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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité

Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 1 février 2011 - Vol. 41 N° 21

Consultation générale et auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente minutes)

Le Président (M. Kelley): Bon matin, tout le monde. Je constate le quorum des membres de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, donc je déclare la séance ouverte, chose que j'ai oublié de faire hier.

Je vais rappeler le mandat de la commission. La commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): C'est ça que j'ai compris. On a notre deuxième journée ici, à Gatineau. Je pense qu'on peut dire qu'on a eu une journée fort intéressante, hier, très riche, les témoignages, parfois difficiles, mais, je pense, c'était vraiment... c'était une bonne idée d'aller dans le comté de notre collègue de Hull.

Alors, on attend une journée aussi intéressante aujourd'hui. Juste pour rappeler les règles du jeu, il y a deux types d'intervention. Il y a les personnes qui ont fait une demande d'intervention sans mémoire, qui ont le droit d'un 30 minutes: 15 minutes de présentation suivies par 15 minutes d'échange avec les membres de la commission. Ceux qui ont déposé un mémoire ont 15 minutes de présentation et 30 minutes d'échange avec les membres de la commission.

Auditions (suite)

Notre premier témoin ce matin, c'est Mme Catherine Filion, qui a fait une demande d'intervention. Alors, Mme Filion, vous avez le droit d'une présentation d'environ une quinzaine de minutes, suivie par un échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, bienvenue, Mme Filion.

Mme Catherine Filion

Mme Filion (Catherine): Mesdames messieurs de la Commission spéciale sur la question mourir dans la dignité, bonjour. En tout premier lieu, je désire remercier les membres du comité de sélection qui m'ont donné l'opportunité de participer à cette commission en apportant mon humble avis sur la question mourir dans la dignité. Merci.

Mon nom est Catherine Filion, je suis retraitée de l'enseignement. J'ai oeuvré pendant plus de 15 ans comme bénévole dans un OSBL de Gatineau. Actuellement, je suis bénévole dans un CHSLD de Gatineau.

«Mourir dans la dignité», seulement quatre mots, mais quel contenu dans ce simple titre! Je crois sincèrement que l'être humain n'est pas né pour souffrir physiquement. Cependant, la vie fait en sorte que la maladie, à un moment donné, prend le dessus et apporte toutes sortes de questionnements. L'inquiétude, la dépression, la remise en question sur sa vie passée et la souffrance physique s'installent. Comment remédier à ces souffrances? Lorsque des personnes vivent une phase terminale ou que la mort est inévitable, je crois que ces cas pourraient être pris en considération pour une demande de suicide assisté. La personne très malade mais lucide souvent revendique le droit d'être respectée en tant que personne humaine et, par le fait même, désire mourir dans la dignité, ce qui revient à dire qu'une décision devrait être prise en ce qui concerne la demande d'une personne endurant des souffrances terribles.

Comme le disait si bien M. Jean Lapointe: Je ne peux concevoir de laisser quelqu'un mourir... pardon, quelqu'un souffrir à l'extrême et mourir à petit feu. Il faut quand même être très prudent pour ne pas exagérer.

Je suis entièrement d'accord avec M. Lapointe. «Être prudent», dit-il. Et c'est là que j'arrive avec des si. Si la légalisation est bien encadrée, soumise à des règles strictes et claires, les médecins traitants, les spécialistes et la famille proche peuvent prendre la meilleure des décisions. À mon avis, en aucun cas l'État seul ne peut décider de diminuer le niveau de soutien à la personne malade. Cependant, si la légalisation pouvait empêcher le suicide chez les aînés malades, à ça aussi, il faut y penser. On commence un peu à s'en préoccuper. La semaine dernière, les journaux étaient remplis de toutes sortes de témoignages. On voyait en grand titre Le suicide ne fait pas exception chez les aînés. J'ai été la première étonnée par ce titre. Et, le 26 janvier 2011, madame... on dit que Mme Marguerite Blais «s'est dite inquiète [...] de la statistique révélant que 41 % des personnes qui se sont enlevé la vie en 2009 étaient âgées de 50 ans et plus». On dit ça puis on a des frissons. On ne pensait pas que c'était ça.

La personne en pleine connaissance de cause a le droit de décider ce qui concerne sa vie et sa mort. La vie d'un individu n'appartient qu'à lui-même. Cependant, quand il n'y a aucune qualité de vie ou que la mort est inévitable, alors, à sa demande, le processus de mourir dans la dignité peut être envisagé.

La population a vieilli, s'est appauvrie aussi, il ne faut pas l'oublier. Les gens vivent aujourd'hui jusqu'à 90 ans et plus. On dit même d'une personne qui décède à 80 ans qu'elle aurait pu encore vivre, qu'elle n'est pas si vieille que ça. Je prends comme exemple mon mari, qui aura bientôt 83. Il n'est pas vieux, mon mari, c'est une personne âgée... mais pas vieux du tout, pas mal autonome, à part de ça. Malheureusement, plusieurs de ces personnes sont plus ou moins autonomes et se retrouvent dans un CHSLD ou dans une résidence pour personnes âgées, et là on a des questions. Leur qualité de vie, à ce moment-là, est diminuée, et elles demandent des soins particuliers tant pour leur hygiène corporelle que pour prendre seules leurs repas. Ces grands malades demandent souvent de mourir. Ils se sentent oubliés, délaissés et dépendants de ceux qui les soignent.

Le régime de santé actuel au Québec est déficient, et, nous, en Outaouais, quoi qu'en disent quelquefois les médias, nous ne faisons pas exception à la règle. Alors, devant ce manque flagrant de médecins et d'infirmières, il est certain qu'en particulier les personnes âgées en souffrent, parce qu'elles peuvent difficilement se défendre et sont très vulnérables. Je me demande... excusez mes cordes vocales, je me demande: Y aurait-il trop d'administrateurs pour le nombre de personnes qualifiées qui peuvent donner des soins directement aux malades?

Est-ce que c'est moi qui fais le bruit?

Le Président (M. Kelley): Oui. Il faut faire attention avec le micro parce que, quand...

Mme Filion (Catherine): Parce que je lui ai touché avec ma feuille?

Le Président (M. Kelley): Oui, exactement. Très sensible.

Mme Filion (Catherine): Oh! Je vois.

Le Président (M. Kelley): C'est pour garder les députés alertes.

**(9 h 40)**

Mme Filion (Catherine): Alors, sur ce que j'ai dit, je ne sais pas... Cependant, que de fois les manchettes nous donnent des chiffres exorbitants concernant le nombre de personnes qui regardent et voient les choses du haut de leurs bureaux! Trop de gens ne voient peut-être pas ou ne savent pas ce qui se passe au quotidien dans le milieu de la santé. Mais je ne sais pas.

Dans le CHSLD où je fais mon bénévolat, le ratio est de un pour six malades, mais dans la région il y a des centres où le ratio est de un pour 10 et on m'a même dit: Un pour 14. Mais c'est impensable, mais c'est la réalité. Dans le milieu où je rends visite, ces grands malades demandent de mourir, très souvent. Ils me disent: Est-ce que le Seigneur m'a oublié? Je suis fatigué de souffrir, j'ai hâte de mourir. Mais, quand une personne qui a presque 100 ans -- elle l'aura en 2011 -- écrit encore son journal quotidien, dans lequel on peut y lire ce qu'elle ressent et ce qu'elle désire, alors là c'est émouvant. J'appelle cette dame mon encyclopédie vivante. Pourtant, elle est très souffrante et très demandante. Elle a 100 ans de vécu et elle peut nous parler de ce siècle durant des heures. Elle a une mémoire étonnante des faits et dates. Je pense que c'est une grande dame. Mais, à l'heure où l'on se parle... et depuis quelques semaines seulement, elle écrit plus rarement. Elle me dit ne plus avoir la force.

Tout être humain sait qu'il va mourir, mais il ne sait pas quand et encore bien moins comment, et c'est là notre grande inquiétude. La vraie question, ce n'est peut-être pas tant de mourir dans la dignité mais de nous assurer de continuer à offrir et à développer de véritables soins de fin de vie pour un accompagnement respectueux de la dignité de la personne. Il y avait dans le journal aussi un écrit... une dame dans la région d'Ottawa, qui écrivait, une dame handicapée et âgée. Elle écrit: «Même si personne n'a encore tenté de m'euthanasier malgré mon vieil âge et mes nombreux handicaps, que nous réserve vraiment l'avenir à nous, les estropiés de la vie et les personnes âgées?» Ça reste à réfléchir.

Mesdames et messieurs de la commission, j'aimerais exprimer un souhait. Lorsque vous aurez terminé votre tournée de la province, et à la lumière de tous les commentaires entendus, j'espère de tout coeur que vous saurez prendre une décision éclairée dans ce contexte et qu'elle sera basée sur le mieux-être et sur la qualité de vie de la personne humaine. Le droit de mourir dans la dignité revient donc à revendiquer le droit d'être respecté en tant que personne humaine. Paroles tirées du magazine de l'AREQ, mars 2010.

En terminant, je dirais personnellement qu'il vaut mieux mourir dans la dignité que de se languir sur un lit d'hôpital sans aucune dignité et aucun espoir d'une vie meilleure, parce que je ne dois jamais oublier qu'un jour ce sera mon tour. Merci de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Filion, pour cet exposé. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission, et je vais céder la parole à ma collègue la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bon matin à tout le monde. Nous sommes au jour 2 de nos auditions ici, à Gatineau, et je vous souhaite la bienvenue, Mme Filion.

Vous avez beaucoup de courage de venir ici ce matin puis partager votre opinion avec tout le Québec parce que vous savez que tout, tout ce qui est dit ici est enregistré et même diffusé en direct sur le site de l'Assemblée nationale. Il y a beaucoup de gens qui ont entendu votre témoignage, puis je suis certaine qu'il rejoint l'opinion, la position de bien des gens parce que c'est vraiment la loi du gros bon sens, ce que vous nous avez partagé ce matin.

Je suis un peu curieuse. Vous dites être bénévole dans un CHSLD. Qu'est-ce que vous faites? Quelles sont vos activités, à titre de bénévole?

Mme Filion (Catherine): Quand je me suis retirée de l'OSBL où j'avais été très longtemps, j'avais encore... je me trouvais jeune, je me trouvais capable, et puis un ami m'a invitée à aller partager un avant-midi semaine avec les malades.

C'est les visites aux malades, et je donne la communion à ceux qui la prennent, alors, tous les mercredis matins. Et des fois j'y vais la fin de semaine, surtout s'il y a des personnes qui sont plus ou moins sur leurs derniers jours. Et je suis là depuis trois ans. Dans un OSBL... je vous avoue que ce n'est pas le même bénévolat que dans l'OSBL. Ce n'était pas... Ça n'a pas été facile de foncer là-dedans, parce qu'on a toujours de la pitié pour ces gens-là. Et puis on s'attache à ces personnes-là puis on en voit disparaître régulièrement. On a de la peine. Ça nous fait de quoi parce qu'on s'attache. Mais c'est un milieu que ça vaut la peine de le visiter et d'y aller souvent, souvent.

Mme Gaudreault: Oui, c'est vrai, vous avez raison, parce qu'on sent trop souvent qu'il y a des gens qui sont très, très seuls, qu'ils n'ont pas beaucoup de visiteurs, même s'ils ont une famille, des enfants. Je pense que vous devez être témoin de ça lors de votre bénévolat.

Et d'ailleurs c'est une des préoccupations de Mme Blais, la ministre responsable des Aînés, quand elle parle de l'isolement des personnes âgées, qui trop souvent mène à l'augmentation des taux de suicide. Il faut vraiment travailler cet aspect-là de notre société pour faire en sorte que nos aînés soient moins seuls, qu'ils soient partie prenante de notre communauté. Je veux vous féliciter pour votre bénévolat, parce que justement vous les accompagnez quelquefois jusqu'à la fin. C'est ce que vous nous mentionnez. Et c'est de ça dont on parle dans cette commission, de la fin.

Est-ce que, vous, est-ce qu'on vous a déjà demandé, à vous, d'aider quelqu'un à mettre fin à ses jours?

Mme Filion (Catherine): Non. J'ai été témoin, arrivée un matin, puis je voyais une personne, il était dans les derniers temps, là. Je sympathisais avec la famille, je jasais avec la famille. On parlait surtout du vécu d'hier, avant-hier qui était beaucoup meilleur de la dame en question. Mais, non, je n'ai pas... Ça n'a pas adonné.

Mme Gaudreault: Et vous, en somme, vous avez beaucoup parlé du droit d'être respectée en tant que personne humaine. Vous l'avez mentionné à quelques reprises. Pour ça, vous, est-ce que ça veut dire qu'on devrait permettre à une personne de décider du moment où elle en aura assez et puis qu'elle voudra passer à autre chose?

Mme Filion (Catherine): Oui. Je crois que la personne qui est lucide, qui le demande... Souvent, c'est toujours le si, avec M. Jean Lapointe, qui me chicote un peu.

C'est qu'une personne, même si elle est souffrante et qu'elle a moins d'endurance, va peut-être demander de finir ses jours parce que déjà elle a moins d'endurance, mais je pense, moi, que ce serait au moment où il y a longtemps, là, qu'on endure, il y a longtemps que, ce temps-là, on languit dans un lit. Là, il y a peut-être des questionnements si la personne le demande, si la personne le demande, parce que des personnes que ça fait trois ans que je visite ne se sont jamais levées encore. C'est impensable. Mais la personne, comme je dis, qui est très lucide et qui aime ça jaser, c'est une autre paire de manches. Je pense qu'il y a beaucoup de questionnements et je pense que la réponse n'est pas vraiment, là... on ne peut pas tailler ça comme avec un couteau, hein? C'est personnel à la famille, à la personne même malade et puis à tout l'entourage, qui fait qu'à un bon moment donné peut-être qu'il y aurait...

Moi, personnellement, je n'aimerais pas être en semi-coma pendant un an, comme je vois des malades. Non, je n'aimerais pas... Mais on ne peut pas trancher la question, hein, radicalement, je ne crois pas. Difficile.

Mme Gaudreault: Vous avez parlé de vous. Ça va être ma dernière question: Vous et votre jeune mari, est-ce que vous en avez parlé à vos proches? Est-ce que vous en parlez de comment, vous, vous voudriez...

**(9 h 50)**

Mme Filion (Catherine): Oui, souvent. Oui, on glisse des mots. Ah oui, absolument, on en... Mais savez-vous ce qui est le... Moi, en tout cas pour moi... les enfants me disent: Bien, voyons, maman, voyons, vous allez vivre jusqu'à 100 ans. Ils nous repoussent toujours. Ils n'aiment pas...

J'ai trois filles, et elles n'aiment pas qu'on parle trop, mes petits-enfants non plus: Bien, voyons, arrête-toi de parler de ça, voyons, là, tu es toute jeune, pépé est tout jeune. Mais on glisse des mots, c'est sûr, puis surtout que mon mari et moi, on se questionne beaucoup et on en parle beaucoup. On discute de ça puis on est fébriles face à ça parce qu'on est très inquiets: Comment, nous, allons-nous finir nos jours? Comment, nous... Mon mari, moi, qui était autonome mais qui a besoin... je me considère aidante naturelle auprès de lui, mais, le contraire advenant, lui ne pourrait pas, là, être mon aidant naturel.

Alors, moi, je me dis toujours, avec mon mari: Tant et aussi longtemps qu'on va pouvoir rester chez nous, avant d'aller se ramasser dans un CHSLD ou une maison d'hébergement, il faut rester chez nous, quitte à se payer de l'aide si on n'est plus capables de... tant qu'on peut. Mais il viendra un moment où est-ce qu'on ne pourra peut-être pas.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Madame... M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Madame, ce fut un plaisir de vous entendre. C'est agréable de débuter avec une dame comme vous, en ce début de journée, avec plein de vie, plein de belles choses à nous raconter.

J'avais quelques petites questions assez brèves à vous poser. Vous avez mentionné subtilement que, parmi vos tâches comme bénévole, vous donniez la communion au centre où vous oeuvrez, et la question qui m'est venue en tête, c'est la suivante... Il y a plusieurs personnes qui se sont présentées à nous au cours des dernières semaines, des derniers mois, qui disaient s'opposer à toute forme d'euthanasie ou sinon de suicide assisté, invoquant leur foi. Je présume que, si vous donnez la communion, c'est que vous avez vous-même des croyances religieuses.

C'est peut-être très personnel, ce que je vais vous demander, mais je suis curieux de voir comment vous conciliez justement vos propres croyances, pour ne pas dire «votre foi» et cette idée ou cette croyance que vous avez également, qui veut que des gens pourraient décider justement du moment de leur mort.

Mme Filion (Catherine): Non, moi, je ne vois pas ça comme quelque chose d'ambigu dans ça, là, parce que, moi, les personnes qui sont... des fois qui sont très malades et qui ont été souffrantes durant la nuit puis, quand j'arrive et qu'elles me disent: Ça va me donner des forces, hein, Mme Filion... Parce que ce sont des personnes croyantes. Moi, je dirais, sur le troisième que je visite, là, moi, je pense qu'il y en a une ou deux qui ne communient pas. Alors, ils ont tous la... ils sont tous croyants et puis ils disent: Ça me donne de la force, je vais passer une bonne journée. Je dis: Oui, vous allez passer une bonne journée. Parce qu'ils vivent des choses à tous les jours, ces gens-là, des hauts et des bas, et puis ils le savent. Ça, la plupart sont très lucides et puis ils savent qu'ils viennent chercher avec ça... Pour eux, c'est un renforcement.

Moi, personnellement, j'y crois, sans en faire la propagande et sans être curé, là, non, je crois. Et puis, oui, on échange beaucoup, et ça leur donne l'opportunité de prier aussi avec moi. Plusieurs personnes me demandent: Est-ce que vous pourriez dire le Notre Père avec moi? Oui. Vous pouvez dire un Je vous salue Marie avec moi?

Alors, il y a un beau partage de ces croyances-là sans toutefois... moi, je ne me mêle pas qu'on aide quelqu'un à mourir quand il le veut. Ça va aussi dans mes conditions. Ça ne change pas pour ça, non. Puis, les personnes qui le demandent, je trouve qu'elles font pitié quand elles souffrent trop. Et puis c'est correct qu'elles le demandent puis c'est correct qu'on les assisterait.

M. Charette: Et une autre question, toujours suite à vos propos. Vous avez dit: À travers votre bénévolat, on vous a demandé... vous venez de le dire également, qu'on vous a demandé, à l'occasion, ou qu'on vous a exprimé, à l'occasion, ce souhait de vouloir mourir. On a aussi rencontré bon nombre de spécialistes de la santé qui travaillent dans ce domaine-là auprès de mourants depuis plusieurs années, voire quelques décennies et qui nous assuraient n'avoir jamais reçu de demande de cette nature-là.

Comment l'expliquer? Est-ce que c'est votre proximité? Est-ce que c'est le contact que vous établissez avec les personnes en question qui vous... qui font de vous une meilleure confidente? Comment expliquer que, vous, vous receviez des demandes de cette nature-là et que des médecins, par exemple, en 20, 25, 30 ans de pratique, nous assurent n'avoir reçu que très peu, sinon pas du tout de demandes de cette nature-là?

Mme Filion (Catherine): Bien, oui, je crois que vous avez raison, je suis assez facile d'accès auprès de ces personnes-là. J'ai beaucoup de jasette et j'ai beaucoup d'approche familière, là. Et puis ce sont rendus... ce sont des amis pour moi, ce ne sont pas des patients. Et puis on parle d'un peu de tout. Ce n'est pas en arrivant: Voulez-vous communier? C'est à la toute fin, ça. Tu sais, au début: Comment ça va? Une dame m'a conté la semaine passée: Je suis tombée à terre. Bien, j'ai dit: Voyons, vous n'êtes pas tombée à terre! Petite madame en or, elle aussi, elle aura 100 ans bientôt. Mais elle dit: Je suis bien tombée, je suis tombée sur les fesses. Alors, on a ri ensemble: Continuez à tomber toujours sur les fesses pour ne pas vous faire mal.

C'est un contact vraiment humain, chaleureux. On jase de tout, de tout. Et à la toute fin... Puis, si elle décide, ce matin-là, de ne pas communier, c'est encore pareil, on a fait notre jasette. Il y en a qu'il faut jaser 10, 15, 20 minutes, puis ils ont encore de la jasette. Ils souffrent, comme disait Mme Gaudreault, d'isolement. Ils s'ennuient. Les enfants sont là, mais ils ne peuvent pas toujours être là. Je le sais moi-même, et vous le savez, vous autres aussi. Ils ne peuvent pas être là tout le temps. Alors, les personnes s'ennuient, oui.

M. Charette: Une dernière question en ce qui me concerne. Vous avez aussi évoqué les structures très lourdes du système de santé, beaucoup de fonctionnaires, beaucoup de personnes qui font peut-être un bon travail mais éloigné des patients. Et, bon, est-ce que ce n'est pas triste ou inquiétant d'en venir à souhaiter une légalisation de l'euthanasie en invoquant cette idée-là? Est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement, par exemple, améliorer notre système de santé, le rendre plus effectif, et peut-être qu'ultimement la question ne se poserait plus?

Est-ce que c'est aussi une réflexion que vous avez conduite, de votre côté?

Mme Filion (Catherine): Oui. Ça, c'est une bonne question, puis j'ai réfléchi beaucoup à ça.

Comment se fait-il que, dans les années 2000, quand le monde est tellement avancé en technologies, en savoirs, en connaissances... puis on a encore de la difficulté à soulager les grands malades, on a encore de la difficulté à les soigner, sur bien des plans? Des fois, ils ne savent pas trop de quoi on souffre. Et puis, si c'était ça vraiment, le système de santé fort, bien installé et beaucoup de monde en santé pour soigner, on n'en viendrait pas à ces questions-là, et c'est ça qui serait formidable. C'est ça. Comme on dit: Un jour... On dit toujours: Un jour, il n'y en aura plus, de pauvres sur la terre. Quand? Il va toujours y avoir des pauvres. Il ne faudrait pas qu'il y ait de pauvres, on est dans un pays riche, le Canada, voyons, on n'est pas au tiers-monde. Et on a des pauvres à pleines portes. Mais un jour il faudrait en venir, avec la société, à diminuer... puis les pauvres ne diminuent pas.

Alors, les grands malades qui souffrent, qui sont sur leurs lits, se languissent, s'ennuient, demandent à mourir. Non, il ne faudrait pas être arrivé là. On dirait qu'on est dans un monde à l'envers où est-ce que nous qui vieillissons, là, on a de la difficulté à ramer là-dedans, à comprendre ça. C'est pour ça qu'on craint. Est-ce que, moi, quand je serai dans un état un peu dans le coma ou semi-coma... puis qu'on dit que l'ouïe est le dernier sens à mourir, je ne sais pas si on m'a dit vrai, on m'a dit ça au CHSLD, et que j'entendrais que ce ne serait pas mieux d'assister dans la mort, c'est assez pour que je me réveille, là, hein? Tu ne veux pas mourir, encore moins d'être euthanasié, mais là on se pose la question: Est-ce qu'on serait trop de monde vieux? Est-ce qu'on est trop? Est-ce qu'on nuit?

Est-ce qu'on est rendu que c'est tellement... le système de santé est tellement lourd? Qu'est-ce qu'on... Est-ce qu'on n'a pas trop de personnes âgées qui ont besoin juste de jaser puis de vivre? Moi, c'est ce que j'aimerais.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, Mme Filion, de votre contribution. Vous avez parlé, tout à l'heure, du respect, le respect des personnes, le respect de leurs choix, de leurs points de vue sur la fin de vie.

Il a été question, tout au long... à plusieurs reprises tout au long de cette commission, du testament de fin de vie ou de la déclaration de fin de vie. Quand on se réfère au fait qu'on doit avoir le maximum de conditions pour prendre une décision, est-ce que vous croyez que la déclaration de fin de vie ou le testament de fin de vie, c'est un moyen à utiliser pour que les personnes qui font le choix, à un certain moment donné, soient entendues et respectées dans ce choix-là?

Et, si oui, est-ce que vous pensez qu'on devrait donner à cet outil-là, si on en fait le choix, un caractère légal?

**(10 heures)**

Mme Filion (Catherine): Je crois plus ou moins à la légalité d'un document écrit tel qu'un testament parce que je me suis laissé dire qu'apparemment l'exécuteur testamentaire, si je demande d'être euthanasiée, il peut aussi bien décidé que je sois enterrée.

Apparemment que ça pourrait même se défaire, qu'on m'a dit, que ce n'est pas parce que c'est écrit que l'exécuteur testamentaire ne pourra pas se prononcer autrement de mes... Maintenant, c'est ce qu'on m'a dit, là. Je n'aimerais pas que ce soit ça. On l'a écrit puis on l'a notarié. Bien, voyons, pourquoi qu'on ferait ça, dépenser une fortune là-dedans? On n'a pas ça pour rien, ces papiers-là. Mais je crois, moi, que c'est une chose pas facile à penser, comment on pourrait s'organiser pour que les gens sachent comment est-ce qu'on veut mourir, qu'on veut finir. Ce n'est pas facile. Est-ce qu'un document écrit serait une bonne chose? S'il est exécuté à la lettre. Mais ce n'est pas toujours le cas. Les gens jouent là-dessus. Puis, après qu'on est mort, il est mort, on fera bien ce qu'on voudra, je pense. Alors, ça fait peur, ça aussi.

On en parle souvent, mon mari puis moi, de ça, même si on a écrit telle chose, on a écrit des petites choses. Ce qui est important, je trouve, par exemple, c'est... le mot m'échappe, c'est le document qui fait, venant... d'invalidité, là.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Le mandat d'inaptitude.

Mme Filion (Catherine): Bon, d'inaptitude. Le mandat d'inaptitude, ça, je trouve ça, par exemple, très important, puis signer avec... nommer quelqu'un en qui on a bien confiance, et puis au cas où un des deux deviendrait plus... en tout cas vulnérable et plus capable d'utiliser ses sens, bien, que quelqu'un y voit pour ne pas qu'en contrepartie l'autre... Aujourd'hui, la vie est dure, hein, tu sais. Un est là, puis le conjoint ou la conjointe peut aussi bien dire: Bien, coudon... Ça arrive souvent. Il faut lire les journaux, puis écouter la radio, puis écouter la télévision. Alors, ça fait peur.

Mais, je pense, je crois en ce document-là. J'y crois beaucoup.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire merci beaucoup, pour partager vos expériences avec les membres de la commission, et vous féliciter encore pour votre bénévolat.

J'imagine, quand vous arrivez au CHSLD, ça doit être comme un rayon de soleil pour les personnes qui sont là, le confort et l'accompagnement que vous faites auprès des personnes dans le CHSLD. Alors, c'est un très bel exemple pour la société, votre engagement communautaire.

Alors, sur ça, je vais suspendre quelques instants et je vais demander à Sheila Jones «to take her place at the table».

(Suspension de la séance à 10 h 2)

 

(Reprise à 10 h 5)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre prochain témoin «is» Mme Sheila Jones, «who will make a presentation in English» mais, si j'ai bien compris, comprend le français pour la période des questions. Alors, vous pouvez comprendre les questions et répondre en anglais après?

Mme Sheila Jones

Mme Jones (Sheila): Oui.

Le Président (M. Kelley): Alors, si ça va avec tout le monde, alors on peut formuler nos questions sans la traduction du président, et Mme Jones va être en mesure de répondre à nos questions.

So, welcome, Sheila Jones, before the Committee. The next 15 minutes are for you to make your views known.

Mme Jones (Sheila): Bien, bonjour, M. le Président, membres de la commission, surtout Mme Gaudreault, notre membre de l'Assemblée nationale. Je vous remercie pour l'opportunité de faire mes représentations ici aujourd'hui. Mon nom est Sheila Jones. Si vous me permettez, comme le président l'a suggéré, je pense que ça va mieux si je partage mes expériences et mes pensées avec vous dans ma première langue. Ça va beaucoup plus vite, et ce sera beaucoup plus compréhensible.

I've had a fair amount of experience with illness and death at an earlier stage of my life as a registered nurse and, more recently, as a family caregiver. I would like to share some of those experiences with you today. I've had an opportunity to read some of the testimony that has been given during this Commission's hearings, and I have read the consultation document. I think the experiences I will share with you illustrate some of the complex questions with which you are grappling. I trained as a nurse in Montréal, at the Royal Victoria Hospital, in the 1960's, and it was there that I had my first experience with death. For the most part, patients that were terminally ill were gradually moved away from the other patients and, in the last stages of life, were placed in rooms alone. Once it was determined that active treatment was futile, the doctor rarely set foot in the patient's room until it was time to pronounce the patient dead.

We were encouraged to comfort patients and provide pain relief, but that was about all. And, for the most part, we dreaded caring for patients who were dying, at least in our first years of training, but there was one exception that I vividly recall: he was a young man, a father in his thirties, who had terminal bone cancer. As you, no doubt, know, a bone cancer is very painful, but this fellow remained calm and cheerful even during the middle of the night, when he couldn't sleep. He was the first person I would go to see after rounds on a night shift. He always had a smile and an encouraging word to help get us through those hours. I remember the picture of his family on his bedside table and how happy he was to spend a few hours at home from time to time. His courage in the face of pain and imminent death was remarkable. And now, all these years later, he remains a model of dying with dignity for me.

After graduating from nursing school, I worked in psychiatry in Toronto, and there I encountered many depressed patients for whom life had lost all meaning. Suicide attempts were common, and we often had to work overtime on suicide watch to prevent a particularly determined patient from taking their life by one means or another. I recall one patient in particular who recovered from his depression but knew it would recur. He told us he was glad we'd be there to care for him when he couldn't take care of himself. Not long after that, the approach to mental health care changed. In the name of patient autonomy, we could no longer administer drugs or restrain a patient against his will, even if the patient was in the throes of a severe depression or a psychotic episode. I've wondered over the years what happened to those people during succeeding bouts of depression or psychotic outbreaks.

Later, I worked in pediatrics at the Montréal Children's Hospital, on an adolescent ward. One of our patients was suffering from acute leukemia and was receiving very harsh experimental drugs. I arrived to his bedside one day to administer the drugs, and he simply shook his head and waved me away. I left and consulted his physician who agreed that in view of the young boy's blood work, the treatment was clearly not helping, and it was time to stop it. This was not an easy decision, but we did not think of it as terminating his life. We knew that what we were doing was ending futile treatment that would do harm rather than good. We changed our approach from active treatment to palliative care, something that was just beginning in those days. And not long after the young patient died peacefully in his hospital bed, surrounded by loving family and caring nurses.

**(10 h 10)**

A very different request for an end to treatment came from several teenage patients who, together, had heard about the movie Love Story, which was a big hit at that time. The movie depicts the death of a beautiful young woman who refused treatment for bone cancer. The young patients developed romantic notions about death and wanted to refuse further treatment with all its unpleasant side effects. In this case, their blood work showed improvement in their condition, and there was a definite answer for them. This time it was no. Some years later, I ended up in the same university class as one of the patients who had been ready to give up on treatment. I was and still am grateful that no one had proclaimed a blanket right for patients to refuse treatment.

In Canada, palliative care was pioneered at the Royal Vic, but my first real experience with it came when my father was dying from throat cancer in the mid-1980s. When he was too weak and frail for my mother and I to continue caring for him at home, he was admitted to a four-bedroom in a Toronto hospice. I asked for a private room, but the palliative care nurse told me that dying patients take comfort in each other's presence and communicate with each other in ways that are mysterious to observers. That proved to be the case: my father and one of the other patients in the room died at precisely the same moment, and a third patient in the room, a man who seemed semiconscious, suddenly opened his eyes and told me he had seen the two men slip out of the room together. Not for the last time, I realized that death is a mysterious and complex process and not simply the cessation of mechanical processes.

After my father died, my mother moved back to Montréal, where she'd grown up. In 2001, she was diagnosed with colon cancer. While I was in the emergency room waiting, while she was undergoing tests, I couldn't help overhear the patient in the next cubicle talking with a nurse. The patient was a young woman who was suffering from terminal cancer, and it became clear that she was nearing the end. I was stunned to realize that she was going to die from terminal cancer in a hospital emergency room and wondered how things could have deteriorated so badly. My mother soon returned from her tests and announced that she had two tumors and planned to keep them. This was consistent with what she had always said about not being kept alive beyond her time. But when she was told how the cancer would progress, she accepted surgery as a palliative measure, knowing that the chances of metastasis were fairly high. The surgery left her in a severe state of confusion. We were told she had Alzheimer's and that she could either go to a nursing home in the area, far from family, and spend the rest of her days staring at the ceiling, or we could bring her home and help her recover a good part of her mental function.

That was the beginning of a six-year journey with Alzheimer's that taught all of our family about the hardship, heartache and intense rewards of being with someone suffering from that most dreaded of illnesses. She did recover quite a lot of her memory and cognitive ability, enough so that when it came to the question of chemotherapy, she thought it through and said no. And the oncologist accepted her decision, agreeing that, in her case, the ill effects would outweigh any possible benefits.

Five years later, with no sign of cancer, it seemed she had made the right decision. We have been able to spend many good days together, but not every day went well, and on her more difficult days she would announce that she wanted to die and would do so, she would tell me, by stepping out in traffic. This was a signal that she was feeling lost or scared, or angry, or all three, and with some effort I could usually distract her, and the mood would pass. But when she went to a respite care facility for a week and they heard her talk of suicide, they referred her to a geriatric psychiatrist. I accompanied her to the appointment. With great solemnity, the psychiatrist said to her: «Mme Trudeau, I understand you've been talking about ending your life.»«Yes», she replied. And then, looking him in the eye, she said: «But I'm here, aren't I?»

As her condition advanced, it became increasingly difficult for my husband and I to care for her. There was little or no trained help available. The aids we hired were not good, and the health system offered only physical assistance, which we didn't need. Finally, we had no choice and requested placement. The social worker assured me we were at the top of the list, but a year went by, and nothing came available. Finally, I put in an official complaint, and I was told that the policy for over a year had been not to admit anyone from home; only from hospital. People had been telling me to take my mother to an emergency room and leave her there, that it was her only chance of placement. I couldn't imagine doing anything so heartless. But, in the end, that's about how it went. During respite state, my mother became upset and was sent off to the Gatineau Hospital emergency, and it was from there that she was finally placed in a long-term care facility.

When we first saw the Alzheimer's unit, we were appalled. Patients roamed around in a state of half-dressed, yelling and talking to themselves. If we'd been asked at that point if it was any way to live, my husband and I would have said no, but in the three months that my mother remained alive, we came to know and care about the patients on the unit. We could see that they responded to attention, that they knew how they were being treated, that they had likes and dislikes and were more aware than most of us of the nonverbal communication between people.

Unfortunately, the care they were getting was not always sensitive. The aids were poorly trained and too few in number. In my mother's case, their lack of competency led to inadequate fluid intake and then a bladder infection which progressed to kidney failure. When I tried to draw attention to her condition, I was told I was overreacting, that my mother hadn't fallen and they only call the doctor for falls. When blood work was finally done, the doctor rushed up to the ward expecting to find my mother in a coma, or worse. My mother knew she was dying. She had told me in a very matter-of-fact manner. But when the doctor arrived, she was sitting with me in the dining area, taking some ice cream from a spoon. She thanked me for it and shortly after slipped into a coma.

But that wasn't the end of our difficulties. The aids failed to turn and position my mother, and, when I asked for their help, I learned they didn't know how to make a dying person comfortable. To their credit, they were ready to learn whatever I could teach them. The registered nurse administered morphine and was attentive to my mother, but she had to cover three or four floors and could only step in to check on things and then run off. The staff apologized for not having taken my concerns seriously and did their best to make my mother's last hours comfortable. In the end, my mother's suffering was controlled, and she was surrounded with love, and I believe she died with dignity.

My experiences have led me to the conclusion that our first priority must be to provide adequate care to the terminally ill and dying through more home care, hospice care and long-term care. The need for family support and professional care is enormous. Euthanasia and assisted suicide are no substitute. In my view, the fact that they have been given so much importance in the discussion on dying with dignity is cause for concern. My one last comment is that I questioned whether the debate is as polarized as it sometimes appears to be. In my experience, the confusion over what constitutes euthanasia and assisted suicide leads people to think they disagree over fundamental issues when in reality they only disagree over terminology.

Over the years, I have found that most people want the right to refuse any treatment that will merely prolong suffering for themselves and their loved ones and that they want to be assured of compassionate care in their final hours. I have met only one or two people who want doctors to have the right to kill patients, to help them kill themselves. Based on my experience, dying with dignity is about being treated as a human being with compassion right to the end, not about being eliminated. Thank you.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much, Mrs. Jones, for sharing those life experiences with us. It's a very compelling story that you tell. Je suis prêt à céder la parole à ma collègue la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. I'll try in English. I might convert some words in French, but I know you'll get them.

Thank you. Thank you for the story and for the courage to tell us with all that, I would say, calm. The story of the young man that you knew very early on, that died from bone cancer, is a story that really touches us because to decide not to get treatment is something else.

Mme Jones (Sheila): He didn't refuse treatment.

Mme Charbonneau: Oh! He didn't.

Mme Jones (Sheila): No, no.

Mme Charbonneau: He just went through it.

Mme Jones (Sheila): There was no hope, that was all. His cancer simply did not respond to treatment, and he had no...

Mme Charbonneau: OK. I thought he decided not to get the treatment.

Mme Jones (Sheila): Not him. No.

Mme Charbonneau: Sorry. You talked about the training, the training that you didn't see and the training that you have. Some of the people we met talked about the training we could give to «les bénévoles», people that come and go...

Une voix: ...

Mme Charbonneau: ...volunteers, thank you. So, can you talk to us a bit more about that training that you would see, that we would provide or put in a way that either the volunteers or the people that give care have?

**(10 h 20)**

Mme Jones (Sheila): There are many different levels of training that could be provided to improve the quality of life for people who are ill, either chronically ill, terminally ill and suffering.

The first would be, I think, that the aids who are responsible for their day-to-day care need to have sufficient understanding of the medical problems that people they are caring for have to be able to respond to their needs. So, in my mother's case, for example, they failed to give her fluids. During the course of the day, she became dehydrated. That's something that should not happen. The person who has Alzheimer's does not remember... themselves to go and get the fluids that they need.

