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Commission spéciale sur
les problème de la liberté de la presse
(2)
Séance du mardi 9 février 1971
(Dix heures trente-quatre minutes)
M. VEILLEUX (président de la commission spéciale sur le
problème de la liberté de la presse): A l'ordre, messieurs! La
semaine dernière, la commission parlementaire a décidé de
créer un comité directeur qui verrait à établir
l'échéancier de la présente commission. Cependant, nous
avions ajourné en demandant à deux organismes, la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec, de
même qu'aux entreprises de presse, d'être présents ce matin
afin de nous donner les détails concernant le Conseil de presse ou,
encore, de répondre aux questions que des membres de la commission
seraient intéressés à leur poser sur ce Conseil de presse.
M. Gariépy...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que vous
n'interrogiez M. Gariépy, il est entendu que nous entendrons les membres
du Conseil de presse sur le Conseil de presse comme tel. Quant aux autres
organismes qui auraient voulu se faire entendre ce matin, nous ne pouvons pas
les entendre avant d'avoir fixé le calendrier de travail. C'est ce que
nous avions décidé la semaine dernière.
M. L'ALLIER: M. le Président, je ne sais pas si je comprends bien
l'intervention du député de Chicoutimi, mais il serait quand
même utile d'entendre, ce matin, les parties qui veulent présenter
le plus complètement et le plus clairement possible le Conseil de presse
pour que nous puissions bien saisir le mandat que s'est donné ce Conseil
de presse afin de délimiter le champ de notre travail. D'autre part, je
crois qu'il serait également utile que nous puissions entendre des
témoins, notamment la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec, sur la commission elle-même.
C'est quand même à la demande, en particulier, de la
Fédération professionnelle des journalistes que la commission a
été formée. On se souvient qu'à la dernière
séance la commission a entendu la Fédération
professionnelle qui n'a pas souhaité participer à un
comité directeur. Je crois cependant qu'il est possible, dans le
mécanisme normal du fonctionnement de la commission, que la
fédération puisse donner son point de vue quant aux questions que
devrait étudier la commission.
Pour ma part, je souhaiterais, lorsque la Fédération
professionnelle des journalistes ou tout autre témoin à cette
commission se seront fait entendre sur le Conseil de presse, pouvoir
éventuellement poser des questions à ces témoins sur les
sujets que devra aborder la commission comme telle.
M. PAUL: M. le ministre, pourriez-vous nous dire ce que vous entendez
par "tout autre témoin"?
Si on se rappelle que, la semaine dernière, le principe d'un
comité directeur a été accepté, dois-je comprendre
que ce matin il y aurait possibilité que vous suggéreriez au
comité d'entendre tout autre organisme que ceux dont vous venez de nous
parler?
M. L'ALLIER: Ce matin, il s'agit de la commission qui siège et
non pas du comité. Maintenant, pour que le comité directeur
puisse fonctionner efficacement, je crois qu'il doit, avant même de
s'asseoir pour établir l'ordre du jour et les priorités des
sujets à discuter par la commission, entendre le plus grand nombre de
points de vue possible de ceux qui sont intéressés par le
fonctionnement et par les résultats de cette commission. C'est
l'objectif que je poursuis, ce matin. En d'autres mots, la présentation
du Conseil de presse est une chose mais, comme la Fédération
professionnelle des journalistes, par exemple, a été un des
facteurs à l'origine de la convocation de la commission sur la
liberté de presse, je crois qu'il serait opportun de l'entendre...
M. PAUL: Et nécessaire.
M. L'ALLIER: II est nécessaire de l'entendre à la
commission. Ceci dit, les entreprises de presse qui seront convoquées ce
matin pourront peut-être avoir aussi quelque chose à dire non
seulement sur le Conseil de presse mais aussi, une fois le conseil
expliqué, sur le mandat de la commission dans le contexte de l'existence
d'un conseil de presse, de l'existence même d'une commission
parlementaire des communications, par exemple.
En d'autres mots, c'est pour nous permettre de mieux identifier
l'ensemble du matériel que doit étudier le comité
directeur afin d'établir son ordre du jour.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, quant à moi, je
n'ai pas d'objection à la suggestion du ministre. Il a été
entendu, l'autre jour, que nous entendrions certains organismes, concernant le
Conseil de presse. Je n'ai pas objection à ce que nous entendions
d'autres témoins nous ajournons à midi et demi, M. le
Président afin de nous aider à préparer l'ordre du
jour, mais il appartient au comité directeur de préparer le
calendrier de travail et de déterminer les sujets qui devront être
examinés en priorité devant la commission parlementaire sur la
liberté de la presse.
M. LE PRESIDENT: Sur le Conseil de presse, M. Gariépy.
Conseil de presse
M. GARIEPY: M. le Président, c'est tour à
tour que moi-même, au nom de la fédération, et Me
André Bureau, au nom des trois associations patronales qui ont
négocié ce projet de conseil de presse avec nous, allons, ce
matin, essayer de situer ce projet dans son contexte historique et
également dans son contexte actuel, vous expliquer un peu le sens de la
constitution que nous avons déposée devant vous la semaine
dernière et, enfin, répondre à toutes vos questions sur le
sens de ce projet, sa portée, ses limites.
Tout d'abord l'idée d'un Conseil de presse remonte à 1953,
date d'instauration en Grande-Bretagne d'un organisme semblable, organisme qui
a été institué à la suite des travaux d'une
commission royale d'enquête établie en 1949 par le Parlement
britannique. Le Conseil de presse britannique était à l'origine
uniquement composé de représentants de la profession,
éditeurs, en majorité et journalistes pour une certaine
proportion.
Ce conseil a été réformé en 1961. Si le
Conseil de presse britannique nous a servi d'inspiration, il ne nous a pas
servi nécessairement de modèle. L'idée d'un Conseil de
presse a germé ici au Québec, dès le milieu des
années cinquante. D existait à ce moment-là, l'Union
canadienne des journalistes de langue française, qui en 1955 ou 1956
avait conçu un projet de Conseil de presse et l'avait soumis à
des employeurs à l'époque. Ce projet n'avait pas reçu
alors un accueil très enthousiaste parce que l'UCJLF avait
proposé un Conseil de presse composé uniquement de journalistes,
mais financé uniquement par les employeurs.
Pour diverses raisons les employeurs ne trouvaient pas que
c'était un bon marché. Et les discussions ont donc
commencé, ici au Québec, vers le milieu des années
cinquante. M. A.-F. Mercier, qui est ici, ce matin, a d'ailleurs
participé, à l'époque, au nom du Soleil, à ces
premiers pourparlers.
Je passe des étapes pour revenir à des étapes plus
récentes: 1959, 1964, 1965. L'idée a été
relancée à trois ou quatre reprises et des pourparlers
peut-être pas officiels, mais des échanges de vues ont eu lieu
épisodiquement au Québec entre journalistes et éditeurs,
à propos d'un Conseil de presse. On doit dire ici que la
caractéristique principale d'un Conseil de presse, à travers
toutes ces années, celle qui retenait le plus l'attention,
c'était la nécessité d'établir un organisme, qui
élabore des normes d'éthique professionnelle pour l'ensemble de
la presse québécoise et aussi qui puisse les faire respecter,
mais les faire respecter non pas de façon impérative, à la
manière d'un organisme avec pouvoir exécutoire, mais les faire
respecter tout simplement par la publicité de ses décisions, donc
en comptant sur l'opinion publique.
Ce rôle de tribunal d'honneur permanent de la presse a
été pendant longtemps au centre du projet d'un Conseil de presse.
Nous verrons ensemble, tantôt, que cette notion a été
passablement élargie. Je veux rappeler qu'en 1964, 1965 et 1966, il a
été très fortement question du Conseil de presse; l'UCJLF
en particulier a tenu un congrès en 1966, et en a adopté alors le
principe conjointement avec l'Alliance canadienne des syndicats de journalistes
qui regroupait à ce moment-là, en marge de l'UCJLF, les sections
syndicales des journaux syndiqués à la CSN.
Donc, avec l'alliance, on a préparé un projet de
constitution qui a été soumis aux employeurs qui, à
l'époque, n'étaient pas structurés ou organisés
comme ils le sont maintenant.
Les négociations, en 1967, ont franchi des étapes
importantes mais ont stoppé lorsque, volontairement, UCJLF et l'Alliance
canadienne des syndicats de journalistes ont décliné leur
représentativité des journalistes, ont refusé de parler
plus longtemps au nom de la collectivité des journalistes
québécois parce que, au point de vue du nombre de leurs membres
ainsi qu'au point de vue des structures, des consultations qu'ils
étaient à même de mener, ils n'étaient plus certains
de pouvoir rendre compte, sur cette question, de l'opinion de la
majorité des journalistes du Québec. Il s'est donc ensuivi un
arrêt des pourparlers aux négociations sur le Conseil de presse et
une période de deux ans au cours de laquelle les syndicats de
journalistes, l'UCJLF, certaines associations régionales de presse non
syndiquées se sont mises en commun pour repenser toute l'organisation
professionnelle des journalistes au Québec. Cela a donné lieu, en
1968-1969, à la formation d'une mission itinérante
composée de représentants, justement, de l'UCJLF, des syndicats
et des clubs régionaux, qui a parcouru l'ensemble de la province ou
presque, pour consulter les journalistes en assemblées
régionales, à la fois quant au projet de Conseil de presse et
surtout sur le genre de structures que nous devions nous donner pour nous
organiser, sur le plan professionnel, à l'échelle
provinciale.
De cette tournée de 17 consultations régionales a
été tiré un rapport en deux tomes, dans la bonne tradition
des commissions d'enquête, qui a été remis, en
décembre 1968, à la direction de 23 associations
régionales, syndicats ou sections syndicales de journalistes. La
majorité des organismes en cause ont appuyé les recommandations
maîtresses de ce rapport et participé, en mars suivant, à
la fondation de la Fédération professionnelle des journalistes du
Québec. Six ou sept mois après sa création, les
pourparlers, d'abord officieux, ont repris avec, cette fois, une partie
patronale bien structurée et bien organisée comprenant trois
entités bien distinctes qu'on a mentionnées et qui sont
aujourd'hui les signataires du projet avec nous: les Quotidiens du
Québec, les Hebdos du Canada et les Radiodiffuseurs et
télédiffuseurs de langue française.
Nous n'avions pas, à ce moment, de mandat précis pour
signer un Conseil de presse. Nous n'étions même pas en mesure de
donner un
accord, disons, formel au nom de l'ensemble de la profession.
Nous avions mandat de notre congrès de poursuivre les
études et de reprendre les pourparlers. Ce que nous avons fait
effectivement. Nous avons tenu également un colloque provincial au Lac
Delage à partir d'un projet de Conseil de presse qui nous était
soumis par les associations patronales et qui était, pour l'essentiel,
le projet laissé en plan deux ou trois ans auparavant.
A la suite de ce colloque, la fédération a
préparé ce qu'on pourrait appeler une contre-proposition, qui
était une version modifiée élargissant certains objectifs
du conseil et proposant des modifications à son fonctionnement. Une
série de rencontres et de pourparlers ont eu lieu entre un comité
ad hoc nommé par le bureau de la fédération et le
comité ad hoc nommé par les associations patronales. En mars
1970, à ce niveau des porte-parole des organismes concernés, il y
avait un accord de principe sur pratiquement toutes les clauses d'un projet de
constitution.
Comme je vous l'ai déjà signalé la semaine
dernière, à la suite de cette entente de principe les
voies démocratiques étant nécessaires mais longues
les étapes suivantes ont été franchies, qui sont toutes
essentielles. Le projet a été acheminé de notre
côté à la base, c'est-à-dire aux associations et
syndicats membres quelques jours après l'entente de principe de mars. En
mai, le congrès annuel de la fédération professionnelle
étudiait le projet pendant pratiquement toute une journée et
l'endossait par une majorité très considérable en
suggérant un certain nombre de modifications fort mineures.
Du côté patronal ces accords de principe sont survenus
respectivement en septembre pour les hebdos et les
radio-télédiffuseurs et en décembre pour les quotidiens.
Là encore ces accords de principe et ces accords généraux
étaient assortis d'un certain nombre de points qu'on voulait remettre en
négociations. Ces négociations se sont déroulées en
janvier et ont rapidement abouti à un accord complet.
Voilà pour le contexte historique. Tout ce que j'ai dit touche
très peu au contenu: ce sont des dates repères tout simplement.
