Journal des débats de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
vendredi 28 mai 2021
-
Vol. 45 N° 7
Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
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9 h (version non révisée)
(Neuf heures une minute)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Donc, bienvenue à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance ouverte.
La commission est réunie aujourd'hui,
virtuellement, afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, ce matin, nous entendrons par visioconférence les groupes
suivants : donc, Dre Michèle Marchand, Dr Louis
Roy et le Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et
intervention clinique.
Donc, sans plus tarder, bienvenue,
Dre Marchand. Merci d'avoir accepté notre invitation et d'être avec nous
ce matin. Vous... Comme prévu, vous avez 20 minutes pour nous présenter
votre exposé et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission
pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède immédiatement la
parole, Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Bonjour. Je voulais d'abord vous remercier, d'abord, de tenir le débat public,
et ensuite, pour l'invitation. Ce n'était pas obligé du tout parce que je
représente moi-même seulement et je ne représente personne d'autre.
Je me présente. J'ai travaillé 22 ans
comme médecin de famille dans un quartier populaire de Montréal. Et je n'ai pas
fait particulièrement de soins palliatifs, j'ai fait de la pratique générale.
Comme l'aspect social de la médecine et l'éthique m'intéressait, l'éthique
médicale, je me suis donné une formation en philosophie et je me suis rendue,
sur une période de 22 ans aussi, au doctorat en philosophie, et ma thèse
portait sur la... et l'éthique médicale.
De 1999 à 2015, j'ai travaillé au Collège
des médecins comme secrétaire du groupe de travail en éthique et conseillère en
éthique auprès de la direction générale. J'ai quitté en 2015, mais c'est à ce
titre que j'ai participé très activement au débat sur l'euthanasie au Québec et
à la loi... qui a abouti à la Loi concernant les soins de fin de vie.
Même si j'étais retraitée, j'ai continué à
suivre religieusement le débat. J'ai publié, en 2017, un petit livre sur l'AMM
au Québec, Pourquoi tant de prudence. Et depuis 2017, je trouve que ça
va bien, bien vite et je suis...
Mme Marchand (Michèle) :
...qui a abouti à la Loi concernant les soins de fin de vie. Même si j'étais
retraitée, j'ai continué à suivre religieusement le débat. J'ai publié, en
2017, un petit livre sur l'AMM au Québec, Pourquoi tant de prudence. Et,
depuis 2017, je trouve que ça va bien, bien vite et je suis un peu inquiète.
Mais c'est pour ça que je suis contente d'être ici pour exprimer mes opinions.
J'ai longtemps représenté le collège sur le sujet de l'euthanasie, mais là je
représente moi-même. Le collège va présenter sa position cet après-midi.
Le plan. Je voudrais d'abord vous parler
pas nécessairement des deux questions très pointues qui sont dans votre mandat,
je sais que vous avez un mandat assez précis, mais j'aimerais parler un peu d'abord
de l'éthique, de l'éthique médicale et particulièrement du principe
d'autonomie, parce que c'est ça, mon expertise. Je voudrais ensuite toucher
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, parce que c'est mon
expérience, j'ai suivi le développement depuis le début jusqu'à aujourd'hui. Et
ensuite je reviendrai aux deux questions qui vous occupent. C'est sûr que ça va
peut-être aller un peu vite, mais là on pourra poursuivre avec les questions.
La première, l'autonomie, l'éthique et
l'éthique médicale. C'est sûr que, dans notre société libérale, l'autonomie a
pris... libérale au sens philosophique du terme, là, l'autonomie a pris une
place prépondérante, au point où on pense que c'est à peu près le seul principe
pour guider nos actions, alors qu'il y a beaucoup, beaucoup d'autres valeurs et
d'autres principes qui peuvent nous guider et qu'on doit mettre en équilibre
avec l'autonomie. Quand on doit décider d'une politique publique, comme vous
avez à le faire, là, il me semble que c'est un peu court de dire que l'objectif
principal, c'est de respecter les décisions des individus, comme s'il n'y avait
pas, comme dirait Margaret Thatcher, quelque chose comme une société. Je pense
qu'on peut avoir des objectifs un peu plus ambitieux au plan social. D'ailleurs,
les individus eux-mêmes sont souvent prêts à faire des compromis dans l'intérêt
public. Par contre, ils veulent participer à l'élaboration des compromis, et c'est
pour ça que le débat public est si important.
Dans le domaine des soins en particulier,
on sait très bien que tous ceux qui participent à une décision doivent faire
des compromis : le médecin, qui propose le plus objectivement possible le
soin qu'il juge le plus approprié; le patient, qui peut refuser ou accepter le
soin ou faire une nouvelle demande, auquel cas le médecin va reprendre tout le
processus. Ce qui est visé, finalement, c'est une décision partagée. Et c'est
faux de penser qu'on répond toujours positivement à la demande d'un patient.
Ici comme ailleurs, l'encadrement des
soins ne repose pas sur le principe d'autonomie, mais sur une autonomie bien
relative qu'on appelle le consentement. Le consentement, c'est que le patient
peut accepter ou refuser le soin proposé, mais jamais, ni ici ni ailleurs, il
ne peut en exiger. Le Code civil est très clair...
Mme Marchand (Michèle) :
...ici comme ailleurs, l'encadrement des soins ne repose pas sur le principe
d'autonomie, mais sur une autonomie bien relative qu'on appelle le consentement.
Le consentement, c'est que le patient peut accepter ou refuser le soin proposé,
mais jamais, ni ici ni ailleurs, il ne peut en exiger. Le Code civil est très
clair, le code de déontologie des médecins est très clair à cet égard-là, et on
s'est donné un dispositif légal très sophistiqué pour que même les patients qui
ne sont plus autonomes, qui sont inaptes, puissent avoir des soins, bénéficier
de soins, même s'ils ne sont plus capables d'exercer leur autonomie. Là, on
pense au consentement substitué, au mandat de protection, aux directives
médicales anticipées, et tout ça.
Bref, il me semble qu'on a réussi au Québec
à sortir du paternalisme médical sans s'en aller vers l'autonomie à tous crins,
qu'on appelle aussi la médecine de boutique où, finalement, on répond toujours
oui aux demandes des patients.
Pour moi... j'en viens à la question de
l'euthanasie. Pour moi, donc, l'euthanasie, ce n'est pas une question
d'autonomie. La question de l'euthanasie, au plan moral et au plan social,
c'est : Va-t-il être permis de mettre fin à la vie d'une autre personne
pour soulager ses souffrances? Bien sûr, choisir de mourir plutôt que de
souffrir est une décision déchirante et hautement personnelle, mais de savoir
si on va avoir de l'aide ou non, ça, c'est une décision à laquelle une personne
ne peut répondre. C'est à la société de répondre si on va accorder de l'aide ou
si on n'en accordera pas. Il ne faut pas oublier que jusqu'en 2005 au Canada
l'aide à mourir était considérée comme un crime dans toutes les circonstances.
La question, donc, s'adresse surtout à
vous, les législateurs, qui devriez trancher sur ce qui va être permis ou non.
Maintenant qu'on a ouvert pour les personnes qui sont en fin de vie, et qu'on
doit, semble-t-il, ouvrir plus largement, comment on va faire ça au Québec? Je
pense que c'est ça, la question morale que vous avez à vous poser.
J'en viens à l'évolution sur les soins de
fin de vie. Les précisions que je viens de faire me semblent importantes parce
que le débat sur l'euthanasie est un débat extrêmement polarisé, avec, d'un
côté, les gens qui sont très, très contre, qui pensent que la mort doit
toujours être naturelle. Ce n'est pas toujours pour des raisons de convictions
religieuses, là, on peut penser que la vie a un caractère sacré et que c'est
toujours un meurtre que de mettre fin à la vie d'une personne, même si c'est
pour soulager ses souffrances. Il y en a aussi ceux qui sont contre parce
qu'ils pensent qu'il y a une pente glissante, on y reviendra, et aussi que la
déontologie médicale ne devrait pas permettre aux médecins d'accomplir un tel
acte euthanasique. De l'autre côté, il y a ceux qui sont très, très, très pour,
et leur argument, quasiment le seul, et le principal, c'est l'autonomie.
La loi sur les soins de fin de vie c'est
comme une...
Mme Marchand (Michèle) : ...ne
devrait pas permettre aux médecins d'accomplir un tel acte euthanasique. De
l'autre côté, il y a ceux qui sont très, très, très pour, et leur argument,
quasiment le seul, et le principal, c'est l'autonomie.
La loi sur les soins de fin de vie, c'est
comme une troisième voie. On a essayé, au Québec, de ne pas tomber dans cette
polarisation-là et d'aller vers une troisième voie. Pourquoi? Parce qu'on
savait bien que la mort naturelle, ce n'est plus naturel du tout. La majorité
des... Maintenant que la médecine a progressé et que l'espérance augmente, on
sait très bien que la mort est rarement naturelle et qu'elle arrive après une
décision humaine. Donc, il faut savoir qui va décider. Mais on fait déjà ça, vraiment,
quand on arrête des traitements. On fait déjà ça, on a une expérience, on a un encadrement
légal, au niveau des soins, pour arrêter les traitements.
• (10 h 10) •
Donc, on s'est dit :
Pourquoi — et ce sont les médecins qui ont lancé le débat au
Québec — pourquoi on n'utiliserait pas la même philosophie, le même
encadrement? Il n'y a pas eu de dérapage tellement pour les arrêts de
traitements, même pour les traitements vitaux. Pourquoi on n'utiliserait pas la
même chose pour l'euthanasie? On a voulu considérer... on a proposé de
considérer l'euthanasie comme un soin de dernier recours pour les personnes en
fin de vie. C'est pour ça que ça s'appelle l'aide médicale à mourir. Ce n'est
pas de l'aide à mourir pour des gens qui pourraient vivre, c'est de l'aide
médicale pour des gens qui sont déjà en train de mourir.Donc, la loi sur les
soins de fin de vie, c'est une loi sur les soins de vie, et non seulement sur
l'euthanasie, contrairement à ce qu'il y a dans le Code criminel.
Et ça veut dire que l'aide médicale à
mourir peut maintenant faire partie du continuum de soins si on respecte les
trois critères. Les trois critères, on ne les a pas inventés, hein? Le critère
de fin de vie, il est déjà là dans tous les États américains qui ont libéralisé
le suicide assisté. Il faut un pronostic de moins de six mois pour avoir droit
au suicide assisté. Le critère de souffrance et d'aptitude de consentir... les
deux autres critères, la souffrance, l'aptitude à consentir, c'est dans tous
les pays qui ont libéralisé... européens, surtout, les Pays-Bas, la Belgique,
le Luxembourg, qui ont libéralisé l'euthanasie.
Donc, le modèle québécois, la Loi
concernant les soins de fin de vie, là, c'est une ouverture assez limitée,
c'est vrai, c'est une ouverture, mais c'est une ouverture assez limitée. Par
rapport à la majorité des pays, qui n'ont aucune ouverture, qu'il y a une
prohibition totale, c'est une ouverture, mais c'est vrai qu'elle est limitée.
C'est une solution de compromis après des débats publics. C'est une solution de
compromis qui a été assez bien acceptée, même par les opposants qui étaient
très, très contre, qui a été tolérée et qui s'est implantée partout au Québec
de façon... assez bien, là, ça fonctionne assez bien. Mais je me demande si on
n'est pas victime de notre succès, là, finalement.
Donc, ça a été assez bien accepté sauf...
Mme Marchand (Michèle) :
…même par les opposants qui étaient très, très contre, qui a été tolérée et qui
s'est implantée partout au Québec de façon assez bien, là, ça fonctionne assez
bien. Mais je me demande si on n'est pas victime de notre succès, là,
finalement.
Donc, ça a été assez bien accepté sauf par
les partisans de l'autonomie, qui, eux autres, dès le départ, voulaient une
ouverture beaucoup plus large. Donc, ce qu'ils ont fait, ces partisans-là, même
au Québec, même les partisans du Québec ont contesté le critère de fin de vie.
Ils se sont appuyés sur l'arrêt Carter, c'est un détail, là, mais ils se sont
appuyés là-dessus pour contester le critère de fin de vie qui, pourtant, était,
au coeur de notre loi.
Eh bien, ils ont gagné. Ils ont gagné
parce que le critère de fin de vie a été considéré comme anticonstitutionnel à
l'encontre des droits protégés par la constitution : le droit à la vie… le
droit à la vie, à la sécurité et à l'égalité. Et, ça a été considéré comme une
discrimination pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie comme si ça
constituait un groupe, là — je ne sais pas pourquoi ça constituerait
un groupe —, et que cette discrimination-là n'était pas justifiée
parce qu'on pouvait protéger les personnes vulnérables autrement qu'en leur…
les personnes n'étant pas en fin de vie qui sont vulnérables — je ne
le sais pas trop, là — autrement qu'en les privant de ce soin.
Moi, je vais vous expliquer, là, je vais
essayer de le faire rapidement. Pourquoi le critère de fin de vie est
important? C'est assez simple, mais c'est tellement intuitif, qu'on n'en a pas
tellement discuté. C'est que, écourter la vie de quelqu'un qui est en train de
mourir puis arrêter la vie de quelqu'un qui pourrait vivre, théoriquement,
c'est deux actions qui n'en ont même pas du tout le même poids moral. Pour
écourter la vie qui pourrait se poursuivre, là, pour arrêter la vie de
quelqu'un, même si c'est son désir, il faut que la souffrance soit pas mal
forte pour qu'on accepte qu'on en est rendu là puis qu'on renonce à ce que la
vie puisse se poursuivre et qu'on puisse aider encore la personne à vivre.
Donc, la balance est difficile à faire quand les gens sont déjà en fin de vie.
Quand ils ne le sont pas, là, c'est difficile, là, il faut que la souffrance
soit vraiment majeure pour qu'on pense qu'on n'a pas d'autres moyens, qu'on est
rendu au bout du rouleau, là.
Quand les personnes sont en fin de vie, on
avait déjà les soins palliatifs… On savait, les soins palliatifs n'étaient,
peut-être pas, aussi développés qu'on voulait, mais on savait quel processus,
le continuum à suivre et quand est-ce qu'on n'était plus capable de soulager
des gens, on le savait assez bien. Mais, pour le reste des gens qui ne sont pas
en fin de vie, quand est-ce qu'on va être sûr qu'on les a assez aidés pour
dire : Bon, bien, là, je pense que c'est vrai qu'on ne peut plus rien
faire et que la meilleure solution, c'est de renoncer à la vie. Voyez-vous,
c'est pour ça que le critère de fin de vie était central dans ce
raisonnement-là…
Mme Marchand (Michèle) :
...des gens qui ne sont pas en fin de vie. Quand est-ce qu'on va être sûr qu'on
les a assez aidés pour dire : Bon, bien, là, je pense que c'est vrai qu'on
ne peut rien faire et que la meilleure solution, c'est de renoncer à la vie?
Voyez-vous, c'est pour ça que le critère de fin de vie était central dans ce
raisonnement-là.
C'est clair, là, je vais parler de...
C'est clair qu'en enlevant le critère de fin de vie, on venait de saper la loi québécoise
à sa base, là. Je ne sais pas si c'était le but, mais, en tout cas, c'est ça
qui est arrivé. Et là on venait s'en remettre au Code criminel qui, lui aussi,
devait être modifié, parce que le critère de fin de vie avait été mis dans la
loi C-14, dans le projet de loi C-14, en 2016.
Mais surtout, ce qu'on a fait en enlevant
le critère de fin de vie, là, c'est qu'on a ouvert une véritable boîte de
Pandore, parce que du monde qui souffre, là, et qui parfois aimerait mieux
mourir que souffrir, là, il y en a pas mal. Et les cas que vous avez... dont
vous discutez, là, les cas de malades... de problèmes de santé mentale ou de
démence, c'est deux exemples, mais il y en a plein, d'autres secteurs où les
gens souffrent, plein d'autres secteurs de soins où les gens souffrent et qui,
parfois, aimeraient mourir. Donc, et là, c'est comme s'il fallait régler ça
très rapidement parce que l'ouverture est déjà faite. La question qui se pose,
là, c'est comment on va faire ça, ouvrir si rapidement, alors que ça nous a
pris beaucoup de débats publics, beaucoup de temps pour s'organiser dans le
secteur assez limité, finalement, des soins de fin de vie?
Par contre, ce qu'il faut dire, c'est que
le projet de loi C-7 et les modifications qui ont été apportées au Code criminel
vont un peu dans le même sens. Ils ont gardé la distinction entre la fin... la
mort raisonnablement prévisible et la mort non raisonnablement prévisible. Les
critères qu'on exigeait dans la Loi concernant les soins de fin de vie sont
assez semblables à ceux qui ont été mis dans le Code criminel. Je ne pense pas
qu'il y ait d'incohérence majeure de ce côté-là, là.
Donc, le Code criminel semble aller dans
le même sens, pourquoi il y aurait un problème? Le problème que je vois, là,
c'est que ce qu'on avait mis comme procédures et comme façon d'assurer les
soins palliatifs pour en arriver à ce soin... avant d'en arriver aux soins de
derniers recours, ça, là, ça a été mis comme des mesures de sauvegarde. Ça a
été mis comme des mesures de sauvegarde. Il me semble clair que des mesures de
sauvegarde, comme une deuxième opinion d'un psychiatre, un délai de
90 jours, ça ne peut pas remplacer tout le continuum de soins dont on a
besoin... qu'on a besoin de faire, là, dans lequel il faut passer à travers
avant d'arriver à une solution de dernier recours comme l'aide médicale à
mourir.
Et quand on regarde bien les modifications
qui ont été apportées au Code criminel et le projet de loi C-7, là, on...
Mme Marchand (Michèle) : …
dont on a besoin, qu'on a besoin de faire, là, dans lequel il faut passer à
travers avant d'arriver à une solution de dernier recours comme l'aide médicale
à mourir. Et quand on regarde bien les modifications qui ont été apportées au
Code criminel et le projet de loi C-7, là, on se compte qu'ils n'ont pas
mis seulement des mesures de contrôle, ils ont mis aussi ce qu'ils appellent un
examen parlementaire qui lui… ils savent bien qu'on ne pas se fier juste à
mesures administratives comme des délais. Eux autres, là, ils ont comme mandat
de regarder les protocoles de soins, l'organisation des soins palliatifs, la
prise en charge de la maladie mentale au niveau canadien.
À mon avis, là, on s'en va tout droit vers
des normes nationales par le biais du Code criminel qui est sensé gérer l'aide
médicale à mourir. On s'en vient vers des normes de soins nationales. Bon,
est-ce qu'il y voir un problème? Je ne veux pas en faire un problème, là,
fédéral-provincial, là, dans le fond, quand on a dit qu'on ouvrait à l'aide
médicale à mourir, on a joué dans le champ du fédéral, mais il y a quand même
un problème là, parce qu'en général on organise nous-mêmes notre système de
soins et on a la régulation de nos pratiques professionnelles et on ne fait pas
ça comme dans le reste du Canada et en général, je pense que ça marche assez
bien.
• (10 h 20) •
Alors, qu'est-ce qu'on fait? Moi, je pense
qu'il y a trois scénarios possibles. Je vais en venir à vos questions
pointues, mais avant je pense que je veux… je pense qu'il y a trois scénarios
possibles. Je pense qu'il faut absolument garder nos acquis dans le domaine des
soins de fin de vie. Moi, je pense que la loi concernant les soins de fin de
vie, là, il faut la garder. Il faut éviter de la tuer en essayant de toutes rentrer
les autres considérations. Il faut la garder pour les soins de fin de vie,
c'est ça qu'elle était. Il faut lui apporter, selon moi, des modifications
mineures pour ne pas venir en contradiction avec le Code criminel, mais je
pense que c'est tout à fait possible et je pense qu'il faut aller de l'avant,
comme on voulait aller, pour… comme on voulait aller et comme le groupe
d'experts sur l'inaptitude voulait ouvrir possiblement une demande anticipée
d'aide médicale à mourir. Restez dans ce champ de… parce que, là, c'est
envisageable quand le critère de fin de vie est là, mais ça ne l'est pas
nécessairement quand il n'est plus là.
Le deuxième scénario, c'est que si on
garde cette loi-là, bien il faut quand même s'occuper de ce qui, de facto, est
ouvert et je pense qu'il faut travailler avec Ottawa. Je pense qu'on n'a pas
nécessairement intérêt à faire la chaise vide, là, mais en gardant tout à fait
le contrôle de nos pratiques professionnelles et de notre organisation des
soins. Là, là, ça veut dire qu'il faudrait très rapidement avoir vraiment un
plan pour la maladie mentale par exemple ou par la prise en charge des
personnes qui ont des troubles cognitifs. Rapidement, avoir un plan, qui n'est
pas nécessairement une loi, où là, l'aide médicale à mourir pourrait
s'inscrire…
Mme Marchand (Michèle) : …des
soins. Là, ça veut dire qu'il faut être prêt très rapidement, avoir vraiment un
plan pour la maladie mentale, par exemple, ou pour la prise en charge des personnes
qui ont des troubles cognitifs. Rapidement, avoir un plan qui n'est pas nécessairement
une loi, où là l'aide médicale à mourir pourrait s'inscrire, mais qui… comme soin
de dernier recours, et non comme une entité qui flotte, là, et que ça nous
prend juste des mesures de sauvegarde, là, et que ça va bien aller. Ça, là,
c'est un projet de société, mais c'est un projet qui est très ambitieux. Je ne
sais pas si c'est ça qu'on va faire. Et, dans l'immédiatement, il faut faire
attention parce que là c'est ouvert de facto, et il faut au moins s'organiser
pour que les critères qui sont dans le Code criminel, et les pratiques professionnelles
soient… les critères soient respectés et que les bonnes pratiques, aussi,
soient respectées. Je pense qu'il va y avoir beaucoup de personnes éligibles,
et il faut absolument s'organiser dans l'immédiatement pour ne pas que ça
dérape.
Le troisième scénario… j'achève. Le
troisième scénario, c'est qu'on pourrait se dire qu'on va, de toute façon, vers
une ouverture de plus en plus large. Alors, je pense qu'il serait plus réaliste
de se donner un modèle complètement différent, qui ressemble au modèle suisse,
qui là s'adresse à une non-personne apte et qui privilégie le suicide assisté,
qui fait ça en marge du système de soins, et avec une contribution des médecins
qui est minimale. Ça, c'est le modèle suisse. Eux autres, ils ont une longue
histoire avec le suicide. Nous autres, on en a une qui n'est pas longue, mais
qui n'est pas drôle non plus. Et c'est ça.
Ça fait que je pense qu'il faut souhaiter
que le débat public nous permette de dire où les Québécois veulent aller
exactement. Est-ce qu'ils veulent aller vers un modèle de plus en plus libéral
comme ça ou s'ils veulent aller… s'ils veulent continuer dans le sens de la Loi
concernant les soins de fin de vie?
Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
La Présidente (Mme Guillemette) :
On peut continuer les échanges avec les discussions des collègues si vous
voulez.
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Oui, parce que je pense que, dans chaque scénario, on peut voir comment on
répond à vos deux questions pointues. Celle des maladies mentales et celle des…
j'aurais aimé mieux le dire, mais peut-être je vais le dire en répondant à vos
questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sûrement que la question va vous êtes posées, Dre Marchand. Donc, je
céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Dre Marchand. C'est un plaisir de vous entendre. Je suis très
heureuse qu'on vous ait invité parce que vous amenez le débat dans une
perspective beaucoup plus large qu'on n'a pas entendue jusqu'à maintenant.
Donc, votre connaissance de tout le dossier est évidente. Écoutez, j'ai très
peu de temps, et j'aurais des tonnes de questions, j'ai
4 min 30 s. Donc, je voulais savoir, d'abord, si on prend la
question des troubles mentaux, je comprends exactement ce que vous dites, là,
parce qu'effectivement on est forcés de faire ces réflexions-là parce que le
critère de fin de vie a sauté via les tribunaux, et donc je veux donc vous
entendre sur la question…
Mme
Hivon
:
…savoir, d'abord, si on prend la question des troubles mentaux, je comprends
exactement ce que vous dites, là, parce qu'effectivement on est forcés de faire
ces réflexions-là parce que le critère de fin de vie a sauté via les tribunaux,
et donc… Je veux donc vous entendre sur la question des troubles mentaux. Parce
que vous nous amenez toute la question de, oui, l'autonomie, mais il y a
d'autres valeurs aussi, puis, comme société, il faut voir comment on fait
l'équilibre. Vous êtes consciente, donc, que ce critère-là, bien sûr, a sauté.
Donc, si on jugeait que, compte tenu de l'ensemble des éléments dans le
dossier, les troubles mentaux ne peuvent pas, comme ça, être intégrés, pour
vous, quelles seraient les justifications possibles pour dire qu'on fait une
distinction entre les maladies physiques et les maladies mentales?
Et je vous pose tout de suite ma deuxième
question qui est tout autre. C'est sur… vu que vous avez beaucoup, beaucoup
réfléchi, là… C'est sur la question de la demande anticipée, puis, vous, ce que
vous nous dites, c'est que, dans le fond, elle, elle cadre vraiment déjà avec
la philosophie de notre loi, parce que c'est juste une question, dans le fond,
de prévoir de manière anticipée. Comment on évalue, dans une telle
circonstance, le respect du critère de la souffrance?
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
je vais répondre, je vais essayer de vous répondre rapidement. C'est
exactement… si j'avais eu le temps, j'aurais fait ça.
La distinction entre la maladie physique
et la maladie mentale, on ne l'a jamais faite. Dans la Loi concernant les soins
de fin de vie, on prend en compte de la souffrance psychique aussi bien, et
existentielle, aussi bien que la maladie physique, et je pense qu'il faut
continuer dans ce sens-là. Ce qui est difficile avec la maladie mentale, là… Il
y a deux difficultés, et je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il y
a vraiment deux… il y a trois difficultés, finalement.
La première, là, c'est que ça prend un
suivi à très long terme pour être capable d'évaluer l'aptitude et la
souffrance. C'est fluctuant dans une maladie mentale, ce n'est pas comme… Puis
là on n'est plus dans une période donnée, là, on est dans une grande période.
On n'est plus en fin de vie, on est au cours de la vie, et ça prend un suivi
très prolongé pour pouvoir bien évaluer ça. Ce n'est pas vrai que quelqu'un va
être capable d'évaluer ça à un moment donné et ce n'est pas vrai qu'un patient
prend des décisions… quand il prend cette décision-là, qu'on peut l'évaluer là,
là. Ce n'est pas vrai, ça. Donc, ça prend… Donc, ce n'est pas vrai pour la
souffrance et ce n'est pas vrai pour l'aptitude. Donc, c'est ça qui
fait un grand… qui pose problème aux psychiatres. Il y a des psychiatres qui
pensent qu'on peut quand même le faire et qu'il va finir par y avoir des cas
qu'on va juger réfractaires et qui devraient y avoir droit. Il y a en d'autres
qui disent qu'on ne peut jamais abandonner.
Et la troisième difficulté, c'est que ça
prend un suivi pas juste pour être capable d'évaluer, ça prend un suivi pour
aider le monde à vivre. Et là on sait que la maladie mentale est l'enfant
pauvre de notre système de soins. Donc, il faut se donner… il faut rendre les
soins accessibles, il faut être capable de prendre en charge ces patients-là
avant qu'ils en viennent à la décision de choisir de mourir. Comprenez-vous? Et
c'est ça qui est difficile. On ne peut pas se donner ça en un tournemain. Mais
c'est quand même comme ça qu'il faut réfléchir le problème, comme on a
réfléchi…
Mme Marchand (Michèle) : …il
faut se donner… il faut rendre les soins accessibles. Il faut être capable de
prendre en charge ces patients-là avant qu'ils en viennent à la décision de
choisir de mourir. Comprenez-vous? Et c'est ça, et c'est ça qui est difficile.
On ne peut pas se donner ça en un tournemain. Mais c'est quand même comme ça
qu'il faut réfléchir au problème, comme on a réfléchi les soins de fin de vie.
On ne va pas apporter l'aide médicale à
mourir… Le modèle suisse, là, c'est qu'on apporte l'aide médicale à mourir,
bang! Là, c'est ça. Et c'est du suicide assisté, aussi, là, parce que les
soignants, là, répugnent à proposer l'aide médicale à mourir à moins d'avoir
essayé tout le continuum de soins, qui ne sont pas juste des soins médicaux,
c'est du soutien social, c'est… Comprenez-vous? Il y a toute une job de société
à faire, là, avant de penser que la mort est la meilleure solution.
Et c'est pour ça qu'il faut intégrer ça
dans un plan. Ce n'est peut-être pas dans une loi, comme on a fait pour les
soins de fin de vie. Mais dans notre plan de maladie… pour le soutien en
maladie mentale, là, eh bien, il faut voir où va se situer… mais à mon avis,
c'est en dernier recours. Et ça, il faut prévoir, il faut être capable
d'assumer… d'assurer l'accessibilité aux soins, il faut être capable de le
faire, sinon, ça va être un désastre. Comprenez-vous, là, un peu, mon idée? Je
pense que c'est ça, le principal problème, avec la maladie mentale.
Si on en vient aux demandes anticipées,
maintenant, là. Il faut voir que les demandes anticipées, là, ça touche juste
une catégorie de personnes inaptes, hein? C'est des personnes qui ont déjà été
inaptes, bon, mais dont on sait, et c'est vrai, que ça touche surtout les
patients déments, là, qui sont atteints de démence, là, qui ont des troubles
neurocognitifs, et c'est vrai que c'est beaucoup de monde, et c'est vrai que
c'est inquiétant, et c'est vrai qu'il faut trouver une réponse. Mais la
réponse, là, ce n'est pas juste d'ouvrir à l'aide médicale à mourir. C'est la
même chose que pour la maladie mentale, il faut se donner un plan. Il faut se
donner un plan. Tu sais, il y a du monde, là, ils ne veulent pas aller en
CHSLD, ils veulent mourir. Donc, il faut s'assurer que les soins, dont les
CHSLD font partie, les soins à domicile, les soins… tout ça, sont adéquats
avant, sinon, les gens vont aller direct là, et c'est ça que les gens
craignent, avec les demandes anticipées.
Bon, si je viens à votre question plus
pointue, évaluer la souffrance. Ça veut dire que quand on… Mettons, les
directives médicales anticipées, si le critère de fin de vie est là, comme dans
mon premier scénario, on garde notre soin en fin de vie, moi, je pense qu'on
peut tout à fait imaginer ça, et c'est ça que le groupe d'experts propose. Mais
la fin de vie est là. On sait que ça va être applicable seulement en fin de
vie. S'il n'y a plus le critère de fin de vie, bien là, il reste juste la
souffrance. Et là, le discours, là, c'est que la souffrance est complètement
subjective, là, hein? À mon avis, là, ce n'est pas vrai, là, on ne peut pas
faire une politique publique comme ça, de dire : Là, vous allez
déterminer, dans vos directives médicales… dans vos demandes à quel moment vous
trouvez que la souffrance est trop grande. On ne peut pas faire ça. Les
critères sont déjà… il faut avoir un… quelque chose d'objectif, là.
• (9 h 30) •
Je pense qu'en démence, il y a quand même
des stades d'évolution, contrairement à la maladie mentale, il y a des stades
d'évolution qui sont bien connus, qui, habituellement, se confirment, et là, on
pourrait jouer… on pourrait avoir des moyens objectifs de dire, là : Je
pense que, maintenant, ça s'applique. Donc, ce n'est pas exclu. Mais il faut
faire bien attention, et c'est hors de question que chacun décide de sa mort…
9 h 30 (version non révisée)
Mme Marchand (Michèle) : …maladie
mentale, il y a des stades d'évolution qui sont bien connus qui,
habituellement, se confirment. Et là, on pourrait jouer… on pourrait avoir des
moyens objectifs de dire, là : Je pense que maintenant, ça s'applique.
Donc, ce n'est pas exclu, mais il faut faire bien attention, hein, c'est hors
de question que chacun décide de sa mort. Si chacun veut décider de sa mort,
c'est pour ça qu'il faut aller vers le suicide médicalement… le suicide
assisté, là. Parce que là c'est un autre enjeu, là, c'est complètement un autre
enjeu. Mais si on veut faire un encadrement de l'euthanasie, il faut vraiment
avoir des critères le moindrement objectifs.
La deuxième chose, je pense que ça ne peut
pas être contraignant. Ça ne peut pas être contraignant, parce que, bien, il
n'y a aucune demande qui est contraignante, on le dit, là. Les refus de soins
sont contraignants, c'est ça qu'on a mis dans les DMA. D'ailleurs, je pense que
les DMA devraient… on devrait revoir la rédaction des DMA, pour que ce soit
fait avec l'équipe de soins, avec les proches. De cette façon-là, on pourrait peut-être
étendre un peu les situations et les soins, là, les situations qui pourraient
être touchées par des DMA. D'ailleurs, il ne faut pas oublier les DMA, parce
que ce n'est pas tout le monde qui va avoir accès à l'aide médicale à mourir,
et il faut qu'ils aient accès à d'autres façons, s'ils veulent que leur vie ne
se prolonge pas, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Mme Marchand (Michèle) : Personne
ne veut parler des arrêts de boire et manger, mais il faut en parler.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Marchand.
Une voix : …Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, Dre Marchand.
Merci d'être avec nous ce matin, c'est fort intéressant vous écouter,
honnêtement, vous amenez, comme le disait ma collègue de Joliette, vous amenez
une perspective, aussi, qui est très différente de ce qu'on a entendu jusqu'à
maintenant. Puis ce que je retiens, puis c'est vrai que ça nous amène dans un…
bien, ça doit être aussi l'aspect… je trouve ça intéressant, c'est l'aspect
philosophique et médical en même temps, mais vous nous amenez vraiment dans un
débat où vous soulignez la différence fondamentale entre le fait d'écourter
l'agonie chez quelqu'un, la souffrance chez quelqu'un, versus provoquer la
mort. Je pense que c'est un peu là-dessus que vous… Tu sais, provoquer la mort
chez quelqu'un qui veut mourir mais qui n'est pas en fin de vie, et là je pense
que ça nous amène beaucoup dans nos réflexions de… justement, la souffrance
versus la fin de vie, versus comment c'est exprimé chez quelqu'un qui fait de
la démence. Puis j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus parce que,
moi, j'ai encore beaucoup de questionnements sur, justement, sur l'aspect, je
veux dire, peut-être un petit plus philosophique, puis c'est pour ça que je
suis contente que vous soyez là ce matin, sur… Le groupe d'experts l'avait bien
dit, hein, la maladie neurodégénérative ne devrait pas priver quelqu'un du
droit de choisir une fin de vie qui est conforme à ses valeurs, et ils
parlaient vraiment de valeurs, notamment, là. C'est bien la formulation qui
avait été utilisée, puis tout l'enjeu, vous l'avez un peu souligné, que…
Mme Montpetit : ...maladie
neurodégénérative ne devrait pas priver quelqu'un du droit de choisir une fin
de vie qui est conforme à ses valeurs. Et il parlait vraiment, là, de valeurs, notamment,
là, c'est bien la formulation qui avait été utilisée. Puis tout l'enjeu, vous
l'avez un peu souligné, que l'aspect de la souffrance pour quelqu'un qui est en
situation de démence, il peut quand même être subjectif. Oui, vous nous avez
dit : Il y a des critères assez définis. Mais encore là, dans les experts qu'on
a vus, puis on verra comme on avancera dans les prochaines consultations qu'on
fera, mais il y a encore une certaine ambiguïté sur est-ce que c'est si clair
que ça, la souffrance de quelqu'un qui est dans une situation de dégénérescence
neurocognitive, sa souffrance psychologique entre autres, au-delà de la
souffrance physique.
Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce
concept-là de souffrance versus d'est-ce que quelqu'un pourrait faire une
demande davantage sur ses valeurs, sur la volonté, bien, d'une mort dans la
dignité sans le critère de la souffrance.
M. Marchand (Michel) : Bien,
je pense qu'on ne pourra pas enlever le critère de la souffrance, là. Ce qui se
pose, c'est le caractère très subjectif de cette souffrance-là. Moi, je ne
doute aucunement que les gens, même si on ne considère pas ça de la souffrance,
n'apprécient pas la vie des derniers stades de la démence. Ce n'est pas
considéré comme de la souffrance, mais je pense que... je comprends très bien
que quelqu'un aimerait mieux écourter sa vie, par anticipation surtout,
écourter sa vie que de vouloir vivre ça.
Et c'est pour ça que je n'exclus pas le
troisième scénario où là il faudrait envisager comme un suicide assisté. Parce
que, là, il faudrait que ça soit là, là, c'est la décision de la personne qui
décide qu'elle n'en peut plus. Et là on n'est plus tellement dans un soin, me
comprenez-vous? On n'est plus tellement dans un soin, on est dans un choix de
fin de vie, on est dans un choix de choisir sa mort. Mais ça n'a jamais été
l'optique qu'on a pris quand on a mis ça dans le domaine des soins. Et je doute
qu'on puisse dire que quelqu'un qui ne veut pas vivre ça, par exemple,
Mme Demontigny, là, qu'on va prendre le docteur pour rien, là, je doute
qu'on puisse intégrer ça dans un système de soins. En tout cas, moi, il
faudrait que je sois bien, bien sûre qu'il y a eu une très, très bonne prise en
charge pour prendre sur ma conscience professionnelle d'écourter la vie de
quelqu'un qui ne veut pas se rendre jusqu'au dernier stade de la démence, là.
Je peux comprendre.
Et, comme société, on pourrait penser...
Mais là je pense qu'on se rapproche vraiment, vraiment du suicide assister où
il faut que ça soit la personne apte elle-même qui prend cette décision-là, qui
le fait et que, là, ce n'est pas du tout une décision de soins, là, c'est une
décision de vie, de choix de vie. Et c'est pour ça que le troisième scénario
d'aller plutôt vers...
Mme Marchand (Michèle) : ...du
suicide assisté, où il faut que ce soit la personne apte elle-même qui prend
cette décision-là, qui le fait et que, là, ce n'est pas du tout une décision de
soin, c'est une... là, c'est une décision de vie, de choix de vie.
Et c'est pour ça que le troisième scénario,
d'aller plutôt vers le suicide assisté, je ne pense pas qu'il faut l'exclure,
mais je ne pense pas qu'on peut faire ça comme on a fait pour les soins de vie,
où, là, tout le monde était prêt à contribuer, c'était un projet, et tout le
monde a voulu contribuer à ça. Mais mettre fin... Là, là, je pense que les gens
seraient peut-être prêts à contribuer à une meilleure prise en charge des gens
qui ont des troubles neurocognitifs, mais je ne pense pas qu'on est rendu à
vouloir régler le problème... c'est un problème immense, hein, et je ne pense
pas qu'on veuille le régler par l'euthanasie.
Peut-être qu'on peut permettre le suicide
assisté, c'est vers ça que le Code criminel d'ailleurs penche, le suicide
assisté est là, mais là je pense qu'à ce moment-là il va y avoir une contribution
minimale de la profession médicale. Il y a sûrement des médecins qui sont prêts
à le faire, on en a entendu, mais c'est une contribution minimale de la
profession médicale et une intégration minimale dans notre système de soins,
parce que, là, ça devient de moins en moins une chose qui se justifie par les
soins, par le biais des soins, comprenez-vous?
C'est le modèle... En fait, là, je ne
pense plus qu'on est dans le modèle... D'ailleurs, là, aux Pays-Bas, là... il y
a juste les Pays-Bas, hein, qui permet les directives médicales anticipées. Ça
ne se fait quasiment pas, parce que les médecins veulent difficilement
contribuer, on a peur d'écourter... pas écourter la vie, mais cesser la vie
d'une personne qui ne peut plus nous dire, là si elle est d'accord, là. Tout le
monde a peur de ça, et dans toutes les instances où ça a été permis... Ce n'est
pas pour rien qu'ils ont mis le suicide assisté, aux États-Unis, c'est parce
que les médecins ne voulaient pas rentrer là-dedans. Ils ne veulent même pas
rentrer en fin de vie, là, ça fait qu'ils ne rentreront pas dans le fait
d'écourter la vie de quelqu'un qui a fait une demande il y a longtemps sans
pouvoir vérifier que ce n'est pas contre son gré.
Et c'est pour ça... Je n'exclus pas, moi,
ça, mais ça, c'est une tout autre chose, et je pense qu'il faut s'inspirer...
il faut garder notre loi sur les soins de fin de vie, il faut s'en inspirer le
plus qu'on peut, mais quand on en fait un choix comme ça, là, je pense que
c'est plutôt du suicide assisté. Comprenez-vous un petit peu la différence que
je veux faire?
Mme Montpetit : Non, non, je
comprends très bien. Ce n'est pas une question simple, hein, donc c'est... vous
l'évoquez bien. C'est peut-être simpliste, mais...
Mme Marchand (Michèle) : Mais
est-ce que j'ai répondu, minimalement, à votre question?
Mme Montpetit : Non, absolument.
Absolument. Mais j'aurais une... Quand vous dites, justement, vous ne seriez
pas capable de le faire, comme professionnelle, c'est peut-être simpliste,
comme question, mais juste pour bien comprendre, c'est une question de valeurs
ou c'est une question déontologique, dans votre... comme médecin?
Mme Marchand (Michèle) :
Bien, moi, je pense... Là, c'est une décision de politiques publiques. Je pense
qu'on ne devrait pas mandater les médecins pour faire... qu'on ne devrait pas
compter sur la profession médicale, un, pour le faire, et deux, pour
l'encadrer, parce que, là, ce n'est plus une...
Mme Marchand (Michèle) :
...bien, je suis même... Moi, je pense, là, c'est une décision de politique
publique. Je pense, on ne devrait pas mandater les médecins pour faire... on ne
devrait pas compter sur la profession médicale, un, pour le faire, et, deux,
pour l'encadrer, parce que là ce n'est plus une décision qui demande... c'est
une décision de politique publique d'ouvrir au suicide assisté. Ce n'est plus
une... Et d'ailleurs, ça se fait en marge du système de soins, ce qui pose un
immense problème ensuite, parce que les gens sont obligés de sortir des
institutions, nous autres... ils sont obligés de sortir des institutions
publiques pour aller réclamer le suicide assisté dans une instance extérieure
au système de soins.
• (9 h 40) •
Mme Montpetit : O.K., parfait.
Sur... Toujours sur la question de la démence, est-ce que je comprends que
quelqu'un qui serait en... J'essaie juste de voir aussi le... Vous n'excluez
pas, justement, toute la question du critère de fin de vie, de... Donc, à
partir de quel... Tu sais, j'imagine que vous avez été en contact, vous n'avez
pas fait de soins palliatifs, là, vous nous l'avez bien mentionné, mais vous
avez été en contact avec des gens qui font de la démence. Puis encore là,
j'aimerais ça vous entendre sur la souffrance physique versus la souffrance
psychologique. Est-ce qu'on est... Est-ce qu'un médecin qui est en relation
avec un patient qui a une démence, une dégénérescence neurocognitive, il est
capable d'évaluer... Parce qu'on nous a parlé, justement, des stades plus sur
la souffrance physique, mais est-ce que la souffrance psychologique, justement,
qui est peut-être reliée notamment à la détresse, au fait de ne pas reconnaître
ses proches, au fait de la perte de dignité, est-ce que cette souffrance-là, il
est possible de l'évaluer, pour un médecin?
Mme Marchand (Michèle) : Je
ne sais pas, là. Ça dépasse mon champ de compétence, là, je ne sais pas. Je ne
suis pas capable de vous dire ça. Je ne sais pas, ça dépasse mon champ de
compétence. Mais vous avez entendu des opinions contradictoires, hein, le Dr
Carrier, je pense, qui vous disait que c'est possible, là, qui vous disait que
c'est possible, et le Dr Poirier, qui vous disait que ce n'est pas une
souffrance comme les autres, et c'est plutôt être dans un état plutôt second.
Donc, je ne sais pas.
Mais je pense que, de toute façon, c'est
dur d'évaluer ça selon des critères de souffrance, comme on en utilise dans les
autres soins. Et je ne suis pas sûre qu'on est dans une affaire de soins, là.
Et je pense que c'est plutôt une décision de dire : Est-ce que les gens
ont le droit de décider du moment de leur mort? Mais s'ils ont le droit de
décider du moment de leur mort sans que ce soit intégré dans un continuum de
soins, eh bien là, on est plutôt dans du suicide assisté.
Mais je pense qu'on pourrait faire les
deux, mais... Bien, je pense, peut-être qu'il faut deux régimes, qui vont... peut-être
qu'il faut tout ça, peut-être qu'il faut tout ça. Peut-être qu'il ne faut pas
en exclure. Je ne pense pas qu'il faut mettre le modèle suisse, là, pour tout
le monde, là, hein? On fait déjà de l'euthanasie en fin de vie, et je pense
qu'on pourrait... c'est possible qu'on en fasse aussi pour les gens qui ont des
maladies mentales et qui sont des cas très réfractaires. Ça se pourrait qu'on
en fasse pour des gens qui sont handicapés et... Comprenez-vous, là? Ça se
pourrait qu'on...
Mme Marchand (Michèle) : ...je
ne pense pas qu'il faut mettre le modèle suisse, là, pour tout le monde, là.
Hein, on fait déjà de l'euthanasie en fin de vie et je pense qu'on pourrait...
c'est possible qu'on en fasse aussi pour les gens qui ont des maladies mentales
et qui sont des cas très réfractaires. Ça se pourrait qu'on en fasse pour des
gens qui sont handicapés et... Comprenez-vous, là? Ça se pourrait que ce soit
dans un continuum de soins sur plusieurs secteurs de souffrance, on va dire,
là. Mais je pense, quand on en vient à des jugements comme : Moi, je ne
veux pas vivre ça, là, on est plutôt... Moi, je ne veux pas qu'on laisse les
gens se suicider tout seuls, hein? Ce n'est pas ça, l'idée, là. D'ailleurs, je
suis une partisane, moi, des arrêts de traitements, des arrêts de boire et
manger. Je pense que c'est une avenue qui a l'air cruelle, mais qu'il faudrait
envisager, là, parce qu'on veut aider ces gens-là. Les gens qui ne veulent plus
vivre, là, on ve veut pas non plus les laisser se suicider dans des cabanons,
là. Donc, on veut les aider, mais c'est difficile à intégrer dans un système de
soins et, à la limite, il faut mettre ça comme un peu en marge, je parle du
système de soins, quand on en vient à des choix complètement personnels, là, complètement
personnels, qui ne cadrent pas avec le continuum de soins qu'on essaie de
donner, là. D'ailleurs, ces gens-là ne veulent pas toujours rentrer dans un
continuum de soins, hein? Puis je les comprends, des fois, parce qu'ils ne
veulent pas finir leur vie en CHSLD.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dre Marchand. Donc, je passerais la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Mme Marchand, de votre contribution lumineuse à nos
travaux. Je pense que votre présentation a la grande vertu de nous rappeler
quelle est la logique, l'économie générale de la législation québécoise en
matière d'aide médicale à mourir. Et, personnellement, ça me permet de
positionner les différentes contributions qu'on a reçues depuis le début de la
commission sur une espèce de carte, là, des différentes conceptions.
J'aimerais revenir avec vous sur la...
vous avez identifié trois enjeux, là, sur la question de l'ouverture
potentielle de l'aide médicale à mourir aux gens souffrant de troubles mentaux
sévères, puis la deuxième difficulté que vous avez indiquée, si j'ai bien
capté, c'est la notion d'incurabilité ou non du trouble de santé mentale.
Depuis le début de la commission, il y a
des psychiatres qui sont venus nous dire les deux choses, certains qu'il y a
toujours de l'espoir, et que d'autres, par définition, c'est antithétique que
de parler d'un trouble de santé mentale incurable, et d'autres qui nous ont
dit : Non, après un certain temps, un certain suivi, on peut avoir un
degré raisonnable de certitude que la personne est arrivée au bout des
traitements.
Comme législateurs, là, si on décidait de
rester à l'intérieur de la logique de la loi québécoise actuelle, comment
trancher cette question-là...
M. Nadeau-Dubois : …au bout des
traitements. Comme législateur, là, si on décidait de rester à l'intérieur de
la logique de la loi québécoise actuelle, comment trancher cette question-là?
Oui, comment trancher cette question-là? J'avoue que, personnellement, ça me
rend perplexe.