So, by giving the aids a bit more training, other things that they should know, very basic, not superadvanced nursing techniques, how to measure input and output so they can see what's happening with the patient. The doctor said to me: «We don't have aids who actually know that much about it.» So they're not aware that a person is going into a secondary condition that could be treated or it's being caused by neglect. Then there are the people who could come and just provide that companionship and assistance, and that would be where I'd see the volunteers coming into play. I would not see them as the people who would provide the assistance with the physical care, but it's the emotional and psychological care that's needed that the volunteers could provide. And there could be training sessions that could help them to understand, so maybe the bigger picture that, in fact, very often, people talk about suicide as a way to express their sense of loneliness and isolation and that we need to help them to feel that they are still important in our lives.

Just the fact that you're there gives them an enormous boost, but sometimes there are difficult moments, and I think that there could be training for that.

Mme Charbonneau: A very personal question. Be at ease to answer or not. You said that, a couple of times, your mother said she wanted to die, she wished to die. Giving that we would take a decision that that right would be provided, do you think that you would have missed something, or you would contradict or be in a situation where you'd be in a conflict with a decision your mother wanted to take or...

Mme Jones (Sheila): It would have been very complex, extremely complex. If the system is difficult now, wow, you know, that will certainly not be something that is going to simplify matters. There are going to be so many opinions weighing in. My sister would have taken it to mean one thing, I would have taken it to mean another thing.

On any given day that my mother spoke about wanting to end her life, I would respond in a different way. Some days, I would say: «Well, if that's the way you feel, there's the door, you know.» It seems awful, but there were days when that was about the only answer I could give. And, you know, it's there. And it was a bit risky to call her bluff, I suppose, but I just said: Well... And then I would just add: «I feel very badly for the person that hits you, that has to live with it after, but, you know, still...» And she would turn and say, «Voyons donc, Sheila!»

She, at that point in her life, often spoke to me in French, and she would say, «You know, hey... you know.» She said, «That's enough,» as she did with the psychiatrist when he looked very solemnly at her and said, you know... It was a way of getting attention in most cases, but had I not been there and knowing her as well as I did and living with her day to day for years... and when she first started to say things like that, I was stunned. But I gradually found that with a bit of cajoling. And it would sometimes be at particular times in the day, with all the difference that they have with Alzheimer's, at different times in the day, sundown is the worst, so I could start to see a bit of a pattern but, for somebody who didn't know that much about her...

Mme Charbonneau: So let's imagine the fact that she says it a first time, and then she meets with the doctor and then with the team. What you're telling us is that maybe she was trying to get your attention, a bit like when we say: «We are the children of some parents and, with age, we become the parent of our parents.»

Mme Jones (Sheila): Yes, yes.

Mme Charbonneau: So you think that, by meeting a committee and answering questions, she would not have maintained that position?

Mme Jones (Sheila): Probably not, but she might have left some people with the impression that she meant it, because I don't think they would have said to her, «OK, there's the door.» So, you know, I think they would have had very little way to sort of, I don't know, test her and find out how sincere she was about it.

She did things to provoke the people in the respite care centers, when she went there, where I got a call one time such as she's threatening to swallow her earring and choke on that. And, you know, for them it was a real message that she wanted to end her life. So the confusion would be, I think, quite great. We're trying to get into the mind of a person who has cognitive impairment. So, very challenging.

Mme Charbonneau: I appreciated the fact that you said that the «terminologie» of the words and the subjects gets a bit mixed up, but I want to reassure you that at the end of this course, which is not an easy course to go through, at the end, we will make sure that what we give as answers or as a report -- I'm not sure we're going to have any answers -- but as a report... we'll make sure that we give up the best of what we heard so that we make clear between «la terminologie» and the sense we give it. Thank you very much.

Le Président (M. Kelley): And if I could perhaps ask a question. I agree with you, sometimes the Members of the Committee as well, we would like to hear more about palliative care and home care, and some of these other issues, and what strikes us as odd is sometimes even the people who come from those rounds come to talk to us about euthanasia. And we do have a much broader mandate.

So we've heard your point loud and clear about the training of people, but from your professional and personal experience, the two areas interest me. You talk about home care, you talk about respite centers which are underdeveloped, I think, in Québec. So do you have any comments about... as a family that needed outside help at home? What are the services that come, that are most precious to you? What are the things, in a ideal world where we had the resources to develop things the way we could... Do you have any reflection to add to your points? As I said, we heard you about training, and that's obviously one of them. But things that would help a family who is in a situation such as yours and how those respite experiences that you had... how are they set up? Are there any lessons that we could draw from them?

Mme Jones (Sheila): Thank you for the question. It's something I've deliberated over in the three years since my mother died, and, in fact, I've been working with a friend on trying to develop some tools that could be helpful to families who are in a similar situation.

Our circumstances are a little different. Those are caring for people with Alzheimer's, then people who have physical illnesses. The nurses are sent in, or the aids are sent in, they do a wonderful job of coming in and helping the family, relieve them of the physical burden of care, but I didn't have that burden. My mother, with a little bit of assistance, could wash herself and feed herself, and so on. It was more that she was very up and down emotionally and a flight risk, and so on. So I became increasingly a prisoner of the home, and that was where I needed the help, and I also needed somebody who understood what it was like to go through having your mother lose a sense of who you are, ask for somebody else, you know, the psychological effect of being in that situation. And I needed some tools to be able to help communicate with her as the ways that we have communicated together before were lost.

One thing we've been trying to develop are some activities that could be available for families in order to be able to continue to have an interaction with the individual and if there were people who had access to those types of tools and could come into the home and provide some constructive time with the individual, but not come in and ignore the needs of the family members as well, because they need a little bit of support and reassurance, and people to listen to what we're going through. And I think there's a bit of a tendency for the system as a whole to just focus on that individual who has the illness and not see the family as needing encouragement and support along the way. So I would say the social workers could learn a lot about the circumstances, what it's like and be there to, you know, be a sounding board, maybe provide a little bit of help with accessing the tools that are out there. You don't have the time, when you're in those circumstances, to be running around looking for a puzzle to work with, with your mother that doesn't... say, three to five, you know, three to five years of age. You need those things to be available, you need somebody to help you to find out where those things are.

So that's a part of what we're trying to develop.

**(10 h 30)**

Le Président (M. Kelley): And a sort of care for the caregivers. But, in terms of the respite experiences, how are those set up? You mentioned the respite center. How was it set up?

Mme Jones (Sheila): We had... Our first respite care was at CHSLD. It was arranged by the social worker. That was difficult because it was in the earlier stages of my mother's illness, and she found herself in a long-term care facility with people who were in very advanced stages of decline from one illness or another. It upset her greatly. She would say: «Why are you putting me in here? I'm not sick. What are you doing to me?» And it would be... It was difficult to leave her in those places.

We had access, at a certain point, to the Alzheimer Society respite care facility, but for some reason that didn't go terribly well. I guess that there was just something in my mother's behavior that they found a bit challenging there. We did have a wonderful support with the day program that they had. So, one day a week, she was picked up by the bus and taken for a day of care, and that was fantastic. It really helped her in terms of autonomy, in personal autonomy. She had her own place to go, she wasn't just being cared for. This was... These were her people. I think it was an extremely important part of caring for her, and I only wish that there had been more of it. One day, three hours wasn't very much.

Le Président (M. Kelley): Thank you for those very helpful suggestions and sharing those experiences. Mon collègue M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Merci, madame. Ce fut également un plaisir de vous entendre ce matin.

Vous avez dit au moment de votre conclusion que l'euthanasie ou encore le suicide assisté ne devait pas constituer un substitut à de meilleurs soins palliatifs, à de meilleurs soins également à domicile, à de meilleurs soins aussi en centre de longue durée, et j'en conviens volontiers. Mais est-ce qu'il y a réellement contradiction entre éventuellement une légalisation et du suicide assisté et de l'euthanasie et de meilleurs soins? Est-ce que les deux avenues sont envisageables sans qu'elles ne soient contradictoires?

Mme Jones (Sheila): I think that the two are in opposition to each other, that if we decide that we are going to...

It isn't to say that it would never be possible if people decided to permit euthanasia or assisted suicide. There's no guarantee that there would never be palliative care, that that would be the end of it. I would say... I'm trying to say... First of all, I don't think that we should be... we're looking at such a crisis of palliative care that these other measures seem to me extreme ones to be jumping to when we've got a need to care for people. But if we are going to go to something like assisted suicide or euthanasia, then that's something that, I think, is going to be a fundamental shift both in our legal system and in our approach to care. And it's something that changes the basis of law completely. We are then going to say, «OK, we condone intentional killing,» as opposed to withdrawing treatment.

So they're are very different approaches to the problem, and I think they require very different considerations. If we are going to say that it is all right to actually take a life intentionally, we better be very clear about what the foundation is for that decision, and I don't think that trying to end suffering, to reduce suffering is really the consideration on which you want to base the idea of terminating a life.

Just so you understand, in France, with the Leonetti Report, they came to the same conclusion that we don't want to confuse these two issues, that we have one area which is to reduce suffering and another that calls for the actual decision to terminate a life, and that that's not going to be grouped in as medical treatment, that we have to look at that as a separate approach and decide on what basis... what legal, philosophical basis we are going to say that it's permissible to take a life.

So, I see them as being of two very, very different concerns. I hope I've explained that reasonably well, but...

M. Charette: Merci. Une dernière question en ce qui me concerne: Peut-on penser que les progrès de la science, les progrès de la médecine effectivement permettent aux personnes en fin de vie, souffrant de cancer notamment, d'avoir une meilleure qualité de vie, même éliminer une grande partie, sinon la totalité de leurs souffrances mais qu'en même temps ces progrès-là ne donnent pas pareil avantage à d'autres personnes aussi très souffrantes mais de maladies différentes, que ce soient des maladies dégénératives, neurologiques, que ce soient de lourds handicaps qui sont aussi extrêmement frustrants et ultimement qui font en sorte que le corps devienne ni plus ni moins une prison?

Donc, on a un système, oui, qui s'est amélioré mais qui laisse bon nombre de victimes -- et j'emploie volontairement le mot «victimes» pour ne pas dire «malades» -- qui, eux, ne se retrouvent pas accompagnés ou sinon aidés par ces progrès-là. Que peut-on dire à ces personnes qui reconnaissent à d'autres le droit de vouloir vivre leur vie jusqu'à la toute fin mais qui demandent pour elles par contre de mettre fin à leur douleur parce qu'aucun médicament, aucun réconfort, aucun appui des proches ou des personnes aidantes ou aimantes ne leur procurent la satisfaction ou la sérénité nécessaire?

Mme Jones (Sheila): The question is a very complex one. Obviously, the sympathy for people who are caught in a situation where they feel that they're imprisoned in their body is very strong.

At the same time, given the years that I spent in nursing, I have seen situations that were irremediable at another time, had since become something that we can do something about. And had we simply terminated the lives of those people, we wouldn't be where we are today. Some people suffered, and people... others have gained in the process. Had we simply said: «Well, it's impossible to let people suffer from acute leukemia,» that it's awful what they are going through... and it was awful, and the medications that we used were horrible, they were harsh, they were terrible, what young people went through... But in the end the result has been that we now have a very high rate of remission with acute leukemia. Again, people suffering from multiple sclerosis, huge strides are being made in that area constantly.

So, it's very difficult to say the people: «Well, you know, unfortunately, we don't have the remedy for you, probably someday it will come.» But to decide that we are going to resolve that problem by terminating their life, I think it would be a mistaken step to take. And we have to do everything that we can to provide those people with as much support and care, and love, and compassion as we possibly can. But to, at a certain point in any illness, throw up our hands and say «that's it» is contrary to what we're trying to do in evolving towards better care and, you know, solving these problems that you're talking about.

Le Président (M. Kelley): Juste peut-être... One last clarification on your recommendations, your 10th point, about the withdrawal of food and water as an acceptable termination of futile treatment, my understanding was that it was the case already, that you can withdraw feeding tubes now, that it wouldn't be...

Mme Jones (Sheila): Feeding tubes, yes, but I'm thinking of those who are able to swallow and those who are able to... but need assistance. And there are plenty of people in chronic care facilities who need assistance with eating and drinking, and they wouldn't survive if we were to not provide that assistance to them. It demands a great deal in terms of personnel, and it's difficult, so the temptation would be strong to say: «OK, you know, that's too much, we can't provide that.» So I put that in as a caution because I can see that this... lines are being drawn. It would be very easy and tempting to say...

Le Président (M. Kelley): You know, I'll just have to check, because my understanding was... feeding someone and giving them liquids is considered a treatment already. So, maybe I'm wrong. I'll check. I'm pretty sure it is another jurisdiction. I don't know whether... But my understanding was that it wouldn't be for us to redefine because what you're describing is already the case. But that's my understanding, and I will check it for sure.

Anyway, on that, thank you very much for your contribution and sharing your, both, professional and personal experiences with the Members of the Committee.

Et, sur ce, je vais suspendre quelques instants et je vais demander à M. Jean-Claude Lachapelle de prendre la place à la table, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 10 h 40)

 

(Reprise à 10 h 42)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre prochain témoin, c'est M. Jean-Claude Lachapelle, qui a fait une demande d'intervention, mais maintenant il vient de nous donner un texte. Alors, vous avez un texte, les membres, pour suivre la présentation, également un plan avec certaines questions. Alors, merci beaucoup pour ces organisations. Les prochaines 15 minutes sont à vous.

M. Jean-Claude Lachapelle

M. Lachapelle (Jean-Claude): Merci, M. le Président. D'abord, peut-être une remarque. Il est marqué sur le programme que mon épouse, Lourdes Flor, pourrait être assise à côté moi. Elle est ici, dans la salle, mais elle a préféré laisser au philosophe toute la place, elle, étant autre chose. Démographe de formation ayant travaillé pour les Nations unies et l'Organisation mondiale de la santé, entre autres, elle n'est pas moindre, mais elle a préféré me laisser à mes idées avec vous.

Alors, Mmes et MM. les commissaires, merci de me donner l'occasion, comme professeur de philosophie morale et politique à la retraite, de vous faire part de mes réflexions. Je souhaite qu'elles contribuent utilement à la vôtre et à la rédaction de votre mémoire. Votre travail remplit, me semble-t-il, l'une des fonctions politiques les plus nobles: prendre le pouls de la population sur le lien entre deux réalités cruciales de la vie: la mort et la dignité humaine. Vous faites aussi oeuvre pédagogique dans votre consultation, et, comme citoyen, je l'apprécie. Je pense que c'est en même temps de la pédagogie collective qui se fait, et ça, c'est important.

Ma position sur l'euthanasie et le suicide assisté est la suivante: étant donné que le Code criminel canadien interdit l'euthanasie et le suicide assisté, le ministère de la Justice du Québec ne devrait intenter de poursuite que s'il y a de sérieux soupçons d'abus par rapport au respect de la dignité humaine. Dans cet exposé, je m'arrêterai... je ne m'arrêterai pas, pardon, sur cette distinction entre les deux formes de mort provoquée, car elle n'est pas véritablement pertinente pour mon propos, en fait. L'une ou l'autre, par rapport à mon propos, ça ne fait pas de distinction, c'est deux morts provoquées. Pourquoi est-ce que je suggère d'avoir une attitude aussi tolérante à l'endroit de l'euthanasie et du suicide assisté? Parce que, selon moi, il faut remettre la décision de continuer ou de cesser de vivre autant que possible à l'individu lui-même. Évidemment, parfois, il n'est pas là, ça fait que c'est difficile. C'est lui qui est principalement touché par sa mort, même si plusieurs autres personnes peuvent être affectées par elle.

La personne doit donc avoir la liberté de décider de son sort mais en même temps en tenant compte des responsabilités qu'elle a à l'égard de la collectivité.

Et j'explique ma prise de position en trois points. C'est les trois points qui vont suivre. Alors, le premier: Que veut dire respecter la dignité humaine? Deuxièmement, il faut favoriser une décision sereine et éclairée. Et, troisièmement, puisque c'est centré, encore là, sur la décision de l'individu, une décision morale implique des droits mais aussi des responsabilités. Alors, c'est ce que je vais essayer de préciser.

Premier point: Que veut dire respecter la dignité humaine? Dans les conditions idéales, la liberté est au coeur de la dignité humaine, à mon avis. En prenant comme référence un être humain parvenu à maturité, on reconnaîtra que sa liberté implique qu'il ou elle est passablement en charge de ce qui lui arrive. On s'attend à ce que cette personne soit celle qui détermine les principales orientations de sa vie. Elle peut se faire conseiller, se faire encourager, se faire supporter, mais elle est le principal facteur de ce qu'elle fait. C'est ce qu'on... Dans cette perspective d'humain adulte, lucide, cette liberté humaine si chère à notre société devrait inclure le droit de décider du quand et du comment de sa mort si l'individu est en possession de ses moyens psychologiques et intellectuels, bien sûr, si, en d'autres mots, la personne est sereine et lucide.

Nous devrions reconnaître que l'être humain adulte devrait être autorisé à décider, selon ses croyance ultimes, quelle fin de la vie il veut avoir. Dans une société pluraliste comme la nôtre, on devrait permettre à des gens divers, croyants de toutes sortes, agnostiques ou athées, de faire leurs propres choix et d'être aidés, si nécessaire, dans la mise en oeuvre de leurs décisions mais de garder leurs choix. J'aimerais que notre société ait cette attitude. Pour qu'une décision personnelle soit véritablement libre, cependant il faut certaines conditions. Considérons d'abord les aspects psychosociaux.

Donc, le deuxième point, c'est favoriser une décision sereine et éclairée, parce qu'évidemment... Si la légitimité de la décision à propos de l'euthanasie et du suicide assisté repose sur le fait d'être adulte, en pleine possession de ses moyens, ça veut dire d'abord une sérénité psychosociale personnelle, psychique et par rapport à son entourage, famille, et autres, amis, et autres.

Il faut favoriser autant que possible la lucidité calme devant cette éventualité habituellement tragique en elle-même, la proximité de la mort. Le fait d'être traité avec compassion et sollicitude par ses proches, par le personnel de la santé et toutes les personnes qui entourent un malade joue un rôle important dans la réaction de cette situation dramatique. Le témoignage, je ne sais pas si vous l'avez entendu par exemple, à la télévision, de Chloé Sainte-Marie à propos d'un Gilles Carle gravement impotent, qui lui faisait le signe de braquer un revolver sur sa tempe et qui semble avoir changé d'idée après qu'elle lui ait dit qu'elle avait besoin de lui, est éloquent à cet égard, à mon avis.

Comme société, nous devons favoriser le traitement, le plus humain possible, de cet état, la proximité de la mort, permettre l'accompagnement lors des traitements, bien informer le patient de toutes les options et leurs conséquences et laisser à l'individu le temps et la responsabilité de prendre les décisions les plus importantes. Pour l'ensemble de la population, inciter à faire un testament -- vous dites, vous, «testament de fin de vie», là, j'avais écrit «testament de vie», «de fin de vie», c'est plus clair -- répond à ce souci de décider de façon sereine et éclairée de ce qu'il faudrait faire en fin de vie si l'on perdait sa faculté de décider. Alors, évidemment, l'incitation à faire ça permet d'avoir des conditions psychosociales qui sont meilleures.

**(10 h 50)**

Une décision mûrie dans de bonnes conditions implique aussi des aspects moraux et politiques. Ça, ça va peut-être en surprendre certains, là. Ce que je veux dire par «politique», c'est un sens de la collectivité, du bien-être de la collectivité. Laissez-moi vous proposer une esquisse de ce que ça devrait comporter, à mon avis.

Donc, le troisième point, prendre une décision morale, ça implique des droits mais aussi des responsabilités, ce qu'on oublie trop souvent, me semble-t-il. Une approche morale d'un problème humain inclut des droits mais aussi des responsabilités. Dans une société civilisée comme le nôtre, on valorise au premier plan les droits individuels et la liberté personnelle, et je suis d'accord avec ça. Pour ce qui a trait au contrôle de notre vie, on a déjà décriminalisé le suicide au Canada et on a reconnu le droit de refuser un traitement qui pourrait prolonger notre vie ou le droit de faire cesser un traitement nécessaire à la survie. C'est le fameux jugement du juge Dufour, là, qui a accordé à Nancy B., il y a quelques années, le droit d'être débranchée d'un respirateur qui lui faisait fonction de poumon, ce qui voulait dire la mort en peu de temps, et on l'a accordé.

Par ailleurs, au début des années 1990, même si la majorité, soit cinq des juges de la Cour suprême du Canada, ont refusé d'accorder la demande de suicide assisté à Sue Rodriguez, il y a eu quand même quatre juges qui ont reconnu sa requête légitime. Et ensuite, probablement conscient de l'esprit du temps, si on peut dire, le Procureur général de la Colombie-Britannique s'est par la suite abstenu de faire des poursuites après qu'elle ait reçu l'aide demandée. Enfin, simplement pour rappel. Vous êtes familiers avec ça sans doute, mais, pour moi, c'est significatif. Il y a là pour moi une sérieuse indication qu'il y a au Canada une ouverture pour considérer l'assistance au suicide comme un droit, et je souhaite que, dans une société pluraliste comme la nôtre, l'éventail des options soumis à notre liberté soit agrandi en ce sens. C'est une option de plus, ça ne veut pas dire qu'on va la prendre. Mais on a entendu des fois des gens dire: Le fait de sentir que j'ai cette option-là, déjà ça m'a soulagé. Je ne suis pas dans la peau de l'ensemble de ces gens, mais il y a beaucoup de gens qui le disent, semble-t-il.

Une plus grande liberté ne veut pas dire une solution de facilité, dans mon esprit, cependant, là, car aux droits sont associés des devoirs, à la liberté correspondent des responsabilités, et un jugement moral adéquat doit considérer l'ensemble des facteurs d'une situation et soupeser l'importance respective pour soi et pour les autres de ces facteurs.

Si je vous soumets... Ici, pardon, je vous soumets une idée que je n'ai pas entendue souvent, peut-être vous l'avez entendue, vous autres, là, mais... et qui se veut une piste de réflexion. La personne qui pense à la fin de sa vie devrait songer à son bien-être, bien sûr, mais aussi à l'ensemble des répercussions de sa décision pour son entourage et la société tout entière. L'individu devrait mettre, dans son équation, sa réflexion, le sort de ses proches, certes, leur réaction et la situation dans laquelle ils se retrouveront, mais il devrait y inclure aussi l'importance des ressources qui devront être allouées à ses traitements et la valeur que peuvent avoir ces ressources pour le traitement d'autres patients qui pourraient les utiliser. Et, quand je parle de ressources, je parle de ressources humaines, de ressources matérielles, alors donc l'ensemble, qui se retrouvent de façon concentrée, par exemple, dans les hôpitaux et qui pourraient se retrouver aussi dans les maisons où on donne des soins palliatifs.

Avant qu'il n'arrête sa décision, et de préférence dans son testament de fin de vie, il faudrait qu'il puisse pondérer les avantages et les inconvénients de part et d'autre.

Prenons un exemple. Une personne pourrait inscrire, dans son testament de fin de vie, une demande d'euthanasie dans l'éventualité de tomber dans un état végétatif permanent, par exemple, qui pourrait être attesté par au moins deux médecins. Elle prendrait alors en considération qu'on peut passer des semaines, voire des mois et des années dans cet état -- il y a des exemples, hein, que vous connaissez sans doute -- en mobilisant des ressources médicales précieuses, rendues non disponibles pour d'autres patients qui pourraient récupérer. Je pense qu'il faudrait penser à ça aussi, là.

Le renoncement à l'acharnement thérapeutique pourrait également éviter des coûts onéreux pour la société. Quand on a des ressources limitées, et dans l'Outaouais nous savons que nous avons des ressources limitées par rapport aux ressources médicales, alors il faudrait être capable de penser à ça aussi.

Et je réagis ici contre l'expression «la vie humaine n'a pas de prix», qui est une illusion, à mon avis, qui ne doit pas être considérée comme synonyme de «respect de la vie humaine», en effet. C'est une exagération tout au moins, disons, O.K.? En effet, les ressources d'une société même riche comme la nôtre ne sont pas illimitées, d'une part, et, d'autre part, aucun individu n'est un absolu. Ça, j'espère que je ne ferai pas sauter personne en disant ça, là. Nous sommes essentiellement dépendants des autres pour notre développement et pour notre bien-être, et nous devons moralement et politiquement être solidaires des autres dans nos décisions les plus importantes. Je pourrais ajouter que nous sommes, malheureusement, mais nous devons avoir l'humilité de le dire, passagers sur cette terre et remplaçables, alors, d'une certaine façon. Il y en a qui sont moins remplaçables que d'autres, mais nous sommes remplaçables.

Alors, je m'inspire, dans cette prise de position, à la fois d'Emmanuel Kant, philosophe allemand important dans l'histoire de l'Occident, pour qui la vie humaine de qualité et l'action morale mettent à contribution notre rationalité et notre liberté -- il faut que nos décisions soient libres, mais ce qui fait toute la dignité, c'est qu'on puisse les prendre de façon libre et éclairée -- et l'utilitarisme, qui prône que l'action morale doit être celle qui procure le meilleur rapport plaisir-douleur pour le plus grand nombre d'êtres vivants. Ça inclut même les animaux, mais évidemment les humains ont une place particulière, bien sûr.

Il faudrait que nous ayons le courage moral et politique de faire face à l'impératif de gérer l'ensemble des ressources, que nous avons, de la façon la plus rationnelle et la plus équitable possible. Ça, c'est bien sûr la responsabilité des représentants politiques surtout, ce que vous êtes, mais c'est aussi la responsabilité de chaque citoyen, à sa mesure, dans les moments les plus difficiles de sa vie. Ça devrait du moins, à mon avis.

En conclusion, dans ce court exposé, j'ai indiqué qu'il serait à mon avis souhaitable que nous ayons la liberté de recourir à l'euthanasie ou au suicide assisté de façon exceptionnelle, à condition qu'on puisse faire un choix serein et lucide. La décision devrait être laissée à la personne, quitte à lui offrir toute l'information et le support dont elle a besoin dans ces circonstances, ce qui demande des ressources aussi. C'est ce qui permettrait de respecter pleinement notre dignité comme êtres humains. Un être humain, c'est un être vivant qui peut être lucide sur sa situation et qui peut assumer sa part de responsabilité pour que ce soit le plus propice possible à son bien-être et à celui des autres. Il faudrait que la dimension morale et un minimum de sens politique inspirent la décision personnelle qui est prise à propos de la fin de sa vie. N'oublions pas toutefois que la liberté d'être aidé à mourir n'implique pas l'obligation de le faire, elle donne plus d'options par rapport à la décision.

C'est dans un esprit d'ouverture à la pluralité des croyances mais aussi, à la fois, à la bonté des êtres humains que je propose que le gouvernement québécois accepte l'euthanasie et le suicide assisté tout en faisant la promotion des responsabilités sociales qui devraient être associées à cette plus grande liberté.

Et je vous remercie de votre attention et je suis évidemment disponible pour questions et commentaires.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Lachapelle. On va passer à la période d'échange avec les membres de la commission, et je vais céder la parole à ma collègue de Hull.

**(11 heures)**

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Lachapelle. C'est toujours très intéressant d'entendre des philosophes nous parler de la mort, de la vie, de l'euthanasie et de tout ça parce que vous nous amenez dans des... vous nous amenez des pensées nouvelles, des regards nouveaux sur ces questions si importantes. Mais en même temps, depuis le début de cette commission, on trouve donc que les arguments en faveur et contre souvent sont les mêmes. Ça dépend du regard que l'on pose sur ces options, ces opinions.

Je voudrais vous mettre un peu en opposition avec ce que vous nous avez présenté par rapport à cette question qu'il faut remettre la décision à la personne, la personne qui est concernée, qui est en fin de vie, qui en a assez de sa condition humaine puis qui voudrait y mettre un terme.

Vous avez cité Chloé Sainte-Marie. Puis ça va être gros, là, ce que je vais vous dire, c'est parce que je veux vous entendre, je veux vous amener un petit peu loin. Vous avez dit qu'elle avait demandé à Gilles Carle de ne pas penser à se suicider parce qu'elle avait besoin de lui. Vous ne trouvez pas que c'est un peu égoïste de demander à quelqu'un de poursuivre la souffrance parce qu'on a besoin de lui? C'est souvent le lot des familles. On ne veut pas que notre proche parte. Il ne va pas bien, il est malade.

Il est très, très malade, mais on lui demande de rester jusqu'à la fin. Qu'est-ce que vous pensez de...

M. Lachapelle (Jean-Claude): Ça peut être très difficile de faire un jugement sur quelqu'un. Je ne suis pas psychanalyste, je ne suis pas psychiatre.

Ce que je vois, c'est que, d'une part, ça pourrait apparaître comme égoïste, mais aussi je crois que ça peut être aussi une manifestation impressionnante d'amour, alors disons que... impressionnante parce que, dans l'état où était Gilles Carle, si je pense à la situation concrète ou une semblable, c'est un peu étonnant de... Et, quand on pense que Chloé Sainte-Marie était une femme beaucoup plus jeune que lui et qui a réussi dans la vie, qui même, semble-t-il, réussit très bien, alors, qu'elle lui dise qu'elle avait besoin de lui, c'est une belle manifestation d'amour. Est-ce qu'elle était vraiment sincère, et jusqu'à quel point? Je lui donnerais le bénéfice du doute. Et c'est probablement ce que Gilles Carle a fait, bon. Alors, c'est compliqué... c'est très, très compliqué.

Il y a quelque chose cependant dans la perspective de ce que j'ai proposé. Il me semble qu'il faudrait que cette personne-là, disons, Chloé Sainte-Marie ou quelqu'un dans une même situation, pense aux conséquences aussi pour la société. Et, à ce moment-là, si, elle, en supposant que les deux ont de l'argent, puis ils ont beaucoup de ressources, sont capables de se payer tout ce que ça prend comme ressources pour s'occuper de quelqu'un dans son état... si, elle, elle paie de sa personne, comme elle semble l'avoir fait alors pour ça et qu'elle paie des autres personnes qui s'en occupent mais que ce ne soit pas la société comme telle, je dis: Pourquoi pas? Pourquoi pas? Mais il me semble qu'il faudrait qu'il y ait la conscience que ça peut être une charge pour la société et donc qu'elle négocie la... si, elle, elle l'aime beaucoup, oui, qu'elle négocie le fardeau, parce que c'est un fardeau objectif, je crois, des soins par rapport à une personne dans cette situation.

Mme Gaudreault: Justement par opposition à ce que vous... on vient de parler de cette situation avec Chloé Sainte-Marie et d'autres familles, on est toujours en opposition...

M. Lachapelle (Jean-Claude): ...pour Gilles Carle, là...

Mme Gaudreault: Ah! Oui, oui, mais, nous aussi...

M. Lachapelle (Jean-Claude): ...cinéaste.

Mme Gaudreault: ...il est de notre région d'ailleurs, de Maniwaki, originaire de Maniwaki, alors...

M. Lachapelle (Jean-Claude): Oui. Bien oui. Bien oui.

Mme Gaudreault: Mais justement on est là pour peser les pour et les contre.

On nous a parlé du phénomène du «duty to die», ce qui veut dire... c'est que souvent la personne qui se considère un fardeau pour ses enfants... Justement, là, c'est l'opposé, la personne est très, très malade. Là, elle voit que ses aidants naturels commencent à s'essouffler et elle trouve qu'elle est très demandante, là, dans sa condition. Alors là, elle pourrait, si c'était légal, opter pour l'euthanasie parce qu'elle se sent une obligation de mettre un terme à tout ce cirque, si on peut dire.

Alors, c'est le phénomène du «duty to die», vraiment, là, l'opposé de ce qu'on vient de parler avec la situation avec Chloé Sainte-Marie. Comment vous percevez ce phénomène?

M. Lachapelle (Jean-Claude): Est-ce qu'on peut dire aussi que c'est perçu comme un devoir de mourir?

Mme Gaudreault: Oui, oui, c'est ça. Excusez-moi, j'aurais dû traduire.

M. Lachapelle (Jean-Claude): Oui. Bon. J'ai connu... Moi, j'ai eu une mère qui était plutôt de cette tendance-là. C'était une personne qui avait horreur de nuire aux autres, et «horreur» est un peu exagéré, là, mais ce n'est pas si exagéré que ça, là. Bon.

D'autre part, je me rappelle d'avoir lu, dans un livre qui s'appelle Mourir, de Hugues Doucet... Hubert Doucet, je crois...

Mme Gaudreault: Oui.

M. Lachapelle (Jean-Claude): ...alors, un témoignage d'une situation comme ça.

Et, dans ce témoignage-là, et ça m'a frappé, c'est... lorsque les gens ont bien fait sentir à la personne, un petit peu comme Chloé Sainte-Marie... fait sentir à la personne qu'ils y tenaient, qu'ils tenaient à cette personne-là, que la personne s'est calmée et que son désir de mourir alors s'est évanoui et puis... Mais en même temps ils ont... ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils se sont assurés que la personne serait entourée et même pourrait retourner à la maison pendant un bon bout de temps. Et c'est pour répondre à la question. Il faudrait s'assurer que, psychologiquement, cette personne-là soit bien et en passant principalement, je pense, par les proches plus que par des psychologues ou des psys qui sont compliqués, là, alors pour des personnes qui ont cette réaction-là, parce que je pense que c'est surtout émotif, et puis, là, respecter la décision.

Si elle est maintenue mais qu'émotivement la personne se sent plus valorisée, alors respecter cette décision mais s'assurer que, psychologiquement, elle soit bien entourée, là. Ça, c'est important, là.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Merci, M. Lachapelle, pour votre présentation. Vous avez dit que vous alliez présenter des éléments que vous n'aviez pas entendus beaucoup. Effectivement, vous avez un point de vue, je dois dire, qu'on n'a pas entendu beaucoup.

M. Lachapelle (Jean-Claude): ...

Mme Hivon: Et, quand vous introduisez toute la question de l'ensemble des éléments qu'une personne devrait ou pourrait considérer dans sa décision de mettre fin à ses jours, de demander de l'aide médicale pour abréger sa vie, j'ai l'impression qu'il y a des gens qui sont farouchement opposés à l'euthanasie qui voient dans ça des éléments de crainte.

Alors, je vais vous exposer un peu... parce que, nous, on a la chance d'entendre ensemble des points de vue. Donc, on est là pour les confronter. Et il y a des gens qui sont venus nous dire qu'ils craignaient beaucoup les dérapages si on devait ouvrir une porte pour l'aide médicale à mourir, que ce soit l'euthanasie ou le suicide assisté, et un de ces dérapages-là serait le fait que des gens âgés, vieillissants, malades, en fin de vie puissent, un petit peu comme ma collègue le disait, se sentir obligés, à un certain stade de leur vie, d'arrêter de vivre, bien qu'ils pourraient toujours avoir le goût de continuer à vivre et qu'ils pensent que la vie peut encore leur apporter du bonheur.

Du seul fait que cette possibilité-là serait là, que ça créerait en quelque sorte de la pression sur leurs épaules et qu'ils se sentiraient obligés justement de considérer peut-être des facteurs autres, le poids qu'ils représentent pour leurs proches ou les contraintes financières et que donc on amènerait ces gens-là à prendre des décisions peut-être qui ne seraient pas celles qu'ils voudraient prendre, donc comment, vous, vous réagissez quand on met en opposition un peu votre position avec ces craintes-là qui nous sont formulées par des gens?

**(11 h 10)**

M. Lachapelle (Jean-Claude): J'attendais cette question. Alors, de façon générale, je devrais dire, les risques dans notre société et les dangers sont beaucoup plus grands qu'ils l'étaient, et ça va continuer.

Je veux dire, quand, par exemple, nos enfants partent... lorsqu'ils sont jeunes adultes ou adolescents puis ils partent de la maison, c'est beaucoup de risques, et il y a beaucoup de dangers, et on a peur des fois, alors, mais ça fait partie de la vie. Quand on... Si la vie maintenant est urbaine, il y a beaucoup plus de risques en ville qu'il n'y a là, à la campagne. Dans le petit village, aussitôt que quelqu'un est malade, il y a du monde qui vont s'en occuper, O.K.? Et alors, de façon générale, disons qu'il faudrait, à mon avis, qu'on ne donne pas trop d'importance à ces gens qui disent: Il y a des dangers, il y a des risques. Oui, il y en a, O.K., mais est-ce qu'on doit penser qu'il n'y a pas d'abus de l'autre côté, O.K.? Puis des situations comme celle de Sue Rodriguez... heureusement, dans son cas, elle s'est bien solutionnée, à mon avis, je pense, de ce que j'ai connu. Puis j'ai suivi ce... Étant donné que je donnais philosophie morale, c'était un cas que j'ai proposé à mes étudiants et c'est un bon cas intéressant.

Et là il fallait lui faire confiance, bon, dans ces conditions. Et, dans le cas aussi, là, je ne sais pas si vous êtes au courant, là, de Nancy Morrison, la femme médecin qui, dans une situation très, très pénible, aurait donné du chlorure de potassium, ce qui veut dire la mort en l'espace de trois, quatre minutes... très peu, là, O.K., et parce qu'il semblait qu'on ne pouvait pas calmer la douleur d'un patient qui était très malade, là, bon, alors, on l'a poursuivie pendant trois, quatre ans, bon, puis presque comme si c'était une criminelle. Il faut dire qu'on a manqué de tact aussi. On est venu la chercher de façon spectaculaire à l'hôpital, avec des policiers, puis tout ça, bon. C'est des abus, ça aussi, là. Il faudrait être conscient des autres abus.

Et puis je me dis aussi que, si une dame... pour faire suite à la question de tantôt... si, ayant été entourée, la dame continue de penser qu'elle est, je pense à ma mère, là, qu'elle... que somme toute la situation, c'est que c'est mieux qu'elle parte parce que, pour l'ensemble de sa famille et puis de la société, c'est avantageux, bien, je vous dis, elle fait une action morale, un jugement moral qu'on doit permettre de faire. Même une personne qui est assez âgée puis qui est assez mal en point, elle est peut-être capable, et on devrait donner le bénéfice du doute à des personnes même dans une situation comme ça, et elles peuvent être capables de se sacrifier et faire des jugements moraux... et qu'on accepte ça. On accepte ça, des sacrifices. Les gens qui prennent des risques énormes pour sauver du monde, tu sais, quand ils réussissent, c'est des héros. Oui, peut-être que des personnes âgées, disons, souffrantes sont capables aussi de se dire: Oui. Et puis de leur donner le bénéfice de doute.

