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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 11 juin 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Commission parlementaire spéciale sur le problème de la liberté de la presse


Journal des débats

 

Commission parlementaire spéciale sur le problème

de la liberté de la presse

Séance du mercredi 11 juin 1969

(Dix heures trente-sept minutes)

M. CLOUTIER (président de la commission de la liberté de la presse): A l'ordre, messieurs! Au début de cette séance des travaux de notre commission, je voudrais souhaiter la bienvenue à tous nos visiteurs. Aujourd'hui, comme mercredi dernier, nous avons un ordre du jour assez chargé. Alors, nous allons commencer immédiatement. Nous avons, au premier article de l'ordre du jour, les Entreprises Gelco et j'ai, sur ma liste ici, les noms de M. Parisien, vice-président exécutif, de M. Marcel Caron, c.a. et de Me Jules Deschênes, conseiller juridique.

Alors, je demanderais à un des membres...

M. LESAGE: II y a aussi M. Desmarais, le patron, qui est ici ce matin.

M. LE PRESIDENT (M. Cloutier): M. Desmarais qui...

M. DESCHENES: M. le Président, messieurs, depuis quelques mois, s'agite dans l'opinion publique la question qui a entraîné la formation de la commission. Il s'est dit et il s'est écrit tellement de choses plus ou moins exactes et plus ou moins fantaisistes autour des Entreprises Gelco Limitée que cette compagnie est très heureuse — et je suis mandaté pour le dire à la commission — de pouvoir enfin participer aux travaux de la commission afin de rétablir les faits dans leur véritable lumière, lorsque la chose pourra paraître nécessaire.

C'est donc avec plaisir que je puis dire, même si on l'a déjà annoncé, que sont présents devant la commission, ce matin, le président des Entreprises Gelco, M. Paul Desmarals, ainsi que son associé de toujours, M. Jean Parisien, vice-président.

Avant, cependant, de céder la parole à M. Parisien au cas où la commission aimerait poser certaines questions, je voudrais, M. le Président, avec votre permission, tenter de fournir une réponse ce matin à une question que M. Mlchaud avait posée vers la fin de la dernière séance. M. Mlchaud s'était interrogé sur le motif pour lequel une transaction impliquant les actions de la Compagnie de publication La Presse n'avaient pas été soumise à l'autorisation ou à l'examen de l'Assemblée nationale, l'année dernière.

Au moment où cette question avait été posée à M. André Bureau, celui-ci avait répondu que les Entreprises Gelco fourniraient les éclaircissements nécessaires. Je crois qu'il est utile que ces éclaircissements soient fournis afin que la question ne reste pas sans réponse et qu'on ne continue pas de s'interroger sur ce problème.

Cette question exige évidemment que l'on fasse deux remarques, l'une portant sur le texte de la loi lui-même de 1967, et l'autre portant sur les faits relatifs à cette transaction de 1968, de façon que nous puissions voir comment la transaction vient s'imbriquer dans le texte de loi de l'année précédente.

Je ne prétends évidemment rien apprendre aux membres de la commission sur ce texte de loi puisque, messieurs, vous étiez tous membres de la Législature qui a voté cette loi en 1967. Je souligne cependant qu'il y a deux articles de la loi du 12 août 1967 qui sont pertinents à l'examen de la question, les articles 2 et 3, auxquels, d'ailleurs, M. Michaud s'était référé la semaine dernière.

L'article 2 est celui qui portait sur la transaction même qui avait amené les parties devant la Législature, la cession des intérêts Berthiaume à la Corporation de valeurs Trans-Canada. Et ne citant que la partie de l'article 2 qui est pertinente à notre discussion, je crois qu'il est essentiel que l'on remarque ce que la Législature a dit dans la loi et ce sur quoi elle s'interrogeait. Parce que, vis-à-vis de cette transaction, la loi dit ceci: « Les fiduciaires du testament Berthiaume sont autorisés à vendre à la Corporation de valeurs Trans-Canada toutes les actions ordinaires et privilégiées de la compagnie et ce, pourvu que le contrôle effectif de la Corporation de valeurs Trans-Canada n'ait pas changé entre le 1er mai 1967 et la date où ladite vente sera complétée. »

Donc, en 1967, ce à quoi la Législature s'est arrêtée, ce n'est pas uniquement la façade corporative, la Corporation des valeurs Trans-Ca-nada, mais la Législature s'est demandé qui, de fait, contrôlait, pour employer l'expression de la loi, exerçait le contrôle effectif de la Corporation de valeurs Trans-Canada. Et c'est à cette idée-là qu'on s'est attaché. On a su évidemment, à l'époque, que le contrôle reposait entre les mains des intérêts de M. Paul Desmarais. Et c'est après avoir reçu cette assurance que ces mêmes intérêts continuaient de contrôler la Corporation de valeurs Trans-Canada et continueraient de la contrôler au moment de la passation de l'acte de transfert, que la loi a été passée dans le texte que nous avons.

Seulement, on s'est interrogé ensuite et c'est là que la chose a de l'intérêt pour la discussion aujourd'hui sur des cessions de droits futures. On arrive alors à l'article 3 de la loi, dont la

partie pertinente encore — c'est la seule à laquelle je voudrais m'arrêter, et c'est la partie que M. Michaud, sauf erreur, citait la semaine dernière — dit: « Aucune vente, cession ou transport d'un nombre d'actions de toute compagnie qui aurait pour objet ou comme résultat de déplacer le contrôle de la Compagnie de publication de La Presse limitée ne peut être validement fait ou consenti sauf avec l'autorisation de la Législature. »

Je pense donc qu'il est essentiel que l'on s'arrête au texte, ce que le texte de loi soumet à l'autorisation nécessaire de la Législature, appelons-la une vente, pour simplifier la chose, d'un nombre d'actions qui aurait pour objet ou comme résultat de déplacer le contrôle de la Compagnie de publication de La Presse. Ici, il faut lire ce texte, je vous le soumets, en fonction du même texte qu'on lisait dans l'article 2 qui s'interrogeait, lui aussi, sur le contrôle de la Corporation de valeurs Trans-Canada.

Or, qu'est-ce qui est arrivé en 1968? Il est arrivé ceci, qui apparaît déjà d'ailleurs dans le mémoire soumis par la compagnie Gelco. Il y a eu une transaction qui, à toutes fins pratiques, se présente dans un aspect extrêmement simple. Il y avait deux catégories d'actions dans l'entreprise de la Presse: Il y avait des actions privilégiées et des actions ordinaires qui, toutes deux, étaient des actions jouissant du droit de vote. Elles étaient détenues par la Corporation de valeurs Trans-Canada, contrôlée par M. Desmarais. Alors, sont intervenues deux ventes: La vente des actions privilégiées par la Corporation de valeurs Trans-Canada à la compagnie Gelco et la vente des actions ordinaires par la Corporation de valeurs Trans-Canada toujours, à la compagnie Gesca Limitée. Alors, nous sommes en présence de deux transactions. Or, ces deux transactions sont faites en faveur de deux compagnies, Gelco et Gesca qui, toutes deux également, étaient àl'époque et sont encore contrôlées par les intérêts Desmarais.

Le diagramme ou l'organigramme qui a été produit dans le mémoire des entreprises Gelco fait voir que cette compagnie est contrôlée à plus de 80% par M. Paul Desmarais et que cette entreprise contrôle une filiale à part entière, qui est la compagnie Gesca Limitée. De telle sorte que si l'on va derrière la façade corporative et si l'on interroge sur ce que la loi de 1967 appelait le contrôle effectif de l'entreprise on constate qu'en 1968, les transactions qui sont intervenues ont eu pour effet de déplacer les actions, les faisant passer de la Corporation de valeurs Trans-Canada, contrôlée par M. Desmarais, aux entreprises Gelco, contrôlées par M. Desmarais, et à la compagnie Gesca, contrô- lée par Gelco, donc également par M. Desmarais.

En d'autres termes — et c'est cela qui est l'élément essentiel — et c'est là-dessus que je voudrais terminer la démonstration, pour ne pas allonger indûment les travaux de cette commission, l'élément essentiel, c'est que la transaction faisait agir, les unes avec les autres, des entreprises qui étaient ensemble et en même temps contrôlées par les mêmes intérêts que ceux qui s'étaient présentés devant la Législature en 1967, les intérêts Desmarais. Alors, quand on prend cette situation de fait et qu'on l'examine à la lumière de l'article 3 de la Loi de 1967, qu'est-ce qu'on lit? Je reprends le texte, il est très court: « Aucune vente d'un nombre d'actions de toute compagnie qui aurait comme résultat de déplacer le contrôle de la Compagnie de publication de La Presse ne peut être valablement fait ou consenti, sauf avec l'autorisation de la Législature.

Ici, nous sommes en présence d'une cession d'actions qui n'a pas eu pour effet de déplacer le contrôle de la Compagnie de publication La Presse. Ce contrôle était entre les mains des intérêts Desmarais en 1967, au moment où la loi a été adoptée. En 1968, au moment de la transaction, il était demeuré entre les mains des intérêts Desmarais et il l'est encore. Ce qui explique qu'à l'époque, lorsque recours a été fait à une opinion juridique pour savoir si cette transaction, en 1968, devait être soumise à l'examen de la Législature, une opinion négative a été fournie parce que cette transaction ne tombait pas sous la lettre et sous l'esprit de l'article 3 de la loi de 1967.

C'est ce qui explique pourquoi cette transaction n'a pas été soumise à la Législature. La démonstration me semble irréfutable à la lumière de la loi et c'est la réponse que Gelco désirait donner, ce matin, à la question que M. Michaud avait posée la semaine dernière.

M. MICHAUD: Est-ce que les intérêts de M. Desmarais comportent la pleine totalité du contrôle de Gesca et de Gelco? On dit 83%.

M. DESCHENES: Gesca est une filiale à part entière de Gelco.

M. MICHAUD: A part entière de Gelco. M. DESCHENES: A 100%.

M. MICHAUD: Oui, M. Desmarais détient 80.3% de Gelco.

M. DESCHENES: De Gelco.

M. MICHAUD: Les 20% qui restent sont détenus par qui?

M. DESCHENES: Il y a une proportion relativement minime qui est détenue par M. Jean Parisien qui est vice-président de l'entreprise et le reste, qui est également une petite proportion, est détenu par des intérêts familiaux de M. Desmarais. Ce qui veut dire que M. Desmarais personnellement a 80% et, avec ses intérêts familiaux, il a un pourcentage encore plus considérable qui est complété par une toute petite proportion qui reste entre les mains de M. Parisien, en particulier.

M. LESAGE: Dans les 83%, n'y a-t-il pas une partie qui est la propriété des enfants de M. Desmarais ou de son épouse?

M. DESCHENES: Sur ces questions de fait, M. le chef de l'Opposition, je me réservais de vous suggérer, dans un moment, que toute question devrait être dirigée aux représentants de la compagnie Gelco. Je préférerais de beaucoup que, sur ces matières-là, ce soient eux-mêmes qui vous répondent plutôt que moi.

M. LESAGE: C'est un peu immatériel, parce que je sais pertinemment que M. Desmarais contrôle, de toute façon, 83% des actions. Même s'il y en a qui éventuellement iront à sa femme ou à ses enfants, il les détient en fiducie et il en a le contrôle parfait, je suis au courant de cela. L'explication que vous venez de nous donner nous prouve, comme vous l'avez dit, que la lettre et l'esprit de l'article 3 ont été respectées. J'avais participé à la discussion lors de l'étude de ce projet de loi qui permettait la vente de la Presse aux intérêts de M. Desmarais. L'intention, c'était que M. Desmarais ne puisse abandonner le contrôle, particulièrement du journal La Presse, sans revenir devant la Législature. Il est clair qu'il a se contrôle. Qu'il l'ait d'une façon ou d'une autre, l'intention du législateur, c'était qu'il ne puisse abandonner le contrôle. Il l'a conservé, il l'a encore.

M. DESCHENES: C'est exactement ce que nous exposons devant la commission.

M. MICHAUD: Dans la transaction ultérieure, qui est survenue à propos de la fusion de Power Corporation avec Gelco, est-ce que le journal La Presse ou la filiale Gesca sont impliqués d'une manière ou d'une autre?

M. DESCHENES: A l'époque, ilyaeu échan- ge d'actions et acquisition d'intérêts par Gelco dans Power Corporation. C 'est une transaction à laquelle Gesca était étrangère, de même, d'ailleurs, que la Compagnie de publication La Presse. Je crois pouvoir dire aujourd'hui, en toute vérité, que Power Corporation ne détient pas d'intérêt dans les entreprises de publication de journaux.

M. MICHAUD: Mais si Power Corporation détient 50% du portefeuille de Gelco, est-ce que Power Corporation n'est pas, par ce biais, un peu propriétaire? Est-ce que c'est exclu?

M. DESCHENES: Vous avez justement là formulé une hypothèse qui, Je dois vous le dire en toute déférence, n'est pas conforme aux faits. Power Corporation ne détient pas de pourcentage d'actions, quel qu'il soit, dans la compagnie Gelco. Il n'y a aucune participation de Power Corporation dans Gelco. Au contraire, Gelco participe à quelque 30% dans Power Corporation. La situation est tout à fait à l'inverse que celle que vous venez de citer.

M. LESAGE: Dans Gelco, comme vous l'avez dit, il y a 83% des actions à M. Desmarais, il y en a un peu à M. Parisien et le reste à la famille de M. Desmarais, mais Gelco, par exemple, détient des actions de Power Corporation.

M. DESCHENES: Gelco détient le bloc le plus important de Power Corporation.

M. LESAGE: Mais l'inverse n'est pas exact. Le « holding » Gelco détient les actions du « holding » Power Corporation.

M. DESCHENES: C'est un jeu de mots auquel peut-être pourrais-je acquiescer pour autant qu'on ne verrait pas là une admission qui serait susceptible de qualifier une situation de fait.

M. LESAGE: Power Corporation est un « holding » et Gelco est également un « holding », mais la mère des deux n'est pas Power, c'est Gelco.

M. DESCHENES: D'accord.

M. LESAGE : C'est comme ça que M. Desmarais est à la fois père et mère.

M. DESCHENES: Je me demandais s'il y avait là un phénomène de parthénogenèse, mais je suis content que vous ayez corrigé l'impression qui tentait de se faufiler dans le dialogue.

M. MICHAUD: Mais d'un strict point de vue légal, il est admis que si M. Desmarais devait se déposséder de ses intérêts dans Gesca ou dans Gelco, il lui serait nécessaire d'avoir l'approbation de la Législature à cet effet.

M. LESAGE: C'est ça.

M. DESCHENES: II n'y a pas de doute parce que ça tomberait sous l'expression « toute compagnie » dans l'article 3 de la loi.

M. MICHAUD: Mais la Corporation des valeurs Trans-Canada et la nouvelle société Gelco ou sa filiale Gesca, c'est quand même un changement de personnalité juridique. Est-ce que vous admettez qu'au moins dans des transactions de cette nature, une information soit donnée?

M. DESCHENES: II y a eu ce que j'appelais tout à l'heure une transformation de façade corporative. Vous dites de personnalité juridique. Vous avez raison pour autant que ce sont deux compagnies différentes, mais ce à quoi il a fallu s'arrêter, c'est ce à quoi la Législature s'était, elle, arrêtée. Or, de toute évidence elle ne s'était pas arrêtée à la façade corporative ou à la personnalité Juridique. Elle s'était intéressée aux faits réels, à savoir qui contrôlait effectivement la corporation, la façade corporative. A ce moment-là, dès que nous nous sommes rendu compte qu'il n'y avait aucun changement dans ce contrôle réel, Je crois que nous étions justifiés de dire qu'il n'y avait aucune obligation de revenir devant la Législature. J'ajouterais là-dessus que le législateur, s'il avait voulu, à l'époque, par ses lois, demander qu'une semblable Information soit transmise, il lui aurait été facile de le dire dans le texte de loi et il aurait été facile aux parties de se conformer au texte de loi.

M. MICHAUD: Je crois que vous avez raison sur le fond, mais en fait sur la forme le principe que nous essayons de défendre ici c'est que l'Etat, qui est quand même responsable du bien commun, doit non pas avoir un droit de contrôle sur les transactions en matière d'entreprises de presse, mais au moins un droit de surveillance. Or, quels que soient les apparentements Juridiques et quelle que soit la forme juridique que prennent les transactions il serait, ce me semble, nécessaire que l'Etat comme tel, qui est gardien du bien commun, soit avisé de ces transactions. C'est ça l'esprit de la loi.

M. DESCHENES: Justement, l'Etat a voulu être avisé de ces changements de contrôle et de ces changements d'intérêts. Il l'a dit dans sa loi. Nous le savons. Si jamais, comme on le mentionnait il y a un instant, M. Desmarais décidait pour une raison x de se départir de ses intérêts, il faudrait que l'on revienne, à ce moment-là, devant la Législature. Seulement, tant et aussi longtemps que le contrôle n'est pas modifié réellement et dans les faits, l'Etat doit être satisfait que le contrôle demeure entre les mains des mêmes personnes, même si un désir se manifeste à un moment donné que le nom soit changé pour ne plus être Corporation de valeurs Trans-Canada, mais devenir Gesca ou devenir Gelco ou devenir Desmarais et compagnie, peu importe. Ce qui compte, c'est l'intérêt...

M. MICHAUD: Mais il y a quand même eu une sorte de changement de propriétaire et non pas majoritaire puisqu'il y avait M. Jean-Louis Lévesque qui avait des intérêts dans la Corporation des valeurs Trans-Canada. M. Desmarais a acquis la majorité des actions de ce groupe,

M. LESAGE: Il l'avait.

M. MICHAUD: Il l'avait, oui. A l'époque où la Presse a été vendue, il y avait M. Desmarais et il y avait M. Lévesque.

M. LESAGE: C'est M. Desmarais qui avait le contrôle. Il avait plus de la moitié des actions. Alors, l'intention du législateur c'était que M. Desmarais — c'était de lui qu'il était question autour de la table — ne puisse se départir du contrôle efficace qu'il avait dans les faits sans revenir devant la Législature.

Autrement dit, mon cher Yves, si M. Desmarais, généreusement, vous offrait gracieusement le contrôle de la Presse, il ne pourrait le faire sans notre consentement.

M. MICHAUD: Uniquement sur la Presse.

M. DESCHENES: Maintenant que j'espère avoir satisfait les membres de la commission avec les explications que je viens de fournir, je voudrais vous demander la permission de ne formuler que deux brèves observations additionnelles sur deux documents qui ont été déposés devant cette commission de travail au cours des séances antérieures. Il y a deux affirmations qui y apparaissent et que je ne voudrais pas laisser passer inaperçues.

Lors d'une séance où la direction de la revue Maintenant a comparu devant la commission, elle a produit, a-t-elle dit, comme partie intégrante de ses représentations, le dernier numé-

ro de la revue Socialisme 1969. Dans ce numéro, on s'interroge en particulier sur l'avenir du Québec et sur la liberté au Québec. Il y a cinq lignes de ce texte auxquelles je voudrais accorder une certaine attention ce matin. Cette question de la liberté,faisant partie du problème qui nous intéresse, ne devrait pas laisser indifférents les membres de la commission ce matin.

Or, voici ce qu'on lit dans cette communication déposée comme partie intégrante des représentations qui ont été faites devant la commission. J'extrais ce passage de la page 133. On s'interroge là sur l'avenir du Québec: « Ce sera une nouvelle manifestation des chauffeurs de taxi, ce sera une nouvelle démarche des comités de citoyens, ce seront de nouvelles occupations d'écoles ou d'usines ou d'édifices de l'administration municipale ou provinciale, ce sera la constitution de réserves d'armes pour la résistance. Il faut y songer maintenant. Ce sera l'organisation, peut-être clandestine, d'un véritable mouvement révolutionnaire, etc. »

En présence d'un texte aussi séditieux que celui-ci qui a été déposé devant la commission, il est opportun qu'avant d'arriver à des recommandations à l'Assemblée nationale celle-ci s'interroge pour savoir si nous chérissons suffisamment aujourd'hui les libertés que l'on critique et que l'on attaque aussi facilement, mais que néanmoins nous possédons et que l'on se demande si nous devons nous déclarer prêts aujourd'hui à troquer ces libertés que nous avons et que nous défendons contre celles que l'on prétend nous imposer par le fer, par le feu et par le sang.

M. MICHAUD: « Ce sera » se réfère à quoi?

M. DESCHENES: Oh! il faudrait, à ce moment-là, que je revienne. Je disais que l'on s'interrogeait, à ce moment-là, sur l'avenir du Québec.

M. MICHAUD: Oui.

M. DESCHENES: On dit alors: Ce seront les démonstrations que je viens de vous mentionner, allant jusqu'à la révolution armée. Si vous voulez que je vous cite les trois lignes précédentes, je puis le faire. Je ne voulais pas allonger la citation. Les trois lignes précédentes se lisent comme suit... Il faut que je remonte encore plus haut, parce que cela commence par: « II faudra répondre à ces questions. » Ces questions, c'était: « Comment, par exemple, ferons-nous pour que notre lutte pour le Québec soit ici une lutte avec les Latino-Américains, les Afro-Américains, les

Asiatiques, les Africains, une lutte contre les impérialistes? » On dit: « II faudra répondre à ces questions. Le plus tôt sera le mieux. J'ai tâché, pour ma part, de le faire partiellement, dans un essai intitulé « Feu sur l'Amérique ». D'autres réponses seront éventuellement et très certainement données à ces questions. Ce sera une nouvelle manifestation, etc. » On va jusqu'à la révolution armée.

M. MICHAUD: C'étaient les étapes de leur accession à une hypothèse de liberté.

M. DESCHENES: Justement. C'est pour cela — et c'est ma deuxième et dernière observation — que je trouve beaucoup plus saine l'attitude que l'on retrouve dans la revue Maintenant, dont le dernier numéro avait également été déposé devant cette commission. On y trouve un passage que les Entreprises Gelco peuvent et désirent faire leur, ce matin devant la commission.

Je n'en lis encore que quelques lignes qui sont à la page 155 et où la revue Maintenant, sous la plume de l'un de ses collaborateurs, nous dit ceci — et cela fait partie de ses représentations devant la commission: « La concentration des journaux, qui amènera inévitablement une meilleure administration des entreprises et les rendra ainsi plus rentables, peut susciter un renouveau sans précédent dans les qualités de l'information, si les nouveaux propriétaires sont conscients de leur intérêt, même le plus égoïste. Car, ils sont aujourd'hui capables de faire d'une pierre deux coups: améliorer la qualité journalistique des journaux et assurer, je dirais même accroître en même temps la longivité et la rentabilité de ceux-ci. »

Ce passage, M. le Président, qui se trouve dans les représentations faites à cette commission par la direction de la revue Maintenant, nous pouvons le faire nôtre parce que ceci fait partie de la philosophie des entreprises Gelco, telle d'ailleurs qu'elle vous a été exposée dans le mémoire qui a été déposé devant cette commission la semaine dernière.

