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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 12 janvier 2010 - Vol. 41 N° 18

Consultations particulières sur le projet de loi n° 67 - Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions

Autres intervenants

 

M. Geoffrey Kelley, président

M. René Gauvreau

M. Germain Chevarie

* M. Alex G. Potter, AQESSS

* Mme Lise Denis, idem

* Mme Gertrude Bourdon, idem

* M. Daniel Corbeil, idem

* Mme Marie-Josée Lemieux, Ordre des psychologues du Québec

* M. Pierre Desjardins, idem

* M. Denis Lalumière, ministère de la Santé et des Services sociaux

* M. Claude Warren, Medec-AITS

* Mme Diane Côté, idem

* M. Jean Rousseau, idem

* Mme Isabelle Goyer-O'Reilly, idem

* Mme Diane Lamarre, Ordre des pharmaciens du Québec

* Mme Manon Lambert, idem

* M. Gaétan Barrette, FMSQ

* M. Gilles Hudon, idem

* M. Louis Godin, FMOQ

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, je constate quorum des membres de la Commission de la santé et des services sociaux. Donc, je déclare cette première séance de l'année 2010 ouverte. On dit aux membres de la commission une bonne et heureuse année à tout le monde. Je suis certain que c'est la première mais pas la dernière séance de la CSSS en 2010. J'imagine, comme d'habitude, que c'est une commission qui aura beaucoup d'ouvrage à faire cette année. Alors, bienvenue à tout le monde, bienvenue à nos invités.

Avant de commencer, nous avons appris, après la dernière fois que nous sommes siégé, le départ de notre collègue le député de Vachon, qui était vice-président de la commission. Alors, je vais prendre juste un moment pour souligner la contribution que Camil Bouchard a faite à cette Assemblée, notamment à cette commission dans plusieurs dossiers, mais notamment dans le mandat que nous avons fait sur l'itinérance, où M. Bouchard a partagé sa connaissance - ou ses connaissances - de la société québécoise et ses enjeux. Alors, je veux juste prendre ce moment. Je pense que M. Bouchard est en Thaïlande en ce moment, alors pas certain qu'il nous regarde, presque certain qu'il ne nous regarde pas, mais je peux juste souligner sa contribution à la commission, sa contribution à l'Assemblée nationale.

Alors, je veux rappeler le mandat de la commission ce matin. La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Drainville (Marie-Victorin) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Kelley): Parfait. Bienvenue, M. le député.

Remarques préliminaires

Alors, on va passer maintenant à une période des remarques préliminaires d'une durée de 7 min 30 s ou moins, en cédant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Jean-Talon.

M. Yves Bolduc

M. Bolduc: Merci, M. le Président. Je voudrais profiter également de l'occasion pour souhaiter la bonne année à tous et, pour l'opposition, avoir le moins d'ouvrage possible.

Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés membres de la commission, nous sommes réunis aujourd'hui pour entendre le point de vue de groupes du secteur de la santé et des services sociaux sur le projet de loi n° 67 intitulé Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, qui a été présenté à l'Assemblée nationale le 12 novembre dernier. J'aimerais, d'entrée de jeu, remercier M. Claude Castonguay et les membres de son groupe de travail, dont, entre autres, M. Venne, qui est ici aujourd'hui, qui, en février 2008, dans leur rapport sur le financement du système de santé, recommandaient au gouvernement de créer un tel organisme. Nous sommes fiers, M. le Président, ma collègue la ministre déléguée aux Services sociaux, Mme Lise Thériault, et moi, de donner suite à cette recommandation par l'étude de ce projet de loi très attendu par nos partenaires du réseau de la santé et des services sociaux.

M. le Président, dans le domaine de la santé et des services sociaux, les technologies, médicaments et autres types d'interventions changent rapidement. Les connaissances évoluent et les besoins se complexifient. Cette évolution rapide et des coûts parfois substantiels qui y sont associés posent des défis de décision à tous les niveaux: pour les décideurs politiques qui doivent déterminer la couverture des services et la façon de les financer, pour les gestionnaires qui doivent allouer les ressources et organiser les services, pour les cliniciens qui doivent choisir les interventions et élaborer les protocoles de soins.

Pour tous ces décideurs, les mêmes questions fondamentales se posent face à une nouvelle intervention: médicaments ou technologies? Quels sont les avantages cliniques de cette intervention et qu'apporte-t-elle de plus par rapport aux moyens dont nous disposons déjà? Peut-elle remplacer avantageusement les interventions existantes? Les avantages de cette intervention valent-ils les coûts additionnels qui y sont reliés? Quels seront les impacts de cette intervention sur les ressources de notre système public de santé et de services sociaux? Finalement, quelle est la place de cette intervention dans l'optique d'une utilisation optimale des différentes ressources dont nous disposons?

La recherche d'un équilibre optimal entre la qualité clinique et l'utilisation efficace des ressources constitue un enjeu d'accessibilité et d'équité de notre système public. Les ressources utilisées de façon non efficace ne sont pas disponibles pour répondre à d'autres besoins, d'où l'importance de faire des bons choix. Le système de santé et de services sociaux a besoin d'un organisme qui a la capacité scientifique, la crédibilité professionnelle de même que la légitimité politique requise pour faire des recommandations à tous les décideurs sur ces choix. Au Québec, cet organisme sera l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, l'INESSS. J'accorde donc une grande importance au présent projet de loi.

L'INESSS regroupera le Conseil du médicament et l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé. Il aura pour mission de promouvoir l'excellence clinique et l'utilisation efficace des ressources dans le secteur de la santé et des services sociaux. En s'adressant également au champ des services sociaux, l'INESSS innovera.

M. le Président, le Québec ne part pas de zéro dans ce domaine. Il peut compter sur les acquis importants que représentent l'AETMIS et le Conseil du médicament, qui ont accompli un travail remarquable en évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, d'une part, et en évaluation des médicaments, d'autre part.

En conclusion, M. le Président, l'INESSS jouera un rôle crucial en offrant un soutien commun aux cliniciens, aux gestionnaires et aux décideurs confrontés aux décisions complexes soulevées par le changement technologique, l'évolution des connaissances et les modifications des besoins dans le secteur de la santé et des services sociaux. Ce soutien de l'INESSS favorisera la cohérence des décisions prises par les différents acteurs et supportera l'amélioration de la qualité des services cliniques et l'utilisation optimale des ressources.

Je souhaite que la présente commission soit une occasion privilégiée pour échanger avec les groupes invités sur ce projet de loi et, le cas échéant, de le bonifier. J'ai la conviction que la création de l'INESSS permettra de doter la population du Québec d'un organisme indépendant et crédible qui jouera un rôle stratégique pour améliorer l'efficacité de notre système public de santé et de services sociaux. J'aborde les consultations qui s'amorcent dans un esprit d'ouverture et de collaboration. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole au député de Marie-Victorin et porte-parole de l'opposition officielle en matière de la santé et des services sociaux. M. le député.

M. Bernard Drainville

M. Drainville: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord saluer tous les collègues, leur souhaiter une bonne et heureuse année. À vous, M. le Président, je vous souhaite de continuer à diriger nos travaux avec la sagesse que vous avez démontrée par le passé. M. le ministre, je vous salue en particulier, j'espère qu'on pourra continuer à collaborer comme on l'a fait par le passé. Même si on a des désaccords parfois, je pense que, de façon générale, on essaie de trouver, comment dire, le compromis qui fera en sorte que nos services de santé et de services sociaux pourront continuer de s'améliorer. Je pense que, de façon générale, les moyens pour y arriver diffèrent parfois, mais je pense que nos objectifs ont toujours été de mettre le patient, mettre la personne au coeur de nos décisions, de nos réflexions, et je souhaite que ça continue pour l'année qui commence. Je souhaite que ce principe-là nous guide également dans l'étude du projet de loi qui est maintenant devant nous.

Je salue, bien entendu, M. le Président, notre ex-collègue, Camil Bouchard. Je suis bien content que vous ayez souligné sa contribution à nos travaux et à notre vie parlementaire par le passé. Je pense que c'est un homme de grande valeur que nous avons malheureusement perdu. C'est un homme qui était justement motivé, d'abord et avant tout, par le bien-être de la personne et le service public.

.(9 h 30).

Sur le projet de loi qui est devant nous, M. le Président, lors de l'étude du principe, j'ai dit, en Chambre, que nous avions, bien entendu, un préjugé favorable à ce projet de loi. Qui pourrait être contre l'idée d'utiliser plus efficacement les 27 milliards que nous investissons en santé et services sociaux? Qui pourrait être contre ça au Québec? Qui pourrait être contre la promotion de l'excellence clinique également? J'ai un collègue à moi qui me disait ce matin: Ce projet de loi, a priori, c'est un peu comme la tarte aux pommes: on est tous pour la tarte aux pommes - enfin, la plupart d'entre nous, en tout cas, surtout au sortir des fêtes - mais il faut voir ce que le gouvernement va faire avec cet institut. C'est quoi, l'idée derrière ça?

Je disais, lors de l'adoption du principe, qu'une bonne loi ou un bon organisme ne remplacera jamais la volonté politique d'un ministre de la Santé et le leadership d'un ministre de la Santé. Alors, il y a certainement certains de nos concitoyens qui vont nous écouter dans les prochaines heures, dans les prochains jours et qui vont se demander: Est-ce qu'on a besoin d'un nouvel organisme dans le secteur de la santé? Est-ce qu'on a besoin d'une nouvelle structure? Est-ce que cette recherche de performance, et d'excellence, et d'efficacité ne peut pas être faite avec les structures actuelles? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de trouver à l'intérieur du ministère de la Santé les ressources dont nous avons besoin pour poursuivre ces objectifs et les atteindre?

On arrive avec cette... on entame cette consultation et cette réflexion, M. le Président, avec plusieurs questions. Moi, je veux bien qu'on me dise qu'on va verser dans ce nouvel organisme les ressources qui sont celles de l'AETMIS et celles du Conseil du médicament. Donc, il ne s'agit pas de partir de zéro et il ne s'agit pas non plus d'investir, dans ce nouvel institut, des ressources nouvelles, puisqu'il y a une partie de ces ressources-là qui vont provenir de deux organismes existants, mais on va quand même vouloir savoir quelles sont les ressources supplémentaires qu'il va falloir investir dans cet institut pour lui permettre de faire son travail, de bien faire son travail.

Et on va écouter, bien entendu, les gens qui vont se présenter devant nous et on va être certainement à l'écoute des recommandations et des suggestions d'amendements qu'ils vont nous faire. On est très heureux en particulier d'accueillir dès le début M. Venne, qui a été un des commissaires, qui a proposé la création de cet institut. D'après ce que je comprends, , comment dire, son mémoire va manifester, je dirais, des sentiments mitigés face à ce projet de loi. Je pense qu'il y a des changements qu'il va souhaiter apporter à ce projet de loi, à la création de cet institut. On va l'écouter avec beaucoup d'attention.

Par la suite, on va entendre les gens de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux qui sont au coeur évidemment du réseau, qui savent comment il fonctionne et qui ont certainement de bonnes idées sur les façons d'en améliorer l'efficacité. Alors, j'ai bien hâte de les entendre également. Puis il y a tous ceux et celles, je ne vais pas tous les nommer, qui vont suivre par la suite.

Je pense que c'est important, M. le Président, de souligner que, nous, nous avons un préjugé favorable au principe qui sous-tend la création de cet institut, mais le ministre devra nous convaincre de son utilité, de sa pertinence, de sa raison d'être. Il devra nous convaincre qu'il est absolument nécessaire d'aller de l'avant avec la création de cet institut et que la création de cet institut va améliorer les soins de santé, va améliorer la qualité des services que nous recevons comme Québécois dans notre système de santé et de services sociaux.

J'ai dit, M. le Président, lors de l'adoption du principe, qu'il y avait déjà un certain nombre de mesures qui avaient été prises par le passé, qui ont été prises par le passé, et qui ont démontré qu'on était capables d'améliorer la performance du réseau de la santé sans nécessairement avoir besoin d'un institut comme celui-là, l'amélioration de la productivité des blocs opératoires étant un bel exemple de ce qu'on peut faire dans le système actuel pour améliorer la performance du système.

J'ai également évoqué la loi n° 113, qui a été adoptée sous un gouvernement du Parti québécois et qui prévoyait toute une série de mesures pour gérer les erreurs médicales, s'assurer qu'il y ait des comités qui les étudient, s'assurer qu'il y ait des comités au sein des établissements qui fassent un peu le bilan de ces erreurs médicales pour éviter qu'elles ne se reproduisent. Cette loi n° 113 prévoyait également des mécanismes pour informer les patients qu'ils avaient été victimes d'une erreur. J'ai dit, lors de l'adoption de ce principe, que la loi n° 113 n'était toujours pas en vigueur dans bon nombre d'établissements et que le registre national qui vise à répertorier ces erreurs médicales n'était toujours pas en place, comme quoi on peut faire beaucoup, beaucoup de choses à l'intérieur du système actuel sans nécessairement créer cet institut.

Mais, encore une fois, nous allons écouter les arguments de part et d'autre et nous allons prendre notre décision à la toute fin de ces consultations. On verra à ce moment-là quelle sera la position finale et définitive de l'opposition officielle sur ce sujet.

Alors, place, M. le Président, à la consultation, et à la réflexion, et éventuellement à la discussion que nous aurons sur cet Institut national d'excellence en santé et en services sociaux. Merci.

Auditions

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. Alors, je pense que la table est mise pour entendre une vingt-cinquaine, 25 à une trentaine de groupes dans les prochains jours.

Alors, on va commencer, tel qu'annoncé, avec M. Michel Venne, qui arrive à titre d'un individu, mais qui est bien connu comme journaliste impliqué dans l'Institut du Nouveau Monde et également qui a été vice-président de Groupe de travail sur le financement du système de santé.

Alors, sans plus tarder... M. Venne, bienvenue. La parole est à vous, on me dit sur les papiers devant moi, pour une présentation d'une dizaine de minutes. Mais la souplesse du président est bien connue, alors, s'il faut prendre 15 minutes pour bien expliquer votre pensée, vous pouvez les prendre. Alors, sans plus tarder, M. Venne, la parole est à vous.

M. Michel Venne

M. Venne (Michel): Merci, M. le Président. Merci, Mmes et MM. les députés. Je vous souhaite une bonne et heureuse année 2010. Je pense qu'il faut se souhaiter de la santé, évidemment, et, dans notre contexte évidemment, aussi des services sociaux, puisqu'on lie toujours les deux ensemble au Québec.

Je veux d'abord donc remercier les membres de la commission de consentir à me recevoir, à ma demande.

La création de l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, l'INESSS, découle d'une des principales recommandations du Groupe de travail sur le financement du système de santé, dont le rapport a été rendu public en février 2008. Ce comité, ce groupe de travail était présidé par Claude Castonguay, et j'assumais l'une des deux vice-présidences.

Aussi, j'étais étonné de constater qu'aucun membre de notre groupe de travail n'avait initialement été invité à présenter à la commission parlementaire un point de vue sur le projet de loi n° 67. Il me paraissait nécessaire de faire connaître aux membres de cette commission les raisons fondamentales pour lesquelles nous avions recommandé la création d'un tel institut et la nature du mandat que nous souhaitions lui voir attribuer. C'est pourquoi j'ai demandé à être entendu. Et je signale que c'est tout à fait par hasard que je suis le premier à témoigner devant vous ce matin. Je m'excuse également de n'avoir transmis mon mémoire à la commission que ce matin; je n'ai su que vendredi dernier que je serais reçu par vous aujourd'hui.

Il faut le dire d'entrée de jeu, l'INESSS dont on propose la création dans le projet de loi n° 67 est une version édulcorée de l'organisme que nous avions imaginé au groupe de travail. Je suis profondément déçu. Bien que je voie dans le projet de loi des éléments de notre recommandation, je ne reconnais pas l'essentiel de ce que nous avions proposé.

Le projet de loi n° 67 est un acte administratif intéressant. Cependant, ce projet de loi est, à mon avis, un acte politique manqué. J'estime que le gouvernement est en train de rater une occasion de faire faire à notre système de santé et de services sociaux un progrès véritable et substantiel. Alors que ce système a besoin d'une révolution dans sa gouvernance et son financement, on se contente ici d'une demi-mesure dont l'effet, sans être négatif, sera, à mon avis, marginal, au regard des efforts administratifs qu'il faudra consentir pour mettre en place une nouvelle organisation, comme c'est le cas à chaque fois qu'on crée un nouvel organisme.

Pour satisfaire les besoins que nous avions identifiés dans le rapport du groupe de travail, il faudrait procéder à des changements substantiels au projet de loi. Or, j'ignore si les changements proposés seraient recevables à titre de simples amendements puisqu'ils remettraient en cause la nature même de l'organisme créé. Il est probable que, pour modifier le projet de loi dans le sens que je propose, il faille déposer carrément une nouvelle pièce législative. Mais ce sera à vous de le juger. Tout réside en fait dans l'intention du législateur.

.(9 h 40).

Le projet de loi qui est devant nous propose la création d'un nouvel organisme par la fusion de deux organisations existantes: le Conseil du médicament et l'AETMIS, tout en modifiant le statut juridique et en précisant les éléments de leur mandat. L'essentiel du projet de loi encadre l'aménagement de cette fusion. Or, pris séparément, ces deux organismes fonctionnent relativement bien chacun de leur côté, et on peut s'interroger sur la nécessité même de leur imposer, pendant 12 à 18 mois, le choc administratif d'une fusion pour arriver aux fins recherchées, compte tenu des petites ambitions des changements proposés.

Il faut certes saluer le fait que l'on donne à ces deux organismes réunis en institut la responsabilité de produire et de faire connaître des guides de pratique, ce qui constitue une amélioration par rapport à la situation actuelle. D'ailleurs, c'est une chose que plusieurs intervenants étaient venus demander au groupe de travail lors de nos consultations. Plusieurs intervenants nous avaient convaincus de l'utilité de tels guides pour améliorer la qualité des soins prodigués dans le système de santé.

Je veux également souligner avec intérêt l'ouverture qui est faite dans le projet de loi à la consultation de la population dans la formulation des avis de l'institut.

Ces deux aspects faisaient l'objet de recommandations du groupe de travail, mais ils auraient fort bien pu être introduits dans le fonctionnement du conseil et de l'agence dont on propose la fusion, et le tout, sans créer un nouvel organisme.

L'essentiel n'est pas là. L'intention du groupe de travail était autrement plus ambitieuse. Il faut relire le chapitre 4 et le chapitre 13 du rapport du groupe de travail pour mesurer l'ampleur du fossé qui sépare la proposition qui était faite de ce que nous retrouvons aujourd'hui sous la forme d'un projet de loi. L'idée était de créer au sein du système de santé et de services sociaux un nouvel acteur, un acteur puissant, légitime, crédible et influent, pour armer les décideurs politiques contre les jeux d'influence trop présents dans notre système. Pour cela, il fallait constituer une autorité au sein du système, un organisme indépendant, bien financé, pouvant jouer un rôle stratégique, jouissant d'un fort pouvoir d'initiative. Il fallait que cet institut non seulement produise des guides, mais aussi des protocoles d'application impérative, après consultation, bien entendu. Celui-ci devait pouvoir jouir d'un pouvoir de directive auprès des praticiens, de manière à ce que les bonnes pratiques ne soient pas que des voeux pieux. À cet égard, le projet de loi est décevant car, bien que le statut juridique proposé soit celui de personne morale mandataire de l'État, ce qui lui confère juridiquement une certaine indépendance, les règles de gouvernance, de nomination et de financement ne garantissent pas, à mon avis, à cet institut toute la marge de manoeuvre et le pouvoir d'initiative qui devraient être les siens.

Dans ce projet de loi, le ministre intervient dans toutes les étapes cruciales. On lui confère d'ailleurs le pouvoir de confier à l'institut tout autre mandat qu'il jugerait nécessaire. Le ministre doit approuver le plan d'activité de l'institut ainsi que ses priorités. Le ministre peut imposer à l'institut des facteurs à considérer dans ses recommandations et avis. Il décide du budget de l'organisme, et ainsi de suite.

Plutôt que d'avoir des pouvoirs de directive et d'initiative importants, l'institut se voit attribuer un mandat de promotion, de recommandation, de sensibilisation et d'information. Dans le rapport du groupe de travail, nous rappelons que, dans certains pays du monde, dans plusieurs pays du monde, des mécanismes ont été mis en place pour influencer, voire encadrer la pratique médicale par des guides, des protocoles, des paramètres, des profils de prescription, des contrôles cliniques et tout autre mécanisme pouvant s'assurer que les praticiens choisissent les meilleures pratiques, celles qui assurent les soins de la meilleure qualité possible au meilleur coût possible. Le projet de loi est extraordinairement timide à ce sujet.

L'institut doit déterminer ses priorités en consultant une table de concertation constituée des principaux acteurs du système. Les membres du conseil sont nommés par le ministre après consultation d'organismes que celui-ci considère comme représentatifs des milieux concernés. Or, nous avions souhaité que, tout en consultant les milieux concernés, l'institut forme un contrepoids dans le système à tous ces groupes qui cherchent à l'influencer de l'intérieur. Les dispositions du projet de loi tendent à placer l'institut sous l'influence de ces groupes. Nous cherchions l'effet contraire.

Dans son rapport, le groupe de travail suggérait que l'institut développe une fonction de recherche importante. Je ne vois rien à ce sujet dans le projet de loi, ou si peu. Je m'interroge également sur les modalités de gouvernance. Selon la compréhension que j'en ai, le conseil d'administration se voit attribuer principalement un rôle de contrôle administratif.

Le pouvoir d'émettre des avis, si je comprends bien le projet de loi, peut-être que je me trompe, est délégué à des comités que peut former le conseil d'administration. Or, ces comités ne disposeront jamais du prestige ni de l'autorité d'un conseil formellement constitué et disposant de la légitimité d'une nomination officielle et d'une reddition de comptes publique. Ces comités sont aléatoires. Ils peuvent facilement être dissous si, par exemple, leurs conclusions déplaisent. Il aurait fallu une structure plus solide, permanente, dont l'indépendance serait mieux assurée, à mon sens.

Enfin, j'attire l'attention de la commission sur une dimension du projet de loi que j'ai du mal à évaluer sans faire de recherches plus avancées. Je ne fais que le signaler. On transfère à la Régie de l'assurance maladie certaines responsabilités dévolues jusqu'à présent au Conseil du médicament. Or, il m'est difficile de mesurer l'effet véritable de ce changement. Des intervenants avaient plutôt suggéré au groupe de travail de restreindre les pouvoirs de la régie relativement aux médicaments assurés. Il y a risque de conflit entre les décisions autonomes de la régie et celles... et les avis éventuels de l'institut. Bref, je vous incite simplement à porter une attention à ces modifications et à chercher des informations à leur sujet.

Mais il y a un mandat essentiel qui est oublié et qui était proposé par le groupe de travail, c'est celui de la révision de la couverture publique. Il y a toutefois un trou béant dans ce projet de loi sur lequel je veux conclure ma présentation. Ceci concerne la raison principale pour laquelle le groupe de travail avait recommandé la création de l'INESSS. Nous voulions que cet institut, formé par la fusion du Conseil du médicament et de l'AETMIS mais aussi du Commissaire à la santé et au bien-être, se voit confier le mandat de formuler périodiquement des recommandations sur la composition du panier des services assurés par le régime public. Cette recommandation était centrale dans notre rapport. Ses fondements sont expliqués au chapitre 4, qui porte sur la nécessité de fixer des limites à notre système de santé. En théorie, écrivions-nous, la demande pour les soins de santé est illimitée. Les progrès technologiques laissent entrevoir que l'éventail des outils thérapeutiques pour répondre à cette demande est également sans limites.

La plupart des analystes des politiques de santé sont convaincus qu'à l'avenir aucun pays au monde, même le plus riche, ne sera en mesure d'offrir à toute sa population tout ce que la science et la technologie permettront d'offrir. La société ne pourra jamais répondre à toute la demande de soins, et d'ailleurs elle ne l'a jamais pu. Toutes les sociétés doivent plus que jamais se demander à quels services de santé il faut donner priorité, déterminer lesquels seront couverts par le régime public et lesquels relèveront de la prévoyance personnelle.

Dans son rapport de juin 2000, l'Organisation mondiale de la santé ne dit pas autre chose. L'organisation internationale souligne en effet qu'un système national de santé doit forcément faire des choix et des priorités afin de définir l'ensemble des services à offrir à la population. On peut ainsi lire dans le rapport que «tous les pays doivent [...] veiller à ce que leurs ressources, dont le montant est limité, soient affectées à des domaines considérés hautement prioritaires».

Or, au nom de quoi pourra-t-on contrôler l'usage de ces technologies de plus en plus coûteuses? Le rôle d'un service public de santé est-il de repousser la mort à tout prix? Est-il du ressort de la solidarité nationale d'assurer non seulement la guérison, mais de prendre en charge le plein confort des personnes vieillissantes, d'assumer les choix individuels en matière de fertilité ou de stérilisation, de faire partager par l'ensemble de la population les risques exceptionnels que prennent des personnes qui roulent à tombeau ouvert sur nos routes, qui fument comme des cheminées ou pratiquent les sports extrêmes au péril de leurs vies?

L'éthicien Hubert Doucet pose bien le problème: «Pour nous aider - écrit-il - à sortir de l'impasse actuelle, il faut poser la question à partir non pas du droit des individus à recevoir tous les soins qu'ils croient nécessaires, mais d'une préoccupation proprement éthique, celle de la solidarité. Jusqu'où doit aller [la] solidarité? Quelles formes doit-elle prendre? Voilà les questions qu'il nous faut débattre publiquement. Si nous ne posons pas le problème de cette manière, nos débats se résumeront à des luttes de pouvoir pour le contrôle du système.»

Dans son rapport, la commission Clair avait souligné déjà l'absence de rationalité dans la composition de ce qu'on appelle parfois le panier des services assurés. La couverture actuelle résulte d'un processus historique et non d'une démarche d'évaluation continue de la pertinence sociale, clinique ou économique des services assurés ou assurables. Le panier de services ne tient pas compte de l'évolution de la société, et sa composition est de moins en moins facile à comprendre pour le citoyen.

Les exemples d'incohérence sont nombreux, j'en soulignerai seulement quelques-uns. Les antidépresseurs sont remboursés par l'assurance médicaments mais pas la psychothérapie par l'assurance maladie, ou si peu. Certains services diagnostiques sont couverts en milieu hospitalier mais ne le sont pas en clinique. Les repas sont gratuits dans les hôpitaux mais pas dans les CHSLD. Certains soins sont couverts à l'hôpital mais ne le sont plus à la maison lorsque les gens veulent demeurer à domicile. La vasectomie est couverte par le système de santé mais pas les lunettes des enfants qui en ont besoin pour étudier, pour aller à l'école et pour réussir, et ainsi de suite.

Les questions que nous devons nous poser comme société à l'endroit de la couverture de notre système public débordent largement l'évaluation technique ou économique des technologies médicales et des médicaments. Il nous faut un organisme fort et crédible pour accomplir cette tâche. Cet organisme, dans l'esprit du groupe de travail, devait être l'INESSS. Ce n'est pas ce que propose le projet de loi n° 67.

Le changement proposé par le groupe de travail est profond. La création d'un INESSS doté d'un tel mandat et de tels pouvoirs de recommandation et de consultation serait un geste, un acte politique majeur pour notre système. Je ne peux qu'exprimer encore une fois ma déception devant la démission du gouvernement face à cet enjeu crucial.

La révision du panier de services assurés, il est vrai, fait l'objet d'un tabou au Québec, elle est perçue comme une boîte de Pandore qu'il ne faut surtout pas ouvrir. Les uns préfèrent ne pas revoir la gamme des services assurés par le régime public par crainte que le procédé ne conduise à son élargissement et à l'augmentation des coûts. À l'opposé, les autres s'opposent à l'ouverture de cette discussion car ils appréhendent une réduction des services publics. Alors, comme tout le monde a peur, on ne fait rien.

.(9 h 50).

Dans le passé, le gouvernement du Québec a utilisé les pouvoirs que lui reconnaît la loi pour modifier à la marge le panier des services assurés. Il l'a fait notamment pour limiter l'âge auquel sont couverts les examens de la vue et les soins dentaires. Mais il hésite à le faire lorsqu'il s'agit des soins médicaux et hospitaliers de peur notamment que le gouvernement fédéral ne s'appuie sur la Loi canadienne sur la santé pour sanctionner financièrement la province. L'existence de la Loi canadienne sur la santé, il faut bien le mentionner, renforce ainsi ce tabou face au changement.

Actuellement, les services sont couverts par le régime public s'ils sont considérés comme étant médicalement nécessaires et requis d'un point de vue médical. Or, aucun règlement et aucune loi ne définit actuellement ce qu'on doit considérer comme médicalement requis. En se dotant d'un mécanisme de révision de la couverture publique, le Québec se doterait simplement d'un moyen de définir ce qui est médicalement requis.

Dans plusieurs pays européens, et particulièrement les pays scandinaves, mais aussi le Royaume-Uni et maintenant ailleurs dans le monde comme en Nouvelle-Zélande, on établit les priorités et on révise le panier des services assurés depuis déjà près de 20 ans. Les mécanismes mis en place servent deux grands objectifs qui devraient être ceux d'un INESSS comme nous en rêvions: établir des priorités dans la couverture des soins par les services publics de santé; se donner des mécanismes d'encadrement de la pratique médicale favorisant les meilleures pratiques.

Je vous invite à relire les pages du rapport du Groupe de travail sur le financement du système de santé consacrées à ces questions. Je suis certain que vous sortirez de votre lecture convaincus de la nécessité d'aller dans cette direction et, tant qu'à consacrer des efforts financiers et humains importants pour créer un nouvel organisme, que celui-ci réponde à une exigence politique et sociale de haute importance. Pourquoi devrions-nous nous contenter d'une demi-mesure? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Venne. Alors, on va passer à la période d'échange avec les membres de la commission. Il reste environ 22 minutes, les deux côtés de la table. Alors, je vais commencer avec le ministre pour la période d'échange avec le témoin. M. le ministre.

M. Bolduc: Merci, M. le Président. Je trouve ça très intéressant parce que vous avez touché les principaux points sur lesquels il pourrait y avoir de la discordance. Puis, quand on lit les mémoires, autant il y en a qui sont pour avoir des guides de pratique, je vous dirais, assez sévères, autant vous avez d'autres groupes, dont, entre autres, on va entendre les fédérations, qui vont vous dire: Il faut faire attention parce que... guides de pratique, c'est des recommandations, mais d'avoir un protocole pour dire que vous allez être obligé de vous y soumettre, quand on arrive du côté médical, on sait qu'il y a tellement d'exceptions qu'à un moment donné ça devient non gérable. Ça, c'est juste pour vous dire qu'il y a les deux points de vue de l'argumentaire. Moi, je dois vous avouer, pour avoir été en pratique, je crois beaucoup, beaucoup dans les guides de pratique, je crois beaucoup, beaucoup dans les protocoles, mais je pense que, si on est trop sévère, on ne tient pas compte de l'exception; à un moment donné, on peut avoir des problèmes. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez par rapport à ça.

M. Venne (Michel): Est-ce que j'interviens tout de suite, au fur et à mesure?

M. Bolduc: Oui, oui.

M. Venne (Michel): Oui? O.K. Bien, en fait, vous avez tout à fait raison, il doit y avoir... il y a, dans la pratique médicale... L'autonomie professionnelle des praticiens doit être maintenue, cela va de soi. La question des guides de pratique, elle est présente dans le projet de loi, je m'en réjouis. C'était effectivement une demande qui nous est venue de plusieurs personnes et une recommandation qui nous était faite par plusieurs experts d'aller dans cette direction-là.

Dans le rapport, ce que nous disons, c'est que l'institut devrait pouvoir intervenir à quatre niveaux différents. Le premier niveau, c'était celui de la simple information du public: voici la meilleure pratique. Un deuxième niveau serait celui de la recommandation ponctuelle sur certaines pratiques. Le troisième niveau est celui du guide, mais du guide quand même assez clair. Le quatrième niveau pourrait être, dans certaines circonstances, sur certains sujets jugés importants par l'institut, non seulement des guides, mais des protocoles qui devraient être suivis ou, à tout le moins, être contrôlés par la suite par différents mécanismes de contrôle de cette pratique.

Je comprends très bien que des professionnels souhaitent avoir le moins de contrôles possible sur leur pratique, surtout sur le plan individuel, sur les cas précis, et je suis aussi conscient du fait que c'est toujours au médecin, si on parle de médecine, à déterminer l'intervention la plus pertinente sur le coup, quoique de plus en plus la médecine se pratique en collaboration avec d'autres collègues et de façon multidisciplinaire, ce qui est aussi une bonne chose.

Alors donc, ce que je viens de dire n'est pas en contradiction avec ce que vous dites. Ce que je voulais souligner, c'est que nous souhaitions une organisation qui puisse être reconnue comme disposant de certains pouvoirs plus importants que de simplement informer, diffuser, recommander. Ça, c'est cet aspect-là. Mais l'aspect le plus important, comme je le disais, ce n'est pas celui-ci, c'est plutôt le fait que nous souhaitions que cet institut ait pour mandat de formuler des recommandations sur le contenu du panier des services assurés et non seulement sur l'intérêt sur le plan technique ou économique d'une technologie plutôt qu'une autre. On allait beaucoup plus loin que ça, et c'est surtout là-dessus, d'ailleurs, que j'insiste dans mon mémoire.

M. Bolduc: Ça, je vais revenir, ça va être dans un deuxième temps. Je voudrais juste finir la question des guides de pratique. Dans la loi, il existe déjà ce qu'on appelle les règles d'utilisation des ressources. Le Collège des médecins, les ordres professionnels font déjà des recommandations par rapport à des guides de pratique dans lesquels les médecins... les médecins ou les autres professionnels devaient suivre. L'autre élément, c'est: si quelqu'un pratique mal, à ce moment-là, il y a des recours, soit des mécanismes de plainte, d'évaluation de l'acte médical, évaluation des actes infirmiers, ce qui fait qu'on a déjà des mécanismes qui prévoient ça. Donc, actuellement, c'est déjà ça.

Ce qu'on a de besoin avec l'INESSS, c'est un organisme qui va dire: Tu as une nouvelle technologie qui arrive sur le marché, on aimerait ça d'abord qu'elle soit évaluée pour être certain qu'il y a une valeur ajoutée à l'utiliser. Est-ce qu'elle pourrait remplacer d'autres technologies? Puis là je suis d'accord avec vous, il faudrait avoir peut-être un moyen de dire: Bien, si c'est un test qui est meilleur qu'un autre, est-ce qu'on pourrait éliminer l'autre? Ça également.

Au niveau des guides de pratique, déjà l'INESSS, ce qui est prévu, c'est qu'elle va utiliser des ressources des associations professionnelles, des experts du Collège des médecins, l'Ordre des infirmières, les travailleurs sociaux et les psychologues, pour, eux autres, faire des recommandations qui font consensus au Québec, et ça, c'est basé sur la littérature mondiale, internationale, nationale, de façon à ce qu'on dise aux gens: Vous savez, cet organisme-là vous dit maintenant que la meilleure façon de pratiquer, ce serait comme ça. Après ça, il y aurait des protocoles qui pourraient venir. Il faut faire attention, si vous avez un protocole qui, dans la loi, existe déjà, ça s'appelle une règle de soins. Une règle de soins qui est très contraignante, j'en connais très, très peu au Québec, parce qu'il y a toujours des exceptions possibles qui font que, si tu suis la règle de soins, tu vas peut-être tuer ton patient. Donc, c'est là-dessus, moi, je pense, qu'il faut faire attention. Oui, des guides de pratique, oui, des protocoles, mais faire attention à la notion qu'il y a toujours le cas particulier qu'il faut traiter différemment.

M. Venne (Michel): Bien sûr.

M. Bolduc: O.K. Ça, je ne sais pas si on peut être d'accord là-dessus?

M. Venne (Michel): Je vous l'ai dit, oui. Ce qui est important, c'est... Il y a des règles qui existent, et tant mieux. Un institut comme celui-là, il définit la nouveauté, c'est-à-dire qu'il y a parfois des nouveaux besoins, il faut que quelqu'un puisse le déterminer. Il doit le faire en consultation, ça va de soi, et on doit établir clairement que cet organisme-là... que la recommandation de cette organisation-là prédomine aussi sur l'ensemble de celles qui peuvent encore circuler dans un système, si on veut effectivement s'assurer que ce soient les meilleures pratiques qui s'appliquent.

Mais la question que j'avais envie presque de vous poser, c'est: Ce que vous définissez comme mandat autour de la réflexion sur les guides, etc., est-ce que l'AETMIS n'aurait pas pu le faire tout simplement?

M. Bolduc: Bien, l'AETMIS aurait pu le faire, mais je pense que c'est mieux de redéfinir une nouvelle organisation dans laquelle on met toutes les composantes de ce qu'on appelle l'excellence en santé et des services sociaux. Juste faire, encore là, un parallèle; je pense que c'est intéressant de discuter. Dans le rapport Castonguay, il était recommandé que le Commissaire à la santé soit incorporé au niveau de l'INESSS. Moi, personnellement, je trouvais ça être juge et partie parce que l'INESSS, l'objectif, c'est d'améliorer la performance du réseau, améliorer la qualité des services, améliorer nos résultats au niveau des patients, et on demande au Commissaire d'évaluer ça, alors que ce qui arriverait, c'est que lui travaillerait pour l'améliorer puis, en même temps, ce serait celui qui jugerait si ce qu'il fait était correct. Donc, c'est pour ça que, moi, je trouve que le Commissaire à la santé a vraiment un rôle complètement indépendant, un genre de vérificateur général du système de santé. Je pense qu'il est bien positionné comme ça.

Puis, par rapport aux guides de pratique, moi, je continue à penser qu'il y a un très grand rôle qui va pouvoir être joué par l'INESSS, et puis, également, ça va comprendre toutes les facettes au niveau de santé et des services sociaux. Puis j'insiste sur les mots «services sociaux», parce que c'est une innovation qu'on a faite au Québec en incluant les services sociaux. C'est aussi important d'évaluer la valeur d'une psychothérapie avec un type innovateur que d'évaluer un médicament, et les deux peuvent jouer leur rôle très, très bien. Puis je suis d'accord avec vous qu'au niveau des choix du panier de services il y aurait peut-être d'autres choix à faire.

Maintenant, je vous amènerais sur la question du panier de services pour peut-être clarifier. Pour moi, le panier de services, c'est une décision qui devient, à la limite, politique parce que ça répond beaucoup au jugement de valeur et de culture d'une société. Et vous avez donné des très beaux exemples. Quand on a posé le choix: Est-ce que je devrais payer une vasectomie ou des lunettes?, on devient dans un choix qui est extrêmement difficile, alors que, moi, je pense que, dans la société, on peut décider, à un moment donné, qu'à tel âge on va payer telle affaire - exemple, les soins dentaires - et, à un autre âge, ça va être un autre... dans un autre domaine, ça va être une autre décision.

.(10 heures ).

Puis ce qui est important également dans le choix qu'on fait, oui, il y a la question du médicalement requis, du médicalement valable, mais il y a également le prix à payer pour certaines choses. Et, vous l'avez dit vous-même, on ne pourra pas tout se payer et on fait comme choix, dans la société, de payer ce qu'on pense qui a le plus de valeur pour nos citoyens.

Ça, là-dessus, je peux vous dire que les choix des citoyens, là, ça dépend de chacun. Parce que, quand, toi, tu as la maladie, elle est bien, bien importante, mais, quand c'est la maladie des autres, ça devient moins important. Puis le bel exemple qu'on a vécu: la fécondation in vitro. Vous l'avez dit vous-même, si c'est un choix personnel pour certains individus de savoir s'ils peuvent avoir des enfants, en cas d'incapacité d'avoir des enfants, est-ce que la société doit payer ou pas, bien, moi, je pense que c'est un choix politique. Parce que, comme société, est-ce qu'on décide que, nos gens qui pourraient avoir des enfants et qui sont incapables, et on a des technologies pour les aider, on le paie? C'est un choix politique.

Le danger d'une organisation comme l'INESSS, c'est que ça va être un choix qui va être selon leurs valeurs à eux autres, alors que, nous autres, comme politiciens, c'est un choix que l'on fait à ce moment-là en tenant compte des avis de l'INESSS, en tenant compte également des courants de pensée de nos concitoyens, et, à la fin, je pense que le politique est le mieux placé. Là, il ne faut pas confondre avec deux techniques chirurgicales dont l'une est meilleure par rapport à l'autre. Moi, je suis d'accord avec vous: l'INESSS devrait avoir un pouvoir de recommander que telle technique devrait être abandonnée parce qu'elle n'est plus bonne. Puis je vais vous donner un exemple: une cholécystectomie ouverte chez tous les patients, ça ne se fait plus, c'est l'endocholécystectomie qui est la technique qui est recommandée, avec quelques cas de cholécystectomie ouverte. Mais ça, c'est le genre de chose que l'INESSS peut faire des recommandations. Puis également on va faire des suivis là-dessus.

Mais, à la fin, le choix du panier de services n'est pas seulement qu'historique, c'est un choix qui, je pense, s'est fait au cours des années, et c'est un choix qui est judicieux. La difficulté qu'on a, puis ça, je peux vous promettre que c'est extrêmement difficile, c'est quand un service est assuré puis qu'on veut l'enlever. Ça, c'est compliqué. Donner un service, c'est facile, mais enlever un service, c'est compliqué. C'est à ce moment-là que l'INESSS va jouer un rôle. Parce que, s'ils font une évaluation selon les données probantes, ils vont nous arriver avec des recommandations, et, à ce moment-là, le politique, le législateur ou le ministre de la Santé va décider si, oui ou non, c'est valable de couvrir ce service-là. Et il y a des services qui, oui, à un moment donné, pourraient être retirés pour considération non médicale.

L'autre débat, c'est un autre débat qui est, encore là, un débat de société: Dans un cas qu'une société n'est plus capable de se payer des services de santé, est-ce qu'il y a des choix à faire? Est-ce qu'on désassure des choses? C'est dommage, l'INESSS n'est pas la place pour prendre cette décision-là. Ça devient un choix de société que de décider de désassurer certains secteurs. Et c'est un choix peut-être que certains vont faire et c'est un choix qu'un gouvernement pourrait faire, qu'un autre gouvernement pourrait voir différemment. Mais, pour moi, ça appartient au législateur... à la classe politique de prendre cette décision-là. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Venne (Michel): Je ne peux pas être plus d'accord avec vous. C'est aux hommes et aux femmes politiques de prendre la décision qui consiste à déterminer l'étendue de la couverture de notre système public, sinon nous n'aurions plus un système public. Alors, l'un des avantages du système public, c'est qu'il est démocratique. Des citoyens, des groupes, des organisations, dans la société, peuvent influencer la façon dont nous gérons ce système et ce que nous décidons de couvrir avec cette assurance collective de notre société. Donc, oui, vrai, la décision doit appartenir aux politiciens... aux hommes et aux femmes politiques - j'aime mieux cette expression-là. Mais vous avez, dans votre intervention, donné toutes les raisons pour lesquelles les hommes et les femmes politiques ont besoin d'organismes, d'instruments, de processus pour les aider à rendre des décisions extrêmement difficiles.

Vous l'avez dit, retirer un service qui est présentement assuré, ce qu'on appelle désassurer, c'est une décision politique très difficile parce qu'on reproche immédiatement au ministre - parce que c'est toujours au ministre qu'on reproche tout quand il y a quelque chose qui ne va pas dans le système de santé - d'abandonner certaines clientèles. Or, l'homme politique est toujours jugé décision par décision. Il doit précéder la décision politique d'un processus qui est crédible, qui s'appuie sur deux choses essentiellement, deux choses que l'homme politique... dont l'homme politique ensuite peut tenir compte pour rendre sa décision, mais deux choses qui sont essentielles: la connaissance scientifique, la connaissance pratico-pratique au sujet d'une forme d'intervention, de sa nécessité et du besoin auquel il répond, et la délibération publique autour de ce sujet-là.

Dans les pays scandinaves, où on fait ce genre d'exercice depuis une vingtaine d'années, la pensée a beaucoup évolué à ce sujet-là. Au début, dans les années quatre-vingt, on établissait des listes de critères et puis on appliquait de façon un peu mécanique l'exclusion ou l'inclusion de certains services dans le panier de services en fonction d'une liste de critères. Ce qu'on fait maintenant, c'est qu'on établit des processus dans lesquels on consulte la population, on consulte les experts, on consulte les parties prenantes, les acteurs du système, et, à la fin, il y a une organisation indépendante, crédible, qui n'a pour vocation que de déterminer ce qui est le mieux, compte tenu des moyens que nous avons à notre disposition.

Vous l'avez dit vous-même: Dans les prochaines années, on aura des choix douloureux à faire. Pour éclairer la décision politique sur ces choix-là, on a besoin d'une organisation qui va faire le tri, qui va consulter, qui va rassembler toutes les informations nécessaires pour que la décision soit la plus juste, la plus pertinente et la plus proche possible de ce que souhaite la population. Ça prend un mécanisme parce que, lorsqu'on laisse à eux-mêmes les hommes et les femmes politiques... Et vous le savez, vous l'avez sûrement déjà vécu, vous êtes assailli par un ensemble d'intervenants dans la société qui font valoir publiquement... certains disposant de moyens plus importants que d'autres sur le plan de la communication ou d'une réputation, et qui viennent influencer de façon très importante la décision politique. C'est pour ça que ce qu'on disait dans notre rapport, c'est qu'il faut armer les décideurs politiques avec un instrument qui s'appuie sur la connaissance scientifique et la délibération publique pour, je dirais, répondre à ce jeu d'influence, qui est normal, qui se poursuivrait, mais au moins l'homme ou la femme politique serait armé d'un instrument qui pourrait l'aider à rendre cette décision-là, à éclairer sa décision, à la préparer et à établir, dans la société, cette espèce de consensus sur des choses extrêmement importantes, graves, sur des sujets qui sont toujours très délicats, émotifs.

Alors, l'idée, c'est d'avoir un instrument au service de la décision politique et non pas qui remplacerait la décision politique.

M. Bolduc: Pour moi, l'instrument demeure l'INESSS. La différence, c'est l'importance qu'on accorde à leur avis. Dans votre cas à vous autres, ça devient quasiment, pratiquement une obligation de la suivre, tandis que, moi, la façon dont je le vois, c'est que le politique est mieux positionné pour décider pour l'ensemble des citoyens qu'est-ce qu'il va couvrir ou pas. Le danger de dire que l'INESSS va faire les choix, c'est que, moi, je pourrais dire, comme politicien: Maintenant, tu as tant de budget, décide qu'est-ce que tu vas couvrir. Tandis que, quand c'est à notre niveau, on a et le contrôle du budget et le contrôle de la décision. Je suis d'accord avec vous: à la fin, c'est difficile pour le ministre, c'est difficile pour le gouvernement, mais c'est leur rôle, quand ils sont élus, de prendre les meilleurs choix pour la société.

Et on suit les grandes tendances. Moi, je regarde ce qu'on se fait au Québec... Regardez ce qui se fait aux États-Unis, regardez ce qui se fait dans les autres provinces et qu'est-ce qui se fait dans les pays européens, il y a autant de problèmes financiers que nous autres, sauf que la façon de décider est différente, et on fait des choix de société qui sont différents.

Ça, là-dessus aussi, je vais juste apporter un correctif. Tantôt vous disiez: L'INESSS pourrait nous recommander, savoir est-ce que telle affaire devrait être payée à domicile, les incohérences du système. Ça, les incohérences du système, ce n'est pas l'INESSS qui va les corriger, c'est nous autres, les décideurs, qui prenons la décision à un moment donné: Est-ce que tel service devrait être couvert à domicile ou pas? Est-ce qu'on couvre juste un établissement ou pas? Et, pour avoir été gestionnaire d'établissement, oui, je suis d'accord avec vous, il y a des incohérences à corriger. Par contre, il y a des choses qu'on a faites délibérément qu'on voulait garder en établissement pour essayer de garder un certain contrôle sur certaines choses, et de l'envoyer en externe, ça amenait d'autres problèmes. Donc, ces mécanismes-là d'incohérence, ce n'est pas l'INESSS qui va les corriger, sauf que l'INESSS pourrait nous faire des évaluations de coûts, des évaluations des meilleures pratiques puis qu'est-ce qui devrait être fait, puis après ça on prendra la décision. Mais ces incohérences-là, déjà actuellement, dans le système actuel, on pourrait les corriger, ces choses-là, mais c'est juste qu'il faut regarder: Est-ce que c'est vraiment la bonne décision qu'on va prendre?

M. Venne (Michel): Tout ce que je dis, c'est: Si vous souhaitez que l'INESSS vous fasse des recommandations sur des questions comme celles-là, écrivez-le dans son mandat, dans le projet de loi. Ce n'est pas le cas actuellement dans le projet de loi n° 67. Alors, si vous le souhaitez... Parce que c'est une question différente, vous l'avez mentionné vous-même, que d'évaluer la qualité scientifique, technique, d'une intervention et d'évaluer la pertinence de couvrir ou non, par un régime d'assurance, une intervention. Ce sont deux choses différentes, et, à mon sens, moi, dans le projet de loi n° 67, je ne lis pas que vous souhaitiez que ce soit le mandat de l'INESSS de vous faire... Je lis notre recommandation: «...formuler périodiquement des recommandations sur la composition du panier des services assurés par le régime public.» Ce n'est pas dans le projet de loi, à moins que je ne me trompe.

.(10 h 10).

M. Bolduc: Moi, je pense qu'où on pourrait se rejoindre... Je ne pense pas... Je ne veux pas le mettre dans le projet de loi parce que ça devient un de leur rôle, puis à tout moment on va se refaire questionner pour dire: Pourquoi vous ne leur faites pas faire? Moi, je le vois plus dans les autres mandats du ministre de la Santé. Les autres possibilités qu'on peut donner comme mandats, on pourrait demander à l'INESSS, dans une perspective, à un moment donné, de réévaluer la couverture, de nous faire des études pour voir les conséquences de c'est quoi couvrir, ne pas couvrir.

Parce que, là, ce qu'il faut faire... Il faut faire attention également, c'est qu'on dit: À un moment donné, on n'aura pas d'argent, on va faire des choix. Mais, moi, je ne suis pas certain qu'il n'y a pas d'amélioration à aller chercher dans le système de santé, et, s'il y a des choix qui ont à être faits, à ce moment-là on s'appuiera sur des travaux qui vont être faits par l'INESSS, donc l'importance d'avoir une organisation comme l'INESSS qui, je pense, a un mandat très clair d'évaluer par rapport à la pertinence puis l'efficacité de tout ce qu'on fait, et, à ce moment-là, on pourra leur donner un mandat spécial d'évaluer par rapport à cette perspective-là.

Mais c'est une perspective que, si je mets dans la loi, automatiquement les gens vont dire: Les seuls qui sont responsables d'évaluer par rapport à la couverture, ça va être l'INESSS. Parce que ce qui était prévu au début, c'était même beaucoup plus que ça, moi, de ce que je lisais. C'était non seulement: Ils vont faire des recommandations, mais, à la fin, c'est quasiment: la décision finale va se prendre à ce niveau-là, et le politique aura juste à se soumettre à la décision du groupe qui va faire la recommandation.

M. Venne (Michel): En tout cas, ce que vous venez de dire, ce n'est pas ce que nous avions recommandé. Le politique demeure maître de sa décision. Et je veux juste terminer sur une note là-dessus. Si vous ne prévoyez pas, dans la composition, dans la formation de l'INESSS à l'origine, ce mandat spécifique autour des recommandations qui pourraient vous être faites, à votre demande, sur la composition du panier de services, l'INESSS va développer à l'interne des compétences, des processus, des façons de fonctionner, des mécanismes, des programmes de recherche qui ne correspondront pas nécessairement aux besoins que vous énoncerez dans quelques années ou que votre successeur ministre de la Santé et Services sociaux formulera dans quelques années. L'INESSS se sera développé dans une perspective qui ne sera pas celle pour laquelle vous aurez un besoin dans une couple d'années. Je vous mets en garde contre cela.