Mme Marchand (Michèle) : Je
vais vous répondre un peu à côté. Mais je veux vous dire que c'est à peu près la
même chose qui s'est passée avec les soins palliatifs. Comprenez-vous? Il y
avait des gens, quand on voulait ouvrir aux personnes en fin de vie… Et
c'étaient les gens qui s'occupaient des soins palliatifs qui étaient comme les
experts de ce secteur, et c'est… et beaucoup de gens étaient extrêmement
réticents, parce qu'ils disaient : Il y a toujours quelque chose à faire,
il y a même une expérience positive dans la fin de vie. Et je pense que ce
qu'on a fait, finalement, là, c'est qu'on n'a pas tranché carré, comme on n'a
pas tranché, justement, là. On a permis qu'il y ait des gens qui pensent qu'il
y a toujours quelque chose à faire et d'autres qui pensent qu'on peut arriver à
certaines situations exceptionnelles. Bien, on a dit… Où ce serait
envisageable. Bien, on a dit, là : O.K., il y en a qui ne le feront jamais
et qui pensent qu'on pourra toujours faire quelque chose. Mais faisons minimalement
quelque chose, par exemple, pour que ceux qui veulent le faire en fin de vie
le… pas en fin de vie, mais in extremis, comme dernier recours, le fassent en
dernier recours. Et là, tout le monde est capable d'accepter ça. Et tout le
monde est capable… Je veux dire… Bien, tout le monde n'est pas content, là,
mais c'est un compromis acceptable même pour les gens qui pensent qu'on peut toujours
offrir quelque chose, ils vont continuer de toujours offrir quelque chose. Mais
ça va être possible pour certains de dire : Moi, je pense qu'on est arrivé
là, là, et ça ne sera pas interdit comme ce l'était avant, et ça va même…
Mais ça ne veut pas dire que ça va être
encouragé de faire ça très précocement ou obligé pour tout le monde de le
faire. Ce n'est pas parce que quelque chose devient permis… Écoutez, ce n'était
pas permis avant, là, l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas parce que quelque
chose devient permis que c'est la plus… la chose la plus appropriée à faire,
là. Je pense qu'il faut garder en tête que c'est un soin de dernier recours, et
ça nous donne une charge sociale vraiment lourde, parce que, si c'est un
dernier recours, il faut que les premiers recours soient corrects, là.
Comprenez-vous? Et ça, je pense qu'on peut faire un certain compromis même pour
des soignants ou des gens qui au départ étaient très… avaient des opinions très
polarisées. Vous comprenez ce que je…
M. Nadeau-Dubois : Oui, tout à
fait, tout à fait. Qu'est-ce que vous répondez… Parce que votre troisième
difficulté que vous avez indiquée sur cette question-là, c'est la question de
l'insuffisance des soins à l'heure actuelle, vous avez dit : La santé
mentale, c'est le parent pauvre de notre système de santé. À cet argument-là,
beaucoup d'experts à la commission ont répondu : C'est un faux dilemme, on
peut faire les deux. On pourrait ouvrir à l'aide médicale à mourir pour les
troubles de santé mentale sévères et en même temps travailler, comme société,
sur l'amélioration…
M. Nadeau-Dubois : ... système
de santé. À cet argument-là, beaucoup d'experts à la commission ont
répondu : C'est un faux dilemme, on peut faire les deux. On pourrait
ouvrir l'aide médicale à mourir pour les troubles de santé mentale sévères et,
en même temps, travailler comme société et sur l'amélioration significative des
soins en santé mentale. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de cet argument-là?
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
je pense que c'est vrai. C'est ça qu'on appelle des soins palliatifs. On n'a
pas attendu que le réseau des soins palliatifs soit parfait. Les soins
palliatifs, c'est loin d'être parfait, hein. C'est loin d'être parfait, mais il
faut travailler sur les deux plans en même temps et c'est pour ça qu'on a une
loi sur les soins de fin de vie et non une loi sur l'aide médicale à mourir.
D'ailleurs, c'est ça que le fédéral veut faire, par la voie de l'aide médicale
à mourir, il veut rentrer dans l'organisation. Nous autres, on a fait le
processus inverse. On a essayé d'intégrer l'aide médicale à mourir dans un
continuum de soins.
Je pense que c'est plus intelligent, mais en
tout cas... pas plus intelligent qu'une autre façon de porter ça, mais enfin.
Mais... Et puis, je pense qu'il faut faire la même chose pour les autres types
de problèmes. C'est beaucoup plus difficile pour la démence, me semble-t-il,
que pour les maladies mentales. Mais je pense que ce n'est pas impossible de
maintenir les deux positions et de faire une espèce de... C'est un compromis, finalement,
où ces deux positions-là, sont capables d'appuyer où ces deux positions-là sont
capables de vivre ensemble, à condition qu'entre les deux positions, il y ait quelque
chose, comprenez-vous? Il y ait quelque chose comme prise en charge.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Marchand (Michèle) :
L'État est un gros... et ça serait très ambitieux qu'il y ait quelque chose
entre les deux pour une société.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Dr Marchand. Je passerais maintenant
la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
• (9 h 50) •
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup, Mme Marchand. Très intéressant.
Moi, j'aimerais que vous parliez de l'aide
médicale à mourir via sédation palliative, parce qu'on sait que dans la
population et sur certains camps médicaux, c'est flou. Alors, j'aimerais vous
entendre sur ce point-là et, le deuxième point, c'est que si la sédation
palliative serait plus connue, pensez-vous qu'on aurait moins de demandes d'aide
médicale à mourir... de demandes, excusez-moi, de soins de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
je suis très contente de votre question parce qu'effectivement... Bon, je veux
répondre à ça avec beaucoup d'enthousiasme, là. La sédation, c'est un des
problèmes qu'on avait justement avec les soins de fin de vie. Comprenez-vous,
là? C'est ça, le problème qu'on avait. La sédation palliative est un moyen...
c'est très utile, c'est très utile. Le problème qui se posait avec la sédation
palliative, c'est que quand on met quelqu'un en sédation palliative, c'est
évident qu'il ne peut plus boire et manger et puis ils vont mourir. Et les
gens, on préfère que ce soit identique à à l'euthanasie, ce n'est pas identique
du tout, mais c'est sûr, mais plus… au fur et à mesure qu'on discutait des
soins de fin de vie, on a été capables de clarifier ça, que la sédation
palliative n'est pas de l'aide médicale à mourir. Mais on avait tellement peur
que ce soit...
Mme Marchand (Michèle) : …ce
soit identique à l'euthanasie, ce n'est pas identique du tout, mais c'est sûr,
mais plus… au fur et à mesure qu'on discutait des soins de fin de vie, on a été
capables de clarifier ça, que la sédation palliative n'est pas de l'aide médicale
à mourir. Mais on avait tellement peur que ce soit l'aide médicale à mourir,
mais on avait peur de parler de toutes ces choses-là avant, on avait tellement
peur qu'on réservait la sédation palliative à des périodes in extremis, là, on
voulait faire ça très tardivement parce que c'est sûr que, finalement, ça va
tuer le patient, parce qu'il ne mange pas puis il ne voit pas donc,
comprenez-vous, ça fait qu'on retardait l'utilisation de la sédation
palliative. Parce que, moi, je pense qu'il faut utiliser la sédation palliative
quand on peut et quand les gens, c'est ça qu'ils veulent, et c'est très utile,
mais il ne faut pas exclure pour autant l'aide médicale à mourir. Mais la
sédation palliative, c'est différent, c'est différent, on endort le patient, mais
c'est évident qu'on ne peut pas le faire très précocement parce qu'il va en
mourir, parce qu'il n'est pas hydraté, il n'est pas… Donc, c'est ça, mais c'est
quelque chose qui est très, très utile.
Et quand quelqu'un est en sédation
palliative, il n'a pas besoin d'aide médicale à mourir. Quand quelqu'un va
mourir calmement, sans trop de souffrances, on en a, il ne faut pas penser à
l'aide médicale à mourir. Les gens disent : Moi, je veux choisir le moment
de ma mort, là, .eCn'est pas ça, là, c'est que c'est des gens qu'on avait de la
misère et on réservait la sédation palliative à des… on les laissait souffrir
parce qu'on ne voulait pas mettre la sédation palliative précocement, donc… Ça
fait que comprenez-vous, c'est tout ça qui s'est clarifié et que, je pense, ça
fait du bien à tout le monde de pouvoir utiliser la sédation palliative sans
avoir peur de faire de l'euthanasie, de pouvoir utiliser l'euthanasie, quand
les gens ne veulent pas de sédation palliative, mais que ça va mal, mais pas
utiliser l'euthanasie parce que je veux choisir ma mort, comprenez-vous, là.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
J'ai juste une petite dernière question, c'est que considérez-vous que,
lorsqu'on demande une sédation palliative, que le patient doit être apte à
choisir la sédation palliative?
Mme Marchand (Michèle) : La sédation
palliative, je pense qu'en général les patients sont aptes à choisir, oui.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Bonjour. Bon matin, Dre Marchand. Très intéressant ce que
vous nous apportez ce matin. Moi, j'aimerais revenir sur…quand vous avez parlé qu'il
y avait trois scénarios, et, dans le premier, vous avez dit ce qui serait important,
c'est de garder nos acquis pour les soins de fin de vie. Ensuite, vous avez
dit : Si on ouvre, bien, il faudrait que ce soit des modifications
mineures. Qu'est-ce que vous voulez dire par modifications mineures?
Mme Marchand (Michèle) : Les modifications
mineures, bien, je pense que, bon, la Loi concernant les soins de fin de vie,
la loi québécoise, on va l'appeler comme ça, là, a des critères, des
procédures, là, que vous connaissez probablement, là, qui sont assez détaillés,
et tout ça. Le Code criminel, là, a aussi des critères qui sont sensiblement, à
mon avis, les mêmes…
Mme Marchand (Michèle) : ...la
Loi concernant les soins de fin de vie ou la loi québécoise, là, on va
l'appeler comme ça, là, a des critères, des procédures, là, que vous connaissez
probablement, là, qui sont assez détaillées, et tout ça.
Le Code criminel, là, a aussi des critères
qui sont sensiblement, à mon avis, les mêmes, mais que... bon, vous voyez, là,
a des ajustements mineurs, à mon avis, puis il a déjà conservé une branche pour
les personnes qui sont en... dont la mort est prévisible. Et c'est à peu près
les mêmes critères, il faut que les soient souffrants, il faut qu'ils soient
aptes à donner leur consentement, puis là il y a des procédures précises. Bon.
Mais, par exemple, le handicap n'est pas considéré. Tu sais, il y a des
affaires, là... Moi, je ne pense pas que... les gens disaient que la loi
fédérale était beaucoup plus permissive pour les personnes en fin de vie ou les
personnes... mais je ne pense pas, je pense que c'est à peu près la même chose.
Les procédures sont à peu près les mêmes aussi pour les personnes qui sont en
fin de vie, et donc je ne pense pas, là, qu'il y ait de gros problèmes là et je
pense que les modifications mineures, là... il faudra regarder, là, dans la
précision de la formulation des choses, voir si ça correspond à la façon dont
c'est formulé dans le Code criminel et ne convient pas à... bon.
Il y a certaines choses qui seraient plus
difficiles, par exemple, comme ouvrir les demandes anticipées, les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir. Ça, là, je pense que le Code criminel
exige que les gens soient aptes. On pourrait plaider que les gens sont aptes au
moment où ils font la demande, là, mais c'est sûr que, là, on ne pourrait plus
avoir l'aptitude au moment où l'acte est posé. Et ça, je ne sais pas si ça pose
des problèmes juridiques, c'est hors de mon champ de compétences, mais ça
pourrait être un ajustement, là, qu'il faudrait surveiller, et il ne faudrait
pas se lancer dans d'autres batailles, on l'a perdu, là, la bataille au plan
juridique, et il ne faudrait pas se lancer, je pense, dans d'autres batailles
sur le fait qu'on va ouvrir à des demandes anticipées, alors que le Code
criminel ne l'avait pas prévu.
Mme
Hébert
:
Donc, ce que vous dites, c'est qu'on ouvre aux demandes anticipées, mais là
c'est... puis on enlève le critère d'aptitude de la fin...
Mme Marchand (Michèle) :
Bien, ça se trouve... Tu sais, c'est ça, les demandes anticipées, là, c'est
comme enlever le critère d'aptitude, oui et non. Dans le fond, les gens sont
aptes quand ils font la demande, mais quand on l'applique, ils ne le sont plus.
Donc, je ne sais pas si ça poserait un problème, là, au niveau de la
concordance avec... Parce que Me Ménard nous disait que c'est le Code
criminel qui a prépondérance, là, sur les autres lois. Mais je pense que notre
loi sur la fin de vie, là, les soins de fin de vie, là, je ne pense pas qu'elle
soit sur plusieurs points en contradiction avec le Code criminel. Celui-là, la
proposition des experts qui proposent qu'il y ait... je pense que ça... je ne
sais pas. Il faudrait voir avec des juristes voir si ça va être contesté
constitutionnellement. Mais à mon avis, quand le critère de fin de vie est là,
je pense qu'on pourrait intégrer ça dans notre loi...
Mme Marchand (Michèle) : ...la
proposition des experts, ceux qui proposent qu'il y ait déjà un diagnostic, et
tout ça, là, je pense que ça... je ne sais pas. Il faudrait voir avec des
juristes, voir s'il y a une... si ça va être contesté constitutionnellement.
Mais à mon avis, quand le critère de fin de vie est là, je pense qu'on pourrait
intégrer ça dans la... dans notre loi. Je pense que c'est possible de penser à
directives médicales anticipées quand le critère de fin de vie est là, parce
que là, on sait quand l'appliquer. Ça va être en fin de vie, ça va être quand
les gens sont souffrants. Si le critère de fin de vie n'est pas là, là, là, il
nous reste juste la souffrance, et là c'est un petit peu plus compliqué.
Mme
Hébert
:
Puis dans cette optique-là, qui serait apte à prendre la décision pour la
personne qui est rendue inapte?
Mme Marchand (Michèle) :
Bien, si c'est une demande anticipée, bien là je pense que l'idée du groupe
d'experts... là, je me réfère au groupe d'experts... je pense que l'idée
d'avoir une espèce de mandataire, qui n'est pas un mandataire au sens courant
et judiciaire du terme, là, d'avoir quelqu'un qui va voir à l'application...
Mais ce n'est pas cette personne-là qui va l'appliquer. Je pense que, les
critères étant déjà déterminés, eh bien, ça va être comme quand on applique un consentement,
là. C'est un consentement qui a... Le consentement anticipé, là, il a comme la
même valeur, mais la demande, elle ne peut pas être exécutoire. Il n'y a pas
une demande qui est exécutoire.
Donc là, il va falloir voir si c'est quelque
chose qui est approprié, et que le patient a d'avance demandé ou consenti... à
laquelle il a déjà consenti. Il faut voir ça sous l'angle d'une demande. La
demande est indicative, mais on va voir si ça a la même valeur... c'est ça
qu'on a dit dans les directives médicales anticipées, là... si ça a la même
valeur qu'un consentement d'une personne apte, ni plus ni moins. Donc, ça ne
donne pas ouverture à l'aide médicale à mourir. Mais si les conditions sont
remplies, ça va donner une ouverture. Si les conditions sont remplies.
Mme
Hébert
:
Merci, Dre Marchand.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Soulanges.
M. Picard
: Bonjour, Dre Marchand. Merci pour vos
échanges, qui sont vraiment constructifs. Je vais revenir un petit peu sur
l'élément que vous avez mentionné à ma collègue à propos des Pays-Bas. Vous
dites qu'ils n'entrent pas dans le bain, là, de... il y a plusieurs médecins,
en fait, qui ne veulent pas... ou qui font avec une grande hésitation les soins
de fin de vie ou qui ne veulent pas les faire. On sait qu'en ce moment au Québec,
là, vous savez qu'il y a des directives médicales anticipées, il y a des
papiers de niveaux de soins qui font qu'avec un consentement substitué aussi,
une personne pourrait décider qu'une telle personne, un proche aidant, leur
parent, ou un frère, ou bien, peu importe qui peut décider de ne pas faire de
réanimation, peut décider de ne pas faire d'intubation.
• (10 heures) •
Je comprends que, pour un médecin, c'est
contre-intuitif, parce que les médecins se doivent d'être là pour soigner
jusqu'au bout, doivent faire tout en leur possible pour sauver leurs patients.
Qu'est-ce qui fait, selon vous, que les directives médicales anticipées, les
niveaux de soins...
10 h (version non révisée)
Mme Picard : …je comprends que,
pour un médecin, c'est contre-intuitif, parce que médecins se doivent d'être là
pour soigner jusqu'au bout, doivent faire tout en leur possible pour sauver
leurs patients. Qu'est-ce qui fait, selon vous, que les directives médicales anticipées,
les niveaux de soins sont plus acceptables? Pourquoi un médecin est plus
confortable à faire ces demandes-là qu'ils ne le seraient avec la directive
médicale anticipée?
Mme Marchand (Michèle) : Bon.
Si je comprends bien votre question, là, c'est : Pourquoi, même aux
Pays-Bas où c'est permis, les médecins ont des réticences? Il y a beaucoup de
demandes qui sont refusées, mais c'est des demandes d'euthanasie, c'est des
demandes d'euthanasie, ce qu'on appelle ici des demandes d'AMM. Pourquoi? Parce
que tout le monde a peur d'écourter la vie de quelqu'un, d'enlever la vie à
quelqu'un contre son gré, alors que la personne ne peut pas, sur le coup, on ne
peut pas être sûr que c'est ce qu'elle veut, c'est ça qui fait que les gens ont
peur. Et le cas qui nous a été rapporté des Pays-Bas où on est obligé de forcer
une personne qui était devenue inapte à la sédationner ou la contentionner pour
y donner l'aide médicale à mourir, c'est horrible, ça, il n'y a personne, il
n'y a personne qui veut vraiment faire ça.
Parce que ça, là, c'est difficile, c'est
une situation difficile pour tout le monde, c'est difficile pour un soignant,
ce n'est pas parce que les gens veulent absolument faire de l'acharnement
thérapeutique. Parce que contrairement à ça, les DMA, les refus de soins… les
DMA, là, c'est des refus de soins. Ça, là, les médecins, là, ce n'est pas vrai
qu'ils sont inconfortables avec ça, les gens qui sont inconfortables avec
l'arrêt des soins, là, c'est les proches, et c'est pour ça que les DMA sont
contraignants pour les proches, c'est contraignant parce que c'est les proches
qui ont de la misère à faire ça. Les médecins font ça, les médecins font ça
couramment, parce qu'ils sentent une certaine responsabilité, ils ont prolongé
la vie de ces gens-là, et là, ça ne marche pas, là, ça fait que,
comprenez-vous, là, c'est de l'acharnement thérapeutique, là.
Donc, je pense que les DMA… moi, je suis
tout à fait d'accord avec les DMA, comme je disais, il faudrait voir, là, pour
qu'ils soient rédigés… On a réduit les situations où les DMA pouvaient
s'appliquer, parce que les gens peuvent faire ça tout seuls chez eux, là. Puis
là ils connaissent ce que c'est d'être en fin de vie, ils connaissent ce que
c'est que de ne plus avoir de fonction cognitive, ils peuvent s'imaginer ça,
mais il y a plein d'affaires qu'ils ne peuvent pas s'imaginer, là, puis qu'il
faudrait discuter, voir si ça s'applique à eux autres puis prévoir ça de façon
libre, éclairée, comprenez-vous, là. Donc, il faudrait peut-être les rédiger
autrement, mais ça, c'est des refus de soins. Et ça, je vous le dis, là, les
médecins, en général, font ça, ont fait des arrêts de traitement régulièrement
et même des arrêts de boire et manger. Les médecins seraient prêts à
accompagner les… mais de là à écourter activement la vie d'une personne, alors
là…
Mme Marchand (Michèle) :
…refus de soins, et ça, je vous le dis, là, les médecins, en général, font ça,
on fait des arrêts de traitement régulièrement, et même des arrêts de boire et
manger, mais… Les médecins seraient prêts à accompagner les… Mais, de là à…
d'écourter activement la vie d'une personne, alors là, ce n'est pas pareil, là.
Comprenez-vous, là? Parce que la personne, elle n'est plus capable de nous dire
que c'est ça, et c'est ça qui rend les médecins si réticents. Je ne dis pas que
c'est impossible de le faire, là, mais, tu sais, les gens vont le faire avec beaucoup,
beaucoup et de réticence et de prudence, là, parce qu'on ne veut pas… Et
partout où ça a été libéralisé… Et puis là, il faut s'enlever de la tête que
c'est libéralisé partout, là. Mais partout où ça a été libéralisé, l'aide
médicale à mourir, là, c'est pour des personnes aptes, et, quand on en vient à
des personnes inaptes, là, on a de la misère. Et même dans la loi… Je veux dire
ça : Même dans la Loi concernant les soins de fin de vie, le scénario 1,
mettons qu'on la garde, ce qu'on avait dit, c'est qu'il y a quand même des gens
qui sont inaptes puis qui sont souffrants en fin de vie, et ça, là, peut-être
qu'il faut ouvrir pour eux autres, là. Et ce qu'on avait suggéré au moment où
on avait fait… au moment de… Ça n'a pas été mis dans la loi, là, mais ce qu'on
avait suggéré, c'est qu'il y ait une autorisation du tribunal, une autorisation
préalable à l'acte pour que les personnes qui sont inaptes, il n'y ait pas de
consentement substitué, parce que tout le monde a peur de ça, comprenez-vous, il
n'y ait pas de consentement substitué pour l'aide médicale à mourir, mais il
pourrait y avoir une autorisation pour que, dans les cas extrêmes — et
je pense que ça va être la même chose pour les mineurs, jusqu'à un certain
point — vraiment des personnes, là, qui souffrent, là, puis qu'on
veuille… ils ont autant le droit d'arrêter de souffrir que les autres, mais il
faut faire extrêmement attention, parce qu'il n'y a personne qui veut écourter
la vie de quelqu'un contre son gré.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Marchand (Michèle) : On a
peur de l'euthanasie involontaire, puis on a raison.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci infiniment, Dre Marchand, de votre… de
nous avoir présenté votre point de vue ce matin. C'est très important pour la
suite de nos travaux. Donc, nos échanges sont terminés. Donc, nous suspendons
les travaux pour accueillir nos nouveaux invités. Et encore une fois, Dre
Marchand, merci, vraiment.
Mme Marchand (Michèle) :
Merci. Bienvenue.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour.
(Suspension de la séance à 10 h 5)
(Reprise à 10 h 10)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux. Bienvenue, Dr Roy. Donc, merci d'avoir
accepté notre invitation. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Donc, vous avez 20 minutes pour votre
exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission
pour 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
M. Roy (Louis) :
Je vous remercie. Merci à tous les membres de la commission de m'avoir permis
et m'avoir invité à me présenter à vous aujourd'hui dans les travaux sur la Loi
concernant les soins de fin de vie.
Tout d'abord, juste dans la mise en place,
vous dire une chose importante. Depuis le 17 mai dernier, j'ai cessé ma
pratique clinique comme médecin en soins palliatifs pour me joindre à l'équipe
du Collège des médecins du Québec à la direction de l'inspection
professionnelle. Donc, je suis ici à titre personnel et non pas à titre de
représentant du Collège des médecins, vous l'aurez compris. Donc, je vous
présente ici mes constats de mes 22 dernières années de médecin en soins
palliatifs en milieu universitaire et à domicile.
La première chose sur laquelle je voudrais
attirer l'attention... évidemment, je sais que les travaux de la commission
portent beaucoup, beaucoup autour de l'élargissement de l'accès à l'aide
médicale à mourir, mais la Loi concernant les soins de fin de vie inclut aussi
les soins palliatifs entre autres choses. Et lors des travaux qui avaient mené
à cette loi, j'avais été amené à deux reprises de pouvoir rencontrer les
parlementaires et présenter devant eux. Et à chaque fois, c'est... à ce
moment-là, j'avais insisté sur le fait que, oui, si on va vers l'aide médicale
à mourir, mais il y a une chose importante, c'est celle d'avoir accès à des
soins palliatifs.
Force est de constater que les soins
palliatifs se sont améliorés dans les dernières années, mais pas autant qu'on
aurait pu peut-être le souhaiter. Il y a encore des difficultés d'accès en
termes de rapidité, en termes de qualité aussi, c'est variable d'un endroit à
l'autre, d'un établissement à l'autre. Donc, je veux simplement faire un rappel
aux membres de la commission qu'il y a cet élément très, très important. C'est
une minorité de gens qui vont, en fin de vie, demander...
M. Roy (Louis) :
…le souhaiter. Il y a encore des difficultés d'accès en termes de rapidité, en
termes de qualité aussi. C'est variable d'un endroit à l'autre, d'un
établissement à l'autre. Donc, je… simplement faire un rappel aux membres de la
commission qu'il y a cet élément très, très important. C'est une minorité de
gens qui vont, en fin de vie, demander l'aide médicale à mourir, et même
lorsqu'ils demanderont l'aide médicale à mourir, ils auront eu, je l'espère,
accès à des soins palliatifs… et que leur choix, s'ils vont vers l'aide
médicale à mourir, ne sera pas parce qu'ils n'auront pas eu accès à des soins
palliatifs en temps et lieu et en qualité.
D'ailleurs, à ce niveau-là, on remarque…
j'ai pu remarquer dans ma pratique, dans la dernière année, suite à la pandémie,
qu'il y a eu un effet qu'on n'avait peut-être pas attendu, c'est de voir que
les gens, face à la pandémie et aux contraintes que… étaient imposées lorsque
les gens entraient dans les établissements de santé, les gens sont restés
beaucoup plus longtemps à leur domicile. On a vu même plus de décès à domicile.
Je l'ai… on l'a constaté avec certaines de mes collègues qui font beaucoup de
soins palliatifs à domicile. Le nombre de gens à suivre, les durées de suivi,
le nombre de décès ont augmenté. Donc, il y a là quelque chose qui est
intéressant.
C'est que oui, les gens pourraient… et on
en a souvent parlé, au fil des années, d'augmenter l'accès à domicile et les
décès à domicile, oui, les gens pourraient le faire, mais il y a tout cet
élément de l'offre et la demande, dans le sens où lorsque le fardeau devient
trop lourd à domicile, les gens ont tendance à se tourner vers les
établissements qui sont des institutions avec des structures plus lourdes, donc
plus chères, et que si on a une accessibilité augmentée facilitée à domicile
avec plus de ressources, on va probablement permettre d'avoir des gens qui vont
rester plus longtemps chez eux, ce qui est globalement une amélioration.
Je vous ai parlé… je vais glisser un mot
sur la qualité des soins palliatifs. Il faut continuer à faire la formation,
s'assurer que les gens ont accès à des soins de qualité de… quels que soient
les professionnels. Et, à ce niveau, il y a deux éléments, et je sais bien que
ce n'est pas les membres de la commission qui vont mettre ça, mais peuvent
avoir une influence pour inciter des instances à mettre des choses en place.
Il y a une plateforme qui se met
actuellement en place au niveau du ministère de la Santé qui s'appelle la
plateforme eConsult ou consultation électronique, qui est un mécanisme qui se
met en place pour permettre aux médecins de première ligne d'avoir un accès
rapide, de façon électronique, pour un avis qui peut mener à oui, écoutez,
il faut qu'on voie votre patient en consultation ou voici ce que je vous suggère.
Cette plateforme-là n'est actuellement pas prévue dans… au début de son
implantation pour inclure les soins palliatifs, mais je suis convaincu que les
soins palliatifs seraient une méthode, ce serait une sphère d'intervention où
la plateforme serait très, très utile, très utilisée. Donc, il y a là une
possibilité.
La création, aussi, de communautés de
pratique virtuelle qui pourraient permettre, justement, de favoriser l'échange
entre des gens qui en font beaucoup, qui ont une expertise en soins palliatifs
et les médecins de première ligne qui en font peu et qui ont besoin…
M. Roy (Louis) :
…utile, très utilisée. Donc, il y a là une possibilité. La création aussi de communautés
et de pratiques virtuelles, qui pourrait permettre, justement, de favoriser
l'échange entre des gens qui en font beaucoup, qui ont une expertise en soins
palliatifs, et les médecins de première ligne qui en font peu, et qui ont
besoin, justement, de pouvoir avoir… aller chercher rapidement de l'information
et du soutien. Donc, je me permets de passer ici cet élément qui m'apparaît important,
et les soins palliatifs étant un élément vraiment essentiel lorsque les
personnes arrivent en fin de vie.
Dans les autres considérations de la loi,
il y a les directives médicales anticipées, je passerais rapidement, mais
simplement pour vous dire que, dans mon expérience clinique, ça demeure
vraiment très méconnu, peu utilisé. Il y a donc encore du travail à faire, entre
autres, au travers de campagne d'information près du grand public.
Le troisième chapitre au niveau de la loi,
c'est la sédation palliative continue qui a été incluse dans la loi afin de
pouvoir baliser des pratiques qui étaient parfois assez divergentes ou, à tout
le moins, pas toujours semblables. Ce qui reste de ce côté-là, c'est qu'il y a
des flous. Les gens ne comprennent pas nécessairement qu'est-ce que la sédation
palliative continue, même au niveau des milieux cliniques, et encore plus au
niveau de la population. Ce que la sédation palliative continue… c'est une aide
médicale à mourir, qui fait qu'on décède en quelques heures ou quelques jours
au lieu de quelques minutes. C'est souvent perçu comme ça, donc là aussi il y a
de l'information à transmettre. Il y a de l'éducation, particulièrement, au
niveau des professionnels de la santé, pour s'assurer que ce soin qui est très
utile, qui est très… qui peut être bien utilisé, soit utilisé à bon escient,
mais bien compris de tout le monde.
Alors, j'en arrive au sujet le plus
crucial de vos travaux, c'est celui de l'aide médicale à mourir. Je vais vous
avouer que j'ai été rapidement, lorsque la loi a été implantée, rapidement mis
dans le bain, pour avoir été invité, pour présider le comité au ministère sur
l'implantation de l'aide médicale à mourir. On a travaillé pendant près d'un an
et demi. Les choses se sont mises en place, et j'ai été moi-même surpris, suite
à nos travaux et avec l'implantation de l'aide médicale à mourir, de voir que
le nombre de demandes est nettement supérieur à ce que l'on pouvait… on avait
pensé, hein. On s'était dit qu'il y aurait un certain nombre, mais c'est
vraiment du double ou même au triple des chiffres auxquels on pensait. Et j'ai
même été étonné, entre autres, mais là, sans tomber dans un âgisme, là, qui
pourrait avoir l'air de mauvaise foi, mais j'avais comme une espèce de
présomption personnelle de dire : Peut-être que les gens plus âgés vont,
pour différentes raisons, peut-être aussi culturelles, avoir moins recours, mais
non, la demande d'aide médicale à mourir ne connaît pas d'âge. J'ai vu des
demandes, dans les dernières années, jusqu'à 100 ans avec des gens très
lucides et très déterminés. Donc, vraiment, ça n'a pas d'âge et ça vient
couvrir toutes les tranches de notre population…
M. Roy (Louis) :
...avoir moins recours, mais non, la demande d'aide médicale à mourir ne
connaît pas d'âge, et j'ai eu des demandes, dans les dernières années, jusqu'à
100 ans avec des gens très lucides et très déterminés. Donc, vraiment, ça
n'a pas d'âge et ça vient couvrir toutes les tranches de notre population.
Dans tous les changements qui arrivent, il
y a des éléments qui font en sorte... qui demeurent flous. C'est sûr que, pour
avoir accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est atteinte d'une
maladie néoplasique, un cancer avec une évolution connue, c'est beaucoup plus
facile, c'est beaucoup plus simple dans le sens où, pour le côté clinique, le
côté médical, on a plus facilement une idée de ce qui s'en vient, vers quoi on
va par rapport à des maladies d'insuffisance organique, comme l'insuffisance
cardiaque, par exemple.
Et ce qui vient en plus s'ajouter, c'est
cette notion, qui était à l'origine dans la loi, du pronostic de survie, notion
qui, suite au jugement à la Cour supérieure, a été invalidée, mais qui reste
ancrée. Donc, vous savez, lorsqu'on apprend une notion, c'est difficile de la
désapprendre. Je peux vous dire que, dans les derniers 18 mois, dans mon
milieu, dans le CHU de Québec, j'étais quelqu'un qui était une des figures de
référence pour les demandes d'aide médicale à mourir, et c'était à répétition,
j'avais des questions : Qu'est-ce qu'on fait avec ça, le pronostic? Est-ce
que ça tient encore ou est-ce qu'on va... Donc, il y a des notions qui font
que, puisque la loi évolue, puisqu'il y a des changements, il y a des choses
qui sont... comme restent incertaines, les gens ne sont pas certains de comment
bien faire et être certains de bien faire.
• (10 h 20) •
En plus, il y a des éléments, avec les
récents changements qui ont été faits au gouvernement fédéral, qui amènent
encore plus de questionnements. La notion des 10 jours qui était dans la loi au
niveau fédéral, maintenant, la notion du 90 jours compte tenu du
diagnostic, là aussi ça amène... tous ces éléments amènent des flous qui font
en sorte que beaucoup d'intervenants, particulièrement mes collègues médecins,
vont se sentir un peu insécurisés. À quelle loi je dois faire référence? Quels
critères je dois suivre? Le fait d'avoir deux lois dans deux juridictions
différentes, les gens sont dans un élément qui les rend insécures. Donc, une
nécessité d'avoir une harmonisation, de s'assurer qu'il y aura... que ce sera
plus simple de comprendre, et que les critères, finalement, quel que soit... j'ose
faire une image, quel que soit du côté de la rivière des Outaouais qu'on est,
les critères demeurent les mêmes pour tout le monde. Alors, ça, c'est un
élément qui est, à mon avis, vraiment fondamental, et qui va faciliter l'accès,
et il va faciliter le travail en clinique pour l'évaluation de l'accès à l'aide
médicale à mourir.
Il a été beaucoup question de l'accès pour
les personnes qui ont un handicap. Et ça, c'est vraiment...
M. Roy (Louis) :
...un élément qui, à mon avis, est vraiment fondamental, et qui va faciliter
l'accès, et il va faciliter le travail en clinique pour l'évaluation de l'accès
à l'aide médicale à mourir.
Il a été beaucoup question de l'accès pour
les personnes qui ont un handicap. Et ça, c'est vraiment… on l'a vu, dans la
loi fédérale, c'est mentionné, au Québec, ce ne l'était pas, donc ça demeure
difficile. Mais, personnellement, dans les dernières années, j'ai eu, à un
certain nombre de reprises, des gens atteints d'un handicap physique, mais qui
ne compromettait pas leur survie dans un temps qui était prévisible, qui
m'étaient référés pour avoir un avis : Est-ce que cette personne pourrait
recevoir l'aide médicale à mourir, puisqu'elle m'en parle? Et vraiment, ici,
je… en me préparant pour vous rencontrer, aujourd'hui, me revenait cette
question qui m'était apparue lors des travaux qu'on avait faits pour la mise en
place de l'aide médicale à mourir, et cette question, c'était : Qui
suis-je pour décider qu'une souffrance n'est pas assez importante pour
justifier une demande d'aide médicale à mourir? Ce n'est pas ma souffrance, à
moi, mais c'est un jugement que, moi, je porte sur la souffrance de l'autre. Et
ça, c'est vraiment difficile, cliniquement, de se retrouver devant quelqu'un,
ou de lui dire : Écoutez, selon les termes de la loi actuelle, de… moi,
comme je les comprends, comme je les interprète, je ne peux accepter votre
demande. Et c'est une… on ne peut pas dire oui à toutes les demandes, parce
que… il ne faut pas qu'il y ait des demandes qui soient frivoles, mais c'est
difficile de voir quelqu'un qui a une souffrance qui… visiblement, le handicap,
il est lourd, il cause des souffrances physiques, psychiques, et que ça devient
intolérable pour la personne.
Alors, il y a là un élément important à
regarder pour s'assurer que ces gens-là ne se retrouvent pas dans une situation
d'inconfort et aussi ne se retrouvent pas dans la situation où la seule solution,
lorsqu'on a dit : Bien écoutez, dans les termes actuels, je ne peux pas
accepter votre demande, mais vous pouvez toujours vous adresser à la cour pour
voir si, au niveau juridique, vous pourriez avoir un jugement qui vous y
autoriserait. Ça fait que, vous le voyez bien et vous le comprenez très bien,
ce recours judiciaire va être un fardeau pour le patient qui, déjà, est pris
avec une maladie, avec plein de choses. Et à chaque fois que j'en ai fait la
mention, j'ai rarement eu des… quelqu'un qui disait : Ah oui, je vais
faire ça, je vais aller vers ça. Les gens n'ont pas cette énergie. Donc, je
pense que la loi doit être assez claire pour permettre, justement, qu'on n'ait
pas besoin d'aller vers ce recours de type juridique.
J'aborde brièvement la notion des
personnes qui sont atteintes d'une maladie psychique ou de… au niveau de l'état
de santé mentale. Je n'ai pas du tout l'expertise à ce niveau-là pour faire une
évaluation juste et claire, et mes collègues de la psychiatrie sauront mieux
vous informer, mais il faut se rappeler, encore une fois : Qui suis-je?
Qui suis-je pour décider de la souffrance de l'autre, lorsque la souffrance,
elle est là, elle est…
M. Roy (Louis) : …du tout
l'expertise à ce niveau-là pour faire une évaluation juste et claire, et mes
collègues de la psychiatrie sauront mieux vous informer. Mais il faut se
rappeler, encore une fois : Qui suis-je? Qui suis-je pour décider de la
souffrance de l'autre lorsque la souffrance, elle est là, elle est intense,
elle est persistante. Il faut faire la différence entre une situation aiguë de
stress et qui a un potentiel de guérison, par rapport à une situation qui est
chronique. Mais je pense que ces gens-là méritent d'avoir une oreille
attentive.
Il y a des situations que j'appelle comme
litigieuses, ou limites. Peut-être qu'avec les changements législatifs qui s'en
viennent il y en aura moins, ça sera plus facile, mais il est arrivé, il m'est
arrivé à un certain nombre de reprises de me retrouver devant une situation de,
bon… Est-ce que oui, est-ce que non, même si je connais bien la loi, même si
j'en ai déjà discuté avec beaucoup de gens, est-ce que la personne est
admissible ou non, puis de voir vers qui je peux me tourner pour en discuter,
donc en parler avec mes collègues et tout. Et à titre anecdotique, je peux vous
dire que j'ai déjà… une fois, entre autres, j'étais embêté, alors je parle avec
quelqu'un du comité d'éthique clinique qui finit par me faire dire : As-tu
vu un dilemme moral intérieur? Je dis : Bien, ça, ça ne m'aide pas
beaucoup, parce que est-ce que j'ai un dilemme moral intérieur ou j'ai
quelqu'un de souffrant devant moi? Et finalement, ce qui arrive, c'est que
finalement, si on a une situation qui semble un peu limite, on va être porté,
on va dire : Puisque je suis incertain, je me sens dans une zone grise, je
vais donc dire : Non, ce n'est pas admissible, ou adressez-vous à
quelqu'un d'autre. Et à ce niveau-là, ce serait vraiment intéressant qu'il y
ait, justement, une instance à laquelle le clinicien pourrait se référer. Dans
le document que je vous ai fait parvenir, j'ai fait mention à une instance
qu'on pourrait appeler la table nationale d'accès à l'aide médicale à
mourir — là, je me suis permis d'inventer quelque chose — mais
une instance où le médecin, le clinicien ou une équipe pourrait dire :
Écoutez, nous, on a une situation, on n'est pas trop sûrs, on reste dans notre
zone grise et on aimerait ça, plutôt que de dire on va de l'avant mais au
risque de se faire taper sur les doigts en se faisant dire : Vous n'aviez
pas le droit de faire ça, ou on n'y va pas, puis on prive la personne de, peut-être,
d'un soin qu'elle aurait eu droit, de dire, bien, on pourrait s'adresser,
est-ce que c'est la commission des soins de fin de vie qui devait le faire, est-ce
que ça devrait sous l'égide de la commission avec un groupe d'experts, et qui
pourrait donner une autorisation préalable? Et je reviens à la notion, tout à
l'heure, de dire à la personne : Bien, adressez-vous à la cour, et si la
cour dit : Oui, vous devriez avoir droit à l'aide médicale à mourir,
revenez me voir avec votre jugement, et on pourra aller de l'avant. Bien, cette
table d'accès aurait cette espèce de rôle, plutôt que de dire :
Adressez-vous à la cour. C'est du côté clinique qu'on s'assure qu'on y va, puis
qu'être capables de dire : Écoutez, on est allés jusqu'à l'instance la
plus élevée d'un groupe d'experts qui dit : Écoutez, non, actuellement
votre demande ne peut pas être acceptée, ou oui, dans les circonstances, compte
tenu du dossier qu'on a présenté, votre…
M. Roy (Louis) :
...c'est du côté clinique qu'on s'assure qu'on y va, puis être capable de
dire : Écoutez, on est allé jusqu'à l'instance la plus élevée de groupes
d'experts qui dit : Écoutez, non, actuellement, votre demande ne peut pas
être acceptée, ou, dans les circonstances, compte tenu du dossier qu'on a
présenté, votre demande, elle devient acceptable. Et ça permet de soulager tout
le monde. Le médecin va se sentir appuyé, que ce soit un oui ou un non, va se
sentir... bien, je suis appuyé, ce n'est pas juste ma décision à moi, ou je me
sens appuyé d'en dire un, oui, parce que j'ai eu d'autres gens qui sont venus
confirmer mon impression. Donc, à ce niveau-là, il y aurait quelque chose. Je
ne pense pas que c'est un groupe qui va être sollicité toutes les semaines,
mais un certain nombre de fois par année aurait des demandes et pourrait
faciliter justement cet accès.
Finalement, la notion du consentement à l'aide
médicale à mourir, on en a parlé, le consentement préalable, d'avoir une autorisation
d'aller vers l'aide médicale à mourir, même suite à la perte de l'aptitude à
consentir une fois que tout a été évalué. Et là-dessus, mon expérience
clinique, c'est qu'il y a beaucoup de patients qui ont très peu de perdre leur
aptitude et qui vont soit devancer la date soit refuser certains soins propres
à les soulager, par peur de ne plus avoir l'aptitude nécessaire. Parce qu'ils
s'étaient dit : Bien, je voudrais attendre la semaine prochaine, j'ai des
choses à régler, je veux revoir quelqu'un de ma famille, mais là, dans les circonstances,
je pense que je vais aller plus rapidement, parce que je vais me retrouver...
je peux me retrouver dans une situation où je ne pourrai pas avoir accès à l'aide
médicale à mourir. Donc, à ce niveau-là, il y a lieu de s'assurer
d'avoir un mécanisme organisé, sécuritaire, fiable... Est-ce que c'est une
entente entre le patient et le médecin? Est-ce que c'est un consentement que...
une délégation du consentement que le patient fait à une personne qu'il a
choisie, clairement identifiée? C'est une chose qui est à préciser, mais je
pense qu'il faut le faire pour éviter que les gens, justement, aillent plus rapidement
vers l'aide médicale à mourir que nécessaire.
Et entre autres, par rapport aux gens qui
sont atteints de troubles neurocognitifs, qu'on parle des démences, maladie
d'Alzheimer, bien, écoutez, je ne vous apprends rien en disant que notre population
est de plus en plus vieillissante, et plus on vieillit, dans notre population,
plus il y aura de gens qui auront ce diagnostic. Et je pense qu'on aura une
pression de plus en plus pour que ce soit possible de faire une demande comme
préalable, de prévoir, là, rendu à un certain moment dans l'évolution de ma
maladie, je veux qu'on puisse aller de l'avant vers l'aide médicale à mourir,
de pouvoir faire une demande, vraiment, anticipée. Et ça, je pense qu'il faut
l'examiner. Si on ne le fait pas cette fois-ci, ce sera peut-être dans une
prochaine révision de la loi, mais, inévitablement, à mon avis, dans notre
société, on s'en va vers là.
• (10 h 30) •
Mon tout dernier point, c'est simplement
un point, et je sais que ce n'est pas la commission qui peut changer ça, mais
sur le protocole de soins utilisé actuellement au Québec. Il y a des situations
où, compte tenu de la santé globale...
10 h 30 (version non révisée)
M. Roy (Louis) :
...mais inévitablement, à mon avis, dans notre société, on s'en va vers là.
Mon tout dernier point, c'est simplement
un point, et je sais que ce n'est pas la commission qui peut changer ça, mais
sur le protocole de soins utilisé actuellement au Québec. Il y a des situations
où, compte tenu de la santé globale de la personne, son état cardiopulmonaire
peut être encore très bon, malgré une maladie très avancée. Le protocole de
médicaments utilisé actuellement est très efficace, va assurément s'assurer...
il y a aura le décès et il n'y aura pas de souffrance pour la personne, mais,
si le coeur de la personne est encore solide, j'ai vu des moments où il y a eu jusqu'à
presque 20 minutes entre le début et la fin de la procédure. Alors, quand
on est rendu à 15, 16 minutes après la fin de la dernière injection, il y
a... la personne elle-même ne souffre pas, mais il y a un état émotionnel, il y
a un état de stress sur les proches, sur les soignants aussi.
Il y a moyen de raccourcir ce temps-là.
Cependant, actuellement, au Québec, de la manière dont on a formulé nos choses,
c'est que ce moyen, qui est de donner un médicament supplémentaire, n'est comme
autorisé que dans la situation particulière, s'il y a don d'organes qui vont
faire suite à l'aide médicale à mourir. Et le principe, c'est qu'on veut
préserver autant que possible la qualité des organes à transplanter.
Mais personnellement, je ne vois pas
pourquoi, si on s'attend que le décès peut être retardé parce qu'on a une
condition cardiaque qui est plutôt solide, qu'on ne puisse pas donner ce
médicament supplémentaire pour accélérer l'arrêt cardiaque, pour accélérer le
processus du décès. C'est une accélération, là, on parle de minutes, mais je
peux vous dire que pour les proches, 12 minutes au chevet à attendre que
le médecin ne dise : Oui, là, c'est bien fait, c'est terminé, le coeur
vient d'arrêter de battre, c'est très long, le temps peut paraître très, très
long, et je pense que c'est une modification qui est relativement mineure. Ça
se fait déjà dans les autres provinces canadiennes, lorsque c'est justifié,
d'ajouter un médicament supplémentaire.
Alors, ce sont mes commentaires. Dans le
document que j'ai fait parvenir à la commission, vous trouvez le résumé des
recommandations que je fais... que je faisais pour aller vers une amélioration.
Et j'en profite pour vous remercier à nouveau de votre écoute, de votre
accueil, et aussi, de l'ensemble de votre travail.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Roy. Je passerais la parole à ma collègue la députée de
Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Bonjour.
Bonjour, Dr Roy. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vois que vous avez
plus de 20 ans de pratique en soins palliatifs, en plus d'avoir été
président de l'Association québécoise de soins palliatifs, d'avoir siégé sur
l'Association canadienne de soins palliatifs. Donc, de toute façon, à vous
écouter on voit la longue expérience et expertise que vous avez dans le domaine,
donc c'est certainement très éclairant pour nous de pouvoir de pouvoir échanger
avec vous aujourd'hui. J'aimerais ça vous entendre. Vous avez parlé de...
Mme Montpetit : …d'avoir siégé
sur l'association canadienne des soins palliatifs, donc, de toute façon, à vous
écoutez, on voit la longue expérience et expertise que vous avez dans le
domaine. Donc, c'est certainement très éclairant pour nous de pouvoir de
pouvoir échanger avec vous aujourd'hui.
J'aimerais ça vous entendre, vous avez
parlé de situations litigieuses ou de situations limites puis… bon, je le sais
que c'est un peu hors de notre mandat, mais ça va nous retrouver de toute
façon, parce que je pense qu'il faut clarifier cet élément-là, vous dites que
comme professionnel vous vous êtes retrouvé dans des situations où
l'admissibilité d'un patient aux soins de fin de vie n'est pas toujours claire,
elle était ambiguë pour vous comme patient. Puis je souhaitais vous entendre
davantage là-dedans, parce que je trouve ça quand même assez perturbant de voir
que vous vous êtes fait répondre : Si vous pensez que le patient répond
aux critères, allez-y on verra, par la suite, si on vous donne raison ou pas.
Avec, évidemment, des risques de sanctions. Bien, ce qui est quand même une
plus que curieuse façon de fonctionner, là, on s'entend là-dessus.
