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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mercredi 17 février 2010 - Vol. 41 N° 28

Consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat sur la question du droit de mourir dans la dignité


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Kelley): Oui. À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate le quorum des membres de la Commission des affaires sociales... santé et services sociaux, donc je déclare la séance ouverte en rappelant le mandat de la commission.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur la question du droit de mourir dans la dignité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charbonneau (Mille-Îles) remplace M. Lehouillier (Lévis); Mme L'Écuyer (Pontiac) remplace Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger); M. Ouimet (Marquette) remplace Mme St-Amand (Trois-Rivières); Mme Hivon (Joliette) remplace Mme Beaudoin (Rosemont); Mme Richard (Marguerite-D'Youville) remplace M. Gauvreau (Groulx); Mme Lapointe (Crémazie) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M. Charette (Deux-Montagnes) remplace M. Turcotte (Saint-Jean); et Mme Roy (Lotbinière) remplace M. Deltell (Chauveau).

Le Président (M. Kelley): Est-ce qu'il y a des questions à ma droite? Mme la députée...

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): O.K., parfait, on va, par consentement, corriger cette situation. Avant de continuer, je veux juste corriger un oubli d'hier. J'ai oublié de souhaiter un bon anniversaire à notre technicien de son, M. Croft. Alors, bon anniversaire, M. Croft, qui est toujours un fidèle, toujours dans l'ombre, mais quelqu'un qui travaille très fort, souvent avec cette commission-là. Bon anniversaire un jour en retard.

On est toujours en rattrapage de temps. C'est les choses qui arrivent parfois dans la vie. Je propose, si on termine... Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: À titre de vice-présidente, M. le Président, j'aimerais vous souhaiter à mon tour un très joyeux anniversaire, qui est aujourd'hui même, au nom de tous les membres de la commission.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la vice-présidente. Effectivement, je fête aujourd'hui la liberté 55. Alors... Mais de toute évidence ça ne marchait pas parce que je suis au travail, et, avec tous les engagements comme père de famille, je pense je dois rester député un autre 30 ans. Mais après ça, je vais être correct, alors liberté 85.

On est dans le rattrapage de temps, mais j'ai dit aux témoins que leur 20 minutes est toujours sacré. Alors, je propose, si on peut aller jusqu'à 13 h 20, c'est un petit peu après, je sais que vous avez un caucus, à ma gauche, alors, 13 h 10?

Mme Hivon: 13 h 15.

Le Président (M. Kelley): 13 h 15. Alors, on va essayer de couper la poire en deux. Encore une fois, ça va exiger une certaine discipline au moment de la période d'échange, mais le plus important, c'est d'entendre nos témoins.

Auditions (suite)

Ce matin, on commence avec Dr Michel L'Heureux de La Maison Michel-Sarrazin, un centre de soins palliatifs ici, à Québec, avec une très grande renommée. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous, Dr L'Heureux.

M. Michel L'Heureux

M. L'Heureux (Michel): Je vous remercie, M. le Président, et Mmes et MM. membres de la commission, de m'avoir donné l'occasion de vous rencontrer dans le cadre de la présente consultation. C'est avec beaucoup d'humilité que j'ai accepté l'invitation.

Je suis accompagné de M. Louis-André Richard, qui est membre de notre comité d'éthique clinique à La Maison Michel-Sarrazin, puis je vais le laisser... lui laisser se présenter un peu plus lui-même.

**(11 h 40)**

M. Richard (Louis-André): Un simple mot pour justifier ma présence, professeur de philosophie, donc attaché à la question d'un point de vue théorique, mais une expertise en éthique médicale. Particulièrement, mes travaux sont orientés pour le statut de la dignité animale. J'ai agi comme expert pour le Conseil canadien de protection des animaux, et ce sujet m'amène de façon directe à la dignité humaine, puisque nous sommes des animaux un peu particuliers. Alors, voilà, ça fait 10 ans que j'oeuvre dans ce milieu, et j'ai aidé le Dr L'Heureux à préparer la présentation d'aujourd'hui. Je vous remercie aussi de m'avoir donné la chance d'être ici.

M. L'Heureux (Michel): Le texte que... On n'a pas préparé de mémoire écrit parce qu'actuellement notre texte est plus sous forme de notes, mais on a l'intention, dans la mesure du possible, de vous faire parvenir un texte mieux remanié, dans une forme plus présentable, dans les prochains jours.

Vous vous attendez d'entendre des avis d'experts sur des enjeux juridiques, médicaux, éthiques sur le sujet de mourir dans la dignité, mais en manifestant le souhait, en tout cas dans l'invitation que j'ai reçue, que les opinions personnelles soient réservées pour la consultation générale.

Pour ma part, ça m'apparaît louable mais difficilement applicable. Et, comme pour bien d'autres que vous entendrez ici, je suis certain, c'est difficile de désincarner nos réflexions de notre formation, la mienne est médicale, de mon expérience comme gestionnaire au sein de grands hôpitaux puis de ma position actuelle de directeur général à La Maison Michel-Sarrazin, depuis maintenant 10 ans. Je pense que j'y ai acquis une grande compréhension des questions de fin de vie, ce qui, bien humblement, me permet de vous livrer quelques réflexions aujourd'hui.

En plus, l'institution que je représente a une position qui est connue et affirmée publiquement, à savoir que l'euthanasie est exclue en nos murs parce qu'elle est incompatible, selon nous, avec une philosophie de ce que sont les soins palliatifs. Déjà, mon prédécesseur, un des fondateurs de la maison, Dr Louis Dionne, avait présenté un mémoire en ce sens au Comité spécial du Sénat canadien en 1995. Notre position institutionnelle n'a pas changé, on est en train de réfléchir à actualiser son discours avec tout ce qui se discute actuellement, mais ça ne changerait pas le fond de cette position.

Je ne pense pas que le fait que ces positions-là soient connues enlève de la pertinence à nos commentaires parce que nous espérons enrichir suffisamment vos débats pour que le document de consultation que le public va prendre connaissance soit suffisamment élaboré et étoffé pour qu'il comprenne véritablement les enjeux tant individuels que collectifs sur cette question-là. Puis il est probable aussi qu'on va souhaiter exprimer une position plus élaborée lors des consultations publiques à l'automne, comme la démarche qui est en cours le prévoit.

Notre présentation se résume en six messages qui, selon nous, devraient être véhiculés par la commission dans le document de consultation. Je vous les nomme, je ne sais pas si j'aurai le temps dans 20 minutes d'élaborer en détail sur chacun, mais, dans la période de questions, on pourra aller plus loin: un très grand défi d'éducation du public attend la commission; deuxièmement, il faut bien définir ce qu'est la dignité humaine; troisièmement, la mort est un événement essentiellement familial et communautaire; l'euthanasie n'est pas un soin; cinquièmement, la sédation palliative n'est pas de l'euthanasie déguisée; et sixièmement, il existe des risques réels de dérive en légalisant quelque forme que ce soit d'aide médicale à mourir.

Le premier message sur le défi d'éducation, il n'est pas nouveau, d'autres vous l'ont dit. Il y a toutes sortes de confusions sur les termes, mais je pense que la commission a un devoir moral de grande rigueur dans le choix des définitions qu'elle va diffuser dans le document de consultation. Par contre, on sait que ça va être difficile, il y a beaucoup de concepts éthiques et de pratiques médicales qui sont complexes, puis leur vulgarisation, ça ne résume pas à les classifier ou à les opposer en blanc et noir. Il y a beaucoup plus de gris et de nuances qui sont nécessaires.

Parmi ces exemples de confusion, la définition de la dignité, on va y revenir. Des distinctions qu'on entend encore aujourd'hui entre euthanasie active et passive qui, selon nous, ne sont plus justifiées; les éthiciens ont banni ce vocabulaire-là depuis longtemps, mais, dans le public et les professionnels, on l'entend encore. Faire une cessation de traitement, ce n'est pas de l'euthanasie passive. L'euthanasie, c'est une chose, puis les autres concepts sont d'autres choses. La compréhension de l'acharnement thérapeutique puis de voir l'euthanasie comme un rempart à l'acharnement aussi, c'est des confusions qui méritent d'être clarifiées.

Je vous dirais, par rapport au domaine qui me concerne, les soins palliatifs, qu'il y a encore des personnes malades qui s'inquiètent à tort de mourir plus vite si elles acceptent d'être suivies par une équipe de soins palliatifs. Donc, leur compréhension de ce que c'est, les soins palliatifs, et le mot même fait peur, et donc, on a du travail à faire pour... de ce côté-là.

Le deuxième message concerne la dignité humaine. La dignité humaine réfère à la valeur intrinsèque de tout être humain. Chaque être humain est unique, et tous les humains sont égaux en dignité. C'est ce que beaucoup de philosophes vont nous dire, et il y a des définitions très précises dont je vous fais grâce. C'est pourquoi on doit prendre soin des malades, des pauvres, des marginaux, des handicapés et des mourants parce qu'ils sont tous encore membres à part entière de la communauté humaine malgré leur handicap ou leur vulnérabilité ou leur mort imminente.

La mort, ça s'accompagne aussi toujours d'un dépouillement qui... et malheureusement on constate qu'il y a des gens qui définissent ce dépouillement comme une perte de dignité. C'est un dépouillement normal, que ce soient les signes normaux de l'agonie ou toutes les nécessités d'avoir de l'aide pour s'alimenter, pour l'hygiène corporelle, d'avoir besoin de ses proches ou des soignants étrangers pour combler ces dépendances-là. Et donc il faut amener, je pense, dans l'oeuvre d'éducation, les gens à comprendre que ce dépouillement n'altère pas la dignité humaine; c'est le fait de ne pas s'en occuper adéquatement comme humain qui devient indigne. Et vouloir abréger cette vie-là par l'euthanasie serait une confirmation que cette personne mourante a... est devenue avec un statut inférieur et qu'elle n'a plus la dignité d'un être humain à part entière dont il faudrait s'occuper avec déférence.

Le troisième message: la mort est un événement essentiellement familial et communautaire. La mort est un mystère qui est rempli d'incertitudes et de questions qui sont sans réponse et qui nous concerne tous au premier chef comme individus, comme personnes humaines. Il y a bien des choses qui nous échappent à l'approche de la mort. Voici des exemples de questions: Qui sait la teneur de nos besoins, de nos devoirs, de nos aspirations à l'heure précise de notre propre mort? Qui sait la similitude de nos peurs anticipées, de nos peurs effectives à l'approche du décès? Il peut y avoir un écart entre ce qu'on pense comme peurs et ce qu'on va vivre réellement. Qui sait si la vie humaine ne tire pas de sa dignité du fait de sa finitude et si le courage d'avoir peur ne permet pas de réaliser cette dignité? Qui sait si la peur de déranger de nos proches n'est pas pour eux l'occasion de préparer leur propre départ? Si notre nécessaire dépouillement à l'heure du trépas n'est pas un bienfait pour ceux qui restent? Qui sait si notre prétention à vouloir contrôler le moment de notre mort n'est pas un péril plutôt qu'un avantage?

La dépendance dont je vous ai parlé précédemment n'est pas un mal en soi; elle peut même être la source d'un amour familial, d'abord l'amour des enfants envers... des parents envers l'enfant très démuni, le nourrisson, graduellement avec l'enfant qui grandit et, en retour, l'amour exprimé par des enfants en gratitude envers des parents vieillissants, en perte d'autonomie et fragilisés par la maladie sont... c'est des éléments qui donnent... qui maintiennent un sens à cette vie qui s'achève.

La vie... la fin de vie offre des occasions de croissance personnelle et d'accomplissement individuel, et y concerne le mourant, la famille, les amis et les autres -- les autres étant, dans notre cas, La Maison Sarrazin, nos bénévoles et nos employés. La mort est comme une étape à franchir, un événement familial et l'occasion privilégiée d'intégrer notre identité et de permettre aux autres de le faire.

L'approche des soins palliatifs est vraiment une approche communautaire où, étrangement, les bienfaiteurs et les bénéficiaires sont tour à tour les mourants, leurs proches et les accompagnants. Notre devise, c'est Pour apprécier la vie jusqu'à la fin, et ce n'est pas seulement pour les patients eux-mêmes, il y a...

Nous mourons pour les autres, et les autres nous regardent mourir. Vivre jusqu'à la fin, affirmer sa liberté jusqu'à la fin sont des souvenirs motivants pour ceux qui nous survivent et qui continuent leur itinéraire vers leur propre mort. Il y a beaucoup de moments de joie, de rires malgré la peine à La Maison Michel-Sarrazin. Il y a beaucoup de proches... Les lettres se comptent par centaines à chaque année qui nous témoignent la façon, et les leçons de vie, et le courage que les personnes qui sont parties leur ont enseignés. Nos bénévoles, nos soignants nous le disent également dans les réunions d'équipe. Et cette perspective communautaire de la mort ne vient pas nier l'importance des services centrés sur la personne malade, parce que justement ces témoignages nous montrent comment les personnes se sont senties considérées comme des humains et non des corps malades ou comme des numéros et... Mais c'est cette perspective communautaire qui nous apparaît une dimension importante à vous rappeler.

Enfin, sur ce point, c'est certain que des gens pourront dire que la dimension d'une perspective communautaire de la mort nous appartient en propre individuellement et qu'elle est basée sur nos propres valeurs et nos convictions personnelles et qu'on n'a pas à les imposer aux autres. Nous vous invitons à une grande prudence envers cette assertion, parce que l'inverse est aussi vrai. Si on donne raison aux personnes qui font de la primauté du moi un absolu qui justifie le droit pour un malade gravement atteint de choisir le moment de sa propre mort, c'est que, dans le fond, on les laisse imposer à la société leurs propres conceptions de ce qu'est la dignité humaine et de la primauté du moi comme valeur fondamentale de la société.

Le quatrième message: l'euthanasie n'est pas un soin. Étymologiquement, le mot euthanasie est traduit littéralement par «bonne mort», mais il faut comprendre que «bonne mort» n'est pas exclusivement synonyme de «mort douce» comme on se plaît à le croire rapidement aujourd'hui. Dans l'Antiquité grecque, c'était l'ordre moral auquel l'acte était ordonné, le lien entre l'homme à la cité qui est la notion de mort noble ou de mort glorieuse qui justifiait ce terme d'euthanasie. Avec le temps, au Moyen Âge, le terme en français est devenu quelque chose utilisé exclusivement en philosophie. Et c'est seulement au XXe siècle que le terme est récupéré en médecine et qu'on l'associe à un acte médical entre un thérapeute et son patient dans le but de procurer une mort douce.

Mais, au sens moderne, selon nous, l'euthanasie n'est pas un soin, encore moins un soin approprié ni un soin palliatif. Vous me permettrez donc de diverger de la position de mon ordre professionnel, le Collège des médecins, par rapport à cette question. Pour moi, ça m'apparaît un glissement inadéquat et imprudent, même dans des circonstances exceptionnelles. On n'a pas besoin, au Québec, de l'euthanasie pour mourir dans la dignité. Avec l'arsenal thérapeutique des soins palliatifs qu'on possède aujourd'hui pour soulager adéquatement la douleur en fin de vie, incluant la sédation palliative -- je vais y revenir -- on n'a pas besoin de l'euthanasie. Dans les questions, j'aurais peut-être des exemples à vous mentionner par rapport à cette situation.

**(11 h 50)**

La sédation palliative n'est pas de l'euthanasie déguisée. Voici un autre exemple d'éducation du public et de vulgarisation qui attend votre commission. Certains qualifient cette pratique d'hypocrisie en prétextant qu'il s'agit d'une euthanasie lente. Je crois qu'ils ont tort, et mes collègues à La Maison Sarrazin aussi. La sédation palliative est une pratique de dernier recours qui est acceptable sur le plan éthique et juridique à condition qu'elle soit bien balisée. Ça prend des lignes directrices. Il y en a qui ont été publiées, qui sont crédibles, pour justement éviter des dérives qui rapprocheraient cette pratique dangereusement de l'euthanasie. À La Maison Michel-Sarrazin, on s'inspire de ces lignes directrices qui sont assez strictes pour bien encadrer la pratique.

Il y a un notion de proportionnalité qui permet de bien distinguer la vraie sédation palliative continue de l'euthanasie. L'euthanasie fait appel à des doses médicamenteuses d'emblée mortelles et elle n'est pas réversible. Par contre, une sédation palliative continue, pratiquée avec des lignes directrices strictes, utilise une médication qui vise à assurer un niveau d'inconscience juste suffisant pour assurer le confort chez le malade, et il n'y a pas d'escalade dans les dosages pharmacologiques, à moins qu'ils ne soient justifiés par rapport au confort du malade mis sous sédation.

Et j'entendais ou je lisais dans les transcriptions de vos débats de lundi, des notions d'escalade automatique des dosages qui m'ont étonnamment surpris. C'est pourquoi, donc, que la sédation, dans ce contexte, est une pratique acceptable et que c'est une pratique qui est réversible et qu'on peut interrompre. Malheureusement, la sédation entraîne l'altération de la conscience du malade et l'absence d'interaction avec ses proches, puis c'est pourquoi que ça devient une alternative aussi de dernier recours, quand les autres moyens médicaux connus ont été tentés avec succès.

Ça arrête l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation, et ça, c'est un autre point pourquoi ça peut prêter flanc à la critique. Si la sédation est utilisée longtemps avant l'imminence du décès, c'est certain que l'arrêt de l'hydratation va entraîner le décès de la personne. Mais, si on l'utilise dans les jours qui précèdent l'imminence d'un décès, la littérature démontre que la survie moyenne d'une sédation est d'entre un et six jours, après le début de la sédation. C'est très différent d'une euthanasie où est-ce que dans les minutes qui suivent l'administration du médicament. C'est la maladie sous-jacente qui continue d'évoluer malgré la sédation qui entraîne le décès dans les cas de sédation.

Sixième message: Il existe des risques réels de dérive en légalisant quelque forme que ce soit d'aide médicale à mourir. La prudence et la bienveillance s'impose avant de légaliser quoi que ce soit, car on touche à droit fondamental. Nous croyons que nul ne devrait avoir le pouvoir de disposer de la vie d'autrui avec ou sans son consentement. La loi est là pour protéger l'humain, et donc, elle ne doit pas consentir le droit à quelqu'un d'autre de donner la mort à son semblable.

Les risques élevés de dérive sont nombreux. Je ne vous les nommerai pas tous. Il y a des gens bien plus compétents que moi pour le faire. Je sais que vous en avez entendu hier, et vous en entendrez d'autres probablement au cours de vos audiences. Mon souci, c'est que la commission se fasse un devoir moral de les nommer et de les expliquer, toutes ces dérives possibles, pour que, quand la population va être consultée, pour qu'elle soit bien informée.

Il y a deux de ces dérives qui me préoccupe particulièrement. La première, c'est la pression sociale insidieuse à long terme pour suivre la tendance. Il y a deux éléments qui sont démontrés dans la littérature médicale qui sont les motifs principaux de la majorité des personnes qui font des demandes d'euthanasie en fin de vie: la peur de souffrir puis la peur d'être un fardeau. Plusieurs de ces études montrent aussi que, lorsque le soulagement et le soutien sont offerts à ces malades, ils ont tendance à renoncer à leur demande.

Ouvrir la porte à une légalisation ne règle pas en soi ces inquiétudes parce qu'elle n'améliore pas les moyens de les prendre en charge. Tout au plus, les personnes inquiètes pourront se dire: Si jamais je peux éviter le pire parce que le système n'est pas capable de m'offrir ces soins-là ou ce soutien-là, bien je pourrai toujours recourir à l'euthanasie, mais quel constat d'échec comme société si les gens en arrivent à ce pis-aller.

Et, par ailleurs, si jamais c'était légalisé, comment on va pouvoir garantir à long terme que des personnes malades, qui jusque-là ne voulaient pas considérer cette option, n'en viendront pas à penser, à cause du discours dominant, que cette avenue est celle qui rendra le plus service à leurs proches et à la société. Leur consentement sera-t-il vraiment libre et éclairé ou bien conditionné par des valeurs utilitaristes ou même des considérations économiques de la société?

Hier, je crois qu'il y a quelqu'un qui vous a même mis en garde contre le danger que des personnes âgées puissent se faire suggérer subtilement par leurs proches: Bien, tu le sais, que tu as le droit à l'euthanasie maintenant. Donc, c'est la même situation pour des personnes gravement malades, quand ça devient dérangeant pour les proches de laisser tomber leur travail pour aller les accompagner pendant quelques mois pour leur fin de vie.

Puis il faut aussi penser aux proches et l'impact insoupçonné du deuil des proches... pour les proches qui n'approuveraient pas cette mort anticipée. Comment ils vont se sentir? Vont-ils se sentir coupable de ne pas avoir été assez aimants ou d'avoir laissé croire, par du non-verbal ou par une parole mal interprétée, que, dans le fond, c'est ça qu'il souhaitaient puis que la personne a donc choisi cette option malgré leur désaccord?

Le deuxième sujet de dérive, c'est le désinvestissement ou une stagnation des ressources consacrées aux soins palliatifs. Il n'y a personne qui conteste que les soins palliatifs devraient être accessibles partout. On a quand même fait des progrès considérables: on est passés de taux de 10 % de pénétration ou d'atteinte des soins palliatifs aux gens qui en ont besoin à 30 % à 60 % selon les régions, selon les clientèles cibles. Donc, il y a encore du travail à faire, mais, en 10, 15 ans, on a fait beaucoup de progrès.

Mais, en même temps, il faut être réaliste, il n'y aura jamais assez de maisons Michel-Sarrazin ou d'unités dédiées de soins palliatifs dans les hôpitaux pour accueillir tous les mourants. Les progrès futurs, ils viennent du développement des équipes mobiles et des expertises partout où les gens meurent: dans des lits d'hôpitaux où plus de 50 % des gens meurent; dans les soins à domicile, c'est 8 % à 12 %, mais éventuellement ça pourrait monter à plus, l'Ontario est à 20 %. Dans les lits de soins de longue durée, il y a quand même 20 % à 25 % des gens qui meurent là; il faut que l'expertise soins palliatifs y soit disponible, mais pas toujours en créant juste des lits, c'est impossible.

Il va y avoir des coûts supplémentaires puis des efforts de formation importants à consentir, mais, si graduellement il y a de plus en plus de personnes qui se prévalent d'une législation ou de l'aide médicale à mourir, pourquoi on continuerait les efforts économiques et de déploiement des soins palliatifs? C'est une question à long terme qui nous guette.

Laissez-moi vous raconter une histoire, celle d'une maison européenne de soins palliatifs que j'ai visitée, que j'ai côtoyée et avec qui j'entretiens des liens réguliers. Après la légalisation dans leur pays, ils ont refusé de pratiquer l'euthanasie dans leurs murs, malgré des demandes externes répétées. Et alors certains leaders d'opinion y ont brandi le spectre qu'on devrait couper leur financement parce qu'en fait... Et l'argument, c'est l'inutilité de laisser mourir des patients à petit feu, alors qu'il existe la possibilité d'en finir proprement et rapidement. Je caricature, mais à peine. C'est dans ces termes-là que le message était véhiculé.

Enfin, pour terminer, je ne sais pas si on peut appeler ça une dérive, mais à tout le moins un impact non négligeable sur les soignants en soins palliatifs qui ne veulent pas pratiquer l'euthanasie ou l'aide au suicide, c'est l'insoutenable pression qui est exercée sur eux pour y participer malgré eux.

L'expérience de la maison que je viens de vous relater le démontre, mais également une autre expérience, en Suisse celle-là, que des médecins et des soignants de soins palliatifs d'un hôpital qui permet l'aide au suicide ont vécue et qu'ils ont relatée dans de la littérature également publiée. La politique de leur institution permet le recours au suicide assisté, mais exige une consultation et une intervention préalable de l'équipe de soins palliatifs. L'équipe devient donc coincée dans un difficile dilemme: d'une part, refuser de le rencontrer par choix personnel, ce patient, parce que... qui réclame l'aide au suicide, ça équivaut à l'abandonner et à le priver des bienfaits possibles des soins palliatifs et même qui pourraient l'amener à changer d'idée, mais, d'autre part, s'impliquer professionnellement et humainement auprès de cette personne pour voir plus tard le patient maintenir sa décision d'abréger sa vie donne à l'équipe un sentiment d'avoir cautionné une politique institutionnelle qu'ils n'approuvaient pas, et sans compter le sentiment d'échec de n'avoir pas réussi à influer sur la décision ultime de cette personne.

C'est donc des dilemmes réels que des gens vivent au quotidien quand c'est légalisé, et ça, je ne sais pas si on peut appeler ça une dérive, mais c'est certainement une préoccupation que j'ai, et pour mon institution, pour les gens qui travaillent à La Maison Sarrazin et pour tous les gens en soins palliatifs qui ne partagent pas cette vision que l'euthanasie ou l'aide au suicide fait partie des soins appropriés de fin de vie. Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dr L'Heureux, pour ces commentaires. Avant de commencer la période d'échange, je vais déclarer mes intérêts.

Il y a 10 ans, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, on a décidé de lancer un projet de centre de soins palliatifs, et je faisais partie d'une équipe qui a visité La Maison Michel-Sarrazin. Vous étiez, à l'époque, très aidants pour nous guider, les choses à faire, les choses à ne pas faire. La maison, à Kirkland, dans mon comté, est maintenant ouverte depuis sept ans, mais vous êtes un guide et un mentor très précieux pour le lancement de la maison dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Alors, publiquement, merci beaucoup pour la collaboration et cet esprit d'ouverture dans le réseau des centres de soins palliatifs.

M. L'Heureux (Michel): Ça nous a fait plaisir, et c'est quelque chose qui effectivement fait partie de notre mission depuis 25 ans, c'est d'inspirer d'autres à développer des projets de soins palliatifs, pas seulement en maison, mais également dans le modèle des maisons. 30 % des lits de soins palliatifs au Québec, actuellement, sont dans des maisons, mais il y en a quand même 70 % qui sont dans des institutions publiques de soins, et il y a des progressions importantes de ce nombre de lits qui s'est fait dans les dernières années et que j'anticipe dans les prochaines années également.

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup pour ce travail d'entraide, parce que, je pense, c'est très important. Quand nous avons commencé, c'était... il y avait beaucoup de choses à apprendre, et La Maison Michel-Sarrazin était très utile de nous guider dans notre projet.

M. L'Heureux (Michel): Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Dr L'Heureux et M. Richard. Merci infiniment de votre contribution. J'ai suivi avec attention les propos que... la présentation que vous nous avez faite.

J'ai compris que... En ce qui concerne les dérives, vous le mentionnez, mais vous dites: Il y a des gens qui en ont parlé hier, notamment le comité sur le vieillissement de la population. Et cet après-midi, je pense, le Dr Somerville va venir nous entretenir de la question. C'est une sommité. Et il y a là des préoccupations importantes.

J'ai une courte... bien, en tout cas, j'ai une question. Par la suite, je vais laisser le temps à mes collègues qui veulent aussi vous poser de nombreuses questions. Mais je veux revenir sur la question de la sédation. Ce que le collège... l'Association médicale du Québec disait hier... là, je ne retrouverai pas ma citation, mais vous avez dit qu'au niveau de l'euthanasie, lorsque l'injection est donnée au patient, la mort s'ensuit quelques minutes plus tard, et vous avez fait la distinction avec la sédation palliative, où, là, la mort va suivre entre un à six jours plus tard. C'est bien ça?

n(12 heures)**

M. L'Heureux (Michel): En fait, ce que je vous ai dit effectivement, toute la nuance entre l'euthanasie et la sédation est une question d'intention. C'est certain que l'euthanasie, par les dosages utilisés, on provoque la mort dans un délai très court. Minutes, heures, mais c'est très rapide. La sédation, quand elle est balisée et qu'elle est utilisée sans essayer d'être une forme déguisée, mais qu'elle est bien balisée dans un but de soulager, ne sert pas à abréger la vie. Évidemment, si on la fait un mois avant le décès puis on arrête l'hydratation, on va avoir un décès en dedans d'une semaine, probablement par déshydratation normale et... mais ce n'est pas ça l'intention première d'une sédation bien balisée.

M. Ouimet: Non, non. Je ne voulais pas que le débat porte sur l'intention, non plus. J'essayais de comprendre, là, à partir du moment où l'injection est donnée, peu importe l'intention, dans combien de temps le décès survient.

M. L'Heureux (Michel): Je vous dirais. Quand je vous parle de un à six jours, ce que je vous cite, c'est une étude ou une revue de littérature sur des publications en matière de sédation palliative où ils évaluaient, en moyenne, le temps de survie des patients, après le début d'une sédation continue, entre un et six jours, selon les études et selon les milieux où c'était pratiqué. C'est une référence, quand on vous enverra le texte, qu'on mettra en référence.

M. Ouimet: O.K. Très bien. Je pense ça va être très utile... oui, je l'ai eu, merci. Je pose la question dans le contexte de ce que Balfour Mount nous dit dans ses écrits, notamment dans l'article qui a été paru dans le journal Le Devoir il y a quelques semaines, et j'essaie de comprendre la nuance par la suite entre... et je fais abstraction de l'intention, mais la nuance entre la sédation palliative et l'euthanasie. Le Dr Balfour Mount dit que: «Il s'agit d'un moment important de partage qui peut adoucir la mort de la personne qui agonise et qui peut rendre les 40 prochaines années plus sereines et plus heureuses à ceux qui lui survivront. Ce temps recèle un incroyable potentiel qui est perdu si l'on euthanasie la personne.»

À partir du moment où on donne une injection à un patient, et là, la mort va s'ensuivre entre un jour à six jours et le patient est inconscient, j'essayais de... de voir, là, à quel moment peut se produire ce que le Dr Balfour Mount nous dit pour faire en sorte qu'on ne devrait pas permettre l'euthanasie. Est-ce que ma question est claire? Est-ce que je la situe bien?

M. L'Heureux (Michel): Je ne suis pas certain de bien la saisir. Mais, je ne suis pas sûr que je suis votre raisonnement au départ, d'exclure la notion d'intention, parce que c'est effectivement, sur le plan éthique, la vraie... la vraie nuance.

M. Ouimet: L'intention, on est dans un contexte juridique. Et je vais faire abstraction de ça, je vais juste parler des... de la question médicale. Si jamais l'euthanasie était légalisée, il n'y a plus de problème d'intention. Alors, c'est pour ça que je fais abstraction de l'intention. Je me demande, au niveau de la recherche de cette qualité de vie là, qui ferait en sorte qu'on ne devrait pas être portés à permettre l'euthanasie, Balfour Mount décrivait les derniers moments précieux, à la fois pour le patient et pour ses proches. Mais je me dis, par rapport à la sédation palliative, vous dites: dès le moment où on donne une injection, le patient devient inconscient et la mort va suivre entre un et six jours. Je ne retrouve pas, à l'intérieur de cette période-là, la description de la qualité de vie auquel fait référence le Dr Balfour Mount et j'essaie de me faire confirmer ça par vous.

M. L'Heureux (Michel): La sédation a plusieurs types, évidemment, ça dépend... Même dans le monde de la sédation, il y a des palliatives, il y a des définitions parce qu'il y a des sédations palliatives qui sont des doses uniques lorsqu'il se vit une détresse particulière pointue respiratoire. Il y a des sédations qui sont intermittentes où on peut faire dormir 24, 48 heures un malade et le réveiller. Il y a des sédations continues. C'est souvent les sédations continues qui sont le plus... qui prêtent le plus flan à la critique quand elles sont faites très longtemps d'avance, parce qu'elles abrègent réellement la vie. Dans le cas...

Mais la sédation palliative est un vaste domaine qui a plusieurs protocoles, plusieurs façons de l'aborder, et il y a des définitions qui diffèrent, effectivement, dans la littérature. Il faut vraiment bien comprendre l'ensemble de ces concepts-là. Puis je comprends le point sur lequel vous voulez amener le fait de dire: Bien, s'il est inconscient, ça change quoi? Mais dans les faits, ce n'est pas simplement une intention juridique, c'est aussi une notion d'intention et de dignité. Ça devient aussi une dimension morale et éthique de dire: Est-ce que, que ça soit légal ou pas, si éthiquement parlant c'est inacceptable ou non légitime de le faire, on ne devrait pas s'abstenir parce que c'est devenu légal d'un autre côté.