Et j'ajoute une dernière chose. Vous savez, en politique publique, si vous avez une intention de faire un changement, vous êtes aussi bien de le faire, ce changement-là, du premier coup, parce qu'on n'a pas toujours deux chances, surtout en matière de création de nouvelle organisation. Si on se donne la peine de créer une nouvelle organisation, à mon avis, il faut créer celle dont on a le plus besoin, alors qu'on en a déjà, là, qui quand même couvrent assez largement le mandat que déjà... que vous voulez octroyer à ce nouvel institut. C'est simplement ce que je vous dis. Merci.

M. Bolduc: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va maintenant céder la parole au député de Marie-Victorin. M. le député.

M. Drainville: Merci, M. le Président. M. Venne, est-ce que vous avez été consulté au moment de la préparation de ce projet de loi? Est-ce qu'on vous a... À titre d'ancien membre de cette commission qui a... ou de ce groupe de travail qui a proposé la création de l'INESSS, est-ce qu'on vous a consulté dans la préparation, la rédaction, l'élaboration du projet de loi?

M. Venne (Michel): Depuis le dépôt du rapport du groupe de travail sur le financement de la santé, je n'ai jamais été interpellé ni par le gouvernement ni par les élus sur cette question. J'ai eu l'occasion de présenter les contenus du rapport à l'Association québécoise des établissements de santé, à des professionnels spécialisés, j'ai même rencontré des gens de l'Organisation mondiale de la santé, mais jamais au sein ni du gouvernement ni de l'Assemblée nationale ce n'est jamais arrivé.

Après le dépôt du rapport, le ministre Philippe Couillard à l'époque avait créé un comité d'implantation de cet institut et il en a confié la présidence au président du groupe de travail dont je faisais partie, M. Castonguay, qui, je n'en ai aucun doute, a bien sûr défendu, là, l'essentiel des recommandations de notre rapport, tout en faisant quelques modifications au fur et à mesure, je présume, des travaux qu'il a menés. Je n'ai pas été mené à ces travaux ni aux travaux préparatoires du projet de loi non plus.

M. Drainville: Un de vos griefs, je dirais, à l'égard de ce projet de loi, c'est son manque... c'est le manque d'indépendance de l'institut ainsi créé par le projet de loi. À votre avis, qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire et devrait faire pour rendre l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux véritablement indépendant du gouvernement? Quels sont les gestes prioritaires qui devraient être posés?

M. Venne (Michel): Il y a plusieurs mécanismes qui sont... qu'on peut utiliser pour favoriser une meilleure indépendance, encore faut-il souhaiter aller jusque-là. Et ça dépend toujours de l'intention du législateur. On peut, par exemple, rendre l'institution que l'on crée redevable non pas au ministre, mais ça peut être au gouvernement, ça peut être à l'Assemblée nationale, ça dépend du mandat qu'on confie à cette organisation-là. Avec l'étendue du mandat qu'on veut confier à ce nouvel institut, qui, moi, me déçoit, que je trouve trop peu ambitieux, je n'ose pas dire qu'il faille aller jusqu'à rendre cet institut, avec le petit mandat qu'on lui confie, redevable à l'Assemblée nationale. Mais, cela étant dit, c'est une des mécaniques qu'on peut utiliser.

Deuxièmement, il faut assurer un financement et un contrôle du budget qui puissent... ou des sources de revenus qui assurent qu'on ne puisse pas étrangler financièrement cet organisme, si jamais on le souhaitait. C'est une des façons de rendre plus indépendante une organisation, c'est de lui assurer des sources de financement qui ne sont pas aléatoires. Un des mécanismes que quelqu'un, récemment, me suggérait, qui pourrait être utilisé dans un cas comme celui-ci, ce serait de prévoir, par exemple, qu'un pourcentage d'une portion du budget de la Santé et des Services sociaux soit... détermine en quelque sorte le budget d'une organisation comme celle-ci. Donc, on ne pourrait pas baisser ses budgets de façon... autrement qu'en modifiant la loi, par exemple, ou en tout cas au moins un règlement du gouvernement. Ce sont des mécanismes qui peuvent être mis en place pour assurer une meilleure indépendance.

D'autre part, bien, ça concerne également les processus de nomination des membres du conseil. J'évoque, dans mon mémoire... J'ai sauté par-dessus ce paragraphe tout à l'heure, je crois. Non, je l'ai évoqué un peu rapidement, c'est le fait que, dans le projet de loi, à moins que j'aie mal compris, le conseil d'administration, celui qui est nommé officiellement pour diriger l'organisation, pour administrer l'organisation, me semble avoir des pouvoirs qui se limitent à du contrôle administratif, détermination de grandes orientations stratégiques, mais ne semble pas être l'instance qui émet les avis; on envoie ça à des comités, des comités qui sont plus aléatoires. Bon. Alors, il faut examiner les différents processus de nomination des membres du conseil et le mandat du conseil d'administration, quel est le pouvoir de ce conseil par rapport au ministre, notamment. Pas que j'en aie contre le ministre, qui sans doute prend des décisions très éclairées, mais c'est le principe même d'avoir une organisation qui puisse afficher son indépendance non seulement face au ministre, mais face aussi à l'ensemble des intervenants du système.

Dans le projet de loi qui nous est présenté, tous les intervenants concernés ont... On confère à tous les intervenants concernés, à tous les groupes constitués au sein du système énormément d'influence, énormément d'espace dans la table de concertation que l'on demande à l'institut de créer, par exemple. On va consulter ces organisations-là sur l'identité des membres du conseil d'administration. Bon, évidemment, les choses ne doivent pas se faire en vase clos, et l'institut doit consulter l'ensemble des intervenants, doit travailler de concert avec les organismes qui ont des mandats qui s'apparentent, mais, quand on lit l'ensemble des dispositions du projet de loi, on a le sentiment que ce sera difficile pour une organisation comme celle-là, de... comment je dirais, pouvoir à un moment donné mettre son poing sur la table.

M. Drainville: Sur le fond des choses, moi, ça va faire bientôt trois ans que je suis porte-parole pour l'opposition officielle en matière de santé, et il y a un certain nombre de constats que je fais, entre autres sur la question de l'efficacité. Je pense qu'une des grandes, grandes faiblesses de notre réseau de santé et de services sociaux, c'est le problème de l'informatisation. Moi, je pense que la gestion de l'information au sein de ce système-là est défaillante, et l'une des raisons pour lesquelles elle l'est, c'est que nos services... notre réseau n'est pas suffisamment informatisé.

Et on voit tout le cafouillage qui entoure la mise en oeuvre du Dossier de santé du Québec actuellement. Je pense que c'est symptomatique de cette difficulté, de cette incapacité de mettre en place un système qui est absolument nécessaire pour mieux gérer notre système de santé. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'informatisation qui se fait dans le réseau, évidemment ce serait faux de dire ça, mais, dans le cas du DSQ, on a là un bel exemple de la très grande difficulté que nous avons, comme société, à mettre en place un système qui nous permettrait de mieux gérer et de mieux connaître également les résultats du réseau, de connaître effectivement le véritable rendement et de pouvoir éventuellement même mieux comparer la performance entre les différents établissements.

.(10 h 20).

Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui vont vous dire: La création de l'INESSS - et vous allez l'entendre, ça, vous pouvez en être certain - ne réglerait pas une bonne partie des problèmes auxquels nous faisons déjà face? Et donc c'est un peu faire dévier le débat que de vouloir créer un nouvel organisme, une nouvelle structure. Ça nous évitera de nous questionner sur le fonctionnement de la structure actuelle, telle qu'elle existe présentement. Ça nous évite de nous interroger sur les raisons profondes pour lesquelles nous ne sommes pas capables, par exemple, de mener à bien un projet comme celui de l'informatisation du réseau de la santé.

Puis, je vous dis, moi, on met déjà 27 milliards dans la santé et les services sociaux, il y a pas mal de gens, M. Venne, qui vont dire: Comment se fait-il qu'à même cette enveloppe de 27 milliards nous ne soyons pas capables de trouver le mécanisme, l'organisme, de créer à même ces ressources existantes le moyen par lequel nous pourrions atteindre l'objectif d'une plus grande performance et d'une meilleure efficacité? Ça, c'est une question fondamentale quand on met déjà 45 % de tout ce que le gouvernement perçoit en revenus en santé et en services sociaux.

M. Venne (Michel): La création de l'INESSS, dans l'esprit du groupe de travail, c'était justement de doter le système d'un instrument qui lui permette de mieux évaluer la pertinence sociale, clinique, économique de ce que nous faisons, mais de le faire plus largement que de simplement évaluer de façon technique la... est-ce que telle forme d'intervention clinique est meilleure que telle autre, aller plus loin que ça, nous amener à renforcer notre capacité, comme système de santé et de services sociaux, à faire des choix.

Parce que, je l'ai dit dans ma présentation, changer quelque chose là-dedans, c'est tabou au Québec. On n'ose pas toucher à ça, sauf à la marge. Or, avec les changements démographiques, les changements technologiques, l'évolution des technologies présentes, qui sont devant nous, que nous commençons à vivre, nous devrons de plus en plus faire des choix. Or, c'est clair que, pour moi, la création d'un INESSS tel que nous l'avions suggéré dans le rapport du groupe de travail, c'était exactement pour aller dans le sens d'être mieux en mesure de faire ces choix-là.

Le mandat qui est proposé pour l'INESSS dans le projet de loi n° 67 me semble être une amélioration face à ce qui existe actuellement. Je m'interroge sur la nécessité de forcer deux organismes qui fonctionnent bien à fusionner pour arriver aux mêmes fins. Mais, cela étant dit, je pense qu'on va dans la bonne direction, mais on n'avance tellement pas loin que... On ne prend pas beaucoup de risques ici.

Mais, cela étant dit, vous avez dit dans votre présentation: Ce projet de loi là, est-il une façon de nous éviter de réfléchir aux raisons profondes des difficultés que nous allons... que nous avons? Ce que je dis dans ma présentation, c'est, en effet, qu'on a... Il me semble que c'est un geste politique manqué. C'est-à-dire qu'on doit s'interroger de façon très profonde sur l'étendue de la couverture que nous offrons comme système de santé. Et j'estime que la création de l'institut... Parce que c'est... On n'en crée pas tant que ça, des nouveaux organismes, au sein d'un gouvernement par les temps qui courent. Alors, quand on en crée un, est-ce qu'on ne pourrait pas s'assurer que ce soit un pas important en avant qu'on fasse faire à notre système et à nos services publics? Et j'ai l'impression qu'on ne fait pas ce pas-là avec le projet de loi n° 67. C'est pourquoi ça me déçoit et c'est pourquoi j'ai demandé à être entendu ici ce matin pour le dire.

Si on veut effectivement réfléchir davantage à des raisons profondes, à des problèmes importants de notre système, à des choix majeurs que nous devrons faire, mon sentiment, c'est que le mandat de l'INESSS devrait être considérablement élargi, non pas pour, je le répète, remplacer le pouvoir politique mais pour nous doter, comme société, d'un instrument qui va favoriser un meilleur éclairage de la décision politique. Parce que nous avons des choix à faire. Une des raisons pour lesquelles on a de la difficulté avec notre système actuellement, c'est qu'on ne fait pas de choix, ou on n'en fait pas assez.

M. Drainville: Vous dites: On ne prend pas beaucoup de risques avec ce projet de loi - là, je fais appel moins à l'ex-membre du groupe de travail qu'à l'analyste, chroniqueur, commentateur - comment vous expliquez que le gouvernement ne veuille pas prendre plus de risques avec ce projet de loi? Comment expliquez-vous cette, comment dire... ce comportement timoré, disons?

M. Venne (Michel): Bien, évidemment, je vais vous laisser commenter avec vos propres mots ce que vous estimez être l'attitude du gouvernement. Mon intention n'est pas de porter un jugement sur l'attitude du gouvernement ni du ministre, je fais simplement constater que le projet de loi, c'est une demi-mesure. Je m'attendais à beaucoup plus. Nous avions recommandé beaucoup plus, le comité d'implantation avait recommandé beaucoup plus, surtout sur la question de la détermination de recommandations face au contenu du panier de services. Et donc, oui, je suis déçu.

Pourquoi? Au-delà des circonstances conjoncturelles, le changement est toujours quelque chose de difficile. Et nous sommes dans un système de santé dans lequel il y a des instances, des organisations qui ont des pouvoirs, et ce qui est proposé par le groupe de travail, c'est un déplacement du pouvoir, c'est une... On suggère en quelque sorte de nuancer le pouvoir unique du ministre sur une question qui est quand même fondamentale. La décision politique lui reviendra toujours, mais c'est clair...

Et M. le ministre l'a exprimé ce... Il disait que c'est un danger que de confier à une organisation qui n'est pas constituée d'élus, cela va de soi, un pouvoir d'influence important. Sauf que... Et, dans mon métier maintenant, je m'intéresse beaucoup aux questions de démocratie, de participation citoyenne, de consultation et je me rends bien compte que les démocraties, partout dans le monde, évoluent de telle manière qu'on relativise la mainmise des élus sur les processus de délibération qui mènent à la décision. De plus en plus, on consulte. De plus en plus, on ouvre, on crée des mécanismes qui nous permettent d'analyser les différentes options qui s'offrent, que ce soit en santé, en éducation ou ailleurs, de manière à ce que la décision politique soit éclairée par la participation de citoyens, l'intervention d'experts scientifiques et que cette délibération-là soit publique et transparente.

C'était aussi un des objectifs que nous avions en proposant l'INESSS, c'était que le mécanisme qui mène à la décision politique soit ouverte, transparente. Au-delà de l'indépendance de l'organisation, c'était un des prérequis, c'était une des conditions de succès, si vous voulez. Parce que, quand on a des choix difficiles à faire, il faut être capable de permettre aux gens qui sont concernés de s'exprimer sur le sujet, et ça inclut les citoyens, et il faut expliquer la décision que l'on prend, et il faut pouvoir s'appuyer sur des données probantes et une délibération.

M. Drainville: Oui. Moi, je retiens de votre réponse: On propose un déplacement de pouvoir. Je me pose la question: Est-ce que c'est ça qui fait peur au gouvernement et en particulier au ministre? Est-ce que c'est parce que, dans la version originale de la proposition, il y avait, selon les mots que vous utilisez, un déplacement du pouvoir, donc, du ministre...

M. Venne (Michel): Une relativisation, oui.

M. Drainville: ...vers l'INESSS? Et, enfin, on pourrait très bien émettre l'hypothèse que l'une des raisons pour lesquelles le projet de loi déposé devant nous ne vous satisfait pas, c'est parce que justement le ministre, et le gouvernement de façon générale, ne veut pas déplacer le pouvoir du ministère vers cet institut.

M. Venne (Michel): Je vais vous laisser poser au ministre la question dans les circonstances appropriées...

M. Drainville: Je le ferai en temps et lieu, le...

.(10 h 30).

M. Venne (Michel): ...et je ne veux pas répondre à sa place. Mais il y a deux choses, je dirais, qui me déçoivent: c'est, d'une part, en effet, que j'estime... Quoiqu'il y a déjà des pas qui sont faits. Je l'ai mentionné, on ouvre à la consultation de la population sur les avis de l'institut. C'est déjà quand même intéressant. Mais ce que je veux dire, c'est qu'en effet je pense qu'il faut relativiser les pouvoirs non seulement du ministre... puis peut-être moins ceux du ministre que ceux des différentes organisations qui, dans le système actuellement, par le jeu des rapports de force et des jeux d'influence, ont beaucoup plus d'influence sur la décision qu'on peut l'imaginer. La commission Rochon, il y a déjà plusieurs années, une de ses conclusions, c'était que le système de santé était l'otage des groupes d'intérêts. Ça a probablement un peu évolué depuis ce temps-là, mais ce n'est pas encore complètement faux.

La deuxième chose qui...

M. Drainville: Mais est-ce que c'est votre avis?

M. Venne (Michel): Bien, je... Écoutez, c'est clair que les groupes... Le système de santé et de services sociaux est, je dirais, un écosystème dans lequel il y a énormément de groupes qui représentent différents intérêts. Là, c'est une vérité de La Palice, ce que je suis en train de dire là, tout le monde est au courant de ça. Tout le monde le voit de toute façon quand on suit les débats publics dans les journaux. Chacun des intervenants vient dire ce qu'il en pense. C'est normal, ça fait partie de la démocratie. Mais c'est simplement que la création de l'INESSS, pour nous, c'était une manière de donner... d'armer les décideurs politiques face à cette multitude de pressions qui viennent d'un peu partout et qui est inévitable.

L'autre chose qui me déçoit, c'est moins relatif à la question du pouvoir. C'est le fait qu'on ne s'attaque pas de façon explicite, dans le mandat de l'INESSS, à cette question fondamentale de la révision du panier de services et donc de l'obligation que nous aurons, dans les prochaines années, de faire des choix basés non seulement sur des questions d'ordre technique ou sur la valeur scientifique de certaines interventions, mais aussi des choix qui ont trait justement aux valeurs, à l'éthique publique et à des considérations économiques.

M. Drainville: Il me reste seulement quelques minutes, mais j'ai deux questions que je veux absolument vous poser. Sur la question du panier de services, quand vous parlez de révision du panier de services, il y a beaucoup de gens qui entendront «réduction du panier de services», surtout dans un contexte budgétaire extrêmement difficile comme celui que nous vivons. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là qui vont dire: Quand il nous parle de révision, dans les faits, il nous parle de réduction?

M. Venne (Michel): Vous savez, c'est une des raisons pour lesquelles les hommes politiques ont tourné... ont hésité, dans le passé, à toucher au panier de services.

M. Drainville: Les hommes et les femmes.

M. Venne (Michel): Les hommes et les femmes politiques, oui. J'essaie chaque fois de le dire, puis vous avez bien fait de me reprendre.

Mais, cela étant dit, pourquoi c'est difficile? Parce qu'un homme politique, ou une femme politique, seul se lève à l'Assemblée nationale et dit: Bon, bien, dorénavant, tel truc, ce n'est plus couvert. Il porte tout seul ce qu'on pourrait appeler l'odieux de couper.

Or, actuellement, qu'est-ce qui se passe dans notre système de santé? Comme on ne touche pas de façon explicite au panier de services, eh bien, il y a des nouveaux besoins qui apparaissent, qu'on couvre mal ou qu'on ne couvre pas. Il y a des choses qui sont couvertes depuis toujours, auxquelles on n'ose pas toucher mais qui sont beaucoup moins importantes aujourd'hui par rapport à d'autres interventions qui ne sont pas couvertes. J'ai donné quelques exemples au hasard, un peu, tout à l'heure, et je ne veux pas trop insister sur les exemples précis parce que, pour moi, c'est un exercice justement... c'est un exercice démocratique, c'est un exercice de transparence. Il faut étudier ces situations-là, il faut faire des comparaisons, il faut faire des mesures et il faut délibérer de ce qui est important pour nous, comme société.

Mais donc il est important de se donner un mécanisme qui va nous permettre de le faire et qui va permettre aux hommes et aux femmes politiques qui vont rendre la décision de s'appuyer sur quelque chose, pas juste sur une promesse électorale, soit dit en passant, pas juste pour satisfaire aux hauts cris de quelqu'un qui, là, tout à coup, dénonce une situation, et puis qui est appuyé par quelques personnalités, et puis tout à coup on se dit: Bon, bien, écoute, là, ça va nous coûter 15, 20 millions, là, on va le faire puis on va avoir la paix.

Alors ça, tous les ministres de la Santé de tous les gouvernements, de tous les partis politiques, dans toutes les démocraties sont confrontés à ce genre de situation là parfois, ce qui fait que là on se retrouve avec l'addition d'un certain nombre d'incohérences dans notre système. L'idée, c'est d'amener un peu plus de cohérence puis se donner un mécanisme qui va permettre aux hommes et aux femmes politiques de rendre des décisions éclairées.

M. Drainville: Il me reste seulement une trentaine de secondes. Est-ce qu'il vaut mieux l'INESSS ainsi proposé dans le projet de loi que pas d'INESSS du tout? Ou, dit autrement, est-ce que la version proposée dans ce projet de loi est à ce point mauvaise qu'il vaut mieux que ce projet de loi ne soit pas adopté?

M. Venne (Michel): C'est une réponse difficile à donner parce que je suis venu vous dire ce matin que je ne suis pas satisfait de ce projet de loi là. J'aimerais bien que la commission parlementaire et les consultations publiques vous permettent d'élaborer des améliorations à faire à ce projet de loi. Je préfère le projet de loi tel qu'il existe que pas de projet de loi, à cause des améliorations qu'il contient, mais je réitère que c'est une demi-mesure, et que, dans quelques années, on va devoir revenir sur ce sujet, et qu'en politique publique il est toujours préférable de faire les choses comme il faut dès la première fois parce que ce n'est jamais sûr qu'on a une deuxième chance de remettre sur le métier son ouvrage.

M. Drainville: Merci, M. Venne.

Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, il me reste à dire: Merci beaucoup, M. Venne, pour votre contribution, notamment les commentaires que vous avez formulés sur le panier de services, l'indépendance de l'organisme et le rôle, comme on dit en anglais, des «special interests», qui est toujours une question intéressante dans notre système démocratique.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants et je vais demander aux représentants de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

 

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Kelley): Alors, on va reprendre nos travaux. Le prochain témoin, c'est l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, représentée, entre autres, par son président, M. Potter. Alors, sans plus tarder, M. Potter, la parole est à vous.

Association québécoise d'établissements
de santé et de services sociaux (AQESSS)

M. Potter (Alex G.): M. le Président, merci. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la Commission de la santé et des services sociaux, permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Mme Lise Denis est directrice générale de notre association. Nous avons également invité deux représentants de nos établissements membres. Il s'agit de Mme Gertrude Bourdon, directrice générale du Centre hospitalier universitaire de Québec, et de M. Daniel Corbeil, directeur général du Centre de santé et de services sociaux Bordeaux-Cartierville, situé à Saint-Laurent. Ils seront disponibles pour partager avec vous leur expérience et leur volonté de voir le futur INESSS devenir un véritable lieu de convergence de l'expertise et du savoir-faire de l'ensemble du réseau québécois de la santé et des services sociaux.

En tant que représentants de l'AQESSS, nous tenons à remercier cette commission de nous donner l'occasion de présenter nos observations relativement au projet de loi instituant INESSS. L'AQESSS est le porte-parole de 135 établissements de santé et de services sociaux, soit des CSSS, des centres hospitaliers universitaires, des centres affiliés, des instituts et des CHSLD qui sont situés dans toutes les régions du Québec. Les membres de l'AQESSS emploient près de 200 000 personnes et gèrent de façon responsable et en toute transparence des budgets annuels s'élevant à plus de 12 milliards de dollars.

Si vous me permettez, M. le Président, je laisserai la directrice générale, Mme Lise Denis, vous présenter nos suggestions et recommandations, qui, selon nos membres, permettraient de bonifier le projet de loi n° 67. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci, M. Potter. Mme Denis.

Mme Denis (Lise): Oui. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, nous franchissons aujourd'hui un pas décisif vers la création d'un organisme regroupant les activités du Conseil du médicament et de l'Agence d'évaluation des technologies. L'INESSS devrait permettre au réseau de la santé et des services sociaux de mieux structurer ses interventions, d'améliorer la qualité des services à la population et d'accroître son efficacité et ses performances. Nos membres entendent collaborer, travailler et apporter leur soutien et leur expertise à l'INESSS. Notre intervention d'aujourd'hui se veut ainsi un appui à sa mise en place et une volonté d'en faire un véritable outil au service de la qualité et de l'efficacité des services à la population.

Nous apprécions tout d'abord que soient confiés à l'INESSS des mandats qui lui permettront de jouer un rôle stratégique à l'égard de la qualité et de la pertinence des services de santé mais aussi des services sociaux. Pour nous, l'inclusion du volet services sociaux répond en tous points à la nécessité d'adopter une approche intégrée santé sociale permettant de s'attaquer aux diverses problématiques vécues par les clientèles desservies par le réseau.

N'ayons pas peur de se le dire, nous possédons au Québec un des meilleurs systèmes de santé au monde. L'expertise développée dans les établissements, les centres de recherche, les unités d'évaluation, les équipes spécialisées en santé et en services sociaux ainsi que l'utilisation de la haute technologie médicale nous placent à l'avant-garde. Chaque jour au Québec des chercheurs, des praticiens, des cliniciens, tant en santé physique que dans le domaine psychosocial, font avancer la connaissance dans leurs domaines respectifs. Mais ils manquent de guides et de protocoles reconnus et généralisés qui permettraient de mieux traduire les résultats de ces travaux dans des gestes cliniques concrets et améliorés.

Le réseau est prêt à ce que son énergie, sa connaissance, son savoir soient reconnus et mis à contribution. Selon nous, l'INESS doit devenir l'instrument qui canalisera cette connaissance. Pour y parvenir et pour établir sa crédibilité, il devra notamment puiser ses ressources de savoir et d'expertise au sein même du réseau et en faire ses assises. Sans cela, l'INESS ne pourra exister de façon durable. C'est pourquoi nous plaidons en faveur d'un institut qui utilisera les ressources sur le terrain pour l'élaboration de ses guides et de ses protocoles, un institut qui tissera des partenariats étroits avec le réseau et l'ensemble des milieux universitaires.

Aussi, nous accueillons positivement le fait que le nouvel institut soit investi de la mission de demeurer à l'affût des tendances émergentes en matière d'excellence clinique et d'utilisation efficace des ressources. La promotion de l'excellence à partir de la connaissance des tendances au niveau des meilleures pratiques lui permettra de faire des recommandations éclairées en faveur d'une utilisation optimale des ressources humaines et matérielles.

Nous applaudissons également la décision de limiter à 11 membres la composition du conseil d'administration. Cela reflète une volonté d'opter pour une formule de gouvernance moderne, qui s'inscrit dans la tendance internationale de créer des conseils d'administration efficaces et dont les délibérations sont indépendantes des intérêts corporatifs. Il nous apparaît aussi essentiel, vu l'ajout du volet des services sociaux, que des membres du conseil d'administration proviennent non seulement du secteur de la santé, mais aussi du secteur social, notamment des services de première ligne.

Finalement, nous reconnaissons que les mandats que le législateur entend confier à l'INESS lui permettront de jouer un rôle déterminant et d'agir comme aucun autre organisme n'était habilité à le faire au Québec jusqu'à maintenant.

Trois éléments retiennent notre attention. Premièrement, aucun organisme québécois n'a en ce moment le mandat formel et légal d'intégrer dans ses analyses l'économie de la santé et les pratiques cliniques. La précision inscrite dans le projet de loi et selon laquelle l'INESS doit prendre en compte le rapport entre les avantages pour les personnes et les coûts pour le système de santé et de services sociaux pour élaborer ses recommandations et ses guides nous apparaît combler cette lacune.

Deuxièmement, nous l'avons déjà exprimé, l'ajout des services sociaux nous semble clairement une plus-value.

Troisièmement, le législateur confie à l'INESS la tâche de «déterminer, dans ses recommandations et guides, les critères à utiliser pour évaluer la performance des services et, le cas échéant, les modalités de mise en oeuvre et de suivi de ceux-ci». Selon nous, cette précision dans le projet de loi aura pour effet de favoriser la mise en oeuvre des recommandations de l'INESS. Il faudra toutefois s'assurer qu'une fois retenues les recommandations et les modalités de mise en oeuvre deviennent prioritaires pour le ministère et les agences, qu'elles tiennent compte des particularités, des missions et des territoires et que les établissements soient partie prenante de leur application sur le terrain.

Nous sommes convaincus qu'en utilisant les ressources et le savoir du réseau pour réaliser ses protocoles et ses guides, l'INESS possédera la formule gagnante pour faciliter l'application et l'implantation des meilleures pratiques dans le réseau. L'INESS devra donc créer des mécanismes modernes et efficaces pour que les travaux scientifiques passent la rampe de la distance entre la recherche et la pratique. Diffusion, vulgarisation, continuité, simplicité et rigueur devront guider la mise en place de ces mécanismes.

La commission aura constaté, à l'audition de cette première partie de notre présentation, que nous sommes fermement en faveur de la mise en place de l'INESS et que nous avons trouvé dans le projet de loi plusieurs réponses à nos espoirs. Nous souhaitons toutefois émettre certaines recommandations qui, à nos yeux, permettraient de bonifier ce projet de loi et, par le fait même, améliorer les mandats qui seraient confiés au futur Institut national d'excellence.

Comme nous l'avons mentionné, sur le plan pratique nous estimons qu'il sera de la plus haute importance que les travaux, guides et recommandations puissent cheminer dans le réseau, que les intervenants se les approprient et que leur implantation soit favorisée. Pour cela, le développement de mécanismes et de stratégies de transfert des connaissances doivent être déterminés en collaboration avec les établissements du réseau, et nous en faisons une recommandation formelle.

L'INESS devra également établir des partenariats et des mécanismes de coordination avec les ordres professionnels, les universités, les fonds subventionnaires en recherche et les organismes d'agrément, pour ne nommer que ceux-là. Il faut absolument aussi éviter toute duplication.

.(10 h 50).

Pour garantir l'application des meilleurs pratiques dans l'ensemble du réseau, les démarches d'implantation devront être accompagnées, au besoin, d'incitatifs financiers et de moyens administratifs favorisant leur mise en application.

Par ailleurs, au moment de l'adoption de principe du présent projet de loi, le ministre de la Santé et des Services sociaux rappelait la recommandation que lui avait soumise le Groupe de travail sur le financement de créer un organisme indépendant et crédible auquel on pourrait confier un rôle stratégique à l'égard de la pertinence et de la qualité des services de santé et des services sociaux. S'il existe une volonté réelle de créer un organisme dont un des rôles serait d'évaluer la pertinence de certains soins et certains services, il y a lieu de bonifier le mandat confié à l'INESS dans l'actuel projet de loi. Nous souhaitons que le mandat confié à l'INESS, à l'article 5, paragraphe 1°, d'évaluer les avantages cliniques, les coûts des technologies, et des médicaments, et des interventions en santé et en services sociaux personnels lui permette d'évaluer les interventions réalisées par le réseau public et d'en questionner la pertinence, l'efficacité et l'équité d'accès.

Plus précisément, nous souhaitons que les recommandations de l'INESS découlant de ces analyses puissent aussi porter sur les conditions d'accès, l'ajout, le retrait ou la substitution de certaines interventions, dont les actes médicaux, et nous en faisons une recommandation.

La gamme des services défrayés par les fonds publics est dynamique et évolutive. Ainsi, les services hospitaliers et ceux médicalement et socialement requis se modifient constamment sous l'influence des découvertes scientifiques, des nouveaux modes de pratique, des avancées technologiques, de la mise au point de nouveaux médicaments ou de nouvelles interventions sociales.

Par ailleurs, mesdames messieurs, vous trouverez dans notre présent mémoire d'autres recommandations visant l'amélioration du projet de loi, notamment en matière d'éthique et de protection des renseignements personnels. Nous souhaitons de plus, en tant qu'association, être consultés lors de la nomination du conseil d'administration, comme cela est d'ailleurs prévu au projet de loi n° 67.

Nous demandons aussi que des représentants des centres hospitaliers à vocation universitaire et des représentants des CSSS, provenant tant du secteur santé que du secteur services sociaux, soient membres de la table de concertation qui sera créée pour conseiller l'INESS, puisque c'est au réseau, en tant qu'intervenant et groupe, que s'adresseront les recommandations et les guides du futur Institut d'excellence.

J'affirmerai, en guise de conclusion, que la décision gouvernementale de créer l'INESS rejoint la volonté de nos membres. Notre association appuie donc la création de l'INESS. Nous tenons à ce que les services offerts à la population soient accessibles, pertinents, efficaces et équitables. L'institut s'assurera, dans ses recommandations, du maintien de ces dimensions indissociables de l'excellence attendue des services de santé et des services sociaux.

L'AQESSS et ses membres vous offrent toute leur collaboration et souhaitent être partie prenante autant dans l'analyse et l'élaboration que dans les modalités de diffusion et de mise en oeuvre des futurs protocoles et guides de pratique de l'institut. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Denis. Alors, on va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. Encore une fois, 22 minutes environ des deux côtés de la table, en commençant avec M. le ministre.

M. Bolduc: Merci beaucoup. Je n'en attendais pas moins de votre organisation. Je pense qu'on est pas mal sur la même longueur d'ondes, à peu près à tous les niveaux. Puis je pense que vous laissez savoir que c'est un grand pas en avant pour le Québec, le fait d'avoir une organisation qui s'appelle l'INESS, avec des nouveaux mandats définis. Et ça, je peux vous assurer que ce que vous demandez, vous devriez l'avoir, c'est-à-dire être des partenaires. Qu'on utilise des ressources du réseau pour nos guides de pratique, ça, ça va être soit via le Collège des médecins, via l'AQESSS, via les autres professionnels. Également, il y a FMSQ, FMOQ dans lesquels ils ont des experts. Et puis c'est toujours bon de faire de la consultation à tous les niveaux. Ça, je pense que c'est...

On ne peut pas tout marquer dans le projet de loi, là. La chose qui est bien importante à comprendre, un projet de loi doit rester général, donner des grands principes. Par contre, quand on arrive dans les mécanismes d'application, on s'attend à des choses. C'est sûr qu'il y a des choses qu'on veut mettre dans la loi en disant: Bien ça, ça serait important.

Table de concertation, on a dit que ce seraient des partenaires. On ne veut pas nécessairement tous les définir parce que c'est un réseau de 280 000 personnes. Ça fait que, si on commence à vouloir définir chacun des partenaires des organisations, je pense que, les gens qui vont être là à ce moment-là, il faut leur faire confiance qu'ils vont aller chercher les meilleurs partenaires. Ce qui est important, c'est, si un partenaire se sent un petit peu écarté, bien peut-être qu'il va nous le dire, puis on va ramener ça. Je pense que le sens est là. La loi, c'est, je vous dirais, un modèle général dans lequel par la suite il va y avoir des petites particularités dans lesquelles on va en venir.

Par rapport au panier de services, ça revient beaucoup quand vous dites, là: C'est quoi qui va être couvert puis qui ne le sera pas? Moi, de ce que je comprends, c'est que l'INESS va nous faire des recommandations sur des meilleures pratiques. S'il y a une technique chirurgicale ou un test diagnostic qui ne devrait plus être employé au Québec, on s'attend à avoir un avis d'eux autres pour nous dire que ça, vous devriez regarder ça, puis soit arrêter de le faire ou on ne le couvrira pas.

La question, puis c'est toujours la même chose: Jusqu'à quel point on leur donne le pouvoir de faire des recommandations? Puis je vais juste vous donner un exemple. On pourrait dire: Ils vont faire des recommandations puis, à toutes les fois qu'ils font une recommandation, il faut défendre si, oui on non, on l'accepte. Moi, personnellement, au niveau politique, je ne suis pas là. Je continue à croire que la décision de couvrir des services, c'est une décision qui appartient au politique. Parce que, pour certains, on ne devrait pas couvrir la vasectomie, on ne voudrait pas... bien, on ne devrait pas couvrir la vasectomie, mais couvrir la ligature. Mais, si je ne couvre pas la ligature - puis, dans un deuxième temps, on ne couvrira pas la ligature - mais, si je ne couvre pas ça, je vais être obligé de payer des pilules anticonceptionnelles. Ça fait que, vous voyez, c'est quoi, le choix que les gens vont faire, je pense que ça appartient au niveau politique.

Où est-ce qu'on se rejoint, ça nous prend un organisme crédible qui nous aide à faire nos choix, et ils vont les faire. Il y a des choses qui sont certaines. Si quelque chose n'est pas pertinent, n'est pas les meilleures pratiques, on devrait l'éliminer et ne pas le couvrir, et ça, il n'y en a plus beaucoup. Si vous voulez mon avis, quand tout le monde nous dit: On devrait... Puis ça, j'invite l'opposition... On me dit: Oui, on devrait regarder pour désassurer. Je leur demande de me faire des suggestions de c'est quoi qu'on devrait désassurer, et vous allez voir que ce ne sera pas évident, O.K.? Ça va être un choix... Puis à toutes les fois que vous allez vouloir désassurer quelque chose, vous allez avoir un choix à faire.

Un organisme comme l'INESSS peut nous faire... peut nous dire qu'il y a des pratiques qui doivent être changées. Il y a des pratiques qui doivent être abandonnées, et on va prendre des nouvelles pratiques à ce moment-là. Ça fait que, moi, je pense que, de ce côté-là, on se rejoint.

La seule affaire, jusqu'à quel point on leur donne le pouvoir de le faire? Moi, de ce que je comprends, quand on leur donne un mandat, on pourrait leur demander... leur faire... leur donner un mandat, dire: Dites-nous si vous pensez... c'est quoi qui pourrait être éliminé de l'assurance publique? Ou encore on pourrait leur dire: Y a-tu des choses qu'on ne couvre pas, qu'on devrait couvrir?

Le plus bel exemple, c'est la fécondation in vitro. La fécondation in vitro, là, il y en a qui vont vous dire qu'on n'aurait jamais dû couvrir ça, puis il y en a d'autres qui vont vous dire qu'on devrait couvrir ça parce que ça permet à des gens normaux qui ont une incapacité d'avoir des enfants, par des techniques reproductives, de l'avoir.

M. Drainville: M. le Président, sur un rappel au règlement.

Le Président (M. Kelley): Oui, M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: En toute bonne volonté, j'ai entendu le ministre faire référence au fait que l'opposition proposait de désassurer...

M. Bolduc: Non, pas du tout. Non, ce n'est pas ça que j'ai dit.

Le Président (M. Kelley): Non, non. Invitation de le faire, pas...

M. Bolduc: Non, juste clarifier...

M. Drainville: Vous parliez de l'ADQ, sans doute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bolduc: Non. Non. Non, l'ADQ... Non, juste pour bien clarifier ma pensée, je ne vous dis pas de désassurer, je vous dis: Quand on fait ces discussions-là, les gens nous parlent toujours... on devrait désassurer des choses. J'ai dit: J'invite l'opposition, si jamais ils avaient des idées de désassurer... mais pour montrer comment c'est difficile de désassurer. Il n'y a aucune mauvaise intention, vous pouvez être assurés, en ce début d'année.

M. Drainville: Bien, voilà, justement, il faut partir ça du bon pied.

M. Bolduc: Puis je suis content que, lorsqu'il y a un moment d'incompréhension, vous me permettez de mieux...

M. Drainville: Je me permets de vous interrompre, effectivement.

M. Bolduc: Ça me fait plaisir.

M. Drainville: Et je vous invite à faire de même si jamais ça se produit.

M. Bolduc: O.K.

Le Président (M. Kelley): Mais on va revenir aux témoins qui sont venus ici pour...

M. Drainville: Habituellement, ça ne se produit pas trop souvent.

Le Président (M. Kelley): On va revenir aux témoins qui se sont déplacés pour parler aux membres de la commission. M. le ministre, votre question aux témoins.

M. Bolduc: Sans dire qu'on est des grands amis, on est des bonnes connaissances. Ça fait que, moi, je pense, c'est ça, c'est un peu comme je vous disais, dans la question, parce que le panier de services va être quelque chose de crucial. Moi, je pense que, oui, le panier de services, on peut se poser des questions sur ce qui devrait être assuré, de ce qui ne le serait pas, surtout dans un contexte économique difficile. De là à dire qu'on va laisser un organisme prendre toutes les décisions puis faire des recommandations quasiment qui seraient des obligations, je ne suis pas rendu là. Qu'on se serve de cet organisme-là, aucun problème. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez par rapport à ça, là. Parce que c'est ça qui est crucial, je pense, dans ce projet de loi là. Il y en a qui vont nous dire: Bien, on devrait leur donner l'autorisation de faire des recommandations, d'emblée.

Mme Denis (Lise): Vous savez, M. le ministre, la meilleure définition d'une recommandation, c'est que c'est un conseil qu'il est imprudent de ne pas suivre. Dans le fond, il faudrait que tu penses qu'il n'y a... d'aucune façon, ni dans notre intention ni dans toutes les discussions, il n'est question d'enlever le pouvoir de décision au ministre et au gouvernement. Je pense que tout le monde convient que, compte tenu de l'ampleur du budget, compte tenu des choix politiques, il y a des considérations politiques aussi, c'est au ministre et à un gouvernement qu'il revient de poser un certain nombre de... de prendre un certain nombre de décisions.

.(11 heures).

Cependant, il nous apparaît que, je dirais, le réseau de la santé, c'est complexe, il y a beaucoup de nouvelles technologies, il y a beaucoup de nouveaux services, de nouveaux besoins aussi. Il y a beaucoup d'évaluations à faire. Il y a beaucoup, donc, de questions qui vont se... qui se posent maintenant, indépendamment du contexte du panier de services, et qui se poseront, oui, dans un contexte financier difficile, et pour lequel il nous apparaît qu'un ministre devrait être équipé d'avoir... en ayant des gens dûment mandatés, et qui sont à distance, et qui peuvent lui fournir des avis et des recommandations. Et il nous semble qu'il y a des décisions que vous avez... que vous aurez besoin, qui soient éclairées, que vous aurez besoin de prendre et qui devront être éclairées par, je dirais, des données probantes, par des critères d'excellence, par des éléments de pertinence, et que, pour avoir ce matériel-là, vous devez pouvoir vous appuyer. Alors, dans le fond, c'est plus un appui au ministre qu'on propose là-dedans.

Quand vous dites... dans l'article qui dit «tout autre mandat [confié par le ministre]», je comprends, mais c'est un article qui est présent dans tous les organismes publics et parapublics. Tout autre mandat confié par le ministre, ça, c'est comme toute autre tâche confiée par son employeur, hein? Et je pense que, si on veut vraiment que ça rende le message, il faut bonifier un peu le projet de loi parce que le laisser comme ça, ça veut dire que vous n'êtes pas obligé non plus d'y faire appel. Et on pense que, dans les démarches d'évaluation, il est nécessaire de pouvoir faire appel à une telle organisation.

Vous donniez quelques exemples. Je pense qu'on... Il y a des choses en termes de pertinence qui peuvent être regardées. Votre prédécesseur avait confié un mandat - il l'a confié, à ce moment-là, au Commissaire à la santé et au bien-être, probablement que ça aurait dû être l'INESSS qui, maintenant, dans le nouveau contexte, l'aborde - celui concernant le dépistage de la trisomie 21 chez les femmes enceintes. Voilà un bel exemple où il y a eu lieu de regarder les données probantes, les tendances, le socialement acceptable ou souhaitable et de faire des recommandations au ministre. Je pense qu'on est dans ce genre de choses là. Puis on peut aller plus loin aussi dans le... évidemment, des questions de panier de services. Je pense que la question va se poser. Mais je pense qu'en termes de pertinence il y a déjà des choses qui pourraient être regardées avec intérêt.

M. Bolduc: Oui, puis, pour moi, le projet de loi, c'est ce qu'il prévoit. Actuellement, là, dans le projet de loi, de ce que je peux voir, c'est: on va utiliser l'INESSS pour toute la question de la pertinence, les meilleures pratiques. Et puis vous avez donné l'exemple du dépistage pour la maladie trisomique. Oui, eux autres auraient pu faire... avoir le mandat. À la fin, savoir: Est-ce qu'on paie ou pas le dépistage?, moi, je pense que ça appartient encore au politique, sur recommandation de l'INESSS.

Mais, moi, ma compréhension du projet de loi, c'est ce qu'on veut qu'il fasse. D'ailleurs, c'est une bonification par rapport à ça. Je pense, où la différence va revenir souvent, c'est: Est-ce qu'on devrait s'obliger à dire maintenant, comme vous l'avez dit vous-même, c'est que ça... Marquer dans le projet de loi la question de la révision du panier, ça veut dire qu'on est obligé de faire appel à eux autres. Moi, je pense que ça demeure facultatif dans le «tout autre mandat», on peut aller chercher le mandat, oui, de demander: Est-ce qu'il y aurait une révision du panier de services à faire dans un certain contexte? Ça, je pense que c'est possible actuellement, sauf qu'il n'est pas mis clairement que c'est quelque chose qui va être fait. Mettons, à la limite, ça deviendrait quasiment une obligation morale de le faire.

Mme Denis (Lise): Quand on parle de révision du panier de services, ça semble tout le temps quelque chose de très large. Mais il y a des situations que vous pourriez souhaiter faire regarder et apprécier, qui ont trait inévitablement au panier de services mais qui sont plus limitées. Je pense à la semaine dernière, on voyait dans les médias, par exemple, toute la question de l'utilisation des antidépresseurs, par exemple. Est-ce que le ministre pourrait dire: Nous, on souhaite faire regarder les services en termes... au niveau de la santé mentale, utilisation des antidépresseurs versus thérapies de toutes sortes, et vous faire des recommandations? Ça vient toucher le panier de services, mais on n'est pas en train de dire: On ouvre complètement le panier de services. On est en train de dire qu'est-ce qui est le plus approprié en 2010 et pour les années subséquentes puis dans quel contexte nos intervenants maintenant devraient se situer pour être dans les meilleures pratiques.

M. Bolduc: Bon, votre exemple est excellent. Le projet de loi actuel le permet. Le projet de loi actuel me permet que, s'il y avait une situation qu'on juge qui devrait être évaluée soit en termes de couverture... à la fin, l'INESSS pourrait nous faire une recommandation et dire, un exemple: La psychothérapie devrait être payée par le gouvernement parce qu'on pense que c'est quelque chose qui est judicieux. À ce moment-là, la décision reviendra au gouvernement. Mais actuellement le projet de loi le permet.

Ce qu'on ne voulait pas, c'est de faire... d'emblée, de dire que nécessairement l'INESSS, dans son mandat, va nécessairement se chercher des affaires pour faire ces évaluations-là. Je vous dirais que, de leur propre chef, ils pourraient faire des recommandations, mais on n'a pas voulu l'inclure directement dans le projet de loi, contrairement à ce que le rapport de M. Castonguay recommandait. Mais je vous dirais qu'on n'est pas loin. Les intentions sont à peu près les mêmes, sauf que c'est au niveau de l'intensité du pouvoir d'une organisation par rapport à l'autre. Et ça, c'est des choix que la société va devoir faire à un moment donné. Je dis «politique», mais, au niveau de la société, il y a peut-être des choix qui vont être différents dans cinq, 10 ou 15 ans. Mais, dans 10 ans, on leur donne l'outil pour le faire, ils prendront leur choix à ce moment-là. Comme l'année prochaine, c'est possible qu'il y ait des choix qui soient obligés d'être faits dans certains secteurs. Moi, je pense que... Laissons... Mais mettons en place la structure qu'il nous faut pour être capables de permettre au politique de prendre des bonnes décisions. C'est beau.

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait. Pas d'autre commentaire. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, page 7, donc vous recommandez, et je cite: «Que parmi les fonctions confiées à l'INESSS et définies à l'article 5 du projet de loi n° 67 soit ajouté le rôle de formuler des recommandations portant aussi sur les conditions d'accès, l'ajout, le retrait ou la substitution de certaines interventions ou certains actes médicaux.» C'est le panier de services, on s'entend là-dessus?

Mme Denis (Lise): On parle des interventions. Oui, si vous voulez. Oui, c'est la gamme des services offerts, des interventions réalisées, effectivement.

M. Drainville: Est-ce que vous pouvez nous expliquer davantage les raisons qui vous poussent à faire cette proposition, à faire cette recommandation?

Mme Denis (Lise): Dans le fond, c'est clair que, lorsqu'on est en train soit d'introduire une nouvelle technologie, de proposer un nouveau médicament, de proposer un nouveau type d'intervention ou qu'on est face à de nouveaux besoins, il est nécessaire de se reposer des questions sur: Les services qui sont actuellement offerts répondent-ils adéquatement? Si on propose quelque chose de neuf, bien c'est possible que ça vienne, oui ou non, remplacer quelque chose qui existe. C'est possible aussi qu'on met ça au titre de la nécessité de travailler avec des données probantes, de la pertinence et aussi de l'équité. Il y a des services où, pour les introduire, on dit: Il y a des règles d'accès. Mais il y a des services pour lesquels on dit aussi: Est-ce que l'équité est assurée dans ce service-là? Et ça, je pense que, un peu comme on l'évoquait dans la discussion tout à l'heure, on peut prendre des exemples, je donnais santé mentale, on peut prendre la question du dépistage, il y a sûrement beaucoup d'exemples d'introduction de nouvelles façons de faire à partir de données probantes qui viennent questionner de fait des choses qui se font déjà, ou qui viennent les ajuster, ou qui viennent leur conférer certaines règles d'accès, ou qui pourraient venir carrément les remplacer. Et ça, c'est un aspect.

L'autre aspect, c'est ce qu'on évoquait plus sur le panier de services comme tel. S'il y avait... si le gouvernement avait des choix à faire, bien il pourrait être précieux qu'il y ait une réflexion là-dessus qui soit portée à l'attention du gouvernement par l'INESSS à partir de données probantes. Je ne sais pas si...

M. Drainville: Oui.

Une voix: ...

M. Drainville: Mais...

Le Président (M. Kelley): Pardon, Mme Bourdon.

M. Drainville: Non, mais ça avait...

Le Président (M. Kelley): Peut-être... Mme Bourdon, voulez-vous ajouter?

Mme Bourdon (Gertrude): Dans le fond, la précision de la recommandation vient mettre en perspective de façon continue ce grand questionnement là qu'on doit avoir quand on pose une question d'ajout, par exemple au panier de services: En quoi ça vient changer les contours? Et ce qu'on retrouve souvent dans notre réseau, c'est des ajouts, des grands ajouts technologiques, et comment ça vient changer la pratique de nos cliniciens au jour le jour. On pense à l'arrivée des résonances magnétiques, des TEP, on sait très bien que ça change les pratiques dans le contour de la prescription, et c'est de porter toujours à l'attention de l'INESSS de se préoccuper de l'ensemble de ces questions-là et non pas d'avoir toujours une question qui soit de a à b. Et on sait très bien que ça fait partie des réflexions profondes qu'a un institut comme ce qu'on veut créer. Mais, à l'instar de, nous, ce qu'on fait dans nos établissements avec nos unités d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, ce qu'on a voulu faire aussi pour améliorer et, je dirais, accélérer l'appropriation des questions, parce que l'INESSS aura des grande questions, c'est que les questions aussi proviennent des cliniciens eux-mêmes, d'où l'importance qu'on a mise à l'implication du réseau dans le questionnement.

M. Drainville: Mais est-ce que vous seriez, Mme Denis et votre organisme, en faveur d'une révision du panier de services payés par la RAMQ? Est-ce que c'est ce que vous souhaitez? Souhaitez-vous une discussion, un débat dont l'INESSS serait l'instrument, dans le fond, sur le panier de services?

.(11 h 10).

Mme Denis (Lise): Ce n'est pas comme ça qu'on l'aborde ici. Ici, on l'aborde vraiment en disant: Ce qui est souhaitable, c'est que les citoyens aient accès à des services qui soient pertinents, qui soient efficaces et qui soient le bon service à la bonne personne. Et ça, ça suppose qu'il y a une ouverture de la part de l'organisme et dans les mandats donnés par le gouvernement à regarder ce qui se fait. S'il y a lieu de regarder le panier de services pour des raisons, je dirais, autres, par exemple toute la problématique sur le financement, c'est autre chose. Mais certainement que, s'il y avait à faire... à jeter ce regard-là sur le panier de services, l'INESSS, oui, devrait être mis à contribution.