Donc, je voulais vous entendre sur
qu'est-ce qui fait que vous vous êtes… il y a des situations qui sont ambiguës,
est-ce que c'est la clarté de la loi actuelle?
M. Roy (Louis) : En fait, les situations ambiguës, c'est… et en fait, le fait d'avoir
retiré, dans les critères au niveau de la loi québécoise, la notion du
pronostic. En fait, la notion du pronostic était mise dans les critères comme
étant : être en fin de vie. Bon, «être en fin de vie», on en a débattu
beaucoup, en autres dans le comité que j'avais coprésidé.
Qu'est-ce que c'est être en
fin de vie? Est-ce que c'est deux jours, deux semaines,
deux mois, deux ans? À l'usage, il y a eu une espèce d'entente, de
consensus, de se dire : Bien, si on pense raisonnablement que le décès… on
ne serait pas surpris que le décès survienne dans la prochaine année, on
disait, bien, on va considérer que c'est admissible. Mais, si on pense que ça
serait surprenant que le décès survienne dans la prochaine année, on
disait : Bien, la personne, on ne la considère pas en fin de vie et
qu'elle ne serait pas admissible. Donc, on a des situations comme ça.
Alors, du fait que ce
critère est disparu, dans la loi fédérale, on avait la notion, là : Sans
pour autant que le décès soit… je ne me souviens pas exactement des termes, là,
mais que le décès soit comme attendu, sans pour autant qu'un pronostic de
survie n'ait été établi. Alors, c'est encore plus ambigu que ce qui était dans
la loi québécoise.
Alors, ça nous donnait des
situations où : Est-ce que la personne répond entièrement tous les
critères? Et, compte tenu de ça, et c'est celui qui était le plus difficile,
là : Est-ce qu'on est vers la fin de vie? Est-ce qu'on n'est pas vers la
fin de vie? Alors, c'est sûr qu'une fois que ça disparaît, ça permet de
simplifier des choses, mais parfois il y a des situations ou des gens :
Est-ce qu'on est vraiment dans tous les critères? Est-ce que les notions de
maladies, de souffrance, itou, est-ce qu'on est tous là? Ça reste, parfois ce
n'est pas…
M. Roy (Louis) :
…alors, c'est sûr que, une fois que ça disparaît, ça permet de simplifier les
choses, mais, parfois, il y a des situations où les gens… Est-ce qu'on est
vraiment dans tous les critères? Est-ce que les notions de maladie, de
souffrance, et tout, est-ce qu'on est tous là? Ça reste… parfois, ce n'est pas
aussi clair qu'on le voudrait. La majorité des situations… Il y a des gens qui
m'ont été… J'ai vu, là, de nombreux — j'ai fait de nombreuses aides
médicales à mourir dans les dernières années — il y a des gens où,
dès le moment où j'avais la référence, je voyais la personne, qu'elle soit
hospitalisée ou en clinique externe, puis, ça ne me prenait pas deux minutes
pour être convaincu : bien, oui, cette personne-là, elle répond à
l'ensemble des critères. Mais je n'arrêtais pas mon entrevue là parce que je
voulais voir quel était l'ensemble de sa motivation et, aussi, est-ce que tous
les autres soins ont été possibles? Est-ce qu'on a offert tout le reste,
incluant les soins palliatifs?
Mais d'être capable d'évaluer tout ça,
parfois, on reste dans une zone qui est un peu floue, qui est une zone grise.
Et de pouvoir, justement, s'adresser à une instance qui va donner un
consentement préalable. Quand vous disiez : Allez-y, puis on verra après.
Bien, c'est qu'il n'y avait aucune instance qui n'a cette autorité,
actuellement, de pouvoir dire si… Je me souviens d'avoir déjà parlé à quelqu'un
à la commission et dire : Écoute, on n'a pas ce mandat de donner comme
notre sceau, a priori, on est là juste après, on reçoit votre déclaration.
Donc, d'avoir, justement, l'élément, a priori, de dire : Bien, dans
certaines situations, vous pouvez vous adresser à tel endroit, soumettre la
situation et ce sera comme l'endroit où on viendra résoudre le questionnement.
Donc, c'est autour de ça que je voulais
qu'on puisse clarifier, que ça puisse simplifier le travail des gens qui sont
en clinique et qui, parfois, se retrouvent dans des situations un peu plus
ambiguës.
Mme Montpetit : Puis quand
vous parlez d'une… vous l'avez nommée, justement, la table : table
nationale d'accès à l'aide médicale à mourir. Justement, c'est une proposition
que vous faites, mais quand vous parlez de, justement, d'un endroit où un
médecin pourrait se référer pour avoir un consentement de conformité, vous
parlez de professionnels qui seraient réunis, encore là, juste pour le client. Puis,
est-ce que vous parlez de professionnels qui seraient plus d'un point de vue
juridique, dans le fond, de conformité à la loi ou qui pourraient venir vous
valider comme au niveau médical, aussi, ou un juste mélange des deux?
M. Roy (Louis) :
Moi, je pense que c'est le juste mélange des deux. Dans ma tête à moi, mais,
dans ma petite tête, je verrais bien que ça puisse être un mandat qu'on ajoute
à la commission des soins de fin de vie, qu'il pourrait se créer un comité
auquel le clinicien peut s'adresser, dire : Je vous envoie une demande,
j'ai besoin de votre réflexion, je vais vous présenter une situation clinique
et j'aimerais avoir deux, trois médecins, un, deux juristes, un éthicien qui
vont pouvoir entendre ça et dire : Bien, dans cette situation-là, nous, ou
notre consensus…
M. Roy (Louis) :
…ils nous envoient une demande : J'ai besoin de votre réflexion, je vais
vous présenter une situation clinique et j'aimerais avoir deux, trois médecins,
un, deux juristes, un éthicien qui vont pouvoir entendre ça et dire :
Bien, dans cette situation-là, nous, ou notre consensus, on dit oui, on dit
non, mais… Donc, je pense que ce serait assez simple et je ne pense pas que ce
serait une surcharge pour les travaux de la commission des soins de fin de vie.
• (10 h 40) •
Mme Montpetit : Merci. Concernant
les personnes en perte d'aptitude, vous, bon, vous soulignez l'élément que la
personne devrait pouvoir prendre soit une entente avec son médecin en cas de
perte d'aptitude, ou déléguer son consentement à la personne de son choix en
cas de perte de sa capacité à consentir. Puis je voulais vous entendre davantage
là-dessus parce qu'on a entendu différentes opinions aussi sur : Est-ce
que ce consentement-là devrait être laissé à quelqu'un de sa famille, à quelqu'un
de proche, certains professionnels qui étaient pour justement ou certains mêmes
patients qui disaient : Ça peut être intéressant d'avoir quelqu'un qui
nous connaît très, très bien, à qui on délègue ce consentement-là, d'autres qui
nous ont dit : Il faut faire attention justement au niveau de l'implication
émotionnelle que peut avoir la famille. J'aimerais ça vous entendre davantage,
parce que vous avez pu voir vraiment toutes sortes de situations, là, comme
médecin.
M. Roy (Louis) :
Oui, en fait, lorsque je faisais la notion de l'entente entre le patient et le
médecin, je référais, vous l'avez bien compris, à ce qu'on voit qui a été écrit
dans la loi fédérale récemment modifiée qu'on retrouve ça. C'est une manière intéressante,
je pense que c'est une manière intéressante qui s'applique bien lorsque l'administration
de l'aide médicale à mourir est prévue dans un délai relativement court, en
termes de jours ou de semaines, de dire : Bien, écoutez, comme je vous ai
fait mention, écoutez, moi, j'ai encore quelques affaires à régler. Il y a mon
fils qui va revenir de Vancouver que je veux revoir une dernière fois. Mais
rendu la semaine prochaine, là, je vais être prêt à recevoir l'aide médicale à
mourir parce que là ça devient intolérable. Donc, d'avoir… le moment, il est
proche, donc l'entente avec le médecin, elle est simple et facile.
Si on est dans une situation plus longue
dans le sens où on va, entre autres, avec une personne, si je reviens avec les
gens, avec un diagnostic de démence, et qu'une personne voudrait faire une
demande anticipée d'aide médicale à mourir, lorsque j'arriverai à telle
situation d'évolution de la maladie, de décrire dans quelles circonstances je
veux : Voici, mes volontés. Là, c'est plus difficile que l'entente soit
avec le médecin parce que : Est-ce que c'est dans trois mois, est-ce que
c'est dans trois ans? Est-ce que, si on a cette permission-là, est-ce qu'il y a
un délai? On dit : Bien, ce n'est pas plus que six mois, ce n'est pas plus
qu'un an, ce n'est pas plus que deux ans. Je ne suis pas juriste, je ne suis
pas… je ne peux pas vous le dire, mais je pense que si les gens peuvent faire
une demande anticipée, que la délégation… ou de dire : Je demande, je…
M. Roy (Louis) :
...permission-là, est-ce qu'il y a un délai, on dit : Bien, ce n'est pas
plus que six mois, ce n'est pas plus qu'un an, ce n'est pas plus que deux ans?
Je ne suis pas juriste, je ne suis pas... je ne peux pas vous le dire. Mais je
pense que si les gens peuvent faire une demande anticipée, que la délégation...
de dire je demande, je remets à une certaine personne le devoir de faire mettre
ça en application, bien là, ça va être plus facile avec une personne... un
tiers, une personne proche qu'avec un médecin, parce que le médecin, sera-t-il toujours
là, est-ce qu'il va avoir changer de lieu de travail et puis cessé son travail?
Donc, je pense que les deux peuvent être des versions utilisables, dépendant
des circonstances. Mais je suis d'accord avec vous que pour un proche, un
membre de famille, ça peut être émotivement difficile, donc il faut que tout ça
soit bien préparé, qu'on puisse être capable de se sentir confortable et que la
personne ne se sente pas déchirée, affectivement.
Mme Montpetit : J'aurais une
dernière question. Je sais qu'il me reste très peu de temps, je vais vous la
poser, brièvement. Pourriez-vous nous décrire, justement, parce qu'il y a un
médecin qui nous disait justement : Les gens ne meurent pas d'Alzheimer,
pourriez-vous nous décrire ce que vous avez vu, comme professionnel, c'est quoi
la fin de vie, les derniers jours, les derniers mois, ce que ça veut dire, quelqu'un
qui est inapte et à qui on ne donne pas les soins de vie, faute qu'il puisse
consentir, ce que ça veut dire en termes de souffrance pour un patient?
M. Roy (Louis) :
Bien, en fait, si on prend l'exemple de la personne qui est rendue inapte, qui
a une démence en phase avancée, on va lui prodiguer des soins palliatifs,
enfin, j'espère qu'on va lui prodiguer des soins palliatifs, c'est ce qu'on
fait dans le milieu où j'ai travaillé pendant de nombreuses années. Mais cette
personne se retrouve en situation où elle est là, mais elle n'est plus capable
de volonté d'elle-même, donc on va devoir l'alimenter, on va devoir la vêtir,
on va devoir lui faire son hygiène. Donc, c'est une personne qui est là mais...
où il y encore un corps qui est vivant, mais on n'a plus le contact psychique.
Et alors ça, peut-être tout le monde ne
l'a pas vu autour d'eux dans leurs familles, mais c'est quand même difficile
pour des membres de famille, d'aller revoir, visiter sa mère une fois par
semaine au centre d'hébergement et qu'elle ne reconnaît personne ou... donc se
retrouver dans une situation où on est un étranger puis, même, à la limite,
puisqu'on ne voit pas nécessairement les personnes qui étaient proches régulièrement,
cette personne-là peut même devenir un peu anxieuse, parce qu'elle est habituée
à certains visages, qui sont les visages quotidiens du lieu où elle est
soignée. Donc, il faut voir que c'est une personne qui va être là, il faut
s'occuper de tous ses besoins fondamentaux. Elle est parfois alitée. Dans les
derniers jours ou dernières semaines, va être alitée 24 heures par jour,
parce que trop faible même pour être installée au fauteuil. Donc, c'est vraiment
une personne humaine qui est là, mais à qui on n'a plus accès, à son état
cognitif.
Mme Montpetit : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je...
M. Roy (Louis) :
...dans les derniers jours ou dernières semaines ou va être alitée
24 heures par jour parce que trop faible même pour être installée au
fauteuil. Donc, c'est vraiment une personne humaine qui est là, mais à qui on
n'a plus accès à son état comme il était.
Mme Montpetit : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je passerais la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Dr Roy. J'aimerais qu'on parle ensemble de la question
de la souffrance. C'est d'ailleurs le titre de votre mémoire. Et il y a un
débat auquel on fait face ici, à la commission, depuis le début de nos
auditions, c'est le débat entre, disons, une conception subjective de la
souffrance, donc la personne est la seule capable de dire si elle souffre ou
pas, mais il y a peut-être des conceptions plus objectivantes, là, où le
médecin serait appelé ou l'équipe traitante serait appelée à contribuer à ce
jugement-là, est-ce qu'il y a réellement souffrance ou pas. Je pense que déjà
le titre de votre mémoire indique clairement dans quel camp vous logez, vous
logez vraiment dans le... disons, sur le spectre, vous êtes assez proche d'une
conception très subjective de la souffrance. Ça revient à plusieurs moments
dans votre mémoire, d'ailleurs.
Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui
diraient qu'en insistant autant sur l'aspect subjectif de la souffrance on
court le risque de sortir de la logique de l'aide médicale à mourir et qu'on
entre davantage dans une logique de suicide assisté, c'est-à-dire logique où la
personne, de manière 100 % autonome, peut dire : Moi, je juge que,
soit maintenant soit dans quelques années, je suis dans une situation de
souffrance intolérable, moi, je définis souffrance intolérable comme, par
exemple, le fait de ne plus être capable de m'alimenter, de ne plus être
capable de reconnaître mes proches, et si c'est ma conception de la souffrance,
la société doit le reconnaître, personne ne peut juger de ça, et donc je
devrais avoir accès à l'aide médicale à mourir. Certaines personnes nous
disent : Quand on rentre là-dedans, on sort un peu de la logique de l'aide
médicale à mourir puis on rentre davantage dans une logique de suicide
assistée. Qu'est-ce que vous répondez? Qu'est-ce que vous pensez de cette
idée-là.
M. Roy (Louis) :
Bien, écoutez, d'abord, lorsqu'on parle de souffrance, là, on peut mettre
clairement souffrance physique, c'est l'aspect, entre guillemets, le plus
facile pour un clinicien d'être capable de reconnaître. Ça m'est arrivé
plusieurs fois de voir des gens qui ont des douleurs, qui sont à l'hôpital, et
puis, écoutez, on essaie de trouver comment ça se fait que ça vous fait si mal,
on vous fait des examens, des imageries. Puis le retour du... les gens,
écoutez, vous avez bien raison de vous plaindre, là, parce que ce que j'ai vu à
l'imagerie, ça doit faire très, très, très mal. Donc, sur la souffrance
physique, on a des éléments objectifs, on est capable de dire : Oui, oui,
je suis capable de voir que, écoutez, vous êtes toujours à bout de souffle, là,
vous avez toujours l'impression que vous allez étouffer d'un moment à l'autre,
c'est objectivable.
Quand on tombe dans la souffrance
psychique, là, on tombe dans...
M. Roy (Louis) :
...ça doit faire très, très, très mal. Donc, sur la souffrance physique, on a
des éléments objectifs. On est capable de dire : Oui, oui, je suis capable
de voir que, écoutez, vous êtes toujours à bout de souffle, là, vous avez toujours
l'impression que vous allez étouffer d'un moment à l'autre, c'est objectivable.
Quand on tombe dans la souffrance
psychique, là, on tombe dans une sphère qui est autre. On n'a pas d'imagerie de
résonnance magnétique qui est capable de nous montrer que le cerveau est en
souffrance psychique. C'est vraiment... Alors là, c'est vraiment la relation qu'on
peut avoir d'une personne à une autre, d'être capable de raconter quelle est
mon histoire, qu'est-ce que je vis, qu'est-ce que je vis à l'intérieur, et
pourquoi ça devient intolérable pour moi, pourquoi, personnellement, là, cette
situation, elle est intolérable.
Évidemment, il faut différencier la
situation aiguë, je viens d'apprendre que ma mère est malade puis qu'elle va
mourir dans les prochains mois, puis je trouve ça intolérable parce qu'on était
très, très proches, là, on a une situation aiguë puis on va travailler ça, par
rapport à une situation qui est chronique.
Donc, dans la souffrance psychique, il
faut s'adresser à la notion de la chronicité, dans le sens où c'est quelque
chose qui est perdurant dans le temps. Ce n'est pas juste nouveau de la semaine
dernière, ça perdure dans le temps et ça vient perturber le fonctionnement
quotidien, le fonctionnement global de la personne. La personne devient
incapable de vraiment être à son meilleur, de ce qu'elle conçoit d'elle-même,
dans son fonctionnement quotidien, dans son fonctionnement au travail, dans son
fonctionnement en société, dans ses relations personnelles.
• (10 h 50) •
Donc là, l'évaluation, elle est plus
longue, elle est plus complexe. Ce n'est pas en deux minutes que je peux me
faire une idée de ça. Mais il y a des gens qui, après une longue entrevue, ou
parfois trois, quatre entrevues, vont dire : Oui, je sens, je comprends la
souffrance que vous vivez, je dirais, le désarroi psychique qui est là et sur
lequel il ne semble pas y avoir rien sur lequel se raccrocher. Donc, ça, et là,
il faut faire attention, est-ce que c'est une dépression non traitée? Il y a
tout plein de choses, il faut que ça soit médicament bien évalué.
Mais il y a des gens chez qui on trouve...
j'ai vu des gens avec des cancers avec très, très peu de douleur physique,
dire : Écoutez, je pense que je ne pourrai pas avoir l'aide médicale à
mourir parce que je n'ai pas de douleur. Peut-être qu'il faudrait que je me
mette à prendre de la morphine pour vous convaincre que j'aurais droit. Je veux
dire, écoutez, non, vous n'avez pas de douleur physique, mais vous me parlez,
depuis qu'on se voit, les dernières semaines, que vos journées sont
intolérables, que vous êtes physiquement fatigué, que vous n'avez plus aucune
perspective positive de temps, que, pour vous, vos livres sont terminés, que
vous avez fait vos adieux et que tout ce que vous attendez, c'est que cette
maladie finisse par venir à bout des forces de votre corps pour pouvoir être
délivré. Et ça c'est de la souffrance psychique, c'est-à-dire d'être face à une
maladie mortelle qui va mener à un décès...
M. Roy (Louis) :
…vous avez fait vos adieux et que tout ce que vous attendez, c'est que cette
maladie finisse par venir à bout des forces de votre corps pour pouvoir être
délivré. Et ça, c'est de la souffrance psychique, c'est-à-dire d'être face à
une maladie mortelle qui va mener à un décès à une échéance plus ou moins
courte et de ne pas avoir aucun contrôle. Donc, la vie a perdu tout son sens.
La personne qui était hyper dynamique, hyper fonctionnelle, qui travaillait
beaucoup, qui avait 1 000 activités, et qui, du jour au lendemain, se
retrouve, apprend qu'elle a, je reste toujours avec le cancer, c'est le plus
rapide, maintenant, elle a un cancer. Et tout à coup : Je ne suis plus
capable de travailler, je n'ai plus l'énergie pour le faire, j'ai ceci, on a
regardé toutes les possibilités, il n'y a pas de traitement, j'ai… on a fait le
tour, ça fait trois mois que j'ai appris ça, et ma vie ne fait plus aucune
forme de sens, il ne me reste qu'attendre la mort. Et c'est là où la notion de
la souffrance psychique peut devenir vraiment très, très intense, et va prendre
le dessus sur tout le reste.
Il y a des gens à qui on a soulagé les
douleurs physiques, mais qui disent : C'est correct, là, la douleur, ça
va, ça se tolère, mais je n'ai plus de raisons, je n'ai plus d'attentes, parce
que la seule attente que j'ai, c'est de ne pas me réveiller demain matin, puis
chaque matin est comme un matin de trop, parce que toute ma journée n'est qu'à
penser à ça.
Je ne sais pas si je réussis à répondre à
votre question, à clarifier?
M. Nadeau-Dubois : Oui, oui.
Il me reste… Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, malheureusement.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. Roy. Très intéressant. 22 ans d'expérience à côtoyer la
mort, je vous admire beaucoup. J'ai une question concernant… Comment on fait
pour s'assurer que le choix que le patient a fait, le choix de partir, si… il
est clair, il est bien… il n'a pas de points d'interrogation vers la fin?
Comment on fait pour valider si on a… si tout est correct?
M. Roy (Louis) :
Écoutez, c'est… J'ai peut-être le défaut d'avoir été longtemps en soins
palliatifs, un moment donné, il y a des choses qui sont devenues plus… pas
instinctives, mais disons que, pour les avoir côtoyés, des gens qu'on va voir,
qui vont parler d'aide médicale à mourir, et c'est à répétition… Je peux vous
dire, des gens, les avoir vus, de revenir, le lendemain ou le surlendemain,
puis la première chose qu'ils disent : Vous savez, hein, Dr Roy, je
n'ai pas changé d'idée. Ça, c'est l'entrée en matière : Oui, d'accord.
Vous, avez-vous changé d'idée, Dr Roy? Je dis : Bien, moi, je ne suis
pas là pour changer d'idée, mais moi, je viens voir comment vous, ça va, aujourd'hui,
comment ça se passe, les deux dernières journées, comment ça s'est passé? En
fin de semaine dernière, vous aviez vos petits-enfants qui venaient vous voir,
comment ça a été? Vous me dites que vous n'avez pas changé…
M. Roy (Louis) : …pas changé
d'idée. Ça, c'est l'entrée en matière. Oui, d'accord. Vous, avez-vous changé
d'idée, Dr Roy? Je dis : Bien… moi, je ne suis pas là pour changer d'idée,
mais moi, je viens voir comment vous, ça va aujourd'hui, comment ça se passe,
les deux dernières journées, comment ça s'est passé en fin de semaine dernière.
Vous aviez vos petits-enfants qui venaient vous voir, comment ça a été? Vous me
dites vous n'avez pas changé d'idée, mais suite à cette visite, est-ce que…
Non, ma visite est faite. Il y a une espèce de certitude.
Je peux vous donner l'exemple contraire.
Il m'est arrivé, c'était pas mal dans les débuts de l'aide médicale à mourir, peut-être
la deuxième année, une dame qui a fait une demande d'aide médicale à mourir,
puis c'était clair qu'elle était admissible en termes de diagnostic et tout
mais, à chaque fois qu'on venait pour réaborder le sujet, il y avait une
angoisse qui montait. Ça devenait angoissant, elle avait de la difficulté à en
parler avec ses proches, je disais : Bien, il faut quand même… Non, mais
vous savez, vous aurez juste à leur dire après. J'ai dit : Bien, non, on
ne peut pas faire ça. Donc, on travaillait beaucoup ça. Mais à un moment donné,
il y a un jeudi, j'y vais, il y a une de ses filles qui est à son chevet, puis
il y a encore de l'angoisse qui monte, puis là, je m'assois, puis je lui
dis : Écoutez, moi, là, je sens qu'à chaque fois qu'on en parle, que ça
vient… ça fait monter de l'anxiété chez vous, puis j'ai l'impression, comme si
vous vous sentez obligée d'aller vers ça, puis moi, là, tout à coup dans mon
coeur, ça ne marche pas. Ça fait que, là, si vous voulez, là ça va être un long
week-end de congé, on va mettre ça sur la glace, on n'y pense plus, puis on va
prendre le week-end, là, puis la semaine prochaine, on verra si vous voulez
qu'on en parle. On va mettre ça de côté. Puis la personne me dit : Bon,
c'est correct, bon, puis à part ça vous mangez… des choses. Je viens pour
sortir de la chambre, et sa fille dit : Docteur, elle veut vous reparler.
Je reviens, et la dame m'a regardé avec un grand sourire, puis elle me
dit : Merci beaucoup. Parce que, tout à coup, je sentais… puis moi, je ne
voulais pas qu'on mette une date tout de suite, parce que je ne la sentais pas
prête. Puis elle m'a dit : Un gros merci beaucoup. Je vous ai dit, c'était
un long week-end. Quand je suis revenu le mardi suivant, le lundi étant férié,
la dame était décédée pendant le week-end, de l'évolution de sa maladie. Mais
son «merci beaucoup» a été signifiant, dans le sens où si moi, comme clinicien,
ou si j'ai une infirmière ou quelqu'un d'autre qui travaille avec moi qui
dit : Ah! madame une telle, là, il me semble qu'elle a l'air ambivalente.
Bien, s'il y a quelqu'un dans l'équipe qui dit : Il me semble qu'elle a l'air
ambivalente, on va regarder ça, pour s'assurer qu'il n'y a pas d'ambivalence,
parce que si on va vers l'aide médicale à mourir, il n'y a pas de retour. Donc,
il faut être certain, le jour où on le fait, pour que moi je me sente bien en
le faisant, il faut que je sois convaincu que c'est la bonne et la seule bonne
solution pour cette personne-là, actuellement, et qu'il n'y avait pas d'autre
alternative qui pouvait être une bonne solution.
Une voix : Et si vous aviez
une recommandation à faire en soins de vie, quelle serait la… cette
recommandation-là pour le projet de loi de soins de fin de vie?
M. Roy (Louis) : Ah… grande
question. Mais je reviens au début de ma présentation, c'est que les gens aient
accès aux soins…
Une voix
: …en soin de
vie, quelle serait cette recommandation-là pour le projet de loi, les soins de
fin de vie?
M. Roy (Louis) :
Grande question, mais je reviens au début de ma présentation. C'est que les
gens aient accès aux soins palliatifs, et qu'ils y aient accès rapidement.
Qu'on n'attende pas à trois jours de la fin pour dire : Ah! Là, on va vous
faire voir par les soins palliatifs.
J'ai vu des gens dans le CHU de Québec… entre
autres, on a une clinique externe de soins palliatifs oncologiques, donc qui est
attenante à la clinique de chimiothérapie, d'hémato-oncologie. Et il s'est
développé une certaine habitude, relativement rapidement, des gens qu'on voit
que leurs maladies semblent… on peut continuer à les traiter, mais leur maladie
va éventuellement évoluer, de les référer rapidement. Dans le sens de faire une
prise de contact, et de savoir qu'il y a quelqu'un qui sera disponible, il y
aura une équipe qui va être disponible. D'avoir ça, ça rassure les gens puis,
quand ils ont un malaise, quand ils ont un symptôme, quand ils ont un
questionnement, ils peuvent aller refrapper à cette porte-là pour nous
dire : Écoutez, j'aimerais ça vous revoir. J'ai mal ici ou je me pose des
questions, ou là ils viennent de nous dire qu'il va falloir changer de chimiothérapie
parce que le traitement n'a pas l'air de bien fonctionner ou je ne le tolère
pas, puis là je me pose la question : Est-ce que je dois aller encore là
ou non? Je dis : Bien, vous devriez en parler avec l'oncologue. Oui, mais
j'aimerais ça en parler aussi avec vous. Donc, d'avoir un accès rapide aux
soins palliatifs.
Je vous ai parlé beaucoup de cancers, mais
ça peut être une personne qui arrive avec un problème cardiaque qui évolue, qui
s'en va vers l'insuffisance cardiaque terminale, d'avoir, en plus de son équipe
de cardiologie qui la suit et qui fait le maximum pour l'aider, d'avoir aussi
le suivi avec l'équipe de soins palliatifs qui va pouvoir rassurer de :
Avez-vous des malaises? Avez-vous des symptômes? Avez-vous besoin de soutiens?
Est-ce que votre entourage ont besoin de soutien? Est-ce qu'on peut faire
quelque chose? Est-ce qu'on devrait mettre les soins du CLSC à domicile dans le
portrait? Cette portion-là va être beaucoup mieux faite par une équipe de soins
palliatifs dûment en place, qui va être en lien, si on est, comme, moi, j'étais
dans un hôpital, qui va pouvoir être en lien avec les équipes du domicile. Mais
pour que la personne soit vue dans un global, et non pas seulement juste une
maladie… de regarder juste la portion maladie au lieu de regarder le global.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup, Dr Roy.
M. Roy (Louis) :
Merci, ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Dr Roy, je vais me permettre. Vous avez pratiqué
longtemps. Les principales causes pour lesquelles, présentement, là, aujourd'hui,
avec la loi qu'on a, outre le cancer, les gens ont accès à l'aide médicale à
mourir?
• (11 heures) •
M. Roy (Louis) :
Bon, le cancer c'est vraiment beaucoup de gens, là, dans ceux qui ont demandé l'aide
médicale à mourir.
Dans les autres, on voit beaucoup des
gens, bon, avec certaines maladies neurologiques, entre autres, la très connue
sclérose latérale amyotrophique, qui a eu, bon, des cas un peu célèbres dans
les médias, mais…
11 h (version non révisée)
M. Roy (Louis) :
...vraiment beaucoup de gens, là, dans ceux qui ont demandé l'aide médicale à
mourir.
Dans les autres, on voit beaucoup des
gens, bon, avec certaines maladies neurologiques, entre autres, la très connue
sclérose latérale amyotrophique, qui a eu, bon, des cas un peu célèbres dans
les médias, mais que les gens... et ça, c'est assez fréquent, que les gens, dès
l'annonce du diagnostic vont en parler, vont dire : Ah bien, moi, je vais probablement
demander l'aide. Mais ils viennent d'apprendre le diagnostic, on n'a pas fini
de leur expliquer c'est quoi la maladie, puis... et tout. Je vais probablement
demander l'aide médicale à mourir à un moment donné, j'aimerais ça que vous me
donniez de l'information. Donc, il y a du travail là.
Dans les autres maladies qu'on voit, c'est
des gens qui ont des atteintes organiques, donc des insuffisances cardiaques,
des maladies pulmonaires sévères, des gens qui sont rendus avec de l'oxygène
24 heures par jour à domicile, des gens qui sont sous hémodialyse, parfois
depuis un certain temps, des fois, c'est nouveau, mais un traitement comme
l'hémodialyse, trois fois par semaine, quatre heures d'hémodialyse, c'est, pour
en avoir vu plusieurs, c'est à peu près comme de courir trois fois un marathon
par semaine. Les gens sortent de la dialyse, là, puis ils ne s'en vont pas
manger au restaurant, ils s'en vont se coucher. Puis s'ils sont le moindrement
un peu plus malades puis un peu plus âgés, ils vont se coucher puis ils ont
leur dialyse lundi, puis mardi, ils s'en remettent, puis mercredi, ils
reviennent à la dialyse. Donc, à un moment donné, ils arrivent, là, puis ils
disent : Bien là, ça ne fait plus aucun sens. Alors, c'est des gens qui
arrivent en bout de course de l'évolution d'une insuffisance d'un ou de plusieurs
organes.
Dans celles qui sont plus... qui étaient
plus difficiles, c'est des gens qui arrivaient avec un handicap physique pour
lequel... de se retrouver, dire : Bien, écoute, je suis vraiment désolé,
la loi ne me permet pas. Je reconnais le handicap, je reconnais les souffrances
qui sont là, autant physiques que psychiques, mais je ne peux pas, parce que la
maladie qui est là, c'est un handicap et elle ne mène pas vers un décès
prochainement, ce qui est une notion qui est incluse dans la loi fédérale. Dans
ces gens-là, j'ai déjà vu quelqu'un qui... j'étais à une urgence puis la
personne m'a dit: Bien, moi, si je n'ai pas l'aide médicale à mourir, je vais
aller régler ça. Puis finalement... rester à l'hôpital. Puis on est resté à l'hôpital
le temps qu'on puisse parler puis comme réussir, là, à calmer la pression qui
est trop montée suite à des éléments autour dus au handicap. Puis là j'étais en
dehors de mon créneau. Je n'hospitalisais pas quelqu'un en soins palliatifs,
mais j'avais dit à la directrice des soins... des services... j'ai dit : Écoutez,
je ne peux pas laisser partir cette personne-là, je vais être trop inquiet, je
l'admets puis je la prends à ma charge, je vais l'assumer au complet, ce ne
sera pas l'équipe de soins palliatifs. Ça a permis de refaire le tour puis de
replacer la personne dans son contexte puis de retourner dans son milieu de
vie.
Mais on a des gens qui arrivent dans des situations
difficiles, la vie, parfois, devient intolérable. Donc, il faut vraiment...
M. Roy (Louis) :
...l'assumer au complet, ce ne sera pas l'équipe de soins palliatifs. Ça a
permis de refaire le tour puis de replacer la personne dans son contexte ou de
retourner dans son milieu de vie. Mais on a des gens qui arrivent dans des situations
difficiles. La vie parfois devient intolérable. Donc, il faut vraiment qu'on le
voie sur le global puis de voir la personne dans son global.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On a entendu beaucoup souffrance versus dignité. Là, ce que j'entends,
c'est la prise de décision versus la sérénité, donc on a aussi cet aspect-là à
regarder. Et on a eu une intervenante tout à l'heure, Dre Marchand, qui
nous disait qu'il faudrait revoir les DMA, les demandes médicales anticipées.
Et vous nous avez fait la remarque aussi qu'en fait c'est très méconnu puis ce
n'est pas vraiment utilisé. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour...
M. Roy (Louis) :
Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Il y avait eu... Lorsque la loi avait été
adoptée, il y avait eu cette notion qu'il devait y avoir une campagne grand
public d'information. Il y a ça. En même temps, une campagne, c'est... si on
fait une série de spots publicitaires trois fois dans l'année pendant que les
Canadiens de Montréal sont en final pour avoir un maximum de cotes d'écoute, ce
n'est pas assez pour entrer une notion aux gens de dire : Ah oui! il
faudrait que je fasse une directive médicale anticipée, là. Je pense qu'il faut
que l'information soit disponible.
Peut-être qu'il faudrait aussi que les
intervenants en santé de première ligne l'aient dans leur créneau. La personne
qui va revoir son médecin de famille, que ça fasse peut-être partie, une fois
par année, dire : Est-ce qu'on a déjà parlé de directive médicale
anticipée?, pour que ça vienne de quelqu'un. Est-ce que les notaires pourraient
aussi en parler lorsque les gens vont vouloir faire un testament? Dans
certaines situations où justement ça pourrait être l'information se donne plus
un pour un que de penser que de faire des spots publicitaires, là, comme je
vous le dis.
Il y a de nombreuses années, là, avant
même la loi sur les soins de fin de vie, il y avait eu, au plan canadien, il y
avait une compagnie... la fondation de compagnies pharmaceutiques avait
dit : On va vous soutenir les soins palliatifs. Ils avaient pris une page
complète, quatre couleurs, dans tous les grands quotidiens du Canada un samedi.
Ça leur a coûté une fortune, bien sûr. Et moi, je reviens, j'étais au conseil
d'administration de l'association canadienne, puis là on nous dit ça, puis ça
va être le samedi telle date. Ça fait que moi, je laisse passer. Et mon
conjoint lit quatre à cinq journaux par jour de français à anglais. Là, je laisse
passer la date, je dis : T'as-tu vu quelque chose sur les soins palliatifs
dans les journaux? Non. J'ai dit : Bien, une pleine page dans tous les
journaux? Ah non, bien, je ne lis pas ces choses-là. Donc, la notion du spot
publicitaire...
Alors, moi, je pense...
M. Roy (Louis) :
...lit quatre à cinq journaux par jour, français, anglais. Là, je laisse passer
passer la date, je dis : T'as-tu vu quelque chose sur les soins palliatifs
dans les journaux? Non. J'ai dit : Bien, une pleine page dans tous les
journaux? Ah non, bien, je ne lis pas ces choses-là. Donc, la notion du spot
publicitaire...
Alors, je pense qu'il faut y aller
vraiment sur le terrain, de dire, il faut que l'information soit là, il faut
que les professionnels de la santé la connaissent et l'amènent. Alors, si je
vous parlais des gens en insuffisance cardiaque, bien, ils sont suivis à la
clinique d'insuffisance cardiaque. Bien, c'est peut-être un bon endroit où
l'infirmière clinicienne pourrait dire : Est-ce que vous avez déjà pensé à
vos directives médicales anticipées, s'il arrive une complication, on fait
quoi, on va jusqu'où, pour que ces choses-là entrent dans le collimateur. Puis
de dire : Bien, et votre mari, lui, en avez-vous parlé avec lui? Pour que
l'information roule un peu sur...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...il pourrait être à ce moment-là une courroie de transmission à laquelle on
pourrait...
M. Roy (Louis) :
Absolument.
La Présidente (Mme Guillemette) :
D'accord. Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais la parole, pour la
dernière intervenante, à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Dr Roy. Heureuse de vous revoir.
M. Roy (Louis) :
Bonjour. C'est un plaisir.
Mme
Hivon
: Écoutez,
j'ai un gros cinq minutes environ. Donc, j'aurais deux questions. Ça fait que
c'est pour vous donner un ordre de la grandeur du temps que vous avez à peu
près pour y répondre.
La première, c'est vraiment vu que vous
êtes vraiment aux premières loges puis vous administrez beaucoup d'aide
médicale à mourir. Moi, j'ai entendu au cours des dernières années, en lien
avec une demande anticipée pour des personnes, donc, qui auraient une maladie
neurocognitive dégénérative, que le niveau de confort du médecin changerait
dramatiquement s'il devait administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui
est inapte parce qu'il a une démence, la maladie d'Alzheimer. Donc, j'aimerais
vous entendre là-dessus, le jour même où vient le moment d'administrer l'aide
médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là et peut avoir l'air
relativement encore là, mais qui ne peut rien vous dire.
Puis le deuxième élément, c'est un peu en
lien. C'est un sujet qu'on aborde beaucoup ici, mais vu que vous parlez
beaucoup de la souffrance, comment on fait... comment on réconcilie le fait que
certains nous disent : Moi, si j'écris a, b, c dans ma demande anticipée
d'aide médicale à mourir, c'est ça. Donc, si j'ai dit que c'est quand je ne
reconnaissais plus mes proches, je veux l'aide médicale à mourir, vous me le
donnez, versus le fait que la personne peut, au moment où cette condition se
réalise, ne pas avoir de souffrance, et puisqu'elle n'est plus exactement la même
personne, ne pas avoir de souffrance psychique non plus. Donc, comment on
réconcilie ça avec l'existence du critère de la souffrance?
• (11 h 10) •
M. Roy (Louis) :
O.K. Écoutez, par rapport aux médecins, je pense qu'on est dans un processus
continu. Il y a 10 ans, on aurait demandé aux médecins : Quel est
votre niveau de confort d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un, les
niveaux auraient été très, très, très bas, parce que ce n'était pas présent.
Même lorsque l'aide médicale...
M. Roy (Louis) :
…je pense qu'on est dans un processus continu. Il y a 10 ans, on aurait demandé
aux médecins : Quel est votre niveau de confort d'administrer l'aide
médicale à mourir à quelqu'un? Les niveaux auraient été très, très, très bas
parce que ce n'était pas présent. Même lorsque l'aide médicale à mourir est
devenue officiellement accessible, on avait très peu de médecins, ça a été un
des enjeux, au début, d'avoir des médecins qui répondent ou qui acceptent de
prendre les demandes. Et progressivement il y en a de plus en plus de médecins
qui acceptent de prendre les demandes, qui se sentent confortables. Je vois,
pour avoir été en milieu universitaire, des jeunes médecins en formation qui
veulent tous, au moins, en voir une, une fois, puis qu'on puisse en parler, et
je pense que tout ça, cette génération-là qui monte va aussi être plus à
l'aise. Donc, la société évolue, la société change, les gens changent, les
perceptions qu'on a changent, on a de moins en moins de gens qui s'y opposent. Je
peux vous dire, dans mon milieu où je suis, de Québec, je ne me souviens pas…
je me souviens d'un médecin qui m'a dit : Bon. Vous avez réussi à gagner
votre affaire, vous allez faire de l'aide médicale à mourir, mais ça a été une
seule personne, tous les autres ont dit : Écoute, je ne me sens pas moi
prêt ou capable de le faire, mais je reconnais que, si j'étais dans la
situation de cette personne-là, peut-être que je le demanderais. Donc, c'est
une question que ce soit présent, que ça existe une perception. Alors, je pense
que, pour le médecin qui arriverait devant une personne qui est devenue inapte,
mais devant un concept très clair d'une demande qui a été clairement établie
que c'est vraiment… je pense que là, à ce niveau-là, c'est fait d'avance et pas
droit que ce soit juridiquement inattaquable, que la chose soit vraiment bien
claire et que ce soit révocable tant et aussi longtemps que la personne est
apte, que ce soit révocable en tout temps, ça, c'est aussi clair. Je pense
qu'il y aura, au début, peut-être moins de médecins qui vont être confortables,
mais il va y en avoir, et, progressivement, la chose va devenir acceptée, même
plus qu'acceptable.
Par rapport à la seconde portion de votre
question, si on est face à ça, c'est comment on réussit à déterminer… en fait,
la personne qui reçoit… Je vais prendre moi, là, je reçois un diagnostic, la
semaine prochaine : Dr Roy, vous avez l'Alzheimer, stade 1, mais on sait
que ça va évoluer, puis que je décide de faire ça, bien, au moment où je fais
ma demande, je dis : Bien, moi, aujourd'hui, en toute conscience de
moi-même, voici quelle est la limite auquel je ne ne voudrais pas être. Je ne
voudrais pas être comme j'ai vu telle personne qui était rendue grabataire,
donc voici la limite où ne je voudrais pas être. Une fois que je suis arrivé à
cette limite-là, je ne suis plus apte, mais j'ai atteint cette limite que
j'avais fixée par avance. C'est un concept, là, qui peut être un peu difficile,
mais j'ai, moi-même, fixé ma limite et je demande…
M. Roy (Louis) :
…personne qui était rendue grabataire, donc voici la limite où je ne voudrais
pas être. Une fois que je suis arrivé à cette limite-là, je ne suis plus apte,
mais j'ai atteint cette limite que j'avais fixée par avance. C'est un concept,
là, qui peut être un peu difficile, mais j'avais… j'ai, moi-même, fixé ma
limite et je demande à quelqu'un d'actualiser cette notion de quand je vais… si
j'arrive là, vous arrêtez… Et je dis à mon conjoint, je dis : Moi, si je
suis inapte, là, bon, l'aide médicale à mourir, ce n'est pas… ce n'est pas
possible, mais si je deviens inapte, là, puis je suis grabataire, comme on a vu
ton père, là, j'ai dit : Là, tu dis au docteur d'arrêter les pilules pour
le cholestérol, puis, l'hypertension, puis, le diabète, puis, vous me servez de
la tarte au sucre, puis, si j'ai l'air d'aimer ça, vous m'en redonnez, puis, on
s'en fout, de ma glycémie, puis, du reste. Donc, j'ai donné une directive
anticipée à mes proches, de dire : Vous ne faites rien pour me retenir. À
partir du moment où je n'aurai plus mon raisonnement, ma conscience de
moi-même, vous ne faites rien pour me retenir. Si je tombe puis que je me
blesse, oui, vous faites tout pour me sauver, si je suis sauvable, mais sinon…
Alors, quand la personne donne un moment, en pleine conscience, moi, je vous
fixe quel est mon point-limite, bien, comment on peut arriver, quand on arrive
à ce point-limite là, avoir à remettre en question son… sa décision, qui avait
été faite?
Mme
Hivon
:
Bien, en fait, juste… si je peux me permettre. Donc, ça veut dire que le
critère de souffrance, pour vous, dans un cas comme ça, on l'enlève? C'est
comme le critère de souffrance anticipée, qui compte… ou juste des limites de
la personne?
M. Roy (Louis) :
Bien écoutez, si on veut regarder la souffrance, c'est, si, par baguette
magique, pendant 5 minutes, je pouvais prendre cette personne-là et la
ramener puis dire : Bien voici, là, je veux savoir, là vous êtes rendu à
ce stade-là, on est rendu à ça, vous aviez dit : Si vous êtes là, on vous
fait l'aide médicale à mourir, est-ce que c'est toujours ça que vous voulez,
oui, non? Puis ensuite, vous allez retourner à votre état où vous étiez avant.
Quelle est la probabilité que la personne, qui peut sortir d'elle-même, puis se
regarder, dire : Ah non, finalement, j'ai envie de continuer comme ça,
alors qu'elle avait donné… La notion d'être dépendant des autres, d'être
grabataire, d'être incontinent, ça peut nous sembler non souffrant, mais moi,
je pense qu'il y a une forme de souffrance. Le nombre de personnes avec des
démences qui sont… qui ont des gestes agressifs parce qu'ils se sentent, comme,
attaquées, parce que tout ce qui est autour d'eux est un élément, comme une
attaque, ça… c'est un élément qui peut faire en sorte de… bien, il y a une
forme de souffrance. Est-ce que… c'est quoi, la conscience de cette
souffrance-là? Je ne le sais pas, on n'est pas capable de le dire, mais je
pense qu'il y a un élément où cette… on n'est pas obligé de se tordre de douleur
pour dire qu'on est dans une souffrance ou dans une situation qui devient
inacceptable.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Dr Roy, pour votre partage,
ce matin. Donc, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps
d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore infiniment, Dr Roy.
M. Roy (Louis) :
Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
M. Roy (Louis) :
…une situation qui devient inacceptable.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Dr Roy, pour votre partage
ce matin. Donc, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps
d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore infiniment, Dr Roy.
M. Roy (Louis) :
Merci à vous toutes et à vous tous. Bonne journée.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
(Reprise à 11 h 25)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous pouvons reprendre les travaux. Merci. Donc, nous accueillons maintenant
le Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique,
Mme Lucie Cantin, M. Willy Apollon et Dre Danielle Bergeron. Donc, je vous cède
la parole pour votre présentation de 20 minutes.
M. Apollon (Willy) : Bonjour,
Mme la Présidente, et bonjour à vous tous, membres de la commission. Nous
tenons d'abord à vous remercier de nous donner l'occasion de témoigner aux
audiences de cette commission. Je suis Willy Appolon, docteur en philosophie,
Paris, Sorbonne, et psychanalyste. Je suis l'auteur, concepteur du traitement
psychanalytique des psychoses et de son développement clinique au centre de
traitement psychanalytique pour psychotiques, Le 388.
Dre Danielle Bergeron est psychiatre et
psychanalyste, elle est professeure agrégée de clinique au Département de
psychiatrie de l'Université Laval, elle est responsable médicale du 388. Elle
se joindra à la discussion après la présentation. Mme Lucie Cantin est
psychologue et psychanalyste. Elle a été professeure de clinique et est actuellement
superviseure clinique pour l'internat au doctorat à l'école de psychologie de
l'Université Laval. Elle est psychanalyste au 388.
Nous sommes donc les trois psychanalystes
qui ont créé et mis en oeuvre ce traitement spécialisé pour les psychoses à Québec
il y a 40 ans. Nous sommes membres d'un groupe d'une trentaine de professionnels
de différentes disciplines, j'ai nommé le GIFRIC, qui, en collaboration avec le
CIUSSS de la Capitale-Nationale, rend possible ce traitement autre à Québec. Le
GIFRIC est responsable de l'orientation psychanalytique du centre, du maintien
de l'encadrement clinique qui conditionne ses résultats, de la formation du
personnel et de l'évaluation continue des résultats cliniques, qui sont publics
et vérifiables.
Nous sommes donc ici en tant qu'experts
dans le traitement de la schizophrénie et des psychoses, c'est-à-dire ces
maladies que la psychiatrie appelle des troubles mentaux sévères et
persistants. Notre propos aujourd'hui portera essentiellement sur la...
M. Apollon (Willy) : ...nous
sommes donc ici en tant qu'experts
dans le traitement de la schizophrénie et la
psychose, c'est-à-dire des maladies que la psychiatrie appelle des troubles
mentaux sévères et persistants. Notre propos, aujourd'hui, portera
essentiellement sur la notion d'incurabilité de cette maladie, selon notre expérience
clinique et les résultats du traitement ne nous permettent pas de soutenir.
Nous définirons c'est qu'est la psychose.
Précisons ici que la schizophrénie est une forme de psychose et quel type la
psychose comme type de souffrance. ... les résultats cliniques qui montrent que
les problèmes sérieux que représentent les patients psychotiques ne sont pas
irréversibles, moyennant un traitement adéquat qui leur permet d'évoluer
jusqu'à retrouver une vie satisfaisante de citoyen actif dans la société.
