Journal des débats de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
lundi 9 août 2021
-
Vol. 45 N° 8
Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
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13 h (version non révisée)
(Treize heures vingt-trois minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde et bienvenue à la commission spéciale sur l'évolution concernant les
soins de fin de vie. Avant de commencer officiellement la captation… donc, ça,
ce bout-là, on l'a déjà fait avec vous, M. Blain.
Donc, nous accueillons maintenant Les
Usagers de la santé du Québec avec son représentant, M. Pierre Blain,
président-directeur général. Donc, M. Blain, merci d'être avec nous cet
après-midi. Je vous cède la parole. Donc, vous avez 10 minutes pour nous
faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission d'une période de 35 minutes. Je vous cède maintenant la
parole.
M. Blain (Pierre) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mmes les députées, MM. les députés, c'est la…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…avec nous cet après-midi. Je vous cède la parole, donc vous avez
10 minutes pour nous faire votre exposé, et par la suite il y aura un
échange avec les membres de la commission, d'une période de 35 minutes. Je
vous cède maintenant la parole.
M. Blain (Pierre) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mmes les députées, MM. les députés,
c'est la troisième fois que je me présente devant vous pour exprimer les
souhaits des Usagers de la santé du Québec et mes réflexions sur l'aide
médicale à mourir. Les Usagers de la santé du Québec vous expriment ce que nous
entendons des usagers et ce qu'ils nous demandent de vous transmettre. Nous
exprimons les craintes de personnes handicapées qui ne voudraient pas être
contraintes de la subir s'ils n'expriment pas clairement leurs intentions. Nous
exprimons aussi les sentiments de personnes qui ne voudraient pas vivre la
déchéance de ne plus être vivantes sans en avoir les bienfaits.
L'usager, en tant que personne libre, a le
droit de demander l'aide médicale à mourir comme l'ont reconnu les tribunaux.
Les usagers ont des droits et doivent pouvoir les faire valoir, y compris dans
l'aide médicale à mourir.
Votre document de réflexion nous demande
de nous prononcer sur les enjeux soulevés par l'élargissement potentiel de
l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude ou celles
dont le seul problème médical est un trouble mental. Vous comprendrez que ces
deux enjeux ne sont pas du tout… sont différents et demandent des réponses
différentes.
Suite au jugement de la cause Truchon et
Gladu, le Parlement fédéral a revu sa loi. Encore une fois, il est apparu,
malheureusement, des disparités entre la loi fédérale et la loi provinciale
votée par l'Assemblée nationale. En effet, malgré la recommandation du groupe
d'experts mandaté par le ministre de la Santé qui proposait que l'aide médicale
à mourir soit administrée même si l'usager devenait inapte entre le moment de
l'acceptation de la demande et le moment de l'administration, il a fallu une
disposition spéciale pour que cela puisse s'appliquer au Québec.
D'autres points divergent entre la loi
fédérale et la loi adoptée par… celle du Québec. Nous recommandons donc que le
Québec harmonise sa loi pour correspondre à la loi fédérale afin d'éviter toute
confusion. Je ne vous dis pas que la loi fédérale est la meilleure, entre
autres, avec le délai de 10 jours qui doive s'appliquer entre
l'administration, ce que… ce n'est pas ça que je vous dis. Mais au moins, il faut
faire en sorte que, dans la majorité des cas, nous puissions avoir… qu'on… que
ça puisse être un peu semblant.
D'ailleurs, si nous vous donnons cet
exemple, c'est pour soulever que les critères d'admission à l'aide médicale à
mourir demeurent encore très flous et sujets à interprétation des médecins, des
infirmiers et des infirmières ou de l'administration. L'avis des experts
diverge sur la notion d'inaptitude car leur avis se base sur des critères
différents. Pour le Curateur public, une personne est inapte lorsqu'elle est
incapable de prendre soin d'elle-même ou d'administrer ses biens. Le Collège
des médecins met de l'avant l'aptitude à consentir aux soins. Le consentement
doit être libre, éclairé et donné à une fin spécifique. Pour Les Usagers de la
santé du Québec, ces notions d'inaptitude n'ont rien à voir avec le droit de
l'usager de faire respecter ses droits, même en cas d'inaptitude. En effet, les
travaux de cette commission est…
M. Blain (Pierre) : …de
l'avant l'aptitude à consentir aux soins. Le consentement doit être libre,
éclairé et donné à une fin spécifique. Pour Les Usagers de la santé du Québec,
ces notions d'inaptitudes n'ont rien avoir avec le droit de l'usager de faire
respecter ses droits, même en cas d'inaptitude. En effet, les travaux de cette commission
est d'établir si une personne qui a exprimé ses volontés de demander l'aide
médicale à mourir en cas d'inaptitude pourrait être admissible à l'aide
médicale à mourir. Les jugements des tribunaux et la loi fédérale ont ouvert la
porte à une interprétation beaucoup plus large de ce qui pourrait être
admissible comme critères pour demander l'aide médicale à mourir. Ainsi la
notion de fin de vie est disparue jusqu'à un certain point. Pour nous, l'usager
a le droit d'être déterminé à l'avance ses volontés de recevoir l'aide médicale
à mourir lorsqu'il sera inapte. La loi devrait donc lui permettre cette possibilité.
Nous recommandons donc que la loi sur l'aide médicale à mourir reconnaisse les
domaines d'aide médicale à mourir anticipée.
La première implication que vous avez en
tant que législateurs, c'est de protéger les plus vulnérables. Par contre,
c'est que, seules les personnes qui auraient exprimé clairement leur volonté de
demander l'aide médicale à mourir dans un document pourraient y être
admissibles. Cela exclut donc les personnes qui n'auraient pas consigné leurs
volontés, les mineurs et les personnes inaptes de facto. Nous avons tous été
émus récemment, bien sûr, par l'appel de grands-parents qui souhaitaient que
leur petit-fils né avec une condition médicale difficile puisse recevoir l'aide
médicale à mourir. Malgré notre sympathie, nous ne croyons pas que cela devrait
permis. Et le cas Latimer illustre assez bien la situation. Il en est de même
pour les personnes handicapées.
Par conséquent, seules les personnes aptes
pourraient signer une demande d'aide médicale à mourir anticipée. Cette demande
devrait se retrouver dans un registre facilement accessible. Il existe déjà, au
Québec, un registre sur les directives médicales… Et, à notre avis, ce registre
devrait également inclure les demandes d'aide médicale anticipées. Et nous
reviendrons plus tard, bien sûr, sur les modalités. Un seul registre éviterait
toute confusion. C'est pourquoi nous recommandons donc que le Registre des directives
médicales anticipées inclue également les demandes d'aide médicale à mourir
anticipées.
Qu'en est-il des mineurs? Pourraient-ils
faire une demande d'aide médicale? Dans leur cas, il ne s'agirait pas d'une
demande anticipée puisqu'ils sont déjà là. Un mineur peut être émancipé,
toutefois, s'il l'est, il pourrait faire une demande. Dans tous les autres cas,
nous ne croyons pas que les mineurs devraient être autorisés.
• (13 h 30) •
Toutefois, maintenant, on doit parler d'un
processus. Quand devrions-nous enclencher? Protéger les plus vulnérables
consiste également à s'assurer du processus qui conduira à l'exécution de la
demande d'aide médicale à mourir anticipée. Votre dilemme en tant que
législateurs sera de déterminer quand on enclenchera l'aide médicale à mourir
anticipée. Cela soulève de très nombreuses questions, et est, en réalité, au
coeur de cette commission. Il y a d'ailleurs deux aspects à considérer…
13 h 30 (version non révisée)
M. Blain (Pierre) : …d'aide
médicale à mourir anticipée. Votre dilemme en tant que législateurs sera de
déterminer quand on enclenchera l'aide médicale à mourir anticipée, cela
soulève de très nombreuses questions et est, en réalité, au coeur de cette
commission. Il y a d'ailleurs deux aspects à considérer : Qui enclenche et
quand? Si je vous pose… si je vous donne ces choses-là, c'est parce qu'on a…
j'ai eu dans ma vie à prendre une décision semblable, et pour moi, ce qui est
important, c'est le respect de la personne et aussi le respect de sa volonté.
Les experts s'entendent généralement sur
le fait que les personnes rendues au stade sept de la maladie d'Alzheimer n'ont
plus vraiment conscience de la réalité, c'est la seule certitude que nous
avons. Certains s'interrogent : Doit-on donner l'aide médicale à mourir à
une personne inapte et qui ne semble pas souffrir? Pour moi, c'est de la
rhétorique, il faut plutôt respecter la volonté de la personne.
Mais quand déclencher le processus et qui
devrait le faire? Tout devrait se retrouver, à notre avis, dans la demande
d'aide médicale à mourir anticipée. Il faut que la personne qui signe ce
document puisse identifier un mandataire qui agira en son nom lorsqu'elle le
jugera nécessaire. Ce mandataire devrait obligatoirement accepter cette charge
et signer également le document. Sans mandataire, il ne devrait pas y avoir
d'aide médicale à mourir. Le mandataire devient la personne qui enclenche la
demande d'aide médicale à mourir au nom de la personne inapte. Et, j'insiste,
il est hors de question pour nous que l'équipe soignante ou un de ses membres
puisse enclencher le processus. Nous recommandons donc que la personne signe
une demande et désigne un mandataire, et nous recommandons que le mandataire
désigné accepte sa charge et signe la demande d'aide médicale à mourir.
De plus, il faut aussi prévoir un
mécanisme au cas où le mandataire ne pourrait plus exercer sa charge. Si la
personne a signé la demande est toujours apte, elle pourrait désigner une autre
personne. En cas d'inaptitude, je pense que le mandataire pourrait lui-même
désigner une autre personne. Et surtout le mandataire devrait être présent tout
au long du processus qui conduira à une demande d'aide médicale anticipée.
L'équipe médicale posera un diagnostic qui influencera le mandataire à
enclencher le processus de demande d'aide médicale à mourir.
Naturellement, vous qui êtes avocats dans
beaucoup de cas, vous allez sûrement me dire : Oui, mais le Code civil
fait en sorte que la famille… etc. Vous avez tout à fait raison, et c'est pour
ça que je suggère qu'il y ait plutôt un mandataire, parce que les chicanes
peuvent commencer à s'exercer dans les familles pour dire : Oui, on
devrait, non, on ne devrait pas. Par conséquent, si on veut que la
responsabilité d'une personne soit… la volonté d'une personne soit respectée,
bien, il faut qu'il y ait une seule personne qui puisse prendre la décision au
moment opportun.
Et nous suggérons que l'ajout d'un
organisme extérieur indépendant dans le processus qui conduire à l'aide
médicale à mourir devrait être une façon de faire. Nous…
M. Blain (Pierre) : …volonté
d'une personne soit respectée, bien, il faut qu'il y ait une seule personne qui
puisse prendre la décision au moment opportun. Et nous suggérons que l'ajout
d'un organisme extérieur indépendant, dans le processus qui conduira à l'aide
médicale à mourir, devrait être une façon de faire. Nous pensons que ce regard
extérieur… parce que jusqu'à présent, les usagers ont des défenseurs un peu
partout, jusqu'à présent, il n'y en a aucun dans le cas des personnes qui
enclenchent l'aide médicale à mourir.
Je vais aller rapidement, parce qu'il
reste l'autre partie, qui est la partie maladie mentale. Présentement, l'aide
médicale à mourir n'est pas vraiment fermée aux personnes présentant des
troubles de maladie mentale. En effet, plusieurs personnes y ont eu recours. Il
y a une différence, bien sûr, entre santé mentale et maladie mentale. La
maladie mentale couvre plusieurs diagnostics qui ne se ressemblent pas et qui
peuvent même s'opposer. Sur le site du gouvernement du Québec, on retrouve une
définition de la santé mentale… de la maladie mentale, plutôt : «La
maladie mentale se définit par des changements qui affectent la pensée,
l'humour… l'humeur ou le comportement d'une personne et qui lui causent de la
détresse ou de la souffrance.» Je crois que la réponse à vos interrogations se
retrouve dans cette définition. En effet, si la condition d'une personne en est
une de souffrance, nous croyons que cette personne devrait être admissible à l'aide
médicale à mourir. D'ailleurs, c'est une des conditions qui s'appliquent lors
de la demande d'acceptation de l'aide médicale à mourir.
Nous croyons, d'ailleurs, que ça a… c'est
l'avenue qui a été privilégiée dans tous les cas jusqu'à présent. Un psychiatre
devrait-il établir un diagnostic? C'est aux médecins à décider entre eux.
Chacun a sa spécialité, toutefois, la prise en charge d'un médecin est
normalement faite par son médecin traitant. Si ce besoin… ce dernier a besoin
d'un avis, il pourrait le demander, d'ailleurs, la loi actuelle indique qu'un
deuxième avis médical est nécessaire. Par conséquent, nous croyons qu'il serait
difficile, sinon impossible, pour cette commission de trancher. La loi
actuelle, et surtout celle qui a été revue pour répondre aux jugements des
tribunaux, couvre la problématique de santé mentale.
Nous n'aborderons pas les idées
suicidaires car nous n'en avons pas la compétence. Répondent-elles aux critères
de la loi? À vous d'en juger dans votre sagesse et dans… et votre avis… et les
avis d'experts.
Merci, Mmes et MM. Merci, Madame la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Blain.
Donc, avant de continuer avec les
questions venant des membres de la commission, je fais un petit retour en
arrière, donc, pour le bien de la télédiffusion. La commission est réunie aujourd'hui,
virtuellement, afin de procéder aux consultations particulières et aux
auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de
vie. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire
: Non,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Et j'aimerais avoir le consentement pour permettre au député de Chomedey
de pouvoir participer aux séances.
Des voix
: …
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ça va à tous? Donc, nous passons maintenant à la…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Et j'aimerais avoir le consentement pour permettre au député de Chomedey
de pouvoir participer aux séances. Ça va, tous?
Donc, nous passons maintenant à la
discussion avec les membres de la commission. Est-ce que… Bien, en fait, je
vais y aller si je peux me permettre. M. Blain, merci de votre
présentation aujourd'hui. Vous êtes la voix des usagers, donc c'est d'autant
plus important pour nous. Vous parliez d'au niveau de l'alzheimer. Au niveau de
l'alzheimer, c'est facile parce qu'il y a le stade sept. C'est plus cadré.
Mais, si on parle d'autres troubles cognitifs qui ne sont pas aussi bien
définis, de laisser un membre de la famille ou un mandataire seul prendre cette
décision-là, est-ce que vous ne trouvez pas que c'est lourd? Est-ce qu'on ne
devrait pas le… qu'il soit accompagné par une équipe médicale pour ne pas qu'il
sente cette charge-là toute sur ses épaules?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
tout à fait raison, Mme la Présidente, et c'est entendu qu'il faut que l'équipe
médicale assiste tout au long du processus. Mais, comme je vous ai dit, le
problème vient du fait du moment qu'on va déterminer. Dans beaucoup de cas,
plusieurs personnes disent : C'est quand je ne reconnaîtrai plus les
miens. Personnellement, je ne pense pas que c'est la bonne façon de le faire.
Donc, quand vous parlez de troubles cognitifs autres, vous avez tout à fait
raison. La seule, en réalité, qui amène la mort jusqu'à un certain point, c'est
l'alzheimer. J'ai rencontré énormément d'experts, j'ai assisté à énormément de
conférences et, comme vous le savez, bon, j'ai un peu d'expérience dans ce
domaine-là, et c'est ça qui m'amène à dire, je préfère faire très attention, et
j'aimerais mieux qu'une seule personne prenne la décision.
Le problème qui est soulevé, cependant,
c'est : Est-ce qu'il n'y aura pas d'autres considérations extérieures?
Genre, ça coûte trop cher de garder quelqu'un, etc., vaut mieux… Et l'autre
problème que j'entrevois aussi, c'est plutôt la douleur que la personne a
elle-même, pas la personne qui a demandé l'aide médicale à mourir, souvent,
c'est la personne qui dit : Ah! moi, ça me fait trop souffrir de la voir
dans cet état-là. Donc, je pense que c'est préférable que ce soit une seule
personne qui prenne une décision semblable, le mandataire, mais, bien sûr,
conseillé par une équipe médicale.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Je crois que j'ai le député de Mégantic. Je vous cède la
parole.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. M. Blain…
M. Blain (Pierre) : …que ce
soit une seule personne qui prenne une décision semblable, le mandataire, mais bien
sûr conseillé par une équipe médicale.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Je crois, j'ai le député de Mégantic. Je vous cède la parole.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. M. Blain, bonjour. Je veux revenir, là, sur votre
présentation, là, parler de demandes anticipées. Est-ce que, votre demande
anticipée, vous la faites avant la maladie ou au moment de la maladie… au
moment que la maladie a commencé?
M. Blain (Pierre) :
Excusez-moi, j'ai manqué la fin, j'ai fait un mouvement brusque.
• (13 h 40) •
M. Jacques : Il n'y a pas de problème.
Ce que je disais, on parle de demandes anticipées. Est-ce que la demande
anticipée se fait au moment de l'apparition de la maladie ou elle peut se faire
avant l'apparition d'une maladie?
M. Blain (Pierre) : À mon point
de vue, ça devrait être au moment où il y a l'apparition d'une maladie, effectivement,
où on a justement des vraies raisons pour le faire. Sauf qu'actuellement avec
la loi, et c'est ça qui est un peu ambigu, est-ce que n'importe qui pourrait la
demander pour n'importe quelle raison? Alors, pour moi, c'est plutôt, quand
t'arrive une maladie qui est dégénérative et qui amène justement éventuellement
la mort, je pense que c'est le meilleur moment pour le faire.
M. Jacques : Donc, quelqu'un,
là, qui est en parfaite santé ne peut pas faire… ne pourrait pas faire… pas un
testament, mais une demande anticipée pour un événement qui pourrait se
produire dans le futur, exemple, un ACV massif qui rend la personne inapte à
tout. Vous ne pensez pas que les gens… ce n'est pas de la dignité aussi cette
façon de vivre si on ne peut pas s'accepter d'une telle façon, bien, de pouvoir
dire qu'est-ce qu'il va se passer par la suite si jamais il nous arrive un
accident. Ça peut être un accident de la route, là, qui crée des lésions
permanentes, irréversibles et qui nous empêche, là, de ne prendre aucune décision.
M. Blain (Pierre) : Merci de
cette précision-là, sauf qu'il existe déjà, justement, des demandes de refus de
soins. Ce que vous me dites, dans le fond : Ce n'est pas suffisant la
demande de refus de soins. C'est qu'il pourrait y avoir également l'enclenchement,
et c'est là, je pense, vous comme parlementaire, législateur que vous pouvez
justement faire ce genre de travail là. Moi, je n'ai pas d'objection à ce que
ce soit fait. La seule chose c'est plutôt comment on va le faire.
M. Jacques : Et avez-vous des
idées comment on peut le faire?
M. Blain (Pierre) : Oui,
effectivement, c'est qu'il faut que ce soit enregistré dans un registre, et par
la suite, comme je vous ai dit, à mon point de vue. Alors, quand vous
dites : Vivre dans la dignité, vous avez tout à fait raison. D'ailleurs,
c'est une des phrases que j'ai dite dès le début de ma présentation quand j'ai
parlé que les gens ont…
M. Blain (Pierre) : …enregistré
dans un registre, et, par la suite, comme je vous ai dit, à mon point de vue.
Alors, quand vous dites : Vivre dans la dignité, vous avez tout à fait
raison. D'ailleurs, c'est une des phrases que j'ai dites dès le début de ma
présentation quand j'ai parlé que les gens ont… voudraient… être vivants sans
en reconnaître les bienfaits. Alors, oui, je pense que c'est quelque chose qui
peut être fait.
La seule problématique, c'est :
Est-ce qu'on est sûrs, à ce moment-là, que c'est le bon moment d'enclencher? Et
c'est là où moi, j'ai eu un petit peu de… je vais vous raconter une anecdote
qui n'est pas drôle. J'étais dans un salon funéraire avec quelqu'un, et la
personne souffrait d'Alzheimer, son mari venait de décéder, elle était en
délire, son mari était à l'hôtel, puis elle avait un ami qui s'appelait Roméo
maintenant. Et là, jusqu'à un moment donné, elle se retourne vers moi et elle
dit : Tu sais, il est bien mieux là qu'il est que vivant. Donc, il y a ces
moments de lucidité aussi qui peuvent exister.
Si la personne avait fait une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, c'est au mandataire de déterminer c'est le
bon moment d'enclencher, et je pense qu'ils auraient toute l'autorité. Et vous
avez raison aussi, c'est Mme la Présidente qui parlait ou c'est vous, je ne me
souviens pas, de la lourdeur d'une tâche d'un cas semblable.
Et je vais vous dire que dans le premier
mémoire que j'ai présenté à l'Assemblée nationale en ce sujet-là, j'avais fait
le tour d'à peu près toutes les communautés culturelles, de toutes les
religions également. Les seuls qui n'avaient pas voulu signer le mémoire
recommandant l'aide médicale à mourir, c'étaient les peuples autochtones, parce
que, pour eux, ce qui était difficile, c'était le moment… c'était la personne qui
enclenchait, justement, qui donnait la piqûre, et qui disaient : Pour
cette personne-là, ça va être trop difficile. D'ailleurs, Mme Hivon qui vient
d'arriver était à cette commission, et c'était un des arguments que j'avais
fait valoir pour dire : Les seuls qui n'avaient pas voulu, c'étaient les
peuples autochtones.
M. Jacques : O.K. Vous avez
parlé des personnes vulnérables, bon, on s'entend, là, que si on veut avoir des
mandats ou des choix de fin de vie signés ou écrits… avant la maladie, quelle
qu'elle soit, les personnes vulnérables vont avoir beaucoup de difficulté à
avoir accès à ça aussi. Vous avez soulevé un petit peu le point. J'avais… je ne
m'étais attardé à ça puis je n'y avais pas pensé, à cette problématique-là.
Est-ce que vous avez des solutions pour que l'accessibilité soit égale pour
tous?
M. Blain (Pierre) : Moi, je
n'en vois pas de solution à ce niveau-là. Je pense que dans tous les cas, il
faut que la personne soit apte et puisse exprimer ses volontés de façon libre
avant. Autrement, je ne vois pas.
Je vais vous donner un autre cas aussi qui
m'est arrivé, je l'ai mentionné un petit peu dans le mémoire. Mais une
personne…
M. Blain (Pierre) : …je pense
que dans tous les cas, il faut que la personne soit apte et puisse exprimer ses
volontés de façon libre avant, autrement, je ne vois pas.
Je vais vous donner un autre cas, aussi,
qui m'est arrivé. Je l'ai mentionné un petit peu dans le mémoire, mais une
personne lourdement handicapée m'avait fait venir pour me dire : Je… et
elle avait de la difficulté à s'exprimer, elle ne pouvait pas s'exprimer, elle
avait… tout ça, mais elle avait peur que, justement, on prenne une décision
pour elle, un moment donné, et qu'on fasse l'aide médicale à mourir à son
endroit alors qu'elle disait : Moi, je veux vivre, même si c'est difficile
pour moi, je veux vivre. Donc, pour moi, je ne vois pas d'autre solution qui…
que la volonté, quand on est apte de pouvoir le faire. Ça veut dire que,
justement, toutes les personnes qui ne sont… qui sont déjà inaptes en naissant
ne pourront jamais avoir… et c'est là où c'est extrêmement dangereux, si jamais
on en venait à une conclusion semblable.
M. Jacques : Oui, je suis
d'accord… je suis tout à fait d'accord avec vous. Bien, merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Blain, pour votre intervention.
J'ai retenu que vous avez recommandé que le Québec harmonise la loi pour
qu'elle corresponde avec la loi fédérale, pour qu'on évite toute confusion. Par
contre, l'approche québécoise en matière d'aide médicale à mourir est basée sur
une continuité de soins, puis l'approche canadienne, elle, c'est un droit
fondamental. Alors là, puisqu'on parle de droit fondamental puis de soins, on
n'est pas du tout… c'est deux approches qui sont… semblent difficilement
conciliables, alors comment vous pensez qu'on peut l'harmoniser?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
tout à fait raison, et c'est la problématique d'un pays comme le Canada où d'un
côté, c'est plus basé sur certains droits individuels si je peux dire, et de
l'autre côté… Sauf que les tribunaux nous ont ouvert… ont ouvert la porte à ça.
