depuis toujours illégalement des médicaments. Ils n'étaient pas inscrits au collège, mais vendaient des médicaments quand même.

Nous devons respecter la loi. Nous ne pou- vions pas les inscrire, puisque a priori ils n'existaient pas en tant que distributeurs officiels de médicaments. C'est une chose que nous ne vous avons jamais dite, mais qui existe dans les faits.

L'association est toujours prête à suivre la directive, la suggestion de notre président du collège. On n'a jamais dit qu'on excluait automatiquement tous ceux qui ne faisaient pas partie de la liste mais il va falloir qu'on démontre qu'il y a un besoin réel. Je n'accepte pas qu'on fasse du pathos, de l'émotion en nous disant: Les pharmaciens ne sont pas là 24 heures par jour, les médecins, eux, sont là 24 heures par jour. Je n'accepte pas ça parce que dans les faits c'est faux. Que ce soit dans les régions rurales, que ce soit à la ville, essayez d'avoir un médecin la nuit vous, les fins de semaine.

J'affirme ici, publiquement, que depuis, surtout, l'entrée en vigueur de l'assurance-maladie, les pharmaciens n'ont jamais tant prescrit en fin de semaine. Et je dis bien prescrit, même si ce n'est pas dans la loi. Face à une situation d'urgence, face à l'impossibilité de rejoindre des médecins, et ça je l'affirme publiquement, le pharmacien fait ce qu'il peut et fournit souvent des médicaments à des gens mal pris en fin de semaine, le samedi, le samedi après-midi et le dimanche. Et cela se fait tous les jours. Mais on n'a pas fait de pathos avec ça.

Une fois pour toutes, essayons donc d'analyser la situation de façon non pas dramatique mais pratique. Actuellement, nous avons une entente, elle prévoit des centres de distribution. Nous ne prétendons pas que nous avons couvert tous les moindres hameaux de la province, mais si on perpétue les pseudo-droits acquis et privilèges et si on ne donne pas au pharmacien la possibilité d'étendre ses services, d'une part, ou de permettre à d'autres jeunes pharmaciens de s'installer dans les régions où il n'y a pas de pharmacie et où ce serait possiblement rentable, dans un certain bassin de population, pour un pharmacien, on ne corrigera jamais la situation. Est-ce que ça répond un peu à votre question?

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions â poser à M. La Rocque. Je l'ai rencontré à l'heure du déjeuner et je lui ai dit que j'en poserais des collantes, alors il va les avoir.

J'aimerais savoir la différence qui existe, en fait, entre ce qu'on appelait, en 1790, un pharmacien, puis ce qu'on appelle en 1972 un pharmacien. J'ai regardé la définition du dictionnaire Larousse français et on dit: Apothicaire, c'est ce qu'on appelle aujourd'hui un pharmacien. Il faut se rappeler que ces gens fabriquaient en entier leurs médicaments. J'ai posé

la question cet avant-midi, à peu près quel pourcentage des médicaments pouvait être sur prescription magistrale, c'est-à-dire composée par le pharmacien? Alors, on se rend compte qu'un faible pourcentage de médicaments est préparé par le pharmacien.

Je me pose la question suivante: D'abord, est-ce que le rôle du pharmacien a changé énormément depuis le temps? La démonstration est pratiquement faite. Je me pose également la question: Pourquoi autant d'études si, dans bien des cas, comme vous venez pratiquement de l'expliquer, un simple commis pourrait remplir la fonction de pharmacien parce qu'à toutes fins pratiques les médicaments vous parviennent en grande majorité, sinon presque tous, préparés à l'avance? Alors on a seulement à prendre la bouteille de capsules et la vendre au client.

J'aimerais que vous fassiez une distinction entre 1790 et 1972.

M. LA ROCQUE: Je vous remercie d'avoir posé cette question extrêmement pertinente. Il y a une grande différence mais on l'a oubliée dans les faits et dans les lois. Essentiellement, autrefois, le pharmacien était un artisan, un préparateur. Or, qu'est-ce qu'il faisait, en somme? Il prenait différents ingrédients qui pouvaient être des substances végétables, animales, fort peu de substances chimiques, les mélangeait dans un mortier en tenant compte des incompatibilités physiques et chimiques et essayait de préparer une concoction potable. C'était essentiellement le rôle du pharmacien à l'époque, un artisan.

Est venue l'ère moderne où l'industrie pharmaceutique a commencé à fabriquer des médicaments, qui étaient de la polypharmacie au début, des formules que les pharmaciens préparaient, et l'industrie a commencé à les préparer elle aussi. Et avec l'équipement, avec aussi des connaissances techniques améliorées, l'industrie est venue à préparer les mêmes produits que ceux des pharmaciens mais bien mieux que les pharmaciens et à un plus faible coût. Il faut être logique, c'est ce qui est arrivé.

Qu'est-ce qui est arrivé au pharmacien qui, lui, avait une préparation d'artisan, de préparateur? Il s'est dit: Je n'ai rien à faire, tout est fait d'avance, je n'ai qu'à prendre le produit fort bien emballé — comme monsieur a dit — gratter l'étiquette et la redonner.

Alors, il a commencé à se désintéresser, à jouer au golf et à laisser n'importe qui vendre les médicaments. On le dit publiquement et on ne s'en gêne pas. Ce qui est paradoxal, c'est que l'industrie pharmaceutique — je ne dis pas qu'elle était de mauvaise foi — qui nous a enlevé notre rôle de préparateurs et d'artisans est en train de nous redonner notre rôle de pharmaco-logues et je dirais même d'"ombudsmans" du médicament. Pourquoi? Parce que l'industrie a évolué, elle aussi. Elle a fait des recherches, elle a délaissé graduellement les vieilles formules d'autrefois pour s'adonner à la mise en marché de produits simples, actifs, spécifiques, concentrés, extrêmement dangereux à manipuler.

A ce moment-là, même si ces produits sont fort bien emballés d'avance, quel est le nouveau rôle du pharmacien? Aujourd'hui, on ordonne au pharmacien de prendre différents produits actifs, tout prêts d'avance, et de mettre cela dans le mortier humain, de faire avaler cela aux gens. On lui dit: Ce que tu devrais faire, c'est tenir compte des incompatibilités physiques, chimiques, physiologiques et psychologiques. C'est le rôle du pharmacien; ce n'est pas le rôle d'un commis, parce que, pour remettre un produit, ça ne prend pas un pharmacien; nous sommes bien d'accord sur cela. Le dernier rempart entre la remise du médicament et celui qui l'absorbe, c'est quelqu'un de compétent, quelqu'un qui est capable de répondre aux questions du malade qui est inquiet face à la médication, de répondre aux questions concernant les dangers possibles, les interactions possibles, les contre-indications possibles, les effets secondaires possibles.

C'est devenu trop compliqué pour les commis et trop compliqué pour les médecins, disons-le franchement. Si ce n'est pas nous, les pharmaciens, créez une classe de professionnels de la santé qui vont, eux, être compétents. Nous disons que c'est nous et que le rôle du pharmacien est celui-là, aujourd'hui. C'est pour cette raison que, dans notre mémoire, nous avons bien fait la distinction entre la valeur intellectuelle d'une profession et la valeur matérielle. Est-ce que cela répond à votre question?

M. GUAY: Oui. Maintenant, face à la surconsommation des médicaments, le pharmacien devient donc un modérateur, dans bien des cas. Est-ce que le pharmacien ne serait pas plutôt, étant donné sa compétence, une personne qui ferait de la recherche, de l'information, en quelque sorte un professeur dans le domaine des médicaments? J'ai toujours eu et j'ai encore l'impression que le premier rôle du pharmacien est d'abord d'interpréter l'ordonnance du médecin. A partir de là, sauf pour les ordonnances magistrales, le pharmacien demeure celui qui joue le rôle d'un commis. Là, vous venez d'expliquer quel devrait être le rôle du pharmacien, mais, présentement, son rôle est quasi limité à cela.

Moi, je verrais le pharmacien — peut-être que ce serait ajouté à ses fonctions — faire partie d'une équipe de recherche. Je le vois comme celui qui prépare l'information sur les médicaments, étant donné sa compétence et ses nombreuses années d'études. Vous n'êtes pas sans être d'accord avec cela, vous venez de le mentionner.

Sur un autre point, j'aimerais vous demander si vous êtes d'accord avec le système de zonage qui a été très brièvement expliqué ce matin.

M. LA ROCQUE: Cela nous parait une me-

sure qui mérite, tout au moins, d'être étudiée et non pas rejetée comme cela l'a été dans le passé sous prétexte qu'on ne pouvait pas, avec les lois nord-américaines et notre tempérament un peu anglo-saxon, qu'on le veuille ou non, freiner la libre concurrence. C'est ce qu'on nous avait répondu dans le passé. Tout au moins, on devrait étudier cette possibilité non pas en fonction de la population parce que, lorsqu'on parle de 7,000 de population et qu'on sait également qu'avec la multiplicité des municipalités, la municipalité de la ville, de la paroisse, quand ce n'est pas le conseil de ville d'une autre municipalité, les populations de moins de 7,000 sont à profusion dans la province de Québec. Il n'y a que cela.

On devrait plutôt étudier les possibilités de zonage avec un bassin minimal de population où les gens qui résident là, même si c'est dans de petites localités, ont aussi le droit d'avoir les services pharmaceutiques d'un pharmacien, pourquoi serait-ce seulement en ville?

Mais l'objection que l'on a fort bien soulignée ce matin et que je me permets de vous rappeler cet après-midi c'est que les pharmaciens, face à l'encadrement juridique actuel, face aux droits acquis, aux privilèges, face aussi au fait qu'ils n'ont pas le pouvoir de décision, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas prescrire, ne peuvent pas courir le risque et dire: Je vais m'installer à Saint X dans le comté de Z et je vais espérer que le médecin va lâcher ses médicaments et que les gens vont venir chez moi me consulter. Ce n'est pas possible dans les cadres actuels, disons-le franchement. Ce qui arrive, c'est qu'il y a des pharmaciens qui sortent des facultés, que font-ils? Ils vont s'établir dans les villes où ils sont à proximité des grossistes, où ils sont capables de supporter moins de stock, où ils sont capables d'avoir accès à la marchandise très rapidement, où peut-être aussi, ils ont parfois la chance d'avoir des à-côtés leur permettant de vivre ou de vivoter. Mais nous, de l'association, sommes en mesure de vous affirmer sans l'ombre d'un doute que, quoi qu'on pense, une grande proportion, une très grande proportion de pharmaciens propriétaires seraient peut-être en mesure de gagner mieux leur vie s'ils étaient ailleurs que dans les villes.

M. GUAY: Maintenant, étant donné que le zonage — vous connaissez assez bien la région que je représente, M. La Rocque — croyez-vous que pour des groupes de 7,000 à 8,000 de population, il serait quand même possible qu'il existe une concurrence étant donné les distances?

M. LA ROCQUE: Que voulez-vous dire au juste par concurrence?

M. GUAY: Si on veut une libre concurrence entre les établissements pharmaceutiques, si, par exemple, on groupe ma région par bassins de 7,000 ou 8,000 de population à desservir par une pharmacie, à partir de là, je pense que la concurrence est complètement éliminée parce que, si on calcule un prix plus avantageux ailleurs, plus loin que plus proche, on va dépenser la différence en millage. Chez nous, c'est un problème qui se présente, je pense que vous êtes quand même au courant. Je pense que dans ce système de zonage où on regroupe un bassin de population quelconque, peut-être que le nombre de population pourrait établir si oui ou non c'est bon, mais je pense que cela aurait comme effet d'éliminer presque complètement la concurrence qui pourrait exister, la concurrence dont on a parlé depuis ce matin.

M. LA ROCQUE: C'est peut-être un faux problème parce qu'il nous apparaît à nous que si vraiment la concurrence est le problème majeur, ça doit exister partout, pas seulement en pharmacie. Or, d'une part, avec les médicaments prescrits, vous avez une entente qui, à toutes fins pratiques, fixe les prix. C'est le prix coûtant tel que sur la liste, tant mieux si les prix baissent, nous serons très heureux mais le prix est tout de même connu, c'est le prix coûtant plus ce qui a été négocié.

En ce qui concerne les autres produits, qui sont vendus partout à toutes fins pratiques, la concurrence existe parce que, même dans un bassin de population, si un pharmacien essayait de vendre à un prix fort des produits qui se vendent sans ordonnance il aurait tôt fait de subir la concurrence des gens à l'extérieur de son réseau, c'est clair. D'ailleurs, les gens voyagent aujourd'hui. C'est un fait assez curieux, je me permets de vous le souligner, que des gens n'hésiteront nullement, c'est ce qui se fait dans ma région, à faire 25, 30, 40 et même 50 milles pour aller chercher des produits pharmaceutiques sans ordonnance parce que, prétendent-ils, c'est moins cher ailleurs, mais ils ne feront pas 5 ou 10 milles pour aller chercher des produits sur ordonnance. C'est un autre problème.

M. GUAY: Etant donné les conditions climatiques, je crois que ce que vous venez de souligner se produit surtout l'été, beaucoup moins l'hiver.

Je voudrais toucher un autre point. On a parlé du pouvoir de décision du pharmacien. On reconnaît qu'actuellement le pouvoir de décision est assez limité. Je pose la question suivante: Comment un pharmacien peut-il décider du médicament à donner à un patient, soit par téléphone ou directement, s'il ne possède pas, s'il n'a pas en main le dossier du patient? Est-ce qu'il peut se produire qu'un pharmacien, si on lui donne un plus grand pouvoir de décision, puisse décider d'un médicament à donner à un patient?

M. LA ROCQUE: J'ai l'impression qu'il y a une confusion que je me dois de dissiper.

Les pharmaciens ne demandent pas comme pouvoir de décision, d'établir quelle médication prendre. Cela revient aux médecins. Pour prendre un exemple simple, si le médecin décide, après examen, de donner des hormones à son patient, ce n'est pas au pharmacien de donner des vitamines, c'est clair. On ne conteste pas cette chose-là. Comme vous le soulignez, il n'est pas question pour les pharmaciens, lorsqu'ils vous rencontrent de vous dire: Monsieur, vous prenez telle chose. Ce n'est pas ça. C'est que, si le médecin détermine, comme je le disais tantôt, des hormones, on voit mal qu'il spécifie et qu'on soit obligé de donner la marque d'hormone qu'il spécifie pour autant que ce soit le même principe actif que celui qui est prescrit. C'est le pouvoir de décision. Il ne s'agit pas de changer la médication ou le principe actif.

M. GUAY: Si je vous pose la question, c'est parce que vous venez de souligner que les pharmaciens n'ont jamais autant prescrit de médicaments en fin de semaine.

M. LA ROCQUE: Et c'est vrai.

M. GUAY: C'est pour ça que je pose la question, étant donné que cela se produit.

M. LA ROCQUE: A ce moment-là, c'est la prescription par oreille qui se fait d'une façon éhontée, disons-le franchement. Combien d'appels téléphoniques l'on reçoit tous les jours: Untel, donne-lui telle ou telle ou telle chose. Je veux bien croire qu'on a peut-être une certaine science du diagnostic, mais j'avoue que, par téléphone ou par oreille, cela me semble difficile. Je ne pose pas un jugement, je ne dis pas que les médecins sont des gens incompétents. Ce n'est pas ce qu'on dit. On a une situation de fait qui existe où on ne voit pas le malade, où on ne l'examine pas du tout et on prescrit quand même. Je ne dis pas que les pharmaciens veulent prendre la place des médecins et prescrire par oreille; ce n'est pas la question. Il faut, une fois pour toutes, qu'on ait le courage de vous dire, sans ambages, que c'est une situation qui existe et qui est déplorable. Il faut qu'elle soit corrigée. Les fins de semaine, on vous dit qu'on prescrit. Si tu as affaire à une personne qui tousse, à une personne qui a un peu de fièvre et s'il n'y a pas moyen de rejoindre le médecin, bien, tu fais ton devoir, tu donnes ce qu'ils prescrivent normalement par téléphone et tu ne te trompes pas. En plus de ça, on sait ce qu'on donne, on connaît la composition du médicament et on est capable de leur dire: Fais attention et tâche de voir ton médecin le plus tôt possible. Si c'est mauvais, qu'on nous le dise carrément, mais c'est ce qui se fait.

M. GUAY: M. La Rocque, j'aurais une autre question à poser. Je pense qu'il existe des médicaments composés. Il y a un exemple qui a été soulevé, je ne sais pas par quel hasard. Il s'agit de deux médicaments qui peuvent se vendre en une capsule. Je pense qu'on l'appelle le bentylol-pheno ou quelque chose comme ça. Il peut être compris dans une seule capsule ou séparément. On a porté à mon attention que, dans la liste des médicaments qui a été dressée, disons temporairement jusqu'à ce qu'il y ait des modifications pour les assistés sociaux, ce médicament apparaît séparément. On a conclu — conclusion normale — que ça faisait deux ordonnances pour la personne qui a besoin des deux médicaments. Au lieu d'avoir ce médicament compris dans une, cela fait deux ordonnances, double prix et, parfois, double voyage. Alors, pouvez-vous m'expliquer étant donné que vous êtes dans le domaine si vous concevez la chose autrement que ça?

M. LA ROCQUE: Ah oui! bien autrement et je suis très heureux que vous ayez le courage de nous parler de ce produit en particulier, puisque j'ai eu le bonheur de participer, à titre de délégué de notre association, au sous-comité de la liste. Je dois vous dire ici — est-ce hors de mes attributions de le dire, M. le Président — qu'à ce moment-là le ministère avait eu la bonne fortune d'avoir des experts pharmocolo-gistes; il y en avait deux, ainsi que deux médecins. Tous les différents groupements ont été invités, à savoir les médecins, les pharmaciens, les syndicats, les universitaires. Il y avait même des représentants des syndicats ouvriers, consommateurs, etc. A ce moment-là, on a établi des critères qui devaient constituer la liste. Une fois ces critères constitués, cette question que vous soulevez du bentylol-pheno a été soulevée, débattue et voici ce qu'on nous a dit. J'espère que je ne dirai pas de conneries; j'essaie de me souvenir exactement de ce dont il a été question. Ce qu'on cherche à faire avec la liste, c'est d'enlever dans l'esprit des prescripteurs, des pharmaciens et des consommateurs cette standardisation des ordonnances.

Pour quelle raison, lorsque vous vous présentez à mon bureau et que vous avez des spasmes d'estomac, que nécessairement ça prend du bentylol avec quinze milligrammes de phéno? Pourquoi pas bentylol tout seul? Pourquoi pas bentylol avec 30 milligrammes de phéno ou 100 milligrammes de phéno? Alors, l'idée n'est pas de multiplier les ordonnances, c'est de faire réfléchir d'abord le "prescripteur" sur la nécessité ou non d'ordonner les deux. S'il juge qu'il doit ordonner les deux, qu'il individualise le traitement puis qu'il dise: Cela me prend du bentylol, 10 milligrammes, et ça me prend du phéno, 30 milligrammes.

Mais en vertu de quel critère scientifique une compagnie pharmaceutique, qui est là pour faire des sous, va déterminer d'avance que le produit bentylol et phéno doit être bentylol, dix milligrammes, et quinze milligrammes de phéno. Pourquoi? Parce qu'on nous dit: Quinze milligrammes, c'est une dose qui n'est pas trop forte, un quart de grain, ce n'est pas

dangereux, ça peut peut-être aider. Si vous regardez ce qu'on en dit, vous allez vous apercevoir que ça n'aide pas du tout; bien au contraire, ça nuit à l'effet du médicament. Cela répond-il à votre question?

M. GUAY: Oui, ça répond assez bien à ma question. Il y a sans doute des études qui sont faites là-dessus, certains médicaments — on parle de produits pharmaceutiques, on exclut les drogues — peuvent-ils avoir des effets d'entraînement assez marqués chez l'individu? On parle de surconsommation et, moi, ça me revient souvent à l'esprit qu'il peut exister — remarquez que ce n'est pas ma compétence — des médicaments qui ont un effet d'entraînement. Je pourrais prendre comme exemple mon père, je n'irai pas loin; lui prétend que, lorsqu'il ne prend pas tel médicament, il ne va pas bien. On lui remplace son médicament, on lui joue des tours et, tant qu'il en a, il semble assez bien, mais il dit: Je crois qu'il est moins fort que l'autre. C'est un médicament qui est remplacé, c'est un médicament inoffensif. On rencontre ça chez l'homme de la rue, partout. Mais il y a quand même certains médicaments qui ont un effet d'entraînement, qui créent un besoin. Vous êtes en mesure de confirmer ou de nier que certains médicaments ont une assez forte teneur en alcool. Je soulève la question: Est-ce que ça existe et y a-t-il des études précises à cet effet?

M. LA ROCQUE: Oui. Je ne suis pas un expert de la liste, mais dans la liste qui a été retenue, à toutes fins pratiques, on a éliminé certains produits à forte teneur alcoolique. Je pense à certains toniques qui se vendaient et dont le nom finissait par quelque chose de bon où il y avait 18 p.c. d'alcool. C'est clair que pour plusieurs personnes, lorsqu'elles prenaient ça avec un petit verre d'eau, "on the rocks" comme on disait autrefois, ça stimulait l'appétit et on aimait ça. Mais cela, à toutes fins pratiques, a été éliminé de la liste.

Je crois que ce que vous soulevez est un problème de taille. Je pense ici aux tranquillisants. Manifestement on s'aperçoit que des gens de bonne foi commencent à prendre des tranquillisants prescrits par le médecin. Si ces personnes reçoivent en même temps trois ou quatre médicaments, invariablement, sans qu'elles le sachent d'une façon ordonnée et scientifique, elles vont découvrir parmi les médicaments qu'elles reçoivent le tranquillisant et c'est celui-là qu'on va demander à renouveler. C'est infaillible.

Si vous me permettez une comparaison, savez-vous pourquoi les gens en général prennent des tranquillisants et aiment ça? Ce sont des gens normaux, ils n'en mourront pas, ils vont en prendre toute leur vie et ils n'en mourront pas. Mais, un jour, un savant pharmacologue m'a expliqué, et ce n'est pas bête son idée, que ça reproduit, si vous voulez, d'une façon artificielle, la même impression qu'un bonhomme qui est gai un peu; il n'est pas dans l'ivresse totale, mais il est "feeling" comme on dit en bon canadien.

Or, sur le plan social, c'est très acceptable. Il ne prend pas un coup, il prend un tranquillisant, il prend ça dans sa petite boîte et il dit: Moi, je suis un homme "stressé", je suis un businessman, je dois prendre mes petits tranquillisants. C'est un "relaxant" musculaire, alors il est détendu, il est débonnaire, il prend la vie du bon côté, ensuite il y a une espèce de sentiment d'euphorie, puis son affaire va bien avec tout le monde. Mais aussi il en a besoin et, sur plan social, c'est très acceptable.

Aujourd'hui, ne vous surprenez pas que tant de gens prennent des tranquillisants et n'allez pas me dire qu'on tente de prendre des moyens pour informer les gens. Les pharmaciens sont aussi coupables que les autres, remarquez bien. On dit les choses telles qu'elles sont, mais lorsqu'on tente par tous les moyens, et on vous en a montré tantôt, d'enlever notre esprit sur ce danger, de nous distraire de l'optique de la thérapeutique comme une chose sérieuse et non pas comme une chose qu'on doit galvauder comme on le fait présentement, comme des objets de commerce, justement, on manque à son devoir, tous tant que nous sommes.

A ce moment-là, que fait-on? On consomme des tranquillisants, des médicaments. Ce n'est pas dangereux, on est bien et on ne meurt pas. On est "feeling" et tout le monde est bien.

M. GUAY: M. le Président, sur les deux dernières questions, je pense que, lorsqu'on écoute M. La Rocque, on peut s'attendre, étant donné qu'un médicament est un poison, à avoir du poison savamment préparé.

La dernière question, c'est une question à laquelle je ne vous oblige pas à répondre mais si vous voulez donner un point de vue personnel, c'est votre droit. Les naturistes parlent de beaucoup de choses, entre autres ils s'opposent à la fluoration de l'eau de consommation. Qu'en pensez-vous? Est-ce que cela ferait partie, premièrement, de la liste des médicaments?

M. LA ROCQUE: Je dois vous dire que nous avons prévu cette chose parce que je crois qu'il y a des comprimés de fluor qui sont sur la liste. Ceux qui ont peut-être une certaine réticence à voir leur eau fluorée — c'est leur droit le plus strict — tout de même, s'ils désirent assurer une certaine protection à l'émail des dents de leurs enfants, ils peuvent au moins demander à leur médecin de leur ordonner, pour leurs enfants du moins, le fluor.

M. GUAY: Alors vous n'hésiterez pas à remplir une ordonnance de fluor pour de l'eau de consommation.

M. LA ROCQUE: Non, mais encore là, le rôle du pharmacien pourrait être utile parce

qu'il y a des endroits où, dans la province, je crois comprendre que la fluoration existe. A ce moment-là, il est clair que ce sera au pharmacien de mettre en garde le consommateur, à savoir de ne pas prendre trop de fluor en surplus parce qu'il y en a déjà dans l'eau. Cela prend une dose minime.

M. GUAY: Je vous remercie, M. La Rocque.

M. LA ROCQUE: Je vous en prie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Taillon.

M. LEDUC: M. La Rocque, j'ai devant moi une édition spéciale, Québec Pharmacie, datée du 15 mars. A la page 2, je crois qu'il s'est commis une erreur flagrante. On voit la photo de Gilles-A. La Rocque, licencié en pharmacie. Je pense qu'on aurait dû indiquer Me Gilles-A. La Rocque, licencié en pharmacie, parce que vous défendez très bien la cause qui vous a amené ici aujourd'hui.

M. LA ROCQUE: Merci.

M. LEDUC: C'est un peu un pot-pourri de questions que je voudrais vous poser. D'abord, tantôt, vous avez dit que vous avez été consulté, avec d'autres gens, pour établir la liste des médicaments. Est-ce qu'à votre connaissance les compagnies pharmaceutiques étaient aussi présentes? Une autre question: Chez les pharmaciens, n'y a-t-il pas une tendance à la promotion, une promotion assez marquée, pour la vente de produits, disons, pharmaceutiques qui ne sont pas prescrits et où on invite les compagnies qui fabriquent ces produits à payer l'espace d'étalage dans les pharmacies? La troisième question, qui est peut-être la plus importante, c'est qu'à vous avoir écouté cet après-midi — malheureusement j'étais absent ce matin — j'ai un peu l'impression que le pharmacien voudrait devenir disons le sous-diacre, que le diacre pourrait être le médecin qui, à certains moments — le terme n'est pas de moi — se croit peut-être le grand-prêtre mais disons qu'il est diacre et que le pharmacien voudrait devenir sous-diacre. N'est-ce pas un peu cela que vous visez, en tant que pharmacien, dans le mémoire que vous nous présentez?

La dernière question: La promotion semble être un élément qui vous chicote un peu. Les éléments que nous avons devant nous, le paquet de médicaments, de documentation qui parviennent aux médecins, je crois que vous avez dit que c'était la documentation moyenne qui parvenait à un médecin pendant un mois, si ma mémoire est bonne. Ces éléments ne sont-ils pas un peu ce que vous faites, comme pharmaciens, en annonçant votre commerce, en mettant des annonces dans les journaux, où il y a un coupon avec lequel on peut acheter un médicament à un prix réduit? Dans certaines pharmacies — du moins dans le territoire où je demeure — lors- qu'on a acheté pour un certain montant, n'a-t-on pas un verre ou deux, ou un service de vaisselle, avec l'accumulation des coupons d'achat? Cela ne fait-il pas partie du commerce, de la promotion, en vue d'attirer une clientèle? Je crois comprendre, en voyant cela, ici, sur le plancher, devant moi, que vous avez une certaine réticence à ce que les compagnies pharmaceutiques, qui ont fabriqué des produits pharmaceutiques, qui ont, dans certains cas, fait de la recherche, fassent la promotion de leurs produits.

Pour employer les termes que vous avez à la dernière page du document, "Mais toi, Guy Leduc, as-tu compris?" ou si je n'ai pas compris ce que vous avez dit tantôt?

M. LA ROCQUE: Vous soulevez là quatre points intéressants. Quant au premier, si j'ai bonne mémoire, au sous-comité de la liste il y avait effectivement des représentants des manufacturiers québécois et aussi des manufacturiers canadiens, j'ignore le sigle exact. C'était évidemment pour déterminer les normes et critères visant à édifier ou à formuler la liste. Ils étaient là.

Quant au reste, je pense qu'il faudrait poser la question aux responsables de cette liste de médicaments: Jusqu'à quel point a-t-on consulté l'industrie? Là, j'avoue que je l'ignore.

Quant au deuxième point que vous soulevez concernant la publicité et la promotion allant jusqu'à payer de l'espace d'étalage, de l'espace d'annonce, vous avez parfaitement raison. Nous sommes tous coupables, pharmaciens comme les autres. Cependant, l'optique ne donne absolument pas le choix au pharmacien.

Si d'une part le pharmacien refuse systématiquement les offres de l'industrie, les "deals", les promotions spéciales, les escomptes additionnels, et même les montants d'argent que l'on vous accorde pour l'annonce de produits, qu'est-ce qu'on va dire? Que le pharmacien, ce n'est pas un gars d'affaire. On va aller offrir sa marchandise et sa promotion ailleurs.

Deuxièmement, le consommateur va dire: Ils vendent cher, on peut l'avoir meilleur marché ailleurs. Le pharmacien — même celui qui n'aime pas ça — est obligé de jouer dans le système. Il n'a pas le choix. S'il vend à plein prix, on va le dire tantôt, il n'y a pas de concurrence.

Actuellement c'est le système de "big business" qui incite les pharmaciens à jouer le jeu et ils n'ont pas véritablement le choix. Je suis d'accord avec vous: si l'on abaisse les coûts sur les produits d'hygiène, les fixatifs pour les cheveux, les cosmétiques, ça passe. Que vous utilisiez du shampoing à tous les jours, dix bouteilles par semaine, c'est votre droit le plus strict, et je ne pense pas que ce soit véritablement un danger pour la santé publique. Mais que l'on annonce l'aspirine à prix coupé, les laxatifs à prix coupé, et toute la kyrielle des produits, là on se pose de sérieuses questions. Mais vous ne pouvez pas demander au pharma-

cien d'être meilleur que le système et de combattre le système.

Cela me fait penser à ce que j'ai déjà dit dans le passé. Vous nous dites avec raison: Messieurs, vous vivez dans un taudis. Et nous disons: Oui, c'est vrai, nous vivons dans un entourage de taudis. Mais au moins les pharmaciens, depuis quelques années, nous avons fait un effort valable pour essayer de nettoyer ce satané taudis. Le collège a mis en application l'article 21: présence constante, éducation continue, dossier-patient. On vise à tenter de séparer l'officine du reste du commerce. On tente à réglementer la publicité professionnelle.

Donc, même si ce n'est pas parfait, nous avons tout de même fait des efforts louables pour tenter de nettoyer ce taudis. Mais nous sortons de notre taudis et qu'est-ce que nous voyons? D'autres taudis et des excréments dans la rue. Et on nous dit: C'est votre faute, les pharmaciens, nettoyez donc tout cet entourage. Nous ne pouvons pas le faire. C'est le système qui nous tient prisonnier.

Votre troisième point est à l'effet que pharmacien, sous-diacre, etc. Dans le fond, nous ne cherchons pas la guerre. La guerre ne donne rien. Est-ce que le médecin est plus important ou moins important que le pharmacien? Est-ce que le pharmacien veut prendre la place du médecin? Ce n'est pas la question. Le médecin c'est le médecin, et le pharmacien c'est le pharmacien.

J'avais quelque chose d'assez intéressant à vous souligner ce matin. Dès 1220, Frédéric II, roi des Deux-Siciles avait promulgué la loi séparant la pharmacie de la médecine. Pourquoi? Parce qu'il disait qu'il n'y avait pas moyen de contrôler les fraudes de charlatanisme, les substitutions, etc., et qu'il fallait séparer les conflits d'intérêts.

En somme, qu'est-ce que nous cherchons? Je vais vous le résumer. C'est que nous sommes conscients que le médecin est important dans l'équipe de la santé.

Qu'il soit le capitaine de l'équipe, on n'a pas d'objection à cela mais on ne veut pas qu'il devienne le propriétaire. C'est la question. Nous ne voulons pas que ce soit lui qui décide tout et que nous ne puissions, nous, rien dire et rien faire. Je pense qu'il est temps de se le dire carrément et publiquement. C'était l'idée, mais ce n'est pas la guerre.

M. LEDUC: Si vous me permettez de vous interrompre, c'est beau, à une commission parlementaire, d'énoncer des principes. Je pense que plusieurs organismes sont venus ici dire qu'ils étaient prêts à collaborer, prêts à travailler. Tout ça fait plaisir aux membres de la commission, ça rassure le ministre. Dans les faits de la vie, qu'est-ce qu'il arriverait au niveau professionnel, d'après la discussion que vous avez aujourd'hui, si vous étiez face à un médecin, si vous aviez une décision à prendre? Je pense bien que le Collège des médecins a toujours dit qu'il était prêt à collaborer avec tout le monde, mais, dans les faits de la vie, est-ce que, effectivement, à votre sens, M. La Rocque, il y a cette collaboration ou s'il n'y a pas encore une espèce de frottement, frottement qui peut durer peut-être deux semaines, deux mois, deux ans ou vingt ans, personne ne le sait? Est-ce qu'il n'y a pas une espèce de frottement?

M. LA ROCQUE : Oui, mais les choses s'améliorent et je me permets ici de vous souligner ce qui se passe actuellement dans les faits concrets. Autrefois, il y avait encore cette réticence, surtout dans les régions rurales; en ville, c'est un demi-mal parce que, depuis fort longtemps, les médecins, à toutes fins pratiques, ne vendent pas de médicaments. Les spécialistes, ça fait longtemps qu'ils s'en balancent. Or, en ville, je ne dirais pas qu'il y a une collaboration très étroite, mais, la plupart du temps, ce sont des confrères, les gars causent à l'occasion et échangent des points de vue et même dans certains milieux, en ville en particulier, le médecin et le pharmacien se consultent assez régulièrement.

A la campagne, il y a une réticence parce qu'aux yeux du médecin le pharmacien est un intrus. C'est celui qui s'en vient lui voler ses médicaments. Ce sont les faits. Mais, actuellement, ça s'améliore et je vais vous dire pourquoi. C'est la liste des médicaments qui nous permet ça, et ça me fait plaisir de vous le dire. La liste a été conçue de façon scientifique. On a classifié les médicaments selon leur objet thérapeutique, en mettant en valeur la dénomination commune, non commerciale ou, si vous voulez, non scientifique. Pour les pharmaciens, c'est un demi-mal. On est habitué à ça; c'est le langage pharmaceutique. Pour le médecin, ça pose des problèmes, surtout pour le médecin qui pratique depuis des années, qui, lui, est habitué à des marques de commerce, parce que l'industrie lui met dans la tête et lui met â l'esprit constamment la marque de commerce, pas la dénomination commune.

Qu'est-ce qui arrive dans les faits et de plus en plus? Il y a des médecins qui disent: Moi, face à un patient, je ne suis pas pour lui demander s'il est un assisté social ou non. C'est un patient et j'essaie de le traiter le mieux possible. Alors, il ordonne ce qu'il a l'habitude d'ordonner. Bien des médecins ont appelé les pharmaciens et plusieurs pharmaciens ont appelé les médecins, même dans les régions rurales, et on a dit: Ecoutez, faites ce que vous faites normalement et faites-nous confiance, on va toujours livrer le principe actif dominant tel que prescrit. Les gars nous disent — je ne charrie pas en vous disant ça: Arrange ça pour le mieux. C'est un début de collaboration et c'est la liste qui nous amène ça. C'est heureux.

Dans le fond, le médecin, ça le dégage un peu. Je ne dis pas qu'il se désintéresse, je ne dis pas qu'il ne prendra jamais la liste, mais, pour le

moment, dans la pratique, pour lui, c'est un peu mélangeant. Quand vous avez à faire face à cette chose-là et, de l'autre côté, à la liste, mettez-vous à sa place, ce n'est pas facile. Ensuite, il est occupé. Il veut soigner les gens et les soigner comme du monde. La médication est importante, mais, en fait, c'est secondaire.

Ce début de collaboration commence déjà et je ne sache pas que les gens sont moins bien traités. Je ne sache pas que les pharmaciens vont outrepasser leurs attributions, bien au contraire. Il serait souhaitable qu'un tel climat se perpétue et qu'à un moment donné, au lieu de voir des dizaine de délégués médicaux qui encombrent les bureaux des médecins pour leur vendre leur camelote, pour leur mettre dans la tête des choses comme ça, il pourrait très bien arriver que ces mêmes délégués médicaux aillent chez le pharmacien, puis lui, qui a le sens critique face à la médication — on n'emplira pas un pharmacien — il va avoir un sens critique, il va déballer ses outils.

M. LEDUC: Voulez-vous insinuer qu'on peut emplir un médecin en disant cela?

M. LA ROCQUE: Avez-vous remarqué que je ne l'ai pas dit?

M. LE PRESIDENT (Cloutier-Montmagny): M. La Rocque, le ministre voudrait faire un commentaire sur ce que vous venez de dire.

M. CASTONGUAY: Je voudrais apporter une petite précision sur la question de la confection de la liste afin qu'il n'y ait pas de malentendu. On a demandé si les fabricants avaient été consultés lors de la fabrication de la liste, et M. La Rocque a mentionné qu'il n'était pas tout à fait en mesure d'affirmer ce qui s'était produit. Un comité, qui a été suivi par un autre comité au cours des années, a élaboré des critères qui devaient servir à la confection de cette liste-là.

Lorsque le conseil de pharmacologie a été créé, en vertu de la loi 69, ce conseil était constitué, comme M. La Rocque l'a dit, de spécialistes, de pharmacologues, et eux ont pris le travail qui avait été fait et l'ont poussé plus loin pour transposer, disons d'une façon opérationnelle, les critères qui avaient été élaborés. Par les comités antérieurs, dans le travail du conseil de pharmacologie, je pense que tous les organismes professionnels, que ce soient des corporations ou des associations, ont été consultés quant à la valeur des critères retenus pour confectionner la liste.

Après cela, il y a eu une autre étape qui a été la rédaction précise de la liste à partir des critères. Là, le conseil de pharmacologie a demandé, si ma mémoire est bonne, à plus d'une centaine de spécialistes, la plupart ou la totalité étant des médecins dans diverses spécialités, des avis quant à la façon, à partir des critères, de dresser la liste précisément pour chaque dénomination commune, certains détails comme un format qui pourrait paraître logique, etc., les indications techniques que la liste contient. Une fois la liste confectionnée, si ma mémoire est bonne, deux communications ont été faites par le conseil de pharmacologie auprès des fabricants de telle sorte que les fabricants puissent ajouter de l'information au besoin, puissent donner les prix contenus dans la liste, puissent faire des représentations si la liste ne leur paraissait pas adéquate.

En plus et en parallèle, le conseil de pharmacologie a fait effectuer une étude à caractère économique pour déterminer quel pourrait être l'impact de l'introduction de cette liste sur les fabricants, et plus particulièrement les fabricants installés au Québec, de telle sorte qu'il soit possible de mesurer quel pourrait être l'impact économique de l'introduction de cette liste. Dernier détail, c'est une liste qui n'est pas fixée en permanence. La loi 69 prévoit, et le conseil de pharmacologie va évidemment suivre la prescription de la loi, la liste peut être mise à jour pour diverses raisons, par exemple, pour l'introduction de nouvelles substances ou encore à la suite de l'élimination d'une substance parce qu'elle ne répond pas aux normes de la qualité. Si un fabricant change son processus de fabrication et qu'à la suite de ces changements il satisfait aux normes, il sera possible de l'inscrire sur la liste. La liste n'est pas fixée en permanence, d'une façon définitive.

Je voulais apporter ces quelques renseignements étant donné que cette liste a été souvent mentionnée au cours de la journée et puisqu'on en a également fait état lors de l'introduction du régime d'assistance médicament et aussi compte tenu du fait que je ne voulais pas qu'au journal des Débats l'information donnée par M. La Rocque — je sais fort bien qu'il ne le faisait pas de mauvaise foi — soit considérée comme n'étant pas tout à fait exacte.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. LEDUC: Je m'excuse, j'avais une toute dernière question, comme publicitaire de profession, que j'avais posée à M. La Rocque au sujet... Je vous suis reconnaissant de m'être personnellement agréable.

M. LA ROCQUE: Je crois comprendre que vous aviez parlé de la promotion pharmaceutique.

M. LEDUC: C'est ça, en mentionnant un peu comme exemple ce qu'on avait devant nous.

M. LA ROCQUE: Vous me permettrez peut-être d'avoir échappé un peu le sens de cette question, pourriez-vous la répéter?

M. LEDUC: Je me demandais si vous mettiez en doute la valeur de cette promotion, qui, si

on se fie à certaines pharmacies, du moins que je connais chez moi, est bonne. Je mentionnais l'exemple de l'accumulation de coupons de caisse pour des ensembles de vaisselle ou des choses comme ça. Croyez-vous que cette promotion pour faire connaître un produit devrait, selon vous, être éliminée, diminuée ou amplifiée — je ne pense pas que vous vouliez donner de l'amplitude à cette chose — mais, enfin, quel but visez-vous vraiment en amenant cet exemple très concret de ce qui peut être déversé dans un bureau de médecin, je pense, dans l'espace d'un mois?

M. LA ROCQUE: En fait, nous déplorons avec vous cette forme de publicité, qu'elle soit faite dans les bureaux des "prescripteurs" ou à la pharmacie. Un règlement du Collège des pharmaciens défend explicitement cette forme de promotion en donnant des cadeaux, des primes. C'est en dehors des lois existantes, des règlements du collège. On ne peut pas admettre une telle pratique parce que c'est une incitation directe à se procurer des médicaments pour des besoins souvent artificiels.

Quant à cette promotion, il nous paraît d'abord qu'elle est fort coûteuse, qu'elle est en plus dangereuse. Je ne connais pas beaucoup de médecins, du moins dans les grands centres, qui vont se préoccuper d'écouler cette marchandise. Il y en a qui ramassent ça dans de grandes boîtes, qui vont donner ça, par exemple, à des oeuvres de charité, ça se fait beaucoup. D'autres, dans certains cas, vont remettre ça à des vendeurs qui se chargent de visiter les bureaux et de ramasser ces échantillons moyennant une certaine rémunération. Ensuite ils les arrangent et les revendent à prix de rabais; évidemment ça ne coûte rien. Cela nous paraît une pratique extrêmement dangereuse et, en somme, qui paie pour tout ça? C'est le consommateur. On ne me fera pas dire que les contenants spéciaux que vous voyez là ainsi que la poste et tout ne coûtent absolument rien. Je conviens que peut-être ça va nuire à certaines agences de publicité, ça peut enlever du travail. Je le déplore mais je crois bien que ces mêmes agences de publicité ont suffisamment d'intérêts ailleurs et d'imagination pour combler ces revenus qu'ils vont perdre à la suite du retrait de cette forme de publicité.