Je voudrais signaler sur le contenu que le Conseil de presse étant
perçu uniquement comme un tribunal d'honneur où on ferait
défiler des journalistes ou des entreprises de presse
soupçonnés ou coupables d'avoir transgressé des normes
qu'il reste d'ailleurs à établir ce rôle du
Conseil de presse qui va être important et qui va aussi peut-être
être le plus connu du public n'est pas le seul que nous assignons
à cet organisme.
Vous remarquerez dans le projet de constitution qu'en plus des objectifs
généraux qui sont fondamentaux par exemple l'objectif 1:
protéger la liberté de presse au Québec afin d'assurer au
public son droit à l'information et de cet article qui concerne
l'étude des plaintes relativement à la conduite de la presse,
nous ajoutons un certain nombre de fonctions importantes, en particulier une
fonction permanente de recherche et d'étude sur la situation de la
presse avec publication d'un rapport annuel non seulement sur le travail du
conseil, mais également sur la situation de la presse au
Québec.
Vous devinez qu'il y a là une certaine inspiration qui vient de
l'expérience des conseils supérieurs gouvernementaux qui sont
greffés sur un certain nombre de ministères. Bien qu'il s'agisse
d'un organisme privé et qui en aucune façon ne doit être
gouvernemental, à notre avis, nous croyons que le Conseil de presse
en plus de juger à la pièce certains cas de conduite ou
d'inconduite de la presse doit pouvoir se donner des perspectives plus
larges et étudier de façon plus fondamentale la situation de la
presse et signaler à l'attention du public, à l'attention de
l'Etat et de tout le monde, au moins une fois par année, ses
observations sur l'état de la presse au Québec.
Nous ajoutons aussi un certain nombre de fonctions pratiques dont la
principale est l'émission d'une carte de presse qui ne sera pas un
permis de travail sans lequel un journaliste n'aura pas droit au titre de
journaliste. Il n'y a aucune intention corporatiste dans ce projet. Il s'agit
essentiellement d'une pièce d'identité qui sera
délivrée non pas seulement aux journalistes répondant
à un certain standard de qualité ou de moralité il
s'agit ni d'un certificat de compétence ni d'un permis de travail
il s'agit, dis-je tout simplement d'une pièce d'identité
attestant, comme question de fait, que M. Untel exerce le métier de
journaliste.
C'est là également une question assez importante, une
innovation prometteuse parce que la plus grande confusion règne en ce
moment en matière de question d'accréditation des journalistes et
de cartes de presse. Ce sont là quelques-unes des fonctions
élargies qu'on a données au conseil. C'est loin de rendre compte
de l'originalité et de la valeur de ce projet par rapport au
modèle britannique ou à d'autres conseils semblables qui existent
à travers le monde. M. Bureau pourra continuer là-dessus.
Je veux simplement, en terminant cette petite présentation,
souligner que le Conseil de presse québécois a, au moins, une
caractéristique à la fois nouvelle et importante, c'est qu'il
reconnaît que le fondement le plus important de la liberté de
presse réside finalement non pas dans la liberté des
éditeurs ou dans la liberté pour n'importe qui de publier
n'importe quoi, non pas dans la liberté des journalistes non plus
ce sont là des libertés essentielles et importantes que nous ne
sommes pas près de laisser tomber mais dans cette notion
relativement nouvelle, mais capitale dans la théorie moderne des moyens
de communications, de la liberté du public ou du droit du public
à une information véridique, honnête et complète. Le
Conseil de
presse reflète, je pense, à la fois dans ses objectifs et
dans sa composition, ce souci d'associer l'intérêt public à
la liberté de presse.
En particulier, contrairement au modèle britannique, le Conseil
de presse québécois, comme vous l'aurez sans doute noté,
sera tripartite et presque à part égale; c'est-à-dire
qu'il y aura six représentants nommés par les employeurs et six
représentants nommés par les journalistes. Ces deux
premières parties s'entendront sur le choix d'un président
neutre, ni journaliste, ni lié à une entreprise de presse lequel
recommandera ensuite aux douze premiers membres une liste de six citoyens
représentant le grand public et choisis de façon à assurer
une représentation équitable des divers groupes
socio-économiques, en tenant compte des diversités
régionales et culturelles.
Voilà les caractéristiques essentielles du Conseil de
presse. D'autres vous ont déjà été
signalées, en particulier le fait qu'il s'agit d'un organisme volontaire
qui n'aura pas et qui ne demande pas de pouvoirs exécutoires parce que,
dans ce milieu bien particulier, dans le contexte qui est celui de la presse,
nous ne croyons pas opportun d'établir un organisme de régie avec
des pouvoirs exécutoires rigides, comme ceux qui peuvent s'imposer ou
qui existent dans d'autres secteurs de l'activité sociale.
Voilà, M. le Président, ma présentation. Je pense
que M. Bureau voudra ajouter là-dessus un certain nombre de
détails relatifs en particulier, au projet de constitution que vous avez
sans doute sous les yeux.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Gariépy. M. Bureau.
M. BUREAU: M. le Président, messieurs. La constitution du Conseil
de presse que vous avez devant vous est originale par rapport à celles
qui existent à travers le monde, à plus d'un point de vue. Elle
est très différente dans ses origines du Conseil de presse
britannique parce qu'elle ne procède pas du tout des mêmes
besoins.
Ce n'est pas du tout la même philosophie qui est à
l'origine du Conseil de presse du Québec que celle qui était
à l'origine du "British Press Council". On se souviendra que le "British
Press Council" était né à la suite de problèmes
très particuliers de la presse britanique, problèmes qui
intéressaient en particulier les éditeurs, dans le sens qu'il y
avait une concentration très grande de moyens d'information qui
s'accompagnait d'une disparition presque immédiate de la moitié
des moyens d'information qui étaient disponibles au public, en
Grande-Bretagne, à ce moment-là. Alors, toutes ces concentrations
avaient entraîné la disparition d'un très grand nombre de
journaux. Chaque fois qu'on en achetait un, on le faisait mourir pour garder
celui qui était l'acheteur. C'est ce qui avait ému le
gouvernement britanique et c'est ce qui l'avait amené à instituer
une commission d'en- quête qui, au terme de deux années
d'études, avait recommandé la création volontaire d'un
Conseil de presse, création volontaire qui n'a pas été
endossée par les éditeurs, qui n'ont pas voulu créer ce
Conseil de presse pendant un an et demi. Il y a eu une nouvelle commission
d'enquête qui a dit: Cette fois-ci, si vous ne le créez pas dans
un délai imparti, nous allons le faire à votre place.
Chez nous, la situation a été bien différente.
D'abord, quand cela a commencé, il y a une dizaine d'années, il
n'était pas question de phénomène de concentration. Il n'y
avait donc rien de commun avec ce qui se passait en Grande-Bretagne. On vous a
dit, tout à l'heure, pourquoi les négociations n'avaient pas
abouti à ce moment-là. C'étaient des questions purement
techniques, des questions de financement et même, des questions d'entente
au niveau des principes gérant le Conseil de presse.
Quand les négociations ont repris il y a quelques années,
c'est-à-dire quatre ou cinq ans, de façon un peu plus soutenue,
à ce moment-là on s'est entendu dès le départ pour
reconnaître que le public était inondé d'informations. Nous
sommes vraiment dans une situation très particulière, au
Québec, où non seulement nous avons un très grand nombre
de media d'information qui, chaque jour, noient, jusqu'à un certain
point, le public dans une information continue et très volumineuse, mais
on a aussi le phénomène particulier d'avoir chez nous des
journaux, des revues et des postes de radio et de télévision
venant d'autres parties du monde qui, eux aussi, nous apportent des
informations. Donc, il y a une très grande quantité
d'informations qui est déversée chez nous chaque jour. Le grand
problème du consommateur, du lecteur, du public, c'est de pouvoir
choisir parmi toutes ces informations celles qu'il doit retenir parce que son
besoin est très grand en information. Nous nous sommes entendus
dès le départ, à savoir qu'il fallait essayer de fournir
à ce public un moyen de s'assurer que l'information qu'on lui
fournissait était de bonne qualité.
Donc, l'idée d'un Conseil de presse, c'est de fournir au public
le moyen de s'assurer que l'information qu'on lui transmet est de bonne
qualité. Ce n'est pas pour régler un problème particulier,
que ce soit la concentration, que ce soient les journaux jaunes, que ce soit
l'indépendance de l'éditeur vis-à-vis des gouvernements ou
des choses comme celles-là, c'est vraiment pour fournir au public un
moyen.
Deuxièmement, une autre originalité du projet de Conseil
de presse par rapport au Conseil de presse britannique, c'est qu'au Conseil de
presse britannique, même aujourd'hui, il n'y a pas 20 p. c. des membres
du Conseil de presse qui représentent le public. Il y a, dans les 80 p.
c. ou à peu près qui ne le représentent pas, 40 p. c. ou
50 p. c. de ces 80 p. c. qui représentent les éditeurs et 50 p.
c, les journalistes.
Mais, le public est très minoritaire tandis que dans le Conseil
de presse représenté ici, il y a une participation paritaire du
public au niveau des membres. De plus, le président du Conseil de presse
qui a une grande autorité, comme vous pouvez le voir par les articles de
la constitution, est un individu qui ne doit être lié, ni de
près ni de loin, à aucune entreprise de presse ni à des
organismes syndicaux ou patronaux reconnus, de façon à pouvoir
vraiment l'identifier comme étant quelqu'un du public.
Donc, chez nous, le Conseil de presse est un organisme paritaire
où vraiment le public, en fin de compte, a beaucoup plus de
participation qu'il n'en a dans les autres Conseils de presse dans le
monde.
Une troisième particularité de notre Conseil de presse,
c'est qu'il intervient chez nous à l'occasion, ou pendant une phase de
réorganisation semi-professionnelle, soit des journalistes, soit des
éditeurs.
Nous n'arrivons pas avec des préacquis ou avec des normes
d'éthique ou avec des codes d'éthique qui ont été
déjà imposés par quoi que ce soit. Nous sommes en train
d'élaborer ces choses. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, il y en a dans
plusieurs associations et au niveau des entreprises il y en a. Il y en a
même dans certaines conventions collectives. Mais, ce que je veux dire,
c'est qu'il n'y a pas encore de concertation au niveau et des éditeurs
et des journalistes pour établir d'une façon presque
exécutoire des codes d'éthique ou des normes d'éthique
définis. C'est pour ça que ça fait l'objet d'une attention
particulière dans le Conseil de presse. C'est que le public sera
associé à cette préparation, à cette
rédaction des normes d'éthique professionnelle qu'éditeurs
et journalistes devront, à l'avenir, respecter.
Voilà une particularité essentielle du Conseil de presse.
En Angleterre, quand le Conseil de presse a été constitué,
déjà les éditeurs avaient des chartes auxquelles ils
devaient se soumettre, déjà les journalistes avaient des normes
d'éthique auxquelles ils devaient se soumettre. Ils sont arrivés
et ont dit: Voilà les normes que dorénavant tout le monde doit
respecter, peu importe ce qu'en pense le public. Quand je dis: Peu importe ce
qu'en pense le public, je vais peut-être plus loin que ce qu'on disait
à ce moment-là au Conseil de presse anglais, mais comme question
de fait, ça voulait dire ça. Chez nous, nous avons l'intention,
au Conseil de presse, d'établir ces normes d'éthique; donc le
public y participera. Cela, c'est une chose assez importante à mon sens
parce que c'est vraiment une participation du public à ce qui est
fondamental dans ce que nous recherchons au Conseil de presse,
c'est-à-dire que les normes de qualité de l'information soient
établies avec les représentants du public.
Une autre particularité du Conseil de presse, c'est
évidemment son aspect volontaire, son aspect spontané. Ce ne sont
pas les gouvernements qui nous ont obligés à constituer un
Conseil de presse. Il n'est venu que des organismes intéressés,
au départ, et ce sont eux qui se sont donné ce Conseil de presse.
Je pense que c'est assez sain comme réaction.
Une autre particularité aussi du Conseil de presse c'est sa
représentativité. Dans aucun Conseil de presse actuellement en
vigueur dans le monde, on ne réunit tous les media d'information comme
dans le Conseil de presse du Québec.
