Journal des débats de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mardi 24 septembre 2024
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Vol. 47 N° 6
Consultations particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes
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Intervenants par tranches d'heure
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Dionne, Amélie
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Ciccone, Enrico
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Ciccone, Enrico
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Dionne, Amélie
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Gendron, Marie-Belle
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Leduc, Alexandre
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Tremblay, Suzanne
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Sainte-Croix, Stéphane
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Dionne, Amélie
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Cadet, Madwa-Nika
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Bogemans, Audrey
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Prass, Elisabeth
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Tremblay, Suzanne
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Tremblay, Suzanne
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Dionne, Amélie
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Ciccone, Enrico
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Cadet, Madwa-Nika
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Dionne, Amélie
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Ciccone, Enrico
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Gagnon, Yannick
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Leduc, Alexandre
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Sainte-Croix, Stéphane
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Sainte-Croix, Stéphane
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Dionne, Amélie
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Tremblay, Suzanne
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Cadet, Madwa-Nika
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Dionne, Amélie
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Sainte-Croix, Stéphane
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Sainte-Croix, Stéphane
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Dionne, Amélie
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Prass, Elisabeth
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Leduc, Alexandre
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Tremblay, Suzanne
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Ciccone, Enrico
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Gendron, Marie-Belle
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Dionne, Amélie
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Cadet, Madwa-Nika
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Ciccone, Enrico
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Dionne, Amélie
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Sainte-Croix, Stéphane
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St-Louis, François
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Dionne, Amélie
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Gagnon, Yannick
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Bogemans, Audrey
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Leduc, Alexandre
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Cadet, Madwa-Nika
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Cadet, Madwa-Nika
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Dionne, Amélie
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Tremblay, Suzanne
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Tremblay, François
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Tremblay, Suzanne
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Dionne, Amélie
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Prass, Elisabeth
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Sainte-Croix, Stéphane
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Leduc, Alexandre
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Ciccone, Enrico
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Dionne, Amélie
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Ciccone, Enrico
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Tremblay, Suzanne
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Dionne, Amélie
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Leduc, Alexandre
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Prass, Elisabeth
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St-Louis, François
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Cadet, Madwa-Nika
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon mardi à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la
santé et le développement des jeunes ouverte.
La commission se réunit afin de poursuivre
les consultations particulières et les auditions publiques sur les impacts des
écrans et des réseaux sociaux chez les jeunes.
Donc, Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
ce matin, nous entendrons MM. Éric Martin et Sébastien Mussi, tous deux
enseignants en philosophie et co-auteurs du livre Bienvenue dans la machine — Enseigner
à l'ère numérique; M. Steve Waterhouse, chargé de cours en
microprogramme en maîtrise de l'Université de Sherbrooke, en sécurité de l'information;
et finalement Mme Maude Bonenfant, professeure au Département de
communication sociale et publique à l'Université du Québec à Montréal.
Auditions (suite)
Donc, je souhaite la bienvenue à MM. Martin
et Mussi. Donc, merci d'être avec nous ce matin. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous faire part de vos commentaires, votre exposé. Par la
suite, nous allons procéder à une période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, je vous cède la parole.
MM. Éric Martin et Sébastien Mussi
M. Mussi (Sébastien) : Oui. Bonjour.
Merci tout d'abord à la commission de nous recevoir. Nous sommes ici, vous l'avez
dit, avec un double chapeau. Nous sommes tous les deux professeurs de
philosophie au cégep, moi, depuis 20 ans, et Éric Martin, depuis 12 ans.
Et nous sommes aussi essayistes et chercheurs indépendants. Nous avons chacun
écrit plusieurs livres et de nombreux articles sur l'enseignement et le système
éducatif. Et, en 2023, nous publiions Bienvenue dans la machine, qui est
une synthèse de l'expérience de l'enseignement en ligne qu'on a dû faire durant
la COVID-19 et une réflexion plus globale sur l'informatisation de l'école
présente et à venir.
Bienvenue dans la machine nous a
amenés à formuler deux conclusions : la première, c'est la nécessité d'un
moratoire, d'un moratoire sérieux sur l'informatisation de l'enseignement et,
plus généralement, de l'école, y compris pour l'enseignement supérieur; et la
seconde conclusion, c'est que, malgré une expérience de l'enseignement en ligne
catastrophique, de l'avis de tout le monde, y compris de nombreux
administrateurs, l'informatisation de l'enseignement se poursuit à vitesse
grand V sans égard aux problèmes qu'elle peut poser.
Or, ces problèmes sont nombreux, ils ne
sont pas limités à la petite enfance : anxiété grandissante, sentiment de
solitude, addiction comparable à celle des drogues dures, perte des capacités
de socialisation, retard dans le développement émotif, difficulté croissante à
distinguer entre opinion, information et connaissance, retard dans les
apprentissages de la lecture et de la maîtrise générale de la langue, perte de
l'empathie, perte de l'intérêt pour l'autre. Ces problèmes sont soulevés par de
nombreux chercheurs comme par des organismes officiels, par exemple l'Institut
national de santé publique du Québec. Et pourtant les réponses de l'industrie
intéressée et des promoteurs de l'informatisation de l'enseignement à ces
problèmes consistent le plus souvent à ne pas répondre. Et c'est un peu court,
considérant que c'est de nos enfants qu'il s'agit. C'est insuffisant, voire
inacceptable.
Par contre, les promoteurs de l'informatisation
de l'enseignement ne manquent pas de nous promettre monts et merveilles pour l'école
de demain, cette informatisation qu'on ferait de nous, par un mystérieux
procédé, des meilleurs professeurs et permettrait, par le même procédé, aux
élèves d'apprendre plus, plus vite, mieux, le tout sans effort et dans la joie.
Or, ces belles promesses ne sont pas documentées autrement que par des cas très
spécifiques et sans considération pour le moyen et le long terme.
• (9 h 50) •
Les études sur la lecture numérique, par
exemple, ont montré qu'elle est en réalité moins performante pour le
développement de la capacité de compréhension que la lecture sur papier. Des
pays l'ayant implantée à grande échelle, comme la Suède, reculent à ce propos
en ce moment même. Les études sur la prise de notes par ordinateur mènent à la
conclusion qu'elle n'apporte rien de plus que la prise de notes manuscrites,
tout en entraînant des effets négatifs sur <l'attention...
M. Mussi (Sébastien) :
...prise
de notes manuscrites, tout en entraînant des effets négatifs sur >l'attention,
notamment.
En réalité, nous sommes ici face à une
véritable croyance, celle qu'à plus de technologie correspondrait à un meilleur
apprentissage, le tout en laissant totalement de côté la question du contact
humain, si fondamental dans le développement de l'enfant comme de l'adolescent.
De tels fantasmes ont déjà existé dans le passé, avec des résultats pour le
moins discutables. La télé n'a pas mené à la révolution de l'éducation que
certains promettaient. Les tableaux électroniques dans les classes n'ont en
rien amélioré les apprentissages. À qui le fardeau de la preuve, donc?
Bien entendu, ces technologies peuvent,
dans certains cas, avoir leur utilité, mais leur utilisation devrait être
ciblée, réservée à des cas spécifiques. En général, ni professeur ni élève ne
bénéficient là d'une plus-value. Pourtant, l'implantation actuelle de ces
technologies ressemble de plus en plus à une invasion. En termes d'offres d'enseignement
en ligne, on est passés, pour les cégeps, de 9 000 inscriptions/cours
à 265 000, entre 2019 et 2022, pendant que des cours universitaires ne
sont tout simplement plus offerts en classe.
On peut évoquer aussi, un peu en vrac, les
écrans partout dans les salles de classe au point de rendre les tableaux en
partie inutilisables, les exigences de certaines administrations pour que
chaque programme développe un projet numérique, les départements dédiés
entièrement à la technopédagogie, des formations continues qui ne proposent
plus que des mises à jour aux dernières mises à jour des logiciels en vogue.
On peut se demander, après tout ça, si le
mur-à-mur, si l'adaptation dans les meilleurs délais des programmes
d'enseignement de la maternelle à l'université, comme le recommandait, pour
l'intelligence artificielle, le Conseil de l'innovation du Québec, ne seraient
pas une fausse bonne idée. Il faudrait ici réfléchir à partir de deux principes :
à partir du principe de précaution, qui stipule qu'il faut s'abstenir
d'appliquer une technologie si les dangers et les problèmes qu'elle peut
engendrer sont importants malgré les bénéfices potentiels, qui ici restent
entièrement à démontrer; à partir aussi des finalités de l'école, qui ne peut
et ne doit pas servir uniquement à produire des travailleurs ni à être inféodée
aux exigences de l'économie. Cette réflexion s'impose d'autant plus au vu de
l'absence de bénéfice pour les premiers concernés, nos enfants et nos élèves.
Je passe maintenant la parole à Éric
Martin.
M. Martin (Éric) : Merci,
Sébastien. Pour ma part, je voulais rappeler que le sociologue Michel Freitag,
qui était l'auteur du livre Le naufrage de l'université en 1995, nous
avait bien rappelé que l'éducation a toujours été, des Grecs jusqu'aux Lumières
et même ici, au Québec, lors de la Révolution tranquille, pensée à partir d'un
idéal, disons, humaniste, c'est-à-dire le développement intégral de la personne
humaine et son inscription dans un monde commun.
Mais ce qui est particulier avec notre
époque, c'est qu'elle a renoncé à cette idée de l'humain ou de l'humanisme
parce que, désormais, la seule chose qui compte, c'est l'adaptation. Et c'est
le mot qu'on entend maintenant partout : il faut s'adapter. À quoi? À un
environnement économique, technologique, à un système. Donc, ce n'est pas la
culture, ni le symbolique, ni une réflexion politique qui pilotent les
réformes, c'est plutôt l'arrimage à ces processus ou ces systèmes économiques
et technologiques qui sont, eux-mêmes, poussés par des organisations ou des
entreprises, le plus souvent, d'ailleurs, des entreprises étrangères, notamment
américaines.
On peut donc parler d'une forme
d'impérialisme technologique, du moins, c'est comme ça que Marcel Rioux, lui
aussi sociologue, avait qualifié le phénomène, donc un impérialisme
technologique qui s'exerce à la fois sur la vie sociale, mais aussi sur
l'éducation nationale, le prétexte étant que l'école est en retard et doit
s'informatiser pour être plus en phase avec le marché du travail.
On opère, en faisant cela, une confusion
complète entre deux espaces ou deux sphères de la société qui ont des fonctions
complètement différentes, puisque le rôle de l'école, c'est la formation de la
personne humaine ou du citoyen, de la citoyenne, et non pas seulement la
profitabilité qui peut être celle des industries, et le rabattage de l'une de
ces sphères sur l'autre cause un sérieux problème. Deuxième problème, c'est que
ces processus ou ces systèmes deviennent de plus en plus, eux-mêmes,
automatiques, comme c'est le cas de l'intelligence artificielle, dont le
développement prend de plus en plus la forme d'une fuite en avant.
Donc, quand nous mettons à la remorque
l'éducation, la vie sociale... donc, à la remorque de ces systèmes, nous
favorisons une supplémentation du monde des images, des écrans et du virtuel,
qui deviennent plus importants que la présence ou la socialité réelle ou
concrète. Et les impacts de cela, négatifs, ont déjà été évoqués non seulement
par Sébastien, mais aussi par plein d'experts à la fois au Québec et même à
l'international, dont plusieurs ont comparu devant cette commission. Et il est
assez évident que les avis convergent sur les impacts négatifs.
Pour ma part, je voulais simplement
insister sur l'un d'entre eux, à savoir ce qu'on pourrait appeler la
destruction du langage, des capacités cognitives et également des capacités de
socialisation, ce qu'on pourrait appeler, avec Marcel Rioux, la fonction
symbolisante de l'être humain. Il me semble que cette destruction <constitue...
M. Martin (Éric) :
...symbolisante
de l'être humain. Il me semble que cette destruction constitue >constitue
ce qu'Éric Sadin appelle une forme d'anti-humanisme radical. Et je pense qu'il
est important pour nous, ce matin, à la fois Sébastien et moi, de s'inscrire en
faux contre cet anti-humanisme qui nous dit qu'il n'y a pas d'alternative et
que nous devons emprunter, donc, la voie de cet anti-humanisme. Puis c'est
notre rôle, en tant que professeurs mais aussi à titre de philosophes, de
rappeler aujourd'hui que l'éducation, les institutions, les écoles et aussi
l'État ont un devoir d'opérer à partir d'autres choses, c'est-à-dire un souci
du bien, celui des enfants, évidemment, mais surtout le bien commun.
Et en conséquence il nous apparaît crucial
de reprendre le contrôle sur ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui un processus
incontrôlé, de marquer un temps d'arrêt nécessaire pour prendre la pleine
mesure des risques qui sont induits par l'informatisation des rapports sociaux
sur les jeunes et sur la société. Il devient important de poser des limites
législatives, car nous avons affaire à des gens dont l'autonomie n'est pas
achevée, qui doivent être protégés, aussi bien que l'école, en tant
qu'institution, doit être protégée, aussi, comme milieu de vie, par ces limites
législatives.
L'idéologie actuelle nous dit : Plus
on accélère la présence des écrans, plus nous préparons les jeunes au monde du
futur, au monde cybernétique qui déferle sur nous, et nous devons fatalement,
soi-disant, nous adapter. Sébastien et moi pensons, au contraire, que nous
devrions appliquer deux principes opposés, que je vais maintenant expliquer.
Le premier, c'est une réflexion sur une
idée de l'humain, de la culture, de la société, de l'héritage des
civilisations, mais aussi du rapport à la nature. Voilà l'idée qui devrait
guider les choix en matière d'éducation et les choix politiques, et non pas la
seule adaptation à la fuite en avant, ou au processus empirique, ou au système
technologique. C'est le rôle de la puissance publique de freiner les ardeurs
des puissances privées qui sont en train de court-circuiter la socialisation
normale.
Et le deuxième principe, c'est qu'en toute
circonstance où ce sera possible la présence et la socialité concrètes doivent
être préférées à ce qu'Éric Sadin appelle la vie spectrale ou la vie virtuelle.
Autrement dit, si j'ai le choix entre lire un livre ou donner un cours dans une
forêt — nous avons maintenant ça à mon cégep, on peut réserver une
forêt pour y donner des cours — si j'ai le choix entre ça, donc, ou
brancher les jeunes sur un écran, je devrais à chaque fois faire le choix de la
présence concrète et je devrais être soutenu dans ce choix aussi bien par les
institutions que par les lois et par l'État.
En terminant, je dirais simplement que
l'éducation est une chose trop importante pour la laisser entre les mains de
fabricants et de marchands intéressés. Je vous remercie de nous avoir écoutés
aujourd'hui.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, messieurs. Nous allons débuter la période d'échange. Alors, M. le
député de Marquette, la parole est à vous.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je tiens à souhaiter une
belle semaine à tous les collègues membres de cette commission. Bonjour, Pr
Martin, et bonjour également au Pr Mussi. Merci beaucoup d'être là aujourd'hui.
D'entrée de jeu, vous avez parlé d'un
moratoire, vous avez parlé d'un temps d'arrêt également, vous nous avez parlé
aussi de la problématique des écrans, des outils technologiques. Considérant le
fait que, justement, tous les outils qui sont dans nos classes, au Québec...
est-ce possible d'envisager, justement, un moratoire, comme vous le demandez?
Comment on le fait?
M. Martin (Éric) : Bien, je
veux dire, il me semble qu'il est toujours possible de faire des choix.
Regardez ce que la Suède a fait, par exemple, récemment. Ou, dans le cas de
l'Allemagne, il y a un exemple flagrant qui concernait, cette fois, les frais
de scolarité. L'Allemagne, pendant des années, elle a essayé d'emprunter la
voie à l'américaine, des frais de scolarité élevés, en calquant les États-Unis,
et, à un moment donné, en s'apercevant que ça ne convenait pas à leur culture
nationale et à leurs besoins, bien, ils ont fait marche arrière, ils ont
rétropédalé, et ça a très bien fonctionné. Et je pense que tout ce qui a été
fait peut être défait.
Et simplement, en terminant, dire
qu'actuellement le danger, comme j'essayais de l'expliquer tantôt, c'est que
les choix ne sont pas faits à partir d'une réflexion. C'est pour ça qu'un temps
d'arrêt est nécessaire. Pour le moment, on est dans la fuite en avant, on est
dans une adaptation qui prend la forme d'une sorte de déferlante où,
finalement, on court après notre queue et on n'est pas en train de penser ce
que nous faisons. Donc, je pense qu'il vaudrait mieux, avant de procéder plus
avant, marquer ce temps d'arrêt. Et peut-être déciderons-nous que nous
garderons une partie de ces outils, aucun d'entre eux, je ne sais pas, mais,
chose certaine, au moins on le fera en pleine conscience.
M. Ciccone :Alors, ce que j'entends, ce que vous demandez, c'est
d'arrêter vraiment l'utilisation des outils technologiques, des écrans dans nos
classes du Québec. Est-ce que j'ai bien compris?
• (10 heures) •
M. Mussi (Sébastien) : Oui,
on est en train de faire du mur-à-mur, et ça s'implante de façon tout à fait
sauvage en ce moment. Les résistances qu'il peut y avoir sont souvent
individuelles, c'est-à-dire,c'était le prof qui préfère que les élèves prennent
des notes manuscrites. Il y a très peu de soutien de la part des institutions.
Avant de dire qu'on va mettre des écrans partout... Parce que l'idée,
c'est : Pourquoi je devrais donner un cours de philosophie avec des
écrans? C'est quoi, la plus-value et pour moi et pour les étudiants? En
réalité, elle est nulle, et le problème, c'est que les bénéfices pédagogiques
qu'on peut <attendre...
>s
10 h (version révisée)
< M. Mussi (Sébastien) :
...et le problème c'est que les bénéfices pédagogiques qu'on peut >attendre
de ça, il faut les démontrer, il ne faut pas simplement les promettre. Il me
semble que c'est hyperimportant de montrer : Oui, ce qu'on fait, c'est
pour le bien de nos enfants. Et cette démonstration, elle n'est pas encore
faite, et les indications qu'on a, ça va plutôt dans le sens contraire.
M. Martin (Éric) : ...apporter
dans la mesure où la plupart des classes sont déjà équipées, en tout cas, dans
mon collège et dans mon ancien collège également, Édouard-Montpetit, de
matériel multimédia déjà existant, un qui est déjà en réutilisation. Donc ça,
ce n'est pas... ce n'est pas cela qu'on remet en question, c'est ça, ça existe
déjà, il n'y a pas de problème. Ce qui est dangereux actuellement, c'est la
phase nouvelle qui vient, c'est-à-dire l'enseignement en ligne qui se multiplie
partout, et aussi l'intelligence artificielle entre les mains des étudiants,
mais aussi qu'on suggère fortement aux professeurs, par exemple, pour monter
leur plan de cours. C'est de cette partie-là des choses dont on est inquiets.
Donc, il faut bien entendre que nous ne sommes pas technophobes ou en train de
dire qu'il faut retirer les ordinateurs des écoles. Ils y sont, et c'est normal
qu'ils y soient. Mais là, présentement, cette nouvelle phase accélérée, voilà
celle qui nous inquiète.
M. Ciccone :Merci beaucoup. On s'aperçoit, là, plus la commission avance,
plus on commence à avoir vraiment un débat de société, là, à ce niveau-là,
parce qu'on a les pour et les contre. Mais vous, avec votre position qui est
quand même assez claire, là, vous dites quoi à tous ceux qui sont venus à cette
commission nous dire : Bien, c'est présent, ça ne partira jamais, aussi
bien l'apprivoiser?
M. Mussi (Sébastien) : Oui. Alors,
évidemment, c'est présent, évidemment, il faut l'apprivoiser, mais il y a deux
façons de le faire. La première, c'est de faire du mur-à-mur, c'est-à-dire de
dire comme l'office de l'innovation du Québec l'a dit : Il faut mettre de
l'intelligence artificielle dès la maternelle, il faut ploguer les enfants sur
des écrans dès la maternelle.
Petite réflexion personnelle, je ne sais
pas si elle est avérée, mais il me semble qu'on a plus ou moins tous, ici,
appris à utiliser un ordinateur sans qu'on ne nous ait mis ça dans les mains
dès l'âge de trois ou quatre ans, en tout cas, la plupart d'entre nous. Moi, j'ai
plus de 50 ans, je veux dire, il n'y en avait pas, d'ordinateurs à l'école,
pis ça ne m'empêche pas d'être capable de les utiliser, d'avoir appris.
Alors, évidemment qu'il faut apprendre à
utiliser mais qu'il faut aussi surtout comprendre ce que c'est. On peut dire à
nos enfants : Vous allez subir ça, on va faire de vous des utilisateurs ou
on peut leur dire : On va vous fournir des outils de compréhension de ce
que c'est qu'un ordinateur, de c'est quoi, les impacts sociaux, à quoi ça sert,
pour leur redonner du pouvoir là-dessus. Et ces deux voies-là sont vraiment
très différentes.
M. Martin (Éric) : Moi, j'aimerais
revenir à ce que je disais tantôt sur la confusion entre les sphères. C'est-à-dire
que c'est normal que dans la société, dans l'industrie, par exemple, dans des
sphères d'activité économique, pour des innovations de procédés ou de productivité,
on veuille aller vers ça, par exemple en foresterie où en... Bon, tant pis, c'est
correct, ça leur appartient. Le danger, c'est que l'école se mette au diapason
de ça et qu'il y ait une confusion entre les deux espaces.
Parce que l'école ne doit pas nécessairement
fonctionner de la même façon que fonctionnent, par exemple, d'autres sphères de
la société et au même rythme. À l'école, le temps est plus lent, le temps
fonctionne différemment, et on n'est pas obligé de brancher les jeunes sur des
écrans à toutes les heures de la journée. En fait, c'est néfaste, et, c'est ce
qu'on voit, même en bas de deux ans, la recommandation, c'est : pas du
tout d'écran. Et, même après, c'est un usage limité, parce qu'il y a une
socialisation qui est en construction, ce qui n'est pas le cas dans l'industrie,
où on a affaire à des gens qui sont, j'imagine, déjà socialisés. C'est la
raison évidente pour laquelle on ne peut pas calquer le fonctionnement de l'institution
scolaire sur le fonctionnement de l'industrie. Or, j'ai l'impression qu'aujourd'hui
on procède à cette confusion-là, et c'est une des raisons du problème que nous
avons.
M. Ciccone :Merci beaucoup à vous deux. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Merci. Bien,
bonjour. Excusez-moi, je ne pensais pas que j'étais la prochaine. Enchantée de
faire votre connaissance ce matin, heureuse de vous rencontrer. Merci pour
votre explication ce matin. J'avais des petites questions par rapport au niveau
scolaire. Que faites-vous des enfants avec un besoin particulier? Parce qu'on
le sait que ces outils-là, règle générale, sont nécessaires pour la réussite
des jeunes. Donc, vous, je comprends que vous placeriez un moratoire, mais qu'en
est-il des outils pour les jeunes à besoins particuliers qui en ont vraiment
besoin?
M. Mussi (Sébastien) : ...il
y a des outils technologiques qui sont...
La Présidente (Mme Dionne) : Si
vous voulez bien recommencer, votre micro n'était pas ouvert.
M. Mussi (Sébastien) : Mon micro,
on me dit qu'il est ouvert. Vous m'entendez là?
Mme Gendron : Oui.
M. Mussi (Sébastien) : Alors,
d'une part, pour les cas particuliers, les cas spécifiques, évidemment qu'il y
a des applications intéressantes. Le problème, c'est quand ça vient remplacer
des fonctions humaines et qu'on en met partout. Un moratoire ne s'appliquerait
évidemment pas à ça. Ensuite, on a beaucoup le réflexe informatique. Qui nous
dit que tel problème, qui auparavant se traitait différemment, se réglait
différemment, requiert nécessairement le recours à l'informatique? Il y a là
des choses à discuter.
Alors, évidemment, la question des élèves
en situation particulière dépasse mes compétences en tant qu'essayiste et prof
de philo, mais il y a, en tout cas, un réflexe informatique qu'on pourrait,
dans certains cas, en tout cas, remettre en question. Puis évidemment il y a le
problème qu'on pallie souvent à un problème de personnel par des moyens
informatiques sans que ça ait la même <efficacité...
M. Mussi (Sébastien) :
...personnel par des moyens informatiques, sans que ça ait la même >efficacité.
M. Martin (Éric) : Oui, puis...
(panne de son) ...on disait tantôt, c'est que, présentement, nous avons une
politique qui dit : on en met partout, ça concerne tous les étudiants, ça
concerne tout le corps enseignant. Et là on n'est plus en train de traiter avec
les gens qui ont des difficultés particulières, qui est un cas à part qui doit
être considéré en particulier. Ce dont on parle, nous, dans notre essai, c'est
la généralisation de ça. Durant la COVID, on a tous subi l'enseignement en
ligne, à tous les degrés scolaires, sans exception, handicap ou pas, là. Et
c'est de ça dont il est question. Et c'est cette pression exercée par les GAFAM
qui nous inquiète, nous.
Alors, bien sûr, dans certains cas, ça
peut aider des gens qui ont, par exemple, des neuroatypies ou encore de la
dyslexie. Et ça, ce n'est pas du tout un problème pour nous dans la mesure où
c'est justifié médicalement. On n'est pas des médecins, on n'est pas compétents
pour juger de ça, nous. Par contre, ce que nous pouvons vous dire ce matin,
c'est que, présentement, le problème auquel fait face la société québécoise,
c'est une pression extrêmement forte qui s'exerce, sur tous les degrés
scolaires, d'inclure la technopédagogie dans l'ensemble des activités. Il n'y a
pas une journée qui passe sans que je reçoive un courriel. Même avant la
réunion de ce matin, j'en ai reçu un qui me disait que je devais aller vers des
jeux vidéo en classe et du virtuel. Donc, il n'y a pas une journée qui passe
sans que cette pression-là ne nous soit rappelée à tout instant.
Mme Gendron : Merci. J'avais
une autre... une seconde question, en fait. Je comprends aussi que les jeunes doivent
avoir certaines connaissances technologiques avant de rentrer sur le milieu du
travail. Parce qu'on le sait, aujourd'hui, on a tous des écrans. Bien qu'on
veut valoriser la présence en personne, c'est pratique, la technologie. La
preuve, aujourd'hui, vous êtes en visioconférence avec nous, donc
nécessairement que ça apporte des outils qui sont importants puis qui sont
facilitants. En fait, ma question était : Que dites-vous de ces jeunes-là,
en fait, qui veulent rentrer dans un milieu du travail puis avoir les outils
technologiques pour pouvoir travailler puis être à l'aise avec ça?
M. Martin (Éric) : J'ai eu
une conversation, récemment, avec un collègue qui enseigne l'informatique dans
mon cégep, et il m'a dit que, même en informatique, il y a des compétences
qu'on ne peut pas enseigner à distance, parce qu'à travers un écran je ne suis
pas capable de lui montrer exactement comment tenir la souris, comment cliquer
ici. Donc, même dans des domaines technologiques, il y a des choses qui ne
s'enseignent qu'en présence. Et c'est là le danger, que, même dans les secteurs
d'activité, disons, à haute technologie, on ne peut pas complètement escamoter
la présence ou la socialité concrète.
On a eu un exemple, dans les médias, d'une
étudiante de l'Université Laval qui suivait 80 % de ses cours en ligne et
qui disait qu'elle était tellement démotivée qu'elle allait probablement
quitter les études. Il y a quelque chose là-dedans, comme une catastrophe. Donc,
vous voyez que, sous prétexte de préparer les gens au marché du travail, on est
en train de ruiner, en fait, la possibilité d'une éducation et d'une
socialisation fondamentales.
Et je ne pense pas que les employeurs vont
non plus vouloir avoir des employés qui n'ont pas développé d'aptitudes de
socialisation, qui sont des compétences clés, aussi, sur le marché du travail, hein,
ce n'est pas seulement les aptitudes à utiliser les machines. Bien sûr que
c'est important, mais ces aptitudes-là, c'est aussi... c'est relationnel
également. Dans le travail, on emploie des compétences relationnelles. Et, si
nous sacrifions les compétences relationnelles — je n'aime pas le
terme «compétence», mais je l'utilise un peu, là, par défaut — ...de
dire : Bien, si on sacrifie l'un pour l'autre, on n'est pas gagnants du
tout, là. Donc, il faut faire attention.
L'adaptation au marché du travail, c'est
une chose, mais l'école ne peut pas être pensée seulement à partir de
l'adaptation au marché du travail. On forme aussi des acteurs sociaux, des
citoyens, des citoyennes, des membres d'une culture, des gens qui s'inscrivent
dans une histoire, et l'ensemble de ces facteurs-là doivent être pris en
considération.
Mme Gendron : ...M. Martin. Merci,
M. Mussi.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, Mme la députée. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : M. Mussi. Salutations
spéciales à M. Éric Martin, un vieux camarade de l'UQAM d'une autre époque où
nous étions jeunes et fous. Je ne sais pas si on est encore fous, mais on est
définitivement beaucoup moins jeunes.
Cela étant dit, vous êtes des philosophes;
j'ai une formation d'historien, j'ai tendance à vouloir regarder le temps long
et à me poser des questions sur le moment présent. Est-ce qu'on a assez de
recul sur notre moment présent? Souvent, la réponse est non, mais l'évolution
des technologies est une des questions qui nous portent le plus, je pense, à
essayer d'avoir du recul sur notre moment présent.
Je me rappelle, notamment, quand j'étais
plus jeune, c'était la question des calculatrices : Est-ce qu'on peut
faire nos tests de mathématiques avec une calculatrice? Évidemment, au primaire
et même un bout du secondaire, c'était non, il fallait qu'on apprenne nos
calculs par cœur, nos tables de multiplication, etc., par cœur. Et, rendus plus
vers la fin du secondaire, sur les opérations plus complexes, les racines
carrées, et autres, là on pouvait utiliser la calculatrice, évidemment, parce
que c'était un outil qui allait nous servir dans notre éventuel travail ou dans
nos études, si on poussait un peu plus dans le domaine de la mathématique.
• (10 h 10) •
Je me pose des fois la question parce que,
je vois, l'année passée, il y avait des articles qui disaient qu'il y avait des
écoles qui commençaient à arrêter d'enseigner l'écriture en lettres attachées,
parce que c'est vrai qu'objectivement, aujourd'hui, on se sert très peu de
l'écrit, on n'écrit plus des lettres manuscrites. J'ai écrit une carte de fête
cette semaine. C'était la dernière fois, je pense, que j'avais écrit un texte
significatif en lettres attachées. Autrement, on écrit une liste d'épicerie, puis
encore, la plupart du temps, on l'écrit sur notre <téléphone, etc...
M. Leduc :
...liste
d'épicerie, puis encore, la plupart du temps on l'écrit sur notre >téléphone,
etc.
Je vous pose... je vous dis tout ça parce
que je me pose souvent la question : Est-ce que notre réaction par rapport
aux outils technologiques, étant l'ordinateur, les trucs en ligne, etc., le
codage ou autres, est-ce qu'elle est forte parce qu'on veut le presser aux
enfants qui sont très jeunes puis qu'on pense que ça va faire en sorte qu'ils
n'auront pas la capacité d'apprendre des trucs de base, alors que, si on...
s'ils étaient plus familiarisés à ça plus tard dans leurs processus, on serait
moins inquiets?
J'ai aussi en tête la simple lecture d'une
carte. Aujourd'hui, on ne sait plus comment lire une carte, on se dirige avec
notre téléphone, Google Maps, et compagnie, puis, si Google Maps plante, on est
complètement désorienté, alors qu'il n'y a pas si longtemps... Mon père nous a
rejoints en vacances cet été, lui, il n'est pas très techno puis il se
promenait à moto, il avait juste... puis il s'était mémorisé sa carte dans sa
tête puis, quand il est arrivé, il était fier de me dire qu'il s'était rendu,
lui, sans géomachin. Je ne sais même pas si moi, j'aurais réussi à me rendre à
ma destination sans ce téléphone-là.
Bref, est-ce qu'on est en train de... Est-ce
que ce qui nous inquiète vraiment, c'est qu'on veut trop pousser cette
technologie-là aux jeunes enfants avant qu'ils apprennent les fondamentaux,
puis ça serait moins grave qu'ils l'apprennent un peu plus tard, adolescence,
adulte, ou est-ce qu'en soi vous dites que ces avancées technologiques là
comportent des dangers significatifs, qui dit qu'on devrait, sans être dans la
technophobie, comme vous le souligniez tantôt, M. Martin, sans être
dans... là-dedans, qu'on la repousse le plus possible, voire qu'on ne l'utilise
pas du tout?
M. Mussi (Sébastien) : Bien,
c'est une question immense que vous posez. Je ne suis pas sûr que j'ai la
réponse. Il y a deux choses qu'on peut dire, c'est que, quand on fait un calcul
à la machine à calculer, il y a encore quelque chose que l'être humain fait,
même si, effectivement, moi, je serais incapable aujourd'hui de calculer une
racine carrée sans machine à calculer, alors que je l'avais appris à l'époque.
La deuxième chose, c'est toute... ce qu'on
pourrait appeler : toute technologie remplace un certain nombre de
fonctions humaines. L'écriture, c'est un support de mémoire, ça l'a toujours
été dès, pratiquement, le début. Ici, on est en train, puis il y a quand même
des études sur le long terme qui le montrent, de toucher à des choses qui ne
sont plus seulement utilitaires. Quand on voit que des jeunes perdent la
capacité d'éprouver de l'empathie pour l'autre, on a quelque chose qui touche
au fondement de la possibilité de socialiser. Si je suis incapable d'éprouver
de l'empathie pour quelqu'un d'autre, comment est-ce qu'on peut développer un
lien avec les gens qui nous entourent? Et il y a un saut, ici, qui n'est quand
même pas neutre, je pense qu'il y a un saut qualitatif, ici.
Et puis évidemment, Éric l'a souligné tout
à l'heure, il y a la vitesse à laquelle ça se produit. On fait souvent la
comparaison avec la révolution de l'imprimerie, hein, on banalise : Ah!
l'informatique, c'est une révolution comme l'imprimerie, ça a déjà existé, on
ne va pas résister à l'imprimerie. Est-ce qu'on peut rappeler qu'entre
l'invention de l'imprimerie et l'école obligatoire pour que les jeunes, les
enfants apprennent à lire, il s'est passé 400 ans? Là, on est en train de
dire qu'on va mettre de l'informatisation partout dans l'école en 10 ans.
Il se produit quelque chose, ici, d'essentiel, il y a une dépossession de nos
enfants et de nos adolescents, à laquelle on est en train de procéder pour des
raisons essentiellement... essentiellement économiques. Et, encore une fois, ça
ne veut pas dire qu'il ne faut rien apprendre de l'informatique. Mais apprendre
quoi? Et est-ce que c'est nécessaire d'en mettre partout?
M. Martin (Éric) : Peut-être
ajouter aussi, réponse, donc, de philosophe, que Günther Anders, dans L'obsolescence
de l'homme, dans les années 50, avait déjà identifié le phénomène dont
on parle ici, phénomène qui ne se réduisait pas à l'école, mais qui concerne
toute la société, qu'il appelait, donc, lui, à l'époque, le déchargement,
l'extranéation, mais nous, on pourrait appeler ça le délestage cognitif, c'est
peut-être la façon la plus simple de le dire. C'est que, de plus en plus, des
facultés intérieures à l'esprit sont en train d'être déposées dans des systèmes
extérieurs à nous, qui pensent à notre place. Alors, c'est l'exemple du GPS,
par exemple, qui pense à ma place.
Évidemment, la question, c'est : Où
place-t-on la limite, non seulement à l'école, parce que c'est là qu'on est
censé acquérir ces facultés ou stimuler ces facultés-là, où place-t-on la
limite, mais, dans notre société en général, jusqu'où voulons-nous automatiser
le jugement, la prise de décision? Est-ce qu'en politique on veut que ce soit
l'intelligence artificielle qui prenne la décision à la place des débats
parlementaires? Vous voyez? Est-ce qu'en matière de justice on veut que les
questions juridiques soient réglées par des algorithmes? C'est toute cette
question qui est derrière. Alors, si on parle du temps long, c'est ce mouvement
progressif de délestage ou de déchargement de l'esprit dans des systèmes
extérieurs qui avait été identifié aussi par Michel Freitag dans la transition
à la postmodernité.
Alors, c'est ça, la réponse à la question,
d'un point de vue philosophique, c'est que, là, le vaste mouvement dans lequel
on est engagés non seulement dans l'école, mais dans la société, c'est de s'en
remettre de plus en plus à ces processus automatisés qui vont décider à notre
place. Et, si on ne fait rien, s'il n'y a pas de frein qui est placé à ça dans
le cas qui nous occupe particulièrement, la jeunesse, bien, je veux dire, de
plus en plus, leur vie va être une forme de vie d'assistés technologiques où
les décisions sont prises en charge par des processus cybernétiques, et il
restera très peu d'autonomie, alors que l'école est censée construire l'autonomie.
Mais c'est une critique qu'on peut adresser à notre société en général, cette
direction vers le déchargement cognitif ou délestage cognitif.
Donc, je <pense que, là...
M. Martin (Éric) :
...délestage
cognitif.
Donc, je >pense que, là, ça pose
des limites aussi sur le développement de la cybernétique et de l'intelligence
artificielle, par exemple, dans la société en général. Mais, puisque cette
commission se concentre surtout sur la jeunesse, on peut ramener à l'école et
dire que, certainement, lorsque c'est possible, alors que c'est encore
possible, on devrait tout faire pour favoriser le développement des qualités de
la personne à l'intérieur, hein, de la personne, et non pas tout de suite miser
sur cette prise en charge d'assistance technologique, etc.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup. Alors, bonjour. Très, très... Vous amenez quand même une réflexion,
puis je pense qu'elle va dans le sens de la réflexion qu'on a tous ici,
ensemble, là, collectivement, c'est-à-dire l'enjeu de la technologie, les
impacts que ça a. Vous allez jusqu'au moratoire, évidemment, on l'aura compris.
Mais ce que je veux savoir, puis je pense
que vos réflexions vont quand même dans ce sens-là, là... Au niveau de l'enseignement,
l'INSPQ est venu dire, là, que ça ne devrait pas être la méthode d'enseignement
par défaut, les technologies, mais ça devrait apporter un plus à notre
enseignement, qui autrement ne pourrait pas être fait. Donc, tu sais, ça vient
vraiment être à des étapes importantes de notre enseignement. J'imagine que ça,
ça va dans votre... dans votre pensée, dans le fond, ce que vous venez de nous
dire aujourd'hui. C'est que... pas de mur-à-mur, pas partout, puis vraiment de
réfléchir à l'utilisation des technologies, un peu comme l'INSPQ est venu le
dire. Est-ce que j'ai bien compris, là, un peu, ce que vous nous avez apporté?
M. Martin (Éric) : Oui,
absolument. Je pense qu'on n'est pas du tout en train de dire qu'il ne faut pas
qu'il y ait de technologie dans nos écoles, mais qu'on doit faire la preuve que
c'est un moyen qui va apporter quelque chose de plus ou quelque chose de
positif lorsqu'on l'emploie. Présentement, ce n'est pas ce qu'on fait. On nous
dit : C'est là pour rester, il faut s'adapter, il faut en mettre partout.
On nous dit que les professeurs doivent faire leurs plans de cours avec
ChatGPT, que les robots doivent même corriger les examens. C'est le cas, par
exemple, au collège Sainte-Anne, où un logiciel a été développé pour corriger
les copies en littérature, par exemple, alors que la correction, c'est une
étape fondamentale de notre rapport avec l'élève ou l'étudiant, l'étudiante,
parce que, quand on corrige quelqu'un, on voit à la fois ses qualités et ses
défauts et, après ça, on peut réagir dans la relation avec la personne. Donc,
ça fait partie de l'enseignement, le moment de la correction. Si on le confie à
une machine, on arrive à une situation absurde où un cours pourrait être
planifié par ChatGPT et les travaux rédigés par ChatGPT et corrigés par
ChatGPT. Vous voyez bien qu'on arrive... qu'est-ce qui reste d'enseignement
là-dedans, donc... Et c'est ça que l'on voit, maintenant, comme discours.
Donc, évidemment que la réaction à ça ne
doit pas être de dire : On débranche tout et on revient à l'âge de pierre.
Il y a des technologies qui peuvent être utiles. Mais, lorsque c'est utile, il
n'y a pas de problème si... Moi, ça m'arrive de projeter, par exemple, une
toile, une image, un documentaire sur Socrate, ça peut m'arriver à l'occasion.
Mais il faut que ça reste quelque chose d'occasionnel. Et là ce n'est pas ce
qui se passe. Ce n'est plus quelque chose d'occasionnel, ça devient quelque
chose où on nous dit : Si vous n'êtes pas en train de le faire
perpétuellement, vous êtes en retard. Vous voyez? Et c'est ça, le danger, et c'est
qu'on ne réfléchit...
Et, comme disait Sébastien tantôt de
manière très excellente, il y a plein d'impacts négatifs qui sont soulignés
partout, et nous trouvons hallucinant que, malgré tous les signaux d'alarme qui
sont allumés, la maison est en feu, là, et on continue, et c'est la fuite en
avant, et ça n'arrête pas. Et, dans n'importe quel autre domaine, s'il y avait
autant de signaux d'alarme, il y a des gens qui se poseraient des questions,
mais là on dirait que, depuis quelques années, ça continue à avancer, malgré
les... (panne de son) ...qui sont clairement démontrés.
Mme Tremblay : Vous avez
parlé de limites, d'amener des limites législatives, là. Vous êtes passés
rapidement, mais ça a attiré mon attention. Alors, quand vous avez parlé de
limites législatives, vous entendez quoi?
M. Martin (Éric) : Bien,
vas-y, Sébastien. Je ne sais pas si tu veux réagir à ça.
M. Mussi (Sébastien) : Vas-y,
vas-y. Non, non, vas-y.
M. Martin (Éric) : Bien, un
exemple qu'on peut donner, très simplement. On a une collègue, là, Julie
Baribeau, qui vient d'écrire un mémoire qui a été déposé à cette commission, je
pense, sur le Phone-Free Schools Movement, donc c'est le mouvement des écoles
sans téléphone. Alors, déjà, il y a des mesures positives qui ont été prises
pour interdire les téléphones à l'intérieur des classes dans les niveaux
primaire, secondaire. C'est très bien, mais c'est insuffisant, parce qu'il y a
des endroits, par exemple, aux États-Unis, où on les enlève carrément de l'édifice
scolaire, de l'institution. Parce que les périodes de socialisation qu'il y a
dans les pauses, par exemple, les jeunes, au lieu d'être sur leurs téléphones,
bien, ils font des sports, ou ils vont dans un club d'échecs, ou je ne sais pas
quoi, mais ils font des choses sociales.
Donc, vous voyez qu'on peut aller encore
plus loin que ce qu'on a déjà fait. On a hésité, je pense, au Québec, à aller
jusque là. Mais, dans l'enseignement supérieur, par exemple, on a laissé les
téléphones, on a laissé les établissements et chaque professeur se débattre
avec ça. Bien, il y aurait carrément possibilité de légiférer pour interdire
les appareils... téléphones dits intelligents dans tous les édifices scolaires,
par exemple. C'est un exemple, mais il y en aurait d'autres.
• (10 h 20) •
Alors, évidemment, je n'ai pas la réponse
à quelles seraient toutes les lois qui pourraient être mises en place, mais il
y aurait sûrement manière de s'inspirer de ce qui se fait en Suède, aussi, pour
poser différentes limites. Parce que le problème actuel, c'est l'absence de
limites. C'est qu'au fond on est dans une sorte de chaos où, finalement, il y a
des endroits où il y a des projets pilotes qu'on ne connaît <même pas,
ça...
M. Martin (Éric) :
...finalement
il y a des endroits où il y a des projets pilotes qu'on ne connaît >même
pas, ça nous tombe dessus, et on s'y adapte un peu comme à la va comme je te pousse.
Donc, pour éviter cela, il faudrait un cadre juridique réfléchi, à mon sens.
Mme Tremblay : Il y a
plusieurs...
La Présidente (Mme Dionne) :
...
Mme Tremblay : Dernière
question, ça va? Alors, il y a plusieurs écoles qui sont venues nous parler,
justement, là... Bien, l'interdiction en classe, ça, ça va, il n'y avait pas...
je pense que, majoritairement, les intervenants étaient en faveur. Cependant,
pour l'interdiction dans les écoles, ça, c'était différent. Il y avait... bon,
il y avait différentes pensées. Mais plusieurs sont venus nous dire : Mais,
ça nous prend des balises, évidemment. Puis je pense que tout le monde, ici,
qui sont venus sont conscients, là, des enjeux du temps d'écran, du contenu.
Alors, vous, d'avoir des grandes balises
puis qu'après ça les milieux, eux, aient une réflexion, alors d'éviter,
justement... bien, ce que vous autres, vous avez appelé un peu le mur-à-mur,
mais d'avoir des balises, de donner des balises, justement, et de... après ça,
chacune des écoles va décider de comment elle, elle applique ces balises-là, c'est-à-dire,
bon, est-ce qu'elle interdit de façon complète le téléphone ou elle fait des
moments d'interdiction, qu'est-ce que vous pensez de laisser après ça, à partir
de grandes balises, les milieux, eux, décider puis de prendre des décisions
selon ce qu'ils sont comme milieux? Parce que les milieux sont très différents
les uns des autres.
M. Mussi (Sébastien) : Écoutez,
deux choses. D'abord, on ne réglera pas la question avec des décisions au cas
par cas. La deuxième chose, c'est que je suis un peu estomaqué par la question
que vous posez. Il me semble que l'État a un devoir envers nos enfants. La
nocivité de l'utilisation et la surutilisation des écrans, elle est démontrée
sur les études longitudinales qui ont été faites sur 20, sur 30 ans. On
voit des changements de comportement dans nos classes : des élèves qui ne
sortent plus de la classe aux pauses, qui ne se parlent plus, on n'est plus
capable de les faire se parler. Ne serait-ce qu'un étudiant qui rate un cours,
qui doit demander les notes de cours à quelqu'un, il n'y arrive plus.
Ça fait que je suis désolé, il y a là un
débat de société. C'est pour ça qu'un moratoire sérieux est nécessaire. Si on
veut laisser les écoles choisir, parfait, laissons les écoles faire ce qu'elles
veulent, la majorité des enfants vont continuer à faire ce qu'ils font en ce
moment, on continuera à avoir les mêmes effets, les mêmes résultats. C'est votre
responsabilité, au niveau de l'État, de faire quelque chose pour au moins qu'on
sache où on s'en va de façon cohérente. Ce n'est pas aux institutions de faire
ça puis ce n'est surtout pas aux profs de gérer ça.
J'ajoute une chose sur le comportement des
élèves. Moi, j'ai des élèves, à l'enseignement supérieur, qui se comportent
actuellement comme des enfants du secondaire, et encore, au point de vue
émotif, au point de vue de l'autodiscipline, au point de vue la capacité à se
gérer en classe. J'ai fait des trucs que je n'ai jamais faits avant. Faire de
la discipline en classe pour dire aux élèves qu'utiliser le téléphone puis
regarder des matchs de hockey pendant un cours, ce n'est pas acceptable, c'est
surréaliste.
Ça fait que je m'excuse, non, ce n'est pas
aux écoles, au cas par cas, de baliser ça sur des recommandations molles,
vagues. Regardez ce qui se passe dans les écoles. Des organismes qui gèrent de
l'électronique, de l'informatique, il y en a partout, c'est implanté mur à mur
déjà, en ce moment, dans le système. Si l'État ne fait pas quelque chose, on va
foncer droit dans le mur, et vous allez élever une génération qui ne sera pas
capable ni d'autonomie, ni de réflexion critique, ni d'implication sociale. Ça
fait que, si c'est ça que vous voulez, allez-y, faites du cas par cas.
Mme Tremblay : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme la députée. M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, MM. Martin et Mussi, très heureux de vous avoir
ici aujourd'hui. Je vous dirais que c'est un propos différent, dans le sens où
vous faites aussi... vous êtes allés sur le terrain de l'enseignant, hein, l'usage
au niveau... du côté de l'enseignant.
Écoutez, vous parlez de fuite en avant,
vous parlez d'absence de réflexion, de généralisation de l'usage à des fins
économiques et commerciales, vous avez même employé le terme «chaos». Je pense
que votre position est assez claire à ce niveau-là. Vous êtes des tenants d'un
moratoire, d'un temps d'arrêt nécessaire et, corrigez-moi si je suis dans l'erreur,
à une réflexion, une réflexion de société visant, d'une part, la notion même,
au-delà de l'apprentissage, de ce que je comprends de votre point de vue, dans
la vie de tous les jours, l'usage à des fins pédagogiques ou autres par l'école,
et j'insiste, par l'école. Ça, je comprends que vous avez là une réflexion
profonde d'entamée à ce niveau-là. Mais je comprends aussi que vous faites une
distinction entre l'apprentissage généralisé de l'informatique, là, de ce qu'on
disait — moi, quand j'étais à l'école, on parlait d'informatique, là — pour
l'informatique, dans le sens où ce sera dans nos vies de tous les jours, ce l'est
déjà et ce le sera, et <l'usage...
M. Sainte-Croix :
...sens
où ce sera dans nos vies de tous les jours, ce l'est déjà et ce le sera, et
>l'usage de ce que vous appelez la technopédagogie. Donc, il y a
vraiment, là, deux distinctions que je fais, là, au niveau de votre rapport à
la technologie.
Sachant qu'on a besoin d'une réflexion,
qu'on a besoin d'avoir une meilleure connaissance, et on en a déjà, puis vous
l'avez souligné, puis beaucoup de gens sont venus nous le dire ici, là, sur la
nocivité, là, de l'usage des écrans, comment voyez-vous dans le temps... Parce
que je suis aussi, moi, historien de formation et je m'intéresse aux
changements de société dans la durée, parce que c'est là que ça se passe.
Comment voyez-vous le temps nécessaire, pour la société québécoise, de mieux
documenter l'impact de l'usage de notre société, d'une part, à des fins
pédagogiques, hein, l'école? Et, autrement, sachant qu'on a besoin d'avoir des
connaissances générales au niveau de l'usage de l'informatique, comment
voyez-vous ce terme-là, comment voyez-vous le rapport à la recherche dans les
années à venir? Quel est le rôle de l'État? Est-ce qu'on doit se mettre en mode
accéléré et est-ce qu'on doit investir des budgets de recherche beaucoup plus
conséquents en fonction de cet objectif-là? Puis comment voyez-vous,
globalement, au niveau de la santé publique, cette démarche-là qu'on a à faire
pour se repositionner de façon intelligente dans cet enjeu-là, là, qu'on a là?
M. Martin (Éric) : Bien, je
trouve votre question très intéressante, parce que vous nous amenez sur un
terrain qui me rappelle, évidemment, le classique, hein, c'est le rapport
Parent. C'est-à-dire qu'il y a eu un peu le même enjeu au moment de la Révolution
tranquille, un enjeu d'adaptation, de modernisation économique et
technologique. On se disait : On est en retard sur la société
post-industrielle américaine, jusqu'où on va s'adapter? Et la réponse, à
l'époque, Guy Rocher appelait ça l'équilibre entre la culture et la technique, on
a essayé de tenir les deux bouts de la chaîne. On a essayé de s'adapter aux États-Unis,
tout en gardant un peu l'humanisme, la culture, etc. Ça a donné notamment les
cégeps, qui sont un hybride entre ces deux idées-là, l'économie locale, mais
aussi la formation générale, par exemple.
