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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mardi 17 octobre 1972 - Vol. 12 N° 99

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 250 - Code des professions et autres projets de loi connexes


Journal des débats

 

Commission spéciale des corporations professionnelles

Projet de loi no 250

Code des professions

et autres projets de loi connexes

Séance du jeudi 12 octobre 1972

(Dix heures vingt minutes)

M. LAFRANCE (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles. A l'ordre, messieurs!

Pour la séance d'aujourd'hui, M. Vaillancourt remplace M. Bienvenue, M. Brown remplace M. Coiteux, M. Hardy remplace M. Fournier, M. Mailloux remplace M. Kennedy, M. Faucher remplace M. Vézina. Avant d'entendre les divers organismes présents, le ministre des Affaires sociales aurait quelques mots à dire.

Organismes désirant encore comparaître devant la commission

M. CASTONGUAY: M. le Président, à la dernière séance, les membres de la commission avaient convenu qu'à ce moment-ci de notre travail nous contacterions les organismes qui ne s'étaient pas encore fait entendre en ce qui concerne le projet de loi touchant les services de santé et les services sociaux nommément. Le secrétaire des commissions parlementaires m'a remis hier une liste des organismes qui désirent toujours se faire entendre et une liste de ceux qui, après avoir pris connaissance des discussions à la commission, ne désirent plus se faire entendre, sont satisfaits des discussions qui ont eu lieu ici et des représentations qui ont été faites. Il reste donc douze organismes qui désirent toujours se faire entendre, en plus de ceux que nous avons entendus et de ceux que nous entendrons aujourd'hui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ce sont des organismes qui relèvent du ministre des Affaires sociales? Parce qu'il y a d'autres organismes à part cela qui ne sont pas venus et qui relèvent d'autres ministres.

M. CASTONGUAY: II s'agit d'un groupe représentant les opticiens d'ordonnance, de l'Institut cybernétique du Québec, des ostéopathes, d'une compagnie d'optique, de l'Institut de visiologie, d'un groupe d'optométristes, d'un M. Butler de la Corporation des opticiens d'ordonnance, d'un Dr Katz, du Dr Paul-Emile Chevrefils qui peut-être ne s'appellera plus docteur après l'adoption des lois, du Dr Lépine, de la Fédération d'éducation physique, des infirmières en hygiène publique. Ce sont les groupes.

Quant aux autres projets de loi, un communiqué va être émis du bureau du premier ministre fort probablement aujourd'hui.

M. CLOUTIER (Montmagny): II a été émis hier soir.

M. CASTONGUAY: Ah! bon.

M. CLOUTIER (Montmagny): Deux autres ministres sont nommés, MM. Saint-Pierre, et Choquette. Conjointement avec le ministre des Affaires sociales, ils sont responsables de cette législation.

Selon la liste que le ministre vient de nous donner, ce sont douze mémoires. Combien y en a-t-il d'autres qui relèvent des autres ministres?

M. CASTONGUAY: Comme on le sait, M. Fournier avait tenu avec vous un grand nombre de séances pour les autres groupes. La liste qui m'avait été remise il y a quelque temps — si ma mémoire est bonne — comptait également une douzaine d'organismes: le Conseil des universités, le Barreau, la Corporation des ingénieurs forestiers, quelques groupes comme ça.

Des séances vont être inscrites au programme de telle sorte qu'on puisse finir aussitôt que possible l'audition de tous les mémoires.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre prévoit que le code des professions, le bill 250, et les lois spécifiques vont être étudiés à l'Assemblée nationale à la session de novembre et décembre?

M. CASTONGUAY: Oui, M. le Président. Je crois qu'avec tout le travail qui a été fait par la commission parlementaire, les délais qui ont été accordés aux organismes pour préparer leurs mémoires il est opportun maintenant que ces projets de loi soient soumis pour discussion. Ainsi, le climat d'incertitude qui peut régner, cette espèce de phase de transition se terminera bientôt. Dans bien des cas — je ne pense, par exemple, qu'au cas des infirmières — le travail qui a été fait va permettre d'améliorer grandement la situation. C'est l'intention de présenter, par exemple, le code des professions dans sa forme nouvelle, compte tenu de tous les changements que j'ai mentionnés l'autre jour, de telle sorte que nous puissions passer à l'étude du code des professions, son adoption et les autres lois par la suite.

M. PAUL: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il recommandera la réimpression des projets de loi spécifiques en plus de la réimpression, qui s'impose, du projet de loi 250?

M. CASTONGUAY: Dans tous les cas, M. le Président, où les changements sont trop nombreux, je crois qu'il y aurait avantage à ce qu'il y ait réimpression. C'est d'ailleurs ce que j'ai demandé aux légistes. Ainsi l'étude de ces projets de loi pourra se faire d'une façon aussi efficace que possible en Chambre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Et la commission parlementaire, une fois qu'on aura entendu

tous les mémoires, pourra se réunir également pour faire le point.

M. CASTONGUAY: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais demander la collaboration de chacun des organismes ici présents. C'est-à-dire qu'on demande à chacun des organismes une présentation de son mémoire ou de son résumé de mémoire, présentation qui devrait se limiter à environ vingt minutes; et, par la suite, une période de questions d'une quarantaine de minutes. On demanderait la collaboration de tous et chacun à cet égard.

Le premier organisme que nous entendrons, ce matin, est la Corporation des technologistes médicaux du Québec. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier pour le bénéfice des membres de la commission.

Corporation des technologistes médicaux du Québec

M. BERGERON (Pierre): M. le Président, mon nom est Pierre Bergeron, technologiste, président du conseil d'administration de la Corporation des technologistes médicaux du Québec.

M. LE PRESIDENT: Vous avez avec vous des collègues, voulez-vous les présenter?

M. BERGERON: Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais vous présenter d'abord, la troisième personne à ma droite, M. Claude Montgrain, technologiste, président du comité du mémoire; puis, M. Raymond Simard, technologiste, secrétaire administratif de la Corporation des technologistes médicaux du Québec; Me Robert Lesage, conseiller juridique; M. Paul-André Deslauriers, technologiste, membre directeur du conseil d'administration et membre du comité du mémoire; Mlle Jeanne Grimard, membre directeur du conseil d'administration et M. Neilson Bouffard, membre du comité du mémoire.

En plus, M. le Président, j'aimerais souligner la présence d'une très forte délégation de technologistes médicaux. Sans abuser de votre patience, j'aimerais vous présenter le résumé du mémoire. La Corporation des technologistes médicaux du Québec appuie l'esprit et les mécanismes prévus au projet de loi 250. Elle s'inquiète toutefois de ne pas avoir été citée à titre de profession d'exercice exclusif à l'annexe 1 du code des professions.

Dans son mémoire, elle retrace ses origines québécoises vieilles de 50 ans et présente l'évolution avantageuse de la qualité des cours préparatoires à la pratique de la technologie médicale. Présentement, la Corporation des technologistes médicaux du Québec fonctionne selon un conseil d'administration de neuf membres.

Celui-ci est assisté d'un comité exécutif, d'un comité de nomination, d'un comité des finances, d'un comité de publication et de divers autres comités. Les modalités de fonctionnement sont régies par les règlements généraux. La corporation dispose, en outre, d'un siège social permanent à Montréal et le secrétaire administratif en a la gérance.

La corporation démontre également qu'elle satisfait aux critères mentionnés à l'article 21 du projet de loi 250. A la suite de trois années d'études collégiales, dont une en milieu hospitalier, un examen, sous le contrôle de la Corporation des technologistes médicaux du Québec et accepté par la Commission d'agrément des programmes et des milieux de formation en techniques de laboratoire médical au Québec, sanctionne la compétence et les connaissances minimales du futur technologiste.

Dans sa fonction habituelle, le technologiste médical exécute des analyses dont les résultats sont directement portés au dossier du malade, sans reprise de celle-ci. Les résultats d'analyses ne sont généralement pas vérifiés par d'autres personnes que le technologiste. Même si le médecin peut avoir la responsabilité légale, ceci n'empêche pas que c'est le technologiste médical qui a la responsabilité première des conséquences immédiates des actes posés. Le fait de contresigner le rapport d'une analyse ne veut pas nécessairement dire vérification de l'exactitude du résultat exprimé. Ils sont, par surcroît, les seuls de l'équipe des professionnels de la santé à posséder un contrôle direct de la qualité de leurs actes professionnels.

Plusieurs analyses exécutées sans contrôle ou faussées peuvent, directement ou indirectement, porter atteinte à la santé individuelle du malade, voire même aller jusqu'à la mort.

La Corporation des technologistes médicaux du Québec demande au législateur l'exercice exclusif de la profession, puisque la sécurité et la protection du public sont directement en cause. On a souvent tendance à croire que le technologiste médical ne fait ni prélèvements, ni injections de substances, bien que celui-ci soit fréquemment en contact avec le malade, au même titre que les infirmières ou les technologistes en radiologie.

D'autre part, des résultats d'analyses inexactes sont préjudiciables non seulement à l'état de santé du malade, mais occasionnent des explorations biologiques plus poussées, inutiles, épuisantes pour le malade, qui prolongent indûment le séjour hospitalier et en accroissent le coût.

Dans la pratique de sa profession, le technologiste médical est appelé à connaître, à la suite d'informations professionnelles ou des résultats d'analyses, une foule de renseignements ou faits ayant trait aux maladies et à la vie des individus. Il est donc important que le secret professionnel lie les technologistes médicaux comme, d'ailleurs, toute l'équipe des professionnels de la santé.

L'activité passée et présente de ses membres exprime bien leur souci de la qualité, d'une

part, et, d'autre part, leur désir irrécusable de donner au public les services sûrs qu'il est en droit d'attendre. Ce désir lui permit, dans le passé, de toujours faire les recommandations qu'elle jugeait utiles à la protection du public, même si des membres étaient en désaccord.

Conscients plus que jamais de leurs responsabilités à l'égard du public, les technologistes médicaux du Québec formulent une demande de législation sur la technologie médicale, à l'occasion de l'étude du projet de loi sur les professions. Qu'une loi vienne parapher ce que plus de 2,500 technologistes réclament depuis des années ne peut qu'assurer le législateur du sérieux que la Corporation des technologistes médicaux du Québec mettra dans son rôle de protecteur du public.

Nous espérons, au cours de cet exposé, vous avoir fourni tous les faits susceptibles de faciliter vôtre tâche.

Ce sont les grandes lignes du mémoire. La délégation est prête à répondre aux questions des membres de cette commission. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. le Président. M. le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier la Corporation des technologistes médicaux pour le mémoire qu'elle a présenté à la commission parlementaire. On nous demande en définitive de former en corporation avec champ exclusif de pratique ce groupement qui compte au-delà de 2,000 personnes.

Je ne voudrais pas reprendre les points que j'ai déjà mentionnés au sujet des raisons qui font en sorte qu'à notre avis — et je pense que ç'a ressorti très clairement au cours des audiences — le législateur ou le gouvernement doit être très prudent dans l'établissement de nouvelles corporations avec champ exclusif limité ou champ de pratique exclusif, étant donné le fait que dans certaines professions il y a une évolution rapide et qu'il y a un danger de freiner une telle évolution.

Egalement on a pu constater de façon assez claire que bien souvent, même si l'intérêt ou la protection de la population exige le maintien de corporations professionnelles, ce mécanisme a donné lieu à bien des conflits et a empêché un véritable travail d'équipe dans beaucoup de cas. Je pense que les exemples qui ont été présentés ici devant la commission ont été assez éloquents.

Ceci étant dit, sans vouloir minimiser l'importance en aucune façon du technologiste médical, j'aimerais adresser une couple de questions aux représentants. Est-ce que vous pourriez nous dire jusqu'à quel point, avec les nouvelles techniques, le travail du technologiste médical a pu évoluer au cours des dix ou quinze dernières années? Je pense que c'est un aspect extrêmement important; quant à moi il l'est du moins.

Par rapport à d'autres travailleurs dans le domaine de la santé qui jouent un rôle important, qui ne sont pas nécessairement formés en corporation professionnelle et qui ont, dans tout ce domaine de l'analyse, à poser des gestes, pour quelles raisons particulières devrait-on, dans le cas présent, envisager un champ exclusif?

Je pense, par exemple, à la diététicienne et à tous ceux qui travaillent soit directement ou indirectement avec vous en tant que chimiste, en tant que personnel responsable du calibrage des équipements, des appareils, etc., qui ont des rôles à toutes fins pratiques qui s'apparentent aux vôtres. Voilà les deux questions, M. le Président, que je voulais poser.

M. SIMARD (Raymond): Pour vous donner un bref aperçu de l'évolution des demandes d'analyse en laboratoire, nous pouvons vous affirmer que le volume unitaire de travail en laboratoire a augmenté de 300 p.c. à 400 p.c. Les analyses se sont perfectionnées au point qu'elles deviennent quasi des analyses spécialisées. Nous avons nettement un groupe d'analyses de routine pour établir un diagnostic primaire et pour compléter ou confirmer le premier diagnostic, on demande toute une gamme d'analyses fort spécialisées pour lesquelles le technologiste médical doit posséder des connaissances approfondies en raison de l'importance des résultats apportés en vue de donner au médecin les outils nécessaires pour tantôt confirmer son diagnostic, tantôt l'aider à établir une thérapeuthique pour ramener le patient à la santé.

M. LESAGE: Si vous me permettez, M. le Président, je répondrai à la deuxième partie de la question à savoir pour quelles raisons particulières les technologistes médicaux devraient être constitués en corporation d'exercice exclusif.

Evidemment, ce n'est pas à nous à parler au nom d'autres groupements professionnels comme les diététistes. Nous ne croyons pas, les technologistes médicaux, avoir quelque conflit que ce soit avec ces professionnels et il n'y a pas à vrai dire de chevauchement dans le champ des deux pratiques professionnelles.

L'évolution de la technique, il est bien sûr qu'elle existe et qu'elle doit continuer d'exister. Elle existe aussi en médecine, elle existe dans toutes les professions, et ce n'est pas une raison pour rendre la médecine libre et que tout le monde puisse pratiquer la médecine. L'évolution des techniques, des sciences doit être favorisée, c'est certain. Et ceci signifie qu'il ne faut pas mettre de plafond vers l'évolution, c'est-à-dire une limite vers le haut. Mais on constate qu'il faut mettre un plancher. Il faut qu'il y ait des exigences minimales pour exercer une profession. Or, la technologie médicale s'est imposée dans le milieu hospitalier depuis 20 ans. Il y a plus de 20 ans que la première école de technologie médicale a été créée à l'université Laval. La technologie médicale existait avant

cela et il y a des exigences minimales qui sont reconnues dans la profession. A tel point que les corps les plus intéressés, les médecins, l'association des hôpitaux se sont constitués, ont formé une commission d'agrément pour reconnaître les technologistes. Il est aussi un fait important à noter: c'est que le milieu hospitalier qui reçoit la presque totalité des technologistes médicaux, sauf quelques-uns, a avec les technologistes médicaux dans la plupart des grands hôpitaux une convention collective, celle qui est en train de se renégocier, mais sous cet aspect, cela ne change pas, où on dit que pour être un technologiste médical, il faut être un membre de la corporation, et non pas un membre du syndicat, un membre de la Corporation des technologistes médicaux. Donc, on reconnaît, dans le milieu même qui emploie les technologistes médicaux, qu'il faut que ces gens se qualifient d'une certaine manière pour la protection du public. C'est un des éléments qui est important.

Un autre élément, c'est que, justement, on pourrait croire peut-être que le technologiste médical est un professionnel qui est surveillé dans l'exercice courant de son occupation, qui est suivi par un supérieur, qui travaille dans un milieu qui est structuré au point que les erreurs ne sont pas possibles. C'est tout le contraire. Le technologiste médical exerce sa profession, évidemment, dans un milieu institutionnalisé, mais ses supérieurs — que ce soit un médecin ou un chef technologiste — ne vérifient pas la très grande majorité des analyses qu'il fait. Il arrive fréquemment — d'autres pourront vous l'exposer et vous donner des détails concrets — que l'analyse du technologiste se traduit immédiatement, sans intermédiaire dans un traitement au malade. Il fait l'analyse sanguine et on fait immédiatement une transfusion de sang à un malade, c'est lui qui fait l'analyse sanguine.

D'antres vous diront également que dans les hôpitaux — il y a peut-être des exceptions — ce sont les technologistes médicaux qui ont la responsabilité de leurs analyses, de leurs actes, qui signent leurs rapports et les médecins n'agissent pas tant qu'ils n'ont pas le rapport signé par le technologiste médical, c'est-à-dire qu'ils n'en prennent pas la responsabilité. Le technologiste médical a une responsabilité directe envers le patient et il est important pour la santé de celui-ci que sa compétence soit établie et contrôlée. Il arrive des erreurs et il faut que ça puisse être contrôlé. La corporation telle qu'elle existe dans le moment — c'est une corporation créée par lettres patentes — a des moyens de persuasion, c'est-à-dire qu'on peut mettre dehors des membres de la corporation. De là à avoir un moyen efficace pour contrôler la discipline et la compétence, on n'en a pas.

Pour que ce soit une corporation fermée, il faut qu'il y ait un minimum de compétence. On l'a reconnu pour les infirmières. Il est évident, dans mon esprit, que les technologistes médicaux ont une relation avec le patient qui est aussi importante que celle qu'a l'infirmière. Ils vont aux malades, ils font des prélèvements. Ils ont aussi une relation tout aussi importante que le technicien en radiologie qui prépare me dit-on, des substances radio-actives qui sont injectées au patient; il analyse le sang du patient, il prépare vos formules sanguines, si vous êtes admis d'urgence à l'hôpital.

De là à exiger que le technologiste médical remplisse un rôle qui mette la vie du patient en danger, il me semble, pour moi, que ça crève les yeux. Et puis, il faut qu'il y ait des exigences minimales pour exercer cette profession. Evidemment, comme dans d'autres professions, on ne devrait pas limiter l'évolution vers le haut et on devrait permettre le chevauchement éventuel avec d'autres professions. Il me semble d'ailleurs que ç'avait été saisi par les rédacteurs des projets de loi puisqu'on a un article dans presque tous les projets de loi, disant que l'exercice d'une profession n'empêche pas l'exercice d'une autre profession reconnue par les lois.

Alors, s'il y a un chevauchement, c'est permis, ce n'est pas défendu. Il peut peut-être y avoir des modifications à apporter à la définition, c'est une question de mots, mais dans les faits, la technologie médicale est réservée dans les hôpitaux de la province de Québec aux technologistes médicaux par le jeu d'une convention collective. Il me paraît qu'il n'est pas normal de négocier la santé publique dans une convention collective et que ce doit être par une loi qu'on reconnaît ce que les milieux qui s'occupent de la santé publique ont déjà reconnu.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Me Lesage, vous avez déjà répondu à certains points d'interrogation au sujet de l'exercice de la profession, c'est ce qui explique un peu que vous avez élaboré un peu plus longuement et je vous en remercie. Je n'insisterai pas davantage mais ce qui m'a frappé dans l'intervention du président et de Me Lesage, c'est le contact direct entre le technologiste médical et le patient.

On a fait la comparaison avec la profession d'infirmière, tantôt. Est-ce que la formation du technologiste médical est équivalente à celle de l'infirmière? Si je prends la scolarité, si je regarde les années d'études au niveau collégial, ça me paraît que oui. Est-ce que vous pouvez confirmer ce fait? Est-ce qu'il y a équivalence entre les deux formations sur le plan scolaire, entre l'infirmière et le technologiste médical?

M. LESAGE: Bien sûr, le programme 140 au CEGEP est le même que le programme du niveau collégial pour l'infirmière. D y a quand même des différences au niveau des programmes de santé, des cours de base, plus une orientation bien spécifique au niveau du tech-

nologiste médical. En plus, pour pallier une certaine difficulté, il y a trois ans un nouveau cours a été mis sur pied, le cours de bachelier en technologie médicale, si vous voulez, à un degré plus élevé. C'était nécessaire d'avoir dans le milieu hospitalier des gens capables de prendre la responsabilité de l'ensemble des laboratoires.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quand vous avez parlé d'accès direct au patient, vous avez fait une représentation à l'effet que la profession devrait jouir d'un caractère exclusif de pratique.

Vous avez apporté plusieurs arguments à l'appui, vous référant à l'article spécifique de la loi. Le contact direct avec le patient en était un; le diagnostic ou l'analyse qui est portée directement au dossier médical du patient sans vérification, c'est l'analyse qui fait foi de tout et sur laquelle vous vous basez, c'est-à-dire sur laquelle la thérapeutique se base ensuite pour les gestes à poser, et vous faisiez également la préparation de certaines substances, si je ne m'abuse, pour le patient, certaines injections, certaines médications spéciales.

Ce sont des gestes que vous avez portés à l'appui de votre... Mais à quelle fréquence ces gestes-là peuvent-ils êtres posés dans toute la pratique de la technologie médicale? Quelle fréquence des actes peut représenter tout ce que je viens de mentionner?

MLLE GRIMARD: Dans certains hôpitaux, ce sont les technologistes qui font encore tous les prélèvements, les prélèvements intraveineux comme les prélèvements au bout du doigt. Dans certains autres endroits, ce sont les infirmières qui vont faire les ponctions veineuses et tout prélèvement spécial. Il y a certaines analyses qui sont toujours faites par les technologistes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mais quelle est la...

MLLE GRIMARD: Le département de coagulation, par exemple, tous les cas de prélèvements doivent être traités par un technologiste.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est la tendance de l'évolution de la profession du point de vue des actes? Vous dites que dans certains hôpitaux, ce sont les technologistes qui les posent encore et, dans d'autres hôpitaux, ce sont les infirmières. Mais qui détermine ça? Est-ce le manque d'effectifs de certaines professions par rapport à d'autres ou si ça doit être comme ça; c'est l'institution qui décide que c'est comme ça?

MLLE GRIMARD: Dans certaines institutions, le centre de prélèvements est constitué uniquement de technologistes, dans d'autres le centre de prélèvements est constitué d'infirmières. Tous les prélèvements d'analyses spéciales, de tests spéciaux sont faits par les technologis- tes. Tout ce qui se fait de ponction au bout du doigt ou au bout de l'oreille, toutes les microméthodes chez les nouveaux-nés sont toujours faites par un technologiste.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les gens de votre profession sentent le besoin d'une vérification ou s'ils sont satisfaits de l'état de fait actuel, savoir que les résultats d'analyses soient portés directement au dossier? Est-ce que dans l'ensemble, les autres professions sont d'accord sur ça?

M. BOUFFARD (Nelson): M. le Président, concernant la question des prélèvements, l'orientation de l'évolution tend, dans les centres de prélèvements, à avoir différentes personnes de différents services pour assumer la partie des prélèvements. Cependant, la tendance actuelle est d'avoir à la tête ou comme responsable de ce centre de prélèvements un technologiste médical diplômé pour vérifier la véracité du prélèvement, puisqu'on peut avoir des difficultés d'échantillonnage. Même si, au laboratoire, nous recevons des échantillons, si l'étiquetage est mal fait au départ, immédiatement le résultat ne colle pas au bon patient.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous ai posé ces questions pour voir comment vous étiez imbriqués dans les autres professions de la santé. Cela est important, c'est ça qui est ressorti devant la commission. On dit que votre niveau de formation est équivalent à celui des infirmières, vous travaillez ensemble dans les institutions. La majorité de vos membres pratiquent en institution, dans des établissements, si je me base sur les statistiques qui sont dans votre mémoire.

Vous êtes forcément imbriqués, quant à la pratique, à l'exercice des soins de santé, dans d'autres professions. C'est pour cette raison que ça m'apparaît un argument dont le législateur doit tenir compte dans la loi, à savoir que, dans le secteur de la santé, on a un ensemble de professions et il faut analyser, à partir du degré de formation académique, et aussi du côté pratique quels sont les actes qui sont posés, quelles sont les répercussions.

Vous semblez travailler en équipe, vous avez une pratique qui ne peut pas se dissocier. Du moins si je prends l'exemple du centre de prélèvements que vous m'avez donné il y a un instant, ça ne doit pas se dissocier des autres professionnels de la santé.

Alors, est-ce que, à votre avis, c'est un argument valable aussi pour invoquer le caractère de l'exclusivité de l'exercice de votre profession?

M. SIMARD (Raymond): Qui voulez-vous de mieux qu'un organisme compétent composé de technologistes médicaux pour faire le contrôle d'un travail exécuté par des technologistes médicaux? Les relations entre les différentes

disciplines ou les différentes corporations sont excellentes parce que nous avons un champ limité au laboratoire.

Pour vous donner un peu l'aperçu du domaine où le technologiste doit pousser sa compétence et aussi où la corporation doit contrôler les connaissances et la compétence de ses membres, en 1959, nous avions en laboratoire environ une centaine de demandes d'analyse. En 1969, nous dépassions quelque peu 500 différentes demandes d'analyse. Aujourd'hui, nous sommes entre 500 et 1,000 demandes, ce qui nous fait prévoir qu'en 1979, nous aurons définitivement dépassé 1,000 différentes demandes d'analyse.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce sont des analyses de différentes sortes.

M. SIMARD (Raymond): De différentes sortes. Alors, cela demande un organisme capable de contrôler, de vérifier la compétence des gens qui pratiquent à l'intérieur du milieu hospitalier.

M. CLOUTIER (Montmagny): Là, vous parlez du contrôle des actes posés par vos professionnels. Est-ce que, du point de vue éthique, en plus des exigences minimales d'admission dans la profession, la corporation en possède un ou encore est-ce qu'elle possède un code de déontologie?

M. SIMARD (Raymond): Certainement. M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. Bergeron, il ressort clairement de ce que vous avez dit que le travail du technologiste médical participe de près ou de loin au diagnostic, du moins aux méthodes de diagnostic. Ma question est assez précise: Est-ce qu'un médecin peut poser un diagnostic efficacement sans l'aide d'un technologiste médical?

M. DESLAURIERS: M. le Président, il est admis maintenant que la véritable médecine se fait dans les laboratoires. Par conséquent, un médecin pratiquant va toujours faire reposer son diagnostic sur une série d'analyses.

M. GUAY: Comme le genre de travail effectué par les technologistes s'apparente assez clairement à celui de l'infirmière, est-ce que les actes que posent les technologistes médicaux sont toujours sur ordonnance médicale?

M. DESLAURIERS: M. le Président, il est bien entendu que chacune de nos analyses est faite sur demande ou sur prescription du médecin.

M. GUAY: Etant donné que ces deux profes- sions s'apparentent, est-ce que les technologistes font parfois également des actes qui font partie du traitement?

MLLE GRIMARD: Oui. A l'occasion, certains traitements sont pratiqués par le technologiste médical. Par exemple, quand un patient doit avoir une plamasphérèse, il faut absolument que ce soit une technologiste médicale de banque de sang qui soit là pour faire ce traitement. Il s'agit d'enlever du sang à une patiente, le centrifuger et enlever le plasma pour baisser le taux de protéines des patients. C'est un traitement qui est fait par les technologistes médicaux de banque de sang. C'est un travail hautement spécialisé et qui n'est fait que par des technologistes.

M. GUAY: En principe, comme dernière question, étant donné que ces deux professions se rassemblent et que tantôt le rôle de technologiste médical fait partie du diagnostic, tantôt du traitement, est-ce qu'on peut considérer que le rôle du technologiste est un complément au rôle du médecin et de l'infirmière?

MME GRIMARD: Là-dessus, je peux vous répondre que le technologiste est un complément au médecin et à la médecine. Mais je ne vois pas comment ça peut être un complément au travail de l'infirmière.

Vous semblez voir beaucoup de similitude entre les deux choses. Je pense que la plus grande similitude, c'est que nous sommes tous deux dans le domaine hospitalier. Mais nous, nous avons des tâches bien précises, soit la manipulation du sang ou des tissus humains qui nous parviennent au laboratoire. A partir de ce sang, nous devons faire une analyse. C'est nous qui donnons le rapport de cette analyse. S'il arrive un patient à la salle d'urgence, par exemple, avec une hémorragie, on fait une demande d'hémogramme au laboratoire d'hématologie. La technicienne qui fera l'analyse téléphone le résultat au médecin. Je pense que nous complétons plus le travail du médecin que le travail de l'infirmière qui, elle, a peut-être à remplir la feuille avant de la faire signer par le médecin.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: II ne fait pas de doute qu'au fur et à mesure que progresse la science le nombre des analyses que peut vous demander un médecin s'accroît d'année en année, et aussi ces analyses peuvent devenir de plus en plus complexes. Quant au mode, quant à la performance de ces analyses, il y a aussi des changements. Le ministre y a fait un peu allusion, tout à l'heure, et on n'a pas tout à fait répondu, je crois, à sa question.

N'y a-t-il pas un certain nombre d'analyses

qui, de plus en plus, ne requièrent plus l'action directe d'un technologiste médical? Je parle d'analyses qui sont faites par des machines programmées par ordinateur, que ce soit sur place ou que ce soit à distance. Pourriez-vous me donner le rôle nouveau que vous pouvez être appelés à exercer quant à ces nouvelles méthodes?

M. MONTGRAIN: M. le Président, évidemment, il y a beaucoup d'appareils nouveaux qui entrent sur le marché, dans les laboratoires. Ce sont des appareils qui vont bien quand ils fonctionnent, mais il faut quand même avoir un technologiste qui connaisse le fonctionnement de cet appareil, qui puisse le mettre en marche. Même s'il y a un ordinateur au bout, il ne faut pas s'imaginer que tout se fait seul. Il faut que les résultats qui viennent de l'appareil qui fait l'analyse proprement dite soient préparés pour être digérés par l'ordinateur ensuite. Tout ce travail est fait par un technologiste.

M. LAURIN: Qui fait les programmes? Rien ne peut se faire si des programmes n'ont pas été soigneusement élaborés au préalable. Est-ce que les programmes sont faits par des ingénieurs, des informaticiens, des biochimistes, des Ph.D.? Qui fait les programmes et en collaboration avec qui? Le rôle que vous venez de me décrire, c'est plutôt un rôle de contrôle et de surveillance; ce n'est pas un rôle de programmation. Est-ce que vous contribuez aussi à la préparation des programmes?

M. MONTGRAIN: Le technologiste — pour expliquer ce que j'ai dit précédemment — voit, évidemment, à ce que l'appareil fonctionne, mais les réactifs qui vont dedans, c'est lui qui les choisit, c'est lui qui les prépare. Deuxièmement, les programmes sont faits, forcément, par un analyste, un informaticien, lequel travaille toujours en collaboration avec le laboratoire. Par collaboration avec le laboratoire, je sous-en-tends avec le directeur du laboratoire, bien sûr, mais aussi avec le responsable technique du laboratoire, c'est-à-dire le technologiste-chef.

M. LAURIN: Vous avez parlé du directeur de laboratoire. Habituellement, dans les hôpitaux où il existe un laboratoire, qui dirige le laboratoire? Est-ce un technologiste, est-ce un médecin spécialisé en biochimie médicale ou est-ce un Ph.D. spécialisé en techniques de laboratoire?

M. MONTGRAIN: J'aimerais bien pouvoir répondre à votre question, mais cela m'est un peu difficile parce que je pense que chaque hôpital a sa structure personnelle, qui est différente de celle d'un autre hôpital.

M. LAURIN: Je vous pose la question surtout pour pouvoir discerner le niveau de formation exigé d'un directeur de laboratoire. Est-ce une formation collégiale ou une formation universitaire?

M. MONTGRAIN : Sûrement une formation universitaire. Je pense que généralement, ce sont des médecins spécialistes qui sont à la tête des laboratoires.

M. LAURIN: Habituellement, ce sont des médecins spécialistes.

M. SIMARD (Raymond): La tendance actuelle, dans certains milieux hospitaliers, c'est qu'on demande de plus en plus des technologis-tes médicaux spécialisés pour coordonner le travail des laboratoires, parce que ceux-ci sont formés en vue des méthodes d'analyse plutôt que pour faire le rapprochement avec la clinique.

M. LAURIN: Si je comprends bien, les représentants de votre profession participent de plus en plus à la direction des laboratoires.

M. SIMARD (Raymond): C'est exact.

M. LAURIN: Même si la direction même du laboratoire ne leur est pas confiée.

M. SIMARD (Raymond): Dans certains milieux hospitaliers, vous avez des technologistes médicaux qui agissent comme — on n'emploie pas le terme de directeur des laboratoires — coordonnateur des laboratoires. Parce qu'il y a certains titres réservés.

M. LAURIN: Dans votre mémoire, vous parlez d'un contrôle direct que vous exercez sur l'analyse que vous effectuez, elle est transcrite immédiatement au dossier. Est-ce que ce contrôle est le seul qui s'exerce? Est-ce qu'un autre contrôle peut même potentiellement être exercé par le directeur du laboratoire d'une part ou encore être exercé par un comité ad hoc d'un hôpital spécialement formé à cet effet?

M. MONTGRAIN: II y a bien sûr une responsabilité légale de la part du chef ou du directeur du laboratoire. Mais dans tous les cas d'urgence, quand le malade arrive, on demande un résultat, on n'attend pas la responsabilité légale. Le résultat s'en va directement en bas. S'il est faux, nous en supportons les conséquences.

M. LAURIN: Mais est-ce qu'il y a un contrôle exercé, de quelque nature qu'il soit —et j'aimerais que vous me le décriviez alors— par le directeur du laboratoire ou par un comité hospitalier quelconque?

M. MONTGRAIN: Je crois que vous faites allusion à la vérification. Et quand on parle de vérification, il faut faire une distinction entre vérification et signature. Je crois que dans la pratique courante, si on entend, par vérification, reprise d'un examen pour savoir si le résultat est juste, je vous dirai que dans la pratique courante, les examens du technologiste ne sont pas repris.

M. LAURIN: Je le sais très bien.

M. MONTGRAIN: Ensuite, pour ce qui est de la signature, ça varie beaucoup. Et je peux vous dire que dans la majorité des laboratoires, ce sont des initiales qui sont placées tout simplement. Ce sont parfois les initiales du directeur, parfois du chef technologiste. Et parfois aussi il y a une estampille qui est placée tout simplement.

Je dois vous dire aussi que dans la pratique, les examens courants sont vérifiés par le technologiste. Et dans certains cas un peu spéciaux, si le technologiste remarque quelque chose d'anormal, il attire l'attention du chef du laboratoire ou du directeur de laboratoire.

M. LAURIN: Dans la réponse que vous avez donnée à une question antérieure qui vous a été posée, vous avez dit que ce contrôle sur l'analyse était à ce point direct du fait qu'il était transcrit immédiatement sur le dossier, que le résultat de l'analyse indiquait d'une façon absolue et nécessaire l'acte thérapeutique qu'il fallait poser, comme par exemple à supposer que votre analyse révèle un taux d'anémie très prononcée, il s'ensuit directement et nécessairement l'emploi d'une transfusion. Est-ce que c'est vraiment le cas ou est-ce qu'il n'y a pas quand même un autre jugement qui doit être posé avant que, du résultat de l'analyse marquant une baisse très marquée des globules rouges, il soit procédé nécessairement à une transfusion? Est-ce qu'il n'y a pas un autre acte, un autre jugement qui est posé avant qu'on procède à l'acte thérapeutique approprié?

MLLE GRIMARD: Cela dépend naturellement de tout le contexte, si c'est un patient qui arrive en hémorragie ou un accidenté, un polytraumatisé, à la suite du résultat d'une hémoglobine et des globules rouges, comme vous venez de le dire, c'est sûr qu'à ce moment-là il y aura transfusion. Mais si c'est un patient qui arrive à l'hôpital sur ses deux pattes, et que le résultat de l'analyse montre une grande anémie, le médecin devra d'abord s'assurer si le patient saigne, il continuera la batterie d'analyses nécessaires pour voir si c'est un traitement où il faut une transfusion ou autre chose. Mais c'est tout de même le résultat de l'analyse à la fin qui est important.

M. SIMARD (Raymond): Pour répondre finalement à la question d'un des membres de la commission au sujet des ordinateurs, je dois vous dire que selon notre expérience actuelle, plusieurs hôpitaux ont demandé les services d'un ingénieur médical ou autre pour mettre en marche ou coordonner l'ordinateur.

A notre grande surprise, le milieu hospitalier demande maintenant que certains de nos tech-nologistes aillent apprendre comment faire fonctionner l'ordinateur. L'ingénieur ne connaît pas du tout ce pourquoi l'appareil est fait et les résultats ou les variantes ou la courbe ou le facteur d'erreurs impliqué dans le résultat. Nous avons maintenant des technologists qui travaillent avec des ordinateurs, afin de contrôler le facteur d'erreurs et aussi de donner des résultats exacts.

M. LAURIN: A la page 14 de votre mémoire, je lis la phrase suivante: La gamme des analyses actuelles et la complexité des appareils de laboratoire sont telles que le technologiste médical doit posséder des connaissances techniques et pratiques particulièrement pour procéder à l'intégration des données menant aux résultats. Je suis d'accord sur ça. Vous ajoutez: Un individu ne possédant par la formation et les qualifications nécessaires pour exercer cette profession ne peut ni comprendre ni porter un jugement.

La question que je voudrais vous poser est celle-ci; à part le technologiste médical, est-ce qu'il existe actuellement un autre professionnel, que ce soit un Ph.D. spécialisé en techniques de laboratoire, que ce soit un médecin spécialisé en biologie médicale, qui puisse comprendre les actes posés et ensuite porter un jugement?

M. MONTGRAIN: Je pense qu'on ne peut pas trancher la question, si c'est exclusivement le technologiste ou exclusivement un individu de formation supérieure. Une chose est sûre, le technologiste et l'individu qui a des connaissances supérieures vont comprendre le fonctionnement de cet appareil. Mais de là à en connaître les détails techniques qui permettront une intégration cohérente pour mener au résultat, je crois que, si on enlève du jour au lendemain un technologiste, l'appareil ne fonctionnera pas, à moins que la personne qui a des connaissances supérieures ait suivi le cours ou ait étudié le fonctionnement en détail de cet appareil.

Ceci est tellement vrai que, pour les appareils un peu complexes qui sont sur le marché, les compagnies insistent pour que le technologiste aille à leur maison mère pour apprendre le fonctionnement de cet appareil.

M. LAURIN: Une autre question. Avez-vous l'impression que la protection du public, que vous devez viser comme tous les professionnels de la santé engagés dans une équipe, puisse être assurée exclusivement par la formation de professionnels en corporations? Croyez-vous que ça ne peut pas être effectué par une association professionnelle?

M. LESAGE: Ceci pose, M. le Président, la question de l'existence des corporations professionnelles. Pourquoi a-t-on des corporations professionnelles? C'est pour créer un cadre dans lequel on va pouvoir analyser l'acte qui est posé par le professionnel. A la base, on dit que les corporations professionnelles sont nécessaires, afin de faire juger les actes par des gens qui sont compétents pour comprendre ces actes-là.

Je ne pense pas exagérer en disant que,

même si par exemple un médecin peut porter un jugement sur un acte posé par un technologiste médical dans un cas donné, sa formation ne le porte pas à analyser globalement le comportement du technologiste médical ou des technologistes médicaux en général. Ces gens-là, qui représentent quand même un nombre important de professionnels, accomplissent un devoir dans une discipline bien connue, bien établie suivant les normes. Pour comprendre les actes qu'ils posent, il faut connaître cette discipline. C'est dans cet esprit que nous disons que seule une corporation professionnelle de technologistes médicaux peut analyser l'acte posé par le technologiste médical et rendre justice à la fois au public et aux technologistes. Il est souhaitable que ces gens soient sujets à un contrôle de leur corporation professionnelle dans l'exercice de leur profession et qu'ils ne dépendent pas seulement d'un patron qui, lui, habituellement, met son estampille chaque jour sur les analyses qu'il fait et qui est peut-être satisfait de son technologiste lui-même. Il faut qu'il y ait cette rupture, je pense, de la relation patron-employé et qu'on puisse référer à une corporation professionnelle pour faire analyser l'acte.

M. LAURIN: Je vais reprendre ma question sous une autre forme. Jusqu'ici, vous formez une association. Votre mémoire indique que vous avez quand même visé, dans les actions que vous avez prises en tant qu'association, à protéger le public. Pour ce faire, vous avez posé un certain nombre d'actes. Vous avez créé des comités. La question que je voudrais vous poser est celle-ci: Avez-vous dans votre opinion réussi à protéger la santé du public dans les cadres au sein desquels vous avez exercé jusqu'ici, d'une part? Deuxièmement, avez-vous l'impression qu'il vous a manqué des pouvoirs pour protéger plus adéquatement le public, pouvoirs que peut-être seule une corporation à champ exclusif pourrait vous donner?

M. LESAGE: II est bien difficile, à la première question, de dire: Oui, nous avons réussi à protéger la santé publique. Je pense que nous ne pourrions pas répondre cela. Nous ne pouvons pas dire: Nous avons réussi à protéger la santé publique. Nous faisons un effort pour protéger la santé publique en imposant des normes, en considérant les qualifications minimales qu'une personne doit avoir pour pratiquer comme technologiste médical. De ce côté-là, nous avons fait un effort vers la protection de la santé publique. L'autre partie de votre question était?

M. LAURIN: Avez-vous constaté que certains pouvoirs vous manquaient pour protéger le public d'une façon qui vous aurait semblé plus adéquate?

M. LESAGE: La corporation n'a aucun pou- voir, sauf la persuasion auprès des milieux hospitaliers. Je pense qu'elle a réussi quand même à persuader les milieux hospitaliers et les milieux médicaux au point que, dans les contrats collectifs, on exige — c'est une des normes qui est admise, qui vient d'être reconnue dans le projet de la nouvelle convention qui répète ce qui était dit dans l'ancienne — qu'un technologiste médical soit membre de la Corporation des technologistes médicaux. C'est le seul organisme qui répond de la qualification des technologistes médicaux qui peut dire ce qu'est un technologiste médical. Autrement, on ne sait pas ce qu'est un technologiste médical. Un technologiste médical n'est pas un aide-technicien parce qu'il faut distinguer l'aide-technicien comme on distingue l'aide-infirmière. Mais, s'il n'existait pas une corporation pour dire: C'est un technologiste médical; ce n'est pas un aide-technologiste ou un aide-technicien, il y aurait des employeurs, même des hôpitaux qui seraient tentés de confondre l'un et l'autre.

M. LAURIN: Mais quels actes additionnels ou quelle protection additionnelle vous permettrait l'octroi des pouvoirs additionnels que vous demandez aujourd'hui par rapport à la situation présente? C'est ce que j'aimerais que vous me précisiez.

M. LESAGE: D'abord, il y aurait à établir un statut. A ce moment-là, au lieu de négocier les qualifications minimales pour la protection de la santé publique, on reconnaîtrait, dans une loi, que, pour exercer la technologie médicale, il y a un minimum de connaissances et de qualifications. Cela serait reconnu. La corporation devrait, en vertu du code des professions, avoir un comité de discipline, un comité d'inspection professionnelle, qui serait appelé à collaborer à l'élaboration des programmes, qui serait appelé éventuellement — nous le demandons dans un projet de loi que nous avons annexé à notre mémoire — à faire des recommandations au milieu hospitalier, comme cela est reconnu pour certaines corporations dans le domaine de la santé. Pour ces actes, la corporation est consultée, parce que je pense qu'elle s'est imposée comme un organisme valable. Nous sommes consultés sans qu'il y ait obligation de consultation, parce qu'il y a des gens qui se sont dévoués, qui ont consacré leur vie, depuis 20 ans, à créer la Corporation des technologistes médicaux. Si ces personnes n'avaient pas mis leur vie là-dedans, il n'y en aurait pas aujourd'hui de Corporation des technologistes médicaux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm. Oui, M. Simard.

M. SIMARD (Raymond): Une dernière question.

M. LE PRESIDENT: A condition qu'elle n'en engendre pas une deuxième.

M. SIMARD (Raymond): Non. Pour vous répondre finalement, la Corporation des tech-nologistes médicaux participent à titre volontaire à la commission d'agrément des milieux hospitaliers, des milieux de formation; elle participe volontairement aux différents comités pédagogiques des collèges (CEGEP) d'enseignement en technique de laboratoire médical; elle participe encore volontairement aux comités des programmes au niveau de l'éducation. Toute cette base est volontaire afin qu'on apporte une protection au public et une formation adéquate. Mais tout ça est sur une base volontaire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny a une question additionnelle.

M. CLOUTIER (Montmagny): A la fin de votre mémoire, pour faciliter le travail du législateur, vous proposez un texte de loi pour votre corporation. Aux articles 35 et 36, vous mentionnez ceux qui seraient inscrits au tableau de la corporation par le secrétaire. Il n'y a pas de problème pour les technologistes qui sont actuellement certifiés. A l'article 36, vous dites: Le bureau peut également délivrer un permis à toute personne qui a exercé la profession de technologiste médical au Québec avant le 1er décembre 1971, quoique cette personne ne remplisse pas exactement les conditions prescrites aux paragraphes b) et c) de l'article 24, c'est-à-dire qui soit titulaire d'un diplôme reconnu valide et puis, le paragraphe c), a satisfait aux exigences des stages d'entraînement...

Si ça se produisait, dans le cas où il y aurait adoption de cette loi, combien de gens tomberaient sous le coup de l'article 36?

M. SIMARD (Raymond): D'après nos registres, sans préciser un chiffre exact, nous croyons que cela varie entre 200 et 300 personnes dans toute la province.

M. CLOUTIER (Montmagny): A quel rythme forme-t-on les technologistes dans les maisons d'enseignement cette année?

M. SIMARD (Raymond): Nos registres de la corporation ont tous les CEGEP et les étudiants des CEGEP inscrits en technique de laboratoire médical et, présentement, nous en avons 531 en formation.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Bergeron ainsi que tous ses collègues pour leur grande collaboration. Je remercie aussi tous les membres de la Corporation des technologistes médicaux du Québec d'avoir assisté aux séances de la commission du. bill 250. M. Bergeron aurait quelque chose à ajouter?

M. BERGERON: Je remercie la commission d'avoir bien voulu nous entendre.

Association des psycho-éducateurs du Québec

M. LE PRESIDENT: Le deuxième organisme à se faire entendre est l'Association des psychoéducateurs du Québec.

Si vous voulez bien vous identifier monsieur.

M. THERIAULT (Charles): Charles Thé-riault, président de l'Association des psychoéducateurs.

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous répéter s'il vous plaît votre nom?

M. THERIAULT: Charles Thériault. M. LE PRESIDENT: Merci.

M. THERIAULT: A ma gauche, notre conseiller juridique, Me Gilles de Billy ; à ma droite, M. Gilles Gendreau, président du comité de l'incorporation et directeur du Centre de psycho-éducation du Québec; M. Bernard Tessier, du département de psycho-éducation de l'Université de Montréal; M. Michel Rheault, directeur du département de psycho-éducation de l'Université de Sherbrooke. Egalement, un grand nombre de psycho-éducateurs auraient aimé nous accompagner mais leur tâche auprès des inadaptés les retient dans leurs milieux respectifs de travail.

Si vous permettez, Me de Billy prendra d'abord la parole pour ensuite la céder à M. Gilles Gendreau, président du comité de l'incorporation.

M. De BILLY: Je n'ai pas l'intention, M. le Président, MM. les députés, de vous donner lecture du mémoire que nous avons déposé, mémoire dont vous avez pris connaissance. Je voudrais plutôt vous souligner certains des points les plus importants et m'étendre sur ceux que je considère primordiaux.

Permettez-moi d'abord de vous rappeler que l'Association des psycho-éducateurs existe au Québec depuis 1953 et qu'elle a obtenu ses lettres patentes. A cette époque, on a assisté à la naissance du centre de psycho-éducation et à l'organisation d'un cours universitaire à l'Université de Montréal.

En 1958, une deuxième école de psychoéducation s'est ouverte à l'Université de Sherbrooke. IL est à noter que la section de psycho-éducation de l'Institut de psychologie a été par la suite élevée par l'Université de Montréal au statut d'école et constitue maintenant un département autonome.

Il est important de distinguer ici entre certaines techniques que des CEGEP peuvent enseigner, techniques d'ordre occupationnel, et la formation des membres de l'Association des psycho-éducateurs qui est essentiellement universitaire et qui repose sur la science de la discipline de la psycho-éducation.

Le technicien issu du CEGEP ne peut pas dépasser sa technique, tandis que le professionnel est qualifié pour choisir la technique qui convienne en se basant sur une discipline à caractère scientifique qui évolue sans cesse. Les cours dispensés par les écoles de Montréal et de Sherbrooke conduisent d'abord au baccalauréat ès sciences en psycho-éducation. N'est pas admis qui veut aux écoles de psycho-éducation.

Le candidat doit répondre à plusieurs exigences. Il doit détenir soit un baccalauréat ès arts ou encore un diplôme d'études collégiales ou avoir complété des études jugées équivalentes par les bureaux des régistraires. De plus, le candidat, avant d'être admis à l'étude, doit subir un examen de sélection qui tient compte des objectifs particuliers de la profession de psycho-éducateur.

Cet examen d'admission est d'une très grande importance puisqu'il permet d'assurer une sélection sérieuse des candidats dont la formation pratique et les activités professionnelles futures exigeront des aptitudes et des attitudes personnelles bien spéciales. L'obtention du baccalauréat en psycho-éducation nécessite, à Montréal par exemple, trois années d'études complètes comportant un total de 90 crédits de cours, ainsi que treize crédits de stage effectués en deuxième et troisième année, et neuf crédits de stage d'internat en troisième année.

Quand on sait qu'un crédit équivaut à 45 heures de travaux et de cours, en plus des examens et des évaluations qui se font régulièrement, on comprend facilement la somme de travail que représente l'obtention du baccalauréat en psycho-éducation. Le curriculum, à quelques variations près, est analogue à celui de Sherbrooke. Le candidat doit non seulement obtenir des succès au niveau académique, mais il doit aussi réussir les stages pratiques, le tout conformément à l'ensemble des barèmes universitaires.

En plus du baccalauréat en psycho-éducation, les écoles de Montréal et de Sherbrooke préparent également la maîtrise en psycho-éducation à laquelle ne peut s'inscrire que celui qui est déjà porteur du titre de bachelier ès sciences en psycho-éducation et qui a conservé un minimum de 70 p.c. des points, tant dans l'aspect académique que pratique.

La durée des études pour la maîtrise est d'un an et pour obtenir cette dernière, le candidat doit présenter un mémoire. Enfin, l'Université de Montréal entend présenter, dans un avenir rapproché, au Conseil des universités, un programme de doctorat en psycho-éducation, lequel donnera droit au titre de Ph.D.

Le corps enseignant à l'Université de Montréal se chiffre à une trentaine de personnes et celui de l'école de Sherbrooke à une quinzaine de personnes. L'Ecole de psycho-éducation de l'Université de Montréal dispense présentement l'enseignement à plus de 175 étudiants, lesquels sont répartis comme suit: 60 en première année, 40 en deuxième, 30 en troisième et 45 qui suivent les cours de la maîtrise. Quant à l'école de Sherbrooke, elle compte environ 75 étudiants.

Vous me demanderez peut-être quel est le rôle que joue le psycho-éducateur dans la société. Je vous répondrai qu'à la suite de sa formation bien spécialisée, il répond à des besoins auxquels aucune autre formation professionnelle ne peut répondre spécifiquement. Son rôle spécifique est la rééducation de la jeunesse inadaptée par des activités psychoéducatives appropriées à chaque catégorie d'inadaptés, soit les jeunes délinquants, les enfants-problèmes, les mésadaptés sociaux incluant les surdoués, les enfants souffrant de troubles d'apprentissage et pouvant être traités en milieux extérieurs, les malades mentaux en résidence dans les hôpitaux, les handicapés physiques et les déficients mentaux. Comme on peut le constater, l'activité professionnelle des psycho-éducateurs couvre un champ immense dans un domaine relativement nouveau, celui de la rééducation.

Il faut également souligner ici qu'on ne doit pas confondre les psycho-éducateurs avec les psychiatres ou les psychologues. Le champ d'activités de chacune de ces trois professions est bien différent et répond également à des besoins qui ne sont pas les mêmes.

Il nous semble bien que la Corporation des psycho-éducateurs rencontre toutes les normes et conditions dont il est fait mention à l'article 21 du projet de loi du code des professions.

En premier lieu, nous croyons que les personnes qui seraient régies par la corporation possèdent toutes les connaissances requises pour exercer les activités des membres de la corporation. Nous avons déjà insisté longuement sur la formation reçue et nous croyons que la formation universitaire et professionnelle des psycho-éducateurs est supérieure à celle de bien des professions reconnues par le projet actuel du code des professions. Leur formation leur permet, à notre sens, de faire un travail professionnel adéquat ainsi que de fournir des services qu'ils sont les seuls à pouvoir rendre grâce à leur compétence et à leurs connaissances.

Quant au deuxième critère, nous sommes d'avis que le psycho-éducateur jouit d'un degré d'autonomie nécessaire à l'organisation de son travail et qu'il apporte une participation originale, différente, spécifique et nécessaire à l'équipe interdisciplinaire de santé mentale. A notre sens, on ne peut lui conserver cette autonomie que par la reconnaissance et la consécration de sa profession. Nous soumettons aussi qu'il est bien difficile pour des gens non qualifiés de porter un jugement sur les activités des membres de l'association, parce qu'ils ne possèdent pas une formation et une qualification de même nature.

Divers media d'information nous ont informés récemment d'accidents et d'incidents malheureux survenus dans certaines institutions où

on avait, malheureusement, fait assumer des responsabilités à des gens non qualifiés. Nous croyons que ces événements auraient peut-être pu être évités si ces établissements avaient été pris en charge par un personnel ayant une formation professionnelle spécialisée. Nous ne blâmons pas, évidemment, les responsables des institutions où ces incidents se sont produits, mais nous constatons tout de même qu'ils auraient pu être évités.

D n'est pas nécessaire d'insister sur le caractère personnel des rapports qui doivent exister entre les membres de l'association et des personnes qui recourent à leurs services et ce en raison de la confiance bien spéciale qu'ils sont appelés à leur témoigner. Le professionnel de la psycho-éducation, à l'encontre des techniciens et des aides, peut utiliser, dans une perspective thérapeutique, les confidences qu'il reçoit des personnes dont il a la charge et les relations qu'il a avec elles. Une confiance illimitée doit exister de la part de la personne inadaptée envers le psycho-éducateur. C'est au moyen de cette relation bien particulière et bien personnelle que la rééducation thérapeutique est rendue possible et peut obtenir des résultats.

Le psycho-éducateur dispense des soins à l'inadapté et l'effet de ses soins ne peut se faire sentir que dans la mesure où l'inadapté pourra se confier au psycho-éducateur.

Un autre des facteurs auxquels se réfère l'article 21 est la gravité du préjudice ou des dommages qui pourraient être subis par des gens recourant aux services des psycho-éducateurs par suite du fait que leur compétence ou leur intégrité ne serait pas contrôlée par la corporation. Nous avons déjà souligné certains incidents malheureux qui sont survenus dans des institutions du Québec et dont les dirigeants n'étaient peut-être pas assez qualifiés.

Nous croyons qu'il est essentiel que la compétence des gens qui oeuvrent comme psycho-éducateurs soit contrôlée par une corporation.

A notre avis, la compétence des membres actuels de l'association est bien connue. C'est évidemment pour cette raison qu'à de nombreuses reprises certains de ces membres se sont vu confier des missions par les autorités de certains ministères dont celui des Affaires sociales. Qu'il me soit encore permis de souligner que la directrice de l'école de psycho-éducation de l'Université de Montréal est actuellement à l'Université Ann Arbor, au Michigan, où elle a été invitée à participer à un séminaire.

Depuis quelques années, les membres de l'association ont ainsi visité plusieurs universités dans le monde, où leurs services sont recherchés. Tout dernièrement, des représentants d'une grande université américaine sont venus nous demander la permission d'implanter notre système dans leurs institutions.

La formulation professionnelle des psychoéducateurs leur confère des capacités et des qualifications qu'on ne retrouvera pas chez d'autres professions parallèles. A notre sens, les psycho-éducateurs ont le droit d'être considérés comme formant une profession à part entière et bien différente des autres.

Les preuves des réalisations des membres de l'association sont bien évidentes. Permettez-moi de vous souligner qu'ils dirigent plus de treize institutions ou organismes, dont Boscoville, le Centre d'orientation l'Etape, à Val d'Or, l'Institut Val du Lac, à Sherbrooke. Ces différentes insitutions abritent un grand nombre d'inadaptés sous traitement. En plus de ces organismes qu'ils dirigent directement, les psycho-éducateurs travaillent également dans une trentaine d'autres institutions.

Enfin, les psycho-éducateurs fournissent un enseignement professionnel, universitaire ou collégial dans plus de huit institutions de haut savoir.

Les efforts des psycho-éducateurs pour faire reconnaître leur profession ont débuté il y a déjà longtemps, soit en 1966. Un projet de loi avait même été déposé, en 1968, après avoir reçu le feu vert des autorités du temps. Permettez-nous de souligner qu'à l'époque le ministère de l'Education s'était déclaré très satisfait des exigences des universités du point de vue de la formation des psycho-éducateurs. Le rapport ajoutait également qu'il s'agissait d'un groupe de gens très sérieux et que le ministère ne s'opposait pas à la présentation d'un projet de loi. Nous croyons que ces approbations et ces commentaires sont encore valables à l'heure actuelle.

L'acceptation du projet a dû être différée par suite de la décision gouvernementale de préparer un code des professions, basé sur le rapport Castonguay-Nepveu. Les psycho-éducateurs, dont le nombre se chiffre par plus de 300, croient avoir fait preuve de patience et demandent instamment à cette commission parlementaire d'amender le projet de loi no 250 afin de donner suite à leur souhait bien légitime.

Nous soumettons que leur demande est dictée par l'intérêt public et par celui des personnes auxquelles les psycho-éducateurs sont appelés à dispenser leurs soins et leurs services. Elle répond, en même temps, à un devoir d'équité et de justice, parce qu'elle place les psycho-éducateurs sur un pied d'égalité avec leurs collègues des autres professions avec qui ils sont appelés à travailler. Les psycho-éducateurs sont conscients de l'attention que les autorités du ministère des Affaires sociales ont donnée et continuent de donner au problème des inadaptés. Ils croient que reconnaître leur profession, ce sera surtout reconnaître l'importance des problèmes des inadaptés et donner à la société un outil dont elle a besoin pour les résoudre.

Nous croyons également que le bill 65, soit la Loi de l'organisation des services de santé et des services sociaux, accorde un certain rôle aux professionnels dans les conseils d'administration

des établissements publics et par les conseils consultatifs des professionnels de certaines institutions. A ce jour, les psycho-éducateurs se sont déjà acquis, dans plusieurs établissements, un statut autonome et une participation de plein droit aux délibérations. H nous semble qu'il serait dans l'intérêt public que cette profession, dont les membres vivent en contact continuel avec l'inadapté, ne soit pas écartée des centres de décision où les politiques de traitement sont étudiées.

Depuis plus de 20 ans, les membres de la profession, qui est la seule fondée spécifiquement pour établir et animer un contact direct avec les groupes d'inadaptés et pour l'encadrement de la vie totale de ceux-ci, collaborent avec les autorités gouvernementales et avec les représentants des autres professions. Par exemple, qu'il nous soit permis de souligner que l'association compte un représentant au comité de la santé mentale.

Refuser la demande des psycho-éducateurs aurait l'effet d'une douche froide et pourrait risquer de jeter à terre bien des énergies.

De plus, l'association considère qu'elle serait en mesure d'attirer des candidats de choix plus nombreux vers la profession, si celle-ci était reconnue officiellement. Pour ces raisons, l'Association des psycho-éducateurs du Québec prie respectueusement les autorités gouvernementales d'inclure leur profession dans le bill 250 comme profession à titre réservé.

Nous soumettons en conséquence les amendements suivants au bill 250. A l'article 34, il y aurait lieu d'ajouter un paragraphe sous la lettre L) et non e) tel que mentionné par erreur au mémoire. Ce paragraphe se lirait comme suit: 34L) Utiliser le mot de "psycho-éducateur" ni un titre quelconque comportant cette expression ou l'équivalent, s'il n'est détenteur d'un permis valide à cette fin et s'il n'est inscrit au tableau de la corporation professionnelle des psycho-éducateurs du Québec.

Il y aurait également lieu d'ajouter un paragraphe à l'article 35 également sous la cote L), lequel se lirait comme suit: 35 L): La corporation professionnelle des psycho-éducateurs du Québec : fournir au public des services professionnels comportant l'application des principes et des techniques de la psycho-éducation en vue de la prévention de l'inadaptation ou de la rééducation des personnes inadaptées en leur faisant vivre les actes ordinaires de la vie dans un milieu approprié, ou en les faisant participer à des activités proprement psychoéducatives.

Il faudrait également ajouter à l'annexe 1, un paragraphe numéroté 35 se lisant comme suit : 35: La corporation professionnelle des psychoéducateurs du Québec; et ajouter à l'annexe II, sous la cote 25, les mêmes mots "la corporation professionnelle des psycho-éducateurs du Québec". D'autres amendements de concordance devront également être faits au chapitre 9 du projet, chapitre traitant des dispositions transitoires et finales.

M. LE PRESIDENT: M. Gendreau.

M. GENDREAU: Nous avons vu ici, M. le Président et messieurs les membres de la commission, notre avocat exprimer les faits. Je voudrais exprimer non seulement des faits mais un certain nombre d'aspects plus vécus reliés à la psycho-éducation.

Je voudrais parler, à mon point de vue, au nom d'un certain nombre de valeurs humaines de la plus haute importance, l'enfance et la jeunesse inadaptées. Et je pense que je dois dire, sans jeu de mots, que c'est en leur nom que je parle.

M. le ministre sait très bien — et les autres députés aussi — que l'enfance et la jeunesse inadaptées n'ont pas beaucoup de voix dans la société. Les psycho-éducateurs eux-mêmes, comme groupe, peuvent se passer de l'incorporation. Ils pourraient être comme les sociologues et dépenser leurs énergies, leur temps et leur argent à rendre et à développer leur profession.

Si nous insistons tellement pour que vous nous écoutiez, et que vous soyez capables de représenter les intérêts de la société et de l'enfance inadaptée, c'est en leur nom que nous le faisons.

Il est évident que même la loi 65 pourrait permettre, en changeant les règlements, aux psycho-éducateurs, même s'ils ne sont pas incorporés, de participer au comité au niveau décisionnel. Mais encore, ce ne serait pas la principale question. La question principale est plus large. C'est que vous êtes en face d'un groupe de professionnels qui, de fait, ont consacré leur cqmpétence et leur action au service de l'organisation et de l'animation de groupes d'inadaptés. Non seulement prodiguent-ils des conseils, mais ils sont auprès des groupes et des milieux, et ils sont habilités à le faire.

Leur raison d'être a été cela, le travail quotidien. Ils en sont fiers, messieurs. Ce n'est pas tout le monde qui l'est. Et ils sont reconnus comme compétents. On les consulte, mais on refuse obstinément, pour des raisons qui nous paraissent extrêmement obscures, de leur reconnaître une identité professionnelle. Ils en sont fiers. Oui, parce qu'ils ont été les premiers et ils se sont battus depuis vingt ans à développer une formation et une compétence pour faire des milieux qui soient vraiment spécialisés pour la rééducation.

Et ils ont trouvé là — pas besoin de le dire — un milieu dévalué, dévalorisé — et ce n'est pas la faute aux gouvernants, c'est la faute à l'image que la société a des milieux d'inadaptés — ils y ont développé des moyens qui sont reconnus internationalement, et on leur envie, et pourtant on ne reconnaît pas ici, dans la province, cette profession.

Ils sont reconnus, le ministère des Affaires sociales sait d'emblée que lorsqu'il veut montrer à des visiteurs ce qui se fait de bien au niveau des institutions, il les envoie là où ces institu-

tions sont dirigées par les psycho-éducateurs. Pas besoin de les nommer.

On sait très bien que, quand on veut parler de politique spécialisée, c'est là qu'on en parle. Où vont ces étrangers? Ils viennent dans ces milieux qui ont fait ce qu'il y a de plus valable actuellement pour l'enfance et l'adolescence délinquantes. Pensez à Boscoville, pensez aux autres centres, on en a mentionnés...

M. LE PRESIDENT: M. Gendreau, je m'excuse, on vous avait demandé tout à l'heure d'essayer autant que possible de vous limiter à 20 minutes dans les exposés. Votre conseiller juridique a pris une bonne partie de ce temps; je vous demanderais de faire le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

M. GENDREAU: Je pense que je veux le faire le plus rapidement possible, M. le Président, et je pense que ce que je voudrais dire en deux minutes est important. Voyez-vous, le problème des inadaptés ce n'est pas quelque chose de flamboyant dans la société. Le travail auprès des inadaptés ce n'est pas quelque chose qui a une très grande reconnaissance. Tout le monde dit qu'il travaille avec des inadaptés. Tout le monde dit qu'il fait de la rééducation.

Ce que nous voulons, nous, c'est que les personnes qui représentent l'intérêt public, la population disent: Nous avons vraiment besoin d'une profession qui se dévoue spécifiquement à ça. Vous seriez peut-être tentés de dire: L'article 24 pourrait vous permettre d'aller faire juger ça par le comité interprofessionnel, après que le bill 250 sera adopté, et puis entreprendre une démarche encore.

Nous vous demandons,s'il vous plaît, de ne pas faire ça, parce que c'est très difficile pour les autres professions, actuellement, de reconnaître la valeur de ce qui se fait. C'est très difficile parce que, si elles avaient vraiment reconnu notre travail auprès des inadaptés, tel que nous le faisons, ça fait longtemps qu'elles auraient pu le faire. Cela fait plus longtemps que nous qu'elles existent. Elles ne l'ont pas fait. C'est difficile, et c'est tout à fait normal. Ce que nous vous demandons c'est de bien reconnaître, en incluant les psycho-éducateurs dans le bill 250, à l'annexe 2, que les inadaptés ont le droit d'avoir des gens qui, parmi les interprofessionnels, vont les représenter dans ce qu'ils ont de plus simple et de plus important, que l'on travaille auprès des inadaptés, des délinquants ou autres. C'est simple et c'est extrêmement complexe. C'est tellement complexe que ça prend beaucoup d'efforts pour l'expliquer. Je vous remercie, messieurs, et nous sommes prêts à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien nous poser.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier l'association pour ce mémoire et pour l'exposé clair et complet qu'on nous en a fait. Il est exact que, comme l'ont dit les deux porte-parole de l'association, le domaine de l'enfance inadaptée a été bien souvent ignoré ou encore qu'on n'y a pas apporté toute l'attention qu'on aurait pu y apporter. Il est exact également que les psycho-éducateurs ont joué un rôle extrêmement important dans la modification du caractère des types d'institutions qui reçoivent ces enfants.

On n'a qu'à regarder la législation qui existait au Québec, qui est même encore dans les statuts, touchant par exemple la protection de la jeunesse, pour voir jusqu'à quel point cette législation est vite tombée en désuétude, compte tenu de l'évolution dans ce secteur, évolution qui —je partage ce qui a été dit par les porte-parole — a été stimulée fortement par les psycho-éducateurs. Il me paraît également évident qu'il reste beaucoup de chemin à faire, que c'est un secteur qui ne retient pas suffisamment l'attention de la population. Je ne crois pas toutefois qu'il est tout à fait juste de dire qu'on ne reconnaît pas la profession au Québec parce qu'elle n'est pas formée en corporation professionnelle.

Il me semble que les exemples donnés démontrent au contraire que, même si le statut de corporation professionnelle n'a pas été accordé, ces gens sont considérés comme des professionnels dans le plein sens du mot, qu'ils jouent un rôle extrêmement important. J'aurais eu beaucoup plus de questions à poser si l'association avait demandé d'être formée en corporation d'exercice exclusif, mais j'ai bien noté que l'on demande plutôt qu'elle soit formée en corporation à titre réservé. Là, il nous aurait fallu entrer dans des problèmes extrêmement difficiles de délimitation, de champ d'exercice.

Je note justement que l'association n'est pas entrée dans cette voie et demande d'entrer dans une autre voie qui me parait beaucoup plus positive et susceptible de faciliter le travail multidisciplinaire.

Compte tenu de l'exposé, j'aurais deux questions que j'aimerais poser. Elles ne portent pas directement sur les objets traités dans le mémoire, mais elle me paraissent toutefois importantes et peuvent jeter un éclairage sur les décisions que nous aurons à prendre par rapport à ce mémoire.

Je voudrais demander aux représentants de l'association comment ils évaluent leur travail et comment, outre le fait qu'ils oeuvrent dans des institutions qui ont une excellente renommée, peut-on mesurer, non seulement pendant que les enfants sont dans ces institutions, mais surtout par la suite, lorsqu'ils retournent à la société, lorsqu'ils font face à toutes les difficultés de la vie dans un milieu non protégé comme l'est le milieu institutionnel, les résultats de leur travail. En deuxième lieu, une des choses qui m'ont frappé le plus, à mesure que le temps a

passé au ministère et que j'ai eu à vivre certains des problèmes que nous avons vécus dans ce secteur, c'est que l'accent sur l'enfance inadaptée, particulièrement dans le cas de la protection de la jeunesse et de la délinquance, est mis lorsque l'enfant est dans un milieu institutionnel. Une fois terminé son stage dans ce milieu protégé, bien souvent, il me semble qu'on lui donne son congé et que cet enfant se retrouve dans un milieu complètement différent, c'est-à-dire le milieu ordinaire de vie. Bien souvent, pour ces enfants un milieu ordinaire de vie comporte des difficultés que les autres enfants n'ont pas: désintégration familiale, etc.

Comment voyez-vous cet aspect des services à l'enfance inadaptée hors institution et particulièrement à la suite de stages en institution? Je comprends que ce n'est pas tout à fait l'objet du mémoire, mais il me semble que ce sont deux questions extrêmement importantes et je saisis l'occasion, de toute façon, pour les poser. Il me semble qu'elles sont susceptibles d'apporter une information intéressante par rapport à l'objet de votre mémoire.

M. GENDREAU: M. Bernard Tessier répondra à cette question.

M. TESSIER (Bernard): Je répondrai à la première question qui traite des mesures. Pour parler strictement de statistiques, je ne connais qu'une seule évaluation, M. le ministre, qui a été faite sur la population de délinquants qui sont passés à Boscoville entre 1954 et 1964. Je parle d'une évaluation systématique, scientifique. Cette évaluation avait été faite à l'intérieur d'une thèse en criminologie, avec un laps de temps minimum de deux ans, c'est-à-dire qu'elle a été faite en 1966 et que les derniers évalués étaient donc ceux de 1964. C'était une évaluation qui a été jugée scientifique avec une sélection d'un cas sur deux, indépendamment de la raison pour laquelle ces garçons avaient mis les pieds à Boscoville. A ce moment-là, les résultats avaient été comparés avec des résultats déjà obtenus avec le système Borstal en Angleterre et avec un autre système aux Etats-Unis dont je ne me souviens pas du nom.

Les résultats étaient incomparables. Pour toute la population de délinquants qui avaient mis les pieds à Boscoville, ne serait-ce qu'une heure, le taux de non-récidive dépassait 65 p.c. Je ne mettrais pas la main sur la Bible pour les chiffres que je donne. Je ne les ai pas ici. Cela a été fait il y a plusieurs années. C'était la statistique la meilleure et cette statistique révélait quelque chose qui, à ce moment-là, avec tous les organismes qui s'occupaient de délinquants ou de criminels, était contraire.

Plus le stage était long, plus les garçons avaient passé à travers le programme total de traitements, plus ce taux montait, pour arriver, avec la population qui avait passé à 18 mois et plus dans l'institution et qui avait terminé le stage complet, à 90 p.c. de non-récidives. Ce chiffre, à l'époque, je pense, a même surpris les gens qui étaient à Boscoville; d'autre part, c'était la première fois dans le traitement des délinguants ou des criminels que l'on remarquait que la longueur du séjour diminuait la récidive. Ordinairement, les recherches en criminologie démontrent le contraire; plus le séjour est long, plus il y a récidive rapide et plus la récidive est grave. C'est au niveau strictement des évaluations statistiques comme telles.

Nous avons de très gros problèmes, M. le ministre, pour évaluer exactement l'efficacité de notre travail. Voici ce que je veux dire. On peut, par exemple, dans le cas d'un délinquant, dire: S'il y a eu non récidive, formidable, la société est sauve! Mais il n'y a rien qui garantit que le non-délinquant qui n'a pas récidivé ne fera pas, par exemple, des enfants qui seront délinquants. C'est la vraie prévention, à ce niveau-là. Pour faire des évaluations de ce genre, la statistique traditionnelle, la statistique corrélative n'est pas suffisante. Actuellement, pour répondre à votre question, à l'Ecole de psychoéducation de l'Université de Montréal, un cours qui serait un éventuel prérequis au niveau du Ph.D existe actuellement. C'est un cours au niveau de la formation en relation avec les mathématiques dynamiques, les mathématiques des systèmes. Ce problème déborde de beaucoup les simples études corrélatives, les simples études statistiques.

Il y a des cas d'échecs, M. le ministre, qu'on ne peut pas expliquer et il y a des cas de succès qu'on ne peut pas expliquer non plus. Nous travaillons actuellement à un cas en particulier où, selon nos prévisions, nous aurions dû avoir un échec. Actuellement, la cas va très bien. Il y a évidemment un problème scientifique auquel il est très difficile de répondre. Mais je pense qu'il est abordé.

M. GENDREAU: En ce qui concerne la deuxième question, sur la prévention, il est très important de faire une distinction. On peut envisager deux sortes de prévention — M. Tessier vient de parler d'une — quand on fait de la rééducation en profondeur. Je pense qu'il est bien important de ne pas tomber, dans ce domaine, dans l'espèce de mode qui veut qu'on ferme toutes les institutions, tous les internats parce qu'on sort l'enfant du milieu naturel. Il y a des gens qui auront toujours besoin d'hôpitaux, d'internats. Quand on fait le travail en profondeur, on fait de la prévention.

Mais quand on parle de prévention — c'est un mot qu'on emploie facilement — il y a aussi un autre problème qu'il faut soulever. Les phycho-éducateurs se rendent compte que dans les milieux scolaires et au niveau de l'école il y a un tas de choses qui vont devoir se faire. Si vous me posez une question, j'oserais aussi faire une suggestion. Il va falloir que le ministère de l'Education et le ministère des Affaires sociales s'entendent pour être capables de voir où se situe la prévention. Là, il y a des conflits entre

les pédagogues et les gens qui travaillent avec ceux qui ont des conflits de personnalité. Il semble qu'en ce qui concerne les psycho-éducateurs il y a là aussi des choses à travailler pour que nous soyons vraiment capables d'aller faire de la prévention avec les moyens qui sont les nôtres. Nous allons faire des activités dites scolaires, nous allons faire d'autres activités; nécessairement, pour faire de la prévention, il faut observer, il faut avoir des moyens. Nos moyens sont des moyens d'éducation. Bien souvent, on dira qu'on ne peut pas le faire parce que ce n'est pas un pédagogue. Il y a des problèmes. Je pense qu'au niveau de l'école c'est là qu'il va falloir le faire. Les psycho-éducateurs ont aussi un rôle en ce qui concerne la prévention pour travailler énormément auprès des pédagogues, c'est-à-dire auprès de ceux qui sont avec les enfants. Ainsi ils seront habilités de plus en plus à voir immédiatement quand un enfant a un problème et seront capables de l'envoyer au bon endroit. Il ne faut pas attendre de l'avoir étiqueté pendant toute une année ou pendant deux ans comme le cancre de la classe, comme celui qui perturbe tout le monde, etc..

Puisque vous parlez des psycho-éducateurs, je pourrais dire que tout l'ensemble, tant la famille, le travailleur social, le psychologue, le psychiatre, doit jouer, là-dedans.

Mais en ce qui nous concerne, je pense que nous avons un matériel extrêmement important à apporter dans le vécu scolaire afin de faire comprendre au pédagogue ce qu'est une observation en cours de classe et, en même temps, avoir des activités qui vont permettre de déceler et même, bien souvent, d'apporter une aide appropriée qui va faire qu'on n'aura pas besoin d'institution si on le prend à temps.

M. CASTONGUAY: Vous avez parlé de la prévention, vous avez aussi parlé de cette étude sur les rendements. Pourriez-vous aussi nous dire quelques mots sur l'autre aspect que je soulevais, qui est celui de ce qui se produit une fois que l'enfant sort de l'institution, lorsqu'il est allé dans une institution de détention ou de réadaptation, lorsqu'il retourne dans le monde moins protégé?

M. GENDREAU: M. le ministre, je pense qu'il faudrait dire ici deux choses. La première: cela dépend d'où il sort, parce que s'il sort d'un milieu de détention et qu'on n'a rien fait pour lui, il est évident que ce ne sont pas les murs qui vont le transformer.

La deuxième chose qu'il faut dire, et c'est justement un des arguments que nous apportons, c'est qu'il faut que la société soit aussi capable de reconnaître que cet individu n'est pas un ex-délinquant, ce n'est pas un ex-quelque chose mais que c'est quelqu'un qui a passé à travers. On pourrait dire la même chose du malade mental; on voit toujours l'ex-malade mental.

Je pense que c'est le problème majeur. Il va falloir qu'on envisage le fait qu'il y ait des conditions spéciales. Un inadapté, quelqu'un qui a souffert dans sa personnalité, il peut s'adapter mais il peut avoir besoin, de temps à autre, d'aide particulière. La société doit comprendre ça, on ne doit pas arrêter complètement les mesures. Parfois, on dit: C'est fini, il sort de l'institution ou il sort de l'hôpital, c'est fini. Non. Il y a de l'aide qu'il faut continuer d'apporter à l'inadapté en particulier.

Mais pour ce faire, on pourrait dire que s'il s'en va dans un milieu d'éducation, où il y a des gens qui pensent l'aider dans les milieux normaux, il va réussir. Je pense que nos collègues, les travailleurs sociaux, devraient aussi continuer à faire ce travail dans les milieux qui vont recevoir les ex-inadaptés, pour que cette image soit changée. Auprès de la famille, je n'ai pas besoin d'insister, c'est tellement important de travailler avec la famille.

M. CASTONGUAY: Vous disiez que le ministère des Affaires sociales, avec le ministère de l'Education, devrait apporter plus d'attention au travail qui peut être fait à l'école, etc.

Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger d'un excès de professionnalisme ou de méthodes trop scientifiques? Est-ce que d'autres moyens, qui touchent beaucoup plus les activités de l'enfance inadaptée dans leurs activités autres que scolaires, je ne parle pas en institution, auraient grand avantage à être développés? J'ai vu, lorsque je suis allé en France en février dernier, les approches vers lesquelles ils se dirigent, les expériences qu'ils ont vécues et qui tendent plutôt à intégrer dans les milieux susceptibles de développer la délinquance ou encore dans des milieux ou auprès des familles qui ont des problèmes d'enfance inadaptée, apporter une aide hors des cadres institutionnels tels que l'école.

Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger que nous courons ici de vouloir justement trop mettre l'accent sur l'aspect scientifique, l'aspect professionnel et particulièrement dans des cadres institutionnels?

M. GENDREAU: M. le ministre, il y a plusieurs questions. Premièrement, trop d'approches scientifiques; deuxièmement, les cadres extérieurs au milieu scolaire et aux internats. Premièrement, je voudrais faire remarquer qu'au niveau de la formation, le psycho-éducateur n'est pas formé à travailler exclusivement en internat. La formation est autant face à toutes les possibilités d'intervention, que ce soit en milieu ouvert, que ce soit en milieu de semi-liberté, que ce soit en milieu d'internat.

Il y a cependant une chose qu'il faut remarquer, c'est que des institutions sociales qui donnent actuellement le service aux inadaptés dans la province de Québec, à part des internats, il y en a très peu.

Mais je peux actuellement donner des noms bien précis de gens qui travaillent soit dans des

milieux montréalais directement dans les quartiers qui sont des psycho-éducateurs ou bien dans des cliniques de jour dans les hôpitaux ou ce genre de services. Pour nous, nous sommes très intéressés à développer ce service, de façon à sortir des internats ceux qui sont actuellement traitables dans les milieux ouverts. Cela rejoint votre question au niveau de la science. A cause justement des avances de la science, nous sommes certains aujourd'hui que nous pourrions traiter une grande proportion des gens qui, allant en internat — admettons que ce n'est pas comme quand nous avons commencé à travailler à ce niveau — sont des cas de névrose, même profonde chez des enfants, certains types de prépsychotiques, certains types de prédélinquants dans des milieux ouverts évidemment, alimentés et organisés pour faire un tel travail.

Nous sommes, d'une part, très intéressés et nous sommes, je crois, habilités à le faire et il y a des gens qui le font, sauf que les endroits où on peut aller sont actuellement bien rares.

Et maintenant pour l'approche scientifique, M. le Président, chaque fois qu'on parle de science, on s'imagine que c'est un gars qui ne peut faire que lire un livre.

M. CASTONGUAY: Disons peut-être que c'est à défaut d'un meilleur terme que j'ai pris celui-là, disons une approche trop thérapeutique.

M. TESSIER (Bernard): M. le ministre, c'est justement là que, au point de départ, l'Association des éducateurs spécialisés — lorsqu'on a commencé c'est comme cela qu'on s'appelait — est là pour être capable d'envisager un autre modèle de traitement que le modèle traditionnel de la relation un à un dans un milieu, ou dans un bureau, ou dans un hôpital. C'est justement pour faire face à cette approche qui est valable pour l'individu qui est dans le bureau mais qui ne règle jamais le problème de l'inadaptation dans une société que nous avons développée. Justement, le moyen du traitement par le milieu thérapeutique, et entendons-nous bien, un milieu thérapeutique, n'est pas synonyme d'internat. Un milieu peut être organisé d'une façon thérapeutique même avec un enfant qui va dans une école publique, même avec un enfant qui fait partie d'une organisation de loisirs quelconque, même à l'intérieur d'une famille. C'est justement pour être capable de faire face aux problèmes de masse posés par une adaptation que nous proposons une approche différente du vieux modèle thérapeutique du geste un à un qui demeure bien important. C'est évident qu'il ne s'agit pas de remplir des bouteilles de coke. Mais il y a une grosse différence entre soigner une certaine classe, pas une élite, une classe privilégiée, c'est-à-dire celle qui peut se rendre à mon bureau et encadrer, d'une façon scientifique, dans un milieu qui a des qualités de traitement, une population d'inadaptés. Il y a une grosse différence, et nous croyons que notre formation est justement dans cette ligne, nos recherches sont dans cette ligne.

M. CASTONGUAY: J'aurais une couple de questions qui seront posées probablement dans une, M. le Président. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur l'état des relations entre des organismes comme les services de probation, cliniques d'aide à l'enfance, cour de Bien-Etre social et si, selon vous, il y a des déficiences dans ces relations, des barrières? Premièrement, à quoi sont-elles attribuables? Deuxièmement, est-ce que vous pourriez aussi nous faire état des problèmes qui semblent exister bien souvent dans la nécessité d'avoir une continuité face à divers enfants, soit en besoins de protection, enfants délinquants, qui, d'après les rapports que j'ai reçus, semblent, dans certains cas à tout le moins, avoir été trimbalés d'un bord et de l'autre jusqu'à ce qu'on arrive aux situations auxquelles vous avez fait allusion plus tôt? Il me semble qu'il y a là deux ordres de questions qu'il serait peut-être bon de toucher brièvement à l'occasion de cette séance.

M. GENDREAU: M. le ministre, vous nous posez des questions qui sont assez délicates.

M. CASTONGUAY: Vous avez dit vous-même que c'est un monde qui a été trop souvent ignoré, auquel la population n'est pas tellement sensibilisée. Depuis quelque temps, j'essaie de saisir toutes les occasions pour faire ressortir ce qui existe dans ce secteur.

M. GENDREAU: Merci. Je comprends bien votre intention, M. le ministre. Quand je dis "délicates", c'est qu'il est évident qu'il faut faire attention, dans la façon dont nous nous exprimons, à ne pas culpabiliser les gens qui n'ont peut-être pas été à la hauteur des problèmes. Je pense que cela est très important.

Il y a une chose qui me paraît extrêmement importante à soulever, en ce qui concerne les jeunes délinquants. C'est qu'à la cour du Bien-Etre social, auparavant, on a changé la mentalité, de plus en plus. Les juges, de plus en plus, envisagent le problème de la rééducation et beaucoup moins le problème de la peine reliée à un acte délinquant. Ceci, à mon sens, est attribuable au fait qu'il y a toujours eu les interventions d'un ministère, qui s'appelait le ministère du Bien-Etre social. La formation juridique — je ne veux ici attaquer ni notre procureur, ni les autres — ne permet pas toujours de comprendre le problème de la rééducation. J'ai bien dit que je ne disais pas nécessairement vrai. Mais il est évident que les cours de Bien-Etre social, relativement aux autres, ont fait un pas énorme dans cette conception. Je pense que c'est justement parce qu'il y a eu des interventions continuelles entre les différentes disciplines. Les problèmes qui se sont posés n'ont pas été justement entre les juges comme tels ou les autres professionnels. Ils ont été des

problèmes de relations interpersonnelles.

Si vous me parlez lie barrières, je dirais qu'au niveau de bien-être social, on en a vaincu plusieurs. Mais quand on parle, justement, du problème de probation qui se pose, du problème de juridiction, s'il y avait des juges ici, ils diraient: II est évident qu'il y a un problème majeur, à savoir que nous devons, nous, les juges, savoir où on envoie nos enfants ou qu'on ait la place, si vous voulez, pour des décisions. Mais en même temps, il faut bien dire une chose. C'est que si on avait fait comme pour les adultes, par exemple, les prisonniers, et qu'on avait envoyé indistinctement n'importe qui dans toutes les institutions, sans spécialisation, sans étude, on n'aurait pas pu faire plus que ce qu'ont fait les prisons.

Il est évident que le juge est aux prises avec un problème majeur. Cela, je pense que c'est un problème en face duquel on doit se trouver. Ce n'est pas aux institutions comme telles ou aux professionnels comme tels de dire aux juges quoi faire. Mais, en même temps, le juge ne peut pas dire: Cet enfant, il faut qu'il aille à tel endroit, absolument, parce qu'il y a des conditions de milieu qu'il ne connaît pas. Je pense que nous sommes en face d'un problème majeur. Il n'y a de mauvaise volonté de la part de personne. Il me semble que les juges des cours de Bien-Etre social ont fait énormément. Je ne sais pas si cela va redorer mon image auprès de Me Paul.

M. PAUL: Cela s'améliore.

M. GENDREAU: Ils ont fait énormément de progrès là-dessus. Je pense qu'ils ont aussi compris beaucoup mieux le droit de l'enfant. Quand je parle de même, je ne veux pas que le juge pense que ce n'est lui le responsable. Je pense que, dans le contexte historique, les juges qui nous connaissent savent qu'à Boscoville, par exemple, nous avons toujours dit que, dans le processus de rééducation, le juge était la personne significative.

M. CASTONGUAY: Question de transmission des dossiers, services d'aide ou cliniques d'aide à l'enfance, maintenant?

M. TESSIER (Bernard): A ce niveau-là, nous avons trouvé une situation aberrante que nous connaissions intuitivement, mais que nous avons trouvée d'une façon bien tangible dernièrement. Dans l'état actuel de la communication entre les divers organismes, les diverses personnes, l'ensemble des gens qui peuvent avoir à un moment ou à un autre, pour une raison ou pour une autre, avoir affaire à un enfant, vous avez — non pas à cause de mauvaises intentions, j'élimine ça — actuellement au niveau administratif une situation qui est aberrante.

Vous pouvez apprendre, par exemple, des détails très importants sur l'évolution d'un cas, strictement par hasard, comme par exemple, apprendre qu'un inadapté a déjà tenté de se suicider. Je me souviens d'un cas bien précis où ces choses n'étaient présentes à aucun des dossiers qui ont été transmis à l'institution qui avait alors le garçon en main.

Il y a tout un problème au niveau administratif d'organisation d'un système cohérent, qui permettrait une communication. Je pense que ça serait déjà un très grand pas.

Il y a un deuxième problème, le problème de l'autorité responsable de l'enfant inadapté. Et si on se met dans la peau d'un inadapté, vous avez une histoire de chronicité par exemple, il a été placé à l'âge de 3 ans par tel organisme, à l'âge de 3 ans et demi recueilli par un autre organisme, et finalement, vous posez la question à l'âge de 18 ans: Qui était responsable de faire telle chose? On ne le sait pas. Ce n'est pas moi, regardez, c'est ça, je l'ai fait ça. C'est vrai, vraiment c'est fait.

Il y a un problème de prise en main dans une administration relationnelle et humanitaire, dans une perspective d'administration humanitaire, de prise en main de l'inadapté et ça peut parfois commencer le lendemain de sa naissance. Cela a l'air drôle de dire ça, mais ce sont des histoires sociales que nous pouvons vous citer comme ça.

M. CASTONGUAY: Je sais que nous débordons le sujet, M. le Président, mais je pense bien que ce n'est pas à cette commission ou en Chambre que nous avons exagéré dans le temps que nous avons consacré à l'enfance délinquante ou l'enfance inadaptée. Je pense que les réponses qu'on nous apporte ici jettent un peu d'éclairage sur certaines des choses que nous avons discutées ici.

Et je voudrais rappeler — je pense que c'est assez important, c'est susceptible d'être oublié — que la loi 65 qui touche ces institutions comporte maintenant des dispositions spécifiques sur la transmission des dossiers. Nous avons discuté ce problème. Nous y avons trouvé, je crois, des solutions adéquates et elles s'appliquent à vos institutions. Et je crois qu'il serait bien important que vous les utilisiez, justement à cause de ce que vous venez de mentionner: l'absence de renseignements fort importants au sujet d'enfants qui vous sont confiés et qui vous permettraient d'avoir une meilleure image de ces enfants et de mieux savoir comment agir avec eux.

La deuxième des choses, vous avez touché au problème du juge qui insiste pour que tel enfant soit placé à telle place. Le juge a un jugement à rendre, et une fois ce jugement rendu, je pense que la responsabilité de l'enfant doit être déplacée à un autre endroit. Et c'est justement une des raisons pour laquelle j'ai mentionné à quelques reprises qu'il y aurait des modifications assez profondes à la Loi de la protection de la jeunesse.

Il ne s'agit pas de mettre à jour une législation pour le plaisir de le faire, mais,

comme ces problèmes sont peu connus, je voulais justement vous entendre dire ces choses pour qu'on réalise pourquoi des changements seront apportés.

Il y a aussi l'autre problème qui est celui de la continuité. Ce problème se pose à cause de la fragmentation, bien souvent, des agences de service social, qui couvrent des territoires assez restreints, bien souvent, et qui ont peu de communications les unes avec les autres, de telle sorte qu'au moment même où on se préoccupe d'un enfant — j'en ai des exemples — aussitôt qu'on change de territoire, après un placement, l'agence dit: Ce n'est plus mon problème. Alors, on arrive avec l'histoire que M. Tessier mentionnait: l'enfant au cours d'un certain nombre de mois ou d'années, passe de main en main et, finalement, chacun à un moment donné s'acquitte de ses responsabilités, mais l'enfant, lui, est aux prises avec une succession de personnes qui s'occupent de lui, qui n'ont aucune notion de ce qui lui était arrivé avant et de ce qui va lui arriver après.

Il y a des résistances dont on entend parler par rapport au regroupement des agences en des centres de services sociaux, qui visent justement à régler ce type de problème. Cela aussi, c'est un des aspects de la loi 65. Je vous remercie d'avoir apporté ces explications, parce que, parfois, ces changements peuvent être perçus uniquement comme des changements de structures, pour faire une belle loi avec des telles structures, mais je pense qu'on voit là des causes profondes des changements que nous sommes en voie d'apporter. Alors, je vous remercie et je m'excuse, M. le Président, d'avoir quelque peu débordé le sujet.

M. LE PRESIDENT: Pour employer l'expression de M. Gendreau, la parole est maintenant à l'ex-ministre de la Santé et du Bien-Etre social.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous employez le mot ex dans le contexte de tantôt, comme pour ex-détenu? Je suis heureux du genre de question qui vient d'être posé et des réponses qui ont été apportées. Evidemment, ça m'a rappelé certains problèmes que j'ai vécus. Cela m'a rappelé aussi que j'ai été en étroite relation avec le groupe que vous représentez et même avec plusieurs d'entre vous. J'ai visité plusieurs des établissements qui sont énumérés dans votre mémoire et j'ai autorisé même la construction de plusieurs établissements qui étaient nécessaires. Je pense que les questions, même si elles débordaient le cadre des travaux du bill 250, vont directement au coeur du problème. J'ai eu l'occasion souvent d'en causer avec les ex-ministres de la Justice, M. Bertrand et mon collègue, Me Rémi Paul et...

UNE VOIX: M. Wagner?

M. CLOUTIER (Montmagny): Ah, on posera la question à un autre moment de la journée.

M. PAUL: Est-ce que vous voulez parler du musicien?

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais poser quelques questions.

Vous aviez raison de dire tantôt que vous travailliez dans un secteur qui n'a pas toujours eu une grosse cote de popularité. Il était difficile de travailler dans ce secteur autant par la mentalité des gens que par le travail de pionniers que vous y aviez effectué. Etant donné qu'ici devant la commission, dans le cadre du projet de loi, vous demandez que votre profession soit reconnue à titre réservé, ma première question serait celle-ci: Est-ce que la profession de psycho-éducateur a maintenant suffisamment évolué? Est-ce qu'elle est suffisamment précise maintenant pour en donner une bonne description?

M. GENDREAU: Je pense qu'elle est aussi précise que celle qu'on voit dans l'annexe 2. Si vous regardez les définitions, je pense qu'il est évident qu'il est extrêmement difficile de définir d'une façon tout à fait satisfaisante pour l'esprit scientifique ou pour l'esprit logique un acte comme le nôtre. Mais si vous comparez notre définition avec celle qui est contenue dans le bill 250, vous remarquerez que déjà cela se ressemble beaucoup en termes de qualité de définition. Vous nous demandez si nos moyens sont vraiment définis. Je pense que oui, lorsque nous parlons, par exemple, de l'organisation d'activités. Cela est spécifique au psycho-éducateur. Ce sont des activités qui vont conduire à l'établissement de relations. C'est dans ce sens que nous pouvons dire que notre profession a un champ qui lui permet de se définir très clairement parce que les autres professions n'ont jamais dit qu'elles faisaient la même chose que nous. Il est entendu qu'elles peuvent dire, et avec raison, qu'elles font des relations rééducatives. Personne n'a le monopole de la relation rééducative. On ne peut pas penser que c'est un monopole quelconque d'une profession. Il est sûr qu'il peut y avoir des professions qui font de l'animation de groupes. Mais la façon dont nous le faisons permet de définir assez clairement, sans que nous puissions empiéter sur une autre profession.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le cadre plus vaste des professions, vous en avez qui ont trait de façon plus spécifique à la santé. Vous en avez qui ont trait à la comptabilité, au génie, enfin tous les secteurs. Vous en avez qui ont trait aux sciences humaines. Vous avez insisté tout à l'heure sur les valeurs humaines et vous l'avez fait avec beaucoup de conviction. Je le savais, je n'ai pas été surpris. Dans un domaine comme le vôtre, il faut qu'il y ait de la conviction. C'est difficile. Vous avez parlé des

valeurs humaines. Cela m'a fait faire le rapprochement avec les sciences humaines. A un certain moment, il faudra faire des rapprochements de professions quelque part.

Il y a les sciences de la santé, elles sont assez bien délimitées parce que, quand on en a parlé, on trouvait toujours le médecin au centre et il y avait des discussions autour du champ d'exercice; les autres secteurs aussi sont assez bien délimités. Mais quand on arrive dans les sciences humaines, c'est peut-être un peu plus intangible, c'est peut-être un peu plus difficile à cerner. Il y a des professions aujourd'hui qui se présentent devant nous et qui touchent aux sciences humaines. Il y a un groupe tantôt, cet après-midi, de trois associations, les Conseillers en orientation professionnelle, les psychologues et les travailleurs sociaux professionnels, qui présentent un mémoire conjoint. Ils disent que, évidemment, ça se rapporte directement aux sciences humaines.

Je voudrais savoir, dans ce grand contexte là, comment vous vous définiriez par rapport à ces autres professions qui disent être imbriquées directement dans le secteur de sciences humaines.

M. GENDREAU: M. le Président, en répondant à votre question, je pourrais vous dire qu'en principe — je pense que j'exprime là une opinion qui est généralement admise en psycho-éducation, en tout cas, c'est mon opinion personnelle — il n'y a pas d'opposition à ce que les psycho-éducateurs soient dans un contexte en relation avec les psychologues, les travailleurs sociaux, les conseillers en orientation, dans un grand champ des relations humaines.

Ce que nous n'avons pas voulu et ce que nous ne voulons pas, c'est que nous arrivions dans ce champ en partant négativement, en n'ayant pas une reconnaissance officielle. Si nous avons cette reconnaissance officielle, il ne s'opposera pas, au contraire. Nous n'avons absolument pas objection à collaborer à l'établissement d'un ensemble. Nous croyons que nous pouvons apporter quelque chose de spécifique.

Vous avez parlé tout à l'heure de la santé et je voudrais vous faire remarquer une chose. Quand on parle de la santé physique, c'est assez clair, mais quand on parle de la santé mentale, elle est là, vous avez des choses compliquées. On a essayé, au comité auquel je participe, de définir ce qu'était la santé mentale et qui pouvait travailler dans ce champ d'activité. Je vous garantis qu'on a arrêté vite parce qu'on ne peut pas y parvenir dans l'état des choses actuel. C'est évident qu'il y a beaucoup de complémentarité dans les professions, même au niveau de la santé mentale. Et probablement que nos collègues psychologues pourraient discuter de ce que ça veut dire avec les psychiatres, les travailleurs sociaux, face à la santé mentale. Nous pouvons également le dire nous aussi.

Mais il y a un problème sérieux de complémentarité professionnelle, même au niveau de la santé mentale. Je ne parle pas de la santé physique, on pourrait en parler. Je pense que vous avez là mon point de vue. Je ne sais pas si je réponds à votre question mais il y a quelque chose qui m'apparaît extrêmement...

M. TESSIER (Bernard): Au niveau de la formation dans le style spécifique d'intervention, il ne se donne nulle part ailleurs qu'en psycho-éducation une formation semblable à celle qui se donne là. Et tout dernièrement, l'été dernier, l'Université de Montréal, je crois, l'a reconnu d'une façon officielle en institutionnalisant le département école de psycho-éducation comme étant distinct de l'Institut de psychologie et faisant partie, de plein droit et sur un pied d'égalité, de la faculté de sciences et des arts.

Nous croyons alors que nous nous rattachons à une discipline distincte, sans vouloir dire que ce sont nos inadaptés, mais en disant que l'apport de la psycho-éducation, dans le groupe des professionnels de la santé mentale, est un apport original et qui serait une lacune s'il n'était pas là.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le législateur donne suite à votre demande d'être reconnu comme profession à titre réservé, vous seriez la seule profession qui comporterait le mot éducateur. Est-ce que vous vous définissez comme vous rapprochant davantage, tenant compte de ce que vous avez dit tantôt, de l'éducation. Je fais abstraction des difficultés de communication que vous avez mentionnées au sujet de la prévention; il y en a eu des difficultés, il y en aura encore. Il ne faut pas se scandaliser de ça, même s'il y a eu un livre blanc sur l'enfance inadaptée, ça n'a pas tout régler les problèmes.

Mais est-ce que vous vous rapprochez davantage de l'éducation, vous avez affaire à la Justice vous avez affaire au ministère des Affaires sociales?