Alors, dangers? Oui, il y aura des dangers. Bien sûr, il faudrait mettre des balises, il faut mettre des conditions. Là, je n'ai pas parlé de ça, je me situais à un autre niveau. Mais, bon, quand, en Hollande et dans d'autres pays... nous autres, on pourrait, on établit des conditions. Avant qu'on accepte le jugement de la personne, on s'assure que, d'abord, la condition se trouve à être véritablement fatale, et puis, dans le cas qui est plus difficile, c'est, par exemple, quelqu'un qui se rend compte mais qui est... qu'il est dans un cancer terminal mais qui n'est pas encore... ce n'est pas encore rendu là ou bien la maladie de Lou Gehrig, affreux, ou que... ou même dans le cas de l'Alzheimer. Moi, je trouve que quelqu'un... s'il est vrai que Claude Jutras s'est suicidé parce qu'il avait... il a constaté qu'il était Alzheimer et il voulait le faire alors qu'il était encore conscient, moi, je dis: C'est un acte humain s'il a décidé ça, et il a le droit de le faire. Et il faudrait qu'on donne... qu'on accepte ça, qu'on accepte ça.

Bien sûr, c'est dans une perspective non croyante que je me situe, où bien sûr ce n'est pas Dieu qui... ma vie n'appartient pas à Dieu, et lui seul peut y mettre fin. Bien sûr, je ne suis pas dans cette perspective-là. Je suis dans une perspective où c'est nous, êtres humains, qui décidons, qui sommes les principaux responsables de notre vie.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, M. Lachapelle, de votre contribution. Je vais continuer sur la même thématique parce que ça m'interpelle énormément.

Vous savez qu'à certaines reprises, dans le cadre des échanges qu'on a eus avec des participantes et participants à la commission, la commission s'est toujours défendue, dans le sens du collectif, de vouloir faire des choix économiques et que finalement cette commission-là, elle était là pour donner la parole aux citoyens... sur le droit de mourir dans la dignité, quelles étaient les meilleures conditions de fin de vie et comment on permettait à l'individu, dans le cadre de son autonomie, de s'inscrire dans un processus qui réponde à ses aspirations. Alors, on a toujours réagi de façon très claire au fait que ce n'était pas un choix économique, d'aucune façon. Maintenant, vous le posez sur la dimension individuelle, que l'individu devrait considérer un certain nombre d'éléments.

Vous savez pertinemment qu'avec l'augmentation de l'espérance de vie il y aura de plus en plus de personnes âgées, que c'est une façon pour la société de prendre la vie autrement, de regarder ses priorités autrement et de faire des ajustements correspondant à l'évolution de la société, qui tient compte d'une proportion de la population âgée de plus en plus importante et qui vit, malgré des problèmes, dans des conditions de vie somme toute assez intéressantes, bon, avec des problématiques sur lesquelles on doit bien sûr asseoir des solutions. Mais ces personnes-là souvent, autant les contre que les pour, dans des témoignages ont soulevé ce questionnement-là à l'égard des choix qui seront faits pour les personnes âgées: Est-ce que ce n'est pas un moyen? Ou même les gens qui étaient pour l'euthanasie et le suicide assisté disaient: Il ne faut jamais donner l'impression ou le doute, dans l'esprit des gens, que ça se fera pour une question de répartition de services ou de répartition de ressources où que la personne dise: Ma vie peut être remise en cause parce qu'il y a des besoins ailleurs.

Alors, je veux continuer à vous entendre sur les arguments parce que je trouve que c'est très important comme problématique, et il n'y a pas beaucoup de personnes qui l'ont soulevée dans l'approche que vous l'avez soulevée. Il n'y en a pas. Je pense que c'est la première fois qu'on entend une approche comme celle-là, et c'est important que vous continuiez de nous argumenter là-dessus.

M. Lachapelle (Jean-Claude): Bien, moi, je crois que justement, quand on dit: Liberté doit aller avec responsabilité, que droit doit aller avec devoir, ce n'est malheureusement pas assez accentué dans notre société, je pense, et peut-être que ça devrait être à différents niveaux, à commencer par le primaire de l'école, et on devrait cultiver ça, et il devrait... et c'est une responsabilité que vous avez, vous autres, de tenir compte de ça, et qu'on ne devrait pas se faire un scandale de dire: Il faut tenir compte des coûts et des ressources, ce qui va devenir, là, énorme, là.

Les baby-boomers, là, arrivent à 65 ans, là, bon, et ils sont nombreux. Bon. Alors, ça va être un problème énorme au point de vue politique, et nous avons des ressources limitées.

Si nous avions des ressources illimitées, ça, c'est autre chose, mais nous avons... Même, nous, une société riche, nous avons des sources limitées, et il va y avoir des décisions difficiles à prendre et il va falloir les prendre, et malheureusement, vous autres, vous allez les supporter puis vous allez supporter les conséquences. Allez-vous être élus après? C'est une autre affaire. Bon. Mais il va y avoir des décisions importantes qui doivent être prises et qui sont prises aussi, moi, je trouve que... et qui peuvent susciter la controverse. Le fait de supporter les... le fait d'avoir des bébés-éprouvette, là, enfin, la contraception, la conception assistée, là, c'est des coûts énormes pour un peu de monde qui seront peut-être privilégiés. Il y a des conditions qui ont été faites, là, c'est correct. Mais on peut dire: C'est un choix. Ma conjointe me faisait remarquer que, si le ministère de la Santé décide de réduire de plusieurs millions le budget au cours de l'année... Un instant! Si on pense aux soins palliatifs, là, pourquoi réduire les... tant de millions et ne pas mettre ces millions-là sur les soins palliatifs? Bon.

C'est des décisions que vous avez à faire, comme nos représentants, mais je pense qu'on ne doit pas exclure que c'est une illusion de se dire... Et, moi, je dis: Moi, je ne suis pas scandalisé du fait qu'on considère que les coûts, ce soit quelque chose à considérer, et que quelqu'un qui est en fin de vie... surtout les gens qui sont dans un état végétatif permanent, bien, il y a des gens qui ont duré 14 ans dans un état végétatif permanent, qu'on soit autorisé à dire: Dans ces cas-là ou dans certains cas, quitte, autant que possible, à demander si ces gens-là sont prêts, est-ce que ça va être interprété comme une pression indue? Là, la frontière est mince. Mais c'est pour le bien-être des autres. Il faut considérer, là, que c'est pour le bien-être des autres.

Alors, quand on a des ressources limitées, il faudrait qu'on ait le courage de faire ce débat-là, mais, vous autres, vous pouvez peut-être payer le prix d'être non réélus par rapport à ça, puis là ça, ça peut être difficile.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): C'est une autre question, ça.

Je veux revenir sur un aspect de votre document où vous parlez du testament de vie. Mes collègues diront bien que c'est une lubie, mais vous parlez du testament de vie. Est-ce que, quand on parle d'un testament de vie ou de déclaration...

M. Lachapelle (Jean-Claude): ...j'aime mieux l'expression, finalement...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville):«De fin de vie». Oui, «de fin de vie», oui.

M. Lachapelle (Jean-Claude): ...de «testament de la fin». «De fin de vie», c'est plus...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Est-ce que, vous, vous pensez qu'on devrait, si on retient cette hypothèse, donner un caractère légal à un document comme celui-là?

M. Lachapelle (Jean-Claude): Qu'est-ce que vous voulez dire par «caractère légal»?

**(11 h 20)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Bien, c'est-à-dire qu'il soit exécutoire, un peu comme un testament notarié.

M. Lachapelle (Jean-Claude): Pourquoi pas?

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Parce que vous savez qu'on a entendu des médecins qui sont venus ici nous dire qu'ils recevaient ce testament de fin de vie ou ce document comme une indication mais qu'ils ne se sentaient pas liés. Certains nous ont dit cela.

M. Lachapelle (Jean-Claude): Dans la perspective de ma présentation, ils devraient se sentir liés. Ce n'est pas le médecin qui décide si on est capable de décider par soi-même, bien que, si je veux être conséquent avec ce que je dis, s'il y a des choses qui n'ont pas été prévues puis que ça entraîne, par exemple, des coûts extraordinaires, ce que certains appellent des mesures extraordinaires pour maintenir quelqu'un en vie, bien c'est vrai que, là, le médecin... mais probablement pas le médecin seul, mais l'institution, est-ce qu'elle ne devrait pas avoir le droit de dire: On ne respecte pas ce testament de vie, parce que ça va nous coûter des ressources énormes et disproportionnées par rapport à ce que ça risque d'apporter?

Ça pourrait être un point sur lequel j'aimerais réfléchir davantage, là, alors.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Parfait. Merci.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup pour partager votre réflexion très originale avec les membres de la commission. On va continuer de réfléchir sur: La question de notre mort politique est faite le plus dignement possible. Mais ça, c'est un autre débat pour une autre journée. Mais, merci beaucoup, M. Lachapelle, pour votre présence ici ce matin.

Et, sur ça, je vais suspendre quelques instants et je vais demander à M. Renald Veilleux de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

 

(Reprise à 11 h 26)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre dernier témoin pour l'avant-midi, c'est M. Renald Veilleux. Alors, sans plus tarder, les prochaines 15 minutes sont à vous.

M. Renald Veilleux

M. Veilleux (Renald): Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur cette question délicate de l'euthanasie et du suicide assisté.

J'aimerais dire, en partant, qu'il y a plusieurs personnes qui sont présentes dans la salle puis qui partagent, au moins dans les grandes lignes, les propos que je vais tenir.

Je vais d'abord commencer avec des questions. On a l'habitude, à cette commission... que j'ai remarqué un petit peu hier et aujourd'hui qu'on termine avec des questions, mais, moi, je commence avec des questions que je vous lance, messieurs dames les députés: Quelle est donc la raison d'être de cette commission? Je ne vous demande pas une réponse tout de suite, mais disons que, pour moi, ça représente une question véritable. Quelle est la raison d'être de cette commission? Pourquoi notre gouvernement a-t-il décidé de tâter le pouls de la population sur une question aussi fondamentale que le droit de vivre, tout naturellement dans le respect, et cela, jusqu'à la toute fin de notre vie?

Le droit au respect de sa propre vie n'a-t-il pas toujours été jusqu'à maintenant un droit acquis? Pourquoi soudainement deviendrait-il légitime de se faire tuer par quelqu'un d'autre, surtout lorsqu'il s'agit d'un médecin, alors qu'à ma connaissance c'est et ce fut toujours un geste criminel, immoral et illégal dans toutes les sociétés de droit? Pourquoi voudrait-on rendre légal ce qui pourtant est toujours immoral? Pourquoi voudrait-on porter atteinte au droit sacré de toute vie humaine? Le gouvernement cherche-t-il un prétexte pour justifier ce qu'il s'apprête à faire ou ce qu'il a décidé de faire, de toute façon? Nos politiciens n'ont-ils pas des valeurs morales qui les guident dans leurs décisions ou sont-ils obligatoirement tenus de suivre les tendances qui se dessinent ou les lignes de parti? Nos politiciens n'ont-ils pas une responsabilité et un leadership à assumer pour contrer les tendances négatives et prioriser les véritables intérêts de la population?

Là, je vais toucher une question concernant la dimension juridique, qui est un petit peu plus complexe. Il y a peut-être un avocat ou des avocates ici qui pourraient me répondre tantôt. Pourquoi notre gouvernement provincial voudrait-il, dans une certaine mesure, contrer le Code criminel canadien? On sait que les parlementaires canadiens ont voté dernièrement, très majoritairement, en faveur du maintien du Code criminel qui fait en sorte que c'est toujours criminel de tuer quelqu'un, que ça soit par euthanasie ou par suicide assisté, alors qu'on a l'impression actuellement, avec la commission... et aussi on se demande vraiment les intentions du gouvernement québécois. Est-ce qu'on voudrait un peu, d'une certaine manière, dire: On ignore ça puis, nous, on décide si ça a du bon sens, si c'est raisonnable d'euthanasier ou de provoquer le suicide assisté?

Dernière question dans mon préambule, si je peux dire: Devrons-nous conclure que, si le leadership des politiciens se calque sur les tendances à la mode du jour, notre vie, surtout celle des aînés, malades et handicapés, risque de ne pas peser très lourd dans la balance?

**(11 h 30)**

Point 2: la dignité humaine. Je sais que ce point-là a été abordé déjà à maintes reprises, et, je pense, ça demeure toujours pertinent d'apporter un point de vue personnel sur la question. L'expression «mourir dans la dignité» suggère, à mon avis, que l'euthanasie ou une forme quelconque de contrôle de l'heure de sa mort ajouterait un élément à la dignité humaine. La dignité humaine étant intrinsèque à la nature même de tout être humain, il va presque sans dire que nous devrions tous être assurés de vivre et de mourir dans la dignité. C'est, selon moi, un acquis de nature à ne pas être remis en question.

Provoquer la mort de quelqu'un ne rend pas à cette personne une dignité supplémentaire qu'elle aurait prétendument perdue. Toutefois, il semble que, pour certains de nos contemporains, il serait soudainement devenu indigne de mourir si l'on ne contrôle pas la date, l'heure et la manière de mourir. Selon eux, la souffrance, la décrépitude, la dépendance et une pauvre qualité de vie justifieraient une intervention pour couper court à cette vie, car ces situations porteraient atteinte à la dignité humaine. La souffrance serait devenue avilissante et indigne de l'être humain, et, sous le prétexte de la compassion, il faudrait y mettre un terme en éliminant la personne. Bien sûr, il faut soulager au maximum la souffrance, mais l'incapacité à pouvoir y donner un sens -- cette phrase, ce petit bout-là, j'insiste là-dessus -- mais l'incapacité à pouvoir y donner un sens semble nous attirer vers le piège de l'euthanasie et du suicide assisté.

Le fait de substituer à l'euthanasie le vocable «mourir dans la dignité» donnerait à penser que la légalisation ou l'autorisation du meurtre par euthanasie ou suicide assisté pourrait être convenable et souhaitable dans notre culture québécoise. Il y a ici une suggestion à la fois sournoise et, je dirais, presque subversive dans une perspective morale.

Point n° 3: une rhétorique dépassée. Le discours que je tiens présentement peut certainement paraître, aux yeux de certains, peut-être même de plusieurs, comme pouvant être classé dans une rhétorique dépassée. La permission de tuer son semblable est irrecevable. Croyez-vous vraiment que le cinquième commandement de Dieu soit arbitraire et soumis à l'interprétation du jugement de l'homme?, me disait dernièrement un ami. En passant, le cinquième commandement de Dieu, ça parle qu'on ne peut pas tuer personne.

Dans le contexte des valeurs transmises dans notre société actuelle, la rhétorique du respect de la vie et des valeurs morales pourrait paraître passéiste et d'un réalisme douteux, mais nous aurions intérêt à y regarder de plus près, je crois. Nous sommes dans une civilisation où tout est remis en question. Cependant, il y a des valeurs de base susceptibles de garantir notre équilibre individuel et social. Si nous nous apprêtions à nous débarrasser de ces valeurs essentielles sous le prétexte qu'elles sont de la génération passée, ceci pourrait avoir pour nous-mêmes et pour des générations à venir des conséquences désastreuses. Serions-nous déjà engagés dans cette voie inexorable de la culture de la mort qu'il serait sage de nous raviser.

Ici, en tant que personne croyante, j'aimerais rappeler un petit souvenir de Jean-Paul II, qui nous parlait de la civilisation de la mort. Alors, personnellement, je crois que Jean-Paul II était un homme excessivement sage, intelligent. Et en même temps je crois que c'était un prophète et je me demande si on n'a pas les deux pieds dedans, dans la culture de la mort, à l'heure actuelle. En tout cas, c'est une opinion bien personnelle, mais je vous la soumets.

Point 4: une solution réaliste. Nous constatons de nos jours que notre système de santé s'engorge de plus en plus et nous semblons incapables de le gérer d'une façon professionnellement satisfaisante. Ça m'amène à penser à ceci: je ne suis pas présenté véritablement tantôt, je m'en excuse.

Je suis un infirmier retraité. J'ai travaillé dans le domaine de la psychiatrie pendant 21 ans et dans le domaine du nursing, en tout et partout, pendant 26 ans. J'ai côtoyé des malades comme préposé, j'ai côtoyé des malades comme étudiant infirmier et surtout j'ai côtoyé et aidé des malades et entendu des malades dans le domaine de la psychiatrie pendant de nombreuses années, pendant 21 ans. Et, pour moi, la dimension de l'approche vis-à-vis le malade, vis-à-vis celui qui est faible et celui qui est délirant, pour moi, cette approche-là est essentielle de par mon expérience, de par ma formation. J'ai aussi un certificat en gérontologie, ce qui ne nuit pas pour aider à comprendre et à être sympathique aux personnes âgées, dont je deviens moi-même un de ceux-là.

Donc, une solution réaliste. Nous, je reprends cette partie-là pour nous remettre dans la ligne de pensée, nous constatons de nos jours que notre système de santé s'engorge de plus en plus et nous semblons incapables de le gérer d'une façon professionnellement satisfaisante. Que faire? Il y a peut-être une issue possible pour nous sortir de ce cul-de-sac. Et là je me fais à mon tour l'avocat du diable, parce que j'ai entendu hier à une couple de reprises MM., Mmes les députés dire: Je me fais l'avocat du diable. Bien là, je me fais l'avocat du diable à mon tour. Je vous prends un petit peu d'avance, si vous me permettez.

Que faire? Il y a peut-être une issue susceptible de nous sortir de ce cul-de-sac. Pour certains gestionnaires et responsables gouvernementaux, il faudrait peut-être se résigner à adopter la voie du réalisme, celle qui a pour le moins le mérite d'être le plus rentable à moyen et long terme. Je sais, j'ai entendu ce que vous avez dit au sujet de la question de la rentabilité. Ça, je suis bien... je veux bien le reconnaître. Mais c'est une hypothèse. Il faudrait, là, je souligne cette phrase-ci, il faudrait peut-être faciliter les départs volontaires pour l'au-delà. La question de l'heure devient: Comment s'y prendre pour que la population achète cette hypothèse et la trouve suffisamment raisonnable pour l'accueillir et la mettre en pratique sans trop faire de vagues? Surtout, pour qu'elle soit rentable, il nous faut un minimum d'adhérents qui pourraient alléger nos problèmes de façon concrète et le faire en toute légalité. Il y a bien une opinion divergente qui est venue dernièrement du gouvernement fédéral, mais peu importe.

Si nos citoyens québécois sont derrière nous, la commission spéciale de consultation sur la question de mourir dans la dignité pourrait bien être un instrument pertinent pour faire évoluer les mentalités dans le sens désiré. Un questionnaire bien préparé à cette fin contribuerait peut-être significativement à atteindre notre objectif. Ainsi donc, nous aurions déjà une bonne idée des conclusions auxquelles pourrait parvenir cette commission et sur lesquelles le gouvernement pourrait s'appuyer pour se défendre en toute impartialité et agir en toute quiétude. Fin de mon hypothèse.

Des citoyens inquiets. Numéro 5. Certains citoyens engagés, responsables et compétents dans le domaine des soins de santé et aussi au plan légal, constatant la tournure des événements et les orientations que semblent vouloir proposer nos dirigeants politiques eu égard à l'euthanasie et au suicide assisté... certains citoyens sont inquiets et se demandent sérieusement si certains politiciens et certains membres de la société ne font pas fausse route.

Voici ce que m'écrivait récemment un ami, père de famille de cinq enfants -- citation: «Moi, je n'en veux pas -- en parlant de l'euthanasie -- et je ne veux pas que mes enfants sombrent dans cet espace délirant du désespoir collectif sans espoir de retour à la dignité réelle de mourir naturellement ou avec l'aide de soins palliatifs empreints de réelle compassion humaine face à la souffrance et à la mort.» Fin de la citation. Mais un petit peu plus loin il ajoute ceci: «Il est plus que navrant d'assister à la tragédie qui se trame sous nos yeux dans notre siècle et dans notre Québec.»

La personne qui a dit ça est présente dans la salle. Je ne la nommerai pas. Puis, si elle veut se nommer, elle se nommera.

Point n° 6: des lueurs d'espoir. D'autre part, avec beaucoup de réalisme puis avec une salutation à MM. et Mmes les députés qui se situent dans la ligne que je vais décrire, d'autre part, nous pouvons aussi donner le bénéfice du doute à nos dirigeants politiques et assumer qu'ils sont de bonne volonté dans la recherche de solutions qui vont dans le sens des véritables intérêts de notre population plus âgée. L'engagement social et politique de certains de nos politiciens et politiciennes est encourageant à ce niveau. Ces politiciens agissent comme mobilisateurs, de concert avec certains professionnels de la santé et citoyens qui ne demandent pas mieux que de pouvoir servir leurs concitoyens plus âgés de façon honnête.

Nous sommes dans la 21e semaine nationale de prévention du suicide. Mme Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés, se disait la semaine passée... selon un article de La Presse canadienne, elle se disait inquiète du fait que, selon une statistique, 41 % des personnes qui se sont suicidées en 2009 étaient des aînés. Elle ajoutait: «Nous avons ce devoir-là d'être extrêmement vigilants, d'avoir les yeux ouverts pour être en mesure de détecter la détresse psychologique chez les personnes âgées.» Fin de la citation.

Selon La Presse toujours, Mme Blais a aussi annoncé l'octroi d'une subvention de 745 000 $ sur trois ans à l'Association québécoise de prévention du suicide pour mettre en place un projet visant à contrer le suicide chez les personnes âgées dans toutes les régions du Québec. Moi, j'aurais le goût d'applaudir.

Par ailleurs, constatant que le vieillissement de la population va grandissant et que les besoins pour les aînés sont correspondants, ne serait-il pas pertinent de prévoir une aide accrue pour les aidants naturels? Celle dont on parlait tantôt, Mme Chloé Saint-Cyr, je crois...

**(11 h 40)**

Une voix: Sainte-Marie.

M. Veilleux (Renald): ...Chloé Sainte-Marie, oui, merci, a très bien illustré à la télévision et un peu partout comment est-ce que c'est que les aidants naturels peuvent être importants.

Et, moi, ce que j'essaie de vous dire ici, c'est que, si nos aidants naturels... si cette option est prise en considération par nos politiciens, nos décideurs politiques, nos gouvernements, ça pourrait être une aide précieuse pour empêcher que les gens se ramassent dans les hôpitaux et coûtent encore plus cher. Et puis en même temps ça pourrait être une façon d'aider de façon plus humaine, de répondre de façon plus spécifique et en même temps répondre aux besoins des personnes qui souvent ont de la difficulté à sortir de leurs milieux. Si elles avaient des ressources appropriées, elles pourraient demeurer plus longtemps dans leurs milieux, et peut-être même y mourir, si l'aide est appropriée.

Point 7: un principe de base. N'est-il pas juste de dire que l'on ne peut pas s'en prendre au souffrant pour faire disparaître la souffrance et que de le faire pour sa dignité est un syllogisme pour se donner bonne conscience? Vous allez m'excuser un instant. La prémisse, là, qui dit que toute vie humaine est sacrée devrait toujours être respectée, et il est primordial qu'il en soit ainsi pour qu'elle demeure intacte pour tous. En conséquence, considérons que la vie que nous avons reçue est un cadeau inestimable et que l'on doit respecter pour soi-même et pour notre prochain, qui inclut tous ceux et celles qui sont devenus, en raison de la maladie ou de l'âge, beaucoup plus vulnérables. Lorsqu'on est dans la force de l'âge, articulé, solide sur nos deux pieds, qu'on a l'impression de rendre service à la société, qu'on a un rôle reconnu, il n'y a pas de problème de ce côté-là. Mais, lorsqu'on perd nos moyens, des fois on a l'impression de perdre notre dignité, notre valeur. On doute de nous-mêmes, on doute de tout.

Or, ça m'apparaît très important que l'on continue de reconnaître la beauté, la grandeur et la valeur de la dignité humaine même chez la personne grabataire, même chez la personne infirme, même chez la personne qui...

Prenons... faisons référence, par exemple, à Jean-Paul II, si vous me permettez. Sur la fin de sa vie, pour ceux qui l'ont suivi, c'était un homme très digne, très capable du niveau... au niveau de l'Église, au niveau de ses responsabilités, au plan mondial, très reconnu. Or, sur la fin de sa vie, il tremblait, puis il bavait, puis il faisait dur, si vous me permettez l'expression. Est-ce qu'il avait perdu sa dignité? Sans aucun doute, moi, je vous dis non. Il n'avait pas perdu sa dignité, au contraire. Il a montré qu'il était très digne jusqu'au bout. Il a été un exemple mondial de la dignité même dans la maladie et dans la faiblesse. Vous voyez ce que je veux dire.

Donc, je crois qu'on doit respecter...

Le Président (M. Kelley): Je vous invite peut-être, M. Veilleux, d'arriver vers la conclusion, parce qu'on est déjà à 18 minutes. Alors, continuez un petit peu, mais je veux laisser un certain temps pour l'échange avec les membres de la commission.

M. Veilleux (Renald): Oui. D'accord. Je vais aller à mon... Je vais sauter cette partie-là. Je pense que ce point-là est quand même assez clair. Je vais aller sur un point qui a sûrement été soulevé, que j'appelle une confiance essentielle.

Comme ancien infirmier, moi, j'ai travaillé avec des médecins puis des patients, etc., donc vous allez comprendre mon point de vue.

Le prétexte et la peur de l'acharnement thérapeutique pour justifier la mort prématurée par l'euthanasie et, à la limite, par suicide assisté est injustifiable, car les malades ont la capacité de refuser un traitement en toute légalité dans le cadre de nos lois existantes, je ne vous apprends rien, surtout si ces malades considèrent que le traitement proposé ne fait que retarder la conséquence inéluctable de la mort et faire perdurer la souffrance, dans la mesure où ils en sont conscients où celui qui répond... ou celui ou celle qui répond pour eux peuvent très bien dire: On ne va pas tomber dans l'acharnement thérapeutique puis on va laisser les choses suivre leur cours dans la perspective des soins palliatifs, par exemple.

Dans le système de santé actuel, la plupart des patients ont confiance en leurs médecins et au personnel soignant puis ils savent qu'ils travaillent avec respect et considération pour leur venir en aide. Donc, cette confiance-là est établie. Donc, advenant que notre gouvernement en viendrait à la conclusion qu'il est raisonnable et légitime d'euthanasier certains malades, cette confiance-là pourrait être sabotée.

Là, je coupe mon paragraphe de beaucoup et j'arrive à ma conclusion, les points que je veux faire ressortir sur la fin.

Point 9: banalisation de l'euthanasie et du suicide assisté. En guise de conclusion, légaliser l'euthanasie et le suicide assisté ouvrirait toutes grandes les portes à des dérapages nombreux. Je suis de ceux qui pensent ça. Premièrement, la première conséquence du dérapage envisagé serait de banaliser la valeur de toute vie humaine, ce qui porterait atteinte à notre culture et serait désastreux pour notre société. Le deuxième dérapage consisterait à entraîner la population à la perte de confiance dans le personnel soignant, médecins, infirmières, et tous les membres du personnel qui gravitent autour. Lorsque tu perds confiance dans ton médecin, dans ceux qui te soignent, surtout si tu es rendu vulnérable puis tu deviens peut-être un peu méfiant, c'est très grave. Ça peut nuire à la récupération du patient.

Point 3: le troisième dérapage exposerait la population la plus vulnérable, les déprimés, les personnes vieillissantes et les handicapés, au risque d'être sacrifiés. Et, dans d'autres pays, on m'a dit que c'était arrivé. Plusieurs personnes se sont fait euthanasier sans même s'en être rendu compte, pour des intérêts d'ordre économique, individuel ou familial, peu importe. On pourrait élaborer assez longuement là-dessus.

Point 4: une quatrième conséquence constituerait à se demander ce que feraient les compagnies d'assurance vie. Ça, c'est peut-être très matérialiste, là, mais il y a une dimension réelle là-dedans aussi.

Le cinquième point: le cinquième dérapage, par voie de conséquence, pourrait entraîner une forme permanente de dépréciation de tous ceux et celles qui sont faibles. Comme je disais tantôt, tout être humain a une valeur, même lorsqu'il est très faible, là.

Point 6 -- c'est mon dernier point, M. le Président: le sixième dérapage pourrait consister à faire apparaître la méfiance et accroître les conflits familiaux entre les aidants naturels et les personnes fragilisées. L'exemple le plus frappant serait de se faire euthanasier par son enfant ou à la demande de ce dernier. Quels seraient les intérêts en jeu dans la pratique de l'euthanasie et du suicide assisté? Les nôtres ou ceux du malade? Merci de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Veilleux. On va passer maintenant... On va réduire un petit peu la période d'échange avec les membres de la commission.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Et avec les applaudissements... On peut aimer ou ne pas aimer qu'est-ce qu'on entend, mais je veux m'assurer que toutes les opinions sont... et les personnes qui ont des opinions sont à l'aise dans la salle.

Alors, règle générale, devant une commission parlementaire on n'applaudit pas parce qu'on veut garder une position pour l'ensemble des positions sur les questions.

Moi, je vais répondre, avant de céder la parole aux collègues, à vos questionnements, vos hypothèses sur: Pourquoi une commission? Et, je vais insister de nouveau, ce n'était pas une initiative du gouvernement, c'était une motion qui a été présentée à l'Assemblée nationale par la députée de Joliette, qui est la porte-parole de l'opposition officielle en matière de la justice. Alors, l'idée ne vient pas du gouvernement mais plutôt de l'opposition officielle. Il y avait une discussion entre les leaders des quatre formations politiques représentées à l'Assemblée nationale, et nous avons convenu de faire un mandat.

Le mandat n'est pas uniquement sur la question de l'euthanasie et le suicide assisté, et, je pense, si on regarde dans nos questions, nous avons essayé souvent d'aborder la question des soins palliatifs qui, on trouve, doivent être mieux organisés. Par contre, moi, je regarde aussi la situation qu'il y a 30 ans il y avait très peu ou même pas des soins palliatifs. Alors, de dire qu'il n'y avait pas de progrès dans nos organisations des services sociaux, vous avez le droit de cette conclusion et cette opinion, mais Mme Jones, qui a témoigné ce matin, a fait allusion au Royal Victoria Hospital à Montréal, qui étaient les pionniers dans le domaine des soins palliatifs dans notre société. Est-ce que c'est assez? La réponse, c'est non. Et, une des choses que j'espère, nos travaux et notre rapport vont indiquer comment mieux organiser les soins palliatifs dans notre société. On a parlé des soins à la maison, que je pense qu'il y a un besoin criant aussi. Et on a eu les témoignages ce matin qui ont indiqué certaines pistes de solution quant à ça, quant aux questions de répit pour les aidants naturels.

Alors, je pense qu'il y a beaucoup d'éléments dans notre mandat, qui sont les questions très importantes. Oui, vous avez entièrement raison, surtout les médias, on aime la controverse dans notre société. Et on a des questions qui arrivent dans notre réflexion quant à ce questionnement qui vient du Collège des médecins. Alors, ça ne vient pas du Conseil du trésor, ça ne vient pas du gouvernement, mais le Collège des médecins dit: Dans notre société, il y a certaines pratiques, avec les avancées dans la médecine, qui nous arrivent dans les zones grises. C'est leur propos, ce n'est pas mon propos. Voulez-vous, comme parlementaires, comme députés, éclairer certains de ces concepts?

**(11 h 50)**

Alors, c'est vraiment comme ça que nous avons fondé la commission. Moi, je regarde le nombre de personnes qui veulent témoigner, moi, je vois le nombre de personnes qui ont participé dans le questionnaire en ligne et, moi, je pense que les parlementaires, grâce à la suggestion de la députée de Joliette, ont choisi un sujet où il y a un très grand intérêt dans notre société.

Alors, moi, je n'ai aucune objection de défendre la pertinence de qu'est-ce qu'on fait. Et, moi, je pense, il y a beaucoup d'opinions que nous avons entendues et, moi, je pense qu'on essaie de respecter l'ensemble des opinions. Mais, moi, je demeure convaincu, parce que ces sujets sont très importants, parce qu'ils touchent les familles québécoises aux moments les plus sensibles dans la vie, parce qu'on est tous des êtres humains ici, en avant, nous avons perdu les proches, nous avons vu des personnes en grande souffrance dans nos familles aussi. Alors, moi, je pense... Et ça reflète l'ensemble de la société. C'est pourquoi il y a autant de réponses, je pense, que qu'est-ce que nous sommes en train de faire, parce que c'est les moments les plus sensibles dans la vie, c'est les moments qui laissent les mémoires très longtemps dans la vie.

Alors, moi, je pense, comme société, on a tout intérêt de voir comment est-ce qu'on peut confronter ces grandes questions le mieux possible dans notre société. C'est comme ça, moi, comme président, que je comprends le mandat de la commission. Et je vais continuer d'écouter, on est ravis de le faire. Presque 80 % des témoins sont des individus, les citoyens qui ont quelque chose à dire. Ils ont une histoire à raconter, une expérience à raconter. Il y avait le philosophe devant vous qui voulait partager sa réflexion. Il y a beaucoup d'approches à la question. Moi, je trouve ça, comme élu, très enrichissant. Et, moi, je pense, notre décision de faire confiance aux citoyens et citoyennes du Québec, d'aller sur le terrain dans huit villes et les entendre est justifiée.

Alors, ça, c'est ma réplique aux premières questions que vous avez posées au début de votre présentation. Mais, moi, je trouve que qu'est-ce qu'on est en train de faire est très important. Et, les sujets, oui, on peut toujours limiter au débat sur la décision d'une mort provoquée et dire que ça, c'est le A à Z de notre réflexion, mais, si vous regardez les questions que nous avons posées, si vous regardez les personnes qui sont invitées de témoigner, nous avons essayé de toujours garder le débat le plus large possible.

Je ne sais pas si ça répond à vos questions et vos hypothèses, mais, je pense, cette mise au point est très importante à faire.

M. Veilleux (Renald): Bien, je vous remercie, M. le Président. Est-ce que vous me donnez la possibilité de réagir un peu?

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Veilleux (Renald): C'est que je ne suis pas le seul qui le pense. Il y a des personnes, des avocats entre autres, qui l'ont écrit blanc sur noir, que... C'est sûr que ça a pu... c'est parvenu de madame. Très bien.

Dans une société démocratique, à l'intérieur d'un Parlement, c'est très bien de suggérer la chose, d'en discuter, oui, mais c'est qu'en bout de ligne, pour être bref... c'est que cet échange-là, bien qu'il... Je ne doute pas de votre honnêteté et de votre compétence, de la compétence des gens qui sont ici, pas du tout. La démarche peut tourner positive dans le sens... dans la perspective de reconnaître la beauté et la grandeur de la vie humaine, mais elle peut aussi avoir l'envers. L'envers de la médaille, ça peut être que ça provoque une espèce de permissivité par rapport... puis d'ouvrir sur une question qui est très discutable, celle de pouvoir euthanasier ou d'éliminer par suicide assisté. Ça va en contradiction avec nos valeurs sociales de société chrétienne, catholique d'autrefois, il n'y a pas si longtemps quand même, il y a quelques dizaines d'années, où cette question-là, elle a été totalement évacuée. On n'aurait même pas pensé à la pertinence de faire une commission comme celle-là parce qu'indirectement, avec les journalistes, puis tout ça, ça provoque une espèce de: Ah, ça doit être raisonnable, puisqu'ils en parlent comme ça. Vous voyez? Pourquoi que dans...

Par exemple, hier, j'étais ici à un moment donné où on a posé la question à l'intervenant qui était à ma place, et on lui a demandé... Je pense que c'est vous-même, M. le Président, qui avez dit: Pourquoi pensez-vous que dans la population il y a un support aussi grand pour la question, cette question-là de l'euthanasie et du suicide assisté, qui est supportée par un très grand pourcentage dans la population, 75 % ou 80 %? Pourquoi, pensez-vous? Alors, la réponse, j'ai eu l'impression que le monsieur était pris un peu au dépourvu, mais, moi, j'ai eu l'occasion d'y réfléchir un petit peu. Et, moi, je me dis que, dans la mesure où la commission sait présenter l'euthanasie et le suicide assisté comme quelque chose de convenable dans le contexte d'aujourd'hui, quelque chose de raisonnable, donc la population va dire: Bien, si c'est bon comme ça, bien pourquoi qu'on ne voterait pas pour ça? Le premier réflexe de la population, c'est ça. Je dirais que, dans une certaine mesure, il y a un risque de désinformation.

Je crois qu'on doit éduquer notre population à savoir c'est quoi, l'euthanasie, puis quelles sont les alternatives à l'euthanasie, par exemple les soins palliatifs. Vous avez fait la promotion des soins palliatifs aussi. Je le reconnais bien volontiers. Vous avez écouté les gens qui ont une compétence là-dedans, pas plus tard qu'hier au matin ici, puis je suis certain que vous l'avez fait ailleurs.

Donc, il y a deux côtés à la médaille, M. le Président. Je ne doute pas de votre bonne volonté et de la bonne volonté des gens qui sont ici, mais, dans le contexte d'aujourd'hui, ça sonne beaucoup comme une question de promotion.

Je vais vous citer une phrase qui vient de... qui a été faite... un article qui a été écrit ici par plusieurs avocats et des gens respectables, avec des titres longs comme ça, là, au bout de leurs... Ils sont supposés d'être intelligents, ces gens-là. Écoutez bien ce qu'ils disent à un moment donné: «Nous avons été bouleversés par la désinvolture avec laquelle d'abord un petit groupe du Collège [des] médecins, manipulant des sondages bidon, et par la suite des instances gouvernementales, proposent l'"euthanasie" et le "suicide assisté" comme des solutions à promouvoir en fin de vie, sous le couvert de "mourir dans la dignité".»

Ça, c'est juste quelques lignes de cette page-ci. Je pourrai vous la donner après, si ça vous intéresse.

Le Président (M. Kelley): Bon, tout le monde a le droit de leur opinion. Nous avons toujours dit que ces questions sont beaucoup trop complexes pour les régler par un sondage. Je pense que nous avons tous dit ça. On a déjà dit, je pense, que, la cause à effet dans votre intervention, ces sondages sont assez constants depuis 25 ans. Alors, ce n'est pas la création d'une commission qui a fait bouger les chiffres dans les sondages.

Ça, c'est les chiffres qu'on voit à travers le Canada depuis une vingtaine d'années, sûrement.

Deuxièmement, plusieurs des grandes sociétés ont fait le même débat, soit les Pays-Bas, soit la Belgique, soit la France, soit la Grande-Bretagne, soit plusieurs États aux États-Unis. Alors, moi, je pense qu'on est dans ces genres de réflexion que beaucoup de nos voisins très démocratiques, à ma connaissance, sont en train de faire aussi. Le rapport Leonetti seul était de 300, 400 pages de réflexion qui a été faite dans la République française. Alors, il y a beaucoup d'autres sociétés qui sont en train de réfléchir à ces questions.