Ensuite, un mot sur les conséquences
anticipées à l'élargissement de la loi. Nous tenons à préciser que notre propos
ne concerne nullement les maladies végétatives, maladie d'Alzheimer, maladie du
Parkinson, etc., et les maladies physiques incurables, comme des maladies ....
La psychose, bien sûr, on reconnaît qu'il s'agit de troubles mentaux graves,
pour lesquels il est important qu'une société comme la nôtre puisse offrir une
diversité de services adéquats. Dans cette gamme de services, nous offrons,
quant à nous, un traitement spécifique, spécialisé qui suppose l'adhésion du
patient, parce qu'il s'agit de psychanalyse.
Il faut savoir qu'un jeune de 18 à 22 ans
qui reçoit un diagnostic de schizophrénie se fait souvent dire qu'il doit
désormais éviter les situations de stress, donc abandonner ce projet de vie et qu'il
devra prendre des médicaments toute sa vie, parce qu'il s'agit d'une maladie
incurable. Des jeunes adultes auront ainsi à gérer les effets débilitants de la
médication neuroleptique, effets secondaires parfois irréversibles, prise de
poids importante, troubles sexuels, etc.
• (11 h 30) •
Et elles vivent donc ce diagnostic comme une
condamnation, comme si leur leurs vies à peine commencées étaient
irrémédiablement hypothéquées, au point où plusieurs d'entre eux ne voient
d'autre solution que le suicide. C'est ainsi que le ministère de la Santé et
des Services sociaux, dans son plan d'action en santé mentale de 2015-2020,
nous indique que 10 % de ces jeunes se...
11 h 30 (version non révisée)
M. Apollon (Willy) :
…hypothéqués, au point où plusieurs d'entre eux ne voient d'autre solution que
le suicide. C'est ainsi que le ministère de la Santé et des Services sociaux,
dans son plan d'action en santé mentale de 2015-2020, nous indique que
10 % de ces jeunes se suicident dans les cinq années qui suivent ce
diagnostic de psychose. Ceci sans compter tous les autres qui, sans mettre fin
à leurs jours, ne trouvent plus aucun intérêt à vivre. Ils ne prendront plus
aucune précaution pour protéger leur santé et leur vie. Ils ont perdu l'espoir
de réaliser les projets de vie qu'ils avaient imaginés au cours de leur
adolescence.
Quand nous offrons aux psychotiques un
cadre de traitement où ils peuvent parler librement, dire vraiment ce qu'ils
sont en train de vivre au plus intime d'eux-mêmes, parce qu'ils sont enfin
écoutés, entendus au-delà de la symptomatologie qu'ils présentent, nous
apprenons d'eux que, depuis l'enfance, ils ne se sont jamais reconnus dans les
discours tenus sur eux, pas plus qu'ils n'ont adhéré, comme adolescents, à
l'organisation de la société. Non pas parce qu'ils sont antisociaux, mais parce
qu'ils sont préoccupés, comme nous devrions l'être tous, par ce qui ne fonctionne
pas dans l'humanité : les injustices sociales, les guerres, le racisme, la
violence faite aux femmes, la pauvreté grandissante, la destruction de la
planète, tous ces problèmes qui nécessiteraient que toutes les nations et tous
les pays travaillent ensemble pour les régler.
Le psychotique a le sentiment d'être seul
à se rendre compte de ce mal qui détruit l'humanité, tel ce patient dont on
réalise en le visitant chez lui que son domicile est rempli d'une vingtaine de
boîtes d'écrits qu'il a passé son temps à rédiger pour développer une solution
qui consisterait à mettre sur pied un gouvernement mondial. L'échec à pouvoir
réaliser seul un tel projet est la source d'une souffrance psychique spécifique
dont l'origine est éthique, c'est-à-dire liée à ce qu'il estime devoir faire
pour l'humanité et à l'impossibilité où il se trouve de le réaliser,
impossibilité à laquelle il est confronté.
Ainsi, la souffrance du psychotique est un
enjeu éthique. Tous nos patients ont eu, à un moment ou un autre de leur vie,
des idées sérieuses de suicide. Pour beaucoup d'entre eux, ce n'est pas la
souffrance physique insupportable…
M. Apollon (Willy) : …la
souffrance du psychotique est un enjeu éthique. Tous nos patients ont eu, à un
moment ou un autre de leur vie, des idées sérieuses de suicide. Pour beaucoup
d'entre eux, ce n'est pas la souffrance physique insupportable, ce n'est pas
non plus une souffrance psychique intolérable qui commande ces idées de
suicide. Ces citoyens, schizophrènes ou psychotiques, vivent dans un univers
intime où la préoccupation de l'humain est au centre de leur vie. Aussi, quand
ils se sentent accueillis dans leur différence et décident de parler vraiment,
ils nous disent que certains de ces projets d'avenir sont pour eux plus importants
que leur propre vie et que s'ils doivent les abandonner, ils pensent plutôt
mourir, soit parce qu'ils se sentent en faute de ne pouvoir les réaliser, soit
parce que la société telle qu'elle est organisée ne leur permettra jamais de
réaliser ces choses qu'ils estiment nécessaires pour l'humanité.
Je laisse la parole à ma collègue, Lucie
Cantin, pour continuer.
Mme Cantin (Lucie) : Alors,
voici, je vais vous donner quelques exemples cliniques pour illustrer ce dont
on vient de parler. Par exemple, tel de nos patients qui est engagé dans des
recherches universitaires et qui apprend que les résultats risquent d'être
utilisés à des fins militaires qui sont contraires aux idéaux humanitaires qui
l'avaient motivé à participer à ces recherches. La découverte de ce à quoi
pourra servir son travail le précipite dans une crise psychotique importante
qui l'a amené au 388. Au cours de sa cure, il décidera d'abandonner son domaine
de recherche pour se consacrer à une formation professionnelle qui l'habilitera
à aider les personnes âgées dans les hôpitaux. Ainsi, la souffrance qu'il
éprouvait à l'idée de devoir renoncer à son projet l'aura amené à créer,
pendant la cure, une nouvelle solution éthique qui répondait à son souci
d'aider l'humain, ce qui lui a redonné une raison de vivre.
Tel autre patient, hospitalisé à
répétition depuis l'adolescence et pour lequel la famille démunie songeait à un
placement à long terme parce qu'il présentait depuis des années des symptômes
réfractaires au traitement psychopharmacologique, continuant à être envahi par
les hallucinations, à s'isoler pour prier jour et nuit, à errer dans les rues
et qui maintenant, au cours de son traitement au 388, a réussi à ne plus jamais
être hospitalisé, à vivre seul, de façon autonome, en appartement et à
reprendre ses études qu'il avait abandonnées à 16 ans, tout en travaillant
à temps partiel pour payer ses études.
Pendant que nous préparions ce document,
un patient a résumé mieux que nous pourrions le faire l'effet du traitement. Il
nous disait…
Mme Cantin (Lucie) : ...à
vivre seul de façon autonome en appartement, puis à reprendre des études qu'il
avait abandonnées à 16 ans, tout à travaillant à temps partiel et... (panne de
son) ...Pendant que nous préparions ses documents, un patient, en résumé, mieux
que nous pourrions le faire, les fait... (panne de son) ...je le cite :
«Quand je réussis à trouver les mots pour dire ce que je vis intérieurement, je
ne suis plus schizophrène»...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Excusez, Mme... Dre Cantin, on va suspendre quelques instants parce qu'on a
vraiment un problème à vous entendre, là. On essaie plusieurs choses, puis ça
ne fonctionne pas. Donc, on va suspendre pour essayer de régler ce problème-là
quelques secondes.
(Suspension de la séance à 11 h 37)
(Reprise à 11 h 39)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons avec la Dre Cantin. Donc, je vous cède la parole, et vous
pouvez recommencer dès le début.
Mme Cantin (Lucie) : D'accord.
Alors, je commençais, à la suite de M. Apollon, en vous donnant des exemples
cliniques de ce qu'il vient d'aborder. Un de nos patients, par exemple, qui est
engagé dans des recherches...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…avec la Dre Cantin. Donc, je vous cède la parole, et vous pouvez recommencer
dès le début.
• (11 h 40) •
Mme Cantin (Lucie) :
D'accord. Alors, je… recommençais, à la suite de monsieur Apollon, en vous
donnant des exemples cliniques de ce qu'il vient d'aborder. Tel un de nos
patients par exemple qui, engagé dans des recherches universitaires, et qui
apprend que ses résultats risquent d'être utilisés à des fins militaires qui
sont contraires aux idéaux humanitaires qui l'avaient motivé à participer à ses
recherches. La découverte de ce à quoi pourra servir son travail le précipite
dans une crise psychotique importante qui l'a amené au 388. Au cours de sa
cure, il décidera d'abandonner son domaine de recherche pour se consacrer à une
formation professionnelle qui l'habilitera à aider les personnes âgées dans les
hôpitaux. La souffrance qu'il éprouvait à l'idée de devoir renoncer à son
projet l'a amené ainsi, pendant la cure, à créer une nouvelle solution éthique,
qui répondait à son souci d'aider l'humain, ce qui lui a redonné une raison de
vivre. Tel autre patient, hospitalisé à répétition depuis l'adolescence, et
pour lequel la famille, démunie, songeait à un placement à long terme parce
qu'il présentait depuis des années des symptômes réfractaires au traitement
psychopharmacologique, continuant à être envahi par les hallucinations, à
s'isoler, prostré, pour prier de façon continue jour et nuit et à errer dans
les rues et qui, au cours de son traitement au 388, réussit à ne plus retourner
à l'hôpital, à vivre seul, de façon autonome en appartement, et à reprendre des
études abandonnées depuis l'âge de 16 ans, en travaillant à temps partiel pour
payer ses études. Pendant que nous préparions ce document, un patient a résumé
mieux que nous pourrions le faire l'effet du traitement. Il a dit, et je
cite : «Quand je réussis à trouver les mots pour dire ce que je vis
intérieurement, je ne suis plus schizophrène, ça me ramène à mon humanité.» Il
faut noter que ce patient avait passé trois années à l'hôpital avant de venir
au 388, et qu'actuellement il vit de façon autonome, seul, en appartement, tout
en faisant du bénévolat dans un CHSLD.
Aussi, alors, est-ce qu'on va leur donner
accès à l'aide médicale à mourir parce qu'on ne leur donne pas les services
adéquats pour reprendre leur vie en main? Est-ce que ce serait une nouvelle forme
de discrimination parce que ce sont des schizophrènes et des psychotiques, eux
qui sont les parents pauvres de nos services de santé, et qui souffrent déjà
des préjugés négatifs les plus tenaces dans notre société? Notre centre
accueille plus d'une centaine de personnes souffrant de schizophrénie ou de
psychose, la plupart d'entre eux ont vécu plusieurs hospitalisations en
psychiatrie avant leur arrivée au centre. Dans un milieu ouvert, nous offrons
un traitement global, 24 heures par jour, sept jours semaine, toute l'année, y
compris un traitement intensif de la décompensation psychotique sur place, pour
lequel nous disposons de six lits de traitement, évitant ainsi
l'hospitalisation et le recours à l'urgence. Le traitement psychanalytique des
psychoses a des résultats qui sont connus non seulement au Québec, mais en
Europe…
Mme Cantin (Lucie) : ...y
compris un traitement intensif de la décompensation psychotique sur place, pour
lequel nous disposons de six lits de traitement, évitant ainsi l'hospitalisation
ou le recours à l'urgence.
Le traitement psychanalytique des
psychoses tel a des résultats qui sont connus non seulement au Québec, mais en
Europe, aux États-Unis en et en Amérique du Sud où plusieurs spécialistes s'y intéressent
à la fois pour les résultats obtenus ou parce qu'ils s'en inspirent pour créer des
services semblables chez eux.
Les données actuelles témoignent que nos
usagers opèrent des changements majeurs dans leur vie, tels que la gestion des
épisodes aigus sans le recours à l'hospitalisation et la modification et/ou la
disparition des symptômes psychotiques. Ceci se vérifie par une diminution
significative du taux de suicide à un taux de 1 % comparativement aux 10 %
mentionné dans le Plan de santé mentale pour ce type de clientèle... par une diminution
significative des hospitalisations et la reprise d'une autonomie qui se
concrétise par l'autonomie du lieu de vie et un retour au travail, aux études
ou à une activité sociale significative qui les engage dans la société.
On vous présente dans le mémoire quelques
tableaux. J'en commenterai quelques-uns seulement, voire le premier qui
présente un groupe de 197 patients qui sont traités pendant... qui ont été
traité pendant trois ans et plus au 388. La ligne verte au milieu du tableau
indique le moment de leur arrivée au 388. On y compare donc le nombre de jours
d'hospitalisation pour ce groupe de patients au cours des trois années qui ont
précédé leur arrivée au centre avec le nombre de jours d'hospitalisation
pendant leur traitement au 388. On voit... leur arrivée au 388 les
hospitalisations augmenter de façon importante d'année en année, atteignant
7 300 jours d'hospitalisation dans l'année précédant leur arrivée au
388 et que ce chiffre chutait à 944 au bout de trois ans.
Dans le deuxième tableau, toujours pour le
même groupe, la colonne rouge vous indique qu'à l'arrivée au 388 51 % de
ces usagers vivaient dans un lieu de vie autonome, alors qu'au bout de trois
ans notre chiffre atteignait 81 %.
De même façon, le troisième tableau, qui
concerne leur participation active dans la société, toujours dans la colonne
rouge, on voit que 25 % seulement d'entre eux étaient actifs au moment de
leur arrivée au 388, alors qu'un bout de trois ans on avait 73 % de ces
gens qui étaient actifs.
Je vais m'attarder aux trois derniers
tableaux qui sont dans le mémoire parce que ces trois derniers concernent un
groupe de 83 patients qui ont été traités pendant huit ans et plus. Sur le
tableau des hospitalisations, on voit aussi qu'avant leur arrivée au 388
le nombre de jours a augmenté, d'année en année, atteignant 3400 jours
dans l'année qui a précédé leur arrivée au 388 et que ce chiffre...
Mme Cantin (Lucie) :
…patients qui ont été traités pendant huit ans et plus.
Sur le tableau des hospitalisations, on
voit aussi, qu'avant leur arrivée au 388, le nombre de jours a augmenté,
d'année en année, atteignant 3400 jours dans l'année qui a précédé leur
arrivée au 388. Et que ce chiffre est diminué constamment, au cours des
années, jusqu'à arriver à 284 au cours de la huitième année de traitement.
Quant à l'autonomie par rapport au lieu de vie, elle passe de 49 % quand
ils sont arrivés au 388 pour atteindre 90 % au bout de huit ans.
Concernant leur participation à la vie sociale, je vous rappelle, c'est le
retour aux études, au travail, au bénévolat, 17 %, seulement, étaient
actifs au moment de leur arrivée, et ce chiffre atteignait 75 % au bout de
huit ans.
Mais, néanmoins, ces derniers tableaux qui
illustrent l'évolution clinique sur huit ans de traitement sont importants.
Parce qu'ils montrent une amélioration de leur vie qui, non seulement, se
maintient, mais qui continue de progresser au fil des ans, confirmant ainsi la
permanence et la diminution des symptômes. Et ces données longitudinales pour
ce genre de clientèle viennent en contredire l'irréversibilité des symptômes
chez les patients souffrant de troubles mentaux sévères et persistants.
Je voudrais ajouter que, en 2002, un
groupe d'experts a été mandaté par le ministère de la Santé pour venir évaluer
le programme. À cette occasion-là, les experts ont rencontré quelque
42 patients, ils ont rencontré les familles, ils ont rencontré les
proches, ils ont rencontré les partenaires du réseau. Je vous cite brièvement
une de leurs conclusions : «Les parents apprécient particulièrement que le
traitement permette de finaliser les capacités de chacun jusqu'à un niveau de
rétablissement dont ils avaient cesser de rêver. Les partenaires, eux,
c'est-à-dire les gens du CLSC, des autres centres hospitaliers, psychiatres du
réseau, organismes communautaires signalent que la clientèle référée et
observée au 388 présente des troubles graves et persistants que plusieurs
psychiatres hésiteraient à traiter en dehors du cadre hospitalier formel. La
démarche personnelle d'engagement exigée du patient pour son admission
au 388 ne biaise en rien la sélection de la clientèle qui se révèle lourde
objectivement. Les partenaires ont constaté des améliorations qu'ils ne
pouvaient pas obtenir, eux-mêmes, antérieurement avec les mêmes clients, avec
ces mêmes clients.» Fin de la citation.
Je soulignerais, finalement, que ce
traitement coûte à l'État 50.00 $ par jour, par patient. Et ça, c'est sans
compter les économies liées à la diminution des hospitalisations et des coûts
sociaux.
En conclusion, trois points. Ce cas et
bien d'autres nous ont portés à nous poser la question si l'aide médicale à
mourir ne vient pas se substituer à des services adéquats, qui aideraient les
personnes à reprendre leur vie en main.
Deuxièmement, l'aide…
Mme Cantin (Lucie) : ...en
conclusion, trois points. Ce cas et bien d'autres nous ont portés à nous poser
la question si l'aide médicale à mourir ne vient pas se substituer à des
services adéquats, qui aideraient les personnes à reprendre leur vie en main.
Deuxièmement, l'aide à mourir pourrait
devenir une voie de sortie encouragée à leur insu par les spécialistes qui ont
posé un diagnostic fatal aux jeunes psychotiques, consacrant une impasse
indépassable pour leur avenir. L'aide médicale à mourir pourrait ainsi être
accordée pour des raisons tout autres que celles pour lesquelles la loi la
rendrait accessible.
Finalement, le psychotique, et on veut
être clair sur ça, est un citoyen de plein droit. S'il a accès à l'aide
médicale à mourir, ce doit être pour les mêmes raisons de maladies physiques
incurables comme tout autre citoyen, et non pas parce qu'il est psychotique et
que cette maladie serait incurable.
Avec les résultats que nous venons de vous
montrer, à savoir que les personnes retrouvent une vie citoyenne active comme
nous tous et une vie satisfaisante pour eux-mêmes, notre expérience clinique ne
nous permet pas de parler des psychoses comme des maladies incurables. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Cantin. Donc, nous allons maintenant procéder à la
période d'échange avec les membres de la commission en débutant par le député
de Gouin.
• (11 h 50) •
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs, dames. J'ai à peu près six minutes. Donc, je
vais vous poser quelques questions, mais je vais vous demander de faire le même
effort que moi en termes de concision.
D'abord, vous nous dites, et vous n'êtes
pas les premiers à nous le dire, qu'il y a un danger à ouvrir l'aide médicale à
mourir pour les gens souffrants de troubles mentaux dans un contexte où les
soins ne sont pas suffisamment disponibles et qu'il y a énormément de
discriminations qui s'abattent encore sur les gens qui souffrent de ces maladies-là.
C'est un argument similaire qui avait été présenté lors de la première
commission sur l'aide médicale à mourir au sujet des soins palliatifs, beaucoup
de gens disaient : On ne peut pas ouvrir l'aide médicale à mourir dans un
contexte où les soins palliatifs sont particulièrement déficients au Québec.
Et, depuis le début de nos travaux, ici, à la commission, beaucoup d'experts
sont venus répondre à cet argument-là en disant : C'est un peu un faux
dilemme, on pourrait faire les deux. On pourrait ouvrir l'aide médicale à
mourir pour les gens souffrants de troubles mentaux sévères et persistants tout
en... en même temps, sur une voie parallèle, travailler avec énergie à
améliorer les soins puis l'acceptabilité dans la société des gens qui souffrent
de troubles mentaux sévères. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là?
Mme Cantin (Lucie) : C'est
difficile de voir qui est-ce qui...
M. Nadeau-Dubois : ...souffre
de troubles mentaux sévères. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là?
Mme Cantin (Lucie) : C'est
difficile de voir qui est-ce qui... Est-ce qu'on m'entend?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien.
Mme Cantin (Lucie) : Est-ce
que, M. Apollon, vous voulez... Je vous laisserais, M. Apollon,
parler de la différence entre cette souffance physique et psychique.
M. Apollon (Willy) : Je crois
qu'il faut faire une différence claire entre souffrance physique et souffrance
psychologique. La souffrance physique peut devenir irrémédiable et, à ce
moment-là, l'aide à mourir est certes un apport. La souffrance psychologique,
on ne peut pas dire que la souffrance psychologique est irréversible parce que
la souffance psychologique, et en particulier chez le psychotique, est une
souffrance liée à un sentiment d'éthique. C'est une souffrance qui est liée au
fait de penser qu'on ne pourra pas accomplir quelque chose que l'on considère
comme un devoir plus important que sa vie même. C'est ça, l'enjeu. C'est une question
d'éthique.
Par ailleurs, la souffrance psychologique,
même quand ce n'est pas dans la psychose, on ne peut pas dire qu'elle est
irréversible comme la souffrance physique, biologique. C'est ça, le point.
M. Nadeau-Dubois : Merci. Deux
questions pour vous, en rafalle, vous pourrez y répondre l'une à la suite de
l'autre. D'abord, vous nous... D'abord, sur la question de l'incurabilité, vous
nous dites... vous affirmez quand même quelque chose de fort, puis d'ailleurs,
vous n'êtes pas le premier, hein, mais c'est quand même une affirmation forte,
devant la commission, vous nous dites : Aucune souffrance psychologique
n'est incurable. Je comprends que dans votre expérience clinique à vous, vous
avez des résultats convaincants. Qu'est-ce qui vous permet de faire ce saut-là,
et de de dire, même dans des cas, par exemple, de troubles obsessionnels
compulsifs, des cas de dépression chronique, des cas extrêmement lourds qui
nous ont été présentés, notamment par l'Association des psychiatres du Québec,
qu'est-ce qui vous permet d'affirmer avec une telle certitude qu'il n'y a aucun
cas incurable? Et...
M. Nadeau-Dubois : …saut-là et
de dire, même dans des cas, par exemple de trouble obsessionnel compulsif, des
cas de dépression chronique, des cas extrêmement lourds qui nous ont été
présentés, notamment, par l'association des psychiatres du Québec, qu'est-ce
qui vous permet d'affirmer avec une telle certitude qu'il n'y a aucun cas
incurable. Et pourquoi… Et seriez-vous mal à l'aise avec un compromis qui
dirait : Bien, laissons les professionnels de la santé juger de ça et
permettons l'aide médicale à mourir pour les situations où les gens, et leurs
professionnels de la santé, jugent qu'on est devant… qu'on a un degré
raisonnable de certitudes que le cas est incurable. C'est ma première question.
Et la deuxième, la loi québécoise sur
l'aide médicale à mourir, actuellement, n'exclut pas les gens qui ont des
troubles mentaux. Si je suis votre raisonnement, c'est la recommandation que
vous vous faites. Vous nous dites : Vous devriez exclure, nommément, dans
la loi, les gens souffrant de troubles mentaux sévères. Que répondriez-vous à
quelqu'un qui dirait, et c'est des représentations qui nous ont été fait à la
commission que, ce faisant, on inscrirait une discrimination dans la loi
québécoise sur l'aide médicale à mourir. Une discrimination qui, selon eux,
injustifiable. Qu'est-ce que vous répondriez à cet argument-là? Donc, vous
pouvez répondre à mes deux questions dans le temps qui nous reste.
Mme Cantin (Lucie) : Dre
Bergeron, est-ce que vous voulez répondre?
M. Apollon (Willy) : Allez-y,
Lucie.
Mme Bergeron (Danielle) :
Oui, je pense que je peux répondre. Pourquoi on enlèverait… vous dites : Pourquoi
on enlèverait le droit d'avoir l'aide médicale à mourir de gens qui ont un… qui
souffrent d'un TOC sévère ou d'une dépression qui ne guérit pas? Le point de
vue, qui amènerait à l'aide médicale à mourir, ça serait que ce sont des maladies
d'origine biologique. Et ça, quand on parle de la dépression, de la psychose ou
d'un trouble obsessif compulsif comme une maladie biologique, c'est un argument
qui est trompeur. C'est trompeur parce que c'est… en fait, le trouble émotif
peut apporter des modifications dans la biologie. Mais, actuellement, il n'y a
rien qui prouve que la maladie elle-même est d'origine biologique. Quand on
rencontre des… moi, je reprends le domaine où je suis la plus spécialisée, quand
même. Quand on rencontre des psychotiques depuis… ça fait 40 ans, moi, que
j'en écoute, et que je les entends, et que je les accompagne. Quand on les
rencontre et qu'on entend ce qui leur fait problème, on se rend bien compte
que, d'une part, une fois qu'ils ont pu parler, retrouver qu'est-ce qui était
l'origine de leurs difficultés, mais retrouver en eux-mêmes l'origine…
Mme Bergeron (Danielle) : …et
que je les accompagne, quand on les rencontre et qu'on entend ce qui leur fait
problème, on se rend bien compte que, d'une part, une fois qu'ils ont pu
parler, retrouver qu'est-ce qui est à l'origine de leurs difficultés, mais
retrouver en eux-mêmes l'origine de leurs difficultés, il y a beaucoup de
symptômes qui deviennent caducs, qui tombent. Les hallucinations arrêtent, les
idées de suicide cessent et ils peuvent, à nouveau, reprendre une vie. Et c'est
le… Si c'est réversible, parce que la personne a trouvé un lieu pour retrouver
en elle-même ce qui a été la cause psychologique, la cause intérieure, la cause
humaine de ses difficultés, elle va pouvoir trouver de meilleures solutions
pour traverser ces difficultés-là, qu'elle a trouvées quand elle était enfant
ou adolescente ou au début de sa vie adulte.
Donc, l'idée que les maladies
psychiatriques seraient d'origine biologique, c'est…
Par ailleurs, de quel droit avons… quel
droit… de quel droit un être humain enlèverait la vie à un autre être humain?
De quel droit on prendrait la vie d'un autre être humain? Quand moi, je crois
que c'est encore comme ça, quand j'ai fait… quand j'ai terminé mon cours de
médecine, avant de faire la spécialité, j'ai fait un serment, le serment
d'Hippocrate, qui date du IVe siècle av. J.-C. mais qui est encore tout à
fait adéquat. Et dans ce serment, du temps d'Hippocrate, parce qu'il a été un
petit peu modifié maintenant, Hippocrate disait qu'il ne remettrait à personne
du poison : Même si on m'en demande, que ça va à l'encontre du serment du
médecin que de donner, par exemple, un cocktail de médicaments qui le ferait
mourir. Et dans le cas de la maladie dite mentale, c'est inapproprié.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bonjour à vous trois. Vous m'entendez bien?
Une voix
: Oui,
bonjour.
Une voix
: Oui,
bonjour.
• (12 heures) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon. Écoutez, je vais revenir, un peu, sur le sujet de mon prédécesseur. Et
peut-être que je n'ai pas bien saisi le sens, puis je vais vous poser la
question, mais je vais… Vous mentionnez, dans votre mémoire, que d'élargir
l'accès aux personnes atteintes d'un trouble mental pourrait être considéré
comme de la discrimination en regard de l'accès déficient aux soins et aux…
12 h (version non révisée)
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...mais je vais... Vous mentionnez, dans votre mémoire, que d'élargir l'accès
aux personnes atteintes d'un trouble mental pourrait être considéré comme de la
discrimination, en regard de l'accès déficient aux soins et aux mesures d'accompagnement.
C'est bien le cas, n'est-ce pas?
Mme Cantin (Lucie) : Oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon, O.K. Or, l'Association des médecins psychiatres du Québec, l'AMPQ, devant
la commission, a affirmé, elle, que de refuser l'aide médicale à mourir sur
une... serait... sur la base qu'il est atteint d'un trouble mental, serait, au
contraire, une forme de discrimination. Donc, j'aimerais ça... qu'en
pensez-vous?
Mme Cantin (Lucie) : Bien, d'abord,
on est très conscients, en disant ce qu'on a dit à propos de la discrimination,
de prendre l'argument tout à fait à l'envers de la façon dont il est pris
habituellement, à savoir que ce serait discriminant, pour les personnes
souffrant de trouble mental grave, que de leur refuser l'aide médicale à
mourir.
Quand on écrit ce qu'on a écrit à propos
de la discrimination, il y a deux choses. Je reprendrai un peu ce que Dre
Bergeron vient de dire. C'est sûr qu'à partir du moment où la maladie mentale,
la psychose, en particulier... la psychose et la schizophrénie, parce que c'est
quand même notre secteur d'expertise... à partir du moment où c'est posé comme
une maladie d'origine biologique, à ce moment-là, l'argument de la
discrimination, effectivement, se pose, de la façon dont vous l'avez posé.
Puisque ce serait une maladie d'origine biologique, bien, pourquoi ils seraient
exclus de l'aide médicale à mourir?
Mais quand, justement, on considère et
qu'on voit qu'il n'y a aucune preuve à ça que la maladie mentale, y compris la
schizophrénie, la psychose, sont d'origine biologique, personne n'a fait la
preuve de ça, bien, on se demande... Il reste quand même que c'est pour ces
patients-là, les patients schizophrènes et psychotiques, c'est pour ces
patients-là qu'on offre le moins de services dans les services publics. C'est
vraiment les parents pauvres des services de santé. Et c'est surtout les gens
qui sont les plus discriminés sur le plan social.
Vous savez, dans les médias et partout,
vous entendez facilement parler des gens qui sont déprimés, qui ont des
troubles anxieux, qui ont des TOC, qui ont des maladies bipolaires. Et dès le
moment où il s'agit de schizophrénie ou de psychose, il y a une discrimination
sociale importante. Par exemple, aussitôt qu'il va y avoir un crime dans la
société, bien, tout le monde va conclure que c'est quelqu'un qui est un malade
mental. Nos patients, à ces moments-là, justement, sont toujours très affectés
et ils nous disent. On va dire...
Mme Cantin (Lucie) : ...il y a
une discrimination sociale importante. Par exemple, aussitôt qu'il va y avoir
un crime dans la société, bien, tout le monde va conclure que c'est quelqu'un
qui est un malade mental. Nos patients, à ces moments-là, justement, sont toujours
très affectés... et nous disent : On va dire encore que c'est des
psychotiques et des schizophrènes. Alors, le poids de la discrimination sociale
est immense sur les psychotiques et sur les schizophrènes. S'ils essaient de se
trouver un emploi, il ne faut pas qu'ils disent qu'ils ont ce diagnostic-là. Ce
qu'on n'aura pas comme discrimination à propos d'une dépression ou d'un trouble
anxieux.
Et donc à partir de ce moment-là, c'est
sûr que, pour nous, l'important, là, c'est... alors, est-ce que ces gens-là ne
souffrent pas plutôt du fait de ne pas avoir de traitement adéquat, de ne pas
être entendus comme des humains? C'est ça qu'on appelle le poids de cette discrimination,
et de penser, donc, que c'est simplement d'origine biologique et qu'il n'y a
rien à faire pour eux. D'ailleurs, les internes en psychologie, ce qu'ils nous
disent, c'est qu'à l'université, c'est ça qu'on leur apprend. Ils peuvent
travailler avec des déprimés, des troubles anxieux, des TOC, mais pour les
psychotiques et les schizophrènes, il n'y a rien à faire. C'est ça qu'on leur
enseigne et c'est ça qu'on appelle la discrimination.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Cantin (Lucie) : ...aller
dans le même sens jusqu'à justement les aider à se suicider.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dre Cantin. J'aurais une question complémentaire. Et premièrement, félicitations,
là, pour les résultats du 388, c'est impressionnant. Vous avez 90 % de
résultats, mais qu'est-ce qu'on fait avec justement ceux auxquels on n'a pas de
résultat, le 10 % qui... parce qu'on sait qu'il y a une grande peur d'engagement
personnel, aux patients qui ne veulent pas s'engager, qu'il n'y a pas de
rémission ou de rétablissement? Donc, c'est plus, je vous dirais, cette
portion-là qui nous intéresse particulièrement pendant les travaux.
Mme Cantin (Lucie) : Bien, ce
que je répondrais... Je ne vois pas mes collègues, alors je ne vois pas s'ils
ont...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, Dre Cantin.
Mme Cantin (Lucie) : Ce que
je dirais de ce 10 % là... Quand on dit 90 % des gens qui
redeviennent actifs, bien, il y a des gens, oui, certains de nos patients qui
ne sont pas capables de reprendre une activité sociale... pas du bénévolat, ni
des études ou du travail, mais qui vont réussir à vivre de l'hôpital, alors
qu'ils étaient... je dirais qu'ils s'en allaient vers non seulement des hospitalisations
à répétition, mais de plus en plus longues, avec éventuellement une chronicité
qui faisait qu'ils n'étaient pas capables de vivre dans la société. Je dirais
que, pour ces gens-là, le seul fait de vivre dans la...
Mme Cantin (Lucie) : …je
dirais qu'ils s'en allaient vers un… non seulement des hospitalisations à
répétition, mais de plus en plus longues, avec éventuellement une chronicité
qui faisait qu'ils n'étaient pas capables de vivre dans la société. Je dirais
que pour ces gens-là, le seul fait de vivre dans la société et non plus dans… à
l'hôpital, bien, c'est déjà quelque chose. Et, je ne sais pas, si on prenait la
population en général puis qu'on regardait le pourcentage de gens, justement,
qui ne travaillent pas ou n'ont pas d'études ou du bénévolat, mais qui vivent
chez eux, avec les activités quotidiennes, je ne sais pas si on aurait un
autre… un pourcentage semblable. C'est ce que je répondrais en premier… on ne
pouvait pas passer sa vie à faire n'importe quoi de son…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je suis d'accord. Et vous disiez tout à l'heure… Je ne me souviens plus qui dit
qu'il y aurait des conséquences anticipées à l'élargissement de la loi. Quelles
conséquences… Et très rapidement, là, il nous reste quelques minutes, là.
Quelles conséquences ça aurait, l'élargissement de la loi? Vous avez peur à des
dérives?
Mme Bergeron (Danielle) :
Moi, je peux en dire un mot. Ce qui me préoccupe le plus, c'est d'augmenter le
nombre de décès. Il y a un certain nombre de personnes qui vont se suicider,
mais qui ne demanderaient pas nécessairement l'aide médicale à mourir, et… mais
là on va leur dire : Maintenant, vous avez le choix. Ou bien vous vous
engagez à faire un travail sur vous, vous allez travailler avec les travailleurs
sociaux, avec un clinicien, un psychologue, un psychanalyste, ou bien vous vous
engagez, puis il va y avoir des moments où ça va être difficile; ou bien c'est
vrai que maintenant, là, vous pourriez demander de mourir, parce que vous avez
des problèmes très graves. Cette possibilité de demander l'aide médicale à
mourir, pour un psychotique, selon moi, ça va augmenter le nombre de décès, le
nombre de morts. Il y a ceux qui se suicident, il y a ceux qui vont demander l'aide
médicale à mourir et qui auraient pu faire une autre vie si on leur offrait un
autre type d'approche qui leur convient bien.
Donc, je trouve… moi, je trouve ça très,
très dangereux que d'offrir ça, et, pour un médecin, un psychiatre, ça va complètement
à l'encontre de ce qu'on doit faire quand on reçoit un patient, c'est-à-dire
chercher toutes les formules, toutes les solutions pour l'aider à sortir de son
marasme, à sortir de ses difficultés, de ses problèmes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions. On va continuer les échanges avec
la députée de Westmount—Saint-Louis. Donc, Mme la députée, la parole est à
vous.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à vous toutes, merci pour votre témoignage et votre
partage. J'aimerais mieux comprendre, parce que vous parlez beaucoup des
maladies d'origine biologique et que nous avons quand même une marge de
manoeuvre pour venir aider ces personnes, mais… en ce qui concerne, comme par
exemple, la schizophrénie. Mais, en ce qui concerne peut-être…
Mme Maccarone : …bienvenue à
vous tous. Merci pour votre témoignage et votre partage. J'aimerais mieux
comprendre, parce que vous parlez beaucoup des maladies d'origine biologique et
que nous avons quand même une marge de manoeuvre pour venir aider ces
personnes, mais en ce qui concerne, comme, par exemple, la schizophrénie. Mais,
en ce qui concerne peut-être, aussi, les problèmes neurologiques pour les problèmes
de santé mentale des personnes puis c'est sûr, je sais qu'il y a aussi,
peut-être, un débat en ce qui concerne la schizophrénie puis l'impact, que ça
soit génétique, neurologique aussi.
• (12 h 10) •
Par exemple, si on parlait d'autres
diagnostics neurologiques comme l'autisme. Selon vous, est-ce que ça, c'est
quelque chose que nous devons considérer comme une extension puis des
paramètres pour offrir l'aide médicale à mourir à ces personnes? Puis à
l'intérieur de quelles balises? Parce que, si on parle de choses qui ne sont
pas réversibles, bien, il y a en a plein, plein, plein, de maladies de santé
mentale qui ne sont pas réversibles. Alors, selon vous, ça serait quoi vos
recommandations en ce qui concerne ce type de diagnostic?
M. Apollon (Willy) : Il y a
des maladies mentales, il y a des troubles mentaux qui accompagnent des
troubles qui sont neurologiques ou biologiques ou physiques et ces troubles qui
sont neurologiques ou biologiques ou physiques peuvent être incurables,
irréversibles et dans ces cas, l'aide à mourir, c'est quelque chose, si le
patient le demande et si les médecins trouvent qu'effectivement il n'y a pas de
guérison possible, l'aide à mourir, à ce moment-là, est tout à fait normale.
L'enjeu, c'est quand on part d'une maladie
vraiment psychologique, des troubles mentaux dont l'origine n'est pas
biologique. Il y a des conséquences biologiques, mais ce n'est pas l'origine.
Là, à ce moment-là, il faut faire la différence entre ce qui est d'une origine
vraiment psychologique, une souffrance qui est une souffrance, encore une fois,
qui est d'ordre éthique, parce que la souffrance psychologique est toujours
d'ordre éthique, alors que la souffrance physique, la souffrance biologique, ce
n'est pas une question d'éthique, c'est vraiment une question de… une santé qui
se défait, qui se dégrade. Alors, ça, c'est tout à fait autre chose. Il faut
bien faire cette différence entre une souffrance psychologique qui est d'ordre
éthique et une souffrance physique qui peut devenir, qui peut être liée à une
maladie incurable…
M. Apollon (Willy) : …une
santé qui se défait, qui se dégrade. Alors, ça, c'est tout à fait autre chose.
Il faut bien faire cette différence entre une souffrance psychologique qui est
d'ordre éthique et une souffrance physique qui peut devenir… qui peut être liée
à une maladie incurable. Je pense qu'il faut bien faire cette différence.
Mme Maccarone : Je vous
entends en ce qui concerne notre… qui est un enjeu éthique, en ce qui concerne
des difficultés psychiques que les gens peuvent subir, alors que j'avais
entendu certains experts qui nous ont dit que personne ne devrait être exclu
selon la souffrance, selon eux, et non le diagnostic. Alors, qui devrait juger
la souffrance, d'abord, selon vous? Parce que même si… Puis ça, c'est question,
peut être, n° 1, qui devrait juger la
souffrance?
Puis question n° 2, en ce qui
concerne… pour rester à l'intérieur de votre argument enjeu éthique, parce que
si, mettons, je vous donne un exemple pour la personne qui va offrir ce type de
jugement et si je vous soumets que la personne qui souffre, après des années de
tentatives de traitements, souffre encore ou juge que lui-même souffre encore
ou après le refus de traitement, c'est qui qui devrait juger de la souffrance,
en termes enjeu éthique?
M. Apollon (Willy) : Seul le
patient peut décider. Ce que le spécialiste fait, il évalue, il évalue en
fonction de la science, en fonction des thérapies existantes, en fonction de la
loi. Mais seul le patient peut décider s'il veut mourir ou pas. Ce n'est
certainement pas à un spécialiste de décider à la place du patient.
Mme Maccarone : Sauf que vous
dites que, mettons, votre programme… Puis… je vous partage les beaux mots de
notre présidente… de vous féliciter pour le succès que vous avez à l'intérieur
de votre programme, sauf que ça ne peut pas fonctionner pour tout le monde. On
comprend que la santé mentale, c'est tellement varié et si, mettons, on a un
patient qui dit… C'est complexe comme enjeu éthique parce que si on dit que
nous allons élargir, puis c'est tellement final… Qui si, mettons, on est face à
une personne qui dit : Bien, moi, ça ne me tente pas à avoir ce type de
traitement, même s'il peut avoir accès à votre traitement… Est-ce qu'il y a des
balises que nous devons prendre en considération pour bien protéger cette personne,
qui peut être très vulnérable aussi, parce qu'il souffre d'un problème de santé
mentale, pour avoir un accompagnement en ce qui concerne l'accès à l'aide
médicale à mourir, pour s'assurer que nous protégeons les personnes, les
professionnels dans la santé qui vont l'administrer puis pour s'assurer que la
décision qui est prise est vraiment bien réfléchie…
Mme Maccarone : ...un problème
de santé mentale pour avoir un accompagnement en ce qui concerne l'accès à l'aide
médicale à mourir pour s'assurer que nous protégeons les personnes... les
professionnels dans la santé qui vont l'administrer puis pour s'assurer que la
décision qui est prise est vraiment bien réfléchie.
M. Apollon (Willy) : Aussi,
vous voyez, dans votre question même, l'enjeu, c'est la qualité des services et
la qualité de la formation des professionnels.
Mme Maccarone : Oui. Mais je
ne veux pas nécessairement faire un gros débat. Mais, de l'autre côté, c'est
ça, on comprend que, si on veut respecter les droits civils des gens, on a adopté
à l'Assemblée nationale, par exemple, le projet de loi n° 18 en ce qui
concerne, par exemple, le Curateur public, puis on veut protéger les droits
civiques des gens. Mais ça ne peut pas être l'accès aux soins, je pense que le collègue
de Gouin a très bien fait l'exposition dans le sens qu'on peut faire deux
choses en parallèle, ce qui, mettons, nous allons attaquer notre système de santé
et services sociaux pour s'assurer que les personnes qui souffrent ont accès à
des soins, mais en parallèle aussi avoir un programme qui est bien armé, qui
peut bien protéger les personnes vulnérables, mais aussi leur donner accès à
l'aide médicale à mourir avec des balises pour les protéger.
Qu'est-ce que nous devons faire pour faire
les deux? C'est quoi, vos recommandations face à une personne qui dit, comme
j'ai dit, par exemple : Je refuse ce traitement, malgré que j'ai accès à
votre programme, mais je refuse le traitement. Qu'est-ce que nous devons faire
pour bien protéger les professionnels et aussi protéger les personnes
vulnérables?
Mme Cantin (Lucie) : Je pense
que la question même que vous nous posez, là, la question de fond...
c'est : Qui va déterminer la souffrance? Qui va déterminer le niveau de
souffrance? Et ce qu'on est en train de dire, c'est que seul le patient, seule
la personne, au fond, peut déterminer son niveau de souffrance. Mais il ne faut
pas demander à des professionnels de la santé, qui sont là, eux, pour offrir,
pour travailler avec le patient à trouver des solutions, il ne faut pas lui
demander à lui de venir donner sa bénédiction au fait que : Non, monsieur,
il n'y a plus rien à... ou : Non, madame, il n'y a plus rien à faire avec
vous. Il ne faut pas demander ça à un professionnel de la santé.
En tout cas... mon expérience depuis
40 ans, puis même depuis qu'on entend parler de cet élargissement de la
loi, il n'y a aucun de nos patients qui nous ont parlé de ça. Parce qu'il ne
faut vraiment pas minimiser ce point qui est que, si on offre des services
adéquats, là... Puis par services adéquats, là, on parle vraiment de tenir
compte justement de leurs souffrances, mais en travaillant avec eux. Si on leur
donne des services adéquats, là, je ne suis pas sûre qu'il y aurait tant de
gens qui continueraient à demander l'aide...
Mme Cantin (Lucie) :
…minimiser ce point que si on offre des services adéquats, là… par services
adéquats, là, on parle vraiment de tenir compte plus souvent de leurs
souffrances, mais en travaillant avec eux. Si on leur donne des services
adéquats, là, je ne suis pas sûre qu'il y aurait tant de gens continueraient à
demander l'aide médicale à mourir. Mais la question de fond, vous avez raison,
c'est : Qui pourrait déterminer cette souffrance-là? Quand vous nous la
posez, je la retournerais aux législateurs : Qui va déterminer que son
niveau de souffrance psychologique est tel qu'il n'y a plus rien à faire? C'est
ça, la vraie question, mais qu'on ne peut pas demander à des professionnels de
la santé qui travaillent avec eux de décider de ça à leur place.
Mme Maccarone : Selon vous,
est-ce qu'il y a des troubles mentaux ou problèmes de santé mentale qui
devraient être, d'emblée, considérés comme non admissibles d'abord? Parce que,
selon votre argument, si on peut offrir des soins puis qui reçoivent des soins,
bien, on peut leur aider. Alors, est-ce que, selon vous, nous devons avoir des
exclusions, par exemple? Puis, si oui, deuxième question liée à ça,
c'est : Comment déterminer le consentement avec des personnes qui
souffrent de tels problèmes de santé mentale?
Mme Bergeron (Danielle) :
Encore là, ce sont des bonnes questions. J'ai un peu de difficultés, moi, à
vous entendre… à entendre parler de soins quand il s'agit de donner…
c'est-à-dire de terminer des soins. Une fois que la personne demande l'aide
médicale à mourir — là, je vais le prendre dans le champ de la
médecine générale — c'est la fin des soins, ce n'est pas un soin.
• (12 h 20) •
Mme Maccarone : Tout à fait.
Je suis d'accord.
Mme Bergeron (Danielle) : Je
comprends qu'il faut que quelqu'un s'offre pour faire ce travail
d'accompagnement de la personne à qui on a accordé l'aide médicale à mourir,
mais si je regarde ça du point de vue de… parce qu'elle est en souffrance
physique intolérable. Bon. Mais si on regarde ça du point de vue de la
psychiatrie, c'est vraiment offrir la fin des soins, on ne peut pas faire ça,
offrir la fin des soins. On doit chercher si, quelque part, ailleurs, il y a
d'autres services, ça peut être à l'extérieur de notre province, ça peut être
dans un autre pays. Est-ce qu'ailleurs cette personne-là pourrait recevoir le
type de soins qui lui permettraient de reprendre sa vie en main?
Moi, j'ai des exemples comme ça, d'un
patient schizophrène, il y a longtemps, que les parents avaient envoyé en
France, dans un service qui s'appelait La Borde. Il était très malade, ce jeune
homme là, il avait 20, 22 ans. Il est resté là pendant deux ans et puis il a
été soigné. Mais avant d'y aller, sa vie était bien mal foutue, il n'était vraiment
pas bien. Donc, c'est parce qu'il faut se le dire…
Mme Bergeron (Danielle) : ...
il avait 20, 22 ans. Il est resté là pendant deux ans et puis il a été
soigné. Mais avant d'y aller, sa vie était bien mal foutue, il n'était vraiment
pas bien.
Donc, c'est parce qu'il faut se le dire,
en psychiatrie, il ne devrait pas y avoir une fin des soins, parce qu'il y a toujours
quelque chose à faire, un angle sous lequel on pourrait aller solliciter la
créativité propre de la personne pour, aussi, pour, avec nous trouver quelque
chose qui va lui redonner la vie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Dre Bergeron. Merci, Mme Cantin,
M. Apollon, ça a été très instructif, ce matin, notre échange avec vous.
Donc, c'est tout le temps que nous avions.
Nous suspendons les travaux et nous... la commission
reprend ses travaux à 13 h 30. Donc, merci à tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 22)
13 h (version non révisée)
(Reprise à 13 h 29)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi tout le monde, et bienvenue à la Commission spéciale sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Avant de commencer
officiellement la captation, je vous demanderais de vous nommer… non, désolée,
ce bout-là, on l'a fait. Donc, cet après-midi, nous avons le plaisir
d'accueillir avec nous Me Jean Lambert et Me Antoine Fafard. Donc, bienvenue,
merci d'avoir accepté notre invitation et vous avez… comme on vous a expliqué,
vous avez 20 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un
échange avec les membres de la commission, pour une période de 40 minutes.
Donc, je vous cède la parole. Je ne sais pas qui commence, mais je vous cède la
parole.
• (13 h 30) •
M. Lambert (Jean) : Alors,
Mme la Présidente, c'est notaire Lambert qui va débuter. Alors, je vous
présente rapidement le notaire qui m'accompagne, Me Antoine Fafard, qui est un
juriste à la direction des affaires juridiques de la Chambre, et s'occupe de
recherche et d'affaires législatives. Quant à moi, Jean Lambert, alors, très
rapidement : Président de la Chambre des notaires de 1984 à l'an de…
13 h 30 (version non révisée)
M. Lambert (Jean) : ...le
notaire qui m'accompagne, Me Antoine Fafard, qui est un juriste à la direction
des affaires juridiques de la chambre et s'occupe de recherche et d'affaires législatives.