M. TESSIER (Bernard): Nous sommes des psycho-éducateurs. Nous ne sommes pas des éducateurs et nous ne voulons pas être des éducateurs au sens administratif du terme. Les psycho-éducateurs qui travaillent, même dans les écoles, sont là en tant que cliniciens pour aider l'enfant, à travers sa vie scolaire, sa vie de loisirs autour de l'école, à se transformer personnellement. Nous ne sommes pas des éducateurs.

M. CLOUTIER (Montmagny): Bon, cela m'amène à vous poser l'autre question. Je suis content de votre précision. Etant donné qu'on voit apparaître de plus en plus dans les commissions scolaires, dans votre liste, d'ailleurs, il y a plusieurs commissions scolaires dans lesquelles oeuvrent des psycho-éducateurs, si vous aviez

à faire la comparaison entre le travail qui se fait dans ces milieux-là et le travail que vous faites dans des maisons spécialisées telles qu'elles apparaissent aussi dans la liste, comment pour-riez-vous comparer ce travail?

Il y en a un qui se fait en milieu fermé, en institution, où l'enfant est là pendant un certain temps.

Dans l'autre, il est beaucoup plus près de la société. IlILest intégré à la société. Ù va en milieu scolaire, il s'en retourne chez lui ou il peut s'en retourner en clinique externe à l'établissement.

M. TESSIER (Bernard): Dans les deux cas, les deux psycho-éducateurs utilisent le milieu pour transformer la personnalité. Dans un cas, dans le secteur public par exemple, soit que l'enfant n'a pas le degré d'inadaptation qui nécessite un placement dans une institution spécialisée ou soit que la science de la rééducation soit assez avancée pour travailler dans les milieux dits normaux. Mais dans les deux cas, fondamentalement, les deux professionnels posent le même geste. Les conditions sont différentes parce que le sujet peut être différent. Les commissions scolaires ont accepté de transformer certaines normes extrêmement rigoureuses qui empêchaient avant de faire de telles interventions. Actuellement, des choses comme ça sont possibles. Mais je souligne, j'espère qu'on m'écoute, qu'il y a encore des normes extrêmement rigides dans les milieux de l'éducation publique et que ces normes empêchent un travail de clinicien auprès des enfants. Ce sont strictement des normes administratives.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre des Affaires sociales a beaucoup de messages à transmettre à son collègue, le ministre de l'Education. Il lui transmettra également celui-là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, à cause de la modestie du ministre, on a appris des choses intéressantes ce matin. Depuis la naissance des psycho-éducateurs, est-ce que le nombre d'enfants inadaptés a tendance à augmenter ou à régresser?

M. TESSIER (Bernard): La seule réponse publique que l'on puisse donner à une question comme celle-ci, c'est de dire: Cela augmente. Tout le monde crie que ça augmente. Alors, si on ne dit pas que ça augmente, on va perdre nos "jobs"! Mais je suis incapable d'évaluer si cela a augmenté ou si cela a diminué. Les moyens de détection ont beaucoup été améliorés depuis les 20 dernières années. Evidemment, cela peut nous porter à dire que cela augmente. Cela veut juste dire qu'on détecte mieux les cas.

Deuxièmement, socialement, nous sommes de plus en plus préoccupés par ces questions.

Donc, nous nous penchons dessus. Si je regarde mon verre d'eau de très près, je vais dire que c'est une mer ou un océan. Si je le mets là, je vais dire que c'est un petit verre, même pas plein. Alors, scientifiquement, je ne suis pas capable de répondre à votre question.

M. GENDREAU: La seule chose qu'on puisse dire c'est que les cas d'inadaptation sont de plus en plus compliqués quand ils arrivent dans un endroit de rééducation. Là, il faut que les milieux soient de plus en plus spécialisés. Vous avez des problèmes qui paraissent nouveaux, actuellement, qui sont complexes. Pensez simplement aux problèmes de la drogue.

Vous aurez des tas de phénomènes nouveaux qui n'apparaissaient pas il y a quelques années dans le comportement et dans les problèmes d'inadaptation.

M. GUAY: Maintenant, y a-t-il quand même un facteur très indicatif, un facteur de base, par exemple, qui vous permette de travailler? Est-ce qu'il y a un facteur, plus important que d'autres que vous décelez chez les cas que vous traitez, qui fait en sorte qu'un enfant devient soit délinquant ou inadapté à un tel point?

M. THERIAULT: C'est un ensemble de facteurs qui, à un moment donné, peuvent causer l'inadaptation. Je ne pense pas qu'on puisse dire, par exemple, que c'est tel facteur qui cause l'inadaptation. Je pense que c'est un ensemble de facteurs sociologiques qui peuvent causer l'inadaptation chez le jeune.

M. GUAY: Si on pense beaucoup plus à la délinquance, il y a une différence.

M. TESSIER (Bernard): Ecoutez, il y a un phénomène, aussi, qu'il ne faut pas oublier en relation avec la question que vous posez. C'est que la société québécoise et la société occidentale, même — on peut généraliser — se structurent et s'organisent de plus en plus. Dans un tel cas, apparaît toujours un facteur de rejet du déviant. Cela, en relation avec la délinquance et même avec l'inadaptation en général, peut être une cause directe de sommation, si vous voulez, des conditions extérieures dans l'organisation même de la société, qui font que ceux qui ne "fittent" plus dans la société "fittent" de moins en moins.

Il y a 50 ans, 60 ans, des enfants de telles catégories étaient gardés dans les familles. Si vous allez en Afrique, cela n'existe pas, des orphelins abandonnés, dans certaines régions où l'organisation tribale est encore sur place. Il y a une famille, qui dépasse de beaucoup le père et la mère, qui peut les ramasser. Le problème, cependant, auquel elles font face, c'est que, plus ces sociétés s'organisent et se structurent, plus elles se retrouvent avec de nouveaux problèmes. Ce n'est pas la faute de l'enfant, mais il y a un phénomène de structuration qui

crée des déviants. Je pense que c'est un phénomène — probablement que bien des sociologues pourraient en parler plus clairement que moi — qu'on peut toucher du doigt.

M. GUAY: Etant donné qu'on parle de traitement, parce que les psycho-éducateurs font du traitement, on pense toujours aux causes.

Dans les cas que vous traitez —je ne vous oblige pas à répondre, mais ça me tente de poser la question — est-ce que les conditions financières des familles pourraient être un facteur assez important de délinquance?

M. GENDREAU: Je pourrais peut-être répondre ici par un fait très simple. Il y a déjà eu un film "Huit témoins", de Jacques Godbout, qui était justement dans ce contexte, qui cherchait à prouver que le problème de la pauvreté est un facteur primordial pour la délinquance juvénile. Quand il a présenté ça aux garçons de Boscoville, les garçons ont dit: Non monsieur, mon père était X, Y ou Z, et ce n'est pas pour ça. Et en disant X, Y ou Z, il étaient bien placés pour faire la mise au point. Ce n'est pas une question d'argent. Ce n'est pas parce que j'étais pauvre que je suis délinquant.

Ce qui arrive, c'est que bien souvent les gens riches n'envoient pas leurs enfants délinquants dans nos institutions. C'est un autre contexte ça. Je ne parle pas pour toujours. C'est un autre contexte dont il faudrait peut-être parler.

M. GUAY: Quel est l'âge moyen de votre clientèle? Est-ce qu'il y a un milieu plus identifié, certaines classes, en dénombrant vos patients?

M. THERIAULT: Tout à l'heure, vous faisiez allusion à la pauvreté. Je pense qu'on peut parler de pauvreté financière, mais on peut parler également de pauvreté affective. Et je pense que la majorité de notre clientèle vient de ces milieux où on va retrouver la pauvreté affective, ce qui n'est pas du tout similaire ou synonyme de la pauvreté financière.

M. GUAY: Vous avez mentionné qu'il existe actuellement dans la province 300 psychoéducateurs. Croyez-vous qu'à 300 personnes — étant donné que la démonstration a été faite qu'il y a un énorme travail à faire — vous puissiez répondre à tous les besoins?

M. GENDREAU: C'est pour cela que nous voulons être capables d'être plus nombreux, plus reconnus pour aller chercher encore des gens de façon plus quantitative. C'est extraordinaire la quantité de postes auxquels on ne peut pas pourvoir.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: C'est donc à prévoir que les incidents dont vous avez parlé et que vous déplorez vont se multiplier.

M. TESSIER: C'est là de la prévision. Pour répondre à votre question, il faudrait que je sois plutôt un chiromancien. Il y a une chose qui est certaine cependant, avec des délinquants — je parle des délinquants, c'est avec eux que j'ai fait mon expérience — si vous avez une approche carcérale, et plus votre approche est carcérale, plus vous aurez des problèmes de cette nature, j'en suis certain. C'est évident que cette approche ne peut qu'empirer le problème de ces individus.

M. LAURIN: Vous avez dit que vous vous occupiez de 13 institutions, que vous collaborez à 30 autres, que vous enseignez dans 8 autres. Combien y-a-til d'institutions dans lesquelles vous jugeriez important de vous situer, de travailler, de collaborer?

M. GENDREAU: Je pense qu'il faudrait, M. le Président, poser la question au ministre des Affaires sociales, car, il me semble, une dernière étude — et je ne blâme personne — a prouvé que le niveau de scolarité des gens qui travaillaient dans des institutions pour l'enfance inadaptée était une dixième année. Il y en a quand même un certain nombre qui sont drôlement organisées au point de vue de la scolarité, je pense aux systèmes d'institutions qui relèvent de la moyenne. Imaginez!

C'est important de soulever qu'il y a plusieurs institutions pour inadaptés qui devraient être animées par des professionnels et qui devraient avoir des psycho-éducateurs. Mais je pense surtout que toutes les institutions vont devoir de plus en plus, regardez ce qu'on a dit, recevoir des enfants plus profondément touchés, et plus on va spécialiser les institutions, plus il va falloir de psycho-éducateurs, parce que ça va être le traitement. On me disait dernièrement que les institutions ne veulent plus recevoir d'adolescents. Elles trouvent ça trop difficile. La population la plus attaquée actuellement et qui en a le plus besoin c'est justement celle des adolescents, et on n'a pas de personnel pour faire face à ça. On est vraiment mal pris.

M. LAURIN: Pour prendre un seul exemple, avez-vous, selon vous, un rôle à jouer dans les écoles de formation à la vie, qui s'ouvrent régulièrement depuis quelques temps?

M. GENDREAU: Je pense que nous avons, à Amos, justement une institution qui est dirigée par des psycho-éducateurs, Clair-Foyer, et une expérience extrêmement intéressante est en train de se faire là. Et là, voyez-vous, le psycho-éducateur va avoir un rôle différent. IL va davantage collaborer avec d'autres parce que ce n'est pas le même, même auprès des enfants, mais il est nécessaire. Et je pourrais vous dire que, même

actuellement, au centre de psycho-éducation, nous sommes à faire une étude de consultation au travail sur la seule crèche qui reste à Montréal, parce que c'est affreux ce qui se passe là, et on essaie de voir justement ce qui peut être fait dans ce milieu.

On essaie de sortir les enfants des crèches, mais il n'y a rien, on n'a pas idée du problème. On soigne physiquement les enfants. C'est tout. Ils sont bien soignés physiquement, mais c'est affreux tout ce qui se passe là. Je pense que vous avez raison de dire qu'il faudrait des gens qui soient un peu plus conscients de la relation humaine afin de diminuer un peu le tort qu'on fait aux enfants, parce que les gens ne sont pas préparés à ça.

A part ça, je pense que d'autres professionnels peuvent travailler beaucoup aussi avec nous dans ce secteur.

M. LAURIN: Vous vous êtes définis tout à l'heure comme des psycho quelque chose; qui ne faites pas d'éducation à proprement parler, entendue au sens traditionnel du terme, puisque vous ne vous préoccupez pas de l'instruction que donne le ministère de l'Instruction publique. Je ne sais pas pourquoi on a changé le nom, puisque c'est encore de l'instruction publique qu'on fait et non pas de l'éducation.

A ce moment-là, est-ce que vous voyez une grosse différence entre ce qu'on appelle parfois en Europe les psychologues scolaires, qui dans les écoles ont souvent des rôles identiques à ceux que vous avez définis aujourd'hui et les rééducateurs en psychomotricité, qui est au fond une sorte de sous-spécialisation de la psycho-éducation? Dya beaucoup de rééducateurs en psychomotricité qui sont obligés de s'occuper des blocages affectifs. Est-ce que cette difficulté d'établir les différences se retrouve également au niveau des facultés des sciences de l'éducation? D'ailleurs, vous collaborez à l'enseignement qui est donné à ces facultés des sciences de l'éducation. Est-ce que vous établissez une différence entre la formation qui se donne dans les facultés des sciences de l'éducation et celle de votre Institut des psycho-éducateurs?

M. GENDREAU: M. Rheault pourrait peut-être répondre à cette question puisqu'il est justement partie intégrante de la faculté des sciences de l'éducation à Sherbrooke. A Montréal, c'est davantage centré vers la faculté des arts et des sciences. Il y a une collaboration mais ce n'est pas dans le même département.

M. RHEAULT: Je pense que la problématique est certainement une problématique de milieux universitaires selon les structures dans lesquelles s'insère le département concerné. A l'Université de Sherbrooke, vous connaissez la structure. La faculté des sciences de l'éducation absorbe tout ce qui est du domaine de la formation où il y a une intervention immédiate auprès de l'enfant sur autre chose qu'une base exclusivement clinique et thérapeutique, ce qui fait d'ailleurs que le département de psychologie n'est pas partie des structures des sciences de l'éducation mais bien d'une autre faculté. Pour nous, la façon de s'insérer est vraiment de conserver et de bien affirmer cette dimension de la prise en charge de la vie de l'enfant, la prise en charge totale par l'organisation, de l'alimentation de son milieu de vie et des activités dans lesquelles il vit. Ceci est très nettement différent du programme d'orthopédagogie, par exemple, qui lui aussi s'occupe des enfants en difficulté d'apprentissage mais qui s'occupe particulièrement du problème de l'apprentissage et non pas de l'inadaptation de l'enfant.

M. LAURIN: Comme il y a beaucoup d'institutions où vous devriez oeuvrer actuellement et où vous n'oeuvrez pas, étant donné votre nombre réduit, étant donné la multitude des champs que vous vous octroyez à bon droit, je crois, à la page dix de votre mémoire, est-ce qu'il y a une autre façon de dispenser vos services que celle que vous utilisez actuellement?

Par exemple, est-ce que vous pourriez prévoir, que ce soit dans vos objectifs ou dans les cours que vous donnez, exercer une surveillance ou un contrôle ou une direction sur toutes ces institutions où, à cause de votre nombre réduit, vous ne pouvez pas entrer afin de protéger, quand même, le public et les enfants contre les incidents dont vous parliez tout à l'heure?

M. GENDREAU: Je pense, M. le député, qu'il est important de dire que le ministère des Affaires sociales vient d'entrer en contact avec le Centre de psycho-éducation pour établir un travail dans ce style afin de voir comment on pourrait faire évoluer les milieux de rééducation, vraiment évaluer les milieux et leur donner des défis à atteindre. Je pense que ça s'en vient dans ce sens, mais on veut aussi être capable de donner autre chose que des cours.

Des cours, ce n'est pas ça qui est le plus important, à ce moment-ci, pour cette population. Des cours, il y en a déjà eu en quantité; il faut trouver des moyens pour être capable de faire voir à ces personnes ce qu'il faut faire dans le milieu où elles sont, au niveau des cadres également. Je pense qu'il faut travailler au niveau des cadres pour qu'on puisse comprendre ce qu'est l'organisation d'un milieu comme ça; ce n'est pas simplement les cadres d'une école ordinaire.

A ces deux niveaux, je pense que vous avez raison et je souhaite ardemment, pour le bien de l'enfance et de l'adolescence inadaptées, qu'on puisse travailler en collaboration, parce qu'il est évident que nous ne pourrons pas influencer directement, par le nombre de psycho-éducateurs, tout l'ensemble. Nous espérons avoir plus de psycho-éducateurs si nous sommes reconnus.

M. LAURIN: Je poserais au ministre, à ce moment-là, la question suivante: Avez-vous l'impression que le bill 65 ou 48 — je ne sais plus comment l'appeler — permet cette insertion des psycho-éducateurs dans des milieux assez petits à vocations diverses, à titre de consultants, d'animateurs, de professeurs, de formationnistes, si je peux me permettre ce néologisme?

M. CASTONGUAY: Je pourrais répondre par la négative: Je ne crois pas qu'il l'empêche. Il y a diverses formules à trouver. Justement, à ce sujet, pour montrer aussi notre intérêt, nous avons une mission conjointe avec des officiers du ministère et des personnes de l'extérieur, qui part ces jours-ci pour la France étudier certaines des choses qui se font là-bas. Au cours de mon voyage en février, comme je le mentionnais tantôt, on nous a fait part d'expériences extrêmement intéressantes.

Maintenant, dans les institutions elles-mêmes, je pense qu'il y a trois choses qu'il nous faut mentionner. D'abord, l'état de la situation qu'on a décrite, le niveau de scolarisation et de formation du personnel qu'on y retrouve, est un reflet, en fait, de l'importance que la société a attachée à ce secteur dans une large mesure.

Je vois qu'on fait un signe de tête affirmatif. Il y a aussi deux autres types de problèmes qui se posent, dont la sécurité d'emploi. Lorsqu'on envisage ce problème-là sur un plan, on arrive à certaines conclusions mais lorsqu'on l'envisage aussi sur le plan du renouvellement du personnel dans les institutions, ça ne va pas sans créer certains problèmes.

Il y a aussi l'arrivée, dans certaines institutions, de personnel professionnel qui voit les choses d'un oeil différent, qui crée des conflits. Je n'ai qu'à faire allusion au conflit du manoir Çharles-de-Foucauld. Je pense que c'était un conflit, non pas de générations, mais d'approches. Ce sont des choses qui ne se solutionnent pas facilement, le temps aide, face à des problèmes comme ceux-là. Il y a certaines étapes qui ne semblent pas pouvoir être franchies rapidement.

Enfin, il y a aussi le problème des budgets. Au ministère des Affaires sociales, dans le domaine de l'enfance, les divers services à l'enfance, les budgets ont plus que doublé au cours des cinq dernières années. Malgré tout, on sent qu'il serait nécessaire de mettre davantage. C'est pourquoi, à certaines reprises, j'ai insisté tellement sur la révision du partage fiscal. Je ne peux pas m'empêcher, face à ce qu'on nous a dit ce matin, de faire certaines comparaisons entre l'utilisation qu'on pourrait faire de certaines sommes et l'utilisation qu'on semble devoir faire à l'occasion de la présente campagne électorale.

M. LAURIN: Une dernière question sur ces barrières dont vous avez parlé. Maintenant que vous êtes implantés dans le milieu scolaire pour faire de l'observation, pour faire de la prévention, pour faire du "traitement", quelle façon, quelle méthode avez-vous prise auprès du ministère de l'Education, pour l'amener à assouplir ces normes dont vous parliez et quel succès avez-vous obtenu?

M. THERIAULT: On a pu s'implanter dans certains milieux scolaires par la conviction de certains directeurs locaux. Je pense qu'ils l'ont fait un peu par conviction personnelle ou bonne volonté et ce, en dépassant peut-être les structures admises du ministère de l'Education actuellement.

M. GENDREAU: II faut dire aussi que, au niveau des sous-ministres du ministère de l'Education, on comprend très bien ce problème et qu'on cherche à trouver des solutions appropriées.

Il y a des problèmes qui ne sont pas encore complètement réglés malgré la bonne volonté de tout le monde.

M. LE PRESIDENT: Avant que la commission suspende ses travaux, le ministre des Affaires sociales aurait quelques mots à ajouter.

M. CASTONGUAY: En plus de remercier, M. le Président, les membres de l'association, je voudrais simplement ajouter que, malheureusement, cet après-midi, je ne pourrai assister à la séance. Je vais demander au Dr Fortier, mon adjoint parlementaire, de me remplacer. Ce n'est pas par manque d'intérêt. Je sais que des mémoires intéressants nous sont soumis. Mais il arrive que c'est la fin des négociations et que le secteur des Affaires sociales compte un grand nombre d'employés et de personnes qui sont partie à ces négociations. Donc, cet après-midi, je dois m'absenter pour ces raisons.

M. LE PRESIDENT: Je remercie MM. Thé-riault, De Billy, Gendreau, Tessier et Rheault ainsi que tous les membres de l'Association des psycho-éducateurs du Québec pour leur mémoire. La commission suspend ses travaux jusqu'à deux heures trente.

M. THERIAULT: M. le Président, nous vous remercions d'avoir bien voulu nous entendre.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

Reprise de la séance à 14 h 44

M. LAFRANCE (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Nous allons entendre maintenant la Corporation des diététistes du Québec. Je demanderais au porte-parole du groupement de s'identifier, ainsi que ses collègues, s'il vous plaît.

Corporation des diététistes du Québec

MLLE SAINT-HILAIRE: Mon nom est Monique Saint-Hilaire. Je représente la présidente de la Corporation des diététistes du Québec, dont je vous apporte en même temps les excuses parce qu'elle a dû s'absenter.

A ma droite, vous avez notre conseiller juridique, Me Maurice Lagacé. Les autres sont toutes des membres de la corporation faisant partie du comité de la loi et des règlements de la corporation: A ma droite, Mme Jeannine Sévigny, Mrs. Agnes Higgins, Mme Marcelle Trépanier, administrateur délégué de la corporation; à ma gauche, Mme Estelle Mongeau, Mme Diane Marien, Mme Hélène Alméras.

Notre démarche est le prolongement logique des préoccupations qui nous animaient bien avant le début des travaux de la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social. La corporation est heureuse de signifier ici son accord sur les principes essentiels du projet de loi no 250. Toutefois, le sort réservé à notre corporation quant à l'exclusivité de l'acte professionnel ne nous satisfait pas. Cet exposé a comme objectif précis de démontrer la nature de l'acte diététique tel que nous l'entendons et, par voie de conséquence, l'importance d'en accorder l'exclusivité aux professionnels qui possèdent la formation pour le poser.

Le titre réservé que nous possédons ne protège pas le public parce que cette restriction ne permet aucun contrôle sur la compétence des personnes posant l'acte diététique tel que nous le définissons et que cette seule restriction donne ainsi libre accès au champ d'exercice à des personnes ne possédant aucune formation dans ce domaine.

Nous signalons que la définition présentée aujourd'hui diffère de celle qui apparaît dans le projet de loi accompagnant notre mémoire. Cette nouvelle définition est plus explicite et plus précise que celle dont vous aviez pris connaissance antérieurement: "Constitue l'exercice de la diététique tout acte qui a pour but d'intervenir dans les processus biologiques par l'intermédiaire des nutriments en élaborant des régimes alimentaires pour des besoins nutritionnels spéciaux, et en surveillant leur application".

Intervenir dans le processus biologique par l'intermédiaire de nutriments est un acte qui va bien au-delà de l'activité quotidienne qui consiste à agencer des aliments dans le but de nourrir. L'usage des nutriments de façon à influencer les fonctions vitales exige et justifie la somme de connaissances que le diététiste acquiert au cours de sa formation spécialisée.

Les définitions de l'acte diététique proposées antérieurement laissaient entendre que cet acte se situait uniquement au niveau des aliments. Dans les aliments, ce qui intéresse les diététistes ce sont les nutriments.

Les nutriments c'est la forme que doit prendre l'aliment pour entrer en contact avec nos cellules. L'appétit peut être satisfait par des agencements quelconques d'aliments, mais la satisfaction des besoins cellulaires ne peut être garantie que par un apport en nutriments bien déterminé.

Certains états physiologiques ou pathologiques créent des besoins nutritionnels spéciaux. Dans les cas pathologiques, le diététiste utilise les nutriments pour remédier aux conséquences de mécanismes déficients. Il existe par ailleurs des états physiologiques normaux, comme la croissance et la grossesse, qui créent un appel de nutriments tel que la fonction cellulaire pourrait être menacée sans un contrôle de l'apport nutritionnel.

Ces besoins nutritionnels spéciaux, quoique ne présentant pas un caractère d'urgence visible à l'oeil du clinicien, n'en sont pas moins réels. Ils ne peuvent pas non plus être classés comme occasionnels, puisqu'ils sont la manifestation d'une exigence commune à tout être humain pendant l'une ou l'autre des étapes physiologiques de sa vie.

Nous pouvons illustrer avec des exemples concrets les affirmations que nous venons de faire. En thérapie, par exemple, dans la période de questions qui suivra, nous pourrons illustrer les conséquences d'une intervention diététique appropriée ou celle d'une intervention incorrecte.

Nous pourrons aussi vous démontrer le rôle décisif de l'intervention diététique pendant la grossesse.

Nous venons de vous exposer à quel niveau se situe l'acte diététique. L'exclusivité de cet acte ne saurait en aucun cas interdire à d'autres catégories de personnes de donner des conseils d'ordre général, même judicieux, sur le bon usage des aliments, parce que ceci constitue une activité diététique plutôt qu'un acte diététique. On méconnaît le diététiste en le jugeant par son activité diététique plutôt que par l'acte diététique qu'il pose. L'un découle de l'autre.

En effet, l'activité diététique est toujours conditionnée par l'acte diététique lui-même en tenant compte du cheminement des aliments au nutriment ou l'inverse. Les problèmes qu'engendre l'alimentation du bétail sont d'une telle importance économique que le législateur, sans doute bien avisé, a jugé à propos de les confier en exclusivité à des spécialistes qui font partie de l'équipe de base des bureaux régionaux du ministère de l'Agriculture.

Il ne nous paraît pas logique, en 1972, de ne pas accorder la même importance aux problèmes de l'alimentation humaine. Le rapport d'un groupe américain dont nous avons ici le résumé

et qui émane d'un comité de travail conjoint du ministère de l'Agriculture aux Etats-Unis et des universités d'Etat, de même que des collèges subventionnés par le gouvernement, comme les "land grant colleges" évalue le coût en soins médicaux dentaires et en absentéisme au travail à $30 milliards par année, soit la moitié du coût total des soins de santé aux Etats-Unis.

La Corporation des diététistes réclame donc l'exclusivité de l'acte diététique parce que l'acte diététique posé par ses membres est de nature telle qu'en vue de la protection du public il ne peut pas être posé par des personnes qui ne possèdent pas la formation et la qualification requise pour être membre de cette corporation.

Le diététiste est le seul professionnel ayant reçu la formation pour poser l'acte diététique de façon à assurer le plus économiquement et le plus efficacement possible le rendement social ou économique des individus tout en protégeant leur bien-être. M. le Président, au nom de la Corporation des diététistes, je vous remercie de nous avoir écoutés.

M. LE PRESIDENT: La parole est maintenant à l'adjoint parlementaire au ministre des Affaires sociales, le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Je remercie les porte-parole qui ont présenté le mémoire de la Corporation des diététistes du Québec. Si je comprends bien, d'après le texte nouveau que vous avez soumis, vous demandez d'avoir l'exclusivité en ce qui regarde la diète des gens pour autant qu'ils sont concernés comme malades.

MLLE SAINT-HILAIRE: Pas exclusivement. Nous n'avons pas nécessairement précisé que les gens devaient être malades, que l'acte diététique couvrait simplement les gens malades.

M. FORTIER: Pas exclusivement?

MLLE SAINT-HILAIRE: Non. Peut-être que nous pourrons préciser.

M. FORTIER: Est-ce que, dans les hôpitaux, les médecins peuvent eux-mêmes donner des directives en ce qui concerne les diètes? Je vais vous donner un exemple. Si on donne une diète de tant de calories, est-ce que le médecin peut énumérer lui-même les aliments qui vont entrer dans cette diète ou est-ce vous qui êtes les seules à pouvoir le faire?

MLLE SAINT-HILAIRE: Habituellement, le médecin prescrit et laisse à la discrétion de la diététiste les aliments que doit contenir la diète du malade. Je pense bien que, dans les hôpitaux actuellement, la jeune génération de médecins relègue aux diététistes toutes les tâches qui relèvent de l'alimentation.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): La Corporation des diététistes demande l'exercice exclusif, au lieu d'un titre réservé. Il y a des personnes — vous le décrivez dans votre mémoire — qui prétendent être des diététistes, qui s'appellent conseillers en nutrition ou conseillers en alimentation, et qui pratiquent parallèlement à vous. A combien de personnes environ estimez-vous ces gens qui, sous d'autres appellations, pratiquent l'acte diététique?

MME SEVIGNY: Je ne pense pas que nous ayons en main de statistiques précises. Nous n'avons pas cherché à en établir. Seulement, je pense qu'il peut exister deux catégories de personnes qui posent l'acte diététique en dehors des membres de notre corporation. Il y a des professionnels de la santé, appartenant à d'autres corporations qui sans doute sont venus vous rendre visite déjà ou viendront, qui ont certainement des connaissances sérieuses dans le domaine qui leur est propre, mais qui n'ont pas une formation spécialisée qui leur permette justement de connaître la manière précise d'utiliser les nutriments dans les processus biologiques.

Ainsi, selon le concept d'équipe de la santé, je pense que ces professionnels eux-mêmes seraient prêts à reconnaître avec nous que le diététiste est le seul qui puisse faire cette intervention d'une façon parfaitement éclairée.

Il y a une deuxième catégorie de personnes qui, sans doute, posent l'acte diététique autre que les membres de notre corporation, ce sont des personnes qui jugent posséder une compétence suffisante pour porter, à elles seules, la responsabilité globale et d'un diagnostic et d'un traitement, et qui incluent donc dans ce traitement l'aspect diététique.

M. CLOUTIER (Montmagny): Malgré la précision de votre réponse, je ne peux malheureusement identifier ces groupes.

MME SEVIGNY: Alors, si vous me permettez, dans le premier groupe auquel j'ai fait mention, on peut nommer les médecins qui sont des professionnels de la santé et qui, j'imagine, songent habituellement à la possibilité que les aliments et les nutriments qu'ils contiennent soient un élément de thérapeutique; les infirmières peuvent, à l'occasion, souhaiter utiliser également l'alimentation comme un des éléments du traitement qu'elles ont à faire auprès de leurs patients. Ce sont les deux principaux groupes auxquels je pensais.

Dans les groupes parmi les personnes qui ne travaillent pas conjointement avec ces deux premiers groupes dont j'ai parlé, je pense — ce n'est un secret pour personne, tout le monde le devine — aux naturopathes, par exemple, qui croient très sincèrement à l'importance de l'alimentation comme facteur de traitement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne pouvais

les identifier, mais je les soupçonnais. Maintenant c'est clair. Est-ce que dans ce secteur — et le problème s'est posé souvent devant la commission parlementaire — il n'est pas inévitable que survienne un certain chevauchement, à un moment donné? N'est-il pas possible ou normal pour les professions que vous venez de nommer d'intervenir peut-être indirectement? Est-ce que le médecin ne doit pas avoir nécessairement un regard sur cette partie importante qu'est l'alimentation ou le régime?

MME SEVIGNY: Les membres de notre corporation croient justement à l'action conjointe des différents membres de l'équipe de santé. Comme je le laissais entendre tout à l'heure, nous croyons qu'une personne doit prendre la responsabilité du diagnostic global et du traitement global. Il est bien possible que cette personne-là soit un médecin.

Il aura sûrement à discuter, avec le diététiste, de cet aspect du traitement. Mais, comme une de mes collègues le mentionnait tout à l'heure, les médecins de la jeune génération sont très conscients du fait qu'eux-mêmes ne peuvent poursuivre jusque dans l'application cet aspect du traitement et que la collaboration du diététiste leur est indispensable.

Je parle de générations, mais ce n'est peut-être pas très juste comme terme; disons catégories de médecins qui prescrivent mais sans consulter le diététiste. Forcément, le diététiste, à ce moment-là, est presque obligé d'ignorer ou de corriger la prescription diététique, justement parce qu'elle n'est pas applicable, n'est pas suffisamment précise et adaptée au cas.

Si la prescription est faite en collaboration avec le spécialiste qu'est le diététiste, l'application et le contrôle se feront également en collaboration et le patient sera très heureux.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mlle Saint-Hilaire, vous avez dit tantôt que vous pourriez donner des exemples, en thérapie, des conséquences et des inconvénients de certains gestes ou certaines lacunes. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu là-dessus?

MLLE SAINT-HILAIRE: Je veux en même temps préciser, au sujet de la thérapie, que l'acte diététique ne s'applique pas. Nous ne divisons pas les catégories d'individus en deux, quand nous pensons à l'acte diététique, les bien portants et les malades. L'acte diététique reste le même, l'essence est la même. C'est qu'il s'applique à des besoins nutritionnels spéciaux et que ces besoins-là sont le lot des malades, c'est-à-dire des cas pathologiques, et le lot de conditions physiologiques parfaitement normales, comme la grossesse et la croissance.

Donc, en thérapie, nous pouvons illustrer, dans les deux catégories de besoins nutritionnels spéciaux — cas pathologiques et conditions physiologiques normales — comment l'intervention diététique se fait, en cas de besoin nutri- tionnel spécial. En thérapie, nous pouvons avoir des exemples.

MME MARIEN: Pour ce qui est du plus grand pourcentage d'incidences où la diétothérapie est un facteur principal de traitement, on peut citer sans contredit l'obésité — je pense bien que personne ne l'ignore — et le diabète adulte qui se manifeste souvent, après un certain âge. On a aussi l'hypercholestérolémie. Les diètes basses en cholestérol, il n'y a pas personne qui ne connaît pas ça aujourd'hui. On entend aussi parler de plus en plus d'hyperli-poprotéinémie qui est beaucoup plus compliquée, où les diètes peuvent se diviser jusqu'en cinq catégories. Ensuite, évidemment, il y a les accidents cardiaques qui sont souvent causés par l'obésité, et l'arthrite, où la diète agit pour diminuer la masse corporelle de l'individu qui en est atteint. C'est une façon, disons, indirecte. Le médecin reconnaît d'emblée l'importance du traitement diététique. Cependant, certaines prescriptions diététiques sont incomplètes, insuffisantes ou pas suffisamment spécifiques. Je considère que c'est là qu'entrent en jeu la compétence et la formation scientifique de la diététiste. Quand une diététiste, en milieu thérapeutique, reçoit une prescription incomplète, après avoir consulté de nouveau le dossier — parce qu'il faut ajouter que les diététistes ont accès aux dossiers des malades dans les hôpitaux — elle consulte de nouveau le médecin pour en rediscuter. Ce qui arrive souvent, c'est que le médecin dit: J'ai demandé telle quantité de potassium, telle quantité de calcium, etc. Après discussion, on établit une nouvelle prescription, et le médecin se fie entièrement à nos recherches et à la diète qu'on va établir.

On peut ajouter des exemples concrets où les diététistes, travaillant dans des milieux thérapeutiques, dans les milieux bien organisés, font partie intégrante de l'équipe médicale. Dans un hôpital pour enfants, entre autres, on a actuellement tous les troubles métaboliques d'absorption au niveau de l'intestin. Avant, on ne parlait que de phénylcétonurie, où le traitement diététique est l'unique traitement. Je ne vois pas le médecin commencer à chercher dans les tables de Bozencher, ou enfin dans tous les manuels qu'on a à notre disposition, combien de milliers équivalents de phénylcétonurie et enfin combien de phénylalanine il peut y avoir dans tel ou tel aliment pour la diète basse en phénylcétonurie.

Maintenant, il y a les intolérances au fructose, les intolérances au galactose, enfin, il y en a une série qui donnent des troubles au niveau, disons, de l'intestin. Le traitement diététique est majeur dans tous ces cas. Alors, dans les hôpitaux où on a abondance de cas semblables, la diététiste fait partie intégrante du traitement. Je ne pense pas que le médecin traitant, le gastro-entérologue ou enfin le médecin qui s'occupe de ces enfants conçoive le traitement de ces maladies sans la coopération directe de la diététiste.

Je pense bien qu'au point de vue de la diétothérapie, de plus en plus, le travail est assez spécialisé. Les prescriptions sont de plus en plus précises, mais, malheureusement, il y en a encore qui sont tout à fait inadéquates. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la conscience professionnelle et la formation de la diététiste sont importantes pour savoir juger s'il est nécessaire de recommuniquer avec le médecin dans ces cas.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que la majorité des diététistes travaille dans les établissements hospitaliers?

MLLE SAINT-HILALRE: Je crois qu'une grande proportion des diététistes y travaillent, mais il y en a aussi dans les milieux d'hygiène publique. D'ailleurs, pour ce qui est de la grossesse qui est considérée comme un état physiologique normal, une personne, ici, qui n'oeuvre pas en milieu hospitalier, mais qui travaille énormément avec des personnes qui sont en grossesse, a des chiffres très intéressants — si cela vous intéresse — avec lesquels on peut faire des comparaisons, dans le cas de l'intervention et de la non-intervention.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mme Higgins, je suppose?

MLLE SAINT-HILAIRE: Oui, Mme Higgins.

MME HIGGINS: I am pleased, Mr. Chairman and Members of the Parliamentary Committee, for this opportunity to present the results of a study in which dieticians have had the exclusive control of the dietetic procedure. This study was conducted by the Montreal Diet Dispensary and included all the mothers attending to public maternity clinics at the Royal Victoria Hospital.

Before the study began, arrangements had been made with the hospital that the dieticians from the dispensary would be entirely responsible for the dietetic procedure.

This study began in 1963 and, at the end of 1971, there were 1,726 mothers who were registered in this clinic. Some came late and some came early. They were in the clinic whenever they came, at the start of the study. Of this number, 1,636 completed the study, that is 95 p.c.

This study group was composed of a large proportion of disadvantaged mothers. There were 71 p.c. of the mothers that could not afford to buy the food they needed; 31 p.c. were illegitimately pregnant, as compared to 6 p.c, which is the incidence this time in Quebec. There were 64 p.c. of the mothers that had five years of formal education or less.

Now, during this service, the mother's average nutrient food intake was increased by just about five hundred calories and 32 grams of protein. The results, to date, have demonstrated that the dietetic procedure increased birth weight and has a significant influence in decreasing mortality.

Numerous scientific studies indicate that birth weight is the major factor in infant development. Low birth weight is related to increased stillbirths, neonatal deaths, poor infant development, cerebral palsy, mental retardation and lowered intelligence.

Now the mean birth weight in this study, 3,276 grams, was the same as for the private patients in the same hospital. And this is the first study in the world to demonstrate that the poverty chain can be broken in this dietitic procedure.

Now the perinatal mortality was 17.9 per thousand, which is one half of the Quebec rate for that period, and you have this material. You can see here that in Quebec, during that period, the mortality rate was about 30 per thousand, from 1963 to 1970. In this disadvantaged group of mothers we cut the death rate in half, equal to approximately the same as for the rich, for the infants of the private patients in the same hospital.

It has been estimated that, in the United States and Canada, the cost of maintaining a defective child through life in an institution or in the community is more that $100,000. Any nutritional deficiency during pregnancy which could result in the failure of normal development of the foetus represents a large social and financial loss to the nation. This waste is in a large degree preventable through the establishment of adequate dietitic procedures.

I wish to illustrate this by a case history in the birth record of one of the mothers in our study, if you turn to page 3. In page 3, you will see the birth weight record — you have this — of the mother. Now, figure 3-1 gives the birth weight record of 11 children of a 29 year old mother who delivered all the children at the Royal Victoria Hospital. The third child died at one month of age. The mother followed our dietitic procedure only for the last three pregnancies.

A mental and a physical assessment of all the children was done at the Montreal Children's Hospital and indicated that the last three children are normal, whereas the others were found to be disadvantaged and there was considerable doubt as to their ability to succeed. The cost of the diet dispensary's service for each case — including the food supplement — was $125, whereas the estimated cost to the state of maintaining the other deficient children is more than a thousand times greater for each one.

If dietitians were given the exclusive control of diet counselling, it would be a major breakthrough in public health in Quebec and it would be reflected in the improvement of the health of all the citizens. In order to deliver dietitic services in a systematic planned method

which will meet the needs of the public, the dietitians need the control of the act.

Now, I have further evidence, if you wish. The times where the act of the dietician and our knowledge in nutrition is way beyond that you find naturally in medical practice and so on where they do not have our knowledge in training. If you wish, I will be very glad to tell you another case.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, je vous remercie de ces précisions extrêmement intéressantes. Cela m'amène à poser une nouvelle question. On voit l'importance de la prévention. Vous m'avez répondu tout à l'heure que certains travaillaient au sein des établissements hospitaliers mais que d'autres travaillent dans le secteur de l'hygiène. Est-ce qu'il y a suffisamment d'effectifs dans ce département? Est-ce que les moyens d'action sont adéquats ou si vous avez des suggestions ou des plans spéciaux dans ce domaine?

MLLE SAINT-HILAIRE: Dans le domaine de l'hygiène publique, vous voulez dire?

M. CLOUTIER: Oui. Dans le domaine de la prévention en général, là où doit porter aussi une grande partie de votre action.

MLLE SAINT-HILAIRE: II est sûr que dans le domaine de la prévention, on pourrait vraiment augmenter le personnel de diététistes en nombre, strictement parlant, dans le domaine de l'hygiène publique. On en a énormément besoin parce que c'est un moyen d'atteindre le public. Et cela m'amène à dire que si nous avions l'exclusivité de l'acte, cela nous donnerait aussi des contacts avec plus de gens parce que les autres professionnels de la santé, faisant partie de l'équipe, nous adresseraient automatiquement les individus qui ont des besoins spéciaux en nutrition et qui ont besoin d'attention dans ce domaine. Il se ferait peut-être une sélection à ce moment-là, aussi, ce qui rendrait les services plus efficaces.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous parlez des individus qui ont besoin de nutrition spéciale. Dans la section de l'aide sociale, il y a un montant spécial — un montant de $10, je crois — alloué pour une diète. Je ne sais pas si cela existe encore, je pense que cela a été éliminé. Mais est-ce qu'au moment où cela existait, vous aviez quelque chose à dire au niveau de la ràglementation?

MLLE SAINT-HILAIRE: Que les gens défavorisés aient besoin d'argent pour arriver à se nourrir convenablement, je pense que c'est un fait. Vous comprenez que ce n'est pas strictement un problème diététique. On tombe ici dans la catégorie des problèmes sociaux.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord.

Mais il y avait une allocation additionnelle de $10 par mois pour une diète, c'était le terme employé.

MLLE SAINT-HILAIRE: D'accord. Tout dépend comment l'état nutritionnel de cette personne a été évalué. Comment cela a été fait. Sur quelle base. Et quelle est la garantie, en donnant de l'argent aux personnes, à supposer que le diagnostic ait été approprié, que cet argent va être appliqué de la façon dont c'est nécessaire pour couvrir les besoins nutritionnels?

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, vous n'avez jamais été appelée en consultation sur l'établissement...

MLLE SAINT-HILAIRE: Pas que je sache. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission, ici? Absolument pas.

MME MARIEN: Plusieurs cas justement ont été portés à l'attention de la corporation au sujet de ces $10, et il y a même une norme qui avait été spécifiée qu'une diète élevée en protéines devait contenir 90 grammes de protéines, et c'est avec une telle prescription que l'assisté en question pouvait bénéficier des $10 supplémentaires. Alors, comme très peu de diètes hyper-protéinées sont prescrites, à ce moment-là, les suppléments de $10 ont été pratiquement tous coupés dans certains hôpitaux, ce qui a fait un remous assez considérable.

Cela a été porté à l'attention de la corporation puis on se demandait justement quels moyens on devait prendre, pour arriver, peut-être, non pas à rétablir d'une manière générale les $10 en question. Il y aurait eu paraît-il, abus, dans certains cas. Maintenant, il s'agirait justement de déterminer quelles sont les personnes qui vraiment ont besoin de ce supplément.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, je suis très heureux d'entendre aujourd'hui un groupe de personnes parler de nutrition. Et je suis d'autant plus heureux de prendre connaissance de l'étude assez révélatrice que nous avons en main, car c'est la première fois que j'ai l'occasion de consulter des études dans ce sens-là. J'ai également posé une question ce matin à un autre groupe de la commission parlementaire et je n'ai pas été enchanté de la réponse. C'était peut-être la bonne, mais en tout cas j'avais pensé autrement. Maintenant, on parle de la nutrition qui est un des premiers besoins de l'homme avant même ceux du vêtement, du logement ou même des soins médicaux. On pense d'abord à la nutrition.

Si le problème de la nutrition, comme le démontre l'étude et comme vous venez de le

confirmer, est souvent relié à un problème de pauvreté ou de mauvaise condition financière, est-ce que vous avez déjà fait des représentations auprès du gouvernement afin d'aider à résoudre ce problème? Parce qu'on dit qu'en 1972, le problème de sous-alimentation, de sous-nutrition est loin d'être réglé.

MME SEVIGNY: Je n'ai malheureusement pas la date précise à la mémoire, mais il y a quelques années notre corporation justement a présenté un mémoire au ministère de la Famille et du Bien-Etre, à ce moment-là, je m'excuse, je n'ai pas la référence précise, pour indiquer précisément que les allocations accordées aux assistés sociaux ne leur permettaient absolument pas — nous faisions référence particulièrement aux personnes âgées — de satisfaire à leurs besoins nutritionnels.

M. GUAY: Comme le démontre votre étude, d'ailleurs. Maintenant, puisque vous travaillez plus précisément en milieu hospitalier, seriez-vous en mesure de nous dire si, par exemple, des patients hospitalisés ont démontré une fragilité accrue à certaines maladies à cause de malnutrition ou de sous-nutrition.

MLLE SAINT-HILAIRE: D'une façon générale, que les patients soient hospitalisés ou non, ils ont certainement une fragilité accrue. Ils sont plus exposés à certaines maladies que d'autres, parce que quand on pose un diagnostic précis, comme diabète ou arthrite ou hypertension, il y a des causes multiples évidemment, mais la nutrition est un des facteurs importants. Ce qui porte un réputé nutritionniste français à dire que la surveillance de l'alimentation non seulement peut mais doit éviter l'éclosion des cas pathélogiques comme le diabète, l'hypertension, la goutte, le rachitisme, puis les déficiences caractérisées.

M. GUAY: Maintenant, dans notre monde moderne, de 1972, où les gens se sont habitués à consommer des aliments en conserve, des aliments en boite, à cause d'un autre facteur probablement — la femme au travail — est-ce que cela attire certains problèmes dans le domaine de la nutrition?

MLLE SAINT-HILAIRE: Ce qui attire des problèmes, c'est surtout la grande variété et le grand choix d'aliments qui existent parce que nous ne sommes pas sûrs qu'avec cette multitude d'aliments — je pense qu'on en a dénombré près de 10,000 — un individu qui a le choix entre 10,000 aliments fasse toujours un choix judicieux. Je pense que c'est à ce niveau qu'il faut peut-être essayer d'influencer. Ce n'est pas nécessairement un acte diététique, mais ce n'est pas exclu non plus de l'activité diététique du diététiste de chercher à influencer le comportement des gens à ce niveau pour leur permettre de faire un choix plus judicieux d'aliments. On ne peut pas, dans un pays à régime libéral tel que le nôtre — sans allusion politique — forcer les consommateurs à consommer tel ou tel aliment. Il faut respecter tout de même la démocratie dans laquelle nous vivons. C'est l'avantage qu'ont les spécialistes en agriculture sur nous. Ils peuvent rendre le bétail aussi obéissant qu'ils le veulent. Pour nous, c'est impossible. Il faut tout de même respecter la démocratie.

M. GUAY: Votre étude démontre églament qu'il est beaucoup plus dispendieux pour l'Etat de supporter un enfant qui a souffert de malnutrition que les services d'un diététiste. Votre étude est quand même assez restreinte, mais jusqu'à quel pourcentage la population peut-elle être affectée par ce problème de nutrition?

MLLE SAINT-HILAIRE: Certains problèmes de malnutrition ont été évalués assez spécifiquement parce qu'ils avaient une incidence assez élevée. On a reconnu une incidence tout de même assez élevée dans le cas du rachitisme, par exemple. Pour la population nord-américaine, avec un standard de vie très élevé, on a trouvé que les cas de rachitisme étaient très nombreux. On a donc fait une espèce de recensement, c'est-à-dire qu'on a dit que 300 à 400 cas par année, dans un pays comme le Canada, c'était beaucoup trop, il n'y avait aucune raison que cela existe, surtout lorsqu'on a accès aux nutriments qui préviennent cette maladie.

H arrive que les maladies nutritionnelles ne présentent pas toujours des signes cliniques évidents, des signes visibles. Il peut y avoir un état nutritionnel déficient sans qu'apparaissent des signes cliniques. On ne peut pas mettre de chiffres sur un état de santé et dire: C'est sept sur dix ou six sur dix. Mais on sait, par exemple, qu'un certain mode d'alimentation expose les individus à des déficiences. On compare d'habitude les déficiences nutritionnelles à des icebergs. On dit: Le tiers est visible à l'oeil nu et les deux tiers sont cachés. C'est la même chose pour les maladies nutritionnelles. Est-ce qu'il y en a qui veulent ajouter quelque chose là-dessus?

MLLE SEVIGNY: Vous avez raison de dire que nous avons très peu de données, malheureusement, pour ce qui concerne notre Québec, mais le document américain auquel nous faisions allusion tout à l'heure fait justement ce type d'estimation. Comme, finalement, les conditions de vie et l'alimentation ne sont pas tellement différentes, on peut, sans les appliquer tels quels, s'inspirer de ces chiffres pour se faire une idée de l'étendue des problèmes de malnutrition et des possibilités d'épargne en termes économiques et en termes de bien-être personnel aussi, qui pourraient résulter d'une alimentation améliorée. Je peux vous donner

comme exemple — je prends le premier cas cité dans cette compilation — les maladies cardio-vasculaires qui ont coûté $31 milliards en 1962 aux Etats-Unis.

En 1967, elles ont causé un million de décès et avec cinq millions additionnels de personnes affectées par des maladies de ce type; or, l'application de régimes appropriés pourrait réduire de 25 p.c. l'incidence de ces maladies et de 20 p.c. le coût des soins à prodiguer à ces personnes. C'est un exemple de chiffres qui ont été préparés, je pense, d'une façon très sérieuse par le groupe dont nous avons parlé tout à l'heure, soit des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture et des membres des diverses universités d'Etat ou subventionnées aux Etats-Unis.

M. GUAY: Sur la première page de l'étude que j'ai sous les yeux, Etude de la nutrition prénatale, ça me frappe énormément parce que ce court exposé dit: On a établi une relation évidente entre le poids natal faible et un taux élevé de mortalité prénatale et néo-natale, un développement ralenti, la paralysie cérébrale, l'arriération mentale et la médiocrité intellectuelle. Cela me frappe énormément.

Je suis content de posséder ces chiffres. Comme dernière question rattachée à ce que je viens de dire, si on met de côté l'aspect publicitaire des commerciaux qui nous font bien manger, du côté de l'éducation, y a-t-il quelque chose de prévu par votre groupe qui est devant nous aujourd'hui, ou avez-vous l'intention de demander à l'Etat des subventions ou de l'aide financière quelconque afin d'enseigner à la population à se mieux nourrir?

MME SEVIGNY: C'est sûrement un des désirs les plus chers des diététistes de pouvoir justement disposer de moyens pour diffuser le plus possible les principes d'une alimentation saine et qui peut prévenir tous les maux dont vous parlez précisément. Evidemment, ce n'est pas l'objectif précis de notre présence ici aujourd'hui. Je veux bien faire la distinction — nous l'avons faite tout à l'heure — entre l'acte diététique, pour lequel nous réclamons l'exclusivité, et les activités diététiques, qui sont plus larges évidemment et qui incluraient bien sûr et probablement au premier rang ce travail d'éducation dont vous parlez.

Nous n'avons pas cru devoir demander l'exclusivité de cette action éducative auprès du public. On ne peut quand même pas, en démocratie, empêcher qui que ce soit d'essayer de diffuser ses idées, sa philosophie sur la façon de poser un acte aussi simple que celui de s'alimenter quotidiennement. Ce que nous demandons comme exclusivité, c'est l'acte qui constitue une intervention personnelle auprès d'une personne qui est dans une situation de besoin spécial. Mais je pense que si nous obtenions l'exclusivité de l'acte, peut-être que notre crédibilité auprès du public pourrait être considérablement accrue et, autour de ça nous voudrions bien pouvoir, justement — et nous sommes tout à fait résolus à le faire — contribuer à l'éducation du public et à l'alimentation saine des enfants en milieu scolaire, par exemple, et enfin on pourrait multiplier les types d'activités diététiques que nous sommes prêts, je pense, à exercer et que nous voulons exercer.

M. GUAY: Une dernière question. Comme à chaque problème il y a évidemment une cause et qu'une mauvaise diète serait la cause de l'hospitalisation n'y aurait-il pas lieu d'envisager immédiatement d'augmenter le nombre des diététistes avant même d'augmenter le nombre des médecins, qui agissent sur les conséquences et non sur les causes?

MME SEVIGNY: Vous voulez parler des inscriptions? Les statistiques sur les effectifs, nous pourrions vous en fournir.

MME ALMERAS: Présentement, 66 p.c. des diététistes travaillent en milieu hospitalier. Le reste de ce pourcentage est réparti de façon très minime dans l'administration des services alimentaires, dans l'enseignement, les universités, en recherches, en consultations privées. C'est évident que le nombre n'est pas suffisant. Est-ce que je pourrais revoir votre question exacte pour répondre plus précisément?

M. GUAY: En résumé, est-ce qu'il y a suffisamment de diététistes pour répondre aux besoins actuellement?

MME ALMERAS: Présentement, il y en a 692 inscrites à notre corporation, ce qui est divisé comme je viens de vous le dire. Il y a 260 étudiantes dans les milieux universitaires dans la province de Québec pour assurer la relève. Personnellement — je pense que mes compagnes seront d'accord avec moi — je crois qu'il y aurait d'immenses possibilités d'ouvrir des postes et de leur créer de la place. Je pense que le gouvernement doit nous aider à le faire, parce que, surtout dans les milieux hospitaliers, nous sommes toujours budgétisées par les normes de personnel et tout ça et, dans d'autres milieux, on ne voit pas encore assez clairement le besoin des diététistes.

M. GUAY: Est-ce que des diététistes ont l'occasion de faire une surveillance en ce qui concerne, par exemple, la transformation de certains aliments?

MME ALMERAS: Qu'entendez-vous exactement par transformation?

M. GUAY: Par exemple, d'un produit brut à un produit fini, avant la mise en marché. Est-ce qu'il y a des personnes qui observent les différents procédés de mise en marché ou de

transformation de l'état brut à l'état final de certains aliments?

MLLE SAINT-HILAIRE: II existe des lois-cadres à ce sujet-là, qui ne peuvent pas être transgressées sans sanction.

M. GUAY: D'accord.

MLLE SAINT-HILAIRE: Maintenant, au pays, à cause du régime démocratique dans lequel nous vivons, c'est le manufacturier qui est responsable de l'aliment. Il reste qu'apprécier la valeur en nutriments d'un aliment donné, qu'il ait été traité de telle ou telle façon, c'est justement un des rôles de la diététiste.

Actuellement, il y a des aliments qui n'ont pas de valeur nutritive, ce qu'on appelle les casse-crôute, les "snack foods". Là, c'est un travail d'éducation, parce que les individus ou les groupes d'individus ont le choix, sont libres. Il faut les éduquer à choisir et leur donner l'information. Notre rôle, c'est de leur donner l'information là-dessus et, évidemment, de leur faire comprendre que c'est toujours l'aspect des nutriments qui est important dans les aliments, quel que soit le type d'aliments. Ce n'est pas la méthode de culture, ce n'est pas la méthode de transformation, ce n'est pas le jardin dans lequel il a été cultivé qui est important, c'est sa valeur en nutriments.

Tous les aliments, au niveau des cellules, sont des substances chimiques; ils sont réduits à leur plus simple expression, à leur composition chimique. La membrane cellulaire, elle, ne fait pas la différence entre deux composés chimiques identiques, quels que soient la source ou le traitement. Ce qui est important, c'est éduquer le public à choisir.

M. GUAY: En fait, cela confirme le besoin d'éducation.

MLLE SAINT-HILAIRE: Oui, un instant.

MME SEVIGNY: Est-ce qu'on me permet de revenir sur la question précédente, au sujet des effectifs? On nous demandait s'il y avait suffisamment d'effectifs pour répondre aux besoins. Il arrive sur le marché du travail — c'est tout récent — une nouvelle catégorie de professionnels qui sont les techniciens en diététique, formés au niveau des CEGEP.

Ces techniciens, dans notre esprit, ne seront pas membres de notre corporation. Ils ne seront pas autorisés à poser l'acte diététique, mais ils peuvent certainement contribuer, de façon très utile, au bon déroulement des activités diététiques dans leur ensemble et libérer le diététiste qui a une formation universitaire plus poussée justement pour les tâches les plus importantes qui sont décrites par l'acte diététique tel que nous le définissons.

Il ne faut pas craindre outre mesure la trop grande faiblesse de nos effectifs. Elle n'est pas si grande, nous sommes quand même déjà assez nombreux, mais il y a cette possibilité de complémentarité qui peut aider énormément.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Si le législateur vous accorde l'exclusivité de l'acte diététique que vous demandez, est-ce que cela limitera —si oui, en quoi — le pouvoir de prescription que possède actuellement en ce domaine la profession médicale ou dentaire?

MME SEVIGNY: Dans notre esprit, ce pouvoir de prescription ne sera pas du tout limité. Au contraire, je pense l'avoir indiqué tout à l'heure, nous croyons que le traitement global reste la responsabilité du médecin. Alors, l'ensemble des prescriptions, que nécessite un cas particulier, relève de lui. S'il y a une prescription diététique qui est un des aspects de cette prescription, il en reste quand même le premier responsable. Mais nous pensons qu'il peut difficilement, dans la plupart des cas, la faire d'une façon pleinement satisfaisante sans consultation avec le diététiste.

M. LAURIN: Jusqu'à quel point certains spécialistes, tel l'obstétricien ou le pédiatre, font appel à la collaboration du diététiste dans leur pratique, non pas hospitalière, mais privée?

MLLE SAINT-HILAIRE: Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

M. LAURIN: Jusqu'à quel point certains spécialistes, tel l'obstétricien ou le pédiatre, en particulier, font appel à votre collaboration dans leur pratique, non pas hospitalière, mais privée?

MME SEVIGNY: II faut reconnaître qu'actuellement cette forme de collaboration n'est pas très répandue. Cela tient probablement au fait que très peu de diététistes, actuellement, travaillent et ont elles-mêmes leurs consultations privées. Nous souhaitons que cette forme de pratique diététique se développe, cette consultation privée, parce que, précisément, la population est de plus en plus consciente de l'importance de la nutrition. Beaucoup de gens sont probablement enclins à s'adresser directement à un spécialiste en alimentation. Ce serait heureux que des diététistes soient disponibles de cette façon en consultation privée. De par leur éthique professionnelle, elles ne prendront pas la responsabilité globale du traitement, comme je le disais tout à l'heure, et surtout pas du diagnostic. Elles référeront aux spécialistes qu'il conviendra de consulter. Alors, cette collaboration, dont vous parlez, pourra se développer.

M. LAURIN: Est-ce à cause du peu d'influence que vous avez jusqu'ici dans l'élaboration du curriculum des facultés de médecine que cette collaboration existe si peu?

MME SEVIGNY: Là encore, nous pouvons dire que les choses sont en progrès. Si vous me permettez, je parlerai pour l'université Laval que je connais davantage. Il existe, depuis quelques années, un programme universitaire de premier cycle en sciences de la santé avec des options dont l'une est la médecine ou la pharmacie, il y en a sept ou huit, et la diététique. Alors, nous travaillons, actuellement, conjointement dans l'élaboration des programmes d'enseignement commun à tous les professionnels de la santé pour ce qui est du premier cycle, ce qui va être un élément, en effet, de meilleure connaissance mutuelle et de collaboration dans l'avenir.

M. LAURIN: Jusqu'à quel point la présence de diététistes est-elle importante dans l'élaboration des régimes alimentaires qui existent dans les écoles du Québec où les enfants mangent le midi?

MME SEVIGNY: Je m'excuse. Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions. Je suis sûr que d'autres pourraient le faire. Mais nous sommes, non pas la corporation comme telle mais un groupe de diététistes, mandatées précisément par le ministère des Affaires sociales pour proposer des normes nutritives de services alimentaires en milieu scolaire que nous espérons voir s'appliquer dans toute la province dans un avenir assez rapproché. Parce que justement les enfants constituent un de ces groupes que nous appelons souvent vulnérables où la marge de sécurité entre une alimentation plus ou moins défectueuse et une alimentation vraiment suffisante est étroite. Alors, c'est une des tâches auxquelles nous nous sommes attaquées.

M. LAURIN: Est-ce que vous avez demandé au ministère des Affaires sociales d'être incluses parmi les services essentiels qui devront être établis dans les nouveaux centres locaux de services communautaires?

MME MONGEAU: Je crois qu'il n'y a pas eu de demande officielle jusqu'ici. Nous le ferons vraisemblablement.

Nous voyons là, d'ailleurs, une occasion, justement, de réaliser nos objectifs.

Vous parliez tantôt du fait que les diététistes n'ont pas tellement été utilisés par certaines catégories de spécialistes, tels les obstétriciens et les pédiatres. C'est d'abord, comme l'a répondu ma collègue, à cause du fait qu'il n'y avait pas beaucoup de diététistes disponibles pour ce genre de travail de consultation, pas plus qu'il n'y en a, d'ailleurs, pour continuer de suivre un malade qui suit un régime une fois qu'il est revenu à la maison. Il n'y en a pas, présentement.

Les centres de services de santé communautaires nous apparaissent justement comme la solution à ce problème de "follow-up". D'ailleurs, on a toujours déploré que l'efficacité, le rendement des diététistes était gravement compromis par le fait qu'il n'y avait pas de "follow-up". On fera vraisemblablement des représentations. Il s'est fait des contacts personnels. Des diététistes, présentement, travaillent dans ces milieux. Je pense qu'ils sont appelés à le faire de plus en plus.

M. LAURIN: Jusqu'à quel point a-t-on actuellement recours à vos services dans ce qu'on appelle les centres de la Goutte de lait et les cliniques d'hygiène maternelle, les cliniques prénatales d'hygiène maternelle?

MME MONGEAU: Je pense que Mme Hig-gins a mentionné que le Montreal Diet Dispensary collaborait depuis assez longtemps.

M. LAURIN: C'est un exemple, mais y en a-t-il d'autres?

MME MONGEAU: A ma connaissance, présentement, il y aurait les nutritionnistes à l'emploi du ministère des Affaires sociales qui, peut-être — je n'en suis pas certaine — travailleraient dans ce milieu, de même que celles qui sont dans les hôpitaux où il y a des cliniques externes.

M. LAURIN: Est-ce que madame peut répondre à cette question?

MME HIGGINS: The Montreal Diet Dispensary receives anybody in any condition, regardless of language or religion, but we also have a training program. We feel that, for all the people that we see face to face, there are thousands in need of our services, this type of professionnal services that only dietitians can give.

So, we have a post-graduate university course, a one year course for an internship in community services, so that these girls will be placed in these community centres. We have some now that are working there. We have a number now working in community work. We are training them to do this work. It is very important because we have a scientific method. This is called the Dietitians Act. You have seen, in the study that I gave, that the most disadvantaged people, can benefit from the scientific application.

So we have these methods, which we can take to Indians, to Esquimos, to any groups of any age groups, with the scientific procedure, which can be translated for any group, because of the need, for any age group or condition.

M. LAURIN: Is there an equivalent of your MDD in the French Canadian milieu?

MME HIGGINS: No, we do not think of ours being so separate. Most all ray staff is French. I am the only one who does not speak French. All my staff is French, all my interns are. I mean, I do not know my clients. I do not understand what you mean. What is the French milieu?

M. LAURIN: No. I wondered if your MDD was bilingual or if there was an equivalent in French.

MME HIGGINS: There is not any equivalent of this in Canada, nor in the States. We are ahead in Quebec on everything. This professionnal Act is historical. But it will not be as historical as it could be unless our particular Act is protected, because it will be a breakthrough in public health if we do not have this protection.

May I say one other thing? I had some students I lectured, this year, first year medical students at McGill, and I said that, in their two years, they get two hours in their whole course, at McGill, on nutrition, two hours, which one of my staff is giving. One of my staff was the one that was teaching it. And I said to them they did not have enough nutrition to know how dangerous they were, that I wanted them to take more, so they knew how damaging they could be.

M. LAURIN: Est-ce que votre corporation a demandé au Conseil de la protection du consommateur d'être représentée au sein de l'Office de la protection du consommateur?

M. LAGACE: Une telle demande n'a pas été faite. Mais, me permettriez-vous de revenir sur une question antérieure? Tantôt, vous demandiez si les diététistes avaient demandé à oeuvrer dans les centres communautaires. Cette demande a été faite à l'occasion du bill 65. Un mémoire avait été présenté ici même, et c'était un des chapitres qui avaient été développés devant le comité qui siégeait à cette époque-là.

M. LAURIN: Est-ce que vous avez demandé aussi d'être représentés à l'Office de protection du consommateur? En voyez-vous l'utilité?

M. LAGACE: J'y vois, moi, une utilité énorme. Il y a eu des rencontres, un comité de la Corporation des diététistes avait rencontré le ministre de l'époque, qui est maintenant ministre des Institutions financières, et je pense que ça avait été renvoyé à un autre comité, à un autre ministère et finalement il n'y a pas eu de suite.

M. LAURIN: Est-ce que votre enseignement a bénéficié de recherches ou activités de conseillers en alimentation ou de naturopathes sur la valeur des aliments? Est-ce que vous vous en inspirez dans votre enseignement? Est-ce que vous intégrez ces connaissances?

MME MONGEAU: A ce que je sache, il n'y a pas de rapport officiel de recherche sur la nutrition émanant de ces groupes.

M. LAURIN: Est-ce que vous êtes satisfaits du travail de protection effectué par le Food and Drug Administration, de votre point de vue diététique? Ou voyez-vous des réformes possibles à effectuer à quelque niveau de gouvernement que ce soit dans ce domaine?

MLLE SAINT-HILAIRE: II reste que la Loi sur les aliments et drogues est une loi générale, une loi-cadre qui, dans certains cas, est négative, c'est-à-dire qu'elle défend des aliments; dans d'autres cas, elle est affirmative, c'est-à-dire qu'elle permet certains aliments, elle exclut certaines substances à l'exclusion de toute autre.

Les règlements ne sont jamais définitifs. Ils sont constamment révisés. Si vous êtes abonné aux modifications à la loi et aux règlements, vous voyez que vous en recevez continuellement. C'est selon les besoins des consommateurs — d'abord le développement de l'industrie — et les demandes des consommateurs aussi.

Ce n'est pas une loi qui oblige non plus nécessairement, dans le sens, par exemple, où vous parlez strictement d'enrichissement des aliments. La loi n'oblige pas, elle permet, sauf pour un nutriment qui est l'iode.

Donc, on ne peut pas dire que la loi est complète, elle ne l'est jamais. Elle ne peut jamais nous satisfaire entièrement. Et je pense que justement nous avons un rôle à jouer en faisant des suggestions. Nous avons peut-être été un peu trop passifs en tant que consommateurs et en tant que diététistes dans ce domaine. Les suggestions sont toujours reçues.

Il faut tout de même aussi, en faisant une loi aussi complexe que celle-là, tenir compte d'un tas d'éléments technologiques dont on n'est pas nécessairement en possession. Il ne faut pas oublier que l'industrie produit pour des masses, elle ne produit pas seulement pour un individu.

Il faut tenir compte de différents facteurs. Dans le domaine de la nutrition, je pense qu'elle peut être modifiée et certainement améliorée constamment. De toute façon, si en recherche nutritionnelle on voit actuellement qu'il se produit certains développements dans le cas de certains nutriments dont on ne parlait pas beaucoup il y a cinq ans ou dix ans, comme la vitamine E, quand la recherche sera suffisamment développée, on demandera qu'il soit fait des règlements dans ce sens-là, et ils en feront eux-mêmes, ils ont d'ailleurs des bureaux consultatifs qui sont là pour ça.

Deuxièmement, dans le cas de toxicité, c'est un autre problème très grave qui est à l'étude constamment. Il arrive qu'on fait des règle-

merits, qu'on les modifie, qu'on en raie d'autres dans ce domaine. Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui on fait des études de toxicité qui, en raffinement, dépassent tout ce qu'on faisait, par exemple, il y a cinq ans ou dix ans.

Il y a dix ans on ne parlait pas tellement d'embryotoxicité ni d'effets tératogènes de substances. Aujourd'hui on en parle et on a des méthodes et de l'équipement pour étudier ces effets. On ne les avait pas autrefois. Donc, il faut faire des règlements en conséquence. C'est la même chose dans le domaine des aliments, à mesure que les techniques se raffinent, les méthodes de recherche aussi, on découvre de nouvelles choses et on fait des règlements en conséquence. On ne peut pas faire des règlements pour établir des limites de tolérance à tant de parties par millions si les instruments pour faire la mesure n'indiquent pas cette quantité infime. Cela ne sert à rien.

M. LAURIN: Dernière question, selon vous, est-ce qu'il appartient à la corporation que vous représentez, avec les nouveaux pouvoirs que vous demandez, de déterminer le rôle précis des futurs techniciens en diététique d'une part? En deuxièmement, d'établir les modes de collaboration entre les diététistes et les futurs techniciens en diététique de façon à éviter les conflits qu'on a vu dans d'autres professions et peut-être d'éviter les demandes de corporations professionnelles de futurs techniciens en diététique.

MLLE SAINT-HILAIRE: C'est entendu que c'est un problème que nous étudions actuellement. Je pense que je vais laisser celles qui sont dans l'enseignement et dans l'élaboration de programmes discuter de cet aspect.

MME SE VIGNY : II y a déjà eu, il y a encore actuellement une collaboration dans l'établissement des programmes de formation. Ce n'est pas tout à fait l'objet de votre question, mais je tiens à l'affirmer. Il existe des diététistes et des professeurs d'universités qui ont collaboré et qui continuent de collaborer à l'établissement des programmes d'enseignement. Pour ce qui est du contrôle d'un groupe professionnel par un autre, je pense que ce n'est pas à moi de vous dire que c'est un problème très délicat. Est-ce que vraiment on peut imposer une tutelle complète à un groupe professionnel de la part d'un autre? Je pose la question, je ne donne pas de réponse.

M. LAURIN: Moi, je vous pose la question, Est-ce qu'il vaut mieux prévenir que guérir? Un des rôles que vous demandez, c'est de prévenir. Il y a toutes sortes de préventions.

MME SEVIGNY: Oui. Nous ne prétendons pas prévenir tous les maux de la société, quand même.

M. LAURIN: Etant donné qu'ils n'existent pas encore, c'est peut-être le bon moment de déterminer les cadres, les règles, et de les soumettre pour approbation soit au ministère de l'Education ou au ministère des Affaires sociales.

MME SEVIGNY: C'est une question qui mérite sûrement une étude sérieuse. Ce à quoi nous tenons beaucoup, c'est qu'il y ait une collaboration très positive et non pas une lutte entre les deux groupes. Avec l'aide de nos conseillers juridiques, nous pourrons voir quelles sont les implications très précises sur le plan juridique et celui du respect des droits. Nous ferons sûrement un effort en ce sens.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions? M. le député de Dorchester voudrait faire une petite mise au point. La discussion est bien intéressante mais cela fait déjà 1 h 15 qu'elle dure. On a encore cinq mémoires à entendre avant le lunch. On demanderait donc la collaboration de tous les députés pour ne pas prolonger indûment le débat.

M. GUAY: Si la question de nutrition n'est pas importante, je me demande s'il y a réellement des questions importantes.

M. LE PRESIDENT: C'est la pertinence de la question.

M. GUAY: C'est une question à laquelle on peut probablement répondre par un oui ou par un non. Etant donné qu'en milieu rural toutes les écoles ne sont pas munies d'une cafétéria, pour un étudiant par exemple qui devrait prendre, pendant cinq ou dix ans, des repas froids à l'école, est-ce que des complications peuvent survenir à la suite de ce fait?

MLLE SAINT-HILAIRE: Je crois que l'étudiant n'aura pas à manger pendant cinq ou dix ans des repas froids pour la simple raison qu'on est en train d'équiper toutes les écoles d'une cafétéria. Je pense que c'est un programme en cours. Je ne pense donc pas qu'aucun étudiant soit obligé de manger froid pendant cinq ou dix ans.

M. GUAY: II y en a déjà qui le font depuis quatre ou cinq ans.

MLLE SAINT-HILAIRE: Ils l'ont fait, oui, d'accord. On ne peut plus rien y faire, c'est fait.

M. GUAY: Ce que je tiens à savoir...

MLLE SAINT-HILAIRE: Ce n'est pas un mode d'alimentation idéal, manger froid, c'est entendu. Mais c'est un mode d'alimentation qui n'exclut quand même pas une bonne nutrition, selon le choix des aliments.

M. FORTIER: Alors, au nom de M. Caston-guay, je vous remercie de vos explications.

MLLE SAINT-HILAIRE: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. SAINT-GERMAIN: Je ne veux pas prolonger la discussion mais est-ce que vous avez des études ou observations qui vous permettraient de dire si la cause profonde, principale des familles qui sont sous-alimentées ou mal nourries dans le Québec est l'ignorance d'une diète bien équilibrée ou une question de revenu familial?

MLLE SAINT-HILAIRE: Je pense que ce sont des facteurs conjugués. Je veux dire que le fait d'être pauvre n'exclut pas qu'on puisse être informé et le fait d'être informé n'exclut pas l'idée qu'on puisse mal se nourrir, parce que le choix est toujours là. C'est entendu que la pauvreté, le manque de moyens et le manque de renseignements produisent ces résultats. Qu'ils soient isolés l'un de l'autre ou qu'ils soient conjugués, c'est sûr que cela va produire un effet. Maintenant, on n'a pas d'étude épidémiologique sur le sujet, ni économique. Cela ne s'est pas fait dans le Québec, ni au Canada d'ailleurs.

Les études nutritionnelles que nous avons sont plutôt fragmentaires, c'est-à-dire qu'elles s'adressaient à de petits groupes d'individus. Maintenant, vous savez qu'une grande enquête nutritionnelle s'est déroulée; elle s'achève actuellement au Canada. Elle s'appelle Nutrition-Canada et va sûrement nous apporter des lumières dans ce domaine, très bientôt, je l'espère.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous croyez que l'éducation qu'on donne dans les écoles relativement à la nutrition est suffisante pour permettre à un futur citoyen d'être capable de décider, au moins d'une façon primaire, ce qui peut être une nourriture de bonne qualité et une nourriture de qualité inférieure?

MLLE SAINT-HILAIRE: Bien, je pense qu'actuellement l'éducation qui se donne en matière de nutrition dans les écoles varie de zéro à, disons, l'infini.

MME MARIEN: Là-dessus, je pourrais ajouter que l'Université de Montréal vient d'inscrire ses candidates au baccalauréat en jardinière d'enfants à un cours de 26 heures en nutrition qu'on serait obligé de donner à ces personnes de manière qu'elles puissent inculquer, dès l'âge de la maternelle, des rudiments de nutrition à ces enfants. Alors, je trouve que c'est déjà un pas extraordinaire de fait en ce sens, parce que c'est l'âge de l'acquisition, l'âge préscolaire.

MLLE SAINT-HILAIRE: Je ne pense pas que ça existe systématiquement au niveau des programmes. Cela n'existe pas.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce une lacune de grande importance?

MLLE SAINT-HILAIRE: Je ne crois pas que ce soit une lacune parce que l'enseignement de la nutrition peut s'adapter à tous les niveaux dans le système scolaire. Cela n'a pas besoin d'être un cours intensif, ça n'a pas besoin d'être des cours magistraux, non plus, ni théoriques. Cela peut se faire de toutes sortes de façons avec les méthodes audio-visuelles dont on dispose actuellement, en utilisant ce qu'il y a sur place, simplement la caféréria quand il y en a une.

M. SAINT-GERMAIN: Trouvez-vous que toutes les annonces que l'on écoute à la radio ou qu'on voit à la télévision qui vantent quelquefois des produits de qualité inférieure au point de vue nutritif, peuvent nuire à la population dans le bon choix de la nourriture qui doit être absorbée?

MLLE SAINT-HILAIRE: Cela dépend justement de la formation de la personne qui l'écoute. La publicité, c'est la publicité, et c'est encore une des conséquences de notre régime démocratique. C'est la formation des personnes qui décide de tout justement, le jugement et la formation. Si on vivait en régime totalitaire, on pourrait intervenir d'une façon directe dans la publicité, mais ce n'est pas possible.

M. SAINT-GERMAIN: Mais croyez-vous que les annonces telles qu'elles existent actuellement sont honnêtes relativement à la qualité de la nourriture qui est annoncée?

MLLE SAINT-HILAIRE: C'est un jugement que vous me demandez de porter.

M. SAINT-GERMAIN: Non, scientifiquement parlant.

MLLE SAINT-HILAIRE: Ah, scientifiquement parlant, il n'y a rien de scientifique dans les annonces. Ce sont des moyens de convaincre, tout simplement.

M. SAINT-GERMAIN: On peut vous annoncer, par exemple, une céréale, on peut vous annoncer un certain produit et laisser entendre que c'est une nourriture de qualité pour les enfants.

MLLE SAINT-HILAIRE: Si on parle d'une céréale enrichie elle contient des protéines, elle contient du fer, elle contient des vitamines du type B, d'accord; ces nutriments-là y sont. On ne peut pas les empêcher de dire qu'ils y sont. Deuxièmement, je pense que ce qu'ils peuvent dire au sujet des vitamines, c'est que ça contribue au maintien de la santé. C'est à peu près tout ce qu'ils ont le droit de dire. Ils peuvent peut-être dire que ça vous rend beau — là encore, ça dépend — ou que ça va vous rendre fort; ce sont des termes tellement généraux qu'on ne peut pas les empêcher de le dire.

M. SAINT-GERMAIN: Merci.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, Mlle Saint-Hilaire, ainsi que toutes vos compagnes et votre conseiller juridique d'avoir bien voulu répondre à toutes les questions pendant un bon moment. Merci aussi à tous les membres de votre corporation.

MLLE SAINT-HILAIRE: Je vous remercie, M. le Président, de nous avoir accordé tout ce temps-là, et je remercie aussi nos collègues de la Corporation des diététistes de nous avoir accompagnés ici cet après-midi, celles qui sont présentes ou ailleurs.

M. LE PRESIDENT: Merci. Nous entendrons maintenant la Corporation des conseillers sociaux du Québec.

Avant de donner la parole à la Corporation des conseillers sociaux du Québec, je voudrais rappeler ce que j'ai dit ce matin au début des audiences de la commission. J'ai demandé la collaboration des corporations. Je pense que nous l'avons eue à venir jusqu'à présent. Je voudrais aussi que chaque membre de la commission tienne compte du délai ou du temps que nous accordons, c'est-à-dire les vingt minutes qui sont accordés pour l'exposé et la période de 40 minutes que nous accordons aussi pour les questions, afin d'éclaircir certains sujets.

Je demande encore une fois la collaboration de tous les membres de la commission à ce sujet. Alors, la Corporation des conseillers sociaux du Québec, si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.

Corporation des conseillers sociaux du Québec

M. DODIER: M. le Président, MM. les membres de la commission, j'aimerais vous présenter les personnes qui sont devant vous. En commençant par mon extrême gauche, M. Réal Maltais, membre de l'exécutif de la corporation; Mlle Christiane Dion, Mlle Simone Côté. Les autres font partie aussi des membres de l'exécutif ou du comité du mémoire. Toujours à ma gauche, M. Jean-Guy Courcelles, responsable régional du ministère des Affaires sociales au niveau de la Loi de l'aide sociale dans la région de Laval et Me Jacques Villeneuve, notre conseiller juridique. A mon extrême droite, M. André Hamel relationniste à l'Université de Sherbrooke; M. Roger Painchaud, directeur de la filiale du comté de Charlevoix du service social et familial du Québec; Mlle Noëlla Goyet, ex-présidente et directrice intérimaire du Conseil de développement social de la région La Nau-dière et enfin moi-même, Reynald Dodier, président de la corporation et directeur du centre local de services communautaires à Asbestos.

Connaissant toute l'importance que revêt notre présente démarche devant cette commis- sion parlementaire, je ne peux passer sous silence la présence de tout le conseil d'administration de la corporation, les cinq exécutifs de nos cinq chapitres au niveau de la province, Montréal, Estrie, Mauricie, Nord-Ouest québécois et l'Est du Québec et enfin, une très imposante délégation de membres de la corporation. Je ne peux passer non plus sous silence un groupe imposant de personnes en formation actuellement au niveau d'une institution collégiale qui ont insisté pour venir à la commission parlementaire cet après-midi et qu'on retrouve dans la galerie de cette salle.

Notre corporation a été incorporée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies le 28 janvier 1964. Le 20 juin 1968, elle changeait de nom pour devenir la Corporation des conseillers sociaux du Québec qui groupe aujourd'hui 742 membres sur une possibilité d'environ 1,200. Selon une dernière publication de la Fédération des services sociaux à la famille, en juin 1972, ces 1,200 personnes représentent 65 p.c. des praticiens oeuvrant dans les agences de service social. La corporation n'ayant pas été incluse dans le bill 250, les objectifs louables que poursuit le code des professions motive notre présente démarche.

J'inviterais Mlle Noëlla Goyet à présenter à la commission parlementaire un résumé du contenu de notre mémoire.

MLLE GOYET: M. le Président, MM. les membres de la commission, nous demandons notre intégration pour deux raisons bien précises. D'abord, il est de première importance d'une corporation professionnelle contrôle les actes des conseillers sociaux.

Actuellement, la CCSQ a assumé des responsabilités face aux actes professionnels de ce groupe, et ce dans une perspective qui rejoint les objectifs du bill 250, à savoir protéger et défendre l'intérêt du public et surveiller par un code de déontologie l'exercice de la profession.

Deuxième raison, la CCSQ possède tous les facteurs qui déterminent, selon les exigences du bill 250, si une corporation peut être constituée. D'autres corporations ayant une formation du même niveau que la nôtre sont déjà incluses dans le bill. J'ouvre ici une parenthèse pour souligner le fait qu'au niveau du bill 250 on a déjà reconnu l'importance de protéger le public au niveau des actes posés en service social, en intégrant la Corporation des travailleurs sociaux professionnels du Québec, praticiens qui oeuvrent dans le même champ de pratique que le nôtre.

Pour démontrer le premier énoncé, à savoir qu'il est important que notre corporation contrôle les actes des conseillers sociaux et que déjà elle a assumé des responsabilités, je vous fais une brève description de l'évolution de notre corporation et de ses principales réalisations.

Au début, il faut apporter une précision parce que notre groupe est né d'abord pour répondre au besoin des membres de se regrou-

per, de se retrouver comme groupe de professionnels. Mais, rapidement, nous avons évolué vers des intérêts d'ordre professionnel et l'avènement des syndicats, la syndicalisation dans les agences, a marqué un point tournant pour notre corporation pour que vraiment nous nous orientions vers les intérêts et les préoccupations au niveau de la qualité professionnelle de ses membres. A l'appui, vous avez dans le mémoire les thèmes de congrès qui démontrent les préoccupations qui ont animé notre groupe et aussi nos réalisations.

L'action actuelle de la CCSQ.

Je dégage seulement les grandes lignes au niveau de l'action continue que nous poursuivons et non pas les actions sporadiques qu'on a pu faire. D'abord, au niveau de l'admission des membres, notre comité permanent exerce un contrôle adéquat pour l'admission des membres. Au niveau de la formation professionnelle, nos actions dans ce domaine ont toujours visé à assurer la qualité de la formation professionnelle, ainsi que le perfectionnement professionnel par un enseignement qui correspond le plus possible aux exigences de notre travail afin d'assurer ainsi la qualité des actes posés par nos membres. Au niveau de l'information à nos membres, nous avons maintenu un bulletin et des communications diverses au cours de chacune des années. Il y a eu aussi différentes études et recherches sur des questions relatives à notre champ de pratique.

Réalisations pour assumer la responsabilité face aux actes posés par nos membres. Il y a eu, d'abord, la recherche sur l'aide social diplômé et une recherche qui a tenté de cerner les différents champs d'activité de notre groupe. Il y a eu le code d'éthique professionnelle pour contrôler l'exercice de la profession. Il y a l'admission des candidats qui se fait de façon adéquate. A ce jour, nous avons 82 refus. Il y a ce que je vous mentionnais tantôt, au niveau de la formation professionnelle.

En juin 1972, la Fédération des services sociaux à la famille publiait la liste de ses effectifs: 65 p.c. des praticiens en service social se classent au niveau des conseillers sociaux. De ce nombre, 55 p.c. sont actuellement membre de la CCSQ. Nos adhésions étant volontaires expliquent le 55 p.c. Les objectifs du bill 250 visant avant tout la protection et l'intérêt du public, nous croyons qu'il est primordial que ce groupe de praticiens soit assujetti au code des professions afin d'assurer des mécanismes de vérification de la qualité de leurs actions professionnelles. Notre corporation répond aux exigences du bill 250.

Regardons brièvement les facteurs déterminant si une corporation doit être constituée et comment notre corporation s'y situe. Les connaissances requises. Nous avons une formation de niveau collégial, tout comme les infirmières, les techniciens en radiologie, les techniciens en diététique et autres. Le degré d'autonomie. Les activités professionnelles des conseillers sociaux s'exercent le plus souvent à l'intérieur des cadres d'un organisme, mais il est responsable de ses actes auprès du client et doit en répondre à tous les niveaux, comme l'infirmière, le technicien en radiologie ou autres. Le caractère professionnel des rapports entre le conseiller social et la clientèle. La nature même du travail en service social exige ce caractère personnel en raison de la relation de confiance qui est la base de toutes nos interventions.

La gravité du préjudice.

Les clients en service social, enfants comme adultes, face à une situation problématique sont souvent démunis et ne doivent pas être à la merci de l'ignorance ou de l'irresponsabilité d'un conseiller social.

Il est évident que la situation elle-même puisse se prêter à des abus de la part d'un praticien sans compétence et sans conscience professionnelle. Le caractère confidentiel des renseignements est la base même de la relation de confiance pour que le client accepte de confier ses problèmes.

Il est évident que notre corporation se situe au niveau de ces exigences. La CCSQ, avec les moyens qu'elle s'est donnés à ce jour, a déjà assumé une responsabilité face aux actes professionnels posés par ses membres. Elle a aussi reconnu, par ses actions, la nécessité de protéger le public. L'intégration au bill 250 lui permettra d'assumer pleinement ses responsabilités à ce niveau.

En raison des responsabilités sociales importantes assumées par les conseillers sociaux au niveau de l'intervention auprès d'individus ou de groupes, nous demandons l'intégration au bill 250 afin d'assurer la qualité professionnelle des actes qu'ils posent, de l'améliorer et de la contrôler. Ceci termine notre représentation, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Monsieur le représentant du ministre.

M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je remercie la Corporation des conseillers sociaux du Québec d'avoir présenté ce mémoire. J'aurais deux questions à vous poser. Est-ce que vous voulez être une corporation à titre d'exercice exlcusif ou à titre réservé?

MLLE GOYET: Une corporation à titre réservé.

M. FORTIER: Deuxièmement, est-ce que vous pourriez me dire la différence entre un conseiller social et un travailleur social?

M. COURCELLES: La situation, pour nous, à ce niveau-là est surtout la suivante: nous sommes face à une situation de fait où, finalement, nous partageons avec d'autres professionnels un même champ de pratique, sans qu'il y ait véritablement une différenciation claire et précise au niveau des actes professionnels. C'est

un problème. Il y a peut-être une façon d'expliquer ça. c'est de s'en référer à des choses qu'on observe souvent.

A titre d'exemple, il y a le recrutement de nouveaux praticiens en service social. Après avoir décrit la fonction et exactement ce que nous entendons faire à l'intérieur de ce poste, nous indiquons les exigences de la manière suivante. Nous voulons recruter quelqu'un qui a d'abord une formation universitaire, mais nous sommes aussi prêts à accueillir la candidature d'un conseiller social diplômé, moyennant, de temps en temps, certaines années d'expérience pertinentes.

Pour nous, la situation est vraiment de partager un même champ d'activité, un même champ de pratique. Pour les personnes intéressées — je sais que les travailleurs sociaux sont présents actuellement — c'est un problème qui est actuellement entier. Les tentatives pour faire un peu de lumière sur ce problème, ne serait-ce que de clarifier, ne serait-ce que d'arriver à trouver certaines lignes de démarcation entre ce que pourraient être les actes professionnels des uns et des autres, ont été des approches très timides. Il n'y a vraiment rien de précis de fait de ce côté-là.

Quant à nous, nous avons toujours tenu pour acquis que ce n'est pas possible, pour nous, de trancher seuls cette question. Cela nous paraît absolument essentiel que cette clarification, qui est, de fait, nécessaire, se fasse avec tous les intéressés.

L'initiative la plus récente dans ce domaine-là vient par le biais du ministère de l'Education.

C'est encore à partir de recommandations et de suggestions faites par notre corporation où depuis quelque temps on a réussi à réunir autour d'une même table à peu près tous les corps ou tous les secteurs intéressés par cette situation, par ce problème. On réunit, d'une part, les conseillers sociaux, les travailleurs sociaux, des représentants de certains employeurs et, particulièrement au niveau de la Fédération des services sociaux à la famille. Les responsables de la formation professionnelle tant au niveau des CEGEP que des principales universités du Québec sont également là. Autour de cette question, il y a à peine actuellement une amorce vraiment globale. On n'est vraiment pas rendu plus loin. Je pense que ça aussi est clair.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'ai entendu les applaudissements tantôt quand le député de Gaspé-Sud a posé sa question. Si les applaudissements sont donnés par les TSP, cela a une signification; s'ils sont donnés par les. conseillers, cela a une autre signification. Mais disons que je tiens pour acquis que les deux groupes ont applaudi, que les deux groupes étaient intéressés à avoir la réponse. Cela m'amène à vous poser ma première question: Evidemment, j'admets que les deux groupes pratiquent dans le vaste champ du secteur social. Dans ce champ, il y a des établissements. Les services qui sont donnés sont identifiés à des catégories de personnes. Ils sont identifiés aussi à des établissements.

Alors, je prends un cas concret. Je vais prendre le cas de l'agence sociale. L'agence sociale se spécialise. Il y a des agences spécialisées. Il y a des agences qui ont une vocation plus large. Dans les agences spécialisées, vous en avez qui s'occupent des problèmes familiaux. Il y en a qui s'occupent du placement. Il y en a qui s'occupent du retour à la vie normale. Même une agence peut s'occuper de différents secteurs.

Alors, je prends un type d'agence qui va s'occuper, supposons, de l'adoption de l'enfance. Alors, voulez-vous me décrire le rôle du conseiller social qui travaille dans cette agence par rapport au travailleur social? Si vous avez un meilleur exemple que celui-là, prenez-le dans un autre secteur. Je l'ai pris au hasard.

MLLE GOYET: J'ai personnellement travaillé au service de l'adoption. Je peux vous dire qu'en termes de travail face à des demandes d'adoption qui sont reçues dans une agence, il n'y a aucune différence entre le travailleur social et le conseiller social. De sorte que lorsqu'une demande d'adoption est confiée au conseiller social, il procède à l'évaluation de la demande. Il va confier l'enfant lui-même. Il décide s'ils acceptent l'enfant ou pas. Il a toutes les responsabilités, face à cette demande, de répondre le plus adéquatement possible, au même titre que le travailleur social.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les deux rôles vont se limiter au même endroit ou si un professionnel, par rapport à l'autre, jugera à propos d'aller plus loin dans son travail?

MLLE GOYET: En adoption, je vois difficilement qu'on puisse aller plus loin...

M. CLOUTIER (Montmagny): En adoption, non. Bon.

MLLE GOYET: ... que de faire le placement de l'enfant et ensuite de confirmer par l'adoption légale, de faire un rapport d'adoption à la cour, jusqu'à ce que la cour prononce son jugement.

Alors, on prend le cas dès le début et on va jusqu'à la fin. On va jusqu'à la cour.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, prenons un autre secteur avec lequel tout le monde est assez familier. Prenons celui de l'aide sociale. Vous avez des gens qui demandent à bénéficier de la loi 26. Mais pour différentes raisons, pour certains, c'est le chômage, pour d'autres, ce sont des problèmes familiaux, ou la

séparation. Enfin, il y a toute une série de raisons, comme la maladie. Dans ces bureaux, il y a des travailleurs sociaux professionnels et il y a aussi des conseillers sociaux. Alors, à partir de cet exemple, pouvez-vous nous donner une autre précision?

M. COURCELLES: La situation, à l'aide sociale, est un peu différente de celle que vous décrivez, c'est-à-dire qu'il n'y a à peu près pas de travailleurs sociaux. H n'y en a pas du tout au niveau de l'intervention des cas à cas. Il commence à y avoir, et c'est quand même un phénomène encore récent, de plus en plus de conseillers sociaux à ce niveau.

Ce n'est pas, actuellement, un secteur de travail préférentiel pour les conseillers sociaux. C'est un très petit nombre de conseillers sociaux qui se trouvent au niveau des services de l'aide sociale.

Ce qu'il serait peut-être intéressant d'indiquer à ce niveau, c'est ce qui se passe à l'intérieur du ministère des Affaires sociales ou dans le plan de carrière même des agents d'aide sociale au niveau des critères d'admissibilité, au recrutement de ces agents, etc. On en vient, actuellement, à indiquer comme question préférentielle le recrutement de personnes qui ont une formation en assistance sociale. Parallèlement à cela, à l'intérieur même du ministère, à l'aide d'un comité d'orientation, où on est en train de repenser les fonctions spécifiques des agents d'aide sociale, qui sont, actuellement, assez floues et qui tournent autour de l'admissibilité à l'aide sociale comme telle. Mais, de plus en plus, on se dit: Est-ce que les tâches qui sont à être assumées là se limitent à déterminer si oui ou non, tu as droit à l'aide sociale pour un tel montant? Si on dépasse la simple admissibilité à l'aide sociale, on en vient sur un terrain d'interventions au niveau de certains autres types de problèmes qui, évidemment, très souvent et la plupart du temps, se relient à celui de l'aide sociale. Cette orientation qui est donnée, actuellement, au niveau de l'aide sociale, c'est clair, dans l'esprit de ceux, en tout cas, qui travaillent dans une orientation, que c'est un développement, à l'intérieur de la fonction d'agent d'aide sociale, qui devra être réservé à des gens qui ont la formation pour assumer ces nouvelles tâches d'agent d'aide sociale.

Concernant l'adoption, voici peut-être deux renseignements qui s'ajouteraient à ce qui a été dit tantôt. Ce sont des résultats d'une étude qui a été faite et dont le rapport a été publié en 1968, où on trouvait 13 p.c. des membres de la corporation des conseillers sociaux à l'intérieur des services d'adoption, et à l'aide d'un questionnaire qui avait été orienté à la fois auprès des conseillers sociaux, des travailleurs sociaux et des employeurs. Quand on pense aux employeurs, chez nous, on pense surtout aux employeurs travailleurs sociaux aussi. Au niveau des réponses à ce questionnaire, on s'est aperçu que unanimement, les trois étaient d'accord à reconnaître les habilités du conseiller social pour oeuvrer au niveau de ces services d'adoption.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez mentionné un pourcentage, soit 13 p.c. qui travaillent dans le secteur de l'adoption. Avez-vous d'autres statistiques pour la majorité de vos effectifs, à savoir dans quel milieu ils oeuvrent?

M. COURCELLES: Je vous rappelle que ce sont des chiffres déjà publiés en 1968.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous n'avez pas de statistique plus récentes. Parce que les CEGEP en ont formé et en forment beaucoup. Il serait intéressant de savoir le secteur dans lequel ils se dirigent maintenant.

M. COURCELLES: Mais on n'a pas l'impression, au niveau des proportions, que cela ait tellement changé ou que cela ait tellement été modifié. Mais on peut assez facilement dire que 75 p.c. de nos membres se retrouvent dans des agences de service social.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelles sont vos relations avec la Corporation des travailleurs sociaux professionnels? Qu'indique le baromètre? Est-ce comme le temps? Y a-t-il des journées meilleures que d'autres? Parce que vous êtes en contact, dans tous les secteurs où vous oeuvrez, avec des travailleurs sociaux professionnels. Alors comment cela va-t-il? Sur le plan individuel, vous n'avez pas besoin de répondre à ma question, je sais qu'il n'y a pas de problème. Mais sur le plan collectif?

M. PAINCHAUD: Sur le plan collectif, il y a eu dans le passé et à venir jusqu'à cette année, certaines tentatives de rencontres, certaines tentatives de discussions, pour essayer d'aborder les questions, justement, de partage de responsabilités, dans le champ du travail. Ces rencontres n'ont pas abouti à des discussions qui ont fait progresser.

Quand on parle du baromètre, on pourrait peut-être dire qu'il est au centre ou qu'il est en bas, on ne le sait pas. Il n'y a pas de communications, en tout cas, qui nous permettent de dire si le baromètre est bon.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, avez-vous autre chose à ajouter?

M. DODIER: Nous pourrions peut-être apporter la précision suivante. Au niveau des individus, on pourrait dire que la relation est excellente, mais, quand on est au niveau des groupes, elle devient un peu plus tendue en raison des problèmes qu'on exposait tout à l'heure quand au partage et à la définition des tâches à accomplir dans le même champ de pratique.

M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que votre profession est relativement jeune par rapport à d'autres professions comme la médecine ou le droit, étant donné également que les CEGEP maintenant en forment en assez grande quantité... Je ne sais pas le nombre...

M. DODIER: Je peux vous préciser tout de suite le nombre. Au niveau de la formation dans les trois années du cours, il y a 1,200 élèves, pour amener une production de 400 qui entrent sur le marché du travail annuellement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une fois que ces diplômés sont entrés sur le marché du travail, est-ce que, dans plusieurs cas, ils constatent qu'ils doivent continuer des études pour atteindre le niveau universitaire, étant donné qu'ils ont pris conscience de la dimension de certains problèmes dans le domaine social?

Est-ce qu'ils sentent le besoin d'aller à l'université, de continuer pour avoir le degré universitaire de TSP ou si, de façon générale, vous êtes satisfaits de la formation que vous avez pour les tâches de plus en plus complexes que vous êtes appelés à assumer dans le secteur social?

M. HAMEL: Même en étant très jeunes, je pense que nous avons senti le besoin de pousser davantage notre formation. Ce qui fait que nous avons accepté presque d'emblée de faire un certain recyclage au niveau du CEGEP ou du collège.

Cette année, depuis septembre, l'Université de Sherbrooke, toujours à l'avant-garde, a mis au point un programme de perfectionnement qui éventuellement donnera une formation de niveau universitaire à tous ceux qui travaillent actuellement en service social et qui sont des conseillers sociaux. Cela se donne dans le cadre de l'éducation permanente, ce qui fait que, depuis presque le début, nous sommes constamment en évolution dans tout le sens du mot.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les méthodes de formation chez vous sont les mêmes que celles employés au niveau universitaire? Si je ne m'abuse, au niveau universitaire, les travailleurs sociaux professionnels font un stage pratique — du moins à Sherbrooke — à travers leurs études. Je pense que c'est trois mois de théorie, trois mois dans le champ pratique, etc. Est-ce le même cas pour votre formation?