Alors, moi, je pense, on est dans les questions qui touchent les familles québécoises. Comme parlementaire, moi, j'essaie toujours, et les membres de la commission, de garder le mandat le plus grand possible. On peut toujours revenir sur la question de la mort provoquée à la fin de la vie, si c'est vraiment la préférence, mais, je pense, la preuve est là. Nous avons rencontré plusieurs représentants des maisons de soins palliatifs. Nous avons trouvé plusieurs personnes, infirmières, et autres, qui donnent des soins à la maison. Nous avons un grand intérêt dans ces genres de question, comment mieux organiser ces services. Et, oui, je sais que c'est la mode de toujours critiquer notre système de santé au Québec, mais, pour les médecins, les infirmières, les professionnels de santé qui travaillent jour après jour au nom des Québécois et Québécoises, moi, je pense qu'ils font un très... un magnifique travail, règle générale, dans notre société. Oui, on peut doubler les ressources demain matin. Si vous me donnez la permission de doubler vos taxes, je peux augmenter... Mais gouverner, c'est faire les choix entre ces choses pour avoir un équilibre entre la capacité de payer des contribuables et les projets très importants de notre société. Ils sont toujours les choix déchirants. Et, moi, j'ai beaucoup d'idées, comme parlementaire. Si vous me donnez 100 millions, comme contribuable, demain matin je peux les dépenser. Je peux vous assurer ça. Et, règle générale, je pense, j'ai des bonnes idées comment le dépenser.

Mais il faut toujours trouver le juste équilibre. Ça, c'est qu'est-ce qu'on est en train de faire.

Mais, quand je regarde le progrès déjà fait dans les soins palliatifs, qui est une des cibles très importantes de notre réflexion, si je compare la situation aujourd'hui, d'il y a 30 ans, c'est difficile de nier qu'on a fait un progrès, comme société. Et beaucoup des experts qui sont venus nous voir disent que voir la mort faisant partie de la vie, mieux préparer le patient et ses proches parce que la mort va arriver, ça, c'est un objectif louable. Ça, c'est quelque chose que nous avons appris en faisant cette commission.

Alors, encore une fois, nous avons entendu ces points de vue. Nous avons entendu votre point de vue, d'autres points de vue. Mais je veux juste toujours revenir, parce que la pertinence, pour moi... moi, je suis convaincu qu'on a fait un bon choix d'écouter, pas tout le temps, la députée de Joliette, mais parfois c'est une bonne idée d'écouter la députée. Et, je trouve, aussi vous avez évoqué les lignes de parti, mais je peux vous assurer qu'il n'y a pas de ligne de parti ici. On a six parlementaires, trois d'un côté, trois de l'autre, qui essaient de mieux comprendre ces enjeux. Nous allons travailler ensemble. Comme président, ça demeure mon rêve qu'on peut arriver avec un rapport unanime qu'on peut déposer à l'Assemblée nationale, qui va refléter la richesse de la consultation que nous avons faite.

Alors, c'est ça, mon objectif. Et alors d'évoquer les lignes de parti... on vous donne, comme citoyens, beaucoup d'autres occasions. Et on peut regarder la période des questions à tous les jours si vous voulez avoir les lignes de parti, mais, je pense, le climat qui règne ici est tout autre.

Et ce n'est pas un débat partisan. Je vais taquiner la députée Joliette de temps à autre, parce qu'il faut le faire quand même, mais, règle générale, on copréside cette commission, on organise nos travaux, et, je pense, c'est un bon exemple de qu'est-ce que les parlementaires peuvent faire dans notre société.

**(12 heures)**

M. Veilleux (Renald): M. le Président, lorsque j'ai fait allusion aux lignes de parti, je ne parlais pas de la commission. C'est bien clair que vous êtes deux partis... en tout cas, les deux principaux partis. Il y a peut-être des représentants de l'autre parti, je ne le sais pas, là. Non, c'est bien sûr que la commission est neutre. Ça, je n'ai pas un doute là-dessus.

Quand je parlais des lignes de parti, je faisais référence aux responsabilités de nos parlementaires. Pris individuellement, ils ont une conscience, et c'est sûr que parfois ils peuvent se sentir... quasiment être forcés de suivre les lignes de parti, mais il y a des fois peut-être qu'ils pourraient, là, je ne suis pas bien placé pour me prononcer... peut-être que des fois ils pourraient tenir et faire une objection de conscience puis dire: Sur une question aussi fondamentale qu'une question de vie ou de mort par rapport à nos aînés, je regrette, mais je ne suis pas la ligne de parti, avec les conséquences que ça peut représenter.

Je suis certain qu'il y en a, là, des députés, des deux côtés de la Chambre ou... sur toutes ses facettes, de tous les partis, qu'il y en a qui seraient capables de le faire. Je pense à Mme Marguerite Blais, pour qu'elle prenne des engagements sociaux... le ministre de la Santé... le ministre de... pour les aînés à l'heure actuelle, pour qu'elle puisse prendre des positions comme elle prend actuellement. J'espère qu'elle n'est pas toute seule dans son parti à penser de même. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Et je peux vous assurer, en terminant, que la politique, c'est un sport d'équipe. Alors, il faut travailler en équipe parce que, oui, on peut avancer les choses comme un député seul, mais le vrai défi pour toute formation politique, c'est de comprendre les personnes des autres régions du Québec. Moi, je demeure dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal avec une certaine réalité, mais c'est un enrichissement, pour moi, de parler au député qui vient de Gaspé, ou qui vient de l'Abitibi, ou qui vient de Gatineau pour mieux comprendre leurs réalités aussi, parce que c'est ça, gouverner, c'est d'avoir des politiques qui ne sont pas juste bonnes pour mon coin, ma région du Québec, mais d'avoir une vision de l'ensemble.

Alors, c'est ça un petit peu, notre devoir, aussi. Alors, très court, parce que votre président est censé de limiter sa propre présence...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): ...dans les débats et laisser la place aux collègues. Alors, je vais être taquiné sur l'heure du midi, je suis certain, parce que j'ai pris beaucoup de place, mais vous avez touché une corde sensible dans le président.

M. Veilleux (Renald): Je vais vous laisser la possibilité d'intervenir, mais je crois que le temps est écoulé. Mais on a commencé un petit peu en retard, donc...

Le Président (M. Kelley): Oui. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Une courte, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, madame...

Mme Charbonneau: ...puisque vous avez pris tout mon temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau: Et la taquinerie commence. M. Veilleux, bonjour. Et, je vous rassure, je suis une mère de famille de Laval et je me plais à dire une fois de temps en temps que j'avais d'autre chose à faire que le tour du Québec. Donc, si je le fais, c'est parce qu'il y a un intérêt, il y a une volonté et il y a un devoir du gouvernement ou de l'Assemblée nationale d'écouter les gens. Donc, pour moi, c'est un privilège de vous entendre ce matin, même si je vous taquinerais à mon tour en disant: Pour un croyant, d'être l'avocat du diable, vous vous êtes donné un bon défi, mais, bon, vous l'avez bien fait.

Je veux, au grand dam de certaines personnes qui nous entendent depuis plusieurs commissions, je veux, un, vous inviter à lire l'ensemble des mémoires. Vous allez voir qu'il y a une diversité. Il y a des gens qui ont votre opinion puis il y en a qui ont des opinions différentes, mais c'est fort intéressant d'entendre ce que les gens nous disent par rapport... Puis je vais reprendre votre terme parce que je l'aime beaucoup, j'ai aimé cette phrase-là: Donner un sens à sa vie ou donner un sens à sa mort. Je trouve ça intéressant quand vous le prenez comme ça. Je trouve ça intéressant parce que ça se raccroche aux témoignages qui sont pour et aux témoignages qui sont contre. Vous avez fait l'approche du témoignage qui est contre. Permettez-moi, puisqu'on l'a dit à plusieurs reprises... on se fait avocat, je ne dirais pas «du diable», je dirai: Je me fais avocat de la cause pour projeter une image différente.

Je vais vous parler de Mme Gladu. Peut-être que vous avez déjà lu son mémoire, je ne le sais pas. Mme Gladu souffre, et je me permets de vous le dire parce que vous avez un sens du médical, hein, vous comprenez certains termes, donc, à la jeunesse, a eu la polio, s'en est sortie et par après a eu malheureusement le syndrome de postpolio, donc a un corps meurtri. Elle est en chaise mécanique pour se déplacer, a besoin de son prochain pour prendre soin de certaines nécessités dans son quotidien. Par contre, entre les deux, elle a vécu une vie folle et trépidante. Elle était journaliste, elle a habité à New York, elle a fait la vraie vie, M. Veilleux. Quand elle nous en a parlé, elle avait une étincelle dans son oeil, qui nous racontait comment sa vie à New York puis l'aspect journalistique puis tout ce côté-là de sa vie l'avaient nourrie, et elle se disait entourée de gens qui l'aimaient beaucoup.

Par contre, à la fin de son témoignage, elle nous a aussi dit qu'elle avait passé les tests et l'entrevue pour l'entreprise Dignitas en Suisse et n'avait pas encore sa date d'entrée, mais elle avait probablement choisi sa robe et la personne qui était pour l'accompagner mais qui était pour revenir avec elle en petite poudre.

Donc, Mme Gladu disait que le sens de sa vie lui avait donné un sens pour sa mort. Elle n'avait pas le goût, elle, de finir, dans un lit, noyée, puisque sa condition faisait en sorte que ce serait comme ça que la mort viendrait. Sans être dans le creux d'une piscine ou dans un lac, la condition physique dans laquelle elle était ferait qu'elle finirait par un syndrome de noyade, puis elle meurt comme ça. Elle n'avait pas le goût de ça, elle avait le goût plutôt d'avoir un léger sommeil, de faire le tour de toute sa vie avec ses amis, ce qu'elle avait déjà commencé à faire, qu'elle nous a dit, et de finir ça dans la sérénité, en paix avec elle-même puis peut-être même en paix avec les croyances qu'elle a, elle-même, d'un dieu qui lui appartenaient à elle dans sa façon de croire. Qu'est-ce que je dis à Mme Gladu qui dit que, pour elle, le sens de sa vie faisait en sorte qu'elle avait trouvé un sens pour sa mort?

Quand vous nous dites: Donner un sens à la mort, comme donner un sens à la vie, pour Mme Gladu, ça avait un sens complètement différent. J'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là.

M. Veilleux (Renald): Bien, c'est sûr qu'il y a une question de liberté fondamentale, une question de cheminement. C'est une personne qui est mature, qui a vécu des épreuves très difficiles, qui les a surmontées. Et, comme vous avez dit, elle a vécu, elle a eu une vie intense, une vie pleine, remplie.

Maintenant, on peut avoir une vie très active, extérieurement parlant, paraître très satisfait extérieurement parlant, même professionnellement parlant, avoir l'image de la réussite et non... et aussi une réelle réussite au plan social, ce qui ne veut pas dire qu'à un niveau plus profond... que la personne est pleinement satisfaite de sa vie. Et là ce qui arrive... et, lorsque vient... que la personne voit approcher le moment inéluctable, inévitable, là, là il y a des décisions personnelles qui se prennent. Il y a une liberté fondamentale profonde que l'on doit respecter. Ça, c'est bien sûr. Mais, quand, moi, je parle du sens de la vie, pour moi, ça transcende les capacités humaines, nos capacités humaines de pouvoir dire, là: Là, moi, je finis ça en douce, ça fait mon affaire de finir ça en douce. Ça va être plus facile, ça va peut-être être moins souffrant, ça fait plus de cohésion avec mon raisonnement. Ça peut être un mécanisme de défense. J'ai travaillé longtemps en psychiatrie, et le rationnel de l'être humain est très fort, à tel point qu'on peut devenir délirant puis penser qu'on est dans la réalité. Puis ça, je l'ai vu souvent pour avoir jasé avec du monde délirant, par moments. J'avais hâte de prendre ma retraite pour pouvoir jaser avec des personnes qui raisonnaient normalement, parce que ça devient fatiguant d'être toujours avec des gens...

Donc, le mécanisme de défense, c'est très fort, et puis ça peut aller jusque-là... ou justement pour se préserver, pour préserver une image de soi qui est raisonnable, qui est acceptable. Si on n'a pas beaucoup de croyance dans l'au-delà ou surtout si on pense que ça finit après ça, bien, moi, je serais d'accord avec elle. Si elle est vraiment convaincue que ça va finir en poussière, puis il n'y a plus rien après, si vraiment elle est convaincue et sincère dans sa démarche, bien elle a raison.

Mais seulement, moi, je ne partage pas ce point de vue là. Moi, j'ai de la misère à concevoir que quelqu'un peut avoir une perception de la vie qui se limite, qu'il n'y a plus rien après. On croit toujours en quelque chose. Cette femme-là, elle a réussi, elle croyait en elle-même, elle croyait dans des choses, elle croyait en sa famille, elle croyait dans les organismes pour lesquels elle a travaillé. Donc, à la fin de sa vie, il fallait qu'elle croie dans quelque chose. Elle croyait peut-être que c'était fini puis elle avait la capacité de prendre ça de façon rationnelle. Qui sait? Je ne suis pas le bon Dieu, ce n'est pas moi qui vais la juger, puis ce n'est pas de mes affaires.

Donc, on touche à un domaine, là, qui dépasse... on n'a pas suffisamment d'éléments pour pouvoir dire: Elle avait raison ou tort. De toute façon, c'est tout à fait personnel. Mais, moi, j'aurais tendance à interpréter, je dis bien «interpréter», que, dans sa rationnelle, là, elle, elle a pris le contrôle de sa vie, dans une bonne mesure, et aussi de sa mort puis elle était bien avec ça. Bien, tant mieux pour elle, mais, moi, je ne suis pas d'accord puis je ne pense pas que ça devrait être une approche sociale à suggérer. D'après moi, on s'en va vers un cul-de-sac là-dedans, on s'en va vers une détérioration sociale, une désintégration, si on peut dire.

Si on rouvre les portes là-dessus, quelle sorte de dérapage que ça va amener? C'est très sérieux, là. En tout cas, moi, c'est ma façon de le voir.

**(12 h 10)**

Le Président (M. Kelley): Merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, M. Veilleux. Je pense que vous êtes une démonstration éloquente de jusqu'où on peut aller dans le débat... puis entendre toutes les opinions, très articulées d'ailleurs, je vous en remercie, la générosité dans votre propos puis à quel point c'est senti. Donc, je vous remercie, parce que vous êtes, de ce qu'on a compris, à la base, plutôt opposé à la tenue même de la commission, et vous avez fait le pari de venir vous faire entendre et d'aller jusqu'à nous dire le fin fond de votre pensée, et, moi, je respecte ça beaucoup. Et peut-être que vous ne serez pas d'accord avec moi, mais, moi, je pense que ça confirme le bien-fondé du pari qu'on a tenu, que j'ai proposé et que l'Assemblée nationale a accepté à l'unanimité: de mettre en place ce forum-là de dialogue.

On a fait le pari du dialogue, parce que, moi, je suis convaincue que, les parlementaires, c'est un de nos rôles fondamentaux d'entendre les gens quand il y a des débats qui sont très présents dans la société, d'offrir un forum respectueux et serein où toutes les opinions les plus divergentes, les plus extrêmes possible peuvent s'entendre, parce que je pense que c'est ça, la beauté d'une démocratie, et, nous, on doit se nourrir de ça. Et, pour moi, peut-être paradoxalement, mais vous êtes vraiment une preuve claire que c'était le bon pari parce que vous êtes venu nous dire, avec toutes vos convictions, ce que vous pensiez de la question. Et pourquoi, pour moi, c'était si important? C'est parce que je pense que, quand il y a des débats comme ça, qui pointent... et celui-là n'est pas récent, parce qu'on peut se rappeler qu'il y a 20 ans la Cour suprême a eu à se pencher sur le cas de Sue Rodriguez, et ça a été une décision très, très serrée, de cinq contre quatre, à la Cour suprême, bien je me dis: Je ne pense pas que c'est sain que ces débats-là se fassent par médias interposés ou par des cris du coeur dans des situations extrêmes. Et je pense que ça prend une certaine dose de recul et de sérénité pour permettre que ça se fasse.

Donc, c'est un peu ça, l'optique. Et une autre préoccupation, c'était celle de dire: Est-ce qu'on attend que ce soient juste les tribunaux qui se penchent sur ces questions-là?

Et j'arrive à ma question. Nous, comme parlementaires, vous savez, il faut tenir compte de ces débats-là. Le Collège des médecins, le président en faisait mention, a pris une position dans le débat il y a maintenant plus de un an en nous demandant de se positionner là-dessus parce qu'ils estimaient qu'il y avait des zones grises, qu'il y avait des éléments, en fin de vie, qui étaient très difficiles à vivre pour les médecins. Où on se situait dans toute la panoplie de traitements? Est-ce que des fois on allait trop loin? La sédation terminale, est-ce que c'était tout le temps justifié? Est-ce que par ailleurs l'euthanasie dans certains cas pouvait être justifiée?

Donc, il y a eu des appels comme ça. Il y a aussi des gens aux prises avec des situations personnelles très difficiles, qui nous ont interpellés. Et il faut tenir compte aussi du fait que, quand il y a des causes, quand il y a des gens qui aident des proches à mettre fin à leur vie... On peut penser, par exemple, au cas de Marielle Houle. Il y en a eu quelques-uns dans l'actualité dans les dernières années. On se rend compte que les tribunaux, les jurys ne rendent généralement... ou bien pas de verdict de culpabilité ou bien un verdict de culpabilité mais avec une sentence symbolique de probation, d'absolution. Et donc ces jurys-là... nous, comme parlementaires qui devons prendre le pouls de la société et voir où se situe l'opinion publique... Elle semble être à un endroit où le droit n'est pas, il y a...

Il semble y avoir un décalage entre ce qui est prévu dans les lois et ce qui est rendu comme jugements par nos pairs, par les jurys. Est-ce que vous pensez que c'est un élément dont on devrait tenir compte dans notre réflexion?

M. Veilleux (Renald): Je m'imagine que, comme parlementaires, vous vous devez de bien comprendre la dynamique qui se présente, comme vous dites, entre les cours de justice, le système de justice et puis la situation, des tendances. Moi, j'appelais ça des tendances.

Maintenant, oui, vous devez le regarder, j'en suis persuadé. Je pense que, si j'étais à votre place, je ferais la même chose. Cependant, je crois qu'on doit aussi s'interroger, puis là il me semble qu'au niveau des parlementaires on doit s'interroger, à savoir: Quelle sorte de valeurs voulons-nous préconiser pour notre société? Quelles sont les valeurs qui devraient être... qui sont considérées comme vraiment importantes, reconnues, le plus possible, unanimement par notre société, qui vont dans l'intérêt supérieur de notre société?

Prenons un exemple bien simple. Si, à un moment donné dans le futur, on se rend compte qu'il y a de plus en plus de gens déprimés puis là qu'il y a quelqu'un qui décide: Ah, les gens déprimés, là, ce n'est pas grave, là, vous pouvez vous suicider, vous ne serez pas poursuivis... on encourage, ni plus ni moins, le suicide. Donc, il y a une tendance qui se dessine. Mon exemple est peut-être un peu... peut-être grossier, là, mais vous allez peut-être comprendre ce que je veux dire. C'est que, s'il y a une tendance générale qui se dessine, là il faudrait, je pense, comme parlementaires, se demander: À mon humble avis, est-ce que cette tendance qui se dessine va véritablement dans l'intérêt de la population? C'est-u souhaitable, là, qu'on ouvre des portes puis permettre, d'une certaine manière, à tous ceux qui sont dans une situation difficile de pouvoir terminer ça rapidement? C'est-u souhaitable, ça? Puis quelles sont... quelles vont être les conséquences?

Ça fait que, dans la perspective qui est la mienne, moi, je me dis: Nos députés se doivent d'être responsables et conséquents et chercher le bien commun de la société. Ils représentent la société. Et, si on prend une valeur qui est le plus bas dénominateur commun et qu'on propose, d'une certaine manière, à la société d'aller dans ce sens-là, la tendance veut qu'on va vers là, les gens suivent, en général. Ils sont plus ou moins renseignés, plus ou moins formés, plus ou moins conscients. Ils ont des problèmes, ils ont des difficultés, ils sont souvent dans leur quotidien placés comme dans le... pris dans le quotidien immédiat. Ils ne peuvent pas voir plus loin, pas parce qu'ils sont de mauvaise volonté, mais pour différentes raisons.

Donc, nos politiciens, qui sont des gens plus cultivés, plus responsables, en position de pouvoir, je crois, doivent avoir une vision pour être capables d'orienter, prendre des décisions qui vont dans le sens des intérêts supérieurs des gens. Et n'y a-t-il pas un intérêt supérieur, plus éloquent que celui de respecter la vie humaine, de se respecter soi-même? Aujourd'hui, dans la société, on fait grand état, lorsqu'il y a des animaux qui sont sacrifiés... surtout si naturellement ils sont un peu cruels. Je leur donne raison de critiquer si l'approche, vous aviez le mot, est cruelle. Seulement, qu'on a droit de faire mourir les animaux... c'est permis.

Pourtant, permettez-moi une parenthèse ici, qui est en dehors du sujet. On élimine nos enfants à naître par milliers depuis de nombreuses années, on ne fait pas autant d'hélas pour ça, pourtant il s'agit de vies humaines, qu'on en fait pour les animaux. Où est-ce qu'elle va, notre société, dans cette perspective-là? Où sont nos valeurs prioritaires? Est-ce que ce sont les valeurs humaines? La vie humaine, elle commence à la conception. Je vous défie de trouver... de dire que ce n'est pas vrai au plan scientifique. La vie humaine commence toujours à la conception, donc elle a... elle est autant sacrée au début qu'à la fin. Si on ne peut pas respecter la vie humaine au début, pourquoi qu'on la respecterait à la fin alors que la personne est finie? On est logiques dans notre société actuelle. On glisse vers un dérapage où la vie humaine prend de moins en moins d'importance, de moins en moins de valeur.

Alors, moi, je dis: Des politiciens responsables et consciencieux devraient prendre conscience de cette réalité sans brusquer les choses puis sans nécessairement se faire mettre à la porte à la prochaine élection, là. Ils devraient essayer de manoeuvrer pour travailler dans les intérêts supérieurs de notre société qui sont, d'abord, une des bases fondamentales, le respect de notre propre vie, le respect de la vie humaine. Pour moi, c'est essentiel. C'est un point de départ.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste à dire: Merci beaucoup, M. Veilleux, pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre nos travaux jusqu'à 13 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

 

(Reprise à 13 h 43)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Bon après-midi à tout le monde.

Je vais juste rappeler le mandat de la commission. La commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Je vois dans la salle... On a probablement notre plus jeune participant à date dans nos travaux... pas participant, mais quelqu'un qui assiste, au moins, dans les bras de sa mère. Alors, bienvenue au jeune inconnu dans le fond de la salle et bienvenue parmi nous.

On va continuer en parlant des liens familiaux. Hier, Mme Lusignan a témoigné devant nous. Aujourd'hui, c'est le tour de sa fille. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à Mme Gillian Lusignan.

Mme Gillian Lusignan

Mme Lusignan (Gillian): Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à tous les membres de cette commission. Mon nom est Gillian Lusignan-Roussy. Je suis native de Hull, maintenant appelée Gatineau.

J'ai demandé d'avoir quelques minutes pour présenter un point de vue de quelqu'un de ma génération. J'ai 38 ans, presque 39... dans quelques jours, et je suis mariée avec un Québécois francophone, et nous avons quatre enfants ensemble. Au début de notre mariage, on n'était pas capables d'avoir d'enfant pendant cinq ans. Ce fut difficile pour nous parce qu'on en voulait. Comme vous le savez, on en a quatre maintenant, donc c'est une preuve qu'on en voulait. Ce qui était difficile, c'est que, pendant ce temps-là, mon père a été diagnostiqué avec la maladie Parkinson. De plus, il avait une forme très agressive qui cause une dégénération plus rapide. Alors, dans peu de temps, à peu près trois ans après sa retraite, il n'était plus capable déjà de marcher, il tombait toujours. Je recevais des appels de ma mère dans la nuit pour me dire: Viens nous chercher pour nous emmener à l'hôpital, ton père est tombé, il a cassé son nez, etc. Alors, on savait qu'il fallait faire quelque chose dans cette situation, car ce n'était plus sécuritaire pour lui ni pour elle.

Mes parents habitaient dans une maison avec un palier multiple, alors c'était très compliqué et même impossible de faire des transformations pour accommoder une chaise roulante. Mon père ne voulait pas aller en appartement parce qu'il avait une phobie du feu et il croyait qu'il aurait pu rester pris dans une chaise roulante dans un cas de feu parce que les ascenseurs ne fonctionnent pas. Ma mère, qui était huit ans plus jeune que lui, était traumatisée par l'idée d'aller dans un foyer pour personnes âgées. Alors, nous nous sommes trouvés dans une situation familiale très stressante pour eux et aussi pour nous, les enfants. Après plusieurs mois de réflexion, mon conjoint et moi avons décidé d'inviter mes parents à venir vivre chez nous, car nous avions un bungalow qui pouvait être transformé facilement pour eux. Mes parents étaient très contents mais un peu inquiets, parce qu'on était un jeune couple. Alors, ils ont accepté de venir vivre chez nous après qu'on a fait une rénovation, et c'était en octobre 1999. Je suis tombée enceinte peu après, ce qui était une grande joie pour toute la famille. Je me rappelle la journée que je suis rentrée à la maison avec mon nouveau-né, mon poupon, et je leur ai montré rapidement, à mes parents, parce qu'ils devaient quitter pour un rendez-vous de médecin.

En revenant, ma mère m'a dit que le médecin avait annoncé à mon père qu'il avait six à 12 mois à vivre. Je peux vous dire qu'avec des hormones postnatales j'ai pleuré pendant des heures, et ma pauvre mère a vraiment regretté de m'avoir annoncé cette nouvelle-là à ce moment-là. Après la naissance de notre bébé, on a dû placer mon père dans La Maison Mathieu Froment-Savoie pendant que nous effectuions une deuxième série de rénovations pour les besoins de mon père puis sa chaise roulante. On avait eu un changement, puis ça a comme causé un autre problème dans la maison. Il était là pendant trois semaines et il avait très peur d'y aller, car il ne croyait pas qu'il allait revenir, même s'il savait très bien qu'on faisait les rénovations pour l'accommoder. Alors, cette peur était là. Toute ma famille, on a vraiment pris le temps de s'occuper de mon père pendant qu'il était là, de le visiter, etc., parce qu'on savait qu'il avait une peur, mais toute ma famille, incluant mon père, était tellement impressionnée par la qualité des services, l'atmosphère et les personnes gentilles qui travaillent là.

Alors, ce fut un grand plaisir pour mon père d'avoir passé ce temps de répit, où il était en sécurité, et il n'a jamais encore eu peur d'y retourner.

Quand notre bébé avait plus d'un an, mon père est retourné voir son médecin pour une évaluation. Le médecin était très surpris par l'état de mon père. Il était toujours vivant, même si maintenant il avait beaucoup de misère à parler, à boire et à manger. Il s'étouffait tout le temps, et on a dû faire une procédure de gavage, c'est-à-dire qu'il avait maintenant un tube qui sortait de son estomac, puis il fallait le nourrir comme ça, avec un liquide. Le médecin lui dit encore: Vous avez six à 12 mois à vivre. Mais le médecin était très surpris de voir que mon père n'était pas déprimé, ce qui est normalement le cas dans les patients atteints de cette maladie de forme agressive, parce que, dans très peu de temps, tout s'arrête. Peu après, ma mère a téléphoné pour prendre rendez-vous chez le médecin pour mon père, et le médecin a dit qu'il voulait venir voir mon père à la maison, et on était tous surpris. Quand il est arrivé chez nous, mon conjoint et moi étions là et on était surpris de voir que le médecin était très jeune, à peu près dans la quarantaine puis, à vrai dire, on croyait qu'il serait au moins dans les 70 ans ou plus, parce que qui vient à la maison maintenant pour voir des patients?

Le médecin a visité l'appartement de mes parents. Au rez-de-chaussée, ils avaient les trois chambres à coucher puis la salle de bains. Et avant de partir il nous a dit qu'il était surpris de voir qu'on était un jeune couple avec un jeune enfant et que maintenant il comprenait pourquoi mon père n'était pas déprimé, car il avait des jeunes autour de lui et beaucoup d'affection. À notre grande surprise, il a continué à venir à la maison pour voir mon père, car il savait que mon père serait à risque même d'aller dans la salle d'attente dans sa propre clinique.

Je tiens à vous dire que le médecin, c'est le Dr Gilles Aubé, de Gatineau, et c'est un médecin qui nous a impressionnés énormément par son dévouement auprès de notre père.

**(13 h 50)**

Nous avons aussi eu l'aide exceptionnelle du CLSC. Mon père a dû commencer à porter des couches, ce qui était très dur pour lui. C'était un homme très fier. Et on avait de la misère de s'occuper de lui, surtout pour les bains. Mon père avait un bain cinq jours par semaine, ce qu'on trouvait incroyable. C'était impressionnant, le service qu'on a reçu. Un an après son gavage, le tube était usé, et ils ont dû le remplacer... ce qu'ils ne font jamais. C'était une procédure. Tout le monde l'a remarqué à l'hôpital parce qu'ils ne font jamais ça, le remplacer. Puis on nous a dit qu'il avait sûrement moins d'un an à vivre, et, cette fois-ci, c'était vrai.

Mon père est rentré à l'hôpital avec une bronchite et une pneumonie le 16 février et ensuite il a eu toutes sortes de complications et il est décédé le 19 février 2003. Donc, il a vécu chez nous jusqu'à trois jours avant sa mort. Et, quand nous étions auprès du corps de mon père, Dr Aubé est venu nous voir. Ça adonnait qu'il était à l'Hôpital à Hull pendant ce temps-là. J'imagine, quelqu'un l'a avisé qu'un de ses patients était décédé. Nous avions eu l'opportunité de lui remercier pour les soins et l'attention qu'il a portés vers notre père. Et il nous a dit qu'il voyait qu'il devait faire quelque chose spécial, car nous faisions tellement d'efforts pour bien s'occuper de notre père. Et je m'excuse de rentrer dans tous ces détails, mais je trouve que c'est important parce qu'on a vécu quelque chose de très spécial avec mon père. C'était très dur pour lui de faire face à cette maladie, pour ma mère, qui s'est occupée de lui avec beaucoup de soins médicaux compliqués, etc., et pour toute la famille, parce que mon père, c'était un excellent homme, un homme avec un grand sens de l'humour, un bon vivant.

Il était très fier, très intelligent et, dans sa tête, il était parfaitement clair, mais son corps ne faisait rien, et il avait beaucoup de misère à communiquer avec nous. C'était difficile pour lui. Mais malgré tout ça je crois que mon père m'a enseigné les plus grandes leçons de ma vie. Il m'a montré comment faire face à une grande difficulté avec le sourire, la bonne humeur et la sérénité. Il savait comment être très affectueux avec nous, même s'il avait beaucoup de misère. Il ne pouvait pas parler. Des fois, il pouvait écrire des choses, mais il avait de la misère même à faire ça. Mais un clin d'oeil... Il nous serrait la main, etc.

Après sa mort, j'avais une paix totale, car je savais que mon père avait fait tout pour moi pendant ma vie de jeune enfant, jusqu'à mon mariage. Il avait fait une belle fête pour mon mariage. Et, de mon côté, j'ai fait tout ce que je pouvais faire pour lui en l'aidant, en l'emmenant chez moi pour vivre jusqu'à la fin de ses jours. Une paix totale, beaucoup de sérénité. Je sais très bien que mon père aurait pu être très déprimé avec sa maladie. Il aurait pu être un candidat pour l'euthanasie, si cela aurait existé, car il avait une maladie très grave, très frustrante et incurable. Quand je pense aux gens de mon âge, c'est sûr que nos pairs, surtout les collègues étaient très surpris de notre démarche pour apporter mes parents pour vivre chez nous. Mais, vous savez, la famille est très importante. C'est une valeur importante pour les Québécois et les Québécoises, et nous avons seulement fait notre devoir, un devoir de base.

Aujourd'hui, on voit comment les gens optent toujours pour ce qui est facile. C'est une tendance normale pour tout le monde. Mais je crois que des fois les options faciles peuvent aussi être causes de négligence.

Je fais un petit à part maintenant. Dans notre communauté, on a fait une collecte de denrées pour des articles de déjeuner, des céréales, etc., pour le Club du petit déjeuner. Puis une voisine âgée m'a dit qu'elle était contre cette initiative, et j'étais très surprise parce que c'est une madame super gentille. Puis je lui ai demandé: Mais pourquoi êtes-vous contre ça? Puis elle m'a répondu que, quand elle était jeune, sa famille était très pauvre mais qu'ils n'ont jamais manqué de nourriture... et surtout pas le gruau. Alors, elle a continué pour dire que, les enfants de nos jours qui ne déjeunent pas à la maison avant d'aller à l'école, ce n'est pas parce qu'ils sont pauvres, parce que dans son temps il n'y avait pas le bien-être social, il y avait seulement l'entraide entre familles et voisins, mais que c'est de la négligence de la part des parents et que, si les directeurs d'école téléphonaient aux parents pour leur dire de venir chercher leurs enfants à l'école, car ils n'ont pas mangé, cela apporterait plus de bénéfices à long terme pour l'enfant que de laisser les parents continuer dans la négligence. Puis je dois vous dire que j'ai trouvé son point intéressant puis je n'avais jamais pensé à ça.

Mais pourquoi je parle du Club du petit déjeuner? Ce n'est pas pour vous ennuyer mais pour vous dire que je crois que, si on donne l'opportunité aux membres de la famille... de médecins de faire des choix faciles, comme le suicide assisté et l'euthanasie, on encourage les gens à être négligents des fois envers les parents et les personnes âgées au lieu de mettre les efforts nécessaires pour s'occuper de nos proches avec beaucoup d'amour, de patience, d'affection.

On est tentés de prendre une décision qui nous convient, qui est soi-disant moins coûteuse au système de santé, qui fait place pour quelqu'un d'autre, etc. Même si c'était des fois très difficile d'avoir mes parents chez nous, je peux l'admettre en grand public comme ça, ce fut un grand plaisir de passer des moments importants ensemble. Vous savez, un vrai ami, c'est celui qui est là quand les choses ne vont pas bien, quand on a besoin. Et, moi, je sais que j'ai été là pour mon père quand il avait besoin de moi.

Je crois qu'il faut aider les gens à prendre leurs responsabilités en facilitant la vie pour avoir des prêts pour aménager leur maison, pour prendre soin d'un proche, pour offrir un atelier sur les services offerts aux familles -- je serais même contente de faire une présentation sur ma propre expérience -- d'avoir plus de services de répit pour les gens qui s'occupent d'un proche, parce que c'est très épuisant, c'est fatigant, tu es toujours pris, tu dois garder la personne des fois 24 heures sur 24, et aussi d'investir dans les soins palliatifs. Puis c'est ici qu'on doit mettre les énergies et l'argent de nos impôts et non pas dans des solutions faciles qui ont le potentiel de détruire les valeurs familiales au Québec. C'est un grave danger pour la société et pour nos valeurs, alors je crois que... J'ai des jeunes enfants puis je suis préoccupée pour la future génération. C'est une génération où tout est jetable. Et on met un effort... un grand effort pour leur enseigner d'être plus conscients de l'environnement. Mais quel message qu'on donne sur l'importance des personnes humaines? Sommes-nous aussi jetables?

Puis j'aimerais, avant de terminer, faire un point très court sur la contradiction entre les efforts qu'on porte, comme société, gouvernement, pour prévenir le suicide chez les jeunes, qui est une lutte très importante, sachant que le suicide est la plus grande cause de décès chez les jeunes. On amorçait dimanche la 21e semaine de la prévention du suicide avec le slogan Le suicide n'est pas une option. Je suis sûre que vous avez déjà entendu ça. Je suis totalement d'accord. Et je dirais que c'est contradictoire et même hypocrite de dire qu'il faut prévenir les suicides, mais, d'un autre côté, on encourage et on accepte le suicide chez les gens très malades. Vous savez que, dans les deux cas, le jeune et le malade font face à un moment noir dans leur vie, un manque d'espoir, un stress énorme, une souffrance morale et physique. Ce sont les mêmes symptômes pour les deux. Alors, nous devons avoir un message intègre et non pas deux.

Faisons ce qu'on doit faire pour prévenir tous les suicides chez les jeunes et aussi chez les malades. Merci de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour votre présentation. Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour. Je sentais dans votre voix la même fierté que votre mère avait, hier, de nous raconter le cheminement du passage des parents aux enfants et des enfants aux parents, parce que, dans le fond, c'est une longue histoire qui est un peu plus longue, pour les gens qui n'étaient pas ici, que juste d'avoir à accompagner vos parents.

Je pense que vos parents ont accompagné leurs parents, puis on est remontés quelques générations, c'était fort intéressant, mais je vais m'adresser à la fille de votre génération. Dans une autre commission où on est allés, où on a siégé, il y a quelqu'un qui nous a amené une idée qui a semblé au départ farfelue mais qui a tranquillement fait son chemin dans une réflexion un petit peu plus collective. C'est-à-dire que la personne disait: Si on émettait un droit au suicide assisté... Il n'avait pas touché l'euthanasie, juste le suicide assisté. Il émettait la philosophie qui faisait en sorte que ce droit-là ferait en sorte que les jeunes qui ont des idées noires puis qui voudraient avoir une aide... Parce que souvent quelqu'un qui se suicide lance des roches un peu, hein? Ils lèvent des drapeaux puis, si on n'entend pas les signes, bien ils vont jusqu'au bout. Et ce qu'il émettait comme réflexion, c'était: Si on avait un principe de suicide assisté, ça ferait en sorte que ces gens-là viendraient sonner à la porte pour dire: Moi, j'ai le goût de me suicider, et tout à coup on aurait un élément déclencheur qui fait qu'on peut aider les gens.

Vous avez compris que la commission, elle parle de fin de vie, elle ne parle pas de jeunes qui viennent de laisser un amoureux pour la première fois puis qui a de la tristesse puis de la peine puis qui pense qu'il ne s'en sortira jamais, puis après ça on va lui dire qu'il va en avoir six autres, peines d'amour, puis il va survivre à chaque fois. Mais cette idée-là semblait farfelue au départ puis après ça a amené quelques réflexions par rapport à l'ouverture sur le suicide plutôt que de juste dire qu'on est fermé. Je ne sais pas. Quand je vous lance cette idée-là, vous, vous en pensez quoi?