Et il y a le caractère réversible aussi. L'euthanasie, on peut ne pas... On ne peut pas revenir en arrière avec les doses utilisées. Mais la sédation sera toujours réversible si on n'a pas fait une escalade de doses. Il y a toujours moyen de revenir en arrière. Donc, ça fait partie des distinctions dans l'intention, mais pas seulement sur le plan juridique, mais également sur le plan éthique.

M. Ouimet: Bien. Alors, je vais laisser la parole aux collègues.

Le Président (M. Kelley): Parfait, j'ai une demande d'alternance dans des blocs très courts. Voulez-vous un court bloc de six minutes tout de suite, Mme la députée de Joliette?

Mme Hivon: ...épuiser leur premier bloc?

Le Président (M. Kelley): Ah... Sept minutes s'ils posent une autre question. Ça va dépasser... Très difficile à gérer, mais c'est votre demande. Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Merci beaucoup. Je pense que c'est très, très intéressant. Puis pour nous, c'est important de vous entendre parce qu'on sait à quel point vous êtes un pilier des soins palliatifs au Québec. Un précurseur. Vous, je parle La Maison, vous aussi, Dr L'Heureux. Alors, pour nous, c'est très précieux, et on aurait sans doute des questions pour beaucoup plus que 20 minutes pour vous, mais, en tout cas, on pourra y revenir éventuellement.

Moi, je veux savoir... Vous parlez beaucoup, en soins palliatifs, de l'importance de l'approche globale, là, ou holistique ou prendre conscience de l'ensemble des facettes de la personne dans sa fin de vie, et aussi de ses proches, de toute la réalité familiale. Je pense que c'est un défi, effectivement, de défendre cette vision-là par rapport à la réalité qui est enchâssée dans le Code civil du Québec depuis 1994, qui met vraiment, vraiment la primauté sur l'autonomie, l'autodétermination de la personne. Et je veux donc comprendre comment on fait un peu pour concilier les deux. Surtout à partir du moment où une personne le demande... demande expressément, en fin de vie, de mourir. Et, hier, on a eu un témoignage hier matin assez prenant, là, je ne sais pas si vous avez écouté, d'une personne qui a écrit une lettre sur la description des douleurs de fin de vie, deux mois avant sa mort. Et ce qu'on se rend compte, c'est que oui, l'aproche des soins palliatifs, elle se veut très globale, mais elle est aussi très, très médicamentée ou très axée aussi sur les médicaments, parce qu'en fin de vie, de ce que je comprends, vous me corrigerez, pour bien cerner la douleur, pour bien, je dirais, enlever la douleur, il y a toute une médication nécessaire parce qu'un médicament a des effets secondaires. Là, on vient amener un autre médicament pour contrer les effets secondaires. Il y a de l'anxiété, donc des fois on vient donner un antidépresseur ou un calmant, ce qui altère un peu la conscience globale ou l'effet général. Il peut y avoir des effets de nausée, il y a la morphine qui vient jouer...

Donc, je me dis: Comment réconcilier ça: l'approche globale pour la personne avec la médicamentation ou le thérapeutique qui est si présent et, deuxième volet, avec la notion d'autonomie de la personne à laquelle on a donné la consécration?

**(12 h 10)**

M. L'Heureux (Michel): O.K. La notion d'autonomie dans notre conception, dans notre philosophie, dans les documents qu'on a diffusés qui expliquent notre philosophie, nos valeurs, nos principes, elle a ses limites et elle ne va pas au-delà de certains... d'une perspective communautaire ou familiale, comme je l'ai dit, ou sociétale par rapport à la possibilité que cette autonomie-là irait jusqu'à imposer la primauté du «moi» comme valeur dominante jusqu'au droit de disposer du moment de sa mort... de décider du moment de sa mort.

Mais tout le reste de l'autonomie, la personne en fin de vie, même si ses proches sont considérés aussi comme nos patients ou nos clients ou nos usagers dans le terme de la loi, parce qu'ils sont en besoin de deuil anticipé et, après le décès, de deuil. Mais la personne, elle demeure au coeur de nos actions et des décisions. Dans nos valeurs, il y a la vérité; elle est informée de tout et elle décide vraiment du niveau de confort qu'elle cherche à atteindre par rapport aux moyens disponibles.

Il y a des patients qui choisissent de rester plus conscients et d'endurer un certain niveau de douleur physique pour rester en grande relation avec leurs proches. Il y en a d'autres que ça ne dérange pas de se sentir plus somnolent parce que leur objectif, c'est une douleur physique égale à plus ou moins zéro.

Donc, cette autonomie de discuter franchement avec le médecin et l'équipe soignante du niveau de confort, puis... par rapport à chacun des symptômes qu'ils vivent est une grande autonomie. Cette capacité de décider que, si c'est possible, le bain, je pourrais l'avoir cet après-midi plutôt que ce matin ou j'aimerais mieux faire une sieste cet après-midi; tous les petits gestes dans leur confort à eux, où ils deviennent les personnes qui, vraiment, dictent une partie de l'agenda des soins qu'ils vont recevoir, et dans la philosophie et dans les...

On a même mis en place récemment une démarche qu'on a appelée «l'humain devenant», basée sur la théorie d'une chercheure en soins infirmiers, pour justement amener nos soignants, nos infirmières et les autres membres de l'équipe à bien cerner c'est quoi, les objectifs du patient quand il rentre à Sarrazin, mais également au jour le jour dans la dispensation des soins qu'il reçoit et de l'accompagnement qu'il reçoit. C'est le patient qui choisit quels proches il veut à son chevet. Quand il y a des chicanes familiales qui ne sont pas résolues avant d'entrer à Sarrazin, ça ne veut pas dire qu'elles se règlent par magie une fois qu'ils sont entrés. Il y a des gens exclus du chevet des malades, et il faut les gérer aussi; il faut gérer ce refus du malade de les voir. Mais on respecte sa volonté, ce n'est pas le proche qui veut le voir à tout prix qui va entrer dans la chambre, c'est le malade qui choisit qui il veut voir; donc, il y a vraiment une autonomie, un respect de ses volontés.

Puis, dans cette conception-là de l'autonomie, ça ne va pas pour nous jusqu'à se donner le droit de mettre fin prématurément à la vie des patients, parce qu'on ne considère pas que ça devient un soin de le faire, ça met fin brutalement à leur relation.

Vous savez, la notion de soins, c'est quelque chose que j'ai dit tantôt que je reviendrais, ou j'en ai parlé un peu, les soins, c'est une logique de vie. Quand on abrège la vie, ce n'est plus soigner, c'est mettre fin prématurément à la vie de la personne et mettre fin aussi à la relation du soignant avec le soigné. Donc, pour nous, ça ne rentre pas dans notre conception du soin et encore moins des soins palliatifs.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je vais retourner maintenant à ma droite. J'ai trois demandes, et il vous reste 9 minutes. Alors, j'appelle à la discipline de vous trois: Mme la députée de Hull, Mme la députée de Pontiac et M. le député des Îles. Alors, je vais commencer avec Mme la députée de Hull, mais si on peut faire ça rapidement.

Mme Gaudreault: M. le Président, j'ai témoigné hier du fait que j'ai déjà été bénévole dans une maison de soins palliatifs dans mon comté, la Maison Mathieu Froment-Savoie, dont je suis très fière, puisque c'est un service, à mon avis, essentiel pour la population.

Je me ferai brève. Alors, hier, M. Hubert Doucet est venu nous présenter son document, et on pouvait y lire: «Les soins palliatifs sont nés d'une volonté de privilégier une nouvelle façon de penser et de pratiquer le soin. C'est pourquoi il me semble y avoir une contradiction entre la nouvelle sensibilité dont parle le rapport du Collège des médecins et la dynamique fondatrice de ces soins.»

Ma question sera très brève: De par votre expérience, Dr L'Heureux, est-ce que vous croyez que tous les médecins ont la connaissance et les compétences nécessaires pour accompagner un mourant jusqu'à la fin de ses jours?

M. L'Heureux (Michel): Grande question, puis je pense qu'elle ne s'adresse pas seulement aux médecins, mais aux autres professionnels de la santé.

Compétence peut s'entendre dans différents sens. Il y a le savoir, il y a le savoir manipuler, exemple, les opioïdes, les narcotiques, la médication, il y a effectivement encore des grands inconforts, il y a encore des mythes. C'est clair qu'on a du progrès à faire, il y a encore malheureusement des médecins et des infirmières qui ont peur en utilisant les doses qui sont décrites comme étant les doses normales pour traiter les douleurs de fin de vie, mais qui ont peur de donner ces doses-là ou de les prescrire, parce qu'ils ont peur que ça soit ça qui provoque la mort du patient. Il y a de ça encore qui existe, mais je ne vous dirais pas que c'est généralisé, mais il y a encore du travail à faire de ce côté-là.

L'autre dimension, c'est toute la question du... il y a un paradigme médical qui est centré sur la guérison. Lorsqu'on doit commencer à parler de soins palliatifs avec son patient, il y a un changement de registre où on entre plus dans le relationnel et non plus seulement dans le savoir médical, qui n'est pas toujours facile pour les médecins et qui, malheureusement, n'a pas nécessairement été enseigné il y a 20 ans, 30 ans dans les écoles de médecine; ça commence à être beaucoup plus enseigné aujourd'hui.

Donc, il y a un enjeu, peut-être, de générations qui va se faire avec les années, je crois, pour amener une perspective où s'occuper de la dimension palliative, donc de la qualité de vie du patient en même temps qu'on s'occupe de son désir de guérir ou des efforts curatifs, que ça soit quelque chose qui est intégrée et non pas: On a fini le curatif, on passe au palliatif avec une autre équipe.

Il y a un cheminement qui est commencé, qu'on observe, mais il y a encore du progrès à faire. Donc, je n'irais pas à parler de compétence ou d'incompétence, mais j'irais à parler de confort ou d'inconfort avec des situations qui interpellent l'humain derrière le médecin, ou derrière le professionnel de la santé, et qui nécessitent un cheminement, un apprentissage et une reconnaissance qu'on est soi-même mortel et qu'on ne peut pas guérir tout le monde, et que la mort n'est pas un échec, mais la mort est quelque chose d'inévitable, et qu'on prend connaissance de façon, je pense, très importance quand on travaille en soins palliatifs, de cette conscience qu'on a de la fin de la vie, et que la nôtre, notre propre vie, a sa finitude.

Et je pense que... en tout cas, ça répondrait, je pense, essentiellement, à votre question. Je vous dirais, vous savez, il y a même un exemple que je m'étais gardée, ici. Il y a des situations exceptionnelles, quand, en fin de vie, une personne va exprimer une grande détresse psychologique, ou un grave mal-être devant sa dégradation physique, devant son niveau de dépendance élevé, ou devant un sentiment... d'inutilité d'attendre que la mort arrive. Souvent, c'est ces personnes-là qui vont demander avec insistance qu'on abrège leur vie. Puis, même l'amour des proches, la présence compatissante des bénévoles, de toute l'équipe soignante, avec tout l'arsenal qu'il y a, ils n'en viennent pas à bout, de cette détresse, puis ils deviennent donc devant un sentiment d'impuissance devant ces situations-là. Et la demande peut heurter leurs convictions personnelles. Ils savent qu'il n'y a pas... que ce n'est pas légal actuellement d'y accéder, mais ils peuvent vivre comme un échec le fait que tous les efforts de l'équipe pour améliorer ce mal-être ne sont... n'ont pas de succès.

Puis, plus fondamentalement que ça, est-ce que, derrière l'approche que préconise le corps médical par la voix du Collège ou des fédérations médicales n'est pas en train de réouvrir la porte à une forme de, à nouveau, d'un contrôle des médecins sur la mort, puis n'est pas aussi en train de camoufler cette incapacité d'admettre leur impuissance dans des situations qui sont inévitables parfois?

Est-ce qu'on doit... Est-ce qu'on doit avoir une solution pharmacologique à tous les maux et à toutes les souffrances? Le public en redemande, et les médecins sont encouragés à le faire, souvent. Mais, est-ce que c'est ça, qui est le bien ultime, qu'il faut absolument avoir une réponse pharmacologique à tous les problèmes? C'est une question de société qui mérite d'être posée aussi par votre commission.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci. J'ai été un peu surpris par quelques propos que vous avez mentionnés, mais j'aime ça, parce que, je pense, ça nous fait réfléchir, puis ça permet justement de bonifier puis préparer éventuellement notre position. Entre autres, vous avez mentionné que la dépendance et le dépouillement ne portaient pas atteinte à la dignité, si j'ai bien compris vos propos. Et on a eu quelques témoignages, au contraire, que la déchéance humaine, particulièrement physique, et la souffrance morale étaient extrêmement importantes dans cette étape-là, cette dernière étape de la vie. Et il me semble que, quand je suis dans mon comté ou partout ailleurs au Québec, c'est un des éléments qui est beaucoup mis de l'avant de la part de la société québécoise, ce concept de déchéance, souvent, qui nous attend quand on est à la fin de notre vie. Et vous me surprenez, avec vos propos. J'aimerais ça entendre un peu plus d'information là-dessus.

M. L'Heureux (Michel): Deux éléments de réponse. Le premier va venir de moi, le second va de mon collègue. Mais, dans un premier temps, je pense qu'il faut revenir à ce qu'on a dit au début: Quelle définition de la dignité on utilise? Et c'est certain, et on n'adhère pas à l'idée d'une définition qui est strictement subjective dans la perception qu'a un être humain de dire: Parce que j'ai une déchéance physique, je ne suis plus... je ne vis plus ça comme... comme étant ma dignité, et comme étant, donc, la raison qui fait que, si je n'ai plus cette dignité, je suis devenu comme moins qu'un être humain normal, parce que pour, dans cette conception-là, l'être humain normal, c'est celui, bien portant, en bonne santé, qui ne vit pas de déchéance physique. Et notre prétention, c'est plus que la définition de la dignité doit être une définition qui est un petit peu dépersonnalisée de cette subjectivité et que ce qui est indigne, c'est de traiter cette personne-là comme étant quelqu'un qui n'est plus un être humain parce qu'elle a cette déchéance physique là, et de ne pas avoir la déférence de bien s'occuper de ses besoins fondamentaux quand elle vit cette dégradation à l'approche du décès.

Sur le plan du plus philosophique, je laisserais M. Richard vous compléter, peut-être, la réponse.

**(12 h 20)**

M. Richard (Louis-André): Bien, brièvement, ce sont des questions difficiles, mais, j'aime beaucoup la façon dont vous formulez la question, parce que la commission va devoir tenir compte d'un aspect fondamental: il y a le problème virtuel et la réalité. Et le problème virtuel, vous le posez très bien: Moi, j'ai peur de mourir, et c'est tous les êtres humains qui ont cette peur avec eux. Généralement, on en prend conscience assez rapidement. C'est pour cette raison que j'ai peur de la déchéance aussi.

Mais je me rappelle qu'en grandissant j'ai vu mes parents s'occuper de moi alors que j'étais très dépouillé. Ils ont changé les couches ad nauseam pendant plusieurs années. J'ai réalisé ça à un moment de ma vie où j'étais déjà un adulte, et là je me suis aperçu que quand mon papa est décédé, en août dernier, j'ai eu ce rôle à jouer auprès de lui, et vous savez, ça m'a fait le plus grand bien. Ça, c'est la réalité. Mais pourtant, j'ai vu un papa décharné, ce qui n'était pas en soi un spectacle que j'aurais souhaité, mais la réalité, c'est que ça m'a fait le plus grand bien et ça a fait du bien à mon papa qui a pu en témoigner pendant ce cancer qui l'amenait tranquillement à perdre ses moyens.

Alors, l'aspect philosophique derrière ça, c'est que la dignité humaine, c'est un état. On arrive avec, et ceci, on le conserve à tous les moments de notre vie: dépouillement au moment de la naissance qui commande, de la part de nos proches et l'aspect communautaire, le soutien de nos semblables, et ce dépouillement que nous retrouvons en fin de vie qui commande la même chose. C'est sûr qu'il y a des circonstances qui vont faire en sorte, pour toutes sortes de raisons sociétales, pour prendre l'expression, que plusieurs se déchargent de ça, mais, je dirais, ce qu'il faut que le gouvernement mette de l'avant, c'est des solutions proactives qui vont nous aider à reprendre en charge ce qui est réel et normal.

Alors, nous, on défend cette position de la dignité qui englobe tous les moments de la vie, et être au service de l'autre finalement, c'est payant.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Richard. J'en dois une... malheureusement, à Mme la députée de Pontiac, parce qu'on n'a plus de temps. Alors, j'en dois une à Mme la députée de Pontiac; on va noter ça, Mme la secrétaire.

M. le député de Deux-Montagnes, vous avez six minutes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Messieurs, merci de votre présence, merci de votre éclairage.

Vous avez, durant votre présentation, fait un très, très, très bref constat de l'état des soins palliatifs au Québec. Vous avez évoqué le chiffre, et je peux me tromper, de 30 % à 60 % de couverture.

J'aimerais vous entendre davantage sur l'état actuel des soins palliatifs au Québec, et pourquoi... et comment plutôt ne pas expliquer ou ne pas atteindre une plus grande couverture.

Et une sous-question qui est très générale: est-ce que vous estimez qu'à ce jour tous les Québécois peuvent être assurés, tous les Québécois en fin de vie peuvent être assurés d'une mort dans la dignité?

M. L'Heureux (Michel): Je vais commencer par la question de l'accessibilité. Les données que je vous donne sont préliminaires, sont le fruit de comme... différents documents que j'ai essayé de synthétiser en même temps. Ça a commencé avec des commissions gouvernementales, même, je pense, la commission Clair, dans la fin des années quatre-vingt-dix, qui avait nommé ce 10 % d'accès à des soins palliatifs à ceux qui en avaient besoin. J'ai lu un document il n'y a pas longtemps qui parlait de 30 % à 40 %. Moi, je peux vous dire que, dans la région de Québec, on a fait un travail important sur l'accessibilité pour les patients hospitalisés, ceux qui avaient un contact au moins avec un médecin aux soins palliatifs par les dossiers des patients, dans les années 2005-2006, puis on est allé de... dépendant des maladies, de 25 % à 60 %. Donc, c'est un peu un amalgame de ces informations-là.

C'est sûr que les progrès sont différents d'une région à l'autre, d'une localité à l'autre. Ils dépendent beaucoup du leadership des cliniciens et des gestionnaires des établissements à dire: Les soins palliatifs, c'est une priorité puis on va les déployer dans notre territoire, dans notre région. Il y a des incitatifs, il y a des objectifs gouvernementaux fixés par le ministère de la Santé pour dire aux agences régionales et aux établissements: Vous avez des objectifs à rencontrer, mais évidemment, ça ne se vire pas sur un trente-sous, c'est un réseau immense et qui a une certaine force d'inertie. Mais je pense, personnellement, pour siéger à l'association provinciale des soins palliatifs -- vous allez entendre notre présidente plus tard dans vos audiences -- il y a quand même des progrès significatifs qui se sont faits et qu'on entrevoit qui continuent de se faire.

Votre deuxième question, je ne sais pas si je suis capable d'y répondre comme ça, parce qu'encore là ça dépend de ce que vous définissez par dignité. Est-ce que toutes les personnes peuvent mourir dans la dignité? Moi, je vais vous répondre: Je crois que, si les personnes ont accès à des gens capables d'utiliser l'approche des soins palliatifs, pas nécessairement des spécialistes en soins palliatifs, des gens capables d'utiliser les concepts de l'approche en soins palliatifs, de travailler en équipe, de maîtriser la médication, qu'ils vont mourir idéalement bien soulagés, bien entourés de leurs proches, avec une prise en charge de leurs besoins physiques mais aussi psychologiques, sociaux et spirituels par le travail d'une équipe.

Je ne suis pas sûr qu'on peut offrir ça à 100 % des gens aujourd'hui, mais je ne suis pas certain que, parce qu'on n'y est pas encore arrivé à 100 %, qu'on doive ouvrir la porte à abréger prématurément la vie de ces gens-là. Parce que ce serait un constat d'échec que, parce qu'on n'a pas réussi à offrir l'accessibilité à 100 %, comme société, bien ouvrons la porte à l'autre voie, qui est de dire: Bien, finissons-en au plus vite parce qu'on ne réussira jamais à vous l'offrir.

Ce serait même tentant sur le plan économique d'ouvrir cette porte-là, pour dire: On n'y arrivera jamais financièrement, donc ouvrons cette porte-là. Ça va éviter qu'on investisse ce qu'il faut d'efforts pour continuer la lancée sur laquelle on est partis.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville, il vous reste deux minutes.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Vous avez parlé de l'autonomie de la personne et vous dites que la personne décide du niveau de confort avec l'équipe soignante. Vous avez aussi dit que l'autonomie de la personne a sa limite.

Je me réfère à votre témoignage, Pr Richard, tout à l'heure quand vous parliez de votre expérience personnelle avec votre père. Je conçois que c'est toujours une personne digne malgré les difficultés qu'il a. Mais il y a une certaine... Vous, vous dites que ça a été une expérience qui a été bénéfique pour moi, d'en arriver à la situation dans laquelle... Mais, pour lui, pour les personnes qui posent un jugement sur leur situation et qui peuvent, dans un certain cas, constater qu'ils sont en situation de déchéance, c'est quoi, les limites?

M. Richard (Louis-André): Un exemple...

Le Président (M. Kelley): M. Richard.

M. Richard (Louis-André): ...c'est un exemple, puis vous avez raison de le rappeler, ça a été bénéfique pour mon père parce que mon père me l'a dit, puisqu'on l'a vécu ensemble. Mais ce n'est pas une règle. C'est un exemple. Cependant, dans un débat comme celui-là, les exemples ont leur importance, parce que souvent, comme c'est très émotif...

Mais là je voudrais vous répondre brièvement, en philosophe, c'est-à-dire: L'autonomie, comme Michel l'a définie tout à l'heure, c'est que notre système est fondé sur cette autonomie de la personne, mais c'est une autonomie qui est constamment balisée par la loi. Alors, nous, quand on essaie de comprendre qu'est-ce que mourir dans la dignité, je dirais, c'est un... Vous cherchez de l'information, je dirais, le concept philosophique, et ça, c'est distinct de la légalisation de l'euthanasie.

Alors, par exemple, quand je parle de l'autonomie, moi, ce que j'entends, c'est que ce qui est sacré dans notre système parlementaire, jusqu'à aujourd'hui, c'est ce devoir de ne pas donner la possibilité à un tiers de prendre la vie de quelqu'un. Et toutes les dérives sont dans le droit-fil de ça. C'est ça qu'il faut bien comprendre, là. Donc, c'est une balise de mon autonomie, c'est une balise légale à mon autonomie. Je le demande, j'ai le droit de le demander, mais on me dit: Écoute, l'État ne peut pas aller dans ce sens-là, étant donné les dérives possibles.

Et ça m'amène à peut-être préciser la question de la sédation, qui va être le nerf de la guerre dans tout ce débat. Quand Michel parle de la sédation, moi, ce que je comprends, là, c'est que c'est un principe, la sédation, qui est toujours réversible. Puis chez nous, à Michel-Sarrazin, on essaie... jusque dans les derniers moments, de voir, d'assurer ce côté réversible. Parce qu'il arrive, chez nos mourants, comme dans la vie ordinaire... Moi, quand je dors mal, là, trois, quatre jours, la quatrième journée, je vois la vie très, très en noir. Et une bonne nuit de sommeil arrange mes affaires. Mais chez les mourants, en fin de vie, puis même en toute fin de vie, on peut constater la même chose. Quand vous luttez, là, dans la souffrance, même si c'est contrôlé assez bien par l'anesthésique, il y a des moments où c'est difficile, et il arrive qu'une sédation intermittente nous permette de revenir et d'être en contact avec les nôtres.

Et je terminerai sur un point, parce que c'est ça qui est central aussi, les questions que Michel a soulevées m'apparaissent être la règle qu'on doit adopter, c'est-à-dire que je ne voudrais surtout pas qu'on présente notre affaire en disant: On a la réponse. Non. Les questions ouvrent le mystère par rapport à ça. Et c'est le respect de ce mystère qui nous commande d'être très prudents quand on touche la question de la légalisation. Vous me suivez? Ça, pour moi, ça m'apparaît central.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Dernier bloc de trois minutes à Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Je vais poser une question brève pour vous permettre d'avoir plus de temps de répondre. On a eu un sondage, qui est assez contesté, qui est fait par la Fédération des médecins spécialistes du Québec concernant l'euthanasie. Puis les résultats de cette... disaient que l'euthanasie existait.

Vous, en tant que médecin, votre pratique, est-ce que vous avez été confronté à des cas d'euthanasie? Ça, c'est la première question.

Puis la deuxième, pour que dans l'ensemble on puisse... Est-ce que ça arrive qu'on vous demande d'être euthanasié, chez vous? Puis, si oui, comment vous réagissez? Puis si c'est rare, c'est parfois ou c'est fréquemment? J'aimerais savoir.

**(12 h 30)**

M. L'Heureux (Michel): Le nombre... les situations de demande d'aide à mourir ou d'euthanasie de la part des patients sont peu nombreuses. On les a, pendant plusieurs années, recensées pour les suivre en termes de statistiques. On ne... on ne continue pas nécessairement, mais on recense tous nos cas de sédation, parce que souvent il y a un lien dans le sens... pas dans le sens que c'est la réponse, mais dans le sens que, dans tous les cas, ça traduit une souffrance non soulagée.

Et c'est le travail d'abord de l'équipe, que ce soit une demande d'euthanasie ou une demande de dormir ou une demande... quelle que soit la formulation, c'est d'abord interprété par l'équipe comme une souffrance à travailler, à soulager en équipe, et le travail se fait autour de cette notion-là. C'est certain que la réponse va être expliquée au patient, qu'on ne peut pas envisager l'euthanasie par conviction, parce que c'est exclu dans notre philosophie, et aussi par l'aspect de la loi, mais, même philosophiquement, on ne pense pas qu'on commencerait à le faire, même si c'était légalisé.

Par ailleurs, l'autre aspect de cette réponse, c'est que, dans les moyens qui peuvent être proposés au patient, il peut y avoir, à l'occasion, une sédation intermittente, une sédation continue, dépendant de la situation et de tous les efforts qui auront été faits par l'équipe pour trouver les sources de cette souffrance, si elle est plus que physique. Si c'est une souffrance physique, ils vont chercher des solutions avec les moyens de l'arsenal pharmacologique ou thérapeutique connu, puis, si c'est plus du niveau de l'existentiel, du psychologique, de la perte de sens, bien ils vont travailler en équipe à essayer d'aider la personne à voir différemment ce mal-être qui l'habite.

Le... Vous me demandez, dans ma pratique. Je suis un médecin gestionnaire depuis plus de 23 ans. C'est certain qu'en tant que directeur médical dans un hôpital universitaire et maintenant directeur de La Maison Michel-Sarrazin, je n'ai pas vu de patients, mais j'ai beaucoup d'histoires de patients auxquelles je participe... parce que je participe à des discussions d'équipe. Lorsque les cas sont complexes, on m'interpelle pour discuter de ces situations. Alors, c'est souvent dans les situations complexes que je suis mis au courant des enjeux qui peuvent survenir. À la maison Sarrazin et, à ma connaissance, à l'Hôtel-Dieu de Québec, où je pratiquais avant comme directeur médical, il n'y avait... il n'y a pas eu de situation comme celle-là.

Ce que je sais, par contre, c'est qu'il y a facilement une confusion. Je vous ai parlé de celle des médecins, des infirmières qui ont peur de donner l'injection qui va faire mourir le patient quand ils ne sont pas familiers ou confortables avec les doses utilisées aujourd'hui, en soins palliatifs, pour bien soulager la douleur. Mais il y a -- et j'entends ça à La Maison Michel-Sarrazin -- une mauvaise conception parfois des proches qui ont l'impression, qui nous disent des fois un mois, deux mois... J'ai entendu ça récemment à mon propre comité des familles, un membre de la famille qui a vécu un décès d'un proche il y a deux, trois ans, me dire... avoir l'impression que l'injection d'une dose pour soulager une douleur avait -- comme le décès l'avait suivie dans les minutes ou les heures, l'heure qui avait suivie -- avoir associé à tort l'injection et le décès. Alors que, lorsqu'on révise ces situations-là, il s'agit... ce n'est jamais exclu que l'utilisation des opioïdes puisse avoir comme effet secondaire parfois d'entraîner une dépression respiratoire ou entraîner le décès, mais ça reste exceptionnel dans la façon dont c'est utilisé aujourd'hui.

Donc, cette confusion...

Le Président (M. Kelley): En conclusion, s'il vous plaît.

M. L'Heureux (Michel): Oui. Cette confusion sur les pratiques, le grand public l'exprime, les membres de famille nous l'expriment à l'occasion, les médecins... J'ai cru comprendre, en regardant un peu rapidement les résultats du sondage, qu'il y a effectivement des confusions sur les pratiques. Et de conclure qu'il se fait de l'euthanasie clandestine en assimilant ça à la sédation puis en disant que c'est une différence de sémantique -- c'est les propos du Dr Barrette -- je n'achète pas ce raisonnement-là, et je n'achète pas cette conclusion qui m'apparaît très peu fondée sur des données très probantes.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup, Dr L'Heureux et professeur Richard, pour votre contribution à notre réflexion. On va attendre vos notes écrites qui vont résumer un petit peu votre pensée.

Sur ça, je vais suspendre très rapidement, parce qu'il y a un autre groupe, et il faut terminer le tout pour permettre à certains pour aller dans un caucus. Alors, je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

 

(Reprise à 12 h 36)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre prochaine invitée, c'est Mme Jocelyne Saint-Arnaud, qui est professeure associée à la Faculté de sciences infirmières, Université de Montréal.

Vous avez le droit d'une présentation d'une vingtaine de minutes, suivie par un échange avec les membres de la commission. Sans plus tarder, Mme Saint-Arnaud, la parole est à vous.

Mme Jocelyne Saint-Arnaud

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Je vous remercie, M. le Président. Ça me fait plaisir d'être avec vous pour partager mes réflexions et puis mes résultats d'études aussi théoriques et plus pratiques, qui ont été enrichies aussi par l'apport de mes étudiants en sciences infirmières et en bioéthique à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.

Donc, vous avez reçu le texte de ma présentation. Je sais qu'il est très long, donc je vais vous en donner quelques extraits pour qu'ensuite je puisse répondre à vos questions.

Alors, comme vous le savez, le projet de loi privé C-384, pour une mort digne, a été déposé à la Chambre des communes par la députée bloquiste Francine Lalonde. Bien que ce projet-là soit mort au feuilleton à deux reprises... En fait, il l'aurait peut-être été une troisième fois si la session parlementaire au fédéral n'avait pas été prorogée.

Le projet, comme vous le savez, semble avoir l'appui d'une majorité de la population canadienne, de la population québécoise et des associations médicales. Certains mettent en doute les résultats des sondages, arguant que tous n'accordent pas la même signification au terme euthanasie. Effectivement, il existe encore de la confusion à cet égard. Cependant, on peut conclure du résultat des sondages qu'il existe un désir dans la population et chez les professionnels de la santé de lever les barrières qui interdisent l'accès aux pratiques d'euthanasie. Le public n'est toutefois pas prêt à accepter l'euthanasie quand il n'y a pas de souffrance, lorsqu'il y a un espoir de guérison, lors de souffrances psychologiques ou morales continuelles, qui est inclus dans le projet de loi au fédéral, et pour une personne très âgée, comme le montrent les résultats d'études de recherche d'Isabelle Marcoux, que je pense que vous avez reçue ou allez recevoir ici.

Après avoir précisé la terminologie, je vais analyser le problème à partir des théories et principes éthiques, à partir des résultats d'études sur l'évaluation des pratiques dans les Pays-Bas, et à partir du contexte québécois en matière de pratiques médicales de fin de vie. Et les recommandations ensuite vont conclure ma présentation.