M. PAINCHAUD: C'est la même chose.

M. CLOUTIER (Montmagny): On vous envoie dans un milieu de votre choix ou si on vous désigne l'endroit de votre travail?

M. DODIER: De préférence, dans un milieu où l'élève a choisi d'aller oeuvrer. Etant donné le grand nombre d'étudiants, au niveau de la formation, et le peu de disponibilité des lieux de stage, parfois des étudiants sont obligés d'aller dans des milieux autres que ceux qu'ils auraient choisis. Quand même, ils vont faire sur le terrain l'expérience pratique de ce qu'ils ont appris en théorie.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez pris connaissance de l'article 21 de la loi qui donne les critères pour la formation d'une corporation professionnelle. Vous demandez d'être reconnus à titre réservé. Est-ce que tous ces critères, vous êtes assurés qu'ils s'appliqueraient à votre groupe professionnel. Quant au secret professionnel, quant aux dommages au public, à la protection du public, etc?

MLLE GOYET: Nous sommes vraiment assurés que tous ces points s'appliquent à notre groupe professionnel. D'ailleurs, notre code d'éthique professionnelle, que nous avons depuis 1970, avait déjà prévu la question de la confidentialité, par exemple, la question du préjudice, les différents points qui sont touchés au niveau des exigences du bill 250 pour déterminer si une corporation, oui ou non, peut être constituée au niveau du code des professions.

Le degré d'autonomie? Vous retrouvez au niveau du code d'éthique: "Le conseiller social doit être capable de s'adapter aux situations, de se regarder agir, de reconnaître ses erreurs et ses limites, tout comme il doit être conscient de ses possibilités, dans le sens qu'il doit être conscient du rôle qu'il a à jouer vis-à-vis de l'individu.

Il doit en être conscient pour accepter les responsabilités qui...

M. DODIER: Pour s'en tenir aux exigences de la commission parlementaire, nous avons présenté tout à l'heure un résumé assez bref du mémoire. Mais dans notre mémoire, des pages 12 à 22, vous trouverez en détail des réponses à la question précise que vous venez de poser.

M. CLOUTIER (Montmagny): En lisant le mémoire en diagonale, j'ai eu l'impression que vous n'aviez pas apporté autant d'attention à tous les critères. Certains critères ne sont peut-être pas aussi évidents que d'autres, et c'est sur ceux-là que le législateur devra se poser des questions. Alors, disons que sur ce point je suis satisfait de votre réponse. J'ai une autre question à vous poser mais j'y reviendrai après que les autres parlementaires auront posé les leurs.

MLLE GOYET: Si vous permettez, je voudrais préciser que le problème central, la distinction entre les travailleurs sociaux et les conseillers sociaux, se situe vraiment dans une perspective d'évolution de la profession. Si vous me le permettez, je vais vous faire une brève

description de cette évolution. Comment nous sommes nés d'abord. Parce qu'il n'y avait pas suffisamment en service social de travailleurs sociaux on a engagé pour collaborer avec eux des gens qui n'étaient pas formés pour les aider. Ces gens non formés qui travaillaient en service social ont senti à un moment donné le besoin d'aller se former. C'est ainsi que sont nées les écoles d'aide sociale, comme on les appelait dans le temps. A partir de ces gens qui ont eu une formation aux écoles d'aide sociale, le regroupement sur le plan professionnel s'est fait dans l'Association des aides sociaux diplômés du Québec, à ce moment-là.

A partir de cette association, nous avons voulu développer davantage notre formation, nous donner une formation de plus en plus adéquate au niveau des responsabilités qui nous étaient distribuées dans les agences de service social. A partir de ce moment-là, nous aussi avons évolué au même rythme que la profession de service social. Si on regarde la profession de service social depuis cinq ou six ans, depuis dix ans, on se rend compte que ça évolue continuellement. Alors ça souligne le problème de distinguer les champs de pratique, parce qu'il s'en ajoute; ça s'accumule toujours. Jamais ensemble on s'est assis autour d'une même table, tous les intéressés, pour se poser des questions, puis dire ce que sera le rôle des conseillers sociaux, le rôle des travailleurs sociaux. A chaque fois qu'on a tenté de le faire, ç'a avorté ou ç'a été très difficile. C'est toujours resté flou et on a continué à évoluer avec la profession elle-même.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je reviendrai, M. le Président.

M. PAUL: Sur le point de règlement, M. le Président, est-ce que vous pourriez nous dire combien de travailleurs sociaux auraient été engagés comme ça, sans avoir la scolarité ou la préparation nécessaire pour travailler dans le milieu social?

MLLE GOYET: Peut-être que quelqu'un qui y était au tout début pourrait répondre.

M. DODIER: Vous référez-vous au moment où les travailleurs sociaux professionnels ont décidé qu'ils avaient trop d'ouvrage, qu'ils ne suffisaient pas à la tâche et qu'ils ont décidé d'aller chercher d'autres personnes?

M. PAUL: Quand on a décidé de faire un recrutement massif, sans s'occuper de la préparation de ces gens-là.

M. DODIER: Vous voulez savoir le nombre ce que ça représente?

M. PAUL: Oui.

M. DODIER: Je ne peux certainement pas vous répondre à ce moment-ci. Si vous vous reportez à dix, douze ans en arrière, même plus, le chiffre exact, le nombre exact, même approximatif, ce serait difficile de vous le dire à ce moment-ci.

M. PAUL: Est-ce qu'il n'y aurait pas eu un recrutement assez massif il y a environ deux ans?

M. COURCELLES: II y en a un autre qui est peut-être à signaler à ce niveau-ci, c'est que ces gens n'ayant pas de formation ont été invités à travailler dans le domaine du service social. La Corporation des travailleurs sociaux pourra nous corriger parce qu'elle nous suit à cette commission.

Cela s'est même fait avant l'engagement des travailleurs sociaux. Lorsqu'on fait l'historique de notre arrivée et de notre naissance, c'est un historique qui ressemble beaucoup à celui des travailleurs sociaux professionnels. A la naissance du service social, il faut se rappeler que c'était du bénévolat et que c'était des bonnes oeuvres, des bonnes âmes, etc., et que tout cela s'est professionnalisé. Le phénomène que nous signalons pour ce qui nous touche dans le phénomène historique est sensiblement le même que pour celui des travailleurs sociaux. Il y a dix ans, par exemple, sur l'ensemble du personnel d'un service social, il y avait un pourcentage très minime de gens ayant une formation en service social. Il y en a de moins en moins parce qu'on produit un plus grand nombre de travailleurs sociaux dans les universités, un plus grand nombre de conseillers sociaux au niveau des CEGEP. Actuellement, il se fait relativement peu d'engagement de gens non formés dans les services sociaux. Mais il y a dix ou quinze ans, l'ensemble des gens qui étaient engagés dans les services sociaux étaient des gens sans formation.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Le député de Dorchester.

M. GUAY: II semble y avoir quand même en pratique assez peu de différence marquée entre le conseiller social et le travailleur social. Vous partagez actuellement en grande partie la même clientèle, vous semblez dans bien des cas offrir les mêmes services. Est-il par conséquent possible d'établir deux champs de pratique bien distincts, bien définis sous les deux noms qui existent: travailleur social et conseiller social, sans chevauchement, j'entends?

M. DODIER : Pour répondre à cette question, disons qu'il serait possible de le faire mais nous nous disons que nous ne pouvons le faire seuls. Nous devons le faire avec ceux qui oeuvrent dans le même champ de pratique. Tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas capable de s'asseoir autour d'une même table et de cerner le problème, d'en discuter et d'en arriver à des conclusions, je pense qu'il sera difficile de le faire. Mais la chose est possible.

M. GUAY: Est-ce que vous avez déjà pensé... M. DODIER: Un instant.

M. PAINCHAUD: La chose peut être possible à plus longue haleine aussi parce que, comme il a été dit tout à l'heure, si on se rapporte aux chiffres qui ont été donnés, 65 p.c. des effectifs dans les agences de service social sont comblés par les conseillers sociaux qui occupent des champs de pratique dans le secteur qu'on appelle généralement famille-enfance, secteur de travail qui est en relation avec les problèmes familiaux: le placement d'enfants, l'évaluation et le recrutement des foyers nourriciers, l'adoption, les personnes âgées. Disons que s'asseoir demain matin et essayer de définir quel sera le champ de pratique de l'un par rapport à l'autre, cela me parait assez difficile. Mais je pense qu'à plus long terme il y a des possibilités parce que le champ de pratique du service social s'élargit constamment et il y a des domaines où une formation plus poussée, une formation académique sera davantage réservée aux travailleurs sociaux. Cela serait normal, au fond.

M. GUAY: Est-ce que vous avez déjà envisagé la possibilité de fusionner les deux groupes?

M. PAINCHAUD: C'est une possibilité qui a déjà été envisagée, du moins à notre niveau.

M. PAUL : II est fort sur la fusion.

M. GUAY: A entendre ces propos, cela semblerait beaucoup plus facile. En ce qui concerne la formation, il y a très peu de différence entre les deux groupes, sauf qu'il y a une orientation un peu différente. Ce qu'on voyait auparavant, avant l'explication du conseiller social et du travailleur social, c'est que le conseiller semblait être quelqu'un qui donnait des conseils et le travailleur beaucoup plus un exécutant. Dans l'esprit de tout le monde, c'est un peu ce qui se passait. On fait la lumière aujourd'hui, et j'en suis ravi.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Je dois tout de même vous faire part du fait que ce n'est pas la tradition dans les commissions parlementaires de manifester de quelque façon que ce soit. Je l'ai toléré la première fois, mais je me crois obligé maintenant de vous...

M. PAUL: Lorsque nous avons entendu le mémoire des optométristes, il y a eu des réactions dans la salle, et cela vous a fait plaisir.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Oui, mais je n'avais pas les mêmes responsabilités.

M. le député de Dorchester.

M. DODIER: Le député du comté de Dor- chester a signifié dès l'énoncé de sa question que, à son avis, il n'existait pas de différence au niveau de la formation des conseillers sociaux et des travailleurs sociaux. Je suis obligé de corriger, il en existe une; les travailleurs sociaux ont une formation de niveau universitaire et les conseillers sociaux ont une formation de niveau collégial.

M. GUAY: D'accord, c'est une mise au point. Remarquez bien que je n'ai pas dit ça malicieusement.

M. DODIER: Non, je n'ai aucun doute à cet égard.

M. GUAY: Quel est le contrôle de la corporation que vous représentez envers ses membres? Ici, je parle de conseillers sociaux en tant qu'individus, conseils autonomes, puisque vous définissez les trois genres de conseillers sociaux qui existent.

MLLE GOYET: Le contrôle qu'on peut exercer présentement comme corporation, c'est beaucoup plus un contrôle moral; parce que nos adhésions étant volontaires et n'ayant pas un champ d'exercice réservé avec des mécanismes légaux pour faire appliquer quoi que ce soit, c'est vraiment des pressions morales qui peuvent s'exercer à ce moment-là au niveau d'un manquement.

M. GUAY: En fait, la corporation n'a pas la possibilité d'aller jusqu'à retirer le droit de pratique pour un conseiller social actuellement.

M. DODIER: Non, parce que l'employeur n'exige pas nécessairement non plus que l'employé soit membre d'une corporation.

M. GUAY: Advenant le cas où vous seriez exaucés dans vos demandes — ce que nous souhaitons à la commission parlementaire — est-ce que ce contrôle sur les membres serait désormais possible?

M. DODIER: Parlez-vous au niveau de la pratique?

M. GUAY: Oui, au niveau de la pratique.

M. DODIER: Au niveau de la pratique. Etant donné qu'on demande notre intégration au niveau du titre réservé, il est évident que nous ne pouvons contrôler la pratique. Au niveau des actes qui seront posés à ce moment-là, il restera que notre corporation pourra jouer le même rôle qu'elle joue actuellement face aux actes qui seront posés en vue de la protection du public.

M. PAINCHAUD: Je pense aussi que ça deviendrait davantage possible en incitant des employeurs afin qu'ils exigent autant que possi-

ble que les personnes employées dans le champ du service social, soient membres d'une corporation et que cette corporation puisse contrôler les actes des employés ou des membres de la corporation.

M.GUAY: Remarquez que je ne veux pas par là minimiser le travail du conseiller social, loin de là. Si j'ai posé ces questions, c'est dans le but de meubler mon esprit. Merci.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Bourget.

M. LAURIN: II ressort jusqu'ici de vos réponses que les travailleurs sociaux et les conseillers sociaux travaillent dans un champ où la moisson des problèmes est très abondante et où les ouvriers sont encore trop peu nombreux. Je pense qu'il s'agit de rationaliser ou d'optimaliser la dispensation des services. A cet égard, il faut quand même s'intéresser à votre formation réciproque.

Avant que vous ne soyez constitués en corporation, quelle était le genre de formation que vous receviez dans ces écoles d'aide sociale? Quel était le degré de scolarité exigé, quelle était la longueur du cours? J'ai connu de ces écoles d'aide sociale. Quels étaient les prérequis? Est-ce qu'on exigeait une neuvième, une dixième ou une onzième année? Quelle était la longueur du cours?

M. PAINCHAUD: Quant aux prérequis, à l'école où je suis allé, dans le temps, ils étaient une douzième année et ensuite, le cours était de deux ans.

M. LAURIN: Donc...

M. DODIER: Le cours pouvait être différent suivant les écoles. A un moment donné, après une expérience, elles en sont venues à faire un consensus assez complet au niveau des admissions ou des conditions d'admission face au cours qui était donné à ce moment-là. Dans les trois écoles reconnues, il y avait Sherbrooke, Montréal et Trois-Rivières, on exigeait une formation complète au niveau secondaire, ensuite, le cours, qui pouvait être échelonné... A Trois-Rivières, il était de deux ans, et à Sherbrooke, par exemple, il était de trois ans en raison de modalités différentes pour la poursuite ou le fait que les gens qui suivaient les cours également étaient déjà dans la pratique.

Une différence également existait au niveau d'une école; celle de Sherbrooke, en plus, était reconnue par l'Université de Sherbrooke au niveau de la faculté des arts.

M. LAURIN: Peut-on dire que tous les conseillers sociaux qui font actuellement partie de votre corporation ont reçu au moins quatorze années de scolarité?

M. DODIER: Je ne peux pas dire tous, mais je pourrais dire que la très forte majorité et j'irais jusqu'à dire que 95 p.c. et même plus ont reçu au moins quatorze ans de formation scolaire.

MLLE GOYET: A ce niveau, il faut peut-être préciser qu'avec la venue des CEGEP la Corporation des conseillers sociaux a incité fortement ses membres à se recycler, ce qui a été fait, en majorité, au niveau du recyclage au CEGEP. On peut dire, sans se tromper que 85 p.c. des membres l'ont fait.

M. LAURIN: 85 p.c?

MLLE GOYET: 85 p.c. des membres l'on fait.

M. LAURIN: Et les autres 15 p.c?

MLLE GOYET: II y a une chose qu'on ne peut pas préciser aujourd'hui concernant les membres qui sont présentement dans la pratique, parce que le recyclage se fait sur un échelonnage donné; ce n'est pas fait seulement à partir d'une année. Donc, 85 p.c. de ceux qui étaient dans des écoles d'aide sociale, à ce moment-là, l'ont fait.

M. LAURIN: Donc, on peut dire que la grande majorité, pour ne pas dire la totalité des conseillers sociaux, a eu quatorze années de scolarité et que ceux qui ne l'ont pas eu l'auront par les cours de rattrapage ou de recyclage organisés par l'Université de Sherbrooke.

M. DODIER: C'est-à-dire que l'Université de Sherbrooke va plus loin. Les exigences de l'Université de Sherbrooke pour la poursuite d'une formation, c'est la formation déjà complète au niveau du collégial. Pour préciser davantage la première question, notre corporation a également souligné l'importance que les membres qui oeuvrent dans la pratique en n'ayant pas toute la formation requise la reçoivent. Lors d'un congrès, l'assemblée générale avait adopté, une nouvelle norme d'admission, à savoir qu'une catégorie de membres actifs devenait un catégorie de membres actifs étudiants, à condition qu'ils soient inscrits à un cours de formation pour compléter celui qui n'était pas complet. Ils étaient membres de la corporation tant et aussi longtemps qu'ils restaient inscrits à des cours pour finir leur formation.

Au moment où elle était terminée, ils devenaient, au même titre qu'un autre, membres actifs. C'est pour préciser jusqu'à quel point nous avions le souci de voir à ce que les membres soient bien formés et capables de poser les actes dans la pratique.

M. LAURIN: Faut-il en conclure que ce

travail de recyclage ou de formation additionnelle est exigé de vos membres par votre corporation?

M. DODIER: II a été fortement exigé lors de la venue du cours collégial. La corporation, à ce moment-là, y a abondé à 100 p.c. et a même préconisé des méthodes ou des moyens, puisque ces gens-là, tout en suivant des cours, oeuvraient également au niveau de la pratique. Il y avait une composante à trouver pour respecter, à la fois, le fait que c'était une personne qui travaillait et également une personne qui étudiait.

La corporation, poussée par un désir ardent de ses membres, a abondé dans le même sens.

M. LAURIN: On peut donc dire que tous les conseillers sociaux ont une scolarité de quatorze années, plus une sorte de formation professionnelle variable selon chacun et qui est surtout faite d'expérience de travail dans des centres.

M. DODIER: Oui.

M. LAURIN: Est-ce la réalité?

M. DODIER: Oui, puisque, dans nos normes d'admission, les critères, au niveau de la corporation, sont d'abord l'acquisition d'un diplôme officiel du collège au niveau de la formation en assistance sociale ou l'équivalent de cette formation-là. Cette équivalance est établie par une institution d'enseignement, et non par nous, pour vérifier jusqu'à quel point les cours reçus par cette personne-là correspondent à celui qui existe actuellement.

Une fois que ces critères sont admis au niveau de la formation, le membre est admis.

M. PAINCHAUD: II y aurait peut-être à préciser aussi qu'une fois le cours terminé, le conseiller social, qui entre sur le marché du travail, travaille sous la supervision d'une personne d'expérience pendant près de trois, quatre ou cinq ans, selon le cas. On dit, normalement, qu'une personne devient autonome après trois ans ou cinq ans.

M. LAURIN: Jusqu'à quel point, actuellement, les actes sociaux que vous posez, étant donné que la majeure partie d'entre vous oeuvrez dans des agences, sont-ils contrôlés ou surveillés par des travailleurs sociaux professionnels ou sous la direction de travailleurs sociaux professionnels?

M. PAINCHAUD: Dans certaines agences, je ne pourrais pas dire le nombre, vous avez des travailleurs sociaux professionnels qui sont superviseurs consultants, et il y a également des conseillers sociaux qui ont atteint l'expérience requise, qui sont également des superviseurs consultants.

M. LAURIN: Est-ce que se posent des problèmes d'émancipation de crise d'adolescence où les conseillers sociaux demandent d'oeuvrer de leur propre chef sans surveillance sinon par celle de leurs propres membres, de leur propre corporation?

M. PAINCHAUD: A ma connaissance, cela n'a pas causé encore de problème. C'est comme je vous disais tout à l'heure, après un certain nombre d'années, il y a l'émancipation. La personne devient autonome. Il y a déjà des conseillers sociaux qui sont superviseurs eux-mêmes. Cela n'a pas créé de conflit à venir jusqu'à maintenant à l'intérieur des agences, pas à ma connaissance.

M. COURCELLES: II faudrait peut-être préciser que la supervision en service social est un processus normal, habituel et généralisé. C'est un processus qui vaut autant, actuellement, pour les travailleurs sociaux que pour les conseillers sociaux. La supervision est vue comme étant un processus dans la pratique de la profession.

M. LAURIN: Bon. Essayons de pousser un peu plus loin. Dans la répartition des champs qui, pour la plupart, chevauchent, selon votre mémoire, est-ce qu'il y a des actes que vous-même estimez ne pas pouvoir être posés par vous et ne pouvoir être posés que par les travailleurs sociaux professionnels? Est-ce qu'il y en a? Si oui, est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples?

MLLE GOYET: II y a un aspect en service social où vraiment les conseillers sociaux ne sont vraiment pas aptes. C'est l'aspect recherche. Je crois que nous n'avons aucune préparation, aucune formation qui nous permette d'entreprendre des recherches. On peut collaborer à des recherches. Mais piloter des projets de recherche, comme professionnels, je pense qu'on n'a pas la formation voulue. Par contre, au niveau d'autres actes sociaux, comme vous les appelez, je pense que c'est assez difficile de préciser parce qu'on se rend compte que la tendance est qu'au fur et à mesure que le conseiller social prend de l'expérience dans une agence, au fur et à mesure des responsabilités lui sont confiées. Alors, c'est ça qui fait — vous parliez tantôt de crise d'émancipation — qu'il n'y a pas de crise d'émancipation qui se fait sentir parce qu'au fur et à mesure que l'expérience vient, on lui confie de plus en plus de responsabilités.

M. LAURIN: Je vais alors vous poser une question: A quoi servent les trois années universitaires que font les travailleurs sociaux? Cela les prépare à faire quoi? Est-ce que cela les prépare à faire la même gamme d'activités que vous faites mais d'une autre façon, ou d'autres activités que vous ne pouvez pas faire?

M. PAINCHAUD: Bien, il y a peut-être une question de fait à signaler actuellement. Dans les agences, on retrouve la majorité du personnel de cadre qui sont des travailleurs sociaux. Au niveau du personnel superviseur, c'est supérieur en nombre à celui des conseillers sociaux. Vous avez, disons, certaines tendances, dans la pratique, qui semblent se dessiner actuellement. Ce n'est pas à 100 p.c., peut-être même pas à 60 p.c. Je ne peux pas avancer de chiffre. C'est qu'au niveau de la thérapie conjugale, comme telle, par exemple, il semble se dessiner davantage un champ de pratique des travailleurs sociaux, à mon expérience personnelle.

M. LAURIN: Maintenant, vous avez parlé de problèmes et quand on vous a posé des questions, cela ne semblait pas être très précis comme problème. Sur quoi ont achoppé les négociations que vous avez tenté d'entreprendre avec les travailleurs sociaux? Sur quels problèmes, sur quels obstacles?

MLLE GOYET: Je pense que Jean-Guy pourrait répondre au sujet d'une expérience, une tentative qui avait été faite.

M. COURCELLES: Vous parlez de rapprochement des deux corporations?

M. LAURIN: Oui. Les discussions que vous avez tenté d'amorcer, sur quoi ont-elles buté, achoppé?

M. COURCELLES: Pour préciser, disons qu'à ce moment-là, la personne qui pourrait le faire, ce serait celle du temps où cela s'est vécu plus pertinemment. Je demanderais peut-être à M. Hamel de répondre à cette question.

M. HAMEL: II y avait eu des amorces officieuses et très limitées. Je suis dans l'obligation, malheureusement, de vous signaler que, quelque temps après, au moment où nous avons demandé notre changement de nom, en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies, nous avons reçu une injonction interlocutoire et permanente nous demandant de ne point utiliser ce titre. La Corporation des travailleurs sociaux a été dans l'obligation de se désister. Comme vous voyez, les relations deviennent difficiles, après de tels gestes.

M. LAURIN: Mais pour préciser davantage, les difficultés, est-ce que c'est sur la répartition des champs d'activités ou sur la demande de supervision faite par la Corporation des travailleurs sociaux professionnels, ou sur la capacité de tenir des postes de cadre? Est-ce que c'est sur des points comme ceux-là que la discussion a achoppé, à part les procédures judiciaires dont vous parlez, qui sont souvent la conséquence ou le reflet d'un baromètre qui est à la baisse?

M. DODIER: Je pense que ce qui est assez difficile, c'est de faire des lignes de démarcation quant aux champs de pratique. Je pense que c'est ce qui est difficile à faire, autant pour l'un que pour l'autre. Ce n'est pas une question que le climat est tellement tendu qu'il n'est pas possible de se regarder. Ce n'est pas dans ce sens. C'est surtout dans le sens qu'il est extrêmement difficile de faire cette ligne de démarcation. C'est cela.

M. COURCELLES: Mais le problème lui-même n'a jamais pu, finalement, être vraiment poussé un peu loin. Le dernier avortement — vous parlez d'avortement — était au fond banal parce que, grâce à l'initiative de la Fédération des services sociaux à la famille, il y a eu des rencontres où tout le monde a été impliqué et tout le monde était désireux de s'attaquer à ce phénomène et de pousser des recherches, de faire les études nécessaires et d'arriver à quelque chose. Le blocage s'est situé sur le plan financier. Aussitôt qu'on aborde le problème, on s'aperçoit qu'on est en face de quelque chose de monumental, qui nécessite des recherches très sérieuses, qu'on doit faire appel à l'utilisation de spécialistes, etc.

Le plus bel avortement, qui date d'à peu près deux ans, en a été un d'incapacité financière, parce que les organismes impliqués n'étaient pas en mesure d'assumer le financement du travail qu'il fallait entreprendre. Je peux vous situer des rencontres, dans des sous-sols, de l'agent de service social aux familles, à Montréal, ou dans les locaux de l'Université de Sherbrooke, à Sherbrooke, où les gens ont été bloqués par cela et où des projets qui avaient été bien envisagés ont dû simplement être abandonnés en plan.

C'est à ce genre d'initiatives que je me référais tantôt, quand je disais qu'actuellement ce problème est repris par l'initiative du ministère de l'Education. Les avortements qui sont arrivés dans le passé l'ont été parce qu'on voulait probablement trop envisager le problème globalement. On semble s'entendre actuellement pour peut-être prendre cette situation pièce par pièce. On a rapetissé la dimension de déclarification qu'on veut faire actuellement. Il y a des grosses chances que l'initiative actuelle se poursuive et donne, pour une première fois, des résultats à ce niveau.

M. LAURIN: Une dernière question. Est-ce que l'échelle des salaires des conseillers sociaux et des travailleurs sociaux professionnels est très différente? Y a-t-il une grande différence entre les échelles des salaires?

M. DODIER: Cela dépend de ce que vous entendez par grande. Pour moi, cela veut dire certaines choses et pour vous, c'est peut-être autre chose. A ce jour, une grande différence, je ne sais pas, d'autres, plus précisément, peuvent peut-être l'apporter.

M. LAURIN: En termes de pourcentage: 20 p.c, 10 p.c., 30 p.c?

M. DODIER: Peut-être $1,500 environ au niveau de la base.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: C'est un peu dans le même sens. Tantôt vous avez mentionné, au sujet du partage des activités entre les travailleurs sociaux et votre organisme, que ça serait peut-être possible. Je voudrais vous demander ceci. Est-ce que c'est vraiment le fond de votre pensée ou si votre opinion serait plutôt que ce serait plus avantageux s'il y avait seulement un organisme qui permettrait d'éviter l'éparpillement des énergies, obtenir un meilleur contrôle de la qualité et de la formation des membres? En vertu du bill 250, si on voit arriver deux organismes comme les vôtres et que vous nous dites que ce serait peut-être possible, qu'il va falloir faire des discussions, comment voulez-vous que le gouvernement lui-même, en vertu de ce bill, puisse légiférer, essayer d'avoir une reconnaissance quelconque tant qu'il n'y aura pas eu une entente entre les deux?

Est-ce que vous croyez que vos énergies devraient se dépenser à essayer de délimiter des champs d'activité des deux ou si, d'après vous, ça serait préférable de dépenser ces mêmes énergies à essayer de vous regrouper, quitte à changer le nombre d'années de formation pour arriver à un moyen terme entre les deux, de façon à travailler ensemble ou faire un seul organisme?

M. COURCELLES: Votre question a deux sens, elle nécessite deux réponses. La première c'est que nous, si nous nous en référons à des recommandations approuvées lors de congrès, il n'y a aucun doute. Des recommandations ont déjà été retenues et des mandats ont déjà été donnés à nos exécutifs de faire des rapprochements avec la Corporation des travailleurs sociaux professionnels visant une fusion éventuelle.

Donc, à ce niveau, et si on s'en reporte à ces recommandations, je pense qu'on peut dire que nous n'avons au départ aucune espèce d'objection à une action qui aboutirait là. Mais même à l'intérieur d'une action qui s'appellerait fusion, regroupement, etc., il reste que le problème de différencier les actes professionnels ou les champs d'activité demeure. Que ça se fasse à l'intérieur ou à l'extérieur d'un regroupement, c'est un problème qui en lui-même appelle un travail et des solutions éventuelles.

M. PEARSON: Vous dites que même si vous vous regroupez, automatiquement, malgré ça, vous seriez obligés de travailler à une délimitation des champs d'activité des deux groupes?

M. COURCELLES: Oui, à moins que l'approche du problème aboutisse à une conclusion rapide à l'effet qu'il n'y a pas de différence.

Mais, si ce n'est pas l'orientation qui est prise, il va falloir trouver des éléments de solutions.

M. PEARSON: Mais d'après ce que vous nous avez dit tout le long de l'après-midi, il ne semble pas d'après vous qu'il y ait une grande différence dans les champs d'activités.

M. COURCELLES: Par ailleurs il y a des admissions qui se font de notre part qu'il peut y avoir des différences et je pense que tantôt on en a signalé une.

M. PEARSON: Disons, si j'ai bien compris, que vous désirez — vos congrès le disent — qu'il y ait une fusion ou un seul et même organisme, ou à peu près. D'après vous est-ce que les travailleurs sociaux et ces organismes le désirent, ou si ce sont eux qui refusent?

M. COURCELLES: Vous allez les entendre tantôt.

M. PEARSON: Votre impression; pas une certitude, mais votre impression.

M. COURCELLES: Nous l'ignorons vraiment.

M. PEARSON: Mais l'injonction, c'est une invitation ou...

M. HAMEL: C'est une invitation à retarder un peu.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question que j'avais réservée pour la fin. Nous avons eu une représentation, devant la commission parlementaire d'un groupe au sujet des techniciens professionnels finissants de CEGEP. Dans un mémoire on nous a dit qu'il y aurait environ 99,000 étudiants au niveau du CEGEP qui allaient déboucher sur les professions. On a proposé un grand regroupement avec des sections de techniques médicales, techniques administratives, techniques humaines. Qu'est-ce que vous pensez d'un genre de corporation comme celle-là?

Nous aurions pu poser la question à d'autres qui sont venus plus tôt, mais nous la posons à vous. Que pensez-vous de la possibilité d'un tel regroupement à l'intérieur d'une corporation?

M. DODIER: C'est assez difficile de répondre à cette question à cause d'un ensemble d'impondérables ou de modalités dans lesquelles ça va se faire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sans tenir compte des modalités, mais comme principe, disons qu'il y aurait des techniciens en technique médicale, des techniciens en techniques

administratives, des techniciens en techniques humaines et peut-être qu'il y en a d'autres, ce n'est pas exhaustif ce que je dis là, mais il y aura peut-être d'autres sections.

C'est une possibilité qui a été mentionnée devant la commission et je pense que ça se défendait, ça pouvait se proposer.

MLLE GOYET: C'est vraiment une impression personnelle, mais disons que les tendances au regroupement, la plupart du temps, s'expriment au niveau d'affinités et d'intérêts. Alors la question que je me pose face à une question comme celle-là, c'est à savoir, si vraiment on a un même niveau de formation, si vraiment on a des affinités, puis des intérêts à oeuvrer ensemble. Alors ma conclusion est non. Ce n'est pas parce que j'ai un même niveau de formation que j'ai des intérêts à aller travailler avec quelqu'un qui a une technique, quelque chose... Je n'ai aucune collaboration avec cette personne-là. Alors, je vois beaucoup plus un regroupement au niveau de personnes qui oeuvrent dans un même champ d'activités et puis qui ont des affinités et des intérêts.

M. GUAY: A la suite de consultations on a porté à mon attention qu'il pouvait exister des personnes probablement pas membres de votre corporation qui font un travail dans le même genre que le vôtre, qui se nomment conseillers sociaux. Si ça existe d'abord, premièrement, puis si oui, de quelle façon le citoyen peut-il déterminer si un conseiller social a la compétence ou la qualification requise pour être en mesure de faire un bon travail?

M. PAINCHAUD: A première vue, comme ça, la seule façon qu'il a de déceler, c'est de faire confiance j'imagine à l'employeur qui a engagé du personnel compétent.

M. GUAY: S'il a un employeur, si c'est un travailleur. Mais s'il se nomme conseiller social autonome?

M. PAINCHAUD: Je n'en connais pas.

MLLE GOYET: II n'y a pas de pratique privée au niveau des conseillers sociaux. Tous nos membres oeuvrent à l'intérieur d'organismes. Alors les gens se présentent à un établissement et non pas à une personne s'ils veulert consulter au niveau des demandes que nous recevons.

M. GUAY: Là, ça va, parce que vous le dites. Avant que vous le disiez, bien sûr, la population ne le sait pas. On a porté à mon attention que des gens qui s'identifiaient comme étant des conseillers sociaux mais qui n'en étaient pas en réalité et les conseils qui étaient donnés étaient parfois des conseils d'ordre plus que médiocre. Il ne faudrait pas non plus dévaloriser la profession de conseiller social.

M. PAINCHAUD: C'est une chose qui pourrait exister, il n'y a rien qui l'empêche.

M. GUAY: D'accord.

M. DODIER: M. le Président, j'aimerais reprendre la question du député de Montmagny qui demandait si en principe on s'opposerait à un regroupement au niveau de professions qui ont à peu près les mêmes niveaux de formation. Disons qu'en principe, nous ne nous opposerions pas à un tel genre de regroupement. Je pense que ça viendrait faciliter aussi peut-être les choses.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER : Je n'ai pas de question.

M.LEDUC: Si le député me le permet, quand vous parliez des conseillers sociaux qui oeuvrent en pratique privé, est-ce que vous faisiez allusion à des gens comme Mme X?

M. GUAY: Vous connaissez peut-être mieux Mme X que moi.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Je remercie les gens pour leur mémoire et je voudrais informer tous les membres de la commission que nous pouvons entendre le mémoire de la Corporation des psychologues de la province de Québec et terminer notre...

M. CLOUTIER (Montmagny): Les psychologues ici présentent un mémoire conjoint, ils sont trois groupes.

M. FORTIER: Alors si tout le monde est d'accord, et ensuite on m'a informé que la commission reprendrait ses travaux... si M. le Président est d'accord, mardi matin à dix heures ici, toute la journée et mercredi matin à dix heures, soit le 17 et le 18 octobre.

Il nous reste ici trois mémoires et nous avons une autre liste de douze mémoires. Nous allons diviser le travail de façon à entendre six mémoires par jour. M. le Président, je vous laisse la parole.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): II y aurait peut-être lieu de mentionner que l'Association des naturopathes, l'Association des acousticiens et le Collège des naturopathes seront entendus les premiers, je suppose, à 10 heures, mardi matin, ici au Salon rouge.

M. FORTIER: D'accord.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Le mardi 17 octobre, à 10 heures.

M. DODIER: Avant que nous nous quittions, nous voulons vous remercier de nous avoir accueillis. Nous vous remercions également d'avoir utilisé tout le temps que vous aviez pour nous entendre.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Au nom des membres de la commission parlementaire, je vous remercie d'avoir accepté de venir nous aider à préparer ce projet de loi 250. Nous regrettons d'avoir à terminer les travaux à 6 heures. Le ministre est absent. Après 7 heures, d'autres devront s'absenter et je crois bien qu'en général la fatigue fait que, même si nous vous entendions à 7 heures, cela ne serait peut-être pas la meilleure façon de travailler efficacement.

Nous entendrons maintenant la Corporation des psychologues de la province de Québec, la Corporation des conseillers d'orientation et la Corporation des travailleurs sociaux professionnels.

A l'ordre. Je demanderais aux représentants de bien vouloir s'identifier.

M. COURVAL: M. le Président, si j'ai bien compris, vous avez dit que la commission se proposait d'ajourner à 6 heures. H nous resterait à peu près 40 minutes et, cependant, nous avons réunis les trois corporations pour gagner du temps et pour faire un front commun. Il me semble qu'à trois corporations nous aurions la moitié du temps que chacune des autres a eu avant nous.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Je ne dis pas que nous ne pourrions pas, avec l'unanimité de la commission, finir à 6 h 10 ou à 6 h 15. Mais si vous préférez être entendus mardi prochain, libre à vous.

M. COURVAL: Nous ne nous sommes pas consultés, mais qu'en pensez-vous?

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): A moins que nous vous donnions le temps voulu pour expliquer votre mémoire et que les questions... Nous ne séparerons pas cela. A votre choix.

Est-ce que vous prévoyez qu'une heure serait suffisante? Une heure et quart, une heure et demie? Il est 5 h 15, si on terminait, est-ce que ça irait pour 6 h 15?

M. PAUL: M. le Président, je pense bien que le groupe qui se présente devant nous doit avoir la même liberté d'expression que tous les autres groupes. Il s'agit d'un mémoire extrêmement important. Nous ne pouvons forcer ces gens à réduire ou à résumer leur mémoire. D'un autre côté, les membres de la commission, après une journée assez bien remplie, sont peut-être moins disposés à prolonger indéfiniment l'heure de la séance. Je me demande si la solution d'un moyen terme que vous venez de proposer ne ferait pas l'uninimité, c'est-à-dire ajourner à mardi prochain avec priorité à l'endroit des membres de cette corporation ou de ce groupement.

M. LE PRESIDENT: Si vous préférez, nous allons ajourner nos travaux à 10 heures mardi, dans cette salle.

M. COUR VAL: M. le Président, nous donne-riez-vous cinq minutes pour nous entendre?

M. LE PRESIDENT: Allez!

M. COURVAL: Merci... M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, nous préférons revenir mardi. Nous vous prions de nous accorder près de deux heures à ce moment-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je vous ferai remarquer que trois groupes ont décidé de présenter un mémoire conjoint. Pour ma part, je n'ai pas d'objection à ce qu'ils prennent deux heures. Je pense que, toute proportion gardée avec les autres professions qui sont venues ici, c'est raisonnable.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des objections à cette procédure?

M. CLOUTIER (Montmagny): II y a d'autres groupes ici, je ne sais pas s'ils sont partis. S'il y avait un autre groupe qui désirait se faire entendre, comme les acousticiens en prothèses auditives ou les naturopathes, nous aurions pu les entendre d'ici six heures.

M.FORTIER: Alors, pour votre groupe, c'était convenu mardi matin à dix heures.

M. LE PRESIDENT: Alors, mardi matin à dix heures, dans cette salle, et nous vous accordons deux heures, tel que demandé. Les travaux sont ajournés.

(Fin de la séance à 17 h 21)

Commission spéciale des corporations professionnelles

Projet de loi no 250

Code des professions et

autres proiets de loi connexes

Séance du mardi 17 octobre 1972 (Dix heures huit minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

C'est la 21e séance de la commission spéciale sur les corporations professionnelles. Je comprends que le premier groupement veut présenter un mémoire conjoint, réunissant la Corporation des psychologues, la Corporation des conseillers d'orientation et la Corporation des travailleurs sociaux.

Corporation des psychologues,

Corporation des Conseillers d'orientation et

Corporation des travailleurs sociaux.

(mémoire conjoint)

M. LE PRESIDENT (Blank): Voulez-vous vous identifier, en commençant à parler, pour les fins du journal des Débats.

M. COURVAL: M. le Président, à ma droite, M. Robert Langlois, conseiller d'orientation; M. Jean-Hugues Poirier; M. Antonin Boisvert; moi-même, Jean Courval; M. Pierre Beaulu; M. Raymond Doyle, travailleur social; Mme Suzanne Blais-Grenier, travailleuse sociale; Me Armand Sheppard, conseiller juridique du comité tripartite. Me Roger David sera peut-être des nôtres tout à l'heure.

Nous avons déjà soumis un mémoire en mars dernier et, la semaine dernière, nous avons soumis trois petits aide-mémoire, rose, bleu, blanc et gris. Ce n'était pas pour vous en faire voir de toutes les couleurs, mais nous pensions avoir une journée d'automne et nous y avons mis les couleurs de l'arc-en-ciel.

Je ne voudrais pas imputer au conseil interprofessionnel tous les petits péchés que nous pouvons faire aujourd'hui, mais je voudrais vous rappeler, quand même, que le conseil interprofessionnel a donné son appui à la démarche que nous faisons, après en avoir fait l'examen, et qu'il approuvait, en gros, les positions que nous soumettions dans notre mémoire. Le Dr Roy aurait voulu être des nôtres, mais il est retenu en Europe par ses fonctions. M. Labelle, le vice-président, n'a pas pu être des nôtres aujourd'hui.

L'objet de notre démarche, c'est simplement d'apporter une certaine contribution, si c'est possible, dans le même sens que l'apport du bill 250. Nous approuvons les principes du bill 250, nous l'avons déjà dit. Nous allons faire des propositions qui, selon nous, vont dans le même sens.

Notre exposé comportera trois points: l'inclusion dans le bill 250 de la possibilité ou de la faculté de créer des fédérations de corporations; la nécessité de mettre de l'ordre dans le secteur des sciences humaines; l'exclusivité du champ de pratique de nos trois corporations. Ici, auriez-vous la bonté de corriger, dans votre feuillet rose fuchsia, le mot supercoporation?

A ce moment-là, nous pensions un peu aux deux superfacultés qu'a créées, récemment, l'Université de Montréal, mais ce n'est pas du tout l'idée de quelque chose de gros et de super que nous voulions mettre en évidence. Le terme corporation polyvalente est beaucoup plus juste. Donc, dans les trois cas où notre machine à écrire a gardé une mauvaise habitude et s'est entêtée à écrire super alors que nous lui avions dit d'enlever le mot super, il faudrait lire le terme corporation polyvalente.

Les fédérations de corporations.

Le bill 250 et les lois particulières qui l'ont suivi confirment l'existence, dans certains cas; de deux ou trois corporations soeurs, jumelles, belles-soeurs, belles-mères ou, de toute façon, qui occupent un secteur assez voisin, sans prévoir, par ailleurs, des mécanismes de collaboration, de coordination, de participation, de fédérations de corporations, d'intégration qui pourrait même aller jusqu'à la fusion. Il nous semble qu'il faudrait apporter un amendement au code des professions et prévoir de tels mécanismes, pour ne pas maintenir le cloisonnement qui sévit actuellement, et depuis toujours, dans le domaine des professions.

Nous suggérons donc que le bill 250 prévoie des mécanismes de collaboration, de coordination, de fédérations de corporations. Nous suggérons aussi que l'office des professions ait, entre autres mandats, celui de promouvoir de telles fédérations, fusions ou unions lorsqu'il y va de l'intérêt public et que, dans le cas de nos trois corporations, l'office des professions ou le conseil interprofessionnel ou un autre organisme du genre procède, aussitôt que possible, à la création d'un comité qui étudierait les implications et les modalités d'une éventuelle fédération ou, de toute façon, les modalités d'une collaboration entre nos corporations.

L'idée à retenir dans tout cela est tout simplement celle d'une collaboration et d'une coordination lorsque le bien public le demande. Les modalités de cette coopération sont multiples. Notre collègue de droite, M. Boisvert, nous disait qu'il y a 33 modèles de fédérations de pays ou de confédérations de pays dans le monde, ce qui indique que les modalités sont très multiples. La même chose peut s'appliquer dans notre cas.

Je ne vous relirai pas, à la page 4, les avantages d'une fédération de corporations ou de mécanismes de collaboration. Cela va de soi. C'est dans les temps actuels d'établir de plus en plus de contacts et de coordination entre tout ce qui existe.

Un deuxième point sur lequel nous attirons votre attention, c'est la nécessité de mettre de

l'ordre et de la coordination entre tout ce qui existe.

Le deuxième point sur lequel nous attirons votre attention est la nécessité de mettre de l'ordre dans le secteur des sciences humaines. En déposant le projet de loi no 250, le gouvernement a justement manifesté sa volonté de mettre de l'ordre dans le domaine des professions qui s'était organisé cahin-caha, au hasard des circonstances ou des intérêts pendant une période d'une cinquantaine d'années, sinon davantage. Nous croyons qu'une situation déplorable comme celle-là menace de se produire s'il n'y a pas une certaine planification dans le secteur des sciences humaines.

Ce secteur est relativement jeune, ayant de vingt à trente ans. Il a fait énormément de progrès depuis une dizaine d'années. Il en fait encore dans le moment et il est à prévoir que d'ici une dizaine d'années beaucoup de choses éclateront et se produiront encore dans ce domaine.

La jeunesse des sciences humaines, l'éclatement qui se produit, leur importance, leur rôle dans la vie des citoyens d'aujourd'hui demanderaient une planification de leur développement, une coordination immédiate des écoles de formation, une organisation professionnelle d'un nouveau genre, peut-être.

Pourtant, on voit un peu tous les ans, dans l'une ou l'autre faculté, se créer de nouvelles sections, des modules, des départements, des instituts et on assiste avec surprise parfois à la création d'un nouveau département sans que les autres départements touchés par celui-là soient consultés, et ce à l'intérieur d'une même université. Ce qui démontre bien qu'il n'y a pas de planification dans le domaine des sciences humaines et qu'on est en train de créer probablement une profilération de disciplines et de sous-disciplines dans ce secteur. Peut-être que bientôt le gouvernement se verra demander de créer une dizaine de mini-corporations.

Nous croyons qu'il y aurait donc lieu que le bill 250 habilite l'Office des professions, le conseil professionnel ou un autre organisme à faire des structures d'accueil conjointement avec tous ces nouveaux travailleurs et ces nouvelles organisations de travail.

Ce pourrait être — c'est ici que vient notre ancienne super-corporation dont il faut oublier le nom qui est remplacé par "corporation polyvalente" — une corporation dotée, par exemple, de tous les pouvoirs d'une corporation, qui regrouperait sous une seule et unique corporation les différents travailleurs dont on vient de parler dans tous les secteurs des sciences humaines. Cette corporation pourrait donc être formée de sections, chacune de ses sections représentant un secteur qui est en train de se développer dans le domaine des sciences humaines.

Il y aurait évidemment énormément d'avantages à cette corporation polyvalente. Elle donnerait d'abord un milieu de travail, un milieu de rencontre entre tous les gens de disciplines plus ou moins semblables.

A se rencontrer, les gens de ces différentes disciplines se rendraient peut-être compte — nous l'espérons — qu'il y a peut-être entre eux ou entre elles plus de ressemblance que de différence. Cela favoriserait l'établissement de liens entre elles, on pourrait immédiatement obtenir et créer des collaborations et des coordinations. Cette corporation polyvalente pourrait aussi avoir des rapports avec la fédération de nos trois corporations. Il y aurait d'autres avantages de ce genre.

Nous parlons de l'exclusivité des actes de nos trois corporations. Nous avons l'audace de demander l'exclusivité de nos actes après une vingtaine d'autres corporations. Mais, si nous le faisons, c'est parce que nous pensons que notre situation est un peu différente, et même pas mal, et que nous avons des chances que le législateur considère qu'effectivement notre cas n'est pas semblable tout à fait à celui des autres.

Il s'élève des difficultés, c'est bien sûr. Il y a le danger d'établir des chasses gardées; le danger de soulever des difficultés entre nos trois corporations, des difficultés qui pourraient rebondir ensuite à l'office des professions. On peut donc créer des difficultés inutiles. Il y a toujours le danger de priver le public de services auxquels il a droit; ça pourrait empêcher la multidisciplinarité; ça pourrait accorder des services d'une qualité plus grande que celle requise.

Ce ne sont pas du tout là nos intentions. Nous croyons faire au contraire des suggestions qui permettent d'éviter toutes ces embûches. Par exemple, nous ne demandons pas une exclusivité pour chacune d'entre nous, stricte et illimitée; au contraire, chacune des trois corporations propose au législateur de placer dans sa loi la clause habituelle qui reconnaît aux deux autres corporations le droit de travailler dans le même domaine, selon les prescriptions de leur code d'éthique évidemment, de sorte qu'il n'y aurait pas de bataille entre nous. C'est déjà décidé à l'avance.

Nous demandons au législateur de le prévoir et de l'inclure dans nos clauses. Il pourrait y avoir une autre difficulté à ce compte-là, que nos trois corporations forment une espèce de trust et que le danger n'en soit que plus grand, que nous empêchions la naissance d'autres corporations ou que nous préparions un bloc très fort, capable de lutter contre ces corporations éventuelles.

Ce n'est pas du tout notre intention. Nous ne voulons pas limiter la naissance des autres corporations et nous ne demandons pas encore de réserver pour nous seuls les champs de nos trois corporations. Nous sommes prêts à les partager avec les autres secteurs et les autres corporations possibles. Nous en avons donné la preuve, tantôt, lorsque nous avons demandé la création d'une corporation polyvalente avec qui nous pourrions être appelés à négocier et à

travailler. A notre avis, cette corporation polyvalente ou un comité mixte sous l'égide de l'office des professions pourrait bien protéger les droits des autres travailleurs du secteur.

En tout cas, nous vous répétons que nous n'avons nullement l'intention d'empêcher la naissance d'autres corporations, ni de réserver pour nous la totalité de nos actes.

La raison fondamentale est toujours celle de la protection du public. Nous avons déjà dit, dans notre mémoire du mois de mars, que la seule protection du titre était efficace, qu'il est très facile de passer à côté de la loi. Il existe des dizaines et des dizaines de modalités; il suffit de ne pas porter le nom de psychologue mais de conseiller en psychologie, de consultant en psychologie, de spécialiste en psychologie, de diplômé en psychologie. La même chose vaut pour les travailleurs sociaux et pour les conseillers d'orientation. Ainsi, il est très facile de passer à côté et ça ne protège pas véritablement le public. On voit donc des imposteurs, des amateurs, des charlatans pratiquer nos disciplines sans aucun contrôle. On voit qu'il y a des quantités de personnes admissibles à nos corporations et qui n'y sont pas — nous calculons qu'il y en a environ 600 dans nos trois corporations. Il y a aussi des quantités d'étudiants qui n'ont pas terminé les études et qui sont sur le marché du travail, sans supervision, dans bien des cas. Ces trois cas, ils découlent normalement de la logique du système. Pourquoi s'empêcheraient-ils de pratiquer, puisqu'ils le peuvent si facilement à un autre titre? Pourquoi les personnes admissibles paieraient-elles une cotisation, si elles peuvent ne pas la payer et continuer d'exercer la profession? Personne n'aime à payer des taxes. Pourquoi financeraient-elles un système de contrôle, de surveillance et de discipline, si elles peuvent ne pas le financer? Pourquoi des membres pris en faute accepteraient-ils de passer à notre comité de discipline et accepteraient-ils les punitions que nous leur infligeons, quand il leur est si facile de simplement donner leur démission et de continuer à pratiquer? Il n'y a rien qui les oblige d'être membres de nos corporations dans le moment, sauf cette protection du titre.

Alors, il nous semble que le public n'est pas véritablement protégé, et nos corporations tantôt donneront des exemples du genre. Nous trouvons qu'il n'est pas juste de laisser des quantités de personnes, presque 20 p.c. de la possibilité de nos effectifs, profiter des largesses actuelles de la loi sans prendre aussi les responsabilités qui incombent et de laisser partager sur un plus petit nombre de professionnels la responsabilité d'assurer le bien public.

En terminant, je voudrais vous rappeler que nos corporations ne sont pas nées d'hier, qu'elles ont existé pendant une dizaine d'années à titre d'associations professionnelles, 10 à 15 ans à titre d'association professionnelle, avant de devenir des corporations, qu'elles ont toutes actuellement entre 8 et 10 ans d'existence comme corporations professionnelles, que nous comptons 800, 1,000 et 1,200 membres, au total 3,000 membres à nous trois, que nos membres ont accepté depuis assez longtemps des sacrifices assez considérables pour maintenir leur corporation et leur permettre d'honorer leurs responsabilités. Nos membres paient des cotisations qui varient de $80 à $125. Nos budgets varient aussi de $80,000 à $150,000.

Ceci pour vous dire que nous possédons une organisation raisonnable, que nous avons des comités d'adhésion, des comités d'éthique et de vigilance et des comités de discipline, des comités de formation professionnelle. Nous pourrons donner d'autres détails du genre tantôt. Pour le moment, si vous permettiez, M. le Président, je donnerais la parole à un représentants de chacune de nos corporations qui ne parlera que pendant quelques minutes. D'abord, le président des conseillers d'orientation, M. Hugues Poirier.

M. POIRIER: Merci, M. le Président. Après ces considérations générales, je me permets certains rappels des principes que nous avons élaborés dans notre mémoire conjoint. Dans le cas du bill 250, nous entendons faire valoir auprès des membres de la commission parlementaire les motifs qui militent en faveur de la reconnaissance de l'orientation professionnelle, comme profession d'exercice exclusif.

Un conseiller d'orientation est un professionnel de formation universitaire dont la moyenne actuelle d'années de scolarité est de 18 ans et qui a pour fonction d'aider l'individu dans son développement vocationnel et notamment dans le choix d'une carrière par une évaluation scientifique des caractéristiques de sa personnalité. L'exercice de l'orientation professionnelle doit satisfaire, à notre avis, à deux conditions: que le professionnel ait une compétence particulière, et deuxièmement que son intervention auprès d'une personne s'effectue sous le sceau de la confidentialité.

Compétences particulières.

L'exercice de l'orientation professionnelle requiert notamment que le conseiller d'orientation puisse, dans son intervention auprès d'une personne, évaluer scientifiquement chez l'individu ses aptitudes, ses goûts, ses intérêts dans le choix d'une carrière; recourir aux méthodes et techniques d'évaluation appropriées; évaluer le réalisme de ce choix en fonction de facteurs incidents; inventorier les traits de personnalité favorables ou défavorables à l'engagement dans une carrière et, le cas échéant, dépister des déficiences physiques et psychologiques nécessitant une référence à un autre professionnel.

A notre avis, tels sont les principaux éléments constitutifs de l'acte professionnel du conseiller d'orientation. Cette description permet de réaliser que l'orientation professionnelle présente des affinités avec d'autres professions — nous venons d'en parler — telles la psychologie. Par ailleurs, l'orientation professionnelle est

une activité spécifique, distincte de toute autre par son objet, le développement vocationnel de la personne.

Concernant la confidentialité, l'acte professionnel du conseiller d'orientation, si l'on se rappelle ses éléments constitutifs, nécessite la communication de renseignements confidentiels en raison de leur caractère intime. La loi doit protéger, à notre avis, la confidentialité de cette relation personnelle qui s'établit entre le conseiller d'orientation et la personne. Nous ne voyons pas comment il serait autrement possible de concevoir dans ce contexte un acte d'orientation efficace.

En raison de ces exigences de compétence et de confidentialité, nous soutenons que l'orientation professionnelle doit être une profession d'exercice exclusif. Cette approche nous semble justifiée par l'intérêt public. En effet, cette reconnaissance permettrait le contrôle universel de la qualité des services et la répression des pratiques abusives.

Nous notons, par ailleurs, que cette approche satisfait aux critères énoncés sous l'article 22 du projet de loi no 250, pour déterminer si une profession doit être d'exercice exclusif.

La situation présente.

Actuellement, l'orientation professionnelle est une profession uniquement à titre réservé. Cette seule exclusivité ne protège pas le public contre les pratiques abusives dont on a fait également mention tantôt. Les cas d'abus sont parfois criants et aboutissent rarement à une action légale efficace. Il n'en demeure pas moins que les personnes lésées dans leur développement personnel et professionnel peuvent avoir subi un préjudice grave, aussi néfaste pour elles que pour la société. Il nous parait qu'un préjudice psychologique ou professionnel, même s'il est moins tangible qu'un dommage matériel et physique, mérite autant d'attention du législateur.

Par ailleurs, un bris de confidentialité comme un manque de compétence peuvent avoir des répercussions sérieuses pour la personne. A cet égard, nous pourrions citer des exemples de nombreuses personnes mal orientées dans la poursuite de leurs études ou le choix de leur carrière et qui deviennent des mésadaptées sur le plan personnel, professionnel et social.

Notons, entre autres, les cas de pratiques abusives dans l'orientation professionnelle faite sur la base d'un seul critère de mesure, sans interprétation, qui aboutissent à des déclassifications scolaires ou professionnelles. Ces cas posent véritablement un problème de compétence.

Par ailleurs, nous avons souligné que la reconnaissance de l'orientation professionnelle comme profession d'exercice exclusif, n'entraf-nerait pas de bouleversement significatif parmi les professionnels qui exercent actuellement cette profession. En effet, ces professionnels, en grande majorité, soit 850, près de 90 p.c, sont déjà membres de notre corporation. Les mem- bres de la commission sont informés que notre demande de reconnaissance de l'orientation professionnelle comme profession d'exercice exclusif a reçu, comme on l'a signalé tantôt, l'appui du Conseil interprofessionnel du Québec et des associations professionnelles, soit l'Association des professionnels de l'orientation du Québec et la Quebec Professional Guidance Association. Ces associations représentent plus de 500 conseillers d'orientation, soit près de 60 p.c. du nombre total dans la négociation avec l'Etat et les commissions scolaires.

En terminant, nous devons souligner que la reconnaissance de l'orientation professionnelle comme profession d'exercice exclusif ne vise que l'acte d'orientation, et ce sous réserve des droits et privilèges reconnus par la loi à d'autres professionnels. Cet acte d'orientation, nous le définissons de la façon suivante: "Constitue l'acte d'orientation professionnelle tout acte qui a pour objet d'assister une personne dans son développement vocationnel par une évaluation scientifique des caractéristiques de sa personne en fonction de l'analyse systématique des autres facteurs incidents".

Nous demeurons à votre disposition pour la période des questions. Merci.

M. COURVAL: M. Antonin Boisvert, psychologue.

M. BOISVERT: M. le Président, comme mon collègue, M. Poirier, des conseillers d'orientation, je ne prendrai, au nom des psychologues, que quatre ou cinq minutes pour préciser peut-être le contexte du mémoire dont vous avez tous, je pense, un exemplaire sous les yeux. Le fait est que je ne lirai pas les quelques pages qui sont présentées en aide-mémoire cartonné en gris pour vous. Je ne ferai qu'indiquer le plan de ces commentaires de façon que les membres de la commission disposent du maximum de temps pour interroger les représentants des trois corporations.

M. le Président, la Corporation des psychologues croit avoir démontré que les actes psychologiques posés par des incompétents, entrafnent de lourdes conséquences au détriment du public et indiquent bien qu'il faut les réserver à des professionnels régis par une corporation.

A cet égard, je ne reprendrai pas les principes qu'a exposés M. Courval lui-même tout à l'heure. Je voudrais simplement souligner qu'en pages 1, 2, 3 et 4 de l'aide-mémoire que vous avez sous les yeux, nous avons donné plusieurs cas concrets en psychologie sociale et en dynamique de groupe, par exemple, dans des commissions scolaires ou encore en "counselling" matrimonial ou familial ou en psychothérapie. Nous avons, dis-je, donné là beaucoup d'exemples qui indiquent bien les conséquences, le plus souvent graves, de l'exercice des actes psychologiques posés dans un contexte qui n'est pas approprié.

Si vous me le permettiez, je ne donnerais,

d'une façon concrète, qu'un seul de ces exemples.

Dans une seule commission scolaire — les renseignements précis seraient mis, bien sûr, confidentiellement à la disposition de la commission parlementaire si elle le désirait — le psychologue a constaté que plus de 50 enfants avaient été placés dans des classes pour déficients mentaux pendant une période de deux ou trois ans, ce qui n'est pas peu, par les soins de personnes incompétentes, alors que ces enfants possédaient une intelligence normale et même supérieure à la moyenne. Les enfants en ont subi des préjudices très graves. Dans la plupart des cas, il fut impossible de faire de la récupération scolaire. Ces enfants restent handicapés pour leur vie, du point de vue scolaire et professionnel.

De plus, un grand nombre d'entre eux développèrent des troubles de personnalité de plus en plus graves. Il fallut en diriger plusieurs vers des cliniques spécialisées pour névrotiques et même pour psychotiques.

Les personnes incompétentes dont nous parlons avaient orienté ces enfants vers des classes pour débiles mentaux, sans faire passer d'examens et sans procéder à des entrevues avec les parents ou encore ils avaient utilisé des tests à mauvais escient sans connaître ces instruments de mesure ou sans pouvoir interpréter leurs résultats. Ces personnes ne possédaient pas le sens clinique pour distinguer la vraie débilité mentale de la fausse et attribuaient à l'intelligence des troubles qui relevaient de l'émotivité.

Aussi, ne serez-vous pas surpris, j'imagine, que nous proposions au législateur de modifier les articles portant sur, d'une part, la définition de l'exercice de la psychologie et, d'autre part, sur la réserve du titre, soit les articles 35e) et 34e) du projet de loi no 250. Les modifications que nous proposons à la rédaction de ces articles, vous les trouverez dans l'aide-mémoire, à la page 5 et à la page 6. Il est évidemment inutile que j'en donne lecture ici. Cela ne ferait que réduire notre temps de discussion. J'ajouterai seulement, M. le Président, que cette définition que nous proposons de l'exercice de la psychologie, il va de soi, n'entame en rien les droits et privilèges déjà accordés par la loi à la Corporation des conseillers d'orientation et à ceux des travailleurs sociaux, comme le mentionnait M. Courval lui-même tout à l'heure.

Je voudrais ajouter une phrase ou deux, M. le Président, sur l'article 47 du projet de loi no 250, qui porte sur l'examen de l'état de santé physique et psychique. Cet article, en effet, porte que l'examen physique et psychique d'un malade ou d'un patient — ce sont les mots même de l'article — soit fait par un médecin. Nous souhaiterions, pour notre part, que le législateur corrige cette imprécision de termes. Ce n'est pas en tant que médecin qu'un membre du Collège des médecins peut porter un diagnostic sur la santé psychique d'un individu mais bien en tant que spécialiste de la santé mentale. Mais alors, il n'est plus le seul spécialiste compétent. Les psychologues spécialisés en clinique ou en psychothérapie possèdent une compétence indiscutable à cet égard.

Cette correction, dans l'article 47, aurait entre autres avantages celui d'assurer, de façon explicite, la continuité entre les principes généraux reconnus par le projet de loi no 250 et, notamment, l'article 35e) et encore l'article 47. Aux pages 7 et 8, vous trouvez des commentaires sur les relations très importantes entre les syndicats et les corporations professionnelles. Le projet de loi no 250 délimite avec précision le champ de compétence de la Corporation des psychologues, mais ne prévoit rien quant à celui du syndicat professionnel de la même discipline, qui semble avoir — c'est la seule conclusion que nous puissions en tirer — des pouvoirs illimités. Cette situation peut amener le syndicat à revendiquer pour lui tout ce qui n'est pas énoncé spécifiquement dans le bill 250.

Aussi, la Corporation des psychologues croit que le législateur devrait prévoir, dans le projet de loi 250 et dans la Loi des syndicats professionnels, des mécanismes de consultation et de décision conjointes de ces deux instances, syndicat et chambre professionnelle, lorsque leur compétence réciproque est en cause.

Il y a aux pages 9 et 10 des commentaires sur les relations entre les chambres professionnelles et les universités. Je me contenterai, en une phrase, de dire que, d'une part, les universités mettent sur le marché du travail des centaines d'étudiants. D'autre part, la loi impose comme condition d'admission à la Corporation des psychologues la possession d'une maîtrise conférée par une université du Québec. Or, les universités, ces dernières années, ont modifié unilatéralement les modalités d'acquisition de la maîtrise, de sorte que les étudiants peuvent maintenant retarder dans certains cas jusqu'à trois ans la remise de leur thèse de maîtrise. Ainsi pendant toute cette période plus ou moins longue — et encore une fois pouvant aller jusqu'à trois ans — ils ne sont pas admissibles, en vertu de la loi, à la corporation des psychologues. Mais devant la nécessité de gagner leur vie, qui est toute légitime, ils prennent des emplois dans le domaine de la psychologie par un moyen ou un autre, par subterfuge ou autrement. Ils offrent ainsi leurs services au public sans formation suffisante, aux termes de la loi, sans supervision ou encadrement et sans être soumis à un code de déontologie.

C'est pourquoi la Corporation des psychologues recommande que le ministère de l'Education, d'une part, et le ministère des Affaires sociales, d'autre part, devraient sûrement pouvoir assurer que les départements, facultés, écoles ou instituts des universités qui préparent des étudiants à l'entrée dans une profession régie par une corporation les préparent effectivement et réellement, et ce sans violation de l'esprit du projet de loi no 250.

Nous recommandons également que la loi donne aux corporations ou à l'office des professions ou au conseil interprofessionnel — nous croyons que c'est au législateur à étudier dans le détail laquelle de ces instances serait la plus appropriée — le moyen d'amener la révision des règlements universitaires qui contreviendraient à l'esprit d'une ou de l'autre des dispositions du bill 250.

Enfin, en terminant je voudrais ajouter un mot — et ce à l'invitation de M. le ministre Castonguay dans une communication au président, M. Courval — sur la loi récente au sujet des orthophonistes-audiologistes. La Corporation des psychologues s'estime lésée par la rédaction du bill 267, qui semble — et j'essaie de peser tous mes mots — réserver aux orthophonistes-audiologistes des tâches traditionnellement assumées par les psychologues.

En effet, l'article 8 de ce projet de loi semble exclure les psychologues de ce champ de pratique, comme il semble exclure également d'autres travailleurs comme le psycho-éducateur, dont nous avons entendu les représentants jeudi dernier, ou l'orthopédagogue, ou l'éducateur spécialisé, le logopédiste, et sans doute d'autres encore.

Je m'excuse d'avoir utilisé une terminologie aussi peu connue.

La Corporation des psychologues, pour sa part, ne veut, bien sûr, empêcher aucune personne compétente de pratiquer l'un ou l'autre des actes psychologiques puisque ce champ est très vaste. Mais elle ne veut pas non plus qu'on exclue ces membres de la pratique de ses propres actes. Aussi, nous recommandons que l'article 8 de ce bill soit amendé de façon à montrer clairement que rien dans cette loi ou dans ce projet de loi ne doit être interprété comme portant atteinte aux droits des membres de la corporation des psychologues.

Je vous remercie, M. le Président.

M. Raymond Doyle.

M. DOYLE: M. le Président, le numéro 6 de la page 6 de l'annexe du mémoire conjoint, qui a été soumis il y a plusieurs mois déjà, décrit le champ d'application du service social. Nous ne prétendons pas que cette définition soit actuellement opérationnelle mais elle fournit les cadres, les limites essentielles de l'exercice de la profession.

Par ailleurs, tous les actes que nous posons dans ce champ très large ne doivent pas nécessairement être contrôlés, c'est impossible. Nous désirons plutôt définir de façon précise quelques actes qui ne peuvent être exercés que par des personnes compétentes, à cause même de leur importance dans la vie de la personne ou dans celle de son groupe immédiat, la famille.

Ici, j'y reviens et j'insiste: Notre outil de travail, celui de notre corporation comme des deux autres, ceux qui travaillent dans le champ essentiel des relations humaines, c'est la relation humaine. On sait comment l'on atteint vrai- ment une personne de façon très particulière; les effets des interventions venant d'autres personnes supposément pour aider quelqu'un ne sont pas toujours perceptibles dans l'immédiat; par contre, ils peuvent être très graves ou très bénéfiques mais surtout à long terme.

Ce n'est pas comme quand on fait réparer son auto. Habituellement on peut dire assez rapidement si l'intervention du mécanicien a été bonne ou mauvaise, les symptômes apparaissent très rapidement. Ce n'est pas toujours le cas — ce n'est pas souvent le cas, je crois — dans le domaine des relations humaines. Je voudrais ici présenter plusieurs cas — à huis clos on pourrait donner beaucoup plus de détails confidentiels — disons deux cas qui illustrent concrètement cette prise de position qu'il faut vraiment assurer au public qui n'est pas toujours en mesure de juger de la compétence de la personne de qui elle demande de l'aide pour vraiment assurer une protection de façon très particulière dans le domaine des relations humaines.

Exemple: Une mère de famille accuse son époux d'être un père irresponsable. Les époux sont séparés de corps et la mère demande la garde de ses deux enfants de huit et dix ans. Le juge demande que l'on évalue le comportement du père de famille; un homme est nommé d'office pour procéder à cette évaluation; il n'a qu'une douzième année scientifique. Cependant, le rapport qu'il remet au juge, après avoir vu le père de famille une seule fois, est truffé de termes scientifiques tels que: personnalité déficiente, comportement à tendance schizophréni-que, instabilité caractérielle, etc..

Le père de famille se pourvoit en appel et avec les services de son avocat obtient gain de cause. La garde des deux garçons lui est confiée. Cependant les deux enfants, et le plus âgé surtout, ont été l'objet de nombreux interrogatoires par le juge, son représentant, les avocats, etc.. Pendant quelques semaines, ils ont même été retirés de leur foyer pour être placés en institution de protection.

La question que nous posons: Peut-on évaluer dans ce cas les dommages, peut-être irréparables, faits à la personnalité des deux enfants et comprend-on la situation du père de famille qui a à subir un diagnostic dit psychologique aux mains d'un incompétent?

Pourtant, c'est ce rapport diagnostique qui a influencé le juge lorsqu'il a rendu jugement.

Deuxième exemple: un prisonnier obtient la permission de contracter mariage et en profite pour s'enfuir avec sa nouvelle épouse. Le ministre responsable accuse la "travailleuse sociale" — c'est le terme que les journaux ont employé, c'est le terme qu'il a utilisé — qui a produit le rapport recommandant que la permission de contracter mariage soit accordée au prisonnier. Le scandale englobe tous les travailleurs sociaux. Or, la travailleuse sociale n'en est pas une et n'a aucune étude spécialisée dans ce domaine. Peut-on dire, en ce sens, que la protection d'un titre professionnel peut éclairer

suffisamment le public pour qu'il puisse choisir un professionnel valable lorsqu'il désire obtenir une consultation ou un traitement en service social? Même le ministre responsable ne sait pas faire la différence entre un travailleur social professionnel et une personne qui n'a qu'une formation générale au niveau du CEGEP.

C'est dans le but d'assurer la protection du public que nous proposons au législateur de réserver à la Corporation des travailleurs sociaux professionnels de la province de Québec le contrôle de la qualité des actes suivants, tels que proposés dans la définition qui suit; elle pourrait être modifiée, mais c'est la ligne générale que nous voyons, à l'heure actuelle. Que soient réservés comme domaine exclusif du service social la consultation et le traitement psychosocial qui ont pour but d'amener des changements essentiels dans la personnalité d'un individu ou dans la constitution de son groupe immédiat, soit la famille. Qu'il soit bien entendu qu'il ne s'agit ici que d'actes qui sont posés de façon régulière ou habituelle et contre une rémunération, sous une forme ou sous une autre. Par ailleurs, ceci ne doit toucher en rien les droits de pratique déjà acquis en ce domaine pour les deux autres corporations ici présentes, les psychologues et les conseillers d'orientation.

En somme, M. le Président, d'autres cas semblables à ceux-ci pourraient être exposés — ils le sont d'ailleurs dans l'annexe de l'aide-mémoire que nous avons fourni — mais cet échantillonnage révèle déjà suffisamment la nécessité de contrôler certains actes professionnels en service social et de soumettre ceux qui les posent aux critères et aux exigences de la déontologie professionnelle, de sorte qu'on ne soit pas pris seulement avec les charges du bill 250, les comités etc., mais que, si on paye pour la protection du public, ce soit opérant par au moins une certaine réserve de pratique.

C'est pourquoi nous demandons, comme première conclusion très concrète — ceci est dans notre mémoire initial — que la loi qui nous concerne, nous, les travailleurs sociaux — ceci vaut pour les deux autres corporations aussi — ne soit pas abrogée tout simplement, mais qu'elle soit retenue et qu'elle soit amendée dans le sens que nous le demandons ici.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci. La période de question commencera avec le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je vous remercie de la présentation de votre mémoire. M. Castonguay me prie de l'excuser; il doit nous rejoindre dans la journée, mais il lui était impossible de venir à l'ouverture de la séance. J'ai lu de façon attentive le mémoire présenté par vos trois corporations et je suis heureux, d'abord, de voir que c'est très intéressant en ce qui regarde le travailleur social, le psychologue et aussi l'orientation. Je dois dire qu'actuellement l'orientation est une chose extrêmement importante quand il s'agit de diriger nos jeunes vers une formation universitaire. Il est important pour le psychologue de pouvoir définir l'état mental des jeunes qui doivent aussi suivre certains cours qui leur permettront d'être des citoyens à part entière.

Je voudrais poser une question. En lisant votre mémoire, j'ai remarqué qu'il semblait y avoir un certain chevauchement entre l'exercice de vos différentes corporations. Pensez-vous qu'il soit légalement possible d'attribuer à chacune de vos professions un champ d'exercice exclusif et d'éviter ainsi le chevauchement de ce champ d'exercice qui ne peut être qu'une source de conflits entre vos corporations?

M. COURVAL: II est difficile de définir chacun de nos centres de pratique d'une façon très précise. C'est pourquoi nous ne l'avons pas fait et nous nous sommes réunis à trois. Nous prévoyons cette difficulté en reconnaissant à l'avance le droit et le pouvoir pour les deux autres corporations de pratiquer certains des actes que l'une ou l'autre pratique également, de sorte qu'il ne peut pas s'élever de difficultés. Nous avons recommandé aux législateurs de le placer dans notre loi.

M. FORTIER: Est-ce que vous croyez que vous pouvez le faire de façon bien définie: bien limiter le champ d'exercice de chaque profession? Je vois que dans votre mémoire, il y a des chevauchements. Par exemple, vous avez des questions d'orientation pour le conseiller d'orientation et également pour la psychologie.

Il y a là un chevauchement dans les professions.

M. COURVAL: Oui.

M. FORTIER: II n'y a pas vraiment de limite bien définie entre les deux.

M. COURVAL: Non, il y a un chevauchement. Il y a des travailleurs sociaux psychiatriques qui font de la psychothérapie. Les conseillers d'orientation, les travailleurs sociaux et les psychologues pratiquent tous les trois le "counselling". Nous pratiquons, avec les conseillers d'orientation, l'orientation scolaire et professionnelle. Non, il n'est pas possible de délimiter de façon précise, au couteau, le champ de chacune de nos corporations.

Il reste que c'est une question prévue dans nos codes d'éthique et une personne ne doit pas exercer des activités pour lesquelles elle n'a pas la compétence.

M. FORTIER: Les définition des champs d'exercice que vous donnez dans ces annexes, par exemple dans votre mémoire conjoint de février 1972, sont descriptives. Par exemple, pour le conseiller d'orientation, vous avez une définition à l'annexe 1, page 4; pour le psycho-

logue, la même chose ainsi que pour le travailleur socio-professionnel. Si vous demandez un champ d'exclusivité, on voudrait bien définir les objectifs de chaque corporation afin qu'il n'y ait pas de chevauchement entre elles.

M. BEAULU: Peut-être qu'il en faut. Peut-être qu'il y en aura. Ce que nous demandons, c'est peut-être plus d'imagination pour essayer de prévoir un peu ce que pourrait être l'avenir et que le bill 250 prévoie des mécanismes d'études constantes, de sorte que les corporations puissent suivre l'évolution tant de la formation que de la pratique. Nous ne demandons peut-être pas l'exercice exclusif dans un sens plus traditionnel, dans le sens qu'on ferme vraiment quelque chose pour exclure tous les autres. Ce que nous voulons, c'est que le bill 250 ait des mécanismes, prévoie des possibilités d'évolution parce qu'il y a un certain chevauchement. On peut le définir comme chevauchement d'un côté et le définir comme mode de collaboration d'un autre côté. Je pense qu'il faut essayer de prévoir que ce soit suffisamment souple pour qu'on puisse reconnaître la réalité à mesure qu'elle évolue.

M. COURVAL: Nous avons des traits communs mais de moins en moins. Il y a des traits spécifiques pour chacune des corporations, pas simplement les nôtres, mais l'ensemble des corporations. Le travail multidisciplinaire se fait aujourd'hui pour un très grand nombre de spécialistes.

M. FORTIER: Je comprends que vous demandez une exclusivité mais, vous avez vous-même constaté, à l'article 8 du projet de loi 267 au sujet des orthoponistes et des audiologistes, les difficultés de définir un champ d'exercice exclusif. C'est ce que je soumets à votre attention: la difficulté d'avoir un champ exclusif pour chaque corporation.

M. COURVAL: Mme Grenier.

MME BLAIS-GRENIER: Notre hypothèse de travail, en l'occurence, est un peu la position que le ministre Castonguay a prise et qui est citée au journal des Débats des 22 et 24 août 1972, où il disait: "II faut se rappeler que les lois qui sont présentement à l'étude sont des lois qui visent à limiter de façon précise ce qu'est le champ de pratique d'une profession. Ceci ne signifie pas pour autant que ça limite les membres de cette profession à l'objet spécifique décrit dans la définition de la loi. Ce qui importe, c'est qu'il faut limiter un champ de pratique là où de toute nécessité seules des personnes compétentes doivent poser les actes pour la protection du public".

Nous ne voulons pas essayer de réserver l'ensemble de nos actes professionnels. Cela tient compte non seulement des champs mitoyens avec les conseillers d'orientation, et les psychologues, mais tient compte aussi des champs mitoyens avec des corporations qui ne sont pas encore créées et qui le seront dans l'avenir, vraisemblablement. Je pense aux psycho-éducateurs, aux criminologistes, etc.

Ce que nous voulons limiter, ce sont certains actes où la protection du public exige que nous puissions appliquer une déontologie. Or, dans nos professions respectives, plusieurs des principes de nos cas de déontologie se recoupent. Nous croyons que nous pourrions, selon des modalités à établir, exercer en commun cette déontologie professionnelle.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je pense que vous avez posé le véritable problème qui nous confronte depuis le début des travaux de la commission, problème sur lequel je pense qu'on commence à apporter un éclaircissement suffisant pour trouver une solution. La proposition que vous faites rejoint celle qu'on a faite antérieurement. C'est que dans certains secteurs, comme celui des sciences de la santé, il y ait un regroupement quelconque qui permette aux corporations professionnelles — sans freiner leur évolution, parce que c'est important aussi — d'y voir un peu plus clair et pour que le public soit protégé. C'est ce qui est important.

Si vous réclamez l'exclusivité de certains actes au détriment d'autres corporations professionnelles, il est possible que le public en souffre. Vous avez mentionné tantôt que les psychologues et les psychiatres pouvaient, dans certains cas, poser des actes et sont habilités à le faire. Vous avez mentionné également d'autres corporations professionnelles, les orthophonistes, je pense, et les psychologues. C'est le même cas. Vous avez souligné ce cas. C'est le véritable problème, et la solution est là, si vous me permettez ce commentaire. Je pense que le législateur va se diriger de ce côté. Votre suggestion est heureuse à ce point de vue, de permettre à certaines corporations qui travaillent dans le même champ, soit les sciences de la santé ou les sciences humaines, de se regrouper. Vous vous réclamez de ce secteur des sciences humaines. Il y a les sciences comptables. Il y a les sciences administratives. Il y a les sciences du génie. Je pense qu'on devra faire ces sortes de regroupement à l'intérieur soit de l'office des professions soit du conseil interprofessionnel. Je pense qu'on devra explorer cette solution à l'intérieur de l'office des professions pour faciliter ce regroupement, pour faciliter la définition du chevauchement, si vous voulez, parce qu'il va falloir permettre le chevauchement. Même si certains actes sont réservés, pour protéger le public, à une de vos corporations, on devra le permettre.

Cela m'amène à vous poser la question suivante. On semble accepter de plus en plus — cela semble ressortir des travaux de la com-

mission parlementaire — qu'il va falloir tailler de grands secteurs à l'intérieur desquels on devra faciliter l'évolution des corporations professionnelles. Vous êtes dans le secteur des sciences humaines; est-ce qu'à votre avis, dans ce secteur des sciences humaines, il y a d'autres corporations professionnelles qui, dès maintenant, ou à assez court terme, devront se regrouper à l'intérieur de votre fédération des trois corporations professionnelles? Vous avez nommé tantôt les criminologistes, les psychoéducateurs. Je pourrais penser à la psychiatrie. Peut-être que le député de Bourget voudra plus particulièrement...

M. LAURIN: Les logopédistes...

M. CLOUTEER (Montmagny): Les logopédistes... parler de la psychologie et de la psychiatrie, les endroits où ces deux professions se recoupent. Je vous demanderais, à votre avis, si l'évolution de vos corporations et des autres corporations dont on a parlé est assez rapide pour prévoir, à court terme ou même pour tout de suite, un regroupement additionnel de certaines autres professions avec les vôtres.

M. COURVAL: Je pense que Me Sheppard avait quelques mots à dire.

M. SHEPPARD: Premièrement, je pense que c'est une question que nous nous posons tous et qui était un peu celle qui avait donné naissance à la commission d'enquête sur la santé et le bien-être. On assistait à une prolifération de toutes sortes de nouvelles spécialités ou de nouvelles disciplines. Il fallait trouver un moyen de les contrôler, d'assurer la compétence à leurs praticiens et de protéger le public.

Mais je pense que votre question rejoint certaines des questions qui ont été posées au départ, c'est-à-dire que nous nous trouvons en présence d'un triple problème si on parle d'exclusivité d'exercice et de protection du public. Il y a les relations entre les trois corporations qui sont présentes ici. Il y a les relations entre ces corporations et d'autres corporations qui existent déjà. Il y a les relations, en troisième lieu, avec les groupements qui commencent à se présenter.

Dans le cas de ces trois corporations, ce n'est pas un hasard qu'elles sont ici conjointement. C'est qu'elles se rendent compte qu'à part certaines considérations économiques, comme les programmes conjoints qui coûteraient moins cher à appliquer que si on les faisait séparément, il y a une collaboration constante et un chevauchement. Ces trois corporations veulent éviter des conflits entre elles. Je pense qu'elles proposent au législateur une possibilité, si on décidait de leur accorder l'exclusivité, d'éviter au moins des conflits entre elles.

Je pense que le problème entre elles est réglé ou pourrait être réglé. Par rapport à d'autres corporations qui existent déjà, il n'y a pas, non plus, de difficulté parce que chacune de ces corporations est protégée, de toute façon, dans son champ. Je dis souvent, en riant, que nous, au Barreau, nous faisons beaucoup de travail social. Il est évident qu'on ne va pas se faire poursuivre pour exercice illégal de la profession de travailleur social ou de psychologue. Le problème le plus grave, c'est celui des nouveaux groupements qui s'en viennent. On a mentionné certains d'entre eux; j'avoue que je trouve les titres aussi barbares que d'autres ici. Je parlais des criminologues, par exemple, qui exercent une profession qui a connu un essor très considérable au Québec depuis quelques années. Il n'est pas du tout exclu qu'un jour ils soient reconnus, si le législateur le décide, comme profession à titre réservé; je ne sais pas si on ira jusqu'à l'exercice exclusif. Mais, même si cela était, à supposer que le groupe qui se présente ici inclurait les criminologues ou les criminologistes, il n'y aurait pas de conflit entre les différentes corporations dans la mesure où chacune accepte qu'on oeuvre dans un champ particulier et qu'elles sont liées par un code de déontologie qui leur est imposé.

Le problème véritable, c'est à l'égard du public et surtout du public consommateur, du public privé, parce qu'on peut supposer que les instances officielles, les gouvernements et les institutions ont la compétence et les connaissances requises pour choisir entre un travailleur social véritable et quelqu'un qui s'affuble du titre, même si certains cas semblent démontrer le contraire.

Mais il y a une véritable confusion qui s'installe quand des gens peuvent, je ne dirais pas usurper, mais utiliser des titres. Les personnes qui ne sont pas très informées ont l'impression d'avoir affaire à des gens qui ont la même compétence. Vous vous rappelez qu'à la dernière séance on a beaucoup parlé des conseillers sociaux. Nous sommes, je dirais, presque tous des spécialistes du monde professionnel. Je suis certain que nous avons eu une certaine difficulté — et nous l'avons encore — à saisir exactement quelle est la démarcation entre les conseillers sociaux et les autres appellations, les aides-sociaux, les travailleurs sociaux, etc. Si nous, les spécialistes, après toutes ces audiences, ne pouvons pas distinguer, pensez au public qui n'est pas seulement en présence des conseillers sociaux et les travailleurs sociaux, mais de Dieu sait quels autres titres qu'on peut utiliser.

On a parlé, tout à l'heure, de psychologues. Bon. Seuls les psychologues peuvent utiliser le titre de psychologue, mais consultant en psychologie, spécialiste en psychologie, diplômé en psychologie, cela est à la portée de tout le monde. Vous vous rappelez certainement le cas — à mon avis, le plus scandaleux que nous ayons eu au Québec — celui des psychanalistes. N'importe qui peut s'intituler psychanaliste sans être médecin. On a eu — je ne nommerai personne — des psychanalystes qui se sont retrouvés devant les tribunaux dans des circons-

tances qui font pâlir toutes les causes d'exercice illégal ou scandaleux, justement parce qu'il n'y avait pas de protection. N'importe qui, ici, peut, demain, accrocher à son mur une pancarte disant qu'il est psychanaliste et on ne peut pas l'empêcher. Il n'a pas besoin d'être médecin; il n'a pas besoin d'avoir fait la moindre étude.

Je pense que c'est dans ce sens qu'il faut interpréter la demande des trois corporations qui sont devant vous. Elles ne veulent pas limiter l'exercice des autres corporations ni de chacune d'entre elles. Elles ne veulent pas se réserver un monopole ou créer un trust et elles ne veulent pas empêcher l'essor d'autres spécialités qui peuvent naître mais, premièrement, il est évident qu'il faudra trouver un système de collaboration, que ce soit dans une corporation polyvalente, dans une fédération ou un autre système, également pour avoir une sorte de parapluie pour les nouvelles spécialités. Autrement, au lieu de limiter le nombre des corporations, on en aura peut-être 100 ou 150, un jour, au Québec. Deuxièmement, il faudra protéger le public, dans le sens de réserver certains actes, selon la corporation et selon sa spécialité. C'est pour cela, vous remarquerez, que chacune des ces corporations qui vous proposent une définition de l'exclusivité insistent sur certains éléments. Il faut que ce soit l'exercice de la profession selon certains critères, que ce soit un exercice habituel ou que ce soit contre rémunération.

Tout cela, ce sont des protections pour empêcher, en somme, que des gens, à l'occasion, exercent d'autres professions. Un médecin peut être appelé à conseiller un malade en lui disant: Vos ulcères sont dus à la tension nerveuse que vous occasionne votre travail. Changez de travail. C'est de l'orientation professionnelle, en quelque sorte. Justement, pour éviter ces conflits absurdes et inutiles, on a donné une définition très limitée. Ce n'est pas une définition juridique satisfaisante et nous comptons beaucoup sur les excellents conseillers juridiques du ministre pour en trouver une qui soit applicable, parce que cela ne sert à rien de donner une définition qui ne soit pas défendable devant les tribunaux. Autrement, on fait de la littérature, on ne fait pas une loi. Mais vous verrez, dans les exemples qui vous sont donnés, qu'il y a des abus criants et constants, qui sont des menaces au public. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la démarche, avec, naturellement, les différentes soupapes de sûreté que sera le conseil interprofessionnel qui — j'insiste beaucoup là-dessus — appuie la demande d'exclusivité. Ces trois corporations viennent, avec l'appui de tous les membres du conseil interprofessionnel, pour leur demande d'exclusivité. Je pense que c'est unique dans nos annales.

A part le conseil interprofessionnel, il y aura l'office des professions et le gouvernement qui pourront, à l'occasion, trouver les aménagements qu'il faut, mais c'est une demande très sérieuse, je vous le soumets, qui vous est proposée et qui est fondée sur des abus qu'on vous signale. Ce n'est pas, donc, sans dire du mal de certains autres requérants, une question de statut qu'on vous demande, ce n'est pas une question d'obtenir des privilèges qui vont rehausser le prestige d'une profession. Il y a une nécessité sociale évidente. C'est dans cette perspective, je pense, qu'il faut étudier la demande, même si elle est difficile, en pratique. Ce n'est pas une demande facile. Ce n'est pas facile à définir. Nous sommes d'accord. Disons que c'est la philosophie de la demande qui vous est présentée aujourd'hui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis d'accord avec vous à l'effet que ce n'est pas facile à définir, mais il y a certainement une avenue intéressante à explorer dans la proposition que vous faites d'une corporation polyvalente, de ce regroupement de trois professions qui ont un champ d'exercice... Une bonne proportion des actes que posent ces trois groupes de professionnels ont peut-être un champ d'exercice commun.

On a reproché souvent, devant cette commission parlementaire, ce qui parait un monopole exercé par la médecine vis-à-vis des autres professions de la santé. Etant donné que, dans votre secteur du champ social, il y a une évolution très rapide — vous le dites dans le mémoire — que des groupes de professionnels oeuvrent déjà depuis dix ans comme corporation professionnelle et dix ans, avant cela, comme association professionnelle; que d'autres groupes apparaissent — vous venez d'en parler également — quels sont les mécanismes que l'on pourrait prévoir pour l'arrivée d'autres professionnels qui viendraient s'ajouter, qui pourraient avoir un titre, réservé d'abord, et ensuite un droit de pratique exclusif, comme vous le réclamez, et que peut-être un jour la loi actuelle vous reconnaîtra?

Ou, à ce n'est pas la loi actuelle, avec les années cela pourra venir.

M. SHEPPARD: II est évident que la solution idéale c'est un organisme qu'on appelle à l'heure actuelle, faute d'un meilleur terme, une sorte de corporation polyvalente qui soit suffisamment ouverte pour accueillir d'autres groupements éventuellement. C'est la formule que nous proposons. Il y en a peut-être d'autres, ce n'est pas une formule sacramentelle.

Mais notre démarche n'a pas pour but d'empêcher l'essor ou l'exercice d'autres professions. Loin de là. Nous ne disons pas: En somme, nous voulons englober, au sein de la corporation des travailleurs sociaux ou des psychologues, tout le travail des autres et éliminer tous les autres groupes. Ce n'est pas du tout dans ce sens-là que les corporations se présentent ici.

Mais rien n'empêcherait un jour les crimino-logues, s'ils étaient reconnus, de faire partie

d'une telle corporation, ou quelques autres spécialités. Nous n'en voulons même pas aux conseillers sociaux, qui après tout, comme ils l'ont dit eux-mêmes, ont été suscités à la demande des travailleurs sociaux à cause d'une pénurie de personnel.

Mais où nous croyons qu'il faut déterminer certaines limites c'est dans les titres au départ, pour qu'il n'y ait pas de confusion dans l'exercice qui est autorisé et qui va selon la compétence. Nous avons, dans le domaine médical, l'infirmière et le médecin qui font à peu près le même travail, et pourtant tout le monde comprend très bien quelles sont les limites du travail de l'infirmière et celles du travail du médecin.

Et il devra en être de même ici. Que des conseillers sociaux vous parlent pendant une heure du fait qu'ils oeuvrent dans le même champ que les travailleurs sociaux, c'est évident. Tout comme on peut dire que le médecin et l'avocat oeuvrent dans le même champ, puisqu'ils travaillent tous les deux sur la personne humaine. Mais ce que les conseillers sociaux ont oublié de vous dire par exemple, c'est la différence de préparation scolaire et ça se reflète également dans la qualité, la compétence et la responsabilité qu'on peut leur confier.

Mais, aujourd'hui, ce n'est plus — comme eux-mêmes vous l'ont dit — du bénévolat auquel on fait face. Un avocat qui reçoit une cliente qui veut divorcer, se séparer est obligé, par la loi du divorce maintenant, de diriger cette personne vers un conseiller matrimonial. Les juges de plus en plus, avant de décider de la liberté des citoyens — ce n'est pas une question d'argent, de chirurgie esthétique, c'est une question souvent de liberté — consultent des spécialistes, c'est-à-dire des travailleurs sociaux ou d'autres personnes qui travaillent dans ce domaine.

Il est indispensable que le public soit protégé, parce que l'individu qui passe en jugement peut très bien se voir retrancher quatre, cinq ou dix ans de sa vie à la suite du rapport fait par une personne qui n'est pas compétente. On est dans le domaine de l'irréel, mais c'est une réalité que tous nous vivons tous les jours. On a des exemples qui nous le rappellent presque quotidiennement devant les tribunaux.

C'est pour ça que nous signalons cette lacune, dans le code des professions, qui ne prévoit pas la corporation polyvalente, qui éventuellement pourra accueillir ces différentes spécialités. Il ne faut pas oublier qu'en attendant ce jour-là il y a dès maintenant des gens qui doivent être protégés et qui sont menacés.

Quand vous voyez, dans l'exemple qui vous a été cité, une gamine de 19 ans qui peut décider en somme de la vie d'une famille, je trouve ça extrêmement grave.

M. CLOUTIER (Montmagny): Me Sheppard, il y a un groupe qui a parlé — je pense que ce sont les psychologues— des syndicats professionnels dans leur mémoire. Est-ce que les trois corporations qui sont devant nous ont un syndicat professionnel?

MME BLAIS-GRENIER: Nos membres sont syndiqués.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce un syndicat indépendant de la corporation professionnelle dans les trois cas?

MME BLAIS-GRENIER: Ils sont syndiqués, pour la plupart, dans le groupe des ingénieurs et cadres de la CSN.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quant aux travailleurs sociaux?

MME BLAIS-GRENIER: Quant aux travailleurs sociaux.

M. CLOUTIER (Montmagny): Et aussi aux deux autres groupes.

MME BLAIS-GRENIER: Plusieurs psychologues...

M. TANGUAY: Pour les conseillers d'orientations, il y a des syndicats indépendants de la chambre professionnelle et l'harmonie est des plus heureuse.

M. CLOUTIER (Montmagny): Bon! Vous avez mentionné ce point. Cela pourrait rejoindre l'argumentation que vient de nous faire Me Sheppard que, pour éviter qu'inconsciemment ne se crée aussi un monopole, le syndicat professionnel peut être un élément d'équilibre, peut introduire un certain équilibre vis-à-vis de la corporation professionnelle. Vous avez mentionné à bon droit que chacun des groupes devait s'occuper de sa responsabilité propre. Ce n'est pas au syndicat professionnel de s'occuper des choses qui relèvent particulièrement de la corporation et ce n'est pas à la corporation de traiter des questions financières et monétaires de ses membres.

Cela peut aussi introduire un élément d'équilibre qui peut contrebalancer ce dont on parlait tantôt, à savoir le monopole qui pourrait s'installer.

Quant aux questions spécifiques à l'endroit des trois groupes, je vais laisser à mes collègues le soin de poser des questions et je reviendrai peut-être, M. le Président.

M. COURVAL: Mme Blais-Grenier aimerait compléter une réponse à une question.

MME BLAIS-GRENIER: J'aimerais ajouter quelque chose sur tout ce qui a été exprimé avant. On a parlé des définitions du champ de pratique; il faut bien comprendre que dans les agences de service social, qui vont prendre des

appellations diverses avec le bill 65, plusieurs professions cohabitent et les membres professionnels sont souvent syndiqués dans les mêmes syndicats. Forcément, le syndicat — comme vous le disiez, M. Cloutier — sert de facteur d'équilibre puisqu'il va pousser, lui, davantage à une espèce de nivellement. Je crois que c'est dans l'ordre d'un groupement qui protège les intérêts des individus et qui essaie de maximiser leur avancement professionnel, leur échelle de salaire et tout.

Nous n'avons pas d'objection à ça. Nous essayons constamment de nous préoccuper de l'intérêt individuel de nos membres. Il y a des problèmes qui se sont posés dans le passé et qui ne sont pas, actuellement, réglés à cause de nos lois respectives. Pour vraiment avoir pu les régler, il aurait fallu demander des amendements à nos lois. Si je prends la Loi des travailleurs sociaux, par exemple, il est défini que pour être membres de la corporation il faut être détenteur d'un baccalauréat ou d'une maîtrise en service social d'une université du Québec ou l'équivalent. Strictement, cette phrase, pour retourner au problème des conseillers sociaux, servait déjà de limite. Les conseillers sociaux peuvent très bien entrer dans notre corporation en se recyclant au plan universitaire mais, nous nous ne pouvons les accepter d'office lorsqu'ils finissent du CEGEP, avec la loi actuelle.

Ce qui ne veut pas dire qu'éventuellement, avec la collaboration de l'office et d'autres professions, on ne pourrait pas parvenir à s'entendre en établissant des certificats de spécialité. Les mêmes certificats de spécialité, d'ailleurs, pourraient être établis par les trois corporations et permettre aux membres de chacune des corporations d'évoluer de l'une à l'autre, d'un champ à l'autre. Si un travailleur social se spécialise en "counselling", il peut très bien recevoir un certificat de spécialité qui est un champ propre mais pas unique de la Corporation des psychologues.

Ce qui nous préoccupe énormément aussi, c'est le foisonnement au niveau universitaire de toutes sortes de spécialités dont on ne sait vraiment pas où ça va aboutir sur le marché du travail. Je pense, par exemple, au ministère des Affaires sociales qui, de plus en plus, va couper dans ses budgets les postes confiés aux animateurs sociaux, pour toutes sortes de raisons dont certaines d'agitation politique, à ce qu'on me dit.

Par ailleurs, dans certaines universités du Québec que je ne nommerai pas, on forme actuellement des animateurs sociaux. A quoi sert de former des gens dont on sait d'avance qu'on ne veut pas les employer dans le champ du bien-être par la suite? Cela nous préoccupe énormément. Il faut comprendre qu'acutelle-ment, nous n'avons aucun contrôle sur les universités et sur les spécialités qui se créent dans les universités. Il y a un hiatus énorme à ce niveau.

Si vous me permettez encore quelques secondes, je voudrais mentionner, pour le bénéfice de M. Cloutier, la recommandation numéro 2 de notre mémoire conjoint.

On demande dans cette recommandation que le gouvernement nous permette, en consultation avec l'office, d'être saisis et d'étudier le problème de toute création de nouvelles disciplines dans le champ des sciences humaines, pour éviter le double emploi qui se fait dans d'autres professions. Je pense par exemple, encore une fois â certaines autres universités du Québec qui créent une faculté de génie actuellement, alors que c'est de notoriété que, parmi les 14,000 ingénieurs au Québec, 1,200 sont en chômage. Nous demandons d'être saisis de nouvelles disciplines qui se créent au niveau de l'enseignement, qui n'ont rien à faire avec les corporations. De cette manière, les corporations sont tout simplement mises devant le fait accompli.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis content que vous souligniez ce point parce que, dans d'autres séances de la commission parlementaire, on l'a souligné aussi, mais tout particulièrement au niveau du CEGEP. Toutes ces nouvelles options s'ouvrent sans qu'il y ait assez de collaboration entre le ministère de l'Education et les différents ministères gouvernementaux et les corporations professionnelles. Le problème est clairement posé devant la commission et vous venez de le mentionner au niveau universitaire. Je pense que, dans cette collaboration que vous mentionnez, il y a certainement quelque chose à retenir de la part du législateur.

M. LE PRESIDENT: M. Beaulu, et M. Bois-vert ensuite.

M. COURVAL: M. Beaulu aimerait reprendre la parole.

M. LE PRESIDENT: Pour répondre à une question?

M. COURVAL: Oui.

M. BEAULU: C'est pour compléter la question de M. Cloutier concernant l'intégration d'autres associations et groupements, si vous me le permettez, M. le Président.