Par conséquent, moi, je pense que ce n'est
pas incompatible, la notion de soins, de… et qu'on peut le… C'est plutôt… c'est
dans les mécaniques, comme celle que je vous ai dite tantôt. Au niveau du
Québec, quand le groupe d'experts avait recommandé qu'on administre tout de
même l'aide médicale à mourir si une personne devenait inapte entre le moment où
elle… la demande avait été acceptée et le moment, c'est là. À mon point de vue,
c'est plutôt des petits ajustements comme ça.
Comme je vous ai dit, l'autre chose, moi,
qui me dérange un peu dans la loi fédérale, c'est les 10 jours qui ne sont
pas supposés… Mais je suis sûr que personne ne nous écoute, mais c'est très
rare que les médecins le suivent, cette partie-là. Ça se fait souvent assez
rapidement pour répondre, justement, à la volonté des personnes.
Mme
Hébert
:
O.K. Parce qu'au Québec, vous savez, tu sais, c'est… on a le droit de le
demander mais ça ne veut pas dire que ça va être automatiquement offert, cette…
ce soin de fin de vie là, qui est l'aide médicale à mourir, donc ça fait qu'il
y a comme une disparité entre les deux. Parfait.
J'ai une question, aussi. Vous dites que
c'est de… le moment où déclencher l'aide, le processus d'aide médicale à mourir
anticipée, là, donc quand on a fait notre demande, le…
Mme
Hébert
: …ce
soin de fin de vie là qui est l'aide médicale à mourir. Donc, ça fait qu'il y a
comme une disparité entre les deux. Parfait.
J'ai une question aussi. Vous
dites que c'est de… le moment où déclencher le processus d'aide médicale à
mourir anticipée, là, tu sais… donc, quand on a fait notre demande, le moment
entre le déclencher par notre mandataire, là, vous dites qu'il va falloir qu'il
y ait des bonnes balises, que ça soit clair, mais avez-vous fait des
réflexions? Parce que, là, vous lancez ça comme ça, mais… Parce qu'il dit, là,
le moment de déclencher, quand le déclencher, le «quand», est-ce que vous avez
déjà réfléchi un peu à…
M. Blain (Pierre) : À mon
point de vue, c'est exactement comme maintenant que ça devrait s'appliquer.
Présentement, une personne fait une demande, une équipe médicale vérifie si
c'est quelque chose qui est admissible et, à ce moment-là, rend une décision.
Ça ne veut pas dire que la personne ne peut pas revenir pour… si elle est
refusée. À mon point de vue, le mandataire devient la personne, et, à ce
moment-là, l'équipe médicale devrait juger pour voir si c'est le… si c'est
correct et si ça répond aux critères.
Cependant, maintenant, les tribunaux ont
fait en sorte que la notion de fin de vie, elle disparaît. La preuve,
M. Truchon a demandé l'aide médicale à mourir sans qu'il soit en fin de
vie, suite au jugement de la Cour du Québec. Donc, à ce moment-là, le même
principe s'applique. Pour moi, la demande doit être faite, elle est faite par
un mandataire qui, à ce moment-là, agit au nom de la personne, c'est tout.
Mme
Hébert
:
Parfait. Mais est-ce que la demande, elle est exécutoire, ou la personne
pourrait revenir en arrière, ou reporter? Est-ce que c'est la mandataire qui
décide ou la personne a toujours le dernier mot?
• (13 h 50) •
M. Blain (Pierre) : La
personne, si elle n'est plus apte, ne pourra pas avoir le dernier mot. C'est là
où, plus tôt, quand j'ai dit, et que Mme la Présidente l'a souligné : On a
une seule certitude, c'est le stade sept de la maladie d'Alzheimer. Dans tous
les autres cas, bien, c'est l'interprétation d'une équipe médicale et
l'interprétation du mandataire qui peut le faire, parce que la personne ne sera
plus apte pour prendre la décision elle-même.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
…non… ne m'entendent plus. Oui, vous m'entendez bien? Donc, je céderais
maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, M. Blain, pour vos interventions toujours lucides et
très pertinentes… à chacune des étapes qu'on aurait franchies (Interruption)
pardon, ensemble au Québec.
Quand on parle de la demande anticipée et
la suite d'un mandataire, je me permets de comprendre qu'on aimerait quand
même, évidemment, donner le plus de clarté à ce mandataire pour que sa
responsabilité déjà assez lourde soit balisée par une demande claire et
précise…
M. Birnbaum : …permets de
comprendre qu'on aimerait quand même évidemment donner le plus de clarté à
cette mandataire pour que sa responsabilité déjà assez lourde soit balisée par
une demande claire et précise. Auriez-vous des suggestions pour nous en ce qui a
trait à comment baliser la demande? C'est-à-dire, quel genre de critères
devrait être cité? Comment est-ce qu'on aide l'individu atteint d'un diagnostic,
définir la souffrance, l'horizon, qualité de vie et tout ça? Comment est-ce
qu'on assure des demandes d'où les voeux sont très… le plus clair possible.
M. Blain (Pierre) : Oh là là!
C'est vraiment une bonne question que vous me posez là. Et les experts nous
amènent justement, jusqu'à un certain point, à certaines réponses.
La première des choses pour moi, il y a…
une chose est claire. Cette demande-là anticipée, quand y arrivera l'exécution,
ne doit pas être différente des autres demandes qui sont faites. C'est-à-dire,
on doit les étudier de la même façon qu'on les étudie. La différence maintenant,
c'est plutôt, c'est que la loi fédérale et les tribunaux ont fait en sorte que
ce soit plus large.
Le seul autre problème que j'ai soulevé
aussi tantôt concernait le Code civil au Québec. D'habitude, c'est le conjoint,
les enfants qui doivent prendre des décisions. Alors, à mon point de vue, il va
falloir faire en sorte. Il existe cependant un conseil de tutelle, mais le
conseil de tutelle qui existe actuellement est plutôt pour les biens. Moi, je
pense que peut-être qu'un conseil de tutelle devrait aussi être partie prenante
à ces choses-là.
Mais surtout la chose la plus importante,
c'est, il faut éviter des chicanes inutiles et il faut surtout éviter de ne pas
respecter la volonté de la personne. Comme je vous ai dit tantôt, moi, je l'ai
entendu souvent, et c'était les premiers critères qu'on a entendus quand on
voulait faire des demandes d'aide médicale à mourir, ils étaient de dire :
Oui, mais je ne reconnaîtrai plus les miens. Et ça, là, c'est presque
impossible, sauf au stade sept de la maladie d'alzheimer qu'on est
certains que ça, ce n'est plus là.
Donc, autrement, pour moi, c'est suivre,
et je pense qu'aussi le mandataire, s'il veut vraiment bien remplir son
travail, devrait tenir la famille au courant. Je pense que c'est une étape
extrêmement importante pour qu'il y ait, dans le fond, une espèce de consensus
qui est établi alentour de ça. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question,
monsieur.
M. Birnbaum : C'est
intéressant. Nous avons entendu parler ici et là de la démence heureuse, je ne
sais pas si c'est le bon terme. Mais, ça peut être qui aurait signé une
demande…
M. Blain (Pierre) : …je ne sais
pas si j'ai répondu à votre question, monsieur.
M. Birnbaum : Intéressant.
Nous avons entendu parler, ici et là, de la démence heureuse, je ne sais pas si
c'est le bon terme. Mais ça, ça peut être quelqu'un qui aurait signé une
demande d'admission pour le… l'aide médicale à mourir, qui a donné des critères
tout à fait compris : Je ne reconnais plus mes enfants, je n'ai pas la
capacité d'autonomie dans mes fonctions, et tout ça. Est-ce que vous avez des…
en ce qui a trait à ce scénario-là?
M. Blain (Pierre) : Oui,
M. le député. D'ailleurs, j'ai une belle-soeur qui est infirmière et qui,
pour elle, la mémoire affective ne disparaît jamais. Elle, quand elle… elle
fait beaucoup de cas d'Alzheimer, et pour elle, la famille, la meilleure des
choses qu'elle a à faire, c'est de toucher les personnes qui sont souffrantes et
d'établir, comme ça, une espèce de lien. On l'a vu, récemment, dans certaines
vidéos qu'on a vues sur Internet où une dame âgée, tout à coup, s'est mise à
jouer du piano et interprétait la… elle était redevenue la grande interprète
qu'elle était.
Par conséquent, il n'y a pas de réponse
claire là-dedans. Quand vous parlez, justement, de… des deux formes, parce
qu'effectivement, il y a deux formes, la forme heureuse et la forme un peu plus
agressive, et je les ai vécues toutes les deux dans ma famille, alors,
effectivement… Et il y a le fameux cas qu'on a eu, aussi, en Belgique, où, au
moment d'administrer l'aide médicale à mourir, il y a une personne qui a réagi.
Bon, je pense que le cas est allé devant les tribunaux et ça s'est soldé sans
suite. Mais il va y avoir toujours des cas semblables. Moi, je me dis,
cependant, dans le doute, vaut mieux s'abstenir.
M. Birnbaum : Merci beaucoup,
M. Blain. Mme la Présidente, je crois que ma collègue de Westmount—Saint-Louis
aurait d'autres questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Blain. Je ne connais pas beaucoup
l'organisme que vous représentiez mais je comprends que vous avez déjà passé,
lors de la première consultation, pour offrir votre témoignage. Pouvez-vous
nous dire s'il y a eu une évolution lors de… les premiers départs, quand vous
avez participé, dans le passé, et aujourd'hui? Et combien de gens ont été
consultés lors de… le dépôt de votre mémoire et votre témoignage aujourd'hui?
M. Blain (Pierre) : Notre
organisme, les usagers de la santé… Dans les témoignages que j'ai faits, dans
les années précédentes, j'étais avec une autre organisation de défense des
droits aussi. Dans ce cas-ci, notre organisme est un organisme qui est plus
présent depuis et on compte environ 1000 personnes qui sont membres de
notre organisation. Et à ce moment-là, on agit surtout par Facebook. On prend
maintenant les réseaux sociaux plus pour faire les consultations. Certains,
dans certains cas, n'étaient pas du tout d'accord, ils trouvaient que mon
mémoire n'allait pas assez loin. Moi, je pense qu'au contraire, j'ai pu établir
une…
M. Blain (Pierre) : …qui sont
membres de notre organisation. Et à ce moment-là, on agit surtout par Facebook.
On prend maintenant les réseaux sociaux plus pour faire les consultations.
Certains, dans certains cas, n'étaient pas du tout d'accord, ils trouvaient que
mon mémoire n'allait pas assez loin. Moi, je pense qu'au contraire, j'ai pu
établir un certain équilibre pour préserver justement les plus vulnérables.
Et c'est toujours difficile d'essayer
d'aller trop loin. Le Québec justement est allé déjà très loin quand il a
autorisé l'aide médicale à mourir, entre autres, on a été la première société
ici en Amérique du Nord à le faire, et ça a été un large consensus. Et le
résultat a été cependant que beaucoup demandes étaient refusées, et on ne
savait pas pourquoi. Il y avait encore cette espèce de barrage culturel ou
religieux qui existait dans certaines régions et qui faisait en sorte que
certains hôpitaux… Je pense que tranquillement, parce que j'ai regardé les
dernières statistiques, les dernières statistiques ont fait en sorte que c'est
en train de se résorber. Donc, oui, il y a une évolution, oui, on en est rendus
maintenant qu'on veut, mais, comme je vous disais tantôt, il faut faire
attention entre juger la souffrance de la personne qui te fait une demande
d'aide médicale à mourir et la souffrance de la personne qui elle souffre de
voir quelqu'un souffrir. C'est ça qui est la problématique.
Et c'est pour ça que j'essaie autant
possible de le mettre, cette façon, dans des mains extérieures d'une personne
de confiance qui aurait été choisie par la personne et qui pourrait le faire.
C'est pour ça que je ne suis pas d'accord, moi, avec des certains experts qui
disent que le moi évolue pendant l'année… pendant une période. Pour moi, c'est
pareil, comme pour dire : Si je fais un testament à 20 ans puis que
je ne le change pas, mon testament n'est plus valable. Bien sûr, on parle de
vie et de mort ici, là. Mais, d'un autre côté, je pense qu'il faut respecter la
volonté de la personne, peu importe le moment où ça s'est produit.
Mme Maccarone : Je pense que
c'est une belle porte d'entrée pour ma prochaine question en ce qui concerne le
mandataire : Est-ce que le mandataire, dans votre scénario, peut être le
Curateur public? Parce qu'on a plusieurs personnes qui ont perdu leurs
aptitudes, qui vont être sous la responsabilité du Curateur public, mais, ce
n'est pas un proche aidant, ce n'est pas nécessairement un membre de la
famille. Malgré que c'est des gens qui sont très compétents, selon vous, est-ce
que cette personne qui sera le mandataire au nom de Curateur public devrait
avoir cette responsabilité aussi?
• (14 heures) •
M. Blain (Pierre) : En tout
respect, Mme la députée, je ne crois que non parce qu'il faut que ce soit le
respect de la personne. Si la personne est inapte et n'a pas fait une demande,
je ne crois pas que ça devrait se faire. Et, surtout, avec le Curateur public,
ça apporterait une charge beaucoup plus grande. Ça ne serait… Parce que j'ai eu
des discussions avec certains médecins qui disaient : C'est le médecin qui
est le mieux à même de décider. Oui, d'accord, mais, si c'est le médecin qui
enclenche, bien, la population pourrait dire : Oui, c'est vrai, il avait
besoin d'un lit. Alors, je pense que c'est un peu la même chose qui devrait se
produire avec…
14 h (version non révisée)
M. Blain (Pierre) : …j'ai eu
des discussions avec certains médecins qui disaient : C'est le médecin qui
est le mieux à même de décider. Oui, d'accord, mais si c'est le médecin qui
enclenche, bien, la population pourrait dire : Oui, c'est vrai, ils
avaient besoin d'un lit.
Alors, je pense que c'est un peu la même
chose qui devrait se produire avec le Curateur public, je sais qu'il a une
charge de travail extrêmement grande, mais j'espère que ça… Non, je préférerais
non.
Mme Maccarone : Puis, en ce
qui concerne les demandes anticipées et les personnes qui sont dans une
situation de vulnérabilité ou les personnes qui sont vulnérables, selon vous,
comme représentant des comités d'usagers, est-ce qu'on devrait moduler le
programme ou s'assurer que le programme est adapté pour que tout le monde peut
avoir une compréhension de c'est quoi l'aide médicale à mourir quand on parle
de soins de fin de vie? Par exemple, une personne qui souffre d'un handicap
mental, une déficience intellectuelle. Est-ce que nous devons aussi moduler le
programme pour eux pour que ça soit vraiment éligible pour toutes les
personnes?
M. Blain (Pierre) : Oui, je
pense que vous avez raison. La seule différence, c'est qu'il faut faire
attention quand on arrive justement avec la maladie mentale, parce qu'il y a
toutes sortes de conditions qui peuvent s'offrir. Je ne sais pas, probablement
que vous aussi vous avez eu… avoir des suicides dans l'entourage de personnes
que vous aimiez, et c'est là qu'il s'agit de voir la différence. Si une
personne est rendue assez souffrante pour vouloir se suicider, il faut voir si
c'est pour les bonnes raisons, à mon point de vue, dans ce temps-là. Alors,
c'est là où, en réalité, j'ai de la difficulté. Mais oui, il faudrait que ce
soit bien encadré, il faut que ce soit bien balisé, et c'est pour ça que, pour
moi, les mêmes demandes… la même demande d'aide médicale à mourir doit être
celle qu'on suit régulièrement... de façon générale, mais, en même temps, il
faut peut-être l'adapter un petit peu mieux pour les autres.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Blain, merci d'être là. J'ai très peu de temps, alors je
vais quand même rapidement souligner votre contribution, elle est appréciable
et appréciée. Comme j'ai à peu près quatre minutes, je vais y aller rondement.
Qui pourrait être mandataire… ou je vais poser la question à l'envers, en fait,
qui ne devrait pas être mandataire?
M. Blain (Pierre) : Un
médecin, un membre de l'équipe soignante. Les autres, ça peut être n'importe
qui.
M. Marissal : Y compris la
famille très proche.
M. Blain (Pierre) : Y compris
la famille très proche, mais une seule personne, mais sauf qu'il devrait être
consulté pour éviter justement les conflits de famille.
M. Marissal : D'accord. Vous
ne voyez pas une certaine contradiction là-dedans puisqu'en ce moment ce qu'on
chercherait, idéalement, c'est des directives exécutoires. Vous parlez d'un
mandataire qui pourrait — là, je me fais l'avocat du diable,
là — mais pour plein de raisons, ne jamais enclencher, donc on prive
la personne qui avait pourtant demandé d'en finir…
M. Marissal : …ce qu'on
chercherait, idéalement, c'est des directives exécutoires. Vous parlez d'un
mandataire qui pourrait — là, je me fais l'avocat du diable,
là — mais, pour plein de raisons, ne jamais enclencher. Donc, on
prive la personne, qui avait pourtant demandé d'en finir, on la prive, donc, de
cette dernière volonté.
M. Blain (Pierre) : Oui, mais
je pense que ça pourrait être encadré dans la demande qui est signée de façon
antérieure. Je pense qu'à ce moment-là… et c'est là qu'il y a une discussion
qui doit être faite entre la personne qui signerait une demande et le
mandataire, pour s'assurer que la volonté soit vraiment respectée. Et… parce
qu'autrement, on ne pourra jamais enclencher. Qui enclenche? C'est impossible.
M. Marissal : On pourrait
enclencher comme ça se fait en ce moment, par une équipe médicale qui décide.
Mais vous n'êtes pas… je comprends que vous n'êtes pas…
M. Blain (Pierre) : Non.
M. Marissal : …et je ne juge
pas, là, vous n'êtes pas d'accord avec ça. Vous savez, de la théorie à la
pratique…
M. Blain (Pierre) : Mais ce
n'est pas…
M. Marissal : Je m'excuse de
vous interrompre. De la théorie à la pratique, on peut parfois avoir des
retours de sentiment puis tout d'un coup, ne pas avoir envie de porter ce choix
final qui mènera quelqu'un à la mort. Ça se peut, ça. À ce moment-là, donc,
d'emblée, la personne n'enclenchera pas le processus ou retardera indûment,
selon la demande qui lui a été faite et le mandat qu'elle avait, non?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
tout à fait raison. C'est un… il faut prendre ce risque-là, tout de même. La
différence, c'est est-ce qu'il va y avoir 1 % de cas semblables? Il va y
en avoir 30 %? Je pense qu'à partir de ce moment-là, la probabilité que la
personne ne remplisse pas son mandat est plus faible que celle qui les… que
celle qui vont les… le faire, parce que ça va être bien clair entre la personne
qui en… qui ferait la demande et la… le mandataire.
M. Marissal : Très bien. Vous
parlez d'un organisme extérieur pour protéger les personnes vulnérables.
Peut-être définir «vulnérable», ici, parce qu'il me semble que quelqu'un qui
est totalement inapte et n'est plus en mesure de prendre des décisions cadre
assez parfaitement dans la définition de vulnérabilité, c'est même la
vulnérabilité extrême, quant à moi. Cet organisme, il est… quelle forme
prend-il? Est-ce un organisme gouvernemental, paragouvernemental, privé? Comme…
quelle forme prend-il et quels sont ses pouvoirs?
M. Blain (Pierre) : À mon
point de vue, c'est quelque chose, un peu comme les comités des usagers qui
sont à l'intérieur mais qui n'ont pas ce genre de pouvoirs là. Ça peut être
dans une organisation comme la nôtre, qui est plus dans le milieu. Il y a aussi
un groupe de mourir dans la dignité, etc. C'est le regard extérieur pour nous
assurer que ce sont les bonnes… le bon moment de déclencher et surtout que
c'est les bonnes raisons de le faire. Pour moi, ça sera probablement toujours
le bon moment, mais comme je vous ai dit, il y en a plusieurs qui ont des
craintes, dans certains cas, de savoir est-ce que c'est pour le… est-ce que,
justement, on… ça coûte trop cher, de garder quelqu'un vivant.
M. Marissal : Effectivement,
il y a toujours cette… ce spectre au-dessus de toutes ces discussions. Cet
organisme, donc, aurait-il un…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député, c'est tout…
M. Blain (Pierre) : …est-ce
que, justement, on… ça coûte trop cher de garder quelqu'un vivant.
M. Marissal : Effectivement, il
y a toujours ce spectre au-dessus de toutes ces discussions. Cet organisme,
donc, aurait-il un…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. C'est tout le temps que nous avions.
Donc, Je céderais maintenant la parole à députée
de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, M. Blain. Merci beaucoup de votre présentation.
J'avais d'autres questions, mais je vais
poursuivre rapidement sur, moi aussi, j'ai juste quatre minutes, sur la question
de mon collègue. Tantôt, je vais faire un peu l'avocat du diable, vous avez
répondu à la question de ma collègue de Westmount—Saint-Louis que vous ne
pensez pas que le Curateur public pourrait être mandataire parce qu'il n'est
pas collé, si j'ai bien compris, là, sur la personne comme telle si, par
exemple, une personne aurait été apte et deviendrait inapte. Mais là vous nous
dites qu'un organisme extérieur pourrait venir aider à situer le moment pour
déclencher l'application de l'aide médicale à mourir. Mais, est-ce qu'on n'est
pas dans le même type de situation où l'organisation n'a pas une connaissance
fine des volontés de la personne?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
raison. L'organisme dont je parle ne serait pas lui pour enclencher. Il serait
là après que l'enclenchement est fait, et s'assurer que tout se déroule comme
c'est supposé et dans le respect des droits de la personne qui a demandé l'aide
médicale à mourir. Dans le cas du curateur, vous avez raison. Si les
législateurs veulent leur donner cette possibilité-là… mais il y aura toujours…
d'être partie en même temps de…
Mme
Hivon
:
Parfait, O.K. Donc, dans votre scénario, vous avez votre mandataire qui est
désigné, puis encore une fois, je cherche une petite précision, il est désigné,
mais seulement pour appliquer la volonté, donc déclencher le moment en
disant : À la lumière de ce que ma conjointe, ma fille, mon père a écrit dans
sa demande anticipée, on est rendu à ce moment-là, donc, comme mandataire, je
souligne que nous devons enclencher le processus. Et non pas me substituer à la
personne pour dire : Voici, elle voudrait maintenant l'avoir. On se
comprend bien, c'est juste pour enclencher.
M. Blain (Pierre) :
Absolument.
Mme
Hivon
:
Parfait. Autre petite question. Dans votre mémoire, vous, vous nous dites qu'à
savoir le critère de la souffrance est-ce qu'on doit l'évaluer au moment où on
donnerait l'aide médicale à mourir. Vous qualifiez ça un peu de faux débat, et
puis c'est un débat qui nous a occupés et qui nous occupe encore beaucoup dans
la mesure où on veut… si on veut garder le critère de la souffrance. Donc, je
vous soumets un cas d'une personne qui aurait mis dans ses directives
anticipées simplement : Moi, quand je ne reconnaîtrai plus mes enfants, ou
moi, quand je ne pourrai plus manger par moi-même, je veux avoir l'aide
médicale à mourir. Est-ce que cela, en soi, pour vous, devrait être suffisant
même si, au moment d'appliquer, la personne chante à longueur de journée, est
heureuse, à l'air bien, ne fait pas d'errance, pas d'anxiété? Comment on juge
ça alors?
M. Blain (Pierre) : Vous venez
de poser la bonne question, Mme la députée…
Mme
Hivon
: …pour
vous, devrait être suffisant, même si, au moment d'appliquer, la personne
chante à longueur de journée, est heureuse, a l'air bien, ne fait pas
d'errance, pas d'anxiété. Comment on juge ça, alors?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
posé la bonne question, Mme la députée, c'est-à-dire tous les experts
que j'ai écoutés, que j'ai rencontrés n'ont pas de réponse à ça. Pour beaucoup
de ces experts, ce n'est pas une réponse de dire : Je ne répondrai… je ne
reconnaîtrai plus les miens ou je ne peux plus manger. Pour eux autres, ce
n'est pas nécessairement suffisant.
Est-ce que, justement, avec le fait que,
maintenant, on a peut-être cette possibilité-là de mourir dans la dignité, à ce
moment-là, peut-être que ça pourrait devenir un critère que vous pourriez
évaluer et qui pourrait être fait? Étant donné que la loi fait en sorte
maintenant qu'on n'a pas plus la fin de vie immédiate, mais c'est peut-être la
qualité de vie, c'est peut-être quelque chose qui peut être introduit dans la
loi québécoise en parlant de qualité de vie.
Mme
Hivon
:
Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
30 secondes.
Mme
Hivon
: Oui.