On est un peu dans un moment similaire,
maintenant, où nous devons faire très attention parce que... Il y avait un
article, il y a quelques années, qui s'appelait How Google Took Over the
Classroom, alors Comment Google veut se saisir de la salle de classe.
Il y a nécessairement, de ce côté-là, une velléité assez claire de dire que
c'est maintenant la Silicon Valley qui va déterminer ce qui va arriver pour le
futur. Et il me semble que notre société, elle doit, non seulement pour
l'école, mais en général, actuellement, se demander si elle veut vraiment
embarquer dans ce train-là. Puis c'est déjà le cas présentement, on est déjà en
train de perdre le terrain face aux GAFAM, face aux Netflix, face aux Uber, une
ubérisation générale de notre société. Donc là, il y a un enjeu de dire...
Là, vous avez évoqué la santé publique, l'éducation, on pourrait évoquer aussi
l'environnement. L'État, actuellement, aurait une responsabilité de se dire :
Bien, si ce n'est pas ce modèle-là que l'on veut suivre, quelle est la vision
générale à partir de laquelle... Disons, une société du XXIe siècle qui
serait une société écologique, démocratique, bien, de quel type d'éducation
aurait-elle besoin? Et Michel Freitag, en tout cas, disait que, si on voulait
former des gens pour le XXIe siècle, on aurait besoin de gens qui ont des
capacités d'empathie, une compréhension des autres cultures, une compréhension,
aussi, de l'écologie. Là, comme le disait Sébastien tantôt, ce n'est pas ça
qu'on est en train de former, là. On forme actuellement des gens qui ont des
défauts d'empathie, qui ont une perte de culture générale. Donc là, on fait
exactement l'inverse de ce qu'on devrait faire pour préparer les citoyens et
citoyennes du XXIe siècle.
Donc, il est certain que ça exige une
vision d'ensemble à partir de laquelle les différentes actions pourront par la
suite être pensées. Donc là, effectivement, quel type de recherche encourager?
Est-ce que... Actuellement, on encourage beaucoup la recherche dans le domaine
de l'intelligence artificielle, on la célèbre, même, on l'applaudit. Est-ce qu'on
ne devrait pas, au contraire, réallouer une partie des budgets de recherche
pour évaluer, justement, les impacts? Bien, il y en a déjà, de la bonne
recherche que vous avez recueillie. Vous avez accueilli, par exemple, Caroline
Fitzpatrick, j'ai vu qu'elle est venue devant la commission, Dre Mélissa
Généreux, il y a plein de gens qui font déjà de l'excellente recherche sur ces
questions-là. Mais on a besoin de davantage et on a besoin d'un portrait plus
global de ce qui se passe à l'école et dans la société.
Mais c'est pour ça que, tantôt,
j'insistais sur l'idée de penser ça à partir d'un lieu synthétique de ce que
nous voulons pour le Québec. Parce que l'alternative inverse, c'est qu'on va
nous imposer une direction, pas juste au Québec, hein, le monde entier va
suivre, au fond, le projet de la Silicon Valley. Du moins, eux, ils ont une
panoplie de systèmes qu'ils veulent nous proposer, pour ne pas dire nous
imposer, avec lesquels ils veulent qu'on s'administre dans le futur. Mais je ne
pense pas que c'est notre intérêt, d'un point de vue de spécificité culturelle
et nationale, même, d'aller dans cette direction-là.
• (10 h 30) •
Donc, ce n'est pas les mesures...
Évidemment, ça dépasse ma compétence. Moi, je ne travaille pas en santé
publique, je ne peux pas vous dire ce que la santé publique doit faire, mais ce
que je peux vous dire, par contre, c'est qu'il faut qu'il y ait un lieu
synthétique à partir duquel ceci va être pensé, avec le temps nécessaire
derrière. Alors, est-ce que c'est trois à cinq ans, comme la commission Parent?
Peut être, mais quelque chose d'une réflexion, des états généraux ou d'une
commission Parent 2.0, ça fait des années qu'on la réclame, mais où on
aurait le temps de penser globalement ce que nous sommes en train de faire. Parce
que, pour le moment, si on suit la voie de <l'adaptation...
>
10 h 30 (version révisée)
< M. Martin (Éric) :
...parce que pour le moment, si on suit la voie de >l'adaptation, là, c'est
aussi la voie de notre dissolution collective dans un modèle d'américanisation,
assurément.
M. Mussi (Sébastien) : Je peux
ajouter une chose, c'est que vous faites une distinction qu'on a effectivement
faite entre l'apprentissage généralisé, où on met de l'informatique partout, et
la question d'utilisation et de connaissances informatiques. On a beaucoup dit,
à une certaine époque, que nos élèves étaient des natifs du numérique. Pour
eux, c'était comme naturel. Je peux vous dire que c'est très loin d'être le cas.
Il y a des procédures simples, ça les dépasse, transformer un fichier .doc en
fichier PDF, par exemple, on l'a vécu pendant la COVID. Il faudrait effectivement
donner des connaissances et des savoirs à nos étudiants pour qu'ils puissent
avoir une certaine maîtrise là-dessus — ...
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes, M. Mussi. Il nous reste 30 secondes.
M. Mussi (Sébastien) : …oui, parfait — et
non pas subir passivement ce qui se passe, c'est-à-dire comprendre ce que c'est
qu'un ordinateur, ce que c'est qu'un réseau, quelles sont les conséquences que
ça a sur une société, etc. Si on veut une véritable culture informatique, c'est
là qu'il faut commencer, et pas en faire des utilisateurs passifs.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, M. Mussi et M. Martin, pour votre contribution.
Pour ma part, je suspends les travaux
quelques instants pour accueillir notre prochain invité. Merci à vous.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 35)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à M. Waterhouse.
Bienvenue à la commission.
Alors, je vous rappelle, M. Waterhouse,
que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, vos
commentaires. Et, suite à cela, nous allons procéder à une période d'échange
avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
M. Steve Waterhouse
M. Waterhouse (Steve) : Mme
la Présidente, merci. Chers membres du comité, merci de m'avoir invité. Je
voulais vous présenter tout simplement une perspective ici d'un point de vue
externe. Vous avez <entendu...
M. Waterhouse (Steve) :
...Je
voulais vous présenter
tout simplement une
perspective ici d'un
point de vue externe. Vous avez >entendu, quand même, des experts d'un
peu partout, et ce qui était de très bonnes interventions jusqu'à présent, il y
en a d'autres qui sont annoncées, mais je voulais vous apporter la perspective,
justement, que le temps d'écran peut être souvent utilisé à mauvais escient
contre les gens. Et, en fait, qu'est-ce qui me garde éveillé la nuit, c'est
cette constante préoccupation envers les prochaines actions des acteurs de la
menace à un niveau international, envers notre société, envers nos jeunes et
envers notre façon de vivre.
À l'échelle internationale, les acteurs de
cybermenaces suivants sont toujours intéressés à recruter des jeunes, même des
fois des moins jeunes, en manque de sensations fortes, comme avec les milieux
criminels traditionnels, notamment les cybercriminels, dans le crime organisé,
pour profiter de la cybercriminalité, des hacktivistes, autrement dit ceux et
celles qui veulent faire valoir leur point de vue politique via des moyens
électroniques, des cyberextorqueurs, pour aller chercher de l'argent, monétiser
cette... ces vols, les «script kiddies», autrement dit, ceux et celles qui sont
en gage de sensations fortes et les pirates informatiques parrainés par l'État,
qui sont, encore là, très subtils dans leurs actions.
Les façons dont les acteurs de la menace
s'y prennent sont de toutes sortes de façons, mais vous en avez entendu, comme
en exemple, qui tournent autour de ces dernières : la cyberintimidation,
les cyberprédateurs, les publications d'informations privées, le phishing, le
harponnage, qui est du phishing ciblé vers des gens, tomber dans le piège de
l'escroquerie, le téléchargement accidentel de logiciels malveillants, malgré…
les gens prennent peut-être des dispositions, mais que ça devient chose faite
une fois que c'est sur les appareils et que ça les compromet, les messages qui
reviennent les hanter, un enfant plus tard dans sa vie, autrement dit,
quelqu'un va diffuser un message, une vidéo, comme vous le savez, des fois, ça
peut venir les remordre dans les moments qu'ils s'attendent moins, et
évidemment aussi l'usurpation d'identité, qui est très subtile.
Malgré toutes les réglementations et lois
en place, la responsabilité première d'accès aux contenus en... en provenance,
pardon, de l'Internet et/ou de son accès, selon moi, incombe aux parents, donc
à la maison principalement, ce qui, souvent… les parents sont dépassés par
l'avancement technologique, et à l'école durant le jour. Des formations
d'éducation appropriées, en collaboration des partenaires accrédités, pas
seulement du réseau de l'éducation, parce qu'ils sont quand même assez chargés,
doivent être apportées dans notre société pas seulement de manière… statique, pardon,
avec du contenu en ligne, mais de façon dynamique, avec des gens.
Modérer le contenu en ligne ne révèle pas
seulement des mesures techniques, comme vous le savez, ni les lois, mais
l'accès aux applications... aux appareils, pardon, par lesquels les enfants
peuvent y accéder. Ça prend un effort d'équipe, selon ma perspective, ça prend
un effort d'équipe par les entreprises technologiques et le secteur privé, des
applications de la loi et le système judiciaire, les services d'aide à
l'enfance, comme vous avez entendu jusqu'à présent, les services aussi des
écoles et des systèmes d'éducation. Les parents... Puis, quand je dis :
Des systèmes d'éducation privés, publics, même l'entreprise privée qui peut
être mise à contribution dans cette manière, la coopération internationale, on
va jusqu'à cet... ce niveau-là, parce que vous avez des ONG qui vont être en
mesure, justement, d'avoir une perspective là où ils interviennent un peu
partout sur les continents, et, en même temps, favoriser que ces changements-là
s'opèrent d'un point de vue international et que ça vienne nous aider ici aussi.
Et finalement les services gouvernementaux qui... je vais préciser, un rôle
très clé là-dedans.
Ces efforts doivent prendre la forme de
programmes de sensibilisation et d'éducation plus présents, plus actifs dans le
quotidien, et pas seulement pour la jeunesse, intégrés aux programmes
scolaires, mais aussi pour les adultes. Car notre société accuse un grave
retard dans la littératie numérique. Et ça se voit dans la rue, ça se voit à la
maison, où les gens génèrent du contenu comme jamais vu avant dans l'histoire
et, parfois, hypothèquent la vie privée des enfants, alors que ce qui a été
filmé il y a 10 ans peut devenir un désavantage de demain pour ce jeune
maintenant rendu adulte, surtout lorsqu'ils ont à soumettre la première demande
d'emploi. Parce que les services de ressources humaines, si vous ne le saviez
pas, font une recherche intensive sur le passé dans le monde électronique des
jeunes.
Nous devons maintenant se préoccuper
davantage de la vie privée numérique, d'autant plus important, les tendances
récentes envers l'usage des innovations comme l'intelligence artificielle et
aussi les algorithmes des plateformes des médias sociaux pour générer la
désinformation et entretenir sa propagande prend de plus en plus de place dans
le temps consacré en ligne maintenant et dans l'avenir.
Une éducation sur le sujet saura rendre
les jeunes et les moins jeunes électeurs moins vulnérables à cette fausse
information et aussi contribuera à développer une pensée critique à
l'information présentée, comme dans le cas... avec une urgence sanitaire qu'on
a vécue récemment.
• (10 h 40) •
Le leadership requis pour aider devrait
comprendre des intervenants comme vous avez sollicités, mais aussi
différents... de différents ministères, notamment le MCN, le ministère de
l'Éducation, ministère de la Santé, incorporés dans un groupe de travail
autonome afin que tout bouge rapidement sans que ce soit fait... et que ce soit
fait à court terme, pardon, sans que ça s'éternise. La population, nos jeunes
ne peuvent pas attendre six à 10 ans alors que la situation s'envenime
année après année. Pourquoi pas des camps d'été avec intégration
d'apprentissage des jeux <électroniques...
M. Waterhouse (Steve) :
...s'envenime
année après année. Pourquoi pas des camps d'été avec intégration
d'apprentissages des jeux >électroniques qui sont des conséquences de
l'année scolaire? L'encouragement au tournoi à capturer le drapeau, donc on dit
l'activité dans le terme technique, «capture-the-flag», c'est des exercices qui
sont menés soit dans des conventums, comme, exemple, le Hackfest qui a lieu ici,
à Québec, ou bien internationalement, où on incite les jeunes à pouvoir, à ce
moment-là, mettre à contribution leur apprentissage et surtout leurs aptitudes
et habiletés, mais aussi au Canada, ailleurs dans le monde, comme je précisais,
n'en feront pas des pirates notoires ni des cybercriminels, mais bien des gens
compétents en technologies, qui ont mis en pratique ces meilleures pratiques,
voire la cyberhygiène apprise, et prêts à faire face à demain.
Merci à nouveau pour cette opportunité
d'échange. Et je suis prêt à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Waterhouse. Nous allons débuter cette période d'échange avec
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Waterhouse. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Vous apportez, donc, un aspect, donc, de la thématique qu'on n'a pas encore
abordée, donc je vous en remercie. Puis ça me permet de vous poser, donc, une
question, donc, qu'on a posée à d'autres interlocuteurs sur la majorité
numérique. Bien souvent, bon, plusieurs, donc, interlocuteurs, donc, sont
venus, donc, ont eu, donc, des avis, donc, divergents sur la nécessité, donc,
de l'imposer, donc d'avoir un âge minimal pour aller sur les différentes
plateformes, mais on sait que ce serait soit une pratique symbolique, là, ce
qui prévaut en ce moment, ou une pratique, donc, qui imposerait de faire la
vérification de l'âge des utilisateurs afin, donc, de véritablement la mettre
en place. J'aimerais savoir, donc, quel est votre avis quant à la nécessité,
donc, de mettre en place, donc, une majorité numérique sur le plan de la
sécurité des données des mineurs.
M. Waterhouse (Steve) : Il va
de soi de la maturité des gens qui utilisent ces outils-là va faire en sorte
que ça va faciliter la compréhension des impacts. Puis je m'explique. Ailleurs
dans le monde, vous avez... j'ai une recherche BCG qui va faire partie du
mémoire, qui dit que, donc, en Amérique du Nord, 92 % des jeunes
s'initient à l'Internet à partir de l'âge de 12 ans, mais seulement
57 % à partir de l'âge de huit ans. Donc, de cette approche-là, il y a un
élément, comme je mentionnais dans mon introduction, que le parent donne un
accès facile à ses enfants, donc, pour aller consommer l'Internet. Mais la
majorité des parents avec lesquels j'ai intervenu et j'ai parlé avec… quand je
dis intervenu, c'est vraiment pour les aider dans l'appui de restreindre
l'accès à un minimum d'informations, voire juste à des sites spécifiques. Mais
le jeune, il n'en fait pas la distinction, il ouvre l'appareil, il y a
connexion Internet, il consomme ce qu'il veut bien, et la journée va très bien.
Mais la journée qu'il va à l'extérieur d'un cadre défini, c'est là que ça
dérape, bien souvent.
Alors, de cette façon-là, il faut encore
une fois que l'élément parental, qui est le plus souvent impliqué avec le jeune
dans l'utilisation de ces moyens-là, puisse comprendre comment faire cet
encadrement-là. Mais, si on revient avec l'environnement scolaire où est-ce que
les jeunes passent peut-être, quoi, six heures, huit heures par jour, j'en ai
monté, des systèmes pour faire ce filtrage à la population étudiante, filtrage
pour dire : On ne permet pas des sites de gambling ou des sites illicites.
Mais, en même temps, il y a toujours des mécanismes à côté. S'ils ne sont pas
considérés ou bien évalués, bien, ça va donner une porte de sortie pour être en
mesure, donc, de le consommer pareil durant le temps consacré pour
l'apprentissage seulement.
Mme Cadet : Juste être sûre
d'avoir bien saisi, puis je vais peut-être aussi réitérer ma question, c'est
que, dans le fond, là, nous, on est en train de se dire : Est-ce qu'il
faudrait, donc, interdire, donc, l'accès aux, disons, réseaux sociaux, ces
différentes plateformes, donc, aux jeunes avant un certain âge? Mais l'un des
enjeux de la mise sur pied, donc, d'une telle mesure, c'est de se dire :
O.K., bien, si on dit, par exemple, donc on ne peut pas, donc, accéder, donc,
aux plateformes, donc, de Meta avant l'âge de 15 ans, bien, il faut qu'on
soit en mesure de le vérifier, sinon ce n'est pas tout à fait efficace comme
mesure, ce serait une mesure plutôt symbolique. Mais, en faisant ça, on est...
l'État, donc, viendrait dire : Bien, il faudrait capturer les données des
enfants mineurs pour être capable de confirmer qu'ils ont bel et bien l'âge,
là, de pouvoir accéder à ces plateformes-là.
Qu'est-ce que vous pensez de… bien, en
fait, d'une telle mesure? Donc, qu'est-ce que ça voudrait dire pour la sécurité
des données? Où seraient stockées ces données-là, donc, des jeunes? Est-ce que
c'est l'État qui devrait les stocker? Est-ce que ce seraient les plateformes
qui devraient le faire elles-mêmes? Qu'est-ce que ça signifierait, pour la
sécurité des données, de mettre en place une majorité numérique?
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
déjà là, dans l'acceptation populaire, ça ne passera jamais le test, que l'État
s'immisce à capturer de l'information, l'interpréter, la stocker, ça n'ira pas
très loin. Alors, on peut peut-être se rapprocher de l'idée d'une identité
numérique, mais, cependant, si on amène une identité numérique puis qu'on
l'appose à des moins de 18 ans, là on rentre dans une autre arène légale
par rapport à ça. Ça fait que ça... c'est pour ça, je ramène le... et je
recerne la problématique vers le parent. S'il fait une bonne évaluation du
risque, puis là il faudrait peut-être amener les outils nécessaires aux parents
de faire cette évaluation du risque, là, quel est le risque que j'expose mon
enfant aux médias sociaux, quel est... qu'est-ce qu'on retrouve, oui, les
grandes plateformes, dans la meilleure des pensées, veulent que ça soit
consommé par tout le monde, c'est à leur avantage, puis ils vont faire des
pieds et des mains pour ramener ça jusqu'au plus <jeune...
M. Waterhouse (Steve) :
...avantage, puis ils vont faire des pieds et des mains pour ramener ça
jusqu'au
plus >jeune âge pour, après ça, leur faciliter la vie à consommer les
produits que la plateforme offre.
Maintenant, cette modération-là, elle est
parrainée par qui, selon quel principe? Parce que les… comme on dit, chez
Facebook ou Meta, bien, les «community guidelines», donc les lignes directrices
de cette plateforme-là, bien, sont... je ne sais pas qui qui les dessine, mais
souvent sont à l'encontre de notre façon de vivre et de voir la vie, parce qu'eux
disent que telle façon... une telle image ou un tel dire, ça va à l'encontre
des lignes directrices, alors que, pour nous, ici, bien, c'est un usage
humoristique commun. Alors, c'est des éléments comme ça, je vous donne un
exemple bien banal, qui fait en sorte que qui va dire vrai là-dedans.
Il faut se ramener peut-être avec un
consortium à l'extérieur, un peu comme présentement l'identité numérique, c'est
dans la 10e année qu'il y a un tronc commun qui a été établi à travers le
Canada, le conseil canadien de l'identité numérique, qui fait en sorte que tous
les joueurs, les acteurs inhérents à l'usage d'une identité numérique, bien,
ont été mis… ont été sollicités et mis à contribution. Et de là vient un cadre
de référence neutre, gouvernemental, comme entreprise privée, qui va en faire
usage. Mais là, en disant ça, ça, ça va être pour la consommation, utilisation
de services publics, mais le jeune, là-dedans, il n'est toujours pas inclus.
Alors, on est toujours à la case départ face à cette situation-là qui revient à :
Quel est l'adulte qui est responsable envers l'enfant, qui va lui permettre
l'accès ou pas? Je crois que le problème est situé à ce niveau-là.
Mme Cadet : D'où le principe
de cyberhygiène, là, dont vous parliez à la fin de votre propos.
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
la cyberhygiène est pour tous et chacun qui font un travail en ligne. La
cyberhygiène... Je vais vous donner juste l'exemple de… le fameux mot de passe,
qu'on ne peut pas s'en dégager jusqu'à présent. Mais, si tout le monde continue
d'utiliser 123456, que ça fait huit ans que c'est le numéro un mondial, on est
toujours à la même place, on patauge dans la même mare. Alors, il faut changer
ces habitudes-là, il faut changer la perspective que : C'est-tu important,
un mot de passe? La réponse, c'est oui. C'est-tu encombrant? Pour la majorité
des gens, ils vont dire oui. Ça fait que c'est pour ça que les gens le mettent
facile. C'est une caractéristique humaine. Mais, quand on l'explique, qu'est-ce
que ça peut apporter comme conséquences, bien, il y en a qui vont dire :
Bien, c'est juste ma tablette, c'est juste mon téléphone. Mais alors donne les
clés de rentrer dans votre maison à n'importe qui, ça ne dérangera pas, c'est
la même analogie que le mot de passe facile à deviner.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Moi, je voulais avoir votre opinion, parce qu'on a
souligné, au travers les entrevues, vraiment la force du lobby puis à quel
point, autant pour les adultes que dans le milieu de l'éducation, que, pour les
jeunes, ils exerçaient une certaine pression. Puis une de vos suggestions
principales était de joindre, de sensibiliser, mais même d'éduquer, comme vous
venez de répondre à la question, là, sur les enjeux du numérique en général. Ce
serait quoi, un plan, pour vous, qui serait porteur pour sensibiliser et
éduquer quand même, donc, sur le long terme, la population en général pour bien
être capable de le faire? Parce que c'est large?
M. Waterhouse (Steve) : C'est
très large, et le temps est compté. Alors, j'y verrais très bien que le
gouvernement soit le… assume le rôle de leadership pour être en mesure de tirer
les lignes directrices par lesquelles tous et chacun qui veulent avoir une
intervention qui en vaille la peine vont pouvoir s'influencer de cette ligne
directrice là, parce que c'est un but ultime. Donc, le gouvernement peut amener,
à ce moment-là, dans cinq ans, 10 ans, évidemment, comme on dit en
anglais, les «milestones», les bornes à franchir pour, après ça, que les gens
s'y adonnent.
Cependant, le danger que je veux souligner,
par contre, à faire… à mettre en place cette pratique, c'est le manque de
vérification. Donc, c'est-tu le Vérificateur général qui va dire : Aïe! Vous
n'avez pas rencontré vos objectifs, là, il faut faire quelque chose. Dans ce
cas-là, on a trop d'exemples à énumérer que, dans le passé, cette… cette méthode-là,
pardon, ne fonctionne pas, surtout dans un temps fini. Alors, il faut amener,
justement… C'est pour ça, je donnais l'exemple du consortium d'identité
numérique canadien, qui a toutes sortes d'acteurs de toutes… de toutes
confessions confondues, si je peux dire ça... viendront ensemble puis
dire : Le plan d'action, il faut l'amener, puis on est obligatoire de
faire une réaction rapide et donner, à ce moment-là, un consensus. Donc, s'il y
en a quatre sur cinq qui sont d'accord ou qui ont répondu à l'appel, bien, on
avance, parce que le cinquième, qui n'a pas répondu, il est peut-être embourbé
ou il n'est pas intéressé, finalement, là.
Mme Bogemans : Donc, c'est
d'arriver à un consensus sur des cibles à atteindre puis, après ça, de la
communiquer de manière persistante au fil du temps ou de se donner des moments,
dans la société, où on pourrait faire le tour de la question.
M. Waterhouse (Steve) : On
est au-delà, je crois, de revenir fréquemment à se poser des questions, parce que
les questions, vous les avez… vous les avez posées dans les dernières semaines.
Et, je crois, vous avez fait un beau tour d'horizon, mais là on est à l'étape
de l'action. C'est un peu le… mon discours que j'apporte aujourd'hui, là, pour
cesser de juste jongler avec le sujet, mais prendre action pour que, rapidement,
nos jeunes de demain, bien, ils ne soient pas hypothéqués, comme je disais.
Mme Bogemans : Parfait. Puis,
tout à l'heure, vous suggériez la mise en place de groupes de travail interministériels,
puis là on parlait de cibles. Ce seraient quoi, les premières cibles pour ces
groupes de travail là, si on veut?
• (10 h 50) •
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
premièrement, reconnaître le problème, puis là, si ce n'est pas aussi… j'aurais
dû indiquer là-dedans le ministère de la Justice pour définir un encadrement
peut-être particulier face à ce que le jeune soit sous une forme d'identité
numérique. C'est fort, qu'est-ce que je viens de dire là, mais c'est peut-être…
Est-ce que c'est une avenue à explorer? Là, à ce moment-là, ces éléments légaux
devront être adressés par ce ministère particulier. Mais, par contre, je
verrais mal, à ce moment-là, qu'on ait un statut comme ça. Ailleurs dans le <monde...
M. Waterhouse (Steve) :
...particulier.
Mais
par contre je verrais mal,
à ce moment-là, qu'on ait un
statut comme ça. Ailleurs dans le >monde, je n'ai pas vu de législation
qui confère à un jeune, moins de 18 ans, donc qui n'est pas en majorité,
d'avoir cette identité numérique là qui lui soit donnée. Est-ce que le Québec
va être précurseur là-dedans encore? Peut-être. Mais, par contre, c'est une
pente qui est très glissante.
Mme Bogemans : O.K. Puis ma
dernière question, c'était pour faire un petit peu de pouce, là, sur ce que ma
collègue avançait, l'âge numérique, mais vous répondiez que c'était vraiment la
responsabilité du parent, à la base, puis que ça partait de l'appareil. Est-ce
que vous pensez qu'on devrait, au contraire, quand le parent achète un appareil
pour un mineur, par exemple, que certaines programmations, comme le contrôle
parental, soient mises par défaut dans l'appareil, qu'il y ait comme une
programmation d'emblée, tout ce qui peut être activé pour la sécurité du jeune
soit fait d'emblée de la part du fabricant?
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
c'est une bonne question et c'est une bonne suggestion. Cependant, est-ce que
le marchand va vendre des tablettes avec déjà l'activation de la restriction
parentale en place, et une autre tablette va avoir, donc, des tablettes,
justement, avec la restriction parentale? Ça ne sera peut-être pas bien géré,
justement, sur le marché. Alors, soit qu'ils sont de facto intégrées et activées,
ce que les gens n'aiment pas beaucoup parce que, là, ils sont devant des
restrictions qu'ils doivent apprendre comment désengager, alors que, là, on
est... l'autre problème actuel, qui est : tout est ouvert, et là il faut
travailler avec refermer les portes. Moi, je suis dans le... je suis de la
chapelle où est-ce qu'il faut ouvrir au besoin, et, de cette façon-là, ça
serait peut-être plus profiteur à tous et chacun, et en faisant des... en
montrant des exemples que ça leur donne un avantage. Parce qu'actuellement, vu
que c'est intangible, les gens n'y voient pas l'avantage, de fermer toutes les
portes et de les ouvrir au besoin, et ce qui fait en sorte que les gens vont se
dire : Bien, c'est ça, on veut nous museler, on veut nous bloquer de faire
quoi que ce soit. Ça amène aussi cette discussion.
Mme Bogemans : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, en parlant de la question de
l'âge numérique, on sait que les VPN sont facilement utilisés pour justement
faire en sorte qu'on peut cacher notre identité, et puis, s'il y a un âge
minimum, bien, ça nous permet de rentrer dans le système. Est-ce que vous
pensez justement que le VPN fait en sorte que faire un âge... poser un âge numérique
ferait en sorte que, tu sais, ce n'est pas réaliste? Parce qu'un VPN fait en
sorte que le jeune peut facilement outrepasser cette mesure-là.
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
je veux juste mettre au point le terme «VPN», donc, un réseau privé virtuel
n'est seulement que l'établissement d'un conduit entre un point de départ et
une destination. Peu importe ce que... de quel appareil démarre cette
connectivité sécurisée, qui est très sécuritaire, d'ailleurs, bien, si la
personne transpire de l'information à la source, elle va ressortir l'autre
côté, au bout du tunnel, comme on dit. Donc, si la destination, après ça, s'en
va dans l'Internet et, après ça, s'éparpille partout, bien, l'identité aussi va
s'éparpiller partout. Donc, c'est une fausse sécurité de dire : Le VPN
nous protège de tout, protège l'identité. C'est juste que, présentement, si je
suis connecté, par exemple, au réseau sans fil de l'Assemblée nationale et
j'active mon VPN, bien, le transit que prend mes données à partir de mon
appareil jusqu'à l'Internet, mon point de sortie, l'Assemblée nationale ne
verra pas qu'est-ce que j'ai généré ou communiqué. Mais à destination, vers
quelle destination je vais aller, si je vais chez Microsoft, par exemple, bien,
chez... Microsoft va savoir que je me suis connecté, mais, oui, vous avez
raison, pas à partir de l'Assemblée nationale, il sera à partir de mon point de
sortie où j'ai terminé ma connexion. Donc, petit élément technique.
Alors, est-ce que c'est le bon moyen? Non,
parce que, vous avez raison aussi, le jeune, il sait que ça existe, il y a des
paquets de solutions de ce type-là, VPN, qui existent et qui vont faire des
contournements de sécurité. Par contre, il y a des moyens techniques d'empêcher
aussi qu'un VPN s'active et qu'il soit utilisé, puis on peut le... on peut le
vivre à chaque jour, je veux dire, il y a des portails d'information, de médias
qui l'empêchent, la consultation d'informations, alors que le VPN est activé,
parce qu'ils connaissent déjà la banque d'adresses que cette compagnie-là de
VPN utilise.
Alors, est-ce que c'est une solution
technique qui peut favoriser ou non le VPN? La réponse, c'est oui. Demain
matin, il va-tu y avoir une autre technique qui va apparaître? La réponse,
c'est oui aussi.
Mme Prass : Et, quand vous
parlez, justement, puis vous le mentionnez dans votre mémoire aussi, ça incombe
aux parents d'être un petit peu l'exemple puis de faire un petit peu la
surveillance, comment est-ce qu'on fait pour aller rejoindre ces parents pour
les sensibiliser à cette réalité-là? Parce que, souvent, ils se disent :
Bien, tu sais, c'est un travail qui va se faire à l'école, ce n'est pas
nécessairement ma responsabilité. Comment est-ce qu'on fait pour aller les
rejoindre?
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
de dire que le travail va se faire à l'école, c'est là qu'on travaille un peu
de la pensée magique, parce que les professeurs le font, encore une fois, d'une
façon... avec qu'est-ce qu'ils ont appris avec le temps d'une connaissance
personnelle, puis ce n'est pas toujours les meilleures pratiques qui sont mises
de l'avant, on ne le cachera pas. Est-ce que le prof d'aujourd'hui a le temps
d'apprendre ce volet-là en plus du reste qu'on lui impose? Ça fait partie d'un
sujet parmi les autres sur la pile. Ça fait que, s'il faudrait amener le prof
dans l'équation, dans la solution, il faudrait l'enseigner... lui enseigner à
ce moment-là. Puis j'ai déjà lancé une initiative, voilà quatre ans, de former
les formateurs, former les profs de cégep, former les profs au secondaire, puis
l'initiative a été froidement reçue parce que, là, c'était comme si je
froissais certains ego, je froissais certaines <personnes...
M. Waterhouse (Steve) :
...a été froidement reçue
parce que là c'était comme si je froissais
certains ego, je froissais certaines >personnes, que, là, bien, je
venais leur dire comment faire leur travail. Mais la réponse, c'est oui, parce
que je leur disais : Vous n'avez pas les connaissances à jour. Puis je l'ai
vérifié à plusieurs aspects, ça. Autrement dit, je me suis inscrit à des cours
qui étaient offerts, et c'était d'une piètre qualité que ça dérangeait et ça
créait plus de problèmes que ça apportait une éducation utile pour que les gens
puissent s'en servir équitablement.
Alors, à votre question, c'est là qu'il
faut regarder ça d'une autre façon. Puis le parent, bien, je ne sais pas s'il y
en a qui se souviennent, dans notre jeunesse, on avait, dans les
années 80, dans les premiers balbutiements informatiques décentralisés,
l'émission qui était à Télé-Québec sur… qui s'appelait, donc, je viens
d'oublier le nom, et qui était une émission à caractère social pour donner aux
gens cette éducation-là, qu'est-ce que c'est, une disquette, qu'est-ce qui est
un ordinateur, comment le démarrer, etc. Est-ce qu'on doit retourner à cet
enseignement-là, interactif, via une émission spécialisée? La réponse, je crois
que c'est oui. Et Télé-Québec, je veux dire, c'est quand même un canal bien
utilisé pour la documentation ici, je crois que ce serait un bon médium avec
lequel pousser l'idée, qui était Octo-puce, l'émission du temps.
Mme Prass :
Octo-puce,
c'est ça? O.K., parfait. Puis j'aurai une dernière question pour vous :
Vous avez mentionné, au début de votre intervention, toute la question de la
cybercriminalité, cyberintimidation, etc. Pensez-vous que les forces de l'ordre
ont assez d'effectifs qui sont mis à contribution pour suivre ces enjeux-là?
M. Waterhouse (Steve) : Au
cours des dernières représentations que j'ai faites dans des comités similaires
ici, j'ai toujours apporté comme conclusion : il faut donner plus de
ressources financières, techniques et humaines aux services policiers pour
accomplir ce travail-là. De même, on en a entendu parler justement hier, un
sujet, dans la place publique, que la ville de Québec demande plus de
ressources policières, donc, mais cet exemple-là, ça va aussi dans le domaine
où est-ce qu'il faut tenir compte de la réalité sur le terrain. Est-ce qu'il y
a plus de crimes technologiques où il y a plus de crimes à caractère
traditionnel? Bien, le crime avec violence va prendre préséance sur un crime
technologique. Il n'y a pas de violence, en principe, il y a une énorme
violence psychologique qui sont rattachées souvent au vol d'identité, au vol de
portefeuille, de quoi que ce soit. Il faudrait peut-être l'adresser, ça aussi. Même
la capacité nationale, elle est présentement sous-évaluée, il n'y a pas assez
d'argent pour le GNC3, donc la GRC, qui fait ce centre de coordination
nationale pour la cybercriminalité... contre la cybercriminalité. Et ce n'est
pas demain matin, eux autres aussi, que leurs rangs vont être comblés. Donc,
globalement aussi, il y a des efforts aussi à l'échelle de la planète que tous
y contribuent. Mais évidemment le problème croît par l'usage de la technologie.
Puis aussi, bien, les éléments qui vont aider, des forces de l'ordre qui vont
aider là-dedans, bien, ils ne sont nécessairement pas en pleine puissance,
autrement dit, pour venir aider la population lorsqu'ils sont dans le trouble.
Mme Prass : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors,
bonjour. Au niveau des compagnies, là, Facebook, et tout ça, est-ce que...
comment… est-ce qu'on peut agir envers eux, avec l'expérience que vous avez,
pour leur imposer des règles? Puis là je parle d'eux autres, mais même chose
pour les jeux, là, qui poussent du contenu publicitaire, qui rendent ça plus
addictif par différents moyens, là, des coffres de récompenses, des loteries
qui ressemblent à des jeux vidéo. Est-ce qu'on peut agir? Puis, si oui, comment
pour, justement, faire en sorte… Tu sais, comme à la télévision, on a bien
contrôlé le contenu dont les enfants… publicitaire, mais là est-ce qu'on peut
les obliger puis comment, ces compagnies-là, justement, à arrêter, justement,
d'atteindre les jeunes?
M. Waterhouse (Steve) : Vous
avez apporté un bon point. Quelle est l'autorité nationale sur la gestion du
contenu à l'affichage? Bien, c'est le CRTC. C'est le CRTC qui peut modérer
aussi les réglementations envers tout qu'est-ce qui est télécommunications,
incluant l'Internet. Maintenant, c'est facile de vraiment modérer qu'est-ce qui
se diffuse à la radio, qu'est-ce qui se diffuse à la télévision, parce que la
conséquence ultime, c'est de retirer le permis de transmission. Est-ce qu'on
peut en retirer le permis de travail à un fournisseur d'accès à Internet qui ne
ferait pas cette modération-là? Donc, il faudrait mandater les fournisseurs
d'accès à Internet à faire la modération du contenu. C'est toute une job.
Il se fait actuellement une modération,
puis ça, c'est le DMCA, donc un consortium contre le téléchargement de matériel
à connotation «copyright», donc aux droits d'auteur, la protection du droit
d'auteur. Et, si vous faites le téléchargement d'une musique ou bien d'un film
sans que vous ayez payé les droits d'auteur, il y a un courriel qui va
apparaître dans votre boîte à courriel parce que le fournisseur d'accès
Internet a repéré que vous avez fait le téléchargement et vous faites
probablement usage illégalement de ce matériel-là. Mais la conséquence, c'est
quoi? C'est une tape sur les doigts parce qu'il est impossible d'identifier qui
qui est au bout pour mettre des accusations de viol de «copyright», alors que
c'est seulement qu'une adresse IP qui transpire dans les journaux d'audit
de cette organisation-là.
• (11 heures) •
Maintenant, est-ce qu'on revient à
dire : Il faut mandater un fournisseur d'accès à Internet à faire cette
modération du contenu Internet? Là aussi, vous allez avoir une levée de
boucliers incroyable. Puis après coup, bien, les gens vont prendre tout simplement
une technologie VPN, vont sortir dans un autre pays, ça ne s'applique pas, puis
ils vont le consommer comme ça, alors que… On revient avec notre licence radio
et télévision qui est vraiment régionale, locale, ça fait que ça ne va pas
outre-frontière, bien <souvent, là....
>
11 h (version révisée)
< M. Waterhouse (Steve) :
...qui
est vraiment régionale, locale, ça fait que ça ne va pas outre frontière, bien >souvent,
là.
Mme Tremblay : Et, au niveau
de... parce que, là, les compagnies essaient un peu de s'autoréguler. Vous l'avez
vu, ils ont fait des annonces, tu sais, pour justement moins atteindre les
jeunes, moins amener de compagnies… Est-ce que vous pouvez... Est-ce qu'on peut
leur faire confiance en lien avec ça, parce qu'ils s'autorégulent eux autres
mêmes, ou nous, on peut plus les amener à s'autoréguler, justement?
M. Waterhouse (Steve) : Ça va
compléter votre première question. Il est un peu de la pensée magique qu'ils
vont se... Chaque compagnie dans le monde, avec des bassins d'utilisateurs,
comme chez Meta, de 2 milliards quelque chose, vont dire : Le Québec,
c'est un marché d'une dizaine de millions de figurants, probablement. Est-ce
que ça pèse dans la balance pour dire : On va se plier, on va changer nos
façons de faire? C'est un effort en commun. C'est pour ça que je disais que c'est
un travail d'équipe. Si tous les horizons travaillent dans le même sens, la
compagnie va avoir, à ce moment-là, à se remettre en question, ça, c'est
évident.
Alors, des législations, des lois vont
faire... vont aider parce que... Est-ce qu'une compagnie comme Meta veut avoir
des problèmes légaux avec une entité légale, que ce soit une province, un pays
ou autre? La réponse, probablement, c'est non, mais dépendamment qu'est-ce que
ça leur implique, parce que, s'il y a un gros coût rattaché à faire un
changement dans leurs façons d'être et de faire, ils vont tenter le tout pour
le tout puis ils ont l'argent, je crois, pour supporter une bonne équipe d'avocats
pour contrer la loi envers laquelle ça leur cause un petit problème peut-être
même régional, si je peux utiliser ce terme-là. Alors, c'est là que les
compagnies vont tout faire pour aider et satisfaire leur clientèle. C'est
toujours une question d'argent. Ça fait que, si la mathématique dit que ça leur
est profitable à moyen ou long terme, ils vont le faire, mais, si ça ne l'est
pas, ils vont trouver toutes sortes de moyens pour le contrer.
Mme Tremblay : Ça fait que,
dans le fond, c'est… plus, collectivement puis mondialement, il y a des
pressions qui sont faites, parce que, là, le Québec agit puis, plusieurs autres
pays, là, agissent aussi, c'est plus cette pression-là qui amène finalement... C'est
chaque petit geste que, collectivement, on pose, finalement, qui va amener les
compagnies, tranquillement, pas vite, à changer puis à modifier…
M. Waterhouse (Steve) : Oui,
et il faut le faire constructif aussi. Il ne faut pas dire... encore là,
rentrer sur les médias sociaux, peu importent lesquels, et, à outrance,
négativement, défaire la compagnie puis dire : C'est une compagnie qui ne
fait pas ci, ne fait pas ça, mais bien aller de façon constructive puis
proposer des solutions. Alors, si, de ce comité, ressortent des propositions
intéressantes pour la compagnie, c'est de les mousser, de vraiment maximiser la
publicité de ces solutions-là à leur apporter. Puis, oui, effectivement, si on
peut apporter après ça… dans la francophonie, qui est quand même dans la
dizaine de millions d'utilisateurs, bien, ça fait un levier encore plus
important qui va parler plus fort, justement, à ces grands conglomérats.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Waterhouse,
merci beaucoup d'être là aujourd'hui. On a effleuré un peu la sécurité, mais, d'en
parler avec un expert de renom comme vous, on est très... c'est très, très,
très apprécié d'être parmi nous. Plusieurs éléments ont été évoqués aujourd'hui,
là, mais, oui, c'est vrai qu'on parle d'une commission spéciale pour protéger
les jeunes des écrans et sur la santé et leur développement, mais on sait que
la sécurité, là, informatique, ça touche tout le monde, là. Je veux dire, il y
a des tentatives d'hameçonnage. Même, si je demande à mes collègues, au moins
une fois par semaine, là, on tente... on nous envoie un courriel puis on tente
de nous hameçonner. Il y a les aînés aussi qui sont touchés énormément dans ça,
les jeunes, mais, selon vos recherches, vos chiffres, votre expérience, qui est
le plus susceptible d'être visé par les malfaiteurs?
M. Waterhouse (Steve) : La
personne qui n'est pas attentive dans l'utilisation de moyens technologiques et
la personne qui est émotionnellement chargée. Je dis ça de cette façon-là pour
tout simplement dire… Comme vous vous dites, on reçoit un paquet de
correspondance et souvent, dans l'instant d'un moment, on va appuyer sur le bon
bouton ou le mauvais, et c'est là que, souvent, la malice va s'installer, parce
qu'on n'a pas porté attention. Il y avait un hyperlien, l'hyperlien a téléchargé
du code malicieux, et l'appareil est compromis, a rentré un rançongiciel dans l'organisation.
C'est souvent le modus operandi.
Alors, c'est de cette façon-là que, quand
on reçoit des transmissions qu'on ne s'attend pas… même quand on s'y attend,
bien, il faut juste prendre le temps de le regarder et d'y porter attention,
peu importe l'âge, parce que le jeune, lui, il va être curieux. Il va aller de
façon... tête première, il va foncer puis il ne verra pas les conséquences. Une
personne plus mature, voire plus âgée, bien là va le faire encore une fois avec
cette même curiosité, mais peut-être avec un pas de recul, mais va y aller
pareil. L'appareil va être compromis, puis, après ça, il va vivre avec les
conséquences de soit un rançongiciel, du vol d'identité, un téléphone qui
apparaît que... chez eux… qui sonne chez lui ou chez elle… et que Microsoft
veut l'aider parce qu'il lui dit qu'il a été infecté tout simplement.
Alors, si on appelle la population à
comprendre une bonne fois que, non, les grands conglomérats ne vous appellent
pas en guise de prévention ni non plus le gouvernement, Revenu Québec, Revenu
Canada... Il n'y a pas d'organisation qui appelle direct le citoyen. On est
quand même à cette étape de base de rappeler <que les…
M. Waterhouse (Steve) :
...rappeler
>que les services publics, les grandes compagnies n'appellent pas chez
les gens. Ça, on fait juste envoyer ce message-là officiellement. Bien, les
gens, à ce moment-là, sauront à quoi s'attendre, et ils pourront mettre fin à
cette sollicitation-là non voulue, et, en ligne, bien, lorsqu'ils recevront ces
messages non sollicités, ils pourront les détruire tout simplement.
M. Ciccone :Avez-vous des exemples concrets où, vraiment, là, les malfaiteurs
vont cibler nos jeunes soit par Meta soit par ByteDance, par exemple, TikTok ou
même chez les jeux vidéo? Il y en a... Il va y avoir des conversations, puis il
y en a qui vont s'infiltrer. Avez-vous déjà des exemples concrets comment on cible
nos jeunes avec les outils, dont les plus populaires chez nos enfants… de nos
jeunes?
M. Waterhouse (Steve) : Tout
à fait. Ça commence justement par les environnements sociaux, que ce soit par
les plateformes, les Snapchat, Instagram. Mais, oui, les plateformes de jeux
vidéo, c'est très subtil, et parce qu'il y a ce mysticisme, autrement dit, les
gens sont tous avec un avatar, c'est difficile de connaître qui est à l'autre
bout. Et donc, lorsqu'il y a une proximité qui se développe, c'est vu, dans
plusieurs cas, lorsqu'il y a eu justement rapprochement entre un criminel ou
une personne de mauvaise intention, disons, et un jeune dans l'environnement de
jeu, ils vont s'allier, ils vont faire des conquêtes ensemble, si je peux
utiliser cette analogie, et, après ça, donc, ils viennent «buddy-buddy», puis
après : Aïe! Il faudrait peut-être se voir, ce serait le fun, prendre une
petite liqueur ensemble, si ça se fait encore.
Mais après ça ils vont s'en aller
justement à un endroit physique, et après ça le jeune peut en être désavantagé
de cette façon-là, tout comme les jeunes filles qui sont sollicitées, que ce
soit sur le terrain... le milieu d'environnement scolaire, mais que combien... Lorsque
j'ai eu des discussions avec des adolescents et des adolescentes, bien, ils
disaient… Ils sont submergés, comme on dit dans le bon jargon, de «dick pics»,
autrement dit des photos non sollicitées d'appareils génitaux masculins, et c'est
rendu commun, ce n'est même plus une exception… aïe! rapporte-le à la police, malgré
qu'à travers le monde on a le plus haut taux de rejet de ces éléments-là. Au de
lieu de les rapporter, les gens... il y en a tellement, ils les effacent, tout
simplement. Ça va... Ça passe à un autre appel.
M. Ciccone :Avec nos outils de protection qui sont disponibles
présentement, là, il semble qu'on est toujours en retard. Il est-tu... Est-il
utopique de penser qu'un jour on va être capables de prendre le dessus?
M. Waterhouse (Steve) : La
réponse, c'est non, parce que les attaquants ont toujours l'avantage sur les
moyens technologiques. Je parle pour les réseaux corporatifs, institutionnels,
peu importe, c'est toujours plus facile pour un attaquant d'aller exploiter une
vulnérabilité que personne ne connaît encore, et, au moment où est-ce que les
gens vont s'en apercevoir, il y a déjà eu méfait de commis.
Alors, c'est pour ça... Je vous donne la
vérité telle qu'elle est. Je n'essaie pas d'embellir la chose, mais je vous
donne un exemple, là, où est-ce que ça va être d'un extrême versus un autre.
Chez moi lorsque les enfants étaient adolescents, bien, c'est plate pour eux
autres, j'étais le seul instructeur d'un produit de filtrage d'accès Internet,
et j'avais le matériel nécessaire pour que la maison soit complètement filtrée
pour l'accès Internet, et je pouvais voir en temps réel qu'est-ce qui se
faisait, et ils étaient avertis, là. Je ne le faisais pas à couvert, mais
j'étais en mesure de voir aussi les menaces qui venaient les chatouiller, tout
comme, après ça, d'être en mesure d'intervenir vers les destinations et de
prévenir… vers des sites illicites.
Bon, maintenant, est-ce qu'un parent
devrait aller chercher toutes ces qualifications-là? La réponse, c'est, non,
c'est impossible. Par contre, 15 ans plus tard, 20 ans plus tard, il
y a des technologies qui se prêtent aujourd'hui à des moyens de base qui
peuvent être installés, configurés chez les résidences et minimiser ces
risques-là d'accès non voulus vers l'extérieur. Donc, il y a un élément de base
qui peut être consigné à la maison, et le parent, à ce moment-là, bien, il aura
cette assurance que, si jamais il y a un site malveillant qui émerge dans son
environnement, que ce soit à caractère pornographique, à caractère
pédopornographique ou quoi d'autre que le parent peut décider, bien, ça peut
être filtré dès là. Aujourd'hui, la technologie est disponible, oui.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Merci de responsabiliser les parents, parce
qu'on a eu votre mémoire, là, il est tout chaud, il vient d'arriver, là…
M. Waterhouse (Steve) : Il
n'est pas complet, en plus.
M. Ciccone :…puis vous responsabilisez les parents là-dedans, puis je
pense que ça commence là. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Donc, à nouveau, M. Waterhouse, à l'instar de ma
collègue de Hull, donc, je m'interroge, donc, sur les pratiques... bien, en
fait, sur la régulation, donc, de certaines pratiques commerciales des
plateformes. Elle en a nommé quelques-unes, donc, par exemple, donc,
l'encadrement de la publicité en ligne ou les mécanismes, donc, de rétention
d'information, de captation d'information des jeunes, donc, qui, donc, les gardent,
donc, sur les médias sociaux. Moi, j'aimerais peut-être vous entendre sur...
bien, en fait, voir si vous, vous en verriez d'autres, pratiques, notamment…
encore une fois, c'est quant à la sécurité des données, parce qu'on sait le
modèle d'affaires, donc, des entreprises de médias sociaux, donc, qui sont
basés là-dessus, mais est-ce qu'il y a certaines pratiques sur lesquelles il
serait plus critique de se pencher, nous, comme législateurs?
• (11 h 10) •
M. Waterhouse (Steve) : Oui,
c'est de peut-être continuer dans la lancée de la loi n° 25.
On sait que, présentement, elle a eu cette troisième phase qui a pris forme le
22 septembre dernier. J'ai eu l'occasion de contribuer aux travaux du
projet de loi n° 64, et, à travers de ça, c'est qu'il faut davantage
demander à <la...
M. Waterhouse (Steve) :
...demander
à >la Commission d'accès à l'information du Québec qu'elle éduque la
population envers ses droits, puis ses droits, ce que cette loi n° 25... dit quoi, bien, c'est le droit justement à ce que
l'information que l'on confie, bien, on est en droit de savoir où elle va
aller, l'information, à quelle fin elle va servir et, après ça, quel est son
temps de retenue, comment ça va être détruit ou tout simplement, si je vais
être oublié de l'Internet, de la facilitation… le droit à l'oubli qui est
appelé.
Alors, si cette commission, la CAI, fait
son travail que... Présentement, elle est très invisible… sur le public parce
que, quand on jase avec n'importe qui, il se demande : Qu'est-ce que c'est
que ça, cette loi n° 25 là? Ils ne savent rien, parce que, quand j'étais
justement, de l'autre côté du rideau, j'étais en... je voulais faire un travail
conjoint avec eux, puis il y avait une fin de non-recevoir incroyable, alors
que… soit ils étaient submergés, tout simplement pas assez de personnes pour
faire le travail.
Donc, il faut leur donner à eux autres
aussi les ressources pour qu'ils aient à porter à la population cette éducation
de base. Donc, s'ils font ce travail-là, ça va vous faciliter la vie, à la
commission après ça, pour dire : Les données personnelles, bien, comment
est-ce que vous, comme citoyens, vous devez en prendre connaissance et surtout
restreindre la distribution? Parce que les gens donnent beaucoup trop
d'information. Ils s'exposent inutilement, mais ils le font des fois sans malveillance,
pour tout simplement avoir accès aux biens et services.