C'est juste un point d'information. J'apprenais hier que devant le Parlement de la province d'Alberta, il y a actuellement un bill qui s'appelle le bill 83, Mental Health Act, qui propose une accréditation ou un certificat de spécialité, comme le mentionnait Mme Grenier, concernant la fonction de psychothérapeute ou thérapeute. C'est une fonction qui est exercée par beaucoup de professions. Ce qu'on propose c'est que, justement, il y ait une accréditation pour des gens qui seraient capables de remplir la même fonction, par le biais de la structure que

nous proposons, c'est-à-dire celle d'une corporation qui serait polyvalente. Au fond, c'est quelque chose d'analogue que nous essayons d'atteindre tout en nous servant évidemment du cadre général qui est proposé par le bill 250, c'est-à-dire permettre à des gens qui ont une formation, un entrafnement ou des capacités pour remplir telle ou telle fonction, peu importe le type d'enseignement qu'ils ont eu, le genre de département universitaire par lequel ils sont passés, d'exercer la fonction pour laquelle ils ont été préparés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, on a répondu à plusieurs questions, surtout Me Sheppard, qui, avec sa grande connaissance des humains va me priver de poser un paquet de questions. Cependant, il reste quelques points à éclaircir. Ici, je regarde dans le document de la Corporation des travailleurs sociaux professionnels. Au sujet du domaine exclusif, on dit ceci: "Que soient réservés comme domaine exclusif du service social, la consultation et le traitement psychosocial qui ont pour but...", etc. Je me demande si ce qui est demandé par ce texte n'est pas beaucoup trop large, et je m'explique. Disons qu'un législateur peut devenir en quelque sorte, par l'étude ou l'application de certaines lois, un travailleur social. Est-ce qu'un médicin peut établir un diagnostic valable sans consultation psycho-sociale? C'est la question que je me pose. Devra-t-il recourir, à ce moment, à la qualification d'un psychologue ou d'un travailleur social?

M. SHEPPARD: C'est une question qui est très appropriée et si on la limitait aux éléments que vous avez retenus de la définition, je serais le premier à m'y opposer. Mais il faut lire la suite: "... la consultation et le traitement psycho-social qui ont pour but d'amener des changements essentiels dans la personnalité d'un individu ou dans la constitution de son groupe immédiat".

Plus loin dans le texte, on lit: "...exercer de façon régulière et contre rémunération." Cela vous donne, tout de même, une série très considérable de restrictions. Cela veut donc dire que le législateur ou l'avocat qui ferait du travail social occasionnel ne tomberaient pas normalement dans le cadre de la définition.

M. GUAY: Disons que ça répond assez clairement, sauf qu'un député est rémunéré pour ce qu'il fait aussi, comme l'avocat.

MME BLAIS GRENIER: Pour ce qu'il fait, mais pas pour le travail social.

M. COURVAL: Si vous me le permettez, je prendrais l'exemple de la définition du psychologue qui prévoit aussi les mêmes choses et qui dit: "Constitue l'exercice de la psychologie le fait de poser habituellement et contre rémunération l'un ou l'autre ou plusieurs des actes suivants — on en nomme et on ajoute — à partir des connaissances de la psychologie scientifique." Alors, c'est là que notre champ est déterminé. Qu'un avocat ou qu'un médecin ou qu'une autre personne posent contre rémunération et même souvent des actes de cette nature, s'ils ne le font pas à partir des connaissances de la psychologie scientifique, nous n'avons pas d'objection. S'ils le font sur le plan humain, par exemple, ou sur le plan de leur expérience de la vie, ça va.

M. POIRIER : II est bien sûr que les professions, les disciplines de base sont très vastes; elles comprennent un ensemble de connaissances et d'applications très diverses. Je pense que notre demande réciproque n'est pas de couvrir le champ entier, si vous voulez, de la discipline de base. On prend un ensemble de connaissances de ces disciplines qui sont multiples, que ce soit la sociologie, que ce soit la psychologie, que ce soit le domaine social ou même l'éducation, mais avec des finalités particulières. C'est à cet égard que l'on définit les actes particuliers restreints dans le domaine de nos champs professionnels qui méritent une attention particulière du législateur, en fonction de la protection du public et également des préjudices qui peuvent être causés aux personnes par l'application soit des techniques ou d'un service professionnel dont le professionnel n'a pas la compétence requise ou n'est pas soumis à des contrôles d'exercice professionnel.

MME BLAIS GRENIER: Je voudrais ajouter à ça un exemple concret qui pourrait concerner nos collègues de la médecine et du Barreau. Je pense à un cas bien défini où un médecin dirait à une mère de famille: Vous êtes très nerveuse; il serait bon que votre enfant, qui lui-même est très nerveux, puisque cela peut vous influencer mutuellement, soit loin de vous pendant un certain temps.

Cela, c'est un conseil qui touche en partie certaines de nos professions, mais, là, ça va très bien, il n'y a pas de problème. J'espère que la mère de famille, à ce moment-là, ira consulter un psychologue ou un travailleur social et qu'avant de prendre sa décision elle se soumettra à un processus d'évaluation assez long, parce que c'est une décision grave et pour elle et pour l'enfant.

Je m'opposerais certainement à l'acte du médecin ou de l'avocat s'il prenait la mère de famille en consultation et la gardait en consultation, à une séance par semaine pendant six ou huit mois, pour l'amener à accepter le départ de son enfant de sa famille. J'aurais peur, à ce moment-là, que sa formation médicale ou sa formation juridique n'introduise dans son diagnostic du problème psychologique de la mère des éléments qui ne devraient pas entrer dans ce diagnostic.

Comme dit Me Sheppard, ça coûterait beaucoup plus cher.

M. GUAY: Je remarque également que, dans la définition de l'exercice de la psychologie, vous énumérez l'évaluation, les diagnostics ou l'intervention dans le domaine de la santé mentale. Moi, je me pose la question suivante: Quel champ restera au psychiatre désormais si c'est couvert de cette façon? Il faut bien le dire: Que ce soit un travailleur social, un conseiller social ou un psychologue, il faut, à un moment donné, qu'il pose un diagnostic. Ces champs sont tellement connexes que je me demande quelle place ou quel champ sera réservé au psychiatre désormais.

MME BLAIS-GRENIER: Ils ont déjà la réserve en étant membres du Collège des médecins, pour une part. Il y a certains éléments que le psychiatre ne touche pas à cause de sa formation et à cause du coût de ses services. Je n'ai jamais vu, jusqu'à preuve du contraire, un psychiatre se rendre dans un famille pour prendre et noter les dimensions sociales de cette famille, pour juger de son implantation dans la communauté, pour voir comment elle réagit au plan du groupe familial et comment elle réagit au plan communautaire.

Il y a certainement des actes qui sont beaucoup plus du domaine de la psychiatrie que l'extension jusqu'à l'aspect social et psychosocial.

M. COURVAL: La loi no 108 qui régit la Corporation des psychologues comporte cette clause de réserve qui dit que ceci n'entame en rien les droits et privilèges déjà consentis au Collège des médecins nommément.

M. BOISVERT: D'autre part, M. le Président, si vous me permettez, cela pose la question tout à fait pertinente du travail d'équipe dans le domaine de la santé. On connaît des hôpitaux, des cliniques, des centres de santé ou, en effet, de façon systématique et. planifiée, de l'accord de tous les professionnels de la santé, il existe une approche multidisciplinaire des psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, gardes-malades, etc. Je pense que cela rejoint la question du député de Montmagny, comme celle d'ailleurs du député de Gaspé-Sud; l'exclusivité comme étant une exclusivité spécifique et absolue, c'est par rapport à l'exercice de ces actes par des non-compétents ou par des non-professionnels. Qu'il y ait chevauchement, c'est acquis non seulement dans les disciplines des relations humaines mais dans beaucoup d'autres disciplines scientifiques.

M. GUAY: Vous avez mentionné quelque chose d'intéressant et je le souligne, soit de prévoir des mécanismes de fusion. Je suis porté à vous poser la question suivante: Est-ce que vous seriez disposé à fusionner les trois groupes que vous représentez?

M. BEAULU: Le mémoire ne dit aucunement quel genre de coordination, de collaboration ou de fusion nous voudrions faire. Tout ce que nous demandons — je crois que c'est dans la deuxième recommandation du mémoire tripartite — c'est que la permission nous soit donnée de travailler à élucider les différentes formes de regroupement. Vous comprenez qu'il s'agit d'une étude qui risquerait d'être assez complexe. Au fond, si nous venons ici ce matin, c'est pour qu'on se mette d'accord sur le principe de la chose. Si le principe est accordé, ce que l'on pourra faire ensuite, c'est se réunir et étudier, par exemple, la suggestion que ce soit fait sous l'égide de l'office des professions. Celui-ci aurait pour tâche de donner un délai, de fixer, par exemple, un cadre à ces choses.

Mais je ne voudrais pas, ce matin, improviser rapidement un type de formule qui ne serait pas susceptible de rallier la majorité de nos membres. Pour une formule que nous pourrions proposer, il est bien entendu qu'il faudrait consulter tous les membres des trois corporations. C'est un processus assez long.

M. LE PRESIDENT: M. Poirier.

M. POIRIER: Je pense qu'à cet égard également, comme première étape possible, il y a sans doute des services du type administratif et professionnel qui peuvent être mis en commun et au sujet desquels la loi peut prévoir certaines dispositions. Par exemple, un code de déontologie commun, certains comités de discipline professionnelle, certains aspects. On parle de syndic dans la loi; on peut fort bien avoir recours à une équipe multidisciplinaire, tout en gardant la spécification des actes professionnels restreints et non pas tout le champ. Egalement, on peut prévoir un mécanisme avec l'office, un comité d'étude pour présider au développement de toutes les nouvelles disciplines de façon à créer l'harmonie à l'intérieur du champ des sciences humaines et un développement harmonieux.

M. GUAY: Est-ce que vous avez songé, par exemple, à établir un système modulaire, comme cela existe dans certains métiers? On regroupe des services et des groupes de travailleurs. Dans votre cas, ce seront des groupes de professionnels qui dispenseront les services. Je pense à cela afin d'éviter des promenades inutiles de certaines personnes qui vont d'un professionnel à l'autre et ne réussissent pas à trouver les soins qu'elles cherchent.

M. POIRIER: Je pense que l'exemple est donné, ce matin, par notre présentation d'un mémoire conjoint. Une partie générale de la présentation, pour restreindre les actes en termes d'exclusivité, est aussi valable pour l'une ou l'autre des chambres professionnelles, dans le sens des disciplines des sciences humaines. Par ailleurs, il y a des particularités et comme on l'a dit, à partir des disciplines de base, chacun a un

objectif particulier. C'est sur cela que nous formulons notre demande et non pas sur un champ d'applications multiples ou hypothétiques. Je pense qu'il faut que ce soit assez clair sur ce plan.

M. GUAY: Disons que cela me permet de vérifier. Je pense bien que c'est l'esprit qui a animé la rédaction des mémoires. Cela nous permet de mieux comprendre. Merci.

M. COURVAL: Nous pratiquons déjà cette multidisciplinarité non seulement dans des institutions mais même dans des bureaux privés. Nous avons des bureaux privés de psychologues qui comptent une vingtaine de psychologues et une vingtaine d'autres personnes non psychologues: travailleurs sociaux, conseillers d'orientation, médecins et psychiatres. Cela se fait déjà même aux deux niveaux des institutions et des organismes privés.

M. GUAY: La législation pourrait, sous le système modulaire, prévoir des définitions beaucoup plus larges afin, premièrement, de couvrir tout le champ sans qu'il y ait des conflits à l'intérieur des groupes.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M.LAURIN: Je voudrais d'abord, M. le Président, rassurer ceux qui s'inquiètent de la disparition éventuelle de ma profession parce qu'ils la voient grugée par toutes les autres professions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le député pourrait disparaître avant le professionnel?

M.LAURIN: Justement, je pense que ces craintes sont vaines parce qu'au fur et à mesure que la psychiatrie est grugée par les autres professions, elle en envahit d'autres de plus en plus, dont celles du législateur, de l'urbaniste et ainsi de suite. Il n'y a pas de danger pour ça!

M. le Président, il me semble que plus on procède dans l'étude du problème des corporations professionnelles, plus on se rend compte qu'on a ouvert une boîte de Pandore et que les problèmes sont beaucoup plus nombreux et complexes que même les rédacteurs de la commission l'avaient imaginé. C'est à se demander même si on a commencé à étudier le problème par le bon bout. C'est-à-dire qu'on l'a étudié d'abord sous l'angle de la délimitation des champs de pratique. Je me demande si on l'a étudié par le bon bout. Je me demande s'il ne faudrait pas le reprendre maintenant par l'autre bout, c'est-à-dire le bout supérieur, en regardant ça de plus haut. On l'a regardé par le bas pour commencer.

Ce qui me fait dire ça, c'est qu'il y a déjà une quinzaine d'années, les médecins poursuivaient tout le monde pour exercice illégal de la profession: les psychologues, les infirmiers, les travailleurs sociaux et tout le monde. Maintenant, c'est au tour des psychologues, des travailleurs sociaux à poursuivre les conseillers sociaux pour exercice illégal de la profession et ainsi de suite. Cela m'amène à dire ceci: Avant qu'on puisse — et je voudrais vous poser la question — accorder à une profession la prérogative de l'acte exclusif, ne faudrait-il pas se poser la question: Est-ce que le public est sûr, puisque c'est lui qu'il faut protéger éventuellement, est-ce qu'on est sûr, est-ce que le législateur, qui parle au nom du public, est sûr que ce professionnel possède toutes les connaissances pour qu'à ce privilège d'exclusivité corresponde la "compétence absolue"? Je m'aperçois, par exemple, que les oto-rhino-laryngologistes s'opposent aux audiophonistes en disant que ceux-ci ne voient qu'un côté de l'acte à poser, soit seulement le côté technique de l'oreille ou le côté ingénierie de l'oreille. De la même façon, les oto-rhino-laryngologistes, quand ils s'occupent d'audiophonie, en veulent aux psychologues de favoriser l'aspect uniquement psychologique qui entre dans le phénomène de l'audition également, les blocages affectifs. De la même façon, les orthophonistes reprochent aux médecins de trop favoriser l'aspect pathologique, l'aspect physiologique, l'aspect science de la nature en négligeant l'aspect ingénierie. Les psychologues, également, qui s'occupent d'audiophonie, reprochent aux oto-rhino-laryngologistes de trop favoriser l'aspect organique au détriment de l'aspect affectif.

Je pense qu'ils ont tous raison, ces gens-là. C'est un fait que les médecins, de par leur formation, sont portés à favoriser l'aspect science de la nature, l'anatomie, la physiologie, la micro-anatomie, tout ce que l'on veut. Il est vrai aussi qu'un psychologue est porté, de par la formation qu'il reçoit, à trop favoriser l'aspect psycho-affectif en sous-estimant l'importance des facteurs organiques. Mais le citoyen qui vient voir un psychologue, un audiologiste ou un oto-rhino-laryngologiste pour l'examen de son problème d'oreille a besoin d'avoir affaire au meilleur spécialiste possible. Ce n'est pas lui qui va savoir que le médecin a peut-être reçu une formation insuffisante en psychologie, en psychologie sociale ou en dynamique des groupes. Ce n'est pas lui qui doit savoir que l'audiologiste ou l'audiophoniste est plutôt préoccupé d'ingénierie et ainsi de suite.

Il me semble que le législateur, quand il en vient à légiférer là-dessus, doit s'assurer que celui qui revendique le titre exclusif doit avoir, dans les conditions actuelles de la science, la gamme de connaissances la plus étendue, de façon qu'il ne privilégie pas une dimension aux dépens d'une autre.

A ce titre, je me demande — je vous pose la question — s'il y a une seule profession, actuellement, qui puisse véritablement revendiquer l'exclusivité, même le médecin, même le dentiste. Parce qu'on sait très bien que ceux qui

s'occupent des dents ont aussi à se préoccuper de la condition générale de l'organisme, au point de vue physique autant qu'au point de vue mental. Y a-t-il une seule profession capable de revendiquer l'exercice exclusif de sa profession, actuellement, même le Barreau? Me Sheppard disait tout à l'heure que, de plus en plus, il s'intitule travailleur social, parce que c'est nécessaire s'il veut véritablement comprendre les problèmes. Y a-t-il une seule profession qui puisse revendiquer le titre exclusif?

M. BOISVERT: M. le Président, je pense que la question que pose le député de Bourget est fondamentale, mais, en même temps, qu'elle est d'ordre dialectique. Je répondrais clairement à sa question: Non, on ne peut accorder, de façon absolue, l'exclusivité de l'acte réclamé par l'un ou l'autre des champs professionnels. Non, on ne pourrait pas faire cela sur un plan dialectique.

D'autre part, il reste que les professionnels de la santé ou de la science de l'ingénierie ou de n'inporte quelle autre discipline sont aux prises, quotidiennement, avec des gens qui souffrent, moralement ou physiquement, avec des gens qui ont des problèmes techniques ou scientifiques à résoudre. Il faut arriver — dans certains cas, cela ne peut être, hélas, qu'empiriquement, on le voit bien, et le ministre lui-même a déjà parlé de la prolifération incontrôlable et, jusqu'ici, incontrôlée de tous les champs de spécialisation — de façon pratique, de façon commode, de façon rationnelle, à réglementer le mieux qu'on peut l'exercice de tous les champs d'activité professionnelle.

Je ferais deux considérations, après avoir dit ce non sur le plan dialectique ou sur le plan métaphysique. Sur le plan pratique, je pense qu'il faut arriver — c'est la fonction du législateur, en effet, quant à moi — à prendre des décisions rationnelles et administratives, avec le maximum de prudence. A cet égard, je pense que la position intellectuelle de nos trois corporations est nouvelle. Nous n'essayons plus de définir les professions par divergence. Vous avez rappelé, tout à l'heure, en souriant, qu'à travers les âges, c'était une chasse les uns aux autres ou les uns des autres. La position originale —M. le député de Montmagny l'a souligné — de nos trois corporations, c'est d'essayer de se définir par convergence. A cet égard, je pense qu'on a beaucoup plus de chances de mettre en oeuvre des législations qui se caractérisent par la prudence, aussi bien sur le plan administratif que sur le plan scientifique.

La deuxième considération que je ferai en réponse à votre question, M. le Président, c'est qu'il faut, il me semble, évaluer les chambres professionnelles non pas à court terme, mais dans une perspective historique. Il faut voir ce qu'est le Collège des médecins, ce qu'est le Barreau, ce qu'est l'Institut — si c'est comme cela que cela s'appelle — des ingénieurs ou la

Corporation des conseillers d'orientation ou des travailleurs sociaux ou de quelque autre chambre professionnelle que ce soit, à travers l'histoire. Est-ce qu'en octobre 1972, ces chambres professionnelles, sur le plan de la protection réelle du public, sont mieux équipées scientifiquement, administrativement et autrement, si cela se conçoit, qu'elles ne l'étaient en 1962 ou en 1952? Je pense que l'évolution effarante du savoir scientifique est telle, en effet, qu'il devient illusoire de s'opposer à la multiplication des spécialités.

D'autre part, il faut arriver à les contenir dans des lois-cadres, dans des ensembles législatifs globaux et importants. Je pense qu'il faut, à cet égard, que le législateur prenne tout le soin voulu pour s'arrêter très sérieusement à cette perspective historique.

Personnellement — c'est une opinion très individuelle, donc, très discutable, mais, puisque vous nous posez des questions, j'imagine que vous vous attendiez qu'on essaie d'y répondre — je pense que c'est le fait, quant à moi incontestable, de certaines chambres professionnelles.

Elles ont depuis 5, 10 ou 15 ans mis en place des dispositifs de contrôle qui, pour être imparfaits, sont quand même en état de progrès et sont en état d'évolution vers une plus grande perfection humaine.

M. LAURIN: Elles me semblent toutes partielles et partiales.

M. BOISVERT: Je suis parfaitement d'accord, c'est ce pourquoi l'approche multidiscipli-naire, l'approche d'un vaste éventail dans le secteur des relations humaines risque, précisément dans la perspective de prudence que j'ai essayé d'évoquer tout à l'heure, de limiter ces points de vue partiels et partiaux comme vous dites. Et l'effort de regroupement au sein ou de l'Office des professions ou du CIQ, ou de ce que nous avons appelé, faute de meilleure terminologie, une corporation polyvalente, nous paraît répondre, encore partiellement bien sûr, à la difficulté que vous soulevez.

D'autre part, je pense qu'il faut peut-être essayer au niveau de la loi d'éviter ce qui s'est fait traditionnellement, c'est-à-dire de figer en quelque sorte des juridictions qui, dans beaucoup de cas ont été, à toutes fins pratiques, absolues.

Ce que nous proposons c'est uniquement l'inclusion d'un principe de regroupement dans une loi, de sorte qu'ensuite, progressivement, de façon dynamique — et non pas de façon statique comme dans le passé, — on en arrive à permettre à des professionnels de disciplines différentes de travailler systématiquement ensemble à définir ce qui est commun, ce que j'ai appelé la convergence, et à définir également ce qui est spécifique, la divergence, mais dans une perspective de complémentarité, ce qui n'a pas été fait jusqu'à maintenant, et ce que je crois soupçonner dans votre question.

UNE VOIX: Me Sheppard voudrait compléter la réponse.

M. SHEPPARD: Ma profession également menacée encore plus que la psychiatrie. Je pense que la question que vous avez posée est significative, mais si on y répondait honnêtement, on serait peut-être amené à une conclusion qui n'est pas celle que vous désirez. Il est évident que personne aujourd'hui ne peut prétendre à un monopole du savoir et à la capacité de traiter un problème complexe à lui tout seul. D'où la pluridisciplinarité...

M. LAURIN: Quand le client la demande, lui, pour sa sécurité.

M. SHEPPARD: Exactement. Mais une demande d'exclusivité — et c'est un peu la nouveauté de notre optique aujourd'hui — n'est pas par rapport aux autres professions. Si le législateur se rendait à notre demande, il n'y a pas une seule profession à l'heure actuelle, profession reconnue ou à titre réservé, qui serait menacée, privée ou empêchée de poser un seul acte qu'elle pose à l'heure actuelle.

C'est par rapport aux amateurs, par rapport aux charlatans, aux âmes charitables qui se mêlent de ce qui n'est pas de leur compétence. Je suis le premier à concéder qu'il y a des problèmes que moi je ne peux pas régler et où je dois diriger mon client vers un psychiatre, pour vous renvoyer la balle, je tiens au moins à ce que mon client aille voir un psychiatre qui soit un médecin, qui soit compétent, et pas un monsieur qui s'intitule psychanalyste et qui mène certaines expériences que nous avons eu l'occasion d'apprendre par les journaux.

En protégeant le public, il y a cet élément très important, c'est de ne pas l'exposer disons aux astrologues des professions. C'est ça qu'il faut comprendre. Nous ne prétendons pas du tout avoir un monopole par rapport aux autres professions, mais plutôt, je pense, par rapport aux gens qui ne font pas partie de ceux qui ont la compétence requise pour traiter ne fût-ce qu'un aspect du problème. Il faut protéger le public.

Et nous avons donné des cas concrets que nous ne pouvons pas résoudre, à moins d'empêcher des charlatans d'opérer. Et j'irais jusqu'à vous donner un exemple vraiment absurde. On n'a pas le droit d'être chauffeur de camion sans posséder un permis spécial. N'importe qui, avec un permis de conduire, peut conduire une voiture, mais si vous voulez conduire un camion, vous avez besoin d'un permis spécial. Cela se résume à ça.

Nous voulons ce permis spécial pour protéger le public, pas pour protéger des fabricants de camions.

M. POIRIER: Face à un problème à étudier, les superprofessionnels, ce serait aller contre le sens des équipes multidisciplinaires. Mais à l'intérieur de ces équipes multidisciplinaires, il faut avoir des gens compétents pour exercer les actes particuliers de l'ensemble du travail multidisciplinaire.

C'est important ces actes que nous tentons de définir assez clairement et dont nous circonscrivons le champ, de façon à préciser vis-à-vis du public les exigences de pratique et de compétence pour exercer ces actes particuliers.

M. LAURIN: Tout au long des séances de la commission, comme lors de l'audition de votre mémoire, j'ai constaté aussi la tension qui existe entre les corporations et les corps scolaires avec lesquels vous devez entrer en relation et qui dispensent la formation qui fait l'objet de votre exercice.

Je me demande si ce problème n'est pas plus fondamental qu'on l'a vu jusqu'ici puisqu'une façon d'empêcher la prolifération future des professions est de surveiller ce qui se passe au niveau du ministère de l'Education, qui a sous sa gouverne l'enseignement des CEGEP, et au niveau du Conseil supérieur des universités, qui aurait pour mission aussi d'empêcher peut-être la prolifération indue de professions. En même temps, celui-ci pourrait avoir pour rôle de surveiller l'évolution du savoir, de voir — quand ça s'impose, par exemple, à cause du degré plus élevé de démocratie, de conscience plus aigüe des droits, de la sophistication d'une société — que le travail fait actuellement par un professionnel soit fait par une équipe qui est sous sa responsabilité.

A ce moment-là, je me demande si votre suggestion de créer une corporation polyvalente ou de créer une fédération de corporations répond complètement au problème. Je me demande s'il ne faudrait pas associer davantage les organismes proprement éducatifs, que ce soit le ministère de l'Education, que ce soit le Conseil des universités, à la définition des tâches, à la définition des champs de pratique, de façon à ce qu'on ait quelque chose qui ne soit pas bancal. Aussi longtemps que c'est uniquement les corporations qui s'occupent, qui viennent défendre ici le champ de leur profession ou aussi longtemps que le législateur n'écoute qu'elles, il me semble qu'on va arriver forcément à une solution bancale. On oublie une dimension absolument essentielle dont l'importance est tout le moins égale à celle que les corporations représentent.

Je ne sais pas si vous avez des commentaires.

M. BOISVERT: M. le Président, encore une fois, je pense que nous sommes en face d'une question fondamentale. En effet, là aussi il faudrait peut-être appliquer ce que nous appelons le principe de convergence, plutôt que le principe de divergence. En effet, vous employez le mot tension pour décrire les relations entre les chambres professionnelles ou, en tout cas, beaucoup de chambres professionnelles et l'université dans son principe.

Pour ma part, je souscris entièrement à votre opinion. Je pense que nous risquons en effet d'être devant des situations bancales si on n'associe pas, de la façon la plus fonctionnelle et la plus rationnelle possible, l'université à la conjonction du savoir ou à la continuité entre l'acquisition du savoir et la pratique des professions.

A cet égard, la Corporation des psychologues maintient de façon très vivante et très continue, à un rythme de réunions fréquentes, ce qu'elle appelle un comité mixte qui regroupe périodiquement, comme je viens de le dire, des représentants de la Corporation des psychologues et des représentants des universités du Québec où se donne un enseignement de la psychologie. Peut-être, comme vous le suggérez, faut-il aller plus loin. Mais, jusqu'à maintenant, je pense que nous pouvons témoigner que ce comité mixte corporations-universités — universités au pluriel, je le répète — nous a permis des rapprochements sérieux.

Je crois qu'en effet il faudrait aller plus loin de façon à avoir les états généraux du savoir et de la profession, au fond pour éviter ces positions partielles et partiales dont vous parliez plus tôt.

M. POIRIER: M. le Président, nous avons des exemples concrets dans nos chambres professionnelles qui témoignent de cette relation entre les universités, les écoles de formation et les chambres professionnelles.

On vient de citer l'exemple des comités d'étude. Nous avons nous-mêmes, à la Chambre des conseillers d'orientation professionnelle, les représentants des universités qui siègent au niveau du conseil d'administration, en plus de ces joints avec les universités par des comités d'étude.

Egalement, un autre aspect de mise en commun par le mécanisme professionnel entre les chambres professionnelles et le développement d'autres disciplines a justement pour but de tenter de faire une convergence des écoles de formation avec les chambres professionnelles et l'avènement d'autres disciplines selon les besoins pressentis.

L'office des professions, je pense, constitue un mécanisme certain de planification en ce sens.

M. LAURIN: Ma dernière question s'adresserait à Me Sheppard. Est-ce que le conseil interprofessionnel a le goût et les moyens de dépasser le niveau des études où nous nous situons actuellement, pour envisager ce problème dans une perspective qui pourrait nous permettre de dépasser les faux problèmes que nous avons rencontrés ici, d'une part? Deuxièmement, est-ce que vous avez constaté au niveau du conseil interprofessionnel qu'une sorte de clivage est en train de s'effectuer entre les corporations qui s'intéressent plutôt aux sciences humaines qu'aux sciences de la natu- re? Enfin, est-ce que le conseil interprofessionnel voit d'un oeil favorable ce regroupement en son sein des professions ou des corporations?

M. SHEPPARD: Je dois dire que ceci a été ma première expérience comme avocat du conseil interprofessionnel. J'ai été, en dépit de ce qu'on m'avait dit, frappé par — je ne dirais pas l'harmonie parce qu'on a discuté ferme — mais par le fait qu'une vingtaine de corporations très divergentes, aux traditions et aux intérêts aussi contradictoires, aient réussi à s'entendre aussi rapidement sur tant de points. J'ai aussi l'impression, mais je ne suis pas autorisé à dire autre chose, que cette expérience, qui a donné lieu au mémoire que vous connaissez et puis à l'intervention devant votre commission, est une première étape et qu'éventuellement, fort de cette expérience, ça va déborder sur une contribution beaucoup plus riche. Jusqu'à présent, cela a été un groupe qui a essayé, souvent avec succès, mais pas toujours, de présenter un point de vue commun et de servir, en somme, d'endroit où on pouvait discuter de problèmes communs.

Mais toutes les corporations n'ont pas les mêmes problèmes et il est évident qu'il y a des sympathies entre corporations, d'après les disciplines. Les avocats et les notaires s'entendent très bien ensemble. Je suppose que nous ne parlons pas aussi souvent aux psychologues ou aux travailleurs sociaux. C'est un regret que j'ai à exprimer. Je pense que, dans la nouvelle structure du code des professions, le CIQ va être appelé à jouer un rôle beaucoup plus dynamique et qu'il est disposé à le jouer. Il est également —et c'est un sujet de discussion — disposé à accueillir avec toute la franchise requise des nouvelles corporations qui pourraient être constituées. Donc, je pense que le gouvernement et le législateur trouveront dans le conseil interprofessionnel, non pas un groupe de pression, mais presque un lieu de collaboration et une source d'idées.

Par contre, le problème des universités n'est pas seulement un problème professionnel et un problème humain très sérieux pour les victimes souvent de ce que j'appellerais l'incurie universitaire. Je ne suis pas tendre, je dois le dire, personnellement pour les universités. Il y a beaucoup de gens dans les universités qui, psychologiquement, ont l'air d'en vouloir aux corporations professionnelles. Il suffit presque qu'une corporation professionnelle adopte un point de vue pour que l'université prenne le contre-pied. Je pourrais mentionner différentes professions — sauf peut-être les médecins où je l'ai remarqué moins — où il y a une certaine irresponsabilité dans certaines facultés. Je parle notamment des facultés de droit; on connaît les problèmes qu'elles ont à l'heure actuelle. Je ne défends ni le Barreau, ni les facultés de droit, mais j'ai été frappé dans mes conversations avec des professeurs de droit qu'on forme des juristes, avec un J majuscule, mais qu'on se

soucie fort peu de ce qu'il leur arrive quand ils sortent de l'université. Les corporations pourraient dire la même chose: Messieurs, vous avez fait sept années d'études universitaires, débrouillez-vous après, mais le problème humain est là. Je pense que c'est un problème qui va exiger non seulement l'intervention du gouvernement, mais un sens des responsabilités beaucoup plus grand de la part des universités qui s'imaginent, avec raison dans un certain sens, qu'au nom de la liberté académique, on peut déverser des milliers de personnes qui ne pourront pas gagner leur vie.

Si au moins elles avaient la franchise de dire aux gens, aux étudiants: Vous allez étudier une discipline qui ne vous ouvrira pas nécessairement un débouché mais qui va cultiver votre esprit et va vous amuser, d'accord. Mais il n'y a pas un étudiant dans une faculté de droit qui ne s'imagine pas qu'au bout de ses quatre années d'université, ou trois années d'université, il n'aura pas le droit de pratiquer la profession d'avocat, même s'il affecte de mépriser le Barreau. Et malheureusement, quand les corporations professionnelles rappellent les universités à l'ordre, on leur reproche de limiter le nombre de candidats, etc. Je peux vous dire, pour parler des avocats, qu'il y a deux ans le Barreau a lui-même publié une recherche qui avait été faite par un cabinet de recherche indiquant qu'on manquait au Québec d'un tiers d'avocats. C'est le Barreau lui-même qui a dit il y a deux ans qu'il fallait augmenter le nombre d'avocats au Québec d'un tiers.

Aujourd'hui, quand le Barreau se plaint de la qualité des étudiants qui se présentent aux examens — je pourrais vous faire de longs discours là-dessus si on avait le temps — on dit que c'est le Barreau qui veut empêcher les étudiants de pratiquer. Dans mon cabinet, comme dans des dizaines d'autres cabinets à Montréal, le plus gros problème, c'est de trouver de jeunes avocats. Je peux vous le dire, ce n'est pas le nombre de candidats qui est trop élevé, c'est le nombre de places. Mais les universités ne s'en préoccupent pas.

J'ai eu ces discussions très souvent dans deux ou trois domaines. Je ne sais pas à qui incombe la responsabilité de les rappeler à l'ordre, mais il y aurait peut-être des comptes à demander à certaines facultés, et surtout les facultés de droit.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: Une question. Le sujet a pas mal été couvert tant par les exposés que par les questions de mes collègues. D'un point de vue très pratique, à plusieurs reprises, vous avez fait allusion à ce que vous avez appelé des charlatans qui, à l'occasion, pouvaient exploiter le public. Diriez-vous, si on examine votre mémoire ou votre position uniquement en fonction de la protection du public, que le plus grand danger qui existe actuellement et le plus grand risque, par voie de conséquence, que court le public, c'est précisément d'être victime de toute une série — je reprends encore votre expression — de charlatans qui seraient répartis aux quatre coins de la province?

MME BLAIS-GRENIER: Me Vézina, je pense que c'est exactement ce qu'on dit tout au long du mémoire, que le public ne peut absolument pas déterminer lui-même qui il devrait choisir pour obtenir la qualité de service qu'il veut obtenir. Je pense qu'on est tous du même avis là-dessus et, comme le disait Me Sheppard, ce n'est pas les professionnels compétents d'autres domaines qui nous portent ombrage, mais les gens non spécialisés qui prétendent faire de la magie en utilisant des techniques pour lesquelles ils ne sont pas du tout préparés.

M. VEZINA: Est-ce qu'un moyen d'obvier à ce danger, à cette difficulté, serait que l'exclusivité soit définie en termes génériques plutôt que spécifiques à chacune de vos trois corporations? J'ai l'impression que, tout simplement sur le plan de la technique législative, décrire l'exclusivité accordée à chacune des corporations, je ne dirai pas que c'est impossible, mais c'est pour le moins très difficile et pratiquement inapplicable.

Par contre, si on décrivait l'ensemble des actes professionnels que vous posez en appliquant cette exclusivité aux trois corporations, cela me paraîtrait plus abordable et surtout plus applicable, parce que, comme le disait Me Sheppard tantôt, si on a un texte de loi qui en pratique devant les tribunaux est insaisissable ou impénétrable dans les faits qu'on peut reprocher à ces tiers qu'on traite aujourd'hui de charlatans, il ne sert absolument à rien, à mon humble avis, de travailler à pondre un tel texte et à en faire un texte de loi.

Il me semble — j'aimerais, Me Sheppard, que vous commentiez si vous le jugez à propos — qu'une définition des exclusivités pour le genre d'activités plutôt que pour l'espèce de chacune des activités, des actes professionnels posés par les trois corporations, cela me parait plus pratique et surtout plus applicable une fois la loi adoptée.

M. SHEPPARD: Je pense que nous sommes d'accord qu'il est essentiel d'être modeste et pondéré dans la définition d'exclusivité parce que les sciences humaines ne se prêtent pas à des définitions, à l'heure actuelle, qui sont rigoureusement faciles à établir. Je suis d'accord qu'il y a un problème de technique législative. Cela a été ma première réaction quand on m'a présenté le problème. Tout dépend, n'est-ce pas, de ce que le législateur considère utile à accorder. Nous avions le choix, en venant ici, de demander le maximum et de vous donner une liste interminable qui aurait certainement eu un

effet très négatif ou de vous donner une idée de la catégorie des définitions relativement modestes et assorties de toutes sortes de restrictions et qui nous semblent adéquates. Mais je ne dirai pas qu'à l'heure actuelle, dans sa rédaction telle qu'elle vous est soumise, j'aimerais plaider une poursuite devant un tribunal. J'aimerais plutôt plaider pour l'intimé. Mais le danger de donner des définitions trop spécifiques, c'est qu'automatiquement, selon le vieil adage, tout ce qui n'est pas inclus dedans est exclu, donc est permis.

Il y a la question donc de concilier les deux. Je préférerais me fier, si le principe était établi, à la compétence des légistes de cette assemblée tout en vous disant que nos trois corporations, comme toutes les autres, accorderaient la collaboration requise pour aider dans l'éclairage pratique de l'exercice. Mais il faut, au départ, faire un choix. Est-ce qu'on va donner une définition très détaillée, comme certaines professions l'ont essayé? Cela entraîne, en somme, une étude de ce que ces actes représentent pour d'autres professions ou une définition plus vaste. Je suis d'accord que la nôtre n'est pas encore suffisamment raffinée. Mais il faut d'abord partir du point de vue suivant: Est-ce qu'on va reconnaître le principe ou non et raffiner par la suite? Au sein d'une corporation, on ne s'entendrait peut-être pas toujours sur ce en quoi consiste, en somme, l'exercice qu'on veut limiter. Nous ne prétendons pas limiter tout l'exercice de la profession. C'est-à-dire que les avocats et les médecins sont bien plus impérialistes. Ces trois professions-ci ne veulent protéger qu'un certain élément et surtout contre des personnes qui, sans avoir la compétence, prétendent le faire régulièrement comme métier. En somme, ces personnes qui s'affichent dans ces domaines. On peut penser à certaines personnes en particulier.

Mais il y a un problème de technique qui n'est peut-être pas encore résolu dans le mémoire.

M. GUAY: J'aurais une question supplémentaire à celle-là. Est-ce que, actuellement, les trois groupes que vous représentez se sentent limités dans leur droit de travailler ou leur champ de pratique?

MME BLAIS-GRENIER: Je désirerais répondre à cela encore par un exemple concret. Là où nous nous sentons particulièrement limités, c'est quand il s'agit d'exercer le mandat qui nous a été confié par le législateur de protéger le public. On l'a dit, ce n'est pas tellement dans notre pratique, parce que je crois qu'il y a beaucoup d'ouvertures pour les gens qui sont formés en sciences humaines et que ce champ de travail n'est pas prêt de se tarir. Mais il nous arrive très fréquemment d'observer que lorsque, même vis-à-vis de nos membres, nous essayons d'appliquer un principe de déontologie et d'imposer une sanction consécutive pour que ce mauvais acte professionnel ne se repose plus, il nous arrive très souvent d'entendre notre membre nous dire: Ecoutez, il n'y a rien qui m'oblige à demeurer dans la corporation pour exercer, donc, je peux très bien en sortir et assumer un autre nom. L'autre nom qu'il assume en général, c'est maître dans la discipline ou bachelier dans la discipline.

On retourne immédiatement, avec un exemple comme celui-là, à la prise de position de M. Laurin, sur l'hiatus qui existe constamment entre les universités et les corporations professionnelles.

On n'a pas encore réussi à combler le vide qui existait entre les deux. Je pense que c'est illusoire de vouloir dire ici, aux membres de la commission, que c'est comblé. Les universités — je me souviens de mon expérience de professeur d'université — se targuent constamment d'enseigner le haut savoir et ce haut savoir ne doit, en aucun cas, s'assortir de préoccupations pratiques ou de préoccupations d'entrée sur le marché du travail. Conséquemment, nos universités forment souvent des professionnels un peu dans les nuages et les corporations professionnelles, lorsqu'elles accueillent les gens qui ont été formés dans les universités, sont mises devant le fait accompli.

J'ai discuté avec certains collègues du CUQ où je suis dans l'exécutif. Il nous est arrivé très souvent de discuter de la façon dont les corporations professionnelles pourraient permettre aux gens d'accéder à une plus grande qualification professionnelle. Nous nous heurtons constamment aux universités. Je donne l'exemple des gradués de CEGEP qui finissent avec un profil professionnel. Pour entrer à l'université, ils doivent revenir en arrière au CEGEP et suivre les cours qui leur permettraient de finir dans le profil général. Or, on ne s'est jamais demandé — mais cela pourrait être, je crois, quelque chose sur quoi on devrait s'attarder — si les corporations professionnelles ne pourraient pas, après un certain nombre d'années de pratique, reconnaître des équivalences de pratique et permettre à ces gradués du profil professionnel de passer au niveau universitaire. Actuellement, avec la constitution de nos universités, c'est impossible.

Alors, on est mis devant le fait accompli. On nous accuse constamment de limiter l'accès à la profession. Souvent, l'accès à la profession est limité par l'université elle-même qui forme le produit.

M. GUAY: Avec la science, avec autant de professionnels compétents, distributeurs de services dans tous les secteurs, spécialement ce matin les services sociaux, car les champs semblent assez bien couverts — même il y a deux ou trois groupes de professionnels qui partagent le même champ d'exercice — comment expliquer que les problèmes sociaux ne semblent pas en régression mais, pour employer un mot que vous avez employé, de plus en plus

polyvalents et tendent à se multiplier? Est-ce que cela peut être imputable, en partie, aux universités?

M. VEZINA: Vous ne les tenez pas responsables!

MME BLAIS-GRENIER: Je peux peut-être répondre ce qui a été dit dans une autre séance de la commission parlementaire. Nous sommes de plus en plus conscients des problèmes sociaux. Le problème de la pauvreté, si on retourne aux lois des pauvres du temps d'Elizabeth au XVIIe siècle, ce n'était pas un problème. Je veux dire qu'on avait appris à vivre avec ça. Les pauvres étaient là. Ils devaient y demeurer. Cela faisait partie de la société. Maintenant, on a développé un esprit de culpabilité qui est très sain vis-à-vis de la pauvreté. Forcément, au fur et à mesure que notre conscience sociale s'étend, on devient de plus en plus conscient des problèmes sociaux et probablement qu'on en perçoit certains qu'on ne percevait pas avant. Je ne serais pas prête à dire que c'est dû aux travailleurs sociaux, comme certains l'ont déjà dit, s'il y a plus de problèmes sociaux.

M. LAURIN: II ne faut pas oublier le péché originel!

M. LE PRESIDENT: Nous remercions les trois groupes qui étaient ici ce matin. Nous continuons maintenant avec un autre groupe. Est-ce que Me Dorion est ici?

M. COURVAL: M. le Président, nous sommes très heureux du climat extrêmement serein qui a régné ici et de la haute qualité des questions que vous nous avez posées. Nous vous en remercions beaucoup et nous vous remercions de nous avoir reçus. Nous demeurons à votre disposition si jamais vous désirez des renseignements additionnels. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'Association des natu-ropathes de Montréal. Pas le collège, mais l'association.

A l'ordre, messieurs! Les gens, en arrière, pourriez-vous continuer votre discussion dehors, s'il vous plaît?

Province of Quebec Osteopathic Association

M. PATRIQUIN: Mr Speaker and Members of the Parliamentary Commission, I am David Patriquin, an osteopath from Montreal. I am the secretary of the Province of Quebec Osteopathic Association. I have with me today, on my right, Robert Marshall, an osteopath from Montreal, the President of our Association, and to his right, Gordon Jaquith, an osteopath from Quebec City, who is our Vice-President.

M. LE PRESIDENT: I think you misunderstood. II called the naturopath.

M. PATRIQUIN: I am sorry.

M. LE PRESIDENT: Is your representation going to be long?

M. PATRIQUIN: About 10 minutes. M. LE PRESIDENT: Go ahead. M. PATRIQUIN: All right, Sir.

M. LE PRESIDENT: C'est "The Province of Quebec Osteopathic Association".

M. PATRIQUIN: This Association represents the seven fully qualified osteopathic physicians in the Province of Quebec and we wish to comment only on bill 252.

In brief file with the Government of Quebec in August 1967, February 1968 and February 1972, this Association has requested full and egal practice rights for osteopathic physicians in Quebec, so that they may serve their patients to the full extent of their training.

Our contention has been that the osteopathic physicians must meet all qualifications for medical practice in Quebec. Bill 252 provides for this. We further suggest that the special qualifications of an osteopathic physician, that is in relation to diagnostic and treatment of structural problems, can be attested to only by another osteopathic psysician. We suggested the solution to this problem on page 4 of our February 1968 supplementary brief. There should be a designated osteopathic examiner, Board, Committee or Assistant-Registrar to perform this function.

This representation, in the order, should also assist other committees in boards in judging osteopathiv situations as they rise in the future. This provision would offer more security to a minority group under their legal control of a powerful majority.

In addition, may we respectfully request that section 1 c) of the Act be changed to define the "physician" as "any medical or osteopathic physician who is a member of the order"? This would simply and effectively remove any confusion arising of the present bill.

In the brief for Bill 252 before you, we have, on page 2, listed several questions which would materially indicate the government's interest to recognize the osteopathic physician in Quebec.

Finally, regarding the citizenship requirement, we wish once more to point out the negative value of section 28, division 6, subsection d). It would be more difficult to attract more osteopathic physicians to Quebec if the citizenship requirement is implemented. We recommend that there be no requirement.

Thank you for this opportunity to speak to you about our concern regarding Bill 252. We would be happy to answer any questions you may wish to bring to us.

M. LE PRESIDENT: I wish to thank you for the hearing of this memoir. The members of this commission will have the occasion next week to study more fully all the items which we have here in this memoir. I will present to the Minister of Social affairs your representations and I will be glad to study them more fully. We thank you for your memoir.

UNE VOIX: Est-ce qu'il y a des questions?

M. LAURIN: Yes, I would have a question. Could you define for us the kind of curriculum that an osteopathic physician follows before having the title?

M. PATRIQUIN: Yes, Sir. This is in one of the memoirs, in the Lacroix report on osteopathy as well. The curriculum is the same sort of curriculum that the medical physician pursues. There is a minimum of three years premedical or undergraduate university training, followed by four years in an osteopathic college and one year's internship thereafter. These are the minimum requirements.

The curriculum itself of any osteopathic college is in the order of 5,000 to 5,500 hours over four years, much the same as the medical curriculum you know, with the addition of the teaching of structural diagnosis and therapy, which is the peculiar trade mark of the osteopathic physician.

M. LAURIN: And what kind of internship is an osteopathic physician obliged to follow?

M. PATRIQUIN: It is a twelwe month internship in an approved hospital. In the United States these days there are medical and osteopathic hospital which accept osteopathic graduates for internship, in the Armed Forces and hospitals in the Armed Forces for both things, internship and residency training thereafter.

M. LAURIN: Is the internship only in ostropathic hospitals?

M. PATRIQUIN: No, it is a general internship, twelve month internship.

M. LAURIN: And where can the osteopathic physician have this curriculum now? Only in the United States?

M. PATRIQUIN: Yes, sir.

M. LAURIN: Only in the United States. In what states?

M. PATRIQUIN : There are new ostheopathic colleges; there is one in Philadelphia, Pennsylvania; one in Lansing, Michigan, which is part of Michigan State University now; one in Chicago, Illinois; one in Les Moines, Iowa; one in Kansas City, Missouri; one in Kirkfield, Missouri; one in Fort Worth, Texas.

M. LAURIN : Did you have any fend whatsoever in the past with the American Medical Association?

M. PATRIQUIN: Yes, this is a matter, I recollect, of a long standing fend, and that is not resolved at this time.

M. LAURIN: Do you have any kind of relationship with the chiropractic colleges?

M. PATRIQUIN: No, sir.

M. LAURIN: And you have your own opinions about chiropractic colleges?

M. PATRIQUIN: Yes, sir, I do. M. LAURIN: I do not ask you to... M. PATRIQUIN: Thank you.

M. FORTIER: Just before, one question: Of course you have eight years of studying. Do you study basic sciences?

M. PATRIQUIN: Yes, sir. M.FORTIER: You do? M. PATRIQUIN: Yes, sir.

M.FORTIER: Of course, there is no relationship at all between chiropraxy and your group?

M. PATRIQUIN: Thank you very much, it is nice to have that made clear.

M. LE PRESIDENT: Thank you very much, Mr. Patriquin.

M. PRATRIQUIN: Thank you, sir. We appreciate your attention.

M. FORTIER: M. le Président, est-ce que je pourrais demander aux membres de la commission une minute de colloque? Je pense qu'il nous reste douze mémoires à entendre et nous allons siéger aujourd'hui et demain, si M. le Président est d'accord, évidemment. Nous pourrions, si possible, sans limiter personne dans l'expression de ses idées, terminer demain soir, et dans huit à dix jours, avoir une réunion des membres du comité pour faire une synthèse des travaux de cette commission.

M. VEZINA: Est-ce que la date à laquelle le Barreau doit venir est déterminée?

M. LE PRESIDENT: Je ne sais pas, ce n'est pas encore déterminé. Le secrétaire...

M. VEZINA: J'ai lu, affiché dans les palais de justice, une date qui est le 17 novembre. Je me demandais d'où ça venait et qui avait fixé ça.

M. LE PRESIDENT: Pas à la connaissance du président ni du secrétaire.

M. VEZINA: Quand le député de Gaspé parle de terminer demain soir, est-ce que ça inclut les représentations du Barreau?

M. FORTIER: Non, non, un instant, je parle de séances qui regardent les Affaires sociales.

M. CLOUTIER (Montmagny): II reste une douzaine d'organismes qui ne relèvent pas du ministère des Affaires sociales et qui ne sont pas passés devant la commission.

M. FORTIER: Je parle des organismes qui relèvent des affaires sociales.

M. VEZINA: Des organismes importants.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne vois pas, M. le Président, qu'on fasse une synthèse des travaux de la commission avant que tous les organismes aient passé devant la commission.

M. FORTIER: Non, mais seulement...

M. CLOUTIER (Montmagny): On ne peut pas résumer les travaux de la commission avant, par exemple, d'avoir entendu le Barreau.

M. FORTIER: Non, je parlais exclusivement des projets qui relèvent des affaires sociales.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, mais il y a tellement d'implications, les lois spécifiques sont imbriquées dans le code des professions et vice versa. Je ne vois pas qu'on fasse des travaux de synthèse dans le domaine des affaires sociales, avant qu'on ait terminé toutes les séances de la commission.

M. FORTIER: Nous allons terminer seulement les travaux inhérents...

M. CLOUTIER (Montmagny): II y aura toutes les interventions des organismes devant la commission parlementaire; ensuite, nous pourrons procéder aux travaux de synthèse.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, je pense que, s'il y a d'abord une synthèse qui est faite après avoir entendu les organismes dans les soins de santé, il faudra, à ce moment-là, sanctionner le projet de loi 250 du code des professions, parce qu'on ne pourra plus marcher dans le même esprit.

M. LE PRESIDENT: La commission est suspendue jusqu'à 2 h 30 et on recommencera avec l'Association des naturopathes de Montréal Inc.

(Suspension de la séance: 12 h 26)

Reprise de la séance à 14 h 42

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Le collège des naturopathes et l'Association des naturopathes présentent un mémoire conjoint.

M. BARBEAU: M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire sur le code des professions, je suis le Dr Raymond Barbeau, président du Collège des naturopathes du Québec. J'aimerais vous présenter, à mon extrême droite, le Dr François de Salles Robert, qui est président de l'Association des naturopathes de Montréal, et également Me Bernard Blanchard qui est notre conseiller juridique.

A ma gauche, le Dr Larry Schnell, qui est président de la Canadian Naturopathic Association, et également Me Alain Létourneau, qui est aussi un de nos conseillers juridiques. Nous sommes, bien entendu, très heureux de pouvoir vous présenter les mémoires du Collège des naturopathes du Québec et aussi de l'Association des naturopathes de Montréal.

Un des problèmes les plus importants en ce qui concerne la naturopathie, c'est d'essayer de définir ce qu'est un naturopathe, ce qu'est la naturopathie et, en même temps, de montrer que c'est une thérapie, une médecine différente.

Alors, je vais essayer, dans un premier temps, de vous exposer très brièvement ce que c'est. Ensuite, je laisserai la parole à nos conseillers juridiques qui résumeront nos arguments et nos demandes sur le plan juridique. Egalement, je demanderai au président de la Canadian Naturopathic Association de vous expliquer ce qui s'est fait dans les autres provinces canadiennes au sujet de la reconnaissance des naturopathes.

La naturopathie est une médecine différente. Tout d'abord, c'est l'art et la science de promouvoir la santé, de prévenir et de guérir les maladies par les méthodes naturelles, excluant les médicaments chimiques, la chirurgie et la radiothérapie. Au lieu de permettre divers comportements, usages et abus pour tenter d'en combattre les conséquences, la naturopathie enseigne l'obéissance aux lois de la nature et l'hygiène naturelle. La conception naturopathi-que de la santé est positive. Elle ne considère pas seulement l'absence de troubles physiologiques constatables, mais le dynamisme des parties et l'harmonie de l'ensemble humain.

Les méthodes de prévention naturopathiques ne s'adressent pas d'abord aux microbes, mais au terrain, au milieu, aux conditions de la santé idéale ou normale. La naturopathie développe non pas les immunités artificielles spécifiques par des vaccinations, mais des immunités naturelles, générales par exaltation des forces de l'organisme. La naturopathie met un accent primordial sur les agents naturels de la santé, comme une bonne alimentation naturelle, l'utilisation de l'eau, de l'air, des exercices physi-

ques, du soleil, de la chaleur et des puissances psychiques saines.

Le naturopathe est un professeur de santé qui accomplit une mission d'éducation individuelle et collective par des conférences et des publications qui mettent en relief les facteurs préventifs de la maladie et les moyens pratiques d'obtenir la santé naturelle.

L'homme normal n'est pas confondu avec l'homme moyen. Les défectuosités du corps ne sont pas masquées mais le naturiste a l'obligation de développer sa force, son énergie et sa vitalité. Le corps et l'esprit ne sont pas traités séparément comme s'il y avait dualité et nos traitements s'adressent à l'homme total. L'homme n'est pas une abstraction indépendante de son milieu. C'est une personnalité concrète dont on doit connaître le milieu social, familial et professionnel.

Pour la naturopathie, l'homme n'a pas seulement de rapport avec la physique et la chimie, mais avec l'histoire naturelle, l'anthropologie, la psychologie, la cosmobiologie. Par ailleurs, en naturopathie, les facteurs moraux sont considérés très importants et les naturopathes exposent une philosophie de la joie de vivre. Ils ne sont pas seulement des conseillers théoriques; ils enseignent et se conforment aux préceptes naturopathiques. Les facteurs préventifs et curatifs ne sont pas employés isolément, mais ils forment un tout inséparable.

La naturopathie ne contrecarre pas les tendances naturelles saines mais dirige les instincts vers le développement intégré de la personnalité humaine. La naturopathie n'est pas seulement une profession. Elle est profondément une éthique, une conception de la vie qui devient de plus en plus populaire, d'ailleurs, dans nos temps modernes. La prévention sociale de la naturopathie ne dérive pas du pasteurisme mais de la vie naturelle du campisme, du retour à la nature, du scoutisme, de la lutte contre toutes les formes de pollution, du respect de l'écologie sociale, industrielle, alimentaire et corporelle.

Au lieu de considérer la maladie comme un accident dû à la fatalité, la naturopathie soutient, elle, que la maladie est la conséquence d'erreurs et de fautes contre les lois naturelles. Le malade doit donc accepter la responsabilité de sa santé et il prend les moyens de la retrouver ou de l'augmenter en se réformant. Selon la naturopathie, la maladie n'est pas nécessairement liée à la lésion d'un organe, mais se rattache, dans un premier stade, à son fonctionnement anormal. C'est à cette période précoce que le naturopathe intervient souvent, car il n'attend pas le dérèglement organique ni les symptômes lésionnels avant de procéder au rétablissement de la santé. Ainsi, beaucoup de maladies graves, avancées ou terminales sont évitées. La maladie étant l'expression d'un état général qui met en cause tout l'organisme, il ne traite pas un seul organe ou une seule fonction à la fois.

Au lieu d'études compliquées par l'analyse des détails et la multiplication des spécialités, la naturopathie vise à la simplification et aux vues synthétiques, particulièrement par sa doctrine de la toxémie, raison première des conditions pathologiques et par ses techniques de désintoxication, méthodologie de base fondée sur l'enseignement d'Hippocrate et des maîtres de la médecine humorale et biologique.

Au lieu d'être une science d'expérimentation animale, avec prédominance du laboratoire, la naturopathie est surtout fondée sur l'observation humaine avec prédominance de la clinique. Ses diagnostics sont primaires, non différentiels, non pathologiques mais étioligiques et ils sont confirmés par des tests de laboratoire, l'histoire du cas, l'héridité, les interventions chirurgicales, la consommation des médicaments pharmaceutiques, les symptômes subjectifs et objectifs, le comportement, la typologie, les signes de la vitalité et les réserves énergétiques.

Au lieu de combattre les symptômes de la maladie, la naturopathie les considère comme des réactions de défense dont il est absolument nécessaire de trouver les causes réelles. Par opposition au traitement chimique de la pharmacopée, la naturopathie utilise les méthodes d'hygiène naturelle, redresse les erreurs involontaires et les mauvaises habitudes des gens, principalement par la correction alimentaire selon les méthodes spécifiques de la trophologie c'est-à-dire de la science de la nutrition naturiste.

L'acte thérapeutique du naturopathe ne porte pas sur les microbes et les symptômes mais sur le renforcement de la vitalité. Les divers traitements naturopathiques, qui font appel aux agents et forces de la nature, sont diversifiés et individualisés en fonction des besoins particuliers du patient. La naturopathie ne cherche pas, par des moyens énergiques et parfois brutaux, des guérisons rapides avec des médicaments paliatifs mais elle tente, par des méthodes non toxiques, de guider la nature dans son cheminement vers des guérisons parfois lentes mais permanentes.

Dans l'utilisation des cures végétales, la naturopathie n'utilise pas seulement le principe actif, isolé et concentré mais la plante ou le produit complet en synergie avec ses composants naturels.

Par ailleurs, la chirurgie, l'acte opératoire est le plus souvent considéré comme suffisant. Mais la naturopathie estime qu'il doit être préparé en développant les forces de résistance de l'organisme par des agents naturels et qu'il doit être aussi suivi d'une rééducation.

Ces divergences profondes entre les deux écoles en font des médecines différentes, parallèles et complémentaires qui ne doivent pas s'exclure, ni être subordonnées. La naturopathie ne suffit pas à tout, ni non plus les autres médecines. Chacun a son champ d'activités propre, distinct et légitime. Toutes les médecines doivent collaborer à la prévention des maladies et à l'application la plus efficace du

traitement pour le rétablissement des malades.

La naturopathie a pour elle une longue histoire au service de l'humanité. L'évidence de l'importance à obéir aux lois de la nature est parmi d'innombrables preuves de son efficacité actuelle dans un bon nombre de maladies sur lesquelles d'autres thérapeutiques échouent souvent.

Nous sommes persuadés que la naturopathie peut aider le Québec à jouir d'une meilleure santé. C'est pourquoi elle doit être reconnue et réglementée par le gouvernement. Comme l'écrivait le célèbre Dr Alexis Carrel, dans l'Homme cet inconnu, la possession de la santé naturelle augmenterait énormément le bonheur de l'humanité.

Je viens, par conséquent, de vous résumer brièvement ce qu'est la naturopathie comparativement. Je vais maintenant demander à nos conseillers juridiques de vous présenter nos réclamations et nos souhaits.

M. LETOURNEAU: Au niveau juridique, nous prétendons être inclus dans le bill 250, et non seulement parce que nous existons. En réalité, c'est une existence qui remonte à fort longtemps; nous sommes un peu comme la Chine territoriale populaire, nous avons existé bien avant la reconnaissance. Si on l'a reconnue pour des raisons commerciales, je soumets qu'au niveau de la naturopathie, aujourd'hui, il y a une demande publique. Les clients, de plus en plus, affluent. Puisque le bill 250 veut la protection du public, je crois qu'il importe que la Législature se penche sur le problème.

Il y a, évidemment, l'approche des clients. Ceci est une première demande. Mais il y a aussi — et vous trouverez cela dans le fascicule que l'on vous a distribué — une demande de la part des CEGEP, qui cherchent des débouchés. Nous avons été pressentis par plusieurs CEGEP. Nous avons mis les lettres dans ces fascicules. Evidemment, le jour où nous aurons une reconnaissance pratique, qui nous donnera un statut professionnel, nous pourrons certainement intéresser des sujets valables et constituer, pour des diplômés, un débouché sérieux.

Ce fait, d'ailleurs, a été reconnu à bien des endroits hors de la province de Québec. Plusieurs pays d'Europe reconnaissent la naturopathie : la Suisse, la Suède, l'Allemagne. Vous avez plusieurs Etats des Etats-Unis d'Amérique. Vous avez toutes les provinces qui se situent à l'ouest du Québec. Le gouvernement fédéral a non seulement, après la guerre, incité les vétérans à suivre des cours comme débouché mais il a fait en sorte que les frais de naturopathie soient déductibles de l'impôt. Il a admis les naturopathes comme témoins-experts devant les tribunaux fédéraux et a inclus, du moins avant Medicare, dans son plan d'assurance-maladie pour ses employés, des frais de naturopathie.

Vous avez aussi des organismes paragouver-nementaux, vous avez quelques commissions des accidents du travail qui nous reconnaissent et aussi quelques Medicares, en particulier ceux de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, qui nous incluent.

Enfin, sur le plan de l'entreprise privée, vous avez plusieurs compagnies d'assurance. Encore une fois, nous en avons glissé la liste dans le fascicule que nous vous avons remis.

Si toutes ces corporations, si tous ces gouvernements ont cru bon de reconnaître la naturopathie, je crois, sans pour autant prétendre qu'il faut nécessairement suivre ce que les autres font, qu'il y a certainement des motifs sérieux à considérer pourquoi les autres l'ont fait et à se pencher ici sur la question de savoir si on doit nous inclure en vertu des articles 20, 21, 22, 23 et autres du bill.

Certains prétendront peut-être que, puisque nous n'avons, à l'heure actuelle, jamais eu de statut de corporation professionnelle, il y a certains problèmes juridiques à nous inclure. Le problème a été soulevé ce matin par quelqu'un, mentionnant que le législateur pouvait éprouver certaines difficultés, à un moment donné, à entrer de but en blanc une corporation dans le bill 250.

L'examen du bill 250 montre que, si à peu près toutes les corporations qu'on y trouve ont, à un moment ou à un autre, eu un certain statut de corporations professionnelles, l'une d'entre elles fait son apparition pour la première fois, soit les chiropraticiens qui, en même temps qu'on présentait le bill 250, se sont vus mis sur le marché avec le bill 269.

Nous sommes du domaine paramédical comme eux, nous n'avons, comme eux, jamais eu de statut officiel dans la province, mais nous ne posons pas plus de problèmes. Si on a pu, dans le bill 269 et dans le bill 250, donner aux chiropraticiens le statut d'exercice exclusif, ce qui comporte bien plus de difficultés, je ne vois pas pourquoi les naturopathes ne pourraient pas obtenir un statut de titre réservé, car c'est ce que nous cherchons; nous ne voulons pas plus pour l'instant. Nous ne voulons pas plus parce que l'article 22 du bill 250 stipule quand et pourquoi on doit donner le droit exclusif.

Cet article dit qu'on ne doit l'accorder que lorsque les actes qui seront posés par les membres d'une corporation sont de telle nature que seulement quelqu'un ayant une formation très particulière pourra les poser, donc il y a un danger pour le public, seulement alors le droit exclusif devrait être accordé.

Dans le cas de la naturopathie, il n'y a évidemment pas de danger en soi pour le public, c'est-à-dire que le traitement naturel ne sera jamais que naturel et, au pire, deviendra inutile. Il ne sera jamais dangereux; il n'aura jamais d'effets secondaires.

C'est plutôt sous l'article 24 que nous nous trouverons, l'article 24 qui prévoit que le lieutenant-gouverneur peut accorder le titre réservé lorsque l'intérêt public le demande. Je souligne ici qu'il y a intérêt à ce que nous ayons ce titre réservé pour le public parce que si le

traitement que nous accordons ne comporte pas tellement de dangers en soi, il n'en reste pas moins qu'un code de déontologie évitera qu'à un moment donné on donne au public un traitement inutile simplement pour le traiter et obtenir des honoraires ou qu'on donnera un traitement inutilement long. On aura, par un code de déontologie, le droit de régir tous les membres et d'éviter qu'à un moment donné un individu nuise au public.

De la même manière, et peut-être surtout là, si le traitement ne peut pas être dangereux, le diagnostic, parce qu'enfin il faut en poser un pour traiter, s'il était erroné pourrait faire qu'on traitera pour une maladie quelconque un individu qui aurait dû être traité pour une autre. Et si on retarde ainsi un traitement approprié, ça pourra avoir des conséquences pour cet individu, même si le traitement qu'on donne, en soi, n'en a pas. Mais le retard d'un traitement qui s'imposait pourrait en avoir.

C'est ici qu'il faudrait qu'il y ait certaines normes, certains diplômes, certaines qualifications pour la protection du public au niveau de l'examen et du diagnostic.

J'ai à peu près donné ici les grandes lignes du pourquoi. Evidemment, si on nous accorde ce titre réservé, cela comporte des obligations.

Cela comportera parallèlement des droits, dont le droit au titre exclusif et réservé de naturopathe à toute personne qui aura un permis et qui sera reconnue au tableau de la profession. Vous demanderez peut-être ce que sera la personne ayant ces droits et vous soutiendrez peut-être qu'il y a des problèmes au niveau des diplômés, etc. Je souligne que le bill 269 des chiros prévoit ce problème, parce qu'ils avaient un peu les mêmes problèmes. On a prévu les examens. Si on fait coïncider l'article 169 du bill 250, qui prévoit que le lieutenant-gouverneur et les membres du bureau de la corporation établiront certains examens, et que l'on transpose dans ce qui deviendrait le bill des naturopathes l'article du bill 269 des chiroprati-ciens, on pourra facilement régler ce problème. A ce moment, il faudra nous donner en plus — parce que nous sommes paramédicaux et que si on nous donne un titre, il faut nous donner au moins le droit d'exercer— à l'article 35, qui prévoit les pouvoirs qui vont avec le titre réservé, le droit de donner un traitement. Aujourd'hui, si on utilise le mot "traitement", on est tout de suite mal vu. Si on veut donner un traitement il faut faire un diagnostic primaire, peut-être pas différentiel, mais primaire et, évidemment, il y a une question d'examen. Ce sont des droits que nous demanderions d'avoir à l'article 35. Pour vérifier maintenant si nous sommes compris dans l'article 21, parce que c'est l'article 21 qui détermine quelles sont les portes que nous devons franchir, je vais passer la parole à mon confrère, Me Blanchard.

M. BLANCHARD: M. le Président, si nous sommes devant vous aujourd'hui, c'est d'abord pour vous remercier d'avoir eu l'idée, qui est une innovation sans doute, de légiférer sur une question aussi importante que le code des professions. Nous apprenons que plusieurs provinces canadiennes regardent de très près ce qui se passe à Québec pour voir justement quel sera le résultat d'un tel code.

Si nous examinons la question des naturopathes au Québec — nous sommes une exception, comme le disait Me Létourneau tout à l'heure — dans le sens que la naturopathie comme science, comme profession. Elle est reconnue au sud du Canada, en Europe, évidemment au Canada. Si elle ne l'a pas été au Québec, il y a eu un résultat concret de tout ça.

Le résultat c'est qu'on n'a pas pu, jusqu'ici, établir des cadres qui permettraient aux naturopathes qui exercent actuellement de pouvoir se qualifier pleinement. Ils sont qualifiés, mais on a besoin des écoles, on a besoin d'explorer cette science nouvelle.

C'est un champ où la santé prime. Je pense que ce n'est pas un secret de dire que la santé du citoyen québécois n'est pas un exemple dans les pays nord-américains. On a besoin d'améliorer cette santé-là. Il y a une science ici qui s'ouvre à nous, la naturopathie, qui est reconnue et, à mon sens, il est temps que la province de Québec se joigne aux autres pays, prenne les mesures nécessaires pour reconnaître cette science, la contrôler, l'avoir dans un code professionnel, lui donner le statut qu'elle mérite.

Maintenant, on dit dans le mémoire justement à la page 1: "Les naturopathes ont souvent été victimes d'une interprétation étroite, unilatérale, franchement abusive." J'étais heureux d'entendre, jeudi, le député de Dorchester qui soulignait que les problèmes d'alimentation et de nutrition au Québec sont de grande importance actuellement. Il y a un mouvement populaire naturiste très intéressant au Québec. C'est évident que cette science a sa place, a ses structures, et c'est précisément pourquoi le législateur doit l'encadrer pour pouvoir la contrôler, pour que ses membres puissent contrôler, pour que le conseil, à l'avenir, puisse dire: Nous allons vous produire des naturopathes qualifiés, certifiés.

Il s'agit de regarder le projet de l'Institut de naturopathie du Québec, le code de déontologie, la constitution, le cours d'étude, pour voir que c'est sérieux, pour voir que nous avons besoin d'encourager cette science. Certains vont dire: D'accord, on a une spécialisation très grande aujourd'hui. On se demande même, comme on posait la question ce matin, s'il n'y a pas un danger, et qu'il y a spécialisation, sur-spécialisation, etc.

Je crois qu'on peut répondre assez facilement à la question. La science a besoin des découvertes, a besoin de franchir encore, a besoin de s'élaborer davantage. C'est surtout sur cette question du besoin de la population que je voulais attirer votre attention. Quant au code

lui-même, comme je vous le disais tout à l'heure, et comme nous le croyons sincèrement, il y a beaucoup de bien à faire. Par contre, il serait, à mon sens, injuste qu'un corps professionnel comme celui des naturopathes ne soit pas inclus pour qu'il puisse justement trouver son plein épanouissement.

Si nous avons eu des reproches à adresser à ces gens-là dans le passé, il faut les éviter à l'avenir.

Donc, préparons-nous en conséquence. Doit-on prétendre que le citoyen québécois n'a pas la maturité nécessaire pour choisir son conseiller de santé? Je ne le crois pas, puisqu'on le fait partout. Si nous examinons de près les articles 1 à 5 de l'article 21, il appert que ce qui serait le corps professionnel des naturopathes existe légalement dans l'Etat du Québec depuis 1963 et que son correspondant au fédéral existe depuis 1955, soit l'Association des naturopathes du Canada. Si nous examinons de très près l'article 21, nous voyons que, dans les exigences pour déterminer si une corporation professionnelle doit ou non être constituée, il est tenu compte notamment des connaissances requises. Evidemment, les connaissances requises, les connaissances scientifiques s'imposent. C'est ce qu'on veut faire aujourd'hui. Je pense que l'esprit qui domine le code, c'est simplement un droit de regard, un droit, non pas de contrôle dans le sens étroit, mais de donner en même temps l'essor professionnel et les cadres dans lesquels une profession peut exercer sainement.

On a vu, dans le passé, certains abus. On veut les éviter dans l'avenir. Le degré d'autonomie dont jouissent les personnes qui seraient membres de la corporation. Si on regarde tous ces aspects, le troisième, le caractère personnel des rapports entre ces personnes et les gens recourant à leurs services, la gravité des préjudices ou des dommages, tous ces éléments concourent à donner aux naturopathes justement cette pratique où il y a absolument nécessité que le citoyen soit protégé.

Je soumets qu'on cadre très bien avec les articles 21, 22 et 24, comme le disait Me Létourneau tout à l'heure, pour demander que le législateur considère les naturopathes comme corps professionnel avec un statut réservé.

La naturopathie est une thérapeutique légitime. Ce n'est pas une thérapeutique criminelle. Nous voulons profiter de cette science et que le citoyen en profite vraiment dans des cadres donnés. La science a encore à se développer, je crois. Si elle a à se développer, donnons-lui l'essor dont elle a besoin. On entendait, par exemple, les psycho-éducateurs, les diététistes, tous ces gens qui veulent déterminer un acte professionnel donné dans la recherche de la santé. On entend dire parfois qu'il n'y a rien de mal dans la naturopathie. Au sens positif, il n'y a rien de mal, c'est bien pour la population, mais, comme dans toute profession, on peut faire de l'abus partout. Comme avocat, comme médecin, comme architecte, etc., il peut y avoir des abus, mais justement notre société exige, je crois, qu'on pose des cadres, qu'on ait un conseil qui dirige ces professions.

Je vous demande de considérer le collège, de considérer l'association et les naturopathes de la province de Québec, qui, à mon sens, auraient dû être reconnus il y a quelques temps.

Ils ne l'ont pas été. Il en est temps. La population recourt régulièrement aux services de cette profession. Je crois qu'il serait régressif, aujourd'hui, de remettre à plus tard une décision de cette sorte surtout quand on a le véhicule qui a été préparé, dans le sens du code, de l'office des professions.

Je demanderais particulièrement, si vous me permettez, au Dr Schnell de l'Alberta, président de l'association canadienne, d'élaborer particulièrement la question de l'intégration de la profession dans les provinces anglaises.

M. SCHNELL: Honourable Chairman and gentlemen.

The members of the Canadian Naturopathie Association welcome and appreciate this opportunity of meeting with the members of the commission to discuss the future of the profession of naturopathy in Quebec.

For many years, The Canadien Naturopathic Association has been most concerned with the state of naturapathic affairs in the Province of Quebec. Whereas legislative states providing for and regulating the practice of naturopathy as a profession exist in every province west of Quebec, the lack of such legislation in Quebec has served neither the interest of the public nor the naturapathic profession.

I have been asked here today to acquaint the members of the commission with legislation in other provinces wherein practice of naturopathy has been authorized and wherein such authorization has been extended to naturopathie practitioners involved in diverse and variety of qualification and training.

In almost every instance, the initial legislative enactment included a special section which we may call a "grandfather clause" which incorporated all practitioners of good standing and reputation at the time of the bill. This incorporation invariably involved the establishment of a professional association with registration status conferred on a practitioner and with the right to practise naturopathy.

The Canadian Naturopathie Association, operating under federal letters patent, regulates and coordinates, wherever possible, the standards in practice of the naturapathic physicians and practitioners in all provinces, except Quebec, the Maritime Provinces and Newfoundland. In all provinces wherein legislations regulating the practice of naturopathy exist, standards are maintained by provincial associations coordinated with the Canadian Naturopathie Association.

The value of the profession of naturopathy

and the status of the naturopathic physicians or practitioners have been recognized in many ways by the various provincial governments. The Province of British Columbia, by virtue of a legislative statute entitled the Naturopathic Physicians Act, chapter 264, 1945, provides for the practice of naturopathy high academic qualifications and licensing requirements for applicants and the establishment of a provincial association with disciplinary powers.

Additionally, the Government of British Columbia has seen fit to include naturopathic health services in its Health Care Insurance Program. The Province of Alberta, in a Legislative Act entitled "The Naturopathy Act", provides in a similar way for the licensing of naturopathic practitioners, the establisment of the profession and practice of naturopathy, the incorporation of a Provincial Association with disciplinary powers. In Alberta, naturopathic health services are provided for in the Blue Cross Insurance Plan under the auspices of the Alberta Medical Health Care Plan.

Prior to the inception of the Naturopathy Act, a Grandfather Clause incorporated all existing practitioners under the Drugless Practitioners Act, which was subsequently amended and altered to be named The Naturopathy Act.

The Province of Saskatchewan similarly provides for the regulation of naturopathy by the original enactment of the Drugless Practitioners Act, in 1930, and more recently, in 1945, the Naturopathy Act, which is an Act respecting the practice of naturopathy, Chapter 75.

In Saskatchewan, the definition of naturopathy reads: "Naturopathy means the art of healing by natural methods as taught in recognized schools of naturopathy". The Grandfather Clause specifically states: "The following persons — and the names are so given — together with such other persons as may hereafter become members of the association, under the provisions of this Act, are hereby constituted a body politic incorporated under the name of the Saskatchewan Association of Naturopathic Practitioners.

The University of Saskatchewan, in consultation with the Council, this is Section VI, makes regulations concerning the examinations and the conduct thereof including the age, moral character and academic standing of applicants for examination and also as to examination fees.

It is interesting to note that in Section VIII, sub-section b): "Only those persons who pass examination satisfactory to the University of Saskatchewan on the following subjects, anatomy, physiology, chemistry, pathology, histology, sanitation and hygiene, general diagnosis and the principles in practice of naturopathy and such other subjects as the University, in consultation with the Council, may require"... And in sub-section c): "Comply with the provisions of the regulations made under Sec- tion V and are considered by the Council to be suitable applicants for registration in accordance with the provisions of such regulations shall be entitled to be registered as naturopathic practitioners under this Act and become members of the Association".

As in Alberta and Manitoba, Saskatchewan confers and allows the practitioners to use the title "Doctor," providing such title is qualified by the term naturopath or naturopathic practitioner.

In Manitoba, Chapter N-80, a Legislative Act respecting the practice of naturopathy in Manitoba provides for the regulation and licensing of naturopathic practitioners in that Province. They also have utilisation of the title Doctor. Initially, they had a Grandfather Clause and they have examinations similar to basic science examinations regulating the academic qualifications to be met.

The Drugless Practitioners Act, 1935, Chapter 110, amended by Chapter 25, 1952, governs the regulation of naturopathic practitioners and their licensing in the Province of Ontario.

Many Health Insurance Companies in North America either include naturopathic services in their policies or approve this service and pay naturopathic claims. In the Province of Alberta, the Blue Cross Insurance Compagny, which is an optional plan under the Alberta Health Care Commission, pays for naturopathic health services on a per visit basis.

Expert testimony of naturopathic practitioners and physicians as to the diagnosis treatment and prognosis of a patient's illness is accepted in courts of law and professionnal fees for naturopathic services are deductible for income-tax pruposes as are medical and dental bills.

The recognition of the professional naturopathy is best shown by its continued growth and by the position it occupies in the eyes of the public and legislators.

In conclusion, the Canadian Naturopathic Association firmly believes the right of the individual to choose his own health method or services is fundamental to human liberty as is freedom of the press, freedom of speech and freedom of workship. We believe also that the naturopathic profession provides a separate and distinct health service not provided by any other healthing art.

This service is required by a larger and growing number of Quebecers. To best serve the public interest and in view of the foregoing we respectfully urge the government of Quebec to provide legislation regularing the practice of naturopathy in order to insure the protection of the public. Thank you.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: M. le Président, au nom de M. Castonguay, je remercie l'association et le collè-

ge de la présentation de leurs mémoires relativement aux naturopathes qui demandent que la naturopathie soit reconnue comme corporation professionnelle à titre réservé.

J'aurais trois brèves questions à poser. Combien de membres avez-vous dans l'Association des naturopathes?

M. BARBEAU: Dans les deux associations, il y a une soixantaine de membres actuellement.

M. FORTIER: Au collège, je vais poser la question suivante: Combien d'années d'études sont exigées pour devenir membre de l'association?

M. BARBEAU: Nous avons, comme vous le savez, un certain nombre de problèmes à régler à ce niveau-là, puisqu'il n'y a pas de cours actuellement qui se donnent dans les universités du Québec, ni même, d'ailleurs, dans les universités au Canada. Nous avons — il y a déjà un bon nombre d'années, depuis 1962 — à partir de praticiens qualifiés qui venaient d'Europe, des Etats-Unis, d'Allemagne ou d'ailleurs, organisé un cours au Québec. Nous avons publié ce cours et ce programme dans l'annuaire de l'Institut de naturopathie du Québec, que nous déposons aujourd'hui et où on voit établi le curriculum complet, avec les différentes matières qui sont au programme. Cela rejoint à peu près ce qui se fait dans d'autres institutions européennes ou américaines donnant des cours en naturopathie.

Il y a au moins quatre années d'études à faire après avoir obtenu un certificat de treizième ou de quatorzième année.

M. FORTIER: Une dernière brève question: De quelle façon se pratique la naturopathie? Est-ce en cabinet privé ou à domicile?

M. BARBEAU: Nous n'avons pas accès, bien entendu, aux hôpitaux. Ce sont des gens qui ont un cabinet privé, séparé de leurs autres activités, qui reçoivent des consultants qui viennent les voir habituellement pour apprendre à manger correctement ou pour se plaindre, évidemment, de certains symptômes, de difficultés qu'ils ressentent pour essayer d'en avoir un soulagement et pour essayer d'utiliser les méthodes naturopathiques, soit qu'ils ne sont pas satisfaits des traitements qu'ils ont reçus par d'autres thérapies ou parce qu'ils veulent voir ce que la naturopathie peut faire dans leur cas.

Il s'agit essentiellement d'un bureau de type professionnel où les gens sont reçus avec les mêmes méthodes et les mêmes règles de déontologie ou d'éthique que dans les autres professions, en réalité. Il ne s'agit pas ici d'institutions hospitalières, ni d'institutions commerciales, car nous avons professionnalisé justement les naturopathes depuis déjà un bon nombre d'années. Il s'agit seulement de donner des renseignements sur les méthodes naturelles de traitement et de rétablissement de la santé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit, il y a un instant, que vous aviez soixante membres dans les deux associations, mais est-ce que ce sont les mêmes membres qui sont dans les deux groupements?

M. BARBEAU: II y a deux associations; il y a le collège, qui date quand même de neuf ans, et qui a — vous le savez peut-être bien — non seulement axé ses activités sur la professionnali-sation des naturopathes, mais qui a eu en même temps une activité publique assez intense, qui a comporté des débats, des réunions, des assemblées, des conférences, des publications avec une tendance sociale marquée.

Depuis un certain nombre d'années, des praticiens ont cru évidemment que c'est une activité assez difficile à mener et qu'il fallait d'abord un certain tempérament pour mener ces activités et ont pensé simplement se réunir dans une autre association qui, d'ailleurs, reconnaît nos membres et dont nous reconnaissons également les membres. Il s'agit seulement d'un accent que nous mettons sur les activités publiques, il n'y a pas de complication parce que nous nous reconnaissons mutuellement.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est l'association qui s'occupe des discussions dans le cas des compagnies d'assurances?

M. BARBEAU: Oui, le collège aussi. Dans le collège, étant donné, je suppose, la personnalité des gens qui sont les responsables, il y a une activité publique intense et d'autres naturopathes préfèrent consacrer surtout leurs activités à leur pratique. A partir de ça, pour éviter des débats publics qui sont parfois assez acrimonieux, ils ont fait une association que nous reconnaissons d'ailleurs pleinement. Il n'y a pas de problème et eux nous reconnaissent aussi pleinement.

Il s'agit d'une tendance sociale d'une part, en plus de la professionnalisation, et d'autre part, d'une activité plus du type professionnel axée sur la recherche et la thérapie mais moins active, moins activiste — si on peut dire — et par conséquent les deux se complètent parfaitement.

Il n'y a pas de contradiction dans les deux associations. Il y a une parfaite collaboration.

M. CLOUTIER (Montmagny): On l'interprète ainsi par le fait que vous ayez accepté de présenter conjointement devant la commission parlementaire les deux mémoires qui ont été préparés distinctement.

Ma question est la suivante: Vous avez parlé du diagnostic et, dans votre mémoire, vous disiez textuellement "La naturopathie est l'art et la science de promouvoir la santé, de prévenir et de guérir les maladies par des méthodes naturelles, excluant les médicaments chimiques,

la chirurgie et la radiothérapie". C'est votre position fondamentale, c'est l'essence même de votre profession.

En pratique, comment ça se passe? J'ai lu rapidement votre code de déontologie et vous dites notamment qu'en cas d'erreur ou d'échec, vous devez référer le patient à un autre professionnel de la santé. Est-ce que cette définition veut dire que vous refusez d'accepter la médication par médicaments ou la chirurgie ou si, à votre sens, tout devrait être filtré d'abord et décanté par votre profession?

M. BARBEAU: Nous reconnaissons l'utilité de la médecine chimique ou allopathique, la médecine usuelle. De toute évidence, il y a une nécessité absolue que cette médecine continue ses activités tel qu'elle l'entend, nous ne voulons certainement pas intervenir dans ses activités, elle est capable de s'organiser seule. H faut qu'il y ait de la chirurgie dans un nombre important de cas et il faut qu'il y ait une médication de type pharmaceutique aussi dans un nombre important de cas. Il faut que les gens aient le choix, en réalité, d'aller chez le médecin traditionnel et chez le spécialiste.

Ce que nous avons réellement fait depuis un certain nombre d'années, c'est d'abord de filtrer les gens qui ne pouvaient pas vraiment bénéficier des traitements naturistes ou naturopathi-ques, ôter tous les cas terminaux, par exemple. Il n'y a aucun naturopathe qui s'occupe de cas terminaux. Les cas de maladie organique grave, avancée, nous ne les prenons pas parce qu'ils relèvent précisément de la thérapie allopathique et chimio-thérapeutique ou carrément chirurgicale. Nous ne touchons pas ces cas, nous les filtrons. En somme, nous faisons une sélection des patients avant même qu'ils arrivent à recevoir nos conseils et nos différentes thérapies.

Nous ne touchons pas aux cas qui relèvent spécifiquement du médecin, par exemple, nous n'intervenons jamais dans un traitement médical. Quelqu'un qui nous arrive et qui prend des comprimés, des pilules, soit par auto-médication, soit sur recommandation professionnelle, jamais nous n'allons dire d'abandonner ces traitements, de laisser tomber les médicaments, pas du tout. Il faut que ce soit fait seulement sous la direction du praticien traditionnel, du praticien de famille ou du spécialiste.

Nous n'intervenons pas dans le traitement d'une autre profession, aussi bien les chiroprati-ciens et les gens qui vont chez les chiroprati-ciens, qui viennent aussi nous voir. Jamais nous ne leur disons d'abandonner le traitement des chiropraticiens, pas du tout. Cela relève des fonctions professionnelles propres, différentes des nôtres et qui ne traitent pas le même type de patients. Il est évident qu'il y a une pratique hospitalière, il y a des gens qui doivent recevoir des traitements hospitaliers; ce n'est pas le type de clientèle que nous avons. C'est une clientèle qui a des problèmes disons de fonctionnement, des problèmes fonctionnels et non pas des problèmes organiques ou lésionnels.

Ceux qui ont vraiment des lésions organiques, nous ne les prenons pas. Nous faisons une sélection et nous leur disons: Ecoutez, il faut que vous suiviez les traitements de votre praticien, de votre médecin. Nous ne touchons pas ces gens. Nous leur disons que nous ne sommes pas compétents pour nous occuper de ce genre de patients. Nous faisons une sélection au départ et nous faisons même une division à l'intérieur de nos propres consultants. Des maladies de toutes sortes, les maladies contagieuses ne relèvent pas de nous. Les maladies terminales, la tuberculose, enfin combien d'autres maladies dont il est d'ailleurs bien spécifié qu'elles ne peuvent pas d'une façon ou d'une autre bénéficier des traitements naturopathi-ques. Nous sommes dans la zone grise, si vous voulez. Nous traitons ceux qui ne sont pas totalement en bonne santé et ceux qui ne sont pas véritablement malades, ceux qui ont des troubles dits fonctionnels. Ce sont ceux-là vraiment que nous traitons avec, je dois dire, des succès assez importants.

M. CLOUTIER (Montmagny): De quelle façon faites-vous un diagnostic? Quelqu'un se présente chez vous pour requérir vos services et il est, comme vous dites, dans la zone grise. S'il est dans une phase aiguë, j'imagine qu'il va demander d'être admis dans une institution, un hôpital. Il s'en va chez vous, il est dans la zone grise que vous venez de décrire, de quelle façon procédez-vous pour faire un diagnostic à savoir s'il n'y a pas quelque chose, une maladie latente?

M. BARBEAU: D'abord, nous ne prenons pas d'une façon habituelle les cas aigus. Les cas aigus ne relèvent pas de notre thérapie. Quand ils seront rétablis par les méthodes habituelles, s'ils veulent venir en consultation pour corriger leurs habitudes, apprendre à manger correctement, là nous les recevons. Mais aussitôt que nous voyons qu'ils ont besoin de retourner à leur médecin nous les y retournons. Le type de diagnostic que nous faisons est très différent du diagnostic s'appliquant à des gens qui doivent être hospitalisés. Nous faisons un type de diagnostic qui ressemble à celui du généraliste; en somme, les techniques de routine de bureau chez les praticiens, des analyses d'urine, des tests. Il y a l'histoire du cas, les différents symptômes qui nous sont donnés, les différentes questions que nous posons pour trouver des symptômes plus objectifs que les seules plaintes nous révèlent. Il y a l'histoire de l'héridité, les problèmes de famille, les différents médicaments que les gens ont pu prendre pendant des années et qui peuvent entraîner une intoxication, comme vous le savez, les différentes interventions chirurgicales qu'ils ont pu subir. Enfin, nous faisons un diagnostic d'observation, un diagnostic étiologique et non pas médical ou

qui va essayer de trouver une pathologie particulière organique ou lésionnelle qui relève de la médecine hospitalière beaucoup plus que de la médecine générale, beaucoup plus que des thérapies naturistes ou naturopathiques.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous vous servez de la radiothérapie?

M. BARBEAU: Non, aucune radiothérapie, ça ne relève pas de nos activités.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, je le vois dans la définition. Est-ce que vous n'utilisez pas le rayon X?

M. BARBEAU: Nous n'utilisons pas le rayon X non plus parce que ça relève des gens qui ont la compétence pour utiliser ces méthodes-là. En fait, la sphère des activités d'un naturopathe c'est davantage l'ensemble des problèmes de santé habituels qu'on rencontre chez un grand nombre de gens mais auxquels on ne peut appliquer un traitement médical proprement dit. Les gens qui se font dire par exemple qu'ils n'ont rien; la médecine a trouvé que, d'après les analyses d'urine, les analyses de sang, ils n'avaient rien. Ou bien des gens qui se font dire: Vous, votre affaire c'est nerveux. Ou bien: On n'a rien trouvé, vous reviendrez dans six mois et peut-être qu'à ce moment-là il y aura quelque chose. Ou: Vous êtes nerveux, prenez des somnifères, cela va régler votre problème.

Au tout début des manifestations des problèmes d'arthrite, on a quand même des succès très importants. Les problèmes d'obésité, les problèmes de nutrition, les problèmes digestifs, nous nous occupons de ces cas-là. Il y a les problèmes de faiblesse, de fatigue et les problèmes généraux qu'on rencontre dans l'ensemble de la population et qui ne peuvent pas particulièrement être traités par les techniques thérapeutiques des autres médecines. Les gens trament chez un certain nombre de médecins ou de spécialistes et ils se font toujours dire qu'ils n'ont à peu près rien, qu'ils n'ont pas tellement de difficultés qu'on peut déceler à l'aide de tests, etc. Ce sont des gens qui viennent aboutir chez nous. Il y en a aussi un bon nombre d'autres qui viennent, qui n'ont rien et qui veulent apprendre à éviter les maladies. Plusieurs viennent voir, il n'y a pas de diagnostic particulier, ils n'ont rien, mais ils veulent apprendre à corriger leurs habitudes et à manger correctement. C'est plutôt pour renforcer leur santé. Nous voulons montrer aux gens à suivre les lois de la nature, mais nous ne traitons pas des cas avancés, des cas qui relèvent de l'hospitalisation, de l'intervention chirurgicale ou d'autres maladies du type compliqué qui relèvent particulièrement de tous les spécialistes de la médecine d'aujourd'hui.

Il n'y a donc pas, par conséquent, de contradiction entre la thérapie que nous faisons et celle que les médecins font.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, si les naturopa-thes sont des professeurs de la santé naturelle, comment est née la naturopathie?

M. BARBEAU: Comment elle est née? Elle remonte à très loin. Nous pourrions en faire l'historique ici; je pense que c'est un peu difficile et que nous n'avons pas assez de temps. Nous avons déjà publié quelques travaux là-dessus. Il y a plusieurs ouvrages. Un docteur Schlemer en particulier a publié un gros volume de 1,200 pages là-dessus. C'est un médecin également, mais il a fait des pratiques naturelles, naturopathiques. Il y en a toute une série d'autres. Je n'insisterai pas là-dessus.

Disons que la méthode naturelle est employée depuis très longtemps, depuis des générations, depuis des millénaires, qu'elle a été assez efficace dans un bon nombre de cas. Au fond, elle a été largement codifiée par Hippo-crate et par ses descendants, par les grands maîtres de la médecine humorale, de la médecine biologique. Au début du siècle, elle a subi des avatars, en particulier depuis 1915 ou 1920 à l'occasion de l'utilisation des antibiotiques. Là, on peut dire qu'il y a eu vraiment un effort considérable de la part de la médecine allopathi-que pour essayer de limiter les activités naturopathiques, étant donné que les résultats obtenus par l'utilisation des antibiotiques et des médicaments, qui devenaient de plus en plus intéressants et plus efficaces, semblaient plus intéressants et justement aptes à guérir les maladies plus rapidement que les méthodes traditionnelles, avec la phytothérapie, avec de l'hygiène, avec des bains, avec le soleil, l'héliothérapie, etc., qui est une méthode lente, il faut le reconnaître, et qui demande une collaboration très importante du patient et une réforme de ses activités et de ses habitudes.

Par conséquent, à cause du siècle de vitesse dans lequel nous sommes, il est évident qu'il y a nécessité d'une médecine palliative qui supprime rapidement les symptômes et les douleurs, ce qu'un naturopathe ne fait pas généralement. Pour toutes sortes de raisons, nous, c'est une réforme sociale, une réforme morale, très souvent, une réforme d'habitudes, une réforme alimentaire que nous proposons à la population. Alors, ce n'est pas du tout dans la même optique que nous travaillons. C'est pour ça que nous disons que l'histoire de la naturopathie remonte au plus lointain des âges. Des grands noms, en particulier Alexis Carrel et combien d'autres, ont été favorables aux méthodes naturelles et même aujourd'hui, dans le monde entier et en Allemagne en particulier, il y a au moins 12,000 praticiens des méthodes naturelles, dont un grand nombre sont aussi des médecins.

D'ailleurs, dans tous les pays du monde, il y a des médecins qui abandonnent plus ou moins

les méthodes connues, les méthodes classiques de traitement, parce que malheureusement ces méthodes ne sont pas toujours très efficaces, surtout dans les cas qu'on a signalés où il faut intervenir rapidement avec des antibiotiques et des choses comme ça, par une intervention chirurgicale. Il n'y a personne, évidemment, qui revendique ces activités-là. Seulement, nous pensons qu'il y a un nombre important de gens qui voudraient peut-être apprendre à éviter les maladies. Il faut le dire, la médecine traditionnelle ne s'occupe peut-être pas suffisamment d'avoir une action préventive et nous, nous pensons être des gens qui font véritablement une médecine préventive.

M. GUAY: Maintenant, dans l'esprit de plusieurs, évidemment, c'est encore confus quand on parle de naturopathes. On a eu l'occasion de parler à cette commission plus spécifiquement des médicaments et plusieurs se posent la question suivante : Est-ce que la naturopathie ne serait pas, en quelque sorte, l'ancien apothicaire du temps qui préparait lui-même ses médicaments à base d'herbages, à base de beaucoup de choses qu'on ignore, qui est devenu pharmacien en 1972 et distributeur d'un médicament? Est-ce que ce ne serait pas un peu cette profession qui serait reprise à la moderne sous l'insigne de la naturopathie?

M. BARBEAU: Je crois que vous avez parfaitement raison. En réalité, comme je vous l'ai signalé, il y a eu une bifurcation de la médecine chimique à partir du début du siècle particulièrement. La materia medica antérieure, on peut dire, contenait peut-être 75 p.c. à 80 p.c. de remèdes qui sont des extraits de plantes et qui relèvent de la phytothérapie. Maintenant, de plus en plus, ces remèdes, qui ne sont pas des médicaments, mais des remèdes, il faut le reconnaître, sont moins rapidement efficaces pour soulager que des médicaments chimiques qui ont été mis sur le marché par les différentes organisations pharmaceutiques.

Alors, il y a ici, il faut le dire, un rythme de la médecine actuelle, de la médecine classique, de la médecine chimique qui coincide fort bien avec la vitesse du monde moderne.

Seulement nous pensons que la médecine traditionnelle hippocratique a aussi un droit légitime de continuer ses activités en attendant de voir ce que va donner véritablement la médecine chimique qui va, presque nécessairement, tous les ans, ou tous les deux ou trois ans, faire des variations importantes dans ses thérapies, en particulier dans l'utilisation de certains médicaments. Il y a des changements continuels, des thérapies qui étaient considérées comme assez miraculeuses, cinq ou dix ans auparavant, et sont considérées, désormais, comme dangereuses. Il y a un effort considérable de recherche pour l'efficacité thérapeutique dans le soulagement de la douleur et dans l'élimination, bien entendu, de la pathologie, particulièrement celle qui est reliée au virus et qui est reliée également aux différentes bactéries.

Nous considérons qu'il y a là une médecine palliative qui a fait de grands bonds surtout dans la recherche des éléments de diagnostic, également en chirurgie, mais qu'il y a peut-être à reconsidérer certains aspects, en particulier dans la médecine préventive, autrement que le seul aspect lié au pasteurisme, lié à l'infection et à l'effet des bactéries dans l'organisme.

Nous considérons qu'il y a aussi un facteur très important et sans doute majeur qui est celui de la consommation des aliments. Je pense qu'ici, nous somme là pour répondre à l'angoisse des gens modernes et à l'inquiétude qui est née justement de la pollution, pollution du milieu et surtout pollution alimentaire. Nous jouons un rôle très important dans cette réforme sociale.

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, j'aimerais savoir ce que vous pensez du traitement à l'oignon?

M. BARBEAU: Le traitement à l'oignon? Je pense qu'il faudrait regarder l'histoire des peuples. Vous savez sans doute que les différentes pyramides ont été largement construites par des esclaves qui consommaient beaucoup d'oignons. Cela leur donnait leur force très importante. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé. L'oignon a été utilisé au cours des siècles et différents peuples, évidemment, en consomment encore beaucoup. C'est un désinfectant très important. Je pense que ceux qui en consomment une certaine quantité, pourvu qu'ils soient aptes à l'assimiler, peuvent éviter des infections et sans doute d'autres maladies.

M. LAVOIE (Wolfe): C'est parce qu'on a un de nos collègues, justement — il n'est pas ici, cela tombe mal — qui a une grande confiance en l'oignon pour toutes les maladies. Je voulais savoir si...

M. BARBEAU: Pour toutes les maladies, non, mais pour un certain nombre. Enfin, cela aide, bien entendu, l'organisme à se défendre contre un certain nombre d'infections. Cela renforce les immunités naturelles et pour nous, c'est très utile. Nous utilisons nous aussi en thérapie, non seulement l'oignon, mais l'huile d'ail concentrée qui est mise en comprimé. Cela fait partie d'un autre supplément thérapeutique dans les cas où il y a des infections. C'est assez surprenant. Nous avons des résultats, parfois, qui, en rapidité, sont aussi efficaces que les traitements aux antibiotiques, mais sans effet secondaire, dangereux parfois.

M. FORTIER: Est-ce que je peux poser une question au député?

M. BROCHU: Si vous me permettez, si le

député de Wolfe fait allusion au député de Chicoutimi, sa préférence va sûrement à l'échalotte.

M. LAVOIE (Wolfe): Non, je pensais au député de Maskinongé.

M. GUAY: Vous avez mentionné à plusieurs reprises la phytothérapie, pourriez-vous expliciter davantage la phytothérapie? La question m'a été posée à une commission parlementaire et je n'avais pas le droit de répondre.

M. BARBEAU: La phytothérapie, cela remonte évidemment au plus lointain des âges. Chez les Chinois, on l'emploie depuis 5,000 ans. C'est très efficace. C'est dans la nature qu'on trouve les différentes substances qui ont été utilisées au cours des siècles. Mais, on le répète, c'est moins rapide dans son efficacité immédiate, visible, constatable que des antibiotiques ou médicaments qui font de brusques effets dans l'organisme.