Quant à moi, Jean Lambert, alors, très rapidement,
président de la Chambre des notaires à 1984 à l'an 1990, donc j'ai participé
intensément à tous les travaux de la réforme du Code civil. Et en 1988, j'ai
amené cette innovation, le concept du mandat en prévision de... pardon, de
l'inaptitude, donc le mandat de protection. Et je suis revenu à la chambre
comme président de 2009 à 2014, et j'ai donc encore une fois été impliqué dans
les travaux. D'abord, premièrement, la commission mourir dans la dignité, et
ensuite les travaux du projet de loi n° 52, avec Mme
Hivon, et j'étais membre aussi de la table interprofessionnelle du Collège des
médecins du Québec.
Alors donc, ça vous donne un petit peu
l'idée pourquoi ces questions. Et j'ai aussi une parenthèse à faire. Alors mon
intérêt pour ces questions vient du temps de mes études collégiales,
universitaires, où j'ai été, pendant cinq ans, un aide-infirmier, c'était le
terme de l'époque des préposés aux bénéficiaires, à l'Hôpital Notre-Dame-de-la-Merci,
au nord de Montréal, un hôpital, à l'époque, de 600 lits pour malades
chroniques, donc des gens qui venaient finir leurs jours là. Donc, j'ai été
familiarisé dès mon jeune âge à ce monde souffrant dont nous allons parler
aujourd'hui.
J'aimerais faire une précision. Plusieurs
d'entre vous savent sans doute que je suis un des 11 commissaires de la
Commission des soins de fin de vie. Alors, en aucun cas, aujourd'hui, je ne
vais parler, à quelque titre que ce soit, au nom de la commission. Je suis vraiment
ici au nom de la Chambre des notaires, puisque j'ai toujours occupé une
fonction importante dans ces questions à la Chambre des notaires, et notamment
j'ai présidé le groupe de travail sur l'aide médicale à mourir qui a été
instauré dans la foulée du jugement Truchon-Gladu. Alors donc, voilà pour cette
précision.
Alors, voici donc, nous allons parler de
personnes souffrantes et de la nécessaire mise à jour de la Loi concernant les
soins de fin de vie. Alors, notre présentation sera quand même assez concentrée.
D'abord, le rôle du notaire et ensuite les questions de consentement et de
demande anticipée, et nous terminerons en parlant un petit peu des DMA, qui, à
mon point de vue, sont malheureusement un échec de la loi n° 2.
Alors, tout d'abord, peut-être rappeler
que la chambre a toujours été impliquée dans ces travaux, premièrement, dans la
commission mourir dans la dignité, elle a déposé un mémoire. Également, comme
j'ai mentionné tantôt, tout le processus législatif, avec Mme Hivon, là, que je
connais et salue, donc le projet de loi n° 52, et par
la suite, évidemment, comme membre de la commission, évidemment, vous pouvez
deviner que je suis resté bien au fait, et j'ai été désigné...
M. Lambert (Jean) : …dignité,
elle a déposé un mémoire. Également, comme je l'ai mentionné tantôt, tout le processus
législatif avec Mme Hivon, là, que je connais et salue, donc le projet de
loi n° 52. Et, par la suite, évidemment, comme membre de la commission.
Évidemment, vous pouvez deviner que je suis resté bien au fait et j'ai été
désigné par la Chambre pour être représentant du notariat à la commission.
Donc, la Chambre a mis sur pied, en 2019,
dans la foulée du jugement, un groupe d'experts, qui a produit son rapport sur
cette question de la demande anticipée, du consentement anticipé, qui a remis
son rapport un mois avant le groupe d'experts gouvernemental Maclure et Filion.
Et, assez curieusement, nous sommes arrivés à des conclusions tout à fait, pas
identiques, mais assez semblables.
Alors, je me permets de vous dire, rapidement,
le notaire, qui il est, parce que c'est généralement un professionnel assez peu
connu. On sait qu'il est là. On l'associe maisons, contrats de mariage, mais
c'est à peu près tout. Évidemment, on ignore que c'est le seul professionnel, au
Québec, qui détient le statut d'officier public, c'est-à-dire qu'il a une
parcelle de l'État, une partie de l'autorité de l'État pour conférer aux
documents qu'il instrumente, donc qu'il rédige, pour les citoyens du Québec,
une force juridique, une sécurité inégalée. Donc, les actes notariés sont
rarement, très rarement et difficilement contestables en raison des devoirs que
le notaire doit suivre et respecter, et tout un formalisme très contraignant,
qui fait en sorte que lorsque, par exemple, un consentement est donné, bien, il
est véritablement, valablement donné. Et on parlera de ça un peu plus tard.
Donc, le législateur impose l'acte
notarié, par exemple, pour le contrat de mariage. Il l'impose pour
l'hypothèque, il l'impose, par exemple, dans le cas d'une succession lorsque
les droits des mineurs sont impliqués, également, pour la renonciation à une
succession, déclaration de copropriété. Bref, on voit des actes qui sont importants.
Et on comprend que, pour le bien-être d'une personne, et particulièrement
lorsqu'il est question d'aide médicale à mourir, et surtout quand on parlera,
tantôt, de demande anticipée, et bien, on comprend que le meilleur outil, le
meilleur écrit, c'est l'acte notarié.
Je prends une minute ici pour faire une
distinction entre le consentement anticipé et la demande anticipée. Malheureusement,
le Code criminel en bas… en bon résultat de juriste de common law, on va parler
d'une renonciation, alors que, dans le fond, ici, au Québec, notre culture juridique
parle plutôt de l'autonomie d'une personne. Et c'est en vertu de cette
autonomie qu'une personne peut donner un consentement ou le refuser.
Alors, on va se situer, nous, dans cette
culture juridique, et parler du consentement anticipé lorsque la mort est à
court terme. Et on voit… on va parler ici des personnes qui sont souffrantes,
qui vont refuser de prendre la médication…
M. Lambert (Jean) :
...personne ne peut donner un consentement ou le refuser. Alors, on va se
situer, nous, dans cette culture juridique et parler du consentement anticipé
lorsque la mort est à court terme. Et on voit... on va parler ici des personnes
qui sont souffrantes, qui vont refuser de prendre la médication de peur de
perdre la capacité de donner un consentement terminal. Alors, on pense ici
qu'il faut faire droit à cette demande des gens de pouvoir obtenir ce soin — on
parle évidemment ici de court terme, je dirais peut-être moins d'un mois — et,
à ce moment-là, la personne, en vertu de l'autonomie qu'on lui reconnaît, elle
dit : Bien, j'ai fait une demande, vous m'avez jugé admissible à l'aide
médicale à mourir, voici, je voudrais continuer de prendre ma médication, je
voudrais prolonger ma vie pour donner une chance à mes proches qui sont à
l'extérieur de venir me retrouver, et je ne voudrais pas, donc, manquer, si
vous me permettez, le bateau, parce que j'aurai perdu ma capacité de consentir
à la dernière minute au moment des injections.
Remarquez que c'est une question
d'interprétation. On est quelques juristes qui croyons que l'article 29...
là, on ne voit pas pourquoi l'article 29 n'impose pas qu'il y ait un consentement
répété à la toute fin. Bon, je pense que ça a été l'interprétation de départ
qui a été confortée par C-14, la modification au Code criminel qui a suivi
l'arrêt Carter, mais, en réalité, dans notre loi, on ne le voit pas. Probablement,
cette interprétation vient de cette précaution du médecin de s'assurer que le
demandeur n'a pas retiré sa demande, mais on pense qu'on peut aménager ça, en
tout cas, du moins, si on ne peut pas l'aménager, qu'on modifie rapidement la
loi. Pourquoi? Parce que sur les 7 300 aides médicales à mourir qui
ont été administrées jusqu'à mars 2020, il y en a au moins 30 %... Et ça,
c'est très conservateur. Il y a plus que ça, parce que cette préoccupation-là,
on la voit dans tous les rapports que les médecins font après qu'ils ont
administré l'aide médicale à mourir. Mais prenons le chiffre de 30 %. Et
là, là-dessus, on a un chiffre certain, quant à moi c'est un plancher, mais ça
veut dire 2 110 personnes qui vont refuser de prendre leur médication
pour ne pas perdre leur capacité de consentir à la fin ou vont devancer l'aide
médicale à mourir, le soin, l'administration du soin, et, ce faisant, ne
permettent pas à des proches éloignés de pouvoir arriver à temps. Alors, on
pense que ça, c'est beaucoup de souffrance que l'on peut corriger. Bon.
Alors, on parlera rapidement tantôt de la
modification au Code criminel qui parle de renonciation par l'entente
contractuelle. Hein, ça, là, on est dans le monde de la common law, ça ne peut
pas être plus ça. Alors, on pense qu'on peut, ici, au Québec, aménager, tout en
respectant... parce que, bien évidemment, il faut respecter le Code criminel,
mais on pourrait, avec un addendum au formulaire de demande actuel...
M. Lambert (Jean) : …par
entente contractuelle, hein? Ça, là, on est dans le monde de la common law, ça
ne peut pas être plus ça. Alors, on pense qu'on peut, ici, au Québec, aménager,
tout en respectant, parce que, bien évidemment, il faut respecter le Code
criminel, mais on pourrait, avec un addendum au formulaire de demande actuel,
avoir cette formule et respecter, faire cette entente contractuelle. Puis, bon,
on peut comprendre qu'une entente contractuelle de court terme, on s'assure que
le médecin qui aura contracté, si je puis dire, donc convenu d'administrer soit
encore dans le paysage, sera actif. Encore là, que… on sait qu'il y a toujours
un risque puis on se pose bien des questions là-dessus, mais on pourrait au
moins aménager ça. On pense que, dans la plupart des cas, on pourra, au moins,
satisfaire à ce besoin des gens, qui est un besoin très, très, très réel.
• (13 h 40) •
Alors maintenant, au niveau de la demande
anticipée, malheureusement, l'amendement de Mme Wallin, sénatrice, n'a pas
été retenu, la demande que la Chambre a faite, parce qu'on a participé aussi
souvent aux travaux de C-7, et ça n'a pas été retenu. On a dit : Bien, on
y verra plus tard. Malheureusement, plus tard, au fédéral, on a vu ce que ça
donne, c'est beaucoup de temps, hein? On l'a vu, là, demande de prolongation au
tribunal, une fois, deux fois, trois fois. Écoutez, là, pendant que les gens
souffrent, pendant que les gens sont pris avec cette préoccupation-là, ils
viennent de recevoir un diagnostic de problème de maladie affectant leur neurocognitif
d'une façon grave, incurable… On sait qu'on est sur une trajectoire qui est
bien connue, là.
On va parler, par exemple, du cas de
Mme Demontigny, avec l'alzheimer. Elle voudrait, Mme Demontigny,
pouvoir coucher sur papier sa demande. Alors, la Chambre des notaires demande,
effectivement, qu'on fasse droit à ça. Bon. Actuellement, ce n'est pas permis,
au niveau du Code criminel. Est-ce qu'on peut essayer d'aménager quelque chose
à partir des critères de l'article 241.2(3), etc., du Code criminel, pour
fonctionner à l'intérieur de ce délai de maladie naturelle… mort naturelle
raisonnablement prévisible?
Là-dessus, évidemment, je trahis un petit
peu le fait que je suis un des commissaires de la commission des soins de fin
de vie. La commission a fait une analyse très poussée du délai entre la demande
et l'administration de ce soin. Et dans 98 % des cas, c'est un an ou
moins, puis 1 % ou 2 %, allé à 18 mois. Donc, on pourrait, comme
la commission l'a suggéré, regarder cette période temporelle comme étant une
période où on pourrait aménager ce consentement anticipé, qu'on pourrait
appeler demande anticipée, et je vais vous dire pourquoi à l'instant, et ainsi
satisfaire au Code criminel. Alors, on serait dans une période, donc, de mort
naturelle raisonnablement prévisible…
M. Lambert (Jean) : ...une
période où on pourrait aménager ce consentement anticipé, qu'on pourrait
appeler «demande anticipée», et je vais vous dire pourquoi à l'instant, et
ainsi, satisfaire au Code criminel.
Alors, on serait dans une période, donc,
de mort naturelle raisonnablement prévisible. On pourrait l'aménager en
satisfaisant, évidemment, à la demande du Code criminel, que ce soit une
entente contractuelle, malheureusement, mais qu'on pourrait évidemment aménager
de façon à, par exemple, s'assurer que le demandeur a eu toute l'information,
divulguera, comme on l'a proposé, nous, dans la demande, que cette personne-là
a consulté, et qu'on mentionne ces consultations, l'existence de ces
consultations, à l'acte, qu'on détermine également les critères et les
conditions, les circonstances dans lesquelles la personne voudra que le soin
lui soit administré, ce qu'on appelle, nous, le moment venu. Alors donc,
toujours dans le respect du Code criminel, on peut aller plus loin avec... en
aménageant...
Et, de plus, comme le conseil canadien des
académies, qui a fait un travail formidable sur toutes ces questions-là...
Alors, particulièrement, le conseil suggérait fortement qu'un tiers de
confiance soit impliqué dans le processus, et c'est aussi la position de la
chambre. Alors donc, dans le document qui serait confectionné... on demande toujours
qu'il soit obligatoirement notarié, pour des raisons que j'expliquerai tantôt...
que ce document, effectivement, s'assure que tous ces points-là soient
mentionnés. D'abord, c'est le rôle du notaire de s'assurer, hein, que la
personne sait très bien ce qu'elle fait, hein? Le seul fait qu'on exige un acte
notarié, c'est déjà une première mesure de sauvegarde très importante.
Deuxièmement, le notaire a un devoir de
conseil qui est très directif dans les obligations professionnelles du notaire,
et c'est d'ailleurs à peu près le seul élément qui, souvent, revient dans les problèmes
de déontologie, où le notaire, quelques notaires, parfois, en prennent un peu
large avec le devoir de conseil. Donc, le devoir de conseil est crucial ici.
Et on va même plus loin. Un peu comme pour
les procédures devant notaire pour mettre à exécution un mandat de protection
ou encore d'ouvrir un régime de protection, les notaires qui seront appelés à
recevoir ces demandes devront avoir suivi une formation particulière,
particulièrement concernant les éléments médicaux impliqués, de sorte que le
notaire qui aura suivi ça aura une accréditation. Donc, pour la protection du
public, on voit... on va plus loin et on veut s'assurer que le notaire qui
recevra ces demandes saura de quoi il s'agit, saura comprendre le diagnostic,
saura comprendre... sera capable de discuter avec les professionnels de la
santé de la personne pour bien la conseiller.
Le notaire, c'est un spécialiste...
M. Lambert
(Jean) : …et on veut s'assurer que le notaire qui recevra ces
demandes saura de quoi il s'agit, saura comprendre le diagnostic, saura
comprendre, sera capable de discuter avec les professionnels de la santé de la
personne pour bien la conseiller.
Le notaire, c'est un spécialiste du
consentement, hein? Je vous disais, tantôt, que c'est très rare qu'un acte
notarié est contesté. Pourquoi? Parce que le notaire a développé, évidemment, au
cours, je dirais, presque des siècles puisque la profession est plus que
millénaire, donc les outils pour être capable de s'assurer qu'un consentement
est valablement donné puis il est donné d'une façon éclairée. Alors, je vous
disais, tantôt, que dans l'acte on propose que, effectivement, les démarches
d'information de la personne soient bien mentionnées, d'une façon très claire,
identifier ses sources d'information. Au besoin, même, d'avoir un échange avec
le médecin de la personne.
L'autre grande qualité de l'acte notarié,
c'est la précision de sa rédaction. Le conseil canadien des académies mentionne
que, effectivement, pour le personnel soignant, pour le professionnel qui sera
appelé à administrer l'aide médicale à mourir, il a besoin d'être rassuré quant
à la détermination, la volonté, l'expression de la volonté de la personne,
également, des circonstances et conditions dans lesquelles devra se produire
l'administration de l'aide médicale à mourir, ce qu'on appelle «le moment
venu». Alors donc, la rédaction précise est absolument primordiale. Alors donc,
encore une fois, on pense que le notaire est, là-dessus, a prouvé depuis bien
longtemps qu'il était un expert dans la rédaction des documents juridiques.
Alors donc, le notaire prendra soin de, effectivement, de faire un… de dresser
un état de situation de la personne et de s'assurer des conditions, par exemple,
la personne pourrait dire : Lorsque je ne reconnais plus mes proches.
Quand elle ignorera son état, ignorera même son identité, qu'elle ne sera plus
capable de voir à ses activités domestiques, aux activités de la vie
quotidienne. Bref, cette description viendra conforter le soignant qui sera
appelé à administrer l'aide médicale à mourir.
On ajoute, nous, la présence d'un tiers de
confiance, j'en ai parlé tantôt. Pourquoi? Bien, d'abord, c'est une façon de
partager un peu le fardeau de cette décision qui sera difficile parce qu'on
sera appelé à l'appliquer, peut-être, un an ou deux… Là, actuellement, on
essaie de demeurer dans le cadre d'une mort raisonnablement prévisible, mais on
espère que le gouvernement du Québec fera des représentations au niveau de ses
homologues fédéraux, le ministère de la Justice fédéral, pour, justement,
modifier, mais dans l'instant… Travaillons dans le cadre qui nous est donné.
Alors donc, d'avoir ce tiers de confiance, qui sera un proche, qui aura
accompagné pendant toute cette période entre la signature de l'acte et le
moment venu, pour conforter…
M. Lambert (Jean) : ministère
de la Justice fédéral pour, justement, modifier, mais dans l'instant,
travaillons dans le cadre qui nous est donné. Alors donc, d'être… d'avoir ce
tiers de confiance, qui sera un proche, qui aura accompagné pendant toute cette
période entre la signature de l'acte et le moment venu, pour conforter l'équipe
soignante, pour dire : Oui, cette personne n'a jamais retiré cette volonté
qu'elle a exprimée, elle a toujours dit : Écoute, quand je ne serai plus là,
dans ma tête, là, vas-y, je te demande de voir à ce que ça soit fait. Il faut
comprendre que ce n'est pas le tiers qui prend la décision, en bout de ligne,
c'est le professionnel de la santé. Ici au Québec, c'est le médecin. Mais on
comprend que ce tiers sera celui qui allumera, en quelque sorte, la mèche, pour
dire au personnel soignant, au médecin : Bien, voici, le moment est venu
quant à nous, vous êtes à même de constater que les conditions, les
circonstances que le demandeur a faites sont bien présentes. Alors, je pense
que, encore une fois, la présence de ce tiers est un élément très important et
ce tiers, pour éviter qu'il se décharge, un peu, en disant : Savez-vous,
moi, je ne savais pas ce que c'était quand j'ai accepté ça, on va demander
qu'il ait fait… qu'il ait eu une rencontre, une consultation psychosociale,
pour qu'il comprenne ce que ça va impliquer pour lui, émotivement, à un moment
donné, de dire : Vous savez, médecin, je pense que c'est le temps qu'on
respecte, qu'on mette à exécution les volontés. Alors, il y a toujours une
charge émotive importante, et donc on aura soin, donc, de s'assurer que le
tiers aura fait cette consultation et qu'il viendra s'engager à voir au respect
de cette volonté dans l'acte, ou dans un acte subséquent s'il n'est pas disponible
au moment de la signature de l'acte par le demandeur.
• (13 h 50) •
Alors, voilà pour la demande. Rapidement,
je termine avec les directives médicales anticipées. Je n'ai pas mentionné
tantôt, mais j'étais un des membres du groupe de travail ministériel qui a
défini le fameux formulaire. Alors, on a travaillé avec la connaissance qu'on
avait à l'époque, mais aujourd'hui plusieurs estiment qu'on devrait l'élargir.
En tout cas, on peut constater que c'est presque un échec monumental, après
plus de cinq ans, qu'il y ait à peu près une 60 000 inscriptions au
registre de la Régie de l'assurance maladie du Québec. On comprend, là, que ça
n'a pas levé. Et il y a des secteurs, d'ailleurs, comme, par exemple, dans la
région métropolitaine de Montréal, ça ne lève pas fort non plus. Alors, il y a
probablement des problèmes de culture pour les communautés ethnoculturelles,
etc. Donc, il y a un travail à faire et malheureusement, à l'époque, le
gouvernement devait allouer certaines ressources financières pour faire
connaître, parce que dans le projet de loi n° 2 ou n° 52, c'est la seule mesure
qui touche vraiment tout le monde, qui touche tous les citoyens. On leur
dit : Planifiez vos soins, ce que vous voulez faire, qu'on vous fasse,
qu'on prenne soin de vous, qu'on… les soins que vous ne voulez pas avoir, que
vous refusez, et on donne une valeur contraignante à ça. Alors, j'imagine
tantôt, dans la discussion, on aura à savoir…
M. Lambert (Jean) : ...c'est
la seule mesure qui touche vraiment tout le monde, qui touche tous les
citoyens. On leur dit : Planifiez vos soins, ce que vous voulez faire,
qu'on vous fasse, qu'on prenne soin de vous, qu'on... les soins que vous ne
voulez pas avoir, que vous refusez, et on donne une valeur contraignante à ça.
Alors, j'imagine, tantôt, dans la discussion, on aura à savoir est-ce qu'on est
contraignants ou pas pour la demande, là. Alors, ça, je laisse ça à notre
discussion de tantôt.
Ce qui est certain, c'est qu'il faut, Mme
la Présidente, il faut qu'on revienne sur cette question des DMA pour qu'on
puisse vraiment en faire un outil abordable et qui soit, dans le fond, non pas
dans un registre de la RAMQ, mais dans le DSQ, donc le Dossier de santé du
Québec. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup, Me Lambert. Je céderais la parole à la députée de
Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Me Lambert, heureuse de vous voir, Me Fafard. Donc, j'ai un
gros cinq minutes. On va y aller rondement. Effectivement, pour les DMA, je
suis bien d'accord avec vous. Donc, ce n'est pas au coeur de notre mandat, on
pourrait en jaser longtemps, mais autant sur le formulaire qui devrait être
revu et repensé que sur l'importance de faire connaître ce mécanisme-là pour
les refus de traitement, c'est vraiment essentiel, selon moi, et je partage
complètement vos conclusions, mais ce sera pour un autre débat.
Aujourd'hui, c'est ça, je veux vraiment
vous entendre. Je pense que c'est très intéressant ce que vous nous dites.
Comment s'assurer... Je voulais vous amener vraiment sur la question de la
demande anticipée, là, potentiellement, pour l'aide médicale à mourir. Donc, on
a entendu plusieurs experts avant qui nous ont dit : Il faudrait un
diagnostic, un peu comme le groupe, donc, Maclure, Fillion, là, d'experts
recommande, et il faudrait vraiment impliquer un médecin pour que quelqu'un
vienne préciser avec le plus de détails possible ce qu'il entrevoit pour la
suite. Vous allez dans le même sens en nous disant : Il faut vraiment que
ce soit détaillé.
Moi, je veux juste comprendre. Pour moi,
il y a comme un trio, là, c'est-à-dire, si un notaire joue un rôle dans tout
ça, évidemment, ce n'est pas lui qui a la science médicale. Ça fait que là vous
nous dites aujourd'hui : Ça serait des notaires spécifiques qui pourraient
avoir une accréditation. Mais ça ne leur donne pas nécessairement leur cours de
médecine, on se comprend?
M. Lambert (Jean) : Tout à
fait.
Mme
Hivon
:
Donc, dans votre compréhension, comment on articule ce travail-là, je dirais,
avec le médecin, là, très concrètement, là? Parce que je veux comprendre aussi
comment vous le voyez. Là, vous nous avez dit : On pourrait consulter un
médecin au besoin. Mais les gens nous disent souvent, les experts nous disent :
Il faut vraiment connaître le détail de la maladie, là, pour être capable de
guider la personne. Donc, comment on articule ça?
M. Lambert (Jean) : En fait,
ce qu'on a mentionné, mais, encore une fois, comme je vous dis, on est
perfectibles dans notre proposition, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait eu
vraiment une connaissance poussée, fine du diagnostic et aussi des conséquences
de la pathologie, que le demandeur, donc, ait eu cette consultation. Est-ce que
le notaire a besoin d'être là...
M. Lambert (Jean) : …dans
notre proposition. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait eu vraiment une connaissance
poussée, fine du diagnostic et aussi des conséquences de la pathologie, que le
demandeur, donc, ait eu cette consultation. Est-ce que le notaire a besoin
d'être là et présent? Je n'ai rien contre le fait qu'un médecin soit…
accompagne son patient ou sa patiente au moment de la signature de l'acte de
demande d'administration de l'aide médicale par anticipation, mais je ne crois
pas que les médecins se rendent facilement disponibles, parce qu'ils sont déjà
débordés. Alors, un peu comme nous le faisons pour les DMA pour l'acte notarié,
contrairement au formulaire du ministère, là, du ministre, prescrit par le
ministre, nous, le notaire doit d'abord, avant de procéder à la signature de
ces DMA, il doit avoir une conversation, un échange sérieux avec son client,
lui demander de consulter des… de consulter des professionnels de la santé
avant de dire : Je refuse la dialyse, ou : Je refuse d'être réanimé,
ou… Bon, voilà. Alors… Et, lorsque nous recevons l'acte, ces démarches-là
spécifiques doivent être énoncées à l'acte. On veut être certain que ça a été
fait, et la personne, donc, nous le donne. Si c'est… on n'a pas ça et que la
personne, qui sait, n'est pas elle-même une professionnelle de la santé, bien,
le notaire refuse, il ne va pas plus loin. Donc, déjà là, c'est une mesure, je
pense, de sauvegarde intéressante. Donc, on applique le même principe à la
demande d'aide médicale par anticipation, que la personne ait reçu vraiment
toute l'information. On peut même demander au médecin, comme ça arrive des fois
dans le cas des ouvertures de régime de protection, que le médecin nous fasse
rapport dans une lettre, nous dire quelle… de quelle pathologie il s'agit et
quelles sont les conséquences, et ça, ça pourrait être annexé à notre acte.
Donc, on voit ici que, contrairement à
toute autre forme où ça peut se faire, sur le coin d'une table ou rapidement
par du monde qui sont pressés, nous, on dit : Un instant, là. C'est
extrêmement important, c'est un acte très sérieux, et on va prendre le temps,
il y a des démarches préalables, on ne fera pas ça à la sauvette, évidemment
après qu'il va y avoir un diagnostic. Est-ce qu'on parle d'un 90 jours? Je pense
que ça ne dérange pas grand monde, là. Ce délai-là de 90 jours n'est pas
pertinent, je pense, dans notre affaire. Mais, lorsque la demande sera faite,
il y aura eu des démarches, et la personne, comme Mme Demontigny, aura une très
bonne connaissance de quoi il s'agit, et le notaire aura aussi, par sa
formation, comme on l'a fait par exemple pour les régimes de protection… Moi,
j'avais dit à l'époque que les notaires… arriver auprès d'une personne
vulnérable qui est en institution et qui, des fois, on leur demande :
Comment allez-vous, puis ils nous répondent : La planète Mars est verte,
on comprend que ce n'est pas habituel comme situation. Alors, moi, pour l'avoir
vécu dans ma pratique, c'est… j'avais souhaité que la chambre et le ministère
imposent cette…
M. Lambert (Jean) : ...des
fois, on lui demande : Comment allez-vous?, puis il nous répond : La
planète Mars est verte. On comprend que ce n'est pas habituel comme situation.
Alors, moi, pour l'avoir vécu dans ma pratique, j'avais souhaité que la chambre
et le ministère imposent cette condition, et ça a été le cas. Et, pendant deux
jours, les notaires qui sont accrédités ont reçu une formation d'un psychiatre.
Et ils n'ont pas fait leur psychiatre, bien sûr, mais au moins le notaire est
outillé pour comprendre, pour avoir à être capable de comprendre ce que le
travailleur social met dans son rapport d'évaluation psychosociale, est capable
de comprendre le diagnostic que le médecin lui transmet dans sa lettre qui est
requise par la loi. Alors, on applique le même principe pour que le notaire
sache de quoi il en retourne.
Et on veut que ça soit des notaires aussi
qui vont avoir le goût de s'impliquer dans ce genre d'affaires là. Ce n'est pas
tout le monde, là, qui est prêt. Il y en a qui sont très mal à l'aise parmi les
notaires, comme toute autre personne dans la société, avec ces sujets-là. Mais
ceux qui auront l'accréditation, c'est parce qu'ils auront le goût, ils auront
également l'intention de se perfectionner, de savoir, de se tenir au courant de
ce qui se passe dans ce domaine-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Me Lambert. Je céderais maintenant
la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. Lambert. Juste pour revenir, là, sur la
réponse que vous avez donnée à ma collègue la députée de Joliette, je veux
juste être sûre. Vous avez besoin d'une preuve écrite que la personne a fait
ses démarches quand qu'elle va rédiger...
M. Lambert (Jean) : Bien oui,
parce que la... C'est le meilleur moyen, parce que quelqu'un peut arriver me
dire : Oui, oui, un notaire, je l'ai fait, ça. Bon, on a vu ça dans
d'autres circonstances aussi, et on exige d'avoir un écrit. On l'exige pour
plein de choses, par exemple quelqu'un qui se présente pour dire : Je
représente une entité, un club, une société, une entreprise. Bien, on demande
d'avoir des documents, prouvez-nous que vous avez cette autorité.
Alors, par contre, là, il arrive parfois, par
exemple, lorsqu'on nous demande d'intervenir auprès de personnes qui sont très
malades pour recevoir leurs dernières volontés, et là on va demander que le
médecin traitant, le médecin qui suit cette personne-là, certifie que, d'après
lui, cette personne-là a encore la maîtrise de ses neurones, qu'elle comprend
qu'elle a encore une capacité. Ça n'empêche pas le notaire que, la journée,
comme ça m'est déjà arrivé, où j'ai rencontré la personne, elle ne savait même
pas ce que j'étais venu faire dans sa chambre. Alors, je n'ai pas besoin de
vous dire qu'on n'a rien signé.
Alors donc, d'avoir un écrit, bien sûr,
que ça fait. On le demande dans toute autre question d'ordre patrimonial, en
plus forte raison lorsqu'il s'agit de la santé et surtout de la mort d'une
personne.
• (14 heures) •
Mme
Hébert
:
Parfait, merci. Puis je vous amène... Vous demandez d'imposer l'acte notarié
pour faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir, mais pensez-vous que
ça va ajouter un fardeau aux patients qui doivent...
14 h (version non révisée)
M. Lambert (Jean) :
...lorsqu'il s'agit de la santé et surtout de la mort d'une personne.
Mme
Hébert
:
Parfait, merci. Puis je vous amène... Vous demandez d'imposer l'acte notarié
pour faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir, mais pensez-vous que
ça va ajouter un fardeau aux patients, qui doivent passer à travers tout ce qui
est les complications bureaucratiques et techniques? Puis, par rapport à ces
conditions-là, puis je me questionne à savoir les coûts. Est-ce qu'on ne va pas
restreindre à une certaine clientèle?
M. Lambert (Jean) : Bon,
alors, premièrement, pour la lourdeur, je ne crois pas qu'il y ait de lourdeur,
hein? On comprend... Prenons le cas de Mme Demontigny, parce je pense qu'il est
très utile. Alors, je suis certain que Mme Demontigny, si on lui dit :
Votre notaire peut recevoir votre demande. Alors, il peut vous expliquer tout
ce que vous avez à faire et lorsque ça sera fait, vous allez revenir le voir et
là, on va continuer dans un acte et ça va vous permettre d'atteindre l'objectif
que vous voulez.
Alors, moi, je ne vois pas de lourdeur là-dedans.
De toute façon, il devrait y avoir un écrit quelconque. Alors, prenons, au
Québec, cette richesse d'avoir un écrit qui est incomparable au Canada. Il n'y
a pas d'autre écrit qui a cette force juridique, de sécurité juridique que
l'acte notarié, qui, soit dit en passant, les notaires est la seule véritable
particularité du Québec. On parle français, regardez ça fait des ans, mais des
notaires, il y en a seulement qu'au Québec. Alors donc, utilisons cet
outil-là.
Maintenant, la question des coûts.
D'abord, premièrement, on ne parle pas de milliers de dollars, on parle de
sommes quand même relativement raisonnables par rapport à l'objectif visé. Deuxièmement,
les personnes qui n'auraient pas les moyens pourront se prévaloir, je pense
bien, de l'aide juridique. Il faudrait aménager cette... la loi d'aide... (panne
de son).
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va suspendre quelques instants. On a un petit pépin technique.
(Suspension de la séance à 14 h 2)
(Reprise à 14 h 3)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Vous pouvez continuer, Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Alors
donc, je mentionnais, au moment où la technique nous a quittés, que l'aide
juridique pourrait, à ce moment-là, être mise à contribution, on ne parle pas
quand même de dizaines de milliers de personnes, là. Maintenant, l'État
pourrait aussi décider que c'est un intrant au même titre, par exemple, que les
coûts du pharmacien ou d'autres professionnels qui entourent l'aide médicale à
mourir. Alors, ça, je pense qu'on pourra discuter ça, mais je ne crois pas que
les coûts soient un élément qui prive la sécurité que peut apporter l'acte
notarié dans la demande d'aide médicale à mourir par anticipation, alors que
c'est la sécurité et conforter plein de personnes, y compris — c'est très
important — le personnel médical qui aura à respecter et avoir à
administrer le soin conformément à la volonté de la personne.
Mme
Hébert
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour, Me
Lambert. Vous recommandez d'avoir un tiers qui, au moment précis, peut
déterminer que le soin pourrait être prodigué. Qu'arriverait-il si ce tiers,
cette tierce personne là, décide d'ajourner ad nauseam le moment de l'aide
médicale à mourir? Est-ce que vous, vous pourriez être mis à contribution?
Est-ce que vous seriez interpellé? Comment vous voyez cette situation-là?
M. Lambert (Jean) : Bon.
Premièrement, en titre préventif, on demande que, justement, le tiers de
confiance ait consulté une ressource psychosociale pour savoir exactement à
quoi il s'engage. Deuxièmement, lorsqu'il va s'engager à respecter les volontés
de la personne qui lui demande d'être son tiers de confiance, d'abord,
premièrement, c'est certainement un proche, une personne qui a un intérêt très
particulier pour cette personne qui lui demande de lui rendre ce service.
Alors, déjà là, c'est un peu comme, par exemple, au départ, on croyait beaucoup
qu'il y aurait des familles qui se seraient opposées aux demandes d'aide
médicale à mourir. Or, ce qu'on voit dans les formulaires des médecins qui nous
envoient la commission, c'est, au contraire, c'est l'appui de la famille.
Alors, on avait cette appréhension-là au départ, puis c'était compréhensible,
mais, maintenant, cinq ans plus tard, on s'aperçoit que ces craintes n'étaient
pas fondées…
M. Lambert (Jean) : ...se
seraient opposées aux demandes d'aide médicale à mourir. Or, ce qu'on voit dans
les formulaires des médecins qui nous envoient à la commission, c'est, au
contraire, c'est l'appui de la famille. Alors, on avait cette appréhension-là
au départ, puis c'était compréhensible, mais, maintenant, cinq ans plus tard,
on s'aperçoit que ces craintes n'étaient pas fondées.
Je reviens toujours à votre question. Dans
l'hypothèse tout de même où un tiers de confiance déciderait de ne pas suivre
les instructions et la volonté de la personne, bien, d'abord, un, il y a des
proches qui sont au courant, parce qu'on va demander à la personne — et
ça, ça fait partie des déclarations qui devront être... — qu'elle a
bien informé son entourage de cette demande. Il reste aussi le médecin, parce
qu'actuellement on comprend qu'on sera à l'intérieur des balises du Code
criminel, donc ça sera un médecin qui sera identifié, hein, on parle de notre
demande dans le cadre des 18 mois, là, alors donc le médecin ou le médecin
ait un substitut, parce qu'on proposera qu'il y ait également un substitut pour
essayer d'éviter la difficulté du médecin qui est malade la journée où il doit
s'exécuter. Alors donc, on aurait un substitut, alors donc, déjà là, des gens
qui pourront intervenir et, au besoin, de s'adresser au tribunal. On comprend
qu'on sera dans de rares cas d'exception, de s'adresser au tribunal, justement,
pour que le médecin puisse procéder. Mais encore là, et ça reste à étudier,
allons-nous avoir besoin de ce recours au tribunal? Parce que, comprenons-nous
bien, le tiers de confiance est un rouage très important, mais il n'est pas le
rouage essentiel. En bout de ligne, c'est le médecin, et si jamais on élargit,
l'infirmier et l'infirmière clinicienne, la décision, elle leur appartient.
Alors donc, le tiers de confiance qui n'exécute pas son engagement n'empêche
pas la réalisation des volontés de la personne. Mais on comprend encore qu'on
sera dans de très rares cas.
Mme Picard : Dans le cas d'un
mandat d'inaptitude que vous faites en ce moment, là, avec vos personnes qui
viennent à vos bureaux, est-ce qu'il y a une tierce personne aussi qui est
impliquée dans votre mandat d'inaptitude?
M. Lambert (Jean) : C'est le
mandataire. Et souvent, le mandataire est un mandataire substitut, alors... et
c'est toujours un proche ou une personne qui a manifesté pendant de longues
années un intérêt pour le majeur qui fait son mandat, parce qu'il arrive quand
même des cas où le demandant n'a pas de proche... de famille, des gens qui, par
exemple, sont des immigrants ici et qui n'ont pas de famille proche. Alors, on
comprend que, pour être mandataire, ça se passe assez difficilement si la
personne est en Afrique ou en Europe, alors que la personne est ici et a besoin
de soins, par exemple, de décisions médicales.
Mme Picard : Donc, vous voulez
vraiment qu'on se colle au mandat d'inaptitude en ce moment, là, un petit peu
la même formule.
M. Lambert (Jean) : Bien, ça
a prouvé que ça fonctionnait depuis... Regardez, c'est entré en vigueur le
2 avril 1990 puis je ne pense pas qu'il y ait eu de drames. Et la
procédure devant notaire, qui a été...
Mme Picard : …qu'on se colle au
mandat d'inaptitude en ce moment, là, un petit peu la même formule.
M. Lambert (Jean) : Bien, ça
a prouvé que ça fonctionnait depuis… regardez, ça a entré en vigueur le
2 avril 1990 puis je ne pense pas qu'il y ait eu de drames et la procédure
devant notaire qui a été adoptée par le législateur en 2002, qui est entrée en
vigueur, là non plus le ciel n'est pas tombé sur la tête de personne et là on
évite le tribunal aux gens. Tout se passe dans notre bureau. C'est le notaire
qui va interroger la personne plutôt que ce soit un greffier, une personne qui
est… généralement est connue de la personne en cause, de la mandante. Alors, la
formule a bien fonctionné. Elle a même été adoptée ailleurs, en France, qui
nous a copié… qui nous ont copié là-dessus. Alors, je pense que c'est… on doit,
à ce moment-là, effectivement, faire hommage à ce précédent.
• (14 h 10) •
Mme Picard : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Oui, bonjour,
Maître. Je veux revenir encore sur le mandat d'inaptitude, là. Vous avez parlé
de Mme Demontigny, en autres, qui pourrait faire, dans le fond, dans un
genre de mandat, une demande anticipée. Pour vous… ce n'est pas comme ça que
vous l'avez dit?
M. Lambert (Jean) : Non,
c'est un acte à part.
M. Jacques : un acte à part?
M. Lambert (Jean) : Oui, oui,
oui. Je pense qu'actuellement notre loi est claire. On ne peut même pas le
faire dans des DMA. C'est un acte qui… la demande d'aide médicale à mourir,
c'est un acte distinct et je pense qu'il est bon que ça demeure. Je sais qu'il
y en a qui voudraient inclure ça dans des DMA. Bon, on peut toujours voir, mais
je pense que les DMA devraient demeurer ce qu'ils sont en les élargissant et que
la demande médicale à mourir par anticipation, faut comprendre, là, on s'en
vient dans un contexte qui est très particulier, hein, c'est une volonté qui va
s'exécuter, bon, actuellement, on parle d'à peu près deux ans ou
18 mois. On espère qu'un jour, ça pourra être un peu plus large pour, par
exemple, faire droit à une demande comme celle de Mme Demontigny, mais
actuellement, donc, vu la spécificité, le caractère tout à fait particulier, je
pense que pour ceux qui auront à exécuter, ils n'ont pas à se mêler de savoir
que la personne va aussi faire les affaires bancaires, qu'elle pourra aussi
vendre le chalet, qu'elle pourrait aller ouvrir le coffret de sûreté. Je pense
que non, on n'a pas besoin de mêler ces choses-là. Il faut que ça soit un
document distinct, solennel et par une personne, un notaire accrédité, ce qui
n'est pas le cas pour le mandat de protection.
M. Jacques : O.K. bon, je
continue là-dessus. Moi, personnellement, O.K. je ne suis pas malade
aujourd'hui, j'aimerais faire, bon, là, vous dites que ce n'est pas un mandat,
là, j'aimerais faire une demande d'aide médicale à mourir dans le cas
particulier que j'aurais…
M. Jacques : …moi,
personnellement, O.K., je ne suis pas malade aujourd'hui. J'aimerais faire, vous
dites que ce n'est pas un mandat, là, j'aimerais faire une demande d'aide
médicale à mourir dans le cas particulier que j'aurais une maladie ou un
accident cérébral vasculaire qui ne me permettrait plus de rien faire. Comment
vous voyez ça? Est-ce que ce serait possible? Est-ce que c'est une idée qui
pourrait être avancée? Est-ce qu'on pourrait avancer dans tout ça ou vous
pensez que ce n'est vraiment pas là qu'il faut aller?
M. Lambert (Jean) : Bon,
actuellement, évidemment… Puis là j'aime toujours ça donner ça d'une façon
colorée, ce n'est pas en jouant aux cartes le samedi soir de dire : Eh!
écoute, là, as-tu fait ta demande anticipée? Non, non, je pense que, justement,
le sujet est tellement particulier et précis qu'il doit être balisé. Et la
première balise, c'est que la personne doit avoir reçu un diagnostic, et un
diagnostic d'une maladie qui affecte son cognitif, une maladie grave, une
maladie irréversible, incurable… et qui reçoit toute l'information relative à
cette pathologie et ses conséquences. Et c'est à ce moment-là qu'on ouvre la
possibilité à cette personne de faire la demande.
Je sais que bien des gens trouvent que
c'est chinois, probablement parce que l'acceptation sociale de l'aide médicale
à mourir a été surprenante au Québec. Mais il demeure que quelqu'un met fin à
la vie d'un autre. Alors, il ne faut jamais oublier qu'en arrière-plan, là,
c'est toujours là, là. Et si on ne respecte pas un cadre formel, solennel, on
se retrouve à tuer une personne. On devient, comment dirais-je, un client du Code
criminel. Je ne pense pas qu'il n'y ait personne qui est intéressé à ça.
M. Jacques : Oui, bien, je
comprends votre position, là. Par contre…
M. Lambert (Jean) : Ce n'est
pas juste la mienne, si vous me permettez. Entre autres, le conseil canadien
des académies et nous aussi… d'autres experts de la chambre, on a discuté de
cette question-là et on a vu qu'il y avait beaucoup de difficultés. Peut-être
que dans quelques années, M. François, on y viendra. Mais pour le moment,
déjà de permettre à Mme Demontigny de faire cette démarche-là, ça va être
déjà un progrès énorme.
M. Jacques : Oui, parfait.
Bien, je ne sais pas si… je pense qu'il y a d'autres collègues qui voulaient
parler, là, je vais les laisser…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, effectivement, on continue nos échanges avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, maître. Très heureuse de vous entendre, de vous rencontrer
aujourd'hui. Très clair. Votre mémoire est limpide, comme on pourrait
mentionner. J'ai plusieurs questions, en fait, qui ont été… qui me sont venues
à l'esprit, en fait, en vous écoutant aussi dans les échanges que vous avez eus
avec mes collègues, entre autres sur…
Mme Montpetit : …votre mémoire
est limpide, comme on pourrait mentionner. J'ai plusieurs questions, en fait,
qui me sont venus à l'esprit, en fait, en vous écoutant aussi dans les échanges
que vous avez eus avec mes collègues. Entre autres, sur la question de la
tierce personne… du tiers de confiance, comme vous l'avez appelé, tiers
décideur ou… plusieurs, plusieurs questions à cet effet là, puis vous me ferez
la différence entre le tiers décideur et le tiers de confiance. Je vous vois
hocher de la tête. Premièrement, il y a certaines personnes qui peuvent se
retrouver dans des situations, justement, où… puis là je sais que vous avez
mentionné, bon, des personnes qui pourraient être isolées, qui n'ont pas ce
tiers de confiance là ou qui pourrait se retrouver dans une situation où les
gens qui sont autour d'elles ne sont pas à l'aise de jouer ce rôle-là. Je
comprends bien que vous vous recommandez que c'est souhaitable qu'il y ait
cette tierce personne là dans la relation, mais que ce n'est pas obligatoire,
parce qu'il y a des situations où ça pourrait ne pas être possible ou ça
pourrait amener un fardeau supplémentaire à la personne, là.
M. Lambert (Jean) :
Effectivement, il peut arriver qu'une personne qui formule cette demande n'a
pas de proche, n'a pas de personne qu'il lui manifeste un intérêt. Alors,
est-ce qu'à ce moment-là on devrait demander au Curateur public d'être le
tiers? Je ne suis pas certain. En tout cas, actuellement, dans sa loi, il ne
pourrait pas accepter ce mandat. C'est pourquoi on vous dit que la présence d'un
tiers, très souhaitable, n'est pas essentielle. Deuxièmement, ce n'est pas le
tiers qui décide. C'est pour ça que j'ai hoché de la tête, là, ce n'est pas un
tiers décideur. Je donne l'image de dire : Il allume la mèche.
C'est-à-dire que, lui, il suit, hein. On dit : On souhaite que ce soit une
personne qui soit dans une certaine intimité avec la personne qui a demandé
l'aide médicale par anticipation, donc qu'il suit, qu'il lui parle
régulièrement, etc. Et qui, un moment donné, va dire au personnel soignant, et
disons, au médecin de la personne : Je pense qu'on est arrivé au moment
venu. Vous êtes à même de voir qu'elle ne reconnaît plus personne, elle n'est
plus capable de s'alimenter elle-même, elle ignore tout à fait qui elle est… ne
connaît pas son état, pas capable de pourvoir à ses besoins sanitaires, etc.,
alors… Mais c'est, en définitive, le professionnel de la santé qui va confirmer
si, effectivement, ces circonstances, ces conditions-là sont présentes. Et,
c'est celui qui va administrer, qui, en définitive, prend la décision. Alors,
le tiers est là, dans le fond, pour partager, parce qu'on reconnaît que, pour
une seule personne, médecin ou infirmière ou infirmier clinicien, de prendre
cette décision, c'est une décision qui est lourde, et c'est une décision qui
sera plus facile à prendre pour ce professionnel de la santé si une personne
proche de la personne à qui on veut lui administrer, pour respecter ses
volontés, qui puisse lui dire : Non…
M. Lambert (Jean) : …infirmier
et clinicien, de prendre cette décision, c'est une décision qui est lourde, et
c'est une décision qui sera plus facile à prendre, pour ce professionnel de la
santé, si une personne proche de la personne à qui on veut lui administrer,
pour respecter ses volontés, qui puisse lui dire : Non, elle n'a pas
varié, elle a toujours maintenu, tant qu'elle était assez lucide, elle m'a
toujours dit : Là, n'oublie pas, là, quand ça va être le temps, là, je
veux que tu leur dises, là, qu'ils passent à l'action.