Ce qui nous paraît comme du tape-à-l'oeil, c'en est, c'est qu'on tente de distraire l'attention du médecin. Avec beaucoup de couleurs, on tente de mettre l'accent sur la marque et non pas sur le prix ni sur les indications précises ou les dangers possibles. Alors, pour nous, une telle chose est inacceptable et, même si elle se pratique encore sur une haute échelle, nous disons qu'il faudrait à toutes fins pratiques que ce soit aboli. Cela relève du fédéral, je le comprends, mais on n'a jamais fait cette distinction.

Ensuite, ce qui me paraît encore plus grave, comment se fait-il que la loi fédérale permette que des produits PR, c'est-à-dire qui ne doivent se vendre que sur ordonnance du médecin, soient colportés par des non-pharmaciens, par des non-médecins? On fait volontiers des échanges entre représentants ou encore, disons le très franchement, on se sert de ces mêmes échantillons pour faire des arrangements spéciaux avec des pharmaciens par exemple. Je vous avoue que je l'ai accepté — on ne joue pas aux vierges offensées — le représentant d'une certaine maison qui vend des anovulants m'a dit: Si tu en achètes une grosse, je vais t'en donner douze de mon auto, gratuitement. Evidemment on devrait refuser systématiquement mais si ce n'est pas nous ce sera un autre, c'est le système qui est vicieux. Je ne dis pas que le représentant ou le délégué médical n'est pas correct, lui il joue dans le système.

Il n'a même pas le droit de refuser de recevoir chez lui un amas d'échantillons qui lui ont été envoyés par la compagnie. La compagnie va les lui envoyer. J'ai été délégué médical pendant deux ans et demi, c'est pourquoi je peux vous en parler. On recevait systématiquement un certain nombre d'échantillons à tous les mois, qu'on devait entreposer et souvent on n'avait pas les endroits pour entreposer de telles marchandises. On n'avait même pas le droit de les refuser parce qu'on nous disait: Si tu refuses, cherche-toi une autre "job". Je dis que ce sont des choses qui n'ont jamais été dites. Il faut que ce soit dit. Ce sont des faits qui existent. Interrogez les délégués médicaux, demandez comment cela se passe. Les gars n'aiment pas colporter de bureau en bureau de pleines valises d'échantillons. Est-ce qu'on peut dire que c'est une information objective, rationnelle, scientifique, en 1972? Je dis non. Il est grandement temps que les médecins reçoivent une information qui est à la mesure de leur intelligence. On n'a pas affaire à des fous; on a affaire à des médecins. On les traite comme des vulgaires consommateurs, on dit: Voici, voici. C'est du tape-à-l'oeil. Il faut que ce soit mieux ordonné. Il faut que cela disparaisse, il faut que l'information soit centralisée chez quelqu'un qui connaît le médicament: le pharmacien. Ensuite, si on peut encourager les pharmaciens à communiquer avec les médecins et vice versa, tout le monde s'en portera mieux. Les médecins vont mieux exercer la médecine, les pharmaciens vont mieux exercer leur profession et vont se sentir responsables. En définitive, on pourra peut-être mettre en place des mécanismes visant à contrôler cette surconsommation. Il n'y a pas d'autres moyens.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela répond à votre question?

M. LEDUC: Dernier commentaire, en fait, j'ai posé la question dans un seul but, c'est que vous disiez justement que des représentants pharmaceutiques doivent transporter avec eux dans leur automobile et garder chez eux des

médicaments qui, normalement, doivent être prescrits et exclusivement prescrits, ce qui représente je pense, un danger pour la santé publique. C'était le seul but de ma question. J'espérais que vous y répondiez sans que j'y aille directement. C'est une chose qui m'inquiète, personnellement.

M. LA ROCQUE: Vous avez bien raison.

M. LEDUC: Mon beau-père est médecin, j'ai quelques membres de ma famille qui sont représentants médicaux et ils ont fait exactement le même commentaire que vous. Vous avez été plus poli. Moi, je vous dirai que cela les emmerde.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, en écoutant M. La Rocque, j'ai eu l'impression qu'au nom de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, il s'était donné comme mission de revaloriser le professionnel qu'est le pharmacien en invitant le médecin à certaines réformes afin que ces deux professions, mariant leurs activités, le public en retire bénéfices et avantages. J'ai même cru, à un moment donné, que M. La Rocque voulait dépasser la brillante performance qui nous avait été donnée ce matin par le président du Collège des pharmaciens et, devant tant d'éloquence de la part de M. La Rocque, il me permettra sans doute de lui poser quelques questions.

M. LA ROCQUE: Avec plaisir.

M. PAUL: Vous nous avez produit une kyrielle de médicaments en bloc sur le plancher de la salle rouge comme exibit P-I en nous mentionnant que c'était à peu près la publicité que recevait chaque médecin mensuellement. Est-ce que la même quantité de remèdes est également adressée à chaque pharmacien mensuellement?

M. LA ROCQUE: J'aimerais vous répondre avec autant de brio et d'élégance...

M. PAUL: Je vous dirais: Laissez faire le brio, on se rencontrera après.

M. LA ROCQUE: Si je vous parle en tant que négociant, je dois vous dire, malheureusement, non. Parce que les négociants seraient drôlement intéressés à recevoir ça tous les mois et les vendre. En tant que professionnels, nous sommes heureux de ne pas en recevoir.

M. PAUL: Du tout?

M. LA ROCQUE: Du tout. Je vous affirme que très rares sont les pharmaciens qui reçoivent des échantillons. On est très parcimonieux envers les pharmaciens, non seulement en ce qui concerne les échantillons mais en ce qui concerne les gadgets. Je vous avoue que certains gadgets nous intéresseraient, parce qu'ils sont amusants, parce que lorsque vous recevez des services à thé, des coutelleries pour meubler le chalet ou la deuxième maison, cela aide. Nous ne détesterions pas cela.

M. PAUL: Même si, à un moment donné, vous avez une offre d'un vendeur, d'un commis-voyageur en produits pharmaceutiques à l'effet que, si vous en achetez 10,000, il va vous en donner 2,000 de plus, vous prenez les 10,000 et vous refusez les 2,000?

M. LA ROCQUE: Non. D'ailleurs, je l'ai dit tantôt, on joue à plein dans le système. On ne l'aime pas, mais on joue à plein.

M. PAUL: Alors, pourriez-vous me dire, M. La Rocque, dans ce tas de remèdes qui est devant nous, le pourcentage qui ne doit être vendu que sur ordonnance, d'après vous?

M. LA ROCQUE: Vous posez une question très intéressante, mais je vous avoue que nous n'avons pas fait d'études là-dessus. On pourrait peut-être, tout au moins, risquer de dire que la moitié de ces échantillons normalement requièrent l'ordonnance, pour cette raison bien simple que les compagnies pharmaceutiques ne font pas auprès des médecins la promotion des produits pour le grand public.

M. PAUL: Vous avez la liste des médicaments qui nécessitent une ordonnance.

M. LA ROCQUE: Vous pouvez vous procurer cette liste en suivant l'annexe F et G, de la Loi des aliments et drogues. On ne vous donne pas nécessairement les marques de commerce, mais tout au moins les dénominations communes de tous les produits qui exigent l'ordonnance.

M, PAUL: Est-ce que vous pourriez nous en nommer quelques-uns?

M. LA ROCQUE: Là-dedans, vous allez retrouver des anovulants qui exigent l'ordonnance. Vous allez retrouver des tranquillisants qui exigent l'ordonnance. Vous allez retrouver des hormones, vous allez retrouver certains sédatifs, certaines vitamines à haute teneur qui exigent l'ordonnance, par exemple, la vitamine D très concentrée. Y a-t-il autre chose que j'oublie, mes chers confrères? Vous allez retrouver des hypoglycémiants, des antibiotiques, certaines médications cardiaques, des hypotenseurs, des diurétiques. Je vous dis qu'en regardant ça de très près, c'est inquiétant.

M. PAUL: Devant cette publicité qui est faite auprès de tous les médecins, quel a été le

rôle de votre association auprès des médecins? Y a-t-il eu une campagne pour que les médecins s'astreignent à commander davantage des ordonnances magistrales?

M. LA ROCQUE: Non. D'ailleurs, je vais vous le dire franchement, notre rôle à l'association n'est pas de dicter ou de laisser entendre aux médecins que nous voulons nécessairement nous immiscer dans leurs affaires.

M. PAUL: Non, vous êtes ceux-là qui connaissent la portée thérapeutique d'un remède, d'un médicament.

M. LA ROCQUE: Oui.

M. PAUL: Est-ce que vous avez des chimistes, des savants qui travaillent à l'analyse de chacun des produits qui sont mis sur le marché?

M. LA ROCQUE: Non, tel n'est pas le rôle de l'association et je vous avoue que nous n'avons certainement pas les moyens financiers de le faire.

M. PAUL: Est-ce qu'à votre connaissance le Collège des pharmaciens le fait?

M. LA ROCQUE: Je ne pourrais pas répondre, sauf qu'en entendant les commentaires de ce matin, tout au moins le collège a certainement fait faire des expertises concernant certains médicaments. Mais je ne peux vous en dire davantage.

Tout ce que je peux dire d'une façon certaine, c'est que tous ces médicaments sont fabriqués par des maisons responsables. La plupart des maisons qui fabriquent ces échantillons sont probablement contenues dans la liste des fabricants qui sont acceptés ou acceptables comme fournisseurs dans la liste des médicaments. Ce sont des fabricants qui respectent les normes de bonne fabrication du gouvernement fédéral, la norme 174GP1C. Ce sont également des médicaments qui, je le pense, pour la plupart, ont été approuvés par la direction générale des aliments et drogues. Or, je ne mets pas ici en doute la qualité du produit; je mets en doute les moyens que l'on emploie pour mousser la vente de produits, fussent-ils de qualité.

M. PAUL: Dans un autre domaine, M. La Rocque, pourriez-vous nous dire si le code d'éthique de votre association recommande à vos membres de refuser la commande que pourrait placer un individu qui est entraîné à la médication afin d'éviter la surconsommation de produits pharmaceutiques?

M. LA ROCQUE: Je suis heureux de vous dire qu'à la suite de l'entente où on nous a permis, pour la première fois de façon officielle, de refuser d'exécuter une ordonnance et en même temps ne pas être pénalisé pour avoir posé ce geste, nous avons émis une directive à nos membres, que je n'ai pas ici, malheureusement, où nous leur avons suggéré un code ainsi qu'une estampille, où nous avons tenté d'employer un terme français suggéré par l'Office de la langue française.

M. PAUL: L'Office de la langue française, qui ne relève pas de Mme Casgrain mais du ministre de l'Education.

M. LA ROCQUE: C'est possible.

M. VEZINA: Ce n'est pas la même langue!

M. LA ROCQUE: Il y est inscrit: Je refuse d'homologuer cette ordonnance. Il y a ensuite la signature du pharmacien, la date, son numéro d'inscription à la régie ainsi qu'un carré où il peut inscrire, en code, les raisons du refus. Les raisons du refus sont de deux ordres: un refus qui est directement relié au patient, soit qu'il y ait surconsommation de la part du patient, soit qu'il y ait abus, soit qu'on nous présente une ordonnance falsifiée, etc. et cela peut aussi être du ressort du prescripteur, si celui-ci a prescrit deux médications qui présentent des interactions dangereuses ou encore pour des fins qui sont autres. Disons, par exemple, qu'on donne une posologie orale à une médication topique, quelque chose comme cela. A ce moment-là, nous avons donné des indications précises, à savoir que le pharmacien devait refuser pour des motifs professionnels et nous donnions une liste de suggestions. Il n'est pas question de refuser parce qu'il y a conflit d'intérêts entre le prescripteur et le pharmacien ou conflit de personnalité entre le patient et le pharmacien ou parce qu'il est à court de "stock" ou des choses comme cela. Sur ce plan, nous avons fait un travail.

M. PAUL: Pour des raisons professionnelles. M. LA ROCQUE: Professionnelles.

M. PAUL: Et cela, c'est depuis le 1er août dernier.

M. LA ROCQUE: C'est exact.

M. PAUL: Avant le 1er août dernier, lorsque le pharmacien recevait une ordonnance qu'il jugeait comme ne devant pas être livrée à un patient, que faisait-il?

M. LA ROCQUE: Disons que je ne peux pas parler...

M. PAUL: Quelles étaient les directives de votre association?

M. LA ROCQUE: Ici, je dois mettre la com-

mission en garde contre une chose: c'est que notre association, dans le fond, est un syndicat. Alors nous n'avions pas à donner des directives précises quant à la qualité de l'acte professionnel, ce qui relève manifestement du collège. Il faut aussi vous souligner que notre association est relativement jeune.

M. PAUL: Mais puissante.

M. LA ROCQUE: Oui, et unie surtout. Je pense que depuis deux ans, nous avons tenté de regrouper d'abord les pharmaciens, de leur donner confiance, d'essayer de les éveiller à leur valeur professionnelle, de leur fournir des moyens de sortir du système. Nous avons commencé, il y a deux ans, en signant, avec des assureurs, des ententes qui permettaient justement de mettre en valeur un système qui a été accepté par la régie en grande partie, à savoir que la rémunération du pharmacien ne devait pas être en fonction du coût d'une marchandise. Nous avons établi l'honoraire professionnel. Nous avons continué en moussant cette idée de dossier-patient , que le collège lui-même appuie fortement. Nous avons donné à nos membres des moyens de réaliser ce dossier, en leur fournissant des modèles. Nous avons fait, à maintes reprises, surtout depuis l'an passé, des déclarations publiques, alors que nous avons dit: La surconsommation des médicaments est effrayante. Nous assistons à la pollution de l'être humain par le système pharmaceutique. Nous n'avons pas tenté de dire: Nous, les pharmaciens, nous sommes bien plus fins et plus honnêtes que les autres. Nous avons dit: Nous sommes pris dans le système. C'est le système qu'il faut changer. Je ne dis pas l'abattre mais le changer.

Notre préoccupation constante — je vous l'avoue, Me Paul — c'est que nous tentons de ne pas nous immiscer dans le rôle qui est dévolu au collège. Nous tentons d'appuyer le collège et nous croyons que le collège — il l'a démontré ce matin — tente lui aussi d'appuyer l'action concertée de notre association, qui vise essentiellement à promouvoir le bien-être socio- économique de nos membres, pas tellement de défendre nécessairement la santé publique, malgré que, paradoxalement depuis ce matin, je n'ai pas parlé de l'intérêt des pharmaciens propriétaires à dessein.

Je ne voulais pas faire l'injure à la commission de nous présenter devant elle en disant: Nous sommes à étudier le code des professions, et nous étudions la pharmacie comme Profession, avec un grand P. La profession pour nous ça englobe tout le monde, le président du collège l'a dit ce matin.

Nous croyons que si nous réussissons à sensibiliser le législateur à la véritable dimension actuelle — pas d'il y a 100 ans — de la pharmacie, nous allons de ce fait même préserver nos pharmacies. Je crois qu'il est de notre intérêt, non pas de chercher à préserver notre titre de propriétaire, mais de préserver la profession. C'est ça qui compte et c'est ce que j'ai tenté de faire avec — je vous l'avoue — beaucoup de sincérité.

Peut-être que dans certains cas j'ai pu avoir des écarts de langage ou que j'ai donné l'impression que j'en voulais nécessairement aux autres membres de la profession. Ce n'est pas le cas. Je vous dis franchement: Voici la situation. Nous vous demandons seulement de faire preuve envers nous de la même honnêteté intellectuelle. Analysez ce que nous vous avons dit. Cherchez, voyez ce qui se fait. Nous ne faisons pas table rase. Nous allons certainement essayer tous ensemble de trouver des correctifs graduellement. Et nous allons en venir à une situation où pratiquer la pharmacie au Québec, ça sera vraiment presque un rêve.

A l'heure actuelle, en France, nous assistons à une décadence marquée de l'officine française, où on vous présente des "drugs" — ils n'appellent pas ça des "drugstores" mais des "drugs". Ils font exactement ce qu'ils nous ont toujours reproché dans le passé. Or, nous, nous faisons le contraire.

Nous disons: Voici, nous sommes en train de vivre une autre ère, une ère de spécialisation. La médication, c'est important. On ne doit pas galvauder ça, on ne doit pas appliquer à la thérapeutique les mêmes critères et normes qu'on applique volontiers aux articles de commerce. Il faut clarifier la situation une fois pour toutes.

M. PAUL: Je vous remercie, M. La Rocque. Une autre question, c'est que vous avez mentionné dans le cours de vos remarques que jamais les pharmaciens n'avaient été appelés à prescrire autant en fin de semaine depuis l'instauration de l'assurance-maladie. Ces remèdes sont prescrits à la discrétion du pharmacien?

M. LA ROCQUE: Oui. Mais pas d'une façon systématique.

M. PAUL: Permanente.

M. LAROCQUE: Pas d'une façon permanente.

Et je ne vous dis pas que nous sommes heureux de le faire. Nous disons que, face à des situations d'urgence, les pharmaciens sont capables de prendre leurs responsabilités. L'idéal — le ministre l'a souligné à maintes reprises — c'est qu'il devrait y avoir partout dans le Québec des endroits où les gens pourraient se faire traiter par des médecins et aussi avoir les services d'un pharmacien. Mais, à l'heure actuelle, ce n'est pas possible.

C'est malheureux que, dans certaines régions où il y a trois, quatre ou cinq médecins qui pratiquent, tous ces médecins s'évadent à chaque fin de semaine. C'est dommage. Mais qu'on ne vienne pas nous dire dans les journaux que

les pauvres bénéficiaires du régime on les traite en parias, parce qu'ils ne peuvent pas avoir accès aux médicaments, puisque les médecins ne sont pas toujours là jour et nuit. Nous croyons que c'est une exagération.

Je ne dis pas que ça ne se fait pas dans certains endroits. Je dis qu'à la grandeur de la province ça ne se fait pas, pas plus que si j'essayais de vous dire que partout dans les régions rurales les pharmaciens sont là 24 heures par jour. C'est physiquement et financièrement irréalisable. Mais je ne dis pas que c'est impensable, je dis qu'il y a possiblement moyen d'en venir à une entente. Dans une région donnée, compte tenu de la densité de la population et des distances, il pourrait y avoir un médecin de garde les fins de semaine, il pourrait y avoir un pharmacien qui serait aussi disponible les fins de semaine. Ce n'est pas impensable. Mais on ne peut dire: Vous autres, commencez par donner l'exemple, payez les frais que ça occasionne. Il me paraît que c'est un peu odieux.

M. PAUL: Dans un autre domaine, pourriez-vous nous dire quel est le montant total des produits pharmaceutiques achetés dans les différentes pharmacies par la population du Québec dans une année? En 1970 ou 1971, par exemple, suivant les dernières statistiques que vous pouvez posséder, si vous en possédez?

M. LA ROCQUE: Je dois vous dire que, de mémoire, je ne pourrais pas répondre à cette question.

M. PAUL: Quel pourcentage des ventes proviennent des ordonnances de médecins?

M. LA ROCQUE: Jusqu'à tout récemment, nos enquêtes ont démontré qu'en général environ 33 p.c. à 35 p.c. du volume total des ventes d'une pharmacie consistaient dans la vente d'ordonnances.

M. PAUL: D'ordonnances? M. LA ROCQUE: Oui.

M. PAUL: Dans un autre domaine, j'ai peut-être une ou deux autres questions. Pourriez-vous nous dire quelles sont vos relations avec la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, de l'Université de Québec ou d'ailleurs? Pourriez-vous nous dire si vous êtes appelés à dialoguer avec ces professeurs d'universités dans le but, justement, d'inviter les étudiants en pharmacie, les futurs pharmaciens, à lutter davantage contre cette publicité monstre dont vous nous avez donné un échantillon cet après-midi? Quelles sont les recommandations que vous faites aux facultés? Ces recommandations, si vous en avez faites, ont-elles été endossées par le Collège des pharmaciens?

M. LA ROCQUE: En premier lieu, je dois vous dire que nos relations avec les membres de la faculté sont très cordiales et excellentes. Nous avons eu l'occasion à quelques reprises de rencontrer non seulement les doyens des différentes écoles de pharmacie, mais aussi les étudiants. Notre but, au départ, c'était possiblement de sensibiliser tout ce monde universitaire au fait que le pharmacien d'officine n'était pas seulement un négociant, qu'il avait un rôle à jouer. Je crois comprendre qu'il y a — je ne sais pas si c'est à cause de notre action directe ou si c'est dû à autre chose — semble-t-il, un intérêt ou un renouveau d'intérêt des jeunes étudiants pour la pharmacie d'officine, ce qui n'était peut-être pas le cas autrefois.

Quant à la question, je crois comprendre, de nos relations avec le Collège des pharmaciens, elles sont également très cordiales et excellentes. Nous avons toujours tenté dès le départ de bien sensibiliser nos membres à voir la distinction fondamentale qui existait entre la corporation et le collège, d'une part, et l'association et le syndicat de l'autre.

M. PAUL: Un instant, s'il vous plaît, M. le Président. C'est juste par curiosité et non pas parce que je leur en veux; mes collègues savent quel est mon comportement vis-à-vis des médecins et la médecine. Pourriez-vous nous dire ce que vous allez faire de ces médicaments-là? Vous les avez !

M. LA ROCQUE: Le président vient de m'en souffler un mot. On n'a pas l'intention de monnayer ces échantillons; bien au contraire, on va tenter de les donner à des institutions de charité. C'est notre but. D'ailleurs, je dois vous dire que, lorsqu'on a dans le passé fait appel aux médecins — disons-le franchement — et aux pharmaciens pour donner des souscriptions au cardinal Léger pour ses bonnes oeuvres, tout le monde a répondu de façon très généreuse, y compris l'industrie pharmaceutique.

M. PAUL: Je vous remercie bien sincèrement, M. La Rocque.

M. LA ROCQUE: Je vous en prie, monsieur.

M. CASTONGUAY: Je voudrais donner juste une information additionnelle à la suite d'une des questions posées par le député de Maskinongé. A l'occasion de rencontres avec l'exécutif du Collège des médecins et du Collège des pharmaciens, le printemps dernier, je leur ai fait état de notre inquiétude relativement à cette question de la consommation abusive des médicaments pour essayer de mettre le doigt sur les principales causes. Ce qui est ressorti aujourd'hui est un peu ce qui était ressorti comme cause première à l'occasion de ces rencontres. J'avais invité les deux exécutifs à se rencontrer pour qu'ils déterminent de concert

quels gestes ils pourraient poser par rapport à leurs membres et aussi afin de les inviter à associer leur action à celle du ministère dans les représentations qui, je le pense bien, devront être faites auprès du gouvernement fédéral qui contrôle cette question de la publicité.

Je dois très bientôt rencontrer à nouveau l'exécutif du Collège des médecins et je communiquerai de nouveau aussi avec l'exécutif du Collège des pharmaciens pour voir quels résultats a donnés cette rencontre.

M. PAUL: L'honorable ministre a-t-il terminé?

M. CASTONGUAY: Oui.

M. PAUL: Me permettez-vous une question? Connaissant vos très bonnes relations avec le ministre fédéral de la santé, pourriez-vous nous dire si ce problème a été attaqué lors...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Cette question est pour l'autre Chambre.

M. CASTONGUAY: Ce qui me fait un peu peur, c'est qu'on va penser que c'est une idée fixe chez moi si j'aborde ce problème en plus des autres. Il y a aussi un autre petit point. Si vous ne savez pas quoi faire de tels médicaments donnez-les donc à l'Entraide médicale internationale qui fait un excellent travail, expédiant ces médicaments dans des pays sous-développés à la suite de requêtes de personnes qui travaillent dans ces pays. Il y a un système excellent qui fonctionne. Au lieu de ne pas les utiliser, il y aurait grand avantage à penser à cette association.

M. LE PRESIDENT: Le député de Yamaska.

M. FAUCHER: M. La Rocque, si on avait une liste de médicaments bien établie pour la médecine humaine et animale, si l'assurance-maladie, tant humaine qu'animale, était universelle, est-ce qu'on ne pourrait pas éliminer une foule de troubles? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. LA ROCQUE: Je vous avoue que je n'ai pas tellement saisi le sens de la question.

M. FAUCHER: Je vais spécifier. Si l'assurance-maladie était universelle pour les médicaments, tant du point de vue de la médecine animale que de la médecine humaine, ne parviendrait-on pas à éliminer des troubles? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. LA ROCQUE: Si cela nous apporterait des difficultés?

M. FAUCHER: Non, si cela n'éviterait pas tous ces troubles?

M. LA ROCQUE: Encore là, c'est assez diffi- cile à dire. Nous vivons actuellement une expérience pilote, comme je l'appelle. Ce sont les bénéficiaires de l'aide sociale, à l'heure actuelle. Nous sommes en train de roder le système et nous convenons que tous les problèmes n'ont pas été résolus.

S'il fallait, demain matin, que l'on étende les bénéfices à toute la population, je vous avoue que cela pourrait causer des problèmes parce qu'il y aurait manifestement un "stampede". On inonderait les bureaux et les officines. Je ne crois pas que l'on serait alors en mesure de donner véritablement un service pharmaceutique professionnel adéquat. Mais, graduellement, j'ai l'impression qu'on va roder le système. Lorsqu'on sera en mesure d'offrir ou d'étendre la couverture à un plus grand secteur de la population, on sera prêt. Est-ce que cela répond un peu à votre question?

M. PAUL: M. le Président, question additionnelle à celle posée par l'honorable député de Yamaska. M. La Rocque, pourriez-vous me dire si votre association est capable d'avoir un catalogue des produits vétérinaires?

M. LA ROCQUE: M. Paul, me permettez-vous de lire ici une lettre envoyée à l'un de nos membres?

M. PAUL: Lisez-la et je vais suivre le texte. M. LA ROCQUE: Vous l'avez?

M. PAUL: Non, mais j'aimerais que ce soit inscrit au journal des Débats, c'est pourquoi je vous ai posé la question.

M. LA ROCQUE: Je vous remercie. Est-ce que je puis nommer la compagnie également?

M. PAUL: Si vous voulez faire de la publicité. De toute façon, cela n'aura pas beaucoup d'influence sur les patients.

M. LA ROCQUE: Disons-le franchement. La compagnie Werck, Shapr & Dohme, en date du 17 août 1972, adresse à l'un de nos membres, pharmacien en règle, la lettre suivante: "Cher monsieur,

Faisant suite à votre lettre du 15 août dernier nous demandant de vous faire parvenir notre catalogue de produits vétérinaires, nous regrettons de ne pouvoir vous faire parvenir ce catalogue étant donné que ces produits ne sont vendus que par l'entremise de vétérinaires actifs.

Nous vous remercions bien sincèrement de l'intérêt que vous portez à nos produits. Vos tout dévoués, etc. "

M. PAUL: M. La Rocque, est-ce que votre association ou le Collège des pharmaciens a l'intention de faire des représentations auprès de cette compagnie et d'autres qui se spécialisent dans la fabrication de produits vétérinaires?

M. LA ROCQUE: Je vous avoue ne pas pouvoir vous répondre puisque cette question doit nécessairement relever de notre conseil d'administration et de notre exécutif.

J'ai l'impression, tout au moins, qu'on va en discuter.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: M. le Président, M. La Rocque est sûrement fatigué, il a fait une grosse journée, vous me permettrez cependant, M. La Rocque, deux courtes questions. Je reviens à vos propos originaux de ce matin sur l'article 15 de la loi 250 où vous avez donné votre opinion sur la rédaction, la définition de ce que constitue l'exercice de la pharmacie. Vous avez fait des réserves, mais par contre, avez-vous un texte nouveau à nous soumettre? Dans la négative, dois-je conclure, et c'est purement au niveau théorique que vous avez soulevé le problème, qu'en fait ça ne vous cause pas préjudice?

M. LA ROCQUE: Oui, en fait, nous soumettons, à la page 35 du mémoire l'article 15 tel que nous voudrions le voir écrit: "Constitue l'exercice de la pharmacie tout acte qui a pour objet d'analyser les effets des médicaments chez un être humain, de les lui fournir et de lui donner des conseils sur leur utilisation et leur consommation." Je ne dis pas que cette définition nous satisfait pleinement, parce qu'après qu'on l'eut rédigée, ça fait déjà quelques mois, d'autres éléments sont venus s'ajouter à ça. Mais vous remarquerez cependant que l'on ne relie pas l'exercice de la pharmacie à un objet, à la fourniture d'un bien, on dit tout acte. D'ailleurs quand vous remarquez le code des autres professions, on parle d'actes, c'est ça qu'est un professionnel.

M. VEZINA: Vous voulez vous rattacher à l'acte professionnel qui est posé par le pharmacien.

M. LA ROCQUE: C'est d'abord un acte intellectuel qui peut ou ne peut pas se traduire par un acte matériel. Essentiellement c'est ça.

M. VEZINA: D'accord. Maintenant, je veux revenir sur des propos que vous avez tenus et avec lesquels je vous dirai bien honnêtement que je ne suis pas d'accord, quand vous nous avez parlé des tranquillisants et que vous nous avez référé à ce réputé pharmacologue qui associait ce malheureux besoin de tranquillisants à la dimension sociale que voulaient se donner les gens ou autrement. Vu votre expérience pratique et celle de vos membres, ne serait-il pas plus exact d'affirmer que l'immense volume des tranquillisants qui peut circuler au Québec ce n'est pas du tout rattaché au phénomène des gens qui veulent se donner une dimension ou une allure sociale acceptable mais bien plus à cette espèce de besoin que l'on rencontre de plonger — le mot est un peu fort, je vous le concède au départ — dans le monde de la drogue et des feelings, des speeds, etc. et qu'à ce moment-là, les pharmaciens comme tels qui ont ce contact quotidien dans l'exercice de leur profession avec les consommateurs de ces pilules ont un rôle social très important à jouer. Ne seriez-vous pas plus d'accord avec cette théorie-là qu'avec celle de votre pharmacologue?

M. LA ROCQUE: Remarquez bien ici que je n'ai pas tenté de vous laisser croire que c'était l'unique raison. En fait, ce n'est même pas une raison scientifique et je pense bien que le pharmacologue, en tant que pharmacologue, ne donnerait pas une telle opinion s'il avait à déposer devant la commission. Nous constatons seulement que dans la pratique les gens qui consomment le plus de tranquillisants ont tendance évidemment, d'une part, à oublier leurs soucis quotidiens, à se trouver une échappatoire, c'est fort possible, je ne les juge pas, remarquez bien, mais aussi il y en a chez certains qui aiment l'effet du tranquillisant, ils se sentent moins gênés, plus détendus, plus confiants, dans une certaine mesure, ou encore ça ralentit leur activité alors que souvent ils sont peut-être portés à être un peu trop actifs.

M. VEZINA: Mais vous ne me dites pas que quelqu'un qui arriverait dans une officine de pharmacien, qui dirait: Vous savez, je suis très timide, je suis très gêné, vous allez me donner un peu d'opium ou je ne sais pas trop, vous allez dire: C'est une excellente idée et nous allons en prendre. C'est évident que non.

M. LA ROCQUE: Non, c'est évident.

M. VEZINA: Bon. Alors, je vous demande ceci: Ne trouvez-vous pas qu'il y a une dimension sociale qui se rattache à votre profession, indépendamment du côté strictement professionnel concernant ce problème immense? Vous avez cité le président Nixon tantôt, nous ne sommes pas tellement loin des Etats-Unis, ce n'est pas complètement séparé, à ce point de vue là, alors, ne pensez-vous pas qu'il y a un rôle social très important, notamment chez les jeunes qui se promènent à gauche et à droite avec des pilules, qui en prennent en contrevenant.

Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un rôle social qui appartient au pharmacien comme professionnel de la santé?

M. LAROCQUE: Vous avez parfaitement raison et c'est pour cela que toute notre intervention se situe au niveau d'une nouvelle dimension de la pharmacie que l'on veut instaurer. On ne veut pas perpétuer ce qui a déjà existé en y apportant certains correctifs ou peut-être certains éléments qui ne visent, en somme, qu'à réduire les coûts, qu'à favoriser

l'accès aux services et à susciter la libre concurrence. Au contraire, nous avons, comme vous le dites et je suis heureux que vous l'affirmiez, un rôle social, une responsabilité envers la nation. Nous sommes d'abord conscients de tous les problèmes que suscitent les médicaments. Nous devons aussi être le rempart contre cette publicité exessive et cette psychose du médicament où on tente de régler tous ses problèmes en prenant des médicaments.

Je crois aussi qu'en tant qu'adultes nous avons une grande responsabilité parce qu'inconsciemment nous absorbons des quantités astronomiques de médicaments d'une façon très légale. On consomme des laxatifs, des analgésiques, il y en a dans toutes les pharmacies de toutes les maisons. Nos jeunes ont été élevé dans cette mentalité, ils voyaient leurs parents ingurgiter force médicaments et en tramaient dans toute la maison. On fait de la publicité, on donne allégremment aux enfants, sous forme de bonbons vitaminés, des solutions agréables à prendre; tout concourt à rendre accessible et potable l'administration des médicaments. Autrefois, si vous vous souvenez, lorsqu'on était petit, lorsqu'on feignait d'être malades, notre maman nous disait: D'accord, si tu es malade, tu vas prendre une cuillerée à soupe d'huile de ricin. Si on restait couché, c'est qu'on était vraiment malade. Pas aujourd'hui. Aujourd'hui, on va dire: Quel parfum aimes-tu le mieux? Est-ce que c'est une saveur de framboise, de chocolat et tout ça? On rend ça tellement accessible, c'est incroyable. Je crois qu'en tant qu'adultes nous avons une responsabilité. Il est temps qu'on commence à mettre en branle des mécanismes visant tout au moins à corriger la situation et ne pas la laisser empirer. C'est le rôle du pharmacien.

M. VEZINA: Pour ma part, je peux vous dire que je suis contre les pilules.

M. LE PRESIDENT: Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, au nom de la commission, je veux remercier l'association. M. le ministre veut savoir s'il y a quelque chose contre le mal de tête. On vous remercie de votre présentation. Il reste encore cinq groupes qui doivent présenter leur mémoire aujourd'hui. Normalement, on finit à six heures. Mais il est cinq heures et demie, ça ne vaut pas la peine de commencer avec un autre groupe. La seule chose qu'on peut faire, c'est de donner à ces cinq groupes la préférence pour jeudi matin. On va commencer par l'Association professionnelle des pharmaciens salariés, jeudi matin, et on suivra la liste qu'on a ici avant de commencer celle de jeudi.

La séance ajourne ses travaux à jeudi, dix heures.

(Fin de la séance à 17 h 28)

Séance du jeudi 24 août 1972

(Dix heures quinze minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale des corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Avant d'entendre les organismes qui doivent être entendus aujourd'hui, nous allons procéder avec l'Association professionnelle des pharmaciens salariés. Mlle Agathe Shooner.

Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec

MLLE SHOONER: M. le Président, M. le ministre, messieurs. L'Association professionnelle des pharmaciens salariés est une association à charte syndicale, dont les buts sont l'étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et professionnels de ses membres.

Nous vous remercions de nous permettre, pour la troisième fois, de nous présenter devant vous. Nos revendications, lors du projet de loi no 69, ont été quelque peu fructueuses. Lors du projet de loi no 65, nous avons obtenu légalement, puisque nous y étions le seul groupement pharmaceutique, la présence du pharmacien dans les CLSC. Mais, pour le moment, dans les centres où le public et le conseil d'administration exigent le pharmacien, il nous est impossible d'obtenir un budget du gouvernement.

Tout de même, ce matin, nous sommes ici, pleins d'espoir, assurés que le gouvernement nous obtiendra une corporation, où les administrateurs seront d'abord élus démocratiquement, et qui protégera, par la suite, la santé publique.

Je vous présente maintenant M. René Dubois, président fondateur de notre association, qui, à cause de son expérience comme inspecteur et gouverneur au Collège des pharmaciens, saura davantage vous exposer les recommandations des pharmaciens salariés concernant et le code des professions et la Loi sur la pharmacie.

M. DUBOIS: Loi sur la pharmacie, projet de loi no 255. Dans notre exposé sur la loi sur la pharmacie, nos suggestions tendent à assurer une protection maximum au consommateur et à faciliter l'accomplissement des buts premiers du législateur dans la formation d'une nouvelle corporation, soit la protection du public et le contrôle de l'exercice de la profession.

La répartition strictement régionale, telle que proposée dans le projet de loi actuel, place inévitablement les pharmaciens salariés, les pharmaciens d'hôpitaux, les enseignants et les pharmaciens oeuvrant dans l'industrie dans une situation d'infériorité qui rend leur nomination quasi impossible au niveau du bureau. Et pourtant, à cause du caractère commercial de la profession au niveau de l'officine, ils demeurent les moins sujets aux conflits d'intérêts qui peuvent surgir entre les administrateurs et leurs biens particuliers dans l'application intégrale de la loi. Même que le système forcerait ces pharmaciens à tolérer ces conflits advenant leur élection par occasion.

Pour le salarié, cette situation est encore plus évidente, puisqu'un changement ou une perte d'emploi, facteur vital pour lui, peut l'obliger à abandonner son poste de directeur.

En pharmacie, plus qu'ailleurs, nous croyons qu'il y a nécessité d'assurer, au niveau des administrateurs, une représentation à la fois régionale et sectorielle des pharmaciens.

La proportion 10-1-1-2-6, telle que suggérée, nous paraît la plus équitable parce qu'elle évite tout contrôle de la profession par quelque secteur que ce soit.

A notre avis, l'article 15 qui traite de l'exercice de la pharmacie ne protège pas suffisamment le consommateur parce qu'il ne précise pas les responsabilités du pharmacien dans l'accomplissement de son acte. La simple fourniture d'un médicament devient strictement mercantile si le pharmacien ne prend pas les renseignements nécessaires pour juger de l'opportunité de fournir le médicament et s'il ne prévient pas le patient des précautions à prendre avec le médicament fourni.

Ces responsabilités déterminées, il y aurait lieu d'assurer davantage la protection du public en spécifiant l'exclusivité du pharmacien dans les tâches qu'elles déterminent: les renseignements d'usage du médicament, l'information pharmaceutique, l'étude pharmacologique du dossier-patient et le contrôle des médicaments.

Article 16. Notre position sur la vente des médicaments par des médecins est assez explicite dans le texte qui vous a été remis. Nous ne nous opposons pas à la fourniture de médicaments par des médecins dans des circonstances spéciales, lorsqu'un pharmacien n'est pas disponible. Mais, dans le but d'intéresser les pharmaciens à pratiquer dans les milieux ruraux, pour assurer de meilleurs services, nous croyons que cette autorisation spéciale devrait être refusée â l'intérieur d'un arrondissement de 20 milles d'une pharmacie et qu'elle ne devrait pas donner lieu à un droit acquis advenant l'établissement d'un pharmacien.

D'ailleurs, un projet de réglementation en ce sens a déjà été approuvé par le Collège des médecins, il y a quelques années, en collaboration avec le Collège des pharmaciens.

L'article 17. Institutions. Nous n'avons pas d'objection à ce qu'il y ait des pharmacies dans les institutions, bien au contraire; nous ne concevons pas, par exemple, que des CLSC puissent fonctionner sans pharmacie. Ce qui nous rend pour le moins perplexes, c'est qu'on veuille perpétuer la dangereuse tolérance actuelle vis-à-vis des institutions qui exploitent des pharmacies sans pharmacien. C'est toute la Loi sur la pharmacie qu'on renie pour protéger des institutions au détriment d'un public pour qui les services pharmaceutiques sont encore plus indispensables puisqu'il s'agit de patients dont

la santé est plus fragile et, donc, plus sensible aux effets secondaires du médicament.

Est-ce l'intention du législateur d'éviter au gouvernement les responsabilités que lui impose la protection de la santé publique en n'assurant pas dans ces institutions de véritables services pharmaceutiques et d'éviter, en même temps, le contrôle de la qualité de ces services par l'organisme qu'il met lui-même sur pied à cet effet? Nous avouons n'y rien comprendre.

L'article 34. Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de conserver dans le texte de loi l'article 34.

L'interprétation de cet article doit, cependant, être sans équivoque, surtout si on fait un rapprochement avec l'article 15 qui traite de l'exercice de la pharmacie. Si l'exercice de la pharmacie est la fourniture d'un médicament, avec ou sans prescription, il semblerait que l'interprétation de service pharmaceutique, tel que cité à l'article 34, pourrait prendre le même sens et, de ce fait, un acte pharmaceutique pourrait être accompli par un non-pharmacien, pour autant qu'il le soit sous le contrôle et la surveillance constante du pharmacien. Nous ne croyons pas qu'il soit dans l'esprit du législateur de donner à cet article une telle interprétation. Il faudrait alors préciser le sens de "service pharmaceutique" ou, en éliminant cette expression, assurer tout simplement par cet article la présence d'au moins un pharmacien lorsqu'une pharmacie est accessible au public. Les services et les devoirs du pharmacien demeureraient suffisamment précisés par l'article 15 tel que nous l'avons suggéré. Ceci a déjà été approuvé par le Collège des médecins, il y a quelques années, en collaboration avec le Collège des pharmaciens.

Ce sont les seuls points, dans le moment, que nous vous soulignons sur le projet de loi 255, mais vous remarquerez qu'il y a d'autres points que nous avons soulignés dans notre mémoire. Il nous fera plaisir de répondre autant sur les autres points que sur ceux que nous venons de préciser.

Sur le code des professions, projet de loi no 250. Dans l'étude que nous avons faite sur le bill 250, nos déductions font suite à notre expérience en milieu pharmaceutique et aux efforts que nous avons déployés depuis quelques années pour réformer par l'intérieur les structures actuelles de notre corporation. Nous serions déçus si le législateur, à la suite des efforts qu'il déploie pour la protection du consommateur par l'établissement d'un code des professions et la refonte des lois des corporations, aboutissait malgré sa bonne volonté au même point de départ, au statu quo actuel inacceptable.

Il serait déplorable, en effet, si, par manque de structures suffisamment rigides, certains professionnels réussissaient à contourner le bill 250 pour protéger leurs propres intérêts au détriment du bien public.

Sur l'Office des professions. Les profession- nels nommés à cet office pour exercer les pouvoirs qui leur sont conférés devront déterminer l'efficacité de chacune des 34 corporations formées par le présent code. En conséquence, ces professionnels devront être en mesure de juger les services que chacune d'elles doit rendre au public. C'est pourquoi nous suggérons un rapprochement entre tous les représentants du gouvernement avec cet office pour l'éclairer sur les lacunes à corriger ou en aviser le lieutenant-gouverneur en conseil s'il y a lieu.

Le Conseil interprofessionnel du Québec. Il faut considérer que la formation du CIQ actuel, il y a quelques années, n'avait d'autre but que de planifier les divergences entre les différents corps professionnels et d'unir les forces de tous ces professionnels contre l'ingérence possible de l'Etat, un front commun quoi! Il ne faut pas se surprendre par conséquent que les suggestions qu'il a apportées ici sur le code des professions ait été une tentative d'amoindrir la portée des mesures de surveillance que l'Etat prévoit se donner au niveau des corporations.