M. Drainville: O.K., mais... Moi, ce que je comprends de votre recommandation, c'est que vous souhaitez que ce mandat de révision du panier de services soit nommé, soit dit dans le projet de loi, et donc que ça se fasse sur une base assez systématique, alors que le ministre, si je comprends bien son intervention, nous répond: Écoutez, je me garde le pouvoir de demander à l'INESSS de s'interroger là-dessus, de réfléchir là-dessus, en vertu de cet article 5, paragraphe 11°, «exécuter tout autre mandat que lui confie le ministre». C'est la distinction, à mon avis, qui existe entre votre proposition et la position du ministre. Vous, vous souhaiteriez que ce soit inscrit dans le projet de loi pour que ça se fasse sur une base systématique, donc continue...

Mme Denis (Lise): Exact.

M. Drainville: ...que l'INESSS se penche de façon systématique sur la question du panier de services.

Mme Denis (Lise): Oui, en fait, ce qu'on propose, on n'évoque pas comme tel le panier de services, mais on évoque la capacité de formuler des recommandations portant sur les conditions d'accès, l'ajout, le retrait ou la substitution de certaines interventions ou de certains actes médicaux, O.K.?

M. Drainville: Oui. Bon. Je comprends que...

Mme Denis (Lise): Mais, oui, on souhaiterait...

M. Drainville: Je pense qu'on se comprend, là.

Mme Denis (Lise): On souhaiterait que ce soit effectivement inscrit...

M. Drainville: Explicite.

Mme Denis (Lise): ...explicite.

M. Drainville: Hein, que ce soit explicite. Bon.

Sur la question de la performance, moi, je suis d'avis - puis vous n'êtes pas obligés de le partager, mais je ne serais pas étonné que vous le partagiez - que l'une des façons d'arriver à une meilleure performance et une meilleure efficacité, c'est d'élaborer un certain nombre d'indicateurs qu'on appellera de qualité, de performance, de résultat - je ne veux pas qu'on trébuche sur les mots, là, mais des... appelons-les les «indicateurs de qualité» pour les fins de la discussion - qui nous permettraient de comparer le comparable puis qui nous permettraient de comparer certains établissements, par exemple universitaires, entre eux, certains établissements de santé qui oeuvrent, par exemple, dans les capitales régionales, par exemple, etc. Si j'ai bon souvenir, l'AQESSS travaillait sur l'élaboration de tels indicateurs.

Est-ce qu'il est de votre avis que l'INESSS pourrait ou devrait même, dans le cadre du mandat qui lui est donné par ce projet de loi, déposer éventuellement ces indicateurs de qualité, donc proposer des indicateurs de qualité qui pourraient s'inspirer des travaux de l'AQESSS, mais également des travaux du Vérificateur général, du Commissaire à la santé également, qui ont fait du travail là-dessus, pour nous permettre éventuellement d'en arriver à, je dirais, des indicateurs qui font consensus au sein du réseau, donc qui... Je ne veux pas qu'on se retrouve dans une discussion comme celle que produit, à chaque année, le palmarès des écoles. Je pense à un système d'indicateurs, donc, auquel le réseau aurait participé et qui ferait consensus et dont l'INESSS serait responsable... que l'INESSS serait responsable d'élaborer. Est-ce que c'est comme ça que vous voyez le rôle de l'INESSS?

Mme Denis (Lise): O.K. Je vais juste reprendre en disant: Moi non plus, je ne veux pas qu'on revienne sur les palmarès. C'est pour ça d'ailleurs qu'on a travaillé sur un rapport sur la performance, qu'on a commencé à y travailler, que c'est quelque chose qui est évolutif et pour lequel, je dirais, dans la prochaine année, on aura sûrement un matériel beaucoup plus finalisé. Mais on a travaillé sur un prototype, avec les gens de l'Université de Montréal notamment, les collègues partenaires, le ministère. Je pense, tout le monde est très au courant. C'est quelque chose qui est... je dis «évolutif» parce qu'il est loin d'être parfait au moment où on se parle, il y a beaucoup d'améliorations à y apporter, mais l'AQESSS entend effectivement, avec ses partenaires, être en mesure de proposer, avec évidemment le regard universitaire, une analyse par les établissements de leur performance. Les indicateurs ont été travaillés, choisis avec les établissements.

Pour l'INESSS, puis je pense que c'est prévu dans le projet de loi, la capacité de déterminer les critères pour évaluer la performance, hein, et le suivi... de mémoire, là, c'est prévu dans son projet de loi, et ça, on est tout à fait confortables avec ça. Effectivement, je pense que l'INESSS pourrait, lorsqu'il introduit une nouvelle façon de faire, une nouvelle technologie, dire: Comment est-ce qu'on peut s'assurer... ou quel genre d'indicateurs il faudrait avoir pour être certain qu'en bout de piste cette nouvelle approche là ou cette nouvelle façon de faire là est prise en compte? Je ne pense pas que ce soit l'INESSS qui va faire l'évaluation, mais il peut proposer, puis c'est ce que j'ai compris, moi, dans le projet de loi, il peut proposer des critères pour évaluer la performance. Et donc, ça va tout à fait dans le sens de ce que vous indiquez et qui pourrait s'inscrire dans un rapport de performance ou que le ministère pourra traiter autrement dans des ententes de gestion. C'est un peu comme ça qu'habituellement le ministère fait.

M. Drainville: Est-ce que c'est dans cet esprit, Mme Denis, que vous faites la recommandation, à la page 9, qui se lit comme suit: «Déterminer, dans ses recommandations et guides, les critères à utiliser pour évaluer la performance des services et, le cas échéant, les modalités de mise en oeuvre - et là vous ajoutez - incluant les incitatifs administratifs et budgétaires et de suivi des recommandations et guides.» Je note les mots «incitatifs administratifs et budgétaires».

Mme Denis (Lise): Oui, ça, c'est... Ça me fait plaisir de vous en parler. Mais, pour ce qui est des suivis des recommandations, oui, je pense que l'idée d'avoir certains indicateurs... oui.

Incitatifs administratifs et budgétaires, au besoin, je pense qu'il faut bien... Ce n'est pas à toute nouvelle introduction qui suppose qu'il y ait nécessairement des incitatifs budgétaires et administratifs. Mais, oui, il peut arriver, et je pense que c'est important qu'on le considère, qu'il peut arriver que, pour l'introduction d'une nouvelle façon de faire, il y ait des besoins ponctuels soit au niveau de la formation, soit au niveau du transfert de connaissances, soit au niveau d'utilisation de projets pilotes. On finance des projets de réorganisation du travail pour introduire des nouvelles façons de faire, bien, peut-être que, dans certaines mises en implantation, il y a des établissements qui pourraient avoir besoin d'un incitatif pour être capables d'aller de l'avant.

Transfert des connaissances. Il y a des partenariats à faire avec les RUIS notamment et les établissements membres des RUIS. Il y a des partenariats à faire avec les conseils d'agrément, les universités. Donc, il y a probablement, à des moments donnés, pour certaines implantations à faire, à réaliser, à introduire certains incitatifs budgétaires de façon ponctuelle pour faciliter l'intégration dans l'établissement de la nouvelle pratique.

M. Drainville: O.K. Mais... Donc, on ne doit pas comprendre de cette recommandation-là qu'une fois l'évaluation de la performance réalisée à l'aide des indicateurs sur lesquels le réseau se serait entendu, par exemple, on ne doit pas comprendre qu'une fois que cette évaluation de la performance est faite il devrait y avoir des incitatifs budgétaires pour que ces critères de performance soient adoptés par le plus grand nombre possible, pour que les meilleures pratiques, par exemple, soient adoptées par le réseau? Ce n'est pas ça qu'on doit comprendre de cette recommandation?

Mme Denis (Lise): Ce que cette recommandation, on a souhaité y mettre, c'est l'idée que, pour implanter... c'est possible que ça prenne, oui, certains incitatifs. Mais l'idée, c'est aussi de dire: Quand on souhaite qu'une nouvelle pratique soit implantée, il y a des... on peut se donner des indicateurs de performance pour la suivre et l'évaluer par la suite, mais ce n'est pas... en tout cas, ce n'était pas nécessairement interrelié, là. Je pense que ce n'était pas...

M. Drainville: Ce n'était pas un...

Mme Denis (Lise): Bien, je pense que... Oui.

M. Corbeil (Daniel): Je pourrais peut-être compléter.

M. Drainville: Oui.

M. Corbeil (Daniel): Autant dans le domaine de la santé qu'on a parlé que dans le domaine social, nous pensons que l'INESSS... et la rigueur scientifique avec les données probantes qui va nous amener des guides de pratique, on va pouvoir uniformiser, harmoniser partout, par exemple dans nos centres de santé ou dans nos établissements, pour faire en sorte, là, d'avoir... avec des incitatifs financiers pour bien les implanter, pour pouvoir avoir la bonne pratique, et ça, il y a tout un travail à faire. Donc, c'est plus au niveau des données, de la rigueur scientifique qui va faire que, rendus sur le terrain, avec les établissements, on va pouvoir bien implanter ce nouveau guide de pratique, cette élaboration scientifiquement bien reconnue, et, à cet effet-là, là on a besoin d'incitatifs pour nous aider à bien implanter, et ça, ça va faire qu'on va avoir de meilleurs indicateurs de performance par après, d'une façon harmonisée partout au Québec, par exemple.

M. Drainville: Une autre de vos recommandations concerne le partage de l'information, et je suis un petit peu, comment dire... Quand je lis... Bon, c'est la recommandation de la page 8, en haut: «..développement de mécanismes et de stratégies de transfert de connaissances déterminées en collaboration avec les établissements du réseau.» Les mécanismes de partage d'information n'existent pas suffisamment à votre goût, actuellement?

Mme Denis (Lise): Bien, actuellement...

M. Drainville: Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre?

.(11 h 20).

Mme Denis (Lise): D'abord, actuellement, il y a deux réalités, celle du Conseil du médicament et celle de l'Agence d'évaluation des technologies, O.K.? Et il y a, bien sûr, un... Quand il y a des évaluations qui sont faites par le conseil... l'Agence d'évaluation des technologies, il y a un matériel qui est transmis. Là, ce qu'on dit, c'est que, si on veut vraiment qu'on adopte les meilleures pratiques et qu'on se rende vraiment jusque dans l'application par nos équipes d'intervenants, il faut s'assurer qu'on mette encore beaucoup plus d'énergie de façon beaucoup plus structurée là-dedans. Il faut s'en assurer avec les établissements parce qu'évidemment c'est eux qui vont vivre la situation, avec, à l'interne, nos comités de professionnels de différentes natures. Il faut mettre du temps et de l'énergie dans la façon de l'implanter puis de tenir compte aussi des réalités des uns et des autres. Et il faut aussi mettre de l'énergie et du temps dans les ententes ou, si vous voulez, les associations qu'on doit faire avec, par exemple, les milieux universitaires pour la formation éventuellement, ces meilleures pratiques là, avec les conseils d'agrément qui auront, au moment de l'agrément si une nouvelle pratique est introduite, à en tenir compte. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Il faut qu'il y ait une meilleure coordination aussi.

M. Drainville: Mais, dans le fond, là, qu'est-ce que l'INESSS va accomplir qui n'est pas accompli actuellement? Donnez-nous un ou deux exemples très concrets de choses qui ne se font pas et qui se feront grâce à la création de l'INESSS, de votre point de vue, du point de vue du réseau.

Mme Denis (Lise): Bien, en partant, quand on parle de services sociaux, oui, là, depuis quelques mois, l'INESSS... pas l'INESSS, excusez, l'AETMIS a vu son mandat élargi aux services sociaux, mais ça, à venir jusqu'à très récemment, ce n'était pas le cas. Donc, là, on a déjà quelque chose de plus.

Une autre chose de plus, c'est que le Conseil du médicament et l'Agence d'évaluation des technologies étant fusionnés, bon, on va se retrouver dans un contexte où on sait que le médicament, c'est souvent... ça vient souvent remplacer même une intervention. Donc, on va être plus en mesure et ça va être un ajout, je pense, une valeur ajoutée, que de pouvoir apprécier l'utilisation d'un médicament versus tel autre type d'intervention. Ça, pour nous, c'est un gros plus puisqu'on le sait, l'utilisation des médicaments a des impacts énormes sur les établissements, mais c'est bien souvent, dans l'introduction de nouvelles médications, une façon d'éviter certaines interventions. Alors, dans ce sens-là, oui.

Je pense aussi que toute la gouvernance de l'INESSS va faire en sorte... On parle du plan triennal qui doit être, comme il se doit, déposé à l'Assemblée nationale par un organisme, où il y aura à la fois des demandes, on imagine, du ministre et à la fois un plan de travail qui sera fait de façon très systématique avec toutes ces dimensions-là. Je pense que ça, oui, c'est un plus.

M. Drainville: O.K. Donc, si je vous comprends bien, ce que vous nous dites, c'est qu'actuellement l'AETMIS évalue, par exemple, les nouvelles technologies, le Conseil du médicament évalue les nouveaux médicaments. En mettant ces deux organismes-là dans un seul, la communication entre les deux va présumément se faire davantage qu'elle ne se fait présentement, et on sera davantage en mesure, de par le travail de l'INESSS, de juger s'il vaut mieux introduire un nouveau médicament où s'il vaut mieux adopter une nouvelle technologie, par exemple. Je simplifie à outrance, là, mais je pense bien résumer votre propos.

Mme Denis (Lise): Oui, c'est ça. J'ajouterais aussi qu'il y a un effort important que l'AETMIS n'a peut-être pas été capable suffisamment de faire, le transfert des connaissances, de systématiser beaucoup plus. L'AETMIS travaille beaucoup, de plus en plus, avec les unités d'évaluation dans les milieux universitaires. Mais je pense qu'il y a un effort concerté avec le réseau beaucoup plus important de transfert des connaissances et de reconnaissance de cette dimension-là. On disait ce matin que même les... dans les fonds de recherche, ce n'est même pas une dimension qui est considérée pour coter un projet, ça, le transfert des connaissances. Or, c'est comme majeur dans l'introduction de nouvelles façons de faire. Je ne sais pas si les collègues...

Mme Bourdon (Gertrude): Oui. Je pense qu'un institut, en parlant d'excellence, un institut qui parle d'excellence, pour nous, acteurs du réseau, c'est aussi reconnaître l'excellence au sein du réseau, mais la nécessité de synergiser les excellences parce qu'actuellement... Quand on parle souvent avec l'AETMIS, on a parlé beaucoup de technologies, au niveau des modes d'intervention en santé, on est encore au tout début, et on ne parlait que du médicament. L'association de ces deux organismes-là, pour nous, c'est clair comme association que ça viendra non seulement synergiser les efforts qu'on fait avec nos unités d'évaluation...

M. Drainville: C'est quoi, synergiser, madame? Excusez-moi.

Mme Bourdon (Gertrude): Ça veut dire faire une valeur ajoutée.

M. Drainville: Ce n'est pas plus clair.

Mme Bourdon (Gertrude): La valeur ajoutée de ces deux choses-là... Je vous donne un exemple.

M. Drainville: Oui.

Mme Bourdon (Gertrude): On prend toute la portion service social; on parle de pratique de soins. On ne parle pas uniquement de technologies, on ne parle pas uniquement de médicaments, mais on parle de pertinence des services. Plusieurs exemples ont été donnés, là, depuis ce matin. Alors, à notre avis, et c'est un souhait de l'association que l'INESSS vienne donner une valeur ajoutée, et ça apparaît dans notre mémoire également, au Conseil du médicament et à l'agence. Je vais vous donner un exemple. Chez nous, on est un centre hospitalier universitaire. Au niveau de notre RUIS, de l'Université Laval, on a proposé des évaluations, par exemple, pour évaluer un meilleur traitement pour les plaies complexes. Ça a pour effet de réduire les coûts, ça a pour effet de faire un transfert des connaissances dans l'ensemble de notre RUIS qui comprend quand même 1,5 million de personnes, et notre unité, nos personnes, nos experts se promènent dans le réseau pour aller enseigner comment on peut transférer ça. Et ça, c'est un exemple. Nous, on a pris des initiatives locales, mais je pense qu'au niveau d'un institut ça peut prendre une ampleur et une accélération assez importantes.

Le Président (M. Kelley): Une demande pour une courte question, M. le député de... Pardon, M. Corbeil, très rapidement.

M. Corbeil (Daniel): ...dans le domaine social, toute l'analyse qu'on doit faire, par exemple, comment agir avec l'arrivée de communautés culturelles, par exemple, sur l'île de Montréal, il y a des valeurs, il y a des façons de faire, etc. Dans le domaine social, c'est la même chose, c'est en arriver à avoir une bonne pratique, alors qu'actuellement ou parfois on peut avoir des pratiques divergentes qui vont même aller dans le sens inverse. On parlait tantôt en santé mentale de la prescription d'un médicament versus la psychothérapie pour une dépression légère ou majeure. C'est des interrogations que l'INESSS va pouvoir nous aider en termes de bonnes pratiques, uniformisées par un bon transfert des connaissances partout au Québec.

Le Président (M. Kelley): Merci. Dernière courte question, M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Oui, merci, M. le Président. Sachant déjà qu'il y a... À l'article 4, une des missions de l'INESSS serait de faire preuve d'indépendance, d'ouverture et de rigueur scientifique. Et je reprends votre dernière réponse. Déjà, dans des établissements, on fait appel à des thérapies, par exemple, non conventionnelles, on fait appel à des naturopathes, on fait appel à de l'acupuncture dans certains cas, surtout au niveau des services sociaux d'ailleurs. J'essaie de voir comment, dans l'INESSS, des approches non conventionnelles pourraient être considérées comme des nouvelles technologies. L'acupuncture existe depuis 4 000 ans, mais disons qu'en Occident c'est peu ou pas connu, et on sait que, dans certains soins dits de santé, ça a des effets bénéfiques. Comment ils vont pouvoir s'inscrire là-dedans, alors qu'à peu près tous les groupes qui vont venir témoigner vont nous dire: On veut être là-dedans, on veut être là-dedans, on veut être là-dedans? Finalement, je me retrouve avec les ordres, collèges et corporations déjà connus dans le réseau de la santé dits très traditionnels. Comment on va pouvoir, à l'INESSS, intégrer des valeurs ou des pratiques non conventionnelles qui auraient peut-être intérêt à être mieux connues et qui auraient... et qui ont... qui donnent des résultats connus, par contre?

Mme Denis (Lise): Bien, je pense que l'idée...

Le Président (M. Kelley): Mme Denis.

Mme Denis (Lise): ...l'idée dans le... je ne sais pas, moi, le programme que l'INESSS se fera, proposera à son conseil pour les trois prochaines années, je pense qu'il pourrait être fort intéressant et pertinent d'aborder, d'introduire une question comme celle-là, et il y a sûrement des éléments de données probantes, d'expériences faites ailleurs plus connues que ce qu'on connaît ici, au Québec. Dans le fond, c'est un petit peu ce que vous sous-entendez aussi. Et on dit qu'il faut qu'il soit aussi à l'affût des tendances émergentes, donc je pense que ça en fait partie. Moi, je pense que ça s'introduit très bien dans un programme, un travail sur les objets d'évaluation de l'INESSS dans les trois prochaines années, d'en préciser un qui utilise effectivement des... je dirais des approches non conventionnelles de médecine ou même de services sociaux.

M. Gauvreau: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Dernière question, M. le ministre.

.(11 h 30).

M. Bolduc: Bien, c'est surtout un commentaire. Je voulais vous remercier, parce que je pense que vous avez bien saisi la portée du projet de loi. Moi, ce que je retiens, puis vous pouvez être assurés de notre collaboration, l'INESSS, ce n'est pas quelque chose qui est désincarné des autres organisations. C'est vraiment quelque chose qui vient chapeauter tout ce qui va se faire en termes d'excellence au Québec, dans lequel les universités vont participer, les services sociaux vont participer, mais également les cliniciens. Et, si l'objectif de l'INESSS c'est d'en arriver à faire un consensus au Québec sur certaines pratiques... Notre problème, ce n'est pas de faire le consensus, puis vous l'avez très bien dit, la grosse valeur ajoutée, c'est qu'il faut que ce consensus-là des bonnes pratiques soit diffusé partout et appliqué partout. C'est ça, l'objectif de l'INESSS. C'est sûr qu'actuellement l'Agence d'évaluation des technologies qu'on a actuellement, son rôle, c'est d'agence d'évaluation, et le côté guides de pratique était moins clair, ils en faisaient, mais c'était moins clair. Et l'INESSS, en collaboration avec tous les autres professionnels, avec votre excellente organisation, avec les fédérations, les syndicats... Parce que, là-dedans, il faut voir: les syndicats ne sont peut-être pas impliqués aujourd'hui, mais, eux autres aussi, ils veulent que leurs gens fassent des bonnes pratiques, des pratiques qui sont performantes. Donc, je pense, à la fin, chacun va se regrouper dans un organisme qui est crédible, va se retrouver dans un organisme qui est crédible, dans lequel, nous autres, au niveau politique, on va pouvoir se fier pour avoir des avis, et là-dessus on va enlever l'élément politique, partisanerie politique, pour en arriver à quelque chose d'objectif. Puis, je pense, l'opposition et notre gouvernement veulent la même chose, c'est des meilleurs soins de santé. Puis là-dessus je vous remercie. Très belle présentation.

Mme Denis (Lise): Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Il me reste à dire merci beaucoup à M. Potter, Mme Denis, Mme Bourdon et M. Corbeil pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre quelques instants. Et je demande aux représentants de l'Ordre des psychologues du Québec de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 31)

 

(Reprise à 11 h 37)

Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, mesdames messieurs. Ça sent beaucoup les retrouvailles. Tout le monde a passé une période de Noël dans leurs familles et... des choses à échanger, mais, si on veut respecter notre horaire et le droit de parole de l'ensemble des témoins, il faut continuer.

Le prochain témoin, c'est l'Ordre des psychologues du Québec, représenté par M. Pierre Desjardins et Mme Marie-Josée Lemieux. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme Lemieux.

Ordre des psychologues du Québec

Mme Lemieux (Marie-Josée): Bonjour. Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les parlementaires. L'Ordre des psychologues du Québec remercie la Commission de la santé et des services sociaux de lui fournir l'occasion d'exposer le résultat de ses réflexions sur le projet de loi n° 67, Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

Je vous présente M. Desjardins, directeur de la qualité et du développement de la pratique à l'Ordre des psychologues. Il est lui-même psychologue de plus... depuis 33 ans. Il a pratiqué pendant près de 25 ans dans le réseau de la santé et des services sociaux, en centre d'accueil, en première ligne et en deuxième ligne, avant d'être à l'emploi de l'ordre.

Mon nom est Marie-Josée Lemieux. Je suis membre du conseil d'administration de l'Ordre des psychologues, présidente du comité de la formation des psychologues du Québec. Je suis moi-même psychologue depuis maintenant près de 25 ans. Eh oui! Et puis ça fait déjà 15 ans que je travaille dans le réseau. J'ai travaillé pendant très longtemps en deuxième ligne, en santé mentale adulte, dans un hôpital de la région de Montréal. J'occupe actuellement le poste de conseillère clinique spécialisée en santé mentale au CSSS Pierre-Boucher.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'ai pensé vous parler de la psychologie et des psychologues pour illustrer un petit peu la pertinence de notre présence ici aujourd'hui. L'un des principaux objets de la psychologie est la santé, non seulement la santé mentale, mais aussi la santé physique, puisque l'une et l'autre sont intimement liées. Les psychologues offrent ainsi des services en santé mentale et en santé physique. Les psychologues travaillent aussi dans les établissements offrant les services sociaux, que l'on pense, par exemple, aux centres jeunesse ou aux centres de réadaptation, par exemple. La pratique de la psychologie s'étend donc du domaine de la santé à celui des services sociaux et de ce fait est directement concernée par le mandat du nouvel Institut national d'excellence en santé et services sociaux.

.(11 h 40).

La création de l'INESSS est un projet porteur, voire nécessaire. Non seulement l'INESSS répond aux besoins d'amélioration des pratiques en matière de santé et services sociaux, mais encore il a le potentiel de s'imposer comme un outil essentiel aux fins d'effectuer les difficiles choix collectifs à venir des Québécois en matière d'allocation des ressources, en santé mentale comme ailleurs.

La mission... les missions du Conseil du médicament et de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé sont complémentaires. Les interventions que les deux organismes évaluent sont parfois de possibles substituts, parfois de possibles compléments. Par exemple, on peut utiliser des médicaments en conjonction avec d'autres interventions thérapeutiques ou on peut vouloir choisir entre des thérapies médicamenteuses et d'autres approches thérapeutiques. La recherche a abondamment démontré que les interventions psychologiques, y compris la psychothérapie, sont non seulement efficaces, mais elles permettent aussi de réduire les coûts associés aux soins de santé.

Dans nombre de cas de problèmes de santé mentale, par exemple pour les troubles de l'humeur ou les troubles anxieux, la psychothérapie est moins coûteuse qu'un traitement pharmacologique. Une réduction des coûts grâce à des interventions psychologiques a ainsi été établie, non seulement dans le domaine de la santé mentale, mais aussi en santé physique, hein, y compris notamment dans des cas de problèmes cardiaques, par exemple, des problèmes d'obésité, diabète, douleur chronique. Plus de 90 % des recherches démontrent une réduction significative, de l'ordre de 20 % à 30 %, des coûts associés à la santé grâce aux interventions psychologiques. De plus, il est aussi bien établi que différents types d'intervention psychologique peuvent réduire de façon significative les habitudes de vie nuisibles et les complications associées à la maladie physique.

L'évaluation des technologies de la santé est en soi une tâche complexe et difficile. En l'élargissant à la santé mentale et aux relations humaines, on accroît ce niveau de difficulté. La complexité des interventions dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines de même que les importants risques de préjudice soutiennent la nécessité de produire des lignes directrices pour orienter les interventions professionnelles.

L'Ordre des psychologues comme d'ailleurs d'autres ordres professionnels émettent d'ailleurs de telles lignes directrices, mais ces lignes directrices doivent faire, et font effectivement, une large place à l'évaluation des caractéristiques et des circonstances propres à chaque cas de même qu'à l'exercice du jugement professionnel. Ainsi, l'Ordre exhorte à la prudence le législateur ainsi que les futurs dirigeants du nouvel organisme, en particulier en matière de santé mentale et en relations humaines. Il importe en effet de souligner certains risques inhérents à l'imposition de modalités d'intervention qui, par exemple, seraient trop limitatives et qui n'impliqueraient pas un suivi systématique et continu du client.

À défaut d'utiliser les lignes directrices ou guides de pratique avec souplesse, il existe un risque très réel de dérive voire de dérapage, découlant d'une volonté de standardisation excessive qui ne correspondrait pas à la réalité d'une population clinique diversifiée.

En effet, l'utilisation, par exemple, d'un manuel de traitement ne peut suffire à assurer l'efficacité d'une intervention, et il importe que le professionnel demeure flexible afin d'ajuster le traitement au patient selon la nature des problèmes ou des pathologies présentés, les données de la recherche, les caractéristiques du client et son contexte de vie, le contexte et les circonstances dans lesquelles les services sont rendus, son jugement clinique ainsi que l'évolution du client sur la base d'une évaluation continue des effets du traitement.

Il importe aussi de souligner toute l'importance d'assurer une diversité dans les modalités de traitement. Bien que l'efficacité des thérapies cognitivocomportementales soit très bien établie, il existe d'autres thérapies reconnues ou en voie de l'être auxquelles il faut pouvoir recourir pour répondre aux besoins de l'ensemble des patients.

Par ailleurs, l'Ordre des psychologues souligne que le succès et l'impact des travaux de l'INESSS reposeront sur sa transparence et sa crédibilité auprès des divers milieux où il voudra justement avoir un impact. Dans ce contexte, l'ordre croit qu'il y a lieu d'apporter au projet de loi quelques modifications qui renforceront la gouvernance, l'imputabilité, la transparence et la crédibilité du nouvel organisme.

Concernant la transmission d'informations, l'ordre considère que l'obligation de se conformer à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels constitue une mesure de protection qui devrait être adéquate pour les clients des psychologues.

Toutefois, il en va tout autrement du deuxième alinéa de l'article 12 du projet de loi, qui permettrait à l'INESSS de «requérir d'un organisme public [...] les renseignements personnels nécessaires à l'exercice des fonctions d'étude ou d'évaluation». L'Ordre des psychologues ne saurait d'aucune façon appuyer une mesure semblable. Si la transmission de renseignements personnels est toujours délicate, si elle est particulièrement critique dès lors qu'il s'agit de soins de santé ou de services sociaux, elle est à proscrire de façon absolue lorsqu'il s'agit de santé mentale. Dans notre société, les diagnostics associés à la santé mentale sont perçus comme des stigmates graves, et le simple fait d'être en psychothérapie, s'il est connu, peut encore de nos jours, malheureusement, avoir des conséquences dramatiques sur les relations sociales, l'emploi et l'assurabilité, notamment.

Par ailleurs, dans l'optique d'assurer transparence et crédibilité, l'ordre considère que la loi devrait maintenant... dès maintenant spécifier que l'évaluation quinquennale de l'INESSS, telle que prévue au projet de loi, devra comporter la consultation des parties prenantes, soit notamment les ordres professionnels concernés.

Pour terminer, l'Ordre des psychologues voit d'un très bon oeil la création d'un institut qui aura pour effet de sortir la santé mentale de son statut de parent pauvre en la plaçant sur le même pied que la santé physique et en consacrant ses ressources à d'autres déterminants de la santé que les seuls déterminants physiques. De tels efforts sont d'autant plus pertinents, voire urgents, qu'au Québec, à tout moment, une personne sur six souffre de maladie mentale. À elle seule, la dépression majeure touche 16 % des adultes au cours de leurs vies, et de ceux-là seulement la moitié reçoivent un traitement, et parmi eux seulement le tiers recevraient le traitement adéquat.

Finalement, notons que selon certains auteurs les coûts directs et indirects reliés à la dépression et à la détresse psychologique seraient évalués à au moins 15 milliards de dollars au Canada. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Lemieux. Pour respecter notre horaire, je propose deux blocs de 20 minutes qui vont nous amener à 12 h 30. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole au ministre de la Santé et Services sociaux.

.(11 h 50).

M. Bolduc: Bon, dans un premier temps, je voudrais vous féliciter pour la belle présentation. Puis vous me rejoignez beaucoup sur plusieurs concepts. Le premier, c'est, quand vous avez terminé, vous avez dit: On met sur le même pied la santé physique et la santé mentale. L'objectif de l'INESSS, c'est ça. Et puis c'est vraiment innovateur au niveau mondial de considérer les problèmes de santé mentale et les problèmes sociaux au même niveau. Ça fait que, moi, j'ajouterais: On met sur le même pied santé mentale, santé physique et problèmes sociaux. Ça fait que, pour moi, là, c'est une valeur fondamentale, c'est aussi important l'un que par rapport à l'autre. Et comme de fait, dans notre société, quand quelqu'un souffre physiquement, quand ça saigne, on dirait que c'est toujours plus urgent. Voir quelqu'un qui est en détresse psychologique, cas de suicide, c'est, pour moi, là, de... aussi fondamental, c'est aussi important.

Deuxième chose sur laquelle vous me rejoignez énormément, c'est sur la question, quand vous dites des guides de pratique, la question de la souplesse, de la flexibilité. Et ce matin j'ai fait une intervention dans ce sens-là. C'est-à-dire que, quand on est à l'extérieur puis on fait des choses, on dirait... là, on voudrait que tout le monde pratique comme ça. Mais, dans la vraie vie, là, même une grippe, ce n'est pas comme ça, une pneumonie, ce n'est pas comme ça. Un trouble anxieux, une dépression, quelqu'un qui souffre de schizophrénie, il faut adapter les meilleures pratiques reconnues par des données probantes à la situation de la personne. Je mets un bémol: quelque chose qu'on sait qui est une mauvaise pratique, ça, il faut l'éliminer. Mais ce n'est pas ça qu'on retrouve dans notre réseau, c'est une souplesse, une flexibilité.

Ça fait que, pour moi, un guide de pratique, une ligne directrice, c'est une orientation dans laquelle la plupart des cas devraient se conformer. Il faut accepter qu'il y ait des exceptions par rapport à ça, et ça, c'est basé sur des données probantes. Ça, vous me rejoignez. Parce que ça va toujours être le dilemme, puis on avait ça dans le rapport Castonguay. Une fois que le protocole est fait, vous êtes obligé de vous y soumettre. Ça, dans la loi, il existe un article qui s'appelle une règle de soins. Nous autres, on a essayé d'en rédiger, des règles de soins. Il y a toujours une exception. Ce qu'on aime mieux, c'est de dire: Si on veut avoir une bonne pratique, c'est de s'organiser pour qu'on la diffuse, et on demande aux gens de l'appliquer, puis on l'évalue, et, s'il y a des exceptions, on en tient compte.

Le gros problème dans les guides de pratique, puis ça, j'aimerais ça, avoir votre opinion là-dessus, c'est qu'une fois qu'on a rédigé le guide de pratique, puis, je peux vous dire, j'en ai rédigé, là, c'est qu'avant que des gens l'adoptent puis changent leurs pratiques ça prend une éternité ou ça n'arrive jamais. Comment est-ce que vous pensez qu'on devrait faire pour les mettre en application de façon plus formelle? Et comment le nouvel institut, vous pensez, va pouvoir appliquer ça?

Mme Lemieux (Marie-Josée): Si vous permettez, je passerais la parole à M. Desjardins, qui, lui, à l'ordre, entre autres est responsable de la rédaction de plusieurs guides de pratique et lignes directrices.

Le Président (M. Kelley): M. Desjardins.

M. Desjardins (Pierre): Oui. Alors, je pense, par rapport à ça, on peut y aller d'un commentaire beaucoup plus global. Si on veut faire atterrir sur... de façon correcte sur le terrain des praticiens nos lignes directrices, il faut que les praticiens se sentent interpellés par ces lignes directrices là. Donc, il faut que les préoccupations qui ont été derrière la production de ces lignes directrices là rencontrent les préoccupations des praticiens et il faut que les praticiens puissent se dire que ceux qui ont travaillé là-dessus, ce sont des pairs, p-a-i-r-s, auxquels on peut s'identifier. Alors, si on s'adresse, sur le terrain, à des psychologues et que, les gens qui auraient travaillé sur les lignes directrices, il n'y a personne qui est de cette discipline-là, déjà on a quelque chose qui ne fonctionne pas, en termes d'atterrissage, d'une certaine façon.

Ensuite, au-delà de l'identité des professionnels, je pense qu'il faut regarder aussi en termes d'approche. Ce qu'on constate à l'heure actuelle, c'est qu'on mise beaucoup sur l'ingrédient approche thérapeutique, et il y a peut-être là-dedans une compréhension qui n'est pas tout à fait exacte, c'est-à-dire qu'il n'y a pas que l'approche qui est un ingrédient efficace en psychothérapie. L'approche, c'est un des ingrédients. Quand on parle de santé mentale et de relations humaines, il y a d'autres ingrédients: la personne de l'intervenant, la personne du client, la relation qui va être établie entre eux deux. Alors, si on fait des guides de pratique en disant aux gens: Écoute, on le sait, on a une personne qui est dépressive ici, et les bonnes pratiques nous disent que c'est une approche thérapie comportementale, 16 séances, et qu'on a de bons résultats avec ça, et on dit: Vas-y, tu y vas avec ça, il faut que tu le fasses, et, même si ce n'est pas l'approche que tu préconises, on va te donner une formation de trois ou quatre heures pour pouvoir l'utiliser, c'est perdu d'avance. Moi, je vous dirais, par rapport à ça, il ne faut pas faire ça.

Ce qu'on demande à l'institut, à mon avis, à l'INESSS et ce qu'on demande, nous, à nos psychologues aussi, c'est de dire: Retournons vers ces recherches qui nous disent effectivement que la meilleure approche, c'est 16 séances de thérapie comportementale et que ça, ça va aider une personne à sortir de sa dépression. À qui on s'adresse? Quelle est la clientèle? Cette recherche-là, qu'est-ce qu'elle vient dire? Cette recherche-là, peut-être qu'elle dit que ça répond positivement... 60 % à 70 % des gens qui sont dépressifs répondent positivement à l'approche. Quand on regarde l'échantillon, 60 % à 70 % du résultat final, si on a pris 100 personnes au début de l'échantillon et qu'il y a 15 ou 20 personnes qui se sont désistées, on tombe à 80 personnes. 60 %, 80 personnes, on vient de tomber à 48 personnes. Ça veut dire que, si on applique les lignes directrices, on va dire qu'on vient de laisser tomber 52 personnes sur 100, dans le réseau, qui pourraient bénéficier de traitements mais pour lesquelles ce traitement-là n'est pas fonctionnel.

Autre exemple, je pousse le même exemple, cette recherche-là, est-ce qu'il y a eu des études longitudinales? Est-ce qu'il y a des rechutes deux ans plus tard? Est-ce que 50 séances - c'est une approximation, je dis n'importe quoi, là - ce n'est pas démontré qu'il n'y a pas de recherche... de rechute à plus long terme?

Alors, moi, je vous dirais que, pour que ça atterrisse de façon adéquate, il faudrait que les psychologues sur le terrain, les intervenants, aient l'assurance que l'institut, dans son mandat, fait des recherches rigoureuses, tienne compte d'une série d'éléments et puisse faire des recommandations et des choix qui soient vraiment appuyés sur les études qu'on a faites. Et il faudrait qu'on puisse savoir qu'il y a des gens qu'on est... dont on reconnaît la compétence qui ont travaillé là-dessus, notamment à l'institut que vous comptez créer.

M. Bolduc: Bon, bien, là-dessus, mon commentaire, moi, ce que... bien, la façon dont on voit l'institut, c'est qu'il va travailler avec des gens qui sont sur le terrain, les experts, il va faire une recherche des données probantes au niveau mondial, au niveau national, et, un peu comme l'AETMIS faisait, ils vont faire un rapport, à la fin, tenant compte de tous ces éléments-là. Et, moi, la question, je vous la... je la verrais: Comment vous voyez l'ordre professionnel, la relation par rapport à l'institut?

M. Desjardins (Pierre): Oui. Bien, moi, je pense que notre implication, à notre avis, elle est importante parce qu'on les fait descendre, les lignes directrices, chez les membres. Déjà, à l'heure actuelle, on en écrit, des lignes directrices. Au moment où on se parle, on travaille de concert avec le Collège des médecins pour des lignes directrices sur l'évaluation des troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant, et je pense qu'à partir du moment où, par exemple, dans cet exemple-là, on a deux ordres professionnels qui travaillent de concert à émettre des lignes directrices, le poids, déjà, qu'on vient donner à l'importance de ces lignes directrices, on les fait descendre aux membres, on les publicise. Et, à partir du moment où les membres savent que leur instance qui contrôle leur qualité appuie, est d'accord ou a été prise en considération, ils ont été impliqués, si on veut, dans la production de ces lignes directrices là, je pense que ça aussi, c'est un élément d'appui qui peut permettre que ça atterrisse d'une meilleure façon. Alors, c'est sûr que, comme ordre professionnel, on veut être impliqués là-dedans, d'une façon ou d'une autre, travailler avec l'INESSS.

M. Bolduc: Oui, puis, si vous voulez mon avis, ça va donner encore plus de crédibilité au processus parce que, si on prend l'exemple de l'AETMIS, l'AETMIS, c'était reconnu au Québec que, quand on avait une nouvelle technologie qui apparaissait, quelle que soit la technologie, puis on avait des doutes est-ce qu'on devait la prendre ou pas, est-ce que les coûts valaient la peine par rapport à l'apport de la technologie, on demandait une évaluation à l'AETMIS, qui remettait un rapport, et par la suite tout le monde s'entendait que ce rapport-là était crédible.

Je pense qu'au niveau, exemple, des thérapies comportementales ou tout ce qui est au niveau psychologique puis au niveau social... Puis là il faut comprendre que, quand on arrive au niveau psychologique, niveau social, quand on fait des études, c'est toujours un peu plus mou, hein, c'est... Puis c'est réel, c'est la réalité, c'est plus comment les gens se sentent, les effets, tandis que, quand on arrive dans l'autre, c'est un test de laboratoire, des fois, qui va varier ou un pourcentage de mortalité qui va être amélioré. Donc, au niveau... c'est un peu plus difficile, mais je pense que le mandat de l'INESSS, ça va être justement d'aller chercher les meilleures méthodes d'évaluation, de le faire avec vous autres.

Ça a deux avantages. Le premier avantage, ce qui est bon, on devrait le faire puis on devrait le diffuser. Puis, on ne se le cachera pas, puis c'est vrai aussi du côté médical, il y a des affaires que ça n'a jamais marché, et ça ne marchera jamais, et c'est prouvé que ça donne... il n'y a pas de valeur ajoutée. Bien, de votre côté, ça va être la même affaire. S'il y a des thérapies, à un moment donné, qu'on voit que la littérature probante nous dit que ça n'a pas de valeur, on va le dire également.

Vous savez, une recherche, ça a deux côtés: soit que ça va dire que c'est bon, mais ça peut dire aussi que ce n'est pas bon. Puis, pour moi, ça a autant de valeur l'un que l'autre. Ce qu'on veut, ce qu'on recherche: les meilleures pratiques pour tous nos gens. L'INESSS...

M. Drainville: ...des exemples, M. le ministre, de ce qui n'a pas fonctionné par le passé?

M. Bolduc: Hein?

M. Drainville: Pouvez-vous nous donner des exemples?

M. Bolduc: Bien, il faut... Bien, écoutez, quand on fait des études, là, que ce soit au niveau des médicaments... À un moment donné, ils vont faire des études de deux médicaments ensemble, et puis le médicament qui prouve qu'il n'a pas de valeur par rapport à un autre ou même qu'il y a plus... qu'il y a moins... qu'il y a plus de complications, bien il va... tout simplement, il ne viendra pas sur le marché. La même chose au niveau des thérapies. Puis ça, je suis certain que vous pourriez nous en dire, que dans certaines circonstances, pour telle clientèle, bien tel type de thérapie ne fonctionne pas, puis par contre on peut dire que telle thérapie, pour tel autre type de clientèle, pourrait fonctionner. Donc, moi, je pense que c'est à ce niveau-là qu'il faut faire nos études. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez là-dessus, là.

Le Président (M. Kelley): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Marie-Josée): Oui. Quand vous dites ça, je trouve ça un petit peu risqué parce que l'état des recherches, hein, sur la psychothérapie est en retard. Probablement, je ne vous apprends rien en vous disant qu'au niveau de la santé mentale ça a été le parent pauvre de la recherche dans les dernières années. Ce qui fait que, si on regarde le résultat de ce qu'on appelle les données probantes actuellement, c'est préliminaire, et ce qui n'est pas dans la liste des thérapies données probantes, ça ne veut pas dire que ce n'est pas bon encore. C'est que peut-être qu'il n'y a pas eu encore, hein, la méthodologie nécessaire pour pouvoir évaluer l'efficacité de ces traitements-là, hein?

On sait que... Bon, on les... Il y a beaucoup... On a parlé des thérapies cognitivocomportementales tantôt. Moi-même, j'ai cette formation-là, je suis à la base quelqu'un qui est formé en cognitivocomportemental. D'un autre côté, je sais pertinemment, parce que je suis une clinicienne de terrain, que ce n'est pas vrai que ça répond à tout le monde, hein? Par ailleurs, ce n'est pas parce que l'approche dynamique n'a pas beaucoup de résultats probants que ça veut dire que ce n'est pas efficace, hein? On sait que c'est beaucoup plus complexe à évaluer, ce qui se passe en psychothérapie dynamique. Alors, il faut qu'il y ait de l'investissement pour pouvoir avoir des recherches qui soient probantes en ce milieu-là.

.(12 heures).

M. Bolduc: Bien, deux niveaux. Moi, je pense que ça prend plus de recherche, puis, avec le temps, je pense, au cours des prochaines années, il y a des... justement, l'INESSS va nous dire le type de recherche qui devrait être fait puis peut-être qu'il pourrait nous apporter. Par contre, je mets un bémol. Ça, ça a toujours été l'argument des gens, ils disent: Moi, je pense que ça marche, mais, quand on arrive dans des données puis qu'on fait des études, ça n'a pas donné de résultat. Par contre, je ne remets pas en question la psychothérapie, là. Ça, je veux bien que ce soit clair. Il y a de l'efficacité, il y a des données aussi, je pense, qui prouvent... pas que je pense, que je suis certain qu'il y a des données qui prouvent que ça fonctionne. Sauf que, quand on va avec l'INESSS, ils n'iront pas dire... bien, de dire: La plupart des gens pensent que ça fonctionne, à un moment donné ça va prendre des études.

Et là ce que je vous... puis je pense qu'on va se rejoindre, c'est que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu d'étude que ce n'est pas efficace. Il faut juste qu'à un moment donné on fasse des études, et, si, à la limite, à la fin, l'étude démontre que ça n'a pas été efficace, bien, on va devoir accepter les résultats. Ça, c'est le principe des données probantes, là. Parce que, sinon, n'importe qui peut mettre n'importe quoi sur le marché. Tu arrives avec ta petite poudre puis tu dis: Ça fonctionne. Puis vous allez toujours trouver des gens, par l'effet placebo, qui vont vous dire que c'est bon pour eux autres. Mais ce n'est pas ça, nous autres, que je pense qu'on va couvrir dans notre système public, là.

Le Président (M. Kelley): M. Desjardins.

M. Desjardins (Pierre): Oui. Si vous permettez, moi, je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites. Je trouve que le projet de l'INESSS, entre autres, ça vient nous donner des indications d'augmenter la rigueur de nos interventions. Et, quand, à défaut... Si on n'en a pas, d'écrits scientifiques ou de recherches qui nous démontrent l'efficacité de certaines choses, parce qu'on est en attente qu'on en ait, je pense qu'on pourrait... Je ne sais pas si c'est l'INESSS ou à quel niveau, mais c'est ce qu'on prône, nous, à l'Ordre des psychologues: Sur le terrain, les intervenants, pouvez-vous systématiquement et rigoureusement évaluer vos interventions, vous mettre des critères et des indicateurs de progression chez la clientèle que vous recevez, déterminer c'est quoi, ces indicateurs-là, parce qu'ils peuvent être multiples, mais mesure...

Dans la mesure où, par exemple, une organisation, un CSSS pourrait dire: On veut implanter une approche cognitive parce que c'est démontré pour des gens qui sont dépressifs, d'accord, je n'ai pas de problème avec ça. Mais est-ce qu'on peut documenter, est-ce qu'on peut avoir un suivi qui va être capable de rendre compte? Si on a des intervenants qui ne maîtrisent pas cette approche-là et qui proposent d'autres approches, que ça ne soit pas juste sur la base que je ne maîtrise pas cette approche-là mais que je sois capable de mesurer que l'autre approche que je préconise avec le client que je reçois, elle est efficace.

Moi, je pense que, des données probantes, si on peut utiliser ce terme-là, on doit aller en chercher aussi sur le terrain quotidiennement, dans la pratique, par les praticiens. Je pense qu'il faut qu'il y ait un amalgame. La science et la pratique doivent se rencontrer, et il faut que les praticiens prennent des habitudes de rigueur qu'on retrouve chez des chercheurs, et qu'ils soient capables de se documenter, et qu'ils aient des critères extérieurs pour pouvoir se documenter. Parce que la recherche montre qu'on n'est pas très bons pour évaluer au pif si on est efficaces avec les gens. Subjectivement, je pense qu'il y a quelque chose qui fait qu'on sauvegarde son propre narcissisme et qu'on est porté à penser que ça va relativement bien. Je pense qu'il faut avoir des critères extérieurs rigoureux. Il faudrait implanter dans le réseau... Ça, l'INESSS pourrait travailler là-dessus, à l'implantation de mécanismes de mesure de l'efficacité des traitements qu'on fait. Au-delà de ne pas avoir de données probantes, on aura toujours bien des données sur le terrain pour démontrer l'efficacité des intervenants qui travaillent avec les gens qui souffrent.

M. Bolduc: D'ailleurs, moi, la façon dont je vois l'INESSS, ce n'est pas juste de faire l'évaluation, c'est aussi de recommander puis de faire des recherches pour savoir c'est quoi, les meilleures méthodes d'évaluation, O.K.?

Et puis je conclurais pour vous dire qu'il y a un mot que j'ai beaucoup apprécié également - j'ai tout apprécié votre présentation - le mot, c'est «nécessaire», que l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux est nécessaire pour justement qu'on puisse avancer pour améliorer les pratiques de tous les professionnels de la santé, puis, à la fin, offrir des meilleurs soins à nos citoyens. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Je veux reprendre là où vous l'avez laissé, M. Desjardins. Vous êtes très enthousiaste quand vous parlez de cette nécessité d'évaluer l'efficacité des traitements sur le terrain. Est-ce que c'est parce que ça manque actuellement? Est-ce que c'est... Et dites-moi explicitement, là, très concrètement, là, comment vous... comment l'INESSS va pallier à ça. Est-ce que vous imaginez, vous, que l'INESSS va avoir des spécialistes, donc toute une équipe de spécialistes qui va se rendre dans les hôpitaux, ou dans les cabinets de certaines cliniques médicales, certains CLSC, ou encore possiblement dans des centres de réadaptation, où on travaille avec les enfants autistes notamment, puis que, là, ces spécialistes-là vont arriver avec une grille d'évaluation puis vont pouvoir dire: Tel type de thérapie fonctionne pour tel type d'enfant? C'est-u comme ça que vous...

Parce que, moi, ce que vous me décrivez, ça semble être une assez grosse machine, là. Ça va prendre beaucoup de ressources, pas mal... Parce que, s'ils font ça pour la psychothérapie puis les différents soins et traitements que les psychologues offrent, ils vont le faire également pour d'autres types de traitement. Alors là, je suis en train de me demander: Coudon...

M. Desjardins (Pierre): On va virer fous avec ça.

M. Drainville: ...vous envisagez ça gros comment, vous, là, là?

M. Desjardins (Pierre): Oui. Bien, écoutez, par rapport à ça, je ne suis pas un spécialiste des structures administratives ni des instituts, mais ce que je veux dire, c'est que je pense que l'INESSS, dans un mandat de recommandation, pourrait ouvrir ses horizons à considérer pas juste les recherches qui sont déjà faites sur les données probantes de ce qui se passe mais d'essayer de tenir compte aussi de recherches qui pourraient être faites sur le terrain.

Je ne suis pas sûr que ce soit... ça devrait être l'INESSS qui soit le maître d'oeuvre de ces recherches-là elles-mêmes. Mais je pense que, si l'INESSS fait des recommandations au ministre... Par exemple, il pourrait recommander au ministre de mettre en place, dans le réseau, parmi les équipes d'intervenants, des gens qui vont travailler, par exemple dans un milieu donné, à sortir des indicateurs de compétence et qui vont mettre en place une espèce d'obligation, jusqu'à un certain point, pour que les gens qui travaillent puissent suivre ces indicateurs-là et rendre compte de ça. Et peut-être que l'INESSS pourrait ramasser éventuellement ces données-là pour en faire un rapport, éventuellement.

Le Président (M. Kelley): Mme Lemieux, complément de réponse?

Mme Lemieux (Marie-Josée): Oui, s'il vous plaît. Parce que là je crois comprendre que, vous, c'est comme si vous vous imaginez que c'est comme... l'INESSS enverrait comme un bataillon ou une armée dans un établissement pour faire une évaluation.

M. Drainville: Non, non, non. Moi, je... Attention, j'évoque une hypothèse.

Mme Lemieux (Marie-Josée): O.K. Ça fait que c'était une évocation.

M. Drainville: Ce n'est pas comme ça que je... Moi, je ne me fais pas trop, trop d'idées, là, je suis ici pour vous écouter puis voir un peu comment, vous, vous voyez ça.

Mme Lemieux (Marie-Josée): Oui, oui. Mais ce que ça...

M. Drainville: Mais j'essaie de comprendre effectivement comment ça va fonctionner, cette structure-là. Et, encore une fois, je vous repose la question, je ne sais pas si vous étiez là au tout début, là, mais on met déjà 27 milliards par année en santé et services sociaux: Combien de milliards supplémentaires faut-il mettre pour être capables d'évaluer l'efficacité des différents traitements que nous offrons actuellement dans le réseau?