La phytothérapie est un traitement en longueur. C'est un traitement qui arrive surtout à avoir un effet de désintoxication, en particulier sur les fonctions rénales. Les fonctions rénales sont stimulées par l'utilisation des différents herbages et tisanes. Ensuite, cela peut avoir un effet de désintoxication hépatique sur le foie, en drainant les principaux émonctoires, foie et reins. Il y a une série, évidemment, de symptômes, de difficultés et de douleurs qui s'atténuent d'abord dans un premier temps et qui ensuite tendent à disparaître, si, d'une façon concomitante, on arrive aussi à faire la correction alimentaire et la rééducation dans le sens naturiste.

Ce sont des substances qui ne sont pas toxiques. Actuellement, je pense qu'en Russie il y a au moins dans la materia medica 80 p.c. des médicaments qui relèvent du règne végétal qui est proprement de la phytothérapie. Parfois, il faut le dire, un bon nombre de substances vendues dans les pharmacies sont aussi des produits qui viennent des plantes, mais cette fois, ce sont des produits qui sont purifiés, concentrés et qui sont séparés en quelque sorte de leurs éléments synergétiques. En médecine actuelle, on peut voir pas mal de substances, parfois assez toxiques, qui sont dosées d'une certaine manière pour ne pas être dangereux pour les gens, mais, en somme, ce sont des produits qui sont singularisés. Alors que dans les méthodes naturopathiques, c'est toujours la plante entière qui est utilisée en phytothérapie. Il n'y a pas d'effet secondaire dangereux ou de complication iatrogénique dans ces circonstances.

M. GUAY: Maintenant, ce que vous demandez dans les deux mémoires est très simple: il s'agit de légaliser un état de fait.

M. BARBEAU: Oui.

M. GUAY: A la vitesse où vont les choses dans le développement de cette science naturelle, je pense bien que même si le législateur refusait de reconnaître votre profession comme étant légale, cela continuerait quand même. Vous seriez donc dans l'illégalité.

Maintenant, quand on parle de la protection du public, vous êtes pratiquement les seuls qui n'avez pas revendiqué ce point ou cette couverture. Il y a quand même des précisions que j'aimerais avoir. Bien sûr que les médicaments — si on peut se permettre de les appeler comme ça pour le moment — dont vous vous servez sont pratiquement sans effet et sans danger, mais ils donnent quand même des résultats. Je ne vous apprends rien en vous disant que — tout le monde sait ça — certaines personnes se croient dans l'obligation d'absorber quotidiennement certains médicaments. Si, par exemple, ces médicaments qui sont presque sans danger, qui sont sans effets secondaires, remplaçaient les médicaments actifs, croyez-vous que même là on pourrait diminuer d'une façon appréciable la consommation de médicaments dans la population?

M. BARBEAU: Ecoutez. Je crois que c'est le phénomène, justement moderne, que la naturo-pathie a amené au Québec. Différents pharmaciens vendent dans les pharmacies des herbages et des tisanes. Cela nous a un peu surpris. C'était un marché que nous avions passablement développé de toutes les manières possibles. Maintenant, on peut trouver dans les pharmacies différentes tisanes qui sont surtout en vente, vous le savez bien, dans les magasins d'aliments naturels. Nous sommes très heureux que les pharmaciens aient pu aussi aborder ce secteur car, avant qu'on s'en occupe, personne ne s'en occupait. Des tisanes pour améliorer le sommeil, pour mieux digérer, des tisanes pour faire une meilleure élimination, des tisanes laxatives, des tisanes pour drainer les reins sont très efficaces. Nous en avons utilisé beaucoup. Les pharmaciens le reconnaissent. Nous n'avons pas d'objection à ce que les pharmaciens distribuent leurs médicaments. Seulement, nous estimons qu'il y a des abus considérables dans l'automédication de substances toxiques qui peuvent être cumulatives et qui peuvent entraf-ner des complications très importantes. Nous préférerions qu'il y ait un corps de médecins qui fasse une médecine préventive et qui montre véritablement aux gens les méthodes qu'il faut prendre pour dormir correctement plutôt que de dire: Vous prendrez un sédatif, sédatif qui est très connu et qui est annoncé souvent à la télévision et à la radio. Il me semble qu'il serait normal que les gens aient les moyens d'apprendre comment dormir correctement sans prendre de sédatif ou de substance toxique, comment manger correctement sans avoir évidemment à prendre toutes sortes de substances annoncées, encore une fois, dans les journaux et à la télévision pour corriger des erreurs

alimentaires et qui ne les corrigent véritablement pas, mais ne font que masquer les symptômes. En réalité, il y a un grand besoin de professeurs de santé dans le Québec qui collaboreraient avec toutes les autres professions de santé.

M. GUAY: On se pose souvent la question: Est-ce que la nature n'a pas tout prévu? Quand on voit les sciences de la santé se développer à une vitesse extraordinaire, je me demande si la nature n'a pas tout prévu ou s'il s'agirait plutôt de rationaliser ce que la nature peut nous offrir.

M. BARBEAU: La nature n'a pas prévu que l'homme deviendrait méchant. La nature n'a pas prévu, d'une certaine façon, que l'homme deviendrait vicieux, que l'homme prendrait de mauvaises habitudes, etc. Il faut donc corriger et enseigner. C'est l'art, je pense, des naturopa-thes de montrer aux gens à suivre ces lois de la nature. Il est évident, par ailleurs, qu'une thérapeutique qui serait strictement fixée et axée sur la recherche des microbes, qui serait strictement axée sur l'utilisation de produits toxiques pour éliminer les microbes ne correspond pas suffisamment aux données de la physiologie telle qu'elle est développée dans nos temps modernes. Il y a beaucoup de recherches qui sont faites actuellement sur l'alimentation. Il y a beaucoup de recherches qui montrent la toxicité de certains aliments, les carences alimentaires très importantes qui se trouvent dans un grand nombre d'aliments consommés habituellement. Il y a donc pour nous un besoin de synthèse des différentes sciences rattachées à la médecine. Il y a besoin aussi d'un corps professionnel qui fasse précisément ce que d'autres corps ne peuvent faire car ils sont vraiment débordés. Mais au rythme où vont les choses, il est évident que l'Etat va voir tous ses budgets défoncés si on n'arrive pas à avoir une médecine de type préventif. Je pense que le gouvernement du Québec doit peut-être reconsidérer le principe d'une médecine qui soit plus biologique et qui aille faire un enseignement en vue de l'hygiène, plus, peut-être, que de continuer à fabriquer de plus en plus de spécialistes, qui sont fort utiles et nécessaires, mais qui ne règlent pas le problème à la base.

M. GUAY: On dit souvent qu'une bonne alimentation éloigne du médecin. Croyez-vous que cette médecine naturelle pourrait également éloigner la population de la pharmacie?

M. BARBEAU: Je crois que oui, puisque des gens qui ne sont pas malades n'ont pas tellement besoin de fréquenter la pharmacie, sauf pour s'acheter des journaux et autres choses. Les pharmaciens, d'ailleurs, disent à peu près la même chose que nous. Un bon nombre de pharmaciens dénoncent l'abus de la publicité, dans les différents organismes de pharmacie. Il est évident qu'il y a un abus de publicité, à cet égard, et un abus de consommation. Mais l'automédication est la conséquence, certainement, de notions de publicité qu'il faudrait peut-être contrôler aussi.

M. GUAY: Quels sont les rapports entre vous et les diététistes? Y a-t-il souvent des échanges de conseils concernant l'alimentation, par exemple?

M. BARBEAU: Les diététistes lisent nos ouvrages. Nous avons l'impression que quelques-uns sont intéressés. Des travaux de recherche et de thèse, je pense, se font actuellement sur nos publications, à l'Institut de nutrition justement.

On sait que les professeurs sont parfois — nous le savons — questionnés sur la position des naturistes. Nous recevons également, comme consultants, des diététistes et des infirmières, des gens qui sont à l'intérieur du cadre des professions de la santé, actuellement. Il y en a qui aiment bien nous voir, il y en a qui veulent apprendre des choses. Il y en a qui sont très satisfaits de nos activités. Alors nos rapports avec ces gens sont bons. Nous n'avons pas de complications. Nous ne sommes pas opposés à ce que ces gens font. Nous disons seulement qu'ils pourraient perfectionner leurs connaissances en regardant ce que les méthodes naturistes donnent et sans doute en corrigeant, peut-être, des déficiences dans les différents aliments qui sont utilisés, en particulier dans les hôpitaux.

Nous considérons que dans les hôpitaux il y a là, vraiment, quelque chose à corriger, d'une façon rapide, parce que nous pensons que l'alimentation, dans les hôpitaux, est vraiment insuffisante pour redonner la force, la santé à ces gens qui sont malades. Nous pensons que la diététique actuelle, de type médical, pourrait peut-être reconsidérer non seulement les calories mais également la qualité de l'alimentation.

Aux Etats-Unis, en particulier, il y a beaucoup de travaux de recherche qui ont été faits là-dessus. Ils sont publiés dans des gros volumes dont on pourra vous donner les titres, si vous le désirez. Je pense que, dans les différentes facultés de nutrition, on pourrait peut-être considérer cet aspect de la qualité de l'alimentation. Dans les facultés de médecine, il y aurait peut-être lieu aussi de considérer un cours qui pourrait être donné à l'ensemble des médecins, cours qu'actuellement ils ne reçoivent pas, malheureusement.

M. GUAY: J'aurais une dernière question à vous poser. On a souvent entendu des naturopa-thes prendre position en ce qui concerne une loi éventuelle. Je vous pose une question directe et je ne vous oblige pas à y répondre: Que pensez-vous de la fluoration de l'eau de consommation?

M. BARBEAU: Nous pensons que ce n'est pas une solution suffisante. Il est évident,

comme les hommes de science le croient, qu'il y a des bactéries, sans doute, qui agissent sur les dents et, en même temps, qui arrivent à décalcifier les dents et à contribuer, peut-être d'une façon importante, à la carie dentaire. Seulement, il est évident que ce n'est pas la seule solution possible. C'est une solution immédiate et ce n'est pas une solution à long terme.

Il est évident que la carie dentaire relève aussi d'une alimentation carencée, une alimentation trop acide, une alimentation qui fait que des gens consomment trop de cola, beaucoup trop de sucreries. Les gens n'apprennent pas à digérer et à mastiquer convenablement. Il y en a un bon nombre qui sont décalcifiés, ce qui entraîne des caries dentaires.

Je pense que c'est une solution à court terme. Elle n'est pas, quant à nous, véritablement la solution. C'en est une mais ce n'est pas pour nous la meilleure, car elle n'est pas véritablement préventive mais seulement, encore une fois, de type palliatif. Nous estimons qu'il y a peut-être des dangers secondaires à considérer, que d'autres peuples ont considéré. Après avoir organisé la fluoration, ils ont tout simplement supprimé les lois et les institutions qui faisaient de la fluoration. Plusieurs pays, plusieurs villes, après avoir constaté quelques dangers, surtout sur un certain nombre de personnes, peut-être pas sur l'ensemble de la population, ont décidé d'abandonner la fluoration comme méthode pour empêcher la carie dentaire.

Nous estimons que ce n'est pas la seule solution. C'en est peut-être une liée à l'immédiat, liée également à ce que les dentistes demandent, car eux aussi sont débordés, ont un énorme problème. C'est presque une tragédie internationale que la carie dentaire. Mais comme les dentistes ne font pas, eux, de correction ou de prévention, en faisant des campagnes contre l'abus de certains aliments et notamment les sucres, ils sont devant un problème. Ils sont complètement débordés. Mais, encore une fois, ils adoptent plutôt un palliatif qu'une correction véritablement à long terme.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: II y a d'autres professionnels qui oeuvrent dans le champ qui vous est propre, par exemple les diététistes et les spécialistes médicaux en science de la nutrition.

Lorsque nous entendons ces professionnels venir nous exposer leurs études, nous nous rendons compte qu'ils étudient, par exemple, la valeur nutritive des nutriments, les régimes alimentaires, pas seulement au point de vue calorique, mais également au point de vue de leur composition chimique. Ils étudient également l'influence des éléments nutritifs sur l'état de santé et sur l'état de maladie. Ils font également des études épidémiologiques. Ils s'occupent également de prévention dans les écoles.

Ils font de l'éducation. Ils tentent de corriger ce qu'ont de déficient les régimes alimentaires partout où ils sont, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les écoles.

Jusqu'à quel point ce que font ces spécialistes fait-il double emploi avec ce que vous faites? Jusqu'à quel point ça peut aller plus loin ou moins loin que ce que vous faites?

M. BARBEAU: Disons que nous ne voyons pas de contradiction. Nous voyons plutôt un élément de complémentarité, puisque, d'une part, pour toutes sortes de raisons, la conception diététiste — en tout cas actuelle, elle peut d'ailleurs changer — est davantage liée à un équilibre alimentaire dans le sens d'une certaine quantité, de l'effet de chaleur que cela peut produire dans un organisme, et à une notion de calorie que nous pensons un peu dépassée.

A l'inverse de cela — bien que nous considérons que l'élément calorie peut jouer aussi — nous pensons mettre l'accent davantage sur la qualité de l'alimentation, sur le fait, par exemple, que, dans un pain qu'on peut considérer un pain ordinaire, nous pensons qu'il y a vraiment des carences. Il y a une quantité de tranches de pain à consommer dans une journée, mais il y a des carences fort importantes dans cet aliment-là.

Nous savons que, pour fabriquer un pain ordinaire, on peut utiliser jusqu'à une cinquantaine de substances chimiques, synthétiques. On élimine une vingtaine de vitamines et de minéraux et on en rajoute trois ou quatre qui sont des substances synthétiques. Nous n'avons rien contre cela; chacun a parfaitement le droit de présenter les aliments comme il le veut.

Seulement, nous, nous estimons qu'à côté de ce genre de pain, qui n'est pas un pain suffisamment nourrissant, il doit y avoir aussi un pain qui contienne le plus grand nombre de vitamines possible, selon ce que la nature a fait, auquel on n'ait pas besoin de rajouter des vitamines.

Nous avons une notion de qualité qui n'est pas encore suffisamment acceptée dans les facultés de nutrition traditionnelles. Nous avons également aussi — et beaucoup plus que les diététistes — le respect de ce qu'on appellerait la toxicité, la connaissance ou la hantise de la toxicité. Par exemple, là où nous supprimons les aliments que nous considérons comme toxiques, la diététique habituelle ne considérera pas ces aliments comme toxiques. Nous, nous considérons, par exemple, qu'il faut remplacer dans son alimentation trois ou quatre substances. En particulier, nous considérons la toxicité du café, du thé, du chocolat et des boissons gazeuses, etc.

Dans la diététique traditionnelle, on inclut ces substances en recommandant de les consommer avec modération. Nous, nous disons qu'il faut les remplacer par des substituts de café aux céréales, des herbages qui font office de thé, mais qui ne sont pas toxiques, sans caféine. Le

chocolat doit être remplacé par de la poudre de caroube qui a même texture, même couleur et même goût presque, mais qui ne contient pas de substances toxiques comme la théobromine ou la théophylline. Egalement, les boissons gazeuses, pour nous, doivent être remplacées par des jus de fruits frais ou des jus de légumes frais.

Par conséquent, l'élément de toxicité, pour nous, est très important. Nous considérons également que les aliments qui sont sur le marché habituellement ont une carence de vitamines, de minéraux et surtout d'enzymes et d'oligo-minéraux. C'est à partir de ça que nous faisons une supplémentation de substances qui vont combler les carences qui se trouvent dans l'organisme, parce que les gens ont consommé pendant un bon nombre d'années des aliments recommandés par les diététistes ou par les organismes officiels.

Nous supprimons très largement les boîtes de conserves, sauf dans les cas où les gens ne peuvent pas faire autrement, car nous pensons que ces aliments sont un peu dénaturés et, souvent, n'ont pas de valeur autre que publicitaire. Plutôt que de manger des légumes en boîte, nous considérons qu'il vaut mieux manger des légumes bouillis d'une certaine façon, à la vapeur, plutôt que bouillis dans l'eau qui leur fait perdre une bonne partie de leurs vitamines. Nous considérons aussi qu'il vaut mieux consommer des légumes le plus crus possible, selon sa capacité digestive, parce qu'il y en a qui ont tellement l'estomac délabré qu'ils n'arrivent même pas à consommer les légumes crus sans avoir des réactions.

Il y a une adaptation directe. Donc, absence de toxicité des aliments dits naturels. Aussi, nous corrigeons très sévèrement d'autres choses. Par exemple, la consommation des sucres.

Pour nous, c'est un élément clé dans la prévention et dans le rétablissement de la santé. Un nombre considérable de gens font des erreurs, par exemple, dans leurs combinaisons alimentaires; ils vont consommer de la confiture sur les rôties le matin, il y aura de la fermentation digestive; les gens vont consommer du gruau avec de la cassonade, il y aura des rapports à l'estomac, des gaz d'intestins et d'autres complications qui vont entraîner une pathologie, éventuellement, qui vont entraîner des infections. On peut les prévenir seulement en supprimant ces mauvaises combinaisons alimentaires et l'abus des sucres. Au début du siècle, on consommait une dizaine de livres de sucre par année par individu, et aujourd'hui on consomme son poids en sucre par année, 150 livres au moins. Il y a des abus fabuleux, évidemment, dans la consommation de sucres et ici, au Québec, il y a des abus très très importants et qui entraînent des décalcifications, des complications digestives, des maladies de peau, etc.

En fin de compte, pour nous, les aliments sont nos remèdes, tandis que, dans la diététique traditionnelle, les aliments sont considérés com- me un ensemble qu'on doit équilibrer et en fonction, bien sûr, des besoins digestifs, mais pas comme des éléments thérapeutiques proprement dits. Avec les protéines animales, par exemple, si nous faisons la même chose, les gens ne doivent pas consommer n'importe quelle sorte de viande; viande toxique, les abats, etc., viande en boîte; chez la diététique traditionnelle, il y a des permissions qui sont accordées à ce niveau. Nous ne permettons pas ça.

Les corrections alimentaires sont faites chez nous avec beaucoup plus, également, de précision. Chaque consultant doit apporter une fiche d'alimentation d'une semaine et à toutes les fois qu'il vient en consultation, nous corrigeons directement, en fonction de ses besoins, en fonction de ses carences, en fonction de ses capacités digestives, sa méthode d'alimentation; nous la corrigeons progressivement en supprimant, justement, progressivement les substances que nous considérons toxiques.

C'est tout un art, je ne veux pas insister longuement là-dessus, je ne veux pas faire un cours là-dessus. Disons que...

M. LAVOIE (Wolfe): Est-ce que les naturo-pathes eux-mêmes s'alimentent avec les aliments naturels?

M. BARBEAU: Oui, généralement, avec des échappées qu'ils peuvent faire comme tout le monde, ils ne sont pas les seuls. Mais, globalement, ils en ont vu les avantages et ils ont des vitalités assez importantes et qui tranchent parfois sur celles de leurs contemporains.

M. LAURIN: Parmi les sciences de base que vous préconisez, vous avez mentionné la tro-phologie, la connaissance des mécanismes d'immunité ou l'immunologie et la toxicologie. Voilà précisément trois disciplines sur lesquelles la médecine a énormément travaillé depuis plusieurs siècles et où, depuis une vingtaine d'années, les connaissances s'accumulent à un rythme effarant dans nos laboratoires universitaires.

Jusqu'à quel point votre discipline est-elle au courant de ces recherches, jusqu'à quel point en utilisez-vous les résultats dans votre action?

M. BARBEAU: II est évident que nous aimerions avoir un institut de naturopathie du Québec qui soit affilié justement à une université pour recevoir, bien entendu, des subventions qui permettraient à des professeurs — à plein temps, qui ne feraient que ça — d'arriver à avoir des interrelations avec les différentes sciences qui sont reliées à la santé.

Malheureusement, les praticiens qui sont obligés de donner des cours à l'institut, actuellement, n'ont pas un temps considérable à consacrer à l'étude des différentes techniques médicales ou des recherches médicales proprement médicales. Il faut le dire, il y a beaucoup de bio-chimistes, biologistes et autres qui ont fait

des travaux de très grande importance en nutrition et ceux-là nous les utilisons, nous les lisons, nous sommes abonnés à leurs différents magazines, aussi bien en français qu'en anglais, c'est un avantage ici au Québec. Personnellement, je peux vous dire que j'ai au moins 6,000 volumes sur la nutrition, c'est assez considérable; toute la production actuelle, je la reçois ipso facto, je vais aux Etats-Unis un peu partout, dans différents pays pour me procurer ces volumes, aussi bien en Angleterre, en France, un peu partout. Nous sommes au courant de ce qui se publie sur l'alimentation, sur la nutrition, les carences alimentaires, etc. Seulement, il est bien sûr que nous aimerions avoir une plus grosse bibliothèque, quoique nous ayons accès à la bibliothèque de McGill, de Montréal, etc. Mais nous aimerions avoir plus de temps.

M. LAURIN: Jusqu'à quel point ces connaissances, que je sais très considérables, sont-elles utilisées dans votre curriculum d'études à l'intention des gens que vous formez?

M. BARBEAU: Nous préférons utiliser des volumes qui sont plus directement axés sur l'alimentation naturelle parce que nous pourrions, bien entendu, nous écarter de certaines de nos activités et nous perdre littéralement dans le marasme de la terminologie proprement médicale, etc. Seulement, nous consultons également ces volumes; nous savons ce qui se publie et il n'y a pas de complication. Nous n'imposons pas à nos élèves de faire un cours dans ces activités parce qu'il faut tout de même séparer les secteurs et nous pensons qu'il vaut mieux étudier des volumes qui portent sur des expériences thérapeutiques cliniques plus que sur des expériences dans les laboratoires, in vitro, parce que, évidemment, c'est toujours sujet à interprétation et à contradiction.

Il faut dire qu'il y a beaucoup de ces recherches qui ne sont tout de même pas concluantes. Nous préférons, nous, travailler plus proprement en clinique et voir ce qui peut se faire dans le rétablissement de la santé. Enfin, nous sommes plus au niveau de la thérapie, au niveau de l'art qu'au niveau de la science et de la recherche. Nous ne disposons pas de fonds et de chercheurs attitrés et nous ne recevons pas non plus de subventions de l'industrie. Il est évident qu'il n'y a pas beaucoup d'industries actuellement dans le monde qui voudraient nous fournir des fonds pour vérifier la qualité de leurs aliments, parce qu'il est possible qu'elles reçoivent des rapports qui ne soient pas favorables.

M. LAURIN: A part cette utilisation personnelle de ce savoir dont vous parlez, où en est actuellement la collaboration entre votre association et les facultés universitaires appropriées, soit l'Institut de diététique, soit les facultés de médecine, en ce qui concerne l'enseignement, la formation des professionnels et aussi la recherche?

M. BARBEAU: C'est au niveau personnel. Un professeur de la faculté de pharmacie est venu dans nos institutions, dans nos magasins pour voir si les herbages qui étaient en vente, qui étaient distribués au public pouvaient contenir des substances toxiques. C'est-à-dire qu'il est venu avec un certain scepticisme, disant: Ce sont des naturistes, tout ça. Seulement, il a eu la surprise de sa vie parce qu'il a fait beaucoup de recherches spectrographiques et autres et il s'est aperçu qu'en effet les tisanes et herbages distribués dans les magasins ne contenaient aucune substance toxique. Nous sommes devenus de bons amis et, depuis trois ans, je suis personnellement invité, comme président du Collège des naturopathes, à exposer aux étudiants de pharmacie, aux étudiants qui terminent leur cours, aux finissants, pendant deux ou trois heures, les principes naturopathiques et à répondre également à leurs questions dans la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal. Donc, de ce côté, c'est quand même quelque chose.

Encore récemment, il n'y a pas un mois, j'ai été invité par l'Association des étudiants en médecine de l'Université de Montréal à leur présenter, dans un exposé, les différentes techniques que nous utilisons et nos principes de base. J'y suis allé. Il y avait 400 étudiants. Nous avons fait le nécessaire et répondu à leurs questions objectivement et je crois que plusieurs se sont montrés intéressés. Ce sont donc des activités de type personnel.

Nous n'avons pas de relations proprement officielles mais nous savons qu'un bon nombre de médecins nous suivent, nous aiment bien. Parfois, ils nous envoient quelques patients, surtout de leur famille, directement pour voir un peu ce qu'on fabrique. Certains pharmaciens également. Nous avons des amitiés très importantes dans ce milieu. Seulement, il y a aussi quelques personnes qui aiment bien nous taquiner et nous traiter de farfelus. Selon nos bonnes habitudes, nous répondons à ces gens qu'il y a des farfelus dans tous les milieux. Nous ne nous en laissons imposer par personne. Nous pensons qu'il faut quand même, dans un petit groupe comme celui que nous sommes, ne pas se laisser effrayer par des méthodes un peu brutales dans les polémiques. Nous préférons des polémiques plus objectives, mais globalement nous n'avons pas eu beaucoup d'accrochages. Nous avons eu parfois quelques accrochages, mais enfin cela a été minime et puis par des gens qui nous aiment bien au fond parce qu'ils savent fort bien qu'il y a quand même dans notre groupe du déterminisme, une idée de rénovation de la population au Québec. Enfin, nous sommes tous dans la même direction, nous voulons tous aider de toutes les manières possibles à diminuer la morbidité québécoise. Je pense qu'il y a une collaboration, mais nous aimerions qu'un jour,

peut-être, un naturopathe puisse donner un cours dans une faculté. Les gens iront s'ils le veulent. C'est peut-être moins farfelu qu'on ne le croirait.

Aux Etats-Unis, nous avons l'exemple des étudiants d'une faculté très importante qui se sont organisés cette année, au mois de septembre, pour se faire donner un cours par des nutritionnistes, cours qui n'était pas au programme de la faculté de médecine. Il n'y a pas de cours en nutrition à la faculté de médecine, on va s'organiser un cours nous-mêmes et ils ont engagé des professeurs pour leur donner des cours. Cela nous a paru un peu symptomatique de la nouvelle génération qui veut étudier d'une façon plus nette des différentes fonctions nutritives et peut-être arriver à une médecine préventive.

Nous, nous pensons être un peu des novateurs dans ce secteur. Nous pouvons dire qu'il y a quelques médecins actuellement qui apprennent de nous les techniques naturopathiques. Nous avons également, au Collège des naturopa-thes, un médecin qui travaille, qui est avec nous, qui est membre plénier et nous avons aussi d'autres médecins qui veulent savoir ce que nous fabriquons dans différents cas, qui suivent ça de très près, qui lisent nos ouvrages. La collaboration est vraiment complète là-dedans, sauf parfois des accrochages publics ou qui n'ont pas tellement d'importance. Toutes les nouvelles idées développent un peu d'hostilité au départ, mais, avec le temps, cela s'atténue et des collaborations peuvent sans doute s'organiser. Nous estimons surtout que si nous arrivons à avoir une reconnaissance, la collaboration pourra se faire d'une façon beaucoup plus nette, objective et scientifique et dans l'amitié d'un Québec nouveau.

M. LAURIN: Mais vous déplorez en somme que les passerelles soient encore trop rares et ténues?

M. BARBEAU: Oui. Nous sommes disponibles, nous avons offert nos services à ceux qui veulent nous entendre, objectivement.

Nous avons essayé à quelques reprises d'avoir un groupe de chercheurs qui seraient venus nous rencontrer ou que nous aurions rencontrés sur un pied, disons, d'objectivité scientifique et tout ça. Malheureusement, nos demandes n'ont pas eu d'échos.

Seulement, ça ne nous affecte pas, parce que nous savons fort bien que les idées nouvelles ne peuvent pas s'implanter très rapidement. Il y a peut-être aussi une certaine paresse qui fait qu'on préfère à des idées intangibles des idées reçues qui ne peuvent pas être changées rapidement. Seulement, nous pensons qu'il y a d'autres idées également au Québec qui, il y a 10 ou 15 ans, étaient vues comme des idées farfelues et qui aujourd'hui deviennent des idées populaires. Nous sommes certains que l'idée naturiste va aussi faire son chemin.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: A part vos diètes, puis vos façons particulières de vous nourrir et ces remèdes à base d'herbages, est-ce que vous avez d'autres moyens dont vous vous servez?

M. BARBEAU: Nous avons vu ce qui se passait en Finlande. La Finlande, c'est un pays qui ressemble assez au nôtre au point de vue géographique et au point de vue, disons biologique, tout ça; ils ont des conditions atmosphériques qui ressemblent aux nôtres. Alors, chez eux, dans chaque famille, il y a un sauna. Depuis que nous travaillons dans le Québec, nous proposons que tous les Québécois puissent avoir un sauna ou, en tout cas, puissent avoir accès au sauna. Nous faisons une espèce de saunathérapie et nous recommandons le sauna à tous les gens qui sont fatigués, stressés, qui font de l'insomnie, qui souffrent de toutes sortes de maladies stressantes, nerveuses, etc. Ils vont au sauna. Je n'ose proposer à personne, évidemment, d'essayer le sauna, mais je pense qu'il y a unanimité dans les témoignages.

Ceux qui utilisent le sauna retrouvent une vitalité, un calme, une pacification qu'on ne peut pas trouver avec d'autres choses. Alors, dans un bon nombre de cliniques naturopathiques, il y a un sauna qui doit être fait selon certaines conditions, mais qui sont très simples. Egalement, il y a beaucoup de naturistes qui se procurent des saunas et se les installent. Une fois qu'ils l'ont essayé, ils ne peuvent pas s'en passer, avec les avantages considérables que cela apporte.

Donc, la saunathérapie, nous la faisons. La balnéothérapie aussi, puisque nous recommandons aux gens des méthodes de prendre des bains pour se nettoyer plus fréquemment qu'ils ne le font habituellement. Nous utilisons également certaines méthodes de physiothérapie. Il y a des gens qui arrivent avec des douleurs considérables, douleurs arthritiques et tout. Il y a des méthodes par physiothérapie, par massage, des méthodes évidemment qui utilisent la chaleur et tout pour arriver à diminuer la douleur, à la calmer d'une façon assez rapide, mais qui n'est pas toxique, qui n'utilise pas évidemment de substances toxiques qui donnent des résultats très très rapides.

Alors, un bon nombre de naturopathes ont également dans leur clinique des moyens comme ça à leur disposition, pour atténuer les douleurs et pour ramener les gens à un meilleur état. Il y a la phytothérapie, il y a l'alimentation naturelle, il y a également les suppléments thérapeuthiques, les suppléments biologiques qui n'ont rien de toxique, encore une fois, mais qui apportent des vitamines naturelles en particulier, par opposition aux vitamines synthétiques parfois que les gens utilisent depuis un bon nombre d'années. Le complexe B, pour nous, doit être donné en synergie et on ne peut pas

attirer quatre ou cinq vitamines B, les mettre à l'intérieur d'autres substances qui sont de moins bonne qualité, puis donner ça aux gens. Nous, nous pensons que le complexe B doit surtout être pris dans la levure qui est très efficace et qui donne véritablement l'aliment complet, la supplémentation nécessaire en vitamine B particulièrement.

Il faudrait voir aussi d'autres techniques que nous avons assez largement décrites dans nos volumes, mais qui n'ont jamais rien de toxique d'aucune façon, toujours seulement pour un certain nombre de cas. Les cas qui relèvent des autres praticiens leurs sont envoyés.

M. SAINT-GERMAIN : Est-ce que vous recommandez l'exercice physique ou la culture physique?

M. BARBEAU: Oui, nous sommes aussi pour le "jogging" bien entendu. Même avant que ça devienne quelque chose de très populaire, comme c'est maintenant, nous, il y a longtemps que nous recommandions le "jogging". Nous le faisons faire non seulement dans la course sur la place publique ou dans les gymnases ou dans les montagnes, sur les routes, mais nous le faisons faire en plus, quand le temps est mauvais, sur place. Les gens qui sont trop âgés et qui ne peuvent pas faire du "jogging" comme des gens jeunes, bien, ils le font chez eux, en sautant tranquillement, selon leurs capacités, etc.

Cela améliore leur circulation, ça les fait transpirer quand ça fait assez longtemps qu'ils sautent, etc. Alors, les méthodes de "jogging" il y a déjà très longtemps que nous les utilisons. Il y a la gymnastique, le 5BX etc., que nous utilisons également depuis très longtemps. C'est recommandé par l'Aviation royale et tout. Toutes ces techniques sont intégrées à l'intérieur d'un concept de naturopathie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Je vais être très court parce que le Dr Laurin a posé ma question principale qui visait à savoir la différence entre les diététiciens et les naturopathes, mais vous lui avez répondu longuement tantôt. Il y a une question que je voudrais vous poser. En plus de vos bureaux, où vous rencontrez, comme vous l'avez mentionné tantôt, presque des patients en santé, vous prescrivez une diète quelconque. Est-ce que vous vendez en même temps des produits?

M. BARBEAU: Les diètes que nous recommandons consistent principalement à faire des corrections. Aux gens qui ne mangent pas suffisamment de légumes ou qui ne mangent que des légumes crus, nous arrivons progressivement à leur faire manger des légumes. Alors, ces légumes peuvent être organiques. Un certain nombre de fermes au Québec, actuellement, fabriquent des légumes organiques et des magasins vendent évidemment ces légumes. Mais, globalement, les gens vont dans les épiceries traditionnelles pour trouver leurs légumes, parce que l'agriculture organique n'est pas suffisante ici au Québec. Elle est très importante, disons, en Angleterre et aux Etats-Unis. Tout le groupe Rodale est extrêmement important. Mais cela devient significatif dans la société contemporaine.

Ce que je veux dire, c'est qu'au tout début, quand les naturopathes ont commencé à fonctionner, il n'y avait que deux ou trois magasins qui étaient tenus par des Européens, des Suisses ou autres personnes. En Suisse, cela fonctionne depuis très longtemps. Maintenant, de trois magasins qu'il y avait il y a une dizaine d'années, les magasins d'aliments naturels se chiffrent par au moins 125. Il y a eu un progrès considérable. Seulement, il a bien fallu, au tout début, que les naturopathes qui recommandaient les aliments naturels puissent en donner à leurs patients. Presque fatalement, il y a quelques naturopathes à l'heure actuelle qui ont encore des magasins d'aliments naturels, suite à ce qu'ils ont dû faire au début pour servir leur clientèle. Mais les nouveaux naturopathes, on peut dire, en règle générale, qu'ils n'ont pas les moyens d'avoir des magasins et ne veulent pas non plus s'occuper de cet aspect commercial. Je suis sûr que les naturopathes qui en ont ne s'en occupent pas personnellement, ni du financement, ni de la publicité, ni de la gérance; ils ont des gens qui s'en occupent. Les bureaux sont généralement séparés.

M. PEARSON: Assez pour que vous puissiez dire que c'est à peu près l'exception, les naturopathes qui ont des magasins.

M. BARREAU: Sur l'ensemble, ce n'est peut-être pas l'exception, mais c'est une minorité.

M. PEARSON: Alors, dans ce cas-là, ma deuxième question serait inutile. Il y a une partie de la population qui pense que, dans ces magasins, il y a un lot de produits inutiles ou de placebos, si vous voulez.

M. BARBEAU: Non, les placebos, c'est dans les pharmacies qu'on les trouve. Dans les magasins, il n'y a pas de placebo, il n'y a jamais de croûte de pain sucrée vendue $5 chacune. Cela n'existe pas. Nous sommes sérieux, au fond, et les histoires de placebo, on ne croit pas à cela du tout. Nous, ce que nous utilisons, ce sont les aliments naturels, que vous pouvez d'ailleurs vérifier dans les magasins. H n'y a pas de problème. Ce sont des aliments naturels. Seulement, il y a aussi dans ces magasins des contrôles qu'il faudra sans doute, un de ces jours, organiser. Nous sommes très conscients de cela. Il y a, comme dans toute idée nouvelle, des gens qui sont pionniers, qui s'y donnent ardemment et qui font des travaux sérieux, mais il y a aussi un contrôle à exercer. Je crois d'ailleurs que le service de la protection de la santé à Ottawa, l'ancien "Food and Drugs", va, un jour, avoir un code qui va permettre à ces marchands d'avoir un certain contrôle. Il y a déjà des contrôles très importants, des enquêtes, des tests qui se font. Nous estimons que les aliments naturels, tous leurs composants et toute leur publicité pourraient être codifiés.

Attention! Je ne dis pas que ces aliments devraient être critiqués ou devraient être mis dans des cadres tels qu'on ne puisse plus en distribuer, même s'ils ne sont pas parfaits. Je ne vois pas pourquoi on aurait pour les aliments naturels des exigences telles qu'il faudrait avoir des appareillages que même le gouvernement fédéral n'a pas pour faire l'enquête sur ces choses-là. Je pense qu'il faudrait en même temps, non seulement faire un code de l'alimentation naturelle, mais aussi un code de l'alimentation traditionnelle. Peut-être que l'enquête du Canada sur l'alimentation amènerait le gouvernement fédéral et peut-être québécois à déterminer les modalités publicitaires et les contenus nécessaires dans les aliments. Si les aliments naturels sont l'objet de chasses continuelles de la part des organismes gouvernementaux, on va simplement tuer le mouvement. Il faudrait qu'il y ait enquête sur les aliments naturels mais aussi sur les aliments ordinaires. Ce serait équitable dans les circonstances, parce qu'il y a sans doute beaucoup plus d'aliments ordinaires qui sont des aliments sans valeur nutritive suffisante. Il peut y avoir des aliments naturels qui ne sont pas parfaitement naturels, mais au moins on sait que ces aliments ont suffisamment de nutriments, d'enzymes, vitamines et minéraux pour donner de la vitalité à la population. D'ailleurs, toute la publicité est contrôlée et il n'y a pas de magasin d'aliments naturels qui peut faire des réclamations au niveau des maladies et ces choses-là.

Je vous assure qu'on veille au grain. On y veille, parce qu'on a toujours des inspecteurs sur le dos qui viennent inspecter tous ces aliments. Il n'y a pas de problème. Le gouvernement fédéral, en particulier, s'occupe beaucoup plus de nous que des substances toxiques vendues dans les pharmacies.

M. LAVOIE (Wolfe): Quelle est la viande la moins toxique?

M. BARBEAU: La viande la moins toxique? Le boeuf.

M. PEARSON: Une dernière courte question. En supposant qu'éventuellement votre organisme soit reconnu comme corporation par le gouvernement, est-ce que, comme question de principe, disons, dans une espèce de code d'éthique, vous admettriez par exemple de pouvoir distinguer entre le naturopathe, c'est-à-dire son bureau, et peut-être défendre éventuellement qu'il devienne marchand?

Est-ce que vous laissez cela libre? Est-ce que dans les autres provinces, cet aspect est laissé...

M. BARBEAU: Pas du tout. Dans le code actuel des naturopathes, on ne peut pas exercer une autre profession que celle de naturopathe. On ne peut pas exercer d'autre profession sauf, évidemment, dans le cas d'une profession parlementaire éventuelle. Mais autrement, il n'y a pas d'autre profession qui peut être acceptable dans le code des naturopathes. Seulement, il faut bien dire qu'il y a une situation de tolérance parce qu'on ne peut pas demander à un naturopathe de se débarrasser de toute son affaire alors qu'il était impliqué là-dedans et que c'est lui et quelques autres qui ont pu lancer cette affaire.

M. PEARSON: D'accord.

M. BARBEAU: On peut éventuellement penser qu'il s'en débarrasserait, qu'il vendrait ces choses. Mais peut-être que l'acheteur ne sera pas disponible tout de suite. Il est évident que dans la professionnalisation de la naturopathie, c'est certainement dans les choses d'ailleurs normales et habituelles pour une profession de considérer, comme dans d'autres professions, qu'il y a eu abandon continuel, évidemment, de certains bénéfices qui étaient encadrés à l'intérieur d'une autre profession.

M. PEARSON: Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci aux groupements.

M. BARBEAU: Nous vous remercions, messieurs, de nous avoir entendus. Nous espérons qu'un jour la naturopathie, grâce à vous, aura droit de cité dans notre Québec. Merci beaucoup.

Association des acousticiens en prothèses auditives

M. LE PRESIDENT: L'Association des acousticiens en prothèses auditives. Me Dorion.

M. DORION: M. le Président, messieurs. A titre d'avocat de l'Association des acousticiens en prothèses auditives, accompagné de mon confrère, Me Gérald Coote, vous me permettrez bien de vous exposer l'objet de notre visite aujourd'hui

Tout d'abord, je tiens à signaler ceci. Acous-ticien en prothèses auditives est un terme un peu lourd. Alors, nous demanderions à la commission de bien vouloir le remplacer par celui qui a été adopté en France, soit: audioprothésiste. Cela nous éviterait —parce que nous avons déjà des lettres patentes qui nous consacrent sous ce nom — évidemment de modifier nos lettres patentes. Alors, si la commission peut le faire ou si le ministre peut le faire, nous en serions fort aise. Cela nous éviterait cette procédure.

Nous avons produit un mémoire qui comporte 18 pages. Je voudrais bien, autant que possible, éviter de me répéter, malgré qu'il me semble qu'il y a certains points sur lesquels il faudra nécessairement revenir afin de bien établir quelle est notre situation juridique et, en même temps, quelle est notre position à l'intérieur des professions paramédicales.

Tout d'abord, nous avons divisé en chapitres ce mémoire. Le premier chapitre s'intitule: Le bill 270 et son origine. Parce qu'enfin, nous apparaissons d'abord dans les annexes du rapport Castonguay. Nous apparaissons à l'intérieur même du rapport Castonguay. Antérieurement au bill lui-même, dont l'initiative revient au ministre des Affaires sociales, nous avions déjà, il y a trois ou quatre ans, demandé à la Législature dans le temps, à l'Assemblée nationale maintenant, de bien vouloir nous donner le statut de profession. C'est ce que nous expliquons dans le premier chapitre. Le bill 270, somme toute, provient d'un bill privé que nous avions déposé devant l'Assemblée nationale en janvier 1968 et dont l'étude a été subséquem-ment ajournée jusqu'à la publication du rapport Castonguay et à la suggestion du secrétaire de l'Assemblée nationale.

Evidemment, vu l'intention du gouvernement d'établir un code des professions, le bill 250 auquel se réfère le bill 270 qui est le nôtre, il y a entre celui-ci et le projet original déposé à l'Assemblée nationale, dès janvier 1968, des différences substantielles.

Ce n'est pas l'intention de notre association de demander que disparaissent ces différences. Bien au contraire, notre association ne voit aucune objection de principe à ce que soient établies des règles d'ordre général qui s'appliquent à tous les corps professionnels. Elle y voit même des avantages d'ordre public qui dénotent le souci du législateur de mettre de l'ordre dans une situation singulièrement chaotique qui favorisait certains groupes de personnes au détriment de certains autres et donnait lieu à des affrontements dont le public, en dernier ressort, devait supporter les frais.

Ce mémoire n'a donc pas pour but de s'élever contre les principes dont s'inspire la nouvelle législation du gouvernement en ce qui a trait aux corps professionnels en général et aux audioprothésistes en particulier. Bien au contraire, ce que recherchent ici plutôt les auteurs, c'est soumettre certaines suggestions d'ordre pratique dont la mise en oeuvre serait de nature, croient-ils, à préciser davantage la nature et le rôle de leur profession, à mieux définir les pouvoirs qui relèvent de leur compétence, à éviter que leur exercice en soit entravé au point qu'une partie importante de la population risquerait de n'en point tirer avantage.

Voici, en quelques mots, l'historique de notre association. Je résume ce qu'il y a dans le mémoire. Notre association s'est formée sous l'autorité de la partie 3 de la Loi des compagnies, le 2 août 1966. Par conséquent, cela fait au-delà de six ans que nous existons.

Dès le début, elle s'est donné un code d'éthique professionnelle dont le respect permet de bien distinguer, entre autres choses, les cas qui relèvent de la médecine et les autres qui relèvent de l'audioprothésiste. En procédant ainsi, les audioprothésistes s'inspiraient des exemples que leur fournissaient plusieurs Etats américains, de même que divers pays d'Europe, comme la France, l'Allemagne, la Suisse, la Belgique, la Hollande, pour ne citer que les plus connus où les audioprothésistes ont un statut bien déterminé.

Il est à noter qu'en ces pays d'Europe les audioprothésistes ont des conventions avec les services médicaux des Etats qui ont mis sur pied "un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité". Ainsi, j'ai des textes, ici, de conventions qui existent entre l'Etat français et les audioprothésistes, l'Etat belge et les audioprothésistes, de même qu'entre l'Allemagne de l'Ouest et les audioprothésistes. Ils y sont donc reconnus comme exerçant une profession nettement d'intérêt public et des pouvoirs qui leurs sont propres et exclusifs.

Quant aux Etats-Unis, il existe une association désignée sous le nom de "National Hearing Aid Society", dont le siège social est établi à Détroit. Cette organisation s'est faite le promoteur des diverses législations qui ont été adoptées en plusieurs des Etats pour protéger le public et lui fournir toute l'assistance dont il peut avoir besoin pour aider et protéger les audioprothésistes eux-mêmes et assurer le libre exercice de leur profession. Parmi les Etats où de telles législations sont en vigueur, je mentionne les plus progressistes: le Michigan, I'Illinois, le Tennessee, l'Indiana, le Dakota Sud, la Floride et le district de Washington. Elles sont reconnues fort efficaces pour l'assistance qu'elles apportent aux handicapés de l'ouïe sans pour cela brimer les droits des professionnels qui les constituent.

Ne sont-ce pas là, d'ailleurs, messieurs, les objectifs que toute législation de ce genre doit poursuivre? Une législation qui imposerait des restrictions plus ou moins futiles, dont l'opportunité ou la nécessité ne sont pas clairement établies, qui seraient de nature à limiter sans raison le champ d'activité des audioprothésistes risquerait de ne point atteindre tous les handicapés qui ont besoin de leur aide et de leurs services et d'en priver nombre de personnes atteintes de surdité.

Voilà un danger contre lequel il faut se prémunir, afin d'éviter que les sourds dont la médecine est encore impuissante à conjurer totalement l'infirmité deviennent des personnes définitivement exclues du giron de la société et soient réduits à vivre repliés sur eux-mêmes, privés, sans espoir, d'une très grande partie des joies et des bienfaits qui exigent communication constante avec ses semblables par le truchement de la voix et de l'oreille.

L'article 7 du bill 270 et ses dangers. Nous avons quelques objections à faire quant à la rédaction actuelle de cet article. La loi actuelle-

ment proposée comporte une disposition qui, à ce point de vue, peut s'avérer extrêmement dangereuse. L'article 7 se lit comme suit: "Constitue l'exercice de la profession d'acousti-cien en prothèses auditives tout acte qui a pour objet d'exécuter une ordonnance d'un médecin, d'un orthophoniste ou d'un audiologiste en vendant, fournissant, posant, ajustant ou remplaçant des prothèses auditives".

En d'autres termes, aucun des actes relevant de la compétence et des moyens mis en action par l'audioprothésiste ne peut être posé sans l'intervention active, constante de l'un quelconque des membres de l'une ou l'autre de ces trois catégories professionnelles.

Exiger une ordonnance, c'est d'abord faire obstacle au libre choix handicapé d'avoir recours, s'il le désire, à une prothèse auditive pour corriger sa surdité. Robert définit l'ordonnance: "une prescription écrite et signée du médecin". S'il ne plaît ni à un médecin, ni à un orthophoniste, ni à un audiologiste de suggérer la prothèse auditive à quelqu'un qui en aurait besoin, celui-ci devra à jamais, avec le texte tel que rédigé, subir sa surdité et rester ainsi partiellement à l'écart de la société.

Comme la surdité, non plus que l'hypoacou-sie, c'est-à-dire la diminution de l'acuité auditive, ne résultent pas nécessairement, en la majorité des cas, d'une maladie au sens courant du mot et n'entrafnent en soi aucune douleur physique, il est possible que ces messieurs soient parfois portés à suggérer au handicapé de l'ouie d'accepter son infirmité avec résignation.

Toute ordonnance, d'ailleurs, implique des précisions que bien peu de médecins seraient actuellement en mesure de déterminer, n'ayant généralement pas à leur disposition les instruments requis. Or, ces instruments font partie intégrante de l'équipement de l'audioprothésiste. Seuls l'audiomètre et l'appareil acoustique dénommé maître (qui donne le gain, la puissance et la courbe de fréquences) permettent de déterminer et de prescrire la prothèse susceptible d'améliorer l'entendement à la mesure des besoins de tel ou tel handicapé de l'ouie.

Par ces instruments, on peut mesurer la qualité du son, ainsi que son degré d'intensité ou de puissance. Par la conjugaison de ces deux mesures, on recherche le seuil de perception des sons ou le degré d'amplification nécessaire pour améliorer l'entendement.

C'est de cet examen que naît le choix de telle prothèse plutôt que de telle autre. Voilà donc une opération qui relève nettement de l'audioprothésiste et que la loi doit lui reconnaf-tre. Agir autrement, ce serait le reléguer au rang d'un simple vendeur ou commerçant, au détriment du handicapé de l'ouie.

Voilà une des raisons pour lesquelles nous suggérons une modification à cet article 7.

Les obstacles à l'ordonnance médicale, les voici. Qu'on nous comprenne bien, nous ne voulons pas par là repousser toute intervention médicale. Les deux plus importantes causes qui entravent le fonctionnement normal de l'oreille, nous enseignent les auteurs, sont la surdité de conduction et la surdité neurosensorielle. Alors que la première peut être provoquée par n'importe quel obstacle s'opposant au passage des ondes sonores dans le conduit auditif externe (c'est-à-dire le pavillon servant à recueillir les ondes sonores) ou dans l'oreille moyenne (qui comprend le tympan, le marteau, l'enclume et l'étrier) et est nettement susceptible de traitements médicaux ou d'interventions chirurgicales, la surdité neurosensorielle qui, elle, affecte l'oreille interne et empêche les circuits du cerveau de fonctionner normalement, a jusqu'ici laissé à peu près impuissantes la chirurgie et la médecine, bien que la science n'ait pas dit son dernier mot.

Ici, je cite un auteur médical: "Comme il est encore impossible de réparer les lésions nerveuses, soutient un auteur, la surdité neurologique (ou neuro-sensorielle) est d'un traitement médical et chirurgical bien difficile". La seule solution actuellement possible et pratique en ce dernier cas, c'est le recours à un appareil auditif à la mesure des besoins révélés par l'appareil acoustique maître (qui sélectionne le gain, la puissance et la courbe de fréquence) ce qui relève nettement de la compétence et des soins de l'audioprothésiste qui en connaît parfaitement le maniement et les données qu'elle fournit.

La gamme de ces appareils auditifs (ou audiphones) comprend actuellement au-delà de 500 types différents de prothèses. En outre, chacune de ces prothèses est susceptible de modification individuelle, selon les besoins que révèle l'examen audiométrique et l'appareil acoustique martre. Une ordonnance impliquerait la prescription de telle prothèse individuelle plutôt que telle autre, donc, les examens d'ordre technique que nous venons de décrire. A moins d'être du métier et d'en faire profession, qui pourrait vraiment le faire? Peut-on vraiment exiger du médecin en ce domaine particulier des connaissances tout aussi poussées que celles que doit avoir l'audioprothésiste lui-même, tant dans le maniement des instruments de sa profession qu'en ce qui a trait au mécanisme des appareils auditifs, à leur ajustement et au très vaste choix qui s'impose?

Et dès qu'un handicapé dispose déjà d'un tel appareil — ce qui implique la nécessité — comment le médecin serait-il plus en mesure que l'audioprothésiste, si la surdité évolue dans un sens ou dans l'autre, d'apporter des modifications à la prothèse ou d'en suggérer une nouvelle? Ne serait-ce pas là une entrave sérieuse et inutile dont l'handicapé seul aurait à souffrir? Car, ne l'oublions pas, c'est jusque là qu'est poussée l'intenvention médicale telle que définie par l'article 7 actuellement libellé.

Au chapitre 5, nous envisageons la garantie d'ordre civil et disciplinaire. Il ne faut pas oublier que cette profession se rattacherait ou se rattache au code des professions. Ici, en

passant, je signale les articles 10 a) et b), 84, 86, ayant trait au fonds d'indemnisation, et les articles 109 et suivants concernant le comité de discipline, autant d'articles auxquels seraient soumis les audioprothésistes.

Le code des professions traite donc non seulement des peines disciplinaires que peut encourir tout professionnel qui contrevient à l'éthique mais aussi de la responsabilité civile que peut entrafner son incompétence ou même sa négligence grossière. Il va même jusqu'à exiger la création d'un fonds d'indemnité à cette fin. Serait-il logique d'imputer à l'audio-prothésiste une telle responsabilité si son rôle et ses attributions se ramènent à n'être plus qu'un simple exécutant de l'ordonnance du médecin? Par ailleurs, cette responsabilité civile et d'ordre disciplinaire que lui impute la loi n'est-elle pas largement suffisante pour conjurer l'incompétence et les abus? N'y a-t-il pas là pour le client une garantie sérieuse et qui le met à l'abri des fraudeurs ou des praticiens sans vergogne? Le public n'est-il pas là entièrement protégé?

La clientèle des audioprothésistes se recrute dans toutes les couches sociales, parmi les personnes de tous âges et dans les endroits les plus reculés de la province. On évalue de 1 p.c. à 5 p.c. le pourcentage de la population qui a besoin d'avoir recours à des prothèses auditives. Or, la médecine est déjà débordée. Surtout depuis qu'existe l'assurance-maladie, il arrive qu'il faille attendre plusieurs semaines, parfois même des mois avant de pouvoir rejoindre et consulter un spécialiste. Ici, je souligne en passant, que pour les oto-rhinolaryngologistes qui sont les spécialistes en question, il n'est pas possible dans le district de Québec d'avoir de rendez-vous avec l'un quelconque d'entre eux avant la fin de janvier ou le commencement de février 1973.

Il est à prévoir que rares seront les généralistes ou les omnipraticiens, comme on les appelle, qui, consultés par des personnes qui souffrent de surdité, ne les dirigeront pas chez les oto-rhino-laryngologistes, dont le nombre est fort restreint, je pense qu'il n'y en a pas 200 dans la province — ils sont 137 — on voit tout de suite les retards indus qui s'ensuivront et jusqu'à quel point en définitive le patient lui-même en souffrira. Une législation susceptible de provoquer de telles entraves ne vient-elle pas en conflit avec l'esprit social progressiste qui l'a inspirée? Voilà un point sur lequel nous invitons respectueusement le législateur à réfléchir pendant qu'il en est encore temps. Bien plus, il est sûr qu'en certains cas pareilles entraves seraient absolument insurmontables si elles devaient être maintenues. Nous songeons ici en particulier aux personnes âgées. Si aucune maladie ne les incite à se rendre chez le médecin, si elles sont invalides et doivent rester au logis, qui se donnera la peine de les y conduire surtout si elles demeurent à la campagne, éloignées du médecin déjà débordé? L'au-dioprothésiste peut actuellement se déplacer, les y rejoindre, leur faire subir les tests nécessaires pour leur procurer la ou les prothèses susceptibles de corriger leur surdité. Exiger en pareil cas l'ordonnance du médecin, ne serait-ce pas, à toutes fins pratiques, les contraindre à subir à vie la privation de ce sens éminemment précieux qu'est l'ouië, les rejeter dans une sorte de ghetto et où ils seront réduits à ne vivre que de leur vie intérieure? Il faut avoir souffert de cette déficience de l'ouië pour en mesurer les pitoyables conséquences, tant au point de vue moral qu'au point de vue physique. Il nous faut ajouter qu'il y a dix ans, lorsque se répandit l'usage des prothèses auditives, un certain nombre de médecins, évidemment non spécialistes dans les problèmes de l'ouïe, ne croyaient guère en leur utilité. Il faut faire confiance à l'honnêteté et à l'intégrité des audioprothésistes et tenir compte du fait qu'ils auront à respecter un code d'éthique professionelle dont les impératifs relèveront des autorités constituées, selon le code des professions, autorités extérieures aux membres de la profession.

Nous le répétons, les mêmes garanties sont assurées dans le bill des audioprothésistes. Leur nécessité sociale ne fait plus de doute, leur connaissance et leur expérience de même que le code d'éthique professionnelle qu'ils se sont donné longtemps avant qu'ils y soient tenus constituent autant de garanties contre la fraude et l'exploitation. Ils sont en mesure de préciser eux-mêmes si les cas qui leur sont présentés relèvent d'eux ou de la médecine. A ce propos, je tiens à souligner qu'un tableau a été préparé auquel doivent répondre les patients, tableau qui permet dans les conclusions, lorsqu'elles sont établies, de diriger chez le médecin, s'il y a lieu, le patient qui se présente à eux. Ce tableau-là d'ailleurs a été soumis aux oto-rhino-laryngologistes, au président et à quelques membres. A peu de choses près, ils l'ont trouvé satisfaisant.

Le sixième chapitre s'intitule "Connaissances et formation". On nous opposera peut-être les connaissances médicales peu poussées dont disposeraient actuellement les audioprothésistes. Nous n'allons évidemment pas les comparer aux oto-rhino-laryngologistes qui, dans le Québec en particulier, jouissent d'une très haute notoriété. Mais il faut avoir lu avec soin le Précis d'audiométrie et de prothèse auditive publié par les soins de l'association, qui comporte le minimum de savoir exigé des membres actuels et des candidats qui veulent rejoindre leurs rangs, pour se rendre compte du degré de leur savoir. Ainsi peut-on se rendre compte jusqu'à quel point sont poussées leurs connaissances relatives à l'ouiè, à sa constitution, à son fonctionnement, aux cas qui relèvent tantôt de leur compétence, tantôt du seul médecin spécialiste. Nous avons d'ailleurs déposé avec notre mémoire le précis en question et nous avons indiqué, à la page 14, les têtes de chapitre qui vous permettront de voir jusqu'à quel point il leur faut tout de

même un certain nombre de connaissances de base, avant de procéder à l'adaptation d'une prothèse auditive.

En certains de ces chapitres, il est clairement établi que l'appareil auditif est à prohiber lorsqu'il s'agit de cas relevant de la médecine, notamment lorsque la surdité est plutôt attri-buable au fonctionnement de l'oreille externe ou de l'oreille moyenne.

Les audioprothésistes, comme on le verra clairement par ce précis, n'ont pas attendu que leur soit imposée une législation particulière pour déterminer leur champ d'action et éviter toute activité qui ne relève que de la médecine. Une association qui s'est ainsi comportée sans y être contrainte par le législateur témoigne éloquemment de son sens social. Elle fait voir avec quel sérieux ses membres vaquent à leurs activités, prenant soin d'en délimiter eux-mêmes le champ et, le cas échéant, de suggérer le recours au médecin.

Cela atteste leur intégrité, une intégrité telle qu'ils méritent certainement qu'il leur soit fait confiance. Pour les membres éventuels de la corporation, aucune difficulté n'est à prévoir. La section IV, chapitre 4, du code des professions offre toutes les garanties désirables. L'article 40, en particulier, pose des conditions d'admission qui ne relèveront plus de la seule autorité de la corporation. Des normes seront vraisemblablement fixées quant au degré d'instruction et de connaissances paramédicales qui seront exigées.

Ainsi seront définitivement bannies les craintes que pourrait entretenir le législateur. Quant aux membres actuels, dont le minimum d'études scolaires correspond à la 12e année et qui tous ont au moins les connaissances que révèle leur précis et possèdent les appareils nécessaires pour déceler le genre de prothèses auditives qui convient en chaque cas, ils sont évidemment en mesure de poursuivre leurs activités avec soin et il serait injuste et contraire aux droits acquis que de leur imposer des entraves superflues.

D'ailleurs, en exigeant une ordonnance médicale aussi fréquemment que l'exige l'article 7 du bill 270, le législateur va beaucoup au-delà des suggestions qui lui ont été faites. En effet, au chapitre IV de l'annexe 4 du rapport de la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, tout au plus est-il suggéré "l'obligation d'un premier diagnostic médical avant qu'une prothèse puisse être vendue". Nulle part il n'est question d'une ordonnance qui, au sens propre du mot, exigerait nécessairement de celui qui la délivrerait non seulement des connaissances médicales, mais également des connaissances d'ordre technique relatives au fonctionnement mécanique des instruments auxquels recourt l'audioprothésiste, de même qu'aux 500 variétés et plus de prothèses actuellement sur le marché et au rendement de chacune d'elles. Une ordonnance implique que tout cela doit être connu pour qu'on puisse préciser ce que le patient doit recevoir.

Comment pourrait-on sans cela prescrire vraiment une ordonnance au sens médical du mot? Quant à l'audioprothésiste, ce serait réduire son rôle à celui de simple fournisseur ou commerçant. Vaudrait-il vraiment la peine d'en faire un professionnel paramédical? Rappelons en terminant qu'en aucun des 28 Etats américains où existe une législation relative à cette profession une telle ordonnance médicale est préalablement exigée.

Au cours de notre argumentation, nous avons omis de signaler les orthophonistes et les audiologistes qui, par l'article 7 du bill 270, sont mis sur le même pied que le médecin quant au privilège d'émettre une ordonnance avant que n'intervienne l'audioprothésiste. Nous voyons mal d'ailleurs l'intervention de personnes qui sont subordonnées aux médecins dans l'exercice de leur propre profession et qui, pour les fins de l'audioprothésiste, seraient sur le même plan qu'eux.

D'ailleurs, dans la Mauricie, où il y a 350,000 habitants, il n'y a pas un seul audiolo-giste qui pratique. Je vous réfère à la page 5862 du journal des Débats où, précisément, vous verrez jusqu'à quel point leur nombre est minime.

Alors, imposer que l'on dépende de ces messieurs pour pouvoir procurer des prothèses auditives, c'est, à toutes fins pratiques, dire: Dans telle ou telle région, il sera impossible aux handicapés de l'ouïe d'en bénéficier s'ils le désirent. Ils sont, d'ailleurs, 133 dans la province, en deux groupes, et, comme je vous l'ai dit, à certains endroits, il n'en existe pas. Sur ces 133, la moitié sont des orthophonistes et l'autre moitié, des audiologistes.

En outre, nous tenons à souligner tout particulièrement que nous voyons mal l'intervention de l'orthophoniste en pareille matière, l'orthophonie étant définie, à l'article 1 du chapitre 256 des Statuts refondus 1964, comme "la science qui a pour objet l'étude, l'examen, l'évaluation et le traitement des troubles de la voix, de la parole et du langage parlé ou écrit, ainsi que l'utilisation des moyens de suppléance correspondants et la rééducation."

A moins que ne soit établi un lien direct entre ces moyens auxquels peut avoir recours l'orthophoniste et les prothèses auditives, nous voyons mal ce que viendrait faire en ce domaine son intervention.

En guise de conclusions, nous suggérons humblement qu'au bill 270 soient apportées les modifications suivantes: lo Qu'à l'expression "acousticiens en prothèses auditives" soit substitué le mot français "audioprothésistes" qui est le véritable nom sous lequel, dans les pays européens, notamment en France, sont désignés ceux-là qui se livrent aux activités de cette profession. 2o Que l'audioprothésiste y soit défini. Voici la définition que nous avons risquée: "Toute personne dûment qualifiée par la présente loi comme membre de la profession et habilitée à

faire subir à quiconque des tests audiométriques et acoustiques aux fins de déterminer et procurer la prothèse auditive qui convient et, au besoin, y apporter les ajustements nécessaires; relèvent également de ses fonctions le contrôle d'efficacité et la vente de la prothèse auditive. 3o Que soit rayée de l'article 7 l'obligation pour l'audioprothésiste de n'intervenir qu'à l'occasion d'une ordonnance d'un médecin, d'un audiologiste ou d'un orthophoniste. 4o Qu'advenant que le législateur veuille à tout prix laisser au médecin un certain contrôle, qu'au terme "ordonnance", à l'article 7, soit substituée l'expression "avis médical verbal ou écrit". Ici, je dois signaler que nous avons eu des entrevues avec les oto-rhino-laryngologistes, notamment avec leur président, le Dr Poulin, et il s'est déclaré à peu près satisfait de la correction que nous voulons apporter ici. D'ailleurs, je ferai remarquer que les oto-rhino-laryngologistes eux-mêmes nous ont écrit une lettre, il y a déjà trois ou quatre ans. Ils admettent qu'ils ne peuvent pas prendre le contrôle absolu de tout ce qui a trait aux maladies de l'ouiè, précisément à cause du nombre extrêmement restreint de ces spécialistes. J'ai une lettre ici, qui a été adressée en 1967 et qui dit en substance ce que je viens de vous relater. C'est le point principal, névralgique pour nous. Nous croyons qu'un avis verbal ou écrit donné par un médecin — on ne peut pas demander cela à un spécialiste, parce qu'il y en a trop peu — devrait suffire pour ouvrir la porte tout de suite à l'audioprothésiste.

D'ailleurs, sur ce point, nous avons préparé un projet. Nous avons pris le bill no 270 et nous l'avons refondu, pour ainsi dire, ou modifié selon les conclusions que nous apportons. Vous avez cela, je pense, avec la documentation qui vous a été offerte. 5o Qu'en aucun cas, lorsqu'il s'agit de remplacer une prothèse auditive, l'audioprothésiste ne soit tenu d'obtenir au préalable une ordonnance ou un avis médical à cet effet.

Cela un problème purement technique, un problème d'ajustement de prothèses puisque déjà, s'il s'agit d'un patient qui a consulté un médecin, le médecin se sera prononcé. Pour ceux-là qui, depuis des années et des années, ont une prothèse, cela me paraît futile d'exiger un avis médical alors que déjà ils ont bénéficié d'une prothèse auditive.

Ces conclusions, MM. les législateurs, vous sont soumises avec tout le respect dû aux hautes fonctions que vous avez à remplir, convaincus sommes-nous que leur mise en oeuvre sera de nature à aider puissamment les handicapés de l'ouie et assurer à la profession de mes clients le plus haut degré d'efficacité sociale.

Nous vous remercions.

M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je remercie Me Dorion de la présentation du mémoire des acousticiens en prothèses auditives. Je retiens de vos conclusions que vous demandez d'abord que l'expression "acousti-cien en prothèses auditives" soit remplacé par le mot "audioprothésiste" et que vous n'avez aucune objection de principe au projet de loi 250. D'ailleurs, vous faites partie des corporations à titre exclusif.

M. DORION: Pas du tout. M. FORTIER: Bon.

M. DORION: Nous n'avons aucune objection de principe.

M. FORTIER: J'ai juste une question à vous poser. Quand les audioprothésistes posent un appareil auditif, il y a d'abord, au préalable, un examen médical. Vous avez mentionné ça.

M. DORION: C'est-à-dire qu'actuellement rien ne l'exige. Généralement, le patient qui se présente chez eux a passé un examen médical. Mais l'examen médical a révélé que l'ennui subi par le patient est un ennui auquel la médecine ne peut pas remédier.

M. FORTIER: D'accord.

M. DORION: Alors, si on substitue à "ordonnance médicale' les mots "avis médical", le médecin pourra dire: En ce qui me regarde, en ce qui regarde ma spécialité ou en ce qui regarde la médecine, il n'y a aucune opération possible dans votre cas. Il reste simplement, peut-être pour améliorer votre situation, le recours à une prothèse auditive. Dès lors où il y aura un avis médical de cette nature, cela ouvrira la porte à l'audioprothésiste et il pourra s'occuper du patient si le patient le désire.

M. FORTIER: Alors, les audioprothésistes, si on les appelle ainsi, sont prêts à accepter un avis médical verbal ou écrit.

M. DORION: Oui. Pour l'avenir. M. FORTIER: Pour l'avenir.

M. DORION: Parce que pour ce qui regarde la passé, par exemple dans mon cas, je suis allé voir un oto-rhino-laryngologiste. Il m'a dit qu'il n'y avait rien à faire. Alors, je suis allé voir un audioprothésiste qui m'a installé le "truc" nécessaire pour pouvoir améliorer mon entendement. Alors, pour ce qui regarde les gens qui déjà possèdent un tel appareil, il me semble que c'est inutile de les obliger, de les contraindre à aller voir le médecin. Mais pour l'avenir, afin d'éviter qu'il y ait empiètement de la part des audioprothésistes sur le domaine qui ne leur convient pas, qui n'est pas de leur ressort, c'est-à-dire le domaine médical, eh bien nous serions satisfaits d'un avis médical au préalable.

Je tiens à répéter que le président de la Corporation des oto-rhino-laryngologistes s'est dit satisfait. Ils devaient même être ici cet après-midi, je ne les vois pas, mais vous pouvez prendre ma parole, c'est ce qu'on ma dit.

M. TRUDEL: Est-ce que je peux ajouter quelque chose à ceci. C'est...

M. DORION: C'est M. Trudel, président de l'association...

M. TRUDEL: Je me permets de me présenter. Jean Trudel, président de l'associaiton. Avec moi, il y a les membres du Bureau d'administration. A l'extrême droite, M. Raymond Lantaigne, vice-président; M. Roger Roy, trésorier; M. Paul Taffin, secrétaire.

Alors, pour la question de la prescription, j'aimerais que M. Lantaigne vous donne des chiffres pour vous dire pourquoi nous sommes contre l'article 7 tel que rédigé. M. Lantaigne.

M. LANTAIGNE: M. le Président, je voudrais commenter un peu ce que M. Dorion a dit. Si vous vous rappelez, quand il a lu des parties de notre mémoire, il a dit:

Si le législateur tient absolument à avoir un contrôle médical... Pour ma part, même avis médical serait inutile et tracassier. Je vais vous dire pourquoi. Depuis l'instauration de l'assurance-maladie, il y a un minimum de 85 p.c. à 90 p.c. des gens à qui on vend une prothèse qui ont été une fois, deux fois, trois fois, quatre fois et jusqu'à dix fois chez l'oto-rhino-laryngologiste. Alors forcer ces gens à retourner obtenir soit un avis médical ou soit une ordonnance médicale serait une entrave inutile.

Nous avons aussi des statistiques que nous avons fait faire, dernièrement, en prévision de cette séance. En 1971, il y eut 54 p.c. des prothèses auditives de vendues dans la province étaient à des gens qui en possédaient déjà une et qui voulaient la renouveler. Obliger ces gens à retourner pour obtenir un avis médical, c'est encore, je crois, inutile et tracassier.

Je dois aussi ajouter que nous avons une résolution — je ne peux pas vous en dire le mot à mot parce que je la dis par coeur; en écoutant ce qui s'est dit, cela m'est venu à l'idée — qui sera dans notre prochain code d'éthique et dans nos règlements: Toute personne qui se présentera pour acheter une prothèse auditive, l'audio-prothésiste sera obligé de la renvoyer au médecin, si cette personne n'a jamais eu le diagnostic médical concernant sa surdité. Cela sera dans nos règlements et ce sera dans notre code d'éthique.

Je veux aussi profiter dé l'occasion pour vous donner d'autres chiffres. Nous sommes accusés d'à peu près tous les péchés d'Israël. Entre autres, un médecin a dit qu'il y avait une prothèse auditive inutilisée à toutes les deux portes, dans la province. Alors six millions, en moyenne quatre personnes par famille, cela fait 1,500,000 portes. Cela ferait 750,000 prothèses inutilisées. Nous en vendons environ 8,000 par année. Cela nous aurait pris 93 ans pour faire cela. Alors les objections qu'on peut amener à cause des prothèses inutilisées, il faudrait quand même les vérifier.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est un médecin qui manque d'entendement ou de compréhension.

M. LANTAIGNE: II y a 10 p.c. de gens qui n'ont jamais vu le médecin. Ce sont des vieillards, des personnes âgées qui ne peuvent absolument pas se déplacer et qui, s'il faut qu'ils aillent voir un médecin, vont tout simplement se passer de prothèses. C'est aussi simple que cela. Ce sont des chiffres. Ce n'est pas dire que nous devrions avoir certains droits et que d'autres ne devraient pas en avoir. Ce sont des chiffres. Exiger une ordonnance médicale, le but je le comprends, mais il est presque inutile. C'est la réponse des audioprothésistes.

Il y a aussi le fait que les audiologistes pourraient donner une ordonnance médicale. Ici, je vais vous donner la réponse d'un audiolo-giste. Son nom est Don Michael — je m'excuse si je le dis en anglais mais c'est un texte anglais — Director of Audiology, Mont Carmel Hearing and Speech Center, Newark, New Jersey.

Voici ce que M. Michael dit pour les audiologistes, étant lui-même audiologiste: "I do not agree that the dispensing of hearing aid should be restricted to the American Board of Examiners in Speech Pathology and Audiology approved Centers. As a matter of fact, it is my belief that such centers, particulary those affiliated with training programs, are generally speaking not qualified to select or dispense hearing aids for the hearing public. Although and individual audiologist may have developed the art of successfully fitting instruments, it is my contention that this represents a relatively rare individual. "The average audiologist knows very little about hearing aids. Many of them are uncertain about the difference between gain and output, used gain and maximum gain, output and saturation output, peak clipping and compression amplification. "The average audiologist is unfamiliar with the effects of earmold modifications, the effects of open mold or no mold, the effect of tubeglance and tubediameter, indeed the average audiologist still equates hearing loss with gain requirements. "If the fitting of hearing aids were based on a known science, the audiologist would appear to be the logical person to conduct this activity. If sales and business management were a part of the audiologist training, he should be involved in dispensing. "If the audiologist were willing to provide

service at all hours of the day or night, not to mention Saturdays and Sundays, he should be encouraged to enter the hearing aid field. Since he is not, he should be discouraged from entering such a venture". Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce qui m'a frappé, Me Dorion, dans votre mémoire qui contient d'excellentes suggestions, c'est le nombre de prothèses auditives, au-delà de 500. Du point de vue technique, est-ce qu'on ne pourrait pas expliciter un peu? Est-ce que cela dépend de la qualité, du matériel de fabrication de la prothèse du degré?

M. DORION: II y a d'abord la surdité elle-même qui évolue. Je crois que c'est le premier problème.

M. CLOUTIER (Montmagny): L'autre jour, devant la commission, on a parlé de ce problème, des cas pathologiques; je retiens les affirmations qui ont été faites. Proportionnellement, c'est la même chose pour l'oeil. Des cas pathologiques, il y en a beaucoup moins que des cas qui relèveraient particulièrement soit de l'optométriste, quand il s'agit de la vue, ou de l'audiologiste et de l'orthophoniste quand il s'agit du domaine de l'oreille.

M. DORION: Je crois que M. Lantaigne serait en mesure de répondre.

M. LANTAIGNE: J'ai ici l'annonce commerciale d'un fabricant. Je dois vous dire, d'abord, que chaque audioprothésiste — il ne faudrait pas que je dise "chaque" parce qu'il y a des exceptions — disons 98 p.c. d'entre eux achètent les prothèses d'au moins 3 à 4 manufacturiers. Ce n'est pas pour le plaisir d'avoir un gros inventaire. Ceux qui n'ont pas ce nombre-là, c'est une question de finances, d'inventaire.

Un seul manufacturier ici a 35 modèles différents. Quand on parle de modèles, on dit pas qu'il y a plus de chrome sur les ailes, etc. Ce sont tous des appareils qui ont des caractéristiques sonores différentes, et des rendements différents.

Un manufacturier qui en a 35, c'est le maximum. En moyenne, ils ont 15 à 20 modèles chacun et chaque audioprothésiste fait affaires avec 3 ou 4 compagnies. Pourquoi? Parce qu'une compagnie ne fait pas des prothèses pour tous ses besoins.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le cas où il y a eu visite d'un patient chez un audioprothésiste, qu'il y a eu installation de la prothèse à l'essai, si la prothèse ne remplit pas la fonction avec la qualité qu'on aurait souhaitée, qu'est-ce qui se passe? Est-ce que vous reprenez la prothèse? Est-ce qu'il y a des modifications qui y sont apportées? Est-ce que c'est à la charge du patient? A qui appartient la responsabilité?

M. LANTAIGNE: La responsabilité, assurément, en ce qui me concerne et en ce qui concerne l'association, appartient à l'audiopro-thésiste. Si une prothèse ne rend pas les services qu'elle devrait rendre, c'est à l'audioprothésiste de la remplacer. Je ne crois pas qu'il y ait de limite de temps à ça. Je parle pour moi, bien entendu. J'ai déjà changé des prothèses au bout d'un an parce qu'un hôpital m'a appelé, me demandant de changer telle prothèse pour telle dame; c'était même pour des raisons esthétiques. J'ai changé la prothèse sans frais.

Chacun a sa politique là-dessus. Strictement, au point de vue du rendement de la prothèse, chaque audioprothésiste devrait avoir la responsabilité de fournir à son patient la mailleure prothèse qui peut lui être ajustée.

Si c'est prouvé qu'une autre prothèse aurait pu faire mieux, l'audioprothésiste va être obligé de la poser.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'en pratique beaucoup de patients se présentent chez vous sans avoir passé par d'autres professionnels de la santé, tels que l'o.r.l. ou l'audiologiste?

M. LANTAIGNE: Cela se passait il y a dix ans, il y a vingt ans. Depuis trois ou quatre ans, il y en a qui ont même eu deux ou trois opérations quand ils viennent chez nous. Je dirais que 85 p.c. à 90 p.c. ont déjà visité le médecin pour leur surdité. D'ailleurs, sans vous connaître, je suis certain que la dernière place où vous iriez, c'est vous acheter une prothèse auditive. C'est une partie de notre travail de convaincre les gens qui sont allés partout ailleurs se faire dire qu'il n'y a rien à faire que maintenant ils devraient porter une prothèse parce qu'il n'y a pas autre chose à faire.

Quand les gens viennent chez nous, en majorité, c'est la dernière place où ils vont. Personne n'aime porter une prothèse auditive. Avec l'instauration de l'assurance-maladie — cela va aller en augmentant et non en diminuant — les gens savent qu'ils peuvent obtenir des soins gratuitement, qu'ils peuvent se faire opérer. Je vends des prothèses, mais si je pouvais me faire opérer pour ma surdité, j'irais me faire opérer avant de porter une prothèse. C'est général. D reste le patient qui dit: J'ai été chez le médecin et je veux plus y retourner, etc. Ou: Je n'y ai jamais été et je ne veux pas y aller. C'est un cas particulier, je ne sais pas comment on pourrait le régler mais, en général, ils ont passé par le médecin. Quand je dis en général, je parle de 85 p.c. Il ne faut pas oublier, quand on parle de prothèse auditive, qu'on parle d'instrument pour des gens qui sont généralement très âgés. J'ai déjà vendu une prothèse auditive à un homme qui avait cent ans. Ce ne sont pas des

gens à qui on peut dire: Va te chercher une ordonnance médicale. On en a quand même un certain pourcentage.

M. CLOUTIER (Montmagny): Qu'est-ce qu'il voulait entendre à cent ans?

M. LANTAIGNE: Vous seriez surpris. Je lui en avais vendu une quand il avait 95 ans et à cent ans, il voulait changer parce que celle que je lui avais vendue avait provoqué un bouton dans l'oreille et il ne voulait plus l'avoir.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une boutade, parce qu'on a autant besoin d'entendre à cent ans, peut-être plus. De toute façon, je retiens aussi que vous n'avez pas voulu personnaliser les députés, mais je pense bien que si vous aviez à faire une recommandation, vous diriez peut-être aux députés de se faire examiner l'oreille afin de bien entendre les représentations qui sont faites. C'est ce que le ministre des Affaires sociales conseille au ministre fédéral, son homologue.

M. LE PRESIDENT: Le député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, je voudrais demander un renseignement à ces messieurs. Croyez-vous que l'existence que la population mène actuellement, les gens fréquentant les discothèques, ces endroit où il y a une musique excessivement forte, d'autres faisant de la motocyclette et de la moto-neige, a une influence grave sur l'ouie?

M. TRUDEL: II y a eu récemment une enquête aux Etats-Unis sur ceux qui font de la musique "under-ground" et 90 p.c. étaient atteints de surdité dans les hautes fréquences, c'est-à-dire que l'oreille interne était affectée.

M. LAVOIE (Wolfe): Cela veut dire, parlant de la jeune génération, que plus tard ces gens seront certainement appelés à avoir des troubles de l'ouië.

M. TRUDEL: C'est possible.

M. LAVOIE (Wolfe): L'ouie sera certainement endommagée.

M. LE PRESIDENT: Le député de...

M. ROY (Roger): Assurément. Les manufacturiers ont le matériel pour fabriquer sur mesure des protecteurs d'oreilles, incidemment pour les amateurs de moto-neige, pour éviter le surplus de bruit qui endommage l'oreille, si vous voulez. Il y a une question de prévention également là-dedans. Entre autres, il y a des manufacturiers qui ont même des films à la disposition du public sur la pollution par le bruit, mais c'est plus...

M. DORION: Si vous me permettez une observation sur ce que vient de dire celui qui m'a précédé, l'avantage des audioprothésistes sur les audiologistes et les orthophonistes, c'est qu'ils sont en contact permanent, constant avec les manufacturiers de prothèses qui, eux, font constamment de la recherche. L'autre jour, une question a été posée à ces messieurs les audiologistes, à savoir si on faisait de la recherche, et la réponse a été à peu près négative. Dans le cas des audioprothésistes, ceux-ci sont mis constamment au courant des recherches qui se font; ils sont au courant des développements et des améliorations qui sont apportées aux divers genres de prothèses. Evidemment, les manufacturiers y trouvent leur intérêt mais, par ailleurs, les audioprothésistes se trouvent en communication constante avec l'évolution de la science de ce côté.

C'est une observation que nous aurions dû faire dans le mémoire et que je tiens à souligner en passant...

M. LAVOIE (Wolfe): Ils font de la recherche pour...

M. DORION: ... l'amélioration...

M. LAVOIE (Wolfe): ... l'amélioration de leur "patente", si vous voulez, mais ils ne font pas de recherche pour la prévention. Est-ce qu'ils font de la recherche pour la prévention?

M. DORION: Ils font également de la recherche pour la prévention. Cela implique tout ce qui a trait à l'ouie. C'est un facteur qui n'a pas été souligné dans notre mémoire et que je tenais à souligner, d'autant plus que j'ai lu la discussion qui s'est déroulée ici avec les audiologistes qui, eux, ont avoué candidement que de la recherche, ils ne sont pas en mesure d'en faire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Vous venez de mentionner clairement que les habitudes de la jeunesse moderne entraîneront probablement certaines conséquences. Ces réponses sont loin d'être contradictoires avec ce que nous ont dit d'autres groupes devant la commission. Vous avez également dit que des cas qui vous sont référés ou des clients qui vont chez vous ont déjà vu d'autres professionnels. Est-ce que ce sont des cas où la chirurgie a échoué ou des clients qui ont refusé l'intervention chirurgicale?

M. TRUDEL: II y a les deux cas. Nous avons un pourcentage de gens qui ont été opérés et que la chirurgie n'a pu aider, même après deux ou trois interventions. Mais nous avons aussi des cas pour lesquels le médecin ne peut rien faire, comme le cas que Me Dorion a expliqué tout à l'heure. Il est allé voir un oto-rhino qui lui a simplement dit qu'il n'y avait rien à faire et que ça prenait une prothèse auditive.

M. GUAY: Dans quel pourcentage des cas, à peu près, l'intervention chirurgicale va-t-elle apporter des résultats assez satisfaisants?

M. LANTIGNE: Ce n'est pas à nous...

M. TRUDEL: Ce n'est pas à nous de répondre à ça.

M. GUAY: Dans les cas que vous recevez, par exemple?

M. TRUDEL: Nous n'avons pas le nombre des opérations que les oto-rhinos font par année ni le nombre de gens satisfaits.

M. GUAY: D'accord. Maintenant, est-ce que d'autres groupes de professionnels ont déjà engagé des poursuites contre les actes que vous posez?

M. TRUDEL: Pas à ma connaissance.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: C'était une farce que je voulais faire, je n'avais pas de questions.

Le député de Montmagny a demandé tantôt s'il s'en faisait pour les députés, de ces prothèses-là. Je voulais simplement demander s'il y avait des commutateurs, c'est-à-dire si on pouvait les fermer à l'occasion?

M. TRUDEL: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je pensais que le député allait dire: Surtout pour les ministres.

M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux remercier l'Association et Me Dorion pour leur présentation.

M. DORION: C'est nous qui vous remercions.

M. LE PRESIDENT: L'Institut de cybernétique du Québec.

Institut de cybernétique du Québec

M. LEDUC (Jean-Paul): M. le Président, MM. les commissaires, mon nom est Jean-Paul Leduc. Je suis président de l'Institut de cybernétique du Québec. M. Jean-Jacques Lefebvre en est vice-président. J'aurais aimé profiter de l'occasion pour féliciter M. le ministre des Affaires sociales et de la Santé pour son initiative relativement au projet de loi sur la santé publique dont les journaux faisaient mention il y a quelque temps.

L'Institut de cybernétique s'en réjouit pour plusieurs raisons, plus particulièrement parce que ce projet satisfait à une recommandation, la plus importante peut-être, du mémoire que nous avons présenté. A ce sujet et en raison de la définition très englobante du terme "santé", nous considérons que l'emploi de ce terme dans une définition ne peut se faire qu'au niveau d'une loi très générale. Nous sommes aussi d'avis que ce terme ne devrait être employé dans la définition de l'exercice de toute profession de la santé, que si l'exercice de cette profession correspond véritablement à toute la portée du terme.

Notre avis est que, dans le contexte actuel, aucune profession ne peut y prétendre. Nous désirons donc souligner toute l'importance que nous attachons aux recommandations à cet effet dans notre mémoire : 1)Que l'expression déficience de la santé soit remplacée par le terme maladie dans tous les projets de loi relatifs aux professionnels dits de la santé. 2)Que dans la définition de l'exercice de la médecine, bill 252, article 26, l'expression toute déficience de la santé soit remplacée par toute maladie. 3)Comme nous l'avons déjà souligné dans notre mémoire, il est observé que les titres des lois des professionnels de la santé ne se présentent pas d'une façon uniforme. Nous aimerions ici faire remarquer à messieurs les commissaires que cette absence d'uniformité semble cependant présenter un certain ordre qu'il serait bon de faire ressortir.

Cet ordre s'établit selon trois formulations bien caractéristiques, pour l'appellation des lois des professionnels de la santé. La formulation no 1, dont la désignation est, par exemple, simplement Loi médicale. La formation no 2, dont la désignation serait, par exemple Loi des physiothérapeutes. La formation no 3, dont la désignation serait, par exemple Loi sur la chiropraxie.

Nous observons que cette gradation donne naissance, dans la dynamique législative impliquée, à une distribution irrégulière et non proportionnelle des divers droits et privilèges qui sont octroyés. Cette tendance se manifeste, selon nos observations, d'une façon systématique qui donne parfois l'impression d'un certain favoritisme créant des classes. Pour cette raison particulière, messieurs les commissaires, nous avons cru important de comparaître devant cette commission.

Nous aimerions aussi porter à votre attention le caractère ambigu qui existe dans le choix de certains termes clés et dans quelques cas l'emploi d'un jeu de synonymes. Cette situation rend difficile l'interprétation des textes lorsque l'ensemble est regardé dans son fonctionnement. Le maintien et la poursuite d'un tel état, nous croyons, contribueraient à perpétuer des imbroglios qui alourdissent trop souvent l'appareil judiciaire et juridique.

Nous désirons pour terminer signaler à messieurs les commissaires que nous sommes totalement en accord sur l'esprit du code des profes-

sions, sauf peut-être sur un point bien particulier. Je désire remercier le gouvernement de la province de Québec de nous avoir permis de participer à ce chapitre important de l'évolution sociale. Au nom du groupe de recherche de l'Institut de cybernétique, nous assurons le gouvernement de notre collaboration la plus désintéressée.

Nous sommes à la disposition des commissaires pour répondre à toute question.

M. FORTIER: M. le Président, je désire remercier ceux qui ont préparé ce mémoire. Je l'ai lu et vraiment c'est très bien fait. La première chose qui m'intéresse c'est que le titre de docteur est réservé aussi à d'autres. Dans le langage populaire, on le réserve aux médecins. On peut continuer à appeler le médecin un docteur, mais, à la page 6, vous parlez de grades, des titres. Vous dites que le doctorat est le plus haut grade décerné par une université. Vous êtes d'avis que le titre de docteur soit réservé au détenteur de ce grade. Ce n'est pas seulement pour le médecin, mais tous pour tous ceux qui ont un grade universitaire.

M. LEDUC (Jean-Paul): Si vous permettez, notre recommandation présente une alternative. Si certains professionnels de la santé sont pour employer le grade de docteur, qu'il soit distribué également à tous les professionnels de la santé.

Ou, si on veut s'en tenir à l'esprit des doyens des universités en ce qui concerne ce problème, alors, que le titre de docteur soit accordé à ceux qui ont poursuivi les études traditionnelles, c'est-à-dire la démarche impliquée dans une maîtrise et l'accès à un doctorat qui est strictement sur un plan universitaire et académique. Peut-être que M. Lefebvre pourra apporter des précisions.

M. FORTIER: Une courte question. A la page 8, juste un point. Vous dites à l'article 10: "qu'il soit interdit à tous les professionnels autonomes de la santé qui prescrivent des médicaments de posséder des intérêts directs ou indirects dans toute entreprise de fabrication ou de vente des produits pharmaceutiques." Alors, est-ce que les médecins qui pratiquent, par exemple, dans un milieu rural, sont autorisés à vendre certains produits pharmaceutiques?

M. LEFEBVRE: Ce qui est dit dans cet article de nos recommandations signifie le médecin ou le dentiste ou qui que ce soit comme professionnel de la santé qui distribue directement des médicaments. Et c'était dans l'esprit de ceux qui ont préparé le code des professions de tenter de diviser le mercantilisme de la pratique professionnelle. Ce que nous recommandons ici, c'est qu'il soit interdit à qui que ce soit, si ont veut respecter l'esprit du code, de dispenser lui-même des produits pharmaceutiques ou encore des services médicaux, par exemple le médecin qui serait copropriétaire d'un hôpital privé et qui y référerait un client pour une chirurgie, ou que lui-même effectuerait. C'est dans ce sens que nous avons cru soutenir l'action du gouvernement mais en signalant qu'il y avait peut-être eu certains oublis.

M. LEDUC (Jean-Paul): J'aimerais aussi ajouter, si vous me permettez, au sujet de ce point particulier, que lorsque nous avons analysé les textes de lois, le roupe de l'institut partageait son accord, en ce qui concerne l'interdiction elle-même, soit au niveau du code ou des différentes professions. Pour une raison bien particulière, l'application d'une telle restriction pourrait peut-être empêcher, et ceci d'une façon légitime et bien ordonnée, le professionnel québécois de prendre en main une certaine partie de l'économie de la province. Une de nos opinions avait été que cette interdiction semblait être appliquée d'une façon trop absolue. Par exemple, on n'avait pas non plus spécifié la question des fonds mutuels.

Pour un professionnel disons un dentiste, qui possédait des fonds mutuels dont le portefeuille impliquait une compagnie de produits dentaires, cela pouvait créer de grandes difficultés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais souligner d'une façon particulière la qualité du mémoire de l'Institut de cybernétique. Disons que cela nous a — j'emploierai le mot — surpris. On ne s'attendait pas à cela d'un organisme comme le vôtre. D'ailleurs, ce sont les objectifs que vous poursuivez. Vous ne venez pas ici comme des professionnels qui ont quelque chose à revendiquer vous venez ici apporter un point de vue complètement désintéressé, mais sous un aspect scientifique. Vous avez des suggestions qui valent réellement la peine d'être retenues. Entre autres, ceux qui ont participé aux travaux de la commission savent combien il est difficile de définir l'exercice de la profession.

Je pense que vous avez apporté, par les suggestions que vous faites, un nouvel éclaircissement. Je pense que le législateur devrait retenir les remarques que vous avez faites. Sur les professions, vous dites: On devrait définir les professions comme des professions autonomes ou des professions indépendantes. Cela aussi est un critère qui peut servir de repère malgré qu'il est délicat à manoeuvrer. Il est très délicat.

Je ne sais pas ce que le législateur retiendra de cela, parce que toutes les corporations professionnelles qui sont venues devant la commission, évidemment, veulent être des professions autonomes. Il n'y en a pas une qui désire être dépendante d'une autre profession.

Mais je voudrais poser une question plus générale à partir de l'idée de votre mémoire.

Vous parlez de l'Institut de cybernétique. J'en avais déjà entendu parler et j'ai déjà été en contact avec celui-ci à l'Université de Sherbrooke, lors de la construction du centre médical. Il est composé de qui et quels sont vos effectifs et vos moyens de recherche?

M. LEDUC (Jean-Paul): Bien, je pourrais peut-être commencer par la date de sa fondation. Si je m'en souviens bien, c'est en 1967. Maintenant, l'idée de l'Institut de cybernétique, au départ, était de chapeauter, de structurer, d'une façon plus ou moins concrète, un esprit qui, à notre avis, semblait nouveau sur le plan scientifique. Cela a pris naissance graduellement. Plusieurs individus se sont rencontrés par hasard, avec le même esprit sur des points communs d'intérêt scientifique, face à cette nouvelle arme sur le plan de la connaissance qui était l'idée de la cybernétique qui a surgi il y a à peu près 20 ans. Relativement à votre question, je pense bien que nous devrions nous identifier totalement. Je ne sais pas si M. Lefebvre est d'accord.

M. LEFEBVRE: Tout à fait d'accord. Personnellement, je suis membre et vice-président de l'Institut de cybernétique, un peu en philanthrope. Ce mémoire que nous vous avons présenté, même s'il nous a coûté beaucoup d'efforts et beaucoup de temps, est un mémoire de philanthrope à l'esprit social. Nous n'avons, à l'heure actuelle, à l'Institut de cybernétique, que des individus qui sont là pour tenter de travailler à des outils intellectuels permettant de faire des analyses générales et globales de différents systèmes.

Au point de départ, comme optométristes, nous avons eu besoin, dans des recherches que j'ai effectuées, comme M. Leduc d'ailleurs, de trouver des outils nous permettant de mieux connaître la science que nous manipulions. Ces outils nous ont servi à progresser. Nous avons fait des tentatives d'analyse de différents autres systèmes, comme celui de l'éducation. A l'intérieur de l'Institut de cybernétique, nous avons des spécialistes dans le monde de l'éducation, des profanes et des éducateurs tout bonnement. Nous avons des gens, cependant, qui veulent chercher des moyens d'améliorer leur champ de connaissances. Nous tentons de formuler des outils permettant d'organiser la connaissance.

Comme exemple, nous avons analysé l'évolution de l'optométrie. Nous avons fourni les outils à l'optométrie pour améliorer son champ de recherche. Nous avons analysé, pour le plaisir, l'éducation. Nous pourrions analyser la politique, le gouvernement. C'est un outil assez universel que nous utilisons et qui est très utile pour organiser différents champs de connaissances.

M. CLOUTIER (Montmagny): On se verra pour établir des priorités! Merci.

M. GUAY: M. le Président, je me permets un très court commentaire. Je n'ai pas de question. Je pense que votre mémoire permet au législateur de trouver une voie de juste milieu dans bien des cas. J'ai lu attentivement votre mémoire. Contrairement aux autres groupes professionnels, qui ont démontré, sans peut-être le vouloir, un intérêt assez particulier, on doit souligner la neutralité qui caractérise votre mémoire.

C'est peut-être également un mémoire pour le législateur qui agira comme modérateur, dans cette législation importante. Pour ma part, j'ai trouvé des passages très intéressants qui ont retenu mon attention et qui seront probablement formulés par des suggestions, comme législateur.

M. FORTIER: Je vous remercie, au nom de M. Castonguay. Je lui soulignerai les points importants de votre mémoire. D'ailleurs, il en a pris connaissance. En son nom, je vous remercie. Vous aviez un bon mémoire, bien fait.

M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Au nom de la commission, je remercie les représentants de l'Institut de cybernétique pour leur bon travail. Merci beaucoup.

Il est déjà six heures moins vingt-cinq. Je sais pertinemment que ceux qui sont à l'ordre du jour aimeraient bien terminer leurs représentations aujourd'hui. Je demanderais donc la coopération de tous, de façon que nous puissions accélérer nos travaux et permettre aux trois groupes qui restent de se faire entendre ce soir au lieu de revenir demain.

J'appelle le représentant de King Optical Quebec Inc., Me René Allard.

Campbell, Pepper et Laffoley

M. L0NGTIN: M. le Président, j'aimerais souligner au départ que le mémoire n'est pas le mémoire de King Optical mais le mémoire de Campbell, Pepper et Laffoley. Mon nom est Daniel Longtin. Je suis membre du bureau de Campbell, Pepper et Laffoley.

M. LE PRESIDENT: Votre correction est inscrite au journal des Débats.

M. LONGTIN: Merci. M. le Président, nous avons eu l'occasion de prendre connaissance des deux bills précités, soit le bill 256 et le bill 268, et nous notons entre autres qu'ils abrogent la Loi des optométristes et opticiens, le chapitre 257 des Statuts refondus du Québec de 1964, et la Loi des opticiens d'ordonnance, le chapitre 258 des Statuts refondus du Québec de 1964. L'ancienne loi des optométristes et opticiens, à l'article 24, stipule, en partie, que "rien n'empêche un détaillant d'exploiter un rayon d'optique et d'optométrie confié à un ou plusieurs optométristes." D'autre part, l'article

19c) du bill 268 stipule que "les dispositions du présent article ne s'appliquent pas non plus à la vente de lentilles ophtalmiques par un détaillant qui, avant le 1er décembre 1971, exploitait un rayon d'optique, dont l'administration était confiée à un opticien d'ordonnances agissant sur l'ordonnance d'un médecin ou d'un opto-métriste, tant que ce détaillant continuera cette exploitation."

Nous voulons respectueusement porter à votre attention que, selon l'article 24 de la Loi des optométristes et opticiens, le chapitre 257 des Statuts refondus de 1964, rien n'empêchait un détaillant d'exploiter un rayon d'optique et d'optométrie confié à un ou plusieurs optométristes. Il n'y avait aucune provision à l'effet que le détaillant, en exploitant un rayon d'optique, devait en confier l'administration à un opticien d'ordonnances agissant sur l'ordonnance d'un optométriste.

D'autre part, à l'étude du projet de loi no 256, nous notons que sous la section V, "Exercice illégal de l'optométrie", il n'y a aucune exception afin de permettre au détaillant d'exploiter un rayon d'optique, même s'il exploitait légalement un rayon d'optique avant le 1er décembre 1971.

Dans les circonstances, le fait que seul le bill 268 prévoie une exception permettant la vente de lentilles ophtalmiques par un détaillant qui, avant le 1er décembre 1971, exploitait un rayon d'optique, dont l'administration était confiée à un opticien d'ordonnances agissant sur l'ordonnance d'un optométriste, tant que ce détaillant continuera cette exploitation, signifierait qu'aucun détaillant n'aurait eu le droit, avant le 1er décembre 1971, d'exploiter un rayon d'optique à moins que l'administration ait été confiée à un opticien d'ordonnance agissant sur l'ordonnance d'un optométriste.

Par conséquent, à moins que le gouvernement ajoute une exception dans le bill 256, semblable à l'exception incluse à l'article 19 c) du bill 268, un détaillant qui, avant le 1er décembre 1971, exploitait un rayon d'optique légalement, c'est-à-dire confié à un ou plusieurs optométristes en vertu de l'article 24 de la Loi des optométristes et opticiens — la loi actuellement en vigueur — perdrait ses droits acquis d'exploiter un rayon d'optique et d'optométrie.

Nous suggérons donc qu'une exception soit incluse sous la section V, après l'article 23 du bill 256 stipulant que les dispositions du présent article ne s'appliquent pas non plus à la vente de lentilles ophtalmiques par un détaillant qui, avant le 1er décembre 1971, exploitait un rayon d'optique dont l'administration était confiée à un ou plusieurs optométristes ou à un ou plusieurs opticiens d'ordonnance tant que ce détaillant continuera cette exploitation.