Chez nous, il y a la radio, la télévision, les
hebdomadaires, les quotidiens, tous les media de communication sont
représentés au sein du Conseil de presse, tandis que, dans les
autres pays du monde, la radio et la télévision en sont
ordinairement exclus pour des raisons bien particulières. C'est que dans
d'autres pays, la radio et la télévision sont absolument sous
contrôle étatique et qu'il n'y a pas d'entreprise privée de
radio et de télévision.
Chez nous, étant donné le phénomène
important d'entreprises privées en radio et en télévision,
nous avons voulu associer ces gens aux entreprises de presse écrite, au
point de vue de la représentativité. C'est un organisme non
judiciaire et c'est aussi une particularité de notre Conseil de presse.
Dans certains pays, le Conseil de presse a une autorité
exécutoire. Chez nous, il n'en a pas. Il a une autorité morale,
a-t-on dit, et toute la force de ses décisions viendra du sérieux
et de l'autorité dont il aura fait preuve pendant les travaux qu'il aura
à exécuter.
C'est un organisme qui est indépendant du gouvernement dans ce
sens qu'il n'a rien à voir ni pour sa subsistance, au moins dans le
temps présent, ni pour son organisation, ni pour sa constitution; il n'a
rien à voir avec l'autorité gouvernementale. Il n'a rien à
voir non plus avec les éditeurs. Tout ce que l'on peut faire, c'est y
participer ou non. On est absolument libre de le faire ou pas. C'est la
même chose du côté des associations de journalistes. C'est
un organisme qui n'est lié à personne. Il vivra tant et aussi
longtemps que les intéressés voudront qu'il vive et qu'ils
accepteront de s'y soumettre.
C'est un organisme que je qualifierais de chien de garde, parce que le
premier objectif du Conseil de presse, c'est de s'assurer que soit
protégée la liberté de la presse au Québec, afin
d'assurer le droit du public à l'information.
Le troisième, c'est de veiller au libre accès de la presse
aux sources d'information et à la protection desdites sources. Alors son
rôle de chien de garde, c'est non seulement de s'assurer qu'il y a
qualité dans l'information que l'on fournit au public, mais c'est de
s'assurer aussi que les sources d'information ne lui sont pas enlevées.
Et, à ce point de vue, c'est là qu'il exerce son rôle de
gardien de la liberté de la presse, c'est qu'il sera appelé
à dénoncer tout geste, tout acte qui, venant d'organismes de
presse, venant d'organismes gouvernementaux, venant d'autorités
locales ou autres, pourrait faire taire les sources d'information ou limiter
l'accès aux sources d'information. C'est donc dans ce sens qu'on peut
dire qu'il est le chien de garde de la liberté d'information au
Québec.
C'est également un tribunal d'honneur, parce qu'il sera
appelé à entendre les plaintes que l'on peut diriger contre les
entreprises de presse ou contre les journalistes ou contre les individus qui
auraient attaqué les entreprises de presse ou les journalistes et
servant dans les deux sens. C'est un organisme qui entendra donc les plaintes
qui seraient portées contre la conduite de la presse quand je dis
de la presse, je parle des entreprises de presse et des journalistes ou
qui sera appelé à étudier la conduite d'individus qui font
des reproches à la presse.
Donc, les plaintes peuvent venir des deux côtés. Elles
peuvent venir du public. Elles peuvent, d'ailleurs, venir de n'importe qui.
Mais elles peuvent venir du public comme elles peuvent venir même des
entreprises de presse ou des journalistes. Ce tribunal d'honneur sera
appelé, en fonction de normes préétablies, à
décider du bien-fondé ou du mal-fondé de la plainte qui
aura été logée devant lui.
J'ai dit "de normes préétablies" et cela m'amène
à ouvrir une parenthèse pour préciser tout de suite que
les travaux du Conseil de presse, s'ils doivent commencer, suivant le
calendrier que nous avons établi, en juillet 1971, les plaintes ne
seront étudiées vraisemblablement qu'à partir de 1972.
Voici pourquoi. Il faut d'abord mettre en ordre un certain nombre de principes,
de normes, de définitions.
Puisqu'autour de cette table il y aura vraiment des gens qui ont la
qualité de représentants du public et qui ne sont pas
rattachés de près ou de loin à des entreprises de presse,
il faut quand même les mettre au courant des mécanismes, leur
montrer comment se fait un journal et comment se fait une émission
d'information. Il faut en venir à une espèce de consensus sur les
normes à établir. Il ne peut pas être question pour nous de
prendre des décisions qui auraient quelque effet rétroactif, dans
le sens que nous établirions des normes alors que les gens qui doivent
s'y soumettre ne les connaîtraient pas.
Nous voulons donc prendre ces premiers six mois pour établir les
normes, pour les faire connaître, pour établir la
procédure, pour régler même des questions de juridiction.
Nous avons déjà discuté avec le ministère de la
Justice qui, à ce moment-là, était dirigé par M.
Paul des problèmes que soulèverait éventuellement la
création d'un Conseil de presse. Il est évident que ce tribunal
d'honneur peut recevoir une plainte d'un individu dans le public et que cette
plainte fasse aussi l'objet de procédures devant les tribunaux civils,
par exemple. Il y a tout l'aspect des problèmes de concurrence de
juridictions entre les deux corps, c'est-à-dire le
Conseil de presse et les tribunaux civils, qu'il faudra régler
pendant ces six mois-là.
Il y a aussi l'aspect de la concurrence de juridictions entre le CRTC
d'Ottawa et le Conseil de presse qu'il faudra régler. Il y a des
problèmes concernant les juridictions de certains organismes
parallèles comme le Bureau de censure. Il faudra voir quels
mécanismes peuvent s'établir entre le Conseil de presse et les
décisions que le Bureau de censure pourrait être appelé
à prendre. Il est bien évident que, si le Conseil de presse
remplit son rôle adéquatement, éventuellement, le public va
être habitué à s'adresser à lui pour se plaindre,
soit de la publicité ou de la matière rédactionnelle dans
les journaux. Si nous n'avons pas autorité sur le contenu d'une partie
de ce que nous publions, par exemple, si le Bureau de censure a
autorisé, pour publication, telle ou telle annonce de cinéma ou
telle ou telle annonce qui paraît dans nos journaux, il faut voir comment
peuvent s'établir les contacts avec le Bureau de censure de façon
à ne pas chevaucher leur juridiction, à ne pas jouer leur
rôle, mais à jouer vraiment chacun le nôtre.
Si l'on prend le texte de la constitution du Conseil de presse,
j'attirerai votre attention sur quatre points. Le premier, c'est que ce Conseil
de presse, organisme volontaire formé des parties qui ont
été identifiées ici, devra éventuellement
être constitué en corporation en vertu de la troisième
partie de la Loi des compagnies de Québec pour des fins purement
administratives. Il n'est pas question que ce Conseil de presse reste un
organisme composé de 19 individus qui en seraient, tous les 19,
responsables. Nous allons donc l'incorporer en vertu de la troisième
partie de la Loi des compagnies de Québec.
Regardons maintenant les objets à l'article 2 de la constitution.
J'ai déjà attiré votre attention sur deux des principaux
rôles du Conseil de presse: la protection de la liberté de presse
et l'accès aux sources d'information. Il y a aussi
l'établissement de normes d'éthique et l'étude de
plaintes. M. Gariépy, tout à l'heure, a attiré votre
attention sur le rôle de recherche, sur la tâche qu'aura le Conseil
de presse d'établir annuellement un rapport indiquant l'état de
l'information au Québec. Je pense que c'est une des choses les plus
positives que le Conseil de presse peut être appelé à faire
annuellement. Cela va marquer les étapes d'année en année
et on pourra s'y référer pour savoir un tas de choses sur
lesquelles, aujourd'hui, on se pose des questions même autour de cette
table.
Vous aurez vu dans l'article 4 concernant la constitution de quelle
façon seront choisis les membres qui feront partie du Conseil de presse,
soit de la part des éditeurs, soit de la part des journalistes, soit de
la part du public. Nous avons voulu que tous les media soient
représentés, que toutes les régions le soient, que toutes
les cultures le soient, mais nous n'avons pas
voulu attribuer tel nombre de sièges en fonction de tel
médium, de telle région ou de telle culture. Nous voulons
tâcher de laisser toute la latitude possible afin d'avoir les gens les
plus compétents possible au sein de ce conseil.
Un article important de la constitution est celui du mandat, l'article
6. Je dis important, parce que les gens qui seront appelés à
siéger au Conseil de pressée je fais cette
parenthèse parce que je ne voudrais pas qu'on pense que nous sommes le
Conseil de presse, qui que ce soit, ce matin, et personne n'est encore
désigné pour faire partie du Conseil de presse, soit par les
journalistes, soit par les éditeurs ceux, dis-je qui seront
appelés à faire partie du Conseil de presse auront un mandat
irrévocable. De la sorte, il n'est pas question que ces gens aillent
siéger au Conseil de presse uniquement comme représentants du
groupe qui les a désignés. Ils y vont vraiment avec ce que nous
croyons être des préoccupations professionnelles. Ils seront
là, assurés de leur mandat pendant deux ans et aussi libres que
possible dans les jugements qu'ils auront à porter, parce qu'ils
n'auront pas à rendre compte immédiatement de leurs gestes
à leurs commettants ou enfin à ceux qui les auront
mandatés pour y siéger. Le mandat est donc de deux ans et ne peut
pas être révoqué. La seule chose qui peut intervenir est
que, ou bien les gens démissionnent ou bien qu'ils cessent d'avoir la
qualité nécessaire pour siéger au sein du Conseil de
presse.
J'attire enfin votre attention sur l'article 13 concernant la
création de comités. Le Conseil de presse est un organisme de 19
membres, mais il est évident que, pour que son travail soit souple et
efficace, il ne peut pas être question de réunir les 19 membres
qui viendront des différentes régions de la province; il n'est
pas question de les réunir chaque fois qu'une plainte est
adressée au Conseil de presse ou chaque fois qu'il y a un
problème à régler. Nous avons donc prévu qu'il y
aurait au moins un comité qui s'occuperait des plaintes et un
comité qui s'occuperait de la gestion interne.
Le comité qui s'occuperait des plaintes serait formé de
trois membres: un représentant du public, un représentant des
journalistes et un représentant des éditeurs. Il serait
chargé d'étudier les plaintes, dans un premier temps, de voir si
elles sont, à première vue, sérieuses, de constituer un
dossier concernant ces plaintes et, une fois que le dossier est
constitué, de le présenter au Conseil de presse au cours d'une
des réunions qui seront convoquées pour étude des plaintes
accumulées pendant le mois ou pendant le mois et demi
précédant la réunion du Conseil de presse.
Enfin, quant au financement c'est une particularité de
notre Conseil de presse nous voulons que, dans les années
à venir, le financement du Conseil de presse se fasse de deux
façons: d'abord, par les cotisations des groupes qui sont à
l'origine du Conseil de presse et cette cotisation doit être
suffisamment élevée pour garantir leur
représentativité et leur intérêt dans le Conseil de
presse nous voulons aussi y ajouter une formule de financement par une
fondation qui n'aurait pas de compte à demander au Conseil de presse. Le
Conseil de presse serait donc libre d'agir vis-à-vis de la fondation.
Celle-ci serait formée de gens qui n'ont rien à voir avec le
Conseil de presse, mais elle recevrait des sommes qu'elle mettrait à la
disposition du Conseil de presse pour lui permettre de fonctionner
normalement.
M. le Président, j'ai essayé d'attirer votre attention sur
quelques aspects particuliers du Conseil de presse et de sa constitution. Si
vous avez des questions, je suis à votre entière disposition, M.
Gariépy aussi.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Bureau. Avant de permettre aux membres de la
commission de poser des questions, je crois que M. Gariépy aurait
quelques mots à ajouter à ce qu'il avait dit
précédemment.
M. GARIEPY: Merci, M. le Président. Il s'agit de
considérations qui ne concernent pas directement la constitution du
Conseil de presse mais que je crois utile de préciser ici parce que,
très souvent, en dehors du monde de la presse, ce sont des questions
qu'on se pose, en particulier celle-ci: Comment se fait-il que les journalistes
ne s'organisent pas en corporation professionnelle fermée, sur le
modèle des avocats, des médecins et de quantités d'autres
groupes professionnels bien définis? C'est une question qu'on pose bien
davantage en dehors de la presse que chez nous, parce que dans la presse ce
n'est pas seulement une tradition, c'est une conviction renouvelée au
fur et à mesure que des générations de journalistes et
d'éditeurs, tant qu'à y être, se succèdent. Nous ne
croyons pas que ce soit un modèle d'organisation qui convienne au
domaine de la presse.