Mme Montpetit : Puis dans
cette… je ne sais pas si on peut l'appeler une triade, notaire, proche et
professionnel, comment on peut… parce que j'imagine qu'on peut supposer qu'il
pourrait avoir des situations, justement, où les… le point de vue, ou
l'évaluation du tiers de confiance, ce n'est pas nécessairement la même que
celle du professionnel de la santé, là, je sais… on a échangé tout à l'heure
sur qu'est-ce qui arrive si un… s'il y a un tiers ne souhaitait pas, justement,
ou en tout cas, reportait la décision, je pense vous avez été bien clair
là-dessus, mais comment l'arbitrage se fait, ou comment on réconcilie,
justement, des… une évaluation qui ne serait pas la même? Parce que vous avez
cité à plusieurs reprises Mme Demontigny, puis vous avez sûrement eu
l'occasion, peut-être, d'entendre son témoignage quand elle est venue jeudi
dernier, puis elle nous parlait vraiment, elle, de sa relation avec son tiers
de confiance, qui est une amie qu'elle connaît depuis 20 ans, puis elle a
dit : Elle me connaît, yeux dans les yeux, même quand je ne serai plus
apte, elle sera capable, elle, par la proximité qu'on a, d'indiquer le moment
où… le moment venu, comme vous l'appelez, les circonstances dans lesquelles
elle souhaite. Et si, dans une situation comme ça, justement, le professionnel
n'avait pas la même lecture? Est-ce que c'est au niveau, justement… c'est le
notaire qui détermine… Comment vous voyez ça, en fait, cette… une situation
comme ceci?
• (14 h 20) •
M. Lambert (Jean) : Rendu à
ce moment-là, le notaire n'a pas de rôle à jouer, là. Lui, là, ce qu'il avait à
faire, c'est, si je peux dire, mettre la table, et s'assurer que tous les
éléments pour que, lorsque le temps venu sera effectivement arrivé, à ce
moment-là, que les gens qui auront à agir et prendre les décisions seront
outillés pour le faire. Donc, pour le cas de situations que vous mentionnez,
Mme Montpetit, il reste que c'est le professionnel, en bout de ligne, qui doit
poser ce geste professionnel, et prendre la décision. Donc, ce n'est pas le
tiers de confiance qui peut peut-être dire : Moi, je pense que c'est le
temps de… arrivé, c'est le professionnel. Ceci étant dit, c'est
qu'actuellement, à cause de cet article du Code criminel qui demande que ça
soit une entente contractuelle qu'on va aménager, évidemment, parce qu'on va la
bonifier, et il reste qu'en bout de ligne, c'est une entente entre le demandeur
ou la demanderesse et un médecin, ou un médecin et un médecin substitut, qui
devront procéder à telle date, encore là, que je pense qu'il y a moyen
d'aménager, hein. Moi, j'ai toujours été admiratif du travail qui a été fait
sous l'égide de Mme Hivon, c'est d'avoir trouvé qu'on était dans le domaine du
soin, alors qu'on n'avait pas encore l'arrêt Carter, hein, je vous le rappelle.
Donc, je pense qu'il y a moyen d'aménager ces dispositions du Code
criminel, mais pour le…
M. Lambert (Jean) : ...toujours
été admiratif du travail qui a été fait sous l'égide de Mme Hivon, c'est
d'avoir trouvé qu'on était dans le domaine du soin alors qu'on n'avait pas
encore l'arrêt Carter, hein, je vous le rappelle. Donc, je pense qu'il y a
moyen d'aménager ces dispositions du Code criminel. Mais pour le moment, on a
ça et le professionnel qui sera partie à cette entente, s'il décide qu'il ne
procède pas, je pense qu'à ce moment-là, il y aura peut-être des recours de
demander au tribunal de prendre la décision et d'indiquer à un autre médecin de
procéder. Alors là, ça devient l'intervention du tribunal. Comme on le fait, par
exemple, pour la protection du malade mental, c'est le tribunal, à un moment
donné, qui va prendre certaines décisions. Mais on comprend qu'on sera dans des
cas très rares, donc il ne faudrait pas priver la grande majorité des gens
juste parce que, peut-être, on va avoir un ou deux cas d'exception.
Mme Montpetit : Parfait. Je
voudrais revenir aussi à la formation du notaire. C'est ça que vous nous avez
parlé, puis ma collègue de Joliette l'a évoqué précédemment, mais je voulais
continuer l'échange avec vous sur... Vous avez parlé d'avoir des notaires qui
auraient une accréditation spécifique, une formation particulière pour bien
comprendre le diagnostic, donc là, bien comprendre les diagnostics parce qu'il
n'est pas question seulement nécessairement de la maladie d'Alzheimer, là, il y
a d'autres formes de démence ou de maladies graves, incurables, dégénératives.
Vous voyez quoi comme formation? Donc, une formation qui serait faite a
posteriori, c'est ce qu'on comprend, mais quel type de formation, quel type
d'accréditation?
M. Lambert (Jean) : Alors,
très simplement, si la loi québécoise est modifiée pour effectivement faire
droit à la demande anticipée et que l'acte devra être obligatoirement notarié,
alors ça fera partie de la mise en application de cette disposition de la loi
que des notaires devront être accrédités, tout comme on l'a fait lorsqu'on a
confié aux notaires les ouvertures de régimes de protection ou de mise à
exécution des mandats hors du tribunal. Donc, même principe.
Maintenant, pour définir quel sera le
contenu de cette formation, évidemment, la chambre vous communiquera, va
échanger avec ses partenaires, dont le Collège des médecins, des professionnels
qui sont particulièrement au fait de ces maladies et des ses évolutions. Et ce
que le notaire aura besoin de savoir, c'est d'abord de se familiariser avec la
terminologie médicale, d'aisément être capable de comprendre des conséquences
qu'une pathologie peut avoir pour être capable d'échanger avec la personne pour
s'assurer qu'à l'aide de quelques questions, que cette personne-là a bien
consulté, qu'elle est bien informée et qu'elle va donner un consentement
éclairé.
Mais comme Mme Hivon l'a bien
souligné, il ne s'agit pas de faire un médecin du notaire, hein? Alors, ce
n'est pas avec une formation de trois ou quatre jours qu'on va atteindre cet
objectif-là. Et d'ailleurs ce n'est pas qui est... qui est souhaité. Ce qui est
souhaité, c'est que le notaire sache de quoi on parle, de quoi il s'agit,
quelles sont les conséquences pour cette personne, d'être capable d'échanger
pour être sûr que cette personne-là comprend ce qu'elle fait et connaît les
conséquences...
M. Lambert (Jean) : ...jours qu'on
va atteindre cet objectif-là. Et d'ailleurs ce n'est pas ce qu'il cherche, ce
qui est souhaité. Ce qui est souhaité, c'est que le notaire sache de quoi on
parle, de quoi il s'agit, quelles sont les conséquences pour cette personne,
d'être capable d'échanger pour être sûr que cette personne-là comprend ce
qu'elle fait et connaît les conséquences de son geste. Alors, la même chose que
pour l'aide médicale à mourir.
Mme Montpetit : Parfait. Puis
vous... Un élément qui me questionnait quand vous avez parlé justement de la
relation du notaire avec le médecin, bon, vous faisiez référence aux directives
médicales anticipées, mais encore là c'est des... aux DMA, pardon, qui vont
être... quand elles sont... elles ne sont pas faites dans le contexte d'une
maladie, alors que, quand on parle de consentement anticipé, elles sont vraiment
dans le contexte où la personne vient vous voir, elle a diagnostic de maladie
grave, par exemple, incurable, dégénérative. Est-ce qu'il n'y a pas une
question de secret professionnel aussi? Quand vous dites : Le notaire
pourrait être amené à avoir une discussion avec le médecin du patient pour
valider certains éléments, puis je ne veux pas mal vous citer, là, mais j'avais
l'impression que c'était un peu à ça que vous référiez quand vous disiez :
Il va venir valider la gravité, il va venir valider la situation. Est-ce qu'il
n'y a pas un enjeu de secret professionnel entre le patient et son médecin?
M. Lambert (Jean) : Alors,
écoutez, le secret professionnel, quel que soit le professionnel au Québec, le
secret professionnel est la propriété du client, du demandeur, du patient, pas
du médecin, pas du notaire. Donc, si le patient dit à son médecin :
J'aimerais ça que tu participes à une rencontre avec le notaire parce qu'il
veut s'assurer que je comprends bien, alors il n'y en a pas de problème, il n'y
a pas de problème de secret professionnel. L'acte qui va être rédigé par la
suite demeure encore un acte privé, doté de... couvert par le secret professionnel,
et il appartient à la personne, le client, d'en faire part à qui cette
personne-là souhaite, parce que le secret professionnel lui appartient, pas au
notaire.
Mme Montpetit : Parfait. C'est
limpide. Je vous remercie. J'ai ma collègue de Westmount—Saint-Louis qui
souhaiterait également échanger avec vous. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Maccarone : Je sais qu'il
reste très peu de temps. Alors, bonjour, maître. Ma question, parce que j'ai du
temps peut-être juste pour une question, c'est : Quelles mesures
supplémentaires devront être mises en place pour protéger des personnes
vulnérables lors de l'élargissement de l'aide médicale à mourir comme, par
exemple, pour les personnes en situation d'inaptitude, la même personne qui
souffre d'une déficience intellectuelle, par exemple? Parce qu'on veut
s'assurer évidemment de la protection de ces personnes puis on ne veut pas les
remettre dans une situation où ils sont encore plus vulnérables malgré qu'on
aurait peut-être une tierce personne qui va s'impliquer à l'intérieur de ce
dossier.
M. Lambert (Jean) : Bon,
j'essaie de comprendre votre question. C'est qu'il est bien évident que, si la
personne est déjà frappée d'inaptitude, d'incapacité mentale, là, il n'y en
aura pas, de demande anticipée, là, puis le notaire n'est pas dans le tableau,
là, parce qu'il ne peut pas agir s'il n'est pas convaincu que le consentement
est donné d'une façon éclairée...
M. Lambert (Jean) :
...j'essaie de comprendre votre question. C'est qu'il est bien évident que si
la personne est déjà frappée d'inaptitude, d'incapacité mentale, là, il n'y en
aura pas, de demande anticipée, là, puis le notaire n'est pas dans le tableau,
là, parce qu'il ne peut pas agir s'il n'est pas convaincu que le consentement
est donné d'une façon éclairée, d'une façon... donné en toute connaissance de
cause. Alors donc, ça, on met ça de côté.
Par contre, la protection d'une personne
qui deviendra vulnérable par la suite, bien, écoutez, c'est le principe du
mandat de protection. En 1988, quand j'ai proposé ça aux législateurs dans le
cadre des travaux de la réforme du Code civil, à peu près tous les juristes, y
compris les juristes de la Chambre des notaires, ont dit : Ça n'a pas
d'allure, votre affaire, M. le président. Ils ont dit : Vous êtes le
président, vous avez l'opportunité. Pourquoi? Parce que la procuration, celui
qui la donne doit en tout temps être capable de vérifier si celui à qui il l'a
donnée exécute bien. Dès l'instant qu'il perd cette faculté, le droit fait que
la procuration cesse d'avoir une validité. Et là on proposait quelque chose qui
prenait naissance justement lorsque l'inaptitude arrivait. Puis ça a
fonctionné.
Alors, je pense que c'est le même
principe, actuellement, avec une demande anticipée, et on n'est pas les seuls,
les notaires, à être en faveur de ça, je pense que, ce matin, dans le
journal... Le Collège des médecins, d'ailleurs, dans le temps du projet de loi n° 52, quand on discutait avec Mme Hivon, le collège avait déjà
mentionné qu'il était d'accord avec ça et il y a beaucoup de gens qui sont d'accord
avec ça. Donc, e pense qu'on satisfait une très grande majorité de la population,
hein, la Chambre des notaires a fait faire un sondage en 2019, au printemps,
par Léger, et c'est 85% des gens, des Québécois qui disent que oui, on devrait
pouvoir faire une demande anticipée dans ces circonstances-là.
Alors donc, pour les quelques rares cas
d'exception, bien, on essaiera d'aller peut-être plus loin dans les mesures de
sauvegarde, mais déjà là, le fait que ce soit obligatoirement notarié avec
toutes les obligations du notaire et le formalisme auquel il est tenu, je pense
que ça sera une mesure de sauvegarde bien suffisante.
Mme Maccarone : Alors, à votre
avis...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je cèderais maintenant la parole au
député de Gouin.
• (14 h 30) •
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, maître. Mes collègues ont posé plusieurs des questions
que je souhaitais poser, alors je vais vous en poser une seule, et si mes collègues
souhaitent vous en poser d'autres, mon temps est à leur disposition.
Qu'en est-il de la question du délai? Vous
avez, un peu plus tôt dans votre témoignage, mentionné clairement que pour
vous, la demande anticipée d'aide médicale à mourir ne devrait pouvoir être
faite que lorsqu'il y a un diagnostic clair avec une maladie connue et une
évolution relativement prévisible, donc maladie dégénérative grave et
incurable. Dans ce sens-là, vous vous situez dans la continuité de la loi
actuelle. Qu'en est-il de la question du délai? Est-ce que cette demande d'aide
médicale à mourir anticipée pourrait être faite n'importe quand après
l'obtention du diagnostic? Est-ce qu'elle devrait être réitérée...
14 h 30 (version non révisée)
M. Nadeau-Dubois : …dans ce
sens-là, vous vous situez dans la continuité de la loi actuelle. Qu'en est-il
de la question du délai, est-ce qu'une demande d'aide médicale à mourir
anticipée pourrait être faite n'importe quand après l'obtention du diagnostic?
Est-ce qu'elle devrait être réitérée par la suite? Est-ce qu'il devrait avoir
des balises temporelles ou si, peu importe le délai, dans le fond, entre le
moment où la demande est faite et le moment où l'aide médicale à mourir est
administrée, il ne devrait pas avoir de limite? Est-ce que ce délai-là importe
ou pas, pour vous, dans un contexte où ce sont des maladies dégénératives, où
la condition des gens peut évoluer dans le temps, que leur propre perception de
leur maladie pourrait également évoluer dans le temps?
M. Lambert (Jean) : Bon. On a
discuté ce point-là dans notre groupe d'experts, et on s'est dit peut-être
qu'annuellement on devrait demander qu'il y ait une espèce de renouvellement.
Mais les gens autour de la table, il y en a qui, entre autres, en éthique
médicale, ils ont dit : Mais, de toute façon, la personne qui va avoir un
tel diagnostic va être suivie, va avoir des contacts réguliers avec le
personnel médical, avec son médecin, ses spécialistes. Donc, elle est en mesure
continuellement, par le fait même, de retirer ce consentement-là parce que… ou
cette demande, c'est-à-dire, parce que là on parle de demande, pour bien se
situer dans ce que j'ai dit au tout début, donc peut retirer sa demande en
aucun temps. Donc, le seul fait qu'elle ne le retire pas, dans le fond, c'est
une façon de réitérer sa volonté. Maintenant, s'il faut… s'il y en a qui
disent : Bien, on veut blinder l'affaire encore plus, qu'il y ait une
espèce de renouvellement qui se fasse, il faudra quand même que ce soit assez
simple, il ne faut pas que ce soit trop lourd, mais, à ce moment-là, oui, c'est
possible. Mais, encore là, je vous dis, la conduite même de la personne va
inférer qu'elle n'a pas retiré sa demande.
Maintenant, on parle de temps, évidemment,
actuellement, on fonctionne à l'intérieur de ce que le Code criminel nous
permet, on parle de mort raisonnablement prévisible et le législateur fédéral a
bien pris soin de ne pas préciser ce que c'est. J'ai même entendu parler de
gens au Canada anglais, où ils se disent : Nous autres, la mort
prévisible, ça peut être même quatre, cinq ans, hein, on connaît la
trajectoire, imaginez, alors que ce n'est pas ça, là. La renonciation dans le
temps, c'est un peu comme notre consentement, travailler dans le court terme,
mais on sait qu'il y en a qui vont être imaginatifs, qui vont étirer
l'élastique. Nous, on pense que l'intervention du législateur québécois doit
justement empêcher que cet élastique se tire et donc de mettre, au moins des
balises.
Actuellement, on sait que la mort
raisonnable prévisible, si on regarde les demandes d'aide médicale à mourir qui
ont été faites et administrées au Québec au cours des dernières cinq années,
c'est un maximum de 18 mois, dans le fond, est capable de fonctionner dans le
temps. Idéalement, il faudrait que ce soit plus large, mais actuellement on va
devoir fonctionner dans cette période temporelle.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député…
M. Lambert (Jean) : …au Québec
au cours des dernières cinq années, c'est un maximum de 18 mois. Donc, on
est capable de fonctionner là-dedans. Idéalement, il faudrait que ça soit plus
large, mais, actuellement, on va devoir fonctionner dans cette période
temporelle.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Me Fafard et
Me Lambert, pour ces précieuses précisions que vous nous avez faites
aujourd'hui.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
M. Lambert (Jean) : Alors, je
remercie les membres de la commission de nous avoir écoutés.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 14 h 33)
(Reprise à 14 h 40)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux et nous accueillons maintenant le Collège
des médecins du Québec, avec le Dr Mauril Gaudreault et le Dr André Luyet.
Donc, merci et bienvenue. Vous aurez 20 minutes pour faire votre exposé. Par la
suite, il y aura un échange avec les membres de la commission d'une période de
40 minutes. Donc, je vous cède la parole, messieurs.
M. Gaudreault
(Mauril) : Merci. Merci, Mme Guillemette. Chère présidente de
la commission, Mme Montpetit, vice-présidente, vous tous, membres de la
commission, merci de prendre le temps d'entendre le point de vue du Collège des
médecins du Québec. Je suis son président, Mauril Gaudreault, médecin de
famille, ex-doyen associé à la faculté de médecine et des soins de santé de l'Université
de Sherbrooke. Je compte 40 ans de pratique médicale, en soins hospitaliers, en
soins ambulatoires et de longue durée, notamment au Saguenay.
À mes côtés, Dr André Luyet, directeur
général du Collège, médecin psychiatre, professeur agrégé de clinique à la
faculté de médecine de l'Université de Montréal. Il cumule 30 ans de pratique
et d'implication médico-administrative, notamment comme directeur des services
professionnels et il a prodigué l'aide médicale à mourir.
Le Collège des médecins du Québec salue la
mise sur pied de cette commission, étape préalable à une révision de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Adoptée en 2014, puis entrée en vigueur en
2015, cette loi requiert une révision en profondeur. Mais entretemps, il faut
l'amender pour corriger une situation qui n'a actuellement aucun sens. Depuis
l'entrée en vigueur du projet de loi C-7 en mars dernier, tous les Canadiens
dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, à l'exception des Québécois,
peuvent renoncer au consentement final à recevoir l'aide médicale à mourir au
moyen d'une entente formelle écrite entre le médecin et le patient sous
certaines conditions.
Au Québec, la Loi concernant les soins de
fin de vie exige que la personne soit apte à consentir au moment de recevoir l'aide
médicale à mourir. Or, des patients sont actuellement lésés par la loi
québécoise, parce que, dans le seul but de demeurer aptes à fournir leur
deuxième consentement, ils peuvent endurer des souffrances souvent
intolérables. Certains se suicident, d'autres se laissent mourir de faim,
refusent de prendre leur...
M. Gaudreault
(Mauril) : ...or, des patients sont actuellement lésés par la
loi québécoise, parce que, dans le seul but de demeurer aptes à fournir leur deuxième
consentement, ils peuvent endurer des souffrances souvent intolérables.
Certains se suicident, d'autres se laissent mourir de faim, refusent de prendre
leur médication ou, contre leur gré, se soumettent à une profonde sédation
jusqu'à leur mort. Ils souffrent à en mourir, et pour le Collège des médecins,
pour nous, médecins, cette situation est inacceptable. Sur le plan
déontologique, les médecins ne peuvent accepter que certains Québécois en fin
de vie meurent dans une telle indignité.
Depuis 2008, le collège a pris position en
faveur de l'aide médicale à mourir, car c'est un soin, un soin dont sont
cependant privés les patients en raison de la confusion, du fouillis juridique
et politique actuel. On n'accepterait pas que les médecins tiennent un dialogue
de sourds au pied du lit de leur patient souffrant, le temps de convenir de la
conduite à tenir. Nous en avons parlé au ministre de la Santé et aux trois
partis d'opposition. Tous ont eu une bonne écoute. Mais maintenant, il faut
sortir de cette impasse, au nom des patients.
Nous comprenons qu'il y a la loi, qu'il y
a la politique, mais il y a aussi la médecine, et notre devoir de médecins nous
impose d'utiliser la loi pour soulager nos patients. On est chanceux, il y en a
deux, mais elles doivent être harmonisées pour que les médecins puissent
travailler sans la menace, très claire à leur endroit, de poursuites par la
justice québécoise ou encore à l'endroit de leur ordre professionnel. Ces
menaces découragent les médecins de prodiguer l'aide médicale à mourir, et en
bout de ligne, c'est le patient qui écope encore. D'ici à ce que les parlementaires
québécois harmonisent les deux lois, le collège ne découragera pas les médecins
d'utiliser l'une ou l'autre des lois, selon la situation médicale, et la
volonté claire de leurs patients, et dans le respect de tous les aspects
déontologiques. Voilà notre position.
Depuis l'adoption des nouvelles
dispositions fédérales, les Québécois n'ont plus le même accès à l'aide
médicale à mourir que les autres citoyens du pays. C'est la clause dérogatoire
à l'envers. Certains patients québécois doivent souffrir davantage, aux
derniers moments de leur vie, que les autres Canadiens. Faudra-t-il aider les
patients à traverser de l'Outaouais vers l'Ontario ou de longer la Matapédia
pour qu'ils obtiennent, dans une autre province, les soins réclamés, en tout
respect de leur choix et du rétablissement de leurs droits?
Pourtant, il y a au Québec acceptabilité
sociale sur la question de l'aide médicale à mourir, comme en témoigne la
demande croissante pour ce soin. Cela se reflète aussi par l'évolution du
droit, à la suite de deux jugements importants de la Cour suprême et de la Cour
supérieure du Québec. Le consensus entourant ce soin se retrouve aussi très
largement chez les médecins. À preuve, un sondage SOM, réalisé pour le compte
du collège, en mars dernier, auprès de l'ensemble des médecins québécois révèle
que 89 % des répondants sont soit totalement d'accord...
M. Gaudreault
(Mauril) : …le consensus entourant ce soin se retrouve aussi
très largement chez les médecins. La preuve, un sondage SOM, réalisé pour le
compte du collège, en mars derniers, auprès de l'ensemble des médecins québécois,
révèle que 89 % des répondants sont soit totalement d'accord ou plutôt
d'accord pour que l'aide médicale à mourir soit offerte à des patients en fin
de vie, qui la réclament.
Depuis le départ, le collège a encadré la
pratique de l'aide médicale à mourir au moyen de guides d'exercice et de lignes
directrices pharmacologiques. Il a été actif sur le plan des représentations,
des formations et des inspections professionnelles.
Il participe à la surveillance de la
qualité de l'exercice, de concert avec les CMDP des établissements et la
Commission sur les soins de fin de vie, qui étudient les formulaires de
déclaration. Il soutient les CMDP et souhaite que tous les médecins qui administrent
l'aide médicale à mourir détiennent des privilèges dans l'établissement de leur
région pour que les CMDP endossent pleinement la responsabilité de l'évaluation
de la qualité de l'aide médicale à mourir. Le collège accompagne les médecins
pour une prise de décision mettant de l'avant une logique de soins.
Après plus de cinq années d'existence,
après de plus 7 000 aides médicales à mourir par 750-800 médecins,
force est de constater qu'il faut revoir la loi cependant, car, bien que
l'opinion publique à l'égard de l'aide médicale à mourir ait évolué rapidement,
la loi québécoise, elle, n'a jamais fait l'objet d'une révision en profondeur.
D'ailleurs, le collège est favorable à
l'élargissement de la pratique de l'aide médicale à mourir aux infirmières
praticiennes spécialisées, comme le prévoit la nouvelle législation fédérale,
et ce, de l'évaluation jusqu'à l'administration.
Nous sommes heureux de prendre part à la
conversation sur l'évolution de cette loi. Le collège a mis sur pied récemment
un groupe de réflexion, constitué, notamment, de trois experts médecins. Ce
groupe entendra plusieurs points de vue, au cours des prochains mois, pour
permettre à son conseil d'administration de prendre position sur un ensemble
d'aspects.
Je vais laisser là-dessus le Dr Luyet les
aborder.
M. Luyet (André) : Alors,
bonjour. D'abord, l'aptitude à consentir aux soins doit demeurer un critère
essentiel d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Pour être valide, un
consentement doit être libre, éclairé, donné à une fin spécifique et pouvoir
être retiré à tout moment.
Toutefois, les modalités de consentement
peuvent se transformer pour refléter plus précisément les volontés d'une
personne, dans les différentes situations cliniques rencontrées, et
l'importance qu'accorde désormais notre société aux valeurs de dignité,
d'autodétermination et d'inviolabilité de la personne.
Trois situations particulières suscitent
un questionnement pour le collège, sous l'angle de l'aptitude à consentir à l'aide
médicale à mourir
En premier lieu, dans le cas d'une mort
raisonnablement prévisible, le risque de perdre l'aptitude à consentir en phase
préterminale…
M. Luyet (André) : ...trois situations
particulières suscitent un questionnement pour le collège sous l'angle de l'aptitude
à consentir à l'aide médicale à mourir. En premier lieu, dans le cas d'une mort
raisonnablement prévisible, le risque de perdre l'aptitude à consentir en phase
terminale ou préterminale et de ne plus être en mesure de confirmer son consentement
au moment de recevoir le soin. Malgré certains avis légaux divergents, nous
retenons, pour l'instant, qu'au Québec la personne doit obligatoirement
reconfirmer son consentement à recevoir l'aide médicale à mourir au moment de
son administration, alors que le Code criminel autorise le renoncement à ce consentement
final au moyen d'une entente formelle, écrite et signée pour les personnes dont
la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Dans les faits, il nous
apparaît que les autres options actuellement offertes sont souvent moins
acceptables sur le plan humain. Par conséquent, le collège souhaite que la loi québécoise
permette la renonciation au consentement final.
• (14 h 50) •
De notre point de vue, il n'y a pas
d'entorse déontologique au fait de permettre la renonciation au consentement
final chez une personne apte à consentir au moment de formuler une demande d'aide
médicale à mourir basée sur ses choix, ses droits et ses valeurs et pleinement
informée des possibilités de perdre son aptitude au moment de recevoir l'aide
médicale à mourir en raison de l'évolution de sa maladie et/ou de ses
traitements. Une telle modification de la loi pourrait être apportée dans un
très court délai en attendant une révision en profondeur de la loi.
En second lieu, toujours sur le thème du consentement,
le risque de perdre l'aptitude à consentir inhérente aux troubles
neurocognitifs majeurs. Le collège est favorable à la possibilité de formuler
une demande d'aide médicale à mourir anticipée au moyen d'une directive médicale
anticipée, ce qui n'est pas permis dans la loi québécoise actuelle. La personne
demanderait ce soin à un stade d'évolution précis et prédéterminé d'un trouble
neurocognitif majeur portant atteinte à ses valeurs et à sa dignité. Il est
possible d'encadrer et de baliser cette avenue pour atteindre l'objectif, dans
le respect des personnes et du droit, par une réflexion, un formulaire
spécifique, une pleine connaissance de l'évolution et des alternatives
offertes, une reconfirmation périodique, la prédétermination du moment, la
nomination de mandataires, etc. ...
M. Luyet (André) : ...par une
réflexion, un formulaire spécifique, une pleine connaissance de l'évolution et
des alternatives offertes, une reconfirmation périodique, la prédétermination
du moment, la nomination d'un mandataire, etc., enfin, l'acquisition du droit
de consentir à ces soins pour le mineur émancipé. Ce sujet est très sensible et
la réflexion sur cette question doit se poursuivre en profondeur. Le collège
n'a pas de position arrêtée sur le sujet, mais souhaite ardemment y participer
et offre toute son expertise à la commission.
Sur la question, maintenant, du critère de
fin de vie, le collège considère positivement son retrait. Discriminatoire, il
sous-entendait une prévisibilité de la mort basée sur un pronostic. Les
pronostics comportent une grande variabilité sur le plan individuel et les
personnes les ayant déjoués sont légion en clinique.
Bien que le retrait du critère de fin de
vie rende les deux lois conformes et superposables sur ce point, elles ne le
sont pas sur les conditions qui permettent d'avoir recours à l'aide médicale à
mourir. Ainsi, le Québec ne permet pas d'inclure dans la compréhension de
«maladie grave et incurable» les handicaps qui peuvent aussi entraîner une
souffrance inapaisable et une atteinte importante et irréversible du niveau de
fonctionnement.
Par ailleurs, le maintien du concept de
prévisibilité de la mort, pour déterminer la série de mesures de sauvegarde
applicables selon la nouvelle loi canadienne, ne devrait pas inciter à fixer un
point de bascule précis en termes de mois. Selon nous, il faut privilégier une
discussion avec le demandeur et prendre en compte une logique de soins plutôt
que les pages du calendrier.
En terminant, dans une vision inclusive,
exempte de discrimination basée sur le diagnostic et fondée sur une
compréhension globale de l'humain, le collège croit que la réflexion sur l'aide
médicale à mourir doit aussi porter sur la situation des personnes dont le
motif prépondérant de demande serait un trouble mental.
Une personne atteinte d'une pathologie
psychiatrique sévère et réfractaire peut ressentir une souffrance tout aussi
intense et une atteinte tout aussi grave de son autonomie fonctionnelle, sinon
plus que les personnes souffrant de pathologies dites physiques.
L'évolution de certains troubles mentaux
pourrait rendre une personne admissible à l'aide médicale à mourir étant donné
le retrait du critère de fin de vie des lois provinciales...
M. Luyet (André) : ...aussi
grave de son autonomie fonctionnelle, sinon plus que les personnes souffrant de
pathologies dites physiques. L'évolution de certains troubles mentaux pourrait
rendre une personne admissible à l'aide médicale à mourir étant donné le
retrait du critère de fin de vie des lois provinciales et fédérales. Il
faudrait toutefois, dans le cas de demande d'aide médicale à mourir motivées
par un trouble de santé mentale, seul ou en comorbidité, établir certaines
balises pour éviter un glissement qui irait à l'encontre de l'esprit de la loi
et conduirait vers l'administration de soins inappropriés.
Aux critères déjà... existants, pardon,
s'ajouteraient les cinq conditions suivantes. Premièrement, décision prise au
terme d'une évaluation globale et juste de sa situation par le demandeur et non
uniquement inscrite dans un épisode de soins. Deuxièmement, exclusion d'une
idéation suicidaire s'inscrivant dans la symptomatologie décrite d'un trouble
mental, comme l'idéation suicidaire caractéristique d'un état dépressif. Troisièmement,
sévérité des symptômes et de l'atteinte du fonctionnement global présente sur
une longue période, ce qui empêche la personne de se réaliser dans un projet de
vie et enlève toute signification à son existence. Quatrièmement, exigence d'un
long parcours de soins avec suivi approprié, essais multiples de thérapies
disponibles reconnues efficaces et soutien psychosocial soutenu et approprié.
Finalement, évaluation multidisciplinaire des demandes, avec la présence
essentielle du médecin ou de l'infirmière praticienne spécialisée ayant pris en
charge le suivi de la personne avec la pathologie psychiatrique et d'un
psychiatre consulté dans le cadre de la demande d'aide médicale à mourir.
En conclusion, Dr Gaudreault.
M. Gaudreault
(Mauril) : Donc, les personnes souffrantes sont donc dans
l'angle mort des parlementaires québécois depuis le 17 mars. Chaque jour, des
patients font des grèves de la faim pour mourir plus rapidement et refusent
leur médication pour ne pas perdre leur aptitude à consentir à recevoir l'aide
médicale à mourir lors de la dernière visite du médecin. L'avancée de l'accès à
l'aide médicale à mourir au Canada ne doit pas créer un recul au Québec. Les
patients québécois n'ont pas à tolérer plus de souffrance qu'ailleurs au pays,
on s'entendra tous là-dessus. Ils ont le droit de mourir, eux aussi, dans la
dignité.
Voilà. Nous vous remercions de votre
écoute. Dr Luyet et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je cèderais la parole, pour débuter, à la députée de
Soulanges...
M. Gaudreault
(Mauril) : ...là-dessus. Ils ont droit de mourir, eux aussi,
dans la dignité. Voilà, nous vous remercions de votre écoute. Dr Luyet et
moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole, pour débuter, à la députée de
Soulanges.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault et Dr Luyet. J'aimerais savoir,
vous avez mentionné un petit peu dans votre allocution du départ, mais
j'aimerais savoir, est-ce que vous, vous pensez qu'on devrait statuer sur
certains diagnostics, ou bien ce serait plus sur des conditions en général?
Parce qu'on l'a vu dans le passé, des fois, de s'attarder à certains
diagnostics, ça peut rendre inadmissibles certaines personnes dans des
programmes ou peu importe quoi d'autre, donc j'aimerais avoir votre opinion sur
si on devrait utiliser le mot «diagnostic».
M. Luyet (André) : Bien, pour
le collège, on ne devrait pas y aller sur la base du diagnostic et on ne
devrait pas non plus chercher à faire une différence entre les maladies
mentales et les maladies physiques sur ce point-là. Il y a des maladies qui
méritent le même diagnostic et qui vont connaître des évolutions très
différentes, et je pense qu'il faut baser notre prise de décision sur
l'évaluation clinique, sur la situation de la personne et sur la rencontre des
critères d'admissibilité.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Dr Luyet et Dr Gaudreault. Si je résume,
donc, vous, vous dites qu'on... quand qu'on a l'aptitude à consentir pour un
soin, ça, ça doit rester. Mais dans quelle condition qu'on abolirait le
deuxième consentement? Comprenez-vous?
M. Gaudreault
(Mauril) : Dans les...
Mme
Hébert
:
Bien, dans le sens que, tu sais, vous dites : Ça prend l'aptitude, je
comprends, mais ensuite, il n'y aurait pas besoin de... Parce que là,
présentement, c'est ça, là, qu'on a besoin, c'est... on a besoin du
consentement de la personne, à la fin, pour... quand on donne l'acte médical à
mourir. C'est un acte?
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui.
Mme Hébert : Alors,
ce que vous dites, c'est qu'on... ça ne devrait plus être enlevé, c'est ça? Il
devrait être enlevé ce deuxième consentement-là, de la personne.
• (15 heures) •
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, merci pour votre question, Mme la députée.
Mais en fait, actuellement, au moment où on se parle, on a besoin d'un deuxième
consentement lucide de la part du patient ou de la patiente pour procéder à
l'aide médicale à mourir. Et dans les situations où le patient n'est plus
lucide, ne peut plus donner son consentement, le médecin ne peut pas pratiquer
ce soin d'aide médicale à mourir. Donc, ce que nous demandons, c'est que tant
que la personne est lucide, elle fait un premier consentement éclairé, tout ça,
c'est parfait, mais elle doit...
15 h (version non révisée)
M. Gaudreault
(Mauril) : …ne peut plus donner son consentement, le médecin ne
peut pas pratiquer ce soin d'aide médicale à mourir. Donc, ce que nous
demandons, c'est que, tant que la personne est lucide, elle fait un premier
consentement éclairé, tout ça, c'est parfait, mais elle doit avoir la
possibilité, comme ailleurs au Canada, de signer ou de s'entendre sur un
formulaire au cas où elle ne deviendrait plus lucide, cette personne-là. Et ça,
ça peut être plus ou moins prévisible dans l'évolution, selon les problèmes de
santé, selon l'état de la personne.
Donc, nous, ce qu'on prétend, ce qu'on
veut dire par là, c'est qu'il ne devrait plus être obligatoire qu'un deuxième
consentement, dit final, soit signé par la personne de façon lucide, mais,
plutôt, selon les situations cliniques, qu'elle puisse signer un formulaire qui
l'abstiendrait de devoir signer ce dernier consentement, au cas où elle
deviendrait non lucide, la personne. Et c'est pour ça qu'on dit que... Puis
c'est des vraies situations, là, on n'a pas inventé ça, là, tout à coup. C'est
des vraies situations rapportées par plusieurs médecins et de patients qui, de
peur de perdre leur lucidité, vont demander à diminuer leur médication
analgésique ou, encore, vont choisir d'autres moyens, ce qui est inacceptable
pour nous, vous aurez compris.
M. Luyet (André) : Ou encore,
qui vont perdre leur capacité à exprimer leurs volontés et qui vont voir leurs
soins prendre la forme d'une sédation prolongée, alors que ce n'était pas le
choix qu'ils exprimaient alors qu'ils étaient en état de le faire, et vont voir
leur agonie se prolonger, et ce n'est pas du tout le scénario qu'ils avaient
envisagé et prévu pour vivre ces derniers moments de vie accompagnés de leurs
proches.
Mme
Hébert
:
Puis dans le continuum de soins, parce qu'on appelle... ici, au Québec, on
appelle ça un... dans... ça fait partie des soins de fin de vie. Donc, dans le
continuum de soins, est-ce que vous vous le voyez plus comme à la fin de tout
ce que l'on a tenté ou ça peut être encouragé dès le début? Parce qu'on sait,
c'est que… ce qu'on voit c'est que, bon, il y a la sédation palliative, il y a
différentes options puis, des fois, les gens vont peut-être plus rapidement à
l'aide médicale à mourir que d'envisager tous les soins. Est-ce que, ça… Il y a
d'autres médecins qui ont rapporté qu'ils n'avaient pas assez d'information au
patient sur… puis, souvent, ils en venaient vite à l'aide médicale à mourir,
puis, des fois, même, ça pouvait créer une certaine anxiété chez les patients
parce que… ça fait que je veux juste voir.
M. Gaudreault
(Mauril) : Si c'est clair. Bien, c'est clair que ça crée une
certaine anxiété, mais une anxiété plus que certaine, là. Une anxiété, c'est
clair, mais vous savez, tout cela aussi réside dans la relation du médecin avec
le patient, du médecin avec les professionnels de l'équipe. D'habitude, le
médecin n'est pas tout seul dans…
Mme Hébert : …je veux juste
voir…
M. Gaudreault
(Mauril) : Si c'est clair ? Bien, c'est
clair que ça crée une certaine anxiété, mais une anxiété plus que certaine, là.
Une anxiété, c'est clair, mais vous savez, tout cela aussi réside dans la
relation du médecin avec le patient, du médecin avec les professionnels de
l'équipe, d'habitude un médecin n'est pas tout seul dans… il y a toujours une
équipe d'autres professionnels de la santé autour de cette personne. Donc, la
relation de toute l'équipe avec le patient, elle, elle est souvent… elle est
fréquente, elle est régulière, et les patients, patientes qui manifestent le
désir d'avoir ce soin ne le font pas qu'une fois, discutent de cela de façon
régulière, fréquente avec les membres de l'équipe soignante. Donc, c'est dans
ce sens-là. Auquel moment ça doit être signé, peut-être le formulaire de
renonciation au consentement final, on pourra discuter de cela, mais l'état,
l'évolution de la situation d'une personne, puis de son état, est examiné de
façon régulière, et souvent même quotidienne par rapport à l'état de situation
dans lequel est rendue l'évolution de la maladie. Donc, à ce moment-là, le
médecin et les autres équipes soignantes peuvent décider d'un moment avec le ou
la patiente, idéal, pour la signature d'un tel formulaire de consentement ou de
renonciation au consentement final. Voilà, je ne sais pas si ça répond à votre
question.
M. Luyet (André) : Bien, moi,
j'ajouterais un complément, peut-être, avant que… C'est une très bonne
question, puis le consentement demeure une valeur cardinale, quelque chose de
très, très important, c'est essentiel, et pour qu'il soit valable, il faut
qu'il soit éclairé. Donc, on ne peut pas prendre une décision comme celle-là,
puis donner son consentement avec une information tronquée ou incomplète. Donc,
c'est important d'avoir l'ensemble de l'information pour un consentement libre
et et éclairé. Et j'aime aussi le fait qu'on parle beaucoup d'aide médicale à
mourir parce que c'est le thème de la rencontre, là, mais de revoir ça puis de
le placer dans une programmation de soins de fin de vie globale, c'est aussi
très intéressant, aussi. Alors, on ne doit pas envisager l'aide médicale à
mourir par défaut, parce qu'on n'est pas en mesure de bénéficier des autres
soins. Je pense qu'il faut faire la promotion d'une programmation complète de
soins de fin de vie, qui donne un choix à la personne puis qui lui permet,
justement, de consentir de façon libre et éclairée, en tenant compte de sa
volonté et de ses valeurs et de ses droits.
Mme
Hébert
:
Parfait. J'ai juste une dernière petite question qui me trotte depuis toutes
les consultations qu'on fait, puis depuis qu'on a eu cette statistique-là,
excusez-moi, la statistique. Ça m'inquiète. Alors… Puis on a su la semaine
passée qu'en Belgique, aux Pays-Bas, ils avaient atteint 2,4 % des morts
qui avaient été par euthanasie — parce que c'est le terme qu'ils
utilisent — après près de 40 ans et 30 ans, là, d'existence de la
loi. Puis nous, ici, seulement…
Mme
Hébert
: …en
Belgique, aux Pays-Bas, ils avaient atteint 2,4 % des morts qui avaient
été par euthanasie — parce que c'est le terme qu'ils
utilisent — après près de 40 ans et 30 ans, là, d'existence de la
loi, puis, nous, ici, seulement après quatre ans, on a déjà atteint le
2,4 %. Alors, je vous demande : Pensez-vous que ça va augmenter
encore de beaucoup? Parce que, là, si… on parle d'élargissement, donc c'est
encore plutôt vite. Donc, c'est une question que je vous pose comme ça.
M. Luyet (André) : Bon. Bien,
pour l'instant, on est sur une pente ascendante. Il faut le dire, là, il y a un
taux de croissance assez important, autour de 30 %, mais c'est ça. Mais,
évidemment, je ne pense pas que ça va se continuer sur cette progression-là,
parce que ça finirait par englober presque tout l'ensemble des décès du Québec,
là, si on pousse le curseur jusqu'à l'extrême, là. Mais, pour l'instant, on est
dans une phase ascendante, puis la tendance n'est pas vers un aplatissement à
court terme, là, de cette croissance-là.
M. Gaudreault
(Mauril) : Et, je répète, ça… si je peux me permettre… Merci
encore pour la question. Mais c'est un soin, hein? Le collège a toujours vu
l'aide médicale à mourir dans une logique de soins, et c'est dans ce sens-là
qu'on est là avec vous cet après-midi aussi et qu'on participe à la
conversation, à l'évolution de cette loi. C'est un soin; c'est un soin
maintenant qui est disponible pour le patient, qui est disponible dans leur… la
conduite à tenir dans le cadre de la discussion entre l'équipe soignante et le
patient. Donc, le soin, quand on le voit de cette façon-là, il n'est pas
surprenant qu'il y ait une pente ascendante par rapport à l'accessibilité à ce
soin.
Moi, ça ne me préoccupe pas,
personnellement. Ça me préoccuperait que ce soin-là ne soit pas disponible,
tout en l'encadrant de façon tout à fait correcte, comme c'est le cas
maintenant.
Mme
Hébert
:
Merci. Merci, Mme la Présidente.
M. Gaudreault
(Mauril) : On ne vous entend pas, Mme la Présidente, O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Alors… Donc, vous m'entendez bien?
Des voix : Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Donc, tout à l'heure, on a entendu la Chambre des notaires, qui
nous faisait part — et là, je vous pose la question bien
candidement — qu'une balise qui pourrait être intéressante soit que
les demandes soient notariées, en collaboration avec l'équipe médicale, bien
entendu. Mais vous pensez quoi que… de ça, que toutes les demandes devraient
être notariées, avec un diagnostic médical, en collaboration avec l'équipe de
soins, le médecin, là? Est-ce que ça pourrait être une balise intéressante?
M. Luyet (André) : Bien, il
faudrait le regarder plus attentivement, mais…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…de sorte que toutes les demandes devraient être notariées avec un diagnostic
médical, en collaboration avec l'équipe de soins, le médecin, là. Est-ce que ça
pourrait être une balise intéressante?
M. Luyet (André) : Bien, il
faudrait le regarder plus attentivement, mais il ne faudrait pas que ça amène
une discrimination puis que ça amène des… deux types de citoyens, ceux qui sont
en mesure de pouvoir faire notarier leur décision et leur choix et d'autres qui
n'y auraient pas accès peut-être… ou un accès équitable à ce genre de services
professionnels.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Donc, je vais céder la parole à ma collègue d'Abitibi-Ouest.
Votre micro, chère collègue.
• (15 h 10) •
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Syndrome du micro. Alors, il reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Quatre minutes.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Parfait, merci. Dr Gaudreault, Dr Luyet, merci pour la belle
présentation. Alors, il semble y avoir une confusion dans la population et les
professionnels de la santé sur l'aide médicale à mourir et la sédation
palliative. Comment peut-on clarifier ça pour avoir un message clair dans la
population et sensibiliser aussi les professionnels de la santé?
M. Luyet (André) : Bien, en
fait, la sédation palliative continue, c'est un choix qui est offert aux
personnes qui sont soit très anxieuses ou très inconfortables et qui acceptent
d'être soulagées tout en étant bien informées qu'ils… possiblement qu'ils ne
vont pas connaître un retour vers un état plus vigile et qui vont possiblement
s'éteindre de cette façon-là mais d'une façon confortable. Donc, c'est un peu
la différence que je vois, là, pour essayer de le définir le plus clairement
possible.
Mais c'est certain que l'aide médicale à
mourir a, dès son… dès l'adoption de la loi n° 2,
a attiré beaucoup de l'attention. Les autres importants volets de la loi ont
moins pénétré, je dirais, dans la population, sont moins connus, autant les
directives médicales anticipées que la sédation palliative continue. Donc, il y
aurait certainement un effort à faire pour mieux renseigner la population sur
l'existence de ces modalités de soins.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je me permettrais une autre question. Ça va? On m'entend bien? Tantôt,
vous nous parliez des troubles de santé mentale et qu'il y avait… où vous nous
avez fait mention de cinq balises, la dernière balise étant l'évaluation par
une équipe multidisciplinaire, dont un psychiatre et…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...une autre question. Ça va? On m'entend bien? Tantôt, vous nous parliez des
troubles de santé mentale et qu'il y avait... vous nous avez fait mention de
cinq balises, la dernière balise étant l'évaluation par une équipe
multidisciplinaire, dont un psychiatre et... On a entendu des psychiatres plus
tôt dans les auditions et qui nous disaient que, pour eux, c'est dur de dire
qu'on va mettre fin à la vie de quelqu'un pour cause de seul trouble de santé
mentale, parce que pour eux, il y a toujours une option, il y a toujours un traitement,
il y a toujours une solution à essayer. Donc, s'ils font partie de l'équipe de
soins dans l'évaluation, comment voyez-vous cet aspect-là?
M. Luyet (André) : Bien c'est
une équipe de soins... En fait, l'avis du psychiatre, on voulait un avis externe,
hein? Il y a le médecin traitant, qui n'est pas toujours un psychiatre, il faut
bien le mentionner. Il y a énormément de patients qui sont aux prises avec des
troubles de santé mentale, qui sont suivis par des médecins de la première
ligne, par des omnipraticiens, et puis il y en aura de plus en plus qui sont
suivis par des infirmières praticiennes spécialisées. Donc, il y a l'équipe, je
dirais, nucléaire autour du suivi et de la prise en charge de cette
pathologie-là et puis on rajoutait un avis externe, un tiers plus neutre, qui
avait une expertise en santé mentale pour participer également à la discussion.
C'est certain que je peux comprendre le point de vue exprimé par plusieurs
intervenants en santé mentale, c'est une… c'est quelque chose de très important
en termes de traitement puis de réadaptation, de réhabilitation et de
rétablissement, la notion d'espoir. Mais il arrive certains... (Panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ah! on est gelés, ça a fait comme tantôt.
Donc, on va suspendre le temps de
reconnecter, on va suspendre.
M. Luyet (André) : Oui?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ah!
Une voix
: Ah! c'est
revenu.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Ah! vous êtes revenu, d'accord.