En résumé, étant donné que le bill 268 prévoit une exception à l'article 19 c) qui permet à un détaillant de continuer en affaires si, avant le 1er décembre 1971, il exploitait un rayon d'optique dont l'administration était confiée à un opticien d'ordonnance agissant sur l'ordonnance d'un médecin ou d'un optométriste, nous soumettons respectueusement que le bill 256 devrait permettre de la même façon à un détaillant de continuer en affaires si, avant le 1er décembre 1971, il exploitait un rayon d'optique dont l'administration était confié à un ou plusieurs optométristes ou à un ou plusieurs opticiens d'ordonnance.

Nous sommes en tout temps à la disposition de la commission parlementaire pour discuter de cette affaire.

M. FORTIER: Nous remercions, pour l'exposé de ce mémoire, Campbell, Pepper et Laffoley, et je retiens les demandes qui sont faites. Nous aviserons le ministère de cette demande. D'autres membres ont-ils certaines questions à poser?

M. SAINT-GERMAIN (président): Est-ce qu'il y a d'autres questions, messieurs? Je remercie M. Longtin de son exposé, et j'inviterais l'Institut de visiologie du Québec, Me Guy Duchemin, président, à prendre la parole.

Institut de visiologie du Québec

M. DUCHEMIN: M. le Président, MM. les membres de la commission, mon nom est Guy Duchemin, optométriste, président de l'Institut de visiologie du Québec. Je suis accompagné de M. Jean-Pierre Lalande, vice-président de l'institut et pédagogue spécialisé.

L'institut se présente ici dans le but de vous faire part de certains faits qu'il a observés et qu'il juge importants en ce qui concerne l'utilisation des sciences de la vision dans l'exercice de certaines professions. Avant d'en arriver cependant aux raisons qui ont suscité nos recommandations, nous aimerions tenter de préciser brièvement ce qu'est l'Institut de visiologie et ce qu'est la visiologie.

Nous représentons, M. Lalande et moi, un organisme multidisciplinaire, orienté vers la recherche, l'enseignement et la promotion des sciences de la vision. Il est né d'un mouvement scientifique qui amena divers professionnels de diverses professions à pousser plus à fond leurs connaissances dans un domaine d'intérêt commun, celui de la vision.

C'est dans ce contexte d'étude et de recherche que naquit la visiologie, science de la vision, et avec elle l'Institut de visiologie.

Nous avons cru que la fondation de l'Institut de visiologie était nécessaire. Nos recherches, nos études nous ont fait prendre rapidement conscience du fait que la richesse des connaissances en ce domaine et la multitude des sources de renseignement sur la vision n'étaient pas facilement accessibles à ceux qui pouvaient vouloir s'en servir. Dans le même temps, cependant, de plus en plus de personnes constataient le rôle essentiel de la vision dans différents domaines de l'activité humaine. Par exemple, celui de l'apprentissage scolaire.

Vous comprendrez bien que pour nous, dans

ce contexte, la vision ne représente pas une simple question de voir clair ou pas, ou d'avoir les deux yeux droits ou non. L'Institut joue ainsi, croyons-nous, un rôle essentiel: faire connaître la vision, sa nature, son rôle, ses problèmes et favoriser l'utilisation des sciences de la vision par le plus grand nombre de professions susceptibles d'y trouver intérêt.

L'attention particulière que nous portons au projet de loi 256 provient essentiellement du fait que tel qu'il est formulé ce projet conduit à une restriction certaine dans la compréhension de ce qu'est la vision et dans l'utilisation la plus extensive possible des sciences de la vision. Cette restriction est contraire à nos objectifs.

La première recommandation que nous avons faite dans notre mémoire concerne la définition de l'exercice de l'optométrie, définition que nous ne pouvons pas approuver en raison des implications et des limitations qu'elle impose dans la dispensation de services visuels extensifs. Cette définition restreint en effet l'utilisation et l'application des sciences de la vision par des professionnels qui ont jusqu'à maintenant fait la preuve de cette utilisation.

De plus, nous croyons que la population a des besoins que seuls comblent actuellement des praticiens qui se trouvent groupés sous l'égide du Collège des optométristes de la province de Québec. Fermer la porte à l'extension future des services rendus par ces professionnels se fera au détriment d'une population qui en a de plus en plus besoin pour son rendement et pour son efficacité.

Nous nous opposons aussi, évidemment, à la limitation consécutive de la compréhension du phénomène vision par l'élimination, dans l'exercice d'une profession, de services qui sont actuellement rendus et dispensés.

Les praticiens n'oseront plus parler à leur sujet d'autres problèmes visuels que ceux, par exemple, relatifs à l'acuité visuelle ou à la louche-rie. Il n'est pas vraiment sain de parler à nos patients de problèmes auxquels il n'exsite pas de moyen de remédier. Peu à peu, il arrive qu'il n'est même plus question de ces problèmes. Pourtant, ces problèmes existent.

La deuxième recommandation est relative aux spécialités. Dans le cas d'une définition limitative d'une profession, il est assuré, au départ, que les membres n'y trouveront pas les éléments essentiels à la poursuite de moyens d'application de plus en plus vastes et de plus en plus appropriés aux besoins. Par le fait même, l'individu se cantonne le plus souvent dans l'aspect technologique. A ce moment-là, ce n'est plus seulement la société qui s'en trouve privée; c'est surtout l'homme, le praticien qui abandonne son droit naturel à sa propre évolution. Au contraire, une loi permettant la création de spécialités permet aussi la venue de courants de recherche dans lesquels les individus vivent pleinement leur vie et contribuent à l'essor de la science et, en ce qui nous concerne, à l'essor des sciences de la vision.

Si actuellement l'optométrie, pour la nommer, ne présente pas de spécialités, nous ne croyons pas qu'il soit sage de la maintenir au stade actuel de son évolution. Il nous paraît rentable, au contraire, de favoriser l'apparition de cet état de maturité professionnelle.

Pour toutes ces raisons, MM. les commissaires, il nous paraîtrait regrettable que les professionnels optométristes soient privés de la possibilité de continuer leur participation à l'évolution des services visuels à la population.

Nous ne voyons pas, non plus, pourquoi une profession de formation universitaire se verrait refuser ce droit permis à d'autres professions oeuvrant dans le même domaine de la santé.

Voilà, MM. les commissaires, l'essentiel de notre position. Nous souhaitons ardemment que les différentes lois relatives aux sciences de la vision et à l'exercice de certaines pratiques ayant trait aux sciences de la vision ne brimeront pas l'évolution des connaissances et des modes de pratique dans ce domaine. L'Institut de visiologie est heureux d'avoir eu la possibilité de faire le point sur un domaine aussi précieux que celui de la vision. Nous espérons que l'information obtenue pourra être utile à la pensée du législateur et nous demeurons, à toute éventualité, à sa disposition, s'il voulait recourir à nos services. Pour l'instant, nous demeurons à la disposition de MM. les commissaires, s'ils veulent nous poser des questions.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Je voudrais remercier M. Du-chemin et M. Lalande qui ont présenté le mémoire de l'institut de visiologie du Québec. Nous avons écouté leurs recommandations qui ont toutes pour but de tenter d'améliorer la vision, de protéger les examens. Surtout, en face de notre président qui est lui-même un optométriste, je pense que toutes vos recommandations ont eu une oreille attentive.

Alors, au nom du ministre, je vous remercie de vos recommandations.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je suis bien à l'aise pour poser des questions étant donné que je vous ai à ma portée, vous qui êtes un optométriste. Je n'ai pas l'intention de rouvrir le débat qui s'est fait devant nous à la commission parlementaire durant une ou deux séances, par les opthalmo-logistes, les optométristes et les opticiens d'ordonnances. Je pense qu'on peut se référer au journal des Débats; on a posé suffisamment de questions.

Si vous aviez eu l'occasion de passer à ce moment-là je pense bien que vous auriez été partie à la discussion. Cela n'infirme pas la qualité de vos représentations et ça ne fausse

pas du tout le sens des remarques que vous avez faites dans ce mémoire. J'aurais une ou deux petites questions à vous poser. Vous dites, à la page 2, que l'Institut de visiologie du Québec est un organisme multidisciplinaire indépendant de toute corporation professionnelle.

Comme je l'ai dit tantôt, je ne veux pas porter de jugement sur les remarques que vous faites quant aux différentes corporations professionnelles. Mais, à partir de cette affirmation et ce qui suit dans le mémoire, j'ai un peu de difficulté à faire la conciliation entre l'organisme multidisciplinaire indépendant de toute corporation professionnelle et la position de principe très ferme que vous avez en faveur de l'optométrie. Remarquez bien qu'ici je ne pose pas de jugement de valeur. On le fera en une autre circonstance.

Alors, pouvez-vous concilier les deux éléments?

M. DUCHEMIN: Je vais tenter de le faire à votre satisfaction. L'Institut de visiologie groupe des optométristes, des pédagogues, des psycho-pédagogues et même des opticiens lunetiers. Différentes disciplines se sont intéressées aux cours que peut donner l'Institut de visiologie. Nous avons eu des psychologues qui sont venus suivre des cours et nous considérons, à partir de là, que les multiples facettes des sciences de la vision peuvent être applicables dans différentes professions. Je vous donne un exemple.

Il y a actuellement des commissions scolaires qui ont demandé notre collaboration dans le but de favoriser une meilleure condition visuelle chez leurs sujets, chez les écoliers. Les pédagogues peuvent se servir d'une partie des sciences de la vision pour favoriser un meilleur apprentissage chez les enfants. D'autre part, des optométristes peuvent aussi utiliser une partie des sciences de la vision dans le but de faire une évaluation du développement et du comportement de la vision et de recommander à leurs sujets une thérapeutique en conséquence.

C'est dans cette optique que nous disons que l'Institut de visiologie est un organisme multidisciplinaire. Il se voue à la promotion et à la connaissance de la vision, applicable dans différentes professions, ce qui le rend non régi par des règlements d'une seule profession. La visiologie en tant que science ne peut pas appartenir à une seule profession.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous faites appel à l'expertise, dans le domaine de la recherche, de certains individus ou de certains groupes. Est-ce que, déjà, vous avez fait appel aussi, en plus de ceux qui font partie de cette équipe dont vous avez parlé, aux spécialistes, aux ophtalmologistes?

M. DUCHEMIN: La recherche qui constitue un des objectifs de l'Institut de visiologie, et il faut le dire, au départ, est surtout bibliographi- que. Vous comprenez, nous avons très tôt constaté, comme je l'ai dit dans ma présentation, la richesse des connaissances publiées par des individus de toutes disciplines, j'entends par là des médecins, comme des neurophysiologistes, comme des psychologues et même des paléontologues, par exemple comme Teilhard de Chardin, qui nous renseignent énormément sur le phénomène de la vision. Nous avons d'abord voulu considérer le champ de connaissances qui pouvait exister, d'une part. D'autre part, pour nous, nous voulons d'abord étudier le phénomène naturel de la vision, le développement naturel de la vision qui, pour nous, représente non pas un état pathologique mais un développement qui conduit à une efficacité de la vision.

D'autre part, les gens sont tous bienvenus chez nous, de quelque profession qu'ils soient.

Nous n'avons invité personne vraiment en particulier, sinon ceux qui ont donné naissance à cette science de la vision. Cela vous explique aussi pourquoi nous portons peut-être une attention particulière au bill 256, parce que vous m'avez posé la question tantôt. Nous ne voyons, par exemple, dans le bill relatif à la médecine, aucune restriction dans l'application des sciences de la vision tandis que nous en voyons du côté de l'optométrie. Dans nos objectifs, à l'Institut, nous devons faire en sorte qu'il n'y ait pas de restriction. Notre rôle est la promotion des connaissances de la vision, la promotion des services de la vision. Nous ne pouvons pas accepter de limitation dans ce sens. Que ce soit en optométrie, que ce soit dans une autre profession qui aurait droit à la dispensation de certains services relatifs aux sciences de la vision, nous dirions exactement la même chose.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait d'autres questions?

Je remercie les représentants de l'Institut de visiologie du Québec pour leur mémoire. Il nous aidera certainement dans nos travaux.

M. DUCHEMIN: Nous vous remercions et nous demeurons à votre disposition.

Groupe d'optométristes

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Ici, il y a un groupe d'optométristes dont M. André Hétu est le représentant.

M. BOIVIN: M. le Président, est-ce que ce groupe a des divergences de vues avec les représentations que nous avons eues des optométristes? Là, on commence à répéter, par d'autres mémoires, ce que d'autres ont dit et ce que d'autres ont discuté. Après la lecture du mémoire, je ne vois aucune différence par

rapport à ce que nous avons entendu. C'est une répétition. Je veux bien les entendre, mais que ce soit très succinct, très précis et rapide.

M. LE PRESIDENT: II m'est difficile, vous me comprendrez bien, de porter un jugement sur le contenu du mémoire avant...

M. BOIVIN: On a le droit de se former une opinion quand...

M. LE PRESIDENT: ... de les entendre. M. BOIVIN: ... on a lu le mémoire.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, les règlements veulent que chaque groupe inscrit sur nos listes ait 20 minutes pour faire valoir ses opinions. Je donne la parole à M. Hétu.

M. HETU: Je tiens à rassurer les députés. Les représentations que nous désirons faire n'insistent que sur des points très particuliers. Ce n'est pas une relecture du résumé du mémoire que vous avez eu.

M. LE PRESIDENT: Pour le journal des Débats, pourriez-vous identifier votre collègue?

M. HETU: Mon collègue est M. Jean-Jacques Lefebvre, optométriste rééducateur et directeur du Centre de développement visuo-moteur.

Nous représentons un groupe d'optométristes intéressés à la rééducation visuelle. Si nous désirions comparaître devant cette commission, c'est que nous sommes très conscients de la confusion, de l'ambiguïté et même de l'inquiétude dans lesquelles les personnes manquant d'information peuvent baigner concernant ce service visuel.

Chez les praticiens de la rééducation visuelle, ce malaise n'existe pas. La connaissance des principes qui sous-tendent la rééducation leur permet, en conscience et avec quiétude, de poser des actes justifiés et essentiels pour le public.

La pratique de la rééducation visuelle n'est pas née d'hier. Elle existe depuis longtemps et elle s'est continuellement perfectionnée. De plus, ce processus de perfectionnement s'est amplifié considérablement depuis les dix dernières années. A cet effet, la connaissance des relations existant entre la vision et la posture a permis de mettre au point toute une série de moyens facilitant le reconditionnement le plus complet possible du développement de la vision et, en conséquence, son efficacité. Ils sont nombreux les problèmes visuels qui nécessitent ce service de rééducation visuelle.

Aujourd'hui, les praticiens de la rééducation qui tiennent compte de toutes les connaissances actuelles utilisent, dans toute la gamme des moyens nécessaires, ceux qui sont utiles selon les circonstances et les résultats sont positifs. Les exigences de la société actuelle mettent les fonctions visuelles à rude épreuve. N'oublions pas que c'est par le truchement de la vision que sont acheminées la plupart des informations du monde ambiant. Il est d'une importance primordiale, dans ces conditions, de permettre aux individus présentant un problème visuel l'accès à tous les moyens disponibles à la solution de leur problème.

Que nous soyons convaincus de la valeur de la rééducation visuelle, c'est normal, en vertu, particulièrement, des résultats qu'elle donne. C'est un fait aussi que la rééducation visuelle offre des moyens d'améliorer le fonctionnement visuel chez ceux dont le développement visuel a pu être entravé.

Voici des confirmations de ce que nous avançons. Premièrement, nous avons quantité d'observations cliniques consignant dans nos dossiers des vérifications subjectives — ce que j'entends par là, c'est ce que les clients rapportent — et des vérifications objectives, c'est-à-dire les résultats des tests périodiques de contrôle.

Deuxièmement, à l'aide de ces dossiers, nous avons procédé à la compilation statistique des résultats cliniques, ce qui nous a permis de préparer un rapport préliminaire sur les bienfaits de la rééducation.

Troisièmement, les praticiens de la rééducation visuelle reçoivent quotidiennement des confirmations du mieux-être résultant de cette rééducation. Une enquête préliminaire auprès de sujets bénéficiant de ces services confirme une fois de plus la valeur de cette rééducation.

Quatrièmement, des enseignants, psychologues, conseillers d'orientation, médecins, infirmières notent et rapportent l'apport positif de la rééducation chez des sujets auprès desquels ils ont certaines responsabilités.

Cinquièmement, un nombre considérable de praticiens de la vision, de la santé et de l'éducation trouvent nécessaire de recommander à certains sujets le recours à ce service.

Pour toutes ces raisons, nous croyons nécessaire que le gouvernement encourage et favorise par les moyens dont il dispose la pratique de ce service de rééducation visuelle et son utilisation par l'ensemble des citoyens en état de besoin. Dix ans, 20 ans et même pour certains 30 ans d'expérience dans la pratique de la rééducation visuelle, avec des résultats valables, ne sauraient être niés par l'adoption d'une loi qui priverait la population d'un service visuel de plus en plus important.

Il ne saurait y avoir non plus de dispensation de services visuels complets sans l'inclusion dans le projet de loi no 256 de la rééducation visuelle telle que pratiquée ou appuyée par les signataires de notre mémoire. Je vous remercie, et nous sommes à votre disposition pour des questions.

M. FORTIER : Je tiens à remercier ceux qui ont présenté ce mémoire, un groupe d'optomé-tristes. Je constate que le principal objectif de ce mémoire c'est la rééducation visuelle. Je

veux souligner tout simplement que c'est une chose qui est très importante, surtout en milieu scolaire, et nous prenons bonne note de vos suggestions.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait des questions?

Je tiens à remercier M. Hêtu, au nom de la commission, des renseignements qui nous seront certainement utiles lors de l'étude de ces lois. Je vous remercie. La commission suspend ses travaux jusqu'à demain, à 10 heures, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 18 h 7)

Séance du mercredi 18 octobre 1972

(Dix heures dix-sept minutes)

M. CROISETIERE (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux organismes qui ont été convoqués et qui vont se faire entendre ce matin à la commission sur les corporations professionnelles, sur le projet de loi 250 du code des professions.

Corporation des opticiens d'ordonnances

M. LE PRESIDENT (Croisetière): Nous allons entendre ce matin, en premier lieu, M. Reynolds Butler, qui représente la Corporation des opticiens d'ordonnances. M. Butler.

M. BUTLER: M. le Président, mon nom est Reynolds Butler. Je ne représente pas la corporation mais je viens pour Butler's Limited, opticiens d'ordonnances.

M. LE PRESIDENT: Très bien!

M. BUTLER: Honorable ministre et membres de la commission, notre compagnie, Butler's Limited, a été établie en 1930 par lettres patentes du gouvernement du Québec. Quand la Corporation des opticiens d'ordonnances a été formée, vers 1940, par La législature du Québec, la loi a reconnu les droits déjà acquis de certaines corporations d'opticiens formées auparavant. Il n'était pas question, dans le temps, de profession, mais d'une mesure pour assurer la compétence technique de ceux qui vendaient et ajustaient les lunettes.

L'opticien détaillant était dans un commerce dont certains aspects étaient, si vous voulez, semi-professionnels et ils le sont encore. Pendant ces années, nous avions, je crois, le droit de nous attendre, à la suite de notre charte, que nos efforts dans ce commerce seraient respectés quant au nom de l'entreprise et aux fruits que le fondateur, sa famille et ses employés pourraient en retirer.

Je crois respectueusement qu'on ne peut pas dire que la vente de lunettes est une profession comme le droit, la médecine et les autres dont les membres sont concernés par le côté humain et psychologique. Ils jouissent d'une instruction incomparablement plus étendue et doivent posséder un jugement spécial.

Mon père est entré dans l'optique à Montréal avant le commencement du présent siècle. J'y suis depuis 30 ans.

Notre nom et la réputation qui s'y attache sont des choses auxquelles, je crois, nous avons droit et cette loi devrait assurer aux héritiers possibles le droit de posséder les actions d'une corporation, qu'ils soient opticiens d'ordonnances ou non.

Je ne vois pas comment l'intérêt public est

servi par la disposition de la loi projetée touchant la propriété des actions d'une entreprise, pourvu que seuls les membres de la Corporation des opticiens vendent et ajustent des lunettes selon la loi. A ma connaissance, dans l'Amérique du Nord, il n'y a pas de restriction sur la propriété des entreprises détaillant dans l'optique.

Je pourrais accepter que deux ou trois des administrateurs d'une telle compagnie soient des opticiens d'ordonnances; deux des trois, parmi le président, le vice-président et le secrétaire, mais sans toucher au bureau de direction qui, en somme, représente ceux qui détiennent les actions. Il est évident, à mon sens, que restreindre la vente des actions à un petit groupe comme les opticiens d'ordonnances de la province de Québec limite la possibilité d'avoir un prix juste et équitable et permettrait à des grosses compagnies manufacturières d'en dehors d'acheter les détaillants à des prix grandement réduits, ces compagnies agissant par l'entremise d'opticiens d'ordonnances dans le Québec.

Un résultat serait que ces grosses compagnies accapareraient facilement un plus grand nombre de détaillants qu'ils ne le font aujourd'hui. Notre compagnie est le résultat de très longues années de travail et de sacrifices et je crois que les droits acquis devraient être respectés. Les jeunes qui sont ou qui iront dans l'optique devront avoir le droit de protéger leur famille à l'avenir, en pouvant transmettre leurs actions à leur famille pour lui assurer un minimum de sécurité.

Je crois que beaucoup d'opticiens d'ordonnances sont dans une situation moins favorable, ou le seraient, que les membres de certains grands syndicats.

Pourrais-je suggérer, M. le Président, qu'il y aurait une façon d'aider les petits et d'empêcher la malhonnêteté, dans cette industrie ou profession, en stipulant dans la loi concernée que ceux qui font les ordonnances, qui prescrivent, n'auront pas le droit de recommander un opticien d'ordonnances en particulier, mais qu'ils seront requis d'afficher dans leur bureau une liste des membres opticiens de la province de Québec? Selon la loi actuelle, ils sont présumés posséder la compétence nécessaire, et cette loi, à mon sens, leur donne le droit moral de posséder l'égalité des chances sur le marché.

Ce serait une façon de mettre fin à des influences plus ou moins cachées. Avec beaucoup de respect, j'ajoute qu'il serait très injuste de mettre fin à une corporation ou d'empêcher le propriétaire de vendre sur un marché ouvert.

Je demanderais que les articles 12 à 16 soient annulés et, si la commission ne voit pas les choses ainsi, que les corporations établies avant 1940 soient exemptes de ces articles, pourvu que la vente et l'ajustement des lunettes soient faites par les membres de la corporation. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Butler. J'inviterais le docteur Fortier, adjoint parlementaire du ministre des Affaires sociales, à prendre la parole.

M. FORTIER: M. Butler, si je comprends bien, vous représentez ici une entreprise familiale?

M. BUTLER: Oui.

M. FORTIER: Je n'ai qu'une question à vous poser. Est-ce que vous vendez des montures et aussi des lentilles ophtalmiques?

M. BUTLER: Oui, monsieur, selon prescription.

M. FORTIER: Ce sera tout. C'est tout ce que je voulais savoir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Butler, vous soulevez un point important dans le domaine de l'optique. Ce n'est pas le premier mémoire qui soulève ce point devant la commission parlementaire. Il y a eu aussi Optique Richelieu.

Je voudrais savoir une chose. Dans votre mémoire, vous avez dit que la possibilité de transmettre les actions ou de les vendre à prix normal et raisonnable était presque inexistante parce que le marché de la vente serait réduit. Il n'y avait pas beaucoup d'acheteurs possibles sauf un opticien d'ordonnances. Vous avez mentionné également le danger que des entreprises de l'extérieur du Québec puissent exercer un certain monopole et puissent finir par dominer les entreprises familiales surtout. Est-ce qu'à votre connaissance il peut exister à l'extérieur du Québec ces genres de monopoles, ces entreprises très puissantes dans le domaine de l'optique qui ont déjà commencé ou qui s'apprêtent à se rendre propriétaires des maisons comme la vôtre?

M. BUTLER: Non seulement, M. le député, cela existe en dehors du Québec, en Ontario et ailleurs, mais cela existe au Québec, déjà.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au Québec.

M. BUTLER: J'ai consulté le président de la corporation des opticiens et je ne suis pas du même avis que lui sur certains points que je soulève. Mais nous sommes d'avis qu'il faut faire en sorte que certaines compagnies manufacturières n'en viennent pas à posséder tous les détaillants du Québec. Cela peut se faire par l'entremise des opticiens du Québec. Il y en a qui travaillent déjà pour ces compagnies. Vous savez qu'il peut y avoir des contrats personnels,

individuels et secrets. Il peut y avoir des options pour acheter. Le prix des actions d'une petite entreprise du Québec peut baisser du fait que le marché est restreint et, deuxièmement, dans le cas des héritiers, ils ont trois ans pour les enregistrer à leur nom, selon l'article 15. Ils n'ont qu'à attendre la fin de la troisième année pour dire que c'est le maximum que vous allez avoir.

Même à ce moment, une compagnie d'en dehors peut se servir de cette situation pour les avoir à un prix bien plus réduit..

M. CLOUTIER (Montmagny): En somme, par une disposition comme celle-là, si elle n'est pas nuancée, on pourrait favoriser une situation de monopole dans le domaine de l'optique, comme on a pu, à un moment donné, mentionner devant cette commission et ailleurs des situations de monopole qui pouvaient exister dans le domaine de la santé.

M. BUTLER: II n'y a pas le moindre doute. D'ailleurs, vous savez qu'au Canada, depuis six mois ou un an, il y a une enquête dans le domaine de l'optique au Canada, comme il y en a eu il y a 20 ou 25 ans. Le gouvernement du Canada ne semble pas avoir à Ottawa les lois appropriées comme celles des Etats-Unis. Il peut arriver, au Canada, qu'une personne, une famille ou un groupe contrôle la manufacture, c'est-à-dire la distribution entière, gros et détail. Je crois que l'entreprise privée en souffre.

M. CLOUTIER (Montmagny): En somme, dans le domaine des opticiens d'ordonnances, d'après vous, ce n'est pas le côté professionnel qui prime, c'est le côté technique et commercial.

M. BUTLER: Précisément.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas le côté professionnel.

M. BUTLER: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, Me Butler, que vous ne voyez peut-être pas la nécessité ou l'urgence d'avoir une corporation professionnelle pour les opticiens d'ordonnances?

M.BUTLER: Je suis complètement d'accord, parce que nous, les opticiens d'ordonnances, nous passons, avec le client, à peu près 75 p.c. du temps à lui montrer des montures de lunettes de fantaisie et de couleurs différentes. Cela ne prend que quelques minutes pour prendre les mesures exactes.

Alors, le travail est, en majeure partie, commercial. C'est pour cela que je me demandais pourquoi la loi établie par Québec vers 1940 n'était pas suffisante. Parce que la loi a permis l'établissement d'une école pour un minimum de compétence chez les membres. C'était un commerce. La loi a bien fonctionné. Je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de faire d'un commerce une profession pas plus que le gouvernement le fait pour les mécaniciens qui s'occupent de nos freins d'automobiles.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le professionnel, dans ce domaine, seraient l'ophtalmologiste et l'optométriste?

M. BUTLER: Exact.

M. CLOUTIER (Montmagny): L'opticien d'ordonnances est celui qui, du point de vue technique, remplit une ordonnance et fait du commerce.

M.BUTLER: Exactement. D'ailleurs, la loi était bonne jusqu'ici, c'est-à-dire depuis 30 ans.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie.

M. BUTLER: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. GUAY: Quelle est l'importance de votre entreprise?

M. BUTLER: C'est une petite entreprise de famille d'opticiens d'ordonnances. Elle existe depuis longtemps.

M. GUAY: Combien de personnes font partie de l'entreprise?

M. BUTLER: Nous avons trois personnes à part moi.

M. GUAY: Croyez-vous qu'au Québec il existe plusieurs entreprises de ce genre qui subiraient, en fait, ce que vous subissez actuellement par cette loi?

M. BUTLER: Oui, il y en a un bon nombre. M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M, SAINT-GERMAIN: Vous ne manufacturez pas de lentilles ni de montures. Puis-je vous demander — vous n'êtes pas obligé de répondre — si vous vous approvisionnez de lentilles surtout? Dans la manufacture de la monture, je crois qu'on peut affirmer qu'il y a une concurrence assez sérieuse. Plusieurs pays exportent leurs produits au Québec comme au Canada. Au point de vue des lentilles, pourriez-vous nous dire d'où provient la majeure partie des lentilles

ophtalmiques, j'entends la manufacture de la lentille ou du double foyer, surtout. Quelles sont vos sources d'approvisionnement?

M. BUTLER: En majeure partie, nous achetons nos verres finis, dans le moment, d'une compagnie du Québec, de Drummondville. Quelquefois, nous achetons les blancs de deux manufactures canadiennes. Ce sont des blancs de lentilles semi-finis. Cela nous épargne de l'argent. Après cela, nous les envoyons chez cette compagnie, à Drummondville, pour être finis, selon une ordonnance. Souvent, nous faisons le montage des verres, c'est-à-dire le coupage et nous les mettons dans la monture.

M. SAINT-GERMAIN: Combien y a-t-il, au Canada, d'industries qui manufacturent le double foyer, qui produisent du double foyer, semi-fini?

M. BUTLER: Je ne suis pas certain, mais je pense qu'il y a trois grandes compagnies, dont les sièges sociaux sont en dehors du Québec. Il y en a peut-être deux ou trois autres qui font cela mais je n'en suis pas certain.

M. SAINT-GERMAIN: Avez-vous senti dernièrement, depuis quelques mois, par exemple, que les grandes compagnies internationales ont fait des pressions ou ont agi de façon à s'emparer de plusieurs bureaux d'opticiens d'ordonnances ou même d'optométristes?

M. BUTLER: Nous avons entendu dire dernièrement, depuis un an, et même depuis deux ans, que c'est arrivé. Des détaillants de Montréal ont été achetés par ces grandes manufactures. Il y en a un en particulier, un très grand détaillant, qui l'admet, d'ailleurs. Sans changer de nom, cela a été acheté par une très grande compagnie, toutes ces compagnies américaines avec subsidiaires au Canada.

M. SAINT-GERMAIN: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres ont des questions à poser? Merci à M. Butler pour son exposé.

M. BUTLER : Merci, M. le Président.

Service de conseils d'ordonnances de Montréal

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le Service de conseils d'ordonnances de Montréal, mémoire no 124.

Voulez-vous vous identifier? Etes-vous M. Villemaire Paquin?

M. PAQUIN: Nous produisons, cette fois-ci, un texte légèrement modifié et même certains le trouveront passablement modifié. Ceci provient principalement des données que nous avons recueillies depuis trois mois et qui nous ont amenés à modifier certaines de nos positions sur le sujet. Nous allons vous distribuer les textes.

D'autre part, comme nous ne sommes des professionnels ni de la santé, ni de la loi et que nos finances sont passablement restreintes, je vous prierais d'être bien gentils et de sauter quelques détails du texte qui sont mal faits. Merci.

Messieurs, le Service d'ordonnances de Montréal est un service d'éducation pour le consommateur. Il est subventionné par un projet d'Initiatives locales. Le but de ce service est de réduire le coût des prescriptions médicales pour le consommateur.

La recherche de données et les prises de contact avec des spécialistes de la santé occupèrent les cinq premiers mois de notre existence. Depuis le mois de juin de cette année, c'est surtout l'information qui nous préoccupe.

Le grand public nous amena naturellement à certaines conclusions; pour lui, le grand public, la pharmacie est un problème.

Nous ne pouvons discuter de valeur thérapeutique ni de questions relevant du domaine médical comme tel. Nous baserons donc nos recommandations principalement sur celles des autres corps: consultatifs, législatifs ou professionnels. Les desiderata du public, tels que nous les recevons, constituent aussi une référence pour nos recommandations, de même que la simple logique juge, en définitive, de la cohérence d'un système.

Nous entendons d'abord donner quelques principes et constatations qui, à notre avis, justifieront nos prises de position et recommandations.

Quelques principes.

Le corporatisme, assurant le bien du public en réservant certains actes dits professionnels à des personnes reconnues compétentes, a le droit et le devoir de réglementer ces actes. Toutefois, cet acte ne peut justifier, à notre avis, de privilèges autres que ceux impliquant l'acte lui-même, c'est-à-dire les questions d'éthique, les questions de connaissances requises et, disons, connexes à l'acte lui-même.

Une condition sine qua non pour le bon fonctionnement d'une économie de marché est l'information complète disponible, autant pour le producteur que pour le fournisseur de services et le consommateur. L'information n'est pas simplement utile au consommateur, mais essentielle pour le fonctionnement de cette économie de marché. C'est un principe d'économie de base.

L'information doit être impartiale afin de bien protéger le public et, de plus, éviter l'abus des médicaments.

Constatations.

La compagnie productrice évalue un besoin et prend la décision d'y répondre ou non. Une fois sorti de l'université, le médecin reçoit son information principalement des journaux médi-

caux, de la publicité faite par les compagnies et de leurs représentants. Les données de la commission Harley, session 1966-1967, au fédéral, sur le coût et le prix des médicaments, révèlent que — j'ai cité ici en anglais, si vous voulez, je peux traduire parce que nous n'avions que le texte anglais — "the committee believes that the profits of pharmaceutical companies in Canada appear about twice as high as the level of profits of the manufacturing industries as a whole". Les enquêtes partielles de même que les appels téléphoniques que nous recevons tous les jours révèlent, au niveau de la distribution, le même phénomène du surprofit. Le consommateur ne sert que de véhicule pour l'ordonnance entre le médecin et le pharmacien. N'ayant pas les connaissances requises pour en évaluer le bien-fondé, il s'en remet aux spécialistes. D'autre part, l'évaluation du juste prix lui est rendue difficile par l'absence de sources d'information impartiales et accessibles aisément. De plus, le pharmacien, se retranchant derrière l'interprétation de la Loi sur la publicité, ne divulgue habituellement ses prix qu'une fois l'ordonnance remplie. La confusion règne sur le sens des termes utilisés, dénomination commune, nom de marque, et le seul qui ne peut en bénéficier, c'est le consommateur.

Tel que le bill 250 est fait, les articles 21 et 40 nous semblent exclure pratiquement tout droit de regard pour le consommateur, si ce n'est que de se plaindre après dommages ou indirectement via les fonctionnaires représentant le gouvernement au sein des corporations. Alors, tels que sont faits les paragraphes 1 et 2 de l'article 21 du bill 250, leur jugement est sans valeur puisque seuls les gens possédant une formation et une qualification de même nature peuvent faire partie d'une corporation, que seule celle-ci peut définir la formation nécessaire pour y appartenir et qu'elle seule est habilitée à juger les plaintes.

C'est donc en tenant compte des principes que nous jugeons valables et des constations ci-énoncées que nous proposons les modifications au bill 255. Nous espérons aussi qu'en rédigeant le bill 250 le législateur verra à soutenir le principe de la séparation des intérêts financiers des incorporés de l'intérêt du bien public défendu par la corporation.

M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, est-ce que vous pourriez nous donner assez brièvement l'essentiel de vos recommandations? Les membres de la commission ont en main votre document et vous poseront des questions qui vont vous permettre d'éclairer la commission. Cela irait plus rapidement.

M. PAQUIN: Disons que d'une part nous partons d'une situation de fait. Nous répondons tous les jours à des appels téléphoniques de gens qui nous déclarent: J'ai une ordonnance, on me dit ceci, ceci et cela. J'ai payé tant. Nous prenons la liste fournie par le gouvernement du

Québec. Nous la regardons. Nous trouvons la dénomination commune et citons le prix qui est indiqué là, tout en les avertissant que ceci est une approximation ou une évaluation faite par le gouvernement et que nous ne savons pas exactement quel est le prix exact sur le marché.

La principale constatation a souvent trait à la variance, si on veut parler en termes statistiques.

Est-ce que ceci veut dire qu'on va sauter par-dessus des points?

M. LE PRESIDENT: Vous allez avoir des questions des membres de la commission tantôt. Tous les mémoires, d'ailleurs, sont soumis à la commission, qui en prend connaissance. Elle va vous poser des questions pertinentes afin d'être éclairée. Continuez, mais essayez de faire un résumé de vos recommandations et après les membres vont vous interroger.

M. PAQUIN: Oui. Pour terminer, simplement ce point, c'est la variance qui existe dans les prix au consommateur qui nous a amenés à modifier passablement nos positions. C'est pour ça que nous avons essayé de justifier nos recommandations à partir de principes sur le plan économique. Si on admet un marché, il faut admettre l'information totale pour les deux.

N'importe quel livre de théorie économique va vous dire que s'il n'y a pas information totale, vous vous en allez vers un monopole, un oligopole ou quelque chose comme ça, ça va finir en "pole", mais sûrement pas en un équilibre sur le marché. Donc la question de l'information est un des points. D'autre part, si le principe de base de la corporation est le bien-être du public, alors il nous semble injustifié qu'on y mêle des questions financières qui, la plupart du temps, amèneront à négliger le bien-être du public.

Un autre point que nous touchons aussi, pour ce qui est des règlements, est que nous pensons qu'il serait peut-être souhaitable, à ce point, d'inclure un petit quelque chose pour les étudiants qui subiront cette immatriculation.

C'est l'ensemble en gros des modifications que nous aimerions voir apporter à la loi. Nous avons inséré des commentaires qui tentent de justifier les points qu'on apporte ou les modifications qu'on apporte.

M. LE PRESIDENT: Très bien. L'honorable député de Gaspé-Sud.

M.FORTIER: J'aurais une question très intéressante à poser. Est-ce que vous avez remarqué une différence marquée des prix des médicaments d'une pharmacie à l'autre?

M. PAQUIN: Nous avons fait une enquête auprès de 18 pharmacies. D'abord, disons que, de façon générale, quand on téléphone au pharmacien, il n'est pas obligé de vous dire son

prix. La plupart du temps, il refusera de le faire. Il est arrivé souvent qu'il refuse de le faire. D'autre part, dans l'enquête que nous avons menée sur 18 pharmacies, nous avons trouvé des écarts aussi notables que $2.39 dans une pharmacie et $18.00 dans une autre pour le même médicament, des écarts de $4, $6, $8 d'une pharmacie à l'autre pour le même médicament. On peut vous fournir ces données.

M. FORTIER: C'est la raison pour laquelle, à l'article 7, vous demandez que le prix soit indiqué, déterminé. Je lis: "Cette liste doit indiquer en regard de la dénomination commune, de la marque de commerce et du nom du fabricant de chaque médicament qui s'y trouve la dénomination commune, la marque de commerce, etc., et vous demandez que le prix soit déterminé.

MLLE NEWMAN: C'est à propos de l'article 7, Monsieur? Quel article?

M. FORTIER: Ici vous recommandez que la liste inclue... à l'article 7 de la Loi de la pharmacie.

MLLE NEWMAN: Ce que nous demandons ici est simplement d'avoir une liste comme les manuels de professionnels de la santé publiés par le gouvernement pour les médecins quand on prescrit un médicament à un citoyen du Bien-Etre. Nous voulons avoir une copie de cette liste, que le consommateur peut acheter et utiliser. A l'heure actuelle, il y a une copie qui coûte $2 que tout le monde peut acheter chez l'éditeur officiel du Québec. Cette édition est très difficile à lire, il n'y a aucun index et le consommateur en général ne peut pas trouver les médicaments ou le prix, même si les pharmaciens sont sur cette liste. Nous voulons avoir simplement l'accessibilité à cette liste pour tout le monde.

M. FORTIER: Très bien.

MLLE NEWMAN: Mais de plus, nous voulons avoir, dans chaque pharmacie du Québec, une liste des cent médicaments prescrits le plus souvent pour l'utilisation du consommateur. Nous avons trouvé que, présentement, on ne peut pas trouver le prix avant d'acheter le médicament. Enfin, la plupart du temps. Quelquefois, cela indique que le consommateur ne va pas acheter le médicament s'il ne peut pas savoir combien il va coûter. Quelquefois, on doit décider si on va acheter de la nourriture ou des médicaments. C'est très grave pour les citoyens à revenu modique.

Nous voulons aussi avoir un article dans le projet de loi no 255 concernant le fait que le pharmacien doit donner le prix avant de distribuer le médicament, parce que s'il y a une liste de peut-être cent médicaments dans chaque pharmacie, le consommateur peut encore ne pas trouver le prix d'un médicament spécifique s'il n'est pas sur la liste.

M. FORTIER: Maintenant, vous dites, au sujet de l'article 20 de la Loi de la pharmacie, qu'un pharmacien doit exécuter une ordonnance suivant sa teneur intégrale et choisir le médicament le moins cher.

MLLE NEWMAN: II y a un article dans la Loi de la pharmacie en Ontario qui permet le choix volontaire de produits dans la même catégorie par le pharmacien. Cette loi existe déjà depuis des années. On a trouvé que la plupart du temps le pharmacien ne choisit pas le médicament le moins cher s'il ne doit pas le faire. Il y a une loi au Manitoba, présentement, qui ne donne pas le choix au pharmacien. Le pharmacien doit donner le médicament le moins cher, sauf quand le médecin dit de ne pas substituer, donnant le nom du médicament et le nom de la compagnie pharmaceutique qui le produit.

Je pense que si nous avons simplement une loi qui laisse au pharmacien le choix de substituer, nous ne changerons pas le système que nous avons présentement. Il faut avoir plus de force dans cette loi. Il faut aussi avoir plus d'information pour le consommateur concernant l'implication d'une telle loi. Nous avons trouvé que la plupart des consommateurs ne comprennent jamais ce qu'est un nom générique. Ils ne comprennent pas ce qu'est le fait de substituer. On ne peut pas demander d'avoir une telle loi si on ne la comprend pas. Quelquefois, nous avons trouvé des pharmaciens qui ont un système de profit sur chaque médicament, selon le prix de ce médicament. Si on vend un médicament $18, on peut prendre un profit de 30 p.c. Ainsi, cela est mieux pour le profit du pharmacien, pour quelque temps, de ne pas substituer. Au lieu de cela, il faut expliquer la loi et lui donner plus de force que de laisser simplement le choix au pharmacien.

Nous trouvons aussi qu'il est très important d'avoir une étiquette de sécurité sur tous les flacons donnés par les pharmaciens. Présentement, la plupart du temps, nous trouvons, sur les flacons achetés par les patients, simplement le numéro d'identification du pharmacien et peut-être la direction donnée par le médecin pour l'usage d'un tel médicament.

Pour la sécurité du consommateur, du patient, il faut faire la même chose qu'en Ontario, au Manitoba et dans plusieurs Etats des Etats-Unis concernant une information complète sur le flacon donné par le pharmacien et aussi sur l'ordonnance qui est donnée par le pharmacien aux pharmacies pour ces informations. C'est absolument une question de sécurité. Je pense que nous sommes maintenant au stade où le consommateur peut comprendre ou accepter le nom générique d'un médicament, avec toute notre information, sans risque pour lui.

M. LE PRESIDENT: Pour l'information des membres, pouvez-vous vous identifier s'il vous plaît? Quel est votre nom?

MLLE NEWMAN: Mon nom? Je m'excuse. Je suis Mlle Maureen Newman.

M. LE PRESIDENT: Très bien, Mlle Newman. Autres questions?

M. FORTIER: Oui. A l'article 17, dans votre mémoire, il semble qu'il y ait concordance avec l'article 17 du projet de loi 255. Avez-vous des explications?

M. PAQUIN: II y a une légère modification au deuxième paragraphe où l'on prévoit que les CLSC seront considérés comme des hôpitaux. Donc, ils auront le droit de vendre les médicaments.

MLLE NEWMAN: Nous voudrions que les pharmaciens d'hôpitaux et les pharmaciens des centres médicaux aient le droit de vendre les médicaments au grand public. En ce moment, ils ont le droit de vendre des médicaments aux patients de l'hôpital, ainsi qu'aux patients traités dans les hôpitaux. Nous avons expliqué, dans cette page, concernant l'article 17, que nous sommes d'avis que les pharmacies hospitalières soient utilisées en vue du bien-être public, en distribuant et en vendant les médicaments sur ordonnance. Les pharmacies hospitalières ont généralement en main la dénomination commune du médicament à bas prix, ce qui pourrait être à l'avantage du consommateur. De plus, les profits de ces services à l'hôpital pourraient être versés directement dans le budget de dépenses de cet hôpital.

Notre expérience nous prouve que le pharmacien privé ne travaille pas en vue de l'éducation et du bien-être financier du consommateur. La pharmacie hospitalière est généralement une meilleure source de services pharmaceutiques; elle est, en plus, dirigée vers un objectif de qualité plutôt que vers celui de profit. Par conséquent, nous appuyons sur le fait que ce service, d'un ordre supérieur, doit devenir accessible à tout consommateur, non seulement à celui qui est hospitalisé ou traité à cet hôpital.

M. FORTIER : Merci. J'ai terminé.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais dire aux représentants du Service d'ordonnances de Montréal qu'ils ont d'excellentes suggestions dans leur mémoire. Je pense que ça vaut la peine pour le législateur de les étudier attentivement. Vous êtes, je pense, situés à un endroit où vous pouvez faire certaines constatations qui ont de la valeur.

Vous avez surtout pris des contacts dans la première partie de l'existence de votre organisme, vous avez compilé des informations, vous avez recueilli des données et vous vous êtes appliqués à faire connaître votre mouvement pour que des gens aient recours à vos services. Après cela, vous avez été en mesure de donner certains services à la population, à ceux qui se sont adressé à vous. Avez-vous constaté, depuis ce temps, que cela a pu avoir une certaine influence dans le secteur où votre action s'exerce?

M. PAQUIN : Certainement. Cela a exercé une influence. La principale influence se fait sentir dans les régions défavorisées où, justement, le coût est un problème. Nous avons travaillé en collaboration avec la clinique médicale de Pointe Saint-Charles qui a un projet pour créer et faire fonctionner une telle pharmacie gérée par la clinique, ayant à son service un pharmacien et vendant pour le grand public.

D'autre part, dans la population, d'une façon générale, nous essayons de rentrer en contact avec les gens âgés principalement ou avec tous les groupes. La réponse, habituellement, est assez bonne. Dès qu'il y a quelque chose, dans les journaux, qui parle de médicaments, nous recevons automatiquement, le lendemain, plusieurs appels téléphoniques des gens qui sont intéressés à ce problème.

M. CLOUTIER (Montmagny): Cela fait deux mois et demi, maintenant, que la nouvelle liste des médicaments est entrée en vigueur, c'est-à-dire depuis le 1er août. Depuis ce temps, avez-vous constaté que les ordonnances, qui sont prescrites par les professionnels de la santé, tiennent compte davantage de cette liste de médicaments?

M. PAQUIN: A notre avis, le seul endroit où on ait constaté une différence, c'est dans des cliniques, disons la Clinique de Pointe Saint-Charles, où les médecins, d'accord ensemble, ont fait un effort et ont prescrit de façon générique. Toutefois, dès que la clinique n'avait pas le médicament — puisqu'elle est habilitée à donner ces médicaments — et qu'elle devait faire affaires avec un pharmacien — cela s'est présenté la semaine passée pour un compte de $800 — on a constaté que chaque fois qu'il y avait un nom générique —tous les médecins avaient prescrit un nom générique — le pharmacien donnait le médicament le plus cher.

Ce n'est absolument pas la majorité des médecins qui se préoccupent de cela. D'autre part, on doit noter que les internes, dans les hôpitaux, qui font beaucoup d'ordonnances, n'ont pas accès à ce volume.

M. CLOUTIER (Montmagny): Pensez-vous qu'une des raisons des lacunes de cette mesure, qui a été mise en application le 1er août et qui crée certains remous, est due à un manque de temps, chez les professionnels de la santé, pour

consulter véritablement cette liste, en voir les implications et obtenir des renseignements? Est-ce surtout cela?

MLLE NEWMAN: Oui, il y a bien sûr un manque de temps. Il y a aussi un manque d'information de la part du gouvernement. Le citoyen ne comprend pas cette liste. Il veut savoir pourquoi il ne peut pas acheter des médicaments composés, par exemple. Il veut savoir pourquoi les médecins n'aiment pas cette liste, quelquefois. Nous avons trouvé que les médecins commencent à changer. Maintenant, ils vont examiner encore leurs habitudes de prescrire. C'est bon. C'est vraiment très bon. Mais il faut qu'on ait quelques brochures du gouvernement, expliquant ce qu'est un médicament composé, donnant l'objectif de cette liste. Est-ce que c'est vraiment une liste valable? Est-ce qu'elle contient la plupart des médicaments nécessaires pour les effets thérapeutiques, les remèdes pour toutes les maladies que nous avons? Les consommateurs ne savent rien de cela et les médecins, parce qu'ils sont encore à considérer la liste, ne peuvent pas donner l'information que le patient doit avoir.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie.

M.FORTIER: M. le Président, si je comprends bien, il serait très important que le gouvernement donne plus d'information au public relativement à cette liste de médicaments générique.

M. PAQUIN: Oui, exactement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si j'ai bien compris, non seulement au public mais...

M. PAQUIN: Aux médecins également.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... aux médecins aussi, aux professionnels de la santé, qui n'ont pas eu le temps ou qui, dans l'avalanche de gens qui s'adressent à leurs bureaux, n'ont pas toujours le temps d'aller au fond d'un document comme celui-là.

M. PAQUIN : Je pense aussi que parmi les médecins, disons l'omnipraticien, même chez les spécialistes pharmacologues, pharmacolo-gues et médecins en même temps, il y a certaines divergences. Les implications d'avoir publié une telle liste ne sont pas acceptées par tout le monde. Devant l'exclusion de médicaments composés, par exemple, certains médecins disent: Nous acceptons, n'étant pas spécialistes. Nous supposons que cela indique que ce médicament n'apporte rien de plus et que les médicaments non composés sont suffisants pour bien soigner. Je suppose que le gouvernement n'a pas décidé de soigner à rabais les gens sur le bien-être social. C'est ce que nous essayons aussi d'expliquer aux gens sur le bien-être social qui nous téléphonent. Qu'est-ce que c'est? Le gouvernement ne veut pas nous soigner avec des bons médicaments? Non, ce n'est pas cela. Donc, on l'a vu tous les jours, il y a une information à donner pour éclaircir ce point.

MLLE NEWMAN: Je me demande aussi pourquoi le pharmacien reçoit $2.15 pour chaque ordonnance qui est remplie pour le gouvernement. Nous avons trouvé que les prix ont augmenté dans plusieurs pharmacies, après que cette loi a été établie. Les pharmaciens trouvent plus facile de charger le même coût pour tout le monde. Ils ont commencé, dans quelque cas, à charger $2.15 pour tout le monde.

Nous avons fait une enquête avec 40 citoyens âgés et nous leur avons épargné en une année $3,200 pour 90 ordonnances. Nous l'avons fait simplement parce que nous avons des ordonnances indiquant le nom générique; nous avons trouvé des pharmacies qui font payer simplement $0.25 à $0.75 par ordonnance. Mais, aujourd'hui, c'est plus difficile de trouver une telle pharmacie, parce que tout le monde veut demander $2.15. Nous trouvons que c'est beaucoup trop; ce n'est pas nécessaire.

Est-ce un prix demandé par les pharmaciens du gouvernement ou est-ce un prix modique? Je ne comprends pas.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne le sais pas. Le député de Gaspé-Sud pourrait répondre, mais il y a eu une négociation entre les pharmaciens d'officine et le gouvernement. C'est probablement le résultat de la négociation qui a fixé ce prix-là. Si le ministre était ici, il pourrait répondre à cette question.

M. FORTIER: D'ailleurs, la négociation a été exécutée comme telle. J'ai une question relative à la même discussion. Si une tablette de 292 est prescrite par ordonnance, le pharmacien exige $2.15.

M. PAQUIN: Oui.

M. FORTIER: Mais, si, sur la même feuille, j'écris Aspirine, tant, et Codéine, tant, est-ce qu'il va exiger le montant, d'après vos connaissances?

M. PAQUIN: C'est le fait de l'ordonnance. Dès qu'il y a une ordonnance du médecin, il l'exige.

M. FORTIER: Par article?

MLLE NEWMAN: Quelques fois non, mais généralement, oui.

M. FORTIER: C'est ça que je voulais savoir. Très bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Je vais revenir sur la substitution des médicaments. D'autres groupes ont passé et ont donné un son de cloche; vous arrivez avec un autre son de cloche ce matin. Je prends la peine de lire et je voudrais que ce soit bien clair, parce que le législateur aura tôt ou tard à se prononcer là-dessus.

Vous dites ici: "Un pharmacien doit exécuter une ordonnance suivant sa teneur intégrale." Jusque là, ça va. "... à moins qu'il substitue au médicament prescrit un médicament équivalent". C'est bien sûr que c'est normalement une équivalence. Mais des gens nous ont dit: Même là, pas de substitution.

Vous semblez vous servir d'un critère de prix, pour autant que le prix n'est pas plus élevé que celui de l'autre médicament.

Ma question est la suivante: Est-ce que le pharmacien est équipé pour analyser chimiquement un médicament et être en mesure d'établir l'équivalence — cela a été discuté ou si le pharmacien devra toujours s'en tenir aux indications qui accompagnent le produit à l'achat?

M. PAQUIN: D'une part, disons que l'analyse chimique du produit comme telle, le pharmacien d'officine, dans son officine, n'est probablement pas équipé pour la faire. Mais chaque médicament à qui on donne la permission d'entrer sur le marché doit être vérifié et sa qualité doit être contrôlée par le gouvernement. Les pharmacologues du conseil consultatif du gouvernement écrivent, par exemple, un nom générique et, ensuite, vous avez 5 ou 6 médicaments. Qu'est-ce que ça signifie? Cela signifie que c'est le même produit à l'intérieur, sous un autre nom de marque.

Je ne vois pas le pharmacien se mettre à décomposer ça. Il n'y a pas l'équipement pour le faire à sa pharmacie.

M. GUAY: Ceci veut dire que vous permettez, en fait, la substitution.

M. PAQUIN: Substitution dans le sens de remplacer par un même médicament. Ce qu'on substitue, c'est un nom de marque à un autre.

M. GUAY: En fait, c'est le même produit, puisque certains produits peuvent être vendus sous 10, 12 ou 15 noms différents.

M. PAQUIN: Comme l'aspirine et l'asa, l'acide acétylsalicylique.

M. GUAY: Si on enlève les prescriptions magistrales — on a posé des questions à cette commission et les prescriptions magistrales sont en faible partie, même en voie de disparition selon l'interprétation même des pharmaciens — le rôle du pharmacien se limite, en quelque sorte, à interpréter l'ordonnance. Il faut établir s'il a le droit de faire la substitution du médicament, mais, à part ça, il joue un rôle de commis, en fait.

M. PAQUIN: D'accord.

M. GUAY: Et ça, nous le tenons des témoignages entendus à la commission. Est-ce qu'il y a autre chose qu'on peut ajouter au rôle de pharmacien comme tel?

Est-ce que la compétence du pharmacien ne dépasse pas, dans bien des cas, l'obligation de jouer, en fait, le rôle qu'il joue comme pharmacien?

M. PAQUIN: Vous voulez dire, est-ce qu'il n'est pas trop instruit pour ce qu'il fait?

M. GUAY: C'est ça.

M. PAQUIN: Nous sommes d'accord sur ce point qu'il a, à notre avis, beaucoup trop d'études. D'autre part, si on regarde l'article 21 du bill 250, on dit que la complexité de l'acte ou la complexité des connaissances requises est un des facteurs qui justifient l'élaboration ou l'établissement d'une corporation. Cela devient une espèce de cercle vicieux, je vais me donner un nom, je vais me compliquer les études, quoique je n'ai rien à faire, et je deviens une corporation.

Je pense qu'effectivement, puisque la plupart des médicaments sont tout prêts, vendus par la compagnie productrice, tout ce qu'il fait est de gratter l'étiquette et de mettre la sienne.

M. GUAY: D'autre part, votre étude a porté également sur les régions dont vous avez parlé, vous avez touché les régions défavorisées, les régions rurales, là où il n'y a pas suffisamment de pharmaciens et là où les médecins également n'ont plus le droit de fournir les médicaments aux assistés sociaux.

La question que je voudrais vous poser, tenant compte des distances à parcourir par certaines personnes — j'en reçois à mon bureau, surtout les fins de semaines parce qu'on est plus longtemps là — c'est: quelle solution, qu'elle soit temporaire en autant qu'elle sera efficace, prévoyez-vous pour les défavorisés si on veut les traiter sur un pied d'égalité avec les autres personnes dans le domaine des médicaments?

MLLE NEWMAN: En effet, on doit avoir le droit d'obtenir des médicaments dans les hôpitaux et aussi dans les centres médicaux. Parce que si on peut acheter un médicament au nom générique à l'hôpital ou dans les centres, dans les régions défavorisées, c'est beaucoup plus facile d'avoir une ordonnance.

M. GUAY: C'est encore plus défavorisé que ça chez nous. Il n'y a pas d'hôpital ni de centre médical. Il existe des pharmacies, le problème c'est qu'il y a 60 milles entre les deux pharma-

cies. Si, par exemple, un client doit se procurer des médicaments, il a des distances énormes à parcourir.

Là où des médecins ont un permis d'opération, disons une "licence", — la question a déjà été discutée — est-ce que ce serait normal que ces médecins aient le droit de distribuer des médicaments même aux assistés?

MLLE NEWMAN: Oui.

M. PAQUIN: Oui, mais en fait, c'est une solution temporaire.

M. GUAY: C'est ce que j'ai dit tantôt, en autant qu'elle serait efficace.

M. PAQUIN: D'autre part, si on accepte la distinction entre commerce et acte, et que la corporation s'occupe de l'acte et que le commerce soit légiféré par les lois commerciales, il est à ce moment-là possible — comme l'information n'est pas légale de part et d'autre, consommateur et producteur, disons vendeur pour le moment, vendeur de pilules, le pharmacien — de faire en sorte que les prix soient fixés directement par le gouvernement puisque quand vous êtes malade, vous n'avez pas le choix normal du consommateur d'acheter ou de ne pas acheter. Vous êtes malade, vous devez acheter. Il nous semble donc juste qu'une tierce personne, un impartial, — je suppose le gouvernement, en l'occurrence — fixe ce prix puisqu'on ne peut pas y insérer les lois du marché; ça n'a pas de sens, le marché ne fonctionne pas.

M. GUAY: La question de prix ne règle pas le problème des distances. Les pharmaciens nous ont dit qu'en autant qu'il y aurait un bassin de tant de population ils seraient prêts à établir une pharmacie ou encore, une réserve là où la population est insuffisante. C'est ce qu'ils ont demandé.

Le problème n'est pas résolu par la question de prix parce que le problème qui est soulevé, c'est que les gens doivent parcourir des distances énormes et ce coût du transport n'est pas remboursé par le gouvernement. On invoquera à ce moment-là que les ordonnances peuvent se faire par téléphone, je suis d'accord sur cela, sauf que là, si le rôle du pharmacien est réellement un rôle de pharmacien dans la distribution des médicaments, comment peut-il être efficace sans même voir le patient et le dossier du patient? Si le dossier fonctionne par la poste, le patient va recevoir ses médicaments deux ou trois semaines après l'ordonnance.

M. PAQUIN: II y a, à Montréal, le Centre de prescriptions du Québec qui a même une publicité où il inscrit son numéro de téléphone donnant le code régional et qui est disposé à poster à travers toute la province. Bien sûr, il y a un délai, mais me suggère-t-on, qu'est-ce qui empêcherait le gouvernement, dans ces régions, de rendre le même service?

M. GUAY: Si cela devient un service complètement étatisé, d'accord.

M. PAQUIN: Voyez-vous, vous soulevez un problème, vous montrez l'injustice de la situation et, en fait, vous déduisez que la corporation telle qu'elle existe actuellement ne répond pas au bien-être du public puisque le problème est là dans son entier. Nous ne nous sommes pas penchés effectivement, spécialement sur ce problème. Nous avons reçu une lettre d'une dame de la région de Noranda qui nous disait effectivement qu'elle devait franchir de grandes distances et, d'autre part, que le prix qu'on lui demandait était exorbitant.

Elle voulait savoir si elle pouvait avoir ses médicaments à Montréal. Bien sûr que le pharmacien de Montréal, lui aussi, doit voir à ce que les frais de transport soient payés. A ce moment-là il me semble que si on veut parler de justice... Probablement que les pharmaciens n'accepteront pas. Vu qu'il y a tant de milles, ils devront payer de leur poche les frais de poste. Je serais bien surpris qu'ils acceptent. S'ils acceptent, tant mieux, mais sinon, bien...

M. GUAY: A partir de là, je suis d'accord, l'Etat doit donner le service, mais actuellement l'Etat ne le donne pas. Quand on en a parlé au ministre, il nous a dit c'est une question de budget. On n'a pas les moyens budgétaires pour faire ça. A partir de là, j'ai toujours posé la question suivante: Pourquoi enlever le droit aux personnes compétentes de distribuer les médicaments si l'Etat ne peut pas remplacer ces services? Eh bien, c'est toujours l'éternelle question qui se pose, mais plus on en discute, moins on est avancé. C'est un problème d'ordonnances, un problème de médicaments.

M. PAQUIN: Je dirais que oui et non. Disons que c'est un problème de justice. Ces gens-là n'ont pas le service. Il n'y a pas de pharmacien à tant de milles à la ronde et les pharmaciens exigent un bassin pour leurs finances. A ce moment-là, laissons les médecins fournir les médicaments.

M. GUAY: Qu'on crie à l'injustice, je suis parfaitement d'accord, mais ce que je voudrais, c'est de régler le problème.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester pose des questions directes qui seraient, en somme, peut-être un discours de deuxième lecture et il place l'invité dans une situation un peu particulière.

M. GUAY: M. le Président, oui, mais à partir de l'étude qui a été faite. C'est une étude qui a été subventionnée, je pense que vous l'avez mentionnée, par les taxes des citoyens. On fait une étude qui semble complète, on fait des recommandations, mais j'aimerais bien qu'on aille jusqu'au bout dans les recommandations et

qu'on essaie au moins de régler les problèmes urgents.

M. LE PRESIDENT: Je reconnais le tempérament bouillant du député de Dorchester, mais il reste le fait que nos invités sont peu disposés à répondre, surtout s'il pose des questions de cette nature. D'accord?

M. LEDUC: Le discours que vous préparez...

M. GUAY: Ce n'est pas une question de discours. J'ai pris connaissance du mémoire et je le trouve très intéressant.

UNE VOIX: Très vrai.

M. GUAY: Je pense que les gens de votre association ont compris, sauf que j'aimerais aller un peu plus loin. C'était l'objet de mes questions.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais le député de Dorchester à aller plus loin avec le ministre. J'ai l'impression qu'il aurait peut-être des réponses à ce moment-là.

M. GUAY: Si le ministre ne veut pas avancer, il a peut-être ses raisons, mais si ces gens, eux...

M. LE PRESIDENT: Je trouverais nos invités assez mal placés pour avancer plus profondément que le ministre dans l'étude du projet de loi.

M. GUAY: Bien sûr qu'ils ne peuvent pas préparer de politique, sauf que les conseils qu'ils nous donnent ce matin à la commission, on est ici pour les entendre. Ils sont précieux, ces conseils. C'est pourquoi je pose des questions.

M. LE PRESIDENT: Très bien, nous les remercions, d'ailleurs...

M. GUAY: Je ne voudrais pas être dans le désordre, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. LAURIN: J'ai une question à poser avant. Depuis quand existe le Service de conseils d'ordonnances de Montréal?

MLLE NEWMAN: Depuis janvier 1972.

M. LAURIN: Est-ce que vous pourriez continuer votre travail si vous n'étiez pas subventionné par les Initiatives locales?

MLLE NEWMAN: Je n'en suis pas certaine. Je pense que non, mais il a d'autres possibilités, comme l'argent des fondations. Nous croyons qu'il faudrait obtenir plus de subventions.

M. LAURIN: Vous recevez combien des Initiatives locales? Combien par année?

MLLE NEWMAN: Présentement, nous sommes cinq personnes salariées à $100 chacune par semaine avec 17 p.c. de cet argent pour nos frais.

M. LAURIN: Et ça se termine quand, la subvention?

MLLE NEWMAN: Elle se termine au mois de novembre.

M. LAURIN: Est-ce que vous avez fait des demandes ailleurs, soit au gouvernement du Québec, soit à d'autres fondations pour pouvoir continuer votre travail une fois que les subventions seront terminées?

MLLE NEWMAN: Oui, nous avons suggéré d'avoir une réunion avec le ministre ou avec quelqu'un de la commission. Nous voudrions encore avoir une telle réunion, mais nous n'avons pas reçu d'information spécifique pour le moment.

M. LAURIN: Est-ce le seul organisme du genre qui protège le consommateur pour autant que les services pharmaceutiques sont concernés?

MLLE NEWMAN: A mon avis, c'est le seul service de ce genre au Canada.

M. LAURIN: A ce moment-là, je souhaite que vous trouviez les fonds pour continuer l'oeuvre très utile que vous faites.

MLLE NEWMAN: Merci bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON : Je voudrais soulever un point. Je ne sais pas de quelle façon ça pourrait s'appliquer ou si ce serait susceptible d'application, mais j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Ainsi, lorsqu'un consommateur va acheter une chaise, ce n'est pas compliqué pour lui parce qu'il est capable de comparer avec d'autres chaises; ça s'appelle une chaise. De l'acide acétylsalicylique, la plupart des consommateurs ne savent même pas ce que c'est; ça s'appelle Aspirine, Anacine, Bufferin. Il y a un mélange d'acide acétylsalicylique, de phénacé-tine, de codéine, de toutes sortes de choses. Si, dans une législation on forçait ces produits à placer le nom générique ou le nom principal du produit, par exemple, qu'on appelle ça de l'acide acétylsalicylique, accompagné du nom commercial, alors le consommateur saurait que l'acide acétylsalicylique, il y en a 75 sortes. Cela s'appelle acide acétylsalicylique Aspirine, cinq grains, cinq grains et demi, acide acétylsalicylique Bufferin ou Anacine. Cependant, ça repré-

senterait, en même temps, un autre problème, ce serait les composés. Cela éliminerait presque les composés. Mais est-ce que vous pensez que ce serait possible d'avoir une législation comme celle-là? Est-ce que cela aiderait à régler une partie du problème?

M. PAQUIN: II me semble que la liste implique déjà une réponse à ça, puisque, de la liste, les composés sont exclus.

M. PEARSON: D'accord. Maintenant, si, en plus de ça, c'était dans l'étiquetage, c'est-à-dire lorsqu'on va à la pharmacie?

MLLE NEWMAN: Quand on ne peut pas mettre le nom générique, il faut mettre la marque de commerce.

M. PEARSON: D'accord.

MLLE NEWMAN: Mais nous avons trouvé que c'est plus efficace pour le consommateur si on explique que le nom de commerce est mis simplement parce qu'il n'y a aucun nom générique, parce que c'est un médicament composé. Il faut expliquer ce que c'est un médicament composé, après ça.

M. PEARSON: Pour le consommateur, ça présente un problème. Pour lui, qui n'est pas pharmacien, s'il y a plusieurs sortes de produits commerciaux qui sont tous de l'acide acétylsalicylique, il ne peut pas choisir, dans le fond. Il ne sait pas si en achetant un produit qui va lui coûter deux fois plus cher, il va avoir exactement le même effet qu'avec l'autre produit qu'il pourrait payer deux fois meilleur marché, sauf que le premier ferait plus de publicité pour le sien.

MLLE NEWMAN: La question de qualité ne concerne pas le consommateur. C'est une question pour le gouvernement, pour les pharmaco-logues lorsqu'ils établissent les listes de médicaments, avec les cardex des produits thérapeutiques. Le consommateur peut choisir une couleur ou un prix. Il peut avoir le conseil de son médecin ou d'un pharmacologue, mais il doit avoir une liste qu'il peut employer, qui établit déjà les médicaments qui ont été analysés, en disant qu'ils ont subi tous les examens requis. Tous les médicaments sur cette liste sont valables. Après ça, il faut seulement choisir le prix.

M. PAQUIN: Autrement dit, il me semble qu'il faudrait qu'une loi définisse quand on peut utiliser une dénomination commune, ce qu'on appelle communément nom générique, parce que ça ressemble à l'anglais, la dénomination commune, actuellement; ce n'est pas défini exactement. La dénomination commune devient un nom de marque à certains moments. Alors, avant de pouvoir imposer à tout le monde l'étiquetage avec la dénomination commune, il faudra d'abord dire que dénomination commune ne peut pas être un nom de marque. Par exemple, Aspirine aux Etats-Unis, c'est une dénomination commune; ça ne l'est pas ici. Ici, ça devient un nom de marque seulement, parce que le nom générique existe. C'est un cas où vous avez le nom générique et la domination commune qui est, en même temps, un nom de marque ailleurs. Cela pose un problème, parce que c'est une question un peu internationale, dans le sens que la dénomination commune devrait être la même partout dans le monde.

Un exemple de l'importance de ceci, c'est la thalidomide. Quand on s'est aperçu que ce produit était dangereux, on a voulu le retirer du marché. Problème. Le nom de la dénomination commune, il n'y avait pas de publicité faite là-dessus, les gens ne savaient pas ce qu'ils avaient dans les mains. Or, des noms de marques, il y en avait des centaines et c'était toujours la thalidomide. Ce qui est arrivé, et Helen Tossi a fait un rapport là-dessus, deux ans après, on a demandé le retrait et on a découvert cela. On trouvait encore sur le marché de la thalidomide.

M. PEARSON: Oui, mais, d'après moi, cela ne crée peut-être pas un problème extrêmement complexe. Mais ce que je veux dire, en somme, je pense que vous l'avez saisi, c'est que la nature du produit, sur l'étiquetage, devrait avoir au moins autant d'importance que le nom de commerce. Dans les produits que les gens comprennent facilement, du jambon s'appelle du jambon et il y a un nom de commerce à côté et cela peut être Maple Leaf ou autres, les gens le savent. C'est curieux que, dans des produits plus mystérieux où les gens n'ont pas de préparation, on complique encore davantage en donnant surtout des noms de commerce. Il y en a une quantité effarante. M. Tout-le-Monde, les gens ordinaires ont énormément de difficultés à comprendre. Je comprends que c'est peut-être le rôle du gouvernement, mais ce que je demandais, c'était ceci. Si jamais, éventuellement, le gouvernement amenait une loi dans ce sens-là, est-ce que, d'après vous, vous croyez que cela pourrait aider, indépendamment des complications qu'il pourrait y avoir? On pourrait forcer les compagnies à donner autant d'importance à la nature du produit qu'à la marque de commerce.

M. PAQUIN: Ma réponse sera dans le même sens. Ce sera valable seulement si la dénomination commune devient bien définie et utilisée dans son sens pour strictement déterminer le médicament. Oui, ce sera utile parce que ce sera un véritable point de référence. Mais, actuellement, c'en est un et ce n'en est pas un. La tendance pour les compagnies va être d'enlever les valium et de mettre le nom générique, d'enlever Sinutab et de sortir un nom générique là-dessus, tant que ceci ne sera pas défini. Je

suis bien d'accord sur votre proposition si on définit au départ les termes utilisés. Je pense aussi que la définition de ces termes est extrêmement importante.

M. PEARSON: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. PERREAULT: D'abord, le député de Saint-Laurent a posé la question que je voulais poser. Mais j'irai plus loin. Dans les produits composés, est-ce qu'on ne pourrait pas, sur l'étiquette, indiquer le principal agent actif du composé sous le nom générique?

M.PAQUIN: Nous demandons au Conseil de pharmacologie de la province de Québec, qui a produit la liste, d'ajouter à cette liste une équivalence aux principaux composés ou à l'ensemble des composés. Disons qu'on le laisse juge de cette question. Mais nous demandons, et c'est un point que nous mentionnons dans notre texte, qu'une équivalence soit donnée à ces composés. Maintenant — je reviens à la charge — la liste, comme cette équivalence de composés, n'aura de valeur que si ces messieurs qui ont fait la liste en déclarent ouvertement la valeur. On pourrait avoir une argumentation du style de celle qu'on a eue en Ontario quand on a sorti le volume per cost; le producteur vient et dit : Voyons, messieurs. Ce médicament se vend $12 et celui-là $6, et il n'y aurait pas de différence?

Si on veut absolument éliminer ces jeux de publicité, il faudra à un moment donné que les spécialistes qui ont établi cette liste se prononcent fermement et disent: Oui, les composés n'ont pas cela ou, oui, ils ont cela.

M. PERREAULT: Le service des aliments et drogues pourrait établir les équivalences.

M. PAQUIN: Je suppose. Si lui ne le peut pas, je ne sais pas qui

M. CLOUTIER (Montmagny): Je veux revenir, très brièvement, sur le genre de questions posées par le député de Dorchester. Dans le milieu où vous travaillez, il n'y a pas cette difficulté, j'imagine, qu'on retrouve dans les milieux ruraux, à savoir la distance entre la pharmacie qui livre les médicaments et le consommateur. Est-ce exact? Il n'y a pas de problème, il y a suffisamment de pharmacies et elles sont réparties sur tout le territoire où vous travaillez.

M. PAQUIN: Dans l'ensemble, c'est exact. Sauf que le même problème va se poser un peu quand il va chercher à savoir quel est le prix. Là, il devra se promener lui aussi.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Mais quant au nombre de pharmaciens...

M. PAQUIN: Quant à l'acquisition...

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, le problème ne se pose pas de la même façon avec la liste des médicaments ou avec l'accessibilité aux pharmacies en milieu rural et en milieu urbain. C'est clair.

A présent, vous disiez tantôt que les hôpitaux également, ou surtout le hôpitaux et peut-être exclusivement les centres hospitaliers devraient distribuer les médicaments, du moins aux assistés sociaux. A ce moment-là, vous seriez certains du prix. Est-ce que l'accessibilité va être la même s'il est obligé d'aller chercher son médicament à l'hôpital? J'imagine qu'à Montréal, en certains endroits, les hôpitaux sont encore assez loin. Sauf que lorsqu'il y aura des centres locaux de services communautaires, ils pourront être plus proches de la population. Est-ce exact que cela créera des problèmes, tel que le réseau hospitalier est organisé à Montréal?

M. PAQUIN: C'est difficile...

M. CLOUTIER (Montmagny): Disons qu'à Pointe Saint-Charles, il n'y a pas de problème. Vous avez une clinique communautaire. Peut-être qu'il y a une pharmacie.

M. PAQUIN: Oui. Il y en a même trois, je crois sur le territoire immédiat.

M. CLOUTIER (Montmagny): Bon. Il n'y a pas de problème. Mais, pour les assistés sociaux, au lieu d'aller chercher les médicaments dans les pharmacies d'officine, si c'était à l'hôpital qu'ils allaient remplir leurs ordonnances, est-ce qu'il n'y aurait pas certaines difficultés qu'on n'a pas actuellement à Montréal?

M.PAQUIN: Nous sommes d'accord que cela poserait des problèmes, des problèmes de distance. D'autant plus qu'à ce moment-là, il ne pourrait pas, comme il le fait actuellement, aller à n'importe quelle pharmacie, présenter sa carte et avoir son médicament et s'en aller chez lui. Mais notre proposition n'était pas seulement pour les assistés sociaux. Elle était aussi pour le public.

M. CLOUTIER (Montmagny): Pour le public.

M. PAQUIN: Elle était aussi pour le public pour ce qui est des centres médicaux, les CLSC et hôpitaux. Pour ce qui est de résoudre le problème d'une distribution adéquate à travers tout le territoire, je pense que là on se heurte à un problème insoluble. Quant aux dépôts de médicaments, qu'on les appelle des pharmacies ou peu importe le nom qu'on leur donnera, c'est sûr que dans les régions rurales, il y aura toujours le problème de la distance. Une des solutions qu'on avait trouvées par le passé, c'était le médecin qui, à ce moment-là, pouvait

remplacer le pharmacien. La question de bassin territorial, avec un certain nombre de population, apportée par les pharmaciens, c'est strictement financier. Alors je pense qu'on doit baser notre jugement, je ne peux pas apporter de solution, sur strictement la justice et un peu l'égalité.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, vous croyez que dans ce nouveau programme de distribution de médicaments aux assistés sociaux, il aurait peut-être été préférable d'avoir une période de transition pendant laquelle, surtout en milieu rural — dans les villes le problème ne se pose pas — le médecin aurait été habilité à continuer à distribuer des médicaments en attendant que les pharmaciens s'organisent d'une meilleure façon qu'ils le sont actuellement.

M. PAQUIN: Cela me semble juste. C'est une question de justice.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais dire, pour l'information du député de Dorchester, que les pharmaciens nous avaient dit, lorsqu'ils sont venus devant la commission, qu'ils s'occuperaient d'implanter des pharmacies. Je dois dire qu'à ma connaissance, dans ma région, il y a effectivement une pharmacie qui s'est ouverte en milieu rural, dans le milieu du comté de Bellechasse. Je ne sais pas s'il y en a d'autres mais disons que je voulais porter ça à l'attention du député de Dorchester. A Armagh, dans le comté de Bellechasse, il vient de s'ouvrir une pharmacie.

M. GUAY: Au même moment où chez nous le sanatorium Bégin s'apprête à discontinuer la distribution des médicaments.

Moi, il y a une autre question que j'aimerais toucher. On a porté à mon attention les malades cardiaques. Là où la liste des médicaments ne comprend pas certains médicaments — d'autres maladies, on pourrait prendre les malades chroniques — que les malades avaient l'habitude de prendre et que le médecin avait l'habitude de prescrire par ordonnance, de quelle façon ces personnes, qui reçoivent l'aide sociale, peuvent-elles se procurer les médicaments dont elles ont besoin? En fait, les assistés sociaux sont limités à la liste seulement. Des pharmaciens, comme des médecins, m'ont dit: C'est un grave problème.

M. PAQUIN: Je suppose que ceux qui ont fait la liste étaient consciencieux et qu'ils ont fait consciencieusement leur travail, ceci implique que cette liste est suffisante pour soigner toutes les maladies.

A ce moment-là, le problème devient un problème d'éducation de la part du médecin vis-à-vis de son patient. Il devra éduquer son patient et lui dire: Ecoutez, ce médicament, c'est la même chose. Si la liste émise est conséquente...

M. GUAY: Dommage que je n'aie pas le nom et le numéro du médicament. Est-ce que la liste des médicaments peut être remise en cause, refaite, repensée?

M. PAQUIN: Pas par nous.

M. GUAY: Pas par vous, mais iriez-vous jusqu'à dire que ce serait possible, préférable?

M. PAQUIN: Non. Nous considérons que c'est une question de spécialistes et là-dessus, nous préférons ne pas porter de jugement.

M. GUAY: Une autre question, qui touche spécialement le pharmacien. Vous savez que même en milieu rural, il y a encore des médecins qui se rendent à domicile. On a porté à l'attention de la commission le fait qu'il était très difficile, même pour le pharmacien qui n'avait pas de contact direct avec le patient, de lui fournir les médicaments dont il avait besoin. Iriez-vous jusqu'à admettre que, probablement, le pharmacien devra se rendre visiter des patients qui ont besoin de médicaments? Par exemple, je pense aux infirmes, aux malades chroniques pour qui il est quasi impossible de se déplacer. Est-ce que le pharmacien pourra éventuellement, dans son rôle de pharmacien, de distributeur de médicaments, se rendre à domicile pour remplir l'ordonnance?

M. PAQUIN: D'abord, quand il s'agit de fournir le médicament, il y a deux types de difficultés. Soit qu'il n'ait aucun médicament de cette catégorie, soit qu'il n'ait pas le nom de marque prescrit. Or, selon la loi actuelle, s'il n'a pas le nom de marque prescrit, il peut substituer, mais c'est à lui de décider et il peut se faire taper dessus. Je pense — je ne voudrais pas qu'on m'assomme avec un point de loi — que c'est le sens de la loi actuellement. C'est seulement si le consommateur demande, avec son ordonnance au nom générique, s'il peut avoir le moindre prix, qu'il a un choix possible. Mais si l'ordonnance porte un nom exact, je ne sais pas, X, et qu'on donne cela au pharmacien... S'il n'a pas X, peut-il substituer, actuellement, selon la loi telle qu'elle existe actuellement? Je ne crois pas qu'il en ait le droit. Ce sera une innovation, je pense, dans la nouvelle loi. Du moins, c'est souhaitable.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Monsieur et madame, je vous remercie de la présentation de votre mémoire. En même temps, je retiens les suggestions qui ont été faites à cette commission à l'effet qu'on devrait, dans certaines régions, faciliter l'accès à l'obtention des médicaments pour les populations où il n'y a pas de pharmacie. Par exemple, les médecins distribueraient les médicaments. Je retiens les remarques et les suggestions faites par la commission.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup de votre mémoire et de votre exposé.

M. PAQUIN: Merci. Si vous avez besoin de nos services un jour, téléphonez !

Fédération d'éducation phvsique du Québec

M. LE PRESIDENT: Je transmettrai le message au ministre et à son adjoint.

J'inviterais maintenant M. Jean-Louis Foisy, qui représente la Féfération d'éducation physique du Québec, à prendre la parole.

M. FOISY: Je vais passer la parole à M. Claude Bouchard, qui est le porte-parole du groupe concernant ce problème particulier.

M. LE PRESIDENT: Veuillez identifier les membres qui vous accompagnent, M. Bouchard.

M. BOUCHARD: Je suis Claude Bouchard. A ma gauche, MM. Jean Brunelle, Arthur Sheedy, Laurent Bélanger.

Nous allons, messieurs, parler du projet de loi no 272, qui concerne la Loi de la physiothérapie. Nous parlons au nom de la Fédération d'éducation physique du Québec, qui est maintenant devenue l'Association des professionnels de l'activité physique du Québec.

Ce projet de loi no 272 a pour objet la création de la corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec et l'établissement des règles concernant l'exercice de la physiothérapie en tenant compte des dispositions du projet de code des professions.

La Fédération d'éducation physique tient à exprimer son accord avec les intentions générales du projet et se réjouit des progrès qui seront ainsi enregistrés. Cependant, la Fédération d'éducation physique tient à exprimer son désaccord devant l'article 7 du bill 272, tel que rédigé au moment de la première lecture. Cet article se lit comme suit: "Constitue l'exercice de la physiothérapie tout acte qui a pour objet de redonner à une personne la maîtrise de ses mouvements corporels en utilisant des exercices physiques, l'hydrothérapie, l'électrothérapie ou l'ergothérapie".

La fédération estime, en effet, que cet article est ambigu et préjudiciable à un nombre important de professionnels de l'éducation physique qui — et je cite une définition du travail de ces professionnels — "utilisent l'activité physique (le mouvement humain, donc) afin de donner, de maintenir ou de redonner à l'enfant ou à l'adulte la maîtrise de leur motricité en général, de certains mouvements corporels en particulier ou de leur condition physique, selon les besoins".

Or, comme l'article 8, qui est l'article suivant, réserve tous les actes décrits à l'article 7 aux physiothérapeutes, notre Fédération d'éducation physique suggère que l'article 7 soit reformulé en tenant compte des paragraphes qui suivent.

Le Québec compte présentement plus de 3,000 professeurs d'éducation physique, qui ont reçu une formation universitaire de premier cycle, principalement au sein des six départements d'éducation physique des universités du Québec. Nous avons, bien sûr, un pourcentage de professionnels de l'activité physique qui nous viennent de l'Ontario, des université d'Ottawa en particulier, et du Nouveau-Brunswick, de Moncton, et aussi des pays francophones d'Europe.

La formation universitaire de ces professionnels de l'activité physique porte, dans une très large mesure, sur les effets du mouvement et sur les différents usages que l'on peut faire de l'activité physique à partir des connaissances de la pédagogie, de la physiologie, de la mécanique, de la psychologie et de la sociologie.

Au-delà d'une centaine premices professionnels de l'activité physique ont, de plus, complété des études de deuxième cycle, conduisant à la maîtrise, ou de troisième cycle, conduisant au doctorat dans ce domaine, et près d'une quarantaine poursuivent des travaux de recherche au sein des laboratoires d'éducation physique de nos universités québécoises. Donc, cette profession possède, en son sein même, avec ses deuxième et troisième cycles en particulier, les capacités de se renouveler, d'évoluer ou d'innover.

Les travaux scientifiques contemporains nous enseignent que, lorsqu'on parle de "redonner à une personne la maîtrise de ses mouvements corporels en utilisant des exercices physiques", nous sommes alors aux prises avec un problème de développement, d'entraînement. Ce problème de développement ou d'entraînement se retrouve à bien des niveaux, non seulement lorsqu'on veut redonner la maîtrise des mouvements corporels ou la condition physique.

H est obligatoire, alors, de faire appel au modèle de ce que nous appelons les modifications chroniques causées par l'exposition répétée au stimulus de l'exercice physique, indépendamment de sa formation professionnelle ou de la destination de l'acte professionnel que l'on pose. Si on ne respecte pas ce modèle, il est, à toutes fins pratiques, impossible d'atteindre le but; on se leurre. Il faut respecter le modèle qui consiste à exploiter les capacités d'adaptation de l'organisme devant un stimulus.

A l'intérieur de ce modèle opérationnel qui permet d'encadrer l'action, tous les professionnels de l'activité physique — et ceci inclut les physiothérapeutes qui ont l'occasion d'utiliser le mouvement — doivent procéder à travers les cinq dimensions suivantes: 1) Tout le monde doit faire un choix d'exercices; donc, posséder les connaissances requises pour choisir les mouvements ou les exercices qui seront en cause.

2) Tous les professionnels qui utiliseront l'exercice doivent pouvoir se prononcer d'une façon rigoureuse sur la forme des activités physiques, que ce soit des activités physiques intermittentes ou régulières, continues. 3) On doit pouvoir effectuer un choix cohérent sur l'intensité de l'effort physique. 4) On doit pouvoir effectuer un choix cohérent sur la durée de l'effort physique qui sera proposé. 5)On doit se prononcer aussi, en manipulant les variables scientifiques concernées, sur la périodicité de cette exposition au stimulus de l'activité physique.

Tout ceci doit se faire chez tous les spécialistes de l'activité physique en tenant compte de l'intégrité physiologique de l'organisme auquel on s'adresse ou bien du niveau de tolérance du sujet devant le stress de l'effort physique. On ne peut ignorer que les professionnels de l'activité physique sont les mieux préparés pour faire usage de ce modèle au sein d'une très grande variété d'actes professionnels.

Une étude récente de notre fédération montre que les professeurs d'éducation physique oeuvrent présentement dans plus de cinquante types d'emplois professionnels différents. On retrouve des professionnels de l'activité physique dans des fonctions très variées, à tous les niveaux scolaires et dans bien des milieux en dehors du cadre scolaire, dans les milieux d'animation sportive, dans les milieux de l'administration, de la gestion, de la planification, de la recherche, etc. On trouve en effet ce spécialiste partout où la société en a besoin, et ça nous semble être un bon indice de la vigueur de cette profession et surtout de la valeur de la préparation scientifique et de la préparation professionnelle dont ce professionnel jouit.

Or, face au problème qui nous touche devant le bill 272, plusieurs professeurs d'éducation physique dûment qualifiés, donc ayant au moins une formation de premier cycle universitaire après un D.E.C., un diplôme d'études collégiales, occupant présentement des fonctions au sein d'établissements scolaires spécialisés surtout dans l'enfance inadaptée et les déficients moteurs ou bien au sein de certains milieux hospitaliers dans la rééducation, ou dans le secteur de la réhabilitation et de l'animation sportive, au sein d'organisations sportives particulièrement en vue de la remise en condition des athlètes, seraient injustement pénalisés par cet article 7 du bill 272. Car, à partir du moment où on dit qu'on réserve à une catégorie de professionnels l'usage de l'exercice pour redonner la maîtrise des mouvements corporels, nous venons de pénaliser tous ceux qui, de notre groupe, s'occupent de rééducation psycho-motrice, qui s'occupent de traiter les problèmes de latéralité dans le développement de l'enfant, qui s'occupent de traiter, à l'aide du mouvement, les problèmes de dyslexie, de dysgraphie, tous ceux qui s'occupent d'éduquer les troubles du schéma corporel, tous ceux qui s'occupent des problèmes de posture avec les différents problèmes de mauvaise attitude qui peuvent se poser et, surtout, tous ceux de nos membres — et ils sont très nombreux — qui s'occupent de conditionnement physique de l'adulte parce que, pour un adulte qui est sédentaire depuis un fort bout de temps, effectuer un programme de conditionnement physique c'est redonner la condition physique, c'est redonner la vigueur physique, la capacité physique qu'on a perdue, et tous ceux qui s'occupent aussi, au sein d'établissements spécialisés, du reconditionnement de celui qui a malheureusement, par exemple, subi un accident coronarien, un infarctus du myocarde.

Tous ces membres seraient injustement pénalisés, croyons-nous, par les prérogatives de cet article 7. En conséquence, notre fédération recommande soit une modification de l'article 7 de façon à éliminer cette restriction, ou bien une libération au sein de l'article 8 de la variable, l'utilisation des exercices physiques. Voilà, M. le Président, quel est le sens de notre rapport.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Je remercie M. Foisy d'exposer le mémoire de la Fédération d'éducation physique du Québec. Je prends bonne note de vos demandes quant à l'article 7 et aussi la considération à l'article 8. Je suis très heureux de voir que dans votre mémoire vous avez mentionné que vous occupez présentement des fonctions au sein d'établissements scolaires spécialisés dans l'enfance inadaptée et les déficiences mentales. J'en suis très heureux et j'en prends bonne note. D'ailleurs, je le mentionnerai à M. Castonguay.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Fabre.

M. HOUDE (Fabre): Je veux juste ajouter qu'il y a à peine quelques semaines, lorsque les physiothérapeutes ont présenté leur mémoire, j'avais, avec les membres de cette commission, soulevé ce point particulier. A ce moment-là, je sais que le ministre, M. Castonguay, enfin tous ceux qui étaient autour de la table, semblaient d'accord pour noter ou remarquer que le texte réservant l'exclusivité de l'enseignement ou, si vous voulez, des exercices physiques chez les physiothérapeutes pouvait être ambigu en fonction de cette profession, à laquelle j'appartiens, soit dit en passant, et que j'aime beaucoup, de l'éducation physique.

Je ne sais pas où est rendu le comité de rédaction, mais je pense que le ministre, le Dr Fortier vient de le dire, en a pris bonne note. Quant à moi, je suis à peu près convaincu qu'il y aura sûrement un amendement soit à l'article 7 ou à l'article 8.

Maintenant en vue d'aider les membres de

cette commission, je ne sais pas si M. Bouchard ou un de ses collègues pourrait nous donner une définition souhaitable de l'acte professionnel du spécialiste de l'activité physique.

M. BOUCHARD: A mon sens, le spécialiste de l'activité physique se définit par l'usage de l'activité physique. Toute sa formation professionnelle est centrée sur les connaissances scientifiques d'ordre physiologique, mécanique, psychologique qui sont associées au mouvement humain. Dans son acte professionnel il utilise l'exercice soit pour donner, soit pour maintenir, soit pour redonner l'usage de la motricité, la vigueur physique ou la bonne condition physique.

A ce moment-là, dans toutes les circonstances où il est nécessaire d'avoir recours au mouvement humain, à l'exploitation du stimulus que constitue le mouvement humain, je crois qu'il est autorisé à le faire, parce que sa formation est toute centrée là-dessus.

M. HOUDE (Fabre): Si vous me permettez une autre question, la plupart des professionnels qui se sont présentés devant cette commission ont à bon droit parlé de formation professionnelle. Alors, étant intéressé à ce secteur, très brièvement j'aimerais que vous disiez aux membres de la commission, de façon générale, quelle est la formation professionnelle d'un éducateur physique. Trop souvent on pense que nous sommes des moniteurs de terrain de jeu ou des frappeurs de ballon; alors, j'aimerais que vous nous disiez en quelques mots quelle est la formation professionnelle d'un éducateur physique.

M. BOUCHARD: Peut-être que M. Sheedy pourrait parler là-dessus.

M. SHEEDY: On peut brosser assez rapidement un tableau de la formation professionnelle d'un spécialiste en éducation physique. Le tableau que je vais brosser tiendra compte des différences qui existent entre les six départements d'éducation physique qui dispensent actuellement cette formation au niveau universitaire, ce qui veut dire qu'on fera ressortir plutôt les grandes lignes. Disons que le prérequis pour être admis actuellement dans un département d'éducation physique au niveau universitaire est le diplôme d'études collégiales dans le secteur des sciences de la santé.

Nous considérons cette concentration comme prérequis au niveau collégial assez importante, puisque le centre d'intérêt qui nous préoccupe le plus au niveau universitaire est justement l'activité physique et sportive. On doit étudier l'activité physique et sportive dans ses dimensions importantes d'ordre biologique, physiologique, psychologique aussi bien que sociologique. Alors il est important, dès le niveau du CEGEP, que le candidat ait une bonne connaissance des fondements scientifiques du centre d'intérêt qui nous préoccupe en particulier, l'activité physique et sportive.

Au niveau universitaire, durant les trois ans du cours, la formation du candidat est axée sur une préparation plus poussée dans les fondements qui n'ont été que perçus au niveau du CEGEP. C'est-à-dire que les cours sont de plus en plus concentrés sur une meilleure compréhension des connaissances de base du mouvement humain, en vue des possibilités d'application et d'adaptation dépendant des différents milieux où le professionnel agira. Que ce soit en milieu scolaire, institutionnel, hospitalier ou autres.

Alors il y a une double formation que nous appelons aussi bien scolaire que professionnelle : formation scolaire sur les fondements mêmes qui sous-tendent l'activité physique et sportive, formation professionnelle en ce qui concerne le milieu d'application qui préoccupera plus tard le professionnel lui-même.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): S'il n'y avait pas d'amendement d'apporté à l'article 7 ou à l'article 8, quelles seraient les conséquences en assumant que ce n'est pas ambigu et que vous êtes exclu de ce champ? Cela voudrait dire quoi pour votre profession, la disparition? Presque.

M. HOUDE (Fabre): Si on prend la loi à la lettre, du moins la façon dont moi je l'ai comprise, on réserve exclusivement la pratique des exercices physiques aux physiothérapeutes. Cela voudrait dire que tous les professeurs d'éducation physique seront bannis, les "coach", les entraîneurs, les instructeurs.

C'est pour ça que, comme on en a parlé la dernière fois, j'ai vraiment l'impression que c'est assez facile d'apporter un amendement. Sans ça, à quoi rime d'avoir toutes ces écoles au niveau universitaire et cette préparation?

M. BRUNELLE: Sur ce plan-là également, je pense qu'il est assez difficile de dire quand ça finit, "donner, maintenir et redonner", sur le plan particulièrement de l'éducation physique scolaire. Je pense que de plus en plus nous avons des enfants normaux dans les écoles, mais que certains ont des besoins particuliers. Il ne s'agit pas simplement de donner un traitement quelconque, de favoriser un retour à la santé; il s'agit également d'éduquer ces enfants. Je pense qu'à ce moment-là il faut une formation pédagogique en même temps qu'une formation sur le plan biologique, tel qu'on l'a décrit précédemment. Si vous me permettez une parenthèse, je ne pense pas que les physiothérapeutes aient voulu diminuer notre action. J'ai l'impression que — je ne sais pas si je peux dire ça, mais, en tout cas, j'en profite, l'occasion est belle — ce n'est pas simplement le fait de vouloir

s'éloigner du médecin qui compte pour cette profession. En s'éloignant du médecin, ils se sont peut-être rapprochés davantage du spécialiste de l'activité physique. C'est pour cela qu'on réagit de ce côté. Je pense également que le terme "redonner la maîtrise corporelle", pour nous, n'a pas tout à fait la même signification que pour les physiothérapeutes. On donne au terme maîtrise corporelle beaucoup plus de signification que le sens de simplement redonner à quelqu'un une certaine mobilité. C'est peut-être dans ce sens aussi que ça nous permet de préciser notre action.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, il s'agit que les physiothérapeutes retrouvent le juste milieu entre le médecin et l'éducateur physique.

J'ai retenu, moi aussi, les observations que le ministre des Affaires sociales et le député de Fabre avaient faite quand les physiothérapeutes sont venus ici. Je pense bien que le ministre des Affaires sociales en rédigeant cela, n'a visé le député de Fabre d'aucune façon; il va s'empêcher de rétablir, lui aussi, l'équilibre.

M. HOUDE (Fabre): C'est de valeur.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis content que le député de Fabre le dise; ça m'évite de le dire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, est-ce que vos membres font un travail quelconque dans ce qu'on appelle un studio de conditionnement physique? Il y a différents noms; on en voit, dans les pages jaunes, un paquet, enfin, je n'ai pas les noms à l'esprit. Est-ce que vos membres donnent des cours dans des studios comme ça?

M. BRUNELLE: A ce que je sache — et c'est un domaine qui m'intéresse depuis plusieurs années — la plupart de ces studios — je pense particulièrement aux chafnes de studios — ont leur propre organisation, leurs propres moniteurs, leurs propres cours. Souvent, le personnel est recruté parmi les gens qui se sont inscrits dans des studios; ce sont eux qui deviennent moniteurs. Cela fait partie, d'ailleurs, de la structure de ces organismes-là et je dirais même aussi de la rentabilité de ce genre d'organisation. D'autre part, il ne répugne pas — ce serait souhaitable — que certains membres de l'Association des professionnels de l'activité physique, à l'occasion, puissent être consultants, entre autres choses, avec d'autres spécialistes, sur la façon d'élaborer les programmes. J'oserais dire qu'il faudrait aller jusqu'à individualiser les programmes. Je pense qu'à ce moment-là ça relève beaucoup plus du spécialiste que simplement de quelqu'un qui a appris une vingtaine d'exercices et qui a pour fonction de les montrer à des gens qui ne les savent pas. C'est souvent la seule différence qui existe entre celui qui applique l'exercice et celui qui le fait.

M. GUAY: J'aurais une autre question. Dans ce conditionnement physique, est-ce possible d'établir un champ de pratique différent, sans chevauchement, avec les physiothérapeutes? Dans cette médecine que j'appelle naturelle, parce que ce n'est pas à base de médicaments, est-ce possible d'établir — je pense aux physiothérapeutes, je pense à vous autres — un champ de pratique bien différent sans chevauchements, puis d'inclure cela dans une loi sans que tout le monde, à un moment donné ou quasi tout le monde se retrouve hors la loi?

M. BRUNELLE: Nous sommes devant un problème dont les limites inférieures et supérieures sont très vastes. La surface de chevauchement avec les gens de la physiothérapie est très étroite, à comparer avec tous les champs d'action que couvre le professionnel de l'activité physique.

Vous savez, nos gens sont impliqués dans l'enseignement de l'éducation physique à l'élémentaire. Ils sont impliqués dans l'enseignement de l'éducation physique au secondaire, au collégial, à la formation des maîtres à l'université, dans les établissements pour l'enfance inadaptée, dans le conditionnement physique de l'adulte, dans l'animation régionale du loisir, du sport, dans la direction des athlètes au niveau provincial, dans l'administration des gros complexes sportifs, etc., à la recherche. On a des membres dans tous les secteurs de la société au Québec.

Notre surface de chevauchement avec la physiothérapie est très limitée. Je crois que les mots clés sont "redonner la maîtrise des mouvements corporels à l'aide de l'exercice physique." Remarquez que dans l'article 7, on dit "à l'aide de l'exercice physique mais aussi à l'aide de l'hydrothérapie, de l'électrothérapie et de l'ergothérapie." Dans l'ergothérapie, il y a un peu d'exercice physique. C'est un usage de l'activité physique centrée vers un objectif qui est sans doute permis par les physiothérapeutes, parce qu'ils ont besoin de cela dans leur acte professionnel: employer l'exercice pour redonner cette maîtrise. Mais à partir du moment où on leur en réserve l'exclusivité, on vient de couper peut-être 15 p.c, 20 p.c. du champ d'action du spécialiste de l'activité physique. Il y a certainement actuellement au Québec de 150 à 200 personnes qui oeuvrent dans les établissements pour l'enfance inadaptée en se servant de l'exercice pour redonner la motricité, éduquer les enfants, résoudre les problèmes de latéralité, de dyslexie, de dysgra-phie et autres. De plus, peut-être un millier de nos membres assurent des programmes de conditionnement physique où il y a aussi du "redonné".