Afin — comme je le disais, il y a un moment et c'est par là que je termine — de hâter les travaux de cette commission, il ne nous a pas paru opportun de relire ce matin ou même de tenter de résumer le mémoire qui vous a été soumis la semaine dernière.

Qu'il me suffise de dire que, dans une première partie, vous aurez pu constater que ce mémoire relate l'historique des entreprises Gelco au cours des vingt dernières années et montre comment — on me pardonnera l'exprès-

sion — deux petits Canadiens français, avec rien ou à peu près, ont réussi à force de poignet, de ténacité, de persévérance, d'initiative, à se hausser dans le domaine de l'entreprise et à arriver à exercer aujourd'hui une Influence considérable dans l'entreprise privée comme dans l'entreprise publique. Gelco souhaite justement, dans son mémoire, que son exemple soit suivi et que d'autres Canadiens français, faisant montre des mêmes efforts, des mêmes qualités, surtout du même esprit de travail, arrivent également à pouvoir exercer les mêmes influences aujourd'hui.

Dans la deuxième partie du mémoire de Gelco, celui-ci explique sa philosophie vls-à-vis, en particulier, des entreprises de presse et démontre que Gelco n'intervient pas, n'est jamais intervenu et n'entend pas intervenir dans l'avenir dans ce qu'on appelle les tentatives de contrôle de l'information. Au contraire — ici j'emploie les termes mêmes du mémoire de Gelco à la page 8: « C'est la philosophie de Gelco de bâtir des entreprises bien administrées et stables, de rationaliser de façon à assurer chez les journalistes une sécurité d'emploi et une liberté d'expression qu'ils ne sauraient peut-être pas trouver dans des entreprises qui menaceraient tôt ou tard de disparaître faute de ressources financières, faute de saine administration ou faute de n'être pas en mesure de concurrencer les produits des différentes entreprises de presse qui arrivent sur nos marchés venant de tous les coins du monde et qui trouvent chez les Canadiens un public pour les lire ».

C'est là la politique suivie par Gelco, et je puis dire sans crainte d'être contredit par les intérêts qui, actuellement, administrent et contrôlent les entreprises Gelco et, par leur truchement, certaines entreprises de presse, qu'il n'y a aucun désir dans ce domaine-là — eux-mêmes d'ailleurs vous le diront personnellement — de pratiquer tel genre d'intervention qui a pu apparemment amener certaines craintes dans le public et en particulier chez les membres de l'Assemblée nationale.

C'est pour cela — et c'est ma dernière observation — que Gelco ajoute à la fin de son mémoire que depuis que Gelco a fait des acquisitions dans ce domaine, sa première préoccupation a été de donner une base financière et une administration saine à chacune de ses entreprises afin que, graduellement, les journalistes aient l'occasion de se perfectionner, d'étudier, de voyager et finalement de se sentir fiers d'appartenir à des entreprises qui ont comme désir le rayonnement de l'homme de presse dans une entreprise qui se discipline à atteindre un marché de plus en plus exigeant.

Ceci dit, il est concevable et tout à fait possible que les membres de cette commission aient cependant des éclaircissements additionnels à demander sur les entreprises Gelco et sur les faits qui sont relatés dans le mémoire qui est Ici déposé. Je vous suggère, M. le Président, qu'il serait opportun que vous entendiez deux voix représentant les entreprises Gelco. D'une part, si les membres de la commission ont des questions à poser, pertinentes à ce qui nous intéresse ici, M. Jean Parisien, le vice-président des entreprises Gelco, qui a eu l'occasion et l'avantage de participer aux travaux antérieurs de cette commission, et qui s'est plus particulièrement familiarisé avec ce qui fait l'objet de vos préoccupations, est ici présent et disposé à répondre à vos questions.

Lorsque vous aurez obtenu les éclaircissements que vous désirez, je vous demanderai de donner ensuite quelques minutes à M. Marcel Caron, ex-président de l'Institut des comptables agréés, qui a préparé des données factuelles sur le problème de l'évolution des entreprises dans le monde contemporain, plus particulièrement en Amérique et plus particulièrement au Canada, problème au sujet duquel cette commission, sauf erreur, n'a reçu jusqu'à maintenant que des informations théoriques et sur lequel il nous apparaît opportun d'apporter maintenant des précisions d'ordre concret pour servir d'instruments de travail à cette commission parlementaire.

Alors, M. le Président, s'il y a des questions, je suggérerais qu'elles soient adressées à M. Parisien qui sera en mesure d'y répondre de la part de Gelco.

M. BOUSQUET: Monsieur, puisque vous avez fait allusion à la revue Socialisme, je serais tenté de vous poser une question.

M. DESCHENES: Il faut d'abord vous demander, M. Bousquet, si vous devez succomber à la tentation.

M. BOUSQUET: Voici, est-ce que... M. LESAGE: Il aime ça.

M. BOUSQUET: M. Lesage est souvent un tentateur.

M. DESCHENES: Je me réserve le privilège de l'absolution.

M. BOUSQUET: Si la revue Socialisme demandait de s'annoncer dans La Presse, accepteriez-vous une annonce de la revue Socialisme?

M. DESCHENES: M. Bousquet, je représente ici la compagnie Gelco et, je puis vous dire que celle-ci justement n'aurait absolution rien à voir avec la demande de publicité qui pourrait être faite, et je suis bien certain que ce ne sont pas les administrateurs de Gelco qui pourraient exercer une influence là-dessus.

Mais ici, justement, vous faites la meilleure démonstation de ce que je viens de vous dire, à savoir qu'il serait de beaucoup préférable que ce soient eux-mêmes qui répondent à cette question-là plutôt que de le faire par le truchement d'un avocat qui, sur ces questions-là, n'est pas celui qui peut vous fournir la meilleure réponse. Je préfère le reconnaître en toute humilité, et en même temps en toute franchise, et également pour le meilleur avantage de la commission. Je crois que, là-dessus, il serait justement opportun que je demande à M. Parisien de vous donner la réponse des entreprises Gelco.

M. LE PRESIDENT (M. Cloutler): M. Parisien.

M. PARISIEN: M, Bousquet, je pense que ce devrait être une réponse qui vous serait fournie par M. Bureau, qui est l'administrateur effectif de La Presse. Il était ici ce matin, nous le cherchons dans le moment. Aussitôt qu'il sera arrivé, il vous fournira la réponse.

M. DESCHENES: Je puis dire, M. le Président, que M. Bureau, de La Presse, est ici ce matin. Il n'est apparemment sorti que pour quelques instants. Nous le faisons rechercher et nous lui demanderons de vous fournir les éclaircissements nécessaires, dès qu'il sera revenu.

M. BOUSQUET: Ma question serait quand même pertinente justement à une session de la commission sur la liberté de la presse. Alors j'attends la réponse avec beaucoup d'intérêt.

M. MICHAUD: Pour clarifier cette situation, une fois pour toutes, au moment de la transaction Power Corporation et Gelco, le Montreal Star, si j'ai bonne mémoire, sauf erreur, présentait cette transaction comme une association 50/50 de Gelco et de Power Corporation. Donc, on a pu raisonnablement croire à cette époque, sur la foi de ces informations qui m'apparaissent irrecevables, en tout cas pour l'instant, que Power Corporation était liée à Gelco dans les intérêts de la presse écrite. Or, Je comprends bien, d'après votre organigramme, que Gelco détient 30% du capital-actions de

Power Corporation, Power Corporation n'étant intéressée, dans le Québec, que dans les stations de radio et de télévision...

M. DESCHENES: C'est ça.

M. MICHAUD: Donc, il n'y a pas d'Intérêts de Power Corporation dans la presse écrite que les intérêts que vous représentez contrôlent.

M. DESCHENES: C'est la réponse que je vous ai donnée tout à l'heure. Maintenant, si vous me permettez peut-être une explication à ce que vous dites avoir lu à l'époque dans le Montreal Star, je ne m'en souviens pas, mais il est tout à fait possible que cette explication soit venue du fait que ce que l'on présentait dans le public, c'était qu'il s'agissait d'une association entre M. Desmarais et M. Peter Thomson, ces deux messieurs-là, s'associant ensemble pour conjointement exercer le contrôle sur l'entreprise Power Corporation et que, dans cette optique-là, on ait dit c'est 50/50, Desmarais-Thomson, et qu'on ait confondu, à ce moment-là, Gelco et les entreprises contrôlées par M. Thomson à ce temps-là. Je verrais là l'explication de la conception qu'on avait pu se faire de cette combinaison d'Intérêts. Il n'y a certainement pas de 50/50 dans la division du capital-actions de la Power Corporation.

M. MICHAUD: Cette Information a-t-elle pu être véhiculée par la presse, en fonction de cette transaction qui a eu lieu au sommet de la pyramide entre Warnock Hersey International et Gelco.

M. DESCHENES: Comment voulez-vous que je vous réponde, M. Mlchaud? Je ne le sais pas et je plaide ignorance.

M. MICHAUD: Quels sont les liens d'association entre Warnock Hersey International et Gelco, si tant est qu'il y en ait?

M. PARISIEN: Les entreprises Gelco détiennent quelque 30% des actions votantes de Power Corporation, Warnock Hersey détient quelque 25%. C'est la seule association qu'il y ait entre Warnock Hersey et Gelco, c'est qu'ensemble, nous détenons le contrôle de la majorité des actions de Power Corporation.

M. LESAGE: Le reste des actions est sur le marché.

M. PARISIEN: Il est répandu parmi 18,000 actionnaires.

M. LESAGE: C'est ça.

M. PARISIEN: Il n'y a aucun autre...

M. LESAGE: Alors il y a 30% à Gelco et à peu près 25% à Warnock Hersey qui est contrôlée par M. Thomson...

M. PARISIEN: C'est ça.

M. LESAGE: ...personnellement ou pard'autres, cela n'a pas d'importance. Mais il ya 55% à peu près des actions de Power qui sont détenues ou contrôlées par M. Desmarais et M. Thomson et c'est là qu'est l'association.

M. PARISIEN: C'est exact, c'est la seule.

M. LESAGE: C'est ce que j'avais compris après avoir lu les pages financières des journaux.

M. MICHAUD: Cest une association, donc d'à peu près 50/50, M. Thomson et M. Desmarais, dans les 50% des actions qui restent.

M. LESAGE: Non, dans 55%des actions qu'ils détiennent individuellement et respectivement dans Power, le reste étant sur le marché, coté en bourse et détenu par 18,000 actionnaires.

M. PARISIEN: C'est ça. M. MICHAUD: D'accord.

M. BOUSQUET: Maintenant, pourrait-on nous dire quels peuvent être les liens entre Power Corporation et les différentes corporations américaines? J'ai lu moi aussi les pages financières des journaux, j'ai lu le Financial Times et j'ai vu que Power Corporation était liée très étroitement à beaucoup de grandes compagnies nord-américaines. Alors, en quelques mots, pourrait-on nous dire quelles peuvent être les associations entre Power Corporation et les principales compagnies nord-américaines?

M. LESAGE: Warnock Hersey n'a pas beaucoup de capital américain, je pense.

M. PARISIEN: Non.

M. LESAGE: II n'en a pas du tout.

M. PARISIEN: J'ai ici et je crois que vous avez en main vous-mêmes le rapport annuel de Power Corporation. A la page 5, vous allez trou- ver une liste des placements principaux de Power Corporation. Voici ce que ça représente. Les seuls intérêts américains qui sont représentés c'est American District Telegraph Company dans laquelle nous avons un placement d'à peu près 2% des actions de la compagnie.

M. LESAGE: Oui, mais ça, ce sont les placements de Power Corporation. Ce que M. Bousquet voulait savoir, c'est si Warnock Hersey était, de quelque façon, contrôlée par du capital américain. C'est-à-dire la compagnie-mère.

M. PARISIEN: A ma connaissance, Warnock Hersey est contrôlée par M. Thomson.

M. BOUSQUET: Et M. Thomson lui-même? M. PARISIEN: Lui-même, personnellement.

M. BOUSQUET: Oui, je comprends cela, mais ce qui m'intéresse quand même c'est de savoir quelles peuvent être les associations ou les liens entre Peter Thomson ou les intérêts Peter Thomson et divers intérêts américains, Y en a-t-il? Je crois qu'il y en a, à la lumière de ce que j'ai déjà lu. Je crois qu'il y en a beaucoup. Pourriez-vous nous donner une idée des liens qui peuvent exister entre les intérêts Peter Thomson et les intérêts américains?

M. PARISIEN: A ma connaissance, il n'y en a aucun.

M. LESAGE: Warnock Hersey...

M. PARISIEN: C'est une compagnie canadienne listée en bourse.

M. LESAGE: ... c'est une compagnie canadienne, je le sais bien, mais M. Thomson...

M. BOUSQUET: J'apporterai cet article que j'ai découpé.

M. LESAGE: ... personnellement, a-t-il le contrôle de plus de 50% des actions?

M. PARISIEN: Oui, de Warnock Hersey.

M. LESAGE: Y a-t-il des actions cotées sur le marché?

M. PARISIEN: Absolument.

M. LESAGE: Warnock Hersey en a.

M. PARISIEN: C'est une compagnie canadienne, siège social à Montréal.

M. LESAGE: Y a-t-il un autre actionnaire que M. Thomson qui possède un bloc d'actions et qui vaut la peine d'être mentionné?

M. PARISIEN: Non.

M. LESAGE: Alors c'est M. Thomson qui possède plus de 50%, mathématiquement, des actions, le reste étant coté en bourse. A la bourse de Montréal, je crois.

M. PARISIEN: A la bourse de Montréal. M. LESAGE: Et à la bourse de Toronto. M. PARISIEN: Et à la bourse de Toronto.

M. LESAGE: Alors, que vouliez-vous savoir, M. Bousquet?

M. BOUSQUET: Ce que je veux savoir, c'est ceci.

M. LAPORTE: Vous voulez savoir s'il lit les journaux?

M. BOUSQUET: Non, ce n'est pas ça du tout.

M. LAPORTE: M. Thomson est-il un grand lecteur de journaux?

M. BOUSQUET: Ce n'est pas ça du tout. M. Laporte, n'essayez pas de faire des farces déplacées.

M. LAPORTE: Ah! monsieur, depuis qu'il est assis à la première chaise, il se prend pour un autre.

M. BOUSQUET: Je ne suis pas assis à la première chaise, c'est M. le Président qui est assis là.

M. LAPORTE: Remarquez bien que si vous êtes assis là, c'est parce qu'il y avait tellement d'absents. Alors ne vous énervez pas!

M. BOUSQUET: Oui, je sais ça. Et d'ailleurs je n'ai jamais eu la prétention du député de Chambly.

M. LAPORTE: Vous avez toutes les raisons du monde d'être humble.

M. BOUSQUET: Oui, je sais, et vous avez toutes les raisons de vous taire et de me laisser parler puisque j'ai la parole.

M. LAPORTE: A merveille!

M. BOUSQUET: Bon, très bien.

M. LESAGE: Que voulez-vous savoir au juste?

M. BOUSQUET: Ce que je trouve intéressant et important de savoir, c'est si des gens qui contrôlent une partie importante de l'information au Québec ont des liens étroits avec des compagnies américaines. Je trouve qu'il est important de connaître ça, dans le domaine de l'information ou dans d'autres domaines.

M. LESAGE: Oui,maisonvientd'expliquer...

M. LAPORTE: Cela fait trois fois qu'ils lui disent non.

M. BOUSQUET: Ce n'est pas ça.

M. LESAGE: ... que Power Corporation est détenue à 30% par M. Desmarais, à 25% par Warnock Hersey, M. Desmarais par Gelco et M. Thomson par Warnock Hersey. Dans le cas de M. Des marais et dans le cas de Gelco, il possède 83% des actions; dans le cas de Warnock Hersey, M. Thomson, personnellement, possède au-delà de 50% des actions et dans les deux cas le reste, ou presque, est en bourse.

M. PARISIEN: En bourse canadienne.

M. LESAGE: En bourse canadienne, oui, oui.

M. PARISIEN: Il n'y a aucun intérêt américain.

M. LESAGE: Evidemment, un Américain peut bien acheter des actions en bourse de Montréal ou de Toronto.

M. PARISIEN: S'il veut payer la taxe additionnelle.

M, LESAGE: Que voulez-vous? Il n'y a pas de contrôle. Alors, ce sont des liens qui n'ont pas d'effet. De quels Intérêts américains avez-vous peur?

M. PARISIEN: Il n'y a aucun lien américain.

M, BOUSQUET: Disons qu'à la prochaine séance j'apporterai cet article qui est paru dans le Financial Time au sujet des intérêts de Power Corporation. Pour le moment, je laisse la question de côté.

M. LESAGE: Parce que Power Corporation

a des Intérêts dans l'Imperial Life, qui est une compagnie canadienne; dans la Canada Steamship Lines, qu'elle contrôle...

M. MICHAUD: Blue Bonnets, Transport Provincial.

M. LESAGE: ... Dominion Glass, 56%; Canadian Interurban Properties, 68%; Consolidated Bathurst Limited, 16%; Laurentide Finance, 48%; Northern and Central Gas, 16%. Dans cette dernière, y a-t-il des intérêts américains, M. Parisien?

M. PARISIEN: C'est canadien.

M. LESAGE: Canadien. Est-ce qu'une autre personne ou une autre corporation détient un bloc d'actions plus important que les 16% détenus par Power Corporation?

M. PARISIEN: Non.

M. LESAGE: Bon. Alors 16% suffisent pour avoir le contrôle effectif?

M. PARISIEN: Oui.

M. LESAGE: Parce que c'est en bourse, cela aussi.

M. PARISIEN: Pour répondre à M, Bousquet, Je puis l'assurer que Warnock Hersey n'a aucun intérêt américain et que M. Thomson n'a aucun lien avec les Américains. Maintenant, si des articles ont paru, c'est une autre affaire. Ici, nous essayons de vous donner les faits véritables, et je ne peux pas faire autrement que de vous assurer que cela n'existe pas.

M. MICHAUD: M. le Président, en ce qui concerne ce danger que semble prévoir le député de Saint-Hyacinthe, Je pense bien que si, à l'occasion, M. Thomson, M. Desmarais, Warnock Hersey ou Gelco détenait un ou deux pour cent d'actions dans des compagnies américaines, à ce moment-là il n'y aurait pas de danger. C'est leur propre initiative et leur propre liberté. Je pense bien que le problème du contrôle américain...

M. LESAGE: EL n'existe pas.

M. MICHAUD: ... en tout cas, ne se pose strictement pas quant au problème des entreprises de presse au Québec. A tout le moins, ce ne serait pas significatif.

M. LESAGE: Mais il n'y en a pas.

M. PARISIEN: Il n'y en a pas.

M. LESAGE: Personnellement, Je n'ai pas de témoignage à donner, mais de toutes ces compagnies-là, la plupart sont en bourse à Toronto et à Montréal ou à Montréal ou à Toronto. Je ne vols pas le danger.

M. MICHAUD: Est-ce qu'effectivement...

M. LESAGE: Lisez-vous les pages financières?

M. BOUSQUET: J'apporterai cet article et Je vous le montrerai.

M. LESAGE: Très bien.

M. BOUSQUET: Jusqu'à ce moment-là, j'ai dit que je laissais la question en suspens.

M. LESAGE: L'avez-vous ici à votre bureau?

M. BOUSQUET: J'ai dit que je vous l'apporterai.

M. LESAGE: C'est parce que nous pourrions le lire ce matin, pendant que ces messieurs sont ici.

M. BOUSQUET: Très bien.

M. LESAGE: Cela constitue une insinuation...

M. BOUSQUET: Je ne fais pas d'insinuation.

M. LESAGE: C'est ce que vous avez fait. Il me semble qu'il y aurait lieu de clarifier l'atmosphère ce matin. Si vous aviez l'article en main, je pense qu'en toute justice vous devriez nous le produire.

M. BOUSQUET: J'ai répondu à cette question.

M. MICHAUD: M. Parisien, ne serait-il pas juste de dire que Gelco, par les actions qu'elle détient dans Power Corporation, exerce un contrôle ou une espèce de semi-contrôle sur la Consolidated Bathurst, par exemple, qui fait du papier?

M. PARISIEN: Gelco étant le plus gros actionnaire de Power Corporation, M. Desmarals, qui en est le président du conseil d'administration et le directeur général, exerce sûrement le contrôle des politiques de Power Corporation.

M. MICHAUD: De Power Corporation. M. PARISIEN: Et puis...

M. MICHAUD: Les intérêts de Power Corporation dans Consolidated Bathurst sont de 16.3%; est-ce que ce sont des intérêts qui assurent, à toutes fins utiles, le contrôle de Consolidated Bathurst?

M. PARISIEN: C'est un contrôle effectif. M. MICHAUD: C'est un contrôle effectif? M. PARISIEN: Oui.

M. MICHAUD: On peut dire que Gelco et Warnock Hersey détiennent le contrôle effectif de Consolidated Bathurst.

M. PARISIEN: Oui.

M. MICHAUD: Est-ce qu'a ce moment-là il n'y aurait pas un danger éventuel d'une certaine pression sur les prix du papier? Je pense aux autres Journaux 13..

M. LESAGE: C'est le contraire.

M. PARISIEN: Non, parce que le prix du papier, c'est un prix unique et nous-mêmes, nous n'avons aucun intérêt à ce que...

M. MICHAUD: Il n'y aurait aucun danger éventuellement, vu que tous vos groupes de journaux s'alimentent — Je ne sais pas si vous le faites tous — à la Consolidated Bathurst, que des pressions soient exercées sur les prix du papier, de telle sorte que ça pourrait mettre en danger, par le mécanisme du prix du papier, d'autres Journaux dans le Québec.

M. LESAGE: Consolidated Bathurst n'est pas une assez grosse compagnie pour ça, M. Michaud. Si vous parliez de CIP ou bien d'autres grandes compagnies de papier, je ne dis pas, mais Consolidated Bathurst, dans l'ordre de grandeur des compagnies de papier, n'est évidemment ni la première, ni la deuxième, peut-être...

M. MICHAUD: Oui, mais sur le marché domestique québécois, Consolidated Bathurst se situe-t-elle comme une des premières sociétés de fabricants de papier?