M. Luyet (André) : Je
poursuis sur ma lancée, sans qu'il y ait trop de ruptures, là, mais donc ils
ont épuisé tous les recours, toutes les possibilités thérapeutiques. Et malgré
tout ça, ils sont… ils répondent encore à l'ensemble des critères de grande
souffrance puis d'intolérabilité de leur situation avec incapacité d'entrevoir
un projet. Parce que l'espoir, c'est ça aussi, c'est de pouvoir jouer
éventuellement son rôle de citoyen, de prendre sa place dans la société,
d'avoir des contacts, d'avoir des proches, d'avoir un projet d'études, d'avoir
un logement, d'avoir un emploi, alors, quand toutes ces portes-là se ferment,
et qu'on est souffrant puis qu'on est très mal… Je comprends la réticence, mais
je peux vous dire qu'il y a des gens qui se retrouvent dans des impasses comme
celles-là. Et, pour eux, il ne faudrait pas minimiser ou comparer leurs…
M. Luyet (André) : …toutes
ces portes-là se ferment, et qu'on est souffrant puis qu'on est très mal. Je
comprends la réticence, mais je peux vous dire qu'il y a des gens qui se
retrouvent dans des impasses comme celles-là. Et, pour eux, il ne faudrait pas
minimiser ou comparer leurs situations à celles qu'on rencontre et qu'on
accepte un peu mieux maintenant du côté de la santé physique, là. Ils ont un
état de détresse tout à fait comparable avec une souffrance aussi intense, et
les mêmes difficultés. Et, je le dis souvent, là, comme psychiatre à l'origine,
moi-même, c'est vrai : On est mal à l'aise de voir une différence entre la
santé physique puis la santé mentale, puis de croire que les individus ont deux
santés, là, on essaie de voir la personne globalement et de la considérer comme
un tout. Et ça, ça s'inscrit en ligne droite avec les écrits de l'Organisation
mondiale de la santé, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Je vous remercie beaucoup.
M. Gaudreault
(Mauril) : Et moi, comme médecin de famille, vous allez me
permettre d'appuyer encore sur plus d'importance par rapport à tout l'aspect
d'équipe soignante et vraiment, vraiment, de traitement interdisciplinaire,
toute l'importance de l'équipe et tous les autres professionnels de la santé
qui gravitent autour de la patiente, que ce soit dans une situation de problème
de santé mentale ou de problème de santé physique, là. Il y a toujours, toujours,
toujours... on sait que l'aide médicale à mourir, c'est fait par un médecin, et
bientôt ce sera, j'imagine, fait aussi par une infirmière praticienne
spécialisée, mais tout cela... la conduite, le traitement, la décision est
beaucoup, beaucoup discuté en équipe avec le patient et sa famille.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault, bonjour, Dr Luyet. Bien
heureuse de vous revoir, deux fois en deux jours.
Vous avez abordé plusieurs éléments dans
votre mémoire, je vais m'en tenir à ce qui concerne le mandat de notre
commission, dont notamment, bon, la question, évidemment, de la directive ou de
la demande médicale anticipée. Vous nous dites que vous êtes favorables, ça,
j'entends bien ça, mais vous avez très peu, pour nous pas dire pas élaboré sur
comment encadrer puis venir baliser cette avenue. C'est sûr que comme Collège
des médecins, dans votre rôle d'assurer, de bien protéger le public, moi, c'est
sur cet élément-là que je souhaiterais vous entendre. Peut-être que vous
n'aviez pas le temps, vous avez fait des choix de restreindre, ce n'est jamais
très long, 20 minutes, pour présenter, non plus.
Mais vous avez élaboré certains éléments
sur la période de réflexion, un formulaire, en tout cas, vous avez la
nomination d'un mandataire. Vous avez juste fait une liste non exhaustive de
certains éléments, mais j'aimerais ça vous donner le temps de nous les
expliquer, parce qu'au-delà d'aller de l'avant dans cette avenue, ce qu'on
souhaiterait aussi entendre, c'est comment on s'assure justement que le public
est bien... que les patients sont bien protégés...
Mme Montpetit : ...vous avez la
nomination d'un mandataire, vous avez juste fait une liste non exhaustive de
certains éléments, mais j'aimerais ça vous donner le temps de nous les
expliquer, parce qu'au-delà d'aller de l'avant dans cette avenue, ce qu'on
souhaiterait aussi entendre, c'est comment on s'assure justement que le public
est bien... que les patients sont bien protégés aussi, que le cadre, si
d'aventure on a des recommandations en ce sens, que le cadre qui est mis en
place soit adéquat, là.
M. Luyet (André) : Cette section
a été laissée volontairement peu développée, on voulait surtout énoncer
certaines pistes qui pourraient être approfondies pour arriver à aller sur
cette voie-là. On n'a pas de protocole ou de choses très bien formalisées, mais
on ouvre des portes pour dire : Il y a des façons de le faire, de le faire
de manière respectueuse, de le faire de façon déontologique, de le faire de
façon correcte, de façon légale, et il y a différents moyens qui devront être,
je dirais, explorés, puis développés, puis testés. Et parmi ceux-là, on en
évoque quelques-uns, qui est loin d'être une liste complète ni exhaustive, là,
et il y aurait certainement lieu d'approfondir, comme vous le soulignez, là,
lors de travaux subséquents, mais pour l'instant, c'est surtout une porte qu'on
voulait ouvrir pour dire qu'il y avait une possibilité de le faire et de le
faire de façon correcte.
Mme Montpetit : Je m'en
voudrais d'insister, mais vous comprendrez que notre mandat, il est... on a un
rapport à rendre au mois de novembre, donc notre phase de consultations... la
première phase de consultations, elle se termine aujourd'hui. Donc, je
comprends, vous n'avez pas, comme collège, de recommandation à nous faire sur
des balises précises qui devraient être mises en place. Juste pour bien
comprendre, vous nous en ferez... par la suite, mais je pense que c'est
important, au-delà de savoir que vous êtes en accord ou pas sur les... je ne
veux pas utiliser le mot «sauvegardes», là, encore là, mais sur les balises,
sur les remparts qui doivent être mis en place. Bien respectueusement, je
m'attendais à ce que vous arriviez avec ce genre de recommandation là,
aujourd'hui, là.
• (15 h 20) •
M. Luyet (André) : Oui. Mais
le collège a mis sur pied un groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir
et les différentes formes que ça peut prendre, et le groupe de travail a été
mis sur pied tout récemment, et déjà il se réunit à une fréquence soutenue, là,
hebdomadaire, pour justement avancer et préciser ce genre de question là.
Alors, il nous fera plaisir, là, d'approfondir la question que vous nous
adressez et de vous revenir avec plus de précisions à court terme.
Mme Montpetit : Dr Gaudreault,
je pense que vous aviez quelque chose à ajouter.
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui. Bien, en fait, c'est dans le même sens, Dr
Luyet l'a dit, un groupe de réflexion que nous avons créé au niveau du conseil
d'administration, avec des médecins...
M. Luyet (André) : …de vous
revenir avec plus de précisions à court terme.
Mme Montpetit : Dr Gaudreault,
je pense que vous aviez quelque chose à ajouter?
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui, bien, en fait, c'est dans le même
sens. Le docteur Luyet l'a dit, hein, un groupe de réflexion que nous avons
créé au niveau du conseil d'administration avec des médecins experts qui font
partie du groupe afin de proposer au conseil d'administration un positionnement
par rapport à ces directives médicales anticipées. On a parlé beaucoup d'aide
médicale à mourir, il n'y a pas que ça, mais il y a des directives médicales
anticipées, et pour être fidèles à la vision du collège nous allons, avec nos
membres, donc plusieurs médecins, mais peut-être d'autres professionnels aussi,
de même que d'autres organismes, prendre des décisions et poser des actions
pour nous rapprocher du public et lui assurer des soins de qualité, évidemment.
Mme Montpetit :
Parfai, bien, on attendra ça avec impatience, plus tôt que tard, évidemment,
vous connaissez les délais et l'échéancier dans lequel on travaille à l'heure
actuelle.
Toujours sur la question de
la directive... puis vous utilisez vraiment le mot «directive», plutôt que
«demande», là, je me permets de vous poser la question : Est-ce que c'est
intentionnel, dans le sens que vous... Parce que, bon, il y a eu certains
débats sur est-ce que ça devrait être une directive, dans le sens qu'elle est
exécutoire, versus une demande, qui pourrait être... ou un proche, ou un tiers,
ou un professionnel pourrait décider de ne pas appliquer la demande qui est
faite ou la directive qui est faite par la personne. Est-ce que vous l'entendez
de cette façon-là ?
M. Luyet (André) : Bien, on l'associe à quelque sorte à une directive médicale anticipée,
mais inversée. Au lieu de refuser certains soins dans certaines conditions, on
revendiquait, comme citoyen, un soin dans une situation clinique bien
particulière. C'est dans ce sens-là qu'on l'a associée à comme une directive
médicale anticipée, mais techniquement on parlait davantage... on aurait dû
parler de demande anticipée.
Mme Montpetit :
De demande anticipée. D'accord. Parfait. Non, mais les mots ont un sens, sont
bien importants aujourd'hui, donc je voulais être sûre de bien valider ce que
vous...vous avez mis du temps dans ce mémoire, certainement, de bien valider ce
que vous nous recommandez.
Vous parlez aussi, à la page
8, donc, quand vous parlez, donc, de la... pas la directive, mais bien la
demande anticipée, que, bon... que vous êtes favorable dans un contexte
justement où ça porterait atteinte aux valeurs et à la dignité de la personne.
Encore là, vous parlez de valeurs et de dignité, la phrase s'arrête là. Est-ce
que... Donc, je comprends, vous excluez complètement la question ou vous
séparez la question de la souffrance versus la question des valeurs et de la
dignité telle qu'établie par la personne lorsqu'elle est apte à déterminer la
façon dont elle souhaite terminer ses jours.
Je peux peut-être préciser, ça n'a pas
l'air... je vois des...
M. Luyet (André) : Oui,
oui. Oui, s'il vous plaît.
Mme Montpetit : ...Bien,
c'est que dans votre... Je vous la lis, là, le haut de la page 11, vous
dites : «La personne demandera un soin à un stade d'évolution précis
déterminé...
Une voix
: ...
Mme Montpetit : Et je
peux peut-être préciser, ça... je vois des...
M. Luyet (André) : Oui,
oui, oui, s'il vous plaît.
Mme Montpetit : ...Bien,
c'est que dans votre... Je vous la lis, là, le haut de la page 11, vous
dites : «La personne demandera un soin à un stade d'évolution précis
déterminé d'un trouble neurocognitif majeur portant atteinte à ses valeurs et à
sa dignité.» Est-ce que vous, quand vous parlez de valeurs et de dignité... Parce
qu'il y a des experts et des patients qui sont venus nous voir en disant :
On pourrait avoir accès... Par exemple, quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer,
une dégénérescence neurocognitive, qui souhaiterait avoir accès à l'aide
médicale à mourir, non pas dans un contexte de souffrance, mais bien dans un
contexte de dignité, justement, où elle dit, par exemple : Moi, je
souhaite que... selon mes valeurs, je souhaite qu'on me donne l'aide médicale à
mourir dans tel contexte.
Donc, dans votre mémoire, vous faites
référence aux valeurs et à la dignité et non à la souffrance.
M. Gaudreault
(Mauril) : ...
Mme Montpetit : Juste
pour être... qu'on interprète bien ce que vous nous déposez aujourd'hui.
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui, oui, c'est tout à fait dans ce sens-là par
rapport à, exemple, je ne sais pas, moi, une démence, une démence de type
Alzheimer à un stade avancé, il y a là une atteinte aux valeurs et à la dignité
de la personne lorsque le stade est pas mal avancé, même si la personne n'a pas
l'air à présenter des souffrances importantes. Mais il y a là... C'est dans ce
sens-là qu'on parlait de cette recommandation d'un trouble cognitif majeur
avec... je n'ai pas besoin de vous faire d'explication ou de dessin par rapport
à ça, dans toutes nos familles on a vécu ça maintenant par rapport aux démences
avancées et, je dirais, une mort psychique avant la mort. Donc, c'est dans ce
sens-là par rapport à porter atteinte, là, aux valeurs et à la dignité de la
personne.
M. Luyet (André) : Mais
il faut peut-être avoir une réflexion large aussi sur le thème de la douleur.
Parce que la douleur, ce qui est bien dans la loi québécoise, c'est la douleur
telle qu'évaluée et ressentie par la personne qui fait la demande. Alors,
qu'est-ce qui... Il y a la douleur physique qu'on peut ressentir, mais la
personne qui serait capable d'anticiper que... avec toute l'information qu'elle
possède, dans l'évolution d'un trouble dégénératif, neurodégénératif, va se retrouver...
ou neurocognitif, va se retrouver dans une situation de dégradation qui est
tout à fait inacceptable pour elle, qui va se retrouver dans des états qu'elle
appréhende, qu'elle ne souhaite pas, qu'elle ne veut pas vivre, qui, si elle
était en mesure de porter un jugement sur ce dysfonctionnement-là, lui rendrait
la situation insupportable.
Mme Montpetit : Et vous
pensez... Parce qu'encore là on a eu des témoignages divers, mais, comme vous
représentez... du public et médecins, vous pensez que... comment ça serait
reçu, cette...
M. Luyet (André) : ...de
porter un jugement sur ce dysfonctionnement-là lui rendrait la situation
insupportable.
Mme Montpetit : Et vous
pensez... Parce qu'encore là on a eu des témoignages divers, mais comme vous
représentez aussi, en plus du public, les médecins, vous pensez que comment ça
serait reçu cette question-là par les médecins? Comment est reçu votre
positionnement d'exclure la situation de souffrance pour s'en tenir à une
question de valeur et de dignité? Parce que c'est quand même une posture, je ne
sais pas si c'est philosophique, ou éthique, ou médicale, encore bien
différente de ce qui est en place à l'heure actuelle, là.
M. Gaudreault
(Mauril) : Alors, pour le médecin qui est en contact avec de
tels patients et qui soigne de tels patients, ce que nous tentons de vous
expliquer, c'est clair, là, par rapport à tout l'aspect de dignité de la
personne et de respect de ses valeurs. D'habitude, les médecins connaissent les
patients depuis x temps, ont déjà partagé avec ces patients-là, on a une bonne
idée des valeurs et des souhaits des patients qui, lorsqu'arrive, à un moment
donné, dans l'évolution de la maladie, je reprends toujours le cas de la
démence de type alzheimer, à un stade avancé, c'est clair que le patient qui a
suivi au long cours ce ou cette... le médecin qui a suivi au long cours ce ou
cette patiente est bien au fait des volontés qu'elle a pu exprimer. Et il y a
certainement une souffrance là-dedans même si ce n'est pas une souffrance
d'allure physique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On va devoir continuer la discussion avec le député de Gouin. Merci
beaucoup, Mme la députée. Donc, M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. je vais aller dans
la continuité de la question de ma collègue de Maurice-Richard.
Vous avez été très clair sur votre adhésion à l'idée selon laquelle l'aide
médicale à mourir doit être considérée comme un soin. Et c'est tout l'esprit,
dans le fond, de loi québécoise qui repose sur cette notion-là.
Par contre, j'essaie de comprendre votre
position sur le critère de souffrance. Est-ce que pour vous il doit être
maintenu? Et c'était la conversation que vous étiez en train d'avoir avec ma
collègue, comment faut-il l'évaluer, ce critère de souffrance là, dans des cas,
par exemple, de maladies neurodégénératives où la souffrance n'est peut-être
pas perceptible de l'extérieur par le médecin, puis ces patients-là sont dans
une situation où ils ne sont plus nécessairement en mesure non plus de
l'exprimer. Donc, comment on réconcilie la persistance du critère...
• (15 h 30) •
Bien, en fait, parce que pour que
l'aide... Je perçois qu'il y a conceptuellement un lien entre le critère de
souffrance et le fait de concevoir l'aide médicale à mourir comme un soin,
c'est bien le cas, ça me semble être logique l'un avec l'autre. Si on veut
rester dans une logique de soin, c'est ce que vous dites vouloir faire, j'en
suis...
15 h 30 (version non révisée)
M. Nadeau-Dubois : …du critère…
bien, en fait, c'est parce que pour que l'aide… je perçois qu'il y a
conceptuellement un lien entre le critère de souffrance et le fait de concevoir
l'aide médicale à mourir comme un soin, c'est bien le cas, ça me semble être
logique l'un avec l'autre. Si on veut rester dans une logique de soins, c'est
ce que vous dites vouloir faire, j'en suis, comment on réconcilie ça avec le
fait que la souffrance, elle est pratiquement invisible chez quelqu'un qui est
dans un stade avancé, par exemple, de l'alzheimer, puis même que cette
personne-là pourrait, de l'extérieur, sembler plutôt sereine? Donc, est-ce que
c'est seulement la souffrance projetée de la personne qui était apte à
l'époque, ici, qui nous permet de remplir le critère ou est-ce qu'il ne faudrait
pas trouver un mécanisme pour le valider à nouveau, là, avant… ce critère de
souffrance là, avant d'administrer l'aide médicale à mourir?
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, pour moi… Dr Luyer pourra certainement
renchérir, mais, pour moi, la souffrance, elle doit être vue de façon globale,
à la fois psychique et physique, et aussi par rapport à la perte, je dirais, de
plusieurs facultés ou fonctions cognitives de la personne. C'est pour ça que je
dis que c'est important, le suivi au long cours d'une telle personne par une
équipe de soins ou par, idéalement, quelques personnes qui ont pu avoir un
contact… professionnel, je dirais, qui ont pu avoir un contact au long cours
avec ces patients-là afin de bien déterminer ce dont on parle par rapport au
fait que…
Vous savez, même au premier stade de la
maladie de la démence de type alzheimer, les patients, ils sont conscients des
pertes qu'ils sont en train de vivre. Et même s'il n'y a pas là de souffrance
physique, la prise de conscience de ces pertes-là entraîne des difficultés puis
des souffrances d'ordre psychique qui, même si elles sont difficiles à déceler
à un stade avancé de la maladie, sont certainement encore présentes. Mais
effectivement ce n'est pas quelque chose, là, qu'on peut diagnostiquer avec
précision contrairement à d'autres diagnostics pour lesquels c'est plus facile
en médecine.
M. Luyet (André) : C'est
embêtant, mais juste en complément de réponse là-dessus, je dirais, le… c'est
l'évaluation par la personne de son état de souffrance qui est centrale, puis
il arrive des périodes dévolution de la maladie où on n'est pas en mesure
d'exprimer clairement cette souffrance-là. Mais il y a quand même des
évolutions assez… il y a des prototypes d'évolution, je dirais, par exemple, si
on prend la démence de type alzheimer, on sait qu'il y a peut-être sept, huit,
neuf, 10 variations d'étapes d'évolution, puis d'évolutions différentes.
Mais si on n'était en mesure, lorsqu'on est au début d'une maladie, qu'on est
encore capables de consentir, ou même avant, de dire : Bien, moi, si j'ai
des pertes de mémoire légères, je peux vivre avec, ce n'est pas une souffrance
pour moi, mais si je suis rendu complètement…
M. Luyet (André) : …de la
maladie puis d'évolutions différentes, mais, si on n'était en mesure, lorsqu'on
est au début d'une maladie, qu'on est encore capable de consentir ou même avant
de dire : Bien, moi, si j'ai des pertes de mémoire légères, je peux vivre
avec, ce n'est pas une souffrance pour moi, mais, si je suis rendu complètement
impotent… plus capable de bouger, plus capable de m'exprimer, plus capable de…
ce n'est pas bien si je suis rendu à avoir de l'anxiété de catastrophe… de tout
suffrage refuse ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci...
M. Nadeau-Dubois : Donc, je
comprends que, pour vous, c'est la souffrance anticipée qui suffit. Est-ce que
j'ai le temps pour une deuxième question, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, on va s'ajuster.
M. Nadeau-Dubois : ...est
compté, donc j'essaie...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, on va s'ajuster.
M. Nadeau-Dubois : Ma deuxième
question, il y a des psychiatres qui viennent nous dire : Des maladies
psychiques incurables, ça n'existe pas, et d'autres qui viennent nous dire que
ça existe. Il y a des gens... Et donc on est devant, comme législateurs, une
situation où, au sein même du champ de la psychiatrie, il y a des opinions
contraires, certains nous disent : Ce n'est jamais incurable, une maladie
psychique, donc un trouble mental sévère. D'autres nous disent : Oui,
parfois on peut avoir un degré raisonnable de certitude que c'est incurable.
Comme législateurs... Alors, vous savez comme moi que le critère de
l'incurabilité est inscrit en toutes lettres, là, dans la loi québécoise. Comme
législateurs, comment devrions-nous trancher un débat comme celui-là où, au
sein même du champ de la psychiatrie, il semble y avoir débat?
M. Luyet (André) : Bien, pour
ma part, la plupart des maladies mentales sont traitables, contrôlables, mais
demeurent des états chroniques dans bien des cas. Même la dépression, on se
rend compte, après un premier épisode, que les chances d'en faire un deuxième
sur une période de cinq ans est probablement de l'ordre de 50 %, puis ça
va... après le troisième épisode, on est rendu à au-delà de 90 %, puis
c'est des gens qui vont prendre des traitements d'entretien pour plusieurs
années.
Mais c'est contrôlable, on peut vivre
normalement, on peut... Mais est-ce qu'on guérit un bipolaire? Est-ce qu'on
guérit un schizophrène? Est-ce qu'on peut le déclarer guéri? Non. Je pense
qu'on traite de mieux en mieux, je pense que la gamme thérapeutique s'est
grandement enrichie, je pense qu'on arrive à bien contrôler. Il y a des gens
qui arrivent à bien vivre leur vie en dépit de leur diagnostic et de leur
traitement. Et il y a des gens qui ont des états sévères et réfractaires, qui,
malgré toutes les avancées jusqu'à ce jour, vont présenter des évolutions
vraiment très négatives.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. Juste un petit commentaire en
débutant, je pense que vous avez... fait une conclusion assez provocante en
disant que les parlementaires québécois avaient dans leur angle mort des
personnes souffrantes. Je veux juste vous rassurer, ce qui nous anime à tous
les jours en ayant créé cette commission-ci, c'est de s'occuper de personnes
souffrantes. Et je veux dire que, depuis qu'on a fait la loi et la démarche au
Québec...
Mme
Hivon
:
...que les parlementaires québécois avaient dans leur angle mort des personnes
souffrantes. Je veux juste vous rassurer, ce qui nous anime à tous les jours en
ayant créé cette commission-ci, c'est de s'occuper de personnes souffrantes. Et
je vais dire que, depuis qu'on a fait la loi et la démarche au Québec, qui a
influencé la Cour suprême et ensuite le fédéral avec le Code criminel qui a
repris notre terminologie, jusqu'à nos critères, c'était d'être là pour les
personnes souffrantes. Donc, je veux vous rassurer, on est là pour ces personnes-là.
Je veux... Je voudrais continuer, justement,
ça fait le lien, sur la souffrance. Vous en avez parlé avec mes deux collègues,
vous allez trouver qu'on est obsédés par ça, mais moi, je voulais comprendre le
degré de confort. Vous êtes le Collège des médecins, donc vous êtes là pour, évidemment,
que les actes soient bien faits, mais vous êtes en constat contact avec ces
médecins-là qui pratiquent ce type de soins.
Le degré de confort des médecins
d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui serait inapte, qui
aurait fait une demande anticipée, et qui ne serait plus là pour pouvoir donner
son avis, et qui pourrait être dans un état qui fluctue beaucoup, où il est
difficile d'évaluer certaines choses, j'aimerais que vous me parliez un peu de
comment vous pensez qu'il va être. Parce qu'au début de la loi il y avait très
peu de médecins ouverts, et beaucoup de médecins nous disent : Oui, ça a
évolué, heureusement. Mais là c'est toute autre chose de penser, comme médecin,
comme soignant, d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est
pas là avec toute sa conscience, donc, pour manifester sa volonté. On parle de
demandes anticipées, là.
Et l'autre élément, c'est la souffrance,
justement. Je veux bien que vous me clarifiiez ça, là. La souffrance, c'est un
critère incontournable de l'article 26 de la loi. Là, ce que vous nous
dites, vous, c'est que vous jugez que cette souffrance-là, dans le fond, elle
n'a pas à être évaluée au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir
dans le cas d'une demande anticipée, mais bien de ce qui aurait été anticipé
par la personne. Et donc on se fie à cette souffrance anticipée là et non pas à
la souffrance au moment même de l'administration de l'aide médicale à mourir.
Donc, c'est mes deux questions. Je vous
lance ça, parce que j'ai un gros cinq minutes, ça fait que, si vous pouvez
répondre, ce serait très apprécié.
M. Gaudreault
(Mauril) : Un début de réponse de ma part puis complété par le
Dr Luyet, j'en suis certain.
Écoutez, c'est pour ça que je disais tout
à l'heure : Un suivi au long cours, c'est important, tu sais, pas un suivi
pendant un an, pendant, nécessairement, deux mois, etc. C'est un médecin, une
équipe qui aura le suivi d'un patient pendant x temps. À mon avis, c'est ça qui
est important d'abord et avant tout par rapport à bien évaluer le... je dirais,
les volontés de ce ou cette patiente par rapport à la situation qu'elle vit...
c'est pour ça, là, dans ce sens-là. Et je pense qu'il y aura toujours des
médecins qui seront mal à l'aise avec ça puis il y aura toujours des médecins
qui le seront plus. Et le code de déontologie le dit aussi, lorsqu'il y a une
objection de conscience...
M. Gaudreault
(Mauril) : ...les volontés de ce ou cette patiente par rapport
à la situation qu'elle vit. Alors, c'est pour ça, là, dans ce sens-là. Et je
pense qu'il y aura toujours des médecins qui seront mal à l'aise avec ça puis
il y aura toujours des médecins qui le seront plus. Et notre code de
déontologie le dit aussi, lorsqu'il y a une objection de conscience, on n'a pas
de problème avec ça, mais, à ce moment-là, le médecin qui ne peut pas aller
dans ce soin-là doit référer son patient à un médecin qui, lui ou elle, est
d'accord pour administrer ce type de soin, toujours dans le cadre de la logique
de soin.
• (15 h 40) •
Mais, pour bien répondre à votre question,
c'est important, merci de la poser d'ailleurs, mais, oui, je pense que les
médecins, il y en a un bon pourcentage qui vont être à l'aise avec ça parce
qu'ils auront connu la personne de façon intime au long cours, c'est ça que je
voulais dire, sur x temps, par rapport à avoir échangé avec elle, par rapport à
bien connaître ses volontés, ses valeurs, etc. Le médecin, mais aussi les
autres professionnels qui font partie de l'équipe. Dr Luyet.
M. Luyet (André) : Bien,
exactement dans le même sens, pour dire que ce qu'on ouvre comme porte, là,
c'est de dire : On ne peut pas dire, à ce moment-ci, que c'est contre nos
principes déontologiques, là, d'aller dans le sens d'une demande anticipée.
Donc, il faut le regarder. On pense qu'il y a des façons de le faire qui
seraient correctes et on ouvre des portes, là, pour explorer cette
éventualité-là. Je pense qu'il y a une façon de le faire, de le faire
correctement. Et, si c'est fait correctement, je pense que les médecins vont
endosser cette... je dirais, cette nouvelle façon là, là, cet élargissement-là
des choix qui sont offerts aux personnes.
Mme
Hivon
: O.K.
Puis avec le petit peu de temps qui me reste, je comprends donc que mon analyse
de votre positionnement sur la question de la souffrance était la bonne puisque
vous n'avez pas réfuté. Ça fait qu'en tout cas vous pourrez me dire si j'errais
dans l'interprétation de vos propos.
Mais ma dernière petite question, c'est...
J'imagine que vous avez pris connaissance, là, du rapport d'experts sur la
question de l'inaptitude et donc de l'aide médicale à mourir, là, Maclure... le
rapport Maclure-Filion. Et je voulais savoir si globalement les balises qu'ils
ont mises, là, comme un diagnostic préalable, un tiers désigné pour alerter
l'existence d'une demande anticipée, est-ce que ces balises-là, vous êtes en
accord avec, donc, ce qui est demandé?
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui, tout à fait.
Mme
Hivon
:
Parfait. Merci.
M. Gaudreault
(Mauril) : Je voulais vous dire, Mme Hivon, que ce n'est pas
dans un sens de confrontation qu'on utilise de tels mots par rapport aux
parlementaires, mais c'est plus un appel à l'aide de la part des patients puis
des médecins qui s'en occupent pour faire en sorte de prendre des décisions
rapidement, c'est dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Dr Gaudreault et...
M. Gaudreault
(Mauril) :…qu'on utilise de tels mots par
rapport aux parlementaires, mais c'est plus un appel à l'aide de la part des
patients puis des médecins qui s'en occupent pour faire en sorte de prendre des
décisions rapidement, dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Dr Gaudreault et Dr Luyet, d'avoir été avec
nous cet après-midi et d'avoir partagé votre expertise et celui de vos
collègues. Donc, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps
d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore une fois, c'est très apprécié.
M. Gaudreault
(Mauril) :Merci à vous.
Une voix : Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonne fin de journée.
Une voix : Merci, messieurs.
M. Gaudreault
(Mauril) :Bonne poursuite dans vos
travaux.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 51)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons
maintenant le Curateur public du Québec avec Me Denis Marsolais et Me Julie
Baillargeon-Lavergne.
Donc, merci d'être avec nous cet
après-midi, d'avoir accepté cette belle invitation. Nous allons débuter les
échanges. Vous allez avoir 20 minutes pour nous présenter votre exposé.
Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole dès maintenant.
M. Marsolais (Denis) :
Alors, bon, merci, Mme la Présidente. Je salue...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...cette belle invitation. Nous allons débuter les échanges. Vous allez avoir
20 minutes pour nous présenter votre exposé. Par la suite, il y aura un
échange avec les membres de la commission pour une période de 40 minutes.
Donc, je vous cède la parole dès maintenant.
M. Marsolais (Denis) : Alors, d'abord,
merci, Mme la Présidente. Je salue aussi tous les membres de la commission,
dont je connais plus particulièrement certaines personnes d'entre vous. Je
tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de participer à la réflexion
sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie et plus particulièrement
sur l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir aux personnes en situation
d'inaptitude et celles souffrant d'un problème de santé mentale.
Est-ce que vous m'entendez bien? Ça va?
Merci.
Bien évidemment, tout ce qui touche la
protection des personnes inaptes interpelle particulièrement le Curateur public.
C'est l'essence même de notre mission depuis près de 75 ans. Au fil des
années, notre organisation s'est développée et s'est aussi modernisée. Nous
avons toujours placé l'intérêt de la personne inapte, le respect de ses droits
et la sauvegarde de son autonomie au coeur de nos interventions. Nous faisons
un pas de plus dans cette direction avec la nouvelle loi adoptée à l'unanimité
à l'Assemblée nationale le 2 juin 2020, loi qui rentrera en vigueur
en juin 2022, donc dans près d'un an. Il est inscrit clairement dans cette
loi que les volontés et les préférences de ces personnes doivent être prises en
compte dans toutes les décisions qui les concernent. Vous constatez que le Curateur
public évolue au même rythme que celui de la société québécoise. C'est aussi ce
que nous entendons faire cet après-midi avec vous concernant la question de l'aide
médicale à mourir.
Je souhaite brosser un bref tableau de l'organisation
que je dirige. Le Curateur public, c'est plus de 800 employés qui oeuvrent dans
des domaines d'expertise très variés. Nous sommes présents dans 11 villes au Québec.
Nous jouons trois rôles principaux, soit sensibiliser la population à
l'inaptitude aux mesures de protection, accompagner les familles qui prennent
charge d'un proche inapte et, en dernier recours, d'agir comme représentant
légal pour les personnes inaptes lorsqu'il n'y a aucun proche pour les
présenter.
On estime qu'au Québec il y a plus de 175 000
adultes qui seraient inaptes. La très grande majorité d'entre eux n'ont aucune
mesure de protection juridique. Les quelque 33 000 adultes qui ont une
mesure de protection juridique sont majoritairement pris en charge par leur
famille, à savoir 9 200 personnes qui sont sous régime privé, donc un
tuteur ou un curateur, un proche, 11 400 personnes que c'est suite à un
mandat... Les autres, soit environ 13 000 personnes, bien, ces 13 000
personnes là sont sous notre responsabilité, donc, une représentation légale
par le Curateur public.
Les causes d'une inaptitude des personnes
que nous représentons sont à 41 % déficience intellectuelle, problèmes de
santé mentale...
M. Marsolais (Denis) : …souvent
environ 13 000 personnes… de ces 13 000 personnes là sont
sous notre responsabilité, donc une représentation légale par le Curateur
public. Les causes d'une inaptitude des personnes que nous représentons sont à
41 % : déficience intellectuelle; problèmes de santé mentale :
30 %; maladies dégénératives : 21 %; et traumatismes crâniens et
autres causes : 8 %. Nous pensons que c'est important de vous
préciser ces statistiques-là dans l'objet de la commission qui nous intéresse
cet après-midi.
Auprès des personnes que nous
représentons, il y a une équipe de 146 curateurs et curatrices délégués
qui sont mes yeux et mes oreilles sur le terrain. Ces professionnels engagés et
empathiques prennent quotidiennement des décisions qui ont un impact dans la vie
des personnes inaptes. Dans cette prise de décision, nous sommes toujours
guidés, et ça, c'est important, par l'intérêt de la personne, le respect de ses
droits et la sauvegarde de son autonomie. Pour les personnes représentées par
le Curateur public et ainsi que pour toute personne isolée, une de nos
responsabilités est de traiter les demandes de consentement aux soins lorsqu'il
est établi que ces personnes ne peuvent consentir elles-mêmes. Notre Direction
médicale et du consentement aux soins, sous la direction du Dr Jean-Victor
Patenaude, est formée de médecins et d'infirmières. Cette direction traite
annuellement plus de 10 700 demandes de consentement de toute nature,
c'est énorme.
En matière de consentement aux soins, en
vertu du Code civil du Québec, le Curateur public est tenu d'agir dans le seul
intérêt de la personne qu'il représente en respectant, évidemment, dans la
mesure du possible, les volontés qu'elle a pu manifester. Si une personne
inapte sous la responsabilité du Curateur public a rédigé des directives
médicales anticipées en application de la loi, lorsqu'elle est encore,
évidemment, apte, ces directives seront respectées si les soins visés sont
jugés requis par le médecin traitant.
C'est fort de notre expertise et de notre
expérience que nous abordons aujourd'hui avec vous une question… complexe et
délicate. À ce stade-ci, les certitudes n'ont sans doute par leur place, mais
nous souhaitons transmettre néanmoins à la commission certaines réflexions, et
ce, en toute ouverture.
Tout d'abord, le Curateur public est en
faveur de l'élargissement des critères d'admissibilité pour l'aide médicale à
mourir aux personnes qui prévoient perdre leurs facultés mentales en raison
d'une progression d'une maladie neurodégénérative. Le Curateur public est
d'avis que les personnes ayant reçu un diagnostic de cette maladie devraient
pouvoir préparer une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Pourquoi?
Parce que, pour nous, encore une fois, le respect de l'autodétermination de la
personne est fondamental. Il est clair pour nous que les souhaits de fin de vie
que des personnes ont exprimés en toute connaissance de cause doivent être
respectés une fois qu'elles sont devenues inaptes…
M. Marsolais (Denis) : …mourir.
Pourquoi? Parce que, pour nous, encore une fois, le respect de
l'autodétermination de la personne est fondamental. Il est clair pour nous que
les souhaits de fin de vie que des personnes ont exprimés en toute connaissance
de cause doivent être respectés une fois qu'elles sont devenues inaptes.
Pour assurer que la volonté du patient est
bien traduite dans les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, nous
croyons que cette démarche devrait faire l'objet de discussions avec le médecin
traitant. Nous recommandons donc que la demande anticipée d'aide médicale à
mourir soit signée, évidemment, par le patient en présence de son médecin et
que cette demande fasse l'objet de discussions périodiques. Je pense que le
Collège des médecins a suggéré le même aspect d'avoir des discussions de façon
périodique, patient et médecin, pour voir l'évolution aussi et pour s'assurer
que la situation déterminée dans la demande soit toujours évolutive, que le
patient, pardon, puisse moduler ou préciser davantage avec le médecin traitant
cette situation-là.
De plus, les observations et les notes du
médecin concernant ces discussions devraient, à notre avis, être consignées
dans le dossier du patient pour assurer une pérennité des informations.
De façon générale, nous appuyons donc les
initiatives qui visent à assurer une meilleure prise en compte de la volonté
exprimée par une personne lorsqu'elle est encore apte. Pardon.
De plus, nous affirmons qu'aucune forme de
prise de décision substitutive n'est à envisager pour demander l'aide médicale
à mourir au nom d'une personne inapte. Il est inconcevable pour nous qu'une personne
autre que la personne concernée puisse décider du sort de cette personne.
Le Curateur public estime également que,
sur la base de la légalité de droits, les personnes qui ont une déficience
intellectuelle devraient aussi pouvoir formuler une demande d'aide médicale à
mourir si elles sont atteintes d'une maladie grave et incurable et qu'elles
sont aptes à consentir à leurs soins au moment de leur demande, évidemment, en
respectant les critères de l'aide médicale à mourir.
Nous prônons également le droit à
l'autodétermination et au respect des volontés des personnes atteintes de
troubles mentaux et aptes à consentir à leurs soins. Toutefois — et
le «toutefois» est important, à notre avis — nous croyons qu'il est
primordial que les experts en santé mentale balisent les critères
d'admissibilité en considérant la nature de la maladie et les traitements
disponibles, des experts en santé mentale ou une équipe multidisciplinaire qui
gravitent autour de la santé mentale, pour être bien sûrs de bien encadrer et
baliser cette maladie qui est... et qui touche malheureusement plusieurs
personnes de notre société.
• (16 heures) •
Parlons maintenant de la façon
d'enclencher le traitement d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir au
moment opportun en suivant les critères établis par la Loi concernant les soins
de...
16 h (version non révisée)
M. Marsolais (Denis) : …cette
maladie qui est particulière et qui touche malheureusement plusieurs personnes
de notre société.
Parlons maintenant de la façon
d'enclencher le traitement d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir au
moment opportun en suivant les critères établis par la Loi concernant les soins
de fin de vie.
Le Curateur public croit que le traitement
d'une telle demande devra être enclenché, et ce n'est pas hiérarchique, c'est
un ou l'autre, par le patient lui-même évidemment, par une personne qu'il
désigne ou par les membres de l'équipe soignante. On a entendu que les
statistiques, notamment, aux Pays-Bas sur le… il y a deux ans, il y avait
162 demandes. Il y en a 160 demandes qui ont été formulées ou
demandées, le déclenchement, par la personne lui-même, par le patient. Il y en
a seulement que deux qui a été demandé par une tierce personne. Alors, on voit
que c'est des cas quand même assez rares, mais quand même.
Si le patient le désire, il devrait
pouvoir désigner son représentant légal, actuel ou futur, incluant le Curateur
public. Le législateur pourrait envisager de leur accorder un rôle dans le
suivi des traitements des demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les
personnes isolées. Nous sommes donc ouverts à jouer un rôle auprès des
personnes que nous représentons si un besoin est exprimé en ce sens. À cet
égard, je tiens à souligner que nous encourageons fortement la présence de
proches auprès des personnes sous notre responsabilité et que nous favorisons
toujours la collaboration avec.
J'aimerais également préciser que la
préparation d'une demande d'aide médicale à mourir est un geste personnel et
qui implique la personne elle-même et son équipe médicale. Le Curateur public
n'est donc pas partie prenante dans la préparation de cette demande et nous ne
sommes pas non plus nécessairement informés lorsqu'une telle demande est
acheminée ou existe. Nous exprimons une préoccupation particulière à l'égard
des traitements des demandes formulées par des personnes qui seraient isolées
et du respect de leur volonté. Le rôle précis que le Curateur public pourrait
jouer dans ces situations reste à définir, mais je tiens quand même à vous
préciser que nous sommes ouverts à mettre notre expertise à profit et à jouer
un rôle de défense des intérêts de ces personnes. Nous poursuivons évidemment
notre réflexion et nous sommes disposés à participer à des échanges sur ce
sujet.
Le cas où une personne, qui aurait préparé
une demande anticipée, soit incapable de déclencher elle-même la demande au
moment choisi risque d'être rare comme je vous l'ai expliqué. Cependant,
évidemment, chaque cas est important. Nous avons le devoir, je pense, comme
société, d'assurer à la population que les choix qu'ils ont faits en toute
lucidité seront respectés au moment venu.
Finalement, pour le Curateur public, la
réflexion sur la question de l'élargissement de l'aide médicale à mourir doit
être basée sur l'importance de la légalité des droits pour tous, du respect du
droit à l'autodétermination et des volontés exprimées par les personnes. Cela
constitue, membres de la commission, la…
M. Marsolais (Denis) :
...finalement, pour le Curateur public, la réflexion sur la question de l'élargissement
de l'aide médicale à mourir doit être basée sur l'importance de la légalité des
droits pour tous, du respect du droit à l'autodétermination et des volontés
exprimées par les personnes. Cela constitue, membres de la commission, la base
de notre mission et le reflet de nos valeurs et du respect de...
Donc, notre positionnement peut se résumer
de la façon suivante. Le Curateur public est en faveur de l'élargissement des
critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir.
Nous sommes en faveur du droit à la
renonciation au consentement final afin d'éviter que des personnes souffrant
inutilement ou demandent l'aide médicale à mourir trop hâtivement de peur de
perdre leurs capacités. Le deuxième consentement, le fameux deuxième
consentement.
Nous sommes en faveur aussi des demandes
anticipées pour des personnes ayant reçu un diagnostic de maladie
neurodégénérative.
Et nous sommes, et je le répète, en
désaccord, profondément, sur le consentement substitué concernant les demandes
d'aide médicale à mourir.
Nous sommes maintenant disposés à répondre
à toutes vos questions. ...Me Baillargeon est à l'emploi du Curateur public
depuis 14 ans à titre d'avocate. Elle est évidemment mon adjointe
exécutive depuis mon arrivée. Mais, pour les questions opérationnelles, je lui
laisserai le plaisir de répondre à vos questions, s'il y a des questions plus
précises ...disposés, Mme la Présidente, à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, je céderais maintenant
la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Me Marsolais. Toujours un plaisir d'échanger avec
vous et de vous entendre par rapport le rôle du Curateur public, surtout en ce
qui concerne maintenant les soins de fin de vie.
J'aurais des questions, c'est sûr, je vous
entends, par rapport à l'autodétermination. Je pense que ça fait bien suite à
la loi n° 18 qui a été adoptée puis ce que nous...
mettre en vigueur par rapport au respect des droits civils des personnes qui
sont peut-être sous curatelle, avec des mandataires ou autres.
Mais je veux vous entendre un peu par
rapport à une distance éthique. Est-ce qu'il y a une distance éthique à
respecter en ce qui concerne peut-être le rôle de la mandataire ou la personne
responsable pour une personne vulnérable? Parce qu'on a entendu plusieurs
experts qui nous ont dit qu'il faut toujours faire attention à la coercition ou
un mal interprétation d'une personne qui souffre peut-être d'une déficience
intellectuelle ou qui est sous le spectre de l'autisme, parce qu'on sait que
souvent ils ont une tendance de vouloir nous dire ce qu'ils pensent qu'on veut
entendre... puis on sait aussi que ça se peut que ça va être un niveau de
compréhension qui va se... d'une personne qui n'a pas une difficulté
neurologique, par exemple.
Alors, est-ce qu'il y a une distance
éthique à respecter? Et, si oui, comment pouvons-nous le mettre en place pour
s'assurer qu'on protège...
Mme Maccarone : ...ce qu'il
pense qu'on veut entendre, puis on sait aussi que ça se peut que ça va être un
niveau de compréhension... d'une personne qui n'a pas une difficulté
neurologique, par exemple. Alors, est-ce qu'il y a une distance éthique à
respecter et, si oui, comment pouvons-nous la mettre en place pour s'assurer
qu'on protège ces personnes qui souvent très vulnérables, déjà, et déjà
marginalisées?
M. Marsolais (Denis) : Je vais
me permettre, premier volet de questions, ma réponse, puis Julie pourra
compléter. Écoutez, un des premiers critères importants et incontournables,
c'est le consentement libre et éclairé. Il faut s'assurer qu'une personne, soit
qui a un diagnostic de déficience intellectuelle ou atteinte de maladie
mentale — et là on parle d'élargissement — ne soit pas
privée de faire une demande d'aide médicale à mourir du seul fait qu'elle est
déficiente intellectuelle, qu'elle a une maladie mentale. Ça, c'est la première
prémisse. Maintenant, il faut s'assurer du consentement, il faut s'assurer que
cette personne-là comprend bien la portée de sa demande et de son geste.
J'aime à penser, je suis convaincu qu'il y
a une foule de personnes, même, qui sont inaptes, déclarées inaptes, qui ont cette
capacité, qui ont la capacité d'être en mesure de décider de demander, dans
telles circonstances, d'avoir l'aide médicale à mourir. Évidemment, que c'est
un sujet délicat et que les balises doivent être importantes. C'est pour ça
qu'en ce qui concerne les maladies mentales, qui est une maladie, c'est
important que les balises soient établies de façon très serrée, sans ambiguïté,
pour qu'on puisse déterminer ou donner l'opportunité à ces personnes-là, mais
aux bonnes personnes, pas que ce soit une possibilité donnée à toutes les
personnes atteintes de maladie mentale.
Pour des personnes atteintes de déficience
intellectuelle, là aussi, je pense qu'il faut agir de façon prudente, mais ça
ne veut pas dire qu'on doit nécessairement, pour éviter... Comment dirais-je?
Ce n'est pas en balisant puis en empêchant ces personnes-là d'avoir cette
opportunité-là qu'on va régler la situation. Je pense qu'il faut avoir une
ouverture, la société, je pense qu'elle est rendue là. Il faut avoir une
ouverture, donner cette possibilité-là à ces personnes-là, mais il faut qu'elle
soit balisée. Ça, c'est le premier volet.
Deuxième volet, c'est que la... Bon, pour
l'aide médicale à mourir, une décision... un consentement anticipé, là, je
pense que toute l'équipe soignante a un rôle fort important. Je discutais avec
le président du Collège des médecins, cette semaine, il était tout à fait
d'accord avec... en fait, on a la même position, il faut absolument que la
situation qui va être identifiée dans la demande du patient ou de la personne
concernée... il faut que cette situation-là, évidemment... Je pense qu'aux
Pays-Bas, ils demandent même que ce soit écrit de la main de la personne, et
non pas que ce soit une question, réponse, là, ou un choix multiple, d'une
part, puis il faut aussi que cette situation-là soit claire pour le patient,
pour la personne qui fait la demande, mais aussi et surtout, je vous dirais,
pour le médecin traitant, pour que les deux s'entendent sur la clarté de...
M. Marsolais (Denis) : ...de la
main de la personne et non pas que ça soit une question-réponse, là, ou un
choix multiple, d'une part. Puis il faut aussi que cette situation-là soit
claire pour le patient, pour la personne qui fait la demande, mais aussi et
surtout, je vous dirais, pour le médecin traitant, pour que les deux
s'entendent sur la clarté de la situation, pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté
le jour où cette situation-là arriverait et le jour où l'administration devrait
être traitée par le médecin.
• (16 h 10) •
Alors, la meilleure façon... Je vais
essayer d'être plus court dans mes réponses. La meilleure façon de s'assurer de
ça, bien, il faut que ce libellé-là soit entériné ou soit vérifié par le
médecin traitant, et non seulement soit vérifié lors de la demande, à notre
avis, mais il faut qu'il soit à toutes les rencontres ou périodiquement dans
les visites du patient et du médecin, que le médecin puisse reparler de...
bien, d'abord, voir si la personne est toujours consentante, puis peut-être
pouvoir bonifier, moduler ou peaufiner la circonstance que cette personne-là a
donnée et de le noter dans le dossier. Moi, je pense qu'avec ces balises-là, je
pense qu'on vient mettre un encadrement qui va permettre de s'assurer que ça va
être les bonnes personnes pour pouvoir faire l'aide médicale à mourir.
Mme Maccarone : Ça fait qu'en
parlant des bonnes personnes... Je m'excuse, je veux juste interrompre, parce
que je sais que vous pouvez élaborer dans votre réponse complémentaire ce que
Me Marsolais vient de partager. Ce serait quoi le rôle du Curateur public
d'abord si c'est une personne qui est sous la responsabilité du curateur?
Comment cette personne va militer, va accompagner cette personne? Est-ce qu'on
devrait penser à élargir le rôle du curateur à cet égard? Parce que des fois
pour quelques personnes, comme vous le savez très bien, vous êtes le seul
intervenant qui représente une personne vulnérable.
M. Marsolais (Denis) : On ne
veut pas se défiler dans nos responsabilités, au contraire, mais on veut être
en mesure de bien rendre ces responsabilités-là. C'est pour ça qu'on est encore
dans la réflexion quel rôle précis on pourrait jouer.