Alors, aujourd'hui, quand on parle d'euthanasie dans les pays anglo-saxons incluant le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne et dans les pays qui ont légalisé ces pratiques, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, il ne s'agit pas de soulager la douleur, ni de cesser un traitement qui maintient les fonctions vitales, ni de réanimer une personne qui fait un arrêt cardiaque ou respiratoire quand ce n'est plus médicalement approprié, il s'agit plutôt de faire mourir intentionnellement un patient au moyen d'une injection létale dans le but de le soulager, et donc par compassion. Une telle pratique est interdite aux médecins depuis le serment d'Hippocrate, même si l'euthanasie a été pratiquée ouvertement par les médecins de l'Antiquité sous la forme de l'aide au suicide, d'où l'appellation suicide euthanasique, et clandestinement par les médecins actuels en augmentant les doses d'antalgiques plus que nécessaire pour soulager la douleur, dans le but de faire mourir la personne. Alors, le but est important, l'intention aussi.

Quant à l'aide médicale au suicide, elle n'est pas défendue par la loi en Suisse et elle est légalisée dans les Pays-Bas et dans certains États américains. Les médecins québécois, de ce que j'ai compris, ne veulent pas en faire, quoiqu'il existe certaines pratiques de ce genre au Québec. Les raisons sont obscures, et il semblerait qu'ils ne veulent pas aider à mourir une personne consciente qui n'est pas encore en fin de vie. Cependant, ils souhaitent une décriminalisation de l'euthanasie pour ne pas avoir à faire face à des poursuites judiciaires s'ils induisent intentionnellement la mort d'une personne à l'agonie par l'augmentation des doses d'antalgiques.

**(12 h 40)**

Que disent les théories et les principes éthiques? Je suis philosophe de profession, donc je me sens obligée de vous parler des théories et des principes éthiques. Les philosophes sont d'accord pour affirmer que la moralité de l'euthanasie repose sur la moralité du suicide. En effet, comment moralement autoriser que quelqu'un prenne la vie de son semblable s'il est moralement inacceptable qu'une personne s'enlève la vie? Or, des théories éthiques condamnent le suicide, considérant qu'il s'agit d'un acte immoral en lui-même. On peut avoir comme exemple la métaphysique aristotélicienne et thomiste, qui rejette le suicide à cause que ça va à l'encontre de la loi naturelle, et, chez Kant, le respect... dans la philosophie kantienne, donc le respect de sa propre vie et de celle des autres constitue une obligation morale qui ne supporte pas d'exception. Mais il y a d'autres théoriciens, Sénèque, Hume, Brandt et Englehardt -- ces deux derniers sont des contemporains -- qui considèrent que le suicide peut être moralement acceptable dans certaines conditions.

Pour Lebacqz et Englehardt, il existe un droit à la mort. Ils considèrent que, dans une société pluraliste, on ne peut imposer une échelle de valeurs canonique et que le seul postulat acceptable est le respect mutuel sur la base d'un contrat moral entre les individus. De ce point de vue, il existe un devoir moral de respecter ses engagements et ses obligations envers les autres. Donc, une personne qui a des engagements envers les autres ne devrait pas, moralement, se suicider, et donc elle trahit ses engagements si elle se suicide, par exemple si elle est responsable de la subsistance d'autres personnes.

Pour l'utilitarisme appliqué à la règle, qui est plus intéressant pour vous ici, puisque vous êtes des décideurs, il faudrait qu'une nouvelle loi qui permettrait l'aide au suicide ou la décriminalisation de cet acte apporte plus de bénéfices que de torts à l'ensemble de la population que la loi actuelle, que toute autre loi ou que l'absence de loi.

Il existe deux façons de vérifier cela. Elles consistent soit à tenter de prévoir les impacts d'une telle loi sur les pratiques de fin de vie en examinant les risques et les bénéfices anticipés pour les personnes en cause, ce que j'ai fait déjà dans un article qui est résumé en note ici, soit à examiner les résultats des études évaluatives et autres types d'études dans les pays où ces pratiques sont décriminalisées ou institutionnalisées, ce que j'ai fait ici dans ce mémoire. Ces options permettent d'évaluer les dérives possibles qui feraient en sorte que les torts causés seraient plus grands que les bénéfices anticipés pour les personnes affectées par la règle ou par la loi, c'est-à-dire pour toute la population, puisque toute personne meurt un jour.

Ceux qui ont tenté de prévoir l'impact de ces pratiques sur les comportements des personnes en fin de vie et sur les professionnels qui s'en occupent sont souvent des opposants à toute décriminalisation ou légalisation de ces actes. Ils brandissent ce que les bioéthiciens ont appelé l'argument de la pente glissante, qui traduit littéralement le terme anglais «slippery slope». Cet argument soutient que les balises définies lors de la mise en place de ces pratiques, qui ouvrent à certaines personnes la possibilité d'y avoir accès, s'étendent inévitablement par la suite à d'autres groupes plus vulnérables qui ne répondent pas aux critères d'admissibilité initialement définis. En clair, on ouvre l'accès aux personnes aptes à prendre part aux décisions qui sont souffrantes, qui sont en fin de vie et qui en font la demande de manière explicite et répétée pour respecter l'autonomie de la personne. Mais, dans la pratique, on est amené soit à ne pas appliquer tous les critères spécifiés, soit à les étendre pour offrir cette option aux personnes atteintes de maladies chroniques ou de démence qui ne sont pas en fin de vie, voire aux personnes qui ont un mal de vivre de même qu'aux enfants. Ce qui semblait éthiquement acceptable au départ ouvre la porte à des pratiques inacceptables du point de vue de l'éthique.

Je vais vous amener beaucoup plus loin. En fait, je me suis attardée à faire le tour des résultats d'études sur l'évaluation des pratiques dans les Pays-Bas, et pour voir en fait s'il en résultait des dérives. Vous avez tout le détail de ma démarche dans le mémoire, mais ce que je veux vous amener à considérer, ce sont les conclusions, pour savoir s'il existe de telles dérives du côté des Pays-Bas.

Alors, on peut dire qu'il n'y a pas de dérives concernant le nombre d'actes d'euthanasie et d'aide au suicide au cours des ans, c'est-à-dire de 1990 à 2005, en termes de nombre. Il y a eu des augmentations des actes d'euthanasie en termes de fréquence de 1990 à 2001, mais on constate une baisse des pratiques signalées d'euthanasie, d'aide au suicide et d'arrêt de traitement prolongeant la vie en 2005 au profit d'une hausse des interventions visant à intensifier le soulagement de la douleur. Le total des fréquences de ces quatre types d'intervention est légèrement plus bas en 2005 qu'en 2001, et là vous avez les chiffres, et semblable à celui de 1995. Si on ajoute à cela une hausse des interventions en sédation profonde et continue, il y a eu une légère augmentation des interventions visant à raccourcir la vie en 2005.

Ces changements sont-ils dus à un effet de la loi de 2001? Parce que la législation, les pratiques d'euthanasie dans les Pays-Bas, ça date des années 1980. On a commencé à les baliser, à les institutionnaliser en 1984 et puis on a légalisé... on a décriminalisé et légalisé en 2001 et 2002 les pratiques qui étaient déjà balisées avec à peu près les mêmes critères.

Il est possible que ce soit la loi qui ait incité les médecins à déclarer plus d'interventions visant à intensifier le soulagement des douleurs que d'interventions d'euthanasie et d'aide au suicide. Mais aucune étude, à ma connaissance, n'a porté sur l'impact de la loi sur les pratiques médicales de fin de vie. Il y a probablement plus d'un facteur en cause dans le changement des pratiques médicales, y inclus le fardeau émotionnel lié aux pratiques d'euthanasie, qui va favoriser pour les médecins plutôt la sédation profonde et continue, de nouvelles connaissances scientifiques et techniques concernant le soulagement de la douleur en fin de vie, et on s'est rendu compte entre autres que la morphine n'était pas un bon moyen pour mettre fin à la vie, et du classement des interventions de fin de vie par les médecins en fonction de leur intention de rapporter ces actes ou non.

Les groupes vulnérables sont-ils plus enclins à bénéficier d'interventions visant à interrompre la vie? Il semblerait au contraire que ces populations soient moins à risque de bénéficier de telles interventions. Cependant, les résultats des études consultées ne sont pas concluantes à cet effet. Il y a des études qui ne sont même pas de nature scientifique, qu'on pourrait dire. Vous avez le détail aussi dans le mémoire.

Des auteurs soutiennent que les critères liés à des souffrances intolérables, l'aptitude et la persistance de la requête qui donnent accès aux pratiques d'euthanasie sont discriminatoires envers les personnes âgées qui voudraient en bénéficier. Chose certaine, les écarts entre les pratiques, d'une part, et les normes et critères légalement imposés, d'autre part, indiquent que ce sont les médecins qui régulent les pratiques plutôt que les normes et les lois. À l'appui de cela, une étude montre que les médecins et les infirmières sont plus influencés par leurs valeurs personnelles que par les lois, les lignes directrices professionnelles ou les valeurs morales partagées dans le soulagement de la douleur et les autres symptômes, dans le but d'écouter la vie.

On pourrait même dire que ce sont les médecins qui évitent les dérives du système, alors que la loi et les lignes directrices, comme le protocole de Groningen, les autoriseraient, pour la première, à pratiquer des euthanasies et de l'aide au suicide sur des personnes devenues inaptes mais qui auraient émis des directives anticipées à cet effet, et, pour le deuxième, c'est-à-dire le protocole de Groningen, de pratiquer des euthanasies sur les bébés sévèrement handicapés. Or, des études indépendantes montrent que les médecins sont peu enclins à pratiquer des actes d'euthanasie quand le patient est incapable d'en faire la demande de manière explicite. Ils ont tendance à éviter de tels actes sur des patients atteints de démence, de maladie mentale, de dépression, montrant des signes de dépression ou qui vivent des conflits familiaux non résolus, c'est-à-dire, si, dans les discussions avec la famille, le médecin se rend compte que la famille n'est pas d'accord avec une euthanasie ou une aide au suicide, ils ne vont pas nécessairement procéder.

Le contexte de vie maintenant, de fin de vie au Québec. Que veut la population? Et peut-on satisfaire à la demande générale d'une meilleure façon que d'instituer des pratiques d'euthanasie?

Pourquoi l'euthanasie apparaît-elle comme une option envisageable, selon les sondages auprès de la population? Il est clair que ce n'est pas tant la mort qui est à craindre, mais la douleur et la souffrance anticipées dans les heures et/ou les jours qui précèdent la mort. Les patients et leur famille craignent le processus qui conduit à la mort. S'ils ont vécu difficilement la mort d'un proche, ils vont anticiper une mort difficile pour eux-mêmes. Des études décrivent les morts vécues difficilement. Elles comportent souvent des décisions de traitement qui ne sont pas claires, qui n'ont pas été discutées avec le médecin ou qui se prennent en situation de crise, alors que les émotions dictent les réactions. Dans les unités de soins intensifs, de nombreux conflits sont décrits entre les équipes de soins et les familles à propos de l'arrêt de traitements qui maintient les fonctions vitales, mais qui ne sont plus médicalement appropriés, compte tenu de l'état de santé irrécupérable du malade. Certains médecins poussent les traitements au-delà de ce qui est moralement acceptable, et certaines familles exigent des traitements inappropriés, notamment parce qu'elles sont incapables d'accepter la mort de leur proche; des familles refusent même que leur proche soit soulagé adéquatement, de peur qu'il sombre dans l'inconscience. Alors, il y a toutes sortes de tabous aussi autour de la morphine, notamment.

**(12 h 50)**

Par ailleurs, les patients veulent savoir à quoi s'attendre, être rassurés sur le fait qu'ils ne souffriront pas, que le médecin ne les abandonnera pas et qu'il les accompagnera jusqu'au bout. Certaines études ont porté sur les facteurs qui favorisent la bonne mort, et une étude entre autres de 2004 qui... où les participants, des personnes, des hommes âgés de 71 ans généralement atteints de cancer, ont indiqué que, pour eux, la bonne mort, c'était de mourir dans son sommeil. C'est la mort donc qui survient durant le sommeil, qui est rapide, qui est sans douleur, ni souffrance, qui est inattendue, qui est paisible alors que la personne est en paix avec Dieu, dépendamment si on est religieux ou non évidemment.

Contrairement à cela, la mauvaise mort est douloureuse, prolongée, se vit dans la dépendance, elle est souffrante, est un fardeau pour les autres, elle est vécue à bout de souffle et sans être en paix avec Dieu. En clair, les personnes ne veulent pas souffrir, elles veulent mourir rapidement et dans leur sommeil.

Que craignent les personnes qui choisissent l'euthanasie? Les principales raisons évoquées sont la souffrance présente et la souffrance anticipée. Souvent la présence... la souffrance anticipée rend des fois plus souffrant que la souffrance réelle présente. Une étude par questionnaire a été effectuée auprès des médecins de l'Oregon, où l'aide au suicide est légalisée, et concernait 165 demandes de suicide entre 1997 et 1999. Cela indique que les demandes sont faites sur la base de symptômes physiques non soulagés, pour une part, mais aussi et surtout sur des facteurs qui sont liés à la condition de vie et à des valeurs personnelles comme la perte d'indépendance, la pauvre qualité de vie, le sentiment d'être prêt à mourir, un désir de contrôler les circonstances de la mort.

Un article du Dr Senet, qui est un médecin qui pratique des euthanasies, rejoint cette idée de personnes qui veulent contrôler les circonstances de la mort. Lui, dans son cas, il accorde l'euthanasie à ces personnes-là. Des interventions ont été faites auprès des patients, de ces patients qui ont répondu à l'enquête, à la suite de quoi il y en a 42 sur 140 qui ont changé d'avis. Ces résultats nous montrent combien des facteurs autres que la douleur et symptômes physiques sont aussi déterminants dans le choix présentement de l'aide au suicide. Le désir de contrôler la situation y apparaît clairement dans trois de ces indicateurs. Et le fait que des interventions pertinentes soient faites fait en sorte qu'un certain nombre de personnes peut changer d'idée aussi.

Les personnes ne veulent pas souffrir, ils veulent garder le contrôle sur leur mort, mais la médecine dispose de tous les moyens pour prolonger la vie, voire l'agonie. Depuis les années 1960, on a vu se concrétiser la réanimation cardiorespiratoire, la transplantation d'organes, la dialyse rénale, le stimulateur cardiaque, les chirurgies cardiaques, l'assistance respiratoire, l'alimentation entérale et parentérale et tous les médicaments qui pallient les insuffisances organiques.

Aujourd'hui, il est difficile de mourir à l'hôpital si on n'est pas hospitalisé dans une unité de soins palliatifs. On prolonge la vie par tous les moyens et on réanime des personne de plus 90 ans. On pratique des réanimations tardives qui impliquent des séquelles neurologiques graves plongeant des personnes dans des états végétatifs ou comateux dont ils ne sortiront pas, ceci parce que la pratique hospitalière conçue pour sauver des vies impose aux médecins et aux infirmières de commencer des procédures de réanimation s'il n'y a pas d'ordonnance médicale au dossier à l'effet qu'il n'y aura pas de réanimation pour cette personne.

Or, il manque de lits de soins palliatifs dans les hôpitaux et dans les CHSLD. De plus, il y a peu de personnel formé en soulagement de la douleur. La compétence des soignants est remise en cause en cette matière. Peu de recherche est faite en soulagement de la douleur, et les curriculums universitaires en médecine et en sciences infirmières ne comportent pas de formation en soulagement de la douleur et en soins palliatifs qui seraient offertes à tous, ce qui devrait être au coeur des savoirs et des soins de tous les professionnels de la santé. Depuis plus de 20 ans, on répète que le soulagement de la douleur est inadéquat. De nombreuses études le montrent. Selon l'une d'entre elles, on apprend que les dilemmes éthiques les plus souvent cités par tous les répondants confondus sont liés au traitement de la douleur en fin de vie.

Au Québec, Serge Daneault a mené une étude sur la souffrance au moyen de huit groupes de discussion focalisée et d'entrevues auprès 93 personnes des milieux hospitaliers et de malades atteints de cancer. Les malades définissent la souffrance qu'ils vivent en rapport avec des douleurs physiques, de la fatigue et des symptômes physiques iatrogéniques, c'est-à-dire causés par les traitements, notamment la chimiothérapie. Mais plus on s'acharne à guérir, à essayer un nouveau protocole, à continuer les transfusions, plus on conserve l'espoir de tous. Si les gens savaient que le nouveau protocole en plus de leur causer de la douleur ne les prolonge que de quelques semaines, accepteraient-ils tous de poursuivre? Cependant, il semble qu'on discute peu avec les malades des traitements de fin de vie. Le système de santé est malade, les médecins et les infirmières n'ont souvent pas le temps de donner des soins globaux empreints de «caring».

Faut-il légaliser les pratiques d'euthanasie et d'aide au suicide pour que les médecins parlent avec leurs malades des traitements de fin de vie? Les priorités doivent changer. Selon les professionnels interrogés par Serge Daneault, au lieu de diminuer le personnel, d'investir dans les techniques -- et j'ajouterais, moi, dans le béton -- pourquoi ne pas investir davantage dans le suivi des patients en diminuant les cliniques sans rendez-vous, en favorisant la médecine familiale et la pratique hospitalière, en augmentant le personnel hospitalier, notamment les infirmières, pour qu'elles aient le temps non seulement de donner des soins techniques, mais aussi des soins empreints d'humanisme, incluant un soulagement adéquat de la douleur? Nos services de soins palliatifs à domicile ne peuvent se comparer à ceux qui existent dans les Pays-Bas.

Selon une étude de Norwood et ses collègues déjà citée, les omnipraticiens effectuent régulièrement des appels à domicile et visitent les patients qui ne peuvent se rendre à leur bureau. En fin de vie, ils intensifient les visites à domicile, qui peuvent s'effectuer aussi fréquemment que plusieurs fois par semaine et même tous les jours, si nécessaire. Un service d'infirmières à domicile est défrayé par l'État pour ceux qui n'en ont pas les moyens. Ce service peut impliquer jusqu'à quatre visites d'une infirmière par jour. Il inclut une aide avec les soins personnels, la médication, les repas, l'entretien de la maison, des soins infirmiers, un répit pour la nuit. Il y a des listes d'attente pour ces services, mais les patients en fin de vie ont priorité. Aucun des patients de l'enquête, 192, n'avait été privé de soins. Dans le...

Le Président (M. Kelley): Je dois vous inviter de venir vers la conclusion...

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): D'abréger.

Le Président (M. Kelley): ...parce qu'on est à 20 minutes et le temps est limité pour la période d'échange déjà à cause de... les autres...

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Oui. Si je réponds en termes de contexte, je vais essayer d'abréger beaucoup là. Dans le contexte québécois, il y a juste 26,5 % des personnes décédées en 2001 qui ont eu accès à des soins palliatifs. Et la majorité des décès ne vient pas des cancers, mais des maladies chroniques. Et bon. Alors, je passe là-dessus.

Décriminaliser l'euthanasie et l'aide au suicide sans aller vers une légalisation, une institution, ce n'est pas... ça ne change pas grand-chose dans nos pratiques.

Par ailleurs, l'expérience des Pays-Bas nous montre que la dépénalisation et la légalisation ne rend pas ces pratiques plus transparentes et n'arrive pas non plus à effectuer un contrôle suffisant sur les pratiques médicales pour que les règles émises soient suivies. Donc, on observe une certaine dérive qui est produite elle-même par les lois: c'est-à-dire que, dans la loi, au départ, dans la loi néerlandaise, c'est la personne apte qui peut en faire la demande, mais ils sont rendus maintenant à donner l'autorisation aux enfants de 12 à 16 ans pour obtenir l'euthanasie. Et, sur le site, on peut lire: Le ministre... la ministre de la Santé à l'origine de cette loi souhaite encore élargir les cas pris en compte par la loi en relevant... ceux qui relèvent d'une souffrance insupportable sans perspective d'amélioration, les nouveaux-nés souffrant de malformation grave, les maladies psychiatriques insupportables et la maladie d'Alzheimer.

Donc, finalement, qu'est-ce qui se passerait ici? C'est que souvent, quand on légalise pour un groupe, on veut le faire aussi par équité pour les autres groupes. Et ça ne serait pas vraiment différent ainsi. Donc, finalement, on veut respecter l'autonomie de la personne, mais c'est le... ça va être plutôt le concept de «souffrance» qui va servir d'accès à l'euthanasie et le concept de «souffrance», c'est un concept très subjectif. Autre problème...

Le Président (M. Kelley): ...honnêtement, parce qu'on arrive à 13 heures, il y a des membres de la commission qui ont d'autres obligations. Alors, si on veut réserver un petit peu de temps pour les questions des membres, je vous invite de conclure dans un très... une trentaine de secondes.

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Alors, je conclurais que, si on avait... si on légalisait l'euthanasie, ce ne serait pas la personne elle-même qui le demanderait au Québec, mais ce serait les familles, puisque les médecins sont beaucoup plus enclins à se préoccuper et à parler aux familles qu'aux patients eux-mêmes. Alors, vous avez les recommandations qui sont faites. Entre-temps, j'aurais dit qu'il y a des euthanasies qui sont mal réussies, mais vous lirez le mémoire là-dessus.

Les recommandations, c'est améliorer les soins palliatifs et les services de consultation, augmenter les services à domicile et les options d'hébergement, revoir la formation médicale de même que les problèmes de formation destinés aux patients, changer les priorités, investir dans des soins humanistes plutôt que dans les techniques et les bâtisses, modifier les conditions de travail des infirmières de manière à éviter le temps supplémentaire obligatoire et des corps de travail attribués par ancienneté, former des infirmières au soulagement de la douleur et des soins intensifs, former les infirmières praticiennes en soins palliatifs et encourager des organismes comme l'Entraide Ville-Marie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je suis désolé que je dois... mais on a les contraintes de temps que je dois respecter à part de d'autres. Alors, je pense qu'il reste le temps pour deux blocs de 10 minutes. M. le député de Marquette.

**(13 heures)**

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Saint-Arnaud. Merci infiniment pour votre mémoire très étoffé, très solide, qui est assis également sur des principes à la fois philosophiques et d'ordre... d'ordre éthique.

Moi, je vais... je vais vouloir aller assez rapidement sur la question des dérives que vous présentez dans votre document, mais je veux juste faire un petit... un passage par les philosophes. Vous parlez de Kant, pour qui le respect de sa propre vie et celles des autres constitue une obligation morale qui ne supporte pas d'exception, et par la suite quatre autres théoriciens qui... pour qui il existe un droit à la mort.

Dans l'état actuel des choses, des valeurs de la société québécoise, des valeurs de la société canadienne et nos lois qui sont souvent le reflet de ces valeurs-là, est-ce qu'on se situe davantage dans la philosophie de Kant ou dans la philosophie des autres... des autres théoriciens?

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Bien, en fait, je pense que le... j'ai cité Engelhardt et... et Lebacqz parce que je croyais que ça représentait le pluralisme des valeurs dans la société. Cependant, on comprend que, même dans une société pluraliste, il y a des valeurs qui font consensus. La loi et le droit imposent beaucoup le respect des volontés de la personne, et l'autonomie, et l'autodétermination, mais il y a d'autres valeurs qui sont importantes à considérer, notamment celle du respect de la vie et de la solidarité dans notre société.

Finalement, il y a peu de théoriciens et de philosophes qui vont approuver le suicide sans réserve. Ils vont mettre des conditions, comme par exemple de... Si on suivait les conditions de ceux qui considèrent que le suicide est acceptable, il y aurait peut-être juste la personne en fin de vie qui est toute seule qui finalement en partant ne causerait aucune douleur, aucune souffrance à personne.

M. Ouimet: Je vous posais la question parce que je voulais faire le lien entre les dérives dans votre texte à la page 15. Vous posez la question: Y a-t-il des dérives concernant les pratiques d'euthanasie aux Pays-Bas? Vous répondez essentiellement que non. Et là, je me disais: Dérives par rapport à quoi? Dérives par rapport à des valeurs de société?

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): C'est-à-dire les dérives, je les explique en lien avec la possibilité que des groupes qui initialement ou qui, dans la loi, n'ont pas accès à l'euthanasie telle que réglementé... y auraient accès quand même à cause justement de certaines dérives, c'est-à-dire qu'on pratiquerait des euthanasies sur des personnes qui ne l'auraient pas demandées ou qui n'auraient pas fait de directives anticipées à cet égard.

C'est dans ce sens-là où les résultats d'études ne montrent pas ce genre de dérives, ne montrent pas qu'il y a des groupes plus vulnérables qui auraient un plus grand accès à l'euthanasie. Et par ailleurs, c'est qu'une fois que la loi est installée, bien, du point de vue de la loi, on veut être équitable envers tous les groupes, ça fait qu'on est amené quasiment à élargir les critères qu'on avait au départ. C'est ça que j'entends.

On élargit les critères...

M. Ouimet: Est-ce... est-ce que vous me permettez juste...

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): ...qu'on avait au départ dans la loi néerlandaise, parce que de plus en plus on veut ouvrir à l'ensemble de la population, que la personne soit consciente ou non, et qu'elle l'ait demandée ou non.

M. Ouimet: J'interprète peut-être mal le texte de votre mémoire et vos propos, mais je les mets en comparaison avec ce que nous avons reçu hier comme mémoire de la part du comité de vieillissement... Comité national d'éthique sur le vieillissement, et c'est un professeur de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke qui nous faisait ces représentations, semble-t-il, très fouillées, très documentées, et qui disait qu'«il y a un comité des droits de l'homme de l'ONU qui a mis en garde, en juillet 2009, les Pays-Bas pour le taux élevé de cas d'euthanasie et de suicide assisté qui ne respectent pas les critères et les procédures prévus dans la loi», et qui disait un peu plus loin qu'«une fois institutionnellement et officiellement approuvée et pratiquée, l'euthanasie développe sa propre dynamique et résiste à toutes les procédures de surveillance censées la contenir». Pre Somerville va venir devant nous cet après-midi...

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Oui.

M. Ouimet: ...une sommité en la matière.

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Oui.

M. Ouimet: En lisant son mémoire, ça donne parfois des frissons dans le dos, là. Alors, j'essayais...

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Je suis d'accord que la surveillance ne peut pas être faite de manière adéquate. D'abord, dans les Pays-Bas, la révision des dossiers se fait après coup, donc les personnes sont déjà décédées. Donc, déjà, il n'y a pas vraiment un contrôle. De plus, on sait que les médecins ne classent pas tous les mêmes actes de la même manière et on sait en plus, par des résultats d'études, qu'ils sont influencés par leur intention de rapporter ou non l'acte. Ça veut dire qu'ils vont le classer différemment selon qu'ils le rapporte ou non. Donc, c'est sûr que les données qu'on a...

On sait qu'il y a peut-être un 20 % de cas qui ne sont pas rapportés; alors, ces cas, on peut imaginer que ce n'est pas nécessairement ceux qui suivent les règles qui sont établies dans la loi. Dans ce sens-là on peut peut-être parler d'une dérive. Moi, dans mon texte... en fait, j'ai dû écourter, là, je vous ai lu la conclusion, mais, dans mon texte, on dit qu'il n'y a pas vraiment plus d'actes d'aide au suicide et d'euthanasies qui sont rapportés au cours des ans, sauf qu'on s'aperçoit qu'il y a un déplacement des actes rapportés: au lieu d'être plus d'euthanasie, aide au suicide, on retrouve plus de soulagement de la douleur avec intention de raccourcir la vie.

M. Ouimet: O.K. Dernière question, d'un point de vue davantage philosophique, là, et de valeurs sociétales en opposition à valeurs individuelles. Pre Somerville, dans son mémoire, on aura l'occasion de la questionner cet après-midi, nous brosse cette idée qu'une fois qu'on permet le droit à l'euthanasie, alors là c'est comme les «floodgates that open». En d'autres termes, c'est une dérive, c'est la pente glissante, et je voulais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous partagez ce point de vue là ou pas?

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Moi, je ne peut pas répondre à ça à partir des études que j'ai consultées, mais je n'ai pas eu trois ans non plus pour préparer mon mémoire. Donc, pour ce que je vois pour le moment, ce n'est pas nécessairement, en tout cas, de ce que j'ai considéré aux Pays-Bas, ce n'est pas à cause des médecins qu'il y aurait une dérive parce qu'ils ne sont pas vraiment d'accord pour faire des euthanasies sur des personnes.

Par contre, toutes les études ne sont pas fiables. Il y a des études qualitatives qui ne garantissent pas la confidentialité et l'anonymat donc... C'est la même chose que les rapports gouvernementaux. Ce sont les médecins qui sont maîtres de rapporter ou non les actes, donc, s'ils ne le font pas... On a des résultats d'étude à partir de ceux qui ont été déclarés, mais de ceux... on n'a pas de résultats d'études sur ce qui n'a pas été déclaré, puis il y a certaines études qui sont d'ordre... qualitatives qui ne portent pas sur un grand nombre de personnes. Alors, il faut distinguer les études qualitatives des études quantitatives. Il y a quelques études quantitatives, puis, en 2009, il commence à y avoir des études sur: Est-ce qu'il y a plus de personnes qui sont atteintes de problèmes mentaux?

Moi, je pense que la crainte, ça vient plus de la loi que des pratiques. C'est mon point de vue pour le moment.

M. Ouimet: Bien. Merci. M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Une courte question de deux minutes. M. le député d'Orford ou M. le député de Laurier-Dorion?

M. Reid: Merci, M. le Président. C'est un peu dans cette optique-là où, quand on a des experts, évidemment c'est plus facile de demander des opinions ou des informations qu'on aura plus tard quand les gens viennent dire leur opinion. S'ils disent, par exemple, qu'il y a des dérives possibles, bon, on pourra leur demander: Est-ce qu'il y a des précautions à prendre et peut-être qu'ils ne voudront pas le dire parce qu'ils vont dire non, il ne faut pas, tout simplement, légaliser.

Moi, je voudrais vous demander, là, dans cette idée que, lorsqu'il y a des dérives potentielles quand on fait de la législation, il y a des précautions évidemment et il y a toutes ces... les dérives versus les précautions, est-ce qu'on aura un équilibre, est-ce qu'on aura quelque chose?

Quand vous avez mentionné tantôt, et très rapidement, et ça ne vous rend peut-être pas justice, là, mais je ne vais peut-être pas être exact, mais que les décisions, si c'était légalisé, seraient prises par les proches plutôt que par les personnes elles-mêmes, parce qu'on sait que les demandes sont souvent faites, dans le cas de l'Alzheimer en particulier. Est-ce que vous pensez qu'il y a des... si on envisage ça et qu'on regarde ça, il y a des précautions législatives, réglementaires qui peuvent être prises pour empêcher ce type de dérive là ou si c'est une dérive qui va être inévitable?

**(13 h 10)**

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Bien, pour moi, une dérive vient du Code civil. Je pense qu'il y a toute la question du consentement libre et éclairé qui devient un consentement substitué pour les proches, une fois que la personne est devenue inapte. Il y en a qui sont plus enclins à parler aux familles. Moi, je pense que, dans la pratique hospitalière actuelle, on parle plus aux familles qu'aux patients. C'est pour ça que je disais que, si jamais la pratique était mise en place, ce serait les familles qui décideraient, pas nécessairement la personne.

Et, en fait, c'est que les médecins craignent les poursuites, et qui peut poursuivre? Bien ce sont les familles qui peuvent poursuivre. Donc, effectivement, ils sont plus enclins à répondre aux demandes des familles, et les avocats généralement vont les soutenir dans ça, alors que les comités d'éthique vont leur dire: Bien, écoutez, vous n'êtes pas obligé de réanimer cette personne-là si, médicalement, ce n'est pas approprié, mais la famille l'exige tellement que, finalement, ils finissent par le faire pareil. Mais ce n'est pas nécessairement dans le sens du bien-être du patient, ça.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Merci beaucoup. Vraiment, un mémoire d'une qualité exceptionnelle que j'ai lu en partie, très, très tard. Alors, je vais poursuivre ça avec beaucoup d'intérêt. Je veux continuer sur la question apte, inapte. Je pense que c'est au coeur de beaucoup de vos préoccupations et des nôtres. Et d'ailleurs, quand on va sonder, on va vouloir être très clairs là-dessus.