Donc, pour vous, peut-être que le critère de la souffrance ne devrait plus être
là, mais juste le critère de la qualité de vie. Je résume ça simplement, mais
vous nous amenez à réfléchir là-dessus.
M. Blain (Pierre) : Les
deux. Pour moi, la souffrance va toujours rester, parce qu'elle est là présentement
dans la loi, et maintenant on pourrait peut-être y rajouter quelque chose de
plus, qui est la qualité de vie.
Mme
Hivon
: O.K.
Mais pour vous, la souffrance doit demeurer, comme critère.
M. Blain (Pierre) : La
souffrance doit demeurer. Et c'est là, entre autres, en santé mentale, que ça
existe.
Mme
Hivon
: Oui.
O.K. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente. Merci. M. Blain. J'ai encore moins de temps que mes deux derniers collègues.
Je veux vous amener sur la dernière partie de votre mémoire, la maladie
mentale, où vous nous mettez, dans votre mémoire, ce qu'il y a sur le site du gouvernement
sur la santé mentale, sur la maladie mentale, et vous nous suggérez de garder
le statu quo ou... vous nous suggérez le statu quo parce que c'est déjà prévu
dans la loi. J'aimerais ça que vous soyez un petit peu plus explicite.
M. Blain (Pierre) : M. le
député, pour moi, c'est un peu ce que je viens de... avec Mme la députée, c'est-à-dire
la souffrance. Pour moi, dans le cas de la santé mentale, justement, dans la
définition qu'on a, on parle de souffrance et, pour moi, justement, la
souffrance doit être un des éléments. Et jusqu'à présent les demandes qui ont
été faites concernant l'aide médicale à mourir pour des personnes en santé
mentale, le critère de souffrance s'est fait. D'ailleurs, le Curateur public a
autorisé, dans certains cas, une demande semblable.
M. Ouellette : Donc, si je
vous suis, ce qui existe présentement devrait être assez pour qu'on n'ait pas
besoin de...
M. Blain (Pierre) : ...dans
certains cas, une demande semblable.
M. Ouellette : Donc, si je
vous suis, ce qui existe présentement devrait être assez pour qu'on n'ait pas
besoin de... pas légiférer, mais qu'on n'a pas besoin d'en tenir compte dans
notre rapport ou dans notre réflexion actuelle.
M. Blain (Pierre) : Vous avez
raison. Pour moi, c'est pour ça que je parle de statu quo à ce niveau-là. Je
pense qu'on a déjà des critères au niveau de la santé mentale. Si on veut les
étendre et si on veut justement aller autrement... c'est là qu'il peut être
très difficile... et c'est pour ça que j'ai dit que je n'étais pas spécialiste au
niveau des idées suicidaires, bon. Alors, comment pouvons-nous le juger? À ce
moment-là, est-ce que c'est un psychiatre? Moi, je pense que c'est le médecin,
c'est l'équipe médicale qui peut. Et dans tous les cas, la même chose va être
faite, la demande va être évaluée et jugée de la même façon pour voir si l'aide
médicale à mourir est acceptable ou pas.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Merci, M. Blain, d'avoir accepté d'être ici avec nous aujourd'hui
et de répondre à nos questions. C'est très éclairant pour les travaux de la commission.
Donc, nous allons suspendre quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités, mais comme on est un peu
en retard, on n'aura pas le 10 minutes, on va reprendre immédiatement les
travaux. Donc, je demanderais aux membres de rester branchés, on va débuter
tout de suite. Merci encore, M. Blain.
M. Blain (Pierre) : Merci.
Bonne journée.
(Suspension de la séance à 14 h 14)
(Reprise à 14 h 18)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, bonjour, Mme Poirier. Donc, nous
entendons l'organisme Carpe Diem du Centre de ressources Alzheimer et sa
représentante, Mme Nicole Poirier. Donc, je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous présenter votre exposé. Et par la suite il y aura un
échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes.
Donc, je vous cède la parole.
Mme Poirier (Nicole) :
Parfait. Merci beaucoup. Merci d'échanger, d'accepter d'échanger avec moi
aujourd'hui. Donc, effectivement, je suis directrice de Carpe Diem, un
organisme que j'ai contribué à fonder il y a 35 ans. J'ai fait aussi des
études en psychologie, en gérontologie puis une maîtrise en administration
publique. Ma mère a eu Alzheimer dernièrement. Elle est décédée en 2015. Et
j'ai pu vivre aussi ce qu'un proche vit lorsqu'on a des décisions à prendre
pour une personne qui devient progressivement... qui perd son aptitude.
Alors, ce que je vais vous échanger
aujourd'hui, c'est beaucoup le fruit de mon expérience à Carpe Diem, mais aussi
toutes ces années de recherche. La première recherche remonte à 1989 avec...
lorsque Mme Lavoie-Roux qui était ministre de la Santé m'avait reçue puis
m'avait dit : «Bon, votre projet est intéressant, mais il faudrait faire
une recherche pour comprendre les besoins de personnes, les familles, le
réseau». Et elle avait investi 1,2 million à ce moment-là dans cette
recherche-action que j'avais accepté de faire parce que c'était une
recherche-action justement puis qu'on pouvait offrir des services en même temps
qu'on faisait de la recherche. Et au terme de cette recherche, j'ai réalisé
que, bon, il y avait la maladie qui causait des souffrances, mais il y avait
aussi des souffrances causées par les conditions de vie, par les manques de
formation, par de la médication mal adaptée, de l'enfermement et tout ça.
• (14 h 20) •
Alors, ça, ça fait partie de mon
cheminement puis de ma réflexion, ainsi que différents comités, comme le comité
sur le plan d'action pour la maladie d'Alzheimer avec le Dr Bergman . J'ai
fait aussi des visites d'appréciation dans les CHSLD. Puis j'ai été beaucoup en
Europe aussi pour partager notre approche. Alors, en 2010, j'ai écrit un
mémoire dans le cadre de la commission mourir dans la dignité. Et à l'époque,
bien, c'était un peu nouveau qu'on entende parler d'ouvrir l'aide à mourir aux
personnes qui allaient devenir inaptes. Alors, moi, mon mémoire, à ce moment-là,
c'était de dire, bien, il y a la maladie qui cause des souffrances, mais il y a
tellement de conditions de vie aussi qui causent des souffrances. Comment
peut-on faire un choix éclairé et sans pression si on n'a pas plus d'options
pour nous plus tard, si on n'a pas plus de perspectives intéressantes autres
que l'aide à mourir?
Alors, moi, c'était de dire, c'est
démontré par les recherches, il y a de l'abus de psychotropes dans des milieux
d'hébergement, il y a des souffrances causées par le fait...
Mme Poirier (Nicole) : ...et
sans pression si on n'a pas plus d'options pour nous plus tard, si on n'a pas
plus de perspectives intéressantes, autres que l'aide à mourir. Alors, moi,
c'était de dire : C'est démontré par les recherches, il y a de l'abus de
psychotropes dans les milieux d'hébergement, il y a des souffrances causées par
le fait d'être enfermé, il y a de la dénutrition, c'est démontré aussi par les
recherches, il y a un manque d'accompagnement des familles. Alors, moi, je
proposais de travailler là-dessus, sans nécessairement être contre l'idée
d'offrir éventuellement une aide à mourir.
Ensuite, bien là, il y a eu ma mère, que
j'ai accompagnée, puis à toutes mes réflexions s'est ajoutée celle d'une fille
avec ses frères et soeurs qui doivent prendre des décisions puis sans que j'aie
pu m'imaginer, des petites décisions aux grandes réflexions de tout le monde,
alors que je pensais que c'était simple. Je donne juste un exemple. Il y a un
médicament contre l'Alzheimer qui causait des effets secondaires à ma mère bien
évidents, et puis moi qui pensais que ça prendrait peut-être une heure ensemble
à prendre la décision, bien, ça a pris des mois, alors que chacun... on est
sept enfants à décider, selon nos expériences, nos valeurs, puis parfois, bien,
on s'éloigne, on n'a pas toujours conscience de ce que les autres frères et
soeurs font dans la vie, puis parfois, bien, ils arrivent avec des réflexions
qui étaient assez inattendues. Et ça, c'est pour le médicament.
Ensuite, on a eu à décider des traitements
pour ma mère, qui a eu le cancer, un cancer des intestins. Est-ce qu'on
continue les tests? Est-ce qu'on fait des investigations? Est-ce qu'on traite? Est-ce
qu'on opère? Est-ce qu'on va aux soins palliatifs? Ce n'est pas simple, comme
décision, et je l'ai vécu à fond. Alors, ça, ça m'a amenée à me
dire : Bien, c'est compliqué, confier à une tierce personne des décisions
et celle ultime de mourir, pour moi, je pense que c'est une grande marque de
confiance, mais je prévois qu'il y aura beaucoup de risques de conflits et
risques de vivre cette situation-là de façon difficile. Alors, ça, c'est ce qui
m'a amenée à en ce moment, aux travaux du comité, que j'ai suivis, j'ai lu le
rapport du comité, j'ai aussi lu le document de consultation. Et je vous
partage aujourd'hui mes réflexions suite aux documents de consultation. On dit,
dans le document, qu'il faut avoir un diagnostic pour pouvoir rédiger des
demandes ou des directives anticipées. Donc, la question du diagnostic, je la
comprends, il faut l'avoir. Mais quand j'en ai parlé à des familles qui ont
accompagné un parent, on m'a dit : Oui, c'est correct, mais moi, ma mère
n'aurait pas pu signer un document comme celui-là, parce que lorsqu'elle a eu
le diagnostic, ça fait partie de la nature de la maladie... C'est long, poser
un diagnostic, puis souvent il y a des personnes, en fonction du type de
maladie... si vous avez une maladie frontotemporale, ça se peut que vous ayez
vite perdu votre capacité à juger de votre situation, versus un autre type de maladie.
Donc, il y a des personnes qui m'ont dit...
Mme Poirier (Nicole) : ...a eu
le diagnostic, ça fait partie de la nature de la maladie... C'est long, poser
un diagnostic, puis souvent il y a des personnes, en fonction du type de
maladie... si vous avez une maladie frontotemporale, ça se peut que vous ayez
vite perdu votre capacité à juger de votre situation, versus un autre type de
maladie. Donc, il y a des personnes qui m'ont dit : C'est injuste, et même
qui m'ont dit : C'est discriminatoire, parce que moi, je serais... Il y a
des gens qui ont appris qu'il fallait poser le diagnostic pour y avoir accès.
Donc là, je sais qu'il y a une campagne de
sensibilisation qui pourrait être offerte, mais en même temps, je me disais
juste concrètement : S'il y a 10 000 personnes par année qui
reçoivent un diagnostic de maladie d'Alzheimer, qu'il y en a la moitié qui
signe des demandes ou des directives, ça va faire beaucoup de dossiers à
traiter. Concrètement, est-ce qu'on aura les médecins — qu'on a de la
difficulté à avoir en ce moment pour avoir une prescription d'antibiotiques — est-ce
qu'on va avoir les médecins puis les professionnels pour analyser correctement
ces demandes ou ces directives?
Donc, quand... Si on parle de demande,
pour moi, c'est clair que si c'est des demandes... la question de reconnaître
ses proches, être incontinent puis pouvoir manger ou gérer sa vie, il faut que
ce soient des demandes, parce que ça peut tellement varier dans le futur qu'il
faut pouvoir avoir une évaluation en temps réel. Par contre, là, j'y vois beaucoup,
beaucoup d'interprétations puis de contre-exemples. Elle reconnaît qui? Elle ne
reconnaît pas untel, elle ne reconnaît pas ses enfants. Elle mange, mais elle
mange de quelle façon? Il y a tellement d'interprétations, que je vois ça
difficile.
Les directives... pour moi, les
directives, ça pourrait être une option, à la condition que le seul critère, ce
soit la souffrance. Si la personne souffre, et il y a vraiment des personnes
avec la maladie qui ont des souffrances qui ne sont pas en lien avec les
conditions de vie, comme je vous le disais tout à l'heure. Il y a des personnes
que la maladie provoque des troubles de la pensée, des troubles perceptuels.
Dans leur tête, c'est le chaos total, peu importe ce qu'on fait, c'est
souffrant, et on n'arrive pas ni avec de l'aide médicamenteuse ni avec de
l'aide environnementale. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec ces personnes-là
lorsqu'elles sont dans cet état-là?
Bien, moi, je me dis : Si on me
disait que c'est des directives, c'est exécutoire, c'est quand la personne
souffre, parfait, ça, pour moi, ça pourrait fonctionner, mais le seul critère,
ce serait la souffrance. Ensuite, les recherches ont démontré qu'il y a
80 %... pas les recherches, mais on sait qu'il y a 80 % des personnes
qui se retrouvent en CHSLD qui ont une maladie qui touche les fonctions
cognitives. Parmi tous les troubles quand on parle des troubles du
comportement, il y a en a 85 % qui seraient liés à autre chose que la
maladie, et 15 % seraient liés à ce que je viens de vous dire, des
souffrances ou des troubles liés carrément à la maladie. Donc, je me dis :
Ceux qui n'auront pas signé des directives pour être épargnés de la souffrance,
bien, ils vont souffrir quand même. Comment on peut faire pour les soulager
s'ils n'ont pas signé leurs intentions au préalable?
Donc là, c'est là qu'il m'est venu, et en
discutant avec l'équipe aussi...
Mme Poirier (Nicole) :
...carrément à la maladie. Donc, je me dis : Ceux qui n'auront pas signé
des directives pour être épargnés de la souffrance, bien, ils vont souffrir quand
même. Comment on peut faire pour les soulager s'ils n'ont pas signé leurs
intentions au préalable? Donc là, c'est là qu'il m'est venu à discuter avec
l'équipe aussi, puis, en analysant des situations concrètes vécues à Carpe Diem
et ailleurs, de me dire : Bon, bien, moi, si... Mon autodétermination, ce
n'est pas de confier à mes enfants ou à un proche ce qui va m'arriver plus
tard. D'abord, je ne veux pas leur mettre ce fardeau-là puis je ne veux pas le
confier à des personnes que je ne connais pas. Je veux pouvoir moi-même choisir
de ma fin de vie puis de qui va décider.
Donc, est-ce que... Je me demande pourquoi,
dans le rapport, il n'a pas été question davantage de la sédation profonde et
continue. Quand quelqu'un souffre, au lieu de lui donner des neuroleptiques,
qui ont des effets secondaires puis qui me font souffrir, pourquoi on n'irait
pas plus vers carrément endormir la souffrance dans... Pour mes enfants, pour
le monde autour, c'est beaucoup plus simple par rapport à l'intention. Mon
intention... L'intention, c'est de soulager la souffrance, ce n'est pas de
mettre fin à mes jours. Donc, c'est une question. Pour moi, ce serait une
option.
Ensuite, une autre option que je trouve...
que j'aimerais avoir si jamais je souffrais d'alzheimer, ce serait la possibilité,
si je suis apte, à avoir accès à l'aide à mourir en restant apte. Maintenant
que le critère de fin de vie n'est plus exigé, pourquoi on ne pourrait pas,
quand on est apte, avoir accès à l'aide à mourir? Souvent, les gens
disent : Je ne veux pas être obligé d'aller en Suisse. En Suisse, il faut
être apte pour avoir l'aide à mourir. Pourquoi on n'ouvre pas à une assistance
à mourir au moment où on est apte? Pour moi, ça aussi, ça fait partie de
l'autodétermination, puis l'autodétermination à l'état pur, pour moi, parce que
c'est moi qui décide jusqu'en fin... jusqu'à la toute fin. Donc, ça, c'était
aussi une question.
Alors, si j'ai l'alzheimer... Je termine
avec ça. Je me suis posé la question parce que tous vos travaux nous amènent à
réfléchir puis à pousser toujours plus loin la réflexion. Je me suis dit :
Qu'est-ce que je fais si j'ai l'alzheimer? J'ai des bons risques parce que, du
côté de ma mère, ils sont quatre à l'avoir eu, donc je veux y penser dès
maintenant. Donc, si on me diagnostique une maladie d'Alzheimer, d'abord, je
vais essayer de voir quelle maladie j'ai. Parce que là, dans tous les écrits
qu'on voit, on donne des grandes étapes, mais on ne définit pas les différentes
maladies. C'est différent d'avoir la maladie... qui, physiquement, nous donne
une impression d'être très avancé dans la maladie, mais on est encore capable
de parler puis de s'exprimer. Une aphasie primaire progressive, où je n'ai plus
les mots. Ça me pénalise beaucoup dans les tests, mais ma pensée reste claire.
Une maladie d'Alzheimer classique. Une dégénérescence fronto-temporale, qui va
vite évoluer peut-être. Donc, qu'est-ce qui m'attend? Je veux le savoir, puis de
façon précise.
• (14 h 30) •
Ensuite, je veux savoir si je suis apte à
l'aide médicale à mourir en restant apte. Ça, c'est mon deuxième point. Je veux
pouvoir avoir accès à ça. Parce que les craintes...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Poirier (Nicole) :
...une dégénérescence fronto-temporale qui va vite évoluer peut-être. Donc,
qu'est-ce qui m'attend? Je veux le savoir, puis de façon précise.
Ensuite, je veux savoir si je suis apte à l'aide
médicale à mourir en restant apte. Ça, c'est mon deuxième point. Je veux
pouvoir avoir accès à ça. Parce que les craintes... On parle souvent des
craintes d'être incontinent. Moi, ce que je crains le plus, c'est d'être privée
d'aller aux toilettes. On parle souvent de la crainte de ne pas reconnaître ses
proches. Bien, moi, la grande crainte que j'ai, c'est d'être entourée de gens
qui ne me reconnaîtront pas, qui ne connaîtront pas mes habitudes puis qui ne connaîtront
pas mes désirs.
Alors, mes enfants, bien, eux, ils vont
continuer de me reconnaître, mes proches vont continuer de me reconnaître. Il y
a d'ailleurs Christian Bobin qui a écrit un texte sur la maladie d'Alzheimer
que son père a vécue en France. Et puis son père, il ne le reconnaissait pas,
mais il lui a dit un jour : «Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous êtes
celui que j'attendais». Et ça, c'est quelque chose qu'on vit beaucoup. Puis il
est démontré dans les neurosciences... J'ai écrit un livre avec Roger Gil, un
neuropsychiatre de Poitiers, sur la neuropsychologie, puis c'est démontré par
les recherches, que les gens qui sont prosopagnosiques, qui ne reconnaissent
pas les visages, ont une émotion quand ils sont devant leurs proches. Et ça, ça
a été démontré avec des capteurs qui démontrent l'émotion. Donc, je ne sais pas
qui tu es, mais je sais que je suis bien avec toi. Puis ça, ça se vit aussi
avec les intervenants quand il y a des la stabilité.
Ensuite, on parle beaucoup de la crainte
de ne plus manger. Oui, j'ai peur de ça, mais j'ai encore plus peur qu'on me
prive de manger puis que je devienne dénutrie parce qu'on ne sait pas comment
m'accompagner, parce qu'on n'a pas le temps de m'aider à manger et/ou soit
qu'on me nourrisse super vite puis que ça ne soit pas à mon rythme. Peur de me
perdre. Souvent, on dit ça, j'ai peur de me perdre. Mais, moi, j'ai encore plus
peur, puis ça, c'est vraiment une grande angoisse pour moi, d'être enfermée,
d'être privée de ma liberté, de ne pas pouvoir aller dehors et de... Et ça,
pour moi, c'est une des plus grandes privations de liberté. Puis il n'en est
pas beaucoup question dans les échanges. Peur de générer ma vie. Oui, j'ai
peur, mais j'ai encore plus peur que mes enfants n'aient plus de vie parce qu'ils
sont obligés de s'occuper de moi. Alors, ça, pour moi aussi, ça fait partie de
mes peurs.
Donc, en conclusion, bien, je pense qu'on
a un chantier important à faire au niveau des conditions de vie. Pour ce qui
est de vos travaux, bien, j'aimerais que soit évaluée la question de la
sédation au lieu de l'aide à mourir carrément. Et en ayant la possibilité d'une
sédation, c'est un soin, ça peut être inscrit dans nos directives médicales
anticipées, je crois, ou dans notre mandat d'inaptitude. On peut demander un
soin, on peut en refuser un autre. Moi, je voudrais refuser les neuroleptiques.
Lorsque tout aura été tenté pour me soulager, je ne veux pas que ça soit des
neuroleptiques qui donnent des effets secondaires et qui font plus, à ce
moment-là, plus de mal que de bien. Je veux plutôt un médicament pour me calmer
et que ça m'emporte tout doucement. Puis, comme ça, tout le monde sera égal
devant la souffrance, pas juste ceux qui ont signé des directives avant, mais tout
le monde qui vont souffrir puis qui n'auront peut-être pas eu la possibilité de
l'écrire. Voilà.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup...
Mme Poirier
(Nicole) : ...plus de mal que de bien, je veux plutôt un médicament
pour me calmer, et que ça m'emporte tout doucement. Puis comme ça tout le monde
sera égal devant la souffrance, pas juste ceux qui ont signé des directives
avant, mais tout le monde qui vont souffrir puis qui n'auront peut-être pas eu
la possibilité de l'écrire. Voilà.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Poirier. Je
cèderais la parole au député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Et merci, Mme Poirier, pour votre
témoignage basé sur votre grande expérience et ainsi que l'humanité de votre
propre expérience. Je crois que votre témoignage ajoute à nos réflexions, mais
il faut dire ajoute à la complexité des grandes questions devant nous.
Vous parlez beaucoup...
vous avez parlé beaucoup de l'état du traitement pour les gens atteints
d'Alzheimer, toutes les conditions de vie autour de ça. En contrepoids, nous
sommes en train de parler de l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous êtes en
train, en quelque part, de faire un lien entre les deux, c'est-à-dire est-ce
que, si je vous entends bien, vous avez une inquiétude que de mettre une plus
grande couverture envers l'aide médicale à mourir, on risque de délester la
recherche, le travail, les services offerts aux gens atteints d'Alzheimer? Est-ce
que vous faites un lien de cet ordre-là?
Mme Poirier
(Nicole) : Je pourrais faire un lien, mais déjà je me demande... du
réalisme puis de la possibilité de le faire. Avec les moyens qu'on a en ce
moment on n'y arrive pas, à soigner correctement. Concrètement, où allons-nous
trouver les professionnels, les soignants qui vont être capables d'évaluer des
personnes qu'ils ne connaissent pas? Parce qu'en théorie, oui, une équipe
multidisciplinaire pourrait peut-être évaluer la personne en fin de vie, voir
si elle correspond à ces directives, mais il n'y en a pas, de ressources, en ce
moment, puis on va prendre des ressources précieuses pour évaluer si la
personne correspond à ce qu'elle avait déjà mentionné. Je trouve qu'on pourrait
mieux utiliser notre humanité et nos ressources
Puis je pense
que c'est déjà difficile, les médecins qui font un diagnostic en début de
maladie ont de la difficulté à vraiment évaluer l'état de conscience de la personne.
Les gens qui sont privés des mots sont vraiment pénalisés dans les tests. J'ai
de la difficulté à croire qu'on va avoir des évaluations qui ne seront pas
contestées par les familles.
M.
Birnbaum : Vous avez dit, dans un temps, qu'il faut évidemment
respecter l'autonomie de l'individu et sa volonté, et que si on exige un
diagnostic préalable, ça risque d'être peut-être trop tard pour...
M. Birnbaum : ...dans un temps
qu'il faut évidemment respecter l'autonomie de l'individu et sa volonté, et que
si on exige un diagnostic préalable, ça risque d'être peut-être trop tard pour plusieurs
qui auraient aimé exprimer cette volonté lors d'une demande d'aide médicale à
mourir.
Après, vous avez dit que ça se peut, si on
ouvre trop le chantier, on va se trouver avec de multiples demandes pour l'aide
médicale à mourir. Alors, en quelque part, c'est deux constats contradictoires.
Dans un premier temps, est-ce que vous
pouvez nous dire si vous êtes en train de dire que l'accès à une demande d'aide
médicale à mourir devrait être possible même en absence de diagnostic? Et dans
un deuxième temps, si oui, comment est-ce qu'on balise les critères afin que la
demande ne soit pas irréaliste ou trop élevée?
Mme Poirier (Nicole) : Ce que
des familles m'ont dit, puis ça vient d'elles, les idées... cette idée-là,
c'était de dire : On n'est pas comme dans le cancer où, lorsque... si je
n'ai pas le cancer puis que je reçois mon diagnostic, c'est possible que, là,
ma vision change, des choses. Avec l'Alzheimer, lorsque tu as le diagnostic,
c'est déjà un petit peu avancé, puis c'est possible que des personnes ne soient
plus en état. Puis ce qu'on m'a dit, c'est : Pourquoi ça ne serait pas des
demandes dans, par exemple, le mandat en cas d'inaptitude, que les personnes
puissent les inscrire, leurs demandes, à ce moment-là, quand ils ne sont pas
touchés par la maladie puis qu'ils peuvent réfléchir, un peu comme je l'ai
fait, moi, en ce moment? C'était ça, la question.