M. PARISIEN: Non, c'est une des petites compagnies. En plus de ça, j'aimerais ajouter que le prix, du papier est fixé par un marché international; ce n'est pas le marché domestique qui détermine le prix du papier. Le prix du papier, en Amérique du Nord, se détermine à New York actuellement. Il est le même pour tout le monde.

M. LESAGE: Là, ce sont les Américains beaucoup plus que nous qui déterminent le prix du papier.

M. PARISIEN: A la Consolidated Bathurst, la majorité des actions, je pense, sont détenues par des Canadiens.

M. MICHAUD: Bien oui, c'est détenu par Gelco.

M. LESAGE: Consolidated Bathurst, bien oui, le contrôle effectif est entre les mains de Power Corporation et les autres fonctionnaires, bien, ce sont ceux qui en détiennent,

M. LEDUC (Laviolette): Les autres actionnaires aussi.

M. LESAGE: ...Il y en apeut-être qui s'achètent ou qui se vendent ce matin sur le marché de Toronto.

M. LEDUC (Laviolette): En majorité canadienne.

M. LESAGE: Cela dépend de la cote de la bourse. Les gens qui Jouent à la baisse jouent aujourd'hui.

M. LEDUC (Laviolette): C'est le temps d'en acheter.

M. MICHAUD: M. le Président, j'ai posé ce problème...

M. LESAGE: Les gens qui jouent à la baisse.

M. MICHAUD: ... du prix du papier en pensant à l'exemple français. En effet, les journaux français paient moins cher le papier, alors qu'ils n'ont pas un pays producteur de pâte à papier et de papier journal. Ils paient moins cher pour la tonne de papier journal que les journaux québécois, alors que nous, nous sommes quand même le pays numéro 1 qui produit du papier journal. Il y a là-bas une société nationale des entreprises de presse, la SNEP, et je crois savoir qu'il y a des subventions de l'Etat. Ces subventions ne sont pas arbitraires,

mais elles s'appliquent à tous les journaux. Il y a une réglementation du prix du papier par l'Etat. Cette réglementation est sous forme de subventions qui aident précisément les petites voix et les petits journaux à publier. C'est la forme que prend l'aide de l'Etat à la liberté de la presse là-bas, en contrôlant le papier à la baisse et en donnant un traitement préférentiel à tous les journaux quels qu'ils soient.

M. LESAGE: Ces subventions ont toujours été un point de discussion entre le gouvernement français, le gouvernement canadien et même entre le gouvernement français et le gouvernement du Québec. Entre 1960 et 1966, nous avons toujours tenté d'obtenir du gouvernement français que, premièrement, le marché commun diminue les barrières tarifaires sur le papier. Je ne me souviens plus du nom de celui qui est en tête des pâtes et papiers en France, c'est un Français et c'est clair que c'est un chaud partisan du protectionnisme. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de discuter avec lui, puis je n'ai jamais rien gagné.

M. DESCHENES: M. le Président, Je vous suggérerais d'entendre, sur ce point-là particulier, M. Jacques Francoeur qui a en main des renseignements très pertinents pour répondre à la question de M. Michaud.

M. FRANCOEUR: M. le Président, si vous me le permettez, pour éclaircir la question du papier, justement, la semaine dernière, j'ai étudié la situation française en détail.

En France, comme vous le savez, les villes sont plus dispersées et le territoire français au point de vue juridique comprend même la Guadeloupe, la Martinique et anciennement l'Algérie, etc. Pour donner une chance aux Journaux publiés dans les villes un peu éloignées — ça comprenait même Alger, par exemple, au moment de l'Algérie française — il y a une péréquation qui se fait. Le gouvernement français a créé une régie qui achète le papier pour toute la France. Ensuite, la régie revend le papier au même prix à tout le monde. En d'autres mots, même le journal qui est au Havre, paie le même prix que le Journal qui est à Lyon, malgré que l'un reçoive son papier directement au bateau, tandis que l'autre le reçoit par l'entremise du chemin de fer.

Ici, nous avons en pratique la même chose. Le marché nord-américain étant mondial ou à peu près, les prix sont cotés sur New York.

Qu'un journal de Québec prenne son papier à la compagnie Price, ou la Tribune à Sher- brooke, ou à Val-d'Or, les prix sont toujours calculés sur New York et là, on déduit les frais de transport pour tenir compte des distances. Le système français, c'est ça. C'est que le gouvernement achète et revend à tout le monde au même prix. En d'autres mots, les frais de transport pour les journaux éloignés sont absorbés en partie par les journaux plus près. Cela, c'est le système français dans le détail.

M. LESAGE: En Amérique du Nord, cette péréquation se fait, mais sans régie.

M. FRANCOEUR: C'est-à-dire que là, non. Le transport est compté un peu. En d'autres mots, toutes les compagnies de papier vendent à tous les journaux au prix de New York, tant la tonne, mais, dans le cas des journaux de Québec, on alloue la distance qu'il y a entre notre ville et New York, au point de vue transport.

M. LESAGE: Est-ce qu'on la charge? M. FRANCOEUR: Non, on la déduit. M. LESAGE: On la déduit.

M. FRANCOEUR: Le prix est fait en fonction de New York, moins le transport allant à New York.

M. LESAGE: Pour que ça revienne à un prix uniforme.

M. FRANCOEUR: C'est un prix uniforme. Toutes les compagnies de papier en Amérique du Nord, en fait, fonctionnent sur les mêmes barèmes et les mêmes prix.

M. MICHAUD: M. Francoeur, vous venez précisément de dire que le prix du papier dans le Québec, c'est le prix aligné sur le marché américain du prix du papier, en fait, qui est un marché mondial.

M. FRANCOEUR: Moins le transport et moins d'autres concessions de base, mais il faut comprendre que — je ne connais pas le marché du papier dans le détail, mais je connais assez les gens dans ce commerce — 80% du commerce des papeteries québécoises se fait aux Etats-Unis. Que voulez-vous? Le prix dont on discute est évidemment le prix le plus élevé que ces compagnies peuvent aller chercher, c'est le prix américain.

M. MICHAUD: Bien sûr, mais ma proposition, je pense que je suis conscient qu'elle dé-

borde peut-être un peu les cadres du mandat de cette commission. Mais, étant donné que le Québec est un des plus puissants producteurs de papier journal au monde, ne serait-il pas pensable que, sur une base tout à fait égalitaire pour ce qui concerne les journaux québécois, nous bénéficiions, comme groupe collectif, de prix de papier qui soient moindres que ceux qui sont actuellement en vigueur sur le marché américain? Est-ce que ça ne serait pas là une façon de privilégier la liberté de la presse sans toucher à des intérêts, mais de faire en sorte que nous soyons les premiers bénéficiaires de l'exploitation d'une richesse naturelle collective que sont nos forêts et qui produisent le papier journal? Je pense qu'il faudrait presque envisager un traitement préférentiel aux journaux.

M. FRANCOEUR: La loi existe déjà depuis le temps de M. Duplessis. La loi avait été votée, mais elle n'a jamais été sanctionnée, pour la bonne raison que les journaux ont refusé de s'en prévaloir. Parce que, si ma mémoire est bonne — je remonte à vingt ans en arrière — les journaux devaient demander la protection du gouvernement. Et justement, les journaux ont préféré, à ce moment-là, payer leur papier un peu plus cher plutôt que de donner une première entrée au gouvernement dans le domaine de la liberté de presse. M. Laporte, vous êtes au courant?

M. LAPORTE: Je suis plus inquiet de la protection que du coût du papier.

M. FRANCOEUR: J'aime mieux payer le papier plus cher la tonne que de donner à l'Etat une première entrée où, ultimement, il peut...

M. LESAGE: Que de lui entrebâiller la porte.

M. MICHAUD: Oui, mais ça, c'était quand même il y a vingt ans. Il y a vingt ans, il y avait de ces obsessions, mais aujourd'hui, on admet de plus en plus l'intervention étatique dans certains domaines. Je ne crois pas qu'une réduction du prix du papier ou un contrôle du prix du papier à la baisse pour tous les journaux québécois, sous forme de loi ou autrement, puisse mettre en danger la liberté de la presse. Je crois, au contraire, que cela la favoriserait. Je vous comprends, vous, de réagir comme ça, mais, pour le Clairon de Saint-Hyacinthe ou l'Echo des Laurentides ou pour les petits journaux régionaux, le papier représentant un tiers du coût de production d'un journal, ça serait peut-être là une façon de légiférer sans toucher au principe sacro-saint et tabou de la liberté du capitalisme de privilégier la liberté de la presse et son expression par un meilleur prix du papier préférentiel, à un taux préférentiel, pour les entreprises de presse québécoises — et là, je ne dis pas francophones, que ce soit francophone ou anglophone, ce serait normal — puisque, collectivement, nous sommes les plus grands producteurs au monde de papier journal, que nos journaux bénéficient de tarifs préférentiels.

M. FRANCOEUR: Je vous ferai remarquer que même les petits hebdomadaires dans le temps n'ont pas demandé la protection de cette loi. Ils auraient pu, et j'ai encore l'impression, M. Michaud — je ne voudrais pas être en désaccord avec vous — mais j'ai l'impression, que demain matin, si vous faisiez une enquête auprès des éditeurs, même de journaux hebdomadaires ruraux, pour leur expliquer ce que vous venez d'expliquer, je crois qu'ils préféreraient encore payer quelques dollars de plus, parce qu'il ne faut quand même pas rêver en couleur. La plupart des petits hebdomadaires passent une ou deux tonnes par semaine.

Ce ne sont pas les $5 que la loi prévoit qui feraient une grosse différence dans leur bilan à la fin de l'année. Cela ferait bien plus de différence, par exemple, dans le bilan de la Presse ou du Star ou du Soleil ou du Devoir.

M. MICHAUD: C'est juste, je suis conscient de cela, mais ce principe de l'intervention étatique sous forme d'aide aux entreprises de presse a déjà été accepté. Il est déjà actuellement en vigueur. Les prix du télégraphe, par exemple, sont moins chers pour la copie-presse que pour les souhaits de bonne fête à des amis ou à des parents. Il y a déjà une forme d'aide de l'Etat au niveau du gouvernement central qui fait que l'acheminement de la copie coûte moins cher.

M. LESAGE: Non, non. Tout de même, on ne peut pas dire que les services télégraphiques sont des services du gouvernement central.

M. MICHAUD: Le CN.

M. LESAGE: Bien il y a le CP aussi qui est à 50% dans une nouvelle compagnie de télécommunications. Qu'il y ait des tarifs donnés par une compagnie qui, à toutes fins pratiques, est indépendante du gouvernement, des tarifs particuliers dans le cas de transmission de nouvelles pour les journaux, je crois que c'est normal.

M. FRANCOEUR: C'est même international.

M. LESAGE: Cela a toujours existé.

M. FRANCOEUR: Le taux de presse est International. Ce n'est pas un pays ou un gouvernement qui donne un privilège, c'est International, même avec l'URSS dans le moment, par exemple.

M. MICHAUD: Mais comprenez, M. Fran-coeur, nous essayons de trouver des avenues dans lesquelles l'Etat ou le gouvernement québécois pourrait s'engager pour favoriser la liberté de la presse. Or, il y a des interventions étatiques d'une part qui freinent ou qui posent des entraves au libre exercice de la diffusion des informations. Je pense à la loi fédérale de l'augmentation des postes, mais qui vraiment là, pose un problème extrêmement sérieux et inquiétant pour les petites entreprises de presse. Or, cela c'est une intervention étatique à un autre niveau de gouvernement.

Comment pouvons-nous, nous, au niveau du gouvernement québécois, essayer d'établir un certain équilibre pour freiner ces tentatives qui, 3 mon sens, pour les petits journaux et les petites voix de la presse écrite, sont des interventions étatiques nuisibles? Je pense que la loi fédérale qui a été votée, l'augmentation des tarifs postaux — je ne veux pas exagérer — mais est une loi qui pénalise les petites entreprises de presse. En vertu du mandat que nous avons, et pour le bien commun dans le Québec, nous devons, nous, trouver des possibilités de contrebalancer ces lois qui m'apparalssent nocives. Or, une loi qui verrait à établir ou à contrôler ou à régir un prix de papier... Je comprends qu'il y a quelques années, c'était horrible simplement à la pensée de croire que l'Etat pourrait intervenir dans ce domaine, mais peut-être, aujourd'hui, pouvons-nous envisager ce problème- là avec beaucoup plus de sérénité.

M. DESCHENES: Je ne sais pas s'il y a d'autres questions que l'on désire poser à M. Parisien ou au représentant de Gelco. Je vous avais mentionné tout à l'heure que nous désirions également vous soumettre des données « factuelles » par l'intermédiaire de M. Marcel Caron qui est ici ce matin.

M. LEVESQUE (Laurier): J'aurais une question...

M. DESCHENES: Certainement, monsieur.

M. LEVESQUE (Laurier): Power Corporation a comme actionnaire principal Gelco à 30%...

M. PARISIEN: C'est exact.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'on a parlé des autres?

M. LESAGE: Est-ce que nous allons tout recommencer? Nous avons étudié toutes les structures avant que vous arriviez, M. Lévesque.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Vu que Gelco tient Gesca à 100%... Si le chef de l'Opposition en a déjà parlé, je vais arrêter tout de suite, mais seulement j'aimerais pouvoir finir ma question pour qu'il sache s'il en a parlé. Ensemble, Gelco et Gesca, finalement, cela revient à la même chose, détiennent la Presse et, jusqu'à concurrence des deux tiers, les journaux Trans-Canada, n'est-ce pas?

M. PARISIEN: C'est exact.

M. LEVESQUE (Laurier): A la page 11 du rapport des états financiers consolidés de Power Corporation, il y a une note à propos des placements. La note 2, page 11, mentionne à a) un billet de Warnock Hersey, et à b) $17,300,000 d'obligations à intérêt conditionnel de Gesca Ltée, filiale d'un actionnaire, évidemment Gelco. Vous pourriez peut-être expliquer ce que sont ces $17 millions d'obligations à intérêt conditionnel. Je ne sais pas si cela a déjà été touché.

M. PARISIEN: Je puis vous donner les explications, M. Lévesque. Quand il a été question que Power Corporation fasse une offre pour les actions des valeurs Trans-Canada, nous avons voulu nécessairement garder les entreprises de presse, comme possession de Gelco. Pour ce faire, nous nous sommes servis, comme méthode de financement, d'une obligation qui échoit dans cinquante ans, qui ne comporte aucune clause de défaut et dont l'intérêt est rattaché au bénéfice net des entreprises de presse.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors l'intérêt flotte selon les bénéfices?

M. PARISIEN: C'est ça.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est bon, ça.

M. PARISIEN: C'est un « income »...

M. LEVESQUE (Laurier): A toutes fins pratiques, cela revient à dire que Power Corporation avait les liquidités ou pouvait trouver les liquidités plus facilement. A toutes fins pratiques, c'est elle qui a financé l'achat de la presse par Gesca ou Gelco, de même qu'une partie de l'achat des journaux Trans-Canada.

M. PARISIEN: Non, la finance était déjà faite dans Trans-Canada...

M. LEVESQUE (Laurier): Elle était déjà faite mais était-ce relié...

M. PARISIEN: ... pour que Gelco rachète les journaux. Le moyen de finance a été l'obligation.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. PARISIEN: ... en faveur de la Corporation des valeurs Trans-Canada.

M. LEVESQUE (Laurier): A part les $17 millions placés là, qu'est-ce que cela a coûté? Le savez-vous?

M. PARISIEN: Cela représente le coût total des journaux.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, c'est le coût total qui a été financé par ces obligations de 50 ans...

M. PARISIEN: Oui, c'est ça.

M. LEVESQUE (Laurier): ... à intérêt flottant selon les bénéfices des entreprises de presse.

M. PARISIEN: C'est exact.

M. LEVESQUE (Laurier): Merci.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions avant que nous ne passions à M. Caron?

M. MICHAUD: Est-ce que Consolidated Bathurst vend du papier à d'autres journaux qu'à ceux du groupe? Est-ce que Consolidated Bathurst, dont le contrôle effectif est détenu par Gelco, vend à d'autres journaux québécois qu'à ceux du groupe?

M. PARISIEN: Franchement, M. Michaud, je l'ignore.

M. MICHAUD: Ou si c'est un marché captif, si vous voulez? Est-ce que Consolidated Bathurst a des liens économiques avec d'autres groupes de journaux?

M. PARISIEN: C'est une chose que j'ignore complètement. Les ventes de Consolidated Bathurst ne sont pas de notre ressort. Il y a une compagnie qui s'appelle Consolidated Bathurst Paper Sales qui fait affaires à travers le monde. Quels sont leurs clients, je l'ignore. Maintenant, nos entreprises de presse ont plus d'un fournisseur. Nous avons trois fournisseurs.

M. LESAGE: Bien oui.

M. MICHAUD: Vos entreprises de presse ont plus d'un fournisseur?

M. PARISIEN: Absolument.

M. MICHAUD: Vous n'achetez pas tout votre papier de Consolidated?

M. PARISIEN: Absolument pas.

M. LEVESQUE (Laurier): Quels sont vos fournisseurs?

M. PARISIEN: Nos fournisseurs sont Abi-tibi, Domtar et Consolidated Bathurst.

M. LEVESQUE (Laurier): Y a-t-il eu des changements dans la proportion ces derniers temps?

M. PARISIEN: Au début, en 1967, lors de l'achat des journaux, nous avons réduit le nombre de nos fournisseurs principaux à deux pour ne pas être à la merci d'un seul fournisseur et à ce moment-là il n'était aucunement question d'une offre de la Power Corporation. Consolidated fournit en général 50% des besoins des journaux, Domtar fournit certains papiers spéciaux et Abitibi fournit les autres 50%.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est comme ça depuis le début?

M. PARISIEN: C'est comme ça depuis que nous avons acheté les journaux.

M. LEVESQUE (Laurier): II n'y a pas eu de changement récemment? On avait dit — ce sont peut-être des rumeurs — qu'il y avait eu un changement très important dans les proportions?

M. PARISIEN: En ce moment, vous vous référez probablement à 1967 lorsque nous avons commencé à acheter pour la Tribune, par exemple, ou Dimanche-Matin qui avait comme fournisseurs Consolidated et Kruger Paper. C'est devenu Abitibi au lieu de Kruger, mais cela s'est fait en 1967.

M. MICHAUD: Pour en finir avec ce problème du papier, juste une autre observation. Je suggérerais, afin que ce soit consigné dans le journal des Débats, qu'au cours des éventuelles négociations concernant les droits de coupe, les « royalties » les redevances payables par les compagnies de papier qui exploitent les richesses forestières du Québec, ce problème du prix du papier soit abordé, que l'on tienne compte des impératifs de la liberté de la presse au Québec, et qu'à la suite de ces négociations, on prenne en considération le problème des petites entreprises de presse, qu'on s'attarde un peu sur le prix du papier et que l'on voie s'il n'y a pas une possibilité d'obtenir dans ces éventuels marchés des conditions privilégiées pour la presse québécoise.

M. BOUSQUET: M. Parisien, pour revenir un peu à ce dont je parlais tout à l'heure, étant donné l'Importance de Peter Thomson dans la possession de Power Corporation, j'aimerais savoir, si vous pouvez me le dire, quels sont les principaux intérêts de Peter Thomson en dehors des questions strictement de communications.

Quels sont les principaux intérêts de Peter Thomson et ses principaux champs d'activité? J'aimerais connaître ça, si vous voulez bien me le donner. Je crois qu'il est important de connaître les principaux propriétaires d'un empire comme celui-là. Je crois que c'est à propos de connaître quel est le principal champ d'activité de Peter Thomson et quels sont ses principaux liens avec d'autres compagnies canadiennes ou nord-américaines, dans d'autres domaines que le domaine strict de la presse.

M. DESCHENES: M. le Président, si vous me permettez une intervention ici. Il n'est pas de notre ressort de décider quelle peut être l'étendue de l'enquête que cette commission désire faire. Si, toutefois, vous jugez que la question de M. Bousquet est pertinente et recevable, je ne crois pas que ce soit à M. Parisien de fournir la réponse.

M. LAPORTE: Ce qui m'a empêché d'intervenir, c'est qu'il s'agit de M. Peter Thomson et que nous allons immédiatement nous faire dire par les gens d'en face que c'est un de nos amis. C'est absolument hors d'ordre. Nous avons ici une enquête qui porte sur la liberté de la presse. Que M. Thomson ou M. X ou M. Y ou M. Desmarais aient d'autres intérêts dans d'autres choses ne nous regarde pas.

M. BOUSQUET: M. le Président, j'ai bien évité de signaler les liens qui peuvent exister entre M. Thomson et le parti libéral.

M. LAPORTE: Je n'ai pas dit que vous les aviez signalés; j'ai dit que, n'eût été la personnalité de M. Thomson, je serais immédiatement intervenu pour dire que ce genre de question que vous voulez poser, qui ne manque certainement pas d'intérêt, ne relève pas de l'étude que nous entreprenons ici.

M. BOUSQUET: Voici, j'admets que, strictement parlant, ça ne relève pas de l'étude que nous entreprenons ici. Mais, à mon point de vue, c'est une question d'intérêt, comme le député de Chambly vient de l'admettre.

M. LAPORTE: Si le député de Saint-Hyacinthe voulait me permettre. Comme je ne voudrais pas — vu que nous avons tous un peu de travail à faire encore sur cette commission-là — que nous passions l'été ici, nous allons nous en tenir strictement au mandat qui nous a été confié.

M. BOUSQUET: C'est une question connexe d'importance, à mon point de vue.

M. MICHAUD: La réponse est extrêmement facile: M. Thomson détenant le contrôle effectif de Warnock Hersey International, que le député de Saint-Hyacinthe aille voir le rapport financier de Warnock Hersey International dont les actions sont inscrites en Bourse et il aura la réponse au portefeuille que détient M. Peter Thomson.

M. LE PRESIDENT (M. Cloutier): Alors, messieurs...

M. LEVESQUE (Laurier): Je suis d'accord pour ce qui est du fait que la question déborde le mandat de la commission, tel qu'il a été interprété jusqu'ici, mais je crois que ça souligne jusqu'à quel point nous sommes en train de faire semblant... C'est intéressant, cependant; nous nous renseignons sur des choses. Je crois que le fond de la question du député de Saint-Hyacinthe rejoint, au moins, une partie de l'essentiel du problème qui est devant nous, soit les ramifications, par les hommes, comme par les entreprises, de ces groupes qui sont tous reliés à des groupes de contrôle de plus en plus complet de toute l'économie du Québec ou de l'économie du Canada à ce compte-là, parce qu'ils rejoignent Investors Group maintenant et Investors Group rejoint Great West, etc. Nous sommes vraiment dans

la mosaïque verticale la plus authentique dans ce cas-là.