**(14 heures)**

Mme Lusignan (Gillian): Bien, je pense qu'un jeune, il ne fera pas les démarches comme une personne qui est malade dans un hôpital, qui va faire: Écoute, je veux, ta, ta, ta. Un jeune, c'est justement la lutte... comment les rejoindre. Je ne pense pas que les jeunes vont appeler leurs médecins pour dire... Je trouve que le contexte est un peu, je ne sais pas, comme... J'essaie de voir. J'ai beaucoup de nièces et neveux adolescents, mais beaucoup, et, tu sais, ils vont voir le médecin une fois par an, j'imagine. Mais ce n'est pas quelque chose qui... C'est dans ce contexte-là. Juste pour que je puisse comprendre; cette personne suggérait que, si un jeune savait qu'il pouvait avoir le suicide assisté... que, même étant frustré et dans une peine d'amour ou quelque chose, il irait appeler. Mais parce que comment qu'on...

Mme Charbonneau: Bien, il y aurait un endroit où il pourrait justifier le fait qu'il a besoin d'aide pour poser un geste de suicide. C'était plus dans ce contexte-là. C'est vrai que ça semble un peu nébuleux. Mais en même temps cette personne-là qui était venue faire un peu son exposé, elle n'y voyait pas que du tort. Puis je vous dis que j'y ai pensé, parce que je me disais: C'est vrai qu'il y a une contradiction.

Par contre, pour nous, au niveau de la commission, on parle de la fin de vie, on ne parle pas de gens qui ont des idées noires, de gens qui ont des problèmes psychologiques plutôt que qui ont un diagnostic de fin de vie d'établi puis qui veulent raccourcir ce diagnostic-là. Mais j'entends le principe même de la difficulté entre les uns et les autres, là. Je voulais juste vous soumettre l'idée parce que je profite du fait que vous avez dit: Vous êtes d'une génération. Vous avez même une dizaine de moins que moi, ça fait que vous êtes d'une autre génération.

Et je me disais: Bien, je veux entendre quelqu'un et je veux lancer l'idée à quelqu'un de plus jeune pour voir si cette idée-là, elle revient de la même façon.

Mme Lusignan (Gillian): Bien, je vais dire que, si on regarde quelqu'un qui est à la fin de leur vie puis qui est face... dans une maladie incurable, etc., avec beaucoup de difficultés, c'est commun, un moment noir pour eux, s'ils veulent terminer la vie.

Moi, je connais une madame qui vient d'être diagnostiquée d'un cancer du cerveau, puis ça va vraiment mal. Le médecin est rentré pour lui dire: Écoute, c'est comme ça que ça va se passer, ta, ta, ta. Sa fille vient d'accoucher de son premier enfant. Puis elle a dit au médecin... elle a dit à son mari: Va me chercher ma paire d'espadrilles parce que, moi, je vais marcher ce corridor, parce que, moi, je veux voir cet enfant grandir. Donc, ça, c'est une femme qui luttait pour faire face, pour dire: Non, non, je n'ai pas fini encore. Et ce que je trouve, c'est que les... Donc, quand quelqu'un dit: Ça suffit, je ne peux plus, bien ils sont dans un moment d'angoisse et de noir, et c'est très dangereux, hein? On parle de modifier quelque chose.

L'euthanasie et le suicide assisté, c'est quelque chose qui tombe sur la juridiction du Code criminel. On parle d'une question de grande importance pour la société. Alors, changer ça, ce n'est pas des petites affaires, c'est très dangereux. Puis, même si on pense qu'on pourrait peut-être avoir un bénéfice, je pense que le potentiel d'avoir des problèmes est 100 fois plus grand. Donc, je ne serai pas nécessairement d'accord avec la position de cette personne.

Mme Charbonneau: Tout à fait, je l'entends. Par contre, je vous dirais que, prendre la décision d'écourter sa vie, je ne suis pas sûre que c'est une facilité. Tantôt, on se disait... je vous entendais, puis vous disiez: Bien, peut-être que notre société, on est rendus à des propositions de facilité. Puis, pour avoir fait partie d'un conseil d'administration d'un club de petits-déjeuners de plusieurs écoles, je vous dirais que j'ai entendu déjà la dame que vous m'avez citée dire: C'est de faciliter la tâche du parent. Puis, pour faire encore plus long, on peut parler de l'aide aux devoirs. Puis, tu sais, l'éducation, c'est rendu quelque chose de tellement grand puis en même temps la responsabilité parentale, la vitesse à laquelle, la vie, on participe.

Mais, avant de passer la question à mes collègues, je vous dirais que prendre le choix de terminer sa vie, pour les témoignages qu'on a eus, nous, ici, de notre côté, que ce soit la famille Rouleau, que ce soit M. Thériault, qui parlait de sa conjointe qui avait un début de «locked-in syndrome», puis elle ne voulait pas tomber là-dedans, et ils ont choisi de débrancher, ils ont choisi, en famille, de débrancher... dans le témoignage qu'on a eu, malgré tout, ce n'était pas un témoignage d'un geste facile, mais...

Mme Lusignan (Gillian): ...je suis sûre, parce que, la vie humaine, on a tous un instinct naturel de vouloir survivre. Donc, quand on prend une décision, ce n'est pas que c'est facile, mais ça facilite, tu sais, c'est une... Dans notre vie, on dit: Oui, je n'en peux plus. Ça, c'est la chose la plus facile. Je veux partir. Puis, dans le fond, pour ceux qui s'occupent, c'est la chose la plus facile aussi.

Tu sais, c'est dans ce sens-là. Mais je suis d'accord avec vous que ce n'est pas quelque chose qu'on décide de façon... juste comme ça: Bien, regarde, j'ai fini puis... Non, ça prend beaucoup de réflexion, on espère.

Mme Charbonneau: Mais j'entends par contre dans vos propos que, si jamais il y a une tangente qui se prend, le dérapage, c'est quelque chose qui vous inquiète.

Mme Lusignan (Gillian): C'est très inquiétant, parce que, là, on parle de quelque chose qui est là pour nous protéger. Non, je pense qu'il y a beaucoup de façons d'accompagner les personnes qui sont très malades, et on met beaucoup... ça vaut plus la peine de mettre l'argent, les énergies dans ces moyens-là que d'aller dans la... de l'autre optique. C'est sûr.

Mme Charbonneau: Merci beaucoup.

Mme Lusignan (Gillian): Merci à vous.

Le Président (M. Kelley): Merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup de votre témoignage très éloquent, très touchant. En tout cas, c'est toujours enrichissant pour nous d'entendre des si belles histoires. Et puis notre rôle aussi, c'est de voir avec vous... parce qu'il y des gens qui, je pense, auraient espéré avoir une fin de vie avec leur père dans des circonstances comme les vôtres. Pas qu'il ait eu cette maladie-là, c'est toujours difficile, mais qu'ils aient pu avoir cette proximité-là.

Vous, vous avez eu le courage en même temps de dire: Oui, on réorganise notre vie, vous venez, tout ça, et ça implique énormément d'ajustements et de changements, je n'en doute pas, mais en même temps je pense que la vie vous l'a bien rendu en termes de sérénité, et tout ça.

Il y a des gens, ma collègue y faisait référence, qui, je pense, sont habités des mêmes sentiments que vous à l'égard de leurs parents, de leurs conjoints, de leurs proches mais qui ne sentent pas cette même sérénité là parce que ce proche-là en question leur fait part d'un désir de mourir. Et, moi, je veux savoir, pas... Puis, oui, je pense qu'un désir de mourir peut être exprimé certainement dans un moment de noirceur, mais on a eu des témoignages de gens qui nous ont dit: C'était sa volonté. La famille Rouleau... une autre personne dont je ne me souviens pas du nom à Saguenay, qui nous parlait de sa mère qui a été hospitalisée, là, en soins palliatifs, ils pensaient qu'elle était là pour, normalement, trois ou quatre semaines, elle a été là six mois, sept mois. Elle pesait moins de 75 livres à la fin de sa vie. Et cette personne-là demandait constamment de mourir, même si elle était entourée des meilleurs soins, même si elle était entourée de sa famille.

Donc, moi, je veux juste savoir: Si vous aviez eu à vivre ça... Et ces gens-là sont, je pense, sont des gens qui étaient très tristes de ne pouvoir accéder à cette ultime volonté là, quand ils nous présentent ça, là, cette ultime volonté là de leur proche qui leur demandait de mourir. Comment vous auriez pu vivre? Est-ce que ça aurait changé votre regard si, un proche, votre père, c'est ce qu'il vous aurait exprimé comme volonté?

Mme Lusignan (Gillian): Bien, je peux dire que, si mon père était comme ça, moi, je suis une personne qui est très pratique et très directe, pour ceux qui me connaissent, ça, c'est moi, alors c'est sûr que, moi, j'aurais viré la page à mon père pour dire: Papa, qu'est-ce que tu dirais si je venais te dire: Je veux me suicider, ça va mal, tu sais? Puis j'essaierais de le remettre... Tu sais, je pense qu'il est quand même...

Je sais que c'est difficile. Écoute, j'ai été avec mon père pendant un an, on ne pouvait pas le laisser tout seul. Et, moi, je suis la dernière de cinq enfants, et mes frères et soeurs, ils ont essayé d'aider, mais c'est moi qui étais à la maison et c'est moi qui ai fait, on va dire, le plus gros du travail avec ma mère. Donc, j'ai vécu des moments où: Ah, sortez-moi d'ici, sors-moi à Montréal pour la fin de semaine, je vais revirer dring, dring. Alors, dans un sens... Mais j'avais le... je pense qu'il y a une façon de faire. Je peux vous dire que, personnellement, c'est comme ça que j'aurais répondu à mon père: Écoute, papa, je t'aime, puis, regarde, c'est difficile, je le sais, puis... Mais, regarde, mets-toi dans ma position. Si je te dirais: Regarde, je veux me suicider, tu ne serais pas content, non?

Et c'est comme ça que j'aurais géré la situation, personnellement. Parce que je crois que, quand quelqu'un demande comme ça de mourir, de mourir, on a tous un instinct que, oui, c'est plate puis on espère pour eux que la souffrance va finir le plus vite possible, puis on ne sait pas pourquoi que les choses durent vraiment, tu sais, c'est assez impressionnant de voir.

Alors, c'est une question d'accompagner, puis ça prend beaucoup de patience, mais c'est comme ça que j'aurais essayé de contourner la situation si j'aurais été là.

**(14 h 10)**

Mme Hivon: Parce que, pour vous, je comprends qu'il n'y a pas de différence entre quelqu'un qui a une volonté de mourir à 25 ans, qui a toute la vie devant lui, ou quelqu'un qui est en phase terminale, à qui il reste trois semaines à vivre, ou qui a une sclérose en plaques, sclérose amyotrophique très, très avancée, qui ne bouge plus dans son lit et qu'on sait que son expectative de vie est très, très limitée. Vous, ce que vous nous dites, c'est qu'il n'y a pas de différence à faire.

Parce que vous savez que, les gens qui militent pour une ouverture vers une euthanasie, ce qu'ils nous disent, c'est que ce sont deux situations complètement différentes puis qu'il faut tout faire pour prévenir le suicide évidemment mais que, quand on est face à quelqu'un qui est en fin de vie, qui n'a pas d'espoir de reprendre du mieux, qui est confiné à un lit, qui ne peut plus parler ou pour qui il en reste quelques semaines à vivre et que cette personne-là le demande... que c'est une situation complètement différente. Je comprends, de votre point de vue, qu'on ne peut pas faire de différence entre les deux.

Mme Lusignan (Gillian): Je vais clarifier. Ce n'est pas qu'on ne peut pas voir une différence, c'est évident qu'il y a une différence, mais il reste que c'est le même geste.

C'est ça qui est la... C'est ça que j'essaie de dire. C'est que c'est... Dans les deux situations, il y a une crise, ça, c'est évident, parce qu'un jeune qui est en pleine santé, qui veut terminer sa vie, il est dans une énorme crise et de la même façon qu'une personne qui est à la fin de sa vie avec beaucoup de souffrance et de... on va dire «presque de fatigue», non, de continuer de cette façon-là est aussi dans une crise. Donc, je ne dis pas qu'il y a un parallèle exact, mais il y a un parallèle dans le sens que ces deux personnes, ils sont dans le besoin, et c'est le même geste. Et c'est là où ça devient contradictoire de dire: Regarde, on va essayer d'aider, d'un côté, et, de l'autre côté, c'est correct, voilà, au niveau de la loi, je parle. Tu sais, quand on regarde, c'est la même chose. On ne veut pas. On veut aider ces personnes-là.

Le Président (M. Kelley): D'autres interventions? Sinon, il me reste à dire merci beaucoup pour la deuxième contribution de la famille Lusignan devant notre commission.

Je vais suspendre quelques instants et je vais demander à Dominique Foisy-Geoffroy de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 14 h 12)

(Reprise à 14 h 14)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Peut-être, si on peut commencer avec un mot de félicitations, parce que, si j'ai bien compris, vous êtes le père de la jeune participante dans notre salle... Alors, bienvenue au club des pères. Je ne sais pas si c'est le premier enfant ou...

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): ...

Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue au club des pères, dont je suis fier membre.

Alors, encore une fois, on est dans une demande d'intervention, alors une quinzaine de minutes de présentation suivie par une quinzaine de minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors, M. Foisy-Geoffroy, les prochaines 15 minutes sont à vous.

M. Dominique Foisy-Geoffroy

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): Merci beaucoup. Alors, bonjour. Bonjour à tous. J'aimerais d'abord remercier la commission de me recevoir. Je suis heureux d'avoir l'occasion de contribuer à ce débat très important.

Je ne suis pas spécialiste de la question de l'euthanasie ni du suicide assisté. Je n'ai jamais été confronté personnellement, directement, au cas d'un proche malade qui aurait demandé qu'on l'aide à mettre fin à ses jours pour abréger ses souffrances. Je suis un simple citoyen qui est préoccupé par l'avenir de notre société et par cette question essentielle qui concerne notre rapport à la vie, à la maladie et à la mort.

Je ne m'attends pas à ce qu'au terme de cette consultation beaucoup change, beaucoup de choses changent immédiatement dans les pratiques liées à l'euthanasie et au suicide assisté dans nos hôpitaux. À trois reprises au cours des dernières années, le Parlement fédéral a refusé d'amender le Code criminel de façon à permettre de mettre fin à la vie d'un grand malade dans certaines circonstances. On n'est pas encore prêts à aller dans cette direction-là à Ottawa, de toute évidence, et, tant que ce sera le cas, l'essentiel du statu quo sera maintenu. Il est cependant à peu près certain qu'un jour cette situation va changer et que le Parlement fédéral devra étudier sérieusement cette question-là. Cette question-là sera resoumise au Parlement. Un grand débat pancanadien aura alors lieu, et je crois qu'à ce moment-là les conclusions de cette commission spéciale resurgiront. Ses conclusions contribueront à donner le ton au débat au Québec et à orienter la position de la province à ce sujet.

C'est pourquoi j'estime que c'est le moment ou jamais, alors que le débat n'en est qu'à ses débuts, de faire valoir mon opposition à l'euthanasie et au suicide assisté et d'ajouter ma contribution à l'argumentaire de ceux qui, comme moi, pensent que le Québec ne devrait pas s'engager dans cette voie.

Pour appuyer ma position, je souhaite soumettre cinq éléments à l'étude des commissaires: premièrement, les effets possibles de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté sur la culture de notre société en ce qui concerne le rapport à la vie, à la mort et à la maladie; ensuite, les facteurs exogènes ou étrangers qui influencent le choix des individus; troisièmement, la nécessité de la cohérence des interventions de l'État; quatrièmement, l'existence actuelle de moyens qui dans certaines conditions empêchent les gens de souffrir excessivement et inutilement; et, cinquièmement, le poids des mots dans le débat.

Alors, premier élément: les effets de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté sur la culture de notre société. Nous devons prendre garde que des cas isolés, des cas individuels nous fassent perdre de vue certains principes fondamentaux de notre société et une évaluation des conséquences générales à long terme de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté. Ces principes fondamentaux sont, à mon avis, les suivants: premièrement, la médecine soulage les souffrances, vise à guérir les gens, reconnaît les limites de l'acharnement thérapeutique mais n'a pas pour fonction d'abréger la vie; deuxième principe, la société et l'État québécois en particulier n'encouragent ni ne facilitent, en aucune circonstance et d'aucune manière, le suicide. Les lois ont une influence sur les idées reçues, sur les idées qui ont cours dans une société. En légalisant l'euthanasie et le suicide assisté, l'État enverrait, d'une certaine manière, le message qu'il s'agit là d'actes légitimes, donc socialement acceptables.

Il faut envisager sérieusement le risque, si l'euthanasie et le suicide assisté étaient légalisés, que s'installe subtilement et très progressivement l'idée qu'il est normal, voire attendu qu'une personne atteinte d'une maladie ou d'un handicap grave abrège sa vie pour ne plus souffrir et pour ne plus être un fardeau pour les autres. Évidemment, comme tous les phénomènes qui touchent les changements de mentalité, ça se produirait à long terme, ce ne serait pas... Ça n'arriverait pas le lendemain de la légalisation, mais c'est quelque chose... je pense, c'est un risque réel auquel on pourrait être confrontés.

Est-ce vraiment une telle attitude de désespoir et de démission que notre société souhaite valoriser devant la maladie? Souhaite-t-on risquer d'en arriver au point où une personne hésiterait à s'accrocher à la vie en raison de pressions sociales contraires?

Deuxième élément: un choix libre. Vraiment? Les gens ne vivent pas en vase clos. Leur environnement conditionne leurs choix. Les idées reçues dans une société les influencent, ainsi que le milieu immédiat. S'il est généralement entendu que les personnes atteintes d'une maladie incurable ne devraient pas s'accrocher, c'est le choix que la majorité risque de faire. De même, le sentiment qu'éprouve une personne de ne pas être soutenue par son entourage alors qu'elle est malade risque fort de la pousser à choisir, entre guillemets, l'euthanasie et le suicide assisté si l'option est offerte et socialement acceptable. Un manque de soutien peut se manifester sous une forme très brutale, sans équivoque, celle d'un abandon clair, par exemple. Il peut aussi prendre des formes beaucoup plus subtiles.

Prenons l'exemple d'une famille dont le fils unique serait le seul aidant naturel possible des parents. Au cours d'un souper, la discussion porte sur le suicide assisté et l'euthanasie, et le fils dit à ses parents qu'en ce qui le concerne, s'il était atteint d'une maladie incurable, il souhaiterait qu'on l'euthanasie. Maintenant, lorsque ses parents rédigeront leurs testaments biologiques, se pourrait-il qu'ils se rappellent cette conversation et que la position de leur fils, leur seul aidant naturel possible, influence leur choix?

**(14 h 20)**

Pourrait-on alors parler d'un choix véritablement libre? Je pense qu'il faut prévoir ce genre de scénario.

Les comités d'évaluation qui seraient mis sur pied pour juger des différents cas auraient fort à faire pour découvrir les raisons profondes de la décision d'une personne. Auront-ils les moyens de mener des enquêtes aussi approfondies? La complexité de ce processus et les risques de dérapage évidents en valent-ils vraiment la peine?

Troisième élément que je souhaite vous soumettre: la cohérence des interventions de l'État. Par un drôle de hasard, il se trouve que nous sommes en pleine semaine de prévention du suicide. L'État québécois s'inquiète du taux de suicide dans la province et investit pour le diminuer. Le 25 janvier dernier, Marguerite Blais, la ministre responsable des Aînés, a, par exemple, annoncé l'octroi de 745 000 $ à l'Association québécoise de prévention du suicide pour contrer le suicide chez les personnes âgées. Je ne vois pas comment l'État pourrait concilier des politiques de ce genre avec des programmes d'accès à l'euthanasie et au suicide assisté. Je vois mal comment l'État peut dire aux gens: Ne vous suicidez pas, de grâce, mais, si vous en avez le goût, nous allons vous donner les moyens de le faire.

L'euthanasie et le suicide assisté, d'une part, la prévention du suicide et l'amélioration des soins palliatifs, d'autre part, ne sont pas, à mon avis, des solutions complémentaires. Ce sont des solutions concurrentes dont l'esprit est fondamentalement opposé. Les programmes d'accès à l'euthanasie et au suicide assisté risquent de drainer une partie des ressources qui pourraient autrement être allouées aux soins palliatifs, par exemple, et risqueraient aussi de saper tous les efforts faits par le gouvernement pour dire aux personnes vulnérables qu'elles ne sont pas seules, qu'il y a de l'espoir et que la vie vaut la peine d'être vécue malgré les difficultés.

L'État a un devoir de cohérence. Il me semble que, dans le cas qui nous occupe, le choix est clair, l'État doit appuyer de toutes ses forces, sans aucune ambiguïté et sans envoyer de message contradictoire, tout ce qui contribue à encourager les gens à s'accrocher à la vie: soins palliatifs, soutien aux aidants naturels, soutien psychologique, etc. C'est là que nos efforts devraient porter en priorité.

Quatrième élément: les solutions actuelles. La médecine actuelle ne laisse pas les gens totalement démunis contre la souffrance extrême. Il existe des protocoles, dans les hôpitaux, destinés à soulager les grandes souffrances en fin de vie, comme la sédation palliative et terminale, des protocoles qui peuvent avoir pour effet indirect de causer la mort. Je pose la question: La zone grise, entre guillemets, que certains décrient tant, c'est-à-dire la coexistence d'une interdiction criminelle de l'euthanasie et du suicide assisté, avec de tels protocoles, ne réaliserait-elle pas en fait un équilibre sage? D'une part, ces diverses pratiques offrent une mesure de souplesse relativement au traitement de certaines grandes souffrances dans les derniers jours de la vie d'un patient. D'autre part, le chien de garde que représente la menace d'accusations criminelles si certaines limites sont dépassées demeure la meilleure protection possible contre de tels abus et constitue en même temps un rappel clair de la primauté du respect de la vie.

La légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté, avec les procédures complexes et les multiples comités d'évaluation qu'elle engendrerait inévitablement, donnerait-elle vraiment de meilleurs résultats?

Dernier élément: le poids des mots. Les mots ont leur poids dans le débat public. Je trouve discutable que certains emploient l'expression «mourir dans la dignité» pour désigner l'euthanasie et le suicide assisté. Une personne qui se rend au terme naturel de sa vie et se bat jusqu'au bout ne meurt pas de manière indigne. Une personne ne perd pas sa dignité du simple fait qu'elle est très affectée par la maladie.

En conclusion, je ne doute aucunement du fait... je ne doute aucunement que les partisans de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté sont des personnes sensibles, dotées d'un profond respect de la vie et étant avant tout préoccupées par le bien-être de leurs proches. Je crois cependant qu'il faut élargir les perspectives au-delà des cas individuels et réfléchir sur les effets généraux, à long terme, possibles de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté. C'est ce que j'ai voulu faire dans cette présentation.

En légalisant l'euthanasie et le suicide assisté, l'État, je le crains, enverrait, sans le vouloir, un message très négatif à la société, un message qui pourrait contribuer à la désacralisation de la vie, qui pourrait saper les bonnes volontés, encourager la démission devant la maladie et la reddition devant le désespoir. Cela constituerait en même temps un aveu d'échec des politiques positives d'appui aux personnes en fin de vie, les politiques qui devraient pourtant faire l'objet de toutes les attentions et de tous les efforts, comme plusieurs intervenants ont souligné. Le maintien de l'interdiction de l'euthanasie et du suicide assisté a un prix, celui d'une certaine contrainte exercée à l'encontre de la volonté des individus. Cette contrainte m'apparaît un moindre mal en face des risques de dérapage et des effets délétères ou des effets pervers de la légalisation sur la culture de notre société.

Tout doucement, sans faire de bruit, notre société s'est dotée de moyens permettant, jusqu'à un certain point et dans certaines conditions précises, de soulager les grandes souffrances dans le respect du caractère sacré de la vie. C'est à l'amélioration prudente de ce subtil équilibre, je crois, que devraient être consacrés nos efforts. Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour cette présentation. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles...

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): ...ou Hull ou... députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je dois m'excuser devant vous, je n'ai pas été là au début de votre témoignage. J'ai fait une entrevue, au sujet de la commission, à un média local, alors c'était pour une bonne cause. Mais ce que j'ai entendu était très intéressant.

Vous n'avez pas soumis de mémoire, mais on voit que vous avez vraiment étudié la question. Puis vous avez des positions très intéressantes sur le sujet et puis du parallèle avec le suicide. Il y a d'autres gens dans d'autres villes, qui nous ont fait exactement le même parallèle que vous, et c'est toujours intéressant de voir que le changement, la libéralisation des moeurs peut mener quelquefois à des avancées. Vous savez, on a fait des parallèles avec le débat sur la contraception, l'avortement, la peine de mort même. Alors, vous savez, c'est à force d'en parler. Je pense que cette commission fait justement oeuvre pédagogique. On définit les termes et puis on avance, tout le monde, à approfondir le sujet. Je veux vous entendre parce que vous avez parlé de l'importance des décisions des uns sur l'ensemble de la communauté, de la société.

Je veux vous ramener à Nancy B., vous vous souviendrez, cette jeune femme qui voulait arrêter... voulait débrancher le respirateur qui la maintenait en vie, qui est allée jusqu'à la Cour suprême pour pouvoir le faire parce qu'on l'en empêchait, et ça a amené à un changement au Code civil parce qu'on lui a... on a permis de le faire. Et je veux vous entendre par rapport aux arrêts de traitement. Pour vous, est-ce que c'est une forme de suicide, d'arrêter les traitements? Parce qu'il y a certaines personnes qui sont venues nous voir, qui nous ont dit: Nous, on est défavorisés parce qu'on ne peut pas exercer un arrêt de traitement; je ne suis, malheureusement, pas branchée sur un respirateur, donc je ne peux pas l'enlever, je dois agoniser jusqu'à la fin, puisque le suicide assisté ne m'est pas permis. Comment voyez-vous cet aspect-là?

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): Bien, pour moi, l'arrêt de traitement est quelque chose qu'on doit... qui est tout à fait différent de l'euthanasie. L'arrêt de traitement, c'est le maintien artificiel de la vie.

Ce que je prône, c'est que la vie... En fait, ce qu'à mon avis on devrait faire, c'est mener la vie à son terme naturel. C'est-à-dire qu'une fois que tout est fini, si on n'a pas d'espoir, si la seule manière d'être... de rester en vie, c'est d'être branché sur des machines, ça, c'est quelque chose... c'est un autre débat. Puis ça, je n'aurai pas... L'acharnement thérapeutique, pour moi, c'est quelque chose de différent. Puis ça, je ne me fais pas l'avocat de l'acharnement thérapeutique. Pour moi, c'est quelque chose de différent que d'ouvrir la porte à donner... à vraiment abréger la vie, à hâter la mort de quelqu'un qui est capable de vivre par lui-même. Alors, c'est ça.

Mme Gaudreault: Et qu'est-ce que... On fait souvent référence aux témoignages des personnes qui sont venues nous voir puis qui nous ont demandé de légiférer en faveur parce qu'eux vivent avec une maladie dégénérative. Eux, ils ont une perspective assez négative de la suite des choses. Et eux, sans nous dire, nous avouer qu'ils passeraient à l'acte... mais eux voudraient pouvoir avoir cette option-là.

Et souvent, vous savez, on légifère pour l'exception, c'est comme ça. Alors, vous, à ces gens-là, vous leur dites que ce n'est pas possible.

**(14 h 30)**

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): C'est un débat difficile parce qu'on ne peut pas... tout le monde ne peut pas être gagnant là-dedans. Ce qui arrive, c'est que peut-être que cette personne-là... Je veux dire, je suis certain que cette personne-là souffre beaucoup, puis qu'on ne prend pas cette décision-là à la légère, puis que, quand on arrive là, on est vraiment, vraiment désespéré.

Le problème, c'est que peut-être que dans la même salle d'hôpital ou... dans la même salle ou pas loin il y a quelqu'un qui est atteint de la même maladie, qui a décidé de s'accrocher à la vie, O.K.?

Alors, si on donne les moyens à cette personne-là de mettre fin à ses jours, quel message on envoie à l'autre à côté? C'est ça, le problème, c'est que ce n'est pas juste une question de choix individuel, c'est que l'État... Ces politiques-là ont un effet général sur... peuvent... L'État doit chercher à encourager les gens à vivre, à aller jusqu'au bout de la vie. Alors, si on dit à une personne: Bon, bien, regarde, toi, c'est correct, tu as décidé d'accrocher tes patins, on va te permettre de te suicider, puis l'autre: Non, non, accroche-toi... Mais, si, à un moment donné, l'autre qui doit beaucoup travailler fort pour garder le moral...

Je trouve qu'on risque de démoraliser les gens qui, eux, ont fait le choix de lutter contre la maladie. C'est un peu ça que je voulais souligner.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mille-Îles? Bon, ça va? Courte question ou...

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): O.K., ça va. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup. Je vais continuer où ma collègue a laissé. Vous venez de dire: L'État doit encourager les gens à aller au bout de leur vie.

Puis, moi, je veux juste vous amener un peu dans cette foulée-là, sur le fait qu'on a fait des choix, dans notre Code civil, au début des années quatre-vingt-dix, sur le fait que le principe de l'autonomie de la personne, de l'intégrité de la personne avait préséance sur le principe du caractère sacré de la vie. Et ça, ça va très loin. Quelqu'un peut refuser tout traitement, même si... il peut refuser une transfusion sanguine, avoir 22 ans, puis dire: Non, moi, c'est l'inviolabilité de ma personne, je ne veux pas, par exemple, pour des raisons religieuses. Et on sait clairement que ça sauverait sa vie, il va en mourir tout de suite après. Quelqu'un qui a 75 % de chances de prolonger sa vie, voire d'être guéri, s'il entreprend une chimiothérapie, une radiothérapie, peut dire non.

Toute personne peut décider de faire des choix qui, pour plusieurs, pourraient sembler très, très irrationnels.

Alors, moi, j'essaie... pas sur la question de l'intention parce que, c'est certain, vous allez dire: Débrancher quelqu'un, ce n'est pas nécessairement la même intention que d'administrer une dose létale. Ça, je pense que tout le monde le comprend, d'un point de vue très juridique, sur l'intention criminelle, puis tout ça. Mais, sur la question du signal qui est envoyé à la société sur l'importance de la vie, est-ce que vous ne trouvez pas que déjà, comme société, on a décidé que l'autonomie de la personne avait préséance sur le caractère sacré de la vie?

Et est-ce que vous pensez que ça a eu un impact sur la perception que les gens ont de la valeur de la vie?

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): Bien, c'est que je crois qu'à un moment donné il y a des cas très difficiles, puis vous en avez. Depuis que vous tenez ces audiences-là, vous avez eu... on vous a soumis plusieurs cas compliqués, des cas délicats. À un moment donné, oui, on reconnaît... C'est sûr que l'autonomie de la personne... Puis la personne doit... jusqu'à un moment donné, dispose de son corps et dispose... bon, je suis d'accord avec ça. À un moment donné, quand même il faut tirer la ligne quelque part. Alors, la ligne, présentement, elle est du côté de l'intention, tu sais. S'il n'y a pas d'intention de tuer quelqu'un, si la personne, la... Oui, c'est une bonne question que vous posez. Je dirais que...

Mme Hivon: C'est l'intention, pour vous, qui fait toute la différence.

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): C'est l'intention, mais c'est aussi... c'est l'intention, si... puis les dérapages, que je vois, possibles, de tout ça. Quelqu'un qui est très malade, à un moment donné, risque quand même... Quelqu'un qui refuserait, par exemple, de se faire traiter finirait par mourir de mort naturelle. Elle finirait par mourir d'elle-même, O.K.? On ne tue pas cette personne-là. Cette personne-là meurt parce qu'elle est malade, elle ne se soigne pas. Elle meurt, O.K.?

Présentement, le Code criminel sanctionnerait les efforts pour tuer quelqu'un. C'est ça, la ligne qu'on a tirée, O.K.? Si on repoussait cette ligne-là, O.K., puis que les gens pouvaient soit...

Si on autorisait l'euthanasie, donc, si on pouvait donner la mort à quelqu'un, ma crainte, ça serait qu'à un moment donné, progressivement... au début, au début, ça serait limité à des cas très, très spécifiques, mais je craindrais que les demandes se multiplient puis que finalement ça ne soit pas... que des gens qui, par exemple, ne souffrent pas, ne souffrent pas nécessairement physiquement mais souffrent psychologiquement ou se voient dépérir refusent de se voir dépérir, décident: Oui, mais, moi aussi, je pense que... je ne vois pas pourquoi ma demande ne serait pas aussi légitime que quelqu'un qui souffre physiquement.

Alors, quelqu'un, par exemple, qu'on vient de diagnostiquer comme étant atteint de la maladie d'Alzheimer pourrait dire: Moi, je voudrais qu'on mette fin à mes jours, blablabla, parce que je n'ai pas envie de vivre ça. Le problème, c'est que j'ai l'impression que le cercle pourrait s'étendre et puis créer une espèce de dynamique de défaitisme par rapport à la maladie.

Mme Hivon: Qu'est-ce qu'on dit à quelqu'un qui vient nous voir puis qui dit: «Pour moi, c'est la planche de salut de savoir qu'il y a cet espoir-là possible parce que j'ai une... j'ai la maladie de Lou Gehrig, j'ai telle maladie, je souffre déjà beaucoup, j'ai encore un peu de plaisir dans ma vie, mais l'idée, pour moi, de penser que, si les douleurs, les souffrances deviennent trop grandes... que je sais que ma mort arrive et que je ne suis pas prête à faire face à ça, ça me réconforte de savoir qu'il pourrait y avoir cette possibilité-là? Quand... ou quelqu'un qui le demande concrètement à son médecin, à ses proches, d'être aidé à mourir, de manière répétée, qu'est-ce qu'on dit à ces gens-là? Est-ce qu'on leur dit: On ne peut pas répondre parce que le bien commun fait en sorte que, toi, ta demande ou ce que tu estimes être la bonne chose pour ton bien-être, on ne peut pas y répondre, au nom du bien collectif?

Est-ce que c'est ça qu'on leur dit, ultimement?

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): Bien, comme j'ai dit au début, je n'ai jamais été confronté à une demande comme celle-là, alors ma réponse resterait théorique, là, O.K.?

Mais à la limite, sans être aussi cru, ça serait une réponse comme celle-là. C'est qu'à un moment donné, comme j'ai dit à la fin, c'est certain qu'on contraint un peu la liberté de choix puis les volontés individuelles mais qu'à un moment donné le bien commun l'exige. Je pense que ça serait... À un moment donné, lorsque toutes les solutions... Évidemment, il faudrait investir dans les soins palliatifs, puis tout ça, pour essayer d'arriver à soulager puis à faire voir le plus possible le bon côté des choses aux personnes qui en viendraient à ce degré-là, essayer de leur faire prendre espoir en l'avenir. Mais à la limite je serais d'accord que, oui, à un moment donné... on ne peut pas accéder à votre demande parce qu'il y a trop de risques pour l'ensemble de la société. Parce que le bien commun... Parce que ça irait à l'encontre... ça pourrait aller à l'encontre du bien commun.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Merci pour votre témoignage. Très intéressant de vous entendre cet après-midi. Dans la même veine que ma collègue, on parle de signaux à envoyer à la population, on parle de prévention du suicide.

Est-ce qu'on peut arriver à croire que le statu quo actuel, qui interdit justement le suicide assisté, qui interdit également l'euthanasie, engendre des cas de suicide?

Je m'explique. Et ce sont des témoignages, en ce sens-là, qui nous ont été partagés par moments, des personnes qui se savaient condamnées par la maladie, qui savaient que le temps ferait de leur corps leur prison et, ne souhaitant pas vivre cet état de fait là, ont décidé par eux-mêmes de s'enlever la vie parce que plus tard, bon, le corps ne réagissant plus... ne pourraient plus poser le geste. Et naturellement ce ne sont pas eux que nous avons entendus mais bien leurs proches, que ce soient leurs enfants, conjoints, conjointes, qui nous disaient: Le statu quo actuel nous a privés de notre père, de notre mère, de notre conjoint ou de notre conjointe pendant certainement plusieurs mois, sinon quelques années, parce que, cette prison-là, ils ne la souhaitaient pas. Donc, plutôt que de la vivre, et sachant qu'ils ne pouvaient plus ultimement poser le geste, ils l'ont devancé, en quelque sorte.

Donc, on veut prévenir le suicide, et, comme société, ça doit être un objectif, naturellement. Mais est-ce qu'il se pourrait... est-ce qu'on peut concevoir que le statu quo engendre un certain nombre de suicides, n'offrant pas d'autre alternative à ces personnes qui malheureusement se voient condamnées par la maladie?

**(14 h 40)**

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): Bien, j'imagine que c'est possible, mais c'est plus la maladie qui est responsable de ça que les lois. Je veux dire, je veux... Quelqu'un... Il y a des gens qui se suicident lorsqu'ils apprennent qu'ils ont la maladie d'Alzheimer.

Ma grand-mère a été atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle s'est rendue jusqu'au bout. Elle a été malade très longtemps. Oui, c'est possible, mais je crois que c'est la maladie qui est responsable de ça, pas les lois. Tu sais, dire... rendre les lois responsables du suicide prématuré de quelqu'un, peut-être, mais ça me paraît, bon... ça reste quand même le choix d'un individu de s'enlever la vie.

M. Charette: Et, posé autrement... Vous avez parlé de signaux envoyés à la collectivité, qu'on envoie un drôle de signal ou sinon un signal contradictoire, compte tenu de toutes ces campagnes qui sont faites pour lutter contre le suicide.

La question que je me pose et que je vous pose: Est-ce qu'à un moment donné, ne serait-ce qu'une fois dans une vie, on a le droit de penser à nous, en ce sens? Si on se sait condamné, si on se sait malade, est-ce que pour une fois on peut penser à notre propre bien-être ou à notre propre sérénité plutôt que de penser aux impacts que ça pourrait avoir sur d'autres? Et je vous pose la question parce que l'exemple, que vous avez donné, de ce fils unique versus ses deux parents, l'exemple, il est très juste, permet très bien d'exprimer ou d'illustrer votre point de vue. Mais, pour ce fils, ce qu'on lui souhaite... on lui souhaite naturellement le plus grand bien, mais, si ultimement il devait apprendre un jour qu'il avait cette maladie, s'il décidait de l'affronter mais qu'à un certain moment, ses forces n'étant plus suffisantes, il passerait... ou souhaiterait passer à autre chose... Ça devient un fardeau supplémentaire que de penser aux autres, déjà qu'il est très souffrant, qu'il est déjà très handicapé par sa maladie.