Puis vous avez... C'est vrai aussi que
c'est contradictoire, ce que je vous dis, mais c'est deux réalités. Des gens
qui peuvent être privés de cette option, plus peut-être beaucoup de monde si on
fait de la publicité puis on encourage les personnes à signer des directives.
C'est vrai effectivement qu'il y a peut-être beaucoup de monde qui vont les
signer. Mais c'est un et l'autre, et c'est un fait que je vous soumets.
M. Birnbaum : Est-ce que vous
avez des commentaires sur ce phénomène dont on parle qui est la démence
heureuse? C'est-à-dire que si on était devant... on est devant une demande d'aide
médicale à mourir, on parle de souffrance, d'inaptitude et tout ça, et advenant
un moment où c'est clair que les symptômes sont très aggravés, mais la personne
ne démontre pas une grande souffrance dans le sens plus facile à comprendre de
ce terme-là, qu'est-ce qu'on fait?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
bien, moi, je pense que les gens qui... je ne parle pas de démence heureuse,
parce que je dis que c'est une situation moins souffrante ou, en tout cas, où
il n'y a pas vraiment de souffrance apparente. Et il y en a beaucoup, de
personnes qui vivent comme ça, où est-ce qu'elles développent... Hier encore, quelqu'un
m'a dit : Ma mère a eu une maladie d'Alzheimer, puis elle s'est fait un
petit ami, puis elle rit tout le temps...
Mme Poirier (Nicole) : ...pas
de démence heureuse, parce que je dis que c'est une situation moins souffrante
ou, en tout cas, où il n'y a pas vraiment de souffrance apparente. Et il y en a
beaucoup, de personnes qui vivent comme ça, où est-ce qu'elles développent...
Hier encore, quelqu'un m'a dit : Ma mère a eu une maladie d'Alzheimer,
puis elle s'est fait un petit ami, puis elle rit tout le temps, bon. Les personnes...
Moi, ma mère n'était ni l'un ni l'autre. Elle n'était pas... avant d'avoir son
cancer, elle n'était pas souffrante. Et je pense qu'à ce moment-là, s'il n'y a
pas de notion de souffrance, comme j'ai dit tout à l'heure, je ne vois pas...
je trouve que ça serait très compliqué, à ce moment-là, de prendre la décision
d'aller... d'offrir l'aide à mourir. Mais oui, il y en a. Je ne vous dis pas
que c'est beau, la maladie d'Alzheimer ou les formes de démences, mais il y en
a effectivement qui sont moins agressives chez la personne, qui ne rendent pas
le cerveau complètement chaotique.
• (14 h 40) •
M. Birnbaum : Finalement, je
crois entendre, de vous, une importance éventuelle d'assurer une vulgarisation
de l'opportunité, c'est-à-dire d'assurer qu'il y ait un accès équitable en
région, partout, chez les plus pauvres, les moins éduqués à cette demande
d'aide médicale à mourir. Est-ce que je vous entends bien là-dessus, puis il y
a un avertissement dans votre message à nous là-dessus?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
parce que c'est sûr qu'il ne faudrait pas que ce soit... seules les personnes
qui ont les moyens de se payer un notaire, qui sont assez informées, assez
éduquées, qui sont capables de rédiger et d'y avoir accès. Mais malgré tout ça,
il y aura encore de l'iniquité. Moi, pour moi, la façon d'être la plus
équitable, c'est de se trouver une façon, comme société, de soulager les
souffrances. Et puis soulager des souffrances, ce ne se fera pas nécessairement
avec des directives ou des demandes anticipées, ça va être, comme société,
d'avoir accès à un soin qui consiste à être celui de... qu'on endorme la
souffrance au lieu de me donner des médicaments qui me font souffrir aussi.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
Mme Poirier (Nicole) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, est-ce qu'on continue avec la députée de Westmount—Saint-Louis?
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Mon collègue a posé toutes les questions pour notre formation
politique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Donc, je cèderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Mme Poirier, bienvenue. Merci de votre témoignage. On sent effectivement
l'humanité là-dedans, puis c'est quand même bon de se rappeler qu'on est là
pour ça surtout aussi, ce n'est pas purement mécanique, là, ce qu'on fait ici.
Je ne suis pas du tout spécialiste, en
tout cas, certainement pas autant que vous, dans ces questions de fin de vie,
de maladie ou de sédation, ça fait que je suis allé faire un peu de devoirs
pendant que vous parliez, tout à l'heure, tout en vous...
M. Marissal : ...surtout ici.
Ce n'est pas purement mécanique, là, ce qu'on fait ici.
Je ne suis pas du tout spécialiste, en
tout cas, certainement pas autant que vous, dans ces questions de fin de vie,
de maladies ou de sédation. Ça fait que je suis allé faire un peu de devoirs
pendant que vous parliez tout à l'heure, tout en vous écoutant, rassurez-vous,
et je suis tombé sur un site, par exemple, Fin de vie, Soins palliatifs, le
Centre national français, une source parmi d'autres, là. Je les cite :
«Toute personne a droit d'avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur
apaisement possible de la souffrance. Cet accompagnement peut nécessiter une
sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à une analgénie, pour
soulager une personne malade qui présente une situation de souffrance vécue
comme insupportable alors que le décès est imminent et inévitable.» C'est de ça
dont vous parlez?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
exactement. Mais maintenant, la fin de vie n'est plus un critère obligatoire,
il n'existe plus. Donc, moi, je me dis... Ce que je trouve, c'est que dans le
rapport d'expert, il y a trois, quatre phrases là-dessus. Ça n'a pas été
creusé, ça n'a pas été élaboré. J'aurais aimé ça que ce soit... que les pour et
les contre soient fournis dans le rapport.
M. Marissal : Je comprends,
Mme Poirier, mais là vous me voyez venir, là. Ici, là, le centre national de
fin de vie et de soins palliatifs français parle de décès imminent et
inévitable. Je comprends que le débat ici, là, juridique... j'en connais les
tenants et aboutissants. Combien de temps on peut garder quelqu'un en sédation
prolongée, sachant que des gens, parfois, meurent après six, sept, huit ans
d'Alzheimer, de maladies dégénératives? Combien de temps garde-t-on les gens
sous sédation? Mais est-ce qu'on peut alors parler de qualité de vie et de
dignité?
Mme Poirier (Nicole) : C'est
effectivement... Moi, les personnes auxquelles je fais référence, là, c'est
vraiment des personnes... puis je l'ai vécu récemment, là, dans la dernière
année, trois personnes pour qui, là, c'était insupportable, il n'y avait rien à
faire. Et qu'est-ce qui s'est passé? Ils se sont retrouvés à l'hôpital sous
contention physique, chimique et ils sont morts dans le mois qui a suivi. Mais
ils ne sont pas morts de la bonne façon. Ils sont morts dans des conditions
inacceptables.
Alors, c'est sûr qu'il faut que la
souffrance soit vraiment évaluée, là. Je ne parle pas des personnes qui ont des
«downs» ou qui sont... qui ont besoin d'être réanimées pour être heureuses, là.
Je ne parle pas de ça. Je parle des 15 %, là, que c'est vraiment grave,
là, puis qui peuvent se frapper sur les murs, qui peuvent crier, qui peuvent
frapper, puis que chaque attention pour eux est mal décodée. Je parle de ces
situations-là. Puis en général, ces personnes-là ne vivent pas longtemps, en
tout cas, pas longtemps quand ils vont à l'hôpital.
M. Marissal : Donc, la sédation
pour vous, ça s'appliquerait dans un pourcentage assez mince de cas, là, de
toute évidence?
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Quand, avec les médecins, là... puis ça, c'est des situations...
Mme Poirier (Nicole) :
...parle de ces situations-là. Puis en général ces personnes-là ne vivent pas longtemps,
en tout cas pas longtemps quand ils vont à l'hôpital.
M. Marissal : Donc, la
sédation pour vous, ça s'appliquerait dans un pourcentage assez mince de cas,
là, de toute évidence.
Mme Poirier (Nicole) :
Oui. Quand, avec les médecins, là, puis ça, c'est des situations où ça fait des
mois qu'on essaie avec les médecins. On essaie une médication. Ça ne fite pas.
On en essaie une autre. On cherche, là. Il faut vraiment avoir éliminé toutes
les autres causes possibles. Ces personnes, habituellement, ne sont pas... ne
vivent pas longtemps.
M. Marissal : Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je
céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour, Mme Poirier. Je suis très heureuse de vous revoir et de vous
entendre. Vous nous amenez beaucoup d'éléments de réflexion que seule une
personne qui a votre expérience peut le faire. Donc, merci de votre générosité.
Je vais poursuivre sur la même question de la sédation palliative continue.
C'est intéressant. Vous êtes la première personne, effectivement, à amener ça.
Dans la Loi sur les soins de fin de vie, c'est un soin précis, prévu dans certaines
circonstances.
Le défi, c'est que les médecins, en fait,
peuvent respecter des directives de refus de soins. Mais les médecins... Comme
patient, moi, je ne peux pas dire : Aie! Je veux tel traitement, telle
affaire. C'est-à-dire que, quand on m'offre des choses, évidemment, je peux
dire oui ou non, mais je ne peux pas exiger quelque chose. Et sur la sédation
continue, ce qu'on nous a beaucoup dit lors des premiers travaux, c'est que les
indications médicales pour que ce soit un soin approprié, c'est quand on
estime, puis là on revient à ce que vous discutiez avec mon collègue, qu'il
reste quelques semaines à vivre.
Parce que le fait d'induire une sédation
continue... En fait, vous ne pouvez pas continuer à être alimentée et à être
hydratée. La bonne pratique, là, de ce qu'on a compris dans les premiers
travaux, c'est que c'est antinomique. Donc, dans les faits, on arrête de vous
nourrir et de vous hydrater. Donc, évidemment, vous allez mourir. Dans les
personnes qui sont en pleine santé, des fois, ça peut prendre jusqu'à trois,
quatre semaines de sédation continue. Les gens qui sont très fragilisés, ça
peut être plus court. Mais donc ça serait difficile, de ce que je comprends de
ce que les experts médicaux nous disent, de pouvoir exiger un tel soin, parce
qu'il doit être approprié à la circonstance.
Donc, est-ce que vous, ce que vous nous
dites, c'est que ça devrait être une possibilité dans les directives anticipées
de le dire, mais, évidemment, sous réserve que ce soit un soin approprié
puisque les gens, les patients ou les familles, ne pourraient pas comme tel
l'exiger?
Mme Poirier (Nicole) :
Bien oui. À tout le moins que ce soit... Que ça fasse partie des réflexions
puis qu'une personne ne meure pas en fait de neuroleptiques, mais bien d'un
traitement qui va avoir réellement soulagé sa souffrance. C'est surtout ça
que... Mais bon.
Mme
Hivon
:
Oui. Je comprends. C'est dans des situations désespérées un peu, comme celles
auxquelles vous faisiez référence, que l'option devrait arriver, pour quelqu'un
qui ne l'aurait pas demandé ou si ce n'était pas possible de le demander.
Ensuite, l'autre point que je trouve
intéressant, c'est que vous dites que, vous, vous estimez qu'une personne qui a
un...
Mme Poirier (Nicole) : ...sa
souffrance. C'est surtout ça qui m'importe.
Mme
Hivon
: Oui,
je comprends, c'est dans des situations désespérées, un peu comme celles
auxquelles vous faisiez référence, que l'option devrait arriver pour quelqu'un
qui ne l'aurait pas demandé ou si ce n'était pas possible de le demander.
Ensuite, l'autre point que je trouvais intéressant,
c'est que vous dites que vous, vous estimez qu'une personne qui a un diagnostic,
qui a la maladie d'Alzheimer ou une forme de maladie neurocognitive comme ça,
neurodégénérative, pourrait pouvoir... devrait pouvoir le demander avant d'être
inapte. De la compréhension puis de ce qui se fait, là, depuis quelques mois,
depuis que le jugement Gladu-Truchon est pleinement appliqué, c'est effectivement
une possibilité. C'est-à-dire que si vous répondez aux critères, donc déclin
avancé et irréversible de la maladie, souffrance constante, inapaisable, vous
seriez admissible.
Mais qu'est-ce qu'on fait avec les gens
qui disent : O.K., ça, ça me soulage en partie, mais, en même temps, je ne
veux pas devancer à outrance le moment, en ayant toujours peur que dans trois
jours, dans une semaine, dans deux semaines, je n'en aurai plus du tout,
d'aptitudes, et donc je ne pourrai plus me qualifier? Et donc est-ce que, dans
cette optique-là, ça vous semble opportun de le prévoir, la possibilité de le
demander de manière anticipée?
• (14 h 50) •
Mme Poirier (Nicole) : Avec
toutes les réserves que j'ai dites tout à l'heure, que ça va être difficile à
appliquer. Et je pense que c'est une maladie qui est quand même progressive et
qui nous donne du temps, du temps devant nous quand on a une forme... comme
d'aphasie primaprogressive ou une maladie classique.
Mme
Hivon
: O.K.
Et donc je vous amène à vous... justement, votre encadrement de tout à l'heure.
Vous disiez que vous envisageriez la directive anticipée pour des raisons de
souffrance. Et là, si je... J'ai deux sous-questions par rapport à ça. Est-ce
que ce que vous envisagez, dans le fond, c'est que la personne dise, dans ses
directives, dans sa demande exécutoire ou sa directive anticipée : Si j'ai
des souffrances, qu'elles sont objectivables, et tout ça, sans spécifier le
type de circonstance de souffrance, je voudrais pouvoir avoir accès à l'aide
médicale à mourir, aussi large que ça?
Et deuxième question, ça revient un petit
peu sur la démence heureuse, mais c'est un peu plus large. C'est qu'il y a des
gens, des experts, qui sont venus nous dire : Vous savez, on ne peut pas
dire qu'une personne ne souffre pas, ce n'est pas parce que tu souris aux gens
puis que tu es encore poli parce que tu es bien élevé puis que tu as encore des
moments où tu as l'air bien, que tu ne souffres pas. Donc, pour certains
experts, c'était comme de venir nous dire : Vous savez, l'Alzheimer, c'est
toujours souffrant. Alors, qu'au contraire il y a des gens qui nous
disent : Il y a des gens qui ont l'Alzheimer qui ont une bonne qualité de
vie. Donc, avec votre expérience, le continuum, le curseur, on le met où, entre
ces deux opposés-là qu'on a entendus?
Mme Poirier (Nicole) : O.K.,
bon, la première, sur la souffrance, je pense qu'objectiver la souffrance, ce
serait de dire : Lorsque la souffrance est vraiment la souffrance de la
personne, et non pas celle de ses proches, déjà, c'est tout un cheminement à...
Mme Poirier (Nicole) :
...la première sur la souffrance. Je pense qu'objectiver la souffrance, ça
serait de dire, lorsque la souffrance est vraiment la souffrance de la
personne, et non pas celle de ses proches. Déjà c'est tout un cheminement à
accompagner les familles, il faut le prévoir, c'est complexe. Que la souffrance
n'est pas causée par un manque de soins ou des conditions de vie, ça serait un critère
pour moi. Donc... Et ensuite, bien, si tout ça est confirmé, oui, je pense que,
dans des directives, si on le disait comme ça, ça pourrait peut-être être
quelque chose que je trouverais possible en ayant fait tout ce cheminement-là,
en étant capable d'éliminer les autres causes qui nous amènent à une souffrance
puis de le rédiger dans des directives. Oui. Est-ce que...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
Mme
Hivon
:
Oui. Je n'ai pas de temps pour ma deuxième. Ce n'est pas grave. Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole à
la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme Poirier. Moi, j'aimerais qu'on parle entre autres de
neuroleptiques. Vous avez parlé de neuroleptiques. Vous avez parlé de sédation
continue. Sédation continue, pour moi, c'est continu, hein? Alors, c'est
installé avec un soluté et puis on injecte... On injecte une médication
régulièrement et on augmente la dose. Au niveau des patients qui... Ces
patients-là ont un certain âge, habituellement. Alors, vous comprendrez qu'il
va avoir d'autres effets secondaires. On parle des neuroleptiques qui peuvent
avoir des effets d'agressivité, c'est choses-là. Tandis que la sédation
continue, elle, endort le patient. Alors, le patient est alité. Il dort. Il ne
mange plus, hypersalive. Alors, elle est où, la dignité du patient dans tout
ça?
Mme Poirier (Nicole) :
Bien, je trouve que ce que vous décrivez, c'est ce qu'on voit plutôt chez les
gens qui ont des neuroleptiques, d'être crispé, d'avoir de l'hypersalivation,
d'avoir de la souffrance aussi. C'est ce qu'on... Moi, je trouve que...
J'observe plus... Je n'ai pas d'expérience dans la sédation palliative. Je ne
sais pas comment ça pourrait être administré. C'est une idée qui m'est venue
récemment en parlant avec les personnes. Je trouve que c'est plus... C'est plus
acceptable en tout cas pour moi d'éteindre la souffrance, quitte à ce que la
personne soit dans un coma ou un semi-coma, que de vivre avec des neuroleptiques
qui... que c'est démontré que ça amène de la souffrance et vraiment pas une vie
digne.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Puis si je vous parle de soin de confort, est-ce que c'est mieux qu'un soin
continu?
Mme Poirier (Nicole) : Ça
serait... Ça serait dans cet ordre-là, là, d'un soin de confort. Effectivement,
ça pourrait être plus acceptable que sédation palliative qui est un terme que
j'ai utilisé, mais que je ne suis pas une spécialiste du tout, là. L'idée,
c'est de dire que j'ai vu des gens où on s'est dit en équipe : Il faudrait
l'endormir. C'est juste ça qu'on peut imaginer. Donc, que ce soit un soin de
confort, c'est peut-être mieux, ce que vous dites, mais...
Mme Poirier (Nicole) : …que
sédation palliative qui est un terme que j'ai utilisé, mais que je ne suis pas
une spécialiste du tout, là. L'idée, c'est de dire que j'ai vu des gens où on
s'est dit, en équipe : Il faudrait l'endormir. C'est juste ça qu'on peut
imaginer. Donc, que ce soit un soin de confort, c'est peut-être mieux ce que
vous dites, mais c'est toujours mieux que des neuroleptiques.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Puis la dignité, j'aimerais vous entendre un petit peu sur la dignité d'un
malade, d'un patient alzheimer ou en phase terminale. Pour vous, c'est quoi la
dignité d'un individu?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
la dignité, il y a plusieurs formes de dignité. Il y a celle… il y a la dignité
qu'on retrouve dans le regard des autres. Moi, pour moi, la dignité, c'est
beaucoup le regard des autres, comment on va agir avec moi, c'est ce que je
vous expliquais tout à l'heure. Pour moi, c'est d'être vu comme une personne à
part entière, d'avoir encore de l'autodétermination, parce que le principe
d'autodétermination, je ne sais pas combien de fois on le voit, on le lit dans
le rapport, mais quand vous êtes en institution, l'autodétermination, là, il
faut la chercher, et… parce que c'est souvent l'institution qui décide de tout
pour la personne. Puis, pour moi, ça, c'est une perte de dignité de ne plus
pouvoir décider de ce que je porte, de ce que je mange, de l'heure que je me
couche. Puis souvent l'autodétermination, dans des milieux très rigides, c'est
perçu comme un trouble du comportement, la personne, elle ne s'adapte pas.
C'est ça… c'est comme ça qu'on interprète l'autodétermination, bien souvent,
alors que c'est juste un désir de contrôler sa vie. Donc, pour moi, c'est
beaucoup là la dignité.
Et je trouve un peu questionnant qu'on
ressorte l'autodétermination en fin de vie alors qu'on en a beaucoup perdu en
cours de route, ça me questionne. Alors, pour moi, c'est beaucoup ça, comment
les autres vont agir envers moi, dans quel milieu je vais vivre. Si je n'ai pas
ce regard digne envers moi, bien, je vais perdre ma dignité.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je
vous remercie beaucoup. Je vais laisser place à un de mes collègues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Poirier. J'ai… écoutez, c'est
intéressant, là, quand vous parlez, parce que, là, vous amenez toute la
qualité… les traitements, tu sais, pour rendre la personne… qu'elle souffre
moins, mais c'est parce que c'est difficile aussi, là… puis je veux bien
comprendre, là, ce que vous dites.
Mais moi, ce que je comprends de ce que
vous dites… c'est qu'on a une Mme Demontigny qui est venue à la commission, et
elle, elle a mentionné savoir partir quand c'était encore beau, mais ça veut
dire, ça, partir quand c'est encore beau, ça ne veut pas dire que tu souffres
nécessairement physiquement. Puis là vous semblez… bien, en tout cas, ce que je
comprends… dire : Ça ne veut pas dire, tu sais, de partir plus quand on
souffre, tout ça, mais elle, elle disait vraiment de choisir le moment, mais
choisir son moment à elle, ça ne veut pas dire qu'aux yeux des médecins…
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...là,
vous semblez, bien, en tout cas, ce que je comprends, dire : Ça ne veut
pas dire, tu sais, de partir plus quand on souffre, tout ça. Mais elle, elle
disait vraiment de choisir le moment. Mais choisir son moment à elle, ça ne
veut pas dire qu'aux yeux des médecins... qu'elle souffre, vous comprenez, là?
Toute la question scientifique puis ces choses-là.
Puis on a eu aussi le docteur Judes
Poirier, vous devez sûrement connaître, qui est un chercheur et un généticien
sur la maladie, qui, lui aussi, amenait cet aspect-là de dire : C'est
quand, le moment que tu souffres, le moment que tu ne souffres pas? Là, autrement
dit, est-ce qu'on peut laisser le choix de... la personne décider de partir
quand elle veut partir? Mais ça veut dire qu'elle peut partir, d'un point de
vue médical, qu'elle ne souffre pas nécessairement, là. Je veux savoir un peu
votre point de vue, parce que vous semblez dire qu'il faut quand même aller peut-être
plus loin avant de dire : Oui, laisser la personne encore peut-être voir
comment ça va. Mais si la personne... Ces gens-là, qui sont atteints, ils
disent : Moi, je veux choisir le moment. Oui, il peut y avoir des moments
d'émotion, tu sais, c'est variable d'une personne à l'autre. Vous pensez quoi
de ces deux témoignages-là, là?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
puis j'ai écouté les deux témoignages. Pour Mme Demontigny... je comprends très
bien son point de vue. Ce que je me dis... pour elle, l'idée, ce serait de...
c'est un prix à payer, hein, c'est un prix à payer, mais d'être apte et de
décider. Ce serait de décider au moment où je reste apte. Je sais qu'il y a un
prix à payer, c'est peut-être des années de vie, mais c'est... pour moi, l'autodétermination,
c'est ce qu'il serait possible de faire. Puis si ce n'est pas ça, bien, quel...
la suite des choses, ce sera effectivement, ça va devenir difficile de décider
c'est quoi le beau moment. Là, on va ouvrir une grosse porte là, où tout le
monde peut interpréter.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Mais je m'attarde vraiment à la maladie d'Alzheimer, là. Il faut faire la
différence avec tout le reste, O.K., parce que la maladie d'Alzheimer est vraiment
quelque chose d'incurable, puis, tu sais, on n'en meurt pas, on meurt des
suites, mais c'est vraiment... Parce que la commission, au niveau de
l'Alzheimer, je pense qu'il y a quand même... c'est quelque chose d'important,
là, ceux qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer, ça fait que, tu sais,
c'est vraiment à ce niveau-là, puis je pense qu'il faut peut-être apporter une
attention particulière au niveau de la maladie de l'Alzheimer, parce que, là,
on rentre dans la dignité puis on sait qu'il n'y a pas d'issue, là, en ce
moment.
• (15 heures) •
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
je suis tout à fait consciente de ça. Ce que je trouve de difficile, c'est de
pouvoir espérer imaginer évaluer un état qui serait... quand je ne reconnaîtrai
plus mes proches, ou quand je ne mangerai plus par moi-même, ou quand je ne
pourrai plus gérer ou... je vais être incontinent. Bien, tu sais, ça, je trouve
que... Je comprends ce que vous dites puis je suis complètement d'accord avec
la problématique, l'Alzheimer, c'est un gros problème.