Mme Lemieux (Marie-Josée): Ah! Ça, votre question, ça me laisse voir que notre message n'était pas suffisamment clair. Alors, je vais essayer de le clarifier.

M. Drainville: Ou c'est moi qui comprends mal, ça se peut, ça aussi.

Mme Lemieux (Marie-Josée): En tout cas, on va essayer de se comprendre. L'idée, là, c'est donc... ce n'est pas qu'il y ait des gens nécessairement qui arrivent pour faire l'évaluation. Tantôt, hein, dans mon allocution, je disais qu'une des choses qui était importante, hein, quels que soient les lignes directrices, le guide de pratique utilisé ou le traitement utilisé, c'est que le clinicien puisse suivre l'évolution de son client sur la base d'une évaluation continue des effets du traitement. Alors donc, c'est si on peut outiller... Il y a des recherches qui se font, assez poussées, actuellement, que ce soit à McGill ou aux États-Unis, sur justement des outils qui sont facilement applicables, utilisables, qui ne sont pas coûteuses, et c'est quelques questions auxquelles le client répond après l'entrevue et qui permet au clinicien d'avoir un feed-back, si vous permettez l'expression, avoir une idée.

C'est certain que, bon, quand on pense à quelques questions, on peut se dire: Mon doux, jusqu'à quel point ça va être significatif comme réponse, quelques questions? Bien, ils se sont cassé la tête pour ça, c'est des chercheurs, et il semblerait que les résultats sont très, très, très utiles. Et, quand le clinicien reçoit ce que le client a répondu sur son questionnaire d'évaluation, ça lui permet d'ajuster son traitement et d'être beaucoup plus efficace. Donc, on ne pense pas à quelque chose de compliqué...

M. Drainville: Bon, mais faites-moi le lien, faites-moi le lien entre ce que vous venez de me dire, qui est très concret et très clair, et l'INESSS maintenant.

Mme Lemieux (Marie-Josée): Mais l'INESSS pourrait aider à justement outiller au niveau de... c'est tantôt...

M. Drainville: Centraliser l'information des questionnaires dont vous me parlez, par exemple?

Mme Lemieux (Marie-Josée): Oui. Puis, au niveau des recherches sur ces outils-là, quels sont les meilleurs outils. M. le ministre parlait de ça tantôt, hein, c'est ça? Donc, il n'y a pas seulement quels sont les meilleurs traitements, quels sont les meilleurs outils.

Puis, bon, c'est toujours... Vous savez, on est dans un monde qui évolue à une vitesse grand V, alors, les recherches, on n'a pas toujours le temps de se tenir au courant. Alors, si l'INESSS peut fournir le clinicien, hein, au niveau de quels sont les outils qu'il peut utiliser facilement et rapidement pour pouvoir évaluer l'évolution de son patient et ajuster son traitement, tout le monde va être gagnant.

M. Drainville: O.K. Mais ce que je dois comprendre, c'est qu'actuellement il n'y a personne dans le réseau qui fait ce travail-là d'essayer de centraliser l'information sur l'efficacité du traitement x, y ou z. Ça n'existe pas.

Le Président (M. Kelley): M. Desjardins.

.(12 h 10).

M. Desjardins (Pierre): Je ne peux pas vous dire que ça n'existe pas, mais je pense qu'à l'heure actuelle c'est trop laissé, si on veut, à la liberté de chaque professionnel, effectivement, qui est tenu de mesurer l'efficacité de ces choses, mais ça se fait... ça se fait à la pièce, et on n'a pas, à l'heure actuelle, d'outil qui serait standardisé par rapport à ça, par rapport à la mesure.

Je vous donne l'exemple: il y a un outil qui s'appelle le OQ-45 qui est utilisé aux États-Unis. Il y a eu des recherches sur des milliers, et des milliers, et des milliers de personnes avec cet outil-là. Un exemple que ça donne: en quelques minutes, le patient répond; suite à une séance de psychothérapie, ils sont capables de dire dès la première séance: Si vous continuez de la même façon, votre patient va se détériorer. Alors, c'est un outil, ça prend cinq minutes, c'est un questionnaire, c'est documenté, c'est formaté, c'est fait, ajusté à la population américaine.

Est-ce qu'on ne pourrait pas... L'INESSS, est-ce qu'il ne pourrait pas travailler à faire l'étude de ces outils-là, et voir comment on pourrait faire atterrir un outil semblable dans le réseau, et munir les intervenants avec quelque chose qui serait simple? Et je pense que la vocation de l'INESSS, ce n'est pas de mettre en place quelque chose qui serait monstrueux, en termes d'évaluation, c'est clair qu'il n'y a aucun intervenant qui va le faire. Quelque chose qui est simple. Cet outil-là, il est simple, les personnes y répondent en quelques minutes après une séance, il y a un feed-back qui est donné à l'intervenant.

M. Drainville: Parfait. Alors, est-ce que ce questionnaire, par exemple, qui serait standardisé et qui nous permettrait donc d'avoir une idée assez précise sur l'efficacité d'un traitement... Vous évoquez, vous donnez un exemple, un bon exemple qui se... qui a cours actuellement aux États-Unis, alors en quoi ce questionnaire uniforme est-il différent d'une ligne directrice, que vous semblez craindre, là? En tout cas, vous vous questionnez sur la souplesse des lignes directrices.

Pardonnez peut-être mon manque de connaissances, mais, il me semble, quand on parle de lignes directrices, on pourrait parler, par exemple, d'une ligne directrice qui veut que, pour un traitement x, y ou z, en collaboration avec l'ordre, on va distribuer un questionnaire. C'est ça, la ligne directrice: on distribue un questionnaire pour un traitement précis chez certains psychologues qui l'utilisent pour en évaluer l'efficacité. Alors là, je... Vous comprenez le sens de ma question?

M. Desjardins (Pierre): Oui, bien, je vais essayer de tenter de répondre à cette question-là. Je pense qu'on pourrait intégrer dans les lignes directrices, par exemple, la nécessité de mesurer, et la nécessité de mesurer avec un questionnaire qui est avéré efficace et reconnu. Là, le risque qu'on évoquait, nous, dans les lignes directrices qui soient trop rigides, c'est de dire: On va débarquer à Chicoutimi, par exemple, puis ça va être ce questionnaire-là qu'on va... On va forcer l'intervenant à utiliser ce questionnaire-là, alors qu'on n'aurait rien qui nous appuierait sur le plan scientifique pour ne pas soutenir un autre questionnaire. Parce que, là aussi, des outils, il y en a une multitude. Pour l'instant, il y a des recherches qui sont en train de se mener au Québec, mais il y en a une multitude, et on ne les a pas ajustées et adaptées à la population du Québec.

Alors, cette souplesse dont on parle, on parle... je vous faisais... j'évoquais la région... j'évoquais des régions, mais cette souplesse dont on parle, c'est que la population à qui on s'adresse, dépendamment du milieu dans lequel on se trouve, elle peut varier, elle peut être différente, et il y a des questionnaires, effectivement... Dans ces questionnaires d'évaluation... Il y a des questionnaires qui portent, par exemple, sur les éléments... les très dépressifs. Si on prend un questionnaire d'évaluation d'efficacité, quels sont les traits de dépression qu'on peut relever et est-ce qu'il y a une amélioration? Alors, si on dit, dans des lignes directrices, de façon générale: Munissez-vous de questionnaires et d'outils qui vont vous permettre de mesurer, mais, la souplesse, on vous la donne dans la détermination ou dans le choix de ces questionnaires-là et on vous dit que les questionnaires pour lesquels on a des données probantes, qui sont efficaces, si on parle de dépression, c'est celui-là, si on parle d'une autre chose, c'est une autre chose, mais vous pourriez avoir la liberté de faire des ajustements fins dans votre milieu pour tenir compte des caractéristiques propres de votre clientèle et de votre milieu... C'est là qu'on veut la souplesse. On ne veut pas débarquer avec quelque chose, la personne dit: J'ai une chose à faire, et ce n'est que la seule chose que j'ai à faire.

M. Drainville: O.K. Dans le fond, ce que vous dites, c'est: Faites un peu confiance aux professionnels qui sont sur le terrain, hein?

M. Desjardins (Pierre): Oui.

M. Drainville: En même temps, vous êtes conscients du fait que, si on commence à adapter chaque questionnaire selon les prescriptions du praticien ou du professionnel, ça devient plus difficile à ce moment-là de généraliser sur les résultats, on s'entend là-dessus.

M. Desjardins (Pierre): On perd la rigueur.

M. Drainville: On perd la rigueur. On perd la capacité de conclure sur l'efficacité du traitement.

M. Desjardins (Pierre): Oui. Et on n'est pas nécessairement d'accord avec «adapter». Si on parle... on pense à des tests psychologiques, par exemple, si on veut qu'ils soient efficaces, il faut qu'ils soient utilisés de façon rigoureuse, tels qu'ils ont été construits, sans modification. Si on fait des modifications, nos résultats ne sont plus probants. Alors, c'est sûr qu'on va dans le même sens que vous là-dedans.

M. Drainville: Bon. L'autre point qui est extrêmement important, que vous soulevez, et il me reste à peu près une dizaine de minutes pour en discuter, c'est la question des renseignements personnels. Là-dessus, c'est probablement la position la plus ferme et la plus vigoureuse que vous prenez dans votre mémoire.

Je pense que c'est important de le citer: «L'Ordre des psychologues du Québec ne saurait d'aucune façon appuyer une mesure semblable - vous faites référence à la transmission des renseignements personnels. Si la transmission de renseignements personnels est toujours délicate, si elle est particulièrement critique dès lors qu'il s'agit de soins de santé ou de services sociaux, elle est à proscrire, de façon absolue - écrivez-vous - lorsqu'il s'agit de santé mentale. Dans notre société, les diagnostics associés à la santé mentale sont perçus comme des stigmates graves, et le simple fait d'être en psychothérapie, s'il est connu, peut encore de nos jours, malheureusement, avoir des conséquences dramatiques sur l'emploi, sur les relations sociales, sur l'assurabilité, pour ne nommer que celles-là. C'est pourquoi le Code de déontologie des psychologues interdit à ces derniers non seulement de divulguer des renseignements sur leurs diagnostics et interventions, mais leur interdit même de divulguer qu'une personne donnée est un client.»

Je continue de citer votre mémoire. «L'Ordre des psychologues du Québec recommande donc le retrait pur et simple du deuxième alinéa de l'article 12», qui prévoit donc la transmission des renseignements personnels.

Ma question: Si le gouvernement allait quand même de l'avant avec cet article-là, quelles en seraient les conséquences? Et est-ce que cela irait à l'encontre du Code de déontologie des psychologues? En d'autres mots, est-ce que les psychologues pourraient carrément dire: Nous refusons de transmettre les renseignements à l'INESSS pour une fin d'étude, par exemple, pour une fin d'évaluation de l'efficacité parce que ce qu'on nous demande va à l'encontre de notre code de déontologie?

M. Desjardins (Pierre): Bien, moi, je vous dirais... si tu permets, là?

Mme Lemieux (Marie-Josée): Oui, oui.

M. Desjardins (Pierre): Moi, je vous dirais que, d'abord, pour qu'on puisse éventuellement comme ordre faire un pas dans le sens de cette directive-là, il faudrait comprendre qu'est-ce que ça va venir ajouter de savoir que Pierre Desjardins a suivi une thérapie parce qu'il avait un problème d'alcoolisme et de toxicomanie. Est-ce que ça ajoute quelque chose de savoir que c'est Pierre Desjardins qui a suivi ça ou qu'une personne est venue consulter et qu'il a reçu ce type de service là? Alors, on voudrait savoir ce que ça vient... ce que ça vient ajouter d'avoir des données nominatives confidentielles. Qu'est-ce que ça vient changer?

Et évidemment que, si c'était là... Bien, je ne suis pas un juriste, je pense qu'il y en a qui sont mieux placés que moi pour faire la hiérarchie des lois. Le code de déontologie, ça arrive en bas des lois. S'il y a des lois qui sont au-dessus et qui disent qu'on peut faire certaines choses, bien évidemment que le psychologue va se sentir coincé entre son code de déontologie qui lui recommande... pas qui lui recommande mais qui l'oblige à la confidentialité, à moins d'avoir été autorisé par le client à lever cette obligation de maintenir confidentielles les informations... Alors, évidemment que les psychologues vont se sentir coincés.

Et les psychologues, à l'heure actuelle... Vous savez, une des raisons principales pour lesquelles la psychologie au Québec, elle est aussi populaire auprès des gens, c'est qu'automatiquement... Quand les gens pensent à aller voir un psychologue, la première chose à quoi ils pensent, c'est qu'ils pensent à la confidentialité. Il y a eu une recherche internationale qui a démontré qu'est-ce qui caractérise les psychologues par rapport à d'autres professionnels, même si on pourrait discuter cette position-là, ce qui ressort, c'est la confidentialité. Les gens sont convaincus que, quand ils vont voir un psychologue, la confidentialité est respectée.

À partir du moment où on va dire: Maintenant, les psychologues, il y a une loi, la confidentialité n'est plus respectée, est-ce qu'on ne va pas venir nuire à la possibilité d'intervenir auprès des gens? Parce qu'ils vont se dire: Moi, je ne veux pas aller consulter, parce que j'ai un problème d'alcool, j'ai un problème de drogue, ou j'ai un problème de conduite sexuelle, ou peu importe, parce que les données me concernant vont sortir. Est-ce qu'on ne va pas nuire de façon plus systémique et globale à la société en disant aux gens: On ne peut plus faire confiance à personne, on a un organisme qui est là, qui a le pouvoir d'aller chercher de l'information confidentielle qui me concerne? C'est notre préoccupation.

M. Drainville: ...si vous permettez, à la qualité de l'information également que vous pourriez transmettre à l'INESSS, parce que, si jamais les gens cessent de consulter ou consultent moins parce qu'ils craignent la divulgation des renseignements personnels, et donc ils se rendent moins chez le psychologue...

M. Desjardins (Pierre): Oui. Exact.

M. Drainville: ...le travail de l'INESSS s'en trouvera...

M. Desjardins (Pierre): ...handicapé.

M. Drainville: Oui, voilà.

M. Desjardins (Pierre): Tout à fait. C'est ce qu'on pense.

Mme Lemieux (Marie-Josée): Oui. Puis la santé de la population va être en danger. Parce que, là, vous savez, tous les jours, hein, que ce soit au bureau privé ou dans les hôpitaux, dans les cliniques, les gens qui vont consulter en santé mentale ont le souci de: Y a-tu quelqu'un qui va voir, qui va se rendre compte que je suis allé dans le bureau d'un psychologue plutôt que d'un médecin? Je pense que vous êtes tous bien conscients de ça. Mais, comme disait M. Desjardins, au moins on sait que les gens, ils viennent nous voir et ils ont la conviction, la certitude que ce qui se dit dans notre bureau reste dans notre bureau, hein, à moins qu'ils en donnent l'autorisation. Mais là ce serait très grave si, au niveau de la population, les gens pouvaient savoir que, là, oups! il y a une organisation qui pourrait décider, sans aller chercher l'autorisation de quiconque, décider d'aller piger dans les dossiers des patients qui ont consulté et pouvoir savoir que M. X, Mme X a été suivi à tel moment, hospitalisé à tel autre. Les gens vont, à ce moment-là, diminuer, hein, leurs consultations, et c'est leur santé qui va être en péril.

M. Drainville: Vous aurez remarqué comme moi, je pense que vous le notez dans votre mémoire, cet article 12 parle d'abord des renseignements non personnels et enchaîne par la suite, dans le paragraphe suivant, en parlant des renseignements personnels.

Mme Lemieux (Marie-Josée): C'est pour ça qu'on parle du deuxième alinéa.

M. Drainville: Oui, c'est ça. Moi, je devrais dire «alinéa» et non pas «paragraphe», là. Alors... Donc, vous, c'est... Est-ce que c'est... Si cet article-là est maintenu comme tel, ce serait suffisant pour que vous retiriez votre appui au projet de loi?

.(12 h 20).

M. Desjardins (Pierre): Bien, moi, je ne suis pas sûr qu'on fonctionne avec une modalité de clivage aussi importante, qu'on est dans le tout ou rien. Je pense qu'on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain, bien évidemment, mais je pense qu'on challengerait beaucoup cette question-là.

D'ailleurs, une des raisons pour laquelle on n'est pas rassurés, c'est qu'on a essayé... Notre conseillère juridique a essayé d'avoir un avis de la Commission d'accès à l'information sur ce deuxième alinéa, et on parlait d'imputabilité, de transparence, et tout ça, qu'on trouve que ce sont des vertus, et on n'a pas eu de réponse de la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information nous a dit: On a donné notre avis aux gens concernés. Et, nous, on voulait avoir un éclairage sur la portée de ce deuxième alinéa, dans quelles conditions ça a été fait. Parce qu'on était prêts à se dire que, si tout ça est soumis à la loi d'accès à l'information, on n'a pas de problème, parce qu'on pense qu'il y a des garanties là-dedans. Sauf qu'on reste avec pas... pas de garantie, on ne sait pas ce que ça vient faire, on ne sait pas pourquoi, on ne sait pas dans quelles conditions et, comme c'est écrit comme ça, on se dit: Ça n'a juste pas de bon sens. Expliquez-nous, peut-être qu'on pourrait comprendre. Mais...

M. Drainville: Donc, je veux être bien sûr que je comprenne, là, vous nous dites... Vous avez soumis cette question à la Commission d'accès à l'information, qui s'est prononcée non pas en vous transmettant à vous l'avis, qui l'aviez demandé, mais bien au Conseil exécutif, au gouvernement.

M. Desjardins (Pierre): Oui. On ne sait pas à qui on l'a transmis, mais on nous a dit: On est sur ce dossier-là, on y travaille et on a transmis notre avis aux personnes, aux personnes concernées. On n'a pas été capables d'avoir l'information la semaine dernière, ce qui nous a inquiétés.

M. Drainville: Quant à savoir qui étaient les personnes concernées?

M. Desjardins (Pierre): Quant à savoir qu'est-ce que... c'est quoi, la... c'était quoi, l'avis de la Commission d'accès à l'information sur le deuxième alinéa, comment, eux autres, ils le comprenaient et est-ce qu'il y avait lieu d'être inquiets ou rassurés. Et, comme on n'a pas eu de réponse, bien, on reste inquiets.

M. Drainville: Bien, nous, je dois vous dire... Puis le ministre va sans doute nous donner des précisions là-dessus, mais, d'ores et déjà, je peux vous dire qu'on va demander de voir cet avis-là, là. Vous pouvez vous fier sur nous là-dessus, là, on va demander à ce qu'il soit déposé. À moins qu'on nous soumette un argument légal ou légaliste qui nous empêcherait de le voir. Je pense que c'est effectivement important qu'on puisse connaître les implications de cet alinéa et, deuxièmement, connaître surtout l'avis de la Commission d'accès à l'information, parce qu'au-delà de l'accès on veut connaître l'avis également de la commission. Donc, on verra bien. J'observe le non-verbal du ministre, là, il ne semble pas être fermé à cette idée, alors on en discutera, j'imagine, un peu plus tard. Mon collègue de Groulx voudrait ajouter.

M. Gauvreau: Oui. Effectivement, il y a...

Le Président (M. Kelley): Très, très rapidement parce qu'il reste comme deux minutes.

M. Gauvreau: Très... Ah non, ça va être 22 secondes et 2/3. La Cour suprême du Canada a rendu une décision par rapport à un psychologue et, dans la décision, la Cour suprême du Canada... qui date d'à peu près 1992, si ma mémoire est bonne, permettez-moi de ne pas me souvenir du titre. Le psychologue avait dévoilé le fait que son client, en sortant de prison, tuerait quelqu'un, et, dans ce cadre-là, en obiter, les juges, en majorité, de la Cour suprême ont restatué l'obligation de la confidentialité, ça appartient au client. On ne peut pas autrement, par une loi, enlever cette confidentialité-là. Alors, je suis très surpris que la loi... que la Commission d'accès à l'information ne soit pas au courant d'un jugement qui a été très, très, très diffusé à l'époque.

M. Drainville: Oui. Bien, ne présumons pas de ce que la Commission d'accès a recommandé ou pas. Mais, chose certaine, je suis bien d'accord avec vous qu'il faut demander, et il faut voir dans quelle mesure la Commission d'accès est d'accord avec ce qui est dans le projet de loi et dans quelle mesure elle s'est inspirée notamment du jugement de la Cour suprême dont parle mon collègue ici. Mais je vous remercie.

M. Desjardins (Pierre): Avec plaisir.

Le Président (M. Kelley): Et je sais que le ministre brûle d'intervenir. Alors, M. le ministre.

M. Bolduc: Juste pour vous dire, les trois groupes, on est d'accord: on n'a pas à savoir qui a consulté les psychologues. Ça, il y a des protections de faites pour ça. L'objectif de ça, c'est qu'actuellement on vit dans des silos. Si on veut améliorer les soins aux gens, il faut qu'on soit capables de faire l'évaluation de la continuité des soins, O.K.? Ça, je pense que tout le monde est d'accord. Par contre, il n'est pas question de dire qui est allé où. Et on a un avis... Le secrétaire... peut-être que M. Lalumière pourrait-il dire le continuum qu'il a fait dans la consultation, mais on a un avis de la commission, je ne suis pas sûr qu'on peut le rendre, parce qu'il y des questions légales, on le regardera, mais on pourra en discuter. Mais je peux vous dire que la volonté - et on va s'organiser pour que ce soit certain - c'est certainement de respecter la confidentialité. Ça, c'est clair, clair.

Quand les gens lisent cet article-là, ils disent toujours: Ça veut-u dire qu'ils vont avoir le droit à toutes nos informations, le nom, toute l'affaire? Non. Mais il faut être capables, je ne sais pas comment, il y a des mécanismes, par des identifiants, d'aller chercher l'information pour, par la suite, s'assurer qu'on a une amélioration au niveau des soins. C'est ça, l'objectif.

Et puis, au niveau de la Commission d'accès à l'information, il y a un avis qui est positif. Et je demanderais peut-être à M. Denis Lalumière, là, peut-être de clarifier, parce que ça va être un élément important tout le long de la discussion, puis je pense que, si on s'entend que ça a peut-être du bon sens, bien on va peut-être l'évacuer, parce que tout le monde va nous le ramener, de la façon dont c'est rédigé.

Le Président (M. Kelley): Alors, si j'ai bien compris, il y a le consentement. Si vous pouvez vous bien identifier pour les fins de l'enregistrement.

M. Lalumière (Denis): Je suis Denis Lalumière. Je suis sous-ministre adjoint à la planification stratégique, à l'évaluation et à la qualité.

Ce que je peux confirmer, c'est que, dans le processus de préparation du projet de loi, il a été soumis au Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et de l'accès à l'information, ce qu'on appelle le SRIDAI dans notre jargon, c'est l'organisme qui a fait la consultation auprès de la Commission de l'accès à l'information. Donc, l'avis de la Commission d'accès, la CAI, a été transmis au SRIDAI. Nous n'avons pas eu, nous, accès à cet avis. Il a été transmis, comme les règles le prévoient, au SRIDAI, et, à partir de cet avis-là, le SRIDAI a donné son accord à la rédaction de l'article tel qu'il a été déposé à l'Assemblée.

M. Drainville: Le SRIDAI, c'est quoi encore?

M. Lalumière (Denis): Le Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et de l'accès à l'information, au ministère du Conseil exécutif.

M. Drainville: Et, pour les fins des gens qui nous écoutent, là, son rôle là-dedans, là, dans l'écriture, dans la rédaction d'un projet de loi comme celui-là, là?

M. Lalumière (Denis): C'est l'organisme qui, dans le fond, va valider justement les enjeux légaux pour voir si les propositions du gouvernement entrent en contradiction avec d'autres dispositions législatives, notamment, ici, dans le cas de l'accès à l'information.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Bolduc: M. le Président, c'est un sujet relativement complexe. C'est extrêmement important, je pense que je l'avais noté. Puis c'est important, puis ça va revenir tout le temps, ça, jusqu'à quel point on peut avoir accès à de l'information pour... dans un contexte d'amélioration des soins ou de recherche. Moi, je proposerais peut-être qu'il y ait des discussions entre notre équipe et votre équipe pour vous expliquer comme il faut le processus, là, être certains que tout a été bien fait. Mais je peux rassurer l'ordre des professionnels que ce que vous avez énoncé comme crainte, je la respecte, et on va faire en sorte que vous n'en ayez pas, de crainte, O.K., là-dessus. Puis vous n'irez pas à l'encontre de votre code de déontologie non plus. Par contre, comme dans tout endroit, il faut qu'on soit capables, à un moment donné, si on veut faire de l'évaluation... être capables de faire un certain suivi de patient, tout en respectant la confidentialité de la personne, O.K?

Le Président (M. Kelley): M. Desjardins, puis après je vais revenir...

M. Desjardins (Pierre): Oui. Juste un tout petit commentaire. C'est qu'on n'a absolument rien contre de se doter des moyens pour être capables de faire le suivi. On parlait de l'évaluation, de l'efficacité des traitements, on est pour ça. Mais vous comprendrez que ce que je viens d'entendre comme explications, ce à quoi vous nous invitez, c'est faire confiance à des organismes dont j'entends parler, moi, personnellement, pour la première fois, notre conseillère juridique... la CAI et le SRIDAI, donc faire confiance à quelqu'un ou à quelque chose dont je ne connais pas les tenants et les aboutissants et de faire un acte de foi. Je veux bien, mais, nous, on est partis de ce qui était écrit sur le projet de loi, et, dans le projet de loi, on a un premier paragraphe qui dit que c'est soumis à la loi de l'accès, et on a un deuxième qui dit que ça ne l'est pas ou ça ne semble pas l'être. Alors, on réagit à ce qui a été écrit et on continue à dire ça sur la base de ce qui a été écrit. Maintenant, on veut vous faire... On vous fait confiance dans votre travail. On a entendu que vous nous avez entendus, on va vous laisser aller.

M. Bolduc: Oui. Puis, juste pour clarifier, il faut avoir passé par la Commission de l'accès à l'information pour comprendre jusqu'à quel point ils sont rigoureux. Mais, encore là, je pense qu'il y a des discussions à faire avec l'opposition. Ce que l'on veut, là, c'est de rendre l'information disponible sans être capable de reconnaître les gens mais pour nous permettre d'améliorer des soins au niveau de notre société.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Je veux juste, M. le Président, là, pour les fins de transcription et de diffusion... Moi, je veux bien avoir des discussions avec le gouvernement et avec le ministre pour qu'ils nous donnent d'avantage d'information sur la question, mais, une chose est sûre, au terme de ces discussions, puis on est toujours de bonne volonté, on est là pour écouter puis essayer de trouver le compromis, on ne va pas faire de compromis sur le principe, là. Et il va falloir non seulement respecter le principe de la protection des renseignements personnels au terme de ces discussions, là, mais je vous assure, M. le Président, qu'il va falloir, au terme de ces discussions, que le ministre nous explique publiquement, autour de cette table, en quoi la proposition est raisonnable, et en quoi elle est respectueuse des lois qui visent, entre autres, à protéger les renseignements personnels, et en quoi elle ne pose pas de problème en lien avec le Code de déontologie des psychologues. En d'autres mots, M. le Président, il va falloir que le ministre nous donne, à visage découvert, publiquement, et aux fins d'information pour la population, les raisons pour lesquelles il a décidé d'inclure cet élément, cet article-là dans le projet de loi.

Je ne voudrais pas que les gens retiennent de nos échanges qu'on va régler ça entre nous autres, puis l'affaire va être réglée. Je pense, c'est très important. C'est un principe tellement, tellement important, d'ailleurs qui est évoqué non seulement pas les psychologues, mais qui est évoqué par l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, qu'on a entendue plus tôt ce matin. Je crois que la fédération de... L'Ordre des pharmaciens, également, évoque cette question-là de la protection des renseignements personnels. Donc, je pense, ça va être important qu'on en reparle, et qu'on en reparle publiquement, pour bien préciser les raisons pour lesquelles vous pensez que c'est une bonne idée et les raisons qui vous amènent à conclure, sur l'avis que vous... les avis que vous avez reçus, que c'est tout à fait légal de le proposer. Nous, là-dessus, on reste sur nos positions. On veut être convaincus avant de donner notre appui à un tel article, là.

.(12 h 30).

M. Bolduc: Oui, et...

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, parce que...

M. Bolduc: ...je suis tout à fait d'accord. L'objectif de... peut-être de juste avoir... Parce qu'il y a beaucoup, peut-être, de documentations à discuter puis, je pense, qu'il faut faire à part. Par contre, devant le public, on va en faire la discussion puis, comme de fait, on va devoir l'expliquer.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, merci beaucoup. De toute évidence, vous avez provoqué un débat. Alors, c'est la preuve de la pertinence de vos commentaires devant les membres de la commission. Merci d'avoir partagé vos 58 ans d'expérience professionnelle.

Et, sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la santé et des services sociaux va reprendre ses travaux. Vous êtes dans un débat très intéressant sur le projet de loi n° 67, qui, je suis certain, a un titre, que je vais trouver, qui est la Loi sur l'Institut national de l'excellence en santé et en services sociaux.

Notre prochain témoin sont Medec-AITS - je ne sais pas si j'ai bien prononcé ça ou non, je laisse ça à vous autres de me corriger - représenté entre autres par son directeur exécutif adjoint, M. Claude Warren. Est-ce que c'est vous qui va commencer ou...

Medec-AITS

M. Warren (Claude): Non, Mme Côté va commencer.

Le Président (M. Kelley): O.K. Pardon. Alors, la parole est à vous, Mme Côté.

Mme Côté (Diane): D'accord. Merci beaucoup. Alors, bonjour, tout le monde. Merci beaucoup de nous donner l'occasion de partager les prochaines minutes avec vous pour pouvoir parler du projet de loi n° 67. Alors, je me présente. Je suis Diane Côté, vice-présidente de Medec-AITS. Medec est l'association canadienne des compagnies de technologies médicales, et Medec-AITS est l'antenne Québec de l'association. Je vais laisser mes collègues se présenter aussi. Ils sont tous membres de Medec.

M. Warren (Claude): Alors, Claude Warren. Je suis... je travaille pour Johnson & Johnson, qui est une entreprise membre de Medec.

M. Rousseau (Jean): Jean Rousseau, vice-président, Système solutions santé pour Covidien.

Mme Goyer-O'Reilly (Isabelle): Isabelle Goyer-O'Reilly, chef de produits pour la compagnie Bio-Rad Laboratories.

Mme Côté (Diane): Alors, je vais vous faire un résumé, puis ensuite, évidemment, ça va nous faire plaisir de répondre à vos questions.

Alors, d'abord, alors, comme je le mentionnais, Medec est... l'AITS est l'antenne Québec de Medec, l'association canadienne des compagnies de technologies médicales créée par et pour notre industrie. Elle est la principale source de défense des droits, d'information et d'éducation au sujet du secteur des technologies de la santé pour ses quelque 200 membres, pour la communauté élargie des soins de santé, pour les partenaires de l'industrie et pour l'ensemble du public, au chapitre des technologies médicales. Nos buts sont d'améliorer les résultats des soins de santé pour les patients et de soutenir la croissance et l'épanouissement aussi de notre secteur d'activité au Québec et au Canada. Et nos mots d'ordre sont: innovation, sécurité, efficacité et interopérabilité.

Le secteur des technologies de la santé représente au Québec quelque 600 entreprises et près de 15 000 emplois. Ce sont des chiffres d'une étude de marché qui a été faite en 2004. Notons que cette industrie est surtout représentée par quelques grandes entreprises et plusieurs petites et moyennes, dont l'essor dépend surtout de leur capacité de fabriquer, d'innover et de distribuer efficacement leurs produits, qui font appel à des technologies complexes et variées. Les deux tiers des entreprises du secteur comptent moins de 100 employés. Alors, c'est vraiment... il y a une dynamique d'innovation, dans notre secteur industriel, qui est très, très précise.

D'ailleurs, l'innovation technologique est la pierre angulaire, finalement, de notre industrie. Les technologies médicales contribuent à la santé et à la qualité de la vie des individus, tout en participant à l'amélioration de l'efficacité du système de santé. Notre industrie conçoit et développe des solutions de pointe qui couvrent le spectre complet de l'innovation, allant de l'amélioration continue ou incrémentale jusqu'à la technologie de rupture ou à l'amélioration exponentielle.

Plusieurs exemples peuvent témoigner justement des caractéristiques d'innovation, mais aussi les mérites et les avantages qui peuvent être amenés par ces nouvelles technologies. Par exemple, on entendait que l'Institut de cardiologie d'Ottawa a diminué de 54 % ses réadmissions pour insuffisance cardiaque grâce au télémonitoring à domicile des patients souffrant d'insuffisance cardiaque. Et on entendait d'ailleurs, juste avant les fêtes, que l'Institut de cardiologie de Montréal va commencer maintenant à faire du monitoring à distance de patients grâce à des implants sans fil, pour pouvoir «monitorer» à partir de la maison et éviter, encore une fois, des itérations nombreuses avec la première ligne.

Un autre exemple, si on regarde l'évaluation des systèmes de radiologie et d'emmagasinage, ce qu'on appelle souvent les PACS, une évaluation qui a été faite par Inforoute Santé Canada démontrait que la productivité des spécialistes en radiologie avait été améliorée en moyenne de 27 % suite à la mise en oeuvre de ces systèmes, ce qui permettait aux Canadiens de bénéficier de l'équivalent de 450 à 540 spécialistes supplémentaires, donc une augmentation de la capacité du système de santé, tout en offrant aussi des avantages aux patients: lecture plus rapide, précision, etc.

Donc, il s'ensuit que les membres de Medec-AITS préconisent une appréciation globale de l'innovation et de l'amélioration continue, compte tenu de l'impact clinique et opérationnel qu'une technologie peut avoir autant sur le patient que sur le système de santé dans son ensemble. Et les membres préconisent ainsi l'accès rapide à ces innovations pour les patients et pour l'ensemble de la communauté.

Par rapport à l'évaluation des technologies, Medec-AITS priorise l'accès amélioré aux technologies de la santé qui sont sécuritaires, efficaces et qui améliorent les résultats cliniques. Nous croyons que l'évaluation des technologies et les modes d'intervention permettent de prendre des décisions éclairées sur le financement, le remboursement, l'adoption et l'intégration des technologies de la santé dans l'encadrement de la prestation de soins. Les évaluations des technologies de la santé doivent se contrer sur leur contribution, en évitant de dédoubler le rôle qui peut être joué par les agences réglementaires comme Santé Canada dans l'évaluation de la sécurité et de l'efficacité. Par ailleurs, elles ne doivent pas retarder l'accès des patients à ces technologies.

.(14 h 10).

Il y a, nonobstant, des caractéristiques qui sont très distinctives aux technologies médicales, et ces caractéristiques ont mené à la mise en oeuvre de processus qui sont spécifiquement conçus pour leur évaluation, comme il est question à OHTAC, en Ontario, et maintenant au Advisory Committee on Health Technologies de l'Alberta ou encore à l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé. Il est à noter que même le NICE britannique annonçait, au mois de novembre dernier, l'établissement d'un nouveau programme d'évaluation spécifique aux dispositifs médicaux et diagnostics. Alors, les membres de Medec-AITS souhaitent que l'INESSS procédera de la même façon, et ce, dès le début de ses opérations.

En ce qui concerne le mandat et les fonctions de l'INESSS, d'une part, nous partageons avec l'INESSS une vision d'excellence clinique et d'utilisation efficace des ressources. Notre définition à cet égard prévoit le bon diagnostic, la bonne intervention, par la bonne technologie, pour l'obtention d'un résultat optimal pour le patient, et ce, en respectant les meilleures normes de pratique dans un contexte de mondialisation.

D'autre part, nous croyons que l'utilisation efficace des ressources doit prendre en considération le décloisonnement des rôles, des interventions, des sites de livraison et de prestation de soins. Les évaluations des technologies de la santé et des modes d'intervention doivent ainsi porter sur la contribution clinique et organisationnelle des solutions analysées et ne pas représenter un outil d'exclusion budgétaire. Elles devraient par ailleurs avoir force de recommandations et êtres accompagnées de ressources financières de façon à assurer leur mise en oeuvre.

Les évaluations, comme prérequis au financement et au remboursement, doivent servir à accélérer l'accès aux nouvelles technologies ou procédures au profit des clientèles visées. Et, dans le cas de technologies émergentes, plutôt que de provoquer des retards d'introduction, une évaluation favorable d'utilisation pourrait s'accompagner d'une recommandation de cueillette de données cliniques probantes additionnelles, permettant ainsi une décision finale ultérieure.

À ce sujet, on voulait vous souligner qu'il pourrait y avoir création d'un passeport d'innovation ayant des modalités propres au Québec mais dont le concept pourrait s'inspirer de celui du «innovation pass» qui a été annoncé en Angleterre en juillet 2009. Cette initiative tripartite, le gouvernement de l'Angleterre, le NICE et le NHS, qui est le système de santé national, vise l'accélération de l'acceptation et de l'intégration ainsi que le financement de certaines technologies médicales innovantes au sein du système de santé, sans avoir à passer par le processus d'évaluation régulier du NICE. Ces solutions pourront être utilisées pour une période limitée et financées temporairement par l'intermédiaire d'un budget spécial. Alors, le pilote est en train d'être réfléchi, et sa mise en oeuvre va se faire prochainement en Angleterre. Alors, il pourrait y avoir quelque chose de semblable fait pour le Québec.

Approche pragmatique. Les évaluations des technologies et des modes d'intervention devraient prendre en compte tous les aspects qui peuvent être influencés par la technologie et ceux influençant la technologie. Ainsi, en plus de l'approche systématique habituellement privilégiée par les évaluations, une évaluation complète devrait aussi tenir compte du monde réel dans lequel et pour lequel la technologie est proposée, en favorisant de façon complémentaire une approche pragmatique ou pratique, cette dernière s'adressant de façon plus spécifique aux décideurs.

Alors donc, une revue de la littérature pourrait donc s'accompagner d'études terrain quand ce serait pertinent, de façon à aller chercher l'ensemble des données et des données probantes pour pouvoir faire une analyse complète d'une technologie.

Nous préconisons l'utilisation de bases de données actualisées et mises à jour par un système efficace de dossier patient électronique qui permettrait une meilleure saisie de données et un suivi plus adéquat. Cette approche éviterait les études terrain lourdes et laborieuses.

Du point de vue des orientations de l'INESSS, dans un esprit de transparence organisationnelle, Medec-AITS souhaite que l'INESSS identifie et publie ses objectifs et métriques de performance de façon à fournir un cadre de référence au public et à l'industrie. Il s'ensuit que la revue de la performance de l'INESSS pourrait être précisée et communiquée sur une base régulière, probablement annuelle.

Medec-AITS souhaite également que l'INESSS accueille la participation d'un représentant de l'industrie en acceptant la présence d'un membre de la permanence de Medec-AITS au sein de sa nouvelle structure. Il est à noter que plusieurs organisations procèdent de cette façon, dont OHTAC et le NICE en Angleterre.

Nous précisons aussi que l'industrie puisse soumettre, seule ou en équipe avec des utilisateurs, des projets ou des propositions d'évaluations qui pourraient aider la prise de décision dans un modèle de transparence et de collaboration en utilisant des comités de travail. L'exemple de l'Ontario, avec OHTAC, nous éclaire en ce sens, notamment sur la manière d'accélérer le processus et d'utiliser les meilleures expertises disponibles. Le Québec a également mis sur pied les unités d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé, les UETMIS. Il serait donc pertinent de favoriser une telle structure dans un effort d'accélérer la mise en oeuvre des projets d'évaluation.

Bien que le mode de financement de l'institut ne soit pas abordé, à proprement parler, par le projet de loi, il nous apparaît important de rajouter quelques précisions, dont l'importance que le budget de l'institut se doive à tout le moins d'égaler les budgets de l'AETMIS et du Conseil du médicament combinés. Les économies pouvant être engendrées par la combinaison des deux structures, s'il en est, devraient servir à offrir des services... plus de services, puisque ceux-ci serviront à terme à améliorer la capacité du système de santé.

On a quelques commentaires aussi à faire sur des articles spécifiques de la loi. Alors, je ne les passerai pas tous, mais certains. D'abord, on veut réitérer, encore une fois, que l'institut doit privilégier l'excellence, tant au chapitre clinique qu'opérationnel, et ce, dans l'ensemble de ses services, et que, bien entendu, nous partageons cet objectif et cette vision.

Par rapport à l'article 5, le paragraphe 1° devrait préciser que l'évaluation des coûts de technologie soit faite dans une logique économique plutôt que comptable. Ceci permettrait une évaluation plus juste du retour sur les investissements pouvant être réalisés et de l'apport de chaque composante dans la prestation d'un soin ou d'une intervention, de même que par rapport à son impact sur le système.

Par rapport à l'article 6, il inclut certaines précisions sur l'échelle de détermination des coûts en mentionnant, par exemple, le système de santé. Nous croyons qu'il est important de préciser, dans le but d'éliminer toute confusion, que les impacts, les coûts et les avantages ne seront pas calculés sur une base d'établissement, mais bien sur une base systémique incluant les divers établissements dans le système de santé québécois.

Le paragraphe 4° spécifie que l'institut s'appuiera, lors de ses évaluations, sur des données cliniques. Étant donné l'intensité de l'innovation scientifique et clinique caractérisant les technologies médicales et les particularités de leur processus réglementaire, un grand nombre des données probantes sont développées postmarché dans le contexte de nos technologies. Il importe donc d'insister sur la pertinence d'effectuer, au besoin, des études terrain permettant aux évaluateurs de mesurer l'efficacité des technologies en situation réelle et concrète. Ces études terrain pourront être complétées par des revues de littérature, le cas échéant. Nous tenons à rappeler que l'industrie emprunte peu fréquemment la voie des études cliniques, cette approche étant privilégiée plutôt par le secteur biopharmaceutique et son processus réglementaire prémarché.

Article 13, Medec-AITS appuie le fait que l'institut puisse faire des recommandations relatives à la création d'un registre d'informations. De plus, les membres de l'association appuient la création et l'utilisation de bases de données et d'outils d'étalonnage pouvant aider le système de santé du Québec à se mesurer par rapport au «standard of care» ou aux meilleures pratiques de ses pairs.

Au chapitre de l'article 40, la table de concertation devrait obligatoirement inclure des représentants de l'industrie des technologies médicales. À ce titre, nous croyons que l'association serait un représentant efficace des considérations de l'industrie. L'expertise disponible chez Medec-AITS au sein de ces technologies en ferait un collaborateur de choix qui pourrait apporter beaucoup à la table dans ses discussions et ses décisions.

Alors, en conclusion, résumé rapide, les membres de l'association préconisent une appréciation globale de l'innovation et de la l'amélioration continue tenant compte de l'impact clinique et opérationnel d'une technologie autant sur le patient que sur le système de santé. Et ils préconisent l'accès rapide à ces innovations pour les patients.

Les caractéristiques distinctives des technologies font qu'une méthodologie bien adaptée à la réalité des technologies médicales serait appropriée au sens de l'évaluation. Il y a plusieurs autres institutions d'évaluation au Canada et à l'étranger qui font de même. On aimerait beaucoup que ça se fasse également pour l'INESSS.

L'association souhaite faire partie prenante du processus de consultation et de décision de cet institut et de participer à la table de concertation.

Nous recommandons que les évaluations soient élargies afin d'inclure d'autres perspectives telles que les besoins de la population, le jugement clinique, la prévalence de la maladie, la préférence des patients, l'impact sur la santé publique et le bien-être collectif.

Nous continuons évidemment de préconiser l'accès amélioré aux technologies qui sont sécuritaires, efficaces, qui améliorent les résultats cliniques. Et nous croyons qu'une... de favoriser l'innovation, par exemple par la mise en oeuvre de ce qui pourrait être un «innovation pass», d'un passeport d'innovation pour le Québec, serait une méthodologie ou une solution qui pourrait être intéressante pour toutes les parties prenantes.

L'INESSS devrait agir comme véhicule facilitant l'adoption rapide des technologies pour permettre de maintenir et de soutenir le concept d'excellence clinique au Québec.

Et nous croyons fermement que le budget de l'institut se doit, à tout le moins, d'égaler les budgets combinés des deux agences actuelles, de façon à bien combler tous les besoins et de pouvoir donner un tremplin pour le futur. Merci beaucoup.

.(14 h 20).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Côté. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, une vingtaine de minutes des deux côtés de la table, en commençant avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Bolduc: Juste pour vous rassurer pour les budgets, les budgets, ça va être des budgets combinés, O.K., ça fait qu'il n'y a pas de diminution de budget par rapport aux deux organisations avec la création de l'INESSS.

J'aimerais peut-être juste clarifier le fonctionnement. Un, votre industrie est une industrie très importante au Québec, qu'on sous-estime. On parle souvent des médicaments, mais on oublie tous les appareils technologiques, dans lesquels il y a énormément de développement. Vous en avez nommé quelques-uns. Il y a des appareils de radiologie, le PACS, quand on parle d'informatisation du réseau de la santé. Il faut réaliser qu'à partir de septembre 2010, cette année, c'est 100 % des établissements du Québec qui vont avoir le PACS, c'est-à-dire la transmission, la numérisation de tous les films en radiologie. Moi-même, avant de devenir ministre, j'ai pratiqué avec les PACS, puis, je peux vous dire, c'est une amélioration technologique incroyable. Et tout le Québec va l'être.

On parle des appareils technologiques, informatisation, tous nos laboratoires sont informatisés, toutes nos pharmacies sont informatisées. Donc, il y a déjà, je vous dirais, un gros travail de fait en termes d'informatisation. Le but du Dossier santé Québec, pour clarifier, ça va juste être d'être capable de faire la communication. Mais déjà les cliniciens, à 90 %, 95 %, ils ont les outils nécessaires pour travailler au niveau informatisation.

Par contre, il y a un élément important au niveau des nouvelles technologies médicales. C'est que, moi, je veux faire la différence entre l'homologation et puis également ce que va faire l'institut. L'institut n'est pas là pour dire si l'appareil est correct ou pas puis il va rentrer sur la marché. C'est ça. J'aimerais ça que vous parliez un petit peu... le fonctionnement par rapport à l'homologation, puis ça c'est au niveau canadien. Une fois que votre... que l'appareil est autorisé, c'est à ce moment-là qu'on va faire faire l'évaluation par l'institut si, oui ou non, il y a un avantage à l'utiliser. Comment vous voyez ça?

M. Rousseau (Jean): Bien, si je peux me permettre, fondamentalement, le modèle qui est déjà en place avec l'AETMIS, l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé, je pense, c'est déjà quelque chose qui est en place et qui peut être bonifié, mais la structure fondamentale est là, elle fonctionne bien. Le système de demande d'avis ou de recommandation est déjà, je pense, bien huilé de ce côté-là. Il faut aussi faire... prendre conscience que ce ne sont pas toutes les technologies qui doivent être évaluées, mais celles qui ont un impact les plus importants sur le système de santé québécois ou qui posent le plus de problèmes, parce que fondamentalement il n'y aura jamais assez de personnel pour suffire à toutes les technologies qui arrivent au fur et à mesure des mois, des semaines et des années.

Ceci étant dit, je pense qu'à partir de... Si je peux revenir sur votre question, l'homologation, dans notre esprit, est claire. C'est la responsabilité fédérale de décider si l'appareil, l'instrument, le dispositif en question doit être approuvé ou pas. Il y a toujours eu une ligne qui était extrêmement claire entre la juridiction provinciale et la juridiction fédérale, de ce côté-là, puis je ne pense pas qu'on veuille la défier. Ça, ce n'est absolument pas notre intention.

On croit pertinemment, cependant, que ce sont aux provinces à décider du financement de ces technologies-là et que l'AETMIS, à l'époque, ou l'Institut national d'excellence clinique devient le véhicule, sur demande spéciale, d'évaluer certaines technologies ou certains modes d'intervention, pour en juger la pertinence et faire des recommandations auprès du ministre et du ministère, à savoir comment tout ça devrait se mettre en branle, la façon que ça devrait être déployé, ou des choses comme ça. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

M. Bolduc: Bien, vous avez répondu la façon dont, moi, je le vois également. C'est-à-dire, à partir du moment qu'on sait qu'il y a un appareil qui est sur le marché... Ça, c'est important de différencier. L'apparition sur le marché ne veut pas dire qu'on va l'utiliser dans nos organisations, ça ne veut pas dire qu'on va le financer. À ce moment-là, l'Institut national d'excellence, elle, va faire l'évaluation c'est quoi, les avantages et les inconvénients de diffuser cette technologie-là au niveau de nos établissements. On pourrait en arriver, à un moment donné, comme vous avez fait, qu'ils nous fassent une évaluation économique. J'ai beaucoup aimé le terme, là, d'«évaluation économique», c'est-à-dire que, si tu utilises le monitoring cardiaque à domicile, ça diminue tes admissions à l'hôpital. Ça, ça veut dire, ça représente un coût. Et qu'est-ce que ça veut dire pour contrecarrer le coût d'achat, qu'est-ce que ça représente? Moi, je pense, c'est la façon dont je vois que l'institut devrait travailler dans ces évaluations-là et c'est là qu'on voit leur rôle également.

Les meilleures pratiques, ce n'est pas juste la pratique du clinicien, de l'infirmière, ou de la nutritionniste, ou du médecin. Les meilleures pratiques, c'est l'utilisation des outils technologiques qui nous permettent d'être plus performants dans notre travail et à la fin qui donnent des meilleurs résultats aussi au niveau des patients. Je pense que c'est important, je voulais faire la différence... différenciation entre homologation puis, je vous dirais, l'autorisation d'utilisation, d'évaluation, puis après ça, nous autres, comment on va le financer.

Quand on parlait tantôt de couverture de services, il y a beaucoup de services au niveau des technologies qui ne sont pas couverts, que les patients se paient eux autres mêmes puis qu'on aurait peut-être avantage, comme système de santé, à financer parce qu'on s'économiserait des coûts à d'autres endroits. Par contre, il y a des évaluations qui... nous démontrer qu'il n'y a peut-être pas d'économie, mais c'est plus commode pour les patients. Mais le produit est quand même sur le marché, mais à ce moment-là on n'a pas nécessairement à engager des fonds publics.

L'autre question que j'aimerais savoir, c'est la question du passeport. J'aimerais ça que vous clarifiiez, voir comment vous voyez ça, là.

Le Président (M. Kelley): Mme Côté.

Mme Côté (Diane): Bien, peut-être, pour vous donner un petit peu plus de détails sur la façon dont l'Angleterre se propose d'aller de l'avant avec ça, c'est qu'ils ont publié au début de l'été un devis sur la santé en Angleterre. Une des pierres angulaires, c'est qu'ils disaient... ils reconnaissaient que le gouvernement, le système de santé et l'industrie doivent travailler ensemble pour avoir un système de santé fort et une industrie forte. Alors, les trois groupes sont des piliers, finalement, de l'industrie.

Et, parce qu'il y a une caractérisation importante d'innovation, qu'à ce moment-là, s'il y avait une technologie de rupture, que ce soit au niveau des médicaments, d'un diagnostic ou d'une technologie, ou qui pouvait avoir un impact important sur le système de santé et sur les patients, que, plutôt que d'emprunter le cheminement régulier de l'évaluation, qui peut prendre un certain temps, parce qu'il faut pouvoir faire une analyse qui est complète, et il y a une période de temps... il y a un délai qui est associé à ça, s'il y a... si c'est vraiment quelque chose de très innovant comme... Ils cherchaient une formule pour pouvoir introduire cette innovation dans le système de santé en faisant une évaluation de base, mais en faisant un peu un «fast track», si vous voulez, excusez-moi... permettez-moi l'anglicisme, donc comment accélérer le processus, mais de faire à toutes fins pratiques une approbation conditionnelle, où la technologie pourrait être utilisée avec collecte de données probantes, au fur et à mesure d'une période initiale, revue annuelle, de façon à ce que, s'il y a quelque chose qui se déclare, dans la première année, qui est tellement probant dans un sens ou dans l'autre qu'il est clair que ça devrait être poursuivi d'emblée ou repris, bien là, ils pourraient avoir, donc, des revues et des constats ponctuels, mais qu'il n'y aurait pas de retard dans l'introduction de cette technologie dans le système de santé.