M. GUAY: Maintenant, en milieu éducatif

— je pense aux écoles, par exemple — des personnes, des professeurs enseignent l'éducation physique — c'est comme cela qu'ils se nomment: professeurs d'éducation physique — qui n'ont pas reçu une formation universitaire. Est-ce que cela voudrait dire, par exemple, qu'après cette loi, il faudrait que le ministère de l'Education modifie ses cours, ou s'il pourra continuer d'offrir cette éducation physique de base?

M. BELANGER: Cela touche un problème particulier qui est celui de l'accréditation, de la reconnaissance du personnel qualifié en milieu scolaire par le bureau de certification et de probation des enseignants. Si, actuellement, il y a des gens, dans le milieu scolaire, qui travaillent sans avoir la formation académique et professionnelle requise aux termes du règlement no 4, etc, c'est un problème qui nous dépasse en tant que groupe. Il est bien sûr qu'on recherche ou qu'on désire que le gouvernement puisse appliquer intégralement certaines mesures. Mais il y a des considérations socio-professionnelles, socio-culturelles aussi qui entrent en ligne de compte et on doit les respecter actuellement pour ne pas léser des droits personnels.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Hier, lors de la présentation d'un mémoire conjoint de l'Association des psychologues, des travailleurs sociaux et des orienteurs scolaires, la commission a appris qu'un même acte peut être posé par des professionnels de discipline différente bien que dans une optique qui leur soit propre. Par exemple, le "councelling conjugal" peut être fait par un psychologue ou un travailleur social mais dans une optique différente. On a donné plusieurs autres exemples également. J'imagine que c'est à peu près la même chose en ce qui vous concerne, les physiothérapeutes et les éducateurs physiques. Vous posez le même acte, bien que ce soit dans une optique un peu différente, même si, dans la pratique, on peut avoir l'air de chevaucher le même territoire.

Est-ce que vous avez consulté les physiothérapeutes pour présenter une recommandation conjointe à la commission, d'une part? Deuxièmement, avez-vous l'impression que ce serait en somme toucher à des droits acquis que d'accepter une définition trop restrictive? Troisièmement, pourriez-vous, dans votre recommandation, tenir compte justement de ce fait qu'un champ général d'exclusivité puisse être découpé ou réparti dans plusieurs professions plutôt que dans une?

M. FOISY: Je crois que vous touchez au coeur du problème. Effectivement, pour les deux professions, il est indispensable de faire usage du mouvement, mais avec des destinations professionnelles différentes. Je crois qu'il serait sage que l'article 7 contienne toujours une place pour l'usage de l'exercice physique lorsqu'il est question de redonner une certaine maîtrise, une certaine mobilité de mouvement à un patient.

Mais, il faudrait éviter que le professionnel de l'activité clinique ne puisse pas utiliser l'exercice physique pour redonner les qualités physiques à l'individu qui en a été privé, que ce soit en milieu scolaire ou dans le milieu de l'enfance exceptionnelle, par exemple. Alors, la recommandation conjointe des deux professions pourrait, effectivement, tenir compte de cette nuance.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Le député de Dorchester a posé ma première question concernant le chevauchement. Mais, en même temps, il m'en a suscité une autre lorsqu'il a parlé de professeurs non qualifiés dans les écoles. Mon impression, c'est qu'il n'y en a pas tellement puisque ces gens ne seraient pas reconnus, pour autant que je sache, par le ministère de l'Education pour fins de subventions. Anciennement, il y en avait plusieurs, mais je n'ai pas l'impression que la proportion soit très élevée. Est-ce que vous auriez des chiffres à cet effet?

M. FOISY: II y a une enquête qui vient d'être terminée à notre université, à la demande de la Direction générale de l'enseignement supérieur, concernant les caractéristiques du personnel enseignant au Québec. Le rapport n'est pas encore déposé mais j'ai eu l'occasion de le voir. Par exemple, on sait qu'au niveau secondaire, il y a 1,600 professeurs d'éducation physique dont 19 p.c. ont été formés à l'extérieur du Québec. La moyenne de scolarité est de quinze ans alors que, normalement, il faut seize ans de scolarité pour un premier cycle universitaire, une accréditation et un permis d'enseigner, dans la formule moderne. Evidemment, parmi ces gens qui ont moins de scolarité que le minimum actuel le demande, il y a beaucoup de personnes qui ont été formées selon les régimes particuliers du brevet B et du brevet A avec des équivalences et, éventuellement, un permis d'enseigner. Mais la situation progresse très rapidement. Bien que parmi les quelque 20 disciplines qui figurent dans les programmes au secondaire nous soyons une des disciplines qui a le niveau de qualification le plus bas — alors qu'il y a, je crois, seulement 55 p.c. de nos gens qui ont terminé le premier cycle universitaire — nous sommes la profession dont le taux de progrès, le taux de rapprochement vers l'idéal est le plus grand présentement.

M. PEARSON: Est-ce que, d'après vous, il y

a beaucoup de jeunes là-dedans? Je sais qu'avant qu'il y ait une faculté d'éducation physique à l'Université de Montréal les gens étaient obligés d'aller à l'Université d'Ottawa pour se faire former. Mais est-ce qu'il y a beaucoup de jeunes parmi ce pourcentage de gens qui viennent de l'extérieur?

M. FOISY: Ah oui! M. PEARSON: Oui.

M. FOISY: On dit que, sur les 1,600, il y en a 19 p.c. qui ont été formés à l'extérieur du Québec; cela inclut ceux qui viennent d'Ottawa, de Moncton, des autres universités du Canada et des Etats-Unis et surtout ceux qui viennent de. la France, de la Belgique, de la Suisse. Maintenant, présentement au Québec, environ 300 professionnels de l'activité physique sont diplômés chaque année, ce qui fait qu'on se rapproche très vite de la norme souhaitée par le règlement no 4, par exemple.

M. PEARSON: Ah bon! Est-ce que ça veut dire, pour mon information, que votre organisme ne peut rien faire là-dedans? Si quelqu'un arrive de l'extérieur avec une qualification quelconque, la commission scolaire qui l'engage peut dire qu'il est qualifié, et vous n'avez rien à dire.

M. FOISY: Non, le Bureau de certification...

M. PEARSON: Vous ne pouvez pas dire: Ce bonhomme est qualifié selon nos normes.

M. FOISY: ... des maîtres fait une enquête sur les équivalences et peut consulter soit les milieux universitaires concernés, soit notre fédération pour voir si on reconnaît telle formation prise, par exemple, en Suisse comme étant équivalente à la nôtre. Mais c'est surtout à cause de la jurisprudence du passé qu'il nous est impossible de corriger rapidement cette situation. Il y en a plusieurs qui ont acquis une ancienneté et des permis temporaires d'enseignement.

M. PEARSON: Mais vous souhaiteriez, éventuellement, avoir un contrôle sur l'ensemble des professeurs d'éducation physique pour la qualification.

M. FOISY: Oui. Maintenant, il y a un problème particulier qui s'est dégagé suite à la création de l'option de technicien en sport et loisir au niveau collégial. On a formé, après treize ans de scolarité, des techniciens en sport et loisir qui, à cause de bien des difficultés de parcours, ont finalement eu la permission d'entrer dans le milieu scolaire. Cela, évidemment, réduit considérablement les exigences que l'on peut avoir. Si on permet à des techniciens qui ont treize ans de scolarité d'entrer dans l'école et, éventuellement, d'enseigner on fout en l'air toutes les bases de la réforme au plan de la qualification des maîtres, particulièrement dans ce domaine.

Maintenant, je pense qu'il y a des correctifs qui sont en voie de s'appliquer. Si des mesures concrètes pouvaient être prises dans ce sens, je crois que cela contribuerait à élever le niveau de qualification des enseignants à 100 p.c. comme nous le souhaitons tous.

M. GUAY: L'activité physique, cela comprend énormément de choses. Quand on parle d'activité physique, je pense, par exemple, aux gens qui ont pris l'habitude de faire de la marche chaque matin, aux gens qui vont faire de la raquette, en fait tous les sports. L'activité physique, c'est un champ qui est très très vaste. Quand vous dites "afin de donner", je suis d'accord. "Maintenir", évidemment, tout le monde essaie de se maintenir en bonne condition physique. "Redonner", d'accord, à l'enfant ou à l'adulte. Quand on parle de l'adulte, on dit "la maîtrise de leur motricité en général." J'aimerais faire préciser: Est-ce que les exercices prénataux devraient être donnés par des éducateurs physiques? C'est peut-être le cas, actuellement. Ce genre d'activité est-il également compris dans l'activité physique? L'activité physique, encore une fois, c'est grand.

M. BOUCHARD: J'ai l'impression, justement, que le mouvement, en soi, est neutre. Tout dépend de la posologie et de la compétence de la personne qui l'applique. Pour les personnes qui s'occupent, justement, du secteur que vous venez de mentionner, j'ai l'impression qu'avec une formation spécialisée, c'est un champ d'application bien précis, et l'activité physique, l'exercice peut être utilisé à différentes fins. Comme nous le disions tout à l'heure, nous ne voulons pas fermer des champ d'actions à d'autres professions. Si ces personnes ont la compétence pour le faire, si elles manipulent bien les coordonnées du mouvement et de l'activité physique, le concept d'activité physique est fort large, dans ce sens.

M. GUAY: Si on s'en tient à ce que vous mentionnez...

M. BOUCHARD: On ne veut pas empêcher les gens de marcher le matin sans avoir un spécialiste de l'activité physique à côté d'eux.

M. GUAY: Vous avez parfaitement raison. Dans l'interprétation juridique de ce qu'il y aura dans la loi, cela pourra aller jusque là.

M. FOISY: Vous avez parfaitement raison. Si vous regardez le modèle, il est le même pour celui qui veut faire faire des exercices prénataux pour préparer quelqu'un à l'accouchement. Son but est d'élever le niveau d'adaptation de la femme afin qu'elle soit capable de faire face au

stress imposé par l'accouchement, par l'enfantement. On agit à partir des mêmes coordonnées scientifiques que lorsqu'on veut prendre des muscles, chez un lanceur de poids, et l'entraîner en vue d'une performance supérieure. On doit tenir compte du même modèle scientifique: nature, forme, intensité, fréquence, durée, périodicité de l'exposition au stress. C'est exactement le même modèle. Alors si notre personne est compétente de l'activité physique, elle est en mesure de faire les distinctions qui s'imposent et de choisir des mouvements qui tiennent compte du niveau de tolérance du sujet et de sa condition particulière.

M. GUAY: Si j'ai posé cette question, c'est que je voulais éviter, un exemple, d'aller aussi loin que dire que la mère de famille conseillant, par exemple, à sa petite fille ou à son petit garçon de faire tel exercice, serait hors la loi. Elle n'aurait pas le droit de le faire. Disons que c'est pour apporter des nuances, pour que le législateur soit sûr de ne pas brimer...

M. FOISY: D'accord. A partir du moment où vous voulez donner, maintenir ou redonner, vous vous inspirez aux mêmes sources scientifiques.

M. GUAY: D'accord.

M. LAURIN: Ce serait désastreux si on empêchait les "barmen" d'exercer une activité thérapeutique !

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Je vous remercie. Il y a une question qui m'intéresse. Je peux vous la poser. Est-ce que vous prévoyez qu'avec vos activités dans les CEGEP et ainsi de suite, vous pourrez préparer des athlètes en vue de la participation aux jeux olympiques de 1976?

M. FOISY: C'est une question d'autant plus excellente, si vous me permettez l'expression, que j'ai présidé le comité qui a étudié le problème de la participation du Québec aux jeux de 1976, le comité Québec-76, qui avait d'ailleurs été formé par le député de Fabre, qui est ici.

Je crois que nous trouvons effectivement dans le niveau supérieur de nos établissements scolaires un terrain extrêmement fertile à la découverte des espoirs et à l'exploitation des ressources humaines et matérielles qui sont là. Nous avons des bons investissements au Québec, actuellement, pour préparer une élite pour 1976.

Les points de vue sont partagés quant à la capacité du Québec d'arriver à une représentation adéquate à temps, pour 1976, parce qu'il faut du temps, il faut huiler la machine, trouver ces espoirs et il faut que les moyens soient disponibles très rapidement pour que nous progressions. Mais la machine semble en marche actuellement et la mission Québec-1976, qui a comme objectif d'assurer cette représentation, a déjà pris action pour déclencher des mesures d'urgence.

M. GUAY: Je veux vous poser une question quand même: Etes-vous satisfait du résultat obtenu par les nôtres aux Jeux olympiques?

M. FOISY: Parlez-vous des jeux de Munich? M. GUAY: Oui.

M. FOISY: A Munich, les organisateurs ne sont sans doute pas très satisfaits à cause des événements qui se sont produits, mais le Québec, à Munich, n'a pas progressé par rapport aux jeux antérieurs de Tokyo ou de Mexico. On se maintient toujours à une participation d'environ 10 p.c. de la délégation du Canada, et le Québec francophone perd du terrain.

M. HOUDE (Fabre): Ce qui veut dire, en termes plus simples, qu'à Munich il y avait 25 Québécois sur à peu près 200 athlètes du Canada et que, sur les 25, il y en avait à peine 11 de langue française, ce qui représente à peu près 4 p.c. à 5 p.c. du contingent de l'équipe canadienne. Si on tient compte que le Québec représente à peu près le tiers de la population totale, l'objectif que nous nous proposons avec le comité 1976, c'est d'essayer d'avoir au moins le tiers des participants qui soient du Québec.

M. GUAY: A vous, messieurs, de relever le défi.

M. FOISY: Mais ça va dans les deux sens. Pendant qu'on se pose un défi de cette envergure, d'avoir une participation d'à peu près un tiers de l'équipe du Canada, les autres provinces s'imposent aussi des défis de même nature et prennent des mesures spéciales. Nous, il faut prendre des mesures spéciales pour rattraper le retard que nous avions déjà accumulé auparavant et des mesures d'urgence pour progresser à un rythme plus rapide qu'eux à l'intérieur des quatre ans qui nous restent.

M. GUAY: Est-ce que l'Etat fait suffisamment sa part pour donner leur chance aux éducateurs physiques de ...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GUAY: Excusez, je suis hors d'ordre; je n'avais pas le droit de poser la question.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions pour la présentation de votre mémoire et nous retenons le voeu exprimé par le député de Gaspé-Sud, avec lequel vous semblez être d'accord pour les préparatifs de 1976. Nous vous

remercions pour vos réponses aux membres de la commission.

M. FOISY: Merci.

M. LE PRESIDENT : J'aimerais souligner aux membres de la commission que les mémoires 125 et 113 ne seront pas lus ce matin; les porte-parole sont absents.

Dr Paul-Emile Chèvrefils

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le Dr Paul-Emile Chèvrefils à nous exposer le mémoire no 74. J'aimerais lui souligner que la commission normalement, suspend ses travaux à midi trente. S'il veut commencer, nous continuerons après le lunch.

M. CHEVREFILS: MM. les membres de la commission, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour donner un peu d'à-côtés sur le mémoire que je vous ai déjà envoyé.

Je voudrais essayer de mettre à votre disposition l'expérience d'un médecin qui utilise depuis 25 ans la chiropratique parmi sa clientèle. J'ai lu le journal des Débats et il semble y avoir plusieurs questions auxquelles vous cherchez des réponses. Si je peux vous aider, je viens ici pour ça.

Je voudrais ajouter tout de même, en remarque au schéma que je vous ai fait parvenir, que j'aimerais que, dans la loi que vous projetez d'adopter sur la chiropratique soient bien définies les différences de pensées entre la médecine et la chiropratique. La médecine est un système dont vous trouverez le plan dans le livre que je vous ai déjà envoyé lors de sa parution, aux pages 66 et 67, et qui est axé sur un nom. En médecine, il faut nommer les effets qu'on voit.

Or, nommer dépend beaucoup de l'expérience et des connaissances de celui qui nomme une condition. Cela ne veut pas dire que c'est toujours exact. Voilà pourquoi on parle de noms différents, de diagnostic différentiel, parce qu'un nom, en fait, c'est un diagnostic.

Je voudrais bien que la commission sache qu'en chiropratique il n'y a pas de nom, il n'y a pas de diagnostic. Le chiropraticien, lorsqu'un patient le visite, cherche à demander au malade: Où avez-vous mal? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas bien chez vous? A ce point de vue, la chiropratique est axée sur la correction d'un trouble physique qui a des répercussions organiques et psychiques. La distribution de la vie à l'intérieur du corps se manifeste par l'extérieur, la vie coule de l'intérieur vers l'extérieur et lorsqu'il y a un trouble fonctionnel, c'est toujours qu'il y a une compression, un arrêt sur la distribution de l'influx nerveux ou le courant de vie à l'intérieur du corps qui se manifeste à différents endroits, à différents organes.

Il est inutile, au point de vue chiropratique, d'analyser chaque partie. C'est pour ça que les résultats des laboratoires ne cadrent pas avec la chiropratique, bien que vous ayez eu plusieurs exposés de chiropraticiens qui veulent utiliser les laboratoires.

Alors dans la distribution de l'influx nerveux, la subluxation, qui est justement la compression des fils par la structure, amène des troubles organiques et fonctionnels. C'est pour ça que ce que les médecins appellent des symptômes, les chiropraticiens appellent ça des malaises.

Alors, pour rechercher la condition de structure, le chiropraticien emploie différents appareils et l'importance des rayons X est plutôt relative. La propagande médicale indique les radiations comme quelque chose de très dangereux. Cette propagande est fausse, parce que le médecin, quand il est vis-à-vis d'un malade, ne sait pas à quoi il a affaire et comment il va le traiter. Alors il a peur du malade puis il fait peur au malade.

Tandis qu'en chiropratique c'est tout à fait l'inverse. Lorsqu'un malade vient on sait qu'on peut faire quelque chose. La chiropratique c'est limité par le praticien. La chiropratique en elle-même est une science et elle a une philosophie. C'est une philosophie de choses naturelles. La médecine n'a pas encore atteint le stade de science. Elle est encore à l'étude des cas particuliers. Je l'ai écrit en 1963 quand j'ai mis la vérité sur la chiropratique sur le marché. Je le redis encore aujourd'hui. C'est encore exact.

La base qui serait requise pour l'étude, c'est sûr que plus quelqu'un a des études supérieures mieux il peut rendre service à la société. Mais pour replacer des articulations les études ne sont pas aussi nécessaires. On cherche à l'établir. Il y a eu des écoles, aux Etats-Unis, qui formaient un chiropraticien dans six mois.

Même en un an et demi on peut former un chiropraticien qui va être utile à tous les malades. Lorsque vous arrivez devant plusieurs commutateurs et qu'on vous indique que tel commutateur allume telle lumière, un enfant de trois ans qui n'a aucune connaissance en électricité, du moment qu'il lève le commutateur il va voir la lumière s'allumer s'il y a du courant.

Dans notre éthique, je montre aux femmes spécialement — parce qu'elles sont toujours avec les enfants en bas âge à la maison et afin qu'elles puissent rendre service à des adultes — comment faire, comment agir dans tous les troubles ordinaires qui surviennent. A ce moment-là ça fera autant de hors-la-loi si vous mettez une loi trop rigide. Il faut que vous laissiez les portes ouvertes à ce genre d'activité. J'ai l'intention de continuer à enseigner aux gens comment faire pour se tirer d'affaire, pour éviter de prendre des médicaments qui intoxiquent. Quand un médecin donne un médicament, il ne sait pas comment il va se briser dans l'organisme. Il y a des effets inconnus de chaque médicament, et quand un patient prend plusieurs médicaments, il a des effets du médicament qu'il a pris avant, parce qu'il y a un effet entre les substances qui composent chaque médicament.

Maintenant, j'aimerais que vous laissiez une

porte ouverte pour les gens qui cherchent à rendre ce service, mais qui ont aussi un esprit de recherche et qui veulent se servir dans leur pratique de plusieurs disciplines. Moi, je ne suis pas satisfait du Collège des médecins et chirurgiens, mais je suis obligé d'en faire partie par la loi. Ce sera peut-être la même chose pour la pratique de la chiropratique, je serai peut-être forcé d'en faire partie et je ne voudrais pas en faire partie. C'est pour ça que je me suis désisté du Medicare, parce que j'ai compris que Medicare actuellement fait vivre une quantité de médecins incompétents. C'est pour cela que ça coûte si cher actuellement.

Si la chiropratique entre dans un "médicare", il y a beaucoup de chiropraticiens incompétents qui vont profiter des cartes.

Maintenant, quant à l'utilisation du mot docteur, ma foi, je crois qu'actuellement tous les médecins, pour être docteurs, doivent présenter une thèse. Aucun des médecins n'a passé de thèse pour avoir un doctorat. Il serait peut-être préférable de désigner ceux qui suivent des cours particuliers et qui deviennent professeurs sous un autre vocable, mais de réserver le mot docteur à ceux qui produisent des thèses pour le doctorat. Je crois que c'est l'usage des disciplines. L'étude de la chiropratique. En établissant une loi, je crois qu'il serait bon d'avoir une école pour permettre un gros débouché aux étudiants qui finissent le CEGEP et qui ne savent où se diriger. Je crois qu'ils rendraient un service énorme à la société. Si la chiropratique était connue comme la médecine l'est et avait l'avantage de se servir des fonds que le gouvernement met à la disposition de la médecine officielle, je crois que les gens seraient beaucoup plus en santé. Quand une personne est en santé, elle est heureuse. Quand elle est heureuse, elle ne cherche pas à contester ou, enfin, à devenir irritable vis-à-vis de toutes les lois que le gouvernement peut adopter.

Je voudrais laisser les députés m'interroger au sujet de la chiropratique. Je vais essayer de leur répondre du mieux que je peux et mettre à leur disposition mes connaissances et mon expérience. Merci.

M. LE PRESIDENT: II est 12 h 30. Nous allons suspendre pour le lunch. J'inviterais les membres de la commission à préparer leurs questions et à les poser à la reprise de la séance. Nous suspendons la séance jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

Reprise de la séance à 14 h 39

M. CROISETIERE (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

J'inviterais M. Chèvrefils à venir au micro.

Le député de Gaspé-Sud a des commentaires à faire ou des questions à poser.

M. FORTIER: M. le Président, j'ai étudié le mémoire présenté par le Dr Chèvrefils. Je ne partage peut-être pas le même optimisme que lui à l'article 4 de votre mémoire, vous dites que vous pouvez aider le malade à retrouver la santé d'une façon certaine. Il me semble que c'est pas mal absolu. Surtout sur l'article 19, je voudrais que vous me donniez quelques renseignements. Vous dites: La chiropratique aide à récupérer l'enfance arriérée, l'arriéré mental, etc. Je ne vois pas comment la chiropratique peut récupérer l'arriéré mental. Est-ce que vous pourriez me donner quelques renseignements à ce sujet?

M. CHEVREFILS: Oui. Auparavant, si vous vouliez, je voudrais juste prendre une minute pour vous indiquer ce que j'ai oublié de dire, ce matin, vue le peu de temps que vous m'aviez alloué.

J'aimerais que dans le projet de loi le gouvernement inclue la clause "grand-père" qui consacre les droits acquis. Cette clause "grand-père" a été appliquée. J'utilise ici un texte du Dr Herbert Shelton qui est médecin aux Etats-Unis: "La clause "grand-père" est un stratagème légal et fort ancien et honorable. Les médecins l'utilisèrent lorsque furent adoptées les lois réglementant leur profession et il en fut ainsi même pour les avocats.

Tous les commerçants et professionnels, plombiers, coiffeurs, esthéticiens, infirmiers et le reste l'utilisèrent chaque fois qu'ils cherchèrent à faire adopter une loi leur donnant un monopole. Il semble donc qu'on la considère comme très honnête lorsque ces divers commerçants et professionnels l'utilisent, mais qu'on la tienne pour criminelle lorsqu'il s'agit des chiropraticiens.

Le fondement d'une telle clause est qu'il est reconnu légalement que chaque individu possède un droit de propriété sur son commerce ou sa profession et qu'il serait injuste qu'une loi le lui retire.

J'aimerais que, si un médecin siège au conseil de corporation des chiropraticiens, il soit diplômé en chiropratique. Autrement, il y a un trop gros parti pris. J'aimerais aussi qu'on ajoute une clause exigeant que, si un médecin se sert de la chiropratique dans sa pratique, il ait étudié la chiropratique dans une école reconnue.

Lorsque j'ai parlé de l'incompétence des chi-ropracticiens, je voulais parler d'un chiroprac-ticien qui utilise les moyens médicaux. C'est ce que j'appelle de l'incompétence chiropratique, parce que la chiropratique n'utilise aucun des moyens médicaux. La vitaminothérapie appar-

tient à la médecine. Quant aux vaccins, je crois que vous avez déjà eu ma position là-dessus. Je suis content, tout de même, que le gouvernement ait enlevé la vaccination obligatoire, qui était une atteinte directe à la liberté privée. Seulement, il y a encore des gardes-malades, dans certaines écoles actuellement, à Rosemont, qui forcent les mères de famille à faire vacciner leurs enfants malgré elles. Je crois qu'il y a un chantage qui s'installe, actuellement, qui est mauvais.

Quant à la bactériologie, elle n'a pas fait de progrès depuis au moins 75 ans. Elle est restée telle quelle. Je pourrais élaborer là-dessus si cela vous intéresse.

Pour éviter que les corporations ne deviennent trop puissantes, j'aimerais qu'on reporte la cotisation annuelle de tous les membres à pas plus de $10 par année. De cette façon, personne ne chercherait à prendre la tête d'une corporation ou d'un mouvement pour faire du lobbying ou pour faire, enfin, passer des idées. Voilà ce que je voulais ajouter.

Pour revenir à l'article 4 — je crois que c'est dans les préliminaires — il est urgent de renseigner le législateur sur la valeur de chaque discipline médicale et chiropratique, qui aide le malade à retrouver sa santé d'une façon certaine.

C'est justement ce dont je parlais ce matin à propos des différences essentielles qui existent entre la chiropratique et la médecine. Les médecins qui viennent vous parler de chiropratique ne la connaissent pas. Beaucoup de chiro-praticiens viennent ici vous parler de chiropratique et ils emploient des moyens médicaux qui leur font abandonner les principes de la chiropratique. Voilà pourquoi ils sont moins efficaces dans leur travail.

Quand le malade vient nous voir, il a des douleurs à des endroits bien précis. Ce qu'il cherche, c'est tâcher d'être bien, peu importe les méthodes que nous employons. La santé est la distribution de la vie complète entre le cerveau et toutes les parties. Et le cerveau est le centre de tout le système nerveux. Il reçoit des informations de tous les organes du corps dans des centres qui correspondent à tous ces endroits et du cerveau partent des impulsions en rapport avec les informations qu'il reçoit.

La santé est une distribution de l'énergie nerveuse, vitale, du cerveau à l'intérieur par les fils jusqu'aux organes et des organes vers le cerveau. On peut intercepter la distribution de la vie à l'intérieur de l'organisme par ce qu'on appelle une subluxation, qu'elle soit osseuse ou organique — organique, c'est-à-dire des organes ou des parties molles — cela peut amener des compressions sur les fils.il y a un arrêt de distribution, une modification de distribution à partir de la compression, et ce qui est au bout du fil fonctionne avec la quantité d'énergie qui passe.

M. LAVOIE (Wolfe): Pouvez-vous nous prouver ça, docteur? J'entends des réflexions d'autres médecins, et ils n'ont pas l'air de croire ce que vous dites là.

M. CHEVREFILS: Les médecins ne connaissent pas la chiropratique. Je vous parle de quelque chose que j'ai mis à profit et expérimenté depuis au moins 25 ans. Ce que je dis a été dit de la même façon — je n'invente rien — par B.J. Palmer. Il a inventé un appareil qui s'appelle l'electroencephalomentempograph. Celui-ci est thermo-électrique et est relié à un appareil complètement en dehors.

Il est "groundé" si vous voulez, et il est complètement indépendant de toutes les erreurs possibles extérieures. Avec cet appareil, il a pu mettre en évidence et mesurer ce qu'il appelle les forces par unité qui sont distribuées à travers l'organisme.

Quand vous touchez à un fil, s'il est mort, s'il n'y a pas de courant, vous ne le savez pas juste à le regarder, mais quand vous le touchez, vous savez s'il a du jus ou s'il n'en a pas. C'est un peu la même chose pour le système nerveux; lorsqu'il coule, vous ne pouvez pas le voir mais vous pouvez voir les manifestations de cette distribution nerveuse à travers les fils. Et ça, il l'a mis en évidence par cet appareil. Et les données sont à l'école Palmer.

Toute modification amène un arrêt de distribution; cet arrêt peut être total, c'est une paralysie au bout; il n'y a rien qui fonctionne. Cela peut être un arrêt qui peut être mitigé, qui correspond aux différents fonctionnements de l'organe. Si seulement 10 p.c. sont interceptés, il va fonctionner à au moins 90 p.c. Il établit une échelle de cette façon.

C'est absolument indépendant de tout facteur d'erreur et ces données peuvent être obtenues à l'école Palmer. Entre parenthèses, le juge Lacroix n'a jamais été à Palmer; il est allé à Davenport mais il a refusé d'aller à l'école et ça, je le lui ai fait dire devant un avocat, par le fils de Palmer, Dave.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption aurait une question à vous poser.

M. PERREAULT: Après le mémoire.

M. LE PRESIDENT: Après le mémoire.

M. CHEVREFILS: Quand une personne est malade, c'est un manque de distribution de vie. Lorsqu'on enlève la compression, automatiquement, la distribution de vie redevient normale et la partie malade reprend vie. C'est pour ça que je dis que c'est une façon certaine de ramener les personnes malades à la santé.

Je ne sais pas si ça correspond à l'explication que vous cherchez.

M. FORTIER: J'aurais seulement une autre question à vous poser. Je suis un peu sceptique quand vous dites que la chiropraxie aide à récupérer l'enfance arriérée et le retardé mental.

Comment la chiropraxie peut-elle avoir une certaine influence sur le retardé mental ou encore sur un enfant arriéré? Brièvement, juste un mot.

M. CHEVREFILS: Lorsqu'il y a des subluxations à différents endroits le long de la colonne vertébrale, tout ce qui est attaché à la colonne change de direction, les organes aussi et une partie osseuse qui est affectée le plus, c'est le thorax, tout ce qui forme la poitrine.

A l'intérieur du thorax, vous avez les poumons. J'ai apporté ce petit montage ici pour vous donner un peu l'idée. Lorsqu'il y a des sauts, les os du bassin peuvent s'écarter, amener des rotations et, lorsqu'il y a rotation, il y a changement du bassin dans un sens ou dans l'autre. Vu que toute la colonne s'articule avec le bassin, puisqu'il distribue le poids également sur les deux jambes, cette rotation du sacrum amène une rotation des lombaires dans un sens ou dans l'autre, soit à gauche ou à droite ou, enfin, sur un cercle. Cela se déplace, malgré que les médecins disent que ça ne se défait pas; c'est faux. En amenant une rotation du bas, disons, vers la gauche, automatiquement, vous avez dans le dos, en sens contraire, une rotation des vertèbres dorsales et le cou se déplace dans le même sens que les lombaires.

Lorsque les vertèbres se déplacent ici, la côte — une côte, c'est un même os — s'articule en arrière avec la transvertébrale, puis avec le plastron costal. Alors, quand il y a une rotation des vertèbres, ça entraîne la côte. Ce qui entraîne la côte en arrière ici, ça l'entraîne en avant; ce qui est en avant s'en va sur les côtés. Cela veut dire que le thorax, à ce moment-là, ouvre. Il y a une rotation et on sait que les muscles qui y sont attachés tiennent le thorax d'aplomb. Normalement, lorsqu'on respire, il y a une élévation des côtes. Quand il y a une rotation dans un sens ou dans l'autre, vous limitez le volume d'oxygène.

En limitant le volume d'oxygène, le sang qui transporte l'oxygène, quand il arrive au cerveau ou qu'il s'en va dans tous les organes, un organe qui a moins d'oxygène fonctionne moins. Cela peut entrafner des dérangements du côté du fonctionnement du cerveau. Quand c'est fait au début, et même pendant la grossesse, si on injecte à la femme des vaccins— vous intoxiquez l'individu, parce que tout vaccin est une infection — si vous intoxiquez la mère, vous apportez un manque de développement du foetus qui se traduit au bout de neuf mois par un manque de développement. Si quand il vient au monde, on est obligé d'appliquer les forceps, qu'on tire sur le cou, vous avez des subluxations. Plus elles sont près du cerveau, plus l'étendue du manque de vie est grand et vous provoquez un manque de fonctionnement organique. Quelqu'un qui manque d'oxygène devient irritable, nerveux, agressif, justement parce qu'il court après son souffle. Lorsque vous corrigez des subluxations, spécialement à l'atlas — c'est celle qui est la plus importante — et qu'en même temps, pour aller plus vite, vous allez a us différents endroits de la colonne, des hanches, du sacrum et même des articulations des membres, vous obtenez un retour des côtes vers la normale, une plus grande oxygénation qui, nécessairement, se traduit par un meilleur fonctionnement de l'esprit, du cerveau.

M. FORTIER: Je remercie M. Chèvrefils de ses explications.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN : M. Chèvrefils, nous avons eu ici à la commission les chiropraticiens. Nous avons eu les naturopathes. Nous avons eu les médecins-chirurgiens. Qui représentez-vous des trois? Est-ce que vous ne vous entendez pas ni avec les uns ni avec les autres? Pourquoi venez-vous ici? Qu'est-ce que vous représentez, en fait, ici?

M. CHEVREFILS: Ce que je représente, c'est 25 années de pratique en me servant de la chiropratique. Je pratique une médecine naturelle.

M. BOIVIN: Mais est-ce que les naturopathes ne vous ont pas satisfait? Ils se sont présentés.

M. CHEVREFILS: Je suis docteur en natu-ropathie.

M. BOIVIN: Mais est-ce que les naturopathes vous ont représenté, quand ils sont venus ici à la commission?

M. CHEVREFILS: Non.

M. BOIVIN: Je dois faire une mise au point, M. le Président. Nous ne sommes pas ici, à la commission, pour entendre les idéologies de tous les gens. Quelle relation a votre présentation vis-à-vis des bills nos 250, 252 et 269, les bills des médecins, des chiropraticiens et le bill général des professions?

M. CHEVREFILS: Je mets à votre disposition mes connaissances et mon expérience. Voilà pourquoi je suis ici. Je suis ici comme contribuable et je me crois autorisé à parler autant de la médecine que de la chiropratique et que de la naturopathie. Je suis ici pour vous offrir mes services, pour vous aider à voir clair dans tout ce pétrin qu'on étale devant vous.

Chaque organisme tire la couverture de son côté et veut obtenir le plus possible. La médecine actuelle est un monopole dans la province de Québec et elle veut empêcher tout autre organisme de pratiquer. Elle veut garder pour elle tout ce qu'elle a monté depuis 75 ans. Si vous reculez 100 ans en arrière, vous allez voir que la médecine n'était pas ce qu'elle est, aujourd'hui. Elle était beaucoup plus efficace

qu'elle ne l'est actuellement. Actuellement, les patients meurent à cause de la médecine actuelle.

M. HOUDE (Fabre): S'ils meurent à 75 ans...

M. CHEVREFILS: Combien y a-t-il de personnes ou de médecins qui meurent à 40 ans? Combien y a-t-il d'enfants qui meurent...?

M. HOUDE (Fabre): Quand vous nous donnez le quatrième paragraphe de la page 1, je pense qu'on peut prendre votre portrait. "Il est urgent de renseigner le législateur sur la valeur de chaque discipline médicale et chiropratique après les avoir utilisées durant un quart de siècle à aider le malade à retrouver la santé d'une façon certaine."

Vous êtes le seul à avoir le pas, bravo !

M. CHEVREFILS: Non, non! Un instant! Je crois que vous vous méprenez et que vous voulez me faire jouer un rôle que je ne veux pas jouer du tout.

M. HOUDE (Fabre): Ce n'est pas sérieux.

M. BOIVIN: M. Chèvrefils, vous n'avez pas répondu à ma question. Les trois qui se sont présentés, vous ne considérez pas que ces gens ont parlé en votre nom?

M. CHEVREFILS: Ils sont venus parler pour leur groupe, si vous voulez. Ils ont voulu essayer d'obtenir le plus possible pour garder le plus possible. C'est ce qu'ils sont venus faire.

M. BOIVIN: Dans votre mémoire, vous parlez contre l'imposture ou un mot semblable. Vous pensez que Pasteur n'a pas amené tous les gens de la chirurgie à sauver... Vous êtes contre la pasteurisation, évidemment vous êtes contre la vaccination...

M. CHEVREFILS: Oui.

M. BOIVIN: Alors, vous êtes seul à avoir le pas. Il n'y a personne d'autre?

M. CHEVREFILS: Non, je ne suis pas le seul, je regrette. Mais, dans le monde, je crois qu'il existe une médecine naturelle. Il n'y a pas seulement des allopathes. Le cours que j'ai fait à l'université c'est un cours d'allopathe. On donne des maladies pour en soigner une autre, ce qui est tout à fait ridicule. Quand quelqu'un est malade, c'est une distribution de vie à l'intérieur. Le médecin ne va pas à l'intérieur actuellement et il faudrait qu'il change de façon de penser. Ce n'est pas parce qu'il ne connaît rien; au contraire, il connaît beaucoup. Mais il est mal dirigé. Il n'est pas sur la bonne voie. J'ai écrit cela en 1963. Je le maintiens. C'est encore vrai. Il va falloir que la médecine change sa façon de voir. La vie coule de l'intérieur à l'extérieur. On ne peut pas ajouter de la vie à quelqu'un. C'est ce que le médecin cherche à faire; ajouter de la vie en ajoutant des substances. A ce moment-là, il met des substances artificielles dans le corps d'un individu et il produit une infection, une intoxication. L'intoxication empêche les muscles de tenir la structure d'aplomb. Quand la structure se déplace, cela empêche la vie de passer.

M. BOIVIN: Quelle relation cela peut-il avoir? Quelle représentation voulez-vous faire vis-à-vis de la législation actuelle, les bills 250, 252, 269? Nous ne sommes pas ici pour écouter toutes les théories.

M. CHEVREFILS: Que vous voyez à mettre des clauses, comme la clause "grand-père". Tous ceux qui sont en pratique, vous ne devez pas priver leur clientèle d'en recevoir des bienfaits et l'obliger d'aller ailleurs. Chaque individu doit avoir le droit, la liberté de choisir celui par qui il veut être traité, celui qu'il pense être capable de l'aider. Quand quelqu'un n'est pas compétent, automatiquement, il s'efface. Mais, avec des lois où vous allez l'inclure dans un système où je paie des taxes, je crois qu'il va vouloir profiter uniquement des visites. Il va s'éloigner de la chiropratique. Je viens ici pour que vous fassiez une différence entre la pensée chiropratique, qui regarde la vie, et la pensée médicale qui regarde la mort. C'est aussi simple que ça. La définition est bien marquée.

Le système médical est logique, mais il part du principe de donner un nom. Mais chaque individu est différent. Vous ne pouvez pas former des cadres et entrer tous les individus dans le même cadre. Ce n'est pas vrai, ça. Comme dans toutes les lois, il faut que vous laissiez suffisamment une porte ouverte pour permettre une certaine liberté à chaque individu. Si j'utilise dans mon bureau des moyens chiropratiques et que je les enseigne à mes clientes et que celles-ci, lorsqu'elles vont chez le voisin, disent: Je vais traiter ton enfant, il a mal à la gorge, j'appelle cela traiter, mais elles, elles veulent rendre service. Elles sont capables de le faire et de rendre service. Au lieu d'être pris pour courir après un praticien — c'est une peur, en fait; les gens sont angoissés, ils ne savent pas quoi faire — il faut leur dire quoi faire. C'est là le rôle du vrai médecin: enseigner à ses enfants à se passer de lui. Mais où est-elle, cette projection, dans la médecine actuelle? Tous ceux qui viennent ici pour parler contre la chiropratique, ce sont des gens qui ne connaissent pas ce qu'est la chiropratique.

Ils la connaissent pour en avoir entendu parler ou avoir lu. Ils ne l'ont pas étudiée. C'est ce que je veux dire. Je ne suis pas seul à penser comme cela. Il y a un médecin qui est venu dernièrement, le Dr Passebecq de France. Si vous l'avez écouté, il vous a démontré que la médecine actuelle fait fausse route et qu'elle doit se ressaisir et partir sur un bon pied.

C'est pour cela que je viens ici, pour mettre à votre disposition mes connaissances, pour vous aider à faire une loi qui ait du bon sens.

M. BOIVIN : Mais avez-vous des suggestions à faire sur le bill 250? Avez-vous des articles à corriger? Au lieu d'étaler vos théories, dites-nous donc exactement les corrections que vous voulez dans le bill 250, les corrections que vous voulez dans la Loi médicale, le bill 252, les corrections que vous voulez dans le bill des chiropraticiens, bill 269.

M. CHEVREFILS: Que la Loi médicale laisse tranquille des individus comme moi — je ne suis pas tout seul — s'ils veulent utiliser d'autres disciplines. Qu'ils puissent le faire sans que le Collège des médecins essaye de les faire chanter, comme il a essayé avec moi.

La question vaccinale, je peux la développer devant vous, si vous le voulez. A part cela, je suis un des médecins vice-présidents de la ligue d'Angleterre. J'appartiens aussi à la médecine naturelle internationale de France.

M. BOIVIN : Oui mais les naturopathes, les chiropraticiens du Canada et de la province ne vous vont pas, ni le Collège des médecins?

M. CHEVREFILS: Ils ne viennent pas mêle demander, parce que...

M. BOIVIN: Vous êtes tout seul à avoir le pas, comme c'est là!

M. CHEVREFILS: Ah non, un instant! Je ne suis pas tout seul.

M. BOIVIN: Nous avons écouté. Il y a eu des positions de prises.

M. CHEVREFILS: C'est ce qu'on veut faire croire aux gens.

M. BOIVIN : II y a eu des positions de prises, ici, à la commission, par chacune de ces dénominations dont vous faites partie. Vous dites que vous êtes docteur en chiropratique, médecin-chirurgien et docteur en naturopathie. Tous ces gens sont venus ici. Ils nous ont exposé leurs problèmes. Nous les avons compris, mais votre affaire est tellement nébuleuse que je ne comprends rien dans tout votre charabia. Exposez donc votre affaire en vue des bills 250, 252 et 269 et arrêtez d'étaler toutes ces choses-là. Vous ne nous impressionnerez pas avec toutes ces choses-là.

M. CHEVREFILS: Monsieur, les articles de loi, c'est vous qui les faites. Mais vous avez besoin de notions pour faire des articles de loi qui aient du bon sens. Je vous laisse entièrement libres là-dessus. Mais je viens vous dire ce à quoi vous devriez penser, en plus de ceux qui sont venus à ce jour. Il y a eu de bons exposés mais chacun est venu pour tâcher de tirer la couverture de son côté le plus possible. Moi, je veux m'en tenir uniquement à la chiropratique, au bill que vous voulez faire sur la chiropratique. En médecine, on ne vient pas me demander ma façon de penser, du point de vue médical, parce qu'il y aurait moyen de rendre un service beaucoup plus grand à la population et cela coûterait beaucoup moins cher au gouvernement.

Si la chiropratique était utilisée, si elle était enseignée à l'université et que les médecins avaient à l'apprendre, vous videriez les hôpitaux. Je comprends que cela ne ferait pas l'affaire de bien du monde. Une grosse partie des opérations n'auraient pas lieu. C'est grave, quand on rencontre des personnes qui se font opérer continuellement. Qui vient à mon bureau? J'appelle cela un entonnoir pour les déchets de tous mes confrères médecins. Tous ceux qui viennent chez moi ont visité tous les spécialistes. C'est ce qui m'a amené à dire que le pire chiropraticien est meilleur que le meilleur médecin spécialiste. Cela commence à être grave, quand je fais des affirmations comme cela. Je sais de quoi je parle, moi.

M. HOUDE (Fabre): Vous allez vider les hôpitaux par la chiropratique, et les hôpitaux de chiropraticiens aux Etats-Unis sont apparemment remplis à craquer. Je ne comprends pas.

M. CHEVREFILS: Je vous demande pardon. Pourquoi sont-ils remplis à craquer? Parce que la plupart des malades qui n'ont pu avoir satisfaction s'en vont là pour tâcher d'obtenir un résultat.

M. BOIVIN: Pour ma part, toutes ces théories qu'on étale ici, M. le Président, c'est hors d'ordre. Qu'on nous dise ce qu'on veut sur les bills 250, 252 ou 269. Je ne tolérerai pas, faisant partie de cette commission, qu'on vienne nous étaler toutes sortes d'idéologies. Qu'on nous dise ce pourquoi...

M. CHEVREFILS: Je ne vous étale pas d'idéologies, puisque je vous parle de quelque chose de précis, que vous pouvez palper. Ce n'est pas de la théorie, ça.

M. BOIVIN: Nous ne sommes pas ici pour perdre notre temps, pour écouter toutes sortes de balivernes.

M. CHEVREFILS: Moi non plus.

M. BOIVIN: Nous sommes ici pour écouter des choses sérieuses. Si vous voulez avoir des corrections, donnez-les nous. C'est tout ce que j'ai à dire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Etant membre également de cette même commission, je dois dire au début que le point de vue de M. Chèvrefils m'intéresse particulièrement, et à partir du même exemple qu'on vient de citer, Pasteur. Bien sûr que Pasteur a devancé un paquet de professionnels en faisant sa découverte. Je me demande si M. Chèvrefils n'amène pas aujourd'hui à cette commission un point de vue tout à fait nouveau.

Regardons ceux qui se sont présentés à la commission: les naturopathes, on n'entendait pratiquement pas parler d'eux avant, les chiro-praticiens non plus. Je veux également poser une question aux médecins qui sont membres de cette commission. Qu'ils m'expliquent encore une fois comment il se fait que des médecins, que ce soit des omnipraticiens ou des médecins spécialistes, ont recours de temps en temps aux services des chiropraticiens.

Je me demande aujourd'hui pourquoi la panique s'empare des médecins à la vue de légaliser un groupe qu'on appelle les chiropraticiens. Une question a été posée tantôt et je pense qu'il y a quand même des explications physiquement logiques qui peuvent être données à une commission parlementaire. Les gens semblent se poser la question dans son ensemble concernant la chiropratique. On nous a fait la preuve à cette même commission parlementaire que des résultats étaient obtenus à la suite d'un échec médical. Les mêmes membres de cette commission étaient présents. On n'a pas semblé contester les exemples.

Je me demande aujourd'hui pourquoi on dirait que nous ne sommes pas dans l'ordre en écoutant M. Chèvrefils qui nous apporte un point de vue nouveau. J'aimerais, encore une fois, dire que le point de vue de M. Chèvrefils vient en fait non pas contredire, mais confirmer ce qui a déjà été dit à cette commission. Et dans l'esprit même des propos tenus par le ministre des Affaires sociales disant que notre population est empoisonnée actuellement par les médicaments. Une liste de restrictions pour des médicaments a même été établie. Mais si on veut pallier ça, il faut quand même permettre certains autres services.

M. Chèvrefils tente de nous donner d'une façon logique, d'une part, et scientifique, de l'autre, les bienfaits de la chiropratique. Or, la commission siège justement pour entendre des sons de cloche nouveaux.

J'aimerais poser une question à M. Chèvrefils — qui a été posée aux diététistes — qui nous fait une démonstration qu'on peut voir en plus d'entendre. On a dit à cette commission que des enfants pouvaient naître avec des déficiences mentales dues à une mauvaise nutrition. Est-ce que nous pouvons vous poser la question, à savoir si c'est vrai ou si cela peut être corrigé par des manipulations chiropratiques?

M. CHEVREFILS: Qu'on s'intoxique avec une mauvaise alimentation, c'est exact. On peut s'intoxiquer même avec des bons aliments, si on ne les mange pas d'une façon ordonnée. Pour vous donner une idée, lorsque vous avez faim, vous avez la présence d'acide chlorhydrique dans l'estomac. Cet acide est là pour commencer la digestion des substances difficiles comme les viandes, les poissons, les fromages, les céréales crues et les oeufs. Si vous prenez un verre, avant, ou une soupe ou un jus de tomate, si vous voulez, vous balayez cet acide et lorsque vous mettez les autres aliments à l'intérieur de l'estomac, ils fermentent parce qu'ils ont besoin d'être mordus par l'acide chlodhydrique et il n'y est plus. A ce moment-là, cette intoxication produit une intoxication alimentaire et cette intoxication alimentaire, comme de mauvais aliments, touche immédiatement le système musculaire. Et quand les muscles sont touchés, les cordes ne tiennent plus les os en place et les endroits qui se défont le plus facilement, suivant les habitudes d'un individu, sont différents d'une personne à l'autre et ces endroits correspondent à des organes. Et là, vous commencez à avoir des manifestations organiques mauvaises, des malaises.

M. GUAY: A ce que je sache, l'homme est encore le même qu'il était au début de la création ou presque. La médecine a évolué, et plusieurs médecins commencent à admettre que la médecine chiropratique a du bon. Vous, qui avez quand même depuis un certain nombre d'années connu des expériences dans ce sens, et étant donné que les médecins sont réfractaires à l'acte chiropratique, comment se fait-il que vous nous apportiez un aspect tout à fait nouveau? Je me pose même la question: Est-ce que c'est vous qui avez trop évolué ou si ce sont les autres qui n'ont pas évolué? Parce que, en fait, vous êtes d'abord un médecin.

M. BOIVIN: II est avant Pasteur tout de même, parce qu'il n'accepte rien de ce que Pasteur a découvert.

M. CHEVREFILS: Monsieur, vous tenez à Pasteur. En même temps que Pasteur vivait un grand médecin, Antoine Béchand; quand, dans nos études médicales, l'a-t-on mentionné? C'est lui qui a commencé justement à montrer que Pasteur était de travers; Pasteur est une formation industrielle et toutes les expériences qu'il a faites ont été fausses, il les a toutes truquées. On s'est servi de Pasteur parce que ça rapportait.

Et l'autre médecine, la vraie médecine, celle qu'on devrait pratiquer réellement, elle est laissée de côté parce qu'elle aidait les gens à ne pas être malades.

M. GUAY: Je suis en train de me poser la question suivante: Est-ce que c'est vous qui avez trop évolué ou si ce sont les autres qui n'ont pas évolué?

M. CHEVREFILS: Quand j'ai fini mon cours de médecine, je suis allé étudier la chiropratique à l'Institut Palmer, de Davenport. Là, je suis arrivé dans un esprit totalement ouvert. J'ai dit: Je ne suis pas médecin, je veux seulement voir et tâcher de me rendre compte, m'enlever les oeillères pour voir clair.

On m'a montré cette science chiropratique. C'est là que j'ai commencé à ouvrir les yeux. J'étais allé là parce que mon père se faisait traiter par le chiro Lesage, dans le temps. D m'avait dit: Après ta médecine, tu vas aller là-bas et, si c'est bon, tu l'utiliseras; si ce n'est pas bon, bien, tu le sauras.

Je pense qu'à ce moment-là j'avais un esprit pas mal ouvert. Actuellement, la médecine telle qu'elle est organisée est fermée, elle vit dans une tour d'ivoire, mais il va falloir que cette tour éclate, parce qu'elle ne peut pas rester continuellement ainsi.

En Inde, en médecine allopathique, ils sont environ 25,000, mais il y a des médecins homéopathes; qui traitent par des herbages; ils sont peut-être 250,000. Alors, qui a raison dans ce bout-là, seulement le petit groupe d'allopa-thes ou bien les homéopathes? Maintenant, la chiropratique est tout à fait différente. Un homéopathe et un allopathe traitent les effets. Ils s'occupent uniquement des effets. C'est pour ça que le médecin est obligé de faire des diagnostics différentiels, parce qu'il ne sait jamais à quoi il a affaire.

La chiropratique, elle, ne s'occupe pas des effets; elle va tout de suite à la cause, puis elle corrige la cause avant que les manifestations s'installent. Il y a des gens qui sont traités chez moi depuis 25 ans et il y en a qui sont mariés. Aujourd'hui, ils ont des enfants et ces enfants sont bien différents; ils jurent à côté des autres qui ont gardé l'esprit médical.

Moi, j'insiste seulement là-dessus, qu'on sépare ces deux disciplines parce qu'elles ne vont pas ensemble. Elle n'iront jamais ensemble tant qu'elles vont rester telles qu'elles sont actuellement. Les chiros qui deviennent inefficaces, c'est parce qu'ils emploient des moyens médicaux. C'est pour ça qu'ils sont moins efficaces. C'est pour ça qu'ils ont des accidents, parce que la chiropratique n'a jamais tué personne. C'est le contraire; elle ramène l'individu en vie.

M. GUAY: Maintenant, on a porté à l'attention de la commission que, de plus en plus, les médecins prenaient des cours de fin de semaine, qu'on a appelés des cours de recyclage, pour dire, par exemple, à la clientèle : Nous pouvons également faire ce que l'on appelle des articulations, ayant appris la profession de chiroprati-cien. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Parallèlement à ça, je peux ajouter tout de suite: Croyez-vous qu'un chiropraticien a la compétence de juger de l'acte médical et qu'un médecin a la compétence de juger de l'acte chiropratique?

M. CHEVREFILS: Un médecin n'a pas la compétence de juger d'un acte chiropratique, parce qu'il ne connaît pas la chiropratique. Un chiropraticien ne peut pas juger un acte médical, parce qu'il ne connaît pas la médecine.

M. GUAY: Maintenant, sur les cours de fin de semaine?

M. CHEVREFILS: Je n'ai pas d'objection, moi, en fait, à ce que les médecins cherchent à se documenter et à imiter. Un enfant qui va tourner un commutateur n'a pas besoin d'être électricien ou ingénieur en électricité pour savoir qu'il va allumer telle lumière.

M. PERREAULT: Quand il prend un choc, il l'apprend!

M. CHEVREFILS: Bien, c'est pour ça qu'un médecin qui ne connaît pas ou n'a pas étudié la chiropratique peut être très dangereux pour traiter les individus.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions? Le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: Dans votre mémoire, à la page 4, je vois que vous reliez les trois disciplines: la naturopathie, la médecine chirurgicale et la chiropraxie.

Comme vous l'écrivez dans votre mémoire, pour guérir de façon certaine, étant donné que vous possédez les trois, vous devez avoir un très haut pourcentage de guérisons. J'en vois une qui vous manque ici, dans le moment, c'est la médecine chinoise, l'acuponcture. C'est peut-être ça qui fait que vous manquez telle guéri-son.

M. CHEVREFILS: Disons les retours à la vie, parce que personne ne peut faire de guérison pour un autre. Chacun fait sa propre guérison.

M. PERREAULT: Interne.

M. CHEVREFILS: Alors, les gens qui viennent chez moi reviennent à la normale. Maintenant, le temps que ça prend? Cela prend autant de mois que ça fait d'années que la maladie dure. Pour sentir des bienfaits immédiats, c'est assez rapide.

M. PERREAULT: Vous dites que ça prend autant de mois pour guérir que ça fait d'années que la maladie dure?

M. CHEVREFILS: Je veux dire que, pour avoir un retour complet à la normale, ça prend autant de mois que ça fait d'années que la maladie dure. Quand une articulation est de travers pendant longtemps, elle s'use anormalement. En s'usant anormalement, elle glisse hors

de sa position. Un os, ça se répare par en dedans; on ne peut pas le réparer. Cette réparation-là, ce retour à la surface normale prend au moins neuf mois par année. Maintenant, pour sentir des effets et se sentir très bien, ça prend beaucoup moins de temps. Dans l'espace de quatre à cinq semaines, habituellement, vous voyez le changement, sauf s'ils sont intoxiqués par des médicaments ou par des vaccins. A ce moment-là, le système musculaire est très hypothéqué et il redevient difficilement d'aplomb. Cela prend beaucoup plus de temps, d'abord, pour éliminer les toxines et, ensuite, pour faire la correction.

M. PERREAULT: Une autre question. D'après ce que j'ai pu comprendre, vous êtes contre toute forme de vaccin?

M. CHEVREFILS: Exact.

M. PERREAULT: Alors, disons qu'il y a une épidémie de poliomyélite, à ce moment-là, vous préféreriez que les gens aient la polio plutôt que de se faire vacciner?

M. CHEVREFILS: Si les gens ne sont pas vaccinés, ils n'auront pas la polio. La polio est une des formes dégénératives, comme la tuberculose, la syphilis et la lèpre. Quand la vie arrête ou diminue par des subluxations qui demeurent, vous avez une dégénérescence de l'organisme. Vous avez un mauvais fonctionnement partout. Vous allez avoir, suivant les conditions de vie ou l'emplacement où les gens vivent, différentes conditions de dégénération. La polio en est une. Du moment que vous commencez à corriger la structure, la polio cesse. Quand vous parlez de virus, vis-à-vis de ça Béchand et le docteur Tissot ont écrit tout un volume qui est sorti en 1946, mais qui n'est pas connu en médecine. On y voit des dessins faits sous microscope qui peuvent être réalisables en tout temps. On y montre la vie qu'on nomme virus ou force, la vie de la matière, mais c'est quelque chose qu'on ne peut pas voir.

Quand il y a des manifestations de dégénérescence, quand des toxines ou des corps étrangers surviennent, quand les tissus se morcellent, à même les tissus, à même le liquide, là, les virus mettent une coque autour d'eux, une membrane et deviennent visibles. Les gens appellent ça des microbes, mais ce sont des bactéries. Plus il y a de dégâts, plus il y a de bactéries, puis cela vient à faire des pénicillines. La pénicilline est un amas de bactéries. Quand elles ne suffisent pas à digérer toutes les parties détruites, elles se groupent ensemble et font une mousse. C'est ça qu'on appelle une pénicilline. Chaque tissu de l'organisme a sa pénicilline.

M. PERREAULT: Parlons du cancer un peu. S'il s'avérait — c'est ce vers quoi on tend à se diriger — que c'est une infection virale au niveau de la cellule et qu'on trouvait un vaccin, vous seriez opposé à ce qu'on fasse un vaccin contre le cancer?

M. CHEVREFILS: Le vaccin contre le cancer est une impossibilité physique.

M. PERREAULT: A ce moment-ci.

M. CHEVREFILS: Le cancer est la maladie terminale de l'individu. Le cancer, ce n'est pas ça qui vous mène à la mort; c'est faux, ça.

Cet enseignement est de la propagande pour faire peur aux gens. Le cancer est rare, suivant l'organisme mondial de la santé.

M. PERREAULT: Vous témoignez aujourd'hui que jamais on ne trouvera la possibilité de guérir le cancer par vaccin?

M. CHEVREFILS: Le vaccin ne corrige jamais rien et un vaccin est toujours une infection.

M. PERREAULT: Ni par chimiothérapie?

M. CHEVREFILS: La chimiothérapie fait partie du système médical. Vous avez tous reçu le livre que je vous ai envoyé, "La chiropratique à la portée de tous". Aux pages 66 et 67, vous avez le système médical et vous avez, dans l'arsenal thérapeutique...

M. PERREAULT: Je veux bien vous croire, moi. Je ne suis pas un professionnel de la santé. Je parle en toute liberté.

M. CHEVREFILS: C'est pour ça que j'essaie de vous l'expliquer.

M. PERREAULT: Je suis ingénieur et je trouve drôle que la chiropraxie, la naturopathie et l'acuponcture n'aient toujours pas trouvé de remède contre le cancer encore.

M. CHEVREFILS: Quand c'est rendu à l'état de cancer, cela veut dire que l'organisme ne peut plus refaire ses tissus. Alors, c'est la séparation du corps et de l'esprit.

M. PERREAULT: Mais vous ne pouvez pas affirmer, non plus, que vous êtes en mesure de le prévenir?

M. CHEVREFILS: Si vous corrigez la structure, les tumeurs qui se forment régressent et les tissus redeviennent normaux. Quand vous parlez de tumeurs, vous parlez d'une partie de l'organisme qui sèche et, quand cela sèche, cela rapetisse, cela se tasse. Alors, vous avez une augmentation d'activités locales qui évapore l'eau qui maintient les tissus organiques à leur distance normale. C'est pour ça que se forment des masses.

M. PERREAULT: Je serais très intéressé que, par méthodes statistiques, on établisse le degré de cancers parmi les gens traités par les chiropraticiens et les naturopathes. Ce serait bien intéressant de savoir cela.

M. CHEVREFILS: Vous pouvez le faire. Maintenant, quand il s'agit de statistiques humaines, il faut faire bien attention, parce que les individus sont tous différents. Vous ne pouvez pas faire de statistiques d'une condition maladive d'une personne par rapport à l'autre. On n'est jamais malade de la même façon.

M. PERREAULT: Ce qui revient à dire qu'on ne peut pas prouver d'une manière ou d'une autre qui a raison.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: A mon tour, comme d'ailleurs mon collègue, l'honorable député de Dorchester, je tiens à vous féliciter, docteur, pour avoir bien voulu venir donner votre opinion bien spécifique, dans vos termes à vous, concernant la chiropratique en général et la nécessité que ce soit reconnu comme profession dans la province de Québec.

J'ai trouvé assez difficile d'accepter — même je suis venu bien près d'intervenir auprès du président — tout à l'heure, que quelqu'un essaye de vous mater ou de vous enlever la parole de quelque façon. Vous avez gardé votre sang-froid et je vous en félicite. D'ailleurs, vous avez le plein droit de venir, comme citoyen, exposer votre point de vue à ce sujet.

Dans la grande majorité des autres provinces canadiennes, de même que dans tous les Etats américains, la chiropratique est reconnue. Jusqu'à l'âge de 22 ans, je n'avais aucune confiance dans la chiropratique, la naturopathie et toutes ces choses-là. Mais, après avoir subi un accident dans la forêt et avoir eu l'avant-bras gauche dans le plâtre pendant 70 jours, alors qu'il y a seulement un os qui a repris, j'ai commencé à m'interroger. Justement, étant donné que je n'avais pas les moyens, dans le temps, de retourner à l'hôpital — parce que c'est ce qu'on me demandait — pour 70 à 75 jours encore, j'ai regardé ailleurs. Grâce au deuxième homme qui se disait chiropraticien, parce que je crois que le premier n'en était pas un, après un traitement de deux mois, l'os est redevenu parfaitement bien sans être dans le plâtre. C'est pour ça, aujourd'hui, que je comprends davantage les chiropraticiens, les naturopathes et toutes ces personnes qui peuvent pratiquer une profession qui doit devenir légale dans la province de Québec, si nous évoluons.

Si nous n'évoluons pas, là c'est un autre phénomène. Mais, si nous évoluons, c'est nécessaire que votre profession soit reconnue. Cela presse.

Je n'avais qu'une question à vous poser pour m'éclairer davantage. Très souvent, après que certains bébés soient venus au monde, de façon très difficile, à l'aide de forceps, on a constaté et on dit couramment que ce sont quelques petits filaments, de petits nerfs qui ont laissé le cerveau. De toute façon, c'est comme cela que l'on voit, aujourd'hui, ce qu'on appelle communément la danse de Saint-Guy ou quelque chose comme ça. Ce sont des gens qui ont beaucoup de difficultés à marcher. Alors, est-ce que, véritablement, cela dépend d'une trop grande pression qui a pu s'exercer sur la tête, étant donné que les épaules étaient coincées? Est-ce que réellement cela dépend de cela? Est-ce que dans vos études vous avez pu constater qu'il y a quelque chose d'autre? Egalement, comme sous-question, est-ce que cela peut se corriger en bas âge?

M. CHEVREFILS: Oui, vous avez raison. L'étirement par forceps peut amener un déplacement, spécialement à l'atlas. Vous pouvez avoir une compression double par le deltoi'de qui presse le devant de la moelle et l'atlas qui pousse vers l'arrière. A ce moment-là, il y a compression non seulement de certains fils qui amène des paralysies semblables mais aussi une compression du bulbe. Le bulbe est le centre respiratoire. A ce moment-là, les bébés sont bleus. Alors, vous corrigez ça. Tous les gens qui ont des troubles cardiaques, ce sont des gens qui ont le thorax déplacé toujours sur le côté gauche en avant. Quand la rotation se fait sentir sur le côté droit, ce sont toujours des troubles pulmonaires. C'est le résultat de mon expérience que je vous donne. Vous ne trouverez ça nulle part dans les livres de médecine parce qu'ils ne connaissent pas ça.

Une femme peut avoir une rotation du bassin. Normalement, l'espace qui est compris dans les parties molles est suffisant pour faire passer le bébé comme il faut. Mais si elle a une subluxation durant sa grossesse, soit dans un sens ou dans l'autre, vous modifiez l'ouverture. Quand le bébé vient pour passer, il bute sur l'os du pubis. C'est pour cela que ça peut obliger une césarienne. Quantité de femmes viennent chez moi et je corrige le défaut durant leur grossesse, avant qu'elles n'accouchent. Elles ont des bébés qui sortent facilement. Tous les accoucheurs — je ne peux pas tous les suivre — qui accouchent mes malades ont toujours de la facilité. Ils n'ont jamais de problème parce que le bassin est ouvert comme il faut. C'est quelque chose que je porte à votre attention pour vous faire saisir l'importance de la structure.

M. BELAND: Comme autre question, pendant que nous sommes dans ce domaine, si, par exemple, le travail s'avère trop difficile à cause d'une mauvaise préparation et qu'il y a fractura -tion du coccyx de la mère, à ce moment-là est-ce une chose qui peut se corriger ou s'il doit y avoir ablation de cette partie? Est-ce une

chose qui peut se corriger par des moyens médicaux ou par la chiropraxie?

M. CHEVREFILS: Lorsque le coccyx casse, c'est seulement une partie du coccyx. Cela se replace. Dans toute fracture, il y a un effort. Le coccyx n'est pas à sa place. Il y a des techniques chiropratiques qui permettent, par le rectum, d'aller remettre le coccyx dans sa position.

L'os, par lui-même, guérit très rapidement.

D'ailleurs, le Dr Carton, un médecin français, a, lui aussi, laissé de côté cette médecine allopathique traditionnelle artificielle. Il s'est cassé une jambe. Il a laissé la nature agir, au lieu d'essayer de diriger la nature. Son os s'est corrigé totalement, et plus vite que par les moyens habituels, plâtre et autres choses.

M. BELAND: Dans un autre domaine, supposons qu'on s'aperçoive qu'un enfant, dans le bas âge, a tendance à devenir ce que l'on appelle communément bossu. En somme, les nerfs viennent à un endroit bien précis et il y a une concentration. Par des moyens chiropratiques, y a-t-il possibilité de corriger cela entièrement? Je ne sais pas, je vous pose la question. Y a-t-il moyen, par des soins, d'entrevoir la possibilité qu'ils redeviennent des gens normaux?

M. CHEVREFILS: Oui. D'ailleurs, je le vois continuellement à mon bureau. Les scolioses se corrigent. Plus l'enfant est jeune, nécessairement, plus vite il redevient d'aplomb. Mais il y a une correction totale, il y a un retour à la normale. La plupart de ces enfants, c'est parce qu'ils ont eu des vaccins pour aller à l'école. C'est ce qui a endommagé le système musculaire. C'est pour cela que les os ont changé de place.

Pendant au moins une quinzaine d'années, on a vu que la chiropratique était complètement en dehors de la médecine de 1895, quand on s'est aperçu pourquoi cela agissait. Avant, on faisait des manipulations mais on ne savait pas pourquoi cela se faisait.

L'acuponcture, on ne sait pas encore pourquoi cela agit. C'est pour cela que c'est indécis. Cela prend différentes sortes de métaux, parce que l'acuponcture est un blocage de nerfs.

A Palmer, nous avons étudié tous les cas. Vu que nous avions enlevé les barrières médicales — elles existaient très peu, à ce moment-là, puisqu'on n'était pas encore organisé en monopole — et avec un esprit libre, chaque fois qu'ils faisaient un mouvement, ils obtenaient un tel résultat. Ce n'était pas toujours le résultat, qu'ils attendaient mais ils voyaient qu'en agissant sur telle vertèbre, ils obtenaient, à différents endroits, des résultats. Alors ils ont commencé à faire un tableau de tout cela. En faisant le tableau, ils en sont venus à établir des lois. C'est pour cela qu'on peut parler de science, quand on a des lois. Il n'y en a pas, en médecine. La seule loi qui existe, en médecine, c'est ne pas nuire.

Après cette recherche méthodique d'endroits bien précis qui aboutissent à tel organe, eh bien quand l'organe était malade, on allait tout de suite à cet endroit. C'était la même chose qu'un commutateur. En remettant l'articulation d'aplomb, en place, l'organe redevenait normal. On a donc établi des fiches. On a un fichier énorme, à Palmer. C'est pour cela que les médecins ne veulent pas y aller, parce qu'ils seraient placés devant un fait.

Cette compilation de dossiers a amené un tableau, qui dit que telle vertèbre agit sur tel, tel, tel organe. Alors en réfléchissant sur les lois, on en a tiré le principe. C'est là qu'on a fait de la philosophie chiropratique, qui est une philosophie naturelle. On a extrait le principe et on s'est aperçu que la vie coulait du dedans au dehors. La vie s'épanouit. Il n'y a personne qui peut ajouter de la vie à quelqu'un. Vous l'avez ou vous ne l'avez pas. Si vous l'avez et que vous avez des troubles, c'est parce qu'elle ne se rend pas. Il me semble que c'est assez évident. A ce moment-là, on ne peut pas parler de théorie, on parle de science.

Cette science se développe au fur et à mesure que les gens réfléchissent encore. Il y a énormément à obtenir, encore, de la chiropratique. C'est la médecine de demain.

Dans le Québec, vous êtes en train de faire une loi. Pourquoi ne feriez-vous pas une loi qui soit différente des autres mais qui consacre réellement ce qu'est la chiropratique? Vous en feriez une définition bien claire.

Pourquoi chercher à imiter les autres quand on peut innover, quand on peut donner quelque chose pour que les gens puissent au moins être en santé? On ne criera pas à tout le monde, partout, que les Québécois, ce sont des malades.

M. BELAND: De toute façon, en ce qui me concerne, je vous remercie sincèrement. C'était très intéressant. En conclusion, cela me fait dire que si je me blesse à une main et que la peau se détache, je vais aller voir un médecin. Mais si j'ai des malaises dont je ne peux déceler la provenance, ce sera vous qu'il faudra aller voir.

Pour terminer, j'apporte simplement le fait suivant: je me suis toujours demandé pourquoi dans certains hôpitaux du Québec, de façon ultra-secrète, dans certains cas bien particuliers, on va chercher des rabouteurs, des chiroprati-ciens pour tâcher de compléter le travail déjà commencé par certains médecins.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent pour une courte question. J'aimerais avertir la commission que notre invité a au-delà d'une heure et demie de passée et qu'il faudrait limiter vos questions parce qu'il y a encore quatre mémoires à entendre.

Le député de Saint-Laurent et ensuite le député de Dorchester pour une courte question.

M. PEARSON: Cela va être très court. Ce n'est qu'une remarque. Nous sommes toujours

encore dans le fameux débat entre la médecine et la chiropratique. Pourtant, d'après moi, c'est un domaine purement scientifique et quand j'étudiais la physique, la chimie, etc., il me semblait que c'était un domaine plutôt froid et objectif. Mais à chaque fois qu'on aborde une discussion au sujet de la médecine et la chiropraxie, c'est toujours un sujet émotif, soit qu'on considère l'un comme complètement charlatan ou qu'on refuse de reconnaître aux deux organismes quelque valeur que ce soit. Je serais bien intéressé, en tant que profane, un jour ou l'autre, à connaître les limites de chacun de ces organismes, c'est-à-dire l'acceptation d'une certaine limite, entendre dire que la chiropratique ne guérit pas tout, que la médecine ne guérit pas tout, mais qu'elles peuvent ensemble faire un bien quelconque à l'individu.

M. PERREAULT: La naturopathie en plus.

M. PEARSON: Oui. Le docteur a mentionné tantôt le fameux tableau du système nerveux. Je l'ai ici, je l'ai pris tantôt dans un des mémoires du docteur Katz. La théorie de la chiropratique c'est qu'il y a une distribution d'influx nerveux: tous les nerfs partent du cerveau, passent à l'intérieur de la colonne vertébrale et finissent par sortir quelque part. Est-ce que les médecins sont capables de dire, quand on mentionne entre la deuxième et la troisième vertèbre que c'est là que le nerf qui alimente le coeur est censé sortir? Est-ce que ce tableau correspond à ce que les médecins... Les sorties sont les mêmes ou si c'est une pure invention?

M. FORTIER: M. le Président, je suis ici comme législateur, je ne peux pas donner de réponses comme médecin.

M. CHEVREFILS: Comme médecin, je peux vous dire que la colonne vertébrale, au point de vue médical, est uniquement une étude de stature. En médecine, on ne connaît pas la colonne vertébrale. On connaît les muscles, mais on ne connaît pas l'importance de la colonne vertébrale.

J'ai eu l'avantage il y a plusieurs années à Davenport d'assister à une autopsie, à une dissection directement sur un malade qui était mort gelé dans un parc. C'était un clochard. Comme personne ne le réclamait, nous sommes allés le chercher et nous avons commencé à faire la dissection immédiatement. C'était un délai très court. H n'était pas embaumé et nous avons ouvert la colonne vertébrale immédiatement pour nous apercevoir que le trou de la colonne vertébrale était complètement rempli par la moelle. Lorsqu'on étudie le cadavre en médecine — j'en ai disséqué trois — on regarde l'intérieur de la colonne vertébrale et le système neveux à la fin.

On s'aperçoit que, dans le trou de la colonne vertébrale, la moelle est d'à peu près la grosseur du crayon. On dit: Cela n'a pas d'allure, il ne peut pas y avoir de compression. Je pense qu'il y a une interprétation qui se fait qui pourrait changer si on allait directement à la source, si on s'en tenait à des faits.

Ce tableau, qui est probablement tiré d'un livre de chiropratique, a été fait en concordance avec les études qui ont été faites chez Palmer, là-bas, les dossiers qu'on a remplis.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester, dans une courte question.

M. GUAY: Etant donné que vous êtes médecin-chirurgien, j'ai déjà posé la question aux chiropraticiens, je la pose de nouveau: Dans le cas, par exemple, de personnes qui ont ce qu'on appelle un "whip-lash" ou un coup de fouet, est-ce que par intervention chirurgicale ça peut se corriger ou encore peut-on le faire par médicaments? Quand je dis médicaments, il faut bien s'entendre, peu importent les médicaments. Par intervention chirurgicale, premièrement, est-ce que ça peut se corriger facilement? Est-ce qu'on peut le corriger par médicaments ou si on peut le corriger plus facilement par articulations chiropratiques?

M. CHEVREFILS: Le "whip-lash" est justement la séparation du crâne de l'articulation de l'atlas. Tout "whip-lash" amène nécessairement une rotation de tout le cou. Les muscles qui attachent le crâne après les os du cou et après les os du thorax, ce sont ces muscles-là qui crampent. Il n'y a pas de médicament qui replace des os.

M. GUAY: D'accord.

M. CHEVREFILS: Cela ne se peut pas. Dans la chirurgie, quand vous coupez, vous détruisez. Une femme sait que, quand elle donne un coup de couteau dans sa robe, sa robe, même si elle fait une reprise invisible, ne sera jamais la même. Je n'ai jamais vu un chirurgien qui ajoute quelque chose, j'ai toujours vu un chirurgien qui coupe, qui enlève. Quand vous enlevez, vous diminuez la vie.

Par chiropratique, c'est une bagatelle de corriger un "whip-lash". Il y a des méthodes qui se corrigent une fois ou deux et c'est fini. Il y a d'autres techniques, vous avez une série de techniques qui peuvent varier. On peut en trouver de meilleures que celles qui existent actuellement. C'est un champ d'activités qui peut avoir une possibilité de développement énorme. Il y en a d'autres qui vont corriger spécialement l'atlas d'abord avec les vertèbres cervicales et, ensuite, corriger les os du crâne. Parce que les os du crâne chez un vivant ne sont pas soudés. Chez le mort, c'est soudé mais il y a des articulations, tous les os du crêne ont des facettes articulaires. Je comprends qu'ils n'ont pas les mêmes mouvements qu'un bras mais les os du crâne s'articulent ensemble. Prenez le cas

de quelqu'un qui a les épaules de travers. Les muscles qui sont attachés sur le côté des côtes sont attachés sur les pariétaux et les tempes. Comme vous avez un déplacement du thorax qui entraîne une rotation des épaules, les muscles qui sont attachés amènent une rotation des os du crâne dans un sens ou dans l'autre et cela affecte l'articulation de la mâchoire, parce que la mâchoire s'articule avec les os du crâne. Si l'attache change, la mâchoire varie dans un sens ou dans l'autre, et cela affecte les conduits de l'oreille, les conduits externes. Par compression, sur un côté, et par étirement, sur l'autre, vous causez des inflammations des conduits internes. Vous avez des gens qui deviennent sourds sur un côté plus que l'autre; c'est parce qu'ils ont une rotation cervicale et une rotation des os du crâne.

Tout ça pour vous indiquer sur quoi on travaille en chiropratique. C'est un travail qui a un effet qu'on voit. Quand quelqu'un arrive et dit: J'ai de la misère, j'ai une oreille qui est toujours remplie de h'quide, on sait que c'est la mâchoire qui est déplacée. En replaçant la mâchoire, tout en replaçant les os du crâne, il est libéré, ça arrête de sécréter.

M. GUAY: Maintenant, j'aimerais reprendre une question qui a été posée par mon collègue concernant le coccyx. Je tiens l'information d'un médecin dont je dois taire le nom. Sur cinq mères donnant naissance à des enfants, deux ont le coccyx déplacé. J'ai vécu deux expériences dans ma famille. Premièrement, ma femme, et l'autre personne dont je tairai le nom. Ma femme s'est fait donner un traitement chiropratique de quelques secondes. L'autre personne a subi une intervention chirurgicale, car on disait qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Les chirurgiens ont d'abord fait une incision dans la cuisse pour prendre un os afin de soi-disant refaire un coccyx. C'est comme ça qu'on doit l'expliquer, on ne se cachera pas, on va prendre les vrais mots.

Dans les deux cas il y a amélioration...

M. BOIVIN: M. le Président, il faudrait mettre un terme à toutes ces théories. Ils sont en train de nous parler de leurs maladies, ce n'est pas la place ici pour ça. A une commission parlementaire, posez des questions puis finissez-en avec toutes ces théories et ces balivernes.

M. GUAY: Je veux demander à celui qui est à la barre si ça se peut ou pas.

M. LE PRESIDENT: Bien oui, je comprends...

M. GUAY: On a posé des questions semblables...

M. BOIVIN: Vous êtes en train de demander une consultation.

M. GUAY: M. le Président, je me crois dans l'ordre, sauf que si un membre de la commission intervient en me disant qu'on ne peut pas poser ces questions, je pourrai les poser à une autre occasion.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester sait fort bien, comme tous les autres membres de la commission, que normalement on pose des questions relativement au mémoire qui nous a été soumis par l'invité. Vous savez aussi bien que moi que si vous entrez dans des détails qui ne sont pas pertinents au mémoire qui nous a été soumis naturellement, cela entraine d'autres questions.

Je ne veux absolument brimer aucun député.

M. BELAND: Un collègue a tenté auparavant de prouver que c'était une médecine de fou ce qu'il expliquait là. Si nous posons des questions, c'est pour tâcher justement d'éclairer la population et peut-être les membres de la commission sur le fait que justement ce sont des choses qui se peuvent et qui sont très logiques.

M. LE PRESIDENT: D'accord. Ce que je veux dire, c'est que je voudrais que chaque membre sache — comme président, je l'entends de cette façon — qu'on devrait poser des questions qui sont pertinentes au mémoire. Si on part de votre raisonnement concernant une affirmation qui aurait pu être faite, ce que j'ai pu comprendre, moi, comme président à ce moment-là, c'est que l'opinant, le membre de la commission voulait savoir de quelle façon l'invité se présentait.

Est-ce qu'il se présentait comme docteur en chiropratique, médecin-chirurgien ou docteur de naturopathie? C'est un peu le sens de la question que j'ai cru comprendre. D veut savoir de quelle façon il se présentait, puisque des organismes avaient déjà présenté des mémoires et que nous allons entendre encore tantôt, d'autres organismes qui sont dans la même ligne de pensée. A tout événement, nous avons devant nous quelqu'un qui est assez polyvalent, qui est spécialisé dans différents domaines.

Maintenant, si vous présentez encore des cas qui sont un peu particuliers, il n'est pas facile pour notre invité de tirer une conclusion ou un jugement.

M. GUAY: D'accord, et je comprends que ce n'est pas facile pour le président de la commission non plus.

M. LE PRESIDENT: Non, je ne suis pas médecin non plus. Je suis un profane là-dedans et j'aimerais interpréter le règlement tel qu'on l'avait conçu au début, soit entendre des mémoires et poser des questions

M. GUAY: Cependant, des groupes se sont présentés — et ça se présentera peut-être encore — qui ont fait des affirmations gratuites. C'est la deuxième fois que ça se produit.

M. LE PRESIDENT: Oui, mais on a présenté des cas de médecine et on demandait une opinion à l'invité.

M. GUAY: Mais comment peut-on, sans exemple concret, et je pense que le monsieur qui est témoin...

M. LE PRESIDENT: Cela prend un dossier.

M. GUAY: Alors, les gens qui viendront démolir un autre groupe, on leur demandera des dossiers également, puis on dira: On s'excuse, mais vous êtes dans le désordre.

M. LE PRESIDENT: Ce que je voudrais dire au député de Dorchester, c'est que — vous amenez un cas qui est soulevé par un membre de la commission; cela aurait pu être n'importe quel — quand on présente un cas particulier, on place assez souvent l'invité dans la situation d'avoir à donner une opinion quand il n'a pas le dossier devant lui. Il est obligé de donner une opinion sur les dires du membre de la commission.

M. GUAY: Je trouve quand même curieux qu'à cette commission, seulement les médecins semblent dire que ce n'est pas le temps d'en discuter.

M. LE PRESIDENT: Du tout. Vous avez posé d'autres questions, mais si vous amenez un cas patent de médecine, je ne suis pas médecin pour l'apprécier.

M. GUAY: J'ai terminé mes questions, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Je retourne la parole au député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER : Je remercie le docteur de ses explications et je n'ai pas d'autre question.

M. LE PRESIDENT: Je remercie le docteur Chèvrefils de la présentation de son mémoire et des réponses qu'il a bien voulu apporter aux questions posées par les membres de la commission.

M. CHEVREFILS: Je vous remercie, M. le Président et c'est un peu un avant-goût de ce que je vais dire à Tours, à Pâques, l'an prochain, où je vais aller expliquer la chiropratique en France. Je vous prie de me croire que les Français vont sortir probablement une loi qui va être très différente de toutes les autres. Probablement que si celle du Québec est différente, ils prendront l'exemple là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Ils l'imiteront probablement.

Je vous remercie.

Infirmières en hygiène publique

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant les infirmières en hygiène publique. Pour les membres de la commission c'est le mémoire numéro 50. Le Dr Murray Simon Katz a consenti à ce que les infirmières en hygiène publique... Mlle Lise Clarke est le porte-parole.

MLLE CLARKE: Docteur Fortier, représentant du ministre Castonguay, M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire. Quatre infirmières ont rédigé un mémoire, en janvier et février, et on vous en a envoyé des exemplaires, tel que requis. Je pense que vous vous demandez quel a été le but de la rédaction d'un mémoire par des infirmières contre la chiropratique.

Etant un peu dans une situation neutre, nous voyons le système médical et le système chiropratique comme deux systèmes de santé différents. Pour notre part, nous voyons qu'il y a eu une grande évolution dans le système de la santé médidale que nous connaissons, et le système chiropratique qui existe depuis 1895 est resté à peu près le même. Pour nous, c'était un système de médecine de sorcier.

Dès le début du texte, nous donnons une définition de la chiropraxie, telle qu'elle est acceptée par l'American Chiropractic Association et International Chiropratic Association. Cette définition est que la chiropraxie —M. Chèvrefils l'a dit lui-même— est un art de traitements complets et indépendants qui peut prévenir et traiter toutes les maladies humaines. Cette définition est très importante et elle nous montre, contrairement à ce que parfois nous pouvons penser, que la chiropraxie n'est pas du tout un système de physiothérapie, mais plutôt un système de santé qui veut être un système complet de santé.

Si nous croyons que les chiropraticiens sont seulement des physiothérapistes, nous nous demandons pourquoi ils se prononcent, de façon précise, sur les questions d'immunisation. Quand nous avons regardé les textes de M. Homewood, qui est un leader de l'Association américaine des chiropraticiens et un doyen honorable du Canadian Memorial Chiropractic College, dans son volume Neuro-dynamic & Vertebral subluxations, nous avons découvert une opinion. Nous avons aussi regardé les textes de M. Joseph Jane, président du National College of Chiropractie et qui a intitulé son volume "Chiropractie Principles & Technics".

Un autre, M. Wyann, doyen honoraire du New York Institute of Chiropractie, qui est aussi l'un des auteurs des Standards chiropratiques, appelés "Rational Bacteriology", avec M. Werner. Nous avons enfin regardé le texte de M. James Furt, professeur au Lincoln Chiropractie College, auteur du livre "Chiropractie Diagnosis". Ces autorités et leaders de la chiropraxie enseignent dans les Etats où la chiropraxie est déjà légalisée. Nous avons eu un

exemple, il y a quelques minutes. Ils ne cachent pas leur opposition au programme des immunisations.

En tant qu'infirmières en santé publique, nous connaissons vraiment l'importance des programmes de prévention et particulièrement celui des immunisations. Ce n'est pas pour rien que le ministère des Affaires sociales, en fait, a amélioré de jour en jour les possibilités dans ces programmes dernièrement. En fait, on donne gratuitement toutes les solutions pour immuniser la population, comme le vaccin contre la polio, le tétanos et tous les autres que vous connaissez.

Le ministère publie aussi des brochures afin de renseigner les parents et les encourager à faire immuniser leurs enfants. Au service de santé, par exemple, en avril 1971, on avait des requêtes d'immuniser tous les enfants des écoles primaires avec le vaccin antirubéole, au tout début du programme, ce que nous avons fait.

Je suis sûre, M. le Président et MM. les membres de la commission, que le ministère n'a pas écrit un volume, Manuel de procédures du service de l'épidémiologie, seulement pour tenter sa chance au prix Nobel de littérature. Mais c'est plutôt pour nous venir en aide. Si nous comparons un peu ce que les chiropraticiens disent sur les immunisations et ce que disent le Dr Martineau et tous les autres membres qui ont participé à la préparation de ce volume qui est reconnu et publié par le ministère des Affaires sociales, nous voyons que les idées sont bien différentes sur les questions d'immunisation.

Par exemple, je prends la page 12, sur la diphtérie. Nous disons: "La diphtérie, si fréquente et si désastreuse autrefois, est maintenant pratiquement disparue dans la province." Il y a des tableaux statistiques qui démontrent que, de 1935 à 1971, les cas ont diminué de 1,773 par année à 1 en 1971. Alors, la vaccination antidiphtérique qui a été introduite dans la province en 1931 a sans doute eu un effet positif sur les 1,773 cas environ.

On dit cependant qu'il ne faudrait pas que cette situation enviable serve de prétexte à une relâche à l'égard de l'immunisation active antidiphtérique, qui demeure la seule garantie du maintien de notre succès. C'est évident que s'il y a une relâche dans les programmes d'immunisation, avec les nouveaux membres de la population qui naissent, il y aura aussi augmentation de la maladie.

Nous voyons aussi ce qui est dit en regard du tétanos, aux pages 42 et 43. On dit: "Le tétanos est une maladie qui n'immunise pas. Il n'existe pas d'immunisation spontanée, occulte ou d'immunisation naturelle." C'est-à-dire que la bactérie n'immunise pas naturellement. L'immunité active seulement s'obtient par la vaccination avec l'anatoxine. Ainsi, toute personne qui n'a jamais été vaccinée avec l'anatoxine restera susceptible d'avoir le tétanos pendant toute sa vie. Ceci est important pour tous les sujets exposés. Je pense que l'aspect épidémiologique est un aspect qui peut être vraiment étudié scientifiquement.

Vernweight et Watkins, auteurs chiroprati-ques que nous avons lus, dans leur volume "Rational Bacteriology", à la page 178, disent: "Diphtherial anatoxine and toxuate are both not only workless in pratically every case but also virulent and injurious in all cases." Ils ajoutent ensuite: "Typhoid, diphtheria, tetanus, rabies and tuberculosis inoculation should be prohibited because this is all done for the sole purpose of furthering the financial prosperity of the Pasteur Institute." It seems that Mr Chèvrefils was thinking in the same way.

Ceci veut dire que nous devons cesser tout programme d'immunisation parce que tout ceci se fait dans le seul but de supporter financièrement l'Institut Pasteur. Ces auteurs chiropraticiens n'ont pas écrit ces volumes il y a 50 ans. Ces volumes peuvent être vérifiés. Les auteurs vivent encore dans la plupart des cas, autant que je sache.

Ici, je vois, par exemple, ce que le volume. "La mère canadienne et son enfant" conseille aux mères concernant la question de la polio. Vous pouvez remarquer que j'utilise toujours des volumes qui ont été publiés par le gouvernement. Dans ce volume, il est dit que la polio est causée par un virus. A la fin, on dit: "Les enfants et les adultes doivent être protégés par l'immunisation contre la polio." Il n'est pas question de faire d'autres programmes préventifs que l'immunisation, en fait. Eh bien, un document chiropratique, qui a été publié en Ontario, a une opinion toute différente. En Ontario, la chiropraxie est déjà légalisée. Il semble que les chiropraticiens ne travaillent pas en concordance avec le programme de santé. Je ne veux pas dire "programme de médecine", parce que je pense qu'il faut penser d'une façon positive et dire "programme de santé". Enfin, les chiropraticiens, là-bas, pour revenir à ce point, ne travaillent pas en accord avec le programme de santé. D'après eux, pour prévenir la polio, on doit observer les recommandations suivantes: "To prevent polio, heed this advice: Practice spinal hygiene. Periodic chiropratic spinal examination is important for all ages, but especially for children. Proper relationship of the vertebral elements promotes normal nerve function. Do not extend yourself at work or play during the spring or summer months. Build up to increase physical activities to preclude exhaustion and dangerous nerve fatigue. Do not expose yourself to undue cold or heat for nerve shock may result. Avoid the extreme of cold showers or hot baths after straineous activities. Maintain a diet rich in protein and vitamines. Break the routine of hard work or play with nowadays a rest. Recline if possible."

Nulle part dans ce texte qui est publié, en fait, pour toute la population, y a-t-il une note

sur la question d'immunisation pour protéger la population.

Je pensais qu'il serait peut-être bon qu'une enquête soit entreprise parmi les enfants des chiropraticiens du Canada ou de la province afin que l'on voie quel pourcentage d'entre eux sont immunisés. Le gouvernement pourrait aussi se poser la question: Est-ce que nous aimerions qu'il y ait ce même pourcentage de la population québécoise seulement qui soit immunisé?

Vous êtes les premiers à reconnaître que la santé de la population québécoise diminuerait de beaucoup et les beaux tableaux de statistiques que vous publiez dans ce volume de procédures pour démontrer les effets positifs des immunisations, j'en suis certaine, seraient cachés dans les classeurs.

Sur un autre aspect, je voudrais discuter d'un programme de prévention en regard du diagnostic précoce.

Il y a quelques mois, je discutais avec le docteur Lynch du Centre de dépistage de la tuberculose. Ce centre est un programme assurément aidé par le gouvernement de la province. Des radiographies pulmonaires sont faites et une équipe de quinze pneumologues, environ, travaille à l'analyse des résultats de ces radiographies. Je me suis dit: Si on incluait les chiropraticiens dans une équipe de quinze pneumologues, ils n'auraient plus besoin de faire les radiographies pulmonaires pour évaluer la tuberculose pulmonaire mais plutôt une radiographie complète de la colonne vertébrale. La cause est toujours la subluxation d'une vertèbre. Alors la cause, dans une maladie de la tuberculose, serait conséquemment la subluxation d'une vertèbre. Conséquemment, au lieu de suivre le programme médical reconnu, on suivrait un programme de manipulations vertébrales.

Si vous trouvez un peu fantastique que les chiropraticiens soignent la tuberculose, voyez le rapport de la santé et du bien-être des cas rapportés. Ceci se passe où la chiropraxie est déjà légalisée. Ici, on rapportait "The Law and Medecine", un article "Cultus Therapy as Criminal Negligence", "Unscientific Treatment of Tuberculosis", on rapportait un cas où, en 1951, le patient a été vu par un docteur en médecine et la tuberculose pulmonaire a été identifiée. Les conditions, en fait, demeurèrent dormantes, c'est-à-dire que la maladie n'évolua pas pendant les dix ans que le patient a été sous le soin médical. Ceci a été démontré, en 1962, par des radiographies pulmonaires.

Cependant, en fait, le patient, à un moment donné, a eu une évolution de la maladie et a dû être hospitalisé et recevoir une thérapie médicamenteuse. A la suite de cela, il est allé visiter deux chiropraticiens, un à New York et un en Floride, qui s'aidaient l'un et l'autre. Celui de Floride a suivi les conseils du chiropraticien de New York. En 1963, il est devenu tellement malade, parce que la médication avait été cessée sous les traitements chiropratiques, qu'il a dû être réhospitalisé quelque temps plus tard dans un hôpital où la médecine que nous connaissons en a pris soin. Le patient est décédé quelque temps après.

Nous avons des cas, comme cela, où vraiment des gens qui suivent une méthode non médicamenteuse, dans certains cas, ne voient pas un aspect positif. Si on prend leur témoignage pendant la période où ils sont sous le traitement chiropratique, ils se trouvent peut-être très bien, ils sont peut-être très contents de ne pas avoir de médicaments à prendre, d'hospitalisation à subir, mais quelque temps plus tard, ils sont très souvent morts. Dans ce temps-là, ils ne viennent pas vous dire qu'ils regrettent ce qu'ils ont fait.

Vous savez comme moi que les tests cutanés sont de plus en plus utilisés, et même ceux décrits dans ce volume et recommandés par votre nouveau manuel de procédure. Cette situation me fait penser à deux points: le diagnostic précoce, dont je vais rediscuter un peu plus longuement, et celui de la limitation des radiographies.

Dans ce volume de procédure, à la page 294, en fait, on donne la nécessité ou les buts des enquêtes, dans certains cas. On fait ressortir la nécessité de vérifier et préciser le diagnostic, d'où la nécessité d'une déclaration précoce des cas. Si j'ai bien entendu, lors de la session avec le monsieur qui était chiropraticien, il n'y a pas nécessité de faire de diagnostic, il n'y a pas nécessité de ramasser les cas dans le traitement chiropratique; il n'y a pas nécessité de remonter à la source pour l'éliminer et pour empêcher les cas secondaires par la mise en oeuvre de mesures de lutte, immunisation des contacts ou autres mesures, selon la maladie.

Je me demande quelles seraient les méthodes chiropratiques de prévention.

Donc, quand je vois qu'un chiropraticien récemment gradué du Canadian Memorial Chiropractic College en Ontario, où la chiropraxie est déjà légalisée, répand une littérature comme celle que j'ai en main, je me demande où est le diagnostic précoce. Il dit: "Pendant que vous recevez les traitements chiropratiques, vous ressentirez peut-être des symptômes inconfortables de différentes intensités. Ceci est appelé "reaction". Et il énumère quelques symptômes que ses patients peuvent ressentir, comme maux de tête, étourdissements, douleurs à l'estomac, autres douleurs musculaires, diarrhées, "tenderness in the spinal joints, stiffness in the joints, excessive urination", ou autres problèmes, comme température élevée.

Il énumère tous ces symptômes et il dit à ses clients: "Reaction in reality is a healthful change taking place in your body. Do not be alarmed". Et il continue en disant: "About 80 p.c. of the chiropractic patients experience reaction and you may be one of them". Lucky. "About 20 p.c. experience little or no reaction". Seulement. Mais si vous faites partie du groupe de 80 p.c, "do not be alarmed".

Je me demande ce qu'on pense des études et du collège chiropratique dans un cas où le chiropraticien donne de telles réponses à ses clients s'ils se plaignent des problèmes mentionnés dans la brochure que je viens de lire et qui est distribué â la population.

J'aimerais aussi dire quelques mots sur la radiographie. En santé publique et même dans tous les systèmes de santé, les problèmes insidieux doivent être combattus et les radiographies superflues en sont un. Lors du Canadian Association of Radiologists Meeting à Montréal, en semptembre 1972, on a mentionné qu'il y a au Canada 1 million de radiographies chiroprati-ques qui sont faites annuellement et je dirais inutilement.

Nous voyons des annonces de radiographies gratuites offertes dans les journaux par les chiropraticiens. Même là où ils sont légalisés, le problème existe. Il y a la nécessité d'éduquer la population sur les dangers de la chiropraxie, mais je dirais aussi qu'il faut éduquer les chiropraticiens les premiers. Il semble que les vraies raisons pour lesquelles les chiropraticiens utilisent les rayons-X se retrouvent dans leur volume de référence appelé "Modem X-Ray Practice and Chiropractic Sponography", par M. Riemer, qui est aussi le président du département de radiographie du Palmer College of Chiropractie. Ce monsieur nous dit: "Le chiropraticien devrait radiographier chaque cas parce que — et ici il n'apporte pas beaucoup de solutions au point de vue santé — "It promotes confidence, it creates interest among patients, it procures business, it attracts a better class of patients" — they can pay for X-Rays — "it adds prestige in your community, it builds a reliable reputation, it is an investment, not an expense. It helps eliminate the starvation fees that even chiropractors may go through".

Est-ce que ce sont des raisons acceptables? Donc, je disais que les chiropraticiens devraient être informés dans le domaine de la radiographie. Ils devraient aussi recevoir l'éducation des radiologistes, c'est-à-dire faire leur médecine, plus les quatre ans de spécialisation, et je crois qu'ils pourraient ensuite être de vrais radiologistes.

Pourquoi les chiropraticiens offrent-ils des radiographies gratuites dans les journaux? Est-ce que c'est pour augmenter leur "business"? Pensez-vous qu'un amendement au bill 269 empêcherait les chiros d'annoncer comme ça? Même là où la chiropraxie est légalisée, les mêmes annonces sont répandues dans les journaux. Le problème est, d'après nous, beaucoup plus profond.

Il relève du fait que les chiropraticiens doivent recevoir une éducation adéquate et non celle erronnée qu'ils ont reçue jusqu'à maintenant. J'ai apporté des photocopies d'annonces gratuites. On dit ici dans le Journal de Montréal du 11 septembre 1972: "Pour septembre seulement, première consultation et radiographie de la colonne vertébrale gratuites." J'ai des coupures de journaux beaucoup plus récentes: "De- vant le grand succès obtenu, nous devons continuer notre participation au programme de radiographie gratuite pour le mois d'octobre."

Pour terminer, je voudrais dire que, comme bien d'autres, même des chiropraticiens, je crois, j'ai reçu une lettre du Dr Bates et du professeur Trébelco et leur bill 269 révisé. Je ne suis pas entièrement d'accord sur ce bill parce que si vous lisez "La chiropraxie, un danger de santé publique", que nous vous avons envoyé, dans nos recommandations, nous avons demandé que la chiropraxie ne soit pas légalisée du tout. Et Bates et Trébelco font un compromis et demandent que la chiropraxie soit légalisée; même, ils tentent, en fait, de situer la chiropraxie dans une position beaucoup plus rationnelle ou acceptable.

