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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le lundi 20 février 2012 - Vol. 42 N° 41

Auditions publiques dans le cadre de l'étude de la pétition concernant le cancer de la peau et le bronzage artificiel


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président (M. Sklavounos): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir prendre un moment afin d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

Le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'étude d'une pétition concernant le cancer de la peau et le bronzage artificiel. J'aimerais mentionner que nous avons reçu 34 pétitions ici, à l'Assemblée nationale, concernant ce même sujet, avec plus de 55 000 pétitionnaires qui se sont dits préoccupés par cette question-là.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements pour les travaux d'aujourd'hui?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) sera remplacé par Mme Maltais (Taschereau).

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme la secrétaire. Alors, cet après-midi, nous recevrons les représentants de la Société canadienne du cancer, qui sont déjà devant nous. Nous allons également entendre l'Association des dermatologistes du Québec et l'Institut national de la santé publique du Québec.

Alors, rapidement, juste pour décrire le déroulement des travaux, nous allons avoir des présentations de 10 minutes, chaque groupe. Par la suite, il y aura une période d'échange de 35 minutes réparties également, vu qu'il n'y a pas de membre d'autre parti, à part les ministériels et l'opposition officielle. Alors, 35 minutes partagées également, 17 min 30 s, entre les groupes parlementaires.

Alors, je souhaite la bienvenue d'abord aux collègues ministériels et de l'opposition officielle, Mme la secrétaire de la commission et tout le personnel de la commission. Et, sans plus tarder, j'accueille devant nous la Société canadienne du cancer. Je souhaite la bienvenue à Mme Mélanie Champagne, analyste des politiques, qui est au centre, de ce que je comprends; à gauche, Mme Annie Gloutney, survivante à un cancer de la peau, bienvenue; et M. Jean-Daniel Hamelin, qui est directeur des affaires publiques à la Société canadienne du cancer. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Et, sans plus tarder, vous allez pouvoir prendre la parole. Je ne sais pas qui commencera. Alors, évidemment, M. Hamelin, pour une période de 10 minutes, la parole est à vous.

Auditions

Société canadienne du cancer (SCC)

M. Hamelin (Jean-Daniel): Bonjour, Mmes et MM. les députés. Tout d'abord, nous tenons à vous remercier d'avoir choisi d'étudier la pétition de la Société canadienne du cancer, division du Québec. Vous nous donnez aujourd'hui l'opportunité plus qu'appréciée de vous faire part directement de notre analyse, de nos positions et de nos actions en faveur de l'encadrement du bronzage artificiel.

Je suis Jean-Daniel Hamelin, directeur des affaires publiques à la SCC. Je parlerai brièvement de notre organisme, puis Mélanie Champagne, analyste des politiques, fera un tour d'horizon du dossier et vous montrera concrètement ce à quoi sont exposés nos jeunes. Finalement, Mme Annie Gloutney partagera avec vous son expérience personnelle des salons de bronzage et du mélanome.

La Société canadienne du cancer au Québec, c'est un bureau divisionnaire situé à Montréal, 14 bureaux régionaux et 17 centres de services qui couvrent l'ensemble du territoire. C'est un organisme bénévole national à caractère communautaire, et nous fêterons, l'année prochaine, notre 75e anniversaire. Notre mission, c'est l'éradication du cancer et l'amélioration de la qualité de vie des personnes touchées. Pour y arriver, on mise sur la prévention, la recherche, l'information, le soutien aux personnes atteintes et à leurs proches et la défense de l'intérêt public.

Il y a plus de 10 ans, la SCC a mis sur pied une brigade de jeunes animateurs qui passent l'été à rencontrer les enfants pour leur parler des bonnes habitudes face aux ultraviolets, soit les UV. À l'automne dernier, nous avons lancé la campagne d'information La face cachée des salons de bronzage pour en faire connaître les dangers et expliquer aux jeunes que leurs choix actuels ont des conséquences aujourd'hui et pour toute la vie.

Nous travaillons en prévention, mais nous demandons aussi des mesures collectives lorsque notre responsabilité sociale est en cause. Et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, parce que le nombre de cas de cancer de la peau augmente constamment et qu'il y a quelque chose à faire. Nous recevons les personnes touchées par le cancer. On les écoute, on les renseigne et on les soutient sur les plans financier et matériel. On sait que le cancer n'est jamais banal et qu'on doit tout faire pour l'éviter. Notre force, c'est l'engagement de 200 employés, 30 000 bénévoles et plus de 300 000 donateurs québécois. Ces personnes s'impliquent dans la lutte au cancer. Elles ont signé la pétition et demandent au gouvernement d'encadrer l'industrie du bronzage artificiel parce qu'elle vend des services nocifs, que nous le savons et qu'il faut protéger nos jeunes. Merci.

Le Président (M. Sklavounos): Allez-y, Mme Champagne.

**(14 h 10)**

Mme Champagne (Mélanie): Distingués membres du comité, merci de nous recevoir. Depuis 15 ans, le nombre de cas de mélanome diagnostiqués à chaque année a doublé. C'est un constat alarmant et c'est en lien direct avec l'augmentation de fréquentation des salons de bronzage, surtout chez les jeunes. Donc, aujourd'hui, nous allons vous expliquer pourquoi.

Premièrement, tout ça a été relancé -- la problématique du bronzage artificiel -- parce qu'en 2009 l'Organisation mondiale de la santé, la plus haute instance de santé au monde, a déclaré... Les lits de bronzage, ils sont passés de carcinogènes probables à carcinogènes confirmés. Ça veut dire qu'avant on pensait qu'ils causaient le cancer, maintenant on le sait hors de tout doute. Ce n'est pas une surprise parce que les rayons des salons de bronzage sont cinq à 15 fois plus forts que le soleil de midi, donc le soleil le plus fort de la journée. Et, oui, je viens de dire que les mélanomes ont doublé depuis 15 ans. Et, si on ne fait rien, on peut déjà voir les projections qui annoncent que ça doublera encore dans les 15 prochaines années. On a mis, évidemment, le doigt sur le bobo, surtout chez les jeunes. C'est le seul cancer qui est en augmentation chez les jeunes, le cancer de la peau.

Il y a urgence d'agir parce que, s'exposer avant l'âge de 35 ans, ne serait-ce que quelques fois aux rayons UV artificiels, on augmente nos risques de souffrir d'un mélanome de plus de 75 %. Quand on sait que le mélanome, c'est le cancer de la peau le plus meurtrier, ce n'est pas banal. Et on sait également que, chez les 18-29 ans qui fréquentent les salons de bronzage et qui développent un mélanome, on a fait... on est capable de faire un lien direct avec les salons de bronzage dans 75 % des cas.

C'est un lourd fardeau humain aussi, c'est 22 000 cas diagnostiqués à chaque année pour le Québec seulement. Et ça, c'est des chiffres assez conservateurs parce qu'il y a des cas de cancer qui ne sont pas rapportés. Au niveau des décès, c'est plus de 200 décès par année. Pour certains, ça pourrait paraître pas tant que ça, c'est quand même 200 vies humaines. Et, si on fait un comparatif, peut-être, avec la fameuse pandémie de H1N1 en 2009, c'est deux fois plus de décès que cette pandémie-là. Et c'est à chaque année, et ça augmente. Et ce n'est pas rien, malgré ce que certains pourraient penser, malheureusement -- qu'un cancer de la peau, c'est aller chez le dermatologue et avoir une petite chirurgie de rien du tout -- c'est souvent des traitements, des chirurgies très mutilantes, sans parler de la chimiothérapie et de l'impact sur la famille, sur... l'impact psychosocial, en fait.

Au niveau financier aussi -- on a les chiffres -- c'est 110 millions par année que ça représente au Québec. Et ça se répète d'année en année, et on est capable de projeter, en fait, les dépenses sur les 20 prochaines années. Du moment où on se parle jusqu'à dans 20 ans, si on ne fait rien, le Québec aura payé 3 milliards pour les frais reliés au cancer de la peau.

D'où ça vient, cet engouement? En fait, on observe beaucoup une pression sociale, une grande pression sociale des modèles bronzés de beauté, jeunes, minces. Et il faut savoir que les Québécois sont beaucoup plus à la recherche du bronzage que les autres Canadiens, et surtout les jeunes. L'an dernier, selon un sondage très récent fait par Léger Marketing, un quart de million de jeunes de 15 à 29 ans sont allés au salon de bronzage régulièrement. Ça veut dire au moins une fois par mois, en moyenne. Et ça, c'est sans compter les chiffres pour les enfants parce qu'on ne les a pas. Mais on sait qu'entre 12 et 14 ans, l'an dernier, 11 000 jeunes sont allés s'exposer aux rayons carcinogènes des salons de bronzage.

Je vous dirais pire encore parce qu'on entend des propriétaires de salon de bronzage qui nous disent qu'ils voient des jeunes de 14-15 ans, tous les jours, venir sur leur heure de dîner parce que c'est proche de l'école secondaire qu'ils fréquentent. Tellement que le dictionnaire Oxford a ajouté un nouveau mot, ça s'appelle la tanorexie. De plus en plus d'études se penchent sur le phénomène de dépendance créé par le bronzage. Certains jeunes seraient tellement obsédés par le bronzage que, même lorsqu'ils sont très foncés, ils ont l'impression qu'ils sont encore trop pâles et, s'ils arrêtent, ils ont un peu le même symptôme de sevrage.

Il y a beaucoup de promotions et de forfaits -- les jeunes sont la cible principale de l'industrie, on vous l'illustrera plus tard -- des prix planchers extrêmement bas. Ailleurs, on a réagi. Plusieurs pays d'Europe ont interdit le bronzage aux mineurs, des États américains, l'Australie. En Nouvelle-Écosse, ici, on l'interdit également, ainsi qu'une partie de la Colombie-Britannique. La législation est inexistante. Je pense que c'est ça qu'il faut qu'on retienne aujourd'hui, c'est pour ça qu'on est ici. L'industrie du pyjama ou de l'ourson en peluche est plus réglementée -- et ce n'est pas des blagues -- que l'industrie des salons de bronzage au Québec, qui a vraiment le champ libre. La preuve, c'est qu'on retrouve des salons de bronzage dans les dépanneurs, dans les magasins de maillots de bain, dans les buanderies, etc. Bref, à ce jour, on ne sait pas où sont les salons de bronzage.

Les commerces sont en nette hausse au Québec, plus de 1 000. Et, évidemment, le commerce est basé beaucoup sur des faux arguments de vente ou des fausses promesses de santé, en fait, que je pourrai vous expliquer plus tard, et, en fait, tout ça dans le but... Ces allégations-là, c'est de semer le doute, en fait, ces allégations-là, qui sont fausses, des tactiques de l'industrie, c'est de semer le doute pour que les clients soient rassurés et qu'ils continuent à fréquenter les salons de bronzage.

C'est pourquoi nous avons quatre recommandations que je vous nomme rapidement avant de passer la parole à Annie Gloutney, qui est dans un deuxième traitement pour une récidive de mélanome. Donc, quatre recommandations, dis-je: interdiction du bronzage pour les enfants et les adolescents; un registre des commerces, évidemment pour savoir où ils sont; une restriction de la promotion et de la publicité, donc un encadrement; et également une taxe à la séance de 10 %, comme c'est le cas aux États-Unis, toute taxe de bronzage... s'ajoute un 10 % qui sert à financer des campagnes de santé et à financer le registre.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, merci, Mme Champagne. Merci, M. Hamelin. Mme Gloutney, il reste environ une minute, alors allez-y directement.

Mme Gloutney (Annie): Bon, d'accord. Je suis ici pour témoigner de ce qui m'arrive. Moi, s'il y avait eu une loi, à l'âge de 15 ans je n'aurais pas pu fréquenter des salons de bronzage. Donc, mon histoire aurait été pas mal différente. J'ai commencé à les fréquenter à l'âge de 15 ans: quelques séances au printemps, quelques séances à l'automne, un peu avant d'aller en voyage. Et, à l'âge de 37 ans, on m'a diagnostiqué mon premier mélanome -- j'étais alors enceinte de huit mois -- et j'ai fait une récidive il y a un an et demi. Donc, depuis trois ans et demi, j'ai subi cinq chirurgies qui ont enlevé la plupart de mes ganglions que j'ai dans la jambe, dans le bas du ventre, à gauche, ce qui rend mon système immunitaire affaibli, ce qui a fait que j'ai été hospitalisée un mois et demi à l'automne parce que j'étais plus propice à développer des bactéries. Je suis en traitement de chimio depuis janvier 2010 à raison de trois fois par semaine. Je devrais terminer dans un mois. Je suis en arrêt de travail, naturellement, à 50 % de mon salaire.

Donc, moi, là, ce que je voulais témoigner, c'est aussi le choc familial. J'ai deux petites filles de trois et cinq ans qui ont de l'énergie comme des enfants de trois et cinq ans et, malgré que je dors tout l'après-midi, parce que c'est un des effets secondaires de l'interféron, quand mes filles se couchent, à 19 h 15, je me couche en même temps qu'elles parce que je n'ai même pas la force de descendre écouter la télé avec mon amoureux, qui, lui, en a beaucoup sur les épaules. Je voulais dire aussi que mon aînée de cinq ans a un suivi psychologique depuis cet automne parce que, pour elle, elle a commencé la maternelle en même temps que j'étais hospitalisée, donc elle était à l'école et elle pleurait, elle voulait revenir à la maison parce qu'elle avait peur que, quand elle allait revenir, je sois encore à l'hôpital ou que je sois, tout simplement, morte. Pour elle...

Il y a trois jours, j'ai fait mon dernier scan. Les résultats vont me dire si ça va mieux ou si c'est pire. Mais, en conclusion, ce que je voulais dire, c'est que, malgré que mes parents, moi, m'interdisaient de fréquenter les salons de bronzage, bien ils en avaient ouvert un à côté de chez moi, puis le désir d'être bronzée était plus fort. Aujourd'hui, j'en paie le prix. Donc, c'est pour ça que je trouve important qu'il y ait une loi pour protéger les jeunes. Et, mes deux filles, j'apprécierais que, quand elles seront à l'âge de l'adolescence, qui... elles ne m'écouteront peut-être pas nécessairement, bien il puisse y avoir une loi pour leur interdire l'accès au bronzage artificiel. Merci.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, merci à Mme Champagne, à M. Hamelin et surtout à Mme Gloutney, qui est venue partager quelque chose de très personnel avec nous. Je ne vous ai pas coupé la parole, malgré le fait que vous avez dépassé, parce que je n'arrivais pas à le faire. Alors, j'ai pris la décision de vous laisser continuer. Je pense que les parlementaires étaient d'accord avec moi autour de la table.

Alors, nous allons débuter maintenant cette période d'échange. Ça sera du côté ministériel que je vais céder la parole en premier, et plus particulièrement à M. le député des Îles-de-la-Madeleine, qui est également l'adjoint parlementaire du ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, sans plus tarder, M. le député des Îles, c'est à vous.

**(14 h 20)**

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Collègues ministériels, collègues de l'opposition, mesdames et messieurs, ça me fait plaisir de vous retrouver suite à une semaine assez difficile aux Îles-de-la-Madeleine avec la tempête de verglas qu'on a subie. Mais heureusement tout est replacé dans l'ordre, et on peut remercier l'ensemble des services publics et municipaux et tous ceux qui ont eu une pensée pour nous, et la grande solidarité sociale, et l'entraide communautaire aux Îles.

M. le Président, avant de présenter ma question à nos invités, permettez-moi, en introduction, de saluer et d'exprimer nos félicitations pour l'engagement bénévole et communautaire de la Société canadienne du cancer. Le défi de combattre le cancer est énorme, mais c'est une grande cause, une cause avec une portée humaine et sociale. Et, tel que vous le décrivez, Mme Gloutney, ça touche toutes les couches de société et ça a beaucoup d'impact sur la personne elle-même et, évidemment, sur son entourage, sur ses proches. Et malheureusement certaines perdent le combat, et ça nous prive, évidemment, de leur présence dans notre communauté, dans notre société. Par ailleurs, il y a de l'espoir, il y a des grandes avancées avec la science médicale, avec la prévention, tel que vous le faites, la Société canadienne, la recherche. Donc, beaucoup d'espoir, et votre organisme y contribue passablement dans cette grande lutte qu'est le cancer.

Vous dites qu'il y a quelques constats dans la présentation de votre mémoire. Le nombre de cancers a doublé depuis 15 ans. On constate également que, s'exposer plusieurs fois aux rayons UV par l'intermédiaire des salons de bronzage avant l'âge de 35 ans, il y a un lien direct avec le développement d'un cancer de la peau. Les coûts sociaux sont énormes, sont majeurs, vous l'avez exprimé également, mais des coûts économiques aussi assez importants, assez alarmants. Vous parlez de 110 millions par année, de près de 3 milliards sur 20 ans. Alors, c'est énorme. Et surtout, dans le sommaire exécutif que j'ai en ma possession, vous dites: La majorité de ces coûts-là pourraient être évités s'il y avait un peu plus de prévention. Et ma question -- ou d'actions plus précises -- est la suivante: Est-ce qu'on pourrait affirmer que nous serions en mesure de réduire d'environ 50 % ces coûts-là et le nombre de cancers si, effectivement, on pouvait interdire l'accès aux salons de bronzage aux mineurs?