Alors, s'il faut... On peut questionner le
narratif : Pourquoi vous avez besoin de mon adresse, pourquoi vous avez
besoin de mon adresse courriel, à quoi va servir mon numéro d'assurance sociale
si je vous le confie? Bien, ça, c'est qu'est-ce que le citoyen doit demander, le
consommateur doit demander au commerçant, puis, le commerçant, s'il n'est pas
capable de l'expliquer, bien, il a deux choix : Je ne vous vends pas le
produit si vous ne me donnez pas l'information… Mais là, après ça, on peut
questionner… il y a des pratiques douteuses, parce qu'il veut avoir toute mon
information pour aucune fin.
Alors, c'est là qu'il y a... On est dans
cet élément-là de changement, on peut considérer, peut-être dans un tourbillon,
mais il faut y porter attention et il faut à ce moment-là, encore une fois,
faire valoir nos droits, parce que, si on ne les fait pas valoir, ils vont être
dissous à travers le temps, puis on va se demander comment ça se fait qu'on
n'est pas protégés.
Mme Cadet : Ça fait que, pour
vous, donc, la demande de ces renseignements personnels dans le cadre d'une
transaction entre la plateforme et l'utilisateur, donc, ça, c'est quelque chose
sur lequel on a un levier, là, vous le voyez.
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
vous avez toujours le choix, pareil comme quand vous entrez dans un
établissement et qu'on vous dit : Vous êtes filmé, bien, ça, c'est
l'avertissement comme quoi vous consentez, si vous rentrez, passez cet
écriteau, que vous acceptez d'être filmé, mais, s'il n'y a pas d'écriteau qui
vous avertit en ce sens, c'est une violation de la vie privée en soi.
Mme Cadet : Oui, c'est ça, puis
là je pense, par exemple, donc, à… Parfois, il y a un peu, donc, ces jeux en
ligne… Donc, on est, donc, sur Facebook, et là, donc, il va y avoir, donc, ces
jeux, regardez, donc, de quoi vous aurez l'air quand vous aurez 65 ans, et
là, donc, les gens, donc, cliquent là-dessus, donnent, donc, tous leurs
renseignements personnels. Donc, il y a quand même, donc, une partie, donc, de
reconnaissance faciale là-dedans, puis parfois il y a une demande, donc, de
transmission de renseignements personnels qui accompagne ce clic-là, mais on va
directement vers un autre fournisseur. Ça fait que j'aimerais vous entendre sur
ce type de pratique.
M. Waterhouse (Steve) : Dans
votre exemple, je ne peux que… m'empêcher de penser que lorsque ça a sorti,
voilà six ans, peut-être, c'est un consortium russophone qui était derrière
l'accumulation de cette information-là, puis on ne sait toujours pas à quelle
fin qu'elle va servir, alors que Cambridge Analytica, bien, a été un cas à
partir de dénonciations de l'interne, un cas tapant sur de la captation
d'information sans le consentement de l'utilisateur… et servi à d'autres fins.
Ça fait qu'il y en a plein, de plateformes,
qu'on pourrait passer la journée à jaser, qui en font, cette captation-là. Ça
fait que, quand on amène ça dans la cour d'un enfant, d'un jeune, puis il se
fait demander un paquet de questions : Ton papa a quel âge, ta maman a
quel âge, puis, après ça, vous vivez à quelle adresse, le jeune, il ne se posera
pas de question sur l'évaluation du risque, il va tout simplement dire... parce
qu'il veut soit accéder à un niveau supérieur ou quoi que ce soit, et,
subtilement, l'information va sortir, va percoler vers ce fournisseur de
services là, puis ça a été vu dans le passé.
Ça fait que c'est pour ça qu'il faut avoir
cette éducation-là de l'information, là, qu'est-ce que vous... en quoi vous
êtes responsable et jusqu'où ça peut aller. Il faut en faire, des
démonstrations.
Mme Cadet : Ça fait que, dans
cet exemple-là...
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Cadet : O.K., merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Désolée,
Mme la députée, c'est malheureusement tout le temps que nous avons. Alors,
merci infiniment, M. Waterhouse, pour votre contribution à ces travaux.
Alors, pour ma part, je suspends la
commission quelques instants pour accueillir notre prochain invité.
(Suspension de la séance à 11 h 14
)
(Reprise à 11 h 25)
La Présidente (Mme Dionne) :
La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à
Mme Bonenfant et Mme Dumont. Alors, bienvenue à cette commission.
Merci pour votre contribution. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour nous faire part de votre exposé. Par la suite, nous procéderons à une
période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Mmes Maude Bonenfant et Alexandra Dumont
Mme Bonenfant (Maude) :
Parfait. Merci <beaucoup, Mme la Présidente...
Mme Bonenfant (Maude) :
...merci
>beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous tous et toutes. On veut vous
remercier beaucoup pour la mise en place de la commission. On doit vous dire
que ça faisait longtemps qu'on attendait une telle action politique. Donc, on
est vraiment très, très, très heureuses d'être là. On a beaucoup d'idées à vous
présenter. On a essayé de le cibler sur six qu'on va vous exposer.
Je suis Maude Bonenfant. Je suis
professeure au Département de communication sociale et publique à l'UQAM. Je
suis aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en jeu, technologies
et société. J'étudie le jeu vidéo depuis 20 ans et, depuis une douzaine d'années,
je suis aussi dans les études de la surveillance. Donc, je comprenais bien ce
que le précédent présentateur est venu vous parler. Donc, j'ai vraiment un pied
dans les aspects très positifs des technologies, des jeux vidéo, mais aussi les
aspects plus négatifs. Puis j'ai aussi une vue d'ensemble de l'objet lui-même.
Donc, vous avez beaucoup entendu parler
des impacts. Nous, on va moins vous parler des impacts, mais plutôt de l'objet,
l'interface, comment ça fonctionne, le design, mais aussi le système
technoéconomique. Je travaille aussi avec des juristes, donc, on commence à
bien connaître les lois, et avec des informaticiens. Donc, si vous avez des
questions sur les objets…
Aujourd'hui, je suis accompagnée d'Alexandra
Dumont.
Mme Dumont (Alexandra) : Bonjour.
Je suis doctorante en communications à l'Université du Québec à Montréal
également. Je me spécialise dans les jeux vidéo, dans l'étude des jeux vidéo,
puis, plus particulièrement, dans le cadre de ma thèse, je me concentre sur les
mécaniques de hasard dans les jeux mobiles. En parallèle à ça, je suis
également codirectrice à la chaire du Canada en jeux vidéo, technologies et
société, où on a, entre autres, réalisé une analyse sur un corpus de jeux
mobiles pour enfants pour explorer, bon, les questions de vie privée et les
mécaniques qui s'y retrouvent.
Mme Bonenfant (Maude) : Je
dois dire que la chaire vient de changer de nom. Avant, c'était la chaire de
recherche sur les données massives et les communautés de joueurs. Donc, vous
voyez vraiment que l'aspect surveillance est très important pour nous.
Donc, vous avez entendu beaucoup de
recommandations, mais il y a... des fois qui n'étaient pas dans la même lignée,
mais je pense que, tout le monde, on s'entend qu'on veut essayer de mieux
protéger les jeunes. Nous, on croit qu'il faut vraiment agir en amont. Je pense
que Dre Généreux disait : En santé publique, si on agit à la source, on
prévient beaucoup les problèmes en aval. Donc, on est un peu dans cette
direction-là dans nos propositions. Comme je vous disais, on en aurait eu
beaucoup. On a essayé d'en choisir six qu'on considère très importantes, mais
aussi réalistes et très concrètes, et donc qui pourraient relativement
facilement se mettre en place rapidement.
Donc, la première recommandation part d'un
constat. Donc, la problématique : la classification actuelle est
autorégulée par l'industrie. Et là je vais surtout parler des jeux vidéo. Je m'y
connais moins en médias sociaux numériques. Et donc, en gros, pour aller
rapidement, présentement, c'est le ESRB qui est l'institution, l'instance qui
donne une cote sur les jeux vidéo, qui est, en fait, issue de l'industrie. Et
donc, en fait, c'est le lobby de l'industrie qui a mis en place la
classification des jeux vidéo présentement, et donc qui ont déterminé les cotes,
et, bien, jusqu'en 2018, il y avait une cote qui s'appelait «petite enfance», «early
childhood», mais elle était tellement peu apposée par l'industrie elle-même qu'elle
a été éliminée.
Et donc, aujourd'hui, si vous regardez
tous les jeux pour enfants, ils sont tous pour tous, et donc, déjà là, ça cause
un problème parce que ce n'est pas... ça ne veut pas dire que le jeu est bon
pour l'enfant. Ça veut juste dire qu'il n'y a pas de contenu mauvais pour lui.
C'est une grosse nuance qui est apportée, et, évidemment, les jeunes… On a été
très, très surpris de ça, quand on regarde des jeux pour enfants, les
conditions d'utilisation s'appliquent pour les 13 ans et plus. Ça veut
dire que, même un jeu pour un cinq ans, il est protégé comme un 13 ans et
plus. Donc, présentement, nos jeunes de 12 ans et moins ne sont pas du
tout protégés comme ils le devraient en termes de collecte de données, et ceci,
légalement, puisque c'est écrit dans les conditions d'utilisation que l'on
accepte. Et donc, ça, on pourra en parler. On a beaucoup travaillé aussi sur
les conditions d'utilisation.
Parallèlement à ça, bien, les magasins d'applications
donnent leurs propres cotes. Donc l'App Store et le Google Play Store donnent
leurs propres cotes qui, souvent, ne concordent pas pour le même jeu. Ils
rajoutent des cotes. Comme le Google Play Store va rajouter l'«approuvé par les
enseignants», qui n'est pas valable non plus. On pourra vous le démontrer, si
vous voulez. On a toutes les preuves à l'appui. Bref, il y a beaucoup de
confusion. Il y a beaucoup de mauvais messages. On envoie des fausses
informations aux parents, considérant la sécurité du jeu, qui devrait être pour
les quatre à six ans, mais qu'en fait l'enfant n'est pas du tout protégé, puis ce
n'est pas du tout adéquat pour lui.
• (11 h 30) •
Donc, nous, ce qu'on propose, c'est
vraiment une instance indépendante qui viendrait faire de la classification,
apposer des cotes sur les jeux vidéo et les plateformes numériques, avec des
experts <indépendants qui...
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Bonenfant (Maude) :
...des
experts >indépendants qui viendraient vraiment évaluer selon les stades
de développement de l'enfant puis en fonction de sa protection, exactement à l'image
de la Régie du cinéma, qui est maintenant sous le ministère des Communications
et de la Culture, et donc on ferait ce travail-là. Donc, une instance comme ça,
déjà on aurait fait un gros pas pour que... donner des informations aux parents
pour prendre des bons choix.
Le deuxième problème, c'est que — et
ça va dans le continuum — la classification actuelle, peu importe
laquelle, elle n'est basée que sur le contenu. On ne tient pas compte des
mécaniques, alors que c'est hyperimportant, surtout quand on parle de faire
faire des actions à nos enfants, ça peut avoir un pouvoir persuasif très fort,
et donc ça, ce n'est pas pris en compte. Parfois, on va indiquer certains
éléments, par exemple si on collecte la géolocalisation, s'il y a des contacts
sur Internet, s'il y a d'autres joueurs, bon, etc. Il va y avoir certains
éléments, mais ça n'intervient pas dans la cote. Donc, ça peut être quand même
une cote pour tous, mais avec des éléments qu'on ne voudrait pas pour nos
enfants. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est... parallèlement à l'instance
indépendante, c'est qu'on crée une cote qui tienne compte de ces éléments-là,
interactifs, qui tienne compte aussi de la collecte de données.
La cote dont je vous parlais pour petite
enfance, elle était accotée sur la COPPA, qui est la loi états-unienne de
protection de la vie privée des enfants qui est la plus restrictive. On
pourrait se baser là-dessus pour dire : Bien, pour les jeux 12 ans et
moins, on considère que ça protège les enfants comme la COPPA devrait la
protéger. Donc, il y aurait des agencements quand même relativement faciles à
opérer sans nécessairement faire une législation comme telle pour mettre en
place à la fois une instance indépendante pour apposer des cotes, à la fois des
cotes qui reflètent bien le développement, le stade de développement de l'enfant,
ses besoins de protection, et on pourrait être très granulaire dans la cote, et
donc dire : Bien, six ans et moins, il n'y a pas ça, 12 ans et moins,
il n'y a pas ça, 16 ans et moins, etc., et là on pourrait vraiment aller...
pour avoir une cote à laquelle les parents pourraient vraiment se fier.
Là, ici, je vais juste faire une petite
parenthèse. On en a peut-être peu parlé ou, du moins, on a écouté beaucoup des
personnes qui sont passées, mais c'est peut-être un élément qui est moins venu.
Présentement dans le système économique, là, juste pour faire rapidement, là,
avant, tu sais, on pouvait acheter un jeu, on jouait... qu'on joue 20 minutes
ou deux heures, ça ne changeait rien. Et puis, à un moment donné, il y a eu un
passage, des transformations dans les modèles économiques, et on est passés de
ce qu'on appelle un jeu comme produit, un jeu en tant que produit, à un jeu
comme un service, et donc c'est un jeu qui dure 5, 10, 15, 20 ans, avec du
contenu qui est ajouté, et les jeux gratuits.
Et ce passage-là vers ces modèles
économiques là, bien, évidemment, comme on ne paie pas à l'entrée, bien, il
faut garder les gens connectés le plus longtemps possible, les faire dépenser,
etc. Et c'est ce passage-là de ce nouveau modèle économique là qui a entraîné l'apparition
d'une grande quantité de mécaniques malveillantes par rapport au design. Et
donc, là, présentement, tout est dans... tout est dans... comme noyé. Donc, les
bons jeux vidéo sont noyés à l'intérieur des mauvais jeux vidéo. Puis les deux,
hein, on est très joueuses, on adore les jeux vidéo, donc comprenez-nous bien,
là, c'est très frustrant, même nous qui connaissons ça, d'essayer de trouver
des bons jeux dans le flot. Alors, j'imagine les parents qui n'ont pas le
temps, il faut qu'ils trouvent un jeu à télécharger très rapidement.
Mais là, s'il y avait la cote québécoise
qui dit : Ça, pour les 12 ans et moins, il n'y a pas de problème, tu
peux le télécharger, ton enfant, il peut jouer, il est en sécurité, bien, le
parent, c'est sûr qu'il favoriserait ça, c'est sûr qu'il irait voir cette cote
de confiance là. Et là on donnerait un avantage économique aux bonnes
entreprises qui veulent faire des bons jeux parce que, dans le flot, ils
seraient facilement identifiables, les parents favoriseraient ces développeurs-là
qui ont des bons produits, et là on viendrait rétablir un peu le ballant
économique.
Parce que, présentement, ce qu'on voit, c'est
que, même les bonnes entreprises penchent vers le côté obscur, si on peut dire,
parce que l'argent est drainé là, parce que ça fonctionne d'avoir ces
mécaniques-là, addictives et de dépenses. Et donc, là, si on pouvait aider...
renvoyer... envoyer un signal clair : Mais nous, au Québec, ça, c'est des
bons jeux, on favorise les entreprises qui développent ces bons jeux-là, et là
on donne un avantage économique à nos entreprises. Et vous le savez sûrement qu'au
Québec on est une grosse plateforme de production de jeux vidéo, on a plein de
petits développeurs qui font des petits bijoux de jeux, et là ça, ça viendrait
les aider à se démarquer dans ce flot-là de jeux et, justement, ne pas avoir
besoin d'aller vers ces systèmes-là, économiques.
Je vais un petit peu plus vite. Un
problème. Il y a des stratégies malveillantes et du design... du design
persuasif malveillant qui sont utilisés. Ça, vous l'avez beaucoup entendu, je
vais le passer rapidement, mais on pourra revenir éventuellement. Problème
aussi... Oh! je ne vous ai pas dit notre solution pour ça. Ici, la recommandation,
bien... Ah oui! <Un...
Mme Bonenfant (Maude) :
...notre
solution pour ça. Ici, la recommandation, bien... Ah oui! >Un encadrement
législatif sur les interfaces truquées, les incitatifs comportementaux et
autres mécaniques persuasives en fonction de l'âge, ça aussi, vous voyez, ça va
avec la classification qu'on pourrait faire. Mais là, ici, renforcer un
encadrement législatif, c'est assez fou qu'on n'ait pas encore d'interdiction
d'interfaces truquées, alors qu'il y a d'autres législations qui l'ont fait. Mais
il y a aussi plusieurs stratégies, là, pour essayer de modifier les
comportements, ce qu'on appelle en anglais des «nudges», qu'on pourrait venir
identifier aussi pour dire : C'est interdit.
Il y a une recherche qui vient de sortir,
récemment, puis c'est vraiment extrêmement choquant, il y a plus d'interfaces
truquées dans les plateformes pour enfants que pour les plateformes pour
adultes. Alors, il y a vraiment quelque chose qu'il faut faire là, il faut
agir, puis je pense que, là, il y aurait une intervention.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
madame. On peut poursuivre la discussion avec les collègues, qui ont sûrement
un tas de questions à vous poser. Alors...
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
Je m'excuse. Je... Ça fait des années que j'attends ce moment.
La Présidente (Mme Dionne) : Bien,
ça nous fait vraiment plaisir de vous accueillir. Puis on est tous très heureux
aussi de cette commission spéciale. Alors, on va débuter avec M. le député de
Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous
deux. Merci pour votre mémoire puis merci d'avoir mis des images aussi. Pour
ceux qui ne sont pas familiers, là, avec les jeunes — moi, le mien
est rendu à 25, là — il y a beaucoup de nouvelles technologies, des
nouveaux jeux. Puis on les lit, mais on n'est pas capables de les mettre en
images. Alors, merci beaucoup d'avoir fait ça.
Deux questions très rapides. Vous
mentionnez, dans votre mémoire, le California's Age-Appropriate Design Code Act
et, au Royaume-Uni, the Children's Code... the Children's Code. Selon vous,
est-ce que ça fonctionne?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
ça fonctionne.
M. Ciccone :Il y a des résultats probants, oui?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
Oui, ça fonctionne. C'est sûr que... Bien, peut-être que je vais te laisser
répondre.
Mme Dumont (Alexandra) : Bien
oui. En fait, tu sais, l'objectif, surtout, c'est d'établir des guides, des
conseils aux développeurs pour dire : Voici les bonnes pratiques à
réaliser, à implanter... à implémenter dans les jeux, mais aussi de partir à la
base de Safety by Design aussi, de bien placer... comment dire, d'avoir
l'intérêt de l'enfant en premier plutôt que d'avoir... Bon, évidemment, c'est
sûr que les intérêts économiques sont là, mais... Est-ce que tu peux compléter?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
ça marche. C'est sûr qu'on est dans un système qui est global, globalisé, puis
j'ai bien entendu les arguments : Comment on peut être David contre
Goliath?
Ceci étant dit, oui, mais, à un moment
donné, on ne peut pas juste rester assis puis ne rien faire. Il faut commencer
à mettre de l'avant. Puis c'est pour ça qu'avec des règles, même des lois qui
sont énoncées, bien, les bonnes entreprises, les bonnes citoyennes corporatives
vont vouloir embarquer dans le train.
Là, pour l'instant, c'est qu'il n'y a même
pas ce train-là, donc il n'y a même pas cette distinction-là. À partir du
moment où on commence à mettre des balises : Voici comment bien faire des
jeux, bien faire des plateformes, etc., si vous, bonnes entreprises, vous
voulez vous conformer à ça, bien, on va le reconnaître à travers x et y.
L'autre chose aussi, c'est que la
législation... il faut vraiment le prendre, le comprendre en deux... dans deux
volets : il y a vraiment l'énonciation de la législation, tel qu'au
Royaume-Uni et tel qu'en California... en Californie, pardon, et il y a ensuite
sa mise en application avec des poursuites judiciaires. C'est deux choses
distinctes. Et moi, je pense que, déjà, d'énoncer une loi, déjà, de dire :
Au Québec, nous, on interdit les interfaces truquées, on interdit telle chose,
on interdit telle chose, on envoie un message, de un, aux entreprises et, de
deux, à la population. Parce que la loi aussi, c'est un moyen d'éduquer.
Là, les parents ne le savent même pas, les
gens ne le savent même pas, n'ont même pas une connaissance de ça. Donc, s'il
pouvait y avoir... Là, il y a eu un problème avec la loi n° 25,
où il faudrait en parler davantage, je suis tout à fait d'accord, mais, dans le
cas d'une législation qui viendrait encadrer les jeux vidéo, les plateformes
numériques comme ça, il faudrait qu'il y ait une campagne de sensibilisation
pour dire : Voici, ça, ici, ce n'est pas tolérable, c'est parce que... il
y a des experts, la recherche le dit, c'est mauvais pour les enfants.
Et après il y aura des poursuites. Et là
il y en a, des poursuites. On a plusieurs exemples de poursuites judiciaires,
d'entreprises qui ont cédé puis qui ont fait : Oui, on va se conformer à
ça.
• (11 h 40) •
Mme Dumont (Alexandra) : Oui.
Puis un des meilleurs exemples, c'est Fortnite, qui, aux États-Unis, ils ont
reçu, bon, une amende de 520 millions de dollars US, dont un qui est
un recours collectif où les parents pouvaient demander des remboursements en
raison des ventes d'items à offre limitée. Donc, on misait sur l'urgence pour
pouvoir favoriser les ventes.
Donc, ce n'est quand même pas anodin non
plus et une petite somme non plus, là. Fortnite, c'est un des jeux les plus
populaires auprès des enfants. Et donc ça prouve que, bon, il y a un désir
d'encadrer, <de...
Mme Dumont (Alexandra) :
...auprès des enfants. Et donc ça prouve que, bon, il y a un désir d'encadrer,
>de pouvoir appliquer.
M. Ciccone :
Merci. Dernière question. Moi, j'ai une marotte ici, là, puis mes collègues la
connaissent. Puis vous êtes une spécialiste dans le domaine, vous avez étudié
plus de 20 ans les jeux vidéo, là. Faux sentiment de sécurité, vous parlez
de manipulation des enfants, des effets nocifs, ciblage publicitaire,
microtransactions, risque de crise... d'une crise de santé publique en ce qui
concerne le risque de développer une dépendance, vous parlez surtout sur les
jeux compulsifs. Êtes-vous d'accord, vous, avec l'implantation des... programme
de jeux vidéo dans les écoles, dans nos écoles du Québec?
Mme Bonenfant (Maude) : Alors,
vous allez être surpris, mais oui.
M. Ciccone :
Ah oui?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui, puis
je vais vous expliquer pourquoi. C'est que, là, on vous parle des effets
négatifs, on vous parle du côté négatif des jeux vidéo, mais les jeux vidéo ont
énormément de côtés positifs. Et, moi, c'est ça, quand j'ai commencé, au début
des années 2000, c'étaient les jeux en ligne, et je voyais la socialisation, la
communication, l'entraide, le développement de compétences, même l'empathie, le
partage, etc., et là je pourrais vous passer... l'apprentissage, il y a plein
d'avantages là-dessus. Il y a plein d'avantages aussi pour des populations pour
qui la socialisation en face à face ou pour une raison ou une autre peut être
plus difficile : les personnes neurodivergentes, les personnes en
situation de handicap, les personnes en région éloignée, les personnes LGBTQ+,
etc. Et donc toutes ces personnes-là retrouvent une communauté au sein des jeux.
Ils partagent une passion et ils développent aussi une confiance en eux.
Et là je vais vous faire une petite image
que je fais souvent. Imaginez... on va prendre l'ado de 14 ans qui, lui,
aime beaucoup les jeux vidéo et, à l'école, il peut en parler un peu avec ses
amis proches, etc. Et là il joue, il joue, il joue, puis évidemment papa, maman :
Déconnecte-toi, il faut que tu viennes souper, tu joues trop, c'est tannant. Et
là l'enfant, dès qu'il se déconnecte de son jeu, on lui tape sur la tête puis
on dit : Tu joues trop, tu ne fais pas ça. Puis il n'est pas très bon à
l'école, et tout ça, mais lui, il se valorise dans le jeu, lui, il aime ça,
lui, il est reconnu, il se connecte puis il a un sentiment d'appartenance, il
prend de la confiance en lui, et ça, c'est extrêmement important, surtout à
l'adolescence, où on veut construire son identité à travers ces dynamiques-là.
Mais imaginez si, à chaque fois, il n'est
pas reconnu par ses parents, il n'est pas valorisé, il n'est pas... et donc
c'est son identité elle-même qui l'est. Et donc, à un moment donné, tu sais,
c'est l'oeuf ou la poule. Est-ce que le jeu vidéo est le problème ou est-ce
qu'à un moment donné on crée le problème parce qu'on a une vision, disons,
péjorative de l'activité?
Ceci étant dit... Puis là, vous le savez,
il y a des mécaniques qui sont extrêmement mauvaises, il faut les enlever, mais
il y a des très, très bons jeux aussi où il n'y a pas ce genre de mécaniques
là. Si l'enfant, vraiment, il est à l'adolescence puis il commence à être... Je
vais reprendre les mots de ma collègue Dufour, Magali Dufour, qui disait :
Il y avait les verts, les jaunes et les rouges. Donc, les rouges sont pris par
le système, les verts, tout va bien, mais c'est les jaunes qui ont besoin de e-sport
à l'école. C'est les jaunes qu'on amène, qui sont sur le bord de vouloir trop
jouer puis risquer l'école, on les amène dans un programme encadré. E-sport-études,
là, c'est un privilège. Il faut que tes notes aillent bien, il faut que tu
fasses de l'exercice physique, il faut que tu apprennes les bonnes habitudes de
vie, c'est une affaire d'équipe, etc. Et donc on l'encadre comme ça, et là on
se rend compte des bienfaits : il apprend à s'autoréguler lui-même, non
pas à se faire cogner sur la tête par papa, maman, mais à, lui-même, dire :
Bien là, j'ai assez joué et je vais aller faire autre chose.
Puis un dernier point... Ça fait longtemps
que je veux vous parler, hein?
M. Ciccone :
Vous auriez pu m'appeler, hein? Je veux dire, il n'y a pas de problème. Oui,
oui.
Mme Bonenfant (Maude) : Mais
juste un dernier point. Dans des recherches qu'on fait, parce que je viens de
mener... au sortir de la pandémie, moi, j'ai trouvé ça magnifique parce que, le
jour 1 de... quand le Québec s'est fermé, les communautés de joueurs et
joueuses étaient déjà en train de s'organiser pour sortir de l'isolement,
organisaient des activités, prenaient des 5 à 7, etc. Déjà, les communautés de
joueurs étaient superorganisées pour s'assurer que tout le monde était correct,
et ils ont commencé à se faire du soutien social entre eux. Ils ont commencé à
se faire des petits organismes, à faire des gardiens virtuels. La Fondation des
gardiens virtuels émerge de ça, et c'est vraiment... Et nous, on a fait une
grosse recherche, c'est avec une autre équipe de recherche, là, une grosse
recherche sur le soutien social et la pair-aidance dans les communautés de
joueurs et joueuses, et c'est magnifique, qu'est-ce qui se passe là. Et c'est
ça qu'il faut valoriser. Puis, s'il y a des programmes de e-sport-études très
fixes, non seulement on valorise l'enfant, on le reconnaît dans sa passion,
mais en plus on lui apprend à grandir avec les jeux vidéo.
M. Ciccone :
Merci. On a deux visions, l'INSPQ et la vôtre. Merci beaucoup. On va se faire
une tête. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le député de Jonquière.
M. Gagnon : Bonjour. Je n'ai
pas d'expertise comme vous. Je débute avec une question, là, plus technique
d'un groupe de citoyens, particulièrement chez nous. Il y a quand même tout un
marché, là, du jeu vidéo <usagé...
M. Gagnon :
...chez
nous. Il y a quand même tout un marché, là, du jeu vidéo >usagé... des
spécialités. Les gens dans mon coin me demandaient : Quand un jeune va
échanger un jeu ou va se procurer un jeu vidéo usagé, est-ce qu'il y a des
traces du joueur précédent, si c'est un adulte, si c'est... s'il a acheté du
matériel? Est-ce qu'on est capables d'aller rechercher...
Je vous donne l'exemple, si c'est un jeune
de neuf ans qui achète un jeu vidéo, que la personne était adulte ou un grand
consommateur, est-ce qu'il va y avoir des traces du précédent?
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
ça dépend, ça dépend quel jeu vous... On est aux cartouches, ou on est aux CDs,
on est aux... Tu sais, c'est ça, c'est que ça dépend quelle est la plateforme.
Mais normalement non, il n'y a pas... Il
peut y avoir les parties enregistrées, mais là on parle d'anciennes technologies.
Si on opère de la surveillance, là, je pense que la personne précédente
avait... là il y a une collecte massive de données, particulièrement les jeux
mobiles. Donc, si on a à s'inquiéter de tracer l'enfant, c'est vraiment... Les
jeux mobiles sont vraiment un cheval de Troie pour rentrer sur les appareils
puis collecter une quantité astronomique de données. Et ce n'est pas juste le
développeur, hein? Quand on installe, c'est tous les tiers qui viennent
s'installer. Et là, avant la loi n° 25, on ne
savait pas combien il y en avait. Ça, c'est merveilleux de la loi, maintenant,
on commence à savoir. Et certains... à certains sites Web, on monte jusqu'à
800, 800 tiers qui se connectent en même temps. Donc là, là, les... si,
vraiment, on veut se soucier de la vie privée, là, il faut agir vraiment sur
les applications mobiles parce que c'est là qu'il y a vraiment beaucoup de
collecte de données qui est faite sur les enfants.
M. Gagnon : Très intéressant.
Puis la question plus en lien avec moi plus personnellement, je veux vous
parler de certification. Tout à l'heure, là, c'était quand même flagrant, là,
vous le mentionnez haut et fort, là, il n'y a aucune protection pour les jeunes
d'en bas de 12 ans. Puis, bon, on a en place quelques... certifications,
pardon, Les Produits du Québec, qu'est-ce qu'une certification biologique, puis
vous dites qu'au niveau des jeux vidéo on n'a pas de certification qui vient
sécuriser le parent. En plus de ça, on vient faire accroire qu'il y a un
consortium de professeurs qui vient mettre son étampe pour dire : Ça,
c'est vraiment bien fait. Ça fait que...
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
Là, ça, je n'ai pas eu le temps de me rendre là, mais il y a ce que, nous, en
recherche, on appelle la «gamblification» du numérique, et donc il y a de plus
en plus de phénomènes de gambling, mais des phénomènes qui se déclinent, et
donc cette «gamblification-là» du Web... Excusez, j'ai oublié votre question.
M. Gagnon : Au niveau de la
certification, on n'a rien puis en plus on utilise les enseignants.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
c'est ça. Oui, c'est ça. Et donc nous, on a essayé de voir un petit peu :
Est-ce qu'effectivement il y avait une «gamblification» des jeux pour enfants?
Et, oui, il y en a, et en plus il y en avait dans les jeux recommandés par les
enseignants. On a vu des mécaniques de gambling dans des jeux recommandés par
des enseignants. Et donc à quoi peut se fier le parent?
Mme Dumont (Alexandra) : Dans
le fond, le... c'est ça, le système de... approuvé par les enseignants, c'est
une initiative un peu d'autorégulation de Google, en fait, qui vise à essayer
de mettre de l'avant les bons produits. Il y en a qui sont... qui sont très
bons dans les jeux qui sont présentés, sauf que, quand on essaie de chercher
l'information sur qui sont ces enseignants qui testent les jeux, on ne trouve
pas l'information.
Puis aussi, du côté des développeurs,
quand ils reçoivent une analyse d'un jeu qui ne convient pas à la politique de
Google, les... ce qui ressort, c'est que les développeurs ne savent pas
pourquoi leur... tu sais, leur jeu a été refusé, et leur solution est de...
juste de monter l'âge qui... à qui leur produit est destiné. Donc, il y a une
faille dans cette tentative d'autorégulation, par exemple, de Google qui mène à,
justement, de la confusion, qui augmente la confusion auprès des parents.
M. Gagnon : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
merci beaucoup, M. le député. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. Ma question est assez simple, dans le fond. On
se questionne beaucoup sur la manière dont on pourrait intervenir autant sur
les réseaux sociaux, mais éventuellement aussi sur les jeux vidéo. Puis on
dirait qu'on a toujours une espèce de réflexe qui dit : Oui, mais c'est
tellement des gros joueurs, un peu comme quand on a un débat sur les taxations
des riches ou des grosses entreprises : Ah! c'est des gros, tu sais, ça ne
marchera pas, ça ne marchera pas.
Est-ce que ça... Est-ce que ça peut
fonctionner si on décide de serrer la vis, puis de réguler, puis de faire le
ménage, en bon québécois, de l'industrie du jeu vidéo? Ça peut faire... ça peut
fonctionner?
• (11 h 50) •
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
ça peut, parce que, si on... si, vraiment, on leur donne un avantage économique
de le faire. Moi, je pense qu'on est beaucoup de parents... puis je travaille
avec des équipes dans le Canada anglais, en Europe, en Australie, au Brésil,
sur la planète en entier, on est tous dans la même affaire, là, et les parents
de la planète cherchent des mentions auxquelles ils peuvent... en quelles ils
peuvent avoir confiance. Il y a en Australie où ils font du bon travail, etc.,
mais c'est sûr que le parent québécois n'a peut-être pas la... le réflexe
d'aller sur une plateforme australienne, là, mais ça se fait très peu. Et tout
le monde, on est avec ça, on veut être capables de reconnaître les bons jeux pour
nos enfants. <Et...
Mme Bonenfant (Maude) :
...on
veut être capables de reconnaître les bons jeux pour nos enfants. >Et c'est
en ça que ça donne un avantage. Si on fait ça, c'est que, là, on a un... il y a
un avantage économique aux bonnes entreprises. Celles qui veulent s'y conformer
vont avoir cet avantage-là. Je suis aussi relativement près des entreprises de
jeux vidéo, donc je comprends comment ça fonctionne, et je vois des bonnes
entreprises qui s'en vont vers ces types de monétisation là parce que tout
l'argent est là, puis c'est comme ça que ça fonctionne. Il n'y a aucun
incitatif.
Donc, il faut... C'est sûr qu'on ne fera
probablement jamais autant d'argent que ces stratégies-là, qui sont des
stratégies de gambling, là, on est en train de créer des dépendants dès la
petite enfance avec ça, mais les entreprises qui sont écœurées puis qui ne
veulent pas faire ça, bien, ils veulent faire autre chose, mais là il faut
qu'on leur appose un avantage en disant : Là, si tu fais ça, les
consommateurs et les consommatrices vont aller vers tes produits.
M. Leduc : J'ai l'impression
qu'on parle de deux choses : d'une part, tu sais, les... la demande des
parents de jeux de qualité, qui est une chose, le marché s'autorégulerait par
la demande de parents conscientisés, puis l'autre où est-ce qu'on dit :
Non, non, on va passer des lois, des règlements pour interdire, donc, par
exemple, les microtransactions.
Mme Dumont (Alexandra) : Dans
le fond, on a déjà des exemples qui existent, là, avec... si on pense à la
Belgique. Ils ne sont pas... Ils ne sont pas tant plus que nous, là. Je veux
dire, c'est quand même un petit marché, là, quand on y pense, au niveau de
l'industrie, vraiment, ils parlent français, ils parlent néerlandais. Ce n'est
pas... Ce n'est pas l'anglais, par exemple, qui est la langue première de... quand
on pense aux jeux vidéo, et ils ont quand même réussi à empêcher la vente de
«loot boxes». Donc, les jeux ont... les compagnies n'ont pas eu le choix de se
plier. Par exemple, même FIFA, là, qui est un des jeux les plus populaires, les
plus aussi cités, quand on pense... de mécaniques persuasives très flagrantes,
là, au niveau du hasard, bien, ils n'ont pas le choix, et Electronic Arts n'a
pas le choix de retirer ces options-là dans ses jeux. Donc, c'est déjà comme un
très bon exemple que je pense que c'est possible, même si on est un petit
marché, d'avoir un effet sur l'industrie puis d'au moins promouvoir des jeux
avec des valeurs qu'on a au Québec, là.
Mme Bonenfant (Maude) : Là,
il y a deux choses. Il y aurait une certification, une cote, des cotes, une
classification qui n'est pas législative, tu sais. Ça, on peut apposer la cote,
puis ça... c'est à des experts de déterminer, indépendants : C'est-tu pour
les 13 ans? C'est-tu... Tu sais, ça, c'est une chose.
Puis il peut y avoir une loi, puis la loi,
elle peut être très précise, hein? Et donc... Parce qu'on entendait aussi
parler... Il y a beaucoup de confusion entre les coffres à butin, les «loot boxes»,
les microtransactions, même dans la commission, là. L'idée, là, les «loot boxes»,
ce n'est pas mauvais en soi. Un «loot box»... Moi, ça fait une heure que je
joue, je suis en équipe, on est dans une mission, on va dans un donjon, on
réussit le boss final puis on a un «loot box», on l'ouvre, ce n'est pas grave,
c'est une récompense qu'on... Le problème, c'est quand j'achète des «loot boxes»
dans les boutiques. Donc là, tu sais, ce n'est pas d'interdire les «loot boxes»,
c'est d'interdire la vente de «loot boxes», ce que la Belgique a fait, et
Fortnite a reculé.
La même chose avec les microtransactions.
Les microtransactions en soi, ce n'est pas mal, c'est les stratégies qui sont
mises en arrière pour pousser les microtransactions. Donc, par exemple, si on
obligeait à ce que les boutiques en jeux pour les 16 ans et moins — je
dis n'importe quoi, là — mais qu'il n'y ait pas d'items rotatifs et
que ça... il n'y ait pas d'items différés... Ça, ça veut dire que, si vous,
vous jouez, moi, je joue, on ne voit pas les mêmes items parce qu'on a fait du
ciblage sur vous, on a fait du ciblage sur moi pour pousser à la consommation.
Bien là, si on interdit les boutiques avec des items différés selon vous et
moi, des boutiques avec des items rotatifs, des boutiques avec du vrai argent
et de l'argent en jeu... Là, ça, c'est toutes des stratégies pour augmenter les
ventes. Mais ce n'est pas la boutique, ce n'est ni la microtransaction qui est
le problème, c'est les stratégies qu'on a mises en place.
Donc là, ça ne serait pas de dire aux
entreprises de jeux vidéo : Vous n'avez plus le droit de
microtransactions, ce n'est pas du tout ça. Vous n'avez plus le droit de mettre
de la pression par des stratégies de design pour pousser de manière
malveillante à la consommation dans les jeux pour 17 ans et moins, par
exemple.
M. Leduc : Vous parlez de la
Belgique. Est-ce que ça fait longtemps que c'est appliqué? Est-ce qu'on a assez
de recul pour constater que c'est applicable et surtout que ça a des effets
positifs?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
M. Leduc : Il y a des études
là-dessus puis... O.K.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
il y a... Oui.
Mme Dumont (Alexandra) : J'ai
un... j'ai oublié son nom, mais on a des collègues en Belgique qui ont fait
plusieurs études. C'est quoi, le nom du lab?
Mme Bonenfant (Maude) : Gam(e)(a)ble.
Mme Dumont (Alexandra) : Gam(e)(a)ble,
qui ont fait... justement, qui ont... ils ont regardé les stratégies de
détournement de ces... de cette loi-là, mais aussi quel effet ça avait vraiment
auprès des joueurs. Puis, tu sais, souvent, ce qu'ils notent, c'est que, bien,
c'est des efforts, puis les gens, ils ne font pas nécessairement les efforts
pour détourner les règles, et ça a... ça a un effet sur... c'est appliqué,
c'est respecté.
Mme Bonenfant (Maude) : Sauf
que cette même équipe-là voit des phénomènes de «gamblification», voit des
problèmes, là, chez les 15-17 ans, surtout avec tous les phénomènes
récents de <gambling...
Mme Bonenfant (Maude) :
...chez
les 15-17 ans, surtout avec tous les phénomènes récents de >gambling
qui ne sont pas considérés par la loi, et donc qui ont cours et qui devraient
être inclus.
C'est pour ça que ça, c'était une de nos
recommandations, parce que, là, eux, ils voient les cohortes qui suivent, ils
ont fait des études longitudinales, et... entre autres, par exemple, des
instavidéastes qui font la promotion du gambling ou... bon, tout ça, tous ces
phénomènes-là qu'ils prennent dans l'ensemble. Et donc c'est pour ça que, nous,
une de nos recommandations, c'est d'élargir la définition des jeux de hasard et
d'argent pour l'inclure puis moderniser la loi sur les loteries pour que ça
devienne illégal. Après, on viendra appliquer la loi puis faire des poursuites,
mais d'abord il faudrait que ça soit illégal. Puis, en le rendant illégal, il
faut informer les jeunes. Ils ne le savent même pas, que c'est du gambling. Les
petits poux, là, qui jouent avec des roulettes, là, les roues de fortune... tu
n'as pas eu le cadeau que tu veux, regarde une publicité, tu n'as pas eu le
cadeau que tu veux, regarde une publicité, lui, entre cette mécanique-là,
absolument nocive, puis une autre mécanique de jeu où il doit aller chercher le
petit chat dans la... dans la pièce, bien, c'est pareil. Il n'y a aucun signe
qu'on lui envoie pour dire que c'est nocif. Donc l'enfant grandit avec ça. Il
ne sera pas capable de discriminer. Donc là, il faut vraiment que, déjà dans la
loi, on dit : Non, ça, c'est interdit, qu'on envoie un message.
C'est pour ça que je parle aussi d'élargir
le mandat de Loto-Québec pour inclure les 17 ans et moins, pour qu'on
prenne compte de ces jeunes-là qui s'en viennent, parce que l'exposition à des
jeux de hasard et d'argent en âge mineur augmente beaucoup les risques de
développer une dépendance à l'âge adulte. Et là c'est majeur, ce qui s'en vient.
C'est une très grave crise de santé publique si on n'agit pas. Donc,
premièrement, déjà, rendre ça illégal, ça fait partie des...
Tu sais, la loi, elle est là. On n'a même
pas encore à modifier. Tu sais, c'est pour ça, on a essayé de faire des
recommandations où il y a une législation, oui, sur le gambling, mais sinon il
y a des éléments qu'on pourrait déjà relativement facilement passer pour
envoyer un message clair : Au Québec, on ne tolère pas ça, on protège nos
enfants. Puis, parents, sachez que la roue de fortune qu'ils vont tourner dans
le jeu est illégale.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Merci, mesdames, d'être ici aujourd'hui avec un propos
éclairant. J'aimerais revenir sur ce que vous qualifiez, là, d'interface
truquée dans les jeux. Si j'ai bien compris, et corrigez-moi si je me trompe,
vous dites qu'il y a plus d'interfaces truquées que d'interfaces réelles,
disons ça comme ça. Du point de vue législatif, je comprends que vous êtes...
Dans le fond, on ne devrait pas voir, rendre accessible ce type de conception
au niveau des usages. Comment on s'assure, du point de vue du législateur, qu'on
arrive à cette fin-là? Comment on deale avec ça, là, concrètement, là, par
rapport à nos objectifs, qui est de contrer les impacts négatifs de l'usage,
dans le cas qui nous occupe, chez les enfants? Comment voyez-vous cette
articulation-là au niveau de nos mesures potentielles?
Mme Bonenfant (Maude) : Mais
ça a déjà été formulé, entre autres, en Union européenne. Donc, c'est déjà là.
Puis il y a d'autres législations aussi, on en a relevé quelques-unes, qui ont
enchâssé les interfaces truquées, les «dark» ou «deceptive patterns», dans la
loi puis en inscrivant des énoncés généraux qui est basé sur le fait de tromper
la personne.
En fait, c'est quand on offre, par
exemple, deux choix qui ne sont pas représentés de manière équitable,
équivalente, bien là on trompe quand on favorise visuellement un. Il y a une
volonté de tromper. Il y a une volonté d'envoyer la personne sur... Donc, ça,
ça, c'est énonçable dans une loi. Plusieurs juridictions l'ont déjà fait. Et
donc ce n'est pas d'aller pointer chaque actualisation du «dark pattern» comme
tel, mais d'arriver avec certaines... certains énoncés comme ça qui permettent
de rendre illégal le fait de tromper volontairement une personne quand elle
navigue, ou un enfant quand il est dans une boutique en jeu, ou, bon, etc.
M. Sainte-Croix : Donc, ça existe.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
M. Sainte-Croix : C'est
connu, ça a fait ses preuves, de ce que je comprends. Ça peut représenter quoi
comme... En termes de volume, là, concrètement, dans une année, pour des jeunes
Québécois et Québécoises, là, c'est quoi, cette offre-là, concrètement, qui
peut se présenter sur un marché?
• (12 heures) •
Mme Bonenfant (Maude) : Je ne
suis pas sûre de vous comprendre. Des «dark patterns», là, il y a ça sur un
site Web, il y a ça dans des boutiques de jeu, il y a ça sur TikTok, il y a
ça... c'est...
M. Sainte-Croix : Je
reformule.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
c'est ça.
M. Sainte-Croix : Un jeune,
dépendamment de son âge, comment il peut être exposé, au niveau d'une journée
régulière, là, ordinaire, là? À quelle fréquence ça peut arriver, ça, dans son
écran, là, ce type de... C'est dépendamment de ses sujets d'intérêt? Dépendamment
de...
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
c'est dépendamment des plateformes sur lesquelles...
M. Sainte-Croix : Ça va être
ça.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
M. Sainte-Croix : O.K. Je
saisis. C'est beau. Merci.
Mme Dumont (Alexandra) : Je ne
sais pas si je peux juste <donner un exemple...
>
12 h (version révisée)
<19319
M.
Sainte-Croix :
...c'est beau. Merci.
Mme Dumont (Alexandra) :
Je
ne sais pas si je peux juste >donner un exemple, là. Une des recherches
qui a été faite, ça a été par l'Office de la protection du consommateur au
Canada, et, sur les 146 sites Web, tout public testé, c'est 99 % des
sites Web qui avaient des interfaces truquées. Puis, au niveau des enfants,
dans les applications pour enfants, ce qu'ils ont remarqué, c'est le... c'était
deux tiers plus présent.
M. Sainte-Croix : Donc, on
s'entend pour dire que c'est une exposition quasi assurée à partir du moment où
le jeune a accès à ce type de contenus. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Alors, Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors,
bonjour. Moi, ma question, au niveau de la classification, je reviens sur la
classification, là, qui est intéressante, là : Comment, à partir du moment
où tu crées, là, cet organisme-là de classification, là, mais il en sort des
milliers, là, donc comment, là où ça a été créé, il fonctionne? Parce que c'est
presque impossible de tout classifier ce qui sort sur le marché. Donc, comment
ça fonctionne... ceux qui ont mis ça en place, donc ce type de classification
là? Parce que, vous le savez, des petites applications, il en sort à tous les
jours, là. Puis mes filles m'envoient : Acceptes-tu ça? Acceptes-tu ça?
Puis là tu es là à distance puis tu ne sais pas trop, oui, non, là, parce qu'il
en sort beaucoup. Alors, je veux savoir est-ce qu'ils arrivent, comment ils
font, comment ça fonctionne.
Mme Bonenfant (Maude) : Non,
là, ce n'est pas possible. Même l'industrie n'est pas capable, ils sont en
train d'automatiser. C'est semi-automatisé présentement, la classification des
jeux, justement, à cause des jeux mobiles. Et là on n'a pas parlé d'intelligence
artificielle, là, mais, avec l'intelligence artificielle générative, vous allez
voir le flot de jeux mobiles déferler. Donc là, si on n'encadre pas avant ça,
là, il va y avoir vraiment des problèmes parce que ça va se démultiplier.
L'idée avec l'instance indépendante, ce n'est
pas de venir apposer une cote à tous les jeux, c'est de venir sélectionner des
jeux sur lesquels on appose une cote et que ça soit ceux-là qui soient mis, si
on veut, sur un piédestal. Et tous les autres qui sortent à... aux cinq
minutes, ils n'ont a pas de cote, et donc ça sera aux parents, en informant, de
voir : O.K., non, il n'est pas... il n'a pas été évalué par l'instance
québécoise, tu ne télécharges pas ce jeu-là. Et donc ça va être d'aller cibler.
Et là les entreprises, par exemple, pourraient soumettre leurs jeux à l'instance
de classification, et là on commencerait à construire une banque de données
comme ça, de jeux, et, pourquoi pas, qu'elle soit utilisée plus largement dans
d'autres juridictions.
Mme Tremblay : Dans le fond,
ça serait de dire aux parents : Voici la banque de jeux. Puis que le
parent dit à ses enfants : Mais tes jeux, tu vas les choisir à partir de
cette banque-là.
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
un peu comme quand on écoutait les petits bonhommes quand on était jeune, hein?
Tu sais, c'est : Tu peux écouter les bonhommes de telle l'heure à telle
heure, c'est ceux-là qui passent à la télé, puis c'est... C'est ça, il y avait
un contrôle, il y avait... Tu sais, ce n'était pas la démultiplication. On
avait un certain choix, mais on était sûr, c'étaient des bons choix, validés
par des adultes, par... bon, etc. Donc, c'est un petit peu le même principe, c'est
dire : On se fait une banque, une base de données de bons jeux avec une
certification, une cote reconnue, et les adultes peuvent se fier à ces cotes-là
pour encadrer leurs enfants sans connaissance des jeux vidéo. Parce que, tu
sais, moi, c'est simple, je connais bien ça, je sais discriminer : Ça, ce
n'est pas bon. Mais les parents qui ne s'y connaissent pas, ce n'est pas de la
mauvaise volonté, tout est sur le même plan. J'ai donné l'exemple de l'enfant,
mais pour le parent aussi, les mécaniques sont toutes égales.
Mme Tremblay : J'ai une
question en lien avec ça. Si... mais là je cherche comment bien poser ma
question, parce qu'à partir du moment... Tu sais, dans toute la mécanique qu'ils
mettent en place, l'industrie, là, il y a un objectif de passer certaines
publicités, de faire de l'argent, il y a tout le temps quelque chose d'économique
là-dedans. Ça fait qu'est-ce qu'on retrouverait, j'espère que vous allez
comprendre ma question, mais, en cette classification-là, probablement des jeux
qui sont probablement plus payants? Parce que... puis moins gratuits? Parce que
l'objectif du jeu gratuit, il y a quelque chose, à un moment donné, il veut
rentabiliser quelque chose, là, O.K.? Alors, on le trouverait probablement dans
cette classification-là, fort probablement, puis peut-être à faible coût
parfois, mais des jeux qui seraient probablement plus payants dans cette
classification-là, est-ce que ça se pourrait, là? Est-ce que je me trompe?
Mme Bonenfant (Maude) : Absolument.
Absolument. C'est sûr que les jeux gratuits, bien, il faut qu'ils
rentabilisent, donc, tu sais, c'est ça. À moins qu'il y ait des institutions
sociales, par exemple Télé-Québec, vous leur donnez le mandat de faire un jeu
vidéo, ils en ont fait un avec Passe-Partout, par exemple, là, une plateforme
mobile. Donc là, oui, c'est gratuit, mais là ça a été validé par une instance
indépendante. Mais, sinon, les jeux gratuits, il faut qu'ils aillent faire leur
argent quelque part, et c'est là que toutes les mécaniques malveillantes embarquent.
Et donc...
Mais, si on sort de ce modèle économique
là avec des jeux vendus, bien là il y a d'excellents jeux, des jeux où je
laisserais mes enfants sans problème jouer à ces jeux-là. Et donc, oui, à ce
moment-là, mais il y aurait cette... probablement que cette classification-là,
cette cote-là favoriserait ces types de jeux là, mais il y a des jeux qui ne
sont pas si chers que ça et il y aurait <éventuellement...