Une autre partie de la solution serait peut-être d'établir de bons programmes d'éducation pour la population. Si ça coûte, je pense, $75,000 à $100,000 pour répandre à travers la province un bon programme d'éducation pour la population et la renseigner sur la chiropraxie, ça éviterait de dépenser des millions peut-être pour payer les chiropraticiens dans le système Medicare.

Je me demande aussi, en tant que membre d'un programme de santé publique, qu'est-ce qui donne aux chiropraticiens une priorité sur des programmes aussi nécessaires que les prix contrôlés pour les médicaments, dont vous avez entendu une représentation ce matin, et les meilleurs programmes éducatifs de la population, les "nursing home" pour les vieillards? Ici, nous avons fait un dépliant qui pourrait être publié et montrerait à la population ce qu'elle doit attendre des radiographies et des chiropraticiens.

C'était ma représentation.

M. LE PRESIDENT: J'invite l'honorable député de Gaspé-Sud.

M.FORTIER: M. le Président, je remercie Mlle Clarke de l'exposé au nom des infirmières en santé publique. Je la félicite de la manière scientifique avec laquelle elle a présenté ce document. Combien d'infirmières vous ont aidé à rédiger ce document?

MLLE CLARKE: Nous sommes quatre infirmières. Quand vous dites, j'allais corriger: Infirmières en santé publique. Je ne voudrais pas embarquer toutes les infirmières...

M. FORTIER: Bon, en santé publique, très bien.

MLLE CLARKE: ... parce qu'il y en a qui ne partageraient peut-être pas cette opinion.

M.FORTIER: De façon très brève, je vais vous poser une question...

MLLE CLARKE: Si vous avez remarqué, ce sont des infirmières graduées d'universités.

M. LE PRESIDENT: Mlles Anne Smith, Patricia Johnson, Mary Wright et Mlle Clarke.

M. FORTIER: Toutes ces infirmières en hygiène publique sont, si je comprends bien, favorables à la vaccination et à l'immunisation?

MLLE CLARKE: Oui, et nous nous référons beaucoup à des programmes comme ceux-ci parce que ce sont des documents vraiment valables qui vont peut-être permettre d'apporter une uniformité dans les programmes à travers la province.

M. FORTIER: Deux autres questions très courtes: Si je comprends bien votre document, les infirmières qui vous ont aidée doutent de la nécessité d'une loi sur la chiropraxie?

MLLE CLARKE : D'après nos recommandations, nous voulions que les chiropraticiens soient éliminés complètement. Je pense que nous le mentionnons dans le texte. Monsieur, du comté de Dorchester, demandait: Quel est le problème en face de la légalisation des chiropraticiens? Vous savez que la légalisation ne rend pas un système de sorciers, juste, légal.

Un point que je n'ai pas mentionné, nous l'avons mentionné dans ce mémoire, c'est que l'application du bill 65 requiert que tous les membres du système de la santé, médecins, infirmières, physiothérapeutes et autres, travaillent ensemble dans un même but c'est-à-dire maintenir la santé des gens ou bien leur permettre de la recouvrer.

Alors, nous nous demandons ce qui surviendrait si un chiropraticien était dans le groupe. Nous avons des connaissances de base plus ou moins poussées mais toutes semblables, c'est-à-dire, en nursing comme en médecine ou en physiothérapie, nous commençons tous par apprendre l'anatomie et la physiologie uniformément de façon plus ou moins poussée. Alors qu'est-ce qui arrivera lorsqu'un chiropraticien entrera dans l'équipe et aura une conception différente de l'anatomie, de la physiologie? Il voit de façon différente les sources nerveuses qui apportent la vie aux organes.

M. FORTIER: Troisièmement, vous croyez qu'il y a vraiment un danger pour le public qu'il y ait trop de radiographies prises par les chiropraticiens dans l'exercice de leur art?

MLLE CLARKE: Je suis une infirmière, je ne suis pas une radiologiste. Je m'en remets à l'opinion des spécialistes qui ont vraiment fait beaucoup de recherche là-dessus et je vois qu'il y a vraiment, d'arès leur opinion scientifique, des dangers dans ce domaine.

M. FORTIER: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mlle Clarke, votre position est assez catégorique. Le gouver- nement, d'une part, met en place toutes sortes de programmes pour favoriser le dépistage, la prévention, l'immunisation, les programmes de santé. D'autre part, pendant le même temps, il reconnaît un groupe. Vous y voyez des dangers, même vous y voyez une certaine contradiction. Sans entrer dans le fond du débat, parce que cette commission l'a fait à plusieurs reprises, il reste que depuis plusieurs années la chiropraxie existe. Elle est reconnue dans des provinces. Elle est reconnue dans des Etats américains. Elle est reconnue ailleurs et ici on a des centaines de chiropraticiens qui pratiquent illégalement, alors que le but de la loi est de protéger le public.

Est-ce que vous ne croyez pas qu'on pourrait légaliser la profession, en lui donnant certains pouvoirs, en déterminant le champ d'exercice? Ceci, nécessairement, n'aura pas l'assentiment des professionnels concernés à 100 p.c, d'un côté comme de l'autre, mais où tirer la ligne? Est-ce que vous ne croyez pas que cela serait mieux pour la protection du public, la solution de la reconnaissance officielle, du contrôle, de l'autodiscipline, du code d'éthique de ces professionnels de la santé? Vous avez mentionné tantôt qu'ils vont travailler ensemble dans des équipes; ils ne seront pas parfaitement d'accord parce qu'il y en a qui vont arriver avec une conception différente. Ils n'auront pas étudié les mêmes théories de base, ils n'auront pas la même conception. Alors, je vous pose la question: Est-ce que ce n'est pas préférable qu'il y ait reconnaissance à ce moment-ci, en y mettant toutes les formes et toutes les précautions nécessaires?

MLLE CLARKE: Premièrement, vous avez mentionné quelque chose au sujet des différents Etats qui ont reconnu les chiropraticiens, les différentes provinces du Canada. Je pense que le retard que vous avez mis à légaliser la chiropraxie est un retard bien positif. Vous prenez le temps d'étudier la question et vous ne voulez pas faire un faux pas. Cela ne veut pas dire que, si les Etats-Unis ont légalisé la chiropraxie, vous êtes dans l'erreur si vous ne le faites pas. Vous savez qu'aux Etats-Unis on recommence les études pour les "délégaliser", c'est-à-dire qu'on veut les éliminer du programme Medicare.

Alors je me demande si attendre quelque temps pour voir le résultat de ces études ne vous ferait pas encore changer d'idée sur la question de la légalisation. Ensuite, un autre point que vous mentionniez c'était que travailler ensemble serait difficile.

M. CLOUTIER (Montmagny): II y a une équipe multidisciplinaire.

MLLE CLARKE: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'imagine que, d'après ce que vous avez expliqué, il est

possible qu'il n'y ait que le chiropraticien qui ne soit pas d'accord avec les autres disciplines.

MLLE CLARKE: Même dans tous les Etats où ils ont été légalisés, cela n'a pas amené les chiropraticiens à vouloir travailler avec l'équipe multidisciplinaire. Ici, au Québec, est-ce que les chiropraticiens seraient d'une mentalité différente et accepteraient d'être inclus dans l'équipe multidisciplinaire, dans le but de garder la population en santé ou bien d'apporter des solutions aux problèmes de la santé? Je me le demande et je pense que non.

M. CLOUTIER (Montmagny): Parmi tous les chiropraticiens que vous connaissez, que vous avez vus travailler, dont vous avez lu les travaux, que vous avez entendus parler ou témoigner, est-ce que vous pensez qu'il y a un assez large éventail d'opinions à l'intérieur même de la profession des chiropraticiens? Le témoignage qu'on a eu cet après-midi, je pense que c'est un témoignage à l'extrême. On a eu d'autres témoignages devant la commission parlementaire qui se situaient bien en deçà de ce que M. Chèvrefils prétendait cet après-midi.

MLLE CLARKE: C'est un peu pour ça que le bill Bates & Trebelco serait vraiment un autre angle à envisager, parce qu'ils sont un peu moins radicaux. Vous avez dit que j'étais un peu catégorique. Ils semblent un peu moins catégoriques et ils sont prêts à faire des concessions et à écrire quelque chose. Ils m'ont envoyé leur bill. Si vous voulez prendre connaissance de leur bill 269 qui est révisé, je serais heureuse de vous le passer et ils seraient très intéressés à venir discuter avec vous, ces gens.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, si on pouvait et avoir une photocopie, après la séance, on pourrait en mettre à la disposition des membres do la commission.

MLLE CLARKE: Certainement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. GUAY: J'ai seulement quelques questions à poser. Je m'excuse, mademoiselle. Je ne voudrais pas être méchant comme membre de la commission, sauf que, si nous sommes à cette commission parlementaire, c'est pour vider les questions et je suis convaincu que vous allez nous aider.

MLLE CLARKE: Autant que je peux.

M. GUAY: Vos premiers mots ont été "une médecine parallèle". Donc, vous admettez au départ que c'est une médecine.

MLLE CLARKE: Non. Je m'excuse, mais je ne voudrais pas qu'il y ait de mauvaise interprétation. Je vois que ce sont deux systèmes en fait, mais je ne voudrais pas que vous le preniez pour la vraie signification de ce que nous comprenons par la médecine. Je veux dire que c'est un système de santé qui se veut complet, comparativement au système de santé médicale que nous connaissons qui se veut complet. On pense non seulement au traitement final, mais à toute la santé des clients, à partir de la naissance jusqu'à la mort et de la méthode préventive jusqu'à la méthode curative.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. Un instant, Mlle Clarke. Est-ce qu'il y aurait possibilité de nous confier votre document pour qu'on puisse en faire quelques photocopies? Très bien. Continuez.

M. GUAY: Merci, M. le Président. Etant donné que quatre infirmières en santé publique ont participé à la rédaction du mémoire, j'aimerais savoir si elles sont membres de l'Association des infirmières et infirmiers du Québec.

MLLE CLARKE: Oui.

M. GUAY: Combien d'infirmières appuient votre mémoire? Quatre personnes ont participé à la rédaction, mais combien d'infirmières appuient le mémoire? Est-ce que vous avez fait une espèce de recensement ou une consultation, après la rédaction du mémoire, pour savoir quel pourcentage des 40,000 infirmières pouvait appuyer votre mémoire?

MLLE CLARKE: Nous n'avons rien fait de cela. Nous avons écrit une lettre à l'Association des infirmières de la province de Québec, leur demandant si elles allaient publier un mémoire spécifiquement en rapport avec la question chiropratique. Elles nous ont répondu qu'il y avait beaucoup d'activités se rapportant à la rédaction du mémoire concernant le bill 250 et le bill 27-3. Alors, elles ne pensaient pas qu'elles allaient avoir le temps suffisant. Cependant, je ne voudrais pas dire: Non, il n'y a pas d'autres personnes que les quatre infirmières concernées qui ont voulu signer ce mémoire, parce que nous ne le leur avons pas présenté et que nous n'en avons pas discuté avec elles.

Peut-être que nous en aurions un bon nombre et nous pourrions faire quelque chose comme ça.

M. GUAY: Si je vous pose cette question, c'est qu'on a entendu les infirmières et infirmiers du Québec et ils y ont très peu touché. Votre mémoire s'intitule: "La chiropraxie, un danger de santé publique". Malgré tout, suite aux questions déjà posées, vous avez mentionné que vous seriez prête à accepter la légalisation de l'acte chiropratique, moyennant certaines restrictions. Je vais tenter de vous faire présicer,

de deux choses l'une: Ou vous admettez la légalisation d'un danger public ou vous êtes favorable et vous dites que ce n'est pas si pire que cela en fait. J'aimerais avoir la précision. La chiropraxie, un danger de santé publique, et je vais prendre la précaution de relire le texte pour le journal des Débats.

Vous admettez que le législateur devrait, parce qu'en fait, le législateur devra prendre position, de façon rationnelle, permettre l'acte chiropratique.

M. PEARSON: M. le Président, c'est une question insidieuse. Il me semble que le député n'a pas le droit de poser sa question comme ça. Parce que la boisson peut être un danger public et le gouvernement le reconnaît, mais cela ne veut pas dire qu'il reconnaft les bienfaits nécessairement de toute la patente. Il me semble que le fait de légaliser, c'est-à-dire de reconnaître, cela veut dire être capable de le contrôler.

M. LE PRESIDENT: J'ai l'impression que si mademoiselle...

MLLE CLARKE: Je voudrais répondre à cette question, même si elle est peut-être un peu...

M. LE PRESIDENT: Si mademoiselle était en cour, elle pourrait demander la protection de la cour. Mais tout de même, si vous voulez répondre, répondez.

MLLE CLARKE: C'est justement. Mais je vais y répondre au meilleur de ma connaissance. Je trouve que la question de la chiropraxie est un aspect très politique. Vous savez que c'est très politisé. A un moment donné, les membres du gouvernement devront peut-être se décider personnellement et d'après plusieurs études; on a démontré que le fait de légaliser quelque chose qui, d'après mon sens, est une médecine sorcière, n'en fera pas une médecine acceptable. Mais le gouvernement pense peut-être encore qu'en la légalisant, on viendra à bout de contrôler les activités, mais je n'y crois pas tellement.

Cependant, dans le bill révisé "The Bates and Trebelco", on suppose qu'on va les légaliser, c'est-à-dire qu'on ne leur enlèvera pas le pain de la bouche et on va cesser qu'il y ait des chiropraticiens qui soient reconnus d'année en année, c'est-à-dire qu'ils sont diplômés de leurs écoles, des écoles qui n'ont jamais été reconnues par les systèmes d'éducation. Qu'est-ce que c'est que d'obtenir le diplôme d'une école, même si c'est après quatre ans, dix ans ou vingt ans d'études, si l'école n'est jamais reconnue par le système d'éducation? C'est ce qui existe aux Etats-Unis et dans les autres provinces du Canada. Les écoles ne sont pas acceptées.

M. GUAY: Alors, en conclusion pour cette question, vous demandez au législateur de légaliser un danger de santé publique.

MLLE CLARKE: C'est, entre deux maux, le moindre peut-être, ou bien peut-être que le législateur sera forcé de le légaliser parce qu'il semble que les chiropraticiens, étant très politisés, demandent beaucoup l'appui des clients, en fait, ils font dire à bien des clients qu'ils sont très heureux d'avoir été traités par des chiropraticiens. Il y a eu des programmes à la radio où vous avez entendu sans doute des choses aussi stupides qu'une femme qui appelle et qui dit qu'elle avait un problème osseux, qu'elle est allée voir un chiropraticien et que cela s'est amélioré. On lui a demandé si, au cas où elle aurait un problème cardiaque, elle irait voir un chiropraticien. Elle a dit, gros comme le bras: "Oui, j'irai". Elle ne sait rien, elle ne connaît rien à la médecine. De quel ressort peut-elle évaluer qu'elle chosirait un chiropraticien plutôt qu'un médecin de médecine? Elle est bien dans le noir.

M. GUAY: Est-ce que vous pouvez affirmer que les médecins ne sont pas politisés?

MLLE CLARKE: Je n'ai pas à répondre à cette question.

M. GUAY: Remarquez bien que vous n'êtes pas tenue obligatoirement de répondre à mes questions. Une autre question d'ordre pratique. Avez-vous personnellement déjà reçu des services ou des soins d'un chiropraticien?

MLLE CLARKE: Pas personnellement, mais je connais bien des gens qui en ont reçu.

M. GUAY: Qu'est-ce qui les a incités à aller voir un chiropraticien? Est-ce l'échec de la médecine?

MLLE CLARKE : Pas nécessairement. Mais vous savez que les médecins sont très poussés et je pense qu'encore là il y a beaucoup de problèmes psychologiques. Dans certaines études, on a vu qu'il y a beaucoup de problèmes de santé qui sont ce qu'on appelle hypocondriaques. Les gens ont des problèmes psychologiques qui les rendent tendus. Ils ont des problèmes d'estomac. Ils ont, conséquemment, d'autres problèmes. Ils vont voir un médecin. Il y a peut-être une situation malheureuse qui existe. C'est que le nombre de patients qui vont voir le médecin est tellement grand qu'il y a un manque de communication. La population a besoin d'une explication de ses problèmes, mais d'une explication où on arrivera avec une réponse. Le problème est toujours physique. N'essayez pas de faire comprendre à bien des gens que leur problème est psychologique. Alors, il y a une situation difficile. C'est qu'il y a un manque d'explication de la part des médecins avec leurs patients. Conséquemment, le patient ne sait pas trop à quoi s'en tenir. Il reçoit sa médication. Ce n'est pas efficace. Alors, il va chez un chiropraticien. Celui-ci prend une radiographie complète de la colonne

vertébrale. Déjà, on a fait quelque chose pour lui. On a pris une radiographie. Ensuite, il lui explique, montrant une colonne vertébrale qu'on peut à peine voir — parce que si vous avez déjà vu une radiographie de la colonne vertébrale complète, cela ne dit absolument rien; je suis une infirmière et je peux voir un peu de différence avec d'autres radiographies, bien que je ne pourrais pas analyser les résultats — que la subluxation est ici. Alors, on touche le problème. C'est un problème physique. Il n'y a pas de danger de se faire dire que c'est parce qu'on est poussé, psychologiquement, par la tension et tous ses problèmes à avoir des maux d'estomac, des ulcères ou toutes sortes de choses comme ça.

M. GUAY: Quand même, dans certains cas, est-ce que certains patients qui ont reçu des soins ou des traitements par des chiropraticiens disent mieux se porter physiquement ou si, chaque fois, ce fut un échec? Ce que je veux tenter de clarifier, ce sont toujours les résultats. Parce qu'en fait, c'est ce qui compte.

MLLE CLARKE: Oui.

M. GUAY: Que ce soit par la médecine, que ce soit par la chiropratique, que ce soit par la physiothérapie, que ce soit par la phytothérapie, ce qui compte, ce sont les résultats. En fait, ceux qui contestent, en quelque sorte, la chiropratique, s'attaquent très peu à l'ossature de l'être humain. Mais là, ils nous font glisser sur des maladies contagieuses en nous disant que le chiropraticien ne peut pas traiter des maladies contagieuses. Cet après-midi, on s'est permis de parler de cancer. A partir de là, j'aimerais qu'on revienne au possible puisque votre mémoire s'intitule: La chiropraxie, un danger de santé publique. Bien, qu'on traite cela à peu près de la même façon qu'eux ont défendu leur point de vue.

MLLE CLARKE: Vous voulez que je prenne un exemple précis, donc je reviens à la situation que vous avez exposée tantôt : votre question à savoir que vous avez deux os à l'avant-bras et qu'il y a eu une fracture. Vous avez passé 75 jours dans le plâtre. Un os sur les deux a repris. Pour éviter d'avoir un autre plâtre — qui vous dit, d'ailleurs, que l'hôpital aurait réinstallé un plâtre, peut-être qu'on aurait fait seulement un bandage, je ne sais trop — vous êtes allé voir un chiropraticien et 70 jours plus tard le problème était disparu.Soixante-dix jours plus tard, votre problème serait disparu naturellement aussi, probablement.

M. BELAND: Si mon collègue me le permet, c'était moi qui étais en cause.

MLLE CLARKE: Ah! c'était vous, excusez-moi.

M. BELAND: Oui, c'est ça.

MLLE CLARKE: C'était le mauvais bras!

M. BELAND: Lorsque j'appliquais une torsion du poignet, il me poussait comme un genre de bosse.

MLLE CLARKE: Oui, c'est ça.

M. BELAND: La moelle sortait. C'est ce qui me faisait horriblement mal.

MLLE CLARKE: Oui.

M. BELAND: Après des traitements chez le chiropraticien, il m'a dit de faire attention.

D'accord. Maintenant, même si j'ai l'os complètement de biais — en somme, il n'est pas redevenu droit mais il est plutôt en rond — je peux cogner dessus et cela ne fait pas mal. A ce moment-là, il n'y avait même pas moyen d'y toucher, tant cela faisait mal.

Est-ce que c'est dû au fait d'activer tous les nerfs par des massages? J'ai eu beaucoup de massages, en fait, dans le dos, la colonne vertébrale, etc. A ce moment-là, j'ai senti le résultat. Cela a été quand même flagrant. L'os, enfin, je le bougeais avant d'aller chez le chiropraticien.

MLLE CLARKE: Je le crois.

M. BELAND: Au bout de 70 jours, tout était bien et même je pouvais frapper un peu dessus, pas trop fort, mais quelque peu. Et c'était bien. Quand même, ce n'est pas un miracle.

MLLE CLARKE: Non, non! Et je vois l'évolution. C'est l'évolution bien naturelle d'une fracture.

M. BOIVIN: De 140 jours.

MLLE CLARKE: C'est cela, 140 jours. Une fracture qui se répare seule, en fait. Psychologiquement, vous savez, on donnait à la personne, qui était vous, une attention particulière. On faisait des massages de la colonne vertébrale. C'est très bon de se faire faire des bons massages de dos.

M. GUAY: Mademoiselle, j'aimerais savoir ce que vous pensez des médecins qui, après des cours de fins de semaine — on l'a mentionné à plusieurs reprises — se disent chiropraticiens. Etes-vous en milieu hospitalier?

MLLE CLARKE: Non, je suis en santé publique. Mais j'en ai entendu parler, en fait.

M. GUAY: Pourquoi ces médecins croient-ils bon de se dire chiropraticiens si ce n'est pas le cas?

MLLE CLARKE: Je crois que c'est absolu-

ment non pertinent, pour moi, de répondre à une question sur une opinion...

M. LE PRESIDENT : Je m'excuse, cela ne fait pas partie de son mémoire.

MLLE CLARKE: Non, et je ne peux pas répondre pour les médecins.

M. LE PRESIDENT: C'est très bien.

M. GUAY: C'est parce que j'ai peur qu'à un moment donné...

MLLE CLARKE: Non, je ne peux absolument pas répondre pour les médecins.

M. GUAY: ... on arrive avec des médecins qui, comme chiropraticiens, seront un danger pour la santé publique.

MLLE CLARKE: Vous revenez au danger de la santé publique. Nous avons ainsi intitulé notre mémoire parce que, après plusieurs preuves, vous avez vu que ce serait un danger de légaliser la chiropraxie. Un autre danger dont je n'ai pas discuté mais qui est déjà mentionné dans le mémoire, c'est le "team work", qui est recommandé par le bill 65. H faudra travailler ensemble, toutes les professions.

En regard de cela, il y avait un autre problème, l'éducation de la population. Dans les centres de services de santé nous pratiquons beaucoup la médecine préventive et, jusqu'à maintenant, nous ne faisions pas de médecine curative ou de nursing curatif. Nous ne faisons pas de traitements où je travaille actuellement. Mais nous devons diriger les gens, après avoir fait des tests et un examen médical complet. S'il y a des problèmes, nous envoyons les gens à des spécialistes.

Alors pour la population, si les deux professions sont légales, c'est-à-dire les chiropraticiens et les médecins et spécialistes de la santé, cela veut dire qu'autant l'un que l'autre peut recevoir les clients. Je sentirais vraiment que je suis malhonnête avec mon client si, lorsque la chiropraxie serait légalisée, j'osais recommander qu'un de mes clients utilise les systèmes chiro-pratiques.

M. GUAY: Avez-vous, d'autre part, à traiter des patients qui ont eu, de façon accidentelle, ce que j'ai mentionné, le coup de fouet ou "whip-lash"? Avez-vous à traiter de ces cas?

MLLE CLARKE: Je suis une infirmière, je ne suis pas médecin. We give care but we do not treat.

M. GUAY: D'accord. Si les Etats-Unis ont fait l'erreur de légaliser la chiropratique, j'aimerais savoir si vous avez des copies des études, à ce jour, sur la façon de "délégaliser", comme vous le disiez, la chiropratique. Est-ce que c'est quand même quelque chose de concret? Les arguments sont-ils valables? On pourrait peut-être établir que c'est vraiment un danger pour la santé publique, à ce moment-là.

MLLE CLARKE: Oui. Vous pourriez peut-être contacter l'American Public Health Association. Je pourrais vous lire un petit paragraphe, ici: "The American Public Health Association composed of the administrators of the Nation's Public Health Program not only strongly endorsed excluding chiropractic from the Medicare program, but went even further. At its annual meeting in November 1968, the APHA governor in council adopted a statement urging Congress also to amend title 19, Medicaid to specify that federal funds not be used to match state medicaid expenditures for chiropractic or naturopractic services.

And that is not all what the APHA recommended. It also urged that States reevaluate their existing licensure program for chiropractors and naturopaths to determine whether such licences should be further restricted or abolished and that existing restrictions be more rigorously policed."

A l'heure actuelle, dans le bill 269, il n'y a rien qui empêche les chiropraticiens d'annoncer des radiographies complètes de la colonne vertébrale. Et on joue même sur les sentiments des gens, on dit aux mères de famille: Ne vous reprochez jamais d'avoir envoyé vos enfants à l'école sans un examen complet fait par un chiropraticien, ayez une radiographie de la colonne vertébrale.

Ce sont des annonces — je ne dirais pas que c'est mot à mot comme ça — publiées. J'en ai en main; je pourrais vous les montrer.

Pour continuer: "And it urged that professional and consumer groups undertake appropriate consumer education on the hazard of unscientific health care including chiropractic and naturopathy."

M. GUAY: Ce document est écrit par qui?

MLLE CLARKE: A special communiqué excerpt from the Journal of American Medical Association, "What the health-care consumer should know about chiropractic." Richard S. Wilbur, M.D.

M. BELAND: Si mon collègue me permet, après la lecture du document, disons que, d'une façon, c'est quand même normal qu'un Etat réévalue sa position à un moment donné, s'il y a, à l'intérieur d'une profession, quelques membres qui professent et qui ont tendance à nuire à la population plutôt qu'ai aider. J'apporte un exemple précis. Dieu sait s'il y en a de bons médecins dans la province de Québec, mais il y a d'autres personnes qui pratiquent d'autres professions qui font du bien aussi.

Parmi ces médecins, il y en a qui se tiennent à la fine pointe du progrès, qui lisent continuellement et qui se tiennent au courant des expériences nouvelles, etc. Nous en avons également d'autres qui, depuis 15 ans, n'ont pas lu le moindre développement qui s'est fait vis-à-vis certaines façons de procéder pour soigner telle ou telle autre maladie. Comme si en 1972 on disait — comme ça s'est déjà dit d'ailleurs par quelques médecins et quelques infirmières — que la pénicilline ça pouvait tout soigner, je pense que c'est dépassé. La pénicilline peut soigner dans certains cas, mais il y a également d'autres médicaments qui peuvent soigner dans d'autres cas et qui vont être beaucoup plus efficaces.

A partir de ce critère, ça veut dire que vis-à-vis n'importe quelle loi, même si la profession est reconnue aux Etats-Unis dans plusieurs Etats, c'est normal que l'on réévalue les positions qu'on a déjà prises et ça se fait dans le cas de toutes les autres lois. Pourquoi une session dure-t-elle si longtemps ici à Québec? Parce qu'on revient de temps à autre pour apporter des amendements, se mettre à jour, on remet en question une chose déjà décidée parce qu'on est déjà dépassé par les évéments, par d'autres facteurs qui sont entrés en ligne de compte.

Je trouve ça parfaitement normal qu'un Etat remette ses lois en discussion, afin d'apporter des correctifs au point de vue de la légalisation d'une profession.

MLLE CLARKE : Je pense qu'en contactant cette association on aurait des résultats beaucoup plus à jour.

Il semble ici — et je pense que peut-être en prenant contact avec cette association on aurait des résultats beaucoup plus à jour — que l'American Public Health Association a utilisé des mots beaucoup plus forts que de réévaluer de façon interne, mais on veut changer quelque chose. Déjà, on a décidé qu'on ne veut plus des "chiropractors" dans le "medicare". Il y a des lois toutes récentes qui ont été réécrites en vue d'expulser les chiropraticiens du programme "medicare", je crois, dans l'état de New York. Et cela s'est fait tout dernièrement.

Le Dr Murray Katz aura beaucoup d'informations, et fort précises, à ce sujet.

M. LE PRESIDENT: Mlle Clarke, nous vous remercions. J'inviterais le Dr Fortier à commenter votre mémoire.

M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je vous remercie et vous félicite de la clarté avec laquelle vous avez donné des explications. Nous prenons très bonne note de vos remarques. D'ailleurs, M. Castonguay sera mis au courant de vos explications. Merci.

MLLE CLARKE: Je vous remercie.

M. GUAY: Votre mémoire est un contre- poids à des choses qui ont déjà été dites. Je m'excuse d'avoir été dur envers vous, mais je l'ai été également envers les chiropraticiens quand ils ont comparu.

MLLE CLARKE: II ne faut pas que vous fassiez de différence entre une femme et un homme qui se présentent ici.

M. GUAY: Merci.

Dr Murrav Simon Katz

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup de vos remarques, Mlle Clarke, et do votre mémoire, ainsi que vos consoeurs qui ont préparé ce mémoire. Nous invitons maintenant le Dr Murray Simon Katz à nous exposer le mémoire no 66.

MME OZENNE: M. le Président, MM. les membres de la commission, je suis Nadine Ozenne et je ne suis ici que pour présenter le Dr Katz, qui vous parlera de son rapport sur les chiropraticiens. Vous devez vous demander comment il peut être au courant de tout ce qui touche la chiropraxie; le Dr Murray Katz a passé plus de deux ans à effectuer des recherches. Il s'est rendu dans de nombreux bureaux de chiropraticiens tant aux Etats-Unis qu'en Ontario et, bien entendu, au Québec. Il a donc visité au moins une centaine de ces bureaux.

Ce n'est pas pour servir l'establishment médical qu'il est ici aujourd'hui mais plutôt pour rendre service aux consommateurs. Il fait partie du Comité contre la fraude à la santé. D n'est pas le seul dans cette campagne contre les chiropraticiens. On peut citer le Conseil national des citoyens âgés, la Fédération des consommateurs d'Amérique, la Fédération nationale du travail; le Collège américain de médecine sportive également est contre l'emploi de chiropraticiens pour ses athlètes.

Il serait bon de faire savoir que le Dr Katz est très apprécié aussi à la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles. Il participe également au service du conseil d'ordonnance que vous avez bien voulu entendre ce matin. Il vous demande de bien vouloir l'excuser de ne pas s'exprimer parfaitement en français et il espère que cela ne nuira pas à vos travaux, enfin que vous comprendrez que ce sujet a quand même une grande importance. Maintenant, le Dr Katz.

M. LE PRESIDENT: Très bien, Mlle Ozenne. Maintenant, à vous, docteur!

M. KATZ: Merci. Avant de commencer, c'est un chiropraticien qui a dit que les médecins prennent un cours en chiropraxie, ce ne sont pas des médecins qui ont dit ça. Le médecin prend un cours en manipulation vertébrale et ce n'est pas de la chiropraxie, qui est un système; la manipulation est une forme de thérapie.

J'aimerais, M. le ministre, M. le Président,

MM. les membres de la commission, expliquer ce qu'est la chiropraxie. Bien entendu, ce n'est pas possible en si peu de temps et je serais heureux si l'un de vous désirait en parler plus longuement et entrer en contact avec moi.

Pensez-vous que la chiropraxie soit un équivalent de la physiothérapie? Est-ce que les chiropraticiens ne soignent que des maux de dos? Même si le bill 269 stipule qu'ils ne doivent soigner que les maux de dos, pensez-vous que la manière dont le bill est rédigé les limitera à ne travailler que les maux de dos?

D'après mes recherches, partout où la chiropraxie a été légalisée, il est vrai que beaucoup de gens vont chez les chiropraticiens pour des maux de dos, mais nulle part les chiropraticiens n'exercent une physiothérapie scientifique.

En fait, ils soignent les gens pour de nombreuses maladies. Les associations officielles de chiropraxie elles-mêmes prétendent être en mesure de soigner toutes les maladies. Cela pourrait être prouvé si l'on regarde les renseignements distribués au public par les associations officielles de chiropraxie, l'Association américaine de chiropraxie, l'Association nationale de chiropraxie et l'Association canadienne de chiropraxie. Vous devez vous demander pourquoi je dis dans mon rapport que la chiropraxie ne traite pas des maux de dos, mais que c'est en réalité un système qui tire avantage de la crédulité psychologique des patients.

Prenons deux exemples. Un homme est atteint d'hypertension artérielle. Il va chez un docteur qui ne pourra pas toujours lui donner la raison de cette maladie et lui prescrira des comprimés. Psychologiquement, l'homme sera frustré. Il ne saura pas pourquoi il est malade. Chez le chiropraticien, on lui dit: "Monsieur, vous faites de l'hypertension artérielle: cela est dû à telle raison, tel nerf est pincé. Suivez un traitement de manipulation et vous serez remis. Vous n'avez pas besoin de médicaments."

Cette personne est donc heureuse et elle sait pourquoi elle est malade. Elle n'a pas de comprimés à prendre. Aussi, les chiropraticiens savent satisfaire les besoins psychologiques de leurs clients.

Prenons une mère dont l'enfant se salit au lit. Elle va chez un pédiatre qui, après un examen général pour voir s'il n'y a aucune raison physique à ce problème, s'il n'y en a vraiment aucune, lui dira c'est psychologique. Or, les mères — moi, je travaille comme pédiatre — n'aiment pas des raisons psychologiques. Elles veulent une raison physique. Donc, la mère ira chez un chiropraticien et elle aura des radios très impressionnantes. Elle aura les raisons physiques: un nerf pincé, et elle sera heureuse. On peut trouver cet exemple dans une brochure officielle de l'Association canadienne des chiropraticiens en Ontario où c'est légalisé et dans toutes les provinces où cela a été légalisé.

La chiropraxie se joue des craintes de l'homme envers la médecine. Imaginez qu'un homme vient d'apprendre de son docteur qu'il doit être opéré dans le dos. Cela lui fait perdre du temps; donc, de l'argent, et il en souffrira. Imaginez que son chiropraticien lui dit: Quelques traitements de manipualtion et tout ira mieux. Il se fait toucher et guérit. Quel miracle !

La personne choisira la seconde solution beaucoup plus agréable, évidemment. Retrouvons ces gens dix ans plus tard et voyons pourquoi la chiropraxie est dangereuse. Dix ans plus tard, celui qui n'a pas subi d'opération et qui n'a pas pris de médicaments était plus heureux, mais son état a empiré. Cette personne était donc plus heureuse, mais pas en meilleure santé. On pourrait dire exactement la même chose de l'homme atteint d'hypertension. Il était heureux de connaître pourquoi il était malade, mais il n'avait pas la bonne explication.

Il était heureux de ne pas prendre de médicaments, mais c'était ce dont il avait besoin. Dix ans plus tard, son coeur est en plus mauvais état, il est plus attaqué par de petites maladies.

Les chiropraticiens, en règle générale, sont contre l'emploi des médicaments. De quel droit peuvent-ils l'être? Quelles sont leurs connaissances en ce domaine? Ils n'ont, en fait, jamais étudié la pharmacologie et ils le reconnaissent. Est-ce qu'ils sont contre les médicaments —c'est très important— parce qu'ils connaissent parfaitement ce domaine ou est-ce qu'ils ne profitent pas seulement de la crédulité psychologique des patients?

A propos des écoles de chiropraxie, où est-ce que c'est légalisé? En quelques mots, disons qu'elles ne sont pas reconnues par les universités, même si les chiropraticiens prétendent le contraire. Le bureau américain de l'Education —ça fait 60 ans que la chiropraxie est légalisée— a refusé de reconnaître le diplôme de chiropraticien et considéré officiellement que le mot est faux. C'est un diplôme faux. C'est une classification officielle. En Ontario, le gouvernement a légalisé les chiropraticiens en 1925. Vous devez comprendre que la législation de la chiropraxie a commencé en 1913 et, avant 1930, plus de 33 Etats des Etats-Unis l'ont aussi légalisée. Ce n'est pas une chose nouvelle, la légalisation, c'est une chose qui date de plus de 50 ans. En Ontario, le gouvernement refuse de reconnaître les écoles de chiropraxie et en même temps il légalise la chiropraxie. Cela n'est-il pas stupéfiant de légaliser une chose qu'on n'approuve pas?

Nous arrivons au problème de la légalisation. Deux études ont été faites: l'une en 1965 par le juge Lacroix de Québec, l'autre par le ministère de la Santé, de l'Education et du Bien-Etre social des Etats-Unis. Ceci est le département officiel fédéral pour tous les Etats-Unis. Cette étude a été faite en 1970. Vingt-deux personnes ont participé à la seconde recherche: des médecins, des chiropraticiens, des citoyens âgés et des travailleurs. Ce n'est pas un comité de médecins. Ces deux rapports ont trouvé la

même chose, par exemple que la justification de l'emploi des rayons-X par des chiropraticiens est douteuse. Deuxièmement, que les chiropraticiens veulent traiter tous les malades. Mais les recommandations ont été différentes. Le juge Lacroix a recommandé la légalisation. Le département de la Santé aux Etats-Unis, qui avait plus de 60 ans d'expérience avec la légalisation, a reconnu que la légalisation était un échec. J'ai le document complet en français. Il est dit qu'il est surtout question de protéger les personnes contre les chiropraticiens, que c'est un échec de légaliser la chiropraxie parce que malheureusement, c'est une chose qui est fausse.

En effet, nulle part où la légalisation est en vigueur, les chiropraticiens se contentent de traiter des maux de dos. Nulle part où la légalisation est en vigueur, les radiographies sont valables ou nécessaires. L'Association canadienne de radiologie a dit officiellement qu'il y a plus de 1 million de radiographies au Canada, chaque année. Avec les rayons-X il y a des choses dont il est scientifiquement impossible de dire ce que c'est. Vous le voyez vous-mêmes. D y en a deux d'un enfant montrant tout le corps — c'est de la Canadian Chiropratic Association, là où c'est légal — pour traiter un enfant qui se salit au lit. Les nerfs sont invisibles au rayon-X et on ne peut pas voir une chose invisible. Nulle part où la chiropraxie a été légalisée, les écoles de chiropraxie n'ont été reconnues. L'astrologie ne peut pas devenir l'astronomie. Nulle part où la chiropraxie a été légalisée, les chiropraticiens ont la même éducation que les physiothérapeutes. Nulle part où la légalisation est en vigueur, la chiropraxie soigne les maladies dans les hôpitaux. Jamais un chiro ne travaille dans un hôpital. Qu'est-il possible de savoir? Jamais ils ne travaillent dans un hôpital.

Nous arrivons au problème des rayons-X. C'est très important. Il serait très important pour la commission de décider si oui ou non les chiropraticiens ont le droit d'utiliser les rayons-X.

La commission devrait savoir qu'une mauvaise utilisation des rayons X résulte en une dégénération physique. Il y a des risques de fausse couche pour une femme enceinte, des possibilités de cancer. Ce danger est caché. On n'attend pas pour voir le dommage. C'est pour cette raison, depuis les dix dernières années, qu'il y a aux Etats-Unis une réduction de 33 p.c. chez les médecins qui emploient les rayons X dans les hôpitaux. Il y a un nouveau système maintenant. C'est impossible, pour les omnipraticiens, de prendre des rayons X au Québec. C'est nouveau. Il y a seulement les radiologistes.

La commission devrait savoir que les réclamations des chiropraticiens à propos des rayons X n'ont pas été reconnues par des radiologues. Les collèges américains des radiologues, dans tous les Etats-Unis, sont contre l'utilisation des radiographies par les chiropraticiens. L'Associa- tion canadienne des radiologues est aussi contre les chiropraticiens. Qui, à cette commission, a la base médicale pour décider si les chiropraticiens ont le droit de faire des radiographies? Qui? On peut aller partout dans le Canada et trouver des politiciens qui, pour des raisons politiques, accepteront de légaliser l'utilisation des radiographies par des chiropraticiens. Mais on ne trouverait pas de radiologues qui approuveraient cette mesure. Aucun. Les chiropraticiens prétendent, par exemple, qu'ils prennent des radiographies pour savoir s'il n'y a pas de danger de cancer. Ils disent qu'ils doivent prendre des rayons X parce que c'est possible qu'il y ait un cancer dans le dos. Avant de faire la manipulation, ils veulent vérifier.

Cela peut paraître vrai, mais quel député est capable de savoir si les chiropraticiens sont capables de dépister le cancer? Les chiropraticiens n'ont pas, eux, l'entraînement intensif nécessaire pour être de bons radiologistes. Il est dangereux de radiographier une femme enceinte et les chiropraticiens sont incapables de tout connaître à ce sujet. Il faut un entraînement réel et non de la politique pour devenir un radiologue. Le gouvernement a dit non, on n'a pas de loi pour ça. C'est une question d'éducation et non de politique.

La commission, avant de décider, devrait se référer à des radiologues compétents pour savoir ce que c'est. Par exemple, un chiroprati-cien dit: Moi, je prends seulement un rayon X et, à l'hôpital, on prend cinq rayons X du dos. C'est dire qu'à l'hôpital c'est cinq fois ce que je fais dans mon bureau. Mais quand le médecin, à l'hôpital, prend le rayon X, par exemple, dans une porte il y a une place pour mettre une clé. Vous avez seulement une lumière très petite. Le chiropraticien prend le même rayon X, avec la même lumière, mais avec la porte ouverte. C'est possible d'aller à l'hôpital, comme je le dis, et d'avoir 50 rayons X. Je ne sais pas pour vous, mais un rayon X des chiropraticiens, "total body", représente à peu près 250 rayons X faits par un médecin.

Un autre sujet. Je pense que c'est mieux de former un comité de radiologues pour décider exactement ce que sont les rayons X des chiropraticiens.

Mes recommandations sont qu'un comité de radiologues devrait être formé pour décider de ces questions. C'est important. C'est ma première recommandation au bill no 269. C'est la question de la décision des radiologues, qui sont les spécialistes.

En mai 1972, il y a quelques mois, à New York, le gouverneur Rockefeller demandait l'opinion du service de la santé. Une commission a refusé les réclamations des chiropraticiens et a confirmé qu'on ne pouvait pas radiographier les organes génitaux ni les enfants. C'est un bon précédent. Cela commence. Les recommandations des services de santé aux Etats-Unis commencent à avoir leurs effets.

Ce n'est pas légalisé partout aux Etats-Unis.

Ce n'est pas légalisé en Louisiane, ce n'est pas légalisé au Mississipi. La nouvelle loi de la chiropraxie a été étudiée par l'Assemblée nationale en France et, il y a trois mois, elle a décidé de ne pas légaliser la chiropraxie et de commencer un programme d'éducation contre les chiropraticiens. Ce sont les notes de l'Assemblée générale de France d'il y a quelques mois.

Qu'est-ce que le problème, ici? Il y a des chiropraticiens. Je pense qu'il y en a 300 au Québec. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? C'est un problème. Je voudrais expliquer que je n'ai jamais dit que les chiropraticiens étaient de mauvais gars. La chiropraxie croit en quelque chose. M. Chèvrefils croit à quelque chose. Il croit qu'il est correct. Ce n'est pas un voleur. En quoi croit-il? Au danger. Je suis médecin. Je crois en quelque chose. Je crois en plusieurs choses. Je ne sais pas si tout ce à quoi je crois dans ma pratique est correct ou non, mais j'espère qu'à 80 p.c, c'est bon. La chiropraxie croit aussi à quelque chose, mais c'est seulement 5 p.c. qui est bon. Cela est la différence entre les deux. Je n'ai rien contre le chiropraticien, individuellement. J'ai parlé avec plusieurs chiropraticiens. Il y a des chiropraticiens qui m'ont parlé ainsi qu'à des radiologues de l'hôpital Sainte-Justine et qui ont décidé d'arrêter de prendre les rayons X des enfants. C'est la responsabilité du médecin de faire quelque chose avec les chiropraticiens. Ce sont des hommes qui ont des familles.

Enfin, nous n'avons pas besoin des chiropraticiens. Il y a beaucoup de personnes qui sont capables de faire un travail scientifique pour le dos. Nous n'avons pas seulement besoin d'éducation pour éliminer les chiropraticiens. J'ai reçu une lettre de B.C. Trebelco. Je crois que toutes les personnes qui ont fait des représentations à la commission ont reçu un bill de B.C. Trebelco, ainsi que les chiropraticiens. M. Trebelco est un avocat de l'Ontario, un professeur sur le problème de la consommation. Il est très intéressant sur ce sujet. J'aimerais vous donner mon avis à ce sujet. Le projet de loi 269 n'offre aucune protection, il ne tient pas compte d'expériences que nous avons avec les chiropraticiens. Le bill Trebelco est plus moderne. Cela date de 1972. Même si je ne suis pas d'accord sur tout le bill B.C. Trebelco, il prend au moins en considération toutes les recommandations de l'Etat de la Louisiane, de la France, ainsi que de la cour Suprême aux Etats-Unis, laquelle a rendu une décision là-dessus. Il prend en considération les décisions de l'Afrique du Sud qui est le premier endroit où la chiropraxie est illégale. On ne doit pas la légaliser. On est contre la légalisation.

Pourquoi y a-t-il de controverses à propos de la chiropraxie? Vous savez qu'à Montréal, il y a eu quatre éditoriaux à ce sujet. Je pense que dans tous les bills des autres professions, il n'y a pas eu quatre éditoriaux. Par exemple, il y a quelques mois, le Montreal Star a fait un éditorial qui disait: "Un des arguments souvent avancés en faveur de l'Association des chiropraticiens au Québec, c'est que c'est légalisé dans plusieurs autres provinces et dans plusieurs états américains. C'est un argument d'une valeur douteuse. Enfin, même dans ces endroits où la chiropraxie a été autorisée, son rejet par le public augmente d'une façon constante. Elle a été officiellement rejetée, entre autres, par les ministres de la Santé, de l'Education et du Bien-Etre social aux Etats-Unis, par le AFL-CIO, l'organisation syndicale, par lesfédérations de consommateurs (une organisation dont je suis membre) et par l'association nationale des citoyens âgés.

Les gouvernants, sans aucun doute, prennent conscience de l'intérêt à protéger le consommateur. C'est une question de consommation, la santé. La santé est un produit. La chiropraxie n'est qu'une partie du vaste problème de la consommation de la santé. Si on adopte la loi contre les mauvaises voitures, on doit aussi voter la loi contre les charlatans de la médecine, ceux qui vendent des médicaments miracles pour guérir le cancer et l'arthrite, les naturopa-thes et les chiropraticiens.

Si vous légalisez les chiropraticiens, pourquoi ne pas légaliser les autres qui donnent des remèdes pour le cancer, l'arthrite et toutes ces choses? Il y a juste quelques jours, j'ai vu une femme avec un grand cancer. Elle était traitée par un naturopathe depuis deux ans parce que les médecins lui avaient dit: Vous avez le cancer. Vous avez besoin d'une opération. Les médecins ne pensaient pas lui avoir fait peur. Elle va donc chez le naturopathe qui lui dit: Cela va bien. Maitenant, deux ans après, elle a un cancer.

Je termine en vous disant que je parle pour le consommateur. Je dis qu'il s'ait de le protéger. Je sais bien que c'est très difficile. Mais, si les médecins, les pharmaciens, les avocats voulaient protéger leurs propres intérêts pour la simple raison d'argent, le gouvernement devait les critiquer. J'ai moi-même critiqué ma profession de médecin, en ce qui concerne, par exemple, le prix des médicaments et d'autres choses. Cependant, le gouvernement devrait appuyer les médecins lorsqu'ils veulent seulement protéger la science et le consommateur.

S'il y a des questions, je suis prêt.

M. FORTIER: M. le Président, je n'ai pas de questions particulières à poser au Dr Katz. Je vous remercie de vos explications que je remettrai moi-même au ministre. Je constate que vous et Mlle Clarke semblez d'accord pour attirer l'attention du gouvernement, afin de protéger le public, sur tout ce qui, selon vous, pourrait être nuisible. Je vous remercie donc de vos explications.

M. KATZ: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, moi non plus, je n'ai pas de questions à poser au Dr Katz, parce qu'on a traité abondamment du sujet. Je sais que le Dr Katz a suivi attentivement les séances de la commission, les journées où sont venus devant la commission les chiropraticiens et les médecins. Vous avez fouillé passablement la question. Vous êtes certainement une autorité en la matière. La commission et le législateur doivent certainement prendre en sérieuse considération le témoignage que vous apportez et essayer de tirer la ligne au meilleur endroit possible.

Je retiens également que vous avez parlé du projet de loi dont on a eu une photocopie, tantôt. Je pense que nous devrons lire, comme membres de la commission, cette proposition de loi et peut-être en retenir des éléments. Je vous remercie, docteur.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, j'aimerais également remercier le Dr Katz. Vous avez apporté également un son de cloche différent de celui que nous avons entendu. Vous avez nuancé. J'ai aimé la nuance que vous avez faite. Peut-être que vous avez été un peu moins catégorique. Vous avez peut-être été un peu plus diplomate dans la présentation. Au lieu de dire un non catégorique, vous avez tenté de dire: On va dire oui, mais on va leur enlever toute possibilité. C'est un peu de cette façon que je vois cela.

Nous retenons vos propos dans un certain sens. Cependant, j'aimerais vous poser quelques questions. Est-ce que vous avez également, vous-même, personnellement, reçu des traitements des chiropraticiens?

M. KATZ: J'ai visité plus de 100 bureaux de chiropraticiens. Je n'ai jamais subi de rayons X des chiropraticiens. J'ai vu beaucoup de traitements des chiropraticiens dans les bureaux. Je dis tout le temps que je suis un professeur qui s'intéresse à cela. J'ai visité le Collège des chiropraticiens. Par exemple, en Ontario, ceci est le premier livre sur ce que font les chiropraticiens. Il y a beaucoup d'autres choses que j'ai faites, dans mes recherches. Il n'y a pas seulement moi, mais il y a à peu près 40 personnes dans le comité contre la fraude dans la santé. C'est une corporation du Québec. C'est une corporation officielle des consommateurs contre la fraude dans la santé.

Si vous voulez voir les résultats, quelquefois, des chiropraticiens et des naturopathies, avec des personnes qui souffrent de cela, cancers ou de l'arthrite je vous invite à une réunion.

M. GUAY: Je pourrais vous inviter à examiner les résultats d'interventions médicales ou chirurgicales.

M. KATZ: Je suis bien d'accord qu'il y a beaucoup de choses, dans la médecine, qui surviennent. C'est pour cela que je travaille dans la clinique communautaire, c'est pour cela que je dois apprendre le français, c'est pour cela que je travaille pour un salaire de moins de $10,000 par année et c'est pour cela que je donne à mon patient tous les médicaments gratuitement aussi. Je suis bien d'accord avec vous.

M. GUAY: C'est pour cette raison que j'aimerais bien faire la part des choses.

On dit que les autorités médicales sont unanimes à affirmer que la chiropratique n'a aucune base valable, que les théories de la mystique chiropratique n'ont jamais été soutenues par une quelconque évidence objective et ont été entièrement refusées par la science médicale.

D'après vos connaissances, vous allez tenter de m'expliquer une chose. J'espère que vous allez réussir. Encore une fois, comment se fait-il que des professionnels de la santé, médecins, sentent le besoin de prendre des traitements chiropratiques?

M. KATZ: Ce sont les chiropraticiens qui ont dit ça; ce sont eux qui ont dit qu'il y avait une fin de semaine d'études de la chiropraxie. Ce ne sont pas les organismes de médecins. Mais je vais vous dire une autre chose, parce que vous avez raison pour une chose: II y a chez les médecins les mêmes besoins psychologiques que chez une personne comme vous; la même chose. Le médecin ne veut pas une opération; il ne veut pas prendre des médicaments; il ne veut pas être affligé du cancer.

Il y a des médecins, pas beaucoup de médecins — M. Chèvrefils est un médecin — qui ont un diplôme mais qui sont un peu stupides. Avoir de l'instruction ne veut pas dire être intelligent.

Quand vous entrez dans le monde avec les forceps ou sans les forceps, comme il disait, la première chose qu'on va vous faire, c'est qu'on va vous toucher. C'est un grand besoin. Et toute personne voudrait aller chez le chiropraticien, prendre les vêtements, les mettre, relaxer et toucher. C'est dire qu'il y a des besoins chez toutes les personnes.

Qu'est-ce que le traitement? Vous avez un mal de bras ou de dos. Vous allez chez le chiro et tout le temps, il vous dit que ça va très bien. Parce que le chiro vous donne le traitement jusqu'à ce que la maladie soit finie, c'est dire que vous allez mal ici et il vous dit que ça va prendre deux traitements. Si ce n'est pas bon, trois; si ce n'est pas bon, quatre. Vous y allez jusqu'à ce que ce soit fini.

Une autre chose: Ce n'est pas le résultat qui est important. Par exemple, si vous avez un torticolis, vous allez chez le médecin et il vous dit: Vous devez porter un collet, prendre des aspirines et ça va prendre trois mois. Vous allez au chiro: Et il fait une manipulation et vous guérissez en une minute. Le résultat est impor-

tant. Mais pourquoi le médecin ne fait-il pas les mêmes manipulations? Parce qu'il sait que dans 3 p.c. ou 4 p.c. des cas, environ, qui ont eu une manipulation vulgaire, le problème des muscles était réglé, mais avec 3 p.c. ou 4 p.c, vous provoquez une crise cardiaque aussi. Et si vous prévoyez les cas, c'est dire qu'à 90 p.c, vous êtes correct. C'est bon, c'est guéri. Mais il y a 2 p.c. ou 3 p.c. des cas qui ne sont pas guéris. Le médecin sait que c'est possible de faire des manipulations pour guérir, mais il ne veut pas essayer, parce qu'il pense aux 2 p.c. ou 3 p.c de cas dangereux.

Si vous pensez que ce n'est pas vrai, je vous donnerai des exemples de manipulations de cous par des chiros, qui ont provoqué des morts; il y a quelques cas d'autopsies que j'ai vus moi-même.

C'est dire que ce n'est pas le résultat qui est important, c'est la question d'un service scientifique. Il y a beaucoup de choses comme ça.

M. GUAY: Si on m'obligeait à donner des exemples, je commencerais par citer un membre de l'Assemblée nationale et médecin.

Si ce n'est pas le résultat qui est important, on peut parler de résultat à court terme et de résultat à long terme. Il peut y avoir des conséquences, de certains actes, comme vous dites. Comme il peut découler des conséquences graves de certaines interventions chirurgicales. Mais, devant l'aspect psychologique — on va oublier les conséquences d'un traitement — pourquoi le médecin ne fait-il pas, lui aussi, ce traitement psychologique?

M. KATZ: C'est très simple. Il y a des personnes qui viennent me voir à mon bureau mais qui ne sont pas heureuses avec moi tandis qu'avec le chiro, elles sont heureuses. Mais c'est une question... En commençant mon rapport, j'ai parlé d'une "sugar pill", une pilule de sucre. Il y a des fois où je donne, dans mon bureau, des pilules de sucre pour des raisons psychologiques. Mais le sucre ne tue pas; ce n'est pas un danger. La chiropraxie, c'est une pilule de sucre.

Et tout le temps, vous donnez une explication à savoir pourquoi vous êtes malade, vous n'aurez jamais raison, vous avez mal au dos, le médecin dit: Bon, vous avez besoin d'une opération. Je pense que c'est un disque. Pendant ce temps, le chiropraticien prend un rayon-X et dit: Non, votre nerf est pincé, c'est exactement ce que vous avez. Si ce n'est pas dangereux de donner "les mauvaises informations, c'est dangereux quand le chiropraticien prend une radiographie. S'il fait une grande impression, c'est dangereux.

J'ai besoin d'un "medecine man", j'ai besoin d'une personne pour prendre une radiographie comme ça mais pas des rayons-X seulement pour l'impression. Je suis bien d'accord. Par exemple, j'ai des personnes dans mon bureau qui sont fatiguées; ça ne va pas bien, quelque chose comme ça; je sais bien; je les envoie un à un au chiro qui leur donne un bon traitement psychologique, mais les rayons-X, c'est dangereux. Il dit aux personnes qu'elles n'ont pas besoin de médicaments, c'est dangereux; il fait peut-être une manipulation, qui est quelquefois dangereuse. Si je fais ça pendant cinq ou six ans, je me retrouve avec une personne ayant un cancer de dos et à qui le chiropraticien avait donné un traitement.

Voici une autre information pour vous montrer que vous nesavez pas beaucoup sur ce sujet. J'ai entendu des conversations entre chiropra-ticiens à Toronto, il y a trois semaines. A ma surprise, j'ai vu que plus de 50 p.c. des personnes qui étaient là représentaient des compagnies pharmaceutiques. J'ai visité quelques bureaux de chiropraticiens en Ontario, où c'est légalisé, et j'y ai vu des médicaments, de pharmacies: par exemple, j'ai ici une bouteille que j'ai trouvée dans un congrès de chiropraticiens. J'ai trouvé une autre chose, une nouvelle chose au sujet des chiropraticiens en Ontario. Il y a ici des muscles, il y a ici des médicaments dont vous avez besoin. Par exemple, le chiropraticien, là où c'est légalisé, — c'est pour ça qu'on ne reconnaît pas leurs écoles, — dit: c'est votre gluthis maximus. Vous savez ce que c'est, quand vous saignez — "sore", "right"? Il vous manque le matériel des ovaires d'un boeuf. Il fait les pilules, et qui manufacture toutes les pilules comme ça? Les naturopathes.

Je tiens à vous dire qu'il y a un médicament que les chiropraticiens donnent maintenant en Ontario qui se somme l'andrenamine, pas l'andrenaline, mais l'andrenamine. Et pourquoi les chiropraticiens donnent-ils ça? Parce que si vous avez un examen, s'il veut qu'il y ait une subluxation, si la personne souffre d'une hypertension artérielle, il doit donner ça. Il y a des médicaments maintenant — et j'ai visité trois bureaux de chiropraticiens, je sais que ça existe comme ça: j'ai vu trois pharmacies chez des chiropraticiens, avec toutes ces mêmes pilules. Quelles sortes de pilules? Une pilule avec du foie de boeuf, une pilule contre le spleen; une pilule pour le pancréas; une pilule pour soigner les testicules; une pilule contre la perte de sang, pour les maladies de l'utérus, on donne une pilule. Toujours des pilules! C'est une chose fantastique.

Je sais bien que c'est fantastique, mais c'est officiel, c'est légal. C'est le problème. Vous légalisez une chose sur laquelle vous n'êtes pas d'accord. C'est une solution politique. Si vous parlez avec les politiciens, tout ça va bien. Et je n'ai rien dit contre vous parce que je sais bien que c'est un problème. Mais vous légalisez les chiropraticiens au Québec, vous devrez payer environ $10 millions pour le "medicare" et toutes ces choses.

Et pourquoi légaliser les chiropraticiens avant de subvenir à d'autres besoins? Si vous commencez un programme d'éducation avec des dépliants, des brochures par exemple, — il y

a un état aux Etats-Unis qui a fait un programme, avec des commerciaux, toutes sortes de choses comme ça — vous pouvez être heureux, mais vous n'êtes pas en bonne santé et cela peut coûter $100,000 par année.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, docteur, il y a des membres de la commission qui ont exprimé le désir de voir si vous pourriez confier le document que vous venez de nous exhiber; nous pourrions en faire des photocopies et prendre connaissance de votre dossier.

M. KATZ: Celui des médicaments comme ça?

M. LE PRESIDENT: Oui, si vous le voulez bien.

M. KATZ: D'accord, si vous me donnez les noms des membres de la commission, j'enverrai un gros paquet de tout ça.

M. LE PRESIDENT: On peut faire faire une photocopie immédiatement de ces deux documents.

M. GUAY: Vous avez touché la distribution des drogues par les chiropraticiens. J'aimerais savoir de vous si ces mêmes drogues sont moins néfastes, si je peux dire, vendues par un pharmacien ou un médecin?

M. KATZ: Non. Quant aux médicaments, je ne sais pas grand-chose à ce sujet, parce que c'est seulement il y a trois semaines que j'ai appris cela. Mais le comité contre la fraude dans le domaine de la santé a commencé un travail sérieux très intéressant. Il y a dans notre comité des professeurs de pharmacologie et des gens comme ça. Et on a appris que ce sont les riaturopathes qui font des médicaments pour les chiropraticiens. On a fait une analyse de six de ces médicaments. Un naturophathe a donné des médicaments, par exemple, pour traiter un diabète. On en a fait une analyse et cinq ne contenaient que des fleurs, du "beef ovary" et des choses semblables. Un autre contenait beaucoup de calcium, et ça c'est dangereux.

M. GUAY: Maintenant, pour revenir au domaine plus spécifique de la chiropratique, celui de l'ossature, dans le cas de personnes qui ont des membres déplacés — ce ne sont pas des cas particuliers — que fait la chirurgie?

M. KATZ: Je n'ai pas compris. Vous me demandez ce que fait la chirurgie pour un mal de dos?

M. GUAY: Si, par exemple, comme on voit assez souvent, un membre, que ce soit un bras, une épaule, un genou, une cheville, est déplacé, que fait alors la chirurgie?

M. KATZ: Par exemple, une épaule, c'est possible en la manipulant de la replacer.

M. GUAY: Et si c'est le médecin, est-ce qu'un médecin fait ainsi de la manipulation?

M. KATZ: Oui, un orthopédiste. M. GUAY: Est-ce bon?

M. KATZ: Cela prend quelque temps, tout dépend de la cause. Par exemple, il y a des problèmes qui prennent quelques mois. Je pense que je comprends votre question. Le chiropraticien dit tout le temps qu'il guérit le problème. Vous savez, quant à moi, si le médecin, dans toute l'histoire de la médecine, on voudrait une explication pour toutes les maladies, et un traitement pour toutes les maladies, c'est très bien comme ça. C'est dire que vous avez une raison pour toutes les maladies et un traitement pour toutes les maladies. Si ce système existe, je voudrais le savoir. Vous savez, avec un problème comme ça, le médecin scientifique a pensé, il y a 50 ans, que le cancer avait seulement une cause, soit l'irritation.

Vous savez que le cancer de la peau du côté gauche chez l'homme est plus fréquent que chez la femme. Cette dernière l'a à droite. Car la raison — le soleil est la cause du cancer de la peau, c'est un fait — lorsque vous conduisez votre voiture vous êtes à gauche et votre femme est à droite. On a fait une étude qui montre que le cancer du bras gauche est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. C'est un fait.

Si vous fumez, vous avez le cancer du poumon. C'est-à-dire que le médecin a longtemps pensé que tous les cancers avaient une cause d'irritation. Et tant que les médecins ont pensé cela, on n'a avancé à peu de choses. Quand on a regardé de plus près... c'est bien qu'il y ait un jour des vaccins contre le cancer. C'est vrai, mais c'est seulement quand les médecins ont pensé qu'il y avait beaucoup de causes de cancer. Il y a des irritations, il y a des causes congénitales, soit l'enfant qui naît avec un cancer, bref, il y a beaucoup de causes. Quand le médecin a accepté ça, c'était un pas en avant. Quand on pense qu'il n'y a qu'une cause pour toutes les maladies et un seul traitement, c'est un "hang up". Et c'est un "hang up" qui existe en médecine scientifique aussi. Mais il y a eu de grands progrès en médecine. Il y a beaucoup de choses qui causent des maladies. Quand M. Chèvrefils était ici et qu'il a dit qu'il y avait seulement une cause pour toutes les maladies, les nerfs coincés, et seulement un traitement... Si vous voulez, vous lirez le livre vous-même, vous verrez, par exemple, dans ce livre, que si une personne souffre d'une crise cardiaque ce serait le livre du chiro employé maintenant en Ontario. On donne une tape dans le dos pour détendre les nerfs.

C'est intéressant parce qu'il y a des hommes qui sont très sincères. Je pense que le chiro que vous connaissez n'est pas un voleur, il croit à ce qu'il fait, il voudrait aider les hommes. C'est ça la chose tragique, que ce soit un problème personnel comme ça. C'est une responsabilité. Moi, je ne suis pas pour éliminer tous les chiropraticiens et les jeter dans la rue, etc... Je pense que c'est pour ça que le Bates & Trébelco a commencé. Le Bates & Trébelco sait à quel endroit on ne donne pas de rayons-X. Il indique des dangers. Après ça, commence un programme d'éducation. Je sais qu'il y a beaucoup de chiros qui sont de bons hommes. Ce n'est pas une question d'être bon ou non, c'est une question de résultats.

M. GUAY: Maintenant, probablement comme dernière question, parce que vous avez répondu... Vous avez dit des choses très intéressantes. Dans le cas de membres déplacés, le médecin par manipulation apporte un résultat qui semble, selon vos dires, satisfaisant. Pourquoi ce serait mauvais quand c'est un chiro qui pose l'acte qu'on appelle manipulation, étant donné que lui, il a une formation beaucoup plus poussée que le médecin dans la manipulation?

M. KATZ: On doit faire une différence. Il y a deux choses. Il y a la manipulation, cela est une technique. C'est un acte spécifique thérapeutique que le spécialiste en orthopédie emploie quand c'est indiqué. De l'autre côté, il y a un système des chiropraticiens qui pensent que la manipulation est le traitement pour toutes les maladies. Il y a d'un côté un système et de l'autre, un traitement. Deuxièmement, si vous coupez votre doigt, vous allez chez votre voisin pour mettre un bandage; ça ne veut pas dire que c'est un médecin. C'est possible pour vous d'aller chez le chiro parce qu'il y a beaucoup de personnes qui vont chez le chiro pour les maux de dos; il vous donne une physiothérapie vraie, une bonne physiothérapie, mais cela ne veut pas dire qu'il avait les qualifications d'un physiothérapiste. Vous savez qu'il y a beaucoup de personnes qui peuvent travailler votre dos. Il y a les physiatres, les spécialistes en médecine de réhabilitation comme le docteur Gustave Gin-gras, il y a les orthopédistes spécialistes, il y a les physiothérapistes. Mais pourquoi a-t-on les chiros? Parce que, si le médecin vous dit que vous avez besoin d'une opération et que vous ne voulez pas l'opération, vous allez voir le chiro qui dit que ce n'est pas nécessaire. Je vous donne une conversation typique. J'ai parlé avec un homme qui m'a dit: Moi, je suis contre les médecins, je suis pour les chiros. Pourquoi? Parce que je suis allé chez le médecin et le médecin dit que j'ai besoin d'une opération; je suis allé chez le chiro et il me dit que je n'ai pas besoin d'opération. J'ai demandé: Depuis quand allez-vous chez le chiro? J'y vais depuis dix ans. Est-ce que vous vous absentez de votre travail? Je dois changer de travail, parce que le dos me fait encore mal. C'est dire qu'il a manqué trois mois par année, pendant dix ans, pour aller chez le chiro parce qu'il avait peur de l'opération. C'est la faute du médecin, parce que le médecin lui a demandé: Est-ce que vous avez peur de l'opération? C'est d'abord la faute du médecin. D'accord?

M. LE PRESIDENT: Maintenant, je m'adresse aux membres de la commission. Nous avons encore deux mémoires à entendre ce soir. Est-ce qu'il y aurait possibilité d'avoir votre collaboration pour agir le plus brièvement possible et résumer? D'accord?

M. BELAND: Je vais être bref, M. le Président, et je vous reporte à votre document, aux conclusions et recommandations, en deuxième page: "Attendu que la chiropraxie constitue à la base un problème purement psychologique et sa solution réside dans un programme d'information éducative." Vous continuez aux paragraphes b) et c) également. Je suis complètement d'accord avec vous sur certains points. Mais, par contre, à un autre palier, j'aimerais savoir de vous si vous considérez, dans des cas analogues, que c'est psychologique aussi le fait qu'on va donner des pilules de sucre ou de farine le soir avant de se coucher à une dame ou à un homme, parce que c'est simplement la confiance. Si elle a cette pilule de telle grosseur ou de telle couleur, elle s'endort. Mais si elle ne l'a pas, elle ne s'endort pas et il n'y a rien dedans. Et vous laissez faire cela par des médecins.

M. KATZ: II y a beaucoup de choses qui ne sont pas bonnes dans la médecine. Je suis bien d'accord et je pense que tous les médecins ont besoin d'un salaire et de choses comme cela. Je suis bien d'accord avec vous. Il y a beaucoup de choses psychologiques dont les gens ont besoin. Je suis d'accord sur cela. Mais qu'est-ce qu'on doit faire? Est-ce qu'on doit éduquer les médecins à donner un meilleur service ou est-ce qu'on dit: Maudits médecins, on a besoin des chiropraticiens !

Par exemple, vous savez que la chiropraxie est légale dans tout le Canada, jusqu'à Terre-Neuve et au Québec maintenant. Comme je l'ai dit, c'est un phénomène qui a commencé il y a plus de 50 ans, ce n'est pas une chose nouvelle. Ce sont les gouvernements qui ont décidé de légaliser la chiropraxie. Par exemple, 33 Etats aux Etats-Unis ont décidé cela avant 1935. Ils s'arrêtent maintenant de le faire. Il y a une autre façon. Je suis bien d'accord qu'il y a beaucoup de choses. Mais la réponse à cela, c'est la bonne éducation des médecins et non la coopération avec un charlatan.

M. BELAND: Pour ma part, je vous remercie et je constate que vous feriez peut-être un meilleur politicien que nous-mêmes.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le député de Gaspé-Sud, s'il veut faire des remarques.

M.FORTIER: Je remercie le Dr Katz et nous prenons bonne note de ses explications. J'endosse également la requête du président et je demande à chacun sa collaboration pour qu'on puisse entendre les deux autres mémoires. Nous pourrions terminer ce soir l'audition des mémoires concernant le ministère des Affaires sociales.

M. LE PRESIDENT: Pour terminer, docteur, nous vous remercions et nous vous félicitons également, car vous n'aviez pas besoin d'être excusé au tout début pour votre français. Nous avons apprécié vos commentaires et votre exposé. Nous vous remercions.

M. KATZ: Merci.

Compagnie R.F. Baril

M. LE PRESIDENT: Maintenant, j'invite à la barre la compagnie R.F. Baril et Me Keating. Me Keating, nous allons vous demander peut-être un sacrifice, mais nous vous demandons, s'il y a possibilité, de faire un résumé de votre mémoire et nous demanderons aussi aux membres de la commission de vous poser les questions. Ils ont votre mémoire en main. A vous la parole.

M. BARIL: M. le Président, malheureusement, je ne peux pas m'exprimer aussi précisément en français qu'en anglais; avec votre permission, j'aimerais faire ma présentation en anglais.

M. LE PRESIDENT: Oui, allez.

M. BARIL: Merci beaucoup. I will try to be as brief as possible. I realize that you are running late.

M. LE PRESIDENT: We would appreciate that.

M. BARIL: My compagny was incorporated by Letters Patent issued in the Province of Quebec in 1932. The company has four branches in Montreal and suburbs. But the main branch, central laboratory and executive offices are at 1408 Drummond Street, in Montreal. The company was established in 1928.

The company employs fourteen licensed dispensing opticians. The total staff, including receptionists, accounting staff and laboratory technicians, is of 25 persons. In view of the contractual obligations, which we have assumed and concluded, and negociations, which are presently under way, our plan of expansion in the next fiscal year will bring us an anticipated annual volume in excess of one million dollars. I state these facts merely to indicate to you that we are an established firm providing substantial employment in Quebec. We are the largest firm of retail dispensing opticians in the province and one of the largest in Canada.

We heavely invested in Quebec, and it is my earnest wish and desire to continue to invest and expand and to continue serving the people of Quebec in the same manner as we have served them for the past 44 years. A manner, which I might had, has made us one of the most highly respected retail optical firms in Canada. However, certain provisions of bill 268 and our unfortunate inclusion in bill 250 will make continue investment impossible and certainly unadvisable. You know, it is not in the nature of an intelligent businessman to invest money which will not generate a significant return on invested capital and carry a worthwhile groth potential. It would make better business sense to use reserve funds and profits to invest in bunds or in non-speculed investments the value of which will endure to the benefit of a person's heirs and descendants.

Bill 268, however, imposes a stipulation that the lawful heirs of the decease or retired optician must invest themselves of the shares in their company within three years. This would have the effect of depriving the shareholders of their right of ownership. And the result of this position would be contrary to the most elementary principles of civil rights in justice.

My compagny has operated as a corporation, legally constituted, and has engaged in the retail sale of ophthalmic products for 44 years and has enjoy the protection of the Dispensing Opticians Act. We have enjoyed that protection since June 13 th, 1940. Bill 268 would repeal the present law, the Dispensing Opticians Act, and disallow the principles of commun right to apply and also it would attempt to render inapplicable certain dispositions of the Companies Act.

I think that it is important, at this time, Mr. Chairman, to examine briefly the basis for the opticians unfortunate inclusion in the professional code and the basic premise on which this professional posture is found, namely professionalism versus commercialism. And I treat upon this in my brief as much as one has its basis the profit motive and the other has the welfare of the client in accordance with the hypocratic principles. The other involves a financial commitment as ours does in terms of stock-in-trade, inventory, long terme leases, personnel, etc., whist the professional involvement, of course, does not involve him in a minimum commitment in this regard.

Now, at the time that our company was founded, it is hardly necessary to say tha my father founded the company. I was not here at the time. The last thing in his mind was to consider himself as a professional. Now retail dispensers, such as myself, do not differ in any way at all from other contractors who buy at whole sale and sell it at retail.

We assume long and costly liabilities, we invest substantial sums of money in leasehold improvements, instruments, equipment, machinery, furniture, etc. We carry heavy inventories of frames and lenses and this, of course, now since eye glasses have become a tremendous fashion item, we have to stock untold quantities of these.

To try and operate a business that is really retail-oriented and depending on sound marketing principles under the burden of a professional guideline is just about impossible. In the United States, for example, even in the Province of Ontario, they are permitted television, radio, newspaper advertising, preferably in good taste, but they are able to bring their product before the public there, able to merchandise. In the Province of Quebec, even under the existing law, we are allowed to put a professional card, our name and address and phone number, and office hours. And I can assure you that even under the present restrictions that we try to operate under, it is practically impossible.

I have tried to analyse how we came to be considered as professionals. And the only logical connection that I can draw is because we make glasses according to the instructions given by either an optometrist or an ophtalmologist. This little paper — these instructions — is referred to as a prescription.

As I mentioned in my brief, the word "prescription", however, is a misnomer when it is applied to the instructions as for ophtalmic lense glasses. If you look in Larousse, you will see that a prescription is defined as "a written statement, giving directions for making and using a medicine".

Obviously, a dispensing optician filling a so-called prescription does not involve any physical consumption of any product and I think it is safe to say that he does not endager the life and well-being of the patient even if he does everything wrong.

However this professional stripe has been painted on us and we have to labour under these burdens.

I do not understand how the dispensing optician merits the title of "professional" and certainly because of that interpretation, we are being drawn into the Professional Code under Bill 250 and Bill 268 imposes all sorts of restrictions relating to the transfer of shares, so this is just going to be impossible for us to operate.

One of the most critical aspects of this whole thing of bill 268, relates directly to the quality of service to the public, because bill 268 would have a tremendous impact on the expansion of the retail industry.

Consider this, there are 278 members of the Corporation of Dispensing Opticians in Quebec, if as bill 268 anticipates the optometrist stops selling glasses within the next two years, you are going to have roughly 500 optometrists who will stop selling glasses and out of these 278 members of the corporation, considering those working in wholesale houses and laboratories as employees, you have roughly 85 or 90 stores. You have 90 stores that are going to take up the slap created by 500 optometrists who will stop selling glasses. I think there is a good possibility that the public might suffer as a result of that.

And the answer, I think, is instead of preventing or imposing these restrictions on share ownership, on dispensing opticians, and thereby discouraging investment, that you should make a broader or more flexible law, allow and encourage opticians such as myself to invest further and expand. And only in that way, the industry, not only myself, but all my competitors too, will be able to expand at a point were we can adequately serve the public requirements.

I am sorry if I sound a little distraught here; I am just trying to summarize what I intented to say before.

A compagny such as ours, R.F. Baril Inc., which has obviously achieved the fair measure of success in the commercial world, has built a certain value to its name, and the application of the restrictive terms of section 12 of bill 268 would have a severe adverse monetary impact on the proprietors of the Company at the time of the death of the principal shareholders or in the event that a sale of its capital stock were contemplated.

Any law which legislates long-established, capable and successful companies out of business by forcing the removal of their principal asset —i.e. their name and corporate image — upon the death or retirement of their owners, cannot be considered beneficial or constructive.

Bill 268 will result in the planned elimination of Quebec's oldest and most respected optical companies, whose contributions to the public service are a matter of history. By denying the right of succession and continuity of the name and corporate structure of an established company, bill 268 would force the lawful heirs to divest themselves of control of the operation, allowing it to pass into the hands possibly of individuals who might be less capable of administering it.

And it is also important, I think, to note that it is only natural, and a fundamental human right, to labour and take risks in building an enterprise which will hopefully endure to the benefit of your children, your wife and descendants.

I ask you where is the incentive for an individual such as myself to devote a lifetime as my father did; my father worked for 50 years in the optical business, my mother for 18 years and I have been in for 24 years. When I found a way back to Montreal, I go off the road and get killed, my wife has three years to dispose of the business. I do not see how that is a just law and,

of course, in that event if the name had to come down and the widow had to dispose of the property, the goodwill and reputation must be removed because, obviously, the new owner would not be able to use any of these advantages.

In relation to the repeal of the present Dispensing Opticians Act, I would like to ask you about the acquired rights. Paragraph 32 of bill 268 would repeal this law and in this present law there is a paragraph, article 22, which reads: "Nothing in this act shall prevent the members of the corporation from engaging in their art or business as a corporation, with the same privileges as if acting individually or in partnership, provided that such corporation shall have a dispensing optician in its permanent employ and that it existed as carrying on the business of dispensing opticians prior to the passing of this act."

Based on the protection guaranteed by this section 22, the company invested substantial sums of money and embarked on a programme of expansion, resulting in a substantial value in our enterprise. There was no restriction placed on it at the time of its foundation and through the subject in 44 years of business, nor did the act specifically define who could own the shares. The only qualifying stipulation in the act is that according to this section 23, the company shall have a dispensing optician in its permanent employ.

It becomes evident by virtue of the Dispensing Opticians Act presently in force that a company which was incorporated prior to 1940 and has a licensed optician in its employ and that this optician engages in his business as a corporation, then all of the conditions of the law have been fulfilled, which in my humble opinion represents an acquired right not lightly to be interfered with. I believe article 22 of the present law was incorporated into it precisely to protect the companies which existed prior to its adoption and to assure that the corporation, after the death or retirement of the founder, would continue to engage in the business of dispensing opticians. Otherwise, the phrase "provided that such corporation shall have a dispensing optician in its permanent employ" ... loses its meaning and significance.

In relation to Bill 250, the professional Code, my company welcomes the appointment of representatives of the government on the board of directors of the Corporation of Dispensing Opticians, because we feel that possibly with these two government representatives there, any representations made by the board of directors on behalf of our members will have a better chance of representing the views of the majority of the members at large. For example, I am, as I said, a director of the Corporation of Dispensing Opticians, my board of directors sat at this table on August 29th and presented a brief to you which not even any of the directors of the corporation had seen until they landed on the table over here. I do not really think that they can pretend to speak for the majority of our members or any of our members. They certainly do not speak for me if I do not know what they are going to say. However, the whole brief was shrouded in secrecy and I have checked with friends of mine, the Chartered Accountants and other members of other groups who received mimiographed copies of the briefs in the mail but not our group. This was done in a very great secret.

It is our view that the concepts as outlined in Sections 102 and 109 do not apply to a commercial, over-the counter, retail business, such as our own, and we would like to make strenuous objections against the provisions contained in those two sections, 102 and 109.

We feel that lay people, members of the Corporation, and consequently our competitors, should not have access to the privileged information relating to our business, our lease arrangements, future plans, or any other confidential information that could be misused or directed against our business. The imposition of an inspection committee comprised of our competitors is a flagrant invasion of privacy, in my opinion, considering that ours is a highly competitive, profit-making business.

I have no objection to Government members coming in and inspecting my books or knowing my plans but a committee of my peers composed of my competitors, I do not think is equitable.

This same feeling of opposition I would like to register against the proposed "Committee of Discipline" (Division VII), which will carry the same authority to summon and punish as the Superior Court. These are my competitors and I think these are absurd powers and frightening powers to give to lay people who after all are retail merchants like myself and who by no stretch of the imagination carry the same responsibilities respecting the public welfare as do lawyers or doctors. The entire premise on which this matter of inspection and discipline is based has no logical application to the field of retail profit-making business. In my estimation, it is the same as sending a committee of inspectors in to examin Eaton's books, they are retailers as we are.

So, to bestow these unusual powers on lay people could provide the weapons to a group of individuals to destroy a competitor, and these weapons become all the more lethal inasmuch as the law states that an individual who is struck from the roll would have to divest himself of his shares, once again within a fixed period of time. The thought of such a possibility occurring in the field of modern business is too ludicrous to consider the thought of a man losing his business because of some refusal to comply with a committee of his competitors.

We strongly urge the Committee in his wisdom to amend the clauses in Bill 250 which relates to "inspection and discipline", so that they will not be brought to bear upon the members of the Corporation of Dispensing Opticians of the Province of Quebec, creating as it would, an impossible climate under which to attempt to conduct a retail optical business.

In conclusion, Mr. President, I would like to make the following request. I respectfully request that the Committee consider in its deliberation the following: 1-The amendment of Bill 268 to protect the acquired rights of a few companies, such as our own, and that the provisions of Bill 268 be made not to apply to companies incorporated under the Dispensing Opticians Act and which were incorporated prior to 1941, as provided for in Section 22 of the present Act: 2-That Dispensing Opticians be excluded from the application of the Professionnal Code and or alternatively, that Sections 102 and 109 be amended to fully protect the members from arbitrary use of power by the Committee of Discipline and that the Professionnal Inspection Committee be limited in its functions to the examination of the professionnal competency of its members; 3-That the capital stock of companies carrying on the business of dispensing opticians prior to June 13th, 1940, be freely disposable, provided that at all times the company has a dispensing optician in its permanent employ; 4- That Section 12 of Bill 268 be deleted to permit a person to carry on a retail optical business under a name other that his own; 5- That the Committee reject any representations made to it which would restrict the expansion of the number of outlets which a dispensing optician may operate to the number of three;

And finally, we further respectfully request that Sections 13, 14, 15, 16 and 17 be amended to permit a non-licensed person to hold beneficial ownership of the shares of a corporation without restriction, so that the lawful heirs and descendants of an optician may continue to enjoy the fruits of a man's labour, provided that all the other requirements of an ethical operation are observed and that at all relevant times a dispensing optician's outlet has in its permanent employ a licensed dispensing optician.

M. LE PRESIDENT: Vous êtes M. Walter Baril, vous êtes le fils?

M. BARIL: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Alors, j'inviterais le député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: Je remercie M. Walter Baril qui a présenté le mémoire pour R.F. Baril Inc. Nous retenons pour étude les conclusions et les recommandations qui sont suggérées. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mr. Baril, is it true to say that the problem you have submitted is about the same as explained this morning by Mr. Butler?

M. BARIL: I dit not hear Mr. Butler's presentation.

M. CLOUTIER (Montmagny): You did not hear it. I think it is the same thing.

M. BARIL: What is that problem?

M. LE PRESIDENT: Reynolds, Butler Inc.

M. BARIL : What was his problem, sir?

M. CLOUTIER (Montmagny): I think it is the same conclusions.

M. BARIL: Mr. Butler's company is in a similar position to ours. It was founded many years ago and incorporated prior to the passing of the Act. It is also a very good example, if I may just take one more minute.

Here is one of the oldest optical firms in the country, R. N. Taylor Compagny. The owner died recently. That company was established in 1899. Now if Bill 268 would come into force that company could not continue. That would have to be sold to a dispensing optician which means that his widow could not own beneficially one share in that company.

I personnally would like to buy that company. My father first started in the optical business in that company, so it has emotional value to me also. But if I were to buy the company and the name had to come off to front, what is the point? It is a bad investment for me because many people will go to that company and will not come to mine because its name is honoured but not mine.

So it is just like any other entreprise, I am a retail merchant, I am interested to expand and invest, but I cannot do it if I have so many restrictions imposed on me that it makes these investments unfeasible to me.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: In the name of our group, I thank Mr. Baril for his observations. I do not have any question but... Ici, je souligne la nécessité... c'était le droit de M. Baril de présenter son mémoire et de répondre aux questions en anglais. Il faut lui reconnaître ce droit. Mais par contre, il y a la nécessité ici, au Québec, de s'organiser, de façon permanente,

au point de vue de la traduction simultanée ou d'organiser un système quelconque. Je pense que c'est rétrograde que d'endurer le système que nous avons présentement.

J'espère que prochainement nous aurons un système de traduction simultanée.

M. BARIL: Si vous êtes intéressé, M. le député, je peux vous faire parvenir la traduction française de ma présentation. J'en serais très heureux.

M. BELAND: Ce n'est pas nécessaire.

M. LE PRESIDENT: Nous l'aurions apprécié au tout début.

M. BARIL: J'espère que la prochaine fois que je viendrai ici je parlerai en français.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Est-ce que le député de Gaspé-Sud a des questions?

Membres de la Corporation des opticiens d'ordonnances

M. LE PRESIDENT: J'invite maintenant à la barre Me Alexandre Lesage, qui est le porte-parole des 27 membres de te Corporation des opticiens d'ordonnances. Nous vous demanderions peut-être un sacrifice, celui de faire un résumé de votre mémoire, étant donné l'heure, pour que nous puissions donner la chance aux membres de la commission de vous poser des questions après.

M. FORTIER : M. le Président, M. Caston-guay m'a demandé de dire aux membres de la commission que lorsque tous les mémoires concernant les professions auront été entendus, le ministre des Affaires sociales, M. Castonguay, aimerait avoir les commentaires des membres de la commission, pour les corporations qui concernent le ministère des Affaires sociales. Lorsque nous aurons ajourné, quand tous les mémoires auront été entendus, le ministre désire faire une réunion des membres de la commission pour entendre — je dis bien entendre — les commentaires des membres de la commission en ce qui concerne...

M. LE PRESIDENT: Les différents projets de loi.

M.FORTIER: Oui.

M. LE PRESIDENT: Me Lesage, nous sommes prêts à vous entendre.

M. LESAGE: M. le Président, je veux bien être bref, mais il faut que je trouve mes papiers.

Vous venez d'entendre M. Baril, que je me garderai bien de traduire. Il a exprimé l'opinion que le mémoire présenté par la corporation elle-même n'était pas représentatif, parce qu'il n'avait été ni présenté au bureau de direction, ni approuvé par les membres. D'ailleurs l'origine du mémoire que je présente aujourd'hui vient de ce que les 27 ou 28 membres, sans être complètement dissidents du mémoire présenté par leur corporation, veulent tout simplement y ajouter quelque chose.

Pour procéder rapidement, la corporation a insisté sur l'aspect professionnel de l'opticien d'ordonnances, tandis que les 27 insistent principalement, comme l'a fait probablement M. Butler, ce matin, M. Baril et ses 27 membres, sur l'aspect commercial. Nous pouvons nous demander avec raison en quoi l'opticien d'ordonnances peut être un professionnel de la santé, qui veut absolument protéger le public, alors que le seul danger réel est qu'en ajustant des lunettes, on entre la monture dans un oeil. C'est ce qui est dangereux, quand il l'ajuste, il ne faut pas qu'il les mette à côté. Quant au reste, une fois que l'optométriste a bien examiné la vue, que les directives sont données à un fabricant de verres sur la façon de les faire et qu'un opticien d'ordonnances a choisi une monture qui va et qu'il mesure la hauteur des foyers ou des courbures pour bien les mettre dans une monture suivant la façon dont le nez est fait ou le verre est plus ou moins éloigné de l'oeil pour le double foyer, c'est à peu près tout. D'ailleurs, ce professionnel, l'opticien d'ordonnances, qui n'est pas régi par cet appareil lourd du projet de loi du code des professions fait des études considérables pour ne pas blesser le public de cette façon-là. Il suivait jusqu'à récemment, sinon des cours par correspondance, tout au moins trois heures de cours du soir par semaine pendant deux ans. C'était cela. Si vous regardez le cours qu'on dispense à ces gens-là, cela se résume à cela. Ce sont des commerçants qui vendent des lunettes et des montures de lunettes et qui reçoivent des directives d'une personne qui, elle, doit être compétente parce qu'elle, elle ajuste la vue. Si on veut protéger le public, qu'il y ait pour l'opticien celui qui prescrit le verre ou qui donne les directives, et que le patient ou le médecin soit obligé de vérifier si le verre est bien ce qu'il a prescrit. La compétence de l'opticien d'ordonnances n'est pas celle du pharmacien. On a fait cette analogie, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas un pharmacien qui a fait quatre ans d'études, qui connaît le médicament. Il connaît son verre, il peut voir à force d'expérience si un verre est tellement hors de l'ordinaire qu'il puisse briser la vue de quelqu'un, mais ce serait encore là un cas d'exception énorme, ce serait plutôt à l'ophtalmologiste ou à l'optométriste de voir à ce que la prothèse — parce que c'est une simple prothèse — fabriquée suivant des directives soit bien la prothèse nécessaire. C'est un fabriquant de prothèses, c'est un ajusteur de prothèses, un vendeur de prothèses, plus ou moins luxueuses, mais il n'a jamais été un professionnel.

Evidemment, si on a voulu, par là, en faire

un professionnel de la santé, dans le but avoué ou inavoué de diluer le rôle du médecin dans des sciences et l'application de la santé au Québec, on réussit bien. On prend un jeune homme qui a fini son cours en je ne sais trop quelle année, qui a suivi trois heures de cours par semaine et il est, juridiquement parlant, professionnel de la santé comme un médecin. Ce sont les lois qui se préparent. Cela doit être dans le but de diluer l'influence des médecins qu'on a dû croire peut-être trop grande ou trop mauvaise; en tout cas, si c'est le but du gouvernement, il réussit bien. Cela n'a pas de bon sens. C'est une affaire qui ne tient pas debout; je ne comprends pas ça.

M. FORTIER: Me taquinez-vous là?

M. LESAGE: Je taquine, mais si le chapeau vous fait, mettez-le! D'ailleurs, que fait-on en Ontario? Allons voir chez les voisins. Ils ont une loi en Ontario; elle n'est pas si compliquée que ça. On dit: Vous êtes des commerçants. Les cours sont suivis par correspondance et on dit tout simplement que, pour vendre cette prothèse, il faudra que ce soit quelqu'un reconnu par la corporation des — suivant le terme anglais — "opthalmic dispensers", des opticiens d'ordonnances. C'est tout. Ce n'est pas parce qu'il est qualifié pour vendre une prothèse donnée qu'il faut en faire un professionnel qui n'a plus le droit de faire autre chose.

En quoi cela protège-t-il le public de défendre à celui qui vend une prothèse, qu'on veut reconnaître comme qualifié pour vendre une prothèse, de faire autre chose? Où est l'intérêt public là-dedans? L'Ontario ne l'a pas.

D'ailleurs, vous savez que dans sept provinces du Canada seulement il faut avoir une licence pour dispenser ces prothèses. Au Nou-vea-Brunswick, je crois, à l'Ile du Prince-Edouard, en Colombie-Britannique, il n'y a pas ça; n'importe qui peut vendre cette prothèse.

Je passe rapidement, j'espère que vous allez lire cette prose et j'évite de la relire. Le nombre d'opticiens d'ordonnances au Québec est de 287. Maintenant, à l'école des opticiens d'ordonnances, il y a 18 étudiants en première année. En Ontario, il y en a 527; à leur école il y en a 100. Nous allons en manquer bientôt surtout que les optométristes, d'après ce que j'ai cru comprendre, ne pourront plus vendre la prothèse qu'ils recommanderont.

Il y a 527 optométristes au Québec et en Ontario, 552. D va en manquer et si on continue, comme l'expliquait M. Baril, à vouloir faire de ces dispensateurs d'une prothèse des professionnels à qui on va restreindre et empêcher toute autre activité que celle-là... C'est ce que dit la loi, c'est une entreprise commerciale, c'en a toujours été une. On veut mettre un terme à cette entreprise commerciale. On dit: On va vous laisser le droit de vous incorporer. J'entendais M. Baril; j'espère au moins que le projet de loi sera amendé, même si ceci ne me touche pas — M. Baril n'est pas mon client — pour protéger les droits acquis de M. Baril ou de M. Butler. C'est le moins qu'on puisse faire, répéter ce qu'il y avait dans la loi de 1940.

Maintenant, à l'article 12 plus spécifiquement, on dit que l'opticien d'ordonnances, lorsqu'il voudra s'incorporer, cette corporation... par l'intermédiaire d'une corporation, pourvu que la majorité des administrateurs de cette corporation soient des opticiens d'ordonnances et que la majorité des actions de chaque classe soient détenues par des opticiens d'ordonnances."

Si l'Assemblée nationale en vient à la conclusion que ces opticiens d'ordonnances, ces dispensateurs de prothèses sont des professionnels de la santé tellement importants qu'on doive les régir comme des médecins, au moins que les classes d'actions maintenues ne soient que des classes d'actions votantes, toutes classes d'actions, si c'est un contrôle sur la corporation, qu'on les mette votantes, les autres, cela ne donne pas de contrôle. Sans cela, en quoi le but peut-il être réalisé? D'ailleurs cette proposition se retrouve dans le mémoire que nous avons présenté, au bas de la page 3.

Je voulais insister également sur le fait, au point de vue corporatif, qu'on dit que les administrateurs doivent être des opticiens d'ordonnances. Or on sait, et en droit corporatif on le voit souvent chez nous, qu'une corporation est détenue par un seul individu, les deux autres actionnaires ont des parts qualificatives pour satisfaire la Loi des compagnies, soit l'épouse ou un parent, mais ce ne sont pas des opticiens d'ordonnances. En laisant cet article 13 de la loi tel quel, l'Etat provincial accorde d'une main à ces individus le droit de s'incorporer et de l'autre main le leur enlève. On dit: II faut absolument que tu sois associé avec un autre opticien d'ordonnance. Là aussi on voit que l'on recherche un moyen de contrôle au moyen des lois des compagnies, soit du gouvernement du Canada, soit de la province de Québec, et on essaie de contrôler par un endroit où cela ne se contrôle pas, parce que la Loi des compagnies n'a pas été faite pour être soumise à des contrôles de droit statutaire extérieurs à elle. Il faudrait faire une correspondance qui permette d'aller amender la Loi des compagnies pour restreindre ceux qui peuvent requérir du lieutenant-gouverneur le droit d'opérer en compagnie et non pas dire dans une loi statutaire spécifique: Messieurs, il faut que vous soyez trois administrateurs.

Les opticiens, ceux qui sont déjà incorporés, que vont-ils faire? Ils vont être obligés de gré ou de force d'aller voir un des quelques opticiens — leur nombre est relativement restreint — un de leurs 200 confrères et dire: J'ai besoin d'un associé, je vais te nommer directeur de ma compagnie. Le gars va dire: Non, je ne peux pas être nommé directeur de ta compagnie, parce que s'il arrive quelque chose, je demeure responsable pendant une semaine des

paiements de salaire, je demeure responsable de l'assurance-chômage, de la Régie des rentes, je ne veux pas. Vous ôtez d'une main ce que vous donnez de l'autre. C'est la Loi des compagnies qui prévoit ce que je viens de dire, ce n'est pas la loi de la Régie des rentes. C'est parce que c'est dans la Loi des compagnies.

Il y a quelque chose qui cloche; je ne sais pas qui a rédigé cette loi-là et pourquoi on essaie de contrôler une profession par le truchement de la corporation. On a assez de ce code des professions. Ou encore, qu'on leur défende de faire une corporation. C'est un des points que je voulais soulever. Il y a également un autre point que je voulais soulever.

C'est celui des magasins à rayons qui exploitent, entre autres, un comptoir où l'on vend de ces prothèses, des lunettes, et qui est ordinairement sous la gérance d'un opticien d'ordonnance et qui doit l'être, comme d'ailleurs ça l'est dans les autres provinces du Canada où la dispensation de telles prothèses est régie. Tout ce qu'on demande ailleurs et tout ce qu'on demandait, c'est que lesdites compagnies ou lesdits magasins de détail, parce que ce sont des commerçants, donc pour ce commerçant que ce soit sous la juridiction d'un opticien, justement, dans le but de protéger le public, lequel opticien serait soumis au code des professions, serait soumis à cette discipline, à cette compétence — si on peut dire que cela demande une si grande compétence! Pourquoi le limiter? Si une nouvelle entreprise désire ouvrir un magasin à rayons voisin de l'autre, elle veut donner tous les services à sa clientèle. C'est un commerçant qui veut vendre les lunettes, des verres, des prothèses. Il n'aura plus jamais le droit de faire cela. Mais on le permet à son compétiteur déjà installé. Pourquoi limiter le nombre d'emplois possibles à ces gens? Pourquoi les diminuer? Si le législateur en vient à la conclusion qu'il faut protéger le public — c'est le seul but, je crois, qu'on doit avoir — alors que toutes les prothèses ne soient livrées au public que par quelqu'un de qualifié, un opticien d'ordonnance. Mais, qu'un opticien d'ordonnance ait $500,000 de dettes ou qu'il ait des obligations, ou qu'il soit incorporé, ou qu'il soit à salaire pour un autre, cela ne change rien.

L'avocat, au contentieux du ministère des Transports du gouvernement de la province, qui va plaider devant les tribunaux, est soumis au Barreau comme avocat et non pas parce que son client, qui le paie à temps plein, est le gouvernement. C'est l'individu lui-même. Mais, là, ce n'est pas cela; on veut aller plus loin. On veut aller chercher les compagnies. Je ne sais pas pourquoi. Réellement, je ne vois pas.

Les conclusions du mémoire se rapportent de façon plus précise à ce que je viens de dire. C'était ce que nous avions à vous soumettre.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, Me Lesage. J'invite le député de Gaspé-Sud à prendre la parole.

M. FORTIER: Pour M. Castonguay, je remercie M. Lesage qui a exposé ce mémoire. Nous avons déjà entendu une voix qui ressemblait énormément à la vôtre et qui présentait beaucoup de projets de loi dans la province de Québec. Je vois que vous avez une similitude pour bien présenter vos arguments.

J'ai seulement une question à vous poser. Est-ce que vous considérez que l'opticien d'ordonnance est plutôt un commerçant qu'un professionnel de la santé, comme on dit?

M. LESAGE: Mon opinion personnelle importe peu. C'est celle de mes clients. Je crois que, de même que la corporation avait insisté sur l'aspect professionnel, mes clients insistent sur l'aspect commercial. On ne fera jamais des professionnels avec ces gens, pas plus que vous ne serez capables, en en faisant des professionnels, d'en faire autre chose que ce qu'ils sont, des commerçants.

Quand j'ai étudié le droit, on a dit que le Parlement peut tout faire, même changer un homme en femme! C'est vrai. Mais, il va falloir recourir à la médecine, encore une fois, pour compléter le tout. Merci.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je n'ai pas de question, Me Lesage. Sauf, le commentaire suivant. Tous les mémoires que nous avons entendus depuis ce matin, soit ceux de M. Butler, M. Baril et vous-même sont dans la même veine; alors je pense que cela vaut la peine que le législateur tienne compte de vos remarques qui sont fort pertinentes.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Lotbinière.

M. BELAND: Pour ma part, je dis que M. Lesage fut tellement sage que je n'ai pas de question à lui poser.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup, Me Lesage. Sur ce, nous ajournons la commission sine die.

(Fin de la séance à 18 h 30)

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