Le Président (M. Sklavounos): Merci, M. le député des Îles. Alors, j'imagine que ce sera Mme Champagne qui prendra la question. Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie): M. Chevarie, j'aimerais vous arriver avec une réponse très précise. Elle ne le sera peut-être pas autant que vous le souhaiteriez, on n'a pas le chiffre précis. Ce qu'on sait, par contre, c'est que, selon les dermatologues, jusqu'à 90 % des cancers de peau sont évitables. C'est-à-dire qu'il y en a peut-être une dizaine de pour cent qui est due par une exposition professionnelle, ou par une hérédité, ou par d'autres sources qui ne viennent pas du soleil, en fait, qui ne sont pas de source UV, 10 %, 90 % sont causés par des rayons UV. Donc, dans ces 90 % là, ce qu'on sait, c'est que, chez la jeune clientèle, de plus en plus... Les gens qui s'exposent aujourd'hui, ce sont les candidats... je déteste dire ça, mais les candidats aux cancers de demain dans les salons de bronzage. Le soleil aussi est nocif, mais on ne peut pas légiférer et encadrer le soleil, bien entendu. Donc, nous, on dit: C'est qu'on a trouvé un remède. En fait, vous savez que les remèdes coûtent extrêmement cher, et c'est très long à développer. On en a trouvé un, nous, un remède, contre une bonne partie des cancers de la peau chez les jeunes, et ça s'appelle la prévention et l'encadrement législatif. Donc, on n'a pas de chiffres sur... On ne peut pas dire 50 %, on n'est pas en mesure de le dire présentement, mais on sait que ça aura un impact hors de tout doute.

Vous savez que les cancers, ça prend du temps à se développer, mais, chez les pays qui ont légiféré il y a un certain temps, comme la France par exemple, on voit déjà un impact net dans la courbe des cancers, surtout chez les femmes. Chez les hommes, la courbe a cessé de monter. Donc, la courbe stagne au niveau des cancers de peau, alors que ça n'a jamais été le cas avant, ça augmentait, augmentait, augmentait. La loi est entrée en vigueur en 1997, soit dit en passant. Et, chez les femmes, on a une légère baisse. Donc, on a eu la stagnation, et là on a atteint une baisse des cancers de la peau suite à l'interdiction du bronzage aux mineurs.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme Champagne. M. le député des Îles.

M. Chevarie: Votre recommandation nous recommande de légiférer par rapport aux mineurs, des moins de 18 ans, mais, par ailleurs, un des constats que vous exprimez par rapport à la science médicale, c'est que les personnes qui s'exposent avant l'âge de 35 ans ont plus de chances de développer un cancer. Est-ce que le fait de légiférer uniquement pour une catégorie de clientèle... est-ce qu'on va atteindre nos objectifs?

Mme Champagne (Mélanie): En fait, je vous dirais qu'il y a deux angles à votre question. La première, c'est que l'habitude du bronzage artificiel se prend un peu comme la dépendance au tabac, c'est-à-dire quand on est mineur. C'est rarement à partir de 25 ans que les jeunes femmes décident d'aller au salon de bronzage. Donc, elles commencent tranquillement à 14 ans. Entre 14 et 15 ans, le nombre de fréquentations double, c'est-à-dire la fréquence d'utilisation double. Et, entre 15 ans et 17 ans, elle double encore. Donc, c'est une habitude qui se prend très jeune. Si on peut éviter que les jeunes y aillent avant l'âge de 18 ans, avant les bals de finissants, et tout ça, il y a de fortes chances, il y a de bonnes chances que ces personnes-là n'y aillent pas du tout.

D'autre part, on touche à une question légale aussi. L'Organisation mondiale de la santé recommande que les lits de bronzage soient interdits aux moins de 18 ans, donc aux enfants et aux adolescents, parce qu'on sait que, rendu à 18 ans, bien, légalement, on est en droit de faire nos choix de vie, un peu comme l'alcool, le tabac et les autres choix qu'on peut faire dans la société.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme Champagne. Ça va, M. le député des Îles? Alors, Mme la députée de Hull continuera pour le reste.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour de saluer mes collègues du côté ministériel, nos amis d'en face, les gens qui se sont déplacés aujourd'hui pour venir nous entendre échanger avec vous au sujet de nombreuses pétitions qui ont été déposées dans le cadre des travaux au salon bleu. Vous en êtes responsables, de toutes ces pétitions. Vous avez vraiment fait un travail exceptionnel auprès des élus en les sensibilisant d'abord à cette problématique et aussi en les invitant à déposer des pétitions, chose qui a été acceptée par l'ensemble des élus, tous partis confondus. Il y a vraiment eu une belle collaboration de la part des députés de l'Assemblée nationale, mais ça, c'est parce que vous faites vraiment un bon travail à plusieurs niveaux. Mais vous nous avez sensibilisés, ce qui fait que nous sommes ici aujourd'hui suite à la décision des membres de la Commission de la santé et des services sociaux de vous entendre suite au dépôt de ces pétitions. On aurait pu dire non. On aurait pu dire non, on le fait, on dit non quelquefois. Mais, cette fois-ci, on a pensé que c'était trop sérieux, que ça comportait vraiment des éléments que l'ensemble de la population doit entendre. Les gens doivent vous entendre, et non seulement les députés dans le cadre des travaux.

Mme Gloutney, moi, je vous remercie d'être ici aujourd'hui parce que vous êtes vraiment une personne qui... Vous pouvez témoigner, vous, des effets dévastateurs de l'utilisation du bronzage artificiel. Je dois vous dire aussi que j'ai rencontré Mme Champagne et j'ai accepté de marrainer une pétition sur le site Internet de l'Assemblée nationale. C'est très récent, ce type de pétitions signées en ligne qui ont été... Cette pétition a été signée par plus de 7 000 citoyens, en plus de tous les autres qui avaient signé celle de mes collègues de l'Assemblée nationale.

Si je l'ai fait, c'est parce que j'ai deux jeunes filles, je suis la maman de deux jeunes femmes extraordinaires, Eva, qui a 17 ans, Kamille a 21 ans, et elles consomment des services de bronzage artificiel depuis des années. Et c'est facile pour des gens de dire: Bien oui, mais c'est toi, le parent, tu as juste à leur dire de ne pas y aller. C'est totalement illusoire de penser qu'on a cette autorité-là avec nos enfants. Moi, vous savez, je suis députée, je suis ici quelques jours par semaine, je ne suis pas toujours à la maison. Et j'avais même fait un pacte avec ma plus jeune, lui disant: Je ne veux plus que tu ailles au salon de bronzage. Je vais y aller avec toi. alors n'y va plus quand je n'y suis pas. Imaginez, il a fallu que j'en vienne jusque-là, je l'ai accompagnée à quelques reprises. Mais, depuis que je l'ai sensibilisée, depuis que j'ai été sensibilisée, je suis mieux outillée pour lui transmettre ces renseignements-là, ces informations-là et je dois vous dire que je suis très heureuse de vous dire qu'elle va y retourner seulement quelques jours avant son bal de finissante. Alors, au moins, j'aurai gagné cette bataille-là. On est au mois de mars, ça n'ira pas avant le mois de juin.

**(14 h 30)**

Mais j'aimerais bien qu'elle n'y retourne plus. Parce que moi, je sais qu'on fait le débat pour les mineurs, mais, si elle crée une accoutumance à l'âge de 16 ans, 17 ans, elle va continuer à y aller à 18, 19, 20, 21. Alors, je pense que c'est vraiment à la base, c'est en amont qu'il faut travailler, et c'est pour ça que, moi, c'est avec beaucoup de détermination que je vais militer en faveur d'un projet de loi qui va interdire l'accès aux mineurs à des services de bronzage artificiel. J'espère que le ministre de la Santé et tous mes collègues emboîteront le pas, mais, je vais vous dire, moi, je n'ai pas besoin d'être convaincue, je suis la mère de deux jeunes femmes qui sont aux prises avec... Vous avez parlé de tanorexie, et je le crois parce que c'est comme... Vous savez, le culte de la beauté, ce n'est plus l'apanage des femmes qui avancent en âge. Elles ont 17 ans puis, vraiment, elles veulent vraiment être les plus belles, les plus bronzées, et, bon, j'en passe.

Alors là, je vais vous poser quelques questions pour que les gens qui nous regardent en sachent un peu plus sur vos démarches. Il y a d'autres pays qui ont légiféré. Il y en a une longue liste, ce n'est pas juste ici, au Québec ou au Canada, qu'on veut s'attaquer au phénomène. Et, par contre, c'est dans la façon d'aller vers l'interdiction. Moi, je veux vous entendre, pourquoi vous, vous avez identifié une interdiction aux 18 ans et moins? Parce qu'ailleurs, dans les autres législatures, il y a des interdictions pour les 14 ans et moins mais qui permettent les un peu plus vieux avec un accompagnement d'un parent, il y a aussi... La vaste majorité des autres législatures demandent à l'opérateur de se conformer aux directives du manufacturier, d'obliger une protection oculaire et vraiment mieux encadrer aussi le temps alloué à chaque personne selon son type de peau, et tout ça.

Pour avoir accompagné ma fille, je dois vous dire qu'ici, là, si vous voulez avoir 20 minutes d'un lit de bronzage, ils vont vous le donner, ils vont vous le vendre. Ce sont de très jeunes personnes qui travaillent dans ces lieux. Puis je ne veux pas les blâmer, elles n'ont peut-être pas été bien formées au sujet de la dispensation de ces services-là. Mais c'en est déjà la preuve qu'il faut vraiment bien encadrer ce...

Le Président (M. Sklavounos): Trois minutes, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Ah, mon Dieu! ça va tellement vite. Peut-être que vous pourrez me répondre à l'autre bloc. Mais, en tout cas, tout ça... Je veux vous entendre, pourquoi vous en êtes arrivés à une mesure d'interdire 18 ans et moins?

Le Président (M. Sklavounos): Juste rapidement, Mme la députée, il n'y a pas d'autre bloc. Alors, on va faire des échanges rapides: question rapide, réponse rapide. Mme Champagne, allez-y.

Mme Champagne (Mélanie): Je vais répondre rapidement. L'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, recommande une interdiction aux 18 ans et moins. L'Organisation mondiale de la santé, c'est la plus haute instance, c'est la plus crédible sur la planète de santé. Donc, quand l'OMS recommande quelque chose, en général nous écoutons, nous essayons de suivre leurs lignes directrices. Première des choses.

Deuxièmement, évidemment, il y a un côté légal au fait que, rendu à 18 ans, bon, comme je le disais, on est en mesure de prendre nos propres décisions. D'autre part, je vous dirais que l'accompagnement parental ou la signature des parents, c'est une mesure qui a déjà été mise de l'avant un peu partout aux États-Unis à une autre époque et dans d'autres pays, et c'est suite à l'échec de cette mesure-là qu'on a décidé d'y aller avec un âge de majorité. Les jeunes imitaient, évidemment, la signature des parents, des parents allaient avec leurs enfants. Donc, on n'a pas vu, en comparant deux villes contiguës, par exemple, proches l'une de l'autre, une avec un règlement d'accompagnement parental et l'autre sans... on n'a vu aucune différence de fréquentation. Donc, l'accompagnement parental ou l'assentiment parental ne fonctionne pas.

Deuxièmement, vous parliez de directives, par exemple, sur un temps maximum ou ce genre de chose. Ça existe déjà, Santé Canada a mis de l'avant des lignes directrices. Donc, c'est un peu, entre gros guillemets, des lignes des meilleures pratiques qui sont recommandées. Comme c'est recommandé de ne pas laisser un jeune de moins de 16 ans se faire bronzer, c'est recommandé d'obliger les clients à porter des lunettes, de leur dire, avant qu'ils se fassent bronzer, que c'est dangereux pour leur peau et que ça peut être cancérigène, que c'est recommandé d'être capable de distinguer les différents types de peau pour que les types de peau blanche, blonde, teint roux ne puissent pas se faire bronzer.

Évidemment, vous l'avez dit, Mme Gaudreault, ce sont des jeunes, des adolescents, souvent, des étudiants qui travaillent dans ces salons-là. Évidemment, ils n'ont pas de formation. Et, d'autre part, on n'est pas certains, à la Société canadienne du cancer, on ne pense pas qu'une formation viendrait régler ce problème-là parce que même les dermatologues, des fois, ont de la misère... Ce n'est pas évident d'identifier les différents types de peau. Ça prendrait des spécialistes de la santé, évidemment, pour encadrer une pratique qui est aussi dangereuse pour la santé. Alors, quel dermatologue va accepter d'aller travailler dans un salon de bronzage alors qu'ils sont absolument contre cette pratique-là, qui est reconnue cancérigène? Donc, la formation du personnel, malheureusement, ce n'est pas dans les plans et ce n'est certainement pas dans nos recommandations.

Donc, les directives de Santé Canada, aussi des sondages ont été faits. On a envoyé à l'aveugle des jeunes dans les salons de bronzage, et, à forte proportion, ils ne respectent aucunement ces lignes directrices de Santé Canada.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, merci, Mme Champagne. Alors, c'est le temps que nous avions pour le parti ministériel. Alors, ça va assez rapide. Alors, je rappelle aux collègues que le plus rapidement vous posez la question et le plus vite... le plus grand nombre de questions, on pourrait avoir et aborder. Alors, je vais regarder du côté de l'opposition officielle et je vais céder la parole à Mme la députée de Taschereau, qui est également la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. Mme la députée de Taschereau, la parole est à vous.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour aux collègues de tous les côtés. Je vais, d'abord, remercier la Société canadienne du cancer, M. Hamelin, Mme Champagne, Mme Gloutney. Bienvenue. C'est toujours un peu impressionnant, probablement, de venir parler pour la première fois en commission parlementaire. Nous, on a un peu plus l'habitude, là, on est souvent ici. Mais merci beaucoup, beaucoup d'avoir pris ce temps et cette énergie, puisque vous nous dites que vous en disposez de peu. Alors, merci. Vous l'avez peut-être volée un petit peu à vos enfants, à votre famille, mais vous la donnez à la société, et on apprécie énormément, Mme Gloutney. Merci.

On est actuellement dans le... Ce que j'aime dans la discussion que vous nous avez forcés à faire parce que... Et c'était important, vous avez interpellé la société et vous avez amené un sujet en commission parlementaire qui, sans votre travail, ne serait pas venu ici. Ça prenait cette interpellation de la part des gens, des pétitionnaires sur ce sujet qui est: Est-ce qu'on pourrait faire de la prévention? Vous nous invitez à faire de la prévention, sujet dont tout le monde rêve, qu'on parle, mais en plus qu'on mette en... Tout le monde rêve qu'on fasse de la prévention au Québec. Vous nous dites: Voici un élément, là, où on pourrait agir. Maintenant, la discussion... Je pense, il faut aborder rapidement la discussion plus scientifique, puis, après ça, on va aller au niveau politique parce que je pense qu'on est rendus là.

Au niveau scientifique, est-ce que je m'abuse, la littérature est vraiment très claire? Est-ce que je ne m'abuse? Est-ce que c'est bon de dire: Il n'y a absolument aucun doute, toute la littérature dit: Exposition pour les jeunes au salon de bronzage égale forte probabilité d'un mélanome dans l'avenir? J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie): Aucun doute, absolument. Les études les plus rigoureuses... Le Centre international de recherche sur le cancer, qui est l'organe affilié à l'Organisation mondiale de la santé, dit que rayons artificiels, lien direct, hors de tout doute, avec un risque d'avoir un cancer. Évidemment, c'est un risque, il n'y a pas de... on ne peut pas dire... On a le chiffre 75 % de plus de risques d'avoir un mélanome, ce qui est quand même énorme, c'est presque doubler les chances lorsqu'on s'expose avant 35 ans. C'est le cas, les jeunes femmes commencent à s'exposer avant l'âge de 35 ans, comme je le disais un peu plus tôt. Donc, c'est le chiffre qu'on a: 75 % d'augmentation des risques de souffrir d'un mélanome, qui est un cancer très meurtrier. Je vous dirais qu'au cours de la semaine qui vient il y a environ cinq Québécois qui vont mourir d'un cancer de la peau, et la semaine prochaine aussi, et la semaine suivante aussi, etc. Donc, c'est environ quatre à cinq Québécois par semaine. Donc, le risque est réel. Ce n'est pas banal, un cancer de la peau.

Mme Maltais: Donc, le chiffre que je retiens, 75 % d'augmentation...

Mme Champagne (Mélanie): De risque du mélanome.

Mme Maltais: ...de risque. C'est beaucoup.

Mme Champagne (Mélanie): Pour le mélanome. C'est énorme.