Alors, ça permet de maintenir une cadence d'innovation qui peut être extrêmement importante pour les patients. Ça permet aussi de maintenir un rythme de modernisation du système de santé et du réseau qui peut être intéressant, tout en étant très, très rigoureux sur la collecte d'informations. Mais donc c'est des données probantes qui viennent sur le terrain aussi, donc c'est en contexte, et non pas juste une cohorte indépendante, et c'est un petit peu le processus qu'ils veulent faire. Ils se sont donné un budget qui est très spécifique à ça et ils sont en train de définir à l'heure actuelle comment lancer le processus, comment le gérer et ils sont en train de faire ça en équipe, pour justement avoir un modus operandi qui est clair et qui pourrait être intéressant, particulièrement dans le cas de technologies de rupture.

M. Bolduc: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. À la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez que vous souhaitez une collaboration régulière avec l'industrie et de façon... de façon vraiment régulière. Comment est-ce que vous souhaitez cette collaboration et quels seraient les... la façon de le faire, cette collaboration, avec l'INESSS, de façon à éviter les apparences de conflit d'intérêts de la part de la population, par exemple?

.(14 h 30).

Mme Côté (Diane): Dans le projet de loi, il y a la description d'une table de concertation, et la... Medec-AITS aimerait pouvoir participer à cette table de concertation. L'objectif n'est pas du tout d'être en conflit d'intérêts. Au contraire, c'est, par exemple, de pouvoir travailler avec les autres membres pour pouvoir identifier des opportunités de technologies probantes, de technologies qui pourraient être priorisées, étant donné la portée potentiellement pour le système de santé et pour les patients. Alors, c'est dans l'identification d'opportunités, dans la priorisation des opportunités. Étant donné qu'on est de l'industrie, évidemment on est très sensibles à des grandes tendances et à des zones de développement technologique et industriel importantes qu'on pourrait partager avec les gens. Il y a aussi des méthodologies et des façons de faire, des mises en oeuvre que l'on connaît qu'on pourrait partager avec les gens au besoin quand c'est pertinent, mais ne jamais être en situation de conflit d'intérêts.

Je pense aussi que, du point de vue des discussions qui pourraient porter sur, une fois que la méthodologie va être décidée et publicisée, comment aborder les choses, on pourrait peut-être contribuer à ce niveau-là et participer aux discussions justement sur le choix, la sélection, et sur le respect de ces méthodologies-là dans les discussions de la table de concertation. Alors, c'est quelques idées. Est-ce que...

M. Rousseau (Jean): Bien, fondamentalement...

Le Président (M. Kelley): M. Rousseau.

M. Rousseau (Jean): Pardon. Fondamentalement, le modèle existe déjà. Il existe en Grande-Bretagne avec NICE, où il y a des tables de concertation, il y a des groupes de travail, où l'industrie est invitée à participer. Les règles sont claires. Les règles de transparence sont très, très claires. Dois-je aussi souligner que ce modèle-là existe en Ontario présentement et en Alberta aussi? Tant et aussi longtemps que les règles sont claires, que ce sont des tables de consultation et de concertation, ça n'entre pas avec le processus décisionnel, le processus d'opération de l'institut, je pense qu'on peut se permettre une collaboration qui permet... Le but ultime, c'est d'être capables de décider sur la pertinence d'une technologie pour le bien-être des Québécois et des Québécoises et d'être capables de mettre le Québec à l'avant-plan, sinon au même diapason que tout le reste du monde en ce qui concerne l'adoption des technologies. Fondamentalement, c'est ça qui est le but. Une fois que ça est fait, le véhicule à utiliser reste à déterminer. Mais fondamentalement je pense qu'il y a avantage à ce que la collaboration existe.

L'information circule tellement rapidement présentement qu'il est très difficile de garder... de se mettre au... de rester à jour, dans un premier temps, et ça, on en est fort conscients, et, dans un deuxième temps, je pense que ce serait extrêmement sain que l'INESSS puisse permettre une certaine collaboration sans nécessairement affecter son processus de décision, car déjà les règles sont très bien établies, il ne faut pas se le cacher.

M. Chevarie: J'ai le temps pour une dernière question?

Le Président (M. Kelley): Oui, allez-y, M. le député.

M. Chevarie: Toujours à la page 5, vous parlez d'une évaluation complète des terminologies qui devrait tenir compte du «monde réel». Pouvez-vous me donner quelques exemples d'éléments que l'INESSS devrait regarder pour s'assurer qu'on tient vraiment compte, selon vous, du monde réel?

M. Rousseau (Jean): Bien, si je peux me permettre, il y a plusieurs façons de faire de l'évaluation, puis je ne rentrerai pas dans des détails techniques sur tout... mais il y a une revue de littérature. Une revue de littérature médicale et scientifique, ça porte fondamentalement sur un environnement contrôlé qui n'est pas toujours le reflet de la réalité de tous les jours des cliniciens puis des intervenants dans le secteur de la santé. Alors, ce qu'on essaie de préconiser, c'est: si la revue de littérature demeure le seul véhicule qui est la pointe angulaire de l'évaluation, peut-être qu'on peut rater quelque chose. Et, à ce titre-là, quelquefois, même si les évaluations à partir de la littérature se révèlent très intéressantes, elles peuvent se révéler encore plus intéressantes si on est capables de refléter la réalité québécoise dans la vie de tous les jours. C'est essentiellement le point qu'on veut marquer dans ce mémoire-là, c'est qu'il y a intérêt pour l'INESSS à sortir d'une évaluation strictement basée sur la littérature, de se permettre des essais terrain, de se permettre des projets pilotes, de se permettre «Innovation Pass» ou le passeport à l'innovation pour justement améliorer, accélérer le processus de décision tout en gardant un cadre extrêmement rigoureux dans l'évaluation des technologies.

Le Président (M. Kelley): Oui, il reste six minutes.

M. Bolduc: Écoutez, c'est seulement pour vous dire notre grand intérêt à collaborer avec l'industrie. On parle souvent du biopharmaceutique, mais on oublie qu'au Québec il y a une très grande industrie des technologies. Également, dans le cadre des investissements qu'on fait dans les CHU, le Centre de recherche du CHUM entre autres, avec le CUSM, ici avec le CHUQ, je peux vous dire qu'on a un intérêt à s'associer avec vous autres pas seulement pour quand ils sont homologués, mais de faire du développement des technologies, et ça, vous avez la volonté du gouvernement de participer. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'une de nos grappes industrielles, c'est les sciences de la vie dans lesquelles, moi, je pense que vous avez un créneau qui est très intéressant. Et, en plus de ça, vous savez que les produits qu'on développe ici peuvent être exportés. Donc, au niveau économique, c'est là qu'on a une belle combinaison: la santé, l'économie, l'emploi, l'investissement. Et ça, là-dessus, là, je peux vous assurer qu'on va vous supporter. Et je vous remercie beaucoup.

Une dernière petite question: Êtes-vous en faveur de l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux?

Le Président (M. Kelley): Mme Côté.

Mme Côté (Diane): Un institut qui supporte l'excellence clinique, que ce soit pour la santé des patients, pour l'efficacité du système de santé, avec des protocoles, des façons de faire qui sont de calibre international et mondial, on ne peut ne pas supporter l'institut. Alors, tout à fait.

M. Bolduc: Je vous remercie.

Mme Côté (Diane): Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. D'abord, sur le passeport innovation, là, la voie rapide, là, qui assume les risques financiers de l'introduction de la nouvelle technologie dans le cas de la Grande-Bretagne? Est-ce que c'est le gouvernement?

Mme Côté (Diane): Dans la façon dont, eux, ils ont conçu ça, c'est un budget spécifique qui est accordé par le gouvernement. Je ne me souviens... je pense que c'est entre 25 et 50 millions de livres sterling, et ils veulent vraiment le confiner, donc c'est une façon... C'est exceptionnel. Ce n'est pas une façon donc de faire pour toutes les nouvelles technologies qui vont passer par le même processus. C'est vraiment de prioriser des opportunités très, très, très spécifiques avec un budget, oui, qui est accordé par le gouvernement.

M. Drainville: Est-ce que vous seriez disposés à ce qu'il y ait, par exemple, des ententes de partage de risques ici, au Québec, où ce genre de, comment dire, de banc d'essai pourrait être cofinancé par l'État et par l'entreprise ou l'industrie?

Mme Côté (Diane): ...

M. Drainville: Compte tenu de la situation des finances publiques, notamment.

Mme Côté (Diane): Écoutez, je pense que les compagnies font déjà beaucoup, beaucoup d'investissement quand ils font un développement de solutions et quand ils se préparent à la valorisation d'une solution dans le marché. Alors, je pense qu'il y a déjà une partie de partage de risques qui se fait aujourd'hui. Quand on regarde, par exemple, des vitrines technologiques qui sont mises en oeuvre au Québec, etc., ce sont des investissements qui sont très importants et qui, aujourd'hui, vraiment, là... c'est du risque que les compagnies prennent, prennent d'elles-mêmes. Alors, je pense qu'il y a déjà des formules existantes de partage de risques. C'est peut-être un sujet, là, qu'on pourrait discuter justement pour voir, dans ce qui est dans la pratique actuelle déjà, où il y a beaucoup de contributions qui se font, comment est-ce que ça, ça peut être articulé et mis à profit dans ce contexte-là. Alors, ce serait à élaborer.

M. Drainville: Vous donnez quelques exemples d'innovations technologiques qui, selon votre mémoire, donnent des résultats probants. Vous parlez, entre autres, de l'Institut de cardiologie d'Ottawa qui a diminué de 54 % les réadmissions pour insuffisance cardiaque grâce au télémonitorage à domicile des patients qui souffrent d'insuffisance cardiaque. À votre connaissance, est-ce qu'il s'en fait beaucoup, du télémonitorage de ce type au Québec?

Mme Côté (Diane): Il y a plusieurs exemples que je peux vous donner. Alors, je mentionnais tantôt l'Institut de cardiologie...

M. Drainville: Qui s'en vient, disiez-vous.

Mme Côté (Diane): ...juste avant Noël, qui annonçait qu'ils avaient déjà fait quelques interventions où ils faisaient une implantation de solution de monitoring cardiaque sans fil, et ces systèmes permettent justement à l'Institut de cardio de recevoir les données, les signes vitaux de leurs patients pendant la nuit. Ça se fait sans fil. Alors, c'est une transmission où le patient lui-même, ou elle-même, ne sait pas que ça se fait. Alors, ça se fait de façon automatique. C'est colligé dans un centre informatique. Il y a toutes des applications évidemment qui encadrent ça pour indiquer des écarts, pour indiquer des alertes, etc. Et donc, quand tout va bien, bien le patient, il peut continuer selon un horaire beaucoup plus flexible, où il est en confiance, où il est chez lui.

.(14 h 40).

M. Drainville: Mais expliquez-nous, madame, de quelle façon ce monitorage prévient la réadmission à l'hôpital. Par exemple, si quelqu'un est sur le point d'avoir un deuxième infarctus, il est à la maison, à ce moment-là, il faut l'admettre à l'hôpital de toute urgence. Alors, donnez-nous des exemples.

Mme Côté (Diane): Bien, c'est parce qu'à l'occasion, quand il y a une... Je ne suis pas clinique, je ne suis pas médecin, O.K., mais...

M. Drainville: Oui, on en a un ici qui...

Mme Côté (Diane): C'est ça, alors je vais me reporter...

M. Drainville: Oui, c'est ça.

Mme Côté (Diane): ...mais j'ai l'impression...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: Quand ce sera son tour.

Mme Côté (Diane): Quand il y a des signes avant-coureurs d'une défaillance, il y a une façon de reconnaître ces choses-là, probablement par les variations des signes vitaux, et il peut y avoir des interventions dynamiques avec le patient...

M. Drainville: À la maison.

Mme Côté (Diane): ...avant que ça devienne une crise, où le patient est ramené à l'hôpital, là, dans une période de crise.

M. Drainville: Très bien.

Mme Côté (Diane): Est-ce que c'est une réponse clinique convenable?

M. Bolduc: La réponse est excellente. Un médecin n'aurait pas fait mieux.

M. Drainville: C'est bien. Alors, on va enchaîner avec une autre question du même genre, puisque vous êtes, selon le médecin en tout cas, tout à fait compétente pour répondre à ce genre de questions. Le 20 % de productivité que les médecins de famille obtiendraient d'une meilleure informatisation de leurs cabinets, de leurs opérations, de leurs activités, pouvez-vous élaborer un peu là-dessus? Ce n'est pas la première fois que, moi, j'entends ce chiffre-là. L'Association médicale canadienne, je pense, à un moment donné, avait cité ce chiffre-là, comme quoi, si nos cabinets de médecin étaient davantage informatisés, avec le Dossier de santé du Québec par exemple, on pourrait générer de la productivité, des gains de productivité de 20 % à 25 %, ce qui veut dire, très concrètement, traiter 20 % à 25 % plus de patients dans une journée, par exemple.

Mme Côté (Diane): Puis c'est une façon de le dire, ou une augmentation de la capacité du système. Écoutez, ce sont les chiffres de l'AMQ. Ils ont partagé ces chiffres-là au colloque annuel de l'Association médicale du Québec, en avril 2009. D'après ce qu'ils nous expliquaient, c'était qu'avec justement la mise en oeuvre d'un dossier patient, où l'ensemble des renseignements est colligé à une place, où on peut avoir accès rapidement au dossier qui est à jour, où l'ensemble des résultats, par exemple, des examens qui peuvent être faits pour un patient sont colligés à la même place, que le fait pour un médecin de famille justement, dans sa clinique, d'avoir ne serait-ce que l'information à une place, facile d'accès, où c'est à jour, ce n'est pas l'analyse qui a été faite il y a six mois ou il y a un an... Tous ces éléments-là permettent justement un meilleur suivi des patients dans l'ensemble.

M. Drainville: Alors, ça m'amène à la question suivante: Pourquoi ne souhaitez-vous pas une évaluation par établissement et que vous souhaitez plutôt qu'elle soit faite sur une base systémique, comme vous le décrivez à la page 7? Alors, je cite votre mémoire: «Nous croyons qu'il y a lieu de préciser, dans le but d'éliminer toute confusion, que les impacts - coûts et avantages - ne seront pas calculés sur une base d'établissement mais bien sur une base systémique.» Moi, il me semble qu'au contraire, si, par exemple, on expérimente une nouvelle technologie dans un établissement, on aurait tout intérêt, à ce moment-là, à en évaluer le résultat au sein de cet établissement-là, de pouvoir dire: Voici ce qui a bien fonctionné, voici ce qui n'a pas si bien fonctionné, et, par la suite, pouvoir étendre l'utilisation d'une technologie, par exemple, à l'ensemble des établissements. Donc, il me semble qu'on aurait intérêt à en faire une évaluation sur la base d'un établissement et non pas seulement sur une base systémique.

Mme Côté (Diane): Je pense qu'on se rejoint en utilisant des mots différents. Je vais vous expliquer. Il peut y... Un scénario. Il y a une technologie qui peut être très pertinente pour soigner des patients et un hôpital peut faire une appréciation de si, oui ou non, elle devrait utiliser cette technologie. Une des réalités, c'est qu'évidemment toute mise en oeuvre d'une solution va représenter des coûts pour l'hôpital, ça tombe sur son budget, c'est un coût. Mais, dans plusieurs cas, des fois, les avantages sont ressentis ailleurs dans le système. Donc, il peut y avoir... L'avantage ne rentre pas dans le bilan ou dans le budget de l'hôpital, ça se retrouve ailleurs, plus loin dans le système de santé, mais c'est difficile d'en tenir compte si on parle exclusivement à l'hôpital. Alors, c'est...

M. Drainville: Donc, c'était bien des impératifs budgétaires dont vous nous parliez ici, là.

Mme Côté (Diane): C'est ça. Alors, il y a le budget, il y a les coûts, puis l'impact direct sur le budget. Mais, dans plusieurs cas, très souvent, l'impact positif se retrouve ailleurs et c'est à l'extérieur de la définition de l'établissement. Alors ça, c'est un exemple.

M. Drainville: Ce qui revient un peu à l'idée du fonds qui a été créé en Grande-Bretagne, là. Enfin, ce n'est pas exactement la même chose, là, parce qu'on ne parle pas nécessairement de «fast track». Mais ce que vous voulez, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est: Si on fait... si on expérimente une nouvelle technologie dans tel ou tel établissement, technologie qui risque de... qui pourrait éventuellement bénéficier à l'ensemble du réseau, ce n'est pas à ce seul établissement à financer l'essai de cette technologie, ça pourrait être financé par un budget spécial du ministère, par exemple.

M. Rousseau (Jean): Bien, c'est un petit peu comme ça que ça fonctionne présentement. L'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé mandate certains centres hospitaliers à tester la technologie et à rapporter des résultats à l'agence, AETMIS. Alors, il existe aussi des unités universitaires d'évaluation de technologies. Dans chacun des grands CHU, il y a des unités d'évaluation. Alors, AETMIS peut se permettre de donner le mandat à une unité universitaire pour faire le travail. Ça rejoint un petit peu votre question.

M. Drainville: Donc, vous voulez que ça continue comme ça fonctionne présentement?

M. Rousseau (Jean): Le système fonctionne bien pour l'instant. Il y a des économies d'échelle. Ce n'est pas tout le monde qui commence à évaluer ça de façon individuelle et séparée. La diffusion de l'information se fait à travers le réseau. C'est déjà bien rodé. Je crois qu'on peut continuer à bonifier le système, tout simplement.

M. Drainville: O.K.

M. Warren (Claude): Je pourrais me permettre peut-être de l'illustrer avec un exemple concret. Il y a, au Québec, 350 000 patients qui souffrent d'une maladie qui est l'obésité morbide, et je pense que votre gouvernement est très sensible à cette cause-là. D'ailleurs, on salue l'annonce qui avait été faite d'un plan d'action à l'automne dernier. Ces patients-là, lorsqu'ils sont atteints de leur maladie, consomment des ressources en orthopédie pour des remplacements de genoux ou des remplacements de hanches, remplacements de... des chirurgies de la cheville, ils sont suivis pour leur diabète par leur médecin de famille, ils sont suivis pour leur hypertension, ils consomment énormément de réseau. Et, lorsque ces patients-là sont opérés, le gouvernement a un retour sur son investissement à l'intérieur de trois ans et demi. Donc, il y a diminution d'utilisation des ressources en médicaments, en consultations médicales et en chirurgies de d'autres types. Alors, ceux qui font les économies ne sont pas nécessairement les mêmes établissements, sachant que les centres d'excellence en chirurgie bariatrique ne sont pas nécessairement les centres qui vont procéder à une procédure orthopédique, par exemple. Alors, dans certains cas, l'idée de regarder les choses de la façon globale, c'est vraiment de voir quels sont les impacts indirects sur l'ensemble du réseau d'une procédure ou d'un produit.

M. Drainville: Très bien. Vous écrivez dans votre mémoire, je cite: «Nous préconisons l'utilisation des bases de données actualisées et mises à jour par un système efficace de dossier patient électronique qui permettrait une meilleure saisie de données et un suivi plus adéquat. Cette approche éviterait les études terrain lourdes et laborieuses.» Fin de citation. Je veux dire que je suis tout à fait d'accord avec cet énoncé. Ce qui m'amène à vous poser la question: Quelle est l'évaluation que vous faites du projet de Dossier de santé du Québec?

Le Président (M. Kelley): Mme Côté.

Mme Côté (Diane): Du point de vue d'un système de santé moderne, il me semble qu'il va de soi qu'un dossier, qu'un projet d'informatisation d'un système de santé aujourd'hui est une nécessité. C'est très difficile de voir comment les ressources qui sont dans les établissements et dans le réseau peuvent suffire à la tâche et à la charge sans avoir des outils de base pour pouvoir alléger des tâches administratives afin de dégager du temps et de l'énergie pour qu'ils puissent continuer à s'occuper des patients surtout dans un contexte où il va y avoir, avec l'évolution de la santé et du profil démographique du Québec, ça va... le système de santé va être de plus en plus interpellé du point de vue compétence et disponibilité clinique des gens. Alors, des outils de cet ordre-là sont absolument essentiels pour prendre en charge des parties administratives pour que les gens puissent s'occuper de plus en plus des patients, avec un nombre croissant de patients.

Je pense que, pour les patients, ça va leur donner aussi une façon d'avoir un dossier qui est complet pour eux, qui est transportable et qui va leur permettre d'avoir un profil et une feuille de route qui, à terme, va être facile à gérer pour eux et qui va leur permettre un dialogue non pas sur des questions administratives avec leur personnel soignant, mais bel et bien sur leur état clinique.

.(14 h 50).

M. Drainville: Merci. Vous citez à quelques reprises dans votre mémoire les exemples de l'Alberta, de l'Ontario, de la Grande-Bretagne. Comment le Québec se compare-t-il à l'Ontario et à l'Alberta, là... laissons de côté un peu la Grande-Bretagne, mais à l'Ontario et l'Alberta sur le plan de l'adoption des nouvelles technologies, dans le domaine médical, bien entendu?

Le Président (M. Kelley): M. Rousseau.

M. Rousseau (Jean): Bien, fondamentalement, si on parle juste du processus, il est équivalent. Les méthodologies qui sont utilisées sont les mêmes et les approches sont les mêmes. Les processus sont sensiblement les mêmes. En ce qui concerne l'adoption des recommandations que l'Agence d'évaluation AETMIS fait présentement, je pense qu'elle est reconnue mondialement comme étant une organisation extrêmement performante, rigoureuse, qui offre du travail de grande qualité. La partie qui est toujours celle... qui n'est pas strictement pertinente au gouvernement, mais la partie du Québec, mais qui est aussi le défi de tous les gouvernements provinciaux, c'est qu'une fois que les recommandations sont faites, comment on peut mettre en application, diffuser, quels sont les véhicules optimaux qui doivent être utilisés pour permettre l'adoption de la technologie lorsqu'il y a une recommandation favorable, je pense que c'est le défi de toutes les organisations de santé, peu importe à travers le monde.

Mme Côté (Diane): Je rajouterais par contre que, dans le fonctionnement de l'agence en Ontario, cette agence OHTAC suit une méthodologie qui est complètement spécifique aux technologies de la santé, et leur mandat, c'est l'évaluation des technologies de la santé et non pas de solutions pharmaceutiques ou biopharmaceutiques. Il y a des différences importantes dans les façons de faire, et, eux, ils empruntent vraiment un processus qui est spécifique aux technologies médicales.

M. Drainville: Comme le fait AETMIS, non? Comme le fait l'AETMIS?

Mme Côté (Diane): AETMIS, c'était beaucoup plus un cheminement conjoint.

M. Rousseau (Jean): Le cheminement est le même, les méthodes utilisées pour arriver à la conclusion sont un petit peu différentes entre l'Ontario et le Québec. Il y a beaucoup plus d'études terrain en Ontario qui se font présentement qu'au Québec. C'est peut-être la seule différence.

M. Drainville: Mais, sur le plan... Il me reste seulement quelques minutes. Mais, sur le plan de l'adoption des nouvelles technologies, là, une fois, là... Laissons de côté le processus d'évaluation. Disons que l'évaluation, elle est favorable, est-ce qu'on tient à peu près le même rythme, est-ce qu'on est à peu près au même niveau ou est-ce qu'il y a un retard entre le niveau d'adoption, d'implantation, de mise en oeuvre des nouvelles technologies médicales en Ontario ou en Alberta par rapport au Québec?

M. Rousseau (Jean): Je ne peux vraiment pas vous... je n'ai pas de chiffres à l'appui qui me permettent, au pourcentage près, de vous donner cette réponse-là.

M. Drainville: Oui, mais, sans me donner un pourcentage trop précis, avez-vous l'impression que le Québec suit le rythme de ces deux provinces ou est-ce qu'on est en décalage par rapport aux deux autres?

M. Rousseau (Jean): Il y a un rythme qui est suivi, oui. Est-ce que le Québec est en avant? Ça reste la question. Je ne pense pas que ce soit le cas.

M. Drainville: Mais on n'est pas trop en retard?

M. Rousseau (Jean): Non, je ne crois pas.

M. Drainville: Il nous reste seulement quelques minutes. Peut-être Mme Côté, mais si jamais M. Rousseau ou une autre des personnes qui vous accompagnent souhaite répondre à cette question-là: Si on se projette dans l'avenir, quelques années d'ici, et, pour les fins de la discussion, on prend pour acquis que l'INESSS a été créé, quelle serait, selon vous, la plus belle réalisation qu'on pourrait attribuer à l'INESSS qu'on ne peut pas réaliser présentement, qu'on ne peut pas faire présentement? Si on se projette dans l'avenir, quelque chose qu'on pourrait faire grâce à l'INESSS qu'on ne peut pas faire grâce au système ou à cause du système actuel au Québec.

Le Président (M. Kelley): Mme Côté.

Mme Côté (Diane): Oui.

M. Drainville: J'essaie de savoir, dans le fond, concrètement à quoi ça va servir, cette histoire-là, et de quelle façon est-ce que les gens qui nous écoutent, les patients vont en ressentir les effets positifs.

Mme Côté (Diane): O.K. Je pense que le Québec a une opportunité tout à fait unique, au sein de la structure de santé et du système de santé de l'industrie locale, avec les cliniciens qu'on a, avec la recherche universitaire et les centres de recherche qu'on a, d'avoir... on a l'opportunité de développer des... de maximiser l'excellence dans le système actuel et de développer des nouvelles façons de faire pour s'adapter à la réalité qui nous attend. Avec les maladies chroniques qui deviennent de plus en plus importantes, avec une... des données démographiques où on a une population vieillissante, on a des besoins qui nous interpellent et on a des solutions par la recherche, par les cliniciens, par un bon système de santé et par des solutions technologiques d'arriver avec des nouveaux modèles d'affaires, des nouvelles façons de continuer à évoluer pour répondre à ces besoins qui changent et qui évoluent dans le temps. Et je pense que l'INESSS pourrait jouer un rôle très important dans l'évaluation et l'amélioration continue de l'ensemble du système pour qu'on puisse continuer à être sur la scène internationale. Et l'INESSS pourrait nous aider à démontrer ça avec les données probantes sur lesquelles il pourrait statuer pour continuer de nous encourager tous à faire de l'amélioration continue, voire additionnelle, pour qu'on continue à mieux servir, parce que je pense que c'est l'objectif de tout le monde dans le système de santé actuel.

Le Président (M. Kelley): Dernière question.

M. Drainville: Non, la même, mais, comme la réponse de Mme Côté a été assez exhaustive, ça a donné le temps sans doute aux trois autres de réfléchir à leur propre réponse. M. Rousseau.

M. Rousseau (Jean): Je vais essayer de vous résumer ça rapidement. Si on finance adéquatement l'INESSS, s'il est bien encadré, bien supporté par le gouvernement, je crois que l'INESSS peut devenir un NICE plus performant, donc offrir des technologies et des modes d'intervention aux patients québécois basés sur des choses qui sont solides, où est-ce qu'il y a des preuves qui sont faites et où est-ce qu'on est certain qu'on va être capable pas seulement de prendre la décision, mais de la suivre au fur et à mesure de sa diffusion et de sa mise en application.

M. Drainville: M. Warren ou Mme Goyer, est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose?

Mme Goyer-O'Reilly (Isabelle): Je pense que l'introduction des nouvelles technologies peut aussi avoir son impact au niveau de l'allégement du système, la redistribution de ressources et au niveau d'un meilleur soin des patients. Donc, c'est sûr et certain qu'à prime abord tout ça, ça va nous aider à mieux gérer, dans le fond, les soins qui sont dispensés aux patients puis s'assurer, dans le fond, que ces technologies-là sont là pour justement mettre les ressources au bon endroit au bon moment.

M. Drainville: C'est bon.

M. Warren (Claude): Si j'avais à ajouter...

Le Président (M. Kelley): M. Warren.

M. Warren (Claude): Si l'INESSS, par ses suivis, peut permettre une optimisation des ressources, peut permettre de libérer des ressources médicales, des ressources cliniques dans les premières lignes par l'utilisation, par la maximisation de l'utilisation des nouvelles technologies et son suivi de façon à s'assurer que ce soit fait dans le respect des finances de l'État - parce que c'est évidemment une des préoccupations, je pense que c'est la préoccupation qui est à la base de la création de l'INESSS - à ce moment-là, je pense que l'industrie peut jouer un rôle, peut faire partie de la solution pour aider l'État dans son défi, là, de gérer les finances dans le monde de la santé.

M. Drainville: Je vous remercie tous les quatre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Un dernier commentaire, M. le ministre?

M. Bolduc: Je ne peux pas me retenir, je peux juste vous féliciter des excellentes réponses que vous avez faites. Vous avez... vous m'avez...

M. Drainville: S'il y a des bonnes questions, il y a des bonnes réponses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bolduc: Vous m'avez convaincu que l'INESSS est nécessaire au Québec. En plus de ça, avec toutes les questions... les bonnes questions qui vous ont été posées, vous avez démontré que le Québec est loin d'être en arrière. Je dirais même qu'on est au moins équivalent aux autres provinces et, à certains endroits, en avance. Et là-dessus je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion. Je vais suspendre quelques instants et je vais demander aux représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 14 h 58)

 

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Comme j'ai dit, on a le sentiment aujourd'hui... c'est vraiment la journée des retrouvailles après la pause à Noël. Tout le monde veut jaser ensemble, et tout le reste. C'est très agréable, mais on a un horaire qu'on veut respecter, plus ou moins.

Notre prochain témoin, c'est les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec, représenté, entre autres, par sa présidente, Mme Diane Lamarre. Alors, sans plus tarder, Mme Lamarre, la parole est à vous.

Ordre des pharmaciens du Québec

Mme Lamarre (Diane): Merci. M. le Président de la commission, M. Geoffrey Kelley, M. le ministre de la Santé, M. Yves Bolduc, membres de la commission. M'accompagnent aujourd'hui M. Jean-François Guévin, qui est à ma gauche, qui est vice-président de l'Ordre des pharmaciens, et Mme Manon Lambert, à ma droite, qui est directrice générale et secrétaire de l'Ordre des pharmaciens.

L'Ordre des pharmaciens du Québec remercie la Commission de la santé et des services sociaux de lui permettre d'exprimer son opinion sur le projet de loi n° 67 soumis actuellement à la consultation. Nous espérons, par ce mémoire et les discussions qui s'ensuivront, contribuer de façon significative à l'efficacité de ces travaux.

Notre mémoire sera bref pour tenir compte du cadre proposé par la commission. Nous sommes conséquents. Notre mémoire comporte 11 commentaires généraux et 11 recommandations spécifiques. Compte tenu du temps alloué, je vous présenterai seulement quelques-uns de ces commentaires et des recommandations, mais nous sommes ouverts à répondre aux questions.

Au niveau des commentaires généraux, d'emblée, l'ordre annonce qu'il appuie le principe du projet de loi, qui crée l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux. En effet, l'Ordre des pharmaciens du Québec, dont la mission est la protection du public, ne peut que souscrire à toute initiative dont l'objectif est la poursuite de l'excellence en santé et en services sociaux. Néanmoins, une recherche accrue de l'excellence ne doit pas faire oublier qu'un grand nombre de citoyens québécois n'ont pas actuellement accès à des services de base. Plus de 30 % des Québécois n'auraient pas accès à un médecin de famille. Tout autant que la présence de services inadéquats, le manque d'accessibilité représente une préoccupation majeure de l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Nous croyons que la recherche de l'excellence peut améliorer l'efficience de chacun des professionnels qui sont impliqués dans la santé et les services sociaux.

L'importance de considérer le système d'usage des médicaments dans son ensemble plutôt qu'en silo. L'accessibilité aux médicaments ne représente pas une fin en soi. Encore faut-il que ceux-ci soient rendus accessibles à la population de façon efficace, efficiente et sécuritaire.

.(15 h 10).

Nous parlerons donc d'un système d'usage des médicaments qui est défini comme un ensemble d'activités concourant à l'usage optimal des médicaments. Ce système, il est bien défini dans la littérature et il comporte huit critères reconnus qui contribuent à garantir l'efficacité. Nous les avons mis en annexe 1 de notre mémoire. Et, outre les éléments habituels qu'on associe toujours aux médicaments, qui concernent les éléments d'accès ou de distribution, il comporte dorénavant de tenir compte, lorsqu'on parle d'une utilisation excellente des médicaments, des éléments de monitorage, de documentation, de partage d'information ainsi que des éléments de mesure d'évaluation et d'amélioration des processus. Et ces critères font également l'objet d'une approbation et d'un soutien de l'Organisation mondiale de la santé.

Le pharmacien, par sa formation unique, apporte une compréhension complète des enjeux qui gravitent autour du médicament, depuis sa conception jusqu'à son utilisation, en tenant compte des impacts individuels mais également collectifs, qui incluent les impacts socioéconomiques. En outre, il aide les patients, en collaboration avec l'équipe interdisciplinaire, à faire des choix de traitements et à les poursuivre avec efficacité et sécurité.

Vers une évaluation des pratiques professionnelles qui sous-tendent un usage optimal des ressources? Pour soutenir la performance de notre système de santé en général et l'usage optimal du médicament, les pharmaciens font d'emblée partie des solutions. Chaque jour, les pharmaciens du Québec agissent en première ligne. Et on est toujours étonnés que ce ne soit pas inclus dans les analyses qui sont faites. On exclut très souvent les pharmaciens, qui sont continuellement auprès des patients.

L'expérience de la pandémie H1N1 nous a démontré que les citoyens du Québec ont eu recours de façon intense à leurs pharmaciens pour aller chercher de l'information, pour aller chercher des conseils, pour aller vraiment résoudre des épisodes de soins. Et, dans 80 % des cas, les pharmaciens ont pu résoudre les problèmes qui étaient soumis à leur étude. Dans 20 % des cas, ils ont su référer au professionnel qui était nécessaire et qui était approprié.

Donc, chaque jour, les pharmaciens du Québec agissent en première ligne mais également en deuxième et en troisième ligne, offrant tantôt des services pharmaceutiques généraux, souvent complexes, mais tantôt des services pharmaceutiques spécialisés, très pointus, en particulier dans des centres hospitaliers, à plusieurs dizaines milliers de patients.

Malheureusement, sur le territoire québécois comme ailleurs, l'intégration des pharmaciens au sein du système d'usage des médicaments est loin d'être complète et actualisée. C'est ainsi que les pharmaciens cliniciens n'ont généralement pas accès, sauf en établissement de santé, à plusieurs données cliniques utiles, entre autres les résultats des analyses de biologie médicale, qui sont pourtant un élément essentiel de la surveillance de la thérapie médicamenteuse, contributrice à l'atteinte des résultats visés. Pour améliorer notre système de santé, il est illusoire de croire qu'il suffit de travailler plus fort. Tous les professionnels de la santé sont déjà utilisés au maximum. Il faut donc travailler plus efficacement, plus systématiquement et revoir certains éléments qui structurent notre système. L'excellence en 2010 passe par l'innovation.

Notre commentaire 4 concerne l'expertise... la recommandation de l'expertise unique acquise par le personnel permanent et les collaborateurs scientifiques de ces deux organismes.

Je m'exprime ici à titre de présidente de l'Ordre des pharmaciens, mais, ayant également été membre du Conseil du médicament pendant plusieurs années et ne l'étant plus, de par mes fonctions, je suis d'autant plus à l'aise pour témoigner que les organisations comme le Conseil du médicament et comme l'INESSS auront besoin de... ont eu besoin et auront besoin de professionnels particulièrement compétents pour évaluer les aspects très complexes d'une utilisation optimale du médicament et des technologies, et que, dans le fond, préserver l'expertise qui a été acquise après plusieurs années, puisqu'au Conseil du médicament ça faisait déjà cinq ans qu'on travaillait avec ces équipes... à construire ces équipes, c'est un élément significatif qu'on espère... que l'ordre espère qu'il sera préservé pour améliorer l'efficience de l'INESSS et l'obtention de résultats le plus rapide possible.

Un lien nécessaire entre les activités de l'institut et la Politique du médicament. En 2007, le gouvernement du Québec adoptait la Politique du médicament. On y retrouvait 10 orientations ministérielles qui concernaient l'usage optimal des médicaments, et le ministre comptait recouvrir à différents... recourir à différents moyens pour les actualiser. Dans ce contexte, nous croyons que, dans le cadre de la réalisation de sa mission, l'institut doit tenir compte des orientations ministérielles prévues par la Politique du médicament en ce qui concerne en particulier le volet sur l'usage optimal des médicaments. Ce serait dommage de ne pas tenir compte des éléments qui avaient été prévus. Par exemple, il y a de larges pans qui ont été occultés, au niveau de la Politique du médicament, ou qui ont été différés, ou dont l'application tarde à se manifester, en particulier en ce qui concerne la révision de la médication, l'envoi de profils de prescription aux médecins et aux pharmaciens, et le partage d'informations entre les professionnels.

La publication des avis et reconnaissance de... et recommandations de l'institut. Nous saluons le fait que le projet de loi rende obligatoire la publication des avis et recommandations de l'institut. Pour nous, il s'agit d'une amélioration et d'un témoignage important d'une grande transparence. En outre, cela permettra de faciliter la compréhension des avis et des recommandations par tous les groupes intéressés.

Il faut toutefois être conscient que cela accentuera la pression sur les membres du conseil d'administration de l'institut, notamment à l'égard des décisions ayant un impact économique, dont l'inscription à la Liste des médicaments. En effet, la recommandation, par l'institut, d'inscrire ou non un médicament à une liste de médicaments remboursables revêt une importance capitale, tantôt pour l'industrie pharmaceutique, tantôt pour des groupes plus ou moins ciblés de patients ou encore de professionnels. Ces pressions seront d'autant plus surprenantes si le conseil d'administration nouvellement constitué de l'INESSS est constitué de personnes non initiées aux enjeux de ces groupes.

En lien avec... Donc, voilà pour les aspects de recommandations et de commentaires plus spécifiques... les commentaires... donc, des recommandations plus générales et commentaires plus spécifiques en lien avec les différents articles du projet.

Alors, selon le projet de loi, en lien avec l'article 5, la publication d'informations portant sur des recommandations ou la publication de guides relatifs à l'utilisation optimale des ressources s'avère très certainement insuffisante pour modifier les pratiques professionnelles. En effet, de très nombreuses études démontrent que ces moyens, lorsqu'ils sont utilisés seuls, ne contribuent que très peu à modifier le comportement des professionnels. Nous avons donc été surpris de voir que, dans la mission de l'INESSS, on recommandait surtout qu'il y ait des moyens de sensibilisation et d'information.

Le libellé du paragraphe 5° ne devrait donc pas restreindre l'action de l'institut, pour favoriser la mise en application de ses recommandations et guides, aux seuls moyens de sensibilisation et d'information. Ainsi, des moyens comme la représentation académique par des pairs crédibles, c'est-à-dire des moyens de sensibilisation, l'émission de guides mais également des visites par des cliniciens qui sont reconnus, ont un impact significatif sur les changements de comportement. Ou encore une combinaison de moyens, qui incluent la formation continue mais d'autres approches également, ne doivent pas être exclus a priori. Autrement, le succès de l'institut risque de se mesurer seulement au nombre de recommandations ou de guides diffusés, ce qui ne garantit pas qu'il y aura eu un impact sur l'excellence en santé et en services sociaux et sur la différence apportée au niveau des résultats thérapeutiques attendus des technologies et des médicaments qui... sur lesquels l'INESSS fera porter ses travaux.

En ce qui concerne l'article 12, cet article concerne l'accès aux renseignements personnels. Et nous sommes tout à fait sensibles au fait que, pour bien comprendre et mesurer les trajectoires de soins et de services, nous avons besoin d'améliorer le continuum et l'accès plus facile à différentes étapes de consultation que le patient fait tout au cours de son... d'un épisode de soins. Donc, nous soutenons vraiment cet accès plus important au niveau de l'information. Toutefois, je pense que c'est quelque chose qui est facilement ajustable, mais il nous semble convenir que tout renseignement personnel utilisé, y compris pour établir la trajectoire de soins et de services, soit anonymisé, et on ne retrouvait malheureusement pas ce terme-là dans le document... dans le projet.

.(15 h 20).

Composition du conseil d'administration de l'institut. Alors, la mission de l'institut comme elle a été libellée à l'article 5 exige à l'évidence qu'une majorité de ses administrateurs aient une vaste connaissance du domaine de la santé et des services sociaux. Le conseil d'administration de l'institut doit donc pouvoir compter sur l'expertise et l'expérience de personnes qui auront une vision, comme nous disions un peu plus tôt, large de l'ensemble des enjeux qui gravitent autour des technologies mais aussi autour des médicaments, puisque ce sera l'objet important de ces études. Et nous recommandons donc que, dans ce cas-ci, au moins deux pharmaciens de secteurs de pratique différents soient présents au sein du conseil d'administration.

En lien avec l'article 33, cet article attribue plusieurs fonctions au conseil d'administration. Nous croyons que, pour éviter toute ambiguïté avec le mandat de la table de concertation, la détermination des sujets prioritaires à examiner doit faire expressément partie des fonctions dévolues au conseil d'administration de l'institut et ne doit pas constituer en primauté le mandat de la table de concertation, dont la contribution la plus importante est, de notre point de vue, de favoriser des approches concertées pour la mise en application des recommandations formulées par l'institut et l'utilisation efficace des guides produits par ce dernier.

Nous sommes conscients que le projet prévoit que la table de concertation va conseiller le conseil d'administration, mais, comme nous n'avons pas retrouvé, dans la description des actions propres au conseil d'administration, le mandat de déterminer les sujets prioritaires, nous croyons qu'il doit être... que ça doit être précisé.

En outre, la présence d'une table de concertation ne doit pas empêcher l'institut, toutefois, d'établir toute forme de partenariat avec certains organismes en dehors de la réalisation du mandat de la table de concertation.

En lien avec les articles 71, 72, 73, 74 et 81, en fait, on demande d'exclure l'institut de son rôle ou de sa... du processus de consultation auquel le Conseil du médicament était invité à participer en ce qui concernait les décisions de modifier le statut d'un médicament au sein des annexes prévues au règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments. Donc, concrètement à quel endroit un médicament doit... peut-il être vendu? Derrière le comptoir, devant le comptoir? Dans quelle portion de l'officine? Alors, nous, nous considérons que l'institut devrait conserver cette contribution puisque déréglementer le recours à la prescription d'un professionnel peut favoriser une meilleure utilisation des ressources et une augmentation d'accessibilité à des thérapies importantes. Un exemple de l'impact de cette déréglementation, ça a été, par exemple, au niveau des thérapies de remplacement de la nicotine, qui ont permis, donc, un accès plus facile. Donc, dans la perspective où l'INESSS va s'intéresser à l'excellence dans l'utilisation optimale des médicaments mais également des enjeux qui gravitent et de l'amélioration du système d'utilisation des médicaments, nous croyons que son opinion pourrait être intéressante et son avis pourrait être nécessaire par rapport au positionnement de certains médicaments dans l'évaluation des conditions de vente.

En lien avec l'article 100, nous appuyons l'exigence d'un rapport quinquennal indépendant déposé à l'Assemblée nationale. Nous y ajoutons la dimension où nous aimerions que des indicateurs pertinents, mesurables et reconnus par la communauté scientifique puissent s'y retrouver pour éviter que, dans le fond, au niveau du rapport, on ait simplement des éléments qui fassent état de la publication de certains guides.

Alors, en conclusion, l'Ordre des pharmaciens du Québec appuie la création de l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, sous réserve des commentaires et recommandations déjà faits, plus précisément - je vais vous préciser juste ceux qu'on trouve les plus importants: la composition du conseil d'administration de l'institut, qui devrait comprendre au moins deux pharmaciens de secteurs de pratiques différents, et les fonctions, qui devraient inclure la détermination des sujets prioritaires à examiner.

Deuxième importante recommandation: la table de concertation, dont l'action principale doit être centrée sur la recherche d'approches concertées favorisant la mise en application des recommandations et l'utilisation efficace des guides produits par l'institut, cela avec le souci de préserver l'équilibre délicat entre la réalisation de la mission de l'institut et l'intérêt des groupes qui seront représentés au sein de la table.

Troisième recommandation, l'évaluation de la performance du système d'usage des médicaments pour l'ensemble des Québécois doit faire partie de la perspective de la réalisation de la mission de l'institut, notamment en soutenant l'innovation et l'amélioration des processus d'usage des médicaments, qui représentent les outils thérapeutiques les plus utilisés à travers le monde, mais dont les coûts d'utilisation et l'absence de données probantes dans certaines indications commandent qu'on vise en tout temps leur usage optimal.

Les mécanismes de mise en application de ses recommandations et guides, qui ne doivent pas se limiter aux moyens de sensibilisation et d'information.

La nécessaire distinction qui doit être faite entre la mission de l'institut et celle des ordres professionnels, tout en reconnaissant l'incontournable complémentarité en ce domaine et le besoin de canaux officiels de communication.

En terminant, nous tenons à rappeler que la création de l'institut revêt un caractère particulier pour les pharmaciens, dont l'essence même de la profession est centrée sur le système d'usage des médicaments. L'Ordre des pharmaciens du Québec tient donc à assurer tant le ministre que le nouvel institut de sa volonté de travailler en étroite collaboration avec l'institut à la recherche de l'excellence des pratiques et au déploiement des actions porteuses de résultats pour la santé des Québécois.

Nous remercions donc la Commission de la santé et des services sociaux d'avoir sollicité notre participation et espérons avoir contribué à apporter un éclairage particulier sur ce projet de loi soumis à notre étude.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Lamarre. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, encore une fois, 20 minutes chaque côté de la table, en commençant avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Bolduc: Dans un premier temps, d'emblée, je vous remercie du support, qui est quand même très fort, par rapport à la création de l'institut. Puis je pense que, vu que vous étiez très concernée par le Conseil du médicament, vous comprenez l'importance d'un institut comme ça pour l'excellence au Québec, dans lequel il n'y a pas seulement que les médicaments, mais tout l'épisode de soins, dans lequel le médicament joue un rôle.

Puis je tiens à souligner, puis vous en parliez dans votre mémoire, ce n'est pas juste la question d'avoir le médicament disponible, c'est également est-ce que le patient le prend, est-ce qu'il le prend bien, est-ce qu'il y a un suivi au niveau de l'évaluation et puis du monitoring du médicament. Ça, là-dessus, dans votre mémoire, vous nous le dites très, très bien, puis je tiens à vous en féliciter parce que c'est notre perspective qu'on voit, également. Il faut sortir du silo de seulement un acte mais plutôt voir un épisode de soins.

Également, on en a discuté ce matin, la question des données pour pouvoir mesurer, évaluer l'épisode de soins. Il faut être capable de trouver le patient à l'intérieur de l'épisode de soins, d'où, ce que vous disiez dans l'article, la question de l'importance de pouvoir rejoindre les gens puis de pouvoir... le suivi.

Puis vous avez touché un excellent point, qui a été touché ce matin, il ne faudrait pas qu'on soit capable de trouver le nom du patient ou de reconnaître le patient. Là-dessus, ce qu'on va faire, on va regarder, voir comment on peut rendre ça anonyme, comme vous mentionnez, dénominalisé ou anonyme, de façon à ce qu'on puisse avoir l'information... Puis, quand on parle parfois de renseignements personnels, ça peut être aussi banal que ça peut être le sexe de la personne et l'âge, mais jamais, jamais on n'a besoin de savoir le nom et jamais, jamais on ne devrait être capable de retrouver la personne dans le système. Ça, c'est quelque chose de... c'est un travail qu'on doit faire puis on va essayer de... Possiblement qu'on va être capables de faire un amendement pour s'assurer qu'on n'ait pas ce problème-là.

Par contre, vous avez insisté, si on veut être capable d'améliorer ces soins-là, il faut qu'on soit capable de faire le suivi de la clientèle à travers tout l'épisode de soins. Et tantôt on parlait... on écoutait... ça veut dire à l'hôpital, ça veut dire à domicile, ça veut dire quand on va au CLSC, ça veut dire aussi quand on va à la pharmacie. Donc, il faut se trouver un mécanisme de dénominaliser les noms et puis être capable de faire le suivi. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez dans cette perspective-là?

Mme Lamarre (Diane): Écoutez, moi, je suis tout à fait d'accord. Par rapport à votre premier commentaire, M. le ministre, je vous dirais qu'effectivement, le médicament, on en parle en termes de conseil, de monitorage, on... Historiquement, on parlait des cinq b: le bon médicament à la bonne personne au bon moment... Maintenant, on va beaucoup plus loin que ça et on ne va pas seulement dans le suivi de ce produit, mais vraiment dans l'atteinte des résultats thérapeutiques. Je pense que, quand on décide d'investir 1 $ dans un médicament, on doit s'assurer qu'un médicament produit le résultat thérapeutique attendu.

Et, l'exemple très terre à terre que je donne et qui illustre bien, on peut donner un médicament pour l'incontinence urinaire, qui est par ailleurs un bon choix de traitement pour un patient donné dans un contexte clinique donné, le pharmacien peut lui donner tous les conseils, si personne ne revalide au bout de deux mois ou trois mois si le patient a vraiment le résultat thérapeutique attendu, eh bien, on a tous travaillé pour rien et on a même exposé ce patient à des effets indésirables. Donc, je pense que la notion de résultat thérapeutique est une dimension importante que l'INESSS pourrait avoir à... vraiment prioriser au niveau de ses travaux. Et c'est là qu'on a vraiment la mesure de ce qu'on a fait, et de l'impact et des coûts qu'on a investis dans une médication mais également dans toute une structure de santé.

Pour ce qui est de la dimension d'anonymiser, nous sommes très, très préoccupés, et je pense que ça va être important de rassurer tous les intervenants, parce que l'absence de sécurité à ce niveau-là va rendre les professionnels résistants, malheureusement, à l'accès. Mais, pour avoir été au Conseil du médicament, je peux vous dire, par exemple, que, simplement pour identifier des cohortes de patients asthmatiques, nous étions obligés d'aller avec tellement de critères d'exclusion pour éliminer tout ce qui pouvait sembler, dans les banques de données, ne pas être les bons patients, qu'effectivement on ne procédait pas à une approche qui était vraiment aussi performante qu'on pourrait l'avoir. Donc, je pense que c'est essentiel.

Et aussi je pense que de suivre le patient dans ses trajectoires, on va voir des allers-retours. Donc, on imagine souvent simplement une boucle, mais on va voir plusieurs allers-retours, et ça va être intéressant, je crois.

.(15 h 30).

M. Bolduc: Du côté du conseil d'administration, on a voulu avoir un conseil d'administration moderne, donc un petit conseil d'administration avec la majorité des membres indépendants. On n'a pas étiqueté des organismes pour siéger d'emblée sur le conseil d'administration. Par contre, on s'attend que les différents groupes concernés, on va avoir des représentants.