Evidemment, c'est déborder le mandat strict de la commission, mais ilI reste que, tant que nous n'aurons pas touché à ces choses-là — si ce n'est pas ici que ça se fait, il faudra que ça se fasse ailleurs — le Parlement du Québec, jusqu'à un certain point, s'amuse autour et alentour de la question et ne va pas au fond.

M. BOUSQUET: Je crois que c'est justement important de connaître ces ramifications. Je comprends que le député de Chambly ou le député de Louis-Hébert veuillent que nous nous en tenions rigoureusement au mandat de cette commission. Mais, à mon point de vue, c'est un détail important que de connaître quelles sont les ramifications de l'empire Peter Thomson.

M. LAPORTE: M. le Président, nous avons été convoqués pour étudier un problème qui n'a pas été, d'ailleurs, soumis par le député de Saint-Hyacinthe, mais par un député libéral, M. Yves Michaud. Le problème qui nous a été soumis était fort bien circonscrit; Est-ce que le fait, pour des intérêts communs, de détenir plusieurs journaux, de détenir des postes de radio ou de télévision, de détenir des compagnies de distribution, peut et est, en fait, une entrave à la liberté de la presse? C'est le problème que nous avons à étudier.

Nous avons, à ce point de vue, entendu des journalistes, des représentants d'associations de journalistes, nous avons entendu des représentants de certaines revues, nous avons entendu les propriétaires des intérêts dont il est question. Ceci va-t-il ajouter à notre étude de savoir que M. Peter Thomson ou n'importe quel autre citoyen détient des intérêts au Royaume-Uni, aux Bahamas, aux Etats-Unis et en Afrique?

M. Lévesque dit qu'on tourne autour du pot. Si nous voulons entreprendre cette étude, là, évidemment, ça va nous conduire aux quatre coins du monde, ça va nous conduire dans les bilans d'une infinité de compagnies. La question que je pose au président, la question que je pose au député de Saint-Hyacinthe: Lorsque nous saurons tout ça, que M. Peter Thomson, M.Sigouln ou M. Ce-qu'on-voudra détient des intérêts dans 32 ou dans 60 autres compagnies, ça va ajouter quoi à la dimension de ce que nous étudions? Au Québec, la liberté de la presse est-elle ou n'est-elle pas entravée?

M. BOUSQUET: D'accord.

M. LAPORTE: C'est tout ce que je veux sa- voir. Je pense là, contrairement à ce que dit M. Lévesque, qu'on commence à s'amuser, qu'on commence à perdre du temps pour savoir que, peut-être aux Bahamas, il y a deux hôtels qui appartiennent à M. X et qu'il a peut-être des intérêts en Afrique du Sud. Cela va ajouter quoi à notre étude, sinon de nous faire perdre du temps?

M. BOUSQUET: D'accord. Pour ce qui est de la première partie de l'Intervention du député de Chambly, je lui donne raison. Il s'agit de déterminer si, actuellement, la liberté de la presse est menacée au Québec. D'accord. Mais je crois qu'il est aussi important de savoir quels peuvent être les moyens de pression sur les principaux propriétaires des moyens de communication au Québec, étant donné que nous n'avons pas encore la réponse, à savoir si la liberté de la presse est menacée ou non au Québec.

M. MICHAUD: M. le Président-là-dessus, je réponds au député de Saint-Hyacinthe — le portefeuille de Warnock Hersey International est une chose qui est du domaine public. Au cours de mon intervention, le 5 décembre, j'en ai parlé, j'ai donné à peu près la liste, à même des renseignements que J'avais pu obtenir, il y a de l'argent qui est investi dans le domaine des loisirs et le reste, c'est public. S'il veut retourner à mon intervention, il verra.

Maintenant, si le député de Saint-Hyacinthe a des informations à l'effet que ces intérêts qui sont détenus par Warnock Hersey International ou M. Peter Thomson posent un problème sur la liberté de la presse au Québec, bien, qu'il le dise. Bien sûr, on essaie d'étudier toutes les ramifications, mais c'est du domaine public, ce n'est pas caché.

M. BOUSQUET: Oui.

M. MICHAUD: Moi-même, avec mes faibles moyens, j'ai donné le portefeuille de Warnock Hersey International le 5 décembre.

M. LAPORTE: Si on voulait être sérieux et éviter de perdre inutilement du temps, j'ai l'impression que l'on est quasi prêt à conclure qu'il faut créer dans la province de Québec — cela a été suggéré par plusieurs — un organisme, pas nécessairement gouvernemental, pour s'assurer que la liberté de la presse ne sera pas menacée dans la province de Québec. Quand même on ferait encore vingt ans d'études, on va arriver aux mêmes conclusions. Me Bureau nous l'a dit clairement, les journalistes nous l'ont dit claire-

ment, ils s'inquiètent que ce soit le gouvernement qui intervienne.

Je partage l'avis de M. Michaud à l'effet que ça a évolué, que nous sommes probablement plus ouverts à ces choses-là, mais les propres consommateurs de la liberté de la presse sont inquiets. Alors, puisque la concentration est peut-être un danger de contrôle, il faut créer un organisme chez nous. Quand même on étudierait encore 40 portefeuilles, on va conclure la même chose. C'est pour ça que je n'aime pas à perdre du temps inutilement.

M. BOUSQUET: Il n'est pas question...

M. LE PRESIDENT (M. Cloutier): Alors, messieurs, si vous me permettez quelques remarques à ce moment-ci, sans être fataliste, je m'attendais à ce qu'une discussion comme celle-là ait lieu au cours de nos travaux. Nous devions fatalement y arriver.

Je ne crois pas qu'à ce moment-ci, nous ayons exploré toutes les possibilités, en dehors des travaux de la commission, d'obtenir ces informations. Peut-être serait-il possible en dehors, pour ne pas prolonger inutilement les travaux de cette commission, de tenter d'obtenir ces renseignements par un autre moyen, par d'autres publications.

Au début des travaux de cette commission — je dis au début, malgré que nous soyons rendus à la cinquième ou à la sixième séance — je ne voudrais pas tout de suite élargir indéfiniment le mandat de cette commission, parce que si nous le faisons à ce moment-ci, il est indéniable, il est prévisible que nous ne verrons pas le terme de ces travaux. Je voudrais que nous nous en tenions le plus strictement possible au mandat de la commission, sans empêcher cependant — et je l'ai fait depuis le début — sans empêcher les membres de la commission d'explorer autour du mandat initial de la commission.

Ce matin, nous avons passablement de groupes qui sont venus devant la commission. Je crois que, pour l'instant, nous devrions entendre ceux qui sont ici, M. Caron, entre autres. Peut-être que le témoignage des autres membres ou des autres experts qui sont ici, des visiteurs, pourrait ajouter à la discussion, de sorte que des questions qui auraient pu être posées pourront éviter d'être posées.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, juste un mot, si vous permettez, qui s'enchaîne à ce que vous venez dire et à ce que disait aussi le député de Chambly. Le député de Chambly est presque prêt à conclure, ce qui est son droit, mais vous avez dit, M. le Président, que nous étions presque au début. Il y a évidemment quelque chose de rassurant dans la marge qui existe entre vous deux. Je reviendrais tout simplement sur ce point-ci pour clarifier ce que je disais tout à l'heure. On joue assez souvent sur deux mots. J'ai entendu le député de Chambly ou peut-être le député de Gouin dire qu'il s'agit de savoir si la liberté de la presse est entravée et, à d'autres moments, on l'a dit menacée. Enfin, sans entrer dans ces nuances chinoises, entraver, effectivement, voudrait dire qu'elle est bloquée, autrement dit qu'il y a vraiment un blocage de l'information ou de la liberté d'opinion. Menacer, cela rejoint ce que nous avons déjà discuté, c'est-à-dire de savoir s'il y a une présomption sérieuse, ce qui, je crois, rejoint le document des juristes qui ont déjà étudié la question pour le gouvernement.

Il faudrait des lois ou des mesures efficaces à ce point de vue-là, et il ne faudrait pas attendre que tout soit entravé. On n'attend pas que tout s'en aille chez le diable. On se demande s'il y a une présomption sérieuse. A ce moment-là, cela vaut la peine d'aller au fond. Je maintiens de nouveau, en prenant simplement l'esprit de la question du député de Saint-Hyacinthe, que si on devait découvrir — si ce n'est pas fait ici, j'espère que ce sera fait ailleurs — que, via M. X ou M. Y, les groupes qu'ils représentent — là, je ne m'en vais pas dans les Bahamas, en Amérique latine, etc. — ont une très grande partie du contrôle économique et stratégique dans Québec et dans l'ensemble du Canada. Ce contrôle est entre les mains de groupes tous interreliés qui, également, sont en train de mettre la main sur une très grande partie des publications et des moyens de diffusion par les ondes du Québec; je dis qu'à ce moment-là il y a une présomption extrêmement grave.

Je dis que cet ensemble économique qui représente l'« establishment » le plus puissant et le mieux coordonné de tout le pays et du Québec — pas besoin de vous le dire — par voie de conséquence, peut faire peser une menace à court terme sur la liberté d'opinion et d'information du Québec. C'est tout.

M. LAPORTE: Vous voyez que vous êtes prêt à conclure. Vous avez conclu.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, je dis simplement...

M. LAPORTE: En partant de là, qu'est-ce qu'on fait?

M. LEVESQUE (Laurier): Je voudrais que l'on vole clairement l'ampleur de ces ramifications et on peut les voir autrement qu'ici, c'est tout.

M. LAPORTE: Qu'on siège encore vingt fois?

M. LE VESQUE (Laurier): Non.

M. LAPORTE: Mais est-il nécessaire, pour que nous soyons, comme je le dis, disposés à conclure, que nous voyons encore les ramifications? Vous venez de dire, vous-même, qu'il y a un danger. Si l'on posait la question: Quel est le meilleur moyen d'éviter que ce danger ne devienne réalité? Est-ce que c'est un conseil de presse, un contrôle gouvernemental? Nous pourrions peut-être engager la discussion sur cela plutôt que de continuer à voir quelles sont les ramifications. Cela ne vous fera pas changer d'idée, cela ne me fera pas changer d'idée. Le danger existe, alors, que fait-on à partir de là?

M. LE VESQUE (Laurier): Je crois que si le député de Chambly a tout compris et tout saisi cela, je n'ai pas encore vu — et je crois quand même à une sorte de démocratie — qu'on ait suffisamment clarifié, certainement pas par cette commission, cette interrelation des grands Intérêts qui affectent de plus en plus les moyens d'information et de diffusion dans le Québec, de façon que l'opinion publique en soit saisie d'une manière convenable.

M. LAPORTE: C'est-à-dire que, Jusqu'ici, la preuve est à l'effet que cela n'a pas réussi à contrôler la presse. Continuons l'enquête pour savoir si nous allons infirmer ce jugement-là.

M. LE PRESIDENT (M. Cloutier): Alors, messieurs...

M. LESAGE: M. le Président, si vous me permettez, M. Lévesque vient de laisser entendre que le contrôle de l'économie québécoise serait entre les mains d'un groupe qui, par toutes sortes d'associations ou d'affiliations, aurait la main sur l'économie du Québec et, en même temps, sur les moyens de communications, sur les moyens de diffusion de la nouvelle. Il faut bien comprendre, je crois, que le secteur de Gelco, de Power Corporation, les secteurs contrôlés par M. Desmarais et par M. Thomson sont limités. Je ne crois pas que M. Thomson ou M. Desmarais aient des affiliations, ils en ont peut-être avec la Banque Royale, je crois, mais ils n'en ont certainement pas avec la Banque de Montréal.

Or, ce sont deux grandes banques concurrentes. Ils n'en ont pas, non plus, avec la CIP. Ce sont des concurrents. IL y a des groupes qui contrôlent...

M. LEVESQUE (Laurier): Steinberg.

M. LESAGE: ... c'est vrai, des parcelles, des parties plus ou moins importantes de l'économie au Québec, au Canada, mais les groupes entre eux se font concurrence. S'il y a tendance à former des groupes, c'est que, pour soutenir la concurrence, il faut être plus fort.

Il n'y a pas de monopole. Il y a des groupes de plus en plus forts face à une concurrence de plus en plus forte et de plus en plus difficile à soutenir.

M. MICHAUD: M. le Président, j'aimerais simplement ajouter ceci: Depuis les cinq séances que nous avons tenues pour étudier ce problème,il est clair que le phénomène de concentration des entreprises de presse existe et peut en soi mettre en danger l'exercice de la liberté de la presse. On cherche des avenues et des solutions pour équilibrer le phénomène concentrationnaire par d'autres mesures. Il y a, quand même, des choses qui se décident. On ne tourne pas nécessairement en rond et j'imagine qu'on arrivera à établir des solutions pratiques. Il y en a eu de formulées à la commission. Il y en a déjà quatre fondamentales.

La première, on a parlé de la possibilité de créer des messageries étatiques ou paraétati-ques qui feraient en sorte que l'ensemble des titres québécois seraient rapidement disponibles à l'échelle du territoire. La deuxième, on vient de faire une suggestion à l'effet que le prix du papier serait peut-être, sous forme d'intervention étatique, une façon de privilégier la liberté de la presse. La troisième, le conseil de presse. La quatrième — il faudrait en venir là — serait une sorte de régie de surveillance du mouvement des capitaux en matière d'entreprise de presse.

Ce sont là quatre hypothèses de réflexion qui nous permettront peut-être de légiférer en ce sens dans un avenir rapproché. Je ne voudrais pas, d'une part, avoir trop d'enthousiasme, mais, d'autre part, je ne voudrais pas verser dans un pessimisme facile, à l'effet que les travaux de la commission tournent en rond et n'aboutiront à rien.

Je crois qu'il y a là des possibilités pour l'Etat d'équilibrer et de contrer cette présomption sérieuse, qui existera toujours, face au phénomène de la concentration, que la liberté de la presse pourrait être menacée. Je pense que notre mandat à nous, c'est de voir comment

nous pouvons, par une intervention étatique ou autrement, équilibrer le phénomène de la concentration par des mesures législatives propres à favoriser une plus grande liberté de presse au Québec.

M. LAPORTE: Je partage pleinement votre point de vue. Je serais prêt à ce qu'on aborde la deuxième partie de notre étude.

M. BOUSQUET: Quant à moi, je suis d'accord avec le député de Gouin à ce sujet. Je ne voudrais surtout pas que l'on comprenne que je m'oppose aux concentrations de capitaux. Je sais que c'est une nécessité, une question de vie ou de mort en Amérique du Nord. Je prends comme exemple un type comme M. Desmarais. Je pense que les Canadiens français ont raison d'être fiers de son succès, parce qu'il a compris qu'en Amérique du Nord il faut de grandes entreprises pour pouvoir survivre économiquement.

M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, après cette expression d'opinions de part et d'autre, je pense que maintenant nous devrions entendre M. Caron.

M. CARON: M. le Président, on vous remettra une communication que j'ai préparée pour exposer devant votre commission les grands problèmes qu'affrontent les entreprises québécoises et leur structure financière.

Ce témoignage s'appuie sur des statistiques tirées des Etats-Unis, de France, du Canada et expose en particulier la position relative et les progrès des divers média d'information. Considérant que le temps dont dispose votre commission est très précieux et qu'une élaboration complète de la thèse que j'ai préparée prendrait près de deux heures, je me permets de vous faire un résumé succinct vous laissant l'initiative de lire ce document, si vous jugez à propos de le faire.

Le témoignage que j'ai préparé pour vous est réparti en sept chapitres, 13 notes de référence et 13 annexes, dont certaines ont été reproduites pour illustrer ma présentation.

Le premier chapitre de mon témoignage expose la théorie des grands ensembles, qui découle du besoin de diversification, lequel s'impose au monde des affaires si l'on veut éviter les fluctuations économiques de certains pays ou de certains types d'activité.

Les grands ensembles sont des groupements de compagnies ou d'entreprises économiquement liées.

Ces concentrations s'organisent pour faire face au problème, au phénomène de la mutation des dimensions de l'économie aussi bien pour ce qui est des outils de production, de l'organisation, des débouchés, de la recherche que pour les hommes et les capitaux. L'adaptation à l'ère technologique de demain exige des moyens qui dépassent le niveau de la moyenne entreprise. Donc, on se réunit, on se groupe, on s'associe. Le regroupement des entreprises s'effectue par l'acquisition, la fusion ou l'association d'entreprises. De là naissent deux types de concentration, la compagnie de gestion et ses filiales ou divisions intégrées verticalement ou horizontalement dans une même activité ou le conglomérat et ses filiales ou divisions aux activités diversifiées. Les grands ensembles permettent une meilleure utilisation du personnel de cadre, l'unification et l'intensification de la recherche, l'adaptation constante aux meilleures méthodes de gestion découvertes et mises en oeuvre dans le monde entier. Ainsi, ce n'est que par les grands ensembles que certains pays évoluent rapidement vers la société postindustrielle, vers l'application de l'électronique au contrôle, aux communications et à la manutention.

La faiblesse du grand consortium ou du conglomérat réside dans l'unification des pouvoirs en un corps de gestion unique et suprême pour toutes les activités. De même que pour un pays ou un gouvernement, la direction générale des grands ensembles ne peut suffire à la tâche et ne peut prendre les décisions rapides qui s'imposent par suite de la complexité et de la diversité des problèmes. Pour obvier à ce désavantage de structures, certains grands ensembles délèguent à la direction nommée pour chaque pays une autonomie de décision complète. D'autres le font par type d'activité. On pallie ainsi les carences de la centralisation du pouvoir. En fait, les grands ensembles peuvent fonctionner comme des entreprises séparées tout en maintenant les services communs pour autant qu'il y ait une juste répartition des fonctions et des pouvoirs à l'intérieur de l'entreprise.

Alors, si vous voulez, je vais passer directement aux tableaux qui sont devant vous pour illustrer un peu le témoignage que j'ai préparé.

Le premier tableau donne des renseignements statistiques sur la croissance des fusions ou acquisitions aux Etats-Unis de 1947 à 1963. C'est le tableau 1-A, En 1965, vous avez 2,215 fusions. Vous en avez 5,400 en 1969. Cela représente 21% d'augmentation, et $11 milliards d'actifs sont concernés dans ces fusions. En parallèle, si on regarde ce qui se fait en France, on a en 1962, 999 fusions sur un total

— parce qu'il y a des fusions partielles — de 1,320. Les tableaux ont été tronqués de manière à les simplifier, mais remarquez tout de même qu'il y en avait 1,959 en 1966 et 1,752 en 1967.

Il faut dire qu'en France, il y a 200,000 sociétés de capitaux et qu'il y a une tendance vers la fusion. Le gouvernement français a même adopté une législation spéciale en 1965 pour favoriser les fusions. On dit que ce régime n'est pas encore suffisamment libéral.

Si vous voulez passer ensuite au tableau suivant. Je passe du texte, considérant que vous l'avez devant vous. Le prochain tableau montre l'influence des corporations dans l'économie américaine. Ce que les grosses compagnies contribuent, le pourcentage de la valeur ajoutée, c'est-à-dire ce qu'elles ajoutent au produit de l'ensemble de la production des Etats-Unis. En 1947, les cinquante plus grosses compagnies contribuaient à 17% de la valeur ajoutée de toute la production américaine. En 1963. vous êtes rendus à 25%. Si vous prenez les 200 plus grosses compagnies, la contribution était de 30% en 1947. Elle est rendue à 41%. On peut presque dire que la moitié de la production américaine est entre les mains de 200 compagnies américaines. C'est ce que l'annexe 1 nous dit. L'annexe 1-A vous montre le pourcentage des expéditions par type d'entreprise, ce que les vingt plus grosses compagnies contribuent, encore une fois. C'est assez amusant parce que vous remarquez que pour l'automobile, par exemple, qui est un secteur que nous connaissons bien, 90% se trouvent dans les vingt plus grosses compagnies.

Ce que je voulais illustrer ici, c'était surtout la partie des journaux, ce que les grosses compagnies aux Etats-Unis contribuent.

Elles détenaient 36% des actions en 1947, et vous voyez qu'en 1963, elles en ont encore 36%. Si on prend les cinquante plus grosses compagnies qui en possèdent 51%, elles en ont maintenant 52%, je veux dire qu'il n'y a pas eu de concentration tellement forte.

Une des raisons, je crois, qui expliquerait cela, c'est peut-être la venue de petits quotidiens de banlieue des quotidiens de quartier qui rétablissent l'équilibre. On penserait qu'il pourrait y avoir une plus grande concentration. Par contre, vous ne le voyez pas sur le tableau ici, mais si vous regardez les périodiques, vous allez voir que la concentration est de l'ordre de 78%.

M. LEVESQUE (Laurier): Puisque vous êtes là-dessus, il y a une chose qui me frappe dans votre rapport. Quand vous donnez des exemples de précédents ou des exemples qu'on peut don- ner, vous donnez Southam Press et puis dans votre note 9 qui correspond à votre annexe 9, Southam Press et Maclean-Hunter. Dans les deux cas — et ce sont les deux cas canadiens que vous citez, il s'agit de combinaisons très familières de journaux ou d'entreprises de presse avec des entreprises de diffusion, radio, télévision.

M. CARON: Exactement.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous n'avez pas de conglomérats qui peuvent rayonner sur toute l'économie. Dans le cas américain, n'est-ce pas un peu la même chose? Vous êtes sûrement au courant du fait, si j'ai bonne mémoire, je peux me tromper, que ATT, qui est devenu de plus en plus un congromérat immense, a voulu acheter le réseau ABC. Cela a été bloqué par les services antitrusts, ou enfin je ne sais pas comment on les appelle maintenant, du gouvernement américain. Etes-vous au courant de ces cas-là?

M. CARON: Malheureusement.

M. LEVESQUE (Laurier): On a justement dit qu'un conglomérat qui achèterait des instruments de diffusion trop puissants se placerait automatiquement en position de conflit d'intérêt un jour ou l'autre. On n'attendait pas que cela soit fait. On disait: Il y a un danger. Cela a été bloqué. Est-ce que vous êtes au courant de cela? Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus?

M. CARON: Malheureusement, je n'ai pas pu trouver de statistiques là-dessus. Ce que j'ai ici c'est parce que c'est dans l'Annuaire du Canada, cela va assez bien. Ces statistiques, sur la valeur ajoutée, ont été préparées à cause du fait qu'on se préoccupe, aux Etats-Unis, de la concentration des entreprises. On n'a pas attaqué le problème sous l'angle où nous l'étudions ici.