Et, sans trop m'éloigner du Conseil de presse, j'aimerais vous
dire simplement pourquoi, à notre avis, une formule comme celle du
Conseil de presse y répond davantage. Il y a d'abord le fait qu'on
n'entre pas dans le journalisme de la même façon qu'on entre dans
d'autres professions bien identifiées. Par exemple, le niveau
d'étude requis ou diplôme précis en journalisme ne sera
jamais, je pense, une condition sine qua non d'accès au métier de
journaliste. Journaliste, ça recouvre évidemment des gens qui
font fondamentalement le même métier mais qui l'exercent dans des
sphères et dans des fonctions très différentes, à
partir du journalisme sportif jusqu'au journalisme scientifique, par exemple,
en passant par le journalisme littéraire et ainsi de suite.
Il y a déjà une très grande diversité
d'approche, si on veut, au métier de journaliste. Il y a aussi le fait
que ce métier ou cette profession
doit continuer d'être facile ou libre d'accès sans avoir
à connaître ce qui en l'occurence serait une entrave, à
savoir une accréditation, une autorisation de pratiquer ou quelque
formule du genre. Il faut bien comprendre, en effet, que la liberté de
publier un journal, je parle pour les éditeurs, est une liberté
qui prolonge une liberté de parole et d'expression des individus, en
tout cas théoriquement, et qui veut que quiconque voulant fonder un
journal puisse le faire. De nos jours, c'est à condition d'avoir
quelques millions en poche, mais, enfin, le fondement théorique est
derrière ça.
Eh bien, de la même façon le rôle que nous
exerçons comme journaliste, celui d'observer, celui de voir ce qui se
passe et de le raconter, celui d'expliquer aussi ce qui se passe, c'est
là une fonction qui théoriquement et de fait, jusqu'à un
certain point, est à la portée de tout citoyen. Nous le faisons,
nous, de façon professionnelle, c'est-à-dire nous en faisons
l'essentiel de notre activité professionnelle.
Cela ne veut pas dire pour autant que ça doit être une
chasse gardée où on délivrerait à quelques-uns,
moyennant certaines normes et certains types d'étude, le droit
d'être journaliste. Nous croyons que ce caractère de
mobilité, de facilité d'accès au métier est une
caractéristique importante et que nous ne voulons pas voir supprimer.
Cela ne contredit pas, bien entendu, la nécessité et pour les
entreprises de presse et pour les journalistes et pour le public surtout que
les journalistes soient de mieux en mieux qualifiés, qu'ils aient, au
moment de leur entrée dans la profession et par la suite, la meilleure
formation scolaire ou la meilleure expérience professionnelle possible,
les meilleures occasions de perfectionnement; ça, c'est bien entendu.
Mais, nous ne croyons pas, encore une fois, qu'un modèle comme celui des
corporations professionnelles fermées puisse s'appliquer chez nous.
Une troisième raison à cela, M. le Président, c'est
que l'information moderne est un processus intégré qui met en
cause l'activité non seulement de reporter, mais de toute une
chaîne de responsabilités jusqu'au produit fini, ce qui inclut
l'imprimerie, la distribution, les messageries; ça inclut la gestion du
journal, le service des ventes, la publicité et tout ça.
Et nous ne croyons pas qu'une corporation professionnelle ne
régissant que les journalistes réglerait véritablement le
problème de l'information ou pourrait exercer une régie ou une
surveillance adéquate de la profession, parce que, encore une fois, elle
ne toucherait qu'un élément beaucoup trop limité. Il y a
enfin deux autres raisons au fait que nous rejetons le modèle de la
corporation fermée nantie de pouvoirs délivrés par
l'Etat.
C'est, en premier lieu, le fait que nous voulons associer le public.
Ceci ne se fait pas dans les groupes professionnels que je mentionnais. Nous ne
voulons pas régler, autrement dit, uniquement entre pairs en vertu de la
très ancienne et par ailleurs respectable théorie voulant qu'un
homme doive nécessairement être jugé par ses pairs. Nous
croyons que le principal intéressé dans le domaine de
l'information de masse, aujourd'hui, c'est le public. En conséquence,
nous croyons que plutôt que de nous entendre entre nous, entre seuls
journalistes pour nous fixer un code d'éthique et pour exercer une
autodiscipline entre nous, le public doit être impliqué dans ce
processus, et impliqué de deux ou trois façons. Impliqué
par sa participation par personnes interposées, évidemment, au
niveau du Conseil de presse; impliqué par la faculté qu'il aura
de porter des plaintes et impliqué, enfin, par la publicité des
décisions puisque finalement le public sera juge de l'affaire. Les
recommandations, sanctions, jugements de valeur, observations du Conseil de
presse n'auront de poids finalement que si elles sont bien reçues par le
public.
Enfin, la dernière raison est l'existence du syndicalisme et des
conventions collectives qui, à leur façon, ont déjà
réglé une bonne partie des questions qui pourraient relever d'une
corporation professionnelle. J'admets, M. le Président, que je
m'écarte un peu du projet de constitution que vous avez sous les yeux.
Mais je tenais à faire cette précision, encore une fois, parce
que très souvent en dehors du métier, et spécialement chez
les avocats question de déformation professionnelle sans doute
on ne comprend pas très bien pourquoi on ne règle pas
l'organisation professionnelle de la presse sur le même modèle que
la leur.
Or, nous croyons, M. le Président, que le Conseil de presse est
respectueux à la fois de la liberté fondamentale de publier,
respectueux à la fois de la liberté, aussi, des journalistes qui
font ce métier d'observateurs leur profession et
respectueux également de l'intérêt public. Nous croyons que
la puissance de la publicité des décisions et du prestige du
Conseil de presse seront des atouts suffisants pour nous dispenser, à ce
moment-ci, d'inclure ou d'introduire dans notre métier ou dans notre
organisation professionnelle ou chez les éditeurs un organisme aux
pouvoirs exécutoires qui pourrait, à court comme à long
terme, être peut-être plus dangereux que bénéfique.
Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Communications.
M. L'ALLIER: M. le Président, nous venons d'entendre une
description de ce que sera le Conseil de presse. Les objectifs définis
sont très nobles et aussi extrêmement ambitieux. Les moyens pour y
parvenir, si tout fonctionne normalement, m'apparaissent valables. Il faut
cependant tout de suite vous poser une question pour voir de quelle
façon tout pourra démarrer et fonctionner. Je comprends qu'il
appartiendra au conseil, une fois formé, d'éta-
blir son calendrier et ses échéances. Mais est-ce que vous
pourriez à ce stade-ci nous dire quel est le calendrier
préliminaire, de façon précise, tant de la formation du
conseil comme tel que des premiers mandats qui lui seront confiés?
M. LE PRESIDENT: M. Bureau.
M. BUREAU: M. le Président, sans mettre de date précise
sur le calendrier, nous avons quand même prévu nommer le
président d'ici la mi-avril. Nous nous sommes fixé
l'échéance de la mi-avril pour la nomination du président.
Vous avez vu, par la constitution que vous avez devant vous, que le
président soumet par la suite aux six représentants des
journalistes et aux six représentants des entreprises de presse des noms
de gens qui seraient appelés, éventuellement, à faire
partie du Conseil de presse comme représentants du public et qu'il faut
à chaque candidature les deux tiers des voix de chacun des deux groupes
de six pour que la candidature soit acceptée.
Donc, dans un premier temps, nous voulons choisir le président
d'ici la mi-avril. Nous prévoyons qu'entre la mi-avril et la fin mai,
les représentants du public seront choisis. Nous croyons pouvoir en juin
organiser matériellement le travail de façon à commencer
en juillet à agir comme Conseil de presse. Les représentants des
éditeurs et les représentants des journalistes seront
eux-mêmes choisis au cours du printemps.
Comme il n'y a pas de relation entre le choix des représentants
des éditeurs et des journalistes et le choix du président
parce que le choix du président est laissé aux associations et
non pas aux six personnes qui siégeront au Conseil de presse les
deux peuvent se faire en même temps. Ce sont les grandes étapes
qui doivent nous mener jusqu'au 1er juillet, date où le Conseil de
presse pourrait commencer à fonctionner. Et je vous ai dit tout à
l'heure que l'audition des plaintes serait vraisemblablement reportée
à la fin de 1971 pour nous donner le temps d'établir des
mécanismes, nous donner le temps de régler des problèmes
de juridiction et pour établir les normes, et les faire
connaître.
Est-ce que ça répond à votre question, M. le
ministre?
M. L'ALLIER: Oui.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au sujet des objets mentionnés à
l'article 2, objets sur lesquels il y a eu entente, je voudrais poser une
question aux deux représentants qui se sont exprimés
tantôt, à M. Bureau et à M. Gariépy. La question
sera la suivante: Est-ce qu'il y a des objets qui ont été
discutés mais qui n'ont pas été retenus, soit par une
partie ou par l'autre?
Est-ce qu'il y a des objets que les représentants des
éditeurs auraient voulu voir inscrire dans le mandat, dans les
reponsabilités du Conseil de presse et que l'autre partie n'a pas
acceptés? Et est-ce qu'à l'inverse il y a des objets que la
Fédération des journalistes auraient voulu voir inscrire et ques
les éditeurs n'ont pas acceptés?
M. BUREAU: Je répondrai pour la partie des entreprises de presse.
Si on se reporte à il y a 16 ans, au début des pourparlers du
Conseil de presse, il y a une très grande différence entre les
objets qui, à ce moment-là, étaient
présentés et ceux qui sont signés aujourd'hui. Mais si on
se reporte à il y a quatre ans, quand vraiment les pourparlers ont
repris en présence des deux groupes, parce que c'était simplement
fait au niveau des journalistes entre eux, les entreprises de presse se sont
associées à ces négociations et ces pourparlers ont
été faits sur cette base-là.
Depuis quatre ans, je ne crois pas que des objets aient
été écartés des objectifs du Conseil de presse par
l'une ou l'autre des parties. Je dois dire que, quant à la
phraséologie utilisée, il y a des termes qui ont
été remplacés, à un moment donné, des
nuances ont été apportées. On ne peut pas dire que c'est
mot à mot ce qui avait été soumis il y a quatre ans, mais,
dans l'esprit des objectifs, je pense qu'il n'y a pas eu de changements. Si on
se reportait au texte d'il y a quatre ans et qu'on le lisait
parallèlement à celui-ci, on verrait qu'on a ajouté, par
exemple, l'émission de cartes d'identification, la question de rapport
intérimaire ou de rapport annuel faisant état de la situation au
Québec.
On a ajouté des choses, mais on n'a rien retranché,
à ma connaissance, je ne pense pas.
M. LE PRESIDENT: M. Gariépy.
M. GARIEPY: Je souscris tout à fait à cette
réponse, en y ajoutant ceci : un fantôme a plané à
un moment donné sur le Conseil de presse, en tout cas dans nos esprits
à nous, et qu'on a fini par dissiper. C'est que, dans le Conseil de
presse britannique, il y a un article bien précis un objet du
Conseil de presse britannique qui est de faire connaître
publiquement tout acte qui peut mener à la création d'une plus
grande concentration ou d'un monopole, incluant les changements de
propriété ou le contrôle de la croissance des entreprises
de presse, et de publier des informations statistiques relatives à ce
projet.
Or, si cette fin possible d'un Conseil de presse n'a jamais
figuré dans les textes qu'on s'est échangés depuis des
années, il reste que nous avons été sur notre
réserve, ou sceptiques à un moment donné, lorsqu'on s'est
dit qu'il ne faudrait pas que la création du Conseil de presse laisse
croire qu'il s'agit là d'un organisme qui pourrait en lui-même
constituer un chien de garde ou un frein à la croissance ou à
l'augmentation du phénomène de la concentration. Nous
ne croyons pas qu'un conseil sans pouvoir exécutoire, et aussi
à cause de sa composition, puisse vraiment être un outil
efficace.