Bref, une question simple et complexe à la fois: Est-ce qu'au moins une fois dans une vie et sans se le faire reprocher on peut penser à soi et vouloir justement mettre fin à nos propres souffrances?

M. Foisy-Geoffroy (Dominique): ...difficile, mais je... Écoutez, on vit en société, puis la vie est pleine de contraintes. On ne peut pas... Il faut toujours penser, on pense. Chacun de nos gestes a toujours un impact sur les autres, il faut y penser. Alors, une personne qui est en mesure de se donner la mort elle-même va le faire, mais... C'est ça. Alors, la vie est pleine de contraintes, alors je pense que, dans ce cas-là, le jeu n'en vaudrait pas la chandelle.

Tu sais, de permettre à une personne de se suicider comme ça a trop de conséquences, risque d'avoir trop de conséquences générales pour qu'on puisse dire oui.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Foisy-Geoffroy, pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre quelques instants et je vais demander à Mme Susanne Danis de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 14 h 43)

 

(Reprise à 14 h 45)

Le Président (M. Kelley): La commission reprend ses travaux. Je dois aviser notre ami le technicien, M. Croft, pour juste s'assurer... parce qu'on enregistre tous les témoignages et on peut les trouver sur le site Web de l'Assemblée nationale aussi. Alors, c'est pourquoi la formalité...

Alors, sans plus tarder, Mme Danis, vous avez les prochaines 15 minutes pour vous exprimer.

Mme Susanne Danis

Mme Danis (Susanne): Oui. Ce que je veux faire, c'est vous raconter l'histoire de comment ma mère a été euthanasiée il y a trois ans ici, au Québec.

Ma mère souffrait de démence vasculaire, ce qui se présente comme la maladie d'Alzheimer. Ce que je vous raconte est le récit d'une femme honorable, abusée en CHSLD. Et, si vous pensez que ceci est une histoire unique, détrompez-vous, ma mère n'est pas la première ni la dernière a être euthanasiée au Québec. Graduellement, elle a eu besoin de soins plus poussés et, sous de fortes pressions de l'Hôpital de Gatineau de trouver une solution rapide, je suis aménagée chez elle. J'avoue que j'ai été bien innocente dans le processus. Personne ne m'a avertie que la situation de ma mère se détériorerait. Rapidement, ma mère est devenue handicapée, elle a eu besoin d'une supervision, et aide 24 heures sur 24, plus poussée qu'une seule personne pouvait pourvoir. Je pense que le début de mourir sans dignité a commencé là. L'importance de libérer le lit d'hôpital était la seule priorité de l'hôpital, pas le bien-être de ma mère. J'ai vécu isolée, avec ma mère, cinq ans, de septembre 1998 à octobre 2003.

«Mourir dans la dignité», c'est une drôle d'expression parce que mourir est une étape de la vie de toute personne. On ne peut parler de mourir dans la dignité sans parler de vivre dans la dignité. La pauvreté a joué un grand rôle dans les décisions que je gérais pour elle. Elle recevait peu par mois pour subvenir à ses besoins. J'avais un bon coeur et de bonnes intentions, mais je ne fais pas de miracle. Et j'ai quitté la maison de ma mère, endettée, dans une situation financière bien pire que dans celle que je suis entrée. En plus, j'étais épuisée, physiquement malade, émotionnellement vide, moralement déprimée par la lourde tâche qui était trop peu soutenue par le CLSC. Je devais me battre pour tous les services offerts au compte-gouttes. Mettre un nom sur une liste d'attente n'offre pas de service. Il n'y a pas de ressource suffisante pour aider les personnes dans le besoin. Aussi, dans l'Outaouais, il y a des personnes âgées qui, après avoir payé le loyer... il leur reste moins de 100 $ pour vivre, pour le reste du mois. C'est un scandale et une honte pour un pays riche comme le nôtre de trouver de l'argent pour toutes les crises internationales et qui laisse ses personnes âgées dans l'extrême pauvreté, où des personnes qui ont passé leur vie à contribuer doivent choisir entre manger inadéquatement ou se chauffer.

On vit dans une province où notre gouvernement pourrait avoir un record de pauvreté zéro. Au lieu, ils se battent pour la langue, pour les frontières et sucent à sec les ressources publiques. Je vis dans une province où les gouvernements -- merci -- n'aiment pas son peuple et ne sont pas touchés par sa misère. Quand la famille est tiraillée par une situation stressante, la chicane et les conflits sont la conséquence qui crée le désastre. C'est malheureusement devenu le cas dans ma famille.

En octobre 2003, ma mère est devenue agitée lorsque je lui ai appris que je devais subir une opération au pied. Bouleversée de la nouvelle d'une séparation pendant 24 heures, elle a fait un faux pas et est tombée. Elle s'est fêlé une hanche. Nous sommes entrées à l'hôpital presque en même temps: elle, pour sa hanche; moi, pour mon pied. Ma soeur, qui est venue me donner un coup de main pour la fin de semaine, s'est vite rendu compte que ça n'allait plus, que la tâche était impossible.

**(14 h 50)**

Pour ma part, mon choix était entre perdre ma jambe et ramener ma mère à la maison ou laisser les événements se dérouler et mettre ma mère dans un centre de soins de longue durée.

Six mois plus tard, en avril 2004, ma mère est entrée au CHSLD Champlain, 510, rue La Vérendrye, à Gatineau. Je visitais ma mère aux deux jours pour lui donner une chance de s'adapter sans trop faire d'anxiété par notre séparation, mais les employés trouvaient ma présence gênante. Ma mère était diabétique et très bien contrôlée à la maison, mais le médecin du CHSLD, la Dre Josiane Moise, l'a mise sur l'insuline même avant que ma mère soit entrée au CHSLD et avant qu'elle la rencontre. Ma mère est devenue instable et affaiblie par les hausses et baisses extrêmes de son taux de glucose, et il est devenu évident que le médecin de famille n'avait aucune idée comment gérer son taux de sucre. Aussi, au lieu d'écouter l'endocrinologue qui suivait me mère depuis plusieurs années, elle choisissait d'ignorer les recommandations de celle-ci et expérimentait des doses différentes sur ma mère.

Ma mère en a beaucoup souffert. Lorsque j'ai protesté l'approche du Dr Moise et que je l'ai rencontrée, elle disait comprendre la situation, mais elle choisissait de continuer à ignorer les requêtes et les inquiétudes de la famille ainsi que les recommandations du spécialiste.

Ça a été la même chose pour d'autres problèmes de santé, que ce soit pour gérer son diabète, l'insuline, la médication cardiaque ou l'administration de médicaments de la douleur. À l'intérieur du premier mois, j'ai été convoquée au CHSLD pour une rencontre avec le Dr Moise, Agathe Carle, la travailleuse sociale, et la responsable des soins infirmiers pour discuter des soins de santé de ma mère. Le directeur, M. Marc Desjardins, n'était pas en poste au moment de cette réunion, mais il est sauté dedans quand il a pris son poste. On m'a convoquée sous de fausses prétentions parce qu'on a choisi de m'accuser d'agression sexuelle sur la personne de ma mère et on m'annonçait que dorénavant je devais me soumettre à des heures de visite restreintes avec elle et seulement sous leur supervision. De plus, je ne pouvais plus sortir ma mère et l'amener chez moi pour un repas ou une visite.

Je veux que vous compreniez quelque chose. Moi, à 46 ans, avec un dossier vierge, qui ai pris soin de ma mère pendant cinq ans chez elle et deux ans à l'externe, moi, qui a travaillé toute ma vie pour la même compagnie avant de tomber malade, moi, qui n'ai jamais eu un seul problème avec la loi, moi, qu'il ne m'est jamais arrivé de me saouler ou de me droguer, je me retrouvais, devant un médecin, une travailleuse sociale et une infirmière en chef, accusée d'agression sexuelle pour des actes inventés de toutes parts, avec soudainement des visites restreintes. De plus, une préposée nommée Laura, qui est maintenant à la retraite, a eu une rencontre informelle en plein corridor avec des membres de ma famille pour leur demander s'ils participeraient et appuieraient des accusations de nature sexuelle pour m'éloigner de ma mère et du CHSLD. Jamais le CHSLD, dans le mois, m'a approchée pour parler qu'ils avaient des problèmes. À la rencontre informelle dans le corridor avec ma famille, deux membres ont dit oui, trois ont dit non, et, avec cet appui, ils ont procédé à une plainte auprès de la police de Gatineau, sachant que c'était un mensonge.

Plus tard, j'ai appris que mon frère, qui a participé aux accusations, avait communiqué à Agathe Carle qu'elle pouvait m'accuser de n'importe quoi parce que j'étais pauvre et n'aurais pas d'argent pour me défendre. Il avait bien raison, puisque, pendant deux ans, je me suis débattue pour finir de payer les frais de subsistance de ma mère, que ma mère a encourus lorsqu'elle vivait dans sa maison. Aussi, j'ai appris que d'autres familles vivaient sous la menace de se voir retirer les droits de visite de leurs proches par Agathe Carle s'ils ne restaient pas tranquilles. Mon frère a aussi fait les mêmes menaces à mes soeurs.

Même après avoir participé à l'enquête de la police de Gatineau et même après que la plainte ait été réfutée par eux, disant qu'aucun crime n'a été commis, le CHSLD a insisté à maintenir des heures de visite restreintes et des visites supervisées jusqu'au décès prématuré de ma mère. Le directeur, Marc Desjardins, m'a dit qu'il ne pouvait pas le prouver mais qu'il savait que j'avais posé des actes. Je n'ai jamais compris comment on pouvait accuser d'actes si graves une personne et qu'il n'y ait pas de personnel professionnel pour évaluer les visites ni non plus comment, après que la police de Gatineau ait émis la conclusion qu'aucun crime n'avait été commis, comment on pouvait empêcher une fille de sortir sa mère ou de la visiter en toute tranquillité, sans harcèlement.

Aussi, le processus de plainte se trouvait inefficace, puisque la travailleuse sociale, Agathe Carle, était aussi la commissaire aux plaintes. Pendant trois ans, elle refusait de recevoir toute plainte venant de mes soeurs et moi. Nous n'avions aucune ressource pour protester leur comportement abusif envers nous et aussi envers ma mère.

Ma mère a grandement souffert de me voir rarement. Elle s'est crue abandonnée par moi et me cherchait constamment. Aussi, le personnel la faisait chanter en lui disant qu'elle devait leur obéir et que je la verrais après. Ma pauvre mère m'a attendue et attendue et a pensé que je l'avais abandonnée. Je n'en pouvais plus d'aller la voir et d'être perçue comme une agresseure sexuelle, d'entendre le personnel chuchoter et de me faire imposer un harcèlement continu de leur part. N'oubliez pas, tout ceci est arrivé dans le premier mois de l'aménagement de ma mère au CHSLD, lorsque j'étais épuisée des cinq ans que je venais de passer avec elle et après une chirurgie.

Les conflits avec le CHSLD, c'était surtout de nature médicale. On voyait ma mère graduellement dépérir. Mon frère Richard, qui était mandataire, a donné carte blanche au CHSLD de faire tout ce qu'ils voulaient avec ma mère et ma famille, et je n'ai jamais compris pourquoi les dirigeants du CHSLD étaient impliqués jusqu'au cou dans les conflits de famille. Je crois qu'ils ont été les instigateurs de plusieurs conflits qui diviseront la famille à tout jamais. Et je sais que ça aurait pris très peu d'efforts pour réunir la famille inquiète et faire les ajustement, dans la santé de ma mère, pour qu'elle reçoive les soins appropriés, mais la relation du CHSLD avec ma famille a été, dès le début, très adversairiale et arrogante.

Malheureusement, nous n'avons jamais eu le coeur tranquille tant que ma mère a résidé au CHSLD Champlain. Même lorsque ma soeur a poursuivi mon frère pour le mandat, le Dr Josiane Moise a dit au juge Martin Bédard qu'elle refusait... elle refuserait de traiter ma mère si ma soeur obtenait le mandat. Sous cette menace, le juge Bédard a laissé le mandat à mon frère qui a continué de donner carte blanche au CHSLD. Et, en passant, mon frère ne s'est jamais conformé au jugement de la Cour supérieure, et le CHSLD non plus. Malgré que ma soeur ait gagné le droit d'être informée de l'état de santé de ma mère, elle n'a pu obtenir les informations requises. Elle a aussi gagné le droit d'amener ma mère voir ses spécialistes, comme son cardiologue, son endocrinologue, mais le Dr Moise a continué d'ignorer les recommandations de ceux-ci.

Suite à une visite avec son cardiologue qui la suivait et la maintenait stable depuis plus de 10 ans, le Dr Josiane Moise, contre l'avis du cardiologue, a retiré la médication pour le coeur de ma mère. Malgré que ma soeur demandait au CHSLD si elle avait toujours sa médication, on lui mentait. Aussi, dans cette période de temps, mon frère a consulté un avocat et est allé au salon funéraire pour retracer les préarrangements de ma mère. Le but était clair: euthanasier ma mère par une crise cardiaque.

Le 20 juin, j'ai reçu un appel de ma soeur. Elle a reçu un appel clandestin d'une employée qui lui disait que ma mère venait d'être envoyée à l'hôpital et elle m'appelait pour que j'aille la rencontrer. J'ai vite filé pour rencontrer l'ambulance de ma mère. Ce n'était pas très clair quel était le problème, mais le médecin l'a évaluée et s'est rendu compte qu'elle était très faible. Puis, environ une heure et demie plus tard, elle a fait une crise cardiaque qui a été suivie d'embolies aux jambes et à l'abdomen. Pendant trois jours, ma mère est morte, minute par minute, pouce par pouce. Ses membres et son dos sont tournés mauves du manque de circulation, et, lentement mais sûrement, elle est morte euthanasiée par le manque de soins professionnels du CHSLD et du Dr Josiane Moise, qui a provoqué cette crise cardiaque en lui enlevant sa médication.

Entendez-moi, je tiens personnellement responsable le Dr Josiane Moise et mon frère de la mort de ma mère, parce que, contrairement aux recommandations du cardiologue, elle lui a retiré ses médicaments pour le coeur et l'a laissée dépérir.

Ma mère avait souvent verbalisé qu'elle ne croyait pas au retrait des médicaments pour provoquer le décès. Après son décès, le cardiologue a dit à la famille qu'il n'y avait pas d'autre conclusion possible que la mort avec le retrait du médicament.

**(15 heures)**

Suite à une plainte au Collège des médecins, le Dr Moise a donné sa démission au CHSLD Champlain, mais, à ma connaissance, elle continue de traiter des patients en Ontario.

Des expériences où une personne meurt ou, devrais-je dire, vit sa fin de vie sans dignité, cela n'affecte pas seulement cette personne, mais toute la famille. Dans notre cas, le CHSLD a participé activement à rendre la fin de vie de ma mère un épisode long de quatre ans déchirants. Les conflits continuent dans ma famille. Mon frère, qui a dilapidé les finances de ma mère de son vivant, refuse de coopérer pour régler la succession. Étant un coliquidateur, il refuse de faire l'inventaire et rendre compte des finances. La famille attend son héritage, et il est impossible d'avoir une fermeture dans cette situation. Nous sommes encore tous bien déchirés. La situation difficile continue.

Personnellement, je ressens encore les résultats de la mort sans dignité de ma mère dans ma vie. Malgré que mes finances se sont stabilisées, je suis très appauvrie. Un an après le décès de ma mère, mes reins ont cessé de fonctionner en 2009 et, en 2010, j'ai subi une chirurgie cardiaque. Je me demande combien le stress de ces années a joué un rôle dans la destruction de ma santé. Je ne laisse personne rentrer dans ma vie. Plus souvent qu'autrement, je me retrouve isolée et confortable dans cette situation. Je n'étais pas comme ça avant. J'ai fait du bénévolat toute ma vie, depuis l'âge de 17 ans, mais depuis je suis très sélective. Merci. Excusez-moi, une minute.

Le Président (M. Kelley): Prenez votre temps. Prenez votre temps, on est...

Mme Danis (Susanne): Je ne suis plus capable de respirer.

Le Président (M. Kelley): C'est un témoignage très difficile, alors prenez votre temps.

Mme Danis (Susanne): J'ai fait du bénévolat toute ma vie, depuis l'âge de 17 ans, mais depuis je suis très sélective à l'endroit où j'offre mes services. Je refuse de travailler avec les personnes âgées, qui ont une place spéciale dans mon coeur. Je ne travaille plus avec les enfants. Je ne veux pas me retrouver dans une situation où il n'y aurait pas de témoin, parce que j'ai été accusée faussement dans le passé. Nous savons combien de personnes meurent sur les listes de transplantation au Québec. Je vois mes compagnons d'armes tomber à tous les mois. Ça pourrait être moi. Mon processus de mourir sans dignité est commencé lorsque j'ai perdu ma santé. Je suis seule, sans mari ni enfant.

Une chose est certaine pour moi, je n'irai jamais dans un CHSLD pour finir mes jours. Contrairement à ma mère, je veux que, le jour où je choisis de ne pas continuer à vivre seule... qu'il y ait une place pour moi dans un hôpital ou une maison avec des soins médicaux pour que je puisse cesser ma dialyse et mourir en recevant des soins. Sinon, je mourrai de toute façon à la maison mais sans être nourrie ni abreuvée, et probablement dans mes excréments, seule et isolée. Cela prendra une dizaine de jours et probablement des semaines avant que mon corps soit retrouvé dans un état de décomposition. Je veux qu'au Québec ce qui est arrivé à ma mère n'arrive plus. Je n'en peux plus d'entendre des histoires d'horreur, à la TV, d'autres personnes âgées abusées et mortes sans dignité dans les CHSLD publics et privés. Ce sont des personnes humaines qui nous ont donné le meilleur de ce qu'elles avaient et sont maganées et abusées parce que c'est facile et ça coûte moins cher et qu'elles n'ont personne pour parler pour eux. Il faudrait que les hôpitaux cessent de se battre pour les lits et le fassent pour les soins des patients.

Je veux que la personne qui a décidé de mourir puisse le faire librement, sans être bousculée ni par la famille ni par la peur de négligence, et qu'on lui donne le moyen de le faire. Pourquoi les hôpitaux n'ont pas une équipe pour parler à ces gens-là pour trouver des solutions de vie et de mort sans être bousculés par qui que ce soit?

Pour ma part, lorsqu'il a été le temps de sortir de l'Institut de cardiologie, là, on parle de septembre 2010, suite à ma chirurgie cardiaque, ni un lit à l'Hôpital de Hull ni un lit en convalescence a été disponible. On m'a envoyée chez ma soeur qui travaillait de 8 heures le matin à 9 heures le soir. J'étais dans une situation extrêmement vulnérable, et l'institut savait que c'était dangereux pour moi, mais ils avaient besoin du lit pour quelqu'un d'autre. J'ai été un fardeau trois semaines chez ma soeur puis je suis rentrée à la maison.

Arrivée à la maison, j'ai dû me battre avec le CLSC pour des services et j'ai été à la maison 17 jours seule avant de bénéficier de sept semaines de soins à domicile à raison de cinq heures-semaine. Encore aujourd'hui, je suis autorisée, pour une subvention de 11 $ de l'heure, pour 2,5 heures par semaine, mais je n'ai pas l'autre 70 $ par mois que je dois payer pour ces services. Je me retrouve donc sans service, dans le besoin, souvent incapable de me préparer des repas adéquats. Physiquement, je n'arrive pas. Je dois choisir entre manger ou payer une aide, mais je n'ai pas les moyens de faire les deux. Ça aussi, ça fait partie de mourir sans dignité.

Les personnes ont besoin de plus de ressources. Le virement ambulatoire ne marche pas. Les gens sont dans le besoin et sont souvent abandonnés. Je sais que je vivrais probablement plus longtemps si j'étais épaulée et appuyée de ressources qui rendraient ma vie plus vivable. Moi, je ne suis pas suicidaire, mais je suis fatiguée, et la situation ne va pas en s'améliorant. Je vous avoue, pour mourir, je suis prête et je n'ai pas peur. Moi, je ne suis qu'une personne, mais il y en a des centaines comme moi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour ce témoignage qui est très difficile à livrer. On a entendu votre témoignage, et c'est un témoignage très triste. Il reste juste le temps pour une couple de courtes questions. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je n'ai pas de question mais un commentaire. Mme Danis, je veux vous remercier d'avoir eu le courage de venir partager votre vécu avec nous parce que, malheureusement, des situations comme la vôtre, ça existe, et puis...

Mme Danis (Susanne): Ce n'est pas rare.

Mme Gaudreault: Non. C'est ça.

Mme Danis (Susanne): Ce n'est pas rare, ce n'est pas rare du tout. Ça arrive comme ça. D'autres personnes âgées, abusées dans ce CHSLD là, on en a rencontré, on en a rencontré, des vieux messieurs qui étaient menacés de perdre les contacts avec leurs épouses, qui avaient été mariés 60, 62 ans, qui vivaient séparés. Ce n'est pas une histoire unique, là, c'est la norme. Bien là, au moins, c'est là qu'ont été nos expériences.

Mme Gaudreault: Ce n'est pas... C'est une expérience unique pour vous parce que vous nous avez bien signifié que ça a laissé des traces, malheureusement. J'espère que vous allez trouver la paix. Mais, vous savez, nous, les députés, on a plusieurs rôles à jouer. On a un rôle de parlementaires. On est ici aujourd'hui pour parler avec vous de suicide assisté et d'euthanasie, et tout ça, mais notre premier rôle, c'est de représenter nos citoyens à Québec et auprès des instances gouvernementales. Alors, tout à l'heure, je vais vous demander vos coordonnées puis je vais les remettre à votre député pour qu'il puisse vous aider, parce que ça fait partie de notre rôle. Ce n'est pas tout le monde qui est outillé de la même façon pour se sortir de situations quelquefois qui sont dramatiques comme la vôtre.

Mme Danis (Susanne): Vous savez, quand on se bat pour sa vie, on n'a pas le temps de se battre avec le CLSC.

Mme Gaudreault: Je comprends.

Mme Danis (Susanne): Tu sais, par exemple, lorsque je suis sortie de l'hôpital, j'avais besoin d'un déambulateur. Ma soeur habitait le Sud de l'Ontario. Parce que j'avais les deux pieds dans la province de l'Ontario, je ne pouvais pas avoir un déambulateur, mais mon adresse est au Québec, mon appartement est au Québec, je vis au Québec.

Mme Gaudreault: Je vous remercie encore, au nom des personnes qui sont là, parce qu'il faut les entendre aussi, ces histoires dramatiques là, pour faire en sorte que ça ne se reproduise plus.

Mme Danis (Susanne): Vous savez, ma mère, elle ne croyait pas dans l'euthanasie, elle ne croyait pas là-dedans, se faire enlever ses médicaments puis se laisser mourir. Moi, j'y crois. Moi, j'y crois, qu'à un moment donné, quand tu sais que tu as perdu la bataille, quand tu es sur une liste de... tu sais, quand tu es en dialyse puis tu y vas, puis tu y vas, puis c'est drainant, puis c'est vidant, puis c'est un fardeau sur la famille, puis c'est tout à considérer.

Parce que, quand une personne dans une famille est malade, toute la famille est malade. Tu sais, ce n'est pas... on n'est pas des blocs de glace qui ne sont pas touchés par personne d'autre, qui ne touchent personne.

**(15 h 10)**

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, Mme Danis.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Je veux juste vous remercier à mon tour parce que, aussi dur que ça puisse être, c'est important aussi pour nous d'entendre ces messages-là. Et je peux vous dire qu'on va toujours essayer de lutter contre la pauvreté, contre l'isolement, contre des situations aussi difficiles que celles que vous nous rapportez aujourd'hui.

Donc, je veux vous remercier de votre courage puis d'avoir pris le temps de venir livrer votre message. Je suis certaine que ce n'était pas quelque chose de facile pour vous. C'était difficile pour nous de l'entendre, alors je peux imaginer à quel point de vivre tout ça a dû être très, très lourd et hypothéquant pour vous. Alors, merci.

Mme Danis (Susanne): Vous savez, en ce moment le gouvernement manque la cible avec ses personnes âgées, non seulement dans le processus de mourir avec dignité. Comme je vous dis, je trouve ça une expression drôle parce que mourir, ça fait partie de la vie, c'est un processus de la vie. Alors, dans le processus de fin de vie, dans le processus de maladie, quand ça commence... Vous manquez la cible. Ces gens-là sont abandonnés. Tu sais, je ne comprends pas pourquoi que, premièrement, le métier de travailleuse autonome n'est pas mieux formé, n'est pas mieux soutenu, pourquoi est-ce qu'on n'apprend pas aux gens à parler aux personnes âgées.

Tu sais, par exemple, je parlais à une personne âgée hier, qui est en dialyse. Elle est tombée, elle s'est fendu le front, elle est noire des lèvres jusqu'au front. La travailleuse autonome qui l'accompagnait lui a dit: C'est de ta faute si tu es tombée. Madame est tombée en allant à la salle de bains. Je suis certaine qu'elle a sonné, puis qu'elle a attendu, puis qu'elle a attendu. Puis elle ne voulait pas se souiller. Ça fait qu'elle s'est levée, elle est allée à la salle de bains puis elle a eu une faiblesse, puis elle est tombée en pleine face. Ils l'ont trouvée dans une mare de sang, je ne sais pas combien de temps elle a été là.

C'est monnaie courante au Québec, là. C'est monnaie courante. On a juste à rentrer dans le milieu pour le voir. Et des gens comme Agathe Carle, qui s'acharnent à séparer les familles pour avoir le contrôle de la personne âgée... Quand ma mère a vendu sa maison, elle a dû payer pour ses soins. Alors, elle était comme une vache à lait pour eux autres.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire... comme les autres, saluer votre courage, parce que l'histoire que vous avez racontée est parmi les plus tristes que nous avons entendues à date. Alors, merci pour le courage, pour nous indiquer qu'il reste beaucoup de travail à faire pour mieux organiser les soins en fin de vie, parce qu'effectivement c'est ça, la question, et c'est ça, les manquements dans votre histoire. C'est avant tout l'aide à domicile, les relations entre les professionnels de la santé et votre mère.

Alors, ça, c'est les choses que, comme commission, nous devrons regarder dans notre rapport final, alors.

Mme Danis (Susanne): ...une investigation majeure dans les CHSLD de l'Outaouais. Celui sur La Vérendrye, le CHSLD Champlain, ce n'en est qu'un, mais je suis certaine que les choses qui se sont passées avec ma famille se passent encore. Il faut que quelqu'un aille là avec autorité et puisse dire: Bien, ça, c'est vos pouvoirs, ça, vous êtes limités. Parlez aux familles, c'est eux autres qui vivent les enfers aussi. Non seulement la personne âgée, mais toute la famille.

Le Président (M. Kelley): Ces commentaires sont bien notés.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants et demander aux représentants de Soins continus Bruyère de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 15 h 14)

 

(Reprise à 15 h 16)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre dernier témoin dans la liste des témoins que nous avons préparée, c'est les Soins continus Bruyère, qui sont de l'autre côté de la rivière, ici, à Ottawa. Et on avait une certaine règle de conserver la liste pour les personnes du Québec, mais, vu que la réalité transfrontalière est très importante, et notre collègue de Hull nous a rappelé que les deux villes vivent ensemble, nous avons fait une exception à notre règle pour recevoir les représentants de Soins continus Bruyère qui sont représentés par Dr José Pereira «and» Dr Kirby Kranabetter.

So, I don't know who is going to start. Qui va commencer?

Soins continus Bruyère /
Bruyère Continuing Care

M. Pereira (José): Moi, s'il vous plaît.

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait.

M. Pereira (José): Bonjour, M. le Président, mesdames et messieurs. Merci beaucoup pour l'opportunité de partager aujourd'hui... principalement pour partager mes expériences. Je m'appelle José Pereira, je suis médecin en soins palliatifs durant 16 ans. Je suis chef de Service des soins palliatifs ici, à l'Hôpital d'Ottawa, et aussi des Soins continus Bruyère et je suis aussi professeur de soins palliatifs.

Merci beaucoup pour l'opportunité parce que je pense que c'est très, très important. C'est important qu'on parle sur le sujet, qu'on débatte le sujet comme société. Et, pour nous, aux Soins Bruyère, c'est très important parce qu'entre 25 % à 35 % de nos patients sont des patients francophones et aussi parfois du Québec. C'est un sujet très, très important. Ma langue maternelle, c'est le portugais, et ma deuxième langue, c'est l'anglais, donc je vous demande si je peux parler en anglais, s'il vous plaît, et merci pour votre patience. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): ...will allow the chairman to practice his English, so...

**(15 h 20)**

M. Pereira (José): Thank you very, very much. I'm learning, yes. I think that my experience is somewhat unique in Canada in that I'm probably the only Canadian palliative care physician that has worked in a jurisdiction that allows assisted suicide, namely Switzerland.

In 2005, I was recruited to be professor of palliative care at the University of Lausanne and also «Université de Genève», and so I spent just under three years there. I must admit that, when I first went to Switzerland, I was relatively neutral on the topic. Personally, I did not believe in euthanasia or assisted suicide, but I was somewhat neutral in terms of other people accessing it. But my experience has changed my mind, and that is what I would like to focus on today and share that with you, and I would like to share it by way of red flags that I met up with, that I experienced while working in Lausanne and Genève, and then also some key lessons that I personally learned.

As you know, in Switzerland, assisted suicide is allowed, euthanasia is illegal. And I was working at the Centre hospitalier universitaire... in Lausanne, and at the time, when I arrived there, assisted suicide was not allowed in the hospitals. It was done mainly at home.

Just before I arrived, there had been a process started at the hospital to open up its doors to assisted suicide, and the first red flag, for me, was the reasons why the hospital started discussing the possibility of allowing assisted suicide within the hospital, and it was... Three things had occurred at the same... almost at the same time, that made them look at it.

The first one was a gentleman who was admitted to hospital with cancer and felt he wanted to commit suicide, but, because he couldn't have access to it in the hospital, he committed suicide by jumping out the window, and that was extremely, extremely traumatic to everyone. I'm sure you can imagine that.

The second one, and the one that, for me, was also very concerning, was... An elderly gentleman was admitted to hospital because of increasing pain and increasing tiredness. He lived in the fifth floor of an apartment that had no escalator and no elevator going up, and he had no family. His hospital stay became complicated, and he stayed in hospital for about two months, and, after two months, he became frustrated. He couldn't go home because he had no family to look after him. He couldn't go home because it was difficult to get to his apartment, and so he said, one day: «I don't want to spend the last days of my life living like this, I'd rather have... I'd rather receive assisted suicide than live like this.» And, for me, the concern was, instead of, as a society, turning around and saying, How are we... What are we missing here? what can we put in place here to prevent this, as we heard from the previous person? How can we allow the person to live with dignity? It was reversed, it was: «Well, let's look at assisted suicide, and let's look at suicide as an option.»

The second red flag that I experienced was, on a particular day, we had a gentleman who was admitted to hospital and was a member of Exit. Exit is the right-to-assisted-suicide organization in Switzerland, one of the few. The other one is Dignitas. And Exit called up the hospital and said: «This gentleman is a member of the organization and therefore is in lots of pain, and he needs to access assisted suicide right away. He's suffering and he cannot die like this, with no dignity.» When we saw him, as a palliative care service, we felt that there was still lots that we can do for him in terms of controlling his pain, and we said to him: «Look, we would like... we think we can do something to control your pain,» and he said: «No, I don't want to look ahead. Looking ahead, I'm very afraid of what's going on. I want assisted suicide right now.» And there was enormous amount of pressure from Exit, at the time, on the hospital administration to do it.

Fortunately, we were allowed to step in, we made some interventions and took his pain away. He was discharged from hospital a few days later and, without any prompting from anyone, went to the newspaper and said: «Had I received assisted suicide, I would not have been here today, and I'm enjoying my life for what it is at the moment, and it's going fine.»

And I've got many other stories in our daily work, hundreds and hundreds of people across the country receiving palliative care and dying good, dignified deaths without having to resort to assisted suicide or euthanasia.

Having said that, I'm not naive and I'll be lying if I say all of it is always wonderful and very good. There's some very, very difficult cases, and, over the years, I've seen some very, very difficult cases. But what really... what concerned me about that particular case was that, had we gone with a plea by Exit, at the time, on the basis of dignity and autonomy, this person would not have been living and would not have lived the many months that he lived later.

For me, the next concern, the next red flag occurred in Geneva. A few months after, the University of Lausanne... the hospital at Lausanne opened up its doors to assisted suicide, and the Geneva hospital then also opened up its doors. At the same time, the university at Zurich... the university hospital said no, they didn't think it was a good idea, they wouldn't allow it. But, in Geneva, they did, and, within a few weeks of allowing that at the hospital in Geneva, they reduced my palliative care staff that we had. We only had two doctors to do palliative care in the whole canton of Geneva, and that was reduced to one person. And community-based palliative care service was also terminated and taken away, and so, for me, my concern was that, while there was so much focus on assisted suicide, there had been... focus had been lost about palliative care and the palliative care gaps were not addressed.

I know that proponents of legalizing euthanasia and assisted suicide in Belgium, for example, have said that, by legalizing euthanasia, palliative care services improved significantly in that country. I'd like to bring to attention that there are many other countries where palliative care improved significantly with resources from its society, from the ministries without having to resort to allowing assisted suicide and euthanasia, and here I think of the United Kingdom, I think of Australia, I think of France.

And, even more recently, France said: «We need to improve palliative care, not allow euthanasia at this time.»

The fourth red flag and, for me, a very concerning one was ignoring and even reinterpreting rules that have been put in place to safeguard the practice of assisted suicide, to prevent its abuse or misuse. And at Lausanne, at the CHUV, there was a «processus institutionnel» that was opened up to guide the practice of assisted suicide. It's very detailed, and, as you know, Swiss are very detailed people, and they put a lot of thought into what they do. The criteria was that the person has to have... for the hospital at least, the criteria was, a person has to have a terminal disease and should be at the end of life and suffering. Yet, the very first patient that I've personally received a call for my team to go and see was a person with depression. When we brought this to the attention of the ethics committee and we said: «This is against what has been set out as the rules,» we were told: «Well, if you really think about it, depression is an incurable disease, and it's causing a lot of suffering for this person, but there is a concern there that rules put in place to prevent abuse then start getting changed, and criteria start getting changed.»

The other concerning one was that, a few years ago, in the German-speaking part of Switzerland, Dignitas had published a study, a research paper, in which it showed that, over the course of about seven years, there had been quite a dramatic increase in the number of assisted suicide cases. What was very interesting or very intriguing was that 14% of the cases had been done by an injection or through a feeding, through a tube in the stomach. Now, in many of those cases, it was someone else that did it. It wasn't the persons that did it themselves. In other words, euthanasia was being practiced, but euthanasia is illegal in Switzerland. Yet, there was no repercussions to that.

And so one of the lessons that I've learned is that it's extremely, extremely difficult and, I think, impossible to put safeguards in place, safeguards that will protect people, and consequently many people are put at risk by legalizing assisted suicide and euthanasia. And I'll share with you some of the statistics.

In the Netherlands, 46% of all euthanasia were still performed outside the law three years after the legislation, in 2002. In the Netherlands, over 500 persons are euthanized every year involuntarily, without having given consent, and one of the key things in the law is that the person has to give written consent. Yet, about 500 people a year are euthanized without having given explicit consent. For every five persons euthanized or receiving a physician-assisted suicide, one person is euthanized without having given explicit consent. In Belgium, the rate of deaths without explicit request is three times higher than in Holland, and I think it's important to look at the experience in Belgium. For me, it's very concerning. One study found that approximately 5% of all non-sudden deaths in the Flemish-speaking part of the country were by euthanasia, while a similar one had not given consent.

**(15 h 30)**

Our particular concern is that in a Belgium study... And, in Belgium, a recent study found that 32% of all euthanasia deaths were without request or consent. And our particular concern is that the decision to proceed with ending the person's life without consent was felt to be clearly in the patient's best interests in 7%... 17% of the cases as per the doctor, so the doctor had decided that it's not in the person's best interests. And, in 8% of cases, and this, for me, was particularly concerning, physicians felt that discussing it with a patient would have been more harmful to the patient and distressing and chose therefore to proceed without a discussion with the person.

These numbers likely underrepresent what's happening, because, as we know, up to 50% of cases in Belgium are not reported. And, in the Netherlands, a very high number as well, somewhere between 20% and 40% of cases, are also not reported, despite the law stating very clearly that the cases have to be reported.

I believe therefore that it's a law that places people at risk. In Oregon, for example, where depression has to be excluded, we know that people with a depression are more likely to ask for assisted suicide or euthanasia. That's very well known. My brother-in-law committed suicide last year, and it was a very difficult time for our family. And, looking back, we feel it was a depression that wasn't treated. And so people with a depression do ask for assisted suicide and do commit suicide, yet in Oregon one in six of those people who received assisted suicide were found to have a depression that was untreated and unaddressed.

The other red flag for me was changing the criteria and the rules over time. I've already said how the rules started getting changed, very sadly, at Lausanne. In the canton of Vaud, the initial discussions... And I remember having discussions with Exit and asking them: «Could you explain? Help me understand what you think would be important here.» And they said: «This is going to apply only for the terminally ill with a terminal disease at the end of life who are suffering.» Yet, within two years of that being allowed in... at the CHUV, Exit launched a campaign to allow assisted suicide in long-term care facilities and nursing homes for people who were elderly and felt that they didn't want to live anymore. So, again, evidence that the rules change over time.

In the Netherlands, it was debated from the beginning of the 1970s, and the public really put a lot of thinking and debating into this topic, and yet, despite that, it's been difficult to put the safeguards in place. In Belgium, the same discussion occurred. In Belgium, the lawmakers who were in favor of legalizing euthanasia assured the public that it would be only related to terminal disease, and we now know that in Belgium it's much broader than that. And, in fact, there are now moves to also legalizing it for people with dementia. And in the Netherlands, very recently, the Royal Dutch Medical Society said that euthanasia should be allowed for people who are tired of living, elderly and tired of living. And so again that's very, very concerning, and we need to ask ourselves: As a society... If we go down this pathway, it's not going to be the same as what we discuss today. What is it going to look like? Where should we focus on? Should we not be focusing on other means of addressing the suffering of people at the end of life?