En fait, je trouve ça un peu inquiétant ce que vous nous dites. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que même des personnes qui sont aptes, jugées aptes mais vieillissantes, ou tout ça, on se fie plus aux proches qu'à la personne elle-même, et donc que l'équipe soignante serait en contravention continuelle avec le Code civil qui vise à s'assurer d'un consentement libre et éclairé de la personne, tant qu'elle est apte?

Je vais poursuivre... je vais vous le dire parce qu'on a beaucoup de questions, ça fait que je vous pose les deux. Ça, c'est le premier volet. Et de ce que je comprends, quand vous dites que vos craintes viennent de l'évolution de la loi, telle qu'on la vit aux Pays-Bas ou en fait les nouveaux débats qui s'amorcent, je veux aussi bien comprendre.

Là, ce que je comprends aux Pays-Bas, c'était vraiment axé uniquement sur la personne apte ou qui avait préalablement exprimé en cas d'inaptitude qu'elle voulait, dans telles circonstances, une euthanasie. Et là, effectivement, de ce que je comprends, il y a une évolution, il y a des débats pour savoir si ce n'est pas discriminatoire, si les personnes inaptes qui ne l'auraient pas manifesté auraient ce droit-là, bon tout ça.

Mais n'est-il... est-ce que ce n'est pas là une balise, l'aptitude, qui pourrait être possible pour nous, par exemple, d'envisager? Et ensuite le défi, c'est de voir comme législateurs, dans l'évolution du temps, comment on répond aux nouvelles demandes. Mais il y a quand même la caution de la loi et des exercices que l'on doit faire quand on modifie une loi.

Donc, je trouve ça surprenant que vous disiez que la crainte vient de la loi. Donc, c'est pour ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Bon. Alors, il y avait deux volets à votre question. La première concernant le consentement. Exactement, ce que vous me posiez comme question, là, j'ai...

Mme Hivon: Ce que je vous disais, c'est que... Est-ce que, en fait, vous êtes en train de nous dire que, dans la pratique, le Code civil est plus ou moins respecté parce que, même si une personne est encore apte mais vieillissante, on se tourne plus vers les proches?

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Bien, en fait, le Code civil, là... c'est sur que le consentement aux soins, je pense que c'est respecté. Dans certains cas, c'est simplement de signer un formulaire. Dans la pratique quotidienne, de ce que j'en sais, on va plus communiquer avec les familles pour une personne qui est en fin de vie.

Mais j'ai eu l'expérience moi-même avec mon père qui est décédé à... il n'est pas décédé à l'hôpital mais qui était à l'hôpital, puis il me disait: Pourquoi est-ce qu'ils ne m'informent pas? Mais, moi, j'allais demander pourquoi il n'est pas informé, mais c'est moi qu'on informait, finalement. Mais disons que ça, c'est anecdotique, là, c'est un exemple, mais il y a beaucoup d'écrits qui montrent que les familles vont avoir des exigences, puis c'est une chose que je voudrais mentionner.

C'est que le Code civil permet un refus de traitement, mais le Code civil ne permet pas d'exiger des soins qui sont jugés inappropriés par une équipe de soins. Alors que, dans la pratique courante, dans un comité d'éthique, les questions qu'on a... qui se posent à nous, c'est toujours des oppositions entre les équipes et les familles, pour des familles qui demandent des choses qui ne sont pas appropriées. Alors, c'est dans ce sens-là que je dis que... il y a une préoccupation pour les désirs des familles qu'on est plus prêts à répondre, on est plus prêts à répondre à ces désirs-là que autrement.

Pour ce qui concerne les Pays-Bas, bien vous trouvez ça étonnant que la dérive vienne de la loi, mais c'est... moi, ça ne m'étonne pas beaucoup parce que normalement, par la loi, on doit viser une égalité devant la loi pour les citoyens. C'est sûr qu'il y a des critères. Comment ça s'est passé dans les Pays-Bas? C'est qu'en premier on a considéré que la personne qui en faisait une demande répétée, donc qui avait été informée de toute sa condition, de son pronostic, etc., et qui était souffrante, et la souffrance c'est aussi... ça fait partie des critères, et cette souffrance-là n'est pas uniquement physique, elle est aussi psychologique ou morale. Alors, ces deux critères là ont servi, et puis, par la suite, dans la loi de 2001, on a ajouté que la personne qui en avait fait la demande dans des directives anticipées pouvait aussi obtenir l'euthanasie. Ce qui signifiait qu'à ce moment-là cette personne-là, elle est devenue inapte. Ça, c'est clair.

Eux, depuis longtemps, ils pratiquent des États-Unis des euthanasies sur des personnes de 16 ans et plus. Bon. Bien, maintenant, ils rajoutent les jeunes de 12 à 16 ans avec consentement des parents. Et là il y a un nouveau protocole qui a été accepté par l'association des médecins néerlandais, où là il est question de permettre aussi l'euthanasie des bébés gravement atteints à la naissance ou les bébés entre 0 et 12 mois.

Bon. Alors, c'est sûr qu'il y en a parmi les philosophes, dont Brandt, dont je vous ai parlé tout à l'heure, qui va examiner s'il y a plus de risque d'euthanasier pour l'ensemble de la société, à pratiquer des euthanasies sur des bébés une fois qu'ils sont déjà nés plutôt que d'avoir la pratique qui est admise dans tous les pays actuellement de l'avortement dit thérapeutique -- il n'est pas thérapeutique pour l'embryon ou le bébé à naître, mais en tout cas, dit thérapeutique.

Alors, la dérive, là, ici, moi, je ne la vois pas dans les résultats d'études autres que les médecins, ils vont... ils ne se font pas nécessairement contrôler par la loi, là, ils déclarent ce qu'ils veulent bien déclarer, mais il y a sûrement des pressions pour que d'autres groupes qui n'avaient pas accès initialement à l'euthanasie puissent l'obtenir. Et ces groupes-là ne viennent pas... ces pressions-là ne viennent pas nécessairement des médecins.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe: Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire. On lit à la page 20... on a parlé des soins palliatifs tout à l'heure largement, on sait que ce n'est pas accessible partout ni à tout le monde, que c'est souvent réservé à l'oncologie et que vous dites que «l'attente est tellement grande qu'un pronostic de 15 jours ou moins de vie constitue souvent un critère d'entrée». Alors, moi, je trouve ça assez, assez inquiétant parce qu'il y a beaucoup de décès de personnes âgées en fin de vie qui arrivent via la porte des urgences, et donc à ce moment-là ils n'ont pas accès à cette équipe communautaire pour les aider en fin de vie.

On m'indique aussi que, dans les unités de soins palliatifs, l'euthanasie, là, en fait, ce que vous appelez la «sédation non réversible» n'est pas... ne fait pas partie des soins, et c'est clair, lorsque la personne entre dans ce service-là, qu'elle ne pourra pas avoir ce soin de fin de vie. Et c'est peut-être pour ça qu'on nous disait hier qu'il y en avait très peu, qu'il y avait très peu de demandes dans les soins palliatifs à cet égard-là.

Vous nous suggérez d'investir dans des soins humanistes et de former les infirmières, les corps médicaux au soulagement de la douleur, alors j'aimerais vous entendre un petit peu sur ces choses-là.

**(13 h 20)**

Mme Saint-Arnaud (Jocelyne): Oui. Bien, d'abord la personne âgée qui rentre à l'hôpital par les urgences, peut-être qu'elle va avoir accès à l'unité de soins palliatifs s'il y a un lit qui se libère, là. C'est que le problème, c'est que les unités de soins palliatifs dans les hôpitaux, ça concerne 10 lits, 15 lits. On le sait qu'il n'y a pas suffisamment de soins de lits palliatifs dans les hôpitaux ni dans les CHSLD. Puis, à domicile, bien les services ne sont pas vraiment adéquats non plus. Donc, moi, je me dis: C'est très risqué de légaliser l'euthanasie dans un contexte où est-ce que les soins palliatifs ne sont pas suffisamment bien organisés et offerts et accessibles à tous.

Maintenant, la question de la sédation profonde et palliative, c'est exceptionnel, c'est très exceptionnel. C'est que finalement, c'est que la personne qu'on n'a pas été capables, absolument pas, de soulager et que la personne le demande -- bien j'ai mis d'ailleurs des conditions éthiques, là, à la fin de mon texte, pour avoir une accessibilité à ce genre de traitement là -- ce n'est pas courant qu'on n'arrive pas, par d'autres moyens, à soulager une personne. Et donc la personne, si elle bénéficie de la sédation profonde et continue -- si c'est réversible ou non, ça, vous demanderez aux médecins, moi, je ne suis pas médecin -- mais cette personne-là nécessairement, éventuellement, elle va décéder, sauf qu'elle est en fin de vie.

En principe, le critère, c'est qu'elle est proche de la fin. Donc, proche de la fin, en principe, elle n'a pas faim non plus pour manger, là. Quand on est malade, on n'est pas en grande forme pour s'alimenter. Donc, c'est sûr que cette personne-là est endormie, elle n'est pas alimentée, hein, et puis que nécessairement elle va décéder, puis elle va...

Il y a eu des études là-dessus et ce qui arrive dans les Pays-Bas, c'est qu'il y a beaucoup plus maintenant de sédation profonde et continue que des aides... bien, beaucoup plus qu'avant. On faisait plus référence à l'euthanasie ou à l'aide au suicide auparavant, mais l'aide au suicide, c'est peu, là, c'est comme 200 cas par année, là, quelque chose comme ça, là, dans les Pays-Bas. Mais la sédation profonde, il y en a qui l'appelle terminale, ce n'est pas la sédation qui est utilisée normalement dans les soins palliatifs puis qui soulage bien les patients. Puis les patients bien soulagés, ils ne sont pas nécessairement inconscients non plus. Alors...

Puis il y a des personnes qui ne sont pas non plus en douleur, à la fin de vie, là. Il y a des personnes qui n'ont pas besoin nécessairement de morphine et de tout ça, puis qui meurent, puis qui ne sont pas nécessairement en douleur. Alors, il y a tous les cas possibles et puis...

C'est pour ça que, moi, je termine en disant: Bien, c'est au médecin à définir les conditions de... Est-ce qu'on doit nécessairement faire appel à une loi? Je suggérais la solution du comité consultatif national français qui dit: Ne changeons pas la loi mais permettons une exception: que les médecins puissent faire appel à un droit d'exception auprès du juge et qu'il décide d'arrêter les poursuites. Alors...

Le Président (M. Kelley): Bien, sur ça, il me reste à dire merci beaucoup, Mme Saint-Arnaud, pour votre contribution à notre réflexion.

Aux membres de la commission, on essaie de gérer le temps le mieux possible. La présidence a un préjugé pour laisser les témoins le plus grand temps possible.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux à 15 heures dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre... À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur les questions du droit de mourir dans la dignité.

We are very lucky this afternoon to have with us Dr. Margaret Somerville from McGill University, qui va faire sa présentation en anglais. Alors, pour le bénéfice des personnes, on a la traduction simultanée. Et également Mme... Dre Somerville a un écouteur, alors elle peut écouter vos questions en français et avoir la traduction appropriée. People have simultaneous translation: so, if you need... one setting is F for français and A pour anglais. No surprises there. So, if you need the simultaneous translation...

But, first off, Doctor Somerville, thank you very much for accepting the committee's invitation to come. As you know, we're at the stage of just trying to understand the issue, try to set the table, if you are, for a more public debate this fall. So, a lot of our questioning is how, as a group of elected officials, we should go about questioning Québec society on this important issue. So, as someone who's studied this problem for... or this question for more than 30 years, so we're very delighted that you've agreed to be with us, and it allows the Chairman to practice his English, so...

Without any further to-do, it's your turn for a presentation of approximately 20 minutes. And we'll follow that with a period of questions and answers with the members of the committee.

Mme Margaret Somerville

Mme Somerville (Margaret): Merci, M. le Président. Premièrement, je suis désolée de ne pas vous adresser en français aujourd'hui. Mais c'est trop difficile pour moi, même après 35 ans au Québec. Et je pense aussi ce serait trop difficile pour vous de m'entendre. So, I'll continue in English.

This is a topic that I've studied over a very long time by accident, really, which is true of a lot of the work that I do. And what I've decided to do today is to focus on euthanasia and physician-assisted suicide because I believe they're the most important issues in the death-and-dying context. But I don't want to detract from the importance of the other issues, and especially of two aspects of that: adequate palliative care and totally adequate pain relieve treatment.

I believe we can't properly argue against euthanasia, which I think we should do, unless we're sure that we can give people... especially pain relieve treatment. And unfortunately, as I think you've been hearing, that is simply not the case at the moment. And it's not just in Québec or just in Canada, it's a world-wide problem. In fact, the most egregious instances over it are actually in the developing world, where because of restrictions on narcotics people dying of cancer, very large proportions of them die with no pain relief treatment at all. And I think that's a human rights issue that we all need to do something about.

I also want to point out that when I use the term euthanasia today, I'm using it to mean euthanasia and physician-assisted suicide. There are some ethical differences between them, but those ethical differences are relatively minor. So, I must admit straight off the top that I simply cannot understand what the Québec College of Physicians and Surgeons is talking about in thinking that there's some major difference between them.

What I would like to do, with your permission, is I'd like to give you this book which is a 433-page book about euthanasia and physician-assisted suicide. I brought you a hard-cover copy because when you're finished with it, maybe you can give it to your library. That is all of my work up until 2002 on the whole area of... the topics that we're addressing.

And then, today, what I thought I would do is to try to present to you some arguments that you might not have heard in this area, because I know that you probably have heard a lot of the standard ones. And two points I want to make before I do that is that most of... in fact, practically all of the arguments that are ethically acceptable for euthanasia are at the individual level. That is: This is the right of a dying individual who's in pain, who wants this, who consents to it. The unacceptable individual-level arguments are: We need to get rid of this person because they're a burden on others, or they're a burden on the health care system. But those arguments are, on the whole, never put forward. Occasionally, you see them, though, and I think we need to be aware of them.

**(15 h 10)**

There are arguments at the individual level against euthanasia. The most important one is that it's... the abuse of euthanasia simply cannot be put in place, and I'll try to show you that through what's happened in the Netherlands, which is a 30-year-ad-hoc experiment. But there are very strong arguments against euthanasia at the institutional and societal levels, and those arguments are not just within the context of death and dying; they go to the basis of our shared values, what we call our societal, cultural paradigm that is the store of values, attitudes, beliefs, etc., that we all buy into. And in buying into that as a community, we form the glue that bonds us together.

So, very briefly, the difficulty... the first point I want to make is the difficulty of making the case against euthanasia. It used to be easy to make the case against euthanasia, you just said: Well it's the Fifth Commandment, «Thou shalt not kill». And we had a more or less uniform moral ethical base, and most people were religious, and most of the religions -- in fact, all of them -- that we interacted with, and to those we don't, indeed, would say: This is wrong.

A colleague of mine, Prof. Katherine Young, wrote a very extensive paper on euthanasia in World religions over a 2000-year period. And she found that, although there had been occasional allowance of what she called self-willed death, it was very much the exception to, you know, the general rule throughout human history as being: You must not kill each other. And in...

So, it used to be easy. In a secular society, the case for euthanasia is simple. We're intensely individualistic societies, we say: That's what that individual wants. The question: Who's life is it anyway? Who's death is it anyway? It's mine. Therefore, who are you to tell me I can't do it. And the case against euthanasia in our 21st century societies is very complex. But there are extremely solid secular arguments that we can... that can be brought forward. And among the main ones is that this would cause irreparable harm to the very important shared societal value of respect for life. Would you look, for instance, at the House of Lords' report on this, they're described as the cornerstone of a... of the kinds of societies that we are. The principle that tells us we're all equal to each other, none of us as got the right to take the life of another of us.

And so, one important question that I think we need to address is: What has caused us, after these millennia, to think that euthanasia is now a good idea? And what I would suggest to you is that it's not the dying person in pain that has caused this. I think that just a convenient focus that we use, especially because it's easy to put on the media and it makes very compelling emotional television. And I think that we're... and I don't want to denigrate people's sincerity who believe in euthanasia, that they really do believe it's needed as a suffering elimination, not reduction, a suffering elimination technic. And there's sorts of things that...

I've been doing a lot of work on this and I can't give you all the things I've come up with. And everytime I speak on it, I tend to think of yet more things you could put in the list, which is a bit of a problem. But I think there's sorts of things that we need to look at is the way that we die now. It's not... the vast majority of people are dying in... in... and in Canada, in Québec, in a hospital. It's depersonalized. The person is... the treatment's technologized and the person feels dehumanized. You know this statement: But I don't want to be hooked up to... by doctors to their machines and all these tubes coming out of me as I draw my final breath. I mean, it's just horrible.

We can look at some of the art where we see dying as it was even, perhaps 50 years, 100 years ago, with the family around the bed, and we don't have that. And one of the things that I think we need to think about here is what the late Dr. Jack Katz, who was a psychiatrist and professor of law at Yale University, called «intense pre-mortem loneliness». And I think that's one of the major factors. And what we're going to do about that, I'm really not sure, but we really do need to do something.

And so, I listed some of the factors that I think are relevant here. I have put them at the end of my written submission under category 8. If we've got time at the end of this to talk a little bit about them, we will. But what they include is that... there's... we are societies that denied it. We've lost the forum for death talk. One of my theories is that, we, humans, as far as we know, we're the only living beings that know that we're going to die. And somehow we have to live our lives fully and joyfully despite that.

I think that the way we've done it traditionally is to engage in what I call death talk. And, traditionally, we did that within our religions, whether in a cathedral, a mosque, a synagogue. We did that at a defined time for restricted period once a week. And after we got relief, we could go out and enjoy ourselves for the rest of the week. Now that a lot of people don't participate in organized religion, what I think has happened is that death talk has leaked into our society as a whole, and it's very much more difficult to get away from. And one of... A normal human psychological response to fear is to try to take... do something that takes control of the fear. The social psychologists call it a terror reduction, or terror management device. And so, one... I think, one way in which we could view euthanasia is what I would respectfully submit as a wrong way to try to manage the fear, that it isn't taking of control of death: you can't get out of death, but you get it before it gets you. And you could sort of dictate the time, the place, etc.

And we've also got a fear of mystery: we convert mysteries into problems, again largely to deal with our fear. We fear... We're fearful of uncertainty and the unknown. And that's what mystery necessarily involves. So, instead of having the mystery of death, we have the problem of death. And then, in our era, we seek a technological solution to problems, and the technological solution is a lethal injection. So, it sits well with a lot of other things we're doing.

One of the things I would urge you to do is not just think of euthanasia in isolation, because it's when you understand what else is going on in society that you start to see where euthanasia fits in. Similarly, with the... Euthanasia is one of a whole set of values where we're in conflict as societies about these values.

Essentially, the... I mean, some people would put it as sort of neoliberal versus neoconservative values fighting with each other. I think it's more complicated than that. I think it's got a lot to do with whether you're going to give absolute priority to individualism or to sometimes called radical individualism or selfish individualism, or whether you're going to say: No, the community matters also.

And that depends on your philosophy. If you believe we can't be fully human, that we can't find the meaning that we need, that we can't find a sense of transcendence, which doesn't have to have anything to do with religion, it makes you feel that you belong to something bigger than yourself, and that we need to protect what will allow us to do those things I call the totality, the human spirit. If you want to read more about it, I can advertize my book: The Ethical Imagination. That's what that's about.

And so, we've got to be very careful what we do on these individual issues, that we don't destroy that. And I'm also very big on thinking that we need to think not just what would happen now, in our present, and to me, but to think about what do we owe to future generations. And that we must hold on trust for them not just our physical ecosystems, which we're now very aware we may have damaged very badly, but also our metaphysical, that is our nonmaterial ecosystems, such as our values systems.

We're also, as we all know, very materialistic and consumeristic, although there is some hopeful statistics coming out that the next generation will be less so. And that makes us see worn-out people as disposable items.

One Australian politician whom I was -- I've spoken quite a lot in Australia about euthanasia -- one Australian politician said: As far as I'm concerned, when you're past your «best by» or «use before» date, you should be checked-out as cheaply, efficiently and conveniently as possible. So, that really sums up this materialistic disposable issue.

**(15 h 20)**

The second issue is the role of death. And what -- I won't go into this in great detail -- but what it essentially means is: Is it an appropriate road to use death as a way to let people avoid suffering, and, in particular, just even emotional suffering?

Now, there has been a case in British Columbia where two people in their seventies, married for 40, 50 something years, and he was very sick, he was going to go to Switzerland and have euthanasia at the Dignitas clinic, and his wife, who was not sick at all, she's perfectly healthy, wants to go with him, and she wants to be euthanased as well.

So, what message do we give in giving euthanasia? The message we're giving is that, like it or not, no matter how justified we feel, is that killing yourself or having someone kill you is an appropriate response since the Québec College of Physicians and Surgeons call it treatment -- I would not call it medical treatment, with respect to the College -- for that kind of suffering. And so, these are the sorts of things. What's the flow-on effect if we do that?

Interestingly, what is... Although the case for euthanasia is usually almost always, I'd say about -- this is off the top of my head -- 99% of the time put forward as you as you need euthanasia, so people could avoid this terrible pain and suffering.

What the survey shows is that loneliness and isolation are more strongly connected or associated with request for euthanasia than pain and suffering. So, again we come back to needing to know what people are talking about when they say: I want euthanasia.

And the idea that, you know, how we die is just a private matter is simply wrong. Because how we die when euthanasia is involved necessarily involves other people, it involves of two enormously important institutions of medicine and law, which paradoxically in a secular society are more important for carrying the value of respect for life than they are in a religious one. Cause in a religious society, your religious institutions can carry that.

And so... and as well, it involves changing the law to allow doctors to do this and training doctors to carry it out competently. And I would suggest to you that even if you are an utilitarian, which I'm not, I think that you still should be against euthanasia on the basis of what the experience in the Netherlands shows us.

The person who was... one of the people who was responsible for pushing through the legislation in the Netherlands very recently said in public that if he knew what he knows now, he would not have supported the legislation. He said: Once you legalize euthanasia, you can't control it.

Euthanasia started off in the Netherlands as being only for competent consenting terminally ill adults who were in terrible unrelievable pain and suffering, who repeatedly requested over a period of time euthanasia. Not one of those conditions now applies, not one. The recent Groningen Protocole allows parents of a disabled baby to have it euthanasied, children 12 to 16 years of age can consent to euthanasia with their parent's approval. There are more than 500 deaths a year from euthanasia that do not comply with the basic requirements.

And possibly, for instance, Dr. Kathy Foley and Herbert Henden have written a book on this claim that some of the estimates are that it could be in the thousands. Certainly, there is evidence that when you go and investigate the doctors who do this, they have said things like: Well, I thought the patients' consent to all pain relief treatment meant they agreed to euthanasia, So, we've got to be enormously careful.

The... of elder, middle-aged, depressed woman who had nothing else wrong with her except depression, the psychiatrist gave her a lethal injection that was held to be valid euthanasia. An old man who dreaded being put in a nursing home was given a choice of nursing home or euthanasia: he choose euthanasia.

Most recently, in fact just this week, there was a group of Dutch academics, and I would note politicians, and they launched a petition, the people to sign for assisted suicide, the only condition necessary being that you were over 70. And they coded it The Tide of Life Petition. When I first saw it which was maybe last Friday, anyway they were calling for 40 000 signatures, which was what was needed to get the petition into the Dutch Legislature without any... doing any thing else, so it's kind of a, I imagine, a legislation-by-the-people initiative. I read yesterday they have the 40 000 signatures. And so, I had to amend my paper.

And what I think will happen is that legalizing euthanasia will mean that euthanasia will loose... sorry, death will loose its moral context and will cause us to loose our necessary emotional response to it that... as well as our moral intuition against inflicting death, which's actually been shown that we have that.

For instance, soldiers sent to Vietnam to be... who would be in close human-to-human combat had to be psychologically deprogrammed before they were sent, so that they could kill without this intuitive response that we shouldn't do that. There's new research published in the very prestigious journal Nature that shows that people with damage to the emotional centers of their brains can't make good ethical or moral decisions. There was nothing wrong with their rational judgment. And to quote: «This study provides evidence that [good] moral decision-making is based on emotion as well as rational though.»

I would submit to you that most of the case for euthanasia is based on rational though or pure reason to the exclusion of the necessary modifying emotion that we need to do that.

Mr. President, am I going on too long?

Le Président (M. Kelley): We are coming up... I was about to interrupt you, because we are coming up on 20 minutes and...

Mme Somerville (Margaret): Okay.

Le Président (M. Kelley): ...always the balance.

Mme Somerville (Margaret): I know.

Le Président (M. Kelley): You could sum up in a couple of minutes, because I know you have a number of points in your brief, but I'd like to have as much time as possible for the various members of the Committee to...

Mme Somerville (Margaret): Let me just quickly then...

Le Président (M. Kelley): Sure.

Mme Somerville (Margaret): ...run through this. Just something that I don't know whether you saw it, you probably didn't, it was Monday's Montreal Gazette. The US State of Oregon, as you probably are aware, is one of the States in the US that has legally assisted-suicide. It's very much worth looking at what's happened there and this is a statement from the State's medical authority. It acknowledges that when it turns down an application to cover the cost of an expansive new drug, it sends out simultaneously a reminder that the State's assisted-suicide program is available at an affordable cost. Okay.

And I won't go into detail about pain. I have written extensively on it. There's at least four chapters in that book about our absolute human right's obligation to relieve pain. I would point out to you however that there's an enormous confusion between pain relief treatment and euthanasia and, with respect, I think some of the evidence that you've heard, certainly as reported in yesterday's press, was right with that confusion. I would also point out to that in a survey, 49% of Québec doctors though that palliative sedation was euthanasia. It's not. And so it's very, very important that the first thing that you do is get the definition sorted out. It's the role of physicians to kill the pain. It's not the role of physicians to kill the patient with the pain.

I would also... somebody who holds an appointment as a professor in a medical faculty here in Québec ask you to imagine, and I will not going to it again, it's in my paper, how you would feel standing up in front of a class of students -- and we teach them ethics in every year of medical school now, at least we try to -- and teaching them how to kill their patients. Also imagine what the impact of that on them would be. Imagine role models... doctors as role models who do that. That's the sort of thing that I think we can't... we simply can't risk.

And I also have a section on human dignity which is a very confusing concept because it has been hijacked and its content has been changed. I can see, Mr. Chairman, that you're feeling worried about how long I'm going on. What I'm going to do...

Le Président (M. Kelley): Never.

**(15 h 30)**

Mme Somerville (Margaret): Oh, yes. I don't blame you. I'm not known for being short on what I say. Even my former students who are here, which I'm very honored to have them present, would assure you of that, I'm sure.

Anyways, in conclusion, I think that probably the way that we should approach this is to say: What should we do and what should we not do if we're going to place and keep euthanasia in a moral context that we all can accept. And that will mean that we don't need to consider just a reason or a legal context. We need as well to consider all these much broader issues that we would affect if we legalize euthanasia.

As dangerous as it is to link this with abortion, I think it's worth bringing it up because I think we can see what might happen with our respect to our capacity to keep euthanasia in a moral context if we legalize it by looking at what's happened with abortion. It has lost its moral context. And whatever our stance on abortion, that should be of concern to all of us.

Abortion has gone from being a rare exception to the norm. Between one in four and one in three pregnancies in Canada end in abortion. The same would happen with euthanasia. Euthanasia would become the norm for death. And I think that maintaining that moral context is crucial in light of an aging population and scarce and increasingly expensive health-care resources which will face us with many difficult decisions about who lives and who dies.

The euthanasia debate is a momentous one. It involves our individual and collective past: the ethical, legal, and cultural norms that had been handed down to us as members of families, groups and societies and held in trust for us; the present, whether we'll change those norms; and the future, the impact that this would have on those who come after us.

In debating euthanasia, we need to ask many questions, but three of the most important are: Would legalization be most likely to help us or hinder us in our search for meaning in our individual and collective lives? How do we want our great-grandchildren and great- great-grandchildren to die? And, in relation to human death, what kinds of values and culture do we want to pass on?

It is my respectful submission that the best answers to all the questions I have just posed strongly indicate that we should not legalize euthanasia and I urge you to act accordingly in making your recommendations to the National Assembly. In my view, there will be no more important recommendation that you will ever make.

And I'd like to conclude with a quote from C.S. Lewis: «We all want progress, but if you are on the wrong road, progress means doing an about-turn and walking back to the right road. In that case, the man who turns back soonest is the most progressive». Thank you.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Thank you very much. I've been told that indeed the National Assembly Library does not have a copy of this book. So, we will make sure that it will be available to all the Members of this Assembly.

On va rapidement passer maintenant à une période d'échange avec les membres. Je propose 18 minutes des deux côtés de la table pour en arriver à temps. Alors, je vais commencer avec M. le député de Marquette, the MNA for Marquette who is one of, I think, the four McGill grads around the table. So.

M. Ouimet: Merci beaucoup, M. le Président. Avec la compréhension des collègues, je vais m'adresser à Pre Somerville en anglais pour faciliter les échanges.

Thank you very much, Professor Somerville, for your brief which I have read and commented and thought upon very extensively. It's...

I'd like to start with the quote of C.S. Lewis, and I don't want to repeat the quote, but we need to determine what is the right road and what is the wrong road, and I am not sure we have the answer just yet, but you help in our reflexion in that regard. I'm also reminded of, as I was reading through your brief, a witness that came in another parliamentary commission on abortion...

Une voix: Adoption.

M. Ouimet: Not on abortion, on adoption, and the person told us: Every time she read an editorial piece from Claude Ryan, if she accepted his preliminary premise, then she was doomed because she could not disagree with Claude Ryan going through the entire editorial piece.

So, as I was reading through your brief, I struggled greatly that, in trying to disagree with a lot of the examples you give, and I am a little bit at a disadvantage. I've been thinking about this issue for 30 days, you've been thinking about it for 30 years, so... But nonetheless, I will attempt a little challenge.

One of the things you say in your brief on page 5, and to me, it seems to be the focal point, «l'assise» of the argumentation. You say: «legalizing euthanasia would harm the very important shared societal value of respect for life». I am trying to... you know, it brings us into that debate between individual values and societal values.

I am just trying to understand two things: what harm is there to a society for a person who wants to end his or her days in the context, the worse possible context that you illustrated before, what is the harm to society? And I am trying to get a hold of that.

And secondly, your reference to abortion in the conclusion of your brief. You say in your brief: «Taking away someone's life seems to be right or justified only in one case: self-defense. In the other cases, capital punishment, it is wrong, and euthanasia, it is wrong.»

I am just trying to make a parallel here, and perhaps it's not a good parallel, but with abortion. Our society now tolerates that the women can put an end to her pregnancy. How is that different from a dying person, in the final stages of his or her life, putting an end to his life?

Mme Somerville (Margaret): That's a really important question. If you look at, for instance, at the Morgentaler case in the Supreme Court of Canada, you find that the Supreme Court -- I mean... I'm sure you all know this -- the Supreme Court refused to recognize the unborn child as a person, within the Charter of Rights, and therefore protected, because the Charter has in Section VII the right to life. And when you look at all the abortion arguments, including from the pro-choice side of the argument, one of their strongest arguments is that there is only one person present until the baby is born and that's the mother and it's the mother's body, and the foetus is part of the mother's body. Therefore, the mother's got the right to do what she wants with her own body. The reason... and the pro-choice people are absolutely ferocious about not letting the law recognize the any... not having any legal reality attached to the foetus.

If you look at the recent debate that went on in the Canadian Parliament about the unborn victims of crime act, that's... I mean, you would think that everybody would say: Well, if you kill this unborn child as well, they should be a penalty for that. But... and... But the people who are pro-choice won't allow that, because they fear that any recognition of that foetus as having a legal identity will interfere with abortion.

And the same thing happened in... Miss G., which is another Supreme Court of Canada case in which the woman was a drug addict, a glue sniffing addict, and the courts said: No, you couldn't keep her in custody for the benefit of the child because the child didn't exist.