Nous croyons que la responsabilité n'est pas celle du conseil,
mais celle de l'Etat. C'est notre avis comme fédération. Nous
avons eu, non pas une confrontation, mais des échanges de vues
là-dessus avec nos interlocuteurs patronaux pour nous assurer
qu'effectivement, dans leur esprit comme dans le nôtre, ceci
n'était pas une finalité du conseil et qu'on ne le
présenterait pas comme tel. Nous nous sommes bien gardés je
pense, lors de notre comparution devant la commission parlementaire
l'année dernière et ensuite devant la commission Davey, de ne pas
laisser croire qu'en créant ce Conseil de presse nous voulions mettre un
écran de fumée ou un organisme précédant le
gouvernement ou empêchant le gouvernement de prendre les
responsabilités qui sont siennes.
Cela répond indirectement à la question de M. Cloutier.
Cet article-là n'a jamais figuré, donc nous ne l'avons pas
retranché; nous nous sommes tout simplement précisé
mutuellement nos points de vue là-dessus. IL est par ailleurs exact que,
dans les pourparlers des deux dernières années, nous avons
étendu les objets du Conseil de presse. M. Bureau vous a signalé
à quel point de vue. Nous avons, en particulier au point 3,
ajouté non seulement le libre accès de la presse aux sources
d'information mais également la notion de protection des sources
d'information. Cela ne veut pas nécessairement dire "secret
professionnel". Cela s'inscrit dans cette démarche que nous croyons
nécessaire, c'est-à-dire que la presse non seulement ait
accès aux sources d'information mais qu'un organisme comme le Conseil de
presse puisse également intervenir pour protéger les sources
d'information essentielles de la presse.
Nous avons aussi ajouté je répète ce qu'a
dit Me Bureau là-dessus la fonction d'étude et de
recherche permanente ainsi que le rôle d'émission de cartes
annuelles d'identité.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci, M. Ga-riépy. Je m'attendais que,
dans la réponse, on mentionne, en particulier, ce problème de la
concentration. J'ai une autre question à vous poser. Vous avez
délimité les objets du Conseil de presse; il reste qu'il y aura,
en pratique, à élaborer des modalités, à
préciser davantage chacun de ces points-là. Est-ce que, du
côté des éditeurs comme du côté des
journalistes, on a la même conception des normes d'éthique
professionnelle? Est-ce que les éditeurs feront valoir les points de vue
qui, à certains moments, pourront être divergents de ceux de la
profession des journalistes?
M. LE PRESIDENT: M. Gariépy, M. Bureau a demandé la
parole.
M. BUREAU: J'ai demandé la parole pour ajouter une chose à
la réponse de M. Gariépy à la première question de
M. Cloutier, si vous me le permettez. Au sujet de la question de la
concentration, il y a une raison bien particulière qui fait que cela
n'apparaît pas dans le texte de la constitution du Conseil de presse et
que cela apparaît dans le Conseil de presse britannique. C'est que, dans
le Conseil de presse britannique, cela avait été inclus dans le
mandat original, parce que je vous ai dit tout à l'heure quelle
était historiquement la motivation et la création de ce Conseil
de presse. Chez nous, étant donné qu'il y avait
déjà un organisme qui existait et qui est la Loi d'enquête
sur les coalitions, nous n'avons même pas jugé à propos de
l'inclure là-dedans parce qu'il y avait déjà une
juridiction qui s'occupait de ces problèmes de concentration, monopoles,
coalitions, etc. C'est une des raisons pour lesquelles, de notre
côté, il n'était même pas question d'inclure
ça là-dedans.
Je souscris à ces remarques concernant le fait que nous ne
croyons pas que le Conseil de presse ait le rôle que la commission
d'enquête sur les coalitions peut avoir concernant les
phénomènes de concentration. Nous ne voulons pas du tout
prétendre que le Conseil de presse peut agir là-dedans si ce
n'est, très indirectement, dans le fait que, si à un moment
donné des phénomènes de concentration, monopoles ou autres
activités de ce genre entraînaient ou constituaient une atteinte
à la liberté d'information, à ce moment-là, le
premier objet du Conseil de presse est assez large pour que sous cet
aspect-là non pas sous l'aspect de la transaction elle-même
sous l'aspect de l'effet que cela peut créer, une plainte puisse
être entendue devant le Conseil de presse concernant ce fait.
Quant à la deuxième question, M. Gariépy va y
répondre. Si j'ai des choses à ajouter...
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais ajouter quelque chose à ma
question. Vous comprenez à quel aspect je veux en arriver. Je veux
souligner un point particulier. Je demande s'il peut y avoir des divergences
d'opinions quant aux critères qui peuvent être discutés et
sur lesquels il peut y avoir entente. Il peut arriver aussi que dans les
négociations par exemple avec les syndicats des journalistes
ce problème-là se discute aussi sous l'aspect des
négociations: question de critère, question d'éthique
professionnelle. C'est pour ça que je demande si vous prévoyez
des difficultés d'abord entre les représentants des deux groupes
et quelles peuvent être les implications syndicales sur ce
deuxième paragraphe en ce qui concerne l'éthique
professionnelle.
M. GARIEPY: M. le Président, M. Bureau a signalé tout
à l'heure que la préoccupation de l'éthique ou de la
déontologie existe chez les journalistes et chez les éditeurs
depuis nombre d'années. Nous ne pouvons pas nous réclamer
à
ce moment-ci d'un consensus universel et chez les journalistes et chez
les éditeurs ou même dans chaque bloc pris
séparément. Sur une question comme celle-là, justement
parce qu'une démarche conjointe n'a jamais été
entreprise.
C'est peut-être pour cette raison qu'il faut croire que les codes
d'éthique qui ont pu être rédigés je pense,
en particulier, à la charte d'intégrité professionnelle
mise au point en 1964, si je ne m'abuse, par l'Union canadienne des
journalistes de langue française n'ont jamais eu d'effet pratique
très considérable. L'UCJLF, cette année-là,
après plusieurs mois et années d'étude, voulait nous
donner un code d'éthique professionnelle. De même, certaines
associations d'éditeurs M. Bureau pourra préciser
là-dessus possèdent des documents ou des chartes
d'éthique professionnelle. Ce qui est important, c'est que cette
conception de l'éthique n'a jamais été faite de
façon intégrée, autrement dit pour couvrir tout le
processus.
En matière d'éthique professionnelle, il y a en ce moment,
davantage un consensus ou une tradition morale, si l'on veut, qui rend
inacceptables certains gestes que des documents écrits qui engagent des
gens. Encore, faudrait-il préciser là-dessus que, dans certaines
conventions collectives signées entre des syndicats de journalistes et
des éditeurs, il y a un certain nombre de clauses professionnelles qui
ont trait à des questions d'éthique directement ou indirectement.
Pour vous donner un exemple qui illustre un peu, non pas le dilemme, mais la
difficulté de la situation, supposons qu'entre journalistes nous nous
donnions un code d'éthique, par exemple, qui interdise formellement,
comme c'est convenu assez généralement, à un journaliste
d'accepter $25 d'une organisation qui donne une conférence de presse
afin de faire faire un meilleur papier. Cette forme de corruption à
proscrire évidemment, on pourrait l'interdire, nous, en ne touchant que
les journalistes.
Mais si, de son côté, l'entreprise de presse X a des
méthodes commerciales telles qu'elle va, par exemple, accepter plusieurs
milliers de dollars pour présenter comme un simple reportage ce qui est
en réalité de la publicité payée, il y a un trou
énorme dans le système. Vous me comprenez. Il faut que cette
notion de déontologie s'applique à l'ensemble du processus
d'information. C'est sûr que les responsabilités légales,
entre autres, des éditeurs et des journalistes ne sont pas
nécessairement les mêmes. C'est sûr que le contexte de
travail que nous faisons de part et d'autre n'est pas le même. Mais ce
que nous voulons faire avant de commencer à recevoir des plaintes
justement en vertu d'une législation qui n'existe pas nous ne
croyons pas à la rétroactivité en ces matières
c'est de nous entendre non seulement entre nous, mais en présence
du public, parce qu'encore une fois l'éthique professionnelle vise
à protéger finalement le consommateur d'information, le citoyen
qui s'informe.
Nous voulons prendre quelques mois non pas pour rédiger un code
d'éthique du genre petit catéchisme en 84 articles
prévoyant toutes les situations, mais pour nous entendre sur une
dizaine, une douzaine ou une quinzaine cela reste à voir
de normes fondamentales de déontologie en matière de presse. Ces
normes seront publiées. C'est à partir de ces normes, qui seront
les critères du Conseil de presse, que pourront ensuite être
reçues des plaintes sur des cas d'espèce.
Est-ce que je réponds suffisamment à votre question, M.
Cloutier?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui. J'aimerais maintenant entendre la
réponse de M. Bureau.
M. BUREAU: Je pense, M. Cloutier, que le principal problème qui
peut exister au sujet des normes d'éthique, c'est leur application ou
leur acceptation par ceux qui ne font pas actuellement partie des groupes
signataires. Je pense que c'est là vraiment qu'il peut y avoir des
problèmes. Ce n'est pas pour nous lancer des fleurs, comprenons-nous
bien, mais avant d'accepter un Conseil de presse, il a évidemment fallu
que nous nous rendions compte jusqu'où cela allait et ce que cela
impliquait pour chacun de nous. Quand je dis pour chacun de nous, je parle de
chacune des entreprises de presse, comme des journalistes. Cette question de la
déontologie ou des normes de qualité qui devraient
éventuellement être mises en code et être suivies,
évidemment, on en a déjà discuté. Il y a
déjà un consensus au niveau des entreprises de presse je
suis convaincu que cela existe déjà en grande partie au niveau
des journalistes sur un tas de règles ou de normes
d'éthique que l'on s'attendait à voir codifiées et
utilisés par le Conseil de presse.
Je pense que ça faisait partie de la démarche visant
à convaincre les gens d'embarquer dans le Conseil de presse. A partir du
jour où ils seront embarqués, les problèmes ne seront pas
très grands d'en arriver à une entente avec les journalistes
concernant ces codes d'éthique professionnelle. Je pense que le plus
difficile sera d'aller chercher ceux qui ne font pas partie des groupes
signataires et de les amener à y adhérer parce qu'ils n'ont pas
suivi le processus d'engagement que nous avons suivi depuis quatre ans.
Ils n'ont pas participé aux discussions comme nous l'avons fait,
ils n'ont pas étudié ces problèmes comme nous l'avons
fait, ils ne sont peut-être pas aussi convaincus que nous le sommes de
l'opportunité d'agir de cette façon.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-il possible, en pratique, une fois que vous
en serez venus à une entente sur un cadre au sujet de l'éthique
professionnelle, que dans les négociations, dans des renouvellements de
convention collective, surtout de groupes qui ne font pas
partie, actuellement, qui n'ont pas manifesté leur intention de
faire partie du Conseil de presse, qu'il y ait des clauses de conventions
collectives qui viennent en contradiction avec le cadre ou la charte que vous
auriez établie même si elle est générale? Quelle
serait, à ce moment-là, la façon de régler le
problème?
M. BUREAU: Je dirais, par expérience, que premièrement les
groupes qui n'en font pas partie sont généralement non
syndiqués. Donc, le problème des conventions collectives ne se
présentera pas chez eux.
Deuxièmement, ceux qui sont syndiqués et qui ne font pas
partie du Conseil de presse, dans certains cas que je connais, il y a
déjà, dans leur convention collective, des normes qui ressemblent
à ce que nous appellerons un code d'éthique professionnelle.
Alors je ne vois pas de problème. Je ne vois pas qu'on puisse,
même de l'extérieur ou même à l'occasion de
conventions collectives, établir des normes qui seraient en
contradiction avec celles que pourrait établir le code d'éthique
du Conseil de presse.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci. M. le Président, j'aurais une
question à poser sur un autre sujet mais s'il y a des collègues
qui veulent parler sur ce sujet...
M. LE PRESIDENT: Personnellement, j'aurais peut-être une question
à poser aux deux groupes: Combien y a-t-il d'entreprises de presse dans
l'organisme et combien ne font pas partie de l'organisme? Je poserais la
même question à M. Gariépy en regard des journalistes.
M. BUREAU: Au point de vue de la représentativité, le
tableau n'est pas très compliqué. Si nous prenons, par exemple,
les quotidiens du Québec, déjà onze des quatorze d'entre
eux ont adhéré au Conseil de presse. Ces quotidiens sont:
L'Action, le Soleil, le Quebec Chronicle Telegraph, le Sherbrooke Daily Record,
la Tribune, la Voix de l'Est, le Nouvelliste, la Presse, le Montreal Star, le
Montréal-Matin, la Gazette et le Droit. Quant au Droit, je le mets entre
parenthèses parce qu'il est sur la clôture entre Hull et Ottawa.