M. LEVESQUE (Laurier): M. Caron, j'ai lu votre document. Il est extrêmement clair sur cette tendance aux grandes entreprises et à cette espèce d'amalgame d'entreprises économiques de tout genre qui finissent par être tenues par des mêmes groupes d'intérêts et qu'on appelle de plus en plus les conglomérats.

Dans ces conglomérats, n'y a-t-il pas aux Etats-Unis, justement, puisque vous nous les donnez comme exemples, le cas de ABC? Si vous ne l'avez pas étudié, je comprendrais mal, parce que cela touche de très près nos préoc-

cupations. J'ai suivi un peu ce qui a été le dossier de cette histoire qui, je crois, traîne depuis un an, si ce n'est pas deux ans. La nette préoccupation, aux Etats-Unis, malgré cette tendance aux grands ensembles, est que, Justement, de grandes entreprises de communications ne puissent pas être embringuées trop facilement. Et dans ce cas-là, ils les ont bloquées, dans des conglomérats, dans toute une série d'entreprises économiques. S'ils n'ont également des entreprises d'information que par définition, ou presque, on craint une emprise qui finirait par devenir tout simplement l'asservissement de l'information.

M. CARON: J'ai essayé de m'attacher uniquement à des statistiques de source connue dans ce que je vous présente. Je ne nie pas ou Je n'affirme pas que cela existe. C'est fort possible que cela existe, puisque cela existe ici. Vous allez le voir d'ailleurs dans le texte quand je parle de Southam et de Maclean-Hunter...

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais strictement dans des domaines de presse ou de communications, il n'y en a pas ailleurs, même dans vos notes.

M. CARON: Oui. Il n'y a pas de statistique comme telle que j'ai pu me procurer. A cause de cela, je n'ai pas pu continuer. Ce n'est pas disponible.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que je pourrais vous poser, puisque vous êtes là, une autre question, puisque les autres parlent d'autre chose? Power Corporation est l'ensemble dont on parle ici, sans aller plus loin.

M. CARON: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier); Le contrôle de cela, de façon purement théorique — je vous pose une question théorique — pourrait-il passer entre les mains des intérêts étrangers, non canadiens tel que c'est structuré, oui ou non? Je ne vous demande pas en pratique.

M. CARON: Je pense que si, en théorie, M. Thomson et M. Desmarais comme M. Untel décidaient de vendre ces actions, le propriétaire d'Imperial Oil peut changer le contrôle, n'importe quelle entreprise peut changer de contrôle.

M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit, ça peut très nettement passer entre des mains étrangères, enfin non canadiennes et non qué- bécoises — jusqu'à un certain point, on peut se poser des questions — d'une façon normale, par voie de vente, etc. Vous êtes au courant du fait que Famous Players, qui avait essayé de trouver une formule Juridique, juridico-corporative, pour diluer sa propriété américaine, n'a pas réussi à le faire d'une façon suffisamment convaincante récemment, pour que l'organisme de contrôle de la diffusion accepte sa formule. Elle a été bloquée. Vous connaissez le cas?

M. CARON: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Donc la même chose peut très nettement se produire en théorie — enfin ces messieurs ne sont pas immortels, ni M. Thomson, ni M. Desmarais — en tout cas dans le cas de l'ensemble qu'ils représentent.

M. CARON: C'est aussi possible pour la bière que ça l'est pour les cigarettes.

M. LEVESQUE (Laurier): Le domaine des communications est plus important pour mol que la bière.

M. CARON: Ah oui! ça ne communique pas de la même manière.

M. LEVESQUE (Laurier): Non.

M. MICHAUD: M. Caron, vous venez de dire: Si c'est possible pour la bière...

M. CARON: On me fait remarquer que Power n'a pas de Journaux comme telle, par exemple.

M. LEVESQUE (Laurier): A-t-elle de la bière?

M. MICHAUD: Tout le problème qui se pose — vous venez de parler de la bière et des cigarettes — évidemment, vous retracez dans votre document toute la mécanique d'un mouvement moderne de concentration des entreprises qui affecte également les entreprises de presse... Je suis également convaincu que les entreprises de presse qui ne se fusionnent pas, qui ne mettent pas en capitaux certaines de leurs ressources, seront condamnées tôt ou tard à disparaître, à péricliter et à mourir.

Or, il est clair que, dans une petite société comme la nôtre, chaque journal qui meurt, c'est un échec de la liberté, parce que c'est une voix qui n'est pas entendue. Mais ces

grandes lois des mouvements de capitaux et des fusions — il y a même des gouvernements qui favorisent, il y a des lois, comme vous venez de le dire, qui, en France, favorisent les fusions — Justement pour prévenir l'extinction des petites entreprises à caractère artisanal qui sont vouées à la disparition: Mais une entreprise de presse, c'est ça qui nous concerne. Et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus — en matière de diffusion des faits — même que vous citez ici dans votre document un éditeur torontols, M. Fulford. Il dit, en parlant des journaux et de cette nouvelle orientation des propriétaires de Journaux au chapitre « politique éditorlale des chaînes de journaux », en parlant des éditeurs modernes de journaux: « Ce sont des éditeurs appartenant à la génération de sang-froid. Pour eux, un journal est un Journal et non pas un porte-voix. S'il est responsable des sources de bénéfices, il doit être accepté tel quel.»

Or, c'est ce que nous, nous ne pouvons accepter parce qu'un Journal est davantage qu'une source de bénéfices qui doit suivre d'autres lois que celles qui sont communément acceptées dans le domaine du mouvement des capitaux. Pour nous, il s'agit de déterminer... Face au phénomène de la concentration, surtout en matière d'entreprises de presse, le phénomène n'est pas immoral, mais, parce qu'il s'applique aux entreprises de presse, il implique la surveillance et l'Intervention de l'Etat responsable du bien commun.

M. CARON: Je pense que la thèse que j'essaie de faire ici, c'est que la survie est impossible, S. moins de maintenir une certaine rentabilité.

M. MICHAUD: Oui, c'est vrai.

M. CARON: La rentabilité est impossible, à moins de subir une certaine modernisation. La modernisation est impossible, sans avoir un groupement de capital, parce que c'est ce qui en découle. Là, il y a des compromis à faire, des équilibres à faire. Jusqu'à quel point doit-on être rentable, jusqu'à quel point doit-on se grouper? Il y a des limites, mais le principe est que, par lui-même, je suis fortement convaincu que le journal ne peut survivre, parce qu'il ne peut se permettre de s'adapter aux changements qui sont requis à l'ère technologique.

Donc, nous devons accepter le groupement comme une nécessité, dans le journal comme dans toutes les entreprises en général. Je ne fais pas de distinction; car, sur le plan indus- triel et sur la plan financier, vous êtes obligés de créer de grandes entreprises si vous voulez qu'elles survivent.

Là-dessus, je rejoins M. Primeau, de la Banque Provinciale; je rejoins le premier ministre qui en a parlé dans l'industrie du bois; je rejoins M. Dupuis de la Bourse de Montréal; je rejoins, en fait, tous les gens qui examinent le problème attentivement et qui réalisent qu'il faut une concentration aujourd'hui pour assurer la survie.

M. MICHAUD: Cela, c'est acquis, M. Caron, mais ce que je reprocherais à votre document, si vous me le permettez, extrêmement Intelligent et bien fait — c'est un plaidoyer fort éloquent pour la concentration — c'est cette dimension information et presse. J'imagine que vous auriez pu dépasser ce plaidoyer en faveur de la concentration et nous dire comment l'Etat, qui est responsable du bien commun en matière d'entreprise de presse, pourrait l'assortir de certains contrôles et nous dégager, peut-être, les perspectives sur lesquelles nous pourrions travailler au cours des prochains mois.

M. CARON: Je pense que si vous lisez mon texte attentivement, vous allez trouver des phrases, que vous avez peut-être négligées, sur la répartition des responsabilités au sein des entreprises, sur la répartition des décisions au point de vue de la gestion et de l'administration. J'établis aussi que les entreprises, même groupées, restent, en fait, des entreprises autonomes. J'établis aussi que, même dans le conglomérat, nous sommes obligés d'avoir de la gérance diversifiée, séparée, parce que nous entrons dans des techniques différentes. Je dis que, même dans la grande entreprise, on ne sacrifie pas la partie des responsabilités et la partie de l'exécution à l'intérieur de l'entreprise même.

M. MICHAUD: Mais, admettez-vous clairement qu'en matière d'entreprise de presse il doit y avoir davantage de contrôles que dans les autres secteurs de l'activité économique?

M. CARON: Je pense que la démonstration qui nous a été faite le montre. Celle de M. Bureau, m'a permis de comprendre qu'il y en avait nécessairement plus dans ce domaine-là, parce que c'est un domaine qui est plus complexe que le domaine de la simple fabrication, par exemple.

M. BOUSQUET: M. Caron, trouveriez-vous déplorable qu'un empire de cette importance

tombe dans des mains étrangères? Si oui, se-riez-vous d'accord pour accepter que le transfert ou que la vente d'une entreprise comme celle-là à des mains étrangères ne se fasse pas sans le consentement du gouvernement?

M. CARON: Comme Québécois, mol, je suis toujours triste quand des entreprises sont vendues à des mains étrangères, parce que nécessairement je suis intéressé à ce que la croissance économique se fasse ici et je réalise que les gens d'ici ont un intérêt plus grand que ceux de l'extérier à assurer notre propre bien-être; c'est inévitable.

A présent, nous sommes dans le domaine hypothétique, dans le moment. Nous pourrions en faire plusieurs hypothèses. Si vous me disiez: Aimez-vous mieux avoir des concentrations que d'avoir uniquement des entreprises individuelles, je vous dirais qu'aujourd'hui nous sommes presque obligés d'opter pour la concentration.

M. BOUSQUET: Oui, tout le monde est d'accord là-dessus; tout le monde reconnaît la nécessité de la concentration.

M. CARON: Autrement, nous allons nous réveiller vingt ans en arrière.

M. BOUSQUET: Etant donné que le domaine de l'information est un domaine absolument névralgique, ne croyez-vous pas qu'il devrait y avoir un certain contrôle des placements de capitaux dans ce domaine-là, quelque chose de semblable, par exemple, à ce qui s'est produit dans le cas du journal La Presse?

M. CARON: Oui, excepté qu'il ne faut pas tuer les entreprises aussi.

M. BOUSQUET: Ah, non!

M. CARON: Et je pense que le contrôle des capitaux peut être exactement ça. Il peut créer une structure tellement rigide que vous n'êtes plus capable de trouver la structure d'accommodement dont vous avez besoin. Vous voyez comment c'est complexe, ce qu'on nous a expliqué, mais ce n'est pas venu spontanément.

M. LEVESQUE (Laurier): Essentiellementil y a là un cercle vicieux. Ecoutez, on va l'admettre, mais si je suis tout ce qui s'est passé, y compris dans votre propre témoignage, c'est que, d'une part votre argument, au nom de Gelco, est essentiellement que la concentration, les grands ensembles — et vous incorporez là- dedans les moyens de presse et de communication — c'est nécessaire, et que, sans ça, on ne peut pas y arriver.

D'autre part, on peut, je crois, voir se profiler certains dangers à l'horizon. Il s'agirait donc évidemment de voir si cette quadrature du cercle peut être résolue. Seulement, ce n'est pas à vous d'aller plus loin.

M. CARON: Non.

M. LEVESQUE (Laurier): A propos de votre texte, vous dites certaines phrases — très rapidement, c'est la seule question additionnelle que j'aurais, moi — dans votre chapitre 6, quand vous parlez des grands ensembles et de Power Corporation, spécifiquement, vous dites: « Les grands ensembles centralisent les décisions de politique et décentralisent la gestion et l'exécution. Ainsi les grandes politiques de Power Corporation of Canada Limited ont été établies comme suit: — donc, je présume que, psychologiquement, il y a d'autres points de vue, c'est en première place, et si on lit, je pense que c'est assez visible, c'est un objectif fondamental — 1. Faire des placements de participation à long terme dans des industries ayant un potentiel élevé de croissance et de rentabilité. » Je pense bien que ce soit un objectif primordial.

Trois pages plus loin, vous avez un autre passage dans lequel vous dites, à la page 22: « En fait, la propriété combinée des journaux et d'autres organes a peut-être été la seule possibilité de survie des journaux, car l'industrie de la presse a une croissance très lente ». Donc ce n'est pas une industrie de croissance en soi, cela ne répond pas au premier objectif. Y a-t-il d'autres objectifs un peu moins purement économiques, puisque c'est un fait reconnu que les journaux, ce n'est pas exactement ce qu'on pourrait appeler une industrie de pointe?

M. CARON: C'est peut-être pour ça que Power Corporation n'a pas de journaux.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, je comprends, mais enfin...

M. CARON: C'est parce que là...

M. LEVESQUE (Laurier): ... comme vous parlez pour Gelco aussi, si j'ai bien compris, et Gelco, via Gesca et Trans-Canada, a quand même un certain nombre de journaux...

M. CARON: Non, je pense que...

M. LEVESQUE (Laurier): ... il ne faut pas jouer sur les mots.

M. CARON: Non, disons, c'est bien clair, les statistiques vont nous le montrer tout à l'heure, que la croissance dans le domaine des journaux est plus lente que dans d'autres domaines.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est vous-même qui le dites, alors, je le crois.

M. CARON: Oui, je vous remercie beaucoup, mais ce que je voulais dire, c'est qu'il y a tout de même une certaine stabilité, et je pense...

M. LEVESQUE (Laurier): II y a beaucoup de stabilité maintenant que...

M. CARON: ... qu'avec le groupement, on peut, par l'efficacité, augmenter la rentabilité.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais enfin, il reste que ça ne répond pas à ce critère de haute rentabilité. Donc, il y a d'autres critères qui peuvent avoir présidé à l'achat des journaux — industrie à croissance lente — d'autres critères que la rentabilité.

M. CARON: Je pense bien qu'il a dû y en avoir, inévitablement. Et puis, par contre, ça peut aussi se réfléter dans le prix d'achat. Cela dépend tout de même à quel prix vous l'achetez, et c'est là qu'est votre facteur de rentabilité.

Alors, si vous me permettez, je vais aller vite avec mes tableaux, parce que je sais que vous avez un programme tellement chargé. Si vous voulez passer à l'annexe 2, vous avez un parallèle entre le nombre d'établissements dans le domaine de l'impression et de l'édition. C'est assez amusant de voir que, sur une base statistique, il y en a moins en 1966 qu'il y en avait en 1961. Vous regardez la croissance du nombre des industries qui, elle aussi, s'est à peu près maintenue.

Le tableau 2-A, par contre, vous montre justement le facteur de la rentabilité des entreprises d'impression et d'édition dont nous discutions tout à l'heure. Vous avez le montant de production et d'expédition par Homer, dans le domaine de l'impression. Il était de $12 et est passé à $14.47, soit une croissance de 20%. Pour l'industrie en général, vous avez $11.91 qui passent à $14 et qui montrent aussi une croissance de 19%. On peut conclure, de ce tableau-là, que tout de même l'industrie de l'impression ou de l'édition a suivi la moyenne de modernisation ou de productivité de l'industrie en général.

M. LEVESQUE (Laurier): Le rapport entre l'impression et l'édition est le même, parce qu'il y a beaucoup d'impression commerciale qui se fait. Parlez-vous de l'édition des journaux eux-mêmes?

M. CARON: Oui, c'est un facteur pas mal important. J'ai un autre tableau qui l'explique en détail. Vous allez voir la contribution. Voulez-vous aller à l'annexe trois? Je vais les passer très rapidement car je sais que je suis en retard. C'est le nombre de quotidiens dans les centres urbains où il y a une population supérieure à 30,000 habitants en 1966, dans le Canada de langue anglaise et de langue française, qui nous intéresse plus particulièrement. La comparaison entre les deux dates, entre 1966 et 1961. Le suivant, s'il vous plaft.

Ici, on parle des chaînes de journaux. Dans le texte, vous trouverez des détails quant à la participation des autres, dont F.P. Publication qui a grossi considérablement récemment. Je pense qu'il y a deux acquisitions qui n'apparaissent pas au tableau et qui sont assez récentes: celle du Toronto Globe and Mail parle F.P. Publications et celle du Montreal Gazette qui a été faite en 1968 par Southam. Alors, vous voyez un peu les consortiums ou les groupements d'entreprises qui existent au Canada et la concurrence à laquelle nous devons faire face. Au suivant, s'il vous plaît.

Ici, vous avez des statistiques sur les groupements qui existaient aux Etats-Unis en 1910. Un chiffre clef, il y avait une moyenne de 4.7 journaux par groupe en 1910 et, en 1968, il y en avait 5.2. Remarquez que le nombre de groupes a augmenté de 13 à 159, de même que le nombre de journaux. Le suivant, s'il vous plaît.

L'annexe 7 établit des parallèles entre Sherbrooke, Trois-Rivières et Granby, avec leur population et leur tirage.

Qu'est-ce qui se passe dans d'autres villes avec le nom du propriétaire des chaînes, comme F.P. Publications à Victoria, entre autres, et à Lethbridge? Tableaux 7D et 7C s'il vous plaft.

Au Nouveau-Brunswick, on dit que l'information est contrôlée par un seul homme parce que c'est M. Irving qui contrôle les journauxde Saint-Jean et de Moncton. Le tableau 7C vous donne le détail de la chaîne de Thomson dans les petites villes, Sudbury, Peterborough. Tableau suivant, s'il vous plaft. Vous avez maintenant une liste de journaux qui appartiennent à des propriétaires indépendants. Vous avez l'indication de la ville, le tirage, la population. Ce qu'on essaie de démontrer ici, c'est la tendance vers les villes à un seul journal, comme disait l'Annuaire duCana-

da dès 1959. Aujourd'hui, c'est une règle générale de n'avoir qu'un journal par ville, et les villes qui ont plusieurs journaux font exception.

Si vous voulez continuer avec les tableaux...

Voici la fréquence de la lecture, le nombre d'exemplaires par jour. Vous avez en bas la fréquence de la lecture au Canada, qui était de 4.41 et qui est maintenant de 0.71 en 1967. Donc diminution de lecture par adulte en parallèle avec les Etats-Unis, bien qu'on lise encore plus aux Etats-Unis qu'ici, si vous remarquez 0.53, 9 et 0.51, 2 en 1967.

M. LEVESQUE (Laurier): On n'a rien d'équivalent pour le Québec? Je veux dire que nous sommes noyés dans la statistique canadienne.

M. CARON: C'est ça, c'est l'Annuaire du Canada qui nous fournit ces statistiques avec lesquelles nous avons travaillé.

M. LESAGE: Sans doute un effet, de la télévision, n'est-ce pas?

M. CARON: Ah, oui, assurément!

M. LESAGE: La télévision doit être un des facteurs...

M. CARON: Oui.

M. LESAGE: ... qui est peut-être le plus puissant.

M. CARON: Le tableau suivant, d'ailleurs, va vous montrer justement les revenus qui vont dans ces secteurs-là. Vous avez les revenus publicitaires sur une base globale, annexe 11, le revenu des journaux qui passe de 98 à 291, soit une augmentation de 297 au point de vue de l'indice. C'est une plus belle croissance que celle des Etats-Unis qui est passée de $2.2 millions avec un indice de 217, comparativement au Canada. Par contre, si vous regardez le tableau 11-A qui donne la position de la croissance des journaux au Canada en parallèle avec les Etats-Unis, vous voyez la croissance de la télévision et de la radio. Vous voyez que la position du journal devient bien différente à mesure que les années passent et que les nouveaux média s'implantent, par exemple la télévision...

M. LEVESQUE (Laurier): II y a une chose visible aussi, c'est que les revues s'en vont chez le diable, hein?

M. CARON: Oui, les revues s'en vont chez le diable, puis elles se groupent de plus en plus aussi. Aux Etats-Unis, 79% des revues sont groupées. Hier, je lisais un article sur M. Maclean qui rapportait avoir groupé 87 périodiques. Avez-vous demandé ce qu'il reste?

On a vu des revues cela est assez dramatique, qui passent de 21% à 13%, et le phénomène est moins prononcé aux Etats-Unis qu'ici au Canada. Au Canada, c'est une situation qui est extrêmement difficile.

Le tableau suivant indique les revenus totaux, au point de vue de la publicité et le revenu de tirage. Vous y voyez la croissance du revenu de publicité qui est à 6.2%, le revenu du tirage qui est à 6%, ce qui donne une moyenne de 6.2%. Quand on sait que l'augmentation du produit national brut est autour de 9%, vous voyez que la croissance du revenu des quotidiens est inférieure à la croissance normale du produit national brut. En bas, vous avez des pourcentages développés pour les postes de radio, de télévision et les revenus totaux. Vous voyez que la radio croît à 10.6% par rapport à 6.2%, et la télévision à 14.9% par rapport à 6.2%.

L'annexe 13 sépare justement ce qu'on demandait tout à l'heure entre l'impression et l'édition, entre le journal, et vous avez les statistiques qui établissent la croissance à 5.3% et à 8.8% dans l'édition. C'est mieux dans l'édition. Si vous regardez le produit national brut, vous voyez où on se place quant à l'industrie du journal.

J'aurais voulu vous faire une grande dissertation sur les conglomérats, mais comme on en a parlé, que le texte est à votre disposition, et que je pourrai toujours répondre à vos questions, je me retire parce que je sais que votre temps est très précieux. Merci.

S'il y a des questions, j'y répondrai avec plaisir.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Caron. Il est midi et demi. Je suggère, d'accord avec les membres de la commission, que nous reprenions nos travaux cet après-midi vers trois heures trente, et je crois que nous pourrons passer à travers l'ordre du jour.

Reprise de la séance à 16 h 52

M. CLOUTIER (président de la commission sur la liberté de la presse): A l'ordre, messieurs!

Après cet ajournement plus long que prévu, nous entendrons maintenant M. de Gaspé Beau-bien qui va nous parler au nom de Québec Télémédia Inc. Les membres de la commission sont actuellement à terminer, en Chambre, les préparatifs pour le reste des travaux. Dans quelques instants, les autres membres seront ici, à la commission. M. de Gaspé Beaubien, nous vous écoutons.

M. BEAUBIEN: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait plaisir de vous parler d'un médium d'information qui n'est pas voué à l'extinction, lui, médium vivant parmi les média d'information vivants. J'aimerais vous référer à un mémoire que nous avons déposé auprès de vous et de votre commission. Ce mémoire explique en détail les différents éléments que je ne répéterai pas, mais, si vous me le permettez, je brosserai un tableau général de ce qu'est la compagnie Québec Télémédia. Je serai disponible à la fin de ce court exposé pour répondre à vos questions.