La chose que je peux affirmer aujourd'hui,
c'est que vous avez vu dans notre mémoire la recommandation de dire que le
patient ou la personne qui sous notre responsabilité peut nommer un tiers.
D'abord, elle peut soulever sa demande elle-même, nommer un tiers ou nommer le
personnel soignant. Lorsqu'elle nomme un tiers, on s'inclut dans ce tiers-là,
parce qu'il y a des personnes... On parle de demande anticipée, par exemple,
là. Une personne qui fait une demande anticipée puis qui dit : Bien, le
jour... si jamais je deviens inapte, et donc je devrais avoir un tuteur privé
ou un tuteur public, bien, j'aimerais ça que ça soit mon tuteur qui... qui soit
en mesure de faire le suivi de ma demande. Il y en a que c'est complètement le
contraire, qui ne voudrait absolument pas que le tuteur, qui est public, qui
est le gouvernement, puisse interagir dans cette démarche-là. Mais si c'est le
voeu et le souhait de la personne, je ne peux pas contredire tout ce que je
viens de vous dire depuis les 20 dernières minutes. Nous, on va respecter les
volontés de la...
M. Marsolais (Denis) :
...absolument pas que le tuteur, qui est public, qui est le gouvernement,
puisse interagir dans cette démarche-là. Mais si c'est le voeu et le souhait de
la personne, je ne peux pas contredire tout ce que je viens de vous dire depuis
les 20 dernières minutes. Nous, on va respecter les volontés de la personne
puis on va s'assurer que ces volontés-là soient respectées en tout temps.
Alors, si elle souhaite, cette personne-là, qu'on soit la personne qui... le
tiers de confiance, bien, on le sera.Puis là, à ce moment-là, il y aura des
modalités à établir avec... Évidemment qu'on a des curatrices déléguées qui
suivent toutes les personnes qui sont sous notre responsabilité. On connaît le
dossier, on sera... on établira des relations avec les médecins traitants aussi
pour être sûrs de participer à l'évolution des discussions que... évidemment,
avec l'autorisation initialement du patient, pour qu'on puisse être en mesure
de connaître la situation. N'étant pas un proche, ça va être plus difficile.
C'est là qu'il faut essayer de développer des modalités pour faire en sorte
qu'on puisse avoir connaissance au bon moment.
Mais entre vous et moi, là, on va toujours
privilégier un proche de la famille pour une personne qui désire l'aide
médicale à mourir. Un proche de la famille a beaucoup plus de proximité. On
n'aura jamais autant de proximité, nous, qu'un proche de la famille. Et s'il
n'en a pas, là, je pense... Julie.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Il faut aussi faire la distinction entre les personnes qu'on représente qui
pourraient être isolées, les personnes qui ne sont pas sous régime de
protection, qui sont aussi isolées. Là, il y a vraiment des enjeux... On n'est
pas fermés, là, on est ouverts aux discussions là-dessus, mais pour nous, on
voit des problématiques. Dans la mesure où on ne connaît pas ces personnes-là,
il y a une impossibilité pour nous de suivre l'évolution de la maladie, comment
même être au courant qu'il y aurait eu une demande en ce sens-là. Donc, ça,
c'est... Il y a besoin de réflexion à ce niveau-là, et je ne sais pas quel rôle
nous, on pourrait jouer pour ces personnes-là.
M. Marsolais (Denis) :
Assurément qu'il y a un groupe de personnes qui connaît... qui va connaître, en
temps réel, la situation de la personne concernée, c'est l'équipe soignante.
Mme Maccarone : ...en des
circonstances vraiment favorables, mais on sait que dans plusieurs cas, ce
n'est pas la réalité de plusieurs personnes. Alors, que pouvons-nous faire
vraiment pour s'assurer qu'on protège ces personnes?
Ça fait que ça m'amène une réflexion. Lors
des échanges que nous avons eus, à l'intérieur des changements pour le projet
de loi n° 18, est-ce que nous avons manqué une
opportunité de venir protéger les personnes encore plus quand nous parlions
peut-être d'un élargissement de l'aide médicale à mourir puis des soins de fin
de vie? Parce qu'on n'a pas eu ce débat, à part le rôle de Curateur public.
Alors, est-ce qu'on a des considérations légales à penser aussi, en ce qui
concerne peut-être les recommandations qui vont venir suite à la fin de cette
commission?
M. Marsolais (Denis) :
Écoutez, moi, je pense que lorsqu'on a parlé du projet de loi et qu'on a
présenté article par article, toute la question des soins était écartée des
discussions, était écartée des discussions parce que ça concernait les
dispositions... qui relèvent du ministère de la Santé, d'une loi qui relèvent
du ministère de la Santé. Par ailleurs...
M. Marsolais (Denis) :
...que, lorsqu'on a parlé du projet de loi et qu'on a présenté article par
article, toute la question des soins était écartée des discussions, était
écartée des discussions parce que ça concernait les... qui relèvent du ministère
de la Santé, d'une loi qui relève du ministère de la Santé.
Par ailleurs, toujours dans la foulée du
respect des volontés d'une personne, bien, il n'est pas... je veux dire, ce
n'est pas antinomique aujourd'hui de dire que, si une personne désire que, le
jour où elle deviendrait inapte, que ça soit... à mon avis idéalement un
proche, là, mais que ça soit le curateur... on va agir, il n'y a pas de souci.
Ça fait qu'on n'est pas... Pas parce qu'on ne l'a pas traité, parce que c'est
un autre... vraiment, c'est un autre chantier, mais qu'on ne peut pas le
traiter indirectement par la commission qui fait l'objet des discussions qu'on
a aujourd'hui, là. Ce n'est pas...
Mme Maccarone : ...vous, vous
êtes prêt aussi... c'est sûr, on a parlé beaucoup de formation, puis, dans
cette commission-ci, on parle beaucoup de formation, ça fait que vous êtes
d'avis que ça va prendre une formation, évidemment, assez précise pour le
curateur.
Puis on a aussi eu une question par
rapport à qu'on devrait peut-être mettre tous les cas publics des gens qui font
des demandes, des gens qui ont accès à l'aide médicale à mourir. Pensez-vous
que c'est le chemin que nous devons prendre pour que les personnes comprennent
mieux? Puis est-ce qu'il y a aussi une question éthique en ce qui concerne les personnes
sous la responsabilité du curateur si on y va vers un registre public de ces
demandes pour mieux comprendre les soins de fin de vie?
M. Marsolais (Denis) :
Moi, je vous avoue que notre réflexion concernant l'existence ou non d'un
registre public n'est pas terminée. Mais, pour l'instant, je ne suis pas
convaincu aujourd'hui que le registre public pourrait amener un... pourrait
être d'une utilité dans le cadre de l'aide médicale à mourir... encore une fois,
je reviens, c'est une relation patient-médecin traitant. C'est là. Et c'est... L'importance,
c'est bien plus dans le dossier médical du patient ou de la personne que dans
un registre public, là.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, surtout considérant qu'on... il faut qu'il y ait des
discussions périodiques, les volontés peuvent évoluer dans le temps, les
modalités aussi, notre perception sur notre maladie. Je pense que le fait
d'avoir des discussions fréquentes avec l'équipe médicale, ça peut difficilement
se refléter dans un registre.
M. Marsolais (Denis) : Tu
sais, il y a des personnes... je peux présumer, il y a des personnes
aujourd'hui qui reçoivent un diagnostic de maladie dégénérative, puis là qui
disent : Je veux faire une demande anticipée, je ne veux jamais me rendre
à telle situation, que le jour où mes enfants ne me reconnaissent pas, etc., je
vais me trouver en chaise roulante, peu importe... Aujourd'hui, je pense ça.
Peut-être, au fil des années — maladie d'Alzheimer, c'en est une, là — au
fil des années, je ne trouve pas ça si pire que ça, puis ce que je pensais il y
a deux ans quand j'ai formulé ma demande, bien, ma tolérance a évolué et ma
pensée a évolué... discussions avec le médecin, puis j'aurais le goût de
moduler un peu, de modifier un peu la situation x que j'ai mentionnée dans ma
demande. Je pense qu'il faut...
M. Marsolais (Denis) : ...au
fil des années, je ne trouve pas ça si pire que ça, puis ce que je pensais, il
y a deux ans, quand j'ai formulé ma demande, bien... ma tolérance a évolué et
ma pensée a évolué... discussions avec les médecins, puis j'aurais le goût de
moduler un peu, modifier la situation x que j'ai mentionnée dans ma demande
Je pense qu'il faut laisser absolument
cette possibilité-là de faire évoluer le consentement, d'un côté comme de
l'autre, avec la meilleure personne, le meilleur conseiller... bon, je dis le
médecin traitant, c'est l'équipe qui entoure aussi, je pense que le Dr
Gaudreault l'a mentionné, parce que... je n'ai pas écouté nécessairement
après-midi, mais des discussions que j'ai eues avec lui... toute l'équipe qui
entoure un médecin, là, bien... évidemment que ces personnes-là aussi ont un
contact avec certaines personnes de l'équipe. Alors, il faut vraiment qu'il y ait
du dialogue continu puis que le dialogue aussi puisse être colligé dans le
dossier médical pour laisser des traces, parce que le médecin peut prendre sa
retraite, la personne peut changer de district, puis son dossier suit. Il faut absolument
qu'il y ait des traces, et je ne pense pas, pour essayer de faire une réponse
courte quand j'en fais une longue, je ne pense pas que le registre... qu'un
registre quelconque pourrait pallier à ça. Je réponds bien à votre question?
Mme Maccarone : Oui, oui. C'est
sûr, ça répond bien à ma question, mais ce que... c'est plus dans le sens que
je cherche des précisions. Je pense que tous les membres de la commission
cherchent des précisions, et j'aurais voulu vraiment entendre votre avis en ce
qui concerne le rôle du curateur puis comment que vous voyez comment que le
curateur va soit accompagner. Puis si nos avons des changements vraiment à
faire qui sont précis afin des recommandations finales, je pense que c'est le
moment puis je pense que c'est ça que nous avons besoin d'avoir en ce qui
concerne les personnes vulnérables.
L'autre question que j'aurais, puis je
comprends que vous êtes en train de faire la réflexion, tout à fait, je pense
que nous avons du temps à peut-être revoir... Si vous avez une réflexion plus
mûre à partager avec les membres plus tard, je pense que ce serait le bienvenu,
puis ça va sûrement faire partie de notre réflexion.
• (16 h 20) •
Mais ça m'amène à... autre question
comme : Est-ce qu'il y a des... quand on parle d'autodétermination, est-ce
qu'il y a des cas où il y aura des exclusions, puis est-ce que nous devons
aussi avoir cette réflexion, à quelque part? Parce que, là, on parle de
consentement libre et éclairé, mais souvent les personnes qui sont sous la
responsabilité du curateur, bien, c'est la question que nous avions, tellement
qu'on ne va pas leur donner le droit de vote, on a plusieurs questionnements,
puis si on a cette réflexion... Puis là c'est les demandes d'avoir accès aux
soins de fin de vie. Est-ce qu'il y a des moments où nous devons avoir une
réflexion de... ces personnes ne devront pas faire partie, malgré que nous
voulions respecter une autodétermination?
M. Marsolais (Denis) :
Assurément, assurément qu'il devrait... Mais c'est les balises qui vont être
établies qui vont permettre... qui vont permettre, qui vont peut-être exclure
la possibilité...
Mme Maccarone : ...est-ce qu'il
y a des moments où nous devons avoir une réflexion de ces personnes ne devront
pas faire partie malgré que nous voulions respecter une autodétermination?
M. Marsolais (Denis) :
Assurément, assurément qu'il devrait... Mais c'est les balises qui vont être
établies qui vont permettre... qui vont peut-être exclure la possibilité pour
tel type de personne à faire une demande d'aide médicale.
Mais moi, je pense que... Comment
dirais-je? Vous dites, vous voulez avoir des précisions. Moi, la précision la
plus importante que je vous dis, que je suis en mesure de vous dire
aujourd'hui, c'est que nous, on va être le gardien de respecter les volontés de
la personne. Ça, c'est du côté du Curateur public.
Quant à établir les balises qui vont
permettre à une personne de le faire ou de ne pas le faire, moi, je pense qu'il
faut donner ouverture à le faire, mais baliser ces opportunités-là. Puis ça,
bien, c'est une équipe multidisciplinaire qui va faire en sorte de faire
certaines balises, là.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, je veux peut-être juste préciser. Ce n'est pas parce
qu'on est sous régime de protection et déclaré inapte par le tribunal qu'on est
nécessairement inapte à consentir à ses soins. Donc, à chaque fois qu'on
prodigue un soin, le médecin doit évaluer, selon les critères de la Cour
d'appel, si tu es apte à consentir à ce soin-là. Puis ça va être la même chose
pour l'aide médicale à mourir. Et ça, c'est vraiment l'équipe médicale qui va
juger si tu as l'aptitude nécessaire à donner un consentement libre et éclairé.
Donc, ça, c'est une chose. Et il y a plein de gens qui sont sous régime, qui
sont aptes à consentir à leurs soins, et d'autres ne le sont pas. Donc, ça,
c'est vraiment la base.
Pour ce qui est de la demande anticipée
puis le tiers de confiance, là, on ne parle pas de consentement substitué ici.
C'est vraiment juste lever le drapeau puis dire : Cette personne-là, elle
a formulé une demande à une certaine époque, on pense qu'elle est peut-être
rendue là puis on laisse le soin à l'équipe médicale de juger de...
Mme Maccarone : ...qui devrait
mettre en vigueur peut-être des règles modulées de façon modulée pour avoir ce
consentement, le curateur qui a un rôle à jouer à l'intérieur de ça? Parce
qu'on a entendu, c'était pour avoir des balises... vous avez dit il faut que ça
soit libre... écrit. Mais si une personne n'a pas les moyens d'écrire, est-ce
que verbal, ça y va? Tu sais, est-ce qu'on devrait avoir d'autres moyens
d'accompagnement? Puis, si oui, est-ce que le curateur a un rôle à jouer à
l'intérieur de le mettre en vigueur?
M. Marsolais (Denis) :
Assurément que le curateur est sûrement une personne qui va avoir un rôle
important dans cette démarche-là, mais ça ne sera pas le seul, parce qu'on n'a
pas toutes les expertises. On a beau avoir une équipe médicale ici... Nous,
c'est clair que, si on aura à statuer pour faire le suivi suite à une demande,
puis c'est clair qu'on va former une équipe multidisciplinaire à l'intérieur de
notre organisation, puis il va avoir un certain nombre de personnes d'expertise
qui vont évaluer est-ce que le moment est arrivé pour faire en sorte d'aviser
l'équipe soignante pour dire : Bien, ce qui a été souhaité par la
personne, le moment précis, bien, c'est le temps d'aviser l'équipe médicale.
Mais, en même temps, il faut toujours
avoir à l'esprit, et Julie l'a précisé, le consentement anticipé, le
consentement a été donné. Le reste de la démarche, c'est le tiers, là, soit le
tiers proche ou le tiers Curateur public, il ne fait...
M. Marsolais (Denis) :
...médicale. En même temps, il faut toujours avoir à l'esprit, et j'ai oublié
de le préciser, le consentement anticipé, que le consentement a été donné. Le
reste de la démarche, c'est le tiers, là, soit le tiers proche ou le tiers
Curateur public, et il ne... fait juste soulever à l'équipe soignante, au
médecin traitant que la situation qui avait été décrite dans la demande, selon
les informations qu'il a, cette situation est arrivée, et c'est le moment peut-être
de voir à l'administration de l'aide médicale à mourir. Après, là, c'est le
médecin qui va décider s'il y a une corrélation entre la situation qui est
soulevée par rapport à la situation souhaitée.
C'est pourquoi c'est tant important qu'il
y ait une communication à la base entre le patient, le demandeur et le médecin
traitant pour que le langage utilisé dans la description de la situation soit
un langage, certes, qui soit compris par le demandeur, mais aussi qui soit
clair pour le médecin traitant ou pour tout autre médecin qui aura à traiter du
suivi de cette demande-là. Moi, je pense que...
Mme Maccarone : Notarisé?
M. Marsolais (Denis) : Je ne
suis pas là, puis, écoutez, je suis un peu mal placé pour donner une opinion
là-dessus, ayant été président...
Mme Maccarone : Vous, vous
êtes mal placé? Vous êtes l'ancien...
M. Marsolais (Denis) : Non,
mais pourquoi pas? Pourquoi pas, mais je pense que...
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Ça devrait faire partie d'un éventail d'options, je pense, pour le citoyen.
M. Marsolais (Denis) : Oui.
Là, vous posez une belle question difficile à répondre, mais moi, je pense
qu'il faut... je pense que... Un acte notarié pour recevoir le consentement,
j'en suis, il n'y a pas de souci, mais quid l'évolution de la situation après,
parce que peut-être que le consentement va être modulé, et tout, ça... Je ne
suis vraiment pas dans ces modalités-là, pour l'instant, là, de la façon de le
faire, le consentement. L'important, pour moi, là, c'est qu'il y ait un
consentement éclairé, qu'on soit certain que la personne, qu'elle est soit
atteinte de maladie mentale ou de déficience intellectuelle, qu'elle puisse
faire cette demande-là si elle est en mesure de le faire puis consentir. Parce
qu'il y a plein de personnes qui ont ces pathologies-là puis qui sont en mesure
de donner un consentement aux soins. Ça reste un soin. Évidemment, c'est un
soin particulier, puis comme c'est un soin particulier quand on parle de
maladie mentale, tout particulièrement, mais il faut que ce soin-là soit
encadré avec des balises qui soient la suite d'une réflexion de l'équipe
médicale multidisciplinaire qui va faire en sorte qu'on ne fasse pas n'importe
quoi. C'est important, là.
Mais il ne faut pas brimer les gens
d'avoir la possibilité de le faire. Elles sont assez, parfois, les personnes
atteintes de maladie mentale ou de déficience intellectuelle... qui sont un peu
considérées... qui, en général, ne sont pas aptes à dire ou à donner une
opinion, que, dans la vraie vie, ce n'est pas vrai. Alors, il faut donner la
chance, cette possibilité-là si la personne est en mesure de consentir à....
Comme le consentement aux soins. Nous, il y a des gens qui sont sous notre
juridiction puis qui sont en mesure, selon le médecin, de consentir aux soins.
On n'intervient pas. On intervient seulement dans le cas...
M. Marsolais (Denis) :
...donner la chance de cette possibilité-là si la personne est en mesure de
consentir à.... comme le consentement aux soins. Nous, il y a des gens qui sont
sous notre juridiction puis qu'ils sont en mesure, selon le médecin, de
consentir aux soins. On n'intervient pas. On intervient seulement dans le cas
où cette personne-là, selon l'équipe médicale, n'est plus en mesure de
consentir aux soins.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous. Merci beaucoup pour votre présentation et votre réflexion sur
tout ça. On tenait vraiment à vous entendre. Merci d'abord de la précision, là,
ou du rappel que vous faites sur l'importance que la situation quant à
l'aptitude de la personne à consentir à ses soins doit se faire à chaque fois,
pour chaque demande et qu'il n'y a pas d'a priori qu'on doit avoir parce qu'une
personne est sous un régime de protection. C'est déjà le cas en ce moment, la
personne qui peut fluctuer dans son aptitude peut faire une demande d'aide
médicale à mourir si, quand elle le fait, elle est apte. Donc, je pense qu'il y
a encore beaucoup de pédagogie à faire dans la société par rapport à ça, pour
enlever ces stigmates-là et ce paternalisme-là. Ça fait que merci de le faire à
nouveau.
Et l'autre chose sur laquelle je vous
remercie d'emblée, au-delà, là, de la prise de position, c'est que vous êtes
très clairs, mais on voulait vous entendre là-dessus. Donc, des personnes qui
sont inaptes, en quelque sorte, de naissance, qui ont une déficience profonde,
qui ne peuvent consentir donc à aucun soin, à aucun élément de leur vie. Vous
nous dites : Jamais de consentement substitué pour ces personnes-là, donc
ça, c'est très clair.
M. Marsolais (Denis) : Tant
que je serai Curateur public, ça va être non. On ne peut pas prendre la place
de cette personne-là.
Mme
Hivon
:
Parfait. Parce que, même si certains, en théorie, pourraient dire qu'il y a une
discrimination, je comprends que vous mettez le curseur vers la protection
parce qu'il pourrait y avoir des dérives trop importantes. Parfait, c'est très
clair.
Là, je veux qu'on aille sur le tiers ou
l'équipe traitante qui serait la personne qui agite le drapeau. On a bien
compris, ce n'est pas cette personne-là qui décide, mais elle a accompagné la
personne, elle sait qu'il y a une demande anticipée qui a été faite. Donc, je
veux juste bien, là... J'ai lu votre mémoire, tout ça, là. Ce que vous nous
dites, c'est que, quand il y a un tel tiers qui est désigné dans la demande
potentielle, c'est cette personne-là qui agite le drapeau auprès de l'équipe
soignante. Quand il n'y en a pas, ça pourrait être l'équipe soignante.
Évidemment, vous dites : Nous, on pourrait peut-être jouer un rôle
là-dedans, le curateur. Mais, quand il y en a une personne de désignée, c'est
ça que je veux clarifier avec vous, là, dans votre hypothèse, il faut que ça
soit cette personne-là ou vous dites : Bien, ça pourrait aussi être
l'équipe soignante, puis on pourrait passer, ou, en tout temps, c'est la
personne qui est désignée?
• (16 h 30) •
M. Marsolais (Denis) : Encore
une fois, en prémisse de la réponse que je vais vous donner, ma plus grande
préoccupation, c'est le respect de la volonté de la personne. Donc, le monopole
donné au tiers nommé par la personne, je pense qu'il ne faut pas que cette
personne-là ait le monopole. Meilleur exemple...
16 h 30 (version non révisée)
M. Marsolais (Denis) : ...encore
une fois... la réponse que je vais vous donner, ma plus grande préoccupation,
c'est le respect de la volonté de la personne. Donc, le monopole, de donner au
tiers nommé par la personne... je pense qu'il ne faut pas que cette personne-là
ait le monopole. Meilleur exemple, je nomme ma conjointe ou je nomme, peu
importe la personne, et cette personne-là, le moment venu, elle ne veut pas.
Elle ne veut pas, pour toutes sortes de raisons éthiques, religieuses, ou, peu
importe, et là, alors que l'équipe soignante... et son consentement était très
clair... de la situation était très claire. Moi, je veux faire en sorte, autant
que faire se peut, de donner un éventail de possibilités à faire en sorte que
la volonté clairement exprimée, en toute lucidité d'une personne, puisse être
réalisée si cette situation-là arrive. Évidemment que la prémisse à tout ça,
c'est que la situation soit claire autant pour le médecin traitant que pour le
patient. C'est pour ça que l'importance qu'il y ait une connexion...
Mme
Hivon
: ...
M. Marsolais (Denis) : Oui. Et
moi, j'irais même à dire, on ne l'a pas dit dans le mémoire, que les médecins
devraient signer la demande avec le patient. Je ne vois pas… une fois que… puis
donc, s'il signe la demande, c'est qui la meilleure personne placée pour dire
que cette personne-là est capable de donner consentement? C'est son patient, et
qui constate aussi que le libellée de la situation est clair pour lui. Ça fait
que, pour les tiers, la meilleure preuve, ça serait que le médecin et le
patient signent cette demande-là. De toute façon, cette demande-là va dans le
dossier médical, et ça va suivre. Alors, je pense que si on veut blinder les
choses-là, c'est ça. Et, pour répondre plus précisément à votre question, qu'il
y ait un tiers de confiance ou qu'il y ait un proche, tant mieux, mais de faire
une hiérarchie de consentement s'il n'est pas là, puis après tu vas à là, puis
après tu vas à l'autre, moi, je pense que le sujet est trop sérieux. Et l'enjeu
de respecter la volonté d'une personne, c'est trop important pour nous que de
le limiter seulement à une personne. C'est et/ou, là, ce n'est pas… c'est
cumulatif…
Mme
Hivon
: …
M. Marsolais (Denis) : …ce
n'est pas… puis donner l'exemple des dons d'organes. O.K., je me souviens, là,
quand j'étais à la Chambre, on a fait des dons d'organes. Tout était beau, avec
le Dr Pierre Marsolais à Sacré-Coeur, puis c'était important. Puis on
pouvait même faire le don d'organes au sein d'un testament, peu importe. Bon, il
y a différentes façons… il y avait une panoplie de façons. Consentement libre
et éclairé, si jamais j'étais en mesure de… que mes organes… mon décès, là,
clinique puisse servir, c'est ça que je veux. Vous remplissez tous vos permis
de conduire, c'est avec consentement. Dans la pratique, ce qui se passe encore aujourd'hui,
là, le réflexe, c'est de demander à la famille pour voir s'ils sont d'accord.
Moi, je ne souhaiterais pas, en tout respect avec la famille, que s'il y a un consentement
libre et éclairé qu'on se sente obligé… quand c'est clair, là… Médecin a signé,
c'est consenti, tout est beau…
M. Marsolais (Denis) : …le
réflexe, c'est de demander à la famille, voir s'ils sont d'accord. Moi, je ne
souhaiterais pas, en tout respect avec la famille, que s'il y a un consentement
libre et éclairé, qu'on se sente obligés, quand c'est clair, là, médecin
assigné, c'est consenti, tout est beau, qu'on se sente obligés comme société
d'aller s'assurer que la famille est d'accord. Souvent, dans ces situations-là,
vous le savez, Mme Hivon… Véronique, qu'il y a certaines personnes qui ne
veulent même pas parler à leur famille, parce que ce n'est pas bien vu, puis
tout ça. C'est sûr que, si elle fait une demande, cette personne-là, la chose
arrive, la famille… puis si on consulte la famille, la décision, c'est de
savoir si la situation qui est décrite, qui est claire, on est là.
Mme
Hivon
:
Parfait.
M. Marsolais (Denis) : Là, ça
a l'air drastique, là, mais ce n'est pas parce que je dois ouvrir la machine à
ce qu'il y ait un nombre effarant… il faut que ce soit fait sérieusement.
Mme
Hivon
:
C'est beau. C'est parce qu'il me reste une question, puis j'ai très peu de
temps. Ça fait que je pense que c'est une nuance très, très importante. Vous
dites, en fait, le tiers, il sert à lever le drapeau, mais ce n'est pas lui qui
va se tourner vers la famille élargie pour dire : Finalement, on est-u
d'accord ou pas d'accord? C'est la personne qui l'avait demandé, c'est elle
qu'on doit suivre. En fait, vous avez amené un point, là, vous avez beaucoup
insisté sur l'évolution de la maladie, l'évolution, la fluctuation des volontés
de la personne, donc l'importance, évidemment, ça, ça va de soi, c'est déjà
dans la loi, que la personne peut changer d'idée en tout temps. Ça fait que là
vous dites, ça, c'est important, d'où l'importance qu'elle puisse en parler
périodiquement avec son médecin, on comprend ça.
Mais ça, justement, ça m'amène à quelque
chose, qui est quelque chose qui nous occupe ici, beaucoup, du moins, certains
membres de la commission, on est presque obsédé avec ça, c'est la question de
l'évaluation de la souffrance entre l'anticipation de la situation et la
situation telle qu'elle se vit. Et à la page 10 de votre mémoire, là, vous
dites bien, vous encouragez à ce que ce soit décrit, là, avec détail, la nature
des souffrances que la personne juge intolérables. Mais évidemment, on se
comprend que c'est la personne dans son anticipation qui décrit : Ça, ça,
ça, pour moi, ça n'a pas de sens. Vous savez aussi que, dans la loi, on dit
qu'il faut qu'au moment où il y a une demande d'aide médicale à mourir ou qu'on
administre la souffrance est là. Alors, je veux juste savoir si vous qui êtes
très soucieux de l'autonomie de la personne, mais, en même temps, qui
connaissez les fluctuations de la personne, certains sont venus nous
dire : La personne qui est démente, elle peut avoir une démence heureuse
en quelque sorte, on se comprend, on pourrait faire un grand débat de trois
jours là-dessus, mais elle ne témoigne pas, elle ne montre pas de signe de
souffrance perceptive évaluable objectivement.
Donc, certains me disent : Ce n'est
comme plus la même personne. Ça fait que, oui, on se fie à ce qu'elle nous a
demandé, mais est-ce qu'il faut évaluer aussi qu'il y a une souffrance, qu'elle
soit psychique ou physique, mais qu'il y en a une au moment où on donnerait
ouverture parce que les conditions sont remplies?
M. Marsolais (Denis) : Bien,
si, moi, aujourd'hui, je vous dis : Si jamais j'arrive à telle situation,
que j'ai une maladie dégénérative, d'abord, c'est le premier critère, il faut
d'abord que j'aie une maladie…
Mme
Hivon
: …qui
a une souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, mais qu'il y en a une au
moment où on donnerait ouverture parce que les conditions sont remplies.
M. Marsolais (Denis) : Bien,
si moi, aujourd'hui, je vous dis : Si jamais j'arrive à telle situation,
que j'ai une maladie dégénérative… D'abord, c'est le premier critère, il faut
d'abord que j'aie une maladie dégénérative, et que je dis : Si jamais
j'arrive au jour où je ne suis plus capable de reconnaître mes enfants, je suis
alité, je ne suis plus capable de me nourrir, etc., puis évidemment que le
médecin va m'aider à capsuler ça pour que ça soit clair, bien, à ce moment-là,
moi, j'aimerais qu'on… j'aimerais, parce que je ne suis plus là. Probablement
que je vais être… je vais avoir de la démence à ce moment-là. Démence heureuse…
Bien, moi… il y en a des gens qui,
psychologiquement parlant, d'être inconscients, là, d'une démence heureuse, eux
autres disent : Bien, de toute façon, je ne le sentirai pas, il n'y a pas
de problème. Mais, encore là, ça va être l'évaluation du médecin qui va être en
mesure d'évaluer ce que la personne avait décrit dans sa demande. L'importance
de la révision périodiquement de ça, c'est que ma pensée, dans deux ans, peut
changer avec l'évolution de ma maladie, et c'est là que c'est important.
C'est pour ça qu'un registre avec une
demande x… Moi, je pense que c'est le dossier médical qui est le coeur… qui est
le nerf de la guerre là-dedans. Puis c'est ça, vraiment, qui est l'entité, qui
est la source d'information la plus importante à conserver parce qu'il y a une
pérennité dans le dossier de santé aussi. Julie?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Il y a aussi toute une notion de… pour plusieurs personnes, en tout cas, de
mourir dans une certaine dignité. Donc, je sais qu'il y a un débat sur la
démence heureuse, si elle est réellement heureuse ou pas, là. Moi, je ne suis
pas experte en médecine pour trancher cette question-là, mais je pense qu'on
est capable, quand même, comme personne, d'anticiper des situations où on se
dit : Moi, je ne veux pas me rendre jusqu'à ce point-là.
Mme
Hivon
: En
terminant, je vais juste vous soumettre… C'est juste que c'est un vrai débat
existentiel et social, parce que là vous avez énuméré une liste d'éléments,
mais si quelqu'un disait : Moi, dès que je ne reconnais plus mes enfants,
par exemple, je veux l'aide médicale à mourir, on est loin de la situation où
elle est grabataire, où elle est alitée, où elle n'est plus capable de se
nourrir. Donc, c'est ça que nous… c'est pour ça qu'on vous pousse dans ces questions-là,
parce que c'est une question très difficile. Est-ce que c'est la mort sur
demande au moment qui a été demandé ou c'est l'anticipation avec des critères
de souffrance?
M. Marsolais (Denis) : Vous avez
entièrement raison, parce que ce n'est pas simple, d'où est l'importance de la
discussion avec son médecin traitant. Parce que le médecin traitant, lui, va
être en mesure d'allumer des lumières rouges puis de dire : Oui, bien,
peut-être, etc. Mais je pense que toutes les réponses sont bonnes dans ce type
de questionnement là, il faut juste mettre une ligne en quelque part mais une
ligne qui soit acceptable au plan sociétal… avec la société. Alors, il ne faut
pas que ça soit trop large, mais il ne faut pas que ça soit restrictif. Puis il
faut surtout être en mesure de respecter la volonté de la personne, en autant
que ses volontés soient assez précises et acceptables pour qu'on puisse
procéder…
M. Marsolais (Denis) :
...alors, il ne faut pas que ça soit soit grave puis il ne faut pas que ça soit
restrictif et il faut surtout être en mesure de respecter la volonté de la
personne, en autant que ses volontés soient assez précises et acceptables qu'on
puisse procéder à l'administration de l'aide médicale à mourir où besoin est.
• (16 h 40) •
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Et que ça rentre dans le critère de souffrances physiques
puis psychiques constantes et insupportables.
M. Marsolais (Denis) : Oui.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Il faut quand même rentrer dans les critères de la loi.
Est-ce que le fait de ne plus reconnaître ses enfants seulement, dans le fond,
c'est un critère?
M. Marsolais (Denis) : Je ne
suis pas capable de répondre à ça, mais on parle d'existentiel, là. Le rapport
des experts a parlé, je pense, d'existentiel. Ça fait que ça va être une bonne
définition dans la loi.
Une voix : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je cèderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
Mme la Présidente. Merci à vous deux, merci d'être là en ce vendredi après-midi.
Bon, j'ai... Écoutez, j'ai entendu les questions
qui ont été posées, tout ce que vous avez pu expliquer. Moi, j'aurais une question,
parce qu'en fait, c'est sûr et certain le rôle que le Curateur public, jusqu'à
quel point le curateur a des droits par rapport à la famille et je sais aussi
parfois que c'est la famille qui est le curateur, dans certains cas. En tout
cas, si ce n'est pas exact, vous le réexpliquerez comme il faut.
Dans les cas où est-ce qui a des gens qui
n'ont pas de famille, ou la famille n'est pas présente, bien c'est vraiment le Curateur
public qui a la gestion de la personne, lorsqu'il arrive une situation mais
c'est le médecin qui doit prendre, en fait, la décision, mais qu'il y a encore
un doute sur ce que le patient voulait, il y a plusieurs personnes qui nous
ont recommandé d'avoir un comité, une table nationale d'experts qui, justement,
pour aider, épauler le médecin, là, dans la prise de décision. Je voulais
savoir ce que vous en pensez de cet angle-là. Je le sais que je sors un «peut-être»
de droite mais ce n'est pas grave, on...
Vous êtes quand même un Curateur public du
Québec puis c'est venu à plusieurs reprises... donc, les gens qui n'ont pas de
familles, qui n'ont pas… qui sont… que c'est vous dont vous avez la
responsabilité, bien qui demande, exemple, l'aide médicale à mourir, puis que
le médecin a des doutes, alors, là, il y a des interventions de votre part.
Donc, j'aimerais ça avoir votre point de vue là-dessus, un peu, là, sur cette
table...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
…donc, les gens qui n'ont pas de familles, qui n'ont pas… qui sont… que c'est
vous dont vous avez la responsabilité, bien qui demande, exemple, l'aide
médicale à mourir, puis que le médecin a des doutes, alors, là, il y a des
interventions de votre part. Donc, j'aimerais ça avoir votre point de vue
là-dessus, un peu, là, sur cette table-là d'experts, provinciale.
M. Marsolais (Denis) : Écoutez,
vous parlez d'une personne isolée qui n'a pas de proches, puis que l'équipe
médicale qui est là, et que la situation a été… la situation que cette personne-là
a décrite, au moment où elle était apte, elle est devenue inapte, puis on est
arrivé là. Le médecin considère que cette situation-là n'est pas exactement, on
n'est pas rendu à ce stade-là. C'est ça votre question?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, bien, en fait, c'est que quand le médecin a encore des doutes. La personne
l'avait demandé, mais il a encore des doutes. Puis il y a plusieurs personnes
qui ont intervenu, des spécialistes, des médecins puis qui recommandent une
table d'experts pour valider, épauler le médecin dans la décision quand il a
encore des doutes.
M. Marsolais (Denis) : Moi, je
pense que, d'abord, ultimement, la décision appartient au médecin. Si le
médecin n'est pas en mesure de prendre une décision parce que ce n'est pas
clair ou qu'il a besoin de faire appel à un expert. Parce qu'un médecin de
famille, par exemple, il peut avoir des connaissances bien pointues, bien
précises, notamment, concernant la maladie mentale. Mais, il…
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Excusez-moi, excusez-moi, je vais repréciser plus ma question. C'est qu'il
aurait des doutes par rapport à l'admissibilité du patient. Désolé, je n'ai
pas… j'aurais dû éclairer… j'ai manqué…
M. Marsolais (Denis) : Mais je
vous avais compris dans ce sens-là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, éclairer l'admissibilité du patient.
M. Marsolais (Denis) :
L'admissibilité au patient de recevoir l'aide médicale à mourir?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. Désolé, monsieur et madame, là.
M. Marsolais (Denis) : Pas de
soucis, on est là pour ça. Puis ce n'est pas… Les certitudes, je vous l'ai dit
dans mon allocution, ça n'a pas leurs places aujourd'hui, là. Je pense qu'on
est tous un peu en mode exploratoire, on a tous des opinions, mais je pense que
ces opinions-là vont évoluer avec le temps, assurément.
Bon, moi, le cas où le médecin ne sait pas
trop puis il ne veut pas se prononcer parce que ce n'est pas clair dans sa
tête, même si… par rapport à la situation décrite, la situation actuelle. Bien,
je pense que… qu'une table nationale, je ne le sais pas, j'en sais trop, là, je
pense qu'il ne faut pas… C'est assez complexe comme ça, je ne suis pas sûr
qu'une table nationale, ça serait nécessaire. Mais qu'il y ait une équipe qui
soit… une équipe multidisciplinaire qui soit en mesure de… pas réviser parce
qu'il n'y a pas eu une décision du médecin, mais de faire une recommandation au
médecin, supplémentaire, pour le conforter dans sa prise de position ou le
conforter dans son indécision. Bien, je pense qu'à ce moment-là, il faut faire
appel à un groupe tiers d'experts, pas n'importe qui… une expertise certaine
dans différents domaines. Et si on est dans, par exemple, dans une… dans un cas
d'une personne qui est atteinte de maladie mentale, par exemple, bien
assurément qu'il y a des experts qui ont une expertise très pointue concernant
ce domaine de… ce domaine, pas de droit, mais ce domaine médical là…
M. Marsolais (Denis) : …il y
aura une expertise certaine dans différents domaines, et si on est dans, par
exemple, dans une… dans un cas d'une personne qui est atteinte de maladie
mentale, par exemple, bien, assurément qu'il y a des experts qui ont une
expertise très pointue concernant ce domaine de… ce domaine… pas de droit, mais
ce domaine médical là, et donc, à ce moment-là, il pourra y faire référence.
Mais au moment où on se parle, M. Girard, tout est ouvert, là. L'important,
c'est de donner des voies d'accès pour permettre à un médecin qui n'est pas
trop sûr d'avoir… d'être supporté par une équipe, puis je pense que le Collège
des médecins serait très favorable à ça aussi, parce qu'on n'a pas… tous les
médecins n'ont pas toute la même expertise dans tous les domaines, comme tous
les juristes n'ont pas toute la même expertise dans tous les domaines de droit.
Ça fait que le parallèle… je pense que ça serait important de faire… Une table
nationale? Je ne le sais pas, mais assurément une équipe multidisciplinaire.
Assurément.
Mais la question qui se pose davantage,
puis… d'avoir la question, mais je vais… la poser… Si le médecin ne veut pas,
si le médecin ne veut pas, puis le tiers de confiance, là, qui est nommé, lui,
il dit : On est vraiment rendus là. Là, certains ont parlé, bien, là, à ce
moment-là on pourrait s'adresser aux tribunaux pour… Moi, je ne suis pas très
favorable à ça. On travaille activement, le système de justice, pour
déjudiciariser, pour faire en sorte de donner une plus grande accessibilité,
puis ne pas compliquer les affaires. Moi, je pense qu'à ce moment-là, la loi à
venir devrait prévoir un mécanisme d'arbitrage, là — je ne parlerais
pas d'arbitrage dans ce contexte-là — mais un mécanisme auquel on
pourrait faire référence. Peut-être au même groupe externe qu'on parlait
tantôt, là, l'équipe multidisciplinaire, qui pourrait faire une révision du
refus du médecin, puis de soit dire après, mais pas une seule personne, une
équipe, vraiment, là, dire, bien : Le médecin est d'accord de ne pas
vouloir parce qu'on n'est pas rendus à notre situation qui était décrite, ou la
situation qui était décrite par… n'est pas assez claire pour qu'il n'y ait pas
à avoir un consentement du médecin clair, ou il a tort. Mais essayez
d'éviter — puis je suis sûr que Me Véronique Hivon va être d'accord
avec moi — essayez d'éviter, dans la réflexion de la loi, qu'on soit…
qu'on ait le réflexe que, si ça ne marche pas, on doit aller devant les
tribunaux. …écarter complètement, mais il faut trouver des mesures alternatives
de résolution des conflits, là, parce qu'il y aurait un conflit entre
l'appréciation de la personne tierce, puis le corps médical.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Je trouve ça intéressant, parce que c'était ça que je voulais vous poser,
puis vous m'avez devancé complètement.
M. Marsolais (Denis) :
…passer.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Quand le médecin ne veut pas, puis quand on parle d'un tiers, mais des fois le
tiers ce n'est pas la famille, puis on sait que des fois il y a des gens qui
n'ont pas… tu sais, qui ont des familles, mais qui n'ont pas… tu sais, ils sont
sous curateur public puis la famille n'est pas là, mais moi, je voudrais
savoir, quelqu'un qui ne veut pas le dire à sa famille, est-ce qu'il va…
M. Marsolais (Denis) : …
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Est-ce qu'ils vont être… devant le fait accompli quand même, ou…
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
…la famille, puis on sait, des fois, il y a des gens qui n'ont pas… tu sais,
qui ont des familles, mais qui n'ont pas… tu sais, ils sont sur Curateur public,
puis la famille n'est pas là. Mais, moi, j'aimerais savoir, quelqu'un qui ne
veut pas le dire à sa famille, est-ce qu'il va être avisé devant le fait
accompli quand même ou…
M. Marsolais (Denis) : Le
tiers, là, sa seule responsabilité, hein, la seule chose que la loi va lui
donner, présumément, c'est de, comme disait tantôt quelqu'un, de lever le
drapeau. Parce que le consentement, là, il est déjà donné, il ne consent rien
le tiers. Il fait juste lever le… bien, juste… il fait lever le drapeau, il
veille à ce que lorsque la situation qui est décrite, qui est connue du tiers,
j'espère, que lorsque cette situation-là arrive, si l'équipe autour, qui
entoure le patient et tout, est moins alerte, peu importe les raisons, à lever
le drapeau. Puis à dire au corps médical : Je pense qu'on est rendu là.
Mais, le tiers n'a pas à dire je suis d'accord, je ne suis pas d'accord, là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Non, non, mais il va être informé après?
M. Marsolais (Denis) : Bien,
oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K., je vais laisser… Je vais terminer là. Je pense que j'ai des collègues qui
ont des questions.
M. Marsolais (Denis) : Ça fait
plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci chers collègues. Bien, oui, je vais prendre la balle au bond. Ça m'a fait
un peu sourciller, tout à l'heure, quand vous avez dit… parce qu'au niveau des
équipes de soins, il y a plusieurs idées qui s'affrontent de dire : Bien,
on inclut un membre de la famille ou on n'inclut pas un membre de la famille,
où, vous, vous nous dites de ne pas inclure un membre de la famille. Mais là où
j'ai sourcillé, c'est quand vous avez dit qu'ils ne sont pas obligés d'être
avisés, donc on pourrait procéder à l'aide médicale à mourir, et aviser la
famille juste après? J'ai besoin de vous entendre là-dessus.
M. Marsolais (Denis) : Vous
m'avez mal compris, là. Vraiment mal compris, ce n'est pas ça que j'ai dit.
Julie, vas-y donc.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Non, évidemment que c'est un cheminement que tout le monde
fait ensemble. Je pense que le cas que Denis soulevait, c'est s'il y a
discordance au sein de la famille, puis je pense que c'est des cas très, très,
rare…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : …de faire… la volonté de la personne d'abord. Mais il n'est
aucunement question de ne pas…
M. Marsolais (Denis) : … de
cacher ça à la famille, absolument pas.
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va chercher un consensus?
• (16 h 50) •
M. Marsolais (Denis) :
Consensus sur quoi?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sur, en fait, la décision si…
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Le consentement est déjà donné.
La Présidente (Mme Guillemette) :
…le consentement est donné?
M. Marsolais (Denis) : Le
consensus, là, en fait, l'approbation… la décision d'administrer l'aide
médicale à mourir, dans le cadre d'une demande anticipée, là, le consentement
est déjà donné, la situation est claire. Il y a quelqu'un qui est mentionné
dans la demande… le tiers de confiance, on peut l'appeler comme ça, un proche,
peu importe, pour veiller au grain puis pouvoir être sûr que les volontés de ma
mère, là, que moi, là, je vais m'assurer que le jour où la situation va
arriver, parce que je suis plus proche puis je vais être en mesure de… puis je
l'accompagne quand on va voir le médecin et tout. Ça fait que je dis… :
N'oubliez pas, il y a une demande d'aide médicale à mourir, puis je pense qu'on
est rendu là…
M. Marsolais (Denis) : … le
tiers de confiance, on peut l'appeler comme ça, un proche, peu importe, pour
veiller au grain puis pouvoir être sûr que les volontés de ma mère, là, que
moi, là, je vais m'assurer que le jour où la situation va arriver, parce que je
suis plus proche puis je vais être en mesure de… puis je l'accompagne quand on
va voir le médecin et tout. Ça fait que je dis… : N'oubliez pas, il y a
une demande d'aide médicale à mourir, puis je pense qu'on est rendu là. À mon
humble avis, là, puis avec toute la déférence que je peux avoir en termes de la
famille, puis je me mets là-dedans, j'ai déjà vécu une situation semblable, la
décision, rendue là, de savoir la corrélation de la situation décrite non souhaitée
et la situation arrivée, c'est le médecin. Sinon, pourquoi faire des demandes
anticipées?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Marsolais (Denis) : Sinon,
ça n'a pas de sens de faire des demandes anticipées. Un consentement anticipé,
ça dit ce que ça dit : Je consens à l'avance parce que j'ai une maladie
dégénérative, qui va forcément m'arriver à in extremis, puis je suis alzheimer
à une situation x si j'arrive au degré sept. Écoutez, je dis ça, puis je ne
connais rien là-dedans, là. Mais, au degré sept de l'alzheimer, si c'est ça,
puis degré sept, c'est que je vais être comme personne humaine? Je ne veux pas
être là. Bien, consentement anticipé. Puis, c'est important, évidemment… puis
habituellement ça va être comme ça aussi, là, que je vais informer mes membres
de la famille ou ma mère va nous informer, tous les enfants, pour nous
dire : Si jamais j'arriver là puis… Écoutez, moi, je connais une personne,
il y a plusieurs années, qui était atteinte d'une maladie dégénérative importante.
Puis qui disait, c'est un de mes amis, qui disait : Écoute, Denis, si
jamais j'arrive là, je ne veux pas être là. C'est-u clair? Je ne veux pas être
là. Mais cette personne-là sur le bord d'arriver là, bien, elle a fait
autrement pour ne pas arriver là. Alors, quand… si cette même personne-là… puis
peut-être cette personne-là, s'il y avait eu des demandes anticipées, là, hein,
elle n'aurait peut-être pas posé ce geste-là à ce moment-là. Elle aurait peut-être
fait un an, deux ans, trois ans, quatre ans. Moi, ça me touche. C'est tout.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup pour la précision. Donc, avec votre intervention, ça met
fin à la première phase des travaux de la commission. Je vous remercie, encore
une fois, au nom de tous les membres de la commission, de votre présence cet
après-midi. Ça a été très éclairant pour nous. Donc, avant d'ajourner les
travaux, je dépose les mémoires des personnes et des organismes, qui n'ont pas
été entendus. Je vous remercie tout le monde de votre collaboration.
Et, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux pour se réunir en séance de travail dans quelques minutes.
Merci encore, Me Marsolais, Me Baillargeon-Lavergne.
M. Marsolais (Denis) : Merci
de votre attention.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Merci.
M. Marsolais (Denis) : Puis on
sera toujours là pour continuer à réfléchir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
(Fin de la séance à 16 h 54)