Alors il y a une question de juridiction qu'il faudra régler.
Les absents, parmi les quotidiens du Québec, sont: Le Devoir, le
Journal de Montréal et le Journal de Québec.
Quant à l'ACRTF, c'est-à-dire l'Association canadienne des
radiodiffuseurs et télédiffuseurs de langue française, il
y a actuellement 47 membres dans la province de Québec qui sont
représentés par cette association qui, elle, a
adhéré au Conseil de presse. Il y a seulement un poste, dans la
province de Québec, qui ne fait pas partie de l'ACRTF. Alors encore
là, au point de vue de la représentativité, c'est assez
complet.
Il y a des absents au niveau de la radio et de la
télévision. D'abord la radio et la télévision
d'Etat ne font pas partie, actuellement, du Conseil de presse et ne font pas
partie de l'ACRTF. Je parle de Radio-Canada, évidemment, la radio et la
télévision anglaises et françaises. Deuxièmement,
il y a les postes de radio privés de langue anglaise qui ne font pas
encore partie de l'ACRTF et qui ne font pas partie non plus du Conseil de
presse, pour le moment.
Quant aux hebdos ou aux périodiques, les Hebdos du Canada
groupent une centaine de journaux publiés à travers la province
de Québec en langue française. Il y en a beaucoup plus que cela.
Il y en a environ 160 e nombre varie de semaine en semaine il y
en a peut-être de 160 à 175, suivant un dénombrement
récent, de langue française et de langue anglaise,
imprimés, publiés et distribués au Québec. Parmi
ces hebdos, il y en a une centaine, comme je l'ai dit, qui font partie des
Hebdos du Canada. Ce sont ce qu'on appelle des hebdos régionaux. Il y a,
à côté de ces hebdos, qui ne font pas partie des hebdos et
qui ne sont pas représentés au sein du Conseil de presse, tout ce
qu'on appelle les hebdos de variété, les hebdos dits "pop" par le
sénateur Davey. Cela comprend les hebdos concernant les vedettes ainsi
que les hebdos du genre Allo-Police, Photo-Police, Minuit, Midnight, etc.
Il y a également les hebdos qu'on appelle les hebdos nationaux
qui sont, soit les hebdos du dimanche: Dernière Heure,
Québec-Presse, Dimanche-Matin, Sunday Express. Il y a aussi La Patrie,
Photo-Journal, le Petit Journal qui ne font pas partie du groupe des
hebdos.
Ce sont les absents par rapport aux présents à l'heure
actuelle. Comme on le voit, sur le plan de la représentativité,
tant du côté des quotidiens de langue française et de
langue anglaise que du côté de la radio et des hebdos
régionaux, c'est presque une représentation à 100 p. c. Il
reste à aller chercher les périodiques genre Sept-Jours,
Actualité, les périodiques de vedettes, les périodiques du
dimanche, les périodiques nationaux et les postes de radio et de
télévision de langue anglaise.
Est-ce que cela répond à votre question, M. le
Président?
M. LE PRESIDENT: Nous pourrons y revenir, si vous voulez. Avez-vous des
questions à poser sur la représentativité aux entreprises
de presse?
M. LEDUC: M. Bureau excusez-moi M. Garie'py, mais je pense que la
question s'adresse beaucoup plus à M. Bureau ayant
été et étant encore en publicité, il y a un certain
nombre de journaux avec qui nous faisons affaires et lorsque nous
décidons à l'occasion de placer une annonce d'un quart de page ou
d'une demi-page, les représentants du journal en
question nous diront: Si vous prenez trois annonces d'une demi-page,
nous vous donnerons un espace pour un communiqué. On nous donne
effectivement l'espace et nous publions ce que nous voulons. Il n'y a aucune
censure qui est faite par le journal. Tout ce qui intéresse le journal,
c'est de vendre son annonce. Inutile de dire que nous faisons des
communiqués qui sont professionnels, mais la porte est quand même
ouverte pour que dans ces communiqués nous influencions le public et que
l'information que nous lui donnons soit plus que biaisée en faveur de
notre produit plutôt que d'un autre. Pour nos clients c'est excellent,
mais je pense que pour le public c'est désastreux. Je me demande quel
sera le rôle du Conseil de presse, s'il doit jouer un rôle de ce
côté pour inciter les journaux à nous vendre de l'annonce
pour ce que vaut le journal, d'après sa circulation et le public qu'il
rejoint, et non pas à nous donner une prime ou un bonus où nous
disons ce que nous voulons, annonçant et dépensant un peu plus
dans ce journal.
Je crois que c'est un danger et je suis convaincu que vous en êtes
conscient. Il y a une certaine catégorie de journaux qui sont
très ouverts à cette collaboration qui est très
dangereuse.
M. BUREAU: Heureusement, il y en a toute une catégorie qui ne
l'est pas, par contre. Je répondrais que, dans la plupart des
entreprises de presse qui acquièrent une certaine taille, ces
méthodes ne sont pas acceptées. Quand il arrive de publier des
communiqués, ils sont identifiés comme étant des
communiqués ou comme étant du publi-reportage. Il arrive
cependant que, dans certains journaux, l'on accepte ce genre de
publicité camouflée. Sans vouloir tenir pour acquis que ce que je
pourrais dire serait suivi par le Conseil de presse, j'ai bien l'impression que
c'est une des choses qui va certainement intéresser le Conseil de presse
et qu'il va étudier. Il est fondamental que le public lecteur soit
prévenu qu'il s'agit de publicité ou qu'il s'agit s'information.
On va même plus loin et on a l'habitude d'identifier ce qui est analyse,
ce qui est commentaire par rapport à ce qui est information de
façon que le lecteur sache très bien d'avance ce qu'on lui offre,
s'il s'agit d'une analyse, s'il s'agit d'un commentaire du journaliste ou s'il
s'agit d'une pure information. Quand je dis pure, il faut faire attention, je
veux dire s'il s'agit de l'information simple. Est-ce que je réponds
à votre question, M. le député?
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Bureau. Sur la
représentativité, M. Gariépy, puis ce sera le
député de Lévis.
M. GARIEPY: Avec votre permission, M. le Président, je
répondrai à la fois sur la représentativité et sur
la question posée auparavant par
M. Cloutier en ce qui concerne les interférences possibles avec
les conventions collectives.
Je dois d'abord dire que la Fédération ne peut pas parler
en matière de convention collective au nom de ses membres, pas
même de ses membres syndiqués. Pour la raison suivante: la
Fédération est un organisme qui a une structure peut-être
un peu originale, mais qui se fonde tout simplement sur les
réalités telles que nous les vivons au Québec. Les
journalistes étant organisés sur le plan syndical professionnel
de façon très diverse d'une région à l'autre, en
créant cette fédération nous avons créé un
trait d'union et un outil de travail se fondant sur les groupes tels que les
journalistes les avaient constitués pour répondre à leurs
besoins.
Nous ne bénéficions donc que d'une
délégation de pouvoirs limitée aux questions d'ordre
typiquement professionnel. En conséquence, même comme
fédération avant d'arriver au Conseil de presse
nous n'intervenons pas dans les juridictions proprement syndicales. Nous ne
négocions pas de conventions collectives, nous n'intervenons pas dans
les conflits qui surviennent entre un syndicat et un employeur, par exemple,
dans la mesure où il y a déjà des mécanismes de
grief et d'arbitrage, exécutoires d'ailleurs, qui sont en vigueur.
Avec le Conseil de presse, une chose peut arriver et c'est une situation
qui peut peut-être sembler paradoxale, mais qui pourrait arriver
je n'engage pas les syndicats, comprenez-moi bien, en disant cela . Par
exemple, un Conseil de presse, ayant été saisi d'une plainte
contre un journaliste en particulier, formule publiquement un blâme
à son endroit. Le Conseil de presse lui-même n'a pas le pouvoir de
congédier ou de suspendre qui que ce soit. Mais supposons qu'à la
suite de cette plainte l'employeur décide de suspendre ou de
congédier ce journaliste. Le syndicat tout en étant soucieux des
questions professionnelles, est quand même mandaté pour
défendre ses membres, pour utiliser ses mécanismes de
défense. Il est donc très possible que le syndicat loge un grief
et défende ce membre en vertu de la convention collective et par
l'instance propre qui est celle du mécanisme d'arbitrage.
Il y a immixtion dans ce sens-là, mais je ne pense pas que l'on
puisse parler d'immixtion, parce que ce sont des juridictions
différentes tout simplement. Il est possible et cela
relève entièrement des syndiqués et de leurs employeurs
qu'à l'avenir les conventions collectives qui comme je le
signalais tantôt, contiennent déjà certaines
références minimales d'une éthique professionnelle, il est
possible, dis-je, que les normes d'éthique ou de déontologie qui
seront établies par le Conseil de presse soient incluses ou reprises
dans les conventions collectives et servent de modèle, là aussi,
pour le règlement des causes à l'intérieur des
mécanis-
mes syndicaux et patronaux. Mais cela est de l'anticipation; on verra ce
qui va se passer.
En ce qui concerne la représentativité, nous
fédérons en ce moment treize groupes. Il existe, selon une
évaluation extrêmement artisanale, à peu près entre
1,100 et 1,200 journalistes, au sens où nous le définissons, des
deux langues, au Québec. Tous ces journalistes, et il s'en faut, ne font
pas partie d'associations à caractère professionnel, locales ou
régionales, ou de syndicats de journalistes, ou de syndicats
d'entreprises. En fédérant treize groupes dont certains
sont petits par le nombre, avec six ou sept membres, d'autres très
considérables avec 250 ou 260 membres nous arrivons à
environ 700. Je dis environ 700, parce que notre liste officielle de membres
doit être révisée rétroactivement au 1er janvier
dernier; elle n'est pas complétée, tous les organismes membres
n'ayant pas remis à jour leur liste. Cela peut donc être 690 comme
cela peut être 720, je ne sais pas, mais c'est autour de 700 membres.
Vous allez dire que 700 sur 1,200, ce n'est pas une
représentativité totale, nous en sommes conscients.
Je dois dire qu'à moins d'ouvrir la participation à la
fédération à des membres individuels, qui
adhéreraient à la fédération à titre
personnel, il n'y aura pas moyen, de notre côté, d'aller jamais
chercher théoriquement le maximum du potentiel. Cela est normal dans la
mesure où ce n'est pas un organisme, de toute façon, à
adhésion obligatoire. Deuxièmement, nous n'entendons pas
justement on verra ce que les congrès ultérieurs
pourraient décider là-dessus jusqu'à
présent, en tout cas, par un consensus assez énorme, avoir deux
sortes de membres, les membres personnels et les membres collectifs. Ceci parce
nous avons actuellement certaines régions où la
fédération ne couvre aucun journaliste, par exemple tout le
Nord-Ouest québécois, l'Abitibi et le Témiscamingue.
Or, dans cette région, il y a peut-être deux ou trois
journalistes qui, individuellement, seraient assez motivés pour envoyer
un chèque en paiement d'une carte d'adhésion à la
fédération. Cela nous ferait quelques membres de plus, mais nous
refusons, par nos règlements, ce genre d'adhésion parce qu'il ne
s'agit pas simplement d'additionner des membres, il s'agit aussi et cela
est capital, en nous basant sur l'expérience de dix ou quinze ans de
l'UCJLF avant nous d'avoir un organisme qui puisse communiquer avec ses
membres pour qu'une communication dans les deux sens puisse se faire.
Nous préférons de beaucoup avoir un organisme qui sert de
palier intermédiaire, dont nous pouvons réunir les dirigeants,
leur soumettre un projet, leur donner un mois, cinq ou six semaines et leur
dire: Consultez vos membres à ce sujet et revenez-nous en conseil
provincial dans six semaines, que d'avoir des membres atomisés ou
éparpillés à 900 ou 1,000 milles à travers la
province et que l'on pourrait rejoindre seulement par lettre. Vous savez que le
taux de réponse aux lettres, chez les journalistes comme chez n'importe
qui, n'est jamais très élevé.
Il y a des gens, en ce moment, dans certaines régions de la
province, qui voudraient adhérer à la fédération.