Durant les cinq prochaines années, il va se passer des choses assez extraordinaires du côté des média de communications électroniques. Nous aurons bientôt les modes de télévision UHF qui vous donneront des réseaux inconnus jusqu'à présent dans vos résidences. Peut-être douze ou quinze postes de télévision additionnels seront disponibles dans chacune de vos résidences. Vous aurez bientôt la possibilité d'obtenir des machines à* rubans magnétoscopiques qui pourront s'adapter à vos appareils de télévision de façon à pouvoir y jouer à une période donnée, dans une chambre donnée et à une heure donnée un programme que vous aurez acheté d'avance. Ce sera une révolution, dans le domaine de la musique par exemple, qui égalera celle de l'industrie du disque. Vous pourrez avoir, d'ici quelque temps, les villes dites électroniques qui vous permettront d'avoir par câble des disponibilités de télévision, de communications qui ne sont normalement pas captables ou disponibles dans des régions dans lesquelles elles sont présentement.

Vous aurez, grâce au moyen de ce câble, accès à des banques d'informations qui vous permettront d'obtenir de l'information sur quelques sujets donnés soit d'une bibliothèque donnée ou d'un service donné. Ceci permettra a une personne d'écrire une thèse en ayant toute l'information qui pourra lui venir par l'entremise de son poste de télévision. Vous aurez finalement la possibilité de faire des achats directement à un magasin à rayons, sans pour cela vous déplacer.

Cela vous permettra, ainsi qu'à vos épouses, de faire des emplettes directement sans avoir à vous rendre au magasin à rayons. Les emplettes seront chargées automatiquement à un compte de banque.

M. le Président, si j'ai cru bon esquisser brièvement de qui peut nous arriver dans le domaine des communications électroniques, c'est qu'elles sont importantes pour nous, et d'ici peu nous aurons un satellite, un satellite au-dessus du Canada et peut-être d'autres satellites accessibles à nous, non loin du Canada. Ceci permettra la communication des éléments qui sont maintenant reliés à un niveau québécois, ou provincial, accès à tout le Canada dans la programmation française, et avec l'accès de satellites, nous pourrons avoir directement dans nos résidences de la programmation qui nous viendra en direct des pays d'Europe.

M. MICHAUD: Quand vous parlez de satellites, faites-vous allusion à Telesat?

M. BEAUBIEN: Je fais allusion aux différents satellites autres que les satellites qui seront au-dessus du Canada, disons, les satellites internationaux. Vous pourrez avoir accès à une programmation directe qui viendra de la Tchécoslovaquie, de l'Union soviétique, de la France, de l'Angleterre.

M. le Président, ces développements sont extrêmement importants pour nous, parce que ces choses se passeront chez nous dans un avenir rapproché. Il nous faut prendre notre place dans les média de communications électroniques, tant sur le plan régional que sur le plan national, que sur un plan international, il faut être prêt à remplir ces exigences. Ces développements que nous verrons prochainement chez nous ont des exigences importantes; exigences d'équipement, par exemple. Un appareil à ruban magnétoscopique dans un poste de télévision — il en faut parfois jusqu'à huit et neuf dans un poste de télévision — coûte au-delà de $100,000.

Ces petits appareils électroniques, de caméras électroniques, dont nous nous servirons bientôt pour rendre la nouvelle plus vivante puisque nous pourrons nous rendre directement dans un champ donné, se vend par appareil au-delà de $100,000. Il en faudra plusieurs pour un poste indépendant. Les éléments de chaînes de téléciné se vendent au-delà de $100,000 l'unité. C'est ce qui explique que de-

puis cinq ans, dans l'industrie privée seulement, les mises de fonds qui ont été requises dans notre pays, pas les autres pays, ont passé de $60 millions qu'elles étalent il y a cinq ans, non pas à $80 ou à $100 millions, mais à plus de $207 millions, dans l'Intervalle de cinq ans.

C'est donc dire que simplement au point de vue de l'équipement dans le domaine électronique, il y a eu une augmentation de mises de fonds de l'ordre de 250% depuis les cinq dernières années. Et nous sommes loin de ce que nous devrions être.

Les exigences sont non seulement nécessaires en équipement ou en technique mais le sont également du côté de la programmation.

Vous vous imaginez, M. le Président, avec la venue de 14 autres postes de télévision dans votre résidence que ces postes de télévision, que ces canaux de télévision deviendront beaucoup plus spécialisés, concentreront sur un sujet donné. Par exemple, il est fort possible qu'un de ces canaux soit réservé uniquement à la nouvelle. Un autre canal sera mis à la disposition uniquement de programmes éducationnels.C'est donc qu'il se fera une spécialisation dans la programmation.

Le temps qui existait jusqu'à maintenant où la famille fera face à une programmation donnée pendant une heure donnée est révolu. Vous aurez de la programmation spécialisée de telle façon que, dans votre maison, il y aura différentes personnes qui regarderont des programmes bien spécifiques avec des intérêts bien déterminés. Ceci exigera une mise de fonds exceptionnellement importante du côté de la programmation qui se voudra beaucoup plus spécialisée.

Cette mise de fonds sera d'autant plus nécessaire qu'il faudra que cette programmation soit non seulement plus quantitative mais plus qualitative. S'il faut entrer en compétition, M. le Président, avec les programmes qui nous viendront directement des pays d'Europe, il faudra réellement que notre programmation soit compétente pour entrer en compétition avec ces éléments.

Vous savez, le temps est révolu où les gens nous regarderont simplement parce que nous avons un poste de télévision canadien-français.

Il faudra que la qualité de notre programmation soit égale sinon supérieure, de façon que les gars aient la chance de synthoniser notre poste plutôt qu'un poste qu'ils peuvent prendre en direct des pays d'Europe.

Je vous donne comme exemple une expérience que nous avons vécue ensemble en 1967, celle du pavillon de la Tchécoslovaquie à l'ex- position universelle pour vous exprimer le développement assez extraordinaire qui se passe dans ces pays au point de vue visuel, au point de vue Imaginatif et créateur.

Les nôtres ne nous regarderont pas uniquement parce que nous sommes Canadiens français. Et c'est un fait qui se manifeste dès à présent. Dans la région d'un de nos postes, la région des Cantons de l'Est, il est regrettable à noter que près de 25% de notre auditoire ait synthonisé à des postes qui ne sont pas des postes canadiens. Cela se passe présentement chez nous. Un poste anglais de la région de Montréal relié au réseau CTV se prévaut du fait que 50% de son auditoire présentement soit bilingue et donc non pas de langue française uniquement. C'est donc que ces exigences se manifesteront d'une façon importante du côté de la programmation. Ces exigences seront également évidentes du côté du personnel. Il faut développer chez nous du personnel compétent pour administrer ces nouveaux outils, ce nouvel équipement. Il s'agira d'utiliser ce qui existe, de diriger nos banques d'information. Il sera nécessaire de créer des banques d'idées, des banques d'imagination, de façon à créer des concepts d'imagination, des concepts de programmation qui pourront rivaliser avec la programmation qui peut nous venir d'autres pays du monde.

Ces exigences se voudront, en plus d'être des exigences techniques, des exigences de programmation, des exigences de personnel, elles se voudront des exigences financières.

Il nous faut former chez nous des groupes canadiens-français capables de faire face à cette mise de fonds requise. Il est nécessaire de trouver des compagnies qui seront prêtes à trouver le capital, à investir le capital, à risquer le capital et des centaines de millions de dollars. Chez nous, au Canada français, il s'agit que de répéter l'augmentation de la mise de fonds qui a été requise au point de vue capital seulement depuis cinq ans pour voir qu'une augmentation de 250% est une augmentation importante et s'avérera encore plus importante dans les années à" venir. Si les Canadiens français ne jouent pas ce rôle, ce rôle sera joué par d'autres mieux préparés sur le plan provincial alors que la programmation risquera de ne pas répondre aux éléments de notre culture. Sur le plan national nous manquerons une occasion merveilleuse d'interpréter notre milieu à d'autres milieux qui ne sont pas francophones à travers le pays, et nous manquerons certainement l'occasion de réfléter le visage du Canada, le visage du Canada français en particulier, dans l'élément international alors

qu'il se fera une compétition sur l'échelle internationale de façon à montrer que notre visage n'est pas uniquement un visage américain.

Les développements nouveaux, les exigences nouvelles, nous croyons que Québec Télémédia peut y faire face. Québec Télémédia offre une réponse à ces exigences. Elle offre une idée, un concept d'union d'éléments différents pour rendre les éléments plus forts. Elle propose un réseau de communications d'abord au Canada français, tant dans le domaine de la télévision privée que dans celui de la radio privée. Nous avons déjà commencé à oeuvrer dans ce domaine. Nous avons et nous parlons aujourd'hui pour deux postes de télévision. Evidemment c'est encore un humble début. On se propose beaucoup plus encore. Nous parlons pour les postes de Sherbrooke et de Rimouski. Nous avons dans le domaine de la radio un plan d'ensemble important. Nous avons présentement des postes dans la région de Montréal, de Trois-Rivières, Sherbrooke et Rimouski.

Il est à noter que tous ces postes doivent être approuvés par la Commission de la radio et de la télévision canadienne qui siège également aujourd'hui à Montréal et dont nous nous sommes absentés pour venir prendre part à vos assises puisque vous vouliez être renseignés sur notre industrie. Nous sommes heureux de le faire.

Nous croyons que Québec Télémédia, en plus d'offrir une réponse à ce concept d'union et de réseaux, l'union des éléments différents pour les rendre plus forts, offre également une solution de personnel. Nous avons — quoique humble encore — un personnel d'au-delà de 250 employés que nous croyons compétents. Je vous donne un exemple de l'attitude que nous avons adoptée; Un de nos postes de la région de Sherbrooke, dont nous avons pris possession dernièrement, comptait 92 employés. Nous l'avons développé, nous l'avons logé dans de nouveaux locaux. Normalement, il aurait du y avoir un décroissement de personnel puisque nous avons des ordinatrices électroniques. Au contraire, nous avons augmenté ce personnel de 92 à 124 employés. C'est ce qui existe maintenant

Nous voulons travailler en collaboration avec l'Université de Sherbrooke et les CEGEP de notre région. Nous commencerons bientôt à collaborer à des cours qui seront donnés aux gens de notre région pour former un personnel encore plus compétent.

Nous croyons que Québec Télémédia a également une solution aux exigences de l'équipement. Nous avons une mise de fonds présentement — même si nos postes ne sont pas trop nombreux — d'au-delà de $7,500,000 du côté de la capitalisation. Dans un seul poste, depuis que nous l'avons, nous avons fait une mise de fonds de $2,500,000 pour le déménager dans un nouvel édifice.

Nous croyons également que nous avons une réponse aux exigences nouvelles d'organisation et d'administration. Qu'il me suffise de vous mentionner, M. le Président, que l'année dernière, les treize postes privés de langue française au Canada français ont vu leur cote d'écoute diminuer, sauf deux. Notre poste est le premier avec une augmentation de cote d'écoute de 5%.

Finalement, nous croyons pouvoir avoir une attitude compréhensive à l'endroit des exigences de la programmation que nous avons énumérées plus tôt. Notre budget de programmation, dans un de ces postes, a passé depuis 1967, alors que nous en prenions possession de $300,000 à au-delà de $1 million et ce avec des pertes assez substantielles depuis deux ans. Je le mentionne puisque c'est une indication que le profit n'est pas l'unique élément qui nous anime. Nous sommes prêts à mettre les ressources nécessaires pour faire la programmation qui s'Impose pour rivaliser tant sur le plan national que sur le plan international.

Québec Télémédla a pu accomplir ces choses parce qu'il y a des principes qui guident ses activités. Permettez-moi de les énumérer très brièvement. Chaque poste de notre groupe de Québec Télémédia est intégré à son milieu. Il est intégré parce que l'administration est locale, parce que le personnel est essentiellement local, parce que le talent est local, parce que le conseil d'administration, nous le voulons local. Chaque poste est intégré à son milieu et nous voulons que les émissions soient le reflet et l'Image de la région dans laquelle le poste est situé. C'est un fait présentement dans les postes que nous administrons, même si souvent les émissions politiques et les émissions éducatives ne représentent pas nécessairement les opinions du poste. Nous ne partageons pas toujours ces opinions, mais nous croyons que le poste doit être le moyen d'exprimer ces vues, même si nous ne les partageons pas.

Un second principe nous anime, M. le Président, c'est que l'union des postes est nécessaire pour mieux entrer en concurrence. Cette concurrence veut refaire sur le plan International et nous voulons faire rayonner notre poste en dehors même des cadres des régions dans lesquelles ils existent. Nous collaborons présentement et vendons des émissions françaises d'un de nos postes à Sherbrooke à d'autres postes indépendants de la province de Québec.

Il nous fait plaisir de mentionner que nous

avons également des émissions françaises faites dans un de nos postes dans la région de Sherbrooke. Elles passent en direct toutes les semaines dans les régions de Toronto et de Hamilton avec, en passant, des commentaires très élogleux. Et ces émissions passent en français, annonces et tout, régulièrement toutes les semaines.

M. le Président, nous croyons pouvoir attester que nous sommes prêts à contribuer à cette mise de fonds avec les contributions que notre compagnie a faites dans le cadre d'une compagnie qui s'appelle NTV, une compagnie veut être le troisième réseau national, et nous l'espérons, le deuxième réseau français au pays. NTV à ce jour a fait une mise de fonds et nous n'en sommes pas les seuls propriétaires, nous le sommes à 50%. Depuis trois ans, nous avons fait des mises de fonds d'au-delà de $700,000 afin de développer cette idée de rayonnement de programmation à travers le Canada, parce que nous voulons un rayonnement du français en dehors des cadres de notre province.

Nous avons également un principe d'entraf-nement pour notre personnel, qui sera facilement explicable si vous le désirez. Nous avons quelques explications à donner à ce sujet.

Messieurs, quelles sont nos préoccupations dans Québec Télémédia autres que le rendement financier, la compétence de notre personnel et les exigences nombreuses de notre commission de radio et de télévision auxquelles nous faisons face régulièrement tous les mois? Notre crainte est la crainte de notre milieu. Notre milieu se veut inquiet à trois domaines pour ce qui est de la télévision et de la radio, si on vous comprend bien. Il se veut inquiet au sujet du monopole d'information, il se veut inquiet dans la concentration de pouvoirs financiers, il se veut inquiet de l'Ingérence dans le domaine de l'information.

Je prends le monopole de l'information et, si vous permettez, j'aimerais prendre comme exemple la région de Sherbrooke où nous avons le poste de radio et le poste de télévision. J'aimerais donner une précision.

Ces deux postes sont des postes affiliés à la Société Radio-Canada, c'est donc dire, messieurs, que 70% des heures de diffusion en temps de pointe de ce poste de télévision, sont des heures obligatoires sur lesquelles nous n'avons absolument aucune autorité. Nous sommes obligés de le supporter.

Dans la région de Sherbrooke, nous sommes un poste de télévision. Nous sommes un poste de télévision sur plusieurs. Il y a plus de postes de télévision qui ont accès au marché de Sherbrooke qu'il y en a dans la région de Montréal. Nous sommes un poste sur onze qui ont une pénétration dans la région des Cantons de l'Est.

A la radio, nous sommes second dans le marché. Dans ce marché, nous sommes un des 18 postes qui diffusent et qui ont accès à ce marché, 18 postes de radio. Il a été mentionné que nous avons des contacts avec le journal. Qu'il me soit permis de dire en passant que nous n'avons aucun contact avec le journal de la ville de Sherbrooke, soit pour nous servir des nouvellistes ou pour utiliser leur système de nouvelles. Au contraire même nous avons un peu de difficultés à obtenir de la collaboration au sujet des contrats, collaboration que nous pouvons avoir avec beaucoup d'autres journaux au Canada français.

Pour ce qui est des autres régions que nous desservons notre poste de radio de la région de Montréal, CKAC, est un poste parmi 22 qui ont accès à cette région. Et CHLN, à Trois-Rivières, est un poste parmi 16 de cette région. C'est donc dire que le monopole de l'information, M. le Président, est impossible pour nous, dans les régions que nous desservons.

La seconde crainte de notre milieu est celle de la concentration des pouvoirs. Nous avons vu ce matin que la concentration des pouvoirs existe presque partout en Amérique. Elle est nécessaire chez nous, si nous voulons garder chez nous les éléments qui sont de chez nous, les éléments qui se veulent très dispendieux et coûteux, comme je vous l'ai expliqué plus tôt. Nous voulons trouver des partenaires canadiens-français que nous voulons nous adjoindre dans notre société. Il est de notre intention, M. le Président, dès que nous aurons rendu ces postes rentables, parce que tous, sauf deux, n'étaient pas rentables l'année dernière. Dès que nous aurons su les rendre rentables, nous rendrons ces compagnies publiques. Nous voulons donner une chance à d'autres éléments de chez nous d'y investir de l'argent afin d'ypren-dre un intérêt. Ce, nous nous proposons de le faire afin de jouer notre rôle dans le domaine des communications comme entreprise canadienne-française, comme tant d'autres compagnies publiques ont pu le faire dans le Canada anglais, des compagnies comme Standard Broadcast Sales, Southern Press, Selkirk, Chatham, Mclean-Hunter, Western Broadcasting, Bushnell Television. Il n'y en a pas au Canada français et nous espérons. que nous en serons une bientôt.

Nous croyons qu'il doit y en avoir une. Finalement, M. le Président, l'ingérence dans le domaine de l'information est une crainte dans notre milieu. Nous rappelons que nous avons une politique de décentralisation complète pour cha-

cun de nos postes. J'ai ici les présidents de ces postes qui pourront attester, si vous le voulez, cet élément. Ils sont complètement libres de fonctionner comme ils le veulent et comme ils l'entendent dans cette région.

Nos postes de télévision et de radio sont affiliés à Radio-Canada. Donc, une bonne partie des nouvelles que nous passons dans le courant de la journée sont des nouvelles de Radio-Canada. Où nous avons deux média d'information, comme à Sherbrooke, nous séparons le domaine de la télévision du domaine de la radio. Messieurs, cela n'existait pas avant que nous entrions dans ces postes. Dans la région de Rimouski, dans la région de Sherbrooke, depuis que nous y sommes, nous avons réellement séparé la programmation, et la vente, pour qu'il se fasse une concurrence entre elles, les nouvelles et la programmation totale de ces postes.

C'était l'élément important que nous croyions apporter dans ces deux régions.

Nous avons beaucoup de choses sous ce rapport, et je vous en ferai grâce. Permettez-moi d'en lire simplement un paragraphe. « Notre compagnie ne s'est jamais ingérée et ne s'ingérera jamais dans le domaine de l'information. Nous n'avons jamais eu aucune plainte dans ce domaine de la part de nos nouvellistes, de la part de nos annonceurs et Dieu sait que nous en aurions rapidement.

Disons en passant que tous nos employés sont syndiqués.

M. le Président, nous avons essayé de brosser brièvement un tableau des progrès extraordinaires qui seront requis dans le domaine des télécommunications dans un avenir rapproché. Nous avons rappelé les exigences de ces progrès. Nous avons rappelé que Québec Télémédia est consciente et veut fournir une solution à ces différents éléments. Elle se sent capable de régler ces problèmes chez nous.

Nous avons rappelé les principes qui l'animent qui sont orientés vers l'identification dans son milieu, vers le rayonnement au niveau provincial et même international. Nous avons rappelé que Québec Télémédia ne partage pas les craintes de son milieu. Elle ne craint pas. Elle ne croit pas avoir le monopole de l'information.

Elle n'offre pas une concentration outrée de pouvoirs. Elle ne s'ingère pas et elle ne s'ingérera jamais dans le domaine de l'information. Québec Télémédia se propose de jouer un rôle que peu d'entreprises canadiennes françaises de chez nous peuvent jouer actuellement. Elle ne demande aucun subside de la part de ses gouvernements. Elle espère toutefois obtenir l'encouragement et l'appui des siens pour une présence compétente du Québec dans le domai- ne des communications de demain. Je suis à votre disposition, M. le Président.

M. MICHAUD: M. de Gaspé Beaubien, vous comprendrez que le mémoire que vous déposez devant la commission parlementaire du gouvernement du Québec sur la liberté de la presse est difficilement contestable parce que le mandat de la commission ne peut pas se porter sur les problèmes de la radio et de la télévision parce qu'il s'agit d'une juridiction du gouvernement fédéral.

M. BEAUBIEN: C'est exact.

M. MICHAUD: Bien sûr, les écoles de pensée varient en ce qui concerne les groupes politiques au Québec. Cela va des revendications les plus fermes et les plus dures visant à l'exercice de la juridiction constitutionnelle du Québec en matière de radio et de télévision parce que — et là je rejoins une de vos hypothèses — il s'agit de la culture canadienne française et de la culture d'une ethnie qui est en somme le prolongement de l'éducation ici. Il y a d'autres écoles qui veulent une juridiction partagée, c'est-à-dire concurrentielle à la fois du gouvernement fédéral et du gouvernement québécois. Vous comprendrez comme nous qu'à l'heure actuelle le gouvernement du Québec n'est même pas consulté par le gouvernement fédéral en ce qui concerne l'attribution des permis de station privée de radio et de télévision. Je pense que cette question-là devrait être négociée au niveau des négociations constitutionnelles avec le gouvernement fédéral afin que le gouvernement du Québec — enfin c'est mon opinion personnelle — puisse immédiatement avoir au moins une voix consultative en matière de politique de radio-télédiffusion.

Il est impensable que nous soyons consti-tutionnellement absents du phénomène que vous venez de décrire qui prévoit que, d'ici quatre ou cinq ans, le conditionnement même psychologique de la société québécoise sera largement influencé par les nouvelles méthodes de communications audio-visuelles. Pour l'instant, nous ne pouvons faire autrement que de prendre acte de votre mémoire et nous n'avons pas de juridiction constitutionnelle. Il est difficile pour nous de le commenter. Mais je voudrais tout simplement dire que par-delà les rivalités politiques, par-delà les affrontements partisans, il semble se dessiner un consensus dans le Québec pour tous les partis, à l'effet que le minimum que nous pourrions exiger du gouvernement central en nos négociations constitutionnelles, c'est que nous soyons au moins présents non seulement

à la table des négociations, mais présents, au moins consultés en ce qui concerne l'attribution des fréquences des ondes à des propriétaires, à des stations privées de radio ou de télévision en fonction du principe qui veut que ces nouveaux moyens de communications ont une influence prépondérante sur la culture de la société québécoise.