I believe, and that's where the lessons are learned, that indeed there is a slippery slope. When I first went to Switzerland, and read the research, and studied the academic journals, I came across many papers saying that the slippery slope does not exist, on the basis that over time there doesn't seem to be major increases or exponential increases in the number of euthanasias or assisted suicides. But I've come to understand that the slippery slope lies not in those numbers, the slippery slope lies in what I've just shared with you: criteria that get changed, the rules that are ignored, hundreds of people a year who are euthanized without having given explicit consent.

In the Netherlands, in 1998, 25% of patients requesting euthanasia received psychiatric consultation. By 2010, none had, in one study. In Belgium, palliative care consultations occur in less than a third of people who went on to get euthanasia without consent.

There are many myths in palliative care, and one of the lessons that I learned was... and this surprised me, is a reluctance by some... by many people not to try and understand what these myths are.

The first myth is, we often hear people saying: «Well, they're on opioids, morphine and other painkillers, and that is euthanasia, because at the end of the day it shortens their lives.» That's not true. If one knows how to use opioids appropriately, it is safe, it is extremely safe. It is so safe that, in countries that legalized euthanasia, they do not use morphine or opioids to do it because it's not effective at all in that role. There is also the myth... A lot of people are afraid that they will be put onto life-support machines when things are futile. And so to prevent that... the only way to preventing that is by accessing euthanasia or assisted suicide. And I think we need to start a campaign of information so people are informed, the public is informed that saying no to futile treatments, withdrawing, withholding those treatments is not euthanasia. It is completely different to euthanasia.

And therefore we don't have to legalize euthanasia in order to access the human right of saying: «No, I don't want to be put on life-support machines.»

There is a myth about withdrawing and withholding artificial feeding and hydration. We know that, at the end of life, in many of the diseases, advanced cancer, AIDS, etc., there's a physiological process that takes... that comes into being, and feeding artificially in the last few days or weeks of life is not going to improve the quality of life, is not going to help the person at all, and therefore withholding it and withdrawing those futile treatments is good care. It's not euthanasia, so we shouldn't be calling it euthanasia. And, to this end, I think, what's very confusing, and we've... I found that in Switzerland when we had... when we were having the debate, was some of the definitions. The European Palliative Care Society, for example, have suggested that we do away with the definition «passive euthanasia» and that euthanasia is active.

If the intent is to shorten a person's life, than that is euthanasia, and we should do away with the words of «passive euthanasia» because people are getting confused with that and what's good medical care, withdrawing or withholding futile treatments.

Lastly, I just want to say...

Le Président (M. Kelley): ...to arrive at your conclusion.

M. Pereira (José): Yes. So, lastly, what I'd like to say is, in terms of dignity, I think we've got to be very careful about using the word «dignity» and directly with assisted suicide and euthanasia. And I think that the title of the law in Oregon, for example, Death with Dignity, I think, is very... is rather ingenuous, because over many, many years palliative care has been providing dignified dying without having to resort to assisted suicide or euthanasia.

And I do think that if we are talking about this, let's talk about for what it is, and that is access to euthanasia and assisted suicide. Thank you very, very much.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much for your presentation. Je vais céder la parole à ma collègue de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. I have two questions, short ones. Who is on the committee when you were in Switzerland? Who was the people? Was it doctors, was it... Were there just administrators?

M. Pereira (José): That's a fantastic question. The committee was made up of... in the hospital, was made up... was chaired by the head of the Ethics Department. There was a critical care physician, there was an emergency room physician, there was a nurse, there was an administrator, and then there was a palliative care person.

Mme Charbonneau: So those were the people that was putting a judgment on if the person could have assisted suicide or euthanasia?

M. Pereira (José): No. No, they were just in charge of deciding whether or not the hospital would open up its doors to assisted suicide, and then they would also provide the oversight and supervision of what was happening, but they did not make the decision.

The decision was made by the person, had to be assessed by the attending physician. The physicians and all nurses were under no obligation to do it, and someone from the outside could come into the hospital and do it. So Exit or Dignitas could come into the hospital and do it.

**(15 h 40)**

Mme Charbonneau: But, when you specify that someone in depression could come and submit their idea...

Une voix: ...

Mme Charbonneau: ...their request -- thank you -- you said the people that was putting a judgement on that request said that depression was a sickness or an illness.

M. Pereira (José): Yes. So, at that time, we took it to that committee because their responsibility was oversight over this, and we said: «Look, we have a concern with this and that the rules that we've put in place are not being respected.»

Mme Charbonneau: OK. My other question is more, maybe, «philosophique», with your experience of accessing to assisted suicide and euthanasia.

We had people come, and see us, and tell us about their illnesses, and their right, and their will to die, and I understand your point when you say there's a slippery slope, and all that, but what would you have as an idea to help those people? And I'm talking about, you know, illnesses that will not give them death fast, make them suffer, and they cannot unplug something that helps them to die. So, in that feature of life, they say: «I want to have a right to say "enough is enough", I've been around, I lived it all, I love my people, my people love me, and now I want to say good-bye, and I want to die on the 14th of February because this is the day I think my heart should stop.» And we understand that those people were suffering, and we're not not sensible to them. So what do I say to them if I say no to the two options that they're looking at, telling us, as a «société», to open up?

And I understand all the precaution that goes around, but what kind of solution can I find, which is not in those two solutions? Is there something that I'm not seeing, that I'm not seeing, that we could look at instead of assisted suicide and euthanasia?

M. Pereira (José): Yes, I think your question comes to the core of this whole debate, and the question relates to: As a society, do we have... I think, as individuals, do we have the right to choose the time and place of when we die? It's a very complex question, actually, and the response has to be, I think, multidimensional.

One of the things we know, that in terms of... we have to find out what the source of the suffering is. So, if someone says, «I'm suffering,» then the first thing to do is to explore what it is, what does that mean, because obviously it's something very, very deep and very hurtful to the person. And we have to understand that, and we've got to be very careful about not projecting what we think onto that person. So the first thing is to explore what that means. And, within the palliative care field, there's lots of evidence to show that, when you start exploring that, you start uncovering things that hadn't been found there before. But it takes skills.

So, in response, one of the strategies is, we need to train people a lot more with the skills to address suffering. In medical schools, there are no courses on... you know, very seldom will you find a course on suffering. How do you address suffering? If it's physical suffering, there's lots of things that we can do. If it is someone who is at the end of life and that symptom, for example, shortness of breath, is so bad it cannot be controlled, there is the option of palliative sedation. And palliative sedation is not euthanasia or assisted suicide. The intent is not to hasten the person's death, but we need better ways of training how to do that. The tough ones is: What about the existential, what about the spiritual suffering, the people that say: «My life has got no meaning»? And, therein, I think we've got to be very careful because, first of all, we've got to improve our techniques with it.

Harvey Chochinov, who is a Canadian researcher in Manitoba, has done unbelievable work in dignity, and he's gone to people, searches death and people also who were actively dying and asked them: «What does dignity mean to you?» And he has researched that, and we have, I think, a lot more understanding of what that means now because of that. And out of it came out: «Well, I'm suffering because I'm a burden to others, I'm suffering because I have no hope.» And he's shown that, through interventions without resorting to assisted suicide or euthanasia, he has called it «dignity-conserving care», there was quite a... there was a significant improvement, in the sense of dignity, in up to 90% of those people that he did that care with.

So, other things we can do, I think, there is... Is there still more to be done? A lot more to be done. And I think we should approach it like cancer. You know, 50 years later, we haven't found a cure, but we're not going to give up finding better ways of doing it. And every year the survival rate improves. So we haven't reached the boundaries... the outer boundaries of what palliation can do, and we need to search more.

Mme Charbonneau: I didn't stop you because you're very interesting. But let me tell you about M. Rouleau. I have to talk about M. Rouleau because he was a case that really hit us in the face, in a sense where M. Rouleau was «diagnostiqué» with «sclérose en plaques», and he decided to take his life instead of waiting. And what the family came and told us is that if he had the right to die later with help, he would have been with them much more, because he would have hoped of help on dying or assisted suicide.

So my question is more in the fact that, you know, he's not in depression, he's not suffering spiritually, his family loves him, and he did what he had to do, and he says his good-bye. But he cannot do it alone, and he doesn't want to wait for that illness to hit him, till the end. So that's why I was asking: Is there another way of seeing, helping exceptional people? Because it's not everybody, and I'm not talking about a usual, you know, «open the door» sign here, and we'll give you a little liquid there, and you can go back by that door, and your family can pick you up there, you know.

M. Pereira (José): Well, two things. The first one is, the concern that I have is that we may start there. We may say, «OK, it's very exceptional,» because that's what happened in the Netherlands, that's what happened in Belgium.

It started off as the exceptions, the exceptions then become quite ordinary, and it becomes more broader. So we have to be cautious of that, as a society. And I think... You know what? 10, 15 years, 30 years in a span of time is very, very, very short. We haven't quite learned what the impact of it is on society, and we've got to be careful about that.

The second one is that autonomy does... has its limits. I can't drive any speed I want because if I do that, I do put other people at risk and at danger. So there are limits, I think, to autonomy, and these are some of the things we need to discuss, as a society.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: ...vous poser la question en français.

M. Pereira (José): Pas de problème. Merci.

Mme Gaudreault: Je veux remercier la commission de vous avoir permis de présenter votre mémoire ou votre position, même si vous étiez du côté de l'Ontario, parce qu'ici, la réalité de l'Outaouais étant ce qu'elle est, il y a certainement plusieurs citoyens du Québec qui vont chez vous. On en connaît. Et vous êtes un... Le centre de Soins continus Bruyère est très reconnu dans la région ici, que ce soit à Gatineau ou Ottawa. Et je dois aussi souligner le fait que c'est la première fois qu'on reçoit un médecin qui a oeuvré, qui a pratiqué dans un pays où c'était légal, pour nous partager vraiment votre vécu. Vous, vous étiez là.

Et ma petite question est très personnelle. Les médecins sont entraînés pour sauver des vies puis pour... Tu sais, vous êtes éduqués comme ça. C'est pour ça que plusieurs médecins sont venus nous voir pour nous dire que c'était contre leurs principes d'adhérer à la légalisation du suicide assisté ou de l'euthanasie. Vous avez mentionné au début de votre témoignage que vous étiez neutre au moment d'arriver au pays. Comment se fait-il que vous n'ayez pas eu de position à ce moment-là, et puis après plusieurs drapeaux rouges se sont levés?

**(15 h 50)**

M. Pereira (José): It sounds contradictory, doesn't it?

But, in Canada, when I was training in palliative care at the University of Alberta, in Edmonton, and, thereafter, all these years I've practiced, mainly in Alberta, before Switzerland... euthanasia and assisted suicide has been illegal in Canada.

And so, when a patient came to me and would say to me: «I can't live like this,» right, my first response was not: «I'm sorry, I can't help you because it's illegal.» The first one is to understand where does the suffering come from, where is the humanity coming from here, how can I connect with this person as a human, because I and all my hundreds of colleagues across the country and the world in palliative care do this because we want to alleviate suffering.

And we do this because we believe in the dignity of the human. And we believe that we can, as a society, do a much, much better job in terms of helping people dying. But at the end of the day, if they persisted with their request, my response would be, «It's illegal.» And so it never forced me to really think about that.

When I arrived in Switzerland, it changed. I studied, I read, I took walks along the lake many evenings, thinking: What... Where do I stand here? On the one hand is this position, on the other hand is that position. And I stewed a lot over it. And what's more is, I started... I was the head of our team. We started a process that, I thought, would be only four months. It went on for a year and a half as a team reflecting on where we stood, what was this all about. We've published that, it's in an international journal, just how we struggled with that whole issue. At the end of the day, though, I've come... I feel very strongly that opening it up is a Pandora's box, and will cause many, many problems, and will put many people at risk. We don't quite understand that. We've got a lot more work to do as a society before we mature enough even, if I can say that, to have this discussion without emotions, without bringing these concepts of... you know, without calling it dignity, because it adds to the emotional stew of the discussion.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, Dr Pereira, pour votre présentation. Je vais aussi vous poser mes questions en français.

Nous, on a eu quelques témoignages qui nous parlent des craintes de dérapage, des expériences dans les pays étrangers, et ce que je me demande, c'est: Est-ce que, dans ces pays-là, le débat revient? Est-ce que, du fait que, comme vous les appelez, il y a des drapeaux rouges qui doivent s'agiter, est-ce qu'on voit renaître un débat pour revenir en arrière? Je pense à la Suisse, mais je pense aux Pays-Bas et la Belgique, si je comprends bien, que vous avez aussi étudiés, parce que c'est quelque chose qui, de mon côté... ou, enfin, de notre côté, nous intrigue un peu parce qu'on entend parler effectivement de ces réalités-là et on se demande pourquoi, si effectivement il y a des problèmes, que les balises ne sont pas respectées, pourquoi ce débat-là ne revient pas à la surface, ne serait-ce que par le corps médical.

M. Pereira (José): I think that, again, it's very complex, and, I think, to try and find the answer to that, I think, we've got to go deep inside, inside us, as humans.

I think the reason why, even though there are red flags and there are things going wrong... the first one is, every next jurisdiction seems to reassure itself that we're going to be different to the previous one, and we're going to be putting in place rules that are much better and stronger, and we are going to enforce them more than the previous one. That happened in Belgium, in Holland. Belgium had the hindsight of 30 years of debate and trying it out in the Netherlands, and yet I think it's looking worse in Belgium than in Holland. And why hasn't it been going backwards, why are these things not being followed up? And I think it's because we're dealing with very, very, very human issues here: the concept of dignity, the concept of suffering. And so, even though the rules are being broken, I think people turn somewhat a blind eye to it, not because you want to turn a blind eye, because we don't know how to deal with it, the concept of suffering: Well, this person was trying to alleviate the suffering.

So, I don't think people have been going back. The only place that actually went backwards was Northern Australia. Northern Australia, in 1997, the territory... the northern Australian territory legalized euthanasia and assisted suicide, and several months later it was reversed. So that's the only place that I know where they reversed.

I do know now that in Switzerland they are going through a very serious discussion about having to stem this in, because it's out of control. And I was at a meeting where the Health Ministry was saying: «Things are out of control, we need to stop. We need to reflect again here, and we need to control this better. It's gone out of control.»

So I don't know if that was... Was that... Did I answer that correctly, or did I understand the question?

Le Président (M. Kelley): ...and if I could just ask a complementary question, because I've been resisting, you know, sweeping generalizations, but two States are involved: Oregon and Washington. And one of the things Americans like to do: they like to sue people. So, if things are so out of control in Oregon, why hasn't this become a public case? Why haven't people sued doctors? Americans, with all due respect to our neighbors to the South, and I'm being at the end of two long days of hearings, but Americans love to sue people, so why aren't they suing if there are cases of wrongful death involving assisted suicide in the State of Oregon?

M. Pereira (José): Good question. There have been cases over the years.

Le Président (M. Kelley): Not many.

M. Pereira (José): No, there haven't been many. And I think that's why I go back to the answer I was saying before, is... in other areas we're very concerned if there's anything wrong. I mean, for example, if an airplane... if something seems to be wrong with airplanes, we ground those planes. If it's something with the medication, we take if off market. Yet, in this area, we seem to be acting differently, and I don't quite understand why. And that's one area that I don't understand why that is.

Le Président (M. Kelley): No, I mean, the only reason I asked this is because we hear these foreign examples, and I agree with you, it is very important to look at them. So I'm not denying their importance, but they're all occurring in very democratic societies with courts, with a medical protection, a legal profession, all sorts of protection, and I just wonder why these kinds of controversies haven't surfaced.

I think it was, a bit, my colleague's question. It's that if there's that much abuse... I mean, I saw your reference to the Leonetti Report, that, you know, the Dutch elderly people are flocking to Germany. I have my trouble believing that, with all due respect, because I know a little bit about the history between the Netherlands and Germany, and the elder Dutch have great deal of resentment towards the German population. There's another sweeping generalization, but I find that one thin reference in Leonetti. On that affirmation I remain to be convinced. I'm from Missouri, so... But, having said all that, these are all democratic countries, and if something as important as life is not being respected, I find it very surprising that they haven't produced a bigger domestic controversy.

So, yes, it's very appropriate, we're learning from you here today, and the fact that you practiced in Switzerland, I think, is a «valeur ajoutée» to our reflection, but it does surprise me a little bit that in these countries themselves, which have parliaments, which have many political parties which have a divergence of opinion, it doesn't seem to have provoked the kind of concern that one would expect it would.

M. Pereira (José): It has provoked concern, and those concerns have gone to the courts. What was surprising... and I... there have been cases, for example, in the Netherlands, where physicians who did not keep to the laws at all were taken to the court because of concern of public. And the law... the lawmakers surprisingly gave extreme... not even sentences, just basically a rap over the knuckles and said, «Just don't do it again,» but no other repercussions.

And so that is exactly the point I'm making, is that there are concerns, but we're sort of seeming to ignore it, we're turning a blind eye to these things because we... I think we're after the concept of autonomy, we're after the concept of dignity. I just think we need to study this much more. But there have been definitely cases that have gone, cases within the Netherlands and cases...

Le Président (M. Kelley): And in Canada? Because my next point to you is our current laws in Canada being respected, because we had the head of the medical specialists in Québec come before this committee and say: «Euthanasia occurs in Québec every week.»

M. Pereira (José): And...

Le Président (M. Kelley): I don't know whether it's true or not, I'm just... We had a group of nurses...

M. Pereira (José): Well, I think it's grossly exaggerated. And, in fact, I heard him say that on a CBC radio. And when he was asked: «Can you help me understand why you say that?» he said: «Well, because people are being taken off life-support machines, nutrition is being stopped, and people are getting opioids.» And I don't know what the problem is here, but we keep saying, «That is not... with euthanasia.»

And so some people, including that person, keep on saying that that is euthanasia and use that as example of euthanasia. Do some euthanasia...

Le Président (M. Kelley): Another example: we had nurses come here from an intensive care unit that were asked by doctors to give combinations of medication that the nurses knew would be lethal. They testified to that. I'm not saying...

M. Pereira (José): ...

Le Président (M. Kelley): This is all anecdotal, these are not proven cases, but this is the evidence that... from the medical round in Québec. We've had anecdotal cases.

Obviously, because it's a clandestine activity. No one is going to sit where you're sitting and say, you know, «I do it all the time,» because it is illegal. But I'm still just a little bit perplexed at: Are the current laws here being respected or not?

M. Pereira (José): Well, first of all, I think it's grossly exaggerated to say it's occurring the whole time. Does it occur sometimes? Yes, it does.

Le Président (M. Kelley): ...the doctors said to us, that's all.

**(16 heures)**

M. Pereira (José): Sorry. Yes. Sometimes it does, OK? It's... I think it's grossly exaggerated, that it's occurring the whole time.

Secondly, we know very well that -- and there are studies to show this -- the more training people have in palliative and end-of-life care, the less likely they are to resort to that. It's very clear. Most physicians in practice have had very little, if any, training in palliative and end-of-life care.

I'll give a... In Switzerland, I did a review of the curriculums of all the medical schools... the five medical schools. Do you know that in Geneva, where it was allowed, there were five hours dedicated to end-of-life care? Four of them was on how to do assisted suicide; one was on general things about palliative care. At the University of Basel, there were 36 hours; almost all of it was ethics around euthanasia and assisted suicide, very little about the practical hands-on.

So, we've got a long way to go with the nurses, with the physicians in terms of training. We haven't got there yet. There's also evidence that... and this came from a specialist called Ben Zylicz, who worked in the Netherlands, who said that, in many cases, what he observed was, as soon as there was euthanasia, then the impetus, the need to be trained properly in palliative and end-of-life care vanished because people didn't see that anymore as a need. So, I think we need to just consider those things as well.

Le Président (M. Kelley): Chère collègue, j'ai volé votre temps, alors je tourne le micro à vous.

Mme Hivon: ...parce que je transpose ça ici et je me dis: Ici, on a le droit...

(Panne de son)

M. Pereira (José): ...so two things in response to that. The first one is, as part of the training, I think there is strong, already, work on ethics in the medical curricula, the training of doctors, but I think it should be strengthened even more.

On issues around withdrawing, withholding life-support machines, what are the processes, what are the appropriate processes, how do we engage patients and families? But, very importantly, as a public, we need to talk much more about advanced directives and living wills. We don't talk about that. Can you imagine a campaign on television telling people «this is what advance directives is, this is what a living will is, think about this much earlier, put it in place so that we don't face these situations and that your families do not face the difficult situations»? So, I think that's something we need to do, as a society.

The other side of what you've said, it is concerning, in terms of what you're asking for, you know, physicians and nurses, because there's also evidence that nurses have been doing it in Belgium, and nurses are not supposed to do it, is: Who are you giving the power to? If we legalize this, who's... where's the power going to go to? It's going to go to physicians and nurses, and, in addition to putting us in a very, very difficult position, conflicts of interests, etc., we really know that there is the possibility of that power being abused.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Alors, je pense, there's only left for me to say thank you very much for especially, as I say, sharing your experience in Switzerland, because we've heard lots of things, but we have finally the chance to talk to someone who has actually been there. It's something that's very valuable. Thank you very much for sharing that experience with us.

Je vais suspendre quelques instants. On a 11 demandes de participation dans le micro ouvert. Alors, on va juste saluer Dr Pereira et on va passer à la période de micro ouvert.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): O.K.

M. Kranabetter (Kirby): Sorry, I was part of the... This was just to finish up. And I want to speak from my own personal experience -- I went through a traumatic injury -- my own dealing with suffering, and the future, and hope, and all those kinds of things.

And so this is just a personal testimony around that. When I hear the debate around dying with dignity, I wonder about my own life and my own struggle to live with dignity. Certainly, over the past 26 years, following my diving accident, I have felt very undignified. One day, I was a strong, athletic 23-year-old, and, a day later, I was a quadriplegic. I felt the humiliation of being fed, dressed, bathed and toileted by complete strangers. I watched as my muscles wasted away, as did my self-esteem. Over the years, I have felt very undignified when I have fallen out of my wheelchair, helpless and unable to get up. I have felt the shame of being incontinent, terrified of the reaction of others around me. I have felt heartache, and sorrow, and grieved over the loss of my capacity to run, climb, skate or simply walk along a beach. And yet, despite these struggles, the frustrations, the tears, I have never thought of death as a dignified end to these struggles.

And I am certainly not unique. Through sports and through my work in a hospital, I have met hundreds of others who deal with tremendous limitations and precarious health. I remember one person in particular who related to me his experience: he had suffered a high-level spinal cord injury which left him completely immobile. I met him several months later while he was still in the hospital. He told me, when he first learned of his diagnosis, he wanted to die, he had nothing to live for. However, one day, a nurse told him that she cared about him. Those few words changed everything for him. Knowing someone cared gave his life meaning. It gave him the will to go on. And this is exactly why we go on.

As I reflect back on my life, I think of all those who have been with me during my struggles. I think of my family, especially my younger sister who, in those early days, was constantly at my side. I think of the nurses who offered a kind word, a warm touch to let me know they cared. I remember the therapist who gave me hope, despite my limitations. I think of the many new friends I have made, and now I think especially of my wife and two young boys. All of these relationships have brought meaning, hope and purpose to my life and have sustained me during those difficult periods. Their support has helped me to regain my self-esteem and my sense of dignity.

Suffering is not easy, I don't wish it on anyone, however we will all suffer in one form or another. This is the human condition. How do we, as a society, respond to the suffering of others? All I know is that, despite everything I have gone through, every indignity, my life has truly been a blessing. I enjoy each and every day. I am so thankful that the response from others to my suffering was one that allowed me to live life fully. That's it. Thanks.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much for sharing that difficult story with us, and thank you for your courage, and your example to all of us, to persist.

Je vais suspendre quelques instants, et on va passer à la période de micro ouvert.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

 

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Kelley): Alors, on arrive au dernier droit et à encore une fois beaucoup de participation. Je pense qu'on est rendus peut-être à 12 demandes d'intervention. Alors, je vais demander à tout le monde d'essayer de garder ça à l'intérieur de trois minutes pour respecter notre enveloppe de temps. Parce qu'on avait une demande pour quelqu'un d'intervenir, qui est déjà intervenu hier, et la règle, on a déjà appliqué ça dans d'autres endroits, c'est vraiment de donner à tout le monde une occasion. Mais, Mme Tanguay, on a reçu votre mémoire, on va s'assurer qu'il y ait un traitement ou qu'il soit inclus dans les archives, et ça va être affiché avec les autres mémoires. Alors, désolé, je me sens coupable, mais je veux donner au plus grand nombre des Gatinois et Gatinoises, qui de toute évidence aiment s'exprimer, l'occasion de le faire.

Alors, je vais commencer avec les premiers trois noms: Louise Leclerc, suivie par Pierre Goulart et Monique Beaudoin. Alors, on commence avec Louise Leclerc. Et, si, M. Goulart, vous n'êtes pas loin, c'est parfait. Alors, Mme Leclerc.

Mme Louise Leclerc

Mme Leclerc (Louise): Oui. Je voulais signifier que les soins pour mourir dans la dignité se sont vraiment améliorés depuis longtemps. Tout ce que je comprends, c'est que l'homme ou la femme qui se trouve dans cette situation-là... C'est terrible, vous savez, quand on affronte la mort, c'est vrai, on a toute une vie, mais le Seigneur, parce que Dieu... si celui qui est vivant et qui est mort pour moi, le Christ...

La parole de Dieu ne changera jamais, elle est inscrite au coeur de l'homme. Si on met Dieu au centre de sa vie, on va être capables d'assumer dans la dignité notre mort. Si Dieu n'y est pas, on va euthanasier, on va voler, on va tuer. Et d'ailleurs on voit la dégradation de la société sur tous les plans: les vols, la drogue, l'alcool, parce que Dieu n'est pas dans la vie de l'homme. Quand Dieu est dans vie de l'homme, la vie... l'enfant est respecté dans le sein de sa mère. Je suis une mère de famille, j'ai deux enfants. C'est merveilleux d'être mère, même si j'ai dû élever mes enfants seule. Parce que la vie... Mes enfants sont bien placés dans la vie.

J'ai aimé Dieu, Dieu m'a aimée, et je crois que, quand on ressent l'amour... Et c'est ce que cet homme-là a témoigné. À travers des personnes humaines, ils ont rencontré Dieu. Et on le rencontre par la parole, par la prière intérieure, en disant seulement à Jésus de venir dans notre vie. Quand on fait ça, on trouve les moyens. Puis il y a des centres comme Mathieu Froment, il y a des centres comme Élisabeth-Bruyère, qui donnent des soins. Je suis consciente, mais on ne peut pas... La vie d'un être humain, la vôtre, la mienne... de tout être humain a une valeur inestimable. Et vous êtes, chacun, irremplaçables. Vous êtes uniques, et Dieu vous aime, et je voudrais que vous ressentiez cet amour de Jésus pour chacun de vous pour que votre vie, au moment où vous devez quitter votre corps, soit une entrée dans une autre vie.

On ne meurt pas, on entre dans la vie. On ne fait que quitter ce qui est matériel. Et c'est à cause de ce matériel-là, parfois, qu'on s'éloigne considérablement de Dieu pour avoir l'avoir et le pouvoir, mais ce n'est pas ça que Dieu veut pour nous, c'est l'amour.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Leclerc. Prochain intervenant: Pierre Goulart.

M. Pierre Goulart

M. Goulart (Pierre): Bonjour. Je vous remercie pour votre travail. Juste en regardant la qualité du manuel que vous nous passez, on voit que vous prenez votre travail à coeur, au sérieux, et puis c'est très apprécié.

Une question qui m'a vraiment touché dans le livre, c'est la question: Doit-on craindre les dérives? Et puis je sais que vous avez déjà eu beaucoup de matériel qui vous a déjà été exposé. Moi, en regardant la situation par rapport aux dérives, par rapport à tout le contexte des discussions, on parle d'affecter des lois qui touchent la vie, je ne peux pas m'empêcher de faire un parallèle avec l'avortement. Et puis hier j'ai regardé, sur le site Internet de Radio-Canada, Pierre Trudeau, quand il présentait le bill omnibus en 1968, et puis je voudrais citer ce que M. Trudeau a dit. En parlant du bill omnibus, il disait: «Ça permet l'avortement pour des raisons thérapeutiques quand il s'agit de sauver la santé ou la vie de la mère.» M. Trudeau a aussi dit: «Pas tous les avortements seront permis et possibles. Seulement quand c'est fait dans un hôpital sous la surveillance médicale, dans des conditions précises, que l'avortement sera permis.» Il avait parlé aussi de comité.

Et puis on connaît tous les dérives de l'avortement. Ça a commencé avec: On va donner plus de mois, plus de mois, plus de mois, et puis aujourd'hui il y a des règlements sur les boucheries, mais il n'y a pas de règlement sur l'avortement.

N'importe qui peut se faire avorter n'importe quand. Je ne veux pas poser de jugement là-dessus, mais je veux vous signifier que c'est un exemple de dérive qui s'applique dans notre société au Canada, dans notre société au Québec.

Et puis, juste en regardant la question 3 du questionnaire ici, on voit tout de suite qu'il va avoir une dérive qui va se faire. On parle de personne qui est atteinte de maladie incurable, et ses douleurs physiques et psychologiques sont intolérables. Ensuite, on parle... on descend... personne en phase terminale d'une maladie, et elle sait qu'elle aurait des douleurs, alors elle n'a pas les douleurs encore, mais les douleurs s'en viennent, et puis ensuite on parle de personne qui n'a plus le goût de vivre. Alors, dans votre décision, quand vous allez amener vos recommandations, vous savez définitivement que, si vous choisissez de supporter l'euthanasie ou le suicide assisté, inévitablement, vous savez, vous êtes 100 % conscients qu'il va y avoir une dérive. C'est dans la conscience des gens ici. On donne quelque chose à quelqu'un. D'autres disent: Cette personne-là, elle souffre, elle a le droit qu'on la tue, qu'on lui enlève la vie. Moi aussi, je souffre, moi aussi, j'ai le même droit. Et puis c'est le débat qui va être véhiculé dans les journaux, ça va être les pressions qui vont être mises sur le gouvernement, et puis les dérives vont se faire.

Quand on parle de dignité, moi, je voudrais vous donner un exemple de mort dans la dignité. La tante de mon épouse, elle avait une maladie... je ne me souviens pas c'est quoi, le nom, mais elle était couchée et puis ses yeux ne pouvaient plus bouger, il n'y avait plus de muscles qui bougeaient, et puis tout ce qu'elle voyait, c'était le plafond. Et puis son mari venait, il prenait soin d'elle le matin, ensuite il partait la journée, puis là il avait sa cassette puis il enregistrait qu'est-ce qui se passait dans la journée: Ma chérie, je suis allé chercher le journal, je suis allé chercher le courrier, c'est ça que je lis. Et puis il disait tout, dans la cassette, qu'est-ce que... tout qu'est-ce qu'il vivait dans sa journée puis ensuite il revenait le lendemain puis il donnait la cassette à sa femme, puis il revenait comme ça. Et puis ça, c'est un exemple d'une femme qui est morte dans la dignité. La dignité, c'est une valeur noble, c'est une valeur de combat, c'est une valeur de force, c'est une valeur de courage, de détermination.

C'est dans le sacré de la vie qu'on trouve la dignité puis ce n'est pas dans la mort facile ou... je ne veux pas dire «facile», je ne veux pas porter de jugement parce que je sais que les gens souffrent puis je sais que les gens qui veulent l'euthanasie puis qui demandent le suicide assisté souffrent vraiment, puis je ne veux pas minimiser rien de ça.

Mais la vraie question, c'est que, quand vous allez décider... si, un jour, vous décidez d'accepter ces choses-là, il va y avoir une dérive, puis il y a des gens qui... cette dérive-là peut amener encore plus de souffrance parce qu'il y a des parents qui vont voir que leurs enfants ne reviennent pas à la maison parce qu'ils sont découragés puis ils se sont enlevé la vie. Ça va être encore plus de souffrance, plus de souffrance.

Vous, comme députés, vous ne pouvez pas plaire à tout le monde. Vous avez un choix à prendre et puis vous avez à prendre ce qui est... Dans la dignité d'être députés, vous avez à prendre le choix qui est le meilleur pour la collectivité, le peuple que vous représentez.

**(16 h 20)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Goulart, pour ce défi à la fin de votre intervention. À Monique Beaudoin.

Mme Monique Beaudoin

Mme Beaudoin (Monique): Ça va? Alors, bonjour, mesdames messieurs de la commission. Merci de me laisser le temps de faire une petite intervention, surtout que j'ai su que vous veniez à Gatineau seulement samedi, en lisant le journal LeDroit.

Et ici je représente le RAPHO, qui est le Regroupement des associations des personnes handicapées de l'Outaouais. J'ai participé, avec la Confédération des organismes de personnes handicapées, au mémoire qu'ils vous ont présenté à Montréal en septembre. Alors, nous étions un groupe de discussion, et je vous dis que ce n'était pas un sujet facile à discuter, malgré les présentations que nous avons eues.

Aujourd'hui, ce que je veux venir vous dire, c'est qu'il y a des préoccupations et des inquiétudes dans notre milieu, dans notre milieu de personnes handicapées, dans notre milieu de personnes âgées qui, à un moment donné, pourraient dire: Ah, c'est une personne avec un tel type de limitation, elle n'est plus capable, elle est non productive, elle est en perte d'autonomie, c'est un fardeau pour la société, ça nous coûte cher. Alors, il y a raison d'avoir peur des abus. Alors, un docteur pourrait même décider, même sans le consentement de la famille, de mettre fin à nos jours. Et, je vous dis, c'est une préoccupation. Alors, que des gens prennent des décisions à notre insu, en raison de tout ça, de ces incapacités ou d'une limitation soit physique, psychologique ou mentale même, c'est un sujet dans lequel...

Et, ne l'oublions pas, la population vieillit, on vit de plus en plus vieux, et c'est une question qu'on doit se poser, avec les baby-boomers et nos ressources limitées. Mais je vais vous proposer aussi des solutions. Le système de santé... la question qu'on s'est posée, quand je suis allée à la COPHAN: Est-ce que l'État réduit les coûts du système de santé? Est-ce que c'est ça qu'on va faire avec la population, surtout quand on sait que les limitations... bon, on va avoir plus de personnes handicapées à cause du vieillissement de la population? On n'a aucune garantie non plus des balises. Bon, on disait: Est-ce que nos médecins respectent les critères? Je pense qu'à la lumière de ce qu'on vient d'entendre aujourd'hui... je pense que, la réponse est claire, ce n'est pas respecté. Alors, on n'a aucune balise, là, aucune.

Est-ce que c'est documenté, aider le patient ou ses proches à prendre des décisions bien éclairées? Alors, dans une société où tout est productif, on n'a même pas le temps de s'asseoir puis de parler à notre monde.

Je vous en propose un peu, des solutions, puis je pense que vous les savez, mais j'aimerais ça qu'on les mette en application.

Privilégier des ressources comme des centres de soins palliatifs. On en a seulement un dans l'Outaouais. Je pense qu'on en a besoin de plus. Des logements intégrés où des personnes pourraient rester à domicile, ça aussi, on en manque, avec des services de maintien à domicile. On coupe dans ces services-là. On a des personnes qui n'ont pas de service. Il y a des besoins. On devrait favoriser, valoriser... j'irais même plus loin que ça, les emplois dans ce domaine-là, des services de répit dans l'Outaouais. Je vais à des comités, on entend ça tout le temps: On n'a pas d'argent, l'agence n'a pas d'argent pour nous en financer. Il y a des besoins pour des personnes aînées, des jeunes handicapés, des familles, qui sont peut-être épuisés. Vous avez eu un témoignage cet après-midi. Je pense que c'est la... ensuite, des formations aussi dans ces résidences-là, des logements où on a du personnel formé. Combien de temps on va à l'hôpital, dans ces places-là, des personnes handicapées, des personnes... On n'en a jamais vu, ils ne savent pas comment nous aborder. Je sais de quoi je parle. Il y en a d'autres aussi qui m'ont dit la même situation.

Alors, de former, avec le ministère de l'Éducation, des cours dans les... dans les cours de santé, en services sociaux, de former du personnel, de former des... même des bénévoles, des gens, favoriser la formation, comment approcher, comment contacter, communiquer avec des personnes aînées, des personnes handicapées, comment, bon... Si la personne a une déficience auditive, on fait quoi? Un problème de langue, on a des problèmes... Maintenant, avec les nouveaux arrivants qui arrivent, la communication et l'intégration, je pense que c'est... on a beaucoup de personnes qui passent des heures seules dans ces endroits-là parce qu'on n'a pas personne pour aller leur parler.

Le transport et accompagnement, alors c'est un gros dossier. Je sais que le provincial a beaucoup de difficultés à reconnaître l'accompagnement. On a une belle politique, à l'Office des personnes handicapées, qui s'appelle À part entière. Quand on parle d'accompagnement, de besoins, elle n'est pas applicable et elle n'est pas appliquée non plus. On dit qu'ils n'ont pas de budget. Reconnaissance de l'aide aux aidants naturels. Alors, je pense que les témoignages qu'on a entendus veulent tout dire. Mettre à contribution des services, bon, de transport, d'accompagnement... médecins à domicile, peut-être des appels téléphoniques aussi, alors... bon, peut-être des échanges courriels. Oui, peut-être avec une population vieillissante, c'est un moyen, mais aussi d'avoir des... Je regardais, vous avez une consultation en ligne. Combien de citoyens peut-être aimeraient la remplir mais elles n'ont pas accès à cette consultation-là en ligne, quoique vous avez eu beaucoup de messages? Mais, je veux dire, ça peut être une chose aussi qu'on devrait penser. Peut-être d'avoir dans les formations, surtout dans l'euthanasie, quand on est rendus là, une décision éclairée, des gens justement qui ont vécu avec des proches, qui ont eu à vivre ces expériences-là. On voit, dans d'autres associations, entre autres, comme l'Alzheimer, des fois ils vont chercher des gens pour faire des témoignages. Alors, ça pourrait être une chose comme ça.

Perte d'autonomie. Alors, avoir des gens qui pourraient venir nous aider. Comment ils l'ont vécue? Y a-tu des choses qu'on pourrait faire mieux? Bon.

Ensuite, des approches conviviales, comme je vous disais, avec le personnel, s'il était formé. Alors, qu'il y ait une approche, qu'on ait le temps. Aujourd'hui, on travaille dans un monde de productivité. Je me demande si la qualité, c'est encore important...