Mme Maltais: C'est énorme. L'autre chiffre, vous nous avez dit qu'au Québec ils sont 250 000 jeunes Québécois à fréquenter les salons de bronzage en moyenne 11 fois l'an, c'est dans votre mémoire. D'où nous viennent ces chiffres? Parce que ça doit être quand même assez difficile à quantifier, vu qu'on n'a pas de registre, donc on n'a pas de chiffre, on n'a pas de nombre de salons de bronzage. Comment vous avez réussi à aller chercher ces données?

Mme Champagne (Mélanie): C'est avec Léger Marketing.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie): Pardon. Léger Marketing, un sondage qu'on a fait faire, fin de l'été qui vient de passer.

Mme Maltais: Donc, si vous êtes allés chercher ces données par sondage...

**(14 h 40)**

Mme Champagne (Mélanie): ...les chercher, vous avez raison parce qu'il y en avait très peu. On a des données qui datent de 2006 d'un document qui s'appelle le National Sun Survey, qui a été fait au Canada. Il y avait des données pour le Québec, on a voulu les actualiser. On a également fait faire, pour votre... Vous l'avez en dernière page du mémoire, l'annexe sur le Centre Propel, qui a fait également une étude sur l'impact financier qu'aurait une éventuelle législation. Donc, on a voulu fournir ça également. On salue le travail de Propel, d'ailleurs, qui nous a offert cette étude-là gracieusement.

Alors, on est allés se doter, dans le fond, de nouvelles données de fréquentation parce que, comme vous le dites, ce n'était pas... On a souvent les chiffres de l'industrie, l'industrie, qui nous dit que les jeunes forment à peu près 6 % de sa clientèle. Ça, c'est les jeunes mineurs. Nous, on est allés chercher un chiffre vraiment sur les 15-29 ans, et c'est un quart de million, en général. Plus forte prévalence chez les femmes, 160 000 femmes pour 90 000 hommes. Ce qu'on a appris aussi, c'est qu'en quelques années à peine le taux de fréquentation chez les jeunes hommes a doublé, en fait, des salons de bronzage. Donc, ce n'est plus quelque chose d'exclusivement féminin, donc c'est une problématique qui est masculine aussi.

Et puis, si on regarde dans le mémoire -- c'est à quelle page? -- on a une photo, moi, qui... une photo d'un jeune garçon -- c'est à quelle page? -- Jordan... Oui, voilà, page 14. C'est une publicité qu'on a trouvée sur Internet. Ce n'est pas difficile, là, on clique «bronzage», il en sort des centaines comme ça. C'est écrit: Jordan après une séance de 30 minutes turbo. Moi, je suis allée au salon de bronzage quand j'étais jeune. Je l'avoue et bien candidement, j'étais jeune, c'est la même chose. Je le regrette maintenant, mais coudon. Moi, 10 minutes, j'étais brûlée, là, brûlée. Je ne sais pas, lui, s'il est vraiment allé 30 minutes turbo, mais c'est l'image qu'on envoie. C'est pour ce look-là avec les abdos et ce corps de jeune en bonne santé, 30 minutes turbo va vous... en fait, va vous donner ce look-là, ce qui n'est pas juste farfelu, ce qui est carrément dangereux, scandaleux. On va se le dire, c'est totalement mensonger et très dangereux, très dangereux pour les jeunes.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: On dit 250 000 jeunes. Donc, c'est de 15 à 29 ans. Puis est-ce que vous avez une idée de la proportion de ceux qui sont 18 ans et moins ou moins de 18 ans, 15, 16, 17 ans, dans votre sondage ou... Juste pour essayer de voir...

Mme Champagne (Mélanie): Il y a beaucoup de chiffres dans ce dossier, hein? Vous allez me pardonner d'aller retourner à mon tableau.

Mme Maltais: Pendant que vous cherchez, simplement j'essaie de faire la différence entre... On veut... Moi, je suis d'accord avec l'idée de la prévention. Je ne sais pas par quelle manière on peut l'atteindre, là, mais vous proposez, vous, interdiction. Il ne s'agit pas de recommander, il s'agit de réglementer. C'est ce que vous dites, là. Effectivement, la réglementation est toujours beaucoup plus efficace que la recommandation quand la recommandation ne suffit pas, quand elle a été essayée.

Mme Champagne (Mélanie): Parce que ça fait 25 ans qu'on fait des campagnes de prévention si vous demandez à l'Association des dermatologues. Alors, quand les gens nous disent: Bien, pourquoi pas continuer à sensibiliser le public?, on sensibilise le public ça fait 20 ans, mais les chiffres nous montrent que les mélanomes ont doublé. Donc, clairement, la sensibilisation n'est plus suffisante.

Vous avez, à la page 10, les chiffres les plus récents selon Léger et Propel: 10 % des 15-17 ans fréquenteraient les salons de bronzage.

Mme Maltais: 10 % des 15-17 ans, ça fait beaucoup de jeunes.

Mme Champagne (Mélanie): Et 4 % des 12-14 ans. On a des chiffres qui viennent du Danemark, ce ne sont pas... 4 %, du Danemark, qui montrent que les jeunes commencent à y aller à huit ans. C'est surprenant pour tout le monde, là, on n'est pas... Moi, je ne suis pas tous les jours autour des salons de bronzage, mais c'est les chiffres qui ressortent de l'enquête. Ce qui est difficile pour nous ici, c'est d'avoir des chiffres plus jeune que 15 ans. Évidemment, quand on fait des sondages, ça prend une approbation parentale. Donc, c'est pour ça que, là, on s'est penchés sur les 15-17 ans, 10 %.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Juste avant de... Je sais que ma collègue veut aussi vous poser des questions. Un petit commentaire. Vous faites beaucoup allusion à l'industrie du tabac, aux procédés dont elle a usé, c'est-à-dire un peu nier la réalité ou procédons d'abord par recommandations. Et il a fallu, à un moment donné, légiférer. Jean Rochon, à l'époque ministre de la Santé, a été salué comme un homme extrêmement courageux d'avoir osé poser ce geste d'une loi sur le tabac, puis, aujourd'hui, tout le monde s'entend que c'était le geste à poser et qu'il a sauvé énormément de vies, probablement. De toute façon, je parle de M. Rochon, mais, à l'époque, ça a été, de toute façon, adopté à l'unanimité.

Avez-vous commencé à discuter avec le ministère de la Santé? Avez-vous eu des rencontres? Avez-vous un peu une idée de comment est accueillie cette idée?

Le Président (M. Sklavounos): Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie): Tout à fait. De toute façon, le Dr Bolduc s'est prononcé dans les médias également en faveur de cette mesure-là, de l'interdiction aux mineurs, et des autres mesures que nous réclamons. Il a cependant mis un bémol en disant: J'aimerais voir s'il y a une acceptabilité sociale, dans le fond.

Alors, nous, on est contents, aujourd'hui, de vous apporter cette acceptabilité sociale. On n'arrive pas seulement avec les 60 000 noms, que je remercie. Les personnes, d'ailleurs, autour de la table, il y en a plusieurs d'entre vous qui ont déposé la pétition, je vous en remercie très sincèrement, mais on a également... Ici, vous avez reçu ce petit cartable, qui vous a été déposé tantôt. C'est la liste des organisations de droits des consommateurs, des ordres de santé, des organisations de parents, des organisations de jeunes qui appuient nos demandes, de la Société canadienne du cancer. On a ici 65 lettres mais qui représentent plus de 500 organismes, en fait, québécois qui sont en faveur de l'interdiction aux mineurs et d'autres.

On a également fait des sondages, donc un sondage avec Léger Marketing. Il y a eu des questions du jour dans les médias aussi, TVA, CTV. Et ce que ça met en lumière, c'est qu'entre 90 % et 96 %, en fait, de la population est d'accord et dit qu'elle.. on est prêt à interdire le bronzage aux mineurs maintenant. Donc, je crois que l'acceptabilité populationnelle est là. Le Dr Bolduc l'a demandée, on est extrêmement contents de la lui donner aujourd'hui.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme Champagne. Et juste une courte, brève mention, le document que vous avez exhibé tout à l'heure avec les organismes qui appuient les demandes de la SCC en matière de bronzage artificiel sera déposé comme annexe à votre mémoire, là. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour la continuation. Il reste environ 5 min 30 s. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Bonjour, madame. Je partage tout à fait les propos de ma collègue. Moi, j'ai une jeune femme... une fille, femme qui a 23 ans, qui a été et qui est toujours une consommatrice de salons de bronzage, et, la tanorexie, là, on a connu ça, dans la maison chez nous parce qu'il fallait être plus brune, parce qu'on se teint en blonde, puis il faut être brune. Parce que c'est ça, le look qu'on nous demande comme société, il faut être mince, blonde et bronzée, malheureusement. Dans votre...

Une voix: ...

Mme Poirier: Hein?

Une voix: ...

Mme Poirier: Mais, toi, tu l'es naturel, ce n'est pas pareil. Est-ce que, dans les données que vous avez... Parce que vous ciblez les jeunes de moins de 18 ans dans un programme de prévention. Moi, je me pose la question, puisque toutes vos données sont des 16-29 ans, puisque ce n'est pas bon, puisque votre constat est que ça donne 75 % de plus de risques d'avoir un cancer, pourquoi votre recommandation n'est pas, tout simplement, d'abolir les salons de bronzage, puisque votre constat, c'est de dire que c'est néfaste pour la santé? Et j'ai comme l'impression qu'on revient à ce même débat là qu'on avait sur la cigarette à une autre époque en se disant: Ce n'est pas bon pour la santé, donc pourquoi ne pas l'interdire?

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie): On n'a pas interdit la cigarette pour une raison, évidemment, évidente, que, demain matin, on se retrouverait avec 1 300 000 fumeurs en manque, et ce ne serait pas rendre service à la société. Ce n'est peut-être pas la même chose, évidemment, au niveau des salons de bronzage. Si vous posiez la même question aux dermatologues, je suis pas mal certaine qu'ils vous diraient que le bannissement serait la meilleure chose, c'est sûr, c'est leur point de vue de santé.

On s'enligne vraiment avec les positions de l'Organisation mondiale de la santé, qui demande 18 ans parce que la peau... Il faut savoir que, quand on est pleine croissance, la peau n'a pas achevé son développement, et les rayons UV pénètrent beaucoup plus fortement et font énormément plus de dommages. C'est de un. Et, de deux, comme je l'ai mentionné brièvement tantôt, comme les habitudes se prennent jeune, on croit qu'en réglementant au niveau des mineurs on va épargner toute une cohorte de futures personnes consommatrices régulières de salons de bronzage.

Également, je ne vous cacherai pas qu'à cette époque ou à ce moment où on est très dans les libertés individuelles, déjà on se bat contre un courant qui... Certaines personnes, pas la majorité, on l'a vu parce que les sondages sont très en notre faveur, les gens appuient notre recommandation... mais on entend souvent, quand même, des gens dire: Il me semble que les parents pourraient décider à la place de leurs enfants, encore une loi... Bref, pas juste pour le bronzage artificiel, mais vous entendez sûrement sans doute ça régulièrement: Encore une loi. Ça ne fait jamais plaisir d'avoir une loi. Ça fait deux ans qu'on travaille sur ce dossier-là d'arrache-pied. Si on en arrive à cette conclusion-là, c'est parce que la science a prouvé que c'est de cette façon-là qu'on va sauver des vies et qu'on va réduire le nombre de cancers. Donc, on préfère s'enligner avec les recommandations de l'OMS pour les mineurs. Ça ne veut pas dire qu'on croit que c'est bon pour la santé en haut de 18 ans.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Mme Champagne. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

**(14 h 50)**

Mme Poirier: Merci. Les données que vous donnez concernant les cas et les décès et cette courbe à l'effet que 1995, 380 cas, 105 décès; 2011, 760 cas, donc le double de cas, 180 décès... Pour vous, vous l'expliquez comment?

Mme Champagne (Mélanie): Qu'il y ait plus de décès?

Mme Poirier: Bien, il n'y a pas plus de décès versus les cas, là. Il n'y a pas le double de décès versus le double de cas. Alors donc, c'est la médecine? C'est les traitements?

Mme Champagne (Mélanie): Le dépistage.

Le Président (M. Sklavounos): Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie): On dépiste mieux maintenant, donc on est capable de découvrir plus tôt de meilleurs cas, de meilleurs traitements également, tout à fait. On les dépiste plus tôt, donc on évite la mortalité. Laissez-moi retrouver les chiffres. Et ça, c'est les cas de mélanome, hein, il faut préciser.

Mme Poirier: Je voulais juste vous préciser...

Le Président (M. Sklavounos): Allez-y, Mme la députée.

Mme Poirier: Est-ce que, dans... on a la ventilation des strates d'âge là-dedans? Parce qu'entre les 380 cas nommés en 1995 et ceux de 2011 il y avait des 18 ans, qui ont eu, en 2011, 18 ans, là, entre-temps et qui sont devenus des consommateurs. Donc, l'accroissement du nombre de cas, est-ce que vous le faites en relation avec, justement, la popularité, pour les mineurs, des salons de bronzage? C'est un peu...

Le Président (M. Sklavounos): Dernier mot, Mme Champagne.

Mme Champagne (Mélanie): On sait qu'il y a un lien direct parce que l'industrie du bronzage est passée de 600 quelques salons en 2000, à près de 900 en 2004, à plus de 1 000 en 2008 et à certainement plus de 1 200, je n'en sais rien, on n'a pas les chiffres présentement. Donc, on sait qu'il y a une corrélation, il y a plus d'utilisateurs. Ce que des dermatologues avec qui on travaille nous disent, c'est qu'auparavant ils opéraient des hommes ou des femmes de 50, 60, 70 ans pour des mélanomes. Maintenant, ils opèrent régulièrement, deux fois par semaine, pourraient nous dire des dermatologues, des jeunes femmes de 25 ans, 18 ans qui ont des mélanomes à des endroits jamais vus aussi, sur la poitrine, sur les fesses, des endroits qui ne sont pas exposés à la plage, en général. Donc, ça, c'est un net changement qui a été vu par les dermatologues.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, merci, Mme Champagne. Là-dessus, au nom des membres de la commission, je remercie la Société canadienne du cancer d'avoir été avec nous, des documents transmis, M. Jean-Daniel Hamelin, Mme Mélanie Champagne, Mme Annie Gloutney pour ce témoignage personnel.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Association des dermatologistes du Québec à prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 52)

 

(Reprise à 14 h 56)

Le Président (M. Sklavounos): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues. Nous sommes de retour ici, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'Assemblée nationale, pour nos consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l'étude de la pétition concernant le cancer de la peau et le bronzage artificiel.

Juste avant de continuer, je vais faire un petit remerciement -- et c'est au nom de tous les parlementaires -- M. David Boucher, qui est notre recherchiste, Service de recherche de la direction de la Bibliothèque, pour le document de 14 pages qu'il a produit, le document de soutien qui a aidé aux parlementaires à se préparer pour ces auditions-là. Alors, merci beaucoup, M. Boucher, pour votre excellent travail, auquel nous sommes habitués.

Alors, nous avons le plaisir d'avoir avec nous en ce moment l'Association des dermatologistes du Québec. Alors, j'accueille, je pense, de gauche à droite, juste pour les fins... le Dr Chantal Bolduc, qui est la présidente, elle est à gauche; Mme Marie-Pier Desprès, qui est une patiente du Dr Claveau, qui est au centre; et le Dr Joël Claveau, à ma droite, conseiller de l'association et directeur du programme Prudence au soleil, de l'Association canadienne de dermatologie. Je vous souhaite la bienvenue au nom des membres.

Nous avons reçu préalablement une copie de votre présentation PowerPoint qui sera sur les écrans, ici, à la salle. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole, Dr Claveau, pour une période de 10 minutes. Et, par la suite, nous allons débuter la période d'échange. À vous.

Association des dermatologistes du Québec (ADQ)

M. Claveau (Joël): M. le Président, merci. Chers membres de la commission, nous sommes très contents d'être présents et d'être invités aujourd'hui pour témoigner de notre expérience et de vous faire part de nos préoccupations. Donc, en fait, je vais faire une brève introduction sur les rayons ultraviolets. On en a entendu très bien parler par le groupe précédent, les effets négatifs, bien sûr, qui ne se limitent pas qu'au cancer, mais également on parle d'allergies, de vieillissement cutané, que ce sont des points très importants à considérer. Je vais parler brièvement des moyens de prévention. Depuis plus de 20 ans, 25 ans, on fait les campagnes et on répète constamment. Donc, je vais en parler et, bien sûr, de la problématique du bronzage artificiel.