Vos remarques sur ce conseil, lors de l'ouverture de cette commission, ont sans doute surpris les membres de plusieurs corporations actuelles. Ces remarques, puisqu'elles ont dû être faites, vous feront comprendre pourquoi nous sommes un peu perplexes devant la consécration officielle du CIQ tel que proposé. Nous sommes pleinement d'accord sur les vues du législateur et notre suggestion n'en demeure que plus valable, soit une représentation d'administrateurs nommés par le gouvernement pour chaque corporation à ce conseil interprofessionnel.

Comité paritaire. A notre sens, ce comité sera l'outil nécessaire en ce qui regarde les professionnels de la santé, à la Régie de l'assurance-médicaments, pour corriger les abus de certains membres dans la présentation de leurs comptes. Comme nous l'avions mentionné lors de nos représentations au comité consultatif formé par la régie en 1970, la corporation ne pourra pas jouer adéquatement ce rôle si les même personnes sont à la fois négociants pour leurs électeurs et protecteurs du bien public.

C'est pourquoi nous suggérons que le secrétaire et le syndic, de par leurs fonctions, siègent à ce comité et qu'un troisième membre, nommé par le bureau en dehors de ses propres cadres, représente ce dernier.

Le huis-cols. En dehors des cours juvéniles, nous ne connaissons pas de cour où les délibérations se font à huis clos, si ce ne sont les bureaux de discipline des corporations professionnelles.

Ce huis clos ne peut servir qu'à protéger les intérêts personnels d'individus fautifs dans l'accomplissement de leurs obligations professionnelles. Nous concevons la possibilité du huis clos lorsqu'il y aurait risque d'atteinte au secret professionnel. En dehors de cette exception, c'est rendre un bien mauvais service aux con-

sommateurs et aux professionnels conscients de leurs devoirs.

De plus, le code des professions ne prévoit pas l'interdiction du huis clos dans les autres occasions. Est-ce à dire que le lieutenant-gouverneur en conseil, l'Office des professions et les membres des corporations ne pourront pas être renseignés sur les délibérations des administrateurs lorsque ces derniers auront à étudier la réglementation prévue aux articles 83, 84, 85 et 87 et, bientôt, la révision des règlements actuels? Sans une clause spéciale défendant le huis clos aux assemblées du bureau, nous risquons, comme par les années passées, l'adoption de minirèglements, de minimesures qui ne feraient qu'amoindrir l'application des lois actuelles nécessaires au bon fonctionnement des corporations et à la réalisation de leur fonction même qui est — je le répète — la protection du public et le contrôle de l'exercice des professions.

Les élections. En ce qui concerne l'élection des administrateurs, nous avons plusieurs remarques importantes parce que nous considérons que, de la qualité des personnes élues, va dépendre toute l'efficacité de l'application de la loi. Il devient donc une nécessité de prendre les mesures nécessaires pour éviter les abus que permettent la votation par correspondance et l'obligation pour l'électeur de voter pour un groupe de candidats. Notre mémoire et les appendices 4 et 5 parlent suffisamment d'eux-mêmes pour vous éclairer sur la situation qui existe en pharmacie.

Si nous vous apportons ces éclaircissements, c'est que nous aimerions que vous préveniez ces abus possibles dans toutes les corporations. Pour démocratiser les élections, en faciliter l'organisation et diminuer les coûts, nous suggérons que les élections soient tenues en même temps et le même jour pour toutes les corporations, que des bureaux de scrutin soient tenus dans toutes les villes importantes du Québec, que l'Office des professions soit responsable de la tenue de ces élections et confie le travail à une société de fiducie et, enfin, que les élections soient tenues immédiatement après l'assemblée générale.

Cette conception de l'élection est peut-être nouvelle en ce qui regarde les corporations mais c'est la seule manière, à notre avis, de permettre une représentation démocratique des électeurs.

Pourriez-vous concevoir, par exemple, un vote par correspondance réparti sur plus de quinze jours dans une municipalité ou au niveau de l'Etat du Québec sous prétexte que c'est trop d'embarras pour un électeur de se déplacer le jour du vote? A combien de réglementations sont sujettes les lois électorales pour éviter les abus et rendre le système démocratique et honnête? Nous ne croyons pas qu'il existe encore des professionnels qui soient dans l'impossibilité, une fois par quatre ou par deux ans, de prendre une heure de leur temps pour élire un candidat de leur choix au bureau et en toute connaissance de cause.

Depuis que vous avez établi la pratique des commissions parlementaires, vous avez remarqué que, dans chaque profession, plusieurs associations viennent, à tour de rôle, vous donner leurs opinions. Qui aurait pensé, par exemple, que chacune des corporations professionnelles actuelles ne puisse représenter ici même tous ses membres? Les temps ont changé et, dans chacune des professions, il y a des professionnels salariés qui voient différemment la protection du public et le contrôle de l'exercice de la profession.

Chaque corporation a les mêmes difficultés à retenir ses membres pour qu'ils fassent front commun. Le phénomène se répète partout en comptabilité, en médecine, en droit, en architecture, en dentisterie, en pharmacie, pour ne nommer que ceux-là.

En génie, la corporation des ingénieurs a déjà pallié la situation en demandant la représentation de différents secteurs à son conseil d'administration.

La représentation régionale, telle que vous la préconisez à l'article 65, est aussi une nécessité mais nous croyons qu'à elle seule elle est aujourd'hui dépassée.

On a déjà souligné ici qu'il ne faut jamais perdre une chose de vue, c'est que le collège et les syndicats médicaux, c'est la même chose. Ce sont les mêmes membres. Alors, il est difficile de penser que les mêmes vont avoir deux pensées, une à gauche et une à droite. M. Cloutier, à la même occasion, soulignait que les mêmes personnes doivent prendre des chapeaux différents.

Donc, pour corriger cette situation, nous aimerions qu'au niveau des administrateurs des corporations, les personnes ne portent pas toutes le même chapeau. C'est pourquoi nous croyons qu'au niveau de plusieurs corporations, une représentation par secteur d'activités serait plus conforme à la réalité, tout en assurant une meilleure réalisation des buts par le code des professions. Il est donc nécessaire que le code des professions non seulement permette une telle représentation, mais y assujettisse les corporations où ces différents secteurs pourraient exister.

Quant à la représentation du consommateur par des nominations gouvernementales, nous croyons qu'elle ne devrait pas se limiter à une simple surveillance des corporations dans l'accomplissement de leurs obligations. Le rôle de ces représentants devrait être plus positif et d'autorité représentative du consommateur, suffisante pour influencer et éclairer souvent les professionnels sur les besoins du consommateur.

Si nous insistons dans notre exposé pour rendre cette représentation majoritaire, c'est un peu parce que nous croyons qu'à certaines occasions elle ne pourrait pas être aussi efficace qu'on le voudrait quant à la protection du consommateur. C'est pourquoi nous aimerions vous suggérer ici une formule plus souple au niveau du code des professions quant au nom-

bre de nominations en rendant cette représentation minimale plutôt que maximale et en permettant à l'occasion de l'augmenter selon la conjoncture.

Le choix de ces administrateurs devrait aussi répondre à des critères de représentativité et de qualité. C'est pourquoi, au niveau des professionnels de la santé, nous verrions d'office siéger aux bureaux un représentant du ministère des Affaires sociales, un représentant de la régie de l'assurance-maladie et un représentant des services de santé des villes de Montréal ou de Québec. Enfin, toutes les corporations devraient pouvoir profiter des services d'un représentant du ministère de la Justice pour renseigner les administrateurs quant à l'interprétation de leur loi respective et de celle des autres, s'il y a lieu.

Inspection professionnelle. Pour nous, le fait que deux membres sur trois soient nommés par le bureau et rémunérés par lui est déjà une ingérence sérieuse sur l'autonomie même de ces inspecteurs. Certaines corporations, par exemple, possèdent déjà un comité juridique formé de deux ou plusieurs gouverneurs qui dirigent trop souvent l'inspecteur-chef vers des causes politiquement rentables.

Le comité juridique deviendra-t-il le comité d'inspection? C'est pourquoi nous suggérons qu'il ne devrait pas être permis à un membre du. bureau de faire partie de ce comité. Les deux membres nommés par le bureau ne devraient pouvoir être destitués que conformément à l'article 61 de la loi de la fonction publique; les politiques d'inspection devraient être décidées par ce comité et approuvées par l'Office des professions et non par le bureau; le comité devrait être tenu d'informer le syndic des constatations faites lors des inspections.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'Association des pharmaciens salariés pour son sérieux mémoire. Je crois que les points soulevés l'ont été d'une façon claire. Je me limiterai à un seul commentaire. C'est un commentaire à la suite de la question que pose l'association quant à l'absence de dispositions obligeant les institutions hospitalières à avoir à leur service un pharmacien.

Je voudrais simplement rappeler, d'abord, que les hôpitaux, de façon générale, sont des institutions qui ont évolué avec les années, qui sont structurées et que, par conséquent, nous sommes dans un milieu généralement bien organisé, où il y a un conseil d'administration, où il y a un directeur général, où il y a un conseil des médecins et dentistes et où il y a un conseil des professionnels.

La loi prévoit la formation de comités, l'obligation de maintenir des dossiers, etc. Tout ceci est dans le but d'assurer une protection générale au patient qui reçoit des services, soit en étant hospitalisé ou dans les services d'urgence ou les services externes de l'hôpital. Je ne crois pas qu'au moment où la loi 65 a été étudiée, de façon générale, il soit venu à l'esprit d'exiger, par exemple, que certains types d'actes soient nécessairement effectués par certains types de professionnels et que ceci soit inscrit dans la loi. Il va de soi que, le milieu étant organisé, il ne nous semble pas nécessaire d'entrer dans tous ces détails, d'autant plus qu'à l'expérience, au cours des années, il ne semble pas que dans ce milieu, des problèmes majeurs se soient développés par l'absence de telles dispositions, par exemple dans l'ancienne loi des hôpitaux. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu entrer dans tous ces détails. Nous croyons que tout hôpital qui a un souci de s'améliorer, de mieux fonctionner, visera et doit viser, évidemment, à avoir une équipe aussi compétente et aussi complète que possible pour donner les services que l'institution distribue.

Nous avons toutefois prévu qu'au besoin les services hospitaliers puissent dispenser des médicaments par la voie de leur organisation.

Et évidemment, encore là, il me semble que le sens commun indique qu'il doit y avoir un pharmacien pour la population lorsqu'il n'y a pas de pharmacie d'officine dans la région ou encore de centre local de services communautaires.

Mais nous n'avons pas cru nécessaire d'aller plus loin et d'entrer dans des détails plus spécifiques; c'est la raison pour laquelle nous ne retrouvons pas cette disposition. Cela n'est pas un désir du gouvernement de protéger d'une façon exagérée les pharmaciens d'officine et de minimiser l'importance des centres hospitaliers; ce sont plutôt les considérations que je viens d'énumérer qui font en sorte que nous nous en sommes tenus à des dispositions relativement analogues aux dispositions de l'ancienne Loi des hôpitaux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mlle Shooner ou M. Dubois, est-ce que vous pourriez nous donner certaines statistiques sur l'importance en nombre de votre association?

MLLE SHOONER: L'Association des pharmaciens salariés groupe environ 265 membres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sur combien de pharmaciens?

MLLE SHOONER: Les statistiques de la régie, le fichier du service de l'inscription de la direction des opérations-médicaments au 26 avril, montrent qu'il y a 994 pharmaciens propriétaires et 1,047 pharmaciens en service. Mais je crois que nous devons dire que notre association est du bénévolat et ne donne aucun

avantage financier aux membres. C'est ce pourquoi, je crois, nous n'avons pas encore la majorité des pharmaciens salariés.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a une indication à l'effet que votre effectif rémunéré à salaire augmenterait par rapport à l'ensemble de la profession des pharmaciens? Est-ce qu'il y a eu une augmentation?

MLLE SHOONER: C'est la première fois, je crois, qu'il y a une majorité de pharmaciens non propriétaires. Mais la proportion exacte de pharmaciens en service à l'officine, je ne pourrais pas la donner, c'est le collège qui aurait les chiffres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous croyez qu'il y aura une augmentation assez rapide de pharmaciens salariés par rapport à l'effectif total? Est-ce que vous désirez que ce soit comme ça?

MLLE SHOONER: Oui, nous aurions plus de force. Mais il s'agit tout simplement d'avoir le temps.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez insisté sur les articles 15 et 34. Vous dites dans votre mémoire: "La simple fourniture d'un médicament devient strictement mercantile, si le pharmacien ne prend pas les renseignements nécessaires pour juger de l'opportunité de fournir le médicament et s'il ne prévient pas le patient des précautions à prendre avec le médicament fourni."

Est-ce que dans les fonctions de pharmacien salarié — peut-être que c'est plus courant dans une officine — vous prenez cette liberté d'aller aussi loin que ça, d'assumer toutes vos responsabilités?

M. DUBOIS: Disons qu'en pratique le pharmacien dans une pharmacie, quand il peut avoir cette occasion de donner les renseignements voulus à chaque fois qu'un patient achète des médicaments, il le fait. Mais la raison pourquoi nous voudrions spécifier par l'article 15 ces responsabilités du pharmacien, c'est que souvent ce sont des tâches qui sont négligées dans la pharmacie d'officine; soit pour la raison que souvent la loi est mal appliquée, qu'il n'y a même pas de pharmacien dans une pharmacie lorsqu'elle est accessible au public, ou soit que le personnel qui est nécessaire tout de même en pharmacie et qui sert les clients au comptoir, en cosmétiques, etc. se permet de donner des renseignements qui, à notre avis, ne sont pas toujours justes et qui reviennent de droit et de nécessité, et pour le bien du patient, au pharmacien.

Si vous entrez dans une pharmacie, avant de pouvoir retracer le pharmacien, souvent c'est assez difficile et vous allez être porté à vous adresser au comptoir et dire: J'ai un mal de tête, que me suggérez-vous?

C'est une personne non qualifiée qui va vous dire: Prenez telle ou telle chose pour un mal de tête ou pour la grippe. Bien souvent ce n'est pas le renseignement qu'il vous faudrait; il faudrait vous diriger vers le médecin, par exemple. C'est le pharmacien qui peut, à quelqu'un qui lui demande un renseignement qui souvent peut paraître banal, pour un simple mal de tête, aider le patient à avoir de meilleurs soins que simplement essayer un produit ou un autre, que ce soit un produit breveté ou n'importe lequel.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il est souhaitable, dites-vous, que le pharmacien ne pose pas seulement un geste machinal de remplir une ordonnance, remettre une ordonnance à un patient, mais qu'il aille plus loin, qu'il fasse une interprétation...

M. DUBOIS: Qu'il aille plus loin, qu'il renseigne le patient, non seulement sur le médicament qui est donné dans l'ordonnance, mais sur le médicament que le client peut se procurer à cause des media de publicité dans lesquels il a une confiance énorme, se faisant bien souvent plus de tort que de bien.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'en pratique il n'existe pas certaines difficultés de communication dans le régime qui a été mis sur pied pour l'assistance-médicaments, à partir de la livraison de médicaments par courrier ou par un service qui va se faire dans différentes municipalités avoisinantes? Il n'y a pas de contact à ce moment-là, parce que c'est un livreur qui va porter la commande de médicaments.

M. DUBOIS: Oui, il est évident que l'idéal est que le patient s'adresse toujours directement lui-même à la pharmacie pour avoir le renseignement. Il reste que, quand le patient n'est pas là, le pharmacien a toujours la possibilité de communiquer par téléphone avec le patient pour lui donner certaines indications.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez parlé d'une entente qui serait intervenue déjà entre le Collège des pharmaciens et le Collège des médecins il y a quelques années. Vous vous référez particulièrement à l'établissement de pharmacies...

M. DUBOIS: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... est-ce que, à votre connaissance, cela a été rediscuté tenant compte des témoignages qui ont été apportés devant la commission parlementaire...

M. DUBOIS: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... et est-ce qu'il y a eu des progrès sensibles?

M. DUBOIS: Cette entente avait été conclue,

je crois, si je ne me trompe pas, en 1967 par les représentants du Collège qui avaient été plus loin parce qu'ils avaient signé l'entente dans le but de présenter par la suite une nouvelle réglementation au gouvernement, de faire des amendements à la loi. Mais probablement à cause de certaine précipitation et de la venue des nouvelles lois qui existent dans le moment, on a préféré laisser cela de côté et attendre que ce soit réglé avec ce projet-ci.

Si j'ai rappelé cette entente à ce moment-ci, c'est qu'il en a déjà été question dans une des commissions parlementaires, à savoir si le Collège des pharmaciens s'était déjà entendu avec le Collège des médecins au sujet de la vente des médicaments par les médecins. Le président d'alors, probablement parce que c'était un autre président et qu'il n'était pas tout à fait au courant, n'avait pas mentionné cette entente qui avait déjà été signée. Je crois qu'elle est intéressante, vu surtout qu'elle avait été acceptée par les deux parties.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, vous dites dans votre mémoire qu'un médecin ne doit être autorisé à fournir des médicaments que là où aucun pharmacien n'est pas disponible à vingt milles à la ronde. Ma question est la suivante: Est-ce que vous avez fait des études assez approfondies dans chacune des régions du Québec? J'ajoute, comme question supplémentaire: Combien cela nécessiterait-il de pharmacies dans la province?

M. DUBOIS: Vous avez plusieurs questions dans la même. Vous avez la question des vingt milles. On a établi vingt milles croyant qu'il est raisonnable pour toute pharmacie d'établir un service de livraison dans un rayon de vingt milles. Et peut-être plus, selon la région.

Combien de pharmaciens faudrait-il en province pour établir ce système-là? Nous ne l'avons pas établi, non plus. Je puis vous dire, cependant, qu'il a été maintes fois question, au Collège des pharmaciens, d'entreprendre une étude scientifique sur la répartition des pharmacies, sur la possibilité d'établir des pharmacies à l'extérieur, sur les populations que cela prendrait. En fait, il s'agirait d'une étude autant économique que professionnelle sur toute une répartition, mais cela n'a jamais été fait. Pour quelle raison? Je ne pourrais pas vous le dire, mais les projets ont toujours abouti à rien, faute de fonds nécessaires qui n'étaient pas alloués au comité en question qui projetait de faire ces études.

M. GUAY: Comme ce ne sont pas toutes les pharmacies qui font la livraison, vous concevez comme normal qu'un patient doive faire 40 milles, c'est-à-dire 20 milles pour aller et 20 milles pour revenir, afin de se procurer un médicament? Vos études n'ont pas été complétées, mais on a émis cette semaine, comme critère, un bassin de 8,000 de population. Ce critère, ajouté au vôtre qui est un critère de 20 milles en distance, serait-il respectable ou normal?

M. DUBOIS: Dans un arrondissement de 20 milles, puisque vous parlez d'une population de 8,000, sans pouvoir l'affirmer en économiste, parce que je n'ai pas les connaissances administratives pour vous le dire, je crois que ce serait suffisant, à condition que le pharmacien ait exclusivement la distribution de tous les médicaments, pour que le pharmacien puisse s'établir.

M. GUAY: Est-ce qu'on peut encore, avec des critères comme ceux-là, parler de la libre concurrence dont on a fait état mardi avec assez de vigueur?

M. DUBOIS: Oui, certainement, on peut parler de libre concurrence. Je crois vous voir venir; vous voulez en arriver à la question de zonage. Il ne s'agit pas d'établir un critère pour dire que, dans une région de 20 milles, il va y avoir une pharmacie et rien qu'une; ce n'est pas notre position. Notre position est à l'effet que, dans une région de 20 milles, lorsqu'il y a une pharmacie, les médecins ne devraient pas pouvoir s'inscrire au Collège des pharmaciens pour vendre leurs propres médicaments. Il ne devrait pas y en avoir.

M. GUAY: Pour ceux qui sont déjà inscrits, est-ce qu'on peut considérer cela comme un droit acquis?

M. DUBOIS: Non, je ne le considérerais pas comme un droit acquis. Il est possible, par une nouvelle loi, de dire tout simplement: La loi, maintenant, c'est ça. Vous avez eu le privilège de le faire pendant dix, quinze et vingt ans. Je pense qu'il n'est pas nécessaire que le gars puisse continuer à pratiquer.

M. GUAY: J'aime un peu moins le mot "privilège" parce que, dans bien des régions, c'était indispensable. Dernière question.

M. DUBOIS: Sur la question de privilège, je puis vous dire qu'avec l'expérience que j'ai eue comme inspecteur au Collège des pharmaciens c'était quasiment un privilège si on considère la foule d'abus qui se font dans la vente de médicaments par ces médecins qui ont des permis pour la distribution des médicaments, mais qui les font distribuer par leur servante, par leur secrétaire ou par leur femme, qui sont partis en vacances et chez lesquels on peut se procurer des médicaments à profusion. Il n'y a qu'à dire qu'on en a déjà eu.

M. GUAY: Je suis très heureux...

M. DUBOIS: Il faut penser aussi que, pour le médecin, il y a une question de piastres et de cents là-dedans qui l'intéresse bien gros.

M. GUAY: ... d'apprendre...

M. DUBOIS: Je ne le blâme pas, mais...

M. GUAY: ... en même temps que les pharmaciens sont des gens qui ne prennent pas de vacances. Ma dernière question, M. le Président...

M. DUBOIS: Non, je n'ai pas dit cela non plus. Il faudrait qu'ils en prennent plus.

M. GUAY : ... concerne le conflit d'intérêts.

MLLE SHOONER: Nous prenons des vacances, mais nous nous faisons remplacer par d'autres pharmaciens.

M. GUAY: Si on le souligne quand le médecin est en vacances, on pourra également le souligner quand le pharmacien sera en vacances. De toute façon, mon rôle est de poser des questions; je ne vous oblige pas à y répondre. Dernière question, M. le Président.

UNE VOIX: Le président a dit de se limiter aux questions intelligentes.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Pas de commentaires sur les questions.

M. GUAY: Vous mentionnez que l'interdiction de posséder un intérêt dans une industrie pharmaceutique ne s'applique qu'aux médecins qui rédigent les ordonnances. Pourquoi?

M. DUBOIS: C'est le médecin qui prescrit le médicament.

M. GUAY: Ce sera toujours lui.

M. DUBOIS: Oui, alors c'est lui qui ne doit pas avoir d'intérêt dans une compagnie particulière, c'est lui qui est en conflit d'intérêts, non pas le pharmacien; le pharmacien, il a l'ordonnance et il doit la remplir.

M. GUAY: Vous ditez: "ne s'applique qu'aux médecins qui rédigent les ordonnances". Est-ce que ça voudrait dire que ceux qui ne rédigent pas d'ordonnances pourraient posséder des intérêts?

M. DUBOIS: Non, aux médecins, parce que ce sont eux qui rédigent les ordonnances, disons que c'est le sens que nous voulions donner à notre texte.

M. GUAY: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Mademoiselle Shooner, tantôt vous nous avez... Oui, je vais me limiter à des questions intelligentes. C'est d'ailleurs pour ça que je n'en poserai pas beaucoup.

M. VEZINA: Cela va être différent de mardi.

M. BURNS: Je n'étais pas ici mardi.

Mademoiselle Shooner, vous nous avez cité des chiffres, quelque 900 pharmaciens propriétaires et un peu au-delà de 1,000 non-propriétaires. Est-ce que dans ce chiffre de non-propriétaires, vous incluez les personnes mentionnées à la page 4 de votre mémoire, quant à la représentation sectorielle, c'est-à-dire les pharmaciens de l'enseignement, les pharmaciens de l'industrie?

MLLE SHOONER: Tous ceux qui ne sont pas propriétaires sont compris dans ce chiffre.

M. BURNS: Dans ce chiffre-là. MLLE SHOONER: Oui.

M. BURNS: Actuellement, au Collège des pharmaciens, quelle est la proportion de ces gens au bureau comme administrateurs?

MLLE SHOONER: Des propriétaires? M. BURNS: Des non-propriétaires.

MLLE SHOONER: Des non-propriétaires, des pharmaciens salariés, il n'y en a aucun dans l'administration.

M. BURNS: Il n'y en a aucun?

MLLE SHOONER: Il n'y en a aucun. Il y a des pharmaciens d'hôpitaux, deux je crois, à peu près, oui parce qu'il y en a un qui ne s'est pas présenté, et c'est tout.

M. BURNS: Sur combien?

MLLE SHOONER: Il y a une pharmacienne, Mme Chevalier, et tout le reste ce sont des propriétaires.

M. BURNS: Sur combien? MLLE SHOONER: Sur 17.

M. BURNS: Alors, cela veut dire que vous auriez trois salariés sur 17 actuellement.

MLLE SHOONER: Oui, attachés à l'hôpital.

M. BURNS: Alors que votre proportion est au-delà de 50 p.c.

Ma question suivante, je la pose plutôt à M. Dubois parce que vous avez commencé à répondre là-dessus. Vous nous avez parlé d'une entente avec le Collège des médecins quant à la fourniture de médicaments par les médecins. Est-ce que c'est suivi actuellement en pratique ou si ce ne l'est pas?

M. DUBOIS: Elle n'a jamais été mise en application.

M. BURNS: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser quelques questions à M. Dubois. La première aux fins de savoir si votre association est en négociation actuellement avec les propriétaires de pharmacie ou avec les institutions?

M. DUBOIS: Je vais vous dire un peu ce qui arrive dans la négociation. Notre première approche avec le syndicat des propriétaires pour négocier a été de vouloir négocier la question des tâches du pharmacien. Nous avons toujours été beaucoup plus préoccupés par le statut professionnel du pharmacien que par son statut financier.

Quant à la question des tâches du pharmacien, il s'agissait, pour nous, de faire approuver par le syndicat des propriétaires un mémoire que nous avions déjà présenté aux députés, MM. Cloutier et Boivin, et de leur faire accepter officiellement ce mémoire.

Nous avons écrit officiellement à deux ou trois reprises et nous ne recevions même pas de réponse ou d'accusé de réception. Après un an et demi d'attente, nous avons fini par rencontrer le syndicat des propriétaires qui a approuvé nos revendications, qui a dit qu'en principe tout était parfait, que c'était très bien, que c'était bien ça les tâches du pharmacien mais ils n'ont jamais voulu accepter de signer officiellement le document. Les négociations s'en sont tenues là depuis ce temps.

MLLE SHOONER: ... aucune nouvelle.

M. PAUL: Est-ce qu'elles sont encore en cours actuellement? Continuez-vous les négociations ou si c'est tombé.

M. DUBOIS: C'est tombé complètement.

M. PAUL: Votre association prêche-t-elle encore l'abolition du Collège des pharmaciens?

M. DUBOIS: Nous avons prêché l'abolition du collège en tant que système.

M. PAUL: Est-ce par souci du statut professionnel du pharmacien?

M. DUBOIS: C'est par souci du statut professionnel du pharmacien et par souci d'une application réelle de la loi. On a toujours considéré que le collège ne faisait pas les efforts voulus pour qu'il y ait des pharmaciens dans les pharmacies. Un des gros points c'est que, si la loi était appliquée intégralement, il s'ensuivrait probablement que plusieurs pharmacies dans les grands centres — où il y a d'ailleurs trop de pharmacies — devraient fermer leurs portes parce qu'elles ne seraient pas capables de payer les services d'un pharmacien. Tout de même, beaucoup de ces gens-là ou la majorité de ces pharmaciens qui ont de la difficulté actuellement seraient fiers de voir la loi appliquée réellement parce qu'il y aurait de la demande pour des pharmaciens dans d'autres pharmacies. Ils pourraient se grouper pour avoir une pharmacie rentable et établir des pharmacies professionnelles.

M. PAUL: C'est pour ça que vous prêchez ou prônez l'idée que les syndicats pharmaceutiques seraient mieux placés pour établir un code de déontologie?

M. DUBOIS: On tombe dans tout un contexte qui était notre mémoire sur l'abolition du collège. Tout ça tombe dans un ensemble. On établissait qu'à ce moment-là ce serait un code de déontologie par les syndicats parce qu'on donnait les responsabilités de l'application de la loi à des personnes qui ne seraient même pas pharmaciens. On demandait tout simplement une régie qui s'occuperait de l'application de la loi et des pharmaciens qui s'occuperaient de régler la question de déontologie et le reste.

M. PAUL: Quels pourraient être les critères sur lesquels vous vous baseriez ou sur lesquels les syndicats pharmaceutiques se baseraient pour établir qu'un pharmacien ne pratique plus d'une façon rentable ou profitable pour le public?

M. DUBOIS: Vous voulez dire qu'un syndicat établirait qu'un pharmacien n'a plus les capacités...

M. PAUL: Si je me réfère à votre mémoire, en parlant d'un code de déontologie établi par les syndicats pharmaceutiques, vous mentionnez que ce code prévoit l'exclusion ou la suspension de pharmaciens devenus incapables de pratiquer leur profession de façon profitable au public. Quelles pourraient être les raisons invoquées pour déclassifier ou exclure de la profession un de vos confrères?

Est-ce que c'est parce qu'à un moment donné il arrêterait d'être professionnel, dans toute l'acception du mot, dans la vente de produits autres que ceux de la pharmacie?

M. DUBOIS: Non. Parce qu'en même temps, dans le même projet, nous préconisons qu'il y

ait toujours des cours de recyclage. Si un pharmacien bloquait ses cours de recyclage, nous considérons qu'il debrait être rejeté et reprendre les examens. Il devrait étudier pour se remettre à jour.

M. PAUL: Cela amènerait la tenue d'examens à tous les trois ou cinq ans pour tous les pharmaciens?

M. DUBOIS: Oui, certainement.

M. PAUL: Je vous remercie, M. Dubois.

M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux vous remercier pour votre présentation.

M. DUBOIS: Si vous voulez me permettre, à la suite des remarques du ministre Castonguay au sujet des pharmacies et des pharmaciens dans les hôpitaux, je suis bien d'accord que, dans les hôpitaux qui sont dirigés et administrés par l'Etat, tout est fait en ce moment pour qu'il y ait des pharmaciens. Là où ça devient un peu plus inquiétant, c'est dans tous les petits centres privés pour vieillards ou pour enfants retardés ou dans la foule d'institutions privées qui existent où il se fait une distribution de médicaments qui est profitable pour ces institutions qui n'ont pas de pharmaciens ni de services pharmaceutiques.

Elles n'en veulent pas parce que ce serait trop dispendieux. Il n'y a aucune raison pour que des centres ne se procurent pis leurs médicaments chez des pharmaciens d'officine ou, s'ils sont suffisamment développés pour avoir dos pharmacies, qu'ils puissent exploiter une pharmacie. Je suis bien d'accord. Mais, d'après la loi sur la pharmacie, ils devraient être obligés d'avoir des pharmaciens.

M. LE PRESIDENT: Merci. Maintenant, nous allons entendre la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux du Québec.

Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux du Québec

M. COURCHESNE: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés...

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M.COURCHESNE: Mon nom est Yves Courchesne, président de la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux. Je suis accompagné des membres du conseil d'administration de la société professionnelle.

La société professionnelle désire remercier la commission parlementaire de bien vouloir la recevoir. Pour débuter, nous n'avons qu'une seule considération sur le bill no 250, à l'effet que nous approuvons ce que la Corporation des pharmaciens a déjà dit ici en regard du bill no 250. L'article 12 de ce projet de loi dit que "Le lieutenant-gouverneur en conseil place sous le contrôle de l'office, dans la mesure et suivant les conditions et modalités qu'il fixe, les corporations qui, d'après un rapport de l'office, présentent une situation financière déficitaire ou ont des revenus insuffisants pour remplir leurs obligations." On aimerait voir ajouter à cet article une petite phrase à la suite d'i mot "obligations": Ou si la corporation ne remplit pas adéquatement son rôle. Je pense que cela pourrait être une raison pour qu'une corporation soit en tutelle. Ceci termine nos considérations sur le bill no 250.

Nous voudrions, cependant, nous attarder quelque peu sur le bill no 255. Les projets de loi, en général, tendent à améliorer des situations déjà existantes, surtout en ce qui touche les corporations et les différentes professions au niveau de la santé et autres.

Nous avons bien étudié le projet de loi et nous avons présenté un mémoire. Il y a des points, toutefois, que nous aimerions faire ressortir ici. Le premier de ces points, c'est le rôle du pharmacien. A la commission parlementaire, mardi dernier, le ministre Castonguay a précisé sur ce point que le but du législateur, en déterminant le rôle de chacun des professionnels de la santé, était de déterminer dans la loi la juridiction exclusive rattachée à un professionnel en particulier. Dans le cas qui nous occupe, c'est le pharmacien.

Actuellement, l'article 15 prévoit que le pharmacien voit à la préparation et à la distribution des médicaments. Ces deux tâches nous semblent techniques et ne font à peu près jamais appel au jugement et aux connaissances scientifiques que le pharmacien peut avoir. Les pharmaciens d'hôpitaux vivent dans des milieux qui sont structurés, vous n'êtes pas sans le savoir. Le ministre Castonguay le mentionnait tantôt encore.

C'est important pour nous parce que, dans le milieu des établissements, souvent les administrations ont tendance à déterminer les pouvoirs et les responsabilités des différents professionnels, suivant les articles de loi qui régissent ces professionnels. Nos administrateurs, par la voix de l'AHPQ, dans le mémoire qu'elle a présenté à la commission parlementaire des affaires sociales sur le chapitre 48 et le projet de règlement, déplorent vivement que le pharmacien soit sous-utilisé et qu'il n'ait pas l'occasion de remplir son vrai rôle.

Pourquoi, dans les milieux des institutions ou des établissements, ne pouvons-nous pas remplir notre vrai rôle? Parce que souvent on tend, comme je le mentionnais tantôt, à cataloguer d'après les lois qui sont écrites.

Je veux, à cet effet, vous apporter certains exemples vécus dans les hôpitaux. Plusieurs hôpitaux, à travers la province, publient des bulletins d'information qui concernent, habituellement, la thérapeutique en usage dans

l'hôpital. Certains hôpitaux, par la voix des médecins, ont défendu aux pharmaciens de publier de tels bulletins d'information, qui, à notre avis, sont très valables, en disant que le rôle du pharmacien, tel que déterminé dans les lois, est de voir à la distribution et à la préparation des médicaments et non pas de s'occuper de la thérapie.

Je pense qu'il serait important, pour nous qui travaillons dans les milieux structurés, que la définition du rôle du pharmacien soit plus étendue qu'elle ne l'est dans le projet de loi, actuellement. Si on veut que le pharmacien joue son rôle dans ces établissements, je pense qu'on doit prévoir cela. C'est sûr qu'on ne demande pas l'exclusivité, par exemple, de l'information. Il serait inconcevable de penser que le pharmacien soit l'unique dispensateur de l'information. Mais il serait peut-être sage de prévoir des mécanismes par lesquels cette information, dans le milieu des établissements où il y a un pharmacien, soit pour le moins l'attribution du pharmacien, d'une façon ou d'une autre.

De plus, si le pharmacien veut jouer le rôle qu'il a déjà joué et qu'il joue encore dans certains des établissements, au niveau de la surconsommation ou des réactions adverses, je pense qu'il faut le reconnaître de façon légale. Le ministre des Affaires sociales n'est pas sans savoir le coût énorme que représentent les conséquences des réactions adverses aux médicaments. Nous ne prétendons pas, en tant que pharmaciens, pouvoir empêcher toutes ces réactions adverses mais nous croyons qu'en jouant proprement notre rôle, et facilement, nous pouvons aider à l'élaboration d'une thérapeutique peut-être plus rationnelle, dans le milieu des établissements.

Nous avons souligné déjà, dans notre mémoire sur le bill 69, avec des articles à l'appui, l'importance des réactions adverses, qui prolongeaient souvent la durée de séjour des patients et qui, aussi, amenaient souvent l'admission des patients. Quand on sait aujourd'hui ce que coûte une journée d'hospitalisation, ne serait-ce que de prolonger le séjour d'une journée ou deux, calculez les sommes que cela peut impliquer.

Si le pharmacien veut donc travailler librement, je pense que, tel que l'a mentionné l'AHPQ dans son mémoire, il faudrait voir à élargir le rôle du pharmacien dans les lois.

On a parlé de la présence du pharmacien dans le milieu des institutions. On vient d'en parler, il n'y a pas tellement longtemps.

Je peux vous apporter des chiffres qui font suite à une étude qui a été terminée en juin 1972, étude qui a été entreprise par la société professionnelle. Il y a actuellement, dans le milieu des établissements, 300 pharmaciens, plus ou moins, qui travaillent â temps complet; 40 établissements ne comptent qu'un pharmacien à temps partiel et 46 établissements ne comptent pas de pharmacien du tout; 87 autres établissements — et là je me permets une parenthèse, les termes que j'emploie n'étant peut-être pas clairs parce que les lois sont en partie appliquées et en partie non appliquées: les chiffres que je vous donne concernent les établissements hospitaliers, je ne compte pas les établissements qu'on nomme actuellement foyers — 87 hôpitaux, donc, dans le sens de la loi, n'ont qu'un seul pharmacien à leur service.

Contrairement peut-être à nos confrères de l'officine privée, nous ne pouvons pas toujours nous faire remplacer, lors des vacances, d'absence pour maladie ou d'absence pour tout autre motif, par un pharmacien, parce que les budgets ne prévoient pas ce remplacement et la présence constante.

La présence du pharmacien permettrait aussi, dans le milieu des établissements, de contribuer à la formation des autres professionnels de la santé. Je pense qu'encore à ce niveau le pharmacien a été sous-utilisé, comme l'a déjà mentionné l'AHPQ. En effet, l'information qui arrive sur le médicament est souvent propagée, dans le milieu des hôpitaux, par les représentants pharmaceutiques. Les médecins, souvent, croient volontiers ou écoutent beaucoup plus — malheureusement — les représentants que les recommandations des pharmaciens. Il est facile de savoir pourquoi.

Dans un hôpital universitaire de 500 ou 600 lits, à chaque semaine on voit apparaître dans l'institution — je vais employer un chiffre très conservateur — environ 50 représentants alors que la même institution, qui a 500 ou 600 lits, comprend cinq ou six pharmaciens. Les contacts des représentants sont beaucoup plus fréquents avec les médecins que les contacts des pharmaciens avec les mêmes médecins.

Parlons d'autres établissements: les foyers. Encore récemment, une étude — terminée en juillet seulement — a été faite sur le profil thérapeutique ou l'utilisation des médicaments dans certains foyers. Cette étude comprenait trois foyers totalisant 363 lits. Nous en sommes arrivés à la conclusion — conclusion totale pour les trois — que chaque patient absorbait tous les jours 5.77 médicaments et 8.05 principes actifs. Ces 5.77 médicaments comprenaient 8.05 principes actifs.

Tout ça pour des patients qui sont dans des conditions chroniques, des conditions non aiguës. Les mêmes statistiques dans des hôpitaux généraux, pour le traitement de patients qui sont en phase aiguë, démontrent que le nombre d'ordonnances par patient est de 3.8, alors que la moyenne d'ingrédients actifs par patient est de 5.6.

Pourquoi la différence? C'est que dans un des hôpitaux présentant une étude sur 832 lits, il y avait une présence de pharmacien, alors que dans les foyers — l'étude a été faite au moment de l'arrivée de pharmaciens dans ces foyers — des pharmaciens ont été engagés à temps partiel.

Il est très difficile actuellement, même lorsque les conseils d'administration des foyers le

veulent bien, d'avoir des pharmaciens et des services pharmaceutiques dans ces établissements parce qu'au niveau du MAS, on n'a pas encore reconnu, je pense, l'importance de la présence du pharmacien dans ces établissements.

Nous collaborons actuellement de façon très étroite avec le conseil consultatif de pharmacologie afin de dresser la liste de médicaments qui doivent être ajoutés à la liste actuelle pour que cette liste, éventuellement, s'applique, vous le savez tous, aux établissements. Je me pose de sérieuses questions à savoir comment le ministère compte appliquer cette liste dans les établissements où il n'y a pas de pharmacien.

Des difficultés surgissent actuellement à tous les niveaux dans la mise en application de la liste. Mais j'ai cru m'apercevoir — peut-être que je me trompe — que ces difficultés provenaient surtout de milieux disons non urbains ou de milieux ruraux. Encore là l'explication est assez facile: dans les milieux urbains, les médecins qui pratiquent dans ces milieux ont l'habitude d'aller à l'hôpital et de travailler dans les hôpitaux. Dans ces hôpitaux, déjà, la présence du pharmacien s'est fait sentir. Les formulaires qui sont actifs dans ces hôpitaux respectent presque tout le temps les critères qui ont été établis par le conseil consultatif.

En fait, les pharmaciens des hôpitaux ont aussi, comme d'autres organismes, travaillé sérieusement à l'établissement de ces critères et je pense que l'expérience qu'ils en avaient déjà les a aidés énormément. De toute façon, pour nous, les critères qui ont été établis par le conseil consultatif nous agréent totalement, qu'est-ce que vous voulez, ce sont les critères avec lesquels on travaille depuis très longtemps.

Les médecins sont habitués, dans les hôpitaux, à travailler avec une liste restreinte. Je pense que la transition sera d'autant moins difficile à ce moment-là. Mais ceux qui — les médecins — oeuvrent dans les comtés ruraux, qui ne vont pas ou peu à l'hôpital ou qui vont dans les hôpitaux où il n'y a pas de service pharmaceutique et pas de présence de pharmacien, ne sont pas habitués à travailler avec des listes restrictives. Je pense qu'on en a vu un exemple avec les foyers comme je vous ai mentionné tantôt. Ils ne sont pas habitués à travailler avec des listes restrictives et acceptent d'autant plus difficilement la mise en application de la liste pour les assistés sociaux.

M. LE PRESIDENT: Je vous demanderais de conclure parce que vous avez déjà dépassé les vingt minutes.

M. COURCHESNE: Si vous me donnez encore cinq minutes, j'achève.

M. VEZINA: On ne vous les donne pas, vous les prenez.

M. COURCHESNE: Je sais que vous avez grand coeur.

Je veux faire des considérations assez rapides, si vous me permettez, sur quelques points en particulier du mémoire, points qu'on a peut-être déjà soulignés mais que je voudrais souligner un peu, surtout la définition de l'article 1 c), où on confère le titre de pharmacien au médecin.

Si vous me permettez, comme le mentionnaient hier mes confrères de l'OQPP, dans certaines occasions ils sont obligés de poser des diagnostics et de prescrire. Est-ce que le fait de prescrire leur confère le titre de médecin? Est-ce que le fait, pour les médecins, de fournir des médicaments et non pas des services pharmaceutiques doit leur conférer le titre de pharmacien?

A mon avis, il y a là un non-sens. A l'article 9, je voudrais insister pour que les quatre premiers paragraphes, a), b), c) et d) qui traitent des pouvoirs prévus dans le bill 250, des pouvoirs du bureau, fassent l'objet d'une obligation. On retrouve, dans le texte du projet de loi actuel: "Le bureau peut, par règlement." Nous aimerions, nous de la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux, que ce "peut" devienne un "doit". Dans le corps de notre mémoire, nous l'avons spécifié.

L'article 1 j) et l'article 20 ont fait l'objet de nombreuses représentations par nos confrères et nous voulons les appuyer sur ce point. L'ordonnance ne doit pas être un ordre, mais bien une autorisation à un pharmacien de fournir des médicaments. J'ouvre une parenthèse, encore là, parce que nous avons, lors de négociations avec le gouvernement, si je peux employer le terme, discuté sur ce point. La partie patronale, par la voix de Réjean Larouche qui, alors, était notre vis-à-vis, nous a confirmé l'obligation qu'il y avait pour un pharmacien de remplir une ordonnance de façon intégrale. Même si, après avoir communiqué avec le médecin et l'avoir avisé qu'une dose était létale, celui-ci insistait pour la donner, nous devions la donner.