La seule réponse que nous leur faisons c'est: Si vous voulez
adhérer à la fédération, donnez-vous d'abord une
structure régionale, que ce soit à caractère syndical ou
que ce soit à caractère purement professionnel ou social, c'est
votre responsabilité d'en décider. Mais, organisez-vous d'abord
sur le plan local ou régional, ayez un organisme qui aura une certaine
vitalité, qui se réunira, qui pourra assumer certaines fonctions
locales et régionales et là, vous serez mûrs pour vous
raccrocher à la fédération au même titre que les
autres groupes.
Voici quelques caractéristiques sur les treize associations: nous
groupons, parmi les associations membres, le Syndicat des journalistes de
Montréal, qui vient de changer son nom encore que ce ne soit pas,
je pense, "officialisé" au niveau du gouvernement en celui de
Syndicat général des communications et qui touche, à
Montréal, les journalistes de La Presse, du Devoir, de
Montréal-Matin, de La Patrie, du Petit Journal, de Photo-Journal, de
Dernière Heure, de Québec-Presse, ainsi que plusieurs nouvelles
sections, notamment dans le domaine des hebdos et de la radio dans la grande
région métropolitaine, que ce soit à
Saint-Jérôme, à Drummondville ou dans certains postes de
radio de Montréal; ici, à Québec, le Syndicat des
journalistes de Québec qui touche les journalistes du Soleil et de
L'Action, plus une petite association pour les cadres d'information de ces
journaux qui ne sont pas couverts par le syndicat; nous avons également
un Syndicat général du cinéma et de la
télévision, ce sont les salles des nouvelles anglaises et
françaises de Radio-Canada, à Montréal et à
Québec, à l'exclusion d'Ottawa; nous avons, principalement
à Montréal, une soixantaine de journalistes de langue anglaise
qui font partie d'une association relativement nouvelle formée
après la fédération: l'Association des journalistes de la
presse anglaise du Québec.
En dehors de Montréal et de Québec, il faut mentionner,
dans la région de l'Outaouais, l'Association professionnelle des
journalistes de l'Outaouais qui touche une bonne proportion des journalistes du
Droit c'est un organisme à adhésion volontaire un
certain nombre de journalistes de Radio-Canada et de la radio privée de
Hull. Nous touchons l'Association des journalistes du Coeur du Québec,
c'est-à-dire la Mauricie. Là, les plus grands effectifs sont
évidemment au Nouvelliste, mais on ajoute à cela ceux des postes
de radio et des hebdomadaires de la Mauricie. Dans les Laurentides, au nord de
Montréal, nous avons l'Association professionnelle des journalistes des
Laurentides
et de Lanaudière, dont les deux pôles principaux sont
Saint-Jérôme et Joliette. Nous avons le Cercle des journalistes du
Saguenay, organisme qui existe depuis une vingtaine d'années et qui
touche la presque totalité des journalistes je pense que les
exceptions se comptent à l'unité des deux régions
du Saguenay et du Lac-Saint-Jean. Nous avons également les journalistes
de Victoriaville qui ont un club de presse local; nous avons les journalistes
de Télé-Métropole qui ont une association professionnelle
maison, non syndicale; les journalistes de CKAC; de même à
Radio-Canada, une quarantaine de journalistes, qui ont le statut de pigistes et
qui travaillent aux émissions d'affaires publiques de Radio-Canada, ont
leur association: l'Association des pigistes en information. Voilà les
caractéristiques principales, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. L'honorable député de
Lévis.
M. ROY (Lévis): M. le Président, je crois que ma question
s'adresse à M. Bureau vu que c'est lui qui en a fait mention.
Je voudrais, pour le bénéfice de la commission, avoir un
peu plus de précisions sur les six membres indépendants qui
doivent faire partie du Conseil de presse. Je voudrais savoir si ces membres
seront recommandés par des associations de l'extérieur, soit
chambres de commerce, associations ouvrières, associations de
consommateurs, ou même par un parti politique quelconque?
M. BUREAU: Ce n'est pas une recommandation que vous faites?
M. ROY (Lévis): Non.
M. BUREAU: M. le Président, je répondrai de la
façon suivante: dans notre esprit parce que ce n'est pas nous
qui, éventuellement, aurons à les choisir ce groupe de six
laïcs, ces six membres du public, pour nous, c'est vraiment ce qui est le
plus fondamental de tout le Conseil de presse. C'est vraiment ce qui est le
plus important de tout le Conseil de presse. C'est probablement ce qui va nous
obliger à étudier le plus sérieusement quant à leur
participation au Conseil de presse parce qu'il faut vraiment qu'on sente que
ces gens sont représentatifs du public, sinon on manque notre coup avec
le Conseil de presse. C'est aussi simple que ça. Pour cela, une des
premières choses qui nous apparaît et là, si M.
Gariépy n'est pas d'accord, il me le dira c'est qu'on devrait
essayer d'éviter et ça peut paraître paradoxal
que ceux qui siégeront au Conseil de presse comme
représentants du public soient eux-mêmes identifiés
à quelque chose de très particulier.
C'est-à-dire qu'on voudrait que la représentation soit
assez générale, pour ne pas qu'on pense que n'importe qui qui
siège au sein d'une entreprise de presse est le représentant de
tel groupe.
Je m'excuse de donner cet exemple-là, mais c'est pour essayer de
me faire comprendre, si on avait Mme Casgrain au sein du Conseil de presse, on
aurait peut-être l'impression que Mme Cas-grain siège là
comme représentante de tel groupe auquel elle est très
identifiée. Cela, dans notre esprit, ne serait pas correct. On
préférerait que les gens qui siègent au sein du Conseil de
presse ne soient pas eux-mêmes identifiés à des groupes ou
à des noyaux particuliers de la société, que ce soient des
entreprises comme les chambres de commerce, que ce soit un conseil du patronat,
que ce soit un syndicat, que ce soient des partis politiques ou que ce soient
des choses comme ça; ça n'est pas notre objectif.
En tout cas, ce n'est pas comme ça que nous le voyons, nous. Nous
préférerions que les gens ne soient pas des mandataires
eux-mêmes mais soient vraiment des gens venant du public, avec des
préoccupations particulières, mais pas trop identifiés
à des mouvements. Evidemment, on est tellement représenté
et surreprésenté par toutes sortes d'associations qu'on pourra
difficilement, probablement, choisir quelqu'un qui n'est pas déjà
membre d'une association ou qui n'a pas déjà été
que quelque chose dans une association quelconque, fût-ce dans un parti
politique.
Mais, ça n'est cetainement pas notre objectif. Je ne sais pas si
ça répond à votre question.
M. ROY (Lévis): M. le Président, si vous me permettez.
Dans les circonstances, le type en question, il va falloir qu'il soit
recommandé par quelqu'un?
M. BUREAU: Oui, par le président. Le mécanisme
prévu à la constitution, c'est que le président du Conseil
de presse, qui, lui, est choisi à l'unanimité par les groupes
signataires, à son tour, propose une liste, aux six représentants
des journalistes et aux six représentants des propriétaires
d'entreprises de presse. Cela peut être 40 noms. Il peut y en avoir
douze, il peut y en avoir six, peu importe, il proposera une liste de gens
comme représentants du public, et c'est sur cette liste-là que
les parties devront essayer de se mettre d'accord, quant au choix des
représentants du public.
Les seules normes qu'on a voulu imposer quant au choix de ces
représentants apparaissent à la constitution et on demande que
ces membres soient choisis de manière à assurer une
représentation équitable des divers groupes
socio-économiques, compte tenu des diversités régionales
et culturelles.
Alors, c'est dans ce cadre très vaste qu'on veut laisser au
président le choix de ses sugges-
tions. Quant aux groupes eux-mêmes, ils ont le choix d'approuver
ou de désapprouver les suggestions, et on recommencera tant qu'on n'aura
pas six membres sur lesquels on sera d'accord.
M. LE PRESIDENT: M. Gariépy, voulez-vous donner votre opinion sur
la question?
M. GARIEPY: Oui. Encore une fois, c'est le président qui aura
l'initiative de proposer des noms et ça sera aux
délégués au Conseil de presse de les accepter ou de les
rejeter. Cependant, je dois dire que pour l'essentiel on s'entend, en tout cas
dans l'esprit du projet, pour que ces six membres représentant le public
n'aient pas des sièges alloués automatiquement à des
organismes bien identifiés. Par exemple, automatiquement un siège
à la CSN, un à la FTQ, un autre à la chambre de commerce,
un autre au Centre des dirigeants d'entreprises, un à universitaire et
puis à quelqu'un du mouvement coopératif dans le milieu, par
exemple.
C'est très facile de construire des équilibres sociaux
comme ça, en se fondant uniquement sur des organismes, mais l'ennui est
que les organismes en question ont eux-mêmes des intérêts,
si on veut, à défendre vis-à-vis de la presse. Enfin la
CSN, par exemple, son image dans la presse, ou la FTQ qui peut se plaindre que
les journaux favorisent la CSN à son détriment ou ainsi de suite.
Si les sièges sont alloués de cette façon-là, eh
bien, si un membre démissionne et qu'on ne nomme pas quelqu'un d'autre
de la CSN, il y aura une espèce de sentiment de frustration dans
l'organisme en cause. La nuance, c'est que nous voulons des membres qui soient
représentatifs des divers milieux socio-économiques, mais pas
nécessairement des différents organismes ou associations qui
travaillent déjà dans le milieu socio-économique.
Je ne pense pas que ça veuille dire non plus qu'on prenne six
personnes au hasard sur la rue, qu'on en fasse des jurés. Enfin, il faut
bien comprendre que ça ne sera pas notre intention, à nous en
tout cas. Nous verrons ce que le président proposera à nos
délégués mais, dans notre esprit à nous, il n'est
pas question d'allouer, surtout pas moyennant cotisation annuelle, un
siège à tel organisme ou à un tel autre.
M. LACROIX: Ce sera aussi facile de trouver ces membres-là que de
trouver des jurés au procès de Paul Rose.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: J'aurais des questions à poser à M.
Gariépy. Vous avez dit qu'il y avait 700 journalistes sur 1,200 à
part les exceptions que vous mentionnées sur les journalistes du
Nord-Ouest québécois.
Quelles sont les autres grosses catégories d'exceptions,
c'est-à-dire les journalistes qui ne sont pas couverts? Ma
deuxième question, est-ce qu'il y a une place pour les journalistes
étudiants dans votre fédération?
M. GARIEPY: A la première question, on a déjà fait
un relevé des secteurs à couvrir éventuellement. Je ne
peux pas vous donner une réponse très précise. En tout
cas, ad mentem, on a d'abord, à Montréal, en particulier, un
très fort groupe de journalistes non syndiqués parce que non
syndicables; je veux dire par là, occupant des fonctions de cadre, chef
de pupitre, adjoint au chef de pupitre, ou des fonctions de cadre dans les
salles d'information. Alors, seulement dans le secteur des quotidiens et des
grands hebdos, cela touche déjà presque une quarantaine de
personnes. A cela, il faut ajouter à Radio-Canada, les
réalisateurs d'émissions d'information ou d'affaires publiques
qui occupent une fonction de cadre équivalente, si l'on veut.
Numériquement, c'est un des blocs les plus importants.
Du côté anglophone, la fondation de l'Association des
journalistes de la presse anglaise a ouvert une porte extrêmement
intéressante, parce que ces journalistes, non seulement ne sont pas
syndiqués dans l'ensemble, mais n'avaient pas de tradition, ici au
Québec, de l'action collective. C'est donc une association à
adhésion volontaire. Elle a déjà, je pense, autour de 57
membres; elle a un potentiel, évidemment, beaucoup plus
élevé que cela. Elle pourrait, seulement à
Montréal, atteindre facilement 200 membres. On doit ajouter quelques
autres secteurs isolés. Parmi les groupes déjà
formés mais non affiliés, il y a le Journal de Montréal.
Les journalistes n'avaient pas d'association. Ils se sont maintenant
donné un syndicat. H n'y a pas d'affiliation de faite chez nous encore.
Il y a la Presse canadienne, à Montréal et à
Québec, où les journalistes ne sont pas syndiqués et n'ont
pas d'association. Il y a un certain nombre de postes de radio et dans les
régions et à Montréal qui ne sont pas avec nous. Dans le
cas de la radio généralement, surtout en dehors de
Montréal et de Québec, ce ne sont pas des effectifs très
importants. Là où il y a des associations régionales de
presse, généralement les journalistes de la radio et de la
télévision en font partie.