Sans aller dans un cours théorique -- j'ai mis juste un petit schéma de la peau -- les rayons ultraviolets, ce sont des rayons qui ont peu d'effets bénéfiques, sauf, bien sûr, la production de vitamine D. On a besoin d'une très petite quantité de rayons ultraviolets par semaine. 15 minutes, par exemple, deux fois par semaine, c'est amplement pour avoir la vitamine D. Vous voyez, les rayons UVB touchent l'épiderme. C'est là que sont les cellules qui donnent le cancer, donc les kératinocytes et les mélanocytes, sans aller trop dans le détail. Les rayons UVA, on croyait pendant des années que c'était sécuritaire, mais on s'est aperçu que ça pénètre plus en profondeur dans la peau, ça abaisse le système immunitaire et c'est également cocarcinogène. Donc, malheureusement, ce n'est pas bénéfique. Heureusement, la couche d'ozone, que vous voyez en rouge, la petite couche nous empêche de recevoir des quantités de rayons UVC, qui sont encore plus cancérigènes, et des quantités trop fortes d'UVB, mais laisse passer les UVA.

Pourquoi on a beaucoup de cancers de peau maintenant? Bien sûr, une des raisons, c'est que la couche d'ozone s'est détériorée de façon importante au cours des années. Les politiciens, c'est important, c'est important d'agir. Vous voyez, le Protocole de Montréal en 1987, ça a été un point tournant dans l'histoire de la protection de l'environnement parce qu'on a décidé qu'il n'y aurait plus ou moins de CFC, et, suite à ça, il y a beaucoup moins de détérioration de la couche d'ozone. Donc, on est contents que vous nous receviez parce qu'on pense que c'est important, comme ça a été important en 1987 lorsqu'on l'a fait pour réglementer les CFC et protéger la couche d'ozone.

Quels sont les mauvais côtés des rayons UV? Bien, bien sûr, le coup de soleil. L'été, trop de gens prennent des coups de soleil. Je dis toujours en blague: Quand je reviens à l'aéroport puis je vois tous les avions d'Air Transat qui débarquent -- ou Sunwing, pour ne pas faire de publicité plus un pour l'autre -- qui sont remplis de gens brûlés, bien ça nous rend malades, nous, les dermatologues, de voir les gens qui, malheureusement, ne se protègent pas encore assez.

**(15 heures)**

Il y a un mythe important, c'est qu'il n'y a pas de bronzage sécuritaire. Si on est brun, c'est que la peau a été endommagée et la peau a reçu une quantité trop importante de rayons ultraviolets. On ne peut pas bronzer sans endommager notre peau. C'est pourquoi qu'il n'y a pas de bronzage progressif, il n'y a pas de bronzage... Se faire un fond... Je vois que mon collègue Dr Rhainds -- ça fait 20 ans qu'on répète la même chose -- derrière moi, qui va parler après... Se faire un fond, c'est un mythe, on ne peut pas se protéger en bronzant, malheureusement, on endommage notre peau.

Ça donne des rides également. Donc, tous nos jeunes qui fréquentent les salons de bronzage vont endommager leur peau. Il y a des millions que les gens investissent pour corriger la peau, que ce soit par des techniques de laser, de peeling, ou d'injection, ou de crème. Mais la prévention, c'est le plus important.

Les cataractes. Les rayons ultraviolets donnent des cataractes. On sait comment c'est une problématique chez notre population vieillissante au Québec. Il y a des maladies causées par les rayons ultraviolets. La plus fréquente, c'est l'allergie au soleil, qu'on appelle la lucite, qui arrive au début de l'été, qui peut être aussi déclenchée par les bronzages artificiels.

Une maladie fréquente, qu'on appelle le lupus, que, nous, les dermatologues, nous traitons, comme aussi nos collègues qui traitent le rein, parfois le coeur, les poumons, c'est une maladie qui est 100 % déclenchée par les rayons ultraviolets. Bien sûr, il y a une prédisposition génétique.

C'est très bien démontré que, autant fréquenter les salons de bronzage qu'aller au soleil, on abaisse notre système immunitaire, on réactive, par exemple, l'herpès après une exposition au soleil ou dans les bronzages artificiels, on abaisse tous nos facteurs de protection de notre peau.

On a vu des belles statistiques tout à l'heure: 80 000 Canadiens souffrent de cancers de peau, 20 000 par année au Québec, un Canadien sur six au cours de sa vie. C'est vrai que le cancer de la peau, ça ne tue pas autant que d'autres cancers, mais ça peut défigurer beaucoup. Tous les jours, on crée des cicatrices, on enlève des bouts d'oreille, de nez au visage. Les gens veulent être beaux, mais on les défigure par nos chirurgies, malheureusement. On essaie d'être le mieux possible. Et ça peut tuer trop souvent des jeunes, comme j'ai des jeunes de 35 ans actuellement en traitement à l'Hôtel-Dieu de Québec en métastase de leurs mélanomes. 90 % des cancers de peau sont causés par le soleil. Ça, c'est des manchettes qu'on répète constamment. Les statistiques sont là. Se protéger comme il le fait actuellement, ce n'est pas assez. Il faut garder notre tee-shirt, il faut s'habiller, il faut éviter le bronzage artificiel même en haut de 18 ans, je reviendrai là-dessus tout à l'heure.

Statistiques américaines. En 2015, une chance sur 50 de développer un mélanome au cours de sa vie. Malheureusement, nous n'avons pas des bons registres au Québec, aussi bons que dans certains États américains, mais on voit la courbe, nous, qui se répète de façon similaire.

Dr Ricard est un pionnier de la lutte à l'Association des dermatologues, il a été président pendant 25 ans. C'est un maniaque, là, des tableaux Excel et de l'informatique, puis, à chaque année, il dit: Joël, il dit, je t'envoie mon tableau, comme Chantal, bien sûr, qui l'a remplacé dans son travail. Donc, on voit ici, là, les statistiques qui démontrent 28 000 cas de cancer de peau traités par les dermatologues en 2009 au Québec pour 2 000 en 1975. C'est une augmentation effarante.

C'est qui qui font des cancers de peau? Bien, c'est eux, les jeunes qui s'exposent, des blonds, les gens qui sont plus à risque. Je dis toujours en blague: Ça, c'est un cas de DPJ de laisser nos enfants sur la plage comme ça. 5 % des cas de cancer sont le mélanome; 70 %, le carcinome; 25 %, le spinocellulaire. George Bush senior, kératose actinique. Donc, ce n'est pas seulement le mélanome, ce sont des lésions précancéreuses que donnent les rayons UV, des carcinomes. Ça, quand on vous dit qu'on traite, là, des centaines de carcinomes par semaine au Québec, donc, ça, c'est les types de lésions qu'on enlève. Ça, c'est un spinocellulaire qui peut tuer -- donc, pas seulement le mélanome peut tuer -- au cuir chevelu, une plaie au nez, un basocellulaire qui nécessiterait une chirurgie importante avec une déformation de l'aile du nez, des grands carcinomes... Donc, ce n'est pas seulement le mélanome, la problématique, c'est aussi les carcinomes.

Le mélanome, on en parle plus parce que c'est la forme la plus sérieuse. Tantôt, j'ai stationné en face. Bien sûr, historiquement, tout le monde se rappelle de la triste situation de M. Bourassa qui est décédé d'un mélanome. Donc, le mélanome, l'a b c d, on fait des campagnes pour le prévenir précocement, mais ce n'est pas facile. Ce sont des tumeurs, comme on voit ici, dans le milieu du dos qui présentent plusieurs couleurs. Vous voyez une jeune ici qui a un mélanome dans le dos. C'est ce qu'on voit maintenant dans notre pratique, sur la jambe, à l'avant-bras, près du coude. Et, malheureusement, lorsque le mélanome va trop vite, bien, se répand dans les ganglions, à la peau et partout, comme on voit ici, aux poumons, au foie et au cerveau. Donc, c'est une petite proportion des mélanomes qui donnent des métastases. Mais, lorsque ça survient, nous sommes encore très, très limités dans nos traitements.

Donc, qu'est-ce qu'on recommande, les dermatologues, c'est changer les comportements. C'est difficile. Les campagnes, on les fait depuis des années, donc on doit agir, on doit supporter par des réglementations plus sévères. On ne peut pas réglementer le soleil, bien sûr. On peut peut-être, dans le futur, réglementer les cours d'école, réglementer les lieux de travail. À New York, par exemple, on ne peut pas laisser les travailleurs travailler à l'extérieur le torse nu. Donc, c'est une première étape selon moi aujourd'hui, notre visite.

Oui, on veut que les gens portent le chapeau. Vous voyez, quand même, là, ce que je recommande comme costume de bain, mais ce n'est pas très populaire. Bien sûr, on peut garder nos parasols à la maison et puis nos arbres. L'écran solaire, oui, c'est la façon de se protéger, mais souvent les gens n'en mettent pas assez.

Le bronzage artificiel, c'est très clair, notre position sur le sujet, il n'y a aucune raison que le bronzage artificiel existe. Selon nous, comme au Brésil par exemple, ça pourrait être banni complètement. Je comprends, on va y revenir tout à l'heure. Peut-être, c'est la première étape, les 18 ans. Mais, si vous voulez aller de l'avant puis dire: On va faire comme au Brésil puis on va les bannir, nous, on va vous appuyer à 100 %.

Historiquement, les dermatologues... Vous voyez, Dr Ricard, en 1981, a envoyé une lettre à l'association américaine pour demander la position; en 1988, une lettre à Thérèse Lavoie-Roux, qui était ministre de la Santé, pour demander de réglementer le bronzage. Toujours l'Association des dermatologues, Dr Rhainds, et moi, et Santé publique, un sondage qui démontre 20 % des gens qui fréquentent le salon de bronzage. Ça, c'est en 1999. On a fait un document de travail en 1998 qui demandait de réglementer. À l'époque, on demandait les mêmes choses. Donc, vous voyez, on répète, on répète, mais maintenant les évidences scientifiques nous supportent hors de tout doute.

Ceci sera présenté tout à l'heure par le groupe qui me suit, les recommandations du groupe de travail dans lequel ont participé Santé publique, Société canadienne du cancer, ministère de la Santé et les dermatologues. Les rayons ultraviolets sont nocifs. C'est l'équivalent d'une grande journée au soleil. L'OMS le recommande. Vous demandiez tout à l'heure les statistiques qui démontrent l'augmentation du cancer. Vous voyez toutes les études qui démontrent un risque relatif, 1,78, 2,5, 2,7, 3,8 fois le risque de développer un mélanome si on fréquente le bronzage artificiel. C'est un mélanome sur un sein, c'est ce qu'on voit maintenant chez les jeunes filles. Un autre, au mamelon -- on ne voyait jamais ça avant -- chez les utilisatrices de salons de bronzage, chez des jeunes et même chez des jeunes femmes. Ici, c'est dans la... 45 ans, une grande utilisatrice de salons de bronzage, un mélanome qui, probablement, va l'emporter. On voit des carcinomes. Donc, même les carcinomes sont augmentés. On voit une femme ici qui a 10 carcinomes sur le tronc. Vous allez dire: Ah! elle ne va pas décéder de ça. Mais on devra lui faire 10 chirurgies ou 10 traitements. Les carcinomes nécessitent des chirurgies avec des cicatrices, donc ce n'est pas seulement le mélanome.

Donc, en conclusion, les évidences scientifiques et cliniques démontrent que le bronzage est nocif. On a une augmentation constante des cas de carcinome et de mélanome. Ça touche de plus en plus les jeunes. On est très préoccupés, et, selon nous, il n'y a aucun avantage au bronzage artificiel.

Juste finir avec un petit point positif. Vous voyez, aux Oscars, la majorité, quand même, des jeunes femmes, des jeunes actrices sont plus pâles. Donc, c'est quand même encourageant. Mais, quand même, on n'a pas réussi à convaincre toutes les femmes d'Hollywood de se protéger. Cameron Diaz, malheureusement, ce n'est pas ma favorite. Donc, merci, et je vais laisser la parole à Dre Bolduc et à notre patiente.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau, nous sommes arrivés à la fin de notre temps avec vous de présentation. C'était une présentation de 10 minutes. Alors, avec le consentement des parlementaires, je vais vous permettre de dépasser, alors, pour le reste de la présentation, et le temps sera enlevé équitablement aux deux groupes. Alors, allez-y, Dre Bolduc.

Mme Bolduc (Chantal): En fait, moi, je pense que l'évidence clinique est assez claire. Moi, la question que j'ai à vous poser, c'est: Pourquoi ne pas légiférer? Qu'est-ce qu'il y a de néfaste à le faire? Puis nous, idéalement, on aimerait que ce soit banni pas seulement pour les moins de 18 ans, et pour tout le monde. C'est sûr qu'il y a une question de droits. On dit que les gens peuvent choisir, mais, dans un système de santé où toute la santé est couverte, oui, on a des droits, mais on a des responsabilités aussi. Alors, j'aimerais ça, vraiment, savoir qu'est-ce qui nous freine à passer cette réglementation-là.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dre Bolduc. Mme Desprès, à vous.

**(15 h 10)**

Mme Desprès (Marie-Pier): Oui, bonjour. Moi, en fait, je suis là pour vous parler de mon expérience que j'ai eue avec les salons de bronzage. Je vois les statistiques depuis tout à l'heure, puis c'est clair que j'apparais là-dedans parce que, moi, j'ai commencé à l'âge de 16 ans, à l'arrivée du bal des finissants. Puis, comme toutes les autres, j'ai fait quelques séances, mais j'en ai peut-être fait une trentaine au total. Donc, on ne peut pas dire que j'ai abusé. J'ai continué aussi un petit peu après les salons de bronzage, mais pas longtemps. Donc, je savais que j'avais le teint pâle. Ma mère m'interdisait aussi, mais c'est clair que ce n'est pas assez. Donc, j'ai arrêté puis, deux ans après, à l'âge de 18 ans, c'est mon médecin de famille qui a repéré, sur mon sein gauche, un mélanome. En fait, on ne savait pas, à ce moment-là, que c'était un mélanome, puis ça ne semblait pas inquiétant non plus. Mais il m'a référée à un dermatologue à Montmagny qui, lui non plus, ne semblait pas inquiet mais m'a référée à Dr Claveau. Et puis, pour ne pas prendre de chance, on a commandé une biopsie, et le diagnostic est tombé. C'est certain qu'à l'âge de 18 ans c'est frappant. Puis, à l'âge de 16 ans, si on m'avait dit que ça aurait cet impact-là, que j'aurais une épée au-dessus de ma tête pour le reste de ma vie, je n'aurais pas fait ce choix-là. Donc, moi, j'appuie à 100 % la prévention, même la réglementation pour empêcher au moins aux jeunes de moins de 18 ans l'exposition dans les lits.

J'ai fait de la prévention l'an passé dans des écoles secondaires, puis c'était vraiment... la réponse était vraiment bonne. Les jeunes sont intelligents. Ils sont dans leur phase d'apprentissage puis ils posaient beaucoup de questions. Ils semblaient effrayés pas juste par les cicatrices, mais par la peur qui persiste après. Donc, moi, je pense que c'est majeur, là. Pour moi, à mon sens, les salons de bronzage ont causé des mélanomes. J'en ai eu un sur le sein gauche puis un sur le sein droit après qui était moins infiltrant, mais tout de même là.

Le Président (M. Sklavounos): Merci beaucoup, Mme Desprès. Alors, remerciements au Dr Joël Claveau pour cette présentation très visuelle, Dre Bolduc également, et surtout à Mme Desprès de venir partager quelque chose de très personnel avec nous publiquement, là. On en sort très informés, et ça ajoute beaucoup à notre compréhension de la situation. Alors, merci beaucoup.

Nous allons débuter tout de suite avec la période d'échange. Ce sera du côté des ministériels, et ce sera à M. le député des Îles-de-la-Madeleine, qui est également adjoint parlementaire du ministre de la Santé. M. le député des Îles, la parole est à vous.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci à vous, à l'association, de partager votre expertise, vos connaissances sur le sujet et, surtout, de nous aider à réfléchir afin de considérer la meilleure mesure à prendre pour lutter avec vous et avec d'autres sur cette grande problématique.

Par ailleurs, Dre Bolduc, je ne répondrai pas nécessairement à votre question pour l'instant parce qu'il s'agit, évidemment, d'une question d'ordre, je dirais, de responsabilité personnelle, mais aussi de responsabilité d'ordre public, et il faut trouver l'équilibre dans ces deux volets. Évidemment, si on a décidé de tenir des consultations particulières et des audiences publiques, c'est parce que le sujet nous touche énormément et qu'on souhaite partager avec les collègues à l'intérieur de cette commission les meilleures actions à prendre, c'est entendu.

Alors, vous êtes les défenseurs et les promoteurs d'une action à prendre par le gouvernement visant à légiférer puis interdire l'accès aux salons de bronzage ou le bronzage artificiel. Ma question va être rapide: Est-ce que vous êtes d'avis que, présentement, ce n'est plus uniquement chez les jeunes filles que la problématique se pose de plus en plus, mais autant une problématique masculine? Et j'imagine qu'à l'intérieur de vos consultations médicales, vous voyez autant de jeunes garçons que de jeunes filles.