L'autre élément où est-ce que les différents professionnels vont pouvoir jouer un rôle très important, c'est au niveau des tables de concertation puis des comités. Mais vous comprenez que c'est... à partir du moment où on dit: Bien, il y a telle organisation qui va aller à un poste dédié, un autre poste dédié, un autre poste dédié, là l'institut national de santé et de services sociaux, c'est pour tout... d'excellence, pour tout le réseau de la santé, donc c'est 280 000 personnes avec je ne sais pas combien de dizaines d'organisations, puis, à partir du moment que tu en nommes un, il faudrait que tu nommes l'autre. Nous autres, on a préféré plutôt y aller en disant: On va nommer en respectant une représentativité correcte, puis il va également y avoir des comités et tables de concertation dans lesquels tous les gens vont se retrouver. Mais une chose qui est certaine, on veut travailler en partenariat avec les ordres professionnels, avec les différents groupes d'intérêts, de façon à ce qu'ils puissent trouver une place où est-ce qu'ils peuvent faire leurs... pas leurs représentations, mais participer. Moi, c'est dans cette perspective-là. Puis je sais que les gens disent: Nous autres, on est pharmaciens, on avait le Conseil du médicament, on aimerait ça avoir deux postes. Mais, si vous avez deux postes sur 11, bien, après ça, tel groupe, il en veut deux, tel groupe en veut deux, bien, à ce moment-là, ça devient difficile à gérer.

L'autre alternative, c'est de faire un conseil d'administration de 30 personnes. Ça, tout le monde s'entend, là, des représentations, tout le monde disait: Quand tu tombes à un conseil d'administration de 30 personnes, ça ne fonctionne pas. Ce qui va être important, on va aller chercher de la compétence pour siéger sur le conseil, et puis, à ce moment-là, les différents groupes, dont vous autres, vous allez être consultés, puis on regardera comment on va faire pour nommer nos gens, mais qu'il y ait une représentativité. Je sais que la plupart des gens vont nous demander d'avoir des postes, mais, si on adhère à ça, bien, le problème qu'on va avoir, c'est qu'on va se retrouver avec un gros conseil d'administration.

Mme Lambert (Manon): En fait, on ne demande pas d'avoir des représentants au conseil d'administration parce qu'on souscrit très fortement à l'idée d'avoir des administrateurs indépendants. Alors, même, on ne l'a pas dit, mais il y a une autre recommandation qui dit que les membres du conseil d'administration ne devraient pas occuper des charges administratives ou électives au sein de groupes. Alors, on adhère totalement à l'idée d'un conseil d'administration indépendant. D'ailleurs, c'est une qualité, vous l'avez dit vous-même, pour les conseils d'administration modernes.

  Maintenant, ce qui nous préoccupe, c'est... Considérant la nature des décisions qui auront à être prises par le conseil d'administration, la portée des sujets qui devront être étudiés, il nous apparaît fondamental, comme vous l'avez dit, qu'on retrouve là des gens compétents. Évidemment, on ne veut pas dire que seuls les pharmaciens sont compétents, mais, quand on parle de médicaments qui représenteront, vous en conviendrez avec moi, une partie importante du travail de l'INESSS, on pense qu'il devrait y avoir des pharmaciens, pas nommés nécessairement par nous, pas qui nous représentent, mais des pharmaciens qui vont pouvoir apporter leur expertise et leur éclairage particuliers. Parce que, si vous avez un intervenant dans le réseau de la santé qui connaît bien tout le processus d'utilisation et de production des médicaments, donc de sa conception jusqu'à sa prise par le... le médicament, je pense que c'est le pharmacien qui détient cette expertise-là la plus complète. Alors, c'est dans le sens de compétence. Ça va dans le même sens que vous disiez, donc d'avoir des gens compétents.

M. Bolduc: Oui. Puis je suis très sensible à ça, puis je m'attends à ce qu'il va y avoir des gens avec des connaissances au niveau du médicament, là, sur le conseil d'administration, excepté qu'on ne donnerait pas un poste d'emblée à un groupe. Je pense que c'est dans cette perspective-là qu'il faut le voir.

L'autre élément, puis vous l'avez touché également, c'est intéressant, c'est: Comment vous voyez votre rôle comme ordre professionnel dans l'utilisation optimale du médicament? Et puis je vais vous amener sur un autre terrain que vous allez aimer. C'est certain qu'on ne parle pas juste de l'utilisation du médicament, on parle de l'utilisation des professionnels. Puis comment vous voyez que l'INESSS pourrait jouer un rôle pour déterminer, dans notre réseau de la santé, les pratiques les plus performantes au niveau des professionnels, l'organisation entre les professionnels, puis également pour l'utilisation optimale du médicament?

Mme Lamarre (Diane): Je crois qu'au niveau de la surveillance de l'utilisation des médicaments, qui fait partie des activités réservées aux pharmaciens, il y a énormément d'interventions que les pharmaciens peuvent faire, et l'Ordre des pharmaciens est en train de travailler d'une façon toute particulière sur des éléments plus standardisés de surveillance de la médication. Je pense que ce serait très intéressant de travailler en collaboration avec l'INESSS puisqu'on pourrait avoir des mesures d'évaluation sur les actions que l'ordre est en train de déployer à l'endroit de ses membres.

Il y a d'autres dimensions, par contre, qui nous préoccupent, parce qu'on ne voit pas très bien actuellement, dans le mandat de l'INESSS, comment l'INESSS pourrait être en mesure de poser un regard critique et de revoir des mécanismes de fonctionnement actuellement. On pense au modèle - on en a parlé tantôt - de NICE, on pense à d'autres organisations dans le monde, on pense à l'Australie avec la révision de la médication. Je peux vous dire que c'est très décevant actuellement de voir la lenteur de l'évolution des travaux autour de ces enjeux qui, par ailleurs, ont été identifiés il y a déjà plusieurs années comme étant une priorité et un besoin au Québec.

Donc, tantôt, j'ai fait référence à la révision de la médication avec... l'envoi des profils. Ce sont des approches qui sont innovatrices par rapport à l'amélioration de l'utilisation des médicaments, et l'ordre soutient tout à fait et est prêt à collaborer à ces approches innovatrices là, mais malheureusement on sent qu'il y a certaines résistances à tout ce qui est évaluation des pratiques. Alors, l'ordre vous redit son soutien par rapport à ces dimensions-là dans la mission de l'INESSS, et je pense qu'il faut que ce soit fait également pour l'ensemble des professionnels, puisque, si on veut bien voir justement, dans la trajectoire du médicament, quels sont tous les éléments où on peut intervenir, je pense que c'est... il y a des dimensions très intéressantes et très positives.

Mme Lambert (Manon): Et j'ajouterais à votre commentaire, M. le ministre, que, et nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, je pense que les ordres, et pas seulement le nôtre, mais les ordres et l'INESSS devront être appelés à collaborer, à collaborer étroitement. Et, de notre point de vue, les ordres devraient être des partenaires privilégiés de l'INESSS, considérant à la fois la possibilité de duplication puis parfois, je dirais, de semer la confusion. Alors, si on arrive avec des lignes directrices de pratique et que l'INESSS en sort de son côté, qu'on ne se parle pas et que les choses sont différentes, on va plus mêler les professionnels que d'autre chose, mais... considérant aussi la complémentarité par ailleurs de notre mission. Quand on surveille l'exercice professionnel de nos membres, vous savez, ce qu'on recherche en partie, c'est l'excellence, c'est l'excellence de la pratique, et, en ce sens-là, je pense que les missions à la fois des ordres et de l'institut sont tout à fait complémentaires. Mais, pour qu'elles soient bien exercées, il va falloir qu'il s'établisse vraiment une communication continue et une collaboration très particulière qui va être un peu différente de ce qu'on peut voir avec d'autres acteurs du système de la santé, parce qu'effectivement on a des missions qui sont tout à fait compatibles.

M. Bolduc: Vous touchez un point qui est très, très important: il va falloir qu'on travaille en collaboration. Et ce n'est pas vrai que l'INESSS va pouvoir faire ses propres pratiques, ses guides de pratique, les ordres vont faire les leurs. On a aussi nos sociétés savantes, nos associations d'experts qui... on va utiliser. Là, ce qui est intéressant, en ayant un seul organisme qui s'appelle l'Institut national d'excellence et de santé et de services sociaux au Québec, l'avantage qu'on va avoir, c'est que ça va être pratiquement un guichet unique, et tout le monde sait que c'est par là que ça va passer, ce qui n'empêchera pas l'Ordre des pharmaciens, le Collège des médecins, les autres ordres professionnels de faire leur propre guide de pratique, mais ils vont savoir qu'il y a un endroit dans lequel on devrait peut-être se consulter avant de publier pour s'assurer qu'il n'y a pas de duplication, et également, moi, je le vois comme ça, on va se répartir le travail avant pour ne pas avoir à travailler en double.

L'autre élément, si on fait consensus, un exemple, sur une utilisation optimale ou un guide de pratique, on va s'entendre tous ensemble puis on va tous travailler pour le diffuser partout au Québec, le mettre en place et évaluer sur les mêmes critères. Puis ça, je rappelle, par contre, le guide de pratique, ce n'est pas un protocole rigoureux, hein, il faut laisser une marge de manoeuvre. J'ai beaucoup aimé ce matin... il y a eu des représentations, on a parlé de flexibilité, respecter l'autonomie professionnelle. C'est toutes des choses, ça, que, moi, je pense qu'il faut qu'on s'inculque. Et de penser que quelqu'un va dire: On va avoir une façon de faire puis ça va être toujours comme ça, bien je pense qu'on passe à côté. Par contre, quelqu'un qui fait vraiment le contraire de ce qui devrait être fait, je pense, doit être ramené à l'ordre. Moi, je pense qu'il y a des collaborations qu'on va pouvoir apporter là-dessus.

Je ne sais pas si tu avais une question?

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

.(15 h 40).

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Je pense que vous représentez bien les professionnels que sont les pharmaciens, et tous reconnaissent le rôle important du pharmacien dans le réseau de la santé et en pratique privée, bien entendu. Mais il y a une pénurie de professionnels pharmaciens dans plusieurs régions du Québec. Et votre commentaire, le numéro 7, fait référence à la contribution du pharmacien-chercheur qui pourrait s'intégrer évidemment à l'INESSS. Ma question est la suivante: Est-ce qu'il y a également une pénurie, à votre connaissance, au niveau justement de la recherche en produits pharmaceutiques et, si oui, quelles seraient les recommandations pour améliorer cette situation?

Mme Lamarre (Diane): En fait, le commentaire 7 visait beaucoup le recours à des chercheurs en pratique pharmaceutique. On a des gens qui ont développé des expertises, par exemple, en santé de la population, en pharmacoéconomie. Donc, je pense que c'est... Et là on a vraiment ces ressources-là dans les universités québécoises, facultés de médecine, mais, je vous dirais, les deux facultés de pharmacie, autant l'Université Laval et l'Université de Montréal, ont vraiment des experts qui sont disponibles.

Au niveau de la recherche, si on parle plus de la recherche fondamentale de l'industrie pharmaceutique, eh bien, on vient d'avoir un nouveau programme de baccalauréat en sciences pharmaceutiques, entre autres à l'Université de Montréal, qui va générer plusieurs diplômés, plusieurs dizaines de diplômés annuellement. Donc, je veux dire que le Québec, dans ses grappes technologiques, a vraiment des professionnels de haut niveau en termes pharmaceutiques, autant au niveau de la recherche qu'au niveau clinique, au niveau des spécialités, dans les établissements de santé. Ce sont des professionnels qui ont un programme universitaire. Vous savez qu'à partir de l'an prochain ce seront des gens qui auront un diplôme de doctorat professionnel.

Alors, on veut redire à la commission que les pharmaciens ont beaucoup de potentiel et que, quand on regarde ce qui se passe actuellement autour de nous, dans d'autres pays, mais même aussi proches que nous, d'autres provinces, on utilise davantage les ressources des pharmaciens.

Et, oui, il y a des pénuries, mais la pénurie est en partie associée à certains éléments au niveau de l'organisation du travail, et on est en train de travailler, du côté de l'ordre, à éliminer plusieurs des éléments, par exemple, de la vérification technique que le pharmacien fait pour pouvoir avoir recours davantage à ses compétences cliniques, à ses compétences en thérapie médicamenteuse, et on pense que la société québécoise va pouvoir bénéficier de ça. Et je peux vous dire qu'actuellement le sentiment qu'on a sur le terrain, c'est que les pharmaciens... on a beaucoup de pharmaciens qui ont obtenu leur diplôme dans les dernières années, notre cohorte se rajeunit beaucoup, et elle se mobilise beaucoup, et elle veut absolument participer à cet effort d'obtention de résultats thérapeutiques par la médication, et elle veut justement qu'on arrête de la voir avec l'ancien regard qu'on portait sur elle, qui était un regard beaucoup plus associé à la distribution des médicaments.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, à la page 10, vous écrivez, et je cite: «Nous saluons le fait que le projet de loi rende obligatoire la publication des avis et recommandations de l'institut. Il s'agit d'une question de transparence. En outre, cela permettra de faciliter la compréhension des avis et recommandations par tous les groupes intéressés.» Fin de citation. En quoi cette publication des avis et recommandations de l'institut constitue-t-elle, comment dire, une amélioration par rapport à la situation qui règne présentement?

Mme Lamarre (Diane): Ce que nous avons compris du projet de loi, c'est que l'institut pourra émettre des avis et recommandations qui pourraient, à la limite, être différents de ceux du ministre, et je pense que ça, c'est intéressant d'avoir cette dimension-là. Donc, les avis seront directement les avis de l'institut. Est-ce que ma compréhension est juste? Il me semble. Donc, l'institut pourra déposer des avis, et le ministre pourra les accepter, j'espère, dans la plupart des cas, mais il pourra y avoir... il y aura un dépôt des avis de l'INESSS.

M. Drainville: Donnez-moi des exemples.

Mme Lamarre (Diane): Par exemple, à la suite d'une évaluation, il pourrait arriver que l'INESSS arrive à une recommandation pour une inscription ou une absence d'inscription et que donc cette décision-là soit... elle devra donc... Ce qu'on comprend, nous, de l'interprétation, c'est qu'elle sera publiée, et elle sera publiée comme étant l'avis de l'INESSS, et le ministre pourra avoir un avis différent de cet avis.

M. Drainville: O.K. Mais actuellement les avis ne sont pas publiés?

Mme Lamarre (Diane): Pas actuellement. Les avis sont envoyés... En tout cas, dans le Conseil du médicament, les avis sont envoyés au ministre.

M. Drainville: O.K. Mais les avis du Conseil du médicament actuellement pour la recommandation ou la non-recommandation quant à l'inscription d'un médicament, ces avis-là actuellement ne sont pas publiés.

Mme Lamarre (Diane): Actuellement, je... on pourrait vérifier, mais je crois que ces avis-là, il y a des... les avis sont transmis au ministre, et c'est le ministre qui approuve.

M. Bolduc: Actuellement, ils ne sont pas publiés, puis on veut augmenter la transparence.

Mme Lambert (Manon): Vous savez, quand... Si vous me permettez d'ajouter...

Le Président (M. Kelley): Mme Lambert.

Mme Lambert (Manon): Si vous me permettez d'ajouter à la réponse, c'est que... Évidemment, quand on décide d'inscrire ou de ne pas inscrire un médicament sur la liste, ça a un impact important pour un grand nombre de personnes, alors que ce soit l'industrie, que ce soient les patients eux-mêmes, les groupes de patients, les professionnels qui ont accès ou pas à une technologie, et ça suscite beaucoup de questionnement. Et le fait de rendre transparents non seulement la recommandation, mais les avis, mais également les motivations de cette recommandation-là, à notre avis - peut-être qu'on est un petit peu naïfs, on le verra avec le temps - pourrait faire en sorte que les choses soient mieux comprises et éviter parfois, je dirais, des situations conflictuelles qu'on a vues par le passé qui ont créé, je dirais, beaucoup de mécontentement soit de professionnels, soit de patients, soit du Conseil du médicament lui-même. Donc, c'est dans cet esprit-là, dans l'esprit de transparence et de compréhension des motifs qui sous-tendent les décisions.

M. Drainville: Bien, à ce moment-là, si votre compréhension est la bonne, et il semble qu'elle le soit, je suis bien d'accord avec vous qu'il va falloir que le Conseil du médicament soit très, très, très... enfin, le Conseil du médicament intégré dans l'institut, soit équipé de très, très bonnes ressources pour être capable de soutenir éventuellement publiquement une décision qui aurait été prise par le conseil d'administration de l'INESSS. Si je comprends bien, là, ce sera le conseil qui ultimement prendra cette décision. Donc, je suis bien d'accord avec vous quand vous dites qu'il va falloir s'atteler à embaucher les pharmaciens. Et apparemment, d'après votre mémoire, le Conseil du médicament a maintes fois exprimé sa difficulté à attirer et à retenir les pharmaciens au sein de son organisme. Non seulement cette rétention-là et ce recrutement-là devient... était déjà important, mais il devient encore plus essentiel.

Par ailleurs, je pense que c'est important de le noter, vous faites explicitement référence aux pressions que subira le conseil d'administration de l'institut. Je pense que ça vaut la peine de vous citer encore une fois, page 10: «Il faut [être toutefois] conscient que cela accentuera...» Alors, on parle du fait que les avis vont être rendus publics, là... «Il faut [être toutefois] conscient que cela accentuera la pression sur les membres du conseil d'administration de l'institut, notamment à l'égard des décisions ayant un impact économique, dont l'inscription à la liste [des] médicaments. En effet, la recommandation, par l'institut, d'inscrire ou non un médicament à une liste de médicaments remboursables revêt une importance capitale, tantôt pour l'industrie, tantôt pour des groupes plus ou moins ciblés de patients ou encore [des] professionnels. Ces pressions seront d'autant plus surprenantes, si le conseil d'administration est constitué de personnes non initiées aux enjeux de ces groupes.» Qu'est-ce que vous voulez dire par «Ces pressions seront d'autant plus surprenantes...»?

Mme Lamarre (Diane): Bien, en fait, pour les membres d'un conseil d'administration, je pense qu'on peut avoir des personnes qui ont, par ailleurs, d'excellentes qualités, qui sont de très bons gestionnaires, qui peuvent sembler être de bons candidats pour être membres du conseil d'administration, puis c'est un peu en lien avec ce qu'on a dit au tout début de notre mémoire, il faut des gens qui soient bien au courant de l'ensemble des enjeux qui gravitent autour du médicament, tant dans les enjeux d'accès que dans les enjeux d'utilisation. Donc, ça vient un peu justifier le caractère particulier de ce conseil d'administration de l'INESSS par rapport à d'autres conseils d'administration parce qu'il est certain qu'il aura une organisation intéressante, et on ne parle pas simplement, à ce moment-ci... On avait donné quelques exemples, mais souvent, quand on parle de pressions, on pense à l'industrie pharmaceutique, mais on peut également penser à des pressions de groupes de patients qui... Alors, des membres de conseil d'administration qui ne seraient pas aguerris, qui ne seraient pas bien au fait des données probantes, qui ne seraient pas conscients des enjeux socioéconomiques, des impacts de l'inscription ou de la non-inscription, eh bien, ce sont des gens qui pourraient vraiment avoir un impact très important sur les décisions de l'INESSS mais également sur le budget.

M. Drainville: Mais, Mme Lamarre, comment les... - c'est, quoi, 11 - membres du conseil d'administration peuvent-ils se prémunir, sinon se protéger, de ces pressions que vous évoquez nommément?

Mme Lamarre (Diane): Alors, je pense que c'est par les...

M. Drainville: Est-ce que... Parce que, là, ce vers quoi vous nous amenez, c'est, entre autres, un code de déontologie extrêmement bien développé, très costaud, pour protéger les membres de ce conseil d'administration de l'INESSS des éventuelles pressions qui pourraient survenir, là.

.(15 h 50).

Mme Lamarre (Diane): Exactement. Donc, on demande effectivement des gens qui auront une expertise, une indépendance bien démontrée. Je vous dirais que c'est ce que le Conseil du médicament a travaillé pendant plusieurs années, dans les dernières années, les 15 membres. Je vous dirais également qu'on avait au sein du Conseil du médicament des éthiciens et que ces personnes-là avaient une contribution qui était significative. Mais je pense qu'il faut être très conscients qu'il y a là un enjeu majeur et qu'il faut que les gens qui soient choisis... et c'est pour ça qu'on rapporte l'importance d'avoir des pharmaciens et, encore une fois, on le redit, pas des pharmaciens de l'Ordre des pharmaciens ou de l'association des pharmaciens propriétaires ou des établissements de santé, des gens neutres, mais des gens qui saisissent bien. Et, quand on parle de l'ensemble des enjeux qui gravitent autour du médicament, c'est important.

M. Drainville: Mais en quoi, Mme Lamarre, les pharmaciens sont-ils davantage imperméables aux pressions externes? En quoi?

Mme Lamarre (Diane): En fait, ils sont conscients d'une approche particulière. Ils ont dans leur formation une formation qui les amène à être capables d'évaluer la thérapie médicamenteuse, mais également évaluer la littérature scientifique qui leur est déposée. Quand on a des analyses pharmacoéconomiques, quand on a des analyses, il n'y a pas beaucoup de gens encore au Québec qui sont vraiment aptes à bien saisir ces éléments-là. Donc, il y a vraiment une dynamique importante. Et le pharmacien, quand il recommande l'inscription ou non ou s'il participe au processus de décision d'inscrire ou non, il n'a pas un intérêt personnel dans ça. Lui, il n'aura pas de différence. On pense aux pharmaciens d'établissements de santé qui vont avoir, par exemple, à participer à ce comité de l'INESSS, mais les pharmaciens communautaires également.

L'autre dimension, c'est que tantôt M. le ministre parlait de l'importance de faire en sorte que les recommandations de l'INESSS puissent s'intégrer sur le terrain, et je pense que, là aussi, ça prend des gens qui ont une connaissance de comment le produit va s'utiliser sur le terrain, comment il va se déployer sur le terrain pour qu'on puisse vraiment, à ce moment-là, se dire: C'est réaliste de penser que ça va donner cet impact-là.

M. Drainville: C'est très important, ce que vous venez de... ce que vous soulevez dans ce mémoire, là, et j'ai bien hâte d'entendre le ministre, là, sur, comment dire, les moyens qu'il entend déployer pour s'assurer justement de l'indépendance des membres du conseil d'administration.

À la page 21, vous parlez, vous évoquez le rapport quinquennal et vous donnez votre appui, dans une perspective, là, d'excellence en santé et en services sociaux, à la création d'«indicateurs pertinents, mesurables et reconnus par la communauté scientifique». Et là je vous cite: «La recherche de l'excellence par l'institut doit donc mener à une évaluation portant non seulement sur les moyens utilisés, mais aussi sur les résultats obtenus grâce aux actions qu'il aura entreprises.» Moi, je suis bien d'accord avec vous qu'il faut davantage mesurer les résultats que nous obtenons actuellement dans le système de santé et de services sociaux du Québec.

La question que j'aimerais vous poser, c'est, et je l'ai déjà posée à d'autres: Dans la mesure où on investit déjà 27 milliards par année dans le système de santé et de services sociaux, est-ce qu'il faut vraiment créer un nouvel organisme, une nouvelle structure pour en arriver à cette évaluation des résultats? Est-ce que ce n'est pas, d'une certaine façon, comment dire, la démonstration d'un certain échec de notre système de santé, qu'après avoir investi 27 milliards on en soit encore à recommander la création d'indicateurs de résultat, d'indicateurs de performance? Et par ailleurs, comme vous le savez sans doute déjà, le Vérificateur général du Québec et le Commissaire, le Commissaire de santé, ils ont déjà travaillé sur cette question des indicateurs. D'ailleurs, moi, je les ai invités à travailler ensemble là-dessus pour éviter justement les chevauchements. Mais, dans le fond, la question, c'est: A-t-on besoin de l'INESSS pour développer des indicateurs de performance? Est-ce qu'il ne serait pas possible de le faire à même les fonds et les organismes qui existent déjà?

Mme Lamarre (Diane): En fait, nous, on pense que le mandat de l'INESSS doit justement déborder le simple fait de développer des indicateurs de performance, mais qu'il doit également comporter des éléments de mesure de cette performance-là, et c'est ça qu'on veut, qu'on voudrait retrouver.

M. Drainville: On est d'accord, on est d'accord. Il ne s'agit pas juste de développer l'indicateur, il faut qu'il serve à quelque chose, là. On s'entend là-dessus, là.

Mme Lamarre (Diane): C'est ça.

Mme Lambert (Manon): Mais, par ailleurs, si vous permettez, je compléterais la réponse en disant que la création de l'INESSS vise, à notre avis, de notre point de vue, à adopter une perspective un petit peu plus globale, comme on le disait tantôt, c'est-à-dire qu'il s'en fait déjà, de l'évaluation. Bon. Le Conseil du médicament travaille déjà, à certains égards, sur l'usage optimal des médicaments, a réalisé certaines études, limitées à cause de l'accès à l'information puis de ce qu'on discutait tantôt, mais fait déjà de l'évaluation. L'AETMIS fait déjà de l'évaluation. Donc, il s'en fait déjà, de l'évaluation. L'idée d'avoir un conseil... Puis ce je comprends, c'est qu'on n'investira pas nécessairement davantage de ressources. C'est juste qu'on va mettre ces ressources-là en commun pour s'assurer effectivement qu'on va adopter une perspective globale. Je regarde l'idée du médicament...

M. Drainville: Mme Lambert, je m'excuse de vous interrompre, là, mais, moi, ce je comprends dans votre mémoire, là, c'est que vous en appelez à la création d'indicateurs qui dépassent ceux qui existent déjà, à des indicateurs de performance, je dirais, globale ou générale qui nous permettent d'évaluer les résultats que nous obtenons du réseau actuellement, là. C'est de ça dont on parle.

Mme Lambert (Manon): Non. Dans notre mémoire, ce qu'on vise, c'est l'évaluation de la performance de l'INESSS comme tel, alors ce qui... par rapport à vos préoccupations, de s'assurer qu'on ne met pas une structure en place qui ne donne pas de résultat. Alors, ce qu'on dit, c'est... Par rapport à l'article 100, ce que dit l'article 100, c'est qu'il y aura un rapport indépendant sur l'INESSS au bout de cinq ans, d'accord?

M. Drainville: O.K. Alors, vous ne souhaitez pas que l'INESSS définisse, à partir, entre autres, du travail qui est fait par le VG, du travail qui est fait par le Commissaire à la santé, du travail qui est fait par l'AQESSS, du travail qui est fait par les autres, vous ne souhaitez pas que l'INESSS soit le point, je dirais, de chute de tous ces travaux-là pour qu'on ait finalement au Québec des indicateurs de santé et de performance qui nous permettent d'évaluer les résultats de notre système de santé?

Mme Lambert (Manon): Ce n'est pas ce que je viens de vous dire. Je vous dis que la...

M. Drainville: Non, ce n'est pas ce que vous venez de me dire...

Mme Lambert (Manon): C'est ça.

M. Drainville: ...c'est la question que je vous pose.

Mme Lambert (Manon): O.K. Par rapport à la recommandation qu'on a faite, c'est sur l'INESSS comme tel. Par rapport à la fonction ou à la mission de l'INESSS de développer des critères de performance, on ne s'est pas prononcé là-dessus, ce qui veut dire qu'on est d'accord avec ça pour la raison qu'on a mentionnée tantôt. Et d'ailleurs vous...

M. Drainville: Vous ne vous êtes pas prononcé mais vous êtes d'accord?

Mme Lambert (Manon): On est d'accord parce qu'effectivement ça devient un point de convergence qui donne une vision globale de la performance de notre système de santé.

M. Drainville: Bon.

Mme Lambert (Manon): Alors qu'au lieu de travailler avec l'AETMIS qui fait ses recommandations de son côté, le Conseil du médicament qui fait ses recommandations de son côté, on aurait un organisme qui aurait une vue d'ensemble parce que les technologies et les médicaments ne peuvent pas être isolés des pratiques professionnelles et l'utilisation de la technologie, donc il faut... Et c'est un des problèmes de notre réseau de la santé, on a des visions en silo. Il faut briser ces silos-là et avoir une vision horizontale.

M. Drainville: O.K. Mais je veux juste être sûr qu'on se comprenne bien, là. Vous ne vous prononcez pas sur cet objectif, que pourrait avoir l'INESSS, de développer des indicateurs de performance pour l'ensemble du réseau, mais vous êtes d'accord avec ça, vous... Hein, c'est ça?

Mme Lambert (Manon): Oui, c'est-à-dire que, quand on a... et d'ailleurs on l'a mentionné dans notre mémoire, quand on n'a pas fait de commentaire précis sur un point, c'est qu'on n'avait pas d'objection par rapport à ces éléments-là, et, au contraire, l'idée d'avoir une vision transversale de la performance du réseau de la santé est quelque chose qui est important.

Mme Lamarre (Diane): Par ailleurs, on a manifesté notre volonté et peut-être notre... de dire qu'il fallait plus que des guides d'information et de sensibilisation. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on attend qu'il y ait des actions qui soient davantage des actions de réaménagement de la façon d'exercer, réaménagement de la façon de regarder l'évaluation qu'on fait actuellement, qui sont par ailleurs assez partielles.

Je vous donne un exemple. Avec le Conseil du médicament, on a travaillé beaucoup sur des projets dans l'asthme, mais on avait très... beaucoup de difficultés à suivre un patient et à dire: Est-ce que ça a vraiment un impact sur les taux d'hospitalisation, sur le recours à l'urgence? On avait très, très peu de données là-dessus. Je pense que l'INESSS devrait s'assurer d'avoir une continuité d'un épisode de soins complet, constant et même prolongé, plus qu'un épisode de soins du patient sur une période de trois ans, quatre ans, cinq ans.

M. Drainville: O.K. Page 6, je cite: «Le retard pris pour mettre en application certaines des activités réservées au pharmacien est consternant, considérant les problèmes liés à l'usage des médicaments et à l'accessibilité aux services de première ligne. Cela est d'autant plus vrai que plusieurs provinces canadiennes ont adopté, depuis, des mesures qui, favorisant l'utilisation accrue de ces compétences - les compétences des pharmaciens - réduisent la pression exercée sur la disponibilité des ressources médicales, en toute sécurité pour les citoyens.» J'aimerais que vous élaboriez davantage là-dessus. Est-ce que vous faites référence au droit de renouveler des prescriptions pour certains médicaments?

.(16 heures).

Mme Lamarre (Diane): Oui, de prolonger des ordonnances. Effectivement, le droit de prolonger des ordonnances, c'est un des exemples où on a une action... des actions dans huit provinces, actuellement, canadiennes qui ont eu accès à ce privilège-là et où les pharmaciens contribuent beaucoup à diminuer le recours à des consultations de première ligne avec le médecin. Et par ailleurs, nous, on ajoute la dimension de surveillance, c'est-à-dire qu'on dit: Si le pharmacien prend autorisation de prolonger une ordonnance, par exemple, on s'engage à faire un suivi au médecin et à donner... à demander à nos pharmaciens de donner des indicateurs, comme la mesure de la tension artérielle, par exemple, pour rassurer et s'assurer de notre mandat de protection du public, que ce mandat-là soit bien cohérent avec le prolongement des ordonnances.

C'est un des exemples. Il y en a plusieurs autres. On peut penser à des éléments au niveau également, simplement, d'appliquer ce que la loi n° 90 nous permet déjà de faire, depuis 2002, dans l'initiation et l'ajustement des doses. Alors, il y a beaucoup de choses qui pourraient être faites, et qui malheureusement ont été mises de côté, et qui n'ont pas donné les résultats qu'on pouvait espérer au niveau de la participation des pharmaciens dans ces actions-là.

M. Drainville: Alors, qu'est-ce qui est fait actuellement pour donner un plus grand rôle aux pharmaciens dans le renouvellement des prescriptions?

Mme Lamarre (Diane): Actuellement, il y a des discussions, il y a des échanges entre professionnels de la santé, avec le Collège des médecins, avec l'Ordre des infirmières et l'Ordre des pharmaciens, et on essaie de trouver une façon qui va permettre de favoriser ces éléments-là. On a des exemples très révélateurs, M. Drainville. En fait, les pharmaciens ont eu le droit, et ce n'est pas... Pour l'instant, l'Ordre des pharmaciens pense que, dans la loi n° 90 actuelle, la possibilité que les pharmaciens ont d'initier et d'ajuster des traitements leur permettrait de faire déjà beaucoup et de donner beaucoup d'air au système, et ça, je vous le dis, on en est convaincus.

Mais, si on prend comme... Exemple, pour illustrer, il y a eu un acte, actuellement, où on a confié aux pharmaciens la possibilité de prescrire un médicament, et ça a été la contraception orale d'urgence, la pilule du lendemain. On a fait le bilan en 2008. Alors, on a permis cette autorisation aux pharmaciens au début des années 2000. Et en 2008 on a fait sortir... Il y a un médicament, le Plan B, qui est un médicament qui est prescrit pour la contraception orale d'urgence. Il y a eu 36 900 ordonnances qui ont remplies pour ce produit-là. Les pharmaciens ayant le droit de le prescrire, il y en a eu 900 qui ont été prescrites par les médecins, 36 000 par les pharmaciens. Alors, quand on recherche des moyens de mieux utiliser les pharmaciens en première ligne, quand on recherche une façon de diminuer la charge sur la première ligne et qu'on donne des éléments appropriés aux pharmaciens, les pharmaciens font bien les choses.

Les pharmaciens... On a eu 3 000 pharmaciens qui ont assisté à une formation sur ça il y a plusieurs années déjà, qui l'actualisent régulièrement, et ça nous montre que la population fait confiance aux pharmaciens, qu'elle bénéficie non seulement de l'accessibilité, mais également de ces compétences cliniques, et qu'elle... Et, quand on dit que les pharmaciens sont disponibles, ils sont disponibles et ils sont capables également de faire des consultations confidentielles et d'assurer un niveau de qualité, au niveau de l'intervention, par... dont les patientes ont besoin. Je pense que c'est assez éloquent, cet exemple-là, mais il y en a plusieurs autres au sein des autres provinces canadiennes, et on doit dire que le Québec tarde, à ce moment-ci.

M. Drainville: Évidemment, la question serait: Pourquoi tarde-t-on? Mais mon temps est épuisé.

Le Président (M. Kelley): Oui, le temps est épuisé. Alors, il me reste à dire: Merci beaucoup, Mme Lamarre, Mme Lambert, M. Guévin, pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre quelques instants. Je demande aux représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

 

(Reprise à 16 h 9)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre prochain témoin, c'est la Fédération des médecins spécialistes du Québec, représentée par son président, Dr Gaétan Barrette. Dr Barrette, la parole est à vous.

Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)

M. Barrette (Gaétan): Alors, merci, M. le Président. Alors, je suis accompagné du Dr Gilles Hudon, qui est directeur des politiques de la santé et de l'Office de développement professionnel continu à la FMSQ. Et le Dr Hudon pourra prendre la parole, si vous n'avez pas d'objection, lorsqu'on arrivera à la période de questions.

Alors, M. le Président, M. le ministre, l'opposition, parlementaires et invités, je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui sur l'évolution, on va dire, du dossier de l'INESSS.

.(16 h 10).

Je suis arrivé au milieu de la présentation de nos collègues pharmaciens, et vous ne serez probablement pas surpris que le ton de notre intervention soit d'un autre ordre. Nous avons des commentaires à faire qui sont dans un contexte qui est complètement différent, et on va y aller, d'entrée de jeu, là-dessus.

On vit une période qui est d'ordre économique, et c'est sur ce plan-là, entre autres, qu'on va aborder notre présentation sur l'INESSS. Alors, on se rappellera, dans un premier temps, qu'il y a eu un rapport, le rapport Castonguay, qui avait le titre - et je le cite parce que c'est important: En avoir pour notre argent - Des services accessibles aux patients, un financement durable, un système productif, une responsabilité partagée. Et ce rapport-là a donné... a fait la recommandation de créer ce que l'on appelait initialement l'INES avec un seul s, qui est devenu l'INESSS avec trois s.

Et, lorsque nous sommes passés devant le... les membres du Comité d'implantation de l'INESSS le 15 octobre 2008, on nous a proposé un plan qui allait mettre en place une organisation qui serait une structure légère avec un large mandat. Et, je ne sais pas si vous avez eu... Avez-vous notre mémoire? Vous avez la copie? Et, nous, à la lecture du rapport, on constate et on a constaté - puis on s'est exprimés à plusieurs reprises, M. le ministre, on vous a envoyé deux lettres à cet effet - que l'INESSS, dans sa pensée actuelle, si on avait à appliquer les recommandations du Comité d'implantation, était à toutes fins utiles une duplication du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Dans un premier temps, pour nous, cette structure-là est gigantesque, et je vois difficilement comment cette structure-là peut arriver à une destination quelconque. J'insiste là-dessus parce que la question fondamentale que l'on pose ici, à vous, Commission des affaires sociales, est assez simple: Avons-nous besoin d'une structure aussi gigantesque pour arriver à la destination qui est celle qui était l'esprit du rapport Castonguay, à savoir d'en avoir pour notre argent? Et est-ce qu'on a besoin de recréer des structures ou de dupliquer des structures qui sont là, au moment où on se parle, et qui font le travail, quoique les structures qui sont en place aient besoin d'aménagement, sans aucun doute, pour aller un pas plus loin?

Et là j'insiste là-dessus, on n'en a pas, nous, contre le fond, la vertu qui est proposée par l'INESSS, le projet de loi n° 67 en soi. On en a contre la forme et on va vous expliquer pourquoi. Vous proposez une structure qui vise une certaine vertu en termes de rendement. Et ça, je le dis au sens tout à fait correct du terme. Il est normal pour l'État de s'assurer que les dollars dépensés en santé donnent les résultats visés, de la façon la plus efficace et efficiente possible. C'est correct. À partir du moment où on a dit ça, avons-nous les moyens pour le faire? Alors, que va faire l'INESSS de plus que les structures actuelles? Bien, c'est une question, je pense, qu'on doit se poser et c'est un des aspects que l'on va aborder en introduction.

Alors, je rappelle à tout le monde qu'au moment où on se parle il y a deux structures qui existent, dans l'appareil de santé, dans l'appareil administratif de l'État, qui ont pour rôle un rôle ou une mission consultative et de recommandation auprès du ministère, que sont l'AETMIS et le Conseil du médicament.

L'AETMIS, qui est une évolution de ce qui était le CETS à l'époque, qui a été créé à la fin des années quatre-vingt, en 1988, qui a évolué dans le temps pour devenir l'AETMIS, est une structure, et ça, c'est très important de le reconnaître, qui a pris un certain temps à prendre son envol, mais qui a fini par le prendre. J'insiste sur le fait que le CETS, qui est devenu l'AETMIS, fait ça, ce que l'INESSS devrait faire dans le monde de la santé. Si on regarde la vie de ces organisations-là pendant les 20 dernières années, parce que c'est la période de laquelle on parle, ça a pris un certain temps. Pourquoi? Ils ont eu et ils ont encore, dans une certaine mesure, des problèmes de financement. Ils ont eu et ils n'ont plus un problème de synchronisme avec la pratique médicale. Et ils ont maintenant, ils exercent maintenant un rôle de recommandation ou de consultation qui est excellent. Et je vous dirais de façon non équivoque que, du point de vue médical, l'AETMIS, depuis, je dirais, quatre ans, certainement trois ans, produit des rapports qui sont contemporains avec la science médicale, qui sont très bien faits, qui ne sont pas une duplication qui se fait ailleurs sur la planète et qu'ils sont rentables pour la société, s'ils étaient appliqués, et j'y reviendrais plus tard.

Alors, l'AETMIS, qui est une évolution de ce qui était le CETS, est aujourd'hui une organisation fonctionnelle, efficace, à mon sens, qui donne des résultats, du moins pour les documents qu'ils ont le mandat de produire, et qu'on s'apprête à démanteler, à toutes fins utiles, parce qu'on va l'incorporer dans une nouvelle structure. Et le simple fait de créer une nouvelle structure, par définition, induit un risque de perturbation. C'est obligatoire.

Je ne connais pas, moi, dans l'histoire, de fusion, ne serait-ce que dans le monde des affaires, qui n'a pas passé, après la fusion, par une perturbation d'une des deux organisations. Ça ne se peut pas, là. On fusionne deux organisations, il va y en avoir une troisième, il va y avoir une perturbation. Combien de temps qu'elle va durer, je ne le sais pas, mais ça va durer un certain temps, j'en suis convaincu. Et le problème de ces organisations-là, c'est leur crédibilité face au milieu - là, je représente ici le milieu médical - c'est leur crédibilité.

L'AETMIS, avec le temps, le CETS avant, a une crédibilité, c'est clair. Alors, dans la période de perturbation, est-ce qu'on va perdre ça? Je ne le sais pas, mais il est probable qu'il y ait une période de flottement qui soit plus ou moins longue, qui pourrait être plus longue que courte. Et est-ce qu'au bout de cette période de flottement là on aura amélioré les choses? J'en doute fort parce que l'AETMIS fait son travail.

La deuxième organisation est le Conseil du médicament. Lorsque j'étais dans la salle, il y a quelques minutes, j'entendais nos collègues pharmaciens y faire référence d'une façon très élaborée. Le Conseil du médicament a vécu un peu les mêmes problématiques que le CETS, qui est devenu l'AETMIS, avec le temps. Le Conseil du médicament est plus jeune. Il est là depuis 2003. Vis-à-vis nous, il a eu un début qui a été beaucoup plus laborieux et qui a pris pas mal d'efforts et de temps pour en venir à une structure qui soit... qui ait la crédibilité et le lien de confiance nécessaires pour arriver à la destination que l'on vise. Et on en arrive là, là. On a fait jusqu'en... Et on ne fait pas encore tout ce que l'on pourrait faire avec le Conseil du médicament.

Est-ce que l'INESSS va faire quoi que ce soit de plus dans cette sphère d'activité là que ce que le Conseil du médicament va faire... fait aujourd'hui? On a certains doutes. On ne pense pas, nous, que l'INESSS doit aller dans divers horizons comme ce qui a été proposé dans le rapport, et je vais y revenir dans un instant. Alors, sur le plan fondamental de fusionner deux structures qui, au moment où on se parle, fonctionnent très bien pour une, je pense, bien et pas loin de très bien pour l'autre, vu du plan... vu de la pratique médicale, on voit difficilement la plus-value qu'il y aurait ou qu'il y aura à les fondre dans une nouvelle organisation qui s'appelle l'INESSS.

Je rappelle également que l'INESSS avait initialement un seul s et, à un moment donné, elle a eu trois s. Et, à ce titre-là, là non plus la nouvelle structure n'a pas nécessairement une plus-value évidente. Parce que cette année... bien, c'est-à-dire l'année dernière, en 2009, il y a un décret qui est passé, qui a donné à l'AETMIS un volet d'action supplémentaire, qui est celui des services sociaux.

Alors, l'AETMIS, dans son mode de fonctionnement actuel, a encore des embûches auxquelles on pourrait s'adresser d'une façon administrative ou législative sans qu'on ait à passer par une nouvelle structure. Si, par exemple, l'AETMIS a une problématique pour avoir accès à l'information nécessaire pour faire les études qu'elle a à faire, bien, qu'on réglemente pour lui donner ce pouvoir-là. Si l'AETMIS a une problématique en termes budgétaires, bien, qu'on réglemente pour lui donner cette possibilité-là. Est-il nécessaire de passer par une nouvelle structure pour arriver à la destination que l'on veut, tout le monde, qui est en avoir pour notre argent, sur une base rigoureuse d'évaluation, de consultation et de mise en application? C'est ça que l'INESSS doit faire.

.(16 h 20).

L'INESSS est une organisation qui n'est pas là, contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, là, l'INESSS n'est pas là pour gérer le système de soins. L'INESSS, elle est là pour mettre en place les éléments qui vont faire en sorte que les soins donnés à la population, et les services sociaux, parce qu'il y a deux autres s, soient du niveau de l'excellence. Point. Et c'est ce que le NICE fait.

J'insiste là-dessus parce que, comme je l'ai souvent dit dans le passé, au Québec nous avons une propension quasiment maladive de copier ce qui se fait en Angleterre. En Angleterre, il y a des bonnes choses qui se font puis il y a des mauvaises choses qui se font. Le NICE est une bonne chose. Le NICE n'est pas une agence d'évaluation, ne veut pas l'être et ne le sera probablement jamais. Le NICE est une organisation qui fait essentiellement des lignes de conduite. Et ça fonctionne parce qu'elles sont appliquées et elles ont comme objectif de s'assurer de la pertinence et de l'efficacité de la dépense. Et c'est un organisme qui est indépendant, et j'y reviendrai dans un instant, sur ce point. Alors, si on a à copier le NICE, là, copions-le correctement et donnons-lui pas des pouvoirs ou des missions qui ne sont pas de son ordre. Ce n'est pas son territoire, au NICE, ni à l'INESSS, de faire de l'évaluation.

Alors, j'en viens aux recommandations qui sont dans les... qui sont celles du Rapport du Comité d'implantation sur l'INESSS. Et nous avons constaté que, je pense, que vous avez... nous avons constaté que vous avez probablement pris la bonne décision, notamment en ce qui a trait à la révision périodique du panier de services. Ce n'est pas le rôle d'un organisme comme celui-là de réviser ça. Premièrement, on l'a tous essayé, là, puis on l'a tous... en tout cas, du côté médical, on l'a tous périodiquement proposé. C'est toujours une goutte dans l'océan. Et politiquement, en général, c'est absolument infranchissable. Et de toute façon ce n'est pas le rôle d'une telle organisation de faire ce genre de chose là, comme ce n'est pas le rôle, encore une fois, de l'INESSS de faire de l'évaluation. L'évaluation, c'est le rôle du ministère.

Le ministère, s'il a un problème aujourd'hui pour faire de l'évaluation, c'est d'abord et avant tout parce qu'il y a un problème pour collecter... colliger, pardon, des données. On a un problème, au Québec, de gestion de dossier. On a un problème de banque de données, qui un jour va se régler, au moins en partie, par le dossier électronique, et c'est au ministère de faire ça. Les indicateurs, c'est au ministère de faire ça. M. le ministre, vous êtes ferré en indicateurs, vous aimez ce sujet-là, je suis sûr que vous allez être d'accord avec ça, c'est la job du ministère, peu importe le parti au pouvoir. C'est la job de ceux qui paient d'évaluer si les choses sont faites. Le rôle de l'INESSS, c'est de déterminer comment elles doivent se faire selon la science, deux concepts complètement différents. Alors, de dire, comme le Comité d'implantation avait recommandé, qu'on devrait faire de la révision puis de l'évaluation du panier de services, c'eût été une erreur, et nous sommes bien heureux de voir que vous avez passé outre cet aspect-là.

Une des recommandations subséquentes qui venaient dans ce rapport était la problématique, à laquelle j'ai fait référence il y a quelques instants, d'inclure les services sociaux et même d'aller plus loin en ce qui a trait au guide de pratiques multidisciplinaires et intersectorielles. Bon. Est-ce que c'est vraiment nécessaire d'avoir un INESSS pour faire ça? Je l'ai dit il y a un instant, vous venez de faire un décret pour donner ce rôle-là à l'AETMIS. Pourquoi faire cette mégastructure-là, que va être l'INESSS, pour faire ce que l'AETMIS fait déjà et fait, à mon avis, correctement? Là, je ne parle pas des services sociaux parce que c'est leurs premiers balbutiements, mais, s'il l'ont réussi avec la médecine, je ne vois pas pourquoi ils ne réussiraient pas avec les services sociaux.

Le troisième élément qui est nouveau dans les recommandations du Comité d'implantation, qui est dans le projet de loi, est à propos... traite des lignes directrices ou des guides cliniques. Alors ça, c'est l'essence de ce que doit être l'INESSS, s'il y en a un, et c'est l'essence de ce que fait l'AETMIS aujourd'hui. C'est ça qu'ils font. Peut-être qu'ils n'en font pas assez parce qu'ils n'ont pas les budgets, mais c'est ça qu'ils font. Et ils le font, comme je l'ai dit tantôt, très bien au moment où on se parle. Les guides qui sortent actuellement sur divers sujets, et ça va des bassines à l'hôpital jusque dans le cancer du sein, sont d'excellents guides, d'excellents rapports. Alors, on se pose la question: Pourquoi passer à une étape complexe, qui est celle de la création d'une mégastructure, pour faire ça? Les lignes directrices et les guides cliniques, ça, c'est la copie du NICE, et c'est certainement la chose qui doit être faite, d'une part.

D'autre part, ça nous amène, ce sujet-là, à insister sur l'importance majeure du fonctionnement éventuel de l'INESSS, s'il doit être créé. Encore une fois, on espère qu'il ne le soit pas, mais j'ai l'impression qu'on ne gagnera pas sur ce point-là. Un point majeur, en fait des points majeurs qui sont... qui en viennent à l'essence de cette organisation, qui... veut que c'est une organisation qui doit consulter les experts - les experts sont sur le terrain - et en faire des recommandations qui doivent être appliquées ou non. Et ça, ça nous emmène dans un sujet qui est, à notre avis, extraordinairement mal traité dans le projet de loi n° 67, qui est l'indépendance de l'INESSS. Quand on regarde le projet de loi et la série d'articles qui sont celles que vous connaissez et auxquelles on fait référence dans notre document, 11, 24, 28, 29, 42, 50, 100, là, quand on regarde ça, tous les éléments sont là pour faire en sorte que l'INESSS soit exactement le contraire du NICE, à savoir un organisme qui soit au service du ministre. Et là je ne personnalise pas la chose et je vais vous dire pourquoi je ne la personnalise pas.

L'INESSS, si elle naît aujourd'hui, va fonctionner parce que les gens qui sont dans l'AETMIS actuellement font les choses correctement. Un... Et les lois servent... C'est comme les contrats. Je dis toujours la même chose: un contrat, ça sert quand ça va mal, pas quand ça va bien. Quand vous et moi sommes en affaires, si on a une relation qui a de l'allure, les choses vont bien aller, même quand ça va mal aller. Mais, si ça va mal, vous allez sortir le contrat. La loi, c'est la même chose. La loi, dépendamment des personnes qui sont en place, peut donner un tout autre résultat que celui que l'on aurait le jour un de l'INESSS, tout autre. Actuellement, l'équipe de l'AETMIS, là, c'est une excellente équipe, qui fait une bonne job. Mais le simple fait d'avoir le potentiel de... que le ministre - peu importe le ministre, je ne personnalise pas la chose - ait le pouvoir de tout décider dans l'INESSS est, pour moi, l'antithèse absolue de la mission d'une organisation qui vise à faire ça: de l'évaluation et des recommandations.

Le Président (M. Kelley): Je vous invite à arriver à une conclusion parce qu'on a légèrement dépassé le 10 minutes accordé, alors...

M. Barrette (Gaétan): Beaucoup de questions... Je vais... Ah oui! c'est vrai, j'avais oublié ça, que vous me donniez juste 10 minutes.

Le Président (M. Kelley): Oui, bon...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Barrette (Gaétan): Vous ne me l'aviez pas dit, hein? Vous ne me l'avez pas dit.

Le Président (M. Kelley): Mais c'était dans les ordres qui étaient...

M. Barrette (Gaétan): Ce n'était pas dans le contrat.

M. Drainville: Si vous en voulez plus, vous allez devoir vous faire élire.

M. Barrette (Gaétan): C'est correct.

Des voix: Ha, ha, ha!

.(16 h 30).

M. Barrette (Gaétan): Laissez-moi... Elle est bonne! Laissez-moi deux, trois minutes pour arriver sur un point. Les éléments de loi, dans la loi, sont tels que le ministre nomme le conseil d'administration ou nomme les catégories, le ministre nomme, à la limite, le P.D.G., le ministre... Écoutez, là, le ministre a le... s'occupe du budget, va décider ultimement quels sont les missions, les sujets qui sont traités par l'INESSS. Cet organisme-là ne peut pas être indépendant. C'est impossible que cet organisme-là soit indépendant, et c'est l'antithèse de sa mission.