And so, what, what you... the difference between abortion, I don't think it is a justified difference, but the way that it is being handled in the law in order to let the pro-choice position prevail is to say that we only have one person here: that's the mother. She can decide for herself.

But that's simply not true in euthanasia. And that's why... And also, once you identify some feature of the foetus... For example, you don't happen to like female children, and you don't want one, and you want to have an abortion you want to get rid of that female child, not because you don't want a child, even the pro-choice people, although they have recently changed their minds because they can see that's a problem if they recognize, but they used to say: You can't do that, that sex selection was wrong in abortion. But other than that, it was O.K. And we see... And so, abortion, I think abortion is, I think it's always a profound moral issue. I also think we need some lore on it, at a certain point in the pregnancy at least, and nearly 70% of Canadians think the same.

But it's a different issue from euthanasia, because euthanasia says: Yes. Here's a person... Here's a person who's had a life, we've known them, etc., and now we're going to kill them. And so it's a direct frontal assault on our value, that the most important way in which we uphold respect for life as the fundamental value in our societies is to say that we don't kill each other.

And you bring up self-defense. So, why is that acceptable? Because self-defense is... You're only justified in killing another person in self-defense if that was the only reasonable thing you could do to preserve your own life or somebody else's life. So, in that case, yes, you are taking human life, but you're doing it to directly preserve human life. And the courts are very stringent about when they'll let self-defense result in a death, actually count as self-defense.

**(15 h 40)**

So again, I think we have to understand all these wider issues of what we're doing here. I, quite frankly, and, you know, I put this on the record, I think, if we legalize euthanasia, I think, in 50 years, our descendants will look back and say that's the single worst thing that was done in, I'd say, the... well... least the last 500 years. I think it's going to be a disaster in the kind of society that we've got.

Because, you see, we're not just facing what we can do naturally. I work mainly on the leading edges of avant-garde science, and we've got all sorts of things that we're going able to do to modify humans. And so, once we say we can kill them, what would be our restrictions on, you know, designing them, modifying them, making them from not natural human origins? One of the thing I'm working on at the moment is: Is it acceptable to make a baby between two people of the same sex? Because the Japanese have been able to make a mouse from two female mice using bone marrow stem cells to make a sperm and then fertilizing the ovum of the other mouse.

So, you know, is that going to be acceptable? That's why we have to be so careful here on holding some of these fundamentally important human values. And I would invite you to consider the question: What is the essence about humanness and what therefore must we hold on trust to preserve that essence for future generations? And I think, when we start to do that, we start to see why these... this is not just an issue of this poor dying person, our heart goes out to them. I...

You know, I've got a friend at the moment who is in terrible suffering and you go into that, and I've been in lots of those situations, and you can understand why you could feel at that moment, at that time in relation to that person maybe that's something acceptable to do. But I really think the wider implications mean it's totally unacceptable. And there's everything that we can and must to do to prevent that pain and suffering.

M. Ouimet: And just on the second...

Le Président (M. Kelley): ...I mean, the answers are fascinating but we have lots of people who would like to ask questions. So, if we try to keep it a little bit...

Mme Somerville (Margaret): Try to keep.

Le Président (M. Kelley): ...we could have... more people can ask questions. But I'm here to try to make sure that everyone gets a kick at the can. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: And on the other question: What harm is done to the community, to society? And in reading your brief I understand that it's more on philosophical grounds that you develop the issue, but from a practical standpoint, I could not see the harm to the community.

Mme Somerville (Margaret): The harm to society...

M. Ouimet: I could see the benefit to the patient who wants to put an end to his life, but I couldn't see the physical concrete harm to the community, aside from philosophical and moral issues.

Mme Somerville (Margaret): If we're going to have values, those values have to be manifest in what we say and what we do. In a secular society, the two major societal institutions that carry the value of respect for life are the institution of medicine and the institution of law. We would have to change the law, which means that we would all be complicit in authorizing this to say: Yes, in some circumstances, you can kill a fellow human and we would have doctors carrying out that law.

In other words, medecine would no longer be able to carry that value absolutely and neither will law. And that's the harm to society. I would also invite you to do what I call «take the medical cloak off euthanasia». It's not a medical treatment and calling it that confuses a lot of people, particularly the general public, because we automatically think, and usually rightly, that doctors are ethical, compassionate, caring and don't do bad things.

I was giving a speech on this and I kept saying: We can't have doctors killing people and a colleague of mine, who is a friend, jumped up in the audience and said: Margot, will you stop using that word «killing». He says: It's not killing, it's VAE. And I said: What's that? He said: Voluntary active euthanasia.

So, later in the speech, I decided that I'd say... I'd talk about: If we have this, wo should we get to do it? And this is my original suggestion. These people suggested lawyers because they're trained to understand laws carefully and to apply them strictly. And he, the same guy, jumps up in the audience and says: Margot, are you crazy? You'd had lawyers killing people?

So, you couldn't say it when it was a doctor and you could say it when it was a lawyer. Okay, I know who much we all trust lawyers, so there's a lot of us here are lawyers and, I'm sure, ethical ones.

So, that's another thing and this is something that's very wrong in the College of Physicians and Surgeons' statement. They call it a medical treatment. It is not a medical treatment. If you want to have it, at least do it with all the cloaks off and understand what you're doing.

M. Ouimet: Thank you.

Le Président (M. Kelley): O.K. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, bonjour. Pour ma part, je vais faire la même chose que je faisais à McGill dans vos cours: alors, je vais vous écouter en anglais, mais je vais vous poser mes questions en français. Alors, c'est d'ailleurs une chance de pouvoir poser des questions à son ancien professeur donc... Écoutez, je veux...

Une voix: ...

Mme Hivon: Oui, oui, je me souhaite bonne chance aussi.

Mme Somerville (Margaret): ...difficult. As I used to do to you.

Mme Hivon: Écoutez, merci beaucoup. En fait, vous êtes la première personne, je dirais, qui vient ici avec une position contre l'euthanasie aussi claire, aussi tranchée. Alors, c'est une chance pour nous de pouvoir vous entendre et de peut-être vous poser les questions par rapport à ce qu'on a entendu jusqu'à ce jour.

Tout d'abord, moi, je veux juste dire que ce que le politicien australien a dit, j'espère et je pense fermement que c'est très loin du genre de préoccupation et de philosophie qui nous habitent ici, comme parlementaires qui avons décidé de mettre en place cette commission-là. Au contraire, je pense qu'on est habités par des valeurs très nobles, en tout cas, je le pense, de respect de la personne et j'ai espoir -- et en politique il faut toujours avoir espoir qu'on peut un peu changer les choses -- que, si le Québec fait cette consultation-là, cette grande démarche là, c'est parce qu'on pense qu'on peut arriver à une solution propre à nous, à nos valeurs, et donc c'est un peu ce qui nous habite. Donc, je veux juste vous rassurer, la déclaration du politicien australien, je pense, est loin de ce qui nous habite ici aujourd'hui.

Je sais que vous êtes à la fois juriste et éthicienne. Je conçois que votre mémoire est plus peut-être sur une base d'éthicienne, mais, du fait de votre double formation, j'aimerais vous entendre, parce que tantôt aussi on a entendu ça: on nous dit qu'aux Pays-Bas la loi, en fait, fait craindre du fait qu'il y a une évolution dans les valeurs ou les demandes d'accommodement via la loi. Moi, je trouve ça surprenant, parce que je pensais -- et évidemment il y a beaucoup de juristes autour de la table -- que la loi était justement la gardienne de l'intention qu'on voudrait éventuellement donner à une révision de ce qu'on voit comme droit aux soins de fin de vie.

Est-ce qu'en fait vous dites qu'il faut un peu abdiquer le rôle aussi important qu'on confère à la loi? Et, deuxième volet, à la lumière des changements importants dans le Code civil en 1994 sur l'autonomie de la personne, la possibilité de refuser tout traitement, d'être débranché même, est-ce que les dérapages qu'on pouvait craindre ne se sont pas en fait avérés? Et est-ce que vous faites une différence entre les deux cas? Et, si oui, comment?

Mme Somerville (Margaret): Well, you did... with me, so you know all about causation. And the difference between killing somebody with a lethal injection and refusing treatment that results in death is that the cause, when you give a lethal injection, is the lethal injection, and that's a positive act that you undertake with the intention of ending the life of that person. When somebody refuses treatment, to continue that treatment would be an assault upon them once they've refused it, because, as you know, they've got a right not to be touched without their consent to that touching, and the treatment constitutes a touching.

And I'd just like to make a comment, that I believe there was evidence given to you that Québec was the only place in Canada where people could refuse treatment. That is wrong, there is absolute right to refuse... All competent adult people have got the right to refuse treatment in every province of Canada. The only exceptions are where there's legislation such as public health legislation or mental health legislation, where sometimes a treatment can be imposed.

But, when you refuse a treatment, you're not killed by the physician. What happens is that you die from the underlying causes of your disease. If there's nothing wrong with you and you refuse a treatment, you're not going to die. And quite often... well, not quite often, but sometimes... -- in fact, we've just had a case at the Montréal Children's Hospital of this -- although the doctors said they were almost 100% certain in this case that this baby would die when the respirator was withdrawn, in fact the baby didn't die, and that does happen.

So, there is a huge difference in causation. I believe in people's absolute rights to refuse all treatment, including life-support treatment, and to be allowed to die, if that's what their wishes are. I think that's a personal moral decision. That is very different from a state-authorized lethal injection.

**(15 h 50)**

Mme Hivon: Et je veux bien comprendre, éthiquement, parce que, moi, je comprends que l'intention, c'est vraiment une notion juridique de droit criminel ou en «tort» aussi -- éthiquement -- parce qu'on est sur un continuum, et vous savez très bien la position du Collège des médecins... En fait, plus je pense à ça et plus j'ai de questions, parce que je comprends que... Et c'est une bonne chose, sans doute.

C'est sûr que débrancher, arrêter le traitement, même si ça provoque la mort, je peux concevoir qu'on dit que l'intention n'est pas là, parce que l'intention première, c'est d'arrêter le traitement. Mais on sait très bien que ça va de pair généralement et que ça cause la mort.

Question qui est venue avec la sédation palliative. On nous a dit: Le «peut-être que ça va causer la mort», des fois, il est pas mal moins «peut-être» qu'on pense, et il y a pratiquement une certitude. Alors, je me dis: Éthiquement, la question de l'intention, je la comprends, quoique je pense qu'elle est difficile à vraiment cerner quand on est dans ces nuances-là, là.

Éthiquement, qu'est-ce qui fait la différence? Est-ce que c'est l'intention qui est aussi au coeur de la réflexion éthique?

Mme Somerville (Margaret): Both intent and causation are relevant. When you are withdrawing a treatment, providing you are doing it, pursuant to the patient refusal of that treatment or the valid refusal of somebody legally competent to act on the patient's behalf, the issue is causation and you... and the person who withdraws the treatment is not causing the death. They are taking away the treatment because that's what they have been... that's what they're required legally and ethically to do. You've got no right to impose a treatment on somebody either legally or ethically.

And in that case, the person's intent doesn't matter. The intent matters when you are doing something such as, the usual example is giving pain relief treatment.

If you've got a primary intention to use that pain relief treatment to kill the person, that's euthanasia. If you've got a primary intention to relieve the person's pain and suffering with the treatment and no intention to kill them and it would be... it is extremely rare the necessary treatment would kill them for... the necessary treatment for pain and suffering, then you haven't got the intent to kill, so you haven't got euthanasia. And of course the treatment has to be reasonable in comparison with the pain and suffering of the person. You do what's necessary to relieve that.

But there is... there is a lot of work, and I'm not an expert on this, but there is a lot of medical work, Dr. Balfour Mount is one of the experts on this, that shows that you can, that adequate pain relief treatment in almost every situation can be given at below what... I think they call it the «toxic level» of that treatment.

So, you really have to... If you want a legal and ethical analysis of this, you really have to carefully divide up all the elements of what you're dealing with just as we did when we used to study negligence, for example. You have to look at every element that constitute the total legal or ethical reality.

Le Président (M. Kelley): Dernière courte question.

Mme Hivon: Oui. Vous parlez de l'opposition, le député de Marquette y a fait référence tantôt, entre le droit à l'autonomie, ce qu'on entend beaucoup chez les gens qui revendiquent, par exemple, l'euthanasie avec les valeurs communes d'une société, et il faut voir l'interaction entre les deux.

J'ai posé déjà la question et je me demande, ça m'habite beaucoup, ça: Pourquoi la question des valeurs communes, qui devrait faire contrepoids à l'individualisme à outrance, on l'invoque beaucoup éthiquement en fin de vie par rapport à la mort, mais par rapport à la vieillesse éthiquement, et l'isolement et la détresse des personnes aînées, comment on peut dire comme société qu'éthiquement il faut agir en toute fin de vie pour, par exemple, empêcher l'euthanasie, mais qu'on ne fait rien de particulier pour les personnes qui vieillissent et qui, selon moi, est un problème nettement plus grave, aussi, que la fin de vie?

Mme Somerville (Margaret): Well, my answer to you would be: Let's not make the situation worse. I happen to agree with your concern about the isolation especially of older people, but I would also suggest to you that legalizing euthanasia would make their situation worse, not better. That this idea that they'd then become disposable, that people who are seen as a burden on our society such as disabled people likewise become seen as disposable. And I think we've got to be very, very careful about that.

So, I think you're absolutely right that why we are so concerned about the end of life and we're not concerned during life, we ought to be more concerned. But just because we are doing one thing that's inadequate or unethical or wrong doesn't mean we should add to the unethical, inadequate, wrong things that we're doing. And I think that's what you'd find that euthanasia would result in.

I think we really, really do have to project into the future when we're thinking about legalizing euthanasia now. I also think that we're going to see a rebalancing of individualism and the sense of community that we need.

A values survey in the United States shows that the fastest rising value trend was people's longing to belong to something larger than themselves. In other words, we, humans, are social, communal animals and we only realize our full humanness within that context. So, we have to be careful not just to preserve individual rights, which is what we've had an overemphasis on in recent times, probably because we had an overemphasis on community in the past, but we have to rebalance those now, and I think that younger people are going to do it.

For instance, I think the environmental movement is a very powerful example of how that's happening. Also, the studies are showing that what sociologists call pro-individual or pro-social conduct, that humans... that there's a rise in people's pro-social conduct, which means they're putting other people's interests ahead of their own. And what this survey also found which is interesting is that politicians, specially, specifically politicians, vastly underestimated the pro-social impulse.

And what it was suggesting was that, for instance, if we really want people to change their behavior to make the environmental protection more real, we have to affirm, and support, and do things that will foster that pro-social behavior and certainly not do things that will detract from it. And I'd suggest to you that euthanasia comes within this context: that we won't look after you, it's easier to get rid of you.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Je dispose de combien de temps pour ce bloc?

Le Président (M. Kelley): Six minutes.

M. Sklavounos: Six minutes. Vous allez me permettre également de m'adresser à la professeure en anglais, M. le Président.

Professor Somerville, it's a pleasure to see you in this setting. I never imagined we'd actually be in this setting, and I'm happy to see you. And thank you for your presentation and your comments. I have three questions.

First question. The individual autonomy argument is formidable one. Whenever it's served upon us, it's a formidable one to overcome. If you have... That's my first quick question: What is the one main, the one strongest argument you'd oppose to somebody who basically comes and says: The Civil Code is modified to give you the right to refuse treatment? That's an excellent example of individual autonomy trumping every other potential consideration, it's your... What one argument would you bring forward?

Mme Somerville (Margaret): Well, the right to refuse treatment is an individual issue. It's appropriate that individualism trumps there, but that doesn't mean it's appropriate that it trumps in every situation. And that's why I say the strongest arguments against euthanasia are at the institutional and societal level. But, when you refuse treatment that affects you, it affects, I guess, your family if you have a family. But, ultimately, I absolutely believe that individualism should prevail when it's just the decision to refuse treatment, no problem.

M. Sklavounos: O.K.

Mme Somerville (Margaret): But the thing is that individualism, you always have to consider: Does it harm the community? And, I think, in refusing treatment it doesn't harm the community.

M. Sklavounos: Whereas in the case of euthanasia...

Mme Somerville (Margaret): It does harm the community.

M. Sklavounos: Because it devalues human life or the importance of human life? Is that... Am I basically...

Mme Somerville (Margaret): And it damages our values-carrying institution. You know, the health care system is probably the single most important value-carrying institution in a secular society. And there's one basic reason why that is: it's the only institution that every single person in the community personally relates to: that could be me that needs that treatment, that could be my baby, that could be my mother, that could be someone I love. And so, therefore, what medicine does matters enormously, much more so in our society than it ever has in the past, because we've made it what I'd call the secular religion of the 21st century's secular society.

M. Sklavounos: Another point, very quickly: death to avoid suffering. You find that objectionable, you said that, in circumstances... You find it's a very easy way out.

I want to make a link between hearing that some antidepressants are overprescribed to certain individuals, that we're a society now where, the moment some bad luck hits, quick, we want medication, we want to escape, we want to run away. I may be giving away my Judeo-Christian heritage here about suffering and the place of suffering in a life, but isn't some suffering -- and I mean... you know, I'm just... This is very philosophical as a question -- isn't some suffering normal to the human existence? Isn't some suffering... Aren't bad things supposed to happen? Isn't sickness a part of life? Is that an easy way out to just say that death to avoid suffering is a solution?

**(16 heures)**

Mme Somerville (Margaret): That's not my objection to it. I'd avoid any suffering that I could possibly avoid, I can tell you that, except there are some things that I think you shouldn't do to do that, because they're not just... there not... the ends don't justify the means, and that's why I think euthanasia is not right.

As to what has happened, suffering is the hardest argument to address from a secular perspective, because the way we've dealt with suffering traditionally was to give it meaning through religion and when you can't do that, how do you deal with suffering? This was where I hit the brick wall with my students because most of them said: Well, you're crazy, you know, if you don't want to suffer, why shouldn't you get yourself killed? And that's a really hard argument.

But my response to it would be that, if we eliminate ourselves in order to eliminate suffering, I think one thing is that death loses any meaning, and what I'm also concerned about is that we might not be able to maintain meaning in life if we lose meaning in death. And, as well, I think why death to avoid suffering is wrong: because we have to look at the message that gives. What it say's is: You are justified in killing somebody to prevent this suffering. OK, apply that to old people, apply it to disabled people, apply it to people who are suicidal. That's exactly what they say: I'd rather be dead than experience this.

M. Sklavounos: And, just so we can try maybe to get around the brick wall together, I was very captivated when you were talking about Prof. Katz's intense pre-mortem loneliness and what some other speakers who came before us mentioned in the sense of saying: If palliative care and pain relief treatment are developed properly, we'll have no need for euthanasia. Do you agree with that?

And you mentioned a study about loneliness and isolation being more strongly related to requests for euthanasia than actual pain and suffering. I'd like to have a little bit more about that if you can develop on that point.

Mme Somerville (Margaret): Yeah, I'd have to find... I can't remember whether that's Dr. Harvey Chochinov's work. It might be, he's an incredible... I really regret that you're probably not going to have him appear before you. He's one of the few people in the world who's specialized in the psychiatry of dying people, psychiatric care of dying people.

He's just written a paper with his colleagues called Dignity Therapy, which is quite remarkable. I would... you can find it if you go on the Net. I actually mention it in the written submission that I give to you. And what they tried to work out was what could they do to make people feel better, who were dying, and they looked at things like...

For instance, people die more peacefully if they think they are leaving a legacy. There's this concept that we call «mini hopes». If you've got something to look forward to, even if it's just like a friend visiting the next day, those people are less likely to want euthanasia.

Euthanasia is not... it's strongly associated, not just with loneliness, but with hopelessness and that means nothing to look forward to. So, that would make you wonder whether loneliness and hopelessness might also be associated. So, I think what we have to do is stop treating these issues as sort of like solid blocs of cement and dismantle them and find out what the individual elements are.

I know you've got Dr. Bernard Lapointe appearing before you this afternoon. He's the sort of person who can tell you what needs to be done and what works, and what doesn't work, and how you do that. And so, you know... It's just... I know...

You see, the trouble is, euthanasia sounds so easy. In actual fact, I think it isn't easy, I think it's tremendously hard to kill someone else. Although in 1989, at the International Palliative Care Conference in Montréal, I chaired a session between Dr. Pieter Admiral, who was one of the leading Dutch euthanasists... euthanasizers I'd guess you'd call him, and Prof. Alexander Morgan Capron, who is professor of law and ethics, very similar position to mine, at the University of Southern California, and when Dr. Admiral was asked: How many people had he killed -- and this was 1989 -- he said 1,200 and the whole audience just gasped. And someone said: But, you know, wasn't that terribly difficult? He said: Oh no, I'm an anaesthetist, so all I have to do is give the fist half of a general anaesthetic and not do the second half, the resuscitation.

So, I don't think... I don't think we want to get used to euthanasia in that way, and that's why I think we should prohibit it entirely at the same time as we give all necessary medical treatment for pain and suffering. The antidote to suffering is treatment, not killing.

Le Président (M. Kelley): Just one quick... You made a reference to Dignity Therapy by a doctor... I just didn't catch the...

Mme Somerville (Margaret): Harvey Chochinov. I've got his name in my long submission.

Le Président (M. Kelley): Perfect. Thank you.

Mme Somerville (Margaret): C-H-O... yes.

Le Président (M. Kelley): Thank you. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors...

Le Président (M. Kelley): Il vous reste cinq minutes.

Mme Hivon: Oui. Merci. Alors, on apprend rapidement, quand il ne nous reste pas beaucoup de temps, on pose nos deux questions en même temps. Donc, je vais vous poser mes deux questions, puis vous pourrez peut-être y répondre.

Je veux revenir à la suite du dernier échange qu'on a eu. Moi, je veux juste comprendre: quand vous dites que, si on légalise l'euthanasie, on pourrait envoyer un message à la société de dévaluation en quelque sorte de la vie, O.K.? Et éthiquement je veux comprendre... Je comprends également très bien légalement la différence avec l'arrêt de traitement. Ça, c'est... On voit dans le Code civil, on l'apprend. Mais, par rapport au message général qu'on envoie, est-ce que le fait de dire qu'une personne en pleine santé peut refuser une transfusion, même si la mort s'ensuit, peut demander d'être débranchée, même si la mort va être clairement au rendez-vous, en quoi cela dévalue moins la vie que le fait qu'en toute fin de vie on vienne légaliser l'euthanasie? C'est ma première question.

Et la deuxième, c'est: par rapport à ce que vous avez dit, la crainte que l'euthanasie devienne la norme. Alors, nous, évidemment on a un espoir que, comme législateurs, on est capable de faire une différence, là. J'avoue que des fois il y en a qui semblent nous ébranler dans nos convictions, mais, si on croit que le droit peut faire une différence, est-ce que, si on met des balises, comme par exemple de se questionner sur l'aptitude d'une personne, comme aux Pays-Bas ils ont fait au début, est-ce que ça ne vient pas limiter ça? Et par ailleurs l'expérience aux Pays-Bas, vous y faites référence, mais tout à l'heure Mme Saint-Arnaud nous a dit qu'il n'y avait pas de preuve de dérive. Oui, il y a des preuves d'évolution des demandes dans la société, mais qu'il n'y avait pas de preuves, que les demandes n'avaient pas augmenté et même la sédation palliative avait semblé augmenter plutôt que l'euthanasie. Donc, pourquoi cette crainte de dire que l'euthanasie deviendrait la norme?

Mme Somerville (Margaret): Well, to answer your fist question, why do we not force people to stay alive, because that involves our intervening on them against their will, whereas euthanasia involves us intervening on them to kill them. I mean, that's... We're not killing them in the first situation. What we're doing is respecting their refusal of treatment. And as you know, there's a difference. There is certainly a moral difference between acts and omissions in a lot of cases, and there's often a legal difference as well.

So, we have obligations not to impose something on a person they've refused. And I believe we've got obligations not to kill them. So, it's... I mean, I don't think I can explain it any more clearly than that. Perhaps if you'd borrow the book, there is a very extensive chapter that analyses the coercition and intention issues in these situations. You don't understand it?

Mme Hivon: Non, je comprends très bien l'aspect de la causalité. Moi, je suis sur le message. Parce que vous dites: Le message qu'on envoie à la société sur la dévaluation de la vie... C'est plus sur ça, quand vous dites par rapport aux valeurs et notre message sur la vie, ça, je le comprends moins, mais je vais lire avec beaucoup d'intérêt tout le livre.

**(16 h 10)**

Mme Somerville (Margaret): I think if you worked in a hospital and you saw the... You know that, when someone's very, very ill and dying, and they say: I've had enough, I don't want anymore. And with due respect, etc., the treatment is withdrawn, the person is still looked after, cared for, etc., and compared with that, you're in a situation, let's say in the Netherlands, where you saw somebody being given a lethal injection, I think you'd have a very different reaction to those two situations. And I think that there are moral intuitions that guide us to say they're different and, I think, the difference between them, I'm thankful for it, is currently reflected in our ethics and in our law.

I was wondering, coming here today, whether any of you had actually taken an animal to the veterinarian to have it euthanized? I even have reservations about doing that, which is because I think that -- but I think for animals sometimes we have to do that -- it's a very dramatic thing to do and I don't think we should do it to humans.

As to why euthanasia would become the norm, I'll try to give you an example where I think the same thing would... has happened with abortion. That abortion, if you look at the Hansard reports of when abortion was first legalized in Canada, the politicians all said: Yes, it's all OK, because this is going to be a rare situation. We need to have this available in those rare situations where people think it's justified. And now, we see it, you know, it's become the norm. There's something like 110,000 abortions a year in Canada. That's a norm, that's not a rare exception.

And I think you'll find the same thing would happen with euthanasia. And it is happening. Even though the number of deaths by euthanasia in the Netherlands, it's a fairly low percentage -- I think it's around 5% at the moment, I'm not absolutely certain, I haven't looked at it recently -- but it's gone up, gradually but it's going up. And I think that's what we'll find.

And, as we get used to it... What happens is that we get habituated to what we get used to doing. It's like Doctor Admiral, who had no qualms about having given euthanasia to 12,000 people. As he said: It's part of my job, I'm used to it. And that's what I don't want to happen, and what I think would happen.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Kelley): On that point, it's only left to me just to say: Thank you very much for bringing your perspectives with us. It's been a very lively exchange. I think we could have gone on for longer, but we have other witnesses, including Doctor Lapointe and Doctor Desbiens, to hear this afternoon. So, thank you very much for your contribution.

Je vais suspendre nos travaux quelques instants et je vais inviter Dr Desbiens de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

 

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre prochain témoin, c'est sa deuxième visite devant la commission ce mois, parce qu'il est venu avec l'Agence de santé et services sociaux de l'Abitibi il y a deux semaines. Alors, c'est un grand plaisir de nouveau de dire bonjour à Dr Desbiens, François Desbiens, qui est, entre autres, associé avec l'Université de Montréal mais également associé avec l'Agence de santé et de services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue. Et je veux souligner la présence du vice-président et député d'Abitibi-Ouest parmi nous. Alors, bienvenue, Dr Desbiens, la parole est à vous.

M. François Desbiens

M. Desbiens (François): Rebonjour, M. le Président. Alors, je vous remercie infiniment pour le privilège de cette invitation. Auriez-vous l'amabilité de m'assister et de m'avertir trois minutes avant la fin de mon 20 minutes, vu que vous êtes le maître du temps?

Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que je vais tenter de situer mon propos le plus résolument possible dans le domaine clinique. Conformément à ce que j'ai compris du mandat que vous souhaitez, j'essaierai de ne pas exprimer d'opinion personnelle profonde à ce stade-ci du débat ni de ce qui est bien ou mal, mais bien de ce que je conçois comme étant les questions à poser, les problèmes à résoudre et peut-être exprimer certaines pistes à explorer.

Alors, comme plusieurs centaines et milliers de médecins de famille, entre autres en région, d'un point de vue clinique, j'ai été appelé, au cours des 23 dernières années, à rencontrer la fin de vie à plusieurs centaines de reprises avec patients et familles, mais dans tous les spectres de la vie et les situations: en salle d'urgence, en soins intensifs, arrêt de traitement, salle d'accouchement, en néonatalogie, mais bien sûr aussi en soins palliatifs, et d'être confronté aussi à toute la notion du consentement aux soins, incluant même en santé mentale, en unité interne. Alors, de cette optique, j'aimerais apporter un certain témoignage.

D'abord, sur la légitimité de votre démarche, parce que certains l'ont questionnée, je pense qu'elle est tout à fait légitime. Bien sûr, le Code criminel est en jeu ici, l'article 222 et sa définition de l'homicide, et c'est une compétence fédérale. Cependant, il y a trois raisons importantes pour lesquelles je pense que vous devez procéder: la première est qu'il y a une nouvelle sensibilité, effectivement, une évolution dans la société dont il faut tenir compte; la deuxième est que peu importent les solutions législatives, le débat social doit les précéder; et la troisième est que l'environnement sociétal québécois est particulier -- même le Parlement canadien reconnaît cette société comme une nation -- et elle est surtout régie par un droit civil, et ça crée un cadre tout à fait particulier.

Au niveau des outils, on a parlé de sondages. Je ne pense pas que les sondages soient l'outil le plus approprié dans votre travail; il y a des limites qu'entre autres les sondages des fédérations ont montrées. La définition même chez des spécialistes de tout ce qui entoure les soins de fin de vie porte encore à confusion, et les échantillonnages ne sont pas des toujours des plus exacts. Alors, je pense que vos travaux devraient favoriser le plus possible les forums de citoyens dans toutes leurs formes comme outils pour dégager les consensus que vous recherchez actuellement.

Parmi les choses que je vous invite à explorer, la notion de dignité, celle-ci est variable d'un individu à l'autre, celle-ci est variable selon l'expérience de chacun. Et je pense qu'il faut essayer de la regarder le plus possible dans son individualité.

**(16 h 20)**

Je vous invite à regarder particulièrement la problématique de mourir à domicile et la problématique de l'organisation des soins palliatifs actuellement, d'y apporter une distinction quant au débat des ressources et au conduites éthiques. Il y a une différence importante à poser.

Au niveau de mourir à domicile, il y a un manque d'accès actuellement à ce choix-là. Il faut se poser la question si ce choix-là est un choix qui est un droit ou quelque chose auquel on doit avoir accès. La réalité est que la majorité des patients qui souhaiteraient avoir accès à mourir à domicile ne peuvent pas le faire parce qu'ils ne peuvent pas avoir l'encadrement nécessaire, les soins à domicile nécessaires pour faire face aux tout derniers jours de leur vie, et doivent nécessairement finir leurs jours à l'hôpital ou en maison de soins palliatifs parce que l'entourage ne peut pas soutenir ces soins-là. Alors, est-ce que la solution ce serait un soin différent? Est-ce que la solution ce serait des ressources différentes? Cette question-là doit être posée.

Mme Saunders a dit que les soins palliatifs sont tout ce qu'il reste à faire quand il n'y a plus rien à faire. Il est très important de soulager les patients en les assurant que, quoi qu'il arrive, les soins vont toujours continuer, les soins vont toujours les accompagner jusqu'au bout, et on est en mesure, à travers les soins palliatifs, de soulager la majorité des souffrances et de répondre à la majorité des inquiétudes que les patients peuvent soulever. Cependant, tous les intervenants en soins palliatifs doivent reconnaître qu'il y a quand même des situations particulières où on n'arrive pas à soulager complètement les douleurs et où le degré... le degré de dégradation physique est tel qu'on ne peut pas apporter un soulagement adéquat à la personne. Je vous amènerais une allégorie: un patient de 53 ans qui s'appelle Joseph, qui est en train de mourir d'un cancer du pancréas dans son domicile et qui, en compagnie de sa famille et de son épouse de 30 ans, alors que son médecin lui accorde un pronostic d'environ quelques jours, décide de visiter ses... de recevoir la visite de ses enfants pour une dernière fois, et, alors que sa conjointe revêt sa robe de mariée, celle-ci procède à une dose de sédation et celui-ci meurt dans les bras de sa conjointe. Je pense qu'il y a nécessairement un humanisme dans tout ça.