Mais les autres maladies apparentées sont
aussi très souffrantes, là. Ce n'est pas juste l'Alzheimer. Donc, je le
comprends, là, mais pour moi, c'est... Pour elle, ça serait une option...
15 h (version non révisée)
Mme Poirier (Nicole) :
...tu sais, ça, je trouve que... Je comprends ce que vous dites, puis je suis complètement
d'accord avec la problématique. L'Alzheimer, c'est un gros problème, mais les
autres maladies apparentées sont aussi très souffrantes, là. Ce n'est pas juste
l'Alzheimer. Donc, je le comprends, mais pour moi, c'est... Pour elle, ça
serait une option. Puis d'ailleurs je l'ai entendu aussi dire : Je ne
voudrais pas être obligé d'aller en Suisse. Mais là cette question-là n'est...
Elle pourrait ne pas être allée en Suisse. Donc, ça, c'est pour elle.
Puis pour le Dr Poirier, ce que j'en
retiens, c'est que... Lui, ce qu'il dit, c'est... Bien, ce que j'ai retenu,
c'est que les conditions de vie... Il a parlé des chiens Mira qui peuvent aider
aux conditions de vie des personnes, mais qu'on n'a pas des moyens d'avoir des
chiens pour tout le monde. Mais il y a quand même là-dedans une ouverture sur
les conditions de vie. Puis quand M. Gabriel Nadeau-Dubois lui a demandé
si on avait des... toutes les ressources pour donner une bonne qualité de vie, est-ce
que ce serait différent, puis il a répondu : «Je n'y crois pas. Je n'y...
Ça serait différent, mais je n'y crois pas parce qu'on...» C'est comme s'il
baissait les bras déjà sur la possibilité d'améliorer les conditions de vie.
Comme, lui, c'est son... C'est... Il est peut-être fils unique, je ne sais pas,
mais quand tu es plusieurs enfants dans une famille... Oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Si vous me permettez, mais le Dr Poirier, il parle aussi de la capacité de
jugement.
Mme Poirier (Nicole) :
Oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est quand les capacités de jugement sont affectées, comment qu'on... Tu sais,
c'est difficile à évaluer, la capacité de jugement à un certain stade, là. Ça
fait que c'est... Lui, il semblait dire : Bien, regarde, à un moment donné,
les gens peuvent décider le moment aussi...
Mme Poirier (Nicole) :
Oui, mais c'est ça qui va être... Moi, ce que je dis, c'est que ça va être extrêmement
compliqué d'essayer de mesurer est-ce que l'état de la personne correspond à ce
qu'elle avait écrit. En principe, ça semble possible, mais je suis convaincue
que, dans les faits, peut-être pour certaines personnes comme
Mme Demontigny ou M. Poirier, mais elles sont rares, les personnes
comme Mme Demontigny. Il y a peut-être Blandine Prévost en France, que
j'ai connue, mais des personnes qui sont capables d'analyser comme ça puis de
le décrire, il ne faut pas penser que tout le monde qui ont l'Alzheimer ont ces
capacités-là. Donc... Alors, si on...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est sûr. Mais vous savez, quelqu'un se promener avec une poupée toute la
journée, là, tu sais, quand on se promène dans des centres, c'est ça, est-ce
que c'est ça, de la dignité, tu sais?
Mme Poirier (Nicole) :
Bien, je suis d'accord avec vous que... Mais ça, il faut faire la différence
entre la souffrance des autres puis la souffrance de la personne. Il va falloir
qu'on avance dans ça.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est le consentement, toute la question du consentement.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Merci, Mme Poirier,
d'avoir été avec nous et de répondre à nos questions aujourd'hui. C'est très
formateur pour nous, pour la suite des décisions de la commission. Donc, nous
allons suspendre quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
Et je demanderais aux membres de la commission de rester connectés parce qu'on
va reprendre très rapidement. Merci. Merci, Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) :
Merci. Au revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 3)
La Présidente (Mme Guillemette) :
...parce qu'on va reprendre très rapidement. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 3)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour et nous accueillons maintenant les représentants de
réseau citoyen Vivre dans la dignité, Mme Julie Senécal et M. Jasmin
Lemieux-Lefebvre. Bienvenue, merci d'être avec nous cet après-midi. Donc, vous
disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et il y aura un échange avec
les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède
maintenant la parole.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bonjour. Alors, tout d'abord, je tiens à vous lever mon chapeau parce que,
depuis le début de vos travaux et jusqu'au 24 août, ce sera près de 70 groupes
et individus que vous aurez eu la chance de rencontrer. C'est un temps de
réflexion important. Merci beaucoup, c'est très apprécié.
Je vais prendre la première moitié de
notre temps alloué, et par la suite je vais céder la parole à Julie, et je
tiens à vous souligner que c'est la première fois qu'elle prendra la parole
publiquement pour partager son expérience. Merci beaucoup, Julie.
Alors, je représente le réseau citoyen
Vivre dans la dignité, fondé à Montréal en 2010 en amont de la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Alors, notre mission, c'est
de promouvoir la protection de la vie, la dignité inhérente et l'accompagnement
des personnes rendues vulnérables par la maladie, la vieillesse ou le handicap.
On représente près de 5 000 personnes, qui ont signé notre manifeste au
fil des ans.
Un mot sur les défis de poursuivre la mobilisation
contre les effets néfastes de l'aide médicale à mourir, en fait, c'est ce que
l'on croit. Évidemment, les organismes qui militent pour le droit de mourir
dans la dignité ont le beau jeu depuis l'adoption de la législation au Québec
et au Canada, tant par...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
…contre les effets néfastes de l'aide médicale à mourir, en fait, c'est ce que
l'on croit. Évidemment, les organismes qui militent pour le droit de mourir
dans la dignité ont le beau jeu depuis l'adoption de la législation au Québec
et au Canada, tant par l'attention médiatique que les subventions. Ce n'est pas
notre cas, mais bien que nous soyons en profond désaccord sur… de repousser les
limites de l'aide médicale à mourir, bien, on constate, et nous croyons qu'ils
sont animés d'une volonté de bien faire. Mais, comme c'est le cas depuis le
début des débats en 2010, il y a une fracture philosophique entre nous, c'est
cette façon de voir, des regards différents sur la dignité.
Pour le réseau citoyen Vivre dans la
dignité et pour une portion encore significative de Québécois, cette dignité,
bien, elle ne se perd jamais. Pour les deux enjeux les plus importants de votre
commission, l'aide médicale à mourir par directive anticipée pour des personnes
devenues inaptes, on ne peut l'envisager d'aucune façon. Ces personnes-là ont
toujours bénéficié de protections spéciales de l'État et de la société. On ne
peut pas envisager de placer un professionnel de la santé dans une situation où
il aurait à enlever la vie à une personne qui ne comprendrait pas l'impact du
geste que l'on s'apprête à poser sur elle.
Le gouvernement doit combattre le
sentiment de perdre la dignité sociale par des campagnes de sensibilisation
auprès des gens rendues vulnérables au capacitisme, à l'âgisme. On le sent,
avec la médiatisation répétitive, que la perte de facultés entraînerait une
perte de dignité, il y a de nos concitoyens qui peuvent se sentir comme des
fardeaux. Nous sommes aussi fortement opposés à l'aide médicale à mourir pour
des questions de troubles mentaux, mais on connaît le contexte canadien. En
mars 2023, ce sera ouvert, et on vous invite à une démarche de prudence, un peu
comme le Québec a choisi, dans sa Loi sur le cannabis, d'avoir le régime le
plus strict au pays. Vous pouvez avoir un rôle de précurseur et inspirer
d'autres provinces. Et il faut investir massivement en santé mentale, vous le
verrez dans le témoignage de Julie, et aussi améliorer l'accès des soins
palliatifs pour des cas de troubles mentaux.
Rapidement, quelques autres enjeux. Pour
nous, il faut s'assurer qu'un médecin puisse toujours se retirer de faciliter
activement l'aide médicale à mourir qu'il pourrait considérer comme une
euthanasie, également que les maisons de soins palliatifs qui le souhaitent
puissent continuer à ne pas offrir l'aide médicale à mourir sans pression
financière ou autres. Et on tient vraiment à vous remercier d'avoir choisi,
dans votre consultation, de ne pas aborder la question des mineurs matures.
Donc, les soins palliatifs, il faut le
répéter, répéter, ce n'est pas juste une question de fin de vie. Et on a fait
une vidéo qu'on vient de lancer, Le trésor des soins palliatifs, pour
rappeler…
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...d'avoir choisi dans votre consultation de ne pas aborder la question des
mineurs matures.
Donc, les soins palliatifs, il faut le
répéter, répéter, ce n'est pas juste une question de fin de vie, et on a fait
une vidéo qu'on vient de lancer, Le trésor des soins palliatifs,
pour rappeler cet élément, et j'espère que vous aurez la chance de la regarder parce
que je pense que la vidéo exprime bien le ton avec lequel on veut mener le
débat et le dialogue.
Alors, je cède tout de suite ma parole à
Julie.
• (15 h 10) •
Mme Senécal (Julie) : Merci
beaucoup, Jasmin. Merci à vous de m'accueillir. Je tiens à préciser que mon témoignage
est le mien, mais j'ai fréquenté énormément de gens, lors de mes thérapies, qui
ont eu des défis de vouloir se suicider, etc., et mon témoignage inclut le témoignage
de plusieurs personnes ainsi que de mon ergothérapeute, qui est spécialisé en
santé mentale.
Donc, je suis Julie Senécal, 48 ans,
j'ai... épidémiologiste de formation. Mon témoignage s'oriente beaucoup dans la
région de l'Outaouais parce que c'est ici que je vis, c'est ici que je vis le
défi de manque de ressources en santé mentale. J'ai fait une dépression majeure
en 2013, qui a duré presque huit ans. Je suis encore fragile aujourd'hui,
malgré les thérapies et les ressources, qui ont été faiblement disponibles,
mais qui ont été disponibles. Au cours de mes huit ans, j'ai été hospitalisée à
cinq reprises pour des tentatives de suicide. C'est à ma quatrième
hospitalisation seulement, en 2021, que le personnel médical m'a référé à des
ressources dans la communauté afin de bien m'encadrer à ma sortie de l'hôpital.
Mais avant ça, on me retournait dans mon milieu, sans ressources, sans aide.
Les personnes qui souffrent de défis de
santé mentale, qui ont des pensées suicidaires ou qui font des tentatives de
suicide, elles sont prédisposées à demander l'aide médicale à mourir lors de
périodes de détresse, dépression, anxiété. Elles sont souvent influencées par
leur état psychologique, leur détresse, la stigmatisation ainsi que le manque
de ressources. Souvent, les personnes qui sont dans une situation telle ont...
sont sous l'influence de stupéfiants.
Ceci dit, l'aide médicale à mourir pour
les personnes ayant des défis de santé mentale est alors une question très
complexe et un challenge éthique. C'est aussi un défi de manque de ressources
appropriées. Les défis de santé mentale, s'ils sont pris en charge rapidement
par des spécialistes et des thérapies, peuvent souvent mener... s'ils ne sont
pas pris en charge, je m'excuse, peuvent mener à la dépression majeure, l'anxiété
généralisée, et, justement, des pensées suicidaires, et même passer à l'acte de
suicide. Lorsqu'une personne qui a des défis de santé mentale a des pensées
suicidaires ou...
Mme Senécal (Julie) : ...et des
thérapies peuvent souvent mener... s'ils ne sont pas pris en charge, je
m'excuse, peuvent mener à la dépression majeure, l'anxiété généralisée, et justement
des pensées suicidaires, et même passer à l'acte de suicide. Lorsqu'une
personne qui a des défis de santé mentale a des pensées suicidaires ou fait une
tentative de suicide, c'est immédiatement, même en amont, qu'elle a besoin
d'aide et de ressources. Pour l'instant, il existe des lignes téléphoniques
qu'on peut... auxquelles on peut appeler à l'aide, mais une fois qu'on a
raccroché, on est retournés à nous-mêmes, dans notre milieu, dans notre
désespoir, et il n'y a pas d'aide qui vient à notre secours.
Si on a la recommandation d'aller à l'hôpital,
à l'arrivée à l'hôpital, on est carrément mis dans une chambre en attente, sans
ressource. Il n'y a pas de psychologues, il n'y a pas de travailleurs sociaux,
il n'y a personne qui vient venir voir la personne qui est en détresse. Moi, ça
m'a même pris jusqu'à une semaine, à un moment donné, pour voir un psychiatre à
l'hôpital. Donc, j'ai été hospitalisée une semaine à attendre, ça a pris une
semaine avant qu'un psychiatre me voie. J'ai dû être hospitalisée jusqu'à cinq
fois pour... Ça, je l'ai dit un petit peu tôt, pour qu'on me donne un filet de
sécurité puis qu'on me donne de l'encadrement en sortant de l'hôpital.
Je vais avouer qu'avec le manque de ressources
disponibles pour les gens qui souffrent en santé mentale, quand les gens sont
en détresse et qu'ils sont près de l'acte, tentative de suicide, ça serait très
facile d'accepter l'aide médicale à mourir, parce que dans ces situations de
détresse là, on ne voit pas d'issue. Par contre, avec un bon support, un bon
soutien en amont et pendant la crise, on s'en sort. Aujourd'hui, oui, j'ai fait
cinq tentatives de suicide, mais, aujourd'hui, je vois la vie super belle, je
profite de mes quatre enfants, puis, tu sais, si je n'avais pas eu l'aide que
j'ai eue, je ne m'en serais probablement pas sortie.
Mais le manque de ressources pour
prévenir, c'est vraiment ça, mon message. Dans un sens, il faut prévenir que quelqu'un
qui souffre de santé mentale se rende jusqu'à vouloir se suicider. Le manque
est criant. Le manque est criant. Et je vais terminer avec ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Senécal, pour votre témoignage. Merci, M. Lemieux-Lefebvre.
Donc, nous passons maintenant à la période d'échange avec les membres de la
commission, en commençant par le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Lemieux-Lefebvre...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…merci beaucoup, Mme Senécal<V, pour votre témoignage. Merci,
M. Lemieux-Lefebvre. Donc, nous passons maintenant à la période d'échange
avec les membres de la commission, en commençant par le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Lemieux-Lefebvre, Mme Senécal, merci pour le témoignage
assez touchant. Je pense qu'il n'y a personne ici, là, puis je ne me ferai pas
le porte-parole de mes collègues, mais je pense qu'il n'y a personne ici qui
oserait se lever publiquement puis dire que tout va bien dans le meilleur des
mondes dans le système de santé au Québec, qu'on ne manque pas de ressources,
que tout le monde est vu super rapidement, qu'on n'échappe jamais personne dans
les mailles du filet. Il n'y a personne qui oserait dire ça, en tout cas,
certainement jamais moi. Les journaux sont malheureusement remplis d'histoires
de gens qu'on échappe tous les jours. Moi, dans ma circonscription — vous
allez comprendre pourquoi je vous dis ça, là — j'ai l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Alors, il n'y a jamais personne qui va me faire dire que tout va bien dans le
système de santé. Et je comprends et je respecte tellement votre préoccupation
de vivre dans la dignité et d'avoir accès à des soins de qualité, accès à des soins,
ça veut dire pas juste se faire hospitaliser, ça veut dire voir un
psychiatre quand on est hospitalisé en psychiatrie. Je suis avec vous
là-dessus, Mme Senécal.
Tout cela dit, est-ce qu'on ne pourrait
pas banaliser… baliser, pas banaliser, pardon, excusez-moi le lapsus, baliser
l'aide médicale à mourir dans les cas de santé mentale en excluant justement
les épisodes psychotiques dont vous parliez, Mme Senécal, par exemple, en
période de tentative de suicide ou de grande, grande détresse psychologique?
Pour moi, il va de soi que nous devrions d'emblée exclure. Est-ce que ce n'est
pas possible de le faire, et qu'à ce compte-là le dernier recours d'aide
médicale à mourir, de soins de fin de vie soit réservé à d'autres types de
problèmes beaucoup plus graves, qu'ils soient neurologiques, psychologiques ou
physiologiques?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Je te laisse y aller, Julie, pour commencer.
Mme Senécal (Julie) : Les
troubles de santé mentale, je comprends très bien votre question, moi, mon
expérience est au niveau des crises, mais je peux donner l'exemple, ma soeur,
ma soeur a failli mourir plusieurs fois d'anorexie, qui est une maladie qui se
contrôle mais qui ne se guérit pas. Et on a essayé à plusieurs reprises de lui
sauver la vie, mais maintenant, aujourd'hui, elle vit avec ce qu'on appelle ladyskinésie
tardive qui est comme l'effet secondaire sévère de médicaments qu'elle a pris
pendant qu'elle était malade. Elle n'est pas fonctionnelle aujourd'hui, et ma
mère doit prendre soin d'elle. Elle ne… je ne peux pas dire…
Mme Senécal (Julie) :
...elle vit avec ce qu'on appelle la dyskinésie tardive qui est comme l'effet
secondaire sévère de médicaments qu'elle a pris pendant qu'elle était malade.
Elle n'est pas fonctionnelle aujourd'hui. Ma mère doit prendre soin d'elle.
Elle ne... Je ne peux pas dire que c'est une personne fonctionnelle. Par contre...
Par contre, avec les soins qu'elle a eus, elle a été capable de trouver à
l'intérieur de son mal-être puis de ses défis physiques, elle a été capable de
trouver une joie de vivre. Puis aujourd'hui elle profite de... bien, de ses
nièces, de mes quatre filles. Et c'est une situation très difficile parce
qu'elle ne peut pas sortir publiquement, elle... La dyskinésie tardive fait en
sorte qu'elle fait des crises à répétition. Elle n'a pas une qualité de vie,
mais, par contre, à l'intérieur de ça, avec l'aide et l'encadrement, elle est
capable de trouver une joie de vivre quand même.
Donc, ça, je vous donne un exemple de cas
grave, et puis c'est ma soeur, mais il y a moyen avec les ressources d'aller
chercher un désir de vivre puis un désir d'apprécier la vie malgré le fait
qu'on n'est pas comme les autres. Parce que ma soeur ne peut pas sortir. Elle
ne peut pas prendre soin d'elle. C'est ma mère qui fait tout pour elle. Elle
peut à peine se faire à manger, mais... Mais c'est ça.
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : J'ajouterais un...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : Puis-je ajouter un point?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, allez-y.
• (15 h 20) •
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : Le message qu'on va lancer à la population générale des
personnes avec défi en santé mentale, je pense, est primordial. Alors, bien que
l'on pourrait se dire, bon, alors, pour les cas limites, on va avoir des
balises, mais laisser un certain espace, bien, le message que ça va lancer à
toutes ces personnes-là, qui, et on le voit, là, déjà on entend des messages de
psychiatres qui... On entend : L'aide médicale à mourir s'en vient.
Pourquoi faire des efforts thérapeutiques quand je pourrais simplement laisser
aller? Et puis on y aura accès bientôt.
Et c'est pour ça... L'important, c'est...
Vivre dans la dignité, on a choisi de ne pas donner de... quel est le temps de
thérapie. Vous entendrez des gens qui vous demanderont 10 ans. Certains,
c'est six mois de thérapie fermée. Pour nous, c'est vraiment la volonté sur
cette question-là. Sachant que le vase est troué de partout dans la question
des soins en santé mentale au Québec, il y a une responsabilité d'y aller avec
les balises les plus strictes possible que vous discernerez avec les travaux de
la commission.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Alors, je céderais maintenant la parole à
la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour à vous deux. Et merci beaucoup de la présentation et du témoignage
très, très concret, très humain que vous nous avez livré et qui, certainement,
va nous...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...avec les travaux de la commission.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Donc, je cèderais maintenant la parole à la
députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous deux, et merci beaucoup de la présentation et du témoignage très,
très concret, très humain que vous nous avez livré, qui certainement va nous
alimenter. Les médecins qu'on a vus, les psychiatres, les spécialistes qu'on a
eus nous auraient dit, Mme Senécal, évidemment... Je vous dirais, comme aparté,
que c'est toujours périlleux de commencer à commenter le cas personnel de
quelqu'un. Donc, merci beaucoup de commenter votre propre cas.
Puis dans tout ça... il y a beaucoup de
respect dans ma question. Les psychiatres... puis moi, je ne voudrais pas qu'un
cas comme le vôtre puisse être admissible, là, bien honnêtement, puis ce que
les psychiatres nous disaient, c'est qu'eux non plus, dans la mesure où ils
voudraient... et là je généralise, parce qu'il y a des opinions totalement
divergentes au sein même des psychiatres, mais, mettons, l'association qui est
venue présenter, qui nous a dit qu'il faudrait que vraiment la maladie soit
incurable, qu'elle soit irréversible, ce sont les critères actuels de la loi,
et que, la souffrance, on sache qu'elle soit absolument constante et
inapaisable.
Et là il y a énormément de débats à savoir
si on est capable d'arriver avec ces critères-là, appliqués, on se comprend. Mais
est-ce que, pour vous, vous dites il faut fermer la porte absolument en toutes
circonstances, ou si vous dites qu'il y a des situations où l'incurabilité de
la maladie est établie, des cas, par exemple, de schizophrénie très grave et
que l'irréversibilité aussi, et que ça pourrait être envisageable?
Et que le deuxième élément de ma question,
c'est que, pour certains, compte tenu que le critère de fin de vie a sauté avec
les décisions des tribunaux, on ferait face à un deux poids, deux mesures, et
on mettrait en quelque sorte les personnes qui ont un trouble mental ou qui
souffrent de maladie mentale dans une catégorie autre en les excluant d'emblée
par rapport aux personnes qui souffrent de maladie physique. Vous, comme
personne qui avez souffert de ces problèmes-là, comment vous réagissez à cette
affirmation-là?
Mme Senécal (Julie) :
Moi, ce que je pourrais dire, c'est qu'en ce moment les soins en santé mentale
sont très compartimentés. Il n'y a pas d'approche où on... J'ai étudié un peu
en biologie. Donc, je vais utiliser le terme «écosystémique». Il n'y a pas
d'approche écosystémique pour bien chapeauter les personnes qui ont des
problèmes en santé mentale. Donc, j'ai de la difficulté avec votre question
parce que je ne suis pas... Je ne suis pas convaincue que les gens... Vous avez
parlé de cas de schizophrénie grave ou, peu importe, je ne suis pas convaincue
que les soins soient assez disponibles. On n'est pas rendu là encore, au niveau
de la qualité des soins pour ces personnes-là...
Mme Senécal (Julie) : ...que
les gens... Vous avez parlé de cas de schizophrénie grave, ou peu importe. Je
ne suis pas convaincue que les soins soient assez disponibles. On n'est pas
rendus là encore au niveau de la qualité des soins pour ces personnes-là.
Donc, j'aurais plus tendance à dire qu'il
faut miser sur une approche... Les problèmes de santé mentale, ce n'est pas un problème
de coeur, ou un problème d'artères, ou un problème qui est isolé. Il y a la
communauté qui est impliquée, il y a les familles qui sont impliquées, il y
a... C'est un tout. En Afrique, ils disent qu'on crée une personne avec une
société.
Donc, j'ai de la difficulté avec votre
question parce que c'est le manque de ressources qui est le problème, donc je
ne me sens pas apte à répondre à une question si, oui ou non, l'aide médicale à
mourir devrait être offerte à une personne qui est... que ça fait 25 ans
qu'elle souffre de schizophrénie majeure, puis qu'elle n'a aucune qualité de
vie, parce que les soins de santé ne sont pas encore rendus là. Il n'y a pas
d'approche écosystémique.
Je vais juste donner un exemple. Là, c'est
mon cas encore, mais c'est une première qui s'est faite avec ma psychiatre.
Elle a fait une réunion avec ma travailleuse sociale, avec ma psychologue et
avec elle dans son bureau, puis ça, c'est quelque chose qui ne se fait pas, là.
C'est vraiment quelque chose de nouveau qui s'est fait pour pouvoir me procurer
un filet de sécurité. Ça, c'est à ma sortie de l'hôpital, quand j'ai fait une
tentative de suicide le printemps passé. Mais ça, c'est un exemple de services
et de soins, parce que là, je peux téléphoner à ma travailleuse sociale. Ma
psychiatre sait exactement qui je dois téléphoner, quand, dans quel ordre de
priorité, et tout, là.
Donc, je m'éloigne peut-être un petit peu
de la question, mais pour moi, l'approche... comme... C'est le système. Il faut
que le système fonctionne ensemble. C'est trop compartimenté en ce moment. Tu
vas voir ton psychiatre pour des médicaments. Là, tu as ton psychologue pour
certaines thérapies. Puis là il y a le travailleur social pour... Mais comme...
Ils ne travaillent pas ensemble.