Ensuite, les moyens aussi pour alléger des souffrances. Favoriser l'autonomie dans la mesure du possible. Des équipements d'accessibilité. C'est-u normal que ça prenne trois ans à quatre ans avant d'adapter un domicile, alors que peut-être... Y a-tu des moyens? Il y a des technologies qui existent.

Qu'on fasse une demande de subvention, ça prend, juste si on voulait un ergothérapeute... ça prend deux ans avant d'avoir quelqu'un. Alors, dans l'Outaouais, je vais vous dire qu'on n'est vraiment pas choyés au niveau des services. On manque de services, alors d'écoute active aussi. Ça, ça peut être important auprès des proches, auprès des gens qui appellent. Et, une autre chose que je vous dis, on a beaucoup de tendances à refiler au communautaire. Je vous dirais de soutenir financièrement -- ça, je le dis -- les organismes qui s'occupent du... qui donnent du support. Il n'y a jamais d'argent. Faire des demandes de subvention à toutes les années. Faire des campagnes de levées de fonds. C'est-u normal pour ça, bon, pour des gens en fin de vie, pour des gens qui ont besoin? Alors, c'est des organismes de personnes âgées qui se préoccupent de ça, des malades.

Alors, les soutenir financièrement, pas une subvention de six mois puis une subvention. Qu'on ait du personnel formé et qui travaille vraiment avec les gens.

Et ce qu'on demande aussi, c'est vraiment le respect dans le choix des décisions, des ressources. Je pense que la qualité de vie, c'est important, et il faut que les gens aussi vivent une vie, dans la mesure du possible, qu'elle soit qualitative, non juste quantitative, avec des conditions mais aussi des approches humaines. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Beaudoin, pour votre contribution à notre réflexion. Les prochains trois intervenants, c'est Jeanine Pruner, Nicole Bouchard et Pauline Leblanc. Alors, Mme Pruner.

Mme Jeanine Pruner

Mme Pruner (Jeanine): Bonjour. Je vous remercie de m'entendre. Alors, voici. J'ai écrit quelque chose, des grandes lignes, là, mais je l'ai su juste avant-hier, alors ça a été un peu difficile.

Alors, ce que je comprends, moi, c'est que l'euthanasie et le suicide assisté sont des actions abominables qui démontrent un grand manque de réflexion ou de recherche. Ça, c'est ce que, moi, j'en pense, en tout cas. S'il vous plaît, pas de photo. C'est copier des autres pays ce qu'ils regrettent déjà. Puis le médecin, tout à l'heure, en a parlé. Parce que déjà, dans plusieurs de ces pays, les gens ont peur d'aller à l'hôpital, sachant qu'ils seront probablement tués.

Enlever la vie au malade peut vous débarrasser d'un inconvénient, pour quelque raison que ce soit: l'avarice, la paresse, la fatigue, la cruauté, manque de compassion, manque d'amour, même pour Dieu qui nous a dit: Ce que vous faites aux plus petits des miens, c'est à moi que vous le faites. Il ne permet pas ces actions dans ses commandements. Le jour où on va suivre les commandements, retourner aux commandements de Dieu, je pense que nos pays vont être plus heureux. Vous enlevez non seulement une vie, mais aussi le travail à plusieurs personnes qui font partie de la chaîne des soins, tels les médecins, les infirmiers, les assistants, les nettoyeurs, les industries de produits de soins et santé, ainsi que toutes les industries qui supportent ce personnel. Vous tuez une personne, ça a toute une chaîne de réactions.

Vous causez aussi beaucoup de peine et autres souffrances aux familles et aux amis de ces malades décédés. La tristesse mène souvent à la dépression et à la maladie, et, les répercussions, on en sait, tout le monde en souffre. Vous privez le monde de l'amour, l'affection, la tendresse, l'attention qui s'échangent entre ces personnes. Toutes les personnes malades nous apportent quelque chose. Si on ouvre son coeur, et ses yeux, et ses bras, on va le découvrir. Et ça donne une grande valeur à la vie, sans compter les prières nombreuses récitées les uns pour les autres. Nos malades, priez pour nous autres, ils peuvent nous sauver. Vous causez forcément, ainsi, des sentiments de culpabilité chez plusieurs. Donc, la culpabilité, ça détruit le monde, vous le savez. Je n'ai pas besoin d'aller dans plus de détails. L'amour de soi va devenir la haine de soi, ensuite la haine de l'autre, et le reste, ensuite la guerre.

**(16 h 30)**

Tout ceci va définitivement affecter la société, sa culture et donc la nation entière. La confiance va disparaître, la peur va régner, et le reste des dégâts va s'ensuivre. Que deviendrons-nous?

La dignité de la personne doit être conservée et encouragée en tout temps avec amour. La douleur peut être contrôlée, et les souffrances, diminuées et endurées avec confort si on prend le temps de parler avec ces personnes, essayer de leur faire changer d'idée, aussi, hein, amener d'autres... Et il y a une grande valeur à la souffrance. Elle peut sauver les âmes et même le monde entier. C'est par la souffrance que le Christ nous a sauvés. Donner aux malades l'accompagnant palliatif en tout temps, les entourer d'amour, de compréhension, demander pourquoi... Si c'est pour la solitude, eh bien, trouvez un moyen de réduire cette solitude. Si c'est un manque de résidences, de maisons, de mobilité, eh bien, trouvez un moyen de résoudre ce problème-là. Il y a toujours une solution.

Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, jusqu'au dernier souffle, et, qui sait, peut-être même un miracle à la dernière minute.

Il n'y a pas vraiment de manque de personnel. Beaucoup de personnel ont quitté à cause des nombreuses heures qu'on leur impose. Quand c'est rendu... au lieu de huit heures, c'est 12 heures puis peut-être 16 heures, c'est fort beaucoup. Moi, je suggère d'employer du personnel, et donnez-leur des heures raisonnables et allez chercher ceux qui ont quitté à cause de ces raisons-là et aussi ceux qui ont été obligés de quitter à cause du manque des finances, parce que le gouvernement n'a pas supporté les hôpitaux convenablement ou les résidences. Laissez les hôpitaux et les médecins avoir un petit peu plus l'occasion de gérer les soins. Si les hôpitaux manquent de lits, il y a des résidences qualifiées et aussi le domicile du patient. Pensez aussi à laisser au malade et à la famille le choix des soins à domicile ou ailleurs et supportez-les de toute façon possible.

Vous savez fort bien qu'il est beaucoup moins coûteux de soigner à domicile qu'en résidence ou dans les hôpitaux. Ça, ça a été prouvé maintes et maintes fois. Alors, si vous cherchez de l'argent, supportez-les de cette façon-là.

La vie vaut la peine d'être vécue, conservée et protégée. La vie, quelle qu'elle soit, c'est un cadeau de Dieu. On n'a qu'à lui offrir et le prier. Lui seul a le droit sur la vie et la mort depuis toute éternité. Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Pruner, pour votre contribution. Notre prochain intervenant, c'est Nicole Bouchard.

Mme Nicole Bouchard

Mme Bouchard (Nicole): Bonjour.

Le Président (M. Kelley): Bonjour.

Mme Bouchard (Nicole): Depuis quatre ans, j'ai perdu six personnes de ma famille. Heureusement, ils sont morts en ayant reçu des soins palliatifs extraordinaires. Heureusement, ils ne sont pas morts avec la maladie de l'Alzheimer. Ça n'a pas été long, ça n'a pas duré des dizaines d'années. Ils ne sont pas morts d'une maladie dégénérative non plus, donc, heureusement.

Je suis pour l'euthanasie. Moi, ma famille, mes enfants, moi, ma décision est prise. Si jamais j'ai la maladie d'Alzheimer ou une maladie dégénérative, je souhaite... lorsque je ne serai plus consciente, que je ne pourrai plus communiquer, que je ne pourrai plus aimer les miens, je sais qu'à ce moment-là je veux mourir. Je sais... pas un cancer, je ne parle pas d'un cancer, je ne parle pas... je parle vraiment d'une maladie où je ne serai plus consciente, je veux mourir. Mes enfants sont d'accord. Mes enfants veulent mourir aussi. Nous irons aux États-Unis ou je ne sais pas où, mais ça va se faire, la décision est prise. Je n'attendrai pas la légalisation de l'euthanasie. Je ne vous attendrai pas. Ça va faire comme l'avortement, ça va prendre trop d'années. Il ne me reste pas beaucoup d'années à vivre.

Est-ce que la légalisation de l'avortement a fait en sorte que notre société soit moins humaine? A-t-on couru le risque de dérives pour satisfaire le souhait d'une minorité? Non. La relation de confiance entre une personne et son médecin a-t-elle été ébranlée? Je ne crois pas.

Dans ma famille, nous sommes nombreux, j'ai trois enfants, sept petits-enfants, je vais en avoir peut-être huit, neuf, il n'y a personne dans ma famille... ils sont pour l'avortement, il n'y a personne dans ma... Je ne connais personne qui s'est fait avorter. Nous sommes pour l'avortement, mais, écoutez, là, sept petits-enfants, trois enfants... mais ça ne m'empêche pas d'être pour l'avortement.

Grâce à ces légalisations et bien d'autres, nous vivons dans un monde respectueux, plus humain et plus sécuritaire. Dans notre région, nous avons un personnel médical extraordinaire, les soins palliatifs à l'Hôpital de Gatineau, avec l'équipe du Dr Bourgeois, et à notre CLSC de Cantley, en campagne, avec l'équipe du Dr Dubé. Nous pouvons espérer mourir convenablement et dans le respect, on peut dire aussi, dans la dignité si nous n'avons pas une maladie dégénérative et ne souffrons pas d'Alzheimer. Si on a un cancer, des maladies respiratoires, on est certains d'avoir les meilleurs soins, je le sais. Hier, un médecin nous a dit que ça fait 13 ans qu'il demande cinq autres lits pour des soins palliatifs. Ils manquent d'argent. C'est refusé. L'espace, les lits, l'équipement sont là. Il y a des sections entières de fermées à l'hôpital, faute de personnel. Les lits, l'équipement, qui ne servent à rien, ils ne servent à rien. Agissez, s'il vous plaît! C'est vous qui prenez les décisions.

Nous avons peu parlé de la pauvreté et du manque d'argent lors d'une maladie... d'une longue maladie, puis je ne sais pas si j'ai le temps de parler de mon expérience. Deux minutes encore?

Le Président (M. Kelley): Oui, gros max.

Mme Bouchard (Nicole): O.K.

Le Président (M. Kelley): Mais mes trois minutes sont longues.

Mme Bouchard (Nicole): O.K. Mon conjoint est mort dans la dignité après une maladie, un cancer qui a duré huit ans.

Grâce à notre famille puis aux bons soins médicaux, mon mari est mort... a vécu sa maladie dans la dignité et est mort dans la dignité. Mais je dois vous dire que, depuis 2004, nous avons payé environ 50 000 $ pour l'hébergement, du transport et des soins médicaux. La famille nous a aidés. Nous étions professeurs. On ne gagnait pas des millions. En 2006, les traitements de chimio à l'Hôpital de Gatineau... L'Avastin, médicament récemment accepté et très efficace, est administré avant la chimio. 4 200 $ par mois, en 2006, non payés par l'hôpital. L'Avastin, ça me faisait penser aux dames qui voulaient avoir un médicament contre le cancer du sein, puis elles se sont battues, se sont battues. Nous avons payé... mois d'octobre, novembre, décembre, janvier, février, 4 000 et quelques piastres. Mes assurances ne payaient pas. L'hôpital ne pouvait pas payer. Par hasard, nous avons su que l'Hôpital juif donnait ce médicament-là avant la chimio, gratuitement, grâce à des dons, par hasard, hein, 30 000 piastres après.

Donc, de 2007, 2008, 2009 jusqu'à la fin des traitements, nous sommes allés à l'Hôpital juif. Ça nous a coûté... Les cartes de crédit, là, elles étaient pleines.

Pour terminer, je dois vous dire que le manque d'argent... grâce à la famille, nous en avons reçu, que le manque d'argent contribue, selon moi, à vivre durant notre maladie et à la fin de notre vie... le manque d'argent contribue à mourir d'une façon indigne. Merci.

**(16 h 40)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Bouchard. Mme Pauline Leblanc, suivie par M. Allan Conway.

Mme Pauline Leblanc

Mme Leblanc (Pauline): Mon mari est décédé le 19 novembre dernier. Entre le 1er et le 15 septembre, nous étions en Gaspésie, au chalet. Il préparait ses fleurs pour le printemps puis il s'est découvert un mal de dos. Il est allé à l'Hôpital de Maria, et puis ils ont passé des examens, des radiographies... rien vu. Alors, on a donc pris le chemin. On a donc fait nos 1 200 kilomètres pour revenir à Hull, comme on le fait à chaque année.

Arrivé à Hull, il a vu son médecin. Le 30 octobre, il s'est présenté à l'urgence de l'hôpital. Il avait le ventre déjà très gros, l'infirmière l'a palpé, le médecin l'a vu. Moi, ils m'ont dit: Bien, vous devriez retourner à la maison parce qu'il y a trop de monde dans la salle d'attente, etc. C'était un samedi matin. Bon. Finalement, je suis effectivement retournée à la maison. Ils lui ont donné des médicaments, un médicament pour la constipation puis ils ont augmenté ses médicaments contre la douleur. Le 3 novembre, j'ai vu son médecin. Son médecin a dit: Mais ils n'ont pas pensé lui faire une ponction? J'ai dit: Non, ça n'a pas l'air. Le 2 novembre, il a eu un scan. Suite au scan, là, les choses se sont passées très mal. Je suis retournée voir son médecin. Son médecin m'a dit: Bien, ça va prendre une... ça va lui prendre une ponction. Alors, je suppose qu'il faisait les démarches pour une ponction. Mais, dans la nuit du 8 au 9, il est tombé. À 5 h 30 du matin, il est tombé dans le corridor, dans la maison. Le sang partout... J'ai téléphoné au 9-1-1, bien entendu. L'urgence est venue. Ils l'ont amené à l'hôpital. Entre 8 h 30 et 9 heures, ils lui ont enlevé trois litres d'ascite. Il est resté à l'urgence. Vers 9 heures du soir à peu près, ils l'ont transféré dans une chambre. Le lendemain, ils ont dû le transférer dans une autre chambre et là ils lui ont fait une dialyse de 2,8 litres dans sa chambre parce que ce n'était pas possible de le descendre.

Je vous rappelle qu'entre le 1er puis le 15 il était dans ses fleurs à Carleton.

Le jeudi, ils l'ont descendu en bas, ils lui ont enlevé 3,7 litres. Je ne sais pas si vous avez additionné, mais on est rendus à 10. Le néphrologue qui s'est occupé de lui, là, je ne nommerai pas de nom, mais il a vraiment fait sa job. Le lendemain, la vessie ne fonctionnait pas encore. Il a fait des démarches, il a trouvé son urologue. Son urologue a accepté d'aller le samedi à l'Hôpital de Gatineau pour poser ce qui s'appelle un double J. Je ne sais pas qu'est-ce que c'est, mais là la vessie a fonctionné. Là, l'urologue, ça faisait quatre jours... là, on s'est adonnés à voir le même urologue quatre jours parce qu'il avait son devoir puis sa fin de semaine. Bon, en tout cas, il est parti, lui, vers 8 h 30, la tête haute, content. Mais vers 9 heures ils le transféraient au huitième étage. Cette nuit-là, l'infirmière... la préposée lui a refusé la chaise à trou. Quand l'infirmière est venue pour lui donner son injection contre la douleur, il en a parlé à l'infirmière. La préposée est finalement venue lui donner... le mettre sur la chaise à trou puis elle l'a remis dans son lit. Elle ne devait pas être très de bonne humeur. Elle a mal replacé son cabaret. Lui a essayé de se prendre de l'eau. Il a finalement réussi, mais il en a renversé sur son lit. C'est moi qui ai changé son lit le lendemain matin, à neuf heures, quand je suis arrivée.

Nous autres, on partait à peu près vers 9 h 30, 9 h 45 le soir. Puis à 8 h 30... à 8 heures ma fille était là. Moi, je suis arrivée à 9 heures. Non, pas ce matin-là... c'est moi qui est arrivée la première à 9 heures. Puis là ils ont décidé qu'ils allaient lui faire une colonoscopie. Là, on était dans l'espoir, là. Comprenez-vous? Le néphrologue, ça avait fonctionné. Là, ils nous présentent une colonoscopie. Là, on était dans l'espoir, puis en même temps le médecin de médecine générale, lui, il disait: Ce monsieur-là, il est malade. «Ce monsieur-là». Tout ce que je retiens de ce que ce médecin-là m'a dit, là, je ne retiens rien d'autre que «ce monsieur-là, ce monsieur-là, ce monsieur-là», puis il se tournait la tête comme ça. La compassion, là, lui, là, en tout cas pour nous... pas connue.

Il est resté là. Il a eu finalement la colonoscopie. En revenant de la colonoscopie, là, on savait que c'était un lymphome parce qu'il avait eu des... il avait eu aussi une... il avait eu un autre examen, une échographie, le 30 septembre. On était allés dans le privé pour que ça aille plus rapidement. Et puis ils n'avaient pas... Ils étaient sur le chemin de croire que c'était un lymphome, tout le temps, mais ils ne le voyaient pas comme il faut. Il y a eu la colonoscopie. Il est retourné dans sa chambre. Le soir, moi, j'ai quitté à 7 heures. Le soir, ma fille m'a rappelée, j'arrivais à la maison: Reviens-t'en tout de suite. Alors là, ils l'ont retourné aux soins intensifs. Le médecin m'a fait venir au téléphone, puis il m'a dit: Votre mari est très malade, madame. Bien là, je pense que je le savais, hein? Il m'a dit: Ce n'est pas certain qu'on va pouvoir s'en occuper. J'ai dit: Quoi? J'ai dit: Êtes-vous en train de me dire que mon mari va mourir cette nuit?

Bien, finalement, il est arrivé vers 9 heures. Là, il nous a dit... Là, il a fait venir les... Il est arrivé vers 8 heures, il a fait venir les examens. Ils ont passé une radiographie des poumons. Il avait une pneumonie. On a su à 9 heures qu'il avait une pneumonie. Au lieu de nous aider, ils ont mis des gros masques, puis on n'était plus capables de communiquer avec lui. Il est mort à 2 heures. Puis, parlez-moi pas du ménage, j'ai trouvé que c'était infect. Les gens ne se penchent pas pour ramasser ce qu'ils ne prennent pas avec le balai. Ils le laissent là. Moi, j'allais mettre des gants, puis je les enlevais. Mais on a vécu 10 jours... Bien, disons que le néphrologue, il était vraiment très bien. Mais, quand on est arrivés dans cette dernière chambre là, quand je suis rentrée, moi, l'infirmière est entrée avec moi puis elle m'a dit: Bien, on est juste deux ici, là. On n'aura pas le temps de s'en occuper, de ce monsieur-là, là.

Merci beaucoup de m'avoir écoutée.

**(16 h 50)**

Le Président (M. Kelley): Merci, Mme Leblanc. Nos condoléances. C'est une très triste histoire. J'invite Allan Conway à prendre place, suivi par Lyne Larose.

M. Allan Conway

M. Conway (Allan): Bonjour. J'aimerais remercier les membres de la commission de l'occasion qui nous est offerte de venir prendre la parole ici aujourd'hui.

Je dois dire que tout changement qui pourrait modifier les règles en ce qui concerne le suicide assisté ou l'euthanasie pourrait faire de nous, les personnes handicapées, des victimes inattendues de ce genre de changement. Moi, je dois dire que je suis une personne aveugle qui travaille, qui contribue à notre société, et il y en a bien d'autres qui en ont fait aussi, il y a d'autres personnes qui ont d'autres déficiences, qui ont déjà témoigné devant vous. Et je dois dire que, si nos déficiences finissaient par s'ajouter à d'autres complications liées à la maladie et que d'autres prennent des décisions à notre place, nous deviendrons des victimes de ce genre de changement.

Je trouve très intéressant le témoignage du Dr Pereira qui a parlé de ce qui pourrait se faire si on améliorait l'accès aux ressources pour aider des gens qui sont dans des situations très difficiles et qui n'ont pas reçu vraiment l'aide qu'ils auraient dû avoir. Et, personnellement, nous connaissons déjà des situations où certaines personnes n'ont pas attendu et qu'ils ont agi. On n'a qu'à penser au cas de Robert Latimer qui a tué sa fille en Saskatchewan, parce qu'il a pris une décision qui ne lui revenait pas.

Alors, je pense qu'il faut faire très attention quand on apporte des modifications à ce genre de loi. Ici, nous parlons de quelque chose qui de toute façon concerne d'abord le Code criminel, parce qu'il s'agit d'une modification que le gouvernement fédéral serait obligé de faire à la législation sous sa propre juridiction. Mais je vous demande de faire très attention en prenant ce genre de décision, si on juge qu'il y a des règles ou des choses qui pourraient se changer au Québec, parce que vos décisions auront certainement un impact dans d'autres régions de notre pays.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Conway, pour votre contribution. Et je vais demander maintenant à Mme Lyne Larose de prendre place, suivie par M. Paul Chénard.

Mme Lyne Larose

Mme Larose (Lyne): Premièrement, je voudrais juste dire: Merci d'accepter que les gens puissent parler puis discuter de ce sujet-là.

Moi, personnellement, je trouve que ce serait une bonne chose de légaliser l'euthanasie et le suicide assisté mais, naturellement, d'une façon contrôlée, pour ne pas que ça devienne quelque chose de trop facile. Mais, je comprends, pour des gens qui... Moi, je suis un de ces cas-là puis j'ai aussi mon père qui, lui, a le Parkinson. Il a 78 ans, il a le Parkinson rigide, alors il est présentement à La Pietà, ça fait un bout de temps qu'il est là, et puis je trouve que, lui, il voudrait... S'il avait cette option-là, il la prendrait. Je trouve que les gens qui ont toute leur tête, qui peuvent prendre une décision de dire: Oui, moi, je décide que je ne veux pas vivre comme ça... Parce que mon père, il connaît déjà la maladie. Son père avait le Parkinson, alors il connaît les étapes à venir. Il est maintenant au stade 4, il y en a cinq. Donc, il ne veut pas finir comme son père, il sait ce qui s'en vient. Puis, pour mon cas, bien, moi aussi, je me dis qu'à un moment donné je voudrais avoir ce choix-là de dire: O.K., moi, je ne veux pas continuer à vivre avec le cas que j'ai, puis que j'aurais au moins une option d'aller voir... parce que c'est sûr que, si l'option n'est pas ici, comme d'autres personnes, on va la chercher ailleurs, donc.

C'est tout ce que je voulais dire.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Larose, et bon courage avec l'état de santé de votre père. Paul Chénard, maintenant, suivi par Mme Létourneau.

M. Paul Chénard

M. Chénard (Paul): Oui. Bonsoir. C'est quand même ironique de constater qu'au fur et à mesure que la médecine augmente notre espérance de vie la question de la mort se pose de façon de plus en plus aiguë. C'est peut-être une indication que même les bonnes intentions ont parfois des conséquences indésirables et imprévues.

Ceci étant dit, je pense que la question qui se pose, c'est de savoir si des individus peuvent être assez lucides et bien informés pour décider, en certaines circonstances, de planifier la fin de leurs jours et si l'État devrait reconnaître ce droit-là chez les individus. À mon avis, je pense que oui, sous certaines circonstances. Par contre, le rôle de l'État est extrêmement délicat dans ce dossier-là. Je pense qu'en aucun cas l'État ne doit se faire le promoteur de l'exercice d'un tel droit. La raison évidemment, c'est parce que, si l'État devient promoteur de ce droit-là, ça devient plus facile. Quand ça devient plus facile, ça devient plus banal, puis, quand ça devient plus banal, ça ouvre la porte à tous les abus.

Par conséquent, le rôle de l'État, dans ces cas-là, devrait être au contraire de rendre la chose compliquée, la chose difficile, pas impossible, mais certainement de placer des obstacles en travers la route de quelqu'un qui voudrait décider d'une telle chose. Entre autres, je pense que l'État devrait compiler une liste de maladies incurables, de maladies, de conditions qui pourraient justifier ou qui pourraient permettre qu'une personne décide d'exercer ce droit-là. On connaît les limites de la médecine, et évidemment les limites changent constamment, mais on peut au moins décider quel genre de balise qu'on va avoir. J'ai beaucoup de difficultés avec un discours... bien, le discours de dire que, d'un certain côté, on devrait... on ne devrait pas... on devrait s'opposer en toutes circonstances à mettre fin aux jours des gens. Il y a une différence quand même, qu'il faut distinguer entre des individus qui décident dans leur propre cas, et l'autre cas où on décide à la place de certains individus. Dans le cas du «on décide», je pense que là c'est extrêmement dangereux. Ça devrait rester probablement dans le domaine de l'illégalité.

Par contre, j'ai aussi de la difficulté à accepter un discours qui dit qu'on décide qu'une personne, dans des circonstances extrêmement pénibles, devrait... on devrait la garder en vie à tout prix. On a mentionné tout à l'heure le cas de Tracy Latimer. J'ai beaucoup de difficultés à penser que la société devrait, si on le pense, condamner une personne dans cet état-là à vivre pour une période, qui sait combien de temps ça pourrait la maintenir en vie?, dans des souffrances absolument atroces tout simplement pour justifier des principes, que ce soient des principes religieux ou des principes humanistes. C'est tragique. Mais, dans le fond, quand son père a décidé, à mon avis, en tout cas... À mon humble avis, quand son père a décidé de la tuer, il a pris une décision extrêmement importante, et la société lui a fait payer le prix, et ça, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Si la société avait décidé de le laisser aller, de le relaxer, ça aurait été ouvrir la porte à ce genre d'abus là. Mais, cet individu-là, je pense qu'en toute lucidité il a pris sa décision, et il a été prêt à en assumer les conséquences et il en a assumé les conséquences.

Et, dans ce cas-là, je pense que les choses se sont passées telles qu'elles devraient se passer.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour votre présentation parfois dans la lumière, parfois dans la noirceur, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): On a juste payé nos factures à 17 heures, je pense, ou c'est mes collègues autour de la table qui veulent que j'accélère le processus. Mme Létourneau.

Mme Élizabeth Létourneau

Mme Létourneau (Élizabeth): Good afternoon...

Le Président (M. Kelley): Good afternoon.

**(17 heures)**

Mme Létourneau (Élizabeth): ...and thank you for bringing up the subject. My name is Élizabeth Létourneau, and I used to work as a psychologist with oncological patients for a few years. And I also taught psychological aspects of those patients to students of medecine, and there are a few points that I would like to bring up here, to consider.

Right now, I'm also enrolled in a master's program in counseling and spirituality here, at Saint Paul University, and, I would say, it's so important not to dismiss the spiritual part of human beings especially when we talk about dignity. And it's also my experience.

Speaking about dying and those subjects, our professor recently... we read a book that I highly recommend, that would give a different perspective on the subject, it's Malaise of Modernity, of professor Charles Taylor, from Montreal. And also we watched the movie Tuesdays with Morrie, which confirms my experience of... that the process of passing away or ending the life is teaching a lot about life itself. And it taught my patients and it taught me. It changed me forever. And I know they were relieved sometimes that they had somebody to be able to talk about it, that there was a person that is open to the subject. So, to me, in this whole discussion here, when the doctor was saying: «As a society, what do we have to do as a society?» I would stress very much the educational system. The students that I was teaching, some of them, I could tell stories about their approach and the attitudes that I saw in the hospitals. The dignity starts with touch, for example, and the way a doctor is relating to the patient, and so on. And it brings so much. And I could confirm it with... I could write a great testimony about it.

So I would stress educational system. It's true, there is no courses that are making people familiar with the subject of suffering, looking at the patient without, you know... even, I would say, with... be comfortable in the subject. And I think it's very important. People are running away from pain and suffering, and that's true. And I'm thinking education and support for people who are working within, because it's really hard work. I experienced a burnout, and it's really so important. I was alone for hundreds of patients, and I couldn't reach them, and I didn't have support. I was looking for support somewhere else, yes. So that's one thing I would like to point out.

About the public, somebody said that euthanasia happens every day. I highly disagree with allowing somebody... talk about it, because I'm thinking... Let's put it in the light of how media shapes people's opinions. If somebody says: «It's OK, it happens every week, let's legalize it then,» it's shaping people's opinions right there.

Next point, I would like to bring up your question, Mr. Geoffrey, about why families don't sue. And actually, I was thinking, sometimes I had patients that would complain about doctors, why they didn't decide to go, because they are grieving, because it was too much for them to do it. And, I'm thinking, so close to this, Charles Taylor is talking about poor sense of identity, citizenship in people. Maybe people don't believe in the justice system. Maybe they don't believe they can change, they influence, they can influence the system with their own single case. Maybe they don't see that there are many much... many more cases like that around them. That's just a point on the side.

And there is... yes, exaggeration should not be acceptable in discussion. I do agree with the doctor who says, «As long as we...» If we start putting emotions on definitions, on the meaning, it spins completely in the wrong directions, the whole discussion.

And I also was thinking about... I had this thought because I heard on the radio that we are committing some funds to prevention of suicide for adolescent people, for young people. There is additional money, in Ontario, coming into it. And I'm thinking: Is it maybe a contradiction? I'm asking myself this question: Is it maybe a contradiction that we are spending money on preventing suicide, and here we are thinking of making it OK, assisted suicide? And I'm thinking: How my children are going to feel? What kind of message does it bring? Is there maybe a contradiction there?

It's just something to... for reflection. And that will be, I guess, the most important points. Thank you.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much, Mrs. Létourneau. Gloria Fex, and then the last will be Diane Gauvin.

Mme Gloria Fex

Mme Fex (Gloria): Bonsoir.

Le Président (M. Kelley): Bonsoir.

Mme Fex (Gloria): Je ne serai pas longue. Je suis une infirmière qui a 40 ans d'expérience... 42 ans, 43 ans. Et puis j'ai assisté beaucoup des mourants, tout ça. J'ai eu des belles expériences. Et puis, la seule chose, j'ai un cas que je veux vous parler ce soir. Et puis, l'autre avant ça, juste dire qu'il faudrait que les médecins essaient d'arrêter de surtraiter... Comment est-ce qu'on dit ça, là? Je cherche mes mots, là...

Le Président (M. Kelley): L'acharnement thérapeutique.

Mme Fex (Gloria): ...l'acharnement thérapeutique, merci, l'acharnement thérapeutique puis de réanimer des patients avant de savoir vraiment: Bien, il a-tu un cancer en phase terminale, celui-là? J'ai ouï dire des choses comme ça, des fois, que c'est épouvantable, où j'ai eu connaissance.

Mais le cas que je veux vous parler, c'est une dame. J'étais coordonnatrice à l'Hôpital La Pietà à Hull, qui est un hôpital... était un hôpital -- maintenant c'est un CHSLD -- pour les malades handicapés, surtout les malades en fin de vie. Et puis c'est une dame qui a été admise un soir, puis, moi, je suis allée la voir pour la connaître un peu. Puis elle me demande... La question qu'elle m'a demandée, c'est: Est-ce que c'est vrai qu'ici vous tuez les patients quand vous ne voulez plus rien savoir d'eux autres, quand vous ne voulez plus les avoir? En tout cas, je ne me souviens pas trop, là, comment elle a posé la question, mais ça m'a prise direct dans le plexus solaire, là, pas possible. Puis là, là, tout de suite j'ai répondu: Madame, si vous saviez ici comment le personnel aime les malades. Même que, quand il y a un malade qui vient pour mourir, ils pleurent parce qu'ils ne veulent pas qu'ils meurent, ils veulent les garder encore. Alors, j'ai dit: Madame, jamais, jamais vous n'allez voir ça ici. Et puis ce que ça m'a dit, moi, c'est que... vous vous imaginez si, oui, l'euthanasie existait? Les patients qui rentrent dans ces centres-là, ce sont des gens fragiles au point de vue physique, au point de vue émotionnel, parfois au point de vue spirituel. Et juste de savoir que peut-être... Est-ce que je vais être le prochain? Est-ce que... Peut-être que je devrais demander: C'est-u à mon tour? Est-ce que...

Comprenez-vous la peur de ces gens-là? Moi, juste à penser à ça, là... Il y a des fois que je serais tentée pour l'euthanasie, mais juste voir l'autre côté de la médaille... il y aurait des cas uniques peut-être, mais, juste à voir ce côté-là de la médaille, qu'il y ait de la peur qui existe dans la population, ça ne se peut pas. On ne peut pas amener les gens dans des centres comme ça qui pourraient rentrer là dans la peur.

C'est tout ce que je voulais dire. Je me fais la protectrice de ces gens-là. C'est tout.

**(17 h 10)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour les commentaires, et félicitations pour une belle carrière comme infirmière. 42 ans, c'est un très grand exploit. Notre dernier témoin, c'est Diane Gauvin.

Mme Diane Gauvin

Mme Gauvin (Diane): Parfait. Est-ce que vous m'entendez? Oui? Bonjour. Mon nom est Diane Gauvin. Je suis une personne vivant une vie bien ordinaire.

J'ai eu l'expérience d'accompagner de proche quatre parents et amis dans leur cheminement de fin de vie. Deux se sont éteints avec dignité, et les deux autres, malheureusement, dans des conditions honteuses, je dirais même, atroces.

Ce que je veux dans mon futur à moi, c'est une fin de vie qui reflète qui je suis. Je veux pouvoir choisir moi-même mon moment de fin de vie avec paix, tranquillité, dignité et amour. Je veux pouvoir compter sur la réassurance que, quand mon niveau de qualité de vie aura baissé au point où je choisirai moi-même de mourir... que j'aurai accès au suicide assisté. Le vrai crime serait de m'obliger à vivre passé ce stage où ma qualité de vie n'existe plus. Je suis une femme capable, intelligente, active et farouchement indépendante. Je suis donc passée chez mon notaire il y a quelques années pour y faire faire rédiger non seulement mon testament, mais aussi un testament de vie, ce qu'on appelle en anglais un «living will».

Ce que je demande de mon gouvernement, c'est de me permettre aussi d'y faire rédiger un testament de fin de vie. Je voudrais pouvoir faire rédiger un «dying will». Je veux pouvoir clairement indiquer mon choix de fin de vie par suicide assisté quand, moi, je jugerai que ma qualité de vie n'est plus acceptable. Je veux pouvoir aussi, de façon légale, y définir moi-même les conditions sous lesquelles l'accord pour une euthanasie serait donné par la personne que j'aurais désignée. Je crois fermement que toute personne devrait avoir le droit de choisir son moment de fin de vie elle-même. C'est l'espoir que j'ai pour ma propre fin de vie.

En passant, les deux personnes que j'ai accompagnées en cheminement de fin de vie, qui sont mortes avec vraiment, là, dignité et amour, c'étaient deux personnes qui ont eu la chance incroyable de séjourner pendant quelques semaines dans une unité de soins palliatifs, ce qui aujourd'hui n'existe plus, dans le sens qu'en ce moment, dans les soins de santé, une personne est transférée aux soins palliatifs dans les 24 à 48 heures qu'il lui reste. Ça, ce n'est plus du soin palliatif, c'est un déménagement de lit pur et simple, O.K.? Les deux personnes... de ces deux personnes-là, mon père a été une des personnes qui a été vraiment privilégiée d'avoir des soins à l'unité palliative du Royal Vic à Montréal, qui n'existe plus. Cette unité-là, qui était avant-gardiste il y a 25 ans, a été fermée. Après une lutte de 10 ans de son... avec son cancer, ses dernières semaines étaient là. Le jour où il en a décidé qu'il en avait assez de souffrir et de se battre, il a eu une conversation privée avec son médecin. La famille, nous étions présents par la suite, où il nous a avisé de sa décision, et deux jours plus tard mon père s'est éteint. Je suis certaine aujourd'hui que c'était un cas d'un suicide assisté. Le processus s'est fait trop doucement puis trop en beauté pour que ce soit autre chose qu'un suicide assisté.

Les deux personnes qui sont mortes dans des conditions atroces et honteuses étaient victimes d'un manque de pouvoir et d'un manque de connaissances et de connexions à l'intérieur du système de santé, qui les ont rendues complètement victimes et hors contrôle de ce qui leur passait au quotidien. Un système de santé qui est débordé, qui, une fois qu'une personne est en phase terminale, ne reçoit pas les soins qu'elle a de besoin, juste les soins de base, d'être nettoyé... O.K.? J'ai vu, non seulement avec ces deux personnes-là, mais les autres malades qui les entouraient, des approches de soins atroces, mais atroces, des conditions hospitalières dignes d'un tiers-monde, non pas du Québec.

Ma mère qui est à Québec, dans la ville de Québec, en ce moment voudrait rejoindre ses enfants en région, et nous sommes unanimes à lui dire: Reste à Québec. C'est le seul endroit au Québec, en ce moment, qu'il y a des soins décents.

Alors, vous êtes nos députés. Je vous demande non seulement de regarder à permettre une fin de vie plus digne et au contrôle des personnes elles-mêmes... Écoute, on parle de dérive et puis de peur, de tout ça, mais, écoutez, on peut dire la même chose, les mêmes peurs peuvent... on peut parler des mêmes peurs quand on parle d'une personne qui fait son testament. Alors, pourquoi ne pas garder un système qui fonctionne au niveau des testaments, des testaments de vie... et de permettre la création de testaments de fin de vie? Alors, merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Gauvin. Ça met fin à notre période de micro ouvert. Je pense qu'en tout nous avons entendu 36 voix dans nos deux journées ici, à Gatineau. Alors, merci aux Gatinois et Gatinoises pour votre participation dans notre commission.

Une commission itinérante, ce n'est pas facile, ça prend le soutien de beaucoup d'acteurs. Alors, pour notre équipe technique, Christian Croft et Joël Guy, merci beaucoup, encore une fois, pour le déplacement. Notre équipe de sécurité en bas, en arrière, Normand, Éric et les autres, notre équipe d'accueil, Philippe Lessard-Blais, Jean-Philippe Laprise, nos recherchistes, Hélène Bergeron, Robert Jolicoeur, Catherine Guillemette, toujours Claire Vigneault qui travaille avec Anik Laplante, notre très, très efficace secrétaire, chers collègues, merci beaucoup.

Vous avez congé pour une journée, mais on va reprendre nos travaux jeudi le 3 février 2011, à 9 h 30, à la salle des saisons de l'Hôtel Omni Mont-Royal, à Montréal.

Alors, sur ce, je vais ajourner nos travaux. Merci beaucoup, bonsoir, et soyez prudents.

(Fin de la séance à 17 h 15)

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