Et je vais y aller avec ma deuxième question pour vous permettre de répondre aux deux. Bon, pour enrayer ce fléau que tout le monde est d'avis que c'est de plus en plus croissant, il y a différentes mesures, les mesures de prévention, les mesures coercitives si on arrivait à légiférer avec une loi sur le sujet, mais, pour ceux qui sont atteints, est-ce que les mesures curatives donnent des succès également?

Le Président (M. Sklavounos): Merci beaucoup, M. le député des Îles. Alors, Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): Le premier point, effectivement, ça demeure que c'est plus une problématique de jeunes filles actuellement. Effectivement, on voit de plus en plus de jeunes garçons qui le fréquentent, mais le culte de la beauté, le culte du bronzage, comme j'ai mis en blague en finissant, les actrices, c'est plus véhiculé -- on voit dans les magazines également -- chez les jeunes filles. Mais, oui, les garçons le fréquentent.

Deuxièmement, la bonne nouvelle, c'est que, grâce au travail des médecins partout au Québec, des dermatologues et de tous les autres domaines de la médecine, on peut quand même traiter assez bien les cancers de peau. Le taux de guérison est très bon, 80 %. Mais le problème, c'est que, lorsque le mélanome est trop avancé et se répand, les traitements sont encore très décevants. Donc, c'est un des cancers les plus violents. Quand on a vu un jeune de 35 ans... Ou peu importe, quelqu'un qui meurt d'un cancer, c'est toujours triste, mais quand on voit des jeunes... C'est le cancer qui enlève le plus d'années de vie actuellement, donc c'est très préoccupant.

Le Président (M. Sklavounos): M. le député des Îles, ça va?

M. Chevarie: Oui.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Hull, à vous.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis très heureuse de vous retrouver, Dr Claveau, puisqu'on a eu le privilège, certains de mes collègues et moi, de recevoir cette présentation et puis de pouvoir vous questionner sur les enjeux.

Moi, j'ai une question toute simple -- parce que, là, je vais y aller rapidement, je me suis faite prendre avec le groupe précédent: Pourquoi ce sont les jeunes Québécois qui semblent -- en tout cas, parmi les Canadiens -- plus intéressés par le bronzage? Pourquoi les statistiques, selon vous, présentent des jeunes ici, au Québec, qui sont plus fervents, là, des plus fervents utilisateurs de ce service-là?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

Mme Gaudreault: Avez-vous une réponse?

M. Claveau (Joël): C'est un phénomène mondial, la fréquentation des salons de bronzage. Même, de façon surprenante, on en voit en Floride, on en voit en Californie, on en voit dans des États où il y a beaucoup de soleil. Est-ce que, vraiment, c'est plus fréquenté au Québec qu'ailleurs? Ça peut avoir été présenté dans certaines statistiques. On a un climat difficile. Le culte du voyage dans le Sud, les snowbirds, c'est un gros problème au Québec. Nous, les dermatologues, on blague toujours, en septembre, octobre, c'est nos plus grandes périodes de travail parce que tout le monde veut venir se faire examiner avant de s'en aller dans le Sud. Donc, est-ce qu'on peut l'expliquer face à ça? Mais c'est un problème mondial. Mais, nous, on a une population, pour la majorité, qui a quand même... caucasienne, donc la peau blanche, et on a un climat difficile. Donc. on a un certain réconfort à rechercher le bronzage, selon moi. Chantal, peut-être un commentaire?

Mme Bolduc (Chantal): Non, je n'ai pas de...

Le Président (M. Sklavounos): Ça va?

Mme Bolduc (Chantal): Oui. Je n'ai pas rien à ajouter. On n'a pas vraiment la réponse à ça, si, effectivement, c'est plus au Québec qu'ailleurs.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui. Alors, je m'adresse à Dr Claveau, Dre Bolduc. Peut-être qu'il y a quelques personnes autour de la table, ici, qui avons déjà un mélanome, puis on ne le sait pas. Est-ce qu'il y a des campagnes de prévention, là, actuellement pour sensibiliser les personnes qui vont dans le Sud à chaque année et qui n'ont pas le réflexe d'aller consulter ou... Quel est l'état des lieux en ce moment par rapport à la déclaration des cancers de la peau?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): Depuis 20 ans, en collaboration avec la Santé publique ici, au Québec, l'association canadienne des dermatos, l'association québécoise, on intervient dans les médias fréquemment -- plus, bien sûr, en avril, mai, juin -- pour aviser les Québécois de se protéger. Souvent, on explique les signes de mélanomes précoces, l'a b c d, et, grâce à ça, on diagnostique le mélanome plus précocement. Il y a un problème d'accès au Québec des médecins en général, on en parlait avec le ministre Bolduc. Donc, c'est un travail de collaboration avec les omnipraticiens et les autres spécialistes. On est plus de 150 dermatologues au Québec, on en a plusieurs en formation actuellement. Donc, en général, oui, on peut les diagnostiquer tôt. On travaille fortement pour améliorer la conscientisation, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui. Le groupe précédent nous parlait de campagnes de sensibilisation. Si on met de côté, là, cette loi possible, là, qui pourrait interdire aux 18 ans et moins... il était question aussi d'utiliser des professionnels de la santé de façon plus marquée dans des publicités pour faire des mises en garde à différentes populations. Est-ce que ça, ça a déjà été mis de l'avant par votre organisation ou si c'est... Est-ce que vous croyez que c'est une mesure qui pourrait porter fruit?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

**(15 h 20)**

M. Claveau (Joël): Nous, on pense qu'il faut aller plus loin. De la sensibilisation, on en fait depuis des années, des centaines et des milliers d'interventions. Et puis c'est la même chose pour le tabagisme, les pneumologues, les cardiologues, c'est sur les paquets de cigarettes qu'on voit puis, même ça, ça n'a pas été assez. Puis, lorsque le gouvernement précédent est allé de l'avant puis ont fait une loi pour le tabagisme, on a vu un très grand progrès. Donc, nous on dit qu'on est rendus là maintenant socialement.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de...

Mme Bolduc (Chantal): Je pense qu'on a fait ce qu'on pouvait faire...

Le Président (M. Sklavounos): Allez-y, Dre Bolduc, en complément.

Mme Bolduc (Chantal): Pardon?

Le Président (M. Sklavounos): Allez-y.

Mme Bolduc (Chantal): Désolée. Je pense qu'on a fait ce qu'on pouvait faire avec la prévention. Puis, malheureusement, on a atteint une certaine population, mais il y en a d'autres qu'on n'atteint pas. Puis on dépiste plus rapidement, mais, malheureusement, on ne change pas la mortalité encore. Donc, il faut frapper plus fort.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dre Bolduc. Je regarde du côté des ministériels, prochaine question à Mme la députée de Hull, oui.

Mme Gaudreault: Oui. Alors, vous, vous l'avez mentionné tout à l'heure, Dr Claveau, vous, vous interdiriez l'usage de ce type de service là à tous.

M. Claveau (Joël): Ça fait 20 ans qu'on le dit. Les premières...

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): Le Dr Rhainds pourrait le confirmer, nos premières rencontres avec des sous-ministres, à l'époque les gens... C'est pour ça qu'est venu le 18 ans puis que certains pays ont recommandé le 18 ans, parce qu'au début, lorsqu'on prônait ça, les gens disaient: Oui, mais ça n'a pas de bon sens, pas de bon sens, pas de bon sens. Mais là les évidences sont tellement prenantes, le problème est tellement criant, l'augmentation d'incidence est tellement, là, de plus en plus chez les jeunes que probablement qu'on va en venir à le bannir complètement. Donc, c'est un minimum, 18 ans. Sinon, le bannir.

Le Président (M. Sklavounos): Ça va, Mme la députée de Hull?

Mme Gaudreault: Dernière question. Alors, vous, ce serait... Disons que nous serions en mesure de préparer un projet de loi pour présenter ici, à l'Assemblée nationale. Vous, ce qui vous plairait, à votre organisation, ce serait d'interdire aux mineurs, 18 ans et moins, vous seriez satisfaits avec ce type de législation.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): Bien, c'est comme je viens de dire, satisfait, oui; 100 % content, non. Donc, idéalement... Il n'y a pas de raison... Je l'ai dit dans ma conclusion en finissant, il n'y a pas d'avantages au bronzage artificiel pour des raisons esthétiques.

Le Président (M. Sklavounos): Réponse claire, Dr Claveau. Ça va. Je vais aller... Oui, Mme la députée de Jeanne-Mance--Viger, ça va? M. le député des Îles-de-la-Madeleine, à vous pour une autre question.

M. Chevarie: Bien, rapidement, une dernière question. Vous avez parlé des effets positifs des rayons UV, et c'est directement pour des questions de vitamine, la vitamine D. Est-ce qu'il y a d'autres effets? Est-ce qu'il y a d'autres effets positifs?

M. Claveau (Joël): Ils disent au Club Med: C'est bon pour le moral, hein, quand il fait beau puis qu'il fait soleil. Dans le passé, on s'est fait blâmer, les dermatologues, d'être un peu rabat-joie, tout ça. Donc, c'est sûr qu'on ne veut pas que les gens restent à l'intérieur complètement, ne sortent pas et restent, là, cloîtrés. Mais, effectivement, la vitamine D, on ne va pas aller la chercher dans les salons de bronzage. S'exposer au soleil quelques minutes par semaine est amplement... et puis c'est tout. Donc, parfois, certains rares patients, nous allons traiter avec les rayons ultraviolets pour des maladies de peau sévères. On parle de psoriasis sévère, des eczémas, mais on parle d'une infime proportion de la population du Québec, chez des patients chez qui on supervise de façon très, très sérieuse et chez qui on explique qu'en leur donnant des rayons ultraviolets ça pourra même causer le cancer de peau et vieillir leur peau. Donc là, on parle de donner un traitement médical à des gens qui sont très atteints, et non pas laisser ça ouvert à toute la population, surtout pas les jeunes, qui y vont souvent sans être informés.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, ça va. Il reste un petit peu de temps. Si je peux me permettre également une question, Dr Claveau, vu qu'on peut profiter en ce moment de votre expertise, vous avez mentionné également qu'il y en a qui essaient de se protéger en utilisant de l'écran solaire. Par contre, vous avez dit que l'utilisation n'est pas tout à fait adéquate. Pouvez-vous nous expliquer un petit peu ce que les gens ne font pas et qu'ils devraient faire ou ce qu'ils font qu'ils ne devraient pas faire, en quelque sorte? Juste nous donner... vu que vous êtes là.

M. Claveau (Joël): C'est un gros débat, là, en dermatologie sur comment aider les gens à se protéger du soleil. Et puis toutes les études épidémiologiques démontrent que, quand on questionne les gens: Qu'est-ce que vous faites pour vous protéger du soleil?, tout le monde dit: Je mets de la crème solaire, je mets de la crème solaire. Mais c'est bien démontré que les gens se fient trop à la crème solaire, n'en utilisent pas assez, quatre fois moins, et oublient plein de régions de leur corps. Quand les gens reviennent d'une semaine dans le Sud, ils sont complètement bronzés. Même s'ils ont mis de la crème solaire, ils ont endommagé leur peau. Donc, c'est ça qu'on dit de cette façon-là: Les écrans solaires, c'est bon, c'est sécuritaire, mais c'est un complément à garder nos vêtements et se protéger. Et c'est pourquoi les gens qui passent six mois en Floride puis qui utilisent une bouteille de crème solaire dans leur six mois, ou deux, ce n'est pas assez. Donc, malheureusement, avec l'abaissement de la couche d'ozone des dernières années, on a fait face à un carcinogène qui est là, et c'est ce qu'on voit dans notre pratique. C'est une des raisons pour lesquelles les dermatologues sont débordés partout au Canada, parce que l'augmentation des cancers de peau est là avec le vieillissement de la population, bien sûr.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, Dr Claveau, une autre question juste pour préciser: Alors, du moment qu'on s'expose au soleil puis on en ressort bronzé, il y a déjà du dommage, peu importe si on a utilisé l'écran solaire? Quel type? Dès que nous sommes bronzés, il y a du dommage, c'est aussi simple que ça? Si on est plus foncé, on vient de se nuire, C'est exact ou...

M. Claveau (Joël): Il y a une question de génétique. J'ai montré tout à l'heure en blague les trois jeunes enfants blonds sur la plage, c'est eux qui sont plus à risque. Vous, je vous regarde, vous avez les cheveux foncés, les yeux assez foncés...

Le Président (M. Sklavounos): Mais je ne fréquente pas les salons, pour ceux qui...

M. Claveau (Joël): Non, non, non. Vous avez un type de peau plus résistant. Les blonds aux yeux bleus sont plus à risque. Donc, les gens avec des peaux, on dit, types 3 et 4, qui bronzent plus facilement, endommagent aussi leur peau lorsqu'ils y vont, mais ils sont plus résistants. C'est une question de génétique. Mais, lorsque l'on bronze de façon efficace, que ce soit par du bronzage artificiel ou du soleil, c'est très bien démontré par des chercheurs québécois, canadiens et mondiaux qu'il y a des dommages à l'ADN, et, malheureusement, c'est nocif pour notre peau.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dr Claveau. Alors, ceci met fin, à moins qu'il y a d'autres questions... Il n'y en a pas du côté ministériel. Je vais aller tout de suite du côté de l'opposition officielle, à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous tous. Écoutez, moi, la diapositive 6, là, c'est moi tous les étés, ça. Moi, je suis une blonde avec la peau blanche qui a l'air d'un coup de soleil à l'été long. Donc, je comprends exactement ce que vous dites, mais ma question est: Qu'est-ce qui fait... Et il est où, l'indice qui va faire que je vais être plus susceptible d'avoir un mélanome versus aller au soleil naturel qui est là au Québec de façon naturelle, versus d'aller dans un salon de bronzage? Comment j'augmente mes malchances d'avoir un mélanome?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): Les deux sont mauvais. Les deux sont mauvais. Est-ce que la cigarette fumée ou la cigarette secondaire est pire? Bien, le tabac, le tabagisme est mauvais. Donc, les rayons ultraviolets, que ça soit du soleil ou artificiels, c'est nocif. C'est pourquoi qu'on a avancé autant par rapport à il y a 15 ans. Ça nous a été vendu, le bronzage artificiel, comme étant sécuritaire parce qu'on disait que les rayons UVA, c'est sécuritaire. Mais les évidences... l'Organisation mondiale de la santé, l'institut international de recherche sur le cancer a statué, les rayons UV, A et B, sont carcinogènes, donc les deux sont cumulatifs.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve

Mme Poirier: Mais, à ce moment-là, pourquoi votre recommandation n'inclut pas justement le soleil naturel? Parce que, là, vous me dites que c'est aussi nocif, un que l'autre, et, à ce moment-là... Je le sais, je fais de l'excès, là, mais c'est parce que, si les deux rayons sont... si le fait d'être soit au soleil naturel ou en UV artificiels est aussi nocif, alors pourquoi cibler une clientèle qui est les moins de 18 ans...

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): ...mon bureau n'est pas loin, l'Hôtel-Dieu à côté, je vais revenir pour d'autres commissions lorsqu'on va faire pour les parcs pour les enfants. Les cours scolaires ne devraient pas être sans ombre, et puis les travailleurs de construction devraient être réglementés. Écoutez, c'est une problématique sérieuse. En Australie, ils ont 20 ans d'avance sur nous autres sur la prévention. Eux autres, vous allez dire, oui, c'est un endroit où il y a beaucoup de soleil. Mais on est rendus là, on voit des jeunes dans des cours d'école non protégés ou dans des garderies, et c'est inacceptable également. Donc, il faudra le faire aussi pour le soleil éventuellement.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dr Claveau. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Bien, justement, je vais vous amener là-dessus, qu'est-ce que vous... Vous nous parlez des travailleurs, vous nous parlez des cours d'école, à ce moment-là... Parce que, dans le fond, là on a ciblé les salons de bronzage, moins de 18 ans, mais est-ce que c'est ça qu'on devrait cibler exclusivement ou on ne devrait pas aller plus large tant qu'à avoir le débat, là?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): Les gens de santé publique vont nous suivre, puis on a eu un mandat, un peu, du ministère de la Santé d'étudier la problématique du bronzage artificiel. On a mis... Je dis on, mais ça m'inclut peu, là, les gens qui ont travaillé de façon remarquable, là, à préparer le document qui a été déposé seulement sur la question du bronzage artificiel. Donc, oui, on pourra faire des recommandations pour les rayons UV en général.

J'ai parlé des snowbirds tout à l'heure. Est-ce que c'est acceptable que tant de Québécois passent six mois en Floride et se brûlent quand ça met beaucoup de pression sur notre système de santé aussi? Moi, c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Chantal.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de... Complément, Dre Bolduc.