Est-ce que, ça, c'est une mort digne? Est-ce que, ça, c'est acceptable? Ça, c'est un peu l'enjeu de la définition de la dignité. Traditionnellement, comme chrétiens, on trouve ça inacceptable d'interrompre la vie avant son cours naturel. Des gens diront même que c'est une mise en scène de la mort, que c'est contraire aux principes chrétiens, et c'est même contraire aux croyances orientales. D'autres, cependant, diront aussi qu'il est tout à fait indigne de devoir imaginer les derniers jours de sa vie dans la déchéance la plus complète alors qu'on est complètement inconscient et avec aucun contact de sa famille. On pourrait considérer que ça aussi, c'est une mise en scène.

Mais c'est ça, l'enjeu de la dignité, et le véritable défi, ce serait de trouver une façon de répondre aux différentes attentes face aux conceptions de la dignité dans notre société. Je pense que la proposition du Collège des médecins de concevoir en termes de soins appropriés peut nous apporter une piste qui permettrait d'individualiser, de respecter, de nuancer l'approche qu'on aurait auprès de chaque patient, selon les conceptions de chacun.

J'aimerais apporter aussi une piste en regard de ce qu'on appelle les fins de traitement. On a un problème ici, un problème clinique, un problème légal, un problème éthique.

Au niveau éthique, on définit quand même qu'il y a différents traitements qui sont les «soins de fin de vie». Alors, dans les soins de fin de vie, il y a, entre autres, l'arrêt de traitement, le soulagement par sédation progressive, la sédation terminale et l'euthanasie. Il y a tout un débat éthique, à savoir ce qui est acceptable ou pas dans ces soins de fin de vie. Mais, disons qu'il y a quand même un consensus autour de l'acceptation des arrêts de traitement.

Ce n'est pas banal, ce qui s'est passé au Québec au cours des 16 dernières années. C'est une véritable révolution tranquille de la conception des soins. Moi, j'ai été éduqué à la vision un peu paternaliste où on disait aux gens: Bien, voici -- avec bienveillance, c'est sûr -- vous allez décéder de telle pathologie, voici les soins qu'on va vous offrir. Il s'est installé une nouvelle façon de faire assez unique au Québec autour d'une relation médecin-patient-famille qui permet d'envisager l'arrêt de traitement de façon quotidienne au Québec. Et je peux témoigner que je n'ai jamais rencontré de situation où je ne pouvais pas, avec communication et patience suffisantes, trouver une façon d'amener une famille ou un patient à une décision qui leur soit harmonieuse dans une situation d'arrêt de traitement.

Contrairement à ce qu'on pourrait craindre, même si ça se pratique depuis 16 ans, il n'y a pas de dérive, il n'y a pas d'eugénisme, il n'y a pas de pente glissante, on ne s'est pas mis à débrancher les gens à tort et à travers. Le vécu est tel que les gens... Même dans un cas où on aurait un fils athée, il trouvera suffisamment de sens du sacré pour s'investir auprès de cette décision-là. Un fils catholique, croyant, pratiquant trouvera suffisamment d'écoute pour s'investir lui aussi. Et on arrive toujours à une situation harmonieuse.

Je vous inviterais à considérer cette piste-là comme solution, qui est une illustration de ce que peuvent être des soins appropriés. Si ça, ça a fonctionné et ça fonctionne au quotidien actuellement, dans un modèle qui est tout à fait unique parce que c'est le droit civil nouveau de 1994 qui nous a amenés là, on peut peut-être, à partir de là, concevoir des soins appropriés autour de la fin de vie qui respectent le plus possible la dignité des choix de chacun et y arriver de façon harmonieuse. On l'a fait sans dérive pour l'arrêt de traitement. On peut sûrement le faire sans dérive pour ce qui est des soins de fin de vie. Et j'en suis à peu près convaincu.

Au niveau du Code criminel, je me lancerai quand même à deux... deux idées. La première, c'est que pourquoi ne pas envisager tout simplement un paragraphe 7 de l'article 222 qui réfère justement aux soins appropriés, à l'encadrement déontologique...

Une voix: ...

M. Desbiens (François): Trois, trois minutes?

Une voix: ...

**(16 h 30)**

M. Desbiens (François): Ah, je m'excuse, je pensais que c'était... Alors, je reprends.

Alors, pourquoi ne pas imaginer, donc, un article qui ferait référence spécifiquement au cadre de soins appropriés d'une province ou de notre Code civil et de la déontologie spécifique de notre province. Je pense que c'est une piste.

L'autre piste qui pourrait être explorée, parce que, écoutez, il reste qu'il y a l'éthique qui est assez problématique et amène toutes sortes de visions, il y a le côté légal, il y a le clinique, mais il y a définitivement une contradiction entre la loi et la pratique clinique.

Je n'irais pas répondre à si tel ou tel traitement constitue ou pas de l'euthanasie; ça, c'est un débat éthique que je pourrai aborder si vous le désirez, là, mais qui n'a pas vraiment sa solution. Mais, comme les gens des fédérations l'ont dit à juste titre, et le Collège l'a dit à juste titre, les médecins sont devant des options de traitement qui sont actuellement illégales qu'ils peuvent être appelés à pratiquer. Et ça, ça nécessite une correction. Peut-être qu'une piste, en restant dans la juridiction provinciale, serait tout simplement à travers la compétence de la procédure et, à travers la compétence de la santé, de prendre action professionnellement, de dire: Bien, quand c'est des soins appropriés, on ne procède pas à des poursuites, et de s'y engager par un texte de loi. Ça peut peut-être être une piste qui évitera d'avoir à s'adresser au Parlement canadien. Enfin, je vous la soumets, là, très simplement et respectueusement.

Et un peu comme tous et toutes, je vous invite effectivement le mieux possible à définir les termes, à faire une véritable pédagogie des termes au préalable dans votre démarche -- ce n'est pas nécessairement compris au niveau même des professionnels, c'est vrai, et de la population -- si vous voulez vraiment que les consensus sociaux qui se dégagent de vos forums de citoyens dégagent des véritables consensus sociaux.

Tous les termes, vous en avez eu plusieurs définitions... Moi, je me campe encore que, dans ma tête moi, euthanasie, ça réfère à la fin de vie, à un pronostic de vie extrêmement court dans le cas d'une mort imminente et d'un soulagement de souffrance dans ce cadre-là qui reste quand même ce qui fait, à tous égards, consensus. Dr Schweitzer avait dit quelque chose comme: La douleur est le pire bourreau de l'humanité, encore pire que la mort, et ça, ça fait consensus.

Par contre, le suicide assisté, ne demandez pas aux médecins, aux docteurs de vous aider avec ça, ils n'en ont pas vraiment de connaissances; ça réfère à un événement où il y a un pronostic de vie significatif. D'accord, la qualité de vie pour l'individu peut être considérée, accompagnée d'une souffrance intolérable, mais c'est un concept qui est complètement différent et qui est étranger aux soins.

Dans le sens que les médecins, il ne s'agit pas de dire si les médecins sont pour ou contre l'euthanasie, mais il s'agit bien de savoir que les médecins rencontrent régulièrement la fin de vie. Et de ça, dans le soulagement de la fin de vie, ils ont une connaissance clinique, ils ont une expérience clinique et ils peuvent témoigner. Le suicide assisté, c'est vraiment autre chose. À vous de décider si vous voulez regarder ça, mais je ne pense pas que les médecins peuvent vraiment vous accompagner dans cette démarche-là.

Pour conclure... Voilà, je conclus donc...

Le Président (M. Kelley): Parfait. Un témoin habitué.

M. Desbiens (François): Écoutez, je vous souhaite bon courage parce que je trouve qu'il est extrêmement délicat et difficile de discuter de santé au Québec. Ça soulève des passions, à mon avis, pour deux raisons: la première, c'est que tout ce qui entoure le système de santé a une forte charge identitaire. Pas loin en dessous du drapeau et de la langue, il y a le système de santé; on s'identifie tous, comme Québécois, au système de santé. Et, même si la relation est très passionnelle, on n'est pas toujours content, les soins... ils sont très identifiés, et c'est pourquoi les discussions ne sont pas toujours rationnelles.

A fortiori, la réalité, c'est qu'on parle du système de santé ou de santé, mais, en réalité, l'inconscient fait référence à la vulnérabilité, la vulnérabilité face à la mort dans tous ces débats-là. Et c'est une des raisons aussi pourquoi ça devient très passionnel. Alors, nul doute que les enquêtes que vous mènerez vont soulever beaucoup d'émotions et de passion, et je vous souhaite bon courage.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, encore une fois, Dr Desbiens, pour votre témoignage. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Et je vais céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous rencontrer, Dr Desbiens. D'ailleurs, on s'est rencontré il y a deux semaines dans le cadre des redditions de comptes des agences. Merci pour votre présence. Merci pour votre témoignage, qui est très intéressant.

Vous êtes un professionnel de la santé, vous travaillez dans le réseau de la santé et, j'imagine, depuis plusieurs années. Si on se souvient il y a quelques années, le réseau de la santé avait un slogan qui disait ceci: Si j'étais bénéficiaire. C'était un slogan pour sensibiliser beaucoup le personnel, les professionnels de la santé, à prendre les bonnes attitudes dans la dispensation des soins et des services, pour vraiment tenter de se mettre à la place du bénéficiaire qui, lui, reçoit des services.

Depuis lundi et jusqu'à présent, on a entendu plusieurs personnes, représentants d'organismes, d'associations, qui sont venues témoigner et qui généralement ont exprimé une position ou un point de vue qui semble aller davantage vers une position contre l'euthanasie, mais souvent pour des raisons plus de société et non pour des raisons individuelles ou encore personnalisées, et c'est vraiment des positions à l'opposé.

Et la mort est un phénomène personnel, il n'y a personne qui va mourir à ta place, c'est la personne qui va franchir le dernier pas, souvent ça prend toute une équipe pour l'accompagner.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus à partir de votre expérience et au bénéfice des membres de cette commission, comment est-ce qu'on peut recevoir ça, toutes les positions qui se prennent pour des raisons sociétales, alors que les personnes... On a peu entendu de commentaires sur les raisons qui pourraient être favorables à un processus qui irait dans le sens de l'euthanasie pour des raisons personnelles. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Desbiens (François): Moi, je n'ai pas de position pour ou contre l'euthanasie à exprimer. Je vous ramène à la relation médecin-patient et j'aimerais mentionner que... je ne l'ai pas dit dans mon allocution parce que je craignais de manquer de temps, il faut inclure les infirmières et une équipe multidisciplinaire. L'interdisciplinarité est très important et je... très importante dans les soins palliatifs d'aujourd'hui et c'est une tendance qui se développe, et il faut en être heureux, là, dans tous les domaines de soins. Alors, je pense que c'est... très importantes, elles sont aux premières loges, et il faut les inclure dans la démarche.

Donc, je reviens, quand, oui, vous et moi, on sera des patients, ce sera avec nos soignants et notre famille qu'on va vivre ça, et c'est avec eux, à l'intérieur de cette relation-là, qu'on va le vivre concrètement. Donc, c'est à ça qu'il faut s'adresser, et je pense que notre société doit permettre que ça se vive le plus harmonieusement possible. C'est ça, l'idée d'aborder ça selon des soins appropriés.

Au niveau sociétal... Comment vous dire? Là, on devient sur le plan éthique, je ne peux pas vous dire quelle est la bonne ou la mauvaise réponse; je vais tenter une réponse. Si je retournais sur les bancs d'école avec Me Ouimet et Me Hivon, puis qu'on était en cours de droit... d'éthique du droit, puis qu'on nous soumettait la doctrine de légitime défense, qui est à la base de tout le débat éthique de double effet pour savoir qu'est-ce qui est vraiment acceptable dans certains traitements, et tout ça -- et je n'irai pas plus loin, à moins que vous insistiez -- et qu'on nous disait: Bien là, argumentez pour ou contre, plaidez pour la poursuite ou la défense. C'est comme ça qu'on nous posait les questions à l'école de droit. On serait capables de faire un argumentaire des deux côtés, et on peut faire un argumentaire éthique, social, pour ou contre. Et, si on reste dans ce débat-là, on va avoir des déchirements et des blocages, et on ne s'en sortira pas.

Mais la réalité, c'est qu'on va tous mourir, soignés par nos infirmières et nos médecins et accompagnés de notre famille, et c'est là que les soins doivent se dérouler et c'est là que les décisions doivent se prendre. C'est le mieux que je peux... que je peux dire pour l'instant.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): Et, avant de passer la parole à ma collègue...

**(16 h 40)**

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Non, non, juste un instant, avant de le faire, juste une question qui vient à votre image de cette équipe entourant le patient, et tout le reste.

Vous avez évoqué la notion, dans vos commentaires, d'un droit de mourir à la maison. Et j'hésite toujours dans le domaine médical parce que je regarde nos voisins au sud, les Américains, où le croisement de droit et les cours, les tribunaux ont occasionné des poursuites qui sont tellement chères, et tout le reste: on voit les assurances qu'un médecin doit engager aux États-Unis pour le protéger, et tout le reste. Parce que, même dans le titre de notre travail, on est en réflexion, est-ce qu'il faut mettre le «droit de mourir» ou est-ce que c'est vraiment... est-ce que ça va nous camper dans un débat qui est plus complexe?

M. Desbiens (François): Je pense que «choix», «choix» serait plus approprié. Peut-on avoir le choix de mourir à domicile? A-t-on le choix de mourir à domicile? Est-il approprié d'avoir le choix de mourir à domicile? Il y a certainement un débat et une exploration.

Et comme je vous ai dit, là, je me répète un peu, il faut faire la distinction entre les ressources et l'éthique de ça, mais je pense que c'est important d'aborder ca.

Le Président (M. Kelley): Non, non. C'est pourquoi le mot... je suis en réflexion...

M. Desbiens (François):«Choix» est plus approprié.

Le Président (M. Kelley): Mais, «le droit», je regarde l'expérience de nos voisins au sud et je pense qu'il y a des leçons à tirer, des choses à ne pas faire, en tout respect avec les avocats autour de la table. Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Vous avez, dans votre présentation, parlé de l'évolution du droit civil, du respect des décisions familiales ou du respect du non-traitement, là, dans le changement du droit civil. On pouvait arrêter le traitement, on pouvait prendre la décision si on avait ou pas. Mon collègue le président vient de parler du choix de mourir à domicile ou du choix des soins palliatifs ou des choix, je ne sais pas, dans les centres d'hébergement.

Aujourd'hui, quand je regarde avec le temps, moi, j'ai vécu deux expériences très différentes de quelqu'un qui est décédé à domicile, mon fils, et de ma mère qui est décédée dans un centre d'hébergement de longue durée et où elle a eu accès à des soins palliatifs et, en fin de vie, où il y a eu des mesures qui ont été prises pour soulager la douleur, tout en étant bien consciente que c'était pour être un peu plus rapide, sa fin de vie. Mais c'est un choix qu'on a fait, parce qu'elle souffrait beaucoup, et c'est une choix qu'on a fait.

Quand on a vécu l'expérience du domicile, c'est qu'on avait un médecin qui a accepté d'être délinquant, dans le fond, parce qu'à ce moment-là ce n'était pas nécessairement accepté que les soins soient donnés à domicile, et je remonte à... Vous avez dit, on a évolué depuis 16 ans, tout à fait, ça remonte avant 16 ans, après... c'est-à-dire avant, et, à ce moment-là, c'était quelque chose qui ne se faisait plus. On n'acceptait pas. C'était quelque chose qu'il ne fallait surtout pas organiser des services, mais on avait quand même réussi, avec la famille et la communauté.

Et je reviens à ce que vous disiez, c'est des... aujourd'hui, ce sont des décisions qui se prennent avec la famille et la communauté que sont les infirmières, les médecins. Mais c'est un droit, c'est un choix, et je veux revenir à... je regardais, puis je me disais: Aujourd'hui, quand on parle de la qualité, et on a eu M. Leblond qui est venu nous parler de sa vie, qui est venu nous parler où il en était rendu dans sa maladie dégénérative et qui dit: À un moment donné, quand la qualité ne sera plus là, je veux avoir le choix d'en finir.

Mais on est rendus au même débat aujourd'hui, là, parce que, là, c'est la qualité. Est-ce qu'on a le choix ou pas? On s'est fait dire depuis hier: L'euthanasie ne devrait pas et n'est pas un choix. Vous nous dites: Il y a des soins palliatifs, et on peut soulager à partir de la décision de la famille et du patient de comment on... on ne veut pas appeler ça euthanasie, mais soulager le dernier souffle que... Dr Barrette nous disait: C'est de soulager au dernier des derniers souffles.

J'aimerais ça que vous nous parliez, vous avez été dans un centre hospitalier général, vous en avez vu de toutes les couleurs, j'aimerais ça que vous nous situez où est le choix de cette personne-là qui vit une maladie dégénérative. Les 25-60, 65, là, qui sont peut-être plus pour ça, on les adresse... on va les rejoindre comment, ces gens-là?

M. Desbiens (François): Bien, il y a une question que je peux répondre, puis la question je ne pourrai pas.

Mme L'Écuyer: Allez-y.

M. Desbiens (François): Pour ce qui est de la fin de vie imminente, on a d'excellents soins palliatifs, faits essentiellement par des milliers de médecins de famille polyvalents et des spécialistes aussi de soins palliatifs, et c'est un filet, et je vous invite à y faire confiance. Je vous invite à faire confiance à ce filet-là, qui sera toujours là, peu importe la décision que la famille prendra, peu importe le cadre éthique que vous donnerez à ça, si vous en donnez un. Il sera toujours là, et on y aura toujours accès, et on aura toujours ce filet-là, et on en aura toujours besoin. Ce sera toujours le centre de nos soins, qu'ils se déroulent en maison de soins palliatifs, en centre hospitalier ou à la maison.

Ce dont vous faites référence, je peux juste essayer de vous exprimer ceci, pour vous exprimer que je ne peux pas vous répondre. Alors, un jour, Edmond, qui était atteint de sclérose en plaques assez avancée, a dit à François: Bientôt, là, ça ne vaudra plus la peine: il faudrait que tu m'aides à partir. Puis François a répondu: Papa, je ne ferai jamais ça. Je ne peux pas faire ça.

Alors ça, c'est le seul moment dans ma vie où, en tant qu'individu, j'ai vraiment rencontré le suicide assisté. C'est avec mon père. Mais, le médecin François ne connaît pas ça. Le suicide assisté, les médecins ne sont pas rendus là. Ils ne peuvent pas vous répondre à ça. Ils ne peuvent pas vous aider. Par contre, dans ce qui est le dernier souffle de vie, les derniers moments de vie, l'accompagnement dans les derniers moments de vie des soins palliatifs, ça, on est des intervenants, et on doit demeurer des intervenants très présents, et on peut apporter le soulagement, et on peut témoigner de ce qu'on pense être les soins à donner.

C'est une façon, peut-être, de vous répondre à nouveau, pourquoi, moi, il y a une... Et je suis... je partage le point de vue qui a été exprimé pas le Collège là-dessus. D'ailleurs, j'ai eu la chance de participer un petit peu à ces débats-là, et on était tous solidaires de ce point de vue là. C'est un peu comme ça, que je peux vous expliquer pourquoi il y a une distinction pour nous.

Mme L'Écuyer: Mais on s'en... on va... C'est encore moi?

Le Président (M. Kelley): Oui. Mme la députée de Pontiac. Il vous reste cinq minutes.

Mme L'Écuyer: On va se préparer à aller en consultation, et tout le monde nous dit: Il faut bien définir les concepts. Il faut que des questions soient précises. Il faut que les gens puissent comprendre. Il faut que ce soit vulgarisé, pour que les gens, au moment des rencontres, soient en mesure d'exprimer ce qu'ils pensent, ou bien... où ils vont avec ça. La notion de dignité revient souvent, et de différentes façons, dans l'ensemble des mémoires, jusqu'à date, qu'on a lus et des gens qu'on a rencontrés. Vous en parlez, vous aussi, puis vous nous avez dit: Il faut le clarifier.

J'aimerais ça que vous nous en parliez un petit peu plus, de cette notion de dignité.

**(16 h 50)**

M. Desbiens (François): J'aurais peine à aller beaucoup plus loin que je suis allé dans le mémoire en illustrant qu'il y a... c'est... il y a... il y a autant de définitions de dignité qu'il y a d'individus. Il y a autant de conceptions collectives de dignité qu'il y a de philosophies et de croyances profondes. C'est ça, l'enjeu. Alors, la façon que chaque patient va concevoir sa dignité face à ses derniers jours, c'est quelque chose de très individuel. Il est possible... Il est possible que la meilleure façon, et je dis bien: il est possible que meilleure façon de s'y adresser, c'est justement de le resituer dans le cadre de soins individuels, de chaque patient, en toute conscience avec sa famille et son médecin, dans un cadre qui est déjà très bien entouré.

C'est un peu comme ça que ça se passe pour... je reviens encore à... Moi, je trouve que c'est porteur, là, de recherche de solutions, toute l'expérience qu'on a, par rapport aux arrêts de traitement, là. Ce n'est pas rien, ce qu'on fait en arrêt de traitement. Je ne veux pas embarquer dans le débat éthique de: Est-ce que c'est, ça, de l'euthanasie ou pas? On met fin à la vie. La vie met fin par une décision. La vie prend fin par une décision. Arrêtons-nous à ça. On est d'accord avec ça. C'est un processus éminemment humain.

Je me souviens d'avoir garder un patient sous respirateur pendant trois jours, alors que, moi, ça faisait déjà deux jours que j'étais intimement convaincu que c'était de l'acharnement, là. Mais la famille n'était pas là. Mais on finit toujours par arriver à un moment où la famille, bien, c'est ça. Et souvent, ça peut être des gens, peu importent leurs croyances profondes, ils viennent... Les gens se recentrent sur l'événement, sur le sacré de l'événement, sur la relation de soins, sur le besoin de cette personne-là qui va... partir. Et là on décide: bien, on arrête les traitements. Et, dans ça, qu'est-ce qui est resté? Qu'est-ce qui fait qu'il n'y a pas eu de dérive? Il n'y en a pas eu, de pente glissante, tout ça.

Le respect de la vie est encore là, le respect de la vie reste... est resté inchangé durant ces 16 ans là, autour de cette expérience-là. Alors, voilà.

Le Président (M. Kelley): Courte question, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui, merci, M. le Président, je suis surprise. Ma question est très audacieuse, alors j'ose, je plonge.

Hier, on a parlé, avec une des personnes qui est venue nous voir, des cas qui ont fait un peu la promotion, là, en faveur de l'euthanasie dans les médias, c'est comme ça que les gens en entendent parler, on parle de Sue Rodriguez, de cette Québécoise, Manon, qui avait été suivie par une équipe de Télé-Québec, et tout ça, et aujourd'hui, je parle des malades de maladies chroniques, aujourd'hui, ces gens-là vivent plus longtemps à cause de leur... de la médecine moderne, le progrès.

Si on légalisait l'euthanasie, est-ce que vous croyez que ça pourrait avoir un impact sur les décisions dans le domaine de la recherche, l'avancement de la recherche par rapport à certaines maladies?

M. Desbiens (François): Premièrement, légaliser l'euthanasie, je ne me prononce pas là-dessus, mais je ne pense pas que la façon qu'on organise les soins de vie en fonction que c'est proposé comme soins appropriés va changer absolument quoi que ce soit dans la recherche ou dans notre désir de soigner. C'est sûr que, bon, dans les questions que vous aurez à poser, on a tendance beaucoup à voir soit la patiente qui... la personne jeune qui a une maladie chronique avec long pronostic, mais qui a une très mauvaise qualité de vie, ou encore on voit le patient d'âge mûr qui est en phase terminale de cancer. Mais il faut regarder aussi tous les autres spectres de la vie, hein, ça se rencontre avant la viabilité, ça se rencontre à 22 semaines, quand un foetus naît, il va respirer pendant cinq, six heures, puis il faut adresser ça.

Alors, il y a la période néonatale, l'enfance, les sensibilités ne seront pas les mêmes, à mon avis, si vous exposez un questionnement par rapport aux différents âges de la vie. Les conditions cliniques peuvent être différentes aussi, effectivement. Les maladies chroniques, c'est un enjeu qui amène des nouvelles situations, ça peut être difficile à situer, effectivement.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, merci beaucoup, Dr Desbiens. Je pense que vous avez bien compris votre mandat, et vous amenez beaucoup de pistes de réflexion pour nous et vous avez le souci de nos consultations, donc, ça, c'est bien agréable de sentir qu'on est appuyés dans ce souci-là.

Je veux rester un peu sur la question des... je dirais, des autres maladies. Il y a monsieur Leblond qui nous a parlé de sa situation personnelle, vous avez fait référence tantôt à votre père. On n'est pas toujours... la fin de vie, ce n'est pas toujours la mort imminente, hein, c'est de savoir qu'on est dans une condition irréversible, une maladie incurable, et qu'on s'en va clairement vers la fin. Donc, ça peut être une maladie chronique, une maladie dégénérative, et j'aimerais ça avoir un peu le fruit de votre réflexion là-dessus.

Parce que là, je comprends que vous nous dites, selon vous, dans de tels cas, on se situerait plus dans un contexte de suicide assisté. Moi, je pensais que le suicide assisté, c'était aussi plus large que ça. Il y a le film La mer intérieure, par exemple, quelqu'un qui est quadraplégique qui dit: Je veux avoir le choix de, bon, mourir quand j'estime que je n'ai plus de qualité de vie, ou tout ça. Mais M. Leblond, par exemple, lui, il ne nous parle pas du tout de suicide assisté; il parle vraiment d'euthanasie, même dans son cas à lui, qui est un cas de sclérose.

Est-ce que vous pensez que l'euthanasie peut, oui, couvrir un peu le spectre plus large que juste une mort imminente, là, qu'on conçoit comme les gens qui sont en soins palliatifs, en phase terminale de cancer? Je ne vous dis pas de vous prononcer, je vous dis: Dans le spectre...

M. Desbiens (François): La position... je comprends toute la difficulté de la terminologie encore une fois -- puis je pense que d'autres gens vous en ont parlé beaucoup -- entre euthanasie, suicide assisté. Effectivement, si quelqu'un, dans un cadre de ce que j'ai défini comme un suicide assisté, demande un geste volontaire médical, à ce moment-là, il va appeler ça de l'euthanasie, là. Mais je pense qu'au niveau des points de vue qui vous sont présentés par les médecins, le Collège, les fédérations, encore une fois, il y a un consensus pour une ouverture à des soins appropriés dans le cadre de la fin de la vie, de la fin imminente de la vie.

Ce dont vous faite référence, c'est le suicide assisté. Que ce soit parce qu'on fournit un comprimé ou parce qu'on donne une injection, la personne a un pronostic de vie significatif, et ça n'a rien à voir avec ce qu'on appelle les soins de fin de vie, à mon sens à moi. C'est pour ça que le monde médical, à juste titre, se dissocie de ça. Il est possible que vous vouliez l'adresser au sens éthique, là, ou au sens social, mais c'est un débat complètement différent.

Je ne pense pas que... je ne pense pas que les médecins en sont rendus là, comme réflexion, mais, vous savez, il y a quand même un phénomène qui se produit, et le Dr Robert y faisait allusion devant vous, parce que j'ai écouté une partie de son témoignage, tout ce qui se passe, par exemple, en soins prolongés au niveau de ce qu'on appelle les niveaux de soins, hein, ça n'existait pas autrefois. Lui-même semblait témoigner qu'on est relativement avant-gardistes dans ça, c'est-à-dire que les gens, quand les gens arrivent en soins prolongés, ce qui veut dire quand même une diminution d'autonomie significative, il y a des niveaux de soins par rapport au droit de consentir aux soins, c'est-à-dire est-ce qu'on va faire une réanimation, est-ce qu'on va faire des soins extraordinaires ou juste des soins de confort, hein.

Déjà, la législation du consentement a permis de faire un grand bout de chemin qui est déjà fait, qui est en train de se faire, là. Ça se fait dans tous les centres de soins prolongés au Québec, et je pense que c'est très sain, et on n'a pas besoin encore une fois de prendre une décision éthique, de mettre fin à la vie à quelqu'un ou de traiter de suicide assisté pour qu'on ait déjà beaucoup progressé pour respecter les volontés des patients à l'intérieur de soins tout à fait appropriés, humains, sans faire de déchirement éthique et sans avoir à poser une position éthique unilatérale, de la mettre dans un texte de loi, ce qui est extrêmement difficile, on n'arrivera jamais à le faire de façon adéquate pour couvrir toutes les situations.

Mais déjà cette évolution-là n'était pas là il y a 20 ans. Elle a été amenée par le droit civil. On est en avance, comme modèle québécois, là-dessus, et c'est éminemment respectueux de la réalité des gens effectivement qui, étant vieillissants, sont en grande perte d'autonomie, sans qu'on soit obligés de parler de suicide assisté.

Alors, je pense que les soignants, médecins, mais là on devrait être large dans ça, on devrait inclure les infirmières, les travailleurs sociaux, les soignants sont rendus là quand même, grâce au droit civil, sans avoir à parler aucunement de suicide assisté.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

**(17 heures)**

Mme Lapointe: Merci, M. le Président. Merci, Dr Desbiens, merci pour votre présentation, votre mémoire empreint de tellement d'humanité et de sagesse. Ça nous touche beaucoup.

On parle de mourir dans la dignité, le droit de mourir dans la dignité, mais je pense aussi qu'on a tous à coeur, à ce moment tellement grave et sacré de la vie, de voir nos proches dans la sérénité et dans l'harmonie. Je me souviens de mon père qui nous disait, ses derniers jours, avant de mourir: Je veux de l'harmonie, je veux mourir dans l'harmonie.

Alors, je reviens sur ce que ma collègue a mentionné tout à l'heure: la possibilité de rester à la maison les derniers jours, de mourir à domicile. Les personnes âgées souvent veulent vivre le plus longtemps possible à domicile. C'est sûr que ça prend des soins très particuliers et des services, mais vous nous demandez de sonder à fond cet aspect du problème en nous disant: Est-ce qu'une différente conception des soins appropriés pouvant inclure l'euthanasie... pourrait-elle amener un plus grand respect de ce souhait de mourir à domicile? Et, étant donné que vous êtes de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, on va parler en région, j'imagine que, s'il y a des équipes en soins palliatifs dans des maisons ou des hôpitaux qui offrent ces soins-là, ces équipes-là pourraient peut-être être -- bon, renforcées -- mais se déplacer vers des personnes qui souhaiteraient terminer leurs jours avec leurs proches à la maison.

M. Desbiens (François): Bien, effectivement, il y a deux débats, là. Alors, j'ai utilisé une allégorie parce que, si cette allégorie existait, elle n'est pas appropriée actuellement. Ça, c'est clair. Mais peut-être qu'elle existe et peut-être qu'elle est le choix de certains. Alors, il faut quand même regarder ce que ça représente, cette allégorie-là, comme choix.

Par contre, on peut aussi adresser le choix, M. le Président, le choix de mourir à domicile en fonction d'une équipe de soins à domicile. Et ça, les soins à domicile sont disponibles partout sur le territoire du Québec. Est-ce qu'ils sont en mesure de répondre à cette demande-là de façon adéquate? La réponse est non, définitivement. Et ce serait un choix de société de... mettre sur pied des soins de cet ordre-là.

Mme Lapointe: C'est donc faisable.

M. Desbiens (François): Certainement. Certainement.

Mme Lapointe: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. M. Desbiens, j'ai aussi apprécié votre humanité, que j'ai également notée, ce qui m'amène à vous demander: Dans un premier temps, comme médecin de famille, prenez-vous toujours de nouveaux patients? Je n'en ai pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Desbiens (François): J'ai gardé une clientèle beaucoup plus réduite qui m'est très fidèle depuis très longtemps parce qu'avec le nouveau poste que j'ai accepté, mon activité clinique est beaucoup plus restreinte depuis six mois.

M. Charette: Je n'ai pas de mal à le croire du tout. Et sinon, je vais me référer à votre présentation. Vous avez, quoi, essentiellement tout près de 25 ans de pratique, c'est...