Mme Bonenfant (Maude) :
...il y a des jeux qui ne sont pas si chers que ça et il y aurait >éventuellement
des.... Tu sais, on subventionne beaucoup l'industrie. Est-ce que, là, il y
aurait quelque chose à faire, de subventionner du côté de jeux comme ça qui
rentreraient dans notre classification? Là, ça, ce n'est pas mon expertise du
tout, mais c'est des avenues. Nous, ce qu'on voulait faire comprendre, c'est
que, là, il faut qu'on... il faut agir sur le plan économique parce qu'on sait
que c'est là que ça va bouger, mais il faut donner un avantage économique aux
bonnes entreprises.
Mme Tremblay : Mais ça
viendrait rassurer les parents qui diraient : Mais je paie un petit peu,
mais au moins, tu sais, je n'embarque pas mon enfant dans des habitudes qui ne
sont pas saines puis qui peuvent l'amener, tu sais...
Mme Bonenfant (Maude) : Au
jeu compulsif.
Mme Tremblay : ...au jeu
compulsif. Puis c'est ce qu'on ne souhaite pas comme parent. Il n'y a pas un
parent qui souhaite ça.
En terminant, moi, j'aimerais ça savoir
pourquoi vous avez ciblé Loto-Québec. Votre... Vous n'en avez pas parlé
beaucoup, là, mais, tu sais, élargissement du mandat de Loto-Québec, parce
qu'ils ne sont pas spécialisés du tout, là, dans l'enfance, dans en bas de
18 ans. Donc, en terminant, pourquoi Loto-Québec?
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
parce qu'il y a du gambling présentement chez nos jeunes. Donc, moi, comme
chercheuse, on trouve ça dans les jeux, on le voit et on voit une «gamblification».
Bien, qui je contacte? Loto-Québec. Il faut faire quelque chose, mais j'ai bien
compris, ce n'est pas dans leur mandat, mais c'est incroyable, parce que ces
jeunes-là, ces enfants-là, vont grandir, ils vont être adultes, et il y a plus
de risques de jeu compulsif. Donc, il faut qu'on agisse. Pas à partir de
18 ans, il faut qu'on agisse avant, il faut qu'on agisse présentement puis
qu'on informe. Puis les phénomènes de «gamblification» sont relativement
récents. Donc, c'est peut-être là où ça peut encore bouger du côté de cette
instance-là, mais c'est une instance gouvernementale, une société d'État, il me
semble qu'elle pourrait avoir le mandat de mieux protéger les 17 ans et
moins face à la «gamblification» du numérique.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée
de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Je ne pensais pas avoir le temps de revenir pour terminer
avec vous. Merci beaucoup. J'ai peut-être manqué, donc, une partie des échanges.
Mais en fait je vous poserais la même question que j'ai posée, donc, à
l'interlocuteur précédent sur la majorité numérique et ce que ça implique au
niveau de la gestion des données personnelles des mineurs, si vous avez une
opinion là-dessus. Vous disiez être familière avec le sujet aussi.
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
d'abord, l'intitulé «majorité numérique» n'est pas bon. On s'entend, là, ça
porte à confusion. «Majorité» et ensuite «numérique», de quoi on parle
exactement? Donc, moi, de ce que je comprends, de ce que, par exemple, la
France a mis de l'avant, c'est une interdiction d'accès à certains médias sociaux
numériques. Là, on vient déjà de...
Mme Cadet : ...
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
c'est ça, ce n'est pas la majorité numérique, c'est l'interdiction d'accès à
certains médias sociaux numériques, donc, et ces médias-là sont déjà à
13 ans et plus. Donc là, si on veut être cohérents, bien, il faudrait
aller au-delà. Mais 14 ans, on a une majorité, une autonomie, là, pour les
soins médicaux, travail. Donc, est-ce que, là, on mettrait au-delà de
14 ans la majorité numérique, alors qu'à 14 ans l'enfant peut aller
consulter un médecin?
Mme Cadet : Au droit de
consentir aux soins.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
c'est ça. Donc, tu sais, il faut qu'il y ait une certaine cohérence de ce
côté-là. Parallèlement à ça, bon, comme je disais, c'est beaucoup plus les jeux
vidéo, et donc, si on ne considère pas, dans le numérique, les jeux vidéo, donc
on est vraiment sur les médias sociaux numériques, mais, dans les jeux vidéo,
une classification avec des réelles cotes serait une forme de majorité numérique :
Avant 12 ans, tu n'as pas accès à ce jeu-là.
Mme Cadet : À ce jeu-là, mais
est-ce que vous diriez, par exemple, «pour les tout-petits»? Parce que vous
parliez de la classification, dès le départ, que le milieu a enlevé. Est-ce
qu'on mettrait une interdiction tout simplement pour les tout-petits pour ce
qui est donc de ces jeux-là ou vous diriez tout simplement : Classification
même pour ces jeux-là?
Mme Bonenfant (Maude) : Ah
oui, mais il y a d'excellents jeux pour les trois à cinq ans, des jeux vidéo
des trois à cinq ans, des excellents jeux adaptés à leur développement, à leur
stade de développement. Et là il faut bien me comprendre, je digresse un peu de
votre question, mais je pense que c'est important, tu sais, on a parlé beaucoup
du temps d'écran, puis je pense que tout le monde s'entend que ce n'est pas
juste une question de temps d'écran...
La Présidente (Mme Dionne) :
Mme Bonenfant, on va devoir mettre fin à la conversation. Alors, nous
sommes 12 h 10, alors désolée.
Alors, la commission spéciale suspend ses
travaux jusqu'après les avis des travaux de commission, vers 15 h 15.
Alors, un énorme merci pour votre contribution à ces travaux. Bon dîner, tout
le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 17)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bonjour, bon après-midi à tous. La commission spéciale sur les impacts des
écrans et des réseaux sociaux sur le développement des jeunes reprend ses
travaux. Donc, nous poursuivons les consultations particulières et les
auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la
santé et le développement des jeunes.
Donc, cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants : Action Toxicomanie, le Bureau des affaires de la
jeunesse, Mme Marie-Pier Jolicoeur, doctorante en Faculté de droit à l'Université
Laval, Mme Julie Miville-Deschênes, sénatrice indépendante du Québec, et
finalement le Centre québécois d'éducation aux médias et à l'information.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants d'Action Toxicomanie. Donc, peut-être vous
présenter, d'entrée de jeu. Et je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour nous transmettre votre exposé, suite à cela nous procéderons à une période
d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
Action Toxicomanie
Mme Poisson (Émilie) : Merci, Mme
la Présidente, membres de la commission. Je me présente, Émilie Poisson, je
suis directrice générale chez Action Toxicomanie. Je vous présente ma collègue,
Audrey-Ann Lecours, qui est coordonnatrice clinique chez Action Tox et
responsable de notre volet prévention.
La tâche qui vous a été confiée représente
certainement un défi colossal. Mais c'est essentiel, le travail que vous ferez
jusqu'au dépôt du rapport, pour l'avenir de nos jeunes. Puis, pour ça, on
voulait vraiment prendre le temps de vous remercier.
Action Tox, c'est un organisme en
promotion des saines habitudes de vie et en prévention des dépendances qui
existe depuis maintenant 33 ans. 33 ans à travailler auprès des jeunes
âgés de 10 à 30 ans et leurs proches, à nous adapter aux nouvelles
réalités — si on se souvient bien, il y a 33 ans, Internet n'avait
pas fait son apparition — donc à nous adapter à l'apparition d'Internet,
aux téléphones intelligents, aux boissons énergisantes ou les vapoteuses ainsi
que toutes les substances psychoactives.
Concrètement, Action Tox, c'est un
organisme communautaire qui œuvre annuellement dans quatre... dans toutes les
écoles de quatre centres de services scolaires de la Mauricie et du Centre-du-Québec.
Donc, annuellement, nous travaillons auprès de 25 000 jeunes de la
cinquième année du primaire à la cinquième année du secondaire ainsi que leurs
proches et parents.
C'est aussi quotidiennement 21 employés
qui se rendre dans... rendent dans 30 écoles secondaires ainsi qu'une...
que plus d'une centaine d'écoles primaires afin d'y déployer notre programme d'ateliers
en prévention des dépendances, en promotion des saines habitudes de vie et en
développement des compétences personnelles. Bien entendu, notre programme,
comprenant 19 ateliers, comprend également des ateliers sur les écrans.
Nos 21 intervenants, intervenantes qui se déplacent dans les écoles, ils
sont aussi dans les écoles secondaires. Ils sont là pour animer notre
programme, pour le déployer, pour dépister et référer les jeunes... repérer
et... dépister et référer les jeunes, pardon, vers les services spécialisés,
là, en dépendance.
• (15 h 20) •
Donc, nous, notre travail, c'est
de travailler avec les jeunes, les feux jaunes et les feux verts... les feux
verts et les feux jaunes, comme on a entendu, là, dernièrement, ce qu'on
appelle l'intervention précoce. Et lorsque le jeune est considéré... est en feu
rouge... et on le réfère donc à travers notre mécanisme d'accès, là, de la
Mauricie et du Centre-du-Québec.
Notre mécanisme d'accès, la trajectoire de
services qu'on a bâtie en Mauricie et Centre-du-Québec, est vraiment un mécanisme
qui est efficient et qui mériterait d'être exporté dans toutes les régions du
Québec. La trajectoire de services fonctionne. Globalement, le programme Dévelop'Action,
dont je vous parle depuis tantôt, c'est le plus utilisé au Québec en promotion
des saines habitudes de vie et en prévention des dépendances. Et, depuis peu,
il est également <exporté...
Mme Poisson (Émilie) :
...dont
je vous parle depuis tantôt, c'est le plus utilisé au Québec en promotion des
saines habitudes de vie et en prévention des dépendances. Et, depuis peu, il
est également >exporté dans deux autres provinces canadiennes, soit
l'Alberta et l'Ontario.
Comme bien d'autres organismes en
prévention des dépendances ayant une mission similaire à la nôtre et déployant
également le même modèle d'action préventive, nous sommes membres de l'AQCID,
soit l'Association québécoise des centres d'intervention en dépendance, qu'on
salue, là, au passage.
Et, parce que notre modèle, il a inspiré
différents cadres de référence ministériels tels que la Stratégie québécoise
sur l'utilisation des écrans et la santé des jeunes, qui a été publiée en 2022,
ou le Programme de prévention des dépendances en milieu scolaire, aussi parce
qu'il est cité dans le cadre de référence du projet Épanouir, parce que ce
modèle-là fonctionne depuis des années, parce qu'il est déjà implanté dans
plusieurs régions du Québec, parce que les jeunes, leurs familles, leurs
proches et la communauté y adhèrent, on est venues vous le présenter
aujourd'hui.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Effectivement.
Jour après jour, Action Toxicomanie déploie sur le terrain une vision globale
de la prévention des dépendances et de la promotion de saines habitudes de vie.
Aujourd'hui, cette vision-là globale, je vais vous la décliner en trois grands
volets.
Le point de départ de ce travail de
proximité là, c'est la prévention universelle. Quand on dit «prévention
universelle», c'est les ateliers qu'on fait en classe, des ateliers qui visent
à sensibiliser, informer, développer l'esprit critique des jeunes. Ça marche.
Les jeunes sont intéressés par nos contenus. Ils sont surtout intéressés, les
jeunes, quand on leur... quand on leur parle de sujets qui les concernent.
Ça ne fait pas juste intéresser les
jeunes. Vous savez, chez Action Toxicomanie, c'est environ 400 demandes de
parents, rencontres-parents qu'on fait par année. De cette quantité-là, c'est
23 % qui concernent uniquement l'utilisation des écrans, donc les parents
aussi sont concernés par l'utilisation des écrans de leur enfant.
Ça les intéresse, les jeunes, quand on va
les voir en atelier. Ça les intéresse de parler de désinformation, de mieux
saisir les pièges pour ne pas tomber dans cette désinformation-là, de parler
aussi d'auto-observation, des indices pour être en mesure de reconnaître si je
suis en train de glisser vers une utilisation problématique. Ça, ça pogne. Ils
aiment parler d'alternatives aux écrans. Nos jeunes, ils en ont, des
alternatives, ils en ont, des intérêts et ils aiment en parler. Et ça, ça
représente vraiment un facteur de protection pour eux, puis, bien, on est bien
contents de ça. Ils aiment mieux comprendre aussi la relation qu'ils
entretiennent avec les écrans puis aussi la fonction que ça a dans leur vie,
ces écrans-là. Puis vous ne serez pas surpris d'apprendre que ces jeunes-là
aiment aussi qu'on démystifie la demande d'aide. Ça marche. Au cours des trois
dernières années, les demandes de services jeunesse concernant l'utilisation
problématique des écrans a augmenté de 33 % chez Action Toxicomanie.
Quand on travaille en développement de
compétences, inévitablement, on vise à ce que les jeunes puissent s'identifier
des forces, bien entendu, on veut augmenter leur sentiment d'efficacité
personnelle, mais c'est sûr aussi qu'on veut que les jeunes amorcent une
réflexion, puissent identifier des zones de vulnérabilité afin qu'ils visent un
meilleur développement de ces compétences-là. Puis, quand on parle de
compétence, capacité à s'affirmer, capacité à gérer ses émotions, capacité à
résister aux influences, là, je n'en ferai pas toute la nomenclature.
Vous savez, ce n'est pas tous les élèves
qu'on rencontre en prévention universelle qui ont besoin d'aide. La plupart
vont bien. Ils ont une utilisation assez équilibrée des écrans. Mais
l'objectif, quand on fait des ateliers comme ceux-là, c'est de rejoindre ceux
qui se posent des questions, qui ne sont pas certains d'avoir une utilisation
équilibrée. Quelques exemples : c'est ceux qui se rendent compte qu'ils
accordent peut-être un peu trop d'importance aux «like», c'est ceux qui
conscientisent que les écrans, ce sont leur stratégie numéro un pour être en
relation parce qu'ils sont trop timides, c'est celui qui a un TDAH qui a décidé
d'arrêter sa médication puis qui se calme un peu cognitivement en utilisant les
écrans, bien, le gaming, entre autres, c'est pour celle qui jette son lunch le
midi parce qu'elle aimerait donc avoir le corps de son influenceuse préférée, c'est
pour lui qui vient tout juste de se commander en ligne des produits dopants
pour améliorer son apparence corporelle. Les profils des jeunes sont bien
différents.
En plus de ça, vous savez très bien que
les plateformes numériques visent étroitement la satisfaction d'un besoin
fondamental chez l'être humain. On a juste à penser au besoin d'être aimé et la
mise en place d'un symbole d'approbation sociale comme celui des «like», ce
n'est pas plus compliqué que ça.
On veut agir vite pour limiter les
conséquences liées à leur consommation des écrans et les soutenir dans leur
développement. Puis ça, comment qu'on fait ça chez Action Tox, c'est ça qui est
intéressant. C'est l'action n° 2, je vous dirais, ça s'appelle
l'intervention précoce. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement, l'intervention
précoce, c'est que l'intervenant qui fait un atelier en classe, c'est le même
intervenant qui a un bureau dans l'école au même titre que le psychologue, le
conseiller en orientation, le TES de l'école. Les jeunes, dans le fond, qui ont
amorcé une réflexion pendant les ateliers, bien, ils peuvent se rendre dans le
bureau de l'intervenant, continuer... bien, poser leurs questions, continuer
leur réflexion puis amener aussi une réflexion par rapport aux particularités
qui les lient aux écrans. Alors, voilà. Puis c'est là aussi qu'on va favoriser
le recours à des alternatives, c'est là aussi qu'on va viser une meilleure
utilisation, une utilisation plus <équilibrée...
Mme Lecours (Audrey-Ann) :
...une
réflexion par rapport aux particularités qui les lient aux écrans. Alors,
voilà. Puis c'est là aussi qu'on va favoriser le recours à des alternatives,
c'est là aussi qu'on va viser une meilleure utilisation, une utilisation plus >équilibrée.
Ça marche. Non seulement la prévention
universelle, ça fonctionne, mais, dans toutes les demandes jeunesse qui sont
logées chez Action Toxicomanie, 49 % des demandes jeunesse, ce sont des
jeunes qui viennent tout de suite après les ateliers. Ce n'est quand même pas
banal. Ça veut dire qu'ils ont besoin d'être entendus, ces jeunes-là, et ils
ont besoin d'un soutien adapté, ciblé selon leurs particularités, comme j'ai
nommé.
Donc, l'intervenant les rencontre, les
dépiste, hein, ces jeunes-là, grâce à des grilles, là, qui sont reconnues, là,
comme le DÉBA-Internet quand on parle des écrans, et va évaluer les besoins,
hein? Vous... Quand on passe une grille d'évaluation — Émilie l'a
bien nommée, vert, jaune, rouge — on va octroyer des services en
fonction des couleurs obtenues. Quand on est dans une utilisation problématique
en dépendance, on va référer vers les services spécialisés en dépendance
octroyés par le CIUSSS sur notre territoire, en Mauricie et au Centre-du-Québec.
Mais, quand on est un intervenant en prévention des dépendances, bien, c'est
sûr et certain qu'on va référer à d'autres professionnels parce que, bien, il y
a la nutritionniste qui peut peut-être aider la jeune à explorer la notion du
poids ou de l'alimentation, il y a aussi les psychologues qui vont aider les
jeunes qui sont plus anxieux. Donc, on est un référent vraiment, vraiment
important. On travaille tous ensemble, hein, ces professionnels... ces
professionnels-là, à tisser un filet de sécurité signifiant pour nos jeunes.
Puis je vous dirais que la vision globale
ne s'arrête pas juste à ce rapport de proximité là avec les jeunes. Notre
vision globale, c'est que, tout à coup, bien, on est un intervenant expert,
dans une école, qui est là pour soutenir les directions d'école, qui est là
aussi pour répondre aux questions des enseignants, comment je fais pour repérer
un jeune. On est là pour répondre à leurs questions. On contribue à de la
formation. On accompagne le monde à ce que, tous ensemble, on puisse repérer
ces jeunes à risque là et offrir un service adapté.
Alors, de cette expérience sur le terrain
là, bien entendu, il en découle des recommandations. Je vous... laisse la
parole à ma collègue Émilie.
Mme Poisson (Émilie) : Oui,
des recommandations, on a aussi des pistes de réflexion ou de solution, là,
dans le mémoire. On pourra en discuter.
La première recommandation qu'on aurait
envie de vous faire, c'est que la mise en place d'actions globales continues et
cohérentes, tel que le modèle qu'on vient de vous présenter en prévention des
dépendances, qui est déjà en place dans son ensemble ou en partie dans la
majorité des régions du Québec, le soit en totalité, et ce, dès le primaire. Le
fait que le modèle soit déjà implanté, bien, va favoriser définitivement son
exportation dans les autres régions du Québec.
Que toute orientation liée à la prévention
et à la promotion en matière d'écran vise l'éducation et le développement de
compétences personnelles et sociales de tous, et ce, dès le plus jeune âge.
Et finalement que les décisions que vous
aurez à prendre, les orientations ou les projets de loi issus de cette
commission soient orientés vers le développement de citoyens numériques
critiques, responsables et en quête d'équilibre. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment. Sur ces belles paroles, alors on va débuter la période d'échange. M.
le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames. Très heureux de vous avoir ici avec nous
aujourd'hui.
Vous parlez de surconsommation numérique,
vous parlez de dépendance, hein, développement de dépendances qui se rattachent
à d'autres types de substances. Voyez-vous quand même des différences dans le
cheminement, là, qui accompagne nos jeunes à ce niveau-là, là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Entre
les substances et les écrans?
M. Sainte-Croix : Exact, exact.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Tout
à fait. En fait, ce qu'on observe souvent, c'est une comorbidité, hein? On peut
voir autant des jeunes qui vont utiliser des produits dopants pour, bien, jouer
plus longtemps ou rester éveillés plus longtemps, on va voir la double
problématique. Les profils sont quand même différents, bien entendu.
Bien, en fait, je vous dis ça, puis pas
vraiment. Parce que la dépendance en tant que telle, c'est un symptôme, hein? Il
y a souvent quelque chose derrière. Donc, peu importe le comportement exutoire
que je vais utiliser, que ce soient les écrans, que ce soit la consommation de
substances psychoactives, souvent ça vient satisfaire un besoin. Et puis, dans
le fond, l'objectif, nous, c'est d'identifier ce besoin-là chez les jeunes et
de l'accompagner à ce que cette tâche développementale là puisse être assouvie
plus sainement. Donc, oui, il y a des profils différents. Mais, vous savez, ce
qui est un peu frappant dans notre travail actuellement, c'est qu'on se rend
compte que la consommation d'écran a de forts impacts sur le développement de
comportements dopants.
• (15 h 30) •
Je vous donne, par exemple, comme je vous
l'ai cité un peu en exemple, le jeune qui, lui, veut améliorer son apparence
corporelle, va tout à coup suivre des influenceurs qui vont lui proposer des
stratégies miracles ou bien des produits dopants pour améliorer cette apparence
corporelle là. On va... On a... Je ne sais pas si vous avez entendu parler,
mais nous, on est un peu scandalisés par le fait que plusieurs influenceurs
vont faire la promotion de microdosage de psychédéliques, le champignon
magique, là. Donc, on a des jeunes qui arrivent dans nos bureaux puis qui ont
des questions en lien avec la psilocybine. Puis ils se disent : Bien,
c'est parce que moi, je suis très anxieux ou j'ai un TDAH puis j'ai vu, à
l'intérieur de contenus consommés sur les réseaux sociaux, que ça pourrait être
ma recette miracle. Donc là, nous, on travaille à <démystifier tout ça...
>
15 h 30 (version révisée)
< Mme Lecours (Audrey-Ann) :
...ma
recette miracle. Donc là, nous, on travaille à >démystifier tout ça,
mais... Ça fait que, nous, ce qu'on voit, c'est que les écrans, dans certains
cas, vont favoriser le développement de dépendances, on pense au gaming et
boissons énergisantes. Ils sont bombardés de pubs pendant qu'ils gament : Bien,
allez, prends-toi des boissons énergisantes, tu vas toffer plus longtemps dans
ton jeu. Donc, c'est toutes sortes de contextes, là, auxquels on a été exposés.
M. Sainte-Croix : Les causes
sont peut-être différentes, mais les conséquences sont assez similaires aux
substances psychoactives auprès de nos... des surconsommateurs, c'est ce que je
comprends un peu de votre...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien
oui, oui, effectivement, quand on parle de développement de problématiques en
santé mentale, quand on pense à des impacts au niveau physique, au niveau
financier, au niveau scolaire, c'est sensiblement pareil, honnêtement, tu sais.
M. Sainte-Croix : Est-ce que
vous voyez que la clientèle est de plus en plus exposée tôt à ce type de
dépendances là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien,
nous, depuis les trois dernières années... depuis cinq ans, là, c'est majeur,
là, on a plus de demandes liées à l'utilisation des écrans. Mais, je vous
dirais, la dernière année, entre autres, scolaire, là, on vient de débuter une
nouvelle année scolaire, mais l'année passée, on avait plus de demandes pour
octroyer des services ciblés à des jeunes d'âge primaire, effectivement. C'est...
Souvent, c'est l'école qui nous interpelle ou des parents qui nous interpellent
pour dire : Là, je sens qu'on est en train de perdre le contrôle, le
comportement change, plus d'irritabilité, plus de conflits. Donc, on n'a jamais
eu autant que l'an dernier des demandes d'intervention auprès d'enfants d'âge
primaire. Tout à fait.
M. Sainte-Croix : Merci
beaucoup.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Ça
me fait plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. Mme la... oui, Mme la députée de D'Arcy-McGee, pardon.
Mme Prass : Vous avez fait,
justement, un petit peu la distinction entre une bonne utilisation des écrans
et des réseaux sociaux et celles qui ne le sont pas, puis il y en a qui ont
fait cette distinction, il y en a qui ne l'ont pas faite. Et, quand on regarde
le nombre d'heures qu'un jeune passe devant un écran, est-ce que vous pensez...
Bien, deux questions. Premièrement, est-ce que vous pensez qu'il doit y avoir une
distinction entre les heures qui sont utilisées pour la socialisation à des
fins utiles et ceux qui sont... qui ne le sont pas, où il y a une possibilité
où ils se font intimider en ligne ou quoi que ce soit? Donc, vous faites
vraiment la distinction des heures de bonne utilisation et de mauvaise
utilisation, si je comprends bien.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : C'est
une combinaison de plusieurs variables quand on parle, là... on a... Vous l'avez
entendu à la commission, le temps ne peut pas à lui seul représenter un facteur
de risque trop signifiant. Il faut vraiment voir... C'est ça, il y a plusieurs
variables : le temps, le contenu. Il y a des spécialistes qui vous ont
entretenus là-dessus.
Maintenant, un bon... Je pense que les
jeunes se font un peu prendre dans tout ça, tu sais, ils ne sont pas... ils ne sont
pas outillés justement pour... Comment je vais faire pour m'affirmer par
rapport à une situation d'intimidation? Vers qui je vais demander de l'aide?
Quand on travaille en développement de
compétences, on vise à donner des outils aux jeunes pour qu'ils puissent être
en mesure de voir venir les choses, se poser des questions, prendre du recul.
Quand on pense à la désinformation, entre
autres, comment je fais pour savoir que ce qui m'est transmis comme
information, bien, c'est vrai, bien, on a des outils, chez Action Tox, pour
amener les jeunes à dire : Bien, peut-être en diversifiant tes sources,
peut-être en en parlant avec quelqu'un, un spécialiste.
Donc, bonne utilisation, mauvaise
utilisation, il faut que les jeunes eux-mêmes puissent être en mesure de
détecter est-ce que c'est correct ce à quoi je suis exposé, est-ce que c'est
correct qu'est-ce que je suis en train de vivre via les réseaux. Puis ça, bien,
nous, notre travail, c'est ça qu'on fait dans les ateliers, on développe cet
esprit critique là puis on les outille pour qu'ils puissent prendre de bonnes
décisions numériques.
Puis l'enjeu, en fait, puis c'est pour ça
qu'on est ici aujourd'hui, c'est pour promouvoir l'intervention précoce. À
partir du moment où je sens que, hi! là, là, je ne suis pas sûre de ce que je
suis en train de vivre ou : Ah non! J'ai envoyé une photo, tu sais, ça,
là, quand ils vivent des enjeux importants, bien, on veut qu'ils puissent se
sentir à l'aise d'aller vers quelqu'un. Puis le fait que ce soit le même
intervenant qui a abordé le sujet, qui a fait preuve d'une posture non
moralisatrice, qui est intéressé, bien, ça ouvre la porte. Les jeunes, ils
viennent cogner à notre porte, des fois ça fait même la file aux pauses, hein, puis
ce n'est pas une blague. C'est vrai, il y a vraiment un besoin.
Mme Poisson (Émilie) : Notre
atelier sur les écrans qu'on déploie en secondaire I est celui qui génère le
plus de demandes de services à la suite de l'atelier, c'est là que nos
intervenants vont se retrouver avec beaucoup, beaucoup de demandes de services.
Là, les jeunes vont se questionner, on l'entendait
avec Mme Dufour, je pense, plus tôt, la semaine dernière, qui disait :
Des fois, les jeunes vont exagérer leur problématique, c'est-à-dire penser qu'ils
ont développé une problématique, puis elle n'est pas... ce n'est pas... elle n'est
pas réelle, ça fait qu'on va avoir ces jeunes-là aussi, mais c'est quand même l'atelier
qui génère le plus de demandes à la suite de... bien, c'est ça, à la suite de l'atelier.
Mme Prass : Bien, je pense
que c'est encourageant d'entendre que les jeunes, ils sont... ils veulent venir
vous en parler puis ils veulent participer. Moi, par exemple, mon jeune, j'ai
un petit garçon de 13 ans qui va souvent venir me dire : Ah! Il va me
donner l'information, je vais lui dire : Tu as pris ça où? Sur l'Internet.
Ça fait que moi, depuis deux ans, je lui dis : Bien, ce n'est pas une
source d'information, parce que tout se dit, il faut que tu fasses des
recherches pour aller trouver d'autres sources pour confirmer que c'est bien le
cas. Donc, j'imagine que ça, ça fait partie des outils que vous voulez contribuer
aux <jeunes...
Mme Prass :
...pour
confirmer que c'est bien le cas. Donc, j'imagine que ça, ça fait partie des
outils que vous voulez contribuer aux >jeunes.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Dans
un monde de licornes, dans un monde idéal, on est vraiment des gens très
motivés et on aimerait pouvoir même mettre en place, puis on en a parlé avec
des collègues de Pause de Capsana, de dire : Bien, est-ce qu'on ne
pourrait pas établir des grands principes que, comme adultes signifiants,
parents, intervenants, enseignants, on pourrait mettre de l'avant concernant
l'utilisation des écrans? À titre d'exemple, par exemple, bien, promouvoir le
fait que tout ce qu'on y trouve, ce n'est pas nécessairement vrai, tout ce que
tu y mets, bien, ça peut être publié partout, diversifier tes sources, des
grands principes du genre, quand je suis en interaction avec un jeune, bien, je
le ferme, mon téléphone, tu sais. Donc, quelques grands principes comme ça que,
collectivement, on se dit : Bien, on est... Hein, on parle de modèles, on
a parlé des parents, à quel point ils pouvaient représenter un modèle, donc,
bien, comment on ne pourrait pas avoir une ligne de conduite collective pour
promouvoir une utilisation plus équilibrée des écrans.
Mme Prass : Puis juste une
question pas rapport aux autres, mais l'utilisation des écrans dans les écoles
comme outil pédagogique, est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Est-ce
que, pour vous, ça fait partie de la réalité du XXIe siècle, de nos
jeunes? Est-ce que c'est un départ, justement, d'habitudes qu'on doit... auquel
on... Est-ce qu'on part... des habitudes, par exemple écrire à la main, etc.,
des atouts qu'on perd avec l'introduction de la technologie?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Les
outils pédagogiques, encore faut-il qu'ils le soient, pédagogiques. C'est-à-dire
qu'un enfant qui a besoin d'un ordinateur, par exemple, parce qu'il a des
difficultés en écriture, et tout ça, alors là, bon, bien, tu sais, peut être,
là. Puis je sais qu'il y a eu des propos remettant en question certains outils
pédagogiques, nous ne sommes pas les experts dans ce domaine-là, mais on peut
quand même dire que, si c'est nécessaire, si on y voit des bénéfices, ça va,
mais encore faut-il qu'ils le soient, pédagogiques. Ayant des enfants d'âge primaire,
des fois, on se dit : Bien, coudon, ils ont passé beaucoup de temps sur
les écrans aujourd'hui. Est-ce que c'était nécessairement du contenu
pédagogique? Quand j'entends que mes enfants, sur l'heure du dîner, pendant...
au service de garde, ils vont écouter des émissions que, moi, à la maison,
c'est interdit d'écouter parce que je considère que les valeurs qui y sont
véhiculées ne sont pas nécessairement des valeurs positives, bien là je me
remets en question. Est-ce qu'on est dans un contexte pédagogique? Donc,
c'est... Si on a vraiment un rapport avec des orthopédagogues, une réflexion
scientifique derrière le fait que l'enfant a un outil pédagogique, bien,
pourquoi pas? Ce qu'on veut, c'est leur réussite éducative.
Mme Poisson (Émilie) : On aimerait
pousser la réflexion plus loin par rapport à ça, parce que, là, on entend
parler des outils pédagogiques, mais je crois qu'il est sur la table aussi de
peut-être interdire complètement les cellulaires dans les écoles. Nous, ce
qu'on aimerait apporter comme bémol, c'est, justement, si on se rend dans une
cafétéria sur l'heure du dîner, on a beaucoup d'élèves avec des portables parce
que soit qu'ils l'ont comme mesure adaptative, ou ils sont dans un programme e-sport
quelconque, ou il y a des écoles, même, qui ont aboli le papier, donc les
jeunes ont des tablettes. Donc, si on abolit le cellulaire, qu'est-ce qu'on
fait avec les jeunes qui ont des ordinateurs portables dans les cafétérias,
qui, sur l'heure du midi, gament ou qui peuvent continuer à avoir accès à leurs
réseaux sociaux?
On vous disait, on l'a entendu plusieurs
fois, on vous le dit aussi, les grandes compagnies de ce monde se sont déjà
adaptées et ils savent déjà que le vent risque de tourner, là, concernant
l'accès au cellulaire dans les écoles. On a les montres intelligentes qui sont
de plus en plus intelligentes. Nos intervenants nous disaient la semaine passée
qu'ils n'ont jamais vu autant de jeunes dans la classe avec les montres
intelligentes. Et les montres, là, on peut texter maintenant, pas juste
répondre à un message, on peut décider, là, de texter qui que ce soit d'autre.
Et donc, qu'est-ce qu'on fait? On abolit aussi les montres? On abolit les
portables? Lorsque... bien, pas lorsque, parce que ça a toujours été comme ça,
l'interdiction, là, de fumer, on voit les jeunes vapoter sur le coin en face de
l'école, sur le coin de la rue, ce qu'on appelle, nous, le coin puff, est-ce
qu'on va se retrouver avec des jeunes au coin cell à côté du coin puff? Est-ce
qu'on va voir des jeunes, en fait, sortir de l'école, aller consommer leurs
écrans, leurs réseaux sociaux en face de l'école? Quand on sait que l'école
reste quand même un facteur de protection très important, est-ce que nous
souhaitons éloigner les jeunes de ce facteur de protection là? On vous lance ça
comme piste de réflexion, vous réfléchirez là-dessus.
Mme Prass : Merci beaucoup.
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : J'allais justement
vous poser la question si c'était une bonne idée d'interdire ou pas le
cellulaire en classe, mais voulez-vous développer un peu? Oui?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Mais,
vous savez, tu sais, quand, récemment, en 2023, il y a eu la réglementation
entourant les saveurs dans les produits de vapotage, hein, bien, on a vu,
nous... La journée même, on était très <contentes...
Mme Lecours (Audrey-Ann) :
...dans
les produits de vapotage, hein? Bien, on a vu, nous... La journée même, on
était très >contentes, on se disait que c'était un jour... une journée
de fête. Mais non, en fait, c'est que l'industrie s'est adaptée pour offrir des
saveurs à part, et les jeunes ont trouvé d'autres stratégies pour avoir accès à
leurs produits contenant des saveurs. Donc, les jeunes et l'industrie
s'adaptent, mais ça ne veut pas dire que... Mais, c'est ça, tu sais, on est
conscient de ça.
M. Leduc : Mais la question
devient quasiment philosophique, tu sais. On met une limite à 100 sur
l'autoroute même si on sait que la plupart du monde roule à 115, 120. Mais, si
on mettait la limite à 120, ils rouleraient probablement à 140. Ça fait qu'est-ce
que le fait de dire : On l'interdit sur le territoire de l'école, il y a
certainement du monde qui vont sortir sur l'heure du dîner avec leur
cellulaire, mais est-ce que c'est tout le monde qui vont faire ça? Et est-ce
qu'on aura quand même des effets bénéfiques, même si ce n'est pas appliqué de
manière stricte?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : C'est
une combinaison de facteurs, tu sais, c'est une combinaison de facteurs. Oui,
peut-être que ça pourrait avoir un effet bénéfique. Nous, on dit :
Attention, peut-être qu'il pourrait y avoir des éléments qui pourraient être
non bénéfiques. Puis, bien, ce n'est pas juste ça. Il faut travailler à ce que
ces jeunes-là deviennent des citoyens numériques, critiques, équilibrés, puis
ça passe par la prévention, c'est inévitable pour nous, puis le soutien tôt. Si
je commence à me poser des questions, si je me rends compte qu'une relation qui
n'est peut-être pas nécessairement saine avec l'utilisation des écrans... je
dois vite regarder ça en étant accompagné.
M. Leduc : Vous ne remettez
pas en question la directive du... l'interdiction du cellulaire en classe? Là,
c'était plus sur la question de l'école au complet.
Mme Poisson (Émilie) : L'école,
oui. Non, mais c'est ça, là, depuis l'interdiction du cellulaire en classe,
c'est là qu'on voit l'apparition des montres intelligentes. Ça fait que...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : On
a des jeunes qui ont des... deux cellulaires, donc ils vont déposer le
téléphone...
Mme Poisson (Émilie) : Le
vieux cellulaire. Les lunettes Ray-Ban, maintenant, qui permettent de filmer, on
peut écouter de la musique. Puis, si tu es à côté, tu n'entends même pas que la
personne... L'industrie s'est adaptée, les jeunes aussi. On a toujours un peu
un pas de retard derrière l'industrie. Avec le modèle qu'on présente, c'est ça,
c'est qu'on va s'adapter selon les tendances, en restant toujours avec les
jeunes, en s'adaptant à ça puis en continuant à développer les mêmes
compétences personnelles et sociales pour... chez les jeunes, pour les aider,
là, à avoir une consommation plus équilibrée.
M. Leduc : Donc, si on interdit
sur le territoire de l'école, on va être... on se magasine une déception, là.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Je
pense que ça va prendre du temps...
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
des beaux défis, certainement, là.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui,
c'est ça, exactement, tu sais. Puis il va falloir peut-être s'assurer qu'il y
ait des ressources humaines, peut-être s'allier avec des organisations
communautaires pour qu'il y ait plus de travailleurs de rue. Tu sais, il va
falloir que... Les jeunes, ils vont sortir, ça, c'est sûr et certain. S'il y a
de quoi dont on est certaines ici, parce qu'on le vit au quotidien, les jeunes,
quand on les restreint, bien, ils vont trouver des façons de satisfaire leurs
besoins. Et puis là, bien, ils vont trouver la façon. Donc, est-ce qu'il y aura
d'autres initiatives pouvant limiter les conséquences de ça? Certainement,
mais...
Mme Poisson (Émilie) : Je
vois difficilement, par contre, comment interdire l'ensemble des outils
technologiques. Là, ça va devenir un beau défi pour les écoles, les ordinateurs
portables, les montres, les lunettes de ce monde, là.
M. Leduc : À l'époque, ils
interdisaient les Tamagotchi à mon école secondaire, mais ça, c'est un autre...
Mme Poisson (Émilie) : Oui,
puis là ça les faisait mourir parce que tu ne les nourrissais pas.
M. Leduc : Voilà. Quelle
cruauté! Je finis avec une dernière question. Vous parlez beaucoup d'élèves qui
viennent chercher des services à la fin de vos présentations. Est-ce que le
système... Est-ce que vous, vous êtes assez équipés pour offrir ces services-là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien,
franchement, là, on peut en être fiers en Mauricie, au Centre-du-Québec, on a
la trajectoire de services la plus efficiente. Vraiment, chez Action
Toxicomanie, mettons, dans un rush, là, c'est environ un délai de deux semaines
avant qu'un jeune soit rencontré, ce que nous considérons comme étant très
raisonnable. Et, au niveau des services spécialisés en dépendance, c'est un 10 jours,
10 jours ouvrables avant que le jeune soit rencontré pour une première
fois, pas pour une prise de rendez-vous, rencontré. Donc, c'est très, très,
très rapide, et on a tous les outils, les grilles de dépistage validées qui
nous permettent vraiment de voir le niveau de soins requis et d'orienter nos
interventions en fonction du niveau de soins requis. C'est très, très, très
efficace. Pour vrai, là, tu sais, je ne dis pas ça pour... ce n'est pas du
violon, c'est vrai.
Mme Poisson (Émilie) : Nous,
on l'est, ce n'est pas toutes les régions, par contre, qui le sont. Ce ne sont
pas toutes les régions, par contre, qui ont un mécanisme d'accès aussi
développé. Lorsque l'enveloppe du ministre Carmant, qui est descendu pour le programme
de prévention des dépendances en milieu scolaire... une des choses qu'on a
observées, c'est, quand on va dépister des jeunes, il faut les référer, et là
il n'y avait pas... le terrain n'était pas prêt nécessairement, là, dans le
sens, les CISSS et les CIUSSS de ce monde n'étaient pas nécessairement tous
prêts à recevoir ces jeunes-là qui revenaient... qui se faisaient référer,
parce qu'on en dépistait plus, bien évidemment, étant dans les écoles. Donc, il
y a quelque chose à faire, à ce niveau-là, pour préparer le terrain, s'assurer
qu'il y ait un filet qui va accueillir les jeunes lorsqu'ils seront référés.
Je vous le disais, ce modèle-là est, en
majorité, là, déployé déjà dans d'autres régions du Québec. Il n'est pas
nécessairement déployé dans son ensemble, c'est-à-dire que, dans beaucoup de
régions du Québec, ça va être l'animation d'ateliers, la prévention <universelle...
Mme Poisson (Émilie) :
...déployé
dans son ensemble, c'est-à-dire que, dans beaucoup de régions du Québec, ça va
être l'animation d'ateliers, la prévention >universelle. Puis le
financement, il n'est pas nécessairement assez grand pour qu'il y ait
l'intervention précoce, c'est-à-dire, comme Audrey-Ann disait, que l'intervenant
soit dans l'école avec son bureau, et tout ça. Ça fait qu'on va faire lever des
lapins en allant animer nos ateliers, mais après ça le jeune se retrouve un
peu... À quelle porte je vais frapper? On le sait, le professionnel scolaire...
le personnel scolaire est débordé. Donc, des fois, un jeune qui va avoir des
questions sur son utilisation des écrans, ça pourrait être long avant qu'il le
voie.
Ça fait qu'en Mauricie—Centre-du-Québec,
oui, parce que ça fait 33 ans qu'on existe, parce qu'il y a un autre organisme,
qui est sur le territoire avec nous, qui existe depuis aussi longtemps et parce
que le mécanisme d'accès existe, ça fonctionne. On est un des modèles... On a
l'air de se vanter, là, mais c'est vrai, on est un modèle, là, qui fonctionne à
ce niveau-là.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, bonjour.
Je voulais revenir un petit peu sur... Parce que l'interdiction, bien là on a
compris que ce n'est pas nécessairement, à votre avis, la solution. Mais vous
parlez... bon, les jeunes contournent. Mais est-ce que... Tu sais, on a
interdit le cellulaire en classe, donc, bon, parce que c'est une source
importante de déconcentration puis c'est... tu sais, c'est bon de... Mais... Puis,
tu sais, vous dites : Mais il y a des petites façons de contourner,
évidemment — deux cellulaires — mais on s'entend que ça
doit être une faible majorité de jeunes. Donc, on est vraiment, là... La
majorité, tu sais, ça va bien, ils comprennent le pourquoi puis... mais... Vous
êtes d'accord avec moi là-dessus?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Tout
à fait.
Mme Tremblay : C'est ce que
vous entendez? Quand ils vous parlent, c'est ce qu'ils vont venir vous dire
aussi, oui?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
Vraiment. En classe, là, le niveau d'adhésion semble assez... tu sais, assez
efficace. Même les jeunes, hein, on a... avec notre mémoire, on a envoyé un vox
pop, là, que les jeunes exprimaient un peu... Bien, la question, c'était :
Qu'est-ce que vous auriez à dire aux gens...
Mme Poisson (Émilie) : S'ils
étaient ici aujourd'hui, qu'est-ce qu'ils vous diraient, en fait.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
Puis eux, ils le réclament, hein, ils réclament un meilleur encadrement, ils
réclament de meilleurs outils, ils réclament des intervenants en prévention
dans les écoles pour les accompagner. Donc, les jeunes, ils le disent, qu'ils
en ont besoin.
Donc, dans le cadre... à l'intérieur des
cours, là, jusqu'à maintenant... Il y en aura toujours, des jeunes qui
tenteront de ne pas respecter les règles, mais la majorité des jeunes les
respectent. C'est plus dans le contexte où on interdit totalement, là, il y a
différents enjeux qui posent question.
Mme Tremblay : Est-ce que...
Bon, si on ne va pas dans le sens de l'interdiction, quand même, vous l'avez
dit, je pense, d'avoir une réflexion, des balises, je pense, puis, tu sais,
d'avoir quand même cette réflexion-là, qu'est-ce qui se passe dans l'école
pendant l'heure du dîner, aux pauses, tout ça, d'amener quand même une
réflexion. Il y a d'autres intervenants qui sont venus dire, bien, tu sais,
d'avoir des balises, puis après chaque école a une réflexion sur l'utilisation,
qui pourrait aller jusqu'à l'interdiction, mais il n'y avait pas beaucoup de
gens qui étaient nécessairement, là, jusqu'à l'interdiction complète, mais il y
a quand même des écoles qui ont pris cette direction-là. Ça fait que d'avoir
des grandes balises, puis après chaque milieu a une réflexion sur qu'est-ce
qu'on fait pour diminuer le temps d'écran dans nos écoles puis travailler en
prévention. Est-ce que, vous, c'est une réflexion que vous pensez qui est dans
la bonne direction puis que les jeunes adhéreraient à ça aussi, tu sais?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Qu'il
y ait des balises? Bien, pourquoi pas, tu sais. Puis moi, je pense que les
jeunes aussi pourraient être nécessairement impliqués dans cette réflexion-là,
de dire quelles pourraient être les balises, quels sont les lieux où on
pourrait dire : Bien... Je ne sais pas, là, tu sais, pendant qu'on
mange... Je ne sais pas, je n'ai aucune idée, mais, tu sais...
Mme Tremblay : Des dîners
sans écran, tu sais, de les laisser...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
Mme Poisson (Émilie) : Mais
nous, on fait... on monte des équipes, des fois, dans... des intervenantes
impliquées dans les écoles, elles vont faire un 72 heures sans écran avec
les jeunes, et ça fonctionne, là, les jeunes le font, là. Je ne vous dis pas que
c'est la majorité, là, c'est cinq, six, huit, 10 jeunes, là, peut-être,
mais ils le font. Ils sont prêts à se prêter au jeu. Comme Audrey-Ann dit, je
pense que oui, ça va être... ça serait important de les consulter, mais sans...
Il va falloir garder en tête que les jeunes qui, eux, ont des problématiques, qu'ils
ne voient pas qu'on est en train un peu de démoniser l'écran pour qu'après ça
ils ne soient plus à l'aise d'aller parler aux intervenants en se disant :
Bien là, tout le monde adhère au dîner sans écran, moi, je suis le seul qui
n'est pas capable. Tu sais, il faut qu'on continue aussi, oui, à baliser, mais
à s'assurer qu'il va y avoir un filet pour accueillir ces jeunes-là qui
représentent... qui ont des difficultés eux autres mêmes.
• (15 h 50) •
Mme Tremblay : Parfait.
Merci. Donc, éducation, prévention puis soutien.
Mme Poisson (Émilie) : Oui.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui,
soutien. C'est... Oui, mais le... ensuite le soutien, c'est nécessaire pour
éviter la détérioration des impacts. Quand on dit, hein : Les jeunes, ils
en vivent, des impacts, mais on veut agir avant que ça soit à... de l'ordre de
l'impact.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Ça
fait plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux.
Vous savez qu'au début avant de débuter cette commission-là on a dû établir des
orientations de la commission, puis vous les avez eues, puis vous avez répondu
avec votre <mémoire...
M. Ciccone :
...dû établir des orientations de la commission,
puis vous les avez eues, puis vous avez répondu avec votre >mémoire.
Puis il y a un élément où on a débattu puis on l'a mis dans des catégories.
Ici, je vois que vous réalisez des activités de promotion de la santé globale
auprès des jeunes de 10 à 30 ans. Pour vous, qu'est-ce qui est un jeune?
Puis ça touche qui, là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Pour
nous...
M. Ciccone :Qu'est-ce qui est un jeune? Est-ce que c'est zéro à 15,
zéro à 18, jusqu'à 25 ans?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Notre
mission nous dit d'agir... On agit auprès des 10 à 30 ans, des jeunes
adultes qui vont venir vers nous, mais c'est difficile pour nous de... Les
parents aussi ont besoin d'être informés et sensibilisés.
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
c'est ça, on a un volet de 18-24 ans aussi, on agit dans les
établissements postsecondaires, ça fait que les 18-24 ans restent jeunes.
En tout cas, j'espère que 24 ans...
M. Ciccone :Mais, je pense, je vais préciser ma question. Je vais
préciser ma question. Les gens qui vont vous voir, là, voyez-vous une plus
grande... un plus grand nombre de jeunes plus jeunes, de 10 ans? C'est-tu
des adolescents, c'est-tu des jeunes adultes, c'est-tu des adultes? Parce que
vous travaillez avec des 10 à 30 ans, là. Ça fait que je veux voir, là, la
plus grande... La problématique de dépendance, est-ce que c'est plus jeune, ou
plus vieux, ou c'est semblable?
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
en fait, on va avoir un petit peu de difficulté à répondre à la question,
c'est-à-dire là où on œuvre le plus et on voit le plus grand nombre de jeunes,
c'est au secondaire. Donc, on ne peut pas... Quand on va au primaire, en
cinquième et sixième année, on va... on est vraiment juste dans la prévention
universelle. Donc, ça va être un faible taux de jeunes élèves de cinquième
année, du primaire... voyons, cinquième année, sixième année qui vont entamer
un suivi avec nous après. Donc, c'est plus au niveau du secondaire qu'on a des
demandes à ce niveau-là. Puis, comme je le disais, en secondaire I, à la
suite de notre atelier, là, on «toppe» les demandes.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : C'est
environ... en moyenne, un atelier chez Action Toxicomanie va générer environ 2
à 3 demandes de services par atelier, puis on voit une augmentation à cinq
demandes environ par atelier quand il est question des écrans. Donc, c'est...
Puis l'élément clé de ça, de cette demande d'aide là, c'est le fait que les
jeunes... On explore un petit peu, on a des outils d'auto-observation, on pose
des questions, puis là les jeunes, tout à coup, ils font comme : Hein!
Bien oui, effectivement, j'ai délaissé une activité que j'aimais. En tout cas,
ça fait que cet élément-là, lié à l'auto-observation, fait comme : Aïe! Je
pense que j'aurais le goût d'aller en parler, de mon utilisation.
Au primaire, mettons, rares sont les
demandes de services. Souvent, les parents, ils vont nous appeler dans des
situations très critiques. Mais par contre notre atelier au primaire génère
énormément d'intérêt des jeunes. Ils sont très participatifs. Rares sont les
fois où on est capables de compléter notre contenu tellement que les jeunes ont
des choses à dire à propos de leur utilisation des écrans.
M. Ciccone :On voit ici, là, qu'une demande sur quatre, à peu près,
dans votre région, là, c'est par rapport avec les écrans. C'est 23 %.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui,
les parents.
M. Ciccone :Vous avez eu une augmentation de 33 % durant les
dernières années. Avec votre travail, est-ce que vous voyez qu'on voit une
diminution? Est-ce que les jeunes reviennent vous voir? Est-ce que vous êtes
capables d'aller jusqu'au bout avec eux autres puis leur faire comprendre ou
c'est vraiment, vraiment difficile avec tout ce qui nous entoure, puis on n'est
pas capable de limiter, là, parce que la technologie développe toujours, puis
il y a toujours quelque chose de nouveau? Puis vous avez parlé des lunettes tantôt.
Tu sais, on voit des jeunes dans la rue qui parlent tout seuls, mais c'est
parce qu'ils parlent à leurs lunettes puis ils demandent... Ils veulent une
musique particulière, là. Ça fait que...