Mme Bolduc (Chantal): Bien, en fait, nous, c'est certain qu'on est pour tout ce qui va faire en sorte qu'on utilise de façon modérée les ultraviolets, peu importe d'où ils viennent. On est ici aujourd'hui pour les salons de bronzage, mais c'est clair que, si vous voulez aller plus loin, nous, on est prêts, là, il n'y a aucun problème. Puis on en fait beaucoup, de campagnes de sensibilisation pour la protection solaire au printemps, quand l'été arrive. Nous, on est prêts.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dre Bolduc. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

**(15 h 30)**

Mme Poirier: Est-ce qu'on a des données actuellement, puisque vous les traitez, là, ces mélanomes-là, est-ce qu'on a des données qui font la démonstration de tant sont dus aux UV artificiels versus aux UV naturels? Est-ce qu'on a des données par strates d'âge, par... Parce que, tout à l'heure, les gens de la société nous ont donné les mélanomes en général versus les cas... les cas versus les décès, mais on n'avait pas de strates d'âge. Est-ce que vous avez des données là-dessus, mais aussi en fonction d'où vient...

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): ...document de travail qui est déposé par l'Institut national de santé publique répertorie les études épidémiologiques de qualité qui ont été faites partout à travers le monde, puis ces études-là, ça étudie spécifiquement, donc, les utilisatrices de salon de bronzage par rapport à ceux qui n'y vont pas. Puis c'est ça, le tableau statistique que j'ai montré, rapidement, 1,7, 2,3, trois fois plus de risques. Est-ce qu'une femme qui est allée... Comme Marie-Pier, par exemple, elle, c'est aux seins. Puis elle n'a jamais fait de monokini, donc on pense que c'est vraiment le bronzage artificiel. Mais, si on fait un mélanome sur une jambe, est-ce que c'est le bronzage artificiel ou si c'est le soleil? Bien, c'est difficile de le différencier. Mais, nous, on dit que ça fait partie d'une politique globale, puis, aussitôt qu'il y a un rayon supplémentaire qui n'est pas disponible, bien c'est trop. Puis souvent, bien, ça crée une dépendance au bronzage. Puis aussi c'est un faux message, comme j'ai dit tout à l'heure, une fausse protection en disant un bronzage sécuritaire. Donc, c'est nocif de plusieurs façons, le bronzage artificiel.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dr Claveau. Ce sera au tour de Mme la députée de Taschereau, qui est également la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. À vous, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci. Dre Bolduc, Dr Claveau, Mme Desprès, bienvenue à cette commission parlementaire. Je m'excuse si j'ai dû quitter quelques instants. Est-ce que vous avez vu, dans votre expérience de dermatologues ou des gens qui sont membres de votre association, est-ce que vous avez vu une augmentation de la présence des jeunes dans vos cliniques? Est-ce que spécifiquement les...

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau, oui, allez-y...

Mme Maltais: Les jeunes semblent plus touchés maintenant. Si on n'a pas de statistiques par strates d'âge, peut-être que votre expérience va pouvoir nous donner un avis.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau, allez-y.

M. Claveau (Joël): On diagnostique des cancers de peau chez des jeunes en bas de 40 ans, en bas de 30 ans à chaque semaine, puis ça, c'est quelque chose qu'on ne voyait pas il y a 20, 25 ans, c'était une rareté. Donc, oui, autant des carcinomes que des mélanomes, et c'est très préoccupant.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Quand vous recevez ces patients et ces patientes qui sont jeunes et que vous décelez des carcinomes ou des mélanomes, est-ce que vous posez la question de l'utilisation des salons de bronzage? Et est-ce que vous avez vu une possible corrélation dans... Comme je vous dis, je le sais que vous n'avez pas, peut-être, toutes les données, mais est-ce que vous avez cette impression qu'il y a corrélation?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): La majorité des jeunes femmes qui ont des cancers de peau ont fréquenté les salons de bronzage de façon variable, entre 10 et 50 fois au cours de leur vie.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: La majorité, est-ce que cette donnée vous vient de vous ou de l'association? Vous avez eu des échanges là-dessus? C'est important pour nous, là.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau ou Dre Bolduc? Je ne sais pas, je vous regarde. Dre Bolduc.

Mme Bolduc (Chantal): Les données viennent surtout de la littérature. Au niveau de l'association, on n'a pas colligé les données de... via une étude, là, avec nos membres. Donc, c'est vraiment de la littérature que ça provient.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci. Je sais qu'effectivement la littérature scientifique est très claire là-dessus.

Mme Bolduc (Chantal): ...quand on regarde nos statistiques, quand même, au niveau du nombre de cancers de peau qu'on traite, ça, c'est clair que ça augmente toujours. Puis ce n'est pas en train de se stabiliser, c'est toujours en augmentation, le nombre.

M. Claveau (Joël): ...

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): ...c'est public. Mais, quand même, de montrer des mélanomes aux seins, parce que c'est ce qu'on voit de... Bien, on sait que le culte du bronzage puis aussi des chirurgies esthétiques, c'est fort, mais, donc, les jeunes femmes qui recherchent ça beaucoup bronzent de façon intégrale, puis c'est ce qu'on voit beaucoup maintenant, des mélanomes aux seins. Donc, ça, c'est une évidence très forte.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Dans votre présentation, vous nous avez dit que l'exposition aux rayons UV... -- on est dans l'UVA... dans l'UVB -- UVB pouvait amener un abaissement du système immunitaire. C'est drôle parce que la croyance populaire, c'est: Le soleil, c'est la santé, hein, le soleil, c'est... Au contraire, on a l'impression que, quand on est bronzé, on irradie la santé, la force, tout ça. Comment ça se passe? D'où ça vient, cet abaissement du système immunitaire? Et est-ce que vous avez vu que ça... Est-ce que ça peut avoir un impact sur d'autres problèmes de santé?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Claveau.

M. Claveau (Joël): Il y a des chercheurs, entre autres à Washington, qui ont dédié toute leur thèse de recherche sur le sujet, où vraiment, en faisant des biopsies de la peau, par exemple, il y a des cellules qui sont des genres de police, là, à notre peau, puis, si on fait une biopsie de la peau quelques heures après s'être exposé au soleil, elles sont complètement détruites, ces cellules-là. Si on fait des tests d'allergie sur la peau après une exposition au soleil, on ne réagit pas pendant plusieurs jours. Donc, il y a plusieurs évidences de laboratoire qui l'ont démontré, on voit plus d'augmentation des cas d'herpès. Donc, l'herpès est un virus qu'on a en nous qui est réactivé lorsqu'on va au soleil. Qui n'a pas vu ou qui n'a pas eu lui-même un feu sauvage le lundi, mardi, après une longue fin de semaine au soleil? On voit des réactivations de d'autres types d'infection de la peau. Les verrues, par exemple, on peut en faire plus sur la face dorsale des mains qui sont exposées. Donc, il y a plusieurs facteurs qui démontrent, effectivement, que les rayons ultraviolets abaissent le système immunitaire.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau, allez-y.

Mme Maltais: Merci. Je suis vraiment... Ça va, moi. Je ne sais pas si...

Une voix: ...

Mme Maltais: Oui, c'est extrêmement clair. Vous venez appuyer par votre expérience toutes les données scientifiques et la... Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Je ne sais pas si ma collègue a encore des questions.

Le Président (M. Sklavounos): Ça va? Oui? Alors, sur ce, je remercie l'Association des dermatologistes du Québec, Dre Bolduc, la présidente, Dr Joël Claveau, conseiller de l'association et directeur du programme Prudence au soleil de l'Association canadienne de dermatologie, ainsi que Mme Marie-Pier Desprès, qui est une patiente du Dr Claveau qui est venue partager son témoignage très personnel sur le sujet. On vous remercie pour votre participation aujourd'hui, pour la documentation produite et pour la présentation, qui a été très visuelle et frappante, même. Merci beaucoup.

Et je vais suspendre quelques instants afin de permettre à l'Institut national de santé publique du Québec à prendre place devant nous. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 37)

 

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Sklavounos): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux ici, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'Assemblée nationale. Nous sommes dans les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l'étude de la pétition concernant le cancer de la peau et le bronzage artificiel. Nous avons entendu la Société canadienne du cancer, l'Association des dermatologistes du Québec et, maintenant, nous sommes rendus à l'Institut national de santé publique du Québec, qui est représenté devant nous aujourd'hui, en allant de ma gauche à la droite, de Mme Marie-Christine Gervais, agente de planification, programmation et recherche, Santé et environnement-Eau, air et climat. Tout un titre! Bienvenue. Deuxième, au centre, le Dr Marc Rhainds, médecin spécialiste, Santé et environnement-Eau, air et climat. Votre nom a été évoquée dans la présentation présente, vous êtes... Je vous souhaite la bienvenue également. Et M. Daniel Bolduc, qui est directeur adjoint, Santé et environnement, bienvenue.

Comme pour les autres groupes, vous allez avoir une période de 10 minutes afin de faire votre présentation. Par la suite, nous allons ouvrir sur les échanges avec les parlementaires. Alors, je présume que ce sera le Dr Rhainds qui prendra la parole en premier. Non? Je me suis trompé. Ce sera M. Bolduc qui commencera. Allez-y, M. Bolduc, la parole est à vous.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

M. Bolduc (Daniel G.): Alors, moi, je serai bref. Alors, je suis directeur adjoint à la Direction de la santé environnementale et de la toxicologie à l'Institut national de santé publique. Je vous remercie, au nom de l'institut, de nous avoir invités à participer à votre réflexion au sujet de l'utilisation des appareils de bronzage par les jeunes de moins de 18 ans.

À mes côtés, vous avez les deux auteurs qui ont produit, à la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux, un avis dont sont extraites les recommandations que nous allons vous présenter.

Comme vous le savez sans doute, l'Institut national de santé publique, à titre de centre d'expertise et de référence en santé publique, a comme objectif de faire progresser les connaissances et de proposer des stratégies susceptibles d'améliorer l'état de la santé de la population. Alors, si vous le permettez, je ne serai pas plus long que ça et je céderai la parole au Dr Marc Rhainds, qui va vous présenter les recommandations de l'institut sur les mesures réglementaires visant à réduire l'utilisation des appareils de bronzage chez les jeunes de moins de 18 ans.

**(15 h 40)**

M. Rhainds (Marc): Merci beaucoup, Daniel. M. le Président, membres de la commission, c'est un réel plaisir de venir partager aujourd'hui l'information avec vous, d'autant que, dans mon cas, cet intérêt pour les rayons ultraviolets, mais surtout aussi les risques associés au bronzage artificiel remonte déjà à 1992. Alors, on est rendus en 2012, vous voyez qu'il faut être persévérant pour arriver parfois, dans la vie, à des résultats.

Ce qui est intéressant de la démarche de l'Institut national de santé publique, c'est une démarche que je vais résumer dans ce sens, où... En savons-nous assez pour agir? Et l'Institut national de santé publique, comment elle s'y est prise pour essayer de répondre à cette question? Bien, premièrement, quelles sont les évidences scientifiques, les preuves qui lient l'association entre le bronzage artificiel et les cancers de la peau? Est-ce que les jeunes s'exposent? Donc, quel est le niveau d'intensité ou, si vous voulez, de... On parle dans notre jargon de prévalence, de fréquence d'exposition des jeunes au bronzage artificiel. Quelle est l'offre de services? On n'en a peut-être pas beaucoup parlé jusqu'à maintenant et on a documenté ces éléments-là. Et après, évidemment, qu'est-ce qui nous manque? Bien, avons-nous des moyens d'agir ou des moyens de réduire cette exposition-là? Et donc, tout au long de la présentation, je vais revenir sur ces différents éléments là pour conclure, évidemment, sur: En savons-nous assez pour agir?

Donc, comme je vous ai rappelé, l'Institut national de santé publique a reçu un mandat du ministère de la Santé, donc, de regarder des différentes avenues possibles pour tenter de réduire l'exposition au bronzage artificiel. On a vu tout à l'heure une acétate, une diapositive qui présentait des travaux auxquels j'ai participé en 1998, donc, d'un sous-comité qui s'est intéressé à la question du bronzage artificiel dans lequel on retrouvait déjà des avenues de solution ou de recommandation dont on va vous repartager aujourd'hui.

Vous le savez comme moi, vous avez reçu les documents -- et ça, c'est une nouvelle qui a fait quand même beaucoup, beaucoup de bruit -- en 2009, le Centre international de recherche sur le cancer, qui sont des scientifiques qui révisent l'ensemble des évidences, en sont venus à la conclusion que l'exposition au bronzage artificiel est un cancérigène prouvé chez l'humain. Alors, jusqu'à avant 2009, on le considérait comme probablement cancérigène, maintenant on le dit comme cancérigène prouvé. C'est quand même quelque chose qui est venu... quand même très important dans le monde scientifique.

Le rapport de l'Institut national de santé publique, évidemment, a révisé les évidences scientifiques pour essayer de voir quel était le niveau d'évidence entre depuis 1996 et aujourd'hui. Il y a quatre grandes revues systématiques, c'est-à-dire des chercheurs qui ont réuni l'ensemble des études qui ont vérifié cette association-là, et ce qui ressort de ces différentes études là, c'est qu'il n'y a aucune étude qui a montré que le fait d'aller au salon de bronzage, ça protégeait contre le cancer. Peut-être, ça peut vous faire sourire, mais on voit parfois dans certaines études qu'il peut y avoir des effets protecteurs. Et, dans ce cas-ci, il n'y a aucune étude, sinon quelques-unes mal faites d'un point de vue épidémiologique qui n'ont pas montré d'effets, mais surtout pas des effets protecteurs. Et, dans la majorité, on a montré qu'il y avait une augmentation du risque, et en particulier lorsque l'exposition survient avant l'âge de 35 ans. Même dans certaines études, on l'a étudié avant, avant l'âge de 30 ans, même 25 ans. Quel est ce risque-là, d'aller au bronzage artificiel? Eh bien, c'est un risque de développer un mélanome qui est augmenté de 75 % lorsqu'on décide de faire ce choix-là, d'aller au bronzage artificiel.

Juste pour vous dire -- ça n'a pas été beaucoup discuté -- quand on fait le choix d'aller dans un commerce de bronzage, on accepte de s'exposer à l'équivalent du zénith en plein été, donc à l'heure du midi lorsque le soleil est le plus fort, à sa haute intensité, et, dépendant des appareils, ça peut équivaloir à une heure, jusqu'à deux heures d'exposition. Donc, faire le choix d'aller dans un commerce de bronzage, c'est toujours aller s'exposer aux pires heures de la journée, ce qui n'est pas possible pour la plupart des individus dans notre société, à moins d'avoir beaucoup de temps de loisirs.

Je vais également vous dire que d'un point de vue... Ce qu'a révisé l'Institut national de santé publique, nous avons vu que l'offre, en point de vue... l'offre de services de bronzage est quand même prévalente au Québec. On parle jusqu'à 923 commerces de bronzage. Sur ce nombre, 60 %, environ, offrent des services exclusifs, mais vous en avez un 40 % qui offrent des services autres, d'esthétique, de salon de coiffure, de gym, de «fitness». Donc, vous avez toute cette offre de services là qui est disponible. Et nous n'avons pas pu corroborer, évidemment, les données parce qu'on n'a pas un répertoire, un registre qui nous permettrait de le faire, mais on sait qu'il y a beaucoup de ces commerces de bronzage là qui sont à proximité des écoles secondaires, des cégeps, donc qui peuvent offrir cette offre de services là à leur clientèle.

On sait également de notre révision de la littérature scientifique qu'il y a une accumulation de connaissances sur cette dangerosité-là, et il y a de plus en plus d'organismes de santé au niveau international, au niveau national qui ont, évidemment, recommandé d'adopter des politiques pour réduire l'exposition. Et non seulement la réduire, mais interdire l'accès pour les jeunes de moins de 18 ans. Pensons, par exemple, à certains pays comme l'Australie, la France, la Belgique, l'Irlande, l'Écosse, la Norvège et même plusieurs États américains qui ont mis de l'avant des politiques et, donc, des réglementations pour interdire l'accès aux jeunes de moins de 18 ans. Plus près de chez nous, on a également certaines provinces, dont la Nouvelle-Écosse, le district de Victoria en Colombie-Britannique, qui ont également adopté des règlements pour interdire l'accès chez les jeunes. Mais il y a d'autres provinces aussi, dont l'Ontario, le Manitoba, qui commencent à regarder également la possibilité de réglementer chez les jeunes.

Tout à l'heure, on a parlé de bannissement de l'offre de services de bronzage. En date d'aujourd'hui, nous avons le Brésil qui a complètement banni cette pratique en 2009, et, plus récemment, l'État de Nouvelle-Galles, en Australie, qui ont fait de même en 2012. Donc, ça va se faire progressivement pour, évidemment, être complété d'ici 2014. Donc, la stratégie de bannir, oui, elle est possible. Ça fera partie des réflexions qu'on peut avoir ici en termes de stratégie.