M. BOUSQUET: Disons, d'abord que je suis d'accord avec le député de Gouin concernant l'affirmation qu'il vient de faire. Maintenant, je tiens aussi à féliciter Télémédia de s'être lancé dans un domaine comme celui-là. Pour une fois certains d'entre nous ont décidé d'être à l'avant-garde dans un domaine qui est appelé à se développer énormément. Je crois que Québec Télémédia doit avoir l'appui moral des Canadiens français, des Québécois en particulier, quitte à prendre les mesures nécessaires pour que soit respectée cette liberté d'information, dont M. de Gaspé Beaubien nous assure qu'elle existe actuellement.

M. MICHAUD: Une simple question de renseignement, M. de Gaspé Beaubien...

M. LEVESQUE (Laurier): Puisque nous avons parlé de consensus, j'aurais voulu éviter d'en parler. Mais seulement un consensus n'existe pas vraiment sur ce qu'a dit le député de Gouin. Une voix purement consultative dans le domaine des ondes, cela me paraît être plus ou moins un recul même dans l'attitude des vieux partis. Je crois, je suis forcément obligé de donner mon opinion...

M. MICHAUD: Dans l'état actuel des choses.

M. LEVESQUE (Laurier): Si nous parlons de consensus, nous ne sommes plus d'accord. Je crois que si l'on parle de choses aussi fondamentales que les instruments de culture populaire et d'information, il est invraisemblable qu'une société complète qui s'appelle le Québec français, n'ait pas le plein contrôle juridique et administratif, je parle au sens des permis, etc. le plein contrôle sur l'ensemble de ce qui constitue les ondes en particulier. Parce qu'autrement les voix vaguement consultatives, cela me paraît nettement être un recul par rapport à des besoins qui se dessinent de plus en plus clairement.

Ceci étant dit, je n'ai pas d'autre intervention parce qu'il y a un autre mémoire.

M. MICHAUD: Moi, j'en ai une. Seulement 30 secondes...

M. BOUSQUET: Je crois que cela a été la position traditionnelle du gouvernement du Québec, que la radio et la télévision, le contrôle des ondes devait appartenir aux provinces.

Alors, disons que la cour en a décidé autrement. Mais le strict minimum serait sûrement d'avoir une voix consultative et, pour ma part, je pense qu'on doit tendre à avoir beaucoup plus qu'une voix consultative.

M. MICHAUD: M. le Président, je ne voudrais pas que mes paroles soient mal interprétées là. Je dirai brièvement ce que je pense, toutefois.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est simplement le mot consensus, s'il n'y avait pas eu ce mot-là, je ne serais pas intervenu.

M. MICHAUD: Non, mais j'ai parlé des écoles. Mon opinion personnelle là dessus, je l'ai donnée il y a déjà trois mois. Je crois qu'en vertu du mandat et de ce que le Québec peut représenter le gouvernement du Québec devrait tendre à exiger la juridiction exclusive en matière de radio et de télévision. Je l'ai déjà dit il y a trois mois.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le député de Gouin parle pour le parti libéral?

M. MICHAUD: Je parle en mon nom personnel.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah bon! D'accord.

M. MICHAUD: Il ya également du point de vue du parti libéral le rapport Paul Gérin-La-joie qui a défini notre plate-forme constitutionnelle et qui prévoit des négociations avec le gouvernement fédéral de récupération de certains pouvoirs dont les pouvoirs en matière de radio et de télévision.

M. CLOUTIER: Alors, messieurs, vu qu'il n'y a pas d'autres questions, nous allons remercier M. de Gaspé Beaubien.

M. MICHAUD: Une question d'information. Vous parliez des satellites, il semble y avoir trois projets de satellites à l'heure actuelle, il y a un projet de Symphonie, un projet de Memini et le projet Telesat. Il semble que le Québec et le Canada soient vaguement engagés dans ces trois projets. Est-ce que votre société privée a des négociations avec les animateurs de ces trois projets?

M. BEAUBIEN: Notre société est intéressée à se servir de tous les modes de communications qui seront à la disposition dans le domaine des communications dans l'avenir. C'est donc dire que nous serons intéressés s'il y a des disponibilités de faire rayonner notre programmation dans le plus d'endroits possibles où elle se veut viable.

Présentement, elle n'a fait qu'une présentation,sur le satellite canadien il y a déjà bon nombre d'années et nous attendons toujours une décision à ce sujet.

M. MICHAUD: Et si le projet Symphonie, qui est un projet franco-allemand-québécois, devait se réaliser et qu'il prévoyait une possibilité d'exploitation par le secteur privé, on peut logiquement conclure par votre intervention que vous seriez intéressés.

M. BEAUBIEN: Nous serions certainement intéressés à nous en servir pour diffuser la programmation de notre milieu. Parce que nous trouvons qu'il doit y avoir une présence française, canadienne-française, dans le monde international de l'avenir. Nous espérons pouvoir construire les cadres pour nous en servir comme moyen de diffusion.

M. MICHAUD: Donc, votre intérêt est de diffuser des émissions...

M. BEAUBIEN: C'est exact.

M. MICHAUD: ... dans le monde à partir du territoire québécois. Et non, simplement pour capter des émissions de l'extérieur.

M. BEAUBIEN: Ah! cela pourrait être les deux, dans un cadre d'échanges, mais nous voulons essentiellement un rayonnement, plutôt que simplement prendre la programmation d'autres pays et l'adapter au nôtre. Il faut créer chez nous.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce qui implique que vous n'avez pas abandonné, Je suppose, le projet d'un réseau de toute façon, quels qu'en soient les modes de transport.

M. BEAUBIEN: J'expliquais plutôt, M. Lé-vesque, que nous avons l'intention de participer à l'échelle nationale à un réseau qui se voudrait bilingue. Je vous remercie, M. le Président, Je vous remercie, messieurs.

M. CLOUTIER: Je vous remercie, M. Beau-bien. Nous avons maintenant deux groupes qui voudraient présenter conjointement un mémoire la CEQ et la FTQ. Je ne sais pas qui est le porte-parole dans le moment, cet après-midi.

Est-ce que vous auriez l'obligeance, pour le bénéfice de tous les membres de la commission, de vous identifier et d'identifier ceux qui vous accompagnent.

M. VIGNEAULT: Régis Vigneault, président du comité d'action politique de la Corporation des enseignants du Québec, mes collègues, Mme Nicole Blouin-Cap, de la Corporation des enseignants du Québec, M. Richard Pérusse, de la Fédération des travailleurs du Québec et M. Pierre Desaulniers, de la Corporation des enseignants du Québec.

Mes collègues et moi, nous avons été mandatés par nos deux centrales syndicales pour vous présenter un mémoire sur le problème de la liberté et de la concentration de la presse au Québec.

Comme vous avez pu vous en rendre compte vous-mêmes à la lecture du document que vous avez, nous n'avons pas cherché à nous appuyer sur un appareillage statistique très complexe et qui, compte tenu, des limites de temps qui nous étaient imparties, aurait certainement été incomplet. Nous avons préféré une démarche peut-être un peu plus théorique, et nous en sommes arrivés à certaines conclusions.

Point n'est besoin de vous dire que le problème de la presse, le problème de l'information est un problème éminemment complexe et qui touche de près tous les consommateurs. Nous avons abordé ce problème justement du point de vue des consommateurs qu'en une certaine partie nous représentons. Et le problème du consommateur face à la presse, face à l'information, quel est-il?

Nous savons tous que l'information est depuis longtemps, mais peut-être plus particulièrement depuis un certain nombre d'années — en tout cas au XXe siècle — certainement un des biens primodiaux de l'homme du XXe siècle. Pourquoi? Parce que l'information est facteur de liberté. Il nous apparaissait que c'était là le premier facteur de l'information. Facteur de liberté, en ce sens que sans information complète, sans information objective, la liberté perd son principe justificateur. Pour être capable de poser un acte libre, il nous faut une connaissance des faits, et cette connaissance des faits tant au point de vue économique qu'au point de vue politique, elle nous est donnée par l'information.

L'information nous apparaissait également comme un des facteurs primordiaux de la démocratie. Que penser d'une démocratie qui ne

reposerait pas sur l'information la plus objective et la plus complète possible? Il n'est qu'à songer aux différents totalitarlstes pour nous rendre compte qu'un contrôle ou bâillon des différents média d'Information, des différentes sources d'Information, entraîne nécessairement une disparition de la démocratie.

Nous nous sommes également rendu compte que l'Information, dans notre économie moderne, était un facteur d'expansion économique, selon que l'économie moderne est basée en tris grande partie sur la satisfaction de besoins et même sur la création de besoins qui se font en grande partie, non seulement par la publicité, mais qui se font également par l'information.

Et nous nous sommes trouvés devant un fait concret, celui d'une concentration de plus en plus poussée. Nous n'avons pas l'Intention, même représentant les intérêts d'une certaine part des consommateurs, de nous opposer farouchement à la concentration, et nous avons encore moins l'intention de demander à l'Etat de s'opposer à la concentration; car la concentration nous apparaît être un phénomène nécessaire, compte tenu des impératifs de gestion, des impératifs financiers, et de toute façon, la concentration nous apparaît comme un phénomène inévitable.

Nous croyons que les consommateurs peuvent tirer profit de la concentration, pour autant que celle-ci permet une qualité plus grande de l'information. Mais, Je pense qu'il faudrait être bien naïf et bien inconscient pour ne pas voir le danger que représente la concentration, c'est-à-dire qu'elle finisse par aboutir à un monopole, soit national, soit régional. Mais, il y a tout de même danger de monopole.

Nous avons, comme bien d'autres groupements qui se sont présentés ici avant nous, fouillé certains documents, fouillé certaines statistiques; nous avons éprouvé — et je m'aperçois à la suite de la réunion de ce matin, que différents membres de votre commission ont éprouvé les mêmes craintes à la suite des questions qui ont été posées ce matin, 3 la question du groupe GELCO, de celui de GESCA, du groupe Power Corporation, etc. — nous avons trouvé qu'il était extrêmement difficile pour nous, compte tenu des limites qui nous étaient imparties, de nous présenter devant la commission, et de la limite de nos moyens financiers de faire une étude très approfondie de toutes ces questions.

Mais, l'information, compte tenu du rôle capital qu'elle Joue dans notre société actuelle, et compte tenu des dangers qui la guettent face au phénomène de la concentration et du monopole de la presse, nous croyons que cette question d'information mérite d'être traitée très attentivement. Et sans vouloir, en aucun cas, faire injure ou faire insulte, M. le Président, à cette commission, nous nous demandons si tout ce problème relatif à la liberté de la presse, à la concentration de la presse, peut être réglé par une commission comme celle qui siège présentement.

Les membres de la commission — les recommandations ont été acceptées par la Corporation des enseignants du Québec et la Fédération des travailleurs du Québec — croient que face à un phénomène comme celui auquel nous assistons présentement, il n'est,non pas qu'une solution, mais qu'un mode d'approche vers une solution, soit la création d'une commission royale d'enquête sur tout le phénomène de la concentration. Nous croyons que seule une commission royale d'enquête, eu égard aux pouvoirs qui sont conférés aux commissaires enquêteurs, pourrait tirer au clair certaines données. Les questions qui ont été posées ce matin soit par le député de Saint-Hyacinthe, soit par le député de Gouin, soit par le député de Laurier ont amené certaines réponses qui n'ont peut-être pas toujours été aussi claires qu'on l'eut voulu.Nous croyons que seule une commission royale d'enquête serait en mesure de jeter une lumière très franche sur tout ce phénomène.

M. MICHAUD: Quels sont les points qui vous paraissent obscurs? Quelles sont les données que vous voudriez voir éclaircies?

M. VTGNEAULT: Les données que nous aimerions voir éclaircies, on les retrouvera dans le mandat, mais je vous réponds tout de suite. Disons que pour le mandat comme tel, je demanderai à M. Pérusse de la FTQ de bien vouloir l'expliciter. Exemple, toute cette question de gestion financière. M. Lévesque a soulevé ce matin le point 2 de la page 11 du rapport financier de Power Corporation à savoir les $17.3 millions qui avaient été prêtés avec intérêt flottant, par exemple. Ce point, nos deux centrales syndicales se sentent tout S. fait incapables de le tirer au clair, s'il y a à tirer au clair... Remarquez nous n'avons pas de présomption et nous ne disons pas: Nous sommes face à une situation où il y a entente pour brimer la liberté. Pas du tout. Nous ne présumons pas de la situation. Mais tout simplement, nous nous disons: A l'heure actuelle, les réponses qui ont été données ne nous satisfont pas. Nous aimerions voir tirer au clair toute cette question de la concentration qui nous apparaît de plus en plus poussée à différentes couches, si vous voulez, à différents niveaux.

Les représentants de la compagnie GELCO nous ont expliqué ce matin comment fonction-

nait leur société. Mais nous aimerions voir cette étude poussée un peu plus à fond pour qu'une fois pour toutes et d'une façon très claire on sache exactement ce qu'il en est.

M. MICHAUD: Alors vos inquiétudes se situent au niveau du financement de ces entreprises. Est-ce que c'est le seul point névralgique? Voici pourquoi je dis cela. C'est la deuxième fois qu'on entend cette recommandation à l'effet que tout ce problème devrait être référé à une commission royale d'enquête. Bien sûr, il y a des avantages. Il y a également des désavantages.

La commission parlementaire qui est devant vous est quand même le prolongement de la souveraineté nationale. C'est-à-dire que la commission, en vertu des règlements de la Chambre, a les pouvoirs d'assigner, a les pouvoirs de contraindre, a des pouvoirs supérieurs 3. ceux qui pourraient être éventuellement donnés à une commission royale d'enquête dont le mandat devrait être extrêmement large.

Souvent, on dit aux hommes politiques qu'ils ne sont pas responsables et qu'ils abdiquent leurs responsabilités en référant constamment tous les problèmes devant des commissions roayales d'enquête. Alors, c'est la deuxième fois. La revue Maintenant a soumis cette recommandation et vous aussi. La commission ici n'a pas de limite quant à son budget. Elle peut commander des travaux, sauf erreur.Elle a le budget de l'Assemblée nationale qui peut être facilement augmenté si tant est que nous ayons besoin de crédits, que nous ayons besoin d'argent pour commander des travaux.

Je vous pose la question — je vous demande de réfléchir tout à l'heure: Quels sont les travaux qui manquent? J'imagine que nous pourrions très bien les commander, tout à l'heure je vais en commander quelques-uns aux officiers du ministère.

En fait, il y a aussi le fait que ce problème de la liberté de la presse est débattu devant les représentants des groupes politiques — donc il y a une contestation possible — devant les représentants de tous les groupes politiques. Ce qui fait que c'est en pleine lumière.

Je me demande si vous n'avez pas une meilleure garantie que la commission va un peuplus au fond des choses — parce qu'il y a contestation sur le champ de certaines prises de position — que si tout était référé et éventuellement délayé à une commission royale d'enquête. Bien sûr, il y a des avantages et des désavantages. Je voulais simplement vous signaler que cette suggestion est recevable, elle doit être étudiée à son mérite, mais le fait de vouloir réfé- rer tout le problème de la liberté de la presse à une commission d'enquête entraînerait des délais qui seraient, pensons en termes d'années d'abord, et je me demande si nous pourrions oeuvrer efficacement enfin sur des problèmes précis.

M. VIGNEAULT: Permettez-moi. La première réponse que je vous ai donnée est une des raisons pour lesquelles nous recommandons la création d'une commission royale d'enquête. Bien évidemment, ce n'est pas la seule. Je dirais même que ce n'est peut-être pas la plus importante.

Le premier mandat que nous aimerions peut-être voir confier à une commission royale d'enquête plus que le problème de la concentration de la presse, c'est le problème de l'information en général. Je pense que ce problème est beaucoup plus vaste que le simple problème de la concentration de la presse.

Je vais, si vous voulez, raisonner par analogie.

M. MICHAUD: Mais, le mandat de la commission n'est pas uniquement le phénomène de la concentration, c'est la situation de la liberté de la presse au Québec. Donc le mandat de la commission serait le même que le mandat que vous voudriez voir confier à une commission royale d'enquête.

M. VIGNEAULT: Oui. Je vais donc raisonner par analogie. Une commission royale d'enquête a touché de très près au moins une des deux centrales, la CEQ. C'est la commission d'enquête sur l'enseignement qui a donné lieu au rapport Parent.

Nous croyons que l'information est, à l'heure actuelle — et je pense qu'elle le sera de plus en plus — un des moyens les plus efficaces dans le bon sens ou dans le mauvais sens, mais un des moyens les plus efficaces d'éducation et de culture populaire. Je pense que la véritable culture populaire, beaucoup plus que donnée par cours du soir, les gens l'apprennent par les différents média d'information. Je pense que personne ne songe à nier l'importance des différents média d'information.

Justement, compte tenu de ce rôle capital de l'information, nous croyons... C'est vrai quela création d'une commission royale d'enquête retarderait une solution, évidemment une commission royale d'enquête qui se pencherait sur tout ce problème d'information ne pourrait pas fournir de rapport après six mois. C'est évident. Il faudrait songer en termes d'années, je le pense bien. Mais, de la même façon que l'on

a cru que pour l'éducation II valait la peine de confier la tâche d'examiner tout le problème de l'éducation à une commission royale d'enquête, je pense qu'il faudrait faire la même chose pour l'information. En recommandant cela, ce n'est pas que nous ne voulions pas faire confiance aux membres d'une commission, membres élus par la population, mais nous désirons simplement que soient nommées des personnes qui auront le temps nécessaire pour faire cette étude-là. La commission royale d'enquête sur l'éducation ne brimait en rien les droits et les privilèges des gens élus par le peuple, mais ça a permis à des gens extrêmement compétents de se pencher sur un problème capital pour une société moderne et de produire un rapport qui a tout de même été à l'origine du renouveau dans le système éducatif. De la même façon nous voudrions voir une commission royale d'enquête prendre tout le temps nécessaire. Je le répète, il faudrait nécessairement parler en termes d'années plutôt qu'en termes de mois à ce moment-lâ. Mais envisager le problème de l'information sur toutes ses facettes plutôt que de pensera une solution qui... Remarquez que, dans le mémoire, nous semblons nous opposer à la création éventuelle d'un conseil de presse. Ce n'est pas qu'en soit nous trouvions que le conseil de presse est une chose mauvaise, mais c'est dans la démarche pour arriver au conseil de presse. Nous croyons que peut-être le conseil de presse s'avérera après examen la meilleure solution. Nous croyons que la création d'un conseil de presse ou d'une régie d'Etat ou de n'importe quel autre organisme ne devrait arriver qu'après une étude faite par une commission royale d'enquête qui prendrait le temps nécessaire pour étudier le problème dans toute son étendue.

M. MICHAUD: Qui seraient les commissaires?

M. BOUSQUET: Que voulez-vous savoir exactement? En lisant votre mémoire — je l'ai lu avant le début de la séance — j'ai l'impression que le premier but de votre commission royale d'enquête serait de garder l'opinion publique éveillée. Vous semblez dire qu'en dernière analyse la seule garantie du véritable droit à l'information semble être une opinion publique éveillée.

D'après vous un moyen idéal pour éveiller l'opinion publique, ce serait d'avoir une commission royale d'enquête. Est-ce qu'il est nécessaire pour avoir une opinion publique éveillée de mettre sur place une commission royale d'enquête avec tout ce que cela peut coûter à l'Etat?

M. VIGNEAULT: Alors, nous mentionnons effectivement que peut-être la meilleure garantie, plus qu'une loi, plus qu'une régie d'Etat, ou plus qu'un conseil de presse ou ce qu'on voudra, pour nous d'avoir une presse véritablement libre, c'est d'avoir une opinion publique éclairée. Cela, nous croyons fermement que c'est l'opinion publique plus qu'une loi qui permettra d'avoir une presse véritablement libre. Mais ce n'est tout de même pas la seule chose que nous disions dans notre mémoire, quoique Je trouve cela tout de même fondamental de chercher à avoir une opinion publique éclairée qui sera le véritable chien de garde de la liberté de la presse. Je pense que c'est extrêmement important d'avoir cette opinion publique éclairée, mais la commission royale d'enquête, nous ne l'appuyons pas seulement comme étant un moyen de former cette opinion publique éclairée. Elle repose tout de même surd'autres considérations qui peuvent être, si vous voulez, marquées par certains mémoires qui ont été présentés ici. Ce matin on a relevé certains arguments qui semblaient séditieux ou enfin plus ou moins conformes à la réalité.

Alors, je pense que — remarquez, ce n'est pas un jugement de valeur que Je porte sur les mémoires qui ont été présentés Ici — compte tenu des limites de temps, les organismes qui se sont présentés devant vous n'ont peut-être pas tous eu le temps de faire une étude très approfondie.

M. MICHAUD: Je ferais simplement remarquer que c'est l'Intervention que j'ai faite à l'origine, elle remonte au 5 décembre 1968. Vous parlez de limite de temps, cela fait quand même un certain temps, mais cela est simplement un aparté. Est-ce que vous avez poussé votre réflexion un peu plus loin sur la commission royale d'enquête? Qui seraient les commissaires enquêteurs dans votre esprit? Le gouvernement les nommerait comment? En consultation avec les groupes intéressés? Avez-vous poussé plus loin votre réflexion sur la composition de cette commission-là?

M. VIGNEAULT: Effectivement, nous avons essayé de voir un peu ce que pourrait être cette commission royale d'enquête. Il y a le mandat, mais il n'y a pas de recommandation quant au choix des personnes pouvant, non pas en termes de noms, mais en termes d'organisme ou de couche sociale, il n'y a pas recommandation justement parce que nous ne sommes pas allés très loin. Mais il nous paraît assez inévitable que ceux qui sont directement concernés par

cette question fassent partie d'une telle commission.

Maintenant, quels sont ceux qui sont directement concernés par cette question?

M. MICHAUD: La principale objection que je vois, c'est que ce comité parlementaire pour étudier le problème de la liberté de la presse relève de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire du Parlement en ses élus, exprimant leur souveraineté par l'Assemblée nationale. Votre suggestion d'une commission royale d'enquête transfère à l'exécutif et au gouvernement actuel le soin d'établir une commission royale d'enquête. Donc, il y a là quand même un certain pouvoir de partagé. De l'Assemblée nationale, vous transportez le problème et le bébé au niveau du gouvernement.

M. VIGNEAULT: C'est un fait, mais les exemples ne manquent pas qui ont, dans bien des cas, donné d'excellents résultats.

Je ne crois pas que ce soit une argumentation qui, à elle seule, permette de rejeter une suggestion telle que la nôtre. Effectivement, le raisonnement que vous venez de faire est juste, mais je ne vois pas en quoi il peut amener à conclure qu'on ne peut pas créer une commission royale d'enquête.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que M. le Président me permettrait une couple de questions? Normalement, on va finir vers six heures.