Comme régions géographiques, il y a également la
Côte-Nord et le Bas-Saint-Laurent où il existe un club de presse
qui regroupe, je pense, de quinze à vingt journalistes qui, pour des
raisons financières et de distance surtout, ne sont pas membres chez
nous, après l'avoir été, remarquez, la première
année.
Il y a, enfin, cela aussi sur le plan géographique, une
région que nous ne touchons pas, là où des organismes sont
en place et qui pourraient s'affilier à la fédération; ils
ont décidé de ne pas
le faire, ou en tout cas de suspendre leur décision pour un
certain temps. C'est leur liberté de le faire et je la respecte. Il
s'agit des journalistes, en particulier, de Granby et de Sherbrooke. Alors,
comme pôles importants, c'est là que se situent les effectifs que
nous ne touchons pas.
Je devrais ajouter aussi un certain nombre de journalistes de la presse
spécialisée. Quand je dis presse spécialisée, je ne
veux pas dire des publications faites par des entreprises comme des
sociétés pétrolières, par exemple, qui ont
publié une revue de prestige ou encore une revue à l'intention de
leurs employés. Il s'agit d'entreprises de presse véritables
comme Southam ou Maclean qui publient des magazines très
spécialisés, à caractère technique ou commercial.
En vertu des règlements de la fédération, les journalistes
travaillant dans ces entreprises de presse seraient admissibles à la
fédération. Nous n'avons pas de structure actuellement pour les y
accueillir.
Notre représentativité, maintenant, n'est pas parfaite.
Nous le disons, je pense, honnêtement. Elle est incomparablement
supérieure à ce qu'ont pu atteindre, en leur temps, l'UCJLF et
l'Alliance, même réunies. Mais la fédération est
toujours en construction, c'est-à-dire nous prévoyons qu'à
l'avenir nous pourrons réunir la plus grande proportion de journalistes
possible dans les secteurs que nous ne couvrons pas.
Enfin, quant aux journaux étudiants, malgré notre
sympathie très vive pour le journalisme étudiant, il a fallu, en
établissant des critères d'admissibilité à la
fédération, établir ce qu'était, pour nos fins
à nous, en tout cas, un journaliste. Et une des caractéristiques,
c'est que le journalisme soit son occupation principale,
régulière et rétribuée. Les étudiants sont
invités, parfois cela a été le cas lors d'un
colloque conjoint à Laval l'automne dernier et ils s'invitent
eux-mêmes et demandent de participer à nos congrès,
colloques ou réunions. Ils sont généralement les bienvenus
comme observateurs mais non comme membres.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au sujet du financement, je comprends qu'il est
trop tôt pour que le Conseil de presse ait établi un budget,
j'imagine.
Peut-être qu'on ne sait pas actuellement, non plus, de quel ordre
de grandeur sera ce budget. Mais on a, dans le Conseil de presse, deux groupes
qui n'ont pas les mêmes moyens financiers. Vous avez, d'un
côté, les entreprises de presse qui peuvent apporter une
contribution beaucoup plus substantielle au budget et au fonctionnement. Vous
avez, d'autre part, les journalistes qui paient chacun, j'imagine, une
contribution à leur association professionnelle.
Est-ce que l'idée de la dotation c'est juste- ment, pour soulager
ce budget, d'apporter des fonds additionnels, de façon que la
participation de chacun des deux groupes soit moins substantielle?
M. GARIEPY: C'est évidemment un des effets, sinon un des buts
recherchés. Je pense qu'il y a quand même autre chose. Il y a,
d'abord, le fait que, ce Conseil de presse étant conçu pour
servir le public, il ne nous paraît pas anormal que son financement
vienne en partie d'en dehors des entreprises de presse ou des journalistes.
En deuxième lieu, pour préserver l'indépendance du
conseil vis-à-vis de ses propres constituants finalement, ce qui nous
paraît important, on a cherché une formule qui assurerait une
diversité dans le financement du Conseil de presse, de sorte que, si une
association en particulier une des trois associaions patronales, par
exemple; cela pourrait être la moitié de nos effectifs chez nous
quittait le Conseil de presse, parce qu'elle n'est pas contente de telle
décision ou se servait du fait qu'elle paie une cotisation pour menacer
de rendre le conseil non viable, on puisse avoir quand même une marge de
sécurité.
A notre sens, les associations signataires s'engagent à fournir
l'essentiel c'est-à-dire une très grande partie; je pense
que ça représente, de part et d'autre, une somme importante, qui
nous met vraiment à contribution en tout cas, une partie
substantielle des revenus minimums du Conseil de presse. En pensant à la
fondation, on a voulu éviter, encore une fois, que le financement soit
uniquement à la merci des signataires et, deuxièmement, d'avoir
à faire des souscriptions annuelles auprès de compagnies, du
gouvernement, de qui que ce soit ou des syndicats, pour dire: II nous manque
$20,000 à $30,000 cette année; et, là, que le Conseil de
presse comme tel aille voir ces gens-là et leur demande de l'argent.
Il s'agit d'une fondation où l'on demandera non pas des
souscriptions annuelles, dans l'esprit du projet, mais davantage des dots de
naissance, si l'on veut. En tout cas, il s'agit de constituer un fonds dont les
revenus seront versés inconditionnellement au Conseil de presse. La
provenance de ces revenus relèvera de la compétence des
administrateurs de la fondation et non de celle du conseil. Nous visons, donc,
non seulement à nous délester d'un fardeau financier, mais nous
pensons notamment au pouvoir de recherche. Vous savez qu'on peut faire de la
recherche avec $1,000, $5,000 ou $20,000. La marge budgétaire d'un
Conseil de presse est assez grande, finalement, surtout par le haut. Elle est
compressible par le bas, mais, par le haut, ça peut monter très
vite. Ceux qui le désireront, des particuliers, des associations
syndicales, des entreprises industrielles, commerciales ou financières,
des corps publics, ceux qui croient au projet, ceux qui croient que cette
formule de protection des intérêts du public est valable
pourront faire des contributions à ce fonds de dotation. Je pense que la
formule retenue assure une certaine indépendance du conseil, à la
fois vis-à-vis de ses souscripteurs éventuels et de l'une ou
l'autre partie, du tiers ou du quart des membres actuels du Conseil de
presse.
Autrement dit, là comme ailleurs, la garantie
d'indépendance, on l'a trouvée, d'une certaine façon, dans
la diversité.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, tout à l'heure,
parlant de l'indépendance du Conseil de presse vis-à-vis du
gouvernement, M. Bureau disait que la subsistance de ce Conseil de presse
serait assurée par les cotisations des membres signataires, et, d'autre
part, par cette fondation dont on parle. Il écartait naturellement la
possibilité d'un financement par le gouvernement en ajoutant: "Au moins
dans le temps présent". Qu'est-ce que cela veut dire, M. Bureau, dans
votre esprit?
M. BUREAU: Tel que nous venons de l'exposer, nous voulons
répartir le financement de deux façons entre les cotisations et
la fondation. Il n'était pas question au départ de demander au
gouvernement de souscrire quoi que ce soit pour assurer le financement du
Conseil de presse et son expansion.
Nous voulons garder nos distances par rapport au gouvernement. Nous
voulons continuer à être un organisme volontaire, qui vit de ses
propres moyens, autant parce qu'il veut bien vivre... C'est là un
critère de l'état de l'information ou des entreprises de presse
ou du journalisme au Québec. Nous voulons donc garder une certaine
distance par rapport au gouvernement. Mais à partir du moment où
nous imaginons une fondation parallèle aux cotisations qui peuvent
entrer au Conseil de presse par les groupes constituants, il n'est
peut-être pas exclu éventuellement, si le gouvernement croit
lui-même dans l'institution qu'est le Conseil de presse, si le
gouvernement considère que le Conseil de presse fait oeuvre utile
auprès du public, il n'est pas exclu, dis-je, que le gouvernement
puisse, à un moment donné, verser une dot de naissance à
une fondation.
Ce nous nous voudrions éviter, c'est que ça prenne
l'allure d'un don annuel...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'une subvention.
M. BUREAU: ...d'une subvention qu'il faudrait renégocier
annuellement et qui mettrait possiblement en péril, d'année en
année, la subsistance du Conseil de presse. C'est dans ce sens-là
que nous parlons d'indépendance financière par rapport au
gouvernement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bureau, votre Conseil de presse se propose
de faire des recherches. J'imagine que certaines de ces recherches seront
faites via les universités.
M. BUREAU: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les universités étant
subventionnées par le gouvernement, vous aurez donc déjà
des moyens de subsistance provenant du gouvernement?
M BUREAU: Nous n'avons encore rien demandé. Deuxièmement,
nous allons vivre selon nos moyens. Troisièmement, si nous avons de la
recherche à entreprendre et que nous croyons que c'est le Conseil de
presse qui peut l'entreprendre de la façon la plus efficace et la plus
profitable pour le public, à ce moment-là, nous verrrons si nous
pouvons financer cette recherche ou non. Il est bien évident qu'il n'est
pas question de doubler le travail que pourrait faire l'université dans
tel ou tel domaine, que ce soit aux cours à Laval ou que ce soit
à l'Université de Montréal, où on est en train de
mettre sur pied un cours de maîtrise en information, ou que ce soit
ailleurs, par des groupes professionnels, comme la Fédération des
journalistes peut faire de la recherche, comme les quotidiens peuvent en
faire.
Si, un jour, les quotidiens du Québec décidaient d'en
faire, il faudrait qu'ils s'organisent pour le financer. Il n'est pas question
de doubler le travail fait ailleurs, bien sûr.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Bureau.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions que les membres de
la commission parlementaire voudraient poser, soit à M. Bureau, soit
à M. Gariépy?
Nous remercions les deux organismes que nous avions invités lors
de la première séance publique, soit sur la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec et
les entreprises de presses. Avant d'ajourner, j'aimerais dire à la
commission parlementaire que le comité directeur formé la semaine
passée se réunira d'ici le début de la session ou
dès les premiers jours de la session afin d'établir le calendrier
de la commission parlementaire. La date de la prochaine convocation sera
fixée par le gouvernement.
Programme de journalisme et d'information
M. GAGNON : Une question d'information purement et simplement. Je suis
Yves Gagnon, directeur du Programme de journalisme et d'information à
l'université Laval. L'équipe professorale du programme de
l'université Laval a considéré qu'il était de son
devoir de présenter quelques suggestions à la commission
parlementaire. Or, on nous a laissé entendre ce matin
que l'ordre du jour avait été rédigé de
telle sorte que nous pouvions difficilement nous intégrer aux
discussions de ce matin. J'aimerais savoir de la part du président et de
la commission à qui nous devrions nous adresser et quand nous devrions
le faire pour pouvoir présenter ces suggestions avant que le travail ne
soit terminé.
M. LE PRESIDENT: Vous n'êtes pas sans savoir, M. Gagnon, que
lorsqu'un organisme ou des individus veulent produire des documents rencontrer
le secrétaire des commissions de l'Assemblée nationale du
Québec, M. Gelly. Cependant, nous avons reçu ce matin à la
Commission parlementaire sur la liberté de la presse, les suggestions du
programme de journalisme et d'information, et le comité directeur verra
ce document.
M. GAGNON: J'ai rencontré M. Gelly ce matin, évidemment.
Le document a été préparé cette semaine. Dans les
prochains jours, je rencontrerai M. Gelly ou le comité directeur
lorsqu'il sera formé. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le comité directeur va étudier le
document en question. M. Gariépy.
Comité directeur
M. GARIEPY: J'avais cru comprendre de la part de M. L'Allier au
début de la séance qu'on procéderait aussi ce matin
publiquement à l'exposé de points ou de suggestions que nous
voudrions faire quant aux priorités de votre comité. Si je cous
comprends bien, M. le Président, vous venez de dire que la séance
étant ajournée, nous adresserons désormais d'ici la
prochaine séance de travail nos recommandations au comité
directeur. C'est bien ce que je dois comprendre?
M. LE PRESIDENT: Pour autant que vous produisez les documents au
secrétariat des commissions à l'Assemblée nationale du
Québec et qu'ils ont trait aux discussions qui pourraient être
faites au niveau de cette commission, le secrétaire les acheminera au
comité directeur qui, selon ce que la commission parlementaire a
fixé la semaine passée, préparera le calendrier. C'est
donc ainsi que nous allons procéder.
M. GARIEPY: Merci. M. LE PRESIDENT: Ajourné.
(Fin de la séance: 12 h 22)