Je voudrais bien qu'on s'entende sur certains points. Moi, je me vois bien mal pris; peut-être qu'à l'officine privée on peut refuser au patient et lui dire: Cette dose est létale, je ne la remplis pas. Dans un contexte structuré comme celui de l'hôpital, quand un médecin, après avoir pris toutes les précautions, nous oblige encore à la donner, à ce moment-là, je pense que je dois être protégé. Je voudrais que l'obligation de remplir de façon intégrale une ordonnance soit pour le moins adoucie.

Je vous remercie. J'avais peut-être encore quelques considérations, mais je respecte le temps qui m'a été accordé.

M. LE PRESIDENT (Perreault): Je pense que, lors de la période des questions, vous pourrez compléter. Le ministre Castonguay.

M. CASTONGUAY: M. le Président, en plus de remercier la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux pour son mémoire, je voudrais poser une ou deux questions, en fait,

faire un commentaire. En ce qui a trait à l'article 12 du bill 250, vous nous avez dit que vous aimeriez voir une addition qui aurait pour effet que, lorsqu'une corporation ne joue pas son rôle, elle pourrait être mise, en définitive, en tutelle. Pourriez-vous nous dire, selon vous, qui porterait un tel jugement et quels pourraient être les critères à partir desquels un tel jugement pourrait être porté? Le principe étant présentement, dans ces projets de loi, que l'institution des corporations professionnelles doit demeurer, doit être mise à jour et doit être modifiée mais qu'elle doit garder le contrôle de l'admission à la pratique, qu'elle doit aussi surveiller l'exercice de la profession et qu'elle doit le faire d'une façon autonome, sauf en ce qui a trait à l'aspect financier, comme il est indiqué à l'article 12, et sauf aussi lorsque la corporation ne s'acquitte pas de certaines obligations très précises comme l'adoption d'un code de déontologie. Là, l'office voit à ce qu'un tel code soit adopté ou soit préparé et devienne partie intégrante des règlements ou des dispositions qui réglementent la corporation. C'est la première question.

Je vous remercie d'avoir mis en lumière le problème de la consommation élevée de médicaments dans les foyers pour personnes âgées. La direction de l'agrément du ministère a constaté également cette situation.

J'apprécierais recevoir l'étude à laquelle vous avez fait allusion et je crois bien que, dans la révision des règlements en vertu de la loi 65, il y a là une question qui devrait être examinée de façon attentive. Si vous pouviez commenter cette question de l'article 12, je l'apprécierais.

M. COURCHESNE: Je pense qu'il y aurait peut-être lieu d'étendre les pouvoirs de l'office à cet effet. Vous dites que les corporations doivent le faire de façon autonome, je suis entièrement d'accord avec vous. Mais si, dans les obligations que vous avez mentionnées tantôt, une corporation, quelle qu'elle soit, ne joue pas son rôle, fait son code de déontologie mais ne le met pas en application, quelles sont les moyens prévus? Je m'excuse de vous répondre par une question, c'est la raison pour laquelle nous avons mis ça là. Nous voulons qu'il y ait des moyens de prévus pour que, si à un moment donné la corporation ne joue pas son rôle d'admission à la profession, auprès du public, auprès des membres, il y ait une possibilité pour le gouvernement de faire quelque chose à la place de cette corporation.

Je pense qu'il y aurait lieu, lors du rapport des corporations au gouvernement, de donner les pouvoirs à l'office de façon que quelqu'un prenne en main la corporation qui ne jouerait pas son rôle.

Les critères peuvent être déterminés, je pense, suivant chacune des corporations et chacune des lois de ces corporations. Il est assez difficile d'établir, je pense, des critères généraux. Je n'ai pas étudié la question de façon profonde, mais je pense que les critères qui pourraient s'appliquer pour la médecine ne seraient peut-être pas les mêmes qui pourraient s'appliquer pour la pharmacie ou la psychologie ou les infirmières. Alors, les pouvoirs des corporations sont différents, sont plus ou moins étendus d'après ce que j'ai pu lire des projets de loi. Pour ce qui est des critères à établir, au niveau des pouvoirs donnés à chacune des corporations, si ces pouvoirs qui sont écrits dans les lois respectives ne sont pas mis en application, à ce moment-là, il faudrait que quelqu'un y voit.

M. CASTONGUAY: Vous avez répondu d'une certaine façon ou en partie par une question. Je pense qu'il y a peut-être lieu d'apporter un commentaire. Il y aura un office, un ministre responsable auprès de la Chambre et du cabinet pour cet ensemble de lois. Si une corporation ne s'acquitte pas de ses obligations correctement, au lieu de la mettre en tutelle — ce qui créerait énormément de difficultés pour quiconque, comme administrateur ou comme tuteur, essaierait de s'acquitter alors de ce rôle — la chose qui apparaîtra, à mon sens, à tous ceux qui sont impliqués, aussi bien la population que le gouvernement, ce sera de changer le système en ce qui a trait à cette corporation et en instituer un autre. Il y en a d'autres tels que l'octroi de licences par un organisme gouvernemental comme ça se fait dans plusieurs Etats, comme ça se fait d'ailleurs pour certains types d'activité. Je pense aux courtiers d'assurance, aux agents d'assurance, aux courtiers en valeurs mobilières, etc. Alors, c'est pourquoi le pouvoir de tutelle n'a pas été prévu pour cette circonstance où une corporation ne s'acquitterait pas de son rôle.

M. COURCHESNE: Je vous remercie, M. Castonguay, des éclaircissements.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Courchesne, dans votre mémoire intégral, qui n'est pas paginé, à la deuxième page, vous employez souvent le mot prêt. Vous posez des questions: "Les pharmaciens sont-ils prêts aujourd'hui à assumer le rôle et les responsabilités d'un véritable spécialiste du médicament? " Vous dites un peu plus loin: "Enfin certains pharmaciens d'officine sont prêts à poser des jugements sur la médication choisie par le médecin." Dans quel sens faut-il prendre le mot prêt? Est-ce au sens de disposé ou apte?

M. COURCHESNE: Disposé et apte.

M. CLOUTIER (Montmagny): Disposé et apte, les deux.

M. COURCHESNE: Exactement. Mais enco-

re, on peut être disposé à faire quelque chose, on peut être apte à le faire, mais on peut ne pas pouvoir le faire de par les contextes. En fait, je pense que chaque fois qu'on parle, on parle dans le contexte dans lequel nous vivons le plus souvent. C'est-à-dire le contexte des structures que je mentionnais tantôt.

M. CLOUTIER (Montmagny): La nuance est importante, quand même. Ils sont disposés et aptes. Je me suis posé la question parce qu'un peu plus loin vous parlez de la formation universitaire, de l'intégration au niveau universitaire, l'intégration au milieu hospitalier durant le cours universitaire. Le groupe qui va vous suivre est celui de l'université et on en discutera avec lui. Mais je voudrais tout de suite vous amener à ce paragraphe où vous dites qu'il faut travailler pour l'avenir, qu'il faut entreprendre la réforme de la pharmacie, qu'il faut que la faculté et l'école de pharmacie sortent de leur isolement et prennent la responsabilité d'assurer une continuité entre la théorie et la pratique, qu'il faut intégrer la pharmacie et les autres disciplines de la santé dans un grand ensemble académique. Est-ce que vous pourriez dire de quelle façon cela ne se fait pas aujourd'hui et de quelle façon cela va se faire, parce que le doyen va venir et on va lui poser la question?

M. COURCHESNE: C'est important, le niveau de la formation. On y a toujours attaché beaucoup d'importance. Vous avez parlé vous-même mardi du rôle connexe de la médecine et de la pharmacie, des liens qui devraient exister. Nous avons déjà établi un premier pas dans ce sens lors de la présentation de notre mémoire. Je regrette de revenir sur d'autres mémoires, sur les règlements du chapitre 48 en disant que nous préférerions nous retrouver sous la direction du conseil des médecins ou la direction médicale plutôt que sous celle des services hospitaliers. Parce que nos contacts, même s'ils ne sont pas toujours faciles, sont toujours, dans la majorité des cas, avec les médecins.

Vous parliez aussi d'étendre le pouvoir des pharmaciens qui, à partir d'un diagnostic, pourraient éventuellement prescrire un médicament. Je pense qu'il n'est pas illusoire de se dire que ce rôle que vous préconisiez, dont vous parliez mardi, va être dévolu aux pharmaciens éventuellement. D'après les rapports de la régie et l'activité actuelle, je pense que chacun peut se rendre compte que les médecins sont débordés. Mes confrères, avant moi, l'ont démontré, les médecins eux-mêmes l'admettent. Eventuellement, il faudra en venir à une répartition des tâches où ceux qui peuvent le faire et sont formés à cet effet vont contribuer encore un peu plus à remplir immédiatement des rôles qu'ils pourraient jouer. Je pense que les transformations qu'on pourrait préconiser ou demander peuvent se faire au niveau de l'enseignement supérieur. Je m'explique.

Pendant longtemps, on a connu le contexte des différentes facultés ou écoles dans les différentes sciences de la santé. Québec a tenté, semble-t-il avec succès, je ne suis pas un expert en la matière, de réunir les sciences de la santé en un seul groupe plutôt que d'avoir plusieurs facultés. Montréal n'a pas encore suivi. Peut-être attend-il les résultats des expériences qui ont été faites ailleurs. A Québec, on a déjà un lien beaucoup plus étroit entre les médecins et les pharmaciens. Le cours a été, à mon avis, amélioré dans plusieurs sens, alors que le curriculum d'aujourd'hui, à l'Université de Montréal, là où sont formés 75 p.c. des pharmaciens, n'a pas évolué de la même manière. Nous avons retrouvé pour la première fois cette année — je me trompe peut-être, mais je ne le crois pas, c'est peut-être aussi la deuxième année — de la pathologie au niveau de la formation du pharmacien à l'Université de Montréal.

Les confrères d'officine réclamaient, hier, par exemple, le diagnostic, afin d'en connaître un peu plus sur le patient. Encore faut-il connaître le langage et les implications du langage. Je voudrais que le pharmacien soit formé de façon à inclure un peu plus de pathologie.

Jamais ne s'adresse-t-on ou ne devrait-on s'adresser, lorsque nous rendons des services, à un patient qui est sain, à part les quelques médicaments qui sont réservés à la prévention, vaccins surtout. Nous nous adressons, à peu près toujours, à un patient qui souffre d'une morbidité quelconque, à un point plus ou moins grave. Alors, très souvent, les difficultés de communication existent à cause d'un certain manque de formation des pharmaciens, surtout en physiologie et en pathologie, qui nous permettrait de connaître plus facilement les conséquences des maladies dont sont atteints les patients. Alors, c'est dans ce sens qu'on a fait certaines représentations auprès des facultés.

On a aussi souhaité, depuis très longtemps, que le cours de pharmacie qui se donne à Montréal et le cours de pharmacie qui se donne à Québec soient identiques. On me répond qu'ils ne sont pas aussi divergents que ça. C'est peut-être très vrai. Mais si je lis les curriculi de chacune des universités, je m'aperçois qu'il y a tout de même une différence notable à l'oeil. Alors, je voudrais que peut-être la coopération, dont font preuve l'Université de Montréal et l'université Laval aujourd'hui, s'étende à d'autres domaines que celui de présenter, par exemple, des mémoires à des commissions parlementaires.

M. LE PRESIDENT: Le ministre aurait un bref commentaire à faire sur ce sujet.

M. CASTONGUAY: Etant donné que vous avez mentionné que depuis l'assurance-maladie le médecin est débordé, vous dites que cela a été dit à des séances antérieures de cette commission, je voudrais simplement faire une

mise en garde pour qu'on ne vienne pas, à force de répéter cette affirmation, à tenir pour acquis que c'est le cas de façon générale. J'aimerais plutôt que cette affirmation soit nuancée, surtout que l'on attende les résultats d'études, telles que celle commanditée par le Service de santé publique des Etats-Unis auprès des professeurs de l'université McGill. Il étudie justement l'incidence ou l'impact de l'assurance-maladie sur la pratique médicale au Québec. Je cite cette étude en particulier parce qu'elle a été conçue, c'est-à-dire les critères et la méthodologie, non pas par les services gouvernementaux du Québec, dont on pourrait peut-être mettre en doute les critères, ou la méthode, ou le choix des recherchistes, mais bien de l'extérieur. C'est ce qui lui donnera probablement une plus grande objectivité, à tout le moins dans l'esprit de ceux qui liront les conclusions. Déjà les données préliminaires de cette étude démontrent que cette affirmation globale ne peut pas être retenue. Si je mentionne ceci, c'est que je ne voudrais pas qu'on parle d'un type d'affirmation comme celle-là pour analyser des questions autres, comme celle que nous analysons présentement, c'est-à-dire prendre une hypothèse qui n'est pas nécessairement fondée.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... commentaire pour le ministre. Est-ce qu'il serait plus exact de dire que le médecin est débordé de travail comme le député ou le ministre est débordé de travail? Il faudrait s'en assurer et faire certaines vérifications.

M. CASTONGUAY: Je pense que les médecins, c'est comme pour les ministres et les députés. Il y en a qui sont débordés et il y en a d'autres qui en font moins!

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Courchesne a fait allusion aux remarques que j'ai faites mardi dernier. D'ailleurs, ce n'est pas une suggestion que j'ai faite mais on retrouve cela dans plusieurs mémoires, à l'effet que le rôle du pharmacien soit davantage un rôle de professionnel, que sa responsabilité soit accrue. Alors, la question que l'on se pose: Comment traduire cela non seulement dans la loi, puisqu'à un moment donné il faut que les responsabilités y soient traduites, mais aussi dans les faits? Cela ne sert à rien de le mettre dans la loi si dans les faits ce n'est pas accepté par les professionnels qui sont appelés à travailler en collaboration. Même si, dans l'opinion publique ou dans la loi, on acceptait que la responsabilité professionnelle du pharmacien aille plus loin, si, dans la pratique, le pharmacien ne prend pas cette responsabilité qui lui appartient, ou si le médecin, qui pratique à côté de lui, ne lui laisse pas cette responsabilité ou qu'il refuse d'en discuter avec lui, alors il y aura des problèmes.

C'est pour cela qu'en proposant, comme je vois que vous le proposez dans votre mémoire, que cette habitude, si l'on veut, commence au niveau de la formation, à l'université par un regroupement et un rapprochement des sciences de la santé, quand ils seront rendus en pratique, il y a bien plus de chances qu'ils travaillent en collaboration.

Je voudrais demander à M. Courchesne si, à son avis, étant donné que, dans les établissements hospitaliers où il y a des services de pharmacie bien organisés, où vous pouvez retrouver — vous l'avez dit tantôt — cinq ou six pharmaciens et où vous avez également toutes les catégories de médecins, on rencontre tout de même, de temps en temps, cette collaboration étroite entre le médecin et le pharmacien, qui sont au même lieu de travail, aux mêmes heures de travail, quant à l'ordonnance qui est remplie par le médecin.

M. COURCHESNE: Effectivement, cette collaboration que vous mentionnez, dans des milieux où les pharmaciens sont présents et où ils ont su s'affirmer, je pense qu'on la retrouve d'une façon très étroite. Je pense que les pharmaciens travaillent très souvent avec les médecins à l'élaboration, par exemple, de médications ou de "patterns" — si vous me pardonnez le mot — de médications pour certains "patterns" de maladies. Par exemple, il peut s'agir d'une vaccination pour les patients qui arrivent traumatisés par des clous rouillés ou des choses comme cela. On donne alors, habituellement, du vaccin antitétanique. Ces "patterns" d'ordonnances sont établis en collaboration par le médecin et le pharmacien. Certains traitements d'ulcus ou d'ulcères duodénaux ou gastriques sont élaborés avec la collaboration du pharmacien.

Encore aujourd'hui, souvent, le médecin, dans les établissements, fera appel au pharmacien en particulier pour lui soumettre un cas et lui dire: Que devrions-nous faire à ce moment-ci? Penses-tu que telle médication conviendrait? Enfin, nous discutons ensemble de la médication et du traitement approprié.

Je ne dis pas que cela se pratique sur une échelle globale. Je pense qu'avant de pouvoir atteindre à ce genre de dialogue le pharmacien doit faire ses preuves. Il faut constater qu'il y a dix ou douze ans, avant l'établissement de l'assurance-maladie, il y avait une vingtaine de pharmaciens dans les hôpitaux, à travers la province.

M. CLOUTIER (Montmagny): L'assurance-hospitalisation. C'est parce que vous avez dit l'assurance-maladie.

M. COURCHESNE: Excusez-moi. C'est l'assurance-hospitalisation. Avant l'assurance-hospitalisation, il y avait une vingtaine de pharmaciens dans le milieu. Aujourd'hui, il y en a 300. Cela ne s'est pas fait globalement, mais c'est

petit à petit que nous avons retrouvé les pharmaciens et c'est petit à petit que ceux-ci peuvent faire leurs preuves et être acceptés de plus en plus.

A preuve de cela, je pense que, dans plusieurs régions de la province, les pharmaciens sont acceptés aux conseils des médecins. Ils discutent de différentes choses avec eux, enfin de tous les problèmes qui sont relatifs aux médicaments, aux traitements ou des problèmes qui sont inhérents aux conseils des médecins ou au bureau médical, comme on l'appelle habituellement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. COURCHESNE: Plusieurs pharmaciens font partie de ces bureaux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Vous avez touché un peu au problème de la surconsommation. Vous avez une étude qui a été faite à partir de trois foyers. Pourriez-vous nous dire dans quelle région du Québec ou dans quelles localités sont situés ces trois foyers?

M. COURCHESNE: Les trois foyers en question sont dans la région de la Mauricie. Je voudrais revenir un peu là-dessus, si vous me le permettez, parce que le ministre Castonguay m'a demandé de lui faire parvenir cette étude. C'est avec plaisir que nous lui ferons parvenir cette étude qui comprend quatre pages. Nous avons même décortiqué le genre de médicaments qui sont prescrits le plus fréquemment, les catégories de médicaments: les laxatifs, par exemple, à 10 p.c. des ordonnances, les tranquillisants majeurs, à 8.9 p.c, les hynotiques, à 8.6 p.c. C'est 8.6 p.c. d'un nombre d'ordonnances, mais, très souvent, les patients reçoivent deux hypnotiques ou deux laxatifs ou deux tranquillisants mineurs ou majeurs. Il y a des aberrations qu'on retrouve là-dedans, c'est fantastique.

Il est assez facile, lorsque les pharmaciens ont accès à ces foyers, d'établir cette étude. Pour plus de renseignements aussi, je voudrais dire au ministre que cette étude se poursuit, actuellement, dans environ dix hôpitaux généraux de la province et non pas dans des foyers, parce que, comme je le disais tantôt, nous avons accès à quelques-uns des foyers, mais pas à tous, loin de là.

Voisin de chez nous, il y a un foyer de 300 patients; il n'y a jamais eu un pharmacien qui y a mis les pieds. C'est, à mon avis, assez grave. Il y a des patients — pas seulement des vieillards — qui sont en convalescence, mais il y en a aussi qui en sont au stade final et terminal. Je pense qu'ils ont droit à tous les services pharmaceutiques qui sont disponibles et qui pourraient l'être.

M. GUAY: Comme deuxième question, est-ce que vous avez l'intention d'étendre votre étude aux foyers en milieu urbain, pour voir s'il peut exister une différence?

M. COURCHESNE: Comme je vous dis, si nous pouvions le faire. Moi, j'aimerais ça aller à côté de chez nous et faire cette étude, mais l'administration ne veut pas me voir là. Et je le ferais d'une façon bénévole. Ce serait une suggestion à faire à M. le ministre Castonguay, que cette étude soit entreprise, soit par le ministère, soit par des pharmaciens. Cela nous ferait plaisir de vous donner le protocole de l'étude, comment on peut la faire, comment elle est peu onéreuse, autant au point de vue du temps qu'au point de vue des difficultés de ramasser ces données et de les compiler.

M. CASTONGUAY: Je l'apprécierais avec l'autre document.

M. COURCHESNE: Avec grand plaisir, M. le ministre.

M. GUAY: Comme dernière question, est-ce que ça serait possible d'obtenir une copie de l'étude que vous possédez?

M. COURCHESNE: Cela me fera plaisir de vous l'envoyer ici au parlement.

M. CASTONGUAY: Il y aurait peut-être lieu aussi de mentionner que présentement l'Université du Québec ou l'INRS effectue une étude. Mme Leclerc-Chevalier est membre de l'équipe qui effectue une étude sur la consommation des médicaments, de façon générale. Mais ceci n'exclut pas la possibilité que nous donnions suite à votre suggestion.

M. COURCHESNE: Je suis content de l'apprendre.

M. LE PRESIDENT: Merci au nom de la commission. Je vous remercie pour votre présentation. Maintenant nous allons entendre la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal et l'école de pharmacie de l'université Laval.

Universités de Montréal et Laval

M. BRAUN: Mon nom est Julien Braun, doyen de la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal. Je suis entouré du professeur Pierre Claveau, directeur de l'école de pharmacie de l'université Laval, et d'un certain nombre de nos collègues de ces deux institutions.

La réforme de la Loi de pharmacie de même que le projet de code des professions présentent des implications extrêmement importantes pour l'avenir de la profession pharmaceutique et, par voie de conséquence, pour les établissements d'enseignement de pharmacie. C'est pourquoi

nous avons cru devoir porter à votre attention quelques considérations générales et proposer un certain nombre de modifications au projet de loi.

Les auditions précédentes de mardi et de ce jour nous ont montré la quasi parfaite unanimité qui existe parmi les membres des différents secteurs de la profession pharmaceutique concernant les principes de base de l'exercice de la pharmacie et concernant les modifications qu'ils souhaitent voir apportées à ce projet de loi.

D'autre part, les explications fournies par les rapporteurs, les réponses qui ont été apportées aux différentes questions posées par les membres de la commission ont couvert les aspects principaux des problèmes de la profession pharmaceutique. Nous nous réjouissons de cette communauté de vues parmi les pharmaciens et nous partageons la plupart des principes exposés précédemment.

La plupart des rapporteurs ont insisté sur l'évolution récente qui s'est développée dans le monde pharmaceutique quant à son rôle et à ses activités. Plusieurs se sont insurgés contre des définitions limitées de la pharmacie, définitions limitées à deux aspects: préparer et fournir des médicaments. On a mis en évidence que le rôle du pharmacien n'était pas seulement lié à l'aspect matériel du médicament, mais que c'était au contraire un acte professionnel dont le médicament en lui-même ne constitue en fait que l'objet.

On a insisté sur l'intervention très personnelle du pharmacien entre le moment où il reçoit l'ordonnance et le moment où il délivre le médicament au patient. On a parlé du contrôle qu'exerçait le pharmacien en cette occasion; on a parlé également de l'intervention du pharmacien en tant que conseiller thérapeutique auprès du médecin et auprès du patient.

Une question apparaît immédiatement à l'esprit; elle a déjà été évoquée précédemment: La formation reçue par le pharmacien lui permet-elle de remplir adéquatement ce rôle? D'autre part, l'activité du pharmacien, tel qu'en fait foi la participation à ces débats de groupements de différents secteurs de la pharmacie, peut s'exercer au niveau de l'officine privée, mais également au niveau de l'hôpital, au niveau de l'industrie pharmaceutique, au niveau d'organismes gouvernementaux, de laboratoires de recherche ou de contrôle et, enfin, dans l'enseignement universitaire.

En effet, si dans le passé la pharmacie constituait une activité professionnelle bien caractérisée, homogène, exercée par un ensemble d'individus ayant reçu une formation identique, exécutant un travail semblable, il n'en est plus de même aujourd'hui. Bien qu'ayant bénéficié d'une formation de base identique, les pharmaciens, dans la société actuelle, exercent des fonctions fort dissemblables selon le secteur où ils oeuvrent. De plus, au sein d'un même secteur, leurs fonctions revêtent des aspects fort différents.

En conséquence, on peut se demander quel est le dénominateur commun qui lie toutes ces personnes. Il apparaît assez rapidement que ce dénominateur commun est le médicament et, plus particulièrement, la responsabilité du médicament. La pharmacie est une institution sociale qui n'a sa raison d'être que si elle sert un besoin social bien particulier. Ce que toutes ces personnes exercent en commun, pour le bien de la communauté, c'est la responsabilité du médicament que le législateur leur confie.

Cette responsabilité est importante parce qu'elle s'adresse à la santé des individus, parce qu'il faut que les médicaments utilisés soient les meilleurs possible, que leur qualité soit assurée d'une façon parfaite et que chaque malade puisse recevoir le médicament qui convienne à son cas particulier. En outre, étant donné la nature particulièrement dangereuse de ces produits, il faut assurer la sécurité du public vis-à-vis des abus et des mauvais usages des médicaments et, par conséquent, en surveiller étroitement la diffusion.

En conséquence, nous pensons qu'il faut élargir le concept de la pharmacie et je propose de la définir comme l'exercice de la responsabilité, vis-à-vis de la communauté, de la production, de la distribution et de l'usage des médicaments. Il paraît également ainsi une distinction bien nette entre pharmacie et médecine quant à leur domaine respectif de responsabilités, le médecin étant directement responsable de la santé de son patient, tandis que le pharmacien est directement responsable du médicament, de son activité et de sa qualité, ainsi que de la protection du public vis-à-vis de ses dangers.

Nous pourrions revenir maintenant à la question précédente: Le pharmacien reçoit-il à l'heure actuelle une formation qui lui permet de remplir adéquatement son rôle, ce rôle dans lequel il s'est engagé déjà et qu'il souhaite voir se développer? Quatre années d'études universitaires ont fait de lui un spécialiste du médicament. Sa formation de base comprend deux disciplines ou deux types de disciplines fondamentales: une formation à caractère physicochimique qui lui permet d'acquérir une connaissance approfondie du médicament qui est une entité chimique et, d'autre part, une formation à caractère biologique et médical, axée sur l'identité biologique qu'est l'homme, et plus particulièrement l'homme malade.

Maître de ces deux éléments constituants du problème, l'homme et le médicament, l'étudiant peut faire la synthèse de ces deux entités et aboutir ainsi à l'acte thérapeutique. Nos programmes, tant à Laval qu'à Montréal, ont évolué progressivement depuis plusieurs années pour développer cette formation particulièrement dans ses constituantes biologiques et médicales.

Je n'insisterai pas sur les détails de ce programme; des questions ultérieures trous permettront d'avoir plus d'explications à ce propos. D'autre part, nos programmes actuels

permettent à l'étudiant certains choix parmi un lot de cours optionnels de façon à lui permettre d'acquérir une formation adéquate au type d'activités qu'il compte exercer plus tard. Ceux qui désirent poursuivre des études ont la possibilité de se spécialiser en pharmacie hospitalière par un programme de 12 mois couvrant des activités universitaires et des stages.

Ceux qui se destinent à l'industrie et à des carrières de chercheurs peuvent s'engager à la faculté dans des travaux de recherche qui leur permettent de postuler des grades de maîtrise ès-sciences et de doctorat dans les différentes sphères de la recherche pharmaceutique. Je n'insisterai pas particulièrement sur les propos tenus précédemment concernant les différences qui existent entre les programmes de Laval et de Montréal. Cependant, si le programme peut différer dans sa structure et quant au nom des cours en présence, je pense pouvoir affirmer que la formation acquise par les étudiants de part et d'autre est assez semblable.

Le pharmacien est-il, par conséquent, apte à remplir ces rôles en fonction de la formation qu'il a reçue? Je pense pouvoir en toute honnêteté vous affirmer que oui, en ce sens que l'enseignement des facultés et écoles de pharmacie a très largement précédé ces rôles que le pharmacien réclame à l'heure actuelle. Je pense aussi pouvoir dire que les établissements d'enseignement pharmaceutique portent une part et une grande part de la responsabilité du malaise qui règne actuellement dans le monde pharmaceutique, à cause de l'insatisfaction du rôle que remplissent les pharmaciens à l'heure actuelle en regard de la formation qu'ils ont reçue au cours de leurs études universitaires.

Néanmoins, les programmes ont été modifiés régulièrement et, à l'heure actuelle, ils ont été mis à jour d'une façon assez intense. Les seuls éléments qui nous semblent déficients à l'heure actuelle sont les éléments qui concernent une part d'enseignement au niveau des hôpitaux et des cliniques. A cet égard, des expériences viennent à peine de commencer.

En ce qui concerne les modifications que nous proposons au texte de loi, elles sont donc mentionnées dans le mémoire que nous vous avons remis et elles concernent essentiellement des points que nous considérons comme ayant des implications de principe importantes, à savoir certaines définitions, en particulier les définitions de "pharmacien" et de "médicament". La définition de "médicament" que nous proposons a comme corollaire l'abandon de la liste générale des médicaments de l'article 7, du moins en tant que définition.

Nous proposons également des modifications à la description de l'exercice de la pharmacie et nous proposons d'introduire la notion de contrôle à ce niveau, de même qu'à l'article 20 nous introduisons également cette notion de contrôle de l'ordonnance par des pharmaciens. Nous proposons également certaines modifications aux articles 17 et 18 concernant la dispensation des services pharmaceutiques dans les institutions, ceci dans les vues développées par le commentateur précédent.

Enfin, pour des raisons de principe et de déontologie également, nous pensons que les articles autorisant des corporations non pharmaceutiques à être propriétaires d'une pharmacie devraient être abandonnés. Nous souhaitons la suppression de la mention "libre concurrence entre pharmaciens" comme justification de la publicité pour une pharmacie, pensant que si la publicité existe, elle doit se limiter à informer le public sur les services que le pharmacien peut lui rendre, dans quelles conditions et à quel moment.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier également la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, l'école de pharmacie de l'université Laval pour ce mémoire. Comme vous le mentionniez, il y a vraiment identité de vues, dans les propositions que vous formulez, avec celles qui, de façon générale, ont été formulées par les organismes qui vous ont précédé. C'est pourquoi à ce moment-ci je n'aurais pas de question. Ceci n'indique pas de ma part un manque d'intérêt pour ce mémoire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, moi aussi je voudrais noter la présentation du mémoire par M. le doyen et sa clarté, sa précision. Je voudrais souligner qu'il n'y a pas beaucoup de divergences d'opinions. On en a noté quelques-unes au passage mais peut-être seulement une en particulier, quand on propose l'abolition du collège. Je pense qu'il n'y a pas unanimité là-dessus mais, de toute façon, sur les grands principes, je pense que tout le monde est d'accord; sur les modalités pour les atteindre, il peut y avoir des différences.

Je vais demander au doyen, du côté des relations entre les doyens des facultés de pharmacie et les doyens des facultés de médecine, les doyens de facultés de la santé en général, s'il y a quelque chose de concret comme mécanisme de communication. Est-ce qu'il y a des projets de ce côté?

M. BRAUN: Je vais d'abord répondre pour Montréal et puis je demanderai à M. Claveau de vous donner la situation à Laval. Je dois reconnaître en toute honnêteté que les relations entre les facultés de pharmacie et de médecine à l'Université de Montréal sont bonnes mais cependant très rares. Il n'y a pas de conflit majeur entre les deux facultés. La collaboration s'effectue d'une façon directe et pratique en ce sens que nous nous adressons à la faculté de médecine pour dispenser à nos étudiants les cours des sciences biologiques et médicales tels

que anatomie, physiologie, les cours de microbiologie, les cours de pathologie et d'autres. En conséquence, sur le plan des problèmes pratiques très directs en ce qui concerne la structuration de nos enseignements, il existe une collaboration réelle et efficace qui ne se marque cependant pas par des institutions organisées.

D'autre part, sur le plan de la recherche également, il existe de nombreuses liaisons et elles se développent considérablement depuis quelque temps entre différents laboratoires de la faculté de médecine et de la faculté de pharmacie.

Ce qui n'existe pas c'est une liaison institutionnelle qui permette à ces deux facultés de discuter en commun des problèmes autres que les problèmes techniques de l'enseignement et autres que les problèmes de la recherche très spécifique.

Cependant, à l'Université de Montréal, différentes structures nouvelles viennent d'être mises en place, dont un regroupement d'un certain nombre de facultés sous forme d'une faculté des arts et des sciences et également la création d'une faculté des études supérieures. Les problèmes de restructuration des facultés des sciences de la santé sont en cours d'étude à l'heure actuelle.

Il n'est pas certain que nous aboutissions à une structure telle que celle qui existe à Laval. Probablement seront maintenues des unités ayant leur existence propre. Cependant des organes de liaison et de coordination seront créés d'une façon certaine et une collaboration meilleure et plus étroite se développe actuellement et continuera à se développer.

M. CLOUTIER (Montmagny): Avant que je n'aie la réponse de Québec, est-ce que le gouvernement, par le truchement des budgets, pourrait faciliter la mise en place de ces mécanismes, de cette coordination? Cela ne représente pas des budgets fantastiques, tout de même?

M. BRAUN: Non, non, ça ne représente aucun budget. Je vais vous donner une réponse d'universitaire soucieux de son indépendance. Je pense qu'on peut faire confiance, disons, aux universitaires eux-mêmes pour régler ce problème de la relation au sein de leur institution et je pense qu'on aboutira à de bons résultats.

M. LE PRESIDENT: Le doyen de Laval.

M. CLAVEAU: Les relations sont tout à fait harmonieuses, d'autant plus que nous sommes, depuis 1964, regroupés dans un ensemble dit des sciences de la santé. Il y a quelquefois des frictions mais c'est mineur. Le danger, pour nous, j'ai l'impression que c'en est un de dissolution de la pharmacie dans l'ensemble. On risque, à l'occasion, de passer pour un département de la faculté de médecine à cause du Fait que le nombre de nos étudiants est à peu près le nombre d'une année de médecine, par exemple. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'embêtements majeurs. Nous ne prévoyons pas qu'il y en ait non plus. Le risque, c'est qu'on veuille tellement avoir la collaboration de nos professeurs, qu'on juge compétents, et il faut limiter de notre part ces contributions. Parce que le corps professoral, l'école de pharmacie, c'est très minime en comparaison de celui de la faculté de médecine. Pour le reste, il y a des accommodements du côté budgétaire qui peuvent paraître hallucinants même, à d'aucuns, quand on songe que l'école de pharmacie va à l'occasion, à chaque année même, jusqu'à fournir de l'argent à la faculté de médecine, parce qu'on a un certain nombre d'étudiants qui sont dans un cours qui est donné à l'ensemble des sciences de la santé et qu'à cause des façons de procéder, on a pu demander des sommes pour les laboratoires qui pourraient, théoriquement, être données chez nous.

On peut dire, à toutes fins pratiques, que c'est une harmonie tout à fait splendide.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous désireriez prendre plus d'étudiants, à Montréal et à Québec, de première année? Est-ce que vous avez des contraintes, soit budgétaires, soit du côté du personnel enseignant, des locaux?

M. CLAVEAU: Il y a des contraintes de locaux qui sont sérieuses de telle sorte qu'il n'est pas question, pour nous, à l'heure actuelle, de prendre plus d'une cinquantaine d'étudiants en première année. Nous logeons, à l'heure actuelle, à la faculté des sciences, qui peut en recevoir 48. Le personnel enseignant en pharmacie n'est pas suffisamment nombreux pour doubler les enseignements et les travaux pratiques en laboratoire.

M. CLOUTIER (Montmagny): A Montréal?

M. BRAUN: Nous avons augmenté le nombre d'étudiants que nous acceptons par année et, depuis l'an dernier, nous avons accepté 130 à 140 étudiants en première année, ce qui était une augmentation de plus de 40 p.c. des effectifs, tels que nous les connaissions il y a cinq ans.

D'autre part, nous occupons, depuis le mois de juin, de nouveaux locaux, c'est-à-dire que nous avons de nouveaux aménagements dans l'immeuble central de l'Université de Montréal. Ceci nous a permis d'avoir des locaux beaucoup mieux aménagés, beaucoup plus adaptés à nos besoins actuels. Cependant, la superficie dont nous disposons à l'heure actuelle nous empêche de prendre un nombre d'étudiants supplémentaire. Nos laboratoires d'enseignement de travaux pratiques, pour cette année, tels que nous les avons actuellement, vont être occupés à 90 p.c. du temps.

M. CLOUTIER(Montmagny): Compte tenu des réponses qui ont été apportées par les opinants devant la commission depuis deux jours, on a mentionné particulièrement le besoin d'équiper certaines régions de pharmaciens et de pharmacies. On a parlé, ce matin, également de peut-être mieux servir certaines institutions qui n'ont pas de pharmacien, d'autres qui ne comptent pas suffisamment de pharmaciens. Est-ce qu'il serait désirable que vous puissiez augmenter le nombre d'étudiants en première année aux deux facultés et dans quelle proportion, sans avoir fait des calculs, à première vue?

M. BRAUN: La question est très difficile parce que nous ne disposons pas, en fait, d'étude très précise concernant les besoins quantifiés de pharmaciens dans la province. Ces besoins sont également dépendants des critères que l'on va utiliser. Considérera-t-on qu'un hôpital de 500 lits doive utiliser les services de cinq, de trois ou de huit pharmaciens? Peut-être que les trois solutions sont possibles et défendables. Le nombre de demandes et de postes ouverts dépend très fortement de cela.

Nos productions d'étudiants, de diplômés ayant augmenté au cours des récentes années, tant à Laval qu'à l'Université de Montréal, nous sommes à peu près, disons, aux chiffres qui doivent permettre de répondre aux besoins. Personnellement, je ne pense pas que nous devions augmenter nos admissions au-delà de 150 étudiants par année, apparemment, dans les besoins actuels et dans les fonctions actuelles des pharmaciens.

M. CLAVEAU: Je différerais d'opinion un peu avec mon collègue, c'est normal! Il y a toujours les comparaisons que l'on peut faire avec les autres provinces. Avec notre voisine, l'Ontario, cela devient toujours un peu désastreux.

La proportion de pharmaciens pour la population, en Ontario, est de 1 pour 1,700. Ici, au Québec, c'est de 1 pour 3,000. Il y a donc un rattrapage considérable à faire. L'Ontario songe à se créer une seconde faculté, disant que ses besoins sont tels qu'il faut encore augmenter la production, alors même qu'elle a comme réservoir le Manitoba, la Saskatchewan et presque aussi l'Alberta, qui lui fournissent une proportion assez marquée de candidats, annuellement.

Je pense également, aussi, au nombre de candidatures. Je vais donner seulement les chiffres de 71/72 et de 72/73, pour vous donner une idée de l'écrémage qu'il faut faire et de ce qui s'ensuit, évidemment, lorsqu'il y a des retours et qu'on doit fournir des explications sérieuses.

Il y a 135 étudiants qui veulent entrer en pharmacie — c'est leur premier choix — en 71/72 et 164 en deuxième choix, ce qui fait un total de 299. Là-dessus, nous en prenons 50. Vous imaginez les rebondissements. Pour cette année, cela a été encore pire: 165 demandes de premier choix, 244 de deuxième choix, pour un total de 409. Hier, il y en a 56 qui nous ont dit: On y va parce qu'on leur avait dit: Vous pouvez venir. Mais il y a plusieurs mécontents, il va sans dire. Cela fait de très bons élèves, toutefois, parce qu'on en choisit un sur huit ou dix. Nos critères d'admission, je pense qu'ils sont plus sévères, à l'heure actuelle, que pour la médecine, à l'université Laval.

M. LE PRESIFENT: Le ministre Castonguay.

M. CASTONGUAY: Au sujet de cette question, je voudrais mentionner que, tout comme dans le domaine des sciences pures il y a eu une opération effectuée par le ministère de l'Education, les universités, le Conseil des universités, une opération analogue dans le domaine des sciences de la santé est en voie d'être effectuée, visant à donner une prévision des besoins et des possibilités pour les cinq prochaines années et également certaines perspectives pour une autre période de cinq années. Cette opération est effectuée en collaboration avec les deux ministères, le Conseil des universités. En fait, elle s'insère dans le rôle du Conseil des universités qui est d'apporter, dans la mesure où c'est possible de le faire, une certaine coordination des efforts ou encore de préciser des rôles dans certains secteurs des universités au Québec, en tenant compte du problème des ressources financières, des ressources de diverses natures toujours limitées, que ce soit dans le domaine de la formation universitaire ou dans le domaine des services.

Pour cette opération, le groupe est maintenant au travail. Nous comptons évidemment sur les résultats qui pourront s'en dégager pour apporter certaines solutions à ce type de problèmes.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Juste une brève question. Est-ce que la formation est bien différente pour un étudiant qui choisit de se diriger vers l'industrie pharmaceutique comparativement à ceux qui choisissent la profession de pharmacien.

M. BRAUN: C'est là le gros problème que nous avons à résoudre dans des facultés de pharmacie. Nous avons à faire face, d'une part, au besoin de formation de pharmaciens professionnels pour le secteur de l'officine et l'hôpital et l'insistance du caractère biologique et médical se trouve donc développée. D'autre part, lorsque nous avons à faire face à la formation de pharmaciens destinés à oeuvrer dans l'industrie ou dans des laboratoires de recherche, où l'insistance doit être marquée sur l'autre entité du problème, c'est-à-dire le médicament, la

formation à caractère chimique et physicochimique doit être plus développée.

Nous essayons de résoudre le problème par un compromis en fixant un certain nombre de cours de base et en donnant aux étudiants la possibilité de choisir un certain nombre de cours optionnels, principalement au niveau de la quatrième année. De cette façon, nous assurons à chacun une formation de base suffisante pour pouvoir évoluer par la suite, mais nous donnons à chacun de ces étudiants la possibilité d'un choix personnel qui lui permette de se diriger dans différents secteurs.

Il est cependant utile, pour un grand nombre de fonctions au niveau de l'industrie pharmaceutique, de poursuivre des études de perfectionnement.

M. GUAY: Une autre question: Quel pourcentage d'élèves vont choisir l'industrie par rapport à la profession de pharmacien?

M. BRAUN: A l'heure actuelle, le pourcentage est très faible. Il ne représente, je pense, pas plus de 10 p.c. Et ceci, peut-être, met en évidence le fait que certainement nous ne sommes pas en surproduction de pharmaciens. Si peu de pharmaciens se dirigent dans l'industrie pharmaceutique, c'est essentiellement parce que tout le champ de la pharmacie d'officine privée ou hospitalière leur est ouvert. Ils envisagent peut-être avec plus de crainte de s'engager dans l'industrie pharmaceutique où là ils sont en contact et en concurrence avec d'autres scientifiques. D'autre part, les taux de salaire de départ au niveau de l'industrie pharmaceutique sont généralement moins élevés que les taux de départ dans les pharmacies d'officine.

M. GUAY: Une dernière question. Vous avez donné des chiffres comparativement à l'Ontario.

Est-ce que vous êtes également en mesure de dire si oui ou non la compétence des pharmaciens, puisqu'on les appelle pharmaciens pour le besoin de la cause, leur formation est comparable dans les autres provinces avec celle du Québec?