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
vas-y
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien,
en fait, je vous dirais que oui, ça fonctionne. Les jeunes qui viennent à
nos... C'est du six... Quand on a un jeune qui est vert, jaune, le vert, un peu
moins de rencontres, nécessite un peu moins de soutien, là, mais, mettons, le
jeune jaune, c'est du six à huit rencontres. Habituellement, quand on octroie
du six à huit rencontres à un jeune qui est jaune, on voit vraiment une
diminution de l'utilisation des écrans. On est capables d'amener le jeune à
trouver des alternatives pour répondre aux besoins. C'est à dire, mettons, moi
je suis... J'ai besoin de calmer mon anxiété. Je vais consommer, je vais
«binge-watcher» du TikTok pour me calmer, bien, on travaille avec... on
travaille les alternatives puis on voit vraiment une réduction au niveau de la
consommation des écrans.
Est-ce que c'est toujours pareil? Est-ce
que, parce qu'un jeune est passé par nos services, plus jamais il ne va avoir
besoin? Non, hein, c'est... on le sait, la dépendance, c'est quelque chose qui
est assez vivant. Il y a des phases, hein, dans le développement d'un être
humain. Ça se peut qu'on retrouve, on revoit cet individu-là. Par contre,
l'expérience, la demande d'aide chez Action Toxicomanie, elle est très
positive. C'est très important, comme coordonnatrice clinique, que mon équipe
offre un service chaleureux. Donc, vraiment, les gens, ils vivent une belle
expérience. Puis, s'il y a quoi que ce soit, ils vont revenir demander de
l'aide. Et aussi ils vivent aussi une bonne expérience quand ils arrivent dans
les services spécialisés, ça, aussi, on le voit. Puis les jeunes qui <nécessitent...
Mme Lecours (Audrey-Ann) :
...quand
ils arrivent dans les services spécialisés, ça aussi, on le voit. Puis les
jeunes qui >nécessitent une rentrée... en entrée en thérapie fermée,
hein, sur notre territoire, c'est Le Grand Chemin, bien, ils s'y rendent, ils
sont accompagnés de façon très personnalisée. Et environ... Ils peuvent... On a
eu une rencontre récemment, c'est environ huit semaines, donc ils peuvent
passer de huit à 10 semaines en thérapie puis ils vont demeurer assez
longtemps en thérapie, ces jeunes-là. Donc, c'est-à-dire que les gens qui
embarquent dans un processus y demeurent, et ça fonctionne.
M. Ciccone :Ça fonctionne. Avez-vous les données, à savoir... Parce
que, quand on parle d'écrans, là, c'est large, les écrans. Est-ce que c'est
jeux vidéo? Est-ce que c'est les réseaux sociaux? C'est quoi? Les plus grandes
demandes, ça vient d'où?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Les
réseaux sociaux, les influenceurs, les impacts de ces influences-là, les
impacts de la désinformation, ça, là... ça, on le rencontre beaucoup dans nos
bureaux. Les profils sont très différents, hein? Un jeune qui va consommer
majoritairement les réseaux sociaux et un jeune gamer, ce n'est pas
nécessairement les mêmes profils. On va avoir, par exemple, chez les jeunes
gamers, des profils un peu plus introvertis, des défis parfois au niveau des
habiletés sociales, tu sais, bon, il y a des profils différents. On va voir,
parfois chez les gamers, plus de l'anxiété de performance, alors que, chez nos
jeunes consommateurs de réseaux sociaux, plus une anxiété d'apparence.
Donc, c'est des profils qui sont
différents, mais je vous dirais que là où on voit plus les ramifications des
écrans, c'est vraiment en lien avec l'utilisation puis la consommation des
réseaux sociaux. Les jeunes qui vont faire des demandes liées au gaming,
souvent, ils vont venir faire une demande d'aide plus loin dans le spectre.
C'est plus long avant qu'ils viennent, donc la détérioration est un petit peu
plus présente.
M. Ciccone :O.K., parfait. Ça fait qu'il faut faire plus de
sensibilisation sur, justement, les chats.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui,
l'abri du gamer.
M. Ciccone :Il y a un groupe qui est venu nous voir qui dit qu'ils vont
sur les chats puis qu'ils font de la sensibilisation, puis ils peuvent faire
des rencontres, ils ont leurs contacts s'ils ont problème. Ça fait qu'il faut
aller cibler plus ces jeunes-là parce que c'est eux autres qui ont de la
difficulté à dire que... on a un problème.
Mme Poisson (Émilie) : Au
niveau du gaming, oui, mais, comme on parlait, le développement de compétences
personnelles... Une fois que le jeune... quand on estime, elle est bonne, quand
tu es capable de t'affirmer, puis tout ça, habituellement, on ne se rend pas
jusqu'à à la problématique bien établie parce qu'on est capable de s'affirmer,
on est capable de dire non, on est capable de dire : Bien là, c'est assez,
j'ai d'autres passions, je suis capable de faire autre chose.
Quand Audrey-Ann, elle vous parlait
tantôt, tu sais... On va essayer de chercher c'est quoi, la fonction derrière
le comportement, c'est quoi, c'est quelles compétences, c'est où que le bât
blesse. C'est là qu'on va travailler avec eux. Ça fait que, oui, leur dire...
être là puis leur dire : Il existe des ressources, je vois que tu es
souvent en ligne, tu es là jusqu'à tard, etc., oui, mais il faut aussi voir
pourquoi ce jeune-là passe ses nuits sur les jeux vidéo, là.
M. Ciccone :Merci beaucoup...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : ...
M. Ciccone :Bien non, mais continuez, si vous...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Non,
mais je vais juste rajouter un élément. Vous savez, la stratégie numéro un que
les jeunes... Quand, mettons, j'ai un jeune en suivi individuel, puis le jeune,
il veut réduire sa consommation d'écrans, vous savez c'est quoi, la stratégie
numéro un qu'il va mettre à son plan d'intervention? C'est de passer plus de
temps avec mes parents. Mais c'est assez standardisé, là, donc, ça, c'est quand
même important aussi, tout le noyau familial, la relation avec la famille.
C'est un enjeu clé dans le rétablissement de ces jeunes-là par rapport à leur
utilisation des écrans. En tout cas, du moins c'est ça qu'eux nous disent.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Il reste... Ah! Oui.
M. Ciccone :Puis il faut... puis il faut que le parent dépose son
outil... téléphone.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
La Présidente (Mme Dionne) : J'avais
une autre collègue, Mme la députée de Châteauguay, qui avait une question. Oui.
Mme Gendron : Merci, Mme la
Présidente, je vais faire ça rapidement, mais ce que vous venez de dire, ça
parle beaucoup. Je vais vraiment m'en souvenir. Puis un grand merci, là, j'aime
votre approche, là. Vous dites que ça doit devenir des citoyens critiques qui
peuvent réfléchir par eux-mêmes de leur utilisation également.
Je comprends que, dans un cadre scolaire,
vous laisseriez quand même le cellulaire aux jeunes. Par contre, de quelle
façon, à l'école, on pourrait quand même intervenir à ce niveau-là justement
pour essayer de séparer l'étudiant de l'appareil? Puis est-ce que vous pensez
que ça devrait faire... un atelier devrait faire partie d'un certain corpus
scolaire? Est-ce qu'il devrait y avoir là, justement, des cours ou un atelier
obligatoires à tous? J'aimerais vous entendre, en quelques secondes, j'imagine.
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste une minute.
Mme Gendron : Une minute.
Mme Poisson (Émilie) : Oh
boy!
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Certainement.
Certainement. Vous savez, avec les nouveaux cours, là, Culture et citoyenneté
québécoise, nous, nos intervenants, c'est à l'intérieur de ces cours-là qu'ils
vont faire des ateliers de sensibilisation liés à l'utilisation des écrans.
Donc, tu sais, oui, inévitablement, que ça soit assez systématique, que les
jeunes puissent entendre parler d'utilisation des écrans aussi, de tout ce qui
s'appelle cybercrime, et tout ça, tu sais, je pense qu'il faut aller assez
large dans les informations qu'on transmet.
Mme Poisson (Émilie) : Les
grands principes qu'Audrey-Ann parlait tantôt, je pense que ça aussi, ça peut
être vraiment une idée dans le cadre scolaire <aussi...
>
16 h (version révisée)
< Mme Poisson (Émilie) :
...scolaire
>aussi, comme enseignant, comme intervenant, comment on se positionne, c'est
quoi, notre posture par rapport aux écrans. Et, oui, de répéter que tout ce qu'on
voit sur Internet n'est pas nécessairement vrai, c'est là aussi qu'on va
développer l'esprit critique des jeunes, puis de continuer à investir — sans
pluguer le titre d'un de nos ateliers — investir dans leurs passions,
en fait. Les enseignants les connaissent, les élèves, ils savent ce qu'ils
aiment. Ça fait que de continuer ça, d'encourager ça.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on a. Donc, Mme Lecours, Mme Poisson,
merci infiniment pour votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir notre prochain témoin.
(Suspension de la séance à 16 h 01)
(Reprise à 16 h 05)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la
bienvenue aux représentants du Bureau des affaires de la jeunesse. Donc, merci
de vous joindre à nous pour cette commission. Donc, je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Peut-être
vous présenter, d'entrée de jeu, et, suite à ça, nous procéderons à une période
d'échange avec les membres de la commission. Alors, ceci étant dit, la parole
est à vous.
Directeur des poursuites criminelles et pénales
Mme Champagne (Véronic) : Parfait.
Je vais me présenter d'ores et déjà. Donc, Véronic Champagne, vous l'avez
mentionné, du Bureau des affaires de la jeunesse pour le Directeur des
poursuites criminelles et pénales. J'ai la chance d'être la procureure en chef
de ce magnifique bureau depuis maintenant deux ans. Je vais laisser les gens
qui m'accompagnent se présenter, je vous ferai l'exposé par la suite.
Mme St-Pierre (Joanny) : Donc,
bonjour. Joanny St-Pierre, procureure aux poursuites criminelles et pénales,
coordonnatrice duComité de concertation contre la lutte à l'exploitation
sexuelle des enfants sur Internet. Alors, de mon côté, j'appartiens au Bureau
des mandats organisationnels. Je pense que Véronic vous présentera un petit peu
plus en détail mon bureau.
M. Ouellette (Maxime) : Bonjour
à toutes et à tous. Me Maxime Ouellette, procureur au Bureau des affaires de la
jeunesse de Saint-Jérôme, et, également, là, j'ai initié, avec quelques-uns de
mes collègues et confrères, là, le projet SEXTO, qui a débuté à Saint-Jérôme il
y a quelques <années...
M. Ouellette (Maxime) :
...affaires
de la jeunesse de Saint-Jérôme et, également, là, j'ai initié avec quelques-uns
de mes collègues et confrères, là, le projet SEXTO, qui a débuté à Saint-Jérôme
il y a quelques >années, je sais que Me Champagne va vous en parler.
Donc, ça me fera plaisir de participer, évidemment, à la commission et de
répondre à vos questions.
Mme Champagne (Véronic) : Donc,
parfait, je vais me lancer, si ça vous convient. Donc, j'ai décidé, pour ce
bref exposé, de vous parler, justement, de beaux projets qu'on a au DPCP, au
Directeur des poursuites criminelles et pénales, et, c'est sûr,
particulièrement trois qui sont au Bureau des affaires de la jeunesse, pour
vous montrer un peu le travail d'intervention qu'on fait en amont en tant que
poursuivant public, justement, pour répondre aux besoins des jeunes, aux
besoins de la population concernant, justement, cet attrait pour les réseaux
sociaux, Internet et la téléphonie intelligente. Donc, au Bureau des
affaires de la jeunesse, à la base, on est... évidemment, on est là pour
intenter des poursuites criminelles et pénales contre les adolescents de 12 à
17 ans, 12 à 18 ans moins un jour, donc, mais on a, entre autres,
trois super programmes. On a parlé de SEXTO brièvement, on aussi La Cour
d'école et le #gardecapourtoi, qu'on va donner dans les écoles.
Je vais commencer par vous parler de
#gardecapourtoi, qui est un programme qui est donné dans le coin de Gatineau. Toute
la commission scolaire de Gatineau, tous les élèves de secondaire I de
Gatineau, tant les écoles francophones qu'anglophones, privées ou publiques,
reçoivent la visite de policiers, d'un procureur ainsi que d'un membre du
CALACS pour parler... on appelle ça le «sexting» ou le «sextage», là, avec les
adolescents. Ce qui est fait pendant cette rencontre-là, qui dure environ une
heure, c'est vraiment de parler à tous les élèves de la séduction, du
consentement, des ressources d'aide, et de la façon de bien utiliser les médias
sociaux, et, peut-être, au lieu d'envoyer des photos sexy, des photos, là, qui
pourraient être considérées comme de la pornographie, des moyens alternatifs,
là, un peu sous le... de la blague, là, qui pourraient être faits pour, disons,
se débarrasser de la situation des demandes de photos compromettantes. Donc,
c'est un programme qui est très centré, là, Gatineau, mais chaque année, depuis
quelques années, là, tous les élèves de secondaire I, comme je dis, sont
rencontrés pour être, disons, sensibilisés, là, au «sextage» et à la diffusion
d'images, là, sur les réseaux sociaux.
On a également un autre programme, qui
s'appelle La Cour d'école, qui est là depuis plusieurs années. On en est à
notre neuvième année cette année, et ce qui est magnifique avec La Cour d'école,
c'est qu'il y a des procureurs formateurs qui se rendent dans les classes, de
cinquième année du primaire cette fois-ci, pour parler avec les jeunes de
différents sujets en lien avec le système judiciaire. L'année passée, pour vous
donner une idée de grandeur, il y avait 172 procureurs formateurs qui
formaient 50 équipes qui se sont présentées dans 74 classes du Québec
pour parler avec les jeunes sur une durée de 17 semaines, ce qui est quand
même, là, plusieurs séances où on va parler du système judiciaire, de
l'absentéisme scolaire, de l'intimidation. On va parler également de
l'importance de faire des bons choix, mais on a surtout deux nouvelles leçons,
dans les dernières années, qu'on a mises en place, une qui est sur le respect
de soi et le respect des autres, où on parle du consentement, et une autre, qui
est soisprudent.ca, là, où on parle, justement, là, de la façon de se comporter
sur les réseaux sociaux.
Ça fait que tout ça a été pris d'une idée,
le programme était... s'appelait LEAD, au départ, et provenait des procureurs
de la Californie. Avec les années, on a modifié le programme pour vraiment
répondre de plus en plus aux besoins qu'on voyait chez les jeunes. C'est pour
ça qu'une leçon sur le consentement a été ajoutée et une leçon sur le... comment
se comporter sur Internet. La leçon sur le consentement, là, ne vient pas non
plus montrer aux jeunes, là, en tant que tel, les techniques, là, quant au
consentement, mais c'est vraiment sous la forme, là, d'exposer et de comprendre
le respect de soi, le respect des autres, le respect du non, le respect... de s'écouter
soi-même, également, lorsqu'on ne désire pas quelque chose, l'importance de
choisir son réseau d'amis et de respecter un non, qui peut être... quand tu
chatouilles ton petit frère qui te dit d'arrêter, bien, on cesse, là, les
manipulations à ce moment-là.
• (16 h 10) •
Donc, une leçon très intéressante qui
apprend vraiment aux jeunes à identifier leurs limites et également à les
nommer, à fréquenter aussi, comme je vous disais, des amis de leur âge, à
demander avant de toucher et à faire en sorte qu'on respecte leur non-désir
d'être touché ou de toucher quelqu'un d'autre, ne serait-ce que de donner des
bisous à des oncles ou à des tantes qu'on ne voit pas trop souvent, de
reconnaître le malaise chez soi-même et chez les autres et d'identifier
également les adultes de confiance et les ressources. Donc, cette leçon-là,
elle est nouvelle, elle a été mise sur pied par le DPCP en collaboration avec
des collaborateurs, là, qui travaillent auprès, là, des jeunes ayant pu subir,
là, des <abus...
Mme Champagne (Véronic) :
...elle
est nouvelle, elle a été mise sur pied par le DPCP, en collaboration avec des
collaborateurs, là, qui travaillent auprès, là, des jeunes ayant pu subir, là,
des >abus sexuels.
Il y a également une leçon, comme je vous
disais, en plus des 15 autres, là, qui parle de la... de sensibiliser les
élèves à l'importance de la prudence sur Internet et sur les médias sociaux. En
fait, on vient définir avec les jeunes, là, c'est quoi, un comportement prudent
sur Internet, c'est quoi, les conséquences possibles de certains comportements
ou gestes que je peux avoir sur Internet. Le fait de publier une photo, une
image, un texte, jusqu'où ça peut aller, qu'est-ce qui peut se passer par
rapport à ça. On se rappelle que c'est des enfants de 11 ans, qui sont en
cinquième année, donc qui, pour la plupart, sont dans leurs débuts, là,
d'apprendre à aller soi-même sur Internet, et, malheureusement, il y en a qui
ont déjà, là, des... sont déjà sur les réseaux sociaux. Donc, de leur
apprendre, là, à bien naviguer dans tout ça. Donc, ce qu'on veut faire, c'est
illustrer les conséquences de certains comportements sur Internet, les
renseigner sur leurs droits, leurs obligations en matière numérique. Il y a
même la lecture d'un code de vie sur le Net, leur montrer vraiment, là, comment
naviguer, exemple, de justement... un peu aussi pour qu'ils en discutent avec
leurs parents, que l'ordinateur soit à la vue, de donner ses codes d'accès,
toujours, à ses parents, des trucs pour qu'ils soient en sécurité, là, sur les
réseaux sociaux.
Donc, comme je dis, La Cour d'école dure...
il y a une notion introductive... 16 semaines. La dernière, ça se termine par
un procès simulé où on amène les enfants, là, visiter le palais de justice et
rencontrer, là, la magistrature et, également, là, les policiers, les
intervenants du système judiciaire. Si je vous parle de ça... Je voulais principalement,
comme je vous dis, vous parler des deux leçons, mais ça nous permet aussi
d'aller voir les jeunes et d'avoir, également, là, mis en place des leçons à la
fine pointe. On adapte le projet d'année en année pour vraiment répondre, là,
aux besoins des jeunes, bon.
Me Ouellette s'est présenté tout à
l'heure, notre coordonnateur SEXTO, SEXTO qui est un magnifique projet, également,
là, du Bureau des affaires de la jeunesse. En fait, c'est en lien avec le
Bureau des affaires de la jeunesse de Saint-Jérôme, le service de police de
Saint-Jérôme, qui se sont rendu compte, bien, qu'il y avait de plus en plus de
phénomènes de sextage chez les adolescents, et là on remonte en 2016, et ils se
sont mis ensemble pour mettre en place le projet SEXTO, qui, maintenant, est
vraiment devenu une mesure phare, là, du plan d'action pour prévenir et contrer
l'intimidation et la cyberintimidation. Je vous dirais que, d'année en année,
on est de plus en plus partout au Québec, je dirais qu'on a même... on est... Il
reste quelques corps de police à se joindre à nous et quelques commissions
scolaires.
Ce qu'est SEXTO, c'est une action
concertée, rapide en situation de sextage. S'il y a un jeune, une jeune qui se
plaint, en milieu scolaire, que sa photo a été distribuée ou un jeune qui va
voir un intervenant, qui lui dit : Moi, j'ai reçu cette photo-là, il y a
une intervention rapide, efficace. Le but de SEXTO : que cette photo-là
cesse d'être propagée. Parce que c'est bien beau, dire : Nous, on est des
poursuivants publics, on va poursuivre, on va faire ce qui s'ensuit, donner une
sentence, une peine, mais l'important, pour la victime, pour la personne que la
photo circule, c'est que la photo cesse de circuler. Donc, SEXTO, c'est une
intervention rapide.
Je vous dirais qu'entre le moment où le
geste est dénoncé et la prise de décision, qu'est-ce qu'on fait avec ce
dossier-là, il y a un délai de 24 à 48 heures. C'est-à-dire que, dans ce
délai-là, le policier rencontre l'intervenant scolaire, ils discutent de la
situation, on demande à un procureur si on y va par méthode d'enquête
traditionnelle, c'est-à-dire qu'on judiciarise le dossier, ou si on y va par la
rencontre SEXTO. Comment on se base pour faire le choix? C'est bien simple, on
va voir, chaque situation est un cas d'espèce, quelle est la motivation de
l'adolescent à l'origine de tout ça, pourquoi il a transmis cette photo-là.
Est-ce que c'était un coup de tête? Est-ce que c'était par vengeance? On valide
toute l'information et on prend une décision, comme je dis, le but premier
étant toujours de récupérer ces photos-là et de faire en sorte qu'elles ne
circulent plus.
Je vous disais qu'on est presque partout
au Québec avec SEXTO. En fait, il y a 24 corps de police municipaux, le
SPVM et la Sûreté du Québec, qui sont, là, désormais formés SEXTO, avec les
commissions scolaires, là... les centres de services scolaires qui y sont
rattachés. En fait, là, il reste quelques corps de police, là, je ne veux
pas... je ne veux pas mal les nommer, donc je laisserai peut-être Me Ouellette
les dire, et on a même un corps de police autochtone qui est formé SEXTO, qui
applique la méthode SEXTO. L'objectif, évidemment, est d'être partout, partout,
partout, avec SEXTO, dans tous... dans tous les... dans tous les corps de
police et dans toutes les écoles.
Pour vous donner une idée, là, depuis 2016,
où SEXTO a vu le jour, il y a 1 625 dossiers qui ont été traités avec
la méthode SEXTO, et ça, ça comprend 5 457 jeunes qui ont été
impliqués dans ce genre de dossier là. Vous <savez...
Mme Champagne (Véronic) :
...où
SEXTO a vu le jour, il y a 1 625 dossiers qui ont été traités avec la
méthode SEXTO, et ça, ça comprend 5 457 jeunes qui ont été impliqués
dans ce genre de dossier là. Vous >savez, une photo peut être partagée à
une, à deux, à 10, à 12 personnes, transcende les écoles, peut se ramasser
très loin. Donc, c'est beaucoup de jeunes qui ont été traités, dont juste
l'année dernière, durant la dernière année scolaire, 413 dossiers qui ont
été traités, là, par SEXTO. C'est dire que ça fonctionne.
La Présidente (Mme Dionne) : Je
dois vous interrompre, Mme Champagne, désolée. Le 10 minutes est
dépassé, mais ce n'est pas grave, je suis certaine que les collègues ont un tas
de questions à vous poser. Alors, on va poursuivre avec mes collègues. Donc,
qui veut débuter ces échanges? Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Champagne, Me Ouellette, et... pardon, Me St-Pierre, je
pense. Merci. Merci pour vos interventions. J'avais peut-être une question,
donc, sur la tangente, donc, de ce que vous expliquez, donc, par rapport à SEXTO
puis le rôle que nous, on peut jouer, comme législateurs. Une thématique, là,
que quelques collègues, donc, ont abordée avec vos prédécesseurs, donc, c'est
toute la question, donc, du droit à l'oubli, là. Donc, je comprends donc qu'on
parle donc des photos, donc, diffusées, donc, vous dites, donc, à une, à deux,
à 300 personnes. Donc, est-ce que vous voyez un bénéfice, est-ce que vous
voyez, donc, que ce type d'action là, de la part du législateur, donc, pourrait
vous aider, donc, sur le long terme face à cette initiative que vous avez créée,
conçue?
Mme St-Pierre (Joanny) : Bien,
en fait...
Mme Champagne (Véronic) : ...
Mme St-Pierre (Joanny) : Je
peux me lancer. En fait, je vais y aller peut-être un petit peu différemment de
votre prémisse, c'est-à-dire que... Votre question se terminait avec : Est-ce
qu'on peut aller en complément avec votre projet SEXTO? En fait, moi, je vois
l'opportunité de venir légiférer dans la possibilité de pouvoir rapidement
intervenir pour enlever du matériel d'images intimes qui se diffusent sur
Internet comme étant excessivement positive. Plusieurs provinces au Canada ont
des lois qui permettent aux victimes d'obtenir de l'aide, du soutien pour
pouvoir faire des démarches dans... ces démarches-là. Parce qu'on sait que ça
peut être complexe, pour une victime, de faire enlever du matériel d'elle qui
constitue des images intimes, et c'est bénéfique pour ces victimes-là d'avoir
la possibilité de recourir à un cadre législatif pour pouvoir aller faire
enlever ce matériel-là. Donc, je pense que cette possibilité-là, de légiférer
au Québec, pourrait être très, très, très positive, et de rassembler, par
exemple, des services pour ces victimes-là en un seul et même endroit où elles
n'ont pas à aller cogner à plusieurs portes pour essayer de trouver comment je
pourrais faire, avec qui je dois intervenir. Donc, je pense que c'est
définitivement quelque chose qui pourrait être très positif pour les victimes
québécoises, avec des services, évidemment, en français. Donc, je pense que ça
pourrait être très, très bénéfique.
Mme Cadet : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Bonjour à vous trois. Merci de votre
présence. Vous avez parlé de plusieurs programmes que vous avez mis en place
pour sensibiliser les jeunes. Je veux vous parler de cyberintimidation, de...
Il y a combien de cas que vous avez répertoriés? Est-ce qu'il y a beaucoup,
beaucoup de cas qui se retrouvent devant vous, où vous devez, là, porter des
accusations, où que vous devez vraiment faire votre travail pour, justement,
avertir un jeune ou qu'il y ait des conséquences? Est-ce qu'il y en a beaucoup
en matière de cyberintimidation ou ça se règle toujours avant d'arriver devant
vous?
• (16 h 20) •
Mme Champagne (Véronic) : Ce
serait une bonne nouvelle si ça se réglait toujours avant d'arriver devant nous.
On aimerait ça. C'est sûr que le programme, entre autres, SEXTO, c'est vraiment
pour la diffusion d'images intimes. La cyberintimidation, c'est drôle, parce
que notre système ne me permet pas de vous donner des chiffres sur le nombre de
dossiers de cyberintimidation parce que ça va être un chef d'accusation qui va
être : du harcèlement, de l'intimidation, des menaces. Donc, moi, je n'ai
pas la possibilité d'extraire la donnée, là, que vous me demandez, s'il y a des
dossiers de cette nature-là.
Évidemment, comme procureur terrain, je
peux vous dire que, oui, c'est des dossiers qu'on voit, il y en a beaucoup,
malheureusement. Parfois, l'intimidation va commencer à l'école, va se poursuivre
le soir par les médias sociaux. C'est beaucoup ce qu'on peut voir, c'est... En
fait, le jeune n'a plus de pause, il n'a plus de moment, là, de répit, même
chez lui, tu sais, on réussit à le rejoindre. Donc, on a beaucoup de ces
dossiers-là, évidemment, de cyberintimidation.
Ce qu'il faut savoir en matière jeunesse,
puis je ne sais pas si vous êtes... si vous connaissez bien le système de
justice pénale pour adolescents, mais c'est qu'on a aussi ce qu'on appelle
toutes les mesures extrajudiciaires. On essaie aussi beaucoup de <sensibiliser...
Mme Champagne (Véronic) :
...système de justice pénale pour adolescents, mais c'est qu'on a aussi ce
qu'on appelle toutes les mesures extrajudiciaires. On essaie aussi beaucoup de >sensibiliser
les jeunes. Notre but n'est pas toujours de faire en sorte de judiciariser
l'adolescent. On essaie de lui amener de l'aide, du soutien, de lui faire
réaliser l'impact de ses comportements par des méthodes alternatives, par des
méthodes extrajudiciaires. Donc, on a beaucoup de dossiers. C'est sûr que,
quand on voit ce qui inclus des images intimes, de la pornographie, on a SEXTO,
mais pour, effectivement, là, vraiment, la cyberintimidation, comme vous
l'appelez là, on aura plutôt des dossiers, mais qui seront traités différemment
parce que chaque cas, pour un jeune, est un cas d'espèce. Donc, on va le
traiter, là, selon les besoins de l'adolescent qui est devant nous.
M. Ciccone :
Les jeunes qui commettent des fautes, qui se retrouvent devant vous, là,
toujours en matière, là... en parlant d'outils numériques, là, principalement,
là, ça vient de quelle plateforme... ou c'est principalement des textos, là?
Est-ce qu'il y a des plateformes particulières qui sont souvent nommées, qu'on
a utilisées, justement, pour commettre des fautes?
Mme St-Pierre (Joanny) : J'ai
envie de prendre la balle au bond. En fait, l'utilisation des plateformes, à
mon avis, elle est changeante, c'est-à-dire que ça va aller selon les modes, si
on veut. Parce que les jeunes, pour une période, ils vont aller sur une
plateforme qui est préférée, et là, pour x ou y raison, cette plateforme-là va
devenir moins intéressante ou il y en a une nouvelle qui va apparaître, avec
des options supplémentaires, des options différentes qui vont amener les jeunes
à aller vers cette plateforme-là. Alors, on pourrait vous dire, aujourd'hui,
peut-être... et peut-être que Maxime pourra compléter la réponse, mais on
pourrait vous dire qu'aujourd'hui, en date du 24 septembre 2024, il y a
une plateforme en particulier qui est plus populaire que les autres, et, dans
six mois, la réponse pourrait, à mon avis, être différente. Donc, il y
a à la fois quand on pense à l'utilisation de plateformes pour commettre des
infractions, mais également à l'utilisation de plateformes pour des jeunes qui
deviennent victimes d'infraction. Donc, dans l'un ou l'autre des cas, à partir
du moment où un enfant, peu importe l'âge qu'il a, est en possession d'un
appareil informatique qui se connecte sur Internet, il y a des risques qu'il
soit victime ou qu'il puisse à son tour, là, par exemple, tomber dans les
filets de... commettre de l'intimidation.
M. Ciccone :
Me Ouellette, vous avez dit tantôt que vous étiez à Saint-Jérôme. Ici, on tente
aussi de savoir, là, les impacts différents en matière de ruralité ou... urbains,
là. Je suis persuadé que vous parlez avec d'autres collègues qui ont la même
position que vous. Voyez-vous un achalandage au niveau urbain versus rural ou
vice-versa?
M. Ouellette (Maxime) :
Écoutez, moi, je coordonne SEXTO sur l'ensemble de la province de Québec, donc
j'ai autant la chance de m'adresser à des partenaires locaux, comme
Saint-Jérôme, dans des régions un peu plus rurales, que, par exemple, le SPVM,
à Montréal, là, où on a fait le déploiement de SEXTO à l'automne dernier, donc
en septembre 2023 jusqu'en avril 2024. Je vous dirais que la réalité, entre
autres, du sextage chez les adolescents, elle est partagée à l'entièreté de la
province. Le phénomène ne semble pas être plus important ou moins important en
région, par exemple, qu'en milieu urbain. Donc, cette problématique-là, elle
est vraiment, là, similaire, je vous dirais, et partagée par l'ensemble des
jeunes.
Pour peut-être revenir à la question
précédente, au niveau des réseaux sociaux, nous, ce qu'on voit beaucoup dans
nos dossiers, c'est l'utilisation de Snapchat, qui est, depuis des années, une
plateforme qui est beaucoup utilisée chez les jeunes, également Messenger,
donc, Facebook, Meta, Messenger, qui sont... qui est aussi un outil qui est
souvent utilisé pour créer des groupes de discussion entre élèves. Et, bien là,
un adolescent, par exemple, ou une adolescente va décider de partager du
contenu à ce groupe-là, donc on peut avoir 10, 12, 20 personnes, et les
gens n'ont pas sollicité nécessairement le contenu, mais là on leur expose du
contenu, parfois, bon, du contenu, par exemple, au niveau de SEXTO, là, qui
peut s'apparenter à de la pornographie juvénile au sens de la loi. Donc, nous, SEXTO,
on est en matière d'intervention. Contrairement aux autres programmes que Me
Champagne a définis un petit peu plus tôt, qui sont vraiment des programmes
davantage basés sur la prévention et l'information, SEXTO, lorsqu'il
s'applique, c'est qu'on est en intervention. Donc, il y a eu un cas de sextage,
il y a eu du partage d'images intimes, il y a une demande d'une adolescente ou
d'un adolescent qui a besoin d'aide, et là on met en marche le protocole SEXTO.
Et l'objectif, bien, c'est d'éduquer les
jeunes, et non pas de les judiciariser. C'est vers ça qu'on tente le plus
d'aller avec SEXTO, parce qu'on s'était rendu compte que les moyens légaux, ce
qu'on entreprenait au niveau judiciaire, bien, créaient des délais, la prise en
charge n'était pas optimale, et, au final, bien, on ne répondait pas aux
besoins des jeunes et on ne responsabilisait pas les adolescents qui se
livraient au sextage. Mais, avec SEXTO, nous, on considère qu'on a beaucoup
amélioré la situation, et des dossiers qui prenaient des mois à enquêter et à
se régler au niveau judiciaire, maintenant, dans un délai de moins d'une
semaine, on peut arriver à les régler. Puis ça, c'est la majorité de nos
dossiers, on parle d'une proportion de près de 60 % des dossiers dont Me
Champagne a parlé tout à l'heure qui se sont <réglés...
M. Ouellette (Maxime) :
...la
majorité de nos dossiers, on parle d'une proportion de près de 60 % des
dossiers dont Me Champagne a parlé tout à l'heure qui se sont >réglés
via la rencontre de sensibilisation SEXTO et non vers la voie judiciaire.
M. Ciccone :Bien, bravo! Merci beaucoup. Merci beaucoup.
M. Ouellette (Maxime) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Vous
me rappelez combien de dossiers, tout à l'heure, vous avez parlé que vous aviez
gérés?
M. Ouellette (Maxime) : Oui. C'est
1 625 dossiers depuis 2016. Seulement l'année dernière, on a constaté
416 dossiers pour l'année entière, en 2023. Et, entre janvier 2024 et juin
2024, donc la dernière période, nous, qu'on a comptabilisée, c'est 396 dossiers.
Donc, on note une augmentation croissante depuis 2016. Évidemment, il y a une
partie de l'augmentation qui est en lien avec le fait que le déploiement se
fait d'année en année de façon plus importante, auprès de davantage de corps
policiers, mais on note quand même une croissance, là, dans le traitement des
dossiers, parce que, l'année dernière, ce qu'on a constaté, entre janvier et
juin, c'est qu'à Montréal, qui était la nouvelle région où on a implanté SEXTO,
il y a eu 68 dossiers qui ont été traités. Donc, en les déduisant du
fameux 396 dossiers qu'on avait, bien, on en a quand même près...
quasiment le même nombre que l'année d'avant seulement avec une demi-année, là.
Donc, c'est vraiment... c'est vraiment préoccupant, comme phénomène.
La Présidente (Mme Dionne) : Et
pourquoi vous pensez que... Si vous étiez législateurs ou à notre place en
commission... comment est-ce qu'on pourrait contribuer? Est-ce que c'est au
niveau de la prévention? Est-ce que... Là, c'est sûr que, oui, comme vous dites,
il y a plus d'interventions, il y a le déploiement de SEXTO, donc, évidemment,
il doit y avoir plus de dénonciations, mais comment on explique ce phénomène
puis comment on peut contribuer à... Puis est-ce que le modèle de SEXTO aussi
peut s'appliquer à d'autres actes de cyberintimidation, là, disons ça comme ça?
Des voix : ...
M. Ouellette (Maxime) : Joanny,
tu vas te lancer?
Mme St-Pierre (Joanny) : C'est
certain que, quand on parle de comment on peut intervenir en amont, je pense
qu'il faut penser à sensibiliser la population très, très tôt. Je suis
convaincue que je ne suis pas la première qui vous le dit, dans ce que vous
entendez, mais, souvent, ce que je prononce comme souhait, c'est que, dès le
moment où des enfants ont accès à des appareils informatiques qui se connectent
sur Internet, on devrait être en mesure d'avoir avec eux des discussions de
sensibilisation sur les impacts potentiels, à la fois sur les impacts qu'ils
peuvent subir... parce que ces jeunes-là peuvent devenir victimes. Plus on est
sur Internet, plus on est vulnérable à se faire approcher par des gens qui vont
tenter de commettre des infractions à notre égard.
Donc, ça, c'est important, mais je pense
aussi qu'il faut qu'on informe à la fois les parents et les enfants. Tout à
l'heure, j'entendais une intervenante qui disait que la clé de la solution pour
diminuer la dépendance, c'est de remettre les enfants en présence des parents
davantage, mais je pense que les parents aussi sont un petit peu dépourvus face
à ce phénomène-là, parce qu'ils ne savent pas quoi regarder, ils ne savent pas
les plateformes qui sont utilisées par leurs enfants. Ils ne sont, je pense,
pour la plupart, pas conscients des dangers, des risques à la fois de la
surutilisation, mais aussi qui... desquels s'exposent les enfants. Donc, je
pense qu'il faut que les parents soient au courant rapidement, plus intéressés
et sensibilisés au fait qu'il y a des dangers avec Internet et quels ils sont.
Et je pense que les enfants aussi doivent être conscients de ce à quoi ils
doivent faire attention.
Et je pense que, comme législateur, une
des choses qui est importante, c'est peut-être le langage qu'on emploie,
notamment dans les communications qu'on a avec la population. Parce que, par
moment, des fois, quand on parle, même comme gouvernement, quand on s'exprime à
la population, on va entretenir des mythes, des stéréotypes. De façon tout à
fait involontaire, mais, par rapport, par exemple, à la violence sexuelle en
ligne, de penser que c'est uniquement des gens qu'on ne connaît pas qui
utilisent des faux profils pour venir s'intéresser aux enfants, donc, c'est
d'entretenir des mythes et des stéréotypes, parce que ça pourrait être un
oncle, une tante, ça pourrait être un cousin, un ami de la famille qui nous
approche et qui fait de nous une victime, de la même manière que, pour les
jeunes, l'intimidation va se faire entre personnes qui se connaissent d'abord
et avant tout. Donc, je pense que, dans le langage qu'on emploie et dans la
façon dont on s'exprime pour dénoncer ce phénomène-là et sensibiliser, ça fait
partie d'une des possibilités. Donc, Maxime, je ne sais pas si tu veux
compléter.
• (16 h 30) •
M. Ouellette (Maxime) : Bien,
nous, dans SEXTO, quand on applique la rencontre de sensibilisation, en fait,
ce sont les policiers, parce qu'il faut comprendre que SEXTO, c'est un
partenariat entre les écoles, les services policiers puis le DPCP. Lorsque nous,
on oriente le dossier au niveau de la rencontre de sensibilisation, les
policiers vont accueillir les jeunes impliqués ainsi qu'au moins un de leurs
parents au poste de police. C'est des rencontres qui se font en individuel.
Donc, chaque jeune, avec un parent, va être rencontré, on va les sensibiliser
au phénomène du sextage. On va leur demander, entre autres, de remplir un
engagement de destruction de photographies pour s'assurer que les images qui
auraient pu être partagées, là, entre les jeunes, bien, soient effacées. Et
toutes ces informations-là vont être consignées au niveau de la banque de <données...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Ouellette (Maxime) :
...soient
effacées, et toutes ces informations-là vont être consignées au niveau de la
banque de >données policière pour qu'on sache, bien évidemment, s'il y a
d'autres interventions plus tard et qu'on soit capables de définir : Bien,
tels jeunes ou tels jeunes ont déjà été impliqués.
Donc là, la prochaine fois, ce ne sera
peut-être pas une intervention préventive qu'on va faire. Et, dans le
processus, ce qui est magnifique puis ce qui rejoint un petit peu les propos de
Joanny, c'est qu'en fait les parents sont présents et c'est... En tout cas, à en
discuter avec nos partenaires, que ce soit au niveau policier ou au niveau
scolaire, c'est très dur de mobiliser un parent pendant 20 à 30 minutes
pour être capable d'avoir un échange avec lui sur, bien, c'est quoi, les
risques associés, par exemple, à l'utilisation des réseaux sociaux puis dans SEXTO,
plus spécifiquement en lien avec le partage d'images intimes sur les réseaux
sociaux, et là on a l'opportunité de le faire avec SEXTO.
Puis ce qu'on entend de nos partenaires
policiers, c'est que les parents, là, c'est un peu ce que Joanny nous disait,
ils ne sont pas informés de l'ensemble des risques que ça peut comporter, de
laisser accès, un libre accès aux réseaux sociaux à leurs jeunes. C'est comme
si on laissait entrer un enfant dans une jungle, qu'on ne connaissait pas cette
jungle-là et qu'on ne connaissait pas les risques qui y étaient, mais on le
laisse quand même y aller puis on espère que, trois heures, quatre heures plus
tard, bien, il en sorte indemne. C'est un peu comme ça qu'on peut comparer le
cyberespace… en tout cas, moi, j'aime bien utiliser cette métaphore-là, et les
parents ne s'en rendent pas compte.
Et souvent, dans notre dynamique à nous,
au niveau du sextage, les parents ne savent pas non plus que le fait d'échanger
du contenu de nature sexuelle entre adolescents peut correspondre à de la
pornographie juvénile au sens de la loi. Donc, ils ont beaucoup à apprendre. Ce
n'est pas des mauvaises personnes, c'est vraiment des gens qui ne connaissent
pas, en fait, cet univers-là, et c'est compliqué de s'y intéresser quand on
part de zéro. Donc, pour moi, tout passe par la prévention, l'information et l'éducation,
parce qu'en matière d'intervention on est rendus beaucoup plus loin dans le
processus.
Donc, c'est certain que, si on est capables
de trouver des solutions en amont, bien, en tout cas, moi, de mon expérience
personnelle avec SEXTO principalement, c'est certain que ce serait gagnant, puis
je le vends toujours à mes partenaires. SEXTO, c'est une chose. On va aider ces
jeunes-là, mais, idéalement, ils ne se rendraient pas jusque-là. Donc, comment
on va faire? Bien, on va mettre des campagnes de prévention en place. On va les
informer. Puis, bien, évidemment, nous, on a des limites au niveau du DPCP. Notre
mandat est un service de poursuites, comme Me Champagne le disait, mais je
pense qu'ensemble… l'ensemble des acteurs peuvent trouver des solutions pour en
arriver, là, évidemment, à ce résultat-là.
La Présidente (Mme Dionne) : Puis,
si je reprends votre métaphore, puis connaissant les menaces qui règnent sur
les plateformes, est-ce que... je ne le sais pas, peut-être que vous ne vous
voudrez pas me répondre, mais est-ce qu'on devrait retarder l'âge d'accès aux
plateformes et aux réseaux sociaux? Je comprends qu'il y a une responsabilité
parentale, je l'entends bien, prévention, tout ça, mais est-ce que vous seriez
en faveur de retarder le plus possible l'accès aux réseaux sociaux pour les
jeunes?
Mme St-Pierre (Joanny) : Je
pense que, pour nous, c'est difficile de prendre une position avec la posture
qu'on a comme poursuivant public. Par contre, encore une fois, je pense que, si
une telle mesure était décidée, par exemple, au terme de vos travaux... Je
pense qu'il ne faut pas mettre de côté le besoin criant d'information et de
sensibilisation, parce qu'une seule mesure prise toute seule pourrait passer à
côté du problème, et je pense qu'il faut vraiment que les gens soient
sensibilisés aux risques que ces enfants-là courent pour que les enfants et les
parents soient en mesure d'identifier dans quel moment mon enfant est à risque
ou moi-même, je suis à risque, en tant qu'enfant.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Mes Champagne, Ouellette et St-Pierre, j'aimerais tout d'abord
vous remercier pour ce que vous faites pour les jeunes Québécois et
Québécoises. Je pense que ça mérite d'être souligné, parce qu'on comprend que
ce n'est pas quelque chose nécessairement de facile et d'évident, j'imagine,
autant pour les victimes que les parents, d'être dans une situation de cette
nature-là. C'est quand même quelque chose d'assez complexe.
Moi, j'aimerais savoir, à l'intérieur des
cas que vous... qui sont rapportés à vous, est-ce que vous voyez une
certaine... un certain équilibre au niveau des victimes, au niveau du genre, ou
vous voyez une prédominance d'un genre par rapport à l'autre? Est-ce… Généralement,
mon opinion, c'est que je pense qu'il y a plus de filles ou de jeunes femmes
qui sont victimes de ce type... si je parle... je pense aux sextos. Est-ce bien
le cas ou c'est vraiment assez équilibré comme phénomène?
Mme St-Pierre (Joanny) : J'ai
envie de vous dire qu'on voit, en matière de violence sexuelle comme en matière
d'exploitation sexuelle des enfants sur Internet, une prédominance où les
femmes et les filles sont davantage victimes que les garçons. Maintenant, je ne
sais pas si mes collègues veulent compléter pour peut-être d'autres types… en
matière d'intimidation, mais, pour la violence sexuelle, ça se répertorie de la
même façon quand c'est <fait...
Mme St-Pierre (Joanny) :
...quand
c'est >fait en ligne, malheureusement.
M. Ouellette (Maxime) : Pour
ce qui est du sextage, on remarque également la même tendance, là. C'est
généralement des filles qui sont victimes du phénomène, que ce soit le leur ou
même le repartage d'images intimes. On fait confiance à notre partenaire, et là,
oups! tout d'un coup, il y a une rupture qui survient ou… bien, la personne
décide de partager, et, malheureusement, la plupart du temps, c'est les garçons
qui vont décider de repartager l'image. J'ai des statistiques récentes. Elles
sont peut-être trop récentes pour que je puisse m'avancer par rapport à ça,
mais c'est quand même une proportion… majoritairement, là, en fait, femmes,
filles qui sont victimes, là, même dans nos dossiers de sextage. C'est une
donnée qu'on ne compilait pas avant la dernière demi-année. On a commencé à la
compiler parce qu'évidemment on s'y intéresse puis on voulait développer… voir
quelle tendance se développait, puis on la voit déjà se manifester.
M. Sainte-Croix : Au niveau
de votre intervention, est-ce que vous êtes en mesure d'établir une certaine
forme de profil des jeunes qui sont poussés vers des gestes de cette nature-là?
Tu sais, il y a-tu des... en bon français, il y a-tu des patterns que vous êtes
en mesure d'identifier?
M. Ouellette (Maxime) : Je
peux peut-être... pendant que, Joanny, tu réfléchis de ton côté, moi,
rapidement… parce que, dans le cadre de mon mandat de coordination, évidemment,
je vois beaucoup les dossiers aussi qui nous sont soumis, là, qu'on oriente
vers les services policiers. Je ne suis pas en mesure aujourd'hui d'identifier
nécessairement, là, un profil cible qui se livre plus ou qui serait davantage
vulnérable au niveau du sextage chez les adolescents. Ce que je peux vous dire,
par contre, c'est que, généralement, les garçons sont un petit peu plus âgés
que les filles. On remarque une différence d'environ une année entre les jeunes
filles qui sont victimes et les jeunes garçons qui les sollicitent pour
partager des images. Donc, la moyenne des filles, c'est environ 13 ans, les
garçons, 14 ans. Donc, on se situe davantage là. Donc, évidemment, c'est
un peu en adéquation avec les principes de notre loi, sous le système de
justice pénale pour adolescents, c'est-à-dire, quand les jeunes… bien, plus ils
sont jeunes, moins ils ont un niveau de maturité important, donc, peut-être, de
ce fait, sont plus vulnérables ou plus propices à se livrer à ce type de
comportement là.
Mme St-Pierre (Joanny) : Pour
ce qui est de la violence sexuelle ou de l'exploitation sexuelle des enfants
sur Internet, malheureusement, on n'a pas de profil cible. C'est-à-dire que
n'importe quel enfant, à un moment ou un autre de sa vie, peut se retrouver
victime d'une personne mal intentionnée qui va tenter d'atteindre cet
enfant-là. C'est certain que l'enfant qui est dans un état momentané de
vulnérabilité, avec des facteurs plus faciles à aller exploiter par le
contrevenant, a des chances davantage de se rendre loin dans cette
victimisation-là, mais il y a des enfants de tous les milieux, malheureusement,
de toutes, toutes les sphères sociales qui vont pouvoir tomber dans les filets.
C'est des gens habiles. C'est des gens habiles qui vont aller vers ces enfants-là,
qui vont être capables de trouver la faille ou les failles pour réussir à aller…
le lien avec ces enfants-là et obtenir ce qu'ils souhaitent avoir
éventuellement, soit des images ou une rencontre avec eux. Donc, je reviens à
mon message de tout à l'heure, je pense qu'il faut éviter de catégoriser pour
que les gens soient conscients que, nos enfants, ils peuvent tous... ils ont la
possibilité, tous, d'être victimes. Donc, il n'y a personne qui est à l'abri,
malheureusement.
M. Sainte-Croix : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci à vous trois d'être ici aujourd'hui. C'est très
apprécié, votre participation aux travaux de notre commission.
Est-ce que... En tout cas, j'espère que ma
question va être quand même assez claire, mais je pars un peu d'une réflexion
où ce n'est pas un peu la pointe de l'iceberg qui se retrouve... En fait, les
situations qui tournent mal se retrouvent… des statistiques chez vous, alors
que peut-être qu'en 2024 la cybersexualité fait partie, en tout cas, peut-être
pas pour tous et toutes, mais, pour certains et certaines, de l'apprentissage
adolescent ou… Bon, bien, moi, je viens d'une autre époque, on appelait ça
jouer au docteur, là, mais... puis je ne veux pas banaliser la chose, mais
est-ce que vous ne pensez pas que c'est tristement un peu là pour rester? Parce
que l'outil est là, puis il y a une certaine facilité, puis vous avez parlé de
confiance puis de spontanéité, de naïveté. Vos 1 600 quelques cas, est-ce
que ça ne cache pas derrière peut-être une façon de faire d'une nouvelle génération?
• (16 h 40) •
M. Ouellette (Maxime) : La
problématique de ça, c'est que, maintenant, ça se fait sur les réseaux sociaux,
et, quand un jeune perd le contrôle de cette image-là, bien, ce n'est pas
seulement l'individu avec lequel il avait partagé une image, par exemple, qui
est impliqué avec cette personne-là. Rapidement, les conséquences du partage
d'images <intimes...
M. Ouellette (Maxime) :
...d'images
>intimes sont telles qu'elles... On se doit de trouver des solutions
puis on ne peut pas entretenir ces...
Puis ce n'est pas un reproche que je fais, ce type de réflexion là, parce que
nos jeunes, on se doit de les protéger parce que, justement, bien, ils sont
plus vulnérables. Ils sont moins matures. Ils sont portés à peut-être justement
expérimenter certaines choses.
Puis, dans le cadre de nos discussions
dans SEXTO dans les dernières années, bien, c'est évident, vous avez raison de
dire qu'il y a un volet d'exploration à la sexualité puis de... D'une certaine
façon, certains jeunes qui vont se livrer au sextage peuvent s'épanouir
sexuellement de cette manière-là quand c'est fait dans des conditions
favorables où les gens sont dans une relation de confiance et que les images ne
sont pas repartagées, mais, moi, ce que je dis tout le temps en formation puis
quand je m'adresse à des partenaires, c'est qu'on ne peut jamais garantir que
ces images-là, peu importe le contexte dans lequel elles sont partagées, vont
demeurer entre les mains de la personne à qui on fait confiance.
Puis c'est ça, la problématique de
l'utilisation des réseaux sociaux puis de s'exposer de cette manière-là. Là, je
parle pour le sextage puis je suis persuadé que Me St-Pierre va être capable de
donner plus de détails, je la vois sourire, mais, nous, ce qu'on voit dans SEXTO,
c'est cette problématique-là puis c'est ça qu'on veut adresser par, évidemment,
le protocole puis en insistant auprès des partenaires pour qu'on essaie de
développer, là, des moyens, là, de prévenir en amont tout ça puis d'informer
les parents, parce qu'on va... On peut peut-être le dire 10, 15, 20 fois,
mais il faut que les parents soient en mesure d'encadrer leurs adolescents dans
l'utilisation des réseaux sociaux. C'est avant tout la responsabilité du parent,
à mon avis.
Joanny, peut-être que tu veux compléter?