M. LE PRESIDENT: C'est exact.

M. LEVESQUE (Laurier): Deuxièmement, la prochaine séance serait plus ou moins sine die, je veux dire, ce serait...

M. LE PRESIDENT: Quant à la prochaine séance, il faudra prendre une entente entre le chef de l'Opposition et le premier ministre. Il est question d'une séance, peut-être, à la fin de juin.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. LE PRESIDENT: C'est ce que je peux vous donner de plus précis maintenant.

M. LEVESQUE (Laurier): J'aurais, et d'autres collègues aussi, quelques remarques à faire avant la fin de la séance. Nous avons deux groupes devant nous. Il y a M. Vigneault qui parle au nom de la CEQ et qui nous a annoncé — enfin, je ne voudrais pas enlever la parole au député de Gouin, s'il a d'autres questions — mais on nous a dit que M. Pérusse aurait aussi certaines élucidations additionnelles à présenter. Comme il est le seul représentant des quatre de la FTQ, est-ce que nous ne devrions pas aussi passer...

M. LE PRESIDENT: Si...

M. LEVESQUE (Laurier): S'il y a des choses... de façon qu'on voie s'il y a des compléments.

M. PERUSSE: Dans l'enchaînement des questions et réponses, je pense que notre scénario a été un peu jeté par-dessus bord. Si vous me permettez de dire quelques mots, sans vouloir faire injure à personne de la commission, nous avons assisté ce matin à une séance de votre commission où il nous a semblé que les préoccupations politiques n'étaient pas tout à fait absentes. Nous ne nous méfions pas tellement d'une commission royale d'enquête nommée par un gouvernement, même dans le secteur très délicat de l'information, parce que l'expérience nous prouve que ces commissions royales d'enquête, nommées par quelque gouvernement que ce soit, composées de quelques membres que ce soient pourvu qu'ils soient compétents, donnent à peu près inévitablement des résultats fort intéressants.

Vous avez la commission royale d'enquête sur la santé qui était présidée par un juge conservateur qui, au départ, était opposé à l'assurance-maladie et qui a conclu à la nécessité de l'assurance-maladie. Vous avez la commission royale d'enquête sur l'éducation dont personne à l'époque, je pense, n'espérait qu'elle conclurait à une réforme de l'éducation telle que celle qui a été recommandée. C'est le cas de la commission Carter sur la fiscalité, c'est le cas de la commission Prévost sur la justice.

D'après notre expérience — parce que le mouvement syndical a presque constamment collaboré avec ces organismes-là — on obtient des résultats à peu près régulièrement inespérés. C'est pour cela, je pense, que la CEQ et la FTQ, devant l'ampleur du problème... Si vous nous dites que le problème n'est pas si complexe que ça, que vous pouvez vous en tirer, très bien! Mais nous, devant l'ampleur du problème nous devons reconnaître humblement qu'il y a un tas de données qui nous manquent.

La concentration...

M. BOUSQUET: D'après vous, monsieur, quelle est l'ampleur du problème? Quelles sont les deux questions précises?

M. PERUSSE: La concentration, qu'est-ce que ça veut dire? On ne le sait pas. La concentration, c'est mauvais si cela crée un monopole. Alors, est-ce que l'on sait si, dans chaque coin du Québec ou dans certains coins du Québec, la concentration crée un monopole ou pas? Il y a des postes privés de télévision, par exemple, qui prennent la majeure partie de leurs informations à Radio-Canada. Radio-Canada est un organisme qui, partout où il pénètre, empêche un monopole complet de l'information dans quelque région que ce soit.

Le problème, par exemple, de l'équipement des journaux. Je ne sais pas si c'est un problème qui vous intéresse; nous sommes très sensibles à cela dans le mouvement syndical, l'équipement des journaux en ressources humaines et physiques.

Nous avons conscience et je pense que d'autres groupes de la société devraient avoir conscience de la possibilité, s'ils ne s'imposent pas une autocensure eux-mêmes, les organismes sont conscients de la possibilité qu'ils ont jusqu'à un certain point de manipuler la presse, les organes d'information.

Les gens qui ont des services de presse savent que les journaux peuvent être victimes de leur propagande ou de leur manipulation. Et cela, à notre avis, c'est un problème plus grave, le fait que les journaux ne puissent pas se défendre contre des fournisseurs d'information. C'est un problème plus grave que de savoir s'il faut dix sources ou vingt sources d'information pour la population. Peut-être qu'il faut cinq sources différentes d'information et que cela est suffisant pour garantir la liberté d'information. Mais, il nous apparaît tout au moins aussi important que ces sources diverses d'information, qu'elles soient trois, qu'elles soient cinq, qu'elles soient dix, soient équipées convenablement pour n'être pas simplement des courroies de transmission pour la propagande soit gouvernementale, soit patronale, soit syndicale, quelque propagande que ce soit. C'est un problème infiniment complexe et, pour l'étudier, il faut faire comparaître des gens, il faut savoir quel personnel est nécessaire pour obtenir telle information selon tel médium d'information. Et nous avons l'impression que nous ne sommes pas capables de nous prononcer là-dessus et nous ignorons si vous l'êtes.

M. BOUSQUET: Auriez-vous l'impression qu'un conseil de presse pourrait avoir quelque utilité pour aider à résoudre les problèmes qui existent.

M. PERUSSE: Le conseil de presse, à notre avis, est un organisme de défense du droit d'information, du droit du citoyen à l'information. Mais encore faut-il que le conseil de presse ou bien ait la connaissance de la situation telle qu'elle existe, ou bien ait les moyens ou les ressources de faire enquête sur la situation de façon à la connaître.

Comme je vous l'ai dit l'équipement des journaux, ce n'est pas un conseil de presse avec un budget de $10,000 fourni par les journalistes, par les entreprises de presse et peut-être $5,000 ou $10,000 de l'Etat, ce n'est pas avec cela qu'il va connaître la situation. Le sous-équipement des organes de presse au Québec est un problème aussi grave que le problème de la concentration et cela prend des ressources pour savoir quelle est la situation exacte.

M. MICHAUD: Notez bien, M. Pérusse, qu'au début j'étais passablement réfractaire à l'idée d'une commission royale d'enquête, mais il se peut qu'à la fin...

M. PERUSSE: Tout bon journaliste l'est

M. MICHAUD: II se peut qu'à la fin de nos travaux, nous en arrivions à cette conclusion. Je note par exemple, dans vos recommandations, une chose extrêmement intéressante qui n'a pas encore été étudiée à l'effet que l'éventuelle commission royale d'enquête pourrait avoir comme mandat d'étudier à l'Office d'information de publicité du Québec, à Radio Québec et de façon plus générale l'accès aux informations gouvernementales et paragouvernementales d'intérêt public. Cest un problème dont nous n'avons pas encore discuté, il va falloir discuter quelque part de tout le secteur public de l'information. Bien sûr, on discute depuis cinq ou six séances du secteur privé, mais c'était dans le calendrier des travaux de la commission. Enfin, je le voyais comme cela, que nous en arrivions à étudier le problème de l'information gouvernementale.

C'est possible que la commission devra récuser de compétence parce que les problèmes seront insolubles, mais je voulais quand même sur cette recommandation-là, tester votre position.

M. PERUSSE: Et puis, il y a tous les modes de gestion possibles, les organes d'information aussi sont à étudier. Je veux dire: Est-ce que votre commission va voyager? Est-ce que votre commission va se déplacer, va étudier les formules de gestion des entreprises de presse à travers le monde?

M. MICHAUD: Elle pourrait créer des sous-comités qui pourraient...

M. PERUSSE: Si vous voulez vous transformer en commission classique d'enquête.

M. MICHAUD: C'est peut-être une possibilité d'une nouvelle orientation et d'une nouvelle approche des travaux de députés et de membres de l'Assemblée nationale.

M. PERUSSE: Etes-vous sûrs de pouvoir le faire avec la même sérénité et le même désintéressement?

M. MICHAUD: Nous pourrions demander à des contractuels, à des gens de l'extérieur, d'effectuer des travaux qui pourraient nous être suggérés par les groupes intéressés.

M. PERUSSE: Des recherches.

M. MICHAUD: Cela pourrait s'envisager.

M. LEVESQUE (Laurier): A ce moment-là, un comité d'enquête parlementaire se transformerait, à toutes fins pratiques, en commission d'enquête. Je ne sais pas si c'est sous-entendu dans les réponses de M. Pérusse, mais, mol, Je craindrais très nettement que ce soit une commission d'enquête qui risque de se gauchir par des ingérences politiques. J'aimerais mieux, plutôt que de Jouer à la commission d'enquête, avoir une commission d'enquête.

M. PERUSSE: Ce n'est pas pour vous critiquer, mais, ce matin, il y avait certains échanges de vues qui réflétaient des orientations politiques; c'est votre rôle.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est le moins qu'on puisse dire!

M. BOUSQUET: Démontrez donc celai

M. MICHAUD: Ne vous scandalisez pas de cela. La politique est le lieu...

M. BOUSQUET: Pouvez-vous démontrer l'affirmation que vous venez de faire?

M. PERUSSE: Par exemple, il semblait qu'il y avait des défenseurs et des accusateurs acharnés de Peter Thomson.

M. LEVESQUE (Laurier): Du moins des soupçonneux!

M. PERUSSE: Moi, je ne connais pas Peter

Thomson mais, à un moment donné, cela resemblait à un tribunal d'inquisition sur la pesse.

M. BOUSQUET: Vous me surprenez énormément.

M. MICHAUD: Toute commission d'enquête prendra nécessairement l'allure, dans certains cas, de tribunal d'inquisition.

M. PERUSSE: La commission royale d'enquête a plutôt des allures d'organisme de recherche que de tribunal.

M. CLOUTIER: Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Laurier?

M. LEVESQUE (Laurier): Vu qu'on va ajourner à une date qui peut, quand même, être la fin de juin ou plus tard et que, jusqu'ici, nous avons tous — enfin, dans mon cas, j'en suis conscient, je n'ai pas donné d'opinion véritable, même si cela transparaît parfois dans mes questions — essayé de poser le plus de questions possible, si on me le permet, je voudrais faire des remarques de deux ou trois minutes, pas plus, qui seraient comme une sorte de conclusion provisoire parce que nous ne reviendrons pas avant quelque temps.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Laurier, je voudrais faire remarquer à la commission qu'il y a des groupes importants de journalistes qui ne sont pas encore venus, devant nous.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord! C'est pour ça que Je dis que ce sont des remarques qui peuvent servir, quant à mol, de conclusion très provisoire. On a étudié très longuement, avec beaucoup de détails, je pense, surtout depuis deux séances, et avec des gens qui le vivent le phénomène de concentration qui est au coeur du mandat de la commission. Nous l'avons étudié — M. Caron, ce matin, en particulier, a fait un exposé sur ce sujet — à partir de critères nord-américains et quelque peu européens. Là, déjà, il me semble qu'il y a une certaine fragilité dans notre information. Quand nous pensons aux grands ensembles, c'est une de nos tendances naturelles, à nous les Québécois, étant nord-américains, de toujours référer à des images nord-américaines et d'être portés à oublier — pour autant que cela puisse être dangereux de l'oublier — que nous sommes six millions dans le Québec.

Nous parlons en réalité de 200 millions à côté de nous, aux Etats-Unis, et même auCana-da anglais, qui pour des raisons culturelles,

n'ont pas les mêmes sentiments au point de vue de certaines valeurs. Qu'on juge ces valeurs comme on le voudra!

J'ai posé à M. Caron certaines questions. J'ai trouvé que son information comme témoin expert n'allait pas aussi loin que je l'aurais voulu. J'aurais bien aimé que nous ayons une chance d'examiner certaines petites entités. Je prends comme exemple les pays Scandinaves ou d'autres, dans le monde. J'aurais aimé savoir comment ils ont affronté le problème — parce qu'il doit se présenter chez eux aussi — ce ne sont pas des pays inefficaces, comment ils ont affronté ce problème de la concentration, surtout dans le domaine qui nous préoccupe, celui de l'information et des moyens de communications.

Tout le monde admettra — je pense que la démonstration en -a été faite — si nous parlons seulement au point de vue de l'efficacité, et techniquement, de gestion, de « management », que la concentration présente visiblement des avantages au point de vue administratif, au point de vue de la rentabilité, et même au point de vue d'une certaine liberté professionnelle dont les journalistes eux-mêmes pourraient avoir l'illusion, peut-être top longtemps. Parce qu'à priori il est vrai que cela donne un « respir » — je m'excuse de l'expression — à la profession des journalistes, que certains vieux propriétaires privés à l'ancienne mode ne leur ont jamais permis de connaître.

D'un autre côté, il s'agit d'une concentration qui, pour l'essentiel, se produit chez nous sous la forme du conglomérat, c'est-à-dire sous la forme du grand « merger » d'entreprises extra-ordinairement diversifiées qu'elles sont de plus en plus; c'est extraordinairement complexe, et de plus en plus nous voyons — le texte de M. Caron était clair là-dessus — que cela peut avoir des ramifications dans la plupart des secteurs de l'économie.

Je me pose des questions moi aussi. Est-ce que cela ne peut pas finir par amener, exactement comme le dernier mémoire vient de nous le dire, une sorte de mainmise éventuelle sur le citoyen consommateur par des producteurs et distributeurs d'une foule de produits, par des intérêts, même dans le domaine financier, dont les ramifications vont très loin, qui forcément se serviraient des moyens d'information et de diffusion comme du véhicule de leur production et, évidemment aussi, comme d'un étouffement possible de la concurrence? Il me semble que c'est une question extrêmement grave, et nous n'avons pas de réponse. Est-ce que ce genre de concentration ne peut pas continuer à s'étendre et à se ramifier jusqu'5 risquer dangereusement d'éteindre tout choix?

Je sais bien qu'on dit dans les Cantons de l'Est et ailleurs: Il reste des possibilités de se renseigner, etc., mais il ne faudrait tout de même pas être trop superficiel.

Nous ne sommes pas si naïfs que cela. Il reste des choix de plus en plus ténus et de plus en plus restreints. Est-ce que cela ne peut pas risquer de finir par étouffer dangereusement tout choix de sources d'information et de véhicules d'opinions? Non seulement dans telle et telle région importante — et c'est déjà tris grave — mais jusqu'à un certain point dans l'ensemble du Québec.

D'autant plus que d'autres journaux et d'autres stations de radio et de télévision ne sont pas à l'abri de cette ampleur grandissante de la concentration actuelle. On le sait, il n'y a pas de garantie là-dessus. Quelles limites devrait-on poser? J'espère qu'on admettra que tous les moyens principaux d'information actuellement privés ne devraient pas finir par aboutir entre les mêmes mains. Or on sait qu'en anglais on dit: Nothing succeeds like success. Une fois qu'une grosse machine comme celle-là est en marche, où s'arrêtera-t-elle? Qui est équipé pour l'arrêter et est-ce qu'on doit l'arrêter?

Cela pourrait même, éventuellement et peut-être assez vite, sans prêter d'Intentions du tout à ceux qui représentent le groupe actuel — je suis sincère — ils ne seront pas toujours là ces hommes. Et on sait à quel point, quand les entreprises deviennent très vastes, certaines choses s'introduisent qu'on n'a pas prévues. Par l'autocensure, par exemple, par un certain climat de prudence automatique. Parce qu'il vient un moment, si cela se répand beaucoup, les gens qui font l'Information n'ont plus grand choix au point de vue patronal. Ils peuvent rester toujours plus ou moins dans le même circuit, celui qui pale le mieux, etc.. Je note en particulier la fragilité des directions locales que, pour l'instant, on nous a expliqué l'autre jour, dans certains cas de journaux, comme une certaine direction qui durait durant un bon plaisir, à toutes fins pratiques sans contrat.

Alors à cause de tout cela, est-ce qu'il ne pourrait pas, éventuellement, y avoir un danger que la liberté professionnelle dont on parle aujourd'hui puisse être une liberté relativement provisoire au moment où une concentration plus grande aurait été effectuée?

Et finalement, de tels groupes privés comme ceux qu'on étudie en ce moment, structurellement — M. Caron l'a confirmé ce matin — sont exposés à changer de propriété. Ils font partie du secteur privé, c'est normal. Tant qu'ils sont dans le secteur privé tel quel, sans aucune ba-

lise quelle qu'elle soit. Au point de vue collectif, le contrôle peut donc passer entre n'importe quelles mains, y compris des mains complètement étrangères au Québec. D'autant plus qu'on bâtit sur des postes de télé vision de telles— entre autres, je connais ce cas un peu mieux — concentrations de capitaux à partir d'un permis de diffuser que quand vient le moment, comme M. DesRuisseaux vendant ses propriétés, de faire le transfert de ses propriétés, une fois qu'il y a plusieurs millions d'impliqués, il n'y a pas beaucoup de groupes qui peuvent se payer le luxe de récupérer ces propriétés-là quand elles sont à vendre. Ce qui fait que les acheteurs éventuels deviennent de moins en moins nombreux, peuvent de plus en plus —on vit en Amérique du Nord, nous ne sommes pas naïf — être des intérêts américains entre autres, quand vient le moment où la propriété doit changer.

Je conclus là-dessus ou presque: Pour une petite société culturelle et politique comme le Québec qui a autant de fragilité que la nôtre, n'est-il pas absolument vital d'aller beaucoup plus loin que ce qu'on a obtenu jusqu'ici?

Je me souviens d'un article de Galbraith — c'est assez ironique — qui avait été commandé pour le centenaire de la Confédération. Vous savez que Galbraith, le célèbre économiste américain, qui est d'origine ontarienne, avait répondu à cette demande d'articles par un petit article qu'il avait fait rapidement, mais de son mieux, où il oubliait complètement autre chose que le Canada anglais — ce qui est normal pour lui, il est Américain maintenant. Il disait en réponse à une question — la question était celle-ci: Quelles sont, d'après vous, les conditions essentielles pour que le Canada confêdératif dure encore cent ans dans le monde d'aujourd'hui? Oubliant complètement qu'il y avait une société française, dans le Québec en particulier, il répondait de façon générale: La première condition sans laquelle il n'y a absolument rien qui puisse être garanti, c'est que les instruments de communication, de presse et d'information, on trouve des moyens absolument sûrs d'en garder la propriété et le contrôle effectif à l'intérieur d'une société qui prétendrait s'appeler le Canada pendant encore cent ans. Est-ce qu'a fortiori ce genre de certitude ne devrait pas aussi être une chose dont le Québec se préoccuperait, et le plus vite possible, vis-à-vis du phénomène qu'on prétend étudier? Parce qu'il y a un processus d'ensemble dans ces concentrations qui, une fois mis en marche et bien déclenché, peut vite devenir fatal.

Je ne sais pas si on a passé ce qu'ils appellent en anglais le « point of no return » ; une chose certaine, c'est qu'on n'est pas très bien.

Moi, je crois que nous ne sommes pas capa- bles, à cette commission, nous n'avons pas convenablement les faits complets, bien détaillés... J'ai étudié des cas économiques, et fondamentalement il s'agit de cas économiques. Je n'ai jamais travaillé en amateur comme on le fait à cette commission-ci, sans recherche, prenant — et j'ai beaucoup de respect pour ce qu'on nous dit — sans vérification des choses incomplètes. Par exemple, dans les cas de GELCO et GESCA, le fait qu'il s'agisse de compagnies privées qui n'ont pas l'obligation de déposer le même genre de rapport que des compagnies publiques... Tout ça est entremêlé. Pour unproblème aussi vaste, devant une commission aussi peu équipée et qui siège par intermittence — elle ne peut pas faire autrement, car il s'agit d'une commission parlementaire — cela me paraît extraordinairement fragile sans service de recherche, sans expert financier, sans contre-interrogatoire comme il devrait y en avoir, sans véritable continuité non plus. Cela risquerait de devenir une opération « endormitolre » ou une opération-improvisation. C'est là qu'il y a un danger que peut-être ces messieurs n'ont pas vu.

Toutes sortes de projets genre conseil de presse, régie, etc., qu'on a l'air d'accepter très facilement, en principe au moins, pourraient mener à l'improvisation et à l'ingérence politique.

Je termine. Je crains justement l'ingérence politique du gouvernement ou du Parlement avec ses partis dans un domaine comme celui-là, mais il ne faudrait pas non plus oublier l'autre aspect de la question et c'est cela qui le rend complexe. Je crois aussi profondément que peut être frauduleuse, dans ce domaine surtout, une notion de la liberté qui pourrait être confisquée au profit de groupes privés trop puissants et finalement pouvoir exercer un poids excessif sur toute la société y compris l'Etat lui-même que nous sommes censés représenter ici de notre mieux. Tout compris donc et en tenant compte du fait qu'il faut sensibiliser l'opinion publique, ce qui n'a jamais été fait et que le comité ne peut pas faire par ses moyens, je crois. Je serais d'accord provisoirement pour que nous visions à étudier beaucoup plus assidûment l'idée d'une commission d'enquête.

M. LE PRESIDENT: Alors une remarque maintenant par le député de Gouin avant d'ajourner les travaux.

M. MICHAUD: Ce n'est pas une remarque. J'imagine qu'il s'agit d'une décision essentiellement gouvernementale à moins que la procédure parlementaire puisse prévoir par voie de

motion ou autrement qu'une commission royale d'enquête soit instituée, f imagine que la décision ne soit ressortir que du niveau gouvernemental. Mais avant cela, il y aurait deux travaux que je voudrais demander aux experts de la commission puisqu'ils sont à notre disposition. Le premier c'est de faire une étude comparative du prix du papier journal à la fois aux Etats-Unis, au Canada et également en Europe pour voir exactement où on se situe ici et éventuellement entrer dans la loi d'il y a une vingtaine d'années, la loi que M. Duplessis avait présentée, prévoyant un éventuel contrôle du prix du papier et pourquoi cela avait été bloqué à ce moment-la. La deuxième chose, je voudrais que le comité puisse étudier sur le plan légal les arguments qui pourraient justifier ou qui justi- fient l'exercice, par le gouvernement du Québec, de sa juridiction exclusive ou concurrente sur les ondes de la radio et de la télévision.

M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs, je remercie ceux qui sont venus se faire entendre en comité. Nous avons noté, M. Frenette, que vous avez déposé à tous les membres du comité, des états financiers de Power Corporation et votre lettre également qui a été distribuée à tous les membres du comité.

La prochaine séance — nous ne pouvons pas préciser aujourd'hui — sera annoncée publiquement dès que la date en aura été fixée. Merci, messieurs.

(Fin de la séance: 18 h 7)

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