M. CLAVEAU: Absolument identique. Il y a une association nationale des facultés de pharmacie et les programmes sont identiques, si vous voulez, à peu de choses près, un peu comme pour Montréal et Laval. Il y a des divergences mineures, somme toute, dans le réaménagement. On peut coiffer un cours avec un titre différent, des choses de la sorte. Il faut nécessairement, pour être agréé nationalement dans les facultés, respecter un programme minimum qui est de quatre années.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: Le doyen de la faculté de Montréal nous a suggéré une définition de la pharmacie. Ma question est la suivante: Est-ce que vous en faites une suggestion pour qu'on amende l'article 15 du bill 255, parce qu'on nous a suggéré de modifier l'article 15. Je ne me souviens pas si c'est l'Association des pharmaciens propriétaires. Dans son mémoire, il y a une définition, et je vois que vous arrivez à une définition différente.

M. BRAUN: J'avais donné dans le texte une définition de la pharmacie sur le plan du principe, si vous voulez. Nous n'avons pas introduit une définition de la pharmacie dans le projet de loi. Cependant, nous avons introduit au niveau de l'article 15, concernant l'exercice de la pharmacie, la notion du contrôle qui nous paraît une notion très vaste couvrant à peu près tout ce que le pharmacien peut effectuer au moment où il reçoit l'ordonnance.

M. VEZINA: Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. le doyen, ainsi que le groupe représentant les facultés des universités de Montréal et Laval. Nous suspendons la séance jusqu'à 2 heures et quart, pour faire un compromis.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

Reprise de la séance à 14 h 20

M. BLANK (président de la commission spéciale des corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Il y a un petit changement au programme; il y a un groupe, l'Association canadienne de l'industrie du médicament, qui a un avion à prendre pour l'Europe, à six heures ce soir. Nous pourrions lui donner la chance de passer avant et, vu qu'ils sont pressés, ils ne seront pas trop longs.

Nous commençons avec l'Association canadienne de l'industrie des médicaments.

Association canadienne de l'industrie du médicament

M. BEAUCHEMIN: Merci, M. le Président. Mon nom est Guy Beauchemin, je suis vice-président d'administration de notre association. Je suis accompagné aujourd'hui par le docteur Wigle, qui est président de notre association, par M. Hubert Martel, directeur exécutif du marketing des laboratoires Merck Frost, par le docteur Davies, directeur de la pharmacologie clinique des laboratoires Ayerst, et par le docteur Murphy, secrétaire administratif de la Fondation canadienne pour l'avancement des sciences thérapeutiques.

Vous avez reçu notre mémoire. Je me bornerai donc à en citer les grandes lignes. L'Association canadienne de l'industrie du médicament, fondée en 1914, représente 58 compagnies pharmaceutiques qui fabriquent au Canada environ 85 p.c. des médicaments prescrits par le corps médical. Le principal lien commun entre ses membres est la recherche en vue de mettre à la disposition des médecins des substances physiologiquement actives sous des formes pharmaceutiques stables, d'une efficacité éprouvée et d'une très grande sécurité d'emploi.

Je voudrais souligner que nous ne représentons pas les fabricants de "patent medicines" de médicaments vendus par n'importe qui. La vente de nos médicaments est réservée aux pharmaciens. Nous commentons, dans notre mémoire, les articles 7, 20, 23 et 40; nous nous opposons aux articles 7 et 20 qui autorisent le pharmacien à modifier l'ordonnance du médecin : 1 ) parce que cette permission constitue une brèche dans la relation médecin-patient-pharmacien; 2) parce que le médecin ne peut, d'aucune façon, empêcher que cette substitution n'ait lieu si le projet de loi est adopté; 3) parce que le patient devient le dindon de la farce dans cette procédure puisque cette manipulation de l'ordonnance, qui est sa propriété, se fait à son insu; 4) parce que la santé publique est gravement mise en danger par une décision prise par le pharmacien qui, n'ayant pas à sa disposition le dossier médical du patient et ignorant, la plupart du temps, tout de la pathologie de son client, n'a pas les données nécessaires pour prendre une décision éclairée, malgré sa science incontestée des actions médicamenteuses.

Nous nous opposons aussi à l'article 23 parce qu'il prive de leur droits une forte proportion des pharmaciens de la province de Québec qui oeuvrent au sein de l'industrie pharmaceutique ou qui ont investi dans celle-ci. Nos objections au premier paragraphe de l'article 40 relèvent de la sémantique et de l'usage des expressions qui sont particulières au domaine pharmaceutique industriel.

M. le Président, nous sommes disponibles pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: Il s'agit en effet d'une présentation qui est brève et qui est précise. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de détails concrets, précis sur le quatrième motif qui vous incite à vous opposer à la substitution? Quant aux trois autres motifs, même s'ils sont élégamment rédigés, je ne crois pas qu'ils aient la même portée. Lorsque l'on dit que la substitution constitue une brèche dans la relation médecin-patient-pharmacien, cette relation est assez ténue dans bien des cas. Lorsqu'on dit que le médecin ne peut en aucune façon empêcher que cette substitution ait lieu, encore là, s'il y a des motifs valables de demander qu'il n'y ait pas substitution et s'il y a des communications entre les médecins et les pharmaciens, je ne vois pas, pour des cas vraiment sérieux, pourquoi de telles communications, écrites ou autres, ne pourraient être faites.

Quant au troisième argument, lorsqu'on dit que l'ordonnance est la propriété du patient et que la manipulation de l'ordonnance fait du patient le dindon de la farce, eh bien, je sais fort bien, par expérience dans ma famille, que lorsque je reçois une ordonnance, c'est du grec pour moi. Je l'apporte à la pharmacie, et elle demeure du grec parce qu'on me remet un médicament avec un numéro en me disant: Prenez-en deux fois par jour à telle heure. Je vous dis que si on le manipule à un moment donné ou qu'on apporte certains changements au processus actuel, je n'ai pas l'impression que le patient va s'en apercevoir beaucoup.

Il est évident qu'il faut des sauvegardes pour préserver le patient, le protéger, je suis d'accord. Il me semble que c'est votre quatrième argument qui porte vraiment. Pour pouvoir le juger, il serait intéressant d'avoir de façon plus concrète des exemples positifs pour illustrer votre recommandation ou encore des exemples de méfaits qui auraient pu se produire dans d'autres juridictions où la substitution, avec certaines sauvegardes, a été introduite.

M. BEAUCHEMIN: Essentiellement, notre objection se base sur le fait que des préparations différentes d'un même ingrédient actif

peuvent avoir des propriétés différentes et peuvent agir d'une façon différente au niveau de l'organisme.

Les concentrations tissulaires et les concentrations sanguines peuvent varier et la preuve en est bien établie en pharmacologie avec la méthode de préparation des excipients employés, les méthodes de préparation en somme. Nous disons que la substitution ne doit avoir lieu que lorsque le médicament qu'on veut substituer à celui que le médecin a prescrit originalement a subi des épreuves comparatives qui permettent d'établir une efficacité et une sécurité égale à celles du médicament que le médecin avait prescrit originalement et avec lequel il avait beaucoup d'expérience. Même si le pharmacien — nous sommes plusieurs pharmaciens ici à la table — a les connaissances pharmacologiques nécessaires — et nous n'en doutons pas — il n'a pas ce qu'on appelle en anglais le "feed-back" que le médecin a. Il a donné une certaine préparation d'un ingrédient actif à ses patients pendant un certain temps, il a le rapport de ses patients, il voit l'action du médicament, il sait que telle préparation de telle compagnie agit de telle façon. Je sais que je peux avoir une action semblable en prescrivant la même chose.

Une autre préparation d'une autre compagnie peut agir assez bien aussi et souvent tout aussi bien mais différemment avec un temps d'absorption plus long. Tout dépend de l'âge des patients et de différentes autres considérations qui sont particulières. Le médecin ayant à sa disposition cette expérience peut prescrire; il s'habitue à telle ou telle préparation, il sait quel résultat en obtenir. Il prescrit, il est en mesure et en droit de s'attendre que ce qu'il prescrit est bien ce que son patient va absorber. Si le patient absorbe une autre préparation qui a été substituée à la faveur de cette modification à la Loi de pharmacie et que le patient réagisse de façon différente de celle à laquelle le médecin est habitué, il peut y avoir confusion.

Est-ce qu'il y a des preuves de différence qui existent entre différentes préparations? Il en existe de nombreuses. Il y a assez fréquemment des symposiums sur ce qu'on appelle la biodisponibilité ou la disponibilité biologique de différentes préparations. Tout dernièrement encore, il y avait un article dans la revue de l'Association médicale canadienne sur des essais qui ont été faits sur trois marques d'ampicilline où on reconnaissait qu'il y avait différentes méthodes d'absorption à différents pourcentages.

Si on pouvait prouver que presque tous les médicaments sont égaux, quelle que soit la façon dont ils sont préparés, cela irait. Jusqu'ici, tel n'est pas le cas. L'art du fabricant, qui est l'art de prendre la substance chimique active et de la transformer en un médicament qui va être stable sur les tablettes du pharmacien, qui va s'absorber d'une façon régulière et prévisible dans les organismes, c'est cela l'art de la fabrication du médicament. C'est une science qui est assez longue à apprendre et qui s'apprend avec l'expérience.

M. CASTONGUAY: Comment expliquez-vous, d'une part, qu'à ma connaissance, dans certains hôpitaux d'enseignement où il y a des patients qui souffrent d'affections graves, on en soit arrivé à établir une liste relativement restreinte de médicaments et que tout le monde semble s'en bien porter? D'autre part, en ce qui a trait à la distribution des médicaments en dehors des milieux hospitaliers, de mémoire ou encore par toute l'information que j'ai, c'est extrêmement rare qu'un médecin va s'informer pour voir quel a été l'effet sur un patient du médicament qu'il lui a administré. Ce qui est susceptible, possiblement, de se produire, c'est qu'à un moment donné, si le médicament ne semble pas avoir l'effet désiré, le patient peut se plaindre. Mais de mémoire ou à ma connaissance, je n'ai jamais entendu parler qu'il y eût tellement de "follow up" de la part des médecins en dehors des milieux hospitaliers pour voir comment les patients réagissaient. Il me semble un peu difficile de croire qu'ils ont une connaissance très précise de la façon que leurs patients réagissent en dehors du milieu hospitalier.

M. BEAUCHEMIN: Pour répondre à votre première question, en milieu hospitalier, évidemment les formulaires hospitaliers sont rédigés avec le consentement du bureau médical et des médecins qui pratiquent dans cet hôpital. Les médecins savent à quoi s'attendre quand ils vont prescrire telle chose. C'est tel produit qui va être donné. Cela se fait avec leur consentement. En général, pas toujours, les médicaments sont de très bonne qualité. Tout le monde est d'accord. Le médecin est au courant de cette chose et le choix entre les différentes préparations n'est pas très grand à l'intérieur du formulaire: d'habitude, une préparation de chaque ingrédient actif.

Maintenant, le médecin a aussi, la plupart du temps, dans les hôpitaux, l'option de spécifier telle préparation. On le remet au patient.

Deuxièmement, les réactions des patients peuvent varier avec les médecins.

La plupart des médecins, d'ailleurs, demandent à leurs patients si cela va mieux. Le médecin, en examinant son patient, s'aperçoit s'il va mieux ou s'il ne va pas mieux. Est-ce que telle condition a été corrigée? Est-il plus ou moins nerveux?

As-tu quelque chose à ajouter?

M. MURPHY: Non, je n'ai rien à ajouter. Je ne suis pas d'accord avec M. le ministre en ce sens qu'à mon avis la plupart des médecins suivent leurs malades régulièrement et constatent essentiellement les effets des médicaments qu'ils prescrivent à leurs malades. Un médecin qui finit par avoir de l'expérience avec un

certain médicament préfère toujours continuer à s'en servir. C'est tout ce que je dirais en réponse à cela.

M. CASTONGUAY: Compte tenu de ces deux réponses, pourrait-on conclure — c'est ma dernière question — que, si une liste est conçue bien scientifiquement, à partir de normes bien établies, éprouvées, une telle liste — je pense en particulier à celle qui est utilisée pour l'assistance-médicaments — pourrait constituer un cadre adéquat pour effectuer de la substitution, en y mettant, possiblement, d'autres sauvegardes? Je me rappelle, entre autres, certaines recommandations formulées par le Collège des médecins. Est-ce que cela pourrait constituer un outil?

M. BEAUCHEMIN: D'ailleurs, les facultés de pharmacie, ce matin, ont recommandé exactement la même chose. D'accord, la liste de médicaments est excellente comme liste de médicaments, mais les fabricants de ces médicaments n'ont pas tous eu à prouver à la direction des aliments et drogues, à Ottawa, l'efficacité de leurs médicaments et les concentrations sanguines obtenues à l'usage de ces médicaments.

M. CASTONGUAY: Nous savons, d'autre part, que le ministère fédéral et sa direction des aliments et drogues consacrent des ressources toujours plus grandes pour faire un travail toujours plus soutenu sur ce plan. Des organismes du gouvernement ontarien le font également.

Ce problème tend à diminuer quant à l'ampleur des médicaments non analysés de façon parfaite, pour autant que mes renseignements sont exacts.

M. BEAUCHEMIN : Oui, le gouvernement fédéral commence maintenant avec le programme qu'il appelle QUAD, qui n'est pas en marche encore, mais qui est en voie d'établissement, à établir des taux comparatifs. Et ça ça ira très bien.

Si vous permettez, nous avons le Dr Davies, qui est un expert là-dedans. Il est unilingue anglais.

M. DAVIES: Mr. Minister, I am Richard Davies. My background includes a bachelor of science in pharmacy, a master and PHDin pharmacology and an M.D. I am presently director of Clinical pharmacology for Ayerst Laboratories in Montreal.

One of the projects that have interested me for some time because of my dual background is this question of biological availability investigations as a mechanism of comparing drugs or drug products which are claimed to have the same chemical but which, quite often, when properly and carefully investigated, in fact have a different therapeutic action. In other words, we are into the brand, ex-brand...

The techniques of biological availability are not new, but this technique, which is about ten years old, has really been only used extensively in the last three to four years. There are now 35 to 40 examples of drugs, drug products on the market claimed to have the same chemical and the same strenght which in fact give different blood levels when administered to humans.

One of the other branches of clinical pharmacology which is important to the physician is the much greater recognition that the blood level is often important in the therapeutic action.

The higher the blood level is, the better the therapeutic action is.

Unfortunately, along with this relationship also goes drug toxicity. And this is particularly important in drugs in apoplexy, in drugs in heart disease.

Let me express to you a concern that I, as an informed physician and clinical pharmacologist investigator, hold in the attemps to evaluate items claimed to be the same. It is only if we do, it is only if the scientist does a careful investigation in order to compare the products, taking into account the variation between people, the variation in blood level that I or you may get for a given drug today persist tomorrow. It can vary with what you eat, for example.

It is only if we do careful investigations this way that these differences can be critically established. In the Canadian Medical Journal of August 6th, this year, the Department of Clinical Pharmacology at Ayerst laboratories and the Department of Clinical Pharmacology at McGill, where I also have an appointment, published a comparison of three brands of an antibiotic.

The principal purpose for this investigation was to illustrate how critical it is to do a proper investigation because, scientifically, we can attempt to find differences; if no differences are found, we can make a statement that no differences were found but it is very critical to go the next step. No differences exist, you must be sure that your method of measurement is exact.

There are a number of publications in the scientific literature where less than precise investigations have been undertaken and no differences were found. This has importance to the patient and to the doctor because if in fact differences existed but were missed, then the patient may well end up suffering. As I said, there are now 35 to 40 commonly used drugs where it has been clearly shown by critical biological availability investigations, that unexpected differences exist between two brands or two batches of the same chemical in the same strenght. Only if proper investigations are accomplished and the results published, do I then feel that the danger of interchangeability is minimal.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais demander à l'association des fabricants canadiens si, étant donné l'importance des investissements en pharmacie qu'il y a dans le Québec par rapport aux investissements canadiens — dans votre mémoire, vous donnez $140 millions sur $200 millions — il y a des raisons particulières pour que l'industrie se soit développée tellement dans la province de Québec par rapport aux autres provinces.

Est-ce que ce sont des habitudes de consommation? Est-ce la facilité de recruter du personnel spécialisé? Vous voyez le genre d'explication qu'on pourrait donner?

M. BEAUCHEMIN: C'est vrai que la grosse concentration de l'industrie pharmaceutique canadienne se trouve dans la province de Québec. M. Martel pourra vous répondre mieux que moi.

M. MARTEL: Il y a peut-être différentes causes: 1) une cause historique; 2) une cause géographique; 3) une cause probablement culturelle. La cause historique, c'est que les grandes maisons, à l'origine canadiennes, se sont développées à Montréal à cause de la maison Frosst. La maison Rougier et la maison Ayerst sont des maisons qui se sont développées à partir de la maison Frosst. Il était naturel que ces gens-là, lorsqu'ils se sont séparés de la maison mère, comme on pourrait dire, s'établissent sur place; c'est une histoire.

Deuxièmement, il est fort probable que le fait que les grandes maisons américaines soient placées sur la côte Atlantique, c'est-à-dire proche de Montréal, ait favorisé la région de Montréal. Par exemple, la région autour de la Pennsylvanie et de New York.

La troisième raison c'est que, si on veut faire réellement un marketing, il faut avoir une entrée et sur le marché anglo-canadien — et une connaissance du marché anglo-canadien — et aussi du marché du Québec qui représente tout de même 25 p.c. du marché canadien. Il faut connaître les deux marchés. Donc, Montréal se trouve culturellement bien placé.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ça pourrait, non pas directement, faciliter une certaine surconsommation?

M. MARTEL: De médicaments? M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.

M. MARTEL: Je vais retourner la question, si vous voulez. Je crois que dans votre question, il y a une implication qu'il y a une surconsommation de médicaments prescrits dans la province de Québec ou au Canada en particulier. C'est un peu la question que vous vous posez?

M. CLOUTIER (Montmagny): Devant la commission, on a semblé admettre qu'on avait du chemin à faire de ce côté; et de la part de ceux qui prescrivent et de la part de ceux qui consomment, il y aura peut-être un peu d'autres habitudes de modération à acquérir.

M. MARTEL: Je suis tout à fait d'accord pour utiliser les drogues à bon escient, pour des causes réelles.

Il est assez difficile de répondre à votre question parce qu'il faut utiliser des critères. Si on compare, par exemple, l'utilisation des médicaments au Canada par rapport à d'autres pays comme les Etats-Unis ou l'Europe, qui sont les pays qui sont tout de même les plus proches de nous, si on regarde les choses d'une façon globale, aux Etats-Unis on consomme par tête à peu près 50 p.c. plus de médicaments qu'au Canada. Je crois qu'au prix du manufacturier, l'utilisation au Canada est de l'ordre de $16 par personne tandis qu'aux Etats-Unis elle est de l'ordre de $21 par personne. Si on regarde la consommation des médicaments en Europe, en Angleterre, pour une population qui est à peu près le double de celle du Canada, on a une consommation de médicaments quadruple. Il y a deux fois plus d'utilisation en volume d'argent qu'au Canada. Il y a à peu près, pour une double population, en France, cinq fois plus de médicaments utilisés. Et on peut faire le même genre d'analyse d'une façon très générale. En Europe on utilise de deux à trois ou quatre fois la quantité de médicaments qu'on utilise au Canada.

Pour ce qui est du Québec, il y a un certain retard dans l'utilisation des médicaments par rapport au reste du Canada.

M. CLOUTIER (Montmagny): Justement je voulais vous poser cette question.

M. MARTEL: La population québécoise est à peu près 27 p.c. de celle du Canada tandis que l'utilisation des médicaments est entre 25 p.c. et 26 p.c.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'industrie pharmaceutique canadienne compile — vous nous donnez des statistiques — d'autres sortes de statistiques sur l'utilisation? Par exemple, il peut y avoir sous-consommation dans une région ou dans certaines sections, il peut y avoir surconsommation dans d'autres groupes de population...

M. MARTEL: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous allez aussi loin que ça dans les statistiques?

M. MARTEL: Nous essayons de savoir quelle est la nature du développement du marché parce que, pour nous, c'est la question du développement du marché. Le Canada est un

petit marché pharmaceutique, comme tel. Si on regarde l'utilisation des médicaments en général, on pourrait penser que les gens des Maritimes, par exemple, sont de bons utilisateurs de médicaments. Pas tellement beaucoup mais un peu plus. Le Québec, un peu moins; l'Ontario, c'est la norme; les Prairies, l'Ouest, à peu près la norme aussi. Je crois que la Colombie-Britannique utilise un peu plus de médicaments.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quant à la promotion des produits ou les renseignements que vous donnez sur les produits, on peut dire, je pense, qu'on peut accepter comme postulat que vos contacts sont plus étroits avec les médecins qu'avec les pharmaciens, d'après ce qui nous a été dit devant la commission. Est-ce que ça provient du fait que, pour vous, c'est un état de fait que la loi reconnaît, à venir jusqu'à maintenant, que le médecin est le premier prescripteur de médicaments? Est-ce plus facile pour vous de procéder de cette façon ou si c'est parce que vous n'êtes pas complètement convaincus que, pour des raisons professionnelles, tel qu'on vient de nous l'expliquer, le pharmacien doit être égal au médecin dans vos contacts avec les professionnels?

Vous êtes convaincus que, sur le plan professionnel, vous devez davantage vous tenir en relation avec le médecin qui est le premier prescripteur qu'avec le pharmacien qui, dans votre esprit, est le deuxième prescripteur. Il n'est même pas du tout un prescripteur; il est professionnel qui exécute des ordonnances.

M. MARTEL: Je crois que le doyen Braun a répondu, ce matin, à cette question d'une façon indirecte. Le médecin est celui qui traite les malades. Le pharmacien, dont je suis, s'occupe des médicaments et connaît le médicament. Il y a toute une série de fonctions qui sont proprement pharmaceutiques dans le médicament. Je vois très bien le pharmacien comme un associé du médecin dans le choix des médicaments, d'une façon très générale. Pour un patient en particulier, lorsqu'il s'agit de le traiter, je crois que c'est le médecin. Le pharmacien peut servir de consultant auprès du médecin pour sa marche thérapeutique, mais c'est le médecin qui est responsable du traitement de son malade. Le pharmacien est responsable de la connaissance du médicament. Je crois à ça fermement.

J'aimerais corriger un peu une impression. Nous ne délaissons pas le pharmacien. Parce que c'est la façon dont on pratique la médecine et la pharmacie au Canada, particulièrement au Québec, les visites des représentants se font le matin chez les pharmaciens et dans les hôpitaux et, chez les médecins, dans l'après-midi. Je crois que, d'une façon générale nous consacrons 50 p.c. de notre temps de vente ou de promotion aux pharmaciens et 50 p.c. aux médecins.

Pour ce qui est de la promotion comme telle, elle est généralement dirigée vers le médecin.

M. CLOUTIER (Montmagny): On nous a apporté mardi, au centre de la salle, un paquet de médicaments échantillons. On nous a dit que c'était ce qui était transmis aux médecins durant une période d'un mois. Est-ce que vous étiez ici mardi?

M. MARTEL: Non.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez peut-être vu la photographie dans les journaux; il y en avait un bon paquet. Est-ce que, d'après vous, c'est exagéré ce qu'on nous a mis ici comme monceau de médication ou si, véritablement, cela peut approcher ça?

M. MARTEL: C'est assez difficile pour moi de juger parce que je n'y étais pas. Maintenant, je sais certaines choses. Moi aussi, je veux savoir ce que mes confrères font en promotion. J'ai des médecins qui collaborent avec moi pour me donner, à la fin de chaque mois, ce qu'ils reçoivent. Quelques-uns mettent dans une boîte ce qu'ils reçoivent. C'est une boîte de cette dimension qu'ils me donnent chaque mois, que je leur retourne, d'ailleurs. Ce que les pharmaciens vous ont donné, cette semaine, je n'en sais pas la nature car je ne l'ai pas vu. Je sais qu'une circulaire a été envoyée aux différents pharmaciens il y a quelques mois, là-dessus.

M. CLOUTIER (Montmagny): Pour le journal des Débats, étant donné qu'on ne verra pas vos gestes, cela pourrait être une boîte de deux pieds de longueur sur un pied de largeur. On n'a pas la télévision encore au journal des Débats.

M. MARTEL: Il y a peut-être autre chose qu'il faudrait dire, c'est que les échantillons ne sont donnés qu'à la demande du médecin, sur signature du médecin. C'est une règle que nous suivons. Si le médecin reçoit un échantillon, c'est qu'il l'a demandé.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ceux qui laissent les échantillons aux médecins, la plupart du temps, ce sont vos voyageurs, vos vendeurs quand ils vont chez le médecin, j'imagine. Il y en a peut-être qui sont transmis par la poste, mais une grande partie des échantillons sont laissés par les voyageurs. Quel type de formation ont ceux qui sont les intermédiaires entre le producteur, le fabricant, et le médecin?

Est-ce qu'il y a une bonne majorité de spécialistes en pharmacie qui ont suivi un entraînement spécial? Ils vont tout de même donner des renseignements. Le médecin va vouloir se renseigner sur le médicament. C'est la seule occasion, pratiquement, qu'il a, dans sa journée, au moment où il est en contact avec l'industrie — c'est sa façon de se tenir en contact avec l'industrie, de laisser un peu ses patients — de se renseigner sur la production pharmaceutique. Alors, est-ce que vous voudriez commenter un peu cela?

M. MARTEL: Dans le cas des maisons avec lesquelles je collabore, environ 50 p.c. des représentants sont des pharmaciens, à peu près 40 p.c. sont des universitaires autres que des pharmaciens.

M. CLOUTIER (Montmagny): Cela peut être des chimistes, cela peut être des médecins ou... pas des médecins mais...

M. MARTEL: Des médecins, très peu souvent mais il peut y avoir des chimistes, des biologistes et ainsi de suite. Mais Guy pourrait peut-être vous donner...

M. BEAUCHEMIN: Justement dans ce domaine, nous nous sommes aperçus, depuis quelques années, qu'il y avait des progrès à faire pour les représentants qui n'avaient pas tous nécessairement une formation universitaire. Alors, en collaboration avec une autre association de fabricants et les universitaires canadiens, nous avons créé un conseil d'accréditation des représentants médicaux qui est disponible à tous les représentants médicaux canadiens. Cet organisme, qui est séparé de nous — nous avons contribué financièrement au lancement mais maintenant il se supporte lui-même — donne des cours aux représentants. C'est un cours par correspondance d'un an. Il est disponible en anglais et en français. On y retrouve les matières suivantes: la chimie, la biologie, la pharmacie, la pharmacologie. Ce cours a pour but d'aider les représentants qui n'ont pas eu de formation universitaire, médicale ou pharmaceutique afin qu'ils puissent comprendre très bien les actions médicamenteuses et parler en connaissance de cause avec les médecins et les pharmaciens avec lesquels ils font affaires.

Le premier groupe de diplômés, c'est peut-être un grand mot, mais enfin ceux qui ont subi avec succès les épreuves d'examens, est sorti en septembre ou octobre dernier. D'autres examens seront tenus dans les universités à travers le Canada cet automne encore. Il y a 550 candidats qui ont subi les examens avec succès, 250 qui ont échoué. Maintenant, ceux qui ont réussi ajoutent après leur nom, quand ils visitent les médecins et les pharmaciens, des lettres qui prouvent qu'ils ont subi les examens avec succès, ce qui amènera, à très brève échéance, une distinction par les médecins et par les pharmaciens qui ne voudront consulter et recevoir que les représentants accrédités auprès de cet organisme.

Maintenant, vous parliez tantôt du spectacle de mardi. J'étais ici et j'ai vu de loin qu'il y avait un gros tas d'objets. Je crois, d'après mon expérience, que c'est beaucoup plus que ce qu'un médecin recueille dans un mois, comme on vous l'a dit. L'Association des pharmaciens avait envoyé une circulaire à ses membres, en mars dernier, et dans laquelle on disait: "Nous voulons illustrer le fait que l'industrie pharmaceutique emploie tous les moyens incitateurs imaginables dans le but d'inciter les médecins à prescrire ou à acheter des médicaments. Veuillez nous remettre tous les gadgets dont vous pourrez disposer: crayons, canifs, loupes, porte-clefs, billets de hockey, de baseball, etc., etc.". Il se peut que quelques-uns des articles, qui ont été distribués aujourd'hui, proviennent de sources autres que le cabinet d'un seul médecin pendant un mois. Je ne les ai pas toutes regardées, mais j'ai vu une chose, en particulier, que je sais avoir été utilisée il y a plusieurs années par une compagnie. Cela ne se fait plus depuis très longtemps.

M. VEILLEUX: Le globe lunaire... M. BEAUCHEMIN: Pardon?

M. VEILLEUX: Le globe lunaire qu'on nous a remis, est-ce qu'il remonte à plusieurs années?

M. BEAUCHEMIN: Je ne sais pas qui distribue cela. Je n'ai aucune idée à savoir qui le distribue.

M. VEILLEUX: Le café Maxwell ou je ne sais trop quoi.

M. PAUL: C'était du Sanka.

M. BEAUCHEMIN: Je crois que c'était la compagnie Warner, mais il y a de cela plusieurs années.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que votre association, soit l'association canadienne ou la section du Québec, qui viendra tantôt, a un certain contrôle sur la publicité qui peut être faite par des fabricants? On a ici — tout le monde peut avoir cela — la compagnie Ayerst qui fait une promotion avec des voyages. On peut gagner un voyage. C'est pour augmenter la clientèle et pour vendre des vitamines Paramet. C'est de la publicité pour promouvoir la vente de vitamines.

M. BEAUCHEMIN: C'est chez les pharmaciens, je crois.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, c'est publié à l'intention du pharmacien par les laboratoires Ayerst. De toute façon, c'est une promotion de vente d'un certain produit. Sauf erreur, on ne parle pas de la qualité du produit. C'est une promotion commerciale, comme on en voit pour des produits d'autre type que ceux du domaine de la santé. Avez-vous un certain contrôle là-dessus? Si vous n'en avez pas, songez-vous à acquérir, peut-être, un contrôle plus étroit sur ce genre de choses?

M. BEAUCHEMIN: Ce médicament n'est pas donné sur ordonnance, habituellement. C'est un médicament qui s'achète au comptoir suivant le

choix du patient ou la recommandation du pharmacien. Pour ce qui est du contrôle, nous avons ce qu'on appelle un code de mise en marché qui vise différents aspects de la mise en marché. Nous surveillons, à nos bureaux, toutes les annonces pharmaceutiques qui ont pour but de donner les qualités d'un médicament et qui sont publiées au Canada, dans tous les journaux médicaux et pharmaceutiques, et nous les comparons avec ce code, qui a été développé en collaboration avec l'Association médicale canadienne et le directorat des aliments et drogues, dans le temps, qui a changé de nom maintenant.

Nous avons, jusqu'ici, attiré l'attention de plusieurs de nos compagnies sur des annonces où toutes les indications, par exemple, n'étaient pas inscrites ou dont le goût était certainement douteux. Nous avons toujours eu une excellente coopération de la part de nos membres là-dessus. L'annonce s'est arrêtée immédiatement. Evidemment, il s'agit de l'apprendre avant qu'elle ne paraisse.

Pour ce qui est de ces annonces, non, nous n'avons pas de contrôle là-dessus. C'est une promotion qui...

M. MARTEL: Qui n'est pas dirigée vers le médecin et ce n'est pas pour une médication sur ordonnance.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aurais rien qu'une question, M. le Président. On a souligné, à l'attention de la commission, que certains médicaments pouvaient être livrés en l'absence d'informations suffisantes. Avez-vous un code d'éthique ou d'autres moyens ou systèmes pour être en mesure d'indiquer, avec chaque médicament, sa composition, les dangers à le consommer ou quelque chose comme cela?

M. MARTEL: Oui, oui. D'ailleurs, c'est une des conditions que le gouvernement fédéral impose sous différentes formes. Toute nouvelle médication, actuellement, doit être accompagnée d'une description complète, qui est appelée la monographie d'un produit. C'est le terme qu'on emploie. Il y a une description complète, si c'est un nouveau médicament, si c'est un médicament qui a subi les essais cliniques pour démontrer son efficacité et le fait qu'il est sûr.

M. GUY: Merci.

M. BEAUCHEMIN: Pour ce qui est du code, si vous me permettez, M. le Président, voici le code des principes et normes de notre association. J'en ai des copies. Si vous êtes intéressés, elles sont à votre disposition.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: J'ai entendu avec un peu d'éton-nement M. Martel nous dire, tantôt, que 50 p.c. des représentants de vente et de promotion auprès des médecins étaient des pharmaciens. Par contre, j'ai entendu une réserve à ce qu'il disait, dans ce sens qu'il parlait des compagnies avec lesquelles il est associé. Est-ce que vous voulez dire que c'est l'ensemble de l'industrie ou seulement un groupe de compagnies?

M. MARTEL: Je dois limiter ce genre de commentaires aux compagnies avec lesquelles je travaille et que je connais.

M. BURNS: Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui peut nous donner la réponse quant à l'ensemble des compagnies? Quelle serait la proportion des représentants de vente et de promotion qui sont des pharmaciens?

M. BEAUCHEMIN : Pour les 58 compagnies que nous représentons, nous ne séparons pas ça entre pharmaciens et non-pharmaciens. Nous séparons ça entre universitaires et non-universitaires et nous avons à peu près la même proportion; 40 p.c. des représentants de nos compagnies sont des universitaires.

M. BURNS: Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir combien sont des pharmaciens. Je veux dire pas simplement un gars qui est allé en première année de pharmacie, qui a bloqué et qui est devenu vendeur, comme on en a vu plusieurs. C'est peut-être quelqu'un que vous considérez comme un universitaire. Mais le gars qui commence son cours de pharmacie et qui s'aperçoit qu'il n'est pas capable de passer au travers souvent va se diriger vers ce domaine. Tant mieux, il gagne sa vie honnêtement. Mais ça ne répond pas nécessairement à ma question, à savoir combien il y a de pharmaciens qui pourraient exercer dans une officine.

M. BEAUCHEMIN: Je ne le sais pas. Je sais que nous avons à peu près 700 pharmaciens qui travaillent pour l'industrie. Evidemment, ça comprend la fabrication, la vérification de la qualité, etc. Je n'ai aucune idée de la proportion.

M. BURNS: Vous n'avez aucune statistique? Aucune autre personne à la table ne pourrait nous dire ça, non plus.

M. MARTEL: Est-ce que je peux, tout de même, clarifier la question un peu? Le problème qui se pose, c'est le recrutement. Les maisons qui ont une force de vente depuis un certain nombre d'années, normalement, auraient une plus grande proportion de pharmaciens. Depuis une dizaine d'années, particulièrement depuis les cinq dernières années, les

salaires, comme le doyen Braun le disait tout à l'heure, dans l'industrie pharmaceutique pour commencer sont moindres que ce qui est offert dans l'officine. Dans les provinces des Prairies, il y a un certain nombre de pharmaciens qui sont disponibles, mais ils ne sont pas disponibles pour l'industrie. C'est un problème de recrutement pour les cinq à dix dernières années.

M. BURNS: Est-ce que vous ne trouvez pas, étant donné tout ce qu'on a dit sur le caractère particulier des médicaments, leur caractère dangereux, que la tendance des compagnies devrait être normalement d'employer des pharmaciens pour remplir ces fonctions-là?

M. MARTEL: Je suis tout à fait d'accord.

M. BURNS: Est-ce qu'il y a quelque chose qui se fait du côté des entreprises pour attirer davantage des pharmaciens dans ces fonctions-là? Est-ce qu'il se fait quelque chose? Si oui, qu'est-ce que c'est?

M. MARTEL: Moi personnellement et M. Beauchemin aussi avons collaboré avec la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal pour donner un cours sur la pharmacie industrielle depuis une dizaine d'années, de façon à intéresser des jeunes à considérer l'industrie pharmaceutique comme une carrière.

M. BURNS: Mais vous parlez de difficultés de recrutement. Est-ce une question de salaires qui empêche les gens de se diriger là?

M. MARTEL: Oui.

M. BURNS: N'est-ce pas une fonction suffisamment importante pour que vous rendiez ce poste attrayant pour les pharmaciens?

M. BEAUCHEMIN: Les salaires les plus élevés pour des pharmaciens, c'est dans la production et la vérification de la qualité. C'est souvent beaucoup plus intéressant pour le pharmacien que d'être représentant médical. Cela dépend du caractère de chacun.

Il faut dire qu'en arrière de chaque représentant médical, pharmacien ou non, on retrouve les connaissances de l'équipe médicale de chaque compagnie. Il arrive très fréquemment qu'un représentant, qu'il soit pharmacien ou non, ne puisse pas répondre à la question d'un médecin, qu'il n'ait pas l'information nécessaire à sa disposition, mais toujours elle est disponible au sein de la compagnie par le service médical où un tas de médecins travaillent.

M. BURNS: Remarquez que moi-même qui suis universitaire, avec une formation en droit, je me vois mal aller vendre des pilules à un médecin et lui vanter les mérites de ces pilules, parce que je n'y connais strictement rien. Même si vous nous parlez d'universitaires qui sont dans le domaine, ça me laisse froid.

M. BEAUCHEMIN: Oui, oui.

M. MARTEL: Je crois qu'on entend des gens des sciences biologiques d'une façon générale. Il ne faut pas oublier qu'avant que le type soit placé dans le champ, il a reçu pendant plusieurs mois une formation dans la maison.

M. BURNS: Sauf que ça n'en fait pas un pharmacien.

M. MARTEL: Pardon?

M. BURNS: Ça n'en fait pas un pharmacien.

M. MARTEL: Non, ça n'en fait pas un pharmacien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Je regarde le document que vous nous avez remis tout à l'heure, les principes et normes et, notamment, on parle des normes régissant la réclame pharmaceutique destinée aux médecins. Est-ce que L'Association canadienne de l'industrie du médicament a un organisme de surveillance. Vous avez des gens à l'arrière qui ont signé, les membres; parfois c'est facile de signer mais dans l'application c'est différent. Est-ce que vous avez un organisme de surveillance?

M. BEAUCHEMIN: Oui. Comme je vous disais tantôt, nous avons à nos bureaux un service qui s'occupe exclusivement de ça, surveiller la publicité de nos membres. Ceci ne veut pas dire qu'il ne se publiera pas une annonce une fois qui ne réponde pas tout à fait aux normes. L'organisme de surveillance est chargé de rectifier cela.

M. VEILLEUX: Est-ce que cet organisme de surveillance que vous mentionnez surveille vraiment? On a eu, dans les gadgets présentés, deux tubes faits par la même compagnie, portant des noms différents, ayant exactement la même teneur et se vendant à des prix différents. Un tube était d'une couleur différente, c'était plus regardable, alors ça se vendait plus cher.

Est-ce que votre organisme surveille ces choses-là pour les membres?

M. BEAUCHEMIN: J'étais ici, j'ai vu un des tubes, il me semblait que c'était du nupercaihal. Mais, l'autre tube, je n'ai pas pu voir de quoi il s'agissait.

M. VEILLEUX: Je les ai placés en haut dans mon bureau, j'ai oublié de les descendre.

M. BEAUCHEMIN: Nupercaïnal et Bradosol sont fabriqués par...

M. VEILLEUX: Bradosol.

M. MARTEL: On me dit que ce n'est pas la même compagnie.

M. VEILLEUX: Je ne sais pas, ça me fait penser — je vous demande ce que vous en pensez — un peu aux sortes de savon qu'on vend à la télévision. On appuie beaucoup plus sur la serviette à l'intérieur que sur le produit. Parfois certaines compagnies, pour certains produits, peuvent appuyer plus sur les gadgets que sur le produit lui-même.

M. MARTEL: Pour en revenir aux gadgets, je pense bien que vous me permettrez, M. le Président, de faire peut-être un commentaire là-dessus. Après une longue observation sur la question des gadgets, j'en suis venu à la conclusion que les gadgets ne vendent rien. Pour un gadget qui n'est pas utile dans la pratique de la médecine ou de la pharmacie, ça ne vaut pas la peine.

M. VEILLEUX: A ce moment-là, est-ce que ce ne serait pas mieux de vous entendre entre les membres pour avoir une espèce de code sur les gadgets? Vous pourriez dire: On ne fait plus de gadget, c'est le produit qu'on explique. Parfois les gadgets ça peut servir à différentes choses, notamment en termes de publicité dans certains rapports.

M. BEAUCHEMIN: A toutes fins pratiques les gadgets ne sont à peu près plus employés. Ça représente d'ailleurs un chiffre infime. L'échantillonnage et les gadgets, je crois que c'est 1.1 p.c. des ventes, quelque chose comme ça. Pas des ventes, de l'annonce.

M. VEILLEUX: Les industries du médicament, est-ce qu'ils sont tous membres de cet organisme et dans quelle proportion?

M. BEAUCHEMIN: Tout dépend de la définition de fabricant. Suivant la Loi des aliments et drogues à Ottawa est réputée fabricant toute personne qui appose son nom sur un produit. A ce titre-là, il y en a environ 1,200 au Canada. Pour la plupart, c'est très régional. Il y a même des pharmacies qui ont des préparations à elles; elles sont réputées fabricants. Elles distribuent seulement dans leur environnement. En général, des compagnies qui fabriquent au Canada, il y en a une centaine, 120 peut-être, et nous en représentons 58.

M. VEILLEUX: Est-ce que les 58 ont signé ça ou s'il y en a qui n'ont pas voulu signer?

M. BEAUCHEMIN: C'est une condition d'adhésion à l'association.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir de M. Martel où il a pris les statistiques qu'il nous a communiquées dans le cours de ses remarques lorsqu'il a mentionné par exemple que la consommation per capita de médicaments aux Etats-Unis était de $21, en Angleterre à peu près quatre fois plus que ce qui se consomme au Canada, cette consommation canadienne étant de l'ordre de $16 ou $18 per capita?

Sans nous chloroformer, cela nous a quelque peu surpris. Y aurait-il possibilité de connaître la source de vos statistiques? C'est contrôlé par qui et quels sont les critères qui servent de base à l'établissement, au calcul de ces statistiques?

M. MARTEL: Une correction. J'ai dit qu'en Angleterre la population était à peu près le double de celle du Canada et que le marché est à peu près quatre fois celui du Canada, donc la consommation serait à peu près le double. Pour ce qui est du marché, la grandeur du marché, je crois que ce sont des chiffres qui se rapportent à 1970.

Il existe dans le monde entier ou dans les pays les plus évolués, c'est-à-dire l'Amérique du Nord, certains pays de l'Amérique du Sud, l'Europe, un service qui permet de mesurer avec une précision de 5 p.c. à 10 p.c. la grandeur totale du marché et avec une précision de 20 p.c. à 25 p.c. les ventes d'un produit individuellement. C'est une compagnie internationale qui est établie dans la grande majorité des pays et qui fait une étude de statistiques mensuelles sur les ventes au niveau des achats des pharmacies et très souvent dans les hôpitaux. Au Canada, on a les achats des pharmacies et les achats des hôpitaux. Il est assez facile de reprendre ces informations qui viennent de IMS, International Marketing Services et, DK & K, Davie, Killing and... — je ne me souviens pas du troisième nom — compagnies qui nous donnent le total des ventes sur le marché d'Europe.