Mme St-Pierre (Joanny) : Bien,
en fait, ce qui, moi, me préoccupe par rapport à cette dynamique-là qui se
dessine tranquillement, c'est toujours la notion de consentement également, parce
que les enfants qui ne sont pas conscients qu'ils sont en train d'être
manipulés pour produire des images, c'est un problème. Si on ne leur enseigne
pas à déterminer dans quel moment je suis en train d'être manipulé ou…
Par exemple, mon copain ou ma copine me
fait de la pression parce que ça fait 20 fois, 30 fois, 40 fois
qu'il me demande des images, moi, je n'ai pas le goût, ça ne me tente pas, mais
là ça fait 40 fois qu'il me le demande puis qu'il est insistant ou, encore,
il me dit qu'il va aller voir ailleurs si jamais je ne le fais pas, on tombe
dans une dynamique qui est criminalisable. Donc, on est dans du leurre
informatique, dans du leurre.
Donc, c'est ça qui est préoccupant, parce
que, si on ne connaît pas les limites acceptables ou pas, on se retrouve dans
des situations où des jeunes femmes, principalement, mais aussi des jeunes
garçons vont se retrouver face à une obligation... impression d'obligation de
produire ce matériel-là, et, comme Maxime le disait si bien, la problématique avec
Internet, c'est qu'à partir du moment où ce matériel-là est en potentiel de
dissémination, c'est à l'infini. Donc, une image qui est publiée une seule
seconde sur Internet a un potentiel d'être par la suite... de réapparaître à
l'infini. Il suffit d'une seconde pour que quelqu'un en fasse une capture
d'écran et l'enregistre sur un support différent pour que cette image-là soit
remise sans cesse en circulation.
Donc, il faut garder ça en tête parce que…
Peut-être qu'il y a un aspect d'épanouissement sexuel pour ces adolescents,
mais il faut garder en tête que le contexte dans lequel cet épanouissement-là
peut se faire représente un risque différent de l'épanouissement qui va se
faire dans une chambre à coucher où personne n'a accès. À partir du moment où
l'épanouissement se fait dans une chambre à coucher avec la porte fermée, que
personne ne les voie, il n'y a pas de risque de dissimulation, mais, à partir
du moment où l'image se retrouve sur Internet, il y en a un, et c'est là où la
ligne est difficile à trancher et c'est important de garder en tête qu'il y a
un risque.
M. St-Louis : Il y a des
mécanismes qui permettent... En fait, il y a des organismes qui demandent la
suppression de ces images-là, puis c'est fait, puis tout ça, mais... parce qu'on
l'a entendu en commission la semaine dernière, ces images-là, des fois,
réapparaissent quelques mois, voire même quelques années plus tard. Puis il y a
toujours le pendant du «dark Web» qui fait en sorte que, des fois, bien, même
si c'est supprimé, bien, ça continue de circuler. On peut faire quoi? Je veux
dire, là, je vous entends, puis, pour moi, comme papa, ce que je me dis, c'est :
sensibilisation, éducation, éducation, éducation. Mais, comme législateurs,
qu'est-ce qu'on peut faire d'autre?
Mme St-Pierre (Joanny) : C'est
une bonne question, mais je suis d'accord avec vous qu'effectivement c'est une
problématique. Puis, vous avez raison, le Centre canadien de protection de
l'enfance a développé Arachnid, qui est un magnifique projet et qui donne beaucoup
d'espoir aux victimes, mais je pense qu'il faut s'assurer d'encadrer nos
enfants et les parents pour les accompagner dans la meilleure connaissance,
dans la conscience du fait qu'à partir du moment où moi, je publie quelque
chose sur Internet il y a un risque que ce que je publie soit là jusqu'à la fin
de mes jours.
À partir du moment où on est conscients de
ça, la capacité de prendre <une...
Mme St-Pierre (Joanny) :
...prendre
>une décision, je pense, elle est meilleure, mais je ne suis pas
convaincue que nos enfants sont à ce point conscients de ce risque-là. Je ne
pense pas qu'on leur... on les éduque suffisamment à cet effet-là. Est-ce que
c'est une obligation du législateur? Est-ce que ça passe par un travail
concerté de tout le monde? Moi, je pense que c'est là où ce sera gagnant, de le
faire en concertation avec peut-être plusieurs portions du gouvernement, mais,
une chose est certaine, le risque est là, et effectivement c'est difficile, une
fois que c'est sur Internet, d'y mettre fin, même s'il y a des outils qui
existent.
M. St-Louis : Est-ce que je
peux... une dernière, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Oui.
Il reste une minute.
M. St-Louis : Rapidement,
l'arrivée de l'intelligence artificielle fait en sorte que, des fois, on peut
prendre juste le visage. On n'a pas nécessairement une photo compromettante,
mais les résultats sont les mêmes, ça, on le sait. Vous en pensez quoi? Est-ce
que vous avez eu des cas déjà?
Mme St-Pierre (Joanny) : Bien,
en fait, quand on parle d'hypertrucage, donc, de prendre le visage de quelqu'un
puis de le mettre sur un corps nu et de donner l'impression que c'est l'image
de quelqu'un d'autre, c'est une certitude que l'impact chez la personne qui est
visée par cette image-là est le même que si c'était son image à elle-même parce
que la personne qui va avoir cette photo-là va être convaincue que la photo,
elle est inédite. Ça ne va pas faire la différence. Alors, pour la personne qui
le vit, l'impact est exactement le même.
Donc, je pense que c'est important de le
garder en tête, et, effectivement, avec nos jeunes, on le voit, il y a des
applications qui sont de plus en plus accessibles, qui permettent, en deux
clics, la possibilité de créer ce genre d'image là, et on le voit qu'ils le
font par moment en trouvant ça drôle, un peu en blague, en se disant : Ha,
ha, ha! Je vais faire ce type de photo là. Encore une fois, je pense que la
sensibilisation est la clé. Quand on n'a pas le choix, on va se rendre à
l'intervention et éventuellement la criminalisation de l'acte, mais je pense
qu'il faut les éduquer sur le fait que ça a de l'impact chez l'autre s'ils font
ça, et cet impact-là peut durer jusqu'à la fin de leurs jours parce que cette
image-là est diffusée sur Internet. C'est infini, l'impact sur ces victimes-là.
M. St-Louis : Merci pour vos
réponses, mais, surtout, merci, comme le disait mon collègue le député de
Gaspé, pour tout ce que vous faites pour nos jeunes Québécois et Québécoises.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
Mes Champagne, Ouellette, St-Pierre, merci beaucoup pour votre contribution à
ces travaux.
Et nous, on suspend quelques instants pour
accueillir nos prochains témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 48)
(Reprise à 16 h 55)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la
bienvenue à Mme Jolicoeur. Alors, merci de votre présence.
Donc, je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et, suite à cela, nous
procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors,
je vous cède la parole.
Mme Marie-Pier
Jolicoeur
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, bonjour. Je
vous remercie beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui à venir vous entretenir
sur les enjeux qui occupent cette commission. Il y a des enjeux qui
m'intéressent particulièrement à titre de doctorante en droit des enfants dans
l'environnement numérique, qui est, oui, vraiment devenu un sujet de recherche
à part entière. Je me sens vraiment privilégiée de pouvoir vous partager mes
observations sur ces questions dans une perspective de droits de l'enfant.
Je souligne que je collabore régulièrement
avec plusieurs des intervenants qui se sont adressés à vous ou qui vont le
faire dans les prochains jours et je déclare également que je n'ai pas de
conflits d'intérêts professionnels ou personnels à venir vous parler
aujourd'hui, mes recherches étant financées par des organismes qui sont
indépendants.
Et donc cette perspective collaborative,
et très souvent interdisciplinaire, que j'adopte dans mes travaux m'amène à <formuler...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
...m'amène à >formuler d'entrée de jeu une mise en garde à
l'égard d'un faux dilemme qui s'est créé depuis quelques années autour des
questions qui nous concernent, soit celui qu'on aurait à choisir entre des
solutions éducatives ou des solutions juridiques ou entre un acteur ou une
autre... un acteur ou une autre pour protéger les enfants dans le monde
numérique. J'invite vraiment la commission à adopter une vision large, une
vision complémentaire des responsabilités de chaque acteur de la société dans
la recherche de solutions.
Je mentionne aussi d'entrée de jeu que de
parler de droit lorsqu'on réfère aux enfants, ça peut sembler un acquis en
2024, mais sachez que la reconnaissance de l'enfant comme personne à part
entière, qui jouit d'une capacité et qui possède des droits, c'est une
situation pour laquelle il a fallu militer à une certaine époque qui n'est pas
si lointaine où l'enfant était considéré comme un être qui était incapable,
défini par ses manques par rapport à l'adulte. Il est vraiment passé d'objet de
droit à un véritable sujet de droit. Puis c'est vraiment sur cette vision que
repose la convention sur les droits de l'enfant, qui est un instrument
juridique international qui a été ratifié par les gouvernements du Québec et du
Canada en 1991, et donc le Québec s'est engagé à faire appliquer et à respecter
les principes qu'elle contient en ligne et hors ligne.
Et donc les principes de droits de
l'enfant, ce ne sont pas juste des beaux principes, c'est des engagements,
c'est des obligations. Et donc, en ce sens, le paragraphe 35 de
l'observation générale n° 25 est sans équivoque à
l'égard des responsabilités de l'État par rapport à l'industrie du numérique,
et je cite : «Les entreprises ont des incidences sur les droits de
l'enfant dans le cadre de la fourniture de services et de produits liés au
numérique. Les entreprises sont tenues de respecter ces droits, de prévenir et
de réparer les atteintes, le cas échéant, et les États ont l'obligation de
veiller à ce que les entreprises assument ces responsabilités.»
Comme mon temps est restreint, je vous
soumets, à la lumière de ces premiers commentaires, la très large
recommandation, mais importante, que l'ensemble des éventuels projets de loi et
initiatives de l'Assemblée nationale du Québec qui découleraient de cette
commission spéciale tiennent compte de l'outil d'évaluation des répercussions
sur les droits des enfants, le ERDE, fondé sur la convention pour aider les
parlementaires à évaluer leurs répercussions éventuelles sur les enfants.
Vous savez, en 1977, lorsque le Québec a
adopté la Loi sur la protection de la jeunesse, cette dernière a été reconnue
comme une loi d'avant-garde. Cette loi a été imitée, d'ailleurs, dans d'autres
juridictions à travers le monde. Elle a permis au Québec de se positionner sur
la scène internationale. Donc, on a l'occasion aujourd'hui de nous placer comme
précurseurs, d'agir avec leadership, de suivre la mouvance actuelle qui a
débuté aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et ailleurs pour s'assurer
de protéger les droits de l'enfant en ligne par des messages forts et des
initiatives concrètes.
Pour ce faire, dans mon mémoire, je ne
vous soumets pas moins de 18 recommandations basées sur cinq principes
clés en droit des enfants. Je ne vais pas avoir le temps de passer au travers,
mais je vais insister sur deux principes clés, puis on pourra revenir sur le
reste dans le cadre de nos échanges.
D'abord, premier principe, et je vais
faire sourire les personnes avec qui je collabore régulièrement si jamais elles
écoutent cette audition puisque je le martèle souvent, le principe des
capacités évolutives de l'enfant. Les enfants ont besoin de protection, mais
ils ont aussi besoin de participation. Ils ont besoin d'autonomie
décisionnelle. Ces différents besoins vont varier selon les contextes, selon
l'âge, selon les domaines de décision, et ce principe va avoir des conséquences
importantes dans leurs relations numériques.
Par exemple, dans la petite enfance, c'est
une période au cours de laquelle l'enfant va se développer rapidement. Bon, on
vous l'a dit, plusieurs intervenants vous l'ont dit, il y a une vulnérabilité
singulière dans les toutes premières années de la vie. On pense que ce serait
justifié, dans le cadre d'initiatives législatives pédagogiques à caractère
symbolique, par exemple, ou à travers des normes de santé publique, de
suggérer, au nom du principe des capacités évolutives de l'enfant et en raison
des données probantes qu'on vous a présentées, des balises d'usage des écrans
qui seraient distinctes entre la petite enfance, l'enfance et l'adolescence.
• (17 heures) •
Il y a différentes propositions de lois
actuellement dans le monde qui incarnent cette vision nuancée de ce qui est
optimal entre les catégories d'âge, du degré de maturité et de compréhension de
chaque enfant, le fameux projet de loi sur la majorité numérique, je crois, est
sur votre… peut-être dans vos réflexions présentement, ceux qui portent sur le
renforcement de la protection des mineurs sur les réseaux sociaux, les projets
de loi autour de la vérification de l'âge à l'entrée des sites pornographiques
et les mesures d'encadrement du contenu télévisuel et cinématographique.
Pour évaluer ce qu'est la capacité de
l'enfant, il y a différents critères qui sont recommandés par l'UNICEF.
D'abord, la capacité de l'enfant de comprendre c'est quoi, les alternatives qui
sont <disponibles…
>
17 h (version révisée)
< Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
...quoi,
les alternatives qui sont >disponibles. L'enfant doit aussi être capable
d'exercer un choix indépendamment de toute contrainte et manipulation, un
critère que l'on peut questionner dans le cas des réseaux sociaux en jeune âge,
la capacité aussi de pouvoir mesurer les conséquences néfastes qui pourraient
naître du traitement de ces données personnelles, par exemple. La capacité d'évaluer
les avantages, les risques, les dommages potentiels sur son développement :
difficile pour un enfant du primaire, par exemple, dans le cas de la
pornographie.
Cette reconnaissance de l'acquisition
progressive de l'autonomie de l'enfant, c'est un concept qui devrait guider les
travaux des parlementaires pour éviter de tomber dans un paternalisme juridique
envers les enfants, certes, mais pour aussi, en même temps, s'assurer de les
protéger adéquatement et d'agir sur le plan législatif lorsque c'est requis.
Deuxième principe, celui de l'intérêt
supérieur de l'enfant, et je vais terminer mon allocution sur ce principe, dont
on vous a, d'ailleurs, déjà parlé. On l'a dit souvent, les écrans, plus
largement le numérique, bon, offrent des opportunités aux mineurs, ils peuvent
aussi provoquer des risques, et le nerf de la guerre réside en grande partie
dans cet exercice qui consiste à séparer le bon grain de l'ivraie en matière de
numérique dans l'enfance. Et je vous propose que le guide, la boussole dans cet
exercice, ce soit le meilleur intérêt de l'enfant, comme nous le requièrent, d'ailleurs,
nos engagements internationaux en matière de protection des mineurs.
Et je réitère que ce n'est pas seulement
un principe qui est intéressant, l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est une
obligation qui découle de l'article 3 de la convention. On dit : «Dans
toutes les décisions qui concernent les enfants, [que ce] soient [les]
institutions [privées, publiques], [les] autorités administratives [...] les
organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale.» Et donc cette obligation s'applique à tout moment,
en tout lieu, dans tous les contextes du monde numérique et de la vie hors
ligne.
Et donc de parler de considération
primordiale, ça fait en sorte qu'en cas de conflit avec d'autres droits, ceux
de l'entreprise, des entreprises du secteur du numérique ou ceux des parents,
on va accorder un poids, une priorité qui va être plus élevée à l'intérêt de l'enfant,
comme la Cour suprême l'a fait dans l'arrêt Irwin Toy en 1989, une décision qui
est historique pour le Canada, où on a vraiment fait passer l'intérêt de l'enfant
en priorité. Et donc le plus haut tribunal du pays a conclu que c'était «raisonnable,
de la part du législateur, d'empêcher les annonceurs d'exploiter la crédulité
des enfants». Je reprends les mots de la décision.
Et donc cette évaluation de l'intérêt
supérieur de l'enfant, ça doit faire une place aussi au respect du droit de l'enfant
d'exprimer son opinion, du droit d'être entendu dans toutes les affaires qui le
concernent. Je salue l'intention de la commission en ce sens, de faire
participer les écoles, et je pense qu'il ne faut pas hésiter à aller le plus
loin possible dans cette implication et cette participation des enfants.
Il paraît aussi une avenue prometteuse d'intégrer
le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant comme étant prioritaire aux
intérêts commerciaux de l'industrie, comme on le retrouve, d'ailleurs, dans des
lois au Royaume-Uni ou dans certaines législations américaines.
À propos de la participation des enfants,
le rapport de l'important organisme Digital Futures Commission, au Royaume-Uni,
est sans équivoque à l'égard du modèle d'affaires des plateformes et de ce qu'en
pensent les mineurs. Le rapport révèle que les enfants ont exprimé vouloir «un
monde numérique qui est moins addictif, moins préjudiciable et qui ne les
exploite pas sur le plan économique». Je reprends les mots des enfants.
Et donc je souhaite terminer par les
propos éloquents de l'éminent professeur en droit des technologies au Québec,
Pierre Trudel, qui a exprimé dans un article aux médias au sujet de l'encadrement
de l'industrie du numérique : «Il faut cesser de prétendre que les lois d'un
État ne peuvent pas s'appliquer lorsqu'une activité se déroule sur Internet. Ce
qui manque pour assurer l'efficacité des lois aux activités qui se déroulent en
ligne, c'est la volonté des autorités de les appliquer et de les assortir des
risques proportionnés pour ceux qui choisiraient de passer outre.» Donc, j'invite
la commission à réfléchir à ce que le Québec prenne les mesures nécessaires
pour faire en sorte qu'il devienne risqué pour les entreprises de faire fi des
lois qui s'appliquent pour protéger les enfants, en ligne comme ailleurs.
Je vous remercie de votre attention et je
suis disponible pour échanger avec vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Jolicoeur. Nous allons débuter cette période d'échange avec M. le
député de Jonquière.
M. Gagnon : ...plaisir de
vous accueillir. J'ai bien entendu certaines balises en fonction de l'âge, mais
vous avez dit quelque chose qui m'accroche, vous avez dit : Une certaine
autonomie décisionnelle. Et, de manière très courte, ce que j'entends, c'est...
vous proposez, puis reprenez mes propos, mais vous proposez une certaine
liberté aux enfants, dans leurs choix. C'est ce que j'entends. C'est-à-dire, on
peut parler d'école, on peut parler du parent, on peut parler de formation, on
peut parler d'éducation, mais vous ramenez une vision qui dit : En
fonction de l'âge, en fonction de certaines balises, les enfants peuvent faire <certains
choix...
M. Gagnon :
...fonction
de l'âge, en fonction de certaines balises, les enfants peuvent faire >certains
choix. C'est là-dessus que j'aimerais vous entendre.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
c'est le principe des capacités évolutives de l'enfant, c'est au cœur de toutes
les lois en protection de la jeunesse, là, cette idée de dire que l'enfant est
titulaire de droits, donc de ne pas rentrer dans une attitude qui est
paternaliste ou qui serait... autant dans les mesures éducatives que dans les
mesures juridiques. Cependant, le besoin... la reconnaissance du principe de
l'acquisition progressive de l'autonomie, ça n'exempte pas le fait qu'on a
aussi un devoir de protection de l'enfant. Et donc c'est vraiment un principe
qui est évolutif, qui est contextuel également et qui ne fait pas en sorte,
puis j'espère avoir été claire là-dessus dans mon audition, que l'État n'a pas
d'obligation d'encadrer les entreprises, l'industrie du numérique, là, lorsque
nécessaire.
M. Gagnon : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : D'autres
interventions? Oui, Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : ...de la
qualité du contenu puis que ça reflète bien, finalement, l'intérêt de l'enfant.
Ça serait quoi, le meilleur processus pour que le matériel puis le contenu qui
est présenté aux enfants dans les écoles soit adéquat, selon vous?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
je pense qu'il faut suivre les données probantes à ce sujet-là. Dans les
écoles, sur les technologies pédagogiques, il y a des gens qui ont vraiment des
expertises spécifiques, là, sur cette question-là, si votre question, tu sais,
s'adresse vraiment au contexte scolaire. Encore une fois, ça aussi, ça découle
de nos engagements internationaux envers les enfants, que d'être capables de
leur fournir un contenu de qualité. Puis je pense que ça ressort assez
clairement de la commission que tout ce qui mobilise des stratagèmes basés sur
l'économie de l'attention, sur des... vraiment de la surstimulation, tout ça,
ça ne correspond certainement pas à ce qui est optimal, là, pour le
développement de l'enfant. Donc, j'espère répondre à votre question par rapport
au contexte scolaire. Je n'ai pas d'expertise spécifique, là, à la question des
outils pédagogiques en contexte scolaire, là.
Mme Bogemans : Mais, en fait,
est-ce que... Pour respecter le principe que vous venez de mettre de l'avant,
finalement, est-ce que le mieux, ça serait, par exemple, de dire : Nous
avons le droit, dans les écoles, d'utiliser telle plateforme ou tel outil parce
qu'on a les études probantes, indépendantes ou avec une transparence de qui a
financé les études pour être capables de dire que c'est du bon matériel?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Je
pense que vous mettez le point sur un enjeu qui est très important, là, la
transparence, aussi, du financement de ces études-là, tout à fait. Mais je
pense que, si on revient au fait que la boussole, le guide, c'est le meilleur
intérêt de l'enfant, bien, ça serait d'évaluer au cas par cas. Bien, par
exemple, l'interdiction du cellulaire dans la classe peut avoir une
justification parce que c'est dans le meilleur intérêt de l'enfant d'être
concentré, de ne pas être distrait durant ses périodes de classe, peut-être
même de l'élargir, effectivement, dans des contextes plus vastes. Pour ce qui
est, après ça, d'utiliser des outils qui sont bien balisés, il y a eu des
associations, là, de... qui sont venues vous parler, qui sont vraiment dans le
secteur des technologies éducatives. Mais, à ce moment-là, en utilisant ce
principe-là de l'intérêt supérieur de l'enfant, ce serait d'évaluer
contextuellement, effectivement, si ça peut être dans l'intérêt de l'enfant de
bénéficier d'outils pédagogiques en classe lorsque c'est opportun.
Mme Bogemans : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Merci pour votre présentation. Pouvez-vous nous dire, ça
m'intéresse, là, le concept de l'intérêt supérieur de l'enfant, dans combien
d'autres lois québécoises on utilise ce concept-là?
• (17 h 10) •
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
en fait, le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, il est dans notre
droit commun, là, dans notre Code civil du Québec. C'est une obligation, un
engagement international qu'on a. Là, je ne veux pas rentrer dans trop des
considérations techniques, mais on a un enjeu au Canada, au Québec, de ne pas
avoir intégré la convention par une loi habilitante dans nos lois. Ce qui ne
veut pas dire que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas un
engagement, là, qu'on doit respecter, mais le fait de l'intégrer spécifiquement
dans une législation, par exemple, Me Levac, qui vous a recommandé de le
faire dans une loi sur la protection des renseignements personnels, moi, je
pense que ce n'est jamais une mauvaise idée.
Je veux dire, pour l'argumentaire, aussi,
qu'elle mettait de l'avant, l'idée de la protection parapluie, là, je trouve ça
assez intéressant. Et aussi parce que, bien, il y a un peu une présomption
d'interprétation des lois, que le législateur ne parle jamais pour rien dire,
donc le fait de marteler qu'on met de l'avant une loi qui a pour but de
protéger les personnes physiques dans le cyberespace, dans... sur Internet,
bien, le fait d'inscrire qu'on valorise l'intérêt supérieur de l'enfant et
qu'on protège un groupe vulnérable, je pense que c'est une avenue qui est
intéressante, là, pour le gouvernement.
M. Leduc : Vous parliez de Me
Levac, ça, c'était avec Option Consommateurs?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui,
exact.
M. Leduc : Oui, c'est ça.
C'est ça. Donc, leur proposition de dire : On devrait intégrer ce
concept-là dans la loi sur les renseignements personnels et confier à la
Commission d'accès à l'information un certain <pouvoir...
M. Leduc :
...renseignements
personnels et confier à la Commission d'accès à l'information un certain >pouvoir
décisionnel sur l'objet d'une plainte, de potentiellement interdire des
fonctionnalités de réseaux sociaux... quelque chose que vous pensez qui est une
piste intéressante?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
tout à fait. Je dirais que, de manière générale, quand une loi comme celle-ci
cherche à protéger un groupe vulnérable, de mettre l'intérêt supérieur de
l'enfant, c'est une avenue qui est intéressante. Ce que j'ai essayé aussi de
vous dire dans mon exposé, c'est que le principe de l'intérêt supérieur de
l'enfant, il s'applique en tout temps, en tout lieu, tout le temps, dans notre
vie en ligne et hors ligne. Donc, le fait que ça ne soit pas inscrit dans la
loi, ce n'est pas un justificatif pour dire : Bien, on passe outre le
principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Mais le fait de le mettre dans une
loi, ça donne, c'est ça, une protection peut-être supplémentaire,
effectivement.
M. Leduc : Vous parliez
tantôt de prioriser, donc, l'intérêt supérieur de l'enfant par rapport aux
intérêts économiques des entreprises de jeux vidéo ou de réseaux sociaux.
Comment on le concrétise? Parce que je ne suis pas sûr qu'il y a beaucoup de
monde qui serait en désaccord avec cette hiérarchisation que vous faites de ces
deux principes-là. Mais, concrètement, là, on parle, donc, par exemple, de
l'intégrer, faire de la solution d'Option Consommateurs une réalité, mais
est-ce qu'il y a d'autres manières que vous pourriez nous suggérer, vraiment
plus concrètes, de le concrétiser, alors, cette...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
vous dites qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui sont en désaccord, par
contre...
M. Leduc : Officiellement et
publiquement.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui,
oui, officiellement et publiquement, tout à fait.
M. Leduc : Après ça, quelques
investisseurs pourraient nous dire autrement, on s'entend, là.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui.
Mais en fait, par contre, quand vient le temps d'agir pour contraindre
l'industrie, même si on est d'accord avec le principe, des fois, on se questionne
nous-mêmes. Bien, je l'ai entendu dans l'espace médiatique, je l'ai un peu
entendu aussi en commission, de dire : Bien là, qui qu'on est, David
contre Goliath, contre l'industrie du numérique? Moi, je vous dirais : Il
n'y a rien qui est censé être au-dessus du gouvernement et de l'industrie, sauf
les droits et libertés de la personne. On est dans une constitution où, bien,
ce qui est supralégislatif, c'est les droits et libertés de la personne. Mais,
sinon, l'industrie n'est pas censée être au-dessus des lois. Et donc je
comprends l'asymétrie de pouvoir qui s'est créée, je comprends cette espèce de
réflexe-là de dire qu'on est...
Mais moi, j'invite la commission à
vraiment chercher à avoir la certitude que ça fait partie de ses devoirs, de
ses obligations envers les enfants que d'encadrer l'industrie, si jamais il y a
préjudice puis qu'on viole l'intérêt de l'enfant, l'intérêt supérieur de
l'enfant. Donc, c'est un mythe, hein, qu'on ne peut pas encadrer Internet, que,
parce qu'il y a des sites qui sont hébergés dans d'autres pays, les lois ne
s'appliqueraient pas. Il y a une décision de la Cour suprême, célèbre, qu'on
nous enseigne dans nos séminaires de droit des technologies, où une injonction
extraterritoriale a été demandée, dans Google et Equustek, en 2018, donc, pour
forcer Google à appliquer... c'était dans un cas de propriété intellectuelle. En
tout cas, peu importe. Mais, vraiment, c'est ce mythe-là, là, qu'on n'a pas de
pouvoir sur l'industrie parce que l'industrie est toute puissante. En tout cas,
je pense qu'il faut rétablir l'asymétrie de pouvoir qui s'est créée.
M. Leduc : Je ne veux pas
parler au nom de mes collègues, mais, mettons, moi, ce qui pourrait me faire
réfléchir, ce n'est pas tellement l'idée qu'on peut légiférer, ça, je sens
qu'on a ce pouvoir-là, c'est notre fonction première ici et dans ce beau parlement,
mais c'est plus la question : Est-ce que ça va fonctionner? Est-ce que ça
va être efficace?Est-ce qu'on va réussir à, pour de vrai, réglementer
ce secteur-là, mettre au pas les... Ça fait que c'est plus ce truc-là.
Tu sais, on parlait tantôt des VPN, est-ce
qu'on peut... La dernière chose que je voudrais, c'est qu'on légifère, puis
qu'on bombe le torse, puis on dit : Au Québec, c'est comme ça qu'on vit,
pour paraphraser certaines personnes, mais qu'après ça ça ne fonctionne pas puis
qu'on devienne presque une risée internationale : Bien, eux autres, ils
ont dit qu'ils allaient tout changer, puis finalement rien ne change. C'est
plus l'applicabilité de ce qu'on tenterait de faire.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Je
vous rassure par rapport à l'aspect, tu sais, d'être une risée. Tu sais, il y a
une mouvance actuelle dans les lois, au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis,
où vraiment on adopte des lois pour encadrer l'industrie. Je pense que c'est
vraiment l'occasion de suivre cette mouvance-là. Le UK Age... Age Code, là, sur
le design de... Pardon, le titre exact, mais vous savez lequel... UK Children's
Code, là, pour agir vraiment sur le design du numérique. Il y a une étude qui a
été faite par Children and Screens, qui est un organisme indépendant aux
États-Unis, pour mesurer l'effectivité de cette loi-là, et ils ont dénombré
128 changements qui ont été faits suite à l'adoption de ce code-là.
C'est sûr que c'est difficile de
dénombrer, de ce nombre-là, c'est quoi, qui réellement et directement corrélé
avec l'adoption de la loi ou qu'est-ce qui a été de l'autorégulation de
l'industrie, qu'ils se sont dit : O.K. on sent l'eau chaude, et donc on
adopte des changements. Mais, quand même, c'est sûr que, pour l'enjeu de
l'effectivité du droit puis qui, moi, comme doctorante en droit, m'intéresse
beaucoup aussi, et c'est normal... Je pense que c'est un enjeu, l'efficacité du
droit, qui n'est pas présent seulement dans le monde numérique. Tu sais, on se
questionne sur l'effectivité des normes dans le monde non numérique, et je
pense qu'on est dans des démarches très <prospectives...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
...monde
non numérique, et je pense qu'on est dans des démarches très >prospectives,
donc l'efficacité réelle, si on la mesure, parce qu'on ne mesure pas toujours
l'efficacité de toutes les lois, mais on va le savoir, c'est sûr, par après.
Mais je pense que, sur des enjeux... particulièrement René Morin, qui est venu
vous parler des enjeux qui concernent la délinquance sexuelle en ligne, les
enjeux de vie privée, les enjeux que Maude Bonenfant vous a parlé ce matin,
concernant les stratagèmes, Magali Dufour, je pense que, sur ces enjeux-là, il
y a vraiment quelque chose à faire sur le plan législatif.
M. Leduc : C'est sûr que je
pourrais vous parler longtemps des normes du travail qui ne sont pas à
100 %...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Tout
à fait.
M. Leduc : ...appliquées au
Québec. Bien, ce que je retiens de votre témoignage, c'est que, même si on
n'est pas à 100 % certains que ça va 100 % s'appliquer, on est quand
même suffisamment certains que ce droit nouveau là aura un impact pour s'y
lancer.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui.
Puis je pense qu'on vous a parlé de force symbolique, aussi, du droit. C'est
sûr qu'en sociologie du droit on va s'intéresser aussi à ces effets-là de la
norme, au fait que le gouvernement prend une posture. Récemment, je parlais
aussi avec... d'effectivité, justement, du droit sur Internet, et on me parlait
de la stratégie que, d'ailleurs, je pense, le centre canadien de la petite
enfance... de protection de l'enfance, pardon, met en œuvre, l'idée d'être en
réseau avec les autres pays qui ont adopté une législation similaire, qui
fonctionne très bien dans le cas de la pédopornographie. Donc, ce n'est pas
parce que le contenu problématique vient de l'Irlande, par exemple, qu'on va se
retenir d'agir et donc de développer des partenariats en réseau, comme ça.
Bien là, si, un jour, on a un commissaire
à la protection de l'enfance au Québec, là, il y a un projet de loi... ça
pourrait être d'être en réseau avec les ombudsmans de protection de l'enfance
de d'autres juridictions. La Sûreté du Québec, je pense qu'elle n'est pas venue
encore témoigner, mais, en tout cas, les polices... les corps policiers peuvent
travailler aussi en réseau, les protections de la jeunesse, les commissariats à
la vie privée, la CNIL en France, tout ça. Donc, ce travail-là en réseau, ça
peut être un levier pour s'assurer de l'effectivité des lois adoptées.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Moi,
je vais me faire l'avocat du diable pour... J'essaie de voir, tu sais, au
niveau de l'intérêt supérieur de l'enfant, des fois, dans une certaine mesure,
si ça peut s'appliquer. Parce qu'on a... bon, on a entendu plusieurs témoins,
puis, au niveau, bon, bien, de l'interdiction du cellulaire, complètement, dans
les écoles, bien, certaines visions, c'est que, bien, ça serait dans l'intérêt
de l'enfant parce que, sur l'heure du dîner, les jeunes sont tous sur leurs
cellulaires, puis il n'y a plus personne qui socialise, l'activité physique est
moins là.
Donc, dans un... Comment on arrive à
jongler avec ça, alors qu'on a deux écoles de pensée, sur l'interdiction des
cellulaires, complètement, à l'école, quand certains prônent que, bien, l'intérêt
supérieur de l'enfant, ce serait de l'interdire et d'autres disent : Bien
non, si vous faites ça, on va créer d'autres problèmes ou ils vont aller...
c'est ça, ils vont sortir de l'école puis ils vont aller visiter leurs
plateformes? Alors, c'est dans ce... devant ces dilemmes-là que je me
dis : Comment on applique ce principe?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
c'est une très, très belle question, parce que l'intérêt supérieur de l'enfant,
c'est quelque chose qui est contextuel. Puis je me mets à votre place, là, ça
fait presque deux semaines que vous recevez de l'information de... puis de
l'information qui peut sembler contradictoire mais qui est la démonstration... Puis
ça, c'est une recommandation aussi que j'ai dans mon mémoire, de segmenter les
sujets, parce qu'il y a plus d'une trentaine de problématiques, là, qui sont
abordées dans le document de consultation, puis ça peut créer, des fois, cette
impression-là de : Ah! bien là, dans ce cas-ci, l'écran, il est bénéfique;
dans tel autre, il ne l'est pas, puis là... Donc, peut-être qu'en segmentant,
aussi, les enjeux ça peut aider.
Et moi, comme juriste, je le vois, là, cet
enjeu-là de la nuance, qui est important, là, de ne pas tomber technophobie ou
technophilie, être dans un juste milieu. Mais, moi, ma crainte, parfois, dans
certains discours, c'est que cet accueil-là de la nuance fasse un peu basculer
dans la complaisance par rapport à certains risques, tu sais, le fait de... Puis
c'est des débats, là, qu'il peut y avoir entre... Mais il y a des risques qui
sont extrêmement importants, extrêmement sérieux. Tantôt, vous avez
Mme Miville-Dechêne qui va venir vous parler de l'accès à la pornographie,
il y a des intervenants qui vous ont parlé de cyberdépendance, donc il y a des
enjeux qui sont très, très... qui n'occultent pas le fait qu'effectivement,
pour certains... Puis moi, j'y suis sensible, bien sûr, comme... dans une
perspective de droits de l'enfant, des enfants en situation de handicap, pour
qui la technologie va être bénéfique, va leur permettre d'être un outil
d'inclusion.
Ça fait que tout ça pour... une longue
réponse pour vous dire, finalement, que je pense qu'en segmentant les sujets et
en accueillant cette complexité-là, qui est vraiment propre à... Ça semble être
un gros problème, les écrans et les enfants, mais c'est finalement plusieurs
problématiques différentes, plusieurs enjeux. Il faut prendre le temps de les
évaluer, il faut prendre le temps de les analyser et... Voilà, longue question,
finalement, puis la question était dans les écoles, mais... longue réponse. Mais,
merci, c'est une question qui est importante, vraiment.
• (17 h 20) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
C'est éclairant. Mme la <députée de...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
...importante, vraiment.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci.
C'est éclairant. Mme la >députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Jolicoeur. Merci pour votre mémoire. En fait, donc,
vous l'avez abordé un peu, donc, dans votre énoncé, donc vous dites, donc :
On s'intéresse, donc, à la question de la majorité numérique. Une des expertes
qui vous a précédée, donc, nous a un peu corrigés dans notre nomenclature, puis
j'aimerais, en fait, avoir votre opinion là-dessus, donc, en fait, à l'égard,
donc, du principe des capacités évolutives de l'enfant, comment est-ce que vous
abordez ce sujet-là et, le cas échéant, donc, si vous mettriez, donc, un
certain âge qui soit conséquent avec ce principe-là que vous évoquiez dans
votre mémoire.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : J'aurais
trois choses à dire. Je savais que vous alliez me parler de la majorité
numérique. Donc, je pense que c'est Maude Bonenfant qui vous a parlé.
Mme Cadet : Oui, c'est ça.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Je
partage ces réserves-là, sémantiques. D'abord, premier commentaire, celui de la
forme, je pense effectivement qu'il y a une confusion qui peut se créer et
peut-être même une espèce de... c'est comme si on... une espèce de valorisation
des réseaux sociaux, comme si, finalement, être dans le... avoir des outils
numériques ou avoir un contact avec le numérique, ça se limitait aux réseaux
sociaux. Puis, tu sais, le consentement, aussi, on ne parle pas de majorité
médicale, on parle... Tu sais, je pense que ce n'est peut-être pas le bon choix
stratégique. Puis d'ailleurs il y a un maître de conférence, en France, qui a
critiqué le choix du titre «majorité numérique», là, pour essentiellement les
mêmes raisons.
Pour ce qui est de l'âge exact, tu sais,
c'est plus des experts en éducation, en développement de l'enfant, qui vont
trancher ce débat-là. Mais je pense que l'idée de nommer la loi pour ce qu'elle
est, c'est-à-dire une loi qui vise à limiter l'accès des jeunes de moins de
14 ans, par exemple, aux réseaux sociaux... Ou même, j'irais peut-être
plus loin, de dire, en fait... À la base, l'industrie avait créé ces outils-là
pour des jeunes de 13 ans et plus, donc c'est presque une mesure de
renforcement de l'efficacité de l'interdiction qui a été mise, à la base, par
l'industrie. Donc, il y aurait un choix à ce niveau-là.
Après ça, sur le fond, je pense qu'il y a
beaucoup d'arguments favorables au fait de dire qu'avant la préadolescence,
pour les critères que je vous ai exposés, aussi, dans mon allocution, sur la
capacité à mesurer les avantages et les inconvénients, la capacité à pouvoir
vraiment comprendre tous les risques, quand... Il y a un organisme super... je
ne sais pas si je l'ai déjà nommé, mais Children and Screens à Washington, aux
États-Unis, qui travaille à faire de la recherche. Et, l'an dernier,
j'assistais à un congrès international, et il y a une chercheure qui a présenté
une étude où elle avait analysé des profils Instagram de jeunes de moins de
13 ans de manière qualitative. Donc, elle avait fait ressortir... et elle
n'avait même pas eu besoin de faire de demandes d'amitié, elle avait simplement
évalué. Et le titre de sa présentation est assez éloquent, là, le titre était...
je m'excuse pour l'anglais, mais c'était : I'm 10 and I'm single,
donc j'ai 10 ans et je suis célibataire. Pour... C'était très très
percutant, comme titre. Et elle a fait ressortir de son étude qu'il y avait
beaucoup de contenu hypersexualisé, que les jeunes mettaient leur statut
matrimonial publiquement sur les pages, qu'il y avait des adresses, des
renseignements sensibles, etc. Et donc moi, quand j'entends cette science-là,
je me dis : Il y a quand même des arguments qui sont favorables, dans le
respect, la... de cette capacité-là progressive de l'autonomie de l'enfant, de
dire : Bien, avant 13, 14, 15 ans, ce n'est peut-être pas un outil
qui est approprié.
Et après ça, pour le déploiement, parce
que, là, c'est là que... Bon, O.K., sur la question de la vérification de
l'âge, la semaine dernière... Là, je ne sais pas si je peux continuer, je ne
sais pas s'il me reste du temps. La semaine dernière, j'ai assisté à un Global
Summit of Age Verification, donc c'est un... il est disponible en rediffusion.
D'ailleurs, si jamais vous voulez aller le voir, c'est le Age Verification
Association Providers qui a organisé un sommet pour faire le point sur les
connaissances techniques qu'on a sur la vérification de l'âge. Et, parmi les
constats qui sortent de cette rencontre-là, il y a cinq ans, ils avaient fait
un exercice similaire, et il y avait cinq manières de vérifier l'âge en ligne et,
maintenant, il y a 12 façons de le faire. Donc, la technologie évolue en
cette matière-là.
Un aspect qui est très important aussi,
c'est que, vérifier l'âge, ce n'est pas la même chose que vérifier l'identité.
Donc, c'est deux choses qui sont... la seconde manœuvre étant plus intrusive
sur le plan de la vie privée. Mais on peut opérer une vérification d'âge, puis
peut-être que Mme Miville-Dechêne vous en parlera, en respectant le double
anonymat, en faisant un tiers de confiance qui fait la vérification. La
question de la protection des renseignements personnels, c'est une objection
qui est importante, vraiment, c'est sûr. Évidemment, on est dans un contexte où
c'est une lutte de tous les instants, là, de protéger les renseignements <personnels...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
...lutte
de tous les instants, là, de protéger les renseignements >personnels en
ligne. Par contre, je pense que, tôt ou tard, on va être confrontés à résoudre
ce dilemme-là... cette problématique-là technique d'être capables... ne
serait-ce que parce que nos services publics se dématérialisent, on est de plus
en plus dans un monde où nos rapports se passent dans le monde numérique. Et
donc la question de la vérification d'âge, je pense que c'est une question, sur
le plan technologique, qu'il va falloir résoudre.
Et, quand on parle de vérification de
l'âge, particulièrement pour l'accès à des sites pornographiques, qui est
vraiment un fléau, là, un jeune sur trois qui a accès à du contenu avant 12 ans
et le trois quarts des jeunes garçons qui en écoutent à l'âge de 16 ans,
c'est vraiment un enjeu de taille. Et donc c'est toujours la réplique qu'on
entend, le fait de... bon, comment on va réaliser ça sur le plan technique,
dans le respect de la vie privée. Mais l'organisateur de ce sommet-là a terminé
en disant : Si on a réussi à faire marcher l'homme sur la lune, bien, on
va être capable de trouver une manière de vérifier l'âge dans le respect de la
protection des données personnelles. Donc, c'est là... c'est ce que j'aurais à
dire pour ça. Mais je pense qu'il faut rester optimiste.
Mme Cadet : Merci pour cette
réponse très complète. Puis là-dessus, je pense, vous avez dit quelque chose,
donc, de très intéressant en disant : La vérification de l'âge, ce n'est
pas la même chose que la vérification de l'identité, donc ça pourrait
permettre, donc, le double anonymat, donc, de l'individu, de l'utilisateur, de
l'usager. Donc, je comprends, donc, par exemple... Donc, je pense qu'un autre
interlocuteur, donc, nous mentionnait que... bien, en fait, avec toutes les
images qui sont diffusées, donc, avec tout ce que... tout le contenu qui est
produit par l'utilisateur en ligne, les plateformes sont, de façon indirecte,
en mesure d'identifier, à tout le moins, là, environ, donc, l'âge de
l'utilisateur. Est-ce que c'est un peu ce que vous voulez dire ici? Ce serait
en utilisant, donc, des informations parallèles, c'est-à-dire les sites qui
sont... les pages qui sont suivies, le type de contenu qui est produit. Est-ce
que c'est avec ce type de renseignements là qu'on pourrait inférer l'âge?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Vous
me parlez un peu de... d'informations qui sont anonymisées ou dépersonnalisées.
Effectivement, c'est une écoute qui est assez aride, là, écouter ce sommet-là,
dans le sens que, sur le plan technique... Tu sais, je ne suis pas ingénieure
informatique, bien sûr, mais ma compréhension, c'est celle-ci, effectivement,
qu'on anonymise la donnée et que... Et parmi, même, les méthodes... Tu sais,
moi, il y avait certaines méthodes, tu sais, pour lesquelles j'étais sceptique,
par exemple.
Et il y a un élément qui est important
pour l'évaluation de ces méthodes-là. Il y a l'International Standard Organization
qui est en train d'adopter des lignes, justement, avec des clauses qui parlent
de la sécurité, de la protection des données, de la performance aussi. Parce
que, si on met un... tu sais, une mesure de vérification de l'âge de l'avant
puis que, finalement, elle ne fonctionne pas, bien, ça ne sert pas... Donc, il
y a vraiment ce souci-là d'encadrement de ces balises-là.
Et effectivement que... je sais que les
organismes, bon, sont encore... on est encore en train de découvrir sur ça,
mais ce qui semble être l'avenue, là, la plus porteuse et intéressante pour le
respect de la vie privée, c'est : double anonymat avec un tiers.
Évidemment qu'on ne veut pas que l'industrie pornographique ou les GAFAM se
retrouvent avec les données, effectivement.
Mme Cadet : Merci. Je peux
poser une dernière question?
La Présidente (Mme Dionne) : Bien
sûr. Il reste un beau gros neuf minutes.
Mme Cadet : Merci. Vos... en
fait, les interlocuteurs qui vous ont précédée, donc, ont parlé, donc, de la
classification, donc, des jeux vidéo. D'autres avant elles, donc, nous ont
parlé, donc, de ce système de classification là qui existe aussi, donc, en
Australie, donc, par exemple, donc, sur des jeux sur des applications
téléphoniques. Donc, vous, j'aimerais savoir, donc, comment est-ce que vous
percevez ce type de mesure là, toujours dans le respect, donc, des différents
principes de capacité évolutive de l'enfant et de l'intérêt supérieur de
l'enfant.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
je pense que c'est une excellente idée. Je pense que... En fait, l'industrie du
cinéma le fait de manière indépendante. Il y a une loi sur le cinéma, au Québec,
qui encadre. Et donc je pense que c'est vraiment dans l'intérêt supérieur de
l'enfant, justement, que, les jeux vidéo puis les... ce qui se retrouve dans
les contenus, on ait une évaluation objective et indépendante, là, des
contenus. Je pense que c'est une avenue intéressante.
Mme Cadet : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions?
Mme Cadet : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Aucun
problème, Mme la députée.
Mme Cadet : ...d'autres
questions, mais je voulais laisser la place. Parfait. Votre troisième principe,
la participation des enfants dans les discussions sur les enjeux qui les
concernent dans l'environnement numérique, comment est-ce qu'on le met en
œuvre, selon vous, ce principe-là?
• (17 h 30) •
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
vous avez eu une très bonne proposition, encore une fois, je pense que c'est Me
Levac qui l'a faite, par rapport à l'idée de créer des comités consultatifs,
donc d'avoir une participation qui est un tout petit peu plus régulière. Aller
dans les écoles, bien, tu sais, c'est intéressant, c'est sûr, c'est un peu plus
ponctuel, sporadique. Vous savez, je pense que c'est le 22 septembre, là,
qu'on a adopté le pacte numérique, là, l'ONU vient tout juste d'adopter ce
pacte-là, et il y a 5Rights... 5Rights Foundation, qui est une organisation où
il y a des jeunes ambassadeurs, au Royaume-Uni, qui participent dans les
pourparlers, qui vraiment sont très, très actifs, de manière organisée, là, tu
sais, il y a vraiment un organisme. Donc, on pourrait s'inspirer de modèles
similaires. Mais d'avoir, c'est ça, des comités <consultatifs...
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
...s'inspirer
de modèles similaires, mais d'avoir, c'est ça, des comités >consultatifs.
Je pense que l'Assemblée nationale a des... parfois, fait participer dans des
exercices de simulation des jeunes, des choses comme ça. En fait, ces
mesures-là, c'est important d'entendre la voix des enfants. C'est quelque chose
qui est superimportant. L'observation que je cite dans mon mémoire, on a fait
participer 729 enfants à cet exercice-là, leur parole est citée dans des
paragraphes de l'observation, c'est une très belle démonstration, justement, du
respect de la parole de l'enfant. Oui.
Mme Cadet : Merci. Puis enfin
on a entendu précédemment, donc, le Bureau des affaires de la jeunesse, là, du
DPCP sur la diffusion d'images sexuellement explicites ou d'images intimes.
Selon vous comment le législateur québécois, donc, peut encadrer de telles
pratiques?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Ça,
c'est un... c'est un enjeu qui est superimportant, qui est très alarmant aussi,
parce que, je pense... je n'ai pas entendu, là, l'intervention juste avant moi,
mais je pense qu'il y a une banalisation, peut-être, ou une méconnaissance des
conséquences. Donc, moi, je suis animatrice pour le CIEL — donc, vous
avez eu Emmanuelle Parent — je pense que cette... c'est... il y a une
clé de sensibilisation, vraiment, de faire connaître, de savoir que, quand on
partage, ça peut être diffusé, tout ça, de faire... faire prendre conscience
pour les jeunes, mais, sinon, d'avoir une rapidité, si jamais il y a une photo
qui circule. Le Centre canadien de protection de l'enfance fait un travail
vraiment extraordinaire pour ça. Mais je pense que d'avoir vraiment une
concertation avec les écoles, les corps policiers, pour que ce soit le plus
rapide possible... C'est ça, je pense qu'on ne réalise pas, les conséquences
psychologiques, là, vraiment, de... Tu sais, on... Je me rappelle, en droit des
technologies, j'avais lu un article. On parlait de choc post-traumatique, là, vraiment,
quand on sait que notre image peut circuler. Puis là, avec l'hypertrucage, ça
peut être des fausses images, mais les conséquences sont les mêmes,
essentiellement. Donc...
Mme Cadet : Est-ce qu'avec
les moyens technologiques on est en mesure de véritablement effacer ces
images-là?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
je sais que l'intelligence artificielle se raffine, là, des fois, pour, des
fois... Il y a justement le... Ça donne beaucoup plus de munitions à des gens
qui sont mal intentionnés, mais, à l'inverse, on peut l'utiliser à notre
avantage. Je pense que le Projet Arachnid fait un travail vraiment
extraordinaire pour repérer le matériel pédopornographique. Après ça, je pense
que c'est... ça fait partie justement des exemples où la technologie peut être
vraiment dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Alors, merci infiniment de votre présence et
de votre contribution surtout à ces travaux. Donc, c'est ça, de belles... des
questions parfois quand même complexes, alors c'est toujours intéressant d'être...
de se faire mieux éclairer par les différents intervenants qui viennent nous
voir.
Alors, sur ce, moi, je suspends les
travaux pour accueillir notre prochain témoin.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 17 h 38)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la
bienvenue à Mme Miville-Deschêne. Donc, merci d'être avec nous en cette fin
de journée. Donc, je vous rappelle, vous avez 10 minutes pour nous
transmettre votre exposé, puis, suite à cela, on procédera à une période
d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.
Mme Julie Miville-Dechêne
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Donc, je remercie bien sûr la commission de
m'avoir invitée à parler d'un enjeu que je porte depuis quatre ans, soit la
volonté de protéger les enfants de l'exposition à la pornographie en ligne, qui
s'incarne dans le projet de loi n° S-210.
Ma longue bataille montre bien la
difficulté de légiférer dans le monde numérique. Bien que les parents réclament
de l'aide, je fais face à une forte opposition du gouvernement libéral fédéral
à l'idée d'assurer par voie législative que seuls les adultes puissent avoir
accès à la porno en ligne. Mon bureau a commandé, en février dernier, deux
questions de sondage à la firme Léger pour en avoir le cœur net. 73 % des
répondants estiment que l'accès facile des mineurs à la porno en ligne est un
problème important et 77 % veulent qu'on impose une vérification d'âge
pour en limiter l'accès.