Donc, je vais m'arrêter là parce que j'en
aurais long à dire.
Mme
Hivon
:
Merci, merci beaucoup.
Mme Senécal (Julie) : Je ne
sais pas si ça répond à votre question, mais...
Mme
Hivon
: Oui,
ça répond très bien. J'avais une autre... J'avais l'autre volet, là, mais je
pense que je n'ai plus de temps, hein, Mme la Présidente? Ça fait que...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On y reviendra peut-être à la fin, Mme la députée de Joliette. Donc, je
céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Lemieux-Lefebvre et Mme Senécal, pour votre
témoignage. C'est très touchant, et de voir que vous le vivez aussi autant
personnel que dans votre famille, avec votre sphère, ça vient...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…Mme la députée de Joliette. Donc, je céderais maintenant la parole à
la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Lemieux-Lefebvre et Mme Senécal pour votre
témoignage, c'est très touchant, et de voir que vous le vivez aussi autant
personnel que dans votre famille avec votre soeur, ça vient teinter encore plus
votre intervention.
Moi, j'aimerais vous poser la question, ça
sera soit un de vous deux qui pourra répondre, là, vous recommandez, là, puis
je sais que vous l'avez dit, M. Lemieux-Lefebvre, que c'étaient nous qui
devions déterminer les balises ou, en tout cas, dans les recommandations, mais
est-ce que vous avez réfléchi… parce que vous recommandez que le Québec se dote
de balises très strictes, le plus strict possible. Mais dans le cas de l'aide
médicale à mourir, là, qu'elle serait disponible pour les personnes qui ont les
troubles mentaux, c'est quoi qui serait les balises nécessaires pour encadrer
la pratique, là? Avez-vous commencé quand même à y réfléchir, même si vous nous
mettez ça comme… faites des balises très strictes? Est-ce que vous avez comme
des lignes qui pourraient nous enligner?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Alors, dans tout ce que j'ai vu présentement, l'appel à 10 ans de suivis
thérapeutiques adéquats semble la formule avec laquelle nous sommes le plus
confortables. Alors, c'est certain qu'il y a des personnes qui vont dire :
Mais voyons, 10 ans, ça n'a aucun bon sens, mais il est question de vie ou
de mort, et dans l'environnement que l'on connaît au Québec… nous oblige à y
aller avec une proposition de balises aussi strictes parce qu'on ne veut pas
voir un cas où la personne n'aurait pas eu tous les soins adéquats qu'elle
mérite.
Et je tiens à le répéter, la question…
parce que, quand on parle de soins palliatifs pour des cas de troubles mentaux,
souvent, les gens disent : Quoi, des soins palliatifs pour troubles
mentaux, qu'est-ce que c'est? Alors, on est encore au tout début de ce
traitement, de la façon dont c'est offert au Québec. Il y a tellement de choses
à faire. Je vous dirais juste travailler sur la façon dont on peut aider les
personnes en soins palliatifs pour troubles mentaux, il y a tout un chantier à
faire. Et, bien sûr, nous, on vous proposerait de faire ce chantier-là avant
celui de l'aide médicale à mourir. On connaît le contexte de 2023, donc c'est
pour ça que ce qu'on vous propose, c'est les balises les plus strictes.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis je vais juste ajouter, on a entendu Pre Vrakas, puis elle, même,
partageait son expérience personnelle, puis je crois que si je n'exagère pas,
c'est au-delà d'une vingtaine d'années avant qu'on trouve vraiment son
diagnostic. Ça fait que même quand vous dites : 10 ans, ça aurait pu… dans
son cas à elle, on aurait pu passer à côté, donc c'est quand même une balise
qui… je ne sais pas, là, mais…
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Non, vous avez raison, on mentionne 10 ans, mais là vous mentionnez le cas
de Georgia Vrakas, et là c'est un exemple clair, là, que 10 ans n'auraient
pas été suffisants.
Mme
Hébert
:
C'est bien, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
• (15 h 30) •
Mme Senécal (Julie) : …est-ce
que je peux juste…
15 h 30 (version non révisée)
Mme
Hébert
:
...je ne le sais pas, là, mais...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Non, vous avez raison, on mentionne 10 ans. Mais là vous mentionnez le cas de
Georgia Vrakas, et là c'est un exemple clair, là, que 10 ans n'auraient pas été
suffisants.
Mme
Hébert
:
C'est bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Mme Senécal (Julie) : Est-ce
que je peux juste...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y, Mme Senécal.
Mme Senécal (Julie) : C'est
tout court, ce que je veux rajouter, mais mon ergothérapeute, qui est
spécialiste en santé mentale, m'a mentionné que l'accompagnement dans les
besoins, à tous les niveaux, sur le très long terme... sont nécessaires pour
les gens qui ont des défis en santé mentale, puis comme... Ça renforcit ce qui
vient d'être dit puis... Mais lui, c'est sa profession, c'est ça qu'il fait tous
les jours, donc il en voit énormément, de patients, là. Donc, je voulais juste
rajouter ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci, c'est très pertinent.
Mme Senécal (Julie) : Son nom,
c'est Carl Brouillette, et il m'a sauvé la vie à plusieurs reprises, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bonjour, Mme Senécal. Merci beaucoup du beau partage que vous nous faites. Ça
demande beaucoup de courage, je vous admire. Merci.
M. Lemieux, on parle de soins palliatifs
sur les gens souffrant de problèmes de santé mentale. Selon vous, quel serait
l'idéal pour avoir des soins palliatifs? Parce qu'on parle de soins palliatifs.
Sûrement que vous avez un gabarit, vous avez un idéal pour que les patients en santé
mentale soient bien.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bien sûr. Alors, de pouvoir, un, le faire connaître, parce qu'il y a une
méconnaissance totale de la possibilité d'avoir un accès, et ça, même dans la communauté
médicale. Alors, le premier chantier, c'est de faire connaître, et par la suite
habiliter, donner les ressources pour pouvoir l'offrir dans les différents
milieux. Et là bien sûr, au Québec, il y a une grande disparité quand on parle
de soins palliatifs pour des personnes qui souffrent de troubles mentaux. Donc,
ça, c'est la première étape. Et par la suite, d'y aller étape par étape.
Et je laisserais... Il y a tout plein
d'experts qui réfléchissent à cette question-là. Alors, nous, on est un réseau citoyen
qui vont chercher, qui vont glaner les meilleures expériences. Je leur
laisserais à eux de vous exprimer dans le détail comment le faire. Mais
vraiment, il y a un beau chantier qui, je trouve, serait motivant et, à tout le
moins, quelle que soit votre décision, je trouve que ce chantier-là, pour le Québec,
on devrait le démarrer aussi.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Si je peux me permettre, tout à l'heure, vous avez parlé
de 10 ans de suivi thérapeutique adéquat. On sait qu'il y a des gens qui font
des refus de traitement. On gérerait ça comment? Je ne sais pas si c'est... M.
Lemieux...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...si je peux me permettre, tout à l'heure vous avez parlé de 10 ans de
suivi thérapeutique adéquat. On sait qu'il y a des gens qui font des refus de
traitement. On gérerait ça comment? Je ne sais pas si c'est
M. Lemieux-Lefebvre ou Mme Sénécal.
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : Julie, veux-tu dire un mot là-dessus?
Mme Senécal (Julie) : Par
expérience, et c'est juste mon expérience, je ne suis pas professionnelle dans
le domaine, mais quelqu'un qui fait un refus de traitement, c'est qu'il est vraiment
rendu dans... J'essaie de parler en bon français. Il est vraiment rendu dans le
désespoir total. Puis c'est difficile pour quelqu'un qui n'est pas arrivé dans
un niveau de détresse maximal à ce niveau-là de comprendre, mais je vais le
dire en bon québécois, vous m'excuserez pour mon langage...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Ça va. Allez-y. Allez-y comme vous le pensez.
Mme Senécal (Julie) :
...mais quand tu veux mourir puis qu'il n'y a plus rien dans ta tête qui peut
te motiver à continuer à vivre, même de l'aide de la part d'un professionnel de
la santé, ou même de l'aide d'un proche de la famille, tu la refuses. Tu ne
veux plus rien savoir. Tu veux juste mourir.
Donc, moi, j'ai de la difficulté avec les
refus de traitement parce qu'il y a une condition psychologique qui fait en
sorte que la personne va refuser un traitement. Puis elle a besoin d'aide pour
cette condition psychologique là. Et, moi, je parle pour les défis de santé
mentale, là, je ne parle pas pour d'autres... d'autres problématiques de santé,
là, ce n'est pas... Ce n'est pas mon domaine, mais quand on est rendu à un
point où on refuse l'aide, où on refuse les traitements, où on refuse tout,
c'est que, là, le système nous a laissés aller comme vraiment trop loin. Puis
c'est pour ça que je parlais du besoin d'aide en amont, en amont quand les
personnes commencent à ne pas aller bien. Il manque de ressources en amont pour
permettre aux personnes d'éviter de se rendre jusque là.
Donc, moi, ça, ça serait ma réponse. Un
refus de traitement, c'est que la personne est rendue tellement creuse, là,
qu'elle ne voit même plus... Elle ne voit même plus que l'aide est possible.
Puis je ne suis pas la seule à... Ce n'est pas juste moi, là, qui témoigne, là,
c'est la personne que j'ai consultée aussi.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Aussi ma question
s'adresserait peut-être à M. Lemieux-Lefebvre. On parle beaucoup de santé
mentale, mais vous êtes contre également l'aide médicale à mourir dans les cas
d'inaptitude où il y a des problèmes...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…parfait, merci. Ma question s'adresserait peut-être à M. Lemieux-Lefebvre. On
parle beaucoup de santé mentale, mais vous êtes contre également l'aide
médicale à mourir dans les cas d'inaptitude où il y a des problèmes cognitifs
comme l'Alzheimer ou… Donc, j'aimerais vous entendre un peu plus, là, sur cet
aspect-là, parce que les gens sont… il y a des gens qui sont vraiment venus
témoigner pour avoir accès à cette aide médicale à mourir là. Il y a des gens
qui étaient en situation, présentement, là… qui sont présentement en situation,
donc j'aimerais vous entendre un petit peu plus au sujet de l'inaptitude et des
troubles cognitifs.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Tout d'abord, je pense que c'est important de le dire, le respect profond de la
réalité de ces personnes, et que notre approche, même si nous sommes contre, on
respecte et on accueille les personnes qui ont vécu des expériences familiales,
qui ont vraiment des craintes. Alors, ça ne veut pas dire… il n'y a pas aucune
adéquation entre opposition contre cette ouverture et l'accueil des personnes.
Alors, ceci étant dit, juste à penser à
une situation où un professionnel de la santé qui a reçu les directives
anticipées où toutes les balises ont été soigneusement suivies, et là il se
retrouve devant une personne qui n'a aucune idée de ce qui va se passer, là. Et
le professionnel de la santé va devoir lui faire les trois injections, et la
personne ne sait pas ce qui se passe. Et je dois regarder du côté de la
Belgique où on a les témoignages de professionnels de la santé qui en ont eu
des cauchemars, et là ce n'est pas des caricatures que je fais, ce sont des
histoires de personnes, et des personnes qui se sentaient habilitées à le
faire.
Alors, à partir du moment où on ouvre la
porte à l'aide médicale à mourir pour des personnes devenues inaptes, là, c'est
une situation que, pour nous, de demander à des professionnels de la santé,
même s'ils seraient parfaitement… ils sont prêts à le faire, ils vous
disent : Nous, on veut suivre, c'est une démarche autonome de personnes
qui nous l'ont demandé lorsqu'elles étaient aptes. Mais on ne peut pas, en âme
et conscience… et je vous demande de vraiment penser… de voir un peu la
démarche, là, qui se passerait, et elle existe, là, du côté de la Belgique et
des Pays-Bas, et en âme et conscience, et avec le témoignage de professionnels
de la santé et de familles de Belgique de Pays-Bas, on ne peut pas l'imaginer
pour le Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à vous deux. Je céderais maintenant la parole au député
de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente, et merci, Mme Senécal, pour votre courage, votre franchise
et votre sagesse. Merci, M. Lefebvre aussi…
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...on ne peut pas l'imaginer pour le Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à vous deux. Jéderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Et merci, Mme Sénécal, pour votre courage, votre franchise
et votre sagesse. Merci, M. Lemieux-Lefebvre aussi. Écoutez. Moi, je
reçois de vos témoignages des mises en garde solennelles et archi importantes
sur l'importance d'améliorer, de bonifier, pas juste de maintenir nos services
de santé mentale, nous services de santé en général. L'interpellation primordiale
que tout ce qu'on ferait n'aurait pas un impact négatif sur les soins
palliatifs, je comprends qu'il faut agir avec la plus grande prudence, mais
j'ose croire, je comprends et je respecte que ce n'est pas votre message. Et je
vous mets devant le défi que, moi, je reçois un message de complémentarité
totale avec la possibilité d'élargir l'aide médicale à mourir, c'est-à-dire
avec des balises très sérieuses, très responsables, avec une compréhension que
le Québec et l'État a l'obligation d'améliorer ses services, qu'un
élargissement balisé comme il faut serait fidèle à vos préoccupations. Je vous
invite de réagir à ma façon de recevoir vos propos.
• (15 h 40) •
La Présidente
(Mme Guillemette) : Est-ce que vous...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Julie, j'ai parlé un peu. J'aimerais que tu puisses parler un peu.
Mme Senécal (Julie) :
Oui, c'est beau. Quand j'entends parler de balises, moi, je ne suis pas
professionnelle de la santé, je ne peux pas vous guider en termes de balises ou
quoi que ce soit, mais je pense que c'est un domaine de recherche qu'il serait
très noble d'entreprendre. Il y aurait des études en santé publique, il y
aurait des études en sociologie. Il y aurait plusieurs études, des équipes
multidisciplinaires qui pourraient vraiment se pencher sur la question et
pousser les consultations beaucoup plus loin. Parce que les balises dont on
parle, c'est des défis très éthiques, très complexes. Et comme on a entendu, il
y a des défis en santé mentale qui peuvent être résolus, mais sur une période
de 10 ou 20 ans, peut-être plus. Moi, j'ai une tante qui a 70 ans,
qui vient juste d'apprendre...
Mme Senécal (Julie) : ...et
c'est des défis très éthiques, très complexes. Et, comme on a entendu, il y a
des défis en santé mentale qui peuvent être résolus, mais sur une période de
10, 20 ans, peut-être plus. Moi, j'ai une tante qui a 70 ans qui vient juste
d'apprendre qu'elle a un trouble de personnalité limite. Elle, elle l'a appris
à 70 ans.
Mais je crois que votre question, c'est
une question académique qui doit être soulevée par une équipe
multidisciplinaire, en santé publique, en santé mentale, en santé sociale. Je
ne sais pas quoi dire de plus.
Excusez-moi, je bouge mon écran parce que
je suis émotive quand je parle.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bien oui. J'ajouterais un point. C'est que vous allez entendre, bien sûr, des
appels à la complémentarité, et je crois que c'est important aussi de rappeler
qu'il y a encore beaucoup de Québécois qui ont cette vision, je l'ai dit en
présentation, que la dignité, elle ne se perd pas avec les facultés qui
disparaissent tranquillement. Alors, c'est sûr que c'est fondamental pour nous.
C'est sûr que, depuis le début des débats en 2010, ça vient ponctuer nos
interventions.
Il y a encore beaucoup de personnes qui
ont vraiment au coeur le fait que, quand les gens nous disent : Bien la
dignité, je la perds... Non, non, non, puis on veut vous le rappeler. Bien sûr,
il y a toutes les questions d'autonomie, etc., mais comme société, de rappeler...
Et vraiment, il y a un appel, il y a un message qu'on doit lancer aux
personnes. Les facultés que vous allez perdre, les craintes que vous avez...
Bien, votre dignité, là, elle sera toujours avec vous.
Donc, vous avez des appels d'un côté, vous
avez des appels aussi d'autres personnes qui pensent vraiment qu'il y a une
fracture philosophique. Alors, on le voit. On respecte les différents points de
vue, mais si on ne vous disait pas... et puis on entend ces échos-là un peu
partout sur le terrain... qu'il y a encore des personnes au Québec qui croient
en la dignité qui ne se perdra jamais, bien, on manquerait à notre mission.
M. Birnbaum : Donc, avec
respect, vous suggérez que c'est à nous, et pas à l'individu, disons,
l'individu devant un diagnostic d'Alzheimer précoce... c'est à nous, c'est à
l'État de juger et d'évaluer la dignité, et ça n'appartient pas à cet
individu-là, avec des balises très strictes, d'avoir l'opportunité, fidèle à la
loi actuelle, à quelque part, à prendre sa décision. Est-ce que je vous
comprends bien?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Oui, vous me comprenez bien. Parce que, suite à ce choix, bien là il va y avoir
un mur, celui de placer un professionnel de la santé à procéder à une aide
médicale à mourir devant une personne qui sera inapte, et même... et je le
répète, même s'il a eu le choix...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...vous me comprenez bien parce que, suite à ce choix, bien là, il va avoir un
mur, celui de placer un professionnel de la santé à procéder à une aide
médicale à mourir devant une personne qui sera inapte. Et même, et je le
répète, même s'il a eu le choix avant, il y a une situation que, pour nous, on
ne peut tolérer, qui... À travers le monde, là, il y a seulement deux endroits
qui ont ouvert la porte. Et on voit trop d'histoires qui nous brisent le coeur,
de personnes, même si c'est quelques cas, et pour nous ce n'est pas la quantité
de personnes, là, chaque cas est important. Et on ne peut pas mettre... Et en
tout respect pour les personnes qui le demandent avec leur choix autonome, on
ne veut pas mettre des professionnels de la santé au Québec dans cette situation,
ce choix qui, pour nous, ne nous apparaît pas opportun du tout.
M. Birnbaum : On va
s'entendre que la loi actuelle est basée sur la vision d'une continuité de
soins de santé où s'insère l'aide médicale à mourir dans les circonstances très
balisées. Et on va en convenir qu'un médecin individuel peut se désister de
pratiquer cette intervention-là. Par contre l'obligation de l'État actuel,
c'est d'assurer la disponibilité, selon ces balises actuelles, la disponibilité
du recours à l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous croyez que cette
assurance, même sur le plan institutionnel, ne devrait pas exister ou vous
voulez protéger le droit de désister d'un individu, un médecin individuel?
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : Bien sûr, on veut protéger... protéger la conscience des
médecins au point de vue personnel, mais le choix de société de se dire qu'évidemment
on le reconnaît, là, il y a des balises qui ont été données avec la Loi
concernant les soins de fin de vie. Mais jamais la question d'enlever la vie de
personnes inaptes n'a été abordée. Il y a un choix au niveau fédéral de ne pas
ouvrir la porte, même s'il y avait des pressions importantes. Et vous avez la possibilité
aussi de prendre ce choix que, dans votre cadre, dans la loi québécoise que,
pour des questions d'une personne qui est devenue inapte, bien, malheureusement,
on fait ce choix-là, de ne pas mettre nos professionnels de la santé dans cette
situation.
M. Birnbaum : Merci.
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Merci. Donc, merci à vous deux pour le
témoignage et pour la présentation. Ça nous aide grandement pour la suite de
nos travaux de la commission. Donc, merci pour votre contribution. Et nous,
nous suspendons quelques instants, le temps de recevoir nos prochains invités.
Et je demanderais aux membres de la commission de rester avec nous. Merci
encore.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
La Présidente (Mme Guillemette) :
…pour la suite de nos travaux de la commission. Donc, merci pour votre
contribution.
Et nous suspendons quelques instants, le
temps de recevoir nos prochains invités, et je demanderais aux membres de la
commission de rester avec nous. Merci encore.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 heures)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour, et la commission reprend ses travaux…
(Interruption) Excusez.
Nous accueillons maintenant la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse avec leurs
représentants, donc Me Philippe-André Tessier, président, et Me Marie
Carpentier, conseillère juridique. Donc, vous disposez de 10 minutes pour
faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède maintenant la
parole.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Philippe-André
Tessier, donc, président de la commission, accompagné de Me Marie Carpentier,
conseillère juridique à la direction de la recherche de la commission.
Je rappelle que la commission a pour but
d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des
droits et libertés de la personne. Elle assure aussi la protection de l'intérêt
de l'enfant, et le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus,
notamment par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Conformément à notre mandat, la commission
a pris connaissance du document de consultation produit par la commission
spéciale. Évidemment, comme plusieurs autres intervenants devant vous, on salue
la nécessaire réflexion entreprise sur l'élargissement de l'accès à l'aide médicale
à mourir aux personnes en situation d'inaptitude et celles souffrant de
troubles mentaux. On salue évidemment l'étendue de vos travaux, le document de
consultation, la qualité des interventions devant vous, et on pense que cette
approche-là, pour laquelle le Québec a fait preuve d'innovation, mérite d'être
soulignée et saluée à nouveau.
En 2014, la commission a participé aux
consultations, évidemment, concernant le projet de loi n° 52. Depuis, la Cour
suprême a rendu sa décision dans l'affaire Carter et la Cour supérieure dans la
cause Truchon et Gladu. Ces décisions, fondées sur les droits et libertés
garantis par la charte canadienne, convergent avec plusieurs des
recommandations formulées à l'époque par la commission. Plus récemment, la
commission a assisté au forum sur l'évolution de la loi tenu en janvier et en
décembre 2020.
Nous estimons utile de vous rappeler ici
les grandes lignes de la position de la commission, avant de soumettre nos
observations quant aux demandes explicites… de consultations. D'abord, nous
tenons à rappeler que le cadre sous lequel nous nous fondons… et nous fondons
notre analyse est celui des droits et libertés garantis par la charte
québécoise dont le respect s'impose notamment aux législateurs. La commission
était d'accord et continue de l'être avec l'introduction de l'aide médicale à
mourir en droit québécois et avec le principe que cette aide s'inscrit dans un
continuum de soins. Elle maintient que les droits et libertés doivent
s'inspirer… doivent inspirer, pardon, la prestation de soins, notamment dans le
respect de la dignité de la personne. De l'avis de la commission, l'aide
médicale à mourir est de nature à favoriser la mise en oeuvre de certains
droits et libertés garantis par la charte, des conditions, des conditions
actuellement prévues dans la loi pourraient donc avoir effet d'en compromettre
la réalisation, bien que, nous en convenons tous, la prudence doit servir de
guide en la matière.
Ainsi, le droit à la vie des personnes
concernées est compromis par le fait qu'elles ne puissent accéder à l'aide
médicale à mourir…
M. Tessier (Philippe-André) :
...de certains droits et libertés garantis par la charte. Des conditions actuellement
prévues dans la loi pourraient donc avoir effet d'en compromettre la réalisation
bien que, nous en convenons tous, la prudence doit servir de guide en la
matière.
Ainsi, le droit à la vie des personnes
concernées est compromis par le fait qu'elles ne puissent à l'aide médicale à
mourir. En effet, face à cet empêchement légal, certaines personnes pourraient
hâter le moment où elles décident de mettre fin à leurs jours avant d'en être
incapables. On peut d'ailleurs considérer la mort comme faisant partie
intégrante de la vie, comme le soulignait le juge de la Cour suprême Cory dans l'affaire
Sue... Sue Rodriguez, pardon. À ce titre, le droit de mourir dans la dignité
ferait partie du droit à la vie garantie par la charte. De l'avis de la
commission, le caractère sacré de la vie n'exige pas que toute vie humaine soit
préservée à tout prix, car le choix de mettre fin à ses jours relève de la
morale personnelle. Il est donc protégé par la liberté de conscience.
Comme l'avait indiqué la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité en 2012, et j'ouvre les
guillemets, «les croyances de certains ne sauraient servir de base à
l'élaboration d'une législation applicable à tous», fermeture des guillemets.
Le fait de ne pas avoir accès à l'aide médicale à mourir compromet également le
droit à la dignité, lequel est lié à l'autonomie et à la maîtrise de son corps.
Il est porté atteinte à ce droit quand on empêche la personne de faire les
choix fondamentaux le concernant... la concernant, pardon. Le droit au respect
de sa vie privée, dans la mesure où il garantit une certaine forme d'autonomie,
est également en cause quand l'aide médicale à mourir est inaccessible.
Étant donné les atteintes potentielles aux
droits et libertés garantis par la charte qu'elle implique, la commission était
et est toujours préoccupée par l'inaccessibilité de l'aide médicale à mourir à
certaines personnes, notamment les personnes mineures et les personnes inaptes
à consentir aux soins. Dans le cas des personnes inaptes à consentir aux soins,
outre que cela entraînerait potentiellement une violation de certains droits et
libertés fondamentaux, cette exclusion pourrait également être considérée
discriminatoire sur la base d'un handicap prévu à l'article 10 de la
charte.