M. PAUL: Maintenant, l'échantillonnage se fait chez combien de pharmaciens, par exemple, au Canada ou au Québec?

M. MARTEL: Les échantillons sont normalement offerts aux médecins.

M. PAUL: Je parle de l'échantillonnage pour l'établissement des statistiques.

M. MARTEL: Oui, l'échantillonnage. C'est entre 120 et 150 pharmacies au Canada, à peu près 200 pharmacies.

M. PAUL: Au Canada? M. MARTEL: Au Canada.

M. PAUL: Alors qu'il y aurait au Québec, si les informations qui nous ont été données sont exactes quand je les retiens, environ 900 pharmaciens au Québec.

M. MARTEL: Le nombre de pharmacies, je ne pourrais pas vous le dire. Il y a 5,000 pharmacies au Canada.

M. PAUL: Propriétaires de pharmacie.

M. MARTEL: Il y a peut-être de 1,000 à 1,200 pharmacies au Québec.

M. PAUL: Est-ce que votre association, dite canadienne, de l'industrie du médicament a ses propres statistiques elle aussi?

M. BEAUCHEMIN: Oui, nous recueillons des statistiques aussi et c'est comme cela qu'on peut voir assez bien l'exactitude des sondages faits par les compagnies que M. Martel a mentionnées. Les statistiques de consommation correspondent, à la fin de l'année, à nos ventes ou aux ventes projetées avec les compagnies qui ne se rapportent pas à nous. On peut vérifier. Enfin, c'est dans le champ.

M. MARTEL: C'est cela, nous faisons un rappel de nos ventes contre leurs statistiques.

M. BEAUCHEMIN: Oui, nous recueillons les statistiques mentionnées.

M. MARTEL: C'est pour cela qu'on peut même vous citer l'ordre de grandeur des erreurs.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Ce matin, les doyens des facultés de Laval et de Montréal nous ont parlé de la préparation des pharmaciens qui sont des professionnels de la santé. On nous a aussi dit l'autre jour que chez les pharmaciens on consacrait trois fois plus de temps à l'étude des médicaments et drogues que dans le cours de médecine.

Je vous pose la question suivante: Puisque vous adressez votre publicité surtout aux médecins, est-ce que les pharmaciens ne sont pas plus en mesure de comprendre le diagnostic thérapeutique des médecins? Deuxièmement, est-ce que les pharmaciens ne sont pas plus en mesure d'analyser les actions secondaires des produits ajoutés aux éléments actifs, les actions secondaires des produits secondaires ajoutés aux éléments actifs dans certains produits?

Troisièmement, M. Murphy a parlé des différentes qualités chimiques des produits; stabilité sur les tablettes, concentration sanguine, temps d'absorption. Je vous pose la question: Est-ce que ça ne relève pas plutôt d'une spécialité chimique que de la médecine?

M. BEAUCHEMIN: Il y a une question de fait à l'heure actuelle, c'est que c'est le médecin qui prescrit le médicament pour son patient. Le patient va voir le médecin qui choisit le médicament qu'il juge le plus approprié.

M. PERREAULT: C'est la situation actuelle, mais je vous pose la question: Si le médecin établissait un diagnostic thérapeutique, est-ce que le pharmacien ne pourrait pas déterminer le produit nécessaire à l'action thérapeutique?

M. MARTEL: Je crois qu'un médecin pourrait mieux répondre à cette question. Vous verriez-vous, docteur Murphy, faire le diagnostic et demander au pharmacien de prescrire le médicament?

M. MURPHY: Non parce que, même si peut-être le pharmacien connaît un peu plus de détails en ce qui concerne les propriétés galéniques d'un médicament, il incombe toujours au médecin d'être au courant des indications pour un médicament donné et de ses effets secondaires dans les résultats qu'il recherche lui-même dans un traitement. Cela, c'est vraiment en dehors de la discipline de la pharmacie.

Qu'il y ait une collaboration entre les deux, comme on le voit de plus en plus dans les hôpitaux, d'accord, mais c'est vraiment en premier lieu, à mon avis, le médecin qui doit faire le choix.

M. PERREAULT: Est-ce qu'à votre avis les médecins ont suffisamment de temps à consacrer à l'étude des tests et des recherches qui se font sur les médicaments?

M. MURPHY: Les bons médecins le font. Ils se renseignent grâce à des publications, auprès de leurs confrères et en examinant les résultats des investigations que leurs confrères ont pu faire, etc.

M. PERREAULT: Dans votre optique, quel serait le pourcentage des médecins qui connaissent le nom générique des produits pharmaceutiques?

M. MURPHY: Pas la majorité; je ne pourrais pas donner un chiffre.

M. MARTEL: On a publié, il y a quelques années, dans le journal de l'Association médicale canadienne, un article qui démontrait que les médecins connaissent le nom générique dans l'ordre d'à peu près 50 p.c. Aussi, ils ne connaissent le nom de la maison que dans l'ordre d'environ 30 p.c. Ils connaissent la drogue, mais ils ne connaissent ni le nom générique, ni le nom du fabricant.

M. PERREAULT: Ils connaissent surtout la marque de commerce de la drogue.

M. MARTEL : Ils connaissent le nom de la drogue qu'ils utilisent. Maintenant, vous savez très bien que les médecins utilisent un nombre assez restreint, individuellement, de médicaments qu'ils connaissent.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aurais une question à ajouter à celles que j'ai déjà posées. Lors de l'étude d'une autre législation, des personnes ont soulevé, à une commission parlementaire, la différence marquée entre le prix d'un produit vendu par une pharmacie ou par une autre pharmacie. J'aimerais savoir de votre part si le prix que paient les pharmaciens chez vous pour obtenir un produit quelconque est le même à peu près partout, si on fait exception de la quantité.

M. MARTEL: C'est la loi. Il faut que les clients qui sont concurrents soient soumis aux mêmes conditions de vente. C'est la loi fédérale.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. Une autre question?

M. VEILLEUX: Si vous me permettez une demi-minute.

M. PAUL: Encore une question sur le savon?

M. VEILLEUX: Non, mais ça ressemble un peu au savon. Il y a des exemples qu'on nous a mentionnés qui me reviennent tout à coup. Il y a — je ne sais pas — des Vicks formule ordinaire et la formule 44. Des gens nous ont dit que c'était, sinon la même chose, pratiquement la même chose. Or, un produit se vendait plus cher que l'autre parce que c'était écrit "formule 44" dessus. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

M. BEAUCHEMIN: Ce sont ce qu'on appelle des "over the counter drugs", des produits qui sont vendus à peu près par n'importe qui. Nous ne représentons pas ces compagnies, quoique la compagnie Vicks soit associée à la compagnie Merrell que nous représentons, mais exclusivement pour des médicaments vendus par les pharmaciens, réservés aux pharmaciens et habituellement sur ordonnance.

M. VEILLEUX: Chez vous, les 58 compagnies ne font pas de choses comme ça?

M. BEAUCHEMIN: Pas Vicks, en tout cas.

M. VEILLEUX: Il y a 120 compagnies, alors il en reste 70 que vous ne contrôlez pas.

M. BEAUCHEMIN: Sur les médicaments à ordonnance, il n'est pas éthique, d'ailleurs ça ne s'est jamais fait, d'employer des noms inventés pour caractériser les substances chimiques connues. C'est contraire à la Loi des aliments et drogues.

M. VEILLEUX: Je l'espère.

M. LE PRESIDENT: Le ministre a un commentaire.

M. CASTONGUAY: Avant de terminer, étant donné qu'il a été question du niveau de consommation de médicaments au Canada, au Québec, dans d'autres pays, je voudrais simplement apporter d'autres données qui montrent qu'il y a un problème sérieux. Ce sont des données qui ont été recueillies sur une base scientifique qui porte sur l'augmentation de la dépense de médicaments, de septembre à décembre 1971, par une catégorie bien identifiée de personnes, les bénéficiaires de l'aide sociale, sur l'île de Montréal. On voit que, par bureau d'aide sociale, dans aucun cas, il n'y a eu diminution. Les augmentations varient de 7 p.c. jusqu'à 900 p.c. dans une période de quatre mois. C'est une étude qui a été faite en dehors du ministère sans, encore une fois, que ce soit nous, comme ministère, qui ayons délimité la méthodologie ou la façon d'aborder l'étude ou de l'exécuter ou de choisir les chercheurs. En tant que ministère, nous n'avons pas touché, d'aucune façon, à la forme d'étude ni au choix des chercheurs. Ce sont des statistiques que je cite et je pourrais, au besoin, en citer d'autres. Je les cite parce que, à mon avis, je l'ai mentionné mardi, il y a un problème extrêmement sérieux d'augmentation dans la consommation des médicaments. Malgré les chiffres qui ont été cités ici pour rassurer, il n'en demeure pas moins que des données comme celles-ci sont très inquiétantes, à mon avis.

M. LE PRESIDENT: Merci. Est-ce que vous voulez répondre?

M. CASTONGUAY: C'est un commentaire seulement. De temps à autre, au cours de nos séances, j'apporte de l'information de la façon la plus objective possible.

M. GUAY: M. le Président, comme information supplémentaire, est-ce que le ministre pourrait nous dire par qui l'étude a été menée?

M. CASTONGUAY: Je pourrai donner tous ces renseignements avec grand plaisir.

M. BEAUCHEMIN: Vous nous permettrez sans doute de vous envoyer l'état de l'augmentation du marché?

M. CASTONGUAY: Certainement, avec grand plaisir.

M. MARTEL: J'aurais un commentaire, si vous me le permettez. Ce genre d'augmentation se remarque probablement dans un secteur particulier de la population?

M. CASTONGUAY: Il s'agit ici d'un programme qui a été mis en vigueur le 1er novembre 1970, l'étude porte sur septembre 1971 à décembre 1971.

M. MARTEL: Ce sont les assistés sociaux.

M. CASTONGUAY: Oui, mais il y a une limite à ce qu'on peut leur fournir. On va venir à les tuer, à ce rythme-là.

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. Je vais vous souhaiter bon voyage en Europe.

Me Laflamme. Je cède maintenant la parole aux aides-pharmaciens représentés par Me Ovide Laflamme, procureur et représentant.

Association des aides-pharmaciens

M. LAFLAMME: M. le Président, je représente ici l'Association des aides-pharmaciens qui est, en soi, une association bona fide qui représente tout de même, à travers la province, environ 1,200 membres. Nous étions déjà venus comparaître devant la commission parlementaire au mois de mars 1971 lors de l'étude du projet de loi 69 sur l'assurance-maladie.

A cette époque, M. le Président, nous avions, à l'exposé de notre mémoire, reçu des commentaires.

J'attire l'attention des membres de cette commission tout particulièrement sur la page B-669 du journal des Débats de la Législature, le 11 mars 1971. A l'analyse de notre mémoire, l'honorable ministre des Affaires sociales avait déclaré: "... après cet exposé de Me Laflamme, exposé au cours duquel nous avons été en mesure de juger de sa compétence — passons pour ça — dans la défense d'une bonne cause."

Or, l'honorable ministre continuait en exposant la nécessité d'une refonte des lois relatives aux corporations professionnelles. Cette remarque du ministre et la réception que nous avions reçue à ce moment-là avaient créé chez nos membres beaucoup d'espoirs à l'effet que, dans une refonte éventuelle de la Loi de pharmacie, il y aurait possibilité d'avoir enfin et une fois pour toutes un statut juridique pour les aides-pharmaciens qui oeuvrent dans la province de Québec, dans les pharmacies d'officine particulièrement.

Malheureusement, lorsque le projet de loi 255 a été déposé, incluant le projet de loi 250, et à la lecture du projet de loi 255 sur la pharmacie, nous avons tout de même pu remarquer et noter que nulle part il n'était question des 1,200 aides-pharmaciens dans la province, bien que nous remarquions qu'il s'agissait d'un projet de loi. A plusieurs reprises l'honorable ministre des Affaires sociales l'a déclaré, c'était un projet. La possibilité de présenter des mémoires et de venir faire valoir des opinions devant votre commission était ouverte. De fait, nous sommes ici aujourd'hui, bien confiants qu'à travers les délibérations il y aura possibilité, enfin, de régler juridiquement le problème qui confronte les gens que nous représentons.

Nous n'avons pas l'intention de discourir bien longuement et de faire l'histoire du développement de la vente en officine de produits pharmaceutiques. Toutefois je voudrais rappeler aux membres que depuis que nous sommes ici, c'est-à-dire mardi, nous avons entendu nombre de mémoires. Il a semblé acquis dans notre esprit que les pharmaciens licenciés, qui nous enploient, disent ou ont du moins reconnu, dans des termes assez clairs et assez évidents, que la formation pédagogique qu'ils avaient reçue à l'université n'avait aucune compatibilité avec les qualifications nécessaires pour la vente, à l'heure actuelle, en officine de produits pharmaceutiques sous ordonnances, tant et si bien que les pharmaciens ont dit qu'ils voulaient participer à l'exercice ou à la préparation de l'ordonnance médicale. A ce moment-là, nous nous posons la question et ce n'est pas là notre point de vue: Est-ce que, oui ou non, votre commission a l'intention de confier au pharmacien la possibilité juridique d'effectuer un acte médical, particulièrement sa participation dans l'ordonnance médicale? Veut-on conserver aux médecins cette priorité ou ce droit qui engendre, évidemment, une responsabilité importante? A ce moment-là nous répétons ce que déjà François Lacasse, qui a été chargé de faire une enquête, a déclaré. Egalement nous faisons nôtres les vues qui ont été élaborées par un comité qui a été constitué par le ministère de la Main-d'Oeuvre du Québec et qui a fait rapport au ministre du Travail, particulièrement et précisément sur la confusion qui existe à l'heure actuelle chez les employés qui sont les aides-pharmaciens travaillant dans les pharmacies d'officine et l'article 21 de la Loi de pharmacie du Québec.

Ce que, M. le Président, nous voulons développer ici devant vous, c'est qu'en 1967, le Collège des pharmaciens a subitement décidé de tenter de mettre en pratique l'article 21 de la Loi de pharmacie, chapitre 255 des Statuts du Québec, qui dit qu'aucune ordonnance médicale ne peut être remplie et livrée sans la présence physique d'un pharmacien.

Il y a eu des poursuites, évidemment. A compter de ce moment-là, il y a eu aussi la réaction des aides-pharmaciens qui oeuvrent depuis de nombreuses années et qui, dans les faits, remplissent depuis dix ans, depuis quinze ans... Il y en a ici, à cette table, qui remplissent des ordonnances depuis 35 ans sans la présence d'un pharmacien. Ces gens, évidemment, se trouvaient, par suite de cette tentative de vouloir appliquer une loi, et se trouvent encore, à l'heure actuelle, dans une situation pour le moins désordonnée.

Or, ce que nous disons — je fais appel, tout simplement, à la compréhension des membres de cette commission — c'est que le rapport Mireault, qui a déjà été déposé mais qui n'a pas été publié... Je demande à l'honorable ministre, étant donné que j'ai pu m'en procurer une copie, s'il est permis qu'il soit distribué parmi les membres de la commission. S'il est permis qu'il soit distribué parmi les membres de la commission, je pense qu'il s'agit là du rapport

d'une commission complètement indépendante qui a étudié notre problème et qui a fait des recommandations sur lesquelles nous sommes à 95 p.c. d'accord.

Ce que nous voulons particulièrement et précisément, sans vouloir faire des allusions désobligeantes ou malveillantes, c'est qu'en conformité avec ce qui a déjà été dit ici par les pharmaciens licenciés, et il est vrai que pour la livraison sur ordonnance médicale de produits dans des pharmacies d'officine, les exigences pédagogiques de la législation qui existe, à l'heure actuelle, sont disproportionnées par rapport aux besoins... Il n'est pas question du tout, à ce moment-là, de soulever la question de l'intérêt public parce que, dans les faits, les 1,200 membres de l'Association des aides-pharmaciens agissent, livrant sur ordonnance des produits pharmaceutiques. En fait, dans au moins 75 p.c. des pharmacies d'officine de la province, les aides-pharmaciens sont ceux qui remplissent, dans la plupart des cas, le plus d'ordonnances médicales, qui livrent le plus de produits pharmaceutiques.

Sans citer de noms, je voudrais simplement vous donner des exemples et des chiffres. Si l'on mettait à l'oeuvre tous les pharmaciens licenciés, à l'heure actuelle, qui travaillent à l'intérieur des pharmacies d'officine et dans les hôpitaux, il faudrait en conclure, M. le Président, et ce sont des chiffres essentiellement conservateurs parce que nous nous sommes basés sur à peu près 30 millions d'ordonnances médicales en 1971. Nous savons qu'il y en a plus. Comme l'honorable ministre vient de faire allusion à une augmentation considérable, depuis l'application du programme des assistés sociaux, il y a beaucoup de 30 millions d'ordonnances par année. Si vous appliquez à cela les chiffres des pharmaciens qui sont en service, vous en arrivez à une situation que, sans faire absolument rien d'autre, les pharmaciens licenciés devront travailler dans les pharmacies plus de 49 heures par semaine, sans faire absolument rien d'autre que de remplir des ordonnances. Même pas répondre au téléphone, même pas s'occuper d'administration.

Dans les faits, cela démontre — je pense que vous le savez tous — que parmi les 1,200 membres que nous représentons, il y en a qui, par l'expérience, ont acquis non seulement la compétence mais aussi les connaissances suffisantes pour pouvoir interpréter une ordonnance.

Evidemment, j'ai été extrêmement étonné, M. le ministre, d'entendre ce matin le doyen de la faculté dire qu'il n'y avait que 10 p.c. d'étudiants en pharmacie qui se dirigeaient vers la recherche.

Si l'on fait état des connaissances nécessaires et requises pour agir comme pharmacien d'officine, je dis qu'il est simplement déplorable que l'on puisse pendant quatre années faire des études en pharmacologie et en venir à effectuer de la vente d'un produit pharmaceutique.

Pour éclairer le problème sous un autre angle, les pharmaciens vous arrivent et disent: Nous voulons participer à l'ordonnance. Nous voulons entretenir le contact avec le patient. Ecoutez, bien sincèrement, ça ça ne tient pas. Habituellement ce n'est pas le patient lui-même qui va chercher le médicament à la pharmacie. Deuxièmement, le rapport thérapeutique pour le médicament qui a été prescrit, ce n'est pas le pharmacien qui le reçoit, c'est le médecin.

Alors, lorsque l'on parle de ce contact humain, dans la plupart des cas le pharmacien on ne le voit pas lorsque l'on va dans une pharmacie chercher le médicament.

Je voulais attirer votre attention sur le rapport Mireault, qui a, à mon point de vue, une valeur importante parce qu'il a été fait par des officiers du ministère de la Main-d'oeuvre essentiellement indépendants. Ils ont fait des recherches constructives, des recommandations sur lesquelles, je le répète, nous sommes à 95 p.c. d'accord.

Nous en sommes arrivés, à l'analyse du bill 255, à proposer une recommandation. Nous l'avons fait dans notre mémoire. Nous n'avons pas l'intention de répéter ce qui y est inclus. Mais nous voudrions qu'à l'article 16 on ne demande pas le diplôme de pharmacien, qui est donné par le Collège des pharmaciens à des gens qui ont reçu une formation universitaire. D'abord l'article 21 devrait être aboli immédiatement, il ne faudrait pas attendre l'étude de tous les mémoires de toutes les corporations professionnelles, sur tous les projets de loi des corporations professionnelles. La tentative de vouloir mettre en application l'article 21 de la loi qui existe à l'heure actuelle crée un conflit considérable, place environ 1,200 employés à travers la province, qui rendent un service adéquat, dans une situation intolérable. En même temps cela place aussi les pharmaciens licenciés qui les emploient dans une situation totalement fausse.

Ce que nous disons, c'est que l'article 16 du projet de loi devrait être amendé de façon que les aides-pharmaciens puissent continuer leur travail, continuer à délivrer des médicaments sous ordonnance dans les officines, sous la responsabilité d'un pharmacien licencié.

En disant sous la responsabilité d'un pharmacien licencié, cela implique nécessairement — nous le disons de la même manière que le rapport Mireault l'a fait — que tous les aides-pharmaciens ayant servi pendant au moins dix ans continus chez un pharmacien licencié, dans la vente sur ordonnance de produits pharmaceutiques, devraient recevoir le droit de continuer à effectuer le même travail sous la responsabilité d'un pharmacien.

Si l'on ne dit pas uniquement sous la responsabilité d'un pharmacien, l'on va encore perpétuer dans les faits une situation qui est totalement fausse. Plutôt que de continuer à répéter des choses qui vons ont déjà été dites, nous voudrions cependant vous faire savoir que

vous êtes le tribunal de dernier ressort et qu'il existe chez ces employés, à l'heure actuelle, un état d'urgence. Et aussi il existe le bon sens. C'est qu'en même temps que le Collège des pharmaciens tente de faire appliquer chez ses membres l'article 21 ce sont ses membres qui nous emploient pour livrer des médicaments.

Dans la ville de Montréal, par exemple, je pourrais vous dire qu'il y a des pharmacies qui remplissent 600 ordonnances par jour et il n'y a qu'un pharmacien licencié. Les expertises et les données qui nous sont fournies démontrent que ça prend au moins 10 à 15 minutes pour véritablement remplir une ordonnance. Ceci signifie tout simplement que dans les faits nos gens agissent et ils n'ont jamais — ou à peu près — commis d'erreur. Sur le tableau des erreurs dans la dispensation de produits pharmaceutiques sur ordonnance médicale, dans trois cas l'erreur fut faite par des pharmaciens licenciés. La seule erreur qui a été faite à Montréal, il y a quelques années, le fut par un aide-pharmacien et ce ne fut pas une erreur grave.

Nous disons tout simplement qu'il est temps de corriger un état de fait et nous voudrions que la Loi de pharmacie soit en priorité analysée par votre commission de façon à faire disparaître complètement cette anomalie qui existe par l'application de l'article 21 qui n'a à peu près jamais été mis en pratique et qui, dans les faits, est continuellement violé par tous ceux qui sont ici et par 75 p.c. des pharmaciens d'officine, des pharmaciens propriétaires.

Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: Je voudrais d'abord vous remercier pour ce mémoire.

En ce qui a trait au rapport Mireault, nous allons communiquer avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour demander des exemplaires de ce mémoire, et selon la réponse, pour ma part je n'ai aucune objection à ce que ce rapport soit distribué aux membres de la commission. De toute façon j'ai demandé qu'on communique avec le ministère afin d'obtenir des exemplaires pour l'information des membres de la commission.

La situation que vous nous décrivez démontre, je pense bien, encore une fois, la nécessité d'une mise à jour des lois touchant un bon nombre, sinon toutes, de corporations professionnelles. J'aimerais toutefois, à l'occasion de cet échange, que vous nous disiez, à votre avis, qui souffre le plus de la situation présente. Est-ce que c'est la population? Est-ce que ce sont les aides-pharmaciens? En plus de l'aspect de légaliser la situation par le type d'amendements que vous proposez, dans les faits qu'est-ce qu'une telle modification pourrait avoir comme effets en ce qui a trait aux aides-pharmaciens eux-mêmes?

Il y a là un ensemble de questions qui est assez...

M. LAFLAMME: Je comprends, M. le ministre. Il s'agit, en fait, fondamentalement, de tout le point. Dans les relations humaines des aides-pharmaciens, particulièrement à l'heure actuelle, vis-à-vis de leur propriétaire. Evidemment ils sont leurs employés depuis de nombreuses années, mais vis-à-vis des conditions de travail, c'est toujours une chose qui peut se discuter. Le pharmacien licencié peut toujours dire à son aide: Je pourrais peut-être te donner une augmentation de salaire mais je n'ai pas le droit, dans les faits, de t'embaucher. Ensuite, le pharmacien lui-même, vis-à-vis du collège, est toujours dans un état d'inquiétude à savoir s'il sera poursuivi parce que l'article 21 de la loi est là. Alors ça crée des complications pour tout le monde et ça crée un état tel que nos gens, nos membres, n'ont aucun statut juridique, ni légal, face à leur patron. Et c'est une situation que je considère nettement intolérable. Ils sont efficaces puisqu'ils sont là depuis de nombreuses années, qu'ils remplissent les ordonnances, qu'ils livrent la médication, qu'ils ne font pas d'erreurs et qu'ils agissent à la satisfaction de leur employeur qui est un pharmacien licencié.

Je pourrais vous citer des cas, ce serait simplement prolonger le débat. Mais la situation qui est créée par cette contradiction démontre, dans les faits, justement les conséquences désastreuses de la loi pour les membres qui sont les aides-pharmaciens, qui n'ont pas de statut juridique, qui n'ont même pas de statut professionnel leur permettant, dans certains cas, de négocier des conditions de travail normales et valables parce qu'ils peuvent toujours être congédiés demain. Si le Collège des pharmaciens, demain disons, dans une pharmacie donnée où il y a deux ou trois aides-pharmaciens ou quatre aides-pharmaciens, prend trois poursuites, l'une après l'autre, en trois mois, le pharmacien va perdre sa licence et les aides-pharmaciens vont perdre leur emploi. Cela crée ce genre de situation qui, nettement, n'a rien à voir avec la sécurité du public.

M. CASTONGUAY: Une dernière question: Comment, dans les faits, l'application plus rigide de l'article 21 par le collège s'est-elle effectuée? Est-ce que ç'a donné lieu à des fermetures arbitraires, au maintien...

M. LAFLAMME: Il y a eu ce que nous appelons, par le Collège des pharmaciens, l'opération 21, qui a effectué environ 300 à 400 poursuites.

Je vous donne des chiffres sous réserve; pour moi, c'est du oui-dire, je n'ai pas fait la vérification personnellement. En réalité, on se poursuit soi-même, dans bien des cas. Soyons honnêtes, soyons logiques et regardons les faits en face. De toute façon, la première conséquence de ces poursuites est l'amende; c'est le comité de discipline, ensuite, c'est l'autre comité et, après, c'est la suspension de la licence.

Des poursuites ont été intentées depuis 1967 et, là, les pharmaciens salariés ont dit devant

vous: Nous voulons que l'article 21 soit appliqué. Je comprends bien! Prenez les pharmaciens salariés, faites-leur remplir les 30 millions d'ordonnances et voyez dans quelle situation ils vont être pour négocier leurs conditions de travail avec le pharmacien propriétaire. C'est assez facile à concevoir et à comprendre. J'aurais préféré, M. le ministre, que l'on nous dise que nous ne sommes pas compétents dans le travail que nous faisons, plutôt que de dire: Nous voulons remplir l'ordonnance médicale que le médecin a le pouvoir de faire.

Nous ne sommes pas tellement exigeants même si plusieurs d'entre nous enseignent dans des pharmacies aux aides-pharmaciens qui sortent des universités la façon d'exécuter une ordonnance, de la déchiffrer et d'étudier le catalogage, les contre-indications qui sont toutes données dans des catalogues. Ce sont nos gens qui font cela.

Aujourd'hui, il y a un député qui a posé une question. J'y reviens, je m'excuse. Lorsqu'on a posé la question sur le nombre d'ordonnances magistrales qui étaient données on a dit: 00365 Cela comprend, à moins que je ne m'abuse, les ordonnances magistrales que le pharmacien demande d'effectuer au laboratoire de préparations médicinales. Vous pouvez interroger les gens qui sont ici, ils travaillent dans des pharmacies depuis de nombreuses années. Il ne s'en fait plus d'ordonnances magistrales. Lorsqu'il s'en faisait, c'était eux qui les faisaient.

Aujourd'hui, la sécurité du public est assurée. Quant à la question de la juridiction, donnez-nous le pouvoir d'exercer ce que nous accomplissons présentement et conservez au pharmacien licencié, puisque nous reconnaissons qu'il a une compétence pédagogique dépassant les besoins de la fonction du pharmacien d'officine, la responsabilité de cet individu. Ainsi, étant sous sa responsabilité, le pharmacien d'officine, qui est propriétaire d'une pharmacie, lorsqu'il engagera ou emploiera quelqu'un, aura le souci de reconnaître qu'il a cette compétence; il aura cet entraînement. L'expérience de dix ans que nous nous imposons à nous-mêmes d'acquérir à l'intérieur d'une pharmacie d'officine est une garantie, à notre sens, absolue de la sécurité du public. Dans les circonstances, nous espérons que, conscients du problème, vous nous aiderez à le résoudre. A ce moment-là, nous nous plaçons à peu près dans le même sens au point de vue juridique que les pouvoirs que vous accordez dans la Loi d'incorporation des infirmières, alors que vous leur accordez certains pouvoirs, dans un hôpital, sous la responsabilité d'un médecin — c'est l'expression — d'accomplir ce qui peut être techniquement considéré comme un acte médical.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Me Laflam- me, vous plaidez votre cause au moins pour la deuxième fois devant la commission parlementaire des Affaires sociales. Vous le faites avec brio et avec patience. Avec les gouvernements, il faut être patient; vous en savez quelque chose, Me Laflamme. On aura peut-être même le temps de voter encore une fois avant que tous ces problèmes soient réglés. Je parle de voter encore une fois sur le plan fédéral parce que, si c'était sur le plan provincial, ce serait un peu long pour avoir la réponse. Vous auriez le temps de revenir encore devant la commission parlementaire. Vous avez parlé, dans votre mémoire, du Collège des pharmaciens.

Vous n'avez pas été violent, vous avez dit: "Il semblerait que le Collège des pharmaciens en tant que tel s'oppose à nos revendications pendant que les membres du Collège des pharmaciens ont requis, depuis de nombreuses années et continuent de requérir les services de nos membres pour, dans les faits, effectuer la vente sur ordonnance des produits pharmaceutiques". C'est ce que vous venez de nous démontrer. Est-ce qu'il y a eu, du côté de l'organisme que vous représentez et du Collège des pharmaciens, depuis l'application de l'article 21, en 1967, d'autres discussions ou d'autres rencontres pour tenter de régler la situation?

M. LAFLAMME: Nous avons, en ce qui nous concerne, M. Cloutier, à plusieurs reprises tenté une approche et c'est un peu un langage de sourds. M. Mireault et M. Bélanger, dans leur rapport, disent que l'approche est impossible dans le sens que... Enfin, nous avons tenté cette approche sans succès.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce sont les conclusions du rapport Mireault, mais de toute façon le ministre a dit tantôt que nous pourrions, à un moment donné, en prendre connaissance. Non, il n'est pas publié, mais j'imagine que nous en prendrons connaissance.

M. CASTONGUAY: Comme je l'ai dit, je n'ai aucune objection. Je ne connais pas le contenu du rapport. Est-ce que le ministre du Travail aurait des objections? J'en douterais mais, de toute façon, je ne peux pas prendre l'engagement pour lui de le rendre public.

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, il semble bien que votre présentation et les représentations qui ont été faites par les pharmaciens d'une façon générale tendraient à élever d'un cran les pharmaciens, d'abord parce qu'ils acquerraient un statut davantage professionnel, leur temps étant consacré davantage à poser des actes professionnels, même à participer au diagnostic. D'autre part, votre groupe, le groupe que vous représentez, poserait légalement les actes qu'il pose depuis de nombreuses années comme groupe. Est-ce que ce serait là élever d'un...

M. LAFLAMME: C'est-à-dire que nous ne voulons pas pousser les autres, mais nous voulons reconnaître ce que M. Larocque, qui représente les pharmaciens propriétaires, a dit devant vous: c'est le fait qu'ils étaient capables de faire autre chose que ce qui se fait dans les pharmacies d'officine.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'à votre connaissance ce problème a été discuté lors de la négociation avec le ministère des Affaires sociales, dans le cadre de la loi 69, la convention collective, l'entente pour la distribution des médicaments? Ce problème a-t-il été posé par M. La Rocque?

M. LAFLAMME: Un mémoire a été soumis lors de l'étude du projet de loi 69 par notre groupement. Justement, à ce moment-là, M. Castonguay nous avait assuré qu'il était nécessaire de faire une refonte en profondeur des diverses lois régissant les corporations professionnelles.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a encore du recrutement de vos effectifs ou si vous restez stationnaires à 1,200? Est-ce qu'à partir de 1967, il y en a d'autres qui ont quitté les rangs de l'association pour s'en aller chercher du travail ailleurs et est-ce qu'il y en a qui sont entrés dans le groupe que vous représentez?

M. LAFLAMME: Il y en a qui quittent. Pour le moment, disons dans les cinq dernières années, le groupe de 1,200 est assez stationnaire. Si nous parlons, pour donner une précision en chiffres, par voie de conséquence, de la reconnaissance du droit de livrer les médicaments sur ordonnance dans les pharmacies d'officine par nos membres ayant dix ans et plus d'expérience continue au service d'un pharmacien licencié, cela représente entre 400 et 450 de nos membres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Qui ont dix ans.

M. LAFLAMME: Qui ont dix ans et plus.

M. CLOUTIER (Montmagny): L'amendement que vous proposez à la page 7 s'appliquerait à 450 de vos membres. Vous proposez qu'il y ait des dispositions législatives également pour ceux qui ont cinq ans de pratique. Qu'est-ce que ça représente dans le reste des effectifs, j'imagine que c'est presque le reste des effectifs?

M. LAFLAMME: En ce qui concerne l'ensemble des membres, il y en a qui ont, au niveau de l'enseignement antérieur, une formation scolaire plutôt réduite mais qui ont 35 ans d'expérience.

Il y en a d'autres, par contre, d'une façon plus récente, qui n'ont que cinq ou six ans d'expérience à l'intérieur d'une pharmacie d'officine et qui ont une connaissance scolaire. C'est pour ça que nous osons parler, vis-à-dis de ce terme, de ce plafond de dix ans, de droits acquis, c'est-à-dire une reconnaissance dans les faits.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous avez eu l'occasion d'établir un dossier complet sur la compétence, l'expérience, les années de service de vos 1,200 membres et de soumettre ce dossier au Collège des pharmaciens?

M. LAFLAMME: Il a été fait et catalogué; il existe dans le rapport Mireault complètement en détail par degrés d'âge, de formation scolaire, d'années de pratique effective à l'intérieur d'une pharmacie d'officine.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'on pourrait savoir quelle est la moyenne de rémunération des membres du groupe?

M. LAFLAMME: C'est $100 par semaine.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Me Laflamme, vous présentez, en quelque sorte, une définition simplifiée de la profession de pharmacien. Vous avez mentionné que, sans aide, les pharmaciens auraient une semaine de 49 heures de travail sans rien faire d'autre. On nous a dit à la commission que les ordonnances représentent environ de 33 p.c. à 35 p.c. des heures de travail dans une pharmacie. On reconnaît qu'il y a actuellement 1,200 aides-pharmaciens qui font quand même du travail. Je vais parler un peu pour mon clocher où il y a absence de pharmacies, pas complètement mais où il n'y en a pas suffisamment, je pose la question bien directement : Croyez-vous que les pharmaciens, actuellement, sont en mesure de répondre à toutes les demandes dans ce domaine?

M. LAFLAMME: Il serait évidemment possible que l'accréditation de nos membres puisse rendre plus accessible le capital humain pour pouvoir ouvrir ailleurs des pharmacies. Par contre, je crois que le Collège des pharmaciens présente le point de vue que si, à côté de lui, un médecin exerçant peut vendre des produits pharmaceutiques, on a beau renvoyer la balle à qui que ce soit, tout le monde va aller travailler et tout le monde va exercer un commerce, une profession, qu'on appelle ça comme on voudra, dans le but d'essayer de tirer son épingle du jeu et de gagner sa vie. Il va tout de même falloir que ce soit envisagé dans ce sens-là si on veut permettre à nos membres aussi bien qu'aux

pharmaciens licenciés d'aller ouvrir une pharmacie d'officine dans un autre secteur. Par contre, lorsqu'on dit: "sous la responsabilité d'un pharmacien licencié", il n'y a rien qui empêche un comptoir médical ou pharmaceutique de recourir à un aide-pharmacien sous la responsabilité d'un pharmacien licencié. A l'intérieur des hôpitaux, il se fait beaucoup de travaux connexes ou parallèles à la médecine qui peuvent être considérés comme des actes médicaux. En ce qui nous concerne, de la façon dont les produits pharmaceutiques sont livrés et vendus, à l'heure actuelle, ça n'implique absolument aucune espèce de danger. Sur ce point, il y a déjà eu une recommandation qui a été faite pour que les ordonnances que l'aide-pharmacien aurait remplies au cours d'une journée soient revisées le jour même par le pharmacien. Encore là, on crée un carcan qui ne sera pas appliqué. On est en train de créer un carcan qui, dans les faits, ne sera pas véritablement appliqué. Imaginez-vous les ordonnances qui seront remplies un vendredi, ce n'est certainement pas le pharmacien licencié qui veut partir pour la fin de semaine qui va les vérifier, il le fera le lundi ou le mardi. C'est pour ça que le sens de la responsabilité est l'élément majeur de la sécurité du public vis-à-vis du législateur.

M. GUAY: Est-ce qu'il y en a, parmi vos membres, qui travaillent sous la responsabilité d'un médecin?

M. LAFLAMME: Non.

M. GUAY: Dans votre optique, si je fais une déduction, vous semblez voir le pharmacien beaucoup plus comme un modérateur, un éducateur, un surveillant étant donné sa compétence. Est-ce que c'est le cas? Vous avez dit, par exemple, que cinq, six aides-pharmaciens pouvaient travailler sous la surveillance d'un pharmacien compétent. Est-ce que vous voyez le statut du pharmacien professionnel comme un éducateur, un surveillant, un modérateur?

M. LAFLAMME: Le pharmacien ou le spécialiste en pharmacologie a une éducation qui dépasse la compétence requise pour remplir une ordonnance médicale et livrer le produit prescrit par le médecin. Evidemment, si l'on fait du pharmacien un conseiller du médecin, à ce moment-là, cela regarde les modifications à la loi du Collège des médecins, cela regarde toutes sortes d'autres modifications. En ce qui nous concerne, pour la mise en marché du produit pharmaceutique, nous disons que la connaissance que procurent quatre ans d'université en pharmacologie n'est pas nécessaire, quant à la sécurité du public, pour remplir une ordonnance et livrer le médicament. Sur ce point précis, l'article 20, auquel on s'est référé tout à l'heure, crée une certaine complication. Dans les faits, nous sommes de l'avis des représentants des manufacturiers de produits, qui ont scientifi- quement et médicalement démontré le danger de la substitution du produit. Cela crée un problème parce que la substitution ne pourra se faire, à notre point de vue, qu'avec le concours ou l'autorisation du médecin parce que les mêmes composants chimiques n'ont pas les mêmes effets thérapeutiques. Cela, tous les hommes de science l'ont reconnu jusqu'à présent. Si l'on facilite la substitution, on aura le jeu de la publicité des manufacturiers de produits pharmaceutiques qui vont copier les composantes chimiques, qui vont copier l'apparence de la même pillule et qui feront de la réclame pour tenter de prendre une partie du marché.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption, est-ce que vous avez une question?

M. PERREAULT: Je veux juste vous demander si, depuis la mise en vigueur de l'article 21, les pharmaciens continuent à recruter des aides-pharmaciens.

M. LAFLAMME: Oui.

M. PERREAULT: Dans quelle proportion?

M. LAFLAMME: Ev-demment, je n'ai pas ces statistiques. Il y en a un certain nombre qui quittent l'emploi chaque année. Il y en a d'autres qui entrent. Ensuite, vous avez cette question d'expérience. Quelqu'un va entrer dans une pharmacie et va commencer à y accomplir autre chose. Petit à petit, il prend de l'expérience et, à un moment donné, on lui fait exécuter des ordonnances. Il y a la question de l'expérience. Maintenant, les chiffres précis sur l'embauche, je ne saurais vous les dire d'une façon précise.

M. PERREAULT: En conclusion, si je comprends bien, depuis l'Opération 21 — vous avez parlé tout à l'heure du collège — on continue à engager de nouveaux aides-pharmaciens.

M. LAFLAMME: Oui. Tous les gens qui sont ici sont à l'emploi de pharmaciens.

M. PERREAULT: Vous êtes d'anciens aides-pharmaciens. Vous existiez avant l'Opération 21. Je parle depuis l'Opération 21.

M. LAFLAMME: Oui.

M. PERREAULT: Vous parlez de dix ans, l'Opération 21 n'existe pas depuis dix ans.

M. LAFLAMME: Je comprends mais l'embauchage se fait encore régulièrement. Il y a même des annonces dans les journaux.

M. PERREAULT: Il faut se comprendre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, durant l'heure de la suspension de notre commission pour le lunch, j'ai discuté du mémoire des aides-pharmaciens avec le député de Chicoutimi, qui, incidemment, aurait aimé être ici cet après-midi mais il doit être à la commission parlementaire des terres et forêts. Nous en sommes venus à la conclusion que — et je demanderais à Me Laflamme de me corriger si je suis dans l'erreur — vous voulez obtenir pour les aides-pharmaciens un statut juridique.

M. LAFLAMME: Oui.

M. PAUL: Vous ne voulez pas leur obtenir un diplôme pharmaceutique. Vous voulez les mettre à l'abri de poursuites judiciaires éventuelles.

M. LAFLAMME: Nettement, et eux-mêmes et le patron. A l'heure actuelle, il y a des clauses pendantes et la jurisprudence oscille à savoir si c'est le pharmacien propriétaire qui devient responsable, en vertu de l'article 21, ou si c'est l'employé.

M. PAUL: M. Laflamme, entre nous, il n'y a pas de journaliste, nous ne sommes pas nombreux, pourriez-vous nous dire si les pharmaciens verraient d'un bon oeil que la loi donne un statut juridique aux aides-pharmaciens?

M. LAFLAMME: Il y a des pharmaciens propriétaires de pharmacies qui sont descendus de Montréal. Il y a de nos membres qui sont ici. Ils ne peuvent pas dire qu'ils sont en notre faveur parce qu'il y a toujours le collège qui peut intervenir.

M. PAUL: Il y a toujours l'article 21 qui leur pend au-dessus de la tête. Ce que vous voulez, pour votre association, c'est faire disparaître l'article 21.

M. LAFLAMME: Nettement l'article 21. Maintenant, il y a plus que cela.

M. PAUL: Plus les amendements que vous nous avez suggérés.

M. LAFLAMME: Si nous n'avons pas la juridiction de faire ce que nous faisons, non seulement nous n'avons plus d'emploi, mais il manquera environ 1,000 pharmaciens, demain matin, dans la province de Québec.

M. PAUL: Par suite de la campagne lancée par le premier ministre, 100,000 nouveaux emplois en 1970, je suis sûr que c'est une raison qui va grandement émouvoir le ministre des Affaires sociales!

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency .

M. VEZINA: M. le Président, en fait, on nous a donné des chiffres qui sont les suivants. Il y aurait environ 1,200 aides-pharmaciens et, d'après d'autres chiffres qu'on nous a donnés, environ 975 ou 980 pharmacies, au Québec. Disons 1,000 pharmacies et 1,200 aides-pharmaciens.