M. Desbiens (François): 23 ans.

M. Charette: ...ce que vous mentionniez. Vous avez dit avoir vécu une formation de type paternaliste. Vous n'avez pas employé l'expression «moralisante», mais on peut deviner qu'à une certaine époque l'enseignement était effectivement plus paternaliste.

Qu'en est-il aujourd'hui? Nos jeunes médecins résidents, quelle formation ont-il, ou quelle approche leur est communiquée justement pour entrer en relation avec les patients en fin de vie et également leur famille?

M. Desbiens (François): L'approche qui est enseignée, c'est l'approche québécoise du consentement. C'est ça qui est enseigné partout, dans toutes nos facultés. Je pense que les départements de médecine familiale et médecine d'urgence sont les fers de lance. Par exemple, c'est eux qui sont largement les plus novateurs dans ce qui a trait à la relation médecin-patient. Mais c'est ça qui est enseigné, et c'est vraiment la norme.

Par contre, au niveau soins palliatifs comme tels, il y aurait des progrès à faire. Ce n'est pas enseigné assez universellement dans tous les domaines. En fait, je pense que tout clinicien, dans n'importe quelle spécialité qui a affaire à soigner des patients, peut être appelé à participer à des soins palliatifs et devrait être sensibilisé à cette réalité-là. Il y a un effort à faire de ce côté-là.

Puis c'est sûr que la réalité terrain... Les médecins sont tous des humains. Moi, j'ai de mes collègues, très clairement, qui ne sont pas à l'aise, ou moins à l'aise avec tout ce qui entoure les soins de fin de vie. Il faut respecter ça, mais, d'un autre côté, je suis aussi un prof de médecine familiale et un directeur d'unité d'enseignement, et c'est clair qu'aujourd'hui nos résidents en médecine familiale en particulier -- parce que ça, c'est le programme auquel je participe --  sont formés aux soins palliatifs et surtout à la relation médecin-patient. On met beaucoup, beaucoup d'emphase là-dessus, beaucoup plus qu'avant, et je pense qu'on arrive à des résultats très intéressants.

Le Président (M. Kelley): Courte question, Mme la députée de Joliette, une dernière question.

Mme Hivon: Oui. Je voudrais juste rester sur la question de la fin de vie à domicile, parce qu'en fait, concrètement, vous êtes le premier vraiment à le soumettre à notre attention. Pour poursuivre dans la veine de ma collègue, est-ce que... Je détecte, de ce que vous voulez dire, là: «une différente conception des soins pour inclure l'euthanasie pourrait-elle amener un plus grand respect de ce souhait de mourir à domicile?». Est-ce que... De ce que je comprends de la pratique, là, c'est que c'est très difficile, dans les derniers jours, de rester à domicile parce que, pour soulager la douleur, la souffrance, il y a beaucoup de médicaments, c'est très lourd de demander aux proches, il y a des effets secondaires, donc il faut vraiment surveiller ça de très près. Donc, souvent, les gens arrivent en soins palliatifs, il leur reste quelques jours à vivre, mais on doit... En plus qu'ils font face à la fin de vie, partir de chez eux, aller dans une ressource de soins palliatifs...

Vous, est-ce que ce que vous dites, c'est qu'en fait ces gens-là, puis je comprends que vous n'opposez pas ressources et débat éthique -- donc, moi, je suis plus dans le débat éthique là, les ressources, c'est autre chose -- est-ce que vous dites que ces gens-là, dans votre pratique, certains expriment davantage la volonté de dire: Moi, j'aimerais mieux rester à la maison sachant qu'il ne m'en reste que quelques jours et mourir au moment que je l'ai choisi, plutôt que de penser que je m'en vais pour deux, trois jours subir encore des... est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

M. Desbiens (François): Bien, c'est une question que vous devrez vous poser. Parce que ça, ça fait partie des soins de fin de vie immédiats effectivement et d'une question légitime que les patients peuvent adresser. Et la réponse à ça, elle n'est pas possible actuellement.

Est-ce qu'il serait approprié d'y répondre? Voilà le débat. Est-ce qu'on doit y répondre uniquement par une approche de ressources? Est-ce que d'autres gestes peuvent être appropriés? C'est très délicat, mais l'enjeu est là. Encore, je vous réfère encore à l'allégorie. C'est une allégorie, mais ça fait partie des problématiques qui sont rencontrées en fin immédiate de vie, puisque c'est de ça qu'on parle. C'est rencontré. Est-ce qu'on doit y adresser... Est-ce qu'on adresser ce choix-là, je pense qu'il y a une question à poser là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Non, c'est beau.

Le Président (M. Kelley): C'est beau? O.K. Parfait. Sur ça, je vais dire encore une fois merci beaucoup, Dr Desbiens, pour une deuxième visite, mais vous avez amené beaucoup d'éclairage et les pistes de réflexion pour les membres de la commission. Alors, merci beaucoup pour votre présence ici cet après-midi.

Je vais suspendre quelques instants et je vais demander au Dr Lapointe de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

 

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux, et, comme d'habitude, le Président a perdu tout contrôle de temps parce qu'on est quelques minutes en retard. Alors, je propose on va terminer vers 18 h 10, plus ou moins, pour respecter le temps de parole de notre prochain invité, qui est le Dr Bernard Lapointe, qui est de... le titulaire de la chaire Eric M. Flanders de médecine palliative à l'Université de McGill. Alors, sans plus tarder, Dr Lapointe, la parole est à vous.

M. Bernard Lapointe

M. Lapointe (Bernard): Merci, M. le Président. M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, je vous remercie de votre invitation à participer aux travaux de la Commission de la santé et des services sociaux dans le cadre de sa consultation sur la question du droit de mourir dans la dignité qu'elle entreprend cette année.

Comme vous... M. le Président m'a présenté, je me nomme Bernard Lapointe. Je suis le chef de la division des soins palliatifs de l'Hôpital général juif. Je suis aussi le directeur de Soins palliatifs McGill et enfin le titulaire de la chaire Eric M. Flanders en soins palliatifs de l'Université McGill.

J'espère, cet après-midi, pouvoir vous partager quelques constats et quelques réflexions qui découlent de mon expérience de médecin soignant et d'accompagnant auprès de milliers de Québécois et de Québécoises qui sont morts sous mes soins et ceux des équipes dont j'ai fait partie. Des équipes vers lesquelles ces hommes et ces femmes se sont tournés pour recevoir l'aide, les soins et l'accompagnement palliatif dont ils avaient besoin pour eux et pour leurs proches.

C'est au travers de l'épidémie du sida, vers 1986, 1987, au moment où je me suis joint à l'équipe médicale de la clinique L'Actuel de Montréal, que j'ai été confronté à la mort et au mourir de dizaines de jeunes hommes et de jeunes femmes victimes d'un virus dont nous connaissions à peine les modes de transmission. Je n'étais nullement préparé ni académiquement ni humainement pour faire face aux besoins criants de ces jeunes hommes et de ces jeunes femmes ainsi qu'à la détresse de leurs proches, ma formation de médecin ayant littéralement occulté les soins de fin de vie. Je me souviens, de façon particulièrement douloureuse, de l'abandon médical, du rejet par des équipes de soins, de la maltraitance dont des dizaines de mes patients jugés indignes de vivre ont fait l'objet.

Vous comprendrez que le vécu de ces années passées au chevet de mes patients, de ces années... de mes amis qui sont morts dans des conditions souvent difficiles, ont profondément modulé ma vision de la médecine et du système de santé, y compris des soins palliatifs tels que pratiqués à l'époque. C'est en grande partie pour assurer l'accès à des soins de vie de qualité que je me suis joint, au début des années 1990, à l'équipe du Dr Balfour Mount, l'un des principaux pionniers des soins palliatifs au Québec et au sein du monde occidental.

C'est à cause de cette expérience première, désormais vieille de 20 ans, que... j'éprouve une réelle inquiétude vis-à-vis la teneur du discours actuel réclamant haut et fort le droit au mourir par euthanasie et par suicide assisté. C'est surtout à cause d'une expérience quotidienne de soins vécue depuis lors auprès de l'ensemble de ces hommes et de ces femmes que j'ai accompagnés, soulagé leurs douleurs et avec lesquels j'ai tenté de développer un véritable lien thérapeutique en partageant leurs interrogations, leurs incertitudes, leurs joies et leurs peines, que je me permets de vous exprimer ma consternation vis-à-vis certains jugements et affirmations à l'emporte-pièce qui portent sur la nature et l'efficacité des interventions et des soins palliatifs. Nous y reviendrons.

Cet après-midi, je me permets de vous adresser ces commentaires de façon toute personnelle. J'ai toutefois discuté du contenu de cette présentation avec de nombreux collègues, qui y reconnaissent leurs préoccupations et en partagent les principales conclusions. La division des soins palliatifs de l'Université McGill se propose de développer un mémoire plus collégial lors de consultation publique que vous menerez l'automne prochain.

Plus que jamais la mort fait peur, ne semble plus faire partie de l'ordre naturel des choses. Elle est souvent perçue comme un accident ou comme une faute médicale qui aurait pu être évitée selon les moyens ou les contacts que l'on a. Philippe Ariès parle de mort interdite, ajoutant qu'aujourd'hui il suffit de la nommer pour provoquer une tension émotive incompatible avec la vie quotidienne. Elle est souvent occultée, désocialisée et dorénavant médicalisée puisque l'on meurt de plus en plus à l'hôpital. La qualité et la nature des soins de fin de vie sont et vont demeurer au coeur des préoccupations d'un nombre de plus en plus important de nos concitoyens, puisque, faut-il se le rappeler, la population du Québec vieillit rapidement et nous devrons faire au... collectivement à une hausse de plus de 30 % du taux de décès annuels d'ici 10 ans.

Nos concitoyens sont inquiets et craignent de plus en plus de finir leur vie dans des souffrances atroces, dans un état de déchéance insupportable et dans la solitude. Un constat qui était clairement reflété dans un état de situation remis à la ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec en 2000 par l'Association québécoise de soins palliatifs, dont j'assumais alors la présidence. Les auteurs de cet état de situation au terme d'une tournée extensive de chacune des régions du Québec concluaient que, et je cite: «Dans le Québec moderne, l'expérience vécue par la personne mourante et ses proches se présente le plus souvent comme une dérive individuelle et familiale. Il arrive plus rarement que l'expérience individuelle vécue à travers le mourir prenne des allures de choix et de rythme particulier qui sont respectés et soutenus par une communauté civilisée soucieuse du processus de fin de vie d'un des siens.»

Nos concitoyens sont inquiets, mal informés des progrès de la médecine clinique et de l'efficacité de l'accompagnement à améliorer la qualité de vie des malades confrontés à la phase terminale d'un cancer, du sida ou d'une autre maladie catastrophique. Nos concitoyens sont inquiets de la façon et par qui les décisions qui influenceront leur fin de vie ou celle d'un être aimé se prendront. Il faut le reconnaître, la société québécoise bénéficie d'assises juridiques qui nous permettent de rassurer ceux qui s'inquiètent des conséquences sur l'accès aux soins d'un refus de traitement à visée curative, ceux qui s'inquiètent de ne pas pouvoir abandonner un traitement qui désormais n'est plus utile ou trop coûteux en termes de qualité de vie et enfin de rassurer ceux qui s'inquiètent que leurs proches ne puissent influencer les décisions médicales au moment où ils ne pourront le faire pour eux-mêmes.

Il y a beaucoup à parier qu'une forte proportion des répondants à certains sondages soutiennent une bonne mort, inquiets des situations que je viens d'énumérer. L'énoncé des questions souvent nébuleuses de ces sondages induit leurs réponses, d'où le besoin de nuancer leurs résultats.

Doit-on absolument choisir entre, d'une part, l'acharnement thérapeutique et, d'autre part, l'euthanasie? Les malades et leurs familles ne sont pas seuls à être perplexes, il faut fort à parier que leurs médecins, à l'instar de leurs collègues français, le sont aussi. En 2002, l'Observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d'Azur en réalité... a réalisé, pardon, une enquête sur les connaissances, attitudes et pratiques des médecins face aux soins palliatifs qui a révélé qu'un grand nombre de généralistes assimilent à une euthanasie le fait de prescrire de hautes doses de morphine, 17 %, une sédation active, 27 %, ou l'arrêt des techniques de réanimation pour 38 %. Ces taux sont respectivement de 6 %, 19 % et 21 % parmi les oncologues; 17 %, 29 % et 35 % parmi les neurologues; 17 %, 12 % et 23 % parmi les spécialistes du sida.

**(17 h 20)**

La dignité est une notion complexe que l'on peut bien comprendre si on l'appréhende sous la forme de deux concepts distincts, mais qui sont reliés entre eux. La dignité humaine est un concept absolu et universel qui décrit la valeur morale inhérente de chacun des êtres humains, peu importe leur race, leur âge, leur choix de vie, le degré de handicap physique ou cognitif. Chaque membre de la famille humaine est digne d'être vivant.

Toutefois, le sens de la dignité personnelle est, par ailleurs, construit socialement, éminemment individuel et transitoire. Haegel nous a appris que c'est le regard de l'autre qui fait ce que nous sommes. Permettre à un patient de mourir avec dignité est un des buts les plus nobles de la médecine palliative. Certains pourraient même affirmer que la préservation du sens de la dignité chez le patient est l'un des impératifs éthiques les plus fondateurs de l'approche palliative. L'approche palliative permet non seulement de préserver le sens de la dignité de la personne mourante, mais aussi peut souvent contribuer à en augmenter le ressenti. En fait, plusieurs chercheurs se sont intéressés au sens de la dignité personnelle chez les patients en fin de vie, entre autres Chochinov de l'Université du Manitoba, qui a identifié les facteurs qui peuvent affecter le plus négativement le sens de la dignité personnelle: atteindre l'apparence physique, la perception d'être un fardeau pour les autres, le besoin d'assistance pour l'hygiène personnelle, la présence de la douleur.

De l'ensemble de ces items, deux émergent clairement comme importants lorsque les patients atteints de cancer furent interrogés: le sentiment de ne pas être traité avec respect ou compréhension et le sentiment d'être un fardeau pour les autres. Soulager la douleur, accompagner la vie jusqu'au dernier souffle, soutenir les familles et les proches, et ce, au-delà du décès pendant la période de deuil, nécessite un large consensus social et une mise en place des conditions nécessaires à permettre l'accès aux soins et aux services palliatifs pour chacun des Québécois et des Québécoises qui en ont besoin, peu importe leur lieu de résidence.

Le Québec s'est doté, au début des années 2000, d'une excellente politique en soins palliatifs de fin de vie. Je suis heureux, à l'instar du Collège des médecins, que l'accès aux soins palliatifs fasse consensus au Québec. Toutefois, il nous faut être lucides et constater collectivement qu'entre les souhaits d'une politique et sa mise en place sur le terrain, un ensemble d'investissements de temps, de ressources financières et humaines qui continuent à tarder. Aujourd'hui comme il y a 10 ans, l'accès aux soins palliatifs qui permettent le soulagement des symptômes et l'accompagnement de la souffrance vécue en fin de vie demeurent très limités sur l'ensemble du territoire.

Soyons honnêtes et reconnaissons aussi l'absence quasi totale de soins de vie et d'expertise palliative pour nos concitoyens confrontés à d'autres maladies terminales ou dégénératives telles que la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique, l'Alzheimer, la maladie rénale terminale, la maladie hépatique terminale, et la liste est longue. Il est urgent que le ministre voit à la mise en place de centres palliatifs d'excellence vis-à-vis certaines de ces pathologies qui porteront à la mission de développement de l'expertise clinique et de diffusion de l'expertise aux équipes oeuvrant dans les différentes régions du Québec.

Aujourd'hui comme il y a 10 ans, la formation des professionnels de la santé ne permettra pas à la prochaine génération de soignants, ceux dont et vous et moi aurons besoin, de disposer du savoir-faire et du savoir-être nécessaires à une bonne pratique des soins palliatifs de fin de vie. Comme l'Organisation mondiale de la santé l'indiquait à l'ensemble des États membres, la discussion entourant l'euthanasie et l'aide médicale au suicide doit être précédée d'une mise en place d'un accès réel aux soins palliatifs de fin de vie. Nous devons collectivement nous assurer qu'au Québec la synergie destructrice de la douleur et de la dépression ne conduisent patients et leurs proches au désespoir, au sentiment d'impuissance et souvent à la perception erronée que le suicide est le seul moyen d'exercer un reliquat de contrôle sur cette situation.

La demande d'euthanasie et de l'assistance au suicide. Une étude menée par Emanuel et Fairclough auprès de 998 malades en fin de vie, les auteurs ont observé un soutien à l'euthanasie et à l'assistance médicale au suicide chez 60,2 % de ces derniers. Toutefois, seulement 10 % des patients avouaient y penser sérieusement.

Cette étude a permis d'identifier les facteurs suivants comme étant les éléments prédictifs les plus solides d'une demande d'euthanasie ou d'aide au suicide assisté: les symptômes de la dépression; des besoins de soins non rencontrés; la douleur. D'autres études confirment ces constats et mettent en évidence que les déterminants les plus prédictifs d'une demande de mettre fin à ses jours ne sont pas reliés aux symptômes physiques, soit la douleur ou la dyspnée, mais reliés à la détresse psychologique et à des attentes vis-à-vis les soins qui sont non rencontrés, par exemple les symptômes non végétatifs de la dépression et un sens profond de ne pas être apprécié. Donc, question de dignité.

Lorsque l'intensité des besoins de soins est substantielle, les soignants sont aussi plus susceptibles de soutenir l'euthanasie et l'aide médicale au suicide. Cette étude suggère une tension entre les raisons pour lesquelles on juge généralement comme acceptable le recours à l'euthanasie ou à l'aide au suicide assisté, soit principalement la douleur non soulagée, et le principal facteur qui, dans la réalité, motive l'intérêt des patients et de leurs proches envers l'euthanasie et l'aide médicale, soit la dépression.

La plupart des soignants qui travaillent dans des services de soins palliatifs vous le confirmeront: les sujets de l'euthanasie et du suicide assisté sont souvent abordés à un moment ou à un autre du parcours de soins par les patients atteints d'une maladie terminale. Cette demande exprime en fait un désir profond de mourir à une situation ou un symptôme précis dont la prise en charge entraînera la disparition du désir de mourir. Par ailleurs, la demande persistante d'une aide au mourir est rare, du moins lorsque le patient lui-même en est le porteur.

La plupart des soignants qui oeuvrent dans des services de soins palliatifs vous le confirmeront aussi, le fait qu'une très grande majorité d'entre nous ne soutiennent pas la légalisation de l'euthanasie ou du suicide assisté résulte d'une réflexion souvent déchirante, mûrie au prix de nombreuses nuits blanches, une réflexion toutefois qui reconnaît le danger pour les populations les plus vulnérables d'une brèche importante à la relation de confiance qui existe entre le malade et le médecin, et la transgression d'un interdit en remettant au médecin le pouvoir de vie et de mort sur l'autre.

La demande de mort par euthanasie ou par assistance au suicide n'est pas neutre, tant chez celui qui l'exprime que chez celui qui la reçoit. Lors d'un véritable face-à-face médecin-patient, je me suis souvent demandé ce à quoi on me demandait de répondre lorsqu'on m'adressait une demande d'euthanasie. Provenait-elle d'un désir vrai de mourir, d'un cri d'alerte traduisant un état dépressif masqué, d'une démoralisation profonde? Ou encore, dans le cas d'un jeune homme gai atteint du sida, me demandait-on, exprimant possiblement la douleur d'une homophobie intégrée: Est-ce que je mérite de vivre?

Au cours d'une période de neuf ans en Oregon, malgré le petit nombre de cas, les personnes vivant avec le sida étaient 30 fois plus susceptibles de faire appel au suicide assisté que ceux qui étaient atteints d'une affection respiratoire. À Amsterdam, au sein d'une cohorte de 131 hommes homosexuels atteints du sida, diagnostiqués entre 1985 et 1992 et qui sont décédés avant le 1er janvier 1995, 22 % sont décédés par euthanasie ou suicide assisté, le taux étant de 4,7 % au même moment au sein de la population générale.

Les impacts appréhendés d'une légalisation de l'euthanasie et de l'aide au suicide. Premier impact, ce serait l'augmentation de la crainte vis-à-vis les opiacés et leur utilisation en fin de vie. Quotidiennement, je dois répondre aux craintes des malades et de leurs familles qui craignent que la prescription des antalgiques opiacés entraînera la mort. Il y a fort à parier que ces craintes ne seront qu'amplifiées par une légalisation de l'euthanasie, ce qui résulterait en une prévalence encore plus importante de douleurs non soulagées.

**(17 h 30)**

Deuxième argument, c'est le... deuxième impact, pardon, c'est une pression indue lors de l'offre, par le médecin, de l'euthanasie ou de l'aide au suicide comme alternatives aux soins courants. Le discours du médecin n'est pas neutre. Comme vous le savez, le médecin a un pouvoir dans une relation thérapeutique. Puis, s'il présente une option, elle prend une force qui n'est pas celle, par exemple, de votre voisin ou d'un ami.

Troisième conséquence probable est une pression indue chez les plus vulnérables, en particulier les personnes âgées, qui craignent déjà d'être un fardeau pour leurs proches et qui pourraient voir l'offre d'euthanasie ou d'aide au suicide comme le bon geste à faire ou comme souhaitable socialement.

Enfin, le lien thérapeutique patient-médecin lors de la fin de vie est souvent le lieu d'expression et d'expérience de liens transférentiels et contre-transférentiels d'une puissance souvent violente. L'interdit de mettre fin délibérément à la vie du patient permet l'exploration et la résolution, la conciliation de ces dynamiques sans que l'un ou l'autre ne devienne l'otage et la victime de son inconscient.

Il existe des situations exceptionnelles où seule la sédation palliative permettra le soulagement par plongée dans un état de conscience diminué d'une douleur ou d'une souffrance par ailleurs intolérable et réfractaire aux traitements optimaux. Cette approche thérapeutique représente une option essentielle qui permet aux différents acteurs des soins palliatifs d'assurer aux hommes et aux femmes qu'ils soignent que tout sera mis en oeuvre pour soulager leurs souffrances. Quant à l'efficacité de cette approche thérapeutique, peut-on logiquement mettre en doute l'efficacité d'une anesthésie? La mise sous sédation sera proportionnelle à l'intensité de la détresse ressentie et pourra même être complète dans les cas les plus sévères.

Il s'agit d'une approche thérapeutique extraordinaire qui peut désormais se baser sur un ensemble de guides de bonnes pratiques cliniques. Toutefois, il me faut vous souligner que peu de milieux cliniques ont accès au Québec à l'ensemble des agents pharmacologiques recommandés, soit à cause de règlements internes aux établissements qui leur en restreignent l'accès, soit à cause de leur coût prohibitif, car il s'agit de médicaments non couverts par le programme d'assurance collectif, donc non disponibles à domicile ou non disponibles dans la plupart des maisons pour personnes... de fin de vie. J'invite fortement la commission à intervenir auprès du ministre pour corriger cette situation qui est inacceptable.

Le fait que de nombreux médecins qui pratiquent à l'extérieur des champs cliniques directement impliqués auprès des patients en fin de vie considèrent que la sédation palliative ne se distingue pas de l'euthanasie ou qu'ils la qualifient d'euthanasie lente est très troublant. La plongée sous sédation palliative résulte-t-elle en une diminution de l'espérance de vie du malade? Jusqu'à tout récemment, nous devions nous contenter de la réassurance anecdotique en provenance des médecins qui la pratiquent, des médecins comme moi. Or, une étude multicentrique prospective publiée récemment démontre que la plongée sous sédation ne diminue pas l'espérance de vie du malade et ne nécessite pas, de l'avis des auteurs, le recours à la doctrine du double effet pour en justifier le recours.

En guise de conclusion, j'invite la commission à multiplier les efforts afin de clarifier les enjeux, d'informer nos concitoyens des droits qui sont déjà reconnus par la jurisprudence québécoise et enfin de les rassurer que, le moment venu, ils auront accès à des soins palliatifs de fin de vie de qualité, et ce, à la grandeur du territoire du Québec.

J'invite aussi la commission à rappeler au ministre l'urgence de consentir les efforts nécessaires à la mise en place d'un réseau de soins palliatifs de fin de vie et de s'assurer que non seulement les soins biomédicaux, soit les médecins et les infirmières, y soient pris en charge, mais que l'on y retrouve les ressources nécessaires au soutien et à l'accompagnement psychosocial tant des patients que leurs proches.

Je vais ouvrir une parenthèse ici. On a fait... À McGill, un des plus grands experts de la qualité de vie des malades en fin de vie puis de leur famille, Dr Cohen, a fait une étude qui a démontré que, lors de la fin de vie, c'est souvent la souffrance des familles, des membres des familles qui est plus grande que celle des malades qui sont en train de mourir.

Par ailleurs, j'invite la commission à s'inspirer de l'excellence de la réflexion développée par la Mission d'information sur l'accompagnement de la fin de vie créée par l'Assemblée nationale française et présidée par M. Jean Leonetti. Les travaux de cette mission ont permis l'adoption de la Loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, adoptée unanimement le 22 avril 2005 et qui fait encore aujourd'hui l'objet d'un large consensus au sein de l'Hexagone.

En terminant, je suis bien conscient que la position que je viens de vous présenter est profondément irréconciliable avec la revendication d'une mort choisie qui signifierait «mettre un terme à une vie qui ne vaudrait plus la peine d'être vécue». Certains de mes collègues partagent ce point de vue et soutiennent l'assistance au suicide.

Je vous recommande respectueusement de bien vouloir explorer toutes les avenues possibles afin de vous assurer qu'une éventuelle reconnaissance de ce droit ne vienne jamais transformer irrémédiablement le lien de confiance essentiel à l'engagement thérapeutique entre un patient et son médecin.

Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dr Lapointe. On va passer à une période d'échange. Je propose deux blocs de 18 minutes. Est-ce qu'on veut les subdiviser ou juste 18, 15, trois? Plus ou moins...

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): 18, 15, trois? Parfait. Je vais commencer avec M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Merci, Dr Lapointe. Bienvenue aux travaux de... bienvenue à cette commission.

Quand vous avez dit tantôt: Nous allons présenter un mémoire à l'automne, ça m'a réconforté dans un certain sens. Mais à la fois, ça m'inquiète aussi parce qu'on doit se poser la question à tous les jours: Est-ce que nous sommes en train de prendre la bonne décision par rapport à l'orientation que nous donnerons au rapport que nous soumettrons à l'Assemblée nationale? Et chaque fois, en lisant des mémoires, j'ai l'impression de progresser dans ma réflexion, je lis un autre mémoire qui me ramène à la case de départ. Alors... Et ça, c'est tout à fait correct, c'est sûrement parmi les décisions les plus difficiles qu'on a à prendre en politique. On souhaite prendre toujours les bonnes décisions. Il y a des décisions qui sont faciles à prendre, d'autres qui sont beaucoup plus difficiles, et je pense que celle-ci est probablement la plus difficile que j'aurai à prendre en 15 ans de vie politique.

Cela étant dit, je voulais placer, situer mes questions dans le cadre tracé par le Collège des médecins et l'obligation qui est faite à tous les médecins au niveau du code de déontologie de... de s'assurer que le médecin doit agir de telle sorte que le décès d'un patient qui lui paraît inévitable survienne dans la dignité.

Je veux vous amener sur la question des soins palliatifs et la sédation palliative. Dans votre texte, vous nous dites que, dans le fond, il arrive un moment dans la fin de vie d'un patient où tout sera mis en oeuvre pour soulager sa souffrance. Et là vous avez recours à la sédation palliative de façon très exceptionnelle, vous l'avez bien nuancé. Je ne veux pas reprendre aussi, Mme Somerville est passée avant vous et elle a fait un large tour de la question. Ça a été une présentation extrêmement solide. Je ne veux pas revenir sur certains éléments, je pense qu'elle a clarifié plusieurs choses.

Mais il y a quelque chose, moi, qui me trouble, et j'espère de pouvoir bien poser ma question. Je veux faire abstraction de toutes les questions d'ordre juridique et de l'intention au moment où on administre la sédation palliative. Plaçons-nous dans un contexte hypothétique où, au Québec, l'euthanasie existe. Donc, les médecins n'ont plus à se poser la question de l'intention: Est-ce que l'intention est de soulager la douleur ou est-ce que l'intention est plutôt de provoquer la mort? Faisons abstraction de cela.

J'essaie de voir dans ma tête s'il y a une distinction entre la sédation palliative qui va entraîner la mort du patient entre un à six jours, selon ce que l'association médicale des médecins nous a dit, et la sédation létale qui entraînerait la mort du patient dans quelques minutes.

Plaçons-nous dans un contexte où on a un cas parfait, un patient inconscient, un patient qui est dans un coma, où la qualité de vie ne changera pas, que ça soit à partir du jour sept, du jour zéro ou du jour 30. Vous comprenez? Est-ce que -- et je fais abstraction de tout le contexte juridique -- est-ce que, d'un point de vue clinique, si c'est acceptable la sédation palliative qui va entraîner la mort dans les trois, quatre, cinq, six jours, pourquoi ça ne serait pas plus acceptable, une sédation létale qui entraînerait la mort dans les minutes qui suivent?

M. Lapointe (Bernard): Deux choses. La première chose, c'est: une des études auxquelles je faisais référence démontre très clairement que la sédation palliative n'est pas une thérapie qui va entraîner la mort; ce qui entraîne la mort, c'est la maladie qui sous-jacente. La sédation palliative, ce qu'elle entraîne, c'est un... une «oblivion», enfin on... on est plongé dans le sommeil, donc on n'est pas conscient de ce qui se passe.

Je vais vous donner un exemple: J'ai un patient...

**(17 h 40)**

M. Ouimet: Dr Barrette... je m'excuse.

M. Lapointe (Bernard): Si vous permettez... Oui, d'accord.

M. Ouimet: Le Dr Barrette, je n'étais pas sous l'impression que c'était le point de vue qu'il tenait, je peux me tromper, là, mais j'ai comme l'impression qu'il a peut-être un point de vue médical contraire lorsqu'il disait qu'on est sûrs que ça va entraîner la mort.

M. Lapointe (Bernard): Je pense qu'entre l'impression qu'on a puis la réalité pour... encore une fois, je vais vous donner... je vais vous donner un exemple, j'espère que cet exemple-là... parce que c'est un vrai exemple.

J'ai eu un monsieur qui était sous mes soins il y a quelques années, un monsieur qui avait une grosse masse au niveau de son cou qui érodait des grands vaisseaux, dont la carotide. Je savais qu'il allait avoir à un moment donné le risque très élevé d'un saignement majeur parce que ce sont des gros boyaux, donc beaucoup, beaucoup de saignement. On prévoit le coup. Il a déjà... on a déjà installé un accès veineux et, au chevet du malade derrière la tête de lit sont posées des seringues toutes prêtes, avec des médicaments qui permettent une sédation immédiate s'il commence à saigner. Ça se passe un après-midi, je suis là, j'entre avec l'infirmière, on ferme la porte, le patient, je lui tiens la main, je le regarde dans ses yeux, il saigne, je peux vous dire l'horreur de ça, hein, je l'ai endormi, mais avec une retenue. Cette retenue-là a permis que le lendemain, alors que le saignement s'était... avait cessé, le patient a pu s'éveiller doucement, parler avec sa famille, dire ses adieux puis mourir tout doucement.

La différence entre l'euthanasie, c'est au moment où je soutenais son regard et que j'étais effrayé par l'horreur de cette situation-là, la tentation a été très présente chez moi de pousser une dose supplémentaire puis de mettre fin à ce que je voyais. Ce qui m'a permis de ne pas le faire, c'est cet interdit, cette retenue en me disant, ce que je titre, c'est vers l'effet, c'est-à-dire de permettre à ce malade-là de ne plus être conscient du fait qu'il saigne. De toute façon, la maladie... puis c'est pour ça que je vous disais: Ce n'est pas la sédation qui va faire mourir, c'est le cancer.