L'état actuel de la situation au niveau de la réglementation, bien, il faut être clair, au niveau du gouvernement fédéral il n'y a pas de réglementation qui vise à réduire l'utilisation et il y a une réglementation qui, ni plus ni moins, est axée sur la vente et l'entretien de ces appareils de bronzage là. Nous avions fait des recommandations en 1998, que le fédéral devait réglementer pour diminuer l'intensité du rayonnement dans ces appareils-là pour en réduire le risque, mais ce n'est toujours pas fait en 2012. Par contre, au niveau des États-Unis, c'est une avenue qui commence à être explorée.

En somme, donc, il n'y a aucune réglementation actuellement qui permet d'encadrer cette pratique-là auprès de la population du Québec ou ailleurs dans le Canada. Il y a eu, bien sûr, des guides qui ont été faits par Santé Canada, mais on sait que... les études ont montré, je dirais, que la majorité des commerces de bronzage ne se réfèrent pas tellement à ces guides-là, ils ne les appliquent surtout pas.

Que peut-on dire aussi des mesures qui ont été recommandées par l'institut national? Nous avons fait une revue non seulement des règlements qui étaient en vigueur ailleurs ou des recommandations qui ont été faites par des organismes, mais on s'est intéressés également à regarder ça par des critères, c'est-à-dire quels étaient les bénéfices anticipés par ces différentes réglementations là auprès des jeunes, auprès de la population en général. On a également étudié le degré d'application en présence ou en absence de loi de même que ses impacts sur la santé. Et on s'est intéressés également à des éléments de faisabilité, des effets pervers qui pouvaient être liés à l'implantation. Donc, les stratégies pour lesquelles on va insister aujourd'hui font partie des stratégies pour lesquelles il y a le maximum d'impact, il y a le minimum d'effets pervers et pour lesquelles ont sent qu'il y a une applicabilité qui est quand même très grande.

Lorsque c'était possible, nous avons fait les comparaisons avec toutes les mesures qui ont été mises en place dans le dossier du tabac et de l'alcool. Pourquoi? Parce qu'il y a énormément de similitudes entre le tabac, l'alcool et le bronzage artificiel. Oui.

Le Président (M. Sklavounos): Il reste peu de temps, alors il faut arriver à la conclusion rapidement, là.

M. Rhainds (Marc): Il me reste combien?

Le Président (M. Sklavounos): Il vous reste 30 secondes. On peut vous laisser dépasser un petit peu, juste... Je vous fais signe...

M. Rhainds (Marc): Parfait. Alors, je vais aller aux conclusions. Donc, il y a trois stratégies sur lesquelles on veut insister. D'abord, d'interdire l'accès aux appareils de bronzage qui sont situés dans des établissements commerciaux aux jeunes âgés de moins de 18 ans. Nous avons également recommandé d'interdire -- ça, c'est important -- la publicité trompeuse. Non seulement de l'interdire, mais d'interdire sa promotion -- il y a beaucoup de données là-dessus -- auprès des jeunes, hein, les publicités qui sont destinées... auprès des jeunes. Et, évidemment, nous avons besoin, dans un but de faire appliquer une réglementation, de rendre obligatoire l'enregistrement des commerces qui offrent des services qui sont reliés à l'utilisation des appareils de bronzage. Ces trois éléments-là sont complémentaires et nous semblent des incontournables dans le cadre d'une stratégie efficace pour réduire l'exposition.

**(15 h 50)**

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dr Rhainds, M. Bolduc, Mme Marie-Christine Gervais, pour cette présentation. Avant de céder parole à mon collègue le député des Îles, j'ai une petite question pour vous, je vais commencer. Notre collègue de Hull a parlé de ses filles, là, avec un groupe précédent, au niveau des limitations de l'autorité parentale sur des adolescentes ou des adolescents -- puis c'est principalement une question d'adolescentes, de ce qu'on entend, mais ce n'est pas limité -- de contrôler, en quelque sorte, les habitudes -- c'est sur le temps des ministériels -- de contrôler les habitudes de consommation, vu l'absence... vu le fait qu'il y a une situation qui est impossible, en quelque sorte.

Mais ce qui est intéressant, c'est que, lorsque... en page 6 de votre mémoire, vous faites allusion à plusieurs études qui démontrent qu'il y a une forte association entre l'utilisation des appareils par les jeunes et l'utilisation de leurs parents. Alors, est-ce que je comprends bien que les jeunes qui utilisent plus souvent ont eu des parents qui ont utilisé... Est-ce que c'est exactement ça que ça veut dire? Et est-ce que c'est transposable ici à la situation québécoise? Est-ce que vous êtes en mesure de nous... Parce que ça, ça nous place clairement devant une situation où il serait peut-être... si cela s'avère démontrable qu'une réglementation ou une législation est tout à fait nécessaire, puisque l'autorité parentale ne serait pas une option. Alors, j'aimerais vous entendre sur ce point-là, s'il vous plaît.

M. Rhainds (Marc): Vous avez tout à fait raison d'insister sur ce fait-là. Une étude qui a été montée, faite en Ontario a démontré justement que l'autorité parentale n'avait pas beaucoup d'impact sur la possibilité d'avoir accès... l'accessibilité aux services de bronzage. Les commerçants, là-bas, demandaient, dans moins de 60 % des cas, demandaient, donc, la carte pour l'accès aux moins de 18 ans.

L'association qu'on fait, c'est bien sûr que, si le parent se fait bronzer ou va au salon de bronzage, les enfants, peut-être, vont avoir tendance, je dirais, à adopter ce comportement-là. Mais ce qui est intéressant avec la réglementation, on n'a pas eu le temps d'en parler, mais ça envoie un message clair aussi à l'ensemble de la population qu'il y a un risque. Et, oui, on cible des jeunes de 18 ans et moins, mais, si on cible des jeunes de 18 ans et moins, c'est parce que le risque existe pour les autres aussi, et c'est une occasion, certainement, d'envoyer un message beaucoup plus fort que simplement de s'en remettre à la bonne volonté des gens qui opèrent des commerces de bronzage.

Le Président (M. Sklavounos): Merci beaucoup, Dr Rhainds. Alors, je vais céder la parole à M. le député Îles-de-la-Madeleine, qui est l'adjoint parlementaire du ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le député des Îles, à vous.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci à vous pour votre participation à cette commission et pour votre contribution. Alors, c'est très instructif, évidemment, pour nous, très aidant.

Dr Rhainds, lors de votre introduction, vous avez posé la question: Est-ce qu'on en sait assez pour agir? Et, moi, je vous demande: Est-ce qu'avec les données que nous avons nous savons que la meilleure méthode pour agir est la législation gouvernementale? Et, dans ce sens-là, ma question est la suivante: Vous faites état que plusieurs pays ont légiféré pour restreindre l'accès au bronzage artificiel. Vous en mentionnez plusieurs, je vais en citer quelques-uns: l'Australie, la France, la Belgique et certains États américains. Est-ce que vous avez des statistiques ou l'état de situation par rapport à ce que c'était avant la législation et qu'est-ce que c'est maintenant, depuis que ces pays-là ont légiféré?

Le Président (M. Sklavounos): Merci, M. le député des Îles. Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Vous comprendrez que ces réglementations-là sont récentes, on parle de 2008 jusqu'à aujourd'hui. Mais ce qui est quand même intéressant, pour l'Australie on a observé après la mise en application de cette réglementation-là... Évidemment, il y a eu d'autres événements qui ont été médiatisés, mais on a mesuré une baisse de 35 % non pas de l'offre, mais des commerces qui offraient ces services de bronzage là, donc une réduction de 35 % en Australie.

Dans les autres pays que j'ai mentionnés, les mesures sont trop récentes, et on n'a pas actuellement, je dirais, de chiffres à vous donner. Mais c'est quand même intéressant aussi, on l'a fait tout à l'heure, le parallèle avec le tabagisme, et on voit que la réglementation sur le tabagisme a quand même eu des effets positifs dans la réduction du tabagisme chez les jeunes. On peut également observer dans la littérature que, lorsqu'il n'y a pas de loi et qu'on cherche à demander, par la bonne foi des commerçants, d'appliquer une interdiction aux moins de 18 ans, bien là, vraiment, on n'a vu aucun effet sur la réduction de l'offre de services. Donc, dans ce sens, on présume, avec les données qui nous sont disponibles, que, oui, une réglementation serait efficace ou, à tout le moins, présumée efficace, avec toutes les données qui sont disponibles pour réduire l'offre de services chez les jeunes.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dr Rhainds. M. le député des Îles.

M. Chevarie: O.K. Ce que je comprends, on n'a pas actuellement de statistiques directes par...

Une voix: ...

M. Chevarie: Oui, c'est ça. L'offre de services, vous voulez dire les salons de bronzage ont diminué de 35 %. Mais on n'a pas nécessairement de statistiques sur le taux de cancer chez ces gens-là.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Merci. Bien sûr, on parle d'un temps d'observation suffisamment long pour pouvoir voir l'impact sur la réduction des cancers de la peau. Et là, de 2008 à 2012, c'est bien sûr que c'est un délai trop court pour pouvoir observer des effets positifs. Quand on veut voir un effet de réduction, on parle de 10 même à 15 ans sur une intervention qui est soutenue. Donc, actuellement, on est vraiment trop tôt dans la courbe pour pouvoir observer des effets. Mais on sait très bien avec toutes les études, lorsqu'on réduit l'exposition au bronzage artificiel, qu'on devrait s'attendre notamment à au moins une réduction de pratiquement de 15 % à 20 % des cancers de la peau parce que ce qu'on attribue actuellement au bronzage artificiel, c'est environ jusqu'à 20 % même des cancers de la peau.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dr Rhainds. M. le député, vous avez du temps, allez-y.

M. Chevarie: Une dernière question pour moi, M. le Président. Ces pays-là ont légiféré en visant la clientèle des mineurs, mais on sait bien que, par rapport à certains pays, on définit un mineur de différentes façons: 18 ans, 20 ans, 21 ans, il y en a d'autres qui vont plus loin. Vous, évidemment, vous êtes dans le cadre de la législation québécoise, on pense à 18 ans. Mais, par ailleurs, si on veut cibler les États-Unis, c'est généralement 21 ans. Selon vous, est-ce qu'on doit prioriser cette clientèle-là ou on peut extensionner par rapport à l'âge?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Je n'ai pas fait mon cours en droit pour vous dire si on peut l'extensionner à 21 ans, mais il faut, à côté d'une réglementation qu'on voudrait mettre en place, mettre aussi une campagne médiatique pour promouvoir, si vous voulez... pas promouvoir, pour, enfin, sensibiliser la population à ces risques-là auprès des jeunes. Et, donc, on ne pense pas juste aux adolescents, mais on pense à ceux qui vont au cégep, aux universitaires. Et, donc, moi, je ne peux pas vous dire actuellement si on peut l'étendre à 21 ans, mais, oui, il y aurait une certaine logique parce que les risques existent avant 18 ans... On a parlé tout à l'heure que les risques de développer un cancer, ça commence... est augmenté de 75 % pour ceux qui commencent à utiliser ces services-là avant l'âge de 35 ans. La réponse, c'est oui. Mais avons-nous la capacité et la possibilité de le faire? Moi, je ne peux pas vous répondre.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, Mme la députée de Hull, qui continuera.

Mme Gaudreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous. Bonjour à nouveau, Dr Rhainds. On a eu l'occasion de se rencontrer au préalable de la tenue de cette commission.

Vous avez trois mesures que vous proposez dans l'élaboration d'un potentiel projet de loi, c'est-à-dire bannir l'accès aux 18 ans et moins, bannir aussi la publicité trompeuse et mettre un registre en place pour mieux répertorier les commerces et leurs façons de dispenser les services, et tout ça.

Il y avait une mesure qui avait été mise en vigueur dans certains pays mais qui n'avait pas été recommandée par l'OMS, c'est cette fameuse taxe, cette fameuse taxe à la vente des services avec un plancher d'un dollar par visite. Cette mesure avait été retenue par la Société canadienne du cancer, mais pas par votre organisation. Et, en passant, M. le Président, je veux vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Vraiment, tout est là. Si on avait des questions, la réponse était dans les quelques pages, C'est vraiment très concis, très bien fait. Alors, je veux féliciter toutes les personnes qui ont contribué à ce document. Alors, ma question concernant cette taxe: Qu'est-ce que vous en pensez? Pourquoi vous ne l'avez pas retenue?

**(16 heures)**

M. Rhainds (Marc): L'Institut national de santé publique a exploré plusieurs avenues, dont celle de la taxation. Mais, à partir des différents critères explicites que je vous ai décrits précédemment, on en est venus à la conclusion que cette stratégie-là, pour l'instant, on n'en savait pas assez pour pouvoir l'appliquer. Par contre, on l'a mise dans la section, je dirais, «garder sous le radar», en ce sens que ce n'est pas parce qu'aujourd'hui on manque peut-être de connaissances pour pouvoir mettre de l'avant ce type de stratégie là qu'il ne faut pas le faire dans deux, trois ou quatre ans parce que ça devient intéressant en termes de possibilités aussi d'avoir des revenus dans...

On a parlé tout à l'heure d'avoir un registre, mais qui dit des registres... Aussi, ça va prendre de l'inspection, et il y a peut-être là une voie potentielle de financer cette inspection-là. Mais il y a aussi, évidemment, un retour sur... Quand on va se faire bronzer, on amène des problèmes de santé. Donc, il y a peut-être des équilibres à faire aussi dans des retours au niveau du système de santé. Mais, pour l'instant, on n'en connaît pas suffisamment. C'est très récent, cette application-là de la taxe, notamment aux États-Unis. Mais on considère quand même que c'est quelque chose de très important à regarder pour les prochaines années, là, qui pourrait... Évidemment, ça pourrait aussi, éventuellement, être appliqué ici, au Québec.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui. La deuxième mesure, c'est-à-dire interdire la publicité trompeuse, vous savez, les jeunes, les médias sociaux, c'est connu... Comment est-ce qu'on pourrait insérer dans une loi cette interdiction? Comment est-ce qu'on pourrait, justement, faire un suivi et encadrer, surtout ce qui se passe sur les médias sociaux?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Sur le plan des médias sociaux, ça représente une difficulté importante. On l'a vu dernièrement pour d'autres raisons politiques où on a de la difficulté à contrôler qu'est-ce qui se passe dans ces médias-là. Nous, on pensait davantage, évidemment, pour l'instant... Parce que cette exploration-là des médias sociaux est à regarder d'un peu plus près, mais on pensait notamment à toutes les promotions qui sont faites auprès des jeunes dans leur album de finissants, dans leur agenda, des pleines pages avec des coupons-rabais. Donc, c'est un peu la voie, si vous voulez, classique de promotion, mais elle existe encore, elle est présente, et surtout dans l'optique, notamment, d'essayer de contrôler non seulement cette promotion-là, mais de contrôler et même d'interdire -- comment dirais-je? -- des publicités trompeuses qui amènent des bienfaits du bronzage. Si vous avez regardé des sites de bronzage, de commerces de bronzage, on va vous dire: Oui, c'est bon pour la vitamine D. Jusque-là, ça va, ce n'est pas si mal. Mais, après ça, pour prévenir le cancer, pour traiter l'hypertension artérielle, pour traiter le diabète, etc., le cholestérol, donc, finalement, il y a des prétentions que cette exposition-là peut avoir des bienfaits pour la santé. Nous, on pense que ça doit... il doit y avoir une réglementation au Québec qui interdit l'usage de ces promotions-là qui, dans le fond, envoient des faux messages de sécurité et de santé à la population. Mais, sur le plan des médias sociaux, je n'ai pas, pour l'instant, de stratégie ou de baguette magique, c'est un univers, ma foi, assez complexe.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui. J'ai une dernière question. À la page 2 de votre mémoire, vous mentionniez, concernant la responsabilité provinciale et municipale en matière de restriction liée à l'accessibilité, l'opération de ces services, de ces appareils, mais vous mentionniez aussi que, selon la documentation scientifique consultée, le respect, par l'industrie du bronzage, de directives volontaires s'avère plutôt faible, et comment est-ce que vous avez pu obtenir ces données par rapport au respect des directives, disons, des manufacturiers, tout ça, en matière de lits de bronzage?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Bien, en fait, on réfère aussi à une expérience qu'on a menée dans les années 90 où on est allés, nous, se promener dans les commerces de bronzage. C'est sûr que ce n'était pas l'objet de ce rapport-ci, mais on se référait, évidemment, au document qui vous a été présenté qui date de 1998, et on s'était aperçus que, premièrement -- je vais vous donner un exemple très simple -- par exemple, le port de lunettes pour protéger les yeux pour les gens qui vont dans les salons de bronzage n'est pas observé. On les laisse dans l'unité de bronzage, les gens les mettent ou ne les mettent pas, puis on sait que les études nous ont montré qu'à peine 70 % des gens les portaient. Donc, on a parlé de cataractes tout à l'heure. Il y a une multitude, donc, de... Les messages que le fédéral veut bien appliquer sur ces lits de bronzage, qui sont tout petits puis avec une multitude de messages, bien on ne les voit jamais parce que, lorsqu'on entre dans l'unité de bronzage, le lit est relevé, ces messages-là sont sur le dessus du lit, donc on ne les a pas vus. Donc, de penser que les commerçants du bronzage vont vraiment appliquer toutes ces réglementations-là ou, à tout le moins, ces avis-là, je dirais que c'est un peu de l'utopie.