M. LAFLAMME: C'est cela.

M. VEZINA: Avez-vous une idée du nombre de pharmacies, actuellement, où l'on retrouve des aides-pharmaciens?

M. LAFLAMME: Dans 75 p.c. des pharmacies.

M. VEZINA: Dans 75 p.c. Y a-t-il des pharmacies qui ont trois, quatre ou cinq aides-pharmaciens pour un pharmacien?

M. LAFLAMME: Il y a des pharmacies, où il n'y a qu'un pharmacien, qui exécutent quotidiennement 500 à 600 ordonnances. Pour exécuter 500 à 600 ordonnances, cela prend une dizaine de pharmaciens ou d'aides-pharmaciens.

M. VEZINA: Ce sont les faits. M. LAFLAMME: Oui.

M. VEZINA: Donc, ce que vous recherchez, si j'ai bien compris votre exposé, c'est de consacrer, par un texte de loi, la situation actuelle, de la légaliser, enfin, de lui donner un cadre juridique.

M. LAFLAMME: Donner un statut juridique à nos membres.

M. VEZINA: Mais, là, il y a une nuance. Recherchez-vous un statut juridique pour vos membres ou recherchez-vous le droit, dans la loi, pour le pharmacien d'exercer les privilèges que lui accorderait l'article 15 du bill 255 par l'intermédiaire des aides-pharmaciens sous sa juridiction?

M. LAFLAMME: Ce que nous recherchons, c'est le droit légal d'interpréter et de vendre sur ordonnances, sous la responsabilité d'un pharmacien licencié, des produits pharmaceutiques, ce que nous faisons depuis des années.

M. VEZINA: Est-ce que cela irait, par exemple, jusqu'à la situation suivante, à savoir qu'un pharmacien serait propriétaire, disons, de trois pharmacies, qu'il serait le seul pharmacien licencié dans l'organisation, mais aurait à son emploi, disons, deux aides-pharmaciens par pharmacie?

M. LAFLAMME: Je crois que votre projet de loi no 255 dit qu'un même pharmacien ne peut pas avoir d'intérêts dans d'autres pharmacies.

M. VEZINA: Oui, mais cela, c'est un projet. J'essaie de comprendre le problème suivant: si vous donnez un statut juridique à un aide-pharmacien, il faut lui donner des droits et des obligations. Cela va ensemble.

M. LAFLAMME: Oui.

M. VEZINA: Tandis que, si vous cherchez à donner au pharmacien le droit d'avoir à son emploi des aides-pharmaciens pour exercer sa profession, ce n'est pas tout à fait la même optique du problème. On ne crée pas une nouvelle profession, à ce moment-là, en fait.

M. LAFLAMME: Ce que nous recherchons, dans les faits, c'est le même statut juridique que l'aide-pharmacien qui, pour les fins de la pharmacie d'officine, exerce les pouvoirs du pharmacien d'officine. Nous ne prétendons pas avoir des études spécialisées en pharmacologie. Ensuite, il ne peut pas gérer une pharmacie.

M. VEZINA: Vous avez dit que certains de vos membres enseignent. Qui engage ces personnes pour les faire enseigner? Qui les choisit?

M. LAFLAMME: Ils n'enseignent pas particulièrement.

M. VEZINA: Non, non mais dans les officines.

M. LAFLAMME: Dans les pharmacies d'officine, dans la pratique, lorsque les aides-pharmaciens qui sortent de l'université arrivent, ce sont nos membres qui leur montrent comment déchiffrer une ordonnance.

M. PAUL: Ils font plutôt de l'information que de l'enseignement.

M. LAFLAMME: Ils ne font pas d'enseignement. Ils montrent à travailler.

M. PAUL: C'est de l'information.

M. VEZINA: En fait, ils montrent à ceux qui arrivent avec des connaissances théoriques la pratique de leur profession.

M. LAFLAMME: La pratique.

M. VEZINA: En somme, si l'article 21 de la Loi de pharmacie actuelle disparaissait et si le projet de loi no 255 consacrait le droit aux pharmaciens d'exercer leur profession, au besoin, par l'intermédiaire d'un aide-pharmacien sous leur responsabilité, cela clarifierait le problème que vous avez soulevé et cela empêcherait cette possibilité de suspension de licence ou de poursuite, etc.

M. LAFLAMME: Pas de la façon que vous l'expliquez là. Clairement, nous voulons continuer à travailler à l'intérieur d'une pharmacie d'officine pour livrer des produits pharmaceutiques. Nous voulons que le pharmacien ne soit pas poursuivi par son collège et nous voulons avoir un statut juridique pour être capables de dire à notre patron: Si nous justifitons telle condition de travail, nous méritons tel salaire, parce que nous n'avons aucune espèce de statut à l'heure actuelle, ni nous, ni le pharmacien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: Est-ce que l'association a pensé d'organiser une école d'aides-pharmaciens? Plusieurs ont comparé les aides-pharmaciens aux infirmières. Avoir une école ne serait-ce pas le moyen détourné d'avoir un statut juridique, beaucoup plus que par la législation? Même, il pourrait y avoir un recyclage pour entrer dans cette profession, comme les aides-ingénieurs, les aides-médecins, les infirmières.

M. LAFLAMME: Je ne pense pas, pour répondre au Dr Boivin, que notre association ait les moyens financiers de pouvoir penser à élaborer et à structurer une école d'apprentissage. Je pense qu'un bagage pédagogique d'une douzième année et plus, une bonne expérience clinique à l'intérieur d'une pharmacie et l'apprentissage, c'est encore la meilleure école et la meilleure sécurité. Mais c'est recommandé dans des rapports qui sont entre les mains d'officiers du gouvernement.

M. BOIVIN: Mais, est-ce que cela a été proposé au Collège des pharmaciens ou aux écoles de pharmacie? Il y aurait peut-être une rencontre qui serait profitable.

M. LAFLAMME: C'est assez difficile pour nos membres d'aller au Collège des pharmaciens et de dire: Je suis à l'emploi de M. le pharmacien Untel, je vends des médicaments sur ordonnance, etc. C'est un aveu de culpabilité pour son patron.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une dernière question: Est-ce que tous vos membres travaillent dans les officines, ou s'il y en a qui sont dans les établissements hospitaliers?

M. LAFLAMME: Tous dans les officines.

M. VEZINA: Une dernière question: Dans les autres provinces...

M. LAFLAMME: Un instant, je m'excuse. Il y a des hôpitaux qui en emploient quelques-uns.

M. VEZINA: ... pouvez-vous nous donner une idée générale de la situation?

M. LAFLAMME: Dans la Nouvelle-Ecosse,

ils ont un statut particulier; en Ontario aussi. Dans les autres provinces, je ne sais pas.

M. LE PRESIDENT: Merci, Me Laflamme. Nous suspendons la séance pour cinq minutes et nous procéderons avec l'Association professionnelle des pharmaciens d'industrie. M. Jean-Paul Marsan.

Association professionnelle des pharmaciens d'industries du Québec

M. MARSAN: M. le Président, je suis président de l'Association professionnelle des pharmaciens d'industries du Québec et je suis accompagné de M. Roger Mailhot, qui est docteur en pharmacologie.

Voici nos commentaires sur le projet de loi 255. Il y a deux définitions qui, à notre sens, devraient être modifiées: La première, celle qui a trait à médicament. Nous aussi suggérons que la définition qui paraît dans la Loi des aliments et drogues soit celle qui s'applique ici. La deuxième définition que nous aimerions voir modifier est celle d'ordonnance. Nous aimerions apporter une précision: Qu'une ordonnance soit un ordre au pharmacien de fournir des médicaments. Dans le projet de loi, il n'y a pas le mot pharmacien.

Nous aimerions aussi apporter des remarques au sujet du bureau des gouverneurs. Nous considérons qu'on devrait tenir compte des disparités du champ d'action des membres au sein de chaque profession pour la formation du bureau de direction. Nous, pharmaciens d'industries, ne sommes qu'environ 100 membres et, par le mode électif, il est difficile pour nous de se faire élire. Nous aimerions qu'il y ait une représentation de facto pour des pharmaciens de facultés, d'hôpitaux et d'industries en plus des pharmaciens d'officines communautaires.

Au sujet de la liste des médicaments, nous nous opposons à ce que les pharmaciens aient le privilège de substituer un médicament à un autre. En fait, nous considérons que les pharmaciens, même si leur formation professionnelle les habilite à connaître la valeur d'un médicament à comparer à un autre, ne possèdent effectivement pas les données qui puissent leur permettre d'évaluer un médicament comparé à un autre même si ce sont deux médicaments à formule chimique semblable.

Le dernier article sur lequel nous aimerions attirer votre attention est l'article 23, dans lequel il est défendu à un pharmacien de posséder des intérêts dans une entreprise de produits pharmaceutiques. En fait, cet article empêcherait tout pharmacien de l'industrie de posséder une entreprise de fabrication de médicaments, d'être actionnaire ou même de siéger au conseil d'administration d'une entreprise dont il serait un officier supérieur. Ceci correspondrait à l'élimination du pharmacien de la pratique industrielle de la pharmacie.

Nous avons annexé à notre mémoire environ une vingtaine de feuilles qui sont des photocopies d'articles qui ont paru dans différentes revues scientifiques, articles par lesquels il est démontré que deux médicaments à formule chimique semblable ne produisent pas toujours le même effet thérapeutique. Nous sommes disponibles pour vos questions.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier l'association pour ce mémoire. Je crois bien que la dernière remarque soulignait l'impossibilité pour un pharmacien d'avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise de fabrication de médicaments. Je vais soumettre cette question aux légistes; il s'agit là évidemment, dans son esprit, d'une disposition visant à éviter que des pharmaciens d'officine aient un tel intérêt.

M. MARSAN: D'accord.

M. CASTONGUAY: Quant aux autres aspects soulevés, quant à moi, suite à toutes les questions et discussions qui ont eu lieu, je n'aurai pas de questions pour le moment.

M. PAUL: J'aurais peut-être une seule question, M. le Président. Quant à l'amendement suggéré à l'article 23, lorsque vous mentionnez dans votre mémoire le poste d'officier supérieur, si on se réfère à la Loi du Conseil exécutif, un ministre ne peut pas être directeur d'une compagnie. Si on assimilait votre demande à cette interprétation juridique à l'endroit du Conseil exécutif, est-ce que cela vous donnerait satisfaction, c'est-à-dire qu'un pharmacien ne pourrait pas être directeur d'une compagnie de produits pharmaceutiques?

M. MARSAN: Non, même là-dessus nous ne sommes pas d'accord parce que plusieurs pharmaciens diplômés de Montréal et de Laval ont fondé leur propre laboratoire. Ils sont propriétaires de leur laboratoire, de leur industrie. En fait, il faudrait qu'ils vendent leur industrie qui est prospère, la plupart du temps, ou qu'ils renoncent à leur titre de pharmacien. Je pense que ni l'un ni l'autre ne devraient être considérés.

M. PAUL: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. C'est un court mais très intéressant exposé.

M. MARSAN: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal.

Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal

M. DESJARDINS: M. le ministre, ce serait seulement pour attirer votre attention...

M. LE PRESIDENT: Pouvez-vous nous donner votre nom, s'il vous plaît, pour le journal des Débats?

M. DESJARDINS: André Desjardins. M. Dupuis-Angers m'aidera. Ce serait seulement pour attirer votre attention sur quatre articles du projet de loi qui ne me semblent pas complets, je ne sais pourquoi.

La définition d'un pharmacien est complètement aberrante; cela ne décrit pas du tout ce que je pense être un pharmacien. On l'a noté, vous avez lu notre définition. C'est la même chose pour la prescription ou l'ordonnance. Ce n'est pas donner un ordre, c'est une autorisation de donner un médicament.

Pour ce qui est des médicaments brevetés, plus loin, la loi laisse la permission à tout le monde de vendre des médicaments brevetés. On a souvent prouvé, plusieurs vous l'ont dit, que tous les médicaments, quels qu'ils soient, sont des poisons. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas mettre dans la loi que les médicaments brevetés sont dangereux et qu'on devrait y faire attention, les mettre sous la juridiction des pharmaciens seulement, tout au moins avoir un étiquetage complet des produits. Pour la plupart des produits, on ne sait même pas ce qu'ils contiennent. C'est terrible!

Ensuite, il y a le point des hôpitaux, des institutions. On dit, dans la loi, qu'un pharmacien n'est pas nécessaire là, probablement parce que les malades vont mourir, selon votre pensée, parce que vous ne voulez pas vous en occuper plus que cela. Du moins, cela semble être ainsi.

Pour ce qui est de la publicité, vous devriez vous arranger pour la faire abolir au complet. Je ne vois la nécessité d'aucune sorte de publicité en pharmacie, que ce soit à titre individuel ou pour une industrie même. C'est tout.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je vais faire simplement quelques brefs commentaires. En ce qui a trait à la définition de la pharmacie, je l'ai mentionné mardi mais je crois que vous n'étiez pas ici, il s'agit d'un projet de loi visant à donner à un groupement professionnel un champ exclusif de pratique.

Je comprends qu'il y a des problèmes avec des médecins à certains endroits, etc., mais c'est le principe. Il ne s'agit pas d'écrire une thèse ou un traité sur ce qu'est la pharmacie ou sur ce que pourraient être tous les rôles du pharmacien. Cela ne restreint pas le pharmacien uniquement aux actes qui sont dans la définition, mais le but de ces lois est d'accorder un champ exclusif de pratique. Cela délimite ce que doit être ce champ exclusif. Cela n'empêche pas le pharmacien d'aller au-delà de ça et surtout, par la confiance, par les relations qu'il peut établir, d'avoir un rôle beaucoup plus grand. C'est un premier aspect; c'est pourquoi cette définition est aussi restreinte. Je vous réfère à la loi médicale, par exemple, où nous retrouvons le même genre de problèmes. Vous regarderez la définition et vous allez voir qu'il n'est absolument pas fait mention, par exemple, de la prévention, parce que, encore une fois, l'aspect de la prévention n'est pas limité purement et simplement aux médecins. D'autres personnes, je crois, peuvent avoir des activités valables dans la prévention de la maladie, sans être médecins. C'est la première des raisons.

Deuxième commentaire. Ce matin, je ne sais pas si vous étiez ici, j'ai parlé des pharmaciens d'hôpitaux. Si vous n'étiez pas ici, je vous réfère au journal des Débats. Si mes explications ne vous ont pas convaincus, c'est malheureux. Nous pourrons toujours examiner cet aspect.

Quant aux médicaments brevetés, j'aimerais vous poser une question sur cet aspect. On dit: Il faudrait que les médicaments brevetés ne soient vendus que par des pharmaciens, et non pas qu'il soit possible de les acheter à d'autres endroits que dans les pharmacies. Ce que ça laisse sous-entendre, c'est qu'à ce moment-là, même s'il n'est pas nécessaire d'avoir une ordonnance pour obtenir de tels médicaments, du fait que ces médicaments brevetés seront vendus dans les pharmacies, il y aura un plus grand contrôle qui s'exercera et que moins de médicaments brevetés seront vendus.

A ma connaissance, présentement, dans les pharmacies d'officine, il ne s'exerce pas de contrôle sur la vente des médicaments brevetés.

M. DESJARDINS: Je comprends votre point de vue, mais ce que je voulais surtout noter, ce n'est pas le fait de rapatrier, comme on dit, les médicaments brevetés dans les pharmacies, c'est de pouvoir les contrôler complètement à leur source. Il y a des médicaments brevetés qui ne possèdent aucune valeur thérapeutique. Si vous les laissez sur le marché, au Steinberg et dans tous les autres magasins, ils continueront à être vendus, tandis que, si on ne leur donne pas le marché ouvert si grand, ils seront obligés de s'en aller d'eux-mêmes ou, tout au moins, vous pourrez avoir une liste quelconque et en enlever. Il faudrait pouvoir faire ça. Je ne voudrais pas qu'on pense que c'est parce que je voudrais rapatrier dans une pharmacie les médicaments brevetés; ce n'est pas notre opinion.

M. CASTONGUAY: Merci.

M. LAVOIE (Wolfe): Pourquoi l'aspirine est-elle plus dangereuse vendue dans un magasin général que vendue dans une pharmacie? Pouvez-vous me répondre à ça?

M. DESJARDINS: Elle n'est sûrement pas plus dangereuse, mais il y a une surconsommation parce que vous ou votre épouse allez au Steinberg au moins une fois par semaine, tandis que vous allez à la pharmacie pour avoir une ordonnance seulement une fois par mois peut-

être. Le marché est tellement vaste que, si on l'étend à tout le monde, il y a une surconsommation.

M. LAVOIE (Wolfe): La Loi de pharmacie ou les pharmaciens ont toujours défendu aux gens d'acheter de l'aspirine chez Steinberg ou dans d'autres magasins.

Or, n'importe quel client arrive dans une pharmacie, achète un bocal de 500, paie et s'en va. Je ne vois pas la différence.

M. DESJARDINS: Je serais d'accord avec vous si le gouvernement voulait le leur défendre à eux aussi. Je comprends qu'il y a des abus dans les deux sens mais il faut comprendre aussi le pharmacien, qui est là surtout pour servir le public. Il vend des médicaments.

M. LAVOIE (Wolfe): Il les vend sans contrôle comme l'épicier peut les vendre sans contrôle.

M. DESJARDINS: Il les vend sans contrôle comme l'épicier peut les vendre sans contrôle.

M. PAUL: Ce n'est pas un jugement de blâme que je fais mais il faut tenir aussi compte que certains pharmaciens se sont lancés dans les lignes générales de marchandises. Cela est un peu au détriment de l'épicier du coin. Il s'agit d'établir un équilibre.

M. DESJARDINS: La loi est là pour ça. C'est à nous de restreindre des deux côtés. Personne n'est d'accord sur les pharmacies mercantiles. Personne ne veut ça dans la loi. On voudrait absolument qu'il y ait un article de loi qui prohibe ça. On n'en veut pas du tout.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CASTONGUAY: Si personne n'en veut, comment se fait-il que ça subsiste?

M. DESJARDINS: C'est comme vous. Si vous ne voulez pas quelque chose et ne faites rien pour l'empêcher, ça va rester là. Moi, je ne peux rien faire contre ça. Je n'ai pas de pharmacie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmangy): M. Desjardins, vous avez dit que toute publicité devrait être abolie mais vous faites la différence entre publicité et information. L'information à l'endroit du pharmacien et du médecin doit continuer. L'information sur ce qui se produit, la valeur du médicament, tout ça. Publicité dans le sens de publicité, c'est de la promotion.

M. DESJARDINS: La publicité que je critique, c'est celle qui amène à l'automédication et la surmédication.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous n'en avez pas contre l'information scientifique, professionnelle, l'information du professionnel par celui...

M. DESJARDINS: Scientifique et professionnelle, oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Est-ce que les étudiants en pharmacie favorisent un mode de rémunération particulier? Je veux dire, est-ce que les étudiants en pharmacie désirent se diriger particulièrement vers la rémunération à salaire ou si vous favorisez également la rémunération à l'acte professionnel tel que ça s'oriente actuellement?

M. ANGERS: Je pense que c'est plutôt à l'acte professionnel. D'ailleurs, la plupart des étudiants se destinent à l'officine ou à l'hôpital plutôt qu'à l'industrie à cause du salaire. Il y a quelqu'un qui a mentionné tout à l'heure pourquoi il y avait si peu d'étudiants qui allaient à l'industrie. Quelqu'un qui a un PHD, avec cinq ans de plus d'étude qu'un étudiant avec un B.Sc. va commencer à peu près au même salaire qu'un étudiant qui va s'en aller en officine. C'est la raison pour laquelle la plupart des gens s'en vont à l'officine.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie de votre exposé.

M. VEZINA: C'est une question sur le remplacement du mot ordonnance par prescription, tel que vous le suggérez au bas de la page 1 et à la page 2 de votre mémoire. Je suis d'avis que vous nous suggérez de prendre un terme anglais plutôt que de prendre un terme français. Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour ça? Prescription, en français, ne veut pas dire une ordonnance.

M. DESJARDINS: Non.

M. VEZINA: C'est ça qui est le problème. "Prescription" en anglais c'est parfait. Si vous nous suggérez de metttre un anglicisme, vous devez avoir une raison particulière.

M. DESJARDINS: Je dois dire que ce n'est pas moi qui ai écrit tout le rapport. J'en ai fait des parties. Cela a été fait l'an passé.

M. VEZINA: Vous ferez le message à celui qui a fait le rapport.

M. DESJARDINS: Oui, c'est Jean-Pierre Lessard. De toute façon, ce n'était que pour noter que le mot ordonnance comme tel sous-entend un ordre. Un pharmacien voudrait pouvoir juger.

M. VEZINA: L'ordre n'est pas adressé au pharmacien, il est adressé au patient. La meilleure preuve, c'est que le patient va choisir son pharmacien comme il va vouloir. Il va même jeter son ordonnance. Alors, c'est un ordre qu'on appelle sui generis. Ce n'est pas un ordre ad hominem. Ce n'est pas un ordre donné à quelqu'un. C'est la meilleure preuve. La loi consacre, je ne sais pas à quel article, le droit de la substitution...

M. DESJARDINS: Même là,...

M. VEZINA: ... du médicament. Cela prouve que c'est le pharmacien qui va exercer son jugement dans un cas concret qui lui est soumis. Cela devient une ordonnance et non une prescription.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais poser une question au député de Montmorency. Si c'est une ordonnance, si cela s'adresse au patient, le patient est coupable quand il ne va pas...

M. VEZINA: Non.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... à la pharmacie pour faire remplir son ordonnance, si c'est...

M. VEZINA: Non.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... un ordre.

M. VEZINA: Oui, il est coupable du moins d'un manque de jugement, s'il ne le fait pas. Sa pénalité, c'est de guérir moins vite. Mais cela ne peut pas être un ordre adressé au pharmacien.

M. PAUL: M. le député de Montmorency, je dois vous féliciter parce que j'ai entendu des propos fort désagréables contre votre intervention, disant qu'il s'agissait encore d'une autre avocasserie. M. le Président et moi-même, à l'unanimité, nous vous félicitons de votre intervention!

M. LE PRESIDENT: Merci, monsieur.

M. DESJARDINS: Merci.

M. LE PRESIDENT: Nous allons entendre l'Association des fabricants du Québec des produits pharmaceutiques.

M. CASTONGUAY: La pharmacie québécoise vient de faire un grand pas en avant !

Association des fabricants du Québec de produits pharmaceutiques

M. CHICOINE: Je m'appelle Yves Chicoine. Je suis président de l'Association des fabricants du Québec de produits pharmaceutiques. Je suis accompagné de deux membres de l'exécutif: M. Yvon Brouard, à ma gauche, et M. Gérard Dufault, à ma droite.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission. Notre association vous remercie de nous donner l'occasion d'exposer nos vues sur le projet de loi 255. Nos commentaires et recommandations porteront uniquement sur les articles 4, 7, 20 et 23, en omettant, évidemment, la lecture intégrale de notre mémoire.

L'article 4 dit que l'ordre est administré par un bureau formé d'un président et de 17 administrateurs élus ainsi que de quatre autres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Nous faisons ici la recommandation que, parmi ces quatre administrateurs, un pharmacien soit choisi au sein d'une industrie pharmaceutique québécoise.

L'article 7 fait mention de la liste de médicaments, effective depuis le 1er août, et qui est très restrictive. Ici, nous maintenons toujours notre opposition à cette liste restrictive. De même, nous affirmons toujours que les normes et critères qui ont présidé à l'élaboration de la liste sont dépourvus de sens pratique. Ils ne tiennent aucunement compte de l'aspect économique. Toutefois, nous ne voulons pas discourir sur cet aspect. Mais nous aimerions reformuler une demande, qui vous a été faite à maintes et maintes reprises, soit qu'une occasion véritable soit donnée à chacune de nos compagnies d'être enfin entendue par un organisme officiel, tel le comité consultatif ou un autre, afin de discuter du bien-fondé de la non-acceptation de leurs produits non seulement en fonction des critères déjà établis mais surtout en regard des qualités intrinsèques de leurs produits.

En regard de l'article 20, nous recommandons que le pharmacien exécute l'ordonnance suivant sa teneur intégrale, respectant ainsi le choix du prescripteur, ce qui est son droit. Notre association, comme il a été mentionné précédemment par le groupe de l'ACIM, l'Association canadienne de l'industrie du médicament, est cofondatrice du Conseil de l'accréditation des représentants afin de former, de façon continue, des représentants médicaux.

En regard de l'article 23, nous nous demandons pourquoi le pharmacien serait privé d'une liberté qui est laissée aux autres professionnels de la santé.

Ainsi, un pharmacien d'industrie possédant des actions dans une firme pharmaceutique deviendrait un proscrit de l'ordre des pharmaciens du Québec. De plus, quel contrôle aurait le bureau sur un pharmacien possédant des actions d'une compagnie pharmaceutique inscrite en Bourse?

Messieurs les membres de la commission, ces commentaires et suggestions, nous les avons voulus brefs mais constructifs. Nous sommes à votre disposition pour les questions.

M. LE PRESIDENT: Merci.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier l'association. Je puis l'assurer que le Conseil de pharmacologie, qui a dressé la liste qui est utilisée pour l'assistance-médicaments, a fait un travail qui, à mon avis, était dépourvu de toute autre considération que des considérations d'ordre scientifique, d'ordre professionnel.

D'ailleurs, à la suite de la distribution de la liste, des témoignages extrêmement valables, en provenance d'organismes non pas seulement canadiens mais américains, ont été reçus soit par le président du conseil ou par d'autres voies.

Je voudrais rappeler que dans la loi 69, étant donné que la question a été soulevée, il est prévu que cette liste sera mise à jour périodiquement et ceci pour poursuivre deux fins. La première, c'est qu'avec l'évolution, de nouveaux médicaments puissent être inscrits lorsque, selon les critères retenus, ces médicaments mériteront d'être inscrits sur la liste et, en second lieu — je l'ai mentionné — si à un moment, le Conseil de pharmacologie en est arrivé à la conclusion que, selon les critères, un médicament ne peut être inscrit, il y a aussi la possibilité que les modes de fabrication, etc., soient modifiés ou encore que des correctifs soient apportés. A ce moment-là, le Conseil de pharmacologie, j'en suis certain, n'aura aucune objection à ce que tout médicament qui satisfait aux normes soit inscrit sur cette liste.

Quant aux autres aspects soulevés dans le mémoire, j'aimerais, M. le Président, plutôt écouter les questions que les autres membres de la commission pourraient avoir à poser, écouter les réponses et me réserver, au besoin, la possibilité de poser d'autres questions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez entendu tantôt le témoignage de l'Association canadienne des manufacturiers. Vous n'êtes pas une filiale, vous êtes indépendants de l'Association canadienne des manufacturiers. Avez-vous travaillé ensemble? Vous avez présenté un mémoire distinct, mais avez-vous eu une certaine forme de consultation avant de venir devant la commission?

M. CHOCOINE: L'Association des fabricants du Québec est complètement indépendante de l'Association canadienne de l'industrie du médicament. Les normes d'acceptation, chez nous, sont tout à fait différentes. Nos compagnies doivent absolument être authentiquement canadiennes et 51 p.c. des intérêts doivent être détenus par des Canadiens. La principale place d'affaires — le laboratoire ou le bureau — doit être située au Québec.

Quant à la consultation, il n'y a pas eu de consultation avec l'ACIM au sujet de ce mémoi- re. Par contre, j'avoue que plusieurs de nos avis se rejoignent, entre autres en ce qui regarde l'ordonnance intégrale, car nous croyons, nous aussi, qu'à part l'entité chimique, il y a tellement d'autres facteurs qui entrent dans la fabrication des médicaments. Il y a l'expérience, le know-how acquis depuis des années qui, je pense, ne peuvent pas, en quelques mois ou quelques années même, être ramenés à une simple copie ou à un générique. C'est la raison pour laquelle nous croyons que l'ordonnance intégrale devrait être remplie telle quelle.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez entendu la série de questions que nous avons posées à l'Association canadienne. Est-ce que les réponses qu'elle a données à nos questions vous satisfont ou s'il y a des choses sur lesquelles vous n'êtes pas d'accord? Y a-t-il quelque chose en particulier qui vous a frappé, pour ne pas répéter les questions que nous avons posées?

M. CHICOINE: Disons qu'en règle générale leurs réponses nous satisfont. Au sujet de l'accréditation, vous aviez posé une question: Quelle est la proportion de pharmaciens parmi les représentants médicaux? Je ne peux pas vous apporter une réponse plus précise. Cependant, je sais qu'au conseil d'accréditation, dont je suis un des membres, nous sommes en train de compiler une étude assez exhaustive à cet effet, où chacun des membres, qui demande d'être représentant ou a reçu déjà son certificat d'accréditation, a donné son curriculum vitae, le nombre d'années universitaires, s'il est chimiste, étudiant, etc.

Je pense qu'au conseil d'accréditation je pourrais vous aider et demander au secrétaire exécutif du conseil d'entrer en communication avec vous. Il a sûrement beaucoup de détails à vous donner à ce sujet-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez beaucoup plus de réserves que l'Association canadienne n'en a montrées à l'endroit de la confection de la liste de médicaments. Est-ce qu'à votre avis cette liste pourrait, dans certains cas, jouer contre certaines industries?

M. CHICOINE: La liste se veut restrictive à souhait, et très restrictive. Ce que nous aimerions et souhaiterions, c'est que les critères qui ont présidé à la liste soient aussi mis à jour, comme les produits mêmes qui répondent aux critères. Je pense que les critères aussi peuvent être discutés, sûrement quelques-uns.

Aussi, le conseil consultatif a fait appel à plusieurs experts, à travers la province ou ailleurs, afin de se pencher sur des cas difficiles, à savoir si tel médicament pourrait entrer dans la liste et s'il pourrait suivre tel ou tel critère, les cas douteux, quoi.

Nous aimerions ici collaborer avec le gouvernement et lui demander s'il ne pourrait pas

instituer un organisme ou un bureau de consultation avec les propres experts de nos compagnies pour les cas qui sont douteux, après demande expresse. Cela rejoint un peu la demande que nous avons faite que chacune des compagnies individuelles devrait être entendue. Au niveau d'une association, c'est plus embêtant. On ne peut pas prendre des exemples précis de tel médicament.

Au niveau de nos compagnies, la majorité ont quelques produits qui pourraient sûrement, avec explications entre experts pharmacologistes de l'industrie et des pharmacologistes du comité consultatif, éclairer les deux. A la lumière d'une saine discussion scientifique et franche, on pourrait tirer de là des conclusions sûrement plus profitables.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez 16 industries qui font partie de votre association; est-ce qu'il pourrait y en avoir beaucoup plus?

M. CHICOINE: Nous représentons 85 p.c. des possibilités. Il y en a quelques-unes, trois ou quatre qui pourraient y être présentement. Selon nos critères, quand même.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aurais juste une question à vous poser. Est-ce que vos relations sont les mêmes avec les médecins et les pharmaciens? Est-ce qu'elles sont aussi bonnes?

M. CHICOINE: Aussi bonnes avec les médecins qu'avec les pharmaciens, sûrement. Ici, je rejoins un peu ce que le groupe précédent de l'industrie des médicaments a dit: C'est un fait qu'à peu près 50 p.c. du temps de nos représentants est donné aux pharmaciens et à l'hôpital et 50 p.c. aux médecins. Les relations sont sûrement aussi bonnes avec le pharmacien qu'avec les médecins.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Chicoine, pour votre exposé et vos réponses. C'est au tour maintenant de l'Association des grossistes en médicaments du Canada (section de Québec). Me Maurice Paquin.

Association des grossistes en médicaments du Canada

M. PAQUIN: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres, je suis le porte-parole de l'Association des grossistes en médicaments du Canada, c'est-à-dire de l'aile québécoise. Cette aile québécoise est jusqu'à un certain point une formation bona fide; elle n'existe pas juridiquement mais elle entend représenter les grossistes en médicaments du Québec qui font 85 p.c. en moyenne des ventes des médicaments aux pharmacies.

Je suis accompagné par M. Geoffrion, qui représente M. Bleau, qui est un des directeurs de cette aile québécoise. Nous avons tenté de faire un mémoire court; il ne comporte que neuf pages en tout. Je n'ai pas l'intention de le lire parce que j'imagine qu'à cause de son peu de volume il sera lu par les membres de la commission. Je me souviens qu'autrefois on me disait toujours qu'une lettre trop longue, personne ne la lisait. Alors nous avons tenté de le faire court. Et je n'ai pas l'intention de m'attarder longtemps parce que tout est là.

Il est important toutefois de noter que cette association comprend à la fois des compagnies à responsabilité limitée et des compagnies de type coopératif. Dans le cas de ces dernières, les compagnies de type coopératif comme les pharmacies universelles, les pharmacies modernes, pour ne citer que quelques exemples, les membres sont à la fois clients et propriétaires, c'est-à-dire détenteurs d'actions.

Dans la province de Québec, les compagnies de type coopératif effectuent 85 p.c. du chiffre total d'affaires de la distribution des médicaments en pharmacie. Par ailleurs, plusieurs grossistes exploitent également un laboratoire de fabrication. Actuellement, la grande majorité des produits ainsi fabriqués ne sont pas visés pi.r le projet de loi 255. Toutefois, une certaine proportion est atteinte et ces laboratoires ont pris les dispositions voulues à cause de la règle de l'équivalence qui parait dans le projet de loi 255 pour assurer la fourniture de la plupart dts médicaments dits de dénomination commune dont on prévoit un usage de plus en plus répandu.

Il est à observer également que les grossistes en médicaments du Québec font un chiffre global d'affaires de $96 millions par année, que leurs investissements sont de l'ordre de $20 millions et qu'ils emploient 1,015 personnes à qui ils versent des salaires de $5,500,000 annuellement. Ils servent les 1,200 ou 1,300 pharmacies du Québec et ont été invités par lu ministère de la Santé à étudier aussi la possibilité de servir davantage les hôpitaux du Québec. Il était nécessaire de poser ces jalons, et nous avons quatre points concernant le bill 255 à noter.

Il s'agit, premièrement, de l'interdiction pour le pharmacien d'avoir un intérêt dans la fabrication de médicaments. L'article 23 du projet de loi, on en a parlé tantôt, M. le ministre, vous avez noté que peut-être il y aurait lieu de limiter cette restriction aux pharmaciens d'officine.

Nous pensons devoir aller plus loin à cause de la situation telle qu'elle existe dans ce domaine particulier. Comme nous l'avons fait valoir plus haut, une bonne partie des membres de l'aile québécoise sont des compagnies de type coopératif de distribution en gros des médicaments. Comme nous l'avons dit, ceci représente 85 p.c. de la vente ou de la distribution québécoise.

Selon la règle fondamentale de la coopéra-

tion, ces compagnies de distribution, parmi les plus importantes, ne transigent qu'avec leurs membres, ce qui veut dire que, pour pouvoir acheter, les pharmaciens doivent être membres, c'est-à-dire actionnaires. Certaines de ces compagnies, comme nous l'avons dit, ont des laboratoires et veulent de plus en plus, à cause de la règle de l'équivalence, se lancer dans la fabrication des médicaments équivalents. Ceci aurait pour conséquence que leurs membres, les pharmaciens actionnaires qui, pour acheter d'eux, doivent être actionnaires, se procurent chez elles non seulement les produits des autres fabricants, mais également leurs produits.

Si le texte actuel de l'article 23 est maintenu, il va de soi que les pharmaciens actionnaires et membres devront se départir de leurs actions ou que ces compagnies de type coopératif se verront dans l'obligation de renoncer à l'exploitation de leur laboratoire. Dans un cas comme dans l'autre, le résultat est désastreux pour une industrie québécoise lentement édifiée et qui commence à s'avérer rentable. On abandonne la fabrication des médicaments et c'est une réduction importante d'une industrie de chez nous et la perte d'investissements considérables, ou on vend ces laboratoires et sans doute aux seuls acheteurs possibles, les grands laboratoires des autres provinces, des Etats-Unis ou d'ailleurs.

Nous voyons mal à quels conflits d'intérêts cet article entend s'attaquer. Ce ne sont pas les quelques actions qu'un pharmacien pourrait détenir chez les plus gros fabricants qui l'inciteraient à favoriser ses produits au détriment des autres. Il est de commune renommée — je pense que depuis le début de la semaine les membres de la commission en ont entendu parler — que les grands ont des moyens de pression, auprès des pharmaciens et des médecins, beaucoup plus effectifs que la détention de quelques actions dans les compangnies. Nous croyons d'ailleurs que la règle de l'équivalence, établie aux articles 7 et 20 du projet de loi 255, résout ce problème sans qu'il soit nécessaire de recourir aux restrictions de l'article 23.

Le pharmacien d'ordonnance devra remplir la prescription selon sa teneur ou y substituer un produit équivalent d'un prix égal ou inférieur. Devant cette règle, nous suggérons que la loi des moyennes empêche qu'il préconise des médicaments dans lesquels il pourrait avoir un intérêt d'actionnaire au détriment des autres. La loi des moyennes jouerait contre cette tendance.

De plus, je pense que le ministre l'a saisi tantôt, comme l'interdiction de l'article 23 s'applique à tout pharmacien, c'est-à-dire à tout membre de l'ordre, le pharmacien à l'emploi d'un laboratoire ne pourrait pas adhérer, par exemple, à un plan de participation aux bénéfices impliquant des actions de sa compagnie. Voici pour l'article 23.

Le deuxième point concerne la liste des médicaments et leur équivalence. Je me réfère particulièrement à l'article 7. A ce sujet, j'ai appris — parce que ce n'est pas mon métier, on m'en a avisé — qu'une première liste avait été publiée et qu'elle avait suscité , comme l'a noté l'honorable ministre tantôt, des commentaires favorables de la part de tous ceux qui ont eu l'occasion de l'étudier.

Il n'en reste pas moins que les hommes se suivent mais ne se ressemblent pas nécessairement et que, si nous devons féliciter les responsables de cette liste actuellement, il reste un élément d'arbitraire dans la détermination de cette liste, telle que prévue dans le projet actuel. Nous suggérons fortement que la loi devrait, à l'article 7, établir certaines normes limitant le pouvoir discrétionnaire de déterminer la liste, de telle sorte que, par exemple, un médicament soit obligatoirement sur cette liste s'il répond aux barèmes de qualité, d'équivalence et de prix de sa catégorie. Nous suggérons que ce sont là des termes qui devraient être contenus dans la loi elle-même.

Le troisième point que nous aimerions faire valoir c'est le pharmacien en corporation. Sans discourir sur le sujet, nous croyons aux bienfaits à tous égards de l'apparition de la formule corporative dans la pratique de la pharmacie chez nous. Mais selon la formule d'incorporation prévue à l'article 25 b), nous croyons que ce projet tel que formulé, offre de graves dangers.

L'article 25 b) édicte en effet que peut être propriétaire d'une pharmacie une corporation dont la majorité des administrateurs comprend des pharmaciens et dont la majorité des actions de chaque classe est détenue par des pharmaciens. Il va de soi, par conséquent, que dans toute la mesure qui dépasse la majorité simple, tous les administrateurs et tous les actionnaires peuvent être des non-pharmaciens. Si la loi autorisait l'existence de compagnies qui pourraient compter, parmi leurs administrateurs ou leurs actionnaires, des personnes qui, au-delà de la majorité simple, ne fassent pas partie de l'ordre, ce serait, suggérons-nous, la porte ouverte aux grandes chaînes étrangères de pharmacies que notre système actuel québécois a toujours réussi à écarter.

La venue de la grande chafne serait un coup très dur à la pharmacie indépendante que nous connaissons et également au commerce de gros qui constitue une importante et valable industrie actuellement aux mains des Québécois. Tous savent très bien d'ailleurs quelle influence et quel contrôle une minorité agissante peut avoir sur la majorité. C'est pourquoi nous suggérons les modifications suivantes à l'alinéa b) de l'article 25. A) Quant aux actionnaires, seuls des pharmaciens membres de l'ordre pourront être propriétaires des actions d'une telle corporation et ce pour toutes les classes d'actions. Il y aura toujours les actions nominatives, mais ça n'empêche pas le pharmacien d'en être propriétaire.

Quant aux administrateurs, comme il faut tenir compte de la loi actuelle des compagnies

qui exige un minimum de trois administrateurs, et qu'il ne faut pas empêcher un pharmacien seul de s'incorporer, ce qu'actuellement il ne peut faire puisqu'il faut une majorité d'administrateurs pharmaciens — un pharmacien seul ne peut pas compter pour trois et par conséquent il lui est impossible, nous le disons dans ce texte de s'incorporer — nous proposons que le nombre d'administrateurs non pharmaciens soit toujours tenu au minimum requis par la loi des compagnies et seulement dans la mesure où il n'y a pas de pharmacien pour occuper le poste. Ce qui veut dire que, si un pharmacien seul s'incorpore, il faudra fatalement qu'il ait, peut-être, sa femme et son comptable comme autres administrateurs ou deux autres personnes. S'ils sont deux pharmaciens, qu'il n'y ait pas possibilité qu'il y ait d'autres administrateurs qu'un tiers et qu'on se limite à trois, deux pharmaciens plus un, ce serait une façon.

L'autre méthode, la question épineuse de la présence de non-pharmaciens au sein d'une compagnie serait vite réglée si un amendement, depuis longtemps préconisé par beaucoup de corps publics, était apporté à la Loi des compagnies, autorisant enfin une personne seule à pouvoir obtenir des lettres patentes la constituant en corporation. Il n'y a aucune raison valable, suggérons-nous, qui empêche un individu seul plutôt que trois personnes de former une compagnie.

Finalement, nous désirons simplement mentionner que peut-être plus de précisions devraient être apportées à l'article 39 c) du projet de loi 255 qui traite des pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter des règlements.

Au paragraphe c) de l'article 39, il est décrété actuellement dans le projet que le lieutenant-gouverneur en conseil peut "déterminer dans quelles circonstances de temps et de lieu une institution peut, par l'entremise d'un pharmacien à son emploi, vendre ou fournir des médicaments aux personnes qui n'y sont pas hospitalisées ni traitées? Nous serait-il permis de soumettre que, selon nous, ces pouvoirs conférés par la loi à l'Exécutif sont un peu vastes et devraient être restreints? L'exercice de ce pouvoir pourrait, dans des circonstances peut-être impossibles à penser, mais toujours possibles dans la théorie, aller jusqu'à amener la disparition de la pharmacie de quartier, qui a toujours été un atout économique, et conduire à l'apparition, jusqu'à un certain point, de la pharmacie d'Etat, puisque ces institutions pourraient, selon les règlements, vendre à des non-hospitalisés. La pharmacie suggérons-nous, offre un excellent réseau de services dans toute la province, qui n'a pas besoin d'investissements de la part de l'Etat et, si ce pouvoir donné aux institutions était trop grand, ça pourrait amener la disparition de la pharmacie de quartier.

Nous soumettons également que des précisions s'imposent au pouvoir de réglementation prévu à l'article 39 a) quant à la promotion des produits pharmaceutiques. Nous ne favorisons pas l'annonce ou la publicité en matière de pharmacie. Nous croyons que l'expression "produits pharmaceutiques", utilisée pour la première fois et sans définition dans le projet de loi, le bill 255, mériterait d'être définie. "Produits pharmaceutiques" va peut-être plus loin que médicaments, mais ce n'est pas défini. Il nous semble qu'il ne faudrait pas restreindre pour le pharmacien la promotion de certains produits pharmaceutiques — peut-être s'agit-il de remèdes brevetés — que ses concurrents non-pharmaciens peuvent annoncer à loisir. Pour tous ces motifs, nous soumettons le tout respectueusement à la commission.