Et je vais terminer, puisque vous allez me donner encore juste une minute, sur un élément, puis après ça je reviendrai sur tout, évidemment, aux questions que vous allez me poser. J'insiste sur le fait que, dans un contexte économique où on s'adresse à l'efficacité de la dépense... comment se fait-il qu'au Québec on ne tire pas tous les avantages qu'on devrait tirer de la collaboration qu'on pourrait faire avec le fédéral dans les sujets qui sont ceux de l'INESSS? Et j'ai nommé - c'est dans notre mémoire - l'ICIS et l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, à qui on envoie des millions de dollars par année en argent, mais à qui on n'envoie jamais les données nécessaires pour faire les comparatifs appropriés, pour avoir des études sur ce qui se passe au Québec. Le Conseil du médicament, il y a la moitié de la job qui se fait au Québec, au Conseil du médicament, qui se fait au fédéral. On duplique des millions de dollars, au moment où on se parle, et on va en dupliquer encore plus parce que l'INESSS va grossir ça, alors qu'on n'exploite pas l'investissement qu'on fait actuellement au fédéral.

Alors, je conclus en vous disant ça. Il y a des organisations actuellement dans le système de santé qui font la job qu'ils ont à faire, qui est celle d'un futur INESSS. Nous investissons dans d'autres structures des sommes d'argent qui ne sont pas rentabilisées parce qu'on duplique. Et, au bout de la ligne, on se donne des missions qui débordent largement les objectifs initiaux qui ont été mis sur la table pour, dans le texte, «en avoir pour notre argent», et on pense que là nous faisons fausse route.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dr Barrette. On va passer très rapidement à la période...

M. Barrette (Gaétan): Vous allez m'excuser d'avoir débordé.

Le Président (M. Kelley): Bon, c'est... la souplesse du président est assez bien connue, alors. Mais on va passer parce qu'on a un autre témoin après, il faut respecter le droit de parole de tout le monde, c'est le rôle essentiel du président.

M. Hudon (Gilles): M. le Président, je voudrais dire que j'ai remis une dizaine de copies de notre texte à Mme Laplante, étant donné qu'on l'a envoyé un peu tardivement. S'il y a des gens dans la salle qui n'ont pas de copie, vous pourriez en avoir une auprès de Mme Laplante.

Le Président (M. Kelley): O.K., parfait. Je pense qu'ils ont été distribués...

M. Hudon (Gilles): Très bien.

Le Président (M. Kelley): ...mais c'est bien noté, Dr Hudon. Alors, M. le ministre.

M. Bolduc: Dr Barrette, je suis d'accord avec vous sur plusieurs points. La collaboration avec le fédéral par rapport à l'ICIS, là, je suis... je dois vous avouer qu'on est en train de réévaluer, au ministère, nos collaborations. Et j'ai lu votre mémoire avec intérêt. Comme de fait, c'est un point qui est très sensible, où on devrait leur fournir des données comparatives pour qu'on puisse se comparer avec les autres provinces. Il faut comprendre également que l'ICIS, c'est eux autres qui fournissent les données au niveau de l'OCDE. Et puis, je suis comme vous, moi, j'ai été un petit peu choqué de voir que, dans le dossier de l'ICIS, les données du Québec ne sont pas présentes, ou encore le Québec s'est exclu, ou encore on n'a pas envoyé les indicateurs dans la bonne forme.

Ça, je peux vous assurer, puis vous l'avez dit tantôt, je suis très intéressé par les indicateurs, c'est un dossier qu'on travaille en ce moment. C'est un dossier également que je vais rencontrer l'ICIS pour voir comment on peut se conformer. Ça, en passant, on n'envoie pas des banques de données de noms de personnes, on envoie des données pour s'assurer qu'on puisse se comparer avec les autres. Ça, là-dessus, là, on se rejoint parfaitement.

Par rapport aux médicaments, je suis d'accord avec vous également. Le Conseil du médicament, l'AETMIS, quand ils font des révisions de la littérature, ils doivent aller chercher ailleurs qu'est-ce qui se fait. S'il y a quelque chose qui a déjà été fait, il ne faut pas dupliquer. S'il y a une chose qui est une perte d'énergie dans notre société, c'est, quand un travail a été bien fait, c'est de le refaire, puis de le recommencer, puis d'investir de l'énergie là-dessus. Puis ça, moi, je suis d'accord avec vous, on ne doit pas le faire.

Par contre, quand on regarde l'INESSS, l'INESSS, ce n'est pas une nouvelle structure qu'on crée puis qu'on dit: On en met une de plus. On prend le Conseil du médicament, on prend l'AETMIS, puis on les met ensemble dans lequel il va y avoir trois bras. Moi, au début, je le vois un peu comme ça, où les mêmes personnes vont travailler à l'intérieur, vont faire les mêmes mandats, sauf qu'on va leur rajouter des tâches dont, entre autres, les guides d'utilisation. Et je vois très bien qu'il va y avoir une équipe probablement qui va être responsable de l'évaluation des technologies, il va y avoir une équipe, qui ne sera pas la même, qui va être responsable au niveau du Conseil du médicament qui... En passant, ça va être les mêmes personnes qui sont déjà là. Et puis je m'attends également qu'il va y avoir d'autres équipes, entre autres pour des guides de pratique, il va peut-être y avoir d'autres équipes pour d'autres affaires, mais ça nous permet de regrouper sous un seul chapeau, au niveau administratif, plusieurs fonctions.

Il y a un gain à faire ça. Le gain, il est à un endroit, c'est: plutôt que de travailler en silo, on devient avec une organisation où chacun va pouvoir collaborer et, s'il y a une étude dans laquelle il y a du médicament, il y a de l'évaluation des technologies, on va former un comité de travail de ces gens-là, les faire travailler ensemble, faire un rapport, ça va être des...

Puis là-dessus je vous rejoins également, nos experts sont excellents au Québec. Vous le savez, votre association, vous avez du monde de très haute qualité, des gens qui sont reconnus à tous les niveaux, et puis, ces gens-là, on va s'en servir, parce que c'est des gens qui proviennent de sociétés savantes, pour nous faire des recommandations pour utiliser les meilleures pratiques. C'est ça, l'objectif de l'INESSS. Ce n'est pas une affaire qu'on va mettre plus d'argent, ce n'est pas une affaire qu'on va mettre moins d'argent. On va mettre les mêmes montants, mais probablement mieux utilisés. C'est dans cette perspective-là qu'il faut le voir.

Du côté de l'indépendance, on fait des mécanismes que, oui, le ministre... ça prend quelqu'un, à un moment donné, qui fait des commandes, mais, moi, ce que je vois surtout, là, puis là... je vais vous rejoindre sur quelque chose. Quand on fait une loi, là, en tout cas, moi, personnellement, je la fais... que ce soit n'importe quel ministre, que ce soit n'importe quel gouvernement, que ce soit n'importe quel parti au pouvoir, théoriquement, celui qui va nous suivre ou celui qui va me suivre, celui... le gouvernement qui va suivre par la suite, il devrait dire: Ces lois-là ont été bien faites. Puis ça, là-dessus, l'opposition, on travaille ensemble, je pense, assez bien pour dire que, quand on va sortir de cette loi-là, qu'on devrait avoir quelque chose que tout le monde devrait être satisfait parce qu'on ne travaille pas pour un parti ou pour un gouvernement, on travaille pour la société.

D'ailleurs, c'est comme ça qu'a été pensé l'INESSS. On veut avoir des mécanismes d'une grande indépendance, dans lequel il y a quand même un mécanisme de reddition de comptes avec le ministre et dans lequel c'est des comités indépendants, d'experts - ce n'est pas le ministre qui va aller faire la job - dans lequel il va y avoir des tables de concertation et sur lequel va siéger un conseil d'administration qui va être nommé par le ministre quand on va avoir consulté les gens. Et les gens qui vont être là-dessus, ça va être la crédibilité de l'organisation qui est en jeu, donc on va mettre des gens avec un code d'éthique, indépendants de pensée et que leur seule mission, c'est de s'assurer que l'INESSS fasse un bon travail.

On a tendance à comparer avec NICE. Là-dessus aussi, je vous rejoins. NICE, c'est une structure qu'ils ont faite en Grande-Bretagne. On s'en est inspiré pour certains éléments. Il y a beaucoup d'autres éléments qui vont être uniques au Québec. Services sociaux, c'est quelque chose de nouveau qu'on met là-dedans. Et, je suis d'accord avec vous, ça a été mis dans l'AETMIS, il faut le garder dans l'INESSS parce que, maintenant, on a un système de santé et de services sociaux dans lequel, on sait, les déterminants de la santé, bien ça a de l'importance au niveau de la santé des gens, puis il faut être capable de tout regrouper ça.

Les autres choses, comme des guides de pratique. Les guides de pratique, ça, ça va être fait par des experts du Québec. Et puis, tantôt, je pense que vous m'avez entendu quand j'ai dit: Un guide de pratique, ce n'est pas nécessairement des obligations, puis on n'est pas enchaîné à ça, il y a une logique également. Par contre, on s'attend que, si c'est un bon guide de pratique, la majorité des gens devraient le suivre. Puis, comme vous avez dit, ça, je le respecte aussi, vous avez dit: On n'est pas pour la formation, mais on ne s'attend pas à ce que ça va être ça qui va être retenu. Moi également, je m'attends à passer l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux. À partir du moment que la loi va être passée, que l'organisme va être créé, on va intégrer.

Un peu de divergences. Vous avez dit: À toutes les fois qu'on fait une fusion, il y a de la turbulence. Oui, excepté qu'on n'est pas dans un contexte qu'on va couper dans les organisations. D'ailleurs, la façon dont on l'a pensé, c'est qu'on fait l'organisation, les conseils travaillent de la même façon, après ça, on va intégrer de façon progressive, puis on va peut-être avoir plus, dans un premier temps, une intégration administrative, et après ça on regardera comment on va intégrer nos différentes composantes. Mais vous comprendrez que les gens qui vont faire l'étude du médicament, ce ne sera pas les mêmes gens qui vont faire l'évaluation des technologies, ce ne sera peut-être pas les mêmes gens qui vont faire les guides de pratique, et il y a peut-être une personne qui va siéger à deux niveaux. Donc, ça va être à l'INESSS lui-même d'organiser sa structure. Ce qui est important pour l'INESSS, c'est qu'ils fassent la job.

Et ça, je vous reprends aussi là-dessus, c'est vrai que l'AETMIS a une reconnaissance internationale au niveau de leurs études, c'est vrai que le Conseil du médicament, c'est un modèle au Québec. Contrairement à ce qu'on peut laisser croire, là, que ça ne fonctionne pas, ce n'est pas vrai, ça fonctionne très, très bien. Et, vous l'avez dit vous-même, ça prend un certain temps avant que ça fonctionne bien. Moi, comme ministre, ma préoccupation, une fois que la loi est passée, c'est de m'assurer qu'ils continuent à faire un aussi bon travail, mais à l'intérieur d'une structure qui va s'appeler l'INESSS, dans lequel on veut à long terme que ça donne des bons résultats pour les Québécois. Je veux également, comme politicien, le rendre indépendant le plus possible du monde politique. Mais, vous comprendrez, il faut le rattacher à quelque part. Et je pense que vous avez bien dit tantôt: Ça relève du ministre. Ce n'est pas l'Assemblée nationale qui va décider comment va fonctionner l'INESSS. Il y a un mandat côté ministériel qui est de s'assurer que le système de santé fonctionne bien. On se crée une structure qui n'est pas du ministère, mais bel et bien du côté indépendant, autonome, qui va être l'INESSS dans lequel eux autres vont avoir des comptes à rendre.

Par rapport aux indicateurs, je vous rejoins puis j'ai un peu de divergences. Les indicateurs, ça en prend partout. Il y a eu des discussions tantôt sur les indicateurs, je pense que les gens se sont mêlés. Quand le Commissaire à la santé va faire des indicateurs, ça va être des indicateurs de performance de système. Moi, au niveau du ministère de la Santé, j'ai des indicateurs de résultat, de fonctionnement. Ça me prend des indicateurs parce que je mesure des choses. Quand on va arriver à l'INESSS, ça va être des indicateurs par rapport à ce qu'eux autres vont mesurer. Exemple, si on fait une étude sur... on le faisait... le cancer du sein, on parle de la mammographie, si on s'entend que l'indicateur, c'est 60 % de la population qui devrait avoir des mammographies de dépistage, bien on va s'attendre que l'INESSS va nous faire des recommandations solides par rapport à des systèmes de dépistage dans lesquels on veut rejoindre un nombre de personnes qui devraient nous donner un niveau de vie. Donc, les indicateurs, ce n'est pas à un endroit. C'est à chacun des endroits que ça prend ces indicateurs pour les tâches qu'ils ont à accomplir. Qu'est-ce que vous pensez de ce que je viens de vous dire là?

Le Président (M. Kelley): Dr Barrette.

.(16 h 40).

M. Barrette (Gaétan): Vous avez dit beaucoup de choses, alors je vais... Je vais y aller à rebours.

Pour ce qui est... C'est correct pour le cancer du sein, ce n'est pas le rôle de l'INESSS de mettre en place des indicateurs de ça. C'est le rôle de l'INESSS de mettre en place des recommandations qui vont faire que le programme va se déployer et se faire correctement. C'est parfait.

Par contre, là où je m'inscris en faux, c'est sur deux éléments. Que vous le vouliez ou non, là, de la manière que c'est construit, ce projet de loi là, l'INESSS ne peut pas être indépendant. Vous allez avoir le pouvoir de nommer les gens, de nommer tout le monde à tous les étages et, au bout de la ligne, vous allez faire les commandes. La problématique qu'un organisme comme l'INESSS ou le NICE a, ce n'est pas tant de savoir qui est dessus, mais la vraie problématique, quand tout fonctionne bien, c'est quels sujets on aborde. Ça, c'est une vraie problématique. Il y a tellement de sujets qu'on pourrait... On pourrait partir une étude sur les ongles incarnés, là. Mais on ne fera pas évidemment ce genre de choses là, ça n'a pas d'intérêt à large spectre. Mais ça, c'est une problématique.

Mais là, vous, là, pas vous personnellement, mais le ministre, dans cette loi-là, a le pouvoir de tout décider. Non seulement il a le pouvoir de tout décider, il décide de tout, là: il nomme les gens à tous les niveaux, il nomme le P.D.G., il décide du budget, il oblige l'INESSS à montrer patte blanche pour ce qui est de son budget... pas son budget, mais ses orientations pendant l'année, et en plus - puis là j'insiste là-dessus - le projet de loi, là, il est très vague, en fait, il est muet sur la mécanique qui va décider de ce qui va être fait, comme il est muet sur la mécanique ou presque muet sur la mécanique qui va être mise en place pour faire les études.

Le NICE, lui, parce que c'est le modèle, il est, par définition, indépendant. C'est sûr qu'il a ses règles, il a été créé par l'État, mais il est indépendant, et ses recommandations sont indépendantes, et ça va aussi loin que le NICE, lui, décide et sous-traite la consultation aux experts sur le terrain. Sur ce plan-là, le projet de loi n'est pas clair. Par contre, il y a tellement d'éléments qui vont dans la direction du contrôle ministériel que ça ne peut pas ne pas être un danger en soi. Je ne dis pas qu'au jour 1, là, ça va être le désastre, mais la structure de cette loi-là ne garantit pas l'indépendance d'esprit d'une organisation dont la fonction est de faire des recommandations neutres.

L'autre élément sur lequel le document, le projet de loi est beaucoup trop muet, c'est ce que va faire le ministre avec les recommandations. Que va faire le ministre? Le ministre n'a pas mais devrait avoir l'obligation de commenter, dans les plus brefs délais à être établis par réglementation, sur le rapport qui est produit par l'INESSS. Va-t-il y donner suite, oui ou non? S'il dit non, pourquoi.

Je vous donne un exemple. Ça, c'est un an, le rapport de l'AETMIS sur le dépistage de la rétinopathie diabétique, un des meilleurs rapports produits par l'INESSS. Il y en a d'autres, j'en ai apporté d'autres. Ça, c'est d'actualité. La maladie qui est la maladie du XXIe siècle, c'est le diabète. La complication qui est socialement et économiquement la plus coûteuse, c'est la cécité, une d'elles du moins. Elle est certainement une des plus dramatiques pour les patients. Ce rapport-là, très bien fait, fait une recommandation qui est simple, qui est la mise en place d'un programme dont tous les paramètres sont dedans, incluant les paramètres économiques. Ce rapport, au moment où on se parle, accumule de la poussière sur une tablette en quelque part. Alors ça, c'est l'avis du futur INESSS.

Qu'on parle de la philosophie de l'INESSS, moi, je n'en ai pas, de problème avec ça. Je sais une chose, c'est que, si les choses ne sont pas claires à la case départ: indépendance, indépendance, et après qu'est-ce qu'on fait avec les rapports, on va dépenser des dollars. Moi, si j'étais à l'AETMIS... J'ai beaucoup de respect pour les gens de l'AETMIS, parce que pondre ça et ne rien faire avec, c'est une presque honte. Ça, c'est ça qu'on veut. La science, elle est là, et l'économie est là. La démonstration est faite - évidemment, l'Angleterre est là aussi, là, est dedans, là, c'est notre modèle - ça existe, et l'effet est là. Alors, dans le projet de loi actuel, le prochain rapport comme ça - j'en ai d'autres, si vous voulez, je peux vous en montrer d'autres - bien il va faire quoi avec, là?

Je pourrais vous sortir le rapport sur les bassines d'hôpital dans la contamination de patient à patient avec les bassines. Excellent rapport. On se dit: Comment ça se fait que l'AETMIS a pondu un rapport comme ça? Je ne le sais pas, quelle est la mécanique qui a amené l'AETMIS a étudier ce sujet-là, mais c'est un excellent rapport. Je les lis tous, moi, les rapports de l'AETMIS, c'est de la lecture de chevet, c'est du bonbon depuis à peu près trois ans, et ça accumule de la poussière.

Le projet de loi ne prévoit aucune mesure, il n'y a aucune provision pour que le ministre, entre guillemets, là, rende des comptes - entre guillemets, ce n'est pas péjoratif. Mais, à un moment donné, si on paie des millions de dollars, parce qu'on va en payer des millions, pour faire faire des études par des experts, puis, si c'est vrai qu'on a plein d'experts, puis ils sont aussi bons que les autres, on fait quoi avec les rapports? Pourquoi le projet de loi qui s'attarde à donner au ministre le pouvoir de nommer tout le monde, contrôler le budget, et ainsi de suite, pourquoi le projet de loi ne prévoit-il pas de prendre... de ce qu'il va faire, le ministre, avec la conséquence, le résultat qui est le rapport?

Alors, moi, quand je regarde ça - et, M. le ministre, là, encore une fois, là, c'est tout à fait, là, hypothétique - c'est bien évident que, si une partie a le pouvoir de gérer les orientations de l'organisation, il est possible qu'il y ait une influence sur les sujets, sur les rapports. Le conflit d'intérêts potentiel est évident. Dans n'importe quelle autre organisation, on interdirait ça. Normalement, on doit interdire ça. Le président du conseil d'administration n'est pas le P.D.G. La gouvernance d'aujourd'hui interdit ça. Le ministre ne devrait pas tout nommer et le ministre devrait avoir l'obligation de prendre une décision et de la justifier lorsqu'un rapport sort.

Et là, là, je vous en donne un, je vous donnais celui des bassines, je peux vous le donner sur le dépistage du cancer du sein, je peux... Il y en a plein, là. Bien, l'AETMIS n'en font pas plein, mais ils font ce qu'ils peuvent avec le budget qu'ils ont, mais ils font une bonne job, et c'est d'actualité. Je reviens sur ce que j'ai dit tantôt, c'est très important pour tout le monde. Il y a eu un temps, dans le temps du CETS, où les études étaient «détimées» par rapport à la... elles n'étaient pas en synchronisme. L'étude se faisait, ça avait déjà été fait ailleurs, puis on refaisait un peu les autres. Là, là, on est exactement où on doit être. Les rapports sont biens faits et ils accumulent de la poussière. La loi ne prévoit rien en ce sens. Pour moi, c'est déplorable.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Bolduc: Bon, j'ai terminé. Juste pour vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous sur la qualité des rapports de l'AETMIS...

M. Barrette (Gaétan): On s'en va.

M. Bolduc: Non, non. Non parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bolduc: Vous pouvez partir, mais il faut qu'il vous parle. Je pense qu'on est tout à fait d'accord, puis je suis d'accord que ça nous prend des mécanismes pour les mettre en place. C'est certain qu'entre le moment qu'il y a un rapport puis qu'on réussit à appliquer des recommandations, parce que, souvent, c'est des programmes, il y a des délais, mais je peux vous dire qu'il y a une volonté. Mais ne serait-ce que pour la communauté, je dirais, de la santé, je ne parle pas juste médicale, les rapports de l'AETMIS, c'est toujours des modèles sur lesquels on calque nos pratiques par la suite.

M. Barrette (Gaétan): Mais, M. le ministre, vous ne me dites pas pourquoi, dans le projet de loi, il n'y a pas une provision pour s'assurer que le ministre ait à statuer rapidement après la production d'un rapport.

M. Bolduc: Tout simplement, c'est que, quand on reçoit un rapport, comme n'importe quel rapport... Bien, je prends des rapports, par exemple le rapport de la maladie d'Alzheimer. Quand tu regardes un rapport, il faut le mettre en place, il faut se donner des délais, il faut voir également l'applicabilité, la faisabilité, puis ça, on le travaille avec d'autres équipes. Mais généralement, quand vous regardez après une période de temps, les rapports sont mis en application, mais...

M. Barrette (Gaétan): Ça, ce n'est pas vrai, ça. Ne me dites pas ça, là.

M. Bolduc: Bien, en tout cas...

M. Barrette (Gaétan): S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît, là!

M. Bolduc: Mais en tout cas... je pense que... je ne veux pas argumenter là-dessus. C'est juste pour vous dire qu'il y a une volonté quand même de travailler là-dessus. Là-dessus, moi, je...

M. Barrette (Gaétan): Mais, M. le ministre, je vous repose la question. Elle est simple, la question: Pourquoi n'y a-t-il pas une provision qui laisse le temps au ministre de faire son analyse, mettons six mois, trois mois, quatre mois, un an, pourquoi il n'y a pas une provision qui garantisse qu'une opinion, et une décision, sera prise par le ministre sur l'application ou non du rapport?

M. Bolduc: Parce que chacun des rapports est différent, ça dépend des recommandations. Et ce qui est intéressant par contre, c'est qu'il y a toujours possibilité aux gens de poser des questions parce que les rapports sont rendus publics. Et puis je pense que c'est le meilleur mécanisme... Au niveau politique, il faut le régler au niveau politique, et puis je ne pense pas que le ministre, que ce soit moi ou les ministres qui suivent... parce que, comme je vous l'ai dit, moi, je n'aurais pas trop de problème, sauf qu'il faut laisser la place aux gens, au niveau du jugement, de décider si, oui ou non... qu'est-ce qu'ils vont faire avec un rapport. Mais je peux vous assurer que nos oppositions, quand il y a des rapports comme ça, ils nous posent des questions. C'est beau. Merci beaucoup.

M. Barrette (Gaétan): Bien, c'est-à-dire que ce n'est pas la même chose... ce n'est pas la même chose que d'attendre la question de l'opposition que d'avoir l'obligation de prendre des décisions sur un rapport qui est produit par un organisme paragouvernemental. Ce n'est pas la même affaire du tout, du tout, du tout. Ça veut dire que, dans une dynamique comme celle-là, ce que vous me proposez, c'est de faire du lobby. Je ne suis pas supposé en faire. Je n'ai pas le droit de faire de lobby, moi, vous le savez, vous avez une loi qui me l'interdit. Alors, vous me demanderiez de faire du lobby auprès de l'opposition pour qu'ils vous posent des questions si vous avez décidé de ne pas prendre de décision. Ce n'est pas la même game pantoute, là. Et, en passant, ça, c'est public, là. Ces documents-là, là, ils sont publics. C'est qu'il n'y a pas de décision. Ça fait que, là, je reviens à ce que je disais tantôt, on va créer un nouvel institut, une nouvelle instance, un nouvel organisme, dans lequel on va investir de l'argent, qui va dupliquer ce qui se fait actuellement et qui va même s'élargir, et on n'a même pas la garantie que la mission qu'on lui donne va être évaluée et qu'une opinion va être donnée sur le bien-fondé ou non de la mettre en application.

Alors, je reviens à ce que je disais: rétinopathie diabétique, c'est de la vraie science, de la vraie épidémiologie, de la vraie clinique, des vrais problèmes, des vrais programmes, un vrai document bien fait, et je l'ai dépoussiéré pour vous le présenter aujourd'hui.

.(16 h 50).

Le Président (M. Kelley): Alors, M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président.

M. Barrette (Gaétan): M. le député de Marie-Victorin, je peux-tu faire une phrase, un dernier commentaire? Si vous l'abordez tantôt. Je ne suis pas d'accord avec vous, hein: des lignes directrices, c'est fait pour être appliquées, ce n'est pas fait pour être laissées au bon vouloir de tout le monde, là.

M. Bolduc: ...pour répondre. Je suis d'accord avec vous, les lignes directrices... L'affaire qu'on a, par contre, même vos associations vont le dire, c'est qu'il y a des lignes directrices qui vont être assez strictes et il y a des lignes directrices, ça prend de la souplesse et de la flexibilité. C'est surtout...

M. Barrette (Gaétan): Si on aborde ça à nouveau, bien je ferai un commentaire supplémentaire puisque... Je ne voudrais...

Le Président (M. Kelley): On va laisser maintenant...

M. Barrette (Gaétan): ...surtout pas voler du temps à l'opposition.

Le Président (M. Kelley): Oui, exactement. On va laisser le temps au député de Marie-Victorin de choisir le sujet de la prochaine question.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Dr Barrette, je vais demander votre collaboration, j'ai plusieurs questions à vous poser. Alors, je suis sûr que vous avez...

M. Barrette (Gaétan): Faire des réponses courtes?

M. Drainville: ...un esprit de synthèse... Oui, c'est ça. C'est le temps de nous le montrer, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: Page 9, Autonomie et absence d'ingérence politique.

M. Barrette (Gaétan): J'ai déjà répondu.

M. Drainville: Vous faites référence au fait qu'il y a plusieurs articles du projet de loi, 11, 21, 24, 29, 40, 52 et 100, qui soumettent l'ensemble de l'organisme, c'est-à-dire l'INESSS, au ministre et à son pouvoir discrétionnaire: le gouvernement nomme les membres du conseil, etc., nomme le P.D.G. - vous l'avez dit tout à l'heure. Vous dites, je vous cite: «L'institut serait donc au service du ministre et soumis au ministre, sans indépendance.» Vous dites également, je cite: «...la notion d'organisme indépendant n'a pas été retenue pour l'INESSS.» Bon.

M. Barrette (Gaétan): Ça m'apparaît clair.

M. Drainville: Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que cet organisme dont vous ne souhaitez pas la création - on aura compris ça, là... Mais, si ça va de l'avant puis que l'INESSS est créé, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour en assurer l'indépendance face au politique?

M. Barrette (Gaétan): Il faut que le processus de nomination soit indépendant du ministre tout simplement, comme le NICE.

M. Drainville: Donc, est-ce que ça veut dire, par exemple, nommé par l'Assemblée nationale, comme l'est le Vérificateur général?

M. Barrette (Gaétan): Ça pourrait être une formule. Il y a plusieurs formules. Ça peut être un comité de nomination public. Il suffit de déterminer quelles sont les règles des... Ça peut être une structure où il y a un concours, où il y a des organismes comme le nôtre qui proposent des candidatures, et d'autres, et ainsi de suite. Il y a plusieurs formules qui existent. Une chose est certaine...

M. Drainville: Dans le cas du NICE, ça fonctionne comment?

M. Barrette (Gaétan): Je ne le sais pas exactement. Le sais-tu, toi?

M. Hudon (Gilles): Dans le cas du NICE, son fonctionnement quotidien, là, je ne pourrais pas parler au sujet du conseil d'administration, mais, dans son fonctionnent quotidien, dans l'établissement des lignes directrices, il y a des appels d'offres, des appels d'offres publics où on met en jeu un sujet et on appelle des gens qui veulent servir à la fois comme membres d'un comité de fabrication de ces lignes directrices et d'avoir un président de ce comité. On leur donne un laps de temps, un an, deux ans, et subséquemment les travaux sont soumis à l'évaluation publique, puis tout le monde a le droit de passer des commentaires. Et, lorsqu'on met tout ça ensemble, on a un produit qui est fini et qui, étant donné qu'il a été produit avec une très large base, bien, qui fait en général relativement consensus. Et c'est ce qui donne la force à ces lignes directrices thérapeutiques du NICE, c'est d'avoir été établies par une très grande proportion des intervenants, en tout cas qui ont eu droit au chapitre, qui ont eu droit de se prononcer, et donc qui en font... qui font leurs, qui se les approprient et qui les appliquent.

M. Drainville: J'apprécierais, Dr Barrette, si jamais vous le souhaitez, de faire parvenir à cette commission, encore une fois si c'est votre bon désir, là, mais, moi, ce serait certainement mon bon désir, si vous aviez un certain nombre de recommandations à faire pour assurer l'indépendance du dirigeant, là, du président de cet institut, et possiblement également même des membres du conseil d'administration moi, je... ce serait souhaitable. Je l'apprécierais beaucoup, si vous aviez subséquemment des recommandations à nous faire que vous pourriez faire parvenir aux membres de cette commission sur les moyens.

M. Barrette (Gaétan): On va vous en faire. Essentiellement, ça va aller dans la direction d'un collège électoral comme ça existe dans d'autres institutions, collège électoral qui sera... qui devrait être constitué de représentants des milieux d'où viennent les experts, collège électoral qui, lui, élira ses gens pour aller sur ce conseil-là pour assurer l'indépendance. Alors, contrairement à ce qui a été dit dans le passé, là... dans la dernière présentation, le conseil d'administration, c'est de la gouvernance. Le dollar est dépensé comme du monde. Aux autres étages, ce sont des experts. Un collège électoral formé des universités, des fédérations, des pharmaciens, et ainsi de suite, peut très bien avoir la capacité d'élire, sur une série de représentants, des gens appropriés pour aller sur ce conseil-là et sur ces tables-là.

M. Drainville: Pour éviter qu'ils ne soient nommés par le ministre.

M. Barrette (Gaétan): Oui.

M. Drainville: Bon. O.K. Page 16 de votre mémoire, j'en arrive à un sujet qui découle de celui qu'on vient d'aborder, c'est la question du conflit d'intérêts. Et là l'article 19 du projet de loi, il faut le citer. Vous le citez dans votre mémoire.

M. Barrette (Gaétan): Tout à fait.

M. Drainville: Je le cite: «Le seul fait pour un membre du conseil d'administration ayant la qualité d'administrateur indépendant de se trouver, de façon ponctuelle, en situation de conflit d'intérêts n'affecte pas sa qualification.» Ça, c'est le projet de loi qui dit ça. Vous, vous dites dans votre mémoire, et je vous cite: «Fort des nombreuses critiques qui lui ont été adressées [durant] les derniers mois en matière de conflit d'intérêts, le gouvernement ne devrait ni tolérer ni ouvrir la porte à aucune forme, à aucune situation potentielle ou ponctuelle de conflit d'intérêts lorsqu'il s'agit d'administrer les fonds publics, a fortiori lorsqu'il s'agit d'un organisme qui peut faire l'objet d'un intense lobby. C'est pourtant ce que permet cet article. Par conséquent, cet article devrait être abrogé.» Fin de votre citation.

Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de situations potentielles de conflit d'intérêts auxquelles les membres du conseil d'administration de l'INESSS pourraient être exposés?

M. Barrette (Gaétan): Bien, écoutez, les conflits d'intérêts sont proportionnels aux sujets qui sont abordés, évidemment. Le merveilleux monde du médicament en est un. Écoutez, je vais me réserver mes commentaires là-dessus, là. On s'est exprimés d'une façon neutre, et je ne voudrais pas...

M. Drainville: Ce n'est pas votre coutume, ça. Ce n'est pas votre habitude de vous réserver comme ça.

M. Barrette (Gaétan): Oui, mais c'est parce que, là, si je vous donne des exemples, ça pourrait...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Barrette (Gaétan): Si je vous donne des exemples trop précis, ça pourrait me porter à... ça pourrait susciter toutes sortes d'autres choses.

M. Drainville: Vous avez peur de la controverse, ça ne vous ressemble tellement pas, Dr Barrette.

M. Barrette (Gaétan): Non, pas la controverse. Disons que je ne suis pas... Je ne suis pas obligé de courir après les juges, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: Ça ne vous a jamais arrêté par le passé.

M. Barrette (Gaétan): Je ne me suis jamais mis dans une situation à date où je devais... le juge devait courir après moi.

M. Drainville: O.K.

M. Barrette (Gaétan): Mais la controverse, ça, ça ne me dérange pas. Mais là, qu'est-ce que vous voulez...

M. Drainville: Mais vous souhaitez que cet article-là soit abrogé.

M. Barrette (Gaétan): Bien, je pense que l'opinion...

M. Drainville: Pourquoi?

M. Barrette (Gaétan): Bien, écoutez, l'opinion qu'on a écrite dans notre mémoire est assez claire. Je trouve ça surprenant - vous l'avez dit, là, c'est ce qu'on a dit - que la notion de conflit d'intérêts ne soit pas une raison pour ne pas mettre quelqu'un sur un conseil d'administration. C'est quand même étonnant qu'on dise dans un projet de loi que la notion de conflit d'intérêts, ce n'est pas un problème. Je trouve ça étonnant.

M. Drainville: La notion de conflit d'intérêts de façon ponctuelle ne disqualifie pas quelqu'un; pour vous, c'est très clairement problématique.

M. Barrette (Gaétan): Bien, ça m'apparaît problématique. Je peux comprendre qu'une personne pourrait, dans le temps, voir apparaître un conflit d'intérêts, mais, à la case départ, je trouve ça un peu étonnant. Il y a des ministres, là... Il y a un ministre qui a perdu son poste pour un conflit d'intérêts, je veux dire...

Une voix: ...ponctuelle.

M. Barrette (Gaétan): De manière ponctuelle.

M. Drainville: Très bien.

M. Barrette (Gaétan): Là, je vais vous donner cet exemple-là, tiens. Il y a eu un contrat de pavage, puis le ministre a perdu son poste. C'est parce que... on ne peut pas... c'est deux poids, deux mesures, là.

M. Drainville: Autre chose à ajouter sur ce sujet?

M. Barrette (Gaétan): Non.

M. Drainville: Ça va? Troisième point que je veux aborder avec vous, la question des indicateurs de qualité. Moi, je... puis j'en fais un peu, comment dire, une marotte, là, mais je... Je suis revenu là-dessus à plusieurs reprises aujourd'hui. On met 27 milliards par année dans notre système de santé et de services sociaux, et je ne trouve pas ça normal qu'on n'ait pas une meilleure idée de ce qu'on obtient en échange ou en contrepartie de cet investissement important, très important. Et je vois le Vérificateur général qui fait du travail à ce niveau-là, au niveau de l'évaluation des résultats, l'évaluation de la performance du réseau. Je vois le Commissaire à la santé qui fait la même chose. Là, je viens d'entendre le ministre de la Santé nous dire que, dans le fond, l'INESSS, ce ne sera pas son travail de développer ces indicateurs de qualité, il va donner des mandats ou il va s'acquitter de certains mandats, et là il va évaluer les résultats, la performance d'une technologie, d'un médicament, peu importe, mais ce ne sera pas son travail d'être l'organisme qui en arrive finalement, là, à élaborer pour que ceux et celles qui paient des taxes et des impôts puissent savoir exactement ce qu'on obtient en échange: Quelle est l'évaluation, par exemple, ou la performance des salles d'urgence à travers le réseau, l'évaluation au niveau des chirurgies, l'évaluation au niveau des maladies nosocomiales, etc.? Qu'on n'ait pas, à un endroit, une idée claire de la performance de notre réseau, ça, moi, ça me dépasse. J'aurais pensé que l'INESSS aurait pu faire ce travail-là. On vient de me dire il y a quelques minutes: Ce ne sera pas le cas.

M. Barrette (Gaétan): J'espère que ce ne sera pas le cas.

.(17 heures).

M. Drainville: Bien alors, qui doit le faire, ce travail-là?

M. Barrette (Gaétan): C'est lui.

M. Drainville: Bien, qu'est-ce qu'il attend pour le faire?

M. Barrette (Gaétan): Ou vous, un jour.

M. Drainville: Qu'est-ce qu'il attend pour le faire?

M. Barrette (Gaétan): Et eux.

M. Drainville: Alors, dites-nous, éclairez-nous: Comment est-ce que ça pourrait se faire? Parce que, moi, je dois vous dire, là, après 27 milliards, là, je ne trouve pas ça normal.

M. Barrette (Gaétan): ICIS, ICIS. Si le Québec donnait des données intelligibles - pas intelligentes, elles sont intelligentes, nos données - si elles étaient intelligibles pour l'ICIS, vous le sauriez tout de suite. Pourquoi pensez-vous que les données ne sont pas intelligibles pour l'ICIS? Probablement parce qu'on aurait l'air fou par rapport au reste du Canada. Ça, là, c'est ça, leur job, là. On envoie, je pense, 20 millions par année à l'ICIS, là, au Québec. Leur job, c'est ça, comparer les systèmes: le temps d'attente, au Québec, dans les urgences du Canada est de tant; au Québec, c'est tant; en Ontario, c'est tant; le nombre de chirurgies par docteur est de tant au Canada; au Québec, c'est tant; c'est tant en Ontario; c'est tant au Manitoba.

M. Drainville: Mais qu'est-ce qui empêche...

M. Barrette (Gaétan): Ce n'est rien que ça qu'ils ont à faire, eux autres, à l'ICIS, c'est leur job, on les paie. Nos dollars vont à Ottawa.

M. Drainville: Alors, qu'est-ce qui empêche le gouvernement du Québec de prendre les données qui existent déjà, là, au niveau de l'ICIS, puis de finir le travail en mettant la colonne Québec à côté? Qu'est-ce qui l'empêche?

M. Barrette (Gaétan): Je comprends que, là, il y a un exercice, semble-t-il, pour améliorer les choses. Mais, quand on regarde le rapport de 2009 - je vous invite à le lire - à tous les deux tableaux c'est marqué: Le Québec n'est pas là parce qu'on n'a pas de données jusqu'en 2006, ni avant, on n'a pas de données. Les données ne sont pas données, ne sont pas envoyées à l'ICIS, qu'on paie avec nos dollars pour faire ces comparatifs-là. C'est ça, des indicateurs de performance.

Et les fonds... Je vais aller plus loin, l'ICIS, c'est une machine à analyse. Les provinces... Même nous, même nous, comme fédération, on a le pouvoir, la capacité, moyennant un déboursé, de faire des commandes d'analyses anonymes, de comparaisons de performance de tel sujet par rapport... d'une province à l'autre. Mais encore faut-il que la donnée soit dans l'ICIS. Nous sommes la seule province qui envoyons de l'argent à un organisme fédéral pour faire des comparatifs mais auquel on envoie des données inintelligibles. Là, je comprends de l'intervention du ministre que là on travaille pour que ce soit le cas, mais ça fait longtemps que ça aurait dû être le cas. Alors, c'est la même affaire...

M. Drainville: Oui, mais...

M. Barrette (Gaétan): Bien non, mais...

M. Drainville: Moi, je ferais une distinction entre prendre les données puis les envoyer à un organisme fédéral et s'assurer que les données que nous ayons soient compatibles avec celles qui sont collectées ailleurs, hein? Bon.

M. Barrette (Gaétan): Bien, c'est ce que je vous dis, c'est ça que je viens de dire, là. Ce que je viens de dire, c'est que nos données ne sont pas envoyées dans un format qui fait en sorte qu'elles soient utilisables sur une base comparative.

M. Drainville: Mais vous dites que ces données-là existent.

M. Barrette (Gaétan): Elles existent.

M. Drainville: Mais elles ne sont pas compatibles avec ce qui se fait ailleurs.

M. Barrette (Gaétan): Elles ne sont pas compatibles.

M. Hudon (Gilles): M. Drainville, si vous lisez le rapport 2009, Indicateurs de santé de Statistique Canada et Institut canadien d'information en santé, il y a deux phrases qui reviennent sans arrêt, parce qu'à chaque page on voit «à l'exclusion du Québec». Et là il y a une note de bas de page qui dit, soit «les données de 2007-2008 n'étaient pas disponibles au moment de la publication», mais ça, c'est 2009, ou bien encore que «les taux excluent le Québec en raison des différences dans la collecte de données».

M. Barrette (Gaétan): Alors, vous me posez une question: Pourquoi l'INESSS ne devrait pas faire ça? Parce que ce n'est pas sa job. La job de l'INESSS, c'est d'arriver puis dire: Dans la rétinopathie diabétique, on est rendus là: l'évaluation prospective du nombre de cas dans les 20 prochaines années est de tant; la complication a telle fréquence; ça va coûter tant; d'après les études faites à l'extérieur du Canada, si on faisait un programme de dépistage, on sauverait tant de yeux, et tant de dollars, et tant de souffrance. Ça, c'est ça que ça fait, l'INESSS, et ça recommande de faire... de poser tel geste. Après, on le pose-tu ou non? Ce n'est pas à l'INESSS de dire: Voici, le programme a marché ou n'a pas marché. Ça, c'est au ministère. Le ministère, après, va arriver puis il va dire: On a mis en place un système, comment ça se fait qu'il ne marche pas?, ou, s'il marche: Bravo, il marche! Mais ça, ça passe par des organisations comme le ministère ou l'ICIS.

Alors, dans le Conseil du médicament, c'est la même affaire, l'analyse rigoureuse de la validité ou non d'un médicament, il y a le Canadian drug review qui existe. Là aussi, on envoie des millions de dollars, pourquoi les dupliquer dans l'INESSS? On paie déjà pour ça. Comprenez-vous?

M. Drainville: Bien sûr que je comprends.

M. Barrette (Gaétan): Je n'en doutais pas.

M. Drainville: Et je trouve ça... je trouve ça incompréhensible. Et encore une fois je tiens à ce que ce soit clair, là: moi, je ne propose pas qu'on se rapporte à un organisme fédéral...

M. Barrette (Gaétan): Ce n'est pas ça que je dis, là.

M. Drainville: Je sais que ce n'est pas ça que vous dites, mais je veux que ce soit clair: je trouve incompréhensible qu'on n'ait pas des données suffisamment intelligibles pour qu'elles puissent être comparées avec ce qui se fait ailleurs, pour qu'on puisse justement déterminer où on se situe par rapport aux neuf autres. Alors, j'ai bien hâte d'entendre le ministre là-dessus puis voir ce qu'il va nous proposer pour que ce soit intelligible et que ce soit comparable. Ce qui ne veut absolument pas dire confier notre secteur de la santé, qui relève du Québec, à un organisme canadien. Voilà.

M. Barrette (Gaétan): Ce n'est pas ça que ça dit, ce n'est pas ça que ça dit. Et je vais aller juste un pas plus loin, si vous me le permettez, une phrase: Laissons les gens de l'AETMIS faire ce pour quoi ils sont bons: ça. Mettons-leur pas dans les pattes une job qui est celle du ministère, qui est l'évaluation. Ce n'est pas ça, leur job. Ces gens-là ont une expertise pour faire des lignes de conduite, des lignes directrices, on les paie pour ça, puis c'est ça, leur expertise. Qu'on fasse des rapports puis qu'on dise ce qu'on va faire avec après. Puis là, après ça, on va être bien servis.

M. Drainville: O.K. Page 6 de votre mémoire, vous dites essentiellement, bon: «La FMSQ voudrait donc s'assurer que le nouvel organisme proposé ne se résume pas à de simples modifications cosmétiques et structurelles», etc. Il faut s'assurer que ce soit plus efficace et plus efficient que ce qui se fait déjà, etc. Le «déjà» étant l'AETMIS et le Conseil du médicament. Est-ce qu'à votre avis ce projet de loi peut être modifié de telle façon à ce que ce ne soit pas simplement une modification cosmétique de ce qui existe déjà?

M. Barrette (Gaétan): Tout à fait. Tout à fait. Les problèmes de l'AETMIS sont connus. D'ailleurs, l'AETMIS, vous allez sûrement l'entendre, là, dans cette commission-là, j'imagine. L'AETMIS a certains problèmes: ils ont des problèmes de budget, ils ont des problèmes d'accès à certaines informations. L'AETMIS n'est pas capable d'aller dans la banque de la RAMQ faire des analyses anonymes de telle, telle, telle activité, puis ce que l'ICIS devrait pouvoir faire, mais l'ICIS ne peut pas le faire parce qu'eux autres non plus ils n'ont pas accès, parce qu'ils n'ont pas la donnée.

Bien, l'AETMIS devrait avoir un aménagement réglementaire qui lui permette de lui enlever les obstacles administratifs pour faire son travail. Alors, le projet de loi qu'on aurait aimé voir, nous, c'est un projet de loi qui simplifie la vie de l'AETMIS, qui lui garantisse son financement et son indépendance et qui lui permette de continuer sur sa lancée, quitte à lui ajouter des fonctions supplémentaires - nous, on pense que ce n'est pas nécessaire, mais, bon, politiquement, ça peut l'être, je ne le conteste pas - que sont les services sociaux.

Parce que les services sociaux, là, ça, là, c'est très dur d'avoir des études qui montrent vraiment, vraiment, vraiment un lien de cause à effet entre un investissement puis un résultat en termes de santé, de santé. Ce n'est pas évident, là. Ça, c'est une zone beaucoup plus grise, en termes d'analyse, dans laquelle on peut dépenser beaucoup de dollars et dire bien des choses. Par contre, du côté de la santé, ça, c'est en général plus factuel, ce sont des données objectives, dans la mesure où elles sont colligées correctement, et ça, les experts du Québec qui seraient consultés par l'AETMIS sont capables de donner des résultats.

M. Drainville: O.K. Mais, l'AETMIS, Dr Barrette, comme le dit son nom: Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, c'est assez pointu comme mandat. L'INESSS...

M. Barrette (Gaétan): Oui, je trouve ça pas mal large, moi, là.

M. Drainville: Non, mais l'INESSS propose essentiellement de faire l'évaluation des différents actes médicaux, traitements qui sont donnés actuellement au Québec. On est dans un territoire beaucoup plus vaste.

M. Barrette (Gaétan): Non, non, non! Aïe, non! Attendez une minute. Si vous lisez bien, là... Parce que, comme on l'a dit dans notre mémoire, lisez le projet de loi à la lumière du comité d'implantation, là... du rapport du comité d'implantation. Le comité d'implantation, c'est le cahier de charges du futur INESSS, et, ce n'est pas compliqué, c'est la duplication du ministère de la Santé et des Services sociaux, là.

M. Drainville: Oui, mais là, c'est ça, là, là vous me dites, dans le fond...

M. Barrette (Gaétan): C'est trop large, c'est juste trop large.

M. Drainville: Mais c'est parce que je pense que l'AETMIS, c'est trop étroit.

M. Barrette (Gaétan): Non, c'est parce que vous... Quand on est rendu à analyser l'impact des bassines à l'hôpital, là, je trouve que c'est pas mal large, là.

M. Drainville: Oui, mais on ne parle pas de... Je comprends qu'on parle de l'utilisation des ressources, là, mais...

M. Barrette (Gaétan): Mais le décret d'avril...

M. Drainville: ...mais on ne parle pas des différents... Hein?

M. Barrette (Gaétan): Non, je comprends, mais le décret d'avril a donné à l'AETMIS ce volet-là de services sociaux, là, il est là.

M. Drainville: Mais, écoutez, c'est le projet de loi du ministre, on verra comment il répondra finalement, là.

Il me reste deux minutes. Sur la question des guides de pratique, vous, vous êtes plutôt favorable à ça, là, mais vous dites: Il faut s'assurer que l'information est bien disséminée.

M. Barrette (Gaétan): Oui, c'est très important. Ça, les guides...

M. Drainville: Il y en a combien, de guides de pratique, actuellement? Est-ce que c'est... On parle de centaines? Celui dont on entend toujours parler, c'est celui du guide des urgences, là, mais on peut parler de combien de guides de pratique actuellement?

M. Barrette (Gaétan): Le guide... Je ne sais pas à quoi vous faites référence pour le guide des urgences, là.

M. Drainville: Hein?

M. Barrette (Gaétan): Je ne sais pas à quoi vous faites référence pour le guide des urgences.

M. Drainville: Le guide de la gestion des urgences. C'est un...

M. Barrette (Gaétan): Ça, ce n'est pas un guide de pratique.

M. Drainville: Bien, c'est quoi?

M. Barrette (Gaétan): Ça, c'est un guide de gestion des urgences. C'est un souhait des urgentologues.

M. Drainville: Alors, c'est un souhait des urgentologues.

M. Barrette (Gaétan): Mon collègue ici voudrait vous éclairer, parce qu'il n'y a pas beaucoup de temps.

n(17 h 10).

M. Drainville: Vous éclairer aussi, je crois.

M. Barrette (Gaétan): Non, non, non. Regardez, je vais vous répondre très clairement, là. Un guide de pratique, à la limite, il y en a un par maladie. Un guide de pratique, c'est fait pour dire: dans le diabète, on donne tel médicament en première intention; dans l'hypertension artérielle, aujourd'hui la science dit que ça, ça marche; vous n'avez pas d'affaire à aller chercher la molécule de cinquième génération pour traiter l'hypertension en première intention.

Alors, ça veut dire, ça, au bout de la ligne, que le médecin, spécialiste ou non, qui va aller prescrire une molécule - là, j'exagère, là - de cinquième génération pour le traitement de l'hypertension en première intention, bien, ce médecin-là devrait se faire rappeler à l'ordre. À la limite, le patient ne devrait pas être remboursé parce que son médecin dépense de l'argent dans l'assurance médicaments pour rien. C'est ça, une ligne directe.

M. Drainville: O.K., mais, ce que je comprends, là, parce qu'il me reste seulement quelques minutes...

Le Président (M. Kelley): ...secondes.

M. Drainville: ...vous, ce que vous souhaiteriez, c'est que ce soient les 34 associations de médecins spécialistes qui écrivent les guides de pratique et non pas l'INESSS.

M. Barrette (Gaétan): C'est-à-dire que l'INESSS... Ce que l'on vise, nous, c'est que l'INESSS fonctionne comme le NICE. Le NICE a pris la bonne approche, ne fait pas tout parfaitement, le NICE, mais il a pris la bonne approche: il sous-traite auprès des experts. Ce n'est pas eux, le NICE, ni l'INESSS, qui doivent pondre ça, ils doivent s'adjoindre les services des experts qui sont sur le terrain. Bon, moi, je représente 35 spécialités, c'est bien évident que ça vient de là. C'est la même chose pour la médecine de famille. Et, dans bien des cas, ça s'entrelace. La question ici est fondamentale: ce n'est pas à l'INESSS de pondre ça. C'est à l'INESSS de s'assurer qu'elle s'adjoint les services de l'extérieur, d'experts indépendants, qui n'ont pas... qui sont imperméables - pour utiliser une expression qui a été utilisée tantôt - au trafic d'influence. Et ça, ça se fait. C'est ce que l'Angleterre fait, et ça fonctionne.

M. Drainville: Mais il n'y a rien qui...

Le Président (M. Kelley): Malheureusement... Malheureusement, sur ça, parce qu'on a un autre témoin, merci encore une fois, Dr Barrette, pour une présentation qui a provoqué beaucoup de questionnement et beaucoup de controverse, malgré le fait que vous allez, pour la première fois, essayer d'éviter une controverse.

Alors, sur ça, je vais suspendre nos travaux quelques instants. Et je demande les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

 

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! De toute évidence, le monde veut reprendre notre saison politique. On a des grands débats aujourd'hui devant la commission. Il nous reste un témoin: la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Pour respecter plus ou moins notre heure pour chaque témoin, je demande aux membres le consentement pour légèrement dépasser 18 heures. On va terminer à 18 h 15, qui va nous permettre une heure pour entendre comme il faut les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Il y a consentement? Parfait. Merci beaucoup.

Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole au président, Dr Louis Godin.

Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec (FMOQ)

M. Godin (Louis): Merci, M. le Président. M. le ministre, M. le porte-parole officiel de l'opposition officielle, MM. les députés. Alors, je vous remercie de nous accueillir et de nous permettre de nous exprimer sur le projet de loi n° 67.

Je voudrais en profiter au départ pour présenter les gens qui m'accompagnent: à ma droite, le Dr Pierre Raîche, qui est directeur de la formation, et, à ma gauche, Me Pierre Belzile, qui est le chef des services juridiques à la fédération.

Je comprends... Est-ce que j'ai le même 10 minutes que mon prédécesseur?

Le Président (M. Kelley): Oui. Moi, je dis toujours 15 minutes, si on peut faire ça plus ou moins 15 minutes, mais il y a toujours une souplesse parce que vous êtes venus de loin pour témoigner, alors je veux respecter votre droit de parole.

M. Godin (Louis): Alors, je vous remercie, M. le Président. Écoutez, d'abord, ce qu'on doit vous dire, c'est que, pour nous, pour la fédération, nous sommes en accord avec le concept original de l'INESSS. Je veux dire: celui qui a été véhiculé depuis le rapport Castonguay au comité d'implantation. Essentiellement, la fédération est d'accord avec ce concept d'un institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

Je ne vous cacherai pas que la lecture du projet de loi n° 67 nous laisse cependant certaines inquiétudes, et on se demande jusqu'à quel point, après le projet de loi n° 67, on retrouverait vraiment l'INESSS que l'on pensait que l'on aurait lors des premières discussions que l'on a eues à ce propos. Ce que nous allons faire, je vais essayer, à partir de certains éléments du projet de loi, de vous faire part de nos préoccupations et de certaines recommandations. Je ne les passerai pas, si vous voulez, par ordre d'importance mais un peu la façon dont ils se présentent dans le projet de loi.

On sait qu'actuellement, à la lecture du projet de loi n° 67, c'est essentiellement l'intégration à la fois de l'AETMIS et du Conseil du médicament, avec les mandats qui étaient rattachés à ces deux organisations-là. Nous, on croit que le mandat de l'INESSS devrait aller beaucoup plus loin et devrait introduire tout ce qui s'appelle aussi l'organisation clinique, même si on sait que c'est quelque chose qui est déjà, en partie, confié au Commissaire à la santé, et aussi pour ce qui est de la question du panier des services assurés.

Pourquoi ces deux choses-là? Au-delà de la médication, au-delà de la technologie, au-delà des examens de laboratoire, nous pensons qu'il y a lieu de faire des évaluations le plus objectives possible sur des façons d'organiser le système de santé. Il nous apparaîtrait très opportun, je veux dire, de voir notamment quel est le coût de ne pas avoir un médecin de famille au Québec ou quelle est l'économie d'en avoir un, notamment. C'est des choses, je veux dire, qu'on ne retrouve pas actuellement et que nous croyons que... À l'intérieur du mandat d'un institut national d'excellence, c'est des choses qui devraient être regardées, qui devraient être quantifiées.

.(17 h 20).

Quant à la question du service de... la question du panier des services assurés, on est conscients que c'est toujours un sujet qui est très, très sensible et, pour nous, on peut avoir deux approches à l'intérieur de ça: soit que finalement on ne confie à personne le rôle, mis à part le législateur, le rôle d'évaluer quel devrait être le contenu du service assuré... À ce moment-là, on se retrouve souvent avec un peu tout le monde qui se prononce sur quel devrait être le panier des services assurés. Nous, on pense qu'à quelque part que l'on puisse regarder de façon objective la pertinence d'inclure ou d'exclure certains services assurés pourrait être là un ajout important dans le débat que l'on peut ou que l'on risque d'avoir à un moment donné sur le panier des services assurés. Parce qu'on sait que c'est quelque chose qui revient régulièrement au Québec, mais, en bout de ligne, souvent ça s'arrête à un moment donné parce que les différents impacts, les différents impacts politiques reliés à ça deviennent très importants, et finalement, je veux dire, on repousse ça en avant.

Ce qui nous préoccupe le plus du côté de l'INESSS, c'est, comme il a été mentionné par d'autres intervenants, toute la question de l'indépendance de l'INESSS. Si on veut avoir une organisation qui sera crédible, qui saura être reconnue par les gens à qui s'adresseront ses recommandations, il est clair que l'INESSS doit jouir d'un large degré d'indépendance, et actuellement, tel qu'il est libellé là, nous avons certaines craintes par rapport à ça. Il est clair que le fait que l'INESSS relève directement du ministre de la Santé... mais particulièrement parmi certains pouvoirs qui lui sont donnés face à l'INESSS - et là vous comprenez, M. le ministre, que ça ne s'adresse pas personnellement à vous, là - on comprend, je veux dire, qu'il peut y avoir certains problèmes en termes d'indépendance. Le ministre va déterminer la date et la forme du plan triennal d'action de l'INESSS. Donc, il détermine déjà un peu ce qu'il va faire ou quelles sont ses actions à venir.

Mais ce qui nous apparaît encore plus important, c'est que l'INESSS devra prendre en compte - et ça, c'est l'article 6.4° - dans l'élaboration de ses recommandations ou de ses analyses, de tout facteur que lui indique le ministre. Là, on y voit un pouvoir discrétionnaire très important parce qu'à la rigueur, si vous demandez de regarder un sujet en particulier mais que vous devez tenir... de ce facteur précis là, de cet autre facteur là, de cet autre facteur là, et ainsi de suite, bien, à la fin, je veux dire, vous pouvez presque, à la rigueur, télégraphier le résultat de la recommandation ou de l'analyse que vous faites. Il nous apparaît, là, je veux dire, qu'il y a un risque important de faire perdre à l'INESSS un degré d'indépendance qui, pour nous, est essentiel à l'intérieur de ça. Donc, pour nous, il nous apparaîtrait intéressant que notamment l'article 6.4° soit carrément retiré, je veux dire, du projet de loi. Et il nous apparaîtrait beaucoup plus important que le plan triennal soit approuvé par le gouvernement et déposé à l'Assemblée nationale.

Nous avons certains commentaires par rapport à la gouvernance et à la formation du conseil d'administration. Compte tenu qu'on veut en faire un organisme le plus indépendant possible... On s'aperçoit que c'est, encore là, le ministre qui nomme, après une consultation d'organismes qu'il estime représentatifs, mais on demeure à ce moment-là encore très, très large, très, très imprécis. Il nous apparaît que l'on devrait aller plus loin dans le projet de loi n° 67 quant à la détermination de quels sont les organismes que l'on devrait voir à l'intérieur du conseil d'administration et quels secteurs d'activité que l'on devrait voir représentés au sein du conseil d'administration. Vous comprendrez que, parmi les secteurs d'activité qu'il nous apparaît essentiels de retrouver au niveau du conseil d'administration, la profession médicale doit absolument s'y retrouver, et nous croyons... et vous ne serez pas surpris de notre recommandation que les médecins de famille, particulièrement les médecins omnipraticiens, soient représentés au conseil d'administration.

Nous suggérons, je veux dire, une façon de faire qui pourrait être autre mais que l'on retrouve déjà dans certains comités qui peuvent être nommés par le ministre. Ce que l'on suggère, c'est que le ministre puisse nommer, à partir d'une liste de gens recommandés par les organismes représentatifs de ces secteurs d'activité là, une liste de personnes, qui pourraient être au nombre de 3, de 5 ou peu importe, à l'intérieur de laquelle le ministre pourrait faire un choix pour nommer les gens au conseil d'administration.

Vous nous parlez également d'une table de concertation, table de concertation qui reste à déterminer, je veux dire, à savoir quelles seraient vraiment ses responsabilités, comment elle serait également, là, formée. Pour nous, ça demeure un peu flou. On aurait aimé voir, dès le départ dans le projet de loi, plus de précisions, à savoir quelles sont les véritables responsabilités de cette table de concertation là et, de la même façon, de voir qui sera nommé ou qui siégera à l'intérieur de ces tables de concertation là. Compte tenu, je veux dire, de son pouvoir de recommandation que cette table de concertation là a au conseil d'administration, nous croyons, je veux dire, que les responsabilités devraient être plus précisées. Et, encore là, on nous parle d'y nommer des gens représentatifs de différentes organisations qui peuvent être touchées par les recommandations de l'INESSS. Il nous apparaît clair qu'un médecin omnipraticien devrait être nommé, cette fois-ci par l'organisme représentatif des médecins omnipraticiens, en vertu de l'article 19 de la Loi d'assurance maladie et qui est en l'occurrence aujourd'hui la Fédération des médecins omnipraticiens.

Je termine en vous parlant des différentes recommandations de l'INESSS et des guides de pratique clinique. On nous met certains éléments qui doivent guider l'élaboration des recommandations: on parle des besoins de la population, on parle des coûts, on parle de ces éléments-là. Il nous apparaît clair, même si on pense que, dans l'esprit des gens, ce serait toujours là, mais que l'on consacre de façon très précise à l'intérieur du projet de loi que l'élément le plus important qui guide, en arrière de toutes ces recommandations-là, demeure l'intérêt des patients, pour ne pas que soit perçu, à l'intérieur de ce projet de loi là et de la création de cet institut-là, qu'en arrière de tout ça, c'est surtout une question de coûts, c'est une question d'argent qui détermine quelles sont les principales balises qui doivent guider les recommandations.

Je termine sur les guides de pratique clinique, parce que, pour nous, c'est quelque chose qui nous apparaît très important. À la lecture du projet de loi, on voudrait y voir plus de précisions, à savoir quel est... qu'est-ce qu'on entend vraiment par un guide de pratique clinique. Pour nous, on reconnaît deux choses à l'intérieur: on a, pour nous, les guides de pratique et ce qu'on est habitués avec les différents protocoles de soins que l'on retrouve. À la lecture, on interprète que le guide de pratique clinique qui est inclus dans l'INESSS s'associe à ce que, nous, on est habitués d'appeler un guide de pratique et que c'est vraiment en ce sens-là que le législateur le voit. Pour nous, c'est important parce qu'un guide de pratique, c'est quelque chose qui est un indicatif, ce doit être quelque chose qui fixe certaines balises, qui fixe certaines normes. Il faut faire attention pour que ces guides de pratique là ne soient pas, dans les faits, des protocoles de soins, où là c'est fort différent, où le protocole de soins n'est pas un indicateur, n'est pas une norme mais, je veux dire, est une règle à suivre bien précise.

Pourquoi la notion de guide nous apparaît plus importante à ce stade-ci? C'est qu'il demeure que... Au-delà des recommandations que peut faire l'INESSS, il demeure que le clinicien est toujours avec un patient devant lui. Ce patient-là peut avoir des caractéristiques particulières qui lui sont très propres, qui sont personnelles, et c'est ça, la médecine, et, à partir de ce moment-là, l'application d'un protocole est parfois difficile dans certaines circonstances. Et c'est ce qui peut justifier à la fois qu'on ne se rangera pas nécessairement à l'opinion ou à la démarche que nous appelle un guide, parce que, dans cette situation précise là, la situation du patient nous fait dire que l'on devrait probablement utiliser, par exemple, plutôt un type de médicament plutôt qu'un tel autre, même si ce n'est pas le médicament qui nous est suggéré en premier à l'intérieur d'un guide.

Autre condition qui nous apparaît très importante et, je vous dirais même, essentielle, c'est que, dans l'élaboration de ces guides de pratique là, ce soit essentiellement l'affaire de médecins cliniciens et que ces guides de pratique là devront absolument, pour nous, inclure et mettre à profit l'expertise des médecins de famille. C'est pour nous, je veux dire, quelque chose de très important, il en va, d'après nous, de l'acceptation de ces guides de pratique là par les médecins qui seront appelés à travailler à l'intérieur de ces balises-là qui nous seront données. Le fait que les cliniciens y soient impliqués, ça y apporte beaucoup de crédibilité.

Je terminerai en vous disant que, pour nous, l'INESSS, comme je vous le mentionnais au départ, est quelque chose qui nous apparaît intéressant mais que, pour être efficace, il y aura quatre conditions qui nous apparaissent essentielles: il devra être autonome et indépendant, il devra être crédible en ce qui nous concerne particulièrement, au niveau des médecins, il devra être transparent et il devra absolument être soucieux de s'adjoindre dans ses travaux les meilleurs collaborateurs. Et, dans le secteur que ça nous concerne, ce sont essentiellement les médecins, les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes. Donc, je termine là-dessus, M. le Président.

.(17 h 30).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dr Godin. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, des blocs de 20 minutes des deux côtés de la table, en commençant avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Bolduc: Oui. Puis je peux vous rassurer, votre notion des guides de pratique, c'est la même que nous avons au niveau de l'INESSS, et je pense qu'il faut qu'on fasse une nuance. Il y a guide de pratique, il y a protocole, puis il y a règle de soins.

Un guide de pratique, c'est quand on fait des recommandations. Exemple, dans le diabète, dans le guide de pratique, ça va être dit qu'on devrait avoir une hémoglobine A1c à 7,0. On sait qu'il y a des patients qu'on ne sera pas capable de l'atteindre, puis je vais vous donner un exemple. Si vous êtes diabétique, 85 ans, votre espérance de vie est de six mois parce que vous avez d'autres maladies, le guide de pratique, vous n'essaierez pas d'avoir une hémoglobine à 7,0. Donc, le guide de pratique amène un grand jugement au niveau du médecin, mais généralement on s'entend que la communauté médicale, pour un guide de pratique, devrait faire à peu près la même chose, sauf s'il y a des exceptions.

Un protocole...

M. Drainville: C'est la même chose dans tous les établissements, vous voulez dire?

M. Bolduc: Un guide de pratique, c'est que... Souvent, on ferait des guides de pratique pour le Québec, mais ce guide de pratique là, si vous regardez en Ontario, pourrait avoir des variantes, mais ça donnerait à peu près les mêmes résultats, O.K.?

Un protocole. Quand vous avez un patient qui arrive à l'urgence puis il fait un infarctus, on a un protocole. S'il a une arythmie, on va donner tel médicament. Si, après cinq minutes, ça ne fonctionne pas, on va donner le deuxième médicament, puis le troisième médicament. Un protocole, c'est des étapes successives que généralement on va suivre. Mais le médecin peut déroger au protocole. Le médecin peut dire: Pour ce cas-là, on peut changer, on peut donner le deuxième avant le troisième parce que c'est une condition particulière. Ça, je vous dirais, c'est le protocole. Et le protocole est très utile parce que, quand on travaille dans certains endroits, l'infirmière... Exemple, on va faire un protocole pour une infirmière. Si quelqu'un a un problème particulier, on va dire: La première étape, on va faire ça; la deuxième étape, on va faire ça; la troisième étape, il faut appeler le médecin. Donc, un protocole, c'est des étapes successives.

Ce qu'on ne veut pas - ça existe dans la loi - ce sont ce qu'on appelle des règles de soins. Une règle de soins, ça, ça veut dire que tu as cinq étapes ou 10 étapes et tu n'as pas le choix... s'il y en a une seule que tu passes à côté, à ce moment-là, tu pourrais avoir une plainte au niveau du CMDP ou encore une plainte au niveau de l'ordre professionnel.

Je pense que c'est les trois éléments. Puis on parle également de lignes directrices, hein, c'est des règles générales qu'on donne pour des conditions particulières.

Ça fait que, moi, je pense que c'est un peu là-dedans. Ce qu'on veut en général puis ce que l'INESSS devrait faire, ce sont des guides de pratique pour s'assurer que, pour des problématiques particulières ou des pathologies particulières, on a une façon conforme de se comporter. Là, ce qu'il faut faire attention... La médecine, moi, j'ai toujours dit, est plus un art qu'une science. Il y a souvent des façons différentes de traiter, et trois façons différentes pourraient être acceptables. Et ça, c'est le rôle de l'INESSS de nous guider là-dedans. Mais ce qu'on veut, puis je pense que c'est la base, c'est qu'elles sont toutes basées sur les pratiques médicales les meilleures au monde, avec des données probantes puis des évidences scientifiques. Moi, c'est comme ça que je le situe. Et c'est comme ça que vous l'apportiez, puis c'est comme ça que, moi, je le vois également. Je peux dire, si on consulte nos gens qui ont travaillé sur l'INESSS, la mise en place, c'est comme ça qu'ils le voient également.

Bien important, c'est les médecins cliniciens, nos experts au Québec, qui vont les faire. C'est sûr que nos experts au Québec, ils vont travailler avec des chercheurs. Là, je fais attention parce que je ne veux pas dire «médecins cliniciens», parce que, si on arrive sur un protocole, exemple, de nutrition, ou une règle de soins de nutrition parentérale, bien les nutritionnistes pourraient être mis à contribution. Généralement, lorsqu'on fait des règles de soins ou qu'on fait des protocoles, on demande également une expertise pharmacienne, pour qu'ils viennent travailler avec nous autres. Donc, c'est tous les professionnels concernés par ce qu'on... pourquoi on veut une règle de soins, qui vont les faire. Et ça, tantôt, je pense que ça a été discuté, c'est... L'INESSS, la base, ce n'est pas l'INESSS qui va avoir nécessairement les experts qui vont travailler pour l'INESSS, mais l'INESSS va s'adjoindre des experts qu'on va aller chercher sur recommandation des différents organismes, nos sociétés savantes, les fédérations, médecins spécialistes, médecins omnipraticiens, qui vont nous recommander des gens qui sont reconnus comme étant de grande qualité, des experts dans ce domaine-là. C'est vraiment comme ça qu'on le voit.

Et, juste pour vous dire, on ne fait pas ça pour un contrôle de coût. On fait ça, dans un premier temps, pour une amélioration de la qualité. L'objectif de l'INESSS, c'est de nous laisser percevoir c'est quoi, les meilleures pratiques, et également on va tenir compte des coûts parce que ça peut être une pratique qui est bonne, mais, si elle coûte 50 % plus cher, bien, peut-être qu'on va dire que ce n'est pas la pratique qu'on va mettre en place. Même principe que quand on fait l'évaluation d'un médicament. Il y a des médicaments qui sont 3 % mieux et ils coûtent 10 fois plus cher. Ça fait que ce qu'on dit au niveau pharmacoéconomie, on ne recommandera pas pour l'inscrire sur la liste des médicaments. Ça, je ne sais pas jusqu'à date si vous êtes d'accord avec cette perspective-là.

M. Godin (Louis): Écoutez, une chose est claire, c'est lorsque vous nous mentionnez, M. le ministre, que, pour vous, un guide de pratique clinique, tel qu'il est écrit dans le projet de loi, c'est l'équivalent d'un guide de pratique. Lorsqu'on le décrit comme étant une balise, c'est clair que, pour nous, c'est quelque chose avec lequel on est beaucoup plus à l'aise, parce qu'on ne veut pas que les guides de pratique deviennent, comme vous le mentionniez, des règles de soins et qui dictent quelle est la façon absolue de faire la pratique médicale. Il revient toujours au clinicien de déterminer quelle est finalement la meilleure façon de faire quand il tient compte de son patient et de ce qui se passe par rapport au guide clinique et quelles sont les meilleures pratiques à l'intérieur de ça. Donc, là-dessus, je vous dirais, vous nous rassurez.

Vous nous dites cependant, si vous me permettez un commentaire, vous parlez que l'objectif, ce n'est pas de faire un contrôle de coût. Je vous dirais que vous insistez quand même de façon assez significative dans le projet de loi comme étant les choses qui doivent être prises en considération. Et, je vous dirais, lorsqu'on vous mentionnait la question de l'intérêt des patients, il nous apparaît actuellement qu'il y aurait peut-être une juste balance à faire à l'intérieur des deux, bien que l'on est tout à fait conscient que, compte tenu des sommes publiques qui sont investies dans le domaine de la santé, le rapport entre les coûts engendrés et les bénéfices que l'on a, c'est quelque chose à quelque part que l'on doit regarder, qu'on ne peut pas éviter. Ça, on comprend ça. Mais de nous dire d'emblée que le contrôle des coûts est quelque chose qui ne vous importe pas, je vous dirais que je voudrais bien voir, à votre article 6, introduit que l'intérêt des patients est la chose qui doit passer en premier.

M. Bolduc: Je vais nuancer, là. L'objectif, ce n'est pas les coûts, mais, lorsqu'on met en place un programme, on fait un guide de pratique, on fait toujours une évaluation des coûts pour les avantages, pour le coût-bénéfice. Puis ça, je pense que toutes les personnes qui font de l'évaluation, que ce soit au niveau du médicament, des nouvelles technologies, vont nécessairement devoir en tenir compte. Et, après ça, on fait le choix, et c'est là que ça devient intéressant, c'est là qu'on devient enfin... un choix politique: Est-ce que, oui ou non, on va couvrir le service ou on ne couvrira pas le service? Une chose qui est certaine, qu'on couvre ou qu'on ne couvre pas le service, on veut mettre en place les meilleures pratiques à tous les niveaux. Donc, à ce...

M. Godin (Louis): Ça, on est tout à fait d'accord qu'on mette les meilleures pratiques.

M. Bolduc: Ça fait que c'est vraiment... Il faut vraiment voir l'objectif de l'INESSS comme étant un organisme qui va nous recommander les meilleures pratiques, quel que soit le coût, mais, après, il faut tenir compte du coût pour savoir jusqu'à quel point qu'on va couvrir au niveau public.

D'où, à ce moment-là... je voulais en venir également à la question de la couverture au niveau des services et puis... Moi, je comprends, les gens, ils disent: Bien, l'INESSS devrait peut-être être un outil qu'on va utiliser pour nous dire qu'est-ce qu'on devrait couvrir ou pas. Comme disait le Dr Barrette tantôt, puis je pense aussi... je pense comme ça, comme lui, quand on arrive puis on commence à dire: Qu'est-ce qui est pertinent puis qu'on devrait cesser de couvrir, là?, quand vous avez fini de faire l'évaluation, il n'y a pas d'agences tant que ça qui ne sont pas pertinentes en termes de services généraux. Je vais donner un exemple. On peut dire que tes lunettes, ce n'est pas si pertinent que ça, mais, quand on décide de couvrir des lunettes pour des enfants, ça peut avoir une valeur, et c'est un choix politique de dire si on couvre ou si on ne couvre pas. Où l'INESSS va avoir un rôle, c'est qu'eux autres ils vont faire des évaluations, nous recommander les meilleures pratiques, nous faire des avantages-coûts, puis, à un moment donné, si on a un choix à faire, bien là, on fera un choix sur des éléments objectifs. Le ministre, dans les mandats qu'il pourrait donner, pourrait, à un moment donné, poser comme question: Faites-nous l'évaluation de tel service qu'on donne; ce serait quoi, l'impact de ne pas donner le service? Et puis, à ce moment-là, on pourrait faire un choix qui est politique. Mais ce n'est pas l'INESSS qui va prendre la décision si on couvre le service ou pas.

.(17 h 40).

M. Godin (Louis): Les propos que l'on a par rapport au panier des services assurés, ce n'est pas de confier à l'INESSS le choix de couvrir ou non un service. On comprend que c'est un choix qui revient au ministre, au gouvernement et ultimement à l'Assemblée nationale. Mais il demeure, et il est clair, et l'expérience des dernières années nous montrent que les discussions au niveau des services assurés, c'est toujours quelque chose de difficile et qui amène beaucoup d'interventions et beaucoup de questionnements et qui probablement ne rend pas toujours la vie de nos hommes politiques facile lorsque vous avez à prendre une décision face à la couverture ou non des services assurés. On est face à une situation où les technologies explosent, la demande explose aussi, et il est possible qu'on ait, à un moment donné, à trancher par rapport à la nécessité ou à la pertinence d'assurer un service ou en désassurer un autre. L'avis d'un organisme indépendant et crédible pourrait être, à notre sens, un avis intéressant et aidant pour les gens qui ont finalement à trancher. Et notre recommandation d'inclure les services assurés dans les mandats n'en est pas une de déterminer quel doit être le panier des services assurés, mais bien de faire des recommandations, parce qu'on comprend que, peu importe ce qu'on écrira, c'est quelque chose qui appartient au législateur, et ça, on est conscients de ça et on est à l'aise avec ça.

M. Bolduc: Oui, je pense qu'on se rejoint. Où se situe la différence, c'est, si on le note directement, automatiquement on va nous demander fréquemment de dire: Bien, c'est leur rôle, tandis que, moi, je le vois dans les autres mandats qui peuvent être peut-être donnés par le ministre. Je pense que c'est... puis c'est enregistré, ce qu'on dit là, là, c'est comme ça que je le vois, moi: dire d'emblée qu'on va leur demander ou que ça va être l'organisme qui va le faire, c'est une étape de plus par en avant pour dire: Oui, on va commencer à faire beaucoup de ça, tandis que, moi, je pense que ça devrait devenir facultatif de la part du ministre de pouvoir le demander.

Du côté de l'indépendance, bon, si on regarde l'AETMIS actuellement qui fait un excellent travail, le Conseil du médicament qui fait un excellent travail, ils relèvent du ministre. C'est que, moi, je pense... Bon, c'est sûr qu'on peut avoir des craintes par rapport à l'indépendance, mais l'histoire, puis ça a été l'histoire de notre gouvernement, ça a été également l'histoire du gouvernement précédent avec les autres organismes qui étaient du même genre, qu'il y a eu une évolution, l'histoire démontre que, même si c'est près du politique, parce que ça prend quelqu'un à un moment donné qui doit chapeauter, il reste qu'on respecte au Québec l'indépendance de ces organisations-là.

Pour ce qui s'agit des mandats, oui, le ministre peut orienter les mandats. Ne serait-ce que, si on arrivait sur une question de couverture de services, on pourrait donner un mandat, de dire: Une des priorités, c'est d'évaluer ce type de services là. Par contre, ils ont aussi le pouvoir de décider de leurs propres priorités. Il va y avoir une table de concertation, il va y avoir des comités permanents, il va y avoir un conseil d'administration. Donc, si vous regardez, c'est assez large pour dire que les mandats... les priorités pourraient venir de différents secteurs, et, à ce moment-là, je pense qu'on va faire un choix qui va être judicieux selon les conditions du moment. C'est dans cette... Puis là c'est sûr que les gens, ils disent: On aimerait ça fermer les portes puis rendre ça vraiment indépendant. On pourrait le contrôler de l'autre façon. Je pense qu'il faut plus y aller avec le principe de bonne foi. Puis, moi, j'assume que le ministre ou le gouvernement... encore là, je tiens à le dire, quel que soit le parti qui va être au pouvoir, je pense qu'on va avoir la même intention d'avoir un organisme crédible, parce que, la journée qu'un gouvernement va commencer à jouer là-dedans, les organismes vont perdre de la crédibilité.

Moi, j'aurais tendance à faire confiance. Pourquoi? Parce qu'on a eu le Conseil du médicament, on a eu l'AETMIS, puis, jusqu'à date, tous ceux qui ont passé ici nous ont tous dit que c'étaient des modèles et que ça fonctionnait bien, mais qu'à la limite on devrait continuer avec ça. Nous autres, ce qu'on dit: On veut une structure qui est encore supérieure à ça avec l'INESSS, mais la philosophie de gestion va demeurer la même, puis au niveau... Juste pour vous dire, les membres du conseil d'administration ne seront pas nommés par le ministre, ils vont être nommés par le gouvernement. Donc, il y a une étape... il va y avoir une vérification. Ça fait que, moi, je pense que c'est assez de protection pour dire que c'est quelque chose qui est gagnant. Les autres structures, ça peut être un petit peu plus compliqué.

L'autre affaire où je vous rejoins, je ne mettrais pas d'emblée un représentant d'une organisation parce que la santé, c'est 280 000 personnes, puis pourquoi une organisation par rapport à d'autres? Là, on sait que, sur le conseil d'administration, ça va nous prendre des expertises, des gens indépendants et des gens qui vont être crédibles. Ça fait que, moi, je m'attends qu'il va y avoir différents types de professionnels de la santé puis je m'attends également qu'il va y avoir des médecins qui vont être là-dessus, probablement des médecins omnipraticiens, des médecins spécialistes, pharmaciens, d'autres types de professionnels. Mais d'emblée de dire que les postes sont réservés à des groupes, moi, je pense que ça devient un petit peu discriminatoire par rapport à d'autres, quoique je sais qu'au niveau médical on est habitué d'être très présent. Mais je pense qu'il faut, encore là, se fier au bon jugement des gens qui vont nommer. Je pense que, demain matin, s'il n'y avait pas un médecin sur les comités ou sur le conseil d'administration, bien, là, les gens se poseraient des questions quant à la crédibilité. Et la crédibilité est tellement importante dans ce dossier-là que je pense qu'on va avoir cette précaution. Je ne sais pas comment vous voyez ça?

M. Godin (Louis): J'aurais deux commentaires, si vous me permettez, M. le Président. D'abord, en ce qui concerne... vous mentionnez: Il faut faire confiance au ministre. Notre recommandation sur les indépendances et sur les pouvoirs que se donne le ministre, ce n'est pas parce qu'on n'a pas confiance au ministre, mais on veut simplement lui faciliter la tâche probablement, par moments, et éviter qu'il se retrouve dans une situation où il pourrait être critiqué sur les facteurs qu'il voudrait voir prendre en considération.

Écoutez, vous nous dites: On va être de bonne foi et - je vous dirais - faites-nous confiance, etc. Oui, mais, compte tenu qu'on sait déjà que vous allez agir de cette façon-là, pourquoi ne pas à ce moment-là, je vais dire, d'emblée, dans le projet de loi, encadrer un peu plus le pouvoir discrétionnaire du ministre? Parce que jamais, je veux dire, le ministre de la Santé ne voudrait influencer, dans les critères à tenir compte, des choses qui pourraient servir d'autres fins ou que le ministre aurait par rapport à d'autres dossiers. Donc, voyez-le aussi de cette façon-là, comme étant une aide qu'on peut vous donner plutôt que d'encadrer votre pouvoir.

À l'autre question sur les secteurs d'activité, naturellement on est conscients que le conseil d'administration, d'aucune façon, ne pourrait être composé que de représentants de la profession médicale. On est conscients que la santé est un domaine beaucoup plus large que ça. On parle d'un conseil d'administration de 11 membres, on parle de nominations qui vont représenter différents secteurs d'activité. Nous, on croit que l'on aurait dû être beaucoup plus précis sur ces secteurs d'activité là. J'ai parlé de la profession médicale parce que nous sommes des représentants des médecins omnipraticiens, mais il est clair qu'il devra y avoir là des représentants d'autres secteurs d'activité, et ça ne pourrait pas être que les représentants médicaux, loin de là.

M. Bolduc: Merci. Ça va être tout.

Le Président (M. Kelley): Parfait. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Dans votre présentation, sur le thème de l'évaluation des avantages cliniques et des coûts, vous faites une recommandation sur l'article 6.1° qui vise... Ce que vous souhaitez, c'est changer le terme «l'intérêt des personnes» plutôt que «le niveau de besoin des personnes» ou encore «les avantages pour ces personnes». Est-ce que vous...

M. Godin (Louis): ....ça nous apparaît encore beaucoup plus précis de la réalité que, nous, on y voit à l'intérieur de ça. Nous, on y fait une référence spécifique, je veux dire, à l'intérêt de nos patients à l'intérieur de ça, et ça nous apparaît quelque chose encore de beaucoup plus large que lorsqu'on cible au niveau des besoins. Bon, on est... On pourra probablement vivre avec cet article 6.1°, mais on aurait aimé le voir un peu plus précis.

M. Chevarie: O.K. Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Sur la question de l'indépendance de l'INESSS, l'indépendance face à ce que vous appelez vous-même le pouvoir discrétionnaire du ministre, qu'est-ce qu'on devrait faire pour assurer l'indépendance de l'INESSS? Qu'est-ce qu'on devrait inscrire dans ce projet de loi pour en assurer l'indépendance?

M. Godin (Louis): Il nous apparaît clair qu'il y a une chose que vous ne devriez pas inscrire, mais que vous devriez enlever, c'est l'article 6.4° où, à l'article 6.4°, le ministre peut indiquer tout autre facteur, je veux dire, qui doit être pris en compte par l'INESSS lorsqu'il va faire ses recommandations. C'est à l'intérieur de ça, je veux dire, sur lequel, nous, on pense que c'est un article qui est très, très large, je vous dirais, par rapport à ça.

Pour ce qui est du reste de l'indépendance, on y voit surtout par rapport à toute la nomination au niveau des conseils d'administration, nomination au niveau de la table de concertation, parce qu'il va là aussi, selon nous, de façon importante, beaucoup de la crédibilité de l'INESSS, surtout par rapport aux recommandations qu'il va faire.

.(17 h 50).

M. Drainville: Alors, Dr Godin, si le ministre ne procède pas aux changements que vous souhaitez pour assurer l'indépendance de l'INESSS, est-ce qu'à ce moment-là ce sera pour vous une justification suffisante pour ne pas donner votre appui à ce projet de loi, pour dire carrément: Nous sommes opposés à ce projet de loi; s'il n'y a pas de changement pour assurer davantage l'indépendance de l'INESSS, on est contre?

M. Godin (Louis): Écoutez, on espère qu'il y aura des changements puis que le ministre sera réceptif. La grosse crainte que l'on aura, c'est que l'on fera perdre à cet institut-là beaucoup de crédibilité, beaucoup d'autonomie, qui sont des choses qui nous apparaissent comme étant quelque chose d'essentiel pour rendre l'INESSS très efficace.

Ce qu'on veut dire, c'est qu'à partir du moment où l'INESSS rendra une recommandation par rapport... peu importe le sujet, mais qu'il y aura eu, de la part du ministre, un paquet de facteurs qui auront été déterminés pour dire à l'INESSS: Vous devez prendre en considération tel, tel, tel ou tel sujet, cette recommandation-là, lorsqu'elle va se retrouver que ce soit sous la forme d'un guide de pratique ou autre recommandation et se retrouver face au médecin et au clinicien, elle va perdre beaucoup de sa valeur et de sa crédibilité.

Nous, je vous dirais, on pense que l'INESSS demeure, je vous dirais, un objectif fort intéressant. Je veux dire, faire une évaluation et des évaluations les plus objectives et les plus indépendantes, c'est quelque chose qu'on a besoin, à notre sens, actuellement dans notre système de santé, et l'INESSS peut jouer un rôle important là-dessus. Mais on espère que ça fonctionne.

M. Drainville: O.K. Donc, vous n'êtes pas du même avis que votre prédécesseur à ce micro, Dr Barrette, pour ne pas le nommer, qui, lui, était plutôt d'avis que l'AETMIS, surtout avec le nouveau mandat qui lui a été confié, là, en vertu du décret de 2009, pourrait très bien s'acquitter de ce travail et qu'il n'est pas nécessaire donc de créer l'INESSS et d'y fondre l'AETMIS et le Conseil du médicament.

M. Godin (Louis): Écoutez, nous, il arrive parfois que l'on diverge d'opinion. Ça arrive.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin (Louis): Heureusement pas trop souvent. Mais il est clair pour nous... D'un côté, on a l'AETMIS, on a le Conseil du médicament, qu'on retrouve ça à l'intérieur de l'INESSS, que l'on puisse, à un moment donné, le bonifier, que l'on puisse élargir le mandat, ça nous apparaîtrait, je veux dire, quelque chose d'intéressant plutôt que de se retrouver avec différentes structures qui ont toutes certains rôles d'évaluation. On aura déjà... on a encore le Commissaire à la santé qui va continuer à être là avec, lui aussi, un mandat, je vous dirais, à la rigueur... Et on n'en a pas fait une proposition, mais, à un moment donné, on a même eu une réflexion à se dire pourquoi on n'a pas inclus certains des mandats du Commissaire à la santé carrément à l'INESSS, particulièrement au niveau de l'organisation des soins...

M. Drainville: C'est ce qui était prévu d'ailleurs, hein?

M. Godin (Louis): Et de tout cadrer dans la même entité, on y voit là, pour nous, certains gains d'efficience. Et ça n'enlève rien au travail qui a été fait par les autres organismes. Et c'est pour ça que, nous, on pense qu'on est rendus à cette étape-là, de réunir ces choses-là. Et c'est probablement pour ça que nos opinions divergent par rapport à celles de nos confrères spécialistes. Mais ça n'arrive pas souvent qu'on diverge d'opinion ensemble.

M. Drainville: Mais là où vous vous rejoignez, c'est sur l'indépendance.

M. Godin (Louis): Oui.

M. Drainville: Donc, vous dites: On est d'accord pour fonder dans l'INESSS Conseil du médicament-AETMIS, mais on veut que cet INESSS soit beaucoup plus indépendant que ce que prévoit le projet de loi.

M. Godin (Louis): Comme je le mentionnais au départ, pour nous, la liste des commentaires que l'on a faits n'a pas été faite dans un... dans l'ordre de priorité.

M. Drainville: Oui, oui, je comprends.

M. Godin (Louis): Si on faisait un ordre de priorité, l'indépendance de l'INESSS, pour nous, est quelque chose de majeur, parce que c'est là qu'on ira y chercher la crédibilité...

M. Drainville: Bien sûr.

M. Godin (Louis): ...qu'il a besoin pour être efficace.

M. Drainville: Alors, Dr Godin, moi, je vais vous demander la même chose que j'ai demandée au Dr Barrette, puis, encore une fois, si vous n'avez pas le goût, ou pas les ressources, ou peu importe, on ne sera pas moins bons amis, là... Mais, si vous aviez, dans les jours qui viennent, des suggestions très précises, à part celle que vous faites déjà, là, de retirer le fameux paragraphe 6, là...

Une voix: ...

M. Drainville: Comment?

M. Godin (Louis): 6.4°.

M. Drainville: Article 6, paragraphe 4°, je m'excuse. À part cette suggestion-là, si vous en aviez d'autres pour nous éclairer sur les façons d'assurer l'indépendance... Ça pourrait être le processus de nomination des membres du conseil d'administration. J'évoquais tout à l'heure avec le Dr Barrette la possibilité que les membres du C.A. de l'INESSS, ou encore son dirigeant, ou ses deux dirigeants principaux se rapportent directement à l'Assemblée nationale... Bon, c'est des scénarios, des hypothèses que j'évoque, je réfléchis à voix haute, je n'en fais pas une proposition formelle. Mais, vous, si vous en aviez, des propositions à nous faire pour nous éclairer là-dessus, ce serait très apprécié...

M. Godin (Louis): D'accord.

M. Drainville: ...que vous les fassiez parvenir à la commission.

Par ailleurs, est-ce que vous êtes... est-ce que ça vous - comment dire? - préoccupe, l'article 19 du projet de loi qui dit: «Le seul fait pour un membre du [C.A.] ayant la qualité d'administrateur indépendant de se trouver, de façon ponctuelle, en situation de conflit d'intérêts, n'affecte pas sa qualification»? Est-ce que vous souhaitez, vous aussi, que cet article soit retiré du projet de loi?

M. Godin (Louis): Écoutez, c'est clair que l'on ne veut pas que les gens qui soient là se retrouvent en situation de conflit d'intérêts. Ce n'est jamais facile. Pour nous, il ne nous apparaît jamais facile de déterminer quels sont nécessairement les conflits d'intérêts, quand est-ce qu'ils se sont produits et quand est-ce qu'ils influencent encore. Et on sait qu'on peut faire de l'interprétation d'un projet de loi ou d'un article d'un projet de loi bien des choses. Ce qu'on lit là-dedans, c'est que le législateur est quand même préoccupé, je veux dire, des situations de conflit d'intérêts, mais il ne veut pas, je veux dire, y faire là une règle absolue parce qu'à un moment donné quelqu'un aurait eu telle activité, je veux dire, auprès de telle organisation ou dans telle circonstance, et de faire qu'actuellement, d'emblée, on en fait un conflit d'intérêts et qu'on le disqualifie. Ça nous...

M. Drainville: Mais, si je peux me permettre, Dr Godin, ils parlent au présent, là, ils ne parlent pas au passé, là. Ils ne disent pas: Le seul fait d'avoir pu, par le passé...

M. Godin (Louis): Mais, de la même façon, c'est...

M. Drainville: Là, ils disent: «...ayant la qualité [...] de se trouver, de façon ponctuelle, en situation de conflit [...] n'affecte pas sa qualification.»

M. Godin (Louis): Bien, encore là, je veux dire, il faudra déterminer c'est quoi, la façon... c'est quoi, «d'une façon ponctuelle», à l'intérieur de ça. Je dirais, ce n'est pas pour nous... Il y a là place à interprétation à l'intérieur de ça. Je pense que tout le monde est préoccupé que les gens qui seront à l'intérieur de cette organisation-là ne se retrouvent pas en situation de conflit d'intérêts. On veut se donner, je pense, la marge de manoeuvre à l'intérieur de ça. Ça dépendra, selon nous, beaucoup si on en fait une interprétation qui est très, très large ou qui est très, très restrictive. Si elle est très, très large et que... n'importe quelle situation qui puisse laisser penser à un conflit d'intérêts, à ce moment-là, effectivement, je l'éliminerais. Si, d'un autre côté, on s'en fait une interprétation qui est un peu plus souple, on pourrait probablement vivre avec cet article-là.

M. Drainville: Donc, vous n'en faites pas une demande formelle de retrait...

M. Godin (Louis): Non.

M. Drainville: ...comme vous le faites pour l'autre article.

M. Godin (Louis): Non.

M. Drainville: C'est bien ça? C'est bien ça?

M. Godin (Louis): Oui.

M. Drainville: Oui. Toujours dans votre mémoire, je vous cite: «Il est temps de reconnaître - alors, on change de registre, là - que la composition actuelle du panier des services assurés ne tient pas compte de l'évolution de la société québécoise. La couverture est parfois incohérente. Ainsi, par exemple, est-il questionnable que plusieurs services diagnostiques ne soient couverts qu'en établissement et non au cabinet? Il est impératif de faire en sorte que l'analyse de la couverture puisse résulter d'un processus d'évaluation de la pertinence sociale, clinique ou économique des services couverts.» Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples concrets qui concernent la pratique des médecins omnipraticiens?

M. Godin (Louis): Notamment, tout le secteur des services diagnostiques. Souvent, je veux dire, on a une couverture en établissement, on n'a pas de couverture à l'extérieur de l'établissement, et cette couverture-là n'est pas possible. Vous savez...

M. Drainville: Pouvez-vous nous... pour les gens qui nous écoutent, des services diagnostiques?

M. Godin (Louis): Que ce soient les... Ça peut être des examens radiologiques.

M. Drainville: Oui.

M. Godin (Louis): Ça peut être des prises de sang, je veux dire, où elles sont couvertes lorsque tu es à l'hôpital puis elles ne sont pas couvertes... malgré qu'on a souvent, je veux dire, une zone grise: on prélève à l'extérieur de l'hôpital, et on l'amène, et on réussit à les faire faire de la même façon. Ce sont là, je vous dirais, des choses qui méritent selon nous, je veux dire, d'être regardées. Et ce que l'on vous dit... On ne vous dit pas aujourd'hui que ces choses-là devraient être assurées, mais ça fait partie des choses que l'on devrait regarder, se donner les mécanismes pour le faire, à partir du moment où on sait que, dans la pratique quotidienne d'un médecin de famille, ce n'est pas toujours facile, je veux dire, d'avoir un examen et que parfois, de l'avoir à l'extérieur de l'hôpital, où les gens qui sont là, dans les bureaux où ils travaillent, peuvent se donner souvent un peu plus de souplesse, des façons de faire un peu différentes et pourraient améliorer l'accessibilité à ces examens-là... Et ça, pour nous, c'est clair que ça aiderait le médecin de famille et ça faciliterait son travail.

.(18 heures).

M. Drainville: Mais, Dr Godin, pourquoi faut-il un autre organisme pour procéder à ce travail-là? Est-ce qu'à même une enveloppe de 27 milliards par année on ne devrait pas être capable de dégager les ressources pour faire cette évaluation-là, si telle est la volonté du gouvernement de la faire? Je parle bien sûr de la révision du panier de services. Il y a pas mal de personnes, je pense, qui vont se poser la question, à juste titre: Pourquoi faut-il créer un autre organisme pour faire le travail, dans le fond, du ministre? C'est le travail du ministre, c'est le travail du gouvernement d'évaluer si le panier de services doit continuer comme il l'est présentement ou doit être modifié à la hausse ou à la baisse. Pourquoi faut-il créer l'INESSS pour faire ce travail-là?

M. Godin (Louis): On y voit là peut-être quelque chose qui pourrait justement être aidant. Parce qu'à partir du moment où un organisme indépendant est crédible et est capable de déterminer: Si j'assure tel service dans telle circonstance, voilà tous les bénéfices que j'en retire, voilà les inconvénients, et le résultat final est celui-là, ça permettrait probablement, selon nous, d'éclairer beaucoup le débat. À la question que vous posez: Est-ce que ça pourrait se faire actuellement?, bien oui, ça pourrait se faire actuellement.

M. Drainville: Et pourquoi est-ce que ça ne se fait pas?

M. Godin (Louis): Ah! Bien, ça, écoutez, vous poserez la question à votre vis-à-vis d'en face, là, ce n'est pas à moi que vous devez poser la question.

M. Drainville: Mais, je me demandais, peut-être que vous auriez une hypothèse à émettre.

M. Godin (Louis): Non, je n'ai pas d'hypothèse à émettre.

M. Drainville: Pas là-dessus en tout cas.

M. Godin (Louis): Je pourrais vous écrire là-dessus, mais je n'ai pas d'hypothèse à vous donner.

M. Drainville: Je ne suis pas sûr que vous voulez faire ça non plus. Peut-être qu'il vaut mieux s'en parler de vive voix. Mais je vous rappelle d'ailleurs...

M. Godin (Louis): On choisira le canal que vous voulez.

M. Drainville: Voilà, c'est ça. Mais je vous rappelle que le ministre, pour lequel j'ai le plus grand des respects, déclarait, lors de l'étude des crédits, les derniers crédits, qu'il était facile de dégager 400 millions dans l'enveloppe de son ministère. Dans l'enveloppe de 27 milliards, c'était assez facile de trouver 400 millions. Alors, moi, je me dis: Si c'était facile de trouver 400 millions, bien c'est bien la preuve, en tout cas de sa perspective à lui, c'est bien la preuve qu'il est capable de voir déjà des services qui pourraient être livrés d'une façon plus efficace, à moindre coût, visiblement, parce qu'il dit qu'on pourrait trouver 400 millions.

M. Godin (Louis): Bien, écoutez, moi, je vous dirais deux choses là-dessus. D'abord, je laisserai au ministre de déterminer où il peut aller chercher ces 400 millions là. Et, je vous dirais, pour moi, c'est une bonne nouvelle de savoir qu'on aurait 400 millions supplémentaires...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin (Louis): ...pour être capables de mettre des choses intéressantes sur la table.

M. Drainville: Vous, vous êtes en négociation, je pense, là, ou sur le point de commencer vos négociations.

M. Godin (Louis): Pas encore, pas encore.

M. Drainville: Mais ça s'en vient.

M. Godin (Louis): Ça s'en vient, effectivement. Et, bon, c'est des chiffres que je retiens.

M. Drainville: Par ailleurs, vous notez dans votre mémoire, et je vous cite à nouveau: «La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec prend encore une fois bonne note de l'attitude d'évitement - d'apostrophe évitement, d'évitement - que privilégie le gouvernement dans le cadre du projet de loi n° 67. Elle profite [...] de l'occasion que lui offre la commission pour rappeler qu'elle ne cessera pas, de son côté, de ramener en surface les grandes questions liées au financement du régime public, au financement des cliniques médicales, à la question des frais accessoires», etc.

M. Godin (Louis): Oui, parce que pour nous c'est clair qu'il y a là un enjeu important.

M. Drainville: Mais c'est quoi, le rapport avec l'INESSS? Est-ce qu'on parle davantage de négociation, justement?

M. Godin (Louis): Non, parce que, vous savez, ce n'est pas simplement une question de négociation, on peut y retrouver là des éléments très, très importants sur l'efficience, je veux dire, que l'on peut avoir en termes de système de santé, que ce soit au niveau de la question des frais accessoires, parce qu'on a déjà eu l'occasion d'échanger là-dessus et on sait que...

M. Drainville: Vous parlez du ministre et vous?

M. Godin (Louis): Non, même ici, on a eu l'occasion d'échanger ensemble, M. le député de Marie-Victorin, là-dessus, sur les frais accessoires.

M. Drainville: Vous parlez du fameux rapport?

M. Godin (Louis): Du rapport, effectivement, du rapport Chicoine, je crois.

M. Drainville: Il est arrivé quoi avec ce rapport-là...

M. Godin (Louis): Bien, probablement... probablement que vous aurez plus...

M. Drainville: ...qui recommandait justement l'application de nouveaux frais accessoires?

M. Godin (Louis): Vous pourriez plus m'indiquer où est rendu ce rapport-là.

M. Drainville: Non. Je pense que c'est le ministre qui devrait nous dire, là-dessus, où est-ce qu'on en est rendu avec les frais accessoires.

M. Godin (Louis): Bien, vous serez peut-être à même de le questionner à l'intérieur de ça. Mais c'est sûr qu'il y a là, pour nous, une modernisation qui doit être faite. Et, quant à la question des cabinets privés, vous savez, on a énormément de problèmes actuellement d'accessibilité en première ligne et le fait d'avoir un médecin de famille, et la pérennité des cabinets privés et de leur financement, il y a là un enjeu. Et c'est clair que, dans tous les débats que l'on peut avoir, et notamment dans les débats de trouver les meilleures façons de faire, les meilleures questions en termes de coûts, bien la question des cabinets privés est quelque chose d'important.

M. Drainville: Il me reste quoi, deux minutes, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Quatre.

M. Drainville: Quatre. Alors, en conclusion, vous écrivez: «L'INESSS ne sera pas l'institution à laquelle plusieurs avaient songé au départ. À titre de [représentant ou] représentante des médecins omnipraticiens québécois et de chef de file en matière d'organisation des soins et de formation professionnelle, la FMOQ - Fédération des médecins omnipraticiens du Québec - souhaite rappeler que le nouvel institut ne pourra utilement arriver à ses fins sans qu'il ne soit à tout le moins autonome, crédible, transparent et soucieux de s'adjoindre les meilleurs collaborateurs. Son succès en dépend.»

Si je vous demandais de nous donner les deux ou trois changements absolument fondamentaux qui doivent être apportés à ce projet de loi si on veut lui donner justement, comme vous le dites, l'autonomie, la crédibilité et la transparence que vous souhaitez pour l'INESSS.

M. Godin (Louis): Pour nous, c'est clair qu'au niveau de la détermination des facteurs que doit tenir en compte l'INESSS, et ça, c'est surtout l'article 6.4°, ça, ça doit être fait. Il est clair que le projet de loi, pour nous, doit être beaucoup plus précis quant à la détermination des conseils d'administration, et on devra être aussi beaucoup plus précis au niveau de la table de concertation.

Quant à l'autre élément, je vous dirais, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui doit se retrouver dans le projet de loi, mais ça nous apparaît essentiel de le dire, c'est que l'on devra mettre largement à contribution les cliniciens et les cliniciens experts pour déterminer justement nos guides de pratique. Il en va là beaucoup de la crédibilité qu'auront ces guides de pratique là à suivre. On pense que c'est quelque chose qui va se faire de façon spontanée par l'INESSS. Est-ce que c'est quelque chose qui peut s'inscrire à l'intérieur d'un projet de loi? Je ne suis pas un juriste et je ne sais pas jusqu'à quel point on peut aller là, mais ça nous apparaît là une question essentielle, et on ne pouvait pas ne pas vous l'exprimer.

M. Drainville: Je vous remercie, docteur. Merci.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup, Dr Godin, pour votre présentation. Je pense qu'on a eu une journée très bien remplie. Les sept groupes qui ont témoigné ont vraiment mis la table pour notre considération du projet de loi n° 67.

Alors, sur ça, je vais ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle. Merci beaucoup et bonsoir.

(Fin de la séance à 18 h 7)

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