Il y aurait aujourd'hui plus de
4 millions de sites de porno à travers le monde. On parle du tiers de la
bande passante. L'écosystème a radicalement changé, il y a une quinzaine
d'années, quand les plateformes pornos ont choisi un modèle de contenu
téléversé par les citoyens et ont donc opté pour la gratuité. Toute barrière à
l'accès a donc disparu.
C'est entre 11 et 13 ans que les
enfants ont leur premier contact avec la porno en ligne, de plus en plus «hard-core»,
il faut le souligner. Au Canada, 40 % des garçons du secondaire en ont vu,
seulement 7 % des filles. Au Royaume-Uni, le quart des enfants de
11 ans et moins ont regardé de la porno.
• (17 h 40) •
La réputée pédiatre ontarienne Megan
Harrison a livré un témoignage poignant au Sénat. Je la cite : «Les images
que voit un enfant affectent sans contredit le développement de son cerveau. La
plasticité synaptique est à son apogée chez les enfants et plus
particulièrement chez les adolescents, ce qui signifie que les comportements,
les images, les idées et les valeurs constamment répétés qui sont captés par le
cerveau puis intériorisés pendant l'enfance et l'adolescence peuvent avoir une
incidence durable, ce qui n'est pas le cas chez les adultes.»
La pédiatre poursuit ainsi : «Les
adolescents que je reçois dans mon bureau vivent une très grande confusion par
rapport à leur corps, ce que l'on attend d'eux sur le plan sexuel et ce qui est
normal ou non.»
Le pédiatre que vous connaissez,
Jean-François Chicoine, ajoute, et je le cite : «Trop jeunes, trop
souvent, trop intensivement, l'exposition à la porno est toujours une blessure,
mais, chez certains enfants, c'est une réelle cassure qui brise leur estime de
soi et le rapport avec les autres, et pour toujours.»
La sexologue Marie-Christine Pinel, quant
à elle, a fait des constats troublants chez les jeunes dans sa pratique. Je la
cite : «Je vois émerger des tendances destructrices, une recrudescence des
relations de dominance, une anxiété de performance qui entraîne des <douleurs...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...chez
les jeunes, dans sa pratique. Je la cite : «Je vois émerger des tendances
destructrices, une recrudescence des relations de dominance, une anxiété de
performance qui entraîne des >douleurs à la pénétration, un dysfonctionnement
érectile, une explosion dans la demande de chirurgie esthétique génitale. Tous
ces problèmes sont dus à l'influence de la porno.»
La recherche scientifique fait de plus en
plus d'associations, et non de liens de cause à effet, je le précise, donc des
associations alarmantes. Le visionnement fréquent de la porno par les
adolescents peut mener à une consommation compulsive, créer des attentes
irréalistes quant aux pratiques attendues, créer de la peur et de l'anxiété,
entraîner des symptômes de dépression et être lié à un niveau d'intégration
sociale plus faible.
Que retiennent les jeunes? La consommation
répétée de porno par les ados renforce les stéréotypes de genre et perpétue les
croyances sexistes et... l'objectification des femmes. Au moins 40 % des
scènes de porno en ligne mettent en scène des actes de violence contre les
femmes. Cette vision brutale de la sexualité risque de traumatiser les enfants
et les jeunes et de nuire à l'image qu'ils ou elles se font d'eux-mêmes et des
relations amoureuses.
Selon le Centre canadien de protection de
l'enfance, qui a été cité par votre précédente témoin, la pornographie entre
adultes n'est pas seulement néfaste, dit le Centre pour le développement
cérébral des enfants, elle peut aussi les préparer à d'éventuelles agressions
sexuelles en normalisant et en banalisant l'activité sexuelle dans leur esprit.
C'est troublant.
Au Royaume-Uni, enfin, la commissaire à
l'enfance a publié un rapport choc. Je la cite : «Les jeunes voient des
choses qui déforment leur vision de ce qu'ils croient être une véritable
relation sexuelle.» Des filles m'ont dit que leur premier baiser avec le petit
copain... avec leur... lors de leur premier baiser avec leur petit copain,
celui-ci a essayé de les étrangler parce que c'est ce qu'ils avaient vu dans
une vidéo pornographique. Une récente enquête auprès de 1 000 jeunes Britanniques — ils
font plus de recherche là-bas qu'ici, comme vous le voyez — donc des
jeunes de 16 à 21 ans, ça indique que 47 % d'entre eux croient que les
filles s'attendent à ce que la sexualité comprenne des agressions physiques
comme du quasi-étranglement ou des claques, 42 % disent que les filles
aiment ce genre d'agressions.
Il est clair que l'autoréglementation est
un échec. Ces sites gratuits tirent leurs revenus de la publicité et des jeux
vidéo à caractère sexuel qui ciblent les jeunes. Plus il y a de clics, quel que
soit l'âge des clients, plus les profits rentrent.
Le projet de loi n° S-210 limitant
l'accès en ligne des jeunes à la porno s'attaque donc à un enjeu grave de santé
et de sécurité publique. S-210 criminalise le fait pour toute organisation de
rendre accessible à un mineur du matériel sexuellement explicite à des fins
commerciales. Et ce n'est pas de la censure. S-210 énonce que le matériel
sexuellement explicite qui a un but légitime lié à la science, à la médecine et
à l'éducation ou aux arts n'est pas couvert par l'interdiction. J'ai toujours
défendu fermement l'importance d'une éducation sexuelle complète à l'école. Il
ne s'agit pas de ça sur les sites pornos. De plus, la jurisprudence montre que
le terme «matériel sexuellement explicite», tel qu'utilisé dans le Code
criminel, ne peut pas être appliqué à n'importe quelle scène de nudité. On vise
des activités sexuelles intimes représentées de manière détaillée et non
équivoque dans le but de stimuler sexuellement ceux qui la visionnent.
Comme les sites Web... Comment... La
question, c'est bien sûr de savoir comment les sites Web devraient-ils vérifier
l'âge de leurs visiteurs avant qu'ils aient accès à du matériel porno. La bonne
nouvelle, c'est qu'il y a des percées technologiques et qu'elles ont réduit au
minimum les risques de la vérification d'âge des clients. Selon les experts,
l'estimation d'âge, notamment, serait un moyen particulièrement sécuritaire car
on ne recueille aucune donnée.
Parce que les technologies évoluent, S-210
ne détermine pas quelle méthode devrait être utilisée, sinon qu'elle soit
fiable et sécuritaire. Le choix des méthodes est laissé à la réglementation.
Bien sûr, à cause des VPN, des jeunes vont contourner la loi, mais il est
improbable que des enfants de huit, 10, 12 ans en soient capables. Cette
vérification d'âge ne devrait pas être faite par des sites pornos eux-mêmes
mais par des fournisseurs de services tiers spécialisés. C'est une précaution
essentielle pour éviter que les sites pornos aient accès aux données
personnelles de leurs clients.
Voici comment l'Age Verification Providers
Association décrit le processus : «La vérification d'âge n'est pas
synonyme de vérification de l'identité. Il s'agit de deux choses complètement
distinctes. En ce qui nous concerne, nous essayons de recueillir puis de
conserver le moins de données <possible...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...l'identité. Il s'agit de deux choses
complètement distinctes. En ce qui nous concerne, nous essayons de recueillir
puis de conserver le moins de données >possible. Dans bien des cas,
il n'est même pas nécessaire de conserver des données personnelles des
utilisateurs.»
Rappelons également que la liberté
d'expression n'est pas un droit absolu, ça a été beaucoup évoqué dans ce débat,
mais un droit qui peut être restreint en vertu de la charte dans les limites du
raisonnable et justifiable dans une société libre et démocratique. Lorsqu'il
faut soupeser les droits en jeu, l'atteinte d'un objectif aussi essentiel que
la protection des membres les plus vulnérables de notre société devrait
prévaloir sur un inconvénient mineur, soit se soumettre à une vérification
d'âge.
Certains clament quand même que la
responsabilité de protéger les mineurs de la porno en ligne devrait incomber
seulement aux parents. Encore une fois c'est un argument qui ne tient pas la
route. Les Canadiens voudraient-ils que les ventes d'alcool et de cigarettes et
les activités de jeu soient laissées à la seule surveillance des parents? Bien
sûr que non. On oublie que les parents n'ont pas tous le même niveau de
littératie numérique. Si le contrôle parental fonctionnait, on le saurait. La
vérité est que la plupart des parents n'ont aucune idée de ce que leurs enfants
voient sur Internet et qu'ils ont besoin de notre aide.
Nos appuis sont nombreux, notamment la
Société canadienne de pédiatrie, l'Académie canadienne de psychiatrie de
l'enfant et de l'adolescent et l'Association des pédiatres du Québec. D'autres
pays ont déjà pris des mesures en vue de protéger les mineurs de ce
bombardement...
(Interruption) Woups! J'ai perdu mon
texte. Excusez-moi. Il a défilé à l'envers. D'autres pays ont déjà pris des
mesures en vue de protéger les mineurs de ce bombardement d'images pornos en
ligne. Les sites pornos ont répliqué avec des poursuites, mais ils ont échoué
jusqu'à maintenant. L'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l'Union
européenne ont adopté des lois et des directives de vérification d'âge, l'Espagne
doit lancer un projet pilote bientôt, l'Australie également, une douzaine
d'États américains ont emboîté le pas.
Qu'attendons-nous? C'est toute une génération
de jeunes et d'enfants qui font leur éducation sexuelle sur les sites pornos,
avec les conséquences qui viennent avec. Comme mère, comme féministe, je juge
qu'il n'appartient pas aux pornographes de décider ce que nos filles et nos
garçons regardent. Je vous remercie et je suis prête à répondre à vos
questions.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment, Mme Miville-Deschêne. Donc, nous allons débuter
cette période d'échange avec la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme la sénatrice. Très heureuse de vous revoir, même si
ce n'est que par le biais de la vidéoconférence. Mais merci pour votre exposé.
Vous nous avez fait mention, donc, de
faits absolument troublants. Je pense que ma collègue et moi, on se regardait
en se disant : Mon Dieu! C'est tout un univers.
Puis ma première question. Je pense que
vous écoutiez Me Jolicoeur, donc, juste avant. Elle a bien mis la table en nous
disant que vous auriez, donc, des précisions, donc, à nous offrir quant à la
vérification de l'âge. Et là, donc, vous nous dites, donc, c'est possible,
donc, de le faire de façon anonymisée, fiable et sécuritaire. Pouvez-vous,
donc, nous donner, donc, quelques exemples? Je pense que, là, on a mis la table
sur le fait que vérification de l'âge, ça ne signifie pas vérification de
l'identité. Puis vous avez bien compris que c'est une question qui nous
préoccupe beaucoup non seulement pour l'accès à des sites pornographiques, mais
également, donc, à tout ce qui concerne, donc, l'accès à des... aux réseaux
sociaux de façon un peu plus large, là, advenant le cas que les législateurs
québécois voudraient aller dans cette direction.
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...donc, de cette question... Donc, je vous remercie beaucoup de cette
question importante. Je dois vous dire que la raison pour laquelle nous avons
décidé de mettre les choix de méthodes dans la réglementation d'un projet de
loi, la réglementation, tout comme au Québec, est adoptée après, quand le
projet de loi... après que le projet de loi soit adopté. Donc, on a repoussé
les choix très précis de méthodes de vérification à ce moment-là, parce que,
regardez bien, ça fait quatre ans que je défends ce projet de loi, depuis
quatre ans, il y a eu plein de nouvelles méthodes, plein d'avancées
technologiques sur toutes ces questions-là, et donc on n'est vraiment plus
rendus au même point.
• (17 h 50) •
Donc, je peux discuter avec vous de cela,
mais je ne me prétends pas une experte — il y en a beaucoup. Ce que
je veux vous dire, c'est qu'il y a évidemment des méthodes classiques, qui sont
les méthodes de cartes, qui peuvent être... qui peuvent être en ligne, qui peuvent
être montrées, donc des cartes d'identité. Mais on a beaucoup dit récemment que
l'estimation de l'âge à plus ou moins deux ans était une méthode qui permettait
d'aller très rapidement et de ne recueillir évidemment aucune donnée. Parce qu'on
estime l'âge de la personne qui veut entrer sur les sites pornos, et ce n'est
pas... tu sais, on parle beaucoup d'intelligence artificielle, mais
l'estimation d'âge ne recueille pas de <données...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...on
estime l'âge de la personne qui veut entrer sur les sites pornos, et ce n'est
pas... tu sais, on parle beaucoup d'intelligence artificielle, mais
l'estimation d'âge ne recueille pas de >données et elle est pas mal
fiable et surtout très sécuritaire.
Ça pourrait être une des méthodes. Mais ce
qui se passe, par exemple, dans les pays comme la Grande-Bretagne, où on a
passé une loi et on a de la réglementation, ce qu'on dit, c'est : Ce sera
aux vérificateurs d'âge de proposer des méthodes, et nous évaluerons leur degré
de fiabilité et de sécurité. Donc, ça peut être un éventail de choses. Je vous
donne l'exemple de l'Allemagne, qui a une loi sur la vérification d'âge depuis
plus d'une dizaine d'années et qui a plus d'une centaine de méthodes
différentes par, évidemment des tierces parties, des vérificateurs d'âge qui
sont approuvés. Donc, ça peut être des petites différences entre les méthodes,
mais ça montre bien qu'il y a plusieurs méthodes possibles. Et, dans le cas de
l'Allemagne... Je sais qu'on est très inquiets pour les données, mais, dans le
cas de l'Allemagne, il n'y a jamais eu de fuite de données depuis qu'on a
commencé cela.
Donc, bien sûr, quand on n'aime pas un
projet de loi, on a tendance à le couvrir de tous les maux. Et on a beaucoup
entendu que ce serait impossible, que ce serait trop dangereux, mais, comme
vous le savez, Mme la députée, nous sommes tout le temps sur Internet, nous
faisons des transactions bancaires, nous faisons beaucoup de choses qui
impliquent de la sécurité et nos données, donc, évidemment, il y a toujours un
risque minimal. Mais on est dans un pays où il y a des lois, et les
vérificateurs d'âge devront obtenir une certification du gouvernement, c'est ce
qui se passe, des... d'un régulateur ou des autorités, donc seules ces tierces
parties vérifiées pourront effectivement faire de la vérification d'âge.
Je vous parle aussi d'une méthode qui a
été développée en France, qui effectivement travaille sur ces questions-là
depuis l'adoption de sa loi, et donc ça s'appelle le double anonymat. Ce que ça
veut dire, c'est que, quand le client vient frapper à la porte, par exemple, de
Pornhub, qui est un site porno qu'on connaît bien, il est renvoyé
automatiquement vers une compagnie qui vérifie l'âge. Et la compagnie qui
vérifie l'âge ne sait pas qu'il a frappé à la porte de Pornhub. Donc on lui
demande juste une vérification d'âge. Et, quand on lui donne un jeton prouvant
qu'il a plus que 18 ans, ce même client retourne, par exemple, vers
Pornhub, qui n'a pas de données autres que celle-là. Donc, ça s'appelle un
double anonymat, dans la mesure où les données ne sont pas partagées. Donc, ça,
les Français disent qu'ils ont réussi à trouver la façon de le faire et ils
vont commencer bientôt des projets pilotes.
Donc, je n'ose pas vous dire, là, que
c'est... que tout est réglé, et tout, mais on est suffisamment en avance pour
que des pays comme la Grande-Bretagne, qui travaille depuis des années sur ce
dossier, soient maintenant à la veille de mettre en place leur loi en disant
aux vérificateurs d'âge : Proposez-nous des solutions, et on va les
évaluer. Et évidemment il y a différents degrés de complication dans ces
méthodes-là.
Mme Cadet : Merci. Est-ce
que... Bien, en fait, on a entendu, donc, le Directeur des poursuites
criminelles et pénales, un peu plus tôt, donc, nous parler, donc, du partage
d'images intimes, donc, d'images sexuellement explicites. Donc là, on ne parle
pas, donc, des plateformes, donc, des entreprises elles-mêmes, mais, donc,
d'adolescents, là.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Non.
Il faut que ce soit... Ce n'est pas couvert par mon projet de loi.
Mme Cadet : Non, c'est ça.
Parce que c'était un peu ma question, à savoir si ça, c'était couvert par votre
projet de loi. Non.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Parce
que vous remarquerez, mais évidemment j'avais beaucoup de données, ce ne sont
que les organisations qui sont touchées et non les individus. Et c'est clair
que, pour éviter que, par exemple, deux jeunes qui s'échangent des images
intimes soient passibles d'une infraction criminelle, on a limité le projet de
loi à des organisations, que ce soient des plateformes, bien sûr, mais que ce
soient aussi des sites pornos. Il y en a sur la plateforme X et, de la
pornographie, il y en a beaucoup. Il y en a beaucoup partout. C'est... Pour
moi, ça a été une découverte. Parce que, comme c'est très payant, ça a vraiment
augmenté de... il y a eu une montée fulgurante de la pornographie sur Internet.
Ce n'est pas pour rien qu'il y a des images qu'on appelle des pop-up qui
sortent. Quand les enfants regardent Internet, ils peuvent... il peut, tout à
coup, y avoir une image de pornographie qui sort. Écoutez, c'est un peu
affolant.
Mme Cadet : Oui. Parfait.
Merci. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : ...je
reviendrai vers vous, Mme la députée. M. le... Mme la députée de Hull, pardon.
Mme Tremblay : Oui. Bonjour.
J'aimerais ça que vous me <parliez...
Mme Cadet :
...Parfait.
Merci. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
...je
reviendrai vers vous, Mme la députée. M. le... Mme la députée de Hull, pardon.
Mme Tremblay :
Oui.
Bonjour. J'aimerais ça que vous me >parliez un petit peu plus des pays,
là, justement, là, qui sont allés de l'avant, qui... tu sais, qui ont pris des
décisions importantes pour protéger, bien, nos enfants, leurs enfants, ce qu'on
souhaite faire ici, évidemment, de ces images et de tout ce que l'on retrouve
sur les réseaux. Est-ce qu'ils ont vu une diminution? Comment ça se passe?
Est-ce qu'il y a des études là-dessus? Est-ce que vous avez de l'information
sur cela? Est-ce que...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : J'ai
de l'information, mais ils prétendent qu'il y a des études. L'Allemagne est
certainement le pays qui a en place une loi depuis le plus longtemps. Les
plateformes nationales, c'est-à-dire allemandes, les plateformes pornos se sont
conformées assez rapidement pour la protection des enfants. Mais ce qui se
passe, c'est qu'en ce moment il y a une bataille rangée entre les différents
pays et les plateformes pornographiques qui ne peuvent... qui ne veulent pas
perdre leur avantage de pouvoir vraiment avoir n'importe qui qui peut regarder
de la porno, et donc leur procurer des revenus supplémentaires.
Donc, en ce moment, il y a eu une bataille
pendant plusieurs années en Allemagne. Pornhub, qui est maintenant possédé par
Ethical Capital Partners, a poursuivi l'Allemagne en disant qu'ils n'avaient
pas le droit d'avoir cette loi et, cette loi, que ce n'était pas
constitutionnel, et tout. Ils ont finalement perdu. Mais ce qu'ils ont fait, et
ça vous montre la ténacité de ces plateformes, c'est que, plutôt que de se
soumettre à la loi, Pornhub a décidé de changer son adresse URL et est encore
présente en Allemagne avec une adresse légèrement changée. Donc, ça vous montre
la férocité de cette bataille, le fait que ces plateformes ne veulent pas se
soumettre aux lois nationales. Et donc ce qui va se passer en Allemagne, c'est
qu'ils vont retourner devant le Parlement, passer une autre loi pour éviter que
les adresses légèrement changées puissent être utilisées. Donc, ça, c'est la
bataille en Allemagne. Elle n'est pas gagnée. Mais je dois vous dire que c'est...
les règlements... les régulateurs là-bas ne lâchent pas prise.
En Grande-Bretagne, la loi a été passée, le
Online Safety Act a été passé il y a environ un an, devrait bientôt entrer en
vigueur. Il y a eu des changements de régime. Il y a un premier projet de loi
qui a été abandonné. Donc, dans ce cas-ci, c'est un projet de loi très complet
qui protège aussi les enfants sur les médias sociaux, qui demande aux médias
sociaux de s'assurer qu'eux-mêmes mettent des précautions en place, mais
demande, pour la pornographie en particulier, de la vérification d'âge ou de
l'estimation d'âge. Donc, c'est à peu près la même approche que celle qu'on a
prise. On n'a pas encore, évidemment, de résultats puisqu'elle n'est pas en
vigueur. La France doit commencer aussi des projets pilotes et, comme je vous
dis, ils ont décidé que le double anonymat serait une façon de faire.
Aux États-Unis, la question est un peu
plus complexe parce qu'il y a à peu près une douzaine d'États qui obligent des
vérifications d'âge. Mais ce qui s'est passé, c'est que Pornhub en particulier
a décidé de quitter les États où on faisait cette demande. Donc ils se sont carrément
retirés des États. Il y a aussi eu des poursuites qui ont été engagées, et
maintenant c'est à la Cour suprême des États-Unis de déterminer si les droits
des sites pornographiques de diffuser sans restriction de la pornographie sont
supérieurs au droit des enfants d'être protégés. Donc, c'est un cas de liberté
d'expression — aux États-Unis, la liberté d'expression est encore
plus protégée qu'au Canada — et ça va être une décision intéressante.
• (18 heures) •
Il y a là-bas, en Louisiane, un cas où
Pornhub est resté sur place. Et ce qu'on a fait comme vérification d'âge, c'est
que, là-bas, les permis de conduire peuvent être numérisés, sont numériques, contrairement
à ici, tous tes papiers officiels sont numériques, donc c'est le permis de
conduire qui permet aux clients de la Louisiane de pouvoir consulter Pornhub.
Ce que Pornhub a dit par la suite, elle a fait des études et Pornhub a dit que
la... qu'il y avait eu une véritable chute, une importante chute du nombre de
clients, et donc c'était le résultat de la vérification d'âge. C'est possible,
on s'entend, il y a sans doute des clients qui n'iront pas vers des sites
pornos qui demandent la vérification d'âge. Mais, après tout, nous ne sommes
pas là pour protéger les profits des sites pornos mais plutôt pour protéger les
enfants.
M. Tremblay :
<Effectivement...
>
18 h (version révisée)
< Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...pour protéger les profits des sites pornos, mais plutôt pour protéger les
enfants.
Mme Tremblay :
>Effectivement.
Donc, la vérification... Ça fait que ça fonctionne, finalement, mais on ne peut
pas... Quand vous dites qu'il y a eu une importante chute des clients, ce n'étaient
pas nécessairement des enfants, mais c'est qu'à partir du moment où des
contrôles, c'est que ça...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
Non, non.
Mme Tremblay : Ça va des deux
sens, c'est ça.
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
Exact.
Mme Tremblay : Exactement.
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
On ne peut pas mesurer, franchement, jusqu'à maintenant, on n'est pas encore en
mesure… Et c'est des questions... Et ça se fait sur des années. Vous savez, ce
qui m'inquiète le plus, c'est que ça fait 15 ans qu'on a la gratuité, donc
ça fait quand même toute une génération d'enfants qui sont passés par là. Et je
parle souvent d'urgence parce que, de mon point de vue, les relations
sexuelles, les relations intimes sont une partie importante de la vie. Et les
mentalités sur l'égalité hommes-femmes… peut se faire dans ces situations-là. Ce
n'est pas pour rien que la violence, les agressions se font beaucoup dans l'intimité.
Et donc je pense qu'il est très important que… surtout au Québec, on a fait de
grands pas dans l'égalité des femmes et des hommes. Mais cette espèce d'explosion
de la pornographie en quelques années fait augmenter des stéréotypes qu'on
avait réussi, d'une certaine façon, c'est beaucoup dire, réussi, mais qu'on
avait quand même… dont on avait diminué la fréquence. Alors, ça, ça m'inquiète.
C'est des choses un peu moins faciles à mesurer, mais, quand on voit des femmes
toujours dans les positions de servitude dans l'acte sexuel, sans compter la
violence, sans compter tout ce qui vient avec, ça finit par avoir une empreinte
dans le cerveau de ces jeunes-là.
Mme Tremblay : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Bien, ma question a été posée par ma collègue, mais je vais
élaborer un peu. Vous parlez, par exemple, en Louisiane, du permis numérique. Mais
qu'est-ce qui ferait en sorte qu'un jeune ne prenne pas celui d'un frère qui
est plus vieux, son père, quoi que ce soit? Parce que les jeunes,
malheureusement, ils sont bien contournés puis connaissent bien comment
utiliser l'Internet et les ordinateurs. Donc, je comprends qu'il n'y aura
jamais de solution ultime qui fera en sorte... Mais, j'imagine, c'est l'aspect
dissuasif également qui fait en sorte qu'on ne veut peut-être pas prendre cette
chance-là, on ne veut peut-être justement pas prendre le permis de notre père
ou notre frère et qu'eux ils sachent. Mais est-ce que vous avez une idée, dans
les pays européens, si, statistiquement, ils ont réussi, eux également, à
diminuer la fréquence de personnes qui vont visiter ces sites-là? Ou des jeunes
plutôt?
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
Alors, on le... jusqu'à maintenant, on n'a pas d'étude là-dessus. C'est assez
difficile à mesurer. On n'a jamais su, par exemple, combien d'enfants, quelle
est la proportion d'enfants qui visitaient, qui entraient dans des sites
pornographiques. Je pense qu'il y a eu des estimations à l'effet que les
mineurs pouvaient constituer peut-être 10 % des clients. Mais je pense qu'il
faut être très, très prudent avec ces chiffres, parce que sur quoi on se fie
pour dire ça? Et évidemment, ceci dit, laissez-moi vous dire que les sites
pornographiques doivent ramasser de l'information parce que, quand on consulte
un site puis qu'on va jouer… Alors, tout ça fait que les sites pornographiques,
on a beau clamer que c'est très dangereux, faire de la vérification d'âge, mais
les sites pornographiques ont déjà beaucoup, beaucoup d'informations sur leurs
clients.
Ce que je vais vous répondre sur la
question des cartes qui peuvent être… les permis de conduire qui peuvent être
empruntés ou volés aux parents, c'est que c'est vrai pour tout. Prenez le jeu
en ligne, il faut une carte de crédit. Dans certains cas, les jeunes prennent
la carte de leurs parents. Ce qu'on veut en faisant une loi, c'est que le jeune
de huit, 10, 12 ans ne puisse pas, sans aucune barrière, rentrer sur un
site porno. Pour l'instant, tout ce qu'il y a, c'est... on leur demande :
Avez-vous 18 ans? Ils cliquent sur le bouton et ils rentrent. Donc, ce n'est
pas vrai que tous les enfants de cet âge-là vont trouver des moyens détournés
pour se rendre sur ces sites. Il y a une espèce de message qui est donné, là,
de la société : Ce n'est pas pour toi et tu ne peux pas y entrer. Alors,
est-ce qu'ils vont vraiment essayer de déjouer un système de vérification d'âge?
En tout cas, on ne pourra pas protéger
tous les enfants. L'Internet est un immense défi dans tous les domaines. Moi,
je me suis intéressée à la pornographie, mais il y a beaucoup d'autres
préjudices. Et ce qu'il faut faire, c'est s'assurer que le plus grand nombre ne
sombre pas et <protéger...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...préjudices.
Et ce
qu'il faut faire, c'est s'assurer que le plus grand nombre ne
sombre pas et >protéger le plus grand nombre. Et c'est ce qu'on fait
aussi dans la société non-Internet. Prenez l'alcool, on demande des cartes,
mais on sait bien qu'il y a des enfants qui consomment de l'alcool et qui
l'obtiennent par toutes sortes de moyens. Donc, ce sera la même chose sur
l'Internet.
Quand on me dit : Votre projet de
loi, c'est une passoire, bien, je dis : Pas tout à fait, pas vraiment,
mais aucune loi n'est suivie de façon absolue. Ce sont des signaux qu'on donne.
Et surtout, là, ce qu'on fait, c'est qu'on dit aux plateformes pornos, aux
sites pornos : Attention, vous allez... vous pouvez être poursuivis, il y
aura une infraction criminelle qu'on veut qui... qui devient réelle si vous
permettez à un mineur de regarder de la pornographie. Voilà, donc ce n'est pas
rien, le Code criminel. Et on prend ça justement à cause des effets graves de
la pornographie sur le cerveau des enfants.
Mme Prass : Et quelle serait
la façon, justement, si un jeune, disons, se fait passer pour plus de
18 ans? Ce que vous suggérez pour les... pour les pénalités pour les
entreprises, c'est s'ils permettent volontairement à des jeunes de jouer avec
les systèmes.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Bien,
pas juste volontairement. Il faut... tu sais, ils seront condamnés pour une
infraction criminelle s'ils n'ont pas mis en place un système de vérification
d'âge qui sera approuvé, qui sera dans la réglementation. Il y aura une série
de contrôles, mais ce n'est pas en ne faisant rien puis en se fermant les yeux
qu'ils vont échapper à la loi. C'est une loi qui oblige ceux qui, en ce moment,
bénéficient de cette absolue liberté. Les sites pornos de toutes sortes, on
leur demande de prendre leurs responsabilités et d'agir, parce que c'est eux
qui mettent les enfants en danger. Ce sont des entreprises commerciales, et
toute entreprise commerciale se doit de minimiser les torts qu'elle fait,
surtout quand la recherche scientifique montre que de plus en plus de torts
existent. On a toujours... on a toujours cru, dans notre société, que la
pornographie, qui est légale pour les adultes, par et pour des adultes
consentants, demeurait un divertissement d'adulte. Il n'y a pas grand monde qui
considère que c'est sain pour les enfants de regarder de la pornographie. Donc,
c'est ce consensus social qu'on doit reporter sur l'Internet.
La société, sans doute à certains égards,
est devenue plus permissive. Le niveau de pornographie qui a déjà été «soft-core»
est maintenant «hard-core» plus, plus, plus. Mais pourquoi est-ce qu'on
laisserait les choses aller ainsi au nom de la liberté d'expression, alors
qu'on met en danger ce qu'on a de plus précieux, c'est nos enfants? Je
m'emporte. C'est parce que ça fait longtemps que je travaille sur le dossier.
Mme Prass : Question pour
vous. Vous avez mentionné que dans certains États, aux États-Unis, que les Pornhub,
par exemple, ils se sont retirés du marché. Vous n'avez pas dit la même chose
pour les pays européens. Vous avez dit qu'en Allemagne ils ont changé le URL.
Mais qu'est-ce qui a fait en sorte qu'ils ont... Est-ce que la façon dont ils
ont mis cette restriction de l'avant aux États-Unis... Quelle est la
distinction entre les deux pour qu'ils soient toujours présents en Europe mais
qu'ils se soient retirés de certains États en Amérique?
• (18 h 10) •
Mme Miville-Dechêne (Julie) : J'imagine
que c'est des décisions de marché. Quand c'est un petit marché, ça ne vaut pas
la peine de rester si c'est plus compliqué de faire des vérifications d'âge. Il
me semble que Pornhub a dit qu'ils n'étaient pas satisfaits de la façon dont la
vérification d'âge allait être faite dans les États qu'ils ont quittés. Mais,
en général, c'est vraiment des décisions d'affaires. Parce que vous comprenez
ce qui se passe, c'est que plus les États veulent mettre des lois, plus ça va
diminuer le nombre de clients de ces entreprises pornographiques. Et donc, en
ce moment, c'est un combat pour... avec des poursuites contre plusieurs pays en
même temps pour s'assurer que le marché demeure ouvert comme il l'a été au
début de l'Internet. C'est un net refus, vraiment un grand refus d'accepter que
les pays légifèrent. Et, moi, ça me scandalise parce que, comment dire, ça fait
quand même une quinzaine d'années, ils ont eu une quinzaine d'années pour essayer
de trouver des façons de protéger les enfants, et rien n'a été fait. Tout ce
qu'on a fait, c'est empocher de l'argent. Et en plus, vous le savez, ces
sites-là, parce qu'il y avait des millions et des millions d'images qui y étaient,
on a permis très longtemps, maintenant il y a des entreprises qui font un peu
mieux, mais à n'importe qui de téléverser des images non seulement de
pornographie avec des adultes consentants, mais des images <d'exploitation...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...des
images, non seulement de pornographie avec des adultes consentants, mais des
images >d'exploitation sexuelle, des images de jeunes filles qui
n'avaient... de jeunes femmes qui n'avaient pas consenti à ce que leurs images
soient partagées. Pornhub et ses anciens propriétaires ont dû payer assez cher
aux États-Unis, il y a eu des poursuites, on a interrompu des poursuites en les
obligeant à faire mieux dans la vérification des images qui circulaient.
Donc, il y a eu des efforts, je dois dire,
beaucoup plus aux États-Unis, en terme légal, qu'au Canada, je suis un peu
triste de ça, pour essayer de contrôler ces plateformes qui se croient tout
permis et qui mettent en vedette l'intimité des gens sans même que les gens,
parfois, soient au courant ou soient consentants. Ce n'est pas comme YouTube,
là, ce n'est pas des joueurs de guitare, là, c'est des gens tout nus qui font
toutes sortes de choses et dont la vie peut être détruite parce qu'on a
téléversé leurs images. Alors, Ethical Capital Partners dit que ses méthodes, maintenant,
de vérification sont meilleures, mais ce n'est qu'un site, il y a des milliers
de sites.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Gaspé, puis j'ai aussi M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Donc, vous nous quittez à quelle heure, déjà, Mme la sénatrice?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Je
vous quitte à 25, dans 13 minutes.
La Présidente (Mme Dionne) : D'accord.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Donc,
je vais essayer de répondre plus brièvement. Je m'excuse, je suis intarissable.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
n'y a aucun... C'est très intéressant. Il n'y a aucun problème.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Bonsoir, Mme la sénatrice. Vous remercier d'abord de votre
présence avec nous aujourd'hui. C'est très intéressant d'écouter votre propos, puis
très troublant aussi, très honnêtement. Moi, je vous écoute depuis, quoi, là,
15, 20 minutes, avec tout ce que vous nous avez partagé comme information,
avec ce que vous avez nommé aussi, le consensus social. Comment vous
expliquez-vous la résistance du législateur canadien devant votre projet de
loi? Qu'est-ce qui explique qu'on n'aille pas de l'avant?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Alors,
écoutez, je... C'est une excellente question. D'abord, dans ce cas-ci, c'est
moi la législatrice, parce que j'amène ce qu'on appelle un projet de loi
d'initiative sénatoriale, mais les partis sont libres ou non d'accepter cette
proposition. Et ce qui m'a beaucoup, beaucoup troublée, c'est que, du côté du
gouvernement libéral actuel, c'est là que j'ai eu le plus d'oppositions et qui
ont changé au gré des mois.
Donc, la dernière en date, c'est de dire
que, parce qu'on veut interdire aux mineurs le matériel sexuellement explicite,
qui est la définition du Code criminel de la pornographie, eh bien, ce que ça
va donner, c'est que des films où on voit soit un sein soit une paire de fesses
sur Netflix ou sur HBO, ces films-là vont être censurés. Donc, c'est de prendre
ce projet de loi, qui est vraiment ciblé avec une expression connue, «matériel
sexuellement explicite», et de dire que c'est... ce sera de la censure et que
tout ce qui montre un peu de chair sera censuré. Alors, c'est tellement gros
que, comment dire, enfin... Ça a été démonté et... démonté par des experts de
la question, qui ont dit : Bien, voyons donc! Alors donc, ça, c'est une
raison.
Une autre, c'est évidemment, dans les
questions sérieuses que vous posez, c'est : Ça va être très dangereux pour
les clients, ils vont devoir donner leurs informations personnelles à des sites
peu... qui ont une mauvaise réputation. Ça, c'est le premier ministre Trudeau
qui a dit ça. Bien, je regrette, mais plein de pays commencent à le faire, ont
passé des lois, avec de la réglementation, il n'y a aucune raison que ce soit
mal fait. Ça dépend essentiellement de la mise en vigueur de la loi, donc.
Et l'autre grand... c'est la liberté
d'expression. Bien, quand même, est-ce que vraiment c'est une atteinte majeure
à la liberté d'expression que de demander à quelqu'un, pendant 30 secondes,
une minute, un peu comme vous faites quand vous faites des vérifications pour
avoir accès à des informations bancaires ou quoi que ce soit... De quelle façon
c'est une... c'est une atteinte à la liberté d'expression?
Donc, moi, j'ai l'impression qu'il y a une
espèce de confusion entre la liberté sexuelle pour les adultes, soit, et la
pornographie. Et je crois... Quand je parle à des parlementaires, je me rends
compte que beaucoup ne savent même pas ce qu'on peut voir sur ces sites pornos.
Ce n'est pas fleur bleue, là, ce n'est pas de l'érotisme. C'est dur, très, très
dur. Alors, que des <adultes...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...Ce
n'est pas fleur bleue, là, ce n'est pas de l'érotisme. C'est dur, très, très
dur. Alors, que des >adultes consentants veulent voir ça, c'est une
chose, mais qu'on juge que, non, non, c'est mieux aucune loi que celle-là,
c'est mieux de ne rien faire que de faire quelque chose… Et entendons-nous,
dans l'Internet, vous qui êtes justement en train d'étudier toute cette
question-là, vous savez bien que, quand on légifère dans un domaine nouveau, il
y a des risques d'erreurs. C'est compliqué, on n'a pas de barème, on essaie,
mais vaut mieux essayer de protéger les enfants que de ne rien faire au nom
d'une liberté d'expression absolue. Quand je vous dis que la Cour suprême est
en train de se pencher là-dessus aux États-Unis, c'est que la crise, cette
crise-là, est rendue assez grave.
Alors donc, oui, comme gouvernement, il y
a une décision de ne pas appuyer ce projet de loi. Il y a certains libéraux qui
ont choisi de ne pas respecter cette règle, ont voté pour en deuxième lecture.
Du côté des néo-démocrates, il y a un peu de division. Le Bloc québécois nous
appuie fermement, les conservateurs aussi. On est rendus à la troisième
lecture. On va voir comment les choses vont se terminer, c'est impossible à
prédire. Mais je vous avoue que, si le gouvernement jugeait qu'il y avait des
choses vraiment dans ce projet de loi qu'il fallait changer, il pouvait très
bien les changer, ça s'appelle un amendement. Mais on n'a jamais eu cette
discussion. Le projet de loi, à leur avis, était vicié, et ils ne voulaient
rien entendre. Donc, écoutez, c'est ça, la démocratie. Je vais... J'essaie de
récolter le plus de voix de parlementaires possible, et on verra comment le
vote se déroulera.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le...
M. Leduc : Bonjour, Mme
Miville-Dechêne, toujours un plaisir de vous entendre. J'étais sur la
commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs il y a quelques années, votre
témoignage avait été percutant à ce moment-là, il l'est encore aujourd'hui.
Très rapidement, dans les deux minutes qu'il nous reste, vous avez fait
référence tantôt à des jeux vidéo sexualisés que les enfants peuvent voir sur
des plateformes. Je ne suis pas familier avec ça. Pouvez-vous nous expliquer un
peu de quoi il en retourne?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Oui.
Alors, écoutez, pour être bien franche, c'est mon fils qui m'a parlé de ça,
alors... qui est un peu plus jeune que moi, comme vous pouvez l'imaginer, et
qui avait regardé sur ces plateformes parce qu'il savait que je travaillais
là-dessus. Alors, on regarde des vidéos, mais il y a aussi des jeux vidéo
auxquels on peut participer et qui sont souvent, cela dit, payants, ces jeux
vidéo, et c'étaient des jeux qui mettent en scène une certaine sexualité aussi.
Donc, c'est une autre façon de faire des sous pour les plateformes.
M. Leduc : Et ça, c'est de la
publicité entre deux vidéos pornographiques?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Il
y a aussi... il y a aussi de la publicité, les deux, les deux existent. Il y a
des jeux vidéo et il y a de la publicité. La publicité, c'est le nerf de la
guerre. C'est ça qui fait que les sites pornos récoltent de l'argent. Et la
publicité est payée, c'est comme à la télé, au nombre de clics, au nombre de
clients. Donc, plus il y a de clients, plus les taux publicitaires sont élevés
et plus la plateforme fait de l'argent, qu'elle peut parfois redistribuer à
certains créateurs de contenu, à certaines travailleuses du sexe qui peuvent...
qui peuvent faire des performances sur ces plateformes-là. Mais...
M. Leduc : Et la publicité,
c'est des... c'est des grands... des grands constructeurs de voitures, des
prochains films à l'affiche?
• (18 h 20) •
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Non.
Non, non, ce n'est pas des grands constructeurs de voitures. Il y a beaucoup de
gens qui se sont retirés du marché publicitaire de ces sites-là,
particulièrement quand il y a eu le scandale entourant Pornhub et les images de
mineurs. Le grand article du New York Times de Kristof, là, ça a fait
fuir pas mal de compagnies et aussi Visa et MasterCard, qui maintenant
n'autorisent plus les transactions sur... sur Pornhub, en tout cas, peut-être
sur d'autres plateformes. Donc, il y a eu une réaction, quand même, du marché,
mais ça existe encore. On ne sait plus exactement maintenant qui est le
premier. À l'époque, on disait beaucoup que la plateforme Pornhub était la plus
regardée. Je ne suis plus sûre que c'est le cas.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Parfait.
Alors, oui... bon. Mme la sénatrice est disponible jusqu'à et 25, alors on
peut... on peut poursuivre.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Bonjour... Bonsoir, Mme la sénatrice.
Justement, je vais faire du pouce sur ce que mon collègue a dit. Je vois que
votre projet de loi est appuyé pour... par plusieurs, puis je pense que c'était
très important de le faire. Maintenant, ceux qui sont contre votre projet de
loi ont... c'est leur <opinion...
M. Ciccone :
...Maintenant, ceux qui sont contre votre projet de
loi ont... c'est leur >opinion, là. Cependant, si... Il y a-t-il moyen
d'empêcher... On a vu Visa et MasterCard qui ont décidé librement de ne plus
accepter les paiements de ces sites. Je ne sais pas si c'est juste Pornhub ou
tous les autres sites, là, qui...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : C'était...
Toute la bataille, à ce moment-là, était focussée sur Pornhub.
M. Ciccone :Pornhub. O.K.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Je
ne suis pas sûre que c'est tous les sites.
M. Ciccone :Parce que Pornhub a plusieurs tentacules, si je ne m'abuse,
j'ai vu… j'ai lu l'historique.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : C'est
Ethical Capital... Maintenant, c'est Ethical Capital Partners qui a racheté.
Donc, c'est Aylo, qui a plusieurs... qui a plusieurs sites, notamment Pornhub.
Donc, c'est un peu tentaculaire, hein, chaque compagnie a plusieurs sites pour
avoir différents publics. Mais ce que vous devez... Excusez-moi. Allez-y avec
votre question.
M. Ciccone :Mais, en matière de... Serait-il possible d'envisager, en
matière de législation, d'empêcher justement de publiciser sur ce genre de
sites là? Est-ce que ce serait possible de le faire ou ce serait impossible? Parce
que c'est des compagnies privées, puis on ne peut pas leur dire comment se
gérer, mais parce que c'est comme ça qu'ils vont aller chercher... Puis c'est la
même chose avec les blogues. Puis ce n'est pas juste la pornographie, il y a
des blogues sportifs qui vont... qui utilisent beaucoup, puis c'est des fausses
nouvelles, puis c'est complètement ridicule, là, puis c'est comme ça qu'ils
font de l'argent.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Ce
qu'il faut comprendre, c'est que la pornographie pour les adultes est légale.
Donc, ces sites agissent dans la légalité parce qu'on n'a jamais fait de loi
précise qui leur empêche de montrer de la pornographie aux enfants. Parce
qu'avant ça ne marchait pas comme ça. Avant, il fallait montrer une carte, les
sites n'étaient pas disponibles, tout le monde ne pouvait pas les voir. Donc,
on est dans une espèce de vide qui fait qu'ils peuvent faire ça.
Mais ce que je voulais ajouter, c'est sûr
que, quand on les prend par l'argent… les cartes de crédit, ça leur a fait très
mal. Mais je voulais revenir sur une chose, c'est que le gouvernement fédéral a
présenté un projet de loi qui s'appelle C-63, qui est censé, en partie,
protéger les jeunes et aussi minimiser le discours haineux. Et ça aurait très
bien pu être un cadre où le gouvernement aurait pu présenter sa version d'un
projet de loi qui fait appel à la vérification d'âge pour certains préjudices
jugés graves, et ils ne l'ont pas fait. Ils ont... ils se sont attaqués à
certains préjudices, mais, clairement, ça ne fait pas partie de leurs
priorités.
M. Ciccone :Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 1 min 30 s. Je ne sais pas, Mme la sénatrice, on ne veut
pas vous bousculer dans votre temps non plus.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Non,
parce qu'il faut que je parte, que je coure vers la salle.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
c'est ça. Il nous reste une minute. Ça fait que, bon, je pense qu'on va vous
laisser aller à vos obligations.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Bien,
je vous remercie.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
d'avoir été là.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Oui,
puis je voulais vous remercier parce que vous faites un travail beaucoup plus
large. Moi, quand j'ai commencé à travailler sur la porno, on ne parlait pas
beaucoup de l'effet des écrans, des médias sociaux sur les enfants il y a
quatre ans, beaucoup moins que maintenant, en tout cas. Et vous, vous avez pris
le sujet de façon plus large. Et aujourd'hui je le prendrais de façon plus
large parce que c'est toute une question de circonstances. Moi, j'ai commencé à
travailler sur ce sujet-là pendant la pandémie et toute... J'avais participé à
une manifestation devant Pornhub et je me disais : Mais qu'est-ce qu'ils
font, les enfants, pendant la pandémie? Ils regardent des écrans, donc ça va
augmenter. Alors, je m'étais vraiment concentrée là-dessus pour toute une série…
à cause de toute une série de hasards. Mais il y a beaucoup d'autres choses sur
les réseaux sociaux qui sont complexes pour les enfants, si ce n'est que dans
regarder trop, point. Et donc je trouve que votre commission est très à propos
et j'espère qu'on va travailler sur ces questions-là à Ottawa aussi.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour le commentaire. Et d'autant plus que c'est une commission
transpartisane, alors c'est agréable.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Oui,
parce que c'est un...
La Présidente (Mme Dionne) : On
est tous...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : C'est
un sujet transpartisan.
La Présidente (Mme Dionne) : Exactement.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Moi,
les conservateurs, là-dessus, sont d'accord avec le projet de loi. Ils l'ont
été depuis le début. Ils ont fait que ça a passé un peu plus vite que ça aurait
pu passer à travers les différentes étapes, parce que, souvent, l'opposition
fait obstacle. Donc, la protection des enfants, ce n'est pas une question
partisane et ce n'est pas non plus... On peut être en désaccord sur plein
d'autres choses, sur l'éducation sexuelle, par exemple, et tout, mais, sur
cette question-là, il faut absolument mettre des barrières là et, de mon point
de vue, renforcer l'éducation sexuelle. Je sais que vous le faites, au Québec,
avec un nouveau programme. C'est très bienvenu, parce que ça n'avait pas de
sens avant. Mais ça, ce sont aussi des outils pour que les enfants eux-mêmes se
rendent compte que ce n'est pas ça, la réalité. Parce que c'est ça qui est le
plus grave, ils regardent ça, là, puis ils pensent que c'est ça, la réalité des
relations sexuelles. Imaginez quand ils arrivent puis que...
La Présidente (Mme Dionne) : Vous
avez <raison…
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...des
relations sexuelles. Imaginez quand ils arrivent puis que...
La Présidente (Mme Dionne) :
Vous
avez >raison. Je vais vous interrompre parce que vous allez être en
retard pour votre vote.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Très
bien, au revoir. Merci de m'avoir écoutée.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment.
Et nous, on suspend la commission quelques
instants pour accueillir notre prochain invité.
(Suspension de la séance à 18 h 26)
18 h 30 (version révisée)
(Reprise à 18 h 32)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le bonheur d'accueillir
comme dernier invité M. Lavoie du Centre québécois d'éducation aux médias
et à l'information. Bienvenue.
Centre québécois d'éducation aux médias et à
l'information (CQEMI)
M. Lavoie (André) :Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de
votre exposé. Suite à cela, nous procéderons à une période d'échange avec les
membres de la commission.
M. Lavoie (André) :Parfait.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
à vous la parole.
M. Lavoie (André) :Alors, bien, je vous remercie beaucoup de m'accueillir au
nom du CQMI et en mon nom personnel aussi. André Lavoie. Je suis journaliste
indépendant, critique de cinéma. Je collabore depuis 26 ans au journal Le
Devoir. Je collabore également au magazine Québec Science et je suis
un des membres cofondateurs du Centre québécois d'éducation aux médias et à
l'information.
Officiellement, on est né en mai 2021.
Mais, au cours de ma présentation, je vais vous faire un peu la petite histoire
de notre organisation, vous présenter un peu qu'est-ce qu'on fait, comment on fonctionne
et surtout quelle est la philosophie qui nous anime, et donc qu'est-ce qu'on
fait auprès des jeunes particulièrement.
D'abord, évidemment, on est parti de
différents constats quand on a commencé à élaborer le programme, parce que les
journalistes... Enfin, moi, je n'étais pas là au moment où on a commencé à
élaborer des programmes de formation, avant que le CQMI existe. C'était en 2018. Ça fait que, rappelez-vous, en
2018, c'était l'époque de... l'époque glorieuse de Donald Trump à la
Maison-Blanche lors de sa première... et, on espère, seule présidence. Et donc
des journalistes, comme... j'imagine, comme les élus voyaient qu'il y avait
prolifération de fausses nouvelles, de théories du complot, et tout ça. Et donc
ils ont compris aussi qu'il y avait une certaine fragilité dans la population
et particulièrement chez les jeunes pour faire... pour distinguer le vrai du
faux, pour savoir c'est quoi, une vraie nouvelle versus une fausse nouvelle.
Donc, on a élaboré des programmes puis on
a parti de certains constats qui ont été confirmés dans un sondage qu'on a
demandé à la firme Léger, qu'on a fait en 2023. Donc, vous voyez un peu les
chiffres. De mon point de vue, ils sont effectivement alarmants. Parmi les
18-35 ans, il y aurait environ six jeunes sur 10 qui ne font pas confiance
aux médias. Il y aurait 90 % des personnes qu'on a sondées qui ont un
doute sur au moins une théorie complotiste. Et je vous rappelle qu'une théorie
complotiste, ça peut être autant... et on en a entendues beaucoup sur, par
exemple, les vaccins, mais il y en a qui sont encore convaincus que la terre
est plate. Il y en a d'autres qui croient que vous êtes des reptiliens, que
vous êtes des francs-maçons, que vous êtes des... vous faites partie des
Illuminati. On rigole, mais, sincèrement, il y a des gens qui pensent ça. Et,
parmi les 18-34, bien, il y en a 84 %, de ces gens-là, qui sont incapables
de distinguer le vrai du faux sur les réseaux sociaux pour une raison très
simple, et ça, on l'explique quand moi, je vais en classe, parce que je suis
journaliste formateur aussi pour le CQMI. C'est qu'avant... j'allais dire «dans
mon temps», quand j'ai commencé à m'informer, on ouvre un magazine, on ouvre un
journal ou on écoute Le téléjournal. Les choses sont hiérarchisées et
elles sont explicitées. On a un éditorial. On a une chronique. On a un
reportage. On a le courrier du lecteur. On a une nouvelle brève. Sur les
réseaux sociaux, tout se mélange. Les gens ne savent pas nécessairement si on a
affaire à une chronique, ou à un reportage, ou à un éditorial. Et donc les
18-34, eux qui n'ont pas du tout, du tout grandi avec un magazine et un journal
entre les mains, eux ont beaucoup de difficulté à distinguer le vrai du faux
sur les réseaux sociaux.