J'ai eu des patients que j'ai mis sous sédation, qui étaient éventrés puis qui sont... qui ont vécu pendant une semaine ou deux. L'autre avantage pour les médecins puis les soignants de la sédation, c'est que c'est là pour nous rappeler aussi que la sédation, ce n'est pas une voie d'évitement des soins. On est forcés de soigner le corps, de le laver, de le tourner, de le baigner, d'en faire l'examen, de vérifier s'il ne souffre pas et de lui accorder... puis de même que les familles, de façon à ce que jamais on puisse... on puisse se servir de la sédation pour, par exemple, faire qu'un lit se libère parce qu'on a trois patients à l'urgence sur un... dans le corridor.

Alors, vous comprenez, c'est ça, la différence entre la sédation terminale ou la sédation palliative puis l'euthanasie. L'euthanasie, c'est un geste qui vise directement le décès, alors que la sédation palliative, elle vise la mise en sommeil profondément... ou quelquefois ça peut être parce que c'est... tout simplement tout ça est tellement intolérable, tellement difficile qu'on va dormir 23 heures par jour puis qu'on va se réveiller pour manger un petit peu, puis parler avec la famille. Ça, ça se négocie entre le patient et le médecin et l'équipe soignante.

Mais, encore une fois, les études ont montré qu'un malade qui est atteint, est porteur, on a... enfin, on a fait des comparaisons, là, des malades avec à peu près la même maladie, la même progression, le même impact de la maladie sur leur corps, certains sont en sédation, d'autres ne le sont pas, puis on a vérifié et, sur le nombre, des bons nombres de patients, on a pu conclure qu'en fait, lorsqu'on choisissait la sédation, on n'accélérait pas le décès.

M. Ouimet: Bon. Je n'avais pas compris ça comme ça, la sédation palliative, en passant là, mais je me fie à votre expertise. J'étais davantage sous l'impression que c'était une question de dose et de dosage et, selon les dires du Dr Barrette, à moins que je l'aie mal interprété, lui nous disait que, lorsqu'on donne une dose de sédation, on le sait que ça va entraîner la mort. Est-ce que ça va être dans un jour, dans deux jours, dans trois jours? Et l'association médicale des médecins nous disait: Selon les données publiées, entre un jour et six jours, mais la mort va arriver.

M. Lapointe (Bernard): Je peux vous dire que... moi, j'ai vu des patients en sédation profonde vivre pendant deux semaines. Pendant deux semaines, on les a lavés, on les a tournés, on s'est occupé de leurs corps, on s'est assuré que leur bouche était propre, on s'est assuré qu'ils étaient hydratés.

M. Ouimet: Vous avez utilisé un cas de figure de la personne avec le cou. Si c'est un autre cas de figure, une personne où la qualité de vie ne changera pas, est-ce que, pour vous, ça change? Vous nous avez dit tantôt: Je l'ai regardé dans les yeux et, le lendemain, il s'est réveillé, donc on voyait renaître une certaine qualité de vie pour ce patient-là. Je vous suis tout à fait dans votre exemple.

Mais prenons un autre exemple où ce n'est pas le cas: le patient, c'est une question de jours, de semaines, mais son état ne changera pas. Est-ce que votre position est la même?

J'ai en tête l'Oregon qui a voté un projet de loi qui donne une dimension temporelle pour l'euthanasie, là où l'espérance de vie diagnostiquée serait de moins de six mois. C'est pour ça que j'essayais de vous amener dans les minutes ou dans les jours, j'essayais de voir, là, la différence, si je fais abstraction de l'intention criminelle, parce que l'intention criminelle apporte une conception juridique et on s'éloigne de la condition clinique.

M. Lapointe (Bernard): Il faut faire attention au six mois aux États-Unis parce que c'est vraiment lié à une loi d'accès à des... financier, à un soutien financier. On doit avoir six mois d'espérance de vie pour pouvoir accéder à ce qu'on appelle «hospice care». Et, pour... et à ce moment-là on doit aussi dire qu'on abandonne tous les traitements curatifs. Or, il y a comme en quelque part... Puis, moi, je peux vous dire, dans la pratique, là, moi, je n'en ai pas, de boule de cristal, hein? J'ai une bonne expérience clinique comme peu de médecins peut-être parce qu'il n'y a pas beaucoup de médecins qui font ça depuis 23 ans. Il y en a beaucoup plus de plus jeunes que moi maintenant là. Mais j'ai une expérience auprès de centaines puis de milliers de patients que j'ai vus, que j'ai accompagnés. C'est très difficile de prédire. Lorsqu'on est à une semaine ou deux, ça, ça se voit. Mais lorsque... à six mois, c'est presque impossible.

Je peux même vous dire que, moi, j'ai admis des patients qui étaient, au dire de tout le monde, étaient mourants dans les deux ou trois jours qui ont suivi, qui ont en fait... qui ont... qu'on a tiré de leur délire qui était causé par une... de trop grosses doses de médicaments, puis qui ont vécu cinq ans puis qui se sont mariés, hein, dont un cas célèbre, là, d'un sénateur canadien, puis tout le monde connaît son histoire.

Alors, pour vous dire qu'il faut faire toujours attention. Et, lorsqu'on parle de la vie de quelqu'un, c'est quelque chose de solennel. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait comme ça, là, à l'emporte-pièce.

M. Ouimet: ...je vous disais, Dr Somerville a fait le tour, le grand tour de la question. Donc, j'essayais d'y aller dans plutôt l'expérience, votre expertise clinique, là, pour faire les distinctions mais...

M. Lapointe (Bernard): L'autre élément qui est très important, je pense que, lorsqu'on vit avec un cancer, là, on peut perdre un emploi puis faire une dépression, on peut aller chez le coiffeur puis avoir une mauvaise couleur de cheveux puis faire une dépression, imaginez-vous lorsqu'on perd sa vie avec un cancer métastatique. On peut être déprimé, hein? Un des symptômes de la dépression, c'est de vouloir mourir, hein? Puis ça, ça s'accompagne d'une souffrance profonde.

Alors, encore une fois, moi qui est médecin, la dépression, je sais comment la reconnaître, puis je sais comment la soigner; ça ne veut pas dire que c'est facile. Les médicaments, là, il n'y a pas de baguette magique, là. Hein? Moi, vous savez, je suis à l'Hôpital général juif, moi, je dis à mes patients: Vous regardez là, les miracles, c'est en haut de la côte. Ça, c'est l'Oratoire. Ici, on fait ce qu'on peut, hein? Mais il y a un principe de réalité qui doit s'établir, puis il faut avoir des attentes vis-à-vis la médecine puis les médecins qui sont réalistes.

Mais en même temps, encore une fois, l'expérience que j'ai fait qu'au bout de ces années-là passées auprès de mes malades, je n'ai pas le sentiment d'avoir forcé des gens à vivre avec une souffrance indicible, à vivre dans des conditions subhumaines où je ne respectais pas leur dignité d'être, hein, mais plutôt... Puis j'en perds le sommeil, puis ça, je peux vous dire que c'est vrai. Puis ça, pas parce que je veux une petite médaille à la fin de la journée, c'est tout simplement parce que... pour vous dire que c'est quand même la moindre des choses que je dois à mes patients, de m'interroger à ce que... qu'est-ce que je fais là, est-ce que je fais la bonne chose, est-ce qu'on a fait la bonne chose?

Puis je ne suis pas le seul là. C'est l'ensemble de mes confrères puis consoeurs qui sont comme ça. Donc, il faut comprendre qu'il n'y pas personne dans ces équipes-là qui sont intéressés à voir, parce qu'ils ont déterminé que, ça, c'était inacceptable ou que... de voir des gens souffrir.

**(17 h 50)**

Le Président (M. Kelley): Une courte question, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: J'ai quasiment le goût de ne pas faire de question mais juste des remerciements, mais je vais terminer avec une question. Pourquoi des remerciements? J'ai entendu des points de vue théologiques, j'ai entendu des points de vue médicaux et j'ai même entendu des points de vue légaux.

Je considère que votre témoignage est un témoignage humain. Je trouve ça très touchant, d'autant plus que vous avez amené un nouveau mot puisqu'on parle cancéreux, on parle de gens en fin de vie par vieillesse. Vous avez amené un mot important qui change la donne par rapport à l'âge: le sida. Le sida, c'est un peu comme le cancer, ça ne considère pas, si tu as 20 ans, que tu ne l'auras pas, que tu vas l'avoir juste à 60. Ça arrive à tout âge, et ça arrive à tout le monde. Donc, d'avoir apporté cette perspective-là vient éclairer d'une nouvelle façon peut-être même le mot sur l'euthanasie.

Vous avez affirmé quelque chose où je vais déjà vous dire que je ne suis pas d'accord. Je pense que les médecins ont vue sur la vie et sur la mort de quelqu'un. Ils ont vue parce qu'ils peuvent leur signifier où le patient est rendu et le laisser faire le choix sur jusqu'où il veut se rendre. Donc, pour moi, vous avez quand même un pouvoir sur la vie et sur la mort, mais tout en étant éducatif. On se comprendra là-dessus.

Je voudrais vous entendre sur l'autodétermination d'un patient. On a entendu ça hier sur la possibilité d'avoir une... peut-être même une contradiction entre le patient et le médecin, puisque le patient est autodéterminé et veux mourir. Il sent, et vous avez bien utilisé le mot sur la dignité tantôt par rapport à quelqu'un qui a le sida, qui sent qu'il n'est plus digne de maintenir sa vie, mais quand vous êtes face à un patient qui est vraiment déterminé, qui a fait un testament biologique pour dire que, quand il sera rendu là, il ne veut que l'acharnement... il ne veut pas que sa famille souffre, il ne veut pas, il ne veut pas, et il l'a fait en connaissance de cause. Comment vous gérez ça et comment voyez-vous cette perspective-là chez un patient qui est vraiment autodéterminé à mettre fin à ses jours?

Le Président (M. Kelley): Dr Lapointe.

M. Lapointe (Bernard): Écoutez, respecter la personne qui est devant moi... les traitements, ils peuvent être refusés. En fait, moi, dans ma quotidienneté, je suis appelé à rencontrer des patients qui reçoivent de la chimio, des patients qui sont sous dialyse rénale, des patients qui sont sur respirateur et qui peuvent décider de mettre fin à ce traitement-là en sachant très bien... Si vous cessez votre dialyse, vous ne mourrez pas dans deux jours, mais vous allez mourir. Si vous cessez votre chimio, vous ne mourrez pas dans deux jours, mais vous allez mourir.

Mais ça fait partie de cette rencontre avec moi, comme médecin, puis le patient, en lui disant: Écoutez, vous avez le choix, puis non seulement vous avez le choix mais je suis là pour vous assurer que, peu importe votre décision, on va continuer à vous soigner. On ne vous fera pas payer la décision en disant: Bien, si tu ne veux pas prendre tes traitements, va-t'en chez vous. On va non seulement accepter votre décision, mais on va l'honorer, dans le sens qu'on va vous accompagner puis on va vous soigner.

Alors, quotidiennement, on fait ça. C'est ça, l'autodétermination, de dire: Mon corps, c'est le mien, j'ai le droit de choisir un traitement, j'ai le droit de refuser un traitement.

Moi, j'ai des malades qui développent une pneumonie en fin de vie, puis je m'assoie avec eux puis je leur dis: Écoute, tu veux-tu qu'on te traite avec un antibiotique? Ça peut te prolonger, mais tu m'as dit, il y a deux semaines, que tu ne voulais plus être prolongé. Qu'est-ce que je fais? Puis là ils me disent: Bien, je ne veux pas l'antibiotique. Là, je dis: Écoute, on va te donner du Tylenol, tu ne feras pas de fièvre. Je vais te donner des médicaments qui vont diminuer les sécrétions, hein, puis je vais m'assurer que ta respiration reste douce avec la morphine, puis on va laisser la pneumonie t'emporter.

C'est ça, l'autodétermination. C'est ça, des bons soins palliatifs, c'est-à-dire respecter la personne dans ses choix puis s'assurer qu'elle ne paiera pas le prix d'une souffrance indue. Jamais il faut se permettre... Il ne faudrait jamais voir ça se passer.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Moi aussi, je ressens une grande humanité, puis, moi aussi, j'ai le goût de vous dire merci. On l'a dit ce matin à Dr L'Heureux, je pense que vous êtes aussi clairement un précurseur des soins palliatifs, et franchement c'est, pour notre société, très, très précieux et encourageant pour nous qui allons vieillir de savoir qu'il y a des gens comme vous qui ont ce souci-là des soins palliatifs les meilleurs possible, de les ajuster aux différentes situations, de toujours prendre la meilleure décision. Je vous le dis, là, je reçois ça comme un message très rassurant.

Alors, moi, je pense que vous avez dit quelque chose, que la sédation en général peut venir à bout de beaucoup de choses, de souffrances non résolues à la fin de la vie, notamment les souffrances morales ou existentielles, et je suis d'accord, je pense aussi que, dans la grande majorité des cas, les gens vont préférer la sédation à l'euthanasie. Mais je suis un peu dans la même lignée et, compte tenu du principe de l'autodétermination, dans le cas où une personne dit: Moi, je ne veux pas la sédation. Moi, ce que je voudrais, là, ce n'est pas de savoir que je vais peut-être être endormie trois, quatre, cinq jours, je voudrais que là, là, je suis en paix, je voudrais mourir.

Puis tantôt vous donniez l'exemple de la personne avec son hémorragie et, selon moi -- puis là vous me corrigerez -- même si l'euthanasie existait, par exemple, il aurait fallu que cette personne-là vous demande expressément de mettre fin à sa vie. Donc, vous n'auriez pas eu le droit non plus, j'imagine, de le faire si elle ne vous l'avait pas demandé. Donc, la question de l'euthanasie, j'imagine, ne se serait pas posée. Vous auriez donc dû prendre la même décision que vous avez prise. Et c'est pour ça que je me dis: Dans les cas... pour moi, l'euthanasie, de ce que je comprends, il faut toujours que ce soit volontaire, donc demandé, O.K.?

Donc, je comprends les dérives possibles, puis tout ça, là, mais admettons qu'on est dans de cas-là, comment, comment on réagit à ça?

M. Lapointe (Bernard): Je vais vous dire, en fait, moi, ma très grande crainte, c'est qu'on transforme le lien de confiance qui doit être absolu vis-à-vis son médecin lorsqu'on est le plus démuni, le plus fragilisé, malade, au moment où on en a de la difficulté à penser, qu'on se retrouve devant un médecin auquel on ne peut plus faire confiance totalement parce qu'on ne sait plus c'est quoi, son agenda, puis qu'est-ce qu'il va m'offrir.

Écoutez, à l'Hôpital général juif, je travaille avec des clientèles, des gens qui proviennent de pays de l'Est, par exemple, qui ont vécu avec une appréhension puis une méfiance par rapport au système puis par rapport au pouvoir médical. Je travaille avec des gens qui arrivent du Sud-Est asiatique, qui ont une peur phénoménale du pouvoir incarné par le médecin. Je travaille avec des gens qui sont des survivants de la Shoah ou des enfants de survivants de la Shoah qui ont vécu ce qu'était l'euthanasie par compassion, hum. Ces gens-là, lorsqu'ils viennent me voir, ce qui permet leur confiance puis leur... et cette espèce de cheminement puis cet accompagnement-là dans un climat de confiance puis de sérénité, sans avoir constamment à craindre ce que je vais faire, c'est justement cet interdit-là. À partir du moment où vous transformez ça en légalisant l'euthanasie, il y a certainement des gens qui vont vous applaudir, mais il y a des milliers de gens qui n'ont pas une très grosse voix, qui sont craintifs par rapport au pouvoir, par rapport aux institutions, par rapport à la médecine, qui, eux, risquent d'avoir très peur.

Je vais vous donner un exemple, parce que, moi, je suis allé en Hollande, j'en ai parlé avec des médecins, j'en ai parlé avec des patients. Vous savez qu'en Hollande il y a des centres de personnes âgées où c'est écrit dehors, hein: Ici, on ne fait pas l'euthanasie. Il y a eu une migration, en Belgique, de Flamands et de Wallons en Allemagne, sur la frontière, de personnes âgées qui ont préféré, plutôt que de prendre un risque, de se retrouver...

Bon, il y a peut-être, certainement, puis là on pourra reconnaître certains gestes de migration qu'on a connus au Québec pour d'autres raisons, il y a 20 ans ou... mais, bon, il y a tout ça là-dedans, là, mais il demeure que ça traduit quand même que, lorsqu'on a une perte de confiance...

**(18 heures)**

Vous savez, ce n'est pas nouveau, hein. Le serment d'Hippocrate, le serment d'Hippocrate dit une chose, il y a trois choses qu'il interdit, hein, vous savez: c'est de briser l'anonymat, donc se servir des renseignements qu'on a obtenus pour avoir un gain personnel; de faire des attouchements sexuels, donc d'abuser du pouvoir qu'on a pour obtenir des faveurs sexuelles; et le troisième, c'est de ne jamais prescrire un poison, même si on nous le demande. Et ça, c'est un interdit qui est séculaire, qui est millénaire.

Là, soudainement, après ce qu'on a vécu, puis après... puis honnêtement, après ce que, moi, j'ai vécu avec mes patients atteints de sida dans les années 1980, on va me dire que tout ça peut changer puis qu'on est dans un climat de bénéficience et qui peut permettre tout ça sans qu'il y ait de dérive et qu'on peut légiférer pour interdire toute dérive et faire que tout ça va bien se passer, vous me permettrez d'en douter, profondément.

Mais, même si on pouvait interdire la dérive, ça n'interdira pas la crainte de ces familles, de ces malades, qui vont peut-être refuser d'avoir la morphine... Si vous saviez combien on me dit souvent: Écoutez, là, la morphine, moi, ils en ont donné à mon grand-père, puis il est mort deux jours plus tard. Puis ils préfèrent avoir mal que de prendre de la morphine; c'est quand même incroyable, c'est quand même insensé. Il n'y a pas de vertu à la douleur non soulagée, croyez-moi, il n'y en a pas. En tout cas, peut-être dans certains philosophies religieuses, là, mais, pour moi, il n'y en a pas; c'est une saloperie, la douleur.

Mme Hivon: Mais en fait, c'est ça, je trouve qu'on est tellement dans, en tout cas, dans la nuance, puis... parce que les craintes... Est-ce que nous, comme législateurs, il faut être très pédagogues et est-ce que c'est les craintes qui doivent faire en sorte d'arrêter la réflexion? Parce que je me dis: Les craintes, là, irrationnelles, là, il y en a. Vous le dites, il y a des gens qui ne veulent pas de morphine, parce qu'ils disent: Je vais mourir demain matin.

Puis, moi, ce qui me rassure beaucoup, mais ça n'a pas l'air à vous rassurer, ça fait que ça m'enlève mon assurance, c'est qu'il me semble qu'en soins palliatifs, justement, le médecin, l'équipe soignante est tellement centrale, la relation est tellement en continu... Vous le dites vous-même, la personne m'a dit, il y a une semaine, qu'elle ne voulait pas, donc quand on arrive à l'antibiotique, non... que je me dis: Il me semble que, s'il y a une demande expresse, vous êtes tellement placés pour l'évaluer et voir si elle est vraiment libre et éclairée. C'est ça, un peu, que je trouve troublant.

M. Lapointe (Bernard): Vous présumez que l'ensemble des gens qui en ont besoin ont accès aux soins palliatifs, hein? En 2009, il y avait 2 000... 20 000 personnes qui sont mortes du cancer au Québec. Combien d'entre elles ont reçu... ont eu accès aux soins palliatifs? Combien d'entre elles ont vécu dans des situations absolument indignes, dans des situations atroces, des familles qui portent le malade sur leur dos parce que... entre l'étage en haut puis en bas, des gens qui sont seuls, puis qui ne sont plus capables de se lever, puis qu'on retrouve au bout de deux jours dans leurs excréments, je peux comprendre qu'on veuille mourir à ça, hein?

Mais la solution, est-ce que c'est l'euthanasie ou tout simplement de soigner, puis de laver, et d'accorder les soins nécessaires?

Vous savez, c'est ça, la question qui... C'est plus simple, peut-être, même, pour la société, puis c'est peut-être une façon de gérer les coûts de santé qui vont grandir, mais par ailleurs il faut toujours se poser... Mais je ne veux pas négliger, moi, la souffrance non entendue, non accompagnée puis non soulagée. Puis on a des croûtes à manger au Québec, on a drôlement des croûtes à manger au Québec.

Quand je regarde, par exemple, à Edmonton, où 95 % des gens ont accès à des équipes mobiles de soins palliatifs qui se déplacent avec infirmières, médecins, laboratoires à domicile, hein, qui permettent les soins terminaux, de fin de vie à domicile, puis qu'à Montréal, on a à peine quelques CLSC qui ont des médecins dédiés, puis qu'on fait appel aux infirmières des agences pour travailler en soins palliatifs parce que c'est très dur, puis il y a beaucoup trop de pertes, de brûlures au travail ou de burnouts, si vous voulez, puis à ce moment-là, on préfère reléguer ça très souvent à des agences.

Alors, vous comprendrez qu'il y a un problème, on a des croûtes à manger. Donc, avant qu'on... avant de contempler véritablement, sérieusement des changements comme ceux qui sont proposés par certains, moi, je vous invite tout simplement à assurer à nos concitoyens un plateau de services puis un accès aux services nécessaires, puis on pourra toujours se rasseoir ensemble. Puis ça, c'est Bernard Lapointe qui vous le dit, mais c'est aussi l'Organisation mondiale de la santé qui vous le dit.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie, il vous reste cinq minutes.

Mme Lapointe: Merci. Merci, Dr Lapointe. Je comprends ce que vous avez vécu dans les années 1980, j'étais très proche du Dr Thomas et je l'ai vu pleurer souvent, je l'ai vu partir... partir comme ça parce que, bon, il avait un de ses patients... c'était avant la trithérapie, mais ça a été un drame épouvantable.

Moi, je crois qu'on nous l'a dit et on nous l'a répété à plusieurs reprises: Oui, la consultation est importante, elle est nécessaire, il faut un débat de société, mais est-ce qu'on ne devrait pas aussi réfléchir en même temps, puis on dirait que c'est deux visions qui s'affrontent alors que ça ne devrait pas, s'assurer que nos personnes ont droit à ces services, à ces soins palliatifs et à ces choix, n'est-ce pas? Des choix tout au long: J'accepte un traitement, j'en veux un de plus.

Et je suis un peu scandalisée, j'y vais rapidement parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, de voir qu'on ne peut pas soulager certaines douleurs parce que l'établissement n'a pas accès à l'ensemble des agents pharmacologiques recommandés à cause de règlements internes ou à cause de leur coût en 2010. J'aimerais vous entendre une petite minute.

M. Lapointe (Bernard): ...donner l'exemple du propofol, hein, une drogue célèbre entre toutes; c'est un agent anesthésique puissant qui induit une sédation profonde qu'on donne par intraveineuse. C'est à des prix prohibitifs parce que les familles doivent l'absorber lorsque c'est à domicile. Lorsque c'est en maison de soins palliatifs, très souvent ils doivent l'absorber aussi. Dans les hôpitaux, souvent c'est réservé au département d'anesthésie où il y a une réglementation interne qui fait que c'est plus difficile à accéder.

Il y a aussi une méconnaissance de ces médicaments-là puis de leur action, parce qu'il y a peu ou pas de formation continue offerte aux médecins, puis on n'en a pas parlé, mais il y a très peu ou pas de formation continue offerte aux infirmières aussi. Donc, à quelque part, ça, c'est un exemple, il y en a plusieurs autres, hein. Mais lorsqu'on a...

Mais c'est ça, c'est lorsqu'on... Moi, lorsque je prends l'engagement de soigner un malade, j'ai vraiment l'impératif de le soigner jusqu'au bout, avec tous les moyens qui sont à ma disposition. Mais ça, on doit le partager comme société. Si on fait le choix de soigner, d'accompagner, bien il faut permettre que ça soit possible partout.

Le Président (M. Kelley): Allons-y, courte question, courte réponse, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Bon. Je voulais vous parler de mourir à domicile, mais vous en avez parlé, je vais y aller plus sur... Vous avez parlé d'autodétermination et vous avez dit: La personne peut décider d'un traitement ou non, puis on va respecter son choix, et tout ça, mais on parle à ce moment-là de personne apte. Mais, quand on est en relation avec une personne qui, dans sa situation, est devenue inapte, qu'est-ce que...

Comment vous traitez la question d'un testament de vie ou d'un message qui vous a été livré dans le cadre de la relation patient-médecin?

M. Lapointe (Bernard): Bien, les radiologistes ont un appareil de radiologie. Moi, mon outil, c'est la rencontre de famille. Alors, je m'assois avec la famille, puis je leur demande: Est-ce que vous en avez déjà parlé?

Alors, si c'est un malade que je connais, parce que, moi, j'ai eu cette conversation-là déjà, très souvent, là, moi, dans les deux premières rencontres que j'ai avec un malade, on va parler de la fin de vie, puis on va parler de réanimation, puis qu'est-ce qu'il veut, puis comment il veut que ça se passe. Puis ça, c'est ma routine, moi, c'est comme ça. Puis je vais même lui donner la lettre que, si ça se passe à la maison, pour pas qu'il y ait un ambulancier qui fasse la réanimation parce qu'il est obligé de la faire.

Mais, si c'est un nouveau patient puis on n'en a pas parlé, moi, je vais m'asseoir avec la famille. Puis là, souvent, les opinions divergent dans la famille. Ce n'est pas simple, ça, là, hein. Mais en même temps on va parler: Puis qu'est-ce qu'il vous a dit? Puis là il y a quelqu'un qui généralement va dire: Bien, écoute, on en a parlé quand il a parlé de Mme Unetelle ou de M. Untel, son voisin, puis il a dit: Moi, en tout cas, ça, je ne voudrais absolument pas vivre ça. Puis là on explore ça, puis on explore comment la famille se sent là-dedans, puis quelles sont les options, puis, moi, qu'est-ce que je vois, puis quelles sont les options possibles. Puis généralement on en arrive à un plan qui vise le mieux-être de la personne qui n'est plus capable de nous dire ce qu'elle veut.

Puis ça, ça prend du temps, ça prend un investissement, mais encore une fois c'est garant du respect de la personne qui est devant soi. Alors, comme je vous disais, il y a des gens qui travaillent avec des machines, moi, je travaille avec une réunion de famille.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Lotbinière.

**(18 h 10)**

Mme Roy: Merci. Moi, ce qui me... J'ai bien aimé votre présentation parce que c'était clair. Pour moi, ça percutait vraiment, c'était simple et clair. Mais ce qui m'a inquiétée, là, c'est de voir que, comme ma collègue de Crémazie, dans certains milieux cliniques, on n'a pas accès à l'ensemble des agents pharmacologiques, donc, puis que, je pense, on a aussi des médecins qui nous ont dit que leurs collègues ne connaissaient pas toute la... avaient de la difficulté à maîtriser les sédatifs puis ne connaissaient pas la bonne... comment vous appelez ça? Les guides des bonnes pratiques cliniques.

Puis là, en haut, un peu auparavant, on dit que ce qui induit la demande d'euthanasie ou d'aide au suicide assisté, c'est les symptômes de dépression, donc la douleur morale, les besoins de soins non rencontrés, douleur physique, la douleur aussi. Eh bien... Puis qu'on n'a pas accès à ces médicaments-là, puis qu'on n'a pas accès à des soins palliatifs. Est-ce que vous pensez... Ça me laisse croire, hormis peut-être la mauvaise définition de «euthanasie», pour certains c'est un sédatif palliatif, mais hormis peut-être une mauvaise interprétation du public, est-ce que ce n'est pas ça qui peut nous laisser croire, parce que la plupart des Québécois ont dû accompagner quelqu'un à la mort, qui rend l'euthanasie si populaire dans la population québécoise?

M. Lapointe (Bernard): Écoutez, si la seule option encore une fois vis-à-vis la douleur, la souffrance puis la détresse, c'est de mettre fin à ça par un suicide ou par l'euthanasie, si c'est la seule option, si d'un côté on met ça puis de l'autre côté on met ça, bien on va choisir.

Moi, je vous dis qu'il y a une troisième voie. Puis ce n'est pas une troisième voie qui est nouvelle, là. Dans les soins palliatifs, le Québec a été un des grands pionniers à l'échelle du monde. Dr Mount, là, soixante-quatorze, ça a été un des plus grands pionniers au niveau de l'approche palliative. Mais il y a eu, au Québec, pendant de nombreuses années, des mandarins qui se promenaient en disant que c'était des soins Cadillac qu'on n'avait pas les moyens de se payer. Puis encore une fois, on a une très belle politique, mais on n'a pas mis les moyens de la réaliser.

Moi, ce que je vous dis, c'est que peut-être qu'avant de discuter de choses aussi solennelles que l'aide au suicide, l'assistance au suicide, de choses aussi solennelles que de mettre... de permettre la mise à mort de patients par euthanasie, qu'on s'assure au minimum que les conditions de soins soient accessibles et efficaces. Parce qu'il n'y a pas juste le fait qu'on ait accès aux médicaments, il faut qu'on sache comment les utiliser.

Mme Roy: ...c'est très, très court puis très facile à répondre, là. Je n'ai pas idée... Quand vous parlez coûts prohibitifs de médicaments, voulez-vous nous indiquer un ordre de grandeur?

M. Lapointe (Bernard): Ah! Si on parle de ça puis compare avec un agent de chimio, en fait ça n'a pas de bon sens, il n'y a pas de comparaison possible, là. Ce n'est vraiment pas... C'est des coûts prohibitifs pour les familles. Je ne me souviens... Il faudrait que je vous revienne là-dessus, puis je vais le faire.

Mais, vous savez, moi, je travaille avec des malades pour qui 80 $ par mois, c'est trop, là, hein? Tu sais, je leur dis: Écoutez, ça prend des couches à domicile, hein, parce que là ils disent: Mon mari... ou ma femme est incontinente puis là... puis ça prend des couches. Mais, tu sais, des couches d'adulte, ça coûte de l'argent, puis, quand on n'en a pas, comment on fait? Comprenez? C'est ça.

En Angleterre, où on a des soins à domicile bien organisés, savez-vous qu'on prête des micro-ondes puis des laveuses à linge aux gens qui n'en ont pas pour s'assurer qu'ils puissent... On est loin de ça, là, ici, hein? Mais pour qu'on s'assure dont ils disposent des outils nécessaires aux soins à domicile.

Je pense que ça dépend d'un engagement de société. Ça dépend d'un contrat qu'on prend avec les gens. Si on demande aux familles d'assurer le soin, bien il faut être là pour les soutenir puis il faut être là pour les soutenir après, avec des psychologues, des travailleurs sociaux, puis il faut être là pour les soutenir financièrement pendant tout le temps qu'ils perdent en soins. Ils n'ont pas de salaire qui rentre, alors les prestations d'aide compassionnelle, puis tout ça, c'est important.

Le Président (M. Kelley): Il me reste, à moi, le mot de la fin. Premièrement, merci beaucoup pour le service de traduction tantôt.

Moi, j'ai rencontré Dr Lapointe il y a une dizaine d'années, c'est une autre personne qui a conseillé le groupe dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal... par notre ancien collègue Russ Williams. Et juste un remerciement personnel, parce que comme j'ai dit à Dr Lapointe, mon intérêt personnel dans ce centre de soins palliatifs est devenu personnel parce que mes deux parents ont décédé dans le centre des soins palliatifs dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

Alors, vous étiez parmi nos guides et nos mentors qui nous ont aidés de mettre ça en place dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Aujourd'hui, c'est mon anniversaire et c'est toujours une journée qu'on a une pensée très spéciale à nos parents. Alors, merci encore une fois, ils ont réussi de mourir dans la douceur, et je pense l'idée, et la promotion que vous avez faite avec d'autres personnes des centres de soins palliatifs est vraiment un modèle à suivre pour l'ensemble de la population québécoise.

Sur ça, j'ajourne nos travaux à demain matin, vers 11 heures, plus ou moins, dans cette même salle, pour poursuivre les consultations particulières et les audiences publiques sur la question de mourir dans la dignité.

(Fin de la séance à 18 h 16)

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