M. LE PRESIDENT: Merci. M. le ministre.

M. CASTONGUAY: Je veux remercier le président de l'association pour son mémoire. J'ai écouté attentivement les explications qui nous ont été données sous forme de commentaire en ce qui a trait aux pharmaciens d'officine qui ont des actions, si je comprends bien, parce que vous avez parlé de compagnies de type coopératif, dans certains groupements qui ont leur propre laboratoire de fabrication. J'ai écouté les représentations qui ont été faites et il me semble qu'elles vont quelque peu à l'encon-tre d'une foule d'autres représentations qui ont été faites, soit aujourd'hui, soit mardi, quant à la nécessité de donner un caractère plus professionnel à l'activité du pharmacien.

D'ailleurs, dans votre mémoire, il me semble que c'est un des arguments de type professionnel que vous invoquez contre la présence d'actionnaires non-pharmaciens. En effet, vous dites qu'on voit difficilement un non-médecin ou un non-avocat qui discuteraient de problèmes professionnels s'ils étaient actionnaires, par hypothèse, d'un bureau de médecins ou d'avocats. La raison pour laquelle ces articles ou ces dispositions apparaissent présentement dans le bill 255, c'est qu'au niveau même de la pharmacie d'officine il y a un aspect de commerce. A notre avis, la présence de non-pharmaciens pourrait avoir un aspect positif dans la discussion des problèmes d'ordre administratif financier. C'est évident, à notre avis, qu'il ne s'agit pas de demander à des non-pharmaciens actionnaires de discuter de problèmes de pharmacologie, par exemple.

Si je comprends bien le raisonnement que vous faites ici, vous voyez mal la présence de non-pharmaciens comme actionnaires pour des raisons d'ordre professionnel. En fait, ce sont les mêmes motifs qui nous incitaient à inscrire, dans les dispositions, une disposition empêchant les pharmaciens d'avoir un intérêt dans une entreprise de fabrication. A notre avis, lorsque l'on voit toutes les manifestations de la consommation toujours plus grande de médicaments, surtout dans un contexte d'un caractère plus professionnel de l'activité du pharmacien, il y a un danger de conflit et un certain danger

de promotion d'un type de produits par rapport à un autre.

Si le pharmacien n'a qu'un nombre très limité d'actions, je comprends qu'il ne favorisera pas nécessairement un produit par rapport à un autre, parce que son nombre d'actions est tellement limité que cela n'en vaut pas la peine. Donc, si c'est le cas, l'article ne présente pas tellement de dangers. Mais, si le pharmacien possède un nombre élevé d'actions, là, je crois vraiment qu'il y a un danger. Il va falloir opter, à un moment donné, pour le catactère plus professionnel ou pour une plus grande concurrence. On a entendu, aussi bien mardi qu'aujourd'hui, un assez bon nombre d'arguments. A un moment donné, on dit: Il faudrait mettre l'accent sur le caractère professionnel. A d'autres moments, on semble opter dans l'autre sens. Je pense qu'il va falloir, à un moment donné, résoudre ce problème. J'écoutais le président du collège mardi soir, en revenant chez moi, qui nous disait, par la voie de la télévision: Que le gouvernement prenne ses responsabilités. Je crois aussi qu'à un moment donné le collège et l'ensemble de la profession vont devoir se brancher un peu plus clairement que ce n'est le cas présentement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous faites un chiffre d'affaires de $96 millions. C'est ce qui est écrit dans votre mémoire.

M. PAQUIN: Environ.

M. CLOUTIER (Montmagny): Bon!

M. PAQUIN: Brut.

M. CLOUTIER (Montmagny): Brut, oui, d'accord. Evidemment, tous les médicaments ne passent pas par les grossistes. Il y a une certaine distribution des médicaments, j'imagine, qui va passer en dehors du réseau des grossistes, puisqu'on dit, également, que le ministère a contacté votre association pour voir s'il n'y aurait pas possibilité d'en distribuer dans les établissements, en plus d'en distribuer aux pharmacies.

Quel est le pourcentage que vous avez sur tout le chiffre d'affaires dans le domaine des médicaments? Il est de $96 millions chez vous. Combien de millions de dollars passent en dehors des grossistes?

M. GEOFFRION: La distribution se fait de deux façons, soit par l'intermédiaire des grossistes, soit directement par les fabricants aux pharmaciens. Il y a des fabricants qui ont comme politique de vendre directement aux pharmaciens et il y en a d'autres, pour certaines raisons, qui préfèrent passer par le grossiste.

On a les deux cas. Je serais porté à dire que le chiffre d'affaires qui se fait directement serait de l'ordre de $70 millions.

M. CLOUTIER (Montmagny): De $70 millions.

M. GEOFFRION: Il est toujours question de la vente de fabricants directement aux pharmaciens, n'est-ce pas? Il y a tout un secteur de vente qui se fait en dehors de la pharmacie de détail, évidemment, qui se fait aux hôpitaux, qui se fait au gouvernement, à différentes institutions, etc. Nous, dans le moment, nous ne parlons que de la distribution qui, finalement, est faite au consommateur par le pharmacien détaillant. Le pharmacien détaillant a deux façons de s'approvisionner, suivant le type de fabricants avec qui il fait affaires: Ou il achète directement chez le fabricant, ou il achète chez le grossiste.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il serait intéressant — nous n'avons pas le temps aujourd'hui — de reprendre les statistiques que vous nous donnez pour en arriver à vérifier la consommation par tête. Tantôt, on nous a donné des chiffres. On nous a dit que la moyenne de consommation, au Québec, était $16 par tête. Alors $16 par six millions, cela fait $96 millions. Par coincidence, cela arrive exactement à votre chiffre d'affaires. Il se consomme donc $16. C'est la moyenne. Parce que s'il en passe $100 millions en dehors du réseau des grossistes, il faudrait donc ajouter un autre $16 par tête. On serait rendu à $32 par tête.

M. PAQUIN: Il faut faire attention. Lorsqu'il est question de notre chiffre d'affaires, le chiffre que nous vous avons donné, ce n'est pas un chiffre d'affaires de médicaments uniquement. C'est le chiffre d'affaires global. Quand vous parlez de $96 millions, il ne s'agit pas de médicaments. Il s'agit du chiffre d'affaires global des maisons. Cela peut comprendre des fournitures, des produits de premiers soins, même beaucoup de choses parapharmaceuti-ques et nécessairement des produits brevetés.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il serait quand même intéressant, par les statistiques que vous possédez, d'essayer de recouper d'autres statistiques, pour faire une approximation.

M. PAQUIN: D'ailleurs, le ministère a déjà produit, dans ses documents de préparation pour les normes de l'assurance-maladie, des documents qui fournissent à peu près tous ces renseignements, toutes ces statistiques.

M. LE PRESIDENT: Je pense que le ministre aurait des commentaires.

M. CASTONGUAY: Simplement à titre d'information, étant donné que cette question est revenue à quelques reprises; on m'a remis, ici, le montant, pour 1970, de médicaments d'ordonnance distribués par les pharmacies d'officine. Donc, c'est $83 millions en 1970, par les pharmacies d'officine, pour médicaments d'ordonnance.

M. CLOUTIER (Montmagny): A part les hôpitaux et les...

M. CASTONGUAY: Ce sont d'autres chiffres qui viennent s'ajouter.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une autre statistique que l'on peut prendre aussi, c'est qu'on a toujours estimé, d'après mon souvenir, la consommation de médicaments à la moitié du coût des soins médicaux, dans le cas des assistés sociaux. Quand on évaluait l'aide médicale, avant qu'arrive le régime d'assurance-maladie, aux assistés sociaux, c'était $20 millions. Quand on voulait faire une projection pour les médicaments, on disait que cela pourrait coûter $10 millions, soit la moitié du coût des soins médicaux.

Présentement, le régime d'assurance-maladie coûte $300 millions ou à peu près, avec l'administration. On pourrait donc estimer que, si on avait un régime général d'assurance-médicaments, il en coûterait $150 millions pour les médicaments. Alors $150 millions, dans le Québec, divisés par six millions de population, disons que ce sont des points de repère. On pourrait comme cela essayer, à un moment donné, de recouper assez de statistiques pour se rapprocher de la consommation.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY : Etant donné que vous ne fabriquez pas les médicaments que vous vendez, vous êtes, â toutes fins pratiques, l'intermédiaire entre le fabricant et le distributeur. J'aimerais savoir d'où proviennent tous les médicaments que vous vendez? Y a-t-il des médicaments, dans cela, qui proviennent de l'extérieur du pays?

J'aimerais savoir d'où proviennent tous les médicaments que vous vendez. Est-ce qu'il y en a qui viennent de l'extérieur du pays? Quel pourcentage? Egalement, quel pourcentage vient de l'extérieur de la province? J'aimerais aussi savoir s'il y a du "Made in Japan" là-dedans, comme dans d'autres choses.

M. PAQUIN: Je n'ai pas compris la fin de votre question.

M. GUAY: J'aimerais savoir s'il peut y avoir du "Made in Japan" dans les médicaments.

M. PAUL: Or Hong Kong.

M. PAQUIN: Nous sommes des distributeurs et je ne crois pas que nous ayons — c'est une chose que nous pourrions peut-être établir assez facilement — dans le moment de statistiques ou de renseignements précis sur l'origine des produits que nous vendons. Quant à nous, l'origine, ce sont tout simplement les fournisseurs qui sont disponibles. Quant à savoir si telle compagnie qui nous fournit s'approvisionne elle-même au Japon, aux Etats-Unis ou ailleurs, quel pourcentage est fabriqué ici et quel pourcentage est fabriqué ailleurs, nous n'en savons rien. Nous répondons à une demande. La demande, c'est l'ordonnance du médecin, qui va chez le pharmacien. Le pharmacien s'adresse à nous et nous lui fournissons le médicament, après nous l'être nous-même procuré. Mais nous n'avons jamais dressé de statistiques pour savoir s'il y a tel pourcentage qui provient des Etats-Unis ou du Canada.

On peut procéder un peu à l'inverse et se faire une idée en pensant aux compagnies. C'est évident que les plus grosses compagnies vendent davantage. Ce sont celles qui ont fait un effort plus considérable, qui ont fait de la recherche, qui ont fait des démarches auprès des hôpitaux et des médecins, et ça finit par se concrétiser par une utilisation des médicaments. Nous pourrions peut-être vous dire, un jour, que 5 p.c. de notre chiffre d'affaires se fait avec telle compagnie, 4 p.c. avec telle autre, etc., et vous faire une liste. Cela irait peut-être plus vite comme ça que de procéder produit par produit.

M. GUAY: Vous n'êtes pas sans savoir — remarquez bien que je ne veux pas insister — l'origine des médicaments que vous vendez. Je repose ma question: Est-ce qu'il y en a qui viennent de l'extérieur du pays?

M. PAQUIN : Il yna sûrement. Moi, je ne sais pas, cependant, quand je vous parle d'un produit de telle maison, s'il est fabriqué ici ou non. Rien ne me le dit. La maison peut être canadienne, suisse d'origine ou allemande d'origine. Les produits peuvent provenir de Suisse ou d'Allemagne, ils peuvent être fabriqués ici ou encore ils peuvent être fabriqués partiellement ici ou seulement emballés ici. Je n'ai aucune donnée là-dessus. Nous sommes des commerçants. Nous fournissons ce qui nous est demandé, là où nous pouvons nous approvisionner.

M. GUAY: Il faudrait s'adresser aux compagnies qui vous fournissent actuellement.

M. LE PRESIDENT: C'est le prochain groupe qui vient.

Merci, Me Paquin et Me Geoffrion.

M. PAQUIN: Merci monsieur.

M. LE PRESIDENT: La compagnie Hoffmann-La Roche.

Hoffmann-La Roche Limitée

M. DRESSLER: M. le ministre, MM. les députés, mon nom est M. Charles Dressier. Je suis le vice-président de la compagnie Hoffmann-La Roche, de Vaudreuil. M'accompagnent à titre de porte-parole de notre compagnie, à ma droite, M. Alec Nowotny, trésorier, secrétaire adjoint; à ma gauche, M. Alphonse Poirier, chef de la représentation médicale; de nouveau à ma droite, Me Pierre Després, chef du contentieux de La Roche.

Vu l'heure tardive et le nombre de mémoires qui ont déjà été présentés aujourd'hui, nous n'avons pas l'intention, M. le Président, de vous faire la lecture de notre mémoire. Par ailleurs, nous comprenons que le secrétaire des commissions parlementaires vous en a remis des copies et il y a lieu de croire que vous en avez déjà pris connaissance.

Vous vous êtes sans doute rendu compte, à la lecture de notre mémoire, que les arguments que nous invoquons à l'appui de notre position vont, d'une façon générale, dans le même sens que ceux qui ont déjà été développés devant vous aujourd'hui par l'Association canadienne de l'industrie du médicament, par l'Association des fabricants du Québec de produits pharmaceutiques et par l'Association professionnelle des pharmaciens d'industrie du Québec. Ce serait abuser de votre patience de vous les présenter à nouveau. Cependant, afin que notre position soit clairement établie et qu'elle paraisse dans le journal des Débats, nous désirons vous faire un bref résumé de notre mémoire. Par la suite, nous aimerions faire quelques commentaires additionnels sur l'article 7 du projet de loi 255, qui a pour objet la liste des médicaments préparée par le bureau de l'ordre des pharmaciens.

Je laisse maintenant la parole à mon collègue, M. Nowotny.

M. NOWOTNY: M. le Président, nous nous élevons contre la substitution des médicaments pour des raisons d'ordre scientifique et d'ordre économique. Du point de vue scientifique, la substitution des médicaments présuppose l'équivalence thérapeutique des médicaments qui s'offrent au choix du pharmacien. Or, aussi surprenant que cela puisse paraître, tant sur le plan national qu'international très peu d'études ont été faites dans ce sens et celles qui ont été faites ont démontré que les médicaments étudiés n'étaient pas équivalents et que leur substitution aurait entraîné des risques pour le patient.

Vous comprendrez avec nous qu'on ne peut demander au médecin, au pharmacien et au patient de se contenter d'une équivalence présumée des médicaments. La santé du patient requiert que les professionnels de la santé n'agissent pas sur des présomptions, mais sur la foi de données résultant d'études démontrant hors de tout doute l'équivalence thérapeutique des médicaments.

Au niveau économique, la substitution des médicaments va tarir la source des investissements qui permettent à l'industrie de recherche d'innover et de mettre sur le marché de nouveaux médicaments. Des imitations à bas prix vont peu à peu remplacer les médicaments originaux. La compagnie qui aura découvert un nouveau produit ne pourra plus espérer recouvrer ces investissements qui, à leur tour, auraient permis la poursuite de ces recherches. Faute de nouveaux produits, les imitateurs eux-mêmes n'auront plus rien à imiter et la recherche scientifique sera alors devenue une chose du passé.

En terminant ce bref résumé de notre mémoire, nous aimerions vous dire que, premièrement, il semble étrange que les pharmaciens qui substituent un produit à un autre ne soient pas obligés d'en avertir le patient qui pourrait alors exiger qu'on lui vende le produit original. Après tout, n'est-il pas le principal intéressé?

Deuxièmement, comme cela existe déjà en Ontario et au Manitoba, on a demandé au législateur, mardi passé, qu'un article de la loi prévoie qu'aucun recours légal ne puisse être exercé contre le pharmacien par le patient qui a subi des dommages à la suite de la substitution du médicament prescrit par le médecin par un autre médicament choisi par le pharmacien. Il est exact que la substitution des médicaments rehausse le statut professionnel du pharmacien, qui déclare être le seul à avoir les connaissances requises pour ce faire.

S'il réclame cette prérogative, qu'il en assume la responsabilité. En effet, tout professionnel doit être responsable de ses actes, c'est une garantie de sa probité. Peut-être demande-t-il d'être soustrait à cette responsabilité parce que, comme nous, il doute du bien-fondé de la substitution des médicaments en reconnaissant que l'équivalence des médicaments n'a pas encore de base scientifique solide.

Nous en venons maintenant à nos commentaires additionnels sur l'article 7, premier paragraphe, du projet de loi 255 qui se lit comme suit: "Le bureau doit, par règlement, dresser périodiquement, après consultation du Conseil consultatif de pharmacologie, une liste des médicaments qui ne peuvent être fournis que par les pharmaciens". Ces commentaires vous intéresseront sans doute vu ce que vous ont dit les porte-parole des pharmaciens lors de la dernière séance de la commission parlementaire mardi passé. Nous sommes d'accord avec les pharmaciens quant à l'importance de leur rôle dans le secteur des services pharmaceutiques. Nous souhaitons comme eux que la profession du pharmacien soit revalorisée le plus vite possible et que le pharmacien d'officine devienne un véritable professionnel de la santé comme l'est déjà son collègue le pharmacien d'hôpital.

N'est-il pas vrai également que l'évaluation d'un médicament, surtout d'un nouveau médicament, requiert l'intervention du corps médical? Le législateur ne devrait-il pas alors prévoir la participation active et soutenue du bureau de

l'ordre des médecins dans la préparation périodique de la liste des médicaments tel que prévu à l'article 7, paragraphe 1, du projet de loi no 255? Le ministre lui-même a reconnu l'importance du rôle du corps médical lorsqu'il l'a consulté dans le cadre de l'élaboration des critères et normes d'admission des médicaments dans la liste préparée par le conseil consultatif. Il nous a été permis d'assister mardi à l'exposé des pharmaciens au cours duquel deux problèmes ont été discutés, à savoir la surconsommation des médicaments et ce que certains appellent la promotion.

Quant à la promotion, une distinction très nette s'impose entre les produits brevetés ou pour le grand public et les médicaments d'ordonnance. Pour ce qui est de Roche, nous désirons vous informer que nos produits ne comprennent aucun produit breveté; par conséquent, nos commentaires ne porteront que sur les médicaments d'ordonnance.

En premier lieu, chez Roche, notre éthique nous interdit de mousser la vente de nos produits en utilisant des méthodes strictement commerciales. Nos communications avec les professionnels de la santé sont d'ordre scientifique, c'est l'information médicale. Comme les médecins de cette commission le savent, les véritables tests pour un médicament consistent à l'essayer chez un grand nombre de patients. Nul autre ne peut mieux évaluer un médicament que ceux qui l'ont découvert et qui savent déjà ce qu'il fera et ce qu'il ne fera pas. L'information médicale est une extension de la recherche et ne peut en être séparée tout comme le tronc, les branches et les feuilles d'un arbre ne peuvent être séparés de ses racines. Nul ne peut exister sans l'autre.

L'existence d'un médicament repose donc non seulement sur son introduction aux médecins mais aussi et surtout sur une information médicale constante. Si cette information médicale devait être discontinuée, les médicaments disparaîtraient rapidement du marché.

Pour être complète et efficace l'information médicale exige la participation tant de la compagnie qui a découvert le nouveau produit que des professionnels de la santé. La compagnie soumet son produit et toutes les données qu'elle a pu accumuler aux médecins et aux pharmaciens, qui à leur tour, après avoir mis le produit à l'épreuve, font part à la compagnie des résultats tant positifs que négatifs auxquels ils sont arrivés.

L'ensemble de ces échanges constitue ce que nous appelons l'information médicale. Ces échanges ont lieu dans le monde entier, sur une base continuelle tout au cours de la vie du produit. Permettez-moi maintenant, M. le Président, de laisser la parole pour quelques minutes à mon collègue, M. Poirier, qui vous parlera de ce qu'est dans les faits l'information médicale chez Roche.

M. POIRIER: M. le Président, M. le ministre,

MM. les députés, je désire réitérer l'affirmation de mon collègue, M. Nowotny, portant sur le fait que Roche ne fait pas de publicité ou de réclame ayant trait aux produits brevetés dit grand public parce que nous n'en vendons pas. Néanmoins, Roche, par le truchement de ses services d'information et par la voie de ses délégués, appelés aussi représentants médicaux, assure la diffusion de communications scientifiques d'intérêt général et de données techniques pour faire connaître ses médicaments d'ordonnance qui représentent le fruit de ses recherches.

A propos de ces données techniques portant sur nos médicaments d'ordonnance, nous insistons sur les faits suivants quant à la teneur à la qualité et à l'honnêteté scientifique de ces données. 1)Toutes les déclarations sur nos produits sont contrôlées et approuvées par la direction des aliments et des drogues. 2) L'exactitude de ces communications est aussi assurée par l'honnêteté intellectuelle et l'intégrité scientifique des académiciens et cliniciens qui seraient les premiers, avec raison, à nous censurer si nos communications n'étaient pas conformes aux critères les plus sévères de l'exactitude scientifique. 3) La qualité de notre information médicale est surtout assurée par la vigilance la plus assidue de nos scientifiques qui ne mettront jamais en sourdine la probité scientifique pour céder à des contingences purement commerciales.

Quant au calibre de nos media scientifiques, qu'il me soit permis ici de vous faire voir quelques exemplaires de nos textes, manuels et autres media qui sont devenus — je vous prie de me croire — pour la plupart, des publications à vocation pédagogique qui sont maintenant utilisées dans un grand nombre d'universités au Canada. Je vais faire moins de théâtre; je ne le mettrai pas sur le plancher, mais, si vous voulez le voir sur la table, vous êtes bienvenus, vous les membres de la commission. Je voudrais affirmer que ces textes-là émanent du service scientifique La Roche Canada ou international. Nous avons ici un texte qui s'appelle "La formation réticulée du tronc cérébral et ses relations avec le comportement végétativo-affectif." Maintenant, nous avons ici "De l'émotion à la lésion". Voyez-vous, je bégaie; je n'ai pas pris assez de valium.

Maintenant, ici, messieurs, c'est l'aspect de l'anxiété. Nous appelons ça une information scientifique. Ce que parfois on peut prendre pour de la publicité ou pour de la propagande, moi, j'appelle cela une brochure qui contient des données scientifiques. Ces données portent spécifiquement sur le valium. Je crois qu'il y a lieu de distinguer entre ce que peut contenir l'information médicale et une information spécifique sur un produit pour le faire connaître.

Ici, on parle de la pharmacologie, de la toxicologie, des effets secondaires, des indications et des contre-indications.

Nous avons ici un disque qui s'appelle

"Oscultations du coeur". Il émane de la faculté de médecine de l'université Laval. Il a été fait par un professeur de chez nous, qui est un recherchiste de chez nous, le Dr Yves Morin.

Permettez-moi, messieurs, de vous souligner que cette documentation est en grande demande chez les cliniciens, les pharmaciens d'hôpitaux, les médecins en pratique privée et les pharmaciens en officine.

En terminant, la disponibilité de notre service d'information médicale, déjà connue de tous les professionnels de la santé, est plus que jamais offerte aux pharmaciens, avec qui nous aurons le plaisir de collaborer afin de les aider à assumer la nouvelle responsabilité qui leur incombe dans le contexte du projet de loi 255.

Maintenant, je laisse de nouveau la parole à mon collègue, M. Alec Nowotny.

M. NOWOTNY: M. le Président, ce que vient de vous dire M. Poirier illustre clairement, croyons-nous, ce que nous entendons par information médicale ou documentation médicale. De plus, vous pouvez maintenant constater que cette information n'est que scientifique et objective. Quant aux échantillons des médicaments d'ordonnance, on vous a suggéré que les compagnies pharmaceutiques en faisaient parvenir, chaque mois, à tous les médecins et ceci en grande quantité. Ils ne pouvaient pas les utiliser. Souvent, ces échantillons aboutissaient entre des mains de personnes étrangères au domaine de la santé.

Permettez-moi à ce sujet d'attirer votre attention sur l'article C-01048 des règlements de la Loi des aliments et drogues, qui stipule: "Personne ne peut distribuer, à titre d'échantillons, une drogue à moins qu'il n'ait reçu, au préalable, une commande écrite portant la signature du médecin à qui l'échantillon doit être envoyé, laquelle commande doit préciser le nom de la drogue et la quantité demandée comme échantillons". Quant au problème de la surconsommation, j'aimerais, au départ, vous rappeler que les médicaments Roche ne comprennent pas de produits brevetés ou grand public. Par conséquent, les commentaires qui vont suivre ne concernent que les médicaments d'ordonnance.

Cette question, à savoir s'il y a ou non surconsommation de tranquillisants mineurs Roche comme cela a été suggéré mardi, a déjà fait l'objet d'un mémoire soumis par Roche à la commission Le Dain. De ce mémoire, nous citons cet extrait : "Il n'est pas dans l'intérêt d'une compagnie qui découvre, démontre l'efficacité et met sur le marché un nouveau médicament d'en exagérer la vente ou la distribution. Bien au contraire, une compagnie qui fait de la recherche, comme Roche, verra à ce que l'utilisation de son produit par la profession médicale soit conforme aux indications qui auront été scientifiquement démontrées et acceptées. Elle verra aussi, comme Roche le fait, à ce que les médicaments ne soient pas utilisés pour des fins non médicales ou vendus par d'autres que des professionnels de la santé. "Si une compagnie ne surveillait pas l'utilisation de ses produits, la demande diminuerait car leur utilisation continue par le corps médical repose, en grande partie, sur la confiance que les médecins ont envers la compagnie et ses produits. De plus, le marché des médicaments d'ordonnance n'est pas élastique, en ce sens que la demande pour un médicament n'est directement reliée qu'à la maladie et ne résulte pas exclusivement du jeu de facteurs tels que l'offre et la demande, la publicité ou les prix."

Enfin, cette question de la surconsommation des tranquillisants mineurs Roche a, entre autres, fait l'objet d'une conférence des Nations Unies sur l'adoption d'un protocole sur les substances psychotropes Les conclusions de cette conférence, qui a eu lieu à Vienne, au début de 1971 sont à l'effet que la production, l'exportation, l'importation, la distribution et la vente de nos tranquillisants mineurs n'ont pas à être limités ou contrôlés d'une façon plus sévère que les médicaments d'ordonnance.

En conclusion, il nous semble qu'il ne s'agit pas d'un problème de surconsommation mais plutôt de prescriptions rationnelles dont une solution sera le format thérapeutique, c'est-à-dire un produit préemballé et préétiqueté par les manufacturiers dans un format conçu pour un traitement particulier et que les patients reçoivent directement du manufacturier par l'intermédiaire du pharmacien qui le vend tel quel, à moins d'instructions contraires du médecin.

Voilà, M. le Président, monsieur le ministre et messieurs les députés, notre position. Il nous fait plaisir maintenant de répondre à vos questions.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. M. le ministre.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier les représentants de la compagnie Hoffmann-La Roche pour ce mémoire. J'ai écouté attentivement et je ne veux pas mettre en doute les assurances qu'ils nous donnent quant à la haute qualité recherchée par cette compagnie dans la fabrication de ses produits, dans l'information qu'elle distribue auprès des médecins ou des pharmaciens, quant à la recherche qu'elle fait.

J'accepte ce qui nous est dit ici mais toutefois je crois, avec raison je pense bien, que les divers mémoires qui nous ont été soumis, aussi bien mardi qu'aujourd'hui, ont mis en lumière un certain nombre de malaises, un certain nombre de problèmes que nous ne pouvons ignorer et qui peuvent provenir du fait que nombre de compagnies n'ont pas tout à fait les mêmes standards ou les mêmes normes d'excellence que la compagnie Hoffmann-La Roche. Je note en premier lieu, dans le mémoi-

re, que vous précisez que vous n'êtes pas membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament. J'aimerais que vous commentiez cette question. Est-elle reliée à votre recherche de l'excellence?

J'aimerais aussi apporter une petite précision en ce qui a trait aux échantillons. Vous avez mentionné — encore là, je n'ai aucune raison de le mettre en doute — que dans la Loi des aliments et drogues, certaines dispositions existent quant à l'envoi d'échantillons. Toutefois, je ne crois pas que ces dispositions soient respectées, à tout le moins par un certain nombre de compagnies; je pense, entre autres, à cette personne que je connais, dont le mari était médecin, qui est mort en 1951 et qui, encore il y a deux ou trois ans, recevait encore une quantité d'échantillons assez volumineuse. J'apporte cet exemple pour illustrer le fait qu'il y a des malaises.

Si je comprends bien, votre principale recommandation, en ce qui a trait à la majeure partie des problèmes que vous nous illustrez, est celle de l'adoption d'un format thérapeutique. J'aimerais que vous alliez un peu plus loin. Je comprends bien que, par rapport à une compagnie comme la vôtre, qui recherche l'excellence, cette recommandation puisse vous paraître appropriée, mais il me semble qu'il serait plus satisfaisant si vous alliez un peu plus loin et que vous nous disiez, à votre avis, quelles sont les causes de certains des malaises ou des exagérations ou des dangers qui ont été exposés ici au cours de la séance de mardi et d'aujourd'hui. Même si on peut ne pas trouver très élégante la méthode d'illustration du problème des échantillons, on peut s'interroger sur l'ampleur de ces échantillons, par exemple, qui sont envoyés. Je pense qu'il y a là une situation qu'on a voulu illustrer.

La publicité, l'information ou la promotion, peu importe le nom qu'on lui donne, même si on désire mieux qualifier les formes qu'elle prend, il n'en demeure pas moins que, s'il n'y avait pas de problème là, je ne crois pas que cela aurait fait l'objet d'autant de discussions, aussi bien mardi qu'aujourd'hui.

Les pharmaciens d'officine eux-mêmes revendiquent un plus grand rôle non seulement face aux médecins, mais aussi face aux fabricants. Même si on peut discuter, encore une fois, la façon dont ces organismes, tels le collège et l'Association des pharmaciens propriétaires mettent en relief les problèmes, on ne peut, à mon sens, conclure que ces problèmes n'existent pas ou encore pourraient tous être résolus par l'adoption d'un format thérapeutique, si j'ai bien compris, évidemment, votre recommandation; d'autant plus que je me rappelle l'exposé à tout le moins d'un, sinon des deux présidents des deux grandes fédérations des médecins au Québec devant cette commission, nous rappelant justement le danger que présente l'augmentation très rapide de la consommation des médicaments.

J'aimerais que vous précisiez davantage.

M. NOWOTNY: M. le ministre, si j'ai bien compris, vous avez trois questions. La première question était: Pourquoi ne sommes-nous pas membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament? Nous faisions partie de cette association jusqu'à environ quatre ou cinq ans, quand nous avons décidé d'en sortir pour la simple raison que l'industrie pharmaceutique a été et est encore, comme vous le savez, constamment attaquée au sujet de ses prix et profits.

C'est très évident qu'une association d'industries ne peut pas défendre les prix et surtout pas les profits de ses membres. Nous avons donc cru bon de partir et de prendre la défense des prix et des profits, chez les produits Roche, entre nos propres mains. C'était la raison principale. Une deuxième raison de moindre importance a été que nous n'étions pas toujours d'accord sur tout ce que l'association disait, mais cela est compréhensible parce qu'après tout, l'association ne doit rien faire d'autre que de représenter l'opinion de la majorité et pas nécessairement l'opinion de chacun de ses membres. Je ne sais pas si cela répond à votre première question.

La deuxième question portait sur les échantillons. La question que vous nous avez posée est plutôt délicate parce qu'au fond vous nous demandez de faire des commentaires sur les pratiques de nos collègues dans l'industrie pharmaceutique. Tout ce que je puis dire à ce sujet, c'est que nous, chez Roche, faisons très attention à ce que nous faisons avec nos échantillons. L'échantillon est un objet dispendieux et nous ne sommes pas intéressés à le voir rester dans une boîte dans un bureau de médecin ou, peut-être, même tomber, comme je l'ai dit dans mes commentaires, entre les mains des gens en dehors de la profession de la santé. Peut-être, parmi la grande pile d'échantillons qui vous ont été montrés mardi dernier y avait-il des échantillons de produits brevetés ou des produits de comptoir, donc, des produits qui ne demandent pas une ordonnance, mais qui ne peuvent être annoncés au grand public.

La troisième question, si j'ai bien compris, portait sur la surconsommation et vous avez cru comprendre que, s'il y a surconsommation, le format thérapeuthique pourrait être la solution. Je ne crois pas que je voulais suggérer cela; si je l'ai fait, je m'en excuse. Tout ce que nous avons dit, c'est que nous, chez Roche, nous observons toujours ce qui se passe sur le marché. Nous inspectons les commandes que nous recevons. Si nous avons un pharmacien ou même un médecin de la campagne qui nous demande une grande quantité d'un produit, nous n'hésitons pas à lui téléphoner afin de vérifier pourquoi il demande une si grande quantité. Le but de cela est très simple. Nous ne voulons, à aucune condition, qu'il y ait abus de nos médicaments, car, s'il y a abus, c'est clair qu'à longue échéance celui qui va payer pour, c'est nous.

Il y a une chose qui a été dite depuis bien des années — c'est à ça que nous voulons faire

référence — peut-être que les médecins font trop d'ordonnances ou que l'ordonnance est pour une trop grande quantité de médicaments pour un traitement. Nous croyons que le format thérapeutique peut aider à contrôler cette situation.

Le format thérapeutique est naturellement la quantité pour un traitement. Le format thérapeutique peut être déterminé en consultation avec la compagnie qui a découvert le produit, qui en connaît très bien la posologie, et en consultation naturellement avec la profession de la médecine et la pharmacie.

Je ne sais pas si cela vous aide jusqu'à un certain point. Je suis prêt à préciser encore plus, si vous le désirez.

M. CASTONGUAY: Bien, j'avais une question peut-être d'ordre plus général; je ne devrais peut-être pas insister. Je vous demandais d'essayer d'expliquer quelles étaient, à votre avis, les principales causes des problèmes qui nous ont été exposés ici depuis deux jours quant à l'aspect de la consommation relativement élevée ou montant à un rythme rapide. Il y a la question des prix, évidemment, mais je ne voulais pas me limiter à un seul aspect; je voulais prendre l'ensemble de ce qui a été exposé ici, parce qu'on retrouve un assez bon nombre de problèmes. Il y a celui de la surconsommation. On a fait état aussi des techniques, non pas seulement par la voie des échantillons, qui tendent à développer cette — je ne sais pas quel terme on a utilisé exactement — psychose du médicament.

Alors, il y a cet ensemble de problèmes qu'on peut regrouper sous le nom de surconsommation et de prix élevés. Mais s'il y en a d'autres qui m'échappent, ça ne veut pas dire qu'ils ne devraient pas être analysés. Si je comprends bien votre réponse, vous nous dites qu'il y a peut-être des pratiques du corps médical qui ne sont pas assez prudentes. On tend à trop prescrire et, d'autre part, il y a cet aspect du format thérapeutique qui pourrait constituer un autre élément positif.

M. NOWOTNY: Il y a peut-être deux autres facteurs à considérer. Je vous donne ici strictement mon opinion personnelle, ce n'est pas nécessairement celle de mes collègues ou de Hoffmann-La Roche. Il est certainement vrai que l'établissement de l'assurance-maladie, qui donne un libre accès à toute la population québécoise, va avoir comme effet une augmentation dans la consommation des médicaments, car, à chaque fois qu'un patient va voir un médecin, il y a ordonnance. Ceci, je crois, a été clairement démontré dans les différents pays d'Europe qui ont l'assurance-maladie, que ce soit l'Angleterre ou des pays d'Europe centrale.

Un autre fait qu'on doit considérer est celui, si l'on compare les années cinquante à l'année 1972, qu'il y a eu beaucoup de développement dans l'industrie pharmaceutique. Vous avez aujourd'hui des produits beaucoup plus efficaces. Donc, le médicament est probablement devenu, à travers toutes ces années, un élément plus important dans le traitement des malades. Est-ce que cela vous aide?

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, un très bref commentaire suivi d'une question. Je voudrais féliciter la compagnie d'être venue. Sauf erreur, c'est la seule compagnie fabriquant des médicaments qui est venue témoigner devant la commission sur cette loi extrêmement importante. On note, évidemment, la qualité du mémoire.

Pour ma part, je pense qu'il est important que les fabricants, surtout les plus sérieux, fassent connaître davantage au public l'autre facette. Il y a des problèmes, d'accord, on l'a constaté depuis deux jours dans le secteur des médicaments, mais aussi il y a des possibilités que des fabricants sérieux qui sont conscients de leurs responsabilités puissent aider à résoudre ces problèmes.

Cela m'amène à poser une question complémentaire de celle qu'a posée le ministre tantôt. Il vous a demandé pourquoi vous ne faisiez pas partie de l'association des manufacturiers canadiens. Mais vous ne faites pas partie non plus de la section québécoise des manufacturiers, si j'en juge par la liste qui est dans leur mémoire. Est-ce que c'est pour les mêmes raisons?

M. NOWOTNY: Je crois que M. le président de l'association des fabricants du Québec vous a dit qu'on ne peut être membre de cette association, à moins que la majorité des actionnaires soient des Canadiens. Nous sommes une compagnie canadienne, mais affiliée à notre maison mère qui est en Suisse; donc, nous ne pouvons pas devenir membres de cette association.

M. DRESSLER: Pour répondre à votre commentaire, nous, comme tous les professionnels, ingénieurs, comptables, chimistes, etc., nous n'avons qu'une chose qui s'appelle la réputation. Si un professionnel perd sa réputation il vaut zéro. Si nous perdons notre réputation, c'est la même chose. Nous sommes morts. C'est pourquoi nous insistons à travers le monde dans les différentes compagnies Roche — bien entendu aussi chez nous au Québec — pour maintenir notre image et notre réputation.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sans mentionner de nom de compagnie, je fais référence à votre entreprise puisque vous êtes venu devant la commission parlementaire. Je crois que votre entreprise et d'autres entreprises qui ont une préoccupation importante quant au standard de qualité et de réputation, vous pouvez exercer une influence très considérable dans le domaine

des médicaments et vous en êtes conscients. Je souhaite pour ma part que vous révisiez votre participation à l'Association canadienne des manufacturiers, sur laquelle vous pourriez exercer une très bonne influence, à mon avis.

M. DRESSLER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Comme normalement il n'est pas permis de faire des commentaires à un membre de la commission, je n'ai pas de question. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: Tout en écoutant avec beaucoup d'intérêt les propos qui étaient échangés entre le ministre et les gens de la table, j'ai lu quelques pages du volume intitulé "Valium-Roche". On voit que vous y résumez — si j'en saisis bien la portée — les expériences à travers le monde des savants sur ce produit.

Mardi, lors de l'audition d'un autre témoignage, j'ai demandé si c'était exact que ça prenait une ordonnance d'un médecin pour obtenir chez un pharmacien du valium. On m'a répondu oui. Comme j'ai personnellement constaté qu'il y a un très grand nombre de jeunes qui ont en leur possession ce qu'ils appellent eux du valium — qui est peut-être du valium — je voudrais vous poser la question suivante: Est-ce que, à votre connaissance, il y a sur le marché des substituts de ce produit qui ne seraient pas fabriqués par votre maison mais qui seraient en circulation? Dans l'affirmative, est-ce qu'il sont toujours mis en circulation à la suite d'ordonnances et approuvés par la direction des aliments et des drogues?

M. NOWOTNY: M. Vézina, je vais vous répondre de la façon suivante: Premièrement, le gouvernement canadien — peut-être que vous êtes au courant — a amendé la loi des brevets, en juin 1969, permettant au commissaire des brevets d'accorder des licences obligatoires et des licences d'importation à à peu près n'importe quelle compagnie qui venait en demander.

Pour vous donner un exemple, nous avons un autre produit que vous connaissez peut-être aussi, le librium. Il y en a aujourd'hui 23 copies sur le marché, qui ne sont pas toujours de la qualité voulue, mais ça c'est un problème de la direction des aliments et drogues.

En ce qui concerne le valium, il y a une compagnie qui est en effet sur le marché avec sa copie, la compagnie Horner, qui appelle son produit Vivol. Et vous avez vu ici mardi sa publicité avec le pot de café Sanka.

Cela c'est un côté, le côté légal disons. D'autre part, il est arrivé qu'à deux reprises il y a eu essai de contrefaire notre produit valium.

M. LE PRESIDENT: J'ai défendu une cause et j'ai perdu contre votre compagnie.

M. NOWOTNY: Exactement.

M. LE PRESIDENT: Comme j'ai dit au ministre, l'erreur que mon client a faite a été de marquer le R de Roche sur la pilule.

M. NOWOTNY: Cela, c'était le premier cas.

Le deuxième cas était un peu plus inquiétant, parce que les contrefacteurs ont même contrefait notre étiquette. Heureusement, parce que, comme je vous ai dit auparavant, nous regardons le marché très attentivement, nous avons pu arrêter ces gens qui contrefaisaient notre produit — avec l'aide de la police de Montréal — dans les deux semaines. La police a pu récupérer la plus grande partie de ce matériel.

Enfin, il y a un autre aspect: le valium, une des indications qui n'est pas propagée par nous, mais par la direction des aliments et drogues, est que ce produit est excellent pour faire sortir quelqu'un d'un voyage avec du LSD. Et vous allez voir que dans toutes les institutions comme Alcohol and Drug Research Foundations, je crois aussi OPTAT, le valium est utilisé pour ces fins.

Et alors il se peut que vous trouviez des jeunes avec notre produit dans ses poches. La question — presque une question morale, si vous voulez — est: Vaut-il mieux ne pas leur en donner ou alors leur en donner au cas où quelque chose arriverait et qu'ils céderaient? C'est une question que je peux juste poser et à laquelle, naturellement, je ne peux pas répondre.

M. VEZINA: Si vous me permettiez un très court commentaire à l'intention du ministre, M. le Président, je lui dirai ceci: Quand on lit les expressions employées de psychopathe, de névrose, etc., et quand on voit le nombre de jeunes qui prennent de ce produit ou d'un dérivé, je peux vous dire que le rôle du ministre des Affaires sociales est plus important que jamais. C'est à se demander si la santé collective de toute une génération n'est pas largement mise en veilleuse, pour ne pas dire plus.

M. POIRIER: M. le Président, si vous me permettez un autre commentaire, M. Vézina justement est en train de parcourir la brochure sur le valium. J'aimerais signaler ici que nos services professionnels ne s'arrêtent pas immédiatement après le lancement sur le marché. Avant d'avoir lancé le valium ou le librium, nous avions peut-être déjà 1,500 ou 2,000 travaux cliniques, et nous continuons encore aujourd'hui. Nous avons près de 4,500 travaux cliniques sur le valium.

M. VEZINA: Merci.

M. GUAY: Ceci m'amène à vous poser une question. Est-ce qu'on peut se procurer — peut-être pas abondamment — les brochures qui sont produites par La Roche actuellement?

M. POIRIER: Vu que ces brochures ou ces informations scientifiques sont désignées spécifiquement pour les professionnels de la santé, nous préférons ne pas le faire. Et justement pour une raison qui inquiète M. le ministre: la surconsommation. Les jeunes veulent s'instruire sur les médicaments, et pour cette raison, nous limitons la distribution de ces choses aux professionnels de la santé.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs de la compagnie Hoffmann-La Roche. Est-ce que le Service de conseils d'ordonnances de Montréal est ici? M. MacGregor? Cela a tout l'air qu'il n'est pas ici.

La commission ajourne ses travaux à mardi dix heures, le 29 août 1972.

(Fin de la séance à 18 h 30)

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