Nous, notre mission avec ce constat-là,
comme je vous disais, qu'on trouve un peu alarmant, évidemment, en tant que
journaliste, mais je vous dirais aussi en tant que citoyen, c'est ce qui nous
anime au CQMI. On a... Je vous dirais, on a deux... notre mission est à deux
volets, si vous voulez. D'abord, on veut aider les citoyens, pas juste les
jeunes. C'est sûr qu'on rencontre et on va à la rencontre de beaucoup de
jeunes, mais on s'adresse aussi aux citoyens de tous les âges pour mieux les
aider à avoir les meilleurs outils pour mieux s'informer puis à développer leur
esprit critique aussi. Et ça, c'est un <excellent...
M. Lavoie (André) :
...avoir les meilleurs outils pour mieux s'informer
puis à développer leur esprit critique aussi. Et ça, c'est un >excellent
moyen pour combattre la désinformation. Mais on veut aussi faire œuvre utile à
l'égard de notre profession, on veut faire connaître le journalisme. On veut
leur expliquer que le journalisme, même si, certaines journées, je suis sûr que
certains d'entre vous ne sont pas d'accord avec moi, mais on... le journaliste,
ça a un rôle essentiel dans notre démocratie, et on est un rouage important,
que vous aimiez ça ou pas, et on veut aussi essayer de faire comprendre ça aux
jeunes, qui... Je voulais... Ensemble, on partage la même chose ce soir, c'est
qu'en général les jeunes se méfient pas mal des politiciens mais se méfient
aussi parfois beaucoup des journalistes. Donc, on prêche pour notre paroisse,
mais laissez-moi vous dire que, personnellement, étant assez politisé moi-même,
j'essaie aussi de vous inclure dans ma gang et de vous aider.
Là, évidemment, comme je m'en doutais... Ah!
voilà. Alors, pas besoin de vous dire que c'est un défi permanent. Je vous
dirais que c'est un défi que je qualifierais d'une classe à la fois, parce qu'on
va dans toutes sortes de milieux. On va beaucoup dans les écoles... On va,
depuis l'année... Depuis cette année, en fait, on va... En fait, depuis l'année
dernière, on va dans les écoles primaires, mais on va aussi beaucoup, beaucoup
dans les écoles secondaires. Moi, je vous avoue que ce qui est assez fascinant
dans mon travail de journaliste formateur, c'est que, depuis trois ans à peu
près, je suis allé dans les écoles des quartiers les plus favorisés de Montréal
et, à côté de ça, je suis allé dans les écoles les plus défavorisées de
Montréal. Et laissez-moi vous dire que ne ça ne change pas nécessairement d'un
quartier à l'autre, mais d'une école à l'autre. Et ce n'est pas parce que les
gens sont dans un milieu favorisé qu'ils sont nécessairement mieux informés. Donc,
l'idée de sensibiliser, de faire comprendre aux gens l'importance des médias d'information,
l'importance d'être bien informé comme citoyen dans une société démocratique,
je vous dirais que c'est un défi dans... en tout cas, personnellement, dans
toutes les écoles que j'ai fréquentées.
Au CQMI, la large part de notre travail, c'est
bien sûr de donner des formations, des activités, mais aussi on veut... on fait
beaucoup d'activités, d'événements pour se faire connaître, mais aussi faire
connaître notre mission. Alors, des débats... on participe à des rencontres. Le
printemps dernier, on était parmi les gens invités dans une journée de
réflexion et de partage avec le Secrétariat de la jeunesse, parce que nous
sommes soutenus par le Secrétariat à la jeunesse. Et aussi c'est une façon pour
nous de faire connaître, dans le fond, le fondement même de notre mission, qui
est de permettre aux gens d'aiguiser leur sens critique et de comprendre l'importance
de bien s'informer.
Je vous donne quelques chiffres pour nous...
pour vous expliquer concrètement, là, où je vous dis... où je vous dis ce qu'on
fait. Mais est-ce que ça a un impact? Est-ce qu'on est quelque part? Oui.
Depuis 2018... À cette époque-là, le programme était... a été conçu par
quelques journalistes qui étaient principalement liés à la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec, donc c'est à ce moment-là que ça a
commencé. Et le CQMI est arrivé en 2021 comme un... comme un... On a fondé un
OBNL pour accueillir le programme parce que la Fédération professionnelle des
journalistes trouvait que le programme commençait à prendre beaucoup de place,
et, comme... ce n'est comme pas nécessairement une grosse organisation, la
FPJQ, ils ont jugé bon de faire en sorte que le programme puisse en quelque sorte
voler de ses propres ailes. Mais donc, depuis 2018, on a rencontré 60 000 participants,
on a fait plus de 2 000 formations dans les écoles. Moi, je suis allé
dans les centres communautaires. Il y en a qui sont allés beaucoup dans les
bibliothèques aussi. On a... On est allés... En fait, on a été à la
rencontre... on a été visiter 500... 520 établissements. On compte sur une
équipe de 70 journalistes formateurs, et c'est des gens de toutes les
générations, des gens de tous les... de tous les milieux. Il y a des retraités
aussi de Radio-Canada, Le Journal de Montréal, moi, du Devoir,
des gens de La Presse, des gens de Radio-Canada et beaucoup de
photojournalistes aussi, qui font du reportage à l'étranger. Donc, le profil
des formateurs est très vaste, mais, en fait, la seule... la seule
caractéristique, si on veut, c'est que... ce qu'on exige, c'est que les
journalistes soient membres soit de la FPJQ, ou de l'Association des
journalistes indépendants du Québec, ou des bozos, comme moi, qui sont membres
des deux associations.
• (18 h 40) •
On a un taux de satisfaction moyen de
97 % et un taux de renouvellement de 85 % des enseignants, et ça, ça
nous... on en est très fiers parce que ça veut dire qu'on a un certain impact
auprès des gens qu'on rencontre. Je l'ai encore vécu pas plus tard qu'hier
parce que j'ai parlé avec une enseignante du programme Culture et société
québécoise. Je suis allé dans sa classe il y a deux ans. En fait, j'avais
rencontré cinq de ses groupes il y a deux ans dans le cadre de l'ancien cours
Éthique et culture religieuse, et là elle donne le cours de Culture et
citoyenneté québécoise. Et là je rencontre... ou, à la fin octobre, début
novembre, je vais rencontrer six groupes de son école, et donc ça, ça veut dire
que de retourner chez elle, dans son école, c'est signe qu'elle a apprécié
notre présence. Et on a une vingtaine de partenaires dans la francophonie. <D'ailleurs...
M. Lavoie (André) :
...signe qu'elle a apprécié notre présence. Et on a
une vingtaine de partenaires dans la francophonie. >D'ailleurs, je ne
sais pas si on peut... Non, excusez-moi. Ah! voilà, j'ai les partenaires.
Écoutez, pas pour faire du... pas pour vous étaler mon agenda mondain, mais,
dimanche soir, je quitte pour Paris dans le cadre du Sommet de la Francophonie
et je vais rencontrer... Parce que, depuis quelques années, on est en lien avec
des partenaires français et belges, le CLEMI, le Centre pour l'éducation des
médias à l'information en France et, en Belgique, le Conseil supérieur de
l'éducation aux médias, deux organismes qui sont gouvernementaux, qui sont liés
par... avec l'État. Et c'est deux organisations qui sont très... très, très
engagées dans la question de l'éducation aux médias, et ils veulent élaborer un
réseau international d'éducation aux médias, réseau international francophone. Alors,
c'est la raison pour laquelle ils ont invité le CQMI. C'est moi qui sera le
représentant québécois, et on va jeter les bases d'un réseau international
francophone. Le modèle est encore à discuter.
Mais tout ça pour vous dire que ces
organisations-là... Juste pour vous donner une idée, là, le Conseil supérieur
de l'éducation aux médias, ils sont sept employés et ils couvrent une
population, qui est, en fait, la Wallonie francophone, d'environ
1,8 million d'habitants. Alors, nous, on est un OBNL. On a une employée
à... relativement à temps complet et on a une stagiaire, et tous les autres...
toutes les autres personnes impliquées, comme moi, nous sommes tous des
bénévoles. Alors, c'est sûr qu'on apprécie beaucoup le soutien du Secrétariat à
la jeunesse, mais on n'est pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur et de
moyens. Quand moi, je parle avec mes interlocuteurs européens, c'est évident
que moi, je leur dis : Écoutez, telle chose, on ne peut pas le faire; telle
chose, il faut y penser. Parce que nous, on est une petite organisation en
croissance puis on a beaucoup, beaucoup d'enthousiasme, mais c'est sûr qu'on ne
se compare pas au Finnish Society on Media Education, qui est... en fait, qui
est, pour nous... En fait, si on avait un idéal ou si on avait un rêve, c'est
de ressembler à cette organisation-là, qui est extrêmement dynamique. Et il
faut dire aussi qu'en Finlande et dans les pays scandinaves, l'éducation aux
médias est extrêmement, extrêmement valorisée. Et évidemment, une fois de plus,
je m'emmêle dans mes pinceaux. Désolé.
La Présidente (Mme Dionne) : M. Lavoie,
votre temps est terminé, mais...
M. Lavoie (André) :Oui.
La Présidente (Mme Dionne) :
...est-ce que vous... Ah! O.K. Bien, s'il y a consentement pour que vous
puissiez faire part de vos recommandations.
M. Lavoie (André) :J'aurais une... Il me resterait...
La Présidente (Mme Dionne) : Bien
oui...
M. Lavoie (André) :
...une diapositive qui est, en fait, la... recommandations...
La Présidente (Mme Dionne) : Allez-y.
M. Lavoie (André) :...par rapport au travail formidable que vous faites à
cette commission, nos réflexions terrain et nos souhaits.
Alors, nous, notre appel à vous
aujourd'hui... D'abord, bien, si on avait à élaborer des politiques ou à
réfléchir sur des choses à faire pour aider les jeunes à soit s'éloigner des
écrans temporairement ou les utiliser de manière plus intelligente et efficace,
bien, d'abord, c'est justement de former les jeunes à un usage éclairé des
écrans et des outils numériques. Parce que l'interdiction totale, on s'entend,
là, ni vous ni moi on va voir ça de notre vivant, là. Et, comme on dit, le
génie est sorti de la lampe, et le dentifrice est sorti du tube, donc essayons
de faire en sorte que les jeunes aient une utilisation éclairée et judicieuse
de leur téléphone et des écrans.
Deuxièmement, favoriser l'élargissement de
l'éducation aux médias et à l'information dans le programme scolaire et
intégrer une formation critique sur l'utilisation de l'intelligence
artificielle. Ça, écoutez, j'ai l'impression que, dans quelques années puis
dans pas longtemps, on va peut-être faire une commission sur l'intelligence
artificielle parce que ça se développe à vitesse grand V. Il y a énormément
d'enjeux qui entourent ça. Bien, c'est sûr que je pense que de réfléchir à
l'école dans le cadre du cursus scolaire à ces questions-là, ça serait une
bonne chose, dans le cadre du... du cours, pardon, Culture et citoyenneté
québécoise — je ne suis pas pédagogue, je ne suis pas spécialiste en
éducation — peut-être.
Troisième point : promouvoir et
valoriser les programmes d'éducation aux médias et à l'information tels qu'un
de nos programmes qui s'appelle #30 secondes avant d'y croire. Donc, c'est
sûr que toutes les initiatives que les organisations utilisent, entre autres, par
exemple les médias, parce que les médias aussi font des émissions, il y a... Tout
récemment, il y a La Presse, entre autres, qui a fait des nouvelles
initiatives pour permettre aux gens d'avoir... d'une manière synthétisée, de
mieux comprendre l'actualité. À Radio-Canada, les Décrypteurs font un
travail formidable. Donc, il y aurait peut-être lieu de valoriser ça aussi.
Accompagner les enseignants en leur
fournissant des contenus de qualité lorsqu'il est question d'éducation aux médias
et à l'information. Ça, écoutez, moi, si je me base sur les commentaires, les
échanges, les réflexions que j'ai avec les enseignants que je rencontre, c'est
sûr que beaucoup d'entre eux nous demandent... demandent nos services, parce
qu'ils sont... elles sont un peu démunies <devant...
M. Lavoie (André) :
...nous demandent... demandent nos services, parce
qu'ils sont... elles sont un peu démunies >devant tout ça. Vous le savez
mieux que moi... aussi bien que moi, ils sont débordés. Ils ont beaucoup
d'enjeux, beaucoup de choses à gérer. Donc, c'est clair que la question de
l'éducation aux médias, rajoutée à tout le reste... C'est pour ça que je pense
que... Nous, en tout cas, on a l'impression qu'on fait quand même aussi un
petit travail d'accompagnement, mais on devrait être plusieurs à le faire.
Et finalement, bien, sensibiliser les
parents et l'ensemble des intervenants qui gravitent autour des jeunes à
l'importance de bien s'informer. Ça, c'est clair. Écoutez, c'est comme la
lecture. C'est comme bien manger. C'est comme faire du sport. C'est comme...
Écoutez, si les parents passent leur temps sur leur... Vous savez, écoutez, je
vais plutôt donner un autre exemple, un exemple de vieux, ce qui est mon cas. Je
veux dire, un parent, à une époque où tout le monde fumait... Moi, j'ai connu
ça, là. Je ne fume pas, Dieu merci, mais un parent qui fume puis qui
demandait... qui exigeait que son enfant ne fume pas, ce n'était pas très
crédible.
Alors, aujourd'hui... Alors, Dieu merci...
il y a une législation qui fait en sorte que le tabagisme a beaucoup diminué au
Québec. Bien, je pense qu'il va peut-être falloir réfléchir à l'utilisation des
écrans chez les jeunes et en faire un enjeu de santé publique aussi. Alors,
c'est évident qu'un parent qui a toujours le nez sur son téléphone est moins
crédible lorsque vient le temps de gronder son enfant en disant : Fais
d'autres choses que de passer ton temps sur ton téléphone ou ta tablette.
Donc, c'est sûr que je pense que... Et, en
ce moment, je lis constamment, dans mon journal et dans d'autres médias, toutes
sortes d'études scientifiques très crédibles sur le fait que, pour les enfants
en bas âge, c'est extrêmement nuisible, l'utilisation excessive des écrans.
Donc, c'est sûr que de sensibiliser les parents juste à ça, ça serait, à mon
avis, une bonne chose, mais c'est clair qu'il y a pas mal de travail à faire
puis il y a pas mal de gens à convaincre.
Alors, sur ce, j'ai dépassé mon temps — je
suis désolé — mais je vous remercie de votre attention. Et ça fait un
peu le tour de ce que fait le CQMI.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Lavoie. On va débuter cette période d'échange avec M. le
député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Bonjour... Bonsoir, M. Lavoie.
M. Lavoie (André) : Bonsoir.
M. Ciccone :
J'ai une question pour vous. Je ne serai pas trop difficile avec vous, j'ai une
question. Vous savez que, quand on parle d'écrans, là, moi, je mets... on met
tous les écrans dans le même sac puis par la suite, après nos travaux, on va
être capable de départager les écrans. Puis là je me fie à votre grande
expérience au niveau des médias. Vous en avez vu. Vous avez commencé, il y
avait seulement les journaux. Vous êtes au courant que... C'est sûr que vous
êtes au courant qu'aujourd'hui les médias d'information sont passés au
numérique, on le sait. Et là je ne veux pas vous mettre dans le trouble avec ma
question, mais avez-vous des exemples...
M. Lavoie (André) :Vous voulez me tasser dans le coin comme au hockey, vous,
là, là.
M. Ciccone :...mais avez-vous... avez-vous des exemples ou de
l'information à l'effet que les médias d'information utiliseraient, puis je le
mets au conditionnel, là, c'est une de vos tactiques journalistiques, là, utiliseraient
certaines tactiques pour garder ses lecteurs sur leurs écrans? Puis là je parle
ici puis je mets... Tu sais, là, des stations de sports, par exemple, ils vont avoir
des pools. Ils vont avoir des lumières, des couleurs, un chronomètre. Vous savez,
là, ça fait que, là, on les garde, là. Ça fait qu'est-ce qu'on utiliserait les
mêmes tactiques au niveau des médias d'information que les autres plateformes?
M. Lavoie (André) :Moi... Écoutez, moi, je peux vous dire une chose. Je ne
suis pas dans le secret des dieux. Peut-être que oui, peut-être que non. Par
contre, je vais vous dire une chose. C'est évident que les médias ont fait un
constat que moi, je fais et que vous faites aussi, que peut-être vous-même,
dans votre quotidien de citoyen, d'élu, je ne sais trop, on fait, c'est-à-dire
que notre capacité collective d'attention a beaucoup diminué, ce qui fait en
sorte que — et moi, je le vois dans mon média puis je le vois
ailleurs aussi — on est plus réfractaires aux textes longs. On aime
beaucoup les vidéos. On aime beaucoup les brèves. On aime beaucoup...
• (18 h 50) •
Moi, écoutez, je suis vraiment d'une autre
école, parce que, je veux dire, jamais dans ma vie... puis moi, je lis Le
Devoir depuis 40 ans cette année. Je veux dire, jamais dans ma vie,
j'aurais réclamé que Le Devoir ait des photos couleur à une époque,
mais, finalement, ça prenait des photos couleur pour attirer le lecteur. Donc,
maintenant, un journal...
Écoutez, je vais juste faire une
parenthèse, là. Il y a deux semaines, je suis allé dans une école, dans un
cégep, et j'avais mon Devoir papier avec moi. J'avais une classe de 50 cégépiens.
J'ai sorti mon Devoir papier et j'ai demandé : Qui d'entre vous
avez déjà tenu un journal papier dans vos mains? Il y a une personne sur 50 qui
a levé la main, O.K.? Donc, on parle... Et moi, quand je parle de journal, j'ai
l'impression que j'ai grandi en même temps que les dinosaures du Parc jurassique,
parce que là, là, les journaux... On parle de médias, et donc que ça soit Le
Devoir, le 98,5, Radio-Canada, tout le monde fait des images.
Cet été, j'ai fait un <article...
M. Lavoie (André) :
...le 98,5, Radio-Canada, tout le monde fait des images.
Cet été, j'ai fait un >article
sur... j'ai fait une série d'articles sur les médias publics étrangers,
internationaux. Et un des quatre textes, je l'ai consacré à un média français
public qui s'appelle France Bleu, qui est spécialisé en information régionale.
Ils ont 44 stations régionales à travers la France. Et le gros débat,
c'était : la direction de France Bleu veut faire rentrer les caméras dans
les studios de radio. Il y a eu une résistance pas possible. Il y a même eu un
mouvement de grève. Vous allez me dire qu'en France on a fait pour moins que
ça.
Mais donc tout ça pour vous dire,
M. Ciccone, que les médias, est-ce qu'ils ont une stratégie obscure pour
faire en sorte que... C'est clair que oui. Mais est-ce que c'est une stratégie
qui est semblable à celle dont nous parlait Mme Miville-Dechêne tout à
l'heure par rapport... Je ne crois pas, mais c'est évident que les médias
cherchent des façons de séduire un auditoire qui leur échappe de plus en plus.
Dans mon journal, au Devoir... Je dis «mon journal». Écoutez, je suis
pigiste au Devoir, là. On s'entend que je n'ai pas... je ne suis pas
dans les officines et la haute direction, mais, je veux dire, on a une équipe
vidéo. Donc, c'est évident que les jeunes qui sont abonnés... Parce que la classe
où je suis allé, dans le cégep où je suis allé il y a quelques semaines, le
professeur a abonné tout le monde au Devoir. Moi, je suis convaincu que
les jeunes de cette classe-là consultent bien davantage la section vidéo qu'ils
lisent mes longs articles sur les... des écrivains oubliés dont ils n'ont
jamais entendu parler.
Alors, regardez, c'est la vie, là. Mais
donc je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Mais tout ça pour dire
que les médias, c'est clair qu'ils essaient d'accrocher les jeunes. Ont-ils des
techniques machiavéliques? Je ne sais trop.
M. Ciccone :Bien, on parle de notifications, des pages sans fin. Tu
sais, c'est...
M. Lavoie (André) :Oui. Ah oui! Tout à fait. Tout cet attirail-là, que tout le
monde utilise de toute façon, c'est évident que les médias s'en servent. Mais,
en même temps, eux, je veux dire, on s'entend, là, c'est... Tu sais, la... on
parle beaucoup de la crise des médias, là. Ce n'est pas une lubie de
journaliste, là, la crise des médias. C'est réel, elle est profonde. Et, moi,
laissez-moi vous dire que... Quand je vais dans une école et que je pose la
question : Qui d'entre vous avez une application d'un média d'information
sur vos téléphones? Je vous le dis : Quand qu'il y en a deux sur 30, je
suis content parce que... Et, en plus, la question des... de l'argent est un...
n'est pas un enjeu, là. Je veux dire, moi, j'ai l'application de la BBC. J'ai
l'application de la... de NPR. J'ai l'application de Radio-Canada. J'ai
plusieurs applications de médias d'information, et c'est gratuit, alors... Et
les jeunes aujourd'hui lisent beaucoup plus l'anglais que moi, je pouvais le
lire à leur âge, et ils n'ont pas de raison de ne pas avoir une application de
médias d'information gratuite sur leur téléphone, mais ils n'en ont pas. Et je
vais... Et j'ai posé la question aussi bien dans une des écoles les plus
huppées de Montréal que je la pose dans une polyvalente — je m'excuse
de trahir mon âge — bien, dans une école secondaire publique, et
c'est pareil. Il y a aussi peu de jeunes qui ont des applications des médias
d'information sur leur téléphone.
M. Ciccone :Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Le temps file, et on a... j'ai beaucoup de collègues qui ont des questions.
Alors, Mme la députée de Hull, la parole est à vous.
Mme Tremblay : Oui. Bonjour.
M. Lavoie (André) :
Bonjour.
Mme Tremblay : Alors, quand
même, vous avez dit : Les 18-34 ans ont beaucoup de difficulté à
distinguer le vrai du faux.
M. Lavoie (André) :Oui.
Mme Tremblay : Donc là, si je
me ramène aux plus jeunes, ça veut dire que ça doit être encore d'autant plus
vrai.
M. Lavoie (André) :Et d'autant plus pire.
Mme Tremblay : Vous leur
dites quoi? Qu'est-ce qu'on leur dit? Comment vous travaillez avec eux pour les
amener à... Là, j'ai vu le... ici, l'«hashtag» 30 secondes avant d'y
croire, là, ça fait que j'imagine, c'est dans l'esprit...
M. Lavoie (André) :Oui, c'est le nom de notre programme.
Mme Tremblay : ...mais...
Oui?
M. Lavoie (André) :Bien, en fait, ce qu'on leur explique dans nos formations,
c'est qu'on leur présente ce que c'est qu'une fausse nouvelle et on leur dit :
Qu'est-ce qu'on doit vérifier? Qu'est-ce qu'on doit voir pour reconnaître un
média d'information? On leur dit, par exemple... Par exemple, on leur dit :
Si vous allez sur un site de médias d'information avec une... avec un vrai code
de déontologie, vous devriez avoir l'adresse, le numéro de téléphone, le nom de
l'équipe, un courriel pour contacter les gens et vous devriez voir le nom du
journaliste. Et aussi on leur explique... on leur explique tout ça puis on leur
donne des exemples de vraies nouvelles puis de fausses nouvelles. On leur
présente, par exemple, des sites, Infowars, par exemple, pour ne pas le nommer,
qui était le site de... Bon, visiblement, tout le monde le connaît. Donc, on
leur explique que ça, quand on lit la description du site, c'est clairement dit
que c'est un site de fausses nouvelles et que... c'est ça. Et donc, on... Et
aussi l'idée de départ du titre de notre programme, 30 secondes avant d'y
croire, c'est qu'on invite les jeunes à prendre un temps de recul de
30 secondes et de regarder la <nouvelle...
M. Lavoie (André) :
...secondes avant d'y croire, c'est qu'on invite les
jeunes à prendre un temps de recul de 30 secondes et de regarder la >nouvelle,
de la lire, de voir d'où elle provient, de quelle source. Est-ce vérifié? Y
a-t-il une date? Y a-t-il un nom? Et attendre un moment avant de la partager.
Parce que c'est ça aussi, le problème qu'on a vu, c'est que... Et ça, ce n'est
pas moi qui le dis, c'est le Massachussets Institute of Technology. Ils ont
fait une étude pour expliquer que les fausses nouvelles voyagent six fois plus
vite que les vraies, donc... et, en plus, les rectificatifs... Quand un média
fait une erreur ou fait une faute quelconque et une mauvaise information, il y
a un rectificatif. Souvent, il n'est pas... on se concentre sur, mettons,
l'erreur de la nouvelle, et tout ça.
Donc, ce qu'on fait concrètement, c'est
qu'on explique aux jeunes où aller, c'est-à-dire, quand on est sur un moteur de
recherche puis qu'on fait une recherche, on va vous amener sur des sites. Vérifiez.
C'est quel type de site? Avez-vous beaucoup d'informations? Et aussi on leur
demande de prendre un temps de recul quand vient le temps de partager, parce
qu'ils peuvent partager des choses calomnieuses, mensongères, dangereuses. On
leur donne des exemples aussi sur la santé, parce qu'il y a beaucoup de jeunes
filles qui s'informent sur Instagram pour des questions de nutrition. Et c'est
prouvé... Et encore là, ce n'est pas moi qui le dis, c'est une lanceuse
d'alerte qui travaillait chez Meta qui a expliqué que Meta, délibérément,
faisait en sorte que les jeunes filles étaient littéralement scotchées sur
Instagram sur ces questions-là. Ils allaient... Le parcours classique, là,
c'était la fille qui allait chercher une recette ou des conseils pour maigrir
et qui, là, se retrouvait dans un vortex de fausses informations sur des fausses...
des faux régimes spectaculaires.
Donc, ce qu'on fait avec les jeunes, c'est
qu'on essaie vraiment... Et c'est là... c'est pour ça que je vous dis que notre
mission est double, c'est-à-dire, oui, sensibiliser les gens aux dangers des
fausses nouvelles parce qu'il y a des dangers. Je veux dire, vous avez juste à
regarder la campagne électorale américaine, là, présidentielle. À tous les
jours, on en voit, des dangers des fausses nouvelles. Mais, à côté de ça, vous
allez me dire : On prêche pour notre paroisse. Puis je vais vous dire :
Oui, certainement. Mais on essaie de dire aux jeunes : Écoutez, si vous
voulez... Moi, là, mon plaidoyer, là, de curé, là, c'est : Informez-vous.
Soyez éclairés. Soyez conscients de ce qui se passe autour de vous. Soyez
alertes. Essayez de comprendre les choses qui se passent. J'essaie vraiment avec
tout mon cœur de les inviter à essayer de comprendre le monde dans lequel il
vit. Et ça, un des moyens, c'est bien sûr de sortir dehors puis de lâcher leurs
écrans, mais, quand ils sont devant, d'aller lire et consulter des médias
d'information qui, eux, vont leur donner une vision, peut-être pas toujours
juste, certainement partiale... Ça aussi, je leur explique que les médias,
c'est aussi des entreprises. Ils sont teintés politiquement. Ils sont teintés idéologiquement,
c'est clair. Sauf que nous, comme journalistes, peu importe où on travaille, on
a un code de déontologie.
Alors, on leur explique tout ça puis on
espère qu'ils vont cheminer là-dedans puis qu'ils vont développer des réflexes,
on espère, des comportements, mais au moins des réflexes de dire : Bien, ah,
tu sais, il faudrait peut-être que je fasse attention. Ah! il faudrait
peut-être... Est-ce que c'est vraiment un média d'information crédible? C'est
ça qu'on essaie de faire. Est-ce qu'on réussit tout le temps? On les rencontre
1 h 30, deux heures, une heure, mais on se dit : Au moins ils
sont conscients qu'il y a des possibilités de bien s'informer puis de mieux
comprendre le monde dans lequel... dans lequel ils vivent.
• (19 heures) •
Mme Tremblay : Parce que,
quand ils accèdent à des mauvaises... de la mauvaise information, le problème,
c'est, par les algorithmes après...
M. Lavoie (André) :Oui...
Mme Tremblay : ...on leur
présente d'autres mauvaises informations...
M. Lavoie (André) :...c'est ça. C'est... Les algorithmes...
Mme Tremblay : ...ça fait que
ça devient une boucle, là.
M. Lavoie (André) :Oui, oui.
Mme Tremblay : Ça fait que...
M. Lavoie (André) :Bien, en fait, c'est pour ça qu'on appelle ça... en
anglais, ils appellent ça le «rabbit hole», le trou de lapin. Et c'est pour ça
que... et vous l'avez vu, chers élus, moi, je l'ai vu comme citoyen puis
laissez-moi vous dire que ça m'a affolé, mais, pendant la pandémie, là, je veux
dire, le trou de lapin avait la grosseur du stade olympique, là. Je veux dire,
les gens, là, qui avaient décidé, là, que les vaccins, ce n'était pas bon, puis
que le gouvernement nous cachait des affaires, puis que... puis Bill Gates puis
George Soros, ça allait tous nous éliminer, là, je veux dire, il y a des gens
qui sont littéralement tombés là-dedans puis ils n'en sont jamais ressortis,
là. C'est ça que ça fait.
Et la lanceuse d'alerte de Meta, c'est ça
qu'elle disait. Elle disait : Les jeunes filles... et les jeunes hommes
aussi, parce que la dynamique est un peu différente. Les gars veulent prendre
du volume, puis les filles veulent maigrir, là. Je schématise, mais, en gros,
c'est ça, là. La lanceuse d'alerte, c'est exactement ce qu'elle disait : Ils
veulent... Elle ne le disait pas dans mes mots, là, comme ça, mais c'était ça
qu'elle voulait dire : Ils veulent que les utilisateurs, les utilisatrices
tombent dans le trou de <lapin...
>
19 h (version révisée)
< M. Lavoie (André) :
...ils veulent que les utilisateurs, les
utilisatrices tombent dans le trou de >lapin puis qu'ils y restent. C'est
ça, l'idée, parce qu'en ce moment, là, l'enjeu de tout ce que vous discutez,
là, c'est un enjeu incroyable, c'est l'enjeu de l'attention. C'est ça que les
compagnies veulent, elles veulent de l'attention, c'est-à-dire qu'elles veulent
vous garder le plus possible pour que vous utilisiez leurs plateformes puis que
vous restiez là. Après ça, ce que vous en faites, ils s'en foutent pas mal, là,
puis ils vous offrent un peu n'importe quoi, pourvu que vous restiez avec ces
plateformes-là.
La Présidente (Mme Dionne) : ...beaucoup
de questions. Mme la députée, s'il me reste du temps, je reviens vers vous,
parce que c'est un sujet qui suscite l'intérêt de tous. Le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : L'Internet est
arrivé de manière massive dans nos foyers, quoi, fin 90?
M. Lavoie (André) :Moi, j'ai eu l'Internet en 1999, puis il y en avait d'autres
qui l'avaient avant, ça fait qu'on peut dire les années 90.
M. Leduc : Bon, ça fait que
ça fait, quoi, une trentaine d'années, grosso modo. Est-ce que vous estimez qu'il
a participé à élever l'humanité ou, j'oserais dire, à abrutir l'humanité?
M. Lavoie (André) :Je vous dirais qu'il y a des gens qui ont cru au départ qu'Internet
allait révolutionner les esprits et tous nous élever collectivement, puis moi,
je respecte les gens qui pensaient ça dans les années 90. Aujourd'hui,
au-delà du fait que... Écoutez, soyons clairs, tout le monde, là, ici puis à l'extérieur,
là, il n'y a personne qui voudrait revenir à avant. Il n'y a personne qui
voudrait revenir à leur téléphone pour rejoindre les gens, les courriels,
télécharger des documents, visionner des choses, sauf que moi, je vois... Je ne
sais pas si je devrais le dire. Des fois, je vois une sorte d'abrutissement
collectif. Et puis je m'excuse de revenir là-dessus, là, mais autant la
pandémie a fait en sorte qu'on a pu, collectivement, mieux s'en tirer parce que
le télétravail, parce qu'on pouvait voir du cinéma à la maison, parce que… bon,
mais, en même temps, quand je voyais et que j'entendais la somme astronomique
de niaiseries qui non seulement étaient dites, mais étaient faites, et parfois
au plus haut niveau, bien là c'est sûr que je partage l'idée que cet outil-là
peut être extrêmement dangereux.
Écoutez, moi, là, personnellement, je dis
toujours, par rapport à n'importe quoi, le «junk food» ou un joint, je ne sais
pas si je devrais le dire, mais, en tout cas, je vais le dire de même, tout est
bon. C'est la façon dont on s'en sert qui fait que c'est bon ou pas. Alors, qu'on
soit branché sur Internet, qu'on ait un téléphone intelligent, qu'on ait un
compte Instagram, en soi, il n'y a pas de mal à ça. Le problème, c'est l'excès.
Le problème, c'est de penser qu'il n'y a que ça, de penser que... Écoutez, moi,
là, je suis devant des étudiants, devant des jeunes, et, des fois, après 10 minutes,
ils dorment sur leur table, sur leur pupitre. Écoutez, peut-être que vous me
trouvez plate puis vous êtes fin, vous ne le dites pas, mais j'essaie, en tout
cas, d'être un peu comme... tu sais, mais les jeunes ne prennent pas de notes,
ont beaucoup de difficulté à se concentrer. On en a tous, de la difficulté à se
concentrer, là, c'est évident, selon le travail qu'on fait, mais moi, je vois
des jeunes qui sont… mais dans une autre dimension, là, mais vraiment, là.
Alors, c'est sûr que ni vous ni moi, on ne
veut revenir en arrière par rapport aux progrès que ça a apportés, à la vie
plus facile que ça nous apporte, d'avoir Internet, mais, à côté de ça, il y a
des méchantes dérives. Et je reprendrais le mot d'un ami essayiste qui a écrit
un essai récemment sur la déconsommation, et il décortique plein d'aspects de
notre quotidien, puis il parlait de la télévision, puis il écrivait... Puis je
suis parti à rire parce que je pense la même chose que lui. C'est toujours
réconfortant quand on lit un livre puis que les gens disent la même chose qu'on
pense, là. Il disait : Moi, je n'ai vu aucune révolution se faire en
regardant la télévision. Bien, moi, je vous dirais qu'il n'y a aucune
révolution qui se fait en passant son temps sur le téléphone.
Je veux dire, honnêtement, là, mettons,
parlons du printemps érable, là, c'est évident que ça se serait passé autrement
si ça avait eu lieu en 2002 qu'en 2012, parce que c'est clair que l'arrivée <des...
M. Lavoie (André) :
...l'arrivée >des téléphones intelligents, la
facilité des communications virtuelles, ça a favorisé les échanges entre les
étudiants. Ça fait que c'est clair que l'Internet, pour ça… Il y a peut-être
même une thèse de doctorat à faire là-dessus. C'est clair que le printemps
érable, il y a une partie de ça qui a été organisée, nourrie parce qu'il y
avait Internet. Combien de personnes inconnues, sorties de nulle part,
deviennent tout à coup des vedettes, ce qui, il y a 25, 30 ans, aurait été
impossible parce qu'il y a 25, 30 ans c'étaient les médias qui
fabriquaient les vedettes? Aujourd'hui, ce ne sont plus les médias qui
fabriquent les vedettes, ce sont les réseaux sociaux et c'est Internet. Les
médias sont maintenant à la remorque des vedettes que, souvent, les réseaux
sociaux fabriquent.
M. Leduc : Petite relance
pour vous. Est-ce que vous voyez un lien entre… plus de temps on passe sur
Internet et plus on est susceptibles de trouver des contenus malveillants, de
s'y abrutir, si on veut reprendre le terme de tantôt, là?
M. Lavoie (André) :Je vais vous répondre...
M. Leduc : Il y a-tu une corrélation
entre le nombre d'heures passées puis...
M. Lavoie (André) :Bien, pour une fois, je vais vous répondre rapidement :
les algorithmes, c'est les algorithmes. Plus vous êtes sur Internet, plus les
algorithmes vous connaissent, plus ils vous ciblent, et donc plus ils vont vous
amener du contenu attractif, et plus vous allez...
M. Leduc : Plus ils nous
mettent des oeillères.
M. Lavoie (André) :Et, je le répète, les algorithmes, et les grandes
compagnies ne veulent pas savoir de quoi sont faits leurs algorithmes.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : …sur les
algorithmes. Donc, vous avez un petit peu fait le tour là-dessus, mais, juste
pour renforcer ce que vous dites, c'est sûr qu'une fois qu'on détermine comment
on peut attraper une personne selon ce qu'elle veut croire, les algorithmes
vont juste faire en sorte de renforcer ce message avec plus de reportages, etc.
Puis surtout, comme vous dites aussi, et j'aime ce que vous dites aux élèves,
de vérifier la source, la date, c'est qui… la publication, parce qu'on prend
pour acquis...
Comme je disais tantôt, moi, j'ai un fils
de 13 ans. Mon fils de 13 ans vient me voir puis il me dit : Ah
bien! J'ai appris ça. Il me raconte quelque chose. Je lui dis : Tu l'as appris
où? Il me dit : Sur l'Internet. Ça fait que, moi, ce que je lui ai demandé
de faire, j'ai dit : Il faut que tu commences à faire des recherches, il
faut que tu trouves au moins deux, trois autres sources pour valider que
l'information est bonne, parce que, comme vous dites, les sources de nouvelles,
maintenant, ça s'invente. Donc, malheureux de savoir que les algorithmes
servent les compagnies de réseaux sociaux. Donc, comme vous dites, ils n'ont
pas d'intérêt à vraiment poser de questions ni à mettre en place des mesures…
M. Lavoie (André) :Et ils n'ont surtout pas d'intérêt à vous expliquer comment
ils les conçoivent, c'est pour ça… et, c'est ça, les gouvernements… beaucoup de
gouvernements font des pressions là-dessus parce que, s'ils comprenaient
comment ça fonctionne, peut-être qu'ils pourraient légiférer d'une meilleure
façon, mais le problème, c'est que c'est une recette magique que les
conglomérats ne veulent pas partager.
Mme Prass : Puis il n'y a pas
de données que les gouvernements peuvent donner justement pour essayer de tirer…
de savoir comment ça fonctionne?
M. Lavoie (André) :Ça, je vous avoue que ça dépasse ma compétence. Je ne
saurais pas vous dire. Je ne saurais pas vous dire, mais c'est clair que...
C'est clair que les algorithmes jouent un rôle très important dans nos
comportements. Et, comme disait M. Leduc, c'est clair que plus on abuse,
plus on passe du temps là-dessus… C'est clair qu'on nous cible. C'est-à-dire que…
Non, c'est parce que non seulement c'est clair qu'on nous cible, mais on nous
cible mieux. Alors, c'est toujours l'exemple classique, là. Vous allez... Ça
m'est encore arrivé récemment, parce que je m'en vais en Europe dimanche, là, j'ai
eu le malheur de consulter trois sites à Bruxelles pour des activités
culturelles. Bien, sur Facebook, comme par hasard, j'avais une publicité sur
Bruxelles. Alors, bon, c'est un exemple banal, mais, répété continuellement, ça
finit par être un peu troublant.
• (19 h 10) •
Mme Prass : Oui. Bien, merci
pour votre intervention.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci de participer aux travaux de la commission. C'est très
apprécié. Depuis tantôt, je me dis : Le côté éphémère, la durée de vie
d'une nouvelle ne vient pas de façon... ne vient pas brouiller un peu les
cartes en ce sens où les gens n'ont pas envie et pas... surtout pas le temps
d'aller valider les sources et la véracité de la nouvelle, parce que c'est
quoi, c'est sept minutes? Je ne sais pas, là, je sors un chiffre, mais ça
dure... c'est très rapide. Donc, ça s'enchaîne, c'est la surinformation…
M. Lavoie (André) :Oui. Moi… Écoutez, tous les rédacteurs en chef et les
responsables des médias d'information vont vous dire… Puis d'ailleurs vous êtes
à la fois les vedettes et les victimes de ça, c'est-à-dire les cycles de
nouvelles, hein, comment une nouvelle va durer. Mettons, vous vous mettez le
pied dans la bouche, puis là, tout à coup, là, ça fait la nouvelle pendant
24... Avant, ça pouvait faire la nouvelle 48 heures. Ce qui est le fun
pour vous, c'est que, maintenant, ça fait 24 heures. Pourquoi? Parce
que... des fois moins, parce que ça va très vite.
Moi personnellement, je le redis, puis je
pense que c'est ce <qu'on…
M. Lavoie (André) :
...ce >qu'on devrait faire, c'est-à-dire que…
d'essayer d'expliquer aux gens : Trouvez-vous des médias d'information
crédibles puis, oui, allez butiner, mais essayez de fréquenter ces médias-là
crédibles, qui donnent une information vérifiée, le plus régulièrement possible
pour avoir une continuité sur l'information qui se déroule et qui évolue, des
fois, d'heure en heure, des fois, de jour en jour. Moi, c'est ce que je suggère
aux jeunes, c'est pour ça que je leur dis : Mettez-vous une application
d'un média d'information sur votre téléphone puis, régulièrement ou une fois
par jour, 20, 30 minutes, 15 minutes, allez consulter ça.
Mais je suis d'accord avec vous, puis le
problème, c'est que, comme ça va très vite et, comme on dit dans le milieu des
médias, il faut nourrir la bête, bien, les nouvelles défilent à une vitesse,
mais folle, là. Et pourtant il n'y a pas plus de médias, mais le problème,
c'est que les médias produisent beaucoup, beaucoup de nouvelles, beaucoup de
nouvelles brèves. Et, quand l'actualité s'emballe, comme par hasard... comme
par exemple, par hasard, au Proche-Orient, bien, c'est clair que, là, c'est le
délire, là.
Et donc c'est sûr que, comme citoyens,
comme individus, on se sent un peu submergés par ça. C'est pour ça… Moi, ce que
j'appelle l'hygiène informationnelle, moi, c'est ce que je pratique,
c'est-à-dire que moi, je ne passe pas mon temps à butiner dans 25 médias,
là. J'ai certaines émissions que j'écoute. J'ai certains médias que je consulte
tous les jours. Puis des fois, quand j'ai à faire des recherches, bien là je
butine ailleurs parce que c'est pour mes articles, mais moi, je m'en tiens à
ça. Mais c'est très drôle, parce que j'ai fait rire et pleurer certains de mes
collègues au dernier congrès de la FPJQ, dans un atelier, et on parlait de la
fatigue informationnelle, concept que vous avez peut-être entendu parler,
surtout pendant la pandémie, où les gens ne voulaient plus rien savoir,
fermaient la radio, arrêtaient d'écouter les téléjournaux, arrêtaient de lire
les médias.
Bien, moi, des fois, quand je suis avec
des jeunes, j'ai développé le concept un peu triste de la négation
informationnelle. Il y en a qui ne veulent pas s'informer. Ça ne les intéresse
pas. Et, moi, il y a des collègues qui m'ont dit que des jeunes leur ont dit :
Ça me donne quoi de savoir ça, puis sur ce ton blasé là, là, alors… Mais c'est
sûr que l'idée du flot, du flux, des vagues qui déferlent dans notre subconscient
par rapport à l'information, c'est vrai que c'est un enjeu, mais moi,
personnellement, j'ai, entre guillemets, réglé le problème. C'est-à-dire que je
consulte quelques médias, puis plusieurs quand j'ai un travail à faire ou que
j'ai quelque chose... je veux me faire une tête, mais, en général, je n'essaie
pas de consulter 1 000 journaux puis 10 téléjournaux, parce que
je sais que ça va me submerger, que ça va... Donc, je veux dire, par exemple,
quand il se passe quelque chose au Proche-Orient, personnellement, mon premier
réflexe, c'est la BBC, mais je ne demanderai pas à un jeune de secondaire de
faire pareil comme moi, ça, je vous rassure tout de suite.
M. St-Louis : Vous avez parlé
du médium. Une personne sur 50 avait déjà pris un journal dans ses mains. Le
côté interactif, je veux dire, le journal, il ne te saute pas dessus, là. Il
est sur la table. Si tu ne veux pas le lire, tu ne le lis pas puis... tandis
qu'à l'inverse, aujourd'hui, l'interactivité de nos médias, toute forme de
média, ça nous tombe dessus comme ça.
M. Lavoie (André) :Oui, c'est ça.
M. St-Louis : Donc, tu sais,
ça ajoute, en tout cas...
M. Lavoie (André) :C'est parce que ce qui arrive aussi, c'est qu'avant, dans
mon temps, mettons, on va dire ça, je ne pensais jamais dire ça un jour, mais
ça a l'air que je suis rendu là, on allait vers le média, et là le média ou le
réseau social, il vient à nous. Il est dans notre poche. Il est dans notre
chambre. Tu sais, c'est un peu comme le... tu sais, comme le téléphone, la
fameuse blague, à savoir que, depuis que le téléphone est sans fil, on n'a
jamais été autant attaché à lui, là. Il y a ça aussi, là, parce qu'avant le
téléphone était chez nous, puis, quand on sortait, personne ne pouvait nous
rejoindre, mais là le problème, c'est que, partout où on est, tout le monde
peut nous rejoindre. Alors, c'est ça aussi que ça crée, une dépendance. Et donc
les médias, et surtout les réseaux sociaux, on peut les consulter partout. Donc,
ils nous suivent, et ce n'est pas étonnant qu'on en soit accros, hein?
M. St-Louis : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci. Merci pour
votre exposé extrêmement intéressant. Votre statistique, là, de 84 %, là,
des 18-34 qui ne savent pas déceler le vrai du faux, ça aussi, ça m'a choquée
parce que je me dis : Ce n'est pas... ce n'est pas ce que je vois autour
de moi. Ça fait que je me demandais : Est-ce que vous voyez, donc, une
certaine différenciation entre les cohortes, par exemple, les 18-24, 25-29,
30-34? Puis je me demandais : Est-ce que le fait d'avoir connu la vie
d'avant, là, que… le 30-34, ça, c'est un peu... ça, c'est ma cohorte à moi,
puis moi, j'ai connu la vie d'avant, donc, puis je me souviens qu'au début,
bien, les fausses nouvelles, quand elles arrivaient sur Internet, on a été
cette génération-là qui était capable de dire : Bien non, ça, c'est faux,
ça, c'est vrai, dès qu'on a eu cette éducation-là en ligne, quand ça a commencé.
Puis moi, j'ai l'impression que les gens qui sont dans les 30-34, ils <savent...
Mme Cadet :
...ils >savent
très bien faire la différence puis que ça va plus être le 60 et plus qui va
avoir, donc, énormément de difficulté. Ça fait que ce que je me demande :
Est-ce que le fait d'avoir connu la vie d'avant… est-ce que c'est un facteur de
protection quant à la capacité de déceler le vrai du faux?
M. Lavoie (André) :Écoutez, d'abord, moi, je dois vous dire que j'ai beaucoup
de contacts avec des ados à cause de mon travail de journaliste formateur, dont
un peu au cégep, un peu à l'université. Et donc c'est tous des gens qui, entre
guillemets, contrairement à vous et moi, n'ont pas connu la vie d'avant. Est-ce
que.... Est-ce qu'effectivement c'est... Ça vous a surpris. Est-ce que c'est
trop? Est-ce que... Moi, je pense qu'il y a... Oui, il y a une question
générationnelle, mais je pense qu'il y a une question, aussi, culturelle, dans
le sens que... dans quel milieu on a grandi. Est-ce que lire, c'est valorisé?
Est-ce que s'informer, c'est valorisé? Moi, il y a quelqu'un qui m'a dit dans
une classe de cégep… il m'a dit : Moi, j'écoutais Le téléjournal
quand j'étais jeune parce que mes parents l'écoutaient et, quand mes parents
ont arrêté de l'écouter, je ne l'ai plus écouté.
Donc, est-ce que c'est une question
générationnelle? Tu sais, probablement, parce que, comme je vous dis, j'étais
tellement content… et ce n'était pas du tout du fait que j'allais vous voir,
là, puis que je voulais vous mettre de la poudre aux yeux puis vous
impressionner, mais j'étais tellement content d'avoir mon Devoir avec
moi, papier, puis de le montrer aux cégépiens, parce que mon intuition, en tout
cas, du moins, avec ce groupe-là, parce qu'on s'entend que c'est zéro
scientifique, là… Mes collègues des universités, là, ils seraient déjà en train
de me jeter de l'eau bénite, là. C'est uniquement une classe,
50 étudiants, là, mais, sincèrement, là, j'ai sorti mon journal, écoutez,
j'aurais sorti un crucifix, je pense qu'ils auraient été moins surpris, là. Là,
je leur montrais le journal, puis là je leur montrais la page éditoriale. Je
vous dis, là, j'avais vraiment l'air… J'étais à deux pas du centre d'accueil,
moi, là. Je leur montrais l'éditorial, puis le courrier du lecteur, puis la
page Idées, puis ils me regardaient, là, ils se disaient : Mais lui, il
sort de quelle planète? Il est-tu égaré dans un autre système solaire? C'était
incroyable. Vraiment, je vous dis, là, le monde d'avant, là, moi, c'était
vraiment le monde... c'était avant le monde d'avant, là, moi, là, là, vraiment.
Mme Cadet : Puis à partir de
quand est-ce qu'on développe le goût de l'information? Est-ce que ça, ça a vraiment
changé par rapport à, justement, le monde d'avant? Parce que moi, je me
souviens, quand j'étais au cégep, des... c'est là que ça commençait, mais c'est
aussi parce que je prenais le métro. Donc là, on me donnait un Journal Métro
puis un journal 24 heures dans les mains, ça fait que je n'avais
pas le choix. C'est comme ça que ça a commencé, mais est-ce que ça a
vraiment... c'est vraiment plus tard que ce l'était?
M. Lavoie (André) :Moi, je pense que c'est une question d'environnement, c'est
une question d'éducation. C'est sûr que... Moi, l'exemple que je donnais par
rapport à moi, c'était de dire : Bien, moi, quand j'étais... Moi, vous
savez, quand... à chaque fois que je m'en vais dans une classe, là, surtout les
ados, je prends un petit 30 secondes pour me rappeler l'ado névrosé que
j'étais parce que ça me permet d'être plus bienveillant et tolérant envers ceux
que je vois. Ils ne sont pas pareils complètement à celui que j'étais, mais, tu
sais, mêlés, pas savoir quoi faire. Bon, moi quand j'étais ado, je ne lisais
que la section Arts et spectacles du Soleil. Moi, les reportages
internationaux puis les éditoriaux, ça ne m'intéressait pas. Là, maintenant,
c'est effrayant comment je m'intéresse à la politique puis que je m'intéresse à
l'actualité internationale, mais, ado, ça n'annonçait pas ça pantoute. Moi,
c'était, genre, je voulais être critique de cinéma puis c'est ce que,
malheureusement ou heureusement, je suis devenu, mais… Mais donc, moi, je me
rappelle tout le temps de ça. Donc, moi...
La Présidente (Mme Dionne) : …M.
Lavoie, il nous reste 10 secondes.
M. Lavoie (André) :Oui. Je ne juge pas un jeune qui ne s'intéresse pas à ça.
J'espère juste qu'un jour il va l'être… puis lui tendre quelque chose,
peut-être pas un journal papier, par exemple.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
M. Lavoie (André) :Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, M. Lavoie, très intéressant.
Alors, sur ce, je suspends la commission
jusqu'à jeudi 26 septembre, après les avis touchant les travaux des
commissions. Alors, bonne fin de soirée, tout le monde. Merci.
(Fin de la séance à 19 h 20)