La faculté de consentir ou non aux soins
est protégée notamment par le droit à l'intégrité à la charte. Suite à
l'intégrité garantie par la charte, l'aptitude à consentir aux soins doit être
distinguée de la capacité juridique. En d'autres termes, cette faculté ne se
rattache pas nécessairement au fait que la personne soit soumise à un régime de
protection. L'aptitude de la personne à consentir aux soins s'apprécie en
fonction de son autonomie décisionnelle au moment où elle doit consentir aux
soins et être évaluée pour chaque soin.
En vertu du Code civil du Québec, les
personnes inaptes à consentir aux soins sont soumises au consentement
substitué. Notons qu'il est possible par consentement substitué de demander la
fin d'un traitement, même si cet arrêt signifie la mort. On peut également
demander la cessation de l'alimentation et de l'hydratation.
Or, ce n'est pas le cas pour l'aide
médicale à mourir. Rappelons que la loi concernant les soins de vie exige que
la personne ait elle-même consenti à recevoir cette aide. Depuis cette année,
il est possible pour une personne en fin de vie d'obtenir l'aide médicale à
mourir si elle devient inapte après que sa demande ait été acceptée. Il n'est
cependant pas possible d'opérer par consentement substitué, ni même d'avoir
recours à des directives médicales anticipées. La différence entre une demande
de cesser les traitements et une demande d'aide médicale à mourir apparaît
difficilement justifiable. Je constate que ma caméra a des difficultés et je
m'en excuse.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Il n'y a pas de problème.
M. Tessier (Philippe-André) :
La consultation...
La Présidente
(Mme Guillemette) : C'est peut-être la diffusion aussi. Il n'y a
pas de problème...
M. Tessier (Philippe-André) :
...anticipées. La différence entre une demande de cesser les traitements et une
demande d'aide médicale à mourir apparaît difficilement justifiable.
Je constate que ma caméra a des
difficultés, je m'en excuse.
La consultation...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il n'y a pas de problème. C'est peut-être la diffusion aussi. Il n'y a pas de problème.
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est ça. Donc, l'important, c'est que vous m'entendiez bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Tessier (Philippe-André) :
La consultation ne porte pas sur l'aide médicale à mourir pour les personnes
mineures. Elles sont cependant exclues de la loi, puisque la loi, évidemment,
indique que seules les personnes majeures peuvent la recevoir. Outre les droits
énumérés précédemment, cette exclusion serait susceptible de compromettre
l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, qui devraient être au coeur
des décisions le concernant. Or, le Code civil prévoit que la personne mineure
de plus de 14 ans dispose d'une autonomie décisionnelle restreinte en matière
de consentement aux soins. Quant aux personnes de 14 ans, elles sont, tout
comme on le mentionnait pour les personnes majeures inaptes à consentir aux
soins, soumises aux règles du consentement substitué.
L'objectif derrière les conditions légales
est simple, protéger les personnes éventuellement en situation de
vulnérabilité, soit les personnes mineures ou inaptes à consentir à ce soin.
Cet objectif est louable. Cependant, s'il est raisonnable de baliser plus
étroitement l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation
de vulnérabilité, il nous semble déraisonnable de leur refuser d'emblée tout
accès. Rappelons que, comme l'indiquait la juge Baudouin, de la Cour
supérieure, dans l'affaire Truchon, l'aide médicale à mourir est un soin parce
qu'elle soulage les souffrances. La possibilité pour voir les personnes en
situation de vulnérabilité... de voir leurs droits respectés et leurs
souffrances allégées doit pouvoir exister, quitte à ce que chaque cas soit
soigneusement étudié d'un point de vue individuel.
En 2014, la commission avait invité le
législateur à aménager des règles plus en phase avec les règles de consentement
des personnes mineures et qui tiennent compte du caractère spécifique et
irréversible de l'aide médicale à mourir. Elle avait également demandé que des
règles plus en accord avec celles qui prévalent actuellement à l'égard des
personnes majeures inaptes à consentir aux soins soient aménagées, moyennant le
développement de mécanismes de consentement approprié, y compris par le biais
de nouvelles possibilités de consentement anticipé.
La commission considère de plus que les
demandes d'aide médicale à mourir des personnes dont le seul problème médical
invoqué est un trouble mental doivent être évaluées au cas par cas, notamment
au chapitre de l'aptitude à consentir aux soins. Une exclusion systématique de
ces personnes serait susceptible, comme je le mentionnais précédemment, d'être
discriminatoire, car ces personnes font partie du groupe protégé par le motif
de discrimination de handicap prohibé par la charte.
En somme, la commission estime nécessaire
que des solutions soient apportées à l'exclusion des personnes inaptes à
consentir aux soins. Elle souhaite également que l'encadrement de l'accès à
l'aide médicale à mourir respecte tous les droits des personnes dont le seul
problème médical invoqué en est un relevant de la santé mentale. Elle invite
finalement la commission spéciale de se pencher sur l'exclusion des personnes
mineures. Et évidemment, elle réserve cependant son jugement sur les solutions
concrètes qui seront apportées par le législateur à ces problèmes complexes, en
précisant que ce n'est pas le rôle de la commission aujourd'hui.
Nous vous remercions de votre attention,
et je demeure disponible pour répondre à vos questions avec ma collègue, tout en
tentant de régler le problème de caméra.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pour la caméra, Me Tessier, de notre côté, ça va bien maintenant. Donc, merci
pour votre exposé. Nous passons maintenant à la période d'échange avec les
membres...
M. Tessier (Philippe-André) :
…nous vous remercions de votre attention, et je demeure disponible pour
répondre à vos questions avec ma collègue, tout en tentant de régler le
problème de caméra.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pour la caméra, Me Tessier, de notre côté, ça va bien maintenant. Donc, merci
pour votre exposé. Nous passons maintenant à la période d'échange avec les
membres de la commission. Donc, Mme la députée de Joliette, la parole
est à vous.
• (16 h 10) •
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. Bonjour à vous deux, merci de votre présence. Donc, évidemment…
puis ce n'est peut-être pas surprenant, c'est le rôle de la commission, mais je
comprends que votre position en est une d'ouverture complète, sous réserve,
évidemment, de balises qui pourraient, elles, être très strictes, mais que
l'admissibilité, la possibilité de demander l'aide médicale à mourir devrait
autant concerner les personnes qui ont une maladie dégénérative en le demandant
de manière anticipée, les personnes qui sont inaptes de naissance par le
consentement substitué, les mineurs par le même mécanisme. Donc, c'est bien
votre position de base qui est une ouverture à toutes les catégories possibles
et qu'il n'y ait aucune exclusion d'emblée?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, bien, tout à fait. Donc, il faut comprendre que les modalités de
consentement dans l'aide médicale à mourir, c'est une exception au régime
général, hein, de consentement aux soins, et les exceptions, en droit, doivent
être justifiées et le plus limitées possible. Donc, on s'entend aussi que les
balises, comme vous nous le disiez, doivent être, compte tenu du caractère
spécifique de l'aide médicale à mourir… évidemment, doivent être aménagées
spécifiquement en lien avec ce type de pratiques là.
Puis il faut rappeler que, compte tenu des
jugements, tant Carter que Truchon, dans lesquels des démonstrations ont été
faites factuellement qui ne remettent pas en cause l'application des mesures…
donc on a quand même vécu un historique, donc, depuis… en 2014, évidemment,
nous n'avions pas de regard-là. Maintenant, on dispose de données, on dispose
d'éléments factuels qui nous permettent, encore une fois, d'avancer ces
propositions-là.
Mme
Hivon
: O.K.
Je vais vous amener sur une question assez pratique puis peut-être à la fois
théorique, mais si on crée les droits les plus extraordinaires et une égalité
de droit de tout le monde, mais que, dans les faits, il n'y a personne pour les
appliquer. Je m'explique. C'est beaucoup plus difficile pour un médecin de
donner l'aide médicale à mourir à une personne qui n'est pas là pour le
demander, encore plus dans un cas, par exemple, où elle ne l'aurait pas
demandée de manière anticipée, mais que ce serait via un consentement substitué
d'un tiers qui pense que c'est ce qui est bon pour la personne. Déjà, au début
de la loi, sur le terrain, ce n'était pas si simple de trouver des médecins
prêts à offrir l'aide médicale à mourir. S'il y a une ouverture, éventuellement,
et que, dans le fond, ces droits-là existent en pratique… en théorie, mais
qu'en pratique c'est extrêmement difficile de les appliquer, est-ce qu'on ne
crée pas de nouvelles discriminations qui ne sont pas théoriques mais qui sont
très…
Mme
Hivon
:
...pas si simple de trouver des médecins prêts à offrir l'aide médicale à
mourir s'il y a une ouverture éventuellement et que, dans le fond, ces
droits-là existent en pratique... en théorie, mais qu'en pratique c'est extrêmement
difficile de les appliquer, est-ce qu'on ne crée pas de nouvelles discriminations
qui ne sont pas théoriques, mais qui sont très pratiques, selon le degré
d'ouverture du médecin, que vous allez avoir la chance ou non de rencontrer sur
votre parcours?
M. Tessier (Philippe-André) :
Évidemment, on... C'est une excellente question, donc, l'application des
droits. Donc, pour que ceux-ci existent dans le réel, dans le concret, encore
faut-il qu'il y ait des professionnels qui soient disposés à prodiguer cet
acte-là, ce soin-là. Ce qu'on peut peut-être avancer comme élément d'hypothèse
ou comme réponse, c'est qu'il y a présentement toutes sortes de consentements
substitués qui sont mis en place pour une panoplie de mesures, certaines qui
mènent jusqu'à la mort. Il y a dans ce contexte-là des critères et des
contraintes qui existent et des contraintes qui ne viennent aussi pas tellement...
bien, qui ont plusieurs fonctions, qui ont plusieurs finalités. Une de ces
finalités-là, de ces contraintes-là, soit l'intervention du tribunal, vise notamment
à s'assurer que la personne est bien, bel et bien protégée, que la décision est
prise dans le meilleur intérêt de la personne.
Mais lorsque l'on parle d'intervention du
tribunal aussi, on parle de fournir aussi une certaine sécurité à l'ensemble
des professionnels qui participent à l'acte, en ce sens qu'il y a, ici, des
décisions, et aussi à la famille. Donc, on a la famille, les proches, on a
l'équipe médicale. Donc, on a un paquet de personnes impliquées. Et donc il y a
dans le consentement substitué certaines règles qui font en sorte que l'intervention
du tribunal peut venir donner une certaine sécurité par rapport à ces questions-là.
Mais il est évident que la question... Et encore une fois, comme la commission
l'avait dit en 2014 sur le projet de loi n° 52, on comprend la nature de
vos travaux, on comprend que la prudence est de mise parce que, justement, il
faut encore s'assurer que, lorsqu'un régime est mis en place, ce régime-là soit
applicable et effectif pour les Québécoises... toutes les Québécoises et tous
les Québécois.
Mme
Hivon
:
Donc, si je vous comprends bien, face à votre position, vous dites que l'intervention
du tribunal devrait pouvoir être envisagée dans certaines circonstances. Est-ce
que vous pouvez préciser ces circonstances-là? Est-ce qu'on parle de personnes,
donc, qui devraient avoir recours au consentement substitué ou l'envisager également
pour, par exemple, les demandes anticipées?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, c'est sûr et certain qu'à ce moment-ci, compte tenu de la nature
du mandat de la commission, nous n'en sommes pas à l'étape, comme je le disais d'entrée
de jeu, là, dans nos commentaires. Donc, on se réservait la possibilité
d'évaluer les propositions qui allaient être faites. Ce qu'on vous dit, cela
dit, puis parce qu'en toute transparence, c'est sûr et certain que si on vous
parle de consentement substitué, si on parle de s'assurer qu'il y a
effectivement des professionnels qui administrent ces soins-là, bien, il faut
tenir compte aussi du cadre dans lequel ça s'inscrit. Et donc je souligne à la
commission, on porte à l'attention de la commission que le consentement
substitué va s'accompagner...
M. Tessier (Philippe-André) :
...parce que... en toute transparence. C'est sûr et certain que si on vous
parle de consentement substitué, si on parle de s'assurer qu'il y a effectivement
des professionnels qui administrent ces soins-là, bien, il faut tenir compte
aussi du cadre dans lequel ça s'inscrit. Et donc je souligne à la commission...
on porte à l'attention de la commission que le consentement substitué va
s'accompagner de l'intervention d'un tribunal dans certaines circonstances, et
cela peut inspirer les travaux de la commission, oui, effectivement.
Mme
Hivon
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Merci, bonjour, Me Tessier. Vous avez parlé, là, que les exceptions
en droit, c'est un... ça devient des problématiques. Je comprends très bien,
là, que plus que c'est cadré, plus que c'est facile à être appliqué. Est-ce
qu'il y a des exceptions qui pourraient quand même être envisageables où on ne
touche à rien de ça?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, l'idée étant, ici, que... ce qu'on comprend, et ce qui est le
principe même de l'aide médicale à mourir... il y a des jugements qui sont
venus l'appliquer... et du cadre dans lequel cela s'inscrit, c'est que ça
s'inscrit dans un continuum de soins. Donc, il s'agit ici d'un soin, et ce
soin-là, son objectif, c'est de mettre fin à la souffrance. Oui, par la fin de
la vie, mais son objectif premier, c'est de mettre fin à la souffrance. Je
pense que vous avez entendu d'autres intervenants aussi vous parler de ça.
Donc, il est sûr et certain que, lorsque l'on parle de créer des exceptions à
un soin dont l'objectif est d'éviter la souffrance, il faut que ces
exceptions-là soient justifiées, soient balisées, soient les plus limitées
possible. C'est un peu le sens du propos qu'on tient devant vous aujourd'hui.
Et donc c'est pour ça, par exemple, qu'on
vous donne un exemple du mineur de 17 ans et six mois versus 18 ans et six
mois. C'est sûr et certain qu'on peut se poser la question : Qu'est-ce qui
fait en sorte que l'être humain qui a 17 ans et six mois, qui est en... Puis là
évidemment, oublions le critère de fin de vie parce qu'on s'entend, il n'est
plus là. Mais prenons le cas de figure où est-ce que cette personne-là est en
fin de vie. Là, avant l'arrêt Truchon, cette personne-là se voyait refuser
l'aide médicale à mourir. Alors, son choix, c'était effectivement de s'en
prendre à lui-même ou de procéder à la fin des traitements, donc, par
hydratation, nourriture, etc. Alors, il faut se poser la question, dans ce
contexte-là : Qu'est-ce qui est le plus humain dans les deux approches? Et
puis c'est un petit peu ça aussi, le regard qu'on porte sur l'enjeu. On tente
de prendre ce pas de recul là.
Puis on comprend les travaux de votre
commission, on entend les intervenants, on entendait les intervenants
précédents. C'est extrêmement sensible. Il y a des questions ici, on... C'est
pour ça que, d'entrée de jeu, on saluait votre travail. Mais ce qu'on veut juste
rappeler, c'est que ces exceptions-là, c'est aussi des êtres humains, et ces
exceptions-là... ces êtres humains là, ils ont ces droits-là, et comment on
aménage... Puis c'est ça, le défi du législateur dans le cas présent, c'est
comment on aménage l'exercice de ces balises, comment on crée ces...
M. Tessier (Philippe-André) :
…d'entrée de jeu, on saluait votre travail, mais ce qu'on veut juste rappeler,
c'est que ces exceptions-là, c'est aussi des êtres humains, et ces
exceptions-là, ces êtres humains là, ils ont ces droits-là, et comment on
aménage… puis c'est ça le défi du législateur dans le cas présent, c'est
comment on aménage l'exercice de ces balises, comment on crée ces balises-là
pour protéger ces personnes-là.
Puis je termine là-dessus en vous disant,
M. le député, que la décision Truchon, la juge Baudouin a analysé la preuve, et
les données, tant au Québec qu'au Canada, puis même les données étrangères,
elles ne font pas état de dérives, de dérapages. Donc, les médecins sont
capables de distinguer les patients suicidaires de ceux qui recherchent l'aide
médicale à mourir. Donc, on a ces données-là qui nous aident aujourd'hui à
prendre des meilleures décisions, et c'est tant mieux pour l'exercice dans
laquelle vous êtes…
M. Jacques : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, si je reviens un peu, vous dites que ça fait partie
d'un continuum de soins, c'est de mettre fin à la souffrance. Donc, pour vous,
le critère de souffrance doit toujours être omniprésent. Si on parle de
quelqu'un avec un trouble cognitif, il y a la souffrance réelle, mais, quand on
fait une demande anticipée ou une demande d'aide médicale à mourir, il y a la
souffrance anticipée aussi, peut-être qu'elle ne sera pas au même titre qu'elle
est réellement, là. Donc, pour vous, le critère de souffrance doit toujours
être présent?
• (16 h 20) •
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, peut-être que ma collègue peut compléter, mais la notion de souffrance,
elle est au coeur de la dignité humaine, elle est au coeur du jugement de la Cour
supérieure, dont la Procureure générale n'a pas fait appel, donc qui a passé…
qui a force de droit. Donc, essentiellement, c'est pour ça que, pour nous, ce
critère-là… et c'est aussi ce qui ressort en doctrine chez beaucoup d'experts,
c'est ce qui a été mis de l'avant pas la commission. Je ne sais pas si ma
collègue veut compléter.
Mme Carpentier (Marie) : Oui,
merci, merci beaucoup. Il reste que, même si on procédait, par exemple, par
consentement substitué, il reste les autres critères de la loi sur les soins de
fin de vie à l'article 26 qui sont applicables, qui sont un déclin avancé
et irréversible de ses capacités, des souffrances physiques ou psychiques.
C'est des critères qui demeurent présents, même si on élargit, par exemple, aux
personnes mineures. Donc, ces critères seraient toujours là.
Puis il y a aussi les critères du
consentement substitué qui font que la décision doit être prise dans le
meilleur intérêt de la personne concernée. Et, dans certaines circonstances, le
meilleur intérêt de la personne concernée, c'est d'interrompre ses souffrances,
donc. Mais on est d'avis que les balises qui sont en place, la façon dont est
exercée, par exemple, le contrôle sur le consentement substitué, quand on
observe la jurisprudence autour de ces questions-là, bien, nous, on est rassurés
par le processus. Si, par exemple, il y a une mésentente entre les médecins et
les parents…
Mme Carpentier (Marie) :
...on est d'avis que les balises qui sont en place puis de la façon dont est
exercé, par exemple, le contrôle pour le consentement substitué, quand on
observe la jurisprudence autour de ces questions-là, bien, nous, on est
rassurés par le processus.
Si, par exemple, il y a une mésentente
entre les médecins et les parents, puis que c'est l'intervention d'un juge,
bien, cette intervention va aller dans le sens du meilleur intérêt de la
personne concernée. Puis s'il y a un doute que ce n'est pas l'aide médicale à
mourir, la meilleure solution, bien, on est conscient que ça ne sera pas
accordé comme solution, que les mécanismes en place vont servir suffisamment
pour protéger les personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité. Puis
c'est sûr que si on parle des personnes qui sont incapables de consentir, bien,
les précautions, on est convaincus que les précautions vont être encore plus
grandes.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Et au niveau de la santé mentale, on sait qu'il
y a des gens qu'après 10, 15 ans de soins, on trouve enfin la lumière au
bout du tunnel, qui ont fait plusieurs tentatives de suicide, ou qui ont des
idées suicidaires, finalement, on trouve la bonne molécule ou le bon soin, puis
ils vont remercier les gens de les avoir sauvés. Donc, quelles balises on peut mettre
en place pour protéger ces gens-là? Ou jusqu'où on doit aller dans le soin et
dans l'offre thérapeutique?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, c'est sûr et certain que, là, encore une fois, aujourd'hui, on
n'est pas devant nous avec un projet de loi qui nous propose des modalités. Ce
qu'on comprend, c'est qu'il y aura vraisemblablement un dépôt d'un projet de
loi. Je ne voudrais pas commettre un outrage aujourd'hui devant vous, mais je
comprends qu'il y aura dépôt d'un projet de loi et qu'on pourra effectivement à
ce moment-là commenter et revenir devant la commission appropriée pour regarder
quelles sont les modalités qui sont présentées.
Mais rappelons-nous la chose suivante,
puis en réponse à votre question, oui, c'est sûr et certain qu'il peut toujours
y avoir ce genre de situation là. Mais encore faut-il regarder lorsque les
critères qui sont mis de l'avant pour l'aide médicale à mourir. Un des médecins
qui témoignait devant le tribunal dans l'affaire Truchon disait qu'il n'y a
aucun soin, même des soins entraînant la fin de vie, qui est aussi réglementé,
régimenté, contrôlé que l'aide médicale à mourir. Et donc il est... Il est
certain que, ça, c'est les éléments qui ont été retenus, qui ont été mis en
preuve et qui sont factuellement présents, c'est que l'encadrement juridique
prévu par la loi n° 52, là, par la loi telle qu'elle
est aujourd'hui, est venu créer ces balises-là. On est venu développer une
pratique. Et c'est sûr et certain qu'on veut s'assurer que les cas et la
distinction qui se fait entre les gens qui sont peut-être... qui pourraient
présenter une ambivalence, qui pourraient avoir des pensées suicidaires, ce
sont, tous, des éléments qui relèvent, qui reviennent devant. Et ce que la
preuve a démontré, c'est qu'on...
M. Tessier (Philippe-André) :
...pratique. Et c'est sûr et certain qu'on veut s'assurer que les cas et... La
distinction qui se fait entre les gens qui sont peut-être... qui pourraient
présenter une ambivalence, qui pourraient avoir des pensées suicidaires, ce
sont tous des éléments qui relèvent... qui reviennent devant. Et ce que la
preuve a démontré, c'est qu'on fait la distinction. Présentement, les médecins
sont en mesure... et c'est les termes du tribunal... avec toute la diligence
requise, de faire cette distinction-là, compte tenu des critères établis par le
législateur, alors... Et comme... Je le répète, là, c'est le soin le plus
encadré, le plus réglementé qu'il y a.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Merci, M. Tessier et Mme Carpentier. J'ai une petite
question par rapport à la souffrance. Souvent, la souffrance, ça peut être
objectif, ça peut être... ou subjectif. Donc, c'est... vous dites, par rapport
à... tu sais, l'aide médicale à mourir, c'est par rapport à alléger les
souffrances d'une personne, puis c'est les soins de fin de vie qui viennent
comme arrêter la souffrance.
Mais dans un cas... d'une personne à une
autre, la souffrance, elle est différente. Puis souvent, on a entendu parler,
par rapport à l'alzheimer, les gens anticipent la souffrance parce qu'ils l'ont
vue, ils ont eu une expérience de vie. Mais quelqu'un qui ne l'a jamais vécue,
comment il va être capable de déterminer sa souffrance dans une demande
anticipée, à savoir, moi, ça... Tu sais, c'est... je ne sais pas si vous voyez
ce que je veux dire par rapport à déterminer c'est quoi, la souffrance, pour
être un critère.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, bien là dans le cas où vous parlez, on parle aussi de directives
anticipées. C'est ce qui fait... C'est ce qui est mis de l'avant un peu, là,
par la consultation, la commission, etc. Donc, c'est sûr et certain qu'on se
retrouve dans une situation où on fait appel aussi... il y a un aspect
d'autonomie de la personne. Puis la personne, elle, décide à l'avance, compte
tenu d'une situation de fait qui se produit, qui est cette maladie-là, par
exemple, de donner une directive anticipée. On parlait de directives médicales
anticipées, maintenant, de directives anticipées pour tenir compte de
certaines... d'une évolution de la maladie.
Mais encore une fois, il faut être
conscients que ça, ici, le principe auquel on fait appel, c'est qu'on permet à
cette personne-là... on donne à une personne une certaine forme de sécurité.
Cette personne-là dit : Moi, je me vois. Et il faut faire attention
lorsqu'on fait des généralités parce que, vous l'avez bien dit, Mme la députée,
on va y aller dans le cas par cas, on va évaluer de façon individuelle chacun
des cas. Alors, c'est sûr et certain que, lorsqu'on prévoit ce genre de
mécanisme là, bien, il faut aussi respecter ce que la personne en elle-même dit
ou déclare être.
Et c'est un des principes aussi qui est
retenu dans l'affaire Truchon, c'est cette approche individualisée là. C'est
que cette approche-là, c'est de dire : On ne peut pas prendre les
personnes inaptes, disons, comme un bloc...