Le Président (M. Sklavounos): Dernière question.

Mme Gaudreault: Non, ça va. Merci.

Le Président (M. Sklavounos): Ça va? Ça va aller? Il reste peu de temps, de toute façon.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Sklavounos): Merci. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle, et je vais céder la parole à Mme la députée de Taschereau, qui est la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. Mme la députée de Taschereau, la parole est à vous.

Mme Maltais: Merci beaucoup. Bonjour, M. Bolduc, Dr Rhainds, Mme Gervais. C'est un plaisir de vous entendre. Merci beaucoup, comme le soulignait ma collègue, de la qualité de votre mémoire, votre présentation.

Je suis très contente de vous entendre et que vous ayez décidé de venir parce qu'entre autres les chiffres sur le Québec nous intéressent, et ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a beaucoup questionné en disant: Quelles sont les données qu'on a sur la strate d'âge particulière 15 à 18 ans, qui serait celle qui serait spécifiquement visée par une des mesures qui fait le plus parler à l'heure actuelle, qui serait l'interdiction, pour les moins de 18 ans, d'avoir accès à des salons de bronzage? Dans le mémoire de la Société canadienne du cancer, on nous dit qu'ils sont environ 250 000 jeunes Québécois, mais on nous dit: C'est 15 à 29 ans. Est-ce que vous avez des données ou est-ce que vous envisagez de colliger des données sur les 15-18 ans?

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Les seules données que nous avons de disponibles sont celles de l'enquête qui a été faite en 2006 au niveau pancanadien, à laquelle à participé le Québec. Et, dans cette enquête-là sur le comportement des Canadiens mais aussi des Québécois face au soleil, il y avait un portrait aussi de l'utilisation du bronzage artificiel. Et ce qu'on sait de cette enquête-là, d'un échantillon qui était quand même assez important pour le Québec, un peu plus de... Je crois, autour de 1 200, 1 300 individus qui ont été enquêtés, et on sait que 30 % des jeunes de 16 à 24 ans sont des utilisateurs de bronzage. Ce qu'on sait, évidemment, que c'est surtout des jeunes filles, mais il y a aussi des garçons. On pense qu'il y a 8 % des garçons.

Et ce qu'on apprend de cette enquête-là -- et ça, c'est un peu inquiétant -- c'est que plus de 50 % de ces jeunes-là utilisent des séances pour un équivalent de jusqu'à 48 fois par année, ce qui est donc une fois par semaine. Et je dois vous dire que la littérature, ce qu'elle nous dit, c'est qu'à partir d'une séance par mois, donc 12 par année, on augmente notre risque de développer un cancer. Alors, vous voyez que les données nous montrent quand même que l'usage qui en est fait actuellement est un usage à risque, c'est-à-dire qui met les jeunes, actuellement, du Québec à risque de développer un cancer de la peau.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci. Comme, donc, toujours dans le même mémoire de la Société canadienne du cancer, on nous dit que les jeunes -- toujours en parlant du 15-29 ans -- fréquentent à peu près 11 fois l'an, vous dites que la fréquentation peut aller jusqu'à 48 fois par année. Donc, est-ce que vous avez une idée... Donc, la moyenne cacherait, finalement, certaines surconsommations, si j'ose dire.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): C'est ça. C'est que, si on regarde le 12 à, si vous voulez, 48 fois par année, il représente 52 % de notre population. Et vous en avez qui utilisent plus que 48 fois par année, là, il y en a que ça peut aller jusqu'à deux, trois fois par semaine. Mais disons que le gros volume est ceux qui sont dans le 12 à 48, et vous avez évidemment, après ça, certains utilisateurs qui y vont moins de 12 fois par année, mais qui est une faible proportion dans tout ça.

Mme Maltais: Je vais vous poser une question qui va peut-être être un peu embêtante, mais on cherche des pistes de solution. Si on veut se diriger vers une législation, ce qui se pourrait... Je ne connais pas encore les intentions gouvernementales, mais, si on veut se diriger vers une législation, c'est sûr qu'il va falloir avoir des données qui concernent cette strate d'âge, le 15 à 18 ans. J'ai entendu l'association des dermatologues qui disait... Eux, ils le voient, ils voient devant eux les jeunes qui ont des mélanomes, qui ont des carcinomes. Est-ce que vous êtes en discussion soit avec le ministère de la Santé, soit avec l'association des dermatologues, soit autrement, ou avec la RAMQ, je ne sais pas, pour essayer de colliger des données ou essayer, enfin, de vraiment nous aider à préciser le phénomène québécois?

M. Rhainds (Marc): Non, il n'y a pas eu de démarches...

Le Président (M. Sklavounos): M. Rhainds.

M. Rhainds (Marc): ... -- merci -- il n'y a pas eu de démarches qui ont été faites dans ce sens-là. Il y aurait toujours la possibilité, évidemment, dans le cadre peut-être de certaines enquêtes de santé qu'on mène au Québec, d'aller chercher éventuellement cette information-là. Pour le temps où, nous, on a fait le mémoire, le rapport, nous n'avions pas les données. Nous avions certaines données parcellaires, comme je vous ai mentionné tout à l'heure. Nous avions aussi des données qui provenaient d'une enquête qu'on a faite ici, au Québec, dans les années 90, mais c'étaient des 18 à 24 parce que ça pose la problématique, quand on veut aller en bas de 18 ans, d'avoir le consentement, bon, etc., et donc c'est un défi en soi, là, pour enquêter auprès de cette clientèle-là.

Par ailleurs, moi, je peux vous parler de mon expérience parce que je me suis promené dans les cégeps, dans certaines écoles secondaires, parce qu'ils me demandaient d'aller donner certaines conférences par rapport à ça, et les jeunes -- en tout cas, ce que j'ai obtenu comme information -- vont vraiment dans le sens de... Il y a facilement un 25 %, 30 % de nos jeunes dans nos écoles qui sont des utilisateurs de salons de bronzage, qui... Ils me racontaient qu'ils y allaient sur l'heure du midi parce que c'est accessible, c'est à deux coins de rue de l'école. Puis ils ne se préparent pas juste pour le bal des finissants, là. On a en tête le fameux bal des finissants, mais ça, c'est juste un prétexte pour ceux qui vont finir leur 12e année. Mais, sinon, il y a vraiment une utilisation... Et, rendu au cégep aussi, c'est prévalent, cette utilisation-là. Mais c'est sûr qu'on a besoin, peut-être, d'avoir des données plus précises pour mieux caractériser les 15-18 au Québec...

**(16 h 10)**

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée de Taschereau.

M. Rhainds (Marc): ...mais c'est en bas de 15 ans.

Mme Maltais: Croyez-moi, je suis très consciente que la littérature scientifique sur la relation entre le cancer et l'exposition aux rayons UV est très claire, et ce que j'essaie de quantifier et de bien comprendre, c'est quel serait l'impact de la législation, sur combien de personnes, tout ça, puis essayer de voir, de chiffrer, là, vraiment, là, quel serait l'impact sur la société, là.

Je sais très pertinemment que, quand il s'est agi de limiter l'alcool, le tabac et même le jeu vidéo, les appareils de loto vidéo, donc les dépendances associées aux jeux de loto vidéo, aux jeux d'argent, on a limité l'accès, et ça n'a pas été compliqué. Puis l'accès, c'est à partir de 18 ans, qu'on a considéré qu'avant on pouvait interdire. Après, bien là, ça devient un choix personnel. Donc, dans les autres cas soit de possibles... en tout cas, de problèmes de santé, qu'ils soient dépendance ou qu'ils soient santé physique, on a agi en se donnant une limite qui est 18 ans.

Maintenant, dans les autres cas, on a aussi colligé des données. Alors, je me demandais justement, là, comment on pouvait arriver à colliger des données. Vous me parlez d'une impression de 25 % à 30 % des jeunes dans les cégeps, ce qui, à mon sens, serait énorme. Si c'est le cas, je pense que ça vaut la peine d'être validé. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur les possibilités de valider ces choses-là et sur le délai que ça pourrait demander, ce type d'enquête là, pour voir si... Je ne veux pas empêcher... Autrement dit, est-ce qu'on a le temps de faire ça sans s'embourber dans les délais? C'est ça que j'essaie aussi de juger, là.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Oui. On peut peut-être corriger une donnée. On a dit que c'est principalement, donc, des jeunes filles. Alors, c'est sûr que cette prévalence-là est chez les jeunes filles. Si on prend le cumul de la prévalence chez les garçons et les jeunes filles, on est en bas de 20 % à ce moment-là, et parce qu'on... En tout cas, ce qu'on a vu dans l'enquête, on avait à peu près 8 % des garçons qui sont des utilisateurs de salons de bronzage. Puis, dans les autres enquêtes qu'on a faites auparavant, c'était à peu près la même chose.

Je ne peux pas vous dire en date d'aujourd'hui quels seraient les efforts à mettre en place pour avoir une étude qui a une validité d'un point de vue statistique, quels seraient les efforts à mettre en place pour aller chercher cette donnée-là. Il y a peut-être des avenues qu'il faudrait explorer qui sont... Des fois, on pense compliquer les choses, mais on peut les voir plus simples aussi. Donc, il y a peut-être une enquête éclair, «survey», je ne sais pas, omnibus, quelque chose qui peut être fait plus rapidement, là, mais je pense qu'il y a des avenues à explorer à ce niveau-là.

Mme Maltais: Une dernière chose. Avant de passer la parole à ma collègue, j'ai une autre question qui me tarabuste. Si on faisait un tel type d'interdiction, comment est-ce qu'on arriverait à l'appliquer? Qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place comme mesures? Parce que, dans le cas du tabac, par exemple, on a fait des polices du tabac. Dans le cas de l'alcool, ce sont les agents, les policiers qui peuvent entrer dans un bar et contrôler l'âge dans le bar. Alors, quels pourraient être... Est-ce que vous avez envisagé, là, quels pourraient être les mécanismes de contrôle pour vérifier que, si on légifère, on applique? Parce que c'est toujours important, il ne faut pas légiférer sans être capable de vraiment faire appliquer la loi.

Le Président (M. Sklavounos): Dr Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Merci. C'est évident que, nous, quand on a pensé à, évidemment, cette réglementation-là, d'avoir aussi un registre, on pensait à la mise sur pied, évidemment, d'inspections, des inspecteurs comme on en a vu pour le tabac. Je sais que le ministère de la Santé s'est penché sur la question, a exploré les avenues possibles, même le financement qui serait nécessaire pour y arriver. Je n'ai pas les données devant moi, mais c'est quelque chose qui a été regardé par nos collègues du ministère de la Santé suite aux recommandations que, nous, on leur avait faites. Bon, comment on va appeler ça, est-ce que ça va être la police du bronzage, je ne peux pas vous le dire, mais ça va prendre un moyen de voir à ce que cette réglementation-là est appliquée.

Mais il faut penser aussi que, pour avoir un succès, une réglementation, si elle n'est pas connue ou qu'elle est seulement... Il va falloir avoir une promotion, une campagne médiatique -- on en a vu pour le tabac, l'influence qu'on pouvait avoir auprès des jeunes, auprès de leurs pairs -- pour pouvoir avoir une certaine efficacité avec les mesures législatives. Donc, il faudra penser de la même façon d'un point de vue santé publique, avoir des campagnes de mass médias qui ciblent les jeunes pour faire la promotion à la fois de cette réglementation-là, mais aussi faire la promotion des risques liés au bronzage. Et je rejoins là-dessus le Dr Claveau, on parlait de bronzage artificiel, mais il faut parler aussi de bronzage parce que l'autre bronzage à côté n'est pas mieux, là, que le bronzage artificiel.

Le Président (M. Sklavounos): Merci, Dr Rhainds. Je vais aller tout de suite à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Quatre minutes, Mme la députée.

Mme Poirier: Merci. Bienvenue à vous tous. Vous parlez dans votre mémoire de tout ce qu'est-ce qui est du règlement fédéral sur, dans le fond, la force des lits de bronzage en tant que tels. Qu'est-ce qui peut être fait là-dedans? Et, selon vous, est-ce qu'on doit s'attaquer à ce volet-là? Parce qu'après 18 ans ça va continuer, les gens vont pouvoir y aller à partir de 18 ans, même si on réglemente avant 18 ans. Donc, qu'est-ce qui peut être fait pour, justement, limiter... Et je voyais dans le mémoire qui nous a été présenté plus haut... On a vu le cas de Jordan, là, en 30 minutes, il devenait bronzé tout d'un coup, là, on se demande comment il n'a pas brûlé. Alors, quelle serait votre proposition? Parce que je ne le vois pas dans vos recommandations, ce volet-là que vous abordez, là.

Le Président (M. Sklavounos): M. Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Merci, M. le Président. Ça ne faisait pas partie des avenues qu'on a explorées dans le cadre des travaux de l'institut national, mais ça fait quand même partie, je dirais, des recommandations qui ont été faites en 1998, qui sont toujours d'actualité en 2012. C'est bien certain qu'on le dit toujours, une des façons de protéger la population, c'est de diminuer le risque et le risque à la source, la source étant évidemment l'intensité d'exposition à ces lampes solaires là. Il y a eu des démarches de faites à partir des années 2000 jusqu'à tout récemment, mais vraiment il y avait, je dirais, presque une fin de non-recevoir du fédéral, du ministère de la Santé là-bas, de légiférer à ce niveau-là. Mais là on sent que la pression... le vent tourne parce qu'au niveau américain eux ont commencé à regarder ces avenues-là, et, oui, il faudrait aussi explorer ces avenues-là de réduire l'intensité du rayonnement dans les lampes via la loi fédérale parce que, là, à ce moment-là, on aurait des effets bénéfiques pour ceux qui risquent d'être encore des... ceux qui vont continuer à aller dans les salons de bronzage, et là on va, au moins, réduire un peu l'exposition pour ces gens-là aussi.

Le Président (M. Sklavounos): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: On a parlé de publicité, publicité trompeuse. Quels sont les moyens que vous voyez qui pourraient être mis? Parce qu'il y a quand même des moyens, là, qui sont mis à la disposition de... pour contrôler la publicité trompeuse. Vous, vous voyez quoi comme solution?

Le Président (M. Sklavounos): M. Rhainds.

M. Rhainds (Marc): Bien, écoutez, ce qu'on a vu, par exemple, au niveau de l'Ouest canadien, il y avait l'entreprise Fabutan qui, par le... Comment s'appelait, donc, l'organisme...

Une voix: Le Bureau de la concurrence.

M. Rhainds (Marc): Le Bureau de la concurrence, qui, évidemment, a vu des publicités trompeuses et est intervenu à ce niveau-là. Nous, on pense qu'il y a besoin d'avoir un encadrement pas non seulement pour les jeunes, mais pour la publicité qui est faite en général dans les salons de bronzage. Et là on rejoindrait, évidemment, des effets bénéfiques pas seulement pour les moins de 18 ans, mais pour l'ensemble de la population, pour envoyer un message clair que ce n'est pas sans risque, et, au contraire, là, il y a quand même des risques associés, non pas des effets bénéfiques, là.

Peut-être pour vous donner un aperçu, on a parlé beaucoup de vitamine D tout à l'heure, et on sait que, de plus en plus, c'est un leurre qui a été... On a vu, au milieu des années 90, que l'industrie commençait à trouver que le monde scientifique s'intéressait beaucoup au bronzage, on a vu que les UVA étaient aussi cancérigènes que les UVB, et là on a trouvé une nouvelle ligne de promotion qui était la vitamine D et qui réussit, aujourd'hui encore, à, je veux dire, circuler dans les publicités. Ce qu'on doit être clair à ce niveau-là, c'est que bien sûr qu'avec les années notre capacité à synthétiser la vitamine D par le soleil -- le Dr Claveau en a parlé, ça en prend très peu -- diminue, mais il y a toujours la possibilité aussi d'avoir des suppléments de vitamine D. Mais il n'y a aucune étude qui a montré qu'on avait besoin d'une source qui s'appelait bronzage artificiel, un cancérigène, pour avoir sa dose de vitamine D. Vous savez, c'est un peu un non-sens d'un point de vue santé publique.

Le Président (M. Sklavounos): Alors, c'est tout le temps que nous avons dans ce bloc pour l'opposition officielle. Alors, sur ce, je n'ai qu'à remercier les représentants de l'Institut national de santé publique du Québec, M. Daniel Bolduc, Dr Rhainds, Mme Marie-Christine Gervais, pour votre présentation, votre excellent mémoire.

Et je vais suspendre quelques instants. Il y aura dans cette même salle séance de travail juste pour les membres de la commission sur les suites à donner à ces auditions. Alors, je vous remercie et je suspends les travaux pour quelques instants.

(Fin de la séance à 16 h 19)

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