M. Tessier (Philippe-André) :
…bien, il faut aussi respecter ce que la personne en elle-même dit ou déclare
être.
Et c'est un des principes aussi qui est
retenu dans l'affaire Truchon, c'est cette approche individualisée là. Cette
approche-là, c'est de dire : On ne peut pas prendre les personnes inaptes,
disons, comme un bloc monolithique. Vous allez entendre les cas de différentes
façons. Et c'est un peu ça, la leçon et la morale de l'histoire de la saga
judiciaire qu'il y a eu. C'est qu'il faut traiter l'être humain... chaque vie
humaine de façon importante. Et ça, ça veut donc dire cette approche-là
individualisée à laquelle vous faites référence. Et c'est là où est-ce qu'on
met des balises, mais qu'ultimement à la fin de la journée, il va y avoir du
cas par cas et il va y avoir ces cas d'appréciation là, mais qui, je vous le
soumets respectueusement, se produisent déjà. Il y a des cas où, effectivement,
l'aide médicale à mourir est refusée pour les critères actuels.
Donc, cet exercice-là, ce balisage-là...
Ma collègue faisait référence à l'article 26. Il y a des critères qui
existent. C'est présent présentement. Et il y a des décisions des tribunaux qui
vont, des fois, permettre les soins, d'autres fois, non. Ça va dépendre, encore
une fois, de la situation factuelle de chaque cas.
Mme
Hébert
:
Parfait.
Mme Carpentier (Marie) : Si je
peux me permettre d'ajouter... Vous aviez, tout à l'heure, la discussion par
rapport à la dignité aussi. C'est que je pense que, comme... et la souffrance
et la dignité, c'est peut-être vain d'essayer de faire une définition
universelle, qui s'appliquerait à tout le monde de la même façon, et de la
souffrance ou de la dignité. Donc, je rejoins mon collègue sur cette question-là,
là, l'idée qu'il faut que ce soit une évaluation individualisée. Puis la
conception que la personne et ses proches se font de la souffrance et de la
dignité est importante dans l'équation.
Mme
Hébert
:
Parfait, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...députée. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci beaucoup.
Bonjour, Me Tessier, bonjour, Me Carpentier. Toujours un plaisir d'échanger
avec vous. Je vais changer un peu de propos. J'aimerais parler de... le
potentiel d'exploitation, de maltraitance. On ne l'a pas abordé encore, mais,
dans le rôle que vous jouez actuellement, comment prévoyez-vous de protéger des
citoyens quand on parle de l'exploitation des personnes âgées, handicapées au
sens de la charte québécoise? Et il y a la maltraitance selon la loi visant à
lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure,
situation de vulnérabilité. Que devons-nous… prévoyez pour assurer que ce ne
sera pas le cas pour protéger les citoyens?
• (16 h 30) •
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, oui. Bien, c'est une très bonne question effectivement, donc, puis c'est
pour ça que je le rappelais, d'entrée de jeu, la commission tend, en 2014,
encore aujourd'hui, rappelle le principe de prudence, le principe de précaution
par rapport à ces questions-là. Il ne s'agit pas ici, puis il ne faut pas faire
dire… il ne faut pas exagérer tout. Oui, bien qu'on propose de déverrouiller
ces limitations qui sont présentement là pour les majeurs inaptes et les
personnes mineures, il faut comprendre que ce n'est pas genre «let's open the
floodgates», ce n'est pas un accès tous azimuts. Il faut vraiment bien…
16 h 30 (version non révisée)
M. Tessier (Philippe-André) :
...puis il ne faut pas faire dire... Il ne faut pas exagérer tout. Oui, bien
qu'on propose de déverrouiller ces limitations qui sont présentement là pour
les majeurs inaptes et les personnes mineures, il faut comprendre genre «let's
open the flood gates», ce n'est pas un accès tous azimuts. Il faut vraiment
bien le baliser, même le mettre... l'astreindre à des conditions plus strictes parce
qu'effectivement on comprend pourquoi, d'entrée de jeu, ces personnes-là
avaient été exclues, parce qu'elles sont présumées plus vulnérables. On les
juge vulnérables.
Comme société, on vise à la protéger. Mais
ici, ce dont on parle, on parle, rappelons-nous, on est dans un contexte d'aide
médicale à mourir. Donc, on est dans un concept, puis je reviens là-dessus, où
est-ce que la personne est dans une situation de souffrance. Il y a quelque
chose qui fait en sorte que cette personne-là, il y a... pour des raisons tout
à fait personnelles, impérieuses, bien, veut mettre fin à ses jours, ou il y a
des raisons de mettre fin à ses jours, parce que la souffrance de la personne,
ce n'est pas une façon de vivre pour cette personne-là. À ce moment-là, on le
décrit souvent, en littérature, on parle d'être relationnel, la personne par
les contacts qu'elle a, par les gens qui s'occupent d'elle, que ce soit au
niveau de la famille ou du personnel soignant, lorsque ces personnes-là se
rendent compte que cette personne-là souffre et... on la place devant ce
mur-là, présentement, il n'y a pas de... «there's no way out», il n'y a pas de
possibilité pour la personne d'avoir accès à quoi que ce soit.
Donc, on dit à cette personne-là :
Compte tenu de ton statut, bien, un peu, tu es condamné à souffrir. On est
désolés, mais parce que tu es un mineur, parce que tu es inapte, bien, tu vas
souffrir. Puis la seule autre possibilité pour la famille proche puis l'équipe
médicale, il faut se le dire, il faut se le dire entre nous, la seule possibilité
pour mettre fin aux souffrances, c'est la déshydratation, arrêter
l'alimentation. Ça, c'est permis par consentement substitué présentement en
droit. Donc, on place l'équipe médicale et la famille devant le choix de
dire : Je veux abréger les souffrances de la personne mineure ou de la
personne majeure inapte, bien, la seule solution, ça va être d'arrêter
l'alimentation et l'hydratation. Il faut se poser la question : Est-ce que
c'est ce qu'on veut comme résultat, compte tenu de l'expérience qu'on a de
l'aide médicale à mourir au Québec et ailleurs, à l'international, compte tenu
des études qui ont été faites, compte tenu des approches qui ont été
développées, compte tenu de l'ensemble des témoignages que vous allez entendre?
C'est ça, une des questions fondamentales à laquelle vous avez à répondre et à
proposer une solution.
Et c'est pour ça que nous, on dit :
Prévoyons des règles, prévoyons des règles strictes, prévoyons des règles très,
très contraignantes. J'ai évoqué puis je vous dis : On réserve notre
jugement lorsqu'il y aura projet de loi. J'évoque la possibilité de
l'intervention du tribunal, qui peut être un autre verrou, une autre façon de
protéger le majeur inapte, personne... vulnérabilité, pour assurer qu'il n'y a
pas de situation d'exploitation, pas de situation de maltraitance, que cela est
fait dans le seul et unique intérêt de la personne, de la vie humaine qui est
devant nous, et que le seul motif, c'est d'abréger les souffrances de la
personne qui est devant nous, et aucune autre considération.
Mme Maccarone : Alors, je
comprends, nous n'avons pas un projet de loi devant nous, alors ça va être
difficile peut-être pour vous de vous exprimer en ce qui concerne votre rôle.
Mais c'est ça qui me préoccupe, parce que, là, on parle qu'on devrait...
M. Tessier (Philippe-André) :
...que le seul motif, c'est d'abréger les souffrances de la personne qui est
devant, et aucune autre considération.
Mme Maccarone : Alors, je
comprends. Nous n'avons pas un projet de loi devant nous. Alors, ça va être
difficile peut-être pour vous de vous exprimer en ce qui concerne votre rôle,
mais c'est ça qui me préoccupe parce que, là, on parle qu'on devrait avoir le
droit à la dignité. On parle de... On devrait avoir un accès très large selon vous
parce que le droit à la dignité, le droit de mettre fin à la souffrance, ça
appartient à tous et à toutes, mais ne devons-nous pas prévoir peut-être...
mettons, le rôle des proches, des proches aidants, ça va être quoi? Parce que
je me mets dans vos souliers, suite à une adoption ou des recommandations que
ce comité se fera, ne devons-nous peut-être pas prévoir votre rôle à
l'intérieur de ceci?
Parce que là, on parle d'avoir un accès
très large, alors le rôle de la commission sera quoi face à plusieurs personnes
qui vont peut-être se plaindre au CDPDJ, pour dire : Mon accès... j'ai été
refusé un accès à cause de... Alors, comment allez-vous agir pour représenter
ces personnes, en pensant qu'il y aura peut-être des gens qui vont dire :
Mais là, ils ont dit non à cause d'eux, parce que je souffre de déficience
intellectuelle, parce que je souffre de l'autisme, mais je milite pour
moi-même, j'ai une compréhension de qu'est-ce que je demande. Que ferez-vous
face à ces demandes de la présentation pour protéger les droits de ces
citoyens?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr et certain, vous évoquez le mécanisme de plainte à la commission.
Là, évidemment, moi, je vous dirais que les questions qui se posent devant
nous, que ça soit par le biais de la commission, que ça soit par un recours au
tribunal, comme ça a été dans le cas de ... par le ... de la commission, là.
Les gens ont saisi les tribunaux de cette question-là.
Disons que... et c'est ce qu'on avait dit
en 2014, hein, lorsque sur certaines des questions qui ont été émises, la
question de fin de vie et autres. Donc, on avait, à ce moment-là, indiqué à la
commission qui était chargée d'étudier le projet de loi, c'est-à-dire il y a
ici un risque potentiel que certains éléments du projet soient mis de côté,
parce qu'il y a ces exclusions-là qui sont potentiellement discriminatoires. Et
donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a ce potentiel-là de recours, de
contestation et de .... Nous, le rôle de la commission dans un contexte comme
ça, c'est toujours un rôle dans l'intérêt public, de s'assurer que les éléments
qui sont mis de l'avant sont là dans le meilleur intérêt de la personne.
Lorsqu'il y a situation d'exploitation,
puis là, je sors un peu du propos, mais ... , nous, ce qu'il faut s'assurer,
c'est que la personne qui est victime d'exploitation ne pose pas des gestes de
son plein gré, bien qu'ils peuvent, en apparence, sembler un peu bizarres.
Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va faire une enquête, on va s'assurer que,
dans les faits particuliers devant nous, ce qu'on a, c'est bel et bien
quelqu'un qui est victime d'une situation où il y a une mise à profit. Donc, il
y a des critères juridiques, encore une fois, qui ont été élaborés, on est venu
établir des critères pour s'assurer...
M. Tessier (Philippe-André) :
...peu bizarre. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va faire une enquête, on va
s'assurer que, dans les faits particuliers devant nous, ce qu'on a, c'est bel
et bien quelqu'un qui est victime d'une situation où il y a une mise à profit.
Donc, il y a des critères juridiques, encore une fois, qui ont été élaborés, on
est venu établir des critères pour s'assurer qu'on distingue le cas où la personne
est vulnérable et véritablement exploitée du cas où la personne vulnérable,
elle, décide de poser des gestes parce que c'est le geste qu'elle souhaite
faire malgré sa vulnérabilité. Donc, qui dit vulnérabilité ne veut pas dire
inaptitude. Qui dit vulnérabilité ne veut pas dire incapacité de prendre des
décisions, et il faut respecter aussi cette zone-là d'autonomie. C'est aussi le
principe du projet de loi n° 18 qui a été adopté avec
le Curateur public, là. Donc, c'est toute cette question-là de la convention de
Paris, des principes internationaux qui rattachent ces éléments-là aussi de l'autonomie
décisionnelle de la personne.
Mme Maccarone : Alors, est-ce
que ce serait de la discrimination de refuser une demande anticipée de l'aide
médicale à mourir à une personne qui souffre d'une déficience intellectuelle,
de l'autisme ou d'un handicap?
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est la question qu'on soulève. C'est la préoccupation, une des préoccupations
qu'on soulève. Tout comme en 2014, on soulevait des préoccupations, on réitère
devant la commission actuelle. Et c'est pour ça que je vous dis, nous, pour le
moment, on n'a pas de projet de loi devant nous, donc on n'a pas pu analyser le
projet de loi, mais ce qu'on vous dit, c'est qu'en 2014 on a parlé des mineurs,
on a parlé des majeurs inaptes, on a parlé de ces questions-là, et on... a
dit : Attention! Ici, il y a des zones dans lesquelles la compatibilité de
ces exclusions-là... Puis encore là, on se répète, là, c'est des exclusions
blindées mur à mur, il n'y a pas d'exception possible, et on dit :
Attention! Quand il n'y a pas d'exception possible, quand il n'y a pas de possibilité
pour ce faire, surtout quand on parle d'un soin, il faut se rappeler, là, la
loi québécoise parle de soin, ici, donc c'est là aussi qu'il faut être très
prudent dans ce qu'on vient décrire, discerner ces exceptions-là.
Mme Maccarone : O.K. Merci, Mme
la Présidente. S'il me reste du temps, je cèderais la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Oui, M. le député, pour 1 min 30 s.
M. Birnbaum : Oui. Merci. Écoutez,
je comprends, vous mettez devant nous une exigence qui est difficile à ignorer.
En même temps, dans la même ligne de questionnement de mes collègues, je me
préoccupe de la... façon de faire, de rendre ça réel. Je vous avoue que je ne
crois pas qu'un seul expert témoin ou les autres témoins aujourd'hui auraient
abordé cette question tout à fait légitime. Alors, je vous invite, si vous avez
des pistes de réflexion davantage sur les comment... parce que je ne vous cache
pas que je trouverais très difficile d'éviter de nous adresser à la question
primordiale que vous mettez devant nous...
M. Birnbaum : …légitime.
Alors, je vous invite, si vous avez des pistes de réflexion davantage sur les
comment… parce que je ne vous cache pas que je trouverais ça très difficile
d'éviter de nous adresser à la question primordiale que vous mettez devant
nous.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez… Puis, encore une fois, là, dans un souci, vous avez entendu des
représentations d'avant de la part de différentes associations ou groupes ou
experts qui sont venus vous parler… Bon, premièrement, il y a des comités
d'experts qui vont se pencher sur la question des mineurs et des majeurs
imminents. Vous êtes bien au fait de ça qu'il y ait une consultation… en parle,
donc je ne fais pas de la redite, là, vous savez très bien de quoi je parle. Il
y a des associations qui ont parlé de mettre en place un comité d'experts pour
commencer à regarder la question des mineurs. Puis on parle des mineurs, donc,
de 14 à 18.
• (16 h 40) •
Alors, il y a toute sorte de choses qui
pourraient être faites par le comité, mais encore une fois, je ne… loin de moi
l'idée d'usurper le rôle de cette commission et de vous… Mais vous me posez la question,
et donc, c'est sûr et certain que vous avez entendu nombreux témoignages qui
évoquent ces questions-là. On voit ce que le fédéral fait de son côté. On
rappelle que le Québec a été un précurseur sur ces questions-là, donc il y a
aussi quelque chose d'intéressant à voir et à mettre de l'avant parce qu'on
pense qu'on a une bonne loi au Québec.
On a fait un bel exercice en 2014, bien,
2012 à 2014. On en fait un autre intéressant. Et ces éléments-là méritent
d'être soulevés puis d'être traités, parce que, bien, sinon, si on ne les
traite pas, bien, finalement, ils viennent à nous de l'autre façon. C'est que
là, il y a intervention, il y a contestation, et là en se retrouve en réaction
à. Écoutez, c'est sûr et certain que ces questions-là vont être là, vont
demeurer, existent ailleurs à l'étranger. Il y a des modèles, il existe des
alternatives. Est-ce que le Québec serait précurseur? Oui, mais, comme je vous
le dis, ça ne serait pas la première fois, et ce n'est peut-être pas une
mauvaise chose compte tenu de l'expérience de l'aide médicale à mourir des
sept, huit dernières années.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Carpentier (Marie) : Si je
peux me permettre.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Allez-y, Me Carpentier.
Mme Carpentier (Marie) : Bien,
observer ce qu'il se disait en termes de consentement substitué au Québec,
ailleurs, donc partir… parce que, pour notre part, on a démarré l'analyse à
partir du droit à l'intégrité qui comporte le droit de consentir aux soins. Et
puis donc on a examiné comment ça se passait quand la personne n'est pas apte à
consentir. Donc, je pense que ça serait un meilleur point de départ d'analyse
de partir avec le principe de consentement puis le principe de consentement
substitué, de voir comment on peut le verrouiller encore plus puisqu'on est
dans un chemin qui est plus poussé, mais je pense que ça serait un bon point de
départ de la…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Si jamais je déborde un petit peu, je vous soumets respectueusement
que le député de Chomedey a laissé deux belles grosses minutes sur la
table qu'on devrait…
La Présidente (Mme Guillemette) :
On l'a quand même reparti, mais allez-y, M. le député.
M. Marissal : C'est bien.
Bien, bonjour, maîtres, au pluriel. Merci d'être là. Il y a beaucoup, beaucoup
de questions avant les miennes, donc je ne ferai pas exprès de répéter ce…
M. Marissal : …Si jamais je
déborde un petit peu, je vous soumets respectueusement que le député de Chomedey
a laissé deux belles grosses minutes sur la table, qu'on…
La Présidente (Mme Guillemette) :
On l'a quand même réparti, mais allez-y, M. le député.
M. Marissal : C'est bien.
Bien, bonjour, maîtres, au pluriel, merci d'être là. Il y a eu beaucoup,
beaucoup de questions avant les miennes, là, donc je ne ferai pas exprès de
répéter ce qui a été demandé. Une question d'abord purement technico pratique,
là. Je n'ai pas vu de mémoire de votre part. Il n'y en a pas, donc. Y en
aura-t-il un?
M. Tessier (Philippe-André) :
Comme je le disais, mémoire suivra lorsqu'il y aura projet de loi.
M. Marissal : O.K. Donc, il
n'y a pas eu de mémoire pour cette deuxième phase. C'est bien, très bien, alors
je n'ai pas eu la berlue. De quel article parlez-vous, à quel article
référez-vous, de la loi de protection des droits des enfants quand vous dites
que… de ne pas leur accorder par exemple le droit de mourir dans la dignité
serait discriminatoire et brimerait leurs droits? Juste pour ma compréhension
puis me le mettre sous la dent, là, de quels articles on parle ici?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, on ne parle pas de la Loi sur la protection de la jeunesse, on parle ici
de la charte québécoise des droits et libertés qui s'applique à toute personne,
et les enfants sont des personnes et sont titulaires des droits, sont sujets de
droit. La commission, comme défenseur des droits de l'enfant au Québec depuis
plus… depuis sa création, s'assure que les droits des enfants sont dûment
représentés et respectés, non seulement dans le cadre des interventions de la
protection de la jeunesse, qui, faut se rappeler, qui vise 2 % des enfants
du Québec, mais pour les 98 autres pour cent des enfants qui, eux, ne sont
pas assujettis au régime d'exception qu'est la Loi sur la protection de la
jeunesse. Le régime général des droits, qui est celui de la charte québécoise
des droits et libertés, s'applique à eux aussi, tant le droit à la dignité et
l'intégrité, etc. Et c'est sur cette base-là qu'on est devant vous aujourd'hui,
comme on l'était, en 2014, dans… sur p.l. n° 52.
M. Marissal : O.K. Vous avez
en partie répondu à ma troisième question, tout à l'heure, je pense, là. On
parle bien d'enfants de 14 ans et plus, hein? Bien, 14-18, puisqu'on
devient majeur à 18 ans. Quand vous revendiquez, par exemple,
l'élargissement de la loi, c'est… on parle d'enfants de 14 ans et plus.
M. Tessier (Philippe-André) :
Là… puis ça… merci beaucoup pour votre question, ça me permet de préciser. Ce
que la commission vous présente, ce ne sont pas des revendications, ce sont des
recommandations ou des avis. Ce que nous avons dit, dans notre mémoire
de 2014, c'est que ce que nous constatons, c'est que la règle de
l'exclusion absolue des enfants, donc les moins de 18 ans, à première vue
est problématique pour les raisons que j'ai évoquées plus tôt. Et notamment, un
des arguments, c'est sûr et certain que le Code civil prévoit, pour les 14
à 18, certains droits pour ces enfants-là et même une question… il y a
aussi une question de consentement substitué, il y a aussi le rôle des parents
lorsqu'il y a des refus injustifiés, je ne veux pas rentrer dans le détail.
Mais pour les moins de 14 ans, et là je réfère aux propos de ma collègue,
très justes, à… qui… juste avant moi, les enfants de moins de 14 ans, on
revient au régime de consentement substitué, qui est la même chose que pour les
majeurs inaptes. Donc, c'est pour ça que ma collègue, tantôt, vous
disait : Comme piste de réflexion, regardez la question du consentement
substitué, parce que la question du consentement substitué… régir les enfants
de 14 ans et moins et les majeurs inaptes. Les enfants de 14
à 18, mettons, c'étaient comme… c'est comme un hybride, là…
M. Tessier (Philippe-André) :
...moins de 14 ans, on revient au régime de consentement substitué, qui est la
même chose que pour les majeurs inaptes. Donc, c'est pour ça que ma collègue, tantôt,
vous disait : Comme piste de réflexion, regardez la question du
consentement substitué. Parce que la question du consentement substitué vient
régir les enfants de 14 et moins et les majeurs inaptes. Les enfants de 14 à
18, mettons, c'est comme un hybride, là, je ne veux pas... on ne rentrera pas
dans les détails, je vais vous permettre de vous... poser votre autre question.
M. Marissal : Merci. Non, donc
on irait plutôt, dans votre interprétation, vers le consentement substitué pour
ce qui est des enfants de moins de 14 ans, c'est ce que... vous nous invitez, en
tout cas, à regarder de ce côté-là, c'est ce que je comprends de votre intervention.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, effectivement, c'est cette question-là qui est au coeur de la question des
mineurs et des majeurs inaptes.
M. Marissal : Peut-être une
dernière question. Elle est un peu plus large et philosophique. On débattait d'ailleurs
ce matin du terme «dérive», puisqu'il y a beaucoup de témoins qui craignent, à
tort ou à raison, puis je comprends que le débat puisse se faire, des dérives
si on élargit la loi, puis là je ne parle pas seulement des enfants, je parle
de l'élargissement de la loi en général.
Vous avez dit à plusieurs reprises :
Non, elle est super encadrée, cette loi-là, c'est la loi la plus encadrée de
tous les encadrements. Dans votre esprit, donc, tous les garde-fous sont là, il
n'y a pas de dérive possible. Bon, là, on ne définira pas «dérive», on n'aura jamais
assez de temps d'ici à demain matin, là, mais qu'est-ce que vous répondez,
donc, à ces gens qui disent, de façon légitime : Wo! Attention, là, vous
êtes en train d'ouvrir une porte de grange, là, le vent va rentrer là-dedans
puis ça va être... Allez-y.
La Présidente (Mme Guillemette) :
J'imagine... Deux petites minutes, peut-être, Me Tessier, 30 secondes.
J'imagine que j'ai le consentement de tout le monde pour avoir la réponse Me
Tessier? Parce qu'on déroge un peu de notre temps. Donc, allez-y, Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) :
Très court.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Prenez votre temps.
M. Tessier (Philippe-André) :
Puis je veux juste préciser, la commission, on ne se pose pas en experte de l'aide
médicale à mourir ou du consentement aux soins. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il
faut regarder le cadre des droits et libertés de la personne qui s'impose à
nous dans cette discussion-là. Et pour être plus exact, plus spécifique, je
réfère au paragraphe 259 de la décision Truchon, dont je suis convaincu que
vous avez copie ou que vous pouvez avoir copie facilement, et je réfère au Dr
Naud, cité par la juge, qui dit : «Aucun autre acte médical, même
irréversible, comme une amputation ou le retrait d'un traitement vital, par
exemple, ne fait l'objet d'une évaluation d'aptitude de manière aussi
constante, rigoureuse et assidue que l'aide médicale à mourir.» Donc, ce ne
sont pas mes propos, ce sont ceux du Dr Naud, témoin qui était devant la juge
Beaudoin dans l'affaire Truchon. Et cela met fin à mon intervention. Merci, Mme
la Présidente, pour le temps.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Carpentier et Me Tessier, pour votre contribution aux travaux de
la commission, c'est très apprécié et ça va nous aider grandement pour la suite
des travaux de la commission.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux au mardi 10 août, à 9 h 30, où elle poursuivra
son mandat. Merci et bonne fin de soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 16 h 48)
La Présidente (Mme Guillemette) :
…10 août à 9 h 30 où elle poursuivra son mandat. Merci et bonne
fin de soirée tout le monde.
(Fin de la